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Version finale

31st Legislature, 4th Session
(March 6, 1979 au June 18, 1980)

Friday, June 13, 1980 - Vol. 21 N° 309

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des crédits du Conseil exécutif - Ministère d'État à la Condition féminine et Ministère d'État au Développement culturel


Journal des débats

 

Etude des crédits du Conseil exécutif

(Dix heures quatorze minutes)

Ministère d'Etat à la condition féminine

La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre!

La commission permanente de la présidence du conseil et de la constitution se réunit ce matin pour étudier le programme 7, Promotion du droit et du statut de la femme.

Sont membres de cette commission: MM. Bertrand (Vanier), Charbonneau (Verchères) remplacé par M. Gagnon (Champlain), MM. Dussault (Châteauguay), Laberge (Jeanne-Mance) remplacé par M. Marquis (Matapédia), MM. Le Moignan (Gaspé), Levesque (Bonaventure), Morin (Louis-Hébert) remplacé par Mme Payette (Dorion) — évidemment, dans ce cas-ci — MM. Paquette (Rosemont), Ryan (Argenteuil) remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie);

Mme Lavoie-Roux: Ah, mon Dieu! Mme Payette: Pourquoi pas, madame?

M. de Bellefeuille: Je crois que je suis appelé à remplacer M. Paquette (Rosemont).

La Présidente (Mme Cuerrier): C'est ce que j'avais déjà dit, je crois, à moins que je ne m'abuse.

M. Samson (Rouyn-Noranda).

M. Goulet: M. Le Moignan (Gaspé) remplacé par M. Goulet (Bellechasse).

La Présidente (Mme Cuerrier): M. Le Moignan (Gaspé) remplacé par M. Goulet (Bellechasse).

Est-ce que Mme la ministre aurait une intervention?

Mme Payette: Oui, Mme la Présidente. D'abord, je voudrais présenter aux membres de l'Opposition les personnes qui m'accompagnent: Mme Claire Bonenfant qui est la présidente du Conseil du statut de la femme et Me Christine Tourigny qui est la secrétaire générale du Secrétariat de la condition féminine.

La Présidente (Mme Cuerrier): Voulez-vous m'excuser, j'ai oublié un détail assez important, Mme la ministre.

Mme Payette: Dire que la séance était ouverte?

La Présidente (Mme Cuerrier): II faudrait peut-être savoir qui sera le rapporteur de la commission. Avez-vous une proposition?

M. de Bellefeuille: Je propose M. Dussault (Châteauguay).

Mme Lavoie-Roux: J'allais proposer le député de Vanier. Est-ce qu'on peut avoir deux propositions?

M. Bertrand: Pas de débat. Il y a eu une nomination acceptée à l'unanimité.

Mme Payette: A l'unanimité.

Mme Lavoie-Roux: II n'y a pas de débat là-dessus?

M. Bertrand: On en faisait quand on était dans l'Opposition, nous.

Mme Lavoie-Roux: Ah oui, il paraît qu'il y a eu un long...

M. Bertrand: Au projet de loi 22, ça a été extraordinaire, paraît-il.

Mme Lavoie-Roux: Quant à moi, on peut les mettre rapporteurs en participation, non?

M. Bertrand: Deux corapporteurs. Mme Lavoie-Roux: Non?

La Présidente (Mme Cuerrier): Je dirais qu'il faudrait s'entendre, Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Pour que ce soit bien rapporté, il en faudrait au moins deux.

Mme Payette: Est-ce que vous pensez que ça prend deux hommes pour remplacer une femme?

M. Dussault: Généralement, madame, on me dit que je fais bien ça.

Mme Lavoie-Roux: Bon, d'accord.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. Dussault (Châteauguay) sera le rapporteur de la commission.

Mme la ministre.

M. Dussault: Je m'excuse, Mme la Présidente-La Présidente (Mme Cuerrier): Oui?

M. Dussault: Est-ce qu'il est convenu pour chacun des thèmes, puisqu'il y aura des thèmes différents à cette commission, qu'il puisse y avoir changement d'intervenants, changement de membres? Par exemple, Mme la ministre sera remplacée durant la journée par un autre ministre, comme il y aura sans doute des changements du côté de l'Opposition aussi. Est-ce convenu?

M. Lalonde: II n'y a aucun problème.

La Présidente (Mme Cuerrier): Mme la ministre, vous avez la parole.

Remarques préliminaires Mme Lise Payette

Mme Payette: Mme la Présidente, au moment où on s'apprête à discuter des crédits, vous me permettrez de faire une courte présentation, surtout que je trouve le moment particulièrement opportun, dans la mesure où je ne suis pas harcelée de questions à l'Assemblée nationale sur la condition féminine.

Les éléments que je voudrais soulever devant vous sont les suivants. En premier lieu, je pense, un rappel historique de la mise en place du comité ministériel permanent de la condition féminine me permettant d'y inclure un ensemble de précisions sur les rôles respectifs du Conseil du statut de la femme, du CMPCF et du Secrétariat d'Etat à la Condition féminine lui-même. En second lieu, j'aimerais rapidement vous faire un bilan des actions gouvernementales touchant à la condition féminine de même qu'un bref rappel des activités du Conseil du statut de la femme pour la dernière année. Enfin, je me permettrai de conclure en parlant des différentes rencontres que j'ai pu avoir avec l'ensemble des femmes du Québec au cours des derniers mois.

C'est en mai 1977 que j'ai confié au Conseil du statut de la femme le mandat d'effectuer une recherche en profondeur sur la condition féminine et d'élaborer une politique d'ensemble. Le conseil, organisme gouvernemental d'étude et de consultation, avait entrepris, depuis sa création en 1973, un grand nombre d'études sur plusieurs problèmes inhérents à la condition féminine. Il avait reçu de divers groupements féminins de toutes les régions du Québec bon nombre de recommandations, revendications, prises de position et mémoires qu'il avait acheminés au gouvernement et au ministère plus spécifiquement concerné. Le rapport "Pour les Québécoises: égalité et indépendance" déposé en octobre 1978 fournissait cette fois au gouvernement une vision globale de la condition féminine et lui recommandait un plan d'action articulé permettant à chaque ministère d'intégrer aux priorités de son programme les interventions susceptibles de corriger substantiellement la situation des femmes du Québec.

En décembre 1978, un comité ministériel ad hoc composé du ministre d'Etat au Développement économique, du ministre d'Etat au Développement culturel ainsi que de moi-même, à titre de ministre responsable du Conseil du statut de la femme, fut constitué pour assurer la formulation gouvernementale d'une politique d'ensemble sur l'égalité et l'indépendance des femmes du Québec. Au sein du secrétariat général du Conseil exécutif, un groupe de travail fut mis sur pied afin de préparer un plan d'ensemble et d'en coordonner l'exécution. A l'automne 1979, le Secrétariat d'Etat à la Condition féminine était créé et placé sous ma responsabilité en tant que ministre d'Etat à la Condition féminine. En octobre, un comité ministériel permanent sur la condition féminine était formé. Il est composé de la ministre d'Etat à la Condition féminine, du ministre d'Etat au Développement culturel, du ministre d'Etat au Développement économique et du ministre d'Etat au Développement social. Ce comité ministériel permanent, dont j'assume la présidence, a comme mandat spécifique de coordonner l'application de la politique d'ensemble et d'assurer la cohérence des actions gouvernementales relatives à la condition féminine. Tous les ministères touchés par les recommandations du rapport du Conseil du statut de la femme ont nommé une personne responsable de la condition féminine chargée du dossier dans son ministère.

Ces ministères sont au nombre de douze dont, en particulier, les Affaires sociales, l'Education, la Fonction publique et le Travail. Permettez-moi aussi d'ouvrir une parenthèse pour préciser davantage les rôles respectifs des uns et des autres. On aurait pu penser que la mise en place du secrétariat d'Etat allait venir dédoubler des tâches que le Conseil du statut de la femme devait assumer. Je pense, et les événements me donnent raison, que ces deux entités ont pleinement leur raison d'être et je me permets ici de faire un bref rappel des responsabilités de chacune de ces entités.

Le Conseil du statut de la femme, tel que sa loi constituante le dit, a essentiellement les responsabilités suivantes: il conseille la ministre et fait, à ce titre, l'étude et la consultation sur toute question reliée à l'égalité des femmes, avec l'approbation de la ministre. Il peut d'autre part, et c'est, croyons-nous, un rôle essentiel, recevoir et consulter les individus et les groupes impliqués dans un dossier de la condition féminine. Enfin, il doit fournir, de façon systématique, toute l'information qu'il juge pertinente sur le dossier, dans l'ensemble du public. Il est, en quelque sorte, un chien de garde du gouvernement, mais aussi de tout organisme privé ou public, de toute entreprise ou de tout groupe concerné, de près ou de loin, ou impliqué dans des dossiers relatifs à la condition féminine.

Avant de passer au rôle du comité ministériel permanent de la condition féminine et du Secrétariat d'Etat à la condition féminine, vous me permettrez de souligner entre autres que seul le conseil a un mandat clair en ce qui concerne l'information tant au public en général qu'orientée vers des groupes spécialisés.

Brièvement, le Secrétariat d'Etat doit donc être considéré comme l'extension du ministre. Son mandat est clair: il doit voir à l'application d'une politique d'ensemble sur l'égalité et l'indépendance des femmes au Québec, il doit assurer la cohérence des politiques et activités gouvernementales. Sa composition, soit la présence des ministres d'Etat au Développement économique, culturel et social, nous permet de croire qu'il a les moyens d'assumer son mandat. En synthèse, le

conseil analyse, étudie, joue un rôle critique, conseille la ministre. Le secrétariat de même que le comité voient à assurer que les recommandations soumises par le conseil et retenues, s'il y a lieu, soient prises en charge et assumées par l'appareil gouvernemental dans un tout cohérent et articulé.

J'aimerais maintenant vous dresser rapidement un bilan des actions gouvernementales en matière de condition féminine au cours de l'année 1979. Ces réalisations résultent d'une intervention gouvernementale concertée, dans la mesure où elles découlent d'un plan d'ensemble, et constituent une réponse à plusieurs recommandations contenues dans le rapport "Pour les Québécoises: égalité et indépendance". Il aurait été illusoire de s'attendre que l'action gouvernementale, dès la première année, couvre l'ensemble des 306 recommandations du rapport du Conseil du statut de la femme.

Je pense que les gestes posés au sein des ministères se sont inspirés de l'objectif qui sous-tendait la politique d'ensemble, soit la transformation profonde et globale de la situation des femmes, et ce même dans un cadre de contrainte.

Dans le secteur social, dans le domaine de la maternité et de la planification des naissances, l'ensemble des gestes posés par le ministère des Affaires sociales en matière de planification des naissances est très important.

Ainsi, 23 centres hospitaliers ont accepté d'implanter un programme visant à offrir des services de planification des naissances, de stérilisation, de traitement de l'infertilité et d'avortement thérapeutique.

Toutefois, ce dernier programme n'est pas encore implanté dans tous les centres. De plus, on a constaté une volonté manifeste d'humaniser les soins à l'accouchement en incitant les centres hospitaliers à réaménager leurs salles d'accouchement et à favoriser la cohabitation mère-enfant.

Au chapitre de la santé physique et mentale des femmes, le plan d'action du ministère des Affaires sociales est de favoriser l'autonomie des femmes face à leur santé. A ce titre, des programmes d'information ont été réalisés, entre autres sur les maladies transmises sexuellement, le dépistage du cancer du sein, le phénomène de la ménopause et le tabagisme.

Une étude est également en cours sur la santé mentale et traitera entre autres de la thérapie féministe.

En ce qui concerne la violence faite aux femmes, plusieurs ministères se sont impliqués activement. Le ministère de la Justice a provoqué la tenue de onze colloques régionaux sur la violence faite aux femmes et aux enfants, en collaboration avec le ministère des Affaires sociales et le Conseil du statut de la femme.

De plus, le ministre de la Justice s'est particulièrement appliqué à sensibiliser les corps policiers à ce phénomène. Dans le même sens, étant donné la juridiction des administrations municipales sur les corps policiers, le ministère des Affaires municipales a projeté, de son côté, en col- laboration avec le ministère de la Justice, d'établir un programme d'information concernant la violence faite aux femmes.

En termes de subventions, le ministère des Affaires sociales a distribué plus de $700 000 aux maisons pour femmes en difficulté et aux centres d'aide aux victimes de viol.

Le ministère de la Justice a instauré un programme de subvention totalisant $175 000 destiné à l'information et à la prévention sur les diverses formes de violence exercées à l'égard des femmes.

A la suite des demandes répétées de tous les groupes de femmes concernant l'accès aux services de garderie, la Loi sur les services de garde a été adoptée en décembre 1979. Au chapitre de l'aide sociale, le ministère de l'Education a modifié le Régime des prêts et bourses pour augmenter à un maximum de $8000, de façon importante, nous semble-t-il, la bourse d'une personne chef de famille monoparentale.

Pour ce qui est de la sécurité du revenu, la notion du chef de famille a disparu de la loi et des règlements d'aide sociale pour faire place à celle d'adulte. En ce sens, depuis mai 1979, une demande d'aide sociale peut être faite par l'un ou l'autre des adultes de la famille. Enfin, le ministère des Affaires sociales a aussi mis sur pied un programme d'allocations pour enfants handicapés gardés à la maison.

La situation des femmes immigrantes sur le marché du travail est une préoccupation majeure du ministère de l'Immigration. En ce sens, des projets ont été lancés visant à informer les immigrantes et à leur faciliter l'accès au marché du travail. Des recherches sont également en cours sur les conditions de travail faites à ces femmes.

Le projet de réforme du Code civil du ministère de la Justice assurera, une fois adopté, l'égalité des conjoints dans le mariage. Je pense que je n'ai pas à m'étendre sur l'importance d'un tel changement pour les femmes du Québec. En plus, le ministère de la Justice vient de déposer le projet de loi no 183 visant à faciliter la perception des pensions alimentaires, encore une importante pièce législative pour les femmes québécoises.

Le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre s'est doté d'un bureau de la condition de la femme au travail chargé de l'élaboration, du développement et de la mise en oeuvre des politiques et des priorités d'intervention concernant les problèmes spécifiques des femmes face au marché du travail.

Les interventions concernant les conditions de travail visent d'abord à assurer aux femmes une véritable égalité sur le marché du travail (dans cette voie, une étude sur les clauses discriminatoires contenues dans les conventions collectives est en cours); à leur permettre d'allier conjointement le rôle de mère et de travailleuse (l'ordonnance générale no 17 reconnaît à la travailleuse le droit à un congé de maternité et la Loi sur la santé et la sécurité au travail accorde à la travailleuse enceinte et à celle qui allaite le droit au retrait préventif); à créer également des conditions de

travail décentes aux travailleuses à faible revenu. En ce sens, les femmes sont plus touchées que les hommes par la Loi sur les normes du travail.

Le ministère du Travail projette des actions dans le but de favoriser la désexisation du marché du travail et l'accès au marché du travail pour les femmes.

Bien qu'elles représentent 37% de la main-d'oeuvre active, les femmes n'ont pas réussi à prendre une place à part entière dans l'organisation du monde du travail. Pour remédier en partie à cette situation, le ministère de la Fonction publique entend, avec la collaboration de l'ensemble des ministères, mettre en application une politique d'égalité en emploi pour les femmes dans la fonction publique au Québec.

Le plan d'action de chacun des ministères devrait être élaboré pour octobre 1980. En collaboration avec le ministre de la Fonction publique et le président du Conseil du trésor, la ministre d'Etat à la Condition féminine doit faire en sorte que les questions de rémunération et de classification des emplois, de même que le classement des employés de secrétariat soient insérées au même programme.

Il est important de souligner ici les actions du ministère de la Justice et du ministère des Communications qui, avant même que ne soit déposé le programme d'égalité en emploi, ont déjà commencé à élaborer des programmes d'égalité en emploi dans leur propre ministère respectif.

Depuis fort longtemps, les femmes sont victimes de discrimination dans les domaines du crédit et des assurances; dans les deux cas, des études sont en cours présentement au ministère des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières pour identifier les situations de discrimination et préciser les actions à prendre. En dépit de la grande volonté du ministère à amorcer des changements dans ces domaines, cette situation ne semble pas devoir se régler à court terme, puisque les mesures envisagées touchent particulièrement à un changement profond des mentalités de la part des institutions financières visées. (10 h 30)

Le budget déposé à l'Assemblée nationale a annoncé des modifications à la Loi sur les modifications qui permettent la déductibilité du salaire versé au conjoint du propriétaire d'une entreprise non incorporée. Les femmes collaboratrices pourront dorénavant être considérées comme des employées et leur salaire déduit du revenu de leur mari. Le ministre des Finances a aussi annoncé, dans son discours sur le budget, qu'il est actuellement à examiner diverses formules dont certaines pourraient être susceptibles d'aboutir à la création d'une sorte d'allocation de disponibilité.

Au ministère de l'Education, un plan d'action a déjà été défini à l'intérieur duquel chacune des recommandations du Conseil du statut de la femme a été reprise. Les actions à entreprendre sont identifiées, les échéances connues. Le sexisme dans le matériel didactique, l'orientation des filles, la formation et le perfectionnement du personnel scolaire sont des dossiers prioritaires pour les femmes. Le ministère de l'Education en est à l'étape d'opérationnalisation des différentes réformes dans ces secteurs.

Quant à la réinsertion scolaire et professionnelle, le ministère est à élaborer un programme qui visera explicitement à préparer les femmes du deuxième âge à retourner sur le marché du travail. On prévoit la mise en opération de ce programme à l'automne 1980.

Globalement, les femmes semblent défavorisées dans le secteur de la culture et des loisirs. Des programmes d'aide à la création sont actuellement accordés en proportion inférieure aux femmes. Le ministère des Affaires culturelles étudie présentement les causes de cette situation afin d'assurer l'égalité des hommes et des femmes dans l'attribution de ces programmes. Une priorité est toutefois accordée aux subventions concernant les projets de théâtre dont les auteurs sont des femmes.

Dans le domaine de l'édition, le ministère porte une attention particulière aux demandes des femmes et les invite à se prévaloir de ces programmes de subvention. Aussi, les bibliothèques publiques seront un secteur prioritaire d'intervention pour la prochaine année. Afin d'en faciliter l'accès aux femmes, il est prévu des coins pour enfants, c'est-à-dire des haltes-garderies.

Au chapitre des loisirs, le livre blanc sur les loisirs est axé sur la démocratisation de l'accès aux loisirs. Le nouveau ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche a fait sien le projet de réforme visant à combattre les inégalités et la discrimination à l'égard des femmes.

Afin d'éliminer le sexisme dans l'information et la publicité gouvernementale, le ministère des Communications, à la suite des recommandations du groupe de travail chargé d'analyser la publicité et l'information du gouvernement, entend présenter très prochainement une politique en ce sens. Sous la responsabilité du Conseil du statut de la femme, le ministère des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières a accordé, cette année, un budget de $500 000 000 pour une campagne de publicité antisexiste.

De plus, un comité chargé de recevoir les plaintes du public, de les analyser et apporter les correctifs nécessaires a été mis sur pied par le Conseil du statut de la femme. Ce comité est formé de représentants du conseil, de l'Office de la protection du consommateur, d'associations féminines et de l'industrie publicitaire.

Mme la Présidente, j'ai beaucoup d'autres renseignements que je pourrais donner à cette commission, mais je pense que mes collègues préféreront peut-être procéder par questions. Mais, avant de terminer, il me reste une chose à souligner et je ferai remettre aux députés de l'Opposition ainsi qu'aux députés ministériels une liste de noms de femmes — 101 femmes — qui ont été nommées membres de divers organismes pendant la période de septembre 1978 jusqu'à maintenant — nous l'avons mise à jour hier — et de 14 femmes qui ont été nommées à des postes de cadres supérieurs durant la même période.

Je considère, Mme la Présidente, cette réalisation non pas comme la plus importante, mais probablement la plus significative du travail que j'aurai réussi à faire au cours des dernières années. C'est de faire en sorte de placer, à l'intérieur de la machine gouvernementale même, des femmes de qualité, des femmes haut calibre qui pourront continuer, qui pourront, partout où elles sont placées, faire en sorte que les préoccupations des femmes du Québec soient transmises directement à ceux qui sont concernés.

La Présidente (Mme Cuerrier): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: Merci, Mme la Présidente. Je pense que, en quelque sorte, l'exposé de Mme la ministre nous resitue à l'exposé qu'elle nous avait fait il y a environ un an...

Mme Payette: Mme la Présidente, je m'excuse, Mme la députée de L'Acadie. J'ai fait une erreur dans un chiffre. J'ai parlé d'une somme de $500 000 000 pour une campagne de publicité. C'est $500 000, un demi-million.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'on pourrait avoir ce dossier que...

Mme Payette: Oui, je vais vous faire distribuer...

Une Voix: ...

Mme Payette: Oui, je vais faire distribuer cette liste de noms.

La Présidente (Mme Cuerrier): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Mme la Présidente... Une Voix: ...

Mme Lavoie-Roux:... je pense que nous assistons à une sorte de réédition de la déclaration que Mme la ministre nous avait faite à l'occasion d'une question avec débat du vendredi, il y a peut-être un petit peu plus d'un an — je pense que c'était au mois d'avril; j'ai la date exacte, c'était le 25 mai — sur la condition féminine, débat qui avait été demandé par l'Opposition officielle.

Nous assistions, à ce moment-là, à beaucoup... On rendait en quelque sorte public... On faisait des voeux qui se traduisaient dans les faits par beaucoup de programmes de sensibilisation, de politiques qu'on était à élaborer et je pense qu'aujourd'hui, c'est un peu la même chose, dans ce sens qu'on est à établir une politique pour ceci et une politique pour cela.

C'est peut-être dans les faits concrets qu'il faudrait examiner davantage le fonctionnement du Secrétariat à la condition féminine. Est-ce le titre exact? Oui.

Je voudrais simplement — je pense que nous procéderons davantage par questions — à ce moment-ci, citer quelques points qui, à mon point de vue, causent des problèmes. J'aimerais savoir dans quelle mesure le Conseil du statut de la femme, qui a quand même la responsabilité d'aviser le gouvernement sur ces choses-là, a accompli ses tâches et de quelle façon il a évalué ces problèmes.

Si nous reprenons, par exemple, le congé de maternité, nous savons fort bien qu'au congé de maternité ne sont admissibles que les femmes qui sont admissibles à l'assurance-chômage. Déjà les conditions d'admissibilité à l'assurance-chômage sont passablement sévères et en sont exclues celles qui travaillent à temps partiel, sans en compter d'autres qui ne tombent pas dans les délais. Je pense que Mme la ministre est probablement plus familière que moi avec cette coordination des délais qui fait que des femmes, si elles n'ont pas travaillé pendant tant de mois avant d'être enceintes, finalement, ne sont pas admissibles pour les congés de maternité. Cela, évidemment, pour l'allocation de $240 qui comble les deux semaines de carence du délai de l'admission à l'assurance-chômage.

Sans compter que l'ensemble des femmes ne sont pas admissibles à ce congé de maternité. Tout de suite ici, je voudrais faire une parenthèse, pour peut-être avoir plus tard la réaction de Mme la ministre. Nous entendons et nous avons entendu dernièrement le ministre des Affaires sociales dire, somme toute comme encouragement à la fécondité des femmes ou à la natalité, qu'il envisageait — le gouvernement envisageait — de verser $240 à toutes les femmes enceintes ou enfin toutes les femmes qui donneraient naissance à un enfant.

En ce qui a trait au principe général que toutes les femmes soient admissibles à cette allocation à la naissance, je suis pour, mais ce contre quoi j'ai quand même beaucoup de réticences, c'est qu'on interprète ces $240 comme une sorte de prime à la fécondité.

On a déjà eu un court échange là-dessus à l'Assemblée nationale et Mme la ministre et moi semblions être sur la même longueur d'onde. D'ailleurs, l'expérience qu'on a vécue dans d'autres pays où on a donné des sommes d'argent pour assurer la fécondité ne s'est pas révélée aussi probante qu'on l'avait espéré.

Alors, je voudrais bien être claire. Je pense que, si on reconnaît que l'arrivée d'un enfant occasionne des dépenses supplémentaires et qu'à ce titre-là, les femmes soient admissibles, j'en suis, mais qu'on veuille faire de cette reconnaissance des responsabilités supplémentaires qui sont ajoutées une prime à la fécondité ou un encouragement à la natalité, je pense qu'il faudrait l'examiner de plus près comme approche à l'égard des femmes.

Mme Payette: Est-ce que vous voulez que je réagisse tout de suite à cela?

Mme Lavoie-Roux: Oui, vous pouvez, je continuerai après.

Mme Payette: Vous avez raison de dire que c'est une discussion qu'on a déjà eu l'occasion d'avoir. Je pense que vous et moi, madame, savons que $240, ça n'incite absolument pas une femme à mettre un enfant au monde. Quand on parle de donner de l'argent à des femmes qui n'en ont pas, c'est toujours tentant et c'est difficile de le refuser, sauf que $240 comme prime à la natalité, cela équivaut à envoyer des fleurs au moment de la naissance.

Mme Lavoie-Roux: ... ou presque cinq bouquets de fleurs.

Mme Payette: C'est gentil. C'est un gros bouquet de fleurs. C'est un geste agréable, c'est un geste touchant, mais ça ne règle absolument pas le problème d'une femme qui va élever cet enfant, et on le sait, pendant les 20 ans qui viennent par la suite. Il me semble, moi, que ce n'est pas une mesure mauvaise en soi, c'est une mesure dangereuse si elle est isolée. Quand je dis isolée, c'est que, si elle n'est pas accompagnée d'une politique de logement qui fait en sorte, par exemple, qu'une femme est sûre d'être capable de se loger avec des enfants, des mesures fiscales qui favorisent sa situation, des mesures de choix, au fond... Parce que, ce qu'on poursuit, c'est la possibilité pour les femmes de choisir d'avoir des enfants. Quant à moi, je suis convaincue que les femmes du Québec sont prêtes à avoir des enfants. Qu'on facilite leur départ du marché du travail quand elles choisissent d'avoir des enfants, leur retour sur le marché du travail quand elles choisissent d'y revenir et qu'on facilite la période dite de maternage.

Le Conseil du statut de la femme l'avait très bien évaluée dans son document. C'est une période qui, en moyenne, dure neuf ans dans la vie d'une femme. Nous y travaillons au gouvernement et cela a commencé comme travail à l'intérieur du comité de développement social quand j'y étais comme ministre responsable du conseil; cela a continué au CMPCF dont j'assume la présidence et cela a été une décision également du comité des priorités de donner mandat à la ministre d'Etat à la Condition féminine et au ministre des Finances de travailler à l'élaboration d'une allocation de disponibilité. C'est ce qu'on retrouve dans le budget de M. Parizeau. J'ai en main, et je suis prête à le déposer, si vous le désirez, un communiqué qui a été émis hier par le ministre des Affaires sociales, qui explicite beaucoup plus la déclaration qu'il avait faite en commission au moment de l'étude de ses crédits et qui hélas! n'a pas été publié dans les journaux ce matin, parce que c'est beaucoup moins intéressant quand on explicite sa pensée que quand on annonce $240 et la lettre que j'ai envoyée à mon collègue hier en réponse à son communiqué.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie, Mme la ministre. Je pense...

Mme Payette: Vous permettez que je dépose le communiqué et ma lettre?

La Présidente (Mme Cuerrier): Vous pourriez les faire circuler, Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Apparemment, on ne dépose pas.

Mme Payette: On ne dépose pas, sauf que je n'ai pas d'objection à ce que ce soit connu, Mme la Présidente.

Mme Lavoie-Roux: J'aimerais bien. Je pense que j'ai été assez claire sur ces $240. Qu'ils soient versés à toutes les femmes, parce que si, pour celles qui sont au travail, $240 peuvent les aider au moment de l'accouchement ou autrement, même si c'est infime, ça les aide. Mais du point de vue de la philosophie, c'est important de faire une distinction entre les deux. D'ailleurs, les propos que Mme la ministre vient de prononcer quant aux autres conditions qui doivent permettre à une famille de se développer dans le sens de mettre des enfants au monde et de les élever, c'est beaucoup plus complexe que les $240 et c'est un problème qui peut-être dépassait ce que je voulais apporter à ce moment-ci.

Ma question plus précise, c'est dans quelle mesure le Conseil du statut de la femme ou même vous, au Secrétariat d'Etat à la condition féminine, examinez la possibilité que le congé de maternité soit élargi de toute façon aux femmes qui travaillent à temps partiel, que l'admission à ce congé de maternité soit plus facile? Est-ce que, tant et aussi longtemps qu'il sera "accroché" en quelque sorte à l'assurance-chômage, on aura toujours des difficultés d'application? C'est une question précise. Je vais continuer après ça.

L'autre point sur lequel je voulais revenir, c'est la question des garderies auxquelles vous avez fait allusion. J'aimerais ici soulignera Mme la ministre que j'ai été quelque peu étonnée de voir, à l'étude des crédits des Affaires sociales, qu'au mois de décembre 1979 — malheureusement, je n'ai pas le communiqué avec moi, mais c'est revenu à plusieurs reprises, même au moment de l'étude en commission parlementaire du projet de loi créant l'office pour les soins de garde — on avait annoncé que, pour l'année 1980-1981, on aurait, au budget pour les garderies, un montant de $39 000 000. (10 h 45)

On se retrouve actuellement, c'est ce que le ministre des Affaires sociales nous a dit la semaine dernière, avec un budget de $27 000 000 auxquels s'ajoutent $1 500 000 qui vont aux commissions scolaires; en fait, un budget de $28 500 000. Je pense que là, il y a une raison que je peux comprendre, c'est le fait que, l'an dernier ou l'année qui vient de s'écouler, des $28 000 000 qui étaient au budget, il n'y en a que $21 000 000 — je donne ces chiffres sous toute réserve, mais je pense que je suis assez près de la vérité — qui ont été utilisés. D'ailleurs, c'est ce qui s'était produit la première année, en 1975-1976 ou 1976-1977, quand on a accordé un budget aux garderies de $4 500 000 et que, finalement, il n'y avait eu que $3 800 000, je pense, qui avaient été utilisés.

Mais le point que je veux soulever, c'est que, lors des auditions pour le projet de loi dont je parlais tout à l'heure sur les garderies, je pense que tout le monde était d'accord et je ne serais pas étonnée que le Conseil du statut de la femme soit d'accord également qu'on perpétue, pour les travailleuses — je vais les appeler comme ça — en garderie, des conditions de travail extrêmement difficiles, comparativement aux autres personnes qui fonctionnent dans le secteur de l'éducation. On sait fort bien qu'elles sont payées à des salaires que pas un syndicat n'accepterait et qui s'approchent à peine, du moins quand elles commencent, du salaire minimum, les augmentations sont très précaires, il n'y a pas d'organisation générale.

On sait également que les garderies ont des problèmes de financement, par exemple, reliés à la question du loyer, reliés à leur fonctionnement. Je sais qu'on me rétorquera qu'on a augmenté considérablement les budgets de fonctionnement des garderies. Mais si on examine quand même d'une façon objective et dans son ensemble le fonctionnement des garderies, ça demeure difficile, leur précarité est reconnue et également les travailleuses qui y oeuvrent se trouvent dans des conditions de travail bien inférieures à la moyenne. Je donnerai comme exemple que, l'an dernier, au moment où on faisait l'étude de ce projet, à l'automne, alors qu'un diplômé de technique au niveau de CEGEP débute à un salaire d'environ $250 par semaine, les techniciennes de garderie débutaient à un salaire de $100 et moins.

Toute cette longue parenthèse pour vous dire que, s'il est vrai que l'argent ne peut pas être dépensé plus rapidement à cause des circonstances, pour la question d'organiser, la question de la mise en place des garderies, est-ce qu'on n'aurait pas dû en profiter un peu — peut-être pas en totalité, mais au moins en partie — pour permettre que ces travailleuses des garderies aient des salaires qui se rapprochent un peu plus de la moyenne des gens de l'éducation?

Quand vous réalisez, par exemple, que les enseignantes en maternelle scolaire ont des salaires, compte tenu des conventions, qui doivent probablement être de l'ordre de $15 000 ou $16 000 — je ne sais pas si c'est le salaire moyen, mais à peu près cela — que vous vous retrouvez avec des personnes qui font la même chose auprès des enfants de quatre ans, mais dans un autre secteur que l'Etat reconnaît prioritaire et essentiel, et qu'on retrouve cette disparité dans les salaires, j'aurais espéré qu'on puisse accorder un peu plus pour le fonctionnement des garderies, ce qui aurait permis d'élever un peu le salaire de ces travailleuses.

Et pourquoi est-ce que je signale cela? Parce que c'est relié au problème de la qualité des garderies, du personnel des garderies. Je pense que Mme la ministre en est fort consciente. J'avais eu les chiffres dans le temps, on sait que ce sont toutes des femmes qui travaillent en garderie, à quelques exceptions près.

Encore une fois, du point de vue de cette fameuse égalité, c'est un accroc qui, au moins en partie, aurait pu être corrigé. Mais le gouvernement a choisi de réduire ses crédits, pour 1980-1981. Somme toute, j'ai parlé de $27 000 000 plus $1 500 000, et on annonçait $30 000 000. En tout cas, c'est clairement $10 000 000 de moins. Mais je voulais quand même signaler les conditions des travailleuses de garderie qui souvent sont dans des locaux... On pourrait parler de cela aussi.

Il y a un autre point sur lequel je voudrais attirer l'attention à la fois de Mme la ministre et du Conseil du statut de la femme. Peut-être qu'ils pourront l'un et l'autre me dire, dans les échanges que nous aurons ultérieurement, quelles sont les représentations qui se font ou qu'on a l'intention de faire auprès du gouvernement, pour que soient relevés les barèmes de l'aide sociale.

Nous avons eu ce rapport du Conseil national du bien-être social d'octobre 1979, intitulé "La femme et la pauvreté". Je suis convaincue que vous en avez pris connaissance. On sait fort bien que, là encore, le nombre de femmes pauvres est beaucoup plus élevé que le nombre d'hommes pauvres, c'est-à-dire de neuf femmes par rapport à six hommes. Vous pouvez y lire que... D'ailleurs, j'ai retrouvé cela dans un autre article, dans la Gazette, du statut de la femme. On dit que, finalement, comme le démontre le tableau 6, les prestations d'assistance sociale, même combinées avec d'autres prestations, sont nettement inférieures au seuil de la pauvreté dans toutes les provinces.

C'est au Québec et au Nouveau-Brunswick qu'on est le plus mal-en-point. Pour une famille monoparentale, ayant deux enfants et vivant en milieu urbain, les prestations atteignent à peine 60% du seuil de la pauvreté. En fait, c'est le Québec qui est même un point inférieur. C'est vraiment le Québec qui est à la queue. Les provinces de l'Ile-du-Prince-Edouard et de la Saskatchewan accordent des prestations se rapprochant le plus du seuil de la pauvreté, mais, là aussi, les familles sont encore loin d'un revenu leur assurant un niveau de vie le moindrement adéquat.

Ce que je veux signaler, c'est que, depuis que le gouvernement actuel est au pouvoir, il n'a jamais réajusté les barèmes de base, les taux de base de l'aide sociale. Il les a indexés, mais ce n'est pas suffisant. Cela semble très clair. Je ferais une petite parenthèse pour m'étonner du silence du Conseil du statut de la femme. L'an dernier, au moment de l'indexation des prestations d'aide sociale, lorsqu'un groupe a été pénalisé quand le gouvernement actuel a décidé de ne les indexer que partiellement pour les familles, puisqu'elles recevraient le crédit d'impôt du gouvernement fédéral, le Conseil du statut de la femme n'a pas réagi. Je pense qu'on faisait payer aux familles... On sait fort bien que les familles monoparentales sont les plus pauvres, quand on considère l'ensemble de tout le monde qui relève du système de sécurité de revenu. Le Conseil du statut de la femme, à mon point de vue, pour autant que je sache, a été silencieux. On leur faisait payer le prix de la querelle fédérale-provinciale. Je pense que, dans ces querelles-là, on devrait toujours éviter que les pauvres de la société soient touchés.

Je voudrais également, en regard de l'aide sociale, ou plutôt en ce qui a trait à la pauvreté de la femme, revenir sur ce que j'avais souligné l'an dernier au moment de notre débat sur le sort des femmes de 50 à 65 ans ou de 55 à 65 ans. Il y a beaucoup de ces femmes qui voudraient travailler. On sait que l'emploi est extrêmement difficile pour elles. Est-ce plus difficile pour elles que pour les hommes de la même catégorie d'âge? Je le croirais, parce que, souvent elles n'ont pas été sur le marché du travail. Si elles l'ont été, elles ont souvent été, au plan salarial et au plan des avantages sociaux, dans des conditions inférieures à celles des hommes de la même catégorie d'âge. Souvent, elles ont travaillé à une époque où il n'y avait pas de syndicat, où elles n'étaient pas syndiquées et où les régimes de retraite étaient quasi inexistants pour le plus grand nombre, et ceci dans le cas de celles qui n'ont jamais été sur le marché du travail.

Le ministre des Affaires sociales nous a dit que l'OPDQ avait un plan de développement d'emploi pour les femmes de 55 à 65 ans. J'ai pris la parole du ministre, mais je trouve étrange qu'alors qu'on a fait beaucoup de publicité autour du programme OSE touchant l'emploi des jeunes, c'était la première nouvelle que j'avais que des sommes —je pense qu'on a parlé de $250 000 — seraient dépensées pour développer l'emploi pour les femmes plus âgées, celles de 50 à 65 ans. Il serait important qu'on ait un peu plus d'éclaircissements sur ce point.

Mme la ministre nous a fait grand état de nouveaux emplois, des postes supérieurs ou des postes de cadres, ou des postes de responsabilité plus grande qui ont été accordés aux femmes depuis 1978. Je n'ai pas eu le temps, malheureusement, de regarder ce qu'elle nous a distribué; je le regarderai tout à l'heure. Je voudrais quand même lui faire remarquer ceci et je me réfère ici à un article du Journal de Québec du 28 juin 1979, que je cite au texte, touchant justement cette question de l'évolution de la femme et des postes qu'elle occupe sur le marché du travail. "Non seulement la situation a peu évolué, mais elle a parfois régressé depuis 1975 pour les femmes-cadres et professionnelles au Québec et au Canada", de poursuivre Ginette Piché-Mercier, présidente sortante de l'AFDU. Ils ont fait l'étude de dix cas types des secteurs public, parapublic et privé, auprès de la fonction publique du Québec, de la fonction publique fédérale, de Bell Canada, de six compagnies québécoises d'assurance-vie, de la CECM, d'Hydro-Québec, du Canadien National, de Radio-Canada, de trois centrales syndicales et de l'Université de Montréal. Apparemment, toujours selon ce rapport qui, d'ailleurs, a été rendu public —c'était une étude que Nicole Gladu avait faite ou à laquelle elle avait été associée — seule Bell Canada a adopté une mesure d'action positive dans l'embauche, la promotion, le perfectionnement et le plan de carrière. A compétence égale, la femme est sélectionnée et on lui offre une aide individuelle sur le plan de la carrière.

