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Version finale

30th Legislature, 2nd Session
(March 14, 1974 au December 28, 1974)

Tuesday, June 4, 1974 - Vol. 15 N° 79

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère des Affaires intergouvernementales


Journal des débats

 

Commission permanente de la présidence du conseil,

de la constitution et des affaires intergouvernementales

Etude des crédits du ministère des Affaires intergouvernementales

Séance du mardi 4 juin 1974

(Seize heures trente minutes)

M. PICARD (président de la commission permanente de la présidence du conseil, de la constitution et des affaires intergouvernementales): A l'ordre, messieurs!

La commission de la présidence du conseil, de la constitution et des affaires intergouvernementales commence cet après-midi l'étude des crédits des Affaires intergouvernementales. M. Tardif (Anjou) remplace l'honorable premier ministre; M. Léger (Lafontaine) remplace M. Charron (Saint-Jacques). J'aimerais suggérer le nom de M. Brown (Brome-Missisquoi) comme rapporteur. Est-ce que cette suggestion est agréée?

M. MORIN: Adopté. M. le Président, est-ce que nous pourrions demander au ministre de nous présenter ses principaux adjoints?

M. LEVESQUE: Je vais demander à mon sous-ministre de faire cette présentation.

M. MORIN: Pourquoi? Vous ne les connaissez pas?

M. LEVESQUE: Je les connais très bien, mais il les connaît encore plus, avec leur titre exact. Je voudrais avoir le plus d'exactitude possible dans la réponse faite au chef de l'Opposition, d'autant plus qu'il y a un groupe assez important de gens du ministère ici, et j'aimerais bien que la présentation se fasse le mieux possible.

M. LEGER: Sans erreur.

M. LEVESQUE: Sans aucune erreur. Delega-tus non potest delegare.

Nous sommes assez nombreux, comme vous l'avez souligné. J'espère que je n'oublierai personne. Si, par hasard, un du groupe était oublié, je lui demanderais de faire signe et de s'identifier.

En commençant tout simplement par l'ordre hiérarchique, si on peut dire, M. Brière, sous-ministre adjoint; M. Arsenault, sous-ministre adjoint à l'administration; M. Dufour, directeur général des relations internationales; M. Lebrun, directeur général des affaires fédérales-provinciales; M. Gourdeau, directeur adjoint à la coopération. Je continue tout simplement: M. Guérin, le directeur du service de la comptabilité; M. Diamant, coordonnateur de l'équipe de la capitale nationale; M. Saillant, administrateur à la coopération; M. Coulombe, qui est également à l'administration; M. Primeau, qui est à l'administration des maisons du Québec; M. Gros d'Aillon, directeur du service de l'information; M. Morin, qui est dans l'équipe des relations fédérales-provinciales; M. Vallée, qui est au groupe des organisations internationales, à la direction des relations internationales; M. Beau-mont, qui est à la coopération; M. Trudel, responsable du module des affaires sociales, à la direction des relations fédérales-provinciales; M. Poisson, responsable des affaires économiques à la coopération; M. Paquet, qui est également à la coopération; M. Dumas, qui est au groupe de la documentation et de la recherche; M. Gagné, M. Veilleux et Mme Fradette.

A l'extrême gauche, maintenant, vous avez M. Alfred Tremblay, qui est à l'administration générale du ministère, ainsi que M. Simon, qui fait lui aussi partie de l'équipe de l'administration générale.

M. MORIN: M. le Président, quand le sous-ministre parle du coordonnateur à la capitale nationale, j'ai tenu pour acquis qu'il parlait de Québec, n'est-ce pas?

M. LEVESQUE: Vous connaissez la CCN?

LE PRESIDENT (M. Picard): Je cède maintenant la parole à l'honorable ministre, s'il a des commentaires à caractère général à faire.

M. MORIN: M. le Président, avant que le ministre ne débute, est-ce qu'il existe un organigramme du ministère que nous pourrions avoir sous les yeux? Est-ce que c'est possible?

M. LEVESQUE: Celui-ci est maintenant périmé, mais il peut servir encore. Il ne faut pas se fier à celui-ci, c'est une ancienne édition qui est périmée.

M. MORIN: Et le grand format?

M. LEVESQUE: C'est plus à jour, mais encore il y a des changements en cours.

M. MORIN: Merci.

LE PRESIDENT (M. Picard): L'honorable ministre.

Remarques préliminaires

M. LEVESQUE: M. le Président, les prévisions de dépenses, que j'ai l'honneur de soumettre à votre examen aujourd'hui, reflètent avec une netteté assez remarquable la vigueur du ministère des Affaires intergouvernementales et témoignent, je le crois du moins, avec éloquence de la cohérence des actions posées depuis trois ans en vue d'en faire un instrument plus

efficace de coordination des relations intergouvernementales.

Ces actions se sont articulées, jusqu'à maintenant, en deux étapes. D'abord, une méthode de travail a été mise au point qui a permis de dresser un inventaire des relations intergouvernementales. Mis à jour chaque année, cet état des relations du Québec avec l'extérieur permet le maintient d'un véritable tableau d'ensemble des dossiers. C'est là une toile de fond essentielle à l'action de coordination d'un ministère comme le nôtre. Ainsi, nous étions en mesure d'assumer véritablement le rôle de conseil qui nous est imparti. La mise sur pied, dès l'automne 1971, d'un comité de coordination des relations intergouvernementales au palier des fonctionnaires, qu'on appelle le CCRI, et en 1972, d'un comité ministériel des relations intergouvernementales, qu'on appelle CIDA, a visé à réaliser précisément ce rôle.

Une fois la méthode au point, les dossiers réunis et les institutions en place, il fallait évidemment, en un deuxième temps, procéder au recrutement d'un personnel professionnel et de cadre de qualité.

C'est ce que nous nous sommes attachés à faire l'an dernier et que nous compléterons, à toutes fins utiles, dans les prochains mois.

L'apprentissage de l'important personnel nouveau que nous avons recruté est grandement facilité par la mise en oeuvre du processus type de préparation des conférences et réunions intergouvernementales dont j'ai fait état l'an dernier lors de la présentation des crédits.

A ce moment-là, j'avais comme interlocuteur de l'Opposition, du Parti québécois, le député de Bourget.

M. MORIN: Je crois que c'était plutôt le député de Gouin, M. Joron.

M. LEVESQUE: L'an dernier, en l'absence du député de Bourget; mais l'année précédente, c'était le député de Bourget.

M. MORIN: C'est juste.

M. LEVESQUE: Je m'attends bien que le député de Sauvé, cette année, s'intéresse particulièrement aux Affaires intergouvernementales parce qu'il touche là, peut-être, un de ses sujets de prédilection.

Les nouveaux venus — et là je ne parle pas du député de Sauvé, je parle des nouveaux venus au ministère — trouvent, en effet, dans ce dossier type, un cadre de travail précis, leur permettant de profiter rapidement de l'expérience toujours difficile de la coordination interministérielle. Aujourd'hui, nous en sommes donc presque au terme du processus de mise en place d'un véritable ministère des Affaires intergouvernementales.

Une dernière étape reste à franchir que nous nous proposerons de faire au cours de 1974. C'est l'étape de la révision de la loi organique du ministère. Cette démarche, vous vous en souviendrez sans doute, a été annoncée lors du discours inaugural de la présente session de la 30e Législature, dans les termes suivants: "De l'expérience acquise, de la sienne propre comme de celle des autres gouvernements du Canada, le gouvernement du Québec a tiré la conclusion qu'il devait franchir une nouvelle étape dans l'adaptation constante des mécanismes de coordination des relations intergouvernementales. Dans cette perspective, le gouvernement proposera à cette Assemblée des modifications substantielles à la Loi du ministère des Affaires intergouvernementales destinées à intégrer dans une même loi organique des responsabilités actuellement exercées sous l'empire de plusieurs lois et à fournir au ministre concerné les moyens nécessaires à l'efficacité de son action".

L'esprit selon lequel ce projet de loi est élaboré est le même qui nous a animés dans le cheminement suivi jusqu'ici, celui d'un ministère de service. Notre approche, comme je l'ai déjà indiqué, n'en est pas une de pouvoir. Toute notre action, jusqu'ici, a visé à mettre à la disposition de l'ensemble du gouvernement des services compétents de coordination, de même qu'une expertise de qualité dans certains domaines propres au ministère. En vérité, le rôle que nous avons joué, jusqu'ici, a reposé surtout sur la qualité du service que nous étions en mesure de rendre. Il faut donc voir le projet de loi que vous serez appelés à étudier dans cette même perspective. Il visera d'abord et avant tout à préciser le rôle du ministère actuellement décrit en termes que l'expérience nous permet maintenant de juger trop généraux, pour déterminer de façon satisfaisante notre action.

Cette précision de l'objet de notre loi organique nous paraît s'imposer dans l'intérêt du service qui est requis de nous et que nous estimons maintenant être en mesure de rendre de façon satisfaisante. Il faut y voir le principal des moyens nécessaires à l'efficacité de notre action que le discours inaugural annonce.

C'est dans le même esprit que seront soumises les mesures ayant pour effet d'intégrer certaines responsabilités actuellement exercées sous l'empire d'autres lois.

Les crédits de $10,505,200 que je vous propose aujourd'hui de voter représentent, par rapport à ceux de l'an dernier, une augmentation budgétaire nette de 27 p.c. Si l'on fait abstraction des déductions qui sont entièrement liées à l'élément Coopération internationale du programme des Affaires internationales, les prévisions de dépenses réelles s'élèvent à $11,479,800, soit une augmentation budgétaire brute de 25 p.c. en regard du budget de l'an dernier. Plus de la moitié de cette augmentation' de $2,335,800 ira en salaires, ce qui ne saurait étonner, compte tenu de la nature de notre ministère.

Ces dépenses accrues sont prévues en raison des ajustements à faire pour le personnel en place, d'une part, et en raison de l'accroissement de notre effectif, d'autre part.

L'on aura noté, à cet égard, que le nombre de postes, que nous vous demandons d'autoriser, s'élève cette année à 310. L'augmentation, tout en étant moins radicale que celle de l'an dernier, demeure significative pour un ministère comme le nôtre, si l'on tient compte des difficultés de recrutement et des exigences de l'apprentissage du personnel nouveau.

Le bassin des candidats que le concours AD-1537 nous avait permis de constituer à la fin de 1972 est maintenant épuisé et des démarches ont déjà été entreprises pour l'organisation d'un second concours d'envergure, grâce auquel nous comptons pouvoir combler la totalité des 310 postes autorisés au cours de la présente année financière.

Présentement, 249 personnes sont en poste, 23 à la direction générale des relations fédérales-provinciales, 124 à la direction générale des relations internationales, 36 à la direction générale de la coopération internationale et 66 à la direction supérieure du ministère et dans les services généraux.

Le recrutement du personnel d'adjoints aux cadres et de professionnels requis pour combler les postes vacants peut maintenant être mis en route avec d'autant plus d'à-propos que les cadres supérieurs du ministère ont, en très grande partie, été désignés et sont en poste.

En effet, il m'est agréable de vous faire part de trois nominations importantes au niveau du personnel de direction du ministère, qui sont intervenues depuis janvier dernier: un sous-ministre adjoint à l'administration a d'abord été désigné pour assumer la responsabilité de la direction générale de l'administration qui regroupe l'ensemble des services généraux du ministère, soit les services de l'administration, ceux du personnel, ceux de l'information et ceux de la documentation; d'autre part, un directeur général des relations fédérales-provinciales et interprovinciales a été récemment nommé, qui verra en priorité à compléter le recrutement du personnel de cette direction; enfin, un nouveau responsable de la direction générale des relations internationales a été désigné. Ainsi, seule la direction générale de la coopération internationale demeure, pour l'instant, sans titulaire; la tâche est cependant assumée, par suppléance, par un sous-ministre adjoint.

A ces nominations, nous pourrions ajouter un très grand nombre de nouvelles affectations au palier des services ou des responsables de groupes de travail; mais, je me contenterai de souligner que l'essentiel est de retenir que l'équipe des cadres du ministère a maintenant acquis la consistance qui nous autorise à procéder à un recrutement sérieux et méthodique selon l'esprit qui anime notre travail depuis déjà quelques années.

Comme cela était le cas l'an dernier, nos activités, pour les fins de l'étude des crédits, sont regroupées en trois programmes dont deux sont opérationnels: les Affaires fédérales-; provinciales et interprovinciales et les Affaires internationales; un troisième programme, Gestion interne et soutien, comprend l'ensemble des activités des services généraux.

Tout d'abord, les Affaires fédérales-provinciales et interprovinciales. Au premier programme correspondent les activités de la direction générale des relations fédérales-provinciales et interprovinciales. Pour l'essentiel, les crédits qui y apparaissent consistent en des dépenses de traitements, sauf pour le volet de la coopération interprovinciale, élément 2, où des sommes ont été prévues pour la mise en oeuvre de programmes d'échanges avec d'autres provinces. Le rôle principal joué par cette direction générale en est un de coordination des relations fédérales-provinciales en fonction d'orientations de travail définies par le gouvernement.

Dans l'exercice de cette tâche, la direction est parfois appelée à prendre charge, de façon supplétive, de responsabilités sectorielles, mais ce ne sont là que des cas d'exception. Notre méthode de travail vise, au contraire, à susciter la maîtrise d'oeuvre sectorielle des dossiers des relations fédérales-provinciales. Ce mandat de coordination signifie, en clair, que la direction générale doit veiller à ce que les relations fédérales-provinciales se conforment à certaines orientations de travail préétablies. Elle doit, en outre, s'assurer que toute démarche significative au plan des relations fédérales-provinciales soit préalablement autorisée par le centre de décision approprié.

Pour la présente année, les orientations de travail de la direction ont été explicitées dans le discours inaugural du 14 mars dernier. Elles s'articulent autour de deux thèmes majeurs: la souveraineté culturelle et le développement économique.

Au titre de la culture, trois dossiers apparaissent majeurs: les arts et les lettres, l'immigration et les communications. Il vous a été donné de discuter de chacune de ces questions lors de l'examen des crédits des trois ministères concernés. Je me contenterai de les évoquer très brièvement.

La question du financement des arts et des lettres, comme vous le savez, fait depuis longtemps l'objet de discussions fédérales-provinciales. Il s'agit de savoir qui, du gouvernement fédéral ou du gouvernement du Québec, doit avoir le droit prépondérant d'intervention sur le territoire du Québec en matière de culture au sens strict. La thèse québécoise à cet égard est connue. Celle du pouvoir de dépenser fédéral l'est également.

Plutôt que de laisser aux tribunaux ou aux aléas d'une éventuelle réforme constitutionnelle le règlement de cette question, nous avons choisi de tenter d'en arriver, avec le gouvernement fédéral, à une entente visant à canaliser ses interventions sur le territoire. Nous travaillons présentement, de concert avec le ministère des Affaires culturelles, à la mise au point d'un mécanisme nouveau qui sera proposé dans les prochains mois au gouvernement fédéral.

Quant à l'immigration, le ministre responsa-

ble a indiqué récemment que le Québec a entrepris de négocier avec le gouvernement fédéral des ententes permettant une information adéquate des candidats, d'attribuer au Québec un pouvoir réel de sélection et de recrutement et d'assurer une intégration harmonieuse des immigrants à la société québécoise.

Ces négociations sont en cours et nous y contribuons dans la mesure de nos moyens.

Enfin, le dossier des communications constitue le troisième élément de cette orientation de travail. Comme vous le savez, depuis novembre 1973, l'ensemble du secteur des communications fait l'objet d'une négociation entre le fédéral et les provinces, en vue d'en arriver à un nouveau partage des responsabilités entre les deux ordres de gouvernement.

La position du Québec, dans ce domaine, a été exposée dans deux documents. Le premier: "Pour une politique québécoise des communications" — c'était le livre vert publié en 1971 — et ensuite, "Québec, maître d'oeuvre de la politique des communications sur son territoire"; ce document était daté de novembre 1973.

Le discours inaugural indique que le gouvernement attache la plus grande importance à ces négociations.

Il ajoute que, tout en reconnaissant au gouvernement fédéral, un rôle dans le domaine des communications, le Québec entend toutefois disposer des centres de décision dont il a besoin pour sa sécurité et sa souveraineté culturelle.

En vue de ces négociations fédérales-provinciales, quelques rencontres interprovinciales ont eu lieu, tant au palier ministériel qu'à celui des fonctionnaires, afin d'arrêter les positions des provinces. Au plan fédéral-provincial, une première ronde de négociations s'est tenue en novembre dernier et a permis aux gouvernements d'exposer leur position respective et de préciser l'objet de la négociation. Une deuxième rencontre fédérale-provinciale des ministres des Communications doit se tenir au cours des prochaines semaines. Dans l'intervalle, le fédéral a amorcé des discussions bilatérales avec les provinces qui, de leur côté, tiennent des rencontres interprovinciales en vue de la prochaine conférence fédérale-provinciale.

D'autre part, le développement économique demeure un objectif majeur de l'action du gouvernement. Cette préoccupation se traduit, au plan des relations fédérales-provinciales, par la mise en relief de certains dossiers reliés à des projets majeurs de développement.

Le discours inaugural en énumère quelques-uns qui devront recevoir une attention particulière: le développement de la région de la baie James, le secteur de la pétrochimie et de la sidérurgie, le projet de transbordement, distribution, fabrication, soit le projet TDM à l'aéroport Mirabel, ainsi que l'usine d'eau lourde.

De plus, certaines questions d'importance, comme la consultation des provinces dans le cadre des négociations du GATT et le problème de l'inflation dans le domaine de l'alimentation, prennent évidemment l'importance que la conjoncture leur confère.

Plusieurs de ces dossiers et de nombreux autres font déjà l'objet de négociations fédérales-provinciales. J'en évoquerai deux en particulier, à la grande satisfaction de l'Opposition, celui du pétrole et celui de l'entente-cadre de développement dont l'importance est manifeste et qui ont déjà donné lieu à des conclusions extrêmement positives.

En ce qui concerne le pétrole, comme vous le savez, les événements de l'automne dernier sur la scène internationale, embargo pétrolier, révision des prix par l'OPEP, ont précipité le processus d'établissement d'une politique canadienne en matière de commerce interprovincial et international du pétrole. Le schéma de détermination des prix du pétrole s'en est trouvé d'autant plus bouleversé au Canada.

Alors qu'auparavant le pétrole brut de l'Ouest était relativement plus cher que le pétrole importé et approvisionnait les provinces à l'ouest de la vallée de l'Outaouais, en janvier 1974, le pétrole brut importé, à cause des fortes augmentations de prix décrétées par les pays producteurs, devenait beaucoup plus dispendieux que le pétrole canadien.

Suite à la conférence des premiers ministres sur l'énergie, les 22 et 23 janvier 1974 et à une réunion à huis clos tenue à Ottawa le 27 mars dernier, les onze gouvernements canadiens se sont entendus pour adopter un prix unique au Canada de $6.50 le baril, frais de transport exclus.

Le gouvernement fédéral doit, selon la même entente, subventionner les régions importatrices, Québec et Atlantique, pour la différence entre le prix canadien et le prix international. Il est prévu que ces subventions seront de l'ordre de $700 millions pour l'année en cours et, pour financer ces subventions, le fédéral puisera à même les revenus de la taxe à l'exportation perçue depuis le 1er octobre 1973. Pour l'année en cours, on prévoit que ces revenus — et il est bon de le souligner encore une fois — seront de l'ordre de $1 milliard à la suite de l'accord sur le pétrole et, en plus, le Québec recevra des revenus additionnels et cela au titre de la péréquation. En effet, les revenus accrus de 1'Alberta, résultant de l'augmentation des redevances versées par les producteurs de pétrole, se traduiront au Québec par une augmentation de plusieurs millions de dollars quant aux sommes versées à ce titre.

Je me permets de vous souligner que, dans l'ensemble des discussions qui ont conduit à ce résultat positif pour le Québec et l'Est du pays, le ministère des Affaires intergouvernementales a joué de premier plan et cela, évidemment, en relation étroite avec le ministère des Richesses naturelles.

Par ailleurs, l'entente-cadre Canada-Québec sur le développement économique, signée le 15 mars 1974, traduit une approche nouvelle dans

le domaine des relations fédérales-provinciales. Cette entente vise à donner aux programmes québécois et fédéraux de développement une orientation conçue â partir d'une stratégie commune et articulée autour de projets moteurs de développement. Valide pour une durée de dix ans, cette entente a notamment pour objet de renforcer la structure industrielle et urbaine du Québec, de susciter une participation accrue des Québécois à leur propre développement et de favoriser un meilleur équilibre dans le développement du Québec par rapport aux autres régions du Canada.

Cette entente-cadre permet la signature d'ententes auxiliaires portant sur des projets moteurs de développement. Il est prévu qu'environ $3 milliards seront dépensés au Québec au cours des dix prochaines années en vertu de ces ententes auxiliaires.

Une première entente de ce type, sur le développement de SIDBEC, a été signée en même temps que l'entente-cadre.

A ce moment-ci, je me permets d'intercaler que, lors de l'étude des crédits du Conseil exécutif, lorsque nous aborderons les crédits de l'Office de planification et de développement du Québec, je pourrai, peut-être, m'étendre davantage sur ce sujet et tenter, encore une fois, de corriger une impression injuste et inexacte qui a pu se glisser dans certains milieux voulant que cette entente Canada-Québec comportait partiellement un abandon du développement régional. Je vous ferai part, et cela dans les termes les plus clairs dont je suis capable, que les ententes auxiliaires touchant des projets moteurs de développement peuvent se concrétiser dans l'une ou l'autre des régions de la province et qu'en second lieu, le gouvernement du Québec a adopté une politique nouvelle et additionnelle, quant au développement régional proprement dit, en constituant, à partir du 1er avril 1975, un fonds de développement régional purement québécois et qui répondra, je l'espère bien, aux aspirations très légitimes de chacune des régions du Québec.

Pour revenir à l'entente-cadre proprement dite, et pour revenir également au succès remporté lors des négociations dans le domaine du pétrole, je dois dire que c'est là un résultat très positif de la stratégie de concertation avec le gouvernement fédéral que la direction générale des affaires fédérales-provinciales et interprovinciales a pour mission de mettre en oeuvre. Son action en ses matières a essentiellement pour but de permettre d'optimiser les actions de développement significatives pour la collectivité québécoise dans le respect de la constitution.

Le respect de la constitution ne signifie pas cependant que le Québec limite son intérêt aux sujets que l'Acte de l'Amérique du Nord britannique...

M. MORIN: "British North American Act" plutôt, en l'absence de version française officielle.

M. LEVESQUE: BNA Act, hein? ... attribue expressément aux Etats membres de l'acte de la fédération. Bien que de compétence fédérale exclusive, plusieurs interventions fédérales sur le territoire québécois doivent intéresser le gouvernement du Québec parce qu'elles sont importantes pour le peuple québécois.

En termes plus académiques, cette notion d'intérêt à l'égard de ce qui est primordial pour la collectivité s'exprime par le principe de la participation qui constitue, avec celui de la décentralisation, un des deux éléments moteurs d'un Etat fédéral. Nos droits constitutionnels, comme vous le savez, se limitent à la mise en oeuvre du principe de la décentralisation. Nulle disposition constitutionnelle ne concerne la participation des Etats membres à des décisions prises au sein d'un organisme véritablement fédéral. A défaut de l'appui du droit positif, il nous faut donc, en ces matières, créer un usage. C'est ce que nous nous attachons à faire au moyen de multiples interventions auprès du gouvernement fédéral, même dans les domaines de sa propre compétence. Telles sont les orientations majeures de travail de la direction générale en matière de relations fédérales-provinciales.

En ce qui concerne les relations interprovinciales, on aura noté que, dans la poursuite du travail amorcé l'an dernier en vue de développer un axe interprovincial de coopération, les dépenses prévues pour la présente année financière s'élèvent à $101,000, soit plus du double de celles de l'an dernier. La répartition de cette somme a été faite de manière à amorcer l'élargissement des actions de coopération jusqu'ici à peu près limitées, dans les faits, à l'Ontario. On pourra peut-être se poser la question sur la somme elle-même qui peut paraître minime, mais il faut bien comprendre que, dans cette coopération, il y a un facteur dont il faut tenir compte, c'est celui des transports. A ce moment-là, les faits sont beaucoup moindres que ceux qui sont impliqués dans la coopération Québec-Europe ou Québec-Afrique, etc.

Par ailleurs, et là, nous arrivons aux affaires internationales proprement dites, le deuxième programme du ministère, celui des affaires internationales, comprend les activités de deux directions générales.

Celle des relations internationales, élément 1, et celle de la coopération internationale, élément 2.

D'abord les relations internationales. En ce qui concerne ces relations, je développerai, comme le prévoit l'organigramme du ministère, deux thèmes: Celui des maisons du Québec à l'extérieur, d'une part, et celui des organisations internationales, d'autre part.

Disons d'abord un mot des maisons du Québec. Comme je l'avais annoncé l'an passé, la maison du Québec à Tokyo a été mise en place. Nous avons également installé celle de Toronto dont les activités nous amèneront, à brève échéance, à redéfinir à la fois la vocation et la mission. Nous avions aussi projeté d'établir une

maison du Québec en Amérique latine. Les choses ont cependant évolué autrement et l'évolution, qui s'est ainsi produite dans nos projets pour l'Amérique latine, nous a amenés à des conclusions qui modifieront sensiblement la façon dont nous aborderons dans l'avenir la question de l'ouverture de nouvelles maisons du Québec à l'extérieur.

