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Version finale

31st Legislature, 4th Session
(March 6, 1979 au June 18, 1980)

Monday, June 16, 1980 - Vol. 21 N° 313

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des crédits du Conseil exécutif - Ministère d'État au Développement économique, Ministère d'État au Développement social et Premier ministre


Journal des débats

 

Etude des crédits du Conseil exécutif

(Seize heures quarante-trois minutes)

Le Président (M. Jolivet): A l'ordre messieurs!

La commission permanente de la présidence du conseil et de la constitution est réunie pour continuer les travaux en vue d'étudier les crédits budgétaires du ministre d'Etat au Développement économique, qui est, d'après les renseignements, le Conseil exécutif, programme 3, élément 1.01.

Les membres de cette commission sont M. Bertrand (Vanier), M. Charbonneau (Verchères), M. Dussault (Châteauguay), M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Le Moignan (Gaspé), pour les besoins de la circonstance, remplacé par M. Goulet (Bellechasse), selon les ententes prévues; M. Levesque (Bonaventure), M. Morin (Louis-Hébert), M. Paquette (Rosemont), M. Ryan (Argenteuil), remplacé par M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce); M. Samson (Rouyn-Noranda). En même temps, M. Morin (Louis-Hébert), remplacé par M. Landry (Fabre).

Donc, nous pouvons commencer les travaux de cette commission.

M. le ministre.

Ministère d'Etat au Développement économique

Remarques préliminaires

M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, chers collègues, vous voyez, d'après la présentation des crédits, suivant les objectifs par programme, que le programme que nous abordons est décrit d'une façon assez laconique, comme je le faisais valoir avant le début de la séance à notre collègue de l'Union Nationale, ce qui ne veut pas dire qu'il ne recoupe pas un certain nombre de réalités importantes. Pour faciliter votre travail, qui a comme base l'ensemble de l'action du ministre d'Etat au Développement économique, je vais faire un petit exposé initial qui met un peu plus de chair autour des quelques chiffres que vous avez là, qui sera quand même restreint. A moins que vous ne me disiez le contraire, j'imagine que vous voulez également faire des exposés et surtout poser des questions, alors, je parlerai le moins longtemps possible pour que la période qui nous est allouée vous permette d'aller au fond de toutes les choses que vous souhaitez approfondir.

D'abord, en résumé, un appel structurel. Le présent gouvernement a inauguré cette formule des comités ministériels permanents de développement, visant un chapitre ou l'autre des grands secteurs de l'activité gouvernementale qui sont greffés sur les activités de la collectivité elle-même, au nombre desquels se trouve le développement économique.

Sur le plan structurel, c'est relativement simple. Ce comité est présidé par un ministre, qui est le ministre d'Etat au Développement économique, et regroupe tous les ministres dirigeants des ministères à vocation économique entendue au sens assez large du terme.

Ces ministres se réunissent, en principe, à tous les quinze jours. Je dis: En principe, car il faut tenir compte de certaines périodes de vacances et certaines périodes plus mouvementées, ce qui nous a amenés à nous réunir 70 fois au cours du présent mandat de ce gouvernement. (16 h 45)

Ces réunions ont pour objet d'étudier d'abord les plans de développement à plus long terme des activités de chacun des ministères. Tous les projets des ministères qui ont un caractère important et exceptionnel — nous ne nous penchons pas sur l'action quotidienne des ministères, bien entendu — et également tous les projets des divers ministères qui ont un impact sur l'action ou la politique d'autres ministères sectoriels.

Pour résumer la pensée qui était à l'origine de la création de ces comités, pensée qui a évolué à travers à peu près tous les gouvernements du Québec, le comité de développement économique a pris la relève d'un comité analogue sous le précédent gouvernement, qui était le comité des richesses naturelles. La pensée qui était à l'origine de ce comité et maintenant de ces comités à travers plusieurs gouvernements occidentaux, c'est la réduction des impérialismes ministériels sectoriels, l'ajustement de leurs diverses politiques de façon que ces politiques s'épaulent les unes par rapport aux autres plutôt qu'être antagonistes, comme on en a vu des exemples assez pénibles dans le passé non seulement au gouvernement du Québec, mais au gouvernement de l'Ontario qui avait inauguré et innové dans cette voie il y a cinq ou six ans et dans deux gouvernements du Canada, celui des libéraux, version d'avant la défaite électorale où il y avait un comité de développement économique analogue qui existait, et celui des conservateurs qui en avaient mis un sur pied, qui était présidé, comme chacun s'en souvient, par M. de Cotret.

C'est donc ça, en gros, l'action du comité ministériel permanent du développement économique. On y procède par mémoires venant des ministères, par critiques venant du président et du personnel de secrétariat, ce qu'on appelle le mémoire du secrétariat et, quand les ajustements sont faits et que les confrontations sont liquidées, la décision finale, comme ça fait partie de la base de nos institutions, est référée au Conseil exécutif qui peut, alors, prendre une décision beaucoup plus rapide, beaucoup plus éclairée, parce que six, sept ou huit de ses membres ont déjà consacré du temps à l'étude du projet en question.

L'action du ministre d'Etat au Développement économique ne se borne pas évidemment à faire fonctionner et à présider ce comité, elle déborde sur d'autres secteurs de l'activité gouvernementale, en général par suite du mandat qui a été

confié au ministre d'Etat au Développement économique par l'arrêté en conseil créant ce poste ou par des mandats spécifiques donnés par le Conseil des ministres.

Les plus importants de ces mandats sont la surveillance, le contrôle, la promotion de toutes les activités dites de concertation du gouvernement et qui relèvent de la problématique économique.

Il y a d'autres activités de concertation comme celles qu'on a vues à l'occasion du sommet sur les industries culturelles, qui n'étaient pas coordonnées par le développement économique, l'ensemble des sommets et mini-sommets, les grands sommets économiques, celui de Pointe-au-Pic, celui de Montebello et la douzaine et un peu plus de sommets sectoriels et même sous-sectoriels, parce qu'en agriculture on en a ajouté une demi-douzaine qui touchaient des secteurs aussi précis que l'élevage porcin, que l'industrie laitière, et ces activités sont coordonnées, encore une fois, par le ministre d'Etat au Développement économique.

Une autre opération majeure du gouvernement, depuis sa création, et coordonnée par un comité que je préside, c'est l'opération solidarité économique. Ce comité, à part moi-même, comprend le ministre d'Etat au Développement social et le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, qui est surtout là, d'ailleurs, à cause de sa qualité de membre du Conseil du trésor. Cette activité de l'opération solidarité économique est administrée, comme vous le savez, de façon décentralisée par chacun des ministères sectoriels, sauf une opération qui est confiée à l'OPDQ, mais la coordination générale, la décision d'insérer ou de ne pas insérer tel ou tel programme dans l'opération solidarité économique, la conception de programmes nouveaux se fait au niveau central au secrétariat au développement économique. Egalement, toujours en vertu de cet arrêté en conseil général, mes fonctions de conception, non pas de planification, je me suis déjà expliqué devant vous pour dire que je trouve ce mot un peu fort, mais de conception des stratégies de développement économique, m'ont conduit à publier, comme vous le savez, les énoncés de politiques économiques du gouvernement, il y a maintenant une dizaine de mois, en fait c'est en septembre dernier, énoncés intitulés Bâtir le Québec, dans la version originale et dans la version abrégée. Cette publication a été suivie d'une tournée extensive à travers toutes les régions du Québec. La tournée avait été inaugurée à Montréal et a aussi été clôturée à Montréal, mais elle avait eu des villes étapes à peu près dans toutes les régions économiques importantes. Il y a donc Bâtir le Québec et un certain nombre d'études connexes, dont une étude sur l'épargne, qui est en cours et qui sera publiée après que les diverses itérations qu'elle doit suivre au Conseil des ministres et dans les divers comités auront été franchies, et une autre étude, qui est aussi un accessoire de Bâtir le Québec, qui est un approfondissement de toute la problématique du développement de l'économie québécoise à partir du potentiel énergétique et du potentiel hydro-électrique en particulier.

Enfin, et c'est la dernière chose que je dis, dans cette introduction descriptive des activités du programme qui est décrit de façon si laconique, la dernière chose que je dis, c'est que le premier ministre m'a confié la responsabilité de coordonner tous les travaux de la Direction de la planification de l'Office de planification et de développement du Québec. La Direction de la planification est, avec la Direction de l'aménagement, une des directions les plus importantes de cet office, dont vous connaissez le fonctionnement. C'est théoriquement mon collègue, le ministre d'Etat à l'Aménagement, qui répond globalement de l'Office de planification, mais je suis à votre disposition pour répondre spécifiquement à tout ce qui touche les travaux et les études de la partie planification qui, encore une fois, relève de moi quant à la planification, la conception des programmes, l'approbation des études et le fait de les rendre publiques, comme nous le faisons dans tous les cas.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Reed Scowen

M. Scowen: Merci, M. le Président. Comme le ministre l'a constaté, c'est une bonne occasion de poser des questions au ministre sur les politiques économiques en général. Je pense que le ministre est assez polyvalent, il a des responsabilités dans plusieurs dossiers. Il y en a plusieurs que j'aurais aimé aborder, entre autres le programme OSE, la politique d'épargne, l'investissement étranger, mais je pense qu'avec le temps limité que j'ai à ma disposition, je vais commencer par le programme Bâtir le Québec. S'il y a lieu, après que mon collègue aura parlé, je vais revenir aux autres programmes.

Comme le ministre l'a dit, ça fait maintenant dix mois que Bâtir le Québec a été rendu public. J'ai la nette impression que c'est un document qui est bel et bien sur les tablettes et que le gouvernement n'a aujourd'hui aucune intention de faire suite à ses recommandations. Je pense que je vais faire deux commentaires de nature générale. Le premier, c'est qu'il y a deux éléments dans ce document qui sont maintenant caducs, à toutes fins pratiques. Ce document a été conçu dans un cadre de souveraineté-association; partout, de la première page à la dernière, un élément de base, c'est l'impossibilité de vivre dans le cadre fédéral. A titre d'exemple, il y a toute une partie d'un chapitre, dans la première partie du document. Et il y a deux ou trois autres endroits où c'est traité d'une façon assez détaillée.

Maintenant, c'est clair que les Québécois ont rendu une décision là-dessus: ils veulent rester dans un cadre fédéral. C'est clair que ce document a besoin d'être refait non pas pour essayer de démontrer l'impossibilité de vivre dans un cadre fédéral, mais, si le ministre veut faire suite à la déclaration du premier ministre qui a dit qu'il veut essayer de travailler loyalement dans un régime fédéral, pour rendre notre système fédéral, comme

la grande majorité, semble-t-il, des Québécois le veut, plus souple, plus efficace. Il est clair que, dans ce document, la ligne conductrice, c'est que le fédéralisme ne peut pas marcher. Et comme je l'ai dit, c'est caduc.

Il y a un autre élément qui est également caduc et c'est la déclaration qu'il faut maintenant miser surtout sur l'entreprise comme base, comme moteur économique. Et je dis que c'est caduc parce que, quelques mois après le dépôt de ce document, le parti a rendu publique la dernière version de son programme, dans lequel, même s'il avait pris connaissance de Bâtir le Québec, il répétait très clairement qu'il n'était pas d'accord. Et je cite au chapitre III, sur les entreprises: "Le gouvernement du Parti québécois s'engage à reconnaître que l'activité économique est conduite par différents agents... et à favoriser comme forme prioritaire d'intervention dans l'économie une extension soutenue du secteur public."

C'est clair que cette déclaration faite par le Parti québécois, à la suite du dépôt du document du gouvernement du Parti québécois, est une contradiction flagrante. Et on est encore dans le problème que le chef de l'Opposition officielle a soulevé aujourd'hui. Le gouvernement est obligé de porter deux chapeaux, un pour le parti, dans lequel ils vont respecter l'idée qu'une forme prioritaire d'intervention dans l'économie, c'est "une extension soutenue du secteur public." Je parle d'un document qui a été rendu public par le parti après que Bâtir le Québec eut été rendu public et qui disait exactement le contraire.

Ces deux questions, ces deux contradictions à l'intérieur du document Bâtir le Québec, à mon avis, le rendent caduc, et c'est probablement la raison pour laquelle très peu de ce document a été réalisé.

M. le Président, dans un effort pour mieux comprendre ce qui est arrivé avec Bâtir le Québec, j'ai fait une petite analyse. A la fin, il y a 123 recommandations spécifiques. Elles commencent à la page 167 et elles se terminent à la page 186. J'ai essayé de les analyser pour savoir ce qui est arrivé. C'est là-dessus que je veux poser des questions précises au ministre. J'ai divisé ces 123 recommandations en quatre catégories. Premièrement, j'en ai enlevé une trentaine qui sont vides de contenu. A titre d'exemple, je vous en donne une belle. Il y en a à peu près trente comme cela. La recommandation sur le tourisme no 94 propose: "L'adoption graduelle et selon les besoins de programmes spécifiques d'incitation à l'investissement en fonction des besoins particuliers." Je pense que tout le monde est d'accord pour dire que ce n'est pas quelque chose qu'on peut faire, que ce n'est pas quelque chose qu'on peut évaluer après. Il y en a à peu près une trentaine comme cela.

Il y en a aussi à peu près 21 qui sont simplement la déclaration de choses qui ont été déjà faites. A titre d'exemple, dans ce cas-ci, le no 18, c'est la recommandation que les sociétés d'Etat soumettent au gouvernement un plan de développement triennal ou quinquennal. C'est une poli- tique qui était déjà en vigueur au moment du dépôt du document Bâtir le Québec. Ce n'est pas quelque chose qu'on se propose de faire, c'est quelque chose qui a déjà été réalisé. Une autre, le no 22, propose qu'une nouvelle loi amendant la loi de la SDI soit faite. Cette recommandation est clairement une recommandation de faire quelque chose qui est en effet un changement à la loi de la SDI qui a été fait avant que ce document soit déposé. Il y en a une vingtaine comme cela, 21 recommandations, ce qui nous laisse avec 71 recommandations que je peux appeler sérieuses.

J'ai divisé ces 71 recommandations sérieuses dans deux catégories. Il y en a à peu près 39 ou 40 qui, quant à moi, nécessitent une loi ou, au moins, une augmentation substantielle du budget. De plus, il y en a 32 qui visent des nouveaux programmes, qui n'ont probablement pas besoin d'une loi pour être réalisés, mais qui visent certainement une démarche précise. Je veux dire, entre parenthèses, dans cette analyse que j'ai faite, que j'ai calculé que vous en avez 34 qui vont nécessiter une augmentation du personnel permanent, et à peu près 55 qui vont nécessiter un financement permanent. Je veux signaler que, dans aucun cas dans le document, vous n'avez essayé de chiffrer le coût pour le personnel qui sera requis dans ces deux cas.

Pour retourner aux deux catégories que je trouve sérieuses, les nouveaux programmes et les projets qui nécessitaient des lois, j'en ai pris connaissance pour savoir si au moins quelques-uns s'étaient déjà réalisés. Quant à moi, il y en a très peu. Pour les questions que je veux poser au ministre, je vais prendre quatre ou cinq projets ou recommandations spécifiques sérieuses dans cette catégorie, et je vais tout simplement lui demander s'il a besoin de faire suite à ces recommandations et quand. Cela peut nous donner une meilleure idée de la façon par laquelle le gouvernement aborde cet énoncé de politique.

Je vais passer vite au travers la liste. J'en ai à peu près une douzaine dans chaque catégorie que je pense importantes et desquelles on n'a pas entendu parler depuis le dépôt de ces documents. Peut-être le ministre peut-il nous renseigner. Je vais commencer avec quelques recommandations qui sont importantes pour moi et qui vont nécessiter probablement ou une loi ou un budget supplémentaire important. Premièrement, c'est la recommandation 42, la création de la Société d'exportation du Québec. Est-ce que c'est quelque chose qui sera réalisé avant la fin de la session? Sinon, quand? Recommandation 41, création de l'Office québécois du commerce extérieur. (17 heures)

Recommandation 54: participation du gouvernement du Québec à la mise sur pied d'une banque d'affaires; recommandation — je pense que c'est 24 — élargissement du champ d'activité de la SDI. C'est une nouvelle loi qui sera requise pour permettre à la SDI d'agir dans le domaine des télécommunications, du transport et de la recherche industrielle. La recherche industrielle est dans la recommandation 46. Recommandation 6: création

d'une bourse de sous-traitance à Montréal. Je pense que je suis rendu à 5. Je ne veux pas prendre tout le temps... Je vais vous en donner cinq qui sont dans le domaine des nouveaux programmes et peut-être que le ministre pourra répondre aux dix. J'attends simplement qu'il me dise si cela a été fait. Sinon, quand?

Recommandation 3, les programmes de création d'un conseil économique et social; recommandation 25, un programme omnibus visant la création de groupements d'intérêt; recommandation 83: le nouveau programme de modification des tarifs ferroviaires; recommandation 90: nouvelle politique des conditions de fourniture d'électricité. Finalement, il y en a plusieurs ici, je peux les prendre un peu au hasard. Recommandation 99: programme de promotion à l'extérieur des installations portuaires. Comme je l'ai dit, j'en ai à peu près une trentaine comme ça.

En voici cinq... Je veux simplement pour le bénéfice de tout le monde que le ministre nous donne... Comme je l'ai dit, j'accepte le fait que ce n'est pas du tout inévitable que les 123 propos, ou même les 71 sérieux, soient en vigueur dix mois après que Bâtir le Québec a été rendu public, mais je pense que nous avons le droit au moins de savoir quel est le "batting average", comme on dit. S'il peut commencer avec la première, la Société d'exportation du Québec, et continuer avec celles qui sont sur la liste, je pense que ça va intéresser tout le monde afin qu'on sache où nous sommes rendus.

Le Président (M. Jolivet): Avant de laisser la parole au ministre, simplement un petit problème technique. Je dois confirmer dans son travail le rapporteur de cette commission, ce qui n'a pas été fait au début.

M. Landry: Pardon?

Le Président (M. Jolivet): Simplement confirmer dans ses droits et devoirs le rapporteur de cette commission.

M. Landry: Parfait!

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, la parole est à vous.

M. Bernard Landry

M. Landry: Bon! J'ai été surpris de certains propos du député de Notre-Dame-de-Grâce, parce qu'ils contenaient un certain nombre d'assertions carrément fausses, mais alors carrément fausses! C'est de notoriété publique, le moindre étudiant de CEGEP qui suit le 820, qui est un cours d'économique, a lu ça dans les journaux. Cela m'a surpris et je me suis rendu compte qu'il fallait être indulgent pour le député de Notre-Dame-de-Grâce. Il prend la relève d'un homme qui a quitté son parti et qui était le vrai spécialiste des questions économiques, qui avait la formation universitaire, qui avait la formation professionnelle, qui avait le passé d'ancien président du Conseil économique du Canada, et je comprends que ce soit une lourde tâche pour le député de Notre-Dame-de-Grâce.

Je pense qu'on ne doit pas lui tenir rigueur, après quelques jours d'entraînement de réalités complexes qui sont difficiles à comprendre pour lui, qu'il nous donne une démonstration d'une telle méconnaissance des réalités de Bâtir le Québec en particulier, mais j'en déduis qu'il ne connaît guère plus...

M. Scowen: M. le Président, excusez-moi, question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Question de règlement, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Le ministre a commencé en mettant ma compétence en doute. J'ai eu le plaisir de recevoir des leçons d'économie pendant un an et demi de votre ministre de l'Industrie et du Commerce, M. Tremblay. Chaque intervention qu'il a faite pendant deux ans contenait: Je vais vous donner une leçon d'économie.

Je ne veux pas commencer avec un autre homme qui n'est pas aussi fort en économie que M. Tremblay.

M. Landry: Cela confirme ce que je dis, parce que M. Tremblay parlait quelques minutes par jour quand il était questionné et il n'y a jamais un gars qui est devenu économiste et compétent à écouter des cours pendant quelques minutes par jour.

Dans les CEGEP on sait ça, ça prend plusieurs heures même par semaine pour acquérir le degré, le plus élémentaire.

Donc, à la décharge du député de Notre-Dame-de-Grâce, cela... Une autre chose aussi. Je comprends qu'il soit désorienté, son propre parti n'a aucun programme économique, aucune orientation économique et leurs amis, ceux du Conseil du patronat, qui sont pratiquement, à certains égards, l'annexe du Parti libéral, le leur reprochent. C'est rendu que le Conseil du patronat se désole que vous n'ayez aucune pensée et aucune politique économique. Je comprends que vous puissiez arriver aux commissions parlementaires...

M. Scowen: Les gens commencent à s'intéresser aux nôtres beaucoup plus qu'aux vôtres parce que...

M. Landry: C'est dans les journaux de ce matin. ... dans un tel état d'impréparation pour des raisons intuitus personae, d'une part, et pour des raisons qui tiennent à l'inexistance de quelque politique économique et sociale que ce soit connue de la part du Parti libéral.

Cela dit, après avoir manifesté mon indulgence, je vais rétablir certains faits qui sont d'une fausseté invraisemblable. Le député a commencé par dire que parce qu'il y avait eu référendum, Bâtir le Québec était caduc. Or, devant la presse

nationale réunie, lorsque nous avons rendu public Bâtir le Québec, dans toutes les régions du Québec, puisque cela a été l'objet d'une tournée intensive dans une quinzaine de villes étapes, il a été répété jusqu'à satiété qu'il s'agissait d'un programme d'action pour la fin du mandat du présent gouvernement, c'est-à-dire un horizon à partir de la date où il a été publié, de 10,15,18, 20 mois.

A cette date — vous voyez que vous n'avez pas dit la vérité à la commission, non pas par mauvaise foi, mais sans doute par incompétence — M. le Président... D'après la tradition parlementaire, j'ai le droit de parler au président, mais vous regarder, afin que chacun sache, M. le Président, que quand je dis des choses dures à votre endroit, ce n'est pas vraiment vers votre personne...

M. Scowen: Que le ministre ne s'inquiète pas, je... Il peut se calmer et essayer de répondre aux questions.

M. Landry: ... que ces choses sont dirigées... Le Président (M. Jolivet): J'en suis assuré.

M. Landry: Aussi en plus, M. le Président, vous savez que dans cette Assemblée...

M. Scowen: Est-ce qu'il veut qu'on suspende pendant cinq minutes pour qu'il puisse se calmer?

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je ne pense pas que le ministre vous ait interrompu pendant votre exposé. Je vous demanderais...

M. Scowen: Je ne l'ai pas insulté non plus.

Le Président (M. Jolivet): Non, mais je vous demanderais...

M. Landry: Dans cette Assemblée, M. le Président, je pense que chaque membre a le droit de porter son regard où il veut quand il parle. D'ailleurs, pour des raisons qui n'ont rien à voir avec le député de Notre-Dame-de-Grâce, je pourrais porter mon regard un peu plus à droite, ce serait peut-être plus consolant.

Sur ce, je reviens...

M. Scowen: Je pense que vous n'aurez pas de réponse...

M. Landry: ... à cette fausseté que vous avez exprimée en disant que Bâtir le Québec est caduc en raison des résultats du référendum.

Ceci est diamétralement faux et contraire à la vérité, et mine la crédibilité de tout ce que vous avez dit par la suite, mais systématiquement, je dirai que ce que vous avez dit par la suite aussi n'était pas exact. Je vous mets au défi de relire les journaux de l'époque, de consulter les journalistes qui étaient présents quand Bâtir le Québec a été présenté. Cette stratégie de politique économique non seulement ne misait pas sur un contexte de souveraineté-association, mais spécifiait clairement qu'un très grand nombre de ces constats et de la problématique qui avait été établie pouvait être contré sans que les modifications importantes au régime constitutionnel canadien ne soient intervenues, sauf évidemment — et je pense que sur la réforme de la constitution vous êtes tous d'accord — que tant que le Québec n'aura pas plus de pouvoir en matière économique, en particulier, certains objectifs qui peuvent être atteints difficilement, péniblement, et en prenant plusieurs années, pourraient être atteints plus rapidement si les responsabilités entre les deux niveaux de gouvernement étaient bien départagées.

Alors, je termine sur ce point en disant que je voudrais que le député m'explique comment il relie le résultat du référendum et la caducité de Bâtir le Québec, alors qu'il était clair que c'était un programme d'action à moyen terme. D'aucune manière la souveraineté-association n'aurait pu être négociée ou mise en vigueur dans le moyen terme. Et savez-vous ce que c'est le moyen terme en économie? Parce que c'est la première chose qu'on apprend à la première leçon au CEGEP. Savez-vous ce que c'est que le moyen terme? Si vous savez ce que c'est le moyen terme ce n'est pas Bâtir le Québec qui est caduc, c'est ce que vous avez dit au sujet de Bâtir le Québec qui non seulement est caduc, mais faux.

Maintenant, sur le pourcentage de réalisation. Encore une fois, nous n'avons jamais dit que dans dix mois nous allions réaliser l'ensemble de ce qui est mentionné dans cette programmation et cet énoncé de politique. Nous avons même insisté sur ce fait — et je pense qu'on finira par avoir l'accord de l'Opposition et des oppositions — que ça irait plus vite si le gouvernement du Québec avait plus de moyens, plus de pouvoirs, plus d'argent, ce qu'il aura quand la constitution du Canada aura été reformée en profondeur. Et si j'ai bien compris, c'est l'objectif que vous poursuivez dans votre formation politique. Ceci dit, à peu près 60% de tout ce qui est préconisé dans Bâtir le Québec est réalisé, sans, par ailleurs — et là je vous le concède — mettre de qualifications par voie d'importance. Beaucoup de choses sont très importantes, d'autres le sont moins. On est allé jusque dans l'horticulture, la culture des carottes, des choux, alors il faut faire des pondérations. Environ 60% est réalisé.

Vous avez dit, et à bon droit, que certaines choses qui sont expliquées dans cet énoncé étaient déjà en vigueur quelques mois avant qu'il soit publié. D'accord, concedo. Cela découle de la nature même des choses. Les équipes qui ont travaillé à Bâtir le Québec ont travaillé pendant au-delà de deux ans à recueillir des données dans tous les ministères; c'est d'ailleurs un travail qui n'a pas de précédent dans l'administration publique. Quand le député de Notre-Dame-de-Grâce était fonctionnaire au MIC, son ministre avait bien voulu faire un énoncé de politique économique, mais il n'avait jamais été capable de lui faire traverser l'assentiment du Conseil exécutif. Je le sais

parce que mes collaborateurs dans Bâtir le Québec, pour la plupart d'entre eux, sont des fonctionnaires professionnels qui étaient déjà là du temps des libéraux. Certains ministres, comme M. Guy Saint-Pierre, voulaient procéder par grand énoncé, mais ils étaient face à un cabinet trop rétrograde. En tout cas, c'est l'hypothèse la plus favorable vis-à-vis de M. Saint-Pierre, votre ancien ministre, pour qu'un tel document ne franchisse l'étape décisionnelle. (17 h 15)

Dans notre cas, nous avons franchi l'étape décisionnelle, mais quand une politique a été acceptée au début des travaux, le député de Notre-Dame-de-Grâce aura été le premier à nous reprocher amèrement de bloquer la politique, parce que le livre n'était pas publié. Ce n'est pas la publication du livre qui est importante, c'est l'action. Effectivement, en cours de travaux, quand on était sûr d'une politique, même si elle n'était pas publiée pour l'ensemble des agents économiques du Québec, on a pensé que, dans l'intérêt de la population du Québec, des entreprises et des syndicats, il valait mieux la mettre en vigueur, et c'est ce que nous avons fait.

M. Scowen: On aurait pu mettre la nationalisation de l'Hydro-Québec, dans ce cas.

M. Landry: Là, on est en pleine absurdité.

M. Scowen: Exactement, je suis complètement d'accord avec vous.

M. Landry: On est en pleine absurdité. La nationalisation de l'Hydro-Québec...

M. Scowen: Les réalisations du passé, dans un énoncé de politique économique.

M. Landry: ... intervenue en 1944 — Montreal Light and Power, premier mouvement du gouvernement du Québec et de la collectivité québécoise pour s'assurer le contrôle de ses richesses naturelles — a été complétée en 1962, par la nationalisation de onze compagnies d'électricité, par un gouvernement qui avait comme ministre des Richesses naturelles et comme principal instigateur de cette opération l'actuel premier ministre. Je ne vois pas ce que cela peut avoir à faire entre des mesures qui ont été conçues durant le mandat du présent gouvernement, qui n'est pas du même parti, qui n'est pas à la même époque, et le temps où elles ont été publiées dans un ouvrage qui s'appelle Bâtir le Québec.

Donc, une autre intervention surprenante et à contre-temps du député de Notre-Dame-de-Grâce, parce que je ne l'ai pas interrompu pour ma part.

M. Scowen: J'ai été très poli.

M. Landry: Je continue. Je ne dis pas que vous n'avez pas été poli dans le contenu de vos paroles, je dis que vous n'avez pas été poli en me coupant la parole à douze ou quinze reprises de- puis que j'ai commencé à vous répondre, alors que j'ai observé un silence respectueux à toutes les minutes de votre intervention. Non seulement j'ai écouté, mais j'ai pris des notes. Maintenant, je vais y répondre de façon plus systématique.

Je vous ai donc dit qu'il y a déjà plus de 60% des éléments de Bâtir le Québec qui sont en place. Je vous rappelle que Bâtir le Québec a servi dans l'élaboration du processus budgétaire. Cela a été le critère premier de l'établissement des priorités en matière budgétaire, ce qu'a clairement dit d'ailleurs, si vous l'aviez également écouté le ministre des Finances, dans son discours du budget.

Je me propose, du reste, de publier en septembre, de rendre public, à tous les agents qui ont eu Bâtir le Québec entre les mains, un compte-rendu complet de la réalisation de tous les programmes qui y sont mentionnés, mais j'en ai déjà ici un volumineux aperçu et je vais m'en servir dans ma réponse.

Par exemple, comment le député de Notre-Dame-de-Grâce peut-il fermer les yeux sur un élément majeur de Bâtir le Québec, qui est une politique aussi importante peut-être que ce qu'on fait en matière d'amiante, presque comparable à ce qu'on fait en électricité, pour lequel il a voté lui-même, le fonds forestier et son impact sur les travaux sylvicoles? Je pose une question bien simple au député de Notre-Dame-de-Grâce: A-t-il voté, s'il était en Chambre, pour le fonds forestier, à l'une ou l'autre des trois lectures, et a-t-il remarqué que le fonds forestier était une des pièces majeures de l'énoncé de politique économique, Bâtir le Québec.

Quant à l'Office québécois du commerce extérieur — là, je le dis à la décharge du député qui n'est pas obligé de savoir tout ce qui se passe à l'intérieur du gouvernement et l'action quotidienne, surtout quand il ne pose pas de questions à ce sujet — je lui annonce, s'il ne le sait déjà — mais ce n'est pas sa faute s'il ne le sait pas — que l'Office québécois du commerce extérieur est virtuellement en place, au complet. Cela a été publié dans les journaux. Je veux bien être indulgent, mais...

Son directeur est M. Marcel Bergeron, un de vos anciens collègues, un des anciens collègues du député de Notre-Dame-de-Grâce...

M. Scowen: Très bon choix.

M. Landry:... qui était notre délégué général à New York, qui a été rapatrié de New York pour prendre la charge de cet office qu'il est en train de mettre en place et dont les tenants et aboutissants seront rendus publics sous peu par mon collègue de l'Industrie et du Commerce qui a préféré avoir tous ses hommes en place et être capable de vous donner matière à appréciation avant de rendre public ce qu'il faisait. Les ministres ne rendent pas publique au jour le jour la moindre décision qu'ils prennent.

M. Scowen: Merci.

M. Landry: Je pense que c'est normal. Autrement, le gouvernement ne pourrait pas fonctionner. Sauf quand l'Opposition, suivant ses droits sacrés, pose des questions. Autrement, je pense que ce ne serait pas pratique et aucun gouvernement occidental ne fait cela.

Mais mon collègue de l'Industrie et du Commerce rendra publique cette information et répondra à toutes vos questions sur l'Office québécois du commerce extérieur qui, encore une fois, est virtuellement en place.

Le député de Notre-Dame-de-Grâce a sûrement entendu parler aussi — parce que cela a été annoncé et rendu public — du programme spécial d'aide aux industries du secteur traditionnel que l'on appelle textile, bonneterie et vêtement. Je lui pose la question. N'a-t-il pas lu cela dans les journaux? C'est aussi au coeur de l'exposé Bâtir le Québec.

M. Scowen: C'est quelle recommandation, celle-là?

M. Landry: Je peux vous la donner par numéro.

Une Voix: Vous n'avez pas fait vos leçons?

M. Landry: Je vais vous donner, dans quelques minutes, la page et la référence précises.

M. Scowen: Merci.

M. Landry: Maintenant, pour l'activité de la SDI dont il est fait mention, il a été également rendu public que la SDI a connu, en 1979-1980, dans son année d'activité, une augmentation de 52% de ses activités, incluant de nouveaux secteurs.

La référence, c'est à la page 186, donc la dernière page de la version résumée. Vous le retrouvez aussi?

M. Scowen: Oui.

M. Landry: II est dit: Adoption de programmes sectoriels ad hoc touchant les différents segments de production, innovation dans la chaussure et le meuble, consortium de transport dans l'industrie du meuble, etc. Et dans l'énoncé intégral, vous avez plus de détail. Je suppose que c'est ce que vous appelez des phrases dépourvues de sens, mais les gens de l'industrie du textile, du vêtement, de la bonneterie, de la chaussure savent que la politique que nous poursuivons vigoureusement depuis que nous sommes là n'est pas dépourvue de sens; que cette phrase et que les réalisations qui ont suivi ne sont pas dépourvues d'intérêt pour eux, parce que, du temps que les libéraux étaient au pouvoir, dans les quinze derniers mois de leur administration, on avait perdu 22 000 emplois dans ces secteurs. Ces secteurs étaient l'objet d'une conspiration technocratique, avec la complicité des pouvoirs politiques, qui consistait à les laisser à vau-l'eau. Vous appeliez cela — dans une langue qui est familière au député de Notre-Dame-de-Grâce — du "phasing out", on "phasait out" des travailleurs, par dizaines de milliers. A Shawinigan, à Coaticook et à Drummond.

Nous, on est revenu, si vous le permettez — malgré ma maîtrise de cette langue qui n'est pas égale à la vôtre et qui n'est pas égale à la maîtrise du député de Notre-Dame-de-Grâce, M. le Président — on est en train de faire un "phasing in", parce qu'il y a eu au moins 5000 nouveaux emplois créés dans ce secteur, après récapitulation de ceux qui avaient été perdus.

Ce sont des suites de virages importants de politique, et ce sont des suites qui découlent directement de Bâtir le Québec.

J'ouvre une parenthèse et j'interromps mes réponses systématiques aux points que le député de Notre-Dame-de-Grâce a mentionnés pour parler du programme du Parti québécois en regard de Bâtir le Québec. J'ai un de mes collègues ici présent, le député de Rosemont, qui s'est livré à une analyse extrêmement serrée de la compatibilité des deux documents, le programme du Parti québécois et Bâtir le Québec.

J'ai eu par écrit le résultat de cette analyse. La façon dont le député de Notre-Dame-de-Grâce a interprété notre programme est tout à fait erronée. De toute façon, quel que soit l'assentiment idéologique que son parti, s'il avait une politique économique, pourrait donner à mes paroles, je vais préciser ma pensée là-dessus et celle du gouvernement. Le secteur public québécois mis sur pied à l'occasion de la révolution tranquille est là pour durer. Non seulement il est là pour durer, il est là pour continuer son expansion.

Cependant, cette expansion, comme nous l'avons dit à plusieurs reprises, ne sera pas surtout faite par la création de nouvelles sociétés du secteur public. Nous pensons qu'une société comme la Société générale de financement est maintenant à maturité. Une des meilleures preuves qu'elle est à maturité, d'ailleurs, c'est qu'elle fait de l'argent à peu près partout, comme chacun le sait. C'est la même chose pour SOQUEM qui fait $10 000 000, cette année, qui nous compense sur le plan du service de la dette des dix ans d'efforts du gouvernement dans SOQUEM. Dans un an, elle fait $10 000 000.

Le secteur public québécois, il est à maturité. Il va continuer son expansion, mais il va continuer son expansion suivant, d'ailleurs, des stratégies économiques que nous énonçons et, deuxièmement, dans les cadres d'une économie de marché et d'une économie libre. Le dernier exemple en lice: Pétromont, filiale au tiers de la Société générale de financement, en association avec deux très grandes firmes multinationales de la pétrochimie, Gulf et Union Carbide; Pétromont qui est d'ailleurs présidée, M. le Président, par l'ancien sous-ministre de l'Industrie et du Commerce, M. John Dinsmore, qui était le supérieur hiérarchique du député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Ce n'est pas vrai.

M. Landry: Là, il y a une erreur de chronologie. Vous n'avez pas été au MIC en même temps que John Dinsmore; c'est possible, mais, de toute façon, c'est lui qui a la charge de Pétromont, ce qui témoigne bien que nous voulons que le secteur public continue son expansion. La même chose pour Hydro-Québec. Hydro-Québec est une entreprise essentiellement expansionniste qui est dans le giron du secteur public, qui va y rester, qui est le plus beau fleuron non seulement du secteur public québécois, mais de l'ensemble probablement des entreprises opérant au Québec. HydroQuébec a fait autant de profits que General Motors, si mes informations sont exactes. C'est administré suivant des normes extrêmement rigoureuses sur le plan technologique, sur le plan administratif, sur le plan de la finance.

N'attendez pas du présent gouvernement des attitudes rétrogrades qui consisteraient à freiner l'expansion du secteur public ou qui consisteraient à démanteler le secteur public. Je pense que la collectivité québécoise ne voudrait pas de cela parce que son secteur public répond à une de ses aspirations profondes. Si le parti de l'Opposition officielle voulait une réduction des activités du secteur public, qu'il le dise clairement dans la politique économique qu'il devrait avoir et qu'il n'a pas, et qu'il en parle.

Ceci dit sur le secteur public, il y a dans les agents économiques du Québec deux autres types principaux d'agents dont l'un absolument majoritaire en termes de nombre de firmes et de chiffre d'affaires et qui s'appelle le secteur privé québécois. Ce que j'ai dit du secteur public s'applique dans les mêmes termes au secteur privé. J'ai dit: Le secteur public est là pour durer et pour continuer son expansion et je dis que le secteur privé, de même, est là pour durer et pour continuer son expansion. Comme il est dit dans Bâtir le Québec, en volume, en nombre de firmes, il ne fait pas l'ombre d'un doute que l'essentiel de la croissance économique viendra de ce type d'entreprise traditionnelle, il est vrai, mais qui a démontré son efficacité en particulier sur ce continent, et qui s'appelle l'entreprise privée.

Cela a été très bien compris par les agents économiques et nous avons en particulier reçu des approbations publiques de ceux qui sont plus traditionnellement vos amis — je parle du Parti libéral — que les nôtres, mais qui ont bien reconnu que nous avions une politique économique extrêmement réaliste sur ce point.

Enfin, il y a un troisième secteur qui est l'activité coopérative. Pour des raisons historiques et pour des raisons qui tiennent aussi à la mentalité du présent gouvernement, les activités coopératives seront, avec la complicité du gouvernement du Québec, mises dans des conditions d'expansion beaucoup plus rapide que celles qu'elles ont connues au cours des 90 dernières années. (17 h 30)

Nous avons, comme vous le savez, réuni les intervenants de coopératives dans le premier sommet coopératif de l'histoire du mouvement, d'ail- leurs, parce que même eux ne l'avaient pas fait entre eux. Les intentions du gouvernement ont été mises clairement sur la table, et non seulement ses intentions, mais une série d'engagements précis dont un certain nombre se sont déjà réalisés, en matière forestière, en particulier, vis-à-vis des coopératives. Je ne peux pas laisser passer le fait, premièrement, que le député de Notre-Dame-de-Grâce voit une contradiction entre Bâtir le Québec et le programme du Parti québécois, ou laisse entendre que Bâtir le Québec ne prend pas, vis-à-vis du secteur privé de cette forme d'activité économique, des précautions qu'une société occidentale doit prendre aujourd'hui.

Je reviens à l'approche systématique de ce qui a été réalisé. Je vais vous en donner un modeste exemple. Nous avions, dans nos orientations prioritaires, comme cela ressort à la lecture du document, l'amélioration de la productivité et de la rentabilité du secteur agro-alimentaire, une phrase que le député de Notre-Dame-de-Grâce considérait peut-être comme vide de sens. En réalité, voici ce que cela donne. Sous cette orientation générale, on regroupe les moyens d'actions suivants, c'est à préciser aussi: regroupement d'usines, recherches de variétés et techniques nouvelles, promotion de produits québécois, programmes spécifiques d'aide à l'exportation. Le regroupement d'usines se fait dans le cadre soit de politiques de rationalisation sectorielle, comme dans le cas de l'industrie des viandes — très avancée, comme chacun le sait — soit sur une base ad hoc, comme en horticulture ou dans le domaine de la congélation, soit, finalement, dans le secteur lui-même qui, grâce au jeu du marché, se consolide sans l'aide de l'Etat. Regardez ce qui est arrivé dans le lait! Vous êtes au courant du protocole signé entre les producteurs de lait nature et de lait industriel, une véritable révolution dans l'activité de la puissante industrie laitière québécoise. Cela a été signé à la fin de l'année 1969.

En matière de recherches, maintenant, le Conseil des recherches et des services agricoles du Québec subventionne 108 projets en 1979-1980, pour un montant de $1 680 000, comparativement à 103 et $1 580 000, en 1978-1979. Quant aux dépenses de fonctionnement des services de recherches du ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation, en 1979-1980, on avait $5 400 000 dans les principaux programmes prioritaires: bovins, céréales, horticulture, sol et volaille, exactement les priorités de Bâtir le Québec.

On me signale que le temps avance. Je ferais peut-être mieux de revenir à la série de questions du député d'une façon plus systématique. J'ai répondu à un certain nombre d'entre elles, et j'ai ma liste des autres. En ce qui concerne l'Office du commerce extérieur, c'est fait.

En ce qui concerne la banque d'affaires maintenant, si le député a lu attentivement Bâtir le Québec, et surtout s'il est cohérent avec sa philosophie de base, il s'agissait bien d'une initiative du secteur privé mis de l'avant par le président de l'ex-Banque canadienne nationale, devenue aujourd'hui Banque nationale, l'opération devant se

faire par le secteur privé avec l'appui du gouvernement. Deux considérations. On sait d'abord ce qui est survenu dans le domaine bancaire par la fusion des deux principales institutions francophones du Québec, la Banque canadienne nationale et la Banque provinciale, en Banque nationale. Il est compréhensible que les derniers mois de l'activité de ces banques aient tourné autour d'autres notions que banques d'affaires, parce que cette fusion est un phénomène extrêmement traumatisant mais vital pour les deux institutions. Le gouvernement n'a pas pu assumer sa promesse de les appuyer dans un projet qu'elles-mêmes n'ont pas mis de l'avant. Cependant — c'est ma deuxième considération sur la banque d'affaires — je rendrai publique à la fin de l'été ou au début de l'automne cette étude sur l'épargne que j'ai mentionnée dans mon exposé d'ouverture. Et ces réformes concernant la fourniture de crédit à l'économie à partir de la médiation des épargnes seront l'occasion propice pour restimuler le secteur privé à honorer son engagement et son ouverture du sommet de Montebello.

Autre question, élargissement de la SDI: Je vous ai dit que la SDI a été considérablement élargie, d'abord par son activité nouvelle du crédit touristique. Rien que ça... Vous avez lu une phrase au sujet du tourisme, l'aide aux agents privés. La réponse, c'est précisément le crédit touristique. Il a été confié à la SDI, ce qui élargit l'activité de la SDI d'une part, et ce qui, enfin, donne aux intervenants touristiques québécois l'espoir d'être puissamment appuyés en matière de crédit par le gouvernement, alors que ce projet traînait sur les tablettes sans jamais avoir été formulé d'une façon convenable depuis au moins une dizaine d'années.

M. Scowen: ... ma question? Vous comprenez? C'est une autre recommandation.

M. Landry: Vous parlez de l'élargissement de la SDI. Moi, je vous dit qu'on a élargi la SDI...

M. Scowen: Oui, dans le domaine de la télécommunication, du transport et de la recherche industrielle. Ce sont les recommandations 24 et 46. Il y en a une autre qui touche le domaine touristique. Je sais que cela a déjà été réalisé.

M. Landry: Boni M. le Président, je remercie le député de Notre-Dame-de-Grâce pour sa précision. Cette partie de l'élargissement de la SDI, qui est une partie — parce que l'élargissement par le crédit touristique, vous ne pouvez pas nier que c'est déjà fait — est encore à faire.

J'ai dit 60% de réalisés. Je n'ai pas dit 100%, et, dans 40%, il y a ça. Considérez que l'activité de la SDI a augmenté de 52% dans une seule année; vous vous rendez compte? Ceux, en particulier, qui sont d'anciens chefs d'entreprise et qui ont été dans le secteur privé se rendent facilement compte de ce que ça peut être, 50% d'augmentation du volume des activités, du chiffre d'affaires. Cela n'est jamais arrivé, même au député de Notre-

Dame-de-Grâce quand il dirigeait brillamment une entreprise de papier qui est établie dans mon comté.

