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Etude des crédits du Conseil
exécutif
(Dix heures quatorze minutes)
Ministère d'Etat à la condition
féminine
La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre!
La commission permanente de la présidence du conseil et de la
constitution se réunit ce matin pour étudier le programme 7,
Promotion du droit et du statut de la femme.
Sont membres de cette commission: MM. Bertrand (Vanier), Charbonneau
(Verchères) remplacé par M. Gagnon (Champlain), MM. Dussault
(Châteauguay), Laberge (Jeanne-Mance) remplacé par M. Marquis
(Matapédia), MM. Le Moignan (Gaspé), Levesque (Bonaventure),
Morin (Louis-Hébert) remplacé par Mme Payette (Dorion)
évidemment, dans ce cas-ci MM. Paquette (Rosemont), Ryan
(Argenteuil) remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie);
Mme Lavoie-Roux: Ah, mon Dieu! Mme Payette: Pourquoi pas,
madame?
M. de Bellefeuille: Je crois que je suis appelé à
remplacer M. Paquette (Rosemont).
La Présidente (Mme Cuerrier): C'est ce que j'avais
déjà dit, je crois, à moins que je ne m'abuse.
M. Samson (Rouyn-Noranda).
M. Goulet: M. Le Moignan (Gaspé) remplacé par M.
Goulet (Bellechasse).
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Le Moignan (Gaspé)
remplacé par M. Goulet (Bellechasse).
Est-ce que Mme la ministre aurait une intervention?
Mme Payette: Oui, Mme la Présidente. D'abord, je voudrais
présenter aux membres de l'Opposition les personnes qui m'accompagnent:
Mme Claire Bonenfant qui est la présidente du Conseil du statut de la
femme et Me Christine Tourigny qui est la secrétaire
générale du Secrétariat de la condition
féminine.
La Présidente (Mme Cuerrier): Voulez-vous m'excuser, j'ai
oublié un détail assez important, Mme la ministre.
Mme Payette: Dire que la séance était ouverte?
La Présidente (Mme Cuerrier): II faudrait peut-être
savoir qui sera le rapporteur de la commission. Avez-vous une proposition?
M. de Bellefeuille: Je propose M. Dussault
(Châteauguay).
Mme Lavoie-Roux: J'allais proposer le député de
Vanier. Est-ce qu'on peut avoir deux propositions?
M. Bertrand: Pas de débat. Il y a eu une nomination
acceptée à l'unanimité.
Mme Payette: A l'unanimité.
Mme Lavoie-Roux: II n'y a pas de débat
là-dessus?
M. Bertrand: On en faisait quand on était dans
l'Opposition, nous.
Mme Lavoie-Roux: Ah oui, il paraît qu'il y a eu un
long...
M. Bertrand: Au projet de loi 22, ça a été
extraordinaire, paraît-il.
Mme Lavoie-Roux: Quant à moi, on peut les mettre
rapporteurs en participation, non?
M. Bertrand: Deux corapporteurs. Mme Lavoie-Roux: Non?
La Présidente (Mme Cuerrier): Je dirais qu'il faudrait
s'entendre, Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Pour que ce soit bien rapporté, il en
faudrait au moins deux.
Mme Payette: Est-ce que vous pensez que ça prend deux
hommes pour remplacer une femme?
M. Dussault: Généralement, madame, on me dit que je
fais bien ça.
Mme Lavoie-Roux: Bon, d'accord.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Dussault
(Châteauguay) sera le rapporteur de la commission.
Mme la ministre.
M. Dussault: Je m'excuse, Mme la Présidente-La
Présidente (Mme Cuerrier): Oui?
M. Dussault: Est-ce qu'il est convenu pour chacun des
thèmes, puisqu'il y aura des thèmes différents à
cette commission, qu'il puisse y avoir changement d'intervenants, changement de
membres? Par exemple, Mme la ministre sera remplacée durant la
journée par un autre ministre, comme il y aura sans doute des
changements du côté de l'Opposition aussi. Est-ce convenu?
M. Lalonde: II n'y a aucun problème.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme la ministre, vous avez
la parole.
Remarques préliminaires Mme Lise
Payette
Mme Payette: Mme la Présidente, au moment où on
s'apprête à discuter des crédits, vous me permettrez de
faire une courte présentation, surtout que je trouve le moment
particulièrement opportun, dans la mesure où je ne suis pas
harcelée de questions à l'Assemblée nationale sur la
condition féminine.
Les éléments que je voudrais soulever devant vous sont les
suivants. En premier lieu, je pense, un rappel historique de la mise en place
du comité ministériel permanent de la condition féminine
me permettant d'y inclure un ensemble de précisions sur les rôles
respectifs du Conseil du statut de la femme, du CMPCF et du Secrétariat
d'Etat à la Condition féminine lui-même. En second lieu,
j'aimerais rapidement vous faire un bilan des actions gouvernementales touchant
à la condition féminine de même qu'un bref rappel des
activités du Conseil du statut de la femme pour la dernière
année. Enfin, je me permettrai de conclure en parlant des
différentes rencontres que j'ai pu avoir avec l'ensemble des femmes du
Québec au cours des derniers mois.
C'est en mai 1977 que j'ai confié au Conseil du statut de la
femme le mandat d'effectuer une recherche en profondeur sur la condition
féminine et d'élaborer une politique d'ensemble. Le conseil,
organisme gouvernemental d'étude et de consultation, avait entrepris,
depuis sa création en 1973, un grand nombre d'études sur
plusieurs problèmes inhérents à la condition
féminine. Il avait reçu de divers groupements féminins de
toutes les régions du Québec bon nombre de recommandations,
revendications, prises de position et mémoires qu'il avait
acheminés au gouvernement et au ministère plus
spécifiquement concerné. Le rapport "Pour les
Québécoises: égalité et indépendance"
déposé en octobre 1978 fournissait cette fois au gouvernement une
vision globale de la condition féminine et lui recommandait un plan
d'action articulé permettant à chaque ministère
d'intégrer aux priorités de son programme les interventions
susceptibles de corriger substantiellement la situation des femmes du
Québec.
En décembre 1978, un comité ministériel ad hoc
composé du ministre d'Etat au Développement économique, du
ministre d'Etat au Développement culturel ainsi que de moi-même,
à titre de ministre responsable du Conseil du statut de la femme, fut
constitué pour assurer la formulation gouvernementale d'une politique
d'ensemble sur l'égalité et l'indépendance des femmes du
Québec. Au sein du secrétariat général du Conseil
exécutif, un groupe de travail fut mis sur pied afin de préparer
un plan d'ensemble et d'en coordonner l'exécution. A l'automne 1979, le
Secrétariat d'Etat à la Condition féminine était
créé et placé sous ma responsabilité en tant que
ministre d'Etat à la Condition féminine. En octobre, un
comité ministériel permanent sur la condition féminine
était formé. Il est composé de la ministre d'Etat à
la Condition féminine, du ministre d'Etat au Développement
culturel, du ministre d'Etat au Développement économique et du
ministre d'Etat au Développement social. Ce comité
ministériel permanent, dont j'assume la présidence, a comme
mandat spécifique de coordonner l'application de la politique d'ensemble
et d'assurer la cohérence des actions gouvernementales relatives
à la condition féminine. Tous les ministères
touchés par les recommandations du rapport du Conseil du statut de la
femme ont nommé une personne responsable de la condition féminine
chargée du dossier dans son ministère.
Ces ministères sont au nombre de douze dont, en particulier, les
Affaires sociales, l'Education, la Fonction publique et le Travail.
Permettez-moi aussi d'ouvrir une parenthèse pour préciser
davantage les rôles respectifs des uns et des autres. On aurait pu penser
que la mise en place du secrétariat d'Etat allait venir dédoubler
des tâches que le Conseil du statut de la femme devait assumer. Je pense,
et les événements me donnent raison, que ces deux entités
ont pleinement leur raison d'être et je me permets ici de faire un bref
rappel des responsabilités de chacune de ces entités.
Le Conseil du statut de la femme, tel que sa loi constituante le dit, a
essentiellement les responsabilités suivantes: il conseille la ministre
et fait, à ce titre, l'étude et la consultation sur toute
question reliée à l'égalité des femmes, avec
l'approbation de la ministre. Il peut d'autre part, et c'est, croyons-nous, un
rôle essentiel, recevoir et consulter les individus et les groupes
impliqués dans un dossier de la condition féminine. Enfin, il
doit fournir, de façon systématique, toute l'information qu'il
juge pertinente sur le dossier, dans l'ensemble du public. Il est, en quelque
sorte, un chien de garde du gouvernement, mais aussi de tout organisme
privé ou public, de toute entreprise ou de tout groupe concerné,
de près ou de loin, ou impliqué dans des dossiers relatifs
à la condition féminine.
Avant de passer au rôle du comité ministériel
permanent de la condition féminine et du Secrétariat d'Etat
à la condition féminine, vous me permettrez de souligner entre
autres que seul le conseil a un mandat clair en ce qui concerne l'information
tant au public en général qu'orientée vers des groupes
spécialisés.
Brièvement, le Secrétariat d'Etat doit donc être
considéré comme l'extension du ministre. Son mandat est clair: il
doit voir à l'application d'une politique d'ensemble sur
l'égalité et l'indépendance des femmes au Québec,
il doit assurer la cohérence des politiques et activités
gouvernementales. Sa composition, soit la présence des ministres d'Etat
au Développement économique, culturel et social, nous permet de
croire qu'il a les moyens d'assumer son mandat. En synthèse, le
conseil analyse, étudie, joue un rôle critique, conseille
la ministre. Le secrétariat de même que le comité voient
à assurer que les recommandations soumises par le conseil et retenues,
s'il y a lieu, soient prises en charge et assumées par l'appareil
gouvernemental dans un tout cohérent et articulé.
J'aimerais maintenant vous dresser rapidement un bilan des actions
gouvernementales en matière de condition féminine au cours de
l'année 1979. Ces réalisations résultent d'une
intervention gouvernementale concertée, dans la mesure où elles
découlent d'un plan d'ensemble, et constituent une réponse
à plusieurs recommandations contenues dans le rapport "Pour les
Québécoises: égalité et indépendance". Il
aurait été illusoire de s'attendre que l'action gouvernementale,
dès la première année, couvre l'ensemble des 306
recommandations du rapport du Conseil du statut de la femme.
Je pense que les gestes posés au sein des ministères se
sont inspirés de l'objectif qui sous-tendait la politique d'ensemble,
soit la transformation profonde et globale de la situation des femmes, et ce
même dans un cadre de contrainte.
Dans le secteur social, dans le domaine de la maternité et de la
planification des naissances, l'ensemble des gestes posés par le
ministère des Affaires sociales en matière de planification des
naissances est très important.
Ainsi, 23 centres hospitaliers ont accepté d'implanter un
programme visant à offrir des services de planification des naissances,
de stérilisation, de traitement de l'infertilité et d'avortement
thérapeutique.
Toutefois, ce dernier programme n'est pas encore implanté dans
tous les centres. De plus, on a constaté une volonté manifeste
d'humaniser les soins à l'accouchement en incitant les centres
hospitaliers à réaménager leurs salles d'accouchement et
à favoriser la cohabitation mère-enfant.
Au chapitre de la santé physique et mentale des femmes, le plan
d'action du ministère des Affaires sociales est de favoriser l'autonomie
des femmes face à leur santé. A ce titre, des programmes
d'information ont été réalisés, entre autres sur
les maladies transmises sexuellement, le dépistage du cancer du sein, le
phénomène de la ménopause et le tabagisme.
Une étude est également en cours sur la santé
mentale et traitera entre autres de la thérapie féministe.
En ce qui concerne la violence faite aux femmes, plusieurs
ministères se sont impliqués activement. Le ministère de
la Justice a provoqué la tenue de onze colloques régionaux sur la
violence faite aux femmes et aux enfants, en collaboration avec le
ministère des Affaires sociales et le Conseil du statut de la femme.
De plus, le ministre de la Justice s'est particulièrement
appliqué à sensibiliser les corps policiers à ce
phénomène. Dans le même sens, étant donné la
juridiction des administrations municipales sur les corps policiers, le
ministère des Affaires municipales a projeté, de son
côté, en col- laboration avec le ministère de la Justice,
d'établir un programme d'information concernant la violence faite aux
femmes.
En termes de subventions, le ministère des Affaires sociales a
distribué plus de $700 000 aux maisons pour femmes en difficulté
et aux centres d'aide aux victimes de viol.
Le ministère de la Justice a instauré un programme de
subvention totalisant $175 000 destiné à l'information et
à la prévention sur les diverses formes de violence
exercées à l'égard des femmes.
A la suite des demandes répétées de tous les
groupes de femmes concernant l'accès aux services de garderie, la Loi
sur les services de garde a été adoptée en décembre
1979. Au chapitre de l'aide sociale, le ministère de l'Education a
modifié le Régime des prêts et bourses pour augmenter
à un maximum de $8000, de façon importante, nous semble-t-il, la
bourse d'une personne chef de famille monoparentale.
Pour ce qui est de la sécurité du revenu, la notion du
chef de famille a disparu de la loi et des règlements d'aide sociale
pour faire place à celle d'adulte. En ce sens, depuis mai 1979, une
demande d'aide sociale peut être faite par l'un ou l'autre des adultes de
la famille. Enfin, le ministère des Affaires sociales a aussi mis sur
pied un programme d'allocations pour enfants handicapés gardés
à la maison.
La situation des femmes immigrantes sur le marché du travail est
une préoccupation majeure du ministère de l'Immigration. En ce
sens, des projets ont été lancés visant à informer
les immigrantes et à leur faciliter l'accès au marché du
travail. Des recherches sont également en cours sur les conditions de
travail faites à ces femmes.
Le projet de réforme du Code civil du ministère de la
Justice assurera, une fois adopté, l'égalité des conjoints
dans le mariage. Je pense que je n'ai pas à m'étendre sur
l'importance d'un tel changement pour les femmes du Québec. En plus, le
ministère de la Justice vient de déposer le projet de loi no 183
visant à faciliter la perception des pensions alimentaires, encore une
importante pièce législative pour les femmes
québécoises.
Le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre s'est doté
d'un bureau de la condition de la femme au travail chargé de
l'élaboration, du développement et de la mise en oeuvre des
politiques et des priorités d'intervention concernant les
problèmes spécifiques des femmes face au marché du
travail.
Les interventions concernant les conditions de travail visent d'abord
à assurer aux femmes une véritable égalité sur le
marché du travail (dans cette voie, une étude sur les clauses
discriminatoires contenues dans les conventions collectives est en cours);
à leur permettre d'allier conjointement le rôle de mère et
de travailleuse (l'ordonnance générale no 17 reconnaît
à la travailleuse le droit à un congé de maternité
et la Loi sur la santé et la sécurité au travail accorde
à la travailleuse enceinte et à celle qui allaite le droit au
retrait préventif); à créer également des
conditions de
travail décentes aux travailleuses à faible revenu. En ce
sens, les femmes sont plus touchées que les hommes par la Loi sur les
normes du travail.
Le ministère du Travail projette des actions dans le but de
favoriser la désexisation du marché du travail et l'accès
au marché du travail pour les femmes.
Bien qu'elles représentent 37% de la main-d'oeuvre active, les
femmes n'ont pas réussi à prendre une place à part
entière dans l'organisation du monde du travail. Pour remédier en
partie à cette situation, le ministère de la Fonction publique
entend, avec la collaboration de l'ensemble des ministères, mettre en
application une politique d'égalité en emploi pour les femmes
dans la fonction publique au Québec.
Le plan d'action de chacun des ministères devrait être
élaboré pour octobre 1980. En collaboration avec le ministre de
la Fonction publique et le président du Conseil du trésor, la
ministre d'Etat à la Condition féminine doit faire en sorte que
les questions de rémunération et de classification des emplois,
de même que le classement des employés de secrétariat
soient insérées au même programme.
Il est important de souligner ici les actions du ministère de la
Justice et du ministère des Communications qui, avant même que ne
soit déposé le programme d'égalité en emploi, ont
déjà commencé à élaborer des programmes
d'égalité en emploi dans leur propre ministère
respectif.
Depuis fort longtemps, les femmes sont victimes de discrimination dans
les domaines du crédit et des assurances; dans les deux cas, des
études sont en cours présentement au ministère des
Consommateurs, Coopératives et Institutions financières pour
identifier les situations de discrimination et préciser les actions
à prendre. En dépit de la grande volonté du
ministère à amorcer des changements dans ces domaines, cette
situation ne semble pas devoir se régler à court terme, puisque
les mesures envisagées touchent particulièrement à un
changement profond des mentalités de la part des institutions
financières visées. (10 h 30)
Le budget déposé à l'Assemblée nationale a
annoncé des modifications à la Loi sur les modifications qui
permettent la déductibilité du salaire versé au conjoint
du propriétaire d'une entreprise non incorporée. Les femmes
collaboratrices pourront dorénavant être considérées
comme des employées et leur salaire déduit du revenu de leur
mari. Le ministre des Finances a aussi annoncé, dans son discours sur le
budget, qu'il est actuellement à examiner diverses formules dont
certaines pourraient être susceptibles d'aboutir à la
création d'une sorte d'allocation de disponibilité.
Au ministère de l'Education, un plan d'action a
déjà été défini à l'intérieur
duquel chacune des recommandations du Conseil du statut de la femme a
été reprise. Les actions à entreprendre sont
identifiées, les échéances connues. Le sexisme dans le
matériel didactique, l'orientation des filles, la formation et le
perfectionnement du personnel scolaire sont des dossiers prioritaires pour les
femmes. Le ministère de l'Education en est à l'étape
d'opérationnalisation des différentes réformes dans ces
secteurs.
Quant à la réinsertion scolaire et professionnelle, le
ministère est à élaborer un programme qui visera
explicitement à préparer les femmes du deuxième âge
à retourner sur le marché du travail. On prévoit la mise
en opération de ce programme à l'automne 1980.
Globalement, les femmes semblent défavorisées dans le
secteur de la culture et des loisirs. Des programmes d'aide à la
création sont actuellement accordés en proportion
inférieure aux femmes. Le ministère des Affaires culturelles
étudie présentement les causes de cette situation afin d'assurer
l'égalité des hommes et des femmes dans l'attribution de ces
programmes. Une priorité est toutefois accordée aux subventions
concernant les projets de théâtre dont les auteurs sont des
femmes.
Dans le domaine de l'édition, le ministère porte une
attention particulière aux demandes des femmes et les invite à se
prévaloir de ces programmes de subvention. Aussi, les
bibliothèques publiques seront un secteur prioritaire d'intervention
pour la prochaine année. Afin d'en faciliter l'accès aux femmes,
il est prévu des coins pour enfants, c'est-à-dire des
haltes-garderies.
Au chapitre des loisirs, le livre blanc sur les loisirs est axé
sur la démocratisation de l'accès aux loisirs. Le nouveau
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche a fait sien le
projet de réforme visant à combattre les inégalités
et la discrimination à l'égard des femmes.
Afin d'éliminer le sexisme dans l'information et la
publicité gouvernementale, le ministère des Communications,
à la suite des recommandations du groupe de travail chargé
d'analyser la publicité et l'information du gouvernement, entend
présenter très prochainement une politique en ce sens. Sous la
responsabilité du Conseil du statut de la femme, le ministère des
Consommateurs, Coopératives et Institutions financières a
accordé, cette année, un budget de $500 000 000 pour une campagne
de publicité antisexiste.
De plus, un comité chargé de recevoir les plaintes du
public, de les analyser et apporter les correctifs nécessaires a
été mis sur pied par le Conseil du statut de la femme. Ce
comité est formé de représentants du conseil, de l'Office
de la protection du consommateur, d'associations féminines et de
l'industrie publicitaire.
Mme la Présidente, j'ai beaucoup d'autres renseignements que je
pourrais donner à cette commission, mais je pense que mes
collègues préféreront peut-être procéder par
questions. Mais, avant de terminer, il me reste une chose à souligner et
je ferai remettre aux députés de l'Opposition ainsi qu'aux
députés ministériels une liste de noms de femmes
101 femmes qui ont été nommées membres de divers
organismes pendant la période de septembre 1978 jusqu'à
maintenant nous l'avons mise à jour hier et de 14 femmes
qui ont été nommées à des postes de cadres
supérieurs durant la même période.
Je considère, Mme la Présidente, cette réalisation
non pas comme la plus importante, mais probablement la plus significative du
travail que j'aurai réussi à faire au cours des dernières
années. C'est de faire en sorte de placer, à l'intérieur
de la machine gouvernementale même, des femmes de qualité, des
femmes haut calibre qui pourront continuer, qui pourront, partout où
elles sont placées, faire en sorte que les préoccupations des
femmes du Québec soient transmises directement à ceux qui sont
concernés.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Thérèse Lavoie-Roux
Mme Lavoie-Roux: Merci, Mme la Présidente. Je pense que,
en quelque sorte, l'exposé de Mme la ministre nous resitue à
l'exposé qu'elle nous avait fait il y a environ un an...
Mme Payette: Mme la Présidente, je m'excuse, Mme la
députée de L'Acadie. J'ai fait une erreur dans un chiffre. J'ai
parlé d'une somme de $500 000 000 pour une campagne de publicité.
C'est $500 000, un demi-million.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'on pourrait avoir ce dossier
que...
Mme Payette: Oui, je vais vous faire distribuer...
Une Voix: ...
Mme Payette: Oui, je vais faire distribuer cette liste de
noms.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Mme la Présidente... Une Voix:
...
Mme Lavoie-Roux:... je pense que nous assistons à une
sorte de réédition de la déclaration que Mme la ministre
nous avait faite à l'occasion d'une question avec débat du
vendredi, il y a peut-être un petit peu plus d'un an je pense que
c'était au mois d'avril; j'ai la date exacte, c'était le 25 mai
sur la condition féminine, débat qui avait
été demandé par l'Opposition officielle.
Nous assistions, à ce moment-là, à beaucoup... On
rendait en quelque sorte public... On faisait des voeux qui se traduisaient
dans les faits par beaucoup de programmes de sensibilisation, de politiques
qu'on était à élaborer et je pense qu'aujourd'hui, c'est
un peu la même chose, dans ce sens qu'on est à établir une
politique pour ceci et une politique pour cela.
C'est peut-être dans les faits concrets qu'il faudrait examiner
davantage le fonctionnement du Secrétariat à la condition
féminine. Est-ce le titre exact? Oui.
Je voudrais simplement je pense que nous procéderons
davantage par questions à ce moment-ci, citer quelques points
qui, à mon point de vue, causent des problèmes. J'aimerais savoir
dans quelle mesure le Conseil du statut de la femme, qui a quand même la
responsabilité d'aviser le gouvernement sur ces choses-là, a
accompli ses tâches et de quelle façon il a évalué
ces problèmes.
Si nous reprenons, par exemple, le congé de maternité,
nous savons fort bien qu'au congé de maternité ne sont
admissibles que les femmes qui sont admissibles à
l'assurance-chômage. Déjà les conditions
d'admissibilité à l'assurance-chômage sont passablement
sévères et en sont exclues celles qui travaillent à temps
partiel, sans en compter d'autres qui ne tombent pas dans les délais. Je
pense que Mme la ministre est probablement plus familière que moi avec
cette coordination des délais qui fait que des femmes, si elles n'ont
pas travaillé pendant tant de mois avant d'être enceintes,
finalement, ne sont pas admissibles pour les congés de maternité.
Cela, évidemment, pour l'allocation de $240 qui comble les deux semaines
de carence du délai de l'admission à
l'assurance-chômage.
Sans compter que l'ensemble des femmes ne sont pas admissibles à
ce congé de maternité. Tout de suite ici, je voudrais faire une
parenthèse, pour peut-être avoir plus tard la réaction de
Mme la ministre. Nous entendons et nous avons entendu dernièrement le
ministre des Affaires sociales dire, somme toute comme encouragement à
la fécondité des femmes ou à la natalité, qu'il
envisageait le gouvernement envisageait de verser $240 à
toutes les femmes enceintes ou enfin toutes les femmes qui donneraient
naissance à un enfant.
En ce qui a trait au principe général que toutes les
femmes soient admissibles à cette allocation à la naissance, je
suis pour, mais ce contre quoi j'ai quand même beaucoup de
réticences, c'est qu'on interprète ces $240 comme une sorte de
prime à la fécondité.
On a déjà eu un court échange là-dessus
à l'Assemblée nationale et Mme la ministre et moi semblions
être sur la même longueur d'onde. D'ailleurs, l'expérience
qu'on a vécue dans d'autres pays où on a donné des sommes
d'argent pour assurer la fécondité ne s'est pas
révélée aussi probante qu'on l'avait
espéré.
Alors, je voudrais bien être claire. Je pense que, si on
reconnaît que l'arrivée d'un enfant occasionne des dépenses
supplémentaires et qu'à ce titre-là, les femmes soient
admissibles, j'en suis, mais qu'on veuille faire de cette reconnaissance des
responsabilités supplémentaires qui sont ajoutées une
prime à la fécondité ou un encouragement à la
natalité, je pense qu'il faudrait l'examiner de plus près comme
approche à l'égard des femmes.
Mme Payette: Est-ce que vous voulez que je réagisse tout
de suite à cela?
Mme Lavoie-Roux: Oui, vous pouvez, je continuerai
après.
Mme Payette: Vous avez raison de dire que c'est une discussion
qu'on a déjà eu l'occasion d'avoir. Je pense que vous et moi,
madame, savons que $240, ça n'incite absolument pas une femme à
mettre un enfant au monde. Quand on parle de donner de l'argent à des
femmes qui n'en ont pas, c'est toujours tentant et c'est difficile de le
refuser, sauf que $240 comme prime à la natalité, cela
équivaut à envoyer des fleurs au moment de la naissance.
Mme Lavoie-Roux: ... ou presque cinq bouquets de fleurs.
Mme Payette: C'est gentil. C'est un gros bouquet de fleurs. C'est
un geste agréable, c'est un geste touchant, mais ça ne
règle absolument pas le problème d'une femme qui va élever
cet enfant, et on le sait, pendant les 20 ans qui viennent par la suite. Il me
semble, moi, que ce n'est pas une mesure mauvaise en soi, c'est une mesure
dangereuse si elle est isolée. Quand je dis isolée, c'est que, si
elle n'est pas accompagnée d'une politique de logement qui fait en
sorte, par exemple, qu'une femme est sûre d'être capable de se
loger avec des enfants, des mesures fiscales qui favorisent sa situation, des
mesures de choix, au fond... Parce que, ce qu'on poursuit, c'est la
possibilité pour les femmes de choisir d'avoir des enfants. Quant
à moi, je suis convaincue que les femmes du Québec sont
prêtes à avoir des enfants. Qu'on facilite leur départ du
marché du travail quand elles choisissent d'avoir des enfants, leur
retour sur le marché du travail quand elles choisissent d'y revenir et
qu'on facilite la période dite de maternage.
Le Conseil du statut de la femme l'avait très bien
évaluée dans son document. C'est une période qui, en
moyenne, dure neuf ans dans la vie d'une femme. Nous y travaillons au
gouvernement et cela a commencé comme travail à
l'intérieur du comité de développement social quand j'y
étais comme ministre responsable du conseil; cela a continué au
CMPCF dont j'assume la présidence et cela a été une
décision également du comité des priorités de
donner mandat à la ministre d'Etat à la Condition féminine
et au ministre des Finances de travailler à l'élaboration d'une
allocation de disponibilité. C'est ce qu'on retrouve dans le budget de
M. Parizeau. J'ai en main, et je suis prête à le déposer,
si vous le désirez, un communiqué qui a été
émis hier par le ministre des Affaires sociales, qui explicite beaucoup
plus la déclaration qu'il avait faite en commission au moment de
l'étude de ses crédits et qui hélas! n'a pas
été publié dans les journaux ce matin, parce que c'est
beaucoup moins intéressant quand on explicite sa pensée que quand
on annonce $240 et la lettre que j'ai envoyée à mon
collègue hier en réponse à son communiqué.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie, Mme la ministre. Je
pense...
Mme Payette: Vous permettez que je dépose le
communiqué et ma lettre?
La Présidente (Mme Cuerrier): Vous pourriez les faire
circuler, Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Apparemment, on ne dépose pas.
Mme Payette: On ne dépose pas, sauf que je n'ai pas
d'objection à ce que ce soit connu, Mme la Présidente.
Mme Lavoie-Roux: J'aimerais bien. Je pense que j'ai
été assez claire sur ces $240. Qu'ils soient versés
à toutes les femmes, parce que si, pour celles qui sont au travail, $240
peuvent les aider au moment de l'accouchement ou autrement, même si c'est
infime, ça les aide. Mais du point de vue de la philosophie, c'est
important de faire une distinction entre les deux. D'ailleurs, les propos que
Mme la ministre vient de prononcer quant aux autres conditions qui doivent
permettre à une famille de se développer dans le sens de mettre
des enfants au monde et de les élever, c'est beaucoup plus complexe que
les $240 et c'est un problème qui peut-être dépassait ce
que je voulais apporter à ce moment-ci.
Ma question plus précise, c'est dans quelle mesure le Conseil du
statut de la femme ou même vous, au Secrétariat d'Etat à la
condition féminine, examinez la possibilité que le congé
de maternité soit élargi de toute façon aux femmes qui
travaillent à temps partiel, que l'admission à ce congé de
maternité soit plus facile? Est-ce que, tant et aussi longtemps qu'il
sera "accroché" en quelque sorte à l'assurance-chômage, on
aura toujours des difficultés d'application? C'est une question
précise. Je vais continuer après ça.
L'autre point sur lequel je voulais revenir, c'est la question des
garderies auxquelles vous avez fait allusion. J'aimerais ici soulignera Mme la
ministre que j'ai été quelque peu étonnée de voir,
à l'étude des crédits des Affaires sociales, qu'au mois de
décembre 1979 malheureusement, je n'ai pas le communiqué
avec moi, mais c'est revenu à plusieurs reprises, même au moment
de l'étude en commission parlementaire du projet de loi créant
l'office pour les soins de garde on avait annoncé que, pour
l'année 1980-1981, on aurait, au budget pour les garderies, un montant
de $39 000 000. (10 h 45)
On se retrouve actuellement, c'est ce que le ministre des Affaires
sociales nous a dit la semaine dernière, avec un budget de $27 000 000
auxquels s'ajoutent $1 500 000 qui vont aux commissions scolaires; en fait, un
budget de $28 500 000. Je pense que là, il y a une raison que je peux
comprendre, c'est le fait que, l'an dernier ou l'année qui vient de
s'écouler, des $28 000 000 qui étaient au budget, il n'y en a que
$21 000 000 je donne ces chiffres sous toute réserve, mais je
pense que je suis assez près de la vérité qui ont
été utilisés. D'ailleurs, c'est ce qui s'était
produit la première année, en 1975-1976 ou 1976-1977, quand on a
accordé un budget aux garderies de $4 500 000 et que, finalement, il n'y
avait eu que $3 800 000, je pense, qui avaient été
utilisés.
Mais le point que je veux soulever, c'est que, lors des auditions pour
le projet de loi dont je parlais tout à l'heure sur les garderies, je
pense que tout le monde était d'accord et je ne serais pas
étonnée que le Conseil du statut de la femme soit d'accord
également qu'on perpétue, pour les travailleuses je vais
les appeler comme ça en garderie, des conditions de travail
extrêmement difficiles, comparativement aux autres personnes qui
fonctionnent dans le secteur de l'éducation. On sait fort bien qu'elles
sont payées à des salaires que pas un syndicat n'accepterait et
qui s'approchent à peine, du moins quand elles commencent, du salaire
minimum, les augmentations sont très précaires, il n'y a pas
d'organisation générale.
On sait également que les garderies ont des problèmes de
financement, par exemple, reliés à la question du loyer,
reliés à leur fonctionnement. Je sais qu'on me rétorquera
qu'on a augmenté considérablement les budgets de fonctionnement
des garderies. Mais si on examine quand même d'une façon objective
et dans son ensemble le fonctionnement des garderies, ça demeure
difficile, leur précarité est reconnue et également les
travailleuses qui y oeuvrent se trouvent dans des conditions de travail bien
inférieures à la moyenne. Je donnerai comme exemple que, l'an
dernier, au moment où on faisait l'étude de ce projet, à
l'automne, alors qu'un diplômé de technique au niveau de CEGEP
débute à un salaire d'environ $250 par semaine, les techniciennes
de garderie débutaient à un salaire de $100 et moins.
Toute cette longue parenthèse pour vous dire que, s'il est vrai
que l'argent ne peut pas être dépensé plus rapidement
à cause des circonstances, pour la question d'organiser, la question de
la mise en place des garderies, est-ce qu'on n'aurait pas dû en profiter
un peu peut-être pas en totalité, mais au moins en partie
pour permettre que ces travailleuses des garderies aient des salaires
qui se rapprochent un peu plus de la moyenne des gens de
l'éducation?
Quand vous réalisez, par exemple, que les enseignantes en
maternelle scolaire ont des salaires, compte tenu des conventions, qui doivent
probablement être de l'ordre de $15 000 ou $16 000 je ne sais pas
si c'est le salaire moyen, mais à peu près cela que vous
vous retrouvez avec des personnes qui font la même chose auprès
des enfants de quatre ans, mais dans un autre secteur que l'Etat
reconnaît prioritaire et essentiel, et qu'on retrouve cette
disparité dans les salaires, j'aurais espéré qu'on puisse
accorder un peu plus pour le fonctionnement des garderies, ce qui aurait permis
d'élever un peu le salaire de ces travailleuses.
Et pourquoi est-ce que je signale cela? Parce que c'est relié au
problème de la qualité des garderies, du personnel des garderies.
Je pense que Mme la ministre en est fort consciente. J'avais eu les chiffres
dans le temps, on sait que ce sont toutes des femmes qui travaillent en
garderie, à quelques exceptions près.
Encore une fois, du point de vue de cette fameuse égalité,
c'est un accroc qui, au moins en partie, aurait pu être corrigé.
Mais le gouvernement a choisi de réduire ses crédits, pour
1980-1981. Somme toute, j'ai parlé de $27 000 000 plus $1 500 000, et on
annonçait $30 000 000. En tout cas, c'est clairement $10 000 000 de
moins. Mais je voulais quand même signaler les conditions des
travailleuses de garderie qui souvent sont dans des locaux... On pourrait
parler de cela aussi.
Il y a un autre point sur lequel je voudrais attirer l'attention
à la fois de Mme la ministre et du Conseil du statut de la femme.
Peut-être qu'ils pourront l'un et l'autre me dire, dans les
échanges que nous aurons ultérieurement, quelles sont les
représentations qui se font ou qu'on a l'intention de faire
auprès du gouvernement, pour que soient relevés les
barèmes de l'aide sociale.
Nous avons eu ce rapport du Conseil national du bien-être social
d'octobre 1979, intitulé "La femme et la pauvreté". Je suis
convaincue que vous en avez pris connaissance. On sait fort bien que, là
encore, le nombre de femmes pauvres est beaucoup plus élevé que
le nombre d'hommes pauvres, c'est-à-dire de neuf femmes par rapport
à six hommes. Vous pouvez y lire que... D'ailleurs, j'ai retrouvé
cela dans un autre article, dans la Gazette, du statut de la femme. On dit que,
finalement, comme le démontre le tableau 6, les prestations d'assistance
sociale, même combinées avec d'autres prestations, sont nettement
inférieures au seuil de la pauvreté dans toutes les
provinces.
C'est au Québec et au Nouveau-Brunswick qu'on est le plus
mal-en-point. Pour une famille monoparentale, ayant deux enfants et vivant en
milieu urbain, les prestations atteignent à peine 60% du seuil de la
pauvreté. En fait, c'est le Québec qui est même un point
inférieur. C'est vraiment le Québec qui est à la queue.
Les provinces de l'Ile-du-Prince-Edouard et de la Saskatchewan accordent des
prestations se rapprochant le plus du seuil de la pauvreté, mais,
là aussi, les familles sont encore loin d'un revenu leur assurant un
niveau de vie le moindrement adéquat.
Ce que je veux signaler, c'est que, depuis que le gouvernement actuel
est au pouvoir, il n'a jamais réajusté les barèmes de
base, les taux de base de l'aide sociale. Il les a indexés, mais ce
n'est pas suffisant. Cela semble très clair. Je ferais une petite
parenthèse pour m'étonner du silence du Conseil du statut de la
femme. L'an dernier, au moment de l'indexation des prestations d'aide sociale,
lorsqu'un groupe a été pénalisé quand le
gouvernement actuel a décidé de ne les indexer que partiellement
pour les familles, puisqu'elles recevraient le crédit d'impôt du
gouvernement fédéral, le Conseil du statut de la femme n'a pas
réagi. Je pense qu'on faisait payer aux familles... On sait fort bien
que les familles monoparentales sont les plus pauvres, quand on
considère l'ensemble de tout le monde qui relève du
système de sécurité de revenu. Le Conseil du statut de la
femme, à mon point de vue, pour autant que je sache, a été
silencieux. On leur faisait payer le prix de la querelle
fédérale-provinciale. Je pense que, dans ces querelles-là,
on devrait toujours éviter que les pauvres de la société
soient touchés.
Je voudrais également, en regard de l'aide sociale, ou
plutôt en ce qui a trait à la pauvreté de la femme, revenir
sur ce que j'avais souligné l'an dernier au moment de notre débat
sur le sort des femmes de 50 à 65 ans ou de 55 à 65 ans. Il y a
beaucoup de ces femmes qui voudraient travailler. On sait que l'emploi est
extrêmement difficile pour elles. Est-ce plus difficile pour elles que
pour les hommes de la même catégorie d'âge? Je le croirais,
parce que, souvent elles n'ont pas été sur le marché du
travail. Si elles l'ont été, elles ont souvent été,
au plan salarial et au plan des avantages sociaux, dans des conditions
inférieures à celles des hommes de la même catégorie
d'âge. Souvent, elles ont travaillé à une époque
où il n'y avait pas de syndicat, où elles n'étaient pas
syndiquées et où les régimes de retraite étaient
quasi inexistants pour le plus grand nombre, et ceci dans le cas de celles qui
n'ont jamais été sur le marché du travail.
Le ministre des Affaires sociales nous a dit que l'OPDQ avait un plan de
développement d'emploi pour les femmes de 55 à 65 ans. J'ai pris
la parole du ministre, mais je trouve étrange qu'alors qu'on a fait
beaucoup de publicité autour du programme OSE touchant l'emploi des
jeunes, c'était la première nouvelle que j'avais que des sommes
je pense qu'on a parlé de $250 000 seraient
dépensées pour développer l'emploi pour les femmes plus
âgées, celles de 50 à 65 ans. Il serait important qu'on ait
un peu plus d'éclaircissements sur ce point.
Mme la ministre nous a fait grand état de nouveaux emplois, des
postes supérieurs ou des postes de cadres, ou des postes de
responsabilité plus grande qui ont été accordés aux
femmes depuis 1978. Je n'ai pas eu le temps, malheureusement, de regarder ce
qu'elle nous a distribué; je le regarderai tout à l'heure. Je
voudrais quand même lui faire remarquer ceci et je me
réfère ici à un article du Journal de Québec du 28
juin 1979, que je cite au texte, touchant justement cette question de
l'évolution de la femme et des postes qu'elle occupe sur le
marché du travail. "Non seulement la situation a peu
évolué, mais elle a parfois régressé depuis 1975
pour les femmes-cadres et professionnelles au Québec et au Canada", de
poursuivre Ginette Piché-Mercier, présidente sortante de l'AFDU.
Ils ont fait l'étude de dix cas types des secteurs public, parapublic et
privé, auprès de la fonction publique du Québec, de la
fonction publique fédérale, de Bell Canada, de six compagnies
québécoises d'assurance-vie, de la CECM, d'Hydro-Québec,
du Canadien National, de Radio-Canada, de trois centrales syndicales et de
l'Université de Montréal. Apparemment, toujours selon ce rapport
qui, d'ailleurs, a été rendu public c'était une
étude que Nicole Gladu avait faite ou à laquelle elle avait
été associée seule Bell Canada a adopté une
mesure d'action positive dans l'embauche, la promotion, le perfectionnement et
le plan de carrière. A compétence égale, la femme est
sélectionnée et on lui offre une aide individuelle sur le plan de
la carrière.