Il y a déjà un bon moment, des discussions entreprises avec l'ACDI, l'Agence canadienne de développement international, nous ont conduits à proposer à nos interlocuteurs une formule pour coordonner nos actions respectives dont nous avions fait, depuis 1970, l'expérience. L'expérience, à laquelle je réfère, est celle du programme Derro-Tetouan au Maroc, qui a été l'objet, en 1969, d'une entente entre l'ACDI et le Québec. Cette expérience nous a permis de mettre au point des modalités à la fois de concertation et de coordination dont nous avons constaté, de part et d'autre, qu'elle nous donne réciproquement satisfaction. Aussi avons-nous proposé d'appliquer cette formule à d'autres parties du monde. C'est ainsi que nous sommes en voie de mettre au point des accords analogues à celui du programme Derro-Tetouan pour plusieurs pays de l'Afrique et pour un pays de l'Amérique latine.

Compte tenu de cette évolution des choses, nous en sommes venus à la conclusion qu'au lieu de viser, dans l'immédiat, à l'implantation d'une maison du Québec en Amérique latine, comme nous en avions formulé le projet il y a quelque temps, il nous semble plus réaliste de commencer à mettre au point des projets de coopération en Amérique latine, que nous mettrions en oeuvre dans le cadre d'un accord avec l'ACDI, inspirés du modèle Derro-Tetouan. Je le souligne, le projet annoncé l'an passé d'une maison du Québec en Amérique latine n'est pas abandonné pour autant. Il s'agit plutôt de le réaliser dans de meilleures conditions et de le situer dans le prolongement d'actions concrètes dont il sera, en quelque sorte, l'aboutissement plutôt que le point de départ.

M. MORIN: Dans le cadre de l'ACDI...

M. LEVESQUE: Je vais revenir à la question de l'ACDI pour qu'on ne se méprenne pas là-dessus, parce qu'il s'agit là d'une approche qui nous semble beaucoup plus pratique, beaucoup plus pragmatique et qui a un effet multiplicateur sur les dollars que nous avons à notre disposition. Nous pouvons ainsi, tout en utilisant les fonds de l'ACDI, assurer notre présence dans beaucoup plus de projets et notre influence, également, dans beaucoup plus de projets.

M. MORIN: Grâce aux fonds de l'ACDI?

M. LEVESQUE: Nous n'avons pas d'objection à utiliser, en plus de nos fonds propres, les fonds de l'ACDI. Ils sont en fait le produit de taxes des contribuables québécois, comme ceux des autres citoyens canadiens. Nous avons l'intention d'être pleinement Canadiens et de profiter entièrement du fédéralisme dans lequel nous croyons.

M. le Président, désormais, nous verrons à engager d'abord des actions concrètes, si modestes soient-elles, dans les pays à propos desquels nous formulons l'hypothèse qu'ils pourraient être des lieux adéquats pour une présence institutionnelle du Québec. C'est à la lumière de telles actions concrètes que nous serons en mesure de prendre la décision toujours significative, au point de vue politique, de donner à la présence québécoise le cadre permanent d'unt maison.

Une telle approche n'était peut-être pas nécessaire ou essentielle à l'époque où on pouvait considérer que l'implantation d'une maison du Québec allait en quelque sorte de soi, dans un certain nombre de pays.

Il faut bien considérer et se rappeler qu'il n'était pas nécessaire peut-être d'agir de la même façon lorsqu'il s'agissait de s'établir en France, en Angleterre, en Belgique, en Italie ou aux Etats-Unis, etc. Nous en sommes cependant au point où de telles décisions doivent être mesurées avec soin.

La meilleure façon de procéder, d'après nous, à l'évaluation qui s'impose dans de telles circonstances, c'est précisément de mettre en oeuvre, dans un premier temps, des programmes d'action dont le résultat nous servira de critère pour les étapes ultérieures à franchir.

On comprendra également que nos moyens ne nous permettent pas et nos effectifs ne pourraient pas non plus répondre à de telles exigences. Nous ne pouvons pas songer par exemple, que nous pourrions être présents dans chacun des pays de l'Amérique latine, pas plus que dans tous les pays d'Afrique et dans tous les pays du monde.

Ce que nous voulons, c'est justement poser certains gestes et nous associer à des institutions comme l'ACDI, d'une part, comme l'Agence de coopération culturelle et technique des pays francophones, d'autre part, et, à l'intérieur de ces cadres, procéder à certaines actions et ainsi utiliser ces actions comme un sondage et voir jusqu'à quel point elles sont un préalable à l'établissement de maisons du Québec.

La présence du Québec à l'étranger, d'ailleurs, ne se manifeste pas exclusivement par le réseau des missions du Québec. Notre participation aux activités de certaines organisations internationales constitue une ouverture sur le monde qui est loin d'être négligeable.

Comme je le mentionnais il y a quelques instants, l'Agence de coopération culturelle et technique a pris pour nous une signification particulière, car elle constitue la seule organisation internationale dont le Québec, comme gouvernement, soit membre. A ce titre, nous participons à toutes les réunions de l'agence avec plein droit de parole.

Notre contribution à cette organisation, la quatrième en importance après celles de la

France, du Canada et de la Belgique, a été établie à 3 p.c. du budget total. Cette année, elle s'élèvera à près de $160,000. Il serait superflu de discourir plus longuement sur notre participation aux institutions de l'agence, tous savent l'importance que nous y attachons.

Nous avons l'intention de poursuivre, au cours de la présente année, la politique de présence mise en oeuvre depuis 1971.

A divers titres, des représentants du gouvernement du Québec sont souvent appelés, par ailleurs, à participer aux activités de certaines organisations internationales, comme l'OIT, J'UNESCO ou l'OCDE, par exemple. Certains hauts fonctionnaires y sont même parfois appelés à participer à titre personnel.

Dans le but de rentabiliser cette autre forme de présence du Québec au sein d'organismes internationaux, nous avons entrepris, auprès de plus de 25 ministères ou organismes du gouvernement, de dresser un inventaire complet des différentes relations qui existent entre fonctionnaires, ministères ou organismes et les organisations internationales.

Une fois terminé cet état des relations existantes, nous serons en mesure de proposer les modalités selon lesquelles, dans chacun des cas, il sera possible d'appliquer les deux principes qui guident notre action au sein d'instances internationales: identification du Québec et le droit de s'exprimer au nom du Québec sur les questions à l'égard desquelles, en droit interne, le Québec possède une compétence constitutionnelle.

Notons à cet égard que, grâce à l'expérience acquise depuis plusieurs années à l'OIT, nous avons déjà pu élaborer un document sur les conditions de la participation du Québec dans le cadre de délégations canadiennes aux réunions des instances de cette organisation internationale.

Ce document, qui a été rendu public, a été déposé en avril dernier à la conférence des sous-ministres du Travail du Canada.

Dans le cas des conférences internationales, dans le domaine de l'éducation, qui se tiennent sous les auspices de l'UNESCO et de l'OCDE, nous avons participé très activement et de façon déterminante à l'élaboration, par le conseil des ministres de l'Education du Canada, d'une position commune de l'ensemble des Etats membres de la fédération Canadienne à l'égard des conditions de la participation à ces manifestations.

Le processus est donc amorcé. Nous comptons être en mesure, au cours de la présente année, de permettre la définition, pour chacun des cas, des meilleurs modalités de la participation du Québec aux activités des organisations internationales de caractère gouvernemental.

Par ailleurs, nous poursuivrons, au cours de cette année, la mise en oeuvre de notre politique de subvention qui vise à soutenir des activités d'organismes internationaux de caractère non gouvernemental, ayant une significa- tion particulière pour le Québec et dont l'action est complémentaire de celle du gouvernement.

Il importe de souligner à ce sujet que nous avons décidé d'accorder cette année à l'AUPELF, Association des universités partiellement ou entièrement de langue française, en plus de sa subvention de fonctionnement, une subvention spéciale de $23,500 qui sera consacrée à un programme particulièrement important pour la francophonie, soit le regroupement dans tout le monde de tous les départements et centres universitaires d'études françaises.

Telles sont, pour l'essentiel, les orientations de travail de la direction générale des relations internationales pour la présente année.

Pour la coopération internationale, disons un mot maintenant des activités de cette direction qui sont regroupées au sein de l'élément 2 du programme des affaires internationales.

Ses activités consistent principalement dans l'élaboration et la mise en oeuvre de programmes d'échanges dans le cadre d'ententes conclues par le Québec avec des gouvernements étrangers ou d'ententes conclues par le Canada et auxquelles le Québec a accepté de participer.

Evidemment, les accords franco-québécois de 1964 et 1965, de loin les plus importants que le Québec ait conclus, recouvrent encore aujourd'hui le plus gros des activités de coopération internationale du Québec. En termes budgétaires, la programmation élaborée, en vertu de ces accords, représente, cette année, 54.7 p.c. de l'ensemble du budget des programmes de coopération. Ainsi qu'il appert au compte rendu des délibérations de la 17e session de la Commission permanente franco-québécoise qui s'est tenue à Paris les 29 et 30 mai dernier, les opérations prévues pour l'année en cours se déroulent normalement et on peut constater avec satisfaction une préoccupation de plus en plus grande de rigueur dans l'organisation des échanges.

Une attention particulière a été donnée à l'élaboration de programmes de coopération technique pour l'année en cours de manière à élargir davantage le champ des échanges traditionnellement limités au domaine de l'éducation et de la culture au sens strict.

C'est ainsi que, cette année, dans ce domaine de la coopération franco-québécoise, des secteurs comme ceux des affaires sociales, des richesses naturelles, de l'agriculture, de la justice et des terres et forêts feront l'objet d'échanges plus nombreux et mieux articulés.

D'autre part, nous comptons bien élaborer, en vue de la commission permanente décisionnelle de novembre, une programmation qui tiendra compte d'abord et avant tout de la préoccupation du gouvernement en matière linguistique. C'est l'ensemble des échanges franco-québécois qui doivent s'articuler autour de cette préoccupation et non pas seulement un ou deux programmes d'échanges de linguistes.

S'ils sont essentiels à long terme, ces échanges de spécialistes seront sans effet s'ils ne sont pas appuyés par un courant d'échanges de personnes concrètement situées dans des posi-

tions stratégiques du point de vue de la langue d'usage comme, par exemple, des professeurs de technologie, des magasiniers de grandes entreprises et ainsi de suite.

Sachant que nous pouvons compter, en matière de défense de la langue française, sur un appui substantiel de la France, nous projetons de proposer, lors de la 18e session de la commission permanente, une programmation qui privilégie cette approche.

Bien que de loin la plus importante, la coopération avec la France n'est toutefois pas exclusive, loin de là. Traduisant l'objectif de diversification, la programmation élaborée cette année prévoit des échanges avec plusieurs pays autres que la France.

Il est significatif de constater à ce sujet que l'importance relative des crédits affectés à la coopération franco-québécoise est passée successivement de 84.3 p.c. de l'ensemble des crédits de coopération en 1969/70 à 84 p.c. en 1970/71, à 75.2 p.c. en 1971/72 à 76.5 p.c. en 1972/73, à 68.9 p.c. en 1973/74 et, finalement, à 54.7 p.c. pour 1974/75. Mais j'ajoute immédiatement qu'il s'agit là d'une importance relative parce qu'on a remarqué, par les chiffres cités auparavant, que le budget de la coopération a augmenté considérablement et qu'en chiffres absolus, la proportion ne serait pas la même parce que ce que nous faisons présentement, c'est que nous sommes arrivés à ce rythme de croisière avec la coopération franco-québécoise, ce qui fait qu'en chiffres absolus, nous nous maintenons à peu près aux mêmes chiffres que ceux de l'an dernier. Mais nous avons utilisé l'augmentation de nos crédits justement pour avoir une action plus diversifiée à travers le monde.

Cette diversification assez radicale que nous comptons opérer cette année vise principalement à rentabiliser les missions permanentes que nous avons établies à l'étranger, d'une part, et à nous assurer d'une participation effective à certains accords conclus par le Canada dans le domaine de la coopération scientifique, technologique et industrielle. C'est ainsi que des programmes d'échange ont été élaborés pour la Belgique, l'Allemagne, l'Angleterre, l'Italie et les Etats-Unis, particulièrement dans les Etats de la Louisiane et ceux de la Nouvelle-Angleterre.

Outre cette diversification de nos actions de coopération, la programmation que nous projetons de réaliser cette année comporte une deuxième caractéristique non moins importante en ce qu'elle privilégie, dans le domaine de l'aide au développement, l'action multilatérale. En raison de la limite de nos ressources financières, il est évident que la coopération bilatérale avec les pays en voie de développement n'est pas aisément à notre portée. Sans exclure les actions modestes, mais significatives sur une base bilatérale, il nous a semblé plus rentable, en termes d'aide au développement, d'affecter nos ressources à des actions de caractère multilatéral. J'en reviens à préciser ce que je men- tionnais il y a quelques minutes. Deux voies d'action ont été retenues à cet égard, celle de l'Agence de coopération culturelle et technique, d'une part, et celle de la collaboration avec l'Agence canadienne de développement international, d'autre part.

J'ai déjà évoqué le mode de concertation mis au point avec l'ACDI. Je n'y reviendrai pas, à moins qu'il n'y ait des questions additionnelles. Quant à l'Agence de coopération, notre mode de collaboration à ses programmes de développement international est double. D'abord, à titre de membre de l'organisation, nous sommes appelés à contribuer de façon particulière à certains projets élaborés par les instances décisionnelles de l'agence comme, par exemple, l'hôtel de l'Amitié au Mali où le Québec assume la formation du personnel hôtelier. D'autre part, certaines actions québécoises dans des pays membres de l'agence sont mises au point en complémentarité avec des projets de l'agence. Un bon exemple de ce second volet de notre action d'aide au développement en liaison avec l'agence est celui du programme de coopération convenu en décembre 1973 entre le ministre de l'Education du Liban et le ministre de l'Education du Québec. Ce programme prévoit la collaboration d'experts québécois aux actions entreprises par le Liban, dans le domaine de l'utilisation des moyens audio-visuels, de l'intégration de l'enseignement technique dans le cadre de l'enseignement général, de la formation du personnel d'encadrement, de professeurs et de jardinières d'enfants pour les écoles normales. Or, la dernière conférence générale de l'agence, tenue à Liège, en octobre 1973, a décidé d'élaborer pour le Liban et un certain nombre d'autres pays, où le français serait en péril, un programme de formation de professeurs de français à être mis en oeuvre en 1975.

Je n'aimerais pas laisser ce sujet sans mentionner également un projet très important que nous faisons en accord avec l'agence, comme gouvernement participant à l'agence et en accord avec les autres pays membres de l'agence, mais particulièrement avec le Canada, sur le plan financier, c'est-à-dire la tenue du festival de la jeunesse qui aura lieu cet été à Québec même, dans la capitale.

Notre participation à cette activité de l'agence, nous la croyons fort importante et nous formulons tous les voeux de succès à ce festival qui réunira plusieurs pays et surtout cette jeunesse qui viendra se rencontrer dans nos murs.

Pour revenir à ces actions multilatérales, notons que le fait de les privilégier n'a pas pour effet de réduire, de quelque façon que ce soit, l'identification du Québec. Au contraire, dans le cas de l'agence, nos actions sont identifiées au même titre que celles des autres membres. Dans le cas des actions concertées avec l'ACDI, le caractère conjoint des opérations est toujours divulgué en vertu des positions expresses prévues dans les ententes.

Tout à l'heure, je voyais le chef de l'Opposi-

tion froncer un peu les sourcils lorsque nous parlions de notre présence envisagée en Amérique Latine. Lorsque nous parlions d'une maison, il ne faut pas se méprendre. Une maison du Québec ne serait pas une maison qui serait ouverte dans le cadre de l'ACDI. Si nous procédons à l'implantation d'une maison du Québec, ce sera une maison exclusivement québécoise. Mais, comme je le mentionnais, son ouverture ferait suite à des actions de coopération, dont plusieurs pourraient s'inscrire dans cette collaboration avec l'ACDI. Elle répondra sans doute à des besoins sectoriels comme possiblement ceux de l'immigration et ceux de l'industrie et du commerce.

Je pourrais m'étendre davantage, mais je pense que j'ai voulu simplement brosser un tableau général des activités du ministère. Je n'ai pas l'intention d'entrer dans tous les détails, mais j'essaierai, bien honnêtement, de répondre aux préoccupations des membres de cette commission parlementaire. J'ai, entre autres, quelques têtes de chapitre qui pourraient inspirer l'Opposition si elle ne l'est pas suffisamment. J'ai, par exemple, les variations budgétaires 1974/75 et leurs justifications, les effectifs de l'ensemble du ministère et la programmation quant à certains articles de coopération, soit interprovinciale ou internationale; enfin, ce qui peut justifier, autrement dit, les crédits requis pour l'année en cours.

M. MORIN: Et votre rapport annuel pour l'année 1972/73?

M. LEVESQUE: Si vous me permettez, je trouve que c'est là une excellente question. Il est très logique qu'elle soit posée en premier. Je dirai simplement que j'aimerais dire que je n'ai pas autre chose à dire là-dessus, que nous suivons une tradition à laquelle j'essaie, présentement, de mettre fin. J'ai eu, avec mes sous-ministres, une réunion où nous avons convenu pour mettre fin à ce ratard... Parce qu'il faut bien admettre, j'ai déjà siégé de l'autre côté de cette table, au moins à deux reprises, lorsque les rapports annuels nous arrivent, ce sont souvent des rapports annuels qui perdent de leur actualité parce qu'ils arrivent alors que tout le monde est au courant de ce qu'ils contiennent, et même ce n'est plus d'actualité tellement parce qu'il s'est souvent produit un espace de temps entre... Ce n'est peut-être pas vrai pour tous les ministères, mais lorsque je lis mon rapport annuel... Par exemple, j'ai déposé aujourd'hui le rapport de l'Office de planification et de développement du Québec. En le lisant, je sais que j'aurais beaucoup de choses à ajouter, parce que ce rapport a trait à un exercice financier qui est terminé depuis un an et quelques mois.

Alors nous avons convenu — j'espère que le chef de l'Opposition sera d'accord là-dessus et tous les membres de la commission — de procéder immédiatement. Je l'ai d'ailleurs en manuscrit ici, malheureusement.

M. MORIN: Le rapport pour l'année 1972/73?

M. LEVESQUE: 1972/73, et je vous assure que le chef de l'Opposition ne sera pas tellement avancé en lisant tout cela.

M. MORIN: Je serais plus avancé qu'en lisant votre rapport 1971/72.

M. LEVESQUE: Oui, peut-être; mais ce que nous voulons faire, c'est dès la reprise de la session au mois de novembre, pouvoir déposer les deux. Ou octobre, je ne sais pas quand.

M. LEGER: Au mois de novembre?

M. LEVESQUE: Pas la session, l'ajournement. C'est parce qu'on peut rester longtemps cet été. Je ne le sais pas. Si vous voulez me dire quand la session va se terminer, je vais vous dire quand on va la reprendre.

M. LEGER: Après le temps chaud, le temps froid.

M. LEyESQUE: Oui. Mais ce dont nous avons parlé, c'est novembre, pour le dépôt du rapport annuel. Nous espérons pouvoir déposer — je voudrais que ce soit fait comme cela, pour que ce soit repris à l'avenir— et 1972/73 et 1973/74 et ensuite nous aurions à l'avenir, je l'espère, c'est un voeu, notre rapport annuel dans les six mois qui suivent la fin de l'exercice financier. Maintenant, c'est un voeu. Ce n'est pas moi qui écris le rapport annuel, ce n'est pas facile non plus de recueillir les données.

M. MORIN: Puisqu'il est terminé, pourriez-vous nous le communiquer? Il n'est pas nécessaire qu'il soit imprimé pour que nous le lisions.

M. LEVESQUE: II m'a été remis et je n'ai même pas eu le temps de... J'ai eu le temps de le feuilleter. Je l'ai demandé justement...

M. MORIN: Sûrement que vous en connaissez une partie par coeur.

M. LEVESQUE: Non. Je ne connais pas cela par coeur comme vous. Je suis encore très limité, comme on le sait; cela parait tous les jours. Mais j'aimerais le lire et même je crois que certains hauts fonctionnaires du ministère ne l'ont pas encore vu. Je peux le livrer à titre personnel au député de Sauvé, mais je ne peux pas en faire une distribution parce que ce n'est qu'un manuscrit et il n'est pas du tout à jour. Je pense que ce serait au moins ma responsabilité de le lire et que mes hauts fonctionnaires, qui sont responsables de ce rapport annuel, puissent également en prendre connaissance. Mais, ce n'est pas parce qu'il y a quelque chose ici que je ne veux pas montrer au chef de l'Opposition ou aux membres de la commission.

M. MORIN: Cela aurait été utile quand même pour l'étude de vos crédits.

M. LEVESQUE: C'est vrai. Je l'admets, et c'est pour cela qu'à l'avenir j'espère que vous aurez le rapport annuel quelques mois avant l'étude des crédits. Je n'en fais pas une promesse parce que cela dépasse souvent — je le dis — ma volonté. Rien ne me fait plus plaisir que lorsque j'ai le rapport annuel. Aujourd'hui, j'étais très heureux de pouvoir déposer le rapport annuel de l'Office de planification et de développement et j'ai insisté auprès des imprimeurs pour pouvoir le déposer dès aujourd'hui. J'aurais autant aimé avoir le même plaisir quant au ministère des Affaires intergouvernementales.

M. MORIN: Je tiens pour acquis que le ministre ne se scandalisera pas des nombreuses questions que j'aurai à lui poser et qui auraient trouvé leur réponse dans ce rapport?

M. LEVESQUE: J'en conviens. M. MORIN: Enfin.

M. LEVESQUE: Voilà, messieurs, les remarques préliminaires qu'il m'est apparu utile de faire pour l'étude des crédits du ministère des Affaires intergouvernementales. En somme, il est particulièrement remarquable de noter que nos efforts ont dédramatisé les relations intergouvernementales au profit de l'établissement de rapports concrets et inédits, tant avec le gouvernement fédéral qu'avec les gouvernements étrangers. J'espère que nous pourrons faire preuve de la même sobriété dans les discussions qu'il est possible d'engager présentement.

LE PRESIDENT (M. Picard): L'honorable chef de l'Opposition.

M. MORIN: M. le Président, puis-je, avant de vous livrer quelques remarques préliminaires, dire au ministre qui pourra, selon la conception qu'il se fait de son rôle et de son ministère, s'en réjouir ou s'en désoler, qu'à mes yeux, le ministère des Affaires intergouvernementales est le plus important de tous les ministères québécois, parce que c'est un organisme de synthèse; en tout cas, ce devrait l'être. Ce sont en fait les Affinter, comme on les appelle quelquefois, qui peuvent définir les rapports du Québec avec l'extérieur aussi bien avec les provinces canadiennes et le pouvoir fédéral, qu'avec les autres Etats étrangers. Or, il en va des collectivités comme des individus.

On se définit soi-même en se définissant par rapport aux autres. C'est donc des Affaires intergouvernementales que relève, au premier chef, à mon avis, l'identité québécoise. J'espère que le ministre en est conscient. Cette identité requiert, naturellement, des vues d'ensemble sur l'avenir du Québec, un certain dessein, ce que le ministre lui-même a appelé une "cohérence" ou encore des orientations de travail, qu'on pourrait appeler un principe directeur qui canalise les énergies, les travaux et donne une orientation générale au développement.

Le rôle des Affaires intergouvernementales est double comme on sait. Dans certains domaines, il est directement responsable et agit par ses propres organes, qu'il s'agisse de négociations constitutionnelles, de négociations fiscales, de coopération technique, de délégations à l'étranger, mais il a aussi un rôle de coordination dans les autres domaines où existent des rapports intergouvernementaux.

Or, c'est nécessairement à la lumière d'un principe directeur que les Affaires intergouvernementales peuvent coordonner l'action des divers ministères, non pas seulement à court terme, mais en fonction des intérêts à long terme du Québec, tant au plan canadien qu'au plan international. Sans cette politique d'ensemble, M. le Président, l'action du ministère des Affaires intergouvernementales est impossible pour ne pas dire inutile. Elle se borne à enregistrer les contradictions qui sont fort nombreuses, notamment entre le pouvoir fédéral et le pouvoir encore provincial. Par exemple, la politique fédérale en matière de relations fédérales-provinciales a toujours fait miroiter les avantages immédiats, concrets sur lesquels se jettent avec une certaine voracité les ministres québécois. Ce sont naturellement des avantages de nature financière en général et cela pour faire accepter une mainmise à long terme sur un secteur donné.

Je prendrai quelques exemples puisque le ministre a voulu lui-même en donner. Dans le cas du pétrole, l'accord qui a été conclu avec Ottawa risque de fédéraliser les richesses naturelles, comme le confirme d'ailleurs un certain projet de loi fédéral, et ceci en échange d'une baisse temporaire des prix, d'avantages qui, essentiellement, dureront quelques mois, au maximum deux ou trois ans, selon l'aveu même du ministre des Richesses naturelles. Autre exemple, les relations fédérales-municipales, où le gouvernement fédéral s'efforce d'imposer sa compétence en faisant miroiter les millions aux yeux des municipalités qui en ont un criant besoin, avec le résultat qu'on voit maintenant certaines municipalités qui, devant les hésitations du gouvernement québécois, sont prêtes à reconnaître une certaine compétence au fédéral pour ensuite aboutir, selon le processus inexorable dont nous avons été tant de fois témoins dans le passé, à la reconnaissance d'une sorte de droit d'afnesse du pouvoir fédéral.