En 1977, au ministère de la Justice du Qué- bec, l'augmentation du salaire à l'embauche pour chaque année de scolarité n'était que de $42 pour une femme et de $562 pour un homme. J'ai ici une question précise. On vient de signer, juste avant le référendum, la nouvelle convention avec les professionnels du Québec, de la fonction publique. Je sais qu'à ce moment, le Conseil du statut de la femme a fait des représentations pour enlever les disparités salariales dans les offres qui étaient faites. Peut-être qu'on pourra me donner une réponse si elles ont été totalement corrigées.

Ce qui est fort étonnant — la même chose s'était produite dans le cas de la fonction publique — c'est que le gouvernement aujourd'hui — je ne veux, à cet égard, disculper les anciens gouvernements d'aucune façon, mais il reste qu'à ce moment-ci, on juge les oeuvres du gouvernement actuel — et les gouvernements, quels qu'ils soient — cela peut être la même chose au niveau fédéral — fassent encore des offres — c'est peut-être pire, mais je n'ai pas les données et je ne suis pas critique, à ce moment, du fédéral — qui ne corrigent pas dès le départ ces disparités. Cela doit toujours être une lutte et même, au dernier moment, le Conseil du statut de la femme a dû intervenir. C'était durant la campagne référendaire; cela a été réglé quelques jours avant le référendum. C'est pour dire qu'il faut encore l'intervention du Conseil du statut de la femme ou des groupes féminins pour faire évoluer ces choses.

Je voudrais également signaler que non seulement à l'égard des salaires, mais à l'égard d'autres avantages sociaux, on n'a pas encore réussi à corriger, dans les dernières conventions collectives des secteurs public et parapublic, des disparités qui existaient. Ainsi, je vous cite un article du Devoir du 17 avril 1980: "Malgré des conventions collectives égalitaires, les femmes et les hommes — il s'agissait du monde de l'enseignement — ne sont pas traités de la même façon. Qu'il suffise de mentionner la question du double plafond des assurances-vie de $4000 pour les enseignantes et de $20 000 pour les hommes, dont la moitié de la prime est payée par les employeurs. Cette situation avec des plafonds modifiés se retrouve encore dans la récente entente provinciale — je vous dirai, entre parenthèses, que je m'étais battue contre l'entente antérieure; alors que j'étais à la CECM où j'avais noté cette chose. On avait mandaté nos gens pour défendre ce point de vue à Québec, apparemment sans trop de succès, mais encore cette fois-ci, il faudrait quand même que les choses évoluent un peu — il semble qu'on n'ait pas eu de succès. Pour le personnel de soutien, c'est après dix ans de service ou si elles sont soutien de famille que les femmes peuvent avoir les mêmes assurances-vie que les hommes.

(11 heures)

Ceci m'amène à demander à la ministre d'Etat à la Condition féminine: Qu'en est-il et quand aboutirons-nous à des modifications de certaines dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne, la première qui toucherait l'abrogation de l'article 97? Mme la ministre a dit: Nous

sommes à étudier. Mais je ne peux m'empêcher de dire que c'est une étude qui prend beaucoup de temps. Vous aviez le rapport Boutin qui vous a été remis, je pense, à l'automne où vous êtes arrivée au gouvernement, peu de temps après votre arrivée au gouvernement. Que vous ayez voulu le réexaminer, c'est fort plausible et, d'ailleurs, j'avais reconnu en Chambre que c'était normal que vous en examiniez les recommandations. Mais qu'en 1980, on me dise qu'on est encore à étudier, alors que Mme la ministre avait pris quand même des engagements au fait qu'à l'automne — je ne me souviens plus quel automne, parce que ça fait plusieurs automnes qu'on passe...

Mme Payette: Cela fait bien des printemps aussi.

Mme Lavoie-Roux: Cela fait bien des printemps — ceci devrait être modifié. Egalement à l'égard de l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne qui n'inclut pas l'élément âge dans les facteurs de discrimination et qui, eux aussi, jouent, comme on vient de le voir, à la fois du côté des assurances. Enfin, ce sont des facteurs de discrimination qui devraient être corrigés. Je m'étonne fort, pour ne pas être plus dure, que ces choses ne soient pas encore faites et qu'on en soit encore au niveau des études.

Je suis passée d'une chose à l'autre. Il y a tellement de matériel. Pour ma part, je n'ai personne pour... Je ne devrais pas dire que je n'ai personne pour le coordonner, mais il faut quand même que je vous le lise en vrac. Oui?

M. de Bellefeuille: Mme la Présidente, je suis désolé d'interrompre mon estimable collègue de L'Acadie, mais est-ce que je pourrais — c'est une demande de directive ou une question de règlement, je ne sais trop, Mme la Présidente — défendre les droits des membres masculins de cette commission et proposer qu'à un moment donné, on permette au député de Bellechasse d'intervenir? Je vous ai déjà demandé la parole, Mme la Présidente, aussitôt après l'intervention du député de Bellechasse, ce qui ne privera pas du tout Mme la députée de L'Acadie de la possibilité de revenir à la charge plus tard, puisque nous avons jusqu'à 13 heures.

Mme Lavoie-Roux: Voulez-vous me laisser continuer au moins sur quelques autres petits points? Me donnez-vous au moins cinq minutes? Je n'aurai pas le temps de faire tout le tour, mais, au moins, cela me permettra d'en donner quelques autres.

Mme Payette: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Cuerrier): Est-ce que vous pensez, madame, avoir sensiblement fait le tour de vos interventions? Est-ce que vous n'accepteriez pas de revenir après les interventions des autres?

Mme Payette: Mme la Présidente, une question de directive pour moi aussi...

La Présidente (Mme Cuerrier): Est-ce que vous tenez à ce que toute votre intervention se fasse à la fois?

Mme Payette: C'est parce que l'exposé de Mme la députée est surtout fait de questions. J'ai noté, comme on le fait habituellement, les points qui me paraissent les plus importants, auxquels je voudrais répondre. Je suis bien prête à le faire après que le député représentant l'Union Nationale aura fait son exposé, à moins qu'il ne désire pas en faite et qu'il ne veuille passer à des questions. A ce moment-là, je demanderais la permission de répondre aux questions qui m'ont déjà été posées.

Mme Lavoie-Roux: Mme la Présidente, si vous me permettez...

La Présidente (Mme Cuerrier): Mme la députée.

Mme Lavoie-Roux: ... j'admets avec vous que je suis partie de la situation des cadres, à la suite du rapport que Mme la ministre vient de déposer, en lui disant que la situation n'était quand même pas aussi rose qu'elle le disait.

J'ai fait une digression en parlant des points discriminatoires qui devaient être corrigés dans la Charte des droits et libertés de la personne. Est-ce que je peux au moins finir ce point-là, parce que je voulais faire état de cette question de taille?

Je voudrais faire remarquer à Mme la ministre... J'ai ici les chiffres du ministère de l'Education. On sait que, fort fidèlement, d'année en année, je m'enquiers auprès du ministre de l'Education, dont on connaît la disposition extrêmement favorable à l'endroit des femmes, sur l'évolution des cadres à l'intérieur de son ministère. Hors cadres et cadres, évidemment, ça comporte les sous-ministres; il y en avait trois en 1977. Nous sommes rendus à six en 1980. Pour ce qui est des hors cadres, je pense que ce sont des sous-ministres, si je ne m'abuse, il y en avait un seul qui avait été nommé. C'était l'Union Nationale, je pense que c'était dans le temps de M. Cardinal, il y avait Mme Baron qui est, j'allais dire disparue, mais qui a pris sa retraite. Je le disais sans malice... Et je m'enquérais auprès du ministre de l'Education pour savoir à quel moment il avait l'intention qu'on retrouve au ministère de l'Education une femme sous-ministre adjoint.

Aussi étonnant que ceci puisse vous paraître, pendant deux ans, il m'a dit qu'il ne pouvait pas avoir de femme à son cabinet politique parce qu'il n'en trouvait pas. Mais l'an dernier, à la veille de l'étude des crédits, il en avait trouvé une. Elle était entrée en fonction la veille, on était en 1979. Cette année, il me répond cette phrase absolument incroyable: Je ne peux pas en trouver, mais je cherche bien fort. Peut-être qu'en 1982... Cela lui a

pris trois ans pour en mettre une à son cabinet: apparemment, il y en a quatre à son cabinet... Là, on n'en trouve pas pour le ministère de l'Education.

Si on me disait ça encore du ministère des Finances, parce qu'il y a quand même des femmes économistes aussi qui commencent à pointer; peut-être y en a-t-il au ministère des Finances, je l'ignore, mais qu'on me dise ça au ministère de l'Education, je trouve ça absolument inconcevable.

Dans l'ensemble, quand vous regardez, par exemple, les agents de maîtrise, il y a une diminution; chez les professionnelles, il y a une augmentation presque négligeable; chez les techniciennes, on augmente et au personnel de secrétariat, il y a une diminution; enfin, cela a évolué de 768 en 1977 à 719 en 1980. Pour l'ensemble du total des femmes que l'on retrouve au ministère de l'Education en 1980, on se retrouve à 995 de 1076 qu'elles étaient en 1979.

Je sais qu'on doit faire des coupures dans les ministères, mais est-ce qu'on fait des coupures surtout chez les femmes? Ce serait une question intéressante pour vous, Mme la ministre. Quand on coupe dans les effectifs des ministères, est-ce qu'on coupe surtout des femmes ou des hommes? On ne peut pas déduire quoi que ce soit d'ici, mais c'est une question qui serait intéressante à surveiller.

Au ministère des Affaires sociales, qui a quand même un ministre plus ouvert, je dois l'admettre — et je suis fort prête à reconnaître les vertus des ministres d'en face quand ils en ont — vous retrouvez, dans les cadres du ministère en 1979, 9 femmes pour 137 hommes, 14 agents de maîtrise femmes pour 123 hommes, 159 femmes professionnelles pour 544 hommes. Quand on arrive aux fonctionnaires, au personnel de soutien, évidemment, vous avez plus de femmes, 1407 femmes pour 1008 hommes.

Ce que je veux dire, Mme la ministre, c'est que je ne doute pas que vous fassiez beaucoup d'efforts, mais il ne faudrait surtout pas aller donner ce document-là comme arme aux ministres qui se promènent à travers la province pour dire comme on est beaux et comme on est fins. Cela, je le prends pour... Enfin, je l'apprécie, je l'examinerai plus en détail, mais, par exemple, je vois un article de journal qui dit: On est rendu avec trois femmes sous-ministres.

Savez-vous qu'il y a déjà eu trois femmes sous-ministres en même temps? Il y avait eu Lise Lemieux, il y avait eu Paule Leduc et il y avait eu Mme Baron. On est encore avec trois femmes sous-ministres, sauf qu'il y en a deux en titre, une au secrétariat d'Etat — on espérait ça — mais pour la première fois à l'Immigration, je pense qu'elle est en titre, Mme Barcelo. Mais on est toujours à trois/trois. C'est pour ça que ces chiffres-là, s'il faut s'en réjouir, quand je les aurai examinés plus en détail, il ne faut quand même pas que ça soulage la conscience de quelque gouvernement que ce soit. Le travail à faire est considérable, l'évolution est très lente et il m'apparaît que toutes les excuses ou toutes les rationalisations sont bonnes pour empêcher que le mouvement aille en s'accentuant un peu plus rapidement.

J'ai encore au moins 100 questions à vous poser, mais je les garde.

Mme Payette: C'est dommage que vous n'ayez pas commencé lors de la période des questions, il y a quelques mois.

Mme Lavoie-Roux: II y a quelques mois... Vous avez été absente assez souvent, Mme la ministre.

Mme Payette: Oh, madame, je suis une des plus présentes.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais vous avez été... Oui, c'est vrai que, lorsque vous êtes à l'Assemblée nationale, vous êtes une des plus présentes, et je suis prête à le reconnaître, mais vous avez été absente du Parlement à plusieurs reprises.

Mme Payette: Mais quand je suis là, madame, on ne me pose aucune question. Alors...

Mme Lavoie-Roux: On a eu de longues grèves auxquelles il a fallu s'intéresser pendant de longs mois.

Mme Payette: Mme la Présidente, je repose ma question. Est-ce que je dois répondre aux questions qui ont été posées ou permettre au député de l'Union Nationale de faire un exposé?

M. Goulet: On va faire un premier tour de table, si vous n'avez pas d'objection. Vous pourrez faire un "package deal" avec les réponses.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Bellechasse.

M. Bertrand Goulet

M. Goulet: Mme la Présidente, selon le voeu formulé par mon collègue des Deux-Montagnes, si vous n'avez pas d'objection qu'un homme puisse s'adresser à cette commission, vous me permettrez, d'abord, de saluer les membres de la commission et, bien sûr, le personnel qui accompagne Mme la ministre.

Il me fait plaisir, je dirais non pas en tant qu'homme, mais en tant qu'individu, un simple individu oeuvrant au sein de notre société québécoise, de venir participer à l'étude des crédits alloués à la promotion de la condition féminine. L'année 1979, le ministre nous en dressait un tableau tout à l'heure, a été très importante pour la femme au Québec, et ce à cause de la création du ministère d'Etat à la Condition féminine. La nomination, bien sûr, du député de Dorion à ce poste n'a étonné personne, compte tenu de ses capacités personnelles et surtout de son talent indiscutable de communicatrice.

Mme Lavoie-Roux: Cela dépend de...

M. Goulet:... pas dans le champ. Or, quelques jours à peine après la nomination de la députée au poste de ministre d'Etat à la Condition féminine, déjà on s'interrogeait sur les intentions du nouveau ministre face à la tâche qui l'attendait. Je me rappelle, entre autres, que Mme Lysianne Gagnon, du journal La Presse, au mois de septembre dernier, posait déjà la question. Elle se disait: Quelle clientèle féminine sera privilégiée par l'action du ministre? Soit les femmes qui attendent des réformes au chapitre de la condition féminine et qui, en général, font partie de la tranche la plus progressiste de l'électorat, ou celles qu'on peut qualifier de plus conservatrices? C'était la question que se posait Mme Gagnon dès septembre 1979.

A vrai dire, on pouvait d'ores et déjà répondre à Mme Gagnon. La députée de Dorion et exministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières et tout son gouvernement semblaient ou semblent avoir opté depuis novembre 1976 de servir, il faut l'avouer, les intérêts d'une certaine élite féminine québécoise. On a pensé d'abord à la femme au travail. Il s'agit d'avoir entendu les propos du ministre tout à l'heure; un très haut pourcentage de ses propos visaient la femme au travail. Bien que celle-ci ne représente que 25% de la population féminine, cela n'a pas empêché le Parti québécois d'octroyer à elle seule, jusqu'à aujourd'hui, $240 d'indemnité de grossesse. J'ai lu le communiqué de presse qu'a déposé la ministre. Elle s'apprêterait à accorder $240 aux femmes au foyer et cela n'est qu'une des mesures étudiées. Est-ce que c'est accordé, est-ce que c'est officiel ou est-ce que ça va le devenir demain? Ce n'est pas officiel encore. C'est dire que, jusqu'à aujourd'hui, encore une fois — et pour combien de temps, on ne le sait pas — on a pensé encore à accorder cet indemnité, à privilégier d'abord et avant tout la femme au travail, soit 25% environ des femmes.

Que dire, Mme la Présidente, du projet de loi sur les garderies? Vous vous rappelez, Mme la ministre, que ma formation politique a voté évidemment pour cette loi. Cependant, il est déplorable, je dis bien déplorable, de constater que cette nouvelle mesure sociale ne s'adresse essentiellement qu'aux femmes travaillant à l'extérieur du foyer.

Tout à l'heure, dans son exposé, le ministre a tenu des propos en disant: II faudrait faciliter le retour au travail d'une femme après une grossesse. J'aurais aimé également qu'on parle de faciliter son entrée ou ce que je pourrais qualifier son intégration au foyer pour celle qui fait le choix de rester au foyer pour élever ses enfants. Vous avez parlé, encore une fois, d'intégration au travail et ça s'est limité à cela, de retour au travail. J'aurais aimé qu'on parle également d'une femme qui désire elle-même demeurer au foyer pour élever ses enfants, de faciliter son intégration au foyer, et nous n'avons pas entendu grand-chose là-dessus. Il y a eu, bien sûr, la halte-garderie, qui pourrait être utile pour la femme au foyer, mais où sont les subventions pour Mme X qui met son enfant en halte-garderie? D'après moi, il n'y en a aucune.

Le résultat de cette attitude du Parti québécois à l'égard de ces 75% de femmes nous amène à nous demander sérieusement si le gouvernement entend se préoccuper des problèmes auxquels font face des femmes qui, justement, ne sont pas sur le marché du travail. C'est la question fondamentale qu'on se pose encore ce matin. Est-ce que le gouvernement considère ces femmes comme des citoyennes à part entière? Il ne semble pas les considérer ou considérer leurs problèmes aussi urgents que les problèmes des 25% des femmes qui sont sur le marché du travail. On ne semble pas apporter une urgence à régler leurs problèmes comme on en met à régler ceux des femmes au travail; D'une part, quand il survient une grossesse, elles n'ont même pas droit à la même allocation de maternité dont leurs consoeurs sur le marché du travail bénéficient, c'est un exemple. (11 h 15)

D'autre part, quand elles vont en halte-garderie, elles doivent débourser à tout coup. Je voudrais amener un autre exemple, quand il s'agit d'indemnisation de la Régie de l'assurance automobile, pour une femme au foyer; je donne un exemple que j'ai apporté ici, d'une mère de trois enfants, on lui accorde le minimum d'indemnisation. Toujours ce qu'il y a de plus bas, toujours le minimum pour la femme au foyer.

Tout à l'heure, dans ses propos, la ministre a parlé de discrimination au niveau du crédit et des assurances; j'ai tenté de noter rapidement ses propos quand elle parlait de discrimination, au niveau du crédit et des assurances. Vous avez dit qu'il faudrait amener un changement de mentalité des institutions financières visées. Je suis bien d'accord avec ça, mais pas seulement les institutions financières privées. On a des exemples plus près de nous, les femmes au foyer ont été et sont victimes de discrimination dans le régime étatique d'assurance automobile que vous avez vous-même établi. Lorsqu'il s'agit d'une mère au foyer, on lui consent le minimum, comme une fille au travail ou qui recevrait des prestations de bien-être social. Je trouve ça tout à fait injuste. D'ailleurs, votre collègue aux Consommateurs, Coopératives et Institutions financières a partagé mes sentiments, lors de cette commission, alors que le problème a été soulevé.

Ce ne sont pas les institutions privées, c'est un régime que la ministre actuelle a établi au Québec. Quand il s'agit d'une femme au foyer, d'une mère de famille, pour une indemnisation, on lui consent le minimum. J'ai un exemple ici: rendre payable annuellement le minimum prescrit par la loi pour une femme au foyer, une mère de trois enfants. Cela n'a pas toujours été un succès. J'inviterais la ministre, bien souvent, avant de blâmer les institutions privées, à regarder ce qu'on peut changer ici. C'est peut-être difficile de changer des choses au niveau des institutions privées, au niveau des institutions gouvernementales, surtout celles que vous avez mises en place, ce serait peut-être plus facile de les changer; en tout cas, on est mieux placé pour les changer.

Sans vouloir jouer sur les personnalités, Mme la Présidente, il faut prendre un exemple; je ne prendrai pas n'importe quel, je vais prendre celui de notre ministre d'Etat à la Condition féminine. C'est une dame vraiment débrouillarde, il faut l'avouer, qui offre une expérience du public incontestable, mais elle s'est toujours identifiée aux groupes féministes au Québec; parfait, c'est numéro un. Elle est pleine de bonnes intentions, elle a même essayé de conquérir les 75% de femmes dont je veux parler qui, il faut l'avouer, ne lui semblaient pas acquises. La longue période préréférendaire et référendaire, je pense, lui en a fourni l'occasion. Forte, justement, de son nouveau mandat de ministre d'Etat à la Condition féminine, Mme la ministre s'est mise à parcourir le Québec, elle en a profité pour étaler au grand jour sa vision des choses.

Je prends un exemple. Devant l'AFEAS de Sherbrooke, la ministre, en tournée, a déclaré que la femme devrait "vivre en ligne droite, sans les multiples zigzags que sont les mariages, les maternités et sans être à la merci d'un individu." C'est textuel, la Tribune, 23 novembre 1979. En janvier 1980, vous poursuiviez votre visite, justement, et la Voix de l'Est écrivait ceci: "C'est un message de solidarité que Mme la ministre a livré hier aux femmes de Granby. Tout ce discours était bien assorti de déclarations en faveur de l'avortement libre et gratuit, de dénonciations des nombreux arguments d'hommes, etc.".

Mme la Présidente, j'aimerais qu'on regarde les résultats de cette campagne de récupération de ces 75% des femmes dont je veux parler. Est-ce que la ministre, en s'adressant à elles, a touché justement au point sensible? En parlant de ce point sensible, Mme la ministre était bien loin de penser qu'en livrant son message féministe, elle blessait profondément son auditoire et, bien plus, qu'elle se taillait des verges pour se faire battre un peu plus tard.

Or, ce qui devait arriver, vous le savez. Au mois de mars dernier, alors que Mme la ministre d'Etat à la Condition féminine — je pense que c'est bon de le préciser — tentait d'expliquer aux femmes du Plateau les raisons pour lesquelles elles devaient voter pour une certaine option lors du dernier référendum, Mme la ministre a frappé droit au coeur des femmes avec lesquelles elle se voulait solidaire.

Je pense que je n'ai pas besoin de faire de dessin, parce que, quelques jours plus tard, il y a un mouvement célèbre qui a fait boule de neige. Je pense que, par ce mouvement, justement, les femmes pouvaient enfin répondre à madame et à ses accusations implicites. Je le dis en toute humilité, mais je le dis quand même en toute objectivité, sincèrement. Lorsque vous disiez, par exemple, que les femmes n'ont pas appris à prendre leurs responsabilités, je vous cite encore les propos rapportés dans la Tribune du mois d'août dernier.

Si, à ce moment-là, vous faisiez allusion à la génération précédente, je ne suis pas d'accord avec de tels propos, lorsqu'on est ministre d'Etat à la Condition féminine et justement qu'on dirige un ministère pour améliorer cette condition féminine.

Quand vous teniez de tels propos, en parlant de la génération précédente et surtout des femmes, je pense qu'on a tout à apprendre de nos mères. En tout cas, de celles qu'on connaît bien, ou de celle que je connais bien, je vais donner la mienne en exemple. Je pense qu'on n'a aucune leçon à donner à ces femmes quand il s'agit d'assumer les responsabilités. Et je pense que ce n'est pas Mme la ministre ni moi, ni personne autour de la table qui pouvons faire la morale à cette génération de femmes.

Quand vous tenez de tels propos, madame, vous les blessez profondément. Voici que ces femmes qui ont investi toute leur vie à la noble tâche de la famille se font dénigrer et accoler l'étiquette péjorative que je n'ai pas besoin de rappeler; je pense que cela a fait le tour du Québec. Ces femmes, je les ai connues moi aussi, durant la campagne référendaire, et je peux affirmer qu'il ne s'agit pas seulement du troisième âge. Ces femmes n'endossent pas cette vision des choses de la ministre et de son ministère. Je pense que je n'ai pas besoin de faire de dessin, je pense qu'il y en a 60 000, 70 000 ou 75 000 qui ont manifesté publiquement qu'elles n'étaient pas d'accord avec l'orientation et avec les déclarations de leur représentante numéro un au ministère de la Condition féminine.

Ce mouvement, madame — et ce n'est pas tellement au niveau des résultats qu'il a pu donner au niveau référendaire — en plus d'être révélateur du pouls des femmes du Québec, nous signale justement que, souvent, on pense bien représenter les femmes, on pense les représenter avec objectivité et on passe justement à côté de ce que la majorité désire.

Il me semble que la ministre d'Etat à la Condition féminine devrait agir en sorte de se faire le porte-parole de tous les groupes intéressés à améliorer la condition féminine. Et je me demande sérieusement si l'expérience de ce référendum et de tout ce qui en est découlé, cette expérience n'a pas entaché la crédibilité de la ministre à la Condition féminine, à ce niveau.

Et si Mme la ministre voulait être vraiment représentative de toutes les femmes du Québec et non seulement d'une partie, elle verrait à ce que l'organisme qui est sous sa responsabilité — justement, nous avons l'honneur d'avoir la présidente avec nous — qui s'appelle le Conseil du statut de la femme, soit encore plus sensibilisée et s'occupe davantage des besoins des femmes au foyer. Il faudrait mettre la même ardeur pour défendre les intérêts des femmes au foyer qu'on en met pour défendre les intérêts des femmes au travail. C'est bien ce qu'on a fait pour les intérêts des femmes au travail, mais on n'a pas retrouvé cette volonté, cette ardeur, au niveau des femmes au foyer.

Si je peux me le permettre, Mme la Présidente, en tant que membre de la commission, ce serait un reproche que j'adresserais, celui qu'on n'ait pas mis cette même ardeur pour les 75% des

femmes au foyer qu'on sent pour les femmes au travail.

C'est vrai qu'il y a eu de pieuses recommandations, même fort condescendantes, visant à favoriser la femme au foyer. Et après? Je pense qu'au niveau de la réalisation, au niveau du concret, il n'y a pas eu grand-chose. Malheureusement, il faut l'admettre. C'est là le fond du problème que je veux soulever ce matin. Je pense que c'est l'endroit idéal, l'endroit propice pour le faire en toute objectivité.

Mme la Présidente, cela va peut-être vous faire rire, ce que je vais dire, mais justement, en parlant du Conseil du statut de la femme...

Mme Payette: Cela ne me fait pas rire, mais enfin.

M. Goulet: Mme la ministre aura tout le temps pour sa réplique tout à l'heure, si elle n'est pas d'accord avec ce que je lui dis. Nous l'avons écoutée religieusement et je pense qu'elle est capable de faire la même chose. S'il y a des propos que je tiens, avec lesquels elle n'est pas d'accord, nous lui permettrons de nous donner la réplique.

Ce que je disais et ce que je veux ajouter — au lieu de faire pleurer la ministre, je vais peut-être la faire rire — en parlant du Conseil du statut de la femme, je pense qu'il est un peu étrange de constater que, sur un personnel d'une cinquantaine d'employés, on ne retrouve que deux hommes. Je sais par ailleurs qu'il faut faire du rattrapage pour équilibrer la fonction publique en un nombre égal d'hommes et de femmes. Tout à l'heure, on a déposé une liste. On avait la liste des employés.

Mme La voie-Roux: C'est le messager.

M. Goulet: Cependant, d'après moi, cette disproportion des sexes au sein du Conseil du statut de la femme nous amène à nous poser au moins une interrogation majeure. Je le dis en toute objectivité, encore une fois. Comment un organisme peut-il prêcher contre le sexisme tout en pratiquant le même péché? C'est la question que je me pose. Cela fait drôle et cela me laisse songeur. C'est la première constatation qui m'est venue en voyant la liste du personnel de cet organisme gouvernemental, parce que, si c'est bon d'un côté qu'on ait cinquante-cinquante — nous n'exigeons pas cinquante-cinquante — il me semble que, deux sur cinquante, 4%, c'est très minime.

Je sais que le Conseil du statut de la femme, madame, est un organisme fort démocratique et il a prouvé dans le passé qu'il ne craint pas de se remettre en question aussi souvent que cela peut être utile. Bien sûr, Mme la Présidente, Mme la ministre et vous, madame, parce qu'ici, il y a deux présidentes, ce matin, la présidente du Conseil du statut de la femme et la présidente de la commission, vous avez compris que ces critiques s'avéraient constructives et j'espère qu'elles apporteront de l'eau au moulin du Conseil du statut de la femme.

J'aimerais ajouter, si vous me permettez, quelques considérations sur des attitudes adoptées par le ministre des Affaires sociales et également par la ministre d'Etat à la Condition féminine. Ces deux ministres nous vantent une société pluraliste dans laquelle nous vivons actuellement. Ce pluralisme, Mme la Présidente, qui soi-disant caractérise notre pays, commande une foule de mesures sociales afin qu'il y en ait pour tous les goûts et toutes les bouches. Or, depuis quatre ans bientôt, c'est la politique du supermarché des mesures sociales à son meilleur. Je ne voudrais cependant pas que l'on croie que je suis contre les mesures sociales. En soi, cela est bon et même souvent très bon. Le problème du gouvernement actuel ne réside pas dans l'absence de mesures sociales, mais dans leur prolifération que je pourrais qualifier d'anarchique, et c'est là le problème.

Si madame la ministre était à l'écoute des femmes ordinaires et de la mère de famille, son attention serait sûrement portée, par exemple, sur d'autres organismes comme les Organismes familiaux associés du Québec qu'on appelle l'OFAQ, qui représentent, et c'est important, 125 000 familles et qui réclament depuis des années une politique globale familiale.

Sous le couvercle du pluralisme, le ministre des Affaires sociales n'a jamais voulu donner suite à ces recommandations. Si, vraiment, Mme la Présidente, les mesures sociales avaient été dictées depuis quatre ans par le pluralisme, celles-ci auraient touché plus de 25% de la population et, ce matin, lors de ses propos préliminaires, Mme la ministre nous en a encore fait état et, encore une fois, plus de 75% de son intervention était axée sur les 25% des femmes au travail.

Il est une chose, madame, qui manque à ce gouvernement, et cette chose s'appelle l'idéal social. J'aimerais savoir de la ministre d'Etat à la Condition féminine où elle veut en venir dans son cheminement. Une chose est sûre, elle veut que cela change. Je veux bien changer la société, changer les valeurs, on peut en discuter. On peut avoir chacun ses points de vue là-dessus. Changer la mentalité des mâles, cela s'impose à bien des égards. Je suis le premier à l'admettre et je suis convaincu que mon collègue de Deux-Montagnes sera d'accord avec moi. Oui, changer. Mais qu'est-ce que vous avez à proposer en échange? Je pense que ce serait important de le dire un jour ou l'autre.

J'aimerais savoir justement où est cet idéal social, où il se situe dans votre plaidoyer, par exemple, pour l'avortement libre et gratuit au détriment de la chute démographique québécoise.

Lorsque vous parlez de choix, vous parlez toujours de choix de la femme et vous ne parlez jamais de choix du couple. C'est important, je pense, à un moment donné, d'en parler. Cet idéal social, est-ce qu'on le retrouve dans le peu d'intérêt que vous semblez manifester — si je me trompe, j'aimerais que la ministre me l'explique tout à l'heure — pour le maintien et la cohésion de cette cellule familiale? C'est cela qui est important, à mon avis. C'est là, à mon sens, que se trouve votre échec auprès de la grande majorité des femmes. (11 h 30)

On ne sent pas cette volonté pour une politique familiale globale et cohérente dans laquelle se retrouvent les besoins de toutes les femmes, pas seulement les femmes au foyer, mais toutes les femmes, de l'adolescence jusqu'aux femmes de l'âge d'or. Si je me trompe, Mme la ministre, dites-le moi et formulez-moi, en terminant, quelle est cette politique gouvernementale globale au niveau familial, pas seulement des petits textes pour nous dire: Cela s'en vient, peut-être qu'on va mettre $240. Ici, j'en ai un autre signé par vous, que vous nous avez remis tout à l'heure, dans lequel vous dites: Je crois que, lorsque nous aurons réuni les conditions sociales axées sur l'amélioration de la qualité de la vie, les femmes auront davantage d'enfants.

J'aimerais qu'on parle aussi du couple, il ne faut pas l'oublier. C'est important. Vouloir l'oublier serait passer complètement à côté du problème. En juillet 1979, vous déclariez, dans le magazine Actualité, que, si le référendum était battu, vous étiez pour rentrer chez vous. Je vous dis, à mon avis, pour avoir travaillé avec vous à plusieurs commissions parlementaires, que le résultat connu du référendum ne justifie pas que vous abandonniez vos fonctions. J'ai travaillé assez longtemps avec vous pour vous connaître. Quand même, vous avez eu des critiques très sévères de la part de gens qui vous ont supportée et qui vous connaissent également très bien. Je pense, entre autres, à Mme Micheline Carrier, qui semblait connaître une certaine désillusion quant à votre action au niveau de la condition féminine. Ce n'est pas moi qui le dis, vous connaissez cette dame mieux que moi. Dans les mois à venir, j'aimerais que Mme la ministre — je lance l'invitation aux organismes sous sa tutelle — que vous vous occupiez davantage d'une véritable politique familiale, et qu'on puisse ressentir à l'intérieur un intérêt et une volonté réelle d'aide à la femme au foyer, une vraie politique d'aide à la femme au foyer, et non pas toujours ces 25%. Je suis d'accord, vous avez fait beaucoup de choses pour les 25% des femmes au travail, mais, de grâce, mettez donc autant d'énergie pour les autres 75%.

Madame, j'en aurais encore beaucoup à dire. Je sais qu'on a permis à la députée de L'Acadie de converser longtemps sur ce sujet. J'aurais d'autres interrogations que je garderai justement au niveau que nous aborderons à chaque chapitre...

Mme Lavoie-Roux:... une femme comme moi.

M. Goulet: Chose certaine, madame, j'aimerais que vous le compreniez — je suis sûr que vous, Mme la Présidente, vous le comprenez — il est peut-être un petit peu plus difficile pour un homme de donner son opinion publiquement sur le sujet — il faut l'admettre — assez controversé de la condition féminine. Je suis quand même content de l'avoir fait et d'avoir préparé cette intervention pour venir vous le dire. Croyez-le ou non, madame, j'ai dit tout cela sans misogynie. Merci.

La Présidente (Mme Cuerrier): Mme la ministre.

Mme Payette: Mme la Présidente, si vous permettez, j'aimerais donner la parole à Mme Bonenfant, présidente du Conseil du statut de la femme, puisqu'elle doit nous quitter dans une dizaine de minutes. Mme Valois pourra la remplacer s'il y a des questions par la suite, sauf qu'elle m'a demandé de lui permettre de répondre, en particulier, à l'intervention qui vient d'être faite.

La Présidente (Mme Cuerrier): Mme la présidente du Conseil du statut de la femme.

Mme Payette: Je m'excuse de bousculer un peu. Premièrement, je vous avoue que j'ai été un peu déçue par la tournure des débats, parce que j'étais venue ici pour défendre mes crédits, et je n'en ai pas encore entendu parler, parce qu'on a discuté de condition féminine, mais on n'a pas encore parlé des crédits du conseil. Mme Madeleine Valois, qui est la secrétaire du conseil, sera ici après moi. Elle pourra très bien vous donner tous les détails administratifs.

Seulement, il y a eu deux problèmes de posés et qui me paraissent très graves. On a porté des accusations contre le Conseil du statut de la femme, à savoir que nous priviléaions les femmes au travail. J'ai ici un document qui, à mon avis, prouve amplement le contraire. Parmi les principales réalisations du conseil, cette année — je vais en citer quelques-unes que j'ai réussi à cocher rapidement — nous avons préparé une brochure destinée aux femmes au foyer qui veulent se recycler ou retourner au travail; c'est bien leur droit. Ensuite, nous avons rédigé une brochure sur la ménopause, cela vaut bien pour les femmes au foyer. Nous avons fait une recherche globale sur la santé physique et mentale des femmes; cela vaut pour les deux, quand même. Nous avons participé à l'organisation du colloque sur la santé mentale et vous savez que, dans notre rapport Egalité et Indépendance, nous avons apporté des chiffres selon lesquels ce sont les femmes au foyer qui sont les plus menacées dans leur santé mentale.

Ensuite, nous avons organisé une table ronde sur l'humanisation de l'accouchement. Dans le dossier du droit, nous avons analysé le projet de l'Office de révision du Code civil et nous avons présenté un mémoire à la commission parlementaire sur la réforme du Code civil. Nous avons aussi, par la même occasion, fait la mobilisation des femmes du Québec, femmes au foyer comme femmes au travail, autour de l'importance de la refonte du Code civil.

Ensuite, nous avons une étude en cours sur la fiscalité qui traite surtout des allocations de disponibilité et des autres mesures de soutien du revenu en particulier pour les femmes qui sont au foyer et les femmes qui ne sont jamais allées sur le marché du travail. Nous avons participé à la fondation de l'Association des femmes collaboratrices dans l'entreprise familiale.

Enfin, nous avons fait beaucoup de documentation au sujet de la publicité sexiste et vous savez que la publicité sexiste touche particulièrement les femmes au foyer, parce que c'est dans son rôle de mère, dans son rôle de ménagère que la publicité cherche à dévaloriser les femmes.

Ensuite, nous nous sommes occupées du dossier des cliniques de planification familiale, qui n'intéresse pas seulement les femmes au travail. Nous avons travaillé sur des plans de non-discrimination dans les avantages sociaux, surtout pour la participation au Régime de rentes pour les femmes qui n'avaient pas l'occasion de cotiser. Nous avons aussi travaillé sur le supplément familial au revenu du travail et, en dernier lieu, enfin, récemment, sur le projet de loi sur la perception des pensions alimentaires. Cela concerne surtout les femmes au foyer, puisque les femmes qui travaillent, habituellement, ne demandent pas de pension alimentaire.

Nous avons traité de plus de 5000 demandes d'information et traité 270 plaintes à Action-Femmes. Je n'ai malheureusement pas la proportion, mais ça touche majoritairement des femmes au foyer. Nous avons aussi consacré beaucoup d'efforts à réorganiser et à refaire l'image de notre bulletin, qui est devenu maintenant la Gazette des femmes. C'est, évidemment, une brochure qui atteint beaucoup de femmes au foyer. Nous avons publié Mieux vivre à deux. Nous avons publié le Répertoire des groupes de femmes, pour aider les femmes, justement, qui sont isolées à pouvoir se regrouper. Nous avons publié une brochure sur la violence, Pour commencer, parlons-en. Vous savez qu'une majorité des femmes violentées sont des femmes au foyer. Ensuite, nous sommes en train de régionaliser le conseil justement, d'établir des bureaux de consulte-action dans toutes les régions du Québec pour que, justement, ces femmes, qui sont isolées dans les régions, qui sont, la plupart du temps, des femmes au foyer, puissent se réunir, puissent développer des solidarités et prendre conscience de leurs besoins.

Ensuite, nous avons évidemment mobilisé toutes les femmes pour la journée du 8 mars. Nous avons produit une affiche, un calendrier des événements du 8 mars, toutes choses qui devaient, en premier lieu, rejoindre les femmes au foyer. En effet, toute cette information que nous donnons, nous l'axons toujours sur les femmes au foyer, puisque les femmes au travail ont beaucoup plus de chances d'être informées. C'est ce que j'avais à dire au sujet des femmes au foyer.