M. Scowen: Vous n'avez pas raison.

M. Landry: Si le député a eu des augmentations de 52% par an, je lui en fais mes compliments, M. le Président, mais c'est une chose exceptionnelle dans le secteur privé. Or, ça vient d'arriver à la SDI. Alors, on les laisse digérer un peu, alors que nous, à l'intérieur, et eux aussi le font — parce qu'on leur a transmis notre pensée là-dessus; ils connaissent bien le contenu de Bâtir le Québec— on est en train de concevoir avec eux les programmes d'élargissement et la façon dont ça devra être fait, mais on les laisse digérer un peu, parce qu'ils ont été obligés d'ajouter des analystes, d'ajouter du personnel. Vous savez que l'ensemble de la fonction publique québécoise, en termes quantitatifs, est en réduction, comme l'a annoncé le ministre des Finances. Il l'a répété dans plusieurs de ses exposés budgétaires, sauf que la SDI, elle, est en expansion de personnel. Cela, il faut qu'ils le digèrent un peu, et on ne veut pas les bousculer.

Maintenant, le Conseil économique et social, qui relève de ces activités que l'on appelle activités de concertation, est également en gestation dans l'instance relevant du secrétariat général, qui s'appelle le Secrétariat des conférences socio-économiques, et c'est aussi une chose qui n'est pas réalisée et qui est à venir.

Quant à la politique de fourniture d'électricité, un autre élément majeur, vous savez ce qu'en dit Bâtir le Québec, c'est déjà une politique en soi. C'est cinq mégawatts. Tout branchement aux tarifs grande puissance d'Hydro-Québec consommant plus de cinq mégawatts doit être compatible avec la politique économique du gouvernement et doit être consenti uniquement après accord du Conseil des ministres, qui se base sur des critères de retombées économiques maximales et d'arbitrage entre les effets d'entraînement et l'utilisation d'une telle quantité de courant électrique.

Vous avez déjà, dans Bâtir le Québec, un certain nombre de précisions, y compris le tableau de toutes les entreprises qui devraient être le fer de lance du développement parce qu'elles sont hautement consommatrices d'électricité — je pense que c'est à la page 135 ou 150 — mais cela doit être précisé. Le député de Notre-Dame-de-Grâce a raison. Nous appliquons déjà avant la lettre cette politique.

Cela doit être précisé et sera précisé dans un ouvrage spécial, annexe à Bâtir le Québec, qui est déjà rédigée, qui est à l'impression, autant que je sache, et qui sera rendue publique d'ici une quinzaine de jours, ou plutôt une trentaine de jours, d'ici un mois. Cela veut dire que ce qui est dans Bâtir le Québec est déjà notre politique et que nous allons la préciser énormément dans un ouvrage spécial qui sera rendu disponible à tous les agents économiques, y compris le député de Notre-Dame-de-Grâce, d'ici une trentaine de jours.

C'est pour la fourniture d'électricité.

Promotion d'installations portuaires. Le député ne sait peut-être pas, bien que cela ait été publié dans les journaux, que nous avons mis sur pied, de concert avec la Communauté urbaine de Montréal, la ville de Montréal, la Chambre de commerce, l'Office du commerce de Montréal, la Fédération des travailleurs du Québec et la Confédération des syndicats démocratiques, des tables de concertation visant l'activité économique de Montréal, et un des équipements les plus extraordinaires, les plus porteurs de développement et de potentiel pour Montréal, c'est son port.

Nous avons commencé nos travaux pour nous rendre compte avec stupeur que cette activité portuaire, qui est une clé du développement de Montréal... Vous savez comme le député de Notre-Dame-de-Grâce, M. le Président, m'a parlé du développement de Montréal, des sièges sociaux, etc. Pendant qu'il posait ses questions péniblement et que je répondais péniblement des fois aussi, je l'admets, le port de Montréal refusait un million de tonnes de vrac parce que l'autorité qui en était responsable, le gouvernement du Canada, n'avait pas prévu qu'à cause de la crise de l'énergie on aurait une expansion fantastique de l'activité portuaire de Montréal et qu'il fallait de l'espace, des quais pour accueillir les marchandises. Même si cela ne relève pas directement de notre responsabilité, nous avons ouvert le dossier largement avec les gens dont j'ai déjà parlé, avec les autorités du port de Montréal, et tout ces travaux seront rendus publics et discutés au grand jour par tous les agents concernés dans un sommet économique qui se penchera sur l'activité de la grande région de Montréal, c'est-à-dire Montréal, Laval et la Rive sud, dès que, de concert avec nos partenaires, nous nous serons entendus sur une date. Le gouvernement, quant à lui, souhaite que cette chose se fasse avant la fin de l'été présent.

Je pense que j'ai touché à peu près à toutes les questions. Si j'en ai oublié... Il y a des choses effectivement, je ne le cache pas... j'ai dit 60% de réalisées, je n'ai pas dit 100%. Il y a des choses qui sont dans les 40%. Certaines, j'ai dit pourquoi, j'espère avoir dit pourquoi pour à peu près toutes. En tout cas, le député pourra toujours revenir avec des questions. Nous n'avons pas entendu encore notre collègue de l'Union Nationale qui a sans doute des préoccupations fort pertinentes à faire valoir. Je connais, par exemple, l'intérêt de sa formation pour la petite et la moyenne entreprise, bien qu'elle ait perdu son meilleur expert sur cette question récemment. Je ne veux nommer personne pour n'insulter ni le député présent à cette table ni celui à qui je pense.

Alors, je ne parlerai pas plus longtemps.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, vous avez la parole.

M. Bertrand Goulet

M. Goulet: Merci, M. le Président. Il y a des gens qu'on a déjà oubliés. Bien sûr, j'ai quelques propos préliminaires avant ma première intervention, même si c'est après une heure trente de travaux.

La première intervention sur cette étude des crédits du superministère qui a pour mandat premier, je pense, d'élaborer toute la politique économique du gouvernement... Toute la politique économique, ce n'est pas peu dire, et ainsi, à l'intérieur des cadres de cette commission, il nous serait possible, si on le voulait, de toucher à peu près à tous les ministères qui ont une influence directe sur le développement économique du Québec.

Le travail du superministère est de planifier le développement économique et de coordonner les activités des ministères mentionnés plus haut. Ce qui veut dire à peu près tous les ministères qui, de près ou de loin, ont une répercussion sur l'économie du Québec et je pense que si on envisage la question sous cet angle-là, tous les ministères ont une répercussion sur l'économie du Québec. Cela veut dire qu'on aurait de la matière pour discuter pendant des heures et des heures, mais, compte tenu du temps limité, je pense qu'on a mis 120 minutes à notre disposition, on sera forcé de se restreindre à quelques sujets et survoler très rapidement certains sujets inhérents au développement économique en général.

Je toucherai d'abord, M. le Président, certains points qui ont été mentionnés par le ministre lors de ses propos préliminaires. Il y a quelques mois, le ministre d'Etat au Développement économique dévoilait au grand public, par l'entremise du document officiel appelé Bâtir le Québec, les grandes lignes de la politique économique que l'actuel gouvernement a adoptée depuis ce temps ou entend adopter à l'avenir. (17 h 45)

Pour ma formation politique, l'Union Nationale, la politique économique qui a été présentée apporte, à n'en pas douter, certains éléments de réponse au problème du développement économique du Québec. Par contre, on avait déploré certains oublis à l'intérieur de ce document, notamment dans les domaines fiscal et social, surtout lorsque l'énoncé de politique parle de favoriser la création et le développement de la petite et moyenne entreprise et qu'on n'envisage aucune mesure ou même ébauche de mesure qui répondrait aux attentes des entrepreneurs et cadres québécois. L'autre lacune que l'Union Nationale déplorait était l'absence de mesure en faveur de l'épargne qui s'oriente sur l'industrie. Le ministre avait répondu qu'une étude sur l'épargne était en cours et serait déposée dans les prochains mois. Il a réitéré sa promesse tout à l'heure. On sait maintenant que ce document est sur le point d'aboutir et qu'il devrait présenter un tableau très complet de ce qu'est l'épargne québécoise, son importance, d'où elle vient, où elle va et qui la contrôle.

Pour nous, M. le Président, on voyait l'étude sur l'épargne comme un complément à l'énoncé de politique économique. On voyait cette étude comme une sorte de stimulant qui manque actuellement au document Bâtir le Québec. Ce que j'ai-

merais savoir de la part du ministre aujourd'hui, c'est comment son gouvernement compte se servir de cette étude. Plusieurs ont parlé de nationalisation, de canalisation de l'épargne. Le ministre 'des Institutions financières, dernièrement, parlait plutôt d'incitation pour une utilisation maximum de l'épargne québécoise au développement de la province. Enfin, ce que je veux savoir, c'est sur quoi va aboutir l'étude sur l'épargne.

On a eu l'énoncé de politique économique qui ne nous donnait pas nécessairement une solution, mais des orientations en matière de développement économique; que donnera l'étude sur l'épargne à part un portrait, par exemple? Mais lorsque je parle de l'étude sur l'épargne, je voudrais savoir si c'est une étude globale qui sera déposée et si on ne pourrait pas, ces jours-ci, déposer les études déjà complétées. Je pense ici à l'étude sur l'épargne qui a été commandée justement au prix de $2500 qui devait être complétée au mois de mars. Je pense également à un mandat de rédiger la version préliminaire du rapport sur l'épargne qui avait été commandé à M. Rousseau, pour un montant de plus de $26 000. Est-ce complété? Il y a également l'autre, la préparation d'un rapport sur l'épargne commandé à Vézina, Hébert et associés, pour un montant de $60 000. Est-ce prêt? Est-ce que ça fait partie ou fera partie du rapport global ou si on ne pourrait pas déposer certaines tranches de ces études?

Dans un autre ordre d'idée, M. le Président, on sait maintenant que le gouvernement a renouvelé, pour une autre année, l'opération solidarité économique, le programme bien connu qu'on appelle OSE, qui depuis son lancement en octobre 1977, a connu, je pense qu'il faut admettre, certains résultats positifs.

La réserve que j'aurais à formuler concernant ce programme se situe au niveau du nombre de programmes que les divers paliers du gouvernement, tant fédéral que provincial, offrent aux entreprises.

M. le Président, on est rendu qu'on veut tellement aider au développement économique qu'on crée une multitude de programmes qui tendent tous à aider un secteur en difficulté, mais qui, d'un autre côté, créent des casse-tête pour l'entrepreneur parce qu'il ne sait plus où s'adresser ou, face à un appareil bureaucratique beaucoup trop lourd, ne sait pas quoi faire.

Je crois qu'il serait avantageux que le gouvernement réussisse à rationaliser ses programmes d'aide pour éviter, d'une part, toute forme de répétition et faire des économies d'échelle par le fait même; d'autre part, à en faciliter l'accès aux éventuels usagers. Je me souviens que le ministre est venu dans ma région, je pense que c'était dans la Beauce, il y a quelques mois, et le ministre avait promis, je me souviens que ça faisait le titre d'un hebdo de la région, ce qu'il appelait le guichet unique. Je suis d'accord avec lui, mais j'aimerais que tout à l'heure, s'il le peut, il nous dise où il en est rendu avec sa politique de guichet unique et quand et comment ça va se réaliser.

J'avais même pris la peine de découper l'article de journal et je voulais dire au ministre que j'abondais dans le même sens que lui. Je pense que je le lui avais souligné sur le parquet de l'Assemblée nationale. Sauf erreur, ça fait déjà plus de six ou huit mois, en tout cas, ça fait un bon bout de temps et on n'en a pas réentendu parler. Ce voeu, quand va-t-il se réaliser? Parce que ce qui se passe actuellement, c'est tout à fait incroyable, quand on pense qu'il y a 185 programmes d'aide à l'entreprise actuellement qui peuvent s'appliquer de 308 manières différentes. Ecoutez, programme d'aide et le rôle des bureaux régionaux du MIC, on dit... Ecoutez, lorsqu'on est rendu à 185 programmes qu'on peut appliquer de 308 manières différentes, je pense que ça commence à être exagéré.

Lorsque le ministre parlait de Duchesnay, surtout dans nos régions où il n'y a que de la petite entreprise... Il y a quelques moyennes entreprises, ça dépend si la moyenne entreprise veut dire la même chose qu'aux Etats-Unis; je dirais qu'une moyenne entreprise, pour moi, dans la région, c'est en bas de 500 employés; une petite, c'est en bas de 50 employés, dans mon sens, tandis que dans d'autres pays ce n'est pas la même définition. Chez nous, c'est seulement ça, c'est un problème actuellement qu'on vit.

Je vais terminer mon intervention en demandant au ministre de nous faire un rapport d'étape sur les sous-commissions qui ont siégé pour étudier le contrôle des sociétés d'Etat. On sait que le rapport Malouf, par exemple, fait des recommandations pour que les commissions parlementaires exercent un plus grand contrôle sur les grands dossiers ou les grands projets d'envergure. Le ministre sait pertinemment que c'est une volonté exprimée à plusieurs reprises par notre formation politique et même, nous avons demandé à plusieurs reprises et obtenu... c'est-à-dire que nous avons fait voter une motion qui, sauf erreur, a été adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale, formulant le voeu justement qu'il y ait un plus grand contrôle sur ces sociétés d'Etat.

Il y a eu du travail qui a été fait en sous-commission sur les sociétés d'Etat. Je voudrais savoir ce qu'il adviendra du travail accompli et du travail qu'il reste à faire concernant ce problème précis.

Il y a également un point que je voudrais toucher très brièvement au niveau de la politique d'achat du gouvernement. Le gouvernement a admis que la politique d'achat n'avait pas eu le résultat qu'il avait escompté. A la suite d'une des questions que j'avais formulées à l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce, à l'Assemblée nationale, il avait admis que cela n'avait pas eu l'effet escompté.

J'aimerais savoir quelles sont les mesures incitatives et les mesures coercitives que le gouvernement entend prendre. Le ministre nous avait dit que cela n'avait pas eu les répercussions qu'on croyait, mais, depuis ce temps, on est resté muet. Est-ce qu'il y a eu quelque chose de fait dans ce sens-là?

M. le Président, vous allez me permettre d'aborder un dossier peut-être plus régional. Je pense que c'est le bon endroit pour le faire. Le

ministre d'Etat au Développement économique a parlé tout à l'heure de crédits touristiques. Il a dit que c'était un complément, un ajout à la Société de développement industriel.

Il y a une chose que je trouve tout à fait curieuse, M. le Président. Nous avons dans nos régions — et je parle de la région de Bellechasse-Dorchester — des dossiers qui, après une sélection sévère, une sélection faisant suite à des critères très sévères, se sont déjà vu attribuer une des plus hautes, sinon la plus haute des pondérations au niveau de projets de développement touristique. C'est incroyable de constater — je l'ai constaté cette semaine, parce que j'ai travaillé à un dossier — qu'une région comme chez nous, et que le ministre connaît bien, parce qu'il l'a visitée, n'ait pas droit aux crédits touristiques, ne puisse pas avoir droit aux crédits touristiques.

Je demande au ministre — et j'insiste, parce que c'est pour le bien de toute une région — comment il se fait qu'une région comme Belle-chasse-Dorchester n'ait pas droit aux crédits touristiques. Je demande là-dessus au ministre d'Etat au Développement économique son appui, et, très rapidement, une action dans ce sens.

M. le Président, il y a dans cette région, depuis quelques années, une volonté régionale que l'on retrouve difficilement ailleurs. Je ne dis pas qu'on ne la retrouve pas ailleurs, mais il y a une volonté régionale qu'on retrouve difficilement ailleurs, et c'est aberrant de voir qu'on n'a pas l'appui du gouvernement là-dessus.

Il y a des activités d'envergure régionale et nationale qui, chaque année, se réalisent parce qu'il y a énormément de bénévolat chez nous pour le bien de notre développement touristique. Nous avons des sites qui ont été classés et qui ont reçu la plus haute pondération quand il s'est agi du développement du mont Sainte-Anne ou d'autres régions. Des études ont été faites là-dessus, à peu près à tous les niveaux. Il y a un fameux dossier, par exemple, que j'appelais le massif du sud.

Et, chez nous, à la suite d'énormément d'action bénévole, on retrouve des activités qui dépassent maintenant les frontières de la région. Je pense à des régates internationales, comme on en voit à Lac-Etchemin, chaque année, aux barbecues champêtres. Je pourrais en énumérer, M. le Président, pendant une heure de temps, Lorsque des hôteliers ou des promoteurs qui possèdent des sites tout à fait formidables qui sont en activité, qui répondent aux besoins de la population, quand on crée des circuits touristiques, quand on fait de la publicité ici, à Québec, quand maintenant le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme fait de la publicité à l'intérieur de ses brochures, lorsqu'un groupe de promoteurs — comme pour le dossier sur lequel j'ai eu l'occasion de travailler cette semaine — arrive avec un projet, on s'en va à la SDI et on nous dit: C'est parfait. Cela a bien du bon sens. Tout à coup, on se fait dire: On ne peut pas y aller, parce que vous n'êtes pas reconnus par les crédits touristiques. Vous n'avez pas le droit à cela.

Je le souligne bien humblement au ministre, nous payons des taxes, nous payons des impôts comme tout le monde, je ne vois pas pourquoi une région... Je m'excuse, M. le Président, si c'est peut-être plus local, mais lorsqu'on parle d'une région de 35 à 40 municipalités, lorsque le taux de chômage chez nous se situe à plus de 20%, où à peu près la seule industrie qu'on retrouve est l'agriculture, et où des gens nous amènent des projets concrets, où des gens qui ont réussi en affaires nous amènent des projets concrets qui créeraient directement de huit à dix emplois... Pour un cas en particulier, sur lequel j'ai travaillé cette semaine, on nous a dit: Vous n'avez pas droit à cela. C'est fâchant, M. le Président, et je demande au ministre, par le biais des travaux de cette commission, son appui et son appui immédiat de ce côté-là. J'aimerais qu'il me dise ce qu'il pense d'une telle situation.

Bien sûr, j'aurais beaucoup d'autres propos. Je suis vraiment conscient que nous n'avons que 120 minutes. Les trois quarts sont déjà passées. Je sais que mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce a d'autres questions et peut-être les députés ministériels également. Je ne voudrais pas accaparer le temps. Je pense que j'ai été très raisonnable. Je permettrai au ministre, s'il le veut bien, de répondre à ces quelques interrogations immmédiatement.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre. M. Bernard Landry

M. Landry: Merci, M. le Président. Je remercie le député qui, effectivement, n'a pas été raisonnable uniquement dans le temps qu'il a pris, mais également dans la teneur de ses propos. Je voudrais lui dire, dès le départ, que, pour le cas qu'il a mentionné à la toute fin de son intervention, ce serait difficile pour moi de prendre quelque engagement qu'on puisse imaginer, mais je m'offre, dès la fin de la séance, à prendre les coordonnées et le nom précis de l'entreprise et ma collaboration lui est acquise.

M. Goulet: M. le Président, le ministre me permet-il une... Je ne voudrais pas amener ici un cas précis, c'était au niveau du principe.

M. Landry: Ah bon!

M. Goulet: C'est toute la région qui est complètement sortie du crédit touristique. On nous dit: Votre région n'a pas droit à cela. C'est ce qu'on nous répond. Je trouve cela aberrant. Je ne voudrais pas ici faire des particularités avec un cas précis. J'ai découvert cela cette semaine, parce que j'ai travaillé...

M. Landry: II faudrait que je vous pose une sous-question. Quand vous parlez de votre région, est-ce au sens administratif? C'est parce que vous avez mentionné le mont Sainte-Anne. Si vous considérez que c'est dans votre région, l'endroit où on se trouve est également dans votre région.

M. Goulet: Non. J'ai pris la peine dans mes propos de situer ce que j'entendais par région. J'ai dit: Je parle de Bellechasse et de Dorchester qui

comptent 35 municipalités, un territoire de 40 milles environ par 90 milles. Maintenant, où s'étend cette région... Je parlais de mon comté.

M. Landry: Je vais essayer de revenir le plus précisément possible, sauf que votre région comprend des sous-régions et, en particulier, vous avez front sur le fleuve et vous êtes exactement dans un axe touristique majeur qui est celui qui conduit vers la Gaspésie et le Bas-Saint-Laurent. Au moins pour votre front de mer, il n'y a aucune espèce de problème, vous êtes dans un axe. Ceux qui vous feraient des objections sur cette partie de votre territoire seraient dans l'erreur. Quant au reste, on doit admettre, même si toutes les régions du Québec sont belles — je prends toutes mes précautions — que ce n'est pas l'ensemble du territoire québécois qui a un aussi haut niveau de potentiel touristique. Le tourisme peut être une industrie d'appoint dans toutes les régions, à n'en pas douter, mais ce serait une dangereuse illusion de penser que le tourisme va être une activité économique majeure dans toutes les régions. La philosophie de Bâtir le Québec, à cet égard, et celle du ministère de l'Industrie et du Commerce, et du Tourisme maintenant, vise à définir des pôles, des axes, des villes-étapes. Les grands pôles — ce n'est un secret pour personne — c'est Hull et la Gatineau, l'agglomération de Hull et des municipalités environnantes; c'est la grande région de Montréal; c'est également la grande région de Québec. (18 heures)

De ce point de vue, le Mont-Sainte-Anne et un certain nombre d'autres installations classiques sont dans la région. Sauf que certaines parties de l'arrière-pays, qui comportent des potentialités touristiques majeures — j'ai pu m'en rendre compte moi-même lors d'un dernier déplacement — n'ont pas été inscrites dans les grands axes, parce qu'on a pensé qu'on devait aller aux endroits où le potentiel était, d'une part, le plus évident et, d'autre part, le plus exploitable dans des délais qui sont ceux des horizons de Bâtir le Québec, ce que n'a pas compris le député de Notre-Dame-de-Grâce. Mais imaginez-vous que ce sont des politiques d'application sur douze, quinze, dix-huit, vingt mois. Alors, on est allé au plus urgent. Vous avez une partie de votre région qui est inscrite dans ce plus urgent. C'est votre front de mer, qui est un des plus beaux qu'on puisse imaginer. Pour le reste, je ne dis pas que le gouvernement se ferme à jamais à toute intervention, mais il faudrait y aller par priorité.

Je reviens maintenant, de façon plus systématique, à tout ce que vous avez dit. Il est exact que vous aviez parlé de fiscalité et de dimension sociale quand Bâtir le Québec a été publié. Je dois malheureusement vous faire la même réponse sur ces deux points que celle que je vous ai faite à ce moment-là, c'est-à-dire que ce document ne se voulait pas un exposé exhaustif de toutes les politiques du gouvernement. Il mettait l'éclairage surtout sur la politique économique à proprement parler. C'est surtout le ministère des Finances évidemment, influencé par les grandes stratégies qui... Je dis: C'est surtout, mais c'est exclusivement le ministère des Finances qui fait la politique fiscale. J'ai d'autres collègues, mon collègue, le ministre d'Etat du Développement social, mon collègue ministre du Travail, le ministre des Affaires sociales, à plus forte raison, qui s'occupent de ces questions.

Si j'avais décidé ou si le gouvernement avait décidé de faire un énoncé absolument universel, on l'attendrait encore et vous n'auriez même pas eu la chance de pouvoir le critiquer, parce qu'on n'aurait jamais pu le publier à temps.

Sur l'épargne, là, par ailleurs, je pense que vous avez parfaitement raison. Reconnaissons que c'est un secteur majeur. Déjà, dans Bâtir le Québec, il y est fait allusion. Le rapport sur l'épargne, je ne sais pas si je l'ai dit au cours de cette commission, il est également prêt et fin prêt. Il est maintenant dans la machine administrative décisionnelle, c'est-à-dire le CMPDE, le Conseil des ministres, et j'espère lui faire subir le même traitement, et à peu près à la même date que Bâtir le Québec, c'est-à-dire passer dans la machine intégralement au cours de l'été, vous le livrer à la fin de l'été ou au début de septembre — Bâtir le Québec, c'était en septembre — et vous convoquer à une commission parlementaire pour en discuter à fond, vous, ainsi que les autres agents de l'économie intéressés à l'épargne.

Je dis tout de suite, par ailleurs, qu'un mot que vous avez mentionné ne se retrouve pas, comme tel, dans ce travail sur l'épargne ni dans notre philosophie, c'est le mot "nationalisation". Il n'est absolument pas question de nationaliser une chose qui est au coeur même des libertés des agents économiques, et je parle non seulement des particuliers, mais aussi des institutions et des corporations, de leurs mises de côté et leur épargne. Alors, pour enrayer toute espèce de mouvement spéculatif qui pourrait être exploité à des fins politiques par des gens moins scrupuleux que ne l'est le député de Bellechasse, disons tout de suite qu'il n'est pas question de nationaliser l'épargne. Mais il est question, par ailleurs, de voir où l'épargne s'amasse, où elle est collectée, d'en avoir une vision la plus claire possible. Il est question de voir qui fait les intermédiations, qui fait que l'épargne passe des coffres de telle société ou de tel individu vers tel ou tel secteur de l'activité économique. Il est question de savoir qui manque d'épargne, chez les agents économiques, qui manque de ressources pour investir. Il est question de savoir comment les pouvoirs publics, d'une façon incitative, par les agences qui sont dans le secteur public, pourraient faire pour que cette intermédiation soit meilleure, la règle fondamentale de tout cela restant le marché, le prix de l'argent, son loyer et le contexte continental dans lequel on vit.

On sait jusqu'à quel point le contexte continental affecte les décisions concernant, par exemple, les taux d'intérêt ou taux d'escompte. On a vécu, au cours des quelques dernières années, une situation où ça ne devait pas être très

compliqué d'être à la Banque du Canada. Il s'agissait de lire le Wall Street Journal et faire à peu près la même chose le lendemain. Je ne blâme pas et ne ridiculise pas les gens de la Banque du Canada. Ils ont simplement dû faire face à cette réalité continentale d'un grand marché libre des épargnes où l'épargne peut circuler de Milwaukee au comté de Bellechasse, suivant que le taux d'intérêt est plus haut dans Bellechasse ou à Milwaukee.

C'est comme ça et ça va rester comme ça.

Vous saurez tout cela, et je m'excuse auprès de vous de ne pas vous en dire plus parce que le processus décisionnel n'a pas été franchi, quand le rapport sur l'épargne sera publié.

Je reviens maintenant à certaines autres de vos questions précises. Liquidons les plus précises, maintenant, sur les dépenses. Vous avez mentionné Henri-Paul Rousseau, Vézina, Hébert et Associés. Ces deux firmes, un individu et une firme, ont travaillé à la fois par le papier qu'on leur a demandé, dans ce cas-là c'était rédiger la version préliminaire du rapport sur l'épargne, étude dans le cadre de la préparation de l'énoncé de politique économique et l'épargne, préparation d'un rapport sur l'épargne et Bâtir le Québec; ces consultants travaillaient à la fois pour Bâtir le Québec et à la fois pour l'épargne.

Le résultat de leurs travaux qui avait à être rendu public l'a été dans Bâtir le Québec et le reste le sera dans l'épargne, mais ils travaillaient pour les deux.

Je dois vous dire qu'en préparant l'étude de ces crédits mon secrétaire général associé, que je vous présente d'ailleurs, qui est assis à ma droite, Jean Vézina, m'a bien dit de spécifier que le Vézina dont il était question dans Vézina, Hébert et Associés n'a aucun lien de parenté ni directe ni indirecte avec lui.

C'était pour vos questions les plus précises et les plus ponctuelles avec des montants d'argent.

Vous avez mentionné le guichet unique. Vous avez dit que vous étiez d'accord sur cela. Effectivement nous travaillons très fort, surtout au ministère de l'Industrie et du Commerce, à raccourcir les circuits, à implanter dans les régions, dont la vôtre, des équipes multidisciplinaires qui font que dans toute la mesure du possible le chef d'entreprise n'ait pas à aller à 25 portes à Québec, mais à une porte dans sa région. Cela pose un certain nombre de problèmes. Les intervenants sont le MIC, la SDI, l'OPDQ, la conférence administrative régionale et deux autres intervenants qui, dans le cadre constitutionnel actuel, sont tout à fait hors de notre atteinte, la BFD et le MEER. Pour ceux-là, tant qu'une réforme en profondeur et une répartition du pouvoir plus claire de la constitution canadienne n'aura pas été faite, vous comprendrez qu'on... Ils se parlent. Souvent ils échangent des dossiers, au point que l'un peut faire l'étude du dossier et c'est presque suffisant pour convaincre l'autre d'intervenir, mais ça reste des portes différentes et cela ne peut pas être dans le guichet unique.

Pour tout le reste, les efforts sont en cours, plus avancés dans certaines régions que dans certaines autres, pour raccourcir le circuit et faire que le chef d'entreprise n'ait pas à aller à 25 ou 30 portes et à sortir de sa région pour obtenir des programmes.

Pour OSE, vous savez que nous avons pratiqué systématiquement le guichet unique. Même l'information pouvait être obtenue à partir, au départ, de Communication-Québec et, par la suite, comme le programme était administré en région en grande partie, un homme d'affaires de votre comté qui faisait affaires avec OSE souvent n'avait pas à sortir de la région pour avoir l'approbation finale et recevoir le chèque. Ce n'est cependant pas encore le guichet unique tel qu'on le désire et tel que vous voulez qu'on le fasse mais nos efforts tendent vers cela.

Vous avez parlé du très grand nombre de programmes qui se greffent aussi à la question du guichet unique. C'est vrai, je pense que, seulement au gouvernement du Québec, on est à 125 programmes d'aide.

Quelle est la philosophie de Bâtir le Québec dans ce domaine? En plus du guichet unique qui rend accessibles ces programmes, c'est de ne plus étendre l'action des programmes d'aide en matière de finance. On pense que l'éventail est complet. Il nous manquait le crédit touristique, on l'a mis. Ce n'est plus tellement de financement et de source de financement que les chefs d'entreprise ont besoin, c'est plutôt d'aide non financière pour consolider ce qui est l'essentiel de l'activité du chef d'entreprise, c'est-à-dire le marketing, les exportations, la façon de concevoir son financement, de tenir sa comptabilité d'une manière efficace, c'est-à-dire en allant jusqu'à la comptabilité analytique et au calcul des coûts. Vous n'êtes pas sans connaître le drame de certains chefs d'entreprise qui ont fait des ventes extraordinaires, et plus ils vendaient plus ils perdaient parce que leur comptabilité analytique n'était pas à point. C'est le cas d'un certain nombre de petites entreprises, beaucoup moins de moyennes parce qu'elles ont recours au service de firmes de conseillers et d'experts comptables.

Au Québec, de plus en plus, et dans toutes les régions, dont la vôtre, il y a d'excellentes firmes privées qui connaissent très bien toutes ces techniques qui ne sont pas toujours à la portée de la petite entreprise.

En résumé, l'action du gouvernement, selon nous, doit porter maintenant sur la consolidation des activités de gestion elles-mêmes. Le Québec a dépassé — et il y a plusieurs ouvrages qui le démontrent, des ouvrages contemporains — le stade du manque d'entrepreneurs. Le stade de "l'entrepreneurship" est dépassé, c'est au Québec qu'il naît le plus d'entreprises dans tout le Canada chaque année. Il y a plus de nouvelles entreprises au Québec chaque année qu'il n'y en a en Ontario. Vous me direz qu'il y a plusieurs facteurs à cela, il y a la taille des firmes, et tout ce que vous voulez, mais les entrepreneurs sont là, ils partent des

entreprises comme jamais dans l'histoire économique du Québec.

Donc, ce n'est pas tellement vers la stimulation de "l'entrepreneurship" qu'on doit aller, c'est une étape presque franchie, c'est vers la consolidation de la capacité de ces entrepreneurs à gérer des firmes, non seulement à les faire naître, mais à les faire durer, parce que si le Québec voit naître beaucoup d'entreprises annuellement, il en voit aussi disparaître énormément. Il y en a un certain nombre pour lesquelles c'est normal. C'est sûr que quand l'industrie de la lampe à pétrole a disparu, c'était pour les révolutions technologiques que nul ne pouvait contrer, mais il y en a qui disparaissent parce qu'elles ne savent pas ce qu'est la notion de fonds de roulement. Elles sont victimes de leur propre succès, elles ont une mauvaise comptabilité analytique. C'est de ce côté que vont porter les efforts non seulement dans le secteur public directement, mais aussi dans les activités subventionnées par le gouvernement et qui sont mues par des agents du secteur privé. Les deux derniers exemples sur la liste, les plus beaux, c'est la Fondation Jacques-Gagnon, la Caisse d'entraide économique, et l'Entraide PME, également mise sur pied par les Caisses d'entraide économique, qui se consacrent, avec l'aide de l'Etat — on a versé une subvention de $400 000, je pense — à consolider la gestion des firmes et faire que les entreprises qui naissent non seulement durent, mais durent avec des profits assurant la rémunération du capital et l'expansion.

Pour les sociétés d'Etat, il est vrai qu'une sous-commission, qui était la conséquence directe d'une motion présentée par le parti de l'Union Nationale acceptée à l'unanimité, s'est esquintée, c'est le moins qu'on puisse dire, à cette difficile problématique du contrôle par les parlementaires des sociétés d'Etat. Je dois vous dire qu'on a accumulé, avec l'aide de l'Union Nationale, du Parti libéral, du gouvernement et des services du gouvernement, une série d'informations extrêmement précieuses. Nous sommes allés jusqu'à proposer une réforme significative pour laquelle nous avons demandé l'unanimité des participants, puisqu'il s'agit d'une affaire qui touche tous les députés et de toutes les formations politiques. Nous n'avons pas eu cette unanimité. La formule que le gouvernement a proposée d'un nouveau type de commission parlementaire permanente pour examiner l'action des sociétés d'Etat dans un cadre défini — ces travaux ont été déposés — n'a pas eu l'unanimité de toutes les formations politiques et votre participant, même si vous feignez d'avoir oublié qui il était, votre participant expert sur cette question ne peut plus participer au nom de votre formation politique.

Alors, je dois malheureusement conclure que ces travaux n'ont pas abouti, qu'ils doivent être continués, qu'ils sont poursuivis à l'intérieur du gouvernement. C'est un problème pour tous les Parlements du monde: Comment contrôle-t-on, lorsqu'on est parlementaire, l'action des sociétés d'Etat sans devenir tatillon, sans révéler les renseignements concurrentiels des sociétés d'Etat pour ne pas les mettre dans la situation où elles ne sont pas capables de faire face, quand elles travaillent sur le marché, aux efforts d'une concurrence qui vient du dehors.

Bref, ce n'est pas un constat d'échec absolu. Les travaux de cette commission ont été passionnants, j'ai participé moi-même à toutes les séances, sauf qu'on n'a pas pu arriver à un accord pour modifier dès maintenant nos traditions et nos règlements de l'Assemblée d'une façon qui aurait donné satisfaction à tout le monde. Les travaux continuent, à la réforme parlementaire en particulier, et on tâchera d'arriver à une formule plus satisfaisante plus tard.

Pour la politique d'achats, ce que mon collègue, le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, a dit — je pense que vous avez fait la nuance, mais si vous ne l'avez pas faite, je la fais — c'est qu'à l'intérieur du gouvernement cela va. Quant à la politique d'achats pour le service général des achats, pour les achats de tous les ministères, également pour Hydro-Québec, qui a sa propre politique des achats, il n'y a pas de problème. (18 h 15)

Le problème intervient au moment où on doit respecter l'autonomie de décision d'organismes décentralisés et de réseaux comme les municipalités du Québec, comme les commissions scolaires du Québec. Vous savez que c'est une question délicate et que les maires, à bon droit, s'étant vu confier la gestion des finances municipales par nos lois, ne veulent pas que, d'une façon détournée, nous allions leur enlever cette autonomie de gestion.

Alors, la solution est double: premièrement, l'incitation que le gouvernement peut faire, de diverses manières mais avec la réforme des finances municipales; les municipalités vont chercher l'impôt dont elles ont besoin et le dépensent comme elles l'entendent dans l'intérêt de leurs contribuables. Mais il y a quand même place à l'incitation de la part du gouvernement auprès des municipalités, sans coercition, encore une fois. Deuxièmement, c'est cette information que nous avons faite abondamment dans le public au sujet des politiques d'achats, de la nécessité pour les organismes publics d'imiter tous les organismes publics du Canada et du continent, de protéger, dans des limites économiques, les agents de leur propre territoire.

Nous avons appris, il y a très longtemps, que l'Ontario pratiquait une politique préférentielle d'achats. On a eu des confirmations récemment par les journaux, démontrant que cette politique était systématique depuis 1974, donc deux ans, presque trois ans, avant que le Québec en ait une.

Il ne faut pas, évidemment, baser une politique économique sur de la restriction, du contrôle et de la préférence, mais dans un univers où ces formes de protection sont devenues monnaie courante pour tous les gouvernements qui nous entourent, nous avons décidé, avec l'appui des chefs d'entreprise et des organismes qui les représentent, de pratiquer cette politique à l'intérieur du gouvernement. Encore une fois, c'est un suc-

ces dans les réseaux, pour les raisons que je vous ai dites, parce que l'autonomie de certains réseaux prime même la politique économique du gouvernement; c'est aux citoyens de chaque municipalité à faire en sorte que leurs élus municipaux se comportent d'une façon civique sur le plan économique, si je peux dire.

Je pense que j'ai à peu près repassé l'ensemble de vos questions. Je m'excuse — le temps est limité — de ne pas aller au fond des choses, comme vous l'auriez sans doute souhaité. Il y a toujours le recours aux questions à l'Assemblée nationale. Quant aux problèmes spécifiques que vous m'avez soumis, comme le crédit touristique, comme certains cas de PME, je vous réitère mon offre de collaborer pour tous les dossiers particuliers que vous pourriez avoir.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

Discussion générale

M. Scowen: Merci Mme la Présidente. Je veux revenir à la réponse du ministre à ma première intervention. D'abord, je vais passer par-dessus les insultes qui ont marqué sa réponse. A un autre endroit, ça me ferait plaisir de comparer les cours d'économie que j'ai suivis et ceux qu'il a suivis dans les diverses universités du monde et nous verrions qui a la meilleure formation. Mais le point essentiel que je veux soulever, c'est que j'ai eu le plaisir, pendant 17 ans, de diriger une entreprise avec mon collègue, M. De Volpi. Au commencement, elle avait un chiffre d'affaires de $500 000 et, 17 ans plus tard, nous avions un total de ventes de $22 millions. C'était une PME québécoise qui avait les mêmes problèmes que les autres: la banque, les syndicats, le patronat, la concurrence avec les multinationales. Je peux vous dire, Mme la Présidente, que c'est une bonne leçon d'économie, pendant 17 ans. Elle n'est pas de la même nature que celle qu'on reçoit dans les universités, mais elle est quand même importante dans le cadre d'une politique économique au Québec.

Je veux simplement rappeler au ministre, quand il parle de la vérité des économistes, que quelqu'un m'a dit qu'il y a deux avertissements qui sont donnés à tous les journalistes du monde quand ils commencent leur travail professionnel. Ils doivent se méfier de deux sortes de personnes: les sénateurs qui disent qu'ils vont prendre leur retraite et les économistes qui disent qu'ils sont apolitiques.

M. Landry: Très juste.

M. Scowen: Je pense qu'il faut rappeler ces deux points quand on parle de la vérité de tel ou tel économiste.

Vous avez parlé à plusieurs reprises...

M. Charbonneau: On ne m'avait pas dit cela quand j'ai commencé à faire du journalisme.

M. Scowen: Vous avez parlé de l'ancien chef de l'Union Nationale qui est maintenant une personne beaucoup respectée au sein du Parti québécois. Et je reviens à Bâtir le Québec. Je veux simplement vous donner son opinion là-dessus, qui est parue dans le Soleil du 13 septembre 1979: "Ce document constitue une autre étape dans la campagne de propagande et de publicité péquiste en vue du référendum".

M. Landry: II devrait être content.

M. Scowen: C'est l'opinion de M. Biron. Je ne sais pas si le premier ministre a l'intention de le nommer ministre dans le domaine économique dans les prochaines semaines, mais il est clair que lui aussi va avoir beaucoup de difficulté à avaler cette politique.

En ce qui concerne ce que vous avez dit sur le conflit, la contradiction qui existe entre le document Bâtir le Québec et le programme du parti, vous avez dit, si je comprends bien, que le député de Rosemont vous avait donné une réconciliation parfaite des deux. J'espère que je peux vous persuader de déposer pour nous tous cette réconciliation parce que ce sera quelque chose de très intéressant à lire, si vous pouvez réconcilier un document qui dit: On veut favoriser comme forme prioritaire d'intervention dans l'économie une expansion soutenue du secteur public — c'est cela qui est dans le programme — avec la déclaration de Bâtir le Québec que "l'entreprise constitue le coeur de l'activité économique puisqu'elle assume pour l'essentiel l'ensemble des fonctions de la production"... Vous avez dit, M. le ministre, dans le Montreal Star du 20 septembre 1979: The Government believes that it is with the private sector and the dynamism of its agents that the responsibility for sustained development lies. Si le député de Rosemont peut réconcilier ces deux déclarations à la satisfaction du public, il sera très utile au premier ministre dans ses efforts de réconcilier la souveraineté-association à sa loyauté au système fédéral. C'est une petite contradiction avec laquelle il est pris aujourd'hui.

Vous avez aussi parlé brièvement, à deux ou trois reprises, de l'absence d'une politique économique du Parti libéral. C'est intéressant. Tout le monde, à ce moment-ci, pose des questions au Parti libéral sur les politiques économiques parce qu'il est clair que cela devient de plus en plus important en vue d'une élection. Je veux simplement dire, Mme la Présidente, que quand nous sommes arrivés dans l'Opposition, en 1976, notre obligation était de critiquer d'une façon cohérente votre politique comme gouvernement, ce qu'on a, je pense, fait d'une façon assez efficace. Plus récemment, notre responsabilité a été d'expliquer à la population les faiblesses de votre proposition pour l'avenir du Québec, la souveraineté-association, et je pense qu'on l'a fait d'une façon satisfaisante, d'après les résultats.

Nous sommes maintenant rendus au moment où il faut développer une politique économique et

on va se mettre au travail comme sur les autres projets. Si la concurrence est Bâtir le Québec, je veux vous dire que je ne suis pas paralysé de peur sur notre capacité de sortir quelque chose d'intéressant.

Mais pour revenir aux points spécifiques que j'ai soulevés, j'ai dit que, quant à moi, j'ai essayé de trouver un moyen de comprendre jusqu'à quel point les recommandations spécifiques de Bâtir le Québec ont été réalisées. C'est difficile. C'est clair que toutes ces propositions ne sont pas de la même qualité ou de la même importance. Je suis certain que vous serez d'accord avec moi. Malheureusement, la seule façon, c'est de les compter et Dieu sait combien ont été réalisées. J'en ai compté 123. Comme je vous l'ai dit tantôt, j'ai calculé que 21 avaient déjà été réalisées au moment où le document est sorti, ce qui laisse à peu près une centaine de recommandations précises.

Quant à moi, une trentaine de recommandations, sont vides de contenu, comme celles que j'ai citées tantôt. Vous m'avez dit, M. le ministre, que vous en aviez réalisé 60%. J'imagine que les 60% comprennent les 18% qui ont déjà été réalisées quand le document a été publié, ce qui laisse 42% qui ont été réalisées pendant les dix derniers mois, en effet, à peu près 71. Je me demande et je vous demande si vous pourriez déposer la liste de ces 60%, ces 72 recommandations spécifiques. C'est malheureusement la seule façon de les calculer, parce que c'est impossible de donner un poids à chacune. Si je comprends bien votre réponse, il semble que vous avez réalisé 74 de ces promesses, de ces recommandations. Je me demande si vous pourriez me déposer avant la fin de la session la liste des 74 qui ont été réalisées.

Pour revenir aux dix dont j'ai soulevé le cas d'une façon très précise, je vais passer très...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député, pourrais-je vous demander d'accélérer un peu votre exposé pour permettre au ministre de répondre quand même à vos questions, puisque nous devons terminer nos travaux à 18 h 30?

M. Scowen: Oui.

M. Landry: A moins qu'il y ait des éléments nouveaux, mais, à présent, cela ne dérange pas tellement, parce que, dans ce qu'il a dit, il n'a absolument pas répondu.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Landry: Il n'a pas su donner de contrepartie aux réponses que je lui avais déjà données.

M. Scowen: Tout ce qu'il me reste à faire, Mme la Présidente, c'est simplement de confirmer ma connaissance de ce que le ministre a dit sur les dix questions spécifiques que je lui ai posées et à lui poser une très brève question sur un problème spécifique du programme OSE. Si je comprends bien, dans le domaine des recommanda- tions qui ont probablement nécessité une loi ou une expansion très spécifique d'un programme déjà en vigueur, l'Office québécois du commerce extérieur sera réalisé d'ici quelques semaines.

M. Landry: C'est annoncé.

M. Scowen: Annoncé.

M. Landry: ... comme étant déjà réalisé.

M. Scowen: Pour ce qui concerne la Société d'exportation du Québec, la banque d'affaires, cet élargissement du champ d'activité de la SDI dans les télécommunications, le transport et la recherche industrielle et, en dernier lieu, l'élargissement des pouvoirs des institutions de dépôt, ceci reste à faire.

Dans l'autre domaine, ce que je qualifiais de programme peut-être d'une importance moins grande, mais quand même encore important, la politique des conditions de fourniture d'électricité est quelque chose qui sera rendu public d'ici quelques semaines, un mois?