Le ministre a mentionné certains domaines où l'on retrouve...

M. LEVESQUE: Est-ce que le député me permet de préciser, parce que c'est assez grave, lorsqu'il a dit: Les hésitations du gouvernement québécois...

M. MORIN: Oui, j'y reviendrai.

M. LEVESQUE: Le gouvernement québécois n'a jamais, ni aujourd'hui ni hier, changé d'avis

là-dessus. Cela a été une constante. Jamais on n'a accepté que le gouvernement fédéral ait quoi que ce soit à faire avec les municipalités et n'a jamais permis de liens directs du gouvernement fédéral avec les municipalités.

M. MORIN: Je compte y revenir et m'expli-quer là-dessus plus tard.

Dans les autres domaines, dont certains ont été mentionnés par le ministre, les Affaires culturelles, les Communications, l'Immigration, nous sommes toujours témoins de cette tendance du pouvoir fédéral à imposer ses pratiques, ses thèses. Le ministre nous a fait un cours de théorie fédéraliste tout à l'heure. Il a invoqué le principe de la participation, moteur du système fédéral, a-t-il dit. C'est une belle théorie, parce que jusqu'ici...

M. LEVESQUE: C'en est deux.

M. MORIN: Oui. Je reviendrai sur le second principe dans un instant.

M. LEVESQUE: II faut tout dire, parce qu'on m'interprète...

M. MORIN: Si le ministre veut bien, comme je l'ai fait, me faire crédit pour quelques connaissances dans ce domaine, j'y viendrai, à l'autre principe, dans un instant.

Pour l'heure, je parle du principe de la participation où, dans le passé, ce n'est pas le Québec, et encore aujourd'hui, ce n'est pas tellement le Québec qui participe à l'élaboration des politiques fédérales dans les domaines de compétence fédérale. C'est plutôt le pouvoir fédéral qui, lui, participe aux domaines de compétence provinciale. Si c'est cela que vous entendez par principe de participation, je ne pense pas que ce soit conforme à ce qu'on appelle le vrai fédéralisme.

Parlons donc de cet autre principe dont vous nous entreteniez tout à l'heure. Vous l'avez appelé... M. le ministre...

M. LEVESQUE: Excusez-moi. Je ne veux pas vous interrompre, mais je ne peux pas accepter...

M. MORIN: Je vois que vous ne voulez pas m'interrompre tout en m'interrompant...

M. LEVESQUE: C'est parce que je ne peux pas. laisser passer une interprétation de ce que j'ai dit. Ce sont mes paroles après tout. J'ai parlé du principe de la décentralisation.

M. MORIN: Oui.

M. LEVESQUE: Vous n'en avez pas parlé. Vous l'avez oublié.

M. MORIN: J'y arrivais justement.

M. LEVESQUE: Quant à la participation, je n'ai pas parlé de la participation du fédéral au Québec, mais du Québec au fédéral.

M. MORIN: Moi, je vous en parle. M. LEVESQUE: Oui, d'accord!

M. MORIN : Parce que c'est cela le véritable principe de participation au Canada.

M. LEVESQUE: D'accord, mais ce n'est pas ce que je disais, cependant.

M. MORIN: Non. Vous avez parlé de la participation du Québec, mais moi, je vous dis que ce qui se passe dans la réalité, c'est plutôt la participation du pouvoir fédéral aux compétences provinciales, grâce aux "zones grises" et autres techniques que vous connaissez bien.

Parlons de ce principe de décentralisation. J'imagine que vous vous référiez par là au principe d'autonomie. Au Canada, c'est plutôt le principe de la prédominance fédérale qui prévaut. Dans le vrai fédéralisme, on trouve, à côté du principe d'autonomie, le principe de subsidiarité qui veut que le pouvoir fédéral n'intervienne que dans la mesure où les pouvoirs locaux sont incapables de régler une question par eux-mêmes.

C'est tout le contraire dont nous sommes témoins dans le fédéralisme canadien, et cela pour de nombreuses raisons d'ordre historique sur lesquelles je n'ai pas à insister. Quel que soit le domaine, c'est en puissance un domaine de compétence fédérale aux yeux du pouvoir fédéral si on le laisse faire. Bien sûr, cette attitude de prééminence, elle est sans doute naturelle au Canada anglais, et ma foi! si j'étais Anglo-Canadien, je ne dis pas que je n'appuierais point ce principe, et que je n'appuierais pas les efforts du gouvernement fédéral pour s'immiscer de plus en plus dans certaines compétences d'ordre provincial. Parce que cela est peut-être nécessaire à l'identité anglo-canadienne devant l'envahissement américain. Mais pour nous Québécois c'est une autre affaire; nous ne sommes pas des Anglo-Canadiens. Nous sommes des Québécois. Les principes ne peuvent s'appliquer de la même façon. Ces principes, d'ailleurs, que le ministre a évoqués en mentionnant, d'abord, le principe de participation, puis en second lieu, le principe d'autonomie, selon une gradation qui doit prendre beaucoup de signification dans l'esprit du ministre, ces principes ont autrefois...

M. LEVESQUE: Non, non! Je n'aurais pas parlé de décentralisation, soyons honnêtes...

M. MORIN: Oui.

M. LEVESQUE: ... si je ne voulais pas parler de la participation. C'est parce que je parlais de participation que j'ai ajouté, mais non pas en

deuxième lieu, non pas par ordre de priorité. Au moins, laissez-moi le droit de...

M. MORIN: C'est l'autonomie qui vient en premier lieu à vos yeux, M. le ministre?

M. LEGER: Par ordre alphabétique, autonomie vient avant.

M. MORIN: Très bien! C'étaient ces principes qui avaient guidé l'un de vos prédécesseurs, M. Gérin-Lajoie, alors qu'il était vice-premier ministre du Québec. Le voici maintenant à l'ACDI où il applique les principes exactement contraires de ceux qu'il défendait à l'époque. Alors, je dis au ministre...

M. LEVESQUE: Oui, mais vous-mêmes, vous avez été élève, probablement, de Frank Scott...

M. MORIN: C'est exact.

M. LEVESQUE: ... à McGill; mon Dieu, cela ne veut pas dire que vous reniez votre université, que vous reniez ce que vous êtes. Qu'est-ce que c'est? On peut...

M. MORIN: C'est de Frank Scott que, comme mon vis-à-vis, d'ailleurs, lui qui a été également son étudiant, je pense...

M. LEVESQUE: Oui.

M. MORIN: C'est de lui que j'ai appris un certain nombre de principes qu'il appliquait à Ottawa et que j'applique à Québec tout simplement. Il s'agissait de faire la transposition.

M. LEVESQUE: Ce n'est pas pour cela que vous ne voulez pas participer à l'élection fédérale, puis à l'appui du NPD?

M. MORIN: Si vous le voulez bien, M. le Président, nous n'allons pas nous laisser entraf-ner à la manière du premier ministre sur des sentiers puérils. Nous allons essayer d'en rester à la matière qui nous intéresse cet après-midi. J'étais en train de dire...

M. LEVESQUE: II n'y a rien de puéril là-dedans.

M. MORIN: J'étais en train de dire que le vice-premier ministre a de qui tenir dans le domaine de l'autonomie québécoise. Son prédécesseur, lui, est allé appliquer à Ottawa des principes contraires, d'où je tirerais la conclusion que, peut-être, le destin de l'actuel ministre est de finir comme fonctionnaire fédéral. Mais non, je ne le pense pas à la réflexion. Parce que pour intéresser Ottawa, il faut être très autonomiste. C'est alors seulement qu'on est bon à récupérer. Le ministre ne me paraît pas suffisamment autonomiste pour intéresser le gouvernement d'Ottawa. Peut-être certains de ses fonctionnaires finiront-ils à Ottawa un jour.

M. LEVESQUE: Le chef de l'Opposition se pense-t-il digne?

M. MORIN: En ce qui me concerne...

M. LEVESQUE: Ou est-il en train de se tailler un...

M. MORIN: Je n'ai pas le moindre intérêt pour la chose.

M. le Président, pour pouvoir organiser ce que j'appellerais la résistance, pour pouvoir donner la riposte aux manoeuvres du pouvoir fédéral, les Affaires intergouvernementales doivent avoir une vue précise des intérêts à long terme du Québec. Elles doivent avoir un "grand dessein". Ce ministère doit être capable de séparer ce qui est essentiel de ce qui est accessoire. On nous a parlé de beaucoup d'accessoires cet après-midi, mais peu de l'essentiel. Pour cela, il doit avoir des vues d'ensemble, des politiques d'ensemble, une définition, comment dire, globale de l'identité québécoise et des exigences qu'elle entraîne. A l'heure actuelle, si cette vue d'ensemble existe, nous ne la connaissons pas, et le ministre ne nous en a pas fait part.

Le sous-ministre, M. Tremblay, a même laissé entendre clairement, il y a quelques mois, qu'il doutait qu'elle soit possible. En tout cas, il se disait incapable, quant à lui, de la définir. C'est pour répondre à ce besoin inéluctable que le gouvernement a commencé, il y a quelque temps, à parler de "souveraineté culturelle dans un fédéralisme économiquement décentralisé". Pour le moment, M. le Président, ce ne sont là que des mots, et encore dans le discours du ministre cet après-midi, ce n'était là, j'en ai bien peur, que des mots, en l'absence d'une vue globale de l'avenir du Québec.

Nous essaierons donc, au cours de l'étude de ces crédits, de découvrir comment ces slogans se traduisent dans l'action concrète du ministère et du gouvernement. C'est pourquoi je me propose, avec la collaboration du ministre et de ses fonctionnaires, de procéder à un bilan systématique de toutes les activités du ministère, dossier par dossier.

Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Picard): Messieurs, j'aimerais avoir vos directives sur la façon dont vous voulez procéder pour l'étude de ces crédits. Comme vous savez, il y a trois programmes. Habituellement, nous procédons programme par programme, et à l'intérieur de chaque programme, nous étudions les éléments à tour de rôle.

M. LEVESQUE: C'est cela.

LE PRESIDENT (M. Picard): Si vous décidez sur cette procédure, ne soyez pas surpris si je vous rappelle à l'ordre si vous allez en dehors de l'élément en discussion.

M. MORIN: M. le Président, il est coutumier,

dans les diverses commissions où nous étudions les crédits, que, dès le programme 1, nous puissions poser des questions d'ordre général et même faire des interventions d'ordre général.

LE PRESIDENT (M. Picard): D'accord!

M. MORIN: Vous êtes d'accord que nous puissions procéder de cette façon?

LE PRESIDENT (M. Picard): Absolument! M.MORIN: Bien.

LE PRESIDENT (M. Picard): Le programme 1 vise à maintenir et développer les relations entre le gouvernement du Québec et les autres gouvernements du Canada. Elément 1 : Relations fédérales-provinciales et interprovinciales. Le député de Lafontaine.

M. LEGER: Je veux simplement dire un petit mot général pour orienter les discussions qui vont venir. Quand on regarde l'évolution du Québec et qu'on regarde l'évolution du ministère actuel qui est passé d'un ministère des Affaires interprovinciales à un ministère des Affaires intergouvernementales, dans notre optique, un jour viendra où cela deviendra un ministère des Affaires internationales.

C'est donc à l'intérieur de cette projection à savoir que le ministère des Affaires intergouvernementales a un avenir devant lui qui correspond à l'avenir des Québécois, que nos questions vont venir. Elles sont dans l'ordre de préserver cette orientation possible de ce ministère. Que les fonctionnaires qui travaillent à ce niveau soient conscients qu'un jour ce ministère, qui a déjà une vocation partiellement internationale, pourra en avoir une bientôt complètement internationale. C'est à cette ouverture d'esprit que nous avons beaucoup de questions pour que ce ministère ait l'importance voulue à l'intérieur des préoccupations actuelles du gouvernement.

M. LEVESQUE: Votre message commercial est parvenu, j'imagine...

M. LEGER: J'espère que vous...

M. LEVESQUE: ... mais deuxièmement, lorsque vous dites un jour, bien, ce sera peut-être "un jour, tu auras ton tour". Vos chances sont à peu près celles qu'ont les gens qui jouent à la loterie.

M. MORIN: Je suis sûr que le ministre serait très fier d'être un jour ministre des Affaires étrangères. Il ne peut pas le nier; il en sourit d'aise.

M. LEVESQUE: Non, je souris parce que c'est justement ce qui fait qu'à certains moments, je vois des séparatistes, des gens de votre parti, avec cette sorte d'auréole, se promener avec ce regard rempli d'espoir, se voyant déjà ambassadeur à tel et tel endroit.

M. le Président, je crois que ces gens devraient revenir sur terre, prendre les préoccupations qui sont celles des citoyens québécois d'aujourd'hui et essayer de régler les problèmes d'aujourd'hui. Quant à l'évolution, chacun a son opinion là-dessus. Notre mandat n'est pas de régler les problèmes de l'an je ne sais quoi, ou ceux qui peuvent mijoter dans l'esprit de personnes trop ambitieuses.

M. LEGER: ... à mijoter...

M. LEVESQUE: Ce qu'il faut présentement, c'est remplir le mandat qui nous a amenés ici, vous comme moi. Le gouvernement ne peut pas mettre de côté, et il aurait bien tort de le faire, l'opinion publique qui a été clairement exprimée, en particulier, le 29 octobre 1973...

M. LEGER: ... l'Assemblée nationale, ça.

M. LEVESQUE: ... alors que la population de Québec a clairement opté pour l'option sépa... fédéraliste.

M. LEGER: C'est cela. Cela dit tout.

M. LEVESQUE: A ce moment-là, je ne crois pas qu'on puisse commencer à nous préoccuper des nominations d'ambassadeur ou, encore moins, de ministre des Affaires étrangères. Si vous voulez vivre comme cela, libre à vous.

M. MORIN: Non. Nous allons, pour l'instant, nous en tenir à des questions plus concrètes. Je tiens à rassurer le ministre actuel des Affaires intergouvernementales, si jamais, au moment où ces événements se produiront, il n'était plus ministre, il ferait un excellent ambassadeur, à Ottawa, notamment.

Bon, M. le Président, pourrions-nous peut-être aborder la réforme constitutionnelle? Le gouvernement...

M. BOSSE: Avorter?

M. MORIN: Aborder, bien sûr. D'après le rapport annuel du ministère des Affaires intergouvernementales en 1971/72, il s'agissait là d'un élément majeur de sa politique. Je me permets de citer un extrait de ce rapport, à la page 11: "A l'échelle canadienne, le Québec a manifesté sa présence en se faisant le promoteur d'une révision de la constitution pour en moderniser la structure et les méthodes. Les transformations rapides qu'il a connues l'ont amené à rechercher, au sein de la confédération canadienne, une place favorable à son épanouissement économique et culturel. Cette évolution récente de la société québécoise a été à l'origine de son affirmation à l'intérieur du fédéralisme. C'est pourquoi le ministère des Affaires inter-

gouvernementales s'occupe des négociations constitutionnelles, fiscales, etc."

On peut également lire dans un autre document fort intéressant qui est le programme électorale du Parti libéral, au cours de la dernière campagne, en ce qui concerne la question constitutionnelle, les extraits suivants: "Le gouvernement du Québec a une responsabilité particulière en regard de la permanence et de l'épanouissement de la langue et de la culture française au Canada et sur le continent nord-américain, puisque le Québec est et demeurera le principal foyer d'expression de la culture française au pays, son gouvernement ne peut abandonner à d'autres une telle responsabilité. C'est cette responsabilité qui doit être reconnue sur le plan constitutionnel pour des raisons évidentes de permanence, d'épanouissement et de sécurité".

J'en passe, mais ce qui est intéressant, c'est la conclusion: "En conséquence, le prochain gouvernement libéral du Québec demandera la réouverture du dossier de la révision constitutionnelle". Dans les quelques jours qui ont suivi l'élection d'octobre 1973, la question de la reprise des discussions sur la réforme constitutionnelle est revenue brièvement sur l'horizon politique québécois. C'était à l'occasion, je crois, d'une rencontre entre le premier ministre du Québec et le premier ministre fédéral, où l'on avait discuté en particulier des modes d'amendement à la constitution. Cela avait donné l'occasion au premier ministre, M. Trudeau, de définir un certain nombre de positions, du gouvernement fédéral.

Premièrement, que la reprise des pourparlers dépendait de la capacité du gouvernement québécois d'en arriver, disait-il, "à des propositions compatibles avec celles du pouvoir fédéral et acceptables en général par les Canadiens."

Deuxièmement, qu'il appartenait au Québec de solliciter la reprise des discussions sur ce qui était le triple enjeu de la conférence de Victoria, c'est-à-dire le rapatriement de la constitution canadienne, une formule d'amendement essentiellement canadienne et la reconnaissance dans la constitution d'une charte des droits de l'homme et de garanties linguistiques. Dans les jours qui ont suivi, lors d'une courte rencontre entre le premier ministre du Québec et celui du Canada — c'était, je crois, le 2 novembre 1973 — la question devait être abordée. Puis, on n'en a plus jamais entendu parler; depuis lors, plus un mot.

J'aimerais demander au ministre, compte tenu de ce que le rapport de son ministère disait, il y a déjà deux ou trois ans, compte tenu de ce qu'on trouve dans le programme du Parti libéral, comment se fait-il qu'on ne soit pas plus avancé en matière de réforme constitutionnelle? Où en êtes-vous en ce moment?

M. LEVESQUE: Voici. Il faut d'abord se rappeler, parce qu'on a encore ce rapport annuel de 1971 et on ne semble pas suivre l'évolution des choses lorsqu'on se réfère à un document qui parle de choses passées en 1970/71...

M. MORIN: Donnez-nous des rapports plus récents.

M. LEVESQUE: Je le sais, on ne reviendra pas là-dessus. J'ai dit qu'on essaierait de le faire pour l'avenir. Il faut bien se rappeler qu'il y a eu, dans le domaine des Affaires sociales, en particulier, une nouvelle approche qui a été prise, à la suite des événements qu'on connaît. Lorsque nous n'avons pas réussi dans le domaine purement constitutionnel, nous avons pris une autre approche qui nous a apporté des solutions extrêmement favorables pour le peuple québécois. C'est ainsi que, dans le domaine des allocations familiales, par exemple, nous avons atteint les buts que nous recherchions. Nous avons maintenant, par la législation du Parlement du Québec, réussi à avoir une primauté dans la distribution des sommes versées aux bénéficiaires des allocations familiales. C'est ainsi que nous avons nous-mêmes déterminé — c'est ce que nous voulions — en vue et surtout dans le contexte d'une politique sociale, nous avons nous-mêmes réussi, sur le plan pratique, à faire reconnaître par le gouvernement central que les allocations familiales, jusque-là versées par le gouvernement fédéral, seraient distribuées selon les normes déterminées par la législation québécoise.

C'est là, je crois, une victoire pratique.

M. MORIN: Mais ne dites pas que c'est ce que vous vouliez. Ce que vous vouliez, c'était l'article 94A.

M. LEVESQUE: Evidemment, je l'ai mentionné, il y a un instant, lorsque l'approche purement constitutionnelle n'a pas abouti comme nous l'avions dans ce temps-là préconisé, nous ne sommes pas retournés chez nous en disant: Cela ne se réglera pas. Nous avons pris une autre voie, une voie très pratique, qui nous a amenés à des résultats concrets pour le peuple québécois et a permis au gouvernement, et particulièrement au ministère des Affaires sociales, de planifier une politique sociale tenant compte de cela, lorsque cela s'est marié avec les autres politiques sociales, par exemple l'aide sociale. A ce moment-là, nous avons pu arriver aux buts et aux objectifs qui étaient les nôtres. Mais je voudrais dire avant six heures, avant que l'on m'arrête, que je n'ai pas l'intention cependant, dans l'étude de ces crédits, d'entrer dans le contenu de ce qui appartient à l'un ou l'autre des autres ministères sectoriels, parce que ce serait à ce moment-là une répétition de l'étude des crédits des autres ministères.

M. MORIN: Oui.

M. LEVESQUE: Je le donne seulement à titre d'illustration.

M. MORIN: Votre ministère n'est pas responsable des négociations?

M. LEVESQUE: Pour autant que nous sommes responsables des négociations, d'accord, mais je ne voudrais pas me laisser entraîner à ce moment-ci dans la politique sociale du ministère des Affaires sociales. C'est la seule mise en garde que je fais; autrement, on va reprendre la discussion des crédits de chacun des ministères et je suis loin d'être préparé, ni même prêt.

LE PRESIDENT (M. Picard): Messieurs, il est dix-huit heures trois. La commission suspend ses travaux jusqu'à vingt heures quinze, ce soir, même salle. (Suspension de la séance à 18 h 3)

Reprise de la séance à 20 h 20

M. PICARD (président de la commission permanente de la présidence du conseil, de la constitution et des affaires intergouvernementales): A l'ordre, messieurs!

La parole est au chef de l'Opposition officielle.

M. MORIN: Au moment où nous nous sommes quittés, M. le Président, le ministre tentait de nous faire croire que l'arrangement sur les allocations familiales constituait un triomphe pour le Québec. C'est une étrange logique que celle-là, puisqu'en 1971/72, si je m'en remets au rapport annuel du ministère, celui-ci devait se faire le promoteur d'une révision de la constitution, pour en moderniser les structures et les méthodes. Survinrent ensuite les revendications du Québec dans le domaine des allocations familiales, des affaires sociales, la proposition de M. Castonguay, qu'on a appelée l'article 94 A, l'échec de l'article 94 A, l'échec de la Conférence de Victoria. Depuis ce temps, semble-t-il, le grand dessein de la révision constitutionnelle est tombé dans l'oubli, pour faire place à des arrangements ad hoc, des arrangements concrets, dont se félicitait tout à l'heure le ministre.

Dois-je conclure qu'à l'heure actuelle le ministère des Affaires intergouvernementales a cessé de travailler aux dossiers de la réforme constitutionnelle?

M. LEVESQUE: Ce que j'ai dit cet après-midi, si on me permet d'expliciter ce que je veux dire, c'est que nous avions utilisé une approche différente. Evidemment, il y a des gens qui préconisent une révision globale de la constitution canadienne et nous avons vu que, lorsque nous voulons faire certaines révisions globales, il arrive que nous n'ayons pas toujours le succès désiré.

M. MORIN: Qu'en termes élégants ces choses-là sont dites!

M. LEVESQUE: En pratique, nous avons décidé d'avoir une approche différente, c'est-à-dire de prendre les cas les uns après les autres, mais toujours dans le but non caché de faire valoir nos revendications et d'arriver aux objectifs visés.

Nous en avons fait l'expérience du côté des affaires sociales et, comme je l'ai mentionné cet après-midi, nous avons abordé le problème des communications, celui de l'immigration, celui des arts et des lettres, un peu avec la même formule, la même procédure. Le député de Sauvé, qui est chef de l'Opposition, se rappelle qu'on peut très bien prétendre connaître son droit, qu'on l'ait étudié selon la méthode française, celle qui part du principe et qui va vers son application, ou qu'on l'ait appris, comme le député de Sauvé, à McGill, où on part de cas concrets et où on essaie d'en dégager des

principes. Je me permets de faire un peu cette comparaison, pour bien illustrer la procédure que nous suivons présentement.

Cela ne veut pas dire que nous n'arriverons pas...

M. MORIN: Heureusement que je ne m'en suis pas tenu à cette faculté.

M. LEVESQUE: Enfin, nous pourrons parler des titres de l'honorable député de Sauvé un peu plus tard, mais pour le moment je veux simplement citer ce fait à titre d'illustration. Autrement dit, j'essaie de dire que nous pouvons arriver aux mêmes buts en utilisant une autre voie. Présentement, nous essayons de partir de cas très concrets, nous essayons de régler ces points très importants quitte, par la suite, une fois que cela sera réglé, que nous soyons vis-à-vis des faits acquis qui se traduiront, si nécessaire à ce moment-là, par une révision constitutionnelle. Nous n'avons donc pas abandonné notre désir d'une révision constitutionnelle; nous avons plutôt, si je puis m'exprimer ainsi, eu recours plus à la psychologie qu'à la question pure de la politique ou du droit constitutionnel.

Il est entendu, et le député de Sauvé et les membres de la commission le savent bien, que nos partenaires de la fédération canadienne sont plus près de l'empirisme, sont plus près du pragmatisme, sont plus frappés par une approche comme celle que nous avons adoptée que par une approche purement théorique et, si je peux m'exprimer ainsi, qui va purement vers la codification. Autrement dit, ils aiment bien faire une analyse de chacun des cas que nous voulons aborder plutôt que d'accepter toute une série de révision avec tous les principes qui s'ensuivent. Il faut bien admettre qu'ils sont comme cela.

M. MORIN: Ils vous ont amenés sur leur terrain, c'est certain.

M. LEVESQUE: Pas du tout. C'est nous qui avons abordé une autre voie qui nous paraissait plus fructueuse. En fait, ce que nous avons déjà devant nous dans si peu de temps indique que le gouvernement actuel a fait beaucoup plus de progrès vers un fédéralisme acceptable par le Québec que tous les grands discours autonomistes, mais souvent négatifs et stériles, que nous ayons pu connaître dans notre histoire. Autrement dit, ce que nous voulons, c'est de parcourir une certaine distance et, à partir de cette distance, réévaluer la situation et repartir de nouveau. Nous voulons, autrement dit, que cela évolue, nous voulons voir une constitution qui évolue dans les faits plutôt que rester dans des désirs qui ne semblent pas se matérialiser.