En 1977, au ministère de la Justice du Qué- bec,
l'augmentation du salaire à l'embauche pour chaque année de
scolarité n'était que de $42 pour une femme et de $562 pour un
homme. J'ai ici une question précise. On vient de signer, juste avant le
référendum, la nouvelle convention avec les professionnels du
Québec, de la fonction publique. Je sais qu'à ce moment, le
Conseil du statut de la femme a fait des représentations pour enlever
les disparités salariales dans les offres qui étaient faites.
Peut-être qu'on pourra me donner une réponse si elles ont
été totalement corrigées.
Ce qui est fort étonnant la même chose
s'était produite dans le cas de la fonction publique c'est que le
gouvernement aujourd'hui je ne veux, à cet égard,
disculper les anciens gouvernements d'aucune façon, mais il reste
qu'à ce moment-ci, on juge les oeuvres du gouvernement actuel et
les gouvernements, quels qu'ils soient cela peut être la
même chose au niveau fédéral fassent encore des
offres c'est peut-être pire, mais je n'ai pas les données
et je ne suis pas critique, à ce moment, du fédéral
qui ne corrigent pas dès le départ ces disparités. Cela
doit toujours être une lutte et même, au dernier moment, le Conseil
du statut de la femme a dû intervenir. C'était durant la campagne
référendaire; cela a été réglé
quelques jours avant le référendum. C'est pour dire qu'il faut
encore l'intervention du Conseil du statut de la femme ou des groupes
féminins pour faire évoluer ces choses.
Je voudrais également signaler que non seulement à
l'égard des salaires, mais à l'égard d'autres avantages
sociaux, on n'a pas encore réussi à corriger, dans les
dernières conventions collectives des secteurs public et parapublic, des
disparités qui existaient. Ainsi, je vous cite un article du Devoir du
17 avril 1980: "Malgré des conventions collectives égalitaires,
les femmes et les hommes il s'agissait du monde de l'enseignement
ne sont pas traités de la même façon. Qu'il suffise de
mentionner la question du double plafond des assurances-vie de $4000 pour les
enseignantes et de $20 000 pour les hommes, dont la moitié de la prime
est payée par les employeurs. Cette situation avec des plafonds
modifiés se retrouve encore dans la récente entente provinciale
je vous dirai, entre parenthèses, que je m'étais battue
contre l'entente antérieure; alors que j'étais à la CECM
où j'avais noté cette chose. On avait mandaté nos gens
pour défendre ce point de vue à Québec, apparemment sans
trop de succès, mais encore cette fois-ci, il faudrait quand même
que les choses évoluent un peu il semble qu'on n'ait pas eu de
succès. Pour le personnel de soutien, c'est après dix ans de
service ou si elles sont soutien de famille que les femmes peuvent avoir les
mêmes assurances-vie que les hommes.
(11 heures)
Ceci m'amène à demander à la ministre d'Etat
à la Condition féminine: Qu'en est-il et quand aboutirons-nous
à des modifications de certaines dispositions de la Charte des droits et
libertés de la personne, la première qui toucherait l'abrogation
de l'article 97? Mme la ministre a dit: Nous
sommes à étudier. Mais je ne peux m'empêcher de dire
que c'est une étude qui prend beaucoup de temps. Vous aviez le rapport
Boutin qui vous a été remis, je pense, à l'automne
où vous êtes arrivée au gouvernement, peu de temps
après votre arrivée au gouvernement. Que vous ayez voulu le
réexaminer, c'est fort plausible et, d'ailleurs, j'avais reconnu en
Chambre que c'était normal que vous en examiniez les recommandations.
Mais qu'en 1980, on me dise qu'on est encore à étudier, alors que
Mme la ministre avait pris quand même des engagements au fait qu'à
l'automne je ne me souviens plus quel automne, parce que ça fait
plusieurs automnes qu'on passe...
Mme Payette: Cela fait bien des printemps aussi.
Mme Lavoie-Roux: Cela fait bien des printemps ceci devrait
être modifié. Egalement à l'égard de l'article 10 de
la Charte des droits et libertés de la personne qui n'inclut pas
l'élément âge dans les facteurs de discrimination et qui,
eux aussi, jouent, comme on vient de le voir, à la fois du
côté des assurances. Enfin, ce sont des facteurs de discrimination
qui devraient être corrigés. Je m'étonne fort, pour ne pas
être plus dure, que ces choses ne soient pas encore faites et qu'on en
soit encore au niveau des études.
Je suis passée d'une chose à l'autre. Il y a tellement de
matériel. Pour ma part, je n'ai personne pour... Je ne devrais pas dire
que je n'ai personne pour le coordonner, mais il faut quand même que je
vous le lise en vrac. Oui?
M. de Bellefeuille: Mme la Présidente, je suis
désolé d'interrompre mon estimable collègue de L'Acadie,
mais est-ce que je pourrais c'est une demande de directive ou une
question de règlement, je ne sais trop, Mme la Présidente
défendre les droits des membres masculins de cette commission et
proposer qu'à un moment donné, on permette au
député de Bellechasse d'intervenir? Je vous ai déjà
demandé la parole, Mme la Présidente, aussitôt après
l'intervention du député de Bellechasse, ce qui ne privera pas du
tout Mme la députée de L'Acadie de la possibilité de
revenir à la charge plus tard, puisque nous avons jusqu'à 13
heures.
Mme Lavoie-Roux: Voulez-vous me laisser continuer au moins sur
quelques autres petits points? Me donnez-vous au moins cinq minutes? Je n'aurai
pas le temps de faire tout le tour, mais, au moins, cela me permettra d'en
donner quelques autres.
Mme Payette: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Cuerrier): Est-ce que vous pensez,
madame, avoir sensiblement fait le tour de vos interventions? Est-ce que vous
n'accepteriez pas de revenir après les interventions des autres?
Mme Payette: Mme la Présidente, une question de directive
pour moi aussi...
La Présidente (Mme Cuerrier): Est-ce que vous tenez
à ce que toute votre intervention se fasse à la fois?
Mme Payette: C'est parce que l'exposé de Mme la
députée est surtout fait de questions. J'ai noté, comme on
le fait habituellement, les points qui me paraissent les plus importants,
auxquels je voudrais répondre. Je suis bien prête à le
faire après que le député représentant l'Union
Nationale aura fait son exposé, à moins qu'il ne désire
pas en faite et qu'il ne veuille passer à des questions. A ce
moment-là, je demanderais la permission de répondre aux questions
qui m'ont déjà été posées.
Mme Lavoie-Roux: Mme la Présidente, si vous me
permettez...
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme la
députée.
Mme Lavoie-Roux: ... j'admets avec vous que je suis partie de la
situation des cadres, à la suite du rapport que Mme la ministre vient de
déposer, en lui disant que la situation n'était quand même
pas aussi rose qu'elle le disait.
J'ai fait une digression en parlant des points discriminatoires qui
devaient être corrigés dans la Charte des droits et
libertés de la personne. Est-ce que je peux au moins finir ce
point-là, parce que je voulais faire état de cette question de
taille?
Je voudrais faire remarquer à Mme la ministre... J'ai ici les
chiffres du ministère de l'Education. On sait que, fort
fidèlement, d'année en année, je m'enquiers auprès
du ministre de l'Education, dont on connaît la disposition
extrêmement favorable à l'endroit des femmes, sur
l'évolution des cadres à l'intérieur de son
ministère. Hors cadres et cadres, évidemment, ça comporte
les sous-ministres; il y en avait trois en 1977. Nous sommes rendus à
six en 1980. Pour ce qui est des hors cadres, je pense que ce sont des
sous-ministres, si je ne m'abuse, il y en avait un seul qui avait
été nommé. C'était l'Union Nationale, je pense que
c'était dans le temps de M. Cardinal, il y avait Mme Baron qui est,
j'allais dire disparue, mais qui a pris sa retraite. Je le disais sans
malice... Et je m'enquérais auprès du ministre de l'Education
pour savoir à quel moment il avait l'intention qu'on retrouve au
ministère de l'Education une femme sous-ministre adjoint.
Aussi étonnant que ceci puisse vous paraître, pendant deux
ans, il m'a dit qu'il ne pouvait pas avoir de femme à son cabinet
politique parce qu'il n'en trouvait pas. Mais l'an dernier, à la veille
de l'étude des crédits, il en avait trouvé une. Elle
était entrée en fonction la veille, on était en 1979.
Cette année, il me répond cette phrase absolument incroyable: Je
ne peux pas en trouver, mais je cherche bien fort. Peut-être qu'en
1982... Cela lui a
pris trois ans pour en mettre une à son cabinet: apparemment, il
y en a quatre à son cabinet... Là, on n'en trouve pas pour le
ministère de l'Education.
Si on me disait ça encore du ministère des Finances, parce
qu'il y a quand même des femmes économistes aussi qui commencent
à pointer; peut-être y en a-t-il au ministère des Finances,
je l'ignore, mais qu'on me dise ça au ministère de l'Education,
je trouve ça absolument inconcevable.
Dans l'ensemble, quand vous regardez, par exemple, les agents de
maîtrise, il y a une diminution; chez les professionnelles, il y a une
augmentation presque négligeable; chez les techniciennes, on augmente et
au personnel de secrétariat, il y a une diminution; enfin, cela a
évolué de 768 en 1977 à 719 en 1980. Pour l'ensemble du
total des femmes que l'on retrouve au ministère de l'Education en 1980,
on se retrouve à 995 de 1076 qu'elles étaient en 1979.
Je sais qu'on doit faire des coupures dans les ministères, mais
est-ce qu'on fait des coupures surtout chez les femmes? Ce serait une question
intéressante pour vous, Mme la ministre. Quand on coupe dans les
effectifs des ministères, est-ce qu'on coupe surtout des femmes ou des
hommes? On ne peut pas déduire quoi que ce soit d'ici, mais c'est une
question qui serait intéressante à surveiller.
Au ministère des Affaires sociales, qui a quand même un
ministre plus ouvert, je dois l'admettre et je suis fort prête
à reconnaître les vertus des ministres d'en face quand ils en ont
vous retrouvez, dans les cadres du ministère en 1979, 9 femmes
pour 137 hommes, 14 agents de maîtrise femmes pour 123 hommes, 159 femmes
professionnelles pour 544 hommes. Quand on arrive aux fonctionnaires, au
personnel de soutien, évidemment, vous avez plus de femmes, 1407 femmes
pour 1008 hommes.
Ce que je veux dire, Mme la ministre, c'est que je ne doute pas que vous
fassiez beaucoup d'efforts, mais il ne faudrait surtout pas aller donner ce
document-là comme arme aux ministres qui se promènent à
travers la province pour dire comme on est beaux et comme on est fins. Cela, je
le prends pour... Enfin, je l'apprécie, je l'examinerai plus en
détail, mais, par exemple, je vois un article de journal qui dit: On est
rendu avec trois femmes sous-ministres.
Savez-vous qu'il y a déjà eu trois femmes sous-ministres
en même temps? Il y avait eu Lise Lemieux, il y avait eu Paule Leduc et
il y avait eu Mme Baron. On est encore avec trois femmes sous-ministres, sauf
qu'il y en a deux en titre, une au secrétariat d'Etat on
espérait ça mais pour la première fois à
l'Immigration, je pense qu'elle est en titre, Mme Barcelo. Mais on est toujours
à trois/trois. C'est pour ça que ces chiffres-là, s'il
faut s'en réjouir, quand je les aurai examinés plus en
détail, il ne faut quand même pas que ça soulage la
conscience de quelque gouvernement que ce soit. Le travail à faire est
considérable, l'évolution est très lente et il
m'apparaît que toutes les excuses ou toutes les rationalisations sont
bonnes pour empêcher que le mouvement aille en s'accentuant un peu plus
rapidement.
J'ai encore au moins 100 questions à vous poser, mais je les
garde.
Mme Payette: C'est dommage que vous n'ayez pas commencé
lors de la période des questions, il y a quelques mois.
Mme Lavoie-Roux: II y a quelques mois... Vous avez
été absente assez souvent, Mme la ministre.
Mme Payette: Oh, madame, je suis une des plus
présentes.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais vous avez été... Oui,
c'est vrai que, lorsque vous êtes à l'Assemblée nationale,
vous êtes une des plus présentes, et je suis prête à
le reconnaître, mais vous avez été absente du Parlement
à plusieurs reprises.
Mme Payette: Mais quand je suis là, madame, on ne me pose
aucune question. Alors...
Mme Lavoie-Roux: On a eu de longues grèves auxquelles il a
fallu s'intéresser pendant de longs mois.
Mme Payette: Mme la Présidente, je repose ma question.
Est-ce que je dois répondre aux questions qui ont été
posées ou permettre au député de l'Union Nationale de
faire un exposé?
M. Goulet: On va faire un premier tour de table, si vous n'avez
pas d'objection. Vous pourrez faire un "package deal" avec les
réponses.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Bellechasse.
M. Bertrand Goulet
M. Goulet: Mme la Présidente, selon le voeu formulé
par mon collègue des Deux-Montagnes, si vous n'avez pas d'objection
qu'un homme puisse s'adresser à cette commission, vous me permettrez,
d'abord, de saluer les membres de la commission et, bien sûr, le
personnel qui accompagne Mme la ministre.
Il me fait plaisir, je dirais non pas en tant qu'homme, mais en tant
qu'individu, un simple individu oeuvrant au sein de notre société
québécoise, de venir participer à l'étude des
crédits alloués à la promotion de la condition
féminine. L'année 1979, le ministre nous en dressait un tableau
tout à l'heure, a été très importante pour la femme
au Québec, et ce à cause de la création du
ministère d'Etat à la Condition féminine. La nomination,
bien sûr, du député de Dorion à ce poste n'a
étonné personne, compte tenu de ses capacités personnelles
et surtout de son talent indiscutable de communicatrice.
Mme Lavoie-Roux: Cela dépend de...
M. Goulet:... pas dans le champ. Or, quelques jours à
peine après la nomination de la députée au poste de
ministre d'Etat à la Condition féminine, déjà on
s'interrogeait sur les intentions du nouveau ministre face à la
tâche qui l'attendait. Je me rappelle, entre autres, que Mme Lysianne
Gagnon, du journal La Presse, au mois de septembre dernier, posait
déjà la question. Elle se disait: Quelle clientèle
féminine sera privilégiée par l'action du ministre? Soit
les femmes qui attendent des réformes au chapitre de la condition
féminine et qui, en général, font partie de la tranche la
plus progressiste de l'électorat, ou celles qu'on peut qualifier de plus
conservatrices? C'était la question que se posait Mme Gagnon dès
septembre 1979.
A vrai dire, on pouvait d'ores et déjà répondre
à Mme Gagnon. La députée de Dorion et exministre des
Consommateurs, Coopératives et Institutions financières et tout
son gouvernement semblaient ou semblent avoir opté depuis novembre 1976
de servir, il faut l'avouer, les intérêts d'une certaine
élite féminine québécoise. On a pensé
d'abord à la femme au travail. Il s'agit d'avoir entendu les propos du
ministre tout à l'heure; un très haut pourcentage de ses propos
visaient la femme au travail. Bien que celle-ci ne représente que 25% de
la population féminine, cela n'a pas empêché le Parti
québécois d'octroyer à elle seule, jusqu'à
aujourd'hui, $240 d'indemnité de grossesse. J'ai lu le communiqué
de presse qu'a déposé la ministre. Elle s'apprêterait
à accorder $240 aux femmes au foyer et cela n'est qu'une des mesures
étudiées. Est-ce que c'est accordé, est-ce que c'est
officiel ou est-ce que ça va le devenir demain? Ce n'est pas officiel
encore. C'est dire que, jusqu'à aujourd'hui, encore une fois et
pour combien de temps, on ne le sait pas on a pensé encore
à accorder cet indemnité, à privilégier d'abord et
avant tout la femme au travail, soit 25% environ des femmes.
Que dire, Mme la Présidente, du projet de loi sur les garderies?
Vous vous rappelez, Mme la ministre, que ma formation politique a voté
évidemment pour cette loi. Cependant, il est déplorable, je dis
bien déplorable, de constater que cette nouvelle mesure sociale ne
s'adresse essentiellement qu'aux femmes travaillant à l'extérieur
du foyer.
Tout à l'heure, dans son exposé, le ministre a tenu des
propos en disant: II faudrait faciliter le retour au travail d'une femme
après une grossesse. J'aurais aimé également qu'on parle
de faciliter son entrée ou ce que je pourrais qualifier son
intégration au foyer pour celle qui fait le choix de rester au foyer
pour élever ses enfants. Vous avez parlé, encore une fois,
d'intégration au travail et ça s'est limité à cela,
de retour au travail. J'aurais aimé qu'on parle également d'une
femme qui désire elle-même demeurer au foyer pour élever
ses enfants, de faciliter son intégration au foyer, et nous n'avons pas
entendu grand-chose là-dessus. Il y a eu, bien sûr, la
halte-garderie, qui pourrait être utile pour la femme au foyer, mais
où sont les subventions pour Mme X qui met son enfant en halte-garderie?
D'après moi, il n'y en a aucune.
Le résultat de cette attitude du Parti québécois
à l'égard de ces 75% de femmes nous amène à nous
demander sérieusement si le gouvernement entend se préoccuper des
problèmes auxquels font face des femmes qui, justement, ne sont pas sur
le marché du travail. C'est la question fondamentale qu'on se pose
encore ce matin. Est-ce que le gouvernement considère ces femmes comme
des citoyennes à part entière? Il ne semble pas les
considérer ou considérer leurs problèmes aussi urgents que
les problèmes des 25% des femmes qui sont sur le marché du
travail. On ne semble pas apporter une urgence à régler leurs
problèmes comme on en met à régler ceux des femmes au
travail; D'une part, quand il survient une grossesse, elles n'ont même
pas droit à la même allocation de maternité dont leurs
consoeurs sur le marché du travail bénéficient, c'est un
exemple. (11 h 15)
D'autre part, quand elles vont en halte-garderie, elles doivent
débourser à tout coup. Je voudrais amener un autre exemple, quand
il s'agit d'indemnisation de la Régie de l'assurance automobile, pour
une femme au foyer; je donne un exemple que j'ai apporté ici, d'une
mère de trois enfants, on lui accorde le minimum d'indemnisation.
Toujours ce qu'il y a de plus bas, toujours le minimum pour la femme au
foyer.
Tout à l'heure, dans ses propos, la ministre a parlé de
discrimination au niveau du crédit et des assurances; j'ai tenté
de noter rapidement ses propos quand elle parlait de discrimination, au niveau
du crédit et des assurances. Vous avez dit qu'il faudrait amener un
changement de mentalité des institutions financières
visées. Je suis bien d'accord avec ça, mais pas seulement les
institutions financières privées. On a des exemples plus
près de nous, les femmes au foyer ont été et sont victimes
de discrimination dans le régime étatique d'assurance automobile
que vous avez vous-même établi. Lorsqu'il s'agit d'une mère
au foyer, on lui consent le minimum, comme une fille au travail ou qui
recevrait des prestations de bien-être social. Je trouve ça tout
à fait injuste. D'ailleurs, votre collègue aux Consommateurs,
Coopératives et Institutions financières a partagé mes
sentiments, lors de cette commission, alors que le problème a
été soulevé.
Ce ne sont pas les institutions privées, c'est un régime
que la ministre actuelle a établi au Québec. Quand il s'agit
d'une femme au foyer, d'une mère de famille, pour une indemnisation, on
lui consent le minimum. J'ai un exemple ici: rendre payable annuellement le
minimum prescrit par la loi pour une femme au foyer, une mère de trois
enfants. Cela n'a pas toujours été un succès. J'inviterais
la ministre, bien souvent, avant de blâmer les institutions
privées, à regarder ce qu'on peut changer ici. C'est
peut-être difficile de changer des choses au niveau des institutions
privées, au niveau des institutions gouvernementales, surtout celles que
vous avez mises en place, ce serait peut-être plus facile de les changer;
en tout cas, on est mieux placé pour les changer.
Sans vouloir jouer sur les personnalités, Mme la
Présidente, il faut prendre un exemple; je ne prendrai pas n'importe
quel, je vais prendre celui de notre ministre d'Etat à la Condition
féminine. C'est une dame vraiment débrouillarde, il faut
l'avouer, qui offre une expérience du public incontestable, mais elle
s'est toujours identifiée aux groupes féministes au
Québec; parfait, c'est numéro un. Elle est pleine de bonnes
intentions, elle a même essayé de conquérir les 75% de
femmes dont je veux parler qui, il faut l'avouer, ne lui semblaient pas
acquises. La longue période préréférendaire et
référendaire, je pense, lui en a fourni l'occasion. Forte,
justement, de son nouveau mandat de ministre d'Etat à la Condition
féminine, Mme la ministre s'est mise à parcourir le
Québec, elle en a profité pour étaler au grand jour sa
vision des choses.
Je prends un exemple. Devant l'AFEAS de Sherbrooke, la ministre, en
tournée, a déclaré que la femme devrait "vivre en ligne
droite, sans les multiples zigzags que sont les mariages, les maternités
et sans être à la merci d'un individu." C'est textuel, la Tribune,
23 novembre 1979. En janvier 1980, vous poursuiviez votre visite, justement, et
la Voix de l'Est écrivait ceci: "C'est un message de solidarité
que Mme la ministre a livré hier aux femmes de Granby. Tout ce discours
était bien assorti de déclarations en faveur de l'avortement
libre et gratuit, de dénonciations des nombreux arguments d'hommes,
etc.".
Mme la Présidente, j'aimerais qu'on regarde les résultats
de cette campagne de récupération de ces 75% des femmes dont je
veux parler. Est-ce que la ministre, en s'adressant à elles, a
touché justement au point sensible? En parlant de ce point sensible, Mme
la ministre était bien loin de penser qu'en livrant son message
féministe, elle blessait profondément son auditoire et, bien
plus, qu'elle se taillait des verges pour se faire battre un peu plus tard.
Or, ce qui devait arriver, vous le savez. Au mois de mars dernier, alors
que Mme la ministre d'Etat à la Condition féminine je
pense que c'est bon de le préciser tentait d'expliquer aux femmes
du Plateau les raisons pour lesquelles elles devaient voter pour une certaine
option lors du dernier référendum, Mme la ministre a
frappé droit au coeur des femmes avec lesquelles elle se voulait
solidaire.
Je pense que je n'ai pas besoin de faire de dessin, parce que, quelques
jours plus tard, il y a un mouvement célèbre qui a fait boule de
neige. Je pense que, par ce mouvement, justement, les femmes pouvaient enfin
répondre à madame et à ses accusations implicites. Je le
dis en toute humilité, mais je le dis quand même en toute
objectivité, sincèrement. Lorsque vous disiez, par exemple, que
les femmes n'ont pas appris à prendre leurs responsabilités, je
vous cite encore les propos rapportés dans la Tribune du mois
d'août dernier.
Si, à ce moment-là, vous faisiez allusion à la
génération précédente, je ne suis pas d'accord avec
de tels propos, lorsqu'on est ministre d'Etat à la Condition
féminine et justement qu'on dirige un ministère pour
améliorer cette condition féminine.
Quand vous teniez de tels propos, en parlant de la
génération précédente et surtout des femmes, je
pense qu'on a tout à apprendre de nos mères. En tout cas, de
celles qu'on connaît bien, ou de celle que je connais bien, je vais
donner la mienne en exemple. Je pense qu'on n'a aucune leçon à
donner à ces femmes quand il s'agit d'assumer les
responsabilités. Et je pense que ce n'est pas Mme la ministre ni moi, ni
personne autour de la table qui pouvons faire la morale à cette
génération de femmes.
Quand vous tenez de tels propos, madame, vous les blessez
profondément. Voici que ces femmes qui ont investi toute leur vie
à la noble tâche de la famille se font dénigrer et accoler
l'étiquette péjorative que je n'ai pas besoin de rappeler; je
pense que cela a fait le tour du Québec. Ces femmes, je les ai connues
moi aussi, durant la campagne référendaire, et je peux affirmer
qu'il ne s'agit pas seulement du troisième âge. Ces femmes
n'endossent pas cette vision des choses de la ministre et de son
ministère. Je pense que je n'ai pas besoin de faire de dessin, je pense
qu'il y en a 60 000, 70 000 ou 75 000 qui ont manifesté publiquement
qu'elles n'étaient pas d'accord avec l'orientation et avec les
déclarations de leur représentante numéro un au
ministère de la Condition féminine.
Ce mouvement, madame et ce n'est pas tellement au niveau des
résultats qu'il a pu donner au niveau référendaire
en plus d'être révélateur du pouls des femmes du
Québec, nous signale justement que, souvent, on pense bien
représenter les femmes, on pense les représenter avec
objectivité et on passe justement à côté de ce que
la majorité désire.
Il me semble que la ministre d'Etat à la Condition
féminine devrait agir en sorte de se faire le porte-parole de tous les
groupes intéressés à améliorer la condition
féminine. Et je me demande sérieusement si l'expérience de
ce référendum et de tout ce qui en est découlé,
cette expérience n'a pas entaché la crédibilité de
la ministre à la Condition féminine, à ce niveau.
Et si Mme la ministre voulait être vraiment représentative
de toutes les femmes du Québec et non seulement d'une partie, elle
verrait à ce que l'organisme qui est sous sa responsabilité
justement, nous avons l'honneur d'avoir la présidente avec nous
qui s'appelle le Conseil du statut de la femme, soit encore plus
sensibilisée et s'occupe davantage des besoins des femmes au foyer. Il
faudrait mettre la même ardeur pour défendre les
intérêts des femmes au foyer qu'on en met pour défendre les
intérêts des femmes au travail. C'est bien ce qu'on a fait pour
les intérêts des femmes au travail, mais on n'a pas
retrouvé cette volonté, cette ardeur, au niveau des femmes au
foyer.
Si je peux me le permettre, Mme la Présidente, en tant que membre
de la commission, ce serait un reproche que j'adresserais, celui qu'on n'ait
pas mis cette même ardeur pour les 75% des
femmes au foyer qu'on sent pour les femmes au travail.
C'est vrai qu'il y a eu de pieuses recommandations, même fort
condescendantes, visant à favoriser la femme au foyer. Et après?
Je pense qu'au niveau de la réalisation, au niveau du concret, il n'y a
pas eu grand-chose. Malheureusement, il faut l'admettre. C'est là le
fond du problème que je veux soulever ce matin. Je pense que c'est
l'endroit idéal, l'endroit propice pour le faire en toute
objectivité.
Mme la Présidente, cela va peut-être vous faire rire, ce
que je vais dire, mais justement, en parlant du Conseil du statut de la
femme...
Mme Payette: Cela ne me fait pas rire, mais enfin.
M. Goulet: Mme la ministre aura tout le temps pour sa
réplique tout à l'heure, si elle n'est pas d'accord avec ce que
je lui dis. Nous l'avons écoutée religieusement et je pense
qu'elle est capable de faire la même chose. S'il y a des propos que je
tiens, avec lesquels elle n'est pas d'accord, nous lui permettrons de nous
donner la réplique.
Ce que je disais et ce que je veux ajouter au lieu de faire
pleurer la ministre, je vais peut-être la faire rire en parlant du
Conseil du statut de la femme, je pense qu'il est un peu étrange de
constater que, sur un personnel d'une cinquantaine d'employés, on ne
retrouve que deux hommes. Je sais par ailleurs qu'il faut faire du rattrapage
pour équilibrer la fonction publique en un nombre égal d'hommes
et de femmes. Tout à l'heure, on a déposé une liste. On
avait la liste des employés.
Mme La voie-Roux: C'est le messager.
M. Goulet: Cependant, d'après moi, cette disproportion des
sexes au sein du Conseil du statut de la femme nous amène à nous
poser au moins une interrogation majeure. Je le dis en toute
objectivité, encore une fois. Comment un organisme peut-il prêcher
contre le sexisme tout en pratiquant le même péché? C'est
la question que je me pose. Cela fait drôle et cela me laisse songeur.
C'est la première constatation qui m'est venue en voyant la liste du
personnel de cet organisme gouvernemental, parce que, si c'est bon d'un
côté qu'on ait cinquante-cinquante nous n'exigeons pas
cinquante-cinquante il me semble que, deux sur cinquante, 4%, c'est
très minime.
Je sais que le Conseil du statut de la femme, madame, est un organisme
fort démocratique et il a prouvé dans le passé qu'il ne
craint pas de se remettre en question aussi souvent que cela peut être
utile. Bien sûr, Mme la Présidente, Mme la ministre et vous,
madame, parce qu'ici, il y a deux présidentes, ce matin, la
présidente du Conseil du statut de la femme et la présidente de
la commission, vous avez compris que ces critiques s'avéraient
constructives et j'espère qu'elles apporteront de l'eau au moulin du
Conseil du statut de la femme.
J'aimerais ajouter, si vous me permettez, quelques considérations
sur des attitudes adoptées par le ministre des Affaires sociales et
également par la ministre d'Etat à la Condition féminine.
Ces deux ministres nous vantent une société pluraliste dans
laquelle nous vivons actuellement. Ce pluralisme, Mme la Présidente, qui
soi-disant caractérise notre pays, commande une foule de mesures
sociales afin qu'il y en ait pour tous les goûts et toutes les bouches.
Or, depuis quatre ans bientôt, c'est la politique du supermarché
des mesures sociales à son meilleur. Je ne voudrais cependant pas que
l'on croie que je suis contre les mesures sociales. En soi, cela est bon et
même souvent très bon. Le problème du gouvernement actuel
ne réside pas dans l'absence de mesures sociales, mais dans leur
prolifération que je pourrais qualifier d'anarchique, et c'est là
le problème.
Si madame la ministre était à l'écoute des femmes
ordinaires et de la mère de famille, son attention serait sûrement
portée, par exemple, sur d'autres organismes comme les Organismes
familiaux associés du Québec qu'on appelle l'OFAQ, qui
représentent, et c'est important, 125 000 familles et qui
réclament depuis des années une politique globale familiale.
Sous le couvercle du pluralisme, le ministre des Affaires sociales n'a
jamais voulu donner suite à ces recommandations. Si, vraiment, Mme la
Présidente, les mesures sociales avaient été
dictées depuis quatre ans par le pluralisme, celles-ci auraient
touché plus de 25% de la population et, ce matin, lors de ses propos
préliminaires, Mme la ministre nous en a encore fait état et,
encore une fois, plus de 75% de son intervention était axée sur
les 25% des femmes au travail.
Il est une chose, madame, qui manque à ce gouvernement, et cette
chose s'appelle l'idéal social. J'aimerais savoir de la ministre d'Etat
à la Condition féminine où elle veut en venir dans son
cheminement. Une chose est sûre, elle veut que cela change. Je veux bien
changer la société, changer les valeurs, on peut en discuter. On
peut avoir chacun ses points de vue là-dessus. Changer la
mentalité des mâles, cela s'impose à bien des
égards. Je suis le premier à l'admettre et je suis convaincu que
mon collègue de Deux-Montagnes sera d'accord avec moi. Oui, changer.
Mais qu'est-ce que vous avez à proposer en échange? Je pense que
ce serait important de le dire un jour ou l'autre.
J'aimerais savoir justement où est cet idéal social,
où il se situe dans votre plaidoyer, par exemple, pour l'avortement
libre et gratuit au détriment de la chute démographique
québécoise.
Lorsque vous parlez de choix, vous parlez toujours de choix de la femme
et vous ne parlez jamais de choix du couple. C'est important, je pense,
à un moment donné, d'en parler. Cet idéal social, est-ce
qu'on le retrouve dans le peu d'intérêt que vous semblez
manifester si je me trompe, j'aimerais que la ministre me l'explique
tout à l'heure pour le maintien et la cohésion de cette
cellule familiale? C'est cela qui est important, à mon avis. C'est
là, à mon sens, que se trouve votre échec auprès de
la grande majorité des femmes. (11 h 30)
On ne sent pas cette volonté pour une politique familiale globale
et cohérente dans laquelle se retrouvent les besoins de toutes les
femmes, pas seulement les femmes au foyer, mais toutes les femmes, de
l'adolescence jusqu'aux femmes de l'âge d'or. Si je me trompe, Mme la
ministre, dites-le moi et formulez-moi, en terminant, quelle est cette
politique gouvernementale globale au niveau familial, pas seulement des petits
textes pour nous dire: Cela s'en vient, peut-être qu'on va mettre $240.
Ici, j'en ai un autre signé par vous, que vous nous avez remis tout
à l'heure, dans lequel vous dites: Je crois que, lorsque nous aurons
réuni les conditions sociales axées sur l'amélioration de
la qualité de la vie, les femmes auront davantage d'enfants.
J'aimerais qu'on parle aussi du couple, il ne faut pas l'oublier. C'est
important. Vouloir l'oublier serait passer complètement à
côté du problème. En juillet 1979, vous déclariez,
dans le magazine Actualité, que, si le référendum
était battu, vous étiez pour rentrer chez vous. Je vous dis,
à mon avis, pour avoir travaillé avec vous à plusieurs
commissions parlementaires, que le résultat connu du
référendum ne justifie pas que vous abandonniez vos fonctions.
J'ai travaillé assez longtemps avec vous pour vous connaître.
Quand même, vous avez eu des critiques très sévères
de la part de gens qui vous ont supportée et qui vous connaissent
également très bien. Je pense, entre autres, à Mme
Micheline Carrier, qui semblait connaître une certaine désillusion
quant à votre action au niveau de la condition féminine. Ce n'est
pas moi qui le dis, vous connaissez cette dame mieux que moi. Dans les mois
à venir, j'aimerais que Mme la ministre je lance l'invitation aux
organismes sous sa tutelle que vous vous occupiez davantage d'une
véritable politique familiale, et qu'on puisse ressentir à
l'intérieur un intérêt et une volonté réelle
d'aide à la femme au foyer, une vraie politique d'aide à la femme
au foyer, et non pas toujours ces 25%. Je suis d'accord, vous avez fait
beaucoup de choses pour les 25% des femmes au travail, mais, de grâce,
mettez donc autant d'énergie pour les autres 75%.
Madame, j'en aurais encore beaucoup à dire. Je sais qu'on a
permis à la députée de L'Acadie de converser longtemps sur
ce sujet. J'aurais d'autres interrogations que je garderai justement au niveau
que nous aborderons à chaque chapitre...
Mme Lavoie-Roux:... une femme comme moi.
M. Goulet: Chose certaine, madame, j'aimerais que vous le
compreniez je suis sûr que vous, Mme la Présidente, vous le
comprenez il est peut-être un petit peu plus difficile pour un
homme de donner son opinion publiquement sur le sujet il faut l'admettre
assez controversé de la condition féminine. Je suis quand
même content de l'avoir fait et d'avoir préparé cette
intervention pour venir vous le dire. Croyez-le ou non, madame, j'ai dit tout
cela sans misogynie. Merci.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme la ministre.
Mme Payette: Mme la Présidente, si vous permettez,
j'aimerais donner la parole à Mme Bonenfant, présidente du
Conseil du statut de la femme, puisqu'elle doit nous quitter dans une dizaine
de minutes. Mme Valois pourra la remplacer s'il y a des questions par la suite,
sauf qu'elle m'a demandé de lui permettre de répondre, en
particulier, à l'intervention qui vient d'être faite.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme la présidente du
Conseil du statut de la femme.
Mme Payette: Je m'excuse de bousculer un peu.
Premièrement, je vous avoue que j'ai été un peu
déçue par la tournure des débats, parce que j'étais
venue ici pour défendre mes crédits, et je n'en ai pas encore
entendu parler, parce qu'on a discuté de condition féminine, mais
on n'a pas encore parlé des crédits du conseil. Mme Madeleine
Valois, qui est la secrétaire du conseil, sera ici après moi.
Elle pourra très bien vous donner tous les détails
administratifs.
Seulement, il y a eu deux problèmes de posés et qui me
paraissent très graves. On a porté des accusations contre le
Conseil du statut de la femme, à savoir que nous priviléaions les
femmes au travail. J'ai ici un document qui, à mon avis, prouve
amplement le contraire. Parmi les principales réalisations du conseil,
cette année je vais en citer quelques-unes que j'ai réussi
à cocher rapidement nous avons préparé une brochure
destinée aux femmes au foyer qui veulent se recycler ou retourner au
travail; c'est bien leur droit. Ensuite, nous avons rédigé une
brochure sur la ménopause, cela vaut bien pour les femmes au foyer. Nous
avons fait une recherche globale sur la santé physique et mentale des
femmes; cela vaut pour les deux, quand même. Nous avons participé
à l'organisation du colloque sur la santé mentale et vous savez
que, dans notre rapport Egalité et Indépendance, nous avons
apporté des chiffres selon lesquels ce sont les femmes au foyer qui sont
les plus menacées dans leur santé mentale.
Ensuite, nous avons organisé une table ronde sur l'humanisation
de l'accouchement. Dans le dossier du droit, nous avons analysé le
projet de l'Office de révision du Code civil et nous avons
présenté un mémoire à la commission parlementaire
sur la réforme du Code civil. Nous avons aussi, par la même
occasion, fait la mobilisation des femmes du Québec, femmes au foyer
comme femmes au travail, autour de l'importance de la refonte du Code
civil.
Ensuite, nous avons une étude en cours sur la fiscalité
qui traite surtout des allocations de disponibilité et des autres
mesures de soutien du revenu en particulier pour les femmes qui sont au foyer
et les femmes qui ne sont jamais allées sur le marché du travail.
Nous avons participé à la fondation de l'Association des femmes
collaboratrices dans l'entreprise familiale.
Enfin, nous avons fait beaucoup de documentation au sujet de la
publicité sexiste et vous savez que la publicité sexiste touche
particulièrement les femmes au foyer, parce que c'est dans son
rôle de mère, dans son rôle de ménagère que la
publicité cherche à dévaloriser les femmes.
Ensuite, nous nous sommes occupées du dossier des cliniques de
planification familiale, qui n'intéresse pas seulement les femmes au
travail. Nous avons travaillé sur des plans de non-discrimination dans
les avantages sociaux, surtout pour la participation au Régime de rentes
pour les femmes qui n'avaient pas l'occasion de cotiser. Nous avons aussi
travaillé sur le supplément familial au revenu du travail et, en
dernier lieu, enfin, récemment, sur le projet de loi sur la perception
des pensions alimentaires. Cela concerne surtout les femmes au foyer, puisque
les femmes qui travaillent, habituellement, ne demandent pas de pension
alimentaire.
Nous avons traité de plus de 5000 demandes d'information et
traité 270 plaintes à Action-Femmes. Je n'ai malheureusement pas
la proportion, mais ça touche majoritairement des femmes au foyer. Nous
avons aussi consacré beaucoup d'efforts à réorganiser et
à refaire l'image de notre bulletin, qui est devenu maintenant la
Gazette des femmes. C'est, évidemment, une brochure qui atteint beaucoup
de femmes au foyer. Nous avons publié Mieux vivre à deux. Nous
avons publié le Répertoire des groupes de femmes, pour aider les
femmes, justement, qui sont isolées à pouvoir se regrouper. Nous
avons publié une brochure sur la violence, Pour commencer, parlons-en.
Vous savez qu'une majorité des femmes violentées sont des femmes
au foyer. Ensuite, nous sommes en train de régionaliser le conseil
justement, d'établir des bureaux de consulte-action dans toutes les
régions du Québec pour que, justement, ces femmes, qui sont
isolées dans les régions, qui sont, la plupart du temps, des
femmes au foyer, puissent se réunir, puissent développer des
solidarités et prendre conscience de leurs besoins.
Ensuite, nous avons évidemment mobilisé toutes les femmes
pour la journée du 8 mars. Nous avons produit une affiche, un calendrier
des événements du 8 mars, toutes choses qui devaient, en premier
lieu, rejoindre les femmes au foyer. En effet, toute cette information que nous
donnons, nous l'axons toujours sur les femmes au foyer, puisque les femmes au
travail ont beaucoup plus de chances d'être informées. C'est ce
que j'avais à dire au sujet des femmes au foyer.