Deuxièmement, on nous a attaquées pour la non-mixité du conseil. Cela, je vous dirai que c'est un point qui me touche profondément, parce que j'en suis rendue à un point de penser qu'éventuellement, nous devrions avoir plus d'hommes qui travaillent au conseil. Mais nous sommes en butte à deux problèmes fondamentaux. Vous savez que, pour travailler dans un organisme ou dans un ministère, il faut une connaissance du secteur d'activité professionnelle. Je vous assure qu'après avoir fait partie de jurys pour différents postes au Conseil du statut de la femme, j'ai malheureusement rencontré très peu d'hommes qui connaissaient le secteur d'activité professionnelle. Dans vos organismes masculins, il est très facile d'établir la mixité, parce que la mixité, vous l'établissez à même les employés de soutien qui sont massivement des femmes. Quand il y aura suffisamment d'hommes qui seront secrétaires, qui seront techniciens dans la fonction publique, je vous assure que je comblerai ces postes avec plaisir dans mon organisme.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Bellechasse.

Promotion du droit et du statut de la femme

M. Goulet: Mme la Présidente, est-ce que vous permettez une question, étant donné que c'était en réponse directe aux propos que j'avais tenus?

La Présidente (Mme Cuerrier): Si la commission le permet...

M. Goulet: Je ne comprends pas d'abord qu'on étudie les crédits. Je voudrais que Mme la présidente du Conseil du statut de la femme sache que, lorsqu'on étudie les crédits, on discute à savoir ce qu'on fait avec cet argent-là. C'est le but premier des réalisations concrètes.

Mme Payette: Mon organisme n'est pas du secrétariat à la condition féminine.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Bellechasse, j'allais donner la parole à Mme la députée de L'Acadie et ça me fera plaisir de vous la donner ensuite.

Mme Lavoie-Roux: Je vais...

M. Goulet: Un instant! Est-ce que madame peut demeurer jusqu'à ce que je reformule une autre question? Je pense que c'est important.

Mme Payette: Mme la Présidente, si c'est sur le budget, Mme Valois sera ici pour donner des renseignements sur les crédits du Conseil du statut de la femme. Si c'est une question qui s'adresse à la présidente, le député a déjà eu l'occasion de le faire et Mme la députée de L'Acadie a signifié qu'elle avait des questions à la présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): Après tout ce temps, la parole reviendrait normalement à Mme la ministre actuellement, mais parce que Mme la présidente...

Mme Lavoie-Roux: ... quand même.

La Présidente (Mme Cuerrier): ... du Conseil du statut de la femme doit quitter, je...

Mme Lavoie-Roux: Je vais essayer de les formuler brièvement, alors, si vous en avez, vous pourrez les poser.

M. Goulet: Je n'ai aucune espèce d'objection. Madame a dit, au début: Je me demande ce que je fais ici, je voulais parler des crédits. Le Conseil du statut de la femme prend ses crédits où? Du ministre d'Etat à la Condition féminine, oui ou non? C'est ce que je voudrais savoir.

Mme Payette: Du Conseil exécutif.

M. Goulet: Alors, la commission où nous siégeons, qu'est-ce que c'est? Je ne vois pas pourquoi on ne poserait pas ces questions. Justement, au niveau de ces crédits qui sont votés au Conseil du statut de la femme, nous aurions eu des questions. Maintenant, si on me dit qu'une autre personne pourra répondre, je n'ai aucune objection, je suis ici jusqu'à minuit ou 2 heures demain matin.

La Présidente (Mme Cuerrier): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je vais poser des questions très brièvement, vous pourrez en avoir quelques-unes. Une question d'ordre général, je ne veux pas entrer dans les détails des crédits, on pourra y revenir avec Mme Valois. Globalement, est-ce que l'augmentation des crédits qui sont accordés au Conseil du statut de la femme vous apparaît suffisante pour réaliser vos objectifs pour l'année qui vient? C'est une question de base, je pense.

La Présidente (Mme Cuerrier): Mme la présidente.

Mme Payette: Vous savez, je ne connais personne qui trouve qu'on a suffisamment de crédits...

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais...

Mme Payette: ... parce qu'on a suffisamment de projets. On aurait pu réaliser beaucoup plus de projets, mais le conseil a été traité dans la même optique que tous les autres budgets du gouvernement, c'est-à-dire avec les coupures statutaires.

Mme Lavoie-Roux: Je vois ici qu'il y a une augmentation de 13,06%. Quelle est la part de ceci qui sera attribuée ou qui sera consacrée à du développement et dans quel sens allez-vous faire ce développement? En admettant qu'il y a 9%, quoiqu'on ait accordé, de façon générale, 5% d'indexation à tous les ministères, même si le taux de l'inflation est au moins de 9%, disons qu'il reste 4%, quelles sont vos priorités?

Mme Payette: La priorité du conseil, cette année, c'est d'instrumenter les femmes afin qu'elles puissent se donner plus de pouvoirs. C'est pour ça que l'accent est mis sur la régionalisation du conseil, afin de pouvoir atteindre le plus de femmes possible dans le plus grand nombre d'endroits du Québec. On n'a malheureusement pas pu le faire dans tout le Québec, mais l'accent est mis sur la régionalisation, sur la mobilisation des femmes, et c'est sur ça que l'accent sera mis au Conseil du statut de la femme, l'instrumentation des femmes.

Mme Lavoie-Roux: D'une façon pratique, est-ce que ce ne sont pas des postes que vous allez ajouter dans les régions?

Mme Payette: Mais ces postes sont là pour, justement, faire le contact avec les associations, les mobiliser davantage, les informer...

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que ce sont des créations de postes où étaient-ils déjà là?

Mme Payette: Non, ce sont des créations de postes.

Mme Lavoie-Roux: Alors combien prévoyez-vous de création de postes?

Mme Payette: Ce sera neuf postes en région. Nous venons d'installer neuf personnes en région à temps plein et ces personnes devront maintenant développer des programmes de sensibilisation auprès des femmes. C'est vraiment la priorité du conseil présentement.

Mme Lavoie-Roux: Une question qui en est une de fonctionnement général, parce que je reviendrai sur le détail plus tard, quand vous aurez quitté. On se souvient que, lorsque le Secrétariat d'Etat à la Condition féminine a été créé, il y a environ six mois ou un an...

Mme Payette: En septembre.

Mme Lavoie-Roux: ... à ce moment-là, vous aviez — vous me corrigerez si je vous interprète mal — exprimé des appréhensions en disant: Le Conseil du statut de la femme, comment est-ce que cela va s'articuler avec le secrétariat du statut de la femme, et compte tenu qu'il y a un ministre à la tête du Secrétariat d'Etat, est-ce que ceci va, d'une certaine façon, modifier le rôle du Conseil du statut de la femme? Est-ce que ça va modifier ses contacts avec les différents ministères? L'impression que j'en ai gardée, c'est qu'il y avait peut-être un intermédiaire qui venait se placer entre vous et les différents ministères. A ce moment-ci, pouvez-vous nous dire brièvement si vous êtes satisfaite du fonctionnement ou si ça crée des problèmes? (11 h 45)

La Présidente (Mme Cuerrier): Madame.

Mme Payette: II y a eu un moment de flottement, c'est évident, et on s'est demandé au conseil quelle serait notre place respective. Je pense que c'était normal au moment de la création d'une structure nouvelle. Nous avons eu plusieurs séances de réflexion et nous avons eu aussi des rencontres avec le secrétariat. Nous avons rapide-

ment trouvé chacune notre place qui était tout à fait différente parce qu'un organisme comme le Conseil du statut de la femme demeure un organisme autonome qui n'est lié que par le budget qu'il reçoit du gouvernement et qui n'a aucun attachement politique avec quelque parti que ce soit. Il a été relativement facile de trouver chacun sa place, pour employer un mot que Mme Payette nous a dit: pour nous désenchevêtrer. Il y avait un petit écheveau à démêler, mais rapidement chacune a trouvé sa place. Je vais peut-être rappeler un mot que j'avais dit à ce moment-là. A ce moment-là, les femmes sont allées chercher plus de pouvoirs, parce que, jusqu'ici, je n'avais qu'un pouvoir d'influence. Je n'aurai toujours qu'un pouvoir d'influence alors que Mme Payette, en étant ministre, en étant membre du comité des priorités, a un pouvoir réel pour les femmes. Je pense que maintenant tout est établi et le fonctionnement va très bien.

Mme Lavoie-Roux: Je vous ai posé plusieurs questions, mais il y a deux questions précises auxquelles j'aimerais que vous me répondiez.

Mme Payette: Je voudrais que ce soit très bref. Je prononce une causerie à midi et quart.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais écoutez, on nous a convoqués ce matin pour faire l'étude des crédits.

Mme Payette: J'ai quelqu'un qui peut répondre à toutes les questions.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais ce sont des questions, je ne sais pas jusqu'à quel point la secrétaire, Mme Valois, va se sentir capable de... En tout cas, je vais vous les poser.

Mme Payette: Je voudrais vous dire que Mme Valois est plus ancienne au conseil que moi.

Mme la Présidente, si vous me le permettez, juste une petite parenthèse. L'étude de nos crédits a été déplacée à la dernière minute. Elle devait avoir lieu en fin d'après-midi aujourd'hui et Mme la présidente avait déjà accepté cet engagement qu'elle ne pouvait pas remettre.

Mme Lavoie-Roux: Je l'accepte, mais... Je vous ai demandé dans quelle mesure... Je vous en ai même fait reproche, dans un cas; dans l'autre, je vous ai demandé dans quelle mesure vous aviez exercé des représentations auprès du gouvernement pour que les barèmes de l'aide sociale soient modifiés. Dans l'autre cas, cela m'est apparu un silence de votre part, quant à la non-indexation ou l'indexation partielle, pour être plus précise, des prestations d'aide sociale dont les répercussions étaient surtout pour les familles avec enfants et les familles monoparentales, dont on sait que le grand nombre sont des femmes.

Mme Payette: Pour la première question, je vous dirai que déjà, dans la politique d'ensemble, nous avons réclamé d'indexer les barèmes d'aide sociale et notre réclamation demeure toujours là. D'ailleurs, il y a eu une indexation et cette demande du conseil demeure toujours déposée et périodiquement nous faisons des pressions. Vous savez, ce qui se dit dans les journaux et ce qui se passe entre les sous-ministres et le conseil, ce sont deux choses. Nous faisons continuellement des pressions pour faire aboutir les demandes qu'on a déposées dans la politique d'ensemble. Pour ce qui est du deuxième dossier, ceux et celles qui me connaissent savent que je n'aime pas me frapper le nez contre des murs. Je savais, pour connaître toutes les structures de tout ce problème politique qui se passait entre le fédéral et le provincial, à ce moment-là, que toute intervention qu'on pourrait faire serait inutile. D'ailleurs, les associations féminines en ont fait qui n'ont tourné à rien. Je savais qu'à cause des problèmes politiques réels qu'il y avait à ce moment-là, c'était inutile d'intervenir. Je ne pense pas que la présidente du Conseil du statut de la femme doive intervenir à tort et à travers lorsqu'elle sait qu'un dossier ne peut pas être réglé. C'est pour cela que je ne suis pas intervenue.

Mme Lavoie-Roux: Une autre question. On vient de redéposer à l'Assemblée nationale le nouveau projet de loi 183 pour la perception des pensions alimentaires. Je sais que le Conseil du statut de la femme, dans les représentations qu'il a faites, à un moment donné ou l'autre — on a un peu perdu la notion du temps avec les événements qui se sont passés; d'ailleurs, je pense que c'est dans le rapport Egalité et Indépendance, je n'ai pas eu le temps de le vérifier — parlait d'un système de perception automatique et universel.

Dans le projet de loi qui nous est déposé, c'est encore à la femme que revient le fardeau de faire les démarches auprès du protonotaire, même si, dans le deuxième projet de loi, on prévoit un peu plus d'équipement pour le protonotaire. J'aimerais savoir — vous aviez fait une conférence de presse, je pense, strictement sur ce sujet — à ce moment-ci, quelle est votre position.

Mme Payette: J'ai pris connaissance, hier soir, très rapidement, du projet de loi 183. J'y ai trouvé une nette amélioration. La position du conseil au sujet de l'automatisme demeure toujours la même, mais c'est évident que, lorsque cette nouvelle loi est assortie de beaucoup plus de possibilités pour les femmes... Oui, c'est sûr que c'est une question de principe, mais ça devient moins important, par exemple, si, par contre, beaucoup de démarches sont effectuées. Si ça demeure la seule chose, ça devient un peu moins important; mais la position du conseil est toujours la même, nous avons encore réclamé que ce soit une mesure automatique.

Maintenant, pour ce qui est du détail du projet de loi, je vous demanderais de m'excuser, mais je l'ai eu hier soir...

Mme Lavoie-Roux: Oui, je comprends.

Mme Payette: ... je l'ai parcouru rapidement, et il m'est apparu qu'il y avait une très grande amélioration. Cela m'amène à vous dire que, quand je dis que j'établis mes priorités à aller mobiliser les femmes, je pense que cela en est une preuve. Nous avons mobilisé les femmes autour d'un projet de loi dont nous n'étions pas satisfaites et le gouvernement s'est rendu aux pressions des femmes. C'est grâce, je crois, au travail du Conseil du statut de la femme.

Mme Lavoie-Roux: Sur la publicité sexiste, j'ai vu d'ailleurs hier, parce que, par hasard, je suis allée examiner les annonces de Telbec qui étaient sorties— j'en cherchais un particulier— que vous avez demandé au ministère de la Justice de retirer — je ne sais pas si c'est le petit livre rouge, je ne sais pas comment il s'appelle — le petit guide de la justice. Comment se fait-il qu'il n'y ait pas, ce n'est peut-être pas vous autres, parce que vous n'auriez pas le personnel...

Mme Payette: ... officiel qui publie...

Mme Lavoie-Roux: Comment se fait-il qu'au Secrétariat d'Etat ou quelque part, ces choses ne soient pas examinées avant qu'elles soient publiées? On a eu également, il a été corrigé depuis, celui de Va jouer dehors, du haut-commissariat, Kino-Québec, et il y en a eu d'autres en cours d'année. Est-ce que c'est vous autres qui avez cette responsabilité ou si c'est le Secrétariat d'Etat? C'est le Secrétariat d'Etat.

Mme Payette: Mme la Présidente, si vous permettez, juste une seconde, effectivement, le Secrétariat d'Etat n'est pas consulté sur toutes les publications du gouvernement. Nous n'avons pas le personnel requis pour faire ce travail, sauf qu'il incombe, en fin de compte, toujours au ministère des Communications de faire en sorte que les publications du gouvernement soient conformes aux décisions gouvernementales, aux attitudes gouvernementales.

Ce guide est prêt depuis fort longtemps, m'a-ton expliqué...

Mme Lavoie-Roux: C'est quoi, ça, fort longtemps, madame?

Mme Payette: Voyez-vous, ça remonte probablement même avant l'existence du secrétariat, avant qu'il ne soit créé. D'autre part, ça n'excuse personne, ce n'est pas parce que cela a été fait il y a longtemps que c'est excusable. Dans ce sens, je suis prête à vous faire connaître non seulement le communiqué du conseil, mais la lettre que j'ai transmise à mes collègues de la Justice et des Communications sur le même sujet, en appuyant le conseil et en demandant qu'on retire la brochure.

Mme Lavoie-Roux: Un dernier point. On vient de nous remettre la liste des femmes membres de divers organismes, de septembre 1978 à février 1980. Je n'avais pas eu le temps de l'examiner, je parlais au moment où on l'a fait circuler. Quand on regarde les femmes nommées à des postes de cadres supérieurs, de septembre 1978 à février 1980, vous vous retrouvez avec 14 noms et, dans ces noms, vous savez, finalement, le 101 est réduit passablement, parce qu'il faudrait faire le tour des conseils d'administration qui existaient avant. Par exemple, quand le gouvernement du Parti québécois est arrivé au pouvoir, à l'Office de la langue française, il y avait trois femmes et on les avait éliminées du coup.

J'avais fait des représentations à ce sujet, j'en avais fait également au sujet du ministère de l'Immigration, du comité consultatif de l'immigration, où il y avait une seule femme, Mme Ben-guerel. J'espère qu'il y a maintenant plus d'une femme au conseil de l'immigration, je pense qu'il y en a deux ou trois... Mais quand vous regardez cela — je vais m'en tenir aux cadres, il faudrait refaire le tour — est-ce qu'il y a vraiment des gains ou les gains sont-ils à peu près insignifiants? Ce sont strictement des nominations à des conseils d'administration. Mais quand vous regardez les postes de cadres, vous vous retrouvez avec 14 cadres. Lesquels sont vraiment des nouveaux postes? Par exemple, je vois Mme Bonenfant, mais il y avait quand même une femme au Conseil du statut de la femme avant que vous n'y soyez nommée. Elle est partie, on l'a remplacée.

Il y a eu deux offices créés, l'office... Mme Robillard, Mme Gervais, à l'office des garderies.

Je regarde des noms, comme, par exemple... et c'est cela que je vous demanderais d'examiner, pour vraiment voir la portée de ces choses-là. Je vois Claudine Sotiau, présidente de la Régie de l'assurance automobile du Québec. Elle avait déjà un poste important à l'intérieur de la fonction publique. Est-ce que son poste a été remplacé par une femme?

Mme Payette: Elle avait quitté ce poste, madame, pour devenir directrice d'un CEGEP.

Mme Lavoie-Roux: Mais le poste qu'elle avait occupé à ce moment-là, à l'intérieur de la fonction publique, est-ce qu'il a été comblé par une femme? Vous savez, sur 101, on se retrouve avec 14.

Je prends Nicole Martin, devenue sous-ministre aux Affaires culturelles. Elle avait un poste important au Conseil du trésor. Est-ce que son poste a été comblé par une femme? Je ne veux pas l'automatisme du remplacement par les femmes. Mais quand on fait un bilan, on se retrouve avec 14 postes et, finalement, je regarde Lise Langlois, et vous aviez Kathleen Hendriks-Francoeur avant. Ce n'est pas un gain, c'est l'équivalent.

Je n'ai pas le temps de tous les examiner en détail. Céline Turcotte... Je sais qu'elle était en charge du contentieux à l'Université du Québec à Montréal, si ma mémoire est bonne. C'est de l'ancien temps, je m'en souviens vaguement. Elle est maintenant vice-présidente de la Commission des affaires sociales. Comme je vous dis, ce n'est pas l'automatisme que je veux, mais il faut que,

quelque part, il y ait des gains véritables qui apparaissent. Il y a peut-être des gains pour quatre ou cinq personnes, je ne le sais pas. Je n'ai pas pu faire la vérification. J'ai bien fait de mettre Mme la ministre en garde et d'avertir ses collègues de ne pas se promener à travers la province, se servant de ce document comme document de caution. Quand on le décortique... Je cesse ici mes détails. Je voudrais avoir vos réactions.

Mme Payette: Je vous préviens que ce sera la dernière réponse que je pourrai donner. Vous savez qu'au conseil, on a mis sur pied une banque de noms, 2500 noms, de personnes potentiellement capables d'occuper des postes de gestion. Cela fonctionne déjà depuis un an. Parmi nos projets, parmi notre future programmation, que nous sommes en train d'établir, nous avons un projet d'évaluation, de faire une espèce de rapport d'étapes, pour savoir ce que le gouvernement a fait des recommandations que nous lui avons faites, savoir où ont été mises les femmes. Est-ce que, justement, elles ont remplacé d'autres femmes ou si cela a créé vraiment de nouveaux postes? C'est une évaluation qui va être faite dans notre programmation de 1981-1982.

Mme Lavoie-Roux: 1980-1981.

Mme Payette: 1980-1981, oui. Je suis tellement habituée de travailler pour l'année suivante.

On va vraiment évaluer notre banque de noms, à quoi elle a servi, si vraiment c'est sérieux quand on nous demande une femme pour un poste. Est-ce que c'est pour la veille au soir ou pour le lendemain? On va faire cette évaluation, je pense que c'est très important.

Nous avons fait aussi des représentations auprès du gouvernement, quand on nous a présenté un plan de gestion des cadres. Le conseil a donné des commentaires sur le plan, au niveau de l'intégration des femmes, au niveau de la promotion, des plans de carrière des femmes.

Ce sont des choses qui préoccupent le conseil quotidiennement.

Mme Lavoie-Roux: II n'y a pas beaucoup d'avancement, finalement.

Mme Payette: On ne peut pas crier victoire encore. Mais la société est sexiste et je ne vois pas comment...

Mme Lavoie-Roux: Une dernière remarque, madame...

M. de Bellefeuille: Mme la Présidente, est-ce que je pourrais vous demander de défendre les privilèges des députés ministériels en cette Chambre? J'ai demandé la parole, je l'ai cédée à plusieurs reprises, de bonne grâce, aux députés de l'Opposition. Mais je pense, d'autre part, Mme la Présidente, que les privilèges des parlementaires ne comprennent pas celui d'être indélicat envers nos invités.

Je pense que Mme la présidente du Conseil du statut de la femme nous a expliqué comment et pourquoi elle doit nous quitter. Il est indélicat de la retenir ici. Et je réclame mon droit de parole.

La Présidente (Mme Cuerrier): De toute façon, nous allons admettre que madame doit partir. Je pense que les membres de la commission pourront retenir leurs questions pour Mme Valois. Merci beaucoup de votre collaboration, Mme la présidente du Conseil du statut de la femme.

Je pense que Mme la ministre retient depuis longtemps des réponses à des questions. Mais si les membres de cette commission le voulaient bien, nous pourrions peut-être entendre encore M. le député de Deux-Montagnes avant qu'elle ne puisse parvenir à répondre à toutes les questions qui lui ont été posées. M. le député. (12 heures)

M. de Bellefeuille: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais interroger madame la ministre à propos d'une question qu'elle a elle-même soulevée et qui a été reprise dans la dernière partie de l'intervention de la députée de L'Acadie, la question de la nomination de femmes à des fonctions importantes dans la fonction publique, à des postes importants dans la fonction publique.

Je voudrais aborder cette question sous un angle un peu particulier. J'ai pu constater moi-même que, lorsqu'on interroge à tour de rôle les ministres sur ce qu'ils ont fait dans ce domaine, s'ils ont réussi à nommer un nombre grandissant de femmes à des postes importants, on obtient parfois des réponses un peu molles ou des réponses un peu évasives, sinon des réponses presque agressives, comme si la question n'était pas pertinente. Je considère la question toujours pertinente dans le cas de tous les ministères. Mme la députée de L'Acadie voulait trouver une réponse à la question de savoir si cela progresse ou si cela ne progresse pas. Je pense qu'elle a bien raison de vouloir savoir si cela progresse ou si cela ne progresse pas. J'aimerais aussi le savoir. Mais pour avoir autre chose que des réponses molles, insaisissables, je voudrais proposer à Mme la ministre de se livrer à ce qui est presque un jeu, mais qui est très sérieux, si elle y consent. Ce jeu consisterait à décerner trois médailles et trois prix citron, la médaille d'or, la médaille d'argent et la médaille de bronze à ses trois collègues qui ont le mieux collaboré avec elle pour ce qui est de la promotion des femmes dans la fonction publique dans leur ministère respectif et, après ces trois médailles, trois prix citron: le premier prix citron à celui ou celle de ses collègues qui a le moins bien collaboré; le deuxième prix citron, le troisième prix citron.

J'ajouterais que cela s'impose à l'évidence qu'il serait peut-être particulièrement intéressant de savoir si Mme le ministre des Travaux publics a droit à une médaille ou à un prix citron ou si son ministère est quelque part dans la zone grise entre les médailles et les prix citron. Je ne sais pas si Mme la ministre consentira à se livrer avec nous à ce jeu sérieux, c'est ce que je lui demande. Merci, Mme la Présidente.

Mme Lavoie-Roux: Ce serait fort intéressant, j'espère qu'elle va accepter.

Mme Payette: Mme la Présidente, c'est un jeu passionnant, mais un jeu dangereux. J'évite toujours des jeux dangereux; pas pour moi, mais pour la cause des femmes. Je vais, si vous me le permettez maintenant, Mme la Présidente, reprendre la parole pour quelques minutes, parce qu'il y a beaucoup de sujets qui sont restés en suspens.

Je vais reprendre, en essayant de remonter, en partant de la question du député de Deux-Montagnes. Non, ce n'est pas facile de faire nommer des femmes à l'intérieur des structures. Je dois dire cependant que, dans ce sens, je ne décernerai qu'une seule médaille, je la décernerai au premier ministre. Chaque fois que nous avions à faire des nominations — je pense que je peux en faire l'aveu, parce que c'est un secret de polichinelle — il y a trois ans et demi maintenant, il fallait, chaque fois, que j'intervienne sur chacune des nominations que je désirais voir se réaliser ou je devais utiliser mon autorité pour stopper des nominations, pour demander à mes collègues de réfléchir davantage, d'essayer de trouver des femmes, de faire l'effort de faire ces nominations et cela nécessitait de ma part une intervention chaque fois qu'il y avait des nominations à faire.

Je dois dire que, s'il y a une amélioration, c'est que je n'ai plus à intervenir. Je n'ai plus à intervenir verbalement, ma présence fait en sorte qu'on ne peut pratiquement plus faire de nomination sans se poser la question, à savoir si on a bien fait son devoir. Dans ce sens-là, je dois dire que le premier ministre est devenu le plus ardent supporter de cette cause et que je n'ai plus à arrêter des nominations, mais qu'il le fait avant. Dans ce sens-là, s'il y a une médaille à décerner, c'est pour la compréhension qu'il a manifestée de l'importance que cela avait.

J'ai dit, en commençant tout à l'heure, que je ne considérais pas que c'était ma plus grande réussite. J'estime cependant que nommer des femmes partout dans les structures gouvernementales et à l'extérieur, c'est extrêmement important parce que c'est ce qui va amener, à mon avis, un changement de mentalité à l'intérieur du gouvernement.

Le député de Bellechasse a mis en doute ma capacité de m'occuper des femmes québécoises en général. Je voudrais lui rappeler qu'on a tort, à mon avis, de faire des distinctions entre les femmes au foyer, les femmes qui travaillent, les femmes aux études, les femmes à la retraite. Les femmes sont des femmes. Elles ont tout au cours de leur vie des problèmes qui diffèrent, selon le moment de leur vie. J'ai été, pour ma part, à certains moments de ma vie, une femme au foyer à temps complet. J'ai été aussi une femme au foyer à temps partiel, mais, quand j'ai été une femme au foyer à temps partiel, j'étais une femme qui travaillait à temps partiel. Je suis de moins en moins une femme au foyer, parce que je travaille vraiment plus qu'à temps plein.

Il faut se souvenir que les femmes qui travaillent à l'extérieur du foyer sont, la plupart du temps, des femmes qui font double emploi et qui sont aussi des femmes au foyer et qui n'ont comme seul lot que de faire seize heures de travail au lieu d'en faire huit, comme il serait normal. Je ne pense donc pas qu'on puisse ni faire des femmes un bloc monolithique en disant qu'elles ont toutes les mêmes besoins, pas plus qu'on peut faire des femmes non plus des morceaux de société en disant qu'il y a des femmes au foyer par rapport à des femmes au travail.

Les femmes qui travaillent sont des femmes au foyer, les femmes qui sont au foyer peuvent devenir des femmes qui travaillent. Cela dépend des circonstances de vie. Ce que je suis allée dire dans des articles que vous avez cités — vous n'en avez cité que des parties, j'espère qu'on a donné le contenu de mes interventions — ce que je suis allée dire aux femmes du Québec, c'est que même celles qui sont au foyer, très souvent, quand je leur pose la question — je le fais, mais véritablement, comme on m'a proposé de faire un jeu, je fais un jeu avec elles — je leur demande: Quelles sont celles dans cette salle qui veulent que leurs filles aient exactement la même vie qu'elles? Savez-vous ce que j'obtiens comme résultat? Il y a à peu près une femme ou deux dans une salle de 500 qui lèvent la main. Les femmes ne veulent pas que leurs filles vivent la même vie qu'elles, même si elles disent qu'elles sont heureuses au foyer. Les femmes finissent par se considérer comme heureuses au foyer, mais toutes les femmes au foyer, cependant, réclament des changements. Les femmes au foyer réclament des changements — Mme la députée de L'Acadie y a fait allusion très largement — en ce qui concerne la sécurité à laquelle elles ont droit. Elles demandent des changements d'ordre législatif, d'ordre administratif. Elles demandent que la société tienne compte de ce qu'elles sont, ce qui m'a amenée un jour à dire que toutes les femmes au Québec sont féministes. Cela a étonné quand je l'ai dit. Elles le sont cependant, à toutes sortes de degrés. Il y en a qui le sont un tout petit peu parce qu'elles ne veulent pas un très grand changement par rapport à la situation qu'elles vivent, mais, dès qu'elles ont dit: Je voudrais, par exemple, avoir accès au Régime de rentes du Québec, elles sont devenues féministes, parce qu'elles revendiquent un changement de la société qui leur serait favorable à elles. Il y en a d'autres qui sont des féministes radicales, mais je pense que, là aussi, on trouve dans la société des femmes la même chose qu'on trouve dans la société des hommes et cela va des deux extrêmes: à être féministe un tout petit peu ou à être féministe radicale. Il n'y a pas au Québec une seule femme qui ne veut aucun changement. Dans ce sens, à mon avis, il n'y a pas une seule femme qui ne soit pas féministe, parce que la définition du féminisme, c'est de demander que sa condition de vie soit changée; un tout petit peu ou un grand peu, c'est exactement la même chose. C'est dans ce sens que je peux dire que je suis féministe. Je ne suis pas une féministe radicale, mais je suis féministe parce que je souhaite qu'il y ait des changements dans toutes les conditions de vie dont souffrent les femmes du

Québec; même les femmes au foyer sont les premières à dire que leurs conditions de vie ne sont pas bonnes.

Je ne pense pas que, quand on souhaite voir faire des changements à la condition de vie des femmes, on s'attaque à la famille. Je ne pense pas que ce soit la destruction de la famille qu'on vise quand on améliore la condition de vie des femmes au Québec, c'est plutôt l'inverse. Vous avez fait allusion, M. le député de Bellechasse, à un organisme pour lequel j'ai beaucoup de respect, qui s'appelle l'OAFQ, qui regroupe, en effet, plusieurs associations de familles. Mais on n'entend pas dans cet organisme le mot "famille" dans le sens traditionnel ou réactionnaire du mot.

On parle d'une famille nouvelle, d'une famille où chaque membre est sur un pied d'égalité, homme, femme et enfants. Dans ce sens, j'ai eu — je vous assure que ça m'a fait plaisir — l'occasion de discuter largement avec ces personnes. J'ai eu l'occasion de constater que tout ce que j'ai fait, non seulement depuis trois ans, mais depuis vingt ans, pour améliorer les conditions de vie des femmes au Québec, elles en sont enchantées et ravies. Notre seule différence, c'est que moi, je prétends qu'en améliorant le sort de chaque individu qui compose le noyau de la famille, j'améliore le noyau de la famille. Eux font la démarche inverse. Ils disent que, si on améliore le noyau, on améliore automatiquement chaque individu. C'est sur ce seul point que nous avons une approche différente, non pas une chicane, mais une approche différente. Et dans le sens où moi, je l'entends, je continue de penser que, si on améliore la participation de chacune des composantes du noyau dit famille, on améliore le noyau lui-même.

Vous avez également fait allusion à ma position sur l'avortement. Je suis ravie de pouvoir vous la donner de façon officielle, ma position sur l'avortement. Elle n'a pas changé depuis 20 ans. Je ne suis pas favorable à l'avortement. Ce serait beaucoup trop facile. On ne peut pas être favorable à l'avortement. On ne peut pas souhaiter qu'il y en ait plus qu'il y en a actuellement, des avortements au Québec, sauf qu'on doit faire face à la réalité telle qu'elle existe. Ce que j'ai déclaré devant toutes les femmes, en leur demandant de commencer à exercer de la tolérance les unes envers les autres, c'est de faire en sorte que, sur une question comme celle-là, face à la réalité, on reconnaisse qu'il y aura peut-être toujours, au Québec, une femme qui aura besoin d'un avortement.

Pour cette femme, même s'il n'y en avait qu'une seule, je ne cesserai pas de demander qu'elle ait droit à ce qu'elle réclame et dans les meilleures conditions psychologiques, sociales et médicales possible. Je ne veux pas renvoyer les femmes se faire avorter sur des tables de cuisine. Cela m'a amusée beaucoup de constater que, quand j'en parlais très ouvertement, il y avait beaucoup moins d'opposition qu'on ne croit sur ce sujet. Surtout quand je rappelais aux femmes, dont vous avez parlé, les femmes au foyer, les femmes qui ont entre 50 et 65 ans, quand je leur rappelais qu'au Québec, avant de s'appeler l'avortement, on parlait de se "démancher", on parlait de se "revirer". On disait, en se levant le matin, qu'on allait peinturer son plafond, parce qu'on avait un problème à régler. Quand les femmes prenaient du vin chaud pour constater qu'au lieu de déclencher un avortement, tout ce que ça faisait, c'était les soûler, comme n'importe qui d'autres. Quand elles avaient affaire à des "faiseuses d'anges", comme on les appelait au Québec. Ce n'est pas nouveau, ce problème. Il a existé dans toutes les sociétés qu'on a connues et c'est un problème qui existe également au Québec. C'est un problème, à mon avis, qu'on a tort de traiter de façon superficielle... Non, c'est pire que ça, de façon morale. C'est un problème médical. C'est un problème psychologique. C'est un problème social, et je n'aurai de repos... Tant qu'il y aura une femme, au Québec, qui me dira qu'elle ne peut pas mettre au monde un enfant, je me sens concernée par cette décision qu'elle aura prise.

Cela étant dit, comme d'autres, à l'intérieur de ce gouvernement et à l'intérieur de notre société québécoise, je crois effectivement que le taux de natalité est descendu à un point tel qu'il est dangereux pour la société québécoise. Je ne pense pas, cependant, comme j'ai eu l'occasion de le dire plus tôt, qu'une somme de $240 qui équivaut, comme je l'ai dit, à un bouquet de fleurs qu'on envoie à une femme au moment où elle accouche... C'est sympathique, c'est gentil; on pourrait accompagner ça d'une carte de bons voeux, mais ça ne règle aucun problème. Tout ce que ça fait pour les femmes qui travaillent à l'extérieur, c'est combler les deux semaines pendant lesquelles ces femmes ne peuvent pas toucher d'argent, en attendant d'avoir accès à l'assurance-chômage.

Mme la députée de L'Acadie a dit: Pourquoi se raccrocher à l'assurance-chômage? C'est parce que nous n'avons pas le choix. Tant et aussi longtemps que nous serons dans le système fédéral auquel nous appartenons, et auquel il semble que nous allons appartenir encore pendant un certain temps, nous nous devons de récupérer ces sommes qui reviennent aux travailleurs et aux travailleuses du Québec. Dans ce sens, il est normal que le gouvernement du Québec comble le délai de carence de deux semaines.

Ce n'est pas une prime à la natalité. C'est un congé de maternité de seize semaines, dont deux semaines sont payées par le gouvernement du Québec et quatorze semaines par l'assurance-chômage. On ne peut pas payer un congé de maternité à une femme au foyer, parce qu'il n'y a pas de congé de maternité quand vous êtes au foyer. Ce qu'il y a au foyer... pas de la même façon et certainement pas sur la même définition... (12 h 15)

Ce qu'on peut envisager, cependant, et qui m'apparaît beaucoup plus logique avec toute la démarche que nous faisons, c'est de tenter de la donner à la personne au foyer. Parce que moi, je ne désespère pas que ce que vous appelez la

famille, ça comprenne aussi éventuellement un homme et je ne désespère pas que, pendant l'adolescence, la jeunesse des enfants, certains pères choisissent aussi d'élever leurs enfants. Je ne désespère pas. Donc, je ne veux pas dire qu'une allocation de disponibilité serait pour les femmes au foyer. Une allocation de disponibilité, c'est pour la personne au foyer.

Parce que, si jamais nous arrivons à obtenir cette allocation de disponibilité, selon les recommandations du conseil, c'est pour qu'elle puisse couvrir les âges suivants pour les enfants, de zéro à douze ans. Entre zéro et douze ans, pourquoi est-ce que ce seraient seulement les femmes qui élèveraient les enfants? Pourquoi est-ce qu'à l'intérieur de cette tranche d'âge de zéro à douze ans, il ne pourrait pas y avoir des pères qui choisissent pendant un an ou deux ans d'élever également leurs enfants à temps plein? Tous les psychologues sont d'accord pour dire que ce serait une excellente situation.

L'allocation de disponibilité, qu'est-ce que c'est? Cela part essentiellement du fait que nous adoptons comme philosophie, comme gouvernement, que toute personne au Québec, homme ou femme, peut faire le choix d'être sur le marché du travail. Si des personnes, femmes ou hommes, choisissent de se mettre en disponibilité pour élever elles-mêmes leurs enfants ou pour s'occuper de personnes âgées ou de personnes handicapées, elles se privent d'un revenu auquel elles pourraient avoir accès si elles le désiraient. C'est donc un choix que ces personnes-là font: se priver d'un revenu. Et c'est ce revenu qu'il faudrait essayer de compenser pendant que la personne au foyer joue un rôle social.

Ce que je suis allée expliquer aux groupes de femmes que j'ai rencontrés, c'est qu'il n'y aura jamais de salaire pour la femme au foyer. Il faut avoir le courage de leur dire. Un salaire pour la femme au foyer, ça n'a aucun sens. Cela n'a pas de sens parce qu'on ne peut pas payer une femme dans le rôle que j'appelle, moi, le rôle conjugal. A quelle heure ça s'arrêterait, le rôle conjugal? Est-ce qu'on paierait une femme pour ce qu'elle fait la nuit aussi? Cela m'apparaît difficile à expliquer.

La femme, cependant, ou la personne au foyer joue deux rôles. Elle joue un rôle conjugal et, à ce moment-là, si elle a des choses à négocier, elle négocie à l'intérieur de la cellule dite famille, donc, avec la personne qui assume de gagner l'argent de cette cellule et qui est, dans 99,9% des cas, un homme. Si elle a des choses à négocier, elle négocie avec l'autre personne pour le rôle conjugal.

Sauf que la personne au foyer, dans certaines de ses occupations, joue un rôle social. Quand une personne au foyer élève de jeunes enfants, s'occupe de personnes handicapées ou de personnes âgées au foyer, elle joue un rôle qui, s'il n'est pas fait par cette personne-là, devrait être fait par l'Etat.

Nous sommes en mesure, à ce moment-là, d'avoir un moyen de mesurer ce que signifie pour l'Etat la dépense occasionnée par le refus des per- sonnes au foyer de jouer le rôle social qu'elles veulent jouer. Dans ce sens, la définition de l'allocation de disponibilité, c'est la compensation envisagée pour la partie sociale jouée par la personne au foyer pendant qu'elle élève de jeunes enfants, qu'elle s'occupe de personnes handicapées ou de personnes âgées. Je continuerai de penser que c'est une meilleure solution que le salaire pour la femme au foyer ou qu'une allocation de natalité ou de fécondité. Je ne pense pas qu'on a réglé quelque chose en donnant $240 à une femme qui accouche, sauf peut-être lui permettre de payer les couches jetables pendant trois ou quatre semaines.

