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Version finale

32nd Legislature, 4th Session
(March 23, 1983 au June 20, 1984)

Friday, June 10, 1983 - Vol. 27 N° 101

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes sur le projet de loi 19 - Loi favorisant le développement scientifique et technologique du Québec


Journal des débats

 

(Onze heures quarante-trois minutes)

Le Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente de la présidence du conseil et de la constitution se réunit pour faire l'étude du projet de loi no 19, Loi favorisant le développement scientifique et technologique du Québec.

Les membres de la commission sont: M. Baril (Arthabaska), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Paré (Shefford), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), Mme Harel (Maisonneuve), M. Leduc (Fabre), M. French (Westmount), M. Paquette (Rosemont), M. Ryan (Argenteuil), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie).

Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Charbonneau (Verchères), M. Fortier (Outremont), M. Dussault (Châteauguay), M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), M. Perron (Duplessis), M. Marx (D'Arcy McGee), M. Saintonge (Laprairie).

Voici l'ordre du jour: Nous entendrons les représentants de différents organismes présenter leur mémoire, présentation qui sera suivie de discussions et d'échanges entre les membres de la commission et les représentants des organismes.

Je vous fais lecture des principaux organismes qui seront entendus aujourd'hui: la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec, la Fédération des associations de professeurs des universités du Québec, le Fonds FCAC, l'École de technologie supérieure, AES Data Inc., et le Conseil des universités du Québec.

Mme Dougherty: M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Oui, Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Avant de commencer, est-ce qu'on peut avoir une liste de tous les groupes qui ont été invités, ceux qui ont refusé l'invitation et ceux qui ont demandé à être entendus mais qui ont été refusés? Est-ce qu'on peut avoir une telle liste immédiatement?

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Paquette: M. le Président, tous les organismes qui ont demandé à être entendus sont sur la liste. Il y avait également l'ACFAS qui a décliné, faute de temps pour préparer son mémoire, qui n'est pas sur la liste, et le Syndicat des professeurs de l'Université de Montréal qui a convenu, je pense, d'intégrer sa présentation à celle de la Fédération des associations de professeurs des universités du Québec dont il est membre.

Mme Dougherty: Oui.

M. Paquette: II n'y a pas eu d'autres demandes, à ma connaissance.

Mme Dougherty: Je m'intéresse particulièrement à ADRIQ, l'Association des directeurs de centres de recherche industrielle du Québec. Je crois que dans nos discussions, quand nous avons préparé la liste, nous nous sommes entendus sur ce groupe et j'ai été un peu étonnée qu'il ne soit pas sur la liste.

M. Paquette: II y a peut-être eu un malentendu à cet effet, mais il n'y a pas eu de demande de cet organisme à ma connaissance.

Mme Dougherty: C'était l'une de mes suggestions.

M. Paquette: Ah bon.

Mme Dougherty: J'ai suggéré ou COPEM, ou ADRIQ comme représentant des recherchistes industriels.

M. Ryan: M. le Président, juste une question.

Le Président (M. Brouillet): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Le ministre a mentionné que l'ACFAS ne pouvait venir devant la commission, faute de temps. Est-ce que l'ACFAS aurait adressé une lettre quelconque au ministre à ce sujet disant les raisons pour lesquelles elle ne pouvait pas venir? Est-ce que le ministre pourrait en donner connaissance, s'il a reçu une lettre?

M. Paquette: Oui, M. le Président, nous avons reçu un télégramme de l'ACFAS, et cet organisme nous a fait connaître son intention de faire parvenir à tous les membres de la commission, pour lundi ou

mardi, je pense, un mémoire résumant ses positions, donc, qui serait disponible pour les travaux de la commission. Ces gens nous ont dit qu'ils n'avaient pas le temps de préparer un mémoire pour la commission, aujourd'hui.

Le Président (M. Brouillet): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. C'est un détail bien concret. Est-ce qu'on pourrait inviter les gens à s'asseoir ici? Étant donné qu'on nous a mis dans une salle vraiment trop petite, ils vont être obligés de rester debout. Ces chaises sont inoccupées, je pense qu'ils peuvent les prendre.

Le Président (M. Brouillet): Oui, vous pouvez... Au bout, ce sont les représentants qui devront s'asseoir là, mais de chaque côté, il y a des chaises disponibles, vous pouvez vous avancer et en laisser peut-être une au cas où un député arriverait. Il y a quelques chaises disponibles. Il faudrait peut-être que les préposés aillent à l'extérieur chercher quelques chaises. Je suggère cela pour permettre aux gens de s'asseoir. Il y a un peu d'espace ici.

M. Ryan: M. le Président, le côté gouvernemental a besoin de renfort étant donné la faiblesse de sa thèse, ne vous gênez pas. Nous autres, c'est la qualité.

Le Président (M. Brouillet): Avant de laisser la parole aux membres de la commission, il faudrait qu'on désigne un rapporteur de la commission. Est-ce que vous avez un nom à me suggérer?

M. Paquette: M. le Président, je suggérerais le député de Shefford.

Le Président (M. Brouillet): Le député de Shefford sera le rapporteur des travaux de la commission. Alors, j'invite M. le ministre à nous faire ses remarques préliminaires.

Remarques préliminaires M. Gilbert Paquette

M. Paquette: Oui, M. le Président. Tout en regrettant l'exiguïté des lieux comme tout le monde, j'aimerais dire que, tout d'abord, j'attends beaucoup de cette commission parlementaire qui doit nous permettre d'entendre six organismes ou associations qui en ont manifesté le désir. C'est avec intérêt, quant à nous, que nous prendrons bonne note des recommandations ou observations que les participants voudront bien nous faire.

Très certainement l'année 1982-1983 aura été marquée par une extraordinaire prise de conscience face à la nécessité, pour le Québec, de miser à fond sur l'excellence scientifique et technologique. Ce projet de loi le confirme. Ce que l'on oublie trop souvent, c'est que cette entrée du Québec dans l'ère scientifique et technologique aura été préparée de longue main. Déjà, dans le discours inaugural du 8 mars 1977, le premier ministre identifiait comme prioritaire la définition d'une politique scientifique. S'ensuivit une longue consultation dans tous les milieux, dans toutes les régions, qui a mené à la publication, au début de 1980, de la politique scientifique du gouvernement, un projet collectif dont on m'a confié la mise en oeuvre, lors de ma nomination en septembre.

D'autre part, deux ans plus tard, le ministre au développement économique publiait, comme on le sait, "Le virage technologique". Par la suite, divers mandats m'étaient confiés, face à la mise en oeuvre non seulement de la politique scientifique mais également des diverses mesures découlant du virage technologique.

Lors du message inaugural, le 23 mars dernier, le premier ministre confirmait la priorité qu'accorde le gouvernement à l'excellence scientifique et technologique et il annonçait ceci, et je cite: "De façon à assurer la cohérence des actions gouvernementales dans ces domaines prioritaires, le gouvernement soumettra à l'Assemblée nationale, dès ce printemps, une loi-cadre sur la recherche scientifique et la technologie. Cette loi définira les rôles respectifs des divers outils gouvernementaux, précisera le mandat de coordination du ministre délégué à la Science et à la Technologie et renforcera largement ses moyens d'action".

On assiste donc progressivement à une évolution de plus en plus rapide qui conduit naturellement aux objectifs, au-delà du libellé de certains articles qui font problème, de la Loi favorisant le développement scientifique et technologique du Québec. Ces objectifs sont: identifier clairement les responsabilités d'un ministère de la Science et de la Technologie, assurer une meilleure coordination de l'effort financier du gouvernement en ce domaine et enfin, donner une permanence et une transparence accrues aux organismes centraux comme le ministère, le conseil et également les différents organismes qui permettent de réaliser la politique scientifique, les fonds, la fondation et l'agence, tout cela, de façon à favoriser la démocratisation des choix politiques et la sensibilisation du public. Il ne s'agit ni de précipitation ni de manière détournée. Comme le disait hier un éditorial, il s'agit d'un processus démocratique normal où, après plus de trois ans de consultations depuis un projet collectif, le gouvernement du Québec

ressent une certaine urgence d'agir, de concerter et de donner plus de cohérence à ses actions.

L'endroit où nous nous trouvons aujourd'hui se prête mal à réfuter certaines inexactitudes où, par exemple, deux événements, sans aucun lien, une note préparée par un analyste du Conseil du trésor et la présentation de ce projet de loi sont, dans certains esprits, considérés comme liés, ce qui n'est pas le cas. Je tiens à dire que tous les scientifiques seront d'accord avec moi que ce n'est pas parce que deux événements se produisent en même temps, qu'il y a nécessairement un lien de cause à effet entre les deux.

Mon intention de ne pas repousser à l'automne l'adoption de ce projet repose sur quatre éléments. Premièrement, le projet de loi ne touche pas à des questions d'orientation face à la recherche. Il n'implique pas non plus de choix quant à tel ou tel type de recherche ou quant à des recherches dans tel ou tel secteur.

Deuxièmement, tout report repousse d'au moins un an la mise sur pied d'outils qui nous semblent éminemment nécessaires, notamment, le ministère, la fondation et l'agence. D'autant plus qu'il est bon de rappeler que le processus budgétaire du gouvernement commence dès la fin de cette session et qu'il s'agit de préparer déjà le budget du gouvernement pour l'année 1984-1985, puisque les décisions pour 1983-1984 sont déjà prises. Tout report, par conséquent, rendrait plus difficile la progression nécessaire des fonds consacrés à la science et à la technologie par l'État.

Enfin, je demeure convaincu qu'il est tout à fait possible de lever les ambiguïtés que posent certains articles, de bonifier le projet de loi également pour ce qui est des modalités qui semblent faire problème.

Il s'agit, bien sûr, d'une loi importante qui vise à définir un système impliquant plusieurs intervenants plutôt qu'une simple loi créant un nouveau ministère. Mais ce n'est pas une loi, encore une fois, qui définit des orientations face à tel ou tel type de recherche. Ces orientations ont toujours, jusqu'à maintenant, été largement débattues. La politique scientifique, le virage technologique, les documents qui en découlent comme à l'heure des biotechnologies ont fait l'objet d'une consultation de tous les milieux intéressés. Les politiques sectorielles de recherche au fur et à mesure qu'elles sont déposées comportent dès le mandat donné par le Conseil des ministres une phase obligatoire de consultations. Cela a été le cas de "Bâtir l'avenir" dans le domaine des communications. Ce sera le cas, à l'automne, de la politique de recherche et de développement dans le domaine des forêts, dans le domaine du transport et, éventuellement, dans le domaine agro-alimentaire.

En fait, pour résumer le projet de loi, celui-ci distingue trois types d'intervenants gouvernementaux. Sous la responsabilité directe du ministre de la Science et de la Technologie, on retrouve quatre organismes. Outre le ministère et le conseil, deux nouveaux outils sont créés: la Fondation pour le développement de la science et de la technologie, qui, je le rappelle, n'est pas un organisme subventionnaire, c'est un organisme qui administre les fonds provenant des mesures fiscales du récent budget et qui pourra faire des campagnes de souscriptions dans le public et qui devra redistribuer les sommes ainsi recueillies totalement aux trois fonds sectoriels. Ce n'est donc pas un organisme qui aura des programmes et ce n'est pas un organisme qui sera directement en contact avec les milieux universitaires. En fait, la meilleure image qui vient à l'esprit, c'est celle d'une espèce de centraide de la recherche.

L'Agence québécoise de valorisation industrielle de la recherche, elle, a un rôle primordial et permanent de soutien au processus d'innovation jusqu'au point où elle peut être prise en charge par une entreprise à des fins de production commerciale. En ce sens, elle pourra jouer un rôle de catalyseur de façon à faciliter les contacts et les projets conjoints entre milieux de recherche universitaire et milieux économiques.

Quatre autres organismes existants, dont certains sont modifiés légèrement dans les faits, demeurent sous la responsabilité d'autres ministres. Leurs directives, qui actuellement sont préparées par les divers ministres responsables, seront préparées conjointement avec le ministre de la Science et de la Technologie, mais la majeure partie de leurs fonds proviendra comme maintenant des budgets des ministères et leur fonctionnement... Le comité de pairs, par exemple, pour évaluer les projets de recherche, ne sera pas modifié. Il s'agit du Fonds Marie-Victorin, du Fonds de recherche en santé du Québec, du Fonds de recherche en agriculture, pêcheries et alimentation, qui sont les trois fonds sectoriels dont je parlais tout à l'heure et auxquels la fondation devra distribuer la totalité de ses ressources financières. Du côté industriel, il y a le Centre de recherche industrielle du Québec qui est l'outil clé au service du développement technologique des entreprises.

L'élaboration conjointe des directives à ces organismes devrait permettre de marier davantage les priorités sectorielles avec les objectifs généraux de la politique scientifique et technologique. Ces directives seront désormais déposées à l'Assemblée nationale, ce qui n'était pas le cas jusqu'à maintenant. Ceci nous assure d'abord d'un contrôle démocratique face à l'excès de directives

auxquelles pourraient succomber certains ministres responsables des fonds et nous assure également que les débats publics pourront se faire lorsque des questions d'orientation de la politique scientifique seront en cause. (12 heures)

De nombreux autres organismes gouvernementaux participent au développement scientifique et technologique dans des secteurs plus particuliers. À leur égard, le ministre de la Science et de la Technologie doit s'assurer de leur participation à l'effort collectif en favorisant la concertation. Les intentions du projet de loi sont d'assurer cette coordination, d'harmoniser des politiques, d'élaborer des politiques qui, lorsqu'elles seront adoptées après débat, devront être appliquées par les divers ministères concernés.

Enfin, le ministère de la Science et de la Technologie acquiert des responsabilités dans la mise sur pied d'organismes nouveaux du côté du développement technologique, de questions comme la main-d'oeuvre scientifique, l'information scientifique et technologique, la culture scientifique et la propriété de l'innovation scientifique. Dans ces différents domaines, encore une fois, il s'agit, pour le ministère, en tout cas dans les intentions du projet de loi, d'élaborer en concertation des politiques qui devront très souvent être appliquées par divers intervenants gouvernementaux et non gouvernementaux.

En somme, la loi 19 fait du ministère de la Science et de la Technologie un pôle moteur, espérons-nous, renforcé, bien sûr. Le développement scientifique et technologique, croyons-nous, doit être l'affaire de l'ensemble des intervenants gouvernementaux. Nous avons donc refusé certaines orientations qu'ont prises d'autres pays de regrouper la plupart des organismes de recherche sous l'égide d'un seul ministère. Mais les défis qui confrontent le Québec sont tels qu'il faut maintenant créer un véritable ministère de la Science et de la Technologie qui sera la cheville ouvrière de l'élaboration, de la coordination et de la réalisation de la politique de recherche scientifique et de développement technologique du Québec.

Je tiens, en terminant, à assurer les participants à cette commission parlementaire que, sans revenir sur les principes de base du projet de loi, nous sommes toujours prêts à bonifier, à modifier, voire à supprimer certains articles qui pourraient faire problème, surtout si on nous démontre que certains des articles du projet de loi remettent en cause des principes fondamentaux, notamment des principes comme ceux de l'autonomie universitaire et de la liberté académique en auxquels nous croyons fermement.

Un projet de loi peut toujours être perfectionné. Mon seul souhait, comme cela nous arrive parfois au Parlement, mais trop rarement, est que cette commission se déroule dans un climat d'écoute et de recherche des meilleures solutions à l'abri de toute partisanerie, comme l'indique l'importance du sujet. Merci.

Le Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre. J'invite maintenant le représentant de l'Opposition à nous faire quelques remarques préliminaires.

Mme Joan Dougherty

Mme Dougherty: Merci, M. le Président. Je suis très heureuse d'avoir l'occasion de participer, comme porte-parole de notre formation politique, à cette commission convoquée pour entendre les commentaires, les critiques et les recommandations des organismes les plus touchés par le projet de loi no 19, Loi favorisant le développement scientifique et technologique du Québec.

Il n'y a personne ici aujourd'hui qui n'appuie l'objectif du gouvernement de reconnaître, par ses déclarations ainsi que par ses actes, l'importance de la science et de la technologie dans le développement économique et social du Québec, j'en suis certaine. Il est maintenant largement reconnu que nous sommes dans une guerre mondiale, une guerre de "survival of the fittest" où les gagnants seront ceux qui manifestent les meilleures idées, les meilleures capacités créatrices, la plus grande adresse à exploiter leurs idées pour des fins utiles. Notre qualité de vie en dépend. J'irais jusqu'à dire que notre survie collective et individuelle en dépend.

Le défi du développement scientifique et technologique qui s'impose à notre société devrait forcément impliquer tous les ministères et tous les citoyens du Québec, parce que, au coeur du défi, réside la question suivante: Comment peut-on orienter nos énergies, nos activités, nos institutions publiques, parapubliques et privées pour qu'elles puissent favoriser l'excellence? Comment peut-on favoriser l'excellence de nos ressources humaines, l'excellence de notre performance, l'excellence des idées, des produits et des services que nous offrons à notre société et au monde entier? C'est une véritable révolution des valeurs qui s'impose. C'est une révolution qui demande qu'on mette plus l'accent sur la qualité de nos actions plutôt que sur la quantité. C'est une révolution qui soulève de sérieuses questions sur le rôle du gouvernement face à l'individu dans notre société, le rôle et les objectifs de nos institutions d'enseignement, le rôle et l'importance du secteur privé dans notre poursuite de l'excellence, ainsi que les relations entre travailleurs et employeurs de notre société. C'est une révolution qui

demande qu'on fasse notre possible pour libérer et maximiser notre potentiel.

Je suis convaincue, M. le Président, que le pouvoir d'une nation repose sur ses citoyens et non sur son gouvernement. Par conséquent, je suis persuadée que le rôle du gouvernement dans cette vaste entreprise n'est pas de gérer - j'emploie ici le mot gérer dans le sens de gouverner - le développement scientifique et technologique du Québec. Pour moi, c'est une contradiction des termes. Étant donné que notre capacité d'innover, notre capacité créatrice est le véritable moteur de notre développement scientifique et technologique, et donc économique, il me semble que le rôle du gouvernement est de créer, de faciliter, de nourrir et de libérer, par un climat propice, le potentiel créateur de nos citoyens. Je me demande sérieusement s'il est réaliste de s'attendre qu'un gouvernement, qui tend à recourir à des solutions interventionnistes, centralistes et bureaucratiques, ait la capacité de faire volte-face afin de créer les conditions fiscales et sociales qui sont essentielles pour favoriser le virage scientifique et technologique, ce virage qui est indispensable pour assurer notre santé économique future. Un gouvernement qui voudrait sérieusement nourrir l'excellence devrait établir comme priorité la qualité de ses ressources humaines. Dans la révolution technologique, ce sont les connaissances et non la prolifération des structures gouvernementales qui vont nous donner le pouvoir. "Knowledge is power". Il est grand temps, à mon avis, de revaloriser l'élite dans notre société. Quand je parle d'élite, je ne parle pas forcément des riches. Je parle de ceux qui ont de la "bolle", des plus compétents, des esprits créateurs. Qu'on leur donne tout notre appui, tout l'honneur qu'ils méritent et toute la marge de manoeuvre dont ils ont besoin. C'est dans cette optique que j'aborde nos discussions aujourd'hui.

Compte tenu du peu de temps qui nous est donné pour cette séance, j'aimerais ne soulever que quatre observations qui me semblent pertinentes à cette discussion. Premièrement, je suis profondément déçue que le ministre ait choisi de déposer le projet de loi 19 sans avoir consulté de façon formelle les organismes impliqués. Étant donné l'importance de la collaboration et de la concertation de tous les partenaires visés dans le projet de loi, afin de réaliser l'objectif du développement scientifique et technologique, je crois qu'inclure la communauté scientifique dans la préparation du projet de loi aurait réellement démontré une volonté de la part du gouvernement de coordonner le développement scientifique et non une intention de l'orienter.

Deuxièmement, l'habitude du gouvernement de déposer une véritable avalanche de lois à la fin de chaque session est certainement regrettable. Cette pratique malheureuse nie les principes de transparence et de participation démocratique dont le ministre a parlé dans son discours d'ouverture et que le gouvernement prétend appuyer. De plus, les lois étudiées et adoptées à la vapeur risquent d'être pleines de faiblesses, d'ambiguïtés, qui mènent inévitablement à des conflits et des incertitudes qui, malheureusement, aboutissent à des résultats négatifs, même si les intentions du gouvernement sont bonnes.

Troisièmement, je crois qu'il est primordial qu'on respecte scrupuleusement les rôles et les pouvoirs de tous les partenaires impliqués dans la promotion des activités scientifiques et technologiques. Si j'ai bien interprété la réaction du milieu universitaire déjà rapportée dans le Devoir la semaine dernière, à la base des craintes exprimées est le soupçon que la loi viole les principes de l'autonomie des universités et de la liberté des chercheurs, deux principes fondamentaux sur lesquels la recherche universitaire doit s'appuyer. J'espère que nos discussions nous amèneront à des précisions satisfaisantes et, si nécessaire, à des amendements propices afin de protéger ces principes fondamentaux. À cet égard, il y a des clarifications qui s'imposent. D'abord, le statut des universités dans le projet de loi 19. Si l'intention de l'article 1 de la loi est de définir les universités comme organismes publics, il est évident que l'autonomie des universités est clairement en jeu.

Ensuite, le statut des fonds subventionnables: La double tutelle proposée par le projet de loi risque grandement de restreindre leur liberté d'action. Ce qui est plus inquiétant encore, c'est la révélation d'un journaliste du Devoir, Rodolphe Morissette, en date du 9 juin 1983, démontrant l'intention du Conseil du trésor d'intervenir d'une façon inacceptable dans la répartition des crédits consacrés à la FCAC. La situation remet en cause la bonne foi du gouvernement et requiert des explications du ministre.

Finalement, étant donné l'importance du développement de la science et de la technologie, au nom de mes collègues, j'aimerais affirmer notre volonté d'aborder ce projet de loi dans un esprit constructif afin que nous puissions rechercher des améliorations qui rendront la loi plus productive en vue de l'objectif visé.

En terminant, M. le Président, j'aimerais vous faire part d'un message du député d'Outremont qui assiste à une autre commission aujourd'hui, à titre de porte-parole à l'énergie et aux ressources. Il m'a demandé d'excuser son absence auprès des représentants du monde universitaire, de souligner son intérêt dans les affaires

universitaires et, plus particulièrement, dans ce projet de loi qui touche de près le milieu universitaire. Merci.

Le Président (M. Brouillet): Merci, Mme la députée. Avant d'inviter le premier groupe, je tiens à vous faire part du fait que nous serons un peu plus à l'aise cet après-midi. À 15 heures, nous irons dans une autre salle, la salle 81, où il y a plus d'espace. On a encore 50 minutes à patienter dans ce local un peu exigu.

M. Paquette: M. le Président, si vous permettez?

Le Président (M. Brouillet): Oui, M. le ministre.

Réponse du ministre

M. Paquette: Je voudrais simplement souligner un point, parce que je pense qu'il est important qu'on commence à entendre les intervenants le plus rapidement possible. Mais, puisque la députée de Jacques-Cartier me demande des explications additionnelles sur la note du Conseil du trésor, je ne sais pas si je dois les donner maintenant. J'en ai donné déjà beaucoup et le responsable du Conseil du trésor vient d'en donner à la période de questions. Essentiellement, à moins que la députée ne veuille plus d'explications, ce n'est pas parce qu'il y a une note préparée par un analyste du Conseil du trésor qu'il s'agit de la position du Conseil du trésor et encore moins de celle du gouvernement puisque cette note n'a jamais été discutée au Conseil des ministres. Personnellement, je suis en désaccord avec les mécanismes proposés par l'analyste du Conseil du trésor. Cependant, il faut bien situer le contexte: la FCAC, qui avait vu ses budgets augmenter de 9,6%, donc plus rapidement que l'inflation, dans un contexte budgétaire difficile, demandait - et le ministre de l'Éducation et moi étions parfaitement d'accord là-dessus - des sommes additionnelles pour les orienter vers le virage technologique. La note du Conseil du trésor a été que cette demande était insuffisamment justifiée.

Je pense que prêter des intentions au gouvernement, dire que cela remet en cause la bonne foi du gouvernement m'apparaît totalement exagéré. Ce n'est pas parce qu'il y a, à l'appareil gouvernemental, comme dans l'appareil d'un parti politique... Ce n'est pas parce qu'un recherchiste du Parti libéral écrirait une note que cela devient la position du Parti libéral. Ce n'est pas parce qu'un analyste du Conseil du trésor écrit une note que cela devient la position du gouvernement. Ce n'est pas la position du gouvernement et il n'y a aucun lien de cause à effet entre cette note et les orientations du projet de loi.

Le Président (M. Brouillet): J'inviterais le premier groupe, soit la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec, à prendre place à la table d'honneur.

Nous avons aujourd'hui à entendre six groupes. Nous disposons d'une quarantaine de minutes avant la première suspension, à 13 heures. Nous reviendrons de 15 heures à 18 heures. À 18 heures, nous devrons prendre une décision, à savoir si on prolonge immédiatement ou si on ajourne pour revenir à 20 heures. On pourrait attendre à 18 heures pour prendre cette décision, mais je vous fais part du temps dont nous disposons et du nombre de groupes que nous avons à entendre.

Mme Lavoie-Roux: L'ordre de la Chambre, c'était jusqu'à 18 heures.

Le Président (M. Brouillet): L'ordre de la Chambre va jusqu'à 18 heures, selon notre règlement, mais, si les parties en présence sont consentantes, on pourra à 18 heures décider d'ajourner ou de suspendre la séance jusqu'à 20 heures.

Mme Lavoie-Roux: C'est toujours la même histoire, vous convoquez un tas de monde en peu de temps.

Mme Dougherty: M. le Président, est-ce que je pourrais suggérer maintenant qu'on commence à 14 h 30 au lieu de 15 heures? Est-ce possible?

Le Président (M. Brouillet): C'est une possibilité si les parties sont consentantes.

Mme Dougherty: Pour éviter une séance ce soir.

M. Paquette: Oui, bien sûr. Si on voyait qu'on aura suffisamment de temps à 18 heures, on pourrait même poursuivre jusqu'à 19 heures plutôt que de revenir après le souper. C'est une autre possibilité.

Le Président (M. Brouillet): Très bien.

M. Paquette: Je suis tout à fait d'accord.

Le Président (M. Brouillet): Disons que dans ce décor de possibilités, nous voyons qu'avec six groupes il faudrait consacrer à peu près une heure par groupe pour arriver à entendre les six groupes. Je demande aux représentants de la conférence de s'identifier et de nous présenter les personnes qui l'accompagnent, s'il vous plaît!

Auditions

Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec

M. Boulet (Gilles): Merci, M. le

Président. Je suis Gilles Boulet, président de l'Université du Québec et porte-parole de la conférence des recteurs. Je suis accompagné de M. Yves Giroux, à ma droite, qui est président de la Commission de la recherche de la conférence des recteurs, et de M. René Lévesque, qui est vice-recteur à la recherche à l'Université de Montréal. À ma gauche, il y a M. Philippe Bernard, attaché de recherche à la Conférence des recteurs, M. Walter Hitschfeld, de l'Université McGill, et M. Bernard Bénard, de l'Université de Sherbrooke.

À l'occasion de la publication du livre blanc: "Un projet collectif, énoncé d'orientation et plan d'action pour la mise en oeuvre d'une politique québécoise de la recherche scientifique", les universités avaient manifesté, par l'intermédiaire du président la Conférence des recteurs - à l'époque, M. Jean-Guy Paquet - leur satisfaction sur les grandes lignes du document. Dans sa lettre, en date du 16 juin 1980, adressée au ministre d'État au Développement culturel, M. Jean-Guy Paquet soulignait: "Nous considérons que dans l'ensemble le plan d'action gouvernemental répond de manière positive à la situation globale de la recherche scientifique et propose un énoncé de politique de la recherche dont les qualités de modération, de cohérence et de réalisme méritent d'être soulignées et applaudies. Nous nous réjouissons par ailleurs de constater que l'esprit qui anime les dispositifs et moyens d'action retenus respecte l'autonomie des universités, condition essentielle au développement et à l'excellence de l'activité scientifique".

Après avoir fait part de commentaires particuliers, M. Paquet ajoutait: "S'il y a tout lieu, comme en fait foi ce qui précède, de réserver un bon accueil au projet collectif de politique scientifique que vous nous proposez, les universités tiennent cependant, tout en affirmant leur volonté de collaborer dans un esprit de dialogue et de participation, à exprimer les réserves que suscitent certaines politiques spécifiques auxquelles elles sont favorables dans leur principe, mais dont la mise en oeuvre exigerait que des consultations supplémentaires soient poursuivies".

Le projet de loi favorisant le développement scientifique et technologique du Québec vient, doit-on comprendre, dans une large mesure, concrétiser les orientations d'un projet collectif. Tout en se réjouissant de l'occasion qui leur est fournie de faire état de leurs commentaires, les universités doivent déplorer vivement les délais extrêmement courts entre le dépôt de la loi à l'Assemblée nationale et la tenue de cette commission parlementaire, annoncée il y a quatre jours, et cela, sans que des consultations formelles aient eu lieu auparavant.

Dans les circonstances, les universités ne peuvent aujourd'hui que se limiter à des commentaires préliminaires et demander d'avoir la possibilité de transmettre des réactions plus précises et plus définitives dans l'hypothèse, par exemple, que cette commission parlementaire déciderait d'ajourner ses travaux pour les reprendre en août ou en septembre prochain.

Commentaires généraux: Au départ, il nous fait plaisir d'indiquer notre satisfaction à ce que, par ce projet de loi, le gouvernement entend assurer la coordination et l'harmonisation des politiques et des activités de recherche des différents ministères et des organismes parapublics qui en dépendent directement. Également, nous nous réjouissons des objectifs poursuivis visant à la valorisation des résultats de la recherche. Par ailleurs, nous voulons souligner, avec insistance si besoin était, l'importance des activités de recherche dans les universités et l'importance de leur contribution au développement scientifique et technologique du Québec.

Cette responsabilité, à la fois culturelle, sociale et économique, assumée par les établissements universitaires dans toutes les sociétés développées, nous croyons qu'au Québec comme ailleurs elle doive s'exercer dans un cadre d'autonomie et par une liberté d'action des chercheurs. Bien entendu, les universités reconnaissent que le gouvernement peut, par ses politiques et l'affectation de ses ressources financières, orienter de façon significative le développement de la recherche universitaire. Mais nous partageons la conviction que la recherche universitaire ne peut se développer dans le cadre de directives, de contraintes et d'objectifs visant des résultats à court terme, alors que ses actions, y compris les actions de recherche, s'inscrivent surtout dans un processus à long terme.

Ainsi, si le Québec est en mesure, ces jours-ci, d'aborder le virage technologique avec confiance, c'est en bonne partie dû aux résultats des travaux de recherche effectués dans les universités, dans des secteurs aujourd'hui reconnus comme névralgiques, tels que les biotechnologies et l'informatique. Ces résultats ont été atteints parce que les chercheurs ont, depuis des années, sollicité librement des ressources financières et investi, non moins librement, les énergies dans la formation des chercheurs et dans la recherche elle-même, dans des secteurs choisis en fonction de la dynamique propre à la discipline et à l'évolution des connaissances.

Si nous voulons que le Québec, dans dix ans, vingt ans ou trente ans, soit en mesure d'aborder un nouveau virage qu'il serait prématuré et présomptueux de qualifier maintenant, il importe que les universités

puissent continuer à oeuvrer dans tous les domaines de la recherche et que les chercheurs ne soient pas entravés, d'aucune façon, dans leurs démarches scientifiques. C'est dans cette optique que les universités entendent soumettre quelques commentaires particuliers sur ce projet de loi.

Commentaires particuliers: En premier lieu, les universités désirent être certaines qu'elles sont exclues des organismes publics, tels qu'ils sont définis à l'article 1 du projet de loi. Ce désir n'implique pas qu'elles entendent se soustraire à l'application de la loi puisqu'elles sont concernées directement ou indirectement par plusieurs des dispositions qui y sont contenues. Par contre, elles jugent inopportun d'être soumises à la juridiction de l'éventuel ministre de la Science et de la Technologie en ce qui a trait à ses fonctions et à ses pouvoirs tels qu'ils sont décrits dans les articles 7 et 8 du projet de loi. Il apparaît contraire à la mission des universités qu'elles soient, dans le domaine de la recherche, mises sur le même pied que les organismes davantage préoccupés par le court terme.

Plus précisément, les universités estiment que l'alinéa 2 de l'article 7 et les alinéas 2, 6, 7, 10, 11, 14 et 16 ne sauraient s'appliquer à elles dans la mesure où le ministre de l'Éducation et ses organismes-conseils assument déjà ces responsabilités en ce qui les concerne - on aura compris, je pense, que pour ma deuxième énumération il y a une erreur au texte, il s'agit de l'article 8. Le texte ne l'indique pas, il faudrait l'indiquer - les alinéas 2 jusqu'à 16 de l'article 8 ne sauraient s'appliquer à elles dans la mesure où le ministre de l'Éducation et ses organismes-conseils assument déjà ces responsabilités en ce qui les concerne. Dans notre esprit, il revient au gouvernement dans son ensemble d'harmoniser les politiques des différents ministères et des organismes sous la juridiction de l'un ou l'autre d'entre eux ou à qui ils font rapport, selon le cas. Aussi les universités souhaiteraient-elles continuer à rendre des comptes au seul ministre de l'Éducation. C'est le cas, par exemple, du domaine de la santé où les universités lui transmettent les informations requises et le saisissent de leurs problèmes, le ministre de l'Éducation assumant la responsabilité d'en saisir son collègue des affaires sociales, lorsque les établissements de santé sont concernés et qu'une harmonisation s'impose.

En ce qui concerne le Conseil de la science et de la technologie, nous limitons nos commentaires à demander que l'article 22 prévoie de façon explicite que ce conseil comporte des membres provenant des milieux universitaires, en plus des autres milieux mentionnés.

Concernant la Fondation pour le développement de la science et de la technologie, les universités jugent inutile la création d'un tel organisme dont les fonctions de sollicitation sont déjà assumées par les universités elles-mêmes ainsi que par certaines corporations privées sans but lucratif. À notre avis, une telle fondation entrerait de façon indue en compétition avec les universités qui ont, dans le passé, pris les mesures pour solliciter des ressources financières auprès des milieux d'affaires et des milieux industriels, ainsi que des citoyens, et qui entendent accentuer ces efforts à l'avenir. Quant aux pouvoirs de cette fondation et du ministre de qui elle relèverait, les universités les trouvent sans aucune mesure avec les objectifs poursuivis. À la limite, le ministre responsable, par ses directives, et la fondation, par ses ressources financières, pourraient orienter et contrôler de façon abusive le développement de la science et de la technologie au Québec et, par suite, la recherche et l'enseignement au niveau des deuxième et troisième cycles et cela, les universités ne sauraient l'accepter. Est-il besoin d'insister à nouveau sur l'importance que la formation des chercheurs et la recherche elle-même puissent s'effectuer dans un cadre relativement libre et avec toute la latitude nécessaire?

La section touchant les fonds de soutien à la recherche laissent les universités à la fois perplexes et inquiètes. Les universités se seraient attendues que dans une perspective de coordination et d'harmonisation soient clarifiées les juridictions des organismes subventionnables de la recherche. Ainsi, il y a lieu de s'interroger sur le silence du projet de loi à l'endroit du Conseil québécois de la recherche sociale. De plus, elles s'étonnent du remplacement du Fonds FCAC par le Fonds Marie-Victorin, dont le nom demeure sibyllin. Il ne précise pas l'objet de sa juridiction et laisse sous-entendre une réduction des domaines de recherche ouverts, ce qui ne va pas sans inquiéter les chercheurs des sciences humaines, des lettres et des arts. (12 h 30)

Cependant, nous tenons à préciser qu'à notre avis, les différents ministères et organismes gouvernementaux, dans la sphère de leur juridiction propre, doivent continuer à apporter leur contribution et leur aide financière pour des projets de recherche orientés et des travaux commandités en collaboration avec les milieux universitaires, industriels ou autres. Nous souhaiterions toutefois que soit évitée une prolifération d'organismes du type d'un institut de recherche sur la santé et la sécurité du travail.

Par ailleurs, l'inquiétude des universités repose sur les articles 80 à 91 du projet de loi. Dans une lettre que j'adressais, à titre de président de la Conférence des recteurs, au ministre de l'Éducation le 30 juin 1982 au

sujet du Fonds FCAC, j'indiquais les réticences des universités devant l'idée que le fonds doive, et je cite: "exécuter tout mandat spécifique que peut lui confier le ministre avec l'approbation du gouvernement." Je devais préciser, je cite à nouveau: "Mes collègues et moi sommes portés à croire que le gouvernement dispose d'un ensemble de moyens tout à fait suffisants pour stimuler et orienter le développement de la recherche scientifique au Québec. Aussi nous semble-t-il inutile qu'on consolide ces moyens en leur ajoutant, au profit du ministre de l'Éducation, un pouvoir d'émission de mandats spécifiques qui non seulement ne manquera pas de diminuer la marge d'autonomie dont le fonds - dans le texte original, nous avions écrit "fondation" -devra disposer pour remplir son mandat, mais encore rendra difficile que soient respectées les exigences d'autonomie qui sont essentielles aux activités de recherche."

Cette position des universités demeure la même, eu égard à l'article 83 et à l'article 84 du projet de loi que nous discutons. Il nous semble que les organismes qui subventionnent la recherche doivent demeurer à l'abri des interventions politiques ponctuelles tout en devant être contraints de préparer et de soumettre un plan de développement de leurs activités sur plusieurs années, trois ou cinq ans, de le rendre public, par exemple, par dépôt à l'Assemblée nationale et bien sûr, de déposer un bilan annuel de leurs activités. C'est d'ailleurs la situation qui prévaut généralement dans les pays industriels.

Concernant cette nécessaire liberté d'action des organismes subventionnables, nous voulons souligner que les universitaires québécois ont constaté une amélioration plus que significative et extrêmement bienvenue au programme du Fonds FCAC et à sa gestion, depuis que ce dernier a acquis une plus grande marge de manoeuvre dans l'accomplissement de ses fonctions.

Quant à l'article 86, il apparaît superflu et bureaucratique. Il faudrait à tout le moins éviter l'approbation de tel règlement par le gouvernement ainsi que sa publication dans la Gazette officielle.

Enfin, sur l'Agence québécoise de valorisation industrielle de la recherche, les universités, faute d'avoir pu étudier toutes les conséquences et les implications d'un tel projet, se limiteront à exprimer leurs interrogations sur les rôles respectifs de cette agence et de l'actuel Centre de recherche industrielle du Québec et sur l'absence de référence aux mécanismes et aux structures mis en place conjointement par les universités et les industries, tels que l'entente signée entre l'Université Laval et le CRIQ pour la valorisation de la recherche et le Centre d'innovation industrielle de Montréal dont l'école polytechnique a été l'initiateur et dont les fonctions recoupent en grande partie celles prévues pour une telle agence.

En conclusion, les commentaires que nous venons de présenter au nom des universités peuvent paraître sévères. Nous désirons souligner qu'ils sont faits dans un esprit de coopération et de collaboration. Nous demeurons convaincus qu'une période plus longue de réflexion, de consultation, de discussion, permettrait assurément de préciser nos positions respectives, de clarifier les orientations, de lever les ambiguïtés et d'atteindre certains des objectifs poursuivis dans un climat de compréhension et de confiance. C'est pourquoi nous réitérons notre demande ferme pour que cette commission parlementaire et l'Assemblée nationale acceptent de surseoir à une adoption aussi rapide d'un projet de loi d'une telle importance pour le Québec. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Merci. M. le ministre.

M. Paquette: M. le Président, je remercie les représentants de la conférence des recteurs d'avoir pu procéder en des délais aussi courts à une étude de ce projet de loi. Cependant, je dois dire que la lecture de leur mémoire m'apporte une certitude et me pose beaucoup de questions. La certitude, c'est l'impression très nette que j'énonçais au début de cette commission parlementaire qu'il est possible, en amendant certains articles du projet de loi, de lui enlever cette impression d'implication excessive ou de contrôle excessif du gouvernement sur certains organismes de recherche. Par exemple, vous parlez dans votre mémoire des règlements de régie interne qui doivent être publiés à la Gazette officielle et adoptés par le gouvernement. Je tiens à vous dire que l'adoption par le gouvernement ne figurait pas dans le projet de loi initial que nous avons préparé. Lorsque nous sommes arrivés au comité de législation, on nous a demandé d'insérer cette disposition.

Pour ma part, voilà un cas où, me semble-t-il, l'approbation par le gouvernement n'est pas nécessaire. Là où je suis perplexe, c'est lorsque vous dites que la publication à la Gazette officielle est superflue, car, si l'objectif est d'informer le public, notamment sur les règles et les mécanismes d'attribution de l'aide financière, il me semble tout à fait indiqué que l'approbation de ces règlements soit publiée dans la Gazette officielle. D'ailleurs, cet article provient directement du projet de loi préparé par le Fonds FCAC lui-même dont le conseil d'administration regroupe, comme vous le savez, des gens extrêmement représentatifs de tous les milieux universitaires.

Là où je suis perplexe, c'est lorsque vous mentionnez, enfin, vous laissez entendre que le gouvernement a décidé de confier une partie des juridictions des universités au ministre de la Science et de la Technologie. Je suis perplexe et surpris. Évidemment, telle n'est pas notre intention et telle n'est pas non plus l'intention du ministre de l'Éducation, vous le comprendrez facilement. Ces différentes dispositions du projet de loi ont été - il est peut-être bon de le dire -longuement discutées à la fois au comité ministériel de développement économique, de développement social et de développement culturel où, en compagnie du ministre de l'Éducation et des autres collègues de ce secteur, nous avons passé de 12 à 15 heures sur chacun des articles de ce projet de loi. Plusieurs des articles que vous proposez ont d'ailleurs été insérés à la demande du ministre de l'Éducation et je comprends que le problème se centre autour de la définition d'organismes publics qui incluent les universités. Mais, lorsqu'on regarde les articles où l'on utilise cette définition, ils sont au nombre de 7 ou 8 et, dans certains cas, peut-être la formulation prête-t-elle à ambiguïté encore; il faudra la corriger à ce moment-là. Par exemple, l'article 8, 7 , où l'on dit: "...procéder périodiquement, en collaboration avec les ministres concernés, à l'évaluation des programmes relatifs à la science et à la technologie des ministères et des organismes publics qui en dépendent", voilà une formulation qui, à notre avis, exclut les universités puisque les universités n'en dépendent pas. Mais, bien sûr, on pourrait la préciser en remplaçant les mots "qui en dépendent" par les mots "sous leur juridiction" ou "sous leur responsabilité" de façon à être bien sûr que cette fonction d'évaluation qui incombe actuellement principalement au Conseil des universités et qui doit rester, à mon avis, au Conseil des universités... qu'il soit bien clair que, dans le cas de cet article, les universités ne sont pas visées. Par contre, lorsqu'à l'article 8. 2 , on lit que le ministre de la Science et de la Technologie doit conseiller le gouvernement sur toute question relative aux activités scientifiques et technologiques des ministères et des organismes publics, il me semble que, dans ce cas, pour prendre deux extrêmes, cela doit inclure les universités parce qu'on ne peut pas demander à un ministre d'être responsable de la politique scientifique et lui interdire, lorsque certains aspects de cette politique touchent les universités, de conseiller le gouvernement. Cela ne veut pas dire qu'il est le seul, ni même le principal conseiller du gouvernement, cela signifie qu'il peut conseiller le gouvernement.