Deuxièmement, on nous a attaquées pour la
non-mixité du conseil. Cela, je vous dirai que c'est un point qui me
touche profondément, parce que j'en suis rendue à un point de
penser qu'éventuellement, nous devrions avoir plus d'hommes qui
travaillent au conseil. Mais nous sommes en butte à deux
problèmes fondamentaux. Vous savez que, pour travailler dans un
organisme ou dans un ministère, il faut une connaissance du secteur
d'activité professionnelle. Je vous assure qu'après avoir fait
partie de jurys pour différents postes au Conseil du statut de la femme,
j'ai malheureusement rencontré très peu d'hommes qui
connaissaient le secteur d'activité professionnelle. Dans vos organismes
masculins, il est très facile d'établir la mixité, parce
que la mixité, vous l'établissez à même les
employés de soutien qui sont massivement des femmes. Quand il y aura
suffisamment d'hommes qui seront secrétaires, qui seront techniciens
dans la fonction publique, je vous assure que je comblerai ces postes avec
plaisir dans mon organisme.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Bellechasse.
Promotion du droit et du statut de la femme
M. Goulet: Mme la Présidente, est-ce que vous permettez
une question, étant donné que c'était en réponse
directe aux propos que j'avais tenus?
La Présidente (Mme Cuerrier): Si la commission le
permet...
M. Goulet: Je ne comprends pas d'abord qu'on étudie les
crédits. Je voudrais que Mme la présidente du Conseil du statut
de la femme sache que, lorsqu'on étudie les crédits, on discute
à savoir ce qu'on fait avec cet argent-là. C'est le but premier
des réalisations concrètes.
Mme Payette: Mon organisme n'est pas du secrétariat
à la condition féminine.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Bellechasse, j'allais donner la parole à Mme la députée
de L'Acadie et ça me fera plaisir de vous la donner ensuite.
Mme Lavoie-Roux: Je vais...
M. Goulet: Un instant! Est-ce que madame peut demeurer
jusqu'à ce que je reformule une autre question? Je pense que c'est
important.
Mme Payette: Mme la Présidente, si c'est sur le budget,
Mme Valois sera ici pour donner des renseignements sur les crédits du
Conseil du statut de la femme. Si c'est une question qui s'adresse à la
présidente, le député a déjà eu l'occasion
de le faire et Mme la députée de L'Acadie a signifié
qu'elle avait des questions à la présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): Après tout ce temps,
la parole reviendrait normalement à Mme la ministre actuellement, mais
parce que Mme la présidente...
Mme Lavoie-Roux: ... quand même.
La Présidente (Mme Cuerrier): ... du Conseil du statut de
la femme doit quitter, je...
Mme Lavoie-Roux: Je vais essayer de les formuler
brièvement, alors, si vous en avez, vous pourrez les poser.
M. Goulet: Je n'ai aucune espèce d'objection. Madame a
dit, au début: Je me demande ce que je fais ici, je voulais parler des
crédits. Le Conseil du statut de la femme prend ses crédits
où? Du ministre d'Etat à la Condition féminine, oui ou
non? C'est ce que je voudrais savoir.
Mme Payette: Du Conseil exécutif.
M. Goulet: Alors, la commission où nous siégeons,
qu'est-ce que c'est? Je ne vois pas pourquoi on ne poserait pas ces questions.
Justement, au niveau de ces crédits qui sont votés au Conseil du
statut de la femme, nous aurions eu des questions. Maintenant, si on me dit
qu'une autre personne pourra répondre, je n'ai aucune objection, je suis
ici jusqu'à minuit ou 2 heures demain matin.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je vais poser des questions très
brièvement, vous pourrez en avoir quelques-unes. Une question d'ordre
général, je ne veux pas entrer dans les détails des
crédits, on pourra y revenir avec Mme Valois. Globalement, est-ce que
l'augmentation des crédits qui sont accordés au Conseil du statut
de la femme vous apparaît suffisante pour réaliser vos objectifs
pour l'année qui vient? C'est une question de base, je pense.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme la
présidente.
Mme Payette: Vous savez, je ne connais personne qui trouve qu'on
a suffisamment de crédits...
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais...
Mme Payette: ... parce qu'on a suffisamment de projets. On aurait
pu réaliser beaucoup plus de projets, mais le conseil a
été traité dans la même optique que tous les autres
budgets du gouvernement, c'est-à-dire avec les coupures statutaires.
Mme Lavoie-Roux: Je vois ici qu'il y a une augmentation de
13,06%. Quelle est la part de ceci qui sera attribuée ou qui sera
consacrée à du développement et dans quel sens allez-vous
faire ce développement? En admettant qu'il y a 9%, quoiqu'on ait
accordé, de façon générale, 5% d'indexation
à tous les ministères, même si le taux de l'inflation est
au moins de 9%, disons qu'il reste 4%, quelles sont vos priorités?
Mme Payette: La priorité du conseil, cette année,
c'est d'instrumenter les femmes afin qu'elles puissent se donner plus de
pouvoirs. C'est pour ça que l'accent est mis sur la
régionalisation du conseil, afin de pouvoir atteindre le plus de femmes
possible dans le plus grand nombre d'endroits du Québec. On n'a
malheureusement pas pu le faire dans tout le Québec, mais l'accent est
mis sur la régionalisation, sur la mobilisation des femmes, et c'est sur
ça que l'accent sera mis au Conseil du statut de la femme,
l'instrumentation des femmes.
Mme Lavoie-Roux: D'une façon pratique, est-ce que ce ne
sont pas des postes que vous allez ajouter dans les régions?
Mme Payette: Mais ces postes sont là pour, justement,
faire le contact avec les associations, les mobiliser davantage, les
informer...
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que ce sont des créations de
postes où étaient-ils déjà là?
Mme Payette: Non, ce sont des créations de postes.
Mme Lavoie-Roux: Alors combien prévoyez-vous de
création de postes?
Mme Payette: Ce sera neuf postes en région. Nous venons
d'installer neuf personnes en région à temps plein et ces
personnes devront maintenant développer des programmes de
sensibilisation auprès des femmes. C'est vraiment la priorité du
conseil présentement.
Mme Lavoie-Roux: Une question qui en est une de fonctionnement
général, parce que je reviendrai sur le détail plus tard,
quand vous aurez quitté. On se souvient que, lorsque le
Secrétariat d'Etat à la Condition féminine a
été créé, il y a environ six mois ou un an...
Mme Payette: En septembre.
Mme Lavoie-Roux: ... à ce moment-là, vous aviez
vous me corrigerez si je vous interprète mal
exprimé des appréhensions en disant: Le Conseil du statut de la
femme, comment est-ce que cela va s'articuler avec le secrétariat du
statut de la femme, et compte tenu qu'il y a un ministre à la tête
du Secrétariat d'Etat, est-ce que ceci va, d'une certaine façon,
modifier le rôle du Conseil du statut de la femme? Est-ce que ça
va modifier ses contacts avec les différents ministères?
L'impression que j'en ai gardée, c'est qu'il y avait peut-être un
intermédiaire qui venait se placer entre vous et les différents
ministères. A ce moment-ci, pouvez-vous nous dire brièvement si
vous êtes satisfaite du fonctionnement ou si ça crée des
problèmes? (11 h 45)
La Présidente (Mme Cuerrier): Madame.
Mme Payette: II y a eu un moment de flottement, c'est
évident, et on s'est demandé au conseil quelle serait notre place
respective. Je pense que c'était normal au moment de la création
d'une structure nouvelle. Nous avons eu plusieurs séances de
réflexion et nous avons eu aussi des rencontres avec le
secrétariat. Nous avons rapide-
ment trouvé chacune notre place qui était tout à
fait différente parce qu'un organisme comme le Conseil du statut de la
femme demeure un organisme autonome qui n'est lié que par le budget
qu'il reçoit du gouvernement et qui n'a aucun attachement politique avec
quelque parti que ce soit. Il a été relativement facile de
trouver chacun sa place, pour employer un mot que Mme Payette nous a dit: pour
nous désenchevêtrer. Il y avait un petit écheveau à
démêler, mais rapidement chacune a trouvé sa place. Je vais
peut-être rappeler un mot que j'avais dit à ce moment-là. A
ce moment-là, les femmes sont allées chercher plus de pouvoirs,
parce que, jusqu'ici, je n'avais qu'un pouvoir d'influence. Je n'aurai toujours
qu'un pouvoir d'influence alors que Mme Payette, en étant ministre, en
étant membre du comité des priorités, a un pouvoir
réel pour les femmes. Je pense que maintenant tout est établi et
le fonctionnement va très bien.
Mme Lavoie-Roux: Je vous ai posé plusieurs questions, mais
il y a deux questions précises auxquelles j'aimerais que vous me
répondiez.
Mme Payette: Je voudrais que ce soit très bref. Je
prononce une causerie à midi et quart.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais écoutez, on nous a
convoqués ce matin pour faire l'étude des crédits.
Mme Payette: J'ai quelqu'un qui peut répondre à
toutes les questions.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais ce sont des questions, je ne sais pas
jusqu'à quel point la secrétaire, Mme Valois, va se sentir
capable de... En tout cas, je vais vous les poser.
Mme Payette: Je voudrais vous dire que Mme Valois est plus
ancienne au conseil que moi.
Mme la Présidente, si vous me le permettez, juste une petite
parenthèse. L'étude de nos crédits a été
déplacée à la dernière minute. Elle devait avoir
lieu en fin d'après-midi aujourd'hui et Mme la présidente avait
déjà accepté cet engagement qu'elle ne pouvait pas
remettre.
Mme Lavoie-Roux: Je l'accepte, mais... Je vous ai demandé
dans quelle mesure... Je vous en ai même fait reproche, dans un cas; dans
l'autre, je vous ai demandé dans quelle mesure vous aviez exercé
des représentations auprès du gouvernement pour que les
barèmes de l'aide sociale soient modifiés. Dans l'autre cas, cela
m'est apparu un silence de votre part, quant à la non-indexation ou
l'indexation partielle, pour être plus précise, des prestations
d'aide sociale dont les répercussions étaient surtout pour les
familles avec enfants et les familles monoparentales, dont on sait que le grand
nombre sont des femmes.
Mme Payette: Pour la première question, je vous dirai que
déjà, dans la politique d'ensemble, nous avons
réclamé d'indexer les barèmes d'aide sociale et notre
réclamation demeure toujours là. D'ailleurs, il y a eu une
indexation et cette demande du conseil demeure toujours déposée
et périodiquement nous faisons des pressions. Vous savez, ce qui se dit
dans les journaux et ce qui se passe entre les sous-ministres et le conseil, ce
sont deux choses. Nous faisons continuellement des pressions pour faire aboutir
les demandes qu'on a déposées dans la politique d'ensemble. Pour
ce qui est du deuxième dossier, ceux et celles qui me connaissent savent
que je n'aime pas me frapper le nez contre des murs. Je savais, pour
connaître toutes les structures de tout ce problème politique qui
se passait entre le fédéral et le provincial, à ce
moment-là, que toute intervention qu'on pourrait faire serait inutile.
D'ailleurs, les associations féminines en ont fait qui n'ont
tourné à rien. Je savais qu'à cause des problèmes
politiques réels qu'il y avait à ce moment-là,
c'était inutile d'intervenir. Je ne pense pas que la présidente
du Conseil du statut de la femme doive intervenir à tort et à
travers lorsqu'elle sait qu'un dossier ne peut pas être
réglé. C'est pour cela que je ne suis pas intervenue.
Mme Lavoie-Roux: Une autre question. On vient de redéposer
à l'Assemblée nationale le nouveau projet de loi 183 pour la
perception des pensions alimentaires. Je sais que le Conseil du statut de la
femme, dans les représentations qu'il a faites, à un moment
donné ou l'autre on a un peu perdu la notion du temps avec les
événements qui se sont passés; d'ailleurs, je pense que
c'est dans le rapport Egalité et Indépendance, je n'ai pas eu le
temps de le vérifier parlait d'un système de perception
automatique et universel.
Dans le projet de loi qui nous est déposé, c'est encore
à la femme que revient le fardeau de faire les démarches
auprès du protonotaire, même si, dans le deuxième projet de
loi, on prévoit un peu plus d'équipement pour le protonotaire.
J'aimerais savoir vous aviez fait une conférence de presse, je
pense, strictement sur ce sujet à ce moment-ci, quelle est votre
position.
Mme Payette: J'ai pris connaissance, hier soir, très
rapidement, du projet de loi 183. J'y ai trouvé une nette
amélioration. La position du conseil au sujet de l'automatisme demeure
toujours la même, mais c'est évident que, lorsque cette nouvelle
loi est assortie de beaucoup plus de possibilités pour les femmes...
Oui, c'est sûr que c'est une question de principe, mais ça devient
moins important, par exemple, si, par contre, beaucoup de démarches sont
effectuées. Si ça demeure la seule chose, ça devient un
peu moins important; mais la position du conseil est toujours la même,
nous avons encore réclamé que ce soit une mesure automatique.
Maintenant, pour ce qui est du détail du projet de loi, je vous
demanderais de m'excuser, mais je l'ai eu hier soir...
Mme Lavoie-Roux: Oui, je comprends.
Mme Payette: ... je l'ai parcouru rapidement, et il m'est apparu
qu'il y avait une très grande amélioration. Cela m'amène
à vous dire que, quand je dis que j'établis mes priorités
à aller mobiliser les femmes, je pense que cela en est une preuve. Nous
avons mobilisé les femmes autour d'un projet de loi dont nous
n'étions pas satisfaites et le gouvernement s'est rendu aux pressions
des femmes. C'est grâce, je crois, au travail du Conseil du statut de la
femme.
Mme Lavoie-Roux: Sur la publicité sexiste, j'ai vu
d'ailleurs hier, parce que, par hasard, je suis allée examiner les
annonces de Telbec qui étaient sorties j'en cherchais un
particulier que vous avez demandé au ministère de la
Justice de retirer je ne sais pas si c'est le petit livre rouge, je ne
sais pas comment il s'appelle le petit guide de la justice. Comment se
fait-il qu'il n'y ait pas, ce n'est peut-être pas vous autres, parce que
vous n'auriez pas le personnel...
Mme Payette: ... officiel qui publie...
Mme Lavoie-Roux: Comment se fait-il qu'au Secrétariat
d'Etat ou quelque part, ces choses ne soient pas examinées avant
qu'elles soient publiées? On a eu également, il a
été corrigé depuis, celui de Va jouer dehors, du
haut-commissariat, Kino-Québec, et il y en a eu d'autres en cours
d'année. Est-ce que c'est vous autres qui avez cette
responsabilité ou si c'est le Secrétariat d'Etat? C'est le
Secrétariat d'Etat.
Mme Payette: Mme la Présidente, si vous permettez, juste
une seconde, effectivement, le Secrétariat d'Etat n'est pas
consulté sur toutes les publications du gouvernement. Nous n'avons pas
le personnel requis pour faire ce travail, sauf qu'il incombe, en fin de
compte, toujours au ministère des Communications de faire en sorte que
les publications du gouvernement soient conformes aux décisions
gouvernementales, aux attitudes gouvernementales.
Ce guide est prêt depuis fort longtemps, m'a-ton
expliqué...
Mme Lavoie-Roux: C'est quoi, ça, fort longtemps,
madame?
Mme Payette: Voyez-vous, ça remonte probablement
même avant l'existence du secrétariat, avant qu'il ne soit
créé. D'autre part, ça n'excuse personne, ce n'est pas
parce que cela a été fait il y a longtemps que c'est excusable.
Dans ce sens, je suis prête à vous faire connaître non
seulement le communiqué du conseil, mais la lettre que j'ai transmise
à mes collègues de la Justice et des Communications sur le
même sujet, en appuyant le conseil et en demandant qu'on retire la
brochure.
Mme Lavoie-Roux: Un dernier point. On vient de nous remettre la
liste des femmes membres de divers organismes, de septembre 1978 à
février 1980. Je n'avais pas eu le temps de l'examiner, je parlais au
moment où on l'a fait circuler. Quand on regarde les femmes
nommées à des postes de cadres supérieurs, de septembre
1978 à février 1980, vous vous retrouvez avec 14 noms et, dans
ces noms, vous savez, finalement, le 101 est réduit passablement, parce
qu'il faudrait faire le tour des conseils d'administration qui existaient
avant. Par exemple, quand le gouvernement du Parti québécois est
arrivé au pouvoir, à l'Office de la langue française, il y
avait trois femmes et on les avait éliminées du coup.
J'avais fait des représentations à ce sujet, j'en avais
fait également au sujet du ministère de l'Immigration, du
comité consultatif de l'immigration, où il y avait une seule
femme, Mme Ben-guerel. J'espère qu'il y a maintenant plus d'une femme au
conseil de l'immigration, je pense qu'il y en a deux ou trois... Mais quand
vous regardez cela je vais m'en tenir aux cadres, il faudrait refaire le
tour est-ce qu'il y a vraiment des gains ou les gains sont-ils à
peu près insignifiants? Ce sont strictement des nominations à des
conseils d'administration. Mais quand vous regardez les postes de cadres, vous
vous retrouvez avec 14 cadres. Lesquels sont vraiment des nouveaux postes? Par
exemple, je vois Mme Bonenfant, mais il y avait quand même une femme au
Conseil du statut de la femme avant que vous n'y soyez nommée. Elle est
partie, on l'a remplacée.
Il y a eu deux offices créés, l'office... Mme Robillard,
Mme Gervais, à l'office des garderies.
Je regarde des noms, comme, par exemple... et c'est cela que je vous
demanderais d'examiner, pour vraiment voir la portée de ces
choses-là. Je vois Claudine Sotiau, présidente de la Régie
de l'assurance automobile du Québec. Elle avait déjà un
poste important à l'intérieur de la fonction publique. Est-ce que
son poste a été remplacé par une femme?
Mme Payette: Elle avait quitté ce poste, madame, pour
devenir directrice d'un CEGEP.
Mme Lavoie-Roux: Mais le poste qu'elle avait occupé
à ce moment-là, à l'intérieur de la fonction
publique, est-ce qu'il a été comblé par une femme? Vous
savez, sur 101, on se retrouve avec 14.
Je prends Nicole Martin, devenue sous-ministre aux Affaires culturelles.
Elle avait un poste important au Conseil du trésor. Est-ce que son poste
a été comblé par une femme? Je ne veux pas l'automatisme
du remplacement par les femmes. Mais quand on fait un bilan, on se retrouve
avec 14 postes et, finalement, je regarde Lise Langlois, et vous aviez Kathleen
Hendriks-Francoeur avant. Ce n'est pas un gain, c'est l'équivalent.
Je n'ai pas le temps de tous les examiner en détail.
Céline Turcotte... Je sais qu'elle était en charge du contentieux
à l'Université du Québec à Montréal, si ma
mémoire est bonne. C'est de l'ancien temps, je m'en souviens vaguement.
Elle est maintenant vice-présidente de la Commission des affaires
sociales. Comme je vous dis, ce n'est pas l'automatisme que je veux, mais il
faut que,
quelque part, il y ait des gains véritables qui apparaissent. Il
y a peut-être des gains pour quatre ou cinq personnes, je ne le sais pas.
Je n'ai pas pu faire la vérification. J'ai bien fait de mettre Mme la
ministre en garde et d'avertir ses collègues de ne pas se promener
à travers la province, se servant de ce document comme document de
caution. Quand on le décortique... Je cesse ici mes détails. Je
voudrais avoir vos réactions.
Mme Payette: Je vous préviens que ce sera la
dernière réponse que je pourrai donner. Vous savez qu'au conseil,
on a mis sur pied une banque de noms, 2500 noms, de personnes potentiellement
capables d'occuper des postes de gestion. Cela fonctionne déjà
depuis un an. Parmi nos projets, parmi notre future programmation, que nous
sommes en train d'établir, nous avons un projet d'évaluation, de
faire une espèce de rapport d'étapes, pour savoir ce que le
gouvernement a fait des recommandations que nous lui avons faites, savoir
où ont été mises les femmes. Est-ce que, justement, elles
ont remplacé d'autres femmes ou si cela a créé vraiment de
nouveaux postes? C'est une évaluation qui va être faite dans notre
programmation de 1981-1982.
Mme Lavoie-Roux: 1980-1981.
Mme Payette: 1980-1981, oui. Je suis tellement habituée de
travailler pour l'année suivante.
On va vraiment évaluer notre banque de noms, à quoi elle a
servi, si vraiment c'est sérieux quand on nous demande une femme pour un
poste. Est-ce que c'est pour la veille au soir ou pour le lendemain? On va
faire cette évaluation, je pense que c'est très important.
Nous avons fait aussi des représentations auprès du
gouvernement, quand on nous a présenté un plan de gestion des
cadres. Le conseil a donné des commentaires sur le plan, au niveau de
l'intégration des femmes, au niveau de la promotion, des plans de
carrière des femmes.
Ce sont des choses qui préoccupent le conseil
quotidiennement.
Mme Lavoie-Roux: II n'y a pas beaucoup d'avancement,
finalement.
Mme Payette: On ne peut pas crier victoire encore. Mais la
société est sexiste et je ne vois pas comment...
Mme Lavoie-Roux: Une dernière remarque, madame...
M. de Bellefeuille: Mme la Présidente, est-ce que je
pourrais vous demander de défendre les privilèges des
députés ministériels en cette Chambre? J'ai demandé
la parole, je l'ai cédée à plusieurs reprises, de bonne
grâce, aux députés de l'Opposition. Mais je pense, d'autre
part, Mme la Présidente, que les privilèges des parlementaires ne
comprennent pas celui d'être indélicat envers nos
invités.
Je pense que Mme la présidente du Conseil du statut de la femme
nous a expliqué comment et pourquoi elle doit nous quitter. Il est
indélicat de la retenir ici. Et je réclame mon droit de
parole.
La Présidente (Mme Cuerrier): De toute façon, nous
allons admettre que madame doit partir. Je pense que les membres de la
commission pourront retenir leurs questions pour Mme Valois. Merci beaucoup de
votre collaboration, Mme la présidente du Conseil du statut de la
femme.
Je pense que Mme la ministre retient depuis longtemps des
réponses à des questions. Mais si les membres de cette commission
le voulaient bien, nous pourrions peut-être entendre encore M. le
député de Deux-Montagnes avant qu'elle ne puisse parvenir
à répondre à toutes les questions qui lui ont
été posées. M. le député. (12 heures)
M. de Bellefeuille: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais
interroger madame la ministre à propos d'une question qu'elle a
elle-même soulevée et qui a été reprise dans la
dernière partie de l'intervention de la députée de
L'Acadie, la question de la nomination de femmes à des fonctions
importantes dans la fonction publique, à des postes importants dans la
fonction publique.
Je voudrais aborder cette question sous un angle un peu particulier.
J'ai pu constater moi-même que, lorsqu'on interroge à tour de
rôle les ministres sur ce qu'ils ont fait dans ce domaine, s'ils ont
réussi à nommer un nombre grandissant de femmes à des
postes importants, on obtient parfois des réponses un peu molles ou des
réponses un peu évasives, sinon des réponses presque
agressives, comme si la question n'était pas pertinente. Je
considère la question toujours pertinente dans le cas de tous les
ministères. Mme la députée de L'Acadie voulait trouver une
réponse à la question de savoir si cela progresse ou si cela ne
progresse pas. Je pense qu'elle a bien raison de vouloir savoir si cela
progresse ou si cela ne progresse pas. J'aimerais aussi le savoir. Mais pour
avoir autre chose que des réponses molles, insaisissables, je voudrais
proposer à Mme la ministre de se livrer à ce qui est presque un
jeu, mais qui est très sérieux, si elle y consent. Ce jeu
consisterait à décerner trois médailles et trois prix
citron, la médaille d'or, la médaille d'argent et la
médaille de bronze à ses trois collègues qui ont le mieux
collaboré avec elle pour ce qui est de la promotion des femmes dans la
fonction publique dans leur ministère respectif et, après ces
trois médailles, trois prix citron: le premier prix citron à
celui ou celle de ses collègues qui a le moins bien collaboré; le
deuxième prix citron, le troisième prix citron.
J'ajouterais que cela s'impose à l'évidence qu'il serait
peut-être particulièrement intéressant de savoir si Mme le
ministre des Travaux publics a droit à une médaille ou à
un prix citron ou si son ministère est quelque part dans la zone grise
entre les médailles et les prix citron. Je ne sais pas si Mme la
ministre consentira à se livrer avec nous à ce jeu
sérieux, c'est ce que je lui demande. Merci, Mme la
Présidente.
Mme Lavoie-Roux: Ce serait fort intéressant,
j'espère qu'elle va accepter.
Mme Payette: Mme la Présidente, c'est un jeu passionnant,
mais un jeu dangereux. J'évite toujours des jeux dangereux; pas pour
moi, mais pour la cause des femmes. Je vais, si vous me le permettez
maintenant, Mme la Présidente, reprendre la parole pour quelques
minutes, parce qu'il y a beaucoup de sujets qui sont restés en
suspens.
Je vais reprendre, en essayant de remonter, en partant de la question du
député de Deux-Montagnes. Non, ce n'est pas facile de faire
nommer des femmes à l'intérieur des structures. Je dois dire
cependant que, dans ce sens, je ne décernerai qu'une seule
médaille, je la décernerai au premier ministre. Chaque fois que
nous avions à faire des nominations je pense que je peux en faire
l'aveu, parce que c'est un secret de polichinelle il y a trois ans et
demi maintenant, il fallait, chaque fois, que j'intervienne sur chacune des
nominations que je désirais voir se réaliser ou je devais
utiliser mon autorité pour stopper des nominations, pour demander
à mes collègues de réfléchir davantage, d'essayer
de trouver des femmes, de faire l'effort de faire ces nominations et cela
nécessitait de ma part une intervention chaque fois qu'il y avait des
nominations à faire.
Je dois dire que, s'il y a une amélioration, c'est que je n'ai
plus à intervenir. Je n'ai plus à intervenir verbalement, ma
présence fait en sorte qu'on ne peut pratiquement plus faire de
nomination sans se poser la question, à savoir si on a bien fait son
devoir. Dans ce sens-là, je dois dire que le premier ministre est devenu
le plus ardent supporter de cette cause et que je n'ai plus à
arrêter des nominations, mais qu'il le fait avant. Dans ce
sens-là, s'il y a une médaille à décerner, c'est
pour la compréhension qu'il a manifestée de l'importance que cela
avait.
J'ai dit, en commençant tout à l'heure, que je ne
considérais pas que c'était ma plus grande réussite.
J'estime cependant que nommer des femmes partout dans les structures
gouvernementales et à l'extérieur, c'est extrêmement
important parce que c'est ce qui va amener, à mon avis, un changement de
mentalité à l'intérieur du gouvernement.
Le député de Bellechasse a mis en doute ma capacité
de m'occuper des femmes québécoises en général. Je
voudrais lui rappeler qu'on a tort, à mon avis, de faire des
distinctions entre les femmes au foyer, les femmes qui travaillent, les femmes
aux études, les femmes à la retraite. Les femmes sont des femmes.
Elles ont tout au cours de leur vie des problèmes qui diffèrent,
selon le moment de leur vie. J'ai été, pour ma part, à
certains moments de ma vie, une femme au foyer à temps complet. J'ai
été aussi une femme au foyer à temps partiel, mais, quand
j'ai été une femme au foyer à temps partiel,
j'étais une femme qui travaillait à temps partiel. Je suis de
moins en moins une femme au foyer, parce que je travaille vraiment plus
qu'à temps plein.
Il faut se souvenir que les femmes qui travaillent à
l'extérieur du foyer sont, la plupart du temps, des femmes qui font
double emploi et qui sont aussi des femmes au foyer et qui n'ont comme seul lot
que de faire seize heures de travail au lieu d'en faire huit, comme il serait
normal. Je ne pense donc pas qu'on puisse ni faire des femmes un bloc
monolithique en disant qu'elles ont toutes les mêmes besoins, pas plus
qu'on peut faire des femmes non plus des morceaux de société en
disant qu'il y a des femmes au foyer par rapport à des femmes au
travail.
Les femmes qui travaillent sont des femmes au foyer, les femmes qui sont
au foyer peuvent devenir des femmes qui travaillent. Cela dépend des
circonstances de vie. Ce que je suis allée dire dans des articles que
vous avez cités vous n'en avez cité que des parties,
j'espère qu'on a donné le contenu de mes interventions ce
que je suis allée dire aux femmes du Québec, c'est que même
celles qui sont au foyer, très souvent, quand je leur pose la question
je le fais, mais véritablement, comme on m'a proposé de
faire un jeu, je fais un jeu avec elles je leur demande: Quelles sont
celles dans cette salle qui veulent que leurs filles aient exactement la
même vie qu'elles? Savez-vous ce que j'obtiens comme résultat? Il
y a à peu près une femme ou deux dans une salle de 500 qui
lèvent la main. Les femmes ne veulent pas que leurs filles vivent la
même vie qu'elles, même si elles disent qu'elles sont heureuses au
foyer. Les femmes finissent par se considérer comme heureuses au foyer,
mais toutes les femmes au foyer, cependant, réclament des changements.
Les femmes au foyer réclament des changements Mme la
députée de L'Acadie y a fait allusion très largement
en ce qui concerne la sécurité à laquelle elles ont
droit. Elles demandent des changements d'ordre législatif, d'ordre
administratif. Elles demandent que la société tienne compte de ce
qu'elles sont, ce qui m'a amenée un jour à dire que toutes les
femmes au Québec sont féministes. Cela a étonné
quand je l'ai dit. Elles le sont cependant, à toutes sortes de
degrés. Il y en a qui le sont un tout petit peu parce qu'elles ne
veulent pas un très grand changement par rapport à la situation
qu'elles vivent, mais, dès qu'elles ont dit: Je voudrais, par exemple,
avoir accès au Régime de rentes du Québec, elles sont
devenues féministes, parce qu'elles revendiquent un changement de la
société qui leur serait favorable à elles. Il y en a
d'autres qui sont des féministes radicales, mais je pense que, là
aussi, on trouve dans la société des femmes la même chose
qu'on trouve dans la société des hommes et cela va des deux
extrêmes: à être féministe un tout petit peu ou
à être féministe radicale. Il n'y a pas au Québec
une seule femme qui ne veut aucun changement. Dans ce sens, à mon avis,
il n'y a pas une seule femme qui ne soit pas féministe, parce que la
définition du féminisme, c'est de demander que sa condition de
vie soit changée; un tout petit peu ou un grand peu, c'est exactement la
même chose. C'est dans ce sens que je peux dire que je suis
féministe. Je ne suis pas une féministe radicale, mais je suis
féministe parce que je souhaite qu'il y ait des changements dans toutes
les conditions de vie dont souffrent les femmes du
Québec; même les femmes au foyer sont les premières
à dire que leurs conditions de vie ne sont pas bonnes.
Je ne pense pas que, quand on souhaite voir faire des changements
à la condition de vie des femmes, on s'attaque à la famille. Je
ne pense pas que ce soit la destruction de la famille qu'on vise quand on
améliore la condition de vie des femmes au Québec, c'est
plutôt l'inverse. Vous avez fait allusion, M. le député de
Bellechasse, à un organisme pour lequel j'ai beaucoup de respect, qui
s'appelle l'OAFQ, qui regroupe, en effet, plusieurs associations de familles.
Mais on n'entend pas dans cet organisme le mot "famille" dans le sens
traditionnel ou réactionnaire du mot.
On parle d'une famille nouvelle, d'une famille où chaque membre
est sur un pied d'égalité, homme, femme et enfants. Dans ce sens,
j'ai eu je vous assure que ça m'a fait plaisir l'occasion
de discuter largement avec ces personnes. J'ai eu l'occasion de constater que
tout ce que j'ai fait, non seulement depuis trois ans, mais depuis vingt ans,
pour améliorer les conditions de vie des femmes au Québec, elles
en sont enchantées et ravies. Notre seule différence, c'est que
moi, je prétends qu'en améliorant le sort de chaque individu qui
compose le noyau de la famille, j'améliore le noyau de la famille. Eux
font la démarche inverse. Ils disent que, si on améliore le
noyau, on améliore automatiquement chaque individu. C'est sur ce seul
point que nous avons une approche différente, non pas une chicane, mais
une approche différente. Et dans le sens où moi, je l'entends, je
continue de penser que, si on améliore la participation de chacune des
composantes du noyau dit famille, on améliore le noyau
lui-même.
Vous avez également fait allusion à ma position sur
l'avortement. Je suis ravie de pouvoir vous la donner de façon
officielle, ma position sur l'avortement. Elle n'a pas changé depuis 20
ans. Je ne suis pas favorable à l'avortement. Ce serait beaucoup trop
facile. On ne peut pas être favorable à l'avortement. On ne peut
pas souhaiter qu'il y en ait plus qu'il y en a actuellement, des avortements au
Québec, sauf qu'on doit faire face à la réalité
telle qu'elle existe. Ce que j'ai déclaré devant toutes les
femmes, en leur demandant de commencer à exercer de la tolérance
les unes envers les autres, c'est de faire en sorte que, sur une question comme
celle-là, face à la réalité, on reconnaisse qu'il y
aura peut-être toujours, au Québec, une femme qui aura besoin d'un
avortement.
Pour cette femme, même s'il n'y en avait qu'une seule, je ne
cesserai pas de demander qu'elle ait droit à ce qu'elle réclame
et dans les meilleures conditions psychologiques, sociales et médicales
possible. Je ne veux pas renvoyer les femmes se faire avorter sur des tables de
cuisine. Cela m'a amusée beaucoup de constater que, quand j'en parlais
très ouvertement, il y avait beaucoup moins d'opposition qu'on ne croit
sur ce sujet. Surtout quand je rappelais aux femmes, dont vous avez
parlé, les femmes au foyer, les femmes qui ont entre 50 et 65 ans, quand
je leur rappelais qu'au Québec, avant de s'appeler l'avortement, on
parlait de se "démancher", on parlait de se "revirer". On disait, en se
levant le matin, qu'on allait peinturer son plafond, parce qu'on avait un
problème à régler. Quand les femmes prenaient du vin chaud
pour constater qu'au lieu de déclencher un avortement, tout ce que
ça faisait, c'était les soûler, comme n'importe qui
d'autres. Quand elles avaient affaire à des "faiseuses d'anges", comme
on les appelait au Québec. Ce n'est pas nouveau, ce problème. Il
a existé dans toutes les sociétés qu'on a connues et c'est
un problème qui existe également au Québec. C'est un
problème, à mon avis, qu'on a tort de traiter de façon
superficielle... Non, c'est pire que ça, de façon morale. C'est
un problème médical. C'est un problème psychologique.
C'est un problème social, et je n'aurai de repos... Tant qu'il y aura
une femme, au Québec, qui me dira qu'elle ne peut pas mettre au monde un
enfant, je me sens concernée par cette décision qu'elle aura
prise.
Cela étant dit, comme d'autres, à l'intérieur de ce
gouvernement et à l'intérieur de notre société
québécoise, je crois effectivement que le taux de natalité
est descendu à un point tel qu'il est dangereux pour la
société québécoise. Je ne pense pas, cependant,
comme j'ai eu l'occasion de le dire plus tôt, qu'une somme de $240 qui
équivaut, comme je l'ai dit, à un bouquet de fleurs qu'on envoie
à une femme au moment où elle accouche... C'est sympathique,
c'est gentil; on pourrait accompagner ça d'une carte de bons voeux, mais
ça ne règle aucun problème. Tout ce que ça fait
pour les femmes qui travaillent à l'extérieur, c'est combler les
deux semaines pendant lesquelles ces femmes ne peuvent pas toucher d'argent, en
attendant d'avoir accès à l'assurance-chômage.
Mme la députée de L'Acadie a dit: Pourquoi se
raccrocher à l'assurance-chômage? C'est parce que nous n'avons pas
le choix. Tant et aussi longtemps que nous serons dans le système
fédéral auquel nous appartenons, et auquel il semble que nous
allons appartenir encore pendant un certain temps, nous nous devons de
récupérer ces sommes qui reviennent aux travailleurs et aux
travailleuses du Québec. Dans ce sens, il est normal que le gouvernement
du Québec comble le délai de carence de deux semaines.
Ce n'est pas une prime à la natalité. C'est un
congé de maternité de seize semaines, dont deux semaines sont
payées par le gouvernement du Québec et quatorze semaines par
l'assurance-chômage. On ne peut pas payer un congé de
maternité à une femme au foyer, parce qu'il n'y a pas de
congé de maternité quand vous êtes au foyer. Ce qu'il y a
au foyer... pas de la même façon et certainement pas sur la
même définition... (12 h 15)
Ce qu'on peut envisager, cependant, et qui m'apparaît beaucoup
plus logique avec toute la démarche que nous faisons, c'est de tenter de
la donner à la personne au foyer. Parce que moi, je ne
désespère pas que ce que vous appelez la
famille, ça comprenne aussi éventuellement un homme et je
ne désespère pas que, pendant l'adolescence, la jeunesse des
enfants, certains pères choisissent aussi d'élever leurs enfants.
Je ne désespère pas. Donc, je ne veux pas dire qu'une allocation
de disponibilité serait pour les femmes au foyer. Une allocation de
disponibilité, c'est pour la personne au foyer.
Parce que, si jamais nous arrivons à obtenir cette allocation de
disponibilité, selon les recommandations du conseil, c'est pour qu'elle
puisse couvrir les âges suivants pour les enfants, de zéro
à douze ans. Entre zéro et douze ans, pourquoi est-ce que ce
seraient seulement les femmes qui élèveraient les enfants?
Pourquoi est-ce qu'à l'intérieur de cette tranche d'âge de
zéro à douze ans, il ne pourrait pas y avoir des pères qui
choisissent pendant un an ou deux ans d'élever également leurs
enfants à temps plein? Tous les psychologues sont d'accord pour dire que
ce serait une excellente situation.
L'allocation de disponibilité, qu'est-ce que c'est? Cela part
essentiellement du fait que nous adoptons comme philosophie, comme
gouvernement, que toute personne au Québec, homme ou femme, peut faire
le choix d'être sur le marché du travail. Si des personnes, femmes
ou hommes, choisissent de se mettre en disponibilité pour élever
elles-mêmes leurs enfants ou pour s'occuper de personnes
âgées ou de personnes handicapées, elles se privent d'un
revenu auquel elles pourraient avoir accès si elles le
désiraient. C'est donc un choix que ces personnes-là font: se
priver d'un revenu. Et c'est ce revenu qu'il faudrait essayer de compenser
pendant que la personne au foyer joue un rôle social.
Ce que je suis allée expliquer aux groupes de femmes que j'ai
rencontrés, c'est qu'il n'y aura jamais de salaire pour la femme au
foyer. Il faut avoir le courage de leur dire. Un salaire pour la femme au
foyer, ça n'a aucun sens. Cela n'a pas de sens parce qu'on ne peut pas
payer une femme dans le rôle que j'appelle, moi, le rôle conjugal.
A quelle heure ça s'arrêterait, le rôle conjugal? Est-ce
qu'on paierait une femme pour ce qu'elle fait la nuit aussi? Cela
m'apparaît difficile à expliquer.
La femme, cependant, ou la personne au foyer joue deux rôles. Elle
joue un rôle conjugal et, à ce moment-là, si elle a des
choses à négocier, elle négocie à
l'intérieur de la cellule dite famille, donc, avec la personne qui
assume de gagner l'argent de cette cellule et qui est, dans 99,9% des cas, un
homme. Si elle a des choses à négocier, elle négocie avec
l'autre personne pour le rôle conjugal.
Sauf que la personne au foyer, dans certaines de ses occupations, joue
un rôle social. Quand une personne au foyer élève de jeunes
enfants, s'occupe de personnes handicapées ou de personnes
âgées au foyer, elle joue un rôle qui, s'il n'est pas fait
par cette personne-là, devrait être fait par l'Etat.
Nous sommes en mesure, à ce moment-là, d'avoir un moyen de
mesurer ce que signifie pour l'Etat la dépense occasionnée par le
refus des per- sonnes au foyer de jouer le rôle social qu'elles veulent
jouer. Dans ce sens, la définition de l'allocation de
disponibilité, c'est la compensation envisagée pour la partie
sociale jouée par la personne au foyer pendant qu'elle
élève de jeunes enfants, qu'elle s'occupe de personnes
handicapées ou de personnes âgées. Je continuerai de penser
que c'est une meilleure solution que le salaire pour la femme au foyer ou
qu'une allocation de natalité ou de fécondité. Je ne pense
pas qu'on a réglé quelque chose en donnant $240 à une
femme qui accouche, sauf peut-être lui permettre de payer les couches
jetables pendant trois ou quatre semaines.
Le problème de la condition féminine est un
problème difficile à aborder parce qu'il est global et parce que
nous avons choisi, comme gouvernement, de l'aborder de façon globale.