M. Landry: C'est déjà fait; ce que j'ai dit, c'est que je donnerais des détails dans les semaines à venir.

M. Scowen: Pour ce qui concerne la création d'un Conseil économique et social, le programme omnibus visant la création de groupements d'intérêts, le programme des modifications des tarifs ferroviaires et le programme de la promotion à l'extérieur des installations portuaires — vous avez parlé de Montréal, mais ce n'était pas cela qui était visé dans la recommandation — ces quatre programmes restent également à faire. Si je comprends bien, dans chacun des deux secteurs que j'ai soulignés, il y en a un qui est fait, qui s'inscrit, en effet, dans vos 60% et quatre qui sont dans la catégorie de ce qu'il reste à faire.

En terminant, Mme la Présidente, j'ai une toute dernière question assez importante. (18 h 30)

M. Landry: II faut être honnête et suivre la procédure. Il reste quelques minutes. Est-ce que vous êtes là pour donner une réplique à ce que j'ai dit ou si vous me posez des questions en me mettant dans l'impossibilité de pouvoir y répondre parce que le temps sera écoulé?

M. Scowen: Non, je ne suis pas pressé du tout. Je suis prêt à attendre.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député, je pense que, pour être conséquent avec l'entente...

M. Landry: C'est 120 minutes. Qu'est-ce que vous voulez que je fasse?

M. Scowen: Oui, c'est cela. On a commencé à 16 h 40.

La Présidente (Mme Cuerrier): ... il faudrait pouvoir terminer à 18 h 30, parce que la commission a convenu d'entendre M. le ministre d'Etat au Développement social à 18 h 30.

M. Scowen: C'est simplement que mon impression était qu'il y avait deux heures de prévues. On a commencé à peu près quinze minutes en retard.

La Présidente (Mme Cuerrier): II y avait aussi M. le député de Bellechasse qui voulait intervenir, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Ma dernière question est très brève. Dans le rapport du Vérificateur général, à la page 61 ou 62, il parlait de quelque chose — je pense que le mot "scandale" n'est pas trop fort — qui est un problème dans l'administration du programme expérimental de création d'emplois communautaires. Je veux simplement savoir si le ministre a l'intention de faire suite à ce problème soulevé par le Vérificateur général et de donner une réponse publique à ce problème qui a été soulevé d'une façon très nette dans ce document. Merci.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre.

M. Landry: D'abord, je n'ai pas du tout l'intention, mais le gouvernement a l'intention, puisque c'est mon collègue du développement social qui a la gestion directe du programme auquel vous faites allusion et qu'il sera ici dans quelques minutes pour la séance subséquente... Votre formation politique aura le loisir de le questionner tant qu'elle le voudra là-dessus. Dans les points qu'a mentionnés de nouveau le député de Notre-Dame-de-Grâce, il a parlé des groupes d'intérêts. Peut-être me suis-je mal fait comprendre, mais ces groupes d'intérêts existent déjà dans trois ou quatre secteurs; ce sont les meubles, la chaussure et le textile. Comme il y a énormément de secteurs qui auraient avantage à de pareils regroupements d'intérêts, cela va se faire peu à peu, mais je ne veux pas que vous insinuiez qu'il n'y a pas de réalisation de faite dans ce domaine. Alors, cela fait quelques petites soustractions à faire à vos chiffres complexes.

M. Scowen: C'est le programme omnibus dont vous avez parlé dans...

M. Landry: C'est cela. Un programme omnibus, comme son nom l'indique... un omnibus, c'est en déplacement et on y monte au passage. Il y en a qui sont déjà montés, d'autres qui monteront à l'avenir.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Madame, très brièvement, je sais que le temps est écoulé, je n'ai pu poser qu'une question. Le ministre a parlé tout à l'heure de dif- férentes formes d'aide, par exemple le marketing. Le marketing, tout le monde mélange cela un peu, mais, si je prends la première phase, c'est l'étude des besoins de la population pour savoir ce qu'elle veut et ensuite lui offrir ce qu'elle veut. Comment se fait-il qu'au niveau de ce marketing... Je trouve qu'il n'y a pas énormément d'aide qui vient de la part des ministères à développement économique. On l'a souligné, la semaine dernière, au ministère des Finances; le ministre des Finances lui-même a dit: La dévaluation du dollar canadien n'a pas eu l'impact sur la petite entreprise qu'on aurait pu espérer. Je me demande comment il se fait qu'après peut-être deux ans de cette dévaluation assez énorme, la petite entreprise n'ait pas pu bénéficier de cela ou qu'elle commence tout juste à en bénéficier. Est-ce que ce ne serait pas le ministère du Développement économique ou les ministères qui devraient orienter, qui devraient renseigner ces petites entreprises? Comment se fait-il qu'on n'ait pas pu bénéficier de cette dévaluation du dollar canadien?

Je vais poser tout de suite ma deuxième question, dans un autre ordre d'idées. Le ministre a dit tout à l'heure: Au niveau des politiques préférentielles, il ne faut pas axer notre développement économique là-dessus. Est-ce que le ministre serait favorable à une politique d'achats préférentielle par région — j'entends par là une région désignée, comme le Bas-du-Fleuve, la Gaspésie — en disant: Quand il y a 5% de différence, on y va quand même, ou 10%?

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre d'Etat au Développement économique.

M. Landry: Deux réponses très brèves. D'abord, le député a raison; certaines PME n'ont pas profité de la décote du dollar canadien et ce sont surtout les très grandes entreprises, dans un premier temps, parce qu'elles avaient des contrats, comme pâtes et papiers, fournitures à long terme, etc. Si les gouvernements précédents avaient fait face à leurs responsabilités, quand le dollar canadien a commencé à prendre cette décote, les organismes auraient été en place pour stimuler au maximum les PME à en profiter. Malheureusement, tel n'était pas le cas. Nous avons dû, après réflexion et examen des besoins, mettre sur pied, comme j'ai dit, l'Office québécois du commerce extérieur dont c'est un des rôles.

Et, entretemps, pour tous les aspects de la mise en marché, y compris l'exportation, la direction du service aux entreprises du MIC non seulement dispose de programmes, mais elle-même agit comme clinicien vis-à-vis des PME qui ne sont pas capables de se payer des experts, qui ne sont pas capables, souvent, de prendre l'avion pour aller à Tokyo. Alors, il y a un certain nombre de programmes qui sont en cours, dont le programme APEX, par exemple, et aussi l'aspect clinique des quatre autres programmes spécifiques de financement de transactions, donc de commercialisation par la SDI. Mais, encore une fois, vous me ramenez à la problématique de rapprocher l'infor-

mation des PME et ce n'est pas encore le régime idéal. Tout le monde est d'accord, moi le premier. C'est pour cela que dans Bâtir le Québec, on en fait une priorité et qu'on a commencé à faire ce rapprochement.

Dernier aspect de la question: politique régionale des achats. J'ai beaucoup de réserves. Cela me semble aller à l'encontre des lois fondamentales de l'économie, des lois du marché, du différentiel établi ipso facto par les coûts de transport. Celui qui est en région, normalement, qui fabrique un produit, devrait déjà être le plus bas soumissionnaire simplement parce qu'il est sur les lieux. Alors, c'est avec beaucoup de réticence — je ne dis pas que cela ne vaut pas la peine d'être regardé — que je m'engagerais dans la balkanisation régionale et sous-régionale des achats du secteur public.

Les municipalités ont des pressions et je ne dis pas que c'est mauvais, d'ailleurs. Certaines municipalités le font, elles achètent dans la municipalité, pas toujours pour des raisons hautement économiques, comme vous le savez d'ailleurs, mais cela se fait. Je ne dis pas qu'on devrait les empêcher de le faire, mais je ne pense pas que de telles pratiques devraient être encouragées.

Si le Québec a une politique d'achats, c'est parce que l'Ontario et les autres gouvernements du Canada en pratiquaient une et qu'on se trouvait les seuls désarmés dans un univers armé. Et le fait d'être armé, au moins, permet de s'asseoir à la table de négociations du désarmement. Mais ce n'est pas une philosophie politique chez nous de faire cela; c'est simplement ne pas être naïf.

M. Scowen: Mme la Présidente, je veux simplement savoir du ministre s'il peut accepter ma demande de déposer, avant la fin de session, cette liste de 74 recommandations, les 60% qui sont réalisés.

M. Landry: Je n'avais pas l'intention de déposer cela avant la fin de la session; c'est déjà prévu dans mon calendrier d'activités, je pense, pour le mois d'août.

M. Scowen: Mais la liste est disponible, vous avez calculé les 60%.

M. Landry: Non, on a calculé les 60%, mais, comme il faut informer le public en profondeur et qu'on veut vraiment rendre des comptes — j'ai fait une tournée à travers tout le Québec pour Bâtir le Québec — je veux que cette information soit bien présentée avec toutes les références pour que ce soit d'une lecture claire. Je ne veux pas livrer au public une montagne de chiffres qui n'aient pas la limpidité de la présentation de Bâtir le Québec. Alors, il faut que cela se fasse en parallèle et on travaille maintenant sur la présentation. Il faut que je soumette l'information factuelle au Comité ministériel de développement économique probablement à la prochaine séance. C'était à l'ordre du jour de la précédente, mais on n'a pas eu le temps de le faire. Alors, il faut que le CMPD passe là- dessus et qu'après cela ce soit présenté dans une forme qui permettra autant au député de Notre-Dame-de-Grâce qu'à n'importe quel développeur au Saguenay-Lac-Saint-Jean ou dans Bellechasse de dire: Tel article, en regard de tel autre, cela est fait, cela ne l'est pas. Cela, je souligne respectueusement, madame, que ce ne sera pas prêt avant le mois d'août. C'est à ce moment-là que je rendrai cela public.

M. Scowen: Mme la Présidente, moi je souligne respectueusement que, si le ministre dit en commission parlementaire aux députés qu'il a réalisé 74% ou 60%, qui est la même chose, de 123 recommandations spécifiques, il a l'obligation de nous dire quoi en Chambre ou dans cette commission ou de déposer la liste des 60% ou des 74% qu'il a réalisés. C'est l'information...

M. Landry: En parlant, le député de Notre-Dame-de-Grâce est justement en train de faire la preuve que la présentation doit être faite de façon soigneuse. Il y a dans Bâtir le Québec des choses qui ne relèvent pas du gouvernement. Ce sont des recommandations au secteur privé ou au secteur coopératif. Vous ne pouvez pas me demander en commission parlementaire de répondre de l'action de la Banque nationale, par exemple, ou de la Banque canadienne nationale. Ce que je dis, c'est: Dans ce que le gouvernement avait à faire, il y a 60% de réalisés. Alors, vous faites l'illustration, justement, que je ne dois pas répondre à votre demande, parce que vous prenez la mauvaise base et que vous faussez les calculs avant d'avoir les documents non agglomérés en main. Pour cette raison, cela me confirme dans ma ferme intention de rendre cela public au mois d'août.

M. Scowen: Et cela confirme la probabilité que les 60% ne sont pas vrais?

M. Landry: C'est difficile à accepter. Nos règlements sont formels. Si vous prétendez que ce n'est pas vrai, prouvez-le. C'est vous qui êtes en position de prouver ce que vous venez d'affirmer.

M. Scowen: C'est vous qui le dites, ce n'est pas moi.

M. Landry: Moi, j'ai dit, avec les informations dont je dispose...

M. Scowen: C'est votre constatation. Donnez-nous la liste.

M. Landry:... conseillé par ceux qui m'accompagnent ici aujourd'hui...

M. Scowen: Si c'est vrai, donnez-nous la liste.

M. Landry: ... qu'il s'agit de 60%. Et vous n'avez pas le droit d'inférer d'aucune manière que ce n'est pas vrai.

M. Scowen: Lesquels? Lesquels?

M. Landry: Et si vous le faites, prouvez!

La Présidente (Mme Cuerrier): S'il vous plaît! Est-ce qu'on ne pourrait pas convenir qu'en commission parlementaire comme à l'Assemblée nationale, on peut diverger d'opinion? Je vous demanderais à chacun, s'il vous plaît, votre collaboration. Il avait été convenu que nous terminerions les travaux avec M. le ministre d'Etat au Développement économique. Je remercie les participants qui lui ont posé des questions et qui lui ont fait des commentaires. Merci aussi à M. le ministre d'avoir participé à ce travail.

Nous suspendons nos travaux pour quelques secondes juste pour changer les participants, et nous entendrons M. le ministre d'Etat au Développement social.

M. Landry: Je vous remercie également, Mme la Présidente, ainsi que les autres participants.

Suspension de la séance à 18 h 42

Reprise de la séance à 18 h 50

Ministère d'Etat au Développement social

La Présidente (Mme Cuerrier): La commission de la présidence du conseil et de la constitution reprend ses travaux. Du consentement unanime de cette commission, certains intervenants sont remplacés. C'est bien le cas, n'est-ce pas? Il y a consentement. Certains intervenants sont remplacés par d'autres, dont le député de Bellechasse qui remplaçait M. Le Moignan (Gaspé) qui est remplacé par le député de Richmond, M. Brochu.

M. le ministre au Développement économique, qui remplaçait M. Morin (Louis-Hébert), est remplacé par M. Marois, ministre d'Etat au Développement social.

M. le ministre d'Etat au Développement social.

Remarques préliminaires M. Pierre Marois

M. Marois: Mme la Présidente, très rapidement, peut-être quelques mots, j'aurais dit "deux mots", comme commentaires d'ouverture.

Je présume que les députés ont eu l'occasion de lire le rapport annuel du Conseil exécutif qui inclut forcément l'ensemble des activités qui impliquent le ministre d'Etat au Développement social, le secrétariat au Développement social. On a pu trouver là la synthèse de l'ensemble des activités, des travaux menés par le ministre et l'équipe.

Je me permettrais simplement, sans revenir sur chacun des détails contenus dans le rapport, dans un premier temps, de rappeler que notre travail de coordination de l'activité de l'ensemble de toute une batterie de ministères s'est poursuivi.

Cela relève du comité permanent du Développement social. Nous avons essayé, tranquillement, par étapes, parce que cela ne peut pas se faire en deux jours, d'assurer la meilleure coordination et, en même temps, la meilleure cohérence dans l'ensemble des politiques sociales du gouvernement.

Deuxièmement, un élément sur lequel je m'arrêterai un petit peu plus longuement, c'est d'amorcer une jonction beaucoup plus serrée entre ce qu'on peut appeler le développement social et le développement économique. Il me paraît — c'est une conception qu'on a mise de l'avant depuis 1976 — qu'il y a quelque chose d'un peu artificiel... L'humain, le citoyen ne se lève pas, le matin, pour être un peu social et être économique, l'après-midi, et se coucher culturel, le soir.

En d'autres termes, il faut absolument établir, non seulement des ponts, mais serrer l'ensemble des politiques pour ouvrir une perspective qui ne soit pas juste dans une direction, une perspective de développement social, dans une autre, de développement économique, mais établir des joints extrêmement serrés, étroits, pour ouvrir une perspective de développement tout court. Cela a amené le ministère à intervenir dans une série de domaines, par exemple en assumant des mandats en cours de route, ce qui a été le cas pour tout le dossier de la santé-sécurité au travail, et ce qui est le cas aussi pour un des programmes qui est administré directement par le ministre d'Etat au Développement social, qui est le programme expérimental de création d'emplois communautaires.

Cela peut paraître un peu bizarre que le développement social soit mêlé au développement économique, mais, à mon avis, il n'y a rien de bizarre et bien au contraire! Ces choses devraient être accentuées dans la mesure où, justement, il faut ouvrir cette perspective et resserrer les joints, l'harmonisation entre le social et l'économique, pour en arriver à établir tranquillement une politique de développement qui tienne compte de l'ensemble des morceaux.

On a donc attaché une importance assez grande, dans l'administration courante — puisque cela relève de nous — d'une part, au programme expérimental de création d'emplois communautaires; également, d'autre part, à la mise en place, puisque le mandat m'en a été confié, de la réforme — qui implique beaucoup de choses, forcément, cela ne peut pas être fait en deux mois, mais je pense que, déjà, il y a beaucoup de travail qui a été accompli très rapidement — sur la santé et la sécurité au travail. Egalement, nous avons poursuivi aussi, dans la même perspective, accrochés à la même philosophie, les travaux afin d'en arriver avec le ministère du Revenu à des recommandations qui, d'ailleurs, sont maintenant devenues des choses entrées en vigueur, une deuxième étape d'implantation, une deuxième phase du programme de supplément au revenu de travail qui, lui aussi, permet de favoriser l'incitation au travail, le maintien au travail de ceux qui sont parmi les plus bas salariés, les plus démunis parmi les salariés, et en même temps inciter un retour au travail de ceux et celles qui vivent de l'aide sociale, qui sont

aptes au travail et qui, bien plus souvent qu'on ne le pense, veulent apporter leur contribution au développement d'un coin local ou régional du Québec.

Donc, c'est fondamentalement la même politique qui guide l'ensemble des travaux qu'on poursuit maintenant sur un certain nombre de fronts, que ce soit dans l'examen de l'aide sociale... On poursuit également des travaux pour mettre au point, ce qui était prévu d'ailleurs dans le livre blanc sur la santé et la sécurité au travail, une politique de prévention et s'assurer qu'elle entre en vigueur au meilleur rythme possible. On travaille maintenant à un examen beaucoup plus en profondeur de l'ensemble des régimes de réparation. On l'avait évoqué d'ailleurs à l'occasion des discussions sur le projet de loi no 17. Voilà, Mme la Présidente, les quelques commentaires d'ouverture que je voulais faire.

La Présidente (Mme Cuerrier): De consentement unanime, comme on l'avait proposé, M. Pagé (Portneuf) remplacerait M. Gérard D. Levesque (Bonaventure). M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Mme la Présidente, très brièvement, mon collègue, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, aura des questions à poser et des commentaires à faire au ministre.

Dans un premier temps, je voudrais m'excuser ou je voudrais savoir ce qui est arrivé au sujet du rendez-vous qui devrait avoir lieu à la salle 81-A, parce qu'en Chambre, cet après-midi, le leader a bien dit qu'on devait siéger à 81-A. De toute façon, ce n'est pas grave, on est en retard un peu parce qu'on vous attendait là-bas. Cela fait partie des précipitations des fins de session.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Portneuf, les autres intervenants se sont présentés au salon rouge; de toute façon, vous aviez probablement une bonne...

M. Pagé: Ce doit être parce que j'étais le seul à écouter!

La Présidente (Mme Cuerrier): Votre intervention, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Mme la Présidente, comme je vous le disais, je vais laisser le soin au député de Notre-Dame-de-Grâce de faire quelques commentaires sur les programmes d'emplois communautaires, il a des questions à poser. Par la suite, je reviendrai avec des questions, particulièrement sur la Commission de santé et de sécurité du travail.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Reed Scowen

M. Scowen: Merci, Mme la Présidente. Je me trouve ici d'une façon inattendue, mais je suis très content que mon collègue soit arrivé.

Je veux simplement soulever deux points. Le premier, c'est que dans le rapport du Vérificateur général qui a été rendu public récemment, aux pages 61 et 62, il y a une critique assez sévère envers l'administration du programme expérimental de création d'emplois communautaires. Je l'ai lu et c'est clair qu'il y a des lacunes importantes à plusieurs égards dans l'administration de ce programme qui vont certainement préoccuper le ministre. Je suis certain qu'il est déjà au travail là-dessus, mais je veux simplement suggérer — puisque c'est un programme qui touche plusieurs personnes et plusieurs régions du Québec et que ce programme OSE a toujours été quelque chose de délicat sur le plan politique — au ministre que, une fois son enquête faite, il rende certaines choses publiques pour répondre à cette déclaration du Vérificateur général, déclaration qui est également publique, afin que tout le monde puisse s'assurer que c'est réglé.

Le deuxième point que je veux soulever très brièvement, c'est que dans la déclaration du ministre, lors de l'ouverture de cette maison, il a parlé très brièvement de ce problème qu'il a constaté et qui existe dans la division des secteurs. C'est clair qu'on est obligé de créer ces secteurs sociaux, économiques, culturels. J'ai toujours eu le problème, comme lui, de savoir comment on peut régler un peu les problèmes qui sont soulevés par cette division un peu artificielle. Je veux prendre un exemple spécifique. J'ai toujours été inquiet de voir que les patrons se trouvaient dans le domaine économique et les syndicats dans le domaine social. (19 heures)

C'est clair qu'un syndicat est soumis à beaucoup de règles sociales et économiques, et c'est la même chose pour le patronat. Les décisions, les attitudes des patrons du Québec ont des retombées importantes sur notre vie sociale. Quand je faisais partie du cabinet du ministre de l'Industrie et du Commerce, M. Saint-Pierre, la façon dont nous étions divisés m'a toujours frappé; il était presque impossible de faire un rapprochement entre le ministère de l'Industrie et du Commerce et le syndicat. Je suis certain que la même chose existe dans le sens contraire, le ministre du Travail a beaucoup de difficulté à se mêler aux affaires du patronat.

C'est un problème qui existe depuis toujours, ce n'est pas du tout propre au Parti québécois ou au Parti libéral; cela est inhérent au système. Quand je faisais partie de ce cabinet — j'y ai travaillé pendant un an — on avait beaucoup de problèmes dans le domaine industriel au Québec et cela relevait directement des problèmes syndicaux. Moi, tout comme le ministre, j'en suis certain, j'étais toujours frustré par le manque de possibilités de concerter, de réaliser, de parler, de stimuler la concertation entre ces deux groupes divisés, quant à moi, à cause de leurs propres actions, depuis une trentaine d'années. Cette division a été créée non pas par les gouvernements, mais tout d'abord par les compagnies elles-mêmes, je n'ai pas la moindre réserve à le dire, par les patrons.

La question aujourd'hui n'est pas d'établir la cause, mais j'aimerais connaître l'opinion du ministre sur, s'il en a, des possibilités de faire quelque chose; je ne parle pas des tables de concertation à l'extérieur, mais de choses qui, de jour en jour, peuvent se faire entre les deux ministres afin qu'ils puissent se rapprocher davantage. C'étaient les deux points que je voulais soulever, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre d'Etat au Développement social.

M. Pierre Marois

M. Marois: Mme la Présidente, je vais commencer, si le député le permet, par son deuxième bloc de commentaires. Lorsque j'ai formulé mes remarques préliminaires, je n'avais pas l'intention d'étaler une critique quant à la mise en place des structures des ministères d'Etat. Bien au contraire, j'ai surtout voulu indiquer très profondément qu'en ce qui me concerne — je l'étayerai par un certain nombre de données et de faits — cela nous a ouvert comme jamais la possibilité, regroupant un certain nombre de ministères à l'intérieur d'un secteur — Développement social, Développement économique; c'est vrai pour le Développement culturel et l'Aménagement aussi, mais je vais parler de ce que je connais le mieux — d'amorcer à la fois une meilleure harmonisation et coordination de l'ensemble des politiques. Je ne dis pas que c'est parfait, je ne dis pas qu'il n'y a pas des erreurs qui ont été commises en cours de route; il y a toujours un emmerdement, c'est vrai en politique comme ailleurs; ce sont des humains, donc, par définition, ils font des erreurs, nous les premiers et on va en faire d'autres.

Enfin, cela ouvrait la possibilité d'assurer une meilleure coordination. Je pense que les faits montrent — en ce qui me concerne, si j'avais à dresser un bilan très concret — que c'était possible. Ce n'est pas surtout là-dessus que je veux insister. Il nous a été possible, dans la perspective que j'ai évoquée, à partir de problèmes très concrets sur lesquels je reviendrai, pour illustrer plus concrètement ma pensée, d'amorcer une jonction entre une perspective de développement social et une perspective de développement économique pour ouvrir la perspective plus globale d'un développement qui ne soit pas en même temps un développement, comme on dit, "sauvage", faire de l'économie pour de l'économie; si on ne tient pas compte de l'aspect humain, la conséquence peut être tragique. On l'a vu dans tout le dossier des accidents du travail et les maladies professionnelles. Ce n'est pas sans avoir des répercussions sur le plan des coûts, sur le plan de la productivité, sur le plan du développement même de l'entreprise et, en même temps, le rebondissement à l'inverse — c'est comme une balle dure qui rebondit d'un mur à l'autre — des retombées sur le plan social ou sur le plan humain. Un humain qui est "magané" parce qu'il a un handicap à la suite d'un accident de travail ou une maladie pro- fessionnelle pour le restant de ses jours... il y a des dégâts qui ne se réparent pas dans la vie. Il faut développer les meilleures politiques de réadaptation possible.

En d'autres termes, il fallait resserrer les liens. C'est possible avec une meilleure concertation entre les deux ministres d'Etat, le ministre d'Etat au Développement social et le ministre d'Etat au Développement économique, et en même temps, du fait que tous les ministres d'Etat siègent au comité de priorités avec le premier ministre.

Je vais maintenant tomber dans le concret, parce que vous avez soulevé une espèce de sous-remarque ou sous-question en disant: Au fond, on retrouve les patrons à l'économique, les syndicats au social. Moi, je crois qu'il est possible d"'amor-cer", entre guillemets, sans se prendre pour d'autres, parce que ce n'est pas facile de partir de vieux schémas, de vieilles attitudes et de changer cela bout pour bout comme l'automobile qui tourne sur les chapeaux de roues au coin de la rue... Cela ne se change pas comme cela, mais on peut amorcer, ouvrir la perspective d'un commencement de concertation entre les parties très concrètement. Je vais l'illustrer par deux exemples: d'abord les deux ministres d'Etat siègent avec l'équipe ministérielle qui administre l'opération solidarité économique. Cela comprend toute une série de programmes, de volets — comme on dit dans le jargon technique — notamment, le programme d'emplois communautaires, les programmes d'aide au travail qui relèvent du ministère du Travail, les programmes PUE, d'intégration des jeunes à l'emploi, qui relèvent du ministère du Travail. Vous avez là des ministres et des ministères qui sont dans le bloc social et parce que les deux ministres siègent avec l'ensemble de l'équipe ministérielle qui administre l'opération solidarité économique, cela nous a permis d'amorcer une jonction entre les deux.

Dans quel sens? Je vais l'illustrer très concrètement. Pour ce qui concerne le programme d'emplois communautaires, vous le savez, il y a deux critères pour qu'un projet soit admissible: 1. que cela ait une chance raisonnable d'être un projet qui devienne rentable et qui s'autofinance sur une période de deux ans; 2. cela doit privilégier de l'emploi pour les chômeurs et les assistés sociaux qui sont aptes au travail, pour leur donner une chance de retourner au travail et devenir des éléments qui contribuent, encore une fois, à être productifs, qui contribuent à bâtir le Québec. Sur une période de 30 mois, quand les livres ont été fermés au 31 mars, à peu près $28 000 000 avaient été injectés dans 450 projets qui ont permis de débloquer 4927 emplois permanents. C'est autour de 25% de l'ensemble des emplois permanents de l'opération solidarité économique, à partir d'un programme administré par un ministre qui est pourtant dans le domaine social, bien mis en jonction avec le ministre d'Etat au Développement économique.

On est allé plus loin que cela. On a mis à contribution au comité directeur qui administre le programme à Québec et en région, parce qu'il y a

douze points de décision en région, c'est effectivement le seul programme où il y a une décentralisation ou déconcentration — on peut jouer sur les mots, peu importe — où vraiment des équipes en région ont le pouvoir de prendre des décisions... On a réussi à commencer à décloisonner les ministères pour faire travailler ensemble des gens du ministère des Affaires sociales, du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, du ministère de l'Industrie et du Commerce, le ministère auquel vous avez déjà contribué ou participé, pour mettre ce monde-là ensemble et dire: II y a un projet qui est là, vous allez vous mettre ensemble. On peut contribuer à permettre le retour au travail de chômeurs, d'assistés sociaux, en même temps regarder toute la dimension strictement économique ou rentabilité des projets, et, ma foi, avec des erreurs, des ajustements qu'il faut faire en cours de route, je pense que le résultat jusqu'à maintenant est intéressant. Cela a permis cette ouverture.

J'ajouterais un dernier élément. Je m'excuse d'être assez long, c'est toute une question que vous avez posée qui est globale, q.ui implique beaucoup d'éléments. Je crois aussi que — sans arriver au paradis le lendemain matin, ce n'est pas vrai — il s'ouvre une perspective de concertation entre les parties patronale et syndicale, notamment. J'ai pu le mesurer à l'intérieur du programme d'emplois communautaires où vous avez, par exemple, ensemble des promoteurs qui sont dans certains cas de petits industriels, la partie syndicale ou le monde des travailleurs qui se regroupent ensemble, tous se mettant ensemble autour d'un projet avec des équipes de fonctionnaires émanant de quelque ministère que ce soit. Si on a besoin de quelqu'un de l'Agriculture, on prend quelqu'un de l'Agriculture, pour que cela devienne des gens qui sont au service du monde, qui sortent de leur bureau pour évaluer les projets, les resserrer, ce qui peut-être — je formule purement une hypothèse, c'est prématuré de tirer une conclusion — explique le taux très faible d'échecs. Sur 30 mois, il y a 12.5% des projets seulement qui n'ont pas réussi à passer à travers; 12.5%, c'est un taux très faible par rapport à ce qu'on peut voir non seulement dans l'ensemble des programmes gouvernementaux d'aide à l'entreprise, mais en général, d'entreprises qui partent d'elles-mêmes un peu partout à travers le Québec. En général, le taux d'échecs est plus élevé que ça.

Je donnerais un dernier exemple de ça, toujours dans le domaine social, c'est le commencement — et j'espère que c'est un commencement prometteur, parce que c'est un gros défi d'y arriver — de "concertation" des parties, dans le cadre du dossier sur la santé et la sécurité au travail. Vous savez, par exemple, que, au conseil d'administration, il siège des représentants du monde syndical, des représentants du monde patronal et c'est un des coins clés de la philosophie même de l'ensemble de la réforme de dire aux parties: Assumez vos responsabilités, on va vous donner tout le coup de pouce qu'il faut, mais prenez en charge l'essentiel et on va vous épauler. Mais vous devez commencer par faire l'essentiel du travail ensemble. C'est rentable aussi bien sur le plan économique que sur le plan humain, c'est ce que j'appelle la jonction du social et de l'économique.

J'espère que ça peut être prometteur pour l'avenir, mais c'est vrai que ce n'est pas facile d'y arriver, comme vous l'avez évoqué.

Le rapport du Vérificateur général, bien sûr, j'en ai pris connaissance. Je trouve les commentaires du député de Notre-Dame-de-Grâce un peu sévères sur le rapport du Vérificateur général; je ne pense pas que celui-ci ait utilisé les expressions qu'il utilise. Le rapport, incidemment, comme point de départ, approuve, il y revient, et il l'écrit — c'est donc que c'est important de le signaler — les modalités administratives qui ont été mises en place pour régir ce programme, aussi bien au niveau régional qu'au niveau central. Il soulève un certain nombre d'éléments, des pièces qui retardent à entrer, etc... Il y a toute une série de choses qu'on est en train effectivement, comme vous l'avez évoqué, de regarder de très près, mais il ne remet pas en doute l'ensemble de la conception de l'administration du programme et de la gestion. Au fond, il y a aussi un côté expérimental que comprend bien le Vérificateur général. Encore une fois, c'est le seul programme où il y a un pouvoir décisionnel réel en région; tous les projets qui impliquent une subvention de $75 000 ne viennent pas à Québec, ça se décide directement en région, ce qui permet d'aller beaucoup plus rapidement et d'être collé aux besoins des gens.

Evidemment, ça fait douze centres de décision et il faut ensuite réussir à faire entrer les pièces, s'assurer que l'ensemble des pièces entrent, pour que le Vérificateur général et l'administration générale du programme puissent avoir l'ensemble des pièces.

On a déjà commencé à regarder l'ensemble des coins très concrets du rapport, pour voir — et même, dans certains cas, avec le Vérificateur général — les méthodes à mettre au point, sans rien alourdir. Ce que je veux éviter — je ne veux pas tomber dans le panneau — autant que faire se peut, c'est d'alourdir l'administration du programme, je veux que ça reste une administration légère, souple, efficace, mais rigide. C'est certain qu'on va regarder de très près chacun des coins, d'ailleurs, c'est déjà commencé comme vous l'avez évoqué.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Portneuf.

Commission de la santé et de la sécurité du travail

M. Pagé: Merci, Mme la Présidente. Je remercie le ministre pour ses commentaires et la réponse qu'il a donnée au député de Notre-Dame-de-Grâce.

J'aimerais maintenant aborder le dossier de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Je m'excuse, je n'étais pas ici au début des tra-

vaux de la commission, peut-être le ministre a-t-il expliqué ce qu'il en était ou...

M. Marois: Non, je n'ai pas fait un point...

M. Pagé: Est-ce que le ministre pourrait nous expliquer où en est rendue la Commission de la santé et de la sécurité du travail dans l'établissement de ses priorités? Elle est maintenant formée, elle vit; où en est-elle rendue dans rétablissement de ses priorités, des cibles? Est-ce que la commission s'est établi des cibles qui doivent être recherchées pour être atteintes, et ce dans quel délai? Qu'est-ce qui s'est fait en termes de programmation, surtout sur le volet de la santé comme telle, et de la sécurité?

J'aurais ensuite des questions à lui poser plus spécifiquement sur la formation de la commission. J'aimerais que le ministre nous dise comment le gouvernement pouvait être justifié de ne pas désigner au conseil d'administration des représentants de la CSD. On se rappellera que la Centrale des syndicats démocratiques avait contribué et collaboré étroitement aux travaux de la commission parlementaire et, par le fait même, à la rédaction du projet de loi. Je pense qu'aucune personne avertie n'est sans savoir que la Centrale des syndicats démocratiques représente des milliers et des milliers de travailleurs au Québec, que cette centrale syndicale s'est toujours particulièrement préoccupée de la question de la santé et de la sécurité du travail dans certains secteurs particuliers de l'activité économique du Québec. (19 h 15)

On n'a qu'à se rappeler son mémoire qui était très bien étoffé. Je dois vous dire, Mme la Présidente, que j'ai moi-même été très surpris de constater, lorsque les membres de la commission ont été désignés, de voir que, sur la liste, il n'y avait personne de la CSD.

Le ministre se rappellera certainement les commentaires qui lui ont été formulés par écrit, si ma mémoire est fidèle, par le député de D'Arcy McGee, lequel a manifesté sa surprise de constater qu'aucun représentant de cette communauté importante que constituent les anglophones au Québec n'était membre de la commission. Le ministre pourrait aussi — toujours des questions spécifiques, parce que le temps est très limité — nous dire si c'est bien le cas que le siège social de la commission a été déplacé de Québec à Montréal et comment il peut l'expliquer.

En ce qui concerne la fonction d'indemnisation de la commission, on se rappellera que, même si cela n'a pas été un élément primordial du débat sur la loi 17, cela en a été un élément important qui est revenu souvent. On se rappellera que les intervenants ont témoigné de beaucoup d'inquiétude à l'égard des fameux bureaux de révision à la commission, des délais qui étaient trop longs, des délais dont les accidentés avaient à souffrir pour voir leur dossier réglé. Le ministre se rappellera sûrement les soupçons qu'a alors manifestés l'Opposition officielle. J'aimerais voir ce qui a été fait pour tenter d'accélérer le processus d'analyse des dossiers.

J'aimerais que le ministre nous indique aussi quelles sont les intentions de la commission à l'égard de ceux qu'on qualifie de vieux accidentés du travail au Québec. On se rappellera qu'on a eu plusieurs mouvements d'accidentés du travail qui sont venus comparaître devant nous, qui ont mis en relief le problème combien aigu qu'ont à affronter des milliers de travailleurs du Québec qui ont subi un accident de travail, il y a peut-être dix, douze, quinze ou vingt ans. Aujourd'hui, ils ont peut-être une prestation ou une indemnité qui est indexée, mais, compte tenu de l'augmentation du coût de la vie, compte tenu du pourcentage d'incapacité qu'ils ont et de la difficulté qu'ils ont et ont toujours eue à se recycler dans un autre genre d'emploi, cela présente un problème. Les associations avaient tenté de sensibiliser la commission et j'espère que cela saura, si ce n'est pas déjà fait, aboutir à des résultats tangibles et bien concrets.

Le dernier élément de question, c'est sur la structure de la tarification de la commission à l'égard de ceux qui ont à payer. J'avais donné comme exemple au ministre le dossier du verre plat; j'avais d'ailleurs donné l'exemple d'une entreprise, à Montréal, qui embauche, si ma mémoire est fidèle, 1000 à 1100 travailleurs qui, à l'époque, avaient transmis leur dossier au ministre du Travail, parce qu'il était le ministre responsable de la Commission des accidents du travail, en lui demandant que la commission, le gouvernement, tout ce beau monde procède à une révision de la structure de tarification.

J'avais donné comme exemple cette entreprise particulière pour laquelle, depuis trois ans, la commission avait eu à payer $700 en indemnités et en frais de services médicaux, pour plus de 1000 travailleurs, alors que cette compagnie avait dû débourser environ $300 000 à $400 000 à la Commission des accidents du travail, à l'époque, en raison de la tarification, ce qui m'apparaissait très exorbitant. Le ministre du Travail, M. Johnson, n'a pas donné suite au mémoire qui a été envoyé; peut-être que cette démarche s'inscrivait dans son amertume de ne pas avoir la responsabilité de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Ce que je ferai, c'est que je m'empresserai, si le ministre n'a pas pris connaissance du dossier, de lui en transmettre une copie dans les meilleurs délais; c'est un dossier qui a été préparé non pas par la compagnie en question, mais par l'association du verre plat. Ces entreprises sont intégrées à l'intérieur d'une association qui poursuit des objectifs communs. J'aimerais que le ministre s'engage ce soir à jeter personnellement un coup d'oeil sur ce dossier.

Mme la Présidente, cela résume les questions que j'avais à formuler et, à la lumière des réponses qu'on aura, on verra s'il y a lieu de poser des questions additionnelles.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre d'Etat au Développement social.

M. Marois: Oui. D'abord, le député de Portneuf a échappé un petit mot vers la fin de ses commentaires et je voudrais, en toute honnêteté pour mon collègue, le relever au passage.

M. Pagé: Ce n'était pas de l'amertume, c'était du dépit.

M. Marois: Non. Je pensais que vous aviez mis les deux roues arrière dans le gravier, mais là, si vous continuez, vous êtes en train de mettre les quatre roues de la voiture, les quatre roues du véhicule dans le gravier. Non. Honnêtement, je pense que mon collègue du Traval a déjà énormément de responsabilités. Comme cela a été le cas pour la loi 101, le premier ministre a jugé normal de confier au ministre qui avait parrainé l'essentiel de toute la préparation de la réforme la responsabilité de la mise en marche de la réforme, ce qui ne garantit pas qu'ad vitam aeternam cela restera entre les mains d'un ministre d'Etat, loin de là. D'autre part, si on prend simplement un coin de la réforme, pour n'en mentionner qu'un seul, tout le dossier de l'inspection, par exemple, qui implique une batterie de ministères il semblait préférable de confier cela à un ministre d'Etat qui n'a pas à défendre — je vais le dire comme je le pense — un impérialisme de ministère, mais qui peut se placer un peu au-dessus de la mêlée pour essayer de faire débloquer et avancer les choses. Donc, je sais que le député de Portneuf blague plus qu'autre chose, mais, quand même, je voulais le relever puisque tous nos commentaires sont enregistrés au journal des Débats. Je crois qu'il ne faut pas être injuste pour notre collègue, le ministre du Travail.

Ceci étant dit, je reviendrai sur la question de la structure de tarification. Il y a beaucoup de choses qui ont été soulevées par le député. Je vais essayer d'y répondre le mieux possible, de la façon la plus précise possible. C'est une grosse réforme que la réforme de la loi 17. Comme vous le savez, très rapidement, dès que j'ai su que le premier ministre me demandait d'assumer la responsabilité de la mise en place de la réforme, le jour même, j'avais demandé à M. Sauvé, qui était alors président de la Commission des accidents du traval, de venir à Québec pour que, déjà, on se mette au travail. On a essayé d'y aller le plus vite possible et, en même temps, de la façon la plus responsable qui soit. Je pense qu'il faut essayer de garder l'équilibre. Et il me semblait — c'est toujours l'objectif général; je tiens à le dire parce que cela peut être important qu'on le sache — qu'il était possible, à condition qu'on pousse de façon responsable — par exemple, je ne veux poser aucun geste sans m'assurer que les fils ont été pleinement attachés — que, dans l'année 1980, les morceaux clés, au moins, soient là, soient mis en place.

Ceci implique beaucoup de choses. On a donc mis en place la commission, nommé le président, le vice-président, formé le conseil d'administration. Le conseil d'administration a commencé ses travaux, a commencé à se réunir. Il y a toute une série de choses qui doivent être faites. Par exemple, il y a tout le dossier de l'ensemble des postes qui sont impliqués dans la réforme de calibrage des postes au Conseil du trésor, les discussions qu'il faut faire. C'est en bonne voie de règlement, cette partie-là. Il y a également toute la partie regroupement de l'ensemble des effectifs d'inspection, l'évaluation de ce qui doit rester dans un ministère. Par exemple, le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre assume aussi la responsabilité de l'inspection des édifices publics, de ce qui dans le sens de la loi, pas de la loi 17, mais de la loi qui concerne les édifices publics, ne tombe pas sous la réforme santé et sécurité. Alors, il faut voir ce qui doit passer éventuellement au service d'inspection de la commission par rapport à ce qui doit rester. Enfin, je veux bien qu'on pousse le plus vite possible et je pousse tant que je peux dans ce sens-là. Mais, enfin, il faut le faire et cela prend le temps de le faire.

Vous savez qu'il y a déjà, si ma mémoire est bonne, 112 des 337 articles de la loi qui sont en vigueur, notamment, un certain nombre de mesures qui ne prétendent pas être une réforme de l'ensemble du régime de la partie réparation, mais qui répondaient à des choses urgentes. Je pense qu'on en avait discuté et convenu en commission parlementaire; par exemple, élargir la notion de maladie professionnelle, débloquer l'affaire des artisans, qui semblait être un problème. Il reste le droit d'être représenté par une personne de son choix au niveau de la révision, au niveau de la Commission des affaires sociales plutôt qu'uniquement par avocat. Il s'agit d'ouvrir cette perspective. Enfin, toute une série de mesures qui, déjà, sont en vigueur et sont susceptibles d'améliorer, je dis bien, le sort des travailleurs accidentés.

Cela étant dit, la commission, enfin les dirigeants, les responsables de la commission, effectivement — ou s'apprêtent, dès la prochaine réunion — j'ai manqué quelques jours — ou celle qui vient de se passer récemment — avaient un document de prêt, que j'ai vu, sur un projet de secteur économique prioritaire, ce qui est la clé pour débloquer toute une série de choses par la suite.

C'est donc dire que le conseil d'administration travaille ou s'apprête à... Il y a une volonté, je dirais, assez nette qui se dégage des travaux, jusqu'ici, du conseil d'administration, de ne pas faire exprès pour bloquer les choses, pas du tout.

Je pense, dans l'ensemble, que le climat est quand même assez bon. Donc, il y a un projet qui est soumis présentement. Forcément, cela recoupe l'autre volet de la question accrochée aux priorités. Je sais que le député de Portneuf a toujours insisté beaucoup sur cette question et, à mon avis, il a raison. On ne peut pas tout faire en même temps, dans tous les coins. Il faut donc établir des priorités. Cette liste est prête. Elle a été déposée ou le sera au conseil d'administration qui détermine en même temps les cibles. Partant de là, une fois cela accepté, le reste va forcément s'enclencher.

Incidemment, je veux vous dire que dès mardi, donc dès demain, je participerai à — si on peut appeler cela l'inauguration, peu importe — la mise en place de la première association sectorielle. Je pense que c'est intéressant de le souligner en passant. Elle était en voie d'être préparée. Elle est

importante parce qu'elle recoupe aussi toute la partie santé. C'est l'association sectorielle du secteur des affaires sociales, au sens large. Donc, cela implique toute la partie santé. Cette association est importante. En voilà une première qui débloque.

Donc, c'est en bonne voie. Cela suit, pour l'essentiel, un échéancier, une programmation qui a été préparée par la commission et qui est, d'ailleurs, constamment révisée, au fur et à mesure que les morceaux déboulent ou retardent. Forcément, cela suppose des ajustements en cours de route.

Encore une fois, pour l'essentiel, répondant à la question des délais posée par le député, pour l'essentiel, j'ai de bonnes raisons de croire encore que les morceaux clés et les coins clés de la réforme pourraient entrer en vigueur, voir le jour, même concrètement dans bon nombre de cas, d'ici la fin décembre 1980.

Egalement, la commission a plus que travaillé. Elle est très avancée sur toutes les implications d'un programme beaucoup plus intense de formation et d'information. Forcément, c'est aussi, en bonne partie, rattaché à la première question — soulevée par le député — des coins et des secteurs prioritaires. C'est évident que le reste va être accroché à cela pour démarrer.

Maintenant, sur la question de la formation de la commission, je vais prendre les deux questions qui ont été soulevées en même temps par la Centrale des syndicats démocratiques et la question soulevée par le député de...

Une Voix: ... de D'Arcy-McGee.

M. Marois: ... D'Arcy-McGee, sur la présence d'anglophones au conseil d'administration de la commission.

Je rappelle que ce sont les articles 137 et suivants de la loi qui prévoient la constitution de la commission. Notamment, l'article 141, je le rappelle, prévoit qu'il y a là sept personnes émanant du milieu syndical et sept personnes émanant du milieu patronal.