Nous avons peut-être suivi une voie qui ne correspond pas aux vues de l'Opposition. Nous n'avons pas à nous guider sur les vues de l'Opposition pour répondre au mandat que le peuple nous a confié. Nous sommes heureux des suggestions positives ou constructives qui peuvent nous être fournies par l'Opposition. Mais, lorsque cette Opposition officielle a les théories, les croyances ou les doctrines qu'elle préconise, il est évident que nous ne pourrons pas nous entendre parce que l'Opposition officielle, on le sait, aujourd'hui, désire la séparation du Québec du reste du Canada. C'est clair. Si on part de ce principe de base, si on en fait un principe de base, si on en fait une question a priori, s'il faut d'abord que telle situation se matérialise avant que l'on puisse discuter autre chose, on ne s'entendra pas. Mais que le député de Sauvé prenne la situation telle qu'elle est, aujourd'hui, dans un fédéralisme, fédéralisme qui est reconnu comme l'une des meilleures formes de gouvernement, surtout pour un pays aussi vaste que le nôtre et aussi diversifié dans ses ressources, autant humaines que matérielles. A ce moment-là, si on part d'une situation existante, qu'on veuille l'améliorer, qu'on veuille y apporter des solutions à l'échelle de l'homme, je crois que nous pouvons considérer que la voie que nous avons entreprise est une voie réaliste, tenant compte de l'existence de partenaires, non pas de leur non-existence. Nous arrivons ainsi à dégager certaines politiques et, en même temps, aux fins que nous nous étions proposé d'atteindre.

M. MORIN: M. le Président, je ne tente pas de juger le ministre ou ses politiques à la lumière de celle que l'Opposition fera prévaloir, puisque nous pourrons faire cela en temps et lieu. Je tente de juger les politiques du ministre à la lumière du mandat que son ministère s'était donnée en 1972, qui était de se faire le promoteur d'une révision de la constitution pour en moderniser les structures. Ce n'est pas du raccommodage.

Deuxièmement, à la lumière du mandat que se donnait le Parti libéral en 1973 — en conséquence, dit le programme, le prochain gouvernement libéral du Québec demandera la réouverture du dossier de la révision constitutionnelle — c'est à l'intérieur de la logique propre du ministre que j'essaie de me situer pour voir où il en est. C'est selon cette logique que je crois qu'il doit être jugé pour l'instant. Or, vous nous dites, M. le ministre: Notre approche est différente, nous avons une approche pragmatique, empiriste, à la manière de ceux que nous tentons de persuader; en somme, vous nous dites, à la manière des Anglo-Saxons.

Je le veux bien, sauf que...

M. LEVESQUE: Je n'ai pas dit cela. J'ai dit que je tenais compte...

M. MORIN: De toute façon, ce ne serait pas dérogatoire de votre part.

M. LEVESQUE: J'ai dit que nous tenions compte de certaines particularités ou certains

particularismes chez nos partenaires de la confédération.

M. MORIN: Oui, mais le problème, c'est que sur ce terrain Ottawa est beaucoup plus fort que le Québec, parce que le jeu de l'empirisme est un jeu qui donne une très large part au poids des éléments en présence, au poids spécifique de chacun et notamment au poids financier, et vous êtes payés pour le savoir. Chaque fois que vous vous en remettez à cet empirisme, au bout du compte vous vous ramassez avec un système où c'est Ottawa qui contrôle parce que c'est lui qui a le "spending power". Si vous me dites, maintenant, que vous allez appliquer, aux arts, aux lettres, aux communications, à l'immigration, le système de l'article 94A et des allocations familiales, M. le ministre, ça ne nous avancera guère. Cela veut dire que vous allez lâcher sur toute la ligne, parce que, à ce jeu de règlement ad hoc, pièce par pièce, ce n'est pas vous le plus fort, ce n'est pas le Québec qui est le plus fort. Il y a un seul domaine où le Québec est le plus fort, c'est dans la présentation d'une demande de révision globale, cohérente. Cela, il semble que vous l'ayez abandonné ou alors je me trompe. Si c'est le cas, si vous nous dites que vous l'avez abandonné, je serai obligé de vous demander: A la suite de quel choix politique cohérent? Est-ce que c'est le cabinet qui a décidé d'abandonner la révision globale? Est-ce que c'est le premier ministre? Qu'est-ce que vous nous réservez pour l'avenir, à l'intérieur toujours de votre propre logique de révision constitutionnelle?

M. LEVESQUE: Oui, je n'ai jamais mentionné que nous avions abandonné quoi que ce soit dans les revendications qui sont celles du Québec.

M. MORIN: Vous les avez simplement mises en veilleuse.

M. LEVESQUE: J'ai simplement dit que nous avions changé une chose, c'est-à-dire la procédure, mais, quant au fond, nous n'avons rien changé. Nous n'avons pas changé nos revendications, ni dans le domaine social, ni dans le domaine économique, ni dans le domaine culturel, au contraire.

M. MORIN: Bon.

M. LEVESQUE: C'est nous, justement, qui avons souligné l'importance pour le Québec de se voir reconnaître sa souveraineté culturelle. Ce n'est pas vous qui avez dit cela. C'est nous.

M. MORIN: Nous avons parlé de souveraineté tout court.

M. LEVESQUE: Non seulement nous voulons en parler, mais nous voulons la réaliser. Pour la réaliser, sans mettre de côté quelque revendication que ce soit, nous croyons que, suivant une telle voie, nous arriverons plus rapidement à nos fins qu'en demandant la révision globale, comme vous dites, de la constitution. Combien de fois et combien d'heures et combien de jours et combien de mois et combien d'années les gens du Québec ont réclamé -- des gens à différents postes, que ce soient des professeurs d'université, que ce soient des membres du gouvernement — la révision globale de la constitution, mais j'aimerais voir en quoi il y a eu révision globale de la constitution.

M. MORIN: C'est vous qui alliez la faire, d'après vos propres documents.

M. LEVESQUE: Nous allons la faire, mais selon la méthode que nous allons adopter. Nous croyons qu'il était possible de rendre la constitution canadienne plus moderne, répondant mieux aux besoins et aux aspirations du peuple québécois. Nous croyons qu'il est plus pratique et plus réaliste de le faire selon la méthode que nous avons employée et qui a déjà apporté des résultats concrets et qui continuera à en apporter, quoi qu'en pense le député de Sauvé.

M. MORIN: Si vous appliquez les méthodes comme celles de l'article 94A, avec l'échec de cette méthode, aux autres domaines, ce ne sera pas riche, M. le ministre. Je suis bien obligé de vous le dire d'avance. Vous allez certainement susciter plusieurs de nos critiques. Mais puisque vous n'avez pas abandonné complètement la révision constitutionnelle, est-ce que vous pourriez nous dire quels fonctionnaires sont assignés à cette tâche, à l'heure actuelle? Quel est leur mandat exactement?

M. LEVESQUE: Lorsque le député de Sauvé dit: Vous n'avez pas abandonné complètement, j'ai dit: Nous n'avons pas abandonné du tout. Pourquoi essayer de me faire dire des choses que je n'ai pas dites? Nous n'avons pas abandonné le but d'avoir une révision constitutionnelle. Ce que nous avons fait, c'est que nous avons décidé de poser des gestes et de gagner des points, de faire en sorte que, devant un état de fait, la révision constitutionnelle se fasse par elle-même, par le fait que tel et tel chemin est déjà parcouru, telle et telle chose est déjà décidée, telle et telle influence est celle du Québec dans tel et tel domaine, tel et tel centre de décision est déplacé de telle et telle façon, de sorte qu'il est possible d'entrevoir qu'après de nombreux gestes de cette nature, l'on puisse arriver à une constitution modernisée, avant même de l'avoir codifiée au préalable.

Maintenant, combien de fonctionnaires travaillent sur les dossiers constitutionnels? Je vous l'ai dit après-midi, lorsque j'ai donné les effectifs du ministère, mais les dossiers sectoriels, qui font l'objet des relations fédérales-provinciales et interprovinciales, couvrent les

quatre grandes missions de l'Etat, que ce soit la mission économique, que ce soit la mission culturelle et éducative, que ce soit la mission sociale ou que ce soit la mission gouvernementale et administrative, et cela touchant à peu près toutes les activités de chacun des ministères du gouvernement du Québec. Lorsqu'on parle de dossiers économiques, nous avons des gens qui travaillent sur les dossiers des ressources naturelles, les industries primaires, l'agriculture, les forêts, les mines, l'eau, l'énergie, les pêches maritimes, la faune. Nous avons des gens dans l'industrie secondaire, touchant les stimulants à l'industrie, les parcs industriels, la recherche industrielle. Dans les services: les communications, le commerce, les institutions financières, le tourisme. Dans l'immigration, quant au recrutement et à l'intégration, nous avons des gens là-bas; de même dans le domaine du travail, de la main-d'oeuvre et de l'emploi. Nous avons également des gens dans les transports, soit le transport terrestre, maritime ou aérien. Dans l'éducation, que ce soit à tous les niveaux: la culture, la jeunesse, les sports, les loisirs. Tous ces dossiers — et j'en passe — on pourrait parler de la sécurité du revenu, de la santé, de la socialité.

M. MORIN: Vous m'énumérez tous les ministères.

M. LEVESQUE: Les affaires municipales, urbaines, la fonction publique, la protection de la personne et de la propriété, les affaires indiennes et esquimaudes, le territoire, les ententes et développement, la science et la technologie, l'environnement, dans tout cela, là où il y a une influence.

M. MORIN: Vous avez l'annuaire du Canada devant vous!

M. LEVESQUE: Vous avez les communications, dont je vous ai parlé amplement, mais là où il y a une présence du gouvernement fédéral, que ce soit parce que le gouvernement fédéral a une compétence particulière dans ce domaine ou parce que le gouvernement fédéral participe à un financement quelconque, à ce moment, nous avons évidemment des fonctionnaires qui travaillent en collaboration avec le maître d'oeuvre, dans chaque cas, qui est le ministère sectoriel.

M. MORIN: Donc, vous travaillez dans tous les aspects de la révision constitutionnelle. Est-ce que je pourrais vous demander dans quel cadre général vous fonctionnez? Est-ce qu'il y a des idées générales qui guident tous ces fonctionnaires qui travaillent dans ces cent domaines que vous avez énumérés, ou si tout cela se fait n'importe comment, chacun de son côté?

M. LEVESQUE: Je sais bien que je pourrais qualifier la question d'un peu — comment le député avait-il dit cela cet après-midi — puérile, c'est ce que vous avez employé comme qualificatif, je pourrais vous retourner...

M. MORIN: Oui, dans un autre cadre.

M. LEVESQUE: ... cela comme genre de question.

M. MORIN: Non.

M. LEVESQUE: Disons que, sur les études comparatives, et cela se fait continuellement sur les constitutions fédérales, etc., nous avons des fonctionnaires qui travaillent spécialement sur le point de vue constitutionnel à faire des comparaisons avec les constitutions fédérales d'ailleurs, etc. Nous avons cette préoccupation-là, mais comme principe directeur, et il me semble que je n'ai pas à commencer à le définir tellement. C'est clair, le mandat du gouvernement actuel est assez clair. Nous croyons au fédéralisme, mais à un fédéralisme sain, où le Québec peut s'épanouir complètement, et nous croyons qu'il est important de souligner, encore une fois, les deux volets que mentionnait le discours inaugural, le message inaugural, c'étaient justement le déblocage économique et la souveraineté culturelle. Nos fonctionnaires sont bien au courant de la politique gouvernementale dans ce domaine et, chacun de son côté, ils tâchent d'étudier ces dossiers, dans chacun des cas, ne demeurant pas dans une théorie purement abstraite, n'essayant pas continuellement de codifier une constitution idéale qui pourrait, à un moment donné, si tout le monde pensait en même temps la même chose, être traduite immédiatement...

M. MORIN: Surtout aucune pensée sur l'avenir.

M. LEVESQUE: Au contraire, avec beaucoup de pensées sur l'avenir. J'ai dit, tout à l'heure, et le député fait exprès pour me provoquer...

M. MORIN: Non.

M. LEVESQUE: ... que nous n'avions pas laissé de côté notre vision sur une révision constitutionnelle, mais que, pour atteindre cet objectif que, j'espère, nous partageons, au moins d'une façon transitoire pour le député de Sauvé, nous croyons bon d'utiliser certaines méthodes différentes de celles que nous avons utilisées autrefois.

M. MORIN: Le ministre parle de travaux comparatifs, M. le Président. Est-ce qu'il pourrait me dire sur quel genre de fédération ces travaux portent? Parce que, à l'heure actuelle le nombre des fédérations auxquelles on pourrait comparer la fédération canadienne n'est pas très considérable. Est-ce que, par exemple, ils

s'inspireraient plutôt de l'Inde, de l'Australie, de la Malaisie, d'une part, ou de l'Union Soviétique, de l'Allemagne de l'Ouest, du Mexique, voire du Brésil peut-être?

M. LEVESQUE: Dans tous les domaines que j'ai mentionnés cet après-midi, en particulier lorsque j'ai dit que l'on soulignait certaines préoccupations qui apparaissaient également dans le discours inaugural, en particulier lorsque l'on parlait de souveraineté culturelle, il y avait trois domaines que nous avons dégagés, trois secteurs: celui des communications, celui de l'immigration et celui des arts et des lettres. Dans ces trois domaines, nous avons fait des études exhaustives — et nous les poursuivons — quant à ce qui se passe dans tous les régimes fédéraux. Nous avons — je songe à l'Allemagne fédérale, mais je songe également à plusieurs autres pays où nous avons fait des études — examiné la législation et la situation qui s'est dégagée de certaines mesures prises dans ce pays touchant ces problèmes.

M. MORIN: Le chef du gouvernement fédéral, le premier ministre Trudeau, à la suite de l'échec de Victoria, a déclaré qu'il appartenait au Québec, qui n'avait pas cru bon d'adopter les positions fédérales, de solliciter la reprise des discussions sur ce qui était le triple enjeu de la conférence de Victoria: Le rapatriement de la constitution canadienne, une formule d'amendement essentiellement canadienne et la reconnaissance dans la constitution d'une charte des droits de l'homme et de garanties linguistiques. Est-ce que ce triple objectif de Victoria a donc été laissé de côté pour se concentrer sur des problèmes concrets, comme les communications, l'immigration, les arts et les lettres?

M. LEVESQUE: Est-ce que le député veut parler du rapatriement de la constitution canadienne?

M. MORIN: Oui, c'est bien de cela que M. Trudeau parle.

M. LEVESQUE: Est-ce que le député veut qu'on lui rappelle tous ces travaux sur la commission Fulton-Favreau?

M. MORIN: Non, il n'est pas nécessaire de remonter si loin en arrière, M. le ministre.

M. LEVESQUE: On ne m'a jamais souligné que le député de Sauvé s'était particulièrement passionné pour ce problème.

M. MORIN: C'est juste, mais je vous parle de la conférence de Victoria. M. Trudeau pose des conditions à la reprise du dialogue constitutionnel. Est-ce que le Québec est prêt, d'une manière ou d'une autre, à satisfaire ces exigences?

M. LEVESQUE: Evidemment, il s'agit là d'une responsabilité du chef du gouvernement. Le député de Sauvé aura sans doute l'occasion, au cours de l'étude de ces crédits, probablement, de rencontrer le chef du gouvernement et je laisserai à ce dernier le soin d'expliciter sa pensée là-dessus, s'il le juge à propos.

M. MORIN: Vous voulez dire que votre ministère...

M. LEVESQUE: Parce qu'il s'agit là d'une décision qui est à l'échelle du gouvernement dans son ensemble et je pense bien que le meilleur porte-parole serait le chef du gouvernement.

M. MORIN: Pourtant, c'est vous qui êtes responsable de ce secteur de la politique gouvernementale?

M. LEVESQUE: Je suis responsable de ce secteur, mais cela dépasse de beaucoup le secteur, parce qu'il s'agit d'une question de fond, oui, mais également d'une question de stratégie et cela à l'échelle gouvernementale, c'est-à-dire qui touche tout l'ensemble du gouvernement.

Je ne dis pas et je ne voudrais pas être interprété comme n'ayant pas personnellement mes idées sur le sujet. Au contraire. Nous avons fait des efforts dans le passé pour participer au rapatriement de la constitution, pour canadiani-ser la constitution, mais nous avons décidé à chaque reprise, et le député le sait, que nous ne pouvions pas accepter le rapatriement aux conditions qui intervenaient à ce moment-là. Si les conditions de rapatriement sont acceptables par le Québec, il n'y a aucun doute que nous pourrions envisager le rapatriement de la constitution, mais, encore là, faut-il connaître les conditions et ce sont justement ces conditions que je ne suis pas à même d'évaluer à ce moment-ci.

M. MORIN: Au moment de la rencontre entre M. Bourassa et M. Trudeau, au début de novembre 1973, on notait dans le Devoir: "Dans l'entourage de M. Bourassa, on ne juge pas prématuré l'examen des conditions propices à une reprise du débat sur la constitution, mais on indique que les discussions, d'abord entre Ottawa et Québec, puis entre Ottawa et l'ensemble des provinces, pourraient très probablement reprendre dans les mois qui viennent".

A lire cela, j'aurais cru que votre ministère était fin prêt à reprendre les débats sur le mode d'amendement, sur le rapatriement ou soi-disant rapatriement de la constitution.

M. LEVESQUE: Nous avons, au ministère, des juristes, des constitutionnalistes, nous avons une équipe extrêmement bien préparée pour étudier et qui étudie ces questions, mais la

façon dont vous me posiez la question méritait que je vous réponde de cette façon, il me semble. Il ne s'agit pas simplement d'une question technique, mais il s'agit également d'une question politique, et comme cette question dépasse la compétence d'un seul ministère, même si mon ministère est très près de cette question au point de vue technique, je ne suis pas prêt à répondre sur le plan politique à ce moment-ci. C'est ce que j'ai dit.

M. MORIN: Bien. Est-ce que le jour où le gouvernement aura pris une décision, dans un sens ou dans l'autre, cette décision politique dont vous parlez, est-ce qu'il y aura discussion publique des propositions du Québec cette fois?

Je vous rappelle que, la dernière fois, il n'y a eu aucune discussion publique. Tout cela s'était passé en catimini.

M. LEVESQUE: Je comprends. Présentement, cette question revêt un caractère, légèrement au moins, hypothétique, parce que nous n'en sommes pas là. C'est un peu comme si le député me demandait si on allait avoir une commission parlementaire sur le sujet.

M. MORIN: Oui, par exemple.

M. LEVESQUE: C'est cela. Il me semble qu'il faudrait attendre un peu.

M. MORIN: C'est parce que la dernière fois, c'était drôlement concret comme huis-clos.

M. LEVESQUE: Je note que c'est un voeu qu'exprime le chef de l'Opposition et disons que, si je suis encore là, au moment où cela deviendra actuel, j'essaierai de me rappeler.

M. MORIN: Bien. M. le Président, je souhaiterais que l'autre parti de l'Opposition soit représenté, comme cela je ne serais pas le seul à être en tête-à-tête avec le ministre, mais puisque c'est notre sort !

M. LEVESQUE: Nous avons des gens qui sont prêts à vous donner un coup de main.

M. BOSSE: On peut vous donner un "break".

M. MORIN: C'est la seconde intervention du député, depuis qu'il est à la Chambre, du moins durant ce Parlement-ci. La première a été pour prononcer le mot "avorter" et la seconde a été pour nous donner un "break". Ce sont des interventions déterminantes dans le débat.

M. BOSSE: Je vois que vous avez beaucoup de mémoire. D'ailleurs, nous avons déjà eu l'occasion de nous rencontrer et j'ai déjà vu aussi le genre d'interventions que vous faisiez lorsque j'étais négociateur à l'Université de Montréal, où vous étiez intervenu dans le débat comme médiateur et que vous aviez, à ce moment, si je me souviens bien, soutenu que $34.80 étaient bien suffisants pour une personne qui travaillait avec un torchon.

M. MORIN: Non.

M. BOSSE: Vous avez perdu la mémoire, parce qu'à ce moment, vous étiez seulement intellectuel, au niveau universitaire. Vous n'étiez pas encore descendu au niveau des travailleurs.

M. MORIN: Je ne sais pas de quoi le député parle. Je n'ai jamais été médiateur à l'université, ni ailleurs.

M. BOSSE: Ah oui! Vous avez participé comme médiateur dans un conflit à l'Université de Montréal, lorsque les employés...

M. MORIN: Vous me confondez certainement avec quelqu'un d'autre.

M. BOSSE: Je ne vous confonds point. Je n'ai point l'habitude. D'ailleurs, je connais bien mes adversaires et je ne les confonds point, sinon sur le plan électoral.

LE PRESIDENT (M. Picard): A l'ordre, s'il vous plaît, messieurs! Je crois qu'on s'éloigne un peu du sujet de la discussion. Est-ce que vous êtes prêts maintenant à procéder à l'élément 1 du programme 1?

M. MORIN: Non. Nous sommes toujours dans la discussion générale.

LE PRESIDENT (M. Picard): Vous avez d'autres questions d'ordre général?

M. MORIN: Oui, s'il vous plaît, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Picard): Allez.

M. BOSSE: On est toujours prêt à vous le donner quand même.

M. MORIN: Je ne comprends pas de quoi le député parle. Il pourra me donner des détails ces jours-ci, s'il le veut. Mais revenons à nos moutons. Je voudrais maintenant entretenir le ministre des relations intergouvernementales en particulier du fameux bilan qui devait être dressé par M. Arthur Tremblay, lorsqu'il est devenu sous-ministre, je crois que c'était à l'automne 1971. Dans le discours inaugural du premier ministre, le 7 mars 1972, il avait annoncé qu'il donnait pour mandat au nouveau sous-ministre des Affaires intergouvernementales de dresser le bilan de l'ensemble de nos relations intergouvernementales — cela se trouve dans les Débats de l'Assemblée, le 7 mars 1972 — de faire un relevé complet des activités du ministère, autant dans le domaine des

relations fédérales-provinciales que dans celui des relations avec l'extérieur. Ce bilan d'ensemble devait être dressé en deux phases: D'abord, en. rassemblant les matériaux et ensuite en portant un diagnostic, en indiquant des orientations. C'était donc un mandat public qui était confié au sous-ministre. Le ministre lui-même, en juin 1972, nous a parlé de l'état des travaux à ce moment. Il y aurait eu, nous a-t-il dit, un plan détaillé et quatre ou cinq tomes de rapports déjà sur le bilan des relations intergouvernementales. Le 20 juin 1972, M. Bourassa déclarait que la substance du bilan était complétée. Au début de mai 1973, une fuite dans le Soleil donnait les grandes lignes du bilan. Suivant ce qu'on a pu en lire, en tout cas, dans le Soleil qui semblait bien informé, ce bilan était clairement négatif. Je voudrais demander au ministre pourquoi le gouvernement n'a pas publié ce bilan et s'il compte le publier maintenant?

M. LEVESQUE: M. le Président, je crois que j'ai eu l'occasion, dans le passé, de le mentionner, mais je n'ai pas d'objection à le répéter. Ce bilan est pour nous un instrument de travail extrêmement important. Il est vrai qu'à un moment donné il y a eu certains articles dans le journal Le Soleil, qui parlaient justement du bilan et qui en donnaient certains extraits, si ma mémoire est fidèle, mais ce bilan n'était pas, dans mon esprit du moins, fabriqué pour publication.

J'ai eu l'occasion de dire pourquoi. Il y a là,, dans ce bilan, des éléments de stratégie et je n'ai jamais cru qu'il serait opportun de livrer ce bilan à ceux avec qui l'on a à négocier, non pas seulement annuellement ou mensuellement, mais quotidiennement.

A ce moment, je pense que le député de Sauvé parle d'une période où nous étions à l'étude des crédits du ministère, c'était, je crois, en 1972; j'avais même apporté, à l'étude des crédits, les volumes du bilan.

Lorsque je mentionnais tout à l'heure les divers sujets qui faisaient l'objet de l'étude des fonctionnaires du ministère, c'est un peu la table des matières du bilan. Il existe toujours, je l'ai encore ici en résumé. Ce n'est pas un dossier tellement secret, mais il est au service du personnel du ministère des Affaires intergouvernementales. Il est continuellement remis à jour.

Nous ne vivons pas dans une forme statique au ministère des Affaires intergouvernementales et au gouvernement du Québec. Il y a des développements dans ces dossiers régulièrement et il s'agit d'une remise à jour continuelle de ce dossier, qui sert d'instrument de travail privilégié pour les gens du ministère des Affaires intergouvernementales.

Nous ne sommes pas généralement maître d'oeuvre, comme je l'ai déjà mentionné. Dans les relations fédérales-provinciales, il s'agit ordinairement d'un secteur donné, d'un ministère qui a justement la responsabilité de tel ou tel secteur. Mais nous, nous nous assurons, comme le disait le chef de l'Opposition, de la coordination et de la cohérence, mot qui semble l'avoir frappé. Mais justement, c'est que ça nous préoccupe aussi d'avoir coordination et cohérence dans les dossiers.

Mais pour avoir coordination et cohérence et surtout efficacité, nous devons être au courant de l'évolution des dossiers, même dans le ministère sectoriel. Et nous avons des gens qui travaillent à l'intérieur de ce que nous appelons des modules, au ministère des Affaires intergouvernementales. C'est un module qui correspond à une activité chez les ministères sectoriels.