Le problème de la condition féminine est un problème difficile à aborder parce qu'il est global et parce que nous avons choisi, comme gouvernement, de l'aborder de façon globale. C'est plus difficile...

Mme Lavoie-Roux: Question de règlement. Je m'excuse auprès de Mme la ministre. Je l'ai laissée aller pendant un bout de temps, mais je veux lui faire remarquer qu'il ne reste que 40 minutes pour poser des questions. Je pense que toute sa philosophie de l'approche globale de son gouvernement à l'égard de la condition féminine, elle a eu l'occasion de l'exposer déjà dans un débat à la Chambre, sans compter toutes les autres occasions qu'elle a eues, les conférences de presse, etc. Je veux bien qu'elle continue, mais je ne voudrais pas qu'elle continue jusqu'à 13 heures parce qu'il y a quand même des questions précises qu'on lui a posées et ce n'est quand même pas un exposé global sur la condition féminine. Sans ça, on aurait pu intituler ça autrement. Je voudrais qu'il nous reste du temps quand même pour poser des questions. C'est l'objet de la rencontre ici.

La Présidente (Mme Cuerrier): Tout en vous faisant remarquer, Mme la députée, que Mme la ministre aurait fort bien pu répondre à chacun des intervenants immédiatement après leurs interventions. Je demanderais à Mme la ministre de bien vouloir...

Mme Payette: Mme la Présidente, je vous souligne également que j'ai pris moins de temps dans mon exposé que les autres intervenants, que je l'ai fait volontairement; j'aurais pu être plus longue. Je voulais leur permettre d'avoir plus de temps. Je pense que j'aurais pu prendre une heure d'exposé au début d'une commission d'étude des crédits. J'ai choisi de ne pas le faire. Sauf que ce ne sont pas que des questions qu'on m'a posées. On m'a dit que je n'avais pas de crédibilité auprès des femmes au foyer. C'est sur ce plan-là que j'essaie de répondre présentement. Je veux en venir aux questions qui ont été posées directement par Mme la députée de L'Acadie. Madame, je vous ai reproché de ne pas le faire pendant la période de questions...

Mme Lavoie-Roux: Vous savez bien qu'on ne peut pas entrer dans ces détails-là et c'est justement...

Mme Payette: C'est dommage, madame, parce que ça devrait être les mêmes questions que sur n'importe quel autre sujet à l'Assemblée nationale.

Mme La voie-Roux: Non. Mme la Présidente, une question de règlement.

Mme Payette: Mme la Présidente, je voudrais continuer, je vous prie.

Mme Lavoie-Roux: Ecoutez, je veux quand même faire remarquer à Mme la ministre que l'étude des crédits est précisément pour pouvoir entrer dans les détails sur lesquels on ne peut pas poser de questions aussi développées à l'Assemblée nationale, et elle le sait fort bien. Alors, ce sont des questions précises qu'on veut poser aujourd'hui, c'est l'objet de l'étude des crédits. Ce n'est pas le moment de développer toute la philosophie...

M. de Bellefeuille: Sur la question de règlement, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Deux-Montagnes, sur la question de règlement.

M. de Bellefeuille: Nous avons tous en mémoire que les propos initiaux de Mme la ministre ont été brefs. Elle a tout à fait raison d'affirmer qu'elle aurait pu s'étendre beaucoup plus longuement dès sa première intervention sur les questions dont elle traite maintenant. Je pense que nous devons tous permettre à Mme la ministre d'user de sa discrétion quant au choix de la façon qu'elle aborde les réponses aux questions qui ont été posées.

M. Goulet: Sur la question de règlement, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): Sur la question de règlement, M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: La coutume veut, dans les commissions parlementaires sur l'étude des crédits, pour en être à ma sixième ou septième année, cette année, qu'au début des travaux de la commission, le ministre fasse entendre ses propos préliminaires et c'est justement à sa discrétion. Le ministre peut prendre jusqu'à une heure s'il le veut bien. Madame a décidé de prendre quelques minutes, c'était son choix. La coutume veut, par la suite, que les partis d'Opposition, par ordre d'importance à l'Assemblée nationale, puissent s'exprimer avec peut-être un maximum de 20 minutes. Là-dessus, on a été assez large également. Ensuite, la coutume veut, madame, qu'on puisse aborder les programmes, chapitre par chapitre, et répondre aux questions, en partant toujours de l'Opposition officielle, les autres oppositions et également les députés ministériels qui veulent poser des questions. Si mon interprétation du règlement ou, en tout cas, de la coutume est correcte, les propos préliminaires servent justement à parler de la philosophie du ministère et à parler de l'orientation du ministère. Le deuxième tour de table, normalement, sert à répondre à des questions directement et non pas à des questions de principe.

La Présidente (Mme Cuerrier): Alors, si les membres de cette commission le veulent bien, pour économiser le temps, nous allons rapidement donner la parole à Mme la ministre, qui a un certain nombre de questions auxquelles elle doit encore répondre et je me ferai un plaisir de donner la parole aux intervenants ensuite. Mme la ministre.

Mme Payette: Mme la Présidente, le député de Bellechasse m'avait demandé quelle était ma position sur l'avortement, je viens de la lui donner. Il m'avait demandé pour quelles femmes je travaillais, je viens de lui expliquer pour quelles femmes je travaille. Il avait fait allusion à l'OAFQ, je viens de lui expliquer quelles sont mes relations avec l'OAFQ. Et je venais de dire que je remontais, parce que mes notes étaient en sens inverse de vos interventions, et j'en arrive à Mme la députée de L'Acadie, après vous avoir expliqué ce qu'était l'allocation de disponibilité.

M. Goulet: Ce n'était pas à la suite de vos propos, c'était à la suite du point de règlement soulevé par le député des Deux-Montagnes que je voulais répliquer.

La Présidente (Mme Cuerrier): Mme la ministre d'Etat à la Condition féminine.

Mme Payette: On a beaucoup, Mme la Présidente, parlé des garderies. Les deux oppositions y ont fait allusion et le député de Bellechasse pour dire que les garderies, ça ne sert qu'aux femmes qui travaillent, quelles étaient les subventions qui allaient aux femmes au foyer par rapport aux haltes-garderies. Les haltes-garderies bénéficient des mêmes subventions que n'importe quelle autre garderie au Québec et la participation...

Mme Lavoie-Roux: Pas encore.

Mme Payette: ... des parents est également nécessaire. Les parents doivent défrayer des coûts dans une halte-garderie comme dans une autre garderie également. Je voudrais souligner, pour Mme la députée de L'Acadie, que j'ai nettement l'impression, effectivement, que les services de garderie ont été longs à créer jusqu'à maintenant. On se heurte à des difficultés, celle, par exemple, que le conseil d'administration soit composé de parents utilisant les services de la garderie. C'est long à mettre sur pied, c'est exigeant. Je fonde beaucoup d'espoir dans l'office des services de garde pour simplifier les choses.

Je dois également souligner que mon collègue des Affaires sociales, je ne sais pas s'il a eu l'occasion de le mentionner, a fait appel, déjà l'été

dernier, à 500 entreprises au Québec pour leur offrir des subventions gouvernementales — puisqu'on parlait du budget qui n'a pas été entièrement utilisé — pour mettre sur pied des garderies en milieu de travail. Sur ces 500 entreprises, 5 ont répondu pour dire qu'elles n'étaient pas intéressées, ce qui veut dire que 495 n'ont même pas envoyé un accusé de réception.

Donc, ça ne va pas très vite, ça ne va pas très bien et c'est un dossier qui est difficile. J'ai confiance cependant qu'il sera mieux amorcé et conduit par l'office des garderies qu'il n'a pu l'être jusqu'à maintenant dans les structures gouvernementales.

Nous avons parlé également du cas de la pauvreté flagrante, en particulier dans le groupe d'âge des femmes de 50 ans à 65 ans. C'est un constat que nous sommes obligés de faire, qui est tragique. Mais, là encore, je vais devoir vous dire qu'autant il faut travailler de façon ponctuelle pour corriger la situation de ces femmes, autant j'ai à coeur de faire en sorte que l'ensemble des politiques qui sont mises sur pied au fur et à mesure va également faire en sorte que cette situation ne se reproduise pas.

Ce qui est important, dans ma démarche personnelle comme ministre responsable, c'est que j'essaie d'agir de façon ponctuelle dans les dossiers qui sont criants, je vous l'accorde, mais j'essaie aussi de faire en sorte que la situation ne puisse plus se répéter, ce qui demande souvent de plus longues échéances. En ce qui concerne en particulier votre allusion au rapport Boutin, je dois vous dire que, pour la première fois, un mandat vient d'être donné au comité de développement social auquel je vais participer, c'est-à-dire que je vais collaborer avec le ministre d'Etat au Développement social pour, au cours de l'été qui vient, produire, pour le gouvernement du Québec, un plan d'action s'appuyant sur le rapport Boutin et qui touche essentiellement les groupes de femmes entre 50 ans et 65 ans.

Vous avez parlé des négociations dans les secteurs public et parapublic. Je pense pouvoir vous dire, du moins je l'espère fermement, que nous avons signé, comme gouvernement, pour la dernière fois, des conventions collectives discriminatoires. Cela a été long pour moi de faire l'analyse; vous vous souviendrez que cela s'est produit avant ma nomination comme ministre d'Etat. Et, même au moment où je venais d'être nommée à ce poste, il a été long et difficile, à cause de la loi 50, d'équiper le secrétariat des ressources nécessaires pour faire l'analyse des conventions collectives et voir de près quelles étaient les difficultés. Etant allée aux renseignements, je me suis fait assurer par mes collègues que, dans ces conventions collectives, les offres du gouvernement n'étaient pas discriminatoires pour découvrir par la suite qu'elles l'étaient et qu'elles l'étaient dans des domaines très précis.

J'ai travaillé, au cours des dernières semaines, avec le ministre de la Fonction publique en particulier, sur une politique d'égalité des chances. Nous sommes en train de travailler présentement, au comité permanent, avec le ministre de la Fonction publique, à une politique qui concerne les cadres, les professionnels du gouvernement et je pense pouvoir affirmer que nous avons signé, pour la dernière fois, des conventions collectives dans lesquelles il y a de la discrimination.

Je voudrais aussi attirer votre attention sur le fait que j'ai eu l'occasion d'en discuter en particulier avec la FTQ, puisque j'avais été invitée à la journée d'ouverture de son congrès; j'ai également signalé aux femmes syndiquées que, très souvent, les questions de discrimination, en ce qui les concerne, ne sont pas les principales revendications de leurs syndicats. Dans le cas des professionnels que vous avez abordé en particulier, des conventions qui ont été signées pendant la période référendaire à plusieurs reprises, je suis intervenue personnellement pour demander qu'on revoie les offres gouvernementales dans ce domaine. J'ai appuyé le Conseil du statut de la femme dans ses revendications, mais pour découvrir également que les négociateurs syndicaux n'en faisaient pas une priorité à la table de négociation.

Dans la mesure où ce n'est pas parmi les priorités syndicales, c'est extrêmement difficile, puisque notre politique n'était pas arrêtée dans ce sens, de faire changer le gouvernement d'opinion, de lui faire offrir, à ce moment-là, des offres qui ne soient pas discriminatoires.

Je pense que, des deux côtés des tables de négociation, il n'y a pas une attention suffisamment importante apportée aux questions qui concernent la discrimination envers les femmes et, dans ce sens, les syndicats, à mon avis, ont une aussi grande responsabilité que le gouvernement. (12 h 30)

Dans vos autres questions, vous avez parlé des conditions de travail des employées des garderies. Je voudrais vous signaler que la loi, telle qu'elle a été adoptée, améliore considérablement la situation financière des garderies elles-mêmes. Le problème que nous avions, c'est que, comme les subventions n'étaient données qu'en fonction de la présence des enfants dans les garderies, les garderies non seulement avaient des problèmes financiers pour payer le loyer, mais également des problèmes pour payer les employés des garderies.

Dans la mesure où des subventions, dorénavant, sont accordées directement aux garderies, non pas sur le nombre d'enfants présents, mais sur le nombre d'enfants admis dans les garderies, cela donne aux garderies une stabilité financière qu'elles n'avaient pas jusqu'à maintenant. J'ai bon espoir que cela corrige le problème des salaires des employés de garderies. Si tel n'était pas le cas, j'imagine que ce sera une des premières préoccupations de l'Office des garderies, dès que le conseil d'administration et que les structures seront en place.

Vous avez également... L'assurance-chômage, j'en ai parlé. Je pense avoir couvert l'ensemble des questions que vous aviez soulevées. Si tel n'était pas le cas, cela me fera plaisir de répondre par la suite.

La Présidente (Mme Cuerrier): Si vous le permettez, je donnerais la parole à M. le député de Bellechasse qui avait une question à poser à Mme Valois, secrétaire du Conseil du statut de la femme.

M. Goulet: Je présume que madame transmettra mes propos à madame sa collègue, la présidente, parce que je ne voulais pas la laisser avec des impressions... Je voudrais qu'elle lui dise que, tout à l'heure, je ne voulais accuser personne. Ce que je dis — et je l'invite à relire les épreuves — c'est qu'il y avait beaucoup de projets, beaucoup d'études, beaucoup de bonne volonté, beaucoup de voeux pieux, mais qu'au niveau des réalisations concrètes, au niveau de l'action gouvernementale, on ne trouvait pas grand-chose concernant les femmes au foyer. C'est ce que j'ai dit à madame votre présidente.

Par la suite, j'avais souligné qu'on ne retrouvait pas, dans la volonté du ministère, dans les propos exprimés, soit par les représentants du Conseil du statut de la femme, soit par Mme la ministre qui a la tutelle, l'administration de ce service, une politique globale. Je n'aime pas le mot "tutelle", justement. Je lui ai dit qu'on ne retrouvait pas une politique globale de la femme au foyer. C'est ce que j'avais dit et je ne voulais blesser personne. C'étaient des constatations, et je le constate encore. Je ne pense pas avoir fait erreur et, si mes propos ont été mal interprétés, je voudrais que vous rappeliez à Mme la présidente, qui a dû nous quitter pour un dîner, ces précisions que j'apporte.

Je voulais lui poser la question suivante relativement au Conseil du statut de la femme. Comment se fait-il que, lors de l'audition des mémoires sur l'avant-projet de loi sur les services de garderie, le Conseil du statut de la femme n'ait pas présenté de mémoire, n'ait pas présenté de document, comme à peu près tous les autres organismes impliqués dans cet avant-projet de loi?

Et en même temps, Mme la ministre avait refusé de venir nous dire son opinion. C'était au moment où vous reveniez d'un voyage dans l'Ouest, en octobre dernier. Vous n'avez pas voulu venir devant la commission, après qu'on eut insisté devant la Commission des affaires sociales. Vous n'avez pas voulu venir donner votre opinion, votre avis sur le sujet. On a trouvé cela tout à fait curieux, au moment où vous veniez juste d'être nommée à ce poste. Il me semble que vous auriez été la personne toute désignée pour venir nous dire ce que vous en pensiez. Vous avez refusé, et le Conseil du statut de la femme et Mme la ministre. C'est un reproche que je voulais vous adresser ce matin.

Mme Payette: Mme la Présidente, c'est à moi de répondre à cette question, elle ne s'adresse absolument pas à la secrétaire du Conseil du statut de la femme. Le conseil n'a pas nécessairement à présenter des mémoires devant des commissions parlementaires, parce que le conseil peut acheminer toutes ses revendications, ses opinions auprès du ministre qui en assume la responsabi- lité, les transmet à ses collègues et est en mesure de faire entrer dans la machine gouvernementale les recommandations du conseil.

Je ne suis pas tenue de le faire chaque fois. C'est-à-dire que c'est moi qui dois prendre la décision, à savoir si j'endosse la position du conseil, si je la défends comme telle, ou si je choisis de transformer la proposition et de suggérer une autre solution au gouvernement.

Le conseil a une autonomie en termes d'information de la population. Je pense que le conseil s'acquitte bien de cette tâche, mais il n'a pas à présenter des mémoires devant les commissions parlementaires. Il peut le faire, mais il n'y est pas tenu. Le conseil a d'autres moyens d'intervenir auprès du gouvernement.

Pour ce qui me concerne, je ne suis pas membre de la commission parlementaire qui étudiait ce projet de loi. J'ai, moi aussi, d'autres paliers d'intervention. Je peux le faire à l'intérieur du comité que je préside. Je peux le faire dans chacun des comités permanents, si je le désire. Je peux le faire au niveau du Conseil des ministres, quand la discussion a lieu, et je peux le faire également au comité des priorités. Ce qui veut dire que mes interventions n'ont pas non plus à se faire devant une commission parlementaire, mais à se faire à l'intérieur des structures gouvernementales.

M. Goulet: Vous me permettrez une sous-question, madame, sur ce point précis. Je pense que Mme la ministre donne justement la preuve qu'elle ne connaît pas le processus des commissions parlementaires, ou elle veut passer à côté. Je sais que vous pouvez tout faire cela, que vous n'êtes pas obligée. Ce que je vous reprochais, c'est que, justement, si on prend la peine de dépenser les deniers publics pour inviter des gens ici pour venir éclairer les membres d'une commission et un gouvernement pour qu'on puisse prendre une décision, si vous passez directement au Conseil des ministres, nous n'avons pas accès au Conseil des ministres et nous aurions voulu interroger des gens qui sont supposés être compétents en la matière — nous ne siégeons pas au Conseil des ministres et nous ne siégeons pas au bureau d'administration des autres ministères — nous aurions voulu que vous veniez ici, en commission parlementaire... Parce que vous avez été invitée et le Conseil du statut de la femme avait été invité aussi, nous aurions voulu qu'il vienne nous dire ce qu'il en pensait. Sans cela, je ne vois pas. Si on passe directement au Conseil des ministres, alors abolissons les commissions parlementaires. Une commission parlementaire est faite dans le but d'éclairer la population, que la population vienne dire au gouvernement ce qu'elle en pense et également d'éclairer tous les membres de la commission. Certains membres de la commission ne peuvent pas avoir accès au Conseil des ministres. C'est pour cette raison qu'on voulait vous voir. On ne sait pas ce que vous avez dit au Conseil des ministres, nous autres.

Mme Payette: Mme la Présidente, quand un projet de loi est déposé, on doit tenir pour acquis

que, comme membre du Conseil des ministres, je suis d'accord avec son contenu, jusqu'à ce que j'intervienne d'une autre façon.

Le député aussi fait semblant de ne pas savoir comment fonctionne une commission parlementaire, c'est-à-dire que les mémoires qui sont déposés sont des mémoires publics auxquels j'ai accès comme n'importe qui d'autre. Les mémoires qui concernaient ce sujet m'ont été acheminés. J'en ai pris connaissance, ce que j'ai eu l'occasion de dire également.

M. Goulet: Oui.

Mme Payette: Cela nous a d'ailleurs permis d'améliorer considérablement le travail qui avait été fait.

M. Goulet: Les mémoires sont publics, mais la position du Conseil du statut de la femme et la vôtre n'ont pas été connues du public avant que les décisions soient prises. C'est cela qu'on aurait voulu connaître.

Mme Payette: Je ne suis pas I'"Ombudsman " de la condition féminine. Je suis membre d'un gouvernement et une ministre responsable.

M. Goulet: Vous êtes censée être compétente en la matière.

Justement, une rectification au niveau des garderies, madame, et après cela, il me fera plaisir de laisser la parole à mes collègues. Lorsque j'ai parlé de subventions aux garderies et aux haltes-garderies, il fallait bien faire la différence. Dans mon esprit, pour les femmes au travail qui se servent des garderies, dans bien des cas, elles sont subventionnées directement. Par contre, les haltes-garderies ne sont pas subventionnées directement. C'est la précision que je voulais apporter. La ministre l'avait très bien compris, mais je pense que vous avez tantôt habilement contourné justement cette...

Mme Payette: Si j'ai donné cette impression, je le regrette, ce n'est pas ce que je voulais faire. Je me suis peut-être mal exprimée, mais cela vous arrive aussi.

M. Goulet: On s'entend là-dessus. La différence, c'est que la femme au travail est subventionnée directement tandis que la femme au foyer n'est pas subventionnée directement. C'est cela que je voulais soulever en commission.

La Présidente (Mme Cuerrier): Mme la secrétaire du Conseil du statut de la femme, auriez-vous quelque chose à ajouter?

Mme Payette: Non, il n'y a pas eu de question pour la secrétaire, madame. Non.

La Présidente (Mme Cuerrier): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je suis prête à laisser la place au député de Deux-Montagnes pour qu'il ne se sente pets trop frustré. Je reviendrai.

M. de Bellefeuille: Je vous cède volontiers la parole, Mme la députée.

Mme Lavoie-Roux: Merci bien. Je voulais revenir sur cette question des garderies. La question précise que j'avais posée, c'était: Compte tenu de la lenteur du développement, pour les raisons que, d'un côté et de l'autre, on a invoquées dans le développement des garderies, pourquoi, par exemple, l'argent qui était resté disponible, dans une certaine mesure, n'aurait-il pas pu servir soit à améliorer les conditions de vie à l'intérieur des garderies — quand je dis les conditions de vie, je veux dire les conditions de travail — parce que, quand vous parlez de la subvention directe aux garderies, il s'agit d'une subvention de fonctionnement de $2 qui commencera à être versée uniquement à partir de cette année? Elle n'a pas été versée, même si, dans la publicité gouvernementale, on en parle depuis quand même assez longtemps. Apparemment, cela fait partie de l'approche communicatrice gouvernementale de toujours parler de la même chose à plusieurs reprises. Mais ces $2 de fonctionnement, vous le reconnaîtrez, Mme la ministre, sont minimes, parce que, pour ce qui a trait aux subventions accordées pour les enfants eux-mêmes, les barèmes n'ont pas été modifiés. Les garderies ne se retrouveront pas avec beaucoup plus de ressources. Ce que vous espérez, je n'ai aucune hésitation à le dire, cela aura peu d'influence sur le fonctionnement des garderies et sur les conditions de travail des personnes en garderie.

Egalement, y aurait-il eu possibilité de hausser le plafond des personnes admissibles aux subventions des garderies? Il y a une chose certaine; c'est que les subventions dans le moment sont accordées à des familles... Si votre revenu familial est de $15 100 et que vous avez un enfant, vous n'êtes pas admissible. Avec deux enfants, le plafond est de $24 700. Ces plafonds ont été indexés d'à peine 3%, ce qui veut dire que, même avec — je ne l'avais pas eue, mais je l'ai obtenue — la modification des barèmes de 1980 par rapport à 1978, les familles à revenu moyen, et pas nécessairement à moyen élevé, mais même à moyen bas, ont des obligations de paiement pour les garderies qui sont très élevées, parce que, finalement, par enfant, cela leur coûte $50 par semaine au moins. Quand vous en avez deux et que vous multipliez cela par mois... C'était le sens de ma question. Avec cet argent qui était resté disponible, est-ce qu'il n'y aurait pas eu possibilité ou d'augmenter les subventions en garderie ou la subvention de fonctionnement de $2 à $3, ou encore de relever un peu le plafond des personnes admissibles aux subventions?

La Présidente (Mme Cuerrier): Mme la ministre.

Mme Payette: En ce qui concerne la subvention de $2 par enfant admis dans une garderie, je vous concède que ce n'est pas une somme faramineuse. Je vous avoue que j'étais heureuse, cependant, quand cela s'est fait, parce que je pense que le principe est acquis d'une subvention directe, et cela a été le principe qui a été difficile à faire accepter. Dans la mesure où $2 sont accordés, on peut espérer que ce sera $4, $6 ou $8, parce que c'est toujours comme cela que procède un gouvernement. On augmente petit à petit les subventions qui sont accordées. Cela ne règle pas, dites-vous, le problème du salaire des employés; c'est exact, mais il ne s'agit pas d'un réseau étatique non plus. Nous n'avons pas, nous, à déterminer le salaire des employés. Nous avons comme responsabilité, c'est évident, de faire en sorte qu'il y ait assez d'argent pour qu'une garderie ne ferme pas, c'est du moins l'essentiel. Pourquoi cet argent ne peut-il pas servir à autre chose? Vous savez qu'il aurait probablement fallu amender une loi pour pouvoir le faire.

Mme Lavoie-Roux: On vous aurait aidés.

Mme Payette: Donc, laissons commencer les choses et surtout, à mon avis, attendons l'entrée en fonction de l'office, dont ce sera la responsabilité de développer le service des garderies au Québec.

Je dois vous souligner également, parce que vous y avez fait allusion à plusieurs reprises, que je me désespère de l'attitude du ministère de l'Education, en ce qui concerne les garderies en milieu scolaire, et que, s'il y a un dossier sur lequel je sens qu'il faut continuer à travailler avec acharnement, c'est bien celui-là. La structure du ministère de l'Education fait en sorte que la tâche de l'éducation est parfaitement définie. On doit éduquer et instruire les enfants et, apparemment, on estime que cela ne commence qu'à l'âge de six ans et, dans très peu de cas, avant cela. Cela reste un dossier extrêmement difficile à faire cheminer au ministère de l'Education.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Bellechasse, vous m'avez dit que vous aviez une nouvelle question.

M. Goulet: Oui, d'abord, j'avais formulé une petite question à Mme la ministre concernant l'assurance automobile où la femme au foyer — on va dire que c'est une marotte — par exemple une mère de famille de trois enfants, est indemnisée au minimum. Je ne demanderais pas le maximum, mais est-ce que madame fera des pressions ou des revendications auprès de la régie, qu'elle connaît bien, afin qu'une femme au foyer puisse être indemnisée peut-être sur une échelle autre que celle du minimum?

Mme Payette: Ma réponse est non.

M. Goulet: Bon! (12 h 45)

Mme Payette: Parce que c'est une des lois qui n'est absolument pas discriminatoire. Tout le système d'assurance automobile étatisé au Québec est basé sur le remplacement du revenu. Les femmes au foyer n'ayant pas de revenu, nous avons trouvé une solution: c'est d'évaluer le salaire qu'elles auraient pu gagner si elles avaient été sur le marché du travail, donc, de faire une évaluation de l'emploi qu'elles ont pu occuper avant leur mariage, de la façon que cet emploi se serait développé au fur et à mesure si elles étaient restées sur le marché du travail et, quand on arrive à faire ça, on donne à ces femmes 90% du revenu auquel elles auraient eu droit si elles avaient été sur le marché du travail.

Quand des femmes n'ont jamais occupé d'emploi, on leur reconnaît qu'elles ont droit au minimum qui, d'ailleurs, je pense, est de plus de $80 actuellement, parce que toutes les indemnités ont été haussées au fur et à mesure des années. Ce sont des indemnités qui sont indexées et, dans ce sens, donc, cette somme augmente au fur et à mesure que le temps passe. Mais je vous rappellerai, puisque vous vous êtes intéressé au dossier à l'époque où nous en avons discuté, que, dans le système tel qu'il existait auparavant, dans le système privé, une femme au foyer avait droit à $30 par semaine pendant... Je ne voudrais pas faire d'erreur, c'est un dossier qui est un petit peu loin pour moi, mais c'était pendant quelques semaines et, si mes souvenirs sont justes, c'est douze semaines. C'était $30 par semaine pendant douze semaines, et c'était terminé en ce qui la concernait. Dans notre cas, tant et aussi longtemps que son incapacité demeure, elle a droit à ce minimum, qui était de $80 en 1978 et qui doit... Je ne connais pas le chiffre maintenant, mais il a dû être haussé, parce que toutes les indemnités de la régie sont indexées au coût de la vie.

M. Goulet: Merci. Ma dernière question... La ministre a dit qu'au niveau de l'avortement, elle nous avait donné sa position claire et précise. Elle a dit: Quant à moi, je vois ça comme un problème médical; d'autres peuvent voir ça comme un problème moral, ainsi de suite.

On sait que, l'an dernier, il y a eu près de 60 000 ligatures des trompes pratiquées au Québec. La ministre a alors parlé de problème de conscience au moment où elle visitait un hôpital à Montréal.

Mme Payette: A Saint-Eustache.

M. Goulet: A Saint-Eustache. J'aimerais savoir de Mme la ministre d'Etat... Madame, c'est parce que ma première question...

Une Voix: Oui, d'accord.

M. Goulet: C'est la dernière. J'aimerais savoir de Mme la ministre ce qu'elle pense du problème de conscience occasionné par l'augmentation de 632% du nombre d'avortements entre 1971 et 1977. J'aimerais savoir si vous considérez l'avor-

tement comme un service d'appoint, comme vous l'avez laissé entendre tout à l'heure — c'est ce que j'ai pu en comprendre — et non pas comme une plaie de la société. Parce que, pour moi, 632% de hausse des avortements pendant six ans, si on doit considérer ça comme une hausse d'appoint tout simplement, pour peut-être justement viser la seule femme qui en aurait besoin, ne trouvez-vous pas que c'est exagéré un peu?

Mme Payette: Je ne pense pas qu'on puisse parler de hausse quand on parle d'avortements, c'est-à-dire qu'on est en mesure actuellement de compiler des chiffres. Avant qu'on soit en mesure de les compiler, ces avortements avaient lieu quand même sans qu'on sache combien il y en avait. Les avortements se sont toujours faits dans la clandestinité. Cela ne change absolument rien au problème.

Je suis en mesure de vous dire que — je ne sais pas si je trouverai de l'appui autour de cette table — lorsqu'une femme est décidée à avoir un avortement, elle trouve un avorteur par n'importe quel moyen et souvent des moyens dangereux pour sa santé. C'est dans ce sens-là que le problème m'inquiète, dans le sens où je ne voudrais pas que, parce qu'une femme, pendant un moment difficile de sa vie, estime ne pas pouvoir avoir un enfant à ce moment-là, elle soit, parce que les soins médicaux ont été mal faits, empêchée d'en avoir immédiatement après, si sa situation a changé.

Je m'inquiète aussi des ligatures de trompes. Ce qui m'inquiète surtout, c'est l'attitude du corps médical face aux deux problèmes. Je ne comprends pas que les mêmes médecins refusent de faire face à la réalité qui s'appelle avortement dans certains cas et font, je dirais presque à tour de bras, des ligatures de trompes qui, elles, sont irréversibles.

L'avortement qui est bien fait sur le plan médical permet à une femme d'avoir 18 enfants par la suite, si elle le désire, mais une ligature de trompes, c'est irréversible. Ce qui veut dire que les femmes qui sont ligaturées ne pourront plus jamais avoir d'enfant.

Je ne comprends pas que le corps médical qui est le même ait des problèmes moraux face à l'avortement et n'ait pas de problèmes moraux face aux ligatures de trompes. C'est beaucoup plus une interrogation que j'ai qu'une affirmation. Mon inquiétude, par rapport à la natalité au Québec, c'est beaucoup plus qu'on ne semble pas avoir de problèmes religieux par rapport aux ligatures de trompes et qu'on en ait par rapport à l'avortement.

Ce que je souhaiterais, c'est qu'on puisse, dans chacun des cas, aborder le problème par le biais médical, s'il y a lieu, et mettre de côté... Je ne pense pas que la médecine doive être une médecine religieuse, je pense qu'elle doit être une médecine sociale et, dans ce sens, je n'empêche pas les personnes qui ont des convictions religieuses d'avoir 18 enfants. C'est-à-dire que je respecte leur opinion et je respecte leur choix et je ne voudrais pas cependant que les personnes qui ont des convictions religieuses imposent celles-ci à d'autres personnes qui n'ont pas nécessairement les mêmes.

C'est dans ce sens que mon appel est un appel à la tolérance, tout simplement. Il ne me vient pas à l'esprit de juger les autres et je demande aux femmes de ne pas juger d'autres femmes, parce qu'elles sont probablement incapables d'estimer les problèmes dans lesquels ces femmes-là se trouvent, à un moment donné, dans leur vie.

La Présidente (Mme Guerrier): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Très rapidement... A la suite de l'intervention du député de Bellechasse, vous savez, c'est un peu à ça que je faisais allusion au début, quand je disais qu'on assistait, dans les remarques préliminaires de la ministre, un peu à une répétition de ce qu'on avait entendu lors de la question avec débat de l'an dernier, où on disait: On prépare des documents de sensibilisation, on fait des brochures, etc., et on retrouve ça d'ailleurs dans votre rapport du mois de décembre, qui a été déposé au mois de décembre, le rapport vert.

Mme Payette: Vous savez, madame, souvent ce sont les recommandations du conseil.

Mme Lavoie-Roux: D'accord, mais je voudrais quand même vous faire remarquer que, dans le cas des hystérectomies, en 1974, on en avait 14 338; actuellement, on en a 14 857, ce qui semble à peu près... Enfin, de 1974 à 1978, il n'y a pas une grosse augmentation.

Dans le cas des ligatures de trompes, on en trouve 26 078 en 1974 et on en trouve 31 388 en 1978, ce qui est une très grosse augmentation comme pourcentage.

Je veux bien qu'on reste à faire des brochures de sensibilisation et tout ça, mais il ne semble pas que les faits changent ou que la situation se modifie. D'ailleurs, justement dans un article de la Gazette des femmes, volume II, numéro 1, un article de Micheline Carrier; si on regarde les statistiques annuelles de 1978, le rapport de la Régie de l'assurance-maladie du Québec nous apprend que les femmes fréquentent encore plus que les hommes les cabinets de ministres...

Mme Payette: De médecins...

Mme Lavoie-Roux: ... de médecins...

Mme Payette:... non plus ce que vous venez de dire, c'est un lapsus intéressant.

Mme Lavoie-Roux: Les auteurs affirment que les soins découlant de la nature biologique n'expliquent pas entièrement l'écart entre hommes et femmes. Enfin, c'était en 1978. On a interrogé le président de la régie la semaine dernière et il y a

encore ces mêmes écarts et la régie a recommandé des études. Ils ne peuvent pas faire d'analyse. Ils signalent le phénomène. Nous allons arriver en 1981 et on nous dira encore: On prépare des programmes de sensibilisation. Si je citais ici — je suis certaine que vous l'avez lu — ce qui touche l'utilisation des médicaments, vous avez les mêmes constatations.

Pour revenir à la question de la ligature des trompes, là-dessus, je pense que je suis sur la même longueur d'heure, d'onde que la ministre — c'est l'heure qui passe — mais est-ce que la question des ligatures de trompes est soumise à un comité? Evidemment, ça ne servirait à rien puisqu'il y a huit ou dix ou quinze comités dans l'ensemble de la province, de toute façon, mais les conséquences des ligatures de trompes que les médecins font très généreusement, comme vous l'avez expliqué, est-ce que ceci ne devrait pas de quelque façon être soumis à un comité quelconque? On fait des ligatures de trompes aux femmes de 27 ans qui ont eu un enfant ou deux sous prétexte qu'à ce moment-là, la femme dit: J'en ai eu deux, je n'en veux pas d'autres. On sait que les femmes connaîtront probablement, pour un certain nombre d'entre elles, même un assez grand nombre, plusieurs situations maritales différentes. Tout à coup, sans autre examen, deux enfants, 27 ans, ligature de trompes. Je me dis: On peut bien les sensibiliser, mais, entre le petit dépliant qu'elles auront peut-être entre les mains ou qu'elles n'auront peut-être jamais entre les mains, parce qu'on sait qu'on reçoit tellement de dépliants qu'on ne les lit pas, et une action plus concrète, qu'est-ce que le gouvernement entend faire? Il a créé des cliniques... Quel est le nom?

Mme Payette: De planification familiale.

Mme Lavoie-Roux: Cela fait partie aussi de la planification familiale.

Mme Payette: C'est exact.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que ces cas-là, au moins là où il y a un comité de planification familiale, font l'objet d'étude de leur part, pour qu'il y ait au moins une décision réfléchie qui soit prise? Les femmes qui ont deux enfants et qui en perdent un dans un accident, il arrive quoi après? On pourrait multiplier les exemples. C'est le sens de ma question. Quelles sont les actions, au-delà des dépliants, qui peuvent être prises, que le gouvernement entend prendre?

Mme Payette: Je pense que vous devriez reconnaître que je ne peux prendre les dossiers que les uns après les autres. C'est pourquoi j'ai annoncé que, cette année, ma priorité était la santé des femmes au Québec.

Je vous signalerai que le simple fait que nous ayons soulevé de façon importante, avec une couverture de presse importante également, le fait que certaines régions au Québec avaient le plus haut taux d'hystérectomies, que le fait que cer- taines autres régions avaient le plus haut taux d'électrochocs pratiqués sur les femmes, cela a donné comme résultat, vérification faite, que ces pratiques ont diminué presque immédiatement dans les régions que nous avions dénoncées. Qu'il y ait des abus de la part du corps médical, je crois qu'on ne peut pas le nier. Comment fait-on pour y remédier, sinon en faisant beaucoup de sensibilisation auprès des femmes, en expliquant aux femmes qu'elles doivent exiger, de la part des médecins, qu'ils les renseignent sur ce qu'elles vivent, sur les opérations qu'on leur propose, qu'on leur donne des détails précis sur les raisons pour lesquelles il faut en arriver à des décisions comme celles-là; cela m'apparaît essentiel.

Je vous dirai cependant qu'après avoir fait une toute petite enquête auprès des femmes qui choisissent la ligature de trompes, je crois qu'on pourrait affirmer que le fait que l'accès à l'avortement soit resté extrêmement difficile au Québec, amène un certain nombre de ces femmes à choisir la ligature de trompes comme moyen anticonceptionnel définitif, de peur d'être exposées à une grossesse non désirée; de peur d'avoir à faire face aux difficultés que représente l'obtention d'un avortement bien fait, au Québec, les femmes sont amenées à choisir une ligature de trompes qui est définitive.

J'ai l'impression qu'on a affaire à des vases communicants. C'est-à-dire que, si on était en mesure, d'une part, de faire l'éducation sexuelle qui s'impose dans le réseau scolaire, si on était en mesure de mettre à la disposition des femmes l'information dont elles ont besoin, si on pouvait leur offrir le service d'avortement compréhensif, si on pouvait s'assurer que le travail est bien fait par les médecins, ce sont tous des vases communicants. L'éducation sexuelle fait qu'on a moins recours à l'avortement; si l'avortement est disponible, on a moins recours à la ligature de trompes comme moyen définitif; ça reste des vases communicants.

Madame, ça me fera plaisir de vous faire rapport dans quelques mois, parce que c'est le dossier sur lequel je me penche actuellement.

Mme Lavoie-Roux: Mme la Présidente, je ne veux pas entrer dans les détails du dossier de l'éducation sexuelle, c'est un problème que je soulève à l'étude des crédits de l'éducation depuis 1977, si vous faites le relevé du journal des Débats. Je suis convaincue que l'avortement, c'est une solution ultime, une solution de dernier recours.

Il faut vraiment qu'on commence par le début, et quand vous parlez d'éducation sexuelle, vous avez des blocages et j'ai l'impression que les deux ministères ne jouent pas le jeu. Et, dans l'opinion publique, ceux qui sont résistants à l'éducation sexuelle à l'école ont l'impression que l'on va enseigner le libertinage, alors que, dans l'éducation sexuelle, il y a une part de responsabilité là-dedans. Je ne suis pas pour vous dessiner un programme d'éducation sexuelle, je ne me sens pas qualifiée, de toute façon.