Je pense qu'il serait un peu long de regarder ces divers articles. Il y en a seulement six ou sept. On peut très facilement trouver des aménagements.

Je vais vous poser des questions un peu plus spécifiques. D'abord, une dernière affirmation: Vous dites que les universités souhaiteraient continuer à rendre des comptes au seul ministre de l'Éducation. Je suis parfaitement d'accord avec cela. S'il y a des articles qui vous semblent contrevenir à cette réalité, eh bien, je pense qu'on pourra les ajuster.

Sur la fondation. Vous jugez la fondation inutile. Je vais vous dire comment on est arrivé à concevoir ce projet de loi. Je pense que c'est important. Au mois d'août dernier, cela avait été amplement annoncé par le ministre de l'Éducation, nous avions un projet de loi émanant du Fonds FCAC qui, comme je le disais tantôt, était largement représentatif des milieux universitaires, qui visait à transformer le Fonds FCAC en fondation, dont la principale source de revenus aurait été les contributions dans le public justement. Nous avons supposé que cette disposition ne faisait pas de problème. Cependant, quand on compare sur cet aspect le projet préparé par le Fonds FCAC et le projet de loi no 19, on doit convenir que, par ces sources de financement mêmes, il me semble, l'objection que vous soulevez s'applique beaucoup moins puisque la fondation profitera essentiellement de trois sources de fonds qu'elle aura à redistribuer entre les fonds sectoriels, y compris le Fonds FCAC, c'est-à-dire les dispositions fiscales contenues dans le dernier discours sur le budget. Là, vous allez admettre avec moi que cela prend un organisme gouvernemental pour recueillir ces fonds et une contribution du gouvernement et aussi, peut-être, une campagne de souscription dans le public. C'est justement, on ne pense pas que cette troisième source de financement sera, de toute façon, très importante. Nous avons voulu la laisser comme possibilité, mais c'était le principal problème qui nous semblait exister dans le projet de loi du Fonds FCAC, c'était le peu de rendement possible des moyens suggérés. Alors, nous avons tenu à en ajouter d'autres et nous nous sommes dit: Si chaque fonds se transforme en fondation, si le Fonds FCAC le fait et si le FRSQ le fait, nous allons compliquer le problème que vous soulevez, c'est-à-dire des multiples organismes qui peuvent aller dans le public et demander des fonds. C'est à ce moment que le concept de Centraide de la recherche est né, c'est-à-dire qu'on allait trouver d'autres mécanismes pour canaliser des fonds et les répartir entre les trois fonds subventionnaires.

J'aimerais que vous précisiez davantage la nature de votre opposition à la fondation. Il y a le problème de l'existence de la fondation et il y a le problème des pouvoirs de cette fondation et du ministre de qui elle relèverait. Je ne sais pas si vous avez

remarqué qu'à l'article 83 ou 84, lorsque la fondation veut confier une partie des sommes qu'elle a recueillies par divers moyens à l'un ou l'autre des fonds sectoriels, elle doit obtenir l'autorisation du ministre responsable du fonds. Le fonds doit être d'accord. Je pense que c'est à l'article 84.

Par conséquent, le projet de loi se présente comme des fonds très importants dévolus aux différents fonds sectoriels par le ministère responsable de ce fonds dans ses budgets et une ressource financière d'appoint qui est située au niveau de la fondation mais dont les décisions sont interreliées. Pour que la fondation puisse répartir les fonds, il faut que les fonds soient d'accord. Lorsque vient le temps de donner des orientations aux fonds, ce qui se fait actuellement à tous les niveaux de gouvernement... Il y a des orientations qui sont données par les ministres responsables aux fonds, à Ottawa, sous forme de directives. Il y a des directives du ministre de l'Éducation qui se donnent à la FCAC actuellement. D'accord?

La loi vise simplement à clarifier des pratiques qui sont courantes. Il y a des directives, mais ces directives sont données par les ministres responsables. Est-ce que les directives du ministre des Affaires sociales au FRSQ, qui donne des subventions à certains établissements de nature universitaire, font en sorte que ces organismes universitaires sont passés sous la tutelle du ministre des Affaires sociales? Je prétends que cela n'arrive pas plus dans ce cas que dans le cas où le ministre de la Science et de la Technologie donne des directives à certains organismes.

On aurait bien pu ne pas le mettre dans le projet de loi, cela se fait de façon courante. On aurait pu adopter la façon anglo-saxonne de procéder et ne rien mettre dans les lois. On a préféré être transparent. Ma question est la suivante: Est-ce que...

M. Ryan: Les essais antérieurs laissent à désirer.

M. Paquette: Pardon?

M. Ryan: Les essais antérieurs laissent à désirer.

M. Paquette: Ma question est la suivante: Est-ce que vous préférez qu'on ne parle pas de directives dans la loi? Est-ce que vous reconnaissez le fait - puisque vous reconnaissez, par ailleurs, que certaines orientations peuvent être données aux fonds mais non par l'adoption projet par projet -que ce sont des fonds publics et que, par conséquent, les représentants élus par le peuple ont des comptes à rendre face à ces fonds publics et qu'ils peuvent donner des orientations?

Il y a aussi des questions que je me pose face à un commentaire, à la page 6 de votre mémoire, qui rejoint ce que je viens de dire: "II nous semble que les organismes qui subventionnent la recherche doivent demeurer à l'abri des interventions politiques ponctuelles tout en devant être contraints de préparer et de soumettre un plan général de leurs activités." J'aimerais savoir où, dans le projet de loi, vous avez découvert que nous avions l'intention de faire des interventions politiques ponctuelles, ce qui, je le reconnais, irait à l'encontre totalement de l'évolution amorcée par la politique scientifique et qui a fait en sorte que les fonds sont devenus autonomes des ministères. On a créé des jurys de pairs, d'universitaires impliqués dans la recherche qui jugent la valeur des projets, qui les comparent les uns avec les autres en fonction d'orientations très générales.

Voilà les quelques questions que j'avais à vous poser. Encore une fois, je pense que l'intervention de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec nous permettra très certainement de bonifier le projet de loi. Je pense que nous avons les mêmes objectifs, les mêmes intentions et qu'il s'agit maintenant de s'assurer que le projet de loi répond à ces objectifs et à ces intentions.

Le Président (M. Brouillet): M. Boulet.

M. Boulet: M. le Président, si vous me le permettez, je vais faire quelques commentaires sur les commentaires que M. le ministre a faits avant de répondre directement aux questions. Quand il a parlé de sa perplexité, je pense qu'il y a là aussi des questions. Nos inquiétudes à propos de l'article 1, de l'article 7 deuxièmement, de l'article 8 dans plusieurs de ses alinéas, viennent des précisions suivantes.

Premièrement, il nous semble évident que l'article 1 tel que rédigé implique nettement les universités puisque, dans la loi du ministère des Affaires intergouvernementales, elles y sont impliquées de la même façon. Si c'est le cas, les pouvoirs ou les possibilités que le texte de la loi donne au ministre de la Science et de la Technologie dépassent très largement les pouvoirs que possède actuellement le ministre de l'Éducation par rapport aux universités. À la suite de la commission d'étude sur l'avenir des universités du Québec, la commission Angers, il avait été proposé qu'une loi des universités soit adoptée par le Parlement, que le Conseil des universités devienne une sorte de commission des universités, etc. Le gouvernement a nettement mis de côté ces propositions de la commission Angers de sorte qu'il existe au niveau du ministère de l'Éducation actuellement - élargissons, si vous voulez, le commentaire - il existe dans les relations actuelles entre l'ensemble des

universités du Québec et le gouvernement du Québec - il faudrait que je fasse des nuances pour l'Université du Québec précisément, mais ce n'est pas nécessaire ici - un certain nombre de relations que le projet de loi que nous avons devant nous changerait radicalement pour peu qu'on s'en tienne à la lettre et non pas à l'esprit du projet de loi. Qu'on dise, par exemple, que le ministre de la Science et de la Technologie veille à l'harmonisation des activités des ministères et des organismes publics relatives à la science et à la technologie, qu'on dise qu'aux fins de l'exécution de ses fonctions, le ministre peut conseiller le gouvernement sur toute question relative aux activités scientifiques et technologiques des ministères et des organismes publics ou encore qu'il peut présenter au gouvernement ses recommandations sur les budgets des organismes publics, leur plan de développement et les directives qui leur sont adressées chaque fois que ces budgets, ces plans de développement ou ces directives concernent leurs activités dans le domaine de la science et de la technologie, qu'il peut procéder périodiquement, en collaboration avec les ministres concernés, à l'évaluation des programmes relatifs à la science et à la technologie des ministères et des organismes publics qui en dépendent... Vous avez raison, les organismes publics que sont les universités ne dépendent pas du ministre de l'Éducation mais dépendraient désormais du ministre de la Science et de la Technologie, selon les textes que je viens de lire, dans la mesure des textes que je viens de lire, de l'alinéa 2 de l'article 8, des alinéas 6, 7, 10, 11, 14 et 16 de l'article 8. Je peux aussi lire: L'article 21 de la Loi sur le ministère des Affaires intergouvernementales pour toutes les questions..., on est déjà soumis à cela. "Veiller à ce que les politiques et les pratiques de formation, de perfectionnement, d'emploi et d'immigration répondent adéquatement, obtenir des ministères et des organismes publics les renseignements nécessaires à l'application de la présente loi de même que tout renseignement disponible concernant leurs programmes, leurs projets, leurs besoins, en matière de recherche et de technologie..." En somme, il y a là un certain nombre d'articles et j'ai bien pris soin de faire une distinction dans ce que nous dit le texte de la loi; je ne prétends pas que cela corresponde à des intentions aussi précises. Ce que nous dit le texte de la loi, c'est que les universités, désormais, dans un certain nombre d'activités qui les concernent dépendraient largement du ministre de la Science et de la Technologie bien plus qu'elles ne dépendent actuellement du ministre de l'Éducation. C'est cela que nous voulions dire. Je ne veux pas commencer une guerre de mots, mais je voulais expliquer pourquoi nous avons dit ce qui est inclus dans notre projet.

Quant à vos questions touchant la fondation, les directives et l'aspect ponctuel, je demanderais à mes collègues de m'aider. M. Giroux pourrait répondre à votre question touchant la fondation et la distinction à faire entre directive et orientation. Je demanderai ensuite à M. Lévesque d'intervenir sur certains aspects de ces directives dans d'autres organismes de même type que les fonds ou que la fondation, ailleurs, et sur l'aspect ponctuel des interventions. M. Giroux.

M. Giroux (Yves): Merci. M. le Président, la problématique que nous avons vis-à-vis de la fondation qui est proposée dans la loi relève, d'une part, du mandat multiple qui serait confié à la fondation, des éléments disparates dans ce mandat et, d'autre part, du contenu du mandat. Sur le premier point, celui de la sollicitation ou du pouvoir de sollicitation et de réception de dons, de legs et de contributions de la fondation, nous soulevons une objection fondamentale.

M. le ministre a fait allusion justement aux intentions de lancer des campagnes de souscription. Or, à notre avis, le champ de la sollicitation de contributions ou de dons d'organismes privés et d'organismes à but non lucratif est un champ qui est occupé traditionnellement, dans le système nord-américain, par les universités et d'autres organismes du genre, et il nous semble tout à fait inapproprié de voir un organisme gouvernemental venir l'occuper. Il faut comprendre que pour les universités le gouvernement est, dans certains secteurs, un partenaire très adéquat, mais il peut être, dans le secteur de la philanthropie, un partenaire un peu encombrant.

Un exemple assez récent qui ne date pas de douze mois est celui de l'Institut québécois de recherche sur la culture qui, effectivement, détient par la loi qui l'a constitué ce pouvoir de sollicitation, qui a effectivement lancé une campagne de sollicitation et qui, pour ce faire, et bénéficiant de son statut public, a su obtenir dans son comité d'honneur une brochette de personnalités dont certaines politiques. C'est ce pouvoir qui est un peu inquiétant pour les universités, d'autant plus que, dans les années que nous traversons et dans le contexte de compressions budgétaires et financier extrêmement difficile, les universités doivent se retourner encore plus énergiquement qu'auparavant vers le secteur des contributions privées pour aider à compenser un peu le manque de soutien qui leur vient du gouvernement. Donc, le fait de voir un organisme public envahir aux fins de la recherche ce secteur nous pose des objections fondamentales.

Par ailleurs, la fondation aurait aussi -

et c'est un mandat tout à fait disjoint du premier - le pouvoir de concevoir des programmes de recherche dans des secteurs jugés prioritaires. Ceci n'a rien à voir avec le pouvoir de sollicitation qu'on voudrait lui donner et il nous semble que c'est une fonction qui peut être mieux remplie et exécutée par un autre mécanisme, un autre système que celui de créer un autre organisme public - bureaucratique, il va sans dire - qui va chapeauter de plus les trois fonds qui seraient recouverts. Peut-être qu'un comité de coordination, de concertation interfonds pourrait suffire à régler les problèmes de coordination qui peuvent se poser au sein des fonds. Peut-être qu'un bureau ou une partie du ministère pourrait s'occuper de la conception de programmes prioritaires et de faire des suggestions concernant les fonds. Il n'est pas besoin, pour ce faire, nous semble-t-il, de créer un organisme officiel qui ne sera plus jamais aboli par la suite.

En ce qui concerne la question des directives, il y a plusieurs points qui ont été soulevés par M. le ministre. Un des éléments est de savoir si on doit le mettre dans la loi, étant donné que, de toute façon, on peut le faire. Nous répondons un peu par la même approche en la renversant: Est-il nécessaire de la mettre aussi explicitement dans la loi et répétitivement, alors que, de toute façon, on sait très bien que le ministre a le pouvoir de donner des indications aux organismes qui dépendent de lui ou aux organismes dont il est responsable vis-à-vis de l'Assemblée nationale?

Ce qui nous préoccupe le plus dans les directives - il y a deux éléments - c'est d'abord le terme visé. Nous avons insisté dans notre mémoire sur le fait que la recherche universitaire, pour être utile à la société et au public, doit se dérouler sur un horizon à long terme, et un long terme, nous l'avons indiqué, qui comporte de nombreuses années, peut-être dix ou vingt ans. Nous bénéficions présentement, nous le répétons, des bienfaits des investissements et des orientations qui ont été prises dans les années soixante par nos chercheurs, sans que personne ne leur dise où aller, sauf les scientifiques eux-mêmes.

Les directives émanant d'un ministère, on peut difficilement concevoir qu'elles visent un aussi long terme. On peut beaucoup plus facilement imaginer qu'elles vont viser un terme très court et qu'elles vont vouloir des résultats dans trois, six ou neuf mois. C'est là qu'est l'incompatibilité. C'est la raison pour laquelle nous nous y opposons.

Une autre raison extrêmement pratique et qui relève du vécu récent est que, dans les dernières années - et je vous donnerai un exemple très précis qui relève de l'automne 1982, il n'y a pas un an - la gestion de la recherche universitaire, surtout dans le cadre

FCAC a été ralentie, encombrée par des délais, au sein des cabinets, à donner des mandats, à donner des autorisations, au fond, de faire les démarches pour lesquelles il est mandaté. Encore à l'automne dernier, des brochures annonçant des programmes de bourses pour les étudiants ont été imprimées et ont été retenues au Fonds FCAC, parce que le mandat n'était pas arrivé encore du ministère et il a fallu qu'il vienne dans les universités, après que des pressions considérables aient été faites, avec une feuille supplémentaire disant: Veuillez changer la date limite du 15 novembre ou 15 décembre pour le 1er janvier parce que la directive était encore à cuire.

La recherche universitaire a besoin d'une stabilité à long terme, elle a besoin de connaître où elle s'en va et de connaître les dates limites beaucoup plus longtemps à l'avance que les directives ou les mandats ne peuvent le faire présentement.

Ce sont là, M. le Président, les raisons fondamentales de notre objection à ces éléments. Merci.

Le Président (M. Brouillet): M. René Lévesque.

M. Lévesque (René): Je voudrais ajouter...

Le Président (M. Brouillet): Excusez-moi, il est 13 heures, on reviendra plus tard. Vous pouvez garder vos questions, je pense bien.

Mme Dougherty: À 14 h 30, est-ce qu'on peut revenir?

Le Président (M. Brouillet): Si tout le monde est d'accord, on peut se donner rendez-vous à 14 h 30.

M. Paquette: Est-ce qu'on a une autre salle?

Le Président (M. Brouillet): À la salle 81. Donc, nous suspendons nos travaux jusqu'à 14 h 30.

(Suspension de la séance à 13 h 03)

(Reprise de la séance à 14 h 40)

Le Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission permanente de la présidence du conseil et de la constitution reprend ses travaux. Nous entendions les représentants de la CREPUQ. Je tiens à préciser le temps que nous avons à notre disposition et la façon dont nous en disposerons. Jusqu'ici, nous avons consacré 45 minutes au mémoire de la CREPUQ. Il faudrait encore se réserver un maximum de

25 minutes. Donc, accorder 5 minutes additionnelles pour terminer les questions que M. le ministre avait à poser et 20 minutes à l'Opposition pour essayer de passer à travers ce mémoire.

Je cède la parole aux représentants...

Mme Dougherty: M. le Président...

Le Président (M. Brouillet): Oui, excusez-moi.

Mme Dougherty: Je crois que le partage du temps des deux côtés est important. Peut-être pouvez-vous être un peu plus exigeant pour que les deux partis aient un temps égal.

Le Président (M. Brouillet): Oui, c'est mon intention. Je me suis aperçu qu'on avait un peu dépassé la limite de la part du ministre, mais pour les autres intervenants on essaiera de prévoir le temps qu'il nous reste. Il faudrait essayer de voir l'ensemble des mémoires dans une heure et le temps qu'il nous restera, à la suite de l'exposé, sera réparti à parts égales entre les deux partis.

Messieurs les représentants de la CREPUQ.

M. Boulet: Je vous remercie, M. le Président. J'avais demandé ce matin à M. Lévesque de compléter nos réponses aux questions de M. le ministre. M. Lévesque.

M. Lévesque (René): J'ai une connaissance d'un certain nombre de fondations ou de conseils qui financent la recherche universitaire de par le monde, y compris la National Science Foundation aux États-Unis, le Deutsche

Forschungsgemeinschaft, en Allemagne, le British Science and Engineer Research Council et, bien sûr, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie à Ottawa dont je suis le vice-président.

Je dois dire que j'aurai des nuances importantes à faire à la suite de ce qu'a dit le ministre tantôt. Les conseils de par le monde, en général - ceux que j'ai mentionnés du moins - sont indépendants et ne subissent pas de directive ministérielle. Par directive ministérielle, je veux dire des directives ministérielles dictées par la loi. Je crois qu'il y a une différence considérable entre les échanges qui peuvent avoir lieu entre un président de conseil et un ministre et les directives qui viennent de la loi. Je pense que ceci est une différence très importante. Si vous prenez, par exemple, le cas des biotechnologies, il n'y a jamais eu de directive donnée au conseil, à Ottawa, qui ait dit: Dans le cadre des subventions thématiques, vous devez développer... D'ailleurs, je n'avais jamais rencontré le ministre - et je suis là depuis trois ans -comme conseil, sauf cette semaine où c'était la première fois que le conseil rencontrait le ministre. Le président et certains officiers du conseil sont en relation permanente avec le ministre et différents autres ministres. Dans ces rencontres, il y a des échanges de points de vue, bien sûr. Il y a des commentaires, des propositions, à savoir que le conseil pourrait faire ceci ou cela, mais le conseil peut toujours dire non. Il peut toujours dire: Je crois que pour la recherche universitaire cette suggestion n'est pas acceptable et nous refusons d'y donner suite. C'est la différence fondamentale entre cela et le texte ici où on dit: Le ministre responsable d'un fonds peut donner des directives. Ces directives sont préparées en collaboration avec le ministre de la Science et de la Technologie. Le ministre responsable les soumet au gouvernement pour approbation et, à la suite de cette approbation, le fonds est tenu de s'y conformer. Même si ces directives sont contraires au développement universitaire de la science, le conseil serait tenu de s'y conformer. Dans un tel contexte, je doute beaucoup que des scientifiques de grand calibre veuillent travailler à l'intérieur d'un conseil qui serait géré de cette façon. C'est un point que je voulais souligner.

Dans le cas du Deutsche Forschungsgemeinschaft, comme vous le savez, la situation est un peu différente parce que c'est un conseil conjoint entre le fédéral et les provinces. C'est un organisme indépendant qui fonctionne très bien, à ma connaissance. L'Allemagne s'est très bien développée. La recherche universitaire et la recherche industrielle en Allemagne fonctionnent très bien sans qu'il y ait ces directives données au conseil. (14 h 45)

C'est la raison pour laquelle nous croyons que les personnes qui sont nommées d'ailleurs par le gouvernement... Le gouvernement peut choisir les membres des conseils. Le gouvernement peut - c'est ce que nous disons dans notre mémoire demander un plan quinquennal, peut demander un plan triennal, peut approuver ou ne pas approuver ce plan. Une fois que ce plan est approuvé, je crois que, par la suite, le conseil devrait être laissé complètement libre et complètement indépendant de toute directive ministérielle, de par la loi. Ceci ne veut pas dire, bien sûr, que le ministre ne peut pas avoir des échanges et suggérer au conseil certaines façons, certains nouveaux thèmes qu'on devrait développer, mais certainement pas ce qui est proposé aux articles 83, 84, 85 et 86. Merci, messieurs.

Le Président (M. Brouillet): Pour terminer, M. le ministre; peut-être une question?

M. Paquette: Pour terminer l'échange, M. le Président, si vous me le permettez. Je pense qu'il est important de vider cette question qui m'apparaît un des éléments qui causent problème.

Je lis un article qui avait été préparé par le Fonds FCAC dans son projet de loi qu'il nous avait soumis au mois d'août, qui correspond à la pratique actuelle. Cela se lit comme suit: Le ministre peut donner des directives à la fondation - il était question de transformer la FCAC en fondation - sur les secteurs de la recherche scientifique qu'il estime prioritaires pour l'attribution de l'aide financière. La fondation doit aussi exécuter tout mandat spécifique que peut lui confier le ministre, avec l'approbation du gouvernement. Une telle directive ou un tel mandat doit être déposé par le ministre devant l'Assemblée nationale dans les quinze jours de sa transmission à la fondation.

D'autre part, il est exact que, dans les organismes ailleurs qu'au Québec, la notion de directives n'existe pas dans la loi. Il existe cependant dans les conseils fédéraux à Ottawa plusieurs articles qui nous montrent que les conseils fédéraux sont relativement bien encadrés. Le président et les membres sont nommés par le gouverneur en conseil. Les crédits, évidemment, sont affectés par le Parlement. Le gouverneur en conseil en nomme le président, fixe la durée de son mandat. Le conseil peut, avec l'approbation du gouverneur en conseil, choisir un vice-président parmi ses membres. Le siège du conseil est fixé par le gouverneur en conseil.

On parle des différents comités. On constate que les conseils fédéraux sont des fondations, en ce sens qu'ils peuvent aller chercher des dons dans le public. C'est pour cela que je m'étonne que vous l'acceptiez au niveau du gouvernement fédéral et que vous nous disiez: On aimerait mieux que la fondation n'aille pas solliciter dans le public. Les trois conseils fédéraux le font déjà. De par la loi, ils sont autorisés à le faire.

M. French: Ils ne sollicitent pas, M. le ministre.

Le Président (M. Brouillet): Attendez, M. le député.

M. Paquette: Ah! Ils peuvent recevoir des dons.

M. French: II vient d'affirmer quelque chose.

Le Président (M. Brouillet): Demandez votre droit de parole, si vous voulez parler.

M. Paquette: Les membres du comité des placements qui résultent des dons que reçoivent les conseils fédéraux, c'est l'article 13.3: Les membres du comité des placements sont nommés par le gouverneur en conseil. Ensuite, on lit à l'article 14: Sur l'approbation du gouverneur en conseil toujours le gouvernement - le conseil - un conseil subventionnais ici - peut par règlement fixer la conduite de ses délibérations et d'une façon générale, celle de ses activités. Il peut de la sorte procéder à la création de comités spéciaux, permanents ou autres. Ceci est en clair l'équivalent de notre article 86 où les règlements de régie interne sont approuvés par le gouvernement. Ici, à Ottawa, on dit: Sur l'approbation du gouverneur en conseil, le conseil peut par règlement fixer, etc.

Il est vrai qu'il y a divers autres articles qui encadrent le fonctionnement des conseils. Il est vrai que dans les conseils fédéraux, le pouvoir de directives n'existe pas. La question que nous nous sommes posée et la raison pour laquelle on en parle dans notre projet de loi, parce que, encore une fois, la pratique actuelle face, notamment, au Fonds FCAC est que chaque année le ministre responsable transmet les directives sur les orientations du fonds. En voici une. Vous voyez que ce n'est pas très volumineux, on parle des différents programmes. On parle du montant des bourses qui devront être affectées au niveau maîtrise et doctorat. La question qui se pose, c'est que, si on ne parle pas de directives dans la loi, on ne peut pas faire obligation à un ministre de déposer quelque chose qui n'existe pas par la loi. Ce que nous voulons faire par ce projet de loi, c'est que ces directives, qui témoignent des orientations gouvernementales, dans le cas des trois fonds soient présentées par le ministre responsable, approuvées par le gouvernement et déposées à l'Assemblée nationale. Pour qu'elles soient déposées à l'Assemblée nationale, il faut qu'on en parle dans la loi.

Je me demande si, selon vous, le fait de parler des directives dans la loi est vraiment ce qui fait problème ou n'est-ce pas plutôt la façon dont on le formule et ce qu'il y a autour? Peut-être y a-t-il trop d'articles, trop de dispositions, trop de détails dans la loi. Encore une fois, on a le choix. On peut bien ne pas parler de directives, il va y en avoir quand même, comme il y en a partout. On ne pourra pas demander qu'elles soient soumises au débat public, à l'Assemblée nationale. À mon avis, c'est un gain que les directives soient soumises, autant dans le cas de la fondation que des fonds, à l'Assemblée nationale, parce que là il y a des questions de fond très souvent et cela mérite d'être débattu, cela mérite d'être placé dans l'enceinte où se situe le principal forum de débat public au Québec, c'est-à-dire l'Assemblée nationale.

Donc, deux questions: une sur la possibilité pour la fondation de recevoir des dons et des legs, pourquoi cela devrait être

différent de ce qui se passe à Ottawa, et, deuxièmement, cette question sur les directives.

M. Boulet: J'aimerais dire au ministre que notre attitude aujourd'hui n'est nullement de dire que ce projet nous placerait dans une situation qui, si on la compare à celle d'Ottawa, de Washington, de Paris ou d'ailleurs, défavorable ou favorable, etc. Si nous étions consultés sur le fait que les fonds fédéraux puissent aller chercher des legs et des dons, nous leur ferions sûrement la même remarque que nous faisons ici. Ils ne nous l'ont pas demandé et ils ont décidé de le faire. Ils décideraient de continuer à le faire ou à ne pas le faire, mais nous leur ferions sûrement la même remarque.

Deuxièmement, sur la question des directives, posée comme la pose M. le ministre, c'est évidemment une question de fond. Quand M. le ministre la pose en fonction du dépôt et de la discussion des directives en Assemblée nationale, il ouvre évidemment, de façon très nette, une porte qui m'apparaît très positive. Cependant, ce qui nous amène à faire les réflexions que nous faisons, ce sont les principes - si tant est qu'on peut appeler cela des principes -suivants: Tout d'abord, il est indiscutable qu'à notre avis il appartient au gouvernement d'un État de fixer les priorités de cet État. Si le gouvernement fixe les priorités de l'État, il m'apparaît évident que ce gouvernement peut, dans la distribution des fonds de l'État, indiquer les priorités auxquelles doivent servir les fonds de cet État. Cela ne nous fait pas de difficulté.

Dans le texte, nous ne l'avons peut-être pas dit très clairement, mais nous disons quand même, au bas de la page 2: Les universités reconnaissent que le gouvernement peut, par ses politiques et l'affectation de ses ressources financières, orienter de façon significative le développement de la recherche..." Là aussi, il y a des fonds de l'État et ce dont nous discutons, ce sont des fonds de l'État. Ce que nous disons - et nous le disons très ouvertement, nous sommes heureux de la façon dont se discute ce projet de loi parce que chaque partie dit carrément ce qu'elle pense et je crois que dans un domaine aussi précieux que celui de la recherche, il faut que nous ayons cette franchise - c'est que nous savons et nous admettons que, l'État ayant fixé des priorités, un ministre qui est responsable d'un fonds rencontre les responsables de ce fonds et leur dise quelles sont les priorités de l'État et s'attende que les responsables de ce fonds en tiennent compte.

Nous sommes conscients que des rencontres de ce type existent. Nous admettons que tout cela existe. Dans le cas précis qui nous préoccupe, on va dans les textes jusqu'à dire: II y aura des directives à la fondation, à chacun des fonds et le Fonds Marie-Victorin - je ne saurais citer de façon précise les textes de loi - perd, à mon avis, une certaine marge de manoeuvre assez appréciable par rapport à l'ancien Fonds FCAC. Nous disons, en tant qu'université, tout en reconnaissant la nécessité où se trouve l'État de fixer des priorités, que nous croyons que l'État doit aussi avoir conscience que, plus on laissera de libertés à la recherche universitaire, mieux celle-ci produira les effets escomptés.

Cela peut sembler un discours, et je sais que parfois, cela fatigue les gens, de gens un peu trop conscients de leur valeur -ce n'est pas du tout le ministre qui a dit cela, mais je sais que, dans certains discours, cela apparaît - qui répètent toujours la question de leur autonomie, etc, mais je pense qu'il faut que l'État, en tant qu'État, reconnaisse profondément que, s'il protège l'autonomie des chercheurs et des universités où ils oeuvrent, c'est lui-même qu'il protège, peu importent les individus qui en parlent.

C'est au fond le discours que nous tenons à tenir et il est délicat parce qu'il est sur la corde raide entre les deux réalités. Nous reconnaissons à l'État non seulement le droit mais le devoir de fixer des priorités, mais nous lui rappelons qu'il est peut-être aussi de son droit et de son devoir de protéger le plus possible la liberté des chercheurs eux-mêmes. Et l'apparition d'un terme comme "directives" dans un texte de loi nous semble ouvrir la porte à la possibilité qu'on restreigne cette chose. Je ne sais pas si mes collègues ajouteraient quelque chose à ce que je viens de dire, mais c'est là un peu notre discours.

M. Lévesque (René): Je voulais ajouter une petite chose. Il est vrai que présentement le ministre de l'Éducation donne des directives et peut donner des directives à la FCAC, mais lors de nos interventions sur le livre vert sur la politique scientifique, nous avions demandé que les fonds, que les organismes de subvention soient libres de ces directives. C'est une des raisons pour lesquelles nous avons demandé qu'elles sortent du ministère de l'Éducation, mais le ministre de l'Éducation a quand même cru bon de maintenir ce pouvoir de directive. Nous maintenons notre opposition à ce pouvoir de directive officiel et surtout, quand c'est consacré dans une loi.

Le Président (M. Brouillet): Très bien. Merci. Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci. J'aimerais remercier d'abord la Conférence des recteurs pour son excellent mémoire. Je crois que, si le ministre avait consulté les groupes comme il le prétend, on n'aurait peut-être pas la même loi devant nous aujourd'hui.

M. Paquette: M. le Président, si vous me le permettez. Je ne veux pas interrompre ma collègue. Je n'ai jamais prétendu avoir consulté les groupes. J'ai dit que j'avais consulté diverses personnes dont les membres du Conseil de la politique scientifique, les présidents des fonds et certaines personnes sur certains aspects. Je n'ai jamais prétendu pouvoir consulter les groupes avant que le projet de loi soit adopté par le Conseil des ministres, ce qui a pris plus de temps que je ne le pensais, d'ailleurs.

Le Président (M. Brouillet): Mme la députée.

Mme Dougherty: D'abord, comme l'article 1 est l'article clé dans cette discussion, j'aimerais demander au ministre si les hôpitaux sont inclus de la même façon que les universités. Parce que, si oui, je crois que mon collègue... Est-ce que la réponse...

Le Président (M. Brouillet): Si ce sont quelques questions d'information, cela peut toujours aller mais normalement nous devons surtout profiter de... (15 heures)

Mme Dougherty: Oui, j'ai plusieurs questions à poser aux recteurs, mais j'aimerais clarifier ce point au début.

Le Président (M. Brouillet): Oui peut-être. Si c'est une clarification brève, on peut toujours le permettre. Oui.

M. Paquette: Oui, ce sont des organismes publics au sens de la définition de l'article 1, je pense.

Mme Dougherty: D'accord. Je crois que ma collège de L'Acadie aura des questions là-dessus plus tard, compte tenu que la recherche est faite en grande partie dans les hôpitaux et pas uniquement dans les universités.

J'aimerais demander aux recteurs si, à leur avis, un conflit existe entre la charte des universités - je ne sais pas si elles ont exactement le même statut - qui établit une certaine autonomie, et l'article 1 de la loi?

M. Boulet: Personnellement, je ne me suis pas penché sur ce problème précis parce que la Loi sur l'Université du Québec est différente de la charte des universités plus anciennes. Je vais demander à mes collègues, MM. Lévesque et Giroux, de répondre à ça.

M. Lévesque (René): J'ai apporté la charte de l'Université de Montréal, mais je ne suis pas juriste. Par contre, il m'est difficile de répondre exactement à la question, mais, si vous le permettez, je vais lire quelques articles et les juristes pourront s'exprimer. Dans les dispositions générales, on dit que l'université a pour objet l'enseignement supérieur et la recherche. L'université a tous les droits et pouvoirs ordinaires des corporations, y compris celui de posséder des immeubles, et elle peut faire tout acte compatible avec son objet. En particulier, l'université peut décerner tout grade, diplôme ou certificat universitaire, créer des facultés et des écoles et en déterminer la structure, les fusionner et les abolir, créer des instituts ou autres organismes universitaires et en déterminer la structure et la relation avec l'administration générale de l'université ou avec une ou plusieurs facultés, les fusionner ou les abolir, s'affilier par contrat, etc.

Le texte semble indiquer que l'université comme corporation a tout pouvoir dans le cadre de l'enseignement et de la recherche: décerner des grades, déterminer le contenu, etc.

M. Boulet: M. Giroux.

M. Giroux: Un mot supplémentaire sur l'Université Laval. Je n'ai malheureusement pas le texte de la charte de l'université sous les yeux, mais je veux dire deux choses: L'une, c'est que je ne me souviens pas qu'il y ait la moindre allusion dans la charte aux pouvoirs quelconques du ministère de l'Éducation de donner des indications ou des directives. J'en voudrai pour preuve le fait que même le pouvoir du ministère de l'Éducation en matière de diplômes à conférer par les universités se limite à ne pas financer les programmes qui mèneraient à des diplômes qui n'auraient pas reçu l'aval du ministère de l'Éducation par le biais du processus d'approbation par le Conseil des universités. Les universités sont effectivement libres de mettre sur pied tout programme mais la pénalité, c'est qu'elles ne sont pas subventionnées par le ministère, ce qui est évidemment un obstacle majeur.

Mme Dougherty: Est-ce qu'on pourrait avoir, au cours de l'après-midi, une copie de l'une des chartes des universités? Cela pourrait nous aider à clarifier la situation.

M. Boulet: Oui, M. Lévesque le fera pour l'Université de Montréal, M. Giroux pour l'Université Laval et M. Hitschfeld pour l'Université McGill.

Mme Dougherty: D'accord, merci. Nous avons parlé du Fonds FCAC et j'aimerais qu'on détaille le fonctionnement actuel des relations entre le FCAC et le ministre ou le fonds de santé - je ne sais pas s'ils fonctionnent de la même façon. La situation est-elle satisfaisante? Vous avez mentionné votre opinion, durant la consultation, selon laquelle vous êtes contre les directives. Vous

n'êtes pas d'accord avec le fait que le fonds reçoive des directives, mais, en général, est-ce que les fonds sont satisfaits de leur situation et de leur fonctionnement? Est-ce qu'ils sont satisfaits de la façon selon laquelle ils sont traités par le gouvernement?

M. Boulet: II est évidemment difficile pour nous de parler au nom des fonds, mais, si j'ai bien compris le début de votre question, vous faisiez allusion à nos relations avec les fonds. Je dois vous dire - et notre texte le dit - que nos relations et les relations en général des universités avec le Fonds FCAC sont très satisfaisantes, ce qui, si je le relie à la réponse de M. Lévesque tout à l'heure, indique qu'il peut y avoir des textes et qu'il peut y avoir aussi des façons d'agir et que celles-ci sont extrêmement importantes. Alors, avec le Fonds FCAC, nous prenons soin de l'écrire dans notre document, donc cela va bien.

Quant au fonds des sciences de la santé auquel vous faites allusion, comme l'Université du Québec n'a pas de sciences de la santé, je préfère que ceux qui ont des facultés de médecine se prononcent là-dessus. M. Hitschfeld, avez-vous un mot à dire là-dessus, peut-être?

M. Hitschfeld (Walter): Si vous permettez, M. le Président, je voudrais ajouter une perspective nouvelle. Moi, j'ai eu la bonne chance de participer, dès le commencement de la formation du programme FCAC, comme membre du comité et tout cela, et j'ai détecté, j'ai constaté une amélioration continuelle depuis sa naissance. C'était lié à une libération de cet organisme de l'intérieur d'une boîte tout à fait bureaucratique à l'intérieur du ministère de l'Éducation. Il me semble que nous défendons ici, comme membres de la CREPUQ, comme membres de diverses universités, le fait qu'on ne veut pas voir une destruction de ces tendances, un renversement de ces tendances, établir le fonds FCAC jusqu'ici comme un appareillage plus lié à un ministère. C'est à cause de cela que nous disons que les fonds doivent être sensibles aux priorités établies par le gouvernement, par l'Assemblée nationale, par la société et en même temps, qu'il faut que les gens qui prétendent être des experts dans ces fonds, que ces experts qui sont les haut-parleurs, si vous voulez, de la communauté de recherche doivent interpréter cette priorité selon leur propre jugement. Pour cela, ils ont besoin, évidemment, d'une certaine mesure importante de liberté.

M. Boulet: M. Giroux, M. le Président, aimerait ajouter un mot, si vous permettez.

M. Giroux: Très brièvement, j'ajouterais, pour démontrer qu'effectivement les relations présentement entre les universités et les fonds... Il y en a deux qui existent présentement, comme tels: la FCAC et le Fonds de recherche en santé du Québec. Les relations sont excellentes pour l'ensemble des universités qui sont concernées et même comme groupe d'universités. D'une part, au sein de la CREPUQ, nous avons un comité de recherche que je préside et qui rencontre régulièrement, depuis quelques années, par exemple, les responsables du Fonds FCAC pour discuter d'un certain nombre de questions, de l'évolution du fonds et des préoccupations qui nous touchent comme gestionnaires de la recherche au sein des universités.

Nous avons aussi, en septembre dernier, organisé un premier colloque d'administrateurs de recherche universitaire auquel nous avions eu le plaisir d'avoir le ministre Paquette, nouvellement nommé, et qui a été justement l'occasion d'une rencontre entre l'ensemble des administrateurs universitaires et les représentants de ces deux principaux fonds. Cela est devenu une première tentative, une première réussite, même, d'établir un dialogue très suivi entre les responsables administratifs de la politique scientifique du Québec au niveau du ministère et au niveau des fonds et les responsables dans les universités. De ceci, il semble que, dès l'automne prochain, va naître une association d'administrateurs de recherche universitaire du Québec, avec laquelle les contacts vont être très suivis et au sein de laquelle, si on peut dire, vont se soigner les relations avec les responsables des différents organismes publics. Merci.

Mme Dougherty: Une question sur la composition du personnel de la fondation visée par la loi. La loi vise la présence des trois présidents des fonds comme membres du conseil de la fondation, conseil d'administration. Voyez-vous un danger, ici, un conflit d'intérêts entre ces trois personnes, étant donné que les fonds de la fondation sont orientés vers la recherche appliquée plutôt que la recherche libre et que les fonds s'occupent de la recherche libre? Donc, pour ces trois personnes, je vois une espèce de conflit d'intérêts avec deux mandats différents. Voyez-vous un tel conflit?

M. Boulet: Personnellement, madame, ce n'est pas tant sous cet angle-là que sous l'angle de l'existence... Je m'excuse, j'ai dit madame, je ne sais pas si cela est correct. Je devrais m'adresser au président, mais je ferai probablement d'autres erreurs du même type.

Ce que nous avons comme réaction, ce n'est pas tellement sur l'organisation même

de ce conseil d'administration que sur l'existence de cette structure supplémentaire. Si tant est que cette structure doive un jour exister, personnellement - et je demanderai la réaction de mes collègues - je trouve au contraire qu'il serait sain que ce soient les présidents des trois fonds qui constituent le conseil d'administration de la fondation, si tant est qu'elle doive exister. Nous espérons qu'elle n'existera pas parce que cela ajouterait une structure aux structures qui existent déjà. Je ne sais pas si mes collègues sont d'accord. M. Giroux, ce matin, faisait allusion à un comité de coordination qui serait probablement constitué aussi des présidents.

Mme Dougherty: Dernière question, parce que j'aimerais laisser le reste du temps à mes collègues. Elle s'adresse à M. Lévesque, qui a parlé des fonds subventionnaires ailleurs. À Ottawa, par exemple, qu'arrive-t-il si le gouvernement n'accepte pas le plan de développement du conseil?

M. Lévesque (René): Je pense que...

Mme Dougherty: C'est une question hypothétique, peut-être?

M. Lévesque (René): Voici une histoire un peu amusante sur le projet de développement. Le plan quinquennal du CRSMG, du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, a été présenté il y a déjà plusieurs années mais n'avait pas été accepté avant que les élections ait lieu, en 1979, quand M. Clark est arrivé au pouvoir. M. Clark avait approuvé le projet de façon temporaire. Il y a eu d'autres élections par la suite, mais le conseil a continué à fonctionner quand même selon le plan qu'il s'était donné même s'il n'avait pas encore reçu l'approbation officielle. Ce n'est que plus tard qu'une approbation officielle du gouvernement est venue, mais le conseil avait déjà commencé à mettre en place le plan tel que préparé par le conseil même.

Bien sûr, je crois qu'en pratique le conseil a le pouvoir, de la façon dont il est créé, de fonctionner même si le gouvernement n'accepte pas le plan. Je doute très fort qu'un conseil fasse cela parce que cela serait une façon pour lui de s'autodétruire. Avec le temps, bien sûr, le gouvernement couperait les subsides, couperait les subventions et refuserait de renommer certaines personnes et les effets seraient néfastes.