Ces gens sont continuellement en contact avec les ministères en question, de sorte que la direction des affaires fédérales-provinciales a comme responsabilité de tenir à jour tous ces éléments du — ce qu'on a appelé dans le temps— bilan et qui est justement l'ensemble des dossiers sectoriels de relations fédérales-provinciales et interprovinciales.

La direction générale des affaires fédérales-provinciales a de plus cette responsabilité, non pas seulement autrement dit de faire l'inventaire, une mise à jour continuelle, mais également de développer des stratégies pour tel, tel ou tel dossier dans tel ou tel secteur.

Il faut bien se rendre compte également que nous avons de plus en plus un nombre considérable de conférences fédérales-provinciales, soit à l'échelle ministérielle ou au niveau des fonctionnaires. J'ai ici, par exemple, toute la liste, — et je ne peux pas le dire au journal des Débats, mais j'indique à la commission le volume de la liste — des rencontres qui ont eu lieu en 1972/73 et 1973/74, rencontres qui avaient trait justement au dossier correspondant dans chacun des secteurs.

J'aime donner une explication additionnelle de la procédure que nous suivons maintenant au ministère dans l'utilisation de cet instrument privilégié qui est le bilan mis à jour continuellement, c'est qu'avant chacune des rencontres des fonctionnaires ou des ministres dans tel ou tel secteur, dès qu'il y a un dossier qui a une certaine consistance, une certaine importance, il est acheminé à travers le ministère d'abord, de concert avec le ministère sectoriel, vers ce que j'ai appelé cet après-midi le CCRI, qui est le comité des hauts fonctionnaires qui a été mis en place justement pour aviser le ministre des Affaires intergouvernementales sur, non pas seulement l'état du dossier, le problématique, mais également sur les orientations désirées ou désirables, les options, les stratégies à suivre ou les options de stratégie.

Après cela, après avoir été examiné par ce comité de hauts fonctionnaires, qui est composé non pas seulement de fonctionnaires du ministère des Affaires intergouvernementales, mais d'autres hauts fonctionnaires du gouvernement, à ce moment, c'est acheminé vers un groupe ministériel. Justement parce que nous attachons beaucoup d'importance à ces rela-

tions fédérales-provinciales — et je rappelle que le chef de l'Opposition mentionnait, cet après-midi, que ses tout premiers mots étaient pour souligner l'importance du ministère, de sa fonction — justement parce que le gouvernement est très conscient de l'importance des orientations qui peuvent être prises au ministère, nous avons voulu en faire une sorte de direction collégiale par la création de ce que j'ai appelé CIDA, qui est le comité interministériel des Affaires intergouvernementales, que ce dossier finalement arrive à ce comité ministériel qui se réunit régulièrement et qui prend connaissance de l'état de chacun des dossiers à la veille des conférences fédérales-provinciales.

Je pense qu'il y a là un cheminement logique et qui souligne l'importance que nous apportons, non pas seulement à la coordination, mais également à la cohérence et à l'efficacité.

M. MORIN: Je remercie le ministre de nous avoir décrit le cheminement de la révision, mais, je voudrais revenir à ce que le premier ministre avait déclaré le 7 mars 1972. Le mandat qui avait été donné au nouveau sous-ministre, c'était clairement un mandat public. En 1973, l'année suivante, M. Bourassa avait parlé d'une publication éventuelle.

Je voudrais souligner au ministre que ça n'intéresse pas que son ministère. Ce bilan intéresse tous les Québécois. Et c'est eux, en fin de compte, qui vont être les arbitres de cette situation, les arbitres de leur propre avenir. Qu'est-ce que vous avez à perdre à renseigner les Québécois sur le bilan entre le pouvoir fédéral et le Québec?

M. LEVESQUE: Disons tout de suite, avant que le député ne dramatise une situation qui est loin de mériter les qualifications qu'il se préparait à lui donner, qu'il me permette simplement de lui dire que la plupart de ces dossiers sont connus du public. Chaque ministère sectoriel fait connaître sa politique à mesure qu'il y a un développement dans son secteur particulier.

Ceux qui ont lu le bilan, d'abord, on ne peut pas le lire tous les jours, il change continuellement.

M. MORIN: Oui.

M. LEVESQUE: Si on le publiait, il serait déjà dépassé dans quelques semaines. Mais ce que je dis...

M. MORIN: Si on suivait un critère comme celui-là, le gouvernement ne publierait jamais rien.

M. LEVESQUE: Ce qui arrive, c'est qu'il s'agit d'un document de travail, c'est comme ça que nous le considérons. Mais chaque secteur, le ministère des Affaires sociales, par exemple, ou le ministère de l'Industrie et du Commerce, ou le ministère de l'Education ou les autres ministères, tour à tour, font part de leurs politiques et de leurs relations avec le gouvernement fédéral ou du contentieux qui existe entre le fédéral et le provincial. Vous avez ça continuellement.

M. MORIN: Bien sûr, mais ce n'est pas la même chose que le jugement intégré de votre ministère, en l'occurrence, sur l'ensemble de ces rapports fédéraux-provinciaux.

M. LEVESQUE: Justement, c'est que, lorsque nous avons donné ce mandat au sous-ministre, nous ne lui avons pas demandé de poser un jugement sur chacun des aspects des dossiers.

Il s'agissait beaucoup plus d'un inventaire de la situation qui n'avait pas été fait jusqu'à maintenant. C'est ce que nous avons fait, l'inventaire: et la mise à jour se poursuit.

M. MORIN: Donc, il y a...

M. LEVESQUE: Mais la question de poser les jugements, c'est le journaliste en question qui avait parlé de la qualité négative ou positive de certaines parties du bilan, etc. Mais quant au bilan lui-même, il n'y a pas de jugement au bout de chacun des chapitres qui dit que ceci est positif ou que ceci est négatif.

M. MORIN: En septembre 1973, le sous-ministre lui-même qui commentait le bilan devant les étudiants de l'ENAP — ce qui prouve d'ailleurs le caractère déjà public de la chose — avait dit qu'il était loin d'être convaincu qu'il soit jamais possible d'élaborer une stratégie globale à partir de l'état du dossier à ce moment, mais que le bilan ...

M. LEVESQUE: Qui aurait dit ça?

M. MORIN: Le sous-ministre. Mais que le bilan n'était pas conçu pour fins de publication; que cependant...

M. LEVESQUE: C'est parce que, lorsque vous avez parlé de l'ENAP, je me demandais quel sous-ministre...

M. MORIN: C'était bien le sous-ministre actuel devant les étudiants de l'ENAP. Le sous-ministre actuel avait ajouté qu'il n'était pas opposé à l'idée d'en communiquer les résultats à la presse. Moi, je pense qu'ils devraient d'abord être communiqués à l'Assemblée.

Pourquoi est-ce que le ministre ne le fait pas? Est-ce que le bilan est si négatif que ça? Il vient de nous dire que chaque ministère, à tour de rôle, fait état de sa propre situation. Puisque ça semble être positif — d'après ce que nous dit le ministre — pourquoi ne pas publier le document? Qu'est-ce qu'il contient que nous ne sachions déjà?

M. LEVESQUE: S'il n'y a rien que vous ne sachiez, je me demande pourquoi vous me posez la question, si vous savez tout.

M. MORIN: Est-ce que les Québécois n'ont pas intérêt...

M. LEVESQUE: Interrogez-moi sur les choses que vous ne savez pas.

M. MORIN: ... ainsi que les membres de l'Assemblée à ce que vous publiiez officiellement, plutôt que d'être obligés d'en prendre connaissance par des fuites aux journaux?

M. LEVESQUE: II y a des dossiers sûrement — dans l'ensemble, je pense qu'il y avait 400 dossiers, c'a été diminué à 150 ou 200 à un moment donné, ceux que nous avions conservés parmi les 400 — sans doute quelques-uns, qui sont moins actifs que d'autres. Pour ceux-là peut-être qu'il n'y aurait aucune objection. Mais ceux pour lesquels nous sommes présentement en pleine négociation, est-ce que le député croit qu'il serait opportun, à ce moment-ci, d'en faire la publication?

M. MORIN: Oui.

M. LEVESQUE: Je suis convaincu que si le député de Sauvé était à ma place, il hésiterait beaucoup à en faire la publication au moment où les négociations sont en cours. Et quant à déposer la moitié ou une fraction du bilan, là on se ferait accuser de tous les péchés d'Israël.

M. MORIN: Quand les négociations sont en vue, on dit qu'on ne publiera pas parce qu'il ne faut pas compromettre les négociations. Après les négociations, on dit: Ce serait mieux qu'on attende les prochaines, pour ne pas compromettre les résultats. En sorte que ce ne sera jamais publié.

M. LEVESQUE: Je le dis et je le répète, il s'agit d'un instrument de travail privilégié qui est utilisé en collaboration avec le ministère sectoriel, par les gens du ministère des Affaires intergouvernementales et particulièrement par la direction des affaires fédérales-provinciales.

M. MORIN: Oui, bien moi, je vous réponds que le mandat était public et que vous devez avoir de trop bonnes raisons de ne pas le publier. Je pense que le bilan doit être drôlement négatif, parce qu'autrement vous l'auriez publié depuis longtemps. Et je ne peux faire autrement qu'être d'accord avec M. Ryan, septembre 1973: "Le mandat...

M. LEVESQUE: Etes-vous toujours d'accord avec M. Ryan?

M. MORIN: Pas toujours, mais cette fois je l'étais rudement.

M. LEVESQUE: Quand ça fait votre affaire vous l'êtes, quand ça ne fait pas votre affaire, vous ne l'êtes pas.

M. MORIN: C'est un peu comme le ministre: si le rapport avait fait son affaire, il l'aurait publié, mais je vois qu'il ne fait pas son affaire puisqu'il ne l'a pas publié.

M. LEVESQUE: Je suis très heureux d'avoir cet instrument de travail. Je vais même vous dire bien franchement et bien candidement que les fonctionnaires du ministère sont très heureux d'avoir cet instrument à leur disposition.

M. MORIN: Evidemment.

M. LEVESQUE: Et ils sont très heureux de pouvoir le mettre à jour continuellement.

M. MORIN: Oui. Et seraient-ils heureux qu'il soit publié? Peut-être se sentiraient-ils moins technocrates.

M. LEVESQUE: Aucun de mes conseillers ne m'a suggéré de le publier.

M. MORIN: Bien. Je leur rappelle donc...

M. CHARRON: Probablement parce qu'ils avaient renoncé d'avance à vous convaincre.

M. LEVESQUE: Peut-être, mais pas nécessairement. Je suis très sensible aux conseils de ceux qui m'entourent, parce que je pense que je suis très bien conseillé.

M. CHARRON: Alors, est-ce que je peux vous en donner un?

M. LEVESQUE: Un quoi? M. CHARRON: Un conseil.

M. LEVESQUE: Je parlais des gens du ministère des Affaires intergouvernementales. Si le député veut "faire application" comme on dit, présenter sa candidature, nous pourrons l'examiner avec la même objectivité que nous faisons d'habitude avec les candidatures qui nous sont suggérées. Il y a d'ailleurs un nouveau concours qui est ouvert, n'est-ce pas?

M. CHARRON: Si je "fais application", allez-vous téléphoner à mon député pour voir si je suis d'allégeance libérale?

M. LEVESQUE: Dans votre cas, ce ne sera pas nécessaire.

M. MORIN: Pour en revenir à M. Ryan, je pense qu'on pourrait conclure: "Le mandat confié à M. Tremblay fut public, ne fut-ce que par les nombreuses évocations qu'en fit publiquement le chef du gouvernement. Tout le monde — continue l'éditorial — comprit que le rapport serait aussi public. M. Bourassa ne laissera jamais entendre le contraire".

L'éditorial se termine en disant: "Comman-

der une étude de fond, c'est s'engager implicitement à prendre position sur les conclusions qui en émaneront. Le gouvernement Bourassa tenait-il à être placé devant une telle obligation?" C'est la question que je me pose aussi.

M. LEVESQUE: Quelle est la date de l'article?

M. MORIN: C'était le 19 septembre 1973. M. LEVESQUE: Merci.

M. MORIN: Et j'ai bien l'impression que c'est ça qui est le fond de la question. Le gouvernement ne veut pas être obligé de prendre position publiquement devant les conclusions de ce rapport.

M. LEVESQUE: Ce n'est pas juste de dire ça, parce que ce n'est pas vrai. Nous n'avons aucune objection de principe, c'est une question de stratégie. Nous croyons qu'il est préférable d'utiliser à l'intérieur du ministère cet instrument de travail. D'ailleurs ce qui nous importe davantage, c'est de pouvoir obtenir des résultats positifs. S'il y a avantage à rendre le bilan public, nous croyons qu'il y a un avantage supérieur à l'utiliser en vue d'obtenir des résultats positifs.

Je ne dis pas que M. Ryan n'a pas raison de souhaiter la publication du bilan. Je pense même que c'est une chose bonne en soi. Mais je crois qu'il est meilleur de ne point le publier afin d'avoir le maximum d'efficacité dans la stratégie que nous poursuivons.

M. MORIN: Vous disiez tout à l'heure, M. le ministre, que vos fonctionnaires n'avaient fait en somme qu'une sorte de compilation et qu'ils n'avaient pas porté de jugement de valeur sur les dossiers, du moins si je vous ai bien compris.

M. LEVESQUE: C'est-à-dire que le bilan, tel qu'il est actuellement, ne comporte pas — lorsque nous le mettons à jour, autrement dit — de...

M. MORIN: De jugement.

M. LEVESQUE: ...jugement de valeur sur chacun des dossiers. Mais ça ne veut pas dire cependant qu'il n'y a pas, à l'intérieur du ministère, des rapports qui justement portent des jugements de valeur sur les dossiers. Il ne faudrait pas mal m'interpréter. C'est évident qu'on le fait continuellement.

M. MORIN: Oui, parce qu'en 1973, si on en juge d'après les fuites publiées dans le Soleil, il y avait eu un jugement de valeur sur un ensemble de dossiers parce que...

M. LEVESQUE: II y avait eu un jugement de valeur...

M.MORIN: ...seuls cinq dossiers sur 25 étaient jugés positifs.

M. LEVESQUE: ... ce n'était pas le bilan — c'était une version préliminaire — dont je parle lorsque nous parlons du bilan tel qu'il a été complété.

M. MORIN: Mais c'étaient les bilans sectoriels dans l'état où ils se trouvaient à ce moment. Je vois que nous devons nous résigner...

M. LEVESQUE: II y avait là évidemment des matériaux recueillis dans les ministères. S'il y avait des jugements de valeur qui arrivaient avec les matériaux, ils étaient là. Mais notre travail n'était pas de compiler des jugements de valeur, c'était de compiler les matériaux de base.

M. CHARRON: Justement là-dessus, dans le discours inaugural de la session 1972, que, je crois, vous a cité le chef de 4'Opposition tout à l'heure, si je reprends mot à mot le discours inaugural du premier ministre, on parlait de cette phase du relevé des matériaux, mais on la définissait très bien comme une première phase essentielle. Mais on disait aussi: "Cette phase initiale qui est à être achevée" —il y a de cela deux ans — "nous fournira les éléments nécessaires à la seconde phase du bilan, la plus décisive, la plus déterminante pour l'avenir du Québec, celle où nous aurons à poser le diagnostic de l'état de nos relations intergouvernementales et à définir les orientations à prendre pour l'avenir."

D'abord cette seconde phase est-elle aussi secrète — j'imagine que la première l'a été — que la première? Et où en est exactement cette seconde phase depuis deux ans?

M. LEVESQUE: Voulez-vous répéter la fin de votre question?

M. CHARRON: Où en est cette seconde phase?

M. LEVESQUE: Ah bon! La première phase en est une de compilation, d'inventaire, n'est-ce pas? La seconde phase consiste à porter des jugements de valeur, à évaluer, à étudier non pas seulement la problématique, mais des options qui s'ouvrent, des solutions et en même temps définir des stratégies.

Tout cela, cette seconde phase, se fait présentement à l'intérieur des cadres que nous avons mentionnés tout à l'heure, du CCRI et du CIDA. Les matériaux de base sont utilisés régulièrement et sont acheminés au CCRI, qui est le comité des hauts fonctionnaires, qui étudie les questions qui lui sont refilées, et ensuite qui apporte le jugement au niveau des hauts fonctionnaires. Ensuite, le tout est acheminé vers le CIDA, qui est le comité interministériel des Affaires intergouvernementales, où

siègent les ministres représentant la mission culturelle, la mission éducative, la mission sociale, la mission économique, la mission gouvernementale et administrative, et ces cinq ministres — parce que j'en suis également — apportent des jugements de valeur. Il y a là évidemment un élément de politique, c'est au niveau politique à ce moment que se portent ces jugements qui doivent l'être.

M. MORIN: Au fond, M. le ministre...

M. LEVESQUE: Et c'est là d'ailleurs que ça doit finalement aboutir.

M. MORIN: ... l'exercice qui est en cours, ce n'est plus un bilan comme ce devait l'être au début. Parce qu'un bilan, on l'arrête à une date. Et même si c'est publié plusieurs mois après la date où on a arrêté le bilan, ça représente un certain portrait, à ce moment, de l'état de choses.

Ce que vous faites, c'est une sorte d'état permanent de pertes et profits, en quelque sorte. Et ça n'aura, pour ainsi dire, jamais de fin.

M. LEVESQUE: Au statique, nous avons préféré le dynamique.

M. CHARRON: Oh! que c'est bien dit. Vous allez nous expliquer ça quand même, parce que les formules, ce n'est pas notre fort, il faudrait peut-être préciser ça.

Quand vous m'avez dit que vous portiez le diagnostic par secteur en fin de compte, avec tous vos comités, je vous en prie, ne faites pas l'énumération pour la quatrième fois, c'est déjà fait...

M. LEVESQUE: C'est ça.

M. CHARRON: Quand vous faites ce diagnostic par secteur, qui en est chargé, qui a fait et quand a-t-on fait un diagnostic général de la situation du Québec?

M. LEVESQUE: Ce n'est pas ce que vous essayez de faire tous les jours, vous autres?

M. CHARRON: Vous, l'avez-vous fait?

M. LEVESQUE: Evidemment, si on parle du bilan lui-même, si on a fait un résumé du bilan, c'est ça que vous voulez dire? Un résumé complet pour essayer d'en dégager un principe directeur, c'est ça que vous voulez?

M. MORIN: Non, si vous avez établi à un moment donné l'actif et le passif, cela a l'air de quoi? C'est ça faire un bilan. On compare l'actif et le passif.

M. LEVESQUE: On peut faire ça si on est à l'université, disons, et si on veut faire de la recherche. Mais on a jugé beaucoup plus important de déterminer pour l'avenir l'action à prendre sur chacun des dossiers que de porter jugement sur le passé. C'est beaucoup plus important pour nous de savoir quels gestes nous allons poser aujourd'hui, demain, quelle stratégie nous allons suivre.

M. MORIN: Surtout pas de vision d'avenir, de l'immédiat, du concret, du pragmatique toujours.

M. LEVESQUE: C'est l'avenir, beaucoup plus que le passé. Si nous faisons le portrait statique que vous voudriez du bilan tel que rédigé en 1972, c'est cela que vous aimeriez avoir au portrait? C'est cela que vous demandez depuis une demi-heure, une heure? Vous demandez le portrait?

M. MORIN: Cela se peut qu'il soit favorable aussi. On vous demande de mettre les Québécois au courant.

M. LEVESQUE: Les Québécois sont au courant, parce que chacun des ministères sectoriels parle abondamment aux Québécois. Les ministres sont dans toute la province et sont au Parlement. Ils sont partout à la fois. Ils parlent de leur ministère, de leur secteur, du contentieux fédéral-provincial.

M. MORIN: Alors, tout cela était inutile depuis le début, mais pour nous...

M. LEVESQUE: Afin, justement d'avoir une action valable de coordination, de cohérence et d'efficacité, il était important pour nous d'avoir ce bilan, mais pas un bilan statique, mais un bilan qui évolue avec une mise à jour continuelle. II me semble que c'est clair. Puis, nous avons mis en place des structures pour que ce bilan puisse servir et qu'il ne soit pas simplement un souvenir ou une pièce importante dans une bibliothèque. Nous avons voulu que ce soit un instrument vivant pour tout le ministère des Affaires intergouvernementales, qui est au service de tous les ministères du gouvernement.

M. MORIN: Vivant, mais secret. M. CHARRON: M. le Président,... M. LEVESQUE: Que voulez-vous?

M. CHARRON: Un bilan, un document de travail...

M. LEVESQUE: Pas secret quant aux citoyens du Québec, mais comme je le mentionnais, chacun des ministères, chacun des ministres publie régulièrement le contentieux fédéral-provincial en ce qui le regarde. Mais nous croyons que ce document est un document de travail privilégié pour le ministère des Affaires intergouvernementales. C'est clair?

M. CHARRON: Est-ce qu'on annonce, avec tambours et trompettes, l'existence d'un document de travail dans un ministère dans le discours inaugural? Combien de documents de travail à l'intérieur des ministères ont été annoncés avec tambours et trompettes dans le discours inaugural? Vous êtes ici, vous, depuis à peu près quatre fois plus de temps que moi, vous êtes en mesure peut-être de me dire combien de fois a été fait un document de travail comme cela qui aide à la préparation de dossiers à la pièce?

M. LEVESQUE: Non, je vais... M. MORIN: Un document vivant.

M. LEVESQUE: C'est facile à répondre. D'ailleurs, le chef de l'Opposition y a répondu lui-même dans ses premiers renseignements d'ouverture, cet après-midi, lorsqu'il a souligné l'importance du ministère des Affaires intergouvernementales. Il a mentionné et ce n'est pas moi qui l'ai provoqué du tout, il a dit que c'était ce qui est le plus important, je pense, sous le soleil! C'est effrayant comme il est important cet après-midi. C'est normal qu'on parle...

M. CHARRON: Cela devait vous faire drôle!

M. LEVESQUE: ... de l'instrument le plus important du ministère le plus important. Il ne faut pas s'étonner de cela.

M. CHARRON: Est-ce qu'il a réussi à vous convaincre?

M. LEVESQUE: Non, mais voici! Il s'est mis à rêver en couleur et il a parlé d'un ministère des Affaires étrangères. Ensuite, il a parlé des jobs d'ambassadeur, il en avait même une pour le député de Saint-Jacques.

M. MORIN: II y en avait une pour le député de Bonaventure aussi.

M. CHARRON: II va être nonce apostolique.

M. MORIN: Blague à part, M. le ministre, si je tire la conclusion de tout cet échange, les Québécois n'auront pas votre bilan "vivant", mais secret. C'est bien cela; ils ne l'auront pas.

M. LEVESQUE: J'ai oublié de mentionner quelque chose de bien important, parce que je vois le chef de cabinet du chef de l'Opposition est assis derrière lui, puis je ne voudrais pas créer de choc ou de conflit entre les deux, parce que j'ai renoncé au ministère des Affaires étrangères que m'avait offert le chef de l'Opposition. Alors, le chef de cabinet peut être rassuré. Ceci étant dit, je reviens à ce qu'on appelle le bilan.

M. MORIN: Je ne sais pas, il y a là des allusions qui m'échappent. Est-ce que vous voulez dire que vous avez promis cela à vos aides derrière vous?

M. LEVESQUE: II a les mêmes euphories que vous. Alors...

M. MORIN: En résumé, les Québécois n'auront donc pas cet instrument de travail? Cela reste un document secret.

M. LEVESQUE: Les Québécois vont profiter de cet instrument de travail beaucoup plus, parce qu'il est au service et, dans la dynamique du ministère, ils en profiteraient simplement par une lecture d'une édition d'un journal une journée pour ensuite, souffrir d'une publication prématurée d'un instrument privilégié.

M. CHARRON: J'aimerais que vous nous expliquiez comment est utilisée exactement la dynamique quotidienne du ministère?

M. LEVESQUE: Vous voudriez que je recommence?

M. CHARRON: Non.

M. LEVESQUE: Vous m'avez dit tout à l'heure de ne pas recommencer cela.

M. CHARRON: Non. Je ne vous demande pas les comités. Je veux dire politiquement, vous avez un dossier, par exemple, s'il est fait par secteur, et dans le domaine des communications, il est essentiellement négatif. J'en ai discuté avec votre collègue des Communications, lorsqu'on a étudié les crédits de son ministère. Je pense qu'il a tenu des propos absolument semblables aux... Par contre, vous pouvez avoir, dans le même bilan, un autre secteur où le "bargaining power", le jeu de marchandage ou la force de quémandage du Québec a eu plus de résultat. Je ne sais pas lequel, je vous laisse libre choix d'avoir un exemple. Est-ce que vous jouez une carte avec une autre? Les Québécois ont le droit de savoir comment le gouvernement conduit ses affaires dans les différents secteurs. Dans ce sens, si le document était public, on pourrait verifier quels outils vous utilisez et lesquels vous n'utilisez pas.

Je veux bien m'enfermer dans votre vocabulaire de la dynamique, un terme du ministère. Cela ne me dit rien pour le moment, à moins que vous ne le décriviez de façon très précise. En quoi le secret devient-il un outil stratégiquement indispensable à la conduite des affaires du Québec?

M. LEVESQUE: Voici. Disons qu'il n'y a pas de secret. Il n'y a plus tellement de secrets dans le gouvernement, vous savez cela.