Mais je trouve qu'il y a des pressions qui doivent être faites sur le ministère de l'Education.

Et vous avez, d'une façon indirecte, donné le prix citron au ministère de l'Education. Je pense que vous pouvez lui donner les trois prix citron.

Mme Payette: C'est vous qui venez de le faire, madame.

Mme Lavoie-Roux: Je ne lui ai pas dit cela parce que personne ne m'avait suggéré l'expression quand on a fait l'étude des crédits, mais vous ne vous en dissociez pas, apparemment.

Mme Payette: Trois, cela me paraît beaucoup. Vous en manquerez pour d'autres.

Mme Lavoie-Roux: C'est la réponse que je prévoyais.

Vous regardez par exemple la question des prototypes sexistes dans les manuels scolaires. Ce rapport est entre les mains du conseil; d'ailleurs, c'est le Conseil du statut de la femme qui l'avait préparé en 1975; je ne sais pas s'ils l'ont eu à la fin de 1975 ou 1976. J'ai failli m'éclater de rire quand j'ai entendu la conférence de presse du ministre de l'Education. Je ne pense pas qu'il y ait de coïncidence, mais je la trouvais vraiment drôle. La veille de l'étude des crédits... Il n'y a pas de coïncidence, mais je ne pouvais pas m'empêcher d'en établir une; qu'elle ne soit pas exacte, je suis bien prête à l'admettre.

Mais, encore une fois, je voudrais vraiment savoir ce que cela veut dire, quand on dit: Cette grille permettra de mettre de côté le matériel qui ne sera pas jugé conforme aux normes retenues dès septembre 1980.

Et, quand j'ai questionné, il y a à peine dix jours, le ministre de l'Education, on m'a dit: Nous, c'est une politique d'incitation qu'il faut faire auprès des éditeurs. On est à développer une grille d'information. C'était il y a à peine une semaine. Dans les faits, de quelle façon cela va-t-il se concrétiser? On n'aurait peut-être pas eu un certain prototype à citer si les actions avaient été prises un peu plus rapidement. Ce que je vous demande...

Mme Payette: C'est un prototype qui vous a bien servie et dont vous vous êtes bien servie, madame. Je regrette. (13 heures)

Mme Lavoie-Roux: Je ne veux pas aborder ce débat parce que cela pourrait nous rendre jusqu'à quinze heures. Vous avez vos interprétations, j'ai les miennes. Je pense que le fond du problème, c'est que vous aviez embarqué les femmes dans une campagne — si vous voulez que j'en parle — de dévalorisation et de culpabilisation et elles ont été capables d'en sortir.

Ce que je vous demande précisément sur la question des prototypes sexistes dans les manuels scolaires, c'est quel suivi vous allez faire. A partir de 1981, on dit: On va les mettre de côté. Mais on reconnaît également les contraintes au plan budgétaire, etc. Est-ce que ce sera un suivi rigoureux ou est-ce qu'on va se rendre en 1990?

Mme Payette: Je pense que ce sera un suivi rigoureux et je dois vous dire que — cela va me faire plaisir, d'ailleurs — le citron s'entame un peu. Je pense constater qu'il y a une volonté ferme que cela se fasse rapidement.

Je dois également répondre à une autre partie de votre intervention pour ce qui concerne l'éducation sexuelle. Je crois que nous avons fait une faille dans le ministère de l'Education. Le ministre a fait savoir qu'il y serait plutôt favorable. Nous nous écrivons présentement pour tenter de fixer un échéancier.

Mme Lavoie-Roux: II y a un tout dernier point que j'aurais voulu aborder. Je vais seulement le signaler. Je sais que Mme la ministre s'y est intéressée. Ce sont les services offerts aux détenues dans les maisons de détention. Je voudrais lui signaler qu'à ma connaissance — peut-être y en a-t-il une d'ouverte maintenant — il n'y avait pas de maison de transition pour elles. Y en a-t-il une d'ouverte maintenant?

Mme Payette: Elle n'est peut-être pas ouverte, sauf que le dossier est complet. C'est cela, elle ouvre en 1980, nous en avons la certitude. Les crédits sont adoptés.

Mme Lavoie-Roux: Elle ouvre en 1980? Mme Payette: En effet.

Mme Lavoie-Roux: Le deuxième point là-dessus — ce sont des points très précis — c'est: Serait-il possible, à moins qu'il n'y ait eu des développements dernièrement, que l'on rende le cours collégial par correspondance accessible aux détenues? On l'a à la maison Tanguay. Je ne sais pas si on l'a ailleurs. Actuellement, il n'y a que le cours secondaire qui leur est accessible.

Une autre remarque m'a été faite. Si je me trompe, vous pourrez me corriger. C'est que le temps alloué aux études semble être pris sur le temps des loisirs. Cela me semble un peu baroque, parce que, franchement, si, sur leur temps de loisir, on prend le temps des études, je me demande ce qu'elles font le reste du temps. C'est un point.

Il y a un autre point plus délicat. Encore une fois, si je suis dans l'erreur, j'en serai fort aise. Est-il exact qu'on peut — certainement qu'on doit pouvoir — qu'on soumet peut-être trop fréquemment à des examens gynécologiques les femmes qui rentrent d'un congé ou les détenues qui rentrent d'un congé et que ceci serait même une "désincitation" à sortir ou à aller par exemple travailler à l'extérieur ou ces choses-là? Parce que ce ne serait peut-être pas toujours exercé avec le meilleur jugement. Je pense que votre aide, en arrière, semble...

Mme Payette: Je peux répondre, madame. Pour l'instant, je ne suis au fait que de la situation qui existe à Tanguay, effectivement.

Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est celle-là.

Mme Payette: II y a une autre prison des femmes à Québec que je n'ai pas eu l'occasion de visiter encore. Tanguay a vécu, au cours des mois derniers, une situation d'intégration de détenues venues de Kingston, venues du fédéral. Je pense que la directrice pourrait vous indiquer que cela a représenté certains problèmes à l'intérieur, dans le sens où, quand des femmes sont condamnées pour une très longue période de temps, les règlements qui s'appliquent à ces femmes ne sont pas nécessairement les mêmes que ceux qui s'appliquent à des détenues de courte durée. La directrice de Tanguay travaille, à mon avis, avec beaucoup de compréhension et de sensibilité dans ces domaines. Elle est très attentive à la situation que vivent les détenues, sauf qu'elle prend en main une situation qui s'était largement détériorée.

Vous faites allusion aux études; les femmes sont parfaitement victimes de discrimination dans ce domaine par rapport à ce qui est offert aux hommes détenus. Par exemple, il n'y avait même pas de bibliothèque à Tanguay, ou une bibliothèque dans un tel état de délabrement que cela ne pouvait pas s'appeler une bibliothèque. Le travail vient de commencer. Les femmes détenues ont été un peu laissées pour compte, parce qu'elles ne sont pas très nombreuses, fort heureusement, et comme elles ne sont pas très nombreuses, elles ne représentent probablement pas le même problème majeur que les hommes détenus. Il y a des situations discriminatoires dont j'ai fait part au ministre de la Justice. Nous travaillons ensemble sur ce dossier, en collaboration avec la directrice de la maison Tanguay.

Vous faites allusion aux fouilles qui se font. J'ai eu l'occasion de recevoir les représentations des détenues à ce sujet et au sujet de leur vie sexuelle également. J'ai eu l'occasion d'en discuter, d'autre part, avec la directrice de la prison. Je dois admettre que la directrice fait face à un problème auquel personne, semble-t-il, n'a trouvé d'autre solution jusqu'à maintenant; c'est essentiellement un problème de drogue à l'intérieur des murs. Vérification faite, il ne semble pas qu'on ait trouvé de solutions beaucoup plus intéressantes du côté des hommes. Le problème reste entier. Le problème de drogue à l'intérieur apporte des problèmes de comportement, l'obligation d'isoler une détenue à certains moments.

Je pense, pour avoir fréquenté non seulement Tanguay depuis que je suis ministre, mais avoir été l'une de celles qui rendaient visite à des détenus hommes, aussi bien dans des prisons fédérales que dans des prisons provinciales avant d'être en politique, je sais que le problème posé par la vie à l'intérieur est un problème social beaucoup plus vaste que seulement le problème de Tanguay.

Je voudrais vous dire que je suis d'accord avec ce que vous avez dit sur des problèmes dont je suis consciente. Je travaille avec le ministre de la Justice et ses représentants sur ce dossier-là en particulier.

Mme Lavoie-Roux: Mme la Présidente, je voudrais ajouter que ces problèmes, qui m'ont été signalés, existaient avant l'intégration des détenues de Kingston.

Mme Payette: Cela n'a que rajouté au problème tout simplement.

Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est ça, d'accord.

D'accord pour ceci. Un tout petit dernier point. C'est l'admissibilité des femmes aux bourses pour les études collégiales, si elles sont mariées et que le calcul se fait selon le revenu du mari. Cela me semble une chose... Il y aurait bien d'autres petits points que je pourrais vous signaler, mais ça me fatigue d'autant plus qu'on parle de recyclage, etc., alors que, dans une union de fait, on ne tient pas compte du revenu du conjoint de fait, mais, dans une union juridique de mariage, la femme est encore dépendante de son mari, dans le sens que c'est le revenu du mari qui compte. Cela peut même, dans le cas où le mari peut être assez ambivalent sur le retour de sa femme aux études et le départ...

Je demanderais à Mme la ministre d'aborder ce problème avec son gouvernement pour tenter de corriger cette situation. Pour ne pas revenir, je vais me permettre une dernière remarque. Je n'aurais pas voulu finir avec un reproche, mais je pense qu'il est quand même opportun.

Je ne veux pas revenir sur la question qui a été débattue ou abordée un peu par le député de Bellechasse tout à l'heure quant à l'association, peut-être, à des fins politiques qu'on a faite de la condition féminine et du référendum. Là-dessus, je ne voudrais pas revenir. Mais je voudrais mettre le conseil en garde, s'il veut garder sa crédibilité et doit être au service de toutes les femmes, en dépit des allégeances politiques de chacune, je pense que ça ne doit pas jouer dans... D'ailleurs, les allégeances politiques de chacune, c'est quand même limité à un certain nombre de femmes, les autres votant selon leur jugement, au moment des élections. Mais je lisais, par exemple, dans le "Mieux vivre à deux", auquel on a fait allusion tout à l'heure et qui a été publié probablement à la fin de décembre, j'imagine...

Mme Payette: II y a déjà deux ans, je pense. Mme Lavoie-Roux: Même s'il y a deux ans...

Mme Payette: C'est au début de 1979, je pense...

Mme Lavoie-Roux: ... le quatrième trimestre de 1979, dépôt légal, et dans lequel vous lisez...

Mme Payette: C'est une réimpression, parce que cela s'est arraché comme des petits pains.

Mme Lavoie-Roux: Mais vous lisez: "Les bons comptes font les bons amis, etc. — je ne lis que ces trois lignes-là — Si votre association en est

une d'égale à égale, il y a lieu de prendre des responsabilités égales aussi, c'est tellement plus simple à négocier." Je pense que vous avez là une allusion directe à l'idéologie ou à l'option d'un parti politique. Le député de Deux-Montagnes peut rire, mais c'est ce genre de choses qui font tort au Conseil du statut de la femme et où la crédibilité du conseil... C'est vous autres qui avez parlé tout à l'heure de son rôle absolument apolitique, je pense que Mme Bonenfant y a fait allusion. Je pense que, de la même façon qu'on fait des efforts pour tenter d'enlever certains prototypes dans d'autres livres, le moins qu'on puisse attendre du Conseil du statut de la femme, c'est que, dans ces publications qui vont à l'ensemble des femmes, on évite toute allusion à ce qui pourrait être perçu et là, c'est bien difficile de ne pas le percevoir comme des options politiques, d'un côté ou de l'autre.

Mme Payette: Mme la Présidente, vous me permettrez de répondre aux deux points que Mme la députée de L'Acadie a soulevés. Elle dit que les femmes mariées, avec un mari, ont plus difficilement accès à des bourses. Elle me permet de dire la complexité de tout le dossier de la condition féminine, parce que les hommes et les femmes qui vivent en union de fait, d'autre part, sur le plan fiscal, sont taxés comme deux invidi-dus alors que ce n'est pas le cas dans le mariage.

Ce sont non seulement les bourses qu'il faut revoir, mais c'est tout ce qui sous-tend l'attitude gouvernementale face à un couple qui est marié, pour qui on a une évaluation des deux individus, et au couple de fait pour qui on a une autre évaluation des deux individus. C'est divers et c'est complexe.

Quant à la deuxième partie, je ne peux pas l'affirmer en mettant ma tête sur le billot, pour reprendre une autre expression connue, mais je pense que le travail auquel vous avez fait allusion, qui est un petit magazine du Conseil du statut de la femme, avait été commencé sous Mme Robillard. Cela ne laisserait pas penser qu'il y a eu une intervention politique dans un sens ou dans l'autre, sauf que les hommes et les femmes visent l'égalité, c'est évident, je crois.

Le projet de loi sur les amendements au Code civil en fait preuve. On ne peut pas bannir de notre langage de femmes un langage qui serait devenu subitement politique. Les femmes veulent vivre d'égal à égal avec les hommes, en assumant les mêmes responsabilités et en ayant les mêmes droits. Je ne pense pas que vous trouviez dans un prochain magazine du Conseil du statut de la femme que les femmes vont se recycler dans un fédéralisme à l'intérieur de leur couple.

Mme Lavoie-Roux: J'imagine qu'on ne trouvera pas cela.

Mme Payette: Donc, c'était la situation qui faisait que les mots étaient les mêmes et c'est tout.

Mme Lavoie-Roux: Excusez, Mme la Présidente; publié en 1978, là, tout à coup, cela aurait été commencé. L'impression finale, c'est le gouvernement actuel qui en avait la responsabilité et quand on trouve ces mots-là... Dans tout le reste, je ne trouve pas de mots entre guilllemets. Il y en a peut-être d'autres, mais c'est "votre association en est une d'égale à égale", on y a pensé quand on les a mis dedans.

Mme Payette: On espère que les femmes voteront oui, en ce qui les concerne.

La Présidente (Mme Cuerrier): Le programme 7, programme qui vise à permettre au Conseil du statut de la femme de travailler à la promotion de l'égalité et du respect du droit et du statut de la femme est-il adopté?

Mme Payette: Adopté.

Mme Lavoie-Roux: Adopté. (13 h 15)

La Présidente (Mme Cuerrier): II est adopté. Je veux simplement rappeler aux membres de cette commission que nous avons convenu ce matin, de consentement unanime, que de nouveaux membres pouvaient être nommés pour siéger à cette commission et que le rapporteur pouvait aussi changer. Sur ce, nous allons suspendre les travaux de la commission de la présidence du conseil et de la constitution pour permettre, cet après-midi, l'étude du programme concernant le ministre d'Etat au Développement culturel.

Mme Lavoie-Roux: On leur souhaite bonne chance.

La Présidente (Mme Cuerrier): Cette commission suspend ses travaux.

Suspension de la séance à 13 h 16

Reprise de la séance à 15 h 8

Ministère d'Etat au Développement culturel

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):

Est-ce qu'il y aurait consentement unanime pour que la commission puisse continuer ses travaux, puisqu'elle a été suspendue à 13 heures?

M. Lalonde: C'est la même commission, oui, certainement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est cette même commission de la présidence du conseil et de la constitution qui se réunit pour étudier les crédits du ministre d'Etat au Développement culturel qui apparaissent dans notre bouquin sous l'égide du Conseil exécutif.

M. le ministre d'Etat au Développement culturel.

M. Laurin: Oui, j'aimerais simplement...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Avec votre permission et le consentement unani-

me de la commission, les membres de la commission pour cette séance sont: MM. Gagnon (Champlain), Marquis (Matapédia), Marcoux (Rimouski), Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), Laurin (Bourget), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), MM. Samson (Rouyn-Noranda), Le Moignan (Gaspé), Dussault (Châteauguay) et Bertrand (Vanier).

Les intervenants sont: MM. Brochu (Richmond), de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Fallu (Terrebonne), Forget (Saint-Laurent), Godin (Mercier), Guay (Taschereau), Mme LeBlanc-Bantey (Iles-de-la-Madeleine), M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce).

M. le ministre.

Remarques préliminaires M. Camille Laurin

M. Laurin: Je voudrais simplement, en guise d'introduction, M. le Président, résumer à grands traits les activités de l'année pour les trois organismes dont je suis responsable, c'est-à-dire l'Office de la langue française, la Commission de surveillance de la langue française et le Conseil de la langue française.

Je voudrais aussi commencer mes remarques en présentant à la commission, justement les titulaires de ces organismes qui sont ici avec nous cet après-midi et qui se feront un plaisir de répondre aux questions qu'on voudra bien leur adresser. D'abord, M. Gosselin, le président de l'Office de la langue française, entouré de quelques-uns de ses collaborateurs: M. Chouinard, M. Soucy et M. Fortin, de la Commission de toponymie du Québec; M. Forget, le président de la Commission de surveillance de la langue française; M. Michel Plourde, le président du Conseil de la langue française, et aussi le directeur du bureau d'admissibilité à l'enseignement de l'anglais, M. Jean-Pierre Proulx, au cas où des questions pourraient intéresser son travail.

En ce qui concerne l'Office de la langue française, on peut dire que l'essentiel de l'activité cette année a consisté à continuer, d'une façon systématique et soutenue, le travail qui a été commencé, au cours des années précédentes, particulièrement en ce qui concerne la francisation des entreprises, la grande entreprise, aussi bien que la moyenne et la petite, et la francisation de l'administration.

Le travail a aussi consisté à continuer l'accumulation des données dans la banque de terminologie du Québec, en vue d'atteindre les objectifs que cette banque s'est fixés, en même temps qu'à préparer ce qu'il nous restait à rédiger de règlements pour opérationnaliser la loi, si on peut s'exprimer ainsi.

L'Office de la langue française, par exemple, a terminé l'analyse des données de la situation linguistique de toutes les grandes entreprises. Il y a 1934 de ces entreprises qui comptent 100 employés et plus. L'office a également commencé le travail en ce qui concerne l'analyse de la situation linguistique des petites et moyennes entrepri- ses, c'est-à-dire celles qui comptent entre 50 et 100 employés. Il y a 2300 de ces entreprises. Le premier groupe devenait admissible à l'aide de l'office le 15 décembre 1979, et le travail est déjà bien en cours sur ce groupe d'entreprises. Le dernier groupe d'entreprises deviendra admissible à l'aide de l'office le 15 décembre 1980.

Donc, ce travail de bénédictin s'est poursuivi tout au long de l'année et déjà il me fait plaisir d'annoncer que 124 certificats permanents ont été décernés aux entreprises comptant 100 employés et plus au cours de l'année. Donc, au seul stade de l'analyse de la situation linguistique, les renseignements que nous avons reçus nous paraissaient justifier d'ores et déjà l'octroi d'un certificat permanent.

Sur ces 124 entreprises qui ont reçu un certificat permanent, il y en a 116 pour lesquelles les chiffres ont été compilés et qui comptent 45 797 employés. Cela veut dire que, déjà, il y a près de 50 000 employés dont on peut dire qu'ils bénéficient de conditions de travail où le français a atteint la norme que se fixait la loi. (15 h 15)

Nous avons décerné aussi 1042 certificats provisoires à la seule vue de l'analyse de la situation linguistique que nous avons faite pour les entreprises comptant 100 employés et plus.

Le deuxième stade consiste à étudier les programmes de francisation que nous soumettent ces entreprises. L'analyse de ces programmes de négociation va bon train et nous avons bon espoir d'augmenter d'une façon marquée le nombre de certificats permanents que nous pourrons donner à ces entreprises au cours de l'année prochaine.

Comme vous le savez, M. le Président, la loi prévoit également la conclusion d'ententes particulières entre l'office et certaines grandes compagnies, particulièrement les multinationales, compagnies qui possèdent à Montréal soit des sièges sociaux ou des centres de recherche.

Nous avons eu 120 demandes de la part de ces grandes sociétés, 120 compagnies qui nous ont demandé de bénéficier de cet article de la loi qui prévoit une entente particulière selon les règlements que nous avons d'ailleurs adoptés. 107 de ces demandes ont été jugées admissibles, ce qui ne veut pas dire que les autres sont refusées; nous sommes en train de les considérer. Cela veut dire cependant que, sur ces 107 demandes qui ont été jugées admissibles, le travail de l'analyse de la situation linguistique se poursuit et même, là aussi, des ententes particulières définitives ont été conclues avec certaines de ces multinationales. Je signale en particulier qu'une entente a été conclue avec la grande compagnie que nous connaissons tous, la compagnie Alcan. Il semble bien que nous pouvons présumer que, si une entente a pu être conclue avec cette grande compagnie, ceci aura un effet d'entraînement pour les autres compagnies et on pourra peut-être procéder plus rapidement pour l'analyse des ententes qu'il reste à conclure.

Je disais que nous sommes déjà au deuxième stade du processus. Après la présentation des

analyses linguistiques, la phase de la négociation des programmes de francisation a déjà commencé. Il y a déjà 205 programmes de francisation d'entreprises qui font actuellement l'objet d'études et de négociations entre les compagnies et l'office et, déjà, sur ces 205 programmes qui nous ont été soumis, 76 ont été acceptés.

En ce qui concerne les petites et moyennes entreprises, c'est-à-dire celles qui comptent plus de 50 employés, mais moins de 100 employés, comme je le disais tout à l'heure, la moitié des ces PME étaient admissibles à l'aide de l'office depuis le 15 décembre 1979. Les règlements que nous avons adoptés prévoyaient une procédure plus souple pour ces compagnies, c'est-à-dire que nous n'avions pas besoin de passer par la phase de l'octroi d'un certificat provisoire. Nous avons remplacé dans le règlement cette étape par une simple inscription auprès de l'office donnant lieu à une attestation. Sur les 1100 entreprises qui étaient admissibles, nous avons déjà décerné près de 1000 attestations.

D'une façon générale, on peut donc dire que l'office a bénéficié d'une collaboration extrêmement positive de la plupart des compagnies qui doivent répondre aux objectifs que leur a fixés l'office. Les négociations sont certes poursuivies dans une conformité parfaite avec les objectifs de la loi, mais elles se poursuivent dans un tel climat de souplesse et de respect des situations particulières de chacune que nous pouvons dire, à ce moment de notre travail, que les entreprises sont satisfaites, en général.

L'office est également très satisfait de la coopération, de l'esprit de collaboration que les entreprises ont manifesté à l'endroit de la francisation des entreprises. Ce qui veut dire que les entreprises acceptent non seulement les objectifs, mais également les étapes prévues par les règlements, et font véritablement les efforts qui leur sont demandés pour que la francisation des entreprises devienne une réalité et non pas simplement un objectif.

La loi prévoit également une francisation des organismes administratifs publics. Ceci couvre, bien sûr, les ministères du gouvernement, les sociétés parapubliques, mais aussi les municipalités, les organismes scolaires, les services de santé et les services sociaux et les offices d'habitation qui existent dans plusieurs villes du Québec. Au total, il s'agissait donc de revoir la situation linguistique de 3383 organismes. Comme pour les entreprises, le premier stade consistait à demander à ces organismes un rapport sur leur situation linguistique.

Il me fait plaisir de signaler que 100% de ces organismes se sont acquittés de cette obligation. Tous les ministères l'ont fait, toutes les municipalités, tous les organismes scolaires francophones aussi bien qu'anglophones, ainsi que tous les services de santé et services sociaux. Dans ce dernier cas, la fiche n'est pas parfaite, puisque nous avons atteint 99,7%. Il reste encore quelques garderies qui ne nous ont pas fait parvenir leur rapport sur leur situation linguistique. Mais, en général, je pense qu'il y a lieu d'être très satisfait de la coopération qu'ont montrée ces divers organismes administratifs.

Maintenant que nous avons en main leurs analyses, nous sommes en train de traiter les rapports qu'ils nous ont fait parvenir et nous avons entamé la deuxième phase du processus, c'est-à-dire la présentation des programmes de francisation, là où la chose s'avère nécessaire. Déjà, nous avons octroyé 107 certificats, et nous sommes en train de négocier, au moment où on se parle, 50 programmes pour un total de 157. On me dit que le progrès va être relativement rapide pour la poursuite de la négociation sur ces programmes de francisation.

M. Lalonde: Je ne voudrais pas vous interrompre, mais je n'ai pas compris le dernier chiffre. C'est 107 certificats de quoi?

M. Laurin: 107 certificats accordés à ces organismes administratifs. Il y en a 50 qui sont en voie de négociation à l'heure actuelle.

On procède avec le plus de célérité possible avec les 499 employés que nous avons actuellement. Pour le reste, l'action de l'office a porté sur ses objets habituels comme, par exemple, la banque de terminologie. Nous continuons d'accumuler des données dans notre banque de terminologie, qui compte actuellement 445 405 fiches que l'on peut interroger. Donc, nous nous rapprochons sensiblement de notre objectif, qui est d'accumuler dans la banque environ un million de fiches d'ici cinq ans.

L'office a l'intention d'installer, au cours des prochains mois, cinq terminaux dans les plus grandes entreprises du Québec, dans un double but, non seulement pour permettre à ces entreprises d'interroger la banque et d'accumuler les termes qui leur permettront de franciser plus rapidement leur entreprise, mais également dans le but d'alimenter la banque, puisque nous savons que ces grandes entreprises se sont dotées elles-mêmes de services de francisation qui comprennent souvent des terminologues et qui apportent eux-mêmes leur contribution à la francisation des termes en usage dans ces diverses entreprises.

Il s'agit donc d'un échange fécond de services et de renseignements qui, je crois, va augmenter la qualité de la banque en même temps que cela lui permettra d'atteindre plus rapidement ses objectifs.

Il me fait plaisir aussi de signaler que même si nous avons établi une commission d'appel qui fonctionne en fait depuis plus d'un an maintenant, il n'y a eu aucun appel qui a été logé par quelque entreprise que ce soit auprès de la commission d'appel, ce qui constitue une autre preuve, au fond, du degré de coopération des entreprises en même temps que de leur satisfaction. Ce qui ne veut pas dire non plus que l'Office de la langue française ne négocie pas conformément aux objectifs de la loi.

Dans d'autres domaines, par exemple celui de la recherche, l'Office de la langue française conti-

nue d'être très actif. Quinze membres de son personnel sont affectés à des recherches dont la nécessité découle des activités que mène l'office. Nous entendons aussi distribuer, au cours de l'année qui vient, près de $344 000 en subventions à diverses équipes de chercheurs pour leur permettre d'ajuster, de raffiner les activités en cours et d'atteindre les objectifs que nous connaissons déjà.

L'office a aussi terminé cette année la rédaction de ses projets de règlements, par exemple celui sur la petite et la moyenne entreprise, les amendements aux règlements sur le commerce et les affaires et nous possédons maintenant, je crois, tout ce qu'il nous faut comme règlements pour procéder plus avant.

Quant au personnel, comme je le disais, l'effectif atteint maintenant le chiffre de 500, y compris le personnel affecté à la commission de toponymie. L'Office de la langue française possède aussi neuf bureaux régionaux qui répondent de mieux en mieux et de plus en plus aux demandes qui leur sont faites par les organismes du milieu, qu'il s'agisse des entreprises ou qu'il s'agisse des organismes administratifs.

Je pense, M. le Président, que c'était là l'essentiel des points saillants qu'il me paraissait utile de donner à la commission. Peut-être que nous pourrions commencer tout de suite à aborder les questions concernant l'office. Nous pourrons ensuite passer au conseil et à la commission de surveillance.

M. Lalonde: Comme vous préférez. J'avais justement une note pour me rappeler que le ministre ne nous avait rien dit du conseil ou de la commission. Si vous préférez y aller maintenant, on pourra...

M. Laurin: D'accord. En ce qui concerne le Conseil de la langue française, on peut dire que c'est cette année qu'il a vraiment pris son plein essor puisque l'an dernier a été plutôt une année d'organisation, de mise en place des effectifs. Le Conseil de la langue française commence à remplir véritablement les objets pour lesquels il a été créé. Il a tenu cette année douze assemblées, ce qui veut dire près de 32 séances. Je signale à la commission que M. Gendron, le président du conseil, a démissionné et est devenu directeur général du centre international de recherche sur le bilinguisme, à l'Université Laval. Il a été remplacé par M. Michel Plourde, qui est avec nous cet après-midi, et le secrétaire du conseil, M. Marcel Dubé, est devenu président de la rencontre des peuples francophones, étant remplacé au conseil par M. Gérard Lapointe. Donc, le conseil remplit maintenant les fonctions pour lesquelles il a été créé. C'est d'abord un organisme conseil auprès du ministre et, à ce titre, il a fait parvenir au ministre les avis réglementaires sur les projets de règlements qui ont été soumis au ministre par l'Office de la langue française, ainsi que sur toute autre question sur laquelle le ministre désirait un avis de la part de son conseil. Mais l'objet principal du conseil est de mener les études, les recherches qui permettront, à moyen terme comme à long terme, d'améliorer la qualité de la langue et indirectement la qualité de la culture, puisque langue et culture sont indissolublement liées. Ces études et ces recherches se sont poursuivies dans plusieurs secteurs et particulièrement dans le secteur sociologique, dans le secteur démographique, dans le secteur linguistique, dans le secteur économique et dans le secteur juridique. (15 h 30)

Dans ces cinq grands secteurs, 30 projets de recherche sont en cours et je pourrai en donner la liste en détail, si les membres de la commission le désirent. Ces recherches et études, évidemment, mènent, à un moment donné, à la publication des résultats des recherches et déjà, le conseil a publié un certain nombre de résultats de ces diverses recherches. Là aussi, je pourrai fournir la liste des publications qui ont été faites cette année par le conseil.

Je peux peut-être rappeler, par exemple, la publication d'une étude sur la cohabitation en milieu scolaire, une étude de M. Gary Caldwell sur l'étude de la population anglophone dans les régions situées en dehors de Montréal, mais je ne le fais qu'à titre d'exemple. Je pourrais aussi citer la publication récente, il y a à peine quelques jours, de deux études qui couronnaient cinq années de recherches de la part de MM. Michel Sparer, Wallace Schwab et Pierre Issalys sur la rédaction des lois et sur le système des lois.

Le conseil est aussi un organisme d'écoute et d'information du public et, cette année, il a commencé à mener des consultations régionales. Ce n'est peut-être pas étonnant qu'il ait commencé cette ronde de consultations par la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Nous entendons continuer ces consultations au cours de l'année qui vient. Le conseil a aussi rencontré plusieurs groupes de la population, des représentants d'entreprise, des enseignants, des associations, qui voulaient lui soumettre leurs vues. A l'occasion de son étude, M. Caldwell s'est aussi rendu dans quatre régions comportant une population anglophone d'une certaine importance pour recueillir leurs vues sur leur situation actuelle et leurs recommandations éventuelles.

Enfin, le conseil est un organisme de rayonnement national et international et, à ce titre, il veut être présent aux grandes manifestations, soit linguistiques ou culturelles, qui se tiennent dans la francophonie. Il a lui-même organisé un colloque sur la qualité du français, après la loi 101, qui s'est tenu en octobre 1979; il a été l'hôte du Conseil international de la langue française, en même temps que de l'Office de la langue française, qui a tenu son colloque à Québec, en 1979, sur les français régionaux et plusieurs de ses membres ont présenté des communications remarquées.

Le Conseil de la langue française possède aussi des liens importants avec l'organisation qui s'occupe de la rencontre des peuples francophones et c'est lui, par exemple, qui est chargé de

trouver des titulaires par le moyen de jurys pour la remise du prix du 3 juillet, le 1608, et de l'Ordre des francophones. Le conseil de la langue a aussi été présent aux manifestations internationales, par exemple, en déléguant quelques-uns de ses membres qui ont d'ailleurs présenté des communications à certains grands congrès internationaux, comme, par exemple, la biennale de la langue française à Jersey, le colloque de Liège et certains autres grands colloques internationaux.

La Commission de surveillance de la langue française a, elle aussi, été très active au cours de l'année. On pourrait peut-être dire que, depuis le début de l'existence de la Commission de surveillance de la langue française, nous avons reçu près de 5322 demandes d'enquête. De ce nombre, 3698 ont eu une solution favorable. Ceci veut dire que non seulement le dossier a été fermé, mais que le dossier a été fermé par une solution qui aboutissait à une correction des contraventions qui avaient été signalées.

Et non seulement la Commission de surveillance de la langue française a réussi à régler ces contraventions, mais elle en a profité aussi pour les régler d'une façon qui respecte la qualité de la langue française, grâce aux services qu'elle pouvait mettre à la disposition des contrevenants; les corrections, que ce soit aux formulaires d'emploi, aux dépliants, aux affiches, ont été faites dans le respect le plus grand non seulement de la norme de la langue, mais également de la qualité de la langue.

Il reste donc actuellement à régler 1624 dossiers.

La loi prévoit qu'en cas de difficulté majeure, certaines de ces contraventions peuvent faire l'objet non seulement de mises en demeure, mais de poursuites de la part du Procureur général. Pour le moment, il y a quelques dossiers qui sont chez le Procureur général — quatre ou cinq je crois — et ces projets ou éventualités de poursuite sont actuellement à l'étude et aucune décision n'a encore été prise. Je vous signale que, sur le très grand nombre de demandes d'enquête reçues, le fait qu'il y ait aussi peu de preuves de mauvaise volonté évidente indique quand même que, dans ce domaine également, nous recevons de la part des contrevenants le degré désirable de coopération et de collaboration.

La commission utilise actuellement huit commissaires-enquêteurs ainsi que sept inspecteurs pour son travail. Peut-être sera-t-il nécessaire à un moment donné d'augmenter le nombre de ces enquêteurs si la courbe des demandes d'enquêtes continue à croître, mais, pour le moment, nous sommes satisfaits de la façon que le travail se poursuit.

Je pense que je puis en rester là pour le moment, M. le Président, tout en répétant encore une fois qu'en ce qui concerne la commission d'appel, elle existe, mais elle n'a pas eu à exercer son travail de la façon que le prévoit la loi, se contentant pour le moment de se tenir informée de tout ce qui se passe au niveau de l'office et de la commission.

Le Président (M. Vaillancourt (Jonquière): Merci. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Fernand Lalonde

M. Lalonde: Merci, M. le Président. Je voudrais tout d'abord remercier je ne sais pas si c'est le ministre ou le leader du gouvernement d'avoir accordé un peu plus de temps à l'étude des crédits et des responsabilités du ministre d'Etat au Développement culturel.

Je me souviens l'an dernier — je revoyais cela tout à l'heure — que j'avais terminé les quelques minutes qui nous avaient été allouées par un voeu, c'est-à-dire que l'on puisse consacrer au moins deux ou trois heures, l'an prochain, c'est-à-dire cette année. On avait prévu une heure et demie. Nous avons fait une demande et elle a été accordée. Je pense qu'on pourra faire, avec le moins de précipitation, le tour de la question. C'est peut-être la première fois, en fait, depuis que la loi 101 est résolument en marche, que nous avons le loisir d'en mesurer les effets au moins au niveau de l'office, de la commission de surveillance et du conseil.

Je voudrais aussi remercier le ministre. Même si nous avons exprimé notre désaccord pour ce qui concerne un certain nombre d'éléments importants de la loi 101, lors du débat, je dois dire que, lors du référendum, cette loi, entre autres, qui a succédé à la loi 22, a été un argument de poids pour les tenants du non. Nous avons fait la démonstration aux Québécois qu'il est possible ici dans le fédéralisme et même actuel, pour le Québec, de prendre soin de ses problèmes et de les régler pour ce qui concerne la langue. C'est un argument qui a été entendu. C'est donc entre fédéralistes recyclés que nous pouvons tous ici autour de la table examiner l'avenir avec joie et avec espoir.

M. Laurin: A la condition que vous ne donniez pas suite à ce que vous avez dit durant la campagne du non, que vous changeriez des chapitres importants de cette loi, pour ne pas dire essentiels.

M. Lalonde: Attendez les élections, M. le ministre. Ne vendez pas la peau de l'ours. Je suis plus prudent-Quelques questions que nous avions posées l'an dernier avaient aussi trait à l'application, dans le champ, de la loi. Le ministre nous a donné des chiffres, des statistiques concernant l'application surtout de la francisation. Ce qui m'intéresse, c'est peut-être un peu par déformation professionnelle ou enfin politique, étant donné que j'ai eu l'occasion et le bonheur de travailler très modestement au départ de cette démarche, c'est la francisation. D'ailleurs, c'est un peu ou enfin beaucoup la conclusion du rapport Gendron que, lorsque nous aurons réussi à faire du français un instrument de promotion économique et sociale, la majorité de nos problèmes de langue seront réglés et nous

pourrons laisser tomber d'autres interventions qui sont plus difficiles. C'est donc la francisation des entreprises qui m'apparaît le secteur clef. C'est surtout à Montréal ou dans la région de Montréal qu'on voit la concurrence entre la langue française et la langue anglaise au niveau du travail, aussi dans certaines autres régions, mais massivement dans la région de Montréal.

Je vois que le nombre de certificats et de programmes de francisation acceptés dans l'entreprise est un peu moins élevé que je ne l'aurais cru, à ce stade de l'évolution de cette application, surtout en tenant compte du calendrier que s'était donné l'office ou le gouvernement, en fait, parce qu'il s'agissait d'un calendrier que le gouvernement avait approuvé par voie de règlement. Est-ce que soit le ministre ou le président de l'office pourrait nous donner une idée plus précise? On nous a dit qu'il y aurait 1934 entreprises de 100 employés et plus qui étaient admissibles à l'aide de l'office, ce qui me paraît peut-être un euphémisme agréable pour exprimer...

M. Laurin: C'est l'esprit dans lequel la loi s'applique.

M. Lalonde: Un euphémisme agréable pour dire à quelle date ces entreprises étaient obligées par la loi, de façon coercitive, à traverser une certaine étape, soit l'analyse linguistique, soit la présentation d'un programme de francisation. J'aimerais qu'on soit plus précis. Est-ce qu'effectivement il y avait 1934 entreprises de 100 employés et plus qui devaient faire quoi, le 15 décembre 1979 ou au plus tard le 15 décembre 1979?

Charte de la langue française

M. Laurin: C'est-à-dire que je ne suis pas sûr d'avoir été bien compris. Pour ces grandes entreprises qui comptent plus de 100 employés, le délai était antérieur au 15 décembre 1979. Quand j'ai parlé du 15 décembre 1979, il s'agissait de la première tranche, du premier groupe des petites et moyennes entreprises comptant de 50 à 100 employés.