Parfois, les choses sont drôles dans la vie. Autant, en cours de route, il y a des désintérêts, des attaques et tout ce qu'on voudra sur un projet, autant, une fois les livres fermés, c'est-à-dire le projet adopté, tout le monde veut siéger là-dessus. On a reçu des demandes émanant d'une quantité importante de groupes. Alors, comment trancher? Comment décider, à partir de là? Forcément, sur la base de la loi, le corridor qui nous est donné est celui de la loi. Qu'est-ce que nous indique la loi, à l'article 141? (19 h 30)

D'abord, la notion de représentativité. La loi dit bien sept membres choisis — et cela vaut pour la partie patronale et la partie syndicale — à partir de listes fournies par les associations syndicales ou patronales les plus représentatives, donc la notion de représentativité. Deuxièmement, la notion, forcément, si on veut être conséquent, de priorité, étant entendu que tout ne peut pas être fait en même temps.

Quand on recoupe l'ensemble de ces morceaux et qu'on regarde les chiffres de la représentativité — ce n'est pas moi qui détermine le nombre de membres de l'une ou l'autre des centrales, c'est par leur propre travail, dans un sens, qu'elles le déterminent elles-mêmes et par le choix des hommes et des femmes au travail qui sont syndiqués ou organisés — il ressort une majorité absolue de travailleurs de la FTQ. A mon avis, il fallait reconnaître cela, si on tient compte de la représentativité, ce qui impliquait quatre postes; il en restait trois. La Confédération des syndicats nationaux, peu importe qu'elle nous ait appuyé ou pas, le monde patronal... Si je partais de la logique des appuis qu'on a eus ou pas, du côté du monde patronal, je ne sais pas s'il y en aurait eu tant que cela au conseil d'administration.

Ce n'est pas l'économie générale de la loi. Une fois les livres fermés...

M. Pagé: ... la loi.

M. Marois: Je reviendrai aussi du côté du monde patronal.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre, vous parlez de revenir; je vous demanderais d'accélérer parce que le temps que les parlementaires s'étaient imparti pour poser des questions et recevoir vos réponses est déjà à peu près écoulé.

M. Marois: D'accord, je vais essayer de faire le plus vite possible.

La Présidente (Mme Cuerrier): Pourriez-vous accélérer?

M. Pagé: Mme la Présidente, vous conviendrez qu'on peut siéger jusqu'à ce que l'autre groupe arrive; deuxièmement, je vous ferai part qu'à la salle 81-A, au moment où on se parle, une commission qui devait terminer ses travaux à 18 h 30 était encore en délibérations à 18 h 50. De plus, ça allait bien.

La Présidente (Mme Cuerrier): De toute façon, il y a quand même des gens qui doivent prendre un repas et retourner siéger à 20 heures. Nous demandons simplement votre collaboration.

M. Marois: Je vous l'accorde volontiers, Mme la Présidente. Je vais essayer de faire le plus vite possible.

Donc, il restait deux postes. La représentativité nous amenait à conclure qu'il fallait accorder deux postes à la CSN, et il restait la Centrale des enseignants du Québec et la Centrale des syndicats démocratiques. Il fallait aussi tenir compte du caractère important et prioritaire de la formation et de l'information et aussi du fait que le gouvernement et ses secteurs public et parapublic doivent donner l'exemple. Vous vous souvenez de témoignages qu'on a eus en commission parlementaire sur le secteur professionnel de l'enseignement, qui n'est pas dans un état particulièrement reluisant du côté de la protection des gens. En pesant tous les éléments, en tenant compte des

membres de l'une et l'autre centrale, on a opté pour la CEQ. Cela n'exclut rien pour l'avenir, il n'y a rien de figé dans le béton, ce ne sont pas des mandats de dix ans.

De la même façon, d'ailleurs, nous l'avons fait du côté patronal; nous n'avons pas accepté les sept noms fournis par le Conseil du patronat, nous avons ajouté des éléments, aussi, provenant d'autres listes de noms qui nous avaient été fournies par d'autres parties du monde patronal.

En ce qui concerne les anglophones, la réponse est bien simple, je l'ai écrite au député qui m'a posé la question. La loi est là, c'est à partir des listes fournies par les associations syndicales et patronales; ce n'est pas fait dans le genre: II n'y en aura pas. Je n'ai pas eu de noms d'anglophones. On ne peut quand même pas m'en faire grief à partir du moment où on dit que c'est à partir des listes de noms fournies par les parties. Je veux bien. A partir du moment où des noms seraient suggérés et seraient considérés comme valables, il n'y a aucune espèce d'objection.

Quant au siège social déplacé, la réponse est non. Je ne dis pas que je ne serais pas tenté; le cas échéant, si cela devait venir, je le justifierais, mais le siège social est à Québec.

M. Pagé: II demeure à Québec. M. Marois: Oui.

M. Pagé: Le bureau du président est à Québec.

M. Marois: Le président a un bureau à Québec, bien sûr. Quant à la révision — je vais sauter là-dessus parce que je sais que vous y accordez une importance très grande et je ne voudrais pas abuser du temps — effectivement, il y avait un problème très sérieux que plusieurs personnes ont déjà évoqué. Les mesures suivantes ont été prises pour essayer d'accélérer, de dégager, parce que la charge accumulée en janvier, c'était 4035 dossiers; rendu au mois de mai, c'était tombé à 3199 dossiers.

Dans toutes les régions clés, Montréal, Québec, Laval, Longueuil, cela s'en allait en diminuant même si le nombre de demandes de révisions avait augmenté. Comment on a pu en arriver à cela et qu'est-ce qui explique les augmentations? D'abord, c'est qu'à la suite des perquisitions menées, conformément à la loi, par la commission, les employeurs ont déclaré davantage de cas qui, autrefois, n'étaient pas déclarés. Deuxièmement, il y a aussi une sensibilisation plus grande des travailleurs quant à leurs droits, ce qui a certainement amené davantage de demandes. Pour y arriver et pour débloquer tout cela, on a utilisé, conformément au pouvoir de délégation qui est prévu par la loi, la même approche que le tribunal des petites créances, c'est-à-dire qu'au lieu d'envoyer le tribunal siéger en audition une journée sur un cas, celui de Québec, par exemple, à Carleton, pour examiner un cas par jour, quand il y va, il n'y va pas à trois; une personne y va, elle examine l'ensemble des cas qui sont en suspens et cela prend de joyeuses bonnes raisons pour que des remises soient autorisées. Cela permet de débloquer considérablement les cas qui étaient engorgés. Effectivement, cela commence et on pense qu'on pourrait en arriver à une remise à jour autour... Au rythme où les choses vont maintenant... cela a été amorcé le premier mai à Québec, Laval, Montréal ça s'en vient, mais déjà des mesures ont été prises parce que rendu au mois de décembre, déjà, cela aura diminué considérablement. Le problème était plus que réel et il fallait absolument prendre des mesures.

Le délai moyen pouvait dans certains cas dépasser un an. Dans les cas où c'est vraiment en marche, on pense qu'on pourrait en arriver à un délai moyen, le ramener, rendu au mois de décembre, à six mois et dans certaines régions, en particulier Québec, avec tout ce que cela implique — quand je dis Québec, c'est beaucoup plus que cela, c'est le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie, c'est le Saguenay-Lac-Saint-Jean et d'autres coins — Laval, Longueuil, avec le prolongement, je parle simplement du point d'ancrage, on pourrait en arriver à des délais de trois mois. On pousse pour vraiment améliorer les choses parce que, encore une fois, je sais que le député a souvent insisté là-dessus, et il a raison, les délais étaient beaucoup trop longs.

M. Pagé: Tant mieux! On verra cela au printemps.

M. Marois: Moi aussi, je suis cela de mois en mois sur les tableaux.

Quant à l'ensemble du dossier des vieux accidentés, je ne vous cacherai pas que moi, personnellement, je suis aussi très sensible à cette affaire. J'essaie, avec les équipes que nous avons, de trouver un élément de solution qui soit juste et équitable pour toutes les parties. Je vais vous dire pourquoi je dis toutes les parties: je veux parler d'abord du monde en vie, mais aussi des entreprises. Si on actualisait à un niveau qui corresponde à quelque chose qui s'approche des niveaux d'aujourd'hui les rentes versées aux vieux accidentés, il faudrait le faire supporter par les entreprises actuelles en exigeant des taux de cotisation. Le problème n'est donc pas simple, Est-ce qu'il y a d'autres possibilités? Je crois qu'il y a d'autres possibilités. On n'a pas fini d'inventorier l'ensemble des possibilités. Je suis plus que sensible à ce dossier. Je sais que, si on utilisait simplement la formule d'actualisation, cela coûterait des prix astronomiques pour simplement l'amener au niveau correspondant à celui d'aujourd'hui. Ce n'est pas une raison pour ne pas essayer de trouver une solution à ce problème. C'est le cas de le dire, s'il y a un dossier où il faut mettre l'imagination au pouvoir, celui-ci en est un bon exemple.

Sur l'ensemble du régime d'indemnisation, que ce soit la Loi des accidents de travail, la loi no 52 et les autres lois qui sont administrées par la commission, les victimes d'actes criminels, le

civisme, j'ai l'intention, à la suite d'une étude préliminaire qui avait déjà été préparée par la Commission des accidents du travail, de donner mandat à la commission de santé et de sécurité de me préparer pour septembre, si possible, ou pour l'automne, un projet visant à harmoniser et à moderniser l'ensemble des régimes actuels, ce qui était d'ailleurs annoncé dans le livre blanc sur la santé et la sécurité au travail.

Quant à la structure de tarification, ce que je peux vous dire, c'est ceci: Effectivement, on en avait parlé lors des travaux de la commission. Je ne me souviens pas, en toute honnêteté, si j'ai pris connaissance du dossier sur le verre plat qui est un exemple que vous aviez donné, mais que ce soit celui-là ou d'autres, le problème soulevé méritait un examen sérieux.

Effectivement, des travaux ont été faits, poursuivis. C'est prêt, tout le dossier, avec des recommandations, des hypothèses d'ajustements et de solutions, à la lumière aussi des mesures qui ont été prises. Je me permets de rappeler que depuis janvier dernier, est entré en vigueur aussi le nouveau régime de points de mérite et de démérite, qui donne une base plus juste. Quand même, ça mérite peut-être un examen additionnel, mais c'est prêt. Le comité administratif, qui est constitué en vertu de la loi, a pris connaissance ce matin même du projet et a convenu de soumettre le projet et les hypothèses au conseil d'administration de la commission dès la prochaine réunion qui se tiendra jeudi prochain. Le conseil d'administration étudiera le dossier global de l'ensemble des taux ou de la structure de tarification. A la suite de ça, j'espère aussi, en tenant compte de la possibilité de rester en contact avec les regroupements d'employeurs, qu'il sera possible, le cas échéant, de regarder les ajustements qui peuvent s'imposer dans chacun des cas.

M. Pagé: Je peux vous envoyer le dossier de l'industrie du verre plat?

M. Marois: Oui, avec plaisir; je regarderai ça.

La Présidente (Mme Cuerrier): Puisque nous avons déjà dépassé le temps que nous avions convenu d'utiliser, je remercierai les membres...

M. Pagé: Mme la Présidente, est-ce que le ministre me permettrait une dernière question?

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Portneuf, vous aviez quelque chose à ajouter?

M. Pagé: Est-ce que le ministre serait disposé à déposer ou encore à faire parvenir aux membres de la commission le bail de location liant la commission et l'immeuble qu'on appelle Samuel-Holland, ici, à Québec? C'est le bureau régional, ici, à Québec.

M. Marois: Je vais consulter, parce que je pense que ce n'est pas le genre de décision que je dois prendre seul; la commission, jusqu'à nouvel ordre, demeure une mutuelle financée par les employeurs... Il y a deux des vice-présidents de la commission qui sont ici; si vous me donnez une seconde ou deux, je leur demande leur avis.

M. Pagé: Tout ce que je veux, c'est en avoir une copie.

M. Marois: Mme la Présidente, je dirais que, personnellement, je n'ai aucune espèce d'objection à le faire; cependant, le député conviendra avec moi qu'il serait normal que je consulte et que je transmette la demande officiellement à la Commission de la santé et de la sécurité; je ne prévois pas d'obstacle et je pourrais le faire parvenir aux députés qui siègent à la présente commission, avec plaisir, s'ils sont d'accord.

La Présidente (Mme Cuerrier): II nous reste à remercier les membres de la commission de la présidence du conseil et de la constitution d'avoir participé aux travaux, tout en posant des questions et en faisant des commentaires, relativement aux crédits de M. le ministre au Développement social.

Cette commission suspend ses travaux, pour les reprendre à l'heure qui a été indiquée par le leader parlementaire de l'Assemblée nationale. Je ne saurais dire si c'est à 20 heures, mais je crois que c'est le cas.

Suspension de la séance à 19 h 45

Reprise de la séance à 20 h 33

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, messieurs!

La commission permanente de la présidence du conseil et de la constitution reprend ses travaux tout particulièrement pour étudier les crédits applicables au premier ministre.

Les membres de la commission pour cette séance sont: M. Bertrand (Vanier), M. Charbon-neau (Verchères), M. Dussault (Châteauguay), M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Le Moignan (Gaspé), M. Levesque (Bonaventure), M. Morin (Louis-Hébert), M. Paquette (Rosemont), M. Ryan (Argenteuil) et M. Samson (Rouyn-Noranda).

Les intervenants: M. Brochu (Richmond), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Fallu (Terrebonne), M. Forget (Saint-Laurent), M. Godin (Mercier), M. Guay (Taschereau), Mme LeBlanc-Bantey (Iles-de-la-Madeleine), M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce).

Je remarque que le nom du premier ministre, par erreur, n'est pas sur cette feuille, alors de consentement unanime...

M. Rivest: Le mien non plus, d'ailleurs.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le vôtre non plus, M. le député de Jean-Talon.

M. Lévesque (Taillon):.. si vous acceptez. Sinon, moi, je vais m'en aller.

Une Voix: Moitié-moitié.

M. Rivest: ... mutatis mutandis.

M. Laberge: J'aimerais remplacer M. Morin (Louis-Hébert) par M. Lévesque (Taillon).

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, c'est ce que je vais faire, M. le député de Jeanne-Mance.

Là-dessus, je cède la parole au premier ministre.

Crédits du premier ministre

M. Lévesque (Taillon): Ecoutez, moi, je vais être très bref, parce que je pense qu'une bonne partie du travail qui concerne le Conseil exécutif a déjà été faite. Je voudrais qu'on se rappelle, en me le rappelant à moi-même le premier, qu'il faut éventuellement adopter l'ensemble de tous les programmes et de leurs éléments. Nous, on doit normalement, je crois, se concentrer surtout sur les programmes 1 et 3, sans compter tout le reste. Je dois dire... Je pense que tout le monde est au courant, entre autres, les deux Gaspésiens que je connais bien, MM. les députés de Bonaventure et de Gaspé, sont allés à la pêche pendant quelques minutes encore, mais devraient nous rejoindre; ils nous ont avertis. Pour le reste, tout ce que je voudrais rappeler, plutôt que de faire de grandes remarques d'introduction générale, c'est que, l'an dernier, on s'en souviendra, pour la première fois, à la suite d'amendements, on avait publié le rapport annuel — c'était le premier — du ministère du Conseil exécutif qui, je crois, donnait le plus clairement possible... Il y a toujours de l'évolution, il y a peut-être certains petits changements mais je pense que, pour l'ensemble, ça se tient encore très exactement comme cela avait été décrit l'an dernier. Plutôt que de reprendre une série de définitions, je pense qu'on peut s'en tenir, si on veut, à ce qui a été publié l'an dernier. Il n'y a pas de changements majeurs.

Je suis à vos ordres.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Avant de céder la parole à l'Opposition officielle, il y aurait lieu de nommer un rapporteur. Est-ce que vous auriez une suggestion à nous faire, les membres de la commission, s'il vous plaît?

Des Voix: M. Godin.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mercier. Est-ce que cette motion sera adoptée?

M. Godin: D'accord.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mercier sera le rapporteur de la commission. M. le chef de l'Opposition officielle.

Questions de caractère général

M. Ryan: Avant d'entrer dans les détails du programme 3, il y a certaines questions de caractère général que nous aurions intérêt à aborder avec vous, M. le premier ministre.

D'abord j'aimerais vous demander comment se fait, dans la pratique quotidienne, la coordination d'un côté entre les ministères d'Etat et les ministères fonctionnels, et, d'autre part, entre les ministères d'Etat et le chef du Conseil exécutif.

Après quatre ans d'expérience, il serait peut-être bon d'avoir votre évaluation de cette formule-là. Qu'est-ce qu'elle a donné de bon, est-ce une formule qui peut continuer, est-ce qu'elle doit être améliorée? Quelles sont les lacunes que vous avez constatées en cours de route?

M. Lévesque (Taillon): Comme vous le savez, ce qu'on a ajouté, et je pense que cela illustre un petit peu la raison d'être d'une certaine façon des ministères d'Etat, c'est un rôle de coordination, d'arbitrage parce qu'il y a des secteurs... Evidemment les secteurs ont toujours des prolongements qui font qu'à l'occasion il faut marier les comités en tout ou en partie, parce qu'on dit social, on dit économique, on dit culturel, mais, finalement, tout finit par se rejoindre un peu à l'occasion.

C'est une rigidité qu'on ne peut pas maintenir, sauf qu'il y a quand même des gens qui sont plus spécifiquement des ministres dans le domaine économique, d'autres dans le domaine qu'on peut appeler de façon très large culturel. Peut-être que ce qui illustre le mieux ce rôle de coordination et d'arbitrage, c'est le fait qu'en tenant compte du rapport du Conseil du statut de la femme et de toute une série de choses qui ont besoin d'être corrigées, dans nos pratiques, dans nos habitudes, peu à peu dans nos mentalités, en ce qui concerne le statut de la femme, j'ai senti à un moment donné que ça pouvait être très utile d'avoir un autre ministre d'Etat du côté de la condition féminine.

Je crois qu'à ce point de vue, et c'est une illustration, il y en a six maintenant au lieu de cinq, c'est une expérience... C'est sûr qu'elle peut toujours être améliorée et il y a bien des choses qu'on doit faire encore, ça va continuer à évoluer, mais l'expérience de ce regroupement, pourvu qu'il demeure souple, de ministres sectoriels, avec un ministre d'Etat qui est primus inter pares, à ce moment-là, mais qui a quand même le rôle d'essayer d'articuler les politiques, de coordonner les priorités, est valable et je crois qu'il faudrait trouver... J'ai déjà dit et je suis encore convaincu que si on remplaçait ça, on trouverait une formule équivalente, parce que nos prédécesseurs avaient commencé des comités permanents et on a simplement ajouté, ce qui est, quant à nous, très important, un ministre qui peut coiffer ces comités et qui en fait son travail permanent du côté des priorités.

Les rapports entre les ministères sectoriels et les ministres d'Etat se font essentiellement, au jour le jour, de toutes les façons possibles et imaginables — on se parle — mais structurelle-

ment par les comités permanents où ils se rencontrent régulièrement, une fois par semaine, une fois par deux semaines, ça dépend des saisons, et avec le Conseil exécutif, beaucoup par le secrétariat général et aussi de façon directe et à quelques reprises dans l'année, au moment des décisions stratégiques, par le comité des priorités.

M. Ryan: Les rapports entre le ministère des Finances et le ministère d'Etat au Développement économique, comment s'articulent-ils avec le bureau du président du Conseil exécutif? On a l'impression que le ministre des Finances est un peu en dehors de ce système.

M. Lévesque (Taillon): II n'est pas en dehors au moment des grandes décisions qui touchent les finances et l'économie et, de toute façon, tout cela se tient, puisqu'il fait partie, lui aussi, du comité des priorités à titre de ministre des Finances et de président du Conseil du trésor; donc, quand vient le moment, deux ou trois fois par année, avec des réunions additionnelles au besoin, et il y en a toujours, quand vient le moment des décisions budgétaires centrales, des priorités, etc., on se retrouve côte à côte et, au jour le jour, dans beaucoup de cas où il y a — je le disais tout à l'heure, ce n'est pas rigide — des prolongements qui impliquent le ministère des Finances ou qui impliquent les finances publiques, le budget, c'est sûr qu'ils travaillent ensemble. On a eu encore une réunion tout récemment, où je n'étais pas, mais où étaient justement le ministre des Finances et les ministres économiques, surtout ceux qui s'occupent de l'opération solidarité économique, qui ont des programmes de création d'emplois, et d'autres qui sont intéressés, du côté des assistés sociaux; alors, forcément, le ministre des Affaires sociales était là. C'était une réunion ad hoc, mais quand même selon les paramètres généraux que je viens de décrire et, vu que cela avait des implications budgétaires, il fallait que le ministre des Finances soit là. C'est un exemple.

M. Ryan: L'impression qu'on a, c'est que, dans les ministères qui relèvent du ministère d'Etat au Développement économique, le ministère des Finances est un peu en marge. Dans la structure que vous avez établie, est-ce que c'est...

M. Lévesque (Taillon): II est en marge, sauf que, chaque fois qu'il s'agit d'implications budgétaires, il n'est plus en marge. Je pense que c'est vrai pour tous les ministères des Finances. Evidemment, il y a le relais du Conseil du trésor, parce qu'à partir de certains critères qui ont été établis, tout doit être approuvé par le Trésor, s'il s'agit de dépenses d'argent.

M. Ryan: Est-ce qu'il y a eu des études faites sur l'articulation de ces structures et les possibilités d'amélioration? Est-ce que vous avez reçu des rapports là-dessus?

M. Lévesque (Taillon): Oui, j'ai reçu des évaluations qu'on peut appeler des rapports d'éta- pe, mais qui, jusqu'ici, peuvent permettre — je ne les ai pas à l'esprit et il faudrait retrouver cela — des correctifs ici et là; par exemple une meilleure fréquence de certaines réunions ou alors une autre façon peut-être d'articuler la procédure, mais, jusqu'ici, sur le fond, on n'a pas vu de raison de changer.

M. Ryan: II n'y a aucune étude, aucun rapport qui soit d'intérêt public qui pourrait nous éclairer quant à une façon plus précise de concevoir ces choses, après quatre ans d'expérience?

M. Lévesque (Taillon): Jusqu'à nouvel ordre, non.

Négociations postréférendaires

M. Ryan: Dans un autre ordre d'idée, M. le Président, à la suite du référendum qui vient d'avoir lieu sur l'avenir politique du Québec, des négociations sont maintenant engagées avec le gouvernement central et les autres gouvernements du pays en vue du renouvellement du système fédéral canadien. Les périodes de questions à la Chambre et l'unique débat que nous avons eu sur ce sujet ne nous ont pas permis d'aller très loin dans l'exploitation des idées et de la méthode qu'entend adopter le gouvernement pour faire progresser ces travaux.

J'aurais quelques questions à vous adresser là-dessus, M. le chef du gouvernement, avant que nous abordions l'étude des crédits proprement dits. D'abord, une première question. J'aimerais connaître, de manière plus précise, l'approche générale du gouvernement et de son chef en particulier à l'endroit de cette grande opération qui s'amorce actuellement. J'ai deux questions précises là-dessus. Est-ce que c'est l'intention du gouvernement de se borner à proposer et à revendiquer des choses qui concernent uniquement le Québec ou si le gouvernement se souciera également de déposer des propositions visant le bien général et l'équilibre de tout le pays, de tout le régime fédéral canadien?

Deuxièmement, quelle sorte d'engagement le gouvernement est-il prêt à prendre à l'endroit de cette entreprise? J'ai cru comprendre l'autre jour, en réponse à une question que je vous avais adressée, M. le premier ministre, que vous avez dit: Nous avons des éléments dans le menu de travail qui a été tracé pour les mois d'été, qui constituent aux yeux du gouvernement la matière d'un test valable. Vous n'avez pas eu l'occasion, M. le premier ministre, d'expliquer beaucoup ce que vous entendiez par là. Je voudrais que vous nous donniez peut-être des précisions additionnelles sur cette notion de test valable et sur la notion d'engagement à l'endroit de la volonté qui a été exprimée nettement par une majorité des électeurs, le 20 mai dernier.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je ne pense pas que je vais ajouter énormément aux lumières que possè-

de déjà le chef de l'Opposition, mais, enfin, je vais prendre ses questions dans l'ordre — il y a deux questions précises — et je voudrais parler un peu aussi de cette commission parlementaire qu'on a proposée, seulement pour faire un test, entre nous. (20 h 45)

Premièrement, vous demandez si le gouvernement a l'intention de proposer, de revendiquer, des choses concernant uniquement le Québec ou si on ne devrait pas élargir et s'en aller dans des choses qui, forcément, ont une sorte de polyvalence, de résonance à l'échelle de tout le système fédéral ou de tout le Canada.

Je l'ai déjà dit, je crois que c'est ce que font les autres premiers ministres aussi, c'est évidemment difficile à décanter quand vient le moment de trouver des consensus. Mais de la même façon M. Peckford va nous parler presque exclusivement — et c'est normal parce qu'il est pris au jour le jour avec des perspectives de développement difficiles, avec aussi des potentiels qui peuvent se matérialiser — des ressources minières sous-marines. On sait pourquoi, Ibernia et compagnie. Et il nous parlera aussi beaucoup de pêcheries, parce que cela fait partie des articulations essentielles de l'économie de son coin.

De la même façon, je n'ai pas besoin de faire de dessin, M. Lougheed résume, à toutes fins utiles, !a négociation constitutionnelle, en ce moment, pour les deux ou trois mois qui viennent, à la question de règlement du prix du pétrole et à une entente éventuelle dont l'Alberta retirerait le plus possible les profits qu'elle escompte.

Je crois qu'ils ont parfaitement raison et je ne vois pas pourquoi on se transformerait immédiatement et totalement en Pères de la Confédération. Il y en a qui peuvent jouer ce rôle, mais je ne crois pas que ce soit l'intention de personne, jusqu'à nouvel ordre, de ceux qui travaillent là-dessus, en tout cas.

Cela n'exclut absolument pas qu'on ait des choses qui se marient, comme priorités québécoises, avec celles d'autres provinces. Par exemple, dans le cas des richesses naturelles, chacun peut avoir son opinion. Je peux respecter les idées de partage que certains évoquent, mais à la condition que le partage ne devienne pas un plat de lentilles.

Dans le domaine des richesses naturelles, où, forcément, on rejoint d'autres provinces parce que, nous aussi, on a des priorités de ce côté-là, c'est sûr que cela s'élargit au point où on se rencontre à plusieurs, on se rencontre autour de la table et dans nos façons d'aborder les choses.

Il est évident aussi que quand on parle de rapatriement ou de formule d'amendement, cela déborde uniquement le cas du Québec, même si on sait à quel point cela a toujours été une des choses sur lesquelles le Québec n'est pas le seul. On dit que cela devrait plutôt, si ce n'est pas à la fin du chemin, en tout cas intervenir en cours de route, mais pas comme une priorité au départ.

Je ne peux pas aller plus loin que cela. Si le chef de l'Opposition veut savoir si on aurait une sorte de livre beige à proposer selon nos conceptions, non. Pas jusqu'à nouvel ordre.

Maintenant, sur l'engagement qu'on est prêt à prendre vis-à-vis de cette entreprise, je suis obligé de répéter au chef de l'Opposition ce que j'ai déjà dit, en tenant compte de ce que je viens d'essayer d'ajouter mais qui est encore peut-être trop flou pour lui. Encore une fois, on ne fabriquera pas un livre blanc là-dessus, on n'aura pas le temps, pendant le temps qui passe. D'ici deux mois, il va y avoir dix ou douze sujets qui sont tous, je pense, d'une extrême importance.

Je crois que le chef de l'Opposition l'a reconnu dans sa conférence de presse la semaine dernière. Ce n'est peut-être pas complet, mais c'est très important. On est devant un échéancier très serré sur cette douzaine de points qui vont servir de test. Cela ne veut pas dire que le test serait nécessairement final, tout dépend. Je ne sais pas ce qui va se passer d'ici septembre, mais ce que je sais, c'est que, si un consensus le moindrement substantiel se développait sur ces points-là, il y aurait vraiment des perspectives qui mériteraient qu'on aille plus loin. Sinon, il faudra se poser des questions. Sans courir au désastre, je dois dire, comme le premier ministre fédéral l'a dit — et Dieu sait dans quelle intention — qu'il faudra se poser des questions et voir où cela nous mène.

Cela étant dit, pour essayer de déblayer cela un tout petit peu préliminairement, parce que, si on aboutit au mois d'août, ce sera peut-être trop serré, on avait une proposition à laquelle on avait pensé — le leader parlementaire pense que cela pourrait se faire — qui serait celle-ci: C'est que, pour déblayer le terrain le mieux possible et pour voir un peu dans quelle perspective on peut se préparer jusqu'à l'automne, pas à la toute fin de juin, mais au début de juillet, disons dans la première quinzaine de juillet, la commission parlementaire, sur laquelle il faudrait s'entendre, pourrait peut-être se réunir au moins une fois et essayer justement de faire le tour de son jardin sur ce sujet et voir un peu, par exemple, quelles sont non pas les revendications, mais les demandes de dossiers, d'information, etc., que les oppositions peuvent avoir; également quelle sorte de perspectives les uns et les autres peuvent essayer de se tracer au moins en fonction des deux mois qui viennent. Après cela, cela nous mènerait au mois d'août, mais on aurait au moins commencé à labourer un tout petit peu préliminairement le terrain avant de se quitter pour l'été.

M. Ryan: Avant d'en venir au processus, je voudrais revenir à la question de fond un tout petit peu. M. le premier ministre a mentionné dans sa réponse l'exemple des richesses naturelles. Le premier ministre pense-t-il honnêtement qu'il soit possible d'avoir un pays qui dure, un système fédéral qui ait la moindre consistance et la moindre chance d'efficacité si on s'en tient strictement aux positions définies par certaines provinces en matière de richesses naturelles, par exemple? Prenons le cas du pétrole et du gaz. Peut-on honnêtement soutenir, dans une perspective qui va dans la direction d'un choix fédéral, que l'autorité exclusive et entière doit être complètement du

côté des provinces sans aucun rôle pour le pouvoir fédéral? Dans la pensée du premier ministre quel rôle doit être envisagé par un gouvernement fédéral...

M. Lévesque (Taillon): On aura...

M. Ryan: ... en pensant à la nécessité d'assurer l'égalité des chances, d'assurer un partage convenable de la richesse dans un pays fédéral et en pensant aussi au fait que le gouvernement fédéral, qu'on le veuille ou non, est engagé dans le domaine à titre de gestionnaire d'une grande partie du domaine des richesses naturelles qui est celui du Canada, les Territoires du Grand-Nord en particulier.

M. Lévesque (Taillon): Je ne ferai pas une thèse là-dessus.

M. Ryan: Je veux savoir si le gouvernement que vous dirigez serait intéressé à formuler des idées positives là-dessus, ou s'il formulera uniquement des propositions de l'ordre des revendications.

M. Lévesque (Taillon): Je ferai remarquer au chef de l'Opposition — je le lui ai déjà fait remarquer en Chambre — que même dans le livre beige qu'on considère comme une position plus que minimale... Je ne pense pas que ce soit le moment de faire un débat là-dessus; on aura l'occasion de le faire, le chef de l'Opposition considère que c'est sa base électorale, on verra avec des amendements possibles, etc... J'ai vu que cela pouvait évoluer, j'espère qu'on n'entrera pas là-dedans, la récupération des impôts par le fédéral, mais enfin, c'est une idée personnelle du chef de l'Opposition... Tout ce que je peux dire, c'est ceci: ...

M. Ryan: On ne fera pas de question de privilège, parce que tout le monde sait que c'est cité de travers.

M. Lévesque (Taillon): Ah! Je ne savais pas. M. Ryan: Ce n'est pas ce qui a été dit.

M. Lévesque (Taillon): Comme j'ai dit, je ne crois pas que cela donne grand-chose ce soir de faire un débat là-dessus, mais je dirai ceci: Même dans le livre beige, si j'ai bonne mémoire, on voit que quand il s'agit de ce rôle du fédéral, éventuel, en situation d'urgence, ou, enfin, en situation de grande contrainte, logiquement, toute irruption — enfin, c'est comme cela que c'est présenté — ou toute ingérence qui serait obligatoire, considérée comme obligatoire du fédéral, devrait avoir l'accord de ce qu'on appelle, dans la structure proposée par le Parti libéral provincial, le conseil fédéral. Vrai ou faux? Il faudrait qu'il y ait quand même, même dans l'optique du livre beige libéral, un chien de garde qui puisse, quel qu'il soit, être une sorte d'arbitre. Je me souviens que quand on a parlé d'urgence, cela avait été traduit en anglais par "compelling national interest". "Compelling national interest", une des raisons pour lesquelles il n'y a personne qui a accepté cela tel quel, c'est: Qui va le définir? Est-ce qu'il y a de l'urgence? Quelle est le genre d'urgence? Jusqu'ici, il y a eu des urgences et, dans le cas du pétrole et du gaz, en particulier, cela s'est réglé par voie d'entente. Quand il y a une entente avec le propriétaire — parce que c'est ce qui est fondamental quant à nous — le propriétaire a des droits de "management", et c'est cela qui est garanti normalement par ce qui nous sert actuellement de constitution telle qu'elle est. A ce moment, cela s'est réglé jusqu'ici par voie d'entente, parce qu'il n'y a pas d'arbitre de prévu. Si c'est unilatéralement le fédéral qui décide, on va s'occuper, quant à nous, jusqu'à la dernière limite, comme d'autres, parce qu'on sait très bien ce que ça pourrait vouloir dire pour notre base de ressources, éventuellement.

M. Ryan: Est-ce que le premier ministre veut dire que la position du gouvernement signifiera que la province visée par une mesure de caractère national, inspirée par une situation d'urgence, devra être soumise au veto de la province en question? Est-ce que la position du premier ministre va jusque-là?

M. Lévesque (Taillon): Dans le contexte actuel, s'il n'y a pas d'entente, moi, je crois que oui, d'autant plus qu'on peut jouer avec le mot "urgence". S'il s'agit d'urgence d'approvisionnement, c'est une chose. S'il s'agit d'urgence simplement à cause des prix, il faut tout de même admettre que c'est un scandale international, ce que le Canada a fait depuis une dizaine d'années, pour essayer de maintenir une sorte de structure des prix pour — franchement, pour les enfants gâtés du monde occidental — des raisons électorales, des raisons à court terme qui, actuellement, nous rejoignent et qui vont nous coûter terriblement cher dans leurs conséquences économiques.

Les urgences, quand elles sont essentiellement des urgences qu'on dirait de court terme et électorales... Il faudrait tout de même savoir comment ça se définit, des urgences véritables. Alors, à partir de là, moi, je m'en tiens à ce qu'on a dit...

M. Ryan: Si je comprends bien...

M. Lévesque (Taillon): ... et ce qu'on a répété souvent, c'est que le droit de propriété des provinces est la chose fondamentale dans le système actuel et, tant qu'on n'aura pas structuré autre chose que je ne vois pas pour l'instant, on s'en tient à ça.

M. Ryan: Là, vous ne voyez rien d'autre chose pour l'instant?

M. Lévesque (Taillon): Non.

M. Ryan: Supposez qu'une province comme l'Alberta, avec les richesses immenses dont elle

dispose, vienne à jouir d'un revenu per capita qui soit dix fois supérieur à celui de la population du reste du pays. Cela veut dire que tout programme de partage de cette richesse qui lui viendrait de ses ressources naturelles serait soumis au veto de l'AIberta, selon les principes qui viennent d'être émis.

M. Lévesque (Taillon): Non, mais attendez un peu! Il y a d'abord la question des ententes, parce que c'est normal que M. Lougheed — enfin, je prends le cas de M. Lougheed — se batte comme un déchaîné pour ce qu'il considère, lui, être les droits de sa province. Mais, d'autre part, au-delà des ententes qui finissent toujours par intervenir, jusqu'à nouvel ordre, en tout cas, il y a aussi le mécanisme de taxation sur lequel il y a moyen de discuter. Dieu sait que cela a été discuté autour et alentour du budget de M. Crosbie. C'est évident que ça va encore se discuter. Mais, à partir de là, moi, je laisserais, pendant les deux ou trois mois qui viennent, se développer la situation en voyant s'il n'y aura pas d'entente. Mais, pour l'instant, de se couler dans le ciment et dire: Le fédéral devra avoir un droit prépondérant sans qu'il y ait d'arbitrage, non, d'aucune façon.

M. Ryan: Je repose ma question au premier ministre. Il me semble que c'est une question fondamentale si on veut aller discuter du renouvellement du fédéralisme. Quel rôle est-il prêt à accepter pour un gouvernement fédéral dont le statut et les fonctions tiendraient compte des exigences que le premier ministre définit comme essentielles pour le développement du Québec? Est-ce qu'il y a un rôle que le premier ministre envisage ou si, finalement, le résidu auquel il serait prêt à consentir serait tellement minimisé que ça équivaudrait à dépouiller un pouvoir fédéral de toute substance?

M. Lévesque (Taillon): Non, il n'est pas question de dépouiller le pouvoir fédéral de toute substance dans un régime fédéral, mais il y a une chose certaine: II n'est pas question de laisser aller, non plus, encore une fois, comme le plat de lentilles, des choses qui sont fondamentales et qui font partie de la zone, pas plus large qu'il faut, d'ailleurs, de manoeuvre et d'autonomie que garde, au point de vue économique, une province comme le Québec. Il y a tout de même un sacré bout à essayer de dissocier des choses qui ne sont pas dissociables. Si on est d'accord pour dire qu'il y a une identité nationale québécoise, que cette identité nationale constitue le coeur même, enfin, un des éléments clés de la dualité canadienne et que ça implique une langue, une culture, etc., ce n'est pas là une pièce de musée.

Dans n'importe quelle société civilisée, ça implique des pouvoirs économiques et des pouvoirs au moins substantiels, sérieux, de décision économique pour cette communauté-là. Cela ne doit pas être quelque chose qui lui est consenti. Or, comme il y a des choses qui existent déjà dans le système fédéral actuel qui appartiennent aux provinces, il n'est pas question de les laisser aller, à moins qu'on ne nous trouve une formule magique que je n'ai pas vue encore.

M. Ryan: J'ai posé une question au premier ministre, à savoir quelles attributions, quelles fonctions le Québec sera prêt à envisager pour le gouvernement fédéral dans le fédéralisme canadien renouvelé de l'avenir, mais je m'aperçois que je n'ai eu aucune espèce d'indication ici. Si je devais rendre compte, à titre de journaliste, de ce que le premier ministre a dit, je devrais écrire une grosse ligne blanche.

M. Lévesque (Taillon): Je veux bien que le chef de l'Opposition essaie de dicter leurs papiers aux journalistes, mais c'est une déformation professionnelle. Pour ma part, ça fait plus longtemps et je l'ai moins, mais je dirais ceci très simplement. On travaille sur la base du fédéralisme qui existe actuellement. C'est, je crois, le point de départ de n'importe quelle hypothèse de renouvellement. Donc on connaît les paramètres à partir desquels on travaille.

Là-dessus, se greffe, avec l'obligation d'évoluer, mais d'évoluer prudemment, je pense, ce qu'on a appelé l'ensemble des demandes traditionnelles du Québec, que nous avons véhiculé de notre mieux nous aussi, depuis trois ans et demi. Partant de là, on essaiera de créer la perspective qui serait, quant à nous, sérieuse et de bonne foi, comme on l'a dit, pour passer d'abord à travers cette période d'un certain test — c'est le moins qu'on puisse dire — qui va se dérouler jusqu'en septembre. On pourra faire le point à ce moment-là.

Entre-temps, on peut bien continuer mais je n'irai pas plus loin, sauf que je demanderais aux chefs de l'Opposition s'ils ont une réaction à cette idée d'une rencontre préliminaire qui nous permettrait peut-être d'aller un peu plus avant là-dedans, dans la première quinzaine de juillet, disons. Peut-être que vous aimeriez mieux y penser? Je ne sais pas. (21 heures)

M. Ryan: Si M. le premier ministre n'a pas d'objection, nous allons continuer avec des questions de caractère général pour l'instant; nous pourrons revenir à cette suggestion-là tantôt.

M. Lévesque (Taillon): D'ailleurs, ça peut être demain aussi. Avant la prorogation.

M. Ryan: Le premier ministre a souvent fait allusion à l'importance des pouvoirs économiques dans le renouvellement du fédéralisme canadien et je suis d'accord avec lui sur l'importance de ce renouvellement. Je lui rappelle, entre parenthèses, que dans le livre beige il y a plusieurs propositions qui ont semblé échapper à son attention, mais ce n'est pas grave parce que le débat est encore à venir là-dessus. On aura tout le temps voulu pour le faire en profondeur.

J'aimerais que le premier ministre nous dise un peu comment il envisage le rôle de l'Etat du Québec et le rôle de l'Etat fédéral en matière de

politique économique et dans la perspective d'un renouvellement du fédéralisme canadien.

Je reviens avec insistance sur ce que j'ai signalé tantôt, c'est bien facile de formuler des propositions uniquement à partir d'un côté de la table, mais l'essence d'une solution de type fédéral, ce sera l'équilibre qu'on réussira à établir entre les attributions qui iront de chacun des deux côtés de la table.

Je voudrais savoir si le premier ministre a des idées plus précises à communiquer à ce sujet, que celles qu'il donnait tantôt.

M. Lévesque (Taillon): En ce qui concerne les pouvoirs économiques, sans vouloir entrer dans une définition qu'on pourrait imprimer avec une couverture jaune pâle, à notre tour, parce qu'on n'est pas rendu là, je crois qu'il y a une chose clé... Il y en a une deuxième dont on vient de parler, mais la chose clé par excellence, c'est que l'essentiel des pouvoirs économiques — ce n'est pas pour rien d'ailleurs que la plupart des grandes luttes se déroulent autour de ça — d'un Etat tient à — l'essentiel, j'ai bien dit parce que c'est plus complexe que ça — son contrôle, le plus large, le plus substantiel possible, de la fiscalité et d'une fiscalité qui soit capable d'accompagner l'évolution.

Celle qui accompagne le mieux l'évolution, sauf erreur, demeure la fiscalité sur les revenus ou sur les profits, dans le cas des entreprises. C'est pour cela que j'ai été très surpris de voir cette idée qui avait été évoquée par le chef de l'Opposition de littéralement accepter au moins comme hypothèse de travail de noyer ces pouvoirs dans quelque agence mixte que ce soit.

M. Ryan: Si vous me permettez une précision, M. le premier ministre, là-dessus, pour qu'on vide cette question, il y a des moments où l'on discute avec une liberté plus grande que d'autres et, un soir, j'ai laissé tomber l'idée que, dans la perspective d'un renouvellement en profondeur du régime fédéral canadien, parmi toutes sortes d'idées qu'il faudrait avoir la loyauté d'examiner, dont il faudra examiner la plausibilité ou la possibilité, il y avait celle-là que j'ai mentionnée à titre d'exemple, sans plus. J'ai bien dit que ce n'était pas une proposition de mon parti, que ce n'était même pas une proposition de ma part, mais que c'est une ouverture d'esprit, et à examiner l'idée parfois, on comprend mieux pourquoi elle ne doit pas être retenue et on n'a pas peur d'un examen comme cela. Cela ne voulait pas dire autre chose que ça. Je voudrais que vous le sachiez clairement pour qu'il n'y ait pas de malentendu entre nous là-dessus.

M. Lévesque (Taillon): Je suis heureux de l'entendre dire par le chef de l'Opposition, parce que je pense que c'est la dernière idée qu'il faudrait retenir.

M. Ryan: Si vous voyez la bobine du film qui a été fait là-dessus, vous allez trouver que c'est bien dit que je n'ai pas émis d'objection à examiner la possibilité de... Pas autre chose que ça. D'accord?

M. Lévesque (Taillon): D'accord.

M. Ryan: Maintenant, je vous pose une autre question, M. le premier ministre, dans la même veine. Toujours dans la perspective de la voie fédérale qui a été retenue par 60% des électeurs du Québec au référendum, vous vous amenez à la table de négociation avec les autres pouvoirs canadiens et il a beaucoup été question des pouvoirs culturels. Je vous posais une question l'autre jour à la Chambre. J'aimerais avoir votre réaction à ce sujet, parce que je ne l'ai point eue l'autre jour d'ailleurs. Une institution comme Radio-Canada — c'est un exemple que je prends qui signifie évidemment bien davantage — est-ce que votre gouvernement visera à obtenir qu'elle devienne une institution strictement et exclusivement québécoise ou si, dans la pensée d'Un fédéralisme renouvelé, cette institution peut demeurer une institution fédérale à caractère foncièrement biculturel et bilingue, avec toutes les garanties nécessaires de ce point de vue? Cela fera-t-il partie de votre politique du plus qui vaut mieux que le moins de demander que ça devienne une institution strictement québécoise dans la perspective du renouvellement du fédéralisme?

M. Lévesque (Taillon): Ecoutez, je ne me fais pas d'illusion là-dessus, parce qu'il faut qu'on travaille quand même de bonne foi, ce qui veut dire qu'il y a toujours du "give and take". Je ne me fais pas d'illusion, mais je dirais que, plutôt que d'être obligés de continuer de notre côté, et cela fait partie des doubles... C'est vrai que l'Ontario en fait aussi un peu, Ontario TV, mais, quand même, à même les ressources limitées d'une province, être obligé, pour des raisons qu'on a admises il y a déjà dix ou douze ans, de bâtir Radio-Québec pendant qu'en parallèle se trouve Radio-Canada, français, si vous voulez, pour l'essentiel de ce qui nous préoccupe, je dirais qu'idéalement ça ne devrait pas être comme ça. On devrait avoir une coordination des instruments qui sont aujourd'hui parmi les instruments les plus puissants de la culture, au sens large du mot, dans toutes les sociétés modernes, parce que ça débouche aussi sur la câblovision, sur toute une série d'autres choses, même sur sa part des satellites, si on veut. Idéalement, je dirais que ça devrait, si on pense à un peuple ou foyer national, si vous voulez, à une culture et une communauté nationale qu'est le Québec, être dans le domaine provincial, pour autant qu'il s'agit d'un renouvellement du fédéralisme. Je n'ai pas l'illusion qu'on y arriverait facilement, mais je crois que ça devrait être comme ça, éventuellement.