Dans un certain sens, le gouvernement a des moyens suffisants, simplement du fait qu'il finance les fonds, qu'il nomme les gens aux conseils sans qu'il soit nécessaire d'ajouter dans une loi tout un ensemble de directives, y compris celles qui sont contenues à l'article 86, qui sont beaucoup plus bureaucratiques que nécessaires. Je ne sais pas si cela répond à la question de madame...

Mme Dougherty: Oui, merci.

M. Boulet: M. le Président, on aura compris que l'allusion à M. Clark ne signifie rien quant à notre position sur le congrès conservateur.

Le Président (M. Brouillet): Je n'en doute pas. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: À la page 4 de votre mémoire, MM. de la CREPUQ, vous mentionnez un certain nombre d'alinéas de l'article 8 du projet de loi qui risquent d'entraîner des dédoublements d'autorité et des complications dans le fonctionnement de l'activité de recherche. Vous demandez en particulier que les universités soient exemptes d'une série d'alinéas qui se rattachent à cet article. Est-ce que vous souhaiteriez tout simplement qu'il soit mentionné ne s'appliquent pas aux universités? Est-ce que cela vous semble pratique, concrètement, qu'on envisage cela comme ça ou si cela ne serait pas mieux d'envisager quelque chose au début de l'article: "Aux fins de l'exécution de ses fonctions, le ministre, compte tenu de la responsabilité propre de ses collègues chargés de certaines institutions, etc. Exclure complètement les universités de la définition d'organisme public, cela crée un gros problème. C'est déjà dans une autre loi, la loi des affaires intergouvernementales. C'est déjà dans la pratique. Les universités tirent quand même au moins 90% de leur budget de subventions qui leur viennent de l'État. On peut bien jouer sur les termes, mais il me semble qu'elles font partie du domaine public, au sens large du terme. Et si on pouvait trouver des moyens d'inscrire dans la loi des précisions qui assureraient une protection minimale contre ces dédoublements d'autorité, il me semble que c'est cela que vous recherchez. (15 h 15)

M. Boulet: M. le Président, le député d'Argenteuil a raison. Nous n'avons pas, je pense, demandé de n'être pas inclus dans l'expression "organisme public". Bon. Il nous semble évident que l'Université du Québec en est un nettement et les autres universités discuteraient avec beaucoup de nuances pour savoir si elles en sont ou si elles n'en sont pas. Alors, il ne s'agit pas de nous exclure de cette expression. Ce que nous suggérons, c'est que cette expression ne soit pas mise là et qu'on désigne autrement les autres organismes publics, ou qu'on exclue spécifiquement - et c'est un peu ce que dit

M. le député d'Argenteuil - les universités d'un certain nombre de choses et pas uniquement parce que cela dédouble l'autorité. Mais encore une fois, tel que nous interprétons le texte - et non pas la philosophie qu'il y a derrière - ceci donne au ministre de la Science et de la Technologie beaucoup plus d'autorité sur les universités que le ministre de l'Éducation n'en a actuellement.

M. Ryan: Vous avez mentionné, je pense, dans votre mémoire, que le projet diminue l'importance de la FCAC au profit, peut-être, du fonds nouveau qui serait créé ou de l'autorité qui serait donnée au ministre. Pourriez-vous expliquer cela, parce que ce n'est pas clair à la lecture du projet, qu'il y aurait une diminution de l'importance de la FCAC?

Le Président (M. Brouillet): Vous permettez que je demande au président de la commission de la recherche, M. Giroux, de répondre à cette question?

M. Giroux: M. le Président, ce qu'il faut comprendre - et je parle en cherchant le texte - ce n'est pas tellement qu'il y ait une diminution de l'importance même du Fonds FCAC, c'est que le choix du nom Marie-Victorin semble traduire une diminution du champ disciplinaire couvert par les responsabilités du Fonds FCAC, Marie-Victorin étant, tout illustre qu'il soit, un expérimentaliste de sciences fondamentales. C'est là que se comprend l'allusion à la diminution du champ couvert par le Fonds FCAC. Plusieurs - et ils sont nombreux -lisent un message dans le choix du nom.

M. Ryan: II n'y a rien dans le texte, par conséquent, sauf cela.

Le Président (M. Brouillet): M. le député de Westmount.

M. French: M. le Président, je voudrais poser une brève question d'abord sur la fondation et le problème de l'acceptation des dons, etc. Je voudrais demander ceci au recteur ou à ses collègues: Si les articles pertinents du projet de loi étaient amendés afin de rendre la possibilité d'accepter les dons, contraints par les exigences de ne pas aller solliciter publiquement, de ne pas consacrer de l'argent public, de ne pas consacrer le temps des agents ou des employés de la fondation à cette fin, est-ce que cela vous satisferait?

M. Boulet: Je pense que je peux répondre oui, au nom de mes collègues. Mais, il est évident que, dans un document comme celui que nous avons déposé, il y a dans notre vision des choses des points qui sont plus importants que d'autres. Celui-ci, à nos yeux, n'est pas le plus important, mais il est évident que ceci nous satisferait.

M. French: Bon. Alors, passons donc au point le plus important, plus particulièrement la réalité des pouvoirs du ministre vis-à-vis des universités. Il y a peut-être, au moins d'après ce que le ministre dît, une espèce de mésentente entre ses intentions et la traduction en termes juridiques de ses intentions. C'est drôle parce que lorsque j'ai lu le projet de loi, après plus de dix ans d'expérience dans le domaine de la pratique des sciences, des relations entre les gouvernements et les chercheurs, ce qui m'a frappé surtout, ce n'était pas que le ministre se soit donné des armes vis-à-vis des universités, mais que le ministre se soit donné des armes vis-à-vis de ses collègues au Conseil des ministres.

M. Paquette: Je vous ai dit que cela avait pris du temps au Conseil des ministres.

M. French: Et je me suis dit ultimement que cela soulève la question suivante: Est-ce que les universités et les chercheurs voudraient plus un ministre dévoué pratiquement à 100% pour faire avancer la recherche au Québec ou est-ce qu'ils préféreraient vivre avec les attentions à temps partiel des ministres de l'Éducation successifs?

M. Boulet: M. le Président, vous permettrez que je ne me prononce pas sur la première partie de la question. Je laisserai à M. le ministre le soin de discuter avec son collègue député dans les corridors pour répondre à cette partie de la question.

Sérieusement, je voudrais rapidement reprendre un petit peu ce que j'ai dit tantôt. La liberté de la recherche dans le monde universitaire est et ne peut pas être autre chose qu'un choix d'État. Il y a des États où la recherche est entièrement libre dans les universités. Il y a des États où elle est moins libre et il y a des États où elle ne l'est pas du tout. Ce que j'ai voulu dire tantôt c'est que cela devient une responsabilité de l'État, selon le concept qu'on a de l'université et de sa valeur au niveau de la recherche, aussi importante d'essayer de préserver la liberté des chercheurs que de définir les priorités de l'État et d'établir le lien entre les deux, ce qui n'est pas facile.

M. French: Est-ce que je pourrais seulement reformuler un peu la dernière question?

Le Président (M. Brouillet): Brièvement, oui, parce qu'il ne reste que quelques minutes.

M. French: Effectivement, je vais essayer de la reformuler. Je pense que ce que je décèle dans votre mémoire et de vos interventions c'est que le projet de loi réduit en quelque sorte le pluralisme institutionnel des sources de financement pour la recherche au Québec et que le monde académique, le monde de la recherche préfère avoir une variété de sources, d'institutions mandatées différemment, avec des prises de décision séparées et pluralistes, que d'avoir une mainmise, quelles que soient ces sources et quel que soit son rationnel, sur les fonds de recherche venant d'un seul gouvernement.

M. Boulet: M. Hitschfeld, aimeriez-vous répondre à cette question?

M. Hitschfeld: Merci. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec l'intervention qui a été faite tout à l'heure. En principe, oui, les universités préfèrent et, plus que cela, elles insistent pour avoir une pluralité de sources. Mais je ne crois pas que ce soit en jeu ici parce qu'on a actuellement une source québécoise, comme le programme FCAC, qui est plus ou moins satisfaisante et qui est plus ou moins au service de la communauté. Il y a des difficultés sans doute. Mais je crois qu'avec le projet de loi que nous étudions aujourd'hui, on gardera l'accès à cette source, mais il est vrai qu'il y a certains dangers avec ce projet et nous les avons soulignés.

Ce n'est pas une diminution des sources mais il y a peut-être même un espoir, si vous voulez, de croissance de la valeur de cette source mais, en même temps, il y a le danger, qu'on a souligné à plusieurs reprises, qu'avec le texte comme tel, le ministre ou l'administration de cette source devienne plus directrice, donnant plus de directives et nous sommes contre cela. Ce n'est pas le changement de sources mais c'est le moyen ou la méthode de leur administration que nous discutons.

Le Président (M. Brouillet): Une dernière question, Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Ma collègue de Marguerite-Bourgeoys, tout à l'heure, a bien indiqué et cela semble avoir été confirmé par...

M. Paquette: Votre collègue de Jacques-Cartier.

Mme Lavoie-Roux: Ah! Pas de

Marguerite-Bourgeoys, mais de Jacques-Cartier.

M. Paquette: ...On aime mieux votre collègue de Jacques-Cartier.

Mme Lavoie-Roux: Ce sont des remarques de nature partisane, M. le Président. Tout à l'heure, ma collègue députée de Jacques-Cartier interrogeait le ministre à savoir si les établissements de santé étaient compris dans l'article 1. Le ministre semble avoir répondu dans l'affirmative. Dans les universités du Québec, il y a une longue tradition de recherche en santé, en collaboration avec les hôpitaux. Est-ce que vous pourriez me dire de quelle façon ce qui est prévu dans la loi viendrait apporter des contraintes nouvelles dans l'articulation actuelle des fonds qui proviennent du fonds de la recherche en santé et des collaborations existantes entre les hôpitaux et les universités?

Le Président (M. Brouillet): M. Giroux ou M. Lévesque.

M. Giroux: Je peux tenter de donner quelques éléments pour éclairer. Les commentaires que nous pouvons faire sont à peu près de même nature que ceux que nous faisions au sujet du Fonds FCAC. Ce n'est pas que, dans le fonctionnement immédiat, il y ait des menaces, sauf que la présence de directives émanant de plusieurs ministères risque de compliquer le fonctionnement et la gestion de la recherche. C'est déjà passablement compliqué quand cela se réalise dans les hôpitaux parce qu'il y a des institutions qui doivent se coordonner. Si, en plus de cela, on risque d'être assujetti à des directives prévues dans la loi, cela soulève les mêmes inquiétudes que vis-à-vis du Fonds FCAC. Peut-être que M. Lévesque voudrait ajouter quelque chose.

M. Lévesque (René): Dans un certain sens, nous avons eu très peu de temps pour étudier toutes les conséquences possibles de la loi. Nous avons été mis au courant cette semaine qu'il y aurait une commission parlementaire. C'était lundi, car je l'ai appris en lisant le Devoir lundi matin.

Dans les universités, du moins pour l'Université de Montréal, plusieurs centres hospitaliers qui sont des centres universitaires sont dans les hôpitaux. Ce sont des centres qui sont souvent de nature fondamentale mais aussi clinique, où l'on mélange le fondamental et le clinique. Ces ententes se font entre les universités et chacun des hôpitaux. Certaines complications sont dues au fait que les hôpitaux relèvent d'un ministère et les universités relèvent d'un autre. Nous vivons avec ceci. Avec un troisième ministère qui peut intervenir directement, je ne sais pas si cela va compliquer ou faciliter les choses. Je ne pourrais pas répondre parce que je n'ai pas vraiment étudié toutes les conséquences de toutes les retombées de la loi telle qu'elle est conçue.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, sans vouloir parler au nom du ministre des Affaires sociales qui n'est pas ici, j'ai l'impression que lui - c'est mon interprétation et il pourra venir s'expliquer -il a certainement donné son consentement au ministre délégué à la recherche - je n'ai pas de doute. J'ai eu l'impression que c'était un peu comme une espèce de soulagement, parce qu'on en a vaguement parlé.

M. Paquette: M. le Président, si vous me le permettez, ce ne sera pas très long.

Mme Lavoie-Roux: Oui, vous allez corriger cela tout de suite.

M. Paquette: C'est qu'il n'y a encore qu'une seule source de directives au FRSQ et elle provient du ministre des Affaires sociales.

Mme Lavoie-Roux: Non, je parle pour l'avenir.

M. Paquette: Dans le projet de loi.

Mme Lavoie-Roux: Vous pouvez intervenir quand même.

M. Paquette: Le ministre délégué à la Science et à la Technologie ne peut pas donner de directives au FRSQ. Il participe à l'élaboration des directives que prépare le ministre des Affaires sociales, lesquelles sont déposées à l'Assemblée nationale. Le FRSQ ne reçoit que ces directives. Par la suite, c'est le FRSQ qui travaille, comme maintenant, avec les hôpitaux. Le ministre délégué à la Science et à la Technologie, selon le projet de loi, ne peut pas donner de directives ni aux universités, ni aux hôpitaux.

Mme Lavoie-Roux: Vous l'offrez, c'est-à-dire conjointement dans la préparation des directives qui sont déposées à l'Assemblée nationale.

M. Paquette: Je vais participer à l'élaboration.

Mme Lavoie-Roux: C'est un intervenant de plus. Peut-être pas un intervenant direct auprès du fonds de la santé...

M. Paquette: Pas auprès du fonds et encore moins auprès des hôpitaux.

Mme Lavoie-Roux: Merci.

Le Président (M. Brouillet): Très bien merci. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Une brève question de règlement ou d'information, M. le Président. J'entendais le ministre dire tantôt que le pouvoir d'émettre des directives à l'intention des organismes subventionnaires existe aussi à Ottawa.

M. Paquette: Je n'ai pas dit que le pouvoir existait à Ottawa. (15 h 30)

M. Ryan: Très bien, j'ai compris cela tantôt, du moins dans les faits. D'habitude, on fait des choses qui sont autorisées par la loi, les autres, on n'est pas censé les faire, surtout quand on est le gouvernement. Je voudrais vous rappeler que dans les textes constitutifs des organismes subventionnaires fédéraux, on procède avec une concision, une prudence et une sobriété exemplaire, de ce côté-là. Je pense qu'avant d'en arriver à une version définitive du projet de loi, il aurait grand intérêt à examiner ces textes qui ont quand même le mérite d'avoir aussi le tamisage de l'expérience de leur côté. On est bien prudent, de manière à ne pas ouvrir la porte à des choses comme celles que vous dites. Le plus loin qu'on est allé a été d'apporter un amendement au statut de l'un de ces conseils, ces dernières années, en introduisant le paragraphe suivant: Le conseil est responsable de tous les aspects de la recherche scientifique et industrielle au Canada que lui confie le gouverneur en conseil. Vous me direz: II peut bien lui confier ces aspects en mettant certaines modalités, peut-être. C'est formulé d'une manière infiniment plus respectueuse que ce qu'il y a dans le projet de loi actuel. Moi-même, en y pensant bien, je trouve assez répugnante l'idée de directive à l'état aussi explicite qu'on la trouve dans le projet.

Le Président (M. Brouillet): Écoutez, on va terminer. On pourrait peut-être accorder, pour terminer, quelques secondes au ministre et quelques secondes à la représentante officielle. M. le ministre, est-ce que vous avez quelques secondes pour le mot de la fin et après cela, Mme la députée de Jacques-Cartier.

M. Paquette: Très brièvement, je pense que la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec a fait connaître son point de vue de façon très claire et très explicite. On identifie beaucoup mieux maintenant les difficultés qui peuvent demeurer dans le projet de loi. C'est le rôle des membres de cette commission de voir à bonifier le projet de loi. Je suis convaincu qu'on peut le faire. Peut-être qu'on a l'habitude de penser qu'un gouvernement prend souvent six mois, un an, deux ans à se retourner de côté pour faire les modifications qui s'imposent. Vous allez constater qu'on peut écouter et agir avec rapidité. Merci.

Le Président (M. Brouillet): Merci. Mme

la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Vous faisiez allusion à plusieurs changements possibles sans les préciser, surtout en ce qui concerne les articles 7 et 8. Si vous avez des suggestions à faire qui pourraient réaliser vos attentes pour diminuer le pouvoir du ministre vis-à-vis des universités, j'aimerais bien les connaître. Cela pourrait nous aider à faire des suggestions constructives pour améliorer la loi.

M. Boulet: Madame, nous essaierons de répondre à votre demande pour lundi, si possible.

Le Président (M. Brouillet): Nous remercions les représentants de la CREPUQ. Merci.

M. Boulet: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Nous invitons la Fédération des associations de professeurs des universités du Québec. Je pense que cela va prendre moins de temps. J'invite le porte-parole à s'identifier et à nous présenter ses collègues.

Fédération des associations de

professeurs des universités du

Québec

Mme Bertrand (Marie-Andrée): Oui, M. le Président. Mon nom est Marie-Andrée Bertrand. Je suis la présidente de la Fédération des associations et syndicats de professeurs d'université du Québec. À ma droite, il y a M. Bernard Saint-Pierre, vice-président de la Fédération des associations de professeurs d'université du Québec et professeur à l'Université du Québec à Trois-Rivières. À ma gauche, il y a M. Hubert Stéphenne, directeur général de la même fédération, la FAPUQ. À la gauche de M. Stéphenne, M. Jacques Dagneault, vice-président du SPUL, le Syndicat des professeurs de l'Université Laval. À la gauche de M. Dagneault, M. Roger Vershingel, du Syndicat des professeurs de l'Université Concordia.

M. le Président, on a rapporté que le M. le ministre délégué à la Science et à la Technologie croyait qu'une seule personne souhaitait la tenue d'une commission parlementaire sur son projet de loi. Il me semble que le nombre des personnes ici présentes et l'intérêt qu'elles ont réussi à manifester, à quatre jours d'avis à la suite de l'annonce de la tenue de cette commission, démontre qu'il y a des personnes, dans la communauté québécoise scientifique, qui voulaient débattre, discuter de ce projet de loi.

Rapidement, M. le Président, la FAPUQ est un organisme qui existe depuis quinze ans et elle réunit onze associations et syndicats de professeurs d'université. Elle compte plus de 5000 membres. Elle travaille, bien sûr, à la promotion des intérêts de syndicats et associations membres, mais elle a aussi à coeur le développement des universités au Québec.

Sont membres de la FAPUQ: l'Association des ingénieurs-professeurs des sciences appliquées (AIPSA), de l'Université de Sherbrooke; the Association of Professors of Bishop's University; l'Association des professeurs de l'école polytechnique; l'Association des professeurs de la faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke; l'Association des professeurs de l'Institut Armand-Frappier; la Concordia University Faculty Association; la McGill Association of University Teachers; le Syndicat général des professeurs de l'Université de Montréal; le Syndicat des professeurs de l'Université Laval; le Syndicat des professeurs de l'Université du Québec à Trois-Rivières; et le Syndicat des professeurs de l'Université de Sherbrooke.

M. le Président, les responsables et les administrateurs des établissements universitaires ont eu l'occasion de s'exprimer devant vous à loisir et nous en sommes fort heureux. Nous voudrions cependant vous faire remarquer maintenant que nous parlons non pas au nom des universités, mais au nom des professeurs-chercheurs, au nom de personnes qui sont engagées quotidiennement dans une activité qui est directement touchée par le projet de loi qui est devant nous.

Le présent document a pour objet de définir sommairement la position de la Fédération des associations de professeurs des universités du Québec face au projet de loi 19 du gouvernement québécois. Il faut bien comprendre que dans les délais impartis, nous ne saurions prétendre refléter ici toutes les nuances des positions que prendront sûrement, le temps venu, les 5300 professeurs regroupés par leurs syndicats et associations dans la fédération, positions qu'une consultation large et ouverte permettrait d'exprimer.

Dans un premier temps, notre mémoire va rappeler les principales étapes de la démarche entreprise par le gouvernement du Québec dans le dossier de la recherche -livre vert et livre blanc - et comparer les énoncés de politique aux intentions du projet de loi 19. Ensuite, nous présenterons des commentaires plus détaillés en regard des articles qui, selon nous, appellent de toute urgence des modifications dans ce document qui fait l'objet d'une commission parlementaire. Ces commentaires sont repris dans une annexe où - je pense que l'une des porte-parole de l'Opposition s'en réjouira -nous examinons le projet article par article, en tout cas dans les articles qui nous

touchent davantage. Enfin, nous terminons sur quelques considérations générales.

La politique scientifique ressortant du livre blanc. Rappelons brièvement seulement cinq - il y en aurait d'autres - des principes du livre blanc touchant des axes cruciaux, principes qui nous semblent être contredits ou, en tout cas, être repris de façon fort variable, fort variée, par rapport aux intentions du livre blanc, repris donc dans le projet de loi qui est devant nous. Premièrement, premier grand point, le statut du ministre responsable du Développement scientifique; deuxième grand point, l'autonomie des universités et la recherche universitaire; troisième grand point, la nécessité d'une recherche libre, nécessité qui est largement affirmée dans le livre blanc; quatrième point, le statut et les objectifs des fonds; cinquième point, la composition du conseil et des conseils d'administration des fonds.

J'abrégerai, M. le Président, puisque vous avez le texte et je ne lirai pas au long les citations du livre blanc. Je me contenterai d'en reprendre l'essentiel, du moins, je l'espère.

Premièrement, touchant le statut du ministre responsable du Développement scientifique, en page 66 du livre blanc, on était très clair à ce sujet et quand M. le ministre délégué à la Science et à la Technologie prétend que les consultations, qui sont inscrites dans le livre vert - le rapport des consultations sur le développement scientifique est dans le livre blanc - ont largement servi à la confection de son projet de loi, il faut bien voir qu'il y a vraiment des points, comme celui-là par exemple, qui sont en flagrante différence avec ce qu'annonçait le livre blanc.

Ce que proposait le livre blanc, c'est un ministre d'État au Développement scientifique. On y disait: "Nous parlons bien d'un ministre d'État et non d'un ministère. Il s'agit là d'un choix qui a été longuement pesé et qui s'appuie sur les enseignements tirés de la consultation. D'ailleurs, l'esprit même des actions ici annoncées interdisait de penser à la mise sur pied d'une nouvelle entité administrative qui aurait été l'unique gestionnaire gouvernemental de l'ensemble des programmes de recherche ou de subventions..." etc.

Je passe au deuxième point où nous trouvons que le projet de loi diffère sérieusement de la politique de la recherche annoncée dans le livre blanc, à savoir l'autonomie des universités et de la recherche universitaire et leur politique de développement de la recherche universitaire. En bref, je rappelle que le livre blanc, Un projet collectif, disait à la page 56, qu'il appartient en premier lieu aux universités elles-mêmes d'opérer la planification de la recherche universitaire. "C'est à elles qu'il revient de définir leurs priorités en matière de recherches": "En même temps, continue le livre blanc - il confirme le rôle d'organisme-conseil et d'agent d'orientation et de concertation du Conseil des universités et de sa Commission de la recherche universitaire.

Troisième point, la nécessité d'une recherche libre. Sur ce chapitre aussi, voilà ce que disait le livre blanc à la page 52: "On n'hésite pas à affirmer ici que tous les types de recherche de la plus pure à la plus appliquée, de la plus libre à la plus orientée, ont leur place à l'université. On peut même réaffirmer qu'en raison de sa mission éducative et culturelle, l'université se doit de s'intéresser activement à tous les domaines..." Ce dont on devra cependant s'assurer, c'est que dans tous les cas la recherche universitaire demeure fidèle à la raison d'être fondamentale de l'institution universitaire et contribue d'abord et avant tout à l'avancement du savoir et à la formation de spécialistes et de chercheurs.

Quatrième grand point, le statut et les objectifs du fonds qui, dans le projet de loi, vous le savez, M. le Président, devient une fondation. Eh bien, le fonds qui était prévu dans le projet de loi - à ne pas confondre avec les fonds que regroupe la fondation -devait servir uniquement à des actions de type ponctuel, notamment à des actions de démarrage qui ne pouvaient pas s'inscrire dans des programmes existants. Il devait servir aussi à des projets à caractère intersectoriel. Les modes d'allocation devaient s'appuyer sur le principe des frais partagés et ainsi de suite. Finalement, on disait que pour les deux ou trois premières années, bien des raisons militeraient en faveur d'un accent prioritaire à accorder au secteur manufacturier et au secteur des services. Livre blanc, page 85. (15 h 45)

Cinquième grand point, la volonté d'instaurer une gestion participative des fonds de recherche qui impliquent les universités.

Le livre blanc sur ce sujet était très clair. Deux structures d'appui devaient aider le ministre d'État au Développement scientifique dans l'exécution de son mandat. Lui sera d'abord rattaché, mais avec un mandat substantiellement révisé, le Conseil de la politique scientifique et, deuxièmement, le Bureau de la science et de la technologie.

Mais encore: "Loin de n'incomber qu'à l'État - je cite le livre blanc à la page 56 -la planification est bien plutôt une tâche à asssumer collectivement; - je cite toujours -ainsi qu'il convient à un projet démocratiquement poursuivi, elle est même appelée à devenir un processus public et permanent...". Etc.

M. le Président, je passe maintenant à la constatation que nous avons faite de ce que le projet de loi, selon nous et en 48

heures d'analyse, contient qui ne concorde pas avec cet énoncé de politique.

Premièrement, en contraste avec ces énoncés, on voit que le projet de loi 19 crée un ministère et donne le titre et les pouvoirs de ministre plutôt que celui de ministre d'État au responsable de la science et de la technologie. Le livre blanc parlait d'un secrétariat d'État chargé de la coordination du développement scientifique. Faut-il voir dans ces mutations un signe des temps?

Deuxièmement, le projet de loi 19 assimile les universités à des organismes publics. Nulle part, il ne reconnaît leur autonomie ni leur rôle majeur touchant la recherche et la formation des chercheurs.

Troisièmement, nulle part, non plus, le projet de loi 19 ne mentionne la recherche libre.

Quatrièmement, la nouvelle fondation a des objectifs de redistribution et de contrôle des fonds venant des ministères sectoriels ou d'ailleurs - articles 50, 51 et 52 - à la différence des actions ponctuelles, intersectorielles et à frais partagés qui étaient les objectifs clairement prévus comme ceux du "Fonds" - maintenant "Fondation" dans le nouveau projet de loi -qui étaient décrits dans le livre blanc.

Cinquièmement, le Conseil de la science et de la technologie, qui vient remplacer le Conseil de la politique scientifique, ne fait aucune place explicite, spécifique au monde universitaire.

Article 22 du projet de loi: "Le conseil se compose de quinze membres, dont un président, nommés par le gouvernement et provenant des milieux des affaires, du travail, de l'information scientifique et technique ainsi que des secteurs public et parapublic. "Le gouvernement peut désigner au plus trois observateurs auprès du conseil; ceux-ci participent aux réunions du conseil, mais sans droit de vote". C'était le projet de loi 19 à l'article 22.

S'agit-il d'une mutation dans les universités par un contrôle accru?

Quelque critique qu'aient pu formuler les auteurs du livre vert vis-à-vis du vécu de la recherche universitaire, le gouvernement marquait, par son énoncé de politique, son intention ferme de respecter les finalités du secteur universitaire - par exemple, à la page 52 du livre blanc - ainsi que l'autonomie des universités au chapitre de la planification, de l'évaluation, voire même du choix de leurs priorités en matière de recherche. Le projet de loi 19, dans sa lettre, nie le principe d'autonomie universitaire et risque de mettre en péril les finalités mêmes du secteur de la recherche universitaire.

Remarques particulières. Sous ce titre, la FAPUQ énonce l'esprit des principales modifications qu'elle demande au projet de loi 19.

L'étude article par article du projet de loi nous a permis d'isoler, avec le peu de temps que le ministre nous laisse, les articles qui, aux yeux de la FAPUQ, semblent les plus litigieux pour le secteur universitaire. Le résultat de cette analyse se retrouve intégralement à l'annexe I. Mais nous pouvons déjà centrer nos remarques sur les points suivants:

D'abord, la définition des organismes publics, à l'article 1, englobe les universités. Nous nous opposons fermement à cela. L'article 1 assimile les universités à des organismes publics. Or, touchant ces organismes publics, les pouvoirs que confère le projet de loi 19 au ministre de la Science et de la Technologie sont tels qu'ils compromettent sérieusement l'autonomie des universités au chapitre de la recherche et de la formation.

Le projet de loi 19 contraint les universités à rendre disponibles des renseignements qu'elles n'étaient pas tenues en loi de rendre accessibles, même au ministre de l'Éducation, premier responsable de ces institutions. La loi prévoit accorder au ministre un pouvoir de directives sans précédent.

Nous exigeons que les universités soient nommément exclues de la définition des organismes publics visés à l'article 1 - si, bien sûr, M. le Président, la définition des pouvoirs du ministre, de son sous-ministre et du ministère demeurent ce qu'ils sont - qui, selon nous, se lirait ainsi: "Aux fins de la présente loi, un organisme public est un organisme dont le gouvernement ou un ministre nomme la majorité des membres, dont la loi prévoit que le personnel est nommé et rémunéré suivant la Loi sur la fonction publique dont le fonds social fait partie du domaine public ou dont plus de la moitié des dépenses de fonctionnement sont payées sur des crédits apparaissant aux prévisions budgétaires déposées à l'Assemblée nationale".

Nous proposons d'ajouter: "cela à l'exception des établissements d'enseignement postsecondaires".

Ainsi, les universités ne seraient pas touchées par les articles subséquents, spécialement 7 et 8.

Deuxième commentaire particulier. Les articles 2 et suivants, décrivant les pouvoirs et responsabilités du ministère, du ministre et du sous-ministre devraient se conformer, selon nous, à l'esprit du livre blanc qui prévoit un ministre d'État.

Troisièmement, de la même façon, la fondation prévue au projet de loi 19 devrait se voir attribuer les responsabilités ponctuelles du fonds prévues dans l'énoncé de politique, Un projet collectif.

Quatrièmement, la FAPUQ recommande que les orientations qui sous-tendent les

directives émises par le ministre délégué à la Science et à la Technologie fassent l'objet de débats parlementaires plutôt que d'être laissées à la discrétion du ministre.

Cinquièmement, la composition du Conseil de la science et de la technologie, celle des conseils d'administration de la fondation, celle des conseils d'administration des fonds et de l'agence doivent, à tout prix, faire une place explicite à l'une des composantes essentielles de la recherche au Québec: les chercheurs universitaires. Ceux-ci doivent représenter au moins le tiers des membres nommés, compte tenu de la part qu'occupe cette recherche au Québec.

Conclusion. Le domaine de la science et de la technologie est définitivement vaste. Certaines personnes diront qu'il est plus vaste que la recherche et d'autres diront l'inverse, mais l'important c'est qu'il s'agit d'un domaine vaste. Le projet de loi peut donner et donne, effectivement, au ministre délégué à la Science et à la Technologie une autorité sur une très large partie des activités de recherche et d'enseignement universitaire.

L'enseignement supérieur relève clairement, pour l'instant, du ministre de l'Éducation. S'il était accepté dans sa forme actuelle, le projet de loi 19 accroîtrait considérablement le pouvoir qu'a l'État de contrôler l'enseignement supérieur, pouvoir que le projet propose d'ailleurs de partager entre deux ministres, si nous comprenons bien, dont les pouvoirs se superposent l'une à l'autre. Qui plus est, le ministre délégué à la Science et à la Technologie a des intérêts qui concernent, selon nous, moins le développpement supérieur que ceux qui président aux besoins de la recherche qui se fait dans les ministères et dans l'industrie.

Les universités ne peuvent accepter -et les chercheurs universitaires ne peuvent l'accepter - que leurs activités soient fixées seulement en fonction des intérêts des ministères et des industries.

Par la nature même de l'université, en vertu de ses finalités, il est essentiel que les professeurs-chercheurs qui enseignent et qui font de la recherche puissent disposer de la latitude nécessaire pour innover. Les recteurs ont aussi parlé de la marge nécessaire de recherche libre pour que la créativité soit sauve. Ils doivent surtout travailler, ces chercheurs universitaires professeurs, à la formation de chercheurs.

Le projet de loi 19 risque de compromettre sérieusement la recherche libre et la recherche fondamentale, voire même à cause des impératifs du virage technologique, la recherche en sciences humaines et sociales.

Outre les pouvoirs d'harmoniser, d'élaborer et d'implanter des mesures nouvelles, de proposer des priorités et des stratégies, de recommander des budgets, des plans de développement, de procéder à l'évaluation des programmes, de veiller aux pratiques de formation, de perfectionnement d'emplois en matière de personnel scientifique et technique, le ministre, au terme de la loi 19 se verrait confier le pouvoir de directives, nouveauté, selon nous, dans la législation québécoise dans ce terrain.

La FAPUC constate que le ministre réclame une autorité très étendue et croit fermement que le pouvoir de directives est une attaque directe contre l'autonomie des chercheurs universitaires et des universités puisque l'inscription de ce pouvoir dans la loi donne à ces directives valeur de loi.

En somme, il s'agit, M. le Président, d'un changement de cap, trop important pour qu'on le passe en douce avant les vacances d'été et au milieu de vingt autres projets de loi.

Le Président (M. Brouillet): Je vous remercie. Avant d'entreprendre, l'échange, j'aimerais proposer, étant donné que nous devons surveiller quand même l'heure, 20 minutes à chaque parti de la commission. Je demanderais, du côté ministériel, de s'aligner sur ces 20 minutes et de prévoir aussi à se partager, si cela est nécessaire, le temps entre collègues à l'intérieur d'une période de 20 minutes; et on fera la même chose pour les membres de l'Opposition.

M. le ministre.

M. Paquette: J'aimerais, tout d'abord, remercier les membres de la FAPUQ de leur participation. J'aimerais dire, tout d'abord, et réaffirmer que les énoncés de la politique scientifique du gouvernement du Québec demeurent; ils sont les mêmes, ils procèdent de la même préoccupation qui animait le document en projet collectif, c'est-à-dire assurer la concertation des intervenants, l'harmonisation des politiques, s'assurer aussi que le développement scientifique et technologique soit assumé par l'ensemble du gouvernement et des ministères qui ont chacun leurs responsabilités face à la recherche. Je me demande comment il se fait qu'en d'autres pays on a regroupé tous les autres organismes, ou presque, qui font de la recherche scientifique sous le chapeau d'un seul ministère et qu'il n'y ait pas eu de révolution.

Il est vrai que le livre blanc parlait d'un secrétariat chargé de la coordination du développement scientifique, et vous ajoutez: Faut-il voir, dans ces mutations, un signe des temps? Un signe des temps, oui, face à la volonté du gouvernement d'accroître la cohérence de ses actions, parce qu'il y a aussi beaucoup d'intervenants dans le milieu; il y a même des critiques, parfois fondées, à cet égard. Il était donc nécessaire, dans un projet de loi, non seulement de définir un

ministère et les fonctions et pouvoirs d'un ministre de la Science et de la Technologie mais d'essayer de les articuler le mieux possible à ceux des autres ministres qui ont à oeuvrer dans ce secteur, puisque, justement, notre objectif n'était pas de regrouper toutes les responsabilités concernant la science et la technologie au sein d'un même ministère.

Alors, on avait le choix, dans l'état actuel de l'organisation gouvernementale, entre un secrétariat et un ministère. Il n'existe pas de secrétariat d'Etat, dans notre structure gouvernementale, ni de ministre d'État. Si, en définitive, nous nous sommes ralliés au terme de ministère, c'est que nous avons constaté que la plupart des ministères ont, à la fois, des pouvoirs, que l'on peut qualifier d'horizontaux, de coordination, de concertation, d'élaboration de politiques qui sont alors appliquées par d'autres ministères, et, à la fois, parfois, des pouvoirs verticaux qui leur permettent d'assumer, eux-mêmes, certaines actions.

Il me semble qu'à la lecture même du projet de loi, la presque totalité des pouvoirs dévolus au ministre de la Science et de la technologie sont du premier type. Dans ce sens, il est exact que le terme ministre d'État, s'il avait existé dans la Loi sur l'exécutif, décrirait sans doute mieux la réalité du ministère de la Science et de la Technologie qui est décrit dans le projet de loi. La plupart des articles, particulièrement ceux où on mentionne le terme "organismes publics", qui recouvrent les universités, sont des pouvoirs de nature horizontale. L'article 7, deuxièmement dit: "Veille à l'harmonisation des activités des ministères et des organismes publics relatives à la science et à la technologie." J'espère qu'on ne nous demande pas d'harmoniser tout, sauf ce qui se passe dans la recherche universitaire. Article 8: "Conseiller le gouvernement sur toute question relative aux activités scientifiques et technologiques des ministères et organismes publics." Lorsque des questions se développent à l'intérieur du gouvernement et que le gouvernement en discute, je ne vois pas comment on pourrait interdire- au ministre de la Science et de la Technologie ou à un ministre d'État doté d'un secrétariat d'Etat, la responsabilité de conseiller le gouvernement. Cela ne signifie pas qu'il est le seul à le faire, ni même le principal conseiller dans certains cas, mais il peut conseiller le gouvernement. (16 heures)

L'article 8, sixièmement: "Présenter au gouvernement ses recommandations sur les budgets des organismes publics, leur plan de développement de même que sur les directives qui leur sont adressées..." Cela ne signifie pas qu'il va approuver les budgets, les plans de développement, qu'il donnera des directives. Cela signifie que si ces directives ou ces budgets ou ces plans de développement arrivent à la connaissance du gouvernement et que le gouvernement doit prendre une certaine position ou poser une certaine action, le ministre délégué à la Science et à la Technologie pourra présenter au gouvernement ses recommandations. C'est un pouvoir de nature horizontale. "Procéder périodiquement, en collaboration avec les ministres concernés à l'évaluation des programmes." Ici, on exclut carrément les universités parce que cela nous apparaît beaucoup plus centré, beaucoup plus vertical, beaucoup moins horizontal.

Article 8, onzièmement: "Veiller à ce que les politiques et les pratiques de formation, de perfectionnement, d'emploi et d'immigration répondent adéquatement aux besoins du Québec en personnel scientifique et technique et proposer au gouvernement et aux ministres concernés des mesures destinées à assurer cette adéquation." Il m'apparaît bien clair qu'il s'agit encore là d'une responsabilité horizontale puisqu'il s'agit de proposer au gouvernement et aux ministres concernés des mesures. C'est donc à eux qu'il reviendra de les appliquer une fois qu'il y aura eu débat sur ces questions et adoption d'une position par le gouvernement.

Par conséquent, je pense que le projet de loi est dans la ligne des orientations de la politique gouvernementale. Il définit un ministère de nature surtout horizontale mais il vise à rationaliser, à donner davantage de cohérence à l'action gouvernementale. J'aimerais maintenant poser quelques questions spécifiques.

À la page 5 - je vais prendre les points 2 et 3 puisque je viens de parler du point no 1 - aux points 2 et 3, on dit: "Le projet de loi no 19 assimile les universités à des organismes publics - ce qui est exact - Nulle part, il ne reconnaît leur autonomie." Est-ce qu'on aurait souhaité que dans le projet de loi, on se mette à faire des choses qui devraient normalement aller dans une loi des universités alors on refuse qu'il y ait une loi des universités? Je pense qu'un projet de loi sur la science et la technologie n'a pas à reconnaître l'autonomie. Elle existe. On dit: "Nulle part non plus, le projet de loi no 19 ne mentionne la recherche libre." Il ne mentionne pas la recherche appliquée ou la recherche orientée non plus. C'est donc la preuve que ce projet de loi ne contient pas d'énoncés quant aux orientations de la recherche.

À l'article 4 à la page 6: "La nouvelle fondation a des objectifs de redistribution et de contrôle des fonds, venant des ministères sectoriels ou d'ailleurs à la différence des actions ponctuelles." J'aimerais savoir ce que vous entendez quand vous parlez de fonds venant des ministères sectoriels, en parlant de la fondation. Ou encore, est-ce que vous

proposez que la fondation devrait se voir attribuer des responsabilités ponctuelles prévues dans le livre blanc. Un projet collectif? Ne serait-ce pas beaucoup plus dangereux pour l'autonomie universitaire, à ce moment?

Je ne veux pas vous poser trop de questions en même temps. Je reviendrai dans un deuxième temps mais une dernière, si vous me le permettez. À la page 8, au quatrième alinéa: "La FAPUQ recommande que les orientations qui sous-tendent les directives émises par le ministre délégué à la Science et à la Technologie fassent l'objet de débats parlementaires plutôt que d'être laissées à la discrétion du ministre." N'est-ce pas justement l'objectif qui fait en sorte que les directives devront être déposées comme le stipule le projet de loi no 19? Les directives de la fondation devront être déposées devant l'Assemblée nationale. J'arrête là mes questions. J'en aurai quelques autres dans un deuxième temps.

Le Président (M. Brouillet): II y a dix minutes de passées.

Mme Bertrand (Marie-Andrée): Je vais répondre à quelques-unes des questions, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Oui, très bien.

Mme Bertrand: Et mes collègues, si vous le permettez, prendront la parole sur d'autres questions. Il me semble que M. le ministre s'efforce de nous prouver que son ministère serait un ministère d'État et qu'il s'agit là d'une structure horizontale.

D'autre part, si vous permettez que nous nous référions à des propos qui ont été tenus ce matin, le ministre délégué à la Science et à la Technologie s'est efforcé de nous rassurer en nous annonçant qu'il s'agit d'une loi justement - et c'est un peu le sens de ses propos de tout à l'heure, c'est pour cela que je me permets d'y revenir - qui n'a pas un contenu précis, un programme précis de développement de la recherche à offrir. C'est une loi qui propose une structure. Nous pensons, M. le Président, que cette structure, c'est précisément cela le contenu. Les pouvoirs que se définissent le ministre et le sous-ministre sont considérables et ils permettent, de fait, au ministre de la Science et de la Technologie d'orienter ou de réorienter tous les efforts de recherche subventionnée par les fonds que regroupera l'éventuelle fondation par le fait des recommandations du nouveau Conseil de la science et de la technologie. J'arrête là mon commentaire général. Je reviendrai sur des points plus précis.

M. Saint-Pierre (Bernard): Pour illustrer davantage - bien que ce ne soit pas l'intention claire du projet de loi et sans doute pas l'intention du ministre, M. le Président - on peut imaginer, par exemple, que la fondation qui est prévue dans le projet de loi, éventuellement, pourrait recevoir des fonds considérables. On sait que le gouvernement n'a pas trop d'argent actuellement et ce n'est pas un mal à craindre à très court terme. Cependant, on peut facilement imaginer que les fondations qui appartiennent aux ministères sectoriels pourraient être vidés par un organisme comme le Conseil du trésor, par exemple -la chose ne nous étonnerait pas outre mesure - et que ces fonds récupérés à même les fonds actuels, soient réacheminés vers la fondation. Et, dans ces perspectives-là, la fondation pourrait véritablement réorienter totalement toutes les subventions de recherche. Telle n'est peut-être pas l'intention du ministre - ce serait à lui d'en répondre - mais le projet de loi, tel qu'il est formulé actuellement, laisse ouverte cette hypothèse, cette possibilité qu'on peut appréhender sérieusement à moyen ou à plus long terme.