C'est plus difficile...
Mme Lavoie-Roux: Question de règlement. Je m'excuse
auprès de Mme la ministre. Je l'ai laissée aller pendant un bout
de temps, mais je veux lui faire remarquer qu'il ne reste que 40 minutes pour
poser des questions. Je pense que toute sa philosophie de l'approche globale de
son gouvernement à l'égard de la condition féminine, elle
a eu l'occasion de l'exposer déjà dans un débat à
la Chambre, sans compter toutes les autres occasions qu'elle a eues, les
conférences de presse, etc. Je veux bien qu'elle continue, mais je ne
voudrais pas qu'elle continue jusqu'à 13 heures parce qu'il y a quand
même des questions précises qu'on lui a posées et ce n'est
quand même pas un exposé global sur la condition féminine.
Sans ça, on aurait pu intituler ça autrement. Je voudrais qu'il
nous reste du temps quand même pour poser des questions. C'est l'objet de
la rencontre ici.
La Présidente (Mme Cuerrier): Tout en vous faisant
remarquer, Mme la députée, que Mme la ministre aurait fort bien
pu répondre à chacun des intervenants immédiatement
après leurs interventions. Je demanderais à Mme la ministre de
bien vouloir...
Mme Payette: Mme la Présidente, je vous souligne
également que j'ai pris moins de temps dans mon exposé que les
autres intervenants, que je l'ai fait volontairement; j'aurais pu être
plus longue. Je voulais leur permettre d'avoir plus de temps. Je pense que
j'aurais pu prendre une heure d'exposé au début d'une commission
d'étude des crédits. J'ai choisi de ne pas le faire. Sauf que ce
ne sont pas que des questions qu'on m'a posées. On m'a dit que je
n'avais pas de crédibilité auprès des femmes au foyer.
C'est sur ce plan-là que j'essaie de répondre
présentement. Je veux en venir aux questions qui ont été
posées directement par Mme la députée de L'Acadie. Madame,
je vous ai reproché de ne pas le faire pendant la période de
questions...
Mme Lavoie-Roux: Vous savez bien qu'on ne peut pas entrer dans
ces détails-là et c'est justement...
Mme Payette: C'est dommage, madame, parce que ça devrait
être les mêmes questions que sur n'importe quel autre sujet
à l'Assemblée nationale.
Mme La voie-Roux: Non. Mme la Présidente, une question de
règlement.
Mme Payette: Mme la Présidente, je voudrais continuer, je
vous prie.
Mme Lavoie-Roux: Ecoutez, je veux quand même faire
remarquer à Mme la ministre que l'étude des crédits est
précisément pour pouvoir entrer dans les détails sur
lesquels on ne peut pas poser de questions aussi développées
à l'Assemblée nationale, et elle le sait fort bien. Alors, ce
sont des questions précises qu'on veut poser aujourd'hui, c'est l'objet
de l'étude des crédits. Ce n'est pas le moment de
développer toute la philosophie...
M. de Bellefeuille: Sur la question de règlement, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Deux-Montagnes, sur la question de règlement.
M. de Bellefeuille: Nous avons tous en mémoire que les
propos initiaux de Mme la ministre ont été brefs. Elle a tout
à fait raison d'affirmer qu'elle aurait pu s'étendre beaucoup
plus longuement dès sa première intervention sur les questions
dont elle traite maintenant. Je pense que nous devons tous permettre à
Mme la ministre d'user de sa discrétion quant au choix de la
façon qu'elle aborde les réponses aux questions qui ont
été posées.
M. Goulet: Sur la question de règlement, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): Sur la question de
règlement, M. le député de Bellechasse.
M. Goulet: La coutume veut, dans les commissions parlementaires
sur l'étude des crédits, pour en être à ma
sixième ou septième année, cette année, qu'au
début des travaux de la commission, le ministre fasse entendre ses
propos préliminaires et c'est justement à sa discrétion.
Le ministre peut prendre jusqu'à une heure s'il le veut bien. Madame a
décidé de prendre quelques minutes, c'était son choix. La
coutume veut, par la suite, que les partis d'Opposition, par ordre d'importance
à l'Assemblée nationale, puissent s'exprimer avec peut-être
un maximum de 20 minutes. Là-dessus, on a été assez large
également. Ensuite, la coutume veut, madame, qu'on puisse aborder les
programmes, chapitre par chapitre, et répondre aux questions, en partant
toujours de l'Opposition officielle, les autres oppositions et également
les députés ministériels qui veulent poser des questions.
Si mon interprétation du règlement ou, en tout cas, de la coutume
est correcte, les propos préliminaires servent justement à parler
de la philosophie du ministère et à parler de l'orientation du
ministère. Le deuxième tour de table, normalement, sert à
répondre à des questions directement et non pas à des
questions de principe.
La Présidente (Mme Cuerrier): Alors, si les membres de
cette commission le veulent bien, pour économiser le temps, nous allons
rapidement donner la parole à Mme la ministre, qui a un certain nombre
de questions auxquelles elle doit encore répondre et je me ferai un
plaisir de donner la parole aux intervenants ensuite. Mme la ministre.
Mme Payette: Mme la Présidente, le député de
Bellechasse m'avait demandé quelle était ma position sur
l'avortement, je viens de la lui donner. Il m'avait demandé pour quelles
femmes je travaillais, je viens de lui expliquer pour quelles femmes je
travaille. Il avait fait allusion à l'OAFQ, je viens de lui expliquer
quelles sont mes relations avec l'OAFQ. Et je venais de dire que je remontais,
parce que mes notes étaient en sens inverse de vos interventions, et
j'en arrive à Mme la députée de L'Acadie, après
vous avoir expliqué ce qu'était l'allocation de
disponibilité.
M. Goulet: Ce n'était pas à la suite de vos propos,
c'était à la suite du point de règlement soulevé
par le député des Deux-Montagnes que je voulais
répliquer.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme la ministre d'Etat
à la Condition féminine.
Mme Payette: On a beaucoup, Mme la Présidente,
parlé des garderies. Les deux oppositions y ont fait allusion et le
député de Bellechasse pour dire que les garderies, ça ne
sert qu'aux femmes qui travaillent, quelles étaient les subventions qui
allaient aux femmes au foyer par rapport aux haltes-garderies. Les
haltes-garderies bénéficient des mêmes subventions que
n'importe quelle autre garderie au Québec et la participation...
Mme Lavoie-Roux: Pas encore.
Mme Payette: ... des parents est également
nécessaire. Les parents doivent défrayer des coûts dans une
halte-garderie comme dans une autre garderie également. Je voudrais
souligner, pour Mme la députée de L'Acadie, que j'ai nettement
l'impression, effectivement, que les services de garderie ont été
longs à créer jusqu'à maintenant. On se heurte à
des difficultés, celle, par exemple, que le conseil d'administration
soit composé de parents utilisant les services de la garderie. C'est
long à mettre sur pied, c'est exigeant. Je fonde beaucoup d'espoir dans
l'office des services de garde pour simplifier les choses.
Je dois également souligner que mon collègue des Affaires
sociales, je ne sais pas s'il a eu l'occasion de le mentionner, a fait appel,
déjà l'été
dernier, à 500 entreprises au Québec pour leur offrir des
subventions gouvernementales puisqu'on parlait du budget qui n'a pas
été entièrement utilisé pour mettre sur pied
des garderies en milieu de travail. Sur ces 500 entreprises, 5 ont
répondu pour dire qu'elles n'étaient pas
intéressées, ce qui veut dire que 495 n'ont même pas
envoyé un accusé de réception.
Donc, ça ne va pas très vite, ça ne va pas
très bien et c'est un dossier qui est difficile. J'ai confiance
cependant qu'il sera mieux amorcé et conduit par l'office des garderies
qu'il n'a pu l'être jusqu'à maintenant dans les structures
gouvernementales.
Nous avons parlé également du cas de la pauvreté
flagrante, en particulier dans le groupe d'âge des femmes de 50 ans
à 65 ans. C'est un constat que nous sommes obligés de faire, qui
est tragique. Mais, là encore, je vais devoir vous dire qu'autant il
faut travailler de façon ponctuelle pour corriger la situation de ces
femmes, autant j'ai à coeur de faire en sorte que l'ensemble des
politiques qui sont mises sur pied au fur et à mesure va
également faire en sorte que cette situation ne se reproduise pas.
Ce qui est important, dans ma démarche personnelle comme ministre
responsable, c'est que j'essaie d'agir de façon ponctuelle dans les
dossiers qui sont criants, je vous l'accorde, mais j'essaie aussi de faire en
sorte que la situation ne puisse plus se répéter, ce qui demande
souvent de plus longues échéances. En ce qui concerne en
particulier votre allusion au rapport Boutin, je dois vous dire que, pour la
première fois, un mandat vient d'être donné au
comité de développement social auquel je vais participer,
c'est-à-dire que je vais collaborer avec le ministre d'Etat au
Développement social pour, au cours de l'été qui vient,
produire, pour le gouvernement du Québec, un plan d'action s'appuyant
sur le rapport Boutin et qui touche essentiellement les groupes de femmes entre
50 ans et 65 ans.
Vous avez parlé des négociations dans les secteurs public
et parapublic. Je pense pouvoir vous dire, du moins je l'espère
fermement, que nous avons signé, comme gouvernement, pour la
dernière fois, des conventions collectives discriminatoires. Cela a
été long pour moi de faire l'analyse; vous vous souviendrez que
cela s'est produit avant ma nomination comme ministre d'Etat. Et, même au
moment où je venais d'être nommée à ce poste, il a
été long et difficile, à cause de la loi 50,
d'équiper le secrétariat des ressources nécessaires pour
faire l'analyse des conventions collectives et voir de près quelles
étaient les difficultés. Etant allée aux renseignements,
je me suis fait assurer par mes collègues que, dans ces conventions
collectives, les offres du gouvernement n'étaient pas discriminatoires
pour découvrir par la suite qu'elles l'étaient et qu'elles
l'étaient dans des domaines très précis.
J'ai travaillé, au cours des dernières semaines, avec le
ministre de la Fonction publique en particulier, sur une politique
d'égalité des chances. Nous sommes en train de travailler
présentement, au comité permanent, avec le ministre de la
Fonction publique, à une politique qui concerne les cadres, les
professionnels du gouvernement et je pense pouvoir affirmer que nous avons
signé, pour la dernière fois, des conventions collectives dans
lesquelles il y a de la discrimination.
Je voudrais aussi attirer votre attention sur le fait que j'ai eu
l'occasion d'en discuter en particulier avec la FTQ, puisque j'avais
été invitée à la journée d'ouverture de son
congrès; j'ai également signalé aux femmes
syndiquées que, très souvent, les questions de discrimination, en
ce qui les concerne, ne sont pas les principales revendications de leurs
syndicats. Dans le cas des professionnels que vous avez abordé en
particulier, des conventions qui ont été signées pendant
la période référendaire à plusieurs reprises, je
suis intervenue personnellement pour demander qu'on revoie les offres
gouvernementales dans ce domaine. J'ai appuyé le Conseil du statut de la
femme dans ses revendications, mais pour découvrir également que
les négociateurs syndicaux n'en faisaient pas une priorité
à la table de négociation.
Dans la mesure où ce n'est pas parmi les priorités
syndicales, c'est extrêmement difficile, puisque notre politique
n'était pas arrêtée dans ce sens, de faire changer le
gouvernement d'opinion, de lui faire offrir, à ce moment-là, des
offres qui ne soient pas discriminatoires.
Je pense que, des deux côtés des tables de
négociation, il n'y a pas une attention suffisamment importante
apportée aux questions qui concernent la discrimination envers les
femmes et, dans ce sens, les syndicats, à mon avis, ont une aussi grande
responsabilité que le gouvernement. (12 h 30)
Dans vos autres questions, vous avez parlé des conditions de
travail des employées des garderies. Je voudrais vous signaler que la
loi, telle qu'elle a été adoptée, améliore
considérablement la situation financière des garderies
elles-mêmes. Le problème que nous avions, c'est que, comme les
subventions n'étaient données qu'en fonction de la
présence des enfants dans les garderies, les garderies non seulement
avaient des problèmes financiers pour payer le loyer, mais
également des problèmes pour payer les employés des
garderies.
Dans la mesure où des subventions, dorénavant, sont
accordées directement aux garderies, non pas sur le nombre d'enfants
présents, mais sur le nombre d'enfants admis dans les garderies, cela
donne aux garderies une stabilité financière qu'elles n'avaient
pas jusqu'à maintenant. J'ai bon espoir que cela corrige le
problème des salaires des employés de garderies. Si tel
n'était pas le cas, j'imagine que ce sera une des premières
préoccupations de l'Office des garderies, dès que le conseil
d'administration et que les structures seront en place.
Vous avez également... L'assurance-chômage, j'en ai
parlé. Je pense avoir couvert l'ensemble des questions que vous aviez
soulevées. Si tel n'était pas le cas, cela me fera plaisir de
répondre par la suite.
La Présidente (Mme Cuerrier): Si vous le permettez, je
donnerais la parole à M. le député de Bellechasse qui
avait une question à poser à Mme Valois, secrétaire du
Conseil du statut de la femme.
M. Goulet: Je présume que madame transmettra mes propos
à madame sa collègue, la présidente, parce que je ne
voulais pas la laisser avec des impressions... Je voudrais qu'elle lui dise
que, tout à l'heure, je ne voulais accuser personne. Ce que je dis
et je l'invite à relire les épreuves c'est qu'il y
avait beaucoup de projets, beaucoup d'études, beaucoup de bonne
volonté, beaucoup de voeux pieux, mais qu'au niveau des
réalisations concrètes, au niveau de l'action gouvernementale, on
ne trouvait pas grand-chose concernant les femmes au foyer. C'est ce que j'ai
dit à madame votre présidente.
Par la suite, j'avais souligné qu'on ne retrouvait pas, dans la
volonté du ministère, dans les propos exprimés, soit par
les représentants du Conseil du statut de la femme, soit par Mme la
ministre qui a la tutelle, l'administration de ce service, une politique
globale. Je n'aime pas le mot "tutelle", justement. Je lui ai dit qu'on ne
retrouvait pas une politique globale de la femme au foyer. C'est ce que j'avais
dit et je ne voulais blesser personne. C'étaient des constatations, et
je le constate encore. Je ne pense pas avoir fait erreur et, si mes propos ont
été mal interprétés, je voudrais que vous rappeliez
à Mme la présidente, qui a dû nous quitter pour un
dîner, ces précisions que j'apporte.
Je voulais lui poser la question suivante relativement au Conseil du
statut de la femme. Comment se fait-il que, lors de l'audition des
mémoires sur l'avant-projet de loi sur les services de garderie, le
Conseil du statut de la femme n'ait pas présenté de
mémoire, n'ait pas présenté de document, comme à
peu près tous les autres organismes impliqués dans cet
avant-projet de loi?
Et en même temps, Mme la ministre avait refusé de venir
nous dire son opinion. C'était au moment où vous reveniez d'un
voyage dans l'Ouest, en octobre dernier. Vous n'avez pas voulu venir devant la
commission, après qu'on eut insisté devant la Commission des
affaires sociales. Vous n'avez pas voulu venir donner votre opinion, votre avis
sur le sujet. On a trouvé cela tout à fait curieux, au moment
où vous veniez juste d'être nommée à ce poste. Il me
semble que vous auriez été la personne toute
désignée pour venir nous dire ce que vous en pensiez. Vous avez
refusé, et le Conseil du statut de la femme et Mme la ministre. C'est un
reproche que je voulais vous adresser ce matin.
Mme Payette: Mme la Présidente, c'est à moi de
répondre à cette question, elle ne s'adresse absolument pas
à la secrétaire du Conseil du statut de la femme. Le conseil n'a
pas nécessairement à présenter des mémoires devant
des commissions parlementaires, parce que le conseil peut acheminer toutes ses
revendications, ses opinions auprès du ministre qui en assume la
responsabi- lité, les transmet à ses collègues et est en
mesure de faire entrer dans la machine gouvernementale les recommandations du
conseil.
Je ne suis pas tenue de le faire chaque fois. C'est-à-dire que
c'est moi qui dois prendre la décision, à savoir si j'endosse la
position du conseil, si je la défends comme telle, ou si je choisis de
transformer la proposition et de suggérer une autre solution au
gouvernement.
Le conseil a une autonomie en termes d'information de la population. Je
pense que le conseil s'acquitte bien de cette tâche, mais il n'a pas
à présenter des mémoires devant les commissions
parlementaires. Il peut le faire, mais il n'y est pas tenu. Le conseil a
d'autres moyens d'intervenir auprès du gouvernement.
Pour ce qui me concerne, je ne suis pas membre de la commission
parlementaire qui étudiait ce projet de loi. J'ai, moi aussi, d'autres
paliers d'intervention. Je peux le faire à l'intérieur du
comité que je préside. Je peux le faire dans chacun des
comités permanents, si je le désire. Je peux le faire au niveau
du Conseil des ministres, quand la discussion a lieu, et je peux le faire
également au comité des priorités. Ce qui veut dire que
mes interventions n'ont pas non plus à se faire devant une commission
parlementaire, mais à se faire à l'intérieur des
structures gouvernementales.
M. Goulet: Vous me permettrez une sous-question, madame, sur ce
point précis. Je pense que Mme la ministre donne justement la preuve
qu'elle ne connaît pas le processus des commissions parlementaires, ou
elle veut passer à côté. Je sais que vous pouvez tout faire
cela, que vous n'êtes pas obligée. Ce que je vous reprochais,
c'est que, justement, si on prend la peine de dépenser les deniers
publics pour inviter des gens ici pour venir éclairer les membres d'une
commission et un gouvernement pour qu'on puisse prendre une décision, si
vous passez directement au Conseil des ministres, nous n'avons pas accès
au Conseil des ministres et nous aurions voulu interroger des gens qui sont
supposés être compétents en la matière nous
ne siégeons pas au Conseil des ministres et nous ne siégeons pas
au bureau d'administration des autres ministères nous aurions
voulu que vous veniez ici, en commission parlementaire... Parce que vous avez
été invitée et le Conseil du statut de la femme avait
été invité aussi, nous aurions voulu qu'il vienne nous
dire ce qu'il en pensait. Sans cela, je ne vois pas. Si on passe directement au
Conseil des ministres, alors abolissons les commissions parlementaires. Une
commission parlementaire est faite dans le but d'éclairer la population,
que la population vienne dire au gouvernement ce qu'elle en pense et
également d'éclairer tous les membres de la commission. Certains
membres de la commission ne peuvent pas avoir accès au Conseil des
ministres. C'est pour cette raison qu'on voulait vous voir. On ne sait pas ce
que vous avez dit au Conseil des ministres, nous autres.
Mme Payette: Mme la Présidente, quand un projet de loi est
déposé, on doit tenir pour acquis
que, comme membre du Conseil des ministres, je suis d'accord avec son
contenu, jusqu'à ce que j'intervienne d'une autre façon.
Le député aussi fait semblant de ne pas savoir comment
fonctionne une commission parlementaire, c'est-à-dire que les
mémoires qui sont déposés sont des mémoires publics
auxquels j'ai accès comme n'importe qui d'autre. Les mémoires qui
concernaient ce sujet m'ont été acheminés. J'en ai pris
connaissance, ce que j'ai eu l'occasion de dire également.
M. Goulet: Oui.
Mme Payette: Cela nous a d'ailleurs permis d'améliorer
considérablement le travail qui avait été fait.
M. Goulet: Les mémoires sont publics, mais la position du
Conseil du statut de la femme et la vôtre n'ont pas été
connues du public avant que les décisions soient prises. C'est cela
qu'on aurait voulu connaître.
Mme Payette: Je ne suis pas I'"Ombudsman " de la condition
féminine. Je suis membre d'un gouvernement et une ministre
responsable.
M. Goulet: Vous êtes censée être
compétente en la matière.
Justement, une rectification au niveau des garderies, madame, et
après cela, il me fera plaisir de laisser la parole à mes
collègues. Lorsque j'ai parlé de subventions aux garderies et aux
haltes-garderies, il fallait bien faire la différence. Dans mon esprit,
pour les femmes au travail qui se servent des garderies, dans bien des cas,
elles sont subventionnées directement. Par contre, les haltes-garderies
ne sont pas subventionnées directement. C'est la précision que je
voulais apporter. La ministre l'avait très bien compris, mais je pense
que vous avez tantôt habilement contourné justement cette...
Mme Payette: Si j'ai donné cette impression, je le
regrette, ce n'est pas ce que je voulais faire. Je me suis peut-être mal
exprimée, mais cela vous arrive aussi.
M. Goulet: On s'entend là-dessus. La différence,
c'est que la femme au travail est subventionnée directement tandis que
la femme au foyer n'est pas subventionnée directement. C'est cela que je
voulais soulever en commission.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme la secrétaire du
Conseil du statut de la femme, auriez-vous quelque chose à ajouter?
Mme Payette: Non, il n'y a pas eu de question pour la
secrétaire, madame. Non.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je suis prête à laisser la place au
député de Deux-Montagnes pour qu'il ne se sente pets trop
frustré. Je reviendrai.
M. de Bellefeuille: Je vous cède volontiers la parole, Mme
la députée.
Mme Lavoie-Roux: Merci bien. Je voulais revenir sur cette
question des garderies. La question précise que j'avais posée,
c'était: Compte tenu de la lenteur du développement, pour les
raisons que, d'un côté et de l'autre, on a invoquées dans
le développement des garderies, pourquoi, par exemple, l'argent qui
était resté disponible, dans une certaine mesure, n'aurait-il pas
pu servir soit à améliorer les conditions de vie à
l'intérieur des garderies quand je dis les conditions de vie, je
veux dire les conditions de travail parce que, quand vous parlez de la
subvention directe aux garderies, il s'agit d'une subvention de fonctionnement
de $2 qui commencera à être versée uniquement à
partir de cette année? Elle n'a pas été versée,
même si, dans la publicité gouvernementale, on en parle depuis
quand même assez longtemps. Apparemment, cela fait partie de l'approche
communicatrice gouvernementale de toujours parler de la même chose
à plusieurs reprises. Mais ces $2 de fonctionnement, vous le
reconnaîtrez, Mme la ministre, sont minimes, parce que, pour ce qui a
trait aux subventions accordées pour les enfants eux-mêmes, les
barèmes n'ont pas été modifiés. Les garderies ne se
retrouveront pas avec beaucoup plus de ressources. Ce que vous espérez,
je n'ai aucune hésitation à le dire, cela aura peu d'influence
sur le fonctionnement des garderies et sur les conditions de travail des
personnes en garderie.
Egalement, y aurait-il eu possibilité de hausser le plafond des
personnes admissibles aux subventions des garderies? Il y a une chose certaine;
c'est que les subventions dans le moment sont accordées à des
familles... Si votre revenu familial est de $15 100 et que vous avez un enfant,
vous n'êtes pas admissible. Avec deux enfants, le plafond est de $24 700.
Ces plafonds ont été indexés d'à peine 3%, ce qui
veut dire que, même avec je ne l'avais pas eue, mais je l'ai
obtenue la modification des barèmes de 1980 par rapport à
1978, les familles à revenu moyen, et pas nécessairement à
moyen élevé, mais même à moyen bas, ont des
obligations de paiement pour les garderies qui sont très
élevées, parce que, finalement, par enfant, cela leur coûte
$50 par semaine au moins. Quand vous en avez deux et que vous multipliez cela
par mois... C'était le sens de ma question. Avec cet argent qui
était resté disponible, est-ce qu'il n'y aurait pas eu
possibilité ou d'augmenter les subventions en garderie ou la subvention
de fonctionnement de $2 à $3, ou encore de relever un peu le plafond des
personnes admissibles aux subventions?
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme la ministre.
Mme Payette: En ce qui concerne la subvention de $2 par enfant
admis dans une garderie, je vous concède que ce n'est pas une somme
faramineuse. Je vous avoue que j'étais heureuse, cependant, quand cela
s'est fait, parce que je pense que le principe est acquis d'une subvention
directe, et cela a été le principe qui a été
difficile à faire accepter. Dans la mesure où $2 sont
accordés, on peut espérer que ce sera $4, $6 ou $8, parce que
c'est toujours comme cela que procède un gouvernement. On augmente petit
à petit les subventions qui sont accordées. Cela ne règle
pas, dites-vous, le problème du salaire des employés; c'est
exact, mais il ne s'agit pas d'un réseau étatique non plus. Nous
n'avons pas, nous, à déterminer le salaire des employés.
Nous avons comme responsabilité, c'est évident, de faire en sorte
qu'il y ait assez d'argent pour qu'une garderie ne ferme pas, c'est du moins
l'essentiel. Pourquoi cet argent ne peut-il pas servir à autre chose?
Vous savez qu'il aurait probablement fallu amender une loi pour pouvoir le
faire.
Mme Lavoie-Roux: On vous aurait aidés.
Mme Payette: Donc, laissons commencer les choses et surtout,
à mon avis, attendons l'entrée en fonction de l'office, dont ce
sera la responsabilité de développer le service des garderies au
Québec.
Je dois vous souligner également, parce que vous y avez fait
allusion à plusieurs reprises, que je me désespère de
l'attitude du ministère de l'Education, en ce qui concerne les garderies
en milieu scolaire, et que, s'il y a un dossier sur lequel je sens qu'il faut
continuer à travailler avec acharnement, c'est bien celui-là. La
structure du ministère de l'Education fait en sorte que la tâche
de l'éducation est parfaitement définie. On doit éduquer
et instruire les enfants et, apparemment, on estime que cela ne commence
qu'à l'âge de six ans et, dans très peu de cas, avant cela.
Cela reste un dossier extrêmement difficile à faire cheminer au
ministère de l'Education.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Bellechasse, vous m'avez dit que vous aviez une nouvelle question.
M. Goulet: Oui, d'abord, j'avais formulé une petite
question à Mme la ministre concernant l'assurance automobile où
la femme au foyer on va dire que c'est une marotte par exemple
une mère de famille de trois enfants, est indemnisée au minimum.
Je ne demanderais pas le maximum, mais est-ce que madame fera des pressions ou
des revendications auprès de la régie, qu'elle connaît
bien, afin qu'une femme au foyer puisse être indemnisée
peut-être sur une échelle autre que celle du minimum?
Mme Payette: Ma réponse est non.
M. Goulet: Bon! (12 h 45)
Mme Payette: Parce que c'est une des lois qui n'est absolument
pas discriminatoire. Tout le système d'assurance automobile
étatisé au Québec est basé sur le remplacement du
revenu. Les femmes au foyer n'ayant pas de revenu, nous avons trouvé une
solution: c'est d'évaluer le salaire qu'elles auraient pu gagner si
elles avaient été sur le marché du travail, donc, de faire
une évaluation de l'emploi qu'elles ont pu occuper avant leur mariage,
de la façon que cet emploi se serait développé au fur et
à mesure si elles étaient restées sur le marché du
travail et, quand on arrive à faire ça, on donne à ces
femmes 90% du revenu auquel elles auraient eu droit si elles avaient
été sur le marché du travail.
Quand des femmes n'ont jamais occupé d'emploi, on leur
reconnaît qu'elles ont droit au minimum qui, d'ailleurs, je pense, est de
plus de $80 actuellement, parce que toutes les indemnités ont
été haussées au fur et à mesure des années.
Ce sont des indemnités qui sont indexées et, dans ce sens, donc,
cette somme augmente au fur et à mesure que le temps passe. Mais je vous
rappellerai, puisque vous vous êtes intéressé au dossier
à l'époque où nous en avons discuté, que, dans le
système tel qu'il existait auparavant, dans le système
privé, une femme au foyer avait droit à $30 par semaine
pendant... Je ne voudrais pas faire d'erreur, c'est un dossier qui est un petit
peu loin pour moi, mais c'était pendant quelques semaines et, si mes
souvenirs sont justes, c'est douze semaines. C'était $30 par semaine
pendant douze semaines, et c'était terminé en ce qui la
concernait. Dans notre cas, tant et aussi longtemps que son incapacité
demeure, elle a droit à ce minimum, qui était de $80 en 1978 et
qui doit... Je ne connais pas le chiffre maintenant, mais il a dû
être haussé, parce que toutes les indemnités de la
régie sont indexées au coût de la vie.
M. Goulet: Merci. Ma dernière question... La ministre a
dit qu'au niveau de l'avortement, elle nous avait donné sa position
claire et précise. Elle a dit: Quant à moi, je vois ça
comme un problème médical; d'autres peuvent voir ça comme
un problème moral, ainsi de suite.
On sait que, l'an dernier, il y a eu près de 60 000 ligatures des
trompes pratiquées au Québec. La ministre a alors parlé de
problème de conscience au moment où elle visitait un
hôpital à Montréal.
Mme Payette: A Saint-Eustache.
M. Goulet: A Saint-Eustache. J'aimerais savoir de Mme la ministre
d'Etat... Madame, c'est parce que ma première question...
Une Voix: Oui, d'accord.
M. Goulet: C'est la dernière. J'aimerais savoir de Mme la
ministre ce qu'elle pense du problème de conscience occasionné
par l'augmentation de 632% du nombre d'avortements entre 1971 et 1977.
J'aimerais savoir si vous considérez l'avor-
tement comme un service d'appoint, comme vous l'avez laissé
entendre tout à l'heure c'est ce que j'ai pu en comprendre
et non pas comme une plaie de la société. Parce que, pour moi,
632% de hausse des avortements pendant six ans, si on doit considérer
ça comme une hausse d'appoint tout simplement, pour peut-être
justement viser la seule femme qui en aurait besoin, ne trouvez-vous pas que
c'est exagéré un peu?
Mme Payette: Je ne pense pas qu'on puisse parler de hausse quand
on parle d'avortements, c'est-à-dire qu'on est en mesure actuellement de
compiler des chiffres. Avant qu'on soit en mesure de les compiler, ces
avortements avaient lieu quand même sans qu'on sache combien il y en
avait. Les avortements se sont toujours faits dans la clandestinité.
Cela ne change absolument rien au problème.
Je suis en mesure de vous dire que je ne sais pas si je trouverai
de l'appui autour de cette table lorsqu'une femme est
décidée à avoir un avortement, elle trouve un avorteur par
n'importe quel moyen et souvent des moyens dangereux pour sa santé.
C'est dans ce sens-là que le problème m'inquiète, dans le
sens où je ne voudrais pas que, parce qu'une femme, pendant un moment
difficile de sa vie, estime ne pas pouvoir avoir un enfant à ce
moment-là, elle soit, parce que les soins médicaux ont
été mal faits, empêchée d'en avoir
immédiatement après, si sa situation a changé.
Je m'inquiète aussi des ligatures de trompes. Ce qui
m'inquiète surtout, c'est l'attitude du corps médical face aux
deux problèmes. Je ne comprends pas que les mêmes médecins
refusent de faire face à la réalité qui s'appelle
avortement dans certains cas et font, je dirais presque à tour de bras,
des ligatures de trompes qui, elles, sont irréversibles.
L'avortement qui est bien fait sur le plan médical permet
à une femme d'avoir 18 enfants par la suite, si elle le désire,
mais une ligature de trompes, c'est irréversible. Ce qui veut dire que
les femmes qui sont ligaturées ne pourront plus jamais avoir
d'enfant.
Je ne comprends pas que le corps médical qui est le même
ait des problèmes moraux face à l'avortement et n'ait pas de
problèmes moraux face aux ligatures de trompes. C'est beaucoup plus une
interrogation que j'ai qu'une affirmation. Mon inquiétude, par rapport
à la natalité au Québec, c'est beaucoup plus qu'on ne
semble pas avoir de problèmes religieux par rapport aux ligatures de
trompes et qu'on en ait par rapport à l'avortement.
Ce que je souhaiterais, c'est qu'on puisse, dans chacun des cas, aborder
le problème par le biais médical, s'il y a lieu, et mettre de
côté... Je ne pense pas que la médecine doive être
une médecine religieuse, je pense qu'elle doit être une
médecine sociale et, dans ce sens, je n'empêche pas les personnes
qui ont des convictions religieuses d'avoir 18 enfants. C'est-à-dire que
je respecte leur opinion et je respecte leur choix et je ne voudrais pas
cependant que les personnes qui ont des convictions religieuses imposent
celles-ci à d'autres personnes qui n'ont pas nécessairement les
mêmes.
C'est dans ce sens que mon appel est un appel à la
tolérance, tout simplement. Il ne me vient pas à l'esprit de
juger les autres et je demande aux femmes de ne pas juger d'autres femmes,
parce qu'elles sont probablement incapables d'estimer les problèmes dans
lesquels ces femmes-là se trouvent, à un moment donné,
dans leur vie.
La Présidente (Mme Guerrier): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Très rapidement... A la suite de
l'intervention du député de Bellechasse, vous savez, c'est un peu
à ça que je faisais allusion au début, quand je disais
qu'on assistait, dans les remarques préliminaires de la ministre, un peu
à une répétition de ce qu'on avait entendu lors de la
question avec débat de l'an dernier, où on disait: On
prépare des documents de sensibilisation, on fait des brochures, etc.,
et on retrouve ça d'ailleurs dans votre rapport du mois de
décembre, qui a été déposé au mois de
décembre, le rapport vert.
Mme Payette: Vous savez, madame, souvent ce sont les
recommandations du conseil.
Mme Lavoie-Roux: D'accord, mais je voudrais quand même vous
faire remarquer que, dans le cas des hystérectomies, en 1974, on en
avait 14 338; actuellement, on en a 14 857, ce qui semble à peu
près... Enfin, de 1974 à 1978, il n'y a pas une grosse
augmentation.
Dans le cas des ligatures de trompes, on en trouve 26 078 en 1974 et on
en trouve 31 388 en 1978, ce qui est une très grosse augmentation comme
pourcentage.
Je veux bien qu'on reste à faire des brochures de sensibilisation
et tout ça, mais il ne semble pas que les faits changent ou que la
situation se modifie. D'ailleurs, justement dans un article de la Gazette des
femmes, volume II, numéro 1, un article de Micheline Carrier; si on
regarde les statistiques annuelles de 1978, le rapport de la Régie de
l'assurance-maladie du Québec nous apprend que les femmes
fréquentent encore plus que les hommes les cabinets de ministres...
Mme Payette: De médecins...
Mme Lavoie-Roux: ... de médecins...
Mme Payette:... non plus ce que vous venez de dire, c'est un
lapsus intéressant.
Mme Lavoie-Roux: Les auteurs affirment que les soins
découlant de la nature biologique n'expliquent pas entièrement
l'écart entre hommes et femmes. Enfin, c'était en 1978. On a
interrogé le président de la régie la semaine
dernière et il y a
encore ces mêmes écarts et la régie a
recommandé des études. Ils ne peuvent pas faire d'analyse. Ils
signalent le phénomène. Nous allons arriver en 1981 et on nous
dira encore: On prépare des programmes de sensibilisation. Si je citais
ici je suis certaine que vous l'avez lu ce qui touche
l'utilisation des médicaments, vous avez les mêmes
constatations.
Pour revenir à la question de la ligature des trompes,
là-dessus, je pense que je suis sur la même longueur d'heure,
d'onde que la ministre c'est l'heure qui passe mais est-ce que la
question des ligatures de trompes est soumise à un comité?
Evidemment, ça ne servirait à rien puisqu'il y a huit ou dix ou
quinze comités dans l'ensemble de la province, de toute façon,
mais les conséquences des ligatures de trompes que les médecins
font très généreusement, comme vous l'avez
expliqué, est-ce que ceci ne devrait pas de quelque façon
être soumis à un comité quelconque? On fait des ligatures
de trompes aux femmes de 27 ans qui ont eu un enfant ou deux sous
prétexte qu'à ce moment-là, la femme dit: J'en ai eu deux,
je n'en veux pas d'autres. On sait que les femmes connaîtront
probablement, pour un certain nombre d'entre elles, même un assez grand
nombre, plusieurs situations maritales différentes. Tout à coup,
sans autre examen, deux enfants, 27 ans, ligature de trompes. Je me dis: On
peut bien les sensibiliser, mais, entre le petit dépliant qu'elles
auront peut-être entre les mains ou qu'elles n'auront peut-être
jamais entre les mains, parce qu'on sait qu'on reçoit tellement de
dépliants qu'on ne les lit pas, et une action plus concrète,
qu'est-ce que le gouvernement entend faire? Il a créé des
cliniques... Quel est le nom?
Mme Payette: De planification familiale.
Mme Lavoie-Roux: Cela fait partie aussi de la planification
familiale.
Mme Payette: C'est exact.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que ces cas-là, au moins là
où il y a un comité de planification familiale, font l'objet
d'étude de leur part, pour qu'il y ait au moins une décision
réfléchie qui soit prise? Les femmes qui ont deux enfants et qui
en perdent un dans un accident, il arrive quoi après? On pourrait
multiplier les exemples. C'est le sens de ma question. Quelles sont les
actions, au-delà des dépliants, qui peuvent être prises,
que le gouvernement entend prendre?
Mme Payette: Je pense que vous devriez reconnaître que je
ne peux prendre les dossiers que les uns après les autres. C'est
pourquoi j'ai annoncé que, cette année, ma priorité
était la santé des femmes au Québec.
Je vous signalerai que le simple fait que nous ayons soulevé de
façon importante, avec une couverture de presse importante
également, le fait que certaines régions au Québec avaient
le plus haut taux d'hystérectomies, que le fait que cer- taines autres
régions avaient le plus haut taux d'électrochocs pratiqués
sur les femmes, cela a donné comme résultat, vérification
faite, que ces pratiques ont diminué presque immédiatement dans
les régions que nous avions dénoncées. Qu'il y ait des
abus de la part du corps médical, je crois qu'on ne peut pas le nier.
Comment fait-on pour y remédier, sinon en faisant beaucoup de
sensibilisation auprès des femmes, en expliquant aux femmes qu'elles
doivent exiger, de la part des médecins, qu'ils les renseignent sur ce
qu'elles vivent, sur les opérations qu'on leur propose, qu'on leur donne
des détails précis sur les raisons pour lesquelles il faut en
arriver à des décisions comme celles-là; cela
m'apparaît essentiel.
Je vous dirai cependant qu'après avoir fait une toute petite
enquête auprès des femmes qui choisissent la ligature de trompes,
je crois qu'on pourrait affirmer que le fait que l'accès à
l'avortement soit resté extrêmement difficile au Québec,
amène un certain nombre de ces femmes à choisir la ligature de
trompes comme moyen anticonceptionnel définitif, de peur d'être
exposées à une grossesse non désirée; de peur
d'avoir à faire face aux difficultés que représente
l'obtention d'un avortement bien fait, au Québec, les femmes sont
amenées à choisir une ligature de trompes qui est
définitive.
J'ai l'impression qu'on a affaire à des vases communicants.
C'est-à-dire que, si on était en mesure, d'une part, de faire
l'éducation sexuelle qui s'impose dans le réseau scolaire, si on
était en mesure de mettre à la disposition des femmes
l'information dont elles ont besoin, si on pouvait leur offrir le service
d'avortement compréhensif, si on pouvait s'assurer que le travail est
bien fait par les médecins, ce sont tous des vases communicants.
L'éducation sexuelle fait qu'on a moins recours à l'avortement;
si l'avortement est disponible, on a moins recours à la ligature de
trompes comme moyen définitif; ça reste des vases
communicants.
Madame, ça me fera plaisir de vous faire rapport dans quelques
mois, parce que c'est le dossier sur lequel je me penche actuellement.
Mme Lavoie-Roux: Mme la Présidente, je ne veux pas entrer
dans les détails du dossier de l'éducation sexuelle, c'est un
problème que je soulève à l'étude des
crédits de l'éducation depuis 1977, si vous faites le
relevé du journal des Débats. Je suis convaincue que
l'avortement, c'est une solution ultime, une solution de dernier recours.
Il faut vraiment qu'on commence par le début, et quand vous
parlez d'éducation sexuelle, vous avez des blocages et j'ai l'impression
que les deux ministères ne jouent pas le jeu. Et, dans l'opinion
publique, ceux qui sont résistants à l'éducation sexuelle
à l'école ont l'impression que l'on va enseigner le libertinage,
alors que, dans l'éducation sexuelle, il y a une part de
responsabilité là-dedans. Je ne suis pas pour vous dessiner un
programme d'éducation sexuelle, je ne me sens pas qualifiée, de
toute façon.