M. Ryan: Est-ce que c'est nécessairement être hérétique à vos yeux que de penser qu'on peut avoir une institution de radio-télévision d'envergure canadienne, sous responsabilité fédérale, qui serve efficacement la culture française, non seulement au Québec, mais à travers tout le pays?

M. Lévesque (Taillon): Ecoutez, je vous dirais oui, c'est hérétique; non, ce n'est pas hérétique. Honnêtement, si on travaille sur les faits tels qu'ils sont, je ne vois pas ce que ça nous donne pour l'instant...

M. Ryan: Est-ce que c'est être...

M. Lévesque (Taillon): ... parce que je ne crois pas que ce soit récupérable dans le contexte actuel. C'est malheureux, mais c'est comme ça.

M. Ryan: C'est peut-être parce qu'il y a des raisons objectives qui militent pour l'autre point de vue, dans la perspective fédérale.

M. Lévesque (Taillon): Ecoutez, il y a toujours la balance des avantages et des inconvénients. Je vous ai dit "idéalement"; je pense qu'idéalement, ça devrait être ce que j'ai dit, mais seulement on ne l'aura pas.

M. Ryan: L'autre jour, à la conférence qui a eu lieu à la maison du premier ministre, le gouvernement fédéral a déposé un projet de déclaration de principe dont vous avez fait une critique assez sévère, dont j'ai moi-même fait une critique de mon côté également, à laquelle...

M. Lévesque (Taillon): ...

M. Ryan: Pour la partie négative, c'est toujours plus facile. Vous avez posé trois conditions à l'élaboration d'une déclaration de principe éventuelle. Vous avez dit: D'abord, il faudra qu'on reconnaisse l'égalité des deux nations, si j'ai bien compris.

M. Lévesque (Taillon): D'abord, le droit à l'autodétermination, peu importe la façon de l'exprimer.

M. Ryan: Très bien, le droit à l'autodétermination.

M. Lévesque (Taillon): Je sais que le chef de l'Opposition a fait faire une étude là-dessus, j'y serais intéressé, un jour, si c'était possible, parce qu'on travaille là-dessus nous aussi.

M. Ryan: Un jour, elle sera rendue publique. Deuxièmement, si j'ai bien compris, l'égalité des deux nations.

M. Lévesque (Taillon): L'égalité. En tout cas, une chose certaine, c'est que...

M. Ryan: II faudrait sortir le texte. Cela va avec le premier, disons.

M. Lévesque (Taillon): Oui, et partant de cette notion de dualité, sur laquelle tout le monde, au moins verbalement, s'entend, ça implique, oui, une égalité fondamentale. Il s'agit de la définir, ce n'est pas toujours facile, concrètement.

M. Ryan: C'est là-dessus que nous allons converser un peu, j'espère. La deuxième condition, si j'ai bien compris, c'était la reconnaissance du caractère spécifique du Québec.

M. Lévesque (Taillon): C'est ça.

M. Ryan: La troisième, c'était le maintien, sous l'autorité du Québec, de tous les pouvoirs de législation en matière de droits linguistiques. Si nous reprenions ces conditions l'une après l'autre, ça m'intéresserait d'avoir des précisions à ce sujet.

Sur la première, le droit à l'autodétermination, je voulais demander au premier ministre s'il a fait faire des études, de son côté, qu'il serait disposé à nous communiquer, avant de formuler cette proposition de la manière officielle qu'il a utilisée l'autre jour. Est-ce qu'il y a des études qui ont été faites des autres constitutions fédérales du monde? Est-ce que le premier ministre connaît les constitutions fédérales dans le monde qui contiennent des références expresses au droit à l'autodétermination des peuples ou des nations qui font partie d'autres systèmes fédéraux? Pourrait-il nous les nommer, nous dire comment c'est formulé et sur la base de quelle autre expérience ou de quel autre exemple son gouvernement en est venu à formuler cette exigence au tout début de la réforme constitutionnelle?

M. Lévesque (Taillon): Au tout début... c'est simplement que c'est au tout début que c'était, à toutes fins utiles, nié par le brouillon que M. Trudeau nous a déposé sur la table. Alors, on l'a pris dans l'ordre où ça se présentait dans son projet de déclaration. Que ce soit là ou ailleurs dans une déclaration éventuelle, il faut que ce soit reconnu quelque part.

Cela a été exercé une fois, je pense que tout le monde l'admet sans qu'on nie le droit, même si on a travaillé très fort, de diverses sources, pour l'infléchir, mais il reste que cela vient d'être exercé par le référendum lui-même dont personne ne contestait la légitimité. Et il nous semble, quant à nous, que cela doit être réaffirmé je ne sais pas où dans telle éventuelle déclaration qui pourrait émerger.

Pour ce qui est des études sur lesquelles cela peut s'appuyer, les connaissances de la constitution des autres pays, y compris celle de l'Union soviétique, je serais prêt à déposer entre les mains de l'Opposition tout ce qui peut être disponible. Il nous semble que cela tombe sous le sens, mais, si cela ne tombe pas suffisamment sous le sens, je le déposerai aussitôt que possible. Peut-être qu'on pourrait faire un échange et avoir les études que le chef de l'Opposition a commandées. On verra.

M. Ryan: Est-ce que j'ai compris que vous vouliez déposer des textes de constitutions des autres pays ou des études que le gouvernement aurait fait faire?

M. Lévesque (Taillon): On déposera ce qui nous paraîtra le plus indiqué et, s'il en manque, on

le donnera. Mais je dis que cela nous semble tomber sous le sens. Il y a des études, l'expérience vécue et beaucoup d'autres choses, la réalité même du Québec et de la dualité canadienne qui nous ont permis d'arriver à cette conclusion.

Maintenant, deuxièmement, sur l'égalité fondamentale ou la dualité, je ne sais pas s'il y a des questions spécifiques.

M. Ryan: Je voudrais que le premier ministre nous éclaire sur sa conception de l'égalité. Le premier ministre dit qu'il faut asseoir le régime fédéral de demain sur le principe de l'égalité des deux nations. Comme je vous l'ai dit souvent, M. le premier ministre, il n'y a rien de plus facile que d'affirmer le principe de l'égalité. Je pense que tous les politiciens se font élire avec cela, sous toutes les latitudes.

Il s'agit, évidemment, de vérifier le contenu que l'on met là-dessous. Et, puisque vous parlez avec tellement d'assurance quand vous affirmez ce principe, j'aimerais que vous nous disiez quel contenu vous envisagez de mettre là-dessous quand vous vous présenterez à la table des pourparlers constitutionnels. C'est la notion clé autour de laquelle gravitera toute l'entreprise de réforme constitutionnelle.

M. Lévesque (Taillon): Je sais que, pour beaucoup de gens, on peut partir du rapport Pepin-Robarts qui parle de dualisme ou de dualité, ce qui mène, évidemment, à la reconnaissance de deux peuples ou de deux nations. Enfin, on emploiera les termes qu'on veut, il y a plein de vocabulaire là-dessus. On parle également des provinces, puisqu'il y a dix provinces. On parle également du régionalisme. J'ai vu que le chef de l'Opposition évoquait toutes ces complications de façon à nous montrer à quel point c'était complexe et délicat, lors d'une récente conférence de presse.

Comme je n'ai pas le temps de préparer toute une série de réponses là-dessus — je pensais que c'était plutôt pour défendre mes crédits — je suis prêt, par exemple, à essayer de fournir plus d'éclaircissements sur ma façon de voir ces choses au chef de l'Opposition aussitôt que j'en aurai le temps et le loisir.

Je reviens quasiment automatiquement à ce que je proposais à propos de la possibilité d'une rencontre lors d'une éventuelle commission au début de juillet. De la même façon qu'on nous a fait parvenir toute une série de questions avant les crédits qui demandaient cela d'épais de réponses, je ne pensais pas que le chef de l'Opposition voulait prolonger la période des questions aussi longtemps. Je suis prêt à prendre sa question pour avis et je lui donnerai la réponse quand je pourrai.

Pour ce qui est des droits linguistiques — j'aime autant finir là-dessus — cela nous semble absolument fondamental, les droits linguistiques, c'est-à-dire que le droit exclusif, autant qu'il est humainement possible dans le régime actuel, de légiférer et de décider en matière linguistique, en matière scolaire spécifiquement et en d'autres matières qui se relient aussi bien à la loi 22 qu'à la loi 101, cela doit demeurer sous le contrôle de l'Assemblée nationale du Québec et non pas, pour employer les termes qu'affectionne le chef de l'Opposition, être enchâssé dans une constitution. Cela nous paraît fondamental pour la défense des droits les plus essentiels, les plus vitaux de la collectivité québécoise majoritaire.

M. Ryan: J'aimerais dire au premier ministre que le mot "enchâssé" ne m'épate pas spécialement. J'en cherche un meilleur. S'il y en avait un plus élégant, je serais très heureux de l'employer. Cela vient d'un mot anglais.

M. Lévesque (Taillon): Le juge Pigeon disait récemment "fixé de façon intangible". Cela est peut-être une périphrase, mais j'aime mieux cela qu'enchâssé, bon Dieu! Chacun son goût.

M. Ryan: J'ai été un petit peu surpris par la raideur de la position du gouvernement sur cette question des droits linguistiques. Je vais prendre un exemple concret. Prenez le droit des citoyens de ce pays à des services de radiodiffusion dans leur langue, où qu'ils vivent à travers le pays, pourvu qu'ils soient en nombre suffisant dans une région. Je pense que cela tombe sous le sens que, s'il y a seulement deux francophones ou deux anglophones dans une région éloignée, ce principe ne pourra pas s'appliquer d'une manière absolue. (21 h 15)

Mais ces réserves étant faites, en quoi la puissance nécessaire du Québec comme Etat souverain dans les domaines de sa compétence sera-t-elle réduite ou compromise et en quoi surtout notre avenir comme collectivité sera-t-il compromis, si un jour nous avions dans une constitution canadienne la garantie du droit d'un citoyen de langue française ou de langue anglaise à des services de radiodiffusion dans sa langue partout à travers le pays? Y a-t-il quelque chose d'insurmontable? Y a-t-il quelque chose qui répugne absolument à toute conception d'un service digne et noble de la culture de la collectivité française du Québec?

M. Lévesque (Taillon): Non. Je ferai remarquer d'ailleurs au chef de l'Opposition que quand on a parlé de droits linguistiques, dans le contexte dans lequel on est encore, on a parlé en fonction d'un contexte fédéral-provincial. Je ne recommencerai ce que je disais tout à l'heure à propos de radio-télédiffusion. On a évité ce chapitre-là pour la bonne et simple raison que ce n'est pas du tout dans nos compétences actuelles et ce n'est pas particulièrement dans des compétences envisageables, souhaitables. Je l'ai dit tout à l'heure, il paraît très souhaitable que ce soit cela, mais j'ai bien l'impression que ce serait rêver en couleur dans le contexte fédéral que de prétendre qu'on récupérerait des pouvoirs très étendus de ce côté-là. On a essayé du côté des communications pendant des années à travers trois gouvernements, sauf erreur, y compris le nôtre, et on sait à

quel point on se cogne sur un mur. Là, la question du chef de l'Opposition est plutôt encore théorique.

Cela étant dit, dans le contexte actuel, il se développe des choses qui demandent de la pression dans les sociétés. Par exemple, on sait à quel point cela a été dur et que cela a été contesté qu'une population en nombre réduit puisse avoir un certain service radiophonique sur la côte du Pacifique.

Par ailleurs, je vais peut-être surprendre le chef de l'Opposition si je lui dis que, dans les dernières recommandations que j'ai vues pour ce qui concerne les minorités, les groupes minoritaires au Québec, il y avait une recommandation qui venait, sauf erreur, de ces colloques qui ont été faits avec des groupes minoritaires depuis un an et demi à peu près, sous l'impulsion du ministre d'Etat au Développement culturel, qui était de faire des pressions pour qu'un service minimal de radio soit accordé dans leur langue à certains groupes minoritaires anglophones qui sont isolés à ce point de vue. Il me semble que cela peut évoluer et se développer comme cela beaucoup mieux que sous l'arbitrage toujours difficile face à révolution de tribunaux qui seraient devant des trucs enchâssés. En tout cas, c'est une question d'opinion.

M. Ryan: Mais ce n'est pas une question qui est interdite de manière définitive? C'est une question qui peut être examinée?

M. Lévesque (Taillon): Je l'ai dit, si on prend l'exemple radio-télévision, on sort du contexte dans lequel traditionnellement on a parlé des droits linguistiques à l'intérieur du régime fédéral.

M. Ryan: Mais vous n'êtes pas complètement revêche à l'idée que la compétence en matière de radio-télévision pourrait demeurer dans le fédéral? Vous disiez tantôt qu'idéalement ce serait peut-être mieux qu'il en fût autrement...

M. Lévesque (Taillon): Oui.

M. Ryan: ... et que, pratiquement, vous envisagez que ce sera très difficile, pour des raisons que je comprends bien.

M. Lévesque (Taillon): Etant réaliste, je n'ai pas l'impression que, dans la perspective de l'éventuel renouvellement, si on peut y arriver, ce sera le morceau le plus facile à arracher.

M. Ryan: II me semble qu'à une réunion des premiers ministres des provinces qui avait eu lieu à Montréal, il y a à peu près deux ans...

M. Lévesque (Taillon): Oui.

M. Ryan: ... vous en étiez arrivés à un consensus sur la nécessité de garantir à tout enfant de langue française ou anglaise le droit à l'instruction publique dans sa langue. Il me semble qu'une déclaration de principe avait été faite par des premiers ministres à l'issue de cette réunion. Si vous me permettez de compléter ma question, dans le rapport Pepin-Robarts que le premier ministre aime citer souvent...

M. Lévesque (Taillon): Pour son analyse, pas nécessairement pour ses conclusions.

M. Ryan: ... dans les parties qui l'intéressent, évidemment — toutes les conclusions, il semble les rejeter catégoriquement; il ne l'a pas dit souvent, mais c'est ce qu'on croit comprendre — il y a une recommandation, je pense, à la page 117, qui propose que le fruit de ce consensus auquel on en était arrivé à la réunion de Montréal des premiers ministres des provinces soit inscrit dans la future constitution canadienne. Est-ce qu'un point précis comme celui-là est un point sur lequel il n'y a aucune possibilité de négociation ou d'accord? Est-ce que c'est un de ces points qui, aux yeux du gouvernement, sont absolument non négociables au départ?

M. Lévesque (Taillon): Je ferais remarquer au chef de l'Opposition...

M. Ryan: Est-ce que...

M. Lévesque (Taillon): Je m'excuse, c'est parce que je n'ai pas la page 117 devant moi. Je ne me suis pas préparé à l'apporter non plus.

M. Ryan: Je vous dis cela; vous pouvez vous fier à mes citations.

M. Lévesque (Taillon): Je ne jouerai pas ce jeu-là bien longtemps. Je vais faire une dernière réponse là-dessus. Mes souvenirs — je vais les vérifier — de la réunion de Montréal, si j'ai bonne mémoire en tout cas, c'est que ce principe était sous-tendu par un rythme d'évolution.

Autrement dit d'ailleurs, si le chef de l'Opposition se souvient de cela, le premier ministre fédéral, sentant à quel point cela ne pouvait pas se faire à coups de matraque aussi facilement qu'on aurait pu le penser, avait même dit dans une lettre ou un télex, je ne me souviens pas, qu'il y avait une formule d' "opting in" qui pouvait être prévue — je ne sais pas si cela rappelle des souvenirs — en ce qui concerne la question des droits linguistiques, scolaires, etc. J'aurais besoin...

M. Ryan: La formule d' "opting in", où était-ce?

M. Lévesque (Taillon): C'était quand M. Trudeau, sur la lancée de ses 60...

M. Ryan: Oui, c'est cela.

M. Lévesque (Taillon): Ce que je veux dire, c'est que tout le monde admettait — à Montréal, je pense que c'était cela aussi — qu'à partir de tel principe qui, logiquement, peut se défendre il y a toute une série d'évolutions ou de rythmes d'adap-

tation qu'il faut prévoir. On sait à quel point, à partir de là, si on parle d'enchâsser quelque chose qui doit se soumettre à l'évolution, on risque d'avoir le même genre d'accident et, à l'occasion, de paralysie de l'évolution comme on en a connu aux Etats-Unis avec le "Bill of rights". Partant de là, je dirais que j'aime autant arrêter "dret là", et tout simplement répéter qu'à partir des pouvoirs linguistiques que détient le Québec — je ne parle pas de ceux qu'il ne détient pas — il y a une chose qui nous paraît quant à nous sine qua non, c'est que ces droits linguistiques et le pouvoir de les exercer et d'accompagner leur évolution doivent rester sous la compétence de l'Assemblée nationale du Québec exclusivement.

M. Ryan: Alors, il ne serait pas question, dans cette perspective, que les droits linguistiques des francophones dans d'autres provinces que le Québec soient garantis de manière constitutionnelle. Il faudrait, suivant la philosophie que vous énoncez, que l'autorité complète en matière de droits linguistiques minoritaires soit laissée à la Législature de chaque province dans son champ de compétence.

M. Lévesque (Taillon): Je ferai remarquer au chef de l'Opposition qu'une chose est certaine — je vais être très concret là-dessus; cela vient aussi bien de Pepin-Robarts que des rencontres avec les autres premiers ministres et des aveux normaux des ministres de l'Education quand ils se sont rencontrés à quelques reprises ces dernières années — c'est que si on tient compte de la comparaison évidente entre ce qui est reconnu et on peut dire garanti par le gouvernement et la société québécoise et l'Etat québécois à la minorité anglophone au Québec par rapport à ce qui est consenti, au point d'évolution où elles sont arrivées, par les autres provinces, y compris là où les nombres minoritaires, comme au Nouveau-Brunswick et en Ontario, sont extrêmement substantiels, il me semble que, même là-dessus, c'est peut-être mieux de laisser l'évolution continuer avant d'enchâsser quoi que ce soit.

M. Ryan: A supposer que les autres provinces seraient prêtes à faire des pas décisifs dans la voie de la garantie constitutionnelle de certains droits linguistiques, est-ce que le Québec maintiendrait sa position jusqu'au point d'être prêt à faire cavalier à part sur cette question?

M. Lévesque (Taillon): A moins qu'on ne me prouve l'utilité et le non-danger pour les intérêts essentiels du Québec de faire autrement, la réponse est oui.

M. Ryan: Alors, il y a une petite porte ouverte. A moins qu'on vous prouve le non-danger!

M. Lévesque (Taillon): Le non-danger éventuel — je ne dis pas immédiat — d'une décision comme celle-là. Jusqu'ici, on a, quant à nous, la certitude qu'il y a des dangers et qu'on ne doit pas les courir.

M. Ryan: Sur la signification concrète — je reviens sur cette question une dernière fois, parce que je veux en avoir le coeur net — du concept d'égalité que vous posez comme fondement absolument nécessaire de toute réforme, vous n'avez pas de précision à donner maintenant. Les précisions viendront plus tard.

M. Lévesque (Taillon): On a toujours dit qu'il s'agissait d'une égalité concrète, vécue, qui reconnaît un principe fondamental que deux peuples ont des droits fondamentalement égaux, mais dans les complications qu'on a à l'intérieur du système actuel, je suis d'accord avec le chef de l'Opposition: s'il faut, au cours de l'exercice, définir cela plus concrètement, on le fera.

M. Ryan: Vous avez tellement insisté sur le caractère concret que doit revêtir cette égalité qu'on est intéressé à savoir ce que vous voulez dire par là. Je vous pose une question...

M. Lévesque (Taillon): Vous l'aviez d'une façon extraordinairement éloquente dans "souveraineté-association", mais, jusqu'à nouvel ordre, on va essayer de voir s'il n'y a pas une autre formule. Entre nous, on cherchera. Seulement, on ne se fera pas passer des sapins non plus.

M. Ryan: Un exemple, si vous me permettez, pour faciliter votre réflexion et les précisions. Un régime fédéral doit comporter un Parlement fédéral. Il me semble que c'est de la tautologie que de dire cela. Dans ce Parlement fédéral, dans la perspective des deux nations égales dont vous parlez, est-ce que cela veut dire que votre gouvernement prétendrait exiger qu'il devrait y avoir représentation égale de ce que vous appelez les deux nations, ou si la représentation devrait se faire d'abord suivant le principe encore plus fondamental de la représentation suivant l'importance des populations "rep. by pop."?

M. Lévesque (Taillon): Là, je remarque une chose et je vais me contenter de ça comme réponse. C'est que c'est une des questions les plus difficiles dans n'importe quelle perspective de renouvellement de quoi que ce soit qui ressemble au fédéralisme canadien et que, moi, je trouverais, en tout cas, invraisemblablement faible ce qui a été proposé dans le livre beige de nos amis d'en face sous la forme, si j'ai bonne mémoire, d'un comité dualiste de l'éventuel conseil fédéral. Je ne sais pas si on peut trouver autre chose, mais une chose certaine, c'est que j'ai l'impression qu'il faudrait mieux que ça.

M. Ryan: Alors, il n'y a pas de réponse sur les questions relatives au Parlement.

M. Lévesque (Taillon): Non, pas plus que ça.

M. Ryan: Pas de réponse, n'est-ce pas? La réflexion n'a pas assez progressé là-dessus. Les événements sont trop récents.

M. Lévesque (Taillon): Probablement oui, de la même façon que certaines surprises du chef de l'Opposition se répercutent dans ses réactions ces temps-ci. Les événements sont récents pour tout le monde. Ils continuent, d'ailleurs, de se produire.

M. Ryan: Je ne comprends pas ce que vous voulez dire à mon sujet, mais on va continuer. C'est elliptique comme souvent.

M. Godin: C'est le brouillon.

M. Ryan: Pardon? Oui, le brouillon: Le brouillon, c'était réfléchi. C'était écrit dans mes notes avant que je le dise, M. Godin, et c'est resté là, d'ailleurs. Il n'y a eu aucune modification...

M. Godin: M. le député de Mercier, qu'on dit.

M. Marcoux: Ce n'était pas réfléchi, c'était le brouillon.

M. Godin: M. le député de Mercier, qu'on dit ici.

M. Ryan: ... de faite à... Excusez-moi.

Je voudrais maintenant vous poser quelques questions, M. le premier ministre, au sujet du forum de la révision. Cela me paraît une dimension très importante de l'opération également. A ce jour, nous avons l'impression que le gouvernement du Québec est entré dans un cadre opérationnel qui est à peu près ce qu'on peut imaginer de plus conventionnel. En somme, on a repris le collier au point où on l'avait laissé la dernière fois qu'on s'est rencontré dans ce genre de réunion. Il semble n'y avoir eu aucun effort de la part des gouvernements intéressés pour essayer de définir un forum qui serait peut-être plus approprié, étant donné la gravité du caractère unique de l'entreprise.

Par exemple, on a choisi le modèle de la conférence fédérale-provinciale ordinaire, en somme, complété par des sous-comités ministériels, éventuellement des sous-comités de fonctionnaires peut-être. Est-ce que le gouvernement est prêt à considérer la possibilité d'un forum peut-être un peu plus spécial? Moi, j'ai été frappé, je vous le dis franchement, par l'échéancier temporel extrêmement rigide qu'on a fixé, pour la première phase des travaux du moins, et par l'absence totale de précisions sur la nature du forum qu'on envisage.

Est-ce que le chef du gouvernement est prêt à considérer la possibilité d'un type de forum un peu spécial? Il y en a qui parlent d'une assemblée constituante. Moi, je ne vais pas jusque là; mon parti non plus. C'est quand même une possibilité qui a été évoquée par plusieurs. Il y en a plusieurs qui ont parlé d'une sorte de procédure de révision continue, c'est-à-dire d'une procédure de révision qui fonctionnerait un peu parallèlement à la conférence des premiers ministres, faisant rapport à celle-ci, évidemment, fonctionnant sous son autorité, mais ayant des conditions de liberté et d'engagement dans l'exécution du travail beau- coup plus grandes. Je demande si on a considéré cette possibilité, si on est prêt à la considérer. Voulez-vous que je pose mes autres questions tout de suite ou si vous voulez les prendre une par une?

M. Lévesque (Taillon): Non, mais celle-là, je vais y répondre rapidement, peut-être d'une façon qui ne sera pas satisfaisante pour le chef de l'Opposition. Mais ça, je n'y peux rien.

Cela a été le consensus de onze gouvernements le 9 juin. Je ferais remarquer au chef de l'Opposition que c'est le premier ministre Trudeau qui, à partir de ses engagements solennels d'interventionniste qui ne faisait pas partie du comité du non, qui flottait, soi-disant, au-dessus de la mêlée, mais qui a quand même été déterminant comme poids dans la campagne référendaire...

M. Ryan: D'après les sondages de l'IQOP?

M. Lévesque (Taillon): Je ne sais pas d'après quels sondages, mais je sais une chose, c'est que c'est vrai.

Deuxièmement, partant du fait que son intervention avait été déterminante et qu'il avait pris des engagements solennels mais pas du tout concrets qui tournaient autour du mot "renouvellement", partant de là, c'est le premier ministre fédéral à qui revenait l'initiative. Il l'a prise. Il a convoqué très rapidement, après une espèce de tournée symbolique de son ministre de la Justice, une réunion pour le 9 juin, et, quand est venu le moment de décider de l'échéancier qu'il proposait et de la liste des sujets, il n'y a personne qui s'y est opposé, parce que c'était sous la forme d'un test qui prenait le relais de ce qui avait été abandonné autour de février 1979. c'est-à-dire aue la plupart des sujets ont déjà été explorés, fouillés. Les ministres concernés, de chez nous comme des autres gouvernements, vont se rencontrer à quelques reprises intensément pendant les deux mois qui viennent, y compris le mois de juin, enfin, jusqu'au mois de septembre. (21 h 30)

Puis, accompagnant ce processus, comme le chef de l'Opposition le disait, il y aura des réunions de fonctionnaires, forcément, pour remettre à jour, et peut-être voir les élargissements possibles ou probables, ces sujets-là, de façon à pouvoir, d'ici à septembre, dans la formule classique ou traditionnelle, je l'admets, voir s'il y a vraiment des ouvertures nouvelles des uns et des autres; parce qu'après tout, il y a onze gouvernements qui sont concernés.

Je ne peux pas aller plus loin. Les autres évocations de possibilités du chef de l'Opposition comme révision continue, etc., ce serait peut-être des choses envisageables selon les résultats du mois de septembre, mais sûrement pas jusque-là; parce que si on commence à chercher des recettes magiques au moment où il nous reste deux mois et quelques jours — juillet, août et un peu de juin — c'est sûr qu'on va se perdre dans la brume.

M. Ryan: Au sujet de la présidence de ces réunions, je crois comprendre que la présidence est assumée sans qu'il n'y ait aucun acte de fait à ce sujet par le premier ministre du Canada.

M. Lévesque (Taillon): C'est la tradition aussi.

M. Ryan: II préside les réunions, formule des propositions au nom de son gouvernement et agit en même temps comme gardien des règles. Je ne prétends pas qu'il y ait des chicanes à tous les jours là-dessus, est-ce que...

M. Lévesque (Taillon): C'est-à-dire que les règles sont assez bien connues, je pense, et respectées par tout le monde. Il y a une sorte de jurisprudence là-dessus, je crois.

M. Ryan: Est-ce que pour marquer l'importance exceptionnelle, voire extraordinaire, de l'entreprise, le premier ministre a considéré ou serait prêt à considérer la possibilité de demander que les travaux de cette conférence soient présidés peut-être par un arbitre dont l'impartialité et l'autorité morale seraient acceptées des uns et des autres? Est-ce une chose possible à envisager ou si c'est une pensée purement théorique?

M. Lévesque (Taillon): Si le chef de l'Opposition n'a pas d'objection, je pourrais prendre son opinion s'il en fait une recommandation, y ajouter la mienne et peut-être celle du chef de l'Union Nationale, et envoyer par télex à M. Trudeau demain une suggestion unanime des partis de l'Assemblée nationale de lâcher la présidence de ces conférences-là et de trouver un arbitre...

M. Ryan: Mais ce que je vous demande, M. le premier ministre, ce n'est pas simplement — vous êtes capable de les trouver tout seul — mais...

M. Lévesque (Taillon): Non, mais enfin...

M. Ryan: ... à votre avis, pensez-vous qu'une idée comme celle-là serait de nature à améliorer les chances de succès de l'entreprise ou si cela ne changerait rien? Si ça ne devait rien changer, on n'a pas de temps à perdre à jouer avec des bébelles, mais si c'était de nature à améliorer les chances de succès, le cas échéant, nous sommes prêts à considérer des idées comme celle-là. Je demande ce que vous en pensez.

M. Lévesque (Taillon): Ecoutez, à cause de la jurisprudence établie, je dirais ceci: Si le chef de l'Opposition du Parti libéral provincial, qui avait, jusqu'à tout récemment, des relations qu'on présumait intimes avec le chef du gouvernement libéral fédéral, veut prendre sur lui de lui en parler, j'aimerais être tenu au courant des résultats, ça pourrait être utile à tout le monde. Mais, chose certaine, ma réponse sérieuse à la question, c'est que ce serait vraiment ce genre de suggestion qui n'aurait pas un gros avenir d'ici au mois de septembre, en tout cas, je peux le dire tout de suite.

M. Ryan: M. le Président, je voulais juste préciser...

M. Lévesque (Taillon): Quand même, sérieusement, c'est vrai.

M. Ryan: Je voudrais juste souligner que le premier ministre excelle beaucoup plus dans l'insinuation que dans les précisions qu'on essaie d'obtenir de lui.

M. Lévesque (Taillon): Je n'insinue rien, je dis simplement que le premier ministre fédéral...

M. Ryan: C'est continuellement...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ryan: Le premier ministre a fait allusion à des conversations intimes que je pourrais avoir avec le premier ministre du Canada, au cours desquelles je pourrais aborder ceci ou cela. Je crois que mes relations avec le premier ministre du Canada sont un exemple du genre de relations qui peuvent exister entre des hommes libres, qui se respectent et qui respectent également la diversité de leurs fonctions respectives, ce qui n'empêche pas, par conséquent, que surgissent entre eux des divergences légitimes sur des sujets d'intérêt et de caractère public. Cela continuera ainsi. Les choses que je voudrai discuter, au moment et dans les circonstances de mon choix, avec le premier ministre du Canada ou quelque autre homme politique au Canada, je les discuterai avec eux, je les discuterai publiquement au Québec, mais je n'irai jamais faire de proposition ou d'entente personnelle privée affectant la communauté, sans que cela ait été vérifié publiquement au Québec même. Je tiens à vous l'assurer.

M. Lévesque (Taillon): Bon, c'est rassurant.

M. Ryan: De plus, c'est sur cette base que le parti que je dirige a fonctionné depuis que j'en suis le chef.

A cet égard, je note l'intérêt du premier ministre, son réalisme en ce qui touche les chances de succès à brève échéance, mais c'est un sujet qui ne sera pas interdit à la commission parlementaire dont on parlait tantôt, si je comprends bien.

M. Lévesque (Taillon): Aucun sujet n'est interdit au départ.

M. Ryan: Très bien. Peut-être qu'à ce moment-ci on pourrait aborder le sujet de la commission parlementaire dont parlait tantôt le premier ministre, je n'ai pas d'objection du tout à l'aborder. Est-ce que j'ai bien compris quand j'ai cru entendre tantôt que vous mentionniez la possibilité d'une réunion dès le début de juillet?

M. Lévesque (Taillon): II nous semble que ça pourrait être indiqué. Non pas une réunion qui prétendait épuiser le sujet, mais au contraire une réunion où tout le monde pourrait reprendre contact, sur la base de ce qui s'en vient au mois d'août, parce qu'au mois d'août, ça va être assez serré. Ce qu'on a proposé c'est une commission parlementaire qui prendra le temps qu'elle pourra, mais qui ne devrait pas être très loin de la réunion des premiers ministres qui va avoir quand même son importance, à Winnipeg, et c'est les 21 et 22 août. On sait qu'il y a la période de vacances et que tout le monde ne travaille pas avec la même intensité tout le temps, c'est normal. On voudrait que ce soit autour du 15 parce qu'avant ce ne serait pas beaucoup...

M. Charron: Pas avant le 15.

M. Lévesque (Taillon): Non, plutôt les 16, 17 ou 18. Cela impliquerait que le travail aurait été préparé, s'il y a moyen d'en avoir une, avec une sorte de perspective ou certains paramètres que les uns et les autres décriraient pour qu'on voit un peu dans quoi on s'embarque, sans compter peut-être des informations qui nous seraient demandées par rapport à des dossiers. C'est difficile à faire en Chambre et il nous reste deux jours. Ce serait peut-être l'occasion de faire le point là-dessus, une demi-journée, une journée, peu importe, pour que la commission puisse au moins s'en aller, les uns et les autres, à leur période de vacances, mais avoir du travail qui soit déjà en marche de façon à préparer mieux ce qui devrait venir au mois d'août. C'était cela en gros.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: M. le Président, à la suite des questions du chef de l'Opposition et des réponses du premier ministre et dans la perspective des réunions qu'on pourrait avoir, sous réserve...

M. Lévesque (Taillon): Ce serait une, parce que je ne pense pas que...

M. Rivest: ... il y a une chose, le gouvernement a déjà publié, toujours dans le cadre du renouvellement du fédéralisme, ce qu'il appelle les positions traditionnelles du Québec qui sont un résumé de déclarations de premiers ministres, très souvent...

M. Lévesque (Taillon): Oui, mais qui avaient été remises à jour quand même pour 1978-1979, le mieux possible.

M. Rivest: ... mais sur des sujets limités. Compte tenu des efforts qui ont été faits, je pense bien qu'il ne faut pas se faire de dessins, tout le monde, en tout cas de ce côté-ci, entretient ce que j'appellerais un scepticisme de bon aloi sur la conviction et la détermination que va y mettre le gouvernement. Mais, compte tenu du fait que le gou- vernement, dans le cadre de l'opération référendaire, sur le plan des études et de l'effectif, des crédits, enfin de toutes les initiatives qui ont été prises pour préparer l'exercice référendaire, voilà que par des circonstances les résultats du référendum ont fait un tour à 180 degrés... Dans la perspective des travaux éventuels de la commission, soit en juillet ou en août, je voudrais demander au premier ministre — j'ai essayé d'obtenir la réponse de son collègue, le ministre des Affaires intergouvernementales, au moment des crédits — quels sont les moyens et les ressources que, au niveau du Conseil exécutif, j'imagine, ou au niveau du ministère des Affaires intergouvernementales, dans la mesure ou le ministre nous a référés au premier ministre, quels sont, dis-je, très concrètement, les moyens, les ressources que le premier ministre entend mobiliser pour faire face à la situation avec des dossiers bien préparés et étoffés sur le plan de la révision constitutionnelle, ce qui pourrait donner — je le dis le plus simplement du monde au premier ministre — de la crédibilité au gouvernement sur le sérieux et sur la détermination qu'il entend manifester?

Je donne un exemple que le chef de l'Opposition a tenté de souligner, dans le cadre de la révision constitutionnelle, une chose qui n'a pas été faite dans le passé, essayer de définir, dans le renouvellement du fédéralisme, l'espace, par exemple, qui doit être réservé à un gouvernement fédéral dans le cadre du fédéralisme. Le chef de l'Opposition a posé des questions au premier ministre dans le domaine économique, dans le domaine culturel; il aurait pu ajouter également toute une série de questions dans le domaine social sur les seuils minimaux, il aurait pu parler également des institutions. Mais quels sont les moyens bien précis, au niveau des techniques, que le premier ministre entend prendre, soit au niveau du ministère des Affaires intergouvernementales, des comités interministériels ou de son propre cabinet, pour présenter aux membres de la commission, dans un premier temps, j'imagine, et, deuxièmement, au niveau des conférences préparatoires à la conférence, des dossiers qui ne soient pas juste une simple redite des déclarations passées, mais qui tiennent compte de révolution et du contexte précis dans lequel la nouvelle démarche du gouvernement se situe?

M. Lévesque (Taillon): II faut faire attention quand on emploie le mot redite, comme si c'était péjoratif, parce que j'ai remarqué...

M. Rivest: Non, je l'emploie dans un sens non péjoratif.

M. Lévesque (Taillon): Non, mais il demeure qu'en ce qui concerne ce qu'on appelle les demandes traditionnelles du Québec, avec la succession des gouvernements qui ont eu à les réitérer, en les remettant à jour périodiquement, je pense qu'il ne faut tout de même pas envoyer ça promener du revers de la main, parce qu'on veut devenir, à partir du Québec, les nouveaux pères de la Confédération, il faut faire attention.

M. Rivest: C'est votre mandat.

M. Lévesque (Taillon): II faut faire attention, parce qu'on est onze là-dedans, on n'est pas tout seul. Il y a seulement, je pense, une certaine présomption, qu'on retrouve dans le livre beige, qui s'imagine qu'on va dicter — et on a vu l'accueil que cela a reçu — au reste du Canada comment on va renouveler le système fédéral où il est également intéressé.

Cela étant dit, ce serait peut-être une des occasions utiles que cette offre qu'on fait ou cette suggestion qu'on fait d'une réunion préliminaire, peut-être assez substantielle, de la commission qui a été proposée.

Pour ce qui est du mécanisme, tel qu'il est actuellement, c'est le même qui a toujours servi, il s'agira de le réorganiser. C'est le mécanisme qui est, en grande partie, au ministère des Affaires intergouvernementales, qui a ses prolongements, forcément, dans mon cabinet ou dans mon entourage, qui se retrouve aussi, à un moment donné, au comité des priorités, quand on en a besoin, parce qu'il y a peut-être des commandes à donner, etc. On n'inventera pas le monde là-dessus.

M. Rivest: Ma question précise, pour autant que ces moyens, finalement, ne sont pas exorbitants des pratiques usuelles, que ce soit au niveau du ministère, des pratiques courantes, pour que ce soit utile... parce que je pense que cela a été le sens de la démarche du chef de l'Opposition d'essayer d'obtenir des précisions sur les orientations de fond du gouvernement, est-ce que...

M. Lévesque (Taillon): Je voudrais, est-ce que le député me permet...

M. Rivest: Oui.

M. Lévesque (Taillon): Je connais toute son habileté tactique, il peut essayer de reprendre les questions du chef de l'Opposition...

M. Rivest: S'il y a un naïf, M. le Président, c'est bien moi.

M. Lévesque (Taillon): ... pour voir s'il n'y a pas moyen d'aller plus loin, mais je vais m'en tenir aux réponses que j'ai données tout à l'heure.

M. Rivest: Tout de même, c'est que, avec les moyens et les ressources dont vous allez disposer, on va arriver devant la commission, disons, si on en a une en juillet ou en août, et vous allez nous dire: Voici, M. Lesage, sur le dossier des ressources a dit telle chose, en telle année, M. Bourassa a dit telle chose, M. Johnson a dit telle chose et nous, on dit telle chose, sans égard à l'évolution ou aux perspectives nouvelles qui ont pu se dégager dans l'un ou l'autre des secteurs. Quand je pose la question au premier ministre au niveau des moyens, mon intention avouée et avouable, c'est que je veux qu'on puisse sentir vraiment qu'au niveau du gouvernement, indépendamment de tout le contexte politique qui est dans le paysage, il y a un effort au moins aussi grand — puisque ça doit avoir autant d'importance — que les efforts qui ont été faits au niveau du Conseil exécutif.

Il y avait un comité de stratégie référendaire. Est-ce que vous allez consentir les mêmes moyens, le même effort et est-ce que le monde va percevoir que vous y mettez autant d'efforts que vous l'avez fait pour l'opération précédente, qui était celle du référendum? C'est ça. Sans ça, on va arriver au niveau de la commission avec une espèce — je m'excuse — d'improvisation d'état de la question, sans qu'il y ait un "commitment" vraiment sérieux, étudié, détaillé de la part du gouvernement sur chacun des points.

M. Lévesque (Taillon): II est évident, d'une part, qu'on n'aura pas eu ni le temps, ni les loisirs, ni les moyens et ça, c'est vrai pour les onze gouvernements... attendez un peu, si vous permettez. L'échéancier a été accepté par tout le monde. Le chef de l'Opposition peut bien s'imaginer que ce n'est pas assez, et vous autres aussi, mais c'est votre problème, comme test valable. Partant de là, il nous reste deux mois et quelques jours. Alors, il ne faut pas s'imaginer qu'on va réinventer le monde en deux mois et quelques jours, mais on va essayer de tout mettre à jour le mieux possible.

La preuve qu'on s'en occupe sérieusement — c'est peut-être une preuve comme ça, de parcours, mais, quand même, c'est exact — c'est que, quand on s'est réuni le 9 juin et la veille, le 8 juin, à l'invitation de M. Peckford, sept ou huit des premiers ministres, j'étais accompagné, non pas par un, mais par trois ministres, parce qu'il y a forcément d'extraordinaires interférences, si on veut, entre le constitutionnel et l'économique. On n'a pas besoin de se faire de dessin, il n'y a pas de budget au fédéral depuis un sacré bout de temps, on ne sait pas ce qui va se passer du côté des impôts, ça va toucher la fiscalité. Il y a le prix du pétrole, M. Lougheed, ce n'est pas une révélation, en fait presque un des éléments clés, une articulation essentielle — et, entre nous, ce n'est pas facile à démêler — de sa propre attitude vis-à-vis des discussions constitutionnelles. J'étais donc accompagné du ministre des Finances, du ministre de l'Energie, du ministre des Affaires intergouvernementales et on prenait ça assez au sérieux pour être quatre. Sauf erreur, même au fédéral, il n'y avait pas de délégation comparable pour préparer, jusqu'à la veille même, ce dont il s'agissait le lendemain.

On va faire notre travail sérieusement et on l'a dit de bonne foi. (21 h 45)

M. Rivest: Une dernière précision sur les trois points spécifiques mentionnés dans la déclaration du premier ministre, c'est-à-dire l'autodétermination, l'égalité et le troisième...

M. Lévesque (Taillon): La dualité.

M. Rivest: ... la dualité. Est-ce que, dans les travaux de la commission parlementaire et éven-

tuellement au niveau des fonctionnaires, étant donné que vous y avez mis toute la... Est-ce qu'il va y avoir des documents d'appui? Est-ce que, par exemple, les questions qu'a posées le chef de l'Opposition au premier ministre, on va y trouver des réponses? Au niveau des institutions fédérales, comment se traduira l'égalité? La question vous sera posée à la conférence fédérale-provinciale. Il va falloir que vous y répondiez. Et si les parlementaires ont le droit d'y participer, il faut avoir des documents et des positions détaillés de la part du gouvernement.

M. Lévesque (Taillon): Tout ce qu'on aurait de disponible — et c'est pour cela qu'il y aurait une partie de la réunion préliminaire que l'on propose qui pourrait être des commandes de l'Opposition — tout cela ne sera pas prêt au début de juillet, mais ce que je voudrais voir, c'est dans quels paramètres on peut fonctionner. Si on est dans des négociations constitutionnelles sur la base du fédéralisme, forcément, cela vous intéresse. Partant de là, c'est le nombre de choses qui pourraient être requises, mais qu'on pourrait voir ensemble au début de juillet, de façon à essayer de s'ajuster convenablement, pour voir quelles sont les zones de consensus qu'on pourrait trouver d'ici au mois d'août.

M. Rivest: Mais là, il faut faire attention pour que, sur la table, au mois de juillet, il n'y ait pas seulement le livre beige. Il faudrait avoir votre version également.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le chef de l'Union Nationale.

M. Ryan: II y a peut-être des études qu'on a faites nous autres mêmes qui pourront être utiles.

M. Michel Le Moignan

M. Le Moignan: J'ai perdu un bout de la discussion — le premier ministre est au courant, d'ailleurs — parce que je devais participer à une autre commission parlementaire.

M. Lévesque (Taillon): Je me suis permis d'expliquer, au nom du député de Gaspé, qu'il était allé à la pêche pendant quelque temps.

M. Le Moignan: Je vous remercie, vous êtes bien aimable. C'est la raison pour laquelle il y aura peut-être des redites de ma part. Je vais peut-être toucher des points qui ont été soulevés auparavant.

Je voudrais aborder quelque chose d'assez important, d'assez essentiel. Je voudrais connaître la perception du premier ministre sur le travail, parce qu'on vient de parler d'une commission parlementaire, que nous avions souhaitée grandement, qui va se réunir vers le 15 juillet ou après. Ce n'est peut-être pas le 15 juillet qui a été mentionné.

M. Lévesque (Taillon): Dans la première quinzaine de juillet, pour ceux qui pourront être disponibles. C'est pour cela que j'ai consulté tout à l'heure, pour voir si cela pouvait être acceptable. On va se consulter de notre côté aussi.

M. Le Moignan: Alors, pas avant le 15 juillet.

M. Lévesque (Taillon): Non, non. D'ici au 15 juillet. Pas après le 15 juillet. Et, autant que possible, avant.

M. Lavoie: Le leader du gouvernement a dit pas avant le 15 juillet.

M. Lévesque (Taillon): Non. Il parlait de la commission qui a été suggérée, dont on a accepté l'idée pour le mois d'août. Cela ne devrait pas — et je pense que le chef de l'Opposition était d'accord — être avant le 15 août. C'est cela qu'on proposait nous autres aussi.