M. MORIN: Qu'est-ce que vous voulez dire? M. LEVESQUE: N'ayez pas l'air surpris.

M. CHARRON: Je n'ai pas l'air surpris. J'attends juste que vous expliquiez votre affirmation.

M. LEVESQUE: Bon. Il ne faut pas faire de mystère sur le secret. Il n'y a pas de secret. Tout est ouvert. Le gouvernement n'a rien à cacher. Encore moins, le ministère des Affaires intergouvernementales.

M. MORIN: Alors, vous allez publier ce rapport demain?

M. LEVESQUE: C'est justement parce que vous ne faites pas la différence entre l'utilisation d'un document comme celui-là, continuellement mis à jour, et qui, une fois utilisé, fait partie de notre travail quotidien. J'essayais de répondre au député de Saint-Jacques, mais je vois qu'il n'était pas ici cet après-midi. Je ne le blâme pas, il devait être occupé ailleurs, mais j'ai essayé de dégager cet après-midi les priorités que l'on retrouve d'ailleurs dans le discours inaugural, les priorités gouvernementales. C'est justement dans la poursuite des objectifs ainsi définis que nous utilisons le bilan. Si on veut savoir d'une façon très concrète comment cela se fait, il y a régulièrement, dans la poursuite des objectifs du Québec, des rencontres entre fonctionnaires des différentes provinces ou du gouvernement fédéral, ou encore des conférences fédérales-provinciales, cela pour de multiples sujets et régulièrement.

Au lieu d'aller à ces conférences, comme cela se faisait dans le passé... Je ne blâme personne, nous n'étions pas organisés, cela se faisait quelquefois avec le ministère sectoriel, quelquefois avec le ministère des Affaires intergouvernementales, quelquefois avec le bureau du premier ministre, quelquefois c'était du cru du ministre ou selon les renseignements que pouvait obtenir un fonctionnaire avant d'aller à une telle conférence. Aujourd'hui, c'est systématique. Tout le gouvernement a accepté le ministère des Affaires intergouvernementales comme l'instrument de coordination qui essaie d'obtenir une cohérence d'abord, dans les actions intergouvernementales, mais en même temps a ce souci d'efficacité. C'est pourquoi nous avons mis en place, non pas seulement les structures, mais le dossier type dans chaque cas qui est utilisé, c'est-à-dire l'historique, les antécédents, la problématique, les solutions, la stratégie, la composition de la délégation, etc. Autrement dit, tous les éléments que nous rassemblons du ministère sectoriel et de notre ministère et notre bilan est justement l'instrument privilégié qui nous permet de fournir le contenu à tout cela. Cela ne peut pas être plus logique. Les gens qui aiment la logique plutôt que l'empirisme, etc.

M. MORIN: En parlant de logique, ce n'est pas un bilan.

M. LEVESQUE: Ils n'aiment pas avoir quelque chose de clair comme cela, que chacun des dossiers soit préparé de la même façon, si vous voulez, avec le même soin et qu'on ait une façon systématique pour procéder à la préparation des conférences intergouvernementales.

M. MORIN: Ce n'est pas un bilan, c'est un état des revenus et dépenses. Ce n'est pas la même chose.

M. LEVESQUE: Enfin.

M. MORIN: Si nous avions ce document, nous pourrions certainement interroger le ministre de façon plus pertinente. Comme nous ne l'avons pas, on va se servir des instruments qui sont à notre portée, parce que les députés à l'Assemblée n'ont pas le droit de voir cela. C'est réservé aux fonctionnaires. Cela n'est pas bon pour les Québécois. Nous allons donc nous servir de ce qui est sorti de votre bilan dans les journaux pour pouvoir tout de même vous interroger sur ce qui se passe au Québec. Cela intéresse un petit peu les Québécois quand même.

Est-ce qu'on peut, comme le Soleil, tirer la conclusion générale que le Québec n'a pas en main les instruments nécessaires pour stimuler l'économie québécoise, qu'en matière de développement économique, c'est Ottawa qui est le meneur de jeu? C'est la conclusion qui émanait de la partie du bilan que le Soleil a publiée le 1er mai 1973. Je peux vous en faire des citations, si vous voulez. C'est tiré de votre rapport. "Malgré les prétentions du premier ministre Robert Bourassa, dit le Soleil, dans le domaine économique, le Québec n'a pas en main les instruments pour stimuler l'industrie québécoise. C'est plutôt Ottawa qui est le meneur de jeu." Un peu plus loin: "Les mesures fédérales étendent leur action à presque toute l'industrie secondaire et, dans certains cas, au secteur tertiaire, ce qui laisse peu de place pour une action québécoise. En résumé, le dossier sur les stimulants de l'industrie est très négatif."

Est-ce que cette conclusion est toujours valable?

M. LEVESQUE: Disons tout d'abord que personne n'a prétendu qu'il n'y avait pas d'instruments économiques aux mains du pouvoir central. Personne n'a prétendu cela.

M. CHARRON: Sa crédibilité...

M. LEVESQUE: Et deuxièmement, je me demande même si quelqu'un a prétendu que cela serait bon...

M. MORIN: Que?

M. LEVESQUE: ...que le gouvernement cen-

tral n'ait pas de pouvoir économique. Est-ce qu'il y a quelqu'un qu'on connaît, qu'on peut citer, qui a dit que le gouvernement central ne devrait pas avoir de pouvoir d'ordre économique?

M. MORIN: Vous voulez dire dans le système fédéral actuel?

M. LEVESQUE: Oui.

M. MORIN: Dans un système fédéral, il doit avoir certains pouvoirs économiques...

M. LEVESQUE: Bon.

M. MORIN: ... mais il ne les utilise pas à l'avantage du Québec.

M. LEVESQUE: Ah non! Il ne faut pas se mêler. Vous admettez que si on part d'un régime fédéral, il n'est pas question d'enlever au pouvoir central le pouvoir économique.

M. MORIN: Entendons-nous! Des affirmations à l'emporte-pièce...

M. LEVESQUE: C'est ce que vous venez de dire.

M. MORIN: ... comme cela. Le pouvoir économique se décompose en une série de pouvoirs.

M. LEVESQUE: Ah bon! D'accord. Mais certains pouvoirs économiques.

M. MORIN: Oui, et alors?

M. LEVESQUE: C'est cela. Il ne faut pas partir du fait que le député serait d'avis que le pouvoir central dans un régime fédéral n'ait pas de pouvoirs ou de leviers économiques. Il serait impossible pour moi de nier que l'influence de la politique monétaire, de la politique tarifaire et de plusieurs politiques fédérales se fait sentir au Québec comme ailleurs au pays. On ne peut faire autrement que de saluer l'arrivée du premier ministre qui arrive justement au milieu d'une question qui, sans doute, le préoccupe...

M. BOURASSA: Sur le pétrole? M. MORIN: Encore cette confiture.

M. LEVESQUE: Justement, cela serait intéressant de parler du pétrole.

M. MORIN: Commencez par répondre à la question. Nous aurons certainement des questions pour le premier ministre.

M. LEVESQUE: La question du député de Sauvé est celle-ci, si je la comprends bien: Est-ce que le pouvoir économique utilisé ou entre les mains du gouvernement central est exclusif ou y en a-t-il une part pour le Québec? Est-ce que c'est bien cela? Je veux bien comprendre la question du député.

M. CHARRON: Ce n'est pas cela que le chef de l'Opposition a posé comme question.

M. LEVESQUE: Alors, qu'il la pose donc de nouveau, si ce n'est pas cela.

M. CHARRON: Le document dont il vous a lu un extrait ne réduisait pas l'affirmation de façon aussi bête que vous venez de le faire, à affirmer qu'au bout d'une étude sur le bilan des relations fédérales-provinciales, on concluait qu'Ottawa jouait un rôle dans l'économie du Canada. Il affirmait qu'Ottawa, en ce qui concernait le développement économique du Québec, était effectivement le meneur de jeu. C'est toute la différence au monde. On peut admettre, dans un régime fédéral, bien sûr, que le gouvernement central ait les pouvoirs économiques comme ceux que vous avez mentionnés, mais la question est de savoir si, à partir de ces pouvoirs qu'il possède déjà, il est effectivement le meneur de jeu du développement économique des Québécois et que le gouvernement des Québécois n'est, dans ce domaine, que bon second.

M. BOURASSA: C'est toujours l'approche de tout ou rien.

M. CHARRON: Non. Puis-je signaler au premier ministre, avant qu'il ne parle, que nous parlons d'un document du ministère des Affaires intergouvernementales. Cela n'est pas une affirmation du député de Saint-Jacques ou du chef de l'Opposition. C'est un document sur le bilan des relations fédérales-provinciales qui a été publié le mardi 1er mai 1973, à la suite d'une fuite, puisque le gouvernement se refuse à remettre ce bilan aux mains de la population, et qui faisait ce genre d'affirmation: "Le Québec n'a pas en main les instruments pour stimuler l'industrie québécoise. C'est plutôt Ottawa qui est le meneur de jeu". C'est le document de travail du ministère à partir duquel on discute depuis tantôt.

M. BOURASSA: C'est le document sectoriel. Quel que soit le système politique au Québec, il faudrait collaborer économiquement. Je me souviens de la dernière entente fédérale-provinciale sur le développement régional. Je pense que c'est Maurice Giroux, qui était anciennement au ministère, qui faisait le commentaire dans le journal Le Jour...

M. MORIN: M. le premier ministre, vous êtes arrivé comme un cheveu sur la soupe; la Commission ne parlait pas de ça.

M. BOURASSA: Mais vous parliez du déve-

loppement économique du Québec et du Canada.

M. MORIN: Oui, d'accord, mais on était en train de procéder à partir du bilan, pour essayer de savoir...

M. BOURASSA: Dans les nuages...

M. MORIN: ... quel était aujourd'hui... Ah! là, vous allez faire ce que vous avez fait dans d'autres commissions. Vous arrivez et, sans même écouter pendant cinq minutes ce qui se passe pour comprendre à peu près la nature du débat, vous commencez à piétiner dans les plates-bandes. J'aimerais mieux que le ministre réponde aux questions et que vous écoutiez un bout de temps avant...

M. BOURASSA: Je sais que vous n'aimez pas cela quand je réponds aux questions.

M. MORIN: Ah non! Vous pourrez répondre. J'ai des questions pour vous d'ailleurs parce que le ministre, tout à l'heure, s'est déchargé de certaines responsabilités sur vous. Alors, on vous attendait.

M. LEVESQUE: Non. Un instant! Une seule question. C'était sur la question du rapatriement de la constitution et j'ai dit qu'il s'agissait là d'un sujet qui devait être traité par le chef du gouvernement.

M. BOURASSA: J'avais déjà consulté le chef de l'Opposition là-dessus quand il était expert en droit international.

M. MORIN: C'est un fait, oui. Le premier ministre m'avait appelé, mais je lui avais fait comprendre que je préférais ne pas être mis au courant de tout le dossier, parce que je ne voulais pas avoir...

M. BOURASSA: Cela vous permettrait de critiquer à ce moment.

M. MORIN: ... les mains liées. Mais reprenons, si vous le voulez bien, la question que je vous posais. D'après le bilan, le Québec n'a pas en main les instruments pour stimuler l'industrie québécoise; il n'a pas en main les instruments pour pouvoir planifier son économie, et les mesures fédérales étendent leur action à presque toute l'industrie secondaire et, dans certains cas, au secteur tertiaire, ce qui laisse peu de place pour une action québécoise. Ceci est complété par des constatations d'un de vos collègues, le ministre Saint-Pierre, qui a admis — je pourrais citer des extraits de sa contribution aux débats — que le Québec a été traité en parent pauvre par le gouvernement fédéral. Est-ce que ce bilan dressé en mai 1973 est toujours exact?

M. BOURASSA: Si le chef de l'Opposition me permet de répondre, évidemment, il pose une question de nature très générale. Est-ce que le gouvernement du Québec est satisfait de la collaboration économique du Canada ou du gouvernement fédéral ou du reste du Canada? Dans certains secteurs, on peut avoir...

M. MORIN: Ce n'est pas cela. Est-ce que vous avez en main les instruments?

M. BOURASSA: Cela revient au même. Je m'excuse, mais le chef de l'Opposition me permettra de donner un exemple concret de cette collaboration économique.

M. MORIN: Le pétrole?

M. BOURASSA: Laissez-moi terminer. Cela fait trois mois que j'attends des questions de la part de l'Opposition sur le pétrole. Il n'y en a jamais. On dirait qu'elle ne veut pas poser de questions sur le pétrole.

M. MORIN: Nous attendons que le prix international commence à baisser et que le prix de l'Est commence à monter et on en reparlera à ce moment. A part cela, nous attendons le rapport du ministère du Revenu sur les impôts payés par les compagnies de pétrole. C'est de cela que vous voulez parler?

M. BOURASSA: Si je comprends bien le chef de l'Opposition, est-ce qu'il affirme, comme il l'a fait à quelques reprises, que, d'après lui, le prix international du pétrole va baisser?

M. MORIN: Non. J'affirme là, avec le bilan des relations fédérales-provinciales, que le Québec n'a pas en main les instruments nécessaires pour stimuler l'industrie québécoise; les mesures fédérales étendent leur action à presque toute l'industrie secondaire, ce qui laisse peu de place pour une action québécoise. Etes-vous d'accord sur ce verdict?

M. BOURASSA: II n'y a pas un pays au monde qui est économiquement autonome, de moins en moins, et alors, supposer que le Québec pourrait être économiquement souverain, c'est faire preuve d'une grande naïveté. Je donne l'exemple...

M. MORIN: ... du fédéralisme.

M. BOURASSA: Laissez donc faire les fuites. Si vous n'aviez pas les fuites et les articles de journaux, qu'est-ce que vous feriez comme Opposition?

M. MORIN: Justement, on demandait au ministre de nous donner le document tout à l'heure.

M. BOURASSA: Vous me parlez du développement économique, je vous donne l'exemple

du pétrole. Le ministre l'a mentionné cet après-midi, le Québec va recevoir près de $1 milliard. C'est de l'argent cela, de l'extérieur du Canada.

M. MORIN: Est-ce que c'est du développement?

M. BOURASSA: C'est du développement, M. le Président, parce qu'imaginez ce qui serait arrivé à l'économie du Québec s'il fallait payer le prix international du pétrole. Qu'est-ce qui serait arrivé à notre pétrochimie, à nos papeteries ou à nos entreprises minières s'il fallait payer près de $11 le baril? Qu'est-ce qui arriverait aux dizaines de milliers d'emplois? C'est sérieux.

M. MORIN: Ce n'est pas du développement, c'est de l'assistance sociale, ce n'est pas la même chose.

M. BOURASSA: Cela n'arrive pas souvent, mais la réponse du chef de l'Opposition n'est pas sérieuse.

M. MORIN: Allons donc!

M. BOURASSA: II sait fort bien que, si le Québec avait été forcé de payer le prix international du pétrole à $11 le baril, alors qu'en Ontario les gens pourraient payer $7, alors que nos concurrents immédiats et des plus importants pourraient payer une différence de 40 p.c, imaginez ce qui arriverait à toutes nos entreprises qui utilisent le pétrole. Ce sont des dizaines de milliers...

M. MORIN: Qu'est-ce qui leur arrive justement aux industries pétrochimiques, M. le premier ministre? Dites-nous donc cela?

M. BOURASSA: Est-ce que je peux terminer? Cela les énerve, le pétrole !

M. MORIN: Parlez-nous des industries pétrochimiques. Où en sont-elles à l'heure actuelle?

M. BOURASSA: S'il fallait, M. le Président, que l'économie québécoise... Il me semble que je pose une question sérieuse et concrète...

M. MORIN : Moi aussi.

M. BOURASSA: On peut s'entendre sur les objectifs, mais le Parti libéral ne croit pas au séparatisme économique. Je ne crois pas du tout au séparatisme économique qui était exprimé dans votre budget à la dernière campagne électorale et par une piastre séparée. Nous croyons que cela comporte beaucoup plus d'inconvénients que d'avantages.

M. CHARRON: Vous ne croyez pas à cela, mais vous croyez au fédéralisme, on le sait.

Dans le bilan que le ministère des Affaires intergouvernementales a fait, que vous aimiez y croire...

M. BOURASSA: ... Robert Charlebois tantôt à l'Assemblée nationale. Vous devriez lire ce que Robert Charlebois a écrit sur le fédéralisme.

M. CHARRON: M. le Président, je demande au député de Mercier de me laisser formuler ma question.

Dans le bilan, dont une fuite nous a permis de connaître un extrait, dans ce régime fédéral, sans aucune espèce d'allusion au séparatisme économique ou au pétrole, sur un point bien précis ce bilan dit — et je vais le répéter pour la cinquième fois — ce bilan que vous avez probablement lu, que le ministre des Affaires intergouvernementales a lu et qui est aujourd'hui utilisé, nous dit-on, dans la dynamique interne du ministère comme document de travail, dans ce bilan, on dit ceci: Le Québec n'a pas en main — dans le fédéralisme — les instruments pour stimuler l'industrie québécoise. C'est plutôt Ottawa qui est le meneur de jeu — on dit dans le fédéralisme — que les mesures fédérales étendent leur action à presque toute l'industrie secondaire et, dans certains cas, au secteur tertiaire, ce qui laisse peu de place pour une action québécoise. Dans ce document — et tenons-nous-en à ce document — le ministre des Affaires intergouvernementales et le premier ministre ont-ils tiré une conclusion politique de cette affirmation contenue au bilan que se refuse à rendre public le ministre des Affaires intergouvernementales? On en est au fédéralisme. Ne me parlez pas de la peste, du choléra qui arriveraient dans un séparatisme économique. Vous avez fait cela sur toutes les tribunes électorales en octobre dernier.

M. LEVESQUE: C'est vous qui le dites. M. BOURASSA: Et la population a...

M. CHARRON: Je vous demande simplement". Etes-vous d'accord pour dire que le bilan que les fonctionnaires du ministère des Affaires intergouvernementales ont édifié et la conclusion à laquelle ils sont parvenus, à la suite de leur étude, est fondée ou n'est pas fondée?

M. LEVESQUE: Un instant. Quelle conclusion?

M. CHARRON: Celle-là, dans ce rapport. Est-ce qu'il est exact que, dans le fédéralisme actuel, le Québec n'a pas en main les instruments pour stimuler l'industrie québécoise. C'est Ottawa qui...

M. LEVESQUE: Ce ne sont pas les fonctionnaires du ministère des Affaires intergouvernementales qui...

M. CHARRON: C'est dans le document.

M. LEVESQUE: Dans quel document?

M. CHARRON: Le bilan des relations fédérales-provinciales qui a été publié, comme l'a dit le premier ministre, à la suite d'une fuite.

M. LEVESQUE: Oui, mais pas du ministère des Affaires intergouvernementales, parce qu'il s'agit là d'un jugement de valeur par un fonctionnaire dans un ministère sectoriel.

M. BOURASSA: On peut avoir un autre document où un autre fonctionnaire va arriver à une conclusion contraire. C'est du travail interne. J'espère que l'Opposition se rend compte de ce qu'elle fait en publiant des opinions de fonctionnaires...

M. CHARRON: Mais, est-ce qu'il y a un document qui dit cela?

M. BOURASSA: On n'est pas pour se mettre à publier... Quelle sorte de gouvernement voulez-vous avoir?

M. MORIN: En avez-vous un bilan?

M. BOURASSA: Ce sont les fonctionnaires qui vont décider de ce qu'on va discuter ici ! Ce serait très facile d'en faire...

M. MORIN: C'est vous qui avez annoncé que bilan serait publié. C'est vous qui l'avez annoncé publiquement, qui avez donné le mandat au sous-ministre d'établir ce document.

M. BOURASSA: Le chef de l'Opposition n'était pas là à ce moment-là, il ne peut pas parler comme cela.

M. MORIN: Oui, mais...

M. BOURASSA: C'est la méthode de l'Opposition actuellement. Elle sort un document signé par un fonctionnaire. Il y a 50,000 fonctionnaires.

M. MORIN: Voulez-vous dire que vous n'avez jamais dit que vous rendriez public le bilan des rapports fédéraux-provinciaux rédigé par le sous-ministre actuel des Affaires intergouvernementales? Vous n'avez jamais dit cela?

M. LEVESQUE: Voici ce que le premier ministre avait dit...

M. MORIN: Non. Je lui pose la question à lui.

M. LEVESQUE: C'est parce que je me rappelle de la réponse...

M. CHARRON: ... de répondre.

M. MORIN: II va se sauver de la question en vous la passant.

M. LEVESQUE: Je me rappelle fort bien que le premier minsitre a dit publiquement qu'il avait demandé un bilan des affaires intergouvernementales, mais je ne me rappelle pas qu'il ait dit qu'il le publierait.

M. BOURASSA: Avez-vous la référence?

M. MORIN: Oui, je crois que j'ai la référence ici.

M. BOURASSA: Vous croyez?

M. MORIN: C'était en septembre 1973, je crois.

M. CHARRON : Je vous avertis tout de suite que, quand vous aurez fini cette question, je vais revenir avec la mienne, celle à laquelle vous n'avez pas voulu répondre.

M. BOURASSA: On va passer les crédits à discuter des documents et des lettres que peuvent s'écrire des fonctionnaires.

M. CHARRON: ... imaginez-vous donc!

M. BOURASSA: Mais répondez donc à ma question. Qu'est-ce qu'il arriverait au Québec s'il fallait payer le prix international? C'est une question concrète. Ce n'est pas un document qui circule entre fonctionnaires.

M. MORIN: Parlez-nous donc de l'industrie pétrochimique québécoise. Qu'est-ce qui lui arrive? Parlez-nous-en. On vous parle de développement.

M. BOURASSA: On a fait des annonces; il y a des investissements dans l'industrie pétrochimique québécoise.

M. MORIN: Ah oui! Vous m'en direz tant!

M. BOURASSA: II n'y en aurait pas du tout si vous aviez pris le pouvoir.

M. MORIN: Etes-vous prêt à en annoncer ce soir?

M. BOURASSA: Vous auriez été complètement annulé et la situation serait catastrophique. Vous le savez fort bien d'ailleurs.

M. MORIN: Quels investissements allez-vous annoncer?

M. BOURASSA: Nous les avons annoncés il y a six ou neuf mois.

M. MORIN: Lesquels?

M. BOURASSA: Hercules et Union Carbide.

M. MORIN: Hercules, c'est compromis.

M. CHARRON: Où est-ce que cela en est?

M. MORIN: Où est-ce que cela en est à l'heure actuelle?

M. BOURASSA: Je n'ai pas les détails précis.

M. CHARRON: Qui est le meneur de jeu là-dedans?

M. BOURASSA: Est-ce que vous avez posé les questions au ministère de l'Industrie et du Commerce là-dessus?

M. MORIN: Oui, et on nous a dit que tout cela était remis en question et qu'il...

M. BOURASSA: Etes-vous sûr que c'est ce qu'on vous a répondu?

M. MORIN: Bien, oui.

M. CHARRON: J'en ai posé aux Richesses naturelles cet après-midi sur le même sujet.

M. MORIN: C'est cela. UNE VOIX: Une autre fuite.

M. MORIN: Dites-nous où cela en est le projet Hercules.

M. LEVESQUE: C'est pour cela, M. le Président.que j'ai mentionné cet après-midi que je n'avais pas l'intention d'entrer dans des discussions sectorielles qui ont déjà eu lieu lors de l'étude des crédits des ministères sectoriels. Parce que justement...

M. MORIN: C'est le premier ministre qui nous amène sur le pétrole, je vous ferai remarquer.

M. LEVESQUE: Le pétrole, c'est justement une des préoccupations du ministère des Affaires intergouvernementales et je suis très fier, à titre de ministre des Affaires intergouvernementales, de voir la contribution de l'équipe du ministère des Affaires intergouvernementales dans cette chose-là.

M. MORIN: Bon. Alors, on va en parler.

M. LEVESQUE: Et nous avons eu là une influence du Québec et je sais que le premier ministre a été un instrument déterminant dans la politique canadienne quant au pétrole. Il ne le dira pas lui-même, peut-être, mais je peux le dire.

M. CHARRON: Est-ce que le ministre consi- dère que, dans le système actuel, le Québec est le meneur de jeu de son développement économique? Est-ce que le premier ministre considère qu'il reste suffisamment de place pour une action québécoise, même si les mesures fédérales étendent leur action à presque toute l'industrie secondaire et, dans certains cas au secteur tertiaire?

M. BOURASSA: M. le Président, je considère qu'il y a beaucoup de manoeuvre pour le gouvernement du Québec. Je comprends qu'il faut collaborer avec le gouvernement...

M. CHARRON: Est-ce que le Québec est le meneur?

M. BOURASSA: Est-ce que le député peut me laisser terminer?

M. CHARRON: Une dernière question. Je vais vous permettre de répondre après cela.

M. BOURASSA: D'accord. Je vous écoute.

M. CHARRON: Est-ce que le Québec est le meneur de jeu de son développement économique dans le système actuel?

M. BOURASSA: Avez-vous d'autres questions?

M. CHARRON: Non, mais celle-là.

M. BOURASSA: Alors, là vous allez me permettre de répondre. Je dis au député de Saint-Jacques que le Québec a suffisamment de pouvoir pour faire sentir son influence...