Mais je trouve qu'il y a des pressions qui doivent être faites sur
le ministère de l'Education.
Et vous avez, d'une façon indirecte, donné le prix citron
au ministère de l'Education. Je pense que vous pouvez lui donner les
trois prix citron.
Mme Payette: C'est vous qui venez de le faire, madame.
Mme Lavoie-Roux: Je ne lui ai pas dit cela parce que personne ne
m'avait suggéré l'expression quand on a fait l'étude des
crédits, mais vous ne vous en dissociez pas, apparemment.
Mme Payette: Trois, cela me paraît beaucoup. Vous en
manquerez pour d'autres.
Mme Lavoie-Roux: C'est la réponse que je
prévoyais.
Vous regardez par exemple la question des prototypes sexistes dans les
manuels scolaires. Ce rapport est entre les mains du conseil; d'ailleurs, c'est
le Conseil du statut de la femme qui l'avait préparé en 1975; je
ne sais pas s'ils l'ont eu à la fin de 1975 ou 1976. J'ai failli
m'éclater de rire quand j'ai entendu la conférence de presse du
ministre de l'Education. Je ne pense pas qu'il y ait de coïncidence, mais
je la trouvais vraiment drôle. La veille de l'étude des
crédits... Il n'y a pas de coïncidence, mais je ne pouvais pas
m'empêcher d'en établir une; qu'elle ne soit pas exacte, je suis
bien prête à l'admettre.
Mais, encore une fois, je voudrais vraiment savoir ce que cela veut
dire, quand on dit: Cette grille permettra de mettre de côté le
matériel qui ne sera pas jugé conforme aux normes retenues
dès septembre 1980.
Et, quand j'ai questionné, il y a à peine dix jours, le
ministre de l'Education, on m'a dit: Nous, c'est une politique d'incitation
qu'il faut faire auprès des éditeurs. On est à
développer une grille d'information. C'était il y a à
peine une semaine. Dans les faits, de quelle façon cela va-t-il se
concrétiser? On n'aurait peut-être pas eu un certain prototype
à citer si les actions avaient été prises un peu plus
rapidement. Ce que je vous demande...
Mme Payette: C'est un prototype qui vous a bien servie et dont
vous vous êtes bien servie, madame. Je regrette. (13 heures)
Mme Lavoie-Roux: Je ne veux pas aborder ce débat parce que
cela pourrait nous rendre jusqu'à quinze heures. Vous avez vos
interprétations, j'ai les miennes. Je pense que le fond du
problème, c'est que vous aviez embarqué les femmes dans une
campagne si vous voulez que j'en parle de dévalorisation
et de culpabilisation et elles ont été capables d'en sortir.
Ce que je vous demande précisément sur la question des
prototypes sexistes dans les manuels scolaires, c'est quel suivi vous allez
faire. A partir de 1981, on dit: On va les mettre de côté. Mais on
reconnaît également les contraintes au plan budgétaire,
etc. Est-ce que ce sera un suivi rigoureux ou est-ce qu'on va se rendre en
1990?
Mme Payette: Je pense que ce sera un suivi rigoureux et je dois
vous dire que cela va me faire plaisir, d'ailleurs le citron
s'entame un peu. Je pense constater qu'il y a une volonté ferme que cela
se fasse rapidement.
Je dois également répondre à une autre partie de
votre intervention pour ce qui concerne l'éducation sexuelle. Je crois
que nous avons fait une faille dans le ministère de l'Education. Le
ministre a fait savoir qu'il y serait plutôt favorable. Nous nous
écrivons présentement pour tenter de fixer un
échéancier.
Mme Lavoie-Roux: II y a un tout dernier point que j'aurais voulu
aborder. Je vais seulement le signaler. Je sais que Mme la ministre s'y est
intéressée. Ce sont les services offerts aux détenues dans
les maisons de détention. Je voudrais lui signaler qu'à ma
connaissance peut-être y en a-t-il une d'ouverte maintenant
il n'y avait pas de maison de transition pour elles. Y en a-t-il une d'ouverte
maintenant?
Mme Payette: Elle n'est peut-être pas ouverte, sauf que le
dossier est complet. C'est cela, elle ouvre en 1980, nous en avons la
certitude. Les crédits sont adoptés.
Mme Lavoie-Roux: Elle ouvre en 1980? Mme Payette: En
effet.
Mme Lavoie-Roux: Le deuxième point là-dessus
ce sont des points très précis c'est: Serait-il possible,
à moins qu'il n'y ait eu des développements dernièrement,
que l'on rende le cours collégial par correspondance accessible aux
détenues? On l'a à la maison Tanguay. Je ne sais pas si on l'a
ailleurs. Actuellement, il n'y a que le cours secondaire qui leur est
accessible.
Une autre remarque m'a été faite. Si je me trompe, vous
pourrez me corriger. C'est que le temps alloué aux études semble
être pris sur le temps des loisirs. Cela me semble un peu baroque, parce
que, franchement, si, sur leur temps de loisir, on prend le temps des
études, je me demande ce qu'elles font le reste du temps. C'est un
point.
Il y a un autre point plus délicat. Encore une fois, si je suis
dans l'erreur, j'en serai fort aise. Est-il exact qu'on peut
certainement qu'on doit pouvoir qu'on soumet peut-être trop
fréquemment à des examens gynécologiques les femmes qui
rentrent d'un congé ou les détenues qui rentrent d'un
congé et que ceci serait même une "désincitation" à
sortir ou à aller par exemple travailler à l'extérieur ou
ces choses-là? Parce que ce ne serait peut-être pas toujours
exercé avec le meilleur jugement. Je pense que votre aide, en
arrière, semble...
Mme Payette: Je peux répondre, madame. Pour l'instant, je
ne suis au fait que de la situation qui existe à Tanguay,
effectivement.
Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est celle-là.
Mme Payette: II y a une autre prison des femmes à
Québec que je n'ai pas eu l'occasion de visiter encore. Tanguay a
vécu, au cours des mois derniers, une situation d'intégration de
détenues venues de Kingston, venues du fédéral. Je pense
que la directrice pourrait vous indiquer que cela a représenté
certains problèmes à l'intérieur, dans le sens où,
quand des femmes sont condamnées pour une très longue
période de temps, les règlements qui s'appliquent à ces
femmes ne sont pas nécessairement les mêmes que ceux qui
s'appliquent à des détenues de courte durée. La directrice
de Tanguay travaille, à mon avis, avec beaucoup de compréhension
et de sensibilité dans ces domaines. Elle est très attentive
à la situation que vivent les détenues, sauf qu'elle prend en
main une situation qui s'était largement
détériorée.
Vous faites allusion aux études; les femmes sont parfaitement
victimes de discrimination dans ce domaine par rapport à ce qui est
offert aux hommes détenus. Par exemple, il n'y avait même pas de
bibliothèque à Tanguay, ou une bibliothèque dans un tel
état de délabrement que cela ne pouvait pas s'appeler une
bibliothèque. Le travail vient de commencer. Les femmes détenues
ont été un peu laissées pour compte, parce qu'elles ne
sont pas très nombreuses, fort heureusement, et comme elles ne sont pas
très nombreuses, elles ne représentent probablement pas le
même problème majeur que les hommes détenus. Il y a des
situations discriminatoires dont j'ai fait part au ministre de la Justice. Nous
travaillons ensemble sur ce dossier, en collaboration avec la directrice de la
maison Tanguay.
Vous faites allusion aux fouilles qui se font. J'ai eu l'occasion de
recevoir les représentations des détenues à ce sujet et au
sujet de leur vie sexuelle également. J'ai eu l'occasion d'en discuter,
d'autre part, avec la directrice de la prison. Je dois admettre que la
directrice fait face à un problème auquel personne, semble-t-il,
n'a trouvé d'autre solution jusqu'à maintenant; c'est
essentiellement un problème de drogue à l'intérieur des
murs. Vérification faite, il ne semble pas qu'on ait trouvé de
solutions beaucoup plus intéressantes du côté des hommes.
Le problème reste entier. Le problème de drogue à
l'intérieur apporte des problèmes de comportement, l'obligation
d'isoler une détenue à certains moments.
Je pense, pour avoir fréquenté non seulement Tanguay
depuis que je suis ministre, mais avoir été l'une de celles qui
rendaient visite à des détenus hommes, aussi bien dans des
prisons fédérales que dans des prisons provinciales avant
d'être en politique, je sais que le problème posé par la
vie à l'intérieur est un problème social beaucoup plus
vaste que seulement le problème de Tanguay.
Je voudrais vous dire que je suis d'accord avec ce que vous avez dit sur
des problèmes dont je suis consciente. Je travaille avec le ministre de
la Justice et ses représentants sur ce dossier-là en
particulier.
Mme Lavoie-Roux: Mme la Présidente, je voudrais ajouter
que ces problèmes, qui m'ont été signalés,
existaient avant l'intégration des détenues de Kingston.
Mme Payette: Cela n'a que rajouté au problème tout
simplement.
Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est ça, d'accord.
D'accord pour ceci. Un tout petit dernier point. C'est
l'admissibilité des femmes aux bourses pour les études
collégiales, si elles sont mariées et que le calcul se fait selon
le revenu du mari. Cela me semble une chose... Il y aurait bien d'autres petits
points que je pourrais vous signaler, mais ça me fatigue d'autant plus
qu'on parle de recyclage, etc., alors que, dans une union de fait, on ne tient
pas compte du revenu du conjoint de fait, mais, dans une union juridique de
mariage, la femme est encore dépendante de son mari, dans le sens que
c'est le revenu du mari qui compte. Cela peut même, dans le cas où
le mari peut être assez ambivalent sur le retour de sa femme aux
études et le départ...
Je demanderais à Mme la ministre d'aborder ce problème
avec son gouvernement pour tenter de corriger cette situation. Pour ne pas
revenir, je vais me permettre une dernière remarque. Je n'aurais pas
voulu finir avec un reproche, mais je pense qu'il est quand même
opportun.
Je ne veux pas revenir sur la question qui a été
débattue ou abordée un peu par le député de
Bellechasse tout à l'heure quant à l'association,
peut-être, à des fins politiques qu'on a faite de la condition
féminine et du référendum. Là-dessus, je ne
voudrais pas revenir. Mais je voudrais mettre le conseil en garde, s'il veut
garder sa crédibilité et doit être au service de toutes les
femmes, en dépit des allégeances politiques de chacune, je pense
que ça ne doit pas jouer dans... D'ailleurs, les allégeances
politiques de chacune, c'est quand même limité à un certain
nombre de femmes, les autres votant selon leur jugement, au moment des
élections. Mais je lisais, par exemple, dans le "Mieux vivre à
deux", auquel on a fait allusion tout à l'heure et qui a
été publié probablement à la fin de
décembre, j'imagine...
Mme Payette: II y a déjà deux ans, je pense. Mme
Lavoie-Roux: Même s'il y a deux ans...
Mme Payette: C'est au début de 1979, je pense...
Mme Lavoie-Roux: ... le quatrième trimestre de 1979,
dépôt légal, et dans lequel vous lisez...
Mme Payette: C'est une réimpression, parce que cela s'est
arraché comme des petits pains.
Mme Lavoie-Roux: Mais vous lisez: "Les bons comptes font les bons
amis, etc. je ne lis que ces trois lignes-là Si votre
association en est
une d'égale à égale, il y a lieu de prendre des
responsabilités égales aussi, c'est tellement plus simple
à négocier." Je pense que vous avez là une allusion
directe à l'idéologie ou à l'option d'un parti politique.
Le député de Deux-Montagnes peut rire, mais c'est ce genre de
choses qui font tort au Conseil du statut de la femme et où la
crédibilité du conseil... C'est vous autres qui avez parlé
tout à l'heure de son rôle absolument apolitique, je pense que Mme
Bonenfant y a fait allusion. Je pense que, de la même façon qu'on
fait des efforts pour tenter d'enlever certains prototypes dans d'autres
livres, le moins qu'on puisse attendre du Conseil du statut de la femme, c'est
que, dans ces publications qui vont à l'ensemble des femmes, on
évite toute allusion à ce qui pourrait être perçu et
là, c'est bien difficile de ne pas le percevoir comme des options
politiques, d'un côté ou de l'autre.
Mme Payette: Mme la Présidente, vous me permettrez de
répondre aux deux points que Mme la députée de L'Acadie a
soulevés. Elle dit que les femmes mariées, avec un mari, ont plus
difficilement accès à des bourses. Elle me permet de dire la
complexité de tout le dossier de la condition féminine, parce que
les hommes et les femmes qui vivent en union de fait, d'autre part, sur le plan
fiscal, sont taxés comme deux invidi-dus alors que ce n'est pas le cas
dans le mariage.
Ce sont non seulement les bourses qu'il faut revoir, mais c'est tout ce
qui sous-tend l'attitude gouvernementale face à un couple qui est
marié, pour qui on a une évaluation des deux individus, et au
couple de fait pour qui on a une autre évaluation des deux individus.
C'est divers et c'est complexe.
Quant à la deuxième partie, je ne peux pas l'affirmer en
mettant ma tête sur le billot, pour reprendre une autre expression
connue, mais je pense que le travail auquel vous avez fait allusion, qui est un
petit magazine du Conseil du statut de la femme, avait été
commencé sous Mme Robillard. Cela ne laisserait pas penser qu'il y a eu
une intervention politique dans un sens ou dans l'autre, sauf que les hommes et
les femmes visent l'égalité, c'est évident, je crois.
Le projet de loi sur les amendements au Code civil en fait preuve. On ne
peut pas bannir de notre langage de femmes un langage qui serait devenu
subitement politique. Les femmes veulent vivre d'égal à
égal avec les hommes, en assumant les mêmes responsabilités
et en ayant les mêmes droits. Je ne pense pas que vous trouviez dans un
prochain magazine du Conseil du statut de la femme que les femmes vont se
recycler dans un fédéralisme à l'intérieur de leur
couple.
Mme Lavoie-Roux: J'imagine qu'on ne trouvera pas cela.
Mme Payette: Donc, c'était la situation qui faisait que
les mots étaient les mêmes et c'est tout.
Mme Lavoie-Roux: Excusez, Mme la Présidente; publié
en 1978, là, tout à coup, cela aurait été
commencé. L'impression finale, c'est le gouvernement actuel qui en avait
la responsabilité et quand on trouve ces mots-là... Dans tout le
reste, je ne trouve pas de mots entre guilllemets. Il y en a peut-être
d'autres, mais c'est "votre association en est une d'égale à
égale", on y a pensé quand on les a mis dedans.
Mme Payette: On espère que les femmes voteront oui, en ce
qui les concerne.
La Présidente (Mme Cuerrier): Le programme 7, programme
qui vise à permettre au Conseil du statut de la femme de travailler
à la promotion de l'égalité et du respect du droit et du
statut de la femme est-il adopté?
Mme Payette: Adopté.
Mme Lavoie-Roux: Adopté. (13 h 15)
La Présidente (Mme Cuerrier): II est adopté. Je
veux simplement rappeler aux membres de cette commission que nous avons convenu
ce matin, de consentement unanime, que de nouveaux membres pouvaient être
nommés pour siéger à cette commission et que le rapporteur
pouvait aussi changer. Sur ce, nous allons suspendre les travaux de la
commission de la présidence du conseil et de la constitution pour
permettre, cet après-midi, l'étude du programme concernant le
ministre d'Etat au Développement culturel.
Mme Lavoie-Roux: On leur souhaite bonne chance.
La Présidente (Mme Cuerrier): Cette commission suspend ses
travaux.
Suspension de la séance à 13 h 16
Reprise de la séance à 15 h 8
Ministère d'Etat au Développement
culturel
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Est-ce qu'il y aurait consentement unanime pour que la commission puisse
continuer ses travaux, puisqu'elle a été suspendue à 13
heures?
M. Lalonde: C'est la même commission, oui,
certainement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est
cette même commission de la présidence du conseil et de la
constitution qui se réunit pour étudier les crédits du
ministre d'Etat au Développement culturel qui apparaissent dans notre
bouquin sous l'égide du Conseil exécutif.
M. le ministre d'Etat au Développement culturel.
M. Laurin: Oui, j'aimerais simplement...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Avec
votre permission et le consentement unani-
me de la commission, les membres de la commission pour cette
séance sont: MM. Gagnon (Champlain), Marquis (Matapédia), Marcoux
(Rimouski), Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), Laurin (Bourget), Mme Lavoie-Roux
(L'Acadie), MM. Samson (Rouyn-Noranda), Le Moignan (Gaspé), Dussault
(Châteauguay) et Bertrand (Vanier).
Les intervenants sont: MM. Brochu (Richmond), de Bellefeuille
(Deux-Montagnes), Fallu (Terrebonne), Forget (Saint-Laurent), Godin (Mercier),
Guay (Taschereau), Mme LeBlanc-Bantey (Iles-de-la-Madeleine), M. Scowen
(Notre-Dame-de-Grâce).
M. le ministre.
Remarques préliminaires M. Camille Laurin
M. Laurin: Je voudrais simplement, en guise d'introduction, M. le
Président, résumer à grands traits les activités de
l'année pour les trois organismes dont je suis responsable,
c'est-à-dire l'Office de la langue française, la Commission de
surveillance de la langue française et le Conseil de la langue
française.
Je voudrais aussi commencer mes remarques en présentant à
la commission, justement les titulaires de ces organismes qui sont ici avec
nous cet après-midi et qui se feront un plaisir de répondre aux
questions qu'on voudra bien leur adresser. D'abord, M. Gosselin, le
président de l'Office de la langue française, entouré de
quelques-uns de ses collaborateurs: M. Chouinard, M. Soucy et M. Fortin, de la
Commission de toponymie du Québec; M. Forget, le président de la
Commission de surveillance de la langue française; M. Michel Plourde, le
président du Conseil de la langue française, et aussi le
directeur du bureau d'admissibilité à l'enseignement de
l'anglais, M. Jean-Pierre Proulx, au cas où des questions pourraient
intéresser son travail.
En ce qui concerne l'Office de la langue française, on peut dire
que l'essentiel de l'activité cette année a consisté
à continuer, d'une façon systématique et soutenue, le
travail qui a été commencé, au cours des années
précédentes, particulièrement en ce qui concerne la
francisation des entreprises, la grande entreprise, aussi bien que la moyenne
et la petite, et la francisation de l'administration.
Le travail a aussi consisté à continuer l'accumulation des
données dans la banque de terminologie du Québec, en vue
d'atteindre les objectifs que cette banque s'est fixés, en même
temps qu'à préparer ce qu'il nous restait à rédiger
de règlements pour opérationnaliser la loi, si on peut s'exprimer
ainsi.
L'Office de la langue française, par exemple, a terminé
l'analyse des données de la situation linguistique de toutes les grandes
entreprises. Il y a 1934 de ces entreprises qui comptent 100 employés et
plus. L'office a également commencé le travail en ce qui concerne
l'analyse de la situation linguistique des petites et moyennes entrepri- ses,
c'est-à-dire celles qui comptent entre 50 et 100 employés. Il y a
2300 de ces entreprises. Le premier groupe devenait admissible à l'aide
de l'office le 15 décembre 1979, et le travail est déjà
bien en cours sur ce groupe d'entreprises. Le dernier groupe d'entreprises
deviendra admissible à l'aide de l'office le 15 décembre
1980.
Donc, ce travail de bénédictin s'est poursuivi tout au
long de l'année et déjà il me fait plaisir d'annoncer que
124 certificats permanents ont été décernés aux
entreprises comptant 100 employés et plus au cours de l'année.
Donc, au seul stade de l'analyse de la situation linguistique, les
renseignements que nous avons reçus nous paraissaient justifier d'ores
et déjà l'octroi d'un certificat permanent.
Sur ces 124 entreprises qui ont reçu un certificat permanent, il
y en a 116 pour lesquelles les chiffres ont été compilés
et qui comptent 45 797 employés. Cela veut dire que, déjà,
il y a près de 50 000 employés dont on peut dire qu'ils
bénéficient de conditions de travail où le français
a atteint la norme que se fixait la loi. (15 h 15)
Nous avons décerné aussi 1042 certificats provisoires
à la seule vue de l'analyse de la situation linguistique que nous avons
faite pour les entreprises comptant 100 employés et plus.
Le deuxième stade consiste à étudier les programmes
de francisation que nous soumettent ces entreprises. L'analyse de ces
programmes de négociation va bon train et nous avons bon espoir
d'augmenter d'une façon marquée le nombre de certificats
permanents que nous pourrons donner à ces entreprises au cours de
l'année prochaine.
Comme vous le savez, M. le Président, la loi prévoit
également la conclusion d'ententes particulières entre l'office
et certaines grandes compagnies, particulièrement les multinationales,
compagnies qui possèdent à Montréal soit des sièges
sociaux ou des centres de recherche.
Nous avons eu 120 demandes de la part de ces grandes
sociétés, 120 compagnies qui nous ont demandé de
bénéficier de cet article de la loi qui prévoit une
entente particulière selon les règlements que nous avons
d'ailleurs adoptés. 107 de ces demandes ont été
jugées admissibles, ce qui ne veut pas dire que les autres sont
refusées; nous sommes en train de les considérer. Cela veut dire
cependant que, sur ces 107 demandes qui ont été jugées
admissibles, le travail de l'analyse de la situation linguistique se poursuit
et même, là aussi, des ententes particulières
définitives ont été conclues avec certaines de ces
multinationales. Je signale en particulier qu'une entente a été
conclue avec la grande compagnie que nous connaissons tous, la compagnie Alcan.
Il semble bien que nous pouvons présumer que, si une entente a pu
être conclue avec cette grande compagnie, ceci aura un effet
d'entraînement pour les autres compagnies et on pourra peut-être
procéder plus rapidement pour l'analyse des ententes qu'il reste
à conclure.
Je disais que nous sommes déjà au deuxième stade du
processus. Après la présentation des
analyses linguistiques, la phase de la négociation des programmes
de francisation a déjà commencé. Il y a déjà
205 programmes de francisation d'entreprises qui font actuellement l'objet
d'études et de négociations entre les compagnies et l'office et,
déjà, sur ces 205 programmes qui nous ont été
soumis, 76 ont été acceptés.
En ce qui concerne les petites et moyennes entreprises,
c'est-à-dire celles qui comptent plus de 50 employés, mais moins
de 100 employés, comme je le disais tout à l'heure, la
moitié des ces PME étaient admissibles à l'aide de
l'office depuis le 15 décembre 1979. Les règlements que nous
avons adoptés prévoyaient une procédure plus souple pour
ces compagnies, c'est-à-dire que nous n'avions pas besoin de passer par
la phase de l'octroi d'un certificat provisoire. Nous avons remplacé
dans le règlement cette étape par une simple inscription
auprès de l'office donnant lieu à une attestation. Sur les 1100
entreprises qui étaient admissibles, nous avons déjà
décerné près de 1000 attestations.
D'une façon générale, on peut donc dire que
l'office a bénéficié d'une collaboration extrêmement
positive de la plupart des compagnies qui doivent répondre aux objectifs
que leur a fixés l'office. Les négociations sont certes
poursuivies dans une conformité parfaite avec les objectifs de la loi,
mais elles se poursuivent dans un tel climat de souplesse et de respect des
situations particulières de chacune que nous pouvons dire, à ce
moment de notre travail, que les entreprises sont satisfaites, en
général.
L'office est également très satisfait de la
coopération, de l'esprit de collaboration que les entreprises ont
manifesté à l'endroit de la francisation des entreprises. Ce qui
veut dire que les entreprises acceptent non seulement les objectifs, mais
également les étapes prévues par les règlements, et
font véritablement les efforts qui leur sont demandés pour que la
francisation des entreprises devienne une réalité et non pas
simplement un objectif.
La loi prévoit également une francisation des organismes
administratifs publics. Ceci couvre, bien sûr, les ministères du
gouvernement, les sociétés parapubliques, mais aussi les
municipalités, les organismes scolaires, les services de santé et
les services sociaux et les offices d'habitation qui existent dans plusieurs
villes du Québec. Au total, il s'agissait donc de revoir la situation
linguistique de 3383 organismes. Comme pour les entreprises, le premier stade
consistait à demander à ces organismes un rapport sur leur
situation linguistique.
Il me fait plaisir de signaler que 100% de ces organismes se sont
acquittés de cette obligation. Tous les ministères l'ont fait,
toutes les municipalités, tous les organismes scolaires francophones
aussi bien qu'anglophones, ainsi que tous les services de santé et
services sociaux. Dans ce dernier cas, la fiche n'est pas parfaite, puisque
nous avons atteint 99,7%. Il reste encore quelques garderies qui ne nous ont
pas fait parvenir leur rapport sur leur situation linguistique. Mais, en
général, je pense qu'il y a lieu d'être très
satisfait de la coopération qu'ont montrée ces divers organismes
administratifs.
Maintenant que nous avons en main leurs analyses, nous sommes en train
de traiter les rapports qu'ils nous ont fait parvenir et nous avons
entamé la deuxième phase du processus, c'est-à-dire la
présentation des programmes de francisation, là où la
chose s'avère nécessaire. Déjà, nous avons
octroyé 107 certificats, et nous sommes en train de négocier, au
moment où on se parle, 50 programmes pour un total de 157. On me dit que
le progrès va être relativement rapide pour la poursuite de la
négociation sur ces programmes de francisation.
M. Lalonde: Je ne voudrais pas vous interrompre, mais je n'ai pas
compris le dernier chiffre. C'est 107 certificats de quoi?
M. Laurin: 107 certificats accordés à ces
organismes administratifs. Il y en a 50 qui sont en voie de négociation
à l'heure actuelle.
On procède avec le plus de célérité possible
avec les 499 employés que nous avons actuellement. Pour le reste,
l'action de l'office a porté sur ses objets habituels comme, par
exemple, la banque de terminologie. Nous continuons d'accumuler des
données dans notre banque de terminologie, qui compte actuellement 445
405 fiches que l'on peut interroger. Donc, nous nous rapprochons sensiblement
de notre objectif, qui est d'accumuler dans la banque environ un million de
fiches d'ici cinq ans.
L'office a l'intention d'installer, au cours des prochains mois, cinq
terminaux dans les plus grandes entreprises du Québec, dans un double
but, non seulement pour permettre à ces entreprises d'interroger la
banque et d'accumuler les termes qui leur permettront de franciser plus
rapidement leur entreprise, mais également dans le but d'alimenter la
banque, puisque nous savons que ces grandes entreprises se sont dotées
elles-mêmes de services de francisation qui comprennent souvent des
terminologues et qui apportent eux-mêmes leur contribution à la
francisation des termes en usage dans ces diverses entreprises.
Il s'agit donc d'un échange fécond de services et de
renseignements qui, je crois, va augmenter la qualité de la banque en
même temps que cela lui permettra d'atteindre plus rapidement ses
objectifs.
Il me fait plaisir aussi de signaler que même si nous avons
établi une commission d'appel qui fonctionne en fait depuis plus d'un an
maintenant, il n'y a eu aucun appel qui a été logé par
quelque entreprise que ce soit auprès de la commission d'appel, ce qui
constitue une autre preuve, au fond, du degré de coopération des
entreprises en même temps que de leur satisfaction. Ce qui ne veut pas
dire non plus que l'Office de la langue française ne négocie pas
conformément aux objectifs de la loi.
Dans d'autres domaines, par exemple celui de la recherche, l'Office de
la langue française conti-
nue d'être très actif. Quinze membres de son personnel sont
affectés à des recherches dont la nécessité
découle des activités que mène l'office. Nous entendons
aussi distribuer, au cours de l'année qui vient, près de $344 000
en subventions à diverses équipes de chercheurs pour leur
permettre d'ajuster, de raffiner les activités en cours et d'atteindre
les objectifs que nous connaissons déjà.
L'office a aussi terminé cette année la rédaction
de ses projets de règlements, par exemple celui sur la petite et la
moyenne entreprise, les amendements aux règlements sur le commerce et
les affaires et nous possédons maintenant, je crois, tout ce qu'il nous
faut comme règlements pour procéder plus avant.
Quant au personnel, comme je le disais, l'effectif atteint maintenant le
chiffre de 500, y compris le personnel affecté à la commission de
toponymie. L'Office de la langue française possède aussi neuf
bureaux régionaux qui répondent de mieux en mieux et de plus en
plus aux demandes qui leur sont faites par les organismes du milieu, qu'il
s'agisse des entreprises ou qu'il s'agisse des organismes administratifs.
Je pense, M. le Président, que c'était là
l'essentiel des points saillants qu'il me paraissait utile de donner à
la commission. Peut-être que nous pourrions commencer tout de suite
à aborder les questions concernant l'office. Nous pourrons ensuite
passer au conseil et à la commission de surveillance.
M. Lalonde: Comme vous préférez. J'avais justement
une note pour me rappeler que le ministre ne nous avait rien dit du conseil ou
de la commission. Si vous préférez y aller maintenant, on
pourra...
M. Laurin: D'accord. En ce qui concerne le Conseil de la langue
française, on peut dire que c'est cette année qu'il a vraiment
pris son plein essor puisque l'an dernier a été plutôt une
année d'organisation, de mise en place des effectifs. Le Conseil de la
langue française commence à remplir véritablement les
objets pour lesquels il a été créé. Il a tenu cette
année douze assemblées, ce qui veut dire près de 32
séances. Je signale à la commission que M. Gendron, le
président du conseil, a démissionné et est devenu
directeur général du centre international de recherche sur le
bilinguisme, à l'Université Laval. Il a été
remplacé par M. Michel Plourde, qui est avec nous cet après-midi,
et le secrétaire du conseil, M. Marcel Dubé, est devenu
président de la rencontre des peuples francophones, étant
remplacé au conseil par M. Gérard Lapointe. Donc, le conseil
remplit maintenant les fonctions pour lesquelles il a été
créé. C'est d'abord un organisme conseil auprès du
ministre et, à ce titre, il a fait parvenir au ministre les avis
réglementaires sur les projets de règlements qui ont
été soumis au ministre par l'Office de la langue
française, ainsi que sur toute autre question sur laquelle le ministre
désirait un avis de la part de son conseil. Mais l'objet principal du
conseil est de mener les études, les recherches qui permettront,
à moyen terme comme à long terme, d'améliorer la
qualité de la langue et indirectement la qualité de la culture,
puisque langue et culture sont indissolublement liées. Ces études
et ces recherches se sont poursuivies dans plusieurs secteurs et
particulièrement dans le secteur sociologique, dans le secteur
démographique, dans le secteur linguistique, dans le secteur
économique et dans le secteur juridique. (15 h 30)
Dans ces cinq grands secteurs, 30 projets de recherche sont en cours et
je pourrai en donner la liste en détail, si les membres de la commission
le désirent. Ces recherches et études, évidemment,
mènent, à un moment donné, à la publication des
résultats des recherches et déjà, le conseil a
publié un certain nombre de résultats de ces diverses recherches.
Là aussi, je pourrai fournir la liste des publications qui ont
été faites cette année par le conseil.
Je peux peut-être rappeler, par exemple, la publication d'une
étude sur la cohabitation en milieu scolaire, une étude de M.
Gary Caldwell sur l'étude de la population anglophone dans les
régions situées en dehors de Montréal, mais je ne le fais
qu'à titre d'exemple. Je pourrais aussi citer la publication
récente, il y a à peine quelques jours, de deux études qui
couronnaient cinq années de recherches de la part de MM. Michel Sparer,
Wallace Schwab et Pierre Issalys sur la rédaction des lois et sur le
système des lois.
Le conseil est aussi un organisme d'écoute et d'information du
public et, cette année, il a commencé à mener des
consultations régionales. Ce n'est peut-être pas étonnant
qu'il ait commencé cette ronde de consultations par la région du
Saguenay-Lac-Saint-Jean. Nous entendons continuer ces consultations au cours de
l'année qui vient. Le conseil a aussi rencontré plusieurs groupes
de la population, des représentants d'entreprise, des enseignants, des
associations, qui voulaient lui soumettre leurs vues. A l'occasion de son
étude, M. Caldwell s'est aussi rendu dans quatre régions
comportant une population anglophone d'une certaine importance pour recueillir
leurs vues sur leur situation actuelle et leurs recommandations
éventuelles.
Enfin, le conseil est un organisme de rayonnement national et
international et, à ce titre, il veut être présent aux
grandes manifestations, soit linguistiques ou culturelles, qui se tiennent dans
la francophonie. Il a lui-même organisé un colloque sur la
qualité du français, après la loi 101, qui s'est tenu en
octobre 1979; il a été l'hôte du Conseil international de
la langue française, en même temps que de l'Office de la langue
française, qui a tenu son colloque à Québec, en 1979, sur
les français régionaux et plusieurs de ses membres ont
présenté des communications remarquées.
Le Conseil de la langue française possède aussi des liens
importants avec l'organisation qui s'occupe de la rencontre des peuples
francophones et c'est lui, par exemple, qui est chargé de
trouver des titulaires par le moyen de jurys pour la remise du prix du 3
juillet, le 1608, et de l'Ordre des francophones. Le conseil de la langue a
aussi été présent aux manifestations internationales, par
exemple, en déléguant quelques-uns de ses membres qui ont
d'ailleurs présenté des communications à certains grands
congrès internationaux, comme, par exemple, la biennale de la langue
française à Jersey, le colloque de Liège et certains
autres grands colloques internationaux.
La Commission de surveillance de la langue française a, elle
aussi, été très active au cours de l'année. On
pourrait peut-être dire que, depuis le début de l'existence de la
Commission de surveillance de la langue française, nous avons
reçu près de 5322 demandes d'enquête. De ce nombre, 3698
ont eu une solution favorable. Ceci veut dire que non seulement le dossier a
été fermé, mais que le dossier a été
fermé par une solution qui aboutissait à une correction des
contraventions qui avaient été signalées.
Et non seulement la Commission de surveillance de la langue
française a réussi à régler ces contraventions,
mais elle en a profité aussi pour les régler d'une façon
qui respecte la qualité de la langue française, grâce aux
services qu'elle pouvait mettre à la disposition des contrevenants; les
corrections, que ce soit aux formulaires d'emploi, aux dépliants, aux
affiches, ont été faites dans le respect le plus grand non
seulement de la norme de la langue, mais également de la qualité
de la langue.
Il reste donc actuellement à régler 1624 dossiers.
La loi prévoit qu'en cas de difficulté majeure, certaines
de ces contraventions peuvent faire l'objet non seulement de mises en demeure,
mais de poursuites de la part du Procureur général. Pour le
moment, il y a quelques dossiers qui sont chez le Procureur
général quatre ou cinq je crois et ces projets ou
éventualités de poursuite sont actuellement à
l'étude et aucune décision n'a encore été prise. Je
vous signale que, sur le très grand nombre de demandes d'enquête
reçues, le fait qu'il y ait aussi peu de preuves de mauvaise
volonté évidente indique quand même que, dans ce domaine
également, nous recevons de la part des contrevenants le degré
désirable de coopération et de collaboration.
La commission utilise actuellement huit commissaires-enquêteurs
ainsi que sept inspecteurs pour son travail. Peut-être sera-t-il
nécessaire à un moment donné d'augmenter le nombre de ces
enquêteurs si la courbe des demandes d'enquêtes continue à
croître, mais, pour le moment, nous sommes satisfaits de la façon
que le travail se poursuit.
Je pense que je puis en rester là pour le moment, M. le
Président, tout en répétant encore une fois qu'en ce qui
concerne la commission d'appel, elle existe, mais elle n'a pas eu à
exercer son travail de la façon que le prévoit la loi, se
contentant pour le moment de se tenir informée de tout ce qui se passe
au niveau de l'office et de la commission.
Le Président (M. Vaillancourt (Jonquière): Merci.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Fernand Lalonde
M. Lalonde: Merci, M. le Président. Je voudrais tout
d'abord remercier je ne sais pas si c'est le ministre ou le leader du
gouvernement d'avoir accordé un peu plus de temps à
l'étude des crédits et des responsabilités du ministre
d'Etat au Développement culturel.
Je me souviens l'an dernier je revoyais cela tout à
l'heure que j'avais terminé les quelques minutes qui nous avaient
été allouées par un voeu, c'est-à-dire que l'on
puisse consacrer au moins deux ou trois heures, l'an prochain,
c'est-à-dire cette année. On avait prévu une heure et
demie. Nous avons fait une demande et elle a été accordée.
Je pense qu'on pourra faire, avec le moins de précipitation, le tour de
la question. C'est peut-être la première fois, en fait, depuis que
la loi 101 est résolument en marche, que nous avons le loisir d'en
mesurer les effets au moins au niveau de l'office, de la commission de
surveillance et du conseil.
Je voudrais aussi remercier le ministre. Même si nous avons
exprimé notre désaccord pour ce qui concerne un certain nombre
d'éléments importants de la loi 101, lors du débat, je
dois dire que, lors du référendum, cette loi, entre autres, qui a
succédé à la loi 22, a été un argument de
poids pour les tenants du non. Nous avons fait la démonstration aux
Québécois qu'il est possible ici dans le
fédéralisme et même actuel, pour le Québec, de
prendre soin de ses problèmes et de les régler pour ce qui
concerne la langue. C'est un argument qui a été entendu. C'est
donc entre fédéralistes recyclés que nous pouvons tous ici
autour de la table examiner l'avenir avec joie et avec espoir.
M. Laurin: A la condition que vous ne donniez pas suite à
ce que vous avez dit durant la campagne du non, que vous changeriez des
chapitres importants de cette loi, pour ne pas dire essentiels.
M. Lalonde: Attendez les élections, M. le ministre. Ne
vendez pas la peau de l'ours. Je suis plus prudent-Quelques questions que nous
avions posées l'an dernier avaient aussi trait à l'application,
dans le champ, de la loi. Le ministre nous a donné des chiffres, des
statistiques concernant l'application surtout de la francisation. Ce qui
m'intéresse, c'est peut-être un peu par déformation
professionnelle ou enfin politique, étant donné que j'ai eu
l'occasion et le bonheur de travailler très modestement au départ
de cette démarche, c'est la francisation. D'ailleurs, c'est un peu ou
enfin beaucoup la conclusion du rapport Gendron que, lorsque nous aurons
réussi à faire du français un instrument de promotion
économique et sociale, la majorité de nos problèmes de
langue seront réglés et nous
pourrons laisser tomber d'autres interventions qui sont plus difficiles.
C'est donc la francisation des entreprises qui m'apparaît le secteur
clef. C'est surtout à Montréal ou dans la région de
Montréal qu'on voit la concurrence entre la langue française et
la langue anglaise au niveau du travail, aussi dans certaines autres
régions, mais massivement dans la région de Montréal.
Je vois que le nombre de certificats et de programmes de francisation
acceptés dans l'entreprise est un peu moins élevé que je
ne l'aurais cru, à ce stade de l'évolution de cette application,
surtout en tenant compte du calendrier que s'était donné l'office
ou le gouvernement, en fait, parce qu'il s'agissait d'un calendrier que le
gouvernement avait approuvé par voie de règlement. Est-ce que
soit le ministre ou le président de l'office pourrait nous donner une
idée plus précise? On nous a dit qu'il y aurait 1934 entreprises
de 100 employés et plus qui étaient admissibles à l'aide
de l'office, ce qui me paraît peut-être un euphémisme
agréable pour exprimer...
M. Laurin: C'est l'esprit dans lequel la loi s'applique.
M. Lalonde: Un euphémisme agréable pour dire
à quelle date ces entreprises étaient obligées par la loi,
de façon coercitive, à traverser une certaine étape, soit
l'analyse linguistique, soit la présentation d'un programme de
francisation. J'aimerais qu'on soit plus précis. Est-ce qu'effectivement
il y avait 1934 entreprises de 100 employés et plus qui devaient faire
quoi, le 15 décembre 1979 ou au plus tard le 15 décembre
1979?
Charte de la langue française
M. Laurin: C'est-à-dire que je ne suis pas sûr
d'avoir été bien compris. Pour ces grandes entreprises qui
comptent plus de 100 employés, le délai était
antérieur au 15 décembre 1979. Quand j'ai parlé du 15
décembre 1979, il s'agissait de la première tranche, du premier
groupe des petites et moyennes entreprises comptant de 50 à 100
employés.
M. Lalonde: Oui, parce que vous avez répété
cette date. Alors, c'était auparavant. C'était le 15
décembre 1978?
M. Laurin: 1979.
M. Lalonde: Non, mais pour les...
M. Laurin: Pour les 1934 grosses entreprises de 100
employés et plus, le délai était antérieur
au...