M. Stéphenne (Hubert): Pour ma part, M. le Président, je constate que le ministre prétend que, finalement, tous les pouvoirs qui lui sont attribués par le projet de loi no 19 ne sont que des pouvoirs de coordination. Je pense que non pas dans l'esprit, mais dans la lettre du projet de loi, on va beaucoup plus loin. On semble passer rapidement sur des articles qui nous disent tout simplement que nous allons coordonner les activités. Je prends pour exemple l'article 8.11 . On dit bien: "Veiller à ce que les politiques..." Que je sache, c'est plus que de la coordination. Si on veille, on doit avoir des outils. Je veux citer également l'article 8.14° où on dit: "Obtenir des ministères..." Il faut bien comprendre que nous devons aller chercher aux articles 133 et 134 les moyens que se donne ce même ministère pour imposer des sanctions aux gens qui se permettraient de ne pas donner ces renseignements.

Il y a également les directives. On reviendra là-dessus, je pense que c'est le coeur même du projet de loi. Lorsque nous parlons de directives, je pense que les recteurs ont exprimé leur inquiétude devant les directives qui pouvaient émaner du nouveau ministère. Nous avons ces mêmes préoccupations et nous pensons que les directives, lorsqu'elles sont inscrites dans une loi, ont effectivement un pouvoir de loi. Mais quel serait donc le contrôle des intervenants? Quel serait même le contrôle de l'État vis-à-vis des directives imposées directement par le ministre, alors que ces directives n'ont pas à être sanctionnées d'aucune façon, puisqu'elles sont déjà prévues dans le texte de loi?

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre, si vous voulez répondre à M. Stéphenne.

M. Paquette: J'aimerais tout simplement attirer l'attention des intervenants sur le fait que les sanctions concernent des fraudes possibles quant aux subventions, aux mouvements financiers qui peuvent être effectués et ne sont nullement reliées aux pouvoirs du ministre. Je voudrais que ce soit bien clair parce qu'on peut facilement s'énerver alors qu'il faut regarder cela avec tout le calme possible et essayer de bonifier le projet de loi.

Mme Dougherty: Est-ce que des sanctions existent déjà?

M. Paquette: Oui, cela existe.

Mme Dougherty: Dans la loi de l'éducation.

M. Paquette: Dans toutes les lois où il est question de demandes de fonds ou de subventions, les gens qui obtiennent des subventions illégalement ou en trompant sciemment s'exposent à des sanctions.

Mme Lavoie-Roux: Cela ne fait pas référence uniquement à l'aide financière, cela fait référence à toute information fausse et trompeuse. Ce n'est pas juste l'aide financière.

M. Paquette: C'est bien marqué en vue d'obtenir une aide financière prévue par la présente loi.

Mme Lavoie-Roux: Où est-ce?

M. Paquette: L'article 133 se lit comme suit: "Quiconque donne une information fausse ou trompeuse en vue d'obtenir ou de faire obtenir une aide financière prévue par la présente loi, commet une infraction et est passible, sur poursuite sommaire, d'une amende d'au plus 5000 $."

Mme Lavoie-Roux: D'accord, je m'excuse.

M. Paquette: Tous les autres articles sont des articles reliés à ce premier article.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Paquette: Encore une fois, l'article 8, 11e, si on lit seulement le début du paragraphe, pourrait nous indiquer un pouvoir vertical qui amènerait le ministre délégué à la Science et à la" Technologie à intervenir notamment dans les programmes de formation, les politiques d'immigration qui touchent la science et la technologie. Le paragraphe se termine comme suit: "...et proposer au gouvernement et aux ministres concernés des mesures destinées à assurer cette adéquation. Il est clair que l'objectif ici - on va le regarder de nouveau pour être sûr qu'il n'y a pas d'ambiguïté - c'est d'élaborer - pour être un peu prétentieux -une politique de la main-d'oeuvre scientifique - je pense qu'on a beaucoup de problèmes de ce côté-là - de l'élaborer en collaboration avec les personnes concernées. Lorsqu'elle est débattue et adoptée, cette politique doit être appliquée par les ministres responsables.

S'il s'agit de mesures concernant l'immigration, il va de soi que c'est le ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles qui devra l'appliquer. S'il s'agit de mesures concernant l'enseignement, c'est le ministre de l'Éducation qui devra l'appliquer.

Tel est - en tout cas - l'intention. Si ce n'est pas clair encore une fois, on est tout à fait disposé à lever toutes les ambiguïtés. Dans notre esprit, l'article 8, 11e est un pouvoir de nature horizontale.

L'article 8, 14e vise à obtenir des renseignements. On a la responsabilité de publier des statistiques de la recherche. On a déjà publié plusieurs études là-dessus au secrétariat. On n'a pas besoin d'être un ministère pour cela. On pense que c'est normal d'avertir les gens que tel est notre rôle et que par conséquent il faut que nous nous donnions des moyens d'obtenir les renseignements nécessaires à évaluer l'évolution des activités scientifiques et technologiques au Québec de façon à en informer l'ensemble des intervenants. Encore une fois, s'il y a quelque ambiguïté, nous sommes bien disposés à améliorer et à clarifier ces articles.

Deux dernières questions, M. le Président. À la page 9, au bas de la page vous affirmez que le projet de loi no 19 risque de compromettre sérieusement la recherche libre et la recherche fondamentale, voire même à cause des impératifs du virage technologique, la recherche en sciences humaines et sociales. J'aimerais vous demander où dans le projet de loi exactement vous trouvez de si noirs desseins. À la page 10, vous affirmez que le ministre se verra confier le pouvoir de directives, nouveauté au plan de la législation québécoise. Je connais au moins quatre lois qui parlent de directives. Qu'est-ce que vous entendez pas les mots "nouveauté au plan de la législation québécoise"?

Mme Bertrand: D'accord.

Le Président (M. Brouillet): Oui, très bien, madame.

Mme Bertrand: Permettez-vous qu'on

revienne un peu en arrière, M. le Président, parce que nous n'avions pas fini de répondre aux autres questions? Est-ce que c'est possible?

Le Président (M. Brouillet): Dans la mesure où vous pouvez répondre à toutes les questions, si vous pouviez le faire dans un temps relativement limité. Alors, allez.

Mme Bertrand: D'accord. Peut-être un commentaire général qui couvre deux des questions, il me semble en tout cas, si je comprends bien, de M. le ministre. Lui-même, M. le Président, a avoué tout à l'heure, enfin, a avoué, je m'excuse, a dit tout à l'heure que le paragraphe 7 de l'article 8 lui conférait ce qu'il a appelé lui-même un pouvoir vertical. (16 h 15)

Pour que nous nous comprenions bien, je lis cet article, enfin ce que nous en avons relevé dans notre propre mémoire, et qui nous inquiète beaucoup: "Procéder périodiquement, en collaboration avec les ministres concernés, à l'évaluation des programmes relatifs à la science et à la technologie des ministères et des organismes publics qui en dépendent". Il dit là que son pouvoir est vertical. Nous comprenons qu'il se superpose aux ministres qui ont des responsabilités dans le domaine de la science et de la technologie et qui ont la responsabilité d'organismes publics dépendant d'eux et s'occupant de recherche scientifique, de science et de technologie. Ou si nous comprenons tout cela de travers, c'est que, vraiment, nous ne parlons pas la même langue, il me semble. M. le ministre vient de dire qu'il a là un pouvoir vertical.

J'ai un collègue qui voudrait faire un petit commentaire s'adressant aux questions précédentes.

M. Saint-Pierre (Bernard): Rapidement, nous ne nous attendions pas que le projet de loi en soit un sur les universités ou reconnaissant l'autonomie des universités. Ainsi, nous serions satisfaits si les universités étaient simplement exclues du projet de loi et non pas que le projet de loi porte sur les universités.

Deuxièmement, pour ce qui est de la citation que le ministre a faite de notre mémoire, à la page 8, quatrième paragraphe: "La FAPUQ recommande que les orientations, qui sous-tendent les directives émises par le MST, fassent l'objet de débats parlementaires plutôt que d'être laissées à la discrétion du ministre". Donc, il ne s'agit pas ici d'une reconnaissance des directives. Nous avons dénoncé auparavant et très clairement l'abus de directives qui venaient soit des ministres sectoriels ou soit encore du futur ministre de la Science et de la Technologie. Donc, ce n'est pas pour reconnaître ce pouvoir de directives dans la loi, même si nous le reconnaissons dans les faits, nous avons beaucoup d'appréhensions qu'il soit écrit dans la loi et que toutes les directives, par conséquent, aient force de loi. Ce n'était pas reconnaître ces directives mais pour que les orientations - là, c'est tout le pouvoir du ministre - soient discutées aussi à l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Brouillet): Oui. Est-ce qu'il y aurait... M. le ministre.

M. Paquette: M. le Président, simplement pour la bonne information de tout le monde, sur ce dernier point, à l'article 51, 4e paragraphe, on parle des directives que le ministre de la Science et de la Technologie peut émettre à l'intention de la fondation. Le paragraphe se lit comme suit: "Ces directives sont déposées à l'Assemblée nationale..."

Mme Bertrand: Non, c'est de la...

M. Paquette: Cela ne vous paraît pas suffisant pour favoriser le débat à l'Assemblée nationale? C'est cela, si je comprends bien? Cela dépend du jour...

M. Saint-Pierre: C'est simplement le cas des directives sur la fondation.

M. Paquette: Oui, oui. Je parle aussi des directives de la fondation.

Mme Bertrand: Ce que nous voulons, ce sont plutôt les directives de la fondation.

M. Saint-Pierre: Alors que le pouvoir du ministre, en termes de directive, est beaucoup plus large.

Mme Bertrand: Beaucoup plus étendu que cela. Ce que les recteurs ont dit aussi ce matin.

M. Paquette: Très bien. Un dernier point à l'article 8, septièmement. Encore une fois, lorsque l'on utilise les termes "procéder périodiquement, en collaboration avec les ministres concernés, à l'évaluation des programmes relatifs à la science et à la technologie des ministères et organismes publics", nous avons ajouté: "qui en dépendent". Ceci, dans l'esprit, dit qu'il s'agit d'exclure les universités et de limiter cette évaluation aux programmes de recherche interne des ministères et aux organismes sous la responsabilité immédiate des ministres. Ce qui n'est pas le cas des universités. Je pense qu'on va trouver une meilleure formulation pour clarifier cet article.

M. Denault (Bernard): À propos de la

question sur la recherche libre et sur la recherche en science sociale, on craint un enchaînement en trois temps, dont le premier temps est l'influence - c'est déjà fait - déterminante qu'exercent actuellement les organismes subventionnaires sur l'évolution de la recherche. C'est un jeu qui s'opère à la marge, évidemment, en période de coupures budgétaires. Les rares fonds disponibles ont un poids qui s'affirme, on le constate autour de nous tous les jours. Là où il y a de l'argent, tout le monde se tire littéralement. C'est le premier temps.

Deuxième temps, le pouvoir de directive. Qu'elles soient déposées ou pas à l'Assemblée nationale, quand les directives sont contraignantes, ont force de loi parce qu'inscrites dans la loi, sont l'objet de contrôle par la suite et que les organismes subventionnaires peuvent être amenés à orienter leur action dans des sens très précis, si on ajoute ce deuxième temps, le poids déterminant que cela existe actuellement, les organismes subventionnaires, on craint un troisième temps qu'un analyste au Conseil du trésor nous a rappelé très vivement. Ce troisième temps serait que, à un moment donné, il y a une directive déposée à l'Assemblée nationale, disant: Voilà, priorité 2 pour la microbiologie, priorité 0 pour la recherche et pour les sciences sociales.

C'est, d'après nous, une possibilité renforcée par le projet de loi parce qu'elle officialise, dans un texte de loi, les directives qui se font actuellement, mais qui laissent une marge d'autonomie satisfaisante à la FCAC et aux autres fonds, à l'heure actuelle, et qui peut facilement disparaître si, à un moment donné, le Conseil du trésor ou un autre organisme décidait d'avoir des directives précises. Ce troisième temps n'existe pas - on espère qu'il n'est pas dans l'esprit du ministre - mais la loi permet sa concrétisation, et tant que nous ne verrons pas dans la loi, une garantie que les directives ne pourront pas étrangler la recherche libre, nous allons avoir peur, et non seulement pour nous dans nos projets personnels, mais pour l'ensemble à venir de la recherche au Québec.

Le Président (M. Brouillet): Très bien, merci. Oui, peut-être pour conclure nous allons passer une minute peut-être, allez.

Mme Bertrand: Ce qui nous fait réclamer l'autonomie des fonds subventionnaires de la recherche, la suppression et l'allégement de directives plutôt leur multiplication, c'était le sens de plusieurs des réponses que j'aurais voulu fournir aux interventions de M. le ministre.

Le Président (M. Brouillet): La parole est à Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci. J'aimerais remercier la FAPUQ pour son excellent mémoire, particulièrement quand on tient compte du peu de temps des gens à réagir. J'aimerais avoir votre réaction... Comment la FAPUQ réagirait-elle si l'article 8 était changé pour se lire comme suit: Aux fins de l'exécution de ses fonctions, le ministre peut, dans les limites et attributions des ministres responsables - j'insère les mots "dans les limites et attributions des ministres responsables" - plus particulièrement...

M. Saint-Pierre: Je pense qu'il serait intéressant qu'on ait ce type de réserve. On cherche le moyen d'exprimer ce que le ministre disait tantôt verbalement. Finalement, ce nouveau ministère sera un ministère d'État, non pas un ministère à caractère sectoriel ou ayant des pouvoirs verticaux. Est-ce qu'il y a moyen, soit par une définition préalable à un article 0 quelconque, ou encore et encore, dans le texte même de la loi, d'essayer de clarifier cette articulation justement horizontale entre ce futur ministère et les autres ministères. Je crois que la suggestion que vous faites va dans le sens d'un éclaircissement.

Mme Dougherty: Cela va peut-être dans le sens que vous envisagez pour protéger l'autonomie des universités.

Mme Bertrand: Oui. Cependant, M. le Président, je rappellerai, comme les recteurs l'ont rappelé ce matin, que même les directives actuelles que les ministres responsables envoient aux fonds, dont ils encadrent la gestion des fonds, à l'occasion du livre vert et du livre blanc et de la consultation sur l'organisation de la recherche scientifique, on avait déjà manifesté notre désir, notre volonté que ces directives soient bien allégées. Tout en reconnaissant le mérite de la proposition qui consiste à dire que ce serait dans les limites des attributions des ministres responsables, même là, toujours sur ce fameux principe des directives et de la responsabilité verticale dont on a parlé tout à l'heure, ce que nous recommandons, c'est un allégement plutôt encore une fois qu'une multiplication et un alourdissement des contraintes à la recherche.

Mme Dougherty: D'accord. Je crois que les recteurs des universités ont souligné le fait que les universités ne sont pas mentionnées spécifiquement dans le projet de loi comme membres du conseil. Le décret actuel qui a créé le conseil est très spécifique. On spécifie le nombre et le milieu de chaque groupe de représentants.

Mme Bertrand: ...Conseil de la politique scientifique.

Mme Dougherty: Je parle du Conseil de la politique scientifique.

Mme Bertrand: Ah bon! D'accord.

Mme Dougherty: On va changer le nom mais pas le sens. J'aimerais avoir votre réaction. Il me semble que le décret actuel est peut-être trop rigide et la proposition du projet de loi peut-être trop floue. Y a-t-il un compromis ici? On doit spécifier les milieux qui doivent être représentés sans le nombre de personnes pour chaque milieu. Est-ce que vous voyez là une amélioration possible?

Mme Bertrand: Nous avons tout simplement mentionné, M. le Président, qu'au conseil, le futur conseil de la science et de la technologie, au conseil d'administration de la fondation, aux conseils d'administration des fonds, nous pensions qu'il était absolument nécessaire que le tiers des membres soit des universités, des chercheurs du monde des chercheurs universitaires touchant en effet la composition quand elle est très détaillée. Le projet de loi s'abstient, si je peux m'exprimer ainsi, explicitement de mentionner les chercheurs universitaires, nous trouvons que c'est totalement inacceptable. Touchant l'actuelle composition du Conseil de la politique scientifique, malheureusement, en ce qui me concerne, je n'ai pas de commentaires.

Mme Dougherty: Encore votre réaction à une autre suggestion, un amendement peut-être. L'article 8.11 qui parle de "veiller à ce que les politiques, etc." est assez fort. Comment réagiriez-vous aux mots "porter une grande attention à" ou "prêter une grande attention à", à quelque chose comme cela?

Mme Bertrand: Sûrement mieux, M. le Président, qu'à la lettre actuelle. Il s'agit, pour que nous nous comprenions tous, de ce paragraphe dans lequel le ministre délégué à la Science et de la Technologie se donne le pouvoir de "veiller à ce que les politiques et les pratiques de formation, de perfectionnement, d'emploi et d'immigration répondent adéquatement aux besoins du Québec en personnel scientifique et technique." Nous disons ici ce que d'autres ont dit avant nous: C'est vraiment potentiellement l'orientation des programmes universitaires. La formulation que propose madame est sûrement beaucoup plus légère que celle que nous voyons dans le texte actuel du projet de loi. (16 h 30)

Mme Dougherty: Merci. La dernière question. Je n'ai pas eu le temps de lire vos suggestions et vos commentaires précis sur chaque article. Est-ce qu'il y en a quelques- uns où vous suggérez des changements précis ou que vous aimeriez souligner? Nous sommes dans le même bateau ici parce que c'est très difficile d'être tellement pressé...

Mme Bertrand: Oui. D'abord, M. Stéphenne va parler tout à l'heure, mais il me semble que les articles clés sont les articles 51 et 52 où on lit que "le ministre de la Science et de la Technologie peut donner des directives portant sur les objectifs et les orientations de la fondation". On en a beaucoup parlé, alors nous en reparlons. Nous disons que c'est là un pouvoir plus contraignant que tout ce que nous avons connu jusqu'à maintenant. "Le ministre approuve le plan, avec ou sans modification." C'est l'article 52. Ce sont vraiment de très grands pouvoirs. Il nous semble qu'il y a un lien subtil entre ces directives et ce plan. Cela nous inquiète beaucoup.

Si nous comprenons bien, M. le ministre nous dit souvent que nous voyons des choses qu'il n'a pas mises dans l'esprit de son projet, mais que nous trouvons dans la lettre. Nous souhaitons beaucoup que cette lettre se modifie si vraiment l'esprit de la loi est différent de ce que nous lisons maintenant.

Mme Dougherty: Merci.

M. Stéphenne: M. le Président, nous avons, bien sûr, fait l'analyse d'un certain nombre d'articles, pas tellement pour suggérer des modifications, mais pour noter notre inquiétude sur l'ensemble du projet. Il est bien clair que lorsque vous êtes étouffé par un corset, vous ne vous demandez pas quel est le lacet qui sert le plus. C'est un peu l'expression de notre attitude lorsque nous avons fait l'analyse article par article. C'est une accumulation, si vous voulez, d'inquiétudes qui font, à toutes fins utiles, qu'il n'y a pas essentiellement une virgule ou un terme à changer dans un ou l'autre des articles, mais c'est la philosophie même du projet de loi qui est à réviser, à notre sens.

Le Président (M. Leduc, Fabre): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, je voudrais faire tout d'abord une couple d'observations de caractère général. Il me semble, en fait, quand j'ai entendu la lecture d'une des premières recommandations du mémoire voulant que les universités soient exclues de la notion d'organisme public, que c'est une recommandation - je pense l'avoir indiqué plus tôt lors de la rencontre avec la CREPUQ - qui me semble difficilement acceptable, mais étant donné ce que sont devenues les universités, de facto et dans bien des cas de droit aussi... D'autre part, je pense que le ministre a fait une erreur

colossale en mettant les universités sur le même pied que tous les autres organismes dans la lettre de son projet de loi, encore une fois. Je ne sais pas comment le ministre pourra corriger cette déficience, mais il me paraît évident que lorsqu'on traite de la recherche scientifique, on ne peut considérer les universités seulement comme un élément parmi les autres, sur le même pied que les syndicats et que les conseils patronaux, ceci et cela. Je pense que c'est vraiment un élément constitutif majeur.

Si vous pouvez réexaminer le projet de loi en ayant à l'esprit cette observation qui me paraît particulièrement judicieuse, je pense qu'il y a peut-être moyen de faire disparaître bien des aspérités ou des sujets d'inquiétude.

Les pouvoirs de directives, j'ai dit tantôt ce que j'en pensais. Je ne veux pas prendre le temps de la commission pour en reparler. Il y a une question que je voudrais peut-être vous adresser parce que votre mémoire n'est pas spécialement explicite là-dessus. Ce qu'il y a de bien important dans le projet de loi, c'est la multiplication des fonds des organismes particuliers et l'agencement qui va exister dans tout cela. Je ne sais pas si j'ai bien compris tantôt, j'ai cru comprendre que d'après votre lecture du projet de loi, il pourrait très bien arriver que dans la pratique, le projet de loi, comme il est, maintienne les choses comme elles sont, que la FCAC, par exemple, le Fonds de la recherche en santé, le Centre de recherche industrielle du Québec, que ces organismes ne soient pas tellement affectés dans leur développement et qu'ils continuent de recevoir les fonds par les budgets de leur ministère respectif, etc., qu'il pourrait très bien arriver aussi qu'il y ait graduellement une inversion dans l'ordre d'importance, que la fondation prenne de plus en plus d'importance et que, finalement, les fonds particuliers en viennent à développer une dépendance de plus en plus grande vis-à-vis de la fondation qui pourrait être encline à leur donner des directives de plus en plus précises. J'aimerais que vous nous disiez de manière plus claire comment vous réagissez au passage du projet de loi qui traite des fonds de recherche.

Mme Bertrand: M. le Président, rapidement, ce que nous comprenons, c'est que FCAC, FRSQ, CRESAC sont logés, par leur président et par la création de la fondation, dans un organisme qui s'appelle la Fondation pour le développement de la recherche scientifique au Québec. Si nous comprenons bien, ces fonds arrivent là avec leur fonds. S'ajoutent des sommes d'argent venues d'ailleurs, de legs, de dons, de dotations. Ce qu'exprimait mon collègue Denault tout à l'heure, ce que d'autres essaient d'exprimer et ce que je vais essayer d'exprimer, c'est que les règles qui vont gouverner l'allocation, la distribution de ces sommes qui se trouvent, par la présence des présidents ou directeurs généraux des trois fondations, au conseil de la fondation sont à la fondation. Nous pensons que les règles qui vont gouverner l'allocation de ces ressources, pour l'instant et dans le projet que nous lisons, ne nous garantissent pas du tout que les sommes en provenance du ministère de l'Éducation restent au ministère, par exemple, de l'Éducation, ou en provenance du MAS restent, par exemple, au FRSQ.

Bien sûr, le ministre délégué pourrait répondre qu'il pourrait s'y ajouter de l'argent venant des legs, des dotations et de tout ce que la fondation recueillera. Mais nous pensons que le pouvoir de redistribuer et de réallouer, que ce que nous voyons dans la lettre de la loi confère au ministre, fait qu'il n'est pas du tout garanti que les fonds avec leur mission particulière actuellement, gardent ou se voient même augmenter l'argent qu'ils ont maintenant. C'est le sens de notre inquiétude.

Nous trouvons le fondement de notre inquiétude - si vous me permettez - à l'article 52 où on dit que le plan que fera le ministre indiquera les montants prévus pour le fonctionnement de la fondation. Ce plan indique, de plus, les conditions relatives à l'utilisation par un fonds - oar exerrmle, le Fonds FCAC ou le FRSQ - des sommes qui lui sont versées par la fondation. Normalement, ce sont les legs, dotations et plus, normalement. À cette fin, la fondation peut concevoir des programmes d'aide à la recherche dans des domaines jugés prioritaires. Le ministre approuve le plan, avec ou sans modification.

On a le sentiment que, s'ajoutant à cela, à la suite de cette approbation, la fondation est tenue de s'y conformer. Il y a là une espèce de grand vague où nous ne savons plus ce que deviennent les fonds des ministères sectoriels.

M. Ryan: Maintenant, j'aurais une question complémentaire. Selon l'expérience que vous en avez, êtes-vous actuellement satisfaits de la manière dont fonctionnent les fonds existants? Est-ce que vous tenez à ce qu'ils conservent leur autonomie sous l'autorité du ministre de qui ils relèvent actuellement? Je pense au FCAC en particulier, au fonds de recherche pour la santé.

Mme Bertrand: Nous avons, là-dessus, M. le Président, un sentiment très positif touchant les proqrès réalisés, touchant le fonctionnement du Fonds FCAC. Nous sommes de plus en plus satisfaits. Nous pensons - nous l'avons dit de plusieurs façons - que la gestion de ces fonds devrait être faite de façon encore plus autonome. Je le

répète, au risque de vous ennuyer, les directives venant de deux étages: du ministre de l'Éducation et du ministre délégué à la Science et à la Technologie nous inquiètent. Nous demandons de lever le poids de ces directives.

M. Ryan: M. le Président...

Le Président (M. Leduc, Fabre): M. le député.

M. Ryan: Je serais tenté de penser, comme la FAPUQ, que rien n'empêcherait un ministre impérialiste qui jouirait d'un grand pouvoir d'influence dans le cabinet d'aboutir à une situation comme celle que redoutent ceux qui sont venus nous parler. Je pense que rien n'empêcherait un ministre de faire aboutir la situation. Je pense que ce n'est pas du tout l'intention. Mais c'est une question qu'il faudrait peut-être examiner de près.

J'aurais un dernier point à soulever, étant donné que nous sommes sur ces organismes dont il a été peu question jusqu'à maintenant. J'aimerais avoir l'opinion de la délégation de la FAPUQ sur l'Agence québécoise de valorisation industrielle et de la recherche, à supposer que ce chapitre du prqjet de loi vous ait intéressés.

Mme Bertrand: Malheureusement, dans le laps de temps qui nous était imparti, nous n'avons pas pu nous intéresser à cela. Cependant, nous avons - nous l'avons dit plus tôt - une opinion très ferme sur la marge d'autonomie qui devrait être laissée au Fonds FCAC. Nous n'avons pas développé d'opinion de groupe. Si vous voulez, nous n'avons pas fait de réflexion de groupe sur le FRSQ. Cependant, tout à l'heure, nous vous demanderons la permission, au nom d'une de nos collègues, de déposer un mémoire touchant le Conseil québécois de la recherche sociale.

Le Président (M. Leduc, Fabre): II vous reste...

Mme Bertrand: J'ai un collègue qui voudrait revenir une seconde sur une question de M. Ryan.

Le Président (M. Leduc (Fabre): Oui. Allez-y.

M. Saint-Pierre: Sur deux points rapidement. D'une part, sur cette question de l'agence, comme les représentants de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec l'ont souligné, à savoir s'il y a compétition avec le Conseil de recherche industrielle et d'autres initiatives entreprises par des universités, nous serions plutôt favorables, je pense bien, à cette agence, mais tout cela reste assez peu défini. Les objectifs de cette agence ne sont pas très bien définis. Il s'agit de trouver une articulation essentiellement, si je comprends, dans la recherche universitaire et dans le développement industriel, l'articulation étant dans le processus d'innovation. Tout cela nous paraît certainement intéressant, surtout compte tenu de la place que tient la recherche universitaire, de fait, dans la recherche qui est faite actuellement au Québec. Donc, on peut avoir des espoirs de développement de ce côté-là.

Quant au commentaire de M. Ryan sur le fait que nous voulions exclure les universités du projet de loi, il ne s'agit pas, pour nous, d'une position de principe qui dit que les universités ne sont pas des organismes publics. Mais, dans le sens de son intervention, je pense bien que ce sont des organismes qui ont des responsabilités publiques mais bien particulières. Il faut être justement attentif à la façon dont on peut demander aux universités de répondre à ces responsabilités publiques, de façon à ne pas entraver leur mission et leur capacité d'innovation.

Le Président (M. Leduc, Fabre): II vous reste trois minutes.

M. Ryan: Oui, j'aurais une autre question.

Le Président (M. Leduc, Fabre): Allez- y!

M. Ryan: II y a un problème qui, vu de l'extérieur - je ne sais pas comment il vous apparaît à vous - est le besoin de concertation, très réel aussi, car le danger de l'individualisme dans le monde universitaire est très grand. Quelle est votre réponse à ce problème? Je n'en trouve pas beaucoup dans le mémoire que vous avez présenté. Je pense que c'est l'inquiétude majeure de celui qui a conçu le projet de loi avec ses collaborateurs. J'aimerais connaître votre opinion sur les meilleurs moyens de promouvoir une concertation plus efficace dans le monde de la recherche. Même au plan canadien, comme vous le savez, on se rend compte que de subventionner la recherche dans toutes les directions en même temps, cela ne peut pas fonctionner parce que le pays ne tiendra pas sa place dans l'univers mondial de la concurrence. Il faut absolument qu'on choisisse des points prioritaires, des axes préférentiels pour l'orientation des ressources, à la fois humaines et matérielles. Comment voyez-vous cette dimension?

Mme Bertrand: M. le Président, je pense qu'il y aura deux éléments à ma

réponse. Un peu comme les recteurs l'ont dit ce matin, nous sommes convaincus qu'un État à le droit et doit avoir des orientations et des priorités. Nous pensons cependant que, dans le domaine de la recherche, où la créativité, l'activité intellectuelle est très importante, ces priorités, non seulement gagnent à être définies avec ceux qui vont effectuer la recherche, mais ces priorités ne peuvent pas être définies sans eux. On n'invente pas, du jour au lendemain, un chercheur dans les biotechnologies. Il faut le former. On ne peut pas, du jour au lendemain, opérer un virage technologique sans des structures d'accueil de la recherche dans les milieux de la recherche. Nous disons donc que, toute légitime que soit l'opération qui consiste à se donner des orientations et des priorités, selon nous, spécialement dans le domaine de la recherche, il faut la faire conjointement avec les principaux acteurs. Nous avons eu l'occasion de dire ailleurs que la concertation, dont il est question ici, c'est vraiment par la base, dans ce domaine de l'activité intellectuelle, qu'il faut la prendre et la commencer. Si les chercheurs universitaires et les professeurs n'acceptent pas de former des futurs chercheurs dans les domaines de pointe et d'excellence dont il est question et qui constitueraient, éventuellement, les orientations de ce gouvernement, est-ce qu'on va les inventer? C'est bien sûr que non. C'est pour cela, il me semble, qu'on ne doit pas confondre -comme me soufflait mon collègue - ce codirigisme ou dirigisme ou volonté verticale et concertation dont parle M. Ryan.

Le Président (M. Leduc, Fabre): Bien, M. le ministre, si vous voulez conclure.

M. Paquette: M. le Président, ce mémoire, comme celui de la Conférence des recteurs, nous a permis d'identifier certains points délicats du projet de loi. Je veux simplement affirmer à Mme la présidente de la FAPUQ à quel point je partage ses orientations et surtout cette affirmation à savoir que l'excellence scientifique et technologique se fait par les hommes et les femmes du Québec qui travaillent en recherche, c'est-à-dire les chercheurs, et que le meilleur service qu'un gouvernement peut rendre, à cet objectif de l'excellence scientifique et technologique, c'est justement de dégager, après le maximum de débats publics possible, des orientations claires mais aussi qu'il doit coordonner les instruments dont il dispose de façon à appuyer ces orientations.

Il y a une différence entre ça et dire que le gouvernement va contrôler la recherche. Il y a une différence entre ça et penser que c'est le gouvernement qui va déterminer, dans un plan très détaillé auquel les divers intervenants n'auraient qu'à se conformer, les orientations ou les sujets de recherche. Enfin, tout ce qu'un gouvernement peut faire, c'est d'essayer, avec le peu d'instruments dont il dispose, parce que même un gouvernement qui voudrait agir très rapidement, même avec un projet de loi du type de celui qu'on a adopté en France qui était très directif - qui centralisait tout à l'intérieur d'un ministère - même avec ce genre de projet de loi, les progrès dépendent en définitive des gens qui y travaillent et des premiers artisans.

Si, dans le projet de loi, nous n'avons pas trop fait référence aux universités, c'est justement parce que nous ne voulions pas privilégier, à l'avance, différents types d'intervenants, c'est parce que nous étions plutôt concernés par la cohérence interne au gouvernement. Voilà pourquoi il y eu énormément de débats et de discussions à l'intérieur du gouvernement depuis six mois sur ce projet de loi.

Nous en sommes maintenant à l'interface de ce projet de loi avec les principaux artisans, ceux qui doivent développer le Québec sur le plan scientifique et technologique. Vous pouvez être certains que, sur la base des orientations communes qui nous animent, nous sommes capables de faire en sorte que ce projet de loi établisse des relations harmonieuses dans la perspective d'un État qui doit être davantage un État catalyseur, ce qui est le principal garant du succès, plutôt qu'un État qui dirige dans les moindres détails une activité ou une liberté de recherche ou d'action.

J'aimerais remercier la FAPUQ de son mémoire et la rassurer que nous allons travailler très fort et rapidement sur certains des points soulevés dans le mémoire.

Le Président (M. Paré): Mme la députée de Jacques-Cartier, s'il vous plaît.

Mme Dougherty: Oui, mon collège de Westmount aura le dernier mot de notre part.

Le Président (M. Paré): M. le député de Westmount.

M. French: Au nom de l'Opposition, je tiens à remercier la FAPUQ pour son exposé. Ce que j'ai surtout tiré - tout comme le ministre - c'est l'importance primordiale des individus ou des équipes d'individus qui font la recherche. Et si on est à nous pencher ultimement sur un projet de loi concernant la recherche, ce projet ne saurait respecter ses objectifs sans les activités cérébrales de certains individus dans les universités ou dans les laboratoires de recherche au Québec.

Curieusement, je ne tire pas la conclusion qu'ultimement, la première chose que le chercheur veut de l'État, c'est une orientation. Ce mot trahit pour moi

exactement une différence fondamentale peut-être entre ce qu'on vient d'entendre des intervenants, des administrateurs universitaires, des chercheurs ou des professeurs universitaires et l'approche du gouvernement.

Il me semble que, malgré tous les fils d'araignée bureaucratiques créés par le projet de loi, malgré toutes les directives, tous les thèmes prioritaires, tous les livres verts et livres blancs, nulle part au monde où il y a une administration démocratique, on n'a réussi vraiment à faire une révolution au sein de la direction de la recherche. On n'a jamais vraiment réussi à freiner de façon substantielle les tendances implicites de liberté de la recherche. On a gaspillé des montants d'argent, on a gaspillé du temps, on a soulevé de faux espoirs, on a essayé... Je n'accuse pas le gouvernement actuel parce qu'il vient un peu tard à la fête mais il donne certaines indications qu'il veut répéter l'expérience par exemple.

M. Paquet te: ...

M. French: Ce qui me semble enfin important, c'est qu'une déclaration publique par le ministre au bon moment - il en a fait une couple depuis qu'il est là - a plus d'importance sur la direction de la recherche au Québec pour la réussite pour les Québécois de prendre le virage technologique que toute la folie bureaucratique et implicite dans le projet de loi actuel. C'est ce que j'ai saisi de la FAPUQ et de la CREPUQ.

Le Président (M. Paré); Je remercie la Fédération des associations de professeurs des universités du Québec pour la présentation de son mémoire. Cela a été très intéressant et je vous remercie beaucoup.

Mme Bertrand: M. le Président.

Le Président (M. Paré): Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose?

Mme Bertrand: S'il vous plaît. Le Président (M. Paré): Oui, allez.

Mme Bertrand: Nous aurions un autre document à déposer qui est un peu le résumé de notre pensée de façon plus synthétique et peut-être plus forte. Nous voudrions demander que notre collègue de l'Université de Montréal, Mme Sheila Hodgins qui est ici, qui est membre du comité exécutif du Conseil québécois de la recherche sociale, puisse déposer officiellement à cette commission parlementaire un mémoire de ce conseil.

Le Président (M. Paré): Oui, nous allons accepter pour dépôt. Ce ne serait pas la lecture mais nous allons en prendre bonne note. On vous remercie beaucoup. J'inviterais maintenant...

Une voix: ...

Le Président (M. Paré): Oui, oui, cela s'en vient, M. le député. La distribution peut se faire immédiatement. J'inviterais maintenant le troisième groupe à prendre place. Il s'agit du Fonds FCAC.

Donc, je vous souhaite la bienvenue pour la présentation de votre mémoire. J'inviterais maintenant le représentant à s'identifier et à nous présenter les personnes qui l'accompagnent.

Fonds FCAC

M. Cliche (Yvan): Merci, M. le Président. Mon nom est Yvan Cliche. Je suis le porte-parole du Fonds FCAC, je suis président du comité exécutif et directeur général du Fonds FCAC. J'ai à ma droite, M. Romain Paquette, président du conseil d'administration; à ma gauche, M. Roland Stafford, secrétaire de la corporation et directeur général adjoint; M. Guy Berthiaume, directeur du service des bourses; Mme Renée Desautels, vice-présidente de notre conseil d'administration et aussi membre du comité exécutif et Mme Madeleine Gauthier, membre de l'exécutif et du conseil d'administration. Mme Gauthier est étudiante en doctorat de troisième cycle en sociologie à l'Université Laval; Mme Renée Desautels est professeur de physique au cégep de Rosemont; à mon extrême droite, M. Robert Lacroix, directeur du département des sciences économiques de l'Université de Montréal, qui est l'auteur d'une étude toute récente importante que nous avons rendue publique, il y a quelques jours.

Avant de faire mon exposé, je voudrais, M. le Président, avec votre autorisation, déposer deux documents: D'abord, puisqu'on en a fait état tout à l'heure, le projet de loi ou, disons, les recommandations que notre organisme avait faites à la demande du ministre de l'Éducation, concernant sa transformation en une fondation, un document qui date du mois d'août 1981. J'aimerais donc déposer ce document. De même, toujours avec votre autorisation, j'aimerais rendre publique ou déposer l'étude que nous avons publiée, il y a deux jours, et qui s'intitule Les disparités internationales et nationales dans les efforts de recherche-développement, une explication de la situation canadienne et québécoise.

Le Président (M. Paré): Aucune objection, au contraire. Nous allons recevoir vos documents.

M. Cliche: Rapidement, je voudrais simplement situer un peu le Fonds FCAC, qui est le principal organisme subventionnaire québécois. C'est un organisme qui distribue cette année 30 000 000 $ en subventions et en bourses: subventions aux chercheurs et bourses aux étudiants. Pour vous indiquer ce que cela signifie, ce sont 520 équipes de chercheurs composées de 3000 chercheurs qui proviennent de 18 établissements universitaires et subventions qui s'adressent également au réseau des collèges. Dans ces équipes, il y a également 3000 étudiants.

Quant aux bourses, nous attribuons cette année 1600 bourses de deuxième et de troisième cycles et post-doctorat. Notre organisme subventionne également 31 centres de recherche, 45 revues scientifiques et ainsi de suite. Cela donne une indication de la nature et de l'ampleur des interventions.

Je tiens d'abord à remercier le président de la commission parlementaire d'avoir invité le Fonds FCAC à fournir ses commentaires sur le projet de loi 19 Loi favorisant le développement scientifique et technologique du Québec. Les remarques que je présenterai visent à bonifier ce projet de loi qui constitue la pièce maîtresse du développement scientifique québécois et l'aboutissement d'une démarche amorcée avec le livre vert Pour une politique québécoise de la recherche scientifique. En inscrivant la politique scientifique dans le cadre plus général de la politique économique du gouvernement, définie dans Le virage technologique et en proclamant une loi favorisant l'arrimage du développement scientifique et du développement économique, le gouvernement fait entrer la société québécoise dans une nouvelle étape de la maîtrise de son destin collectif et lui assure une place parmi les pays, tels le Japon, l'Allemagne, la Suède et la Suisse, qui ont compris que, d'ici à la fin du siècle, le développement économique sera largement tributaire du développement scientifique.

Il est particulièrement réjouissant de constater que, parmi les mesures prévues dans ce projet de loi pour harmoniser l'action gouvernementale en sciences et en technologie, le gouvernement ait affirmé, en s'inspirant de l'exemple des pays reconnus pour leur leadership scientifique et technologique, la nécessité de structurer ses interventions en définissant les statuts et rôles des organismes voués à l'élaboration, à la coordination et à l'exécution de la politique de recherche scientifique et de développement technologique du Québec.

Le livre blanc Un projet collectif avait marqué déjà un premier pas en ce sens en clarifiant les rôles des divers intervenants en matière de développement scientifique et en procédant au réaménagement de certains mécanismes d'aide à la recherche. C'est ainsi qu'ont été résolument mis en place des organismes subventionnables publics, chargés de gérer certains programmes gouvernementaux de soutien à la recherche. La création de fonds subventionnables a concrétisé l'objectif du gouvernement de faire du développement scientifique un projet collectif et démocratique en favorisant un rapprochement plus poussé entre les chercheurs et les mécanismes d'attribution des subventions et en donnant plus de visibilité à des programmes déterminants pour le développement du potentiel de recherche québécois.

C'est cette extraordinaire expérience d'implication du milieu scientifique que vit le Fonds FCAC depuis maintenant un peu plus de deux ans. Sa structure participative permet à des centaines de chercheurs de contribuer à tous les niveaux, depuis la centaine de comités d'évaluation jusqu'au conseil d'administration, au processus complet de gestion des programmes de subventions et de bourses confiés à l'organisme. En plus d'assurer une efficacité accrue dans l'allocation des sommes consacrées à la recherche par le gouvernement, l'organisation du Fonds FCAC est conçue de manière à favoriser la plus grande transparence de gestion possible, comme en témoignent ses deux premiers rapports annuels. L'interaction étroite existant entre l'organisme et le milieu de la recherche constitue certainement une des plus belles réussites de la réforme initiée avec le livre blanc. (17 heures)

Le projet de loi 19 institue un ministère de la Science et de la Technologie ayant pour fonction d'élaborer et de coordonner la politique de recherche scientifique et le développement technologique du Québec, de même que des corporations mandataires du gouvernement pour l'exécution de la politique scientifique. Cette mise en place des instruments essentiels de la réalisation du virage technologique doit cependant s'accomplir dans le respect de la mission et des responsabilités des différents ministères sectoriels. Le Fonds FCAC se réjouit de voir confirmer son statut par voie législative et est d'accord pour prendre en charge la fonction de gestionnaire de programmes de subventions et de bourses qui lui est dévolue dans le cadre de la loi. C'est à partir de cette position et de l'expérience acquise depuis sa création que se situent les remarques suivantes.