M. CHARRON: Est-il le meneur de jeu?

M. BOURASSA: Meneur, dans certains secteurs oui; dans d'autres secteurs, à cause du contexte, dans le domaine des transports entre les provinces, c'est évident que c'est la politique fédérale des transports; dans le domaine des ports, la constitution s'applique. Dans d'autres secteurs, c'est nous qui décidons, dans le domaine de l'énergie, dans le cas de l'électricité notamment. Hydro-Québec, c'est de juridiction provinciale. Donc, le gouvernement du Québec a démontré, depuis quinze ans, qu'il pouvait agir dans le domaine économique avec tous les outils qu'il possède. Il pourrait également, dans d'autres secteurs continuer son action. Je ne suis pas pour répéter ce que la SDI a fait ou SOQUEM ou SIDBEC, l'entente dont on a discuté à l'occasion des crédits du ministère des Finances, la trouée qu'on fait dans le développement des richesses naturelles avec des outils proprement québécois. C'est vrai, c'est le chef de l'Opposition lui-même qui a soulevé le problème. Je me demande s'il n'a pas félicité le gouvernement...

M. MORIN: Aux Richesses naturelles?

M. BOURASSA: Aux Finances, parce que l'actionnaire de SIDBEC est le ministère des Finances.

M. MORIN: Oui, et alors, qu'est-ce que vous me faites dire exactement? Cela m'intéresserait d'entendre cela.

M. BOURASSA: Vous étiez d'accord sur la politique du gouvernement pour ce qui a trait à l'évolution des opérations de SIDBEC en association avec Québec Cartier pour le développement des richesses naturelles sur la Côte-Nord et procurer des sources d'approvisionnement à SIDBEC. Vous étiez d'accord.

M. MORIN: Dans le projet de Fire Lake?

M. BOURASSA: C'est cela. Il me semble que vous avez manifesté votre accord.

M. MORIN: Sur le projet en soi, mais on vous a posé un tas de questions sur les débouchés, sur la transformation sur place, vos réponses étaient plus qu'ambiguës.

M. BOURASSA: II s'en vient politicien, ça ne lui prend pas de temps. Vous étiez d'accord sur le projet.

M. MORIN: Je salue en vous un maître remarquable.

M. BOURASSA: Vous ne le regrettez pas.

M. MORIN: J'attends pour voir. J'ai l'impression qu'il ne me faudrait pas apprendre trop vite de vous.

M. BOURASSA: Le chef de l'Opposition a dit qu'il était d'accord pour le projet et ça, c'est un exemple parmi beaucoup d'autres de la marge de manoeuvre, mais je ne pense pas, à tout prendre, je suis convaincu et je me demande même si... Ce n'est pas pour rien que le député de Lafontaine parlait d'un fédéralisme à deux et Claude Morin parle d'un fédéralisme par étapes. Ils se rendent bien compte des conséquences très dangereuses pour l'économie du Québec du séparatisme économique. Donc, pour répondre à la question du député, si nous examinons les différents secteurs, il reste beaucoup de marge de manoeuvre au gouvernement du Québec. En collaboration avec le gouvernement fédéral, il peut faire beaucoup.

L'année dernière, par exemple, on a eu, si on prend les nouveaux emplois comme critère, plus que notre proportion, si on regarde la population. On a eu 30 p.c. de nouveaux emplois, 130,000 sur un peu plus de 400,000. On a eu 30 p.c. des nouveaux emplois alors que nous formons 26 p.c. de la population. Certains mois, on en avait plus que l'Ontario, même si l'Ontario a une population 25 p.c. supérieure à la nôtre. Cela dépend de quoi? Cela dépend des politiques québécoises qui révèlent leur efficacité sous ce rapport.

Alors je dis que c'est évident que le fédéralisme suppose une collaboration avec les autres niveaux de gouvernement, le reste du Canada et le gouvernement fédéral. Le marché commun que vous proposez dans votre plate-forme supposerait le même type de collaboration, comme l'Allemagne et la France sont obligées de collaborer ensemble au niveau des charges fiscales, au niveau des charges sociales puisque c'est un marché commun, un marché ouvert et avec les mêmes types de collaboration, avec les désavantages, qu'on n'a pas actuellement, et que le pétrole révèle, notamment. C'est pour ça que je réponds au député de Saint-Jacques que le système actuel, même s'il comporte des inconvénients, tout le monde va l'admettre, mais il en comporte beaucoup moins, avec les données qu'on possède, que le séparatisme économique pour le niveau de vie des Québécois et surtout pour les débouchés des jeunes Québécois qui arrivent sur le marché du travail en nombre sans précédent.

M. MORIN: On en revient maintenant au bilan qui constatait...

M. BOURASSA: Cela répond à votre question?

M. MORIN: ... que c'est plutôt Ottawa qui est le meneur de jeu. Vous nous dites que le Québec a de la marge de manoeuvre. Je suis obligé de vous citer ce que votre propre ministre de l'Industrie et du Commerce en pense, parce que ça ne semble pas être la même chose que vous, M. le premier ministre.

M. BOURASSA: Citez, on va voir.

M. MORIN: "Le Québec a été souvent défavorisé par les programmes fédéraux du secteur économique, conçus sans tenir compte de ses besoins". C'est textuel. "Les statistiques démontrent noir sur blanc que les avantages principaux des programmes fédéraux allaient presque toujours à l'Ontario. Peut-être, note le ministre — et c'est là que le bilan deviendra intéressant — est-ce en l'absence de politique de sa part ou à cause de la faiblesse de ses interventions que le Québec a connu un développement de parent pauvre".

M. BOURASSA: Depuis que nous sommes au pouvoir, je peux donner l'exemple...

M.MORIN: J'ai hâte de voir quel genre de contorsion vous allez faire pour nous dire que Saint-Pierre n'a pas dit ce qui est exact.

M. BOURASSA: Pas de contorsion. C'est évident que le Québec n'a pas toujours accordé

la priorité à l'économique comme nous l'avons fait depuis que nous sommes au pouvoir, parce que nous croyons qu'il n'y a pas de croissance des Québécois sans croissance du Québec. La croissance du Québec suppose la collaboration avec le reste du Canada. Dès notre arrivée au pouvoir, nous avons fait des représentations dans le domaine de la fiscalité minière, il en est résulté $1 milliard d'investissement pour les Québécois sur la Côte-Nord et en Gaspésie. Ce sont des résultats concrets et le gouvernement fédéral a accepté nos représentations; dans le domaine de la fiscalité scolaire, il a accepté nos représentations; dans le domaine du pétrole — pour y revenir encore — il a accepté nos représentations, c'est ce qu'on proposait, $6.50, même si on n'a pas de pétrole et de pipe-line, c'est la proposition du Québec qui a été acceptée.

M. LEVESQUE: Si on peut me permettre d'ajouter ceci, on a encore eu un exemple récent de ce changement complet de vie et d'optique à cause de la priorité donnée à l'économique par le gouvernement québécois et son chef. Nous avons eu à négocier une nouvelle entente-cadre avec le gouvernement fédéral et là, lorsqu'on parle de qui mène le jeu, c'est mené à deux. C'est mené à deux de cette façon-ci, c'est encore plus fort que ça, le député de Saint-Jacques devrait en prendre connaissance.

Cette entente-cadre reconnaît les priorités du Québec et, comme exemple, on ne peut pas s'empêcher de voir que la première entente auxiliaire signée entre le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec a été l'entente avec SIDBEC. C'est une priorité du gouvernement du Québec qui est traduite immédiatement dans la première entente auxiliaire. Les autres ententes auxiliaires qui sont envisagées comportent également des priorités du Québec, l'autoroute de l'acier se relie à SIDBEC...

M. MORIN: Montréal-Sorel.

M. LEVESQUE: ... Montrêal-Sorel.

M. BOURASSA: Ils en veulent donc à Sorel.

M. LEVESQUE: Cet accord d'entente auxiliaire qui est envisagée pour le développement de la région de l'Estrie, de la région de Sherbrooke; il y a cette autre entente envisagée sur les infrastructures municipales reliées à l'implantation de l'industrie, toutes des priorités du Québec acceptées par le gouvernement fédéral à l'intérieur de cette nouvelle entente-cadre. Nous avons d'autres projets moteurs que nous allons déposer à la table de négociations et ce sera encore les priorités québécoises qui seront retenues en vertu et dans le contexte de l'entente-cadre. Ce sont là des choses très positives qui expliquent justement et illustrent bien que c'est un jeu qui n'est pas mené unilatéralement, mais à deux, selon une stratégie commune. C'est nous qui avons établi cette stratégie, elle a été étudiée par nos partenaires fédéraux et c'est un fédéralisme économique qui se tient, mais qui tient compte du Québec, de ses aspirations et de ses priorités.

M. CHARRON: II y a aussi les menus bilingues et la traduction simultanée à la Chambre des communes, si vous voulez réviser ça.

M. BOURASSA: Vous n'avez pas...

M. CHARRON: La question n'est pas celle-là.

M. BOURASSA: Le voilà encore.

M. CHARRON: La question que nous avons posée au premier ministre est sur l'existence de domaines où l'entente quelconque — on en discutera de l'entente Canada-Québec dont vous venez de faire mention, on va en discuter quand on va aborder les crédits de l'Office de planification et de développement du Québec — mais qu'à certaines occasions, l'action soit favorable au gouvernement du Québec ou favorable aux Québécois, personne ne le nierait... Parce que j'imagine qu'il y a assez...

M. BOURASSA: De plus en plus.

M. CHARRON: ... de coeur du côté ministériel pour, si tout était unanimement défavorable, avoir un sursaut de dignité au moins dans une équipe de qui on ne l'attend pas. Mais nous n'affirmons pas qu'à un moment donné, sur certains terrains, il y ait ça. J'ai posé la question au premier ministre à partir d'un document. Est-ce que le bilan, à la suite des domaines où ça avance, des domaines où ça n'avance pas, des domaines où le Québec gagne, où le Québec perd, apparaît au gouvernement québécois comme satisfaisant?

M. BOURASSA: Je vais répondre au député de Saint-Jacques. Je vais reprendre une partie de la réponse que j'ai dite tantôt. La meilleure façon de juger un bilan, c'est par les résultats. On est d'accord là-dessus, c'est par les résultats qu'on doit juger un bilan.

M. CHARRON: Est-ce qu'il vous satisfait?

M. BOURASSA: Est-ce que le député est d'accord sur cette affirmation: La meilleure façon de juger un bilan, c'est par les résultats.

M. MORIN: Non, c'est par l'actif et le passif.

M. BOURASSA: Or, l'an dernier, on a eu la meilleure année économique de l'histoire du Québec avec 130,000 nouveaux emplois et une croissance réelle...

M. MORIN: C'est votre façon de faire le bilan de ces rapports fédéraux-provinciaux?

M. BOURASSA: Non, laissez-moi terminer. Je dis au député de Saint-Jacques: Est-ce qu'on est satisfait de la collaboration avec le gouvernement fédéral? On peut avoir des motifs de mécontentement et on les exprime. Cela ne veut pas dire qu'on est contre le régime. On les exprime. Mais dans l'ensemble, depuis que nous sommes au pouvoir, on doit admettre que le fédéralisme économique a été profitable aux Québécois et, l'an dernier, l'année économique est la meilleure preuve que cela a été profitable aux Québécois et le fait qu'on ait eu cinq budgets sans augmentation de taxes, même avec des dépenses qui augmentent de $400 millions... Ce sont des faits, ça s'exprime, tout ça est lié ensemble. Je sais que vous ne voulez pas en parler.

M. MORIN: On va être obligé de parler de l'inflation. On en a déjà parlé cent fois.

M. BOURASSA: D'accord, mais ce sera une fois de plus parce que c'est peut-être une façon de vous convaincre finalement.

M. MORIN: Si vous voulez qu'on en parle, nous allons en parler. Je suis bien prêt.

M. BOURASSA: Je ne veux pas parler de l'indexation qui profite aux riches et que propose le Parti québécois. Je ne veux pas parler des cadeaux que vous voulez faire aux riches, aux contribuables les plus fortunés. Je dis que, si on regarde la croissance économique, ça nous a permis cette année de présenter un budget qui comporte, à cause de l'inflation, $400 millions de dépenses additionnelles et qui ne comporte non seulement aucune augmentation de taxes mais des réductions importantes, ça nous a permis depuis que nous sommes au pouvoir de tripler les sommes aux municipalités. M. Parizeau lui-même faisait l'éloge du gouvernement à cause de son aide aux municipalités.

Je pense que tout cela, si on juge par les résultats, on doit constater que la collaboration économique... On peut être meneur de jeu dans certains secteurs, dans d'autres secteurs on va collaborer. Cela dépend de l'application de la constitution. Mais, dans l'ensemble, les Québécois ont profité de cette croissance économique et, au lieu d'avoir 3,000 Québécois qui vont travailler en Ontario ou en Nouvelle-Angleterre, comme c'était le cas en 1969, on en a peut-être un nombre considérablement inférieur. En 1972, c'était 1,500, probablement que maintenant c'est beaucoup moins. Mais pour moi, c'est important qu'il y ait des milliers de Québécois qui ne soient pas forcés de quitter le Québec et nous appauvrir, ce faisant.

M. MORIN: Maintenant, M. le premier mi- nistre, pour en revenir à notre propos, un bilan se dresse avec l'actif d'un côté et le passif de l'autre, autant que possible. Vous nous dites: II y a de l'actif. On veut bien vous croire, mais maintenant dites-nous ce qui ne va pas. Il y a certainement des choses qui ne vont pas.

M. BOURASSA: Vous êtes là pour cela.

M. MORIN: On est là pour vous interroger afin que vous répondiez à nos questions. Parce qu'on essaie d'être éclairés et, à travers nous, d'éclairer les Québécois. Est-ce que désormais je dois en conclure que c'est Québec qui est le meneur de jeu dans le domaine économique? Parce que le bilan, lui, disait le contraire. C'est là-dessus qu'on a... Est-ce que vous avez les instruments nécessaires...

M. LEVESQUE: Ce n'est pas le bilan qui disait le contraire.

M. MORIN: ... pour stimuler l'économie? M. LEVESQUE: II ne faut pas dire cela.

M. BOURASSA: Le gouvernement du Québec a beaucoup d'instruments. Est-ce qu'il a tous les instruments? Il a tous les instruments nécessaires dans le contexte où nous vivons. Je ne crois pas qu'en pratique, parce que vous posez la question dans le cadre de votre option — en théorie, oui — vous auriez certainement moins de marge de manoeuvre.

M. MORIN: Ce n'est pas cela du tout. On vous pose la question à l'intérieur de vos propres critères, de vos propres options, c'est-à-dire à l'intérieur du fédéralisme. Et si vous ne pouvez pas répondre, est-ce que vous pourriez au moins...

M. LEVESQUE: Si le chef de l'Opposition me permet...

M. MORIN: ... publier le sacré bilan?

M. LEVESQUE: Si le chef de l'Opposition me permet à ce moment-ci d'intervenir très brièvement; premièrement, le bilan n'a jamais dit ce que dit le chef de l'Opposition...

M. CHARRON: Alors, qu'est-ce qu'il dit?

M. LEVESQUE: ... c'est simplement tiré d'un article de journal et je peux facilement l'expliquer...

M. CHARRON: Alors, qu'est-ce qu'il dit, le bilan?

M. LEVESQUE: Un instant. J'essaie de répondre, tout simplement, sans trop d'interruptions. Mais je dirai cependant que le bilan ne dit pas ou ne réflète pas une situation absolu-

ment idéale, il y a un contentieux qui existe, il y a des choses que nous aimerions régler à l'avantage des Québécois, elles ne sont pas encore réglées.

M. CHARRON: Lesquelles?

M. LEVESQUE: Mais, ce que nous faisons, avec les priorités données à l'économique, c'est que nous nous intéressons davantage au développement économique du Québec et que nous voulons davantage, non seulement exercer nos compétences à nous, reconnues par la constitution, mais nous voulons aller encore plus loin et nous insérer dans le processus qui, souvent, est de compétence fédérale; par exemple, nous croyons qu'il est important de participer davantage dans les accords internationaux...

M. MORIN: Comme le GATT.

M. LEVESQUE: Nous voulons, par exemple, le GATT, c'est un excellent exemple que...

M. MORIN: ... parlé plus...

M. LEVESQUE: ... souligne le chef de l'Opposition...

M. MORIN: Oui.

M. LEVESQUE: Nous avons fait des démarches et nous continuons de les faire. Nous avons réussi partiellement — cela va commencer à porter des fruits — justement dans le domaine du GATT, d'être présents avant les négociations et même d'être présents jusqu'à un certain point, parce que nous allons, encore là, procéder par étapes, à Genève, lors des discussions du GATT; c'est un excellent exemple qu'a souligné, peut-être sans le vouloir, le chef de l'Opposition.

M. CHARRON: Qu'est-ce qu'on a demandé? Et qu'est-ce qu'on a obtenu en ce qui concerne le GATT?

M. LEVESQUE: Nous avons demandé d'être consultés avant la ronde des négociations. Nous avons voulu avoir l'occasion de présenter notre point de vue et nous avons voulu avoir une présence au moins comme observateurs...

M. CHARRON: Symbolique.

M. LEVESQUE: Non, pas symbolique, au moins comme observateurs et possiblement comme participants, éventuellement, dans les discussions. Mais jusqu'à maintenant, nous avons enregistré des progrès, progrès qui justement soulignent que jusqu'à récemment, nous n'étions pas présents.

M. CHARRON: Alors, y aura-t-il consultation? Avez-vous gagné cela?

M. BOURASSA: J'ai rencontré les dirigeants du Marché commun...

M. CHARRON: Non, non.

M. BOURASSA: M. Ortoli et...

M. MORIN: Non, non, excusez, mais...

M. CHARRON: On est à parler de quelque chose de sérieux.

M. BOURASSA: C'est cela. Je sais que le député de Saint-Jacques était peut-être occupé ailleurs à ce moment...

M. CHARRON: Le ministre des institutions intergouvernementales...

M. BOURASSA: Les relations économiques...

M. CHARRON: ... du domaine québécois. Qu'est-ce que vous avez obtenu de ces demandes?

M. LEVESQUE: Bien, voici.

M. BOURASSA: Ce n'est pas encore commencé, les négociations.

M. LEVESQUE: Les négociations avec le gouvernement fédéral sont déjà entamées, les contacts sont établis, les mécanismes sont déjà en préparation, mais nous n'avons pas encore la réponse finale qui pourrait...

M. CHARRON: Ah!

M. LEVESQUE: ... satisfaire le député de Saint-Jacques.

M. MORIN: Qu'est-ce que...

M. LEVESQUE: Mais il y a là une préoccupation chez nous, il y a même déjà des réponses du gouvernement fédéral et...

M. CHARRON: Vous avez dit...

M. LEVESQUE: ... d'ici peu, nous serons en mesure probablement de vous en dire davantage.

M. CHARRON: C'est cela que vous appeliez des succès partiels tout à l'heure, en parlant du GATT?

M. BOURASSA: Non, on en a donné des exemples.

M. CHARRON: Vous avez dit: On a déjà enregistré des succès partiels.

M. LEVESQUE: C'est cela.

M. CHARRON: Des succès partiels, c'est quoi depuis le début sur cette question?

M. LEVESQUE: Le gouvernement fédéral a déjà décidé d'établir un comité pour s'occuper de cette question.

M. MORIN: Non, c'est le parti.

M. BOURASSA: Je voudrais ajouter, si le député me le permet, qu'on parle de Marché commun canadien. Dans le cas...

M. MORIN: On parle du GATT.

M. CHARRON: Je m'excuse, on parle du GATT.

M. BOURASSA: Oui, mais les négociations tarifaires, cela suppose un Marché commun, n'est-ce pas, il me semble.

M. CHARRON: Mais n'empêche...

M. MORIN: Voyons donc!

M. CHARRON: Ce qui m'épate, c'est...

M. MORIN: Les négociations tarifaires, cela suppose un Marché commun?

M. BOURASSA: Je veux dire que si, au Québec, on veut négocier dans le cas des relations internationales, c'est parce qu'on fait parti du marché commun canadien qu'on fait des représentations au gouvernement fédéral.

M. MORIN: Oui, oui.

M. BOURASSA: Comme le Marché commun européen essaie d'avoir un tarif extérieur commun.

M. MORIN: Oui.

M. BOURASSA: Une union douanière, une union commerciale.

M. CHARRON: Le Canada, lui, comme entité autonome, se rend aux discussions du GATT. Ce qu'on veut savoir, ce dont on était en train de discuter avant que vous n'interveniez...

M. BOURASSA: Comme la commission exécutive du Marché commun a négocié avec l'Angleterre.

M. CHARRON: ... c'est que le gouvernement du Québec a demandé que, désormais, avant de se rendre à ces négociations périodiques que tiennent les pays membres de cet accord appelé GATT, le Québec soit consulté, à ce que nous a dit le ministre des Affaires intergouvernementales, qu'un observateur puisse même être lié aux négociations où le Canada est partie intégrante, parce que pays souverain. Qu'est-ce qu'on a gagné comme succès partiel?

M. LEVESQUE: On a gagné ceci, c'est qu'il y a déjà un comité fédéral-provincial d'institué. Nous avons notre propre représentant accrédité au comité fédéral-provincial.

M. CHARRON: C'est qui?

M. LEVESQUE: C'est M. De Coster, sous-ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. CHARRON: Et sur le point...

M. LEVESQUE: Présentement, on prépare ensemble, le fédéral et les provinces, la position canadienne qui sera transmise au GATT. C'est la première fois que cela arrive.

M. MORIN: Nous le savions. Maintenant, comment cela va-t-il se faire lors...

M. CHARRON: Vous avez constaté qu'on vous pose une question?

M. LEVESQUE: Pardon?

M. MORIN: ... de la conférence, lors du prochain "round"? Cela va se passer comment?

M. LEVESQUE: Pardon?

M. MORIN: Lors du prochain "round"...

M. LEVESQUE: Oui.

M. MORIN: Kennedy, ou Dillon, tout ce que vous voudrez, comment cela va se passer? Est-ce que le Québec...

M. LEVESQUE: On vous le dira alors. On est rendu présentement à préparer, comme je le mentionne, à l'intérieur d'un comité fédéral-provincial, où nous avons notre propre représentant, la position canadienne. Suite au prochain numéro.

M. MORIN: Qu'est-ce que vous avez demandé exactement?

M. LEVESQUE: C'est justement cela qu'on est à étudier présentement. La position du Québec est préparée par les experts québécois.

M. MORIN: Oui.

M. LEVESQUE: II y a une foule de domaines. Je ne sais pas si le député était au courant de la complexité de cette ronde de négociations, mais...

M. MORIN: II peut l'être.

M. LEVESQUE: ... il ne pense pas que je vais faire ici ce soir un résumé de toutes les positions canadiennes.

M. MORIN: Non, je ne m'attends pas à ce qu'on se mette à revoir chaque produit, l'un après l'autre, mais j'aimerais connaître la position que vous avez prise au sujet de la participation à la conférence, au "round" lui-même. Vous nous l'avez indiqué. Vous avez fait des représentations à Ottawa là-dessus. Quelles étaient ces représentations exactement?

M. LEVESQUE: Ces représentations ont eu comme effet la création d'un comité fédéral-provincial pour préparer ensemble...

M. MORIN: D'accord.

M. LEVESQUE: ... le fédéral et les provinces, la position canadienne.

M. MORIN: Bien, mais pour la présence elle-même?

M. LEVESQUE: Quant à la présence physique d'un représentant du Québec aux négociations même à Genève, nous n'avons pas encore de réponse. Si j'en avais, je vous le dirais.

M. MORIN: Oui, mais qu'est-ce que vous avez demandé? Vous avez demandé qu'il y ait un représentant ou un observateur québécois à Genève, c'est cela?

M. LEVESQUE: Oui.

M. MORIN: Un représentant ou un observateur? Lequel?

M. LEVESQUE: Pardon?

M. MORIN: Représentant ou observateur?

M. LEVESQUE: Pour être bien pratique encore...

M. MORIN: Oui.

M. LEVESQUE: ... il peut, il y a nécessairement des divergences de vue entre les provinces.

M. MORIN: Oui, mais qu'est-ce que vous avez...

M. LEVESQUE: Dans un marché comme on...

M. MORIN: Qu'est-ce que vous souhaiteriez?

M. LEVESQUE: ... le mentionnait tout à l'heure, il faut bien comprendre qu'on ne peut pas avoir exactement les mêmes vues sur tous les produits, de l'Atlantique au Pacifique.

M. MORIN: Bien sûr.

M. BOURASSA: C'est la raison d'être du fédéralisme.

M. LEVESQUE: Tout en désirant d'une façon réaliste une participation, le poste d'observateur nous semble très important.

M. MORIN: Vous n'avez pas demandé d'avoir un représentant?

M. LEVESQUE: On peut le demander. Nous l'avons sans doute mentionné, mais il faut bien comprendre et être bien réaliste: chacune des provinces a ses propres priorités, ses propres vues.

M. BOURASSA: Ce n'est pas nécessaire d'avoir une conférence fédérale-provinciale à Genève.

M. MORIN: Je comprends cela, que chaque province a ses propres vues, mais on vous demande quelles sont celles du Québec et ce que vous avez demandé exactement. Ce n'est pas clair ce que le ministre a dit. Il ne nous a pas dit de manière définie si c'était un représentant ou un observateur que le Québec avait demandé.

Si on avait le rapport de votre ministère, on n'aurait peut-être pas à poser toutes ces questions, mais comme on n'a pas le bilan, on est obligé de... Est-ce que c'était un poste de représentant ou d'observateur que vous avez demandé?

M. LEVESQUE: Soyons bien clairs. Premièrement...

M. MORIN: Oui, s'il vous plaît.

M. LEVESQUE: ... ce qui est important, c'est que, pour la première fois dans l'histoire du Québec, nous avons réussi à obtenir la création d'un comité fédéral-provincial pour établir de concert, le gouvernement fédéral et les provinces, la position canadienne.