Mais, comme réunion préliminaire — c'est une suggestion qu'on faisait ce soir — il pourrait y en avoir une pendant la première quinzaine de juillet, pour voir comment on pourrait commencer à déblayer le terrain. C'est tout. Enfin, je référerais le député de Gaspé — je ne veux pas lui enlever la chance de poser toutes ses questions — à ce qui a été dit avant. Je pense qu'il va trouver toutes les informations là-dessus.

M. Le Moignan: Très bien.

M. Lévesque (Taillon): D'accord.

M. Le Moignan: Je me disais que, si c'est à partir du 15 juillet, pour moi, cela marche très bien. Mais, en tout cas, je vais regarder les dates. Cela peut arriver après.

Ce que je voulais dire, concernant cette commission parlementaire, face à tout ce qui se dessine actuellement — je ne veux pas faire le procès d'Ottawa ni le procès du gouvernement du Québec — c'est qu'on sait que les enjeux sont peut-être assez difficiles. Les déclarations de principe d'Ottawa ont d'ailleurs suscité beaucoup d'éton-nement à droite et à gauche. Et en même temps, on semble se dire, dans le moment: Le gouvernement d'Ottawa veut, avec ses principes, ne pas reculer du tout pour placer le gouvernement du Québec dans une situation difficile.

D'un autre côté on dit que le gouvernement du Québec est heureux que le gouvernement d'Ottawa place une muraille pour blâmer Ottawa. Mais pour nous élever au-dessus de ces choses-là, je voudrais que, dans cette commission parlementaire... Même en commission préliminaire, que je trouve importante, j'ai demandé en commission parlementaire au ministre des Affaires intergouvernementales de nous donner cet énoncé de principe. Si on veut susciter une certaine unanimité — cela va peut-être être dur de l'avoir sur tous les points, je crois que le premier ministre le comprend — il faudra une unanimité sur des

points essentiels que le gouvernement aura à défendre lors de cette commission parlementaire. Et si on avait un énoncé de principe, je pense qu'à ce moment-là, on pourrait procéder de façon plus pratique.

J'ai apporté l'exemple l'autre jour d'un projet de loi. Quand on étudie un projet de loi, on s'entend d'abord sur le principe et, après, on l'étudie dans une commission parlementaire ou autrement, article par article. C'est là-dessus que je demanderais au premier ministre si le ministre des Affaires intergouvernementales entend adopter demain à Ottawa l'attitude qu'il a manifesté. Est-ce qu'il entend adopter cette attitude quand il va rencontrer les fonctionnaires ou les autres ministres? Je ne sais pas à quel niveau, parce que demain c'est important, aussi important que la nôtre. Je voudrais que le premier ministre nous parle de cet énoncé de principe et qu'il nous dise comment il pense que les différents partis représentés à cette table pourront faire l'unanimité et sur quels points cela pourrait porter.

M. Lévesque (Taillon): On a travaillé là-dessus déjà, mais je ne sais pas si on sera prêt à proposer quelque chose qui soit un texte complet ou définitif en juillet. J'en douterais beaucoup, mais ce qui pourrait être fait, c'est que certaines choses sur lesquelles on a travaillé soient au moins détaillées un peu, expliquées en tout cas. Je sais que le chef de l'Opposition a parlé, à partir des principes énoncés dans le livre beige, de certaines choses qui pourraient servir de paramètres à son point de vue. Peut-être que l'Union Nationale pourrait se creuser les méninges de son côté pour voir ce qu'elle aurait à apporter. On regardera cela. Ce n'est sûrement pas avant le mois d'août que cela pourra prendre une forme définitive si tant est qu'on finit par s'entendre sur quelque chose.

M. Le Moignan: Je vous demandais en somme si vous alliez commencer par énoncer un principe.

M. Lévesque (Taillon): De toute façon, il va falloir au moins avoir quelque chose, le plus possible un consensus — cela reste à voir — au nom du Québec, qui réponde à ce premier point de l'ordre du jour qui a été établi, c'est-à-dire la déclaration de principe. Qu'il y en ait une, qu'il n'y en ait pas, il faut travailler dans ce sens-là. De bonne foi, on a dit qu'on acceptait non pas le brouillon de M. Trudeau, pour reprendre l'expression qui a été employée, mais de travailler dans le sens de ce que serait une déclaration de principe.

M. Le Moignan: En somme, il semble que quand M. Trudeau nous parle de rapatriement, d'après lui, cela peut créer un déblocage et, d'après nous, cela va créer un blocage si on ne s'entend pas au moins sur un point aussi important.

M. Lévesque (Taillon): Oui, mais vous savez que le premier ministre fédéral, il l'a manifesté tout de suite après le référendum — son brouillon est là pour le signaler — est un homme qui a une certaine attitude dont il n'a pas changé la direction depuis bon nombre d'années. Comme il le disait hier à des Européens, il n'y a plus beaucoup d'idées nouvelles, mais il y a de vieilles idées qui se tiennent en maudit. Cela reste à voir.

M. Le Moignan: Mais, en plus des principes, il y a un certain nombre de points qui ont été soumis à Ottawa. Québec aura des points aussi à soumettre, mais quand on va se réunir, j'ai bien l'impression que le gouvernement du Québec aura des documents, quelque chose qui a de l'étoffe à nous fournir pour nous permettre d'étudier...

M. Lévesque (Taillon): Oui, mais ce ne sera peut-être pas aussi complet que le député de Gaspé le souhaiterait — c'est tout ce que je peux dire ce soir — et peut-être pas aussi complet qu'on pourrait le souhaiter pour le début de juillet, mais cela nous permettra de voir ce qui est requis, comment on aborde cela, quelles sont les choses — comme gouvernement on détient les dossiers, etc. — qui paraissent utiles à l'Opposition pour faire son propre travail. Ce serait déjà beaucoup. En même temps, on pourrait voir dans quelle orientation on prétend s'en aller les uns et les autres. Il faudra y penser.

M. Le Moignan: Quand je dis complet, je veux dire plus complet qu'en février 1979; moins complet peut-être qu'en septembre 1980, mais au moins quelque chose qui se situe un peu entre les deux.

M. Lévesque (Taillon): J'espère en tout cas qu'on pourra arriver à peu près à ce point-là.

M. Le Moignan: J'aurais un autre point à soulever, M. le Président. Une autre suggestion a également été faite, elle a été reprise par le public — le premier ministre est peut-être au courant — je ne sais trop par qui, la Chambre de commerce ou un autre organisme, pour demander si la population, par le biais de ses groupes, de ses porte-parole, aura le droit de participer à une commission parlementaire afin de...

M. Lévesque (Taillon): C'est une question, je l'avoue, sur laquelle on réfléchit actuellement. Cela a été évoqué. C'est probablement une des bonnes questions sur lesquelles on pourra voir quelle réponse on apporte les uns et les autres au début de juillet, si on a cette réunion préliminaire. J'avoue humblement que ma religion n'est pas faite là-dessus, ni celle de mes collègues jusqu'à nouvel ordre, mais c'est une des choses qu'on a retenues comme au moins une question qu'il faut se poser. Est-ce que ce serait indiqué ou pas dans la brièveté de l'échéancier qu'on a devant nous? C'est sûrement une question qui vaut la peine d'être posée et sur laquelle on va réfléchir pour voir ce qui serait le plus indiqué et, en juillet, on pourra en parler.

M. Le Moignan: Cela veut dire que si on vient ici en juillet, ensuite, il y aura un condensé, un résumé. Tout cela sera bien...

M. Lévesque (Taillon): Oui, mais on pourrait peut-être décider, à ce moment, le mieux possible, pour voir si cela doit être ouvert parce que cela implique normalement des mémoires et des comparutions. Il s'agit de savoir si le temps le permet. Je ne sais pas...

M. Le Moignan: C'est à ce moment-là, en juillet, qu'on pourrait voir ce qu'on ferait dans une seconde étape et peut-être une troisième étape.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le chef de l'Opposition officielle.

Commission parlementaire

M. Ryan: A propos de la commission parlementaire, je voudrais seulement signaler quelques éléments à l'attention du premier ministre. D'abord, j'ai précisé clairement les conditions auxquelles notre parti serait disposé à travailler dans un esprit consensuel, au sein d'une commission comme celle-là. Il faudra que le gouvernement nous présente des propositions qui évoquent une vision d'ensemble du fédéralisme renouvelé que nous voulons avoir. Nous nous méfions comme de la peste des entreprises à la pièce. Il faudra que tout cela soit situé dans un cadre général, parce que l'essence de la réforme du fédéralisme que nous recherchons se définit dans un mot très difficile à comprendre mais absolument central: "équilibre". C'est bien facile de dire: On va prendre toutes les ressources naturelles du côté du Québec. On va prendre tous les droits linguistiques. Ce n'est pas avec cela qu'on va faire une réforme constitutionnelle. Le premier ministre en conviendra avec moi. Il va falloir qu'on trouve un régime d'équilibre où le Québec sera capable de se développer en même temps que l'ensemble progressera pour le bien de chacune des parties constituantes. C'est une condition très importante que j'ai évoquée l'autre jour dans la conférence de presse dont vous parliez tantôt, dans des termes plutôt bienveillants.

Deuxièmement, il faudra que les propositions qu'on nous fera soient conformes au verdict qui a été porté par le peuple du Québec le 20 mai dernier, par conséquent, qu'elles s'inspirent d'un esprit véritablement fédéral et qu'elles tendent à conduire le Québec dans la voie d'un engagement qui aille conformément à la volonté du peuple.

Troisièmement, il faudra que ces propositions soient conformes, quant aux lignes de fond, aux grandes orientations que notre propre parti a définies. Il n'est pas question que nous allions déchirer nos orientations fondamentales pour le plaisir de siéger à une commission parlementaire afin d'aider à sortir le gouvernement de l'embarras.

Ce sont trois points très importants que j'ai soulignés l'autre jour et que je rappelle avec toute la clarté voulue.

Maintenant, un deuxième point, si vous me permettez, au sujet du calendrier. Je ne crois pas qu'il serait utile... Tantôt, vous avez parlé d'une réunion autour du 15 juillet et j'ai cru que certains glissements...

M. Charron: Avant le 15 juillet.

M. Ryan: Pardon?

M. Charron: Au début de juillet.

M. Ryan: C'est un glissement qui s'est produit. Nous ne serons pas disponibles avant la mi-juillet, au plus tôt. Nous avons un conseil général de notre parti les 5 et 6 juillet, que nous devons préparer consciencieusement. Tantôt, quand nous en avons parlé, il était question du 15 juillet.

M. Lévesque (Taillon): Non, au plus tard.

M. Ryan: J'ai bien compris. Dans vos dernières paroles, il y a un glissement qui s'est produit.

M. Lévesque (Taillon): Non, je m'excuse, si le chef de l'Opposition me permet. Il y a eu une sorte d'ambiguïté entretenue peut-être involontairement par le député de Gaspé. Je voudrais être bien clair. Ce qu'on a offert — je dis involontairement parce qu'il n'était pas là pendant qu'on en discutait — comme suggestion, c'est qu'au début de juillet ou pendant la première moitié de juillet, certainement pas plus loin, il puisse y avoir une réunion préliminaire comme celle que j'ai évoquée et qui serait presque une réunion de prospection, de perspectives. Si l'Opposition officielle ne veut pas y participer, on retire la suggestion. On travaillera chacun de notre côté jusqu'au mois d'août. Si l'Opposition et les oppositions veulent y participer, cela peut être utile. Je crois que cela pourrait être sérieusement utile. Quand on a parlé du 15 au plus tôt, c'était pour le 15 août. Je pense que là-dessus, il y avait consensus entre nous pour que la commission parlementaire élaborée, si on veut, se tienne le plus près possible de la réunion des premiers ministres à Winnipeg et que cela ne pouvait pas être avant le 15 août. Est-ce que c'est plus clair?

M. Ryan: Je ne vois pas le besoin d'une réunion préliminaire où l'on irait suggérer des commandes, pour être franc avec vous, dans l'état actuel du dossier. Nous autres, nous en avons proposé une centaine de commandes lors du débat spécial que nous avons tenu la semaine dernière. Je pense qu'il y a là ample matière à travaux. Pour l'empressement que le gouvernement a manifesté jusqu'à maintenant...

M. Lévesque (Taillon): Est-ce que le chef...

M. Ryan: ... à mettre à notre disposition des études techniques faites pour son profit, on n'est pas spécialement enclins à aller mettre notre tête sur le billot au début de juillet. Il y a amplement matière à suggestions dans tout ce que nous vous

avons dit jusqu'à maintenant. Mais dès que vous aurez de la matière à nous soumettre, nous sommes à votre disposition.

M. Lévesque (Taillon): Je vais le prendre comme le dit le chef de l'Opposition. S'il se réfère, en parlant d'une centaine de commandes, au discours qu'il a fait pendant le débat où il avait une centaine de questions, je fais aussi bien de ne pas lui donner d'illusion. Il n'y aura pas de réponse détaillée au mois de juillet. Je vais lui dire pourquoi, très simplement. (22 heures)

C'est que, de façon générale — là, il faudrait tout de même être de bonne foi, tout le monde — on a mis, en premier lieu, dans ce test de deux mois, qui n'est pas nécessairement du tout un test final et qui ne court pas au désastre, mais, enfin, je sais que le chef de l'Opposition a ses appréhensions et, de toute façon, tout le monde peut avoir ses appréhensions... On a deux mois et quelques jours. Il est entendu qu'il faudrait qu'il y ait des paramètres généraux. Ils devraient se retrouver, s'il y a un consensus possible, dans l'éventuelle déclaration de principe. Pour le reste, on ne refera pas toute la structure du fédéralisme dans aucun des onze gouvernements au-delà de la dizaine ou de la douzaine de sujets qui ont été proposés. Ce n'est pas une centaine de mémoires que le chef de l'Opposition va obtenir cet été. Il va obtenir ce qui sera disponible s'il veut bien être présent. Sinon, on s'arrangera sans lui. C'est ce qui concerne spécifiquement la douzaine ou à peu près de sujets qui ont été évoqués et sur lesquels il y a eu un accord qui s'est fait à Ottawa comme contenu de ce test . qu'on doit faire pendant deux mois.

Si, sur ces sujets spécifiques — je le répète — dans ce que le chef de l'Opposition appelle les orientations fondamentales de son parti, on trouve le moyen d'arriver à un certain consensus, tant mieux. Mais on ne se le fera pas dicter.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le chef de l'Union Nationale.

M. Le Moignan: Oui, je veux revenir, étant donné que j'ai eu certaines précisions de la bouche du premier ministre, personnellement, puisqu'on a parlé d'avant le 15 juillet, mais, à partir du 8 juillet, je serai — je ne sais pas si vous avez fixé une date — disponible cette semaine-là. Je serai absent la semaine avant le 8 juillet, en ce qui me concerne.

M. Lévesque (Taillon): Bon! Avec l'attitude du chef de l'Opposition et la façon dont ça se développe, on ne retire pas notre suggestion. On dit simplement: Elle est là, avant le 15 juillet, mais on voudrait avoir des réponses qui seraient plus faciles à obtenir d'ici mercredi, parce que après ça va être difficile.

M. Le Moignan:... peut-être que d'ici mercredi les leaders des différentes formations politiques pourraient se rencontrer et discuter des dates, selon la convenance de chacun, pour en arriver à un consensus au moins sur ce point-là.

Ce que j'ai demandé au premier ministre tout à l'heure, ce que je considère une priorité, ce serait son énoncé de principe, qui est bien important, et, deuxièmement, la question du rapatriement. Parce que moi, j'ai l'impression, je peux peut-être me tromper — que le gouvernement fédéral semble vouloir s'en servir comme d'une pierre d'achoppement pour dire que le gouvernement du Québec — je ne parle pas du Parti québécois — et les partis du Québec, peut-être, vont vouloir bloquer cette chose-là. Si le rapatriement vient à la fin de nos discussions, évidemment, on n'élimine pas cette chose, mais si on en fait une condition sine qua non dès le début, c'est là, je pense, qu'on pourrait bloquer toute négociation intelligente.

Je voudrais que le premier ministre soit clair sur cette question de rapatriement, pour le cas où le Québec ne s'entende pas avec Ottawa, que la volonté du Québec soit de retarder cette chose-là. Je crois que c'est bien important d'avoir des idées précises sur ce point-là.

M. Lévesque (Taillon): Oui, je pense que je n'ai pas besoin de répéter au député de Gaspé, au chef de l'Union Nationale, ce qui, jusqu'ici, je crois, sert de consensus sur ce point-là. C'est que cela étant relié forcément à la formule d'amendement et étant aussi conditionné un peu par le climat dans lequel s'est pris un vote à la Chambre des communes il y a quelque temps, moi, j'ai l'impression qu'on pourrait facilement se trouver d'accord là-dessus. Il ne s'agit pas de dire que ça va être, je ne sais pas, moi, en bout de course quand tous les fils auront été attachés, mais une chose certaine, c'est d'en faire une sorte de préalable, alors que ça n'a pas de sens en soi quant à nous. Cela, ce n'est pas seulement l'opinion du gouvernement actuel du Québec. Cela a été l'opinion, je pense, très fondée, de quelques gouvernements successifs et c'est également l'opinion de gouvernements d'ailleurs au Canada. Jusqu'à nouvel ordre, je ne pense pas que, dans certains de ces gouvernements, cela ait changé comme opinion. On pourrait facilement, je pense, trouver un terrain d'entente là-dessus, c'est sûr.

M. Le Moignan: ... si on avait une déclaration de principe qui serait commune peut-être à tous les participants ou sur laquelle on ferait l'unanimité.

M. Lévesque (Taillon): D'accord.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, je voudrais bien être sûr de comprendre si on en arrive à un consensus au moins sur la disponibilité d'établir un consensus ou pas. Le chef de l'Opposition, tout à l'heure, a bien dit que nous insisterions sur le caractère compréhensif des propositions gouverne-

mentales comme façon de juger la bonne foi générale de la démarche et la signification de chacune des positions particulières.

Dans ma réponse, peut-être que le premier ministre ne répondait pas directement à ça, mais je pense que par implication il y a une réponse, dans les paroles du premier ministre, qui a dit qu'il ne fallait pas s'attendre à une réponse aux cent questions, mais à une espèce d'état du dossier sur les quelque douze points qui ont été mentionnés sur le menu, le buffet, dont je ne pense pas que le premier ministre soit l'auteur ou le chef cuisinier, mais pour lequel il va se mettre à table.

Donc, si je comprends bien, le premier ministre nous répond que la question d'une vision d'ensemble de la réforme constitutionnelle, il ne faut pas s'attendre à la trouver durant l'été. S'il y a consultation en commission parlementaire, ce sera strictement sur des aspects, des pièces détachées de l'ensemble, les douze morceaux du petit véhicule du mois de septembre...

M. Lévesque (Taillon): Pour l'essentiel, je vais reprendre l'image du député de Saint-Laurent; on se trouve devant un menu réchauffé parce que, pour l'essentiel, en tout cas, il s'agit de plats qu'on a laissés sur la table en 1979, au mois de février. Comme le travail sur la plupart de ces sujets avait été très très assidu pendant des mois et des mois, il paraissait normal à tout le monde — je sais bien que ça peut laisser une nostalagie de toutes les belles superstructures qu'on retrouve dans le livre beige, mais une chose est certaine, c'est que tout le monde n'a pas lu le livre beige dans les onze gouvernements à l'échelle du Canada — de reprendre ce menu comme élément concret de ce test auquel tout le monde a consenti, de ce test qui va durer pendant deux mois et quelques jours. Je n'apprendrai rien à personne en disant que M. Trudeau a donné l'impression, comme premier ministre fédéral, qu'il était un homme relativement pressé. Lui aussi voulait voir sur quoi ça déboucherait. A tort ou à raison, mais ça, c'est son jugement aussi qu'il n'a pas caché.

Cela étant dit, pour ce qui est de ce qu'on pourrait appeler la perspective générale, je pense que le travail doit surtout s'orienter — parce que cela a été la réaction de tout le monde, dans ce court laps de temps qui nous sépare du mois de septembre — sur ce premier point de ce qui a été accepté comme ordre du jour, c'est-à-dire: Est-ce qu'il y a moyen de trouver un consensus sur une quelconque déclaration de principe? Je ne pense pas qu'on puisse aller plus loin d'ici au mois de septembre, additionnellernent aux autres sujets concrets qui sont sur la table.

M. Forget: M. le Président, si je comprends bien, c'est un peu comme une fin de non-recevoir, ce qu'on entend là, à la demande formulée par le chef de l'Opposition, parce que si on nous demande de nous prononcer sur, enfin, le droit de la famille, ça va encore, mais sur d'autres éléments de ce menu, ce que nous disons, c'est qu'on ne peut pas juger de la position que vous allez prendre. comme gouvernement, indépendamment d'une vision d'ensemble.

Vous nous répondez: Une vision d'ensemble, il n'y en aura pas, alors on peut se demander ce qu'on va venir faire à Québec au mois d'août.

M. Lévesque (Taillon): C'est parfaitement loisible à l'Opposition officielle de dire: On ne participe pas. Je trouverais ça regrettable, mais s'il faut absolument qu'on suive sa définition de ce qu'est une vue d'ensemble, contrairement à ce qui a été accepté à Ottawa par les onze gouvernements, je ferais remarquer au député de Saint-Laurent, comme à l'Opposition officielle, que pour l'instant, ils sont encore l'Opposition officielle. S'ils ne veulent pas accepter de travailler sur ces lignes-là qui ont été unanimement acceptées, avec certaines réticences, par les onze gouvernements concernés, je dirais, d'une certaine façon, que c'est tant pis pour eux, parce qu'on l'a fait de bonne foi — là aussi la bonne foi jouait — sur la base de ce qui est devant nous d'ici au mois de septembre.

Or, ce qui est devant nous, d'ici au mois de septembre, s'appelle la "short list" qui est là. Il y a une chose qui, il me semble, devrait revenir à l'esprit des gens de l'Opposition officielle, c'est que jusqu'au jour éventuel, aléatoire où ils pourront proposer au nom de l'Etat québécois — ce qui n'est pas le cas actuellement — leurs perspectives de nouvelles structures fédérales au grand complet qui, jusqu'ici, n'ont pas été acceptées très très fort nulle part dans le reste du pays, jusqu'à ce jour-là, il y a une chose qui peut être faite assez facilement, si on veut jouer de bonne foi. C'est que l'Opposition officielle compare, le temps qu'il faudra, ce qu'on aura à proposer sur tels ou tels sujets qui sont déjà à l'ordre du jour avec leurs perspectives globales et voir si ça s'insérerait ou si ça ne s'insérerait pas. C'est leur problème et non le nôtre, mais ça pourrait se faire de bonne foi.

Qu'il s'agisse des richesses naturelles, qu'il s'agisse du droit de la famille, qu'il s'agisse de tout ce qu'on voudra, qu'ils le comparent à leur façon de définir leurs perspectives générales. Ou bien ils sont d'accord ou bien ils ne sont pas d'accord, mais il me semble que ça vaut le coup d'essayer. C'est tout ce qu'on a proposé.

M. Forget: M. le Président, je comprends que c'est la décision de onze gouvernements, mais comme le premier ministre a eu la bonté de nous le signaler à nouveau, on ne participait pas à cette décision.

M. Lévesque (Taillon): Non, d'accord. Vous n'êtes pas obligés d'y participer.

M. Forget: II reste que c'est une responsabilité que vous avez eue et que vous assumez jusqu'à nouvel ordre, soit d'accepter l'ordre du jour ou de ne pas l'accepter. Il se trouve que vous l'avez accepté. Je pense que le premier ministre pourra se rendre compte qu'il va avoir affaire, en commission parlementaire, à un public qui va peut-être être un peu plus difficile à persuader de sa bonne

foi que son public de fin de semaine. Je pense que le scénario peut être un peu moins bien arrangé d'avance à une commission parlementaire qu'au conseil national d'un célèbre parti où on lui a fait confiance d'être un fédéraliste rénové sans même voir sur quel document il allait s'appuyer. On va peut-être en demander un peu plus long que ce qu'il a eu en fin de semaine. Je pense que c'est normal, il s'y attend. On est quand même les gardiens de cette décision du 20 mai et on se trouve, par la force des choses, à être des gardiens désintéressés, en plus de cela...

M. Lévesque (Taillon): Désintéressés, je pense que c'est peut-être un mot excessif. Si je tiens compte de certaines choses, il y a des jupons qui dépassent, mais enfin, il demeure quand même que quand je parlais d'un consensus, je ne parlais pas du consensus d'un parti. Je parlais vis-à-vis de l'ordre du jour devant lequel on est pour le mois de septembre, le consensus des onze gouvernements qui étaient représentés à Ottawa. Si on a accepté cela comme un test valable et que l'Opposition dit: Nous ne discutons pas sur cette base-là, pas même celle d'une déclaration de principe, je répondrai: C'est son droit. On a offert, de bonne foi, qu'il y ait une commission parlementaire pour voir, on a même offert qu'il y en ait une préliminaire pour au moins déblayer un peu le terrain. Maintenant, si vos conseils nationaux ou d'autres engagements prioritaires vous empêchent, dites-le et on n'en parlera plus. On a jusqu'à mercredi, mais je pense que les leaders pourront voir si c'est possible ou non.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Une brève question complémentaire. Il y a des gardiens de décision et il y a des gardiens de principes fondamentaux. Je voudrais savoir de la part du premier ministre, si jamais l'Opposition officielle refusait de participer ou posait des exigences inacceptables, si cela voudrait dire que l'expérience ne pourrait pas être tentée même avec les gens de l'Union Nationale.

M. Lévesque (Taillon): II n'y a rien qui exclut cela.

M. Rivest: II parle de vous là.

M. Lévesque (Taillon): Ce sera à eux de nous le dire.

M. Charbonneau: C'est cela, d'accord. M. Le Moignan: ...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Le Moignan: Je voudrais compléter.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Vous permettez? M. Ryan: Je ne suis pas pressé.

M. Le Moignan: II me semble, selon le propos du député de Saint-Laurent, que s'il y a une déclaration de principe qui est bien faite, cela va constituer une toile de fond sur laquelle, ensuite, le gouvernement ou le Québec pourra baser l'étude de chacun des points qui seront soumis, soit ceux qu'on a déjà... On en a déjà une bonne douzaine à déblayer; ce sera tout de même un bon départ si jamais au Québec on s'entendait sur cela. Le gouvernement nous donnerait alors l'occasion d'oeuvrer vraiment dans le sens d'un véritable fédéralisme.

M. Lévesque (Taillon): II me semble que ça tombait sous le sens, mais cela ne semble pas tomber sous le sens de vos ex-conjoints du comité référendaire. Qu'est-ce que vous voulez, on ne peut forcer personne. Je suis d'accord avec le député de Gaspé.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors, M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: M. le Président, je crois comprendre que dans la pensée du premier ministre, le premier article inscrit au programme des travaux de la phase actuelle de la révision, c'est-à-dire le projet de déclaration de principe, a plus d'importance que les autres.

M. Lévesque (Taillon): Non. Je dis simplement qu'à défaut d'avoir tout son projet, ou le projet de son parti, comme toile de fond pour le mois de septembre, ce qui me paraîtrait difficilement acceptable pour les dix autres gouvernements avec les réactions qu'on a déjà vues, à défaut d'avoir ce monument comme toile de fond sur la table au mois de septembre, il pourrait y avoir au moins cette espèce d'encadrement général qui doit prendre la forme — parce qu'il va falloir en discuter, on l'a accepté dans l'ordre du jour — d'une déclaration de principe. C'est ce que le député de Gaspé, sauf erreur, vient de dire, il s'agira de voir si ça pourrait encadrer suffisamment cette première étape pour voir si c'est valable.

Cela ne nous excusera pas de nous en tenir, pour le reste, aux sujets sur lesquels il y a eu un accord.

M. Ryan: A propos de ce projet de déclaration de principe — ce n'est pas parce que je veux me citer moi-même, ce n'est pas dans mes habitudes, j'aime mieux vous laisser cela à vous de me citer, c'est un de vos sports préférés — dans une conférence de presse que j'ai tenue jeudi dernier, et à laquelle votre bureau, m'a-t-on informé, apportait un intérêt particulier, j'ai énoncé des éléments qui, selon nous, de l'Opposition officielle, devraient figurer dans un projet de déclaration de principe qui aurait des chances d'être acceptable au Québec. J'ai mentionné cinq éléments particu-

Mers. Le premier, il faudrait que cette déclaration... J'ai manqué cela.

M. Charron: C'est parce que ça m'a fait rappeler le monstre à cinq têtes dont vous nous avez déjà parlé. (22 h 15)

M. Ryan: Oui, c'est vrai, mais c'est une recherche d'équilibre, c'est la différence. Premièrement, j'ai mentionné que ce projet de déclaration devrait être un reflet fidèle de la réalité humaine du pays: d'abord, de sa dualité, deuxièmement, de ses populations autochtones, troisièmement, des communautés ethniques qui sont venues s'ajouter aux peuples fondateurs et qui contribuent à former la réalité humaine du Canada d'aujourd'hui.

Deuxièmement, je mentionnais l'engagement à créer, à promouvoir et à maintenir un système fédéral de gouvernement, c'est-à-dire un système de gouvernement où il y aurait partage des pouvoirs législatifs, fiscaux et administratifs entre deux niveaux de gouvernement à qui on serait disposé, au départ de l'opération, à conférer des attributions réelles.

Je mentionnais un troisième élément, je m'excuse, je pense que c'était la reconnaissance de certains droits fondamentaux. Nous autres, dans notre pensée, ça comprend aussi certains droits linguistiques mais, premièrement, ce sont des droits fondamentaux d'ordre politique et judiciaire.

Quatrièmement, la volonté... en tout cas, ce n'est pas grave, ils sont dans la déclaration... Ah oui, que la déclaration de principe devra comprendre l'affirmation des diversités régionales qui viennent tempérer évidemment l'affirmation de la thèse des deux nations qui est chère au premier ministre, mais dont une partie au moins est infiniment discutable.

Cinquièmement, le principe du partage de la richesse, c'est-à-dire de l'égalité des chances au moins minimales en matière économique et sociale. Est-ce qu'il y a un ou l'autre de ces éléments qui constitue un élément inacceptable au gouvernement, dans la perspective de la recherche d'une déclaration de principe? Est-ce qu'il y a des éléments qui seraient omis dans cette liste qu'il faudrait absolument, de notre côté, considérer afin de faire notre part de chemin?

M. Lévesque (Taillon): Je dois dire au chef de l'Opposition qu'il n'y a pas eu l'intensité de préoccupation qu'il imagine — je ne veux pas le décevoir — autour de sa conférence de presse. J'ai fini par obtenir l'exemplaire que j'avais demandé de la transcription, cet après-midi, parce que je voulais la lire quand même avant les crédits. Je me doutais que le chef de l'Opposition aurait des questions dans ce genre, mais enfin avec autant d'insistance, ça me surprend. Enfin, c'est bon de reprendre, quelquefois, la période des questions dans un contexte plus détendu. Je l'ai lue, je dois le dire, pour la première fois, à la fin de l'après-midi. Je ne peux pas porter de juge- ment final — à notre point de vue — sur les cinq éléments qu'il a évoqués, mais c'est sûr que c'est une des pièces valables qu'on verserait à l'étude qu'on doit faire, dans le sens d'une éventuelle déclaration de principe. Je crois bien que le chef de l'Opposition ne prétendrait pas que c'est une pièce unique, exclusive et qu'il n'y a pas d'autre source à laquelle on puisse s'approvisionner, mais enfin, sûrement qu'on considérera celle-là aussi. Pour l'instant, je ne peux tout de même pas me couler dans le ciment sur un texte que j'ai lu pour la première fois cet après-midi.

M. Ryan: Ce n'est pas un texte, c'est une chose orale.

M. Lévesque (Taillon): La transcription, oui. M. Ryan: Très bien.

Bureau du lieutenant-gouverneur

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Programme 1, bureau du lieutenant-gouverneur.

M. Lévesque (Taillon): II n'y a pas de changement, sauf qu'il y a un poste de moins; ça fait partie de certaines compressions qu'on essaie d'exercer partout et il y a, je pense, grosso modo, l'indexation normale de ce qui demeure.

M. Ryan: Est-ce que des représentations auraient été faites au chef du gouvernement par le lieutenant-gouverneur ou son bureau quant à des besoins qui ne feraient pas l'objet d'un traitement satisfaisant actuellement ou quant à des améliorations souhaitables?

M. Lévesque (Taillon): Non...

M. Ryan: Je voudrais souligner, M. le Président...

M. Lévesque (Taillon): ... je ne pense pas.

M. Ryan: ... qu'à mon humble point de vue, avec la brève période d'observation qu'il m'a été donné de vivre, le titulaire actuel de la fonction s'acquitte de son rôle d'une manière très honorable et effacée en même temps que présente, chaque fois qu'on a besoin de lui. Je voudrais souligner son application à son travail et c'est dans cet esprit que je pose ma question. Est-ce qu'il a, à son propre témoignage qui aurait pu vous être signalé, les instruments voulus pour s'acquitter convenablement de sa tâche?

M. Lévesque (Taillon): Ecoutez, je crois, tout le personnel, la résidence, la voiture, tout me semble être satisfaisant, d'après les réactions ou l'absence de réactions du titulaire.

M. Ryan: Est-ce que c'est indiscret de vous demander comment vous appréciez le rôle du lieutenant-gouverneur dans le fonctionnement quoti-

dien que vous affectionnez de notre système de gouvernement?

M. Lévesque (Taillon): Je pense que le lieutenant-gouverneur — je ne commencerai pas à faire une thèse — cela rejoint un peu ce qu'on dit toujours de la monarchie constitutionnelle. Il règne, mais il ne gouverne pas. Tant qu'il se contente de régner avec l'appareil de sa fonction, qu'il remplit les gestes qui sont prévus constitutionnellement et qu'il le fait avec beaucoup d'assiduité, comme vous l'avez dit, je n'en demande pas davantage. Je ne me pose pas de questions philosophiques là-dessus.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que le programme sera adopté? M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, depuis quelques mois ou peut-être un peu plus d'un an, le bureau du premier ministre a pris une certaine extension, je crois.

M. Lévesque (Taillon):... le lieutenant-gouverneur...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est parce qu'il y a un autre programme. Est-ce que le programme 1 est adopté?

Une Voix: Adopté.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Adopté. Et maintenant, nous arrivons au programme 3. M. le député de Saint-Laurent.

Organismes-conseils -auprès du premier ministre et du Conseil exécutif

M. Forget: Je disais que le bureau du premier ministre a pris une certaine extension, et ce qui a peut-être le plus suscité la curiosité de certains parlementaires, c'est l'extension inusitée et nouvelle du bureau du premier ministre dans la région de Montréal.

Il y a toujours eu une tradition selon laquelle le premier ministre avait un pied-à-terre administratif, si l'on peut dire, à Hydro-Québec, qui demeure, j'imagine. Mais il semble que, depuis quelque chose comme un an, il y a aussi un bureau qui est substantiel avec un personnel important. Je crois que c'est à l'immeuble La Cité, à Montréal.

M. Lévesque (Taillon): A l'édifice Léo-Pari-zeau, je pense, comme on l'appelle, où il y avait déjà des bureaux loués et qui, à un moment donné, sont devenus libres. Une partie du personnel, oui, a été logée là.

M. Forget: Oui. Et est-ce que cette opération est une opération permanente? Est-ce que cela se continue ou est-ce que c'était pour des fins spéciales?

M. Lévesque (Taillon): Non, ce n'était pas pour des fins spéciales. Je comprends un peu les sous-entendus du député.

Il faut dire une chose, c'est que c'est moi qui ai eu l'honneur de découvrir le premier l'emplacement, très modeste à l'époque, du bureau à Hydro, parce que j'étais à ce moment-là, ministre responsable d'Hydro. J'y avais un tout petit coin. Quand M. Johnson est devenu premier ministre, il avait déjà cette préoccupation quand même assez importante d'avoir au moins plus qu'un pied-à-terre. Cela s'est étendu beaucoup sous son règne, ceux de M. Bertrand et de M. Bourassa également et c'est devenu une sorte de suite de bureaux, à Hydro, parce qu'à partir de M. Johnson, on avait plus la préoccupation de l'importance que la moitié de la population est dans un rayon de 100 milles et de tout ce que cela implique de complexité et de contacts continus.

J'ai donc hérité de cela. Je dois dire qu'on l'a étoffé peut-être plus humainement, sous les dernières années de M. Bourassa. J'ai cru comprendre qu'il y avait une sorte de va-et-vient permanent des gens. On est obligé de maintenir le va-et-vient. On y a ajouté un peu plus de permanence. A un moment donné, il a fallu un peu plus d'espace et on a pris des bureaux qui étaient libres, qui étaient déjà loués par le gouvernement pour des périodes x, à l'édifice Léo-Parizeau.

Mais tout cela correspond à ceci, si vous regardez le bureau du premier ministre au sens du cabinet. Il y avait l'an dernier 66 personnes. Cette année, il y en a 69, comprenant deux contractuels. Ceci veut dire que l'expansion... Si je compare, peut-être qu'on pourrait comparer avec les dernières années du gouvernement de M. Bourassa, je ne crois pas qu'il y ait eu le genre d'expansion phénoménale que voudrait laisser entendre à tort le député de Saint-Laurent. Je ne vois pas.

L'an dernier, à peu près à la même époque, il y avait 66 personnes, et il y en a maintenant 69, avec les avatars d'une année.

M. Forget: Quand vous parlez de 66 et de 69, vous parlez de 1979 et de 1980.

M. Lévesque (Taillon): 1979, à la même époque ou à peu près. Et 1980, aujourd'hui.

M. Forget: Si on va un peu plus loin dans le passé, est-ce qu'on pourrait nous tracer le tableau de cette évolution?

M. Lévesque (Taillon): Je l'avais fait l'an dernier, on peut le reprendre.

M. Rivest: Un élément. Est-ce qu'il n'y avait pas eu...

M. Lévesque (Taillon): Si je vous place à 66, l'an dernier, vous pouvez vous y référer et vous avez le tableau de l'évolution. On peut bien le reprendre, mais ce sont les mêmes réponses, sauf qu'il y en a trois de plus.

M. Rivest: Est-ce qu'il n'y avait pas eu l'an dernier, si vous permettez, M. le premier ministre...

M. Lévesque (Taillon): Oui.

M. Rivest: Etant donné qu'il y avait le référendum, c'est bien sûr que, dans l'entourage, enfin dans les collaborateurs du premier ministre, il y avait une partie du temps qui devait être consacrée à cela...

M. Lévesque (Taillon): Comme dans l'entourage, je pense, de tous les partis.

M. Rivest: Oui, mais il y avait eu un certain gonflement des effectifs pour cela, normalement. Etant donné le temps qu'ils prenaient, maintenant que le référendum est chose du passé, y a-t-il un rétablissement de l'ensemble du personnel du bureau du premier ministre ou est-ce qu'on continue de maintenir le même niveau d'effectif avec en moins la préoccupation référendaire?

M. Lévesque (Taillon): Je dois vous dire une chose, c'est que je ne me souviens pas de la date exacte, mais disons que c'était, je ne sais pas, en avril ou mai, l'an dernier, quand on est passé à travers les crédits... En mai?

M. Rivest: Le 31 mai.

M. Lévesque (Taillon): II y a douze mois. Le référendum est intervenu en mai 1980. La préparation s'est poursuivie, bien sûr, mais je ferai remarquer au député de Jean-Talon que si je dis 66 — c'est un fait, c'est cela — en mai 1979, alors qu'on n'était pas intensément dans la préparation du référendum — on ne l'était peut-être pas assez intensément, justement — et que je dis 69 en mai 1980, il n'y a rien là. Je m'excuse de le dire, mais c'est l'évolution normale. On se pose chaque année, et on va s'en poser encore, on se pose déjà des questions sur l'opportunité de remplacement, de fin de contrats dans certains cas, etc. C'est normal, je pense que cela s'est toujours posé.

M. Forget: Excusez-moi, mais est-ce que les chiffres de 66 et de 69 incluent les contractuels, les occasionnels?

M. Lévesque (Taillon): II n'y a que deux contractuels actuellement. Il y en avait trois, il n'y en a que deux.

M. Forget: Tout le monde, non seulement des postes permanents?

M. Lévesque (Taillon): C'est Mme Evelyn Dumas, ancienne journaliste, et Mme Adèle Lau-zon qui était déjà là.

M. Ryan: ...

M. Lévesque (Taillon): Laquelle?

M. Ryan: Celle qui étudiait mes textes.

M. Lévesque (Taillon): Adèle Lauzon, oui, elle est encore là.

M. Ryan: Ce n'est pas trop dangereux, vous pouvez la garder.

M. Lévesque (Taillon): Non, c'est un esprit de famille qu'on respecte.

M. Ryan: M. le Président, seulement pour clarifier une question qui a été posée par mon collègue, le député de Saint-Laurent, nous avions entendu dire — peut-être que c'était inexact; nous n'avons pas eu la chance de faire de vérification — qu'il s'était créé une extension du bureau du premier ministre à l'immeuble de la Cité, sur la rue Léo-Parizeau, dont vous parliez. Est-ce que cette extension existe encore? Est-ce qu'on a procédé à l'engagement de personnel supplémentaire soit à titre de salariés, soit à titre de contractuels en préparation de l'opération référendaire? Quelle ampleur ont pu prendre ces développements occasionnels reliés directement au référendum?

M. Lévesque (Taillon): Là, je ne voudrais pas me couler dans le ciment, parce que je ne voudrais pas faire d'erreur et faire une réponse erronée, mais je crois que, pour l'essentiel, ce qui est là, c'est le groupe de ceux qu'on appelle — on en avait longuement discuté, si j'ai bonne mémoire, l'an dernier et même avant, quand cela a commencé — les agents de liaison, c'est-à-dire des gens qui ont un rôle à la fois politique et un rôle, si vous voulez, non pas administratif, parce que ce n'est pas leur job, mais para-administratif, au sens de nous donner ce qu'on peut appeler la rétroaction par rapport à des politiques du gouvernement, la façon dont cela se déroule, etc. C'est essentiellement le même groupe.

Une Voix: Ils sont toujours là.

M. Lévesque (Taillon): C'est cela. C'est ce bloc-là qui est le moteur de tout. Il peut y avoir eu des emprunts, au moment de la campagne référendaire, d'autres cabinets, mais cela va se replacer pour autant que ce soit là. Il ne faut pas oublier — je pense que c'était la tradition; elle a été suivie encore une fois — que, dans tous les scrutins généraux, l'ensemble du personnel politique travaille au moins à temps partiel là-dessus, comme c'est le cas.

M. Rivest: Pas toujours aussi efficacement, il y a des années qui sont meilleures que d'autres.

M. Lévesque (Taillon): Cela dépend, il y a de bonnes et de mauvaises années dans tous les scrutins, comme cela a été le cas pour l'Opposition aussi.

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.

M. Forget: ... je voudrais bien qu'on se comprenne. Au bureau du premier ministre, il y a des gens qui sont personnellement affectés à son cabinet et il y a aussi les gens qui sont affectés aux cabinets des ministres d'Etat. Ce que l'on vient de dire ne s'applique strictement qu'au cabinet du premier ministre, à l'exclusion des cabinets des ministres d'Etat. Est-il possible que si on posait notre question différemment, dans le sens de savoir quel a été l'ensemble du budget du Conseil exécutif, et surtout des opérations particulièrement liées au référendum, le tableau serait différent, si on tenait compte de tout le tableau? (22 h 30)

M. Lévesque (Taillon): Si on tient compte de tout le tableau, parce que l'ensemble du personnel qui est couvert par les cabinets politiques pour les ministres d'Etat comme pour votre serviteur, c'étaient 106 l'an dernier. Je pense que vous pourrez vous référer aux chiffres de l'an dernier; c'est 117 en ce moment. Là-dedans se situent forcément le cabinet — qui n'existait pas à ce niveau — de Mme Payette, qui est maintenant ministre d'Etat à la Condition féminine, et également une partie de la masse salariale du ministre qui est également leader parlementaire, délégué aux Affaires parlementaires, et qui est divisée en deux une partie relevant de l'Assemblée nationale, à titre de leader, et l'autre partie relevant de chez nous. Ce sont des ajustements comptables. La meilleure référence, on vient de me le souligner, c'est que si cela paraît utile comme renseignements additionnels — on a fourni tout ce qui nous avait été demandé — peut-être qu'à partir de la notion relativement nouvelle des masses salariales, de la façon dont elles sont réparties, le tableau serait plus clair. Si cela intéresse l'Opposition, on peut le lui fournir. Je ne l'ai pas en main...

M. Forget: Volontiers.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: II y a peut-être une chose qu'on pourrait faire assez rapidement, cela éliminerait ce poste de la discussion. On nous a remis une liste du personnel du bureau du premier ministre en date du 1er janvier 1979 et une autre en date du 1er janvier 1980.

M. Lévesque (Taillon): Est-ce que vous pourriez donner la référence, parce que c'est une chose qu'on a fournie à l'Opposition? Peut-être qu'il y a un numéro.