M. Lalonde: Oui, parce que vous avez répété cette date. Alors, c'était auparavant. C'était le 15 décembre 1978?

M. Laurin: 1979.

M. Lalonde: Non, mais pour les...

M. Laurin: Pour les 1934 grosses entreprises de 100 employés et plus, le délai était antérieur au...

M. Lalonde: Quelle était la date?

M. Laurin: M. Gosselin pourrait peut-être vous dire cela.

Le programme a débuté avec les entreprises de 500 employés et plus au mois de janvier 1978. Il y a douze groupes d'entreprises. Ces douze groupes auront débuté dans le processus de francisation d'ici la fin de cette année, donc auront tous débuté, de façon graduelle.

M. Lalonde: Si vous permettez, je ne veux pas vous perdre. J'ai ici le tableau. L'entreprise et la Charte de la langue française, à la page 24...

M. Laurin: C'est cela.

M. Lalonde: ... à la catégorie A, secteurs 1, 2 et 3, les entreprises de 500 employés et plus, la date d'admissibilité à l'aide de l'office était le 7 janvier 1978; mais la date d'exigibilité, le certificat provisoire, le 7 mai 1978. Ce certificat provisoire est accordé à quelles conditions? Est-ce qu'il est accordé seulement lorsque l'entreprise remet son analyse linguistique?

M. Laurin: Non.

M. Lalonde: Quelles sont les conditions à remplir pour obtenir ce certificat provisoire?

M. Laurin: Dans le cas de la grande entreprise, il faut que cette entreprise ait remis à l'office un document qui s'appelle "Document de renseignements généraux", c'est-à-dire qu'à ce moment elle ne fait que donner quelques détails sur l'entreprise; et, à l'endos du document, cette entreprise doit aussi nous faire part des noms des six personnes au minimum qui composent son comité de francisation, le poste qu'elles occupent dans l'entreprise, ainsi que le poste qu'elles occupent au comité. (15 h 45)

M. Lalonde: Bon! Sans entrer dans les détails, je veux m'en tenir à l'évolution d'un dossier d'une entreprise de la catégorie A des secteurs 1, 2 et 3. Le 7 mai 1978, le certificat provisoire est accordé à ces entreprises si celles-ci remettent le formulaire que vous nous avez décrit.

M. Laurin: C'est ça.

M. Lalonde: Quel délai avaient ces entreprises pour préparer l'analyse linguistique?

M. Laurin: Dans la prochaine année... M. Lalonde: Un an?

M. Laurin: ... on doit faire deux choses: on doit préparer l'analyse linguistique, ainsi que, si nécessaire, un programme de francisation.

M. Lalonde: Bon! Le 7 mai 1979... M. Laurin: Oui.

M. Lalonde: ... pour toutes ces entreprises, l'analyse linguistique avait dû être faite déjà dans ce délai...

M. Laurin: Vous avez raison.

M. Lalonde: ... et le programme de francisation avait dû aussi être composé ou, enfin, négocié aussi?

M. Laurin: Oui, d'accord.

M. Lalonde: Bon! Combien de ces grandes entreprises n'ont pas eu besoin d'un programme de francisation?

M. Laurin: Nous avons remis 22 certificats permanents sur un groupe de 113. Dans la catégorie A, il y a 113 entreprises...

M. Lalonde: 113.

M. Laurin: ... qui emploient plus de 500 personnes au Québec.

M. Lalonde: Cela, c'est pour les trois secteurs 1, 2 et 3, catégorie A.

M. Laurin: C'est ça, vous avez raison.

M. Lalonde: Alors, sur 113 entreprises, il y en a 22, je crois, avez-vous dit?

M. Laurin: Certificats permanents...

M. Lalonde: Sans programme de francisation, l'état de la langue française dans ces entreprises était tel que...

M. Laurin: Elles avaient le niveau de francisation voulu par la loi et les règlements.

M. Lalonde: Bon! Les 90 autres ou à peu près ont préparé un programme de francisation...

M. Laurin: C'est ça.

M. Lalonde: ... qui devait être prêt pour — je ne sais pas — le 7 mai 1979?

M. Laurin: Le 7 mai 1979, oui, vous avez raison.

M. Lalonde: Bon! Nous sommes rendus à juin 1980. Est-ce que ces 93 ou 90 entreprises ont leur programme de francisation accepté et tout?

M. Laurin: Nous avons demandé à 88 entreprises de nous faire parvenir un programme de francisation et nous avons reçu, jusqu'à ce jour, 72 analyses linguistiques de la part de ces grandes entreprises.

M. Lalonde: Analyses ou programmes de francisation?

M. Laurin: Programmes, excusez-moi.

M. Lalonde: Programmes. Ces 72 programmes de francisation sont parvenus à l'office?

M. Laurin: C'est ça.

M. Lalonde: Ils ont été acceptés?

M. Laurin: Nous avons négocié et approuvé, jusqu'à ce jour, 42 de ces programmes.

M. Lalonde: Bon! On tombe un peu... On est parti de 113, on est rendu à 42. Il faut dire qu'il y en a 22 qui sont déjà...

M. Laurin: Plus 22...

M. Lalonde: Oui, qui n'ont pas eu besoin de faire de programme de francisation.

M. Laurin: ... à qui on a déjà...

M. Lalonde: Alors, dans votre délai, le 7 mai 1979, ces entreprises devaient donc faire — ou avant le 7 mai — l'analyse linguistique et leur programme de francisation au besoin, accepté, signé, scellé. Mais on est rendu un an et un mois plus tard et il y en a seulement 42 sur 88 — la moitié — qui ont complété leur pensum.

M. Laurin: 42 avec qui on a terminé les négociations.

M. Lalonde: Et ça s'est terminé dans les mois qui ont précédé, c'est-à-dire récemment?

M. Laurin: Oui, ça, ce sont les chiffres d'aujourd'hui.

M. Lalonde: D'aujourd'hui. M. Laurin: Oui, d'accord.

M. Lalonde: Oui, mais je veux dire que c'est possible que, parmi ces 42, il y en ait plusieurs qui étaient déjà en retard. Tout ce processus n'avait pas été terminé le 7 mai 1979?

M. Laurin: D'accord.

M. Lalonde: Donc, il y a un retard, d'après ce que je comprends et d'après les renseignements qu'on peut glaner ici et là, d'un peu plus d'un an...

M. Laurin: C'est-à-dire qu'il y a des retards qui, dans certains cas, vont de quelques mois à plusieurs mois, c'est un fait. Nous nous sommes questionnés, bien sûr, sur les raisons de ce retard. Les réponses que nous nous sommes données, c'est que ces retards proviennent essentiellement du fait que les processus d'analyse linguistique, les activités d'une entreprise, ainsi que l'élaboration des programmes de francisation constituent quelque chose d'entièrement nouveau dans ces cas-là pour les entreprises et que, bien souvent, l'entreprise n'était pas organisée pour y faire face.

Cela peut expliquer qu'elles nous ont demandé des délais pour s'organiser et pouvoir le faire,

mais je pense qu'elles sont en train de corriger ces carences. Dans d'autres cas, même lorsque l'entreprise était organisée, il a pu se présenter des problèmes concrets sur lesquels M. Gosselin pourra vous donner plus de lumière, des problèmes concrets qui ont exigé une prolongation des délais prévus au départ.

Dans d'autres cas, le processus de francisation a exigé la mise en place de mécanismes inédits de transmission des renseignements, par exemple au sein d'une entreprise; en plus, l'office, dans certains cas, dans le cas des grandes entreprises en particulier, avait pris la décision de négocier individuellement avec les unités organi-sationnelles et dans des "holdings" ou dans des compagnies qui possèdent plusieurs types d'activités, il pourrait se trouver plusieurs types d'unités organisationnelles. Le type de négociation pouvait varier selon qu'on avait affaire à un groupe orga-nisationnel ou à un autre au sein de la même compagnie.

Cela a aussi été une autre cause de retard car on ne pouvait donner le certificat provisoire ou permanent que lorsque toute l'entreprise avait satisfait aux exigences posées par l'office pour les divers types de groupes organisationnels.

Je pense qu'en général, à part les explications de mauvaise volonté, il y en a eu quand même quelques cas, même s'ils n'ont pas été très nombreux, ce sont là les principales causes des retards que nous avons constatés, mais le président de l'office m'assure de toute façon que l'objectif final de 1983 que nous fixe la loi sera quand même respecté.

M. Lalonde: Je vous remercie pour ces explications parce que, M. le Président, je relisais les propos du ministre de l'an dernier, le 31 mai 1979, donc, après la date limite du 7 mai qu'on a vue tout à l'heure, et le ministre nous disait à la page B-4441 du journal des Débats: "M. le député de Marguerite-Bourgeoys me pose des questions additionnelles sur les problèmes quotidiens auxquels l'office a eu à faire face, particulièrement dans la francisation des entreprises". Il fait état de certains retards et il dit, un peu plus loin: "... le retard que nous avions initialement a été rattrapé en cours de route et il est en train de se rattraper, de telle façon que nous pouvons affirmer maintenant, sans trop de risques de nous tromper — quelle réserve utile! — que nous effectuerons cette opération de francisation des entreprises dans les délais que prévoyait la loi".

Remarquez que je comprends très facilement les problèmes auxquels l'office a dû faire face et je suis très sympathique. C'est du droit nouveau, c'est une opération difficile et immense. Ce n'est pas du tout méchamment que je veux... Mais il reste que certains commentaires qui nous sont passés de temps en temps sont dans le sens que, quelquefois — et ça me blesse un peu — ce n'est pas très sérieux parce qu'au fond, on attend que le temps passe. Je n'aime pas personnellement entendre ces commentaires et je voudrais que nous soyons tous conscients que ces retards — je comprends que vous travaillez très fort pour les rattraper — sont interprétés dans certains milieux de l'entreprise comme un manque de sérieux de la part de l'office et que, la démarche politique ayant été faite, ayant été "un succès", au fond il s'agit de faire semblant que ça marche.

J'espère que les gens de l'office sont conscients de ce danger, parce qu'on me dit, dans certaines entreprises, qu'il y a jusqu'à 14 mois de retard, qu'on est en train de faire actuellement ce qui aurait dû se faire il y a 14 mois. Mais ça commence à être difficile à rattraper surtout que vous faites face constamment à de nouvelles échéances et dans des secteurs que je dirais — peut-être que vous allez dire aussi, peut-être que vous l'avez même dit ou que quelqu'un l'a dit — plus difficiles, c'est-à-dire la petite et la moyenne entreprise, par le nombre et par la pénurie de ressources. Je me demandais s'il ne serait pas plus réaliste de la part du gouvernement, avec l'office, de réviser un calendrier qui, de toute façon, n'est plus réaliste.

M. Laurin: Je ne suis pas prêt à admettre encore que ce calendrier n'est pas réaliste; ça demeure vrai qu'il y a certains retards qu'on réussit à rattraper quand même et je pense que M. Gosselin pourrait en témoigner, malgré certains retards parfois assez sérieux. Je pense que des entreprises comme l'office peuvent donner un effort additionnel et réussir à rattraper ces retards, surtout quand il s'agit de problèmes concrets que nous parvenons à identifier et à corriger. Je ne sais pas si M. Gosselin pourrait donner des exemples.

M. Lalonde: Avant qu'il ne réponde, j'aimerais attirer son attention. M. le ministre nous a donné tout à l'heure quelques raisons de ces retards qui m'apparaissent tout à fait valides. Mais le président de l'office, dans son rapport moral — je ne sais pas ce qu'il a de plus moral que le reste — c'est probablement un beau titre, je ne me suis pas attaché au titre, j'ai vu le contenu, nous disait à la page 9: "D'une façon générale, la grande entreprise a très bien répondu aux exigences de la charte, etc. Il demeure que ce programme a été retardé de quelques mois". Et il poursuit: "II ne faut pas oublier que le règlement régissant les sièges sociaux et les laboratoires de recherche n'a été publié de façon définitive que le 20 décembre 1978". Il semble que ce soit la seule cause du retard qui soit au moins mentionnée à ce moment-là, ce qui n'est pas tout à fait conforme à ce qu'on vient d'entendre. Est-ce que vous vous entendez sur...

M. Laurin: C'est contradictoire, mais j'ai complété la liste des cas pouvant expliquer ce retard.

M. Lalonde: Alors, le président de l'office est bien conscient que ce n'est pas à cause du retard à la publication d'un règlement que l'opération elle-même a accusé un an ou quelques mois de retard dans plusieurs cas. On en a ici une trentaine

parmi les 72 sur les 88 exigés qui sont encore dans le décor, ceux qui sont dans le processus de négociation, demain ou après-demain, il y en aura d'autres de cernés, mais, entre-temps, vous avez aussi les nouveaux cas à régler. Par exemple, je vois que, dans la catégorie J. pour le secteur 8, les entreprises de 100 à 500 employés, vous avez une échéance du 7 septembre 1980. Est-ce que vous êtes en retard dans cette catégorie-là aussi?

M. Laurin: Catégorie J. 154 entreprises.

M. Lalonde: Vous avez 154 entreprises. Le 7 mai 1980 était la date d'admissibilité à l'aide de l'office et le 7 septembre 1980 est la date d'exigibilité du certificat provisoire. On ne leur demande pas beaucoup de choses pour le certificat provisoire. C'est après qu'ont lieu l'analyse linguistique et le programme de francisation au besoin.

M. Laurin: C'est cela.

M. Lalonde: Prenons donc le précédent, le I). Combien d'entreprises avons-nous dans ça?

M. Laurin: 209.

M. Lalonde: 209. Le 7 janvier 1980 était la date d'admissibilité à l'aide de l'office et le 9 mai 1980, donc il y a quelques jours, la date d'exigibilité du certificat provisoire. Est-ce que ces 209 ont obtenu leur certificat provisoire?

M. Laurin: Non. (16 heures)

M. Lalonde: Combien ne l'ont pas?

M. Laurin: Au 30 mai 1980, 36 entreprises avaient reçu leur certificat provisoire.

M. Lalonde: Voyez-vous, on en a 36 sur 209, non pas au 7 mai, mais au 30 mai 1980, qui se sont conformées. On voit que ce retard est poussé... J'imagine que, si on allait — je n'ai pas l'intention de faire toutes les catégories, on a autre chose à faire — mais je présume que ces retards, il y a une espèce de retard qui pousse les catégories les unes après les autres.

M. Laurin: Je me permets de vous dire que, dans cette même catégorie, nous avons reçu 114 formulaires de renseignements généraux.

M. Lalonde: Mais ça, c'est la chose la plus simple à faire; 114 sur 209, ça me surprend que vous n'en ayez pas reçu 209.

M. Laurin: Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que ce formulaire ne donne pas automatiquement à l'entreprise un certificat provisire. Il demeure qu'il y a certaines vérifications à faire. Donc, ce que je vous dis, c'est que, théoriquement, nous pourrions avoir décerné déjà 114 cer- tificats, mais nous n'en avons décerné que 35, parce que nous devons analyser ces documents, voir à ce que l'entreprise soit conforme, que le comité de francisation soit formé. Il peut y avoir des erreurs dans la présentation, enfin, il y a tout ça. Donc, il y a une vérification à faire de chacun, c'est fait de façon très...

M. Lalonde: Entre les catégories A et H, quelle est la catégorie qui comprend le plus grand nombre d'entreprises?

M. Laurin: Entre la catégorie A...

M. Lalonde: Vous en avez 113 dans A, 209 dans I, est-ce qu'il y a une catégorie de 500?

M. Laurin: Entre la catégorie A et la catégorie H, c'est la catégorie E, 172.

M. Lalonde: 172. Dans la catégorie E, l'échéance pour la date d'admissibilité, c'est le 7 août 1979; donc, le 7 août 1980, dans deux mois, ces 172 entreprises auront dû compléter leur analyse linguistique, préparer, négocier et obtenir l'accord de l'office sur le programme de francisation, le cas échéant. Est-ce que vous pouvez nous donner une description de l'état du dossier dans cette même catégorie?

M. Laurin: Vous avez bien dit le 7 août 1980. M. Lalonde: Oui, parce que c'est le 7 août... M. Laurin: ... non d'accord, ça va.

M. Lalonde: ... 1979 qu'était la date d'admissibilité.

M. Laurin: Je voulais simplement m'assurer qu'on avait les bonnes notes. Dans cette catégorie, nous avons: renseignements généraux reçus, 166; certificats provisoires décernés, 162; analyses linguistiques reçues, 136; ententes particulières demandées, 11.

M. Lalonde: Ce sont les sièges sociaux?

M. Laurin: Oui, ceux qui demandent une' entente particulière, ça va? Nous avons déjà décerné 8 certificats permanents.

M. Lalonde: D'ici deux mois, l'échéance du 7 août va arriver et il vous reste à peu près 150 certificats de francisation à recevoir, si vous ne les avez pas reçus, à examiner, à négocier et à accepter, d'ici deux mois.

M. Laurin: Nous avons 170 certificats.

M. Lalonde: Vous avez 170 certificats provisoires donnés.

M. Laurin: Oui, d'accord.

M. Lalonde: La seule chose que vous ne nous avez pas dite, c'est combien d'entreprises ont reçu une demande de programme de francisation, parmi ces 162, de la part de l'office.

M. Laurin: Programmes de francisation demandés...

M. Lalonde: Est-ce 136?

M. Laurin: J'ai dit analyses linguistiques reçues à l'office, c'est 136.

M. Lalonde: D'accord.

M. Laurin: Nous avons reçu 136 analyses linguistiques sur...

M. Lalonde: ... sur 172.

M. Laurin: ... sur une possibilité de 172.

M. Lalonde: II y en a déjà 36 qui n'ont même pas, à deux mois de l'échéance, produit leur analyse linguistique. Maintenant, sur les entreprises qui ont produit leurs analyses linguistiques, de combien avez-vous exigé un programme de francisation?

M. Laurin: 51.

M. Lalonde: Sur les 136 entreprises, il y en a 85 dont le français est la langue de travail, qui ne recevront pas de demande...

M. Laurin: Je m'excuse. On a exigé de 51 d'entre elles un programme de francisation.

M. Lalonde: Et vous avez donné un certificat aux autres ou si vous n'êtes pas rendu là?

M. Laurin: Nous avons décerné un certificat à huit de ces entreprises.

M. Lalonde: Les autres sont encore dans le processus.

M. Laurin: C'est ça.

M. Lalonde: Là aussi, il y a des retards sérieux. C'est pour cela que j'en reviens à ma suggestion. Vous en ferez ce que vous voudrez. Mais il me semble que le calendrier n'est plus réaliste.

M. Laurin: J'aimerais peut-être, si vous me le permettez, ajouter ceci. Les premières années, 1978, 1979 et l'année 1980, tous les trois mois, à peu près, nous admettions à l'aide de l'office un nouveau groupe d'entreprises. Donc, il y a un effet cumulatif.

Le dernier groupe d'entreprises deviendra admissible à l'aide de l'office le 7 août 1980, donc dans quelques mois et, à compter de cette date, nous n'ajouterons plus de nouvelles entreprises. Elles seront toutes là et, à compter de cette date, il nous reste trois ans et quatre mois avant l'échéance qui dit qu'à la fin de 1983 toutes les entreprises devront posséder un certificat de francisation. C'est ce que dit la loi.

M. Lalonde: A quel article de la loi vous référez-vous? Votre calendrier était beaucoup plus comprimé que ce que la loi exigeait.

M. Laurin: Oui. C'est l'article 136. M. Lalonde: Oui, je l'ai vu.

M. Laurin: Vous l'avez vu. Très bien. Le règlement a donné certaines échéances...

M. Lalonde: Plus rapprochées.

M. Laurin:... plus rapprochées. Mais ce que je dis, c'est ce que la loi dit, à la fin de 1983. Je me permets d'ajouter ceci et nous comptons énormément sur ces données où il n'y aura pas d'autres entreprises qui vont venir s'ajouter. Là, on va pouvoir réellement se concentrer et travailler sur ce groupe. C'est pour cela que nous avons serré l'échéancier au début. Plus on demande vite, plus on a des chances d'avoir vite.

M. Lalonde: Mais plus aussi il faut répondre à la demande pour ne pas créer de mauvaises habitudes. Est-ce que les effectifs de l'office qui sont autour de 500 actuellement, sont suffisants pour répondre à cette demande qui est générée par le règlement?

M. Laurin: Ce n'est pas 500; j'ai fait une erreur de 100. C'est 399 permanents, plus 31 à la commission de toponymie.

M. Lalonde: Est-ce que vous avez des effectifs suffisants pour répondre à cette pression énorme?

M. Laurin: Je crois que oui.

M. Lalonde: Vous ne prévoyez pas augmenter les effectifs de l'office pour ensuite les réduire?

M. Laurin: Non. Dans le groupe qui s'occupe des programmes de francisation dans l'entreprise et l'administration, nous avons une centaine de personnes qui travaillent. Et je crois que c'est suffisant.

M. Lalonde: En ce qui concerne les organismes publics, les 107 certificats accordés, tel que mentionné par le ministre tantôt, sur les 3383 organismes touchés par la loi, est-ce que ce sont des certificats de francisation?

M. Laurin: Dans ce cas, nous avons remis à 107 organismes différents un certificat de conformité, c'est-à-dire que ces organismes ont atteint le niveau de francisation voulu par la loi et les règlements. Nous avons aussi approuvé cinquante programmes de francisation pour un total de 157.

M. Lalonde: Quelle est l'échéance, d'après le règlement?

M. Laurin: Ils ont jusqu'à la fin de 1983, mais nous négocions naturellement à l'intérieur de cela.

M. Lalonde: Quand le ministre nous dit que 100% des municipalités ou enfin des commissions scolaires, des organismes se sont acquittés de leur obligation légale, il s'agissait de cette espèce de formulaire initial ou était-ce l'analyse linguistique aussi?

M. Laurin: C'est à la fois, dans le cas des organismes, de l'administration qu'ils préparent. Nous nous sommes servis de la même formule pour ce que nous appelons les PME. Ils préparent à la fois l'analyse linguistique et le programme de francisation.

M. Lalonde: Et le programme de francisation!

M. Laurin: Oui, c'est-à-dire qu'ils doivent s'y conformer, par exemple, dans l'affichage, dans certains domaines. Ils nous disent: Voici notre situation linguistique. Ce qui ressort de cela, ce sont les endroits où, par exemple, une municipalité n'y est pas conforme. Ces cas d'exception, on les fait ressortir et on nous dit: A telle date, cette situation sera corrigée. On nous fixe aussi la date d'échéance. A la fois ils font l'analyse et ils nous donnent aussi l'échéancier qu'ils se proposent pour régulariser leur situation. La même chose se fera du côté de la PME, la petite et moyenne entreprise.

M. Lalonde: Ah bon! Vous allez simplifier le processus aussi pour la PME. C'est ce que vous aviez dit à la fin de vos propos.

M. Laurin: Oui.

M. Lalonde: Cela se trouve à accélérer un peu le processus. Est-ce que c'est ce formulaire qui contient à la fois l'analyse et le programme de francisation que vous avez reçu de 100% des organismes?

M. Laurin: Oui, nous les avons reçus. Ils sont à l'office; ils sont à être analysés.

M. Lalonde: Jusqu'à maintenant, vous en avez accordé 107 de conformité et vous avez 50 programmes de francisation sur le même formulaire?

M. Laurin: Notre objectif, d'ici la fin de l'année, c'est 1000.

M. Lalonde: De l'exercice financier ou de l'année de calendrier?

M. Laurin: Cette année, de l'année 1980.

M. Lalonde: Peu de gens, sauf ceux dans l'entreprise, savent ce qu'est un programme de francisation...

M. Laurin: Oui?

M. Lalonde: ... ce qui est, en fait, une intervention assez récente. Quels sont les principaux écueils que vous rencontrez, les problèmes qui reviennent régulièrement dans la négociation des programmes de francisation?

M. Laurin: C'est surtout dans les documents écrits, c'est-à-dire les catalogues, les manuels qui proviennent à l'entreprise de l'extérieur du Québec, je pense, par exemple, du côté américain ou d'ailleurs, à des documents qui sont là. Il est bien entendu que le programme de francisation repose principalement sur le travail écrit, c'est-à-dire les manuels, les catalogues, les rapports, parce que ce qui est écrit, naturellement, laisse des traces, tandis que la partie verbale n'en laisse pas tellement. C'est de ce côté qu'il y a des difficultés particulières.

M. Lalonde: Vous savez que vous avez une marge de manoeuvre assez grande.

M. Laurin: Oui.

M. Lalonde: Quelle attitude avez-vous vous-mêmes rendue publique, c'est-à-dire votre attitude de souplesse ou de flexibilité...

M. Laurin: Oui, absolument.

M. Lalonde: ... à l'égard de ces documents écrits, ces catalogues? Exigez-vous une proportion? Je me souviens, il y a quelques années, je pense que c'était dans les études de la commission Gendron, que quelqu'un avait suggéré de traduire seulement les catalogues qui sont régulièrement au service des employés ou que les employés sont appelés à consulter régulièrement. (16 h 15)

M. Laurin: Oui, d'accord.

M. Lalonde: Pour une proportion de ceux-là, il y avait un pourcentage, mais je ne me souviens plus lequel. Est-ce que vous avez adopté une règle?

M. Laurin: Non, nous discutons avec chaque entreprise. Nous avons dit, à plusieurs reprises, qu'un programme de francisation, c'est fait sur mesure pour l'entreprise. Nous discutons avec chacune d'entre elles de ces problèmes. Il est bien entendu que le programme de francisation est préparé par l'entreprise elle-même. Donc, l'entreprise nous dit: On peut faire telle et telle chose, mais on a besoin de 12 mois, de 24 mois pour l'accomplir. Un des principes qui nous guident, c'est que l'objectif de la loi et des règlements n'est pas négociable. Le temps nécessaire pour accomplir ces choses dans un programme de francisation, ainsi que les moyens, c'est négociable. Pour nous, c'est important. Je me permettrai aussi d'ajouter ceci, si vous le voulez, bien que nous ayons aussi un autre problème auquel nous faisons face. C'est réelle-

ment un problème qui, à mon sens, est sérieux. Ce sont les relations entre les entreprises établies au Québec et leurs sièges sociaux établis à l'extérieur du Québec, donc les relations écrites entre une filiale établie au Québec et le siège social établi à Toronto.

M. Lalonde: Quelle attitude adoptez-vous à l'égard de leur rapport?

M. Laurin: C'est un domaine où nous essayons d'aller le plus loin possible avec l'entreprise, négocier le plus loin possible avec elle, de lui faire comprendre qu'il y a des choses qui sont absolument nécessaires. Par exemple, ce qui touche l'employé, son contrat d'assurance, enfin, tout cela doit être en français. Il y a même des entreprises qui nous demandaient si elles pouvaient continuer à donner un chèque de paie en anglais à un employé du Québec. On a dit: Non, cela se fait en français. Il y a des choses qui sont obligatoires. Il y a d'autres choses où elles ont des problèmes, c'est bien évident. Ce que nous tentons de faire, c'est de conclure une entente qui sera valide, dans ce domaine, pour une période de temps, par exemple deux ans. On dit: On reverra cette situation dans deux ans, parce qu'elles ne peuvent pas, dans le moment, aller plus loin. Etant donné que cela ne donne pas complètement satisfaction à l'office, on dit qu'il y a moyen d'aller plus loin que cela. Donc, on accepte cette partie pour le moment, mais on revoit cette situation dans un an ou dans deux ans.

M. Lalonde: Quel est le délai maximal ou la période de temps maximale que vous avez jusqu'à maintenant accordé à un programme de francisation? Deux ans, cinq ans, dix ans ou quoi?

M. Laurin: De façon générale?

M. Lalonde: Le plus étendu que vous avez accordé jusqu'à maintenant dans les quelques centaines de cas que vous avez?

M. Laurin: Cinq ans. M. Lalonde: Cinq ans.

M. Laurin: C'est le maximum. Je m'empresse d'ajouter qu'un peu plus de 80% — on est en train de compléter une étude pour moi, mais je peux vous donner ce chiffre — des entreprises qui préparent elles-mêmes le programme de francisation ne demandent pas plus de trois ans pour compléter leur programme.

M. Lalonde: Au niveau des coûts?

M. Laurin: Dans quelques cas, on va aller au-delà de cela.

M. Lalonde: Est-ce que les entreprises vous tiennent au courant des coûts? Est-ce qu'elles peuvent tout d'abord établir ces coûts? Est-ce que vous avez une idée de ce que cela coûte pour un programme de francisation d'une entreprise de 1000 ou de 2000 employés, parce que c'est à ce niveau que vous en êtes jusqu'à maintenant?

M. Laurin: J'ai justement fait compléter un travail à ce sujet qui a été déposé sur mon pupitre il y a quelques jours. C'est un travail assez volumineux. D'ici quelques mois, nous serons certainement en mesure de donner des précisions en ce qui a trait aux coûts de francisation, parce que, d'après moi, on a abusé beaucoup de cela. On a parlé beaucoup des coûts, on a parlé surtout des coûts, mais pas tellement des avantages. Il y a aussi des avantages. Ce que je veux dire, c'est que, du côté des coûts, souvent quand nous allons parler de francisation à une entreprise, immédiatement cette entreprise parle de traducteurs à l'intérieur de l'entreprise. Nous, on dit: Ce n'est pas nécessairement des traducteurs que vous avez besoin. Vous avez peut-être besoin de gens en place qui peuvent travailler en français. Cela crée tout un autre... Donc, la question des coûts, on en a peut-être un peu trop abusé de cela.

M. Lalonde: Vous en tenez compte dans les négociations?

M. Laurin: Absolument. Un autre énoncé que nous avons fait, c'est que nous ne placerions pas une entreprise québécoise dans une situation qui pourrait réellement l'embarrasser sur le plan financier. Cela est bien évident.

M. Lalonde: Est-il exact — j'ai vu un article dans le Devoir, je pense, ces jours-ci, une analyse ou une "enquête" faite par un journaliste — que pour ce que vous appelez les PME, ce que tout le monde appelle les petites et moyennes entreprises, c'est la question des coûts qui est la plus préoccupante ou qui vous est communiquée comme étant l'obstacle majeur?

M. Laurin: Je dois vous dire qu'avec la petite et la moyenne entreprise, nous venons de débuter.

M. Lalonde: Ah bon!

M. Laurin: D'accord? Donc, on ne peut pas à ce moment-ci parler de coût.

Une des choses les plus difficiles, ce sont peut-être les changements d'habitude. Par exemple, quand une compagnie se met à exiger de ses fournisseurs qu'ils lui procurent sa marchandise maintenant en français, avec des modes d'emploi en français, au fond, c'est là le gros changement, la rupture dans les habitudes. C'est ce qu'il y a de plus difficile, mais c'est aussi ce qu'il y a de plus important. Je pourrais même ajouter une remarque générale sur l'administration cette fois. Quant à moi, je me félicite beaucoup de cette coopération pas mal extraordinaire qu'on a eue des organismes administratifs qui, quand même, ont répondu rapidement à la demande que nous leur avions faite de nous faire parvenir leur analyse de

la situation. Je pense que cette participation et cette collaboration quasi totales vont avoir une importance considérable, même s'il est encore trop tôt pour les évaluer quantitativement. On peut prévoir que, justement, 3383 organismes qui se mettent à exiger de leurs fournisseurs des produits en français, des modes d'emploi en français, ça va avoir un effet très important sur le monde de l'entreprise aussi, parce que, quand l'Etat, directement ou indirectement, commence à mettre en jeu son poids économique pour obtenir de ses fournisseurs des produits et des documents techniques ou publicitaires en français, nous, nous croyons que ça crée un effet d'entraînement considérable. Et peut-être que la seule note, la seule réserve que nous mettrions ici, c'est le rôle négatif, il faut bien l'admettre, que jouent les ministères fédéraux et les sociétés fédérales de la couronne, qui sont quand même nombreuses à oeuvrer au Québec.

Pour le moment, nous ne pouvons pas vous donner une étude détaillée de leur politique, qui se veut une politique de bilinguisme institutionnel, cependant, nous possédons assez de données pour dire que nous craignons beaucoup les effets que peuvent avoir leurs habitudes actuelles de fonctionnement non seulement interne, mais externe, notamment dans les relations qu'elles ont avec leurs fournisseurs et les entreprises clientes. Bien souvent, ce bilinguisme institutionnel, même au Québec, est gauchi en faveur de l'anglais et, dans les meilleurs cas, c'est le bilinguisme institutionnel. Si on compare leurs habitudes et leurs attitudes à celles justement de nos organismes administratifs, il y a vraiment là une antinomie qui est délétère pour le milieu. Nous craignons que ça freine considérablement le processus de francisation.

On peut même vous dire qu'il y a certains ministères fédéraux qui exigent de leurs entreprises clientes l'utilisation du bilinguisme, alors même que ces entreprises clientes voudraient n'utiliser que le français, conformément au programme qu'elles négocient avec l'Office de la langue française. Ce sont les ministères fédéraux qui, en l'occurrence, freinent d'une façon délibérée et volontaire la francisation de ces entreprises.

Cela nous apparaît d'autant plus scandaleux que ces mêmes ministères ne semblent pas avoir une telle exigence pour les entreprises qui ne voudraient utiliser que l'anglais. L'autre partie du scandale, celle-là est encore plus grande, c'est que ces ministères et organismes fédéraux à l'extérieur du Québec n'ont pas du tout les mêmes exigences de bilinguisme à l'intérieur du Québec.

C'est un problème qu'a mentionné M. Allaire dans l'étude qu'il a faite pour l'institut C.O.Howe. Je pense que vous connaissez bien M. Allaire et l'étude. Il y a là un consensus, au fond, de tous les partis pour exiger que les ministères fédéraux, les sociétés de la couronne au Québec se mettent à l'heure des exigences légitimes et véritables de la francisation du Québec.

M. Lalonde: Je suis convaincu, M. le ministre, que dans la démarche que votre gouvernement fait pour le renouvellement du fédéralisme, vous saurez faire un dossier solide et vous aurez l'appui de l'Opposition sûrement à ce moment-là, pour voir à ce que justement...

M. Laurin: Je suis bien heureux de vous l'entendre dire. On va se scandaliser à hauts cris et je pourrai arguer de l'appui de l'Opposition officielle aux demandes que nous faisons.

M. Lalonde: Vous nous montrerez votre projet auparavant. Ce n'est pas un chèque en blanc qu'on vous donne.

M. Laurin: C'est quand même un problème sérieux.

M. Lalonde: Oui, c'est sérieux, d'ailleurs, je m'attendais que le fédéral en prenne un peu pour son rhume ici cet après-midi...

M. Laurin: ... à ce titre.

M. Lalonde: Oui, c'est fait. Il reste quand même que...

M. Laurin: ... aussi a concouru dans ce sens dans sa conférence de presse.

M. Lalonde: Je m'excuse, je ne le sais pas.

M. Laurin: Oui, nous ne sommes pas les seuls à critiquer le fédéralisme. Les institutions fédérales de ce temps-là...

M. Lalonde: Non, mais on peut les renouveler comme vous, comme tous les nouveaux fédéralistes recyclés.

Je n'ai pas beaucoup d'autres questions sur la francisation elle-même. J'aimerais, si c'était possible — on ne peut pas demander un dépôt de documents — faire distribuer aux membres le tableau — à moins qu'il ne soit confidentiel — dont vous vous serviez pour répondre aux questions sur le nombre d'entreprises qui ont... Autrement dit, le bilan de la francisation actuelle. Ce serait beaucoup plus facile pour nous de suivre l'éminent travail que l'office poursuit actuellement.

M. Laurin: Je ne peux rien refuser au député de Marguerite-Bourgeoys, il me fait plaisir de déposer ce tableau...

M. Lalonde: Je vous remercie.

M. Laurin:... qui s'intitule Statistiques concernant la grande entreprise.

M. Lalonde: C'est avec beaucoup d'intérêt que nous suivrons l'évolution de l'effort de francisation.

Il y a toutefois un petit problème que j'avais soulevé — enfin je ne l'avais pas soulevé, ce n'est pas moi qui l'ai soulevé — ou mentionné plutôt, l'an dernier, et qui devait être réglé dans les jours qui ont suivi, c'est au sujet de la Presse. Est-ce que le problème est réglé?

M. Laurin: C'est-à-dire que le problème est en train de se régler en ce sens que...

M. Lalonde: Encore en train de se régler.

M. Laurin:... la Presse se sent de plus en plus isolée sur son île déserte, parce que toutes les autres entreprises et particulièrement les entreprises de presse ont obtempéré aux exigences de la loi...

M. Lalonde: Mais à part la culpabilisation qui n'a pas très réussi au dernier référendum d'ailleurs, est-ce que vous allez prendre des mesures musclées?

M. Laurin: L'attitude des entreprises de même type constitue la meilleure condamnation qui soit à l'intransigeance dogmatique effrénée du représentant de la Presse. Il va se trouver tout seul à avoir le pas, c'est peut-être la consolation qu'il recherche. Pour le moment, nous continuons les négociations.

M. Lalonde: Mais la loi est là, M. le ministre, vous avez vous-même demandé à tous les législateurs...

M. Laurin: Si...

M. Lalonde: ... de vous donner, par la loi, les moyens nécessaires, le muscle et vous l'avez eu...

M. Laurin: Si vous m'adjurez de transmettre le dossier de ce pas au Procureur général pour qu'il intente une poursuite, je vais y penser sérieusement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Vanier. (16 h 30)

M. Bertrand: Justement pour parler des cas isolés, tout à l'heure, le président de l'office nous a dit qu'il y avait 22 certificats qui avaient été émis aux entreprises de 500 employés et plus et 88 qui étaient en négociation ou sur lesquels il y avait du travail dans le processus qui est en train de se faire. On n'arrive pas à un chiffre de 113. Il y a trois entreprises qui ne font l'objet d'aucune démarche en ce moment?

M. Laurin: II y a quelques entreprises, dont la Presse, qui n'ont pas de certificat.

M. Lalonde: II y en a d'autres à part la Presse?

M. Laurin: II y en a d'autres qui sont mentionnées au rapport que vous avez en main.

M. Lalonde: Le rapport que vous venez de nous transmettre.

M. Laurin: Non, le rapport que vous consultiez.

Le rapport moral.

M. Lalonde: Le rapport moral.

M. Bertrand: Est-ce qu'il y aurait trois entreprises, parce qu'on parlait tantôt d'un chiffre de 113?

M. Laurin: II y a la Banque Royale, la Banque de Montréal.

M. Lalonde: J'ai vu dans votre rapport qu'il y avait Cummings...

M. Laurin: Oui, Cummings, c'est-à-dire qu'il y avait le Canadien Pacifique et j'explique la situation, en ce qui a trait au Canadien Pacifique. Ils se sont dotés d'un programme parallèle volontaire, alors... D'ailleurs, ça va très bien avec Canadien Pacifique et aussi avec les deux autres banques, mais c'est pour des raisons constitutionnelles et non pas pour des raisons... Ce n'est pas que ces gens ne veulent pas travailler avec nous, mais, pour des raisons constitutionnelles, ces gens disent que des programmes de francisation ne s'appliquent pas à eux, pour des raisons juridiques.