Le premier point, l'harmonisation des directives gouvernementales et des plans d'activités des fonds. Le projet de loi prévoit, à l'article 83, que le ministre responsable d'un fonds peut lui donner des directives. Ces directives sont préparées en collaboration avec le ministre de la Science et de la Technologie, puis soumises pour approbation au gouvernement par le ministre

responsable. À la suite de cette approbation, le fonds est tenu de se conformer à ces directives. Par ailleurs, l'article 84 prévoit qu'un fonds doit, chaque année, transmettre à son ministre responsable un plan de ses activités, lequel est également soumis à l'approbation gouvernementale par le ministre après consultation du ministre de la Science et de la Technologie. À la suite de cette approbation, un fonds est tenu de se conformer à ce plan.

Le rôle d'un organisme subventionnaire est d'arrimer ses interventions aux politiques établies à un autre niveau. C'est ce que fait le Fonds FCAC depuis sa création, suivant la pratique établie dans la plupart des organismes subventionnables qui, alimentés par leur base, intègrent les principes découlant des politiques les concernant et canalisent leurs activités en fonction d'orientations dynamiques tenant compte à la fois des attentes des milieux de recherche et ce celles des décideurs politiques. Dans ce contexte, le gouvernement peut, par le moyen de directives, sanctionner les orientations qu'il retient parmi celles proposées, lesquelles directives peuvent prendre par exemple la forme de décisions budgétaires. Cette façon de procéder a l'immense avantage de sensibiliser les milieux de recherche aux politiques mises de l'avant par le gouvernement tout en tirant un profit maximum de la contribution des unités de base. Le rôle de catalyseur qu'est ainsi appelé à jouer l'organisme subventionnaire favorise une régulation éclairée de tout le processus dynamique du développement de la recherche. C'est dans cette optique que le Fonds FCAC a entrepris cette année, à la demande du ministre de l'Éducation, la préparation d'un plan triennal d'activités qui devrait faire l'objet d'une vaste consultation auprès du milieu scientifique.

Rappelons que c'est à partir de la présentation de plans quinquennaux que sont sanctionnées les orientations des organismes subventionnaires fédéraux et, plus près de nous, celles du CRIQ - il existe un plan quinquennal pour le CRIQ. Et notre proposition du mois d'août 1981 se lisait comme suit: "D'ailleurs, la fondation soumet au ministre un plan quinquennal de ses politiques pour l'attribution des sommes qui lui sont versées. Selon nous, les plans présentés par les fonds doivent comporter notamment, premièrement les objectifs qu'ils doivent poursuivre; deuxièmement, les programmes qu'ils doivent instaurer, maintenir ou abolir; troisièmement, les secteurs de recherche qu'ils doivent soutenir en priorité; et, quatrièmement, les sommes qu'ils doivent affecter à chaque programme ainsi qu'à leur gestion. La lecture des articles 83 et 84 du projet de loi laisse entendre que les directives gouvernementales ont préséance sur la préparation des plans des fonds, lesquels doivent être approuvés annuellement par le gouvernement selon les modalités prévues par la loi. D'ailleurs le texte dit qu'il ne s'agit pas de grands plans; il s'agit de plans d'activités annuelles pour l'attribution des sommes. Cette procédure semble aller à l'encontre de la pratique des organismes subventionnaires reconnus. Elle s'éloigne également de la lecture des événements que faisait le ministre de l'Éducation à l'occasion de l'annonce officielle de la création du Fonds FCAC lorsqu'il déclarait: "Son statut lui permet d'assumer les responsabilités qui lui sont confiées par le gouvernement, tout en disposant du degré d'autonomie propre aux organismes subventionnaires dont se sont dotés la plupart des pays industrialisés."

Elle ne concorde pas non plus avec l'intention qu'exprimait à son collègue de l'Éducation en mars 1982 le ministre d'État au Développement culturel et scientifique d'alors, M. Gérald Godin, de compléter le plus tôt possible la transformation du Fonds FCAC afin de doter celui-ci et je cite: "... d'un statut comparable à celui des conseils subventionnaires fédéraux." Les contrôles prévus aux articles 83 et 84 du projet de loi no 19 mettent sur un pied différent des grands organismes subventionnaires les fonds de recherche québécois et risquent de compromettre l'objectif social-démocrate du gouvernement de rapprocher les chercheurs des mécanismes d'attribution des subventions.

Le deuxième point, l'approbation des règlements: L'article 86 du projet de loi prévoit qu'un fonds peut adopter des règlements concernant: premièrement, la forme et le contenu des demandes d'aide financière, les renseignements qu'elles doivent contenir et les documents qui doivent les accompagner; deuxièmement, les modalités et les critères d'évaluation des demandes d'aide financière et troisièmement, les barèmes et les limites de son aide financière.

De tels règlements doivent être soumis à l'approbation du gouvernement et publiés à la Gazette officielle. Approbation du gouvernement veut dire un décret ou l'équivalent. Dans notre proposition de 1981, on recommandait que les règlements soient publiés à la Gazette officielle, étant donné le caractère public de l'organisme, publiés à la Gazette officielle mais sans passer par l'approbation du gouvernement, donc sans les décrets.

Cela signifie, en clair, que toutes les brochures décrivant les programmes de subventions et bourses de même que tous les formulaires, puisqu'on parle de la forme des demandes à l'usage de la clientèle doivent être approuvés par le gouvernement et que leur contenu doit faire l'objet d'une publication dans la Gazette officielle avant que ces documents puissent être acheminés

aux chercheurs et aux étudiants.

Compte tenu que le fonds doit se conformer aux directives approuvées par le gouvernement concernant la gestion des programmes des subventions et bourses qui lui sont confiés, l'approbation à la pièce de chacune des brochures et des formulaires apparaît comme une mesure tatillonne nuisant à la bonne gestion. Il importe ici de rappeler que les opérations du fonds sont annuelles et récurrentes et qu'elles doivent être menées en tenant compte des calendriers des établissements desservis par l'organisme.

Un exemple bien simple peut servir à illustrer les complications générées par ce type de mesure. Il s'agit du cas du programme de bourses d'études, de perfectionnement et de recyclage que gère actuellement le Fonds FCAC. Ce programme est régi par un règlement découlant de la Loi sur les prêts et bourses aux étudiants, lequel règlement doit être adopté par le gouvernement. Au cours des trois dernières années, un délai moyen d'environ huit mois s'est écoulé entre le moment où le projet de brochure a été transmis pour approbation et celui où le décret a été sanctionné. Cette mesure a entraîné des retards dans tout le processus d'attribution des bourses et causé préjudice à la clientèle. D'ailleurs, ce matin, le président du comité de recherche de la CREPUQ a signalé également ce problème. Ainsi, l'an dernier par exemple, la brochure qui aurait dû être distribuée en septembre n'a pu être acheminée qu'en novembre, avec le résultat que la date de clôture des concours et celle de l'annonce des résultats ont été différées. Il est particulièrement démobilisant pour les étudiants de connaître à la fin de mai les résultats des concours de bourses d'excellence alors que c'est en avril ou au début de mai qu'ils ont à s'inscrire pour la saison d'été.

Pour pouvoir fonctionner efficacement, le fonds doit pouvoir disposer d'une marge de manoeuvre comparable à celle dont jouissent habituellement les organismes subventionnaires. La possibilité de pouvoir coordonner son calendrier de fonctionnement avec celui de sa clientèle est à la base de la crédibilité qu'il s'est déjà acquise et qu'il souhaite pouvoir conserver auprès du milieu qu'il dessert.

Autre point, la rémunération des membres des comités d'appréciation. L'article 87 du projet de loi prévoit que les membres des comités d'appréciation chargés d'évaluer les demandes d'aide financière ne sont pas rémunérés pour l'accomplissement de cette fonction. Le Fonds FCAC souscrit à cette mesure destinée en premier lieu aux chercheurs du réseau de l'enseignement supérieur et au personnel de la fonction publique qui participe aux différents jurys. Cependant, pour procéder à l'examen des demandes qu'il reçoit, le fonds doit régulièrement recourir aux services d'experts n'appartenant pas au réseau de l'enseignement ou à celui de la fonction publique. C'est notamment le cas pour l'étude de projets de recherche prioritaire où l'apport du milieu industriel est essentiel. Aussi serait-il souhaitable de prévoir une clause d'exception au règlement de manière que le fonds puisse remettre une rémunération aux pigistes et aux experts que les employeurs acceptent de dégager sans leur verser de salaire pour remplir un mandat d'évaluation dans le cadre d'un programme ou d'un concours de fonds. Il faudrait également penser à la présence des étudiants de deuxième et troisième cycles qui acceptent de surseoir provisoirement à leurs études pour participer à une expérience originale et enrichissante en siégeant sur certains comités.

Autre point, l'appellation du fonds. On en a beaucoup parlé ces jours derniers. Le projet de loi prévoit que ce Fonds FCAC pour l'aide et le soutien à la recherche changera de nom pour devenir le Fonds Marie-Victorin. L'identification d'un organisme revêt une dimension importante lorsqu'il est question des relations qu'il entretient avec l'extérieur et de l'image qu'il projette dans le public tant sur la scène nationale que sur la scène internationale où sont actifs bon nombre de chercheurs québécois. Nous reconnaissons volontiers le mérite scientifique et le rôle d'éveilleur du frère Marie-Victorin dans l'histoire québécoise mais le fonds souhaiterait que son nom, comme l'a déjà signalé dans un télégramme le conseil d'administration au Conseil des ministres, s'inspire davantage du principe de la spécificité des interventions qui a prévalu dans la désignation des deux autres organismes subventionnaires, soit le FR.SQ et le fonds pour la recherche dans le domaine de l'agriculture, le CRESAC. L'appellation proposée n'est pas fonctionnelle puisqu'elle ne donne aucune indication quant à la nature des activités de l'organisation; cette situation entraînera des difficultés quotidiennes dans les communications que le fonds a à établir avec la clientèle et les experts.

En se basant sur le principe d'une appellation correspondant à la spécificité des interventions de l'organisme, celui-ci pourrait, par exemple, être désigné comme le Fonds d'aide à la recherche, le FAR. Le nom de Marie-Victorin pourrait quant à lui être réservé afin de souligner, dans le cadre de bourses commémoratives ou d'un prix scientifique, l'importance de la contribution de ce pionnier du développement scientifique.

Le régime suplémentaire de rentes des employés. L'article 148 du projet de loi stipule que le président, le directeur général et les employés du fonds participent au

régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics, le RREGOP. Le Fonds FCAC est dans une situation particulière du fait qu'il a engagé lui-même la plupart de ces employés. Il n'est pas régi par la loi de la fonction publique actuellement, il ne le sera pas de par la loi qui est là. Ce personnel est déjà doté d'un régime supplémentaire de rentes qui a été négocié à sa satisfaction. Le fonds estime qu'il serait souhaitable de maintenir le régime en vigueur, qui permet beaucoup de souplesse. C'est un régime qui est transférable beaucoup plus facilement que le RREGOP, notamment qui donne donc de la mobilité au personnel. Donc, il serait souhaitable de maintenir le régime en vigueur et d'amender en conséquence l'article 148 du projet de loi.

Les dispositions transitoires. Il est spécifié à l'article 164 du projet de loi que les dispositions de la section 2 du chapitre IV concernant le soutien financier à la recherche prendront effet, à l'égard de chacun des fonds institués par la loi, dans la mesure indiquée par des proclamations. Le Fonds FCAC comprend qu'il sera consulté au moment où de telles mesures transitoires seront élaborées et il souhaite que celles-ci permettent une transition harmonieuse de façon que les chercheurs et les étudiants ne fassent pas les frais des changements apportés aux structures d'organisation du fonds en vertu de la loi. (17 h 15)

Je terminerai en espérant, M. le Président, que ces quelques remarques seront prises en considération par le législateur. Je tiens à remercier le gouvernement d'avoir associé le Fonds FCAC à cette première que constitue la proclamation, par une province, d'une Loi favorisant le développement scientifique et technologique.

Le Président (M. Paré): Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer aux questions, M. le ministre.

M. Paquette: M. le Président, j'aimerais d'abord remercier les représentants du Fonds FCAC qui, je pense, comme d'autres intervenants avant eux l'ont dit tout à l'heure, s'est acquis une crédibilité, un respect et une excellente collaboration de tous les milieux universitaires avec lesquels il travaille. J'en suis particulièrement puisque le Secrétariat au développement scientifique et ensuite le Secrétariat à la science et à la technologie n'ont pas été étrangers à cette évolution qui visait à donner davantage d'autonomie au fonds subventionnaire qui était autrefois une direction générale du ministère de l'Éducation. Je pense que l'objectif de ce projet de loi est de maintenir cette autonomie. C'est dans cette optique qu'il m'apparaît important de poser quelques questions rapidement.

D'abord, quelques réactions. Je pense que les suggestions que vous faites à partir de la page 9, quant à la rémunération des membres des comités d'appréciation, devraient normalement - je ne sais pas ce que vous en pensez - être laissées au règlement de régie interne du fonds. Je pense que c'est une possibilité qu'on devrait effectivement maintenir. Quant à l'appellation du fonds, vous faites une suggestion intéressante, de même que le régime supplémentaire de rentes des employés. Enfin, vous comprenez bien, en passant, que vous serez consultés au moment où de telles mesures transitoires seront préparées. C'est justement pour cela que le projet de loi a prévu, au dernier article, une entrée en vigueur sur proclamation du gouvernement plutôt qu'à la date de l'adoption du projet de loi, de façon que les divers organismes impliqués puissent remplacer leurs prédécesseurs au moment jugé le plus opportun de façon à ne pas nuire aux activités courantes de ces organismes.

Deux questions. D'abord, à la page 7, concernant l'article 86 du projet de loi, je pense que vous y retrouvez à peu près tel quel l'article que vous aviez soumis en août lors de l'élaboration du projet de loi, sauf cette phrase "soumis à l'approbation du gouvernement". J'aimerais simplement vous faire constater qu'on retrouve ce genre de disposition au niveau des conseils fédéraux: soumettre l'équivalent de leurs règles d'attribution financière au gouvernement. Je comprends que cela ait pu occasionner par le passé, des délais, qui sont, à mon avis, excessifs. Je pense que tout le monde en conviendra. Est-ce que c'est uniquement pour des questions de fonctionnement que vous souhaitez, si je comprends bien, revenir au texte initial que vous aviez proposé?

M. Cliche: Remarquez que cela m'étonnerait que le CRSNG fasse approuver ses brochures par le gouvernement avant de les publier.

M. Paquette: On ne parle pas des brochures dans le projet de loi.

M. Cliche: Oui, écoutez, l'article 86, si vous permettez, M. le ministre. La forme et le contenu des demandes d'aide financière, les renseignements qu'elles doivent contenir, les modalités des critères, les barèmes, les limites, c'est cela le contenu d'une brochure de subvention qui décrit un programme. La forme, cela veut même dire les formulaires. J'ai vérifié auprès des juristes. Cela veut dire que tout notre kit serait au préalable approuvé par le gouvernement. C'est carrément abusif. Il n'y a aucun organisme au monde qui fait cela et cela voudrait dire

qu'on aurait des délais quand même très considérables. Dans notre texte à nous, on recommandait qu'on nous donne des pouvoirs de réglementation. Comme il s'agissait d'un organisme public, on avait accepté que ces règlements soient publiés à la Gazette officielle, mais sans faire l'objet au préalable d'une approbation par le gouvernement. C'est l'histoire des décrets qui rallonge tout. Là, évidemment, c'est une immixtion directe dans la gestion interne des organismes subventionnaires.

Si vous reveniez à notre article, je pense qu'on pourrait publier nos règlements à la Gazette officielle. Nous, on n'a pas d'objection, parce que c'est un organisme public. Mais de les faire sanctionner, approuver au préalable par le gouvernement, c'est tout simplement inopérationnel et inefficace.

M. Paquette: Toujours sur cette question, il y a quand même des choses assez importantes aussi pour la gestion financière du gouvernement. Je pense, par exemple, à l'article 86, 3 , où on parle, notamment, des barèmes et des limites de l'aide financière. En particulier, le Fonds FCAC administre actuellement des programmes de bourses au niveau de la maîtrise et du doctorat. Bien sûr, la fixation du niveau d'aide financière a des implications sur le budget de l'État. C'est en ce sens qu'il pourrait être important que le gouvernement examine cette question. Je pense particulièrement à l'ajustement par rapport aux sommes qui sont versées au niveau des bourses accordées par le gouvernement fédéral et des bourses accordées par le gouvernement québécois. Il y a un problème d'harmonisation. Si les deux montants coïncident, cela crée une dynamique très différente que si les montants de l'un sont inférieurs à l'autre. Il y a donc des décisions clés.

Je me demande, à la suggestion de l'un de mes collègues de l'autre côté de la table, si, en mettant un délai relativement court de 30 ou 45 jours pour l'approbation par le gouvernement, on ne pourrait pas lever l'hypothèque que constituerait un délai trop long à l'approbation gouvernementale.

M. Cliche: L'expérience qu'on a de ce genre de choses, c'est que c'est difficilement opérationnel, parce que vous savez qu'en fin d'année une centaine de comités se réunissent par le canal des structures de coordination que sont les comités conseils et véhiculent des propositions de modifications qui, finalement, arrivent dans le courant du mois de juin. Il faut qu'au mois de juillet au plus tard les brochures soient prêtes pour être acheminées dans les universités, mais on pourrait régler cela autrement. Ce que nous proposons, au fond, c'est que les organismes subventionnaires aient la possibilité de faire de véritables plans. Alors, ce que j'ai dit, à la page 5 de notre discours, c'est qu'un plan, cela contient les objectifs, les programmes, les secteurs, les sommes, etc. Donc, vous approuvez le plan et, en passant, la recherche, ce n'est pas de génération spontanée. Les plans annuels, ce ne sont pas des plans. Des plans annuels, c'est-à-dire ce qui est écrit dans le texte de la loi, c'est un plan budgétaire... La recherche, c'est une activité à moyen et à long terme. Il faut avoir du recul. Les universités veulent avoir des perspectives, c'est extrêmement important. Nous avions parlé de plans quinquennaux. Bon! On peut bien se rabattre sur des plans triennaux.

Donc, ces plans, il est extrêmement important que les organismes subventionnaires puissent les tracer, comme je l'ai dit, en tenant compte des orientations gouvernementales. On fait notre lecture de ces orientations, parce qu'on sait très bien que, pour obtenir des budgets, on peut difficilement proposer des choses qui soient complètement aberrantes. On fait notre lecture, mais on tient aussi compte des attentes de notre base. Donc, on véhicule un plan qui intègre à la fois, si vous voulez, les grandes orientations gouvernementales et les préoccupations fondamentales des chercheurs.

Nous disons bien qu'il s'agissait de plans qui étaient approuvés et sanctionnés par le gouvernement. Alors, si on admettait, par exemple, la possibilité que de tels plans puissent être approuvés, vous auriez dans des plans nos prévisions des montants des bourses, par exemple, quitte à ce que des mises à jour annuelles ou semestrielles du plan, comme c'est le cas au gouvernement fédéral, puissent être faites en cours de période. Finalement, les règlements que sont les brochures découlent de l'approbation fondamentale qui s'est faite sur le plan de l'organisme. En fait, j'essaie de concilier à la fois l'idée de directive, l'idée de plan et l'idée de règlement. Je pense que c'est sur la planification à moyen terme qu'il faut s'entendre. Une fois que cela est réglé, les brochures sont des instruments qui découlent tout simplement des options qui ont été retenues.

M. Paquette: En fait, je retiens la nécessité de simplifier le procédé. À l'article 84, cependant, je vous souligne que, même si la formulation de l'article est un peu alambiquée, il s'agit bien d'un plan triennal, sur le plan budgétaire, puisqu'on demande des éléments assez précis, ce qui n'interdit pas au fonds d'y ajouter des objectifs et des orientations...

M. Cliche: Si vous permettez, c'est que...

M. Paquette: La tendance serait de simplifier cet article, effectivement.

M. Cliche: Oui. D'abord, il y a une ambiguïté, parce que l'article 83 vient avant l'article 84. Vous allez me dire que c'est normal, mais c'est que les directives passent avant le plan. Donc, il y a une préséance...

M. Paquette: Oui.

M. Cliche: ...si vous voulez, qui apparaît dans la loi.

M. Paquette: C'est justement la dernière question que je voulais vous poser. Vous affirmez que les directives ont préséance sur le plan. Qu'entendez-vous exactement par là? Voulez-vous dire que, dans le temps, les directives viendraient avant la préparation du plan? Je ne sais pas où vous voyez cela dans le projet de loi parce que les deux articles, 83 et 84, ne fixent pas de délai l'un par rapport à l'autre. Et nous, évidemment, la dynamique normale qu'on y voit, c'est que le fonds prépare son plan et par la suite, à l'occasion, il y a parfois - il peut y en avoir - des directives. Je ne sais donc pas où vous voyez cette préséance. Est-ce que vous la voyez sur le plan temporel? Est-ce que c'est ça?

M. Cliche: Écoutez, c'est que, d'une part - c'est peut-être parce que je ne vois pas que j'interprète - les directives sont quand même omniprésentes à l'intérieur de ça, c'est-à-dire les directives approuvées par le gouvernement.

Le plan est très simple. On parle d'un "plan de ses activités". Dans notre texte, nous parlions d'un plan de nos politiques et je viens d'expliquer un peu les aspects d'un plan. On pourrait peut-être concilier ça en mettant ce qui avait déjà figuré dans un avant-projet, les quatre ou cinq éléments qui garantiraient que les fonds ne sont pas simplement un plan de surface. Parce que "le plan de ses activités" pour l'attribution des sommes, moi je peux dire que c'est un plan budgétaire. Ce que vous voulez savoir, ce que vous voulez approuver, c'est nos enveloppes pour chacun de nos programmes, ce qui aurait pour effet d'affecter drôlement l'autonomie parce qu'on ne sait pas, nous, si, à l'automne, on va mettre plus d'argent dans les équipes ou dans tel autre volet, ça dépend un peu de la demande. Il y a donc une dynamique entre la demande qui entre et il faut laisser à l'organisme subventionnaire une certaine souplesse de ce côté-là.

Quand je lis "un plan de ses activités pour l'attribution des sommes", ça, c'est annuel et après, on dit de faire des prévisions budgétaires pour les deux années subséquentes. Cela semble pas mal un plan annuel quand on lit cela. J'aurais bien aimé qu'on parle d'un plan triennal de ces politiques qui doit comporter, premièrement, deuxièmement. Là, on aurait l'assurance qu'il s'agit d'un véritable plan, puis l'élément que je veux ajouter, c'est que les directives normalement, c'est-à-dire les choix gouvernementaux, devraient venir, il me semble, une fois que le plan a été reçu.

M. Paquette: Oui.

M. Cliche: Parce que si les directives viennent avant, le plan ne peut pas avoir lieu. Il est extrêmement limité.

Je vous rappelle ce qu'on avait dit dans les directives. On pense que la recherche -contrairement à ce que d'autres peuvent exprimer - doit correspondre à des objectifs généraux qui touchent les grandes responsabilités de l'État, qui touchent les grandes priorités et on avait mis à notre article 25 des directives qui étaient assez1 globales mais stratégiques.

Le ministre peut donner les directives à la fondation sur les secteurs de la recherche scientifique qu'il estime prioritaires pour l'attribution de l'aide financière. Ce qui est important, ce n'est pas que vous entriez dans la microgestion, vous vous y connaissez moins bien que nous. Vous allez nous paralyser complètement...

M. Paquette: Bien sûr.

M. Cliche: ...si vous vous donnez la peine de compliquer. Mais ce qui est important, c'est que les directives qui sont à un organisme soient stratégiques, cernent les bons secteurs, parce qu'on est d'accord avec vous qu'il faut opérer un virage mais pas mettre, demain matin, par exemple, 30 000 000 $ dans... Bien, cela nous apparaîtrait imprudent parce que la recherche... Les biotechnologues, vous savez, ça n'existe pas. Ils se forment dans les sciences fondamentales par des filières et il faut être très prudent pour ne pas déstructurer toute la base et l'organisation de la recherche universitaire au Québec.

On accepte donc, quant à nous, le principe de directives macrostratégiques qui touche davantage des priorités. Ce qu'on veut, c'est pouvoir continuer à animer le milieu et être en interaction avec lui pour vous proposer des orientations qui vont tenir compte qu'on fait notre lecture comme les organismes fédéraux de recherche qui font la lecture de la conjoncture des grandes priorités gouvernementales. Mais ils véhiculent aussi vers le haut les aspirations de la base, les problèmes que les chercheurs connaissent à la base. Je peux quand même affirmer que le FCAC est un modèle qui fonctionne très bien. On vous l'a dit et vous pouvez vous informer partout. De ce côté, cela me semble un modèle ouvert.

Ce qu'on ne veut pas, c'est tomber dans une jungle bureaucratique de microgestionnaires où toutes les affaires devront être approuvées par le gouvernement a priori. C'est ce que va permettre le projet qui est là et il faut donc le modifier en conséquence. Nous disons oui pour les directives et nous voyons ça au terme d'une proposition de planification qu'on vous présente et parce que vous avez l'arme budgétaire.

Au fédéral, d'ailleurs, c'est comme cela que ça fonctionne. Si on regarde les conseils fédéraux de recherche, la CR.SNG a connu un développement très rapide au cours des dernières années et le CRSH a connu moins de succès bien qu'il ait récemment obtenu un certain nombre de crédits supplémentaires.

Je pense que cela ne tient qu'à une chose, la sïgnificativité des plans de développement qui ont été proposés au gouvernement. Dans un cas, on ne l'a pas acheté, dans l'autre cas, on l'a acheté. (17 h 30)

II faut, dans ce genre d'organisation de recherche, faire un peu confiance aux chercheurs, aux gestionnaires, aux gens, et leur laisser la possibilité d'animer... Je pourrais d'ailleurs demander à mes collègues ici présents, peut-être à M. Paquette, de rapporter et de témoigner de ce que la FCAC a été pour la communauté scientifique québécoise. Vous avez là un instrument vivant et dynamique qu'il ne faut pas émasculer par, si vous voulez, une approche technobureaucratique qui va compliquer toutes les choses. Si vous voulez des témoignages, mes collègues peuvent vous en donner sur ce que cela signifie pour la communauté scientifique de base.

Le Président (M. Paré): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: J'aimerais vous remercier de votre exposé à propos du fonctionnement du Fonds FCAC. Je crois que votre analyse démontre que, la plupart du temps, tout va bien au Fonds FCAC. J'aimerais vous féliciter.

Je continue sur vos remarques, les réserves que vous signalez à l'égard du projet de loi. Je me demande pourquoi le gouvernement, le ministre délégué à la Science et à la Technologie veut intégrer la fondation et les fonds. Je vois très peu d'aspects positifs dans cette intégration qui ne semble pas naturelle, normale et efficace. Que pensez-vous de l'idée de séparer la fondation des trois fonds et de maintenir, à toutes fins utiles, un droit de regard de la part du ministre de la Science et de la Technologie sur les affaires des trois fonds? Que pensez-vous de cette idée de séparer la fondation tout à fait des trois fonds?

M. Cliche: Moi, je vais vous raconter quelque chose. Quand j'ai rencontré M. Paquette - il m'avait consulté non pas sur le projet de loi, je n'ai jamais eu ce plaisir, mais sur les orientations fondamentales - il avait été question d'une agence qui servirait à prospecter les fonds. On se disait: On ne fera pas trois ou quatre campagnes de souscription, je veux dire FCAC, FRSQ, le CRESAC. Cela me paraissait un argument logique de dire qu'une agence peut régler cela. Mais une agence et une fondation nationale de la recherche sont deux choses.

Donc, il s'agissait d'une agence et M. Paquette m'a dit, tout à l'heure ou ce matin, qu'il s'agissait d'un centraide de la recherche, disons un organisme qui distribuerait les fonds. Quant à nous, on n'a pas d'objection à cela puisque cela simplifie notre organisation.

Dans notre projet initial, nous avions proposé, en nous fondant sur le livre blanc qui disait que les fonds pourraient recevoir des dons et des legs, de nous confier des pouvoirs à cette fin, mais, devant l'argument qu'il y aurait trois fonds qui feraient des campagnes de souscription, on n'a pas vu de difficultés fondamentales à dire: Bon! Faisons une agence. Cela pourrait prendre la forme, par exemple, d'un comité interfonds. Au fédéral, il y a d'ailleurs ce genre d'organisme, ce qu'on appelle un comité de coordination des organismes subventionnaires. On a souligné, à la CREPUQ ce matin, que cette idée serait éventuellement à explorer, mais il est sûr que dans la dynamique actuelle, le problème le plus fondamental qui existe est que vous avez, en somme, deux mamelles - excusez l'expression. D'une part, vous avez le budget qui vient du ministre sectoriel, l'Éducation dans notre cas, qui actuellement nous alimente, pour nos budgets, de 30 000 000 $.

Il va venir d'une autre source, donc par la fondation, des fonds additionnels axés sur la recherche prioritaire. L'interrogation que l'on peut avoir est la suivante: les fonds qui viennent de la deuxième mamelle ne viendront-ils pas de la compression de la première? En fait, vous voyez ce que je veux dire? C'est qu'il pourrait se créer une dynamique où, par exemple, on limite et on plafonne la recherche fondamentale et la recherche libre pour dégager des sommes qui viendraient étiqueter, par l'autre côté, à des fins spécifiques et tout cela. Il est sûr que vous avez là une dynamique que vous devez examiner attentivement parce que dans le vécu, vous savez, des mécanismes comme cela pourraient permettre de faire évoluer drôlement les choses. Non pas que nous - il faut bien le signaler - soyons contre les priorités. Je vous ai dit qu'il était important qu'on canalise la recherche et qu'on fasse des planifications un peu plus sélectives. J'aurais beaucoup de choses à dire sur les

universités. Tout n'est pas parfait et la productivité notamment, en passant, des diplômés de deuxième ou troisième cycle pose de graves problèmes. Quand on dit que, dans les secteurs de haute technologie, les docteurs en sciences, en mathématiques, en biologie actuellement au Québec, la productivité annuelle - écoutez bien cela -est inférieure à la productivité des Maritimes... Je ne parle pas de l'Ontario. On est presque au dernier rang canadien. Il y a donc des problèmes d'organisation dans les universités. Je pense qu'il faudra une planification des mécanismes un peu plus structurée. On ne nie pas l'importance de l'approche plus rationnelle.

Ce qu'on a fait au Fonds. FCAC depuis deux ou trois ans, dans nos programmes on a tout simplement clarifié les choses pour les chercheurs. Autrefois, il y avait les programmes qui étaient à la fois libres et prioritaires; il se créait une ambivalence entre l'excellence et la pertinence; cela créait des tensions sur les jurys entre un projet excellent mais non pertinent. Il y avait donc un tiraillement énorme. On a clarifié cela. Une partie de nos interventions sera pour la recherche libre et l'autre volet sera pour la recherche prioritaire. On a appelé cela opération de recherche thématique. Dans ce deuxième volet, il s'agit moins de formation de chercheurs; il s'agit de solution à des problèmes. Il y a des priorités et les règles sont claires et nettes et acceptées des universités. On a donc réglé le problème de l'ambivalence. Par conséquent, les fonds qu'on a actuellement et les mécanismes et les programmes qu'on a développés permettent parfaitement au Fonds FCAC de réaliser les priorités gouvernementales.

Vous savez qu'il y a des mécanismes qui sont les actions, notamment les actions concertées qu'on fait en collaboration avec les ministères. On en a par exemple avec la Régie de l'assurance automobile.

Actuellement, dans notre plan de développement, on propose d'aller plus loin pour essayer de réaliser une interface plus évidente, plus forte, entre l'université et l'industrie puisqu'au Québec nos ressources intellectuelles, nos ressources humaines sont dans les universités. Il faut aller un peu plus du côté du développement. On est d'accord et on va proposer des politiques en ce sens mais cela, sans démanteler toute la base du système scientifique, sans quoi le deuxième objectif serait difficilement réalisable lui-même.

En somme, madame, c'est que la fondation... Je pense que c'est à scruter de très près. La "fonctionnalité" que je vois à cela, c'est la cueillette des fonds au nom des trois ou quatre organismes. Est-ce que cela peut se faire par un comité interfonds? Est-ce que cela peut se faire par une agence? Je voyais plutôt une agence qui procéderait à la prospection des fonds. Telle que présentée, la fondation a quand même un pouvoir d'orientation. Elle peut faire des programmes. Cela a d'ailleurs été soulevé aujourd'hui. Il y a ambivalence. Elle a à la fois deux fonctions: cette fonction de cueillette de fonds, mais aussi cette fonction de faire des programmes, de faire des designs de programmes sans les administrer elle-même. Je ne peux pas ne pas dire qu'il n'y a pas derrière cela une dimension d'orientation qui est possible.

Mme Dougherty: Merci. Une autre question sur le fonctionnement de la fondation. Compte tenu de votre expérience dans le financement de la recherche, j'aimerais avoir votre estimation. Quel pourcentage des fonds attribués à la recherche dans la nouvelle structure proposée serait consacré à l'administration de la fondation et des différents fonds par rapport à aujourd'hui?

M. Cliche: Pour ce qui est de notre fonds ou pour la fondation?

Mme Dougherty: Votre estimation du tout, le FCAC et la fondation. Quel serait l'ajout, quelle serait l'augmentation de coût pour faire fonctionner le système par rapport à aujourd'hui?

M. Cliche: C'est difficile, cela demande une expertise. Il faut regarder les postes et les responsabilités. Ce que je peux vous dire pour le FCAC, c'est que nos frais d'administration sont inférieurs à 7%...

Mme Dougherty: 7%.

M. Cliche: C'est moins de 7%. Par exemple, le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada actuellement est à 11.2%. Donc, je peux vous dire que, quant à nous, cela va rester à ce niveau-là. Même si cette année, on avait eu, par exemple, les fameux crédits additionnels, notre personnel n'aurait pas augmenté mais les frais auraient diminué à 5%. C'est qu'en fait, pour la gestion des subventions, il y a une infrastructure de base. Dans un organisme subventionnaire autonome, vous avez du personnel. Vous devez assumer vos communications, vous devez avoir des analystes. C'est la multiplication de programmes différents qui crée une complexité, qui appelle des ajouts au plan de la gestion. Je pense qu'il faut conserver cela avec le moins de frais d'administration possible pour consacrer les sommes à la recherche, aux activités d'innovation, etc.

Pour ce qui est de la fondation, de ce que j'en ai lu, elle m'apparaît une structure légère. Je me suis dit: II va y avoir quelques

personnes là-dedans. Cela ne devrait pas être énorme en termes de coût. J'imagine que les gestionnaires, que les conseillers du ministre qui ont analysé, qui ont préparé les propositions auraient des chiffres beaucoup plus précis puisqu'ils doivent prévoir les budgets en conséquence.

Le Président (M. Paré): Est-ce que vous avez terminé?

M. Cliche: Oui.

Le Président (M. Paré): Oui, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je retiens deux éléments de ce qui a été dit par M. Cliche et ses collègues. Tout d'abord, je pense que l'échelle de temps qui vous est proposée est assez différente de ce qui est dans le projet de loi. Je pense que c'est à l'article 84 pour la présentation des programmes d'action. Il me semble que ce qui a été dit par la FCAC est plein de bon sens. Si elle est appelée à vous présenter un plan triennal ou quinquennal, cela sera évidemment un plan de grande priorité stratégique, tandis que, si, comme vous le dites dans le texte actuel du projet de loi, elle doit vous soumettre chaque année un plan de ses activités pour l'attribution, à ce moment-là, cela devient trop détaillé et le danger de dirigisme immédiat devient très grand. Je ne sais pas si vous pouvez réviser la formulation de cet article-ci en pensant à ce qui a été dit. Je pense que cela change l'esprit et beaucoup le niveau.

Je fais juste une petite correction, entre parenthèses. Je reviens aux organismes fédéraux. De ce côté-là, il y a un "wall of separation", un mur de séparation beaucoup plus ferme qu'on le pensait tantôt. Plus on regarde cela de près, plus cela m'apparaît ferme. Cela m'amène à l'autre point qui traite des règlements. Tantôt, je n'avais pas lu attentivement l'article 86. Dans la loi qui touche aux organismes fédéraux de subvention, on dit qu'un organisme sujet à l'approbation du gouverneur général peut adopter des règlements pour l'organisation générale de son activité. Cela ne va pas dans le détail comme ce qui est inscrit dans 1, 2 et 3 ici. C'est peut-être là qu'il y a une distinction que le gouvernement aurait intérêt à faire dans la version définitive du projet, s'il doit durer.

Ici, cela va terriblement dans les détails. Je pense que, lorsque le gouvernement crée une dotation en faveur d'un fonds, il me semble que ce sont les administrateurs de ce fonds qui vont déterminer les critères d'aide financière, les modalités selon lesquelles cela va se faire. Tout cela ne doit pas être approuvé par le gouvernement en plus. Je suis convaincu que, dans les organismes subventionnaires fédéraux, cela ne marche pas comme cela parce qu'ils perdraient bien des joueurs en cours de route. C'est une remarque qui me vient à l'esprit. Je pense qu'à mesure qu'on avance, c'est bien qu'on passe d'un organisme à l'autre, car on finit par aller plus au coeur de l'affaire mais cela me paraît difficilement défendable comme cela est formulé ici, à l'article 86.

Sur la fondation, plus j'écoute, plus je me demande ce que cela va venir faire cette affaire-là, la fondation. D'abord, aller chercher des legs, je pense qu'on est aussi bien ne pas entretenir d'illusions à moins que le gouvernement décide un jour d'abolir l'impôt sur les successions, une grosse fortune va continuer de s'en aller avant de mourir. C'est cela qui arrive, car il n'en reste pas tellement ici.

Il me semble que ce n'est pas la tâche d'un fonds public que d'aller chercher des subventions dans le secteur privé. Il faut laisser cela de manière générale aux institutions. Il me semble qu'il faut leur laisser une marge également. Je voyais cela, l'Université du Québec s'est créé une fondation l'an passé. À l'Université de Montréal, il y a un certain nombre de fonds qui visent à l'aider. Les autres universités, McGill en a depuis beaucoup plus longtemps évidemment. (17 h 45)

Je ne verrais pas un fonds public commencer à aller patauger là-dedans, à moins qu'un citoyen veuille donner quelque chose, qu'une compagnie veuille donner quelque chose à la FCAC; déjà d'après vos statuts vous devez être autorisés à accepter des choses, j'imagine.

M. Cliche: Non, pas actuellement, mais cela pourrait être amendé.

M. Ryan: Cela pourrait se faire. Je ne sais pas, il me semble; vous aurez votre conseil de la politique scientifique qui sera adjoint au ministre pour donner des conseils. Si le gouvernement veut mettre à la disposition du ministre pour l'enrichissement des fonds fonctionnels une somme chaque année, il la répartira entre les fonds suivant les conseils ou les orientations que lui proposera le conseil de la politique scientifique, cela va très bien. Cela fait une bureaucratie de moins. Il me semble qu'il faut laisser un peu d'initiative au ministre aussi. Moi, je verrais que cela en est une de bon aloi. Finalement, le partage des fonds publics, une fois qu'on va avoir tous ces fonds et un conseil consultatif en plus, il faut laisser quelque chose pour le ministre. À force de veiller et de conseiller et de proposer et de suggérer, vous allez rencontrer tellement de frustrations avec vos propres collègues qu'il va vous rester

seulement la peau et les os au bout d'un an ou deux. Il me semble que l'idée est bonne. Je trouve sympathique l'idée d'avoir un ministre qui va avoir ce rôle de moteur dont vous avez parlé dans votre message de présentation. Je ne réussis pas clairement à voir quelle peut être la place de la fondation. Ce sont des questions que je soulève. Je vois qu'on a déjà des fonds qui marchent très bien. Cela m'impressionne. Il me semble que les gouvernements devraient avoir appris que, lorsqu'il y a des choses qui marchent, ils devraient les aider. Pas trop les toucher parce qu'on a vu souvent que, quand ils commencent à les toucher, ils les déforment, ils les dérangent et on prend du retard avec cela.

Ce sont des observations qui nous viennent en causant. Je n'aurais pas de questions spéciales. J'en aurais beaucoup, mais je vais m'arranger pour avoir une rencontre avec M. Cliche avant longtemps pour être encore mieux informé de ce que fait son organisme et je ne veux pas mobiliser davantage le temps de la commission. Je remercie les gens. Je pense que ce qu'on a entendu est très précieux.

Le Président (M. Paré): M. le député de Westmount.

M. French: M. le Président, je voudrais demander ceci à M. Cliche qui semble très bien informé sur la situation qui prévaut pour ses homologues fédéraux. Je me rappelle qu'il y a quelques années, le gouvernement fédéral, avec le même enthousiasme pour la coordination, la même foi touchant l'efficacité des officines bureaucratiques, avait l'idée de faire un comité, une commission ou une agence de coordination pour les trois conseils. J'ai toujours été sceptique, alors que j'avais la responsabilité dans le domaine. Je m'opposais à cela, mais je voudrais vous demander si ce comité, cette commission a été établie et si oui, quelle en a été l'expérience.

M. Cliche: Écoutez, mes connaissances sont assez limitées. Ce que je sais, c'est qu'on se réunit de temps à autre, mais cela n'a pas...

M. French: C'est à peu près aussi efficace que le ministère d'État à la Science et à la Technologie, c'est-à-dire boiteux totalement.

M. Cliche: À peu près.

Le Président (M. Paré): Vous avez terminé, M. le député de Westmount?

M. French: J'ai terminé.

Le Président (M. Paré): Est-ce que vous voulez conclure, M. le ministre?

M. Paquette: M. le Président, j'aimerais remercier l'administrateur, le président et le directeur général du Fonds FCAC de leur intervention. Pour relever une remarque d'un de mes collègues d'en face, ce n'est peut-être pas bon de toucher aux organismes, mais c'est parce qu'on a touché à certains organismes qu'on a réussi à donner une certaine efficacité aux fonds subven-tionnaires. Je ne pense pas que le projet de loi transforme radicalement, même très peu, le fonctionnement des fonds. Je pense, contrairement à ce qu'a affirmé le président à un moment donné, que ce projet de loi ne démantèle pas le système d'aide à la recherche. C'est toujours délicat d'essayer de coordonner, de préciser les responsabilités de divers organismes au service du développement scientifique et technologique. On cherche toujours à y voir des choses qui n'y sont pas. Je souhaite qu'on regarde plus à fond certains articles qui ont été soulevés par le mémoire de façon à dissiper les noirs desseins qu'on y voit, de façon également qu'on puisse le plus rapidement possible se remettre à l'action. C'est une des raisons pour lesquelles nous avons affirmé notre intention d'adopter ce projet de loi en juin, quitte à y faire certains amendements qui vont satisfaire les divers intervenants.

Retarder ce projet de loi d'encore quelques mois et continuer ces débats sur la précision de tel ou tel organisme, du ministre, de tout le monde qui est impliqué dans la politique scientifique et technologique, risque de nous faire rater le défi de l'excellence scientifique et technologique. Il faut des débats de fond, mais il faut les faire quand des questions d'orientation sont en cause.

M. le Président, je souhaite qu'éclairés des mémoires que nous avons reçus aujourd'hui, en particulier du Fonds FCAC, nous puissions améliorer, bonifier ce projet de loi et je remercie les représentants du Fonds FCAC qui, encore une fois, font un excellent travail au service de la communauté scientifique québécoise.