Nous croyons même, si on veut aller au bout de notre pensée, que la présence d'un observateur serait peut-être plus valable pour le Québec que quelqu'un qui fait partie de la délégation, parce qu'évidemment, à l'intérieur de la délégation, il n'aurait peut-être pas les mêmes idées franches que l'observateur qui, s'il était membre de la délégation, serait peut-être tenu par certaines règles du jeu et certains secrets professionnels, etc.

M. MORIN : Oui, tandis que l'observateur ne sera pas au courant, de toute façon, des tractations, sauf pour ce qui sera dit publiquement.

M. LEVESQUE: Même, je vais aller plus loin: nous avons déjà retenu les services d'un expert pour être présent à Genève.

M. MORIN : Oui. Est-ce que vous êtes tout à fait sûr que le Québec n'a pas été consulté lors du "Kennedy Round"? Vous êtes tout à fait sûr de cela? Vous avez dit que c'était la première fois.

M. LEVESQUE: C'est la première fois que c'est institutionnalisé. Je me rappelle que, lorsque j'étais ministre de l'Industrie et du Commerce, j'avais des rapports avec M. Sharp au temps où il était ministre de l'Industrie et du Commerce à Ottawa. Je ne peux pas dire qu'on ne s'était pas parlé, mais je dis que c'est la première fois que d'une façon systématique et institutionnelle il y a un comité fédéral-provincial qui s'occupe de préparer la position canadienne.

M. MORIN: Donc, la position exacte est celle-ci, à l'heure actuelle: Le Québec aura un observateur, mais c'est le pouvoir fédéral qui négociera; c'est cela?

M. LEVESQUE: C'est normal.

M. BOURASSA: C'est la constitution.

M. MORIN: C'est juste pour établir que ce soit bien clair.

M. BOURASSA: Comme la Commission executive du marché commun négocie avec l'Angleterre.

M. LEVESQUE: Ce qui est important, c'est de pouvoir être présent lorsque la position canadienne se définit.

M. MORIN: Parce que ce n'est pas important d'être présent quand il se fait du donnant donnant pendant la négociation elle-même?

M. LEVESQUE: C'est justement là qu'est l'importance de l'observateur.

M. MORIN: Mais l'observateur n'a pas accès au dossier.

M. LEVESQUE: II a eu accès au dossier. M. MORIN: II ne fait qu'observer.

M. LEVESQUE: Le Québec a accès au dossier présentement.

M. MORIN: L'observateur ne pourra pas être mêlé à la négociation. Il va simplement observer et vous dire : II se passe telle chose.

M. LEVESQUE: Cela dépend comment vous définissez le mot "mêlé". Si c'est mêlé comme vous l'êtes là...

M. MORIN: Cela dépend comment on définit "observateur" aussi. Votre observateur, quel va être son rôle exactement? Il va observer.

M. LEVESQUE: Tout dépendra évidemment de la personnalité de l'homme en question, de l'expert que nous avons retenu. Nous avons bien confiance qu'il aura une influence.

M. MORIN: Si, par hasard, le pouvoir fédéral, une fois de plus, ne représente pas bien les intérêts du Québec et sacrifie certains intérêts québécois, comme cela s'est vu dans le passé, aux intérêts d'autres parties du grand Canada, quelle est votre attitude, que pouvez-vous faire à ce moment-là? On vous parle de pouvoir, on vous parle de développement...

M. LEVESQUE: II faudrait bien être concret et pratique là-dedans. Si vous pensez que le gouvernement fédéral, qui a à faire certains arbitrages, à un moment donné, va complètement donner raison à 100 p.c. à la position québécoise, je ne pense pas qu'il remplirait son rôle.

Le gouvernement fédéral doit assurer un certain équilibre entre les diverses régions du pays et permettre à chacune des régions de pouvoir arriver à sa vocation. Je ne vois pas qu'on puisse arriver à demander au gouvernement fédéral de ne tenir compte que de la position québécoise, mais c'est au Québec de prendre les mesures nécessaires pour que, dans ce marché commun, nous ayons la part qui nous revient. C'est cela qui est tout à fait normal dans un régime fédéral.

Je crois qu'en ayant créé un comité fédéral-provincial pour établir la position canadienne, on ne pourra pas les ignorer, même si on les a ignorés — et je ne porterai pas un jugement de valeur comme le chef de l'Opposition là-dessus — ou si on n'a pas suffisamment tenu compte des aspirations et des besoins québécois dans le passé. On s'assure que cette présence institutionnelle à Ottawa, dans la préparation de la position canadienne, va sûrement influencer positivement cette position canadienne en faveur du Québec.

M. MORIN: Nous pourrons reparler de cela lorsque les résultats seront devant nous. Je ne voudrais pas me montrer trop pessimiste, mais j'ai l'impression qu'un système d'observateurs n'est pas de nature à défendre véritablement les intérêts du Québec.

J'aurais en tout cas demandé plus que cela, une participation, à l'intérieur du fédéralisme toujours, aux négociations elles-mêmes et pas seulement à la préparation. Enfin, on verra.

M. LEVESQUE: Vous voudriez que chacune des provinces soit là, les dix représentants, et que chacun...

M. BOURASSA: Qu'elles se querellent entre elles, en négociant.

M. LEVESQUE: La tour de Babel.

M. CHARRON: Non, on ne va pas demander

cela à l'Ile-du-Prince-Edouard. Si vous nous réduisez à ce rang, aussi bien dire tout de suite qu'on ne parle pas de la même chose.

M. BOURASSA: Ce n'est pas le principe des dix provinces, c'est d'avoir des régions qui ont des intérêts divergents, qui négocient en face d'interlocuteurs qui, eux, n'en ont pas. Ce n'est pas réaliste, ce que...

M. MORIN: Vous songez à cinq grandes régions, par exemple.

M. BOURASSA: II y a moyen d'agir aussi efficacement sans avoir l'approche théorique du chef de l'Opposition.

M. MORIN: Non, ce n'est pas une approche théorique, c'est tout simplement...

M. LEVESQUE: D'ailleurs, le chef de l'Opposition me permettra de dire que ce n'est pas à Genève même que se prendront les décisions. Ces gens qui sont là vont faire rapport à Ottawa; c'est là que nous serons avec notre comité et c'est là que les décisions vont se prendre, quant à nous, quant au Canada.

M. MORIN: Bien sur! Ce sera bien tard une fois que la conférence aura abouti à des compromis et à des résultats. Là encore, je ne veux pas me montrer trop pessimiste, mais il sera bien tard pour le Québec d'intervenir à ce moment-là.

M. LEVESQUE: Est-ce qu'on peut songer à une ronde de négociations à Genève sans qu'il y ait des compromis de part et d'autre? Pourquoi se réunir? Voyons donc !

M. MORIN: Oui, mais ce que je vous dis, c'est que, comme dans le passé, le système sur lequel vous vous êtes entendus...

M. BOURASSA: Une approche professorale.

M. MORIN: ... va encore permettre au fédéral de sacrifier les intérêts du Québec dans des domaines où vous aurez à le regretter.

M. LEVESQUE: II me semble que le chef de l'Opposition devrait être le premier à nous féliciter de l'action positive que nous avons prise pour la première fois dans l'histoire du Québec.

M. BOURASSA: Jamais de félicitations.

M. LEVESQUE: II devrait dire: Voici un geste qui est posé...

M. MORIN: J'ai félicité le premier ministre de son voyage en Europe il n'y a pas si longtemps.

M. LEVESQUE: Voici un geste positif qui est posé.

M. BOURASSA: A l'Assemblée nationale? Je remercie le chef de l'Opposition. Il n'a pas fait cela à l'Assemblée nationale.

M. MORIN: Je n'étais pas à l'Assemblée nationale, mais je l'ai félicité publiquement.

M. BOURASSA: D'ailleurs, on l'a fait ensemble.

M. MORIN: M. le Président, dans le domaine des — est-ce que vous avez une question? — Institutions financières, le bilan souligne le danger d'une intervention fédérale accrue et demande au gouvernement une attitude ferme. Si vous me le permettez, cette fois-là, je vais citer un texte qui est entre guillemets, donc qui est tiré, présumément, à moins que vous n'accusiez le Soleil de mauvaise foi, de votre bilan.

M. LEVESQUE: Non, M. le Président. Je demande immédiatement une rectification. Lorsqu'il y a eu cette fuite du Soleil, c'était sur un manuscrit qui n'était pas le bilan mais préparatoire au bilan.

M. MORIN: Oui, c'était tout simplement le brouillon du bilan. Je le veux bien. C'est quand même un document officiel. "Alors même que le gouvernement...

M. LEVESQUE: Ce n'était pas un document officiel.

M. MORIN: Interne, à ce moment-là, c'est tout de même un document authentique du gouvernement.

M. BOURASSA: Est-ce vous autres qui organisez ces fuites?

M. MORIN: M. le Président...

M. BOURASSA: Vous vous organisez avec eux et vous faites écrire des choses pour pouvoir nous mettre cela... C'est cela que vous faites?

M. MORIN: Comment? De quoi accusez-vous la presse?

M. BOURASSA: Ce n'est pas la presse que j'accuse, mais le Parti québécois, peut-être, d'avoir des complices à l'intérieur du gouvernement et de faire écrire des choses pour ensuite s'en servir contre nous.

M. MORIN: En l'absence de publication du bilan que vous deviez publier, nous sommes obligés comme je l'ai dit à l'instant, avant que vous arriviez, M. le premier ministre, de nous

rabattre sur cette source secondaire, mais qui nous paraît néanmoins authentique.

M. BOURASSA: Mais mon hypothèse de la complicité...

M. MORIN: Et comme vous ne voulez pas mettre de documents entre les mains de l'Opposition ou des Québécois, on ne va pas se gêner pour invoquer ce document qui a été publié dans les journaux.

M. BOURASSA: Pourquoi vous ne l'avez pas fait dans la campagne électorale? C'était sorti à ce moment.

M. MORIN: Oui, on l'a utilisé. Je l'ai utilisé. Je l'ai utilisé même à plusieurs reprises.

M. BOURASSA: Les 102 autres candidats ne l'ont pas utilisé?

M. MORIN: Quatre dossiers sur 24 ou cinq dossiers sur 24 sont positifs. Les autres sont tous négatifs.

UNE VOIX: Vous auriez dû vous en servir pour préparer votre bilan !

M. MORIN: Je cite, avec votre permission, M. le Président, je cite le document, "Alors même que le gouvernement du Québec est à se structurer et à se donner une politique cohérente en matière d'institutions financières, nous savons déjà que le gouvernement fédéral entend exercer une influence prépondérante sur l'ensemble du secteur." C'est une citation du document. Et plus loin, toujours une autre citation: "Le bilan des relations fédérales-provinciales sur les questions de frontières, notamment, est carrément négatif. Le Québec n'a marqué aucun point. Dans certains cas, il a même perdu du terrain". Je suis sur une autre question. Revenons sur les...

M. BOURASSA: C'est M. Bernard...

M. MORIN: ... institutions carrément financières.

M. BOURASSA: C'est M. Bernard qui a écrit cela quand il était fonctionnaire? Non?

M. MORIN: Je ne sais pas où le premier ministre veut en venir, mais c'est le document rédigé par le sous-ministre, à moins qu'il ne le nie.

M. BOURASSA: Ce n'est pas signé par le sous-ministre.

M. MORIN: Par le sous-ministre actuel.

M. BOURASSA: Cela m'étonnerait.

M. MORIN: C'est le bilan que vous lui aviez demandé, à moins qu'il ne nous dise que c'est autre chose. On aimerait bien le savoir.

M. LEVESQUE: Je l'ai dit tout à l'heure. Il s'agit de certain matériau de base, recueilli dans divers ministères sectoriels, et qui faisait ce que le député a qualifié de brouillon tout à l'heure, et c'est une fuite du brouillon.

M. CHARRON: Vous voulez dire que le matériau de base auquel se réfère le chef de l'Opposition actuellement a été annulé par un autre matériau de base, à un moment donné, ce qui fait que, dans le bilan, ce serait une affirmation contraire à celle-là qui avait finalement paru. Alors ce matériau de base...

M. LEVESQUE: Non, je n'ai pas dit cela, je n'ai pas dit cela ni le contraire. J'ai dit que ce n'est pas un document qui peut faire l'objet de citations comme le fait présentement le chef de l'Opposition, parce qu'il ne s'agit pas, dans tout cet article du Soleil, d'une fuite qui part du bilan lui-même, mais d'un manuscrit antérieur.

M. CHARRON: Est-ce que cette affirmation que vient de lire le chef de l'Opposition figure dans le bilan secret que vous connaissez?

M, LEVESQUE: Je ne suis pas à même de répondre. Premièrement, j'étais distrait lorsqu'il le citait, et deuxièmement, je n'ai pas fait...

M. CHARRON: Vous pouvez laisser répondre...

M. LEVESQUE: Je n'ai pas ici le bilan pour en faire une comparaison...

M. CHARRON: Vous pouvez laisser répondre vos fonctionnaires si vous voulez. On a eu toute cette lattitude à toutes les autres commissions. Est-ce que les fonctionnaires qui auraient approché de quelque façon cet aspect du bilan peuvent nous dire si cette phrase est effectivement dans le bilan?

M. LEVESQUE: Si je ne dépose pas le bilan, je n'ai pas envie d'en déposer des pièces détachées.

M. CHARRON: C'est parce que les pièces qu'on vous apporte nous donnent une idée assez vague de ce que peut contenir le bilan.

M. LEVESQUE: Si, cependant, à partir de cette citation, valable ou non, on veut poser une question, j'essaierai de répondre.

M. MORIN: Bon, alors, c'est ce que je vais faire.

M. BOURASSA: C'est la méthode que je n'aime pas, si je peux me permettre. Quand même, avec son expérience antérieure, c'est d'utiliser comme cela des documents signés par des

fonctionnaires, comme méthode de combattre le gouvernement, de critiquer le gouvernement.

M. MORIN: Allons donc!

M. BOURASSA: Je trouve que c'est...

M. MORIN: Rendez public le rapport que vous avez devant vous et on en reparlera.

M. BOURASSA: Je ne crois pas que ce soit faire preuve d'un excès d'honnêteté intellectuelle. Cela crée des précédents, et cela peut nuire à l'administration publique elle-même. Les fonctionnaires ne sauront jamais à l'avenir, ceux qui doivent pouvoir travailler librement, si le fait d'écrire un mémo à leur sous-ministre ou à leur ministre ne sera pas rendu public et ne compliquera pas la tâche du gouvernement, parce qu'il y a une liberté d'expression qui est essentielle au fonctionnairisme. L'attitude que vous prenez ce soir se trouve à nuire à cette liberté d'expression fondamentale des fonctionnaires et des cadres supérieurs.

M. MORIN: Et votre façon de procéder nuit à autre chose. La connaissance que les Québécois...

M. BOURASSA: Je ne parle pas de politique, M. le Président. Je parle de l'administration moderne qu'on veut donner au Québec...

M. MORIN: Oui, je parle...

M. BOURASSA: ... et je crois que le chef de l'Opposition, qui est un homme responsable — je le lui ai dit à plusieurs reprises — nuit à cette administration en — ce n'est pas la première fois que cela se fait — utilisant constamment des documents des fonctionnaires, ou des fuites... Sur 50,000 fonctionnaires, il peut y en avoir quelques-uns qui n'ont pas une loyauté absolue. Dans l'immense majorité, on est très satisfait de leur travail. Il peut y en avoir quelques-uns qui ne soient pas comme l'immense majorité. Je ne voudrais pas que le chef... C'est sur la méthode... Je ne voudrais pas que le chef de l'Opposition utilise cette déloyauté de quelques fonctionnaires pour nuire à l'administration elle-même.

M. MORIN: En fait d'honnêteté...

M. BOURASSA: Je pense que c'est un des points importants.

M. MORIN: ... M. le ministre, je suis obligé de vous retourner la question.

Après avoir donné mandat public au sous-ministre de rédiger un rapport, de rédiger un bilan, après avoir laissé entendre qu'il serait publié, pourquoi ne le publiez-vous pas?

M. BOURASSA: M. le Président...

M. MORIN: Pourquoi réduisez-vous l'Opposition et les Québécois à se contenter de bribes publiées dans les journaux?

M. BOURASSA: Durant des heures et des heures, vous pouvez poser... Vous l'avez fait tantôt sur la question des tarifs. Vous l'avez fait l'autre fois à l'Assemblée nationale dans le cas de l'industrie du meuble. Vous avez toute la liberté de poser toutes les questions.

M. MORIN: Merci!

M. BOURASSA: Vous avez des spécialistes qui ont déjà travaillé à l'intérieur, donc qui connaissent un peu les problèmes et les questions en cause. Vous n'avez pas besoin de vous servir de documents internes comme ceux-là qui étaient des documents internes, et qui avaient pour but d'être des documents de travail et non pas des documents... Je n'ai pas demandé de faire une commission royale d'enquête. J'ai demandé de préparer un document interne pour l'usage du conseil des ministres.

M. MORIN: Merci de la liberté que vous me donnez, M. le premier ministre, de poser des questions.

M. BOURASSA: Je ne vous la donne pas, vous l'avez!

M. MORIN: Si je puis en poser une sur la base des documents qui sont entre vos mains, et en l'absence du document que vous deviez rendre public...

M. BOURASSA: Ils sont apocryphes.

M. MORIN: ... je demande la question suivante au ministre: Est-ce que le Québec s'oppose à l'institution d'une commission fédérale des valeurs mobilières? Est-ce qu'il continue de s'y opposer?

M. BOURASSA: Je ne sais pas. On essaie d'appliquer le rapport Parizeau qui a été rendu public, je pense, en 1967 ou en 1968. Je pense que c'est cela. Je ne sais pas si le chef de l'Opposition est maintenant opposé au rapport Parizeau?

M. MORIN: Est-ce que le premier ministre est en train de nous dire qu'il y avait quelque chose dans le rapport Parizeau qui portait sur la commission fédérale des valeurs mobilières? C'est cela que vous voulez dire?

M. BOURASSA: Non, je dis que dans le domaine...

M. MORIN: Non, ce n'est pas cela, parce que cela n'avait rien à voir avec cela. Vous êtes en train de mêler les cartes, et de nous apporter ici votre confiture habituelle.

M. BOURASSA: Elle est excellente d'habitude. Vous parlez des institutions... Le député a déjà dit qu'il aimait les tartes aux fraises. Je dis que le chef de l'Opposition a mentionné tantôt qu'il abordait la question des institutions financières. H aura l'occasion, dans les semaines qui viennent, d'étudier la loi sur les assurances. Evidemment, il va être pris avec le bill 22 et les contradictions du député de Saint-Jacques qui parle d'un plafond de 20 p.c, de 15.6 p.c. au mois de mars, de 13.1 p.c. en fin de semaine...

M. MORIN: C'est de la confiture.

M. BOURASSA: Non. Nous essayons, dans le domaine des institutions financières, d'appliquer le rapport Parizeau.

M. MORIN: Maintenant, je repose ma question au ministre, parce que lui va peut-être me donner une réponse. Est-ce que le Québec s'oppose à l'institution d'une commission fédérale des valeurs mobilières?

M. BOURASSA: Pour l'instant, disons que c'est une question de stratégie. Il peut y avoir une négociation constitutionnelle éventuelle où le Québec pourra réclamer certains pouvoirs et sera peut-être prêt à en remettre quelques-uns pour les fins de coordination économique normale. Pour l'instant, la position du Québec c'est qu'on s'oppose à cela, mais cela ne veut pas dire qu'éventuellement, dans un nouveau partage des pouvoirs, le Québec ne pourra pas considérer la proposition du chef de l'Opposition.

M. MORIN: C'est cela. Pour l'instant, vous vous y opposez, mais vous pourriez être amené â céder.

M. BOURASSA: II n'est pas question de céder.

M. MORIN: Ce n'est pas cela...

M. BOURASSA: Je ne sais pas comment le chef de l'Opposition envisagerait la négociation avec le reste du Canada, mais je pense qu'il y a des secteurs où, à cause de l'évolution économique qu'on connaît depuis quelques années, il pourrait y avoir un nouveau partage des pouvoirs sans que, disons, le Québec en soit aucunement affecté. Cela pourrait même lui être avantageux. Mais je pense que là où cela pourrait se faire, il n'est pas nécessaire pour le Québec d'agir immédiatement, parce qu'il peut y avoir d'autres secteurs auxquels le Québec tient et il pourrait, dans une négociation fédérale-provinciale, considérer certaines propositions comme celle que vient de faire le chef de l'Opposition. Mais pour l'instant, le dossier est inactif, parce que nous ne sommes pas à discuter de la réforme constitutionnelle.

M. MORIN: Pourtant, avec le déclin mont- réalais dans le secteur financier, est-ce que le premier ministre n'estime pas que ce serait là l'un des points sur lesquels le Québec devrait tenir coûte que coûte?

M. BOURASSA: Le déclin montréalais. Je veux dire que cela ne date pas de quelques années, c'est une question de structures industrielles, de proximité des marchés...

M. CHARRON: C'est une question de meneur de jeu.

M. BOURASSA: Non, pas du tout, ce n'est pas du tout en cause. C'est une question entre l'Ontario et le Québec et non pas entre Ottawa et le Québec. Alors, je ne pense pas que le chef de l'Opposition... Je pense qu'il mélange les deux questions.

M. MORIN: Oui, oui.

M. BOURASSA: Je pense qu'il n'a pas encore tout à fait compris.

M. MORIN: En attendant, n'y a-t-il pas eu de discussions sur ce point récemment?

M. BOURASSA: Pas récemment. La question est exacte.

M. MORIN: Est-ce que je pourrais demander maintenant au ministre comment le Québec voit l'avant-projet de loi fédéral sur les fonds mutuels? Est-ce qu'il y a eu des représentations à Ottawa là-dessus?

M. LEVESQUE: Les fonds mutuels? M. MORIN: Oui.

M. LEVESQUE: Pas à ma connaissance. M. MORIN: Aucune représentation?

M. LEVESQUE: Sous réserve de ce que mon collègue, le ministre des Institutions financières, aurait pu faire à ce sujet...

M. BOURASSA: On passe à travers tous les ministères.

M. LEVESQUE: Oui, c'est ce qui arrive.

M. MORIN: Non, on passe à travers le bilan des rapports fédéraux-provinciaux. Le ministre va chercher cela dans son bilan et il va nous le dire.

M. BOURASSA: Avez-vous une autre question en attendant?

M. MORIN: Non, on veut épuiser celle-là d'abord.

M. CHARRON: Je peux vous en poser une sur le bill 22 en attendant.

M. MORIN: Non, s'il vous plaît, pas de cette confiture.

M. BOURASSA: Je ne comprends pas le député de Saint-Jacques qui accusait pendant qu'on cherche la réponse, le ministre de l'Education de se contredire cet après-midi, alors que lui-même, en fin de semaine, parlait de 13.1 p.c. comme plafond après avoir parlé, dans son interview au Devoir, de 15.6 p.c, et après que son chef eut parlé de 20 p.c, le 19 février, dans le Journal de Montréal. Quel est votre plafond? Pourquoi baissez-vous comme cela de mois en mois? On va se retrouver à 5 p.c. dans quelques mois, à l'occasion du débat en deuxième lecture?

M. CHARRON: C'est comme la politique linguistique du Québec, cela est parti de 85 p.c, 63 p.c, 28 p.c, 22 p.c... On s'en va vers...

M. BOURASSA: Je me demande si je me trompe en disant que le député de Saint-Jacques s'est contredit en fin de semaine, en parlant de 13.1 p.c, alors qu'il a parlé de 15.6 p.c. dans une interview?

M. CHARRON: J'aurai l'occasion de vous répondre.

M. MORIN: M. le ministre, dépêchez-vous de trouver la réponse parce qu'on va s'enfoncer...

M. CHARRON: Je vous ai répondu en fin de semaine. Si c'est votre unique argument...

M. BOURASSA: Non, c'est vous qui êtes le trafiquant de chiffres quand on voit les changements que vous faites dans ces chiffres-là.

M. MORIN: M. le ministre, avez-vous la réponse?

M. BOURASSA: Je vois que le député ne m'a pas répondu.

M. CHARRON: Est-ce que le test d'aptitude...

M. BOURASSA: Non, ce n'est pas là-dessus que je parle. Je parle du plafond dont vous parlez où des francophones pourront se glisser alors que d'autres ne le pourront pas, deux catégories de francophones avec le système du Parti québécois.

M. CHARRON: Actuellement, c'est 15.6 p.c. et on l'abaisse progressivement...

M. BOURASSA: Mais vous avez dit 13.1 p.c?

M. CHARRON: ... à 13.1 p.c, c'est la taille de la minorité anglophone.

M. BOURASSA: Non, vous avez dit 13.1 p.c. en fin de semaine, alors que vous parliez...

M. CHARRON: C'est actuellement cela. M. BOURASSA: On y reviendra.

M. MORIN: Cela n'a pas grand-chose à voir avec les fonds mutuels.

M. BOURASSA: Non, mais c'est...

M. LEVESQUE: Pour répondre au chef de l'Opposition, il est possible que le ministre des Institutions financières ait fait certaines représentations, mais nous n'avons pas au bilan cette information. Cependant, on peut vérifier. Mes officiers vont vérifier.

M. MORIN: Vous n'êtes pas tenu au courant de ce qui se trame entre Québec et Ottawa?

M. LEVESQUE: Un instant. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, nous avions environ 400 dossiers...