M. Lalonde: Quelle était la date?
M. Laurin: M. Gosselin pourrait peut-être vous dire
cela.
Le programme a débuté avec les entreprises de 500
employés et plus au mois de janvier 1978. Il y a douze groupes
d'entreprises. Ces douze groupes auront débuté dans le processus
de francisation d'ici la fin de cette année, donc auront tous
débuté, de façon graduelle.
M. Lalonde: Si vous permettez, je ne veux pas vous perdre. J'ai
ici le tableau. L'entreprise et la Charte de la langue française,
à la page 24...
M. Laurin: C'est cela.
M. Lalonde: ... à la catégorie A, secteurs 1, 2 et
3, les entreprises de 500 employés et plus, la date
d'admissibilité à l'aide de l'office était le 7 janvier
1978; mais la date d'exigibilité, le certificat provisoire, le 7 mai
1978. Ce certificat provisoire est accordé à quelles conditions?
Est-ce qu'il est accordé seulement lorsque l'entreprise remet son
analyse linguistique?
M. Laurin: Non.
M. Lalonde: Quelles sont les conditions à remplir pour
obtenir ce certificat provisoire?
M. Laurin: Dans le cas de la grande entreprise, il faut que cette
entreprise ait remis à l'office un document qui s'appelle "Document de
renseignements généraux", c'est-à-dire qu'à ce
moment elle ne fait que donner quelques détails sur l'entreprise; et,
à l'endos du document, cette entreprise doit aussi nous faire part des
noms des six personnes au minimum qui composent son comité de
francisation, le poste qu'elles occupent dans l'entreprise, ainsi que le poste
qu'elles occupent au comité. (15 h 45)
M. Lalonde: Bon! Sans entrer dans les détails, je veux
m'en tenir à l'évolution d'un dossier d'une entreprise de la
catégorie A des secteurs 1, 2 et 3. Le 7 mai 1978, le certificat
provisoire est accordé à ces entreprises si celles-ci remettent
le formulaire que vous nous avez décrit.
M. Laurin: C'est ça.
M. Lalonde: Quel délai avaient ces entreprises pour
préparer l'analyse linguistique?
M. Laurin: Dans la prochaine année... M. Lalonde:
Un an?
M. Laurin: ... on doit faire deux choses: on doit préparer
l'analyse linguistique, ainsi que, si nécessaire, un programme de
francisation.
M. Lalonde: Bon! Le 7 mai 1979... M. Laurin: Oui.
M. Lalonde: ... pour toutes ces entreprises, l'analyse
linguistique avait dû être faite déjà dans ce
délai...
M. Laurin: Vous avez raison.
M. Lalonde: ... et le programme de francisation avait dû
aussi être composé ou, enfin, négocié aussi?
M. Laurin: Oui, d'accord.
M. Lalonde: Bon! Combien de ces grandes entreprises n'ont pas eu
besoin d'un programme de francisation?
M. Laurin: Nous avons remis 22 certificats permanents sur un
groupe de 113. Dans la catégorie A, il y a 113 entreprises...
M. Lalonde: 113.
M. Laurin: ... qui emploient plus de 500 personnes au
Québec.
M. Lalonde: Cela, c'est pour les trois secteurs 1, 2 et 3,
catégorie A.
M. Laurin: C'est ça, vous avez raison.
M. Lalonde: Alors, sur 113 entreprises, il y en a 22, je crois,
avez-vous dit?
M. Laurin: Certificats permanents...
M. Lalonde: Sans programme de francisation, l'état de la
langue française dans ces entreprises était tel que...
M. Laurin: Elles avaient le niveau de francisation voulu par la
loi et les règlements.
M. Lalonde: Bon! Les 90 autres ou à peu près ont
préparé un programme de francisation...
M. Laurin: C'est ça.
M. Lalonde: ... qui devait être prêt pour je
ne sais pas le 7 mai 1979?
M. Laurin: Le 7 mai 1979, oui, vous avez raison.
M. Lalonde: Bon! Nous sommes rendus à juin 1980. Est-ce
que ces 93 ou 90 entreprises ont leur programme de francisation accepté
et tout?
M. Laurin: Nous avons demandé à 88 entreprises de
nous faire parvenir un programme de francisation et nous avons reçu,
jusqu'à ce jour, 72 analyses linguistiques de la part de ces grandes
entreprises.
M. Lalonde: Analyses ou programmes de francisation?
M. Laurin: Programmes, excusez-moi.
M. Lalonde: Programmes. Ces 72 programmes de francisation sont
parvenus à l'office?
M. Laurin: C'est ça.
M. Lalonde: Ils ont été acceptés?
M. Laurin: Nous avons négocié et approuvé,
jusqu'à ce jour, 42 de ces programmes.
M. Lalonde: Bon! On tombe un peu... On est parti de 113, on est
rendu à 42. Il faut dire qu'il y en a 22 qui sont
déjà...
M. Laurin: Plus 22...
M. Lalonde: Oui, qui n'ont pas eu besoin de faire de programme de
francisation.
M. Laurin: ... à qui on a déjà...
M. Lalonde: Alors, dans votre délai, le 7 mai 1979, ces
entreprises devaient donc faire ou avant le 7 mai l'analyse
linguistique et leur programme de francisation au besoin, accepté,
signé, scellé. Mais on est rendu un an et un mois plus tard et il
y en a seulement 42 sur 88 la moitié qui ont
complété leur pensum.
M. Laurin: 42 avec qui on a terminé les
négociations.
M. Lalonde: Et ça s'est terminé dans les mois qui
ont précédé, c'est-à-dire récemment?
M. Laurin: Oui, ça, ce sont les chiffres
d'aujourd'hui.
M. Lalonde: D'aujourd'hui. M. Laurin: Oui, d'accord.
M. Lalonde: Oui, mais je veux dire que c'est possible que, parmi
ces 42, il y en ait plusieurs qui étaient déjà en retard.
Tout ce processus n'avait pas été terminé le 7 mai
1979?
M. Laurin: D'accord.
M. Lalonde: Donc, il y a un retard, d'après ce que je
comprends et d'après les renseignements qu'on peut glaner ici et
là, d'un peu plus d'un an...
M. Laurin: C'est-à-dire qu'il y a des retards qui, dans
certains cas, vont de quelques mois à plusieurs mois, c'est un fait.
Nous nous sommes questionnés, bien sûr, sur les raisons de ce
retard. Les réponses que nous nous sommes données, c'est que ces
retards proviennent essentiellement du fait que les processus d'analyse
linguistique, les activités d'une entreprise, ainsi que
l'élaboration des programmes de francisation constituent quelque chose
d'entièrement nouveau dans ces cas-là pour les entreprises et
que, bien souvent, l'entreprise n'était pas organisée pour y
faire face.
Cela peut expliquer qu'elles nous ont demandé des délais
pour s'organiser et pouvoir le faire,
mais je pense qu'elles sont en train de corriger ces carences. Dans
d'autres cas, même lorsque l'entreprise était organisée, il
a pu se présenter des problèmes concrets sur lesquels M. Gosselin
pourra vous donner plus de lumière, des problèmes concrets qui
ont exigé une prolongation des délais prévus au
départ.
Dans d'autres cas, le processus de francisation a exigé la mise
en place de mécanismes inédits de transmission des
renseignements, par exemple au sein d'une entreprise; en plus, l'office, dans
certains cas, dans le cas des grandes entreprises en particulier, avait pris la
décision de négocier individuellement avec les unités
organi-sationnelles et dans des "holdings" ou dans des compagnies qui
possèdent plusieurs types d'activités, il pourrait se trouver
plusieurs types d'unités organisationnelles. Le type de
négociation pouvait varier selon qu'on avait affaire à un groupe
orga-nisationnel ou à un autre au sein de la même compagnie.
Cela a aussi été une autre cause de retard car on ne
pouvait donner le certificat provisoire ou permanent que lorsque toute
l'entreprise avait satisfait aux exigences posées par l'office pour les
divers types de groupes organisationnels.
Je pense qu'en général, à part les explications de
mauvaise volonté, il y en a eu quand même quelques cas, même
s'ils n'ont pas été très nombreux, ce sont là les
principales causes des retards que nous avons constatés, mais le
président de l'office m'assure de toute façon que l'objectif
final de 1983 que nous fixe la loi sera quand même respecté.
M. Lalonde: Je vous remercie pour ces explications parce que, M.
le Président, je relisais les propos du ministre de l'an dernier, le 31
mai 1979, donc, après la date limite du 7 mai qu'on a vue tout à
l'heure, et le ministre nous disait à la page B-4441 du journal des
Débats: "M. le député de Marguerite-Bourgeoys me pose des
questions additionnelles sur les problèmes quotidiens auxquels l'office
a eu à faire face, particulièrement dans la francisation des
entreprises". Il fait état de certains retards et il dit, un peu plus
loin: "... le retard que nous avions initialement a été
rattrapé en cours de route et il est en train de se rattraper, de telle
façon que nous pouvons affirmer maintenant, sans trop de risques de nous
tromper quelle réserve utile! que nous effectuerons cette
opération de francisation des entreprises dans les délais que
prévoyait la loi".
Remarquez que je comprends très facilement les problèmes
auxquels l'office a dû faire face et je suis très sympathique.
C'est du droit nouveau, c'est une opération difficile et immense. Ce
n'est pas du tout méchamment que je veux... Mais il reste que certains
commentaires qui nous sont passés de temps en temps sont dans le sens
que, quelquefois et ça me blesse un peu ce n'est pas
très sérieux parce qu'au fond, on attend que le temps passe. Je
n'aime pas personnellement entendre ces commentaires et je voudrais que nous
soyons tous conscients que ces retards je comprends que vous travaillez
très fort pour les rattraper sont interprétés dans
certains milieux de l'entreprise comme un manque de sérieux de la part
de l'office et que, la démarche politique ayant été faite,
ayant été "un succès", au fond il s'agit de faire semblant
que ça marche.
J'espère que les gens de l'office sont conscients de ce danger,
parce qu'on me dit, dans certaines entreprises, qu'il y a jusqu'à 14
mois de retard, qu'on est en train de faire actuellement ce qui aurait dû
se faire il y a 14 mois. Mais ça commence à être difficile
à rattraper surtout que vous faites face constamment à de
nouvelles échéances et dans des secteurs que je dirais
peut-être que vous allez dire aussi, peut-être que vous l'avez
même dit ou que quelqu'un l'a dit plus difficiles,
c'est-à-dire la petite et la moyenne entreprise, par le nombre et par la
pénurie de ressources. Je me demandais s'il ne serait pas plus
réaliste de la part du gouvernement, avec l'office, de réviser un
calendrier qui, de toute façon, n'est plus réaliste.
M. Laurin: Je ne suis pas prêt à admettre encore que
ce calendrier n'est pas réaliste; ça demeure vrai qu'il y a
certains retards qu'on réussit à rattraper quand même et je
pense que M. Gosselin pourrait en témoigner, malgré certains
retards parfois assez sérieux. Je pense que des entreprises comme
l'office peuvent donner un effort additionnel et réussir à
rattraper ces retards, surtout quand il s'agit de problèmes concrets que
nous parvenons à identifier et à corriger. Je ne sais pas si M.
Gosselin pourrait donner des exemples.
M. Lalonde: Avant qu'il ne réponde, j'aimerais attirer son
attention. M. le ministre nous a donné tout à l'heure quelques
raisons de ces retards qui m'apparaissent tout à fait valides. Mais le
président de l'office, dans son rapport moral je ne sais pas ce
qu'il a de plus moral que le reste c'est probablement un beau titre, je
ne me suis pas attaché au titre, j'ai vu le contenu, nous disait
à la page 9: "D'une façon générale, la grande
entreprise a très bien répondu aux exigences de la charte, etc.
Il demeure que ce programme a été retardé de quelques
mois". Et il poursuit: "II ne faut pas oublier que le règlement
régissant les sièges sociaux et les laboratoires de recherche n'a
été publié de façon définitive que le 20
décembre 1978". Il semble que ce soit la seule cause du retard qui soit
au moins mentionnée à ce moment-là, ce qui n'est pas tout
à fait conforme à ce qu'on vient d'entendre. Est-ce que vous vous
entendez sur...
M. Laurin: C'est contradictoire, mais j'ai complété
la liste des cas pouvant expliquer ce retard.
M. Lalonde: Alors, le président de l'office est bien
conscient que ce n'est pas à cause du retard à la publication
d'un règlement que l'opération elle-même a accusé un
an ou quelques mois de retard dans plusieurs cas. On en a ici une trentaine
parmi les 72 sur les 88 exigés qui sont encore dans le
décor, ceux qui sont dans le processus de négociation, demain ou
après-demain, il y en aura d'autres de cernés, mais, entre-temps,
vous avez aussi les nouveaux cas à régler. Par exemple, je vois
que, dans la catégorie J. pour le secteur 8, les entreprises de 100
à 500 employés, vous avez une échéance du 7
septembre 1980. Est-ce que vous êtes en retard dans cette
catégorie-là aussi?
M. Laurin: Catégorie J. 154 entreprises.
M. Lalonde: Vous avez 154 entreprises. Le 7 mai 1980 était
la date d'admissibilité à l'aide de l'office et le 7 septembre
1980 est la date d'exigibilité du certificat provisoire. On ne leur
demande pas beaucoup de choses pour le certificat provisoire. C'est
après qu'ont lieu l'analyse linguistique et le programme de francisation
au besoin.
M. Laurin: C'est cela.
M. Lalonde: Prenons donc le précédent, le I).
Combien d'entreprises avons-nous dans ça?
M. Laurin: 209.
M. Lalonde: 209. Le 7 janvier 1980 était la date
d'admissibilité à l'aide de l'office et le 9 mai 1980, donc il y
a quelques jours, la date d'exigibilité du certificat provisoire. Est-ce
que ces 209 ont obtenu leur certificat provisoire?
M. Laurin: Non. (16 heures)
M. Lalonde: Combien ne l'ont pas?
M. Laurin: Au 30 mai 1980, 36 entreprises avaient reçu
leur certificat provisoire.
M. Lalonde: Voyez-vous, on en a 36 sur 209, non pas au 7 mai,
mais au 30 mai 1980, qui se sont conformées. On voit que ce retard est
poussé... J'imagine que, si on allait je n'ai pas l'intention de
faire toutes les catégories, on a autre chose à faire mais
je présume que ces retards, il y a une espèce de retard qui
pousse les catégories les unes après les autres.
M. Laurin: Je me permets de vous dire que, dans cette même
catégorie, nous avons reçu 114 formulaires de renseignements
généraux.
M. Lalonde: Mais ça, c'est la chose la plus simple
à faire; 114 sur 209, ça me surprend que vous n'en ayez pas
reçu 209.
M. Laurin: Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que ce formulaire
ne donne pas automatiquement à l'entreprise un certificat provisire. Il
demeure qu'il y a certaines vérifications à faire. Donc, ce que
je vous dis, c'est que, théoriquement, nous pourrions avoir
décerné déjà 114 cer- tificats, mais nous n'en
avons décerné que 35, parce que nous devons analyser ces
documents, voir à ce que l'entreprise soit conforme, que le
comité de francisation soit formé. Il peut y avoir des erreurs
dans la présentation, enfin, il y a tout ça. Donc, il y a une
vérification à faire de chacun, c'est fait de façon
très...
M. Lalonde: Entre les catégories A et H, quelle est la
catégorie qui comprend le plus grand nombre d'entreprises?
M. Laurin: Entre la catégorie A...
M. Lalonde: Vous en avez 113 dans A, 209 dans I, est-ce qu'il y a
une catégorie de 500?
M. Laurin: Entre la catégorie A et la catégorie H,
c'est la catégorie E, 172.
M. Lalonde: 172. Dans la catégorie E,
l'échéance pour la date d'admissibilité, c'est le 7
août 1979; donc, le 7 août 1980, dans deux mois, ces 172
entreprises auront dû compléter leur analyse linguistique,
préparer, négocier et obtenir l'accord de l'office sur le
programme de francisation, le cas échéant. Est-ce que vous pouvez
nous donner une description de l'état du dossier dans cette même
catégorie?
M. Laurin: Vous avez bien dit le 7 août 1980. M.
Lalonde: Oui, parce que c'est le 7 août... M. Laurin: ... non
d'accord, ça va.
M. Lalonde: ... 1979 qu'était la date
d'admissibilité.
M. Laurin: Je voulais simplement m'assurer qu'on avait les bonnes
notes. Dans cette catégorie, nous avons: renseignements
généraux reçus, 166; certificats provisoires
décernés, 162; analyses linguistiques reçues, 136;
ententes particulières demandées, 11.
M. Lalonde: Ce sont les sièges sociaux?
M. Laurin: Oui, ceux qui demandent une' entente
particulière, ça va? Nous avons déjà
décerné 8 certificats permanents.
M. Lalonde: D'ici deux mois, l'échéance du 7
août va arriver et il vous reste à peu près 150 certificats
de francisation à recevoir, si vous ne les avez pas reçus,
à examiner, à négocier et à accepter, d'ici deux
mois.
M. Laurin: Nous avons 170 certificats.
M. Lalonde: Vous avez 170 certificats provisoires
donnés.
M. Laurin: Oui, d'accord.
M. Lalonde: La seule chose que vous ne nous avez pas dite, c'est
combien d'entreprises ont reçu une demande de programme de francisation,
parmi ces 162, de la part de l'office.
M. Laurin: Programmes de francisation demandés...
M. Lalonde: Est-ce 136?
M. Laurin: J'ai dit analyses linguistiques reçues à
l'office, c'est 136.
M. Lalonde: D'accord.
M. Laurin: Nous avons reçu 136 analyses linguistiques
sur...
M. Lalonde: ... sur 172.
M. Laurin: ... sur une possibilité de 172.
M. Lalonde: II y en a déjà 36 qui n'ont même
pas, à deux mois de l'échéance, produit leur analyse
linguistique. Maintenant, sur les entreprises qui ont produit leurs analyses
linguistiques, de combien avez-vous exigé un programme de
francisation?
M. Laurin: 51.
M. Lalonde: Sur les 136 entreprises, il y en a 85 dont le
français est la langue de travail, qui ne recevront pas de
demande...
M. Laurin: Je m'excuse. On a exigé de 51 d'entre elles un
programme de francisation.
M. Lalonde: Et vous avez donné un certificat aux autres ou
si vous n'êtes pas rendu là?
M. Laurin: Nous avons décerné un certificat
à huit de ces entreprises.
M. Lalonde: Les autres sont encore dans le processus.
M. Laurin: C'est ça.
M. Lalonde: Là aussi, il y a des retards sérieux.
C'est pour cela que j'en reviens à ma suggestion. Vous en ferez ce que
vous voudrez. Mais il me semble que le calendrier n'est plus
réaliste.
M. Laurin: J'aimerais peut-être, si vous me le permettez,
ajouter ceci. Les premières années, 1978, 1979 et l'année
1980, tous les trois mois, à peu près, nous admettions à
l'aide de l'office un nouveau groupe d'entreprises. Donc, il y a un effet
cumulatif.
Le dernier groupe d'entreprises deviendra admissible à l'aide de
l'office le 7 août 1980, donc dans quelques mois et, à compter de
cette date, nous n'ajouterons plus de nouvelles entreprises. Elles seront
toutes là et, à compter de cette date, il nous reste trois ans et
quatre mois avant l'échéance qui dit qu'à la fin de 1983
toutes les entreprises devront posséder un certificat de francisation.
C'est ce que dit la loi.
M. Lalonde: A quel article de la loi vous
référez-vous? Votre calendrier était beaucoup plus
comprimé que ce que la loi exigeait.
M. Laurin: Oui. C'est l'article 136. M. Lalonde: Oui, je l'ai
vu.
M. Laurin: Vous l'avez vu. Très bien. Le règlement
a donné certaines échéances...
M. Lalonde: Plus rapprochées.
M. Laurin:... plus rapprochées. Mais ce que je dis, c'est
ce que la loi dit, à la fin de 1983. Je me permets d'ajouter ceci et
nous comptons énormément sur ces données où il n'y
aura pas d'autres entreprises qui vont venir s'ajouter. Là, on va
pouvoir réellement se concentrer et travailler sur ce groupe. C'est pour
cela que nous avons serré l'échéancier au début.
Plus on demande vite, plus on a des chances d'avoir vite.
M. Lalonde: Mais plus aussi il faut répondre à la
demande pour ne pas créer de mauvaises habitudes. Est-ce que les
effectifs de l'office qui sont autour de 500 actuellement, sont suffisants pour
répondre à cette demande qui est générée par
le règlement?
M. Laurin: Ce n'est pas 500; j'ai fait une erreur de 100. C'est
399 permanents, plus 31 à la commission de toponymie.
M. Lalonde: Est-ce que vous avez des effectifs suffisants pour
répondre à cette pression énorme?
M. Laurin: Je crois que oui.
M. Lalonde: Vous ne prévoyez pas augmenter les effectifs
de l'office pour ensuite les réduire?
M. Laurin: Non. Dans le groupe qui s'occupe des programmes de
francisation dans l'entreprise et l'administration, nous avons une centaine de
personnes qui travaillent. Et je crois que c'est suffisant.
M. Lalonde: En ce qui concerne les organismes publics, les 107
certificats accordés, tel que mentionné par le ministre
tantôt, sur les 3383 organismes touchés par la loi, est-ce que ce
sont des certificats de francisation?
M. Laurin: Dans ce cas, nous avons remis à 107 organismes
différents un certificat de conformité, c'est-à-dire que
ces organismes ont atteint le niveau de francisation voulu par la loi et les
règlements. Nous avons aussi approuvé cinquante programmes de
francisation pour un total de 157.
M. Lalonde: Quelle est l'échéance, d'après
le règlement?
M. Laurin: Ils ont jusqu'à la fin de 1983, mais nous
négocions naturellement à l'intérieur de cela.
M. Lalonde: Quand le ministre nous dit que 100% des
municipalités ou enfin des commissions scolaires, des organismes se sont
acquittés de leur obligation légale, il s'agissait de cette
espèce de formulaire initial ou était-ce l'analyse linguistique
aussi?
M. Laurin: C'est à la fois, dans le cas des organismes, de
l'administration qu'ils préparent. Nous nous sommes servis de la
même formule pour ce que nous appelons les PME. Ils préparent
à la fois l'analyse linguistique et le programme de francisation.
M. Lalonde: Et le programme de francisation!
M. Laurin: Oui, c'est-à-dire qu'ils doivent s'y conformer,
par exemple, dans l'affichage, dans certains domaines. Ils nous disent: Voici
notre situation linguistique. Ce qui ressort de cela, ce sont les endroits
où, par exemple, une municipalité n'y est pas conforme. Ces cas
d'exception, on les fait ressortir et on nous dit: A telle date, cette
situation sera corrigée. On nous fixe aussi la date
d'échéance. A la fois ils font l'analyse et ils nous donnent
aussi l'échéancier qu'ils se proposent pour régulariser
leur situation. La même chose se fera du côté de la PME, la
petite et moyenne entreprise.
M. Lalonde: Ah bon! Vous allez simplifier le processus aussi pour
la PME. C'est ce que vous aviez dit à la fin de vos propos.
M. Laurin: Oui.
M. Lalonde: Cela se trouve à accélérer un
peu le processus. Est-ce que c'est ce formulaire qui contient à la fois
l'analyse et le programme de francisation que vous avez reçu de 100% des
organismes?
M. Laurin: Oui, nous les avons reçus. Ils sont à
l'office; ils sont à être analysés.
M. Lalonde: Jusqu'à maintenant, vous en avez
accordé 107 de conformité et vous avez 50 programmes de
francisation sur le même formulaire?
M. Laurin: Notre objectif, d'ici la fin de l'année, c'est
1000.
M. Lalonde: De l'exercice financier ou de l'année de
calendrier?
M. Laurin: Cette année, de l'année 1980.
M. Lalonde: Peu de gens, sauf ceux dans l'entreprise, savent ce
qu'est un programme de francisation...
M. Laurin: Oui?
M. Lalonde: ... ce qui est, en fait, une intervention assez
récente. Quels sont les principaux écueils que vous rencontrez,
les problèmes qui reviennent régulièrement dans la
négociation des programmes de francisation?
M. Laurin: C'est surtout dans les documents écrits,
c'est-à-dire les catalogues, les manuels qui proviennent à
l'entreprise de l'extérieur du Québec, je pense, par exemple, du
côté américain ou d'ailleurs, à des documents qui
sont là. Il est bien entendu que le programme de francisation repose
principalement sur le travail écrit, c'est-à-dire les manuels,
les catalogues, les rapports, parce que ce qui est écrit, naturellement,
laisse des traces, tandis que la partie verbale n'en laisse pas tellement.
C'est de ce côté qu'il y a des difficultés
particulières.
M. Lalonde: Vous savez que vous avez une marge de manoeuvre assez
grande.
M. Laurin: Oui.
M. Lalonde: Quelle attitude avez-vous vous-mêmes rendue
publique, c'est-à-dire votre attitude de souplesse ou de
flexibilité...
M. Laurin: Oui, absolument.
M. Lalonde: ... à l'égard de ces documents
écrits, ces catalogues? Exigez-vous une proportion? Je me souviens, il y
a quelques années, je pense que c'était dans les études de
la commission Gendron, que quelqu'un avait suggéré de traduire
seulement les catalogues qui sont régulièrement au service des
employés ou que les employés sont appelés à
consulter régulièrement. (16 h 15)
M. Laurin: Oui, d'accord.
M. Lalonde: Pour une proportion de ceux-là, il y avait un
pourcentage, mais je ne me souviens plus lequel. Est-ce que vous avez
adopté une règle?
M. Laurin: Non, nous discutons avec chaque entreprise. Nous avons
dit, à plusieurs reprises, qu'un programme de francisation, c'est fait
sur mesure pour l'entreprise. Nous discutons avec chacune d'entre elles de ces
problèmes. Il est bien entendu que le programme de francisation est
préparé par l'entreprise elle-même. Donc, l'entreprise nous
dit: On peut faire telle et telle chose, mais on a besoin de 12 mois, de 24
mois pour l'accomplir. Un des principes qui nous guident, c'est que l'objectif
de la loi et des règlements n'est pas négociable. Le temps
nécessaire pour accomplir ces choses dans un programme de francisation,
ainsi que les moyens, c'est négociable. Pour nous, c'est important. Je
me permettrai aussi d'ajouter ceci, si vous le voulez, bien que nous ayons
aussi un autre problème auquel nous faisons face. C'est
réelle-
ment un problème qui, à mon sens, est sérieux. Ce
sont les relations entre les entreprises établies au Québec et
leurs sièges sociaux établis à l'extérieur du
Québec, donc les relations écrites entre une filiale
établie au Québec et le siège social établi
à Toronto.
M. Lalonde: Quelle attitude adoptez-vous à l'égard
de leur rapport?
M. Laurin: C'est un domaine où nous essayons d'aller le
plus loin possible avec l'entreprise, négocier le plus loin possible
avec elle, de lui faire comprendre qu'il y a des choses qui sont absolument
nécessaires. Par exemple, ce qui touche l'employé, son contrat
d'assurance, enfin, tout cela doit être en français. Il y a
même des entreprises qui nous demandaient si elles pouvaient continuer
à donner un chèque de paie en anglais à un employé
du Québec. On a dit: Non, cela se fait en français. Il y a des
choses qui sont obligatoires. Il y a d'autres choses où elles ont des
problèmes, c'est bien évident. Ce que nous tentons de faire,
c'est de conclure une entente qui sera valide, dans ce domaine, pour une
période de temps, par exemple deux ans. On dit: On reverra cette
situation dans deux ans, parce qu'elles ne peuvent pas, dans le moment, aller
plus loin. Etant donné que cela ne donne pas complètement
satisfaction à l'office, on dit qu'il y a moyen d'aller plus loin que
cela. Donc, on accepte cette partie pour le moment, mais on revoit cette
situation dans un an ou dans deux ans.
M. Lalonde: Quel est le délai maximal ou la période
de temps maximale que vous avez jusqu'à maintenant accordé
à un programme de francisation? Deux ans, cinq ans, dix ans ou quoi?
M. Laurin: De façon générale?
M. Lalonde: Le plus étendu que vous avez accordé
jusqu'à maintenant dans les quelques centaines de cas que vous avez?
M. Laurin: Cinq ans. M. Lalonde: Cinq ans.
M. Laurin: C'est le maximum. Je m'empresse d'ajouter qu'un peu
plus de 80% on est en train de compléter une étude pour
moi, mais je peux vous donner ce chiffre des entreprises qui
préparent elles-mêmes le programme de francisation ne demandent
pas plus de trois ans pour compléter leur programme.
M. Lalonde: Au niveau des coûts?
M. Laurin: Dans quelques cas, on va aller au-delà de
cela.
M. Lalonde: Est-ce que les entreprises vous tiennent au courant
des coûts? Est-ce qu'elles peuvent tout d'abord établir ces
coûts? Est-ce que vous avez une idée de ce que cela coûte
pour un programme de francisation d'une entreprise de 1000 ou de 2000
employés, parce que c'est à ce niveau que vous en êtes
jusqu'à maintenant?
M. Laurin: J'ai justement fait compléter un travail
à ce sujet qui a été déposé sur mon pupitre
il y a quelques jours. C'est un travail assez volumineux. D'ici quelques mois,
nous serons certainement en mesure de donner des précisions en ce qui a
trait aux coûts de francisation, parce que, d'après moi, on a
abusé beaucoup de cela. On a parlé beaucoup des coûts, on a
parlé surtout des coûts, mais pas tellement des avantages. Il y a
aussi des avantages. Ce que je veux dire, c'est que, du côté des
coûts, souvent quand nous allons parler de francisation à une
entreprise, immédiatement cette entreprise parle de traducteurs à
l'intérieur de l'entreprise. Nous, on dit: Ce n'est pas
nécessairement des traducteurs que vous avez besoin. Vous avez
peut-être besoin de gens en place qui peuvent travailler en
français. Cela crée tout un autre... Donc, la question des
coûts, on en a peut-être un peu trop abusé de cela.
M. Lalonde: Vous en tenez compte dans les
négociations?
M. Laurin: Absolument. Un autre énoncé que nous
avons fait, c'est que nous ne placerions pas une entreprise
québécoise dans une situation qui pourrait réellement
l'embarrasser sur le plan financier. Cela est bien évident.
M. Lalonde: Est-il exact j'ai vu un article dans le
Devoir, je pense, ces jours-ci, une analyse ou une "enquête" faite par un
journaliste que pour ce que vous appelez les PME, ce que tout le monde
appelle les petites et moyennes entreprises, c'est la question des coûts
qui est la plus préoccupante ou qui vous est communiquée comme
étant l'obstacle majeur?
M. Laurin: Je dois vous dire qu'avec la petite et la moyenne
entreprise, nous venons de débuter.
M. Lalonde: Ah bon!
M. Laurin: D'accord? Donc, on ne peut pas à ce moment-ci
parler de coût.
Une des choses les plus difficiles, ce sont peut-être les
changements d'habitude. Par exemple, quand une compagnie se met à exiger
de ses fournisseurs qu'ils lui procurent sa marchandise maintenant en
français, avec des modes d'emploi en français, au fond, c'est
là le gros changement, la rupture dans les habitudes. C'est ce qu'il y a
de plus difficile, mais c'est aussi ce qu'il y a de plus important. Je pourrais
même ajouter une remarque générale sur l'administration
cette fois. Quant à moi, je me félicite beaucoup de cette
coopération pas mal extraordinaire qu'on a eue des organismes
administratifs qui, quand même, ont répondu rapidement à la
demande que nous leur avions faite de nous faire parvenir leur analyse de
la situation. Je pense que cette participation et cette collaboration
quasi totales vont avoir une importance considérable, même s'il
est encore trop tôt pour les évaluer quantitativement. On peut
prévoir que, justement, 3383 organismes qui se mettent à exiger
de leurs fournisseurs des produits en français, des modes d'emploi en
français, ça va avoir un effet très important sur le monde
de l'entreprise aussi, parce que, quand l'Etat, directement ou indirectement,
commence à mettre en jeu son poids économique pour obtenir de ses
fournisseurs des produits et des documents techniques ou publicitaires en
français, nous, nous croyons que ça crée un effet
d'entraînement considérable. Et peut-être que la seule note,
la seule réserve que nous mettrions ici, c'est le rôle
négatif, il faut bien l'admettre, que jouent les ministères
fédéraux et les sociétés fédérales de
la couronne, qui sont quand même nombreuses à oeuvrer au
Québec.
Pour le moment, nous ne pouvons pas vous donner une étude
détaillée de leur politique, qui se veut une politique de
bilinguisme institutionnel, cependant, nous possédons assez de
données pour dire que nous craignons beaucoup les effets que peuvent
avoir leurs habitudes actuelles de fonctionnement non seulement interne, mais
externe, notamment dans les relations qu'elles ont avec leurs fournisseurs et
les entreprises clientes. Bien souvent, ce bilinguisme institutionnel,
même au Québec, est gauchi en faveur de l'anglais et, dans les
meilleurs cas, c'est le bilinguisme institutionnel. Si on compare leurs
habitudes et leurs attitudes à celles justement de nos organismes
administratifs, il y a vraiment là une antinomie qui est
délétère pour le milieu. Nous craignons que ça
freine considérablement le processus de francisation.
On peut même vous dire qu'il y a certains ministères
fédéraux qui exigent de leurs entreprises clientes l'utilisation
du bilinguisme, alors même que ces entreprises clientes voudraient
n'utiliser que le français, conformément au programme qu'elles
négocient avec l'Office de la langue française. Ce sont les
ministères fédéraux qui, en l'occurrence, freinent d'une
façon délibérée et volontaire la francisation de
ces entreprises.
Cela nous apparaît d'autant plus scandaleux que ces mêmes
ministères ne semblent pas avoir une telle exigence pour les entreprises
qui ne voudraient utiliser que l'anglais. L'autre partie du scandale,
celle-là est encore plus grande, c'est que ces ministères et
organismes fédéraux à l'extérieur du Québec
n'ont pas du tout les mêmes exigences de bilinguisme à
l'intérieur du Québec.
C'est un problème qu'a mentionné M. Allaire dans
l'étude qu'il a faite pour l'institut C.O.Howe. Je pense que vous
connaissez bien M. Allaire et l'étude. Il y a là un consensus, au
fond, de tous les partis pour exiger que les ministères
fédéraux, les sociétés de la couronne au
Québec se mettent à l'heure des exigences légitimes et
véritables de la francisation du Québec.
M. Lalonde: Je suis convaincu, M. le ministre, que dans la
démarche que votre gouvernement fait pour le renouvellement du
fédéralisme, vous saurez faire un dossier solide et vous aurez
l'appui de l'Opposition sûrement à ce moment-là, pour voir
à ce que justement...
M. Laurin: Je suis bien heureux de vous l'entendre dire. On va se
scandaliser à hauts cris et je pourrai arguer de l'appui de l'Opposition
officielle aux demandes que nous faisons.
M. Lalonde: Vous nous montrerez votre projet auparavant. Ce n'est
pas un chèque en blanc qu'on vous donne.
M. Laurin: C'est quand même un problème
sérieux.
M. Lalonde: Oui, c'est sérieux, d'ailleurs, je m'attendais
que le fédéral en prenne un peu pour son rhume ici cet
après-midi...
M. Laurin: ... à ce titre.
M. Lalonde: Oui, c'est fait. Il reste quand même que...
M. Laurin: ... aussi a concouru dans ce sens dans sa
conférence de presse.
M. Lalonde: Je m'excuse, je ne le sais pas.
M. Laurin: Oui, nous ne sommes pas les seuls à critiquer
le fédéralisme. Les institutions fédérales de ce
temps-là...
M. Lalonde: Non, mais on peut les renouveler comme vous, comme
tous les nouveaux fédéralistes recyclés.
Je n'ai pas beaucoup d'autres questions sur la francisation
elle-même. J'aimerais, si c'était possible on ne peut pas
demander un dépôt de documents faire distribuer aux membres
le tableau à moins qu'il ne soit confidentiel dont vous
vous serviez pour répondre aux questions sur le nombre d'entreprises qui
ont... Autrement dit, le bilan de la francisation actuelle. Ce serait beaucoup
plus facile pour nous de suivre l'éminent travail que l'office poursuit
actuellement.
M. Laurin: Je ne peux rien refuser au député de
Marguerite-Bourgeoys, il me fait plaisir de déposer ce tableau...
M. Lalonde: Je vous remercie.
M. Laurin:... qui s'intitule Statistiques concernant la grande
entreprise.
M. Lalonde: C'est avec beaucoup d'intérêt que nous
suivrons l'évolution de l'effort de francisation.
Il y a toutefois un petit problème que j'avais soulevé
enfin je ne l'avais pas soulevé, ce n'est pas moi qui l'ai
soulevé ou mentionné plutôt, l'an dernier, et qui
devait être réglé dans les jours qui ont suivi, c'est au
sujet de la Presse. Est-ce que le problème est réglé?
M. Laurin: C'est-à-dire que le problème est en
train de se régler en ce sens que...
M. Lalonde: Encore en train de se régler.
M. Laurin:... la Presse se sent de plus en plus isolée sur
son île déserte, parce que toutes les autres entreprises et
particulièrement les entreprises de presse ont obtempéré
aux exigences de la loi...
M. Lalonde: Mais à part la culpabilisation qui n'a pas
très réussi au dernier référendum d'ailleurs,
est-ce que vous allez prendre des mesures musclées?
M. Laurin: L'attitude des entreprises de même type
constitue la meilleure condamnation qui soit à l'intransigeance
dogmatique effrénée du représentant de la Presse. Il va se
trouver tout seul à avoir le pas, c'est peut-être la consolation
qu'il recherche. Pour le moment, nous continuons les négociations.
M. Lalonde: Mais la loi est là, M. le ministre, vous avez
vous-même demandé à tous les législateurs...
M. Laurin: Si...
M. Lalonde: ... de vous donner, par la loi, les moyens
nécessaires, le muscle et vous l'avez eu...
M. Laurin: Si vous m'adjurez de transmettre le dossier de ce pas
au Procureur général pour qu'il intente une poursuite, je vais y
penser sérieusement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Vanier. (16 h 30)
M. Bertrand: Justement pour parler des cas isolés, tout
à l'heure, le président de l'office nous a dit qu'il y avait 22
certificats qui avaient été émis aux entreprises de 500
employés et plus et 88 qui étaient en négociation ou sur
lesquels il y avait du travail dans le processus qui est en train de se faire.
On n'arrive pas à un chiffre de 113. Il y a trois entreprises qui ne
font l'objet d'aucune démarche en ce moment?
M. Laurin: II y a quelques entreprises, dont la Presse, qui n'ont
pas de certificat.
M. Lalonde: II y en a d'autres à part la Presse?
M. Laurin: II y en a d'autres qui sont mentionnées au
rapport que vous avez en main.
M. Lalonde: Le rapport que vous venez de nous transmettre.
M. Laurin: Non, le rapport que vous consultiez.
Le rapport moral.
M. Lalonde: Le rapport moral.
M. Bertrand: Est-ce qu'il y aurait trois entreprises, parce qu'on
parlait tantôt d'un chiffre de 113?
M. Laurin: II y a la Banque Royale, la Banque de
Montréal.
M. Lalonde: J'ai vu dans votre rapport qu'il y avait
Cummings...
M. Laurin: Oui, Cummings, c'est-à-dire qu'il y avait le
Canadien Pacifique et j'explique la situation, en ce qui a trait au Canadien
Pacifique. Ils se sont dotés d'un programme parallèle volontaire,
alors... D'ailleurs, ça va très bien avec Canadien Pacifique et
aussi avec les deux autres banques, mais c'est pour des raisons
constitutionnelles et non pas pour des raisons... Ce n'est pas que ces gens ne
veulent pas travailler avec nous, mais, pour des raisons constitutionnelles,
ces gens disent que des programmes de francisation ne s'appliquent pas à
eux, pour des raisons juridiques.
M. Lalonde: Pour revenir à la Presse, d'après une
entrevue ou une conférence, je ne sais pas, que vous aviez
donnée, qui est rapportée dans le Soleil du 20 mars 1980, vous
disiez ceci, on vous prête ces propos: On songe à prendre des
mesures, a indiqué hier au Soleil le président de l'organisme
gouvernemental, M. Raymond Gosselin, qui est cependant demeuré avare de
commentaires. Est-ce que vous êtes encore en période de
réflexion après presque trois mois.