M. Lalonde: Pour revenir à la Presse, d'après une entrevue ou une conférence, je ne sais pas, que vous aviez donnée, qui est rapportée dans le Soleil du 20 mars 1980, vous disiez ceci, on vous prête ces propos: On songe à prendre des mesures, a indiqué hier au Soleil le président de l'organisme gouvernemental, M. Raymond Gosselin, qui est cependant demeuré avare de commentaires. Est-ce que vous êtes encore en période de réflexion après presque trois mois.

M. Laurin: C'est un commentaire que j'ai fait publiquement. Ce que j'ai dit au journaliste, c'est que j'avais d'autres chats à fouetter qui étaient plus importants que de m'acharner sur le dossier de la Presse. J'ai l'impression que l'isolation dont on parlait, c'est un phénomène qui est là. Il y a d'autres entreprises qui, à mon sens, sont aussi francophones que prétend l'être la Presse, qui ont déjà obtenu des certificats. J'ai l'impression que c'est une solution, que c'est un problème qui va éventuellement se régler. S'il ne se règle pas, il s'agira de décider des recours que nous avons à l'intérieur de la loi.

M. Lalonde: Quel délai est-ce que vous vous accordez pour fouetter d'autres chats avant de prendre les décisions qui concernent la Presse?

M. Laurin: On attend qu'elle achève de se clouer au pilori de l'opinion publique.

M. Lalonde: Cela peut être long.

M. Laurin: Cela dépend de son degré de résistance intérieure.

M. Lalonde: Parce qu'il semble que son isolement ne soit pas tout à fait absolu. Apparemment, il y en a quelques autres aussi qui résistent.

M. Laurin: Non, c'est un cas vraiment unique en son genre, sui generis. Parce que c'est la seule véritable entreprise de presse francophone qui se vante d'ailleurs de l'être.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Vanier.

M. Bertrand: M. le Président, de la même façon qu'on a vu pendant le référendum qu'il y avait dans cette entreprise des centaines de personnes qui y travaillent et qui pouvaient adopter des attitudes qui pouvaient différer de celle de la direction de l'entreprise, et les exprimer ouvertement, est-ce que le président... Non, ce n'est peut-être pas au président que je pourrais poser la question, parce que c'est un peu de nature politique, je vais la poser au ministre, est-ce qu'on peut imaginer qu'une des façons de dénoncer une telle situation pourrait venir de l'initiative même des gens qui travaillent à la Presse. Je parle des employés eux-mêmes de la Presse qui pourraient dénoncer une telle situation et est-ce qu'ils ne peuvent pas participer plus étroitement à l'initiative d'engager le processus avec l'Office de la langue française?

M. Laurin: C'est sûr que ce serait une hypothèse intéressante à étudier que celle d'une pétition pour la francisation de la Presse, de ce qui reste à franciser à la Presse, qui pourrait venir des employés, parce que c'est notre conviction qu'il y a quand même quelques efforts additionnels de francisation qui pourraient être faits à la Presse. Par exemple, au niveau justement des relations avec les fournisseurs de la Presse, qu'il s'agisse de matériel typographique, de papier ou d'instruments nécessaires pour la réparation des machines, on pourrait donner une vingtaine d'autres exemples, qui nous viennent justement des négociations que nous avons menées avec d'autres entreprises similaires.

M. Lalonde: Voyez-vous, je ne connais pas assez le dossier pour exprimer une opinion avertie, sur la question de la Presse en particulier et en général sur les autres "délinquants", mais le ministre nous a suppliés, lors de l'étude de ce projet de loi, de lui accorder notre appui et de lui permettre d'inclure dans la loi des pouvoirs très grands, en fait de nature pénale et, ensuite, il ne s'en sert pas. Est-ce qu'il a changé d'idée, est-ce qu'il veut toujours...

M. Laurin: Non.

M. Lalonde: ... faire amender la loi pour remplacer les pénalités par le clouage au pilori de l'opinion publique?

M. Laurin: Non, mais la sagesse recommande aussi d'utiliser à bon escient les multiples instruments de pression que nous pouvons avoir à notre disposition et peut-être que, dans ces cas-là, la condamnation morale que l'éditeur en chef de la

Presse s'inflige lui-même est peut-être la meilleure et la plus efficace condamnation qui soit.

M. Lalonde: Cela n'a pas l'air tellement souffrant.

M. Laurin: II y a justement des dérèglements qui sont plus difficiles à guérir dans certains cas que dans d'autres, je suis bien prêt à l'admettre.

M. Lalonde: Vous savez, M. le ministre, je ne veux pas sauter aux conclusions, mais je serais fort tenté, d'après votre attitude, de conclure que la sagesse se trouvait plutôt dans la loi 22 qui était justement inspirée de l'incitation et de la pression de l'opinion publique plutôt que du recours aux pénalités.

M. Laurin: Je pense que cet exemple est véritablement l'exception qui confirme la règle, parce que je vous ai dit qu'à la Commission de surveillance de la langue française, les mises en demeure que nous avons faites sont l'étape avant la poursuite par le Procureur général, et elles ont été souvent très efficaces, pour ne pas dire à 100%.

M. Lalonde: Est-ce qu'il y a eu plusieurs mises en demeure en ce qui concerne la francisation, c'est-à-dire le respect du calendrier pour produire l'analyse linguistique et préparer le programme de francisation dans les délais?

M. Laurin: Je ne sais pas, M. Gosselin pourrait vous répondre, mais je pense qu'il pourrait vous dire et moi aussi je le dis, qu'il est souvent très utile, de pouvoir utiliser le spectre même d'une épée de Damoclès, même si jamais on ne s'en sert.

M. Lalonde: Elle n'a pas l'air d'avoir beaucoup de succès avec la Presse, votre épée de Damoclès.

M. Laurin: Le spectre même de son utilisation possible peut s'avérer très efficace.

M. Lalonde: J'ai l'impression que c'est plutôt un spectre qu'une épée.

M. Laurin: Puisque la crainte, c'est le commencement de la sagesse. Mais, dans ce cas-là, je pense qu'on a affaire à un phénomène de réfrac-torité qui est rare, mais dont il faut bien noter l'existence. De toute façon, notre réflexion continue, à cet égard, comme elle peut se poursuivre sur tous les cas très spéciaux, très très spéciaux qui peuvent être soumis à notre attention.

M. Lalonde: Merci. Maintenant, est-ce que je peux avoir une réponse à la question précise que j'ai posée, à savoir s'il y a eu des mises en demeure concernant la production...

M. Laurin: Oui, de notre part, sous différentes formes, lettres, télégrammes, nous avons même convoqué devant les membres de l'office certaines entreprises. Je me permets de vous dire, sans les

nommer, que, la semaine dernière, vendredi dernier, nous tenions une réunion de l'office et quatre entreprises vont parader devant l'office pour venir s'expliquer devant nous. C'est une réunion d'ailleurs, je dois vous l'avouer, qui a été extrêmement fructueuse. Alors, nous avons des moyens de pression, nous aussi, à l'intérieur de l'office.

M. Lalonde: En ce qui concerne la commission de surveillance, est-ce qu'elle a envoyé des mises en demeure concernant les retards?

M. Laurin: M. Forget pourra vous répondre quand on en aura terminé avec l'office. Mais oui, des mises en demeure ont aussi été envoyées à la commission de surveillance. La plupart du temps, ça suffit.

M. Lalonde: Mais le ministre se refuse à prendre les moyens que le législateur lui a confiés.

M. Laurin: C'est-à-dire que mon expérience clinique m'enseigne que, dans certains cas très spéciaux, il faut consentir à pousser longtemps sa réflexion.

M. Laionde: A quel moment devient-on incurable dans votre expérience clinique?

M. Laurin: C'est la question que je suis en train de me poser.

M. Lalonde: .. On sait que le comité de francisation, en particulier, était un écueil, en ce qui concerne la Banque Provinciale, si je me souviens bien. Est-ce que vous avez eu aussi beaucoup d'objections à la formation de comités de francisation par les entreprises qui, d'autre part, étaient prêtes à se soumettre au processus?

M. Laurin: Non.

M. Lalonde: J'aimerais poser seulement une question de renseignement en ce qui concerne la banque de terminologie. Tout d'abord, j'aimerais féliciter l'office et ceux qui, en particulier, sont responsables du développement de cette banque qui est devenue considérable et vous demander combien de terminaux sont déjà installés. Le ministre nous a dit tantôt qu'il y avait quatre terminaux qui allaient être installés dans des entreprises particulières. Est-ce qu'il y en a qui sont installés dans des institutions, dans le Québec ou à l'extérieur?

M. Laurin: Nous allons installer cette année 25 terminaux. La plupart seront installés à l'Office de la langue française, à nos bureaux de Montréal et de Québec, qui servent principalement à travailler à épurer la banque et tout cela et qui servent aussi aux consultations terminologiques, c'est-à-dire que les gens peuvent continuer soit à nos bureaux régionaux, un des neuf, soit au bureau de Montréal, soit au bureau de Québec, pour nous poser des questions. Donc, il y a des terminaux où on peut questionner la banque directement, avec un écran cathodique, et donner une réponse immédiate au client. C'est un moyen moderne, mais un moyen efficace aussi.

Donc, nous avons aussi l'intention d'installer dix terminaux que nous aurons à l'extérieur de l'office, dans des entreprises, dans des organismes. Nous avons déjà pris des décisions en ce qui concerne cinq entreprises en particulier et nous devons compléter nos négociations avec ces entreprises. Si je peux me permettre de les nommer, il s'agit d'Hydro-Québec, de la compagnie CGE, Générale Electrique, de la compagnie Bell Canada, de la compagnie Canadien Pacifique et de la compagnie servant de veine pour le groupe Alcan, donc pour la société Alcan. Il y en aura d'autres.

Et nous sommes aussi en négociation avec quelques universités dans le but d'implanter, là aussi, des terminaux reliés à la banque de terminologie. Donc, cette année, nous avons 25 terminaux.

M. Lalonde: II y avait un problème concernant la banque de terminologie de l'Université de Montréal. Je ne me souviens pas si cela avait été réglé, cette question. Est-ce qu'il y a eu une fusion? Est-ce qu'on travaille chacun de son côté?

M. Laurin: Oui, c'est-à-dire que les deux banques... Le logiciel appartenait au Québec et à Ottawa. Le gouvernement canadien a pris ce logiciel et a continué à le nourrir d'informations. Cette banque est principalement une banque de traduction, tandis que notre banque est une banque de terminologie.

Ce sont des banques qui ont des vocations... Mais je m'empresse d'ajouter que nous avons de bonnes relations non seulement avec ces gens-là, mais avec des gens qui possèdent d'autres banques à travers le monde.

M. Lalonde: C'est un fédéralisme rentable, si je comprends bien.

M. Laurin: M. Gosselin ne peut pas répondre à cela.

M. Lalonde: C'est un fédéralisme rentable et cette diversité des sources d'information peut servir, même peut-être tout à l'heure, lorsqu'on en arrivera à la recherche scientifique.

M. Laurin: M. Gosselin ne peut pas répondre à cela, mais je peux ajouter à ce qu'il a dit que nous avons également des rapports avec la banque de terminologie des communautés européennes, ce qui étend l'aire de notre coopération possible dans l'avenir.

M. Lalonde: Je vois que le ministre est bien disposé à entreprendre les négociations du fédéralisme renouvelé. Je l'encourage à continuer.

M. Laurin: De même qu'au niveau international.

M. Lalonde: Je l'encourage à continuer dans la même veine.

En ce qui concerne... J'avais certaines questions sur... (16 h 45)

M. Laurin: Avant d'en terminer avec l'Office de la langue française, j'aimerais, M. le Président, déposer le rapport d'une étude qui a été menée à la demande de l'office par une agence de sondage, Multi-Réso, qui nous avait été demandée par un de vos collègues, je crois. Il a fallu que nous en fassions des copies. Il me fait plaisir de la déposer, conformément à la promesse que je lui avais faite.

M. Lalonde: Bon, le ministre commence à tenir ses promesses. Très bien.

M. Laurin: Je les tiens toujours.

M. Lalonde: En ce qui concerne le conseil, étant donné que c'est quand même assez jeune, il faut dire la satisfaction que nous avions de ce côté-ci de la publication des deux études, celle de Sparer et Schwab qui avait été commencée, d'ailleurs, dans le temps où on était là...

M. Laurin: Exact.

M. Lalonde: ... il y a six ans, et celle de M....

M. Laurin: Issalys.

M. Lalonde: ... Issalys. J'ai répondu à votre invitation.

Une Voix: Ah!

M. Lalonde: Je vous en remercie. J'ai rencontré, d'ailleurs, ces messieurs.

M. Laurin: J'aurais aimé vous voir.

M. Lalonde: C'est sûrement une contribution qui sera très précieuse pour le législateur en particulier.

M. Laurin: J'ai lu les deux volumes en question et ils sont vraiment d'une très haute valeur.

M. Lalonde: Je vous remercie. Pour ce qui concerne la commission... Peut-être que, avant de passer à la commission, on pourrait parler du lexique français spécialisé. Dans le Devoir du 9 juin, Mme Christiane Faure, présidente de l'Association des conseils de francisation du Québec, disait: "Ce n'est pas le vocabulaire français qui manque, ce sont plutôt les moyens de le diffuser. En effet, selon Mme Faure, les lexiques français spécialisés font cruellement défaut dans bien des secteurs. Je sais que l'office, en particulier, a fait un effort de diffusion impressionnant. On le constate ne serait-ce qu'à la lecture de la liste de vos publications. D'abord, est-ce que vous êtes d'accord avec ce jugement? Deuxièmement, avez-vous des démarches à faire ou des dispositions à prendre pour diffuser plus largement les lexiques français?

M. Laurin: Non seulement cela, mais nous avons l'intention de publier directement de la banque de terminologie, c'est-à-dire de pouvoir imprimer les extrants et de les rendre disponibles immédiatement au lieu de passer à la publication de... Nous devons, bien entendu, au Québec, agir de façon prioritaire. Tout récemment, nous avons lancé les deux derniers volumes ou lexiques de la série de l'automobile. J'ai aussi lancé, la semaine dernière, un nouveau lexique sur le vêtement, mais il y a tellement de domaines dans lesquels la terminologie n'est pas disponible au Québec que nous devons travailler de façon prioritaire.

M. Lalonde: Quelles sont les priorités que vous avez établies?

M. Laurin: A l'Office de la langue française, nous travaillons prioritairement sur le tronc commun de gestion, c'est-à-dire sur le tronc industriel nécessaire à toutes les entreprises de façon générale.

M. Lalonde: Je pense, par exemple, au secteur du textile où un très grand nombre de Québécois sont employés.

M. Laurin: Oui.

M. Lalonde: Tenez-vous compte aussi du nombre d'employés dans un secteur donné pour aller plus rapidement dans ce secteur?

M. Laurin: Oui, absolument. D'ailleurs, les analyses linguistiques — il y a une partie qui traite de la terminologie dans l'analyse linguistique — font ressortir de façon bien évidente les problèmes ou les domaines dans lesquels on manque réellement d'informations. On a plusieurs moyens d'identifier tous ces secteurs, mais c'est un travail qui est long, c'est un travail qui est très laborieux. On a dit que dans la banque de terminologie, nous avons au-delà de 400 000 fiches questionnables avec un objectif de 1 000 000 éventuellement, mais il demeure qu'il y a énormément de travail à faire de ce côté-là. Mais le gouvernement y met beaucoup d'efforts, je crois, et d'argent.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Avec votre permission, relativement au document qui a été non pas déposé, puisqu'il n'y a pas de dépôt en commission parlementaire, mais qui a été distribué par le ministre, je suggérerais au ministre de la remettre directement à l'Opposition officielle à 18 heures, étant donné que lorsque nous avons de la distribution de documents en commission parlementaire, cela nous donne l'obligation d'en faire une copie pour tous les membres de la commission, de même que deux copies pour la commission parlementaire. Ce serait une remise de main à main entre partis politiques après la

séance, et aussi à l'Union Nationale, qui est absente aujourd'hui. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Une autre question. D'abord la Division de recherche et d'évaluation, d'après votre rapport, a fait un travail impressionnant aussi. Je suis intéressé, si c'est possible, à avoir la communication des deux études. Pourquoi ces deux études? Parce qu'elles me semblent être prêtes, être terminées: l'étude qui apparaît comme l'étude no 3, à la page 128 du rapport, l'élaboration des principes d'une politique et d'une méthode de francisation des entreprises, et l'étude no 5, à la page 129, les procédés et méthodes de francisation dans l'entreprise. Je ne pense pas — vous me corrigerez si je fais erreur — que ce soient des études à caractère confidentiel, étant donné que c'est pour aider des entreprises à se conformer... Est-ce qu'il serait possible de donner communication à l'Opposition?

M. Laurin: Je pourrais prendre votre demande en délibéré, et d'ici quelques jours — on a encore quelques jours de session — ... parce qu'il faut, comme M. le président dit, que nous consultions l'auteur aussi — ...

M. Lalonde: Oui. J'espère que cela pourrait être...

M. Laurin: C'est dans le programme des subventions.

M. Lalonde: Oui.

M. Laurin: Parce que c'est une subvention.

M. Lalonde: C'est une subvention, mais j'imagine que le résultat a été communiqué à quelqu'un, à l'office.

M. Laurin: Oui, absolument.

M. Lalonde: Bon. Etant donné que, quand on parle d'élaboration des principes d'une politique et d'une méthode de francisation des entreprises, c'est extrêmement intéressant pour la population en général, les entreprises aussi, mais aussi pour nous, pour voir comment le gouvernement s'y prend, comment l'office s'y prend, quels sont les principes. On fait non seulement du droit nouveau, mais c'est une démarche nouvelle...

M. Laurin: Malgré qu'il n'est pas certain que nous ayons repris à notre compte toutes les conclusions de cette étude.

M. Lalonde: Non, naturellement. Il en va de même pour les procédés et les méthodes de francisation dans l'entreprise, si c'était possible de nous donner ces communications. Pour en terminer avec la question linguistique, j'aurais quelques questions concernant la Commission de surveillance. Il y a seulement quatre ou cinq poursuites ou demandes de poursuites qui auraient été communiquées au Procureur général. Il me semble qu'on nous avait donné cette même réponse il y a déjà un bon moment. Est-ce que cela ne fait pas déjà plusieurs mois?

M. Laurin: Cela m'étonnerait.

M. Lalonde: Combien cela fait-il de temps que le Procureur général a reçu ces demandes?

M. Laurin: Je sais que cela fait plusieurs mois, mais cela m'étonnerait que j'en aie déjà parlé.

M. Lalonde: A moins que ce soit le Procureur général qui en ait parlé à...

M. Laurin: Je ne sais pas.

M. Lalonde: Comment cela se fait-il qu'il n'y ait pas eu de suite à ces demandes?

M. Laurin: Le ministère de la Justice considère.

M. Lalonde: Est-ce qu'il veut simplement clouer au pilori les contrevenants lui aussi?

M. Laurin: Je ne peux pas parler pour lui, évidemment. Vous le connaissez aussi bien que moi.

M. Lalonde: Peut-être pas aussi bien. Quels étaient, sans donner de nom, étant donné que s'il n'y a pas de poursuite, je ne peux pas les...

M. Laurin: Je peux vous dire que ce sont des cas où la contravention touche non seulement la loi 101, mais la loi 22 aussi, et peut-être même un article d'une loi fédérale, l'article 38, du ministère de l'Agriculture. C'est sous toute réserve que je vous dis cela. Je fais appel à mes souvenirs. Je ne peux pas toujours m'y fier.

M. Lalonde: C'est 3800 solutions à peu près sur 5000 demandes? Je présume que les autres dossiers sont en voie de règlement ou de considération. Est-ce qu'il y aurait aussi des dossiers qui seraient en voie de poursuite ou de demande de poursuite, autres que les quatre ou cinq...

M. Laurin: Non.

M. Lalonde: Est-ce que vous pourriez être un peu plus précis quant à la date ou aux dates où ces demandes ont été communiquées au Procureur général?

M. Laurin: Je ne sais pas si monsieur... Environ un an. Dans un cas, je pense que c'est treize mois.

M. Lalonde: Déjà plus d'un an et vous n'avez pas eu de suite de la part du Procureur général?

M. Laurin: Pas encore.

M. Lalonde: Est-ce que ce sont surtout des cas relatifs à l'affichage?

M. Laurin: Dans certains cas; dans d'autres, ce sont des cas d'étiquetage.

M. Lalonde: Alors, seulement les quatre ou cinq?

M. Laurin: Cinq.

M. Lalonde: Cinq. Ces cinq cas ont trait seulement soit à l'affichage, soit à l'étiquetage.

M. Laurin: Exactement.

M. Lalonde: II n'y a aucun cas qui a trait à la francisation.

M. Laurin: Des entreprises? Non.

M. Lalonde:... entreprises. Quels sont les critères que la commission s'impose pour déterminer qu'une entreprise qui refuse de se conformer à la loi en ce qui concerne la francisation soit soumise aux foudres de la commission et à une demande de poursuite au Procureur général?

M. Laurin: En général, moi, je dirais que c'est la mauvaise volonté.

M. Lalonde: Combien de temps faut-il pour avoir mauvaise volonté?

M. Laurin: Notre patience est longue, mais, finalement, elle s'épuise.

M. Bertrand: M. le Président?

Le Président (M. Marquis): M. le député de Vanier.

M. Lalonde: Le ministre était beaucoup plus vigoureux que ça lors du débat...

M. Laurin: Pas du tout.

M. Lalonde: ... sur la loi 101, sur la loi 1.

M. Laurin: Non, pas du tout.

M. Bertrand: II a gardé le même ton pendant toute la durée des débats.

M. Lalonde: Oui, mais son discours était beaucoup plus musclé.

M. Laurin: Non, c'est qu'il est...

M. Lalonde: Je ne sais pas si c'est l'après-référendum...

M. Laurin: Non, pas du tout!

M. Lalonde: ... qui lui a causé une petite dépression, j'espère, courte, mais il semble...

M. Laurin: II est important d'avoir à sa disposition la gamme la plus large possible d'instruments d'intervention, mais, une fois que nous les possédons, il faut avoir la sagesse de s'en servir à bon escient.

M. Lalonde: Encore faut-il s'en servir pour s'en servir à bon escient.

M. Laurin: Nous nous en servons, je l'ai dit tout à l'heure. Nous nous sommes relativement souvent servis de la mise en demeure, avec une grande efficacité.

Le Président (M. Marquis): M. le député de Vanier.

M. Bertrand: M. le Président, je voudrais demander au président de la commission de surveillance... On a dit tout à l'heure, je pense, qu'il y avait huit commissaires-enquêteurs et sept inspecteurs qui travaillaient pour la commission.

M. Laurin: Huit commissaires-enquêteurs...

M. Bertrand: Et sept inspecteurs.

M. Laurin: Oui, sept inspecteurs, je crois.

M. Bertrand: Est-ce que ce personnel est suffisant pour faire face aux demandes qui sont acheminées à la commission?

M. Laurin: Pour l'instant, oui. Après avoir fait une étude assez poussée, nous en sommes venus à la conclusion que chacun des commissaires-enquêteurs ne devrait pas avoir beaucoup plus de 200 dossiers en traitement. Nous avons atteint ce niveau. Par contre, nous avons eu certains commissaires-enquêteurs qui ont été forcés d'être absents, etc. Nous espérons pouvoir tenir le coup avec le nombre de commissaires-enquêteurs que nous avons actuellement, mais, évidemment, il est difficile de prévoir l'avenir. Je pense qu'il sera nécessaire d'augmenter le nombre des inspecteurs plutôt que le nombre des commissaires-enquêteurs. Si on augmente le nombre des commissaires-enquêteurs, ça ne devrait pas être très significatif, disons augmenter de deux ou trois au maximum.

M. Bertrand: Est-ce que la commission de surveillance a fait une analyse de l'évolution dans le temps des demandes qui sont acheminées par les citoyens? Est-ce que ça va en s'accroissant, ça va en diminuant?

M. Laurin: Actuellement, la courbe est légèrement ascendante. Nous recevons, comme vous avez pu le voir dans le rapport, environ un peu plus de 200 demandes d'enquête par mois.

M. Bertrand: Quel est le délai moyen — parce que j'imagine que, les cas différant de l'un à l'autre, le délai peut varier — entre la demande qui est acheminée par un citoyen, la réponse qui est faite par la commission, le début d'enquête par l'inspecteur et le jugement qui s'ensuit par le commissaire?

M. Laurin: Cela varie énormément, selon la nature de la contravention. Dans certains cas, cela est réglé très rapidement. Dans les cas où nous devons mettre formellement en demeure le contrevenant présumé d'obtempérer à la loi, souvent le délai moyen, je dirais, est de 60 jours. (17 heures)

M. Bertrand: 60 jours. Je vous pose la question, M. le Président, parce que j'ai moi-même tenté l'expérience à partir d'un fait qui m'avait profondément choqué au Colisée de Québec. Certains se le rappellent. Quand ce sont les députés qui soulignent l'événement, ça connaît une certaine diffusion dans le public par la voie des journaux, de la radio et de la télévision, ce dont je me félicite d'ailleurs parce que ça permet à la commission de surveillance de faire connaître son existence et aux citoyens d'être conscients qu'ils peuvent jouer un rôle pour franciser davantage le Québec.

Je me rappelle que la demande que j'avais acheminée à la commission remonte déjà au mois de janvier, au début janvier de cette année. J'ai reçu une lettre de la commission de surveillance, je pense que c'est l'inspecteur qui répond... c'est le commissaire-enquêteur qui répond en disant: J'ai reçu votre demande, nous allons procéder au cours des prochaines semaines. Mais, depuis cette lettre, rien relativement à deux affiches unilingues anglaises qui avaient été posées sur les bandes du Colisée de Québec durant un match international qui avait été télédiffusé. Je pense qu'on se rappelle l'événement, cela avait été souligné par les media d'information. Je n'ai pas eu de nouvelle depuis de temps. Evidemment, on est en bonne position, nous, en commission parlementaire pour faire valoir nos demandes, mais j'ai l'impression que si ça m'arrive à moi, ça peut arriver à d'autres. Je pense que les citoyens qui font appel à la commission de surveillance s'attendent à recevoir des réponses assez rapidement. Je constate effectivement que des 5000 demandes que vous avez reçues, un très large pourcentage a reçu une solution, ce qui est très encourageant, mais c'était un cas isolé, M. le Président.

M. Laurin: Je suis peiné d'apprendre que vous n'avez pas eu satisfaction plus rapidement. Normalement, vous auriez dû recevoir d'autres communications de la part du commissaire-enquêteur.

Est-ce que je peux demander, M. le Président, s'il s'agissait d'un affichage temporaire?

M. Bertrand: Temporaire.

M. Laurin: Alors, la situation s'est corrigée d'elle-même. L'événement durait une journée ou deux. Je n'essaie pas de disculper le commissaire-enquêteur, il aurait dû communiquer avec vous.

M. Bertrand: Remarquez, M. le Président, que dans ce cas précis, indépendamment du jugement qu'aurait porté la commission de surveillance, l'opinion publique a été suffisamment mise au courant que déjà il y avait ce qu'on a pu appeler tantôt une sanction morale qui a pesé sur les deux entreprises en question à un point tel que l'une des deux compagnies — je la nomme parce que je veux la féliciter en passant — la compagnie Puro-lator, qui distribue le courrier, a réagi immédiatement à la nouvelle en faisant valoir qu'elle engagerait elle-même des poursuites contre la maison de publicité ou l'agence de placement qui avait posé les affiches, qu'elle s'excusait auprès du public québécois et qu'elle renouvelait son intention de bien franciser son entreprise, ce qu'elle a fait d'ailleurs. Je pense que c'est une compagnie qui a très bien collaboré.

Je lui ai récrit par la suite pour la féliciter justement de son attitude, de sa réaction extrêmement positive et lui expliquer que je comprenais très bien ce qui avait pu survenir, mais que c'était notre rôle à nous de faire prendre conscience aux entreprises qu'il pouvait y avoir certains problèmes à l'occasion.

Indépendamment des suites données par la commission de surveillance, je pense que le seul fait de mettre devant le public certains problèmes de cet ordre est de nature à encourager non seulement les entreprises, mais les citoyens à bien exercer leur rôle de vigilance, ce qui m'apparaît une responsabilité individuelle. Elle appartient à chacun des Québécois et j'espère la voir se développer avec le temps. C'est pour ça que je me demandais si ça croissait. Je ne dis pas que je voudrais que ça croisse, si ça diminue avec le temps, j'ai l'impression que ce sera parce que maintenant le visage français du Québec devient apparent, mais il faut veiller au grain.

Certains problèmes ont été soulevés récemment dans la région de Québec, en particulier dans le coin de Sainte-Anne-de-Beaupré, où les touristes se font nombreux durant la période estivale et où l'affichage, il faut le dire, parce que c'est vrai, n'a pas les caractéristiques d'un affichage qui respecterait, à notre convenance, en tout cas, l'esprit de la loi no 101. Je trouve ça malheureux et je pense que la commission de surveillance doit poursuivre son rôle avec ténacité, mais j'imagine que vous n'avez pas de rôle d'initiative dans le cas présent, vous répondez à une demande qui vous est faite comme commission de surveillance. Vous avez un rôle d'initiative aussi?

M. Laurin: Nous pouvons agir de notre propre initiative, ce que nous faisons d'ailleurs fréquemment.

M. Bertrand: Je vous encourage à le faire.

M. Lalonde: Je désire féliciter le député de Vanier de la part de l'Opposition officielle et inviter le président à considérer sa candidature éventuelle comme inspecteur après les prochaines élections.

M. Bertrand: Pour faire avancer mon dossier.

M. Laurin: Pour répondre à une demande possible du député de Marguerite-Bourgeoys de l'Op-

position officielle, je pourrais déposer un résumé, un tableau récapitulatif des demandes d'enquêtes selon les chapitres et les articles de la loi 101 jusqu'à mars 1980 selon les articles de la loi qui ont fait l'objet de plaintes et selon les régions également de provenance des plaintes.

M. Lalonde: Merci.

M. Laurin: Je remplis même les promesses que je ne vous fais pas.

M. Lalonde: Je vous en remercie.

M. Bertrand: Je voudrais simplement ajouter que j'ai l'impression qu'il y a un travail d'information qui devrait être poursuivi de façon très intense. Les gens ont l'impression, un peu comme le disait le député de Marguerite-Bourgeoys tantôt, qu'il y a une souplesse, à un moment donné, qui finit par ressembler à du laisser faire et les gens finissent presque par s'y habituer. Ils se disent: A toutes fins utiles, si j'ai mis un peu de français dans mon annonce, et je pense en particulier à toute cette route qui mène à Sainte-Anne-de-Beau-pré, si j'ai mis un peu de français dans mon annonce, ils vont bien comprendre finalement à la Commission de surveillance et à l'Office de la langue française qu'on ne peut tout de même pas ignorer que la majorité des touristes sont anglophones, etc., et donc qu'il n'est pas nécessaire d'aller jusqu'au bout de notre démarche de francisation comme la loi nous y oblige. Je pense qu'il faut poursuivre ce travail au niveau de l'information en particulier, parce qu'il y a une idée, qu'il y a une espèce de mythe qu'il faudrait retirer de l'esprit des gens, c'est celui de s'imaginer que dès que c'est français et uniquement français ça décourage le touriste, ça décourage l'anglophone, l'Américain de venir chez nous et ça va l'empêcher d'utiliser les services que nous lui offrons en français. J'ai nettement l'impression, au contraire, qu'une fois ce préjugé, ce mythe disparu, les gens vont se rendre compte à l'usage qu'on peut très bien offrir des services en français aux touristes et voir le touriste accepter que ce service lui soit offert en français, d'autant plus que ce touriste a la certitude, venant au Québec, que, verbalement, il aura toujours l'information nécessaire, qui lui sera fournie en anglais, si une telle chose est absolument indispensable. Il n'y a pas beaucoup de Québécois, sauf dans certaines régions où le degré d'information manque beaucoup, qui ne soit pas capable d'utiliser un minimum d'anglais pour traduire un certain nombre de choses au touriste dont la langue est l'anglais. Je pense qu'il y a un travail d'information à faire de ce côté-là. Je ne sais pas si c'est la Commission de surveillance ou l'office. Je pense que c'est plus l'office qui a un rôle à jouer de ce côté-là. Il y a un travail d'information à faire pour briser un certain nombre de mythes et de préjugés qui existent dans l'esprit des gens, relativement, en particulier, à ce problème. Le visage français, c'est rentable pour les gens qui ont des services à offrir et ils ont l'im- pression au contraire que, s'ils oublient de mettre un certain nombre de mots anglais, il y a un certain pourcentage X de clientèle qui ne viendra pas.

M. Laurin: En somme, les Américains qui viennent ici ne peuvent s'empêcher de s'écrier: Vive la différence!

M. Bertrand: II y avait des entrevues récemment avec les gens qui conduisent les calèches dans le Vieux-Québec et je pense que c'est 70% de leur clientèle qui est anglophone, et la remarque qui revient le plus souvent c'est: Bravo de préserver ce patrimoine, cette culture, cet héritage historique et d'en faire la publicisation.

M. Laurin: M. le Président, est-ce que je pourrais simplement lire une phrase d'un rapport que je remettais à M. le ministre ce matin. J'ai dit ici: Un programme d'inspection systématique de l'affichage public sera appliqué aux grandes voies d'accès touristiques du Québec afin que le visage français du Québec soit apparent aux visiteurs et aux Québécois qui reviennent chez eux et ce dès l'arrivée. C'est dans le cadre de vos préoccupations.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors, ça satisfait M. le député de Vanier?

M. Bertrand: On ne peut plus.

M. Laurin: Avant qu'on ne termine la revue des organismes dont je suis responsable, je m'en voudrais de ne pas parler, durant quelques minutes, de la Commission de toponymie qui, à l'intérieur de l'Office de la langue française, jouit d'une relative autonomie. C'est la première année complète de fonctionnement de la Commission de toponymie. Cette commission s'est réunie onze fois au cours de cette année et cela lui a permis d'officialiser 5103 toponymes, dont 5018 nouveaux noms de lieux, 69 changements de noms et 16 modifications à la forme écrite de certains noms.

La Commission de toponymie a établi ses politiques également au cours de l'année. Elle a créé aussi une commission de terminologie géographique afin de satisfaire à l'article 125c de la charte, commission qui a le devoir d'établir et de normaliser la terminologie géographique en collaboration avec l'Office de la langue française. La commission a signé aussi deux protocoles d'entente avec le ministère des Affaires municipales et le ministère de l'Education, facilitant ainsi les communications réciproques des documents et renseignements appropriés en matière de toponymie.

La commission a participé aussi à certaines réunions tenues dans un cadre fédéral-provincial, afin justement de bien montrer la participation du Québec à l'effort du Comité permanent canadien des noms géographiques, qui s'est tenu à Victoria, en octobre 1979.

La commission a procédé beaucoup cette année à l'établissement de ses inventaires de

noms de lieux et, par exemple, aux inventaires toponymiques sur le terrain, qu'il s'agisse d'inventaires de noms de chemins, de noms de lacs, en collaboration avec les municipalités et les divers ministères, sans oublier les inventaires en milieux amérindiens.

Actuellement, 120 000 toponymes sont consignés par la commission, dont 81 000 sont officialisés. Jusqu'ici, ces noms ont été conservés dans un fichier mécanographique, mais il devient de plus en plus nécessaire, étant donné l'addition considérable annuelle de ces toponymes, de changer de système. Probablement qu'au cours de l'année actuelle, nous mettrons sur pied un nouveau système automatisé de gestion de données toponymiques, afin de pouvoir faire face à une musique qui devient de plus en plus abondante et harmonieuse.

La commission procède aussi à l'analyse des toponymes, et au cours de l'année actuelle, 15 902 toponymes ont été analysés en fonction des critères de choix, des règles d'écriture et de tout autre élément qui permet d'évaluer l'acceptabilité d'un nom de lieu. L'office et la commission ont procédé également à des consultations populaires dans le but de statuer sur le choix des noms des futures municipalités des villages nordiques. On peut dire que tous les nouveaux noms de cette région sont vraiment en langue inuit. La commission a également collaboré avec le ministère des Transports pour la dénomination des voies de circulation; avec le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, pour les noms de parcs, de ZEC, de lacs, de cours d'eau et de réserves; puis avec le ministère de l'Energie et des Ressources, pour les noms de réserves écologiques.

La commission s'est occupée aussi, en vertu de l'article 128 de la charte, du contrôle des noms actuels. Par exemple, l'emploi des noms choisis ou approuvés par la commission devient obligatoire, comme on le sait, en vertu de cet article, dans les textes et documents de l'administration des organismes publics, dans la signalisation routière, dans l'affichage public, dans les ouvrages d'enseignement, etc., et c'est la raison pour laquelle il faut contrôler chacun de ces noms de lieux.

Cette fonction de contrôle a nécessité, par exemple, la vérification du contenu toponymique de 1450 cartes, de 405 dossiers de toutes sortes, de 37 ouvrages devant être approuvés par le ministère de l'Education et elle a donné également au-delà de 1400 consultations toponymiques verbales et écrites adressées, la plupart du temps, à différents organismes de l'administration.

La Commission de toponymie est, elle aussi, obligée de mener des recherches pertinentes aux objectifs qu'elle poursuit. Par exemple, elle a poursuivi une étude exhaustive sur l'ensemble des toponymes relevés dans l'archipel de Mingan et elle est en train d'élaborer une banque de noms de lieux, l'établissement de normes d'écriture des toponymes, ainsi que plusieurs autres projets.

En ce qui concerne l'information, les communications, la commission de géographie a lancé son Répertoire toponymique du Québec, un volume qui comprend une liste de 75 000 noms de lieux officiels au Québec. (17 h 15)

Et ce répertoire très populaire a été distribué à tous les publics cibles. Plusieurs autres publications, également, ont été lancées au cours de l'année par la Commission de toponymie dont: Le guide toponymique du Québec, le guide toponymique municipal, des dossiers toponymiques régionaux, ainsi qu'un recueil de textes et des conclusions résultant de l'atelier sur l'écriture des noms de lieux amérindiens, qui s'est tenu au printemps 1979.

Il y a donc beaucoup de travail qui se fait actuellement à la Commission de toponymie et étant donné que plusieurs régions du Québec sont en plein développement et que des lieux n'ont pas encore reçu leur appellation, je pense que c'est là un travail silencieux, mais extrêmement important pour l'avenir du Québec, pour la conservation du patrimoine.

M. Lalonde: Je remercie le ministre de ces quelques mots concernant la Commission de toponymie. Je ne veux pas passer beaucoup de temps, puisqu'il y a d'autres questions et qu'on doit terminer à six heures sur cet organisme qui en est à sa première année d'opération, de fonctionnement.

J'aimerais simplement avoir une réponse à une question de curiosité, surtout. Est-ce que le gouvernement a consulté cette commission pour savoir quels noms donner aux édifices A, B, C, D, etc.?

M. Laurin: Non, ce n'est pas la Commission de toponymie que nous avons consultée à ce sujet, c'est une étude que nous avons demandée au ministère des Affaires culturelles et, incidemment, j'ai maintenant cette étude en main. Elle a failli être étudiée hier au comité ministériel permanent du développement culturel.