M. Ryan: Oui. Je peux vous le montrer, M. le premier ministre. Je constate que dans l'ensemble il y a assez peu de changement par rapport à l'année précédente. Peut-être que le premier ministre et ses collaborateurs pourraient nous indiquer seulement les changements de personnel survenus au cours de l'année. Cela suffirait aux fins de l'information que nous poursuivons. J'ai pris des notes ici, mais si on pouvait obtenir des renseignements surtout sur les fonctions des nouveaux membres du personnel qui sont venus s'ajouter ou se substituer à d'autres au cours de l'année... Je peux vous poser des questions à partir de chacun, si cela vous facilite les choses.

M. Lévesque (Taillon): Si vous voulez. Peut-être qu'on pourrait simplifier une partie du travail en disant que le premier, le deuxième, le troisième, le quatrième... Est-ce la liste qui commence avec M. Boivin?

M. Forget: C'est cela.

M. Ryan: C'est cela. Les cinq premiers étaient là.

M. Lévesque (Taillon): Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept.

M. Ryan: Le sixième est nouveau, me semble-t-il.

M. Lévesque (Taillon): M. Tremblay?

M. Ryan: On ne le sait plus, aujourd'hui, avec toutes les lois qui...

M. Lévesque (Taillon): Je m'excuse, j'étais dans l'autre liste. Un, deux, trois, quatre, cinq. Martine Porter?

M. Forget: Oui.

M. Lévesque (Taillon): C'était Martine Tremblay, qui est Mme Porter. C'est toujours la même.

M. Ryan: Très bien. C'est une nouvelle loi.

M. Lévesque (Taillon): Michel Chaloult, je pense qu'il n'y a rien de changé.

M. Ryan: Ensuite, il y a Francine Lahaye. C'est un nouveau nom?

M. Lévesque (Taillon): Oui, c'est un remplacement. C'est une attachée politique, un agent de liaison, si on veut, à Montréal.

M. Ryan: Est-ce qu'il y a une affectation spéciale dans son cas?

M. Lévesque (Taillon): Essentiellement, l'île de Montréal, et en particulier ce qu'on appelle dans le jargon de notre parti l'île de Montréal, Montréal-Centre et une partie de Montréal-Ouest.

M. Rivest: Montréal-Centre?

M. Ryan: C'est une attachée spéciale, cette région est un peu plus difficile.

M. Lévesque (Taillon): II y a une trentaine de comtés sur l'île de Montréal. Michel Desrosiers...

M. Rivest: ... le député de Rosemont.

M. Ryan: Michel Desrosiers, je pense que c'est nouveau aussi.

M. Lévesque (Taillon): II travaille du côté du Bas-du-fleuve, de la Gaspésie et de la Côte-Nord. C'est possible qu'il ait remplacé quelqu'un, je ne m'en souviens plus.

M. Ryan: Est-ce qu'il serait en poste dans cette région ou à Québec, celui-là?

M. Lévesque (Taillon): Pardon?

M. Ryan: Est-ce qu'il est en poste dans la région qu'il dessert ou à Québec même?

M. Lévesque (Taillon): II est à Québec, mais pour couvrir et fréquemment faire le tour.

M. Ryan: Ensuite, il y a Michel Gauthier. Cela a l'air nouveau aussi.

M. Lévesque (Taillon): Non, Michel Gauthier était là l'an dernier.

M. Ryan: Ah! oui, très bien. Ce n'était pas Yves Gauthier qui était là? Michel Gauthier, on ne l'a pas sur la liste de 1979.

M. Lévesque (Taillon): Oui.

M. Ryan: II était là? Il n'était pas sur la liste.

M. Lévesque (Taillon): Oui, sûrement, peut-être pas tout à fait au même titre ou alors, je ne sais pas... Il me semble que oui...

M. Ryan: L'avez-vous sur la liste de 1979? Moi, je ne le trouve pas.

M. Lévesque (Taillon): Peut-être a-t-il été laissé de côté, je ne sais pas. Mais il était là, en tout cas, sûrement. Il y a peut-être eu un oubli.

M. Ryan: II était là. On me dit qu'il est entré en fonction le 19 septembre 1979. Il ne devait pas être là le 1er janvier.

M. Lévesque (Taillon): Entré en fonction dans le rôle d'attaché politique qu'il joue actuellement...

M. Ryan: Ah! bon, très bien.

M. Lévesque (Taillon): ... mais il était là, de toute façon. Il faudrait que je vérifie à quel titre...

M. Ryan: A quelle région est-il affecté? Est-ce qu'on peut savoir à quelle région et à quelle fonction il est affecté, celui-là?

M. Lévesque (Taillon): II est affecté essentiellement à un poste d'adjoint, si on veut, aux communications, en particulier du côté de la presse régionale et des dimensions régionales de l'information.

M. Ryan: André Meunier, ça me semble nouveau, ça.

M. Lévesque (Taillon): Oui, M. Meunier est secrétaire particulier adjoint, comme c'est normal, du côté de mon comté, remplaçant Mme Chris-tiane Tétreault qui, elle, a été mutée à un autre travail.

M. Ryan: M. Ponteau, est-ce qu'on pourrait savoir ce qu'il fait, lui, exactement?

M. Lévesque (Taillon): M. Ponteau fait partie de tout un groupe qui est assez divers; où il y a M. Marcil à qui on dirige les questions économiques; M. Ponteau aurait plutôt les questions culturelles, des questions de textes aussi, à l'occasion, des références de ce genre-là. De la même façon qu'il y avait M. Latouche qui, pendant un certain temps, mais lui, comme contracturel... Si vous lisez au complet, oui, parfois, je n'aime pas les titres, mais ce n'est pas lui qui fait les titres...

Une Voix: Ah!

M. Charbonneau: Le chef de l'Opposition sait ça.

M. Ryan: Oui, on en a fait quelques-uns. M. Lévesque (Taillon): ... enfin...

M. Charbonneau: On a négocié ça virgule par virgule, vous vous en rappelez?

M. Ryan: Oui, on discutait. Il y avait un climat de dialogue.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! On revient à notre sujet...

M. Ryan: C'est hors d'ordre, oui.

M. Lévesque (Taillon): En gros, comme vous voyez, il n'y a pas tellement de changement.

M. Ryan: Maintenant, M. Bachand, lui, depuis qu'il a perdu le référendum, quelles sont ses fonctions?

M. Lévesque (Taillon): M. Bachand demeure... M. Ryan: Je ne sais pas s'il est là. M. Rivest: II attend pour le deuxième?

M. Lévesque (Taillon): M. Bachand demeure dans son rôle fondamental, qui est celui de secrétaire particulier et, en particulier aussi, de coor-donnateur du travail des agents de liaison.

M. Rivest: II ne faudrait pas garder l'impression que c'est M. Bachand qui a perdu le référendum.

M. Lévesque (Taillon): Je ne sais pas si c'est l'indice d'une mentalité, j'espère que non, mais on ne cherche pas, nous, de bouc émissaire.

M. Ryan: II y en aurait trop. Une Voix: Pas pour l'instant.

M. Ryan: Mme Fréchette, M. le Président, est-ce qu'on pourrait savoir ses fonctions, celle-là?

M. Lévesque (Taillon): Elle travaille avec M. Marcil du côté des questions économiques. C'est son bras droit, si on veut.

M. Ryan: Je n'ai pas bien compris ce qui a été dit tantôt à propos des trois contractuels.

M. Lévesque (Taillon): J'ai dit qu'il y en avait deux qui étaient encore avec nous, Mme Dumas et Mme Lauzon, et je viens d'ajouter que M. Latou-che —je pense qu'on le sait, parce qu'il a pris une autre orientation très publique, à l'occasion — n'est plus avec le bureau.

M. Ryan: Je vois deux dates à propos de M. Latouche: Entrée en fonction le 10 mars 1979; ensuite, le 25 janvier 1980.

M. Lévesque (Taillon): C'est un renouvellement de contrat pour six mois.

M. Ryan: Mais il est parti quand, lui?

M. Lévesque (Taillon): II est parti vers février 1980.

M. Ryan: Depuis ce temps-là, il n'a rien fait pour le bureau du premier ministre?

M. Lévesque (Taillon): C'est-à-dire qu'il a laissé tomber... Non, il a continué, je pense...

M. Ryan: II écrit des textes publics.

M. Lévesque (Taillon): Oui. C'est son droit le plus sacré. On a déjà connu ça. Mais, de plus, il a continué à travailler, je pense, pendant quelque temps, mais là, il faudrait vérifier, pour finir certains travaux avec le ministère des Affaires intergouvernementales. Peut-être pour finir du travail commencé, je ne sais pas, moi. Enfin, je sais qu'il a prolongé un peu plus du côté du ministère des Affaires intergouvernementales.

M. Ryan: Mme Lauzon, quelles sont ses fonctions?

M. Lévesque (Taillon): Ses fonctions sont, tel que c'est marqué, agent de recherche. Elle a beaucoup de sujets à couvrir.

M. Ryan: Sans autre précision.

M. Lévesque (Taillon): Seigneur! la recherche, ça peut être polyvalent, ça, on le sait.

M. Ryan: C'est souvent un titre passe-partout pour cacher pas grand-chose.

M. Le Moignan: Avant d'aller plus loin...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, M. le chef de l'Union Nationale.

M. Le Moignan: ... j'aurais une question supplémentaire.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.

(22 h 45)

M. Le Moignan: Je vois ici qu'Evelyne Dumas terminait son travail le 31 avril. Est-ce dire qu'elle n'est plus à l'emploi du premier ministre ou est-elle revenue?

M. Lévesque (Taillon): Non, cela a été renouvelé pour un certain nombre de mois.

M. Le Moignan: Je vois aussi Daniel Latouche qui est un conseiller en affaires canadiennes. J'ai lu certains de ses articles il n'y a pas tellement longtemps dans le Devoir. Est-il encore à votre service ou est-il disparu de la circulation?

M. Lévesque (Taillon): Je m'excuse, je devrais parler plus fort, peut-être que ça ne se rendait pas jusqu'au député de Gaspé. On a dit que c'était terminé depuis février.

M. Le Moignan: C'est loin, il y a une muraille.

M. Lévesque (Taillon): C'est terminé depuis février.

M. Le Moignan: C'est terminé, ah, je lisais autre chose, je m'excuse.

M. Ryan: Est-ce que M. Latouche a été remplacé? Est-ce qu'il y a d'autres contractuels au travail actuellement au bureau du premier ministre?

M. Lévesque (Taillon): Deux.

M. Ryan: Seulement les deux autres.

M. Rivest: Je ne sais pas si c'est le moment d'en parler, mais je voudrais au moins entendre le premier ministre évoquer brièvement le dossier du Cotisée. En particulier pour manifester l'étonnement assez généralisé qu'un tel dossier, qui est un investissement sportif considérable, ait obtenu, semble-t-il, du moins d'après les réponses que j'ai obtenues... Vous voyez, je fais toujours mon "shopping" dans les autres ministères avant d'arriver aux crédits du premier ministre. J'ai posé la question au ministre des sports, qui m'a aimablement référé au bureau du premier ministre, m'a-t-il dit ostensiblement. Je voudrais demander au premier ministre comment il se fait qu'un investissement de cet ordre... D'abord, quels sont les chiffres exactement? Est-ce qu'il y aurait moyen

d'avoir, sur le plan du public, l'ensemble des éléments ou des péripéties qui ont marqué l'évolution de ce dossier — parce qu'il y a eu toutes sortes de hauts et de bas — et d'indiquer s'il y a eu de nouveaux développements dont on ne serait pas au courant?

Ma première question est: Comment se fait-il que ce soit au niveau du cabinet du premier ministre qu'un tel dossier a été négocié? Deuxièmement, quel est le montant actuel de la subvention du gouvernement du Québec? Troisièmement, y a-t-il des développements nouveaux au niveau des soumissions qui sont émises et qui dépasseraient les coûts prévus? Tout le monde sourit, pour l'instant!

M. Lévesque (Taillon): La raison pour laquelle cela a été assez activement traité à partir de mon bureau, toujours en jonction quand même avec le ministre responsable des sports... Mais c'est vrai, on a pris, jusqu'à un certain point, le leadership dans ce dossier là, et Dieu sait que je l'ai regretté, je l'ai déjà dit, d'ailleurs, parce que je ne savais pas que ça se compliquerait et que ça se goupillerait ainsi. C'est venu — je ne dirais pas que cela a été déterminant — d'une visite que j'avais reçue de mon ancien patron, M. Lesage, que vous connaissez bien, qui est très activement intéressé à ce dossier, et cela a coïncidé avec une ouverture de saison pour les Nordiques où le maire de Québec a...

M. Rivest: M. Lesage, à titre de président des Nordiques...

M. Lévesque (Taillon): Oui, a relayé ces pressions-là. Après les précédents de Montréal, à la condition de ne pas le répéter dans le genre de folie furieuse que c'est devenu, il semblait assez indiqué que, relié au fait que c'était une condition sina qua non de la Ligue nationale qu'il y ait un certain nombre de sièges ajoutés, on prenne activement ce dossier-là comme gouvernement, mais que je m'en occupe un peu plus intensément, à cause de cette dimension-là.

Je ne vais pas vous relater toutes les péripéties, on a suivi le mieux possible le déroulement de ce qui était presque devenu un roman-feuilleton d'expertises, de contre-expertises et de discussions sur la sécurité, etc. On n'avait pas à s'en mêler directement, mais on a essayé de le suivre assidûment quand même, parce qu'on devait en conscience attendre pour aller plus loin. Là-dedans est intervenue, à partir des engagements préliminaires de $5 000 000 si j'ai bonne mémoire, la négociation sur les loteries, de sorte que ça fait partie d'une espèce de compensation qui avait été négociée au niveau du ministre des Finances, en particulier avec Ottawa, pour les sortir des loteries, comme tout le monde le demandait. Finalement on a abouti à $15 000 000 parce que, pendant ce temps-là aussi, des soumissions ont été demandées; pendant ce temps-là le maire de Québec, qui est quand même responsable au nom des propriétaires qui sont les citoyens de Québec, avait eu ses expertises qu'il a étalées en public, qui semblaient répondre à la plupart des questions. On avait pris un engagement, alors, finalement, ce qui est arrivé, c'est qu'il y a un engagement précis dans le sens d'un maximum qu'on ne dépassera pas qui sera de $15 000 000. Il y avait, je pense, une certaine nostalgie pour le chiffre de $16 000 000 du côté de la ville, mais après avoir tout examiné — c'est une décision que j'ai soumise au Conseil des ministres — cela a été $15 000 000.

Il a été signifié aux autorités de la ville qu'on irait jusqu'à $15 000 000, mais que pour aucune considération on ne dépasserait cela.

M. Rivest: Une question additionnelle au titre de la sécurité. Il y a toute une série de questions et de problèmes qui ont été évoqués à diverses phases, d'ailleurs, au titre de la sécurité. Est-ce que le premier ministre est en mesure d'affirmer — je ne vous demanderai pas de vous prononcer sur la structure; c'est en regard des services du gouvernement au ministère du Travail, soit au titre de la sécurité des édifices publics, de tout ce qui s'y rapporte — que toutes les inspections, les vérifications usuelles — je vois d'ailleurs le ministre du Travail qui n'est pas loin derrière — ont été faites à ce chapitre? Autrement dit, ce que je voudrais, c'est que soit le premier ministre ou le ministre du Travail, s'il préfère le faire, donne ici l'état de la question, actuellement, parce que c'est la dimension capitale qui a été finalement soulevée.

M. Lévesque (Taillon): Sous toute réserve, parce que je ne sais pas tous les détails, je ne sais pas si le ministre du Travail le sait au complet, je dois dire qu'on nous a assuré que toutes ces vérifications...

M. Rivest: Toutes les inspections, les vérifications, tout cela.

M. Lévesque (Taillon): Oui, pour ce qu'on pourrait appeler ces autorisations essentielles, le processus a été suivi normalement.

M. Rivest: Depuis les dernières nouvelles publiques qu'on a eues il n'y a rien eu de significatif, la construction va son train et il n'y a rien de particulier qui a été porté à l'attention du premier ministre?

M. Lévesque (Taillon): Pas que je sache, non. D'ailleurs, ce n'est pas à moi de suivre la construction. Il ne faut pas oublier une chose. On a mis une limite maximum et à partir de là on dit: Les citoyens jugeront. Je ne me référerai pas au rapport Malouf, mais quand même, on peut peut-être s'inspirer de certaines des...

M. Rivest: C'est parce que M. Drapeau n'aimerait pas cela.

M. Lévesque (Taillon): ... constatations... Le maire Drapeau défendra son administration. Je

dirais que j'ai connu des administrations provinciales moins défendables que la nôtre à ce point de vue-là...

M. Rivest: L'excellent travail...

M. Lévesque (Taillon): ... mais je ne voudrais pas recommencer la critique du rapport Malouf. Je le trouve encore incompréhensible à ce point de vue-là. Ce que je veux dire, c'est que concernant déjà certaines des limites prévues, même dans les recommandations du rapport Malouf, on a fait bien attention, même avant de les connaître, d'en tenir compte, y compris ce plafond maximum et aussi le respect minimum qu'on doit à l'autonomie municipale. C'était une de leurs principales constatations. S'il y avait un danger de gaspillage éventuel de fonds publics qui se profilait, au-delà de la limite qu'on a fixée, je peux vous dire qu'on réagirait plus vite que certains de nos prédécesseurs l'ont fait. Mais, pour l'instant, on s'en tient à cela.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que le programme no 3 serait adopté? M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, un aspect un peu ignoré de cette question du cabinet du premier ministre qui mériterait peut-être quelques instants d'attention, c'est le problème de l'absence assez visible d'un représentant de la minorité anglophone ou plus généralement des non-Canadiens français, puisqu'on peut même viser les francophones qui ne sont pas de souche, dans le bureau du premier ministre. Il y a eu Mlle Smith, il y a des années de ça, qui est partie après quelques mois. Depuis ce temps-là, il y a eu des gens chargés des relations avec les anglophones, mais personne qui appartenait à la communauté anglophone ou non canadienne-française, qu'on le prenne d'une façon ou d'une autre. Maintenant qu'on se situe après le référendum, peut-être qu'un des grands bienfaits, peut-être le seul pour le premier ministre de cette opération, c'est que maintenant qu'il s'est converti au fédéralisme il pourra peut-être réussir à...

M. Lévesque (Taillon): Non, je vais dire, comme l'a dit le ministre des Finances, qu'on s'est recyclés au fédéralisme.

M. Forget: Vous vous êtes recyclés au fédéralisme, mais si vraiment il réussit à se faire prendre au sérieux dans ce nouveau rôle assez inattendu, peut-être qu'il va réussir à recruter dans ces milieux qui lui ont été fermés jusqu'à maintenant. Il y a peut-être des projets pour justement étoffer la nouvelle image du gouvernement dans ce secteur-là, représenter toute la population du Québec.

M. Lévesque (Taillon): II y a une chose que je dois... Je vais être très concret, d'abord. C'est que parmi les 117 personnes qui comprennent l'en- semble du cabinet, mais réparties entre mon bureau et celui des ministres d'Etat, il y a trois personnes qui sont très assidûment chargées de suivre l'évolution de maintenir ou d'établir les contacts avec les groupes minoritaires ou les communautés ethniques. Il y a M. David Levine qui est chez Bernard Landry, au développement économique; il y a M. David Payne qui est chez M. Laurin, ministre d'Etat au Développement culturel, et il y a Evelyne Dumas dont on parlait tout à l'heure. Il ne faut pas l'oublier, elle a un nom qui... Evelyne Dumas, sa mère est anglophone et il y a une remarquable partie de ses racines qui sont anglophones au point où elle était probablement l'une — sinon la meilleure — des meilleures journalistes de langue anglaise, au temps du défunt Montréal Star, après avoir fait ses classes dans un modeste journal qui s'appelait le Devoir, en cours de route.

M. Forget: Et un autre journal qu'on ne mentionnera pas.

M. Lévesque (Taillon): Je veux simplement, concrètement, dire ça, parce que ce sont trois personnes qui ont quand même un rôle important et assidu à jouer de ce côté. J'ajouterais ceci: premièrement, j'aimerais bien qu'il y en ait davantage, pas seulement là mais dans la fonction publique. Cela me permet de dire une chose, c'est qu'en dépit de toutes les déformations et de toutes les calomnies véhiculées souvent par des gens de l'Opposition à propos de notre attitude en ce qui concerne les groupes minoritaires au Québec, je viens de lire tout récemment une batterie de recommandations, sans compter le travail qui est déjà en marche, à la suite de colloques sans précédent que certains en face de nous en Chambre traitaient à la légère, mais qui donnent des résultats d'une richesse assez exceptionnelle.

Moi, comme Gaspésien — peut-être que le député de Gaspé pourrait dire la même chose — comme Gaspésien d'origine, je sais qu'aucun des gouvernements qui nous ont précédés et dont je me souvienne, y compris celui dont j'ai fait partie dans les années soixante, ne s'était même préoccupé, si peu que ce soit, de ce qui arrivait, par exemple, à ces poches de population de plus en plus isolées et qui constituent des minorités anglophones, ici et là, en Gaspésie, également sur la Basse Côte-Nord. Je prends cet exemple parce que je le connais mieux que les autres. Pour la première fois, il y a des recommandations très précises et il y a même, dans le cas de la Basse Côte-Nord, un programme qui est déjà en marche, dont la première tranche a été approuvée cette année dans le budget, de façon à essayer concrètement de fournir des services et des moyens de communication — enfin, ce que nos moyens nous permettent — de fournir une attention concrète à ces groupes, ce qui ne s'était jamais produit depuis les années soixante, c'est-à-dire depuis le temps où j'ai des souvenirs politiques précis.

Il y a un effort constant qui se fait et que je crois méritoire pour une raison: on ne se contera

pas d'histoires, ce n'est pas de ce côté-là qu'on peut espérer avoir beaucoup de votes, ni au référendum, ni autrement, mais on croit en conscience qu'on doit s'en occuper et on le fait. Cela dit, si l'on pouvait ajouter des représentants des groupes ethniques, d'une façon valable, là où on peut les nommer directement, je le ferais volontiers parce que je suis toujours à l'affût.

Mais il ne faut pas oublier que quand il s'agit de la fonction publique, il n'y a pas tant de postes que ça dont on dispose de façon discrétionnaire. Quand il s'agit de la fonction publique, on essaie de pousser au maximum, mais là, il faut pousser, en fonction des règles établies, les annonces, la mise au courant de ce bassin de population en ce qui concerne les emplois disponibles. On ne peut pas faire plus.

M. Ryan: Rien n'empêche qu'actuellement vous avez un anglophone, M. Payne, dont les racines québécoises sont plutôt récentes. C'est très bien qu'il soit venu ici...

M. Lévesque (Taillon): Relativement récentes, oui.

M. Ryan:... mais est-ce qu'il y a des efforts qui sont en cours actuellement pour augmenter la représentation de l'élément anglophone à votre bureau?

M. Lévesque (Taillon): De façon concrète, en cours, en ce moment, non. Mais j'y pense constamment, ce n'est pas toujours facile.

M. Ryan: Non, ce n'est pas facile.

M. Lévesque (Taillon): II faut également qu'ils soient solidement bilingues et qu'en même temps ils n'aient pas l'impression d'être coupés de leurs contacts, ce qui est déjà arrivé.

M. Ryan: Si vous me permettez, puisque nous sommes là-dessus, je voudrais vous donner la chance de faire une clarification qui pourrait être utile. Dans la déclaration que le conseil national de votre parti a faite en fin de semaine, on parlait des forces vives qui auraient appuyé le oui au référendum, et d'autres sont allés plus loin en laissant entendre que les éléments qui auraient voté non auraient plutôt été les éléments déclinants de notre société. Est-ce que les membres des communautés ethniques et de la communauté anglophone font partie de ces éléments déclinants dont ont parlé certains, parce qu'ils auraient voté non en majorité au référendum?

M. Lévesque (Taillon): Je ne peux pas endosser des propos comme ça et je ne sais pas où le chef de l'Opposition les a pris. Mais une chose est certaine, c'est que ça ne reflétait pas l'attitude générale. On peut dire "forces vives" en ce qui concerne une partie de la population. En ce qui concerne les groupes relativement monolithiques au moment de ce vote, on ne peut tout de même pas englober tout le monde en disant que ce sont des gens à leur déclin, au contraire.

M. Ryan: Je suis prêt à me faire corriger, M. le Président, si j'ai cité incorrectement, mais j'ai lu, dans la déclaration qui a été adoptée par le conseil national, qu'on remercie les forces vives qui se sont prononcées pour le oui.

M. Charbonneau: ... la déclaration, mais il ne parle pas de la...

Une Voix: ... la partie négative.

M. Ryan: Mais par voie d'implication, c'est ce que cela veut dire. Si vous dites que les forces vives ont voté pour le oui, cela veut dire que pour le non, cela a été les forces déclinantes. A moins que je ne sache pas lire. Et d'ailleurs, M. Latouche a eu le courage et la franchise de vous le dire assez ouvertement dans l'article publié samedi dernier dans le Devoir.

M. Lévesque (Taillon): J'ai eu également à répondre aux journalistes à propos de cela. Premièrement, forcément, M. Latouche n'était pas responsable du titre. On a extrapolé, c'est normal. Mais j'ai lu certains des propos assez raides qu'il tenait, et je dois dire que c'est vrai que jusqu'à un certain point, dans les premières réactions d'une campagne pas mal intense, il y a des propos excessifs qui se tiennent. J'en ai entendu des verts et des pas mûrs, de ce genre de propos, de la part de nos adversaires du non. Et je crois qu'on peut insister là-dessus et commencer à les éplucher.

Mais s'il fallait faire notre collection de morceaux choisis, je n'ai pas l'impression que c'est nous qui aurions le championnat.

M. Ryan: C'est parce qu'on a eu l'impression que vous-même, vous aviez peut-être mis ce thème en circulation le premier, quand vous avez parlé d'un dernier sursaut du vieux Québec, par exemple. Je me souviens de quelque chose du genre.

M. Lévesque (Taillon): Du vieux Québec, oui. Dans un sens.

M. Ryan: II me semble que c'était le jeune Québec aussi. Il y a des gens de tous les âges qui ont voté des deux côtés.

M. Lévesque (Taillon): Dans un sens qui n'a rien à voir avec une caricature des gens ou des personnes, mais qui signifie, oui, un certain conservatisme qui est assez visible.

M. Ryan: Auquel vous revenez depuis le référendum.

M. Lévesque (Taillon): II le faut bien. Jusqu'à nouvel ordre, qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le chef de l'Union Nationale.

M. Le Moignan: Question supplémentaire. Dans le secrétariat général du Conseil exécutif, je vois des mandats de recherches qui ont été effectuées par quatre personnes ou groupes. On parle de recherche et de rédaction dans le cadre du livre blanc sur...

M. Lévesque (Taillon): Je m'excuse, est-ce qu'on pourrait demander au député de Gaspé où est-ce qu'il en est?

M. Le Moignan: C'est dans le programme 3, je pense bien.

M. Lévesque (Taillon): Oui, mais à quel élément?

M. Le Moignan: Je ne sais pas quel élément. Ce n'est pas indiqué ici.

M. Lévesque (Taillon): Attendez un peu, je vais essayer de vous retrouver.

M. Le Moignan: C'est l'élément 1. C'est le secrétariat général du Conseil exécutif. Ce sont les grandes feuilles.

M. Lévesque (Taillon): C'est l'élément 2. M. Le Moignan: C'est l'élément 2, cela?

M. Lévesque (Taillon): D'accord. Alors, c'est quoi la question?

M. Le Moignan: C'est indiqué recherche et rédaction dans le cadre du livre blanc sur la constitution. Est-ce que c'est le livre sur la souveraineté-association? Les différentes recherches?

M. Lévesque (Taillon): Oui.

M. Le Moignan: C'est le livre blanc que nous avons en main qui a été publié.

M. Lévesque (Taillon): C'est cela. Et pour lequel j'avais dit quel était le budget.

M. Le Moignan: Ma deuxième question, c'est qu'on voit le gouvernement du Québec versus Churchill Falls et Hydro-Québec. Etant donné la déclaration du gouvernement fédéral, est-ce que les études qui ont été effectuées concernant ce document peuvent être mises à notre disposition?

M. Lévesque (Taillon): C'est une contribution qui a été incorporée à tout cela, à propos de Churchill Falls et les problèmes juridiques qui se posent autour du contrat de Churchill Falls, qui avait été retenue par Hydro-Québec et qui vient du bureau de mon ancien patron, M. Jean Lesage, parce qu'il était déjà au dossier quand on est arrivé. C'était déjà devant les tribunaux, cette question de Churchill Falls et du contrat. Comme il faut l'accompagner et que cela fait partie de certains des éléments fondamentaux des richesses naturelles et de l'évolution économique, c'est là.

M. Ryan: Dans le même ordre d'idées, M. Pierre Fortin, la petite commande qui lui a été passée, à quel moment ce serait venu, cela? C'est où, cela? Je m'excuse, je retire la question. C'est pour le secrétariat au développement social.

M. Rivest: Est-ce que nous sommes au secrétariat du Conseil exécutif?

M. Lévesque (Taillon): Si vous voulez.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... programme 3. Le premier des éléments...

M. Rivest: M. Bernard est toujours en poste?

M. Lévesque (Taillon): M. Bernard est toujours en poste. Si c'est là-dessus que vous voulez travailler, aussi bien qu'il soit ici.

M. Rivest: II est là, M. Bernard.

M. Le Moignan: Pour terminer ma question sur Churchill Falls, est-ce que le gouvernement du Québec...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le chef de l'Union Nationale, allez-y.

M. Lévesque (Taillon): Pierre Fortin, c'était au développement social.

M. Le Moignan: J'ai ma question sur Churchill Falls. Est-ce que le gouvernement du Québec a l'intention de négocier directement avec Terre-Neuve pour clarifier tout cela?

M. Lévesque (Taillon): Tout ce que je peux vous dire, c'est ceci. On a amorcé des négociations. Il y a eu une sorte de quasi-rupture à un moment autour du discours du trône, comme on dit encore à Terre-Neuve, du gouvernement Peckford. On s'est revus à Ottawa, mais on ne parlait pas de cela spécifiquement, à la réunion des premiers ministres. Mais on a convenu de s'en reparler d'ici quelques semaines, en tête-à-tête, l'un avec l'autre, pour voir s'il y aurait moyen de trouver une avenue quelconque qui serait satisfaisante des deux côtés. On verra.

M. Rivest:... au secrétariat du Conseil exécutif?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): On va adopter l'élément 1 qui concerne les bureaux du premier ministre et les bureaux des ministres d'Etat.

M. Lévesque (Taillon): Si on lâche 1, je ne voudrais pas qu'on y revienne tout le temps.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Adopté. Secrétariat général et greffe du Conseil exécutif. M. le député de Jean-Talon. (23 heures)

Secrétariat général et greffe du Conseil exécutif

M. Rivest: M. Bernard est toujours là, comme je disais tantôt...

M. Lévesque (Taillon): Peut-être que M. Bernard pourrait répondre, si vous n'avez pas d'objection.

M. Rivest: ... toujours aussi compétent et disponible. Il n'a pas fait de conférence récemment?

M. Lévesque (Taillon): Oui, une très bonne. M. Rivest: Oui?

M. Lévesque (Taillon): J'en ai même envoyé une copie au chef de l'Opposition. Il ne l'a peut-être pas eue encore.

M. Rivest: Ah! vous ne l'avez pas lue, M. Ryan? Vous avez des distractions référendaires, M. Ryan.

M. Lévesque (Taillon): C'est une conférence à l'ENAP.

M. Rivest: C'est une bonne tribune. Y a-t-il eu des choses significatives au niveau du secrétariat dans le fonctionnement, des changements majeurs ou une évolution dans la façon de procéder?

M. Lévesque (Taillon): Oui. Depuis l'année passée, il y a eu peut-être deux changements significatifs. D'abord, la création d'un ministère d'Etat à la Condition féminine et, par conséquent, la mise sur pied d'une petite équipe de soutien et la nomination de Mme Christine Tourigny qui était à ce moment-là la première femme à être nommée sous-ministre. Le deuxième développement, c'est de continuer à structurer davantage l'équipe qui s'occupe de législation, aussi bien au ministère de la Justice avec Daniel Jacoby qu'au Conseil exécutif avec la petite équipe qui y travaillait sous M. Brière alors que Jules Brière est devenu de plus en plus conseiller au lieu d'être directement en charge du service. Il est devenu contractuel et conseiller, tel que tout le monde l'avait demandé. Je pense en particulier à M. Gé-rard-D. Levesque qui s'intéressait à cela, c'est-à-dire de structurer davantage le secteur de la législation.

M. Rivest: II y avait eu des problèmes en 1975-1976, au moment où le nouveau gouvernement est arrivé, au niveau de la législation. Est-ce que jusqu'ici vous êtes satisfait avec l'équipe de relève — des gens comme Robert Normand — au sujet des problèmes qui s'étaient posés au niveau de l'équipe des légistes du gouvernement?

M. Lévesque (Taillon): Je pense que tout le monde est conscient que c'est un des problèmes les plus complexes en ce qui concerne le travail juridique, le travail de législation. Nous avons voulu procéder justement de façon progressive, en changeant le système que tous les gouvernements antérieurs avaient connu. C'est un système basé sur des contractuels où un conseiller juridique senior a la haute main sur l'ensemble de la législation. A mesure que le travail législatif se multiplie, évidemment, il n'y a pas un homme qui est capable de vraiment superviser tout ce travail. On s'est structuré comme les autres gouvernements, comme à Ottawa en particulier, avec un système fondé sur des équipes de légistes qui sont basées, pour partie, au ministère de la Justice et, pour partie, au Conseil exécutif. Je pense bien que c'est au législateur à dire si le travail est satisfaisant, mais d'une façon générale, au point de vue technique, je pense que cela a permis des améliorations notables, en particulier dans les notes explicatives des projets de loi qui sont à mon sens beaucoup plus détaillées, qui donnent des instruments de travail beaucoup plus fructueux pour le législateur...

M. Rivest: Oui, d'accord. Il y avait aussi, en 1975, si je me rappelle bien, et quand le gouvernement est arrivé, en 1976-1977, toute une opération que Guy Coulombe, entre autres, avait pilotée dans ses débuts — du moins le bout que j'en ai connu — au sujet des sociétés d'Etat, des réunions, enfin, les critères de performance et toute l'approche globale. A l'époque, c'était l'ambition à tout le moins d'exercer un contrôle et peut-être éventuellement le traduire au niveau de la législation, au titre de l'administration financière en particulier. Où en est rendu ce projet ambitieux d'une intégration des sociétés d'Etat pour respecter les priorités gouvernementales et tout cela?

M. Lévesque (Taillon): C'est une remarque que M. Bernard ne pourrait pas, je pense, se permettre en toute décence. Il ne peut pas entrer dans le débat, mais je dois dire une chose, c'est que je ne voudrais ni directement ni indirectement endosser l'impression que cherche à laisser le député de Jean-Talon que c'était très avancé. C'était avancé dans l'esprit de M. Coulombe et cela finissait "dret là", autant que je me souvienne.

M. Rivest: II y avait eu déjà des premières réunions.

M. Lévesque (Taillon): II y a du travail — il y avait eu une première réunion, je pense, oui — qui a été fait. Systématiquement, là encore, c'est complexe.

Comme tout projet ambitieux, cela prend évidemment un peu de temps, surtout dans la fonction publique, mais nous avons procédé de deux façons. Nous avons un secrétaire général associé

qui est chargé de la coordination des sociétés d'Etat, M. Jean Deschamps, qui a succédé à M. Jessop qui avait lancé l'opération pendant un petit peu moins d'un an.

Nous avons accepté l'idée des plans de développement. Nous avons demandé à chaque société d'Etat de préparer un plan de développement. Evidemment, cela prend, également de la part des sociétés d'Etat, du temps pour mettre au point leur plan de développement. Nous sommes à former un comité permanent de coordination, sous la direction de M. Deschamps, regroupant les sous-ministres des principaux ministères impliqués. D'ici les vacances, probablement que ce comité sera mis sur pied. Nous avons également procédé, avec le groupe de Pierre Martin, aux emplois supérieurs à rationaliser nos procédures en ce qui concerne le personnel supérieur des sociétés d'Etat. Nous avons discuté avec la plupart d'entre eux sur la façon dont ils devraient être évalués par le gouvernement, les critères de performance et la rémunération qui s'y rattache. C'est un travail qui se poursuit, dans la ligne de ce qui avait été commencé. Je pense qu'il y a eu des pas significatifs qui ont été faits, mais on est encore loin d'un véritable système à ce propos.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, sur ce même sujet, est-ce qu'il n'est pas un peu paradoxal qu'on demande aux sociétés d'Etat de préparer des plans de développement, et, pendant que cela se prépare, on en est encore à se poser des questions sur les critères de performance? Je n'ai personnellement jamais douté de la capacité de l'organisation quelle qu'elle soit — société d'Etat ou autres — à préparer des plans de développement. Peut-être la dernière chose qu'elles vont cesser de faire avant de mourir, c'est de faire des plans de développement, mais le grand problème, c'est de savoir comment évaluer les plans de développement. A moins d'avoir des critères de performance, c'est un exercice qui peut s'avérer futile. Comment cela se fait-il qu'on adopte cette démarche qui semble être l'envers du bon sens? Puisqu'on parle de critères de performance depuis des années, ce n'est quand même pas la fin du monde. Il y a d'autres Législatures ou d'autres gouvernements qui en ont inventé, et cela se ressemble curieusement d'un endroit à l'autre. Est-ce qu'on ne pourrait pas tout simplement, sans réinventer la roue, en proposer et faire un livre blanc sur les critères de performance des sociétés d'Etat québécoises?

M. Lévesque (Taillon): Disons que, d'une façon générale, on a pensé qu'on apprendrait, et tout le monde ensemble, en faisant les choses. On a demandé aux sociétés d'Etat de faire un plan en s'inspirant, évidemment, de ce qui se fait ailleurs et de ce que vous avez mentionné. On s'est dit qu'une fois qu'on aurait le premier plan ce serait intéressant de discuter pour savoir si le deuxième devrait être semblable au premier.

Si on peut commencer à faire tourner la roue, à voir sur la table les plans de développement, on pourra ensuite se demander comment on peut les améliorer, les comparer d'une société d'Etat à l'autre, et faire le lien, à ce moment, avec les critères de performance sur la main-d'oeuvre et la haute direction des sociétés.

Il y a des éléments quand même — s'il y a quelqu'un qui doit s'en souvenir, c'est le député de Saint-Laurent — inédits qui peuvent, éventuellement, rentrer comme facteurs dans ces plans de développement. Il y a un certain travail qui a été fait en Chambre autour de la SGF, avec les problèmes qu'on a connus à Marine Industrie. Il y a certaines choses qui ont émergé de la discussion et qui sont maintenant, soit sous forme d'amendements ou sous forme de la loi ou sous forme d'ententes qu'il faut respecter. Il y a déjà des paramètres qui ont été définis, comme ils n'avaient pas été définis avant. La même chose s'est appliquée dans le cas de SIDBEC, lors du changement d'administration; il a fallu réviser ses objectifs et, par exemple, laisser de côté un plan quinquennal complet qui donne toujours l'impression possible d'une fuite en avant, et plutôt voir où on en était et ensuite essayer de faire d'abord une sorte de plan, de faire le point et de faire un plan d'un an ou de deux ans; et non pas nous ouvrir trop d'horizons trop vite, pendant qu'on ne savait pas exactement quelle était la façon de rajuster les choses à SIDBEC. Ce sont toutes des expériences qui, peu à peu, nous permettent de voir plus clair et à travers lesquelles on dégagera le reste le mieux possible. C'est en marche, mais on ne peut pas dire que c'est complété, loin de là.

M. Forget: Une brève remarque. Le premier ministre a raison de signaler les précédents établis dans le domaine de SIDBEC et, en particulier, de la SGF. Il demeure que tout ce qui a été acquis comme principe dans ces domaines, c'est la notion que la société d'Etat et, subséquemment, le gouvernement devaient s'engager en fonction d'un plan de développement. Sur la question des critères d'évaluation, on en est pas mal restés à des balbutiements. Je pense qu'il serait peut-être bon de préciser aussi, puisque j'ai eu l'occasion d'en débattre avec le ministre responsable du développement économique, qu'il semble bien que toute tentative de faire déboucher cela par une action parlementaire systématique d'évaluation et de contrôle des sociétés d'Etat ait été mise en veilleuse pour un avenir indéfini.

M. Lévesque (Taillon): Peut-être, M. le député, d'une façon générale, mais je pense bien que l'esprit dans lequel vous abordez cette question, c'est l'esprit dans lequel on travaille comme, par exemple, le ministre de l'Energie et des Ressources a annoncé son intention de soumettre éventuellement le plan d'équipement, pas nécessairement le plan de développement, mais le plan d'investissement d'équipement d'Hydro-Québec pour les prochaines années à l'étude d'une commission parlementaire.

Je pense que c'est quand même dans cet esprit que le gouvernement et le secrétariat travaillent. Est-ce qu'on est capable vraiment de définir des critères a priori qui s'appliqueraient à l'ensemble des sociétés d'Etat? C'est un grand débat, à savoir si ça irait vraiment plus vite de leur donner un cadre trop rigide, ou s'il ne vaut pas mieux leur demander de faire, au meilleur de leur connaissance, un plan de développement aussi complet que possible et, ensuite, vu que c'est un phénomène récurrent et permanent, d'améliorer le deuxième plan par rapport au premier et de développer nos critères à l'étude justement à partir de ce que les sociétés d'Etat nous proposent.

M. Forget: M. le Président, je comprends que ce sont toutes de bonnes pensées, tout ça, mais il reste qu'un plan de développement, c'est pour atteindre des objectifs. Si le gouvernement — c'est, je pense, le cas dans la plupart des sociétés d'Etat — ne se donne pas la peine de préciser les objectifs d'une façon très précise, évidemment, le plan de développement qui va résulter de ça, de l'initiative de la société d'Etat, va être non pas une vision des objectifs tels que déterminés par le gouvernement, comme c'est son rôle, mais ce que les administrateurs de la société d'Etat pensent que devraient être les objectifs de la société qu'ils dirigent. Cela ne peut ne rien avoir à faire avec les raisons pour lesquelles c'est une société d'Etat et ce pourquoi la société d'Etat a été établie pour commencer. Je pense qu'en particulier, si on s'en va, à l'automne, vers une évaluation d'un plan de développement d'Hydro-Québec, on est, avec aucune ressource...

M. Lévesque (Taillon): Son plan d'investissements, parce que c'est déjà énorme. On sait que...

M. Forget: Même son plan d'investissements. Il reste que, si on n'a aucune ressource pour les évaluer, on va assister au cirque habituel où on vient assister aux affirmations ex cathedra d'un certain nombre de hauts fonctionnaires d'Hydro-Québec et on n'est pas en mesure — on sent que le gouvernement lui-même ne l'est pas — de porter un jugement sur ces affirmations.

On ne peut pas évaluer un plan de développement ou d'équipement d'Hydro-Québec sans avoir une bonne foi au Québec. Cela fait quand même presque 20 ans que c'est une société d'Etat pleinement développée. Cela fait même presque 40 ans qu'elle existe. On n'a jamais eu au Québec une discussion approfondie sur la tarification, les principes de tarification d'Hydro-Québec et, tant que les tarifs étaient minimaux ou presque ridiculement bas, on pouvait probablement ne pas discuter de choses sans importance, mais ce n'est plus le cas. Les tarifs s'élèvent à un rythme évidemment assez rapide. Je ne veux pas en faire une charge, mais c'est un fait, on peut le constater, et ça devient important de voir les principes de tarification qui soient compatibles avec les objectifs sociaux et économiques qu'on attribue à cet organisme.

Or, c'est table rase de ce côté-là. On n'a absolument aucun effort systématique de fait et, quand même on essaierait d'évaluer des plans d'équipement, chacun va avoir son opinion. Cela vaut ce que ça vaut, et même l'opinion d'Hydro-Québec, pour autant que je peux le constater, est basée sur des préconceptions qui ne sont pas discutées et qui ne sont pas discutables dans l'état actuel des choses.

M. Lévesque (Taillon): Je ferais remarquer au député de Saint-Laurent qu'il a très bien évoqué le fait que ça fait une quarantaine d'années qu'Hy-dro-Québec est dans le paysage. On aurait pu ajouter qu'elle a pris une expansion sans précédent à partir des années soixante et que c'est la première fois qu'un effort systématique — après tout, le député de Saint-Laurent, comme d'autres, a fait partie d'un gouvernement antérieur — qui est forcément dialectique, est entrepris. Autrement dit, il y a une sorte de discussion qu'il faut toujours établir entre l'Etat, qui représente les actionnaires, qui est le chien de garde de son mieux, et cette autonomie qu'on a consentie — mais qui ne doit pas devenir non plus une sorte de souveraineté — aux sociétés d'Etat à caractère industriel ou commercial, quelles qu'elles soient, qui forment une salade, comme on sait, assez diversifiée. Elles représentent des milliards d'investissements, des dizaines de milliers de travailleurs et des investissements collectifs du Québec qu'il faut accompagner. Pour la première fois, on essaie... Je prends le cas d'Hydro-Québec, par exemple. Cela faisait dix ans... Cela m'avait frappé, moi, quand je suis revenu au gouvernement, ou, enfin, aux affaires publiques en 1976, de voir que le vieux système de la commission avec des commissaires, en tout petit nombre, dominant tout l'appareil, était devenu quelque chose ou risquait de devenir quelque chose ressemblant vraiment à cette caricature qu'on en a fait, l'Etat dans l'Etat. (23 h 15)

C'était quelque chose qui était enraciné en maudit et personne ne semblait avoir eu même l'idée de faire quelque chose avec cela. Je me souviens qu'en 1966 on en parlait déjà. Maintenant, à la suite d'une loi qui a été adoptée par l'Assemblée nationale — mais c'est difficile à greffer sur cet organisme-là — il y a un conseil d'administration qui sert à la fois de tampon et jusqu'à un certain point — comme dans toute structure normale de corporation, si vous voulez, ou de grande entreprise — qui sert, plus régulièrement que le gouvernement ne l'avait jamais fait, à établir cette dialectique avec les hauts fonctionnaires permanents et la structure administrative traditionnelle de l'Hydro. C'est une chose, quand même, à laquelle on aurait dû penser il y a des années; cela a pris des années avant que cela finisse par se décider et il a fallu que ce soit le gouvernement actuel qui prenne cette décision.