M. Laurin: C'est un commentaire que j'ai fait publiquement. Ce
que j'ai dit au journaliste, c'est que j'avais d'autres chats à fouetter
qui étaient plus importants que de m'acharner sur le dossier de la
Presse. J'ai l'impression que l'isolation dont on parlait, c'est un
phénomène qui est là. Il y a d'autres entreprises qui,
à mon sens, sont aussi francophones que prétend l'être la
Presse, qui ont déjà obtenu des certificats. J'ai l'impression
que c'est une solution, que c'est un problème qui va
éventuellement se régler. S'il ne se règle pas, il s'agira
de décider des recours que nous avons à l'intérieur de la
loi.
M. Lalonde: Quel délai est-ce que vous vous accordez pour
fouetter d'autres chats avant de prendre les décisions qui concernent la
Presse?
M. Laurin: On attend qu'elle achève de se clouer au pilori
de l'opinion publique.
M. Lalonde: Cela peut être long.
M. Laurin: Cela dépend de son degré de
résistance intérieure.
M. Lalonde: Parce qu'il semble que son isolement ne soit pas tout
à fait absolu. Apparemment, il y en a quelques autres aussi qui
résistent.
M. Laurin: Non, c'est un cas vraiment unique en son genre, sui
generis. Parce que c'est la seule véritable entreprise de presse
francophone qui se vante d'ailleurs de l'être.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Vanier.
M. Bertrand: M. le Président, de la même
façon qu'on a vu pendant le référendum qu'il y avait dans
cette entreprise des centaines de personnes qui y travaillent et qui pouvaient
adopter des attitudes qui pouvaient différer de celle de la direction de
l'entreprise, et les exprimer ouvertement, est-ce que le président...
Non, ce n'est peut-être pas au président que je pourrais poser la
question, parce que c'est un peu de nature politique, je vais la poser au
ministre, est-ce qu'on peut imaginer qu'une des façons de
dénoncer une telle situation pourrait venir de l'initiative même
des gens qui travaillent à la Presse. Je parle des employés
eux-mêmes de la Presse qui pourraient dénoncer une telle situation
et est-ce qu'ils ne peuvent pas participer plus étroitement à
l'initiative d'engager le processus avec l'Office de la langue
française?
M. Laurin: C'est sûr que ce serait une hypothèse
intéressante à étudier que celle d'une pétition
pour la francisation de la Presse, de ce qui reste à franciser à
la Presse, qui pourrait venir des employés, parce que c'est notre
conviction qu'il y a quand même quelques efforts additionnels de
francisation qui pourraient être faits à la Presse. Par exemple,
au niveau justement des relations avec les fournisseurs de la Presse, qu'il
s'agisse de matériel typographique, de papier ou d'instruments
nécessaires pour la réparation des machines, on pourrait donner
une vingtaine d'autres exemples, qui nous viennent justement des
négociations que nous avons menées avec d'autres entreprises
similaires.
M. Lalonde: Voyez-vous, je ne connais pas assez le dossier pour
exprimer une opinion avertie, sur la question de la Presse en particulier et en
général sur les autres "délinquants", mais le ministre
nous a suppliés, lors de l'étude de ce projet de loi, de lui
accorder notre appui et de lui permettre d'inclure dans la loi des pouvoirs
très grands, en fait de nature pénale et, ensuite, il ne s'en
sert pas. Est-ce qu'il a changé d'idée, est-ce qu'il veut
toujours...
M. Laurin: Non.
M. Lalonde: ... faire amender la loi pour remplacer les
pénalités par le clouage au pilori de l'opinion publique?
M. Laurin: Non, mais la sagesse recommande aussi d'utiliser
à bon escient les multiples instruments de pression que nous pouvons
avoir à notre disposition et peut-être que, dans ces
cas-là, la condamnation morale que l'éditeur en chef de la
Presse s'inflige lui-même est peut-être la meilleure et la
plus efficace condamnation qui soit.
M. Lalonde: Cela n'a pas l'air tellement souffrant.
M. Laurin: II y a justement des dérèglements qui
sont plus difficiles à guérir dans certains cas que dans
d'autres, je suis bien prêt à l'admettre.
M. Lalonde: Vous savez, M. le ministre, je ne veux pas sauter aux
conclusions, mais je serais fort tenté, d'après votre attitude,
de conclure que la sagesse se trouvait plutôt dans la loi 22 qui
était justement inspirée de l'incitation et de la pression de
l'opinion publique plutôt que du recours aux pénalités.
M. Laurin: Je pense que cet exemple est véritablement
l'exception qui confirme la règle, parce que je vous ai dit qu'à
la Commission de surveillance de la langue française, les mises en
demeure que nous avons faites sont l'étape avant la poursuite par le
Procureur général, et elles ont été souvent
très efficaces, pour ne pas dire à 100%.
M. Lalonde: Est-ce qu'il y a eu plusieurs mises en demeure en ce
qui concerne la francisation, c'est-à-dire le respect du calendrier pour
produire l'analyse linguistique et préparer le programme de francisation
dans les délais?
M. Laurin: Je ne sais pas, M. Gosselin pourrait vous
répondre, mais je pense qu'il pourrait vous dire et moi aussi je le dis,
qu'il est souvent très utile, de pouvoir utiliser le spectre même
d'une épée de Damoclès, même si jamais on ne s'en
sert.
M. Lalonde: Elle n'a pas l'air d'avoir beaucoup de succès
avec la Presse, votre épée de Damoclès.
M. Laurin: Le spectre même de son utilisation possible peut
s'avérer très efficace.
M. Lalonde: J'ai l'impression que c'est plutôt un spectre
qu'une épée.
M. Laurin: Puisque la crainte, c'est le commencement de la
sagesse. Mais, dans ce cas-là, je pense qu'on a affaire à un
phénomène de réfrac-torité qui est rare, mais dont
il faut bien noter l'existence. De toute façon, notre réflexion
continue, à cet égard, comme elle peut se poursuivre sur tous les
cas très spéciaux, très très spéciaux qui
peuvent être soumis à notre attention.
M. Lalonde: Merci. Maintenant, est-ce que je peux avoir une
réponse à la question précise que j'ai posée,
à savoir s'il y a eu des mises en demeure concernant la
production...
M. Laurin: Oui, de notre part, sous différentes formes,
lettres, télégrammes, nous avons même convoqué
devant les membres de l'office certaines entreprises. Je me permets de vous
dire, sans les
nommer, que, la semaine dernière, vendredi dernier, nous tenions
une réunion de l'office et quatre entreprises vont parader devant
l'office pour venir s'expliquer devant nous. C'est une réunion
d'ailleurs, je dois vous l'avouer, qui a été extrêmement
fructueuse. Alors, nous avons des moyens de pression, nous aussi, à
l'intérieur de l'office.
M. Lalonde: En ce qui concerne la commission de surveillance,
est-ce qu'elle a envoyé des mises en demeure concernant les retards?
M. Laurin: M. Forget pourra vous répondre quand on en aura
terminé avec l'office. Mais oui, des mises en demeure ont aussi
été envoyées à la commission de surveillance. La
plupart du temps, ça suffit.
M. Lalonde: Mais le ministre se refuse à prendre les
moyens que le législateur lui a confiés.
M. Laurin: C'est-à-dire que mon expérience clinique
m'enseigne que, dans certains cas très spéciaux, il faut
consentir à pousser longtemps sa réflexion.
M. Laionde: A quel moment devient-on incurable dans votre
expérience clinique?
M. Laurin: C'est la question que je suis en train de me
poser.
M. Lalonde: .. On sait que le comité de francisation, en
particulier, était un écueil, en ce qui concerne la Banque
Provinciale, si je me souviens bien. Est-ce que vous avez eu aussi beaucoup
d'objections à la formation de comités de francisation par les
entreprises qui, d'autre part, étaient prêtes à se
soumettre au processus?
M. Laurin: Non.
M. Lalonde: J'aimerais poser seulement une question de
renseignement en ce qui concerne la banque de terminologie. Tout d'abord,
j'aimerais féliciter l'office et ceux qui, en particulier, sont
responsables du développement de cette banque qui est devenue
considérable et vous demander combien de terminaux sont
déjà installés. Le ministre nous a dit tantôt qu'il
y avait quatre terminaux qui allaient être installés dans des
entreprises particulières. Est-ce qu'il y en a qui sont installés
dans des institutions, dans le Québec ou à
l'extérieur?
M. Laurin: Nous allons installer cette année 25 terminaux.
La plupart seront installés à l'Office de la langue
française, à nos bureaux de Montréal et de Québec,
qui servent principalement à travailler à épurer la banque
et tout cela et qui servent aussi aux consultations terminologiques,
c'est-à-dire que les gens peuvent continuer soit à nos bureaux
régionaux, un des neuf, soit au bureau de Montréal, soit au
bureau de Québec, pour nous poser des questions. Donc, il y a des
terminaux où on peut questionner la banque directement, avec un
écran cathodique, et donner une réponse immédiate au
client. C'est un moyen moderne, mais un moyen efficace aussi.
Donc, nous avons aussi l'intention d'installer dix terminaux que nous
aurons à l'extérieur de l'office, dans des entreprises, dans des
organismes. Nous avons déjà pris des décisions en ce qui
concerne cinq entreprises en particulier et nous devons compléter nos
négociations avec ces entreprises. Si je peux me permettre de les
nommer, il s'agit d'Hydro-Québec, de la compagnie CGE,
Générale Electrique, de la compagnie Bell Canada, de la compagnie
Canadien Pacifique et de la compagnie servant de veine pour le groupe Alcan,
donc pour la société Alcan. Il y en aura d'autres.
Et nous sommes aussi en négociation avec quelques
universités dans le but d'implanter, là aussi, des terminaux
reliés à la banque de terminologie. Donc, cette année,
nous avons 25 terminaux.
M. Lalonde: II y avait un problème concernant la banque de
terminologie de l'Université de Montréal. Je ne me souviens pas
si cela avait été réglé, cette question. Est-ce
qu'il y a eu une fusion? Est-ce qu'on travaille chacun de son
côté?
M. Laurin: Oui, c'est-à-dire que les deux banques... Le
logiciel appartenait au Québec et à Ottawa. Le gouvernement
canadien a pris ce logiciel et a continué à le nourrir
d'informations. Cette banque est principalement une banque de traduction,
tandis que notre banque est une banque de terminologie.
Ce sont des banques qui ont des vocations... Mais je m'empresse
d'ajouter que nous avons de bonnes relations non seulement avec ces
gens-là, mais avec des gens qui possèdent d'autres banques
à travers le monde.
M. Lalonde: C'est un fédéralisme rentable, si je
comprends bien.
M. Laurin: M. Gosselin ne peut pas répondre à
cela.
M. Lalonde: C'est un fédéralisme rentable et cette
diversité des sources d'information peut servir, même
peut-être tout à l'heure, lorsqu'on en arrivera à la
recherche scientifique.
M. Laurin: M. Gosselin ne peut pas répondre à cela,
mais je peux ajouter à ce qu'il a dit que nous avons également
des rapports avec la banque de terminologie des communautés
européennes, ce qui étend l'aire de notre coopération
possible dans l'avenir.
M. Lalonde: Je vois que le ministre est bien disposé
à entreprendre les négociations du fédéralisme
renouvelé. Je l'encourage à continuer.
M. Laurin: De même qu'au niveau international.
M. Lalonde: Je l'encourage à continuer dans la même
veine.
En ce qui concerne... J'avais certaines questions sur... (16 h 45)
M. Laurin: Avant d'en terminer avec l'Office de la langue
française, j'aimerais, M. le Président, déposer le rapport
d'une étude qui a été menée à la demande de
l'office par une agence de sondage, Multi-Réso, qui nous avait
été demandée par un de vos collègues, je crois. Il
a fallu que nous en fassions des copies. Il me fait plaisir de la
déposer, conformément à la promesse que je lui avais
faite.
M. Lalonde: Bon, le ministre commence à tenir ses
promesses. Très bien.
M. Laurin: Je les tiens toujours.
M. Lalonde: En ce qui concerne le conseil, étant
donné que c'est quand même assez jeune, il faut dire la
satisfaction que nous avions de ce côté-ci de la publication des
deux études, celle de Sparer et Schwab qui avait été
commencée, d'ailleurs, dans le temps où on était
là...
M. Laurin: Exact.
M. Lalonde: ... il y a six ans, et celle de M....
M. Laurin: Issalys.
M. Lalonde: ... Issalys. J'ai répondu à votre
invitation.
Une Voix: Ah!
M. Lalonde: Je vous en remercie. J'ai rencontré,
d'ailleurs, ces messieurs.
M. Laurin: J'aurais aimé vous voir.
M. Lalonde: C'est sûrement une contribution qui sera
très précieuse pour le législateur en particulier.
M. Laurin: J'ai lu les deux volumes en question et ils sont
vraiment d'une très haute valeur.
M. Lalonde: Je vous remercie. Pour ce qui concerne la
commission... Peut-être que, avant de passer à la commission, on
pourrait parler du lexique français spécialisé. Dans le
Devoir du 9 juin, Mme Christiane Faure, présidente de l'Association des
conseils de francisation du Québec, disait: "Ce n'est pas le vocabulaire
français qui manque, ce sont plutôt les moyens de le diffuser. En
effet, selon Mme Faure, les lexiques français spécialisés
font cruellement défaut dans bien des secteurs. Je sais que l'office, en
particulier, a fait un effort de diffusion impressionnant. On le constate ne
serait-ce qu'à la lecture de la liste de vos publications. D'abord,
est-ce que vous êtes d'accord avec ce jugement? Deuxièmement,
avez-vous des démarches à faire ou des dispositions à
prendre pour diffuser plus largement les lexiques français?
M. Laurin: Non seulement cela, mais nous avons l'intention de
publier directement de la banque de terminologie, c'est-à-dire de
pouvoir imprimer les extrants et de les rendre disponibles immédiatement
au lieu de passer à la publication de... Nous devons, bien entendu, au
Québec, agir de façon prioritaire. Tout récemment, nous
avons lancé les deux derniers volumes ou lexiques de la série de
l'automobile. J'ai aussi lancé, la semaine dernière, un nouveau
lexique sur le vêtement, mais il y a tellement de domaines dans lesquels
la terminologie n'est pas disponible au Québec que nous devons
travailler de façon prioritaire.
M. Lalonde: Quelles sont les priorités que vous avez
établies?
M. Laurin: A l'Office de la langue française, nous
travaillons prioritairement sur le tronc commun de gestion, c'est-à-dire
sur le tronc industriel nécessaire à toutes les entreprises de
façon générale.
M. Lalonde: Je pense, par exemple, au secteur du textile
où un très grand nombre de Québécois sont
employés.
M. Laurin: Oui.
M. Lalonde: Tenez-vous compte aussi du nombre d'employés
dans un secteur donné pour aller plus rapidement dans ce secteur?
M. Laurin: Oui, absolument. D'ailleurs, les analyses
linguistiques il y a une partie qui traite de la terminologie dans
l'analyse linguistique font ressortir de façon bien
évidente les problèmes ou les domaines dans lesquels on manque
réellement d'informations. On a plusieurs moyens d'identifier tous ces
secteurs, mais c'est un travail qui est long, c'est un travail qui est
très laborieux. On a dit que dans la banque de terminologie, nous avons
au-delà de 400 000 fiches questionnables avec un objectif de 1 000 000
éventuellement, mais il demeure qu'il y a énormément de
travail à faire de ce côté-là. Mais le gouvernement
y met beaucoup d'efforts, je crois, et d'argent.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Avec
votre permission, relativement au document qui a été non pas
déposé, puisqu'il n'y a pas de dépôt en commission
parlementaire, mais qui a été distribué par le ministre,
je suggérerais au ministre de la remettre directement à
l'Opposition officielle à 18 heures, étant donné que
lorsque nous avons de la distribution de documents en commission parlementaire,
cela nous donne l'obligation d'en faire une copie pour tous les membres de la
commission, de même que deux copies pour la commission parlementaire. Ce
serait une remise de main à main entre partis politiques après
la
séance, et aussi à l'Union Nationale, qui est absente
aujourd'hui. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Une autre question. D'abord la Division de recherche
et d'évaluation, d'après votre rapport, a fait un travail
impressionnant aussi. Je suis intéressé, si c'est possible,
à avoir la communication des deux études. Pourquoi ces deux
études? Parce qu'elles me semblent être prêtes, être
terminées: l'étude qui apparaît comme l'étude no 3,
à la page 128 du rapport, l'élaboration des principes d'une
politique et d'une méthode de francisation des entreprises, et
l'étude no 5, à la page 129, les procédés et
méthodes de francisation dans l'entreprise. Je ne pense pas vous
me corrigerez si je fais erreur que ce soient des études à
caractère confidentiel, étant donné que c'est pour aider
des entreprises à se conformer... Est-ce qu'il serait possible de donner
communication à l'Opposition?
M. Laurin: Je pourrais prendre votre demande en
délibéré, et d'ici quelques jours on a encore
quelques jours de session ... parce qu'il faut, comme M. le
président dit, que nous consultions l'auteur aussi ...
M. Lalonde: Oui. J'espère que cela pourrait
être...
M. Laurin: C'est dans le programme des subventions.
M. Lalonde: Oui.
M. Laurin: Parce que c'est une subvention.
M. Lalonde: C'est une subvention, mais j'imagine que le
résultat a été communiqué à quelqu'un,
à l'office.
M. Laurin: Oui, absolument.
M. Lalonde: Bon. Etant donné que, quand on parle
d'élaboration des principes d'une politique et d'une méthode de
francisation des entreprises, c'est extrêmement intéressant pour
la population en général, les entreprises aussi, mais aussi pour
nous, pour voir comment le gouvernement s'y prend, comment l'office s'y prend,
quels sont les principes. On fait non seulement du droit nouveau, mais c'est
une démarche nouvelle...
M. Laurin: Malgré qu'il n'est pas certain que nous ayons
repris à notre compte toutes les conclusions de cette étude.
M. Lalonde: Non, naturellement. Il en va de même pour les
procédés et les méthodes de francisation dans
l'entreprise, si c'était possible de nous donner ces communications.
Pour en terminer avec la question linguistique, j'aurais quelques questions
concernant la Commission de surveillance. Il y a seulement quatre ou cinq
poursuites ou demandes de poursuites qui auraient été
communiquées au Procureur général. Il me semble qu'on nous
avait donné cette même réponse il y a déjà un
bon moment. Est-ce que cela ne fait pas déjà plusieurs mois?
M. Laurin: Cela m'étonnerait.
M. Lalonde: Combien cela fait-il de temps que le Procureur
général a reçu ces demandes?
M. Laurin: Je sais que cela fait plusieurs mois, mais cela
m'étonnerait que j'en aie déjà parlé.
M. Lalonde: A moins que ce soit le Procureur
général qui en ait parlé à...
M. Laurin: Je ne sais pas.
M. Lalonde: Comment cela se fait-il qu'il n'y ait pas eu de suite
à ces demandes?
M. Laurin: Le ministère de la Justice
considère.
M. Lalonde: Est-ce qu'il veut simplement clouer au pilori les
contrevenants lui aussi?
M. Laurin: Je ne peux pas parler pour lui, évidemment.
Vous le connaissez aussi bien que moi.
M. Lalonde: Peut-être pas aussi bien. Quels étaient,
sans donner de nom, étant donné que s'il n'y a pas de poursuite,
je ne peux pas les...
M. Laurin: Je peux vous dire que ce sont des cas où la
contravention touche non seulement la loi 101, mais la loi 22 aussi, et
peut-être même un article d'une loi fédérale,
l'article 38, du ministère de l'Agriculture. C'est sous toute
réserve que je vous dis cela. Je fais appel à mes souvenirs. Je
ne peux pas toujours m'y fier.
M. Lalonde: C'est 3800 solutions à peu près sur
5000 demandes? Je présume que les autres dossiers sont en voie de
règlement ou de considération. Est-ce qu'il y aurait aussi des
dossiers qui seraient en voie de poursuite ou de demande de poursuite, autres
que les quatre ou cinq...
M. Laurin: Non.
M. Lalonde: Est-ce que vous pourriez être un peu plus
précis quant à la date ou aux dates où ces demandes ont
été communiquées au Procureur général?
M. Laurin: Je ne sais pas si monsieur... Environ un an. Dans un
cas, je pense que c'est treize mois.
M. Lalonde: Déjà plus d'un an et vous n'avez pas eu
de suite de la part du Procureur général?
M. Laurin: Pas encore.
M. Lalonde: Est-ce que ce sont surtout des cas relatifs à
l'affichage?
M. Laurin: Dans certains cas; dans d'autres, ce sont des cas
d'étiquetage.
M. Lalonde: Alors, seulement les quatre ou cinq?
M. Laurin: Cinq.
M. Lalonde: Cinq. Ces cinq cas ont trait seulement soit à
l'affichage, soit à l'étiquetage.
M. Laurin: Exactement.
M. Lalonde: II n'y a aucun cas qui a trait à la
francisation.
M. Laurin: Des entreprises? Non.
M. Lalonde:... entreprises. Quels sont les critères que la
commission s'impose pour déterminer qu'une entreprise qui refuse de se
conformer à la loi en ce qui concerne la francisation soit soumise aux
foudres de la commission et à une demande de poursuite au Procureur
général?
M. Laurin: En général, moi, je dirais que c'est la
mauvaise volonté.
M. Lalonde: Combien de temps faut-il pour avoir mauvaise
volonté?
M. Laurin: Notre patience est longue, mais, finalement, elle
s'épuise.
M. Bertrand: M. le Président?
Le Président (M. Marquis): M. le député de
Vanier.
M. Lalonde: Le ministre était beaucoup plus vigoureux que
ça lors du débat...
M. Laurin: Pas du tout.
M. Lalonde: ... sur la loi 101, sur la loi 1.
M. Laurin: Non, pas du tout.
M. Bertrand: II a gardé le même ton pendant toute la
durée des débats.
M. Lalonde: Oui, mais son discours était beaucoup plus
musclé.
M. Laurin: Non, c'est qu'il est...
M. Lalonde: Je ne sais pas si c'est
l'après-référendum...
M. Laurin: Non, pas du tout!
M. Lalonde: ... qui lui a causé une petite
dépression, j'espère, courte, mais il semble...
M. Laurin: II est important d'avoir à sa disposition la
gamme la plus large possible d'instruments d'intervention, mais, une fois que
nous les possédons, il faut avoir la sagesse de s'en servir à bon
escient.
M. Lalonde: Encore faut-il s'en servir pour s'en servir à
bon escient.
M. Laurin: Nous nous en servons, je l'ai dit tout à
l'heure. Nous nous sommes relativement souvent servis de la mise en demeure,
avec une grande efficacité.
Le Président (M. Marquis): M. le député de
Vanier.
M. Bertrand: M. le Président, je voudrais demander au
président de la commission de surveillance... On a dit tout à
l'heure, je pense, qu'il y avait huit commissaires-enquêteurs et sept
inspecteurs qui travaillaient pour la commission.
M. Laurin: Huit commissaires-enquêteurs...
M. Bertrand: Et sept inspecteurs.
M. Laurin: Oui, sept inspecteurs, je crois.
M. Bertrand: Est-ce que ce personnel est suffisant pour faire
face aux demandes qui sont acheminées à la commission?
M. Laurin: Pour l'instant, oui. Après avoir fait une
étude assez poussée, nous en sommes venus à la conclusion
que chacun des commissaires-enquêteurs ne devrait pas avoir beaucoup plus
de 200 dossiers en traitement. Nous avons atteint ce niveau. Par contre, nous
avons eu certains commissaires-enquêteurs qui ont été
forcés d'être absents, etc. Nous espérons pouvoir tenir le
coup avec le nombre de commissaires-enquêteurs que nous avons
actuellement, mais, évidemment, il est difficile de prévoir
l'avenir. Je pense qu'il sera nécessaire d'augmenter le nombre des
inspecteurs plutôt que le nombre des commissaires-enquêteurs. Si on
augmente le nombre des commissaires-enquêteurs, ça ne devrait pas
être très significatif, disons augmenter de deux ou trois au
maximum.
M. Bertrand: Est-ce que la commission de surveillance a fait une
analyse de l'évolution dans le temps des demandes qui sont
acheminées par les citoyens? Est-ce que ça va en s'accroissant,
ça va en diminuant?
M. Laurin: Actuellement, la courbe est légèrement
ascendante. Nous recevons, comme vous avez pu le voir dans le rapport, environ
un peu plus de 200 demandes d'enquête par mois.
M. Bertrand: Quel est le délai moyen parce que
j'imagine que, les cas différant de l'un à l'autre, le
délai peut varier entre la demande qui est acheminée par
un citoyen, la réponse qui est faite par la commission, le début
d'enquête par l'inspecteur et le jugement qui s'ensuit par le
commissaire?
M. Laurin: Cela varie énormément, selon la nature
de la contravention. Dans certains cas, cela est réglé
très rapidement. Dans les cas où nous devons mettre formellement
en demeure le contrevenant présumé d'obtempérer à
la loi, souvent le délai moyen, je dirais, est de 60 jours. (17
heures)
M. Bertrand: 60 jours. Je vous pose la question, M. le
Président, parce que j'ai moi-même tenté
l'expérience à partir d'un fait qui m'avait profondément
choqué au Colisée de Québec. Certains se le rappellent.
Quand ce sont les députés qui soulignent
l'événement, ça connaît une certaine diffusion dans
le public par la voie des journaux, de la radio et de la
télévision, ce dont je me félicite d'ailleurs parce que
ça permet à la commission de surveillance de faire
connaître son existence et aux citoyens d'être conscients qu'ils
peuvent jouer un rôle pour franciser davantage le Québec.
Je me rappelle que la demande que j'avais acheminée à la
commission remonte déjà au mois de janvier, au début
janvier de cette année. J'ai reçu une lettre de la commission de
surveillance, je pense que c'est l'inspecteur qui répond... c'est le
commissaire-enquêteur qui répond en disant: J'ai reçu votre
demande, nous allons procéder au cours des prochaines semaines. Mais,
depuis cette lettre, rien relativement à deux affiches unilingues
anglaises qui avaient été posées sur les bandes du
Colisée de Québec durant un match international qui avait
été télédiffusé. Je pense qu'on se rappelle
l'événement, cela avait été souligné par les
media d'information. Je n'ai pas eu de nouvelle depuis de temps. Evidemment, on
est en bonne position, nous, en commission parlementaire pour faire valoir nos
demandes, mais j'ai l'impression que si ça m'arrive à moi,
ça peut arriver à d'autres. Je pense que les citoyens qui font
appel à la commission de surveillance s'attendent à recevoir des
réponses assez rapidement. Je constate effectivement que des 5000
demandes que vous avez reçues, un très large pourcentage a
reçu une solution, ce qui est très encourageant, mais
c'était un cas isolé, M. le Président.
M. Laurin: Je suis peiné d'apprendre que vous n'avez pas
eu satisfaction plus rapidement. Normalement, vous auriez dû recevoir
d'autres communications de la part du commissaire-enquêteur.
Est-ce que je peux demander, M. le Président, s'il s'agissait
d'un affichage temporaire?
M. Bertrand: Temporaire.
M. Laurin: Alors, la situation s'est corrigée
d'elle-même. L'événement durait une journée ou deux.
Je n'essaie pas de disculper le commissaire-enquêteur, il aurait dû
communiquer avec vous.
M. Bertrand: Remarquez, M. le Président, que dans ce cas
précis, indépendamment du jugement qu'aurait porté la
commission de surveillance, l'opinion publique a été suffisamment
mise au courant que déjà il y avait ce qu'on a pu appeler
tantôt une sanction morale qui a pesé sur les deux entreprises en
question à un point tel que l'une des deux compagnies je la nomme
parce que je veux la féliciter en passant la compagnie
Puro-lator, qui distribue le courrier, a réagi immédiatement
à la nouvelle en faisant valoir qu'elle engagerait elle-même des
poursuites contre la maison de publicité ou l'agence de placement qui
avait posé les affiches, qu'elle s'excusait auprès du public
québécois et qu'elle renouvelait son intention de bien franciser
son entreprise, ce qu'elle a fait d'ailleurs. Je pense que c'est une compagnie
qui a très bien collaboré.
Je lui ai récrit par la suite pour la féliciter justement
de son attitude, de sa réaction extrêmement positive et lui
expliquer que je comprenais très bien ce qui avait pu survenir, mais que
c'était notre rôle à nous de faire prendre conscience aux
entreprises qu'il pouvait y avoir certains problèmes à
l'occasion.
Indépendamment des suites données par la commission de
surveillance, je pense que le seul fait de mettre devant le public certains
problèmes de cet ordre est de nature à encourager non seulement
les entreprises, mais les citoyens à bien exercer leur rôle de
vigilance, ce qui m'apparaît une responsabilité individuelle. Elle
appartient à chacun des Québécois et j'espère la
voir se développer avec le temps. C'est pour ça que je me
demandais si ça croissait. Je ne dis pas que je voudrais que ça
croisse, si ça diminue avec le temps, j'ai l'impression que ce sera
parce que maintenant le visage français du Québec devient
apparent, mais il faut veiller au grain.
Certains problèmes ont été soulevés
récemment dans la région de Québec, en particulier dans le
coin de Sainte-Anne-de-Beaupré, où les touristes se font nombreux
durant la période estivale et où l'affichage, il faut le dire,
parce que c'est vrai, n'a pas les caractéristiques d'un affichage qui
respecterait, à notre convenance, en tout cas, l'esprit de la loi no
101. Je trouve ça malheureux et je pense que la commission de
surveillance doit poursuivre son rôle avec ténacité, mais
j'imagine que vous n'avez pas de rôle d'initiative dans le cas
présent, vous répondez à une demande qui vous est faite
comme commission de surveillance. Vous avez un rôle d'initiative
aussi?
M. Laurin: Nous pouvons agir de notre propre initiative, ce que
nous faisons d'ailleurs fréquemment.
M. Bertrand: Je vous encourage à le faire.
M. Lalonde: Je désire féliciter le
député de Vanier de la part de l'Opposition officielle et inviter
le président à considérer sa candidature éventuelle
comme inspecteur après les prochaines élections.
M. Bertrand: Pour faire avancer mon dossier.
M. Laurin: Pour répondre à une demande possible du
député de Marguerite-Bourgeoys de l'Op-
position officielle, je pourrais déposer un résumé,
un tableau récapitulatif des demandes d'enquêtes selon les
chapitres et les articles de la loi 101 jusqu'à mars 1980 selon les
articles de la loi qui ont fait l'objet de plaintes et selon les régions
également de provenance des plaintes.
M. Lalonde: Merci.
M. Laurin: Je remplis même les promesses que je ne vous
fais pas.
M. Lalonde: Je vous en remercie.
M. Bertrand: Je voudrais simplement ajouter que j'ai l'impression
qu'il y a un travail d'information qui devrait être poursuivi de
façon très intense. Les gens ont l'impression, un peu comme le
disait le député de Marguerite-Bourgeoys tantôt, qu'il y a
une souplesse, à un moment donné, qui finit par ressembler
à du laisser faire et les gens finissent presque par s'y habituer. Ils
se disent: A toutes fins utiles, si j'ai mis un peu de français dans mon
annonce, et je pense en particulier à toute cette route qui mène
à Sainte-Anne-de-Beau-pré, si j'ai mis un peu de français
dans mon annonce, ils vont bien comprendre finalement à la Commission de
surveillance et à l'Office de la langue française qu'on ne peut
tout de même pas ignorer que la majorité des touristes sont
anglophones, etc., et donc qu'il n'est pas nécessaire d'aller jusqu'au
bout de notre démarche de francisation comme la loi nous y oblige. Je
pense qu'il faut poursuivre ce travail au niveau de l'information en
particulier, parce qu'il y a une idée, qu'il y a une espèce de
mythe qu'il faudrait retirer de l'esprit des gens, c'est celui de s'imaginer
que dès que c'est français et uniquement français
ça décourage le touriste, ça décourage
l'anglophone, l'Américain de venir chez nous et ça va
l'empêcher d'utiliser les services que nous lui offrons en
français. J'ai nettement l'impression, au contraire, qu'une fois ce
préjugé, ce mythe disparu, les gens vont se rendre compte
à l'usage qu'on peut très bien offrir des services en
français aux touristes et voir le touriste accepter que ce service lui
soit offert en français, d'autant plus que ce touriste a la certitude,
venant au Québec, que, verbalement, il aura toujours l'information
nécessaire, qui lui sera fournie en anglais, si une telle chose est
absolument indispensable. Il n'y a pas beaucoup de Québécois,
sauf dans certaines régions où le degré d'information
manque beaucoup, qui ne soit pas capable d'utiliser un minimum d'anglais pour
traduire un certain nombre de choses au touriste dont la langue est l'anglais.
Je pense qu'il y a un travail d'information à faire de ce
côté-là. Je ne sais pas si c'est la Commission de
surveillance ou l'office. Je pense que c'est plus l'office qui a un rôle
à jouer de ce côté-là. Il y a un travail
d'information à faire pour briser un certain nombre de mythes et de
préjugés qui existent dans l'esprit des gens, relativement, en
particulier, à ce problème. Le visage français, c'est
rentable pour les gens qui ont des services à offrir et ils ont l'im-
pression au contraire que, s'ils oublient de mettre un certain nombre de mots
anglais, il y a un certain pourcentage X de clientèle qui ne viendra
pas.
M. Laurin: En somme, les Américains qui viennent ici ne
peuvent s'empêcher de s'écrier: Vive la différence!
M. Bertrand: II y avait des entrevues récemment avec les
gens qui conduisent les calèches dans le Vieux-Québec et je pense
que c'est 70% de leur clientèle qui est anglophone, et la remarque qui
revient le plus souvent c'est: Bravo de préserver ce patrimoine, cette
culture, cet héritage historique et d'en faire la publicisation.
M. Laurin: M. le Président, est-ce que je pourrais
simplement lire une phrase d'un rapport que je remettais à M. le
ministre ce matin. J'ai dit ici: Un programme d'inspection systématique
de l'affichage public sera appliqué aux grandes voies d'accès
touristiques du Québec afin que le visage français du
Québec soit apparent aux visiteurs et aux Québécois qui
reviennent chez eux et ce dès l'arrivée. C'est dans le cadre de
vos préoccupations.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors,
ça satisfait M. le député de Vanier?
M. Bertrand: On ne peut plus.
M. Laurin: Avant qu'on ne termine la revue des organismes dont je
suis responsable, je m'en voudrais de ne pas parler, durant quelques minutes,
de la Commission de toponymie qui, à l'intérieur de l'Office de
la langue française, jouit d'une relative autonomie. C'est la
première année complète de fonctionnement de la Commission
de toponymie. Cette commission s'est réunie onze fois au cours de cette
année et cela lui a permis d'officialiser 5103 toponymes, dont 5018
nouveaux noms de lieux, 69 changements de noms et 16 modifications à la
forme écrite de certains noms.
La Commission de toponymie a établi ses politiques
également au cours de l'année. Elle a créé aussi
une commission de terminologie géographique afin de satisfaire à
l'article 125c de la charte, commission qui a le devoir d'établir et de
normaliser la terminologie géographique en collaboration avec l'Office
de la langue française. La commission a signé aussi deux
protocoles d'entente avec le ministère des Affaires municipales et le
ministère de l'Education, facilitant ainsi les communications
réciproques des documents et renseignements appropriés en
matière de toponymie.
La commission a participé aussi à certaines
réunions tenues dans un cadre fédéral-provincial, afin
justement de bien montrer la participation du Québec à l'effort
du Comité permanent canadien des noms géographiques, qui s'est
tenu à Victoria, en octobre 1979.
La commission a procédé beaucoup cette année
à l'établissement de ses inventaires de
noms de lieux et, par exemple, aux inventaires toponymiques sur le
terrain, qu'il s'agisse d'inventaires de noms de chemins, de noms de lacs, en
collaboration avec les municipalités et les divers ministères,
sans oublier les inventaires en milieux amérindiens.
Actuellement, 120 000 toponymes sont consignés par la commission,
dont 81 000 sont officialisés. Jusqu'ici, ces noms ont été
conservés dans un fichier mécanographique, mais il devient de
plus en plus nécessaire, étant donné l'addition
considérable annuelle de ces toponymes, de changer de système.
Probablement qu'au cours de l'année actuelle, nous mettrons sur pied un
nouveau système automatisé de gestion de données
toponymiques, afin de pouvoir faire face à une musique qui devient de
plus en plus abondante et harmonieuse.
La commission procède aussi à l'analyse des toponymes, et
au cours de l'année actuelle, 15 902 toponymes ont été
analysés en fonction des critères de choix, des règles
d'écriture et de tout autre élément qui permet
d'évaluer l'acceptabilité d'un nom de lieu. L'office et la
commission ont procédé également à des
consultations populaires dans le but de statuer sur le choix des noms des
futures municipalités des villages nordiques. On peut dire que tous les
nouveaux noms de cette région sont vraiment en langue inuit. La
commission a également collaboré avec le ministère des
Transports pour la dénomination des voies de circulation; avec le
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, pour les noms de
parcs, de ZEC, de lacs, de cours d'eau et de réserves; puis avec le
ministère de l'Energie et des Ressources, pour les noms de
réserves écologiques.
La commission s'est occupée aussi, en vertu de l'article 128 de
la charte, du contrôle des noms actuels. Par exemple, l'emploi des noms
choisis ou approuvés par la commission devient obligatoire, comme on le
sait, en vertu de cet article, dans les textes et documents de l'administration
des organismes publics, dans la signalisation routière, dans l'affichage
public, dans les ouvrages d'enseignement, etc., et c'est la raison pour
laquelle il faut contrôler chacun de ces noms de lieux.
Cette fonction de contrôle a nécessité, par exemple,
la vérification du contenu toponymique de 1450 cartes, de 405 dossiers
de toutes sortes, de 37 ouvrages devant être approuvés par le
ministère de l'Education et elle a donné également
au-delà de 1400 consultations toponymiques verbales et écrites
adressées, la plupart du temps, à différents organismes de
l'administration.
La Commission de toponymie est, elle aussi, obligée de mener des
recherches pertinentes aux objectifs qu'elle poursuit. Par exemple, elle a
poursuivi une étude exhaustive sur l'ensemble des toponymes
relevés dans l'archipel de Mingan et elle est en train d'élaborer
une banque de noms de lieux, l'établissement de normes d'écriture
des toponymes, ainsi que plusieurs autres projets.
En ce qui concerne l'information, les communications, la commission de
géographie a lancé son Répertoire toponymique du
Québec, un volume qui comprend une liste de 75 000 noms de lieux
officiels au Québec. (17 h 15)
Et ce répertoire très populaire a été
distribué à tous les publics cibles. Plusieurs autres
publications, également, ont été lancées au cours
de l'année par la Commission de toponymie dont: Le guide toponymique du
Québec, le guide toponymique municipal, des dossiers toponymiques
régionaux, ainsi qu'un recueil de textes et des conclusions
résultant de l'atelier sur l'écriture des noms de lieux
amérindiens, qui s'est tenu au printemps 1979.
Il y a donc beaucoup de travail qui se fait actuellement à la
Commission de toponymie et étant donné que plusieurs
régions du Québec sont en plein développement et que des
lieux n'ont pas encore reçu leur appellation, je pense que c'est
là un travail silencieux, mais extrêmement important pour l'avenir
du Québec, pour la conservation du patrimoine.
M. Lalonde: Je remercie le ministre de ces quelques mots
concernant la Commission de toponymie. Je ne veux pas passer beaucoup de temps,
puisqu'il y a d'autres questions et qu'on doit terminer à six heures sur
cet organisme qui en est à sa première année
d'opération, de fonctionnement.
J'aimerais simplement avoir une réponse à une question de
curiosité, surtout. Est-ce que le gouvernement a consulté cette
commission pour savoir quels noms donner aux édifices A, B, C, D,
etc.?
M. Laurin: Non, ce n'est pas la Commission de toponymie que nous
avons consultée à ce sujet, c'est une étude que nous avons
demandée au ministère des Affaires culturelles et, incidemment,
j'ai maintenant cette étude en main. Elle a failli être
étudiée hier au comité ministériel permanent du
développement culturel.