Le Président (M. Paré): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: J'aimerais, au nom de mes collègues, dire que nous apprécions grandement votre contribution et votre analyse et vous assurer que nous allons faire de notre mieux pour assurer que le Fonds FCAC et les autres fonds puissent travailler à l'avenir dans les meilleures conditions possible.

Le Président (M. Paré): Oui. Est-ce que vous voulez conclure?

M. Cliche: Je vous remercie beaucoup de votre accueil. Je peux vous dire que, quant à nous, au Fonds FCAC, on est d'avis que dans la mesure où on doit procéder au projet de loi, notre organisme souhaite que sa situation juridique soit clarifiée puisque c'est relativement ambigu. On est une entreprise privée, finalement. On est une troisième partie de la Loi sur les compagnies, on gère 30 000 000 $ de fonds publics. Cela pose quand même quelques petits problèmes de fonctionnement et on souhaite que la situation soit réglée par la loi. On espère que cette loi ne tardera pas trop. C'est le point de vue de notre organisme.

J'aurais aussi souhaité, mais ce n'est pas venu, que vous nous posiez quelques questions sur une étude qu'on a fait faire sur la question de la structure d'exécution de la recherche. Quand je parlais de plan de développement, un plan de développement, cela veut dire qu'on fait certaines analyses, certaines études et, notamment, l'une des questions importantes quand on fait un plan de développement, c'est donc qu'on propose au gouvernement une stratégie d'investissement dans un secteur qu'était, par exemple, la recherche universitaire. On s'est demandé: Est-ce qu'il n'y a pas trop d'argent là-dedans? Il serait un peu illusoire et peu utile de faire un plan pour développer quelque chose qui l'est peut-être déjà trop. L'étude de M. Lacroix et de Mme Dulude a révélé des choses très intéressantes et très importantes au sujet de la recherche universitaire: comment on se situe par rapport au Canada, comment on se situe par rapport au monde, l'importance de la recherche dans le secteur privé au Canada. Je dois dire que l'étude en question, il y en a pour tout le monde puisqu'elle soulève les fondements de la politique scientifique canadienne, qui était axée sur un modèle qui était celui des pays qui ont des obligations militaires importantes au sein de l'OCDE. En tout cas, je voulais vous dire que M. Lacroix, que j'avais fait venir de Montréal, était disponible pour apporter des éclaircissements.

Le Président (M. Paré): On vous remercie beaucoup pour la présentation de votre mémoire et des informations que vous avez données à la suite des questions.

J'aimerais rappeler aux membres de la commission qu'il est 17 h 53. Selon nos règlements, on devrait suspendre les travaux à 18 heures. Trois groupes n'ont pas encore été entendus. Est-ce qu'on a le consentement pour poursuivre ou si on suspend la séance et on revient un peu plus tard?

M. Paquette: II reste trois groupes.

Le Président (M. Paré): Je répète: II est 17 h 54. Selon les règlements de l'Assemblée nationale, on doit suspendre les travaux à 18 heures, sauf s'il y a consentement pour poursuivre. Il y a trois groupes qui sont présents et qui veulent être entendus.

M. Paquette: On n'aura pas le temps de finir avant le souper.

Le Président (M. Paré): Est-ce qu'on poursuit les travaux maintenant ou si on suspend la séance pour une heure, une heure tente, ou deux heures, à volonté, et on revient pour entendre les trois groupes qui sont ici?

Mme Dougherty: On n'a pas le temps de finir les trois groupes avant. C'est impossible, donc il faut suspendre les travaux, je crois. On peut peut-être revenir au moins un peu plus tôt.

M. Paquette: On pourrait peut-être revenir un peu plus tôt. Si les membres de la commission ne s'y opposent pas, on pourrait revenir vers 19 heures.

Le Président (M. Paré): Est-ce qu'il y a consentement pour reprendre les travaux à 19 heures?

Mme Dougherty: Je dois prendre l'avion ce soir.

M. Paquette: À quelle heure votre avion part-il?

Mme Dougherty: À 22 h 20. M. Paquette: À 22 h 20.

Mme Dougherty: D'accord pour 19 heures.

Le Président (M. Paré): II y a consentement pour qu'on reprenne les travaux à 19 heures. J'aimerais juste rappeler... Oui, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Les mémoires qui seront présentés ce soir, est-ce qu'on pourrait les avoir maintenant pour en prendre connaissance avant de rencontrer les organismes qui vont venir nous voir? Cela nous épargnerait beaucoup de temps.

Le Président (M. Paré): Oui, il n'y a pas de problème.

M. Ryan: On pourrait s'épargner une lecture. On pourrait lire cela au cours d'une intermission qui va survenir, cela nous épargnerait du temps.

Le Président (M. Paré): Oui, M. le

député d'Argenteuil, ce serait possible de faire cela. Donc, je rappelle que les trois groupes à entendre ce soir sont, dans l'ordre où je les nomme: l'École de technologie supérieure, AES Data Inc. et, comme dernier groupe, le Conseil des universités du Québec. Donc, je demande à ces groupes d'être ici, de même qu'aux membres de la commission. Les travaux sont suspendus jusqu'à 19 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 57)

(Reprise de la séance à 19 h 13)

Le Président (M. Paré): À l'ordre, s'il vous plaît;

La commission reprend ses travaux. Lorsque nous avons laissé, nous avions dit qu'il restait trois groupes à entendre. On avait nommé: l'Ecole de technologie supérieure, AES Data Inc., et le Conseil des universités du Québec. À la suite d'une demande et d'une entente intervenue entre les deux premiers groupes mentionnés, il a été convenu que le groupe AES Data Inc., passerait le premier. Nous sommes donc prêts à vous entendre. Je demanderais au porte-parole de se présenter et de nous présenter les personnes qui l'accompagnent.

Je vous invite à vous présenter et à faire la présentation de votre mémoire, s'il vous plaît!

AES Data Inc.

M. Hurlburt (Georges): J'aimerais commencer par remercier M. Roland Dugré, de l'École de technologie supérieure. Vous voyez tout de suite la coopération qu'il y a entre l'industrie et le domaine de la recherche universitaire. Heureusement ou malheureusement - vous verrez - je dois quitter pour prendre l'avion.

Mon nom est Georges Hurlburt, de AES Data Inc. J'en suis le vice-président international. M. Bruce Campbell aussi de Montréal qui est directeur de la commercialisation au sein de notre entreprise. Nous avons consacré en grande partie nos efforts à AES dans le domaine des exportations internationales.

AES Data Inc., est une compagnie canadienne dont le siège social international est situé à Saint-Laurent, au Québec. Spécialisée dans la fabrication et la distribution d'équipements de bureautique, la gamme de ses produits s'étend des éditeurs autonomes à écran vidéo jusqu'aux systèmes à ressources partagées à téléintelligence répartie. À cela s'ajoute un choix impressionnant de logiciels et d'accessoires de communications. Grâce à des logiciels d'application particuliers, tous les éditeurs autonomes deviennent plus performants et peuvent se transformer en ordinateurs personnels. Ces produits sont commercialisés dans différents pays sous les noms AES, Lanier aux Etats-Unis, Scribona en Scandinavie et Adrex en France.

Aujourd'hui, la compagnie compte parmi les rares fabricants de classe internationale en mesure d'offrir un équipement complet de traitement de l'information à technologie avancée. En moins d'une décennie, elle s'est développée au point de faire figure de proue dans l'une des industries les plus dynamiques qui soient.

Fondée en 1974 - à ce moment-là, elle ne comptait que 22 employés seulement - la compagnie s'est rapidement transformée en une opération de plusieurs millions de dollars. Elle eut d'abord pour principal actionnaire, les Placements Innocan Ltée, une société de capitaux de risque comprenant divers groupes d'investisseurs prestigieux. En juillet 1978, la Corporation de développement du Canada, dont l'actif s'élève maintenant à 7 500 000 000 $, prit une participation majoritaire dans AES. La CDC possède maintenant 78% des actions et notre distributeur aux États-Unis, Lanier Business Products Inc., détient le reste. Parmi les autres distributeurs d'AES, on compte Esselte Scribona de Scandinavie, comme je l'ai dit, SMH Alcatel de France, qui fait partie du groupe la Compagnie générale d'électricité de France. En 1982, le chiffre d'affaires dépassait les 188 000 000 $.

Avec un effectif de plus de 2100 hommes et femmes travaillant dans ses diverses succursales à travers le monde, la compagnie se consacre à trois fonctions principales: la recherche et le développement, la conception et la fabrication et, enfin, le marketing.

Outre trois usines de production à Toronto et à Montréal, elle y a ouvert des laboratoires de recherche et de développement, de même qu'à Boeblingen qui est près de Stuttgart en Allemagne de l'Ouest et à Wijchen en Hollande. Elle exploite plusieurs bureaux de vente directe au Canada, au Royaume-Uni, en Belgique, au Luxembourg, en Hollande, en Suisse, en Italie, en Espagne et en Allemagne de l'Ouest.

Depuis qu'elle s'est portée acquéreur de la Daisy Systems en Hollande, AES dispose de sa première base de fabrication de matériel en Europe. La Daisy conçoit, produit et commercialise une intéressante gamme d'imprimantes à roue pour appareils de traitement de l'information. En passant, je veux dire que notre installation en Hollande est très importante pour nous donner une présence dans la communauté européenne.

AES bénéficie également d'un solide réseau de distributeurs. Au début de 1976, en vertu d'un important accord conclu avec la firme Lanier Business Products Inc.

d'Atlanta, en Géorgie, celle-ci obtenait en exclusivité les droits de distribution des produits AES aux États-Unis.

En 1979, Lanier élargit son circuit afin de vendre sous le nom AES/Lanier en Afrique du Sud, en Australie et en Nouvelle-Zélande. D'autres contrats suivirent en Amérique latine, dans le Pacifique, au Proche-Orient, en Europe et en Afrique. En 1983, AES et Lanier concluent une nouvelle entente majeure relative à la distribution qui englobe leurs activités à travers le monde. Durant l'année 1982, le chapitre des exportations a représenté environ 85% du nombre de systèmes vendus par la compagnie. Présentement, AES fait partie des trois plus grands fabricants d'équipements de bureautique au monde, ayant plus de 85 000 installations dans 55 pays.

Pour bien comprendre l'importance et l'impact du projet de loi 19 présentement à l'étude, vous me permettrez de vous donner le profil d'une entreprise pour la situer dans le contexte de l'"output" de la recherche et du développement dans le secteur de l'informatique.

Fondée en 1974, AES Data Ltée complète sa première année d'exploitation avec un chiffre d'affaires de 4 000 000 $. En 1982, soit neuf ans plus tard, le chiffre d'affaires aura grimpé à 188 000 000 $, soit une augmentation assez phénoménale. À première vue, cela paraît impressionnant. Une dernière comparaison: en 1980 et 1981, notre chiffre d'affaires augmente de 52 000 000 $, soit 43%. Toutefois, nous sommes dans un secteur industriel à croissance très rapide et seuls ceux qui courent assez vite peuvent rester en affaires. Ce n'est pas tout d'être un leader mondial, encore faut-il le rester, et c'est ce qui coûte cher.

Ainsi, pour la dernière année financière de 1982, pour un profit de 3 200 000 $, nous avons dû investir 15 000 000 $ en recherche et développement. Si nous avions pu investir davantage, nous l'aurions fait. Mais il faut vendre sur un marché international où la concurrence ne manque pas et où le coût des ventes représente un peu plus de 50% de nos revenus d'exploitation, auxquels il faut ajouter environ 30% de frais de vente et d'exploitation.

En 1977, AES a lancé un nouveau produit qui lui a permis de se tailler un rôle de leader dans la bureautique. C'est depuis cette année-là que les ventes se sont mises à grimper de façon significative - on me donne toujours des mots à plusieurs syllabes; moi, j'ai toujours pensé que ce mot-là était signifiant, mais on m'assure que ce n'est pas le cas - passant de 10 000 000 $ qu'elles étaient en 1976 à 24 000 000 $ en 1977; à 58 000 000 $ en 1978, etc.

C'est dans ce contexte que nous voulons apporter ici un appui de fond et non équivoque au seul ministre du gouvernement du Québec dont l'unique préoccupation est de favoriser toutes les conditions au développement des technologies nouvelles de même que l'émergence d'une industrie québécoise qui puisse atteindre et préférablement dépasser la concurrence internationale.

Nous pensons que des efforts soutenus, un dialogue permanent, une coordination structurée et une concertation organisée doivent être entrepris immédiatement de la part de tous les agents sociaux, économiques et politique du Québec pour non seulement prendre le virage technologique mais, de manière rapide et efficace, dépasser ce virage pour s'embarquer sur la route technologique de l'avenir.

L'orientation du projet de loi 19, avec chacun des organismes créés ou modifiés, vise essentiellement à mettre sur pied non plus l'État providence, mais l'État coordonnateur des priorités sociales, économiques et culturelles.

Nous avons pris connaissance des craintes manifestées par les milieux universitaires de la recherche concernant les directives que le ministre pourra donner aux organismes chargés de favoriser la recherche. Dans le Devoir du lundi 6 juin, Rodolphe Morissette rapporte les propos d'un porte-parole du ministre qu'il cite au texte: "On aura, dit le porte-parole, des actions prioritaires dans le sens de la commercialisation de la recherche."

Voilà où toute l'industrie veut voir aboutir l'effort collectif de la recherche au Québec: la rendre rentable, commercialisable et à l'avant-garde de la concurrence étrangère. Pour que Logo, Comterm, Ducros, Meilleur, Roy et Associés et AES Data, pour ne prendre que ceux-là, puissent se dépasser eux-mêmes et distancer cette concurrence américaine, européenne et japonaise, il faudra, au moins pendant les premières années, que la recherche universitaire puisse se coordonner avec l'industrie afin de connaître ses besoins, ses problèmes en recherche et développement, les produits qu'il faut améliorer ou dépasser, l'expérimentation de certaines méthodes de pédagogie ou préparer une main-d'oeuvre qui puisse fournir cette industrie en croissance exponentielle.

Il faudra aussi que tous les paliers gouvernementaux et les universités consentent des efforts financiers, dans un cas, et de priorité de recherche, dans l'autre cas, qui puissent accentuer la rentabilité par des actions prioritaires dans le sens de la commercialisation de la recherche. Plus les recherches se convertiront en objet commercialisable, en produits exportables, donc rentables économiquement, plus on pourra injecter des sommes d'argent considérables dans la recherche. Qui a dit

que la recherche ne pouvait pas s'autofinancer? Et on n'exclut pas la recherche pure ou fondamentale qui conserve sa nécessaire importance.

Les industries qui oeuvrent dans le secteur informatique au Québec n'ont pas la force financière, ni la capitalisation pour effectuer toute la recherche et tout le développement suffisants pour distancer de façon sécuritaire leurs compétiteurs. Sans l'effort conjugué des gouvernements et des secteurs naturels de la recherche, soit les institutions universitaires et, à un niveau moindre, collégiales, nous pouvons rester sceptiques sur l'avance de l'industrie du Québec. Et cette responsabilité est au premier chef gouvernementale et passe par une volonté politique établie à partir d'un consensus lui aussi politique. En somme, il s'agit d'un effort de la collectivité puisque la qualité de son avenir dépend essentiellement de la proportion de son effort. Nous sommes à l'heure de l'investissement et de l'élaboration de nos priorités qui sont, pour la plupart, dictées par des conditions extérieures.

Par exemple, dans le cas du programme de l'introduction des micro-ordinateurs dans les écoles, il faut être conscient du marché à développer. C'est ainsi qu'aux États-Unis seulement, il y a environ 200 000 micro-ordinateurs disponibles pour une clientèle de 59 000 000 d'étudiants. Un micro-ordinateur québécois exportable aux États-Unis seulement pourrait facilement rentabiliser des efforts appréciables en recherche et développement. À cause de sa fragilité financière, ce jeune secteur industriel devra également diversifier ses activités sur une gamme plus étendue de produits. Ainsi AES Data, comme ses semblables, cherche à diversifier ses activités pour survivre. En ce sens, le principe d'une agence québécoise de revalorisation industrielle jouera un rôle de premier plan pour le développement commercial et industriel.

Peut-être, par le biais de l'agence, verrons-nous enfin une concordance des priorités de recherche entre les universités et l'industrie. Verrons-nous aussi ce jour prochain où les chercheurs viendront faire des stages de recherche appliquée en industrie - un mois, trois mois, six mois -pour découvrir les besoins de l'industrie ou l'assister dans la recherche de correctifs techniques? On réussirait ainsi à établir des projets de recherche conjoints sur des objets communs. Peut-être pourrions-nous recevoir en industrie des étudiants de ces disciplines pour faire des stages sous surveillance pédagogique, un peu comme les étudiants des facultés de droit en stage dans les études d'avocats ou de notaires. On me dit qu'il y a même des étudiants de sciences humaines qui sont admissibles à un programme de stage auprès des parlementaires de l'Assemblée nationale. En retour, les industries pourraient prêter des chargés de cours aux universités et collèges, prêter des spécialistes de diverses techniques industrielles ou manufacturières pour certains programmes de recherches. (19 h 30)

Programme d'échanges industriello-universitaires en science et technologie. Il nous reste une demande à vous soumettre respectueusement. Comme manufacturiers, nous souhaitons avoir un interlocuteur gouvernemental unique un peu selon le principe à la mode des derniers temps du guichet gouvernemental unique. Ce guichet unique pourrait prendre acte des besoins de l'industrie à l'adresse du gouvernement. En retour, ce sera ce même guichet qui pourra livrer la marchandise gouvernementale. Le besoin véritable chez nous est de faire face au leadership gouvernemental précis, à la main-d'oeuvre qui soit facilement identifiable et accessible pour les intervenants du milieu de la science et de la technologie. Il assurerait la rapidité et l'efficacité nécessaire et vitale dans notre domaine.

On sous-entend également à travers notre demande la nécessité d'une structure administrative légère et dotée d'une articulation souple. Pour le moment, nous ne sommes pas en mesure d'apprécier cas par cas la nécessité des fonds de recherche tels que définis les uns par rapport aux autres ou encore par rapport à leur mission. Nous ne sommes ni gouvernement, ni législateur. Nous estimons qu'à l'usage nous pourrons apporter nos recommandations et émettre notre opinion par le biais, notamment, du conseil, car les lois se modifient et les règlements s'ajustent par définition. Pour le moment, nous nous en remettons à la sagesse du législateur et à l'efficacité du ministre responsable du Secrétariat à la Science et à la Technologie.

En terminant, nous remercions le ministre et les membres de la commission parlementaire de nous avoir permis d'apporter notre point de vue et nos attentes à cette étape de l'étude d'un projet de loi devant favoriser le développement scientifique et technologique au Québec. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Paré): Merci beaucoup pour votre présentation. Nous passons maintenant à quelques questions. M. le ministre.

M. Paquette: M. le Président, je remercie les représentants de la compagnie AES Data Inc., qui est, bien sûr, l'une des compagnies en émergence au Québec. C'est un peu inhabituel pour un ministre du Parti québécois de recevoir l'appui d'une compagnie qui appartient, en fait, à une société d'État fédéral. Je pense que, même

si nous n'avons pas tellement l'habitude de recevoir ici des entreprises dans nos commissions parlementaires, c'est une pratique qui devrait se généraliser davantage parce que le point de vue de l'industrie est important.

À cet effet, j'aimerais vous poser deux questions particulièrement sur votre document, à la page 8. Lorsque vous dites notamment que les industries pourraient prêter des chargés de cours aux universités et collèges, et inversement, vous parlez d'échanges de spécialistes. Voilà une mesure très importante que, je pense, le Québec doit se donner, c'est-à-dire une politique de la main-d'oeuvre scientifique qui implique tous les intervenants.

Est-ce que vous avez déjà - je ne sais pas d'où vient cette suggestion - des échanges avec certaines universités? Je pense que ce serait particulièrement important que vous nous disiez jusqu'à quel point ces échanges existent avec les universités.

M. Hurlburt: M. le Président, à Québec, non, cela ne s'est jamais fait. En Allemagne, oui. Notre centre de recherche à Boblingen est très proche de l'Université de Tubingen, dans le domaine Stuttgart, où est le siège social de IBM Deutschland, de Siemens, de Daimler-Benz, etc. Il y a un genre de Sillicone Valley, si vous voulez, dans cette région. Nous avons eu des échanges et il y a des étudiants de Tubingen qui sont venus chez nous pour nous assister dans le développement de quincaillerie et de logiciels pour les langues arabes. En retour, nous avons fait l'entraînement de ces personnes, dans nos systèmes d'activités, dans les logiciels. Nous avons envoyé un de nos ingénieurs à Tubingen pour apprendre une technologie qui était un peu différente de ce que nous avons eu à ce moment. Après un an et demi, à peu près, nous avons renversé l'échange. Il y avait quelqu'un à l'université qui était au courant de tout ce qui se passait chez AES et vice versa. Nous continuons à travailler avec cette université dans d'autres domaines, surtout dans le domaine de convertir nos logiciels dans les différentes langues, par exemple, en Hollande, qui est un pays assez petit qui n'a pas une grosse demande aujourd'hui. Nous ne pouvons pas investir de l'argent nous-mêmes, tout seuls, à convertir tous nos logiciels dans le Deutsch. L'université de Tubingen le fait pour nous et nous la payons, naturellement, mais nous ne sommes pas obligés d'engager du monde permanent et de dire que le projet est complété. Là, on n'a plus besoin de quelqu'un qui parle la langue de la Hollande. Salut, on va prendre quelqu'un qui parle, je ne sais pas, l'allemand, l'italien ou l'espagnol, etc.

En travaillant comme cela, il y a une certaine ressource humaine continuelle dans le domaine universitaire dont nous pouvons profiter. Cela pourrait s'appliquer dans le domaine de l'application. Cela pourrait s'appliquer dans le domaine de la recherche, surtout avec la technologie - si on peut dire cela - d'avant-garde, parce que aujourd'hui on parle de certaines technologies. Vous avez entendu dire 64K, 257K, etc. Là, on commence à parler des "megabites", etc. Nous ne pouvons pas rester toujours à point vis-à-vis de ces technologies chez nous. Il nous faut des centres et de la coopération dans le domaine universitaire.

M. Paquette: En plus de cette ouverture à la collaboration avec les universités, toujours à la même page, vous parlez de leadership gouvernemental précis. Je vous avoue que c'est un langage assez inhabituel dans l'entreprise privée parce que habituellement, on se plaint toujours de l'interventionnisme de l'État. D'ailleurs, ce sont les universitaires qui nous ont fait ce reproche tout à l'heure en disant: II y a peut-être trop d'interventionnisme de l'État. J'aimerais que vous précisiez un peu votre pensée là-dessus. Qu'est-ce que vous attendez du gouvernement? Comment voyez-vous vos relations avec le gouvernement quant au développement scientifique et technologique qui est au coeur d'une entreprise comme la vôtre?

M. Hurlburt: Surtout comme coordonnateur. Je pourrais peut-être, très rapidement, mentionner le cas du Japon où le gouvernement ne dirige pas. Il agit comme coordonnateur de toutes les industries japonaises pour s'assurer qu'il n'y a pas une dizaine de compagnies, pas des compagnies seulement parce que c'est le domaine entier de la haute technologie qui se lance dans la même direction. Il coordonne dans le sens que, si vous avez des ressources d'une dizaine, chacune prend 10% dans un domaine spécifique pour qu'à la fin, elles aient quelque chose d'extraordinaire. Je n'aime pas autant l'approche de la France qui est une approche bureaucratique, où le gouvernement dirige l'affaire à 100%. Il a dit: Notre compagnie Bull va faire l'informatique et notre compagnie CGE va faire la bureautique, etc. Ce n'est pas comme cela. La position de l'Angleterre, aujourd'hui, est peut-être un peu plus proche de celle du Japon. Elle était comme celle de la France, mais on a diversifié la plupart des compagnies qu'on détenait avant et on est maintenant coordonnateur. On a dit: Cambridge, tu vas suivre une certaine direction. On ne dira pas: Tu vas fabriquer une certaine pièce d'équipement ou tu vas faire exactement cela dans une certaine contrainte. On dira: Nous voulons que vous alliez dans cette direction. Toujours en travaillant avec l'industrie, on a dit à ICL:

Nous voulons que vous ne passiez pas dans le domaine de Cambridge sans au moins en parler avec Cambridge pour vous assurer que vous ne ferez pas la même chose. C'est un peu comme cela que je le vois ici. Il y a l'aide financière, par exemple, dans tous ces cas.

Au Japon, on prend une certaine portion des "import taxes", des douanes et on met cela dans un pourcentage, si vous voulez. Donc, chacune des compagnies peut partager, dans le sens qu'elle peut retirer des fonds ou même utiliser les recherches centralisées dans les universités pour améliorer sa position dans le domaine international, ce qui est très important pour nous. Sans le marché international, il n'y a certainement pas un marché au Québec pour faire survivre une industrie de haute technologie.

Le Président (M. Paré): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci. Alors, merci de vos sugestions positives afin de promouvoir les activités scientifiques surtout dans le domaine de la recherche appliquée, du développement technologique.

Si je comprends bien, vous favorisez une plus grande orientation de la recherche vers les applications commerciales. Voulez-vous expliquer comment le projet de loi devant nous répond spécifiquement à vos besoins et à vos attentes?

M. Hurlburt: Spécifiquement...

Mme Dougherty: Je vois mal comment le projet de loi y répond spécifiquement. Vous parlez de leadership, de coordination, etc. Qu'y a-t-il ici qui y répond spécifiquement et qui va améliorer votre sort et le sort des autres qui sont du même avis?

M. Hurlburt: Bon. Il y a trois choses. La question de centraliser, si vous voulez, la direction ou le virage technologique, pour que les industries n'aient pas à négocier et à communiquer avec une dizaine de ministères, ce qui est très difficile. AES est dans cette position et c'est très difficile. Cela prend du temps, naturellement; cela prend du monde et cela coûte très cher dans ce sens. Des fois, cela pourrait nous faire manquer une certaine occasion. Il y a aussi la question de AQVIR. Est-ce cela?

Mme Dougherty: Une agence, oui.

M. Hurlburt: Une agence. Par exemple, aujourd'hui - comme je l'ai dit dans le texte - AES est parmi les trois premiers en bureautique et nous voulons nous lancer dans un domaine un peu différent. Nous ne pouvons pas prendre toutes les ressources nécessaires chez nous. Je parle de ressources humaines autant que d'argent. En effet, les deux arrivent au même, en fin de compte. Il nous faut un partenaire financier et un partenaire qui pourra agir comme cordonnateur jusqu'à un certain point. On parle surtout ici du domaine de l'éducation, de la micro dans les écoles - c'est un exemple, il y en a d'autres - où nous pouvons profiter de l'existence d'un simple ministère et d'une simple agence pour lancer le projet. (19 h 45)

Mme Dougherty: Je ne sais pas si vous parlez spécifiquement de capital de risque. Je ne sais pas si vous avez lu l'article dans le Devoir du 9 juin. Il s'agit de l'étude faite par le Fonds FCAC qui trouve que l'aide gouvernementale pour les recherches industrielles n'est que de l'argent jeté à l'eau - est-ce que vous avez vu cela? Ce n'est pas la première fois que je voyais la même conclusion - parce que l'aide atteint rarement, et je cite l'article, l'effet multiplicateur visé. Le plus souvent, les entreprises n'augmentent pas leurs efforts de recherche, même si l'aide de l'État en augmente la rentabilité; bien au contraire, il arrive souvent qu'elles réduisent puisque l'État paie maintenant une partie des recherches prévues.

Je ne sais pas si vous êtes d'accord. On a examiné la situation d'une douzaine d'entreprises en Amérique du Nord et ailleurs, et il y a d'autres études qui sont arrivées à la même conclusion. Je ne sais pas si vous favorisez l'intervention du gouvernement dans ce sens...

M. Hurlburt: Je n'ai pas parlé d'intervention.

Mme Dougherty: ...mais quand on parle de l'agence et de la possibilité d'appuyer la recherche industrielle avec le capital de risque pour développer des inventions, des créations, c'est une espèce d'avertissement, je crois, que le gouvernement doit prendre en considération. Je ne sais pas si vous avez des opinions...

M. Hurlburt: Des opinions, oui. Mme Dougherty: ...à cet égard.

M. Hurlburt: Premièrement, ce n'est pas une question... Nous ne sommes pas en faveur de l'intervention telle quelle, c'est surtout une question de coordination. Je considère qu'il y a certainement une différence entre les deux. Deuxièmement, à propos de la question du gaspillage d'argent -moi, j'ai vu un autre mot - ce n'est pas le cas. Je pourrais vous citer plusieurs cas où nous avons eu de l'aide gouvernementale, provinciale et fédérale, qui nous a permis

d'être compétitifs dans certains domaines, oui. Je peux citer des exemples d'aide dans le domaine de l'exportation où ils nous ont assistés dans les foires à Hanovre, à Gand en Belgique, tout dernièrement. Ce ne sont pas des choses qui coûtent des millions de dollars; ce sont des centaines de mille peut-être, mais cela nous a permis d'ouvrir des marchés. La foire à Hanovre, c'est une des plus grosses au monde, je peux vous dire que de cette foire-là, nous avons pu ouvrir le territoire du Moyen-Orient, des pays arabes. Peut-être qu'on aurait pu le faire plus tard, sans avoir cette aide, mais c'était très important à ce moment d'avoir l'argent pour faire l'exportation, parce qu'on avait des concurrents comme Philips, IBM et d'autres, qui ont voulu entrer dans ce domaine arabe. AES a pu y aller la première et, aujourd'hui, nous avons presque 60% de ce marché. C'est très important, le temps et les disponibilités d'argent dans notre domaine.

Mme Dougherty: Je suis d'accord. Je crois que nous ne parlons pas de la même chose. Je parle de la recherche...

M. Hurlburt: Oui.

Mme Dougherty: ...et vous parlez de l'ouverture des marchés.

M. Hurlburt: Je peux parler des recherches aussi bien que de l'exportation.

Mme Dougherty: C'est tout à fait différent. Cette étude touche la recherche uniquement.

M. Hurlburt: Si l'aide à la recherche vient avec des "strings attached", des conditions non acceptables, non, mais ce n'est pas le cas. Normalement, ce sont les industries qui disent: Nous voulons faire quelque chose, est-ce que l'argent est disponible? Si oui, c'est cela que nous allons faire. Depuis qu'AES est là, au moins depuis huit ans, nous avons pu utiliser cet argent pour le développement. Un exemple de notre système multipostes aujourd'hui, c'est AES Multiplus, qui est rendue la troisième au monde au point de vue des ventes, qui est reconnue sur une base mondiale. Une grosse partie de cet argent est venue d'ici, du Québec, ce qui nous a permis de rechercher le domaine multipostes. AES n'était pas dans le domaine multipostes à ce moment, c'était en 1978. Nous n'étions pas là, nous étions dans les monopostes, les simples unités de traitement de texte, ce qui nous a permis d'ouvrir un domaine nouveau. Quant au retour sur les investissements, je n'ai pas les chiffres exacts, mais je peux vous assurer que c'était assez significatif. En 1977, nos ventes étaient d'environ 24 000 000 $ ou 25 000 000 $. Deux ans plus tard, avec le système multipostes, nos ventes étaient d'environ 80 000 000 $, ce qui était profitable.

Nous avons, jusqu'à maintenant, repayé au moins le double en impôt de tout l'argent que nous avons reçu en dons ou en soutien à la recherche et au développement.

Mme Dougherty: Merci. Une dernière question. L'agence québécoise de valorisation, à votre avis, est-ce que vous voyez un chevauchement? Quelle est la relation entre une agence telle que celle qui est proposée ici, la SDI et le Centre d'innovation industrielle de Montréal? Voyez-vous une vraie différence entre le rôle des trois organismes?

M. Hurlburt: Vous parlez de la SDI? Du bureau d'investissement et de recherche à Montréal?

Mme Dougherty: Du Centre d'innovation industrielle, l'École polytechnique.

M. Hurlburt: Et l'autre, c'était?

Mme Dougherty: Société de développement industriel.

M. Hurlburt: II n'y en avait pas une troisième?

Mme Dougherty: C'est ça, l'agence proposée ici dans le projet.

M. Hurlburt: Ce sont des agences assez différentes.

Mme Dougherty: Dans quel sens? C'est que je demande.

M. Hurlburt: La SDI, je la connais peut-être mieux que les deux autres parce qu'il y en a une qui n'existe pas encore. Je ne peux donc pas vous donner mon opinion, sauf ce que j'ai déjà dit. La SDI est un soutien surtout de commercialisation. C'est mon opinion, c'est ma façon de voir la SDI. Je connais la SDI depuis longtemps. Elle nous a soutenus dans le passé mais pas dans le domaine de la recherche. C'était plutôt dans le domaine de la construction d'édifices, dans le domaine de l'exportation en assumant l'intérêt sur les prêts, les hypothèques pour les très petits investissements. On parle d'investissements de l'ordre de 10 000 $ à 100 000 $ dans de petites entreprises. S'il y a une différence... N'oubliez pas que, surtout dans le passé, la SDI avait une limite. AES Data Inc., ne se qualifie plus après un certain temps pour le soutien de la SDI parce que ses ventes dépassent un certain montant.

Le centre à Montréal n'est pas une agence d'argent, de capitaux de risque,

tandis que AQVIR... Mon opinion sur ce que j'ai vu et à la suite des discussions que nous avons eues, AQVIR est surtout une agence qui pourra coordonner et soutenir financièrement le développement, en ce qui concerne AES, dans le domaine de la haute technologie où les fonds ne sont pas disponibles dans le marché privé. Et aujourd'hui, je vous assure que ces fonds sont rares dans le domaine privé. Moi, je suis allé chercher des fonds pour plusieurs projets et il n'y en a pas beaucoup. Dans d'autre pays, ça existe par le moyen d'agences comme AQVIR. Je trouve que c'est sensé, que cela a du sens dans le domaine privé - et je le répète - autant comme coordonnateur et aide à une base financière, pour que le Québec puisse établir et faire grandir l'industrie de la haute technologie. Je ne peux parler des autres domaines, je n'y suis pas.

Mme Dougherty: D'accord, merci.

Le Président (M. Paré): Vous avez terminé? On vous remercie beaucoup pour la présentation. On inviterait maintenant M. Roland-À. Dugré, directeur général, à venir faire la présentation du mémoire de l'École de technologie supérieure.

Je m'excuse; est-ce que vous vouliez terminer, M. le ministre?

M. Paquette: Je veux simplement remercier les représentants de la compagnie AES Data Inc. Je pense que l'ouverture d'esprit que vous manifestez est particulière au domaine de la technologie de pointe. On la retrouve également du côté universitaire et cela me semble intéressant pour l'avenir.

S'il y a un problème que nous avons dans la société, c'est bien celui du cloisonnement entre les milieux industriels privés, les universités et les agences gouvernementales. Et si l'on trouve le moyen de relier tout ça, je pense qu'on va progresser beaucoup plus rapidement, à la fois pour la qualité de nos programmes de formation et pour notre développement économique.

Mme Dougherty: Merci. Je crois que nous n'avons malheureusement pas parlé suffisamment de cette agence aujourd'hui parce que j'aimerais essayer de comprendre exactement où elle se situe par rapport à d'autres organismes. Qu'est-ce que l'agence peut faire que d'autres ne peuvent pas faire? Je vois un certain dédoublement des rôles. Le seul rôle que l'agence exerce et que les autres n'ont pas est celui de prospecter les milieux de recherche dans les domaines jugés prioritaires par le gouvernement.

Je ne sais pas comment ça va marcher exactement sur le plan pratique. Je me demande si c'est le moment d'en discuter mais pour nous, c'est très important parce que nous avons certaines réserves. Tout n'est pas clair concernant cette agence.

M. Paquette: M. le Président, je n'ai pas la prétention de pouvoir expliquer tout ça durant une intervention de deux minutes. Je ne sais pas s'il y aurait un autre moment où l'on pourrait s'expliquer; en deuxième lecture, lors de l'étude article par article. On pourrait à ce moment s'assurer que cette partie du projet de loi ne dédouble pas d'autres structures gouvernementales. Inutile de vous dire qu'on a eu de longues discussions au Conseil du trésor, au comité de développement économique, à cet effet.

Ce qui caractérise l'agence par rapport aux autres organismes... Il me semble que les représentants de AES Data Inc. ont très bien identifié le rôle très différent de l'agence par rapport à la SDI, par exemple. La SDI a aussi des programmes d'aide à la recherche et au développement, mais ce sont des programmes normes, systématiques, qui s'adressent à toutes les entreprises. Ce sont des programmes qui ne sont pas particulièrement orientés vers les projets les plus prometteurs.

L'agence a ce rôle de catalyseur. Par définition, elle n'est pas un organisme bureaucratique. Elle n'a pas de programmes, pas de normes; elle est soumise à certaines balises pour s'assurer que les fonds publics sont bien utilisés mais elle travaille projet par projet. Et elle doit identifier des idées d'innovation intéressantes qui émanent parfois des équipes universitaires, parfois des laboratoires gouvernementaux et parfois des secteurs de recherche industrielle des entreprises. Son rôle est alors de les valoriser, ce qui signifie qu'elle doit parfois regrouper d'autres intervenants. S'il s'agit d'un projet qui émane des milieux universitaires, il va peut-être falloir mobiliser des gens qui connaissent les marchés, qui connaissent le monde des affaires, si l'on veut que l'invention devienne un produit. (20 heures)

Dans le cas d'entreprises, c'est peut-être un supplément d'apports d'une équipe de recherche universitaire; c'est l'inverse dans certains cas. En plus, l'agence aura des fonds de risque qu'elle pourra ajouter à ces projets lorsqu'ils semblent prometteurs. Le rôle de l'agence est d'identifier, pendant une année, dix, quinze projets prometteurs où elle investit des fonds, où elle regroupe des intervenants et où elle risque un peu en se disant qu'il y a peut-être un certain nombre d'innovations qui ne marcheront pas, mais que celles qui iront bien seront suffisamment rentables. L'agence aura un retour sur ces fonds à réinvestir dans la recherche.

C'est un organisme très dynamique, très volontariste et je pense que le succès que ce genre d'organisme a connu dans d'autres pays

nous a fait nous apercevoir qu'il manquait un instrument comme celui-là au Québec. Notre souci n'a pas été, dans ce projet de loi, de créer beaucoup d'instruments nouveaux. En fait, il y a la fondation qui est un organisme très léger et il y a cette agence qui, je pense, est l'innovation principale de ce projet de loi. Les autres articles rationalisent, coordonnent davantage l'action gouvernementale, mais l'agence est vraiment un instrument privilégié de lien pour des projets concrets entre les milieux universitaires et industriels en faveur du développement économique du Québec.

Mme Dougherty: Seulement un commentaire. Je doute qu'on doive en rester uniquement aux domaines jugés prioritaires par le gouvernement, parce qu'il pourrait arriver que des inventions, des créations excellentes ne soient pas dans le domaine jugé prioritaire par le gouvernement. Je crois qu'on doit élargir le mandat pour rechercher l'excellence, les créations excellentes. Je crois que le gouvernement ne doit pas être aussi arrogant et avoir le monopole du jugement sur les secteurs prioritaires.

M. Paquette: Vous avez parfaitement...

Mme Dougherty: C'est un danger, je crois.

M. Paquette: Là-dessus, vous avez parfaitement raison. Il peut y avoir des projets prometteurs dans des secteurs qui ne sont généralement pas considérés comme des secteurs de haute technologie ou des secteurs clairement identifiés dans le virage technologique. En fait, l'idée est que l'agence soit munie de la connaissance des tendances technologiques sur le plan international et qu'elle prospecte de préférence de ce côté, du côté des équipes universitaires, des laboratoires gouvernementaux qui peuvent travailler en fonction de ces secteurs. Dans notre esprit, il ne s'agit pas de restreindre l'agence à ces domaines.

Mme- Dougherty: D'accord. J'aimerais vous remercier de votre contribution ce soir. Je m'excuse d'avoir prolongé le débat, mais j'ai profité de votre orientation pour discuter un peu de cette agence. Merci.

M. Hurlburt: Est-ce que je peux poser une question?

Le Président (M. Paré): Oui.

M. Hurlburt: Vous avez commencé à parler de la manière dont l'AQVIR fonctionnera. J'étais en Alberta il y a deux mois et j'ai parlé avec les gens de Heritage Venture Funds, qui ressemble un peu - les sommes sont différentes, ils ont 200 000 000 $... Le conseil d'administration de l'AQVIR est une chose... Je commence à réfléchir là-dessus. En Alberta, ce sont surtout des commerçants, des industriels, des investisseurs en capital de risque qui font l'évaluation, les placements. Dans ce domaine-là, vous voulez gagner plus que perdre. Nous espérons toujours gagner, naturellement. Est-ce que cela a été adressé? Je ne l'ai pas vu dans le projet de loi.

M. Paquette: Voici. À l'article 103 où on parle de la composition du conseil d'administration de l'agence, on dit qu'il y a un président et onze membres nommés par le gouvernement. L'un des membres est nommé sur recommandation du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. On pensait ici, dans un premier temps, à un représentant du Centre de recherche industrielle du Québec. Il y a le pendant ailleurs dans le projet de loi où on propose que quelqu'un de l'AQVIR siège au conseil d'administration du CRIQ. Ensuite, c'est là que cela répond à ce que vous dites - en tout cas, dans notre intention - au plus quatre des membres du conseil d'administration peuvent être choisis parmi les membres des organismes des secteurs public et parapublic ou parmi les membres de leur personnel.

Dans notre esprit, cela veut dire que la majorité des membres provient du secteur industriel. On limite ceux qui viennent du secteur public et parapublic; donc, les autres viennent du secteur privé, en fait, du monde des affaires, du monde industriel.

M. Hurlburt: Je crois que ce sera - si vous me le permettez, M. le Président -peut-être une bonne idée de mentionner spécifiquement le fait qu'il y aura du domaine privé un certain nombre de personnes. Je crois que cela pourrait peut-être donner un niveau de confort un peu élevé pour nous de l'industrie privée. Merci.

Le Président (M. Paré): C'est nous qui vous remercions de votre participation à la commission. Nous allons passer à la présentation du mémoire suivant, soit le mémoire de l'École de technologie supérieure du Québec, représentée par M. Dugré.

École de technologie supérieure du Québec

M. Dugré (Roland): M. le Président, mon nom est Roland Dugré, directeur général de l'École de technologie supérieure; à ma gauche, c'est notre directeur du développement institutionnel et des communications, M. Louis-Marc Gauthier; à ma droite, un agent de recherche à l'ETS,

M. Jacques Marois.

Avant de vous présenter notre travail, j'aimerais quand même dire que nos amis d'AES auraient pu ajouter qu'ils emploient de nombreux stagiaire de l'ETS et également qu'ils emploient des gradués de notre école. On était très mal placés pour ne pas leur donner la place première.