Pour ce qui est de cette dialectique avec le gouvernement, maintenant, elle est engagée d'une façon qui, je le crois, est sans précédent parce que

j'ai mes souvenirs des années soixante et j'ai vu un peu ce qui s'était passé depuis. Je vous donnerai un seul exemple concret à propos du plan d'équipement. Récemment, il y a eu une discussion au niveau du gouvernement, évidemment, et surtout du ministère de l'Energie et des Ressources qui a été ensuite répercutée au Conseil des ministres de façon qu'on leur dise de refaire une étude, enfin, d'élargir un peu la perspective et de nous arriver, dans un sens, avec une autocritique qu'il s'agira — sauf tout le respect qu'on leur doit — de réévaluer avec eux, de la façon dont ils avaient conçu leur plan d'équipement. Tout cela pourra être versé comme documentation à la commission parlementaire parce que, justement, on risque peut-être, à l'occasion, de se faire jeter trop de poudre aux yeux. Cela ne veut pas dire qu'on va devenir des experts énergétiques au niveau de la commission parlementaire, ce n'est pas possible, mais qu'au moins il y ait le plus d'information technique possible pour ceux qui veulent en avoir, et économique aussi. Mais tout cela est un processus qui est difficile et, comme il n'avait jamais été enclenché, il n'est pas facile à greffer l'organisme aussi massif et aussi enraciné dans certaines habitudes qu'est devenue Hydro-Québec; c'est normal.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le chef de l'Union Nationale.

M. Le Moignan: M. le Président, j'aurais une question sur les sociétés d'Etat. On sait que l'Union Nationale avait apporté une motion à l'Assemblée nationale au mois d'octobre 1978, au sujet de la mise sur pied d'une commission permanente des sociétés d'Etat. Je pense qu'une sous-commission a siégé à quelques reprises. Je ne sais pas si le premier ministre a des idées précises à nous donner sur ses intentions et le rôle de son gouvernement sur le contrôle des parlementaires vis-à-vis des sociétés d'Etat en général?

M. Lévesque (Taillon): Je m'excuse, est-ce que le député de Gaspé voudrait répéter? Je n'avais pas le souvenir précis de la...

M. Le Moignan: Oui. Le 11 octobre 1978 une motion avait été adoptée à l'unanimité par tous les membres pour la mise sur pied d'une commission parlementaire permanente des sociétés d'Etat. Une sous-commission a été formée qui a siégé, je pense, à deux ou trois reprises. Maintenant, il semble que cette idée-là n'ait pas évolué tellement.

M. Lévesque (Taillon): Le secrétaire général me rappelle, et j'espère que nos souvenirs sont exacts, que cela a buté sur... Si on parle d'une commission permanente qui veut aller jusqu'au fond des choses, il faut un certain aspect confidentiel, au moins pour une partie du travail, et cela avait été refusé, je crois, ou cela n'avait pas été considéré.

M. Le Moignan: Je sais que tous les députés avaient été unanimes à ce moment-là et on devait mettre une sous-commission...

M. Lévesque (Taillon): Oui, mais quand est venu le moment de définir comment ça fonctionnerait, c'était moins unanime.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Forget: ...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je suis peut-être le seul autour de cette table qui a été mêlé à cette discussion. Je pense qu'il serait peut-être important de faire une mise au point. Je dois dire que les partis de l'Opposition avaient été très loin pour accepter le caractère même confidentiel de certaines discussions, de certaines données, etc., mais c'est du côté du gouvernement qu'il y a eu une réticence à donner à une commission parlementaire suffisamment de ressources et de liberté de manoeuvre pour vraiment lui permettre de faire son travail. Du moins, ce que je vous dis, M. le Président, c'est basé sur notre perception de l'état de la discussion au moment où le dialogue s'est terminé. Nous avons suggéré au gouvernement de faire quelque chose qui soit vraiment un précédent en termes de nos traditions parlementaires, mais pas un précédent par rapport aux traditions parlementaires d'autres Parlements, et la perception que j'ai eue à ce moment-là, c'est que le gouvernement pensait que c'était peut-être trop en demander. Il semble que l'idée a été abandonnée à ce moment-là.

M. Lévesque (Taillon): Oui, cela est un point de vue. Cela a été répercuté récemment par des recommandations du rapport Malouf qu'on est en train d'étudier, qui vont demander justement que peut-être on en rediscute. On verra.

M. Forget: Exactement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Je voudrais adresser une question au secrétaire général du gouvernement et en même temps au premier ministre s'il trouve qu'il doit apporter des compléments à la réponse que le premier donnera. J'ai été étonné de lire les théories du secrétaire général du gouvernement en ce qui touche les rapports d'un fonctionnaire de son rang et l'engagement politique partisan. Je n'ai pas eu l'occasion d'en discuter avec lui jusqu'à maintenant. Je pense que la rencontre de ce soir s'y prête bien. Je voudrais qu'il me dise si j'ai bien compris. Lui-même, personnellement, est engagé activement dans le Parti québécois. On sait au moins qu'il est un souscripteur à la caisse

électorale du Parti québécois. Je ne sais pas s'il est un membre actif également; probablement, d'après ce qu'il a dit, en tout cas. Si le premier de tous les employés qui sont au service du gouvernement professe cette théorie et pratique cette ligne de conduite, est-ce qu'on ne doit pas induire, par voie d'implication, que tous ceux qui occupent des postes supérieurs au service du gouvernement dans la fonction publique peuvent faire la même chose, peuvent l'imiter? Quelle garantie d'impartialité ou d'objectivité restera-t-il dans la fonction publique au bout de la ligne? Franchement, j'ai été bien étonné de voir l'énoncé de cette position de principe du secrétaire général du gouvernement. J'aimerais bien qu'il me l'explique ce soir.

M. Lévesque (Taillon): Disons que c'est un problème assez complexe, le problème de l'engagement politique de ceux qui exercent des fonctions publiques. J'espère que le chef de l'Opposition se réfère à mon texte même et non pas uniquement au rapport qu'ont pu en faire les journalistes en abrégeant, évidemment par la nécessité de leur métier, le texte que j'ai donné. Je pense que, si !e chef de l'Opposition lit le texte dans son ensemble, il va voir que je ne parlais pas du tout du problème de la participation personnelle d'un fonctionnaire à un parti politique, mais simplement de l'attitude que les fonctionnaires devaient avoir à l'égard des hommes politiques comme tels, quel était le rôle respectif du fonctionnaire et de l'homme politique dans la définition, par exemple, des programmes, ou quelle attitude le fonctionnaire devait avoir vis-à-vis des partis politiques comme tels. Alors, je n'ai pas abordé, dans ma conférence, ni dans mes propos publics, le problème particulier que soulève le chef de l'Opposition sur l'implication personnelle d'un fonctionnaire à l'égard d'un parti politique. Je n'ai jamais traité cette question-là, ni dans aucun texte, ni dans aucune déclaration publique que j'ai faite. Je ne sais pas si je devrais le faire ce soir brièvement de cette façon-là, mais c'est un problème quand même un peu complexe.

M. Ryan: II est de notoriété publique que le secrétaire général du gouvernement est un souscripteur à la caisse électorale du Parti québécois.

M. Lévesque (Taillon): Oui.

M. Ryan: Cela crée tout de suite une présomption, en tout cas, de partisanerie ou d'inclination très forte d'un côté. On n'a pas vu votre nom de notre côté. M. Bernard est secrétaire général du gouvernement, et il me semble que, s'il y en a un qui doit donner l'exemple de l'impartialité souveraine que l'on attend des fonctionnaires supérieurs de l'Etat, c'est bien celui qui est le premier. Il y a un vieil adage romain, M. le Président, qu'on aime citer dans les écoles de droit et de philosophie qui dit: Corruptio optimi pessima. C'est: Plus le mal atteint la tête, plus il est grand. Je ne sais pas, mais en tout cas j'aimerais que le secrétaire général...

M. Lévesque (Taillon): Comme le chef de l'Opposition m'y a invité, j'aimerais faire une remarque très précise, surtout à partir de sa citation latine: Corruptio optimi pessima. Là, j'ai mon voyage et je vais le lui dire bien franchement. Je m'excuse, mais je vais terminer, ce ne sera pas long.

M. Ryan: Je vais vous écouter, très bien.

M. Lévesque (Taillon): Vous m'avez invité à faire quelques remarques, elles vont être très brèves. Dans quelque gouvernement que ce soit... Je me souviens de l'époque de M. Julien Choui-nard où c'était déguisé derrière — je n'emploierai pas les mots "corruptio optimi" — c'était déguisé derrière une belle façade, mais on savait très bien quelles étaient les appartenances politiques. Cela n'a jamais été caché. Bien voyons, arrêtons donc de prendre les gens pour des imbéciles. Alors, M. Julien Chouinard avait ses appartenances politiques en fonction desquelles il avait été nommé. De la même façon — je prends un autre gouvernement — quand on est arrivé au pouvoir à Ottawa avec M. Clark, il y a un gars qui s'appelle Pitfield, qui a pris le bord rapidement.

M. Rivest: M. le Président, je ne veux pas engager un débat...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): On va laisser finir le premier ministre...

M. Lévesque (Taillon): Non, mais je veux finir quand même.

M. Rivest: Je veux dire un mot sur M. Chouinard.

M. Lévesque (Taillon): Vous direz ce que vous voudrez. Je dirai ensuite que, quand on a pris le pouvoir en 1976, il y avait M. Coulombe dont, je crois, les appartenances et les amitiés étaient bien connues et cela n'a jamais, en rien, diminué ni l'estime, ni la confiance que je lui ai faite jusqu'au moment où lui-même, après un an et demi ou deux ans, a décidé qu'il voulait s'en aller; se recycler, si on veut, après quelques années dans le secteur parapublic. J'ai essayé, je pense que je l'ai fait vis-à-vis de beaucoup d'autres hauts fonctionnaires, de tenir compte de leur efficacité, de la loyauté opérationnelle qu'ils manifestaient et non pas de leurs appartenances bien connues.

Dans le cas de M. Bernard, c'est un cas un peu spécial qui est peut-être relié au climat dans lequel on a développé notre action politique, il n'a pas vu de raison de cacher ses appartenances. Ça n'affecte en rien, ni l'efficacité, ni la loyauté à l'Etat, dont il fait preuve continuellement. Je trouve que ce genre d'exercice, peut-être, peut servir à poursuivre l'étude des crédits, philosophiquement si on veut. Mais, quant à moi, il est un peu déplacé quand on sait tous les précédents qui ont été masqués. Il s'agit, cette fois-ci, de quelqu'un qui est sans masque.

M. Rivest: M. le Président, seulement une précision, parce que je ne veux pas engager de débat, mais je tiens quand même à l'enregistrer, étant très au courant pour ce qui est de M. Chouinard. On a mentionné la façon précise dont M. Chouinard, en 1970, a été recommandé comme devant continuer d'exercer les fonctions de secrétaire général en regard de ses allégeances politiques. Je veux dire qu'il n'avait strictement aucun lien et n'a jamais eu de lien direct ou indirect avec le Parti libéral du Québec.

M. Lévesque (Taillon): Ecoutez, il ne faudrait tout de même pas charrier, il était là avant, je suis d'accord, comme M. Coulombe était là avant qu'on arrive. Et tant qu'il a voulu, il n'y avait pas de raison, nulle part dans sa performance, ni dans sa façon de travailler avec nous, qui m'aurait permis, de près ou de loin, de ne pas le maintenir dans son poste; et c'est ce que j'ai fait.

M. Rivest: Je ne pose pas de question là-dessus.

M. Lévesque (Taillon): De la même façon, quand vous parlez de M. Chouinard qui avait été candidat conservateur, il n'avait pas été nommé sous un gouvernement libéral, il avait été nommé sous un gouvernement de "mouvance conservatrice" et personne n'a jamais trouvé d'objection à ça, mais tout le monde savait ce que ça signifiait.

M. Rivest: La chose que je voudrais signifier, justement, c'est qu'il y avait eu un changement de gouvernement, d'un parti à l'autre, et ça ne posait, sur le plan de la fonction, aucun problème dans le cas de M. Chouinard...

M. Lévesque (Taillon): Ni dans le cas de M. Coulombe.

M. Rivest: ... sûrement pas dans le cas de M. Coulombe non plus, sauf le problème qui a été posé par le chef de l'Opposition, c'est que, là, il risque d'avoir une difficulté, c'est tout.

M. Lévesque (Taillon): Oui, mais vous admettrez qu'il y a une difficulté de toute façon, mais elle est ouverte et franchement établie dès le début. C'est peut-être une différence avec le passé.

M. Ryan: Je voudrais poser une question au premier ministre...

M. Lévesque (Taillon): Si vous me permettez, M. Bernard, que j'ai interrompu — mais c'est un peu à l'invitation du chef de l'Opposition qui avait demandé si je voulais ajouter quelques remarques — me demande de lui donner deux ou trois minutes, s'il ne pourrait pas ajouter quelque chose, on pourrait...

Sur cette question, M. le chef de l'Opposition, disons que je me suis moi-même posé la question sérieusement, quel bris je devais faire pour couper avec les fonctions plus politiques que j'avais occupées dans le passé. Je me suis posé la question de la façon suivante. Prenons la question des contributions aux partis politiques. Avec les lois que nous avons maintenant, nous invitons tous les citoyens à contribuer au financement populaire des partis politiques. Nous subventionnons même avec les fonds de l'Etat les contributions des citoyens aux partis politiques. Nous croyons que c'est nécessaire à la vie de notre démocratie, que tout le monde, un grand nombre en tout cas de personnes contribuent, à un moment donné, au soutien des partis politiques.

Je pense que, dans une dizaine d'années, il va être assez difficile de trouver des gens qui n'auront jamais contribué à des partis politiques. Si on veut que les partis politiques se ramassent des millions de dollars pour subvenir à leurs besoins, avec des petites contributions, si on met l'accent sur le grand nombre de contribuants, si on veut que les gens s'impliquent politiquement, il va falloir que les gens acceptent que tout le monde dans la société puisse contribuer à un parti politique.

D'un autre côté, il y a certaines fonctions où, nécessairement, il faut faire un bris avec son passé politique; prenons les juges, maintenant, on leur donne le droit de vote, mais ils n'ont pas le droit de faire d'action politique. Quelle est la place, entre les deux, des fonctionnaires? (23 h 30)

C'est sûr qu'on ne pourra pas recruter, dans quelques années, de fonctionnaires qui n'auront jamais contribué à des partis politiques, parce que ça va devenir un peu la règle générale de faire des contributions aux partis politiques. On exige que ces contributions soient publiques dès qu'elles dépassent un montant qui est le moindrement significatif. A l'heure actuelle c'est $100. Si ce n'est pas indexé, dans quelques années, $100 ce ne sera pas beaucoup. Donc, le fait que quelqu'un puisse s'affirmer publiquement comme soutenant, à un moment donné, un parti politique ne devrait pas l'exclure, à mon sens, ou le disqualifier par rapport à un trop grand nombre de fonctions dans notre société. Autrement nous allons couper tous ces secteurs de gens extrêmement valables qui, à un moment donné, dans leur vie, ont fait des contributions à un parti politique. Alors, c'est le problème que de toute façon nous allons rencontrer comme société, d'être capable dans nos institutions d'avoir des gens qui ont contribué financièrement à un parti politique, mais qui peuvent faire la part des choses dans leur travail. Evidemment, je pense qu'on va avoir des tâtonnements, des hésitations. Jusqu'où peut-on mettre la ligne? Je pense que fondamentalement c'est le problème que nous avons dans le fonctionnement de nos institutions. Disons que c'est comme cela que je me suis posé le problème. J'avais contribué dans le passé de quelques centaines de dollars par année au Parti québécois, j'ai continué de faire la même chose, de le faire ouvertement, je ne voyais pas de raison d'arrêter mes contributions au parti, parce que de toute façon elles étaient connues.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Je suis content de voir que la théorie était exposée avec moins d'assurance que dans l'exposé que j'avais lu, mais j'émets des réserves formelles sur la continuation que vous faites d'une pratique qui peut très bien s'expliquer pour le passé. Moi-même, je ne serais pas la personne à dire: Vous avez versé telle somme il y a dix ans, en conséquence, vous n'aurez jamais accès à telle fonction. Mais il me semble que lorsqu'un citoyen est appelé par la plus haute autorité de l'Etat à la plus haute fonction à l'intérieur de l'appareil administratif de l'Etat, fonction dont on attend les plus hautes normes d'objectivité et d'impartialité, il devrait éviter, non seulement les actes qui compromettent directement son impartialité, mais aussi ceux qui sont susceptibles de compromettre sa réputation d'impartialité et d'objectivité aux yeux de ses concitoyens et surtout des centaines et des milliers de fonctionnaires qui relèveront de décisions susceptibles d'être prises par lui ou auxquelles il sera susceptible de participer. Je vous pose la question. Est-ce que vous ne voyez pas une distinction importante entre des contributions qui ont pu être faites avant l'accès d'une personne à cette très haute charge de l'Etat et celles qui peuvent être faites pendant que cette personne exerce cette charge la plus importante de l'Etat? Le premier ministre disait tantôt et j'allais lui adresser une question supplémentaire que je formule tout de suite. Il disait: Nous aimons autant fonctionner à masque ouvert ou à visage ouvert, je ne sais pas trop. J'aimerais qu'il nous dise ce que cela veut dire en ce qui touche ses attentes à l'endroit du premier fonctionnaire de l'Etat et des autres fonctionnaires de rang très élevé au service de l'Etat? Si c'est la conception du premier ministre, je m'en inquiète profondément.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je vais laisser M. Bernard répondre et ensuite je répondrai.

Comme j'ai dit, M. le premier ministre, j'ai pensé, étant donné que les contributions et mon implication politique étaient déjà connues, que je pouvais continuer à remplir mon devoir de citoyen de soutenir un parti politique, en même temps que je pouvais remplir mes fonctions de fonctionnaire. Maintenant, comme j'ai dit, peut-être que la ligne, avec l'expérience, on va trouver où il faut la tirer. Ce sera, j'imagine, aux gens de juger si la ligne a été bien ou mal tirée. C'est dans cet esprit que je l'ai fait.

M. Ryan: Et que vous entendez continuer.

M. Lévesque (Taillon): Pour le moment, je ne vois pas... Je dois vous dire bien honnêtement, M. le chef de l'Opposition, que je n'ai pas senti que cette contribution nuisait au bon fonctionnement de ma charge. Je n'ai pas senti que cela m'empê- chait de remplir adéquatement mes fonctions, je n'ai pas senti de résistance dans mes rapports avec mes collègues, par exemple.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Très rapidement, sur la lancée de ce que disait M. Bernard, je considère qu'il a profondément raison, et que dans un sens il donne un exemple que j'espère voir imité par beaucoup d'autres dans l'ensemble du secteur public et parapublic, qui comprend des dizaines et des dizaines de milliers de citoyens que d'aucune façon je voudrais voir dévalués dans leur travail de citoyen par rapport à leur conviction politique en disant non.

Et je ne vois d'aucune façon, quant à moi, mais chacun peut avoir sa propre conclusion, comment ça puisse affecter, de près ou de loin — et parce que c'est vraiment le test d'une maturité, que de pouvoir séparer les deux — ni la loyauté, ni l'impartialité objective au travail de M. Bernard, pas plus que celle d'autres hauts fonctionnaires, ou d'autres fonctionnaires de tout rang qui sont parmi les éléments souvent politisés, qui ont leurs convictions. Je ne vois pas pourquoi on les forcerait à se masquer ou à se cacher, tout à coup, parce qu'ils deviennent, à tel rang, ou autre chose. Je ne crois pas que cela doive affecter leur rendement, ni leur loyauté, ni leur impartialité objective au travail.

Maintenant, chacun peut avoir son opinion.

M. Rivest: M. le Président, il y a un aspect, je le donne comme ça, c'est vraiment une impression très empirique, je le donne comme élément de réflexion dans la perspective des questions posées par le chef de l'Opposition et des réponses du secrétaire général. C'est que, dans ma circonscription de Jean-Talon, on a l'occasion de passer pour la campagne de financement et de faire du porte-à-porte. Une chose m'a frappé — et je ne dis pas qu'il y a 100 cas, mais cela m'a été signalé à l'occasion — au niveau des jeunes fonctionnaires, de niveau intermédiaire, qui sont entrés dans la fonction publique, voulant faire une carrière dans la fonction publique et selon le pattern établi dans la foulée, dans le sillage des années soixante, sur la dépolitisation la plus complète de la fonction publique. Quelles que soient les allégeances politiques, j'ai senti, je le dis le plus simplement du monde, de la part de certains fonctionnaires qui occupent des postes au niveau professionnel ou autres, une hésitation — autant d'ailleurs chez ceux qui sont de tendance du Parti québécois, face à moi, parce qu'éventuellement on peut arriver au gouvernement, que chez ceux qui sont de notre opinion politique — à s'inscrire d'une manière ou de l'autre dans une contribution, soit au niveau du seuil de la divulgation ou en deça du seuil de la divulgation.

Une des craintes — au fond, parce que c'est simplement à ce niveau pour l'instant, d'après la déclaration du secrétaire général et selon ce que

le premier ministre vient de dire — c'est qu'au niveau des jeunes fonctionnaires cela change d'une façon assez importante, la façon dont les jeunes fonctionnaires de carrière ont conçu leur carrière dans la fonction publique. Dans le sens de la maintenir avec toute la rigueur qui était celle inspirée par la réforme de M. Lesage dans les années soixante, maintenir un caractère apolitique.

D'ailleurs, juste un élément, je pense que, dans certaines manifestations un peu chaudes et un peu grossies à l'occasion de grèves ou de conflits dans le secteur public ou parapublic, cette chose ou cette préoccupation est revenue dans les déclarations ou dans les mémoires qu'on a soumis. Comme deuxième élément de réflexion, j'ajoute une des choses sur le maintien du caractère absolument apolitique de la fonction publique, le fait qu'au début des années soixante-dix — et ça s'est accentué, je pense, c'est mon opinion, avec l'arrivée du présent gouvernement — un problème sérieux s'est accentué au niveau de la fonction publique, celui de la présence de plus en plus forte, maladroite en certaines occasions et adroites en d'autres, des cabinets politiques dans la fonction publique.

Je le livre simplement comme élément de préoccupation.

M. Lévesque (Taillon): II y a une chose, je pense bien, qu'on n'évitera pas, je ne répéterai pas ce que disait le secrétaire général, je pense qu'on doit réfléchir aux conséquences sur notre société — qui, je crois, dans l'ensemble, sont heureuses et prometteuses, à part ça — des lois qu'on a adoptées et qui sont dans une lancée qui dure depuis quinze ans. Maintenant, elles ont atteint un point assez important d'invitation aux citoyens à participer, selon leurs convictions, à la vie de leur parti ou des partis ou des options pour lesquelles ils ont une préférence et des convictions.

Tout ça va amener nécessairement, c'est ce que disait M. Bernard et je suis d'accord avec lui là-dessus, une politisation dans cette action concrète qui va être de plus en pius marquée. On ne pourra pas, pas plus dans le secteur public et parapublic qu'ailleurs, peut-être moins là qu'ailleurs, éviter une politisation au sens de participation minimale à la vie de l'action politique de son choix.

J'ai remarqué que le député a répété trois fois le mot apolitique, dépolitiser. Il faut faire attention, on ne fera pas des ennuques, d'aucune façon, avec des citoyens qui peuvent être fonctionnaires.

Je veux ajouter ceci, et c'est peut-être là que le texte du secrétaire général était intéressant. C'est que justement il y a une sorte de redéfinition qui est en marche, depuis les années soixante-dix, qu'on le veuille ou non, des liens ou des relations, y compris l'intervention des cabinets politiques, etc., entre la fonction publique dans son intégrité de fonctionnement et la politique avec un P majuscule et la politique avec des petits p à l'occasion, quand il s'agit de convictions qui rejoignent les partis; là aussi, il y a une dialectique. On n'est pas sorti du bois encore, mais une chose est certaine, c'est que cela ne sert à rien de la masquer ou de prétendre qu'elle n'existe pas.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: II y a un autre élément à apporter dans la discussion. On a peut-être, à ce moment-ci, à choisir si on veut vraiment vivre la démocratie ou si on ne veut pas installer un autre système qui s'appelerait la technocratie. Je me dis que la démocratie veut dire que ce sont les élus qui dirigent. L'appareil de la fonction publique doit fonctionner selon les orientations que les élus lui donnent. Dans la mesure où l'on voudrait faire en sorte que les fonctionnaires soient carrément apolitiques, surtout au niveau supérieur, on se retrouverait avec une aberration. De toute façon, ce n'est pas ce qui se passe dans la réalité, et heureusement que ce n'est pas ce qui se passe dans la réalité. Dans le fond, j'ai l'impression que ce qui se fait actuellement, c'est de dire tout haut aux gens: Dans la société, c'est normal que les fonctionnaires supérieurs — en tout cas, c'est mon point de vue — suivent les orientations qui sont données par les élus. Quand les élus changent et quand les orientations changent, il y a d'autres directives qui sont données aux fonctionnaires. Ceux qui ne sont pas capables de suivre ces directives, qui ne se sentent pas à l'aise par rapport à leurs opinions, je pense qu'il doit être admis qu'ils doivent quitter. Aux Etats-Unis, c'est simple, quand le président change, la haute fonction publique démissionne. On n'en fait pas de cas, on trouve que c'est normal. Je ne suis pas membre du gouvernement, mais j'ai l'impression qu'il y a des choses qui doivent être admises. On vit en démocratie et non pas en technocratie. On vit en démocratie et je pense que c'est important.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le chef de l'Opposition.

Une Voix: C'est une philosophie qui vous...

M. Charbonneau: C'est la mienne. Je ne demande à personne d'autre de la partager.

M. Lévesque (Taillon): II y a certains aspects du régime présidentiel américain de la tradition établie que je n'accepterais pas tout de suite.

M. Charbonneau: Non, je ne dis pas. Je dis qu'ailleurs, on va jusque-là, par exemple. Les citoyens trouvent que c'est cela...

M. Rivest: II y a le bassin de population aussi qui est peut-être un peu différent.

M. Charbonneau: A moins que je ne me trompe, on vit là-bas aussi en démocratie...

M. Rivest: Des Kissinger, il y en a 25 aux Etats-Unis.

M. Charbonneau:... puis en régime parlementaire.

M. Lévesque (Taillon): On n'est pas tout à fait d'accord sur ce plan, mais...

M. Ryan: Je tiens seulement à dire un mot, en conclusion, en ce qui me concerne. Je pense que les conséquences de cette philosophie n'ont pas été trop graves en ce qui touche le secrétaire général du gouvernement, qui est un homme de modération et de retenue. J'inscris ma profonde inquiétude et même ma dissidence quant aux principes qui ont été énoncés ce soir. J'invite le secrétaire du gouvernement à réfléchir de nouveau à cette question et à me faire parvenir toute source documentaire qu'il pourra me communiquer. Je ferai la même chose avec lui. Je le préviens que cette question est loin d'être vidée dans mon esprit.

M. Lévesque (Taillon): Je vous comprends. Je vous remercie quand même du témoignage plus que mérité que vous avez rendu à la personne même du secrétaire général.

M. Ryan: Je ne voudrais pas que le principe lui survive!

M. Lévesque (Taillon): On verra!

M. Rivest: On l'aime bien malgré tout!

M. Lévesque (Taillon): J'ai cru comprendre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que l'élément 2 du programme 3 sera adopté?

M. Rivest: Une chance que c'est lui!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Elément 2, adopté.

M. Lévesque (Taillon): Elément 3, c'est...

Affaires amérindiennes et inuites

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Elément 3, Affaires amérindiennes et inuites.

M. Rivest: Je voudrais que le premier ministre nous... D'abord, j'ai une question à poser au premier ministre sur les Amérindiens et la révision constitutionnelle au Québec. Je ne veux pas compliquer ad infinitum le dossier, mais quelles sont les réactions du premier ministre aux demandes qui ont été formulées là-dessus, mais surtout pourrait-il évoquer les difficultés qui surgissent — et dont M. Gourdeau est très au fait — en particulier de la part des groupes dissidents? Deux questions, rapidement: Les services policiers, vous en êtes certainement préoccupé, et, deuxièmement, les questions d'éducation découlant de l'entente de la Baie James. Peut-être que d'autres personnes pourraient soulever d'autres éléments.

M. Lévesque (Taillon): En ce qui concerne la question d'éducation, c'est vraiment un beau fouillis, comme le député le sait. On essaie tant bien que mal, à travers je ne sais combien de réunions, de voir s'il n'y a pas une solution qui pourrait finir par réconcilier tout le monde, parce que, finalement, c'est l'intérêt des enfants qui est en jeu. Ils en ont besoin autant et sinon plus que quiconque de la continuation de leurs études. (23 h 45)

On cherche encore. Je pense qu'on n'a pas encore trouvé la solution parfaite, mais il y a un travail assidu qui se fait. Il y a eu le ministère de l'Education qui était mêlé à ça. Je pense que, jusqu'à un certain point, il y a eu aussi des interventions de présence, en tout cas, du côté du ministre d'Etat au Développement culturel. M. Gourdeau a travaillé très fort de son côté. Peut-être qu'il y a eu trop d'intervenants à un moment donné, je ne sais pas, mais, enfin, on essaie.

Pour ce qui est des services policiers, je vais lui laisser vous dire où on en est, si vous voulez bien.

Simplement une petite seconde, si vous permettez. Pour ce qui est maintenant de l'implication constitutionnelle, je n'ai pas besoin de vous dire que ce n'est pas le Québec qui est le plus affecté par ça. Ce sont les provinces de l'Ouest en particulier, parce qu'il s'agit encore une fois d'un ensemble où les autres intervenants et les gouvernements provinciaux ont leur mot à dire, et vous retrouverez le résultat temporaire de ce qui a été discuté là-dessus, aussi bien en 1979 que tout récemment, dans un paragraphe qui a été ajouté à l'ordre du jour, dans lequel on prévoit qu'il y aura une forme de présence, de représentation, si vous voulez, ou, enfin, de possibilité de représentation au sens de donner leur point de vue pour les représentants ou les porte-parole amérindiens et métis aussi, les "non-status Indians", comme on dit en anglais. Seulement, j'ai toujours pensé que c'était beaucoup plus délicat, d'après ce que j'ai pu sentir. Cela ne veut pas dire que ça ne se répercutera pas jusque chez nous, mais c'était beaucoup plus délicat pour les gens des provinces de l'Ouest.

Je n'irai pas plus loin pour l'instant, mais c'est sûr qu'on va essayer — il semble qu'il y ait un consensus — de leur trouver une place là-dedans. Je pense que ce sera indiqué, mais il s'agit de savoir comment.

Maintenant, pour ce qui est des services policiers, concrètement...

La question du député est spécialement pertinente, parce que ça représente très bien les deux cas que vous avez mentionnés: la police et l'école, les deux sortes de solution qu'il a fallu essayer d'adopter dans une démarche de temporisation avec les dissidents.

Les dissidents, il y en a à peu près 1100, sur les 4800 Inuits. Ils n'acceptent rien de ce qui vient de la convention, même si cela a été statué dans des lois à la suite de la convention.

Dans le cas de la police, théoriquement, étant donné la convention et les lois qui l'ont suivie, la police devait être administrée par l'administration régionale Kativik, qui est issue de la convention. Donc, si Kativik avait voulu assumer la police, les dissidents ne l'aurait pas acceptée dans deux villages, donc Povungnituk et Ivugivik.

Ce qui s'est fait, c'est qu'il y a eu une espèce de compromis, de part et d'autre. La Sûreté du Québec s'est rendue visiter les villages, et Kativik n'a pas exigé de prendre l'administration. Donc, le problème n'est pas réglé, mais il s'est fait une espèce de compromis entre les gens eux-mêmes, sans qu'ils ne se le disent trop.

Dans le cas des écoles, ça n'a pas été possible. Là, ils ont dit: Vraiment, on n'accepte pas l'école, parce qu'il y avait, à la commission scolaire Kativik, il y a un an particulièrement, des gens qui étaient en opposition flagrante, au point de vue culturel, disons, avec les dissidents de Povungnituk et d'Ivugivik. Or, là, le ministre de l'Education a été au plus loin de ce que permettait la loi. Il leur a refusé une commission scolaire parallèle à l'autre qui a été créée par la loi, mais leur a donné la possibilité d'avoir une école privée qui serait théoriquement rattachée à la commission scolaire Kativik, mais qui, en réalité, se rattacherait d'une façon assez directe au ministre de l'Education.

Aux dernières nouvelles, ils n'ont pas accepté ça non plus encore. Alors, c'est une situation qui est difficile et, à un moment donné, on a pensé que tous ces cas de dissidence allaient pouvoir se régler par la base même, parce qu'il y avait des efforts très sérieux qui étaient faits et dont on ne pouvait pas parler pour ne pas les gaspiller, par la société Makivik qui représente les intérêts ethniques des Inuits. Mais, ça non plus, ça n'a pas marché.

Alors, c'est une situation extrêmement compliquée.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le chef de l'Opposition.

M. Rivest: Je veux simplement dire qu'à l'étude des crédits du ministère de l'Education, effectivement, le... Je voulais simplement savoir où cela en était rendu. J'ai appris que la dernière formule au titre des écoles privées, le ministre de l'Education nous l'avait indiquée mais ne nous avait pas dit quelle avait été la réponse. Alors, cela a été refusé également.

M. Lévesque (Taillon): Jusqu'à nouvel ordre, c'est négatif...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: M. le Président, sous la direction de M. Gourdeau, on publie la revue "Rencontre", à l'intention des populations amérindiennes. Est-ce que je pourrais demander quel est le tirage de cette revue et quel est le budget qui est prévu pour l'exercice 1980-1981?

M. Lévesque (Taillon): C'est ici dans le budget... De mémoire, il me semble qu'on publie 15 000 copies en français et 10 000 en anglais, à trois reprises pendant l'année. Donc, ça fait trois fois... 25 000...

M. Ryan: Le budget?

M. Lévesque (Taillon): Le budget, il me semble que c'est $18 000 par numéro, anglais et français, les deux, à chaque publication qu'on fait. C'est en quatre couleurs, parce qu'il y a beaucoup d'Amérindiens qui ne savent pas lire encore ni l'anglais ni le français et qui sont beaucoup attirés par l'image. On a fait des tests là-dessus; ils sont intéressés par les articles courts qui sont là-dedans, mais beaucoup par l'image.

M. Ryan: Dans le numéro d'avril de cette année — c'était le mois qui précédait le référendum — le directeur du service a eu la bonne idée de présenter une entrevue avec le premier ministre dans laquelle le premier ministre exposait ses vues, évidemment, son point de vue.

Est-ce que le directeur du service pourrait nous promettre que la prochaine fois, il va se rappeler que dans un référendum il y a au moins deux points de vue et qu'il verra à ce que l'autre point de vue soit également présenté au public de cette revue qui est financée à même les taxes des contribuables?

M. Lévesque (Taillon): On le pourrait peut-être, si la demande nous est faite, M. Ryan. Mais ce sont les Amérindiens qui nous l'ont demandé, cela. Ils nous ont demandé ce que le gouvernement proposait et pas ce qui était répondu.

M. Ryan: ... ils n'ont pas voté...

M. Lévesque (Taillon): C'est sérieux. Ce sont eux qui nous ont fait la demande. Et c'est à la dernière minute vraiment que nous nous sommes préparés.

M. Ryan: Je comprends mais j'espère que vous n'aurez pas le culot de venir mettre la faute sur les Amérindiens, que vous allez prendre vos responsabilités. C'est vous qui êtes l'éditeur de cela, ou une personne qui relève de votre autorité immédiate. Au moins, ne faites pas porter la responsabilité par les gens qui sont loin, de grâce!

Je vous demande, pour la prochaine fois, de vous rappeler qu'il y a deux points de vue. C'est simple.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je vais demander à M. Gourdeau de mettre fin à son intervention. Si nos amis de l'Opposition libérale veulent faire des calculs sur l'implication des fonds publics, on publiera des bilans complets des deux côtés et je pense que les citoyens pourront voir où on en a abusé davantage, en tenant compte de l'ensemble...

M. Ryan: Encore la faute de l'autre, la faute d'Ottawa. Très bien. En tout cas, j'ai posé une question, M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ryan: J'ai posé une question, j'ai exprimé une opinion qui est parfaitement légitime et je trouve déplorable qu'on essaie d'éluder la question en allant mettre la faute sur un autre gouvernement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! Et à droite et à gauche, s'il vous plaît!

Une Voix: ...

M. Ryan: C'est très intelligent. Dans une réunion comme celle-ci, par nature, il faut rendre compte de choses détaillées, je regrette.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que l'élément 3 est adopté?

M. Lévesque (Taillon): C'est pour cela qu'on a passé une heure et demie sur les préparatifs constitutionnels et un peu moins sur les crédits.

M. Rivest: On voulait avoir des détails, mais on n'en a pas eu.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que l'élément 3 est adopté?

M. Ryan: Avec réserve.

M. Rivest: Avec réserve.

Gestion interne et soutien administratif

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Elément 4. Gestion interne et soutien administratif. M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: II y a traditionnellement — je ne veux pas que vous m'accusiez d'intentions inconscientes, M. le premier ministre — une espèce de "power of the purse" qui incombe au Conseil exécutif, au bureau du premier ministre.

Est-ce que, dans la documentation qu'on nous a remise, on inclut une liste des subventions qui ont été accordées à divers organismes? Je l'ai eue seulement en fin d'après-midi. Je n'ai pas eu le temps de la lire.

M. Lévesque (Taillon): Non, elle est tout là. M. Ryan: A quelle annexe est-elle?

M. Lévesque (Taillon): A la fin. C'est le dernier document à la fin.

M. Ryan: Quel numéro?

M. Lévesque (Taillon): Les deux dernières pages.

M. Ryan: Les deux dernières pages. Très bien. Voulez-vous me permettre très brièvement de regarder la liste? J'aurais peut-être quelques questions à poser?

M. Rivest: En attendant, j'aurais une précision à obtenir. Je n'ai pas vu la liste, mais présumant de la liste, au niveau du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, parce que dans ce domaine... Le ministre nous a informés — ce qui est très bien d'ailleurs — qu'au niveau des centenaires et des bicentenaires des municipalités, il y aurait des programmes, pour une fois — c'est une bonne chose — établis, avec des critères, etc., pour éviter un peu le "shopping" auquel se livrent ces manifestations, en allant à gauche et à droite. J'avais compris du ministre que, désormais, ce genre d'activités et de demandes de subventions s'y rapportant seraient centralisées à un endroit, c'est-à-dire le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Lévesque (Taillon): D'ailleurs, vous n'en trouverez pas tellement, mais autant que possible, c'est comme cela que non seulement cela doit fonctionner mais que cela fonctionne. Mais, comme dans le lit de Procuste, il y a toujours des choses qui dépassent à un moment donné. On peut juger du contenu. C'est vraiment un fonds qui est là un peu pour des cas spéciaux, des cas qui ont été négligés. Il peut arriver qu'on essaie de se servir à deux sources et, après tout, ce n'est pas illégitime. On essaie de contrôler cela le mieux possible.

M. Ryan: Est-ce qu'on pourrait savoir si, pour l'exercice à venir, les sommes prévues à ce chapitre sont plus élevées que celles qui ont été dépensées l'an dernier?... Les programmes, comme on nous donne cela dans le gros volume, cela n'éclaire pas grand-chose.

Une Voix: ... vous avez demandé.

M. Ryan: Je regrette infiniment, mais il faudrait peut-être mettre cela d'une manière plus précise. Préparer nos rencontres seulement avec ce qu'il y a dans le gros volume très coûteux, ce n'est pas très utile.

M. Lévesque (Taillon): Non, je suis d'accord. C'est pour cela qu'on a essayé de répondre à vos questions.

M. Ryan: Oui, c'est d'accord, c'est très bien, mais si on avait un instrument un peu plus complet, je pense que ce serait intéressant.

M. Lévesque (Taillon): En tout cas, ce qu'on me souligne, c'est qu'en fonction d'une sorte de directive générale qui s'applique partout à la plupart des choses qui sont compressibles, il y a eu

une indexation de 5% par rapport à l'an dernier, ce qui se répercute un peu partout. C'est la même chose là.

M. Ryan: Une augmentation de combien? M. Lévesque (Taillon): Une indexation de 5%. Une Voix: II ne faut pas exagérer.

M. Lévesque (Taillon): Non, sur la plupart des éléments qui sont compressibles. Cela ne peut pas se faire sur les salaires, évidemment, à cause des conventions et des répercussions, mais sur tout ce qui est compressible, je pense que la directive générale — elle s'applique là — c'était 5%.

M. Ryan: Une demande aurait-elle été faite — je vous pose une question un peu marginale parce que je ne suis pas sûr d'avoir le temps d'y revenir demain à l'Assemblée — à votre bureau, sous l'empire de ce régime-ci, pour une subvention au Festival international du film, qui est controversé actuellement?

M. Lévesque (Taillon): Non.

M. Ryan: II n'y en a pas eu? Cela reste par conséquent au ministère des Affaires...

M. Lévesque (Taillon): A moins qu'elle ne me soit pas encore parvenue, je ne sais pas, mais je ne vois pas.

M. Ryan: ... culturelles pour l'instant. M. Lévesque (Taillon): Semble-t-il.

M. Ryan: Très bien. Je vois dans la liste des subventions accordées l'an dernier une subvention de $20 000 à la Fédération des travailleurs du Québec. Est-ce qu'on pourrait savoir l'objet de cette subvention?

M. Lévesque (Taillon): Oui, il s'agissait d'un colloque sur la femme au travail, la femme sur le marché du travail, qui avait été organisé de longue main et qui nous paraissait un cas valable.

M. Ryan: La subvention de $166 000 à la fondation Lionel-Groulx...

M. Lévesque (Taillon): Oui.

M. Ryan: ... c'était le tiers, je suppose, d'un fonds de $500 000 qui était envisagé ou quelque chose comme cela?

M. Lévesque (Taillon): C'est un engagement qu'on pourrait appeler un "matching grant", un engagement à contribuer de façon équivalente à celui... C'est $500 000, je pense, comme total.

C'est $500 000 de fonds privés et au-delà. Vous avez fait un "matching grant".

M. Ryan: Je vois qu'il y a des organismes qui ne retirent pas grand-chose. Le Conseil des minorités du Québec, $2850, c'est à peine de quoi payer leurs billets d'autobus pendant l'année.

M. Lévesque (Taillon): Non, mais...

M. Ryan: Est-ce qu'il a fait une demande plus élevée? La FTQ, pour un séminaire, a reçu $20 000 et lui...

M. Lévesque (Taillon): Non, je m'excuse. Au sujet du Conseil des minorités du Québec, c'était une demande pour une activité spéciale et cela répondait très correctement au besoin qu'il avait exprimé.

M. Ryan: Je vois qu'il n'y a pas beaucoup de subventions pour des organismes francophones hors Québec. Cela émarge à un autre budget peut-être?.:

M. Lévesque (Taillon): Pour autant qu'il y ait un budget, et je pense qu'il est devenu traditionnel, il est aux Affaires intergouvernementales.

M. Ryan: II n'y a pas eu de coupures par rapport à des habitudes passées dans cette chose-là? Il n'y a pas des choses qui ont été supprimées qui émargeaient là habituellement?

M. Lévesque (Taillon): Non, celles qui émargeaient là habituellement, comme la Fédération de l'âge d'or... il y a certaines choses qui sont devenues traditionnelles. Il y a OXFAM... Il y a presque toujours des cas d'espèce tout le long du chemin, mais il y a certaines choses importantes. Jeunesse-Canada-Monde, c'est établi depuis plusieurs années.

Une Voix: Le canot-kayak.

M. Lévesque (Taillon): Le canot-kayak, non c'était une fois pour toutes.

M. Rivest: Le canot-kayak, le député de Jonquière est au courant.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, le député de Jean-Talon aussi.

M. Lévesque (Taillon): Oui, c'était une chose à ne pas manquer.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que l'élément 4 du programme 3 serait adopté? Adopté.

Aux fins de vérification, on m'a demandé de faire adopter de nouveau...

M. Lévesque (Taillon): Oui.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... tous les programmes du Conseil exécutif. Le

programme 1 ? Adopté. Le programme 2? Adopté. Le programme 3? Adopté. Le programme 4? Adopté. Le programme 5? Adopté. Le programme 6? Adopté. Le programme 7? Adopté. Le programme 8? Adopté. Le programme 9? Adopté. Ceci met fin à nos travaux. Je vous remercie beaucoup.

M. Lévesque (Taillon): Merci, messieurs.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les travaux de la commission sont ajournés sine die.

Fin de la séance à minuit.

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