Cette étude nous suggère en effet de trouver des noms plus
poétiques que A, B, C, D, E, F, I, J, H, etc. Nous étudierons les
recommandations que nous faisons à une séance ultérieure.
Mais je pense que je peux dire immédiatement au député de
Marguerite-Bourgeoys que nous essayerons, là aussi, de ne pas nous figer
dans des politiques trop stéréotypées ou univoques. Nous
voudrions avoir à notre disposition toute une gamme d'appellations dont,
par exemple, certaines pourraient se référer à des
personnages importants de notre histoire, comme le député de
Marguerite-Bourgeoys, ou le chef de l'Opposition officielle, ou encore à
la fonction principale qui est exercée dans ces lieux, ou encore
à la couleur de la cravate du président, ou des fleurs qui
entourent l'édifice.
De toute façon, nous voudrions avoir à notre disposition
un certain nombre de moyens qui nous serviront à donner des noms divers,
sonores, poétiques, qui témoigneront de notre
vitalité.
M. Lalonde: Est-il possible aussi, si le ministre le permet, de
suggérer une consultation, un concours peut-être? Il y a
d'excellentes suggestions qui peuvent nous venir de gens tout à
fait...
M. Laurin: C'est une excellente idée, en effet, que je
retiens.
M. Lalonde: Je vous remercie. Je n'ai pas de questions
précises, à part cela, sur cette commission.
M. Bertrand: Je m'excuse, je n'ai pas entendu tout ce que le
ministre a dit sur la Commission de toponymie. Quelle a été la
collaboration des municipalités?
M. Laurin: Excellente. Les municipalités sont
extrêmement heureuses de voir arriver en leur sein une commission
officielle du gouvernement qui les consulte justement sur leurs
expériences qui, quelquefois, sont très longues. Nous avons
recueilli là des suggestions auxquelles nous n'aurions sûrement
pas songé nous-mêmes, si nous n'avions pas pris la peine d'aller
les consulter.
M. Bertrand: Est-ce qu'il y a une seule municipalité au
Québec qui aurait demandé à la Commission de toponymie de
se pencher sur la possibilité de modifier le nom de la
municipalité?
M. Laurin: Cela n'arrive pas souvent parce que justement les
traditions sont très ancrées dans ces milieux; on pense plus
à nous faire des suggestions sur les nouveaux lieux qu'il faudrait
nommer que sur les anciens qu'il faudrait "dénommer", malgré que
ces éventualités se produisent aussi. Quand il s'agit de
corriger, par exemple, des erreurs de parcours qui se seraient
effectuées dans le passé.
De toute façon, comme je l'ai dit tout à l'heure,
concernant les publications de la Commission de toponymie, nous avons
publié un guide toponymique municipal qui est très en demande
dans les municipalités dont on s'inspire maintenant pour faire des
ajouts ou des corrections de noms qui, par la suite, doivent être
approuvés par la Commission de toponymie.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Merci.
M. Laurin: Merci beaucoup, M. Forget.
M. Lalonde: En terminant, avant de passer à un autre
élément, j'aurais seulement quelques mots sur la question...
C'est la première fois que nous avons l'occasion d'étudier avec
un peu de profondeur la francisation des entreprises sous la loi 101.
Naturellement, je suis un peu déçu des retards. Je ne veux pas en
tenir rigueur aux fonctionnaires qui travaillent, j'en suis convaincu,
d'arrache-pied, pour éviter de prendre trop de retard. Je pense qu'on
doit leur rendre hommage. Je le fais, pour ma part. Mais il reste qu'au nom du
réalisme, il y a un certain nombre de périls à laisser ces
retards s'accumuler. Et c'est l'impression que j'ai actuellement, celle que le
gouvernement ne prend pas toutes ses responsabilités, par exemple,
lorsque, dans l'affirmation du ministre dans ses remarques
préliminaires, il nous a dit que tout allait bien dans le meilleur des
mondes et même dans les rapports du président où on dit
qu'il y a quelques mois de retard.
Je pense qu'on se doit de donner à la population le tableau exact
du déroulement de cette grande démarche et ne pas tenter de lui
cacher même les difficultés que nous avons. Cela va donc plus
lentement que cela devrait ou enfin qu'on l'a souhaité au gouvernement
par l'adoption du règlement.
Deuxièmement, une autre chose me frappe, c'est que le
gouvernement ne prend pas les moyens qui sont mis à sa disposition, que
lui-même a réclamés dans la loi; il se rabat plutôt
sur une attitude incitative, qui était celle de la loi 22 tant
décriée par les membres du gouvernement actuel. Il y a un tas de
leçons à prendre de ces attitudes dévoilées
aujourd'hui.
En terminant, je veux quand même souhaiter que ces retards soient
rattrapés. Que le gouvernement donne à l'office et aux autres
organismes les moyens nécessaires pour le faire. Quant à nous,
nous tirerons nos conclusions en temps et lieu sur l'attitude du gouvernement
et du ministre en ce qui concerne les moyens qu'il a reçus du
législateur, mais qu'il ne veut pas employer.
M. Laurin: M. le Président, je ne suis pas du tout
d'accord avec ces commentaires du député de Marguerite-Bourgeoys.
Il est vrai que nous avons constaté un certain nombre de retards dans la
remise, soit des analyses linguistiques ou dans la remise des programmes de
négociation; mais c'est d'une façon
délibérée que nous avons voulu rendre admissible à
l'aide de l'office le plus grand nombre d'entreprises dans les plus brefs
délais possible, sachant que, par la suite, une fois que ces
dernières entreprises seraient admissibles, il nous resterait à
peu près un peu plus de trois ans pour que se matérialisent les
diverses étapes devant mener à l'obtention des objectifs
fixés par la loi. C'est délibérément que nous
l'avons fait, sachant qu'il est mieux de demander plus vite aux entreprises
exactement ce dont nous avons besoin pour ensuite passer plus de temps sur la
mise en train, sur l'opérationnalisation des mesures nécessaires
pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés.
Les retards que nous avons constatés ne sont quand même pas
très sérieux par rapport à la vitesse de croisière
que nous avons atteinte. Encore une fois, il nous reste amplement de temps pour
pouvoir atteindre l'échéancier de 1983 que nous fixait la loi. Je
ne suis pas d'accord non plus avec l'approche que semble suggérer le
député de Marguerite-Bourgeoys quand il dit que nous avons des
moyens dont nous ne nous servons pas. Je pense, comme je l'ai dit tout à
l'heure, que nous nous en servons, mais d'une façon souple et in-
telligente et, bien souvent, le bon sens et la raison aidant, ces
méthodes, moyens, attitudes réussissent à nous faire
atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. Au fond, c'est cela
qui est important. C'est l'atteinte des objectifs et non pas la manipulation
d'un tonnerre que nous savons que nous possédons.
La suggestion que nous faisait le député de
Marguerite-Bourgeoys, en disant que l'approche de la loi 22, qui était
purement incitative, s'avère encore meilleure que celle de la loi 101,
est contredite par l'analyse de Yvan Allaire et Roger Miller, menée pour
le compte de l'Institut de recherche CD. Howe. Ces deux chercheurs sont
très bien connus du député de Marguerite-Bourgeoys. Je
pense qu'ils militent même dans la même formation politique que
lui, ce qui n'a quand même pas empêché ces deux chercheurs
de dire, dans leur étude, et je les cite: "L'analyse des principes
défendus par les deux lois et des mesures qu'elles préconisent
nous ont amenés à conclure qu'en ce qui concerne la francisation
de l'entreprise, la loi 101 est, à maints égards, plus
raisonnable et efficace que la loi 22, car son application se veut obligatoire
pour toutes les entreprises et elle ne vise qu'à la promotion de la
langue française." Les auteurs reconnaissent, par ailleurs, la souplesse
de la charte, notamment en ce qui a trait à la situation
particulière des sièges sociaux et des centres de recherche
auxquels elle permet de négocier des ententes spéciales avec
l'Office de la langue française.
Donc, je ne crois pas que l'on doive regretter la politique qui a
été adoptée par le gouvernement, il y aura bientôt
trois ans, car, somme toute, cette politique et la façon dont elle est
appliquée actuellement nous rapprochent, au rythme de croisière
prévu, des objectifs que nous nous sommes fixés.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
qu'on passe à un autre sujet?
M. Lalonde: Oui, on a quelques...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Quel est
le sujet?
M. Lalonde: Peut-être, si vous permettez, la...
Aide financière à l'Institut
québécois de recherche sur la culture
M. Laurin: L'Institut de recherche sur la culture...
M. Lalonde: L'Institut de recherche...
M. Bertrand: ... qui devait faire un travail de propagande
référendaire, semble-t-il, épouvantable.
M. Lalonde: Je ne sais pas où sont les difficultés,
mais on va peut-être laisser le ministre nous décrire...
M. Laurin: Un débat.
M. Lalonde: ... les multiples efforts que lui-même et ses
collaborateurs ont faits dans ce domaine, étant donné qu'il y a
déjà un an que la loi est adoptée. J'aimerais avoir la
description des nombreuses démarches, des recherches, des publications
de cet institut.
M. Laurin: Le député de Marguerite-Bourgeoys sait
très bien qu'il ne suffit pas de créer un organisme pour que
celui-ci commence à travailler illico. Il faut quand même un
certain temps, une fois qu'un organisme est créé, pour en choisir
les principaux officiers, les membres du conseil d'administration. Ce travail
nous a occupés un certain nombre de mois et, par la suite, il a fallu
choisir aussi un siège social pour cet Institut de recherche sur la
culture, ce qui a été fait. On peut dire, somme toute, qu'il n'y
a que cinq ou six mois que l'institut a commencé, effectivement,
à travailler dans les locaux qui lui ont été fournis. J'ai
rencontré, à quelques reprises, le président du conseil
d'administration ainsi que le directeur général. Comme il
convient pour un institut qui oeuvre à long terme, et non pas pour
répondre à des commandes immédiates, ce conseil
d'administration a eu la sagesse de prendre le temps qu'il faut pour
établir un programme convenable d'activité.
Ce conseil d'administration est actuellement en pleine session
d'études pour établir un programme de recherche qui
s'étalera sur les années subséquentes, recherches à
long terme et à moyen terme, en même temps qu'il est en train
également de mettre sur pied un service de statistiques culturelles que
nous ne possédons pas à l'heure actuelle et pour lequel le
service de recherche et de statistiques du Québec n'a jamais
été capable véritablement de répondre aux besoins
très particuliers des ministères du secteur culturel. (17 h
30)
Je pense bien que, lors de l'étude des prochains crédits,
je serai en mesure de satisfaire davantage la curiosité du
député de Marguerite-Bourgeoys et que je pourrai lui
présenter j'espère pouvoir le faire avant en
réponse à une question qui pourrait m'être posée
je serai en mesure de déposer le programme d'action de l'Institut
québécois de recherche sur la culture à l'intérieur
des trois ou quatre grands volets que la loi lui assigne.
M. Lalonde: M. le Président, ce qui m'étonne, c'est
que cet institut qui a été créé par une loi
sanctionnée le 22 juin 1979 il y aura un an dans quelques jours
n'a vu son président nommé qu'en décembre 1979, je
crois.
M. Laurin: Oui, c'est ça. M. Lalonde: Le...
M. Laurin: Je peux peut-être interrompre ici le
député. Pour nommer ce président, nous sommes
entrés en relations avec tous les organismes du
milieu et, en particulier, les universités. Nous avons
procédé à une consultation rigoureuse, rationnelle et nous
avons longuement étudié les suggestions qui nous ont
été faites et, par la suite, il a fallu que le Conseil des
ministres décide là-dessus à l'intérieur d'horaires
et d'agendas extrêmement chargés. Et s'il nous a fallu attendre
aussi longtemps avant de procéder à la nomination, c'est que nous
avons utilisé ces consultations de la façon la plus sage qu'il
nous paraissait opportun de le faire.
M. Lalonde: Cela vous a pris six mois de consultation et de
recommandations pour trouver...
M. Laurin: C'est donc la preuve que notre choix...
M. Lalonde: ... M. Fernand Dumont que vous connaissiez
très bien.
M. Laurin: Oui, mais justement, il fallait voir s'il n'y avait
pas d'autres candidatures qui pouvaient être aussi bonnes que la
sienne.
M. Lalonde: Bon!
M. Laurin: II faut être juste pour tous ceux dont la valeur
se compare à M. Dumont.
M. Lalonde: L'institut est formé de neuf membres
nommés par le gouvernement, dont cinq après consultation des
milieux intéressés par les recherches sur les
phénomènes culturels. Au moins trois des membres sont
nommés parmi les chercheurs de l'institut.
Est-ce que le ministre peut nous dire quand les membres en fonction ont
été nommés, à part le président?
M. Laurin: II faudrait que je pousse davantage mes études,
mais je sais que les membres du conseil d'administration qui ont
été nommés représentent les diverses régions
du Québec. Il y en a qui viennent de Rimouski. Il y en a qui viennent de
Sherbrooke. Il y en a qui représentent les divers secteurs culturels, le
monde du cinéma par exemple. Il y en a qui représentent les
femmes. Il y en a qui représentent les divers groupes ethniques, et
c'est pour balancer ce conseil d'administration justement que nous avons pris
du temps pour mener les consultations.
M. Lalonde: Quand ont-ils été nommés?
J'avoue qu'après plusieurs heures de recherche, j'ai beaucoup de
difficulté à trouver la liste des membres.
M. Laurin: Ah! je vais sûrement vous... C'est
ça.
M. Lalonde: Vous pouvez peut-être nous la donner et nous
dire quand ils ont été nommés. Vous ne l'avez pas ici avec
vous?
M. Laurin: Non, je ne l'ai pas avec moi ici.
M. Lalonde: Comment pensez-vous que j'aurais pu trouver la liste
si le ministre lui-même ne l'a pas?
M. Laurin: Ah! je ne l'ai pas apportée, mais je pourrai
vous la faire parvenir dès lundi.
M. Lalonde: Excellent travail. Oui, ce sont les mêmes
réponses que j'avais du maire. Je vous enverrai ça lundi.
M. Laurin: Avec cette différence que vous l'aurez
lundi.
M. Lalonde: Ils vont faire une commission d'enquête sur
nous, vous savez.
M. Godin: ... blanchis, là.
M. Lalonde: Pas blanchis, félicités. Donc, les neuf
membres sont en fonction actuellement?
M. Laurin: Oui.
M. Lalonde: Si le président a été
nommé en décembre, est-ce qu'ils ont été
nommés en même temps?
M. Laurin: Oui.
M. Lalonde: Excusez mon ignorance, mais j'ai cherché un
peu partout et je n'en ai trouvé aucune trace. Est-ce que vous avez fait
une conférence de presse lors de la nomination?
M. Laurin: Non.
M. Lalonde: Ah bon!
M. Laurin: Vous vous étonnez que, parfois, on ne fasse pas
de conférence de presse.
M. Lalonde: J'étais sous l'impression, je l'avoue, qu'il
n'y avait que le président et le directeur général
qui...
M. Laurin: Non, il y a le président-directeur
général et ce ne sont pas tous les membres du conseil... Ceux que
le Conseil des ministres devait nommer de son propre chef proprio motu ont
été nommés, mais il y a les trois, qui doivent nous
être suggérés par le conseil d'administration actuel, qui
n'ont pas encore été nommés.
M. Lalonde: Mais il y en a cinq qui devaient être
nommés après consultation des milieux
intéressés...
M. Laurin: C'est ça, ceux-là l'ont
été.
M. Lalonde: ... par les recherches sur les
phénomènes culturels. Vous pourrez nous donner
une indication ou une description de ces milieux en détail?
M. Laurin: Effectivement, en détail.
M. Lalonde: Vous allez nous donner ça lundi.
M. Laurin: Oui.
M. Lalonde: Est-ce qu'on se réunit lundi, M. le
Président? Non?
Vous me laissez sur mon appétit, je dois prendre simplement avis
de...
M. Laurin: Votre appétit sera comblé lundi. Vous
n'aurez plus faim.
M. Lalonde: On peut donc difficilement scruter l'emploi des $600
000...
M. Laurin: Oui, même si je vous donnais les noms, vous ne
pourriez guère scruter davantage parce que, comme je vous l'ai dit, ce
conseil d'administration établit actuellement son programme de travail
et de recherche pour la prochaine année.
M. Lalonde: Est-ce que vous pouvez nous informer au moins de la
nature des travaux en cours à l'institut?
M. Laurin: Ils sont en train d'établir justement le
programme d'activité de recherche, mettre sur pied les embryons de ce
service de statistiques culturelles dont nous avons besoin.
M. Lalonde: Est-ce qu'il y a des effectifs qui ont
été...
M. Laurin: II n'y a actuellement que le directeur
général et les membres du personnel de soutien absolument
nécessaires.
M. Lalonde: A quel endroit logent-ils?
M. Laurin: Rue Sainte-Ursule.
M. Lalonde: Ce sont des locaux temporaires?
M. Laurin: Oui, ce sont des locaux temporaires?
M. Lalonde: Je n'ai pas beaucoup plus de questions, je regrette,
M. le Président. J'aurais aimé examiner cet... et
féliciter le ministre, mais je ne peux pas le faire.
M. Laurin: Comme vous voyez, l'Institut de recherche sur la
culture ne s'est pas dépêché de se lancer dans les
activités de propagande que vous sembliez tant craindre lors de la
discussion du projet de loi.
M. Lalonde: Je vois que les avertissements que nous avons servis
ont été utiles.
M. Laurin: Non, ils étaient, en fait, caducs avant
même que vous ne les énonciez.
M. Lalonde: Mais juste au cas. Vous savez, on va continuer
à être vigilants et...
M. Laurin: J'aime beaucoup les caveat, surtout quand je me les
fais à moi-même avant que vous ne les fassiez.
M. Lalonde: C'est $600 000 de crédits que vous demandez
pour la mise en route de l'institut, mais le but étant que son...
l'objectif est de $1 200 000 pour une année complète.
M. Laurin: C'est ça. Evidemment, il est possible qu'il y
ait des crédits périmés pour la première
année.
M. Lalonde: Oui et peut-être y aura-t-il un gouvernement
périmé, mais on verra ça plus tard.
M. Laurin: Oui, on verra ça.
M. Lalonde: On peut passer à un autre
élément, M. le Président, j'espère qu'on sera plus
loquace.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
programme 9 est-il adopté?
M. Laurin: Adopté.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Adopté. Est-ce qu'on peut adopter le programme 8, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys?
M. Lalonde: C'est-à-dire que j'aimerais qu'on parle de la
recherche scientifique. Est-ce dans ce programme-là?
M. Laurin: Non, ce n'est pas dans ce programme-là, mais je
pense qu'on peut quand même...
M. Lalonde: Et les droits d'auteur et les... M. Laurin:
Oui, on peut parler de tout ça.
M. Lalonde: Vous aviez des travaux en marche, peut-être
pourriez-vous nous donner un...
M. Laurin: Oui. Commençons par le droit d'auteur. C'est un
travail d'envergure qui est commencé depuis plusieurs années, en
fait, au gouvernement. C'est un sujet éminemment complexe car c'est un
sujet éminemment interdisciplinaire où sont
intéressés non seulement les créateurs, les producteurs de
biens culturels, les artistes, les interprètes, mais également
divers autres ministères comme le ministère de la Justice, par
exemple, le ministère des Affaires intergouvernementales puisqu'il
s'agit de conventions internationales et qu'il s'agit d'une loi
fédérale qui n'a pas été révisée
depuis près de 40 ans.
Il est bien évident que, lorsque nous sommes régis par une
loi aussi vétuste que celle-là, qui n'a
pas été amendée depuis longtemps, et que nos
artistes oeuvrent dans un domaine qui est l'objet de mutations importantes et
nombreuses, le travail d'ajustement qui s'impose et de redressement dans
certains cas demande à être considéré sous tous les
angles.
C'est ce que nous avons fait au cours des dernières
années. Nous avons élargi la composition du comité du
droit d'auteur. Ce comité a reçu également des
délais pour procéder aux études, recherches, consultations
et discussions nécessaires. Un premier rapport nous a été
remis il y a six mois, rapport qui a été étudié au
comité ministériel permanent de développement culturel,
qui a décidé qu'il avait besoin d'éléments
additionnels ne se croyant pas en état d'établir avec ce qui lui
avait été fourni une politique définitive. Donc, nous
avons renvoyé ce rapport au comité pour qu'il y ajoute d'autres
dimensions et ceci, actuellement, est en train de se faire. Je prévois
que le rapport final me sera remis vers septembre ou octobre, et que
peut-être, à ce moment-là, le comité
ministériel permanent du développement culturel sera en mesure
d'adopter un projet définitif de politique concernant le droit
d'auteur.
Entre-temps d'ailleurs, nous avons pris quelques décisions pour
parer aux problèmes les plus urgents, comme l'instauration d'un service
de propriété intellectuelle au ministère des
Communications pour la gestion des droits d'auteur gouvernementaux,
également pour fournir des informations au public sur le droit d'auteur
dans les cas où cela s'avère nécessaire. Mais il reste que
nous attendons le rapport final pour établir cette politique exhaustive,
polyvalente, multidisciplinaire, que commandent les changements technologiques
aussi bien que la prise de conscience des besoins nouveaux et de plus en plus
pressants des auteurs et des producteurs. Je pense que cela presse d'ailleurs,
si l'on considère la poursuite que viennent d'intenter un certain nombre
de producteurs à nos maisons d'éducation.
C'est là un signe additionnel de l'urgence qu'il y a de
procéder en la matière. Grâce aux études intensives
qui ont été menées, je pense que nous serons en mesure,
à l'automne, de faire le tour du problème, de tenir compte de
tous les aspects, de toutes les dimensions de ce problème complexe, et
que nous adopterons des solutions pragmatiques qui s'imposent en même
temps que des solutions qui correspondent aux besoins de cette
société spécifiquement québécoise qui est la
nôtre, puisqu'en cette matière l'identité
québécoise doit sûrement être un des principaux
critères, une des principales pierres de touche qui doivent guider notre
action.
M. Lalonde: M. le Président, je n'ai pas d'autres
questions, étant donné que c'est un rapport d'étape. On
n'a aucun rapport concret, c'est-à-dire un rapport qu'on pourrait
examiner ici à la commission. J'aurais peut-être seulement une
question. Quelle forme prendra le résultat de ces études? Est-ce
que c'est un autre livre coloré, est-ce que c'est une décision
gouvernementale ou une consultation additionnelle? Quels sont les plans du
ministre? (17 h 45)
M. Laurin: Nous avons déjà procédé
à un très grand nombre de consultations officieuses au sein du
milieu. Je ne pense pas qu'une fois que nous aurons pris nos décisions,
il soit nécessaire à nouveau de procéder à une
consultation formelle. Evidemment, ce sera toujours utile d'avoir, comme
d'habitude, l'opinion du milieu, mais je pense que nous avons été
assez prudents et assez exhaustifs dans notre façon de procéder,
pour qu'il ne soit pas nécessaire de procéder à une
consultation formelle.
Quelle forme cela prendra-t-il? Je ne saurais vous le dire actuellement.
Ce sera sûrement un plan d'action, en tout cas, parce que l'action
s'impose dans plusieurs domaines. Il est possible que nous suggérions au
gouvernement de procéder immédiatement dans la sphère de
sa juridiction. Par exemple, si l'on regarde l'application du droit d'auteur,
la constitution du Canada donne quand même aux provinces un certain
nombre de pouvoirs en rapport avec le droit de propriété, et nous
pouvons agir dans ce domaine. Il y a aussi le domaine de l'information, comme
je le disais tout à l'heure, la gestion de nos propres droits d'auteurs;
il y a aussi l'amélioration du statut du producteur et du
créateur, où nous pouvons agir immédiatement,
l'amélioration des conditions économiques avec lesquelles doivent
se débattre les auteurs et les créateurs. Voilà autant de
domaines sur lesquels nous pouvons agir, non pas par des textes
législatifs, mais par des mesures pratiques que nous pouvons prendre
immédiatement, soit la création d'organismes, de services ou
encore des interventions ponctuelles ou encore des appropriations
budgétaires.
Nous agirons sûrement le plus vite possible dans ce domaine. Mais
il est possible aussi que nous soyons amenés, il est même probable
que nous serons amenés, à préparer un dossier de
négociations avec le gouvernement fédéral, l'incitant
d'une façon urgente à modifier la loi fédérale dans
le sens des conclusions du rapport sur lequel nous avons travaillé
intensément. Je pense que le gouvernement fédéral serait
bien content de profiter de l'importante contribution que nous ferons à
ce travail de révision.
Nous pourrons aussi étudier des balises pour l'avenir, puisque
c'est un domaine évolutif qui, encore une fois, est lié de
très près à l'identité culturelle du Québec.
Je pense que nous pourrons poser des balises, soit des législations ou
des réglementations, qui pourront tenir compte de la
renégociation de certains articles de la constitution dans un avenir
très immédiat, en attendant que le Québec se dote d'un
nouveau régime ou d'un nouveau statut.
M. Lalonde: Je vous remercie. Pour l'autre question il n'y
a pas de programme à adopter en ce qui concerne cette question
j'aimerais qu'on parle un peu de recherche scientifique. Le ministre a
publié un livre blanc, il y a à peine
quelques semaines, qui faisait suite à la consultation
provoquée par le livre vert. Naturellement, lors de la période de
consultations qui avait suivi la publication du livre vert sur la recherche
scientifique, le ministre avait dû faire face à une
méfiance assez généralisée des milieux
concernés envers l'intervention gouvernementale. On redoutait un certain
dirigisme du gouvernement. Le livre blanc semble avoir laissé de
côté les éléments les plus inquiétants du
livre vert et conséquemment, il semble mieux accueilli par les
chercheurs.
Cependant, il reste que, même si, dans son livre blanc, le
ministre a réussi à faire taire ou à réduire les
craintes, des questions importantes demeurent parce que c'est, d'après
le projet du gouvernement, toujours le ministre ou le gouvernement qui
définira les priorités, qui coordonnera, comme le dit le livre
blanc, les diverses activités de la recherche scientifique.
J'aimerais demander au ministre s'il peut nous informer de quelle
façon, sur quels critères il s'appuiera pour coordonner les
diverses initiatives et s'il ne croit pas, dans un autre ordre d'idées,
étant donné que son livre blanc a été publié
en pleine période référendaire, que le ministre n'avait
pas encore procédé à sa conversion, à son
recyclage, comme le dit le ministre des Finances, le fédéraliste,
s'il ne trouve pas que la diversité des sources est un acquis, est un
actif qui est fort bienvenu de la part des chercheurs. J'aimerais qu'il nous
donne plus de précision quant aux principes, aux critères qu'il
suivra pour coordonner ces efforts de recherche puisque c'est ce qu'il propose,
et, deuxièmement, pourquoi il réclame une espèce de
souveraineté totale en matière de recherche.
M. Laurin: L'accusation de dirigisme a souvent été
lancée à l'adresse de nos initiatives en matière
culturelle mais, chaque fois, elle s'est révélée non
fondée. Et ceci sera aussi vrai en ce qui concerne la recherche
scientifique que cela l'a été en ce qui concerne la politique de
développement culturel.
Je rappelle aussi au député de Marguerite-Bourgeoys qu'un
livre vert, par définition, n'est pas une politique du gouvernement. Un
livre vert énonce une problématique, un livre vert
présente certaines hypothèses parmi lesquelles souvent le
gouvernement ne fait même pas un choix. Il les présente
simplement, il les offre à la discussion afin de provoquer, justement,
un effort de réflexion dans le milieu.
Et c'est exactement ce qu'a voulu être le livre vert. Dans les
hypothèses que nous présentions, il y en avait qui pouvaient
être moins incitatives que d'autres ou plus incitatives que d'autres et,
justement, le milieu y a réagi d'une façon
intéressée et intéressante en ce sens, par exemple, que le
livre vert a provoqué l'envoi de 150 mémoires au ministre d'Etat
au Développement culturel, mémoires qui ont d'ailleurs
été soigneusement analysés quant à leurs
divergences et à leurs convergences.
Le livre vert a été suivi d'une période de
consultation assez originale puisque nous avons con- densé les
recommandations et les représentations des mémoires et que nous
les avons reformulées sous forme de nouvelles hypothèses de
travail qui ont été soumises à la discussion, lors d'une
dizaine d'ateliers qui ont regroupé les représentants les plus
éminents du monde de la recherche dans le secteur gouvernemental, dans
le secteur universitaire et dans le secteur industriel. Ces ateliers ont
été de véritables séances de travail qui se sont
prolongées durant plus d'une dizaine de jours. C'est justement à
la suite de ce brassage d'idées par les représentants les plus
autorisés de la recherche que nous avons poursuvi notre réflexion
et que nous en sommes venus à établir cette politique de la
recherche scientifique.
Nous l'avons publiée au mois d'avril, non pas parce que cette
période était la période référendaire, mais
simplement parce que c'était l'étape normale de gestation du
projet. J'aurais aimé en fait la publier avant, au mois de mars ou au
mois de février, mais les contributions des ateliers se sont
avérées tellement riches et nombreuses que leur étude et
leur mise en forme ont pris plus de temps que prévu.
Maintenant que nous possédons cette politique de la recherche
scientifique, il nous reste à l'appliquer. Je ne crois pas que cette
politique soit interventionniste d'une façon excessive. Bien sûr,
elle tient compte du rôle de l'Etat, et le rôle de l'Etat est
absolument inévitable en pareille matière, puisque d'abord l'Etat
est le représentant quand même de la collectivité, de la
volonté populaire, et il est tout à fait juste que, dans un
domaine où les appropriations de fonds deviennent de plus en plus
importantes, l'Etat s'assure que le bien commun, que les intérêts
de la collectivité soient servis de la façon la plus authentique.
En ce sens, il est vrai que l'Etat est le dépositaire des
priorités qu'une société se fixe pour les efforts de la
recherche scientifique, car on connaît le rôle extrêmement
important de la recherche. Dans toute société et
particulièrement dans la société moderne, la recherche,
c'est l'exercice même de l'activité créatrice. En ce
sens-là, l'activité créatrice doit s'enraciner dans une
culture donnée, dans un type d'homme donné qui est moulé
par son environnement de même que par son histoire.
Il n'est pas possible de ne pas tenir compte de cette dimension
culturelle de la recherche, de même qu'on ne peut pas ne pas tenir compte
de l'importance extrême de la recherche pour révolution, sans
parler de la mutation, que connaît une société vivante dont
le dynamisme s'accélère constamment. En ce sens, la recherche
devient l'outil et le moteur du développement dans toutes ses
dimensions, qu'il s'agisse de développement culturel, de
développement social, de développement économique et
même de développement politique. Il est bien évident qu'un
gouvernement dont la mission fondamentale est de présider à ce
développement, doit accorder à la recherche scientifique toute
son importance, importance qui ne fera que croître ou que grandir au fur
et à mesure de notre évolution collective.
II est vrai qu'il revient à l'Etat, comme représentant de
la collectivité, de se fixer des grandes priorités. Nous disons
cependant, dans le livre blanc sur la recherche scientifique, que l'Etat n'est
pas le seul à établir ces priorités. Il doit les
établir en conjonction et en concertation, non seulement avec les
chercheurs eux-mêmes, mais aussi avec tous les groupes qui composent la
société. Il y a donc là un dialogue à instaurer ou
à poursuivre entre l'Etat, le gouvernement, la communauté des
chercheurs et la société en général. Dans le livre
blanc, nous prévoyons les lieux, les tables de concertation où
doivent s'effectuer ces échanges.
Donc, si l'Etat, d'une part, ne peut pas se dérober à son
devoir et doit se fixer des priorités, de la même façon, il
doit prévoir ces mécanismes, ces lieux, ces tables de
concertation qui lui permettront d'établir graduellement les
priorités qu'il se fixe. Un certain nombre de ces priorités sont
déjà établies. Je pense, par exemple, à la
transformation ici même, sur place, de nos richesses naturelles, qu'il
s'agisse de l'amiante, qu'il s'agisse de l'agriculture, qu'il s'agisse de nos
forêts. Je pense également à la recherche culturelle qui
doit se poursuivre. Je pense à la recherche sociale, celle qui se
mène autour du revenu minimum garanti, de la diminution de
l'écart des revenus entre les différentes classes sociales. Il y
a là des objectifs très sérieux que nous devons poursuivre
et auxquels la recherche peut contribuer d'une façon valable. C'est dans
cet esprit que nous abordons la mise en jeu de notre politique de la recherche
scientifique.
Je ne veux pas rappeler tous les mécanismes que nous
prévoyons dans notre politique, mais je pense que le
député les a très présents à l'esprit. C'est
dans cet esprit de fidélité au réel, en même temps
que dans cet esprit démocratique, que nous entendons, mais d'une
façon vigoureuse, procéder à la mise en place de notre
dispositif de recherche scientifique dans un esprit de concertation entre tous
les intéressés.
M. Lalonde: M. le Président, le ministre a répondu,
enfin, d'une façon un peu générale à ma
première question, mais la deuxième concernait le chapitre V de
son livre blanc. Il semble proposer, comme cadre sine qua non d'un
succès dans sa démarche, des moyens d'action politique bien
spécifiques; en fait, c'est la souveraineté-association.
D'ailleurs, je ne sais pas si le coût du chapitre V a été
comptabilisé dans les dépenses du comité du oui, parce
qu'au fond, c'était une intervention référendaire, il n'y
a aucun doute. Peut-être que le Conseil du référendum
dirait que le gouvernement n'était pas assujetti à cette
loi-là. Enfin, sans aller plus loin, maintenant que ce cadre politique a
été rejeté, comme on le sait, d'une façon
très éloquente par la population du Québec, est-ce que le
ministre a l'intention de revoir ses conclusions ou de faire d'autres
propositions...
M. Laurin: Non, il n'y a pas lieu de le revoir.
M. Lalonde: Excusez-moi, je n'ai pas terminé...
M. Laurin: Personnellement, je demeure convaincu que le cadre
politique de la souveraineté-association est le meilleur pour nous
permettre d'atteindre les objectifs que je fixais, mais, puisque la population
nous a refusé son assentiment pour le moment à l'intérieur
du cadre fédéral, nous allons revendiquer, avec le plus
d'énergie et de clarté possible, ce qui nous apparaît comme
essentiel pour la poursuite de nos objectifs. Et déjà, à
l'intérieur même du fédéral, il y a
énormément d'anomalies et d'injustices qu'il nous faut corriger.
(18 heures)
Je n'apprendrai pas au député de Marguerite-Bourgeoys que
le Québec a toujours reçu une portion moins que congrue des
subventions fédérales en matière de recherche. Je n'ai pas
à la mémoire les statistiques des dernières années,
mais, ne serait-ce que l'an dernier, l'Ontario recevait $400 000 000 en
subventions alors que le Québec ne recevait que $200 000 0000. Nos
universités francophones ont tire de l'arrière durant de
très nombreuses années par rapport à leurs homologues
ontariennes et d autres provinces également.
Il y a donc là énormément d'injustices à
réparer, de redressements à effectuer, de retards à
rattraper, et vous pouvez compter sur nous pour le faire avec la
dernière énergie.
En même temps, il y a des problèmes de structures qu'il va
nous falloir régler. A l'intérieur même ou pour respecter
l'esprit du fédéralisme, il faudrait que le gouvernement
fédéral cesse sa déplorable habitude de nous mettre devant
des faits accomplis en adoptant des politiques dans des domaines qui
ressortissent à notre juridiction, sans aucune consultation et en ne
tenant pas compte des priorités qu'il devrait pourtant
connaître.
Il y a donc énormément matière à
négociation, pour ne pas dire à revendication, dans le dossier
à l'intérieur même du cadre fédéraliste.
C'est ce que nous allons faire au cours des prochains mois.
M. Lalonde: En terminant, M. le Président, je veux donner
mon appui au ministre dans ses démarches auprès du
fédéral pour que, étant donné que la population a
maintenant décidé, il adapte ses objectifs et ses moyens au
désir de la population et même...
M. Laurin: Déjà dans le livre blanc d'ailleurs.
M. Lalonde: ... qu'il profite de ce cadre politique pour faire
profiter les chercheurs de la diversité des ressources qui est un
facteur de concurrence et d'excellence pour les chercheurs...
M. Laurin: Quand elle ne se traduit pas par un appauvrissement et
des injustices.
M. Lalonde: Naturellement, j'espère que le ministre sera
vigilant et qu'il saura faire valoir les droits des Québécois
à Ottawa pour avoir justice, quoique le ministre ait tendance, dans son
évaluation, à oublier peut-être certains secteurs où
le Québec est mieux représenté.
M. Laurin: Vous seriez bien embarrassé de me les nommer
parce qu'il n'y en a pas.
M. Lalonde: Par exemple, la direction de la science au Canada est
présentement...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il
vous plaît, à moins d'un consentement unanime, je devrai...
Quelques minutes?
M. Lalonde: La recherche médicale, entre autres.
M. Laurin: Nous venons tout juste d'atteindre la justice que nous
avions réclamée depuis des années.
M. Lalonde: 30% à 33%? Et nous fournissons 21% des
impôts au fédéral, vous le savez très bien. Tant
mieux, alors réjouissons-nous que le ministre se félicite
justement de... Vous voyez que tout est possible.
M. Laurin: Vous vous satisfaisez de bien peu.
M. Lalonde: Non, sans être satisfait, mais au moins c'est
une indication qu'il y a moyen de faire des améliorations parce
que...
M. Laurin: D'accord.
M. Lalonde: ... il y a une chose qu'on nous répète
lorsqu'on consulte ce milieu, c'est que la diversité des ressources est
facteur de concurrence et d'excellence de la part des chercheurs. C'est
favorisé par le système dualiste, qu'il soit
fédéral ou autre, et plusieurs craignent justement cette
proposition du ministre que le seul gouvernement du Québec soit
appelé à définir les orientations et être la seule
source de moyens.
M. Laurin: Mais il faut tenir compte aussi des chevauchements,
des contradictions, des éparpil-lements qui souvent se
révèlent extrêmement nocifs, même sur le plan
financier.
M. Lalonde: Oui, mais l'initiative en recherche et l'imagination
ont toujours été aussi, je ne veux pas dire l'anarchie totale...
D'accord avec de larges orientations, mais il faut quand même laisser
l'initiative aux chercheurs dans une large mesure et laisser place à
l'imagination aussi.
M. Laurin: C'est un des plus mauvais dossiers
fédéraux qui existe que celui de la recherche scientifique.
M. Lalonde: J'espère que, si le ministre est encore
là l'an prochain je lui souhaite bonne santé politique
il pourra nous faire un rapport tout à fait favorable de ses
nombreuses et vigoureuses interventions auprès du fédéral
dans le renouvellement de la fédération.
M. Laurin: ... que, comme d'habitude, ce ne soient pas des coups
d'épée dans l'eau.
M. Lalonde: Non, je compte sur le ministre et sur son
gouvernement, ou le prochain gouvernement peut-être qui serait mieux
placé, mais on verra.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que le programme 8 serait adopté?
M. Lalonde: Vous avez un consentement, M. le Président.
Vous ne consentez pas, vous? D'après ce que je comprends, c'est vous qui
ne consentez pas. Oui, le programme 8 est adopté.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
programme 9 est adopté? Le mot de la fin, M. le ministre, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Laurin: M. le Président, je veux remercier...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La
présidence pense que vous ne vous entendrez pas sur certains sujets.
M. Laurin: ... mon fidèle adversaire et néanmoins
ami de sa contribution éminemment utile à l'adoption de nos
crédits et je voudrais aussi remercier les autres membres de la
commission ainsi que les représentants des organismes dont nous
étudiions les crédits aujourd'hui. J'espère que nous
atteindrons encore plus tôt que prévu les objectifs pour lesquels
ces organismes ont été créés.
M. Lalonde: Je veux simplement me joindre au ministre pour
féliciter et remercier les fonctionnaires qui ont répondu
à nos questions et qui se sont présentés ici pour y
répondre. J'aurais aussi aimé avoir plus de temps
c'était la dernière question, j'aurais dû en faire la
première pour demander au ministre de nous décrire ses
nouvelles fonctions et nous dire de quelle façon il avait l'intention de
les assumer, mais j'imagine qu'il aura l'occasion de le faire en d'autres
lieux, et je l'en félicite.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci.
Les travaux de la commission sont ajournés sine die.
Fin de la séance à 18 h 7