Consciente de l'urgence pour la société québécoise de s'engager de plain-pied dans le virage technologique et compte tenu de sa vocation particulière, l'École de technologie supérieure de l'Université du Québec juge opportun de présenter devant cette commission parlementaire ses réactions en regard du projet de loi 19 favorisant le développement scientifique et technologique au Québec.

Avant d'examiner le projet de loi 19, il convient de présenter un historique de l'ETS afin de bien faire comprendre l'esprit avec lequel l'ETS aborde les questions du développement scientifique et, plus particulièrement il va sans dire, du développement technologique. L'ETS fera ensuite état de quelques commentaires généraux ayant trait au projet de loi 19, avant d'en aborder, dans la dernière partie, certains points plus précis.

S'appuyant sur un consensus général, à savoir que le développement de l'industrie secondaire au Québec bénéficierait largement de l'implantation de la technologie supérieure et constatant l'évolution des écoles d'ingénieurs au cours des années soixante vers une formation axée davantage sur les aspects scientifiques, l'opération sciences appliquées recommandait en 1973, à l'instar de ce qui se faisait dans les autres pays industrialisés, de mettre sur pied une expérience pilote visant à développer la technologie supérieure au Québec.

C'est ainsi que le ministère de l'Éducation et l'Université du Québec engagèrent des pourparlers qui conduisirent, en mars 1974, à l'émission de lettres patentes créant l'École de technologie supérieure et permettant l'ouverture en septembre 1974 de deux programmes de premier cycle en technologie, celui de la mécanique et celui de l'électricité, programmes auxquels se sont ajoutés quatre certificats, un baccalauréat en technologie de la construction civile et, tout récemment encore, un baccalauréat en technologie de la production automatisée faisant appel largement aux technologies avancées de la conception et de la fabrication assistées par ordinateur aussi bien qu'aux technologies des ateliers flexibles et de la robotique.

Les lettres patentes créant l'École de technologie supérieure font état des objectifs particuliers qui constituent l'identité de l'école. On y retrouve, en plus des objectifs de formation, une orientation marquée vers la collaboration avec le milieu industriel dans une optique de développement technologique. Cette orientation se retrouve dans la formule coopérative en usage à l'ETS, dans la participation active du milieu industriel aux diverses instances de l'ETS, ainsi que dans la volonté affirmée par l'ETS d'orienter ses activités de recherche appliquée vers des finalités industrielles.

À la fin de 1978, à l'approche du terme de sa période expérimentale de cinq ans, l'ETS fut soumise à une évaluation formelle de toutes ses activités. À la suite de l'avis favorable du Conseil des universités, déposé au début de l'été 1979, le ministre de l'Éducation fit connaître au président de l'Université du Québec sa décision d'accorder un statut de permanence à l'ETS tout en soulignant le rôle important que devait jouer l'école sur le plan de l'enseignement et de la recherche universitaire.

L'ETS a connu au cours des dernières années une croissance peu commune. Ainsi, après de modestes débuts - elle n'inscrivait que 16 étudiants à temps complet à l'automne 1974 - l'ETS comptait en 1982-1983, soit l'an dernier, 664 étudiants équivalents temps complet et prévoit inscrire à l'automne, au cours de l'année 1983-1984, près de 1000 étudiants équivalents temps complet, soit une augmentation phénoménale de près de 50% par rapport à l'année précédente et cela, pour une deuxième année consécutive. Le 24 mai 1983, donnant suite au projet soumis par l'ETS, le Conseil des universités recommandait au ministre de l'Éducation d'autoriser l'ETS à implanter un programme de baccalauréat en technologie de la production automatisée à compter de septembre 1983. Cette décision s'inscrit dans le cadre de la mission qui lui a été confiée initialement et place l'ETS au rang des intervenants privilégiés pour participer à la réalisation du virage technologique au Québec.

L'ETS s'est rapidement créé une place importante dans le milieu technologique québécois. Elle a maintenant atteint une réputation et une dimension qui lui permettent de consolider sa contribution au niveau de la formation des spécialistes dont l'industrie québécoise a grand besoin pour effectuer avec succès le virage technologique. L'ETS pourra dorénavant consacrer plus d'énergie à la recherche appliquée vers des finalités industrielles telles que spécifiées dans sa mission.

Commentaires généraux sur le projet de loi 19. Afin de favoriser la mise en oeuvre du virage technologique, le premier ministre nommait, le 9 septembre 1982, un ministre à temps plein délégué à la Science et à la Technologie. Neuf mois après son entrée en fonction, le ministre délégué, M. Gilbert Paquette, déposait, le 31 mai dernier, le projet de loi 19 dont les visées premières sont d'identifier clairement les responsabilités

de son ministère, d'assurer la coordination des fonds gouvernementaux, de favoriser le décloisonnement entre les milieux scientifiques et de favoriser la démocratisation des choix politiques et la sensibilisation du public.

L'ETS ne peut que se réjouir de cette volonté du gouvernement d'harmoniser les activités scientifiques et technologiques des ministères et organismes publics. Il est grand temps que l'on se dote des structures et des outils requis pour effectuer le virage technologique. La création d'un ministère voué exclusivement à la science et à la technologie constitue, de l'avis de l'ETS, un geste approprié.

La lecture du projet de loi 19 soulève cependant certaines craintes, comme on l'a vu aujourd'hui. Dans quelle mesure, par exemple, le nouveau ministère pourra-t-il, avec les moyens qui lui sont confiés et avec les contraintes qui lui sont imposées par le projet de loi 19, agir avec toute l'efficacité requise dans le champ des responsabilités qui lui sont imparties? Il ressort du projet de loi 19 que le ministère de la Science et de la Technologie sera davantage axé sur la coordination et la concertation des énergies des divers ministères des organismes publics impliqués dans l'effort de développement scientifique et technologique au Québec. Une telle orientation est peut-être justifiée, mais il est à craindre qu'une certaine lourdeur ne découle des structures mises en place pour favoriser cette concertation. L'ETS rappelle qu'il est impérieux que le gouvernement puisse agir et agisse avec célérité et souplesse dans ce domaine où le Québec se doit d'être présent. L'ETS espère que la rapidité avec laquelle le gouvernement veut faire adopter son projet de loi ainsi que les courts délais accordés aux intervenants pour y réagir en commission parlementaire sont garants de sa volonté de passer rapidement aux actes et d'annoncer des mesures concrètes qui favoriseront le développement technologique.

Déjà, le gouvernement fédéral a annoncé des mesures qui démontrent son intention de s'impliquer directement dans le dossier de la conception et de la fabrication assistée par ordinateur. Il est plus que temps, pour le Québec, d'affirmer sa présence dans ce domaine en donnant suite, dans les plus brefs délais, au projet du centre de CFAO, qui a été reconnu comme une nécessité par tous.

À l'analyse du projet de loi 19, l'ETS constate que, malgré l'ampleur des besoins, il n'annonce que peu de nouvelles mesures, si ce n'est une réorganisation des fonds, la création de la fondation et la création de l'AQVIR. L'ETS remarque toutefois que le ministre se réserve la possibilité d'établir, avec l'accord des ministres concernés, des protocoles d'entente avec les organismes publics (l'article 11), et que le gouvernement peut - cela est important - par lettres patentes délivrées sous le grand sceau constituer des corporations qui ont pour objet le développement de la recherche et de la technologie (l'article 12). Le ministre pourra, de plus, avec l'accord des ministres concernés, accorder des subventions à même les sommes mises à sa disposition (l'article 10). Ce sont là des instruments que le gouvernement devra utiliser pour injecter des ressources nouvelles et non seulement pour réaménager des ressources existantes. Les chances de succès du nouveau ministère dépendront, en bonne partie, des sommes que le gouvernement consentira à consacrer au développement scientifique et technologique, ainsi que de la volonté des autres ministères et organismes publics de collaborer.

L'ETS espère que les énergies qui seront drainées pour organiser et rendre fonctionnel le nouveau ministère de la Science et de la Technologie ne contribueront pas à ralentir les dossiers actuellement en marche, en ce qui a trait au développement technologique et plus particulièrement, en ce qui a trait au projet de création du centre de production automatisée.

L'article 7 énumère les quatre fonctions du ministère de la Science et de la Technologie - on en a parlé beaucoup aujourd'hui - qui comprennent l'élaboration de la politique du gouvernement en matière de la science et de la technologie, l'harmonisation des activités, l'implantation des nouvelles mesures et la réalisation d'actions gouvernementales à caractère multisectoriel. Comme elle l'a affirmé précédemment, l'ETS se demande dans quelle mesures les pouvoirs confiés au ministre dans l'article 8, en regard des autres ministères, lui permettront de s'acquitter adéquatement de ses fonctions. Nous avons eu de nombreuses réponses depuis le matin.

Le sixième paragraphe de l'article 8 soulève certaines craintes. Jusqu'où le gouvernement se réserve-t-il le droit d'intervenir au moyen des directives qui seront adressées aux organismes publics? Là aussi, on a eu nos réponses ce matin; depuis le début de la journée, de toute façon. De quelle façon le ministère de la Science et de la Technologie articulera-t-il ses actions avec celles du ministère de l'Éducation et quelles en seront les conséquences pour les universités? Quel genre de mesures entend prendre le ministre pour veiller, comme le mentionne le Ile paragraphe de l'article 8, à ce que les politiques et les pratiques de formation, de perfectionnement, d'emploi et d'immigration répondent adéquatement aux besoins du Québec?

À l'analyse de l'ensemble des pouvoirs donnés à l'article 8 au ministre de la Science et de la technologie, il est à

craindre que le nouveau ministère ne consacre une trop grande part de ses énergies à la préparation d'études, d'analyses, etc, selon les paragraphes 4, 6, 7, 13, 14 et 15, au détriment d'actions plus concrètes.

En conclusion, l'ETS estime qu'il est important que le gouvernement québécois se donne des instruments adéquats pour réaliser le virage technologique. En ce sens, nous croyons que la création du ministère de la Science et de la Technologie était devenue souhaitable. Le projet de loi 19 procurera au nouveau ministère certains outils intéressants pour élaborer et mettre en oeuvre la politique du gpuvernement en matière de science et de technologie. Ce même projet de loi comporte cependant certaines faiblesses qui sont peut-être inévitables: pour être efficace, le nouveau ministère devra compter sur la collaboration de tous les ministères et organismes publics concernés. Il lui faudra s'immiscer dans plusieurs dossiers. Saura-t-on regrouper par ce moyen les forces actives du Québec pour effectuer en douceur le virage technologique? Il s'agit là du défi majeur qu'aura à relever le nouveau ministère de la Science et de la Technologie. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Paré): Merci beaucoup. La parole est maintenant au ministre.

M. Paquette: M. le Président, je remercie le directeur de École de technologie supérieure qui, je pense, au Québec, représente l'une des institutions les plus engagées dans le virage technologique. Je n'ai pas l'intention de dire si c'est l'École polytechnique, l'ETS ou les autres facultés de génie qui sont les plus engagées dans le virage technologique, mais je pense que le mémoire témoigne d'une certaine urgence de l'action. C'est principalement ce qui nous anime et c'est d'ailleurs pour cela que, quitte à ajuster certains articles du projet de loi, nous trouvons très important que ce projet de loi soit adopté au cours du mois de juin, parce qu'à l'automne on aura beaucoup de choses à faire. Vous en soulignez une.

Je trouve cela un peu injuste quand vous dites: Le gouvernement fédéral a annoncé des mesures qui démontrent son intention de s'impliquer directement dans le dossier de la conception et de la fabrication assistée par ordinateur. Nous, nous avons des budgets pour le faire. Mais vous avez raison, c'est justement à cette fin que l'article 12, qui donne la possibilité au ministre de constituer des corporations ayant pour objet le développement de la recherche et de la technologie, a été inséré dans le projet de loi. Je pense que c'est une chose qu'on pouvait trouver aller de soi dans les faits. Par la création de ce premier centre de diffusion technologique et de recherche appliquée, nous avons, en quelque sorte, obtenu du Conseil des ministres la permission de nous en occuper, mais je pense que cela doit être l'une des responsabilités importantes du ministre de la Science et de la Technologie: créer de nouveaux lieux de recherche centrés sur la recherche appliquée, le développement technologique en impliquant les universités et le monde industriel, de façon que la concertation s'exerce dans le concret, avec des objets précis comme celui de développer la production automatisée au Québec dans toutes ses dimensions.

Maintenant, vous soulignez, à juste titre, des craintes. Vous vous demandez à quel point les pouvoirs confiés au ministre dans l'article 8 en regard des autres ministères lui permettront de s'acquitter adéquatement de ses fonctions. Il va de soi que dans un domaine complexe comme la science et la technologie, à moins de regrouper tous les instruments face à la recherche et à la technologie sous un même ministère, il y a nécessairement une coordination à effectuer à l'intérieur du gouvernement et ce que visent ces différents articles. Nous avons pris délibérément l'option de nous dire: Nous allons réussir plus facilement le défi de développer la recherche scientifique et prendre le virage technologique - parce que les deux dimensions sont importantes - si c'est l'effort de tous les ministères. Il va de soi que mes collègues sont préoccupés par le virage technologique, par la recherche, mais ils ont bien d'autres préoccupations. Je pense que c'est important qu'il y ait un ministère de la Science et de la Technologie qui se coordonne avec eux, avec leurs organismes de recherche, avec leurs programmes de recherche pour augmenter les budgets et pour nous assurer que nous intervenions d'une façon un peu cohérente face au milieu, ce qui, encore une fois, n'implique aucunement une attitude plus dirigiste face au milieu. C'est simplement créer une attitude plus cohérente face au milieu. Quand je parle du milieu, je parle à la fois des milieux universitaires, des entreprises et des autres agents impliqués dans le développement scientifique et technologique.

J'aimerais vous poser une seule question. Selon vous - et cela a trait au lien entre les institutions universitaires et les entreprises - comment cela doit-il s'articuler? Particulièrement une institution universitaire comme l'ETS, qui est dans un domaine très appliqué, votre connaissance du milieu universitaire doit sans doute vous y autoriser. Quels sont les liens qu'on peut établir de la façon la plus efficace possible sans nier la mission propre de l'université? Ces liens entre l'université, la recherche fondamentale, la recherche appliquée et le développement technologique.

M. Dugré: M. le Président, nous le faisons chez nous au niveau du conseil d'administration de l'école. Dans nos lettres patentes il est indiqué - à la suite de l'opération des sciences appliquées, à laquelle de nombreux industriels éminents était représentés, des universitaires et des fonctionnaires - que l'école devait être créée parce qu'on avait remarqué l'insuffisance de francophones dans les postes importants dans le milieu industriel québécois. On a pensé que dans le passé les facultés de génie étaient tellement orientées du point de vue scientifique - cela devait être comme cela pour suivre le progrès - qu'on délaissait, comme les États-Unis l'avaient fait avant nous, la partie plus pragmatique au point de vue industriel. Il était moins honorant d'aller dans les industries. On a dit dans l'opération des sciences appliquées que, l'industrie québécoise n'étant pas entre les mains des Québécois, il serait difficile aux Québécois de s'y retrouver. On a indiqué à l'occasion de l'opération des sciences appliquées - ce qui a été reflété par le ministère de l'Éducation - dans nos lettres patentes que ce qu'on faisait devait se faire en étroite collaboration avec l'industrie.

Ceci se manifeste d'abord au niveau du conseil d'administration. Neuf des quinze membres viennent du milieu industriel. Cela se reflète à la commission des études où trois des onze membres viennent du milieu industriel. Cela se reflète au niveau de chacun des programmes de l'école où on a des comités de liaison école-entreprises pour nous aider à nous guider dans nos différents programmes. Le dernier programme qui vient d'être approuvé au Conseil des universités -il a été envoyé au ministre de l'Éducation pour qu'on puisse aller de l'avant dès le mois de septembre 1983 - a été fait sous la direction d'un représentant important de la compagnie IBM et onze des treize membres du comité venaient du milieu industriel. Ce programme, comme toutes les activités de l'école, aussi bien au point de vue des stages qu'on fait, stage pratique d'apprentissage et stage-projet, se fait en étroite collaboration avec le milieu industriel. Chaque fois qu'on demande la coopération de ce milieu, même en temps difficile comme à l'heure actuelle, même si les stages vont un peu moins bien, cette coopération entreprises-école se fait et se fait très bien, mais encore faut-il le vouloir. Il ne faut pas tendre la main aux industriels seulement à l'occasion d'une campagne de souscription. Si l'industrie, par exemple - c'est le cas chez nous - des bureaux de consultants ont besoin d'aide pour aller soumettre un projet "clé en main" en Afrique du Nord pour faire une école de formation dans le domaine technologique et qu'elle demande la coopération de l'université, il ne faut pas lui fermer la porte. Je l'ai vu ailleurs. Chez nous, on ouvre la porte aux gens et on les aide dans ce projet "clé en main", en les aidant à la formation des gens. On prépare avec eux un programme important, aussi bien pour recycler la main-d'oeuvre qui vient de différents pays du monde. Il faut, encore une fois, démontrer qu'on est ouvert à la communauté industrielle. Il faut penser à la communauté industrielle et notre corps professoral a en moyenne huit ans et demi de travail en milieu industriel. Il faut s'entourer d'une pensée - d'ailleurs, les lettres patentes indiquaient...

Quand on va visiter les écoles semblables à la nôtre aux États-Unis, c'est exactement ce qu'elles font. Comme elles progressent très rapidement, il y a neuf ans, lors de la création de l'école, il n'y avait que 95 universités américaines sur les 238 universités existantes de sciences appliquées ou l'équivalent, qui donnaient des cours pour l'obtention d'un baccalauréat en technologie. Aujourd'hui, on en compte 238. Les Américains ont très bien compris qu'il fallait faire cela. Nous nous alignons sur leur modèle, étant des Nord-Américains. C'est la façon dont ils procèdent, ils réussissent très bien et c'est ce qu'on fait chez nous.

Dans d'autres universités, prenons par exemple le cas de l'Institut national de la recherche scientifique, puisque j'étais là lors de sa fondation avec le Dr Beaulieu, on a fait la même chose. On a travaillé en étroite collaboration avec le milieu industriel en se laissant guider et en créant des centres de recherche dans le milieu industriel, avec le milieu industriel. Cela a été le cas à l'IREQ, cela a été le cas avec Bell Northern Research Lab et cela a été le cas en énergie avec d'autres. Il y a RCA, par exemple, avec qui on a collaboré. C'est encore le cas de l'INRS qui fait encore de la recherche en s'associant avec le milieu industriel. Dans d'autres universités, Polytechnique le fait très bien également avec son centre de développement technologique. Elle fait un excellent travail. Sherbrooke le fait également très bien en s'associant avec l'industrie par l'intermédiaire des stages. (20 h 30)

Nos cours sont typiquement orientés en fonction des besoins du développement industriel du Québec par la structure même des cours où on donne moins de mathématiques avancées, de physique et de chimie avancées dans les cours de base. Ces cours sont remplacés par des cours de management, des cours de relations industrielles et des cours de prix de revient. On forme des individus pour les besoins du développement industriel du Québec.

M. Paquette: Je vais vous poser une dernière question que la députée de Jacques-Cartier allait peut-être vous poser

concernant votre opinion - parce que vous n'en parlez pas dans votre mémoire - de cette partie extrêmement importante du projet de loi où on crée une agence de valorisation industrielle de la recherche. Qu'est-ce que cela vous dit ce truc-là?

M. Dugré: Cela me dit beaucoup pour plusieurs raisons. D'abord, on n'a pas attendu que cette chose-là... C'est personnellement que je vais vous parler. Avec un groupe d'amis, on a investi un assez bon montant d'argent pour faire une compagnie privée qui deviendra publique plus tard. C'est justement pour faire exactement ce genre de travail. On a déjà quelque chose de très intéressant entre les mains et on veut le mettre sur le marché. Déjà, les ouvertures que le dernier budget nous offre vont favoriser justement de rendre cette compagnie publique. Je n'en avais pas encore parlé. C'est la première fois que j'en parle. Je n'en ai même jamais parlé à mes confrères. C'est tout nouveau et cela viendra très bientôt.

Je crois beaucoup à ce genre de chose. Je pense que si on peut faire une suggestion à votre AQVIR, ce serait justement de prêtrer de l'argent et, quand il y aura un succès, qu'on soit remboursé. S'il n'y a pas de succès, qu'est-ce que vous voulez, cela arrive parfois - tantôt, nos amis de AES l'on dit - il faudra faire comme on le fait dans d'autres circonstances, laisser aller. Il n'y aura pas seulement votre AQVIR qui pourra perdre de l'argent, d'autres vont aussi en perdre. Dans les cas où il y a succès réel, je favoriserais beaucoup un prêt à l'entreprise dans des conditions un peu spéciales.

M. Paquette: On aimerait cela en gagner aussi des fois.

M. Dugré: Pardon?

M. Paquette: On aimerait cela en gagner aussi des fois pour pouvoir le réinvestir après.

M. Dugré: Si ce sont des projets sérieux, bien entendu, il n'y a pas de raison qu'il n'en soit pas ainsi.

Le Président (M. Paré): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Comment réagissez-vous à la proposition de AES Data à l'idée d'échanges d'enseignants avec le milieu industriel?

M. Dugré: Je pense, madame, que vous soulevez un excellent point. C'est exactement ce qu'on fait chez nous. Disons qu'on a, à l'heure actuelle, 29 professeurs réguliers. Nous allons en avoir 40 d'ici à l'automne. Nous avons à ce jour 62 professeurs, qui ne viennent pas tous du milieu industriel, mais disons que 50 nous viennent du milieu industriel. Quand on vous dit que les relations industrielles sont enseignées chez nous, elles le sont par des équipes venant de l'industrie. Elles viennent expliquer par exemple, par la méthode des cas, comment appliquer notre loi des relations du travail. Elles simulent une série de cas. Il s'agit que le jeune homme sache que cela existe une loi du travail. On simule des cas pour savoir comment on doit se comporter. Au moins, on apprend qu'un syndicat, cela existe, que c'est normal qu'un syndicat existe, que c'est normal que les ouvriers soient représentés. C'est toujours plus facile de négocier quand on a le bon syndicat. Nous y croyons beaucoup parce que nous le faisons déjà.

Mme Dougherty: Merci. Dans votre mémoire, à la page 5, vous dites que l'argent est peut-être la clef de tout cette affaire. Vous soulevez plusieurs questions très pertinentes, je crois. J'aimerais comprendre exactement ce que vous suggérez en conséquence. D'abord, la clef c'est l'argent. Au deuxième paragraphe, vous craignez que les énergies du ministre ne soient drainées pour organiser et rendre fonctionnel tout le système. Plus tard, je vois une suggestion peut-être indirecte, un doute que le ministre aura assez de pouvoirs. À la fin du paragraphe qui commence l'article 7, vous dites: "L'EST se demande dans quelle mesure les pouvoirs confiés au ministre à l'article 8 en regard des autres ministères lui permettront de s'acquitter adéquatement de ses fonctions." Donc, je vois ici une suggestion. Peut-être qu'on doit renforcer les pouvoirs du ministre de la Science et de la Technologie. Au paragraphe suivant encore, vous soulevez la question: Comment est-ce qu'il peut articuler ses actions avec le ministère de l'Éducation, comme si, peut-être, il y aura un conflit, il doit possiblement avoir moins de pouvoirs envers les universités. J'aimerais démêler tout cela et savoir ce que vous suggérez exactement. Est-ce que vous suggérez que le ministre doit avoir à certains égards plus de pouvoirs sur le plan des finances, plus de budget pour lui-même, peut-être, plus de pouvoirs directs? Qu'est-ce que vous suggérez exactement? Je vois plusieurs suggestions et un conflit, peut-être entre des idées différentes.

M. Dugré: Je vous remercie bien de votre question, madame. Disons que dans notre esprit il n'y en a pas. Au début, ce qu'on dit, c'est que, s'il ne s'agit que de prendre de l'argent existant, de jouer avec le même argent, cela ne fait pas plus d'argent pour tout cela. C'est peut-être une façon de suggérer que, s'il veut faire quelque chose de

plus, il va falloir qu'il mette plus d'argent. Vous suggérez la première à l'article 7, par exemple... On voit que c'est très difficile d'abord de coordonner deux personnes. Quand vous voulez coordonner plusieurs organismes et plusieurs ministères qui ont leurs propres lois, qui ont leur propre façon de fonctionner, et des sous-ministres en poste qui savent jusqu'à quel point ils ont de l'autorité, on fait seulement soulever la question, on ne voit pas comment... Cela va être très difficile, la coordination de tous ces gens à moins que comme le ministre l'a répété toute la journée... Il répète: On va faire seulement un effort, on va leur dire, on va les orienter, on va essayer de les orienter, on va en discuter au cabinet des ministres. C'est cela qu'on soulève comme question parce que, si je me souviens bien, lors de la discussion qu'on a eue chez nous dans notre groupe de travail, d'autres d'ailleurs se sont joints à nous, et M. Gauthier, d'une façon particulière, était assez sensible parce qu'il a suivi l'évolution du ministère de la Science et de la Technologie, ou plutôt du secrétariat de la science et de la technologie à Ottawa.

Là, il y a eu de sérieux problèmes et cela n'a jamais pu fonctionner comme il faut. Peut-être qu'il faut créer un ministère pour le faire fonctionner comme il faut. Je ne le sais pas. C'est cela, la crainte qu'on soulève. C'est cela que ça veut dire. Quand on arrive à l'article 8 pour les universités, je pense qu'il y a eu des représentants d'universités avec un point de vue, ce matin, autant les professeurs que la CREPUQ. Je pense que ce point a été longuement débattu. Je pense que les réponses qui ont été données ce matin me satisfont, de dire qu'il va falloir regarder de plus près et voir quelles possibilités, si cela peut être amélioré. Et nous ici on sentait que, vis-à-vis des universités, connaissant bien les universités, cela créerait peut-être un problème et c'est de trouver la meilleure solution pour le faire. Ne pas retarder le projet pour cela. Au besoin, il y a eu des suggestions de faites ce matin, peut-être de retrancher certaines choses ou de réarranger autrement certaines choses. Je pense que cela nous satisfait. C'est cela qu'on a voulu soulever pour attirer l'attention qu'il y a une grande possibilité de problèmes de cette façon, aussi bien qu'à l'article 7.

Mme Dougherty: Si je comprends bien, à cause de ces craintes et les difficultés que vous voyez dans la complexité, le pouvoir horizontal peut-être trop diffus, vous préféreriez avoir un projet qui donne au ministre moins de pouvoirs sur le plan horizontal et plus de pouvoirs directs, verticaux, avec un budget approprié même si son pouvoir horizontal est plus restreint. Je ne sais pas si j'ai bien exprimé ma pensée.

J'essaie de comprendre ce que vous dites ici et ce que vous suggérez comme solution. Je comprends vos craintes, mais je cherche la solution logique qui découle de vos pensées.

M. Dugré: Disons d'abord que je suis de formation industrielle et d'affaires. Cela fait treize ans que je m'occupe d'une façon particulière des universités. Je venais du milieu des affaires, du milieu industriel. Je continue à m'occuper d'affaires. Avec cette mentalité, connaissant le milieu industriel, connaissant le milieu des universités... Je pourrais ajouter, pour expliquer mieux mon idée, que, lorsque quelqu'un a dit ce matin ou cet après-midi que dans certains projets de recherche il faut dix ans ou vingt ans avant d'avoir la solution, ce n'est plus de la recherche, je pense que c'est de la sécurité sociale déguisée dans le milieu universitaire; j'appellerais cela comme ça. Il y a des limites. C'est bon de parler de liberté... Je crois à la liberté des citoyens de payer des taxes, mais il y a une limite là aussi. La liberté des uns ne doit pas empiéter trop fortement sur la liberté des autres. Même si je suis en milieu universitaire et même si c'est mal vu de dire des choses comme cela dans le milieu universitaire, je le dis quand même parce que je pense que, si on veut faire bouger le Québec, une bonne façon de le faire bouger, c'est d'avoir une loi la plus claire possible. On essaie de l'améliorer. Je pense - je sais qu'il y a beaucoup d'universitaires ayant une formation universitaire - qu'il est possible pour le ministre de réarranger certaines choses pour les rendre plus acceptables au milieu universitaire sans brimer certains droits, mais sans non plus favoriser certaines chapelles.

Des organismes subventionnables de recherche, aussi bien de Fonds FCAC que d'autres... L'école de technologie supérieure travaille avec le milieu industriel. On présente des projets au Fonds FCAC et, systématiquement, l'école n'a jamais un sou du Fonds FCAC à l'exception de la publication de volumes, parce que nos jeunes Canadiens français ont de la difficulté à trouver des volumes de conception nord-américaine. Pour cela on a toujours été subventionné et on l'en remercie. Mais, quand il s'agit de recherche, systématiquement, cela est refusé. Il y a des chapelles. On présente le même projet à Ottawa et il est subventionné. Je trouve édifiant de les entendre parler mais à un moment donné il faut voir la vérité derrière tous ces écrans de fumée. Il faut arrêter de parler. Il faut peut-être que quelqu'un comme moi se mette la tête sur la bûche et le dise. Il y a moyen d'arranger cela. Je peux travailler avec les gens de AES m'importe quand ou avec d'autres industries. À un moment donné, il faut arrêter de... C'est bien que des gens du milieu universitaire viennent vous dire tout ce qu'ils

ont à dire, mais il faut aussi essayer de voir ce qui se passe en arrière. Je vous dis ce que je vois et la façon dont je le vois.

Je pense qu'il y a quelque chose ici, et, pour autant qu'on respecte les prérogatives du ministère de l'Éducation, les gens qui y sont, de même que la loi, il y a moyen de trouver une solution pour travailler tous ensemble. Ce qui est important, c'est de faire un peu de coordination. Il y a des secteurs prioritaires, le Conseil des sciences nous le dit, l'avenir, dans l'industrie en particulier... Si, dans les années quatre-vingt-dix, vous n'êtes pas dans la conception et la fabrication assistée par ordinateur, si vous n'êtes pas dans la robotique, vous ne serez plus là. C'est beau de dire qu'on ne crée pas d'emplois avec cela. Oui, on crée de l'emploi. Au Japon, c'est là que la technologie est la plus avancée et c'est là que le taux de chômage est le plus bas, mais on a autre chose en plus. Nous sommes latins et...

Le Président (M. Paré): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je vous écoute parler du Japon, M. Dugré. Justement, dans une étude qu'on nous a remise cet après-midi, on établit clairement que le Japon est le pays où la recherche universitaire est proportionnellement la plus importante. Je pense que vous allez comprendre comme moi qu'il y a un lien très direct entre la qualité de la recherche qui se fait dans les universités, la qualité de la recherche qui se fera ensuite dans les industries et la qualité du développement industriel lui-même. Les études qui ont été faites, surtout celle de M. Lacroix, établissent ce fait-là bien clairement. Par conséquent, le problème n'est peut-être pas aussi simple qu'on souhaiterait qu'il fût. (20 h 45)

Dans cette prespective-là, il y a une question que je vous poserais. Je remarque une chose en vous écoutant... Il me fait bien plaisir que vous soyez là parce que j'ai été le témoin direct de la naissance de votre école il "y a déjà - on n'ose pas le dire -une bonne vingtaine d'années. Je pense qu'il y a seulement, parmi les groupes que nous avons entendus aujourd'hui, votre délégation et celle de l'AES Data qui se sont exprimées d'une manière assez vigoureuse en faveur de la tendance générale du projet soumis par le ministre. Les autres ont exprimé des réserves assez sérieuses sur des éléments de fond.

Comme vous êtes optimistes face au projet de M. le ministre délégué à la Science et à la Technologie, j'aimerais savoir s'il y a des choses qui relèvent du ministère de l'Éducation que vous aimeriez voir transférées sous l'autorité du ministre délégué à la Science et à la Technologie, et lesquelles.

M. Dugré: Je répondrai d'abord à la première partie de votre énoncé en ce qui concerne les recherches de certaines personnes que vous avez citées précédemment. J'ai eu l'occasion de lire souvent - cela fait partie de mon travail, mais bien avant ça, de toute façon - des projets de recherche de ce genre. L'un en particulier qui me vient à l'esprit, parce que j'avais une formation assez importante dans le domaine minier où j'ai oeuvré beaucoup, concernait la recherche minière au Québec. Dans ce volume-là, fait par le Centre de recherche minérale du Québec, par des individus tous très bien intentionnés - je connais pas mal tout le milieu industriel du Québec et le milieu des mines en particulier... C'est drôle, dans la compagnie pour laquelle je travaillais, au moins 8% du moulin 5, la compagnie Canadian Johns-Manville à Asbestos, avait été fait spécifiquement pour faire de la recherche appliquée. Je le sais parce que j'y participais. Dans le volume en question, on n'en parlait pas du tout, de cette recherche-là. On disait par contre que la majorité de la recherche, dans le domaine minier, se faisait à l'étranger, se faisait à l'extérieur du Québec. On l'a complètement oublié. Je ne dis pas que la personne était mal intentionnée mais si vous prenez quelqu'un qui est plus ou moins au courant... Aujourd'hui, tout le monde fait des recherches et fait différentes choses. Si une personne ne va pas frapper à la bonne porte, elle n'a pas d'information. On véhicule... Je ne dis pas qu'ils sont dans l'erreur, peut-être qu'ils sont parfaitement corrects, mais j'irais voir un peu plus loin que cette chose-là.

Quand vous parlez du ministère de l'Éducation, je ne crois pas que ce soit tellement l'idée de transférer et, d'ailleurs, d'après ce que j'ai entendu depuis ce matin, ce n'est pas l'idée du nouveau ministère de la Science et de la Technologie de vouloir s'emparer de toutes ces choses. Au contraire, on semble vouloir dire non. Il s'agit de s'entendre et ce qui relève d'un ministre, ça va continuer à relever de ce même ministre, mais on procédera à une meilleure coordination.

Au Japon, concernant les universitaires, il y a une coordination qui s'établit entre le domaine industriel, le domaine des affaires et le système de vie japonais et ça produit de bons fruits.

Aux États-Unis, les universités sont très près du milieu industriel et c'est pour cette raison qu'ils ont plusieurs fondations qui viennent s'ajouter par la suite aux différentes universités et cela ne semble pas créer de problèmes non plus avec le milieu universitaire.

Souvent ici, pour différentes raisons, on

commence à s'approcher du milieu industriel. On commence à former dans nos écoles beaucoup de meilleurs administrateurs qu'on formait autrefois et en plus grand nombre, à part ça.

Au point de vue de la recherche, pour répondre à votre question, je ne vois pas en quoi ça pourrait changer quelque chose avec le ministère de l'Éducation. Je pense que ça va assez bien à l'heure actuelle, mais il faudrait peut-être éviter certaines chapelles.

Lorsqu'on forme de nouveaux organismes comme l'École de technologie supérieure, ce n'est pas parce que le mot "ingénieur" ou le mot "ingénierie" n'est pas au bout, que c'est une qualité inférieure. Ce n'est pas vrai. J'ai l'occasion de constater continuellement la valeur des gradués qu'on a chez nous, la valeur des jeunes hommes qu'on a chez nous et, de toute façon, à pourcentage égal, je serais prêt à les mettre en compétition contre n'importe quel jeune ingénieur sortant de n'importe quelle faculté d'ingénierie.

Le Président (M. Paré): Vous avez terminé. En conclusion, M. le ministre.

M. Paquette: M. le Président, j'aimerais remercier le directeur général de l'École de technologie supérieure qui nous a apporté un point de vue peut-être un peu différent. Je pense qu'il nous a parlé des choses auxquelles il croit et qui doivent trouver place dans notre système scientifique et technologique québécois. Il y a certainement place dans nos universités pour la recherche fondamentale parce que le développement technologique se prépare de longue main. Il faut des recherches fondamentales, il faut des recherches plus appliquées et il faut des activités de développement technologique très liées au milieu industriel. Ce qu'on peut déplorer au Québec, ce n'est pas tellement l'importance relative de l'une ou de l'autre -là aussi il y a des choses sur lesquelles il faut s'interroger - mais plutôt le cloisonnement entre ces diverses activités. Cela c'est un peu inquiétant.

Ce qu'on a dans le projet de loi, ce n'est pas la possibilité de directives, de dire à telle personne: Vous allez faire moins de recherches fondamentales et plus de recherches appliquées, ou l'inverse. C'est la possibilité de poser un regard critique, de préparer des orientations, de favoriser le débat public, de faire en sorte que les divers ministères concourent à ce décloisonnement nécessaire des différents types de recherche au Québec.

Encore une fois, merci de votre témoignage et de l'effort que vous avez fait en aussi peu de temps pour nous présenter votre point de vue. Merci.

Le Président (M. Paré): Mme la député de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: M. Dugré ainsi que vos collègues, j'aimerais vous remercier pour votre contribution. Ce soir, vous avez ajouté une dimension très particulière à notre appréciation du projet de loi et des problèmes que nous essayons de régler. Merci.

Le Président (M. Paré): Alors, on vous remercie beaucoup.

J'invite maintenant le dernier groupe à venir présenter son mémoire. Il s'agit du Conseil des universités du Québec. Bonsoir, merci de votre patience, d'avoir pris le temps de venir ici présenter votre mémoire. Je vous invite à vous présenter et à nous présenter les personnes qui vous accompagnent.

Conseil des universités du Québec

M. L*Écuyer (Jacques): Mon nom est

Jacques L'Écuyer, président du Conseil des universités du Québec. À ma droite, Mme Madeleine Perron, secrétaire du conseil, et, à ma gauche, Mme Christiane Kuerido, présidente de la commission de recherche et membre du conseil.

Les thèmes que nous aborderons ont déjà été traités en partie. Le Conseil des universités du Québec a été informé très tard du projet de loi 19, Loi favorisant le développement scientifique et technologique du Québec, et de la tenue d'une commission parlementaire à ce sujet. Aussi n'avons-nous pas été en mesure de préparer l'étude plus fouillée et plus complète que nous aurions souhaitée. Néanmoins, les implications du projet de loi, particulièrement en ce qui concerne les relations entre l'État et les universités, nous ont paru si sérieuses et si fondamentales qu'il nous a semblé important de faire part à cette commission de certaines de nos inquiétudes.

L'économie des relations entre l'État et les universités repose sur un équilibre très délicat entre les pouvoirs des uns et des autres et leurs responsabilités respectives. Dans la plupart des États américains et des provinces canadiennes, par exemple, l'État évite autant que possible d'intervenir directement dans les choses universitaires, confiant plutôt ces responsabilités à des organismes intermédiaires qui jouissent de pouvoirs plus ou moins étendus, suivant le cas. La raison en est qu'ils estiment que l'autonomie des universités, dans ce que cette notion a de plus fondamental, constitue une condition essentielle à la réalisation de la mission même de l'université. Et l'on pense ici à la liberté de dispenser des enseignements appropriés, de poursuivre des recherches dans les domaines les plus divers et de porter des jugements critiques sur nos

comportements et sur nos institutions.

Ici même au Québec, l'État a suivi cette tradition fidèlement et cela s'est reflété dans ses politiques et dans ses discours. Ainsi, le gouvernement alloue aux universités des subventions d'équilibre et non des budgets de fonctionnement qu'elles auraient à défendre en fonction de leurs programmes d'activité. De même, il s'est montré jusqu'à maintenant respectueux de leurs choix, même s'il a imposé des balises, et aucune des récentes interventions du ministère de l'Éducation ne laissait présager de modifications à cette attitude. Aussi, est-ce avec une inquiétude non dissimulée que nous avons pris connaissance, il y a quelques jours à peine, du projet de loi 19 qui, à plusieurs points de vue, nous paraît rompre sérieusement avec cette politique. Du moins, c'est ce que la lecture des premiers chapitres nous laisse croire.

L'article 1 du présent projet de loi définit les organismes publics visés. Nous comprenons que les universités en font partie puisque plus de la moitié de leurs dépenses de fonctionnement proviennent de crédits apparaissant aux prévisions budgétaires déposées à l'Assemblée nationale. Par la suite, évidemment, un certain nombre de clauses de la section II du chapitre II les visent directement.

D'une façon générale, nous n'avons guère d'objection à l'article 7 du projet de loi qui définit les fonctions du ministre de la Science et de la Technologie, sauf que nous constatons l'absence d'une définition à tout le moins indicative du domaine couvert par l'appellation science et technologie. Cette question pourrait se révéler importante lorsqu'on examine les pouvoirs du ministre et le rôle de la Fondation pour le développement de la science et de la technologie.

Par contre, l'article 8, qui définit les pouvoirs du ministre, nous paraît rempli d'ambiguïtés ou de précédents très sérieux qui risquent de perturber gravement les relations entre l'Etat et les universités. L'alinéa 6 permet au ministre de présenter au gouvernement ses recommandations sur les budgets des organismes publics, sur leur plan de développement, lorsqu'ils concernent le domaine de la science et de la technologie. Les universités étant des organismes publics au sens de cette loi, faut-il comprendre qu'elles devront dorénavant présenter leur budget et leur plan de développement? Si oui, en vertu de quelle loi ou de quel règlement? Il semble que rien, dans les lois actuelles, ne les oblige à le faire. Et pour quoi faire, sinon pour les amener à orienter leurs activités dans le sens des priorités du développement scientifique et technologique? C'est là une question d'autant plus importante que le ministre de l'Éducation ne dispose pas, du moins explicitement, de pouvoirs aussi étendus. Il y a là, on en conviendra, une première brèche importante dans la tradition d'autonomie reconnue aux universités et un danger grave, dans la mesure où les priorités gouvernementales ne sont ni toujours très stables, ni toujours très bien établies, ni même suffisamment englobantes, surtout si on entend le terme science et technologie dans un sens un peu restrictif. Jusqu'à maintenant, l'État avait toujours reconnu aux universités le soin de porter elles-mêmes les jugements qui s'imposent et d'adapter leurs activités aux besoins de la société. Rien n'indique qu'elles se soient si mal acquittées de leurs fonctions qu'il faille tout à coup les soumettre à des règles différentes. Il y a là, en tout cas, une question à discuter en profondeur qu'il serait tout à fait contre-indiqué d'examiner de façon incidente et rapide.

Mais il y a plus grave encore, dans la mesure où cet alinéa ouvre la porte à un examen du fonctionnement intime des universités à partir d'un point de vue partiel qui n'a pas à prendre en considération la mission complète de l'organisme.

Actuellement, il revient au ministre de l'Éducation, de par sa loi, de promouvoir l'éducation, d'assister la jeunesse dans la préparation et l'orientation de son avenir et d'assurer le développement des institutions d'enseignement. Le présent projet de loi ouvre la porte à des examens d'une autre nature fondés, cette fois, sur les activités universitaires pour le domaine de la science et de la technologie. Le Conseil des universités est très inquiet des répercussions de ce type d'examen, surtout qu'il touche des questions aussi importantes que les budgets et les plans de développement. Il craint fort que les secteurs d'activités éloignés du domaine de la science et de la technologie ou des priorités gouvernementales ne subissent des préjudices graves, dont notre société entière pourrait souffrir.