Cette étude nous suggère en effet de trouver des noms plus poétiques que A, B, C, D, E, F, I, J, H, etc. Nous étudierons les recommandations que nous faisons à une séance ultérieure. Mais je pense que je peux dire immédiatement au député de Marguerite-Bourgeoys que nous essayerons, là aussi, de ne pas nous figer dans des politiques trop stéréotypées ou univoques. Nous voudrions avoir à notre disposition toute une gamme d'appellations dont, par exemple, certaines pourraient se référer à des personnages importants de notre histoire, comme le député de Marguerite-Bourgeoys, ou le chef de l'Opposition officielle, ou encore à la fonction principale qui est exercée dans ces lieux, ou encore à la couleur de la cravate du président, ou des fleurs qui entourent l'édifice.

De toute façon, nous voudrions avoir à notre disposition un certain nombre de moyens qui nous serviront à donner des noms divers, sonores, poétiques, qui témoigneront de notre vitalité.

M. Lalonde: Est-il possible aussi, si le ministre le permet, de suggérer une consultation, un concours peut-être? Il y a d'excellentes suggestions qui peuvent nous venir de gens tout à fait...

M. Laurin: C'est une excellente idée, en effet, que je retiens.

M. Lalonde: Je vous remercie. Je n'ai pas de questions précises, à part cela, sur cette commission.

M. Bertrand: Je m'excuse, je n'ai pas entendu tout ce que le ministre a dit sur la Commission de toponymie. Quelle a été la collaboration des municipalités?

M. Laurin: Excellente. Les municipalités sont extrêmement heureuses de voir arriver en leur sein une commission officielle du gouvernement qui les consulte justement sur leurs expériences qui, quelquefois, sont très longues. Nous avons recueilli là des suggestions auxquelles nous n'aurions sûrement pas songé nous-mêmes, si nous n'avions pas pris la peine d'aller les consulter.

M. Bertrand: Est-ce qu'il y a une seule municipalité au Québec qui aurait demandé à la Commission de toponymie de se pencher sur la possibilité de modifier le nom de la municipalité?

M. Laurin: Cela n'arrive pas souvent parce que justement les traditions sont très ancrées dans ces milieux; on pense plus à nous faire des suggestions sur les nouveaux lieux qu'il faudrait nommer que sur les anciens qu'il faudrait "dénommer", malgré que ces éventualités se produisent aussi. Quand il s'agit de corriger, par exemple, des erreurs de parcours qui se seraient effectuées dans le passé.

De toute façon, comme je l'ai dit tout à l'heure, concernant les publications de la Commission de toponymie, nous avons publié un guide toponymique municipal qui est très en demande dans les municipalités dont on s'inspire maintenant pour faire des ajouts ou des corrections de noms qui, par la suite, doivent être approuvés par la Commission de toponymie.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci.

M. Laurin: Merci beaucoup, M. Forget.

M. Lalonde: En terminant, avant de passer à un autre élément, j'aurais seulement quelques mots sur la question... C'est la première fois que nous avons l'occasion d'étudier avec un peu de profondeur la francisation des entreprises sous la loi 101. Naturellement, je suis un peu déçu des retards. Je ne veux pas en tenir rigueur aux fonctionnaires qui travaillent, j'en suis convaincu, d'arrache-pied, pour éviter de prendre trop de retard. Je pense qu'on doit leur rendre hommage. Je le fais, pour ma part. Mais il reste qu'au nom du réalisme, il y a un certain nombre de périls à laisser ces retards s'accumuler. Et c'est l'impression que j'ai actuellement, celle que le gouvernement ne prend pas toutes ses responsabilités, par exemple, lorsque, dans l'affirmation du ministre dans ses remarques préliminaires, il nous a dit que tout allait bien dans le meilleur des mondes et même dans les rapports du président où on dit qu'il y a quelques mois de retard.

Je pense qu'on se doit de donner à la population le tableau exact du déroulement de cette grande démarche et ne pas tenter de lui cacher même les difficultés que nous avons. Cela va donc plus lentement que cela devrait ou enfin qu'on l'a souhaité au gouvernement par l'adoption du règlement.

Deuxièmement, une autre chose me frappe, c'est que le gouvernement ne prend pas les moyens qui sont mis à sa disposition, que lui-même a réclamés dans la loi; il se rabat plutôt sur une attitude incitative, qui était celle de la loi 22 tant décriée par les membres du gouvernement actuel. Il y a un tas de leçons à prendre de ces attitudes dévoilées aujourd'hui.

En terminant, je veux quand même souhaiter que ces retards soient rattrapés. Que le gouvernement donne à l'office et aux autres organismes les moyens nécessaires pour le faire. Quant à nous, nous tirerons nos conclusions en temps et lieu sur l'attitude du gouvernement et du ministre en ce qui concerne les moyens qu'il a reçus du législateur, mais qu'il ne veut pas employer.

M. Laurin: M. le Président, je ne suis pas du tout d'accord avec ces commentaires du député de Marguerite-Bourgeoys. Il est vrai que nous avons constaté un certain nombre de retards dans la remise, soit des analyses linguistiques ou dans la remise des programmes de négociation; mais c'est d'une façon délibérée que nous avons voulu rendre admissible à l'aide de l'office le plus grand nombre d'entreprises dans les plus brefs délais possible, sachant que, par la suite, une fois que ces dernières entreprises seraient admissibles, il nous resterait à peu près un peu plus de trois ans pour que se matérialisent les diverses étapes devant mener à l'obtention des objectifs fixés par la loi. C'est délibérément que nous l'avons fait, sachant qu'il est mieux de demander plus vite aux entreprises exactement ce dont nous avons besoin pour ensuite passer plus de temps sur la mise en train, sur l'opérationnalisation des mesures nécessaires pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés.

Les retards que nous avons constatés ne sont quand même pas très sérieux par rapport à la vitesse de croisière que nous avons atteinte. Encore une fois, il nous reste amplement de temps pour pouvoir atteindre l'échéancier de 1983 que nous fixait la loi. Je ne suis pas d'accord non plus avec l'approche que semble suggérer le député de Marguerite-Bourgeoys quand il dit que nous avons des moyens dont nous ne nous servons pas. Je pense, comme je l'ai dit tout à l'heure, que nous nous en servons, mais d'une façon souple et in-

telligente et, bien souvent, le bon sens et la raison aidant, ces méthodes, moyens, attitudes réussissent à nous faire atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. Au fond, c'est cela qui est important. C'est l'atteinte des objectifs et non pas la manipulation d'un tonnerre que nous savons que nous possédons.

La suggestion que nous faisait le député de Marguerite-Bourgeoys, en disant que l'approche de la loi 22, qui était purement incitative, s'avère encore meilleure que celle de la loi 101, est contredite par l'analyse de Yvan Allaire et Roger Miller, menée pour le compte de l'Institut de recherche CD. Howe. Ces deux chercheurs sont très bien connus du député de Marguerite-Bourgeoys. Je pense qu'ils militent même dans la même formation politique que lui, ce qui n'a quand même pas empêché ces deux chercheurs de dire, dans leur étude, et je les cite: "L'analyse des principes défendus par les deux lois et des mesures qu'elles préconisent nous ont amenés à conclure qu'en ce qui concerne la francisation de l'entreprise, la loi 101 est, à maints égards, plus raisonnable et efficace que la loi 22, car son application se veut obligatoire pour toutes les entreprises et elle ne vise qu'à la promotion de la langue française." Les auteurs reconnaissent, par ailleurs, la souplesse de la charte, notamment en ce qui a trait à la situation particulière des sièges sociaux et des centres de recherche auxquels elle permet de négocier des ententes spéciales avec l'Office de la langue française.

Donc, je ne crois pas que l'on doive regretter la politique qui a été adoptée par le gouvernement, il y aura bientôt trois ans, car, somme toute, cette politique et la façon dont elle est appliquée actuellement nous rapprochent, au rythme de croisière prévu, des objectifs que nous nous sommes fixés.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce qu'on passe à un autre sujet?

M. Lalonde: Oui, on a quelques...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Quel est le sujet?

M. Lalonde: Peut-être, si vous permettez, la...

Aide financière à l'Institut québécois de recherche sur la culture

M. Laurin: L'Institut de recherche sur la culture...

M. Lalonde: L'Institut de recherche...

M. Bertrand: ... qui devait faire un travail de propagande référendaire, semble-t-il, épouvantable.

M. Lalonde: Je ne sais pas où sont les difficultés, mais on va peut-être laisser le ministre nous décrire...

M. Laurin: Un débat.

M. Lalonde: ... les multiples efforts que lui-même et ses collaborateurs ont faits dans ce domaine, étant donné qu'il y a déjà un an que la loi est adoptée. J'aimerais avoir la description des nombreuses démarches, des recherches, des publications de cet institut.

M. Laurin: Le député de Marguerite-Bourgeoys sait très bien qu'il ne suffit pas de créer un organisme pour que celui-ci commence à travailler illico. Il faut quand même un certain temps, une fois qu'un organisme est créé, pour en choisir les principaux officiers, les membres du conseil d'administration. Ce travail nous a occupés un certain nombre de mois et, par la suite, il a fallu choisir aussi un siège social pour cet Institut de recherche sur la culture, ce qui a été fait. On peut dire, somme toute, qu'il n'y a que cinq ou six mois que l'institut a commencé, effectivement, à travailler dans les locaux qui lui ont été fournis. J'ai rencontré, à quelques reprises, le président du conseil d'administration ainsi que le directeur général. Comme il convient pour un institut qui oeuvre à long terme, et non pas pour répondre à des commandes immédiates, ce conseil d'administration a eu la sagesse de prendre le temps qu'il faut pour établir un programme convenable d'activité.

Ce conseil d'administration est actuellement en pleine session d'études pour établir un programme de recherche qui s'étalera sur les années subséquentes, recherches à long terme et à moyen terme, en même temps qu'il est en train également de mettre sur pied un service de statistiques culturelles que nous ne possédons pas à l'heure actuelle et pour lequel le service de recherche et de statistiques du Québec n'a jamais été capable véritablement de répondre aux besoins très particuliers des ministères du secteur culturel. (17 h 30)

Je pense bien que, lors de l'étude des prochains crédits, je serai en mesure de satisfaire davantage la curiosité du député de Marguerite-Bourgeoys et que je pourrai lui présenter — j'espère pouvoir le faire avant en réponse à une question qui pourrait m'être posée — je serai en mesure de déposer le programme d'action de l'Institut québécois de recherche sur la culture à l'intérieur des trois ou quatre grands volets que la loi lui assigne.

M. Lalonde: M. le Président, ce qui m'étonne, c'est que cet institut qui a été créé par une loi sanctionnée le 22 juin 1979 — il y aura un an dans quelques jours — n'a vu son président nommé qu'en décembre 1979, je crois.

M. Laurin: Oui, c'est ça. M. Lalonde: Le...

M. Laurin: Je peux peut-être interrompre ici le député. Pour nommer ce président, nous sommes entrés en relations avec tous les organismes du

milieu et, en particulier, les universités. Nous avons procédé à une consultation rigoureuse, rationnelle et nous avons longuement étudié les suggestions qui nous ont été faites et, par la suite, il a fallu que le Conseil des ministres décide là-dessus à l'intérieur d'horaires et d'agendas extrêmement chargés. Et s'il nous a fallu attendre aussi longtemps avant de procéder à la nomination, c'est que nous avons utilisé ces consultations de la façon la plus sage qu'il nous paraissait opportun de le faire.

M. Lalonde: Cela vous a pris six mois de consultation et de recommandations pour trouver...

M. Laurin: C'est donc la preuve que notre choix...

M. Lalonde: ... M. Fernand Dumont que vous connaissiez très bien.

M. Laurin: Oui, mais justement, il fallait voir s'il n'y avait pas d'autres candidatures qui pouvaient être aussi bonnes que la sienne.

M. Lalonde: Bon!

M. Laurin: II faut être juste pour tous ceux dont la valeur se compare à M. Dumont.

M. Lalonde: L'institut est formé de neuf membres nommés par le gouvernement, dont cinq après consultation des milieux intéressés par les recherches sur les phénomènes culturels. Au moins trois des membres sont nommés parmi les chercheurs de l'institut.

Est-ce que le ministre peut nous dire quand les membres en fonction ont été nommés, à part le président?

M. Laurin: II faudrait que je pousse davantage mes études, mais je sais que les membres du conseil d'administration qui ont été nommés représentent les diverses régions du Québec. Il y en a qui viennent de Rimouski. Il y en a qui viennent de Sherbrooke. Il y en a qui représentent les divers secteurs culturels, le monde du cinéma par exemple. Il y en a qui représentent les femmes. Il y en a qui représentent les divers groupes ethniques, et c'est pour balancer ce conseil d'administration justement que nous avons pris du temps pour mener les consultations.

M. Lalonde: Quand ont-ils été nommés? J'avoue qu'après plusieurs heures de recherche, j'ai beaucoup de difficulté à trouver la liste des membres.

M. Laurin: Ah! je vais sûrement vous... C'est ça.

M. Lalonde: Vous pouvez peut-être nous la donner et nous dire quand ils ont été nommés. Vous ne l'avez pas ici avec vous?

M. Laurin: Non, je ne l'ai pas avec moi ici.

M. Lalonde: Comment pensez-vous que j'aurais pu trouver la liste si le ministre lui-même ne l'a pas?

M. Laurin: Ah! je ne l'ai pas apportée, mais je pourrai vous la faire parvenir dès lundi.

M. Lalonde: Excellent travail. Oui, ce sont les mêmes réponses que j'avais du maire. Je vous enverrai ça lundi.

M. Laurin: Avec cette différence que vous l'aurez lundi.

M. Lalonde: Ils vont faire une commission d'enquête sur nous, vous savez.

M. Godin: ... blanchis, là.

M. Lalonde: Pas blanchis, félicités. Donc, les neuf membres sont en fonction actuellement?

M. Laurin: Oui.

M. Lalonde: Si le président a été nommé en décembre, est-ce qu'ils ont été nommés en même temps?

M. Laurin: Oui.

M. Lalonde: Excusez mon ignorance, mais j'ai cherché un peu partout et je n'en ai trouvé aucune trace. Est-ce que vous avez fait une conférence de presse lors de la nomination?

M. Laurin: Non.

M. Lalonde: Ah bon!

M. Laurin: Vous vous étonnez que, parfois, on ne fasse pas de conférence de presse.

M. Lalonde: J'étais sous l'impression, je l'avoue, qu'il n'y avait que le président et le directeur général qui...

M. Laurin: Non, il y a le président-directeur général et ce ne sont pas tous les membres du conseil... Ceux que le Conseil des ministres devait nommer de son propre chef proprio motu ont été nommés, mais il y a les trois, qui doivent nous être suggérés par le conseil d'administration actuel, qui n'ont pas encore été nommés.

M. Lalonde: Mais il y en a cinq qui devaient être nommés après consultation des milieux intéressés...

M. Laurin: C'est ça, ceux-là l'ont été.

M. Lalonde: ... par les recherches sur les phénomènes culturels. Vous pourrez nous donner

une indication ou une description de ces milieux en détail?

M. Laurin: Effectivement, en détail.

M. Lalonde: Vous allez nous donner ça lundi.

M. Laurin: Oui.

M. Lalonde: Est-ce qu'on se réunit lundi, M. le Président? Non?

Vous me laissez sur mon appétit, je dois prendre simplement avis de...

M. Laurin: Votre appétit sera comblé lundi. Vous n'aurez plus faim.

M. Lalonde: On peut donc difficilement scruter l'emploi des $600 000...

M. Laurin: Oui, même si je vous donnais les noms, vous ne pourriez guère scruter davantage parce que, comme je vous l'ai dit, ce conseil d'administration établit actuellement son programme de travail et de recherche pour la prochaine année.

M. Lalonde: Est-ce que vous pouvez nous informer au moins de la nature des travaux en cours à l'institut?

M. Laurin: Ils sont en train d'établir justement le programme d'activité de recherche, mettre sur pied les embryons de ce service de statistiques culturelles dont nous avons besoin.

M. Lalonde: Est-ce qu'il y a des effectifs qui ont été...

M. Laurin: II n'y a actuellement que le directeur général et les membres du personnel de soutien absolument nécessaires.

M. Lalonde: A quel endroit logent-ils?

M. Laurin: Rue Sainte-Ursule.

M. Lalonde: Ce sont des locaux temporaires?

M. Laurin: Oui, ce sont des locaux temporaires?

M. Lalonde: Je n'ai pas beaucoup plus de questions, je regrette, M. le Président. J'aurais aimé examiner cet... et féliciter le ministre, mais je ne peux pas le faire.

M. Laurin: Comme vous voyez, l'Institut de recherche sur la culture ne s'est pas dépêché de se lancer dans les activités de propagande que vous sembliez tant craindre lors de la discussion du projet de loi.

M. Lalonde: Je vois que les avertissements que nous avons servis ont été utiles.

M. Laurin: Non, ils étaient, en fait, caducs avant même que vous ne les énonciez.

M. Lalonde: Mais juste au cas. Vous savez, on va continuer à être vigilants et...

M. Laurin: J'aime beaucoup les caveat, surtout quand je me les fais à moi-même avant que vous ne les fassiez.

M. Lalonde: C'est $600 000 de crédits que vous demandez pour la mise en route de l'institut, mais le but étant que son... l'objectif est de $1 200 000 pour une année complète.

M. Laurin: C'est ça. Evidemment, il est possible qu'il y ait des crédits périmés pour la première année.

M. Lalonde: Oui et peut-être y aura-t-il un gouvernement périmé, mais on verra ça plus tard.

M. Laurin: Oui, on verra ça.

M. Lalonde: On peut passer à un autre élément, M. le Président, j'espère qu'on sera plus loquace.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le programme 9 est-il adopté?

M. Laurin: Adopté.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Adopté. Est-ce qu'on peut adopter le programme 8, M. le député de Marguerite-Bourgeoys?

M. Lalonde: C'est-à-dire que j'aimerais qu'on parle de la recherche scientifique. Est-ce dans ce programme-là?

M. Laurin: Non, ce n'est pas dans ce programme-là, mais je pense qu'on peut quand même...

M. Lalonde: Et les droits d'auteur et les... M. Laurin: Oui, on peut parler de tout ça.

M. Lalonde: Vous aviez des travaux en marche, peut-être pourriez-vous nous donner un...

M. Laurin: Oui. Commençons par le droit d'auteur. C'est un travail d'envergure qui est commencé depuis plusieurs années, en fait, au gouvernement. C'est un sujet éminemment complexe car c'est un sujet éminemment interdisciplinaire où sont intéressés non seulement les créateurs, les producteurs de biens culturels, les artistes, les interprètes, mais également divers autres ministères comme le ministère de la Justice, par exemple, le ministère des Affaires intergouvernementales puisqu'il s'agit de conventions internationales et qu'il s'agit d'une loi fédérale qui n'a pas été révisée depuis près de 40 ans.

Il est bien évident que, lorsque nous sommes régis par une loi aussi vétuste que celle-là, qui n'a

pas été amendée depuis longtemps, et que nos artistes oeuvrent dans un domaine qui est l'objet de mutations importantes et nombreuses, le travail d'ajustement qui s'impose et de redressement dans certains cas demande à être considéré sous tous les angles.

C'est ce que nous avons fait au cours des dernières années. Nous avons élargi la composition du comité du droit d'auteur. Ce comité a reçu également des délais pour procéder aux études, recherches, consultations et discussions nécessaires. Un premier rapport nous a été remis il y a six mois, rapport qui a été étudié au comité ministériel permanent de développement culturel, qui a décidé qu'il avait besoin d'éléments additionnels ne se croyant pas en état d'établir avec ce qui lui avait été fourni une politique définitive. Donc, nous avons renvoyé ce rapport au comité pour qu'il y ajoute d'autres dimensions et ceci, actuellement, est en train de se faire. Je prévois que le rapport final me sera remis vers septembre ou octobre, et que peut-être, à ce moment-là, le comité ministériel permanent du développement culturel sera en mesure d'adopter un projet définitif de politique concernant le droit d'auteur.

Entre-temps d'ailleurs, nous avons pris quelques décisions pour parer aux problèmes les plus urgents, comme l'instauration d'un service de propriété intellectuelle au ministère des Communications pour la gestion des droits d'auteur gouvernementaux, également pour fournir des informations au public sur le droit d'auteur dans les cas où cela s'avère nécessaire. Mais il reste que nous attendons le rapport final pour établir cette politique exhaustive, polyvalente, multidisciplinaire, que commandent les changements technologiques aussi bien que la prise de conscience des besoins nouveaux et de plus en plus pressants des auteurs et des producteurs. Je pense que cela presse d'ailleurs, si l'on considère la poursuite que viennent d'intenter un certain nombre de producteurs à nos maisons d'éducation.

C'est là un signe additionnel de l'urgence qu'il y a de procéder en la matière. Grâce aux études intensives qui ont été menées, je pense que nous serons en mesure, à l'automne, de faire le tour du problème, de tenir compte de tous les aspects, de toutes les dimensions de ce problème complexe, et que nous adopterons des solutions pragmatiques qui s'imposent en même temps que des solutions qui correspondent aux besoins de cette société spécifiquement québécoise qui est la nôtre, puisqu'en cette matière l'identité québécoise doit sûrement être un des principaux critères, une des principales pierres de touche qui doivent guider notre action.

M. Lalonde: M. le Président, je n'ai pas d'autres questions, étant donné que c'est un rapport d'étape. On n'a aucun rapport concret, c'est-à-dire un rapport qu'on pourrait examiner ici à la commission. J'aurais peut-être seulement une question. Quelle forme prendra le résultat de ces études? Est-ce que c'est un autre livre coloré, est-ce que c'est une décision gouvernementale ou une consultation additionnelle? Quels sont les plans du ministre? (17 h 45)

M. Laurin: Nous avons déjà procédé à un très grand nombre de consultations officieuses au sein du milieu. Je ne pense pas qu'une fois que nous aurons pris nos décisions, il soit nécessaire à nouveau de procéder à une consultation formelle. Evidemment, ce sera toujours utile d'avoir, comme d'habitude, l'opinion du milieu, mais je pense que nous avons été assez prudents et assez exhaustifs dans notre façon de procéder, pour qu'il ne soit pas nécessaire de procéder à une consultation formelle.

Quelle forme cela prendra-t-il? Je ne saurais vous le dire actuellement. Ce sera sûrement un plan d'action, en tout cas, parce que l'action s'impose dans plusieurs domaines. Il est possible que nous suggérions au gouvernement de procéder immédiatement dans la sphère de sa juridiction. Par exemple, si l'on regarde l'application du droit d'auteur, la constitution du Canada donne quand même aux provinces un certain nombre de pouvoirs en rapport avec le droit de propriété, et nous pouvons agir dans ce domaine. Il y a aussi le domaine de l'information, comme je le disais tout à l'heure, la gestion de nos propres droits d'auteurs; il y a aussi l'amélioration du statut du producteur et du créateur, où nous pouvons agir immédiatement, l'amélioration des conditions économiques avec lesquelles doivent se débattre les auteurs et les créateurs. Voilà autant de domaines sur lesquels nous pouvons agir, non pas par des textes législatifs, mais par des mesures pratiques que nous pouvons prendre immédiatement, soit la création d'organismes, de services ou encore des interventions ponctuelles ou encore des appropriations budgétaires.

Nous agirons sûrement le plus vite possible dans ce domaine. Mais il est possible aussi que nous soyons amenés, il est même probable que nous serons amenés, à préparer un dossier de négociations avec le gouvernement fédéral, l'incitant d'une façon urgente à modifier la loi fédérale dans le sens des conclusions du rapport sur lequel nous avons travaillé intensément. Je pense que le gouvernement fédéral serait bien content de profiter de l'importante contribution que nous ferons à ce travail de révision.

Nous pourrons aussi étudier des balises pour l'avenir, puisque c'est un domaine évolutif qui, encore une fois, est lié de très près à l'identité culturelle du Québec. Je pense que nous pourrons poser des balises, soit des législations ou des réglementations, qui pourront tenir compte de la renégociation de certains articles de la constitution dans un avenir très immédiat, en attendant que le Québec se dote d'un nouveau régime ou d'un nouveau statut.

M. Lalonde: Je vous remercie. Pour l'autre question — il n'y a pas de programme à adopter en ce qui concerne cette question — j'aimerais qu'on parle un peu de recherche scientifique. Le ministre a publié un livre blanc, il y a à peine

quelques semaines, qui faisait suite à la consultation provoquée par le livre vert. Naturellement, lors de la période de consultations qui avait suivi la publication du livre vert sur la recherche scientifique, le ministre avait dû faire face à une méfiance assez généralisée des milieux concernés envers l'intervention gouvernementale. On redoutait un certain dirigisme du gouvernement. Le livre blanc semble avoir laissé de côté les éléments les plus inquiétants du livre vert et conséquemment, il semble mieux accueilli par les chercheurs.

Cependant, il reste que, même si, dans son livre blanc, le ministre a réussi à faire taire ou à réduire les craintes, des questions importantes demeurent parce que c'est, d'après le projet du gouvernement, toujours le ministre ou le gouvernement qui définira les priorités, qui coordonnera, comme le dit le livre blanc, les diverses activités de la recherche scientifique.

J'aimerais demander au ministre s'il peut nous informer de quelle façon, sur quels critères il s'appuiera pour coordonner les diverses initiatives et s'il ne croit pas, dans un autre ordre d'idées, étant donné que son livre blanc a été publié en pleine période référendaire, que le ministre n'avait pas encore procédé à sa conversion, à son recyclage, comme le dit le ministre des Finances, le fédéraliste, s'il ne trouve pas que la diversité des sources est un acquis, est un actif qui est fort bienvenu de la part des chercheurs. J'aimerais qu'il nous donne plus de précision quant aux principes, aux critères qu'il suivra pour coordonner ces efforts de recherche puisque c'est ce qu'il propose, et, deuxièmement, pourquoi il réclame une espèce de souveraineté totale en matière de recherche.

M. Laurin: L'accusation de dirigisme a souvent été lancée à l'adresse de nos initiatives en matière culturelle mais, chaque fois, elle s'est révélée non fondée. Et ceci sera aussi vrai en ce qui concerne la recherche scientifique que cela l'a été en ce qui concerne la politique de développement culturel.

Je rappelle aussi au député de Marguerite-Bourgeoys qu'un livre vert, par définition, n'est pas une politique du gouvernement. Un livre vert énonce une problématique, un livre vert présente certaines hypothèses parmi lesquelles souvent le gouvernement ne fait même pas un choix. Il les présente simplement, il les offre à la discussion afin de provoquer, justement, un effort de réflexion dans le milieu.

Et c'est exactement ce qu'a voulu être le livre vert. Dans les hypothèses que nous présentions, il y en avait qui pouvaient être moins incitatives que d'autres ou plus incitatives que d'autres et, justement, le milieu y a réagi d'une façon intéressée et intéressante en ce sens, par exemple, que le livre vert a provoqué l'envoi de 150 mémoires au ministre d'Etat au Développement culturel, mémoires qui ont d'ailleurs été soigneusement analysés quant à leurs divergences et à leurs convergences.

Le livre vert a été suivi d'une période de consultation assez originale puisque nous avons con- densé les recommandations et les représentations des mémoires et que nous les avons reformulées sous forme de nouvelles hypothèses de travail qui ont été soumises à la discussion, lors d'une dizaine d'ateliers qui ont regroupé les représentants les plus éminents du monde de la recherche dans le secteur gouvernemental, dans le secteur universitaire et dans le secteur industriel. Ces ateliers ont été de véritables séances de travail qui se sont prolongées durant plus d'une dizaine de jours. C'est justement à la suite de ce brassage d'idées par les représentants les plus autorisés de la recherche que nous avons poursuvi notre réflexion et que nous en sommes venus à établir cette politique de la recherche scientifique.

Nous l'avons publiée au mois d'avril, non pas parce que cette période était la période référendaire, mais simplement parce que c'était l'étape normale de gestation du projet. J'aurais aimé en fait la publier avant, au mois de mars ou au mois de février, mais les contributions des ateliers se sont avérées tellement riches et nombreuses que leur étude et leur mise en forme ont pris plus de temps que prévu.

Maintenant que nous possédons cette politique de la recherche scientifique, il nous reste à l'appliquer. Je ne crois pas que cette politique soit interventionniste d'une façon excessive. Bien sûr, elle tient compte du rôle de l'Etat, et le rôle de l'Etat est absolument inévitable en pareille matière, puisque d'abord l'Etat est le représentant quand même de la collectivité, de la volonté populaire, et il est tout à fait juste que, dans un domaine où les appropriations de fonds deviennent de plus en plus importantes, l'Etat s'assure que le bien commun, que les intérêts de la collectivité soient servis de la façon la plus authentique. En ce sens, il est vrai que l'Etat est le dépositaire des priorités qu'une société se fixe pour les efforts de la recherche scientifique, car on connaît le rôle extrêmement important de la recherche. Dans toute société et particulièrement dans la société moderne, la recherche, c'est l'exercice même de l'activité créatrice. En ce sens-là, l'activité créatrice doit s'enraciner dans une culture donnée, dans un type d'homme donné qui est moulé par son environnement de même que par son histoire.

Il n'est pas possible de ne pas tenir compte de cette dimension culturelle de la recherche, de même qu'on ne peut pas ne pas tenir compte de l'importance extrême de la recherche pour révolution, sans parler de la mutation, que connaît une société vivante dont le dynamisme s'accélère constamment. En ce sens, la recherche devient l'outil et le moteur du développement dans toutes ses dimensions, qu'il s'agisse de développement culturel, de développement social, de développement économique et même de développement politique. Il est bien évident qu'un gouvernement dont la mission fondamentale est de présider à ce développement, doit accorder à la recherche scientifique toute son importance, importance qui ne fera que croître ou que grandir au fur et à mesure de notre évolution collective.

II est vrai qu'il revient à l'Etat, comme représentant de la collectivité, de se fixer des grandes priorités. Nous disons cependant, dans le livre blanc sur la recherche scientifique, que l'Etat n'est pas le seul à établir ces priorités. Il doit les établir en conjonction et en concertation, non seulement avec les chercheurs eux-mêmes, mais aussi avec tous les groupes qui composent la société. Il y a donc là un dialogue à instaurer ou à poursuivre entre l'Etat, le gouvernement, la communauté des chercheurs et la société en général. Dans le livre blanc, nous prévoyons les lieux, les tables de concertation où doivent s'effectuer ces échanges.

Donc, si l'Etat, d'une part, ne peut pas se dérober à son devoir et doit se fixer des priorités, de la même façon, il doit prévoir ces mécanismes, ces lieux, ces tables de concertation qui lui permettront d'établir graduellement les priorités qu'il se fixe. Un certain nombre de ces priorités sont déjà établies. Je pense, par exemple, à la transformation ici même, sur place, de nos richesses naturelles, qu'il s'agisse de l'amiante, qu'il s'agisse de l'agriculture, qu'il s'agisse de nos forêts. Je pense également à la recherche culturelle qui doit se poursuivre. Je pense à la recherche sociale, celle qui se mène autour du revenu minimum garanti, de la diminution de l'écart des revenus entre les différentes classes sociales. Il y a là des objectifs très sérieux que nous devons poursuivre et auxquels la recherche peut contribuer d'une façon valable. C'est dans cet esprit que nous abordons la mise en jeu de notre politique de la recherche scientifique.

Je ne veux pas rappeler tous les mécanismes que nous prévoyons dans notre politique, mais je pense que le député les a très présents à l'esprit. C'est dans cet esprit de fidélité au réel, en même temps que dans cet esprit démocratique, que nous entendons, mais d'une façon vigoureuse, procéder à la mise en place de notre dispositif de recherche scientifique dans un esprit de concertation entre tous les intéressés.

M. Lalonde: M. le Président, le ministre a répondu, enfin, d'une façon un peu générale à ma première question, mais la deuxième concernait le chapitre V de son livre blanc. Il semble proposer, comme cadre sine qua non d'un succès dans sa démarche, des moyens d'action politique bien spécifiques; en fait, c'est la souveraineté-association. D'ailleurs, je ne sais pas si le coût du chapitre V a été comptabilisé dans les dépenses du comité du oui, parce qu'au fond, c'était une intervention référendaire, il n'y a aucun doute. Peut-être que le Conseil du référendum dirait que le gouvernement n'était pas assujetti à cette loi-là. Enfin, sans aller plus loin, maintenant que ce cadre politique a été rejeté, comme on le sait, d'une façon très éloquente par la population du Québec, est-ce que le ministre a l'intention de revoir ses conclusions ou de faire d'autres propositions...

M. Laurin: Non, il n'y a pas lieu de le revoir.

M. Lalonde: Excusez-moi, je n'ai pas terminé...

M. Laurin: Personnellement, je demeure convaincu que le cadre politique de la souveraineté-association est le meilleur pour nous permettre d'atteindre les objectifs que je fixais, mais, puisque la population nous a refusé son assentiment pour le moment à l'intérieur du cadre fédéral, nous allons revendiquer, avec le plus d'énergie et de clarté possible, ce qui nous apparaît comme essentiel pour la poursuite de nos objectifs. Et déjà, à l'intérieur même du fédéral, il y a énormément d'anomalies et d'injustices qu'il nous faut corriger. (18 heures)

Je n'apprendrai pas au député de Marguerite-Bourgeoys que le Québec a toujours reçu une portion moins que congrue des subventions fédérales en matière de recherche. Je n'ai pas à la mémoire les statistiques des dernières années, mais, ne serait-ce que l'an dernier, l'Ontario recevait $400 000 000 en subventions alors que le Québec ne recevait que $200 000 0000. Nos universités francophones ont tire de l'arrière durant de très nombreuses années par rapport à leurs homologues ontariennes et d autres provinces également.

Il y a donc là énormément d'injustices à réparer, de redressements à effectuer, de retards à rattraper, et vous pouvez compter sur nous pour le faire avec la dernière énergie.

En même temps, il y a des problèmes de structures qu'il va nous falloir régler. A l'intérieur même ou pour respecter l'esprit du fédéralisme, il faudrait que le gouvernement fédéral cesse sa déplorable habitude de nous mettre devant des faits accomplis en adoptant des politiques dans des domaines qui ressortissent à notre juridiction, sans aucune consultation et en ne tenant pas compte des priorités qu'il devrait pourtant connaître.

Il y a donc énormément matière à négociation, pour ne pas dire à revendication, dans le dossier à l'intérieur même du cadre fédéraliste. C'est ce que nous allons faire au cours des prochains mois.

M. Lalonde: En terminant, M. le Président, je veux donner mon appui au ministre dans ses démarches auprès du fédéral pour que, étant donné que la population a maintenant décidé, il adapte ses objectifs et ses moyens au désir de la population et même...

M. Laurin: Déjà dans le livre blanc d'ailleurs.

M. Lalonde: ... qu'il profite de ce cadre politique pour faire profiter les chercheurs de la diversité des ressources qui est un facteur de concurrence et d'excellence pour les chercheurs...

M. Laurin: Quand elle ne se traduit pas par un appauvrissement et des injustices.

M. Lalonde: Naturellement, j'espère que le ministre sera vigilant et qu'il saura faire valoir les droits des Québécois à Ottawa pour avoir justice, quoique le ministre ait tendance, dans son évaluation, à oublier peut-être certains secteurs où le Québec est mieux représenté.

M. Laurin: Vous seriez bien embarrassé de me les nommer parce qu'il n'y en a pas.

M. Lalonde: Par exemple, la direction de la science au Canada est présentement...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît, à moins d'un consentement unanime, je devrai... Quelques minutes?

M. Lalonde: La recherche médicale, entre autres.

M. Laurin: Nous venons tout juste d'atteindre la justice que nous avions réclamée depuis des années.

M. Lalonde: 30% à 33%? Et nous fournissons 21% des impôts au fédéral, vous le savez très bien. Tant mieux, alors réjouissons-nous que le ministre se félicite justement de... Vous voyez que tout est possible.

M. Laurin: Vous vous satisfaisez de bien peu.

M. Lalonde: Non, sans être satisfait, mais au moins c'est une indication qu'il y a moyen de faire des améliorations parce que...

M. Laurin: D'accord.

M. Lalonde: ... il y a une chose qu'on nous répète lorsqu'on consulte ce milieu, c'est que la diversité des ressources est facteur de concurrence et d'excellence de la part des chercheurs. C'est favorisé par le système dualiste, qu'il soit fédéral ou autre, et plusieurs craignent justement cette proposition du ministre que le seul gouvernement du Québec soit appelé à définir les orientations et être la seule source de moyens.

M. Laurin: Mais il faut tenir compte aussi des chevauchements, des contradictions, des éparpil-lements qui souvent se révèlent extrêmement nocifs, même sur le plan financier.

M. Lalonde: Oui, mais l'initiative en recherche et l'imagination ont toujours été aussi, je ne veux pas dire l'anarchie totale... D'accord avec de larges orientations, mais il faut quand même laisser l'initiative aux chercheurs dans une large mesure et laisser place à l'imagination aussi.

M. Laurin: C'est un des plus mauvais dossiers fédéraux qui existe que celui de la recherche scientifique.

M. Lalonde: J'espère que, si le ministre est encore là l'an prochain — je lui souhaite bonne santé politique — il pourra nous faire un rapport tout à fait favorable de ses nombreuses et vigoureuses interventions auprès du fédéral dans le renouvellement de la fédération.

M. Laurin: ... que, comme d'habitude, ce ne soient pas des coups d'épée dans l'eau.

M. Lalonde: Non, je compte sur le ministre et sur son gouvernement, ou le prochain gouvernement peut-être qui serait mieux placé, mais on verra.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que le programme 8 serait adopté?

M. Lalonde: Vous avez un consentement, M. le Président. Vous ne consentez pas, vous? D'après ce que je comprends, c'est vous qui ne consentez pas. Oui, le programme 8 est adopté.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le programme 9 est adopté? Le mot de la fin, M. le ministre, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Laurin: M. le Président, je veux remercier...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La présidence pense que vous ne vous entendrez pas sur certains sujets.

M. Laurin: ... mon fidèle adversaire et néanmoins ami de sa contribution éminemment utile à l'adoption de nos crédits et je voudrais aussi remercier les autres membres de la commission ainsi que les représentants des organismes dont nous étudiions les crédits aujourd'hui. J'espère que nous atteindrons encore plus tôt que prévu les objectifs pour lesquels ces organismes ont été créés.

M. Lalonde: Je veux simplement me joindre au ministre pour féliciter et remercier les fonctionnaires qui ont répondu à nos questions et qui se sont présentés ici pour y répondre. J'aurais aussi aimé avoir plus de temps — c'était la dernière question, j'aurais dû en faire la première — pour demander au ministre de nous décrire ses nouvelles fonctions et nous dire de quelle façon il avait l'intention de les assumer, mais j'imagine qu'il aura l'occasion de le faire en d'autres lieux, et je l'en félicite.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci. Les travaux de la commission sont ajournés sine die.

Fin de la séance à 18 h 7

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