Le conseil est tout à fait d'accord avec le gouvernement pour qu'il indique ses priorités aux universités, qu'il les sensibilise à ses attentes, qu'il utilise même, lorsque nécessaire, des incitations particulières. La question n'est pas de défendre l'autonomie universitaire dans son sens le plus strict ou le plus éloigné; loin de là, mais le conseil estime que les moyens évoqués à l'alinéa 6 de l'article 8 sont mauvais et témoignent d'un certain manque de confiance, vis-à-vis des organismes publics et de leurs dirigeants, que ceux-ci sont loin de mériter.

L'alinéa 7 du même article est ambigu dans la mesure où on ne sait pas très bien quel sens il faut attribuer à l'expression "organismes publics qui en dépendent", mais je pense que vous avez précisé cela et que, maintenant, vous pourrez en tenir compte.

Enfin, l'alinéa 14 de l'article 8 nous paraît inutilement explicite et ouvre la porte

à une avalanche de demandes lorsqu'il est dit que le ministre de la Science et de la Technologie peut obtenir des organismes publics tout renseignement disponible concernant leurs programmes, leurs projets et leurs besoins en matière de recherche et de technologie. Soit dit en passant, la plupart de ces choses existent déjà au ministère de l'Éducation et on se demande pourquoi il faudrait conférer ce nouveau type de pouvoir à un ministre différent. (21 heures)

On l'aura compris, l'article 8 de ce projet de loi affecte profondément la dynamique des relations entre l'État et les universités. Les articles 6 et 7 en particulier ouvrent la porte à une attitude beaucoup plus directive et interventionniste du gouvernement. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il s'agit là d'une question de fond qui n'a pas fait l'objet de débats appropriés. Il serait anormal et dangereux qu'elle soit abordée rapidement par le biais d'un projet de loi qui n'affecte qu'indirectement le ministre de l'Éducation, pourtant le principal responsable des relations entre le gouvernement et les universités. C'est pourquoi le Conseil des universités prie instamment le gouvernement d'exclure les universités de la définition d'organismes publics proposée à l'article 1 du projet de loi ou, à tout le moins, de les exclure formellement des organismes visés par les alinéas 6, 7 et 14 de l'article 8, qui nous paraissent les alinéas clés, ceux qui font les problèmes les plus sérieux.

Nous voudrions maintenant aborder brièvement le chapitre IV du projet de loi et plus particulièrement vous faire part des interrogations que suscite parmi nous la mécanique complexe régissant le fonctionnement de la Fondation pour le développement de la science et de la technologie et des fonds de soutien à la recherche, et des rapports entre eux.

Les articles 50, 51 et 52 indiquent que la fondation peut solliciter et recevoir des dons, legs et subventions et autres contributions, qu'elle est soumise aux directives du ministre de la Science et de la Technologie, qui, en outre, approuve, avec ou sans modification, le plan de répartition des revenus de la fondation entre les trois fonds, y compris les conditions relatives à l'utilisation par un fonds des sommes que la fondation lui octroie. La fondation paraît donc avoir pour fonction principale d'alimenter les fonds suivant des modes qui sont étroitement surveillés et contrôlés par le ministre de la Science et de la Technologie. Soit dit en passant, il y a une particularité dans la chose de la fondation: la fondation n'a pas à déposer ses règlements de régie interne, si j'ai bien compris, alors que les fonds doivent le faire.

Les articles 83 et 84, par ailleurs, laissent entendre qu'un fonds peut aussi recevoir des contributions financières d'autres sources gouvernementales et qu'il est soumis aux directives du ministre responsable auquel il doit soumettre son plan d'activité, sauf en ce qui concerne les crédits provenant de la fondation. Ici, cependant, c'est le gouvernement qui approuve le plan et le ministre de la Science et de la Technologie doit être consulté.

Les fonds paraissent donc essentiellement des gestionnaires de programmes d'aide à la recherche. Leur degré d'autonomie sera restreint d'autant plus que rien ne paraît limiter l'objet des directives que peuvent donner les ministres responsables à la différence des directives données à la fondation qui doivent porter sur ses objectifs et ses orientations. Il y a là un point à clarifier ou à préciser. Ce point paraît d'autant plus important que nous croyons que plusieurs des interrogations qui ont été évoquées cet après-midi n'apparaîtraient pas si l'objet de l'article 83 ou des directives était précisé. Cela paraît très important en particulier pour garantir, à tout le moins, l'autonomie du processus même de distribution des subventions.

En choisissant un mode de fonctionnement aussi étroitement surveillé, le gouvernement a certes été très sensible à la nécessité de coordonner ses actions en recherche, mais, ce faisant, il paraît avoir été plus préoccupé des mécanismes à mettre au point, des arbitrages à prévoir que de la réaction des chercheurs et des institutions elles-mêmes. On est fort loin du modèle des organismes subventionnaires fédéraux, qui, pourtant, jouissent du respect des chercheurs sans pour autant négliger de déterminer des priorités de recherche et de poser des actions directives.

Le bon fonctionnement du système de recherche unisersitaire repose, en dernière analyse, sur des choix des institutions et des chercheurs eux-mêmes. Pour influencer ces choix, le gouvernement se doit de gagner la confiance des chercheurs par une très grande transparence des processus, sans doute, mais aussi par la qualité et la stabilité de ses orientations. En ce sens, la multiplication des contrôles et des directives ne paraît guère rassurante, puisque de telles directives, qui peuvent modifier significativement le fonctionnement et même l'orientation des fonds, peuvent être émises en tout temps. Un mode de fonctionnement basé sur des examens annuels ou, mieux encore, pluriannuels serait certainement préférable.

Le Conseil des universités s'interroge sur le rôle exact de la fondation, particulièrement en ce qui concerne les sommes que l'État pourrait mettre à sa disposition. L'article 50, en effet, ne paraît pas exclure que la fondation puisse recevoir des subventions gouvernementales. Faut-il

comprendre dès lors que le gouvernement pourrait confier à la fondation la totalité ou presque des sommes qu'il destine aux fonds -cette question a été, je pense, évoquée cet après-midi. Si tel devait être le cas, les contrôles ou directives des ministères sectoriels deviendraient inopérants, les sommes d'argent transitant par la fondation étant soumises au seul contrôle du ministre de la Science et de la Technologie. Il y a là, en tout cas, une possibilité qui ne manque pas d'inquiéter le conseil dans la mesure où les fonctions du ministre de la Science et de la Technologie pourraient l'amener à orienter l'essentiel du soutien financier gouvernemental à la recherche en fonction des seules priorités du domaine de la science et de la technologie. Le Conseil des universités a maintes fois rappelé le lien très étroit qui doit exister entre enseignement et recherche universitaire et les responsabilités particulières du ministre de l'Éducation, dans le soutien à la recherche libre qui constitue un élément important d'un enseignement de qualité. Aussi ne peut-il rester indifférent à la perspective de voir le ministère de la Science et de la Technologie exercer un contrôle trop étroit sur des mécanismes d'aide à la recherche universitaire.

En conclusion, le projet de loi 19 qui nous est proposé soulève des problèmes très sérieux en ce qui concerne les rapports entre l'État et les universités. De tels problèmes méritent plus qu'un débat de quelques heures.

Il y a d'abord la question de l'étendue des responsabilités du ministre de la Science et de la Technologie, particulièrement en matière de formation et de recherche. Certains articles du projet de loi parlent du domaine de la science et de la technologie, laissant entendre par là qu'il est limité, que certaines activités en font partie à l'exclusion d'autres. Mais, ces limites sont loin d'être claires, à tel point que d'autres articles, particulièrement dans le chapitre IV qui traite des fondations, des fonds, paraissent indiquer que les responsabilités du ministre couvrent l'ensemble des activités de recherche. On comprend mal en particulier en quoi les responsabilités du ministre de la Science et de la Technologie à l'égard de la recherche universitaire ou collégiale différeront de celles du ministre de l'Éducation.

Cette question prend d'autant plus d'acuité que le rôle même du ministre de la Science et de la Technologie est loin d'être clair. À certains moments, il paraît devoir agir plutôt comme coordonnateur. À d'autres, par contre, ses actions se font plutôt interventionnistes. Il n'y a rien là d'extraordinaire, ou d'imprévu, sauf lorsque ces interventions chevauchent les responsabilités d'autres intervenants. Ce pourrait être le cas en matière de recherche et de formation universitaire, par exemple, et le conseil craint que ce projet de loi ne soumette les universités à une double juridiction avec les conflits et les problèmes que cela pourrait poser.

Enfin, le projet de loi soulève la question très générale du rôle de l'université dans le développement scientifique et technologique. Personne ne contestera le rôle fondamental que peut et doit avoir l'université dans le développement scientifique et technologique du pays. Mais sa mission est plus large et englobe des aspects qu'il serait difficile de ranger dans le domaine des sciences et de la technologie. Le développement artistique, certaines formations professionnelles, les lettres sont autant d'exemples. L'université a ses fins propres qui ne se confondent pas avec celles du développement scientifique et technologique. Elle doit donc prendre part aux efforts de développement scientifique et technologique de notre société, mais il serait regrettable que sa mission leur soit subordonnée.

Je terminerai en disant que nous appuyons, bien sûr, les objectifs généraux de la loi et la nécessité de mieux coordonner la recherche et les efforts gouvernementaux en matière de science et de technologie. Le conseil ne veut pas mener un combat d'arrière-garde sur l'autonomie des universités ou sur l'autonomie des fonds, mais il y a des normes et des limites que ce projet ne paraît pas respecter.

Le Président (M. Paré): Merci beaucoup pour la présentation de votre mémoire. Nous allons maintenant passer à des questions relativement à cette présentation. La parole est à vous, M. le ministre.

M. Paquette: Merci, M. le Président. Je remercie M. le président du Conseil des universités du Québec de son mémoire très clair qui nous indique exactement là ou le bât blesse. Je pense que cela se conjugue à deux autres mémoires qui nous ont été présentés. Je constate qu'il y a peut-être une dizaine d'articles qui font problème ou qui posent certaines ambiguïtés qu'il s'agit de clarifier sur la base, justement, des principes que vous avez énoncés. Je suis d'accord que l'université a ses fins propres qui ne se confondent pas avec celles du développement scientifique et technologique. Par ailleurs, vous soulignez vous-même le rôle fondamental que peut et doit jouer l'université dans le développement scientifique et technologique du pays. Et voilà pourquoi nous pensons que, plutôt que d'exclure les universités de la définition d'organisme public et de faire comme si les universités n'étaient pas cet intervenant primordial, il faut parler des universités dans une loi de la science et de la technologie.

Cela me paraît bien évident. Cependant, je pense que plutôt que d'aller dans le sens d'exclure les universités de la loi, justement à cause de leur importance dans la recherche scientifique et le développement technologique, il faut tenter de baliser ce projet de loi de façon que personne n'ait l'impression que les responsabilités du ministre de la Science et de la Technologie viennent en contradiction, par exemple, avec celles du ministre de l'Éducation ou en contradiction avec des principes importants comme ceux de l'autonomie universitaire.

À ce sujet, je vais commencer en vous posant une question relativement à ce qui se trouve au centre de la page 6 de votre mémoire. Vous dites que le gouvernement paraît avoir été plus préoccupé des mécanismes à mettre au point et des arbitrages à prévoir que de la réaction des chercheurs et des institutions elles-mêmes. Je pense que vous avez raison. Cela explique pourquoi certains articles peuvent vous paraître inutilement précis dans le projet de loi, dans des modalités de fonctionnement.

Nous sommes partis de la constatation suivante: Quand il n'y a rien dans les lois quant aux responsabilités relatives des divers ministères dans un domaine complexe comme celui-ci, les interrelations et les interventions se font de toute façon. Peut-être vaut-il mieux clarifier que laisser chaque année les ministères ou les organismes impliqués penser qu'ils ont tel rôle et l'année suivante qu'ils ont tel autre rôle. Je pense que face aux intervenants, particulièrement dans le milieu universitaire, vous avez raison de souligner qu'il y a un besoin de stabilité et de clarté face au gouvernement, dans leurs relations avec le gouvernement.

Vous dites que le gouvernement se doit de gagner la confiance des chercheurs par une très grande transparence des processus. C'est précisément notre objectif. C'est pourquoi nous nous sommes dit: Appelons cela des directives ou autrement, comme vous le dites, le gouvernement a non seulement le droit, mais le devoir de faire connaître les orientations - les gens l'ont élu pour cela, faire connaître ses orientations -particulièrement lorsqu'il s'agit de distribuer des fonds publics et de les orienter vers les équipes de recherches.

Est-ce que cela doit se faire comme maintenant ou ne vaut-il pas mieux dire que, justement, par un souci de transparence, ses directives ou, si on veut, ses orientations ou ses priorités, doivent être soumises à un processus clair, déposé à l'Assemblée nationale de façon justement à éviter que les intervenants gouvernementaux ne puissent, à l'abri des regards du public, dans les relations qui existent normalement à l'intérieur de l'appareil gouvernemental, aller parfois trop loin? C'est un moyen de contrôle important que le dépôt des directives à l'Assemblée nationale. Dans le fond, c'est cela l'option que nous avons. Nous pouvons en dire beaucoup moins dans le projet de loi. Cela va se faire de façon peut-être anarchique à certains moments. Nous pouvons cependant prendre l'autre option et dire: Nous allons tenter - sans alourdir inutilement le processus, c'est un autre objectif important - d'assurer justement une transparence, une visibilité. Lorsque le gouvernement pose des gestes, il me semble que cela doit se savoir et que cela doit être déposé et débattu à l'Assemblée nationale autant pour la fondation, les fonds que pour les autres organismes. Comment vous situez-vous dans cette possibilité, en quelque sorte?

M. L'Écuyer: La question qui est soulevée à la page 6 est effectivement celle des nombreuses péripéties ou, si vous voulez, des nombreux détours auxquels sont soumis les directives, les plans, les approbations par le ministre; parfois, c'est en consultation, finalement c'est par le gouvernement, ensuite c'est déposé. Tout cela est évidemment très beau. Soit dit en passant, il n'est pas question de contester la transparence du processus; je m'aperçois qu'il y a une virgule de trop après "processus", qui change peut-être un peu le sens. Nous sommes tout à fait sensibles au fait que cette façon de procéder permet de donner une plus grande transparence au processus.

Ce que nous disons par ailleurs, c'est un peu la réflexion qui était celle du Fonds FCAC cet après-midi, c'est que tous ces processus visent à rassurer les ministères concernés, le gouvernement, enfin, tout le monde à l'intérieur. Par contre, ils entraînent une certaine lourdeur de l'appareil administratif qui se traduit très souvent -ayant administré certains de ces fonds ou de ces programmes au Conseil des universités pendant des années - par des délais qui, évidemment, indisposent très sérieusement les chercheurs qui ne savent plus exactement ce qui se passe et ce qui ne se passe pas. C'est le premier point. (21 h 15)

La question du dépôt des directives comme telle. Nous n'avons pas sur ce plan-là d'opinion très négative. Ce que vous dites, je pense, est très juste, il y a des directives qui vont se donner en tout temps. Le problème, c'est que le fait de déposer les directives, cela ne veut pas dire qu'il ne s'en donnera pas non plus autrement. Il n'y a rien dans les lois qui va garantir qu'il n'y aura pas des interventions du type de celles qu'on a mentionnées, du Conseil du trésor ou autrement, qui peuvent, évidemment, constituer des directives déguisées. Cela existe toujours. Ce qui nous paraissait important en ce qui nous concerne au conseil, c'est que le gouvernement fasse

connaître ses orientations, cela est très clair, mais qu'il le fasse dans des occasions très précises. Cela peut être une discussion d'un plan triennal ou quelque chose comme cela. Là, à ce moment, il y a dépôt d'un plan, il y a une discussion qui est publique même et il y a une approbation éventuellement; cela constitue, dans une certaine mesure, un engagement du gouvernement, je pense, à respecter ce plan. Qu'il y ait des directives, à ce moment, qu'il y ait le dépôt d'un plan triennal, cela me paraît, personnellement, tout à fait raisonnable.

La question ne se pose pas, me semble-t-il, dans ces termes. Ce qui est un peu inquiétant dans la loi, c'est qu'on ne sait pas quand seront les directives, on ne sait pas sur quoi vont porter les directives. Elles peuvent intervenir à n'importe quel temps. Elles peuvent concerner à peu près n'importe quoi et, à la rigueur, on peut imaginer les directives de toute espèce. Cela nous paraissait nettement exagéré.

M. Paquette: Simple petite remarque: Vous ajoutez qu'en plus des directives qui seraient prévues dans la loi, on pourrait en donner d'autres aux fonds. Effectivement, mais si c'est prévu dans la loi, un fonds serait autorisé à dire: Donnez-les-moi officiellement sous forme de directive et vous aurez à les déposer à l'Assemblée nationale, s'il lui semble que les directives se font tatillonnes et commencent à entrer dans la liberté dont doivent jouir les fonds, quant à l'attribution des sommes qui leur sont confiées. Il y a aussi cet élément qui peut être positif. C'est une question qu'il faut approfondir très certainement.

J'en arrive à l'autre remarque. Vous avez mentionné que contrairement aux fonds, dans le cas de la fondation, on n'avait pas les mêmes dispositions face au dépôt des directives. Au contraire, c'est prévu dans le projet de loi. Les règlements de régie interne aussi à l'article 51 doivent également être approuvés par le gouvernement, tout comme les règlements de régie interne des fondations. On a essayé d'avoir une approche tout à fait symétrique. D'ailleurs, dans un autre article, quand la fondation veut distribuer ses sommes entre les fonds, elle doit requérir l'accord du ministre responsable du fonds de façon que les sommes qui pourraient être trop importantes - je ne pense pas que ce sera un problème au début... mais qu'on ne puisse pas avoir des exigences face aux fonds qui viendraient bouleverser les priorités.

M. L'Écuyer: Ce à quoi je faisais référence, c'était à l'article 57 qui ne prévoit pas de dépôt des règles de régie interne.

M. Paquette: Ah bon! C'est prévu à l'article 51. Enfin. Dernière question. J'en arrive aux pouvoirs du ministre qui vous semblent entrer en contradiction avec l'autonomie universitaire. J'aimerais qu'on en parle brièvement parce qu'on l'a déjà fait avec d'autres intervenants. Vous mentionnez plus particulièrement à l'article 8 les alinéas 6, 7 et 14. Je pense qu'on peut exclure l'alinéa 7 parce que vous êtes d'accord avec nous sur l'intention de l'article. Il s'agit de s'assurer qu'il n'y ait pas d'ambiguïté.

M. L'Écuyer: D'accord.

M. Paquette: II s'adresse uniquement aux ministères et organismes qui en dépendent, plus précisément, qui sont sous tutelle d'un ministre, dans le cadre d'une loi. On pense aux sociétés d'État et à un certain nombre d'organismes. Restent donc les alinéas 6 et 14, en particulier. À l'alinéa 6, on parle de présenter au gouvernement ses recommandations sur les budgets des organismes publics, leur plan de développement, de même que les directives qui leur sont adressées. Je pense que, dans le cas des universités, la question des directives ne s'applique pas puisqu'il n'y a pas de directive qui leur est adressée, ni par le ministre de l'Éducation ni par aucun autre ministre. Le projet de loi ne change pas cet état de fait non plus. Restent donc les budgets et les plans de développement.

Vous nous posez un certain nombre de questions, au bas de la page 2 et en haut de la page 3. Vous dites: Faut-il comprendre qu'elles devront dorénavant présenter leur budget et leur plan de développement? Je lis l'alinéa: "...présenter au gouvernement ses recommandations..." Cela ne veut pas dire, à mon avis, que le ministre peut exiger des universités les budgets et les plans de développement. Cela signifie que, lorsqu'il est question, par exemple, des budgets des universités, le ministre de la Science et de la Technologie est intéressé. Il n'est" pas intéressé par contre à voir les budgets des universités décroître parce que 25% de ces budgets, considère-t-on généralement, servent à la part des salaires et des autres dépenses que le corps professoral accorde généralement à la recherche.

Cet article est conçu dans une perspective d'ensemble. On a 660 000 000 $ de dépenses scientifiques et technologiques au gouvernement du Québec. Il y en a à peu près 200 000 000 $ qui transigent par le biais des frais généraux des universités, la part des salaires des chercheurs dont je viens de parler. Il y a une autre partie qui est formée des dépenses internes des ministères, cela nous intéresse plus particulièrement, parce qu'on pense que les dépenses des ministères - en regardant les chiffres, qu'on compile chaque année d'ailleurs - sont

insuffisantes en termes de contrats de recherche donnés aux équipes universitaires. Je pense que c'est une pratique qui devrait s'installer de plus en plus pour assurer les liens. Et, également - il y avait environ 200 000 000 $ de ce côté - il y a un autre montant de 200 000 000 $ dans les sociétés d'État, les organismes publics, dont les fonds subventionnables, dont le Centre de recherche industrielle du Québec.

Je pense que le rôle d'un ministre de la Science et de la Technologie n'est pas d'entrer dans le détail des budgets des divers organismes, mais d'avoir le moyen, dans une politique d'ensemble qui doit être établie et qui devra faire l'objet d'un débat public - on n'en est pas encore là - lorsque ces sujets viennent à la table du Conseil des ministres, à l'occasion de sujets particuliers, de dire: Voici, nous avons une politique scientifique et technologique. Nous voulons privilégier certaines orientations des fonds publics et je vous présente - je présente au Conseil des ministres - mes recommandations.

Je ne sais pas si vous avez une idée de la façon dont on pourrait modifier cet alinéa. C'est peut-être trop tôt pour vous le demander. Si cet alinéa donne l'impression qu'on veut exiger des universités qu'elles nous présentent leurs budgets et leurs plans de développement, ce n'est pas du tout notre intention. Je ne sais pas quels sont les mots qui, dans l'alinéa, vous font penser que cela pourrait être fait.

M. L'Écuyer: J'avais bien compris - et c'est pour cela que je posais la question comme cela - qu'il n'y a pas de règlement, qu'il n'y a pas de loi à l'heure actuelle qui oblige les universités à présenter leurs budgets et leurs plans de développement, mais il pourrait y en avoir. Le ministre de l'Éducation, par exemple, pourrait demander aux universités de présenter leurs plans de développement. Il y en a dans une certaine mesure, quand on regarde, par exemple, les plans de développement quinquennaux sur les investissements. Il faut être extrêmement prudent dans la rédaction de cette loi parce que, dès que ces plans sont demandés, on peut présumer - ce n'est peut-être pas votre intention" - que quelqu'un pourrait, un ministre, un futur ministre de la Science et de la Technologie, les requérir, faire ce genre d'intervention qui nous paraîtrait, comme je le disais, assez dangereuse. Si vraiment ce qui intéresse le ministre, c'est de discuter du budget des universités dans le cadre des budgets généraux du ministère de l'Éducation, peut-être qu'il y a moyen de rédiger cela de cette façon, mais, en tout cas, il faudrait être assez prudent.

D'autre part, c'est une question qui est très délicate. Même au niveau des relations entre le ministère de l'Éducation, le Conseil des universités et les universités elles- mêmes, il y a certains types de renseignements que les universités sont certainement disposées à nous transmettre, mais je pense qu'elles seraient - on a vu la réaction d'ailleurs ce matin - extrêmement réticentes à le faire si elles savaient que ces choses-là vont servir dans ce cadre-là.

M. Paquette: C'est peut-être la conjonction de l'alinéa 6 et de l'alinéa 14 qui vous a donné cette impression.

M. L'Écuyer: Certainement, oui.

M. Paquette: D'accord. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paré): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Je vous remercie de votre mémoire. J'ai deux questions à vous poser. D'abord, vous avez suggéré que le gouvernement devrait exclure les universités de la définition des organismes publics. Il y a d'autres groupes qui ont, aujourd'hui, suggéré un statut particulier pour les universités dans cette loi. Avez-vous une suggestion précise à nous faire, à savoir comment on pourrait améliorer cette loi pour qu'elle reflète clairement...? Je constate qu'il y a, dans nos discussions aujourd'hui, une carence entre la bonne foi, les déclarations du ministre, ses intentions et ce qu'il y a de concret dans les termes de la loi. C'est pratiquement ce qui n'est pas ici qui constitue le problème.

Avez-vous des suggestions précises? Si l'on exclut carrément les universités, est-ce qu'on va aussi exclure les fonds qui sont liés par le pouvoir de subventions aux universités? Suggérez-vous qu'on exclue tout ce qui touche les universités, directement ou indirectement? Avez-vous une solution ou un compromis à suggérer?

M. L'Écuyer: Écoutez, sur la question de l'exclusion, l'attitude que nous avons l'habitude de prendre au conseil, c'est de bien considérer que les universités sont des organismes publics à bien des points de vue. Elles répondent à des obligations publiques et elles ont des comptes à rendre à la société en général. Si nous avons parlé d'exclure les universités, c'est vraiment parce qu'il y a des problèmes très particuliers soulevés par le projet de loi et dû au fait que ces problèmes nous paraissaient de nature suffisamment fondamentale pour susciter un débat d'importance. Donc, l'une des possibilités dans notre esprit est que cette exclusion soit faite jusqu'à ce qu'un débat plus approfondi ait lieu pour clarifier cette question.

Je comprends qu'on n'aime pas être obligé de retravailler à un projet de loi

quelque temps plus tard et peut-être que la solution qui serait la plus adéquate - celle que nous suggérerions - serait celle qui est indiquée dans notre texte, c'est-à-dire d'exclure nommément les universités de l'article 8, alinéas 6, 7 et 14. Il me semble que, si l'on enlevait cela, on toucherait probablement à l'essentiel des problèmes.

Les autres alinéas sont beaucoup plus vagues. Ils prêtent beaucoup moins, à mon avis, à des interprétations malheureuses que ceux-là. Ceux-là nous paraissent de loin les plus précis.

À l'alinéa 6, on vient d'en discuter. À l'alinéa 7, je pense que le ministre est disposé à le faire. L'alinéa là...

Les autres, cela dépend peut-être des interprétations qu'on fait mais, quant à nous, plusieurs des alinéas qui figurent là ne nous paraissent pas aussi litigieux que les autres.

Mme Dougherty: L'alinéa 11 ne vous inquiète pas?

(21 h 30)

M. L'Écuyer: L'alinéa 11 pourrait évidemment être litigieux mais cela dépend beaucoup de l'interprétation qu'on en fait. Je dois vous dire que sur ce point - je ne suis pas moi-même juriste - certaines des personnes que nous avons consultées semblent indiquer que veiller... Pour autant qu'on n'a pas de pouvoirs particuliers reliés à l'état de veille qu'on applique, c'est moins dangereux.

Évidemment, il y a un danger là dans la mesure où il faut toujours faire attention à ce que politiques et pratiques de formation et de perfectionnement... Ce qui est embêtant, lorsque cette responsabilité est confiée à un ministre de la Science et de la Technologie, c'est qu'il y a toujours le danger qu'on ne veille qu'aux aspects qui sont prioritaires ou à ceux qui font problème, et que cela se fasse au détriment d'autres. On pense que, de toute façon, cela reste important que le ministre de la Science et de la Technologie ait une certaine responsabilité là-dedans - par exemple, en ce qui a trait à la main-d'oeuvre scientifique et technologique - mais la chose normale à faire, c'est que, lorsqu'il y a des directives ou des programmes à mettre sur pied, il le fasse par le biais du ministre de l'Éducation, tout comme lorsqu'il y aura des questions relatives à l'immigration, que cela se fasse par le biais du ministre de l'Immigration.

On dit qu'il fera des recommandations -d'ailleurs, je pense que c'est le sens - aux ministres concernés. C'est pour cela que, dans un sens, cela ne nous paraissait pas un alinéa aussi litigieux. Il ne s'agit pas d'aller faire des recommandations directement aux universités. On peut présumer que le ministre de l'Éducation, qui a une mission plus large par rapport aux universités que le ministre de la Science et de la Technologie, recevra ces recommandations et les intégrera dans un schéma plus général. C'est la raison pour laquelle cela nous paraissait un alinéa moins litigieux que les précédents.

Mme Dougherty: Merci. J'aurais une autre question qui concerne votre rôle comme Conseil des universités par rapport au Conseil de la science et de la technologie, actuellement le Conseil de la politique scientifique. Je ne sais pas si vous voyez certains chevauchements, à l'heure actuelle, entre votre rôle et le rôle d'autres conseils. Mais j'aimerais vous demander si, à l'avenir, si ce projet de loi était adopté, vous voyez un problème ou une nouvelle définition de votre rôle par rapport à l'autre conseil. Est-ce que cela présente un problème? Est-ce qu'il y aura des conflits de mandats ou des chevauchements de mandats qui vous donneraient des problèmes?

M. L'Écuyer: Cela pourrait certainement se produire. Donner des problèmes, c'est une chose, mais il peut y avoir des chevauchements de mandats. Jusqu'à maintenant, le président du Conseil des universités était un membre associé au Conseil de la politique scientifique. Avec le nouveau conseil, cette catégorie de membre disparaît. Il me paraît souhaitable qu'il y ait certains types d'échanges et de relations de façon à éviter ce genre de chose.

Il est clair que certains des articles du projet de loi qui définissent les fonctions et les pouvoirs du conseil peuvent très bien être interprétés sur une base assez large. Ce sont des articles, d'ailleurs, assez larges: "...donner au ministre des avis ou lui faire des recommandations sur toute question relative au développement scientifique et technologique...", cela peut vouloir dire des problèmes de formation de main-d'oeuvre, de recyclage, de programme. Il peut y avoir des choses comme cela. Évidemment, c'est une possibilité. Je pense que l'idéal est d'avoir un type de relation qui permette d'éviter le genre de chevauchement que vous suggérez. Mais, dans la mesure où la loi du conseil est définie de façon assez large, il est clair que cela peut se produire.

Mme Dougherty: Merci, je crois que mon collègue...

Le Président (M. Paré): Oui, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Oui, j'aurais une question pour compléter la discussion qui a eu lieu avec vous. À partir de la page 5 de votre mémoire, vous faites part de vos interrogations concernant la Fondation pour le développement de la science et de la technologie. Je pense que les inquiétudes que vous exprimez dans les passages qui suivent ont déjà été exprimées plus tôt dans la

journée et que cela ne donnera pas grand-chose d'y revenir maintenant. Mais je vous poserais la question brutalement: Est-ce que cette fondation vous apparaît comme un rouage essentiel? Est-ce que vous lui voyez un rôle assez important pour qu'on en fasse l'objet d'une création?

M. L'Écuyer: Je dirais que j'ai certainement des réserves là-dessus. Je pense que l'interrogation principale qui nous inquiète apparaît dans l'espèce de vase communicant qui existe entre la fondation et les fonds. Évidemment, on dit, à l'heure actuelle, que ce sera une espèce de Centraide. J'ai une confiance très modeste que la fondation deviendra un Centraide dans la mesure où je ne crois pas - je pense que le ministre l'a dit ce matin - qu'on aille chercher là des fonds substantiels. Mais elle pourrait s'enrichir de fonds en provenance du milieu gouvernemental et cela pourrait se faire aux dépens des autres fonds. On sait que lorsque, par exemple, on a parlé des fonds fiscaux provenant de la fiscalité, le fait demeure, et cela, c'est une inquiétude -en ce qui me concerne, moi, en tout cas -que ces fonds-là peuvent devenir, à un moment donné, assez importants. Et je m'imaginerais assez facilement que les ministres sectoriels pourraient avoir de fortes difficultés à défendre, auprès du Conseil du trésor, par exemple, le besoin d'ajouter des sommes supplémentaires directement au fonds. Donc, dans une certaine mesure, à ce moment-là, il pourrait se produire tout naturellement, et pas nécessairement parce qu'il y a de mauvaises intentions, cette espèce de transferts des choses. Moi, je trouverais cela un peu regrettable, parce qu'il me semble que les problèmes fondamentaux qui se posent et qui se reposent encore à ce moment-là, c'est que le ministre de la Science et de la Technologie n'a pas, vis-à-vis de la recherche universitaire, tout comme vis-à-vis du reste du fonctionnement à l'université, les mêmes responsabilités que le ministre de l'Éducation. Je comprends très bien que le ministre de la Science et de la Technologie soit pressé d'orienter ses subventions par des problèmes de développement scientifique et technique du Québec. Le ministre de l'Éducation, dans notre esprit, a une responsabilité plus large de soutien à la recherche dans les domaines les plus divers du fonctionnement des universités, parce que la recherche universitaire est un élément essentiel du bon fonctionnement de l'université.

M. Raquette: Si vous me permettez... M. Ryan: Oui.

M. Paquette: ...juste une dernière question là-dessus: Est-ce qu'on devra en conclure - et je ne vous demande même pas de répondre à cette question - que, puisqu'à Ottawa le CRSNG relève du ministre d'État à la Science et à la Technologie, vous souhaiteriez que ces fonds passent dans le budget du ministre de l'Éducation du Québec?

Le Président (M. Paré): M. le député d'Argenteuil, vous aviez une autre question?

M. Ryan: Je voulais demander à M. L'Écuyer... Nous avons entendu des choses cet après-midi au sujet du fonctionnement des fonds de recherche, d'aide à la recherche existante, en particulier au sujet du Fonds FCAC. D'après ce qu'on nous a dit - on a entendu quelques réserves ce soir, mais qui étaient de caractère plutôt limité - c'est ce fonds-là qui est le plus important. L'autre également, le fonds d'aide à la recherche dans les matières reliées à la santé, fonctionnerait très bien, serait doté d'un statut qui est convenable. Est-ce que vous souscrivez à cette opinion générale qui a été exprimée aujourd'hui, M. L'Ecuyer?

M. L'Écuyer: Je pense qu'on peut assez facilement souscrire à cette opinion. Peut-être que Mme Kuerido, qui est présidente de la commission de la recherche et qui suit de plus près les activités, pourrait répondre à cette question-là.

Mme Kuerido (Christiane): Oui. Je pense qu'on a...

M. Ryan: Excusez-moi. Je voudrais ajouter un complément à la question. Est-ce que vous voyez des améliorations en matière d'agencement, entre tous ces organismes qui existent, qui seraient désirables?

Mme Kuerido: Oui. Peut-être pour citer un exemple: Hier, je tenais un atelier sur le biomédical où il y avait justement des chercheurs en biomédical qui ont été amenés à juger de la complémentarité et du bon fonctionnement des organismes du fonds de la santé. Le milieu scientifique biomédical semble très satisfait du mode de fonctionnement et, je dirais, du caractère de complémentarité que joue cet organisme avec les autres organismes et grandes fondations. Dans le secteur biomédical, il n'y a pas simplement les organismes fédéraux, mais aussi toutes ces grandes fondations sur la recherche. Cela fait un système complémentaire.

Pour le Fonds FCAC, je pense qu'on a eu beaucoup de témoignages. Il y a aussi, je pense, du côté de la communauté scientifique québécoise un degré de satisfaction assez grand sur le mode de fonctionnement de cet organisme. Cet organisme a une mission beaucoup plus large que celle du fonds de la

santé. Il y a là, en termes de complémentarité et d'ajustement, des problèmes plus particuliers, mais je crois que l'organisme travaille - comme on l'a dit -s'est grandement amélioré au cours des ans et est beaucoup plus sensible, avec ses capacités d'analyse de la situation, à jouer ce rôle un peu plus complémentaire.

M. Ryan: Je voudrais souligner, en terminant, M. le Président, que j'ai beaucoup apprécié le mémoire du Conseil des universités du Québec de même que certains travaux que vous avez faits récemment, en particulier le rapport sur le financement extérieur, le financement même des sources externes de la recherche dans les universités. Je pense que c'est un travail très valable qui nous a apporté des éléments d'orientation fort importants. Ce document-ci est bref, concis, sobre, mais en même temps très ferme sur certains points de fond.

Le Président (M. Paré): Merci. Je vous inviterais à conclure, M. le ministre.

M. Paquette: M. le Président, j'aimerais remercier les représentants du Conseil des universités du Québec pour leur mémoire qui identifie très bien les problèmes qui ont été soulevés par la communauté universitaire face à ce projet de loi. Je pense que ce mémoire en particulier nous aidera à bonifier le projet de loi.

En guise de conclusion à cette commission parlementaire, je dois vous dire que je retiens de nos travaux de la journée un accord, je pense, sur les principes généraux de ce projet de loi et en même temps certains désaccords sur certaines des modalités du projet de loi. Par conséquent, il est toujours difficile de prévoir si un projet de loi va faire consensus ou non, mais je pense que, dans ses grandes orientations, ce projet de loi peut faire consensus. Certaines modalités devront être réexaminées. Nous allons le faire avec célérité. Si jamais les membres du conseil avaient des suggestions additionnelles à nous faire parvenir dans les jours qui viennent, nous sommes toujours à leur disposition de même qu'à celle des autres intervenants qui se sont présentés à cette commission.

Le Président (M. Paré): Merci. Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: J'aimerais aussi vous remercier de vos commentaires surtout parce que je crois que nous avons entendu ici... C'est évident qu'il y a consensus quant à l'objectif, mais les craintes et les réserves que vous avez exprimées sont largement partagées et représentent des craintes bien fondées. Il y a des changements substantiels qui s'imposent pour que l'objectif que tout le monde partage soit réalisé d'une façon positive et productive. (21 h 45)

En terminant, M. le Président, j'ai quelques commentaires à faire. D'abord, nous sommes très heureux d'avoir eu l'occasion d'entendre les mémoires que nous avons entendus aujourd'hui. Je regrette profondément l'absence de quelques représentants, par exemple, l'École polytechnique qui aurait, je crois, une opinion importante à exprimer sur ce projet de loi. Aussi, le secteur hospitalier n'était pas représenté précisément. J'ai l'impression qu'il est dans le même bateau que les universités par rapport à ce projet et peut-être qu'on pourrait solliciter le point de vue de quelques hôpitaux. Je crois que leur point de vue est très important. Possiblement, comme ils sont dans un domaine un peu différent, comme leurs recherches sont un mélange de recherche pure et clinique, qu'ils auraient une autre dimension à ajouter au débat.

J'ai aussi noté avec plaisir la présence du président du Conseil de la politique scientifique. Je crois qu'il a passé toute la journée comme observateur. Je suis sûre qu'il a des choses à dire. J'aimerais suggérer que vous lui demandiez un conseil.

M. Paquette: M. le Président, c'est déjà fait.

Mme Dougherty: Non, mais je crois que, peut-être, il a des conclusions à tirer de ces travaux. C'est évident que l'opinion du président du Conseil de la politique scientifique est très importante. C'est une contribution privilégiée et on doit l'inviter pour ajouter des conseils privilégiés à ce débat.

En terminant, M. le Président, j'aimerais dire que nous avons compilé ici quelques principes qui nous semblent très importants. Je vais les lire. Compte tenu des objectifs d'excellence de la recherche, ce qui implique liberté de la recherche - ce n'est pas très littéraire car cela a été fait un peu à la dernière minute - compte tenu des remarques que nous avons entendues aujourd'hui, il nous semble que ce projet de loi présente des faiblesses majeures et a besoin d'améliorations substantielles. En particulier, nous tenons à préciser au ministre que le projet de loi devrait être amélioré dans le sens suivant. Nous avons huit principes:

Premièrement, le pouvoir de directives du ministre devrait être précisé. En particulier celui-ci devrait respecter les attributions des différents ministres responsables. De notre point de vue, le ministre de la Science et de la Technologie doit jouer un rôle de leadership majeur dans le développement de la recherche et non pas un rôle de contrôle ou de gestion de la

recherche.

Deuxièmement, il nous apparaît que les grandes subventionnables - nous parlerons du Fonds FCAC et du FRSQ - fonctionnent bien actuellement et qu'il y a lieu de préserver leur autonomie. On pourrait, à titre d'exemple, s'inspirer du fonctionnement des fonds fédéraux.

Troisièmement, la structure de la fondation nous apparaît lourde. On se pose des questions sur sa pertinence. Il y aurait lieu d'alléger toute la structure et, en particulier, si une telle fondation existe, elle ne devrait pas avoir le pouvoir de solliciter les fonds du public.

Quatrièmement, l'agencement des fonds entre les ministères responsables, la fondation et les fonds doit être précisé.

Cinquièmement, il faudrait préciser une place spécifique pour les universités et les hôpitaux dans le projet, place qui garantirait l'autonomie de celles-ci.

Sixièmement, il faut assurer une représentation spécifique des chercheurs universitaires au Conseil de la science et de la technologie.

Septièmement, il faut préciser les champs d'activité, l'agencement qu'il y a avec la SDI et le CIIM, par exemple.

Huitièmement, il faut préciser le sens des mots "science et technologie". Nous aimerions y voir le sens le plus large possible. Entre parenthèses, nous avons noté, dans un des avant-projets que nous avons eus, qu'il y avait des définitions de la science et de la technologie. J'aimerais qu'on essaie de préciser, parce que cela pourrait être une source de conflits, une source d'incertitude dans le projet.

Nous soumettons ces points au ministre pour l'aider à améliorer le projet de loi avant la seconde lecture, de façon à accélérer le processus d'adoption de ce projet de loi important pour sauvegarder l'excellence, gage de développement du Québec. Merci, M. le Président.

M. Paquette: Simplement deux mots pour conclure. Je remercie ma collègue de l'Opposition, Mme la députée de Jacques-Cartier, d'avoir fait l'effort d'identifier en peu de temps les points que nous avions nous-mêmes notés, que nous allons examiner attentivement toute cette fin de semaine. Les fonctionnaires qui m'entourent sont conscrits pour examiner tous ces éléments. Vous allez comprendre que je ne peux, bien sûr, me prononcer sur ces divers points. Il faudra consulter, notamment, le comité de législation, mes collègues du Conseil des ministres, puisqu'il s'agit d'une loi organique. Ce n'est pas une loi qui concerne uniquement le ministre de la Science et de la Technologie. D'autres collègues sont impliqués, ont des responsabilités importantes dans ce projet de loi.

J'aimerais simplement remercier les membres de la commission du climat extrêmement positif dans lequel cette commission s'est déroulée, un peu comme je le souhaitais, à l'abri des débats partisans. Je pense qu'on est dans des partis politiques différents et qu'on a parfois des vues différentes sur la société qui s'expriment à travers des projets de loi précis comme celui-là. Tout au long de cette commission, cela s'est fait à l'abri des batailles partisanes qui, trop souvent, existent dans nos débats, qui sont presque inévitables. Je pense que le sujet l'exigeait, l'importance du développement scientifique et technologique pour l'avenir du Québec l'exigeait. Je remercie tous les membres de cette commission, et vous particulièrement, M. le Président, pour le climat très positif dans lequel les travaux se sont déroulés.

M. Ryan: M. le Président, juste un mot pour terminer sur une note un peu plus légère. C'est vrai qu'il n'y a pas eu beaucoup de partisanerie aujourd'hui. J'ai remarqué que le ministre était le seul député du côté gouvernemental qui ait parlé.

Le Président (M. Paré): À mon tour, en terminant, j'aimerais remercier les membres du Conseil des universités du Québec de leur patience, d'avoir accepté de demeurer jusqu'à 22 heures pour répondre à nos questions.

J'inviterais le rapporteur à faire rapport à l'Assemblée nationale dans les plus brefs délais. La commission ayant rempli le mandat qui lui était confié, les travaux de la commission sont ajournés sine die.

(Fin de la séance à 21 h 55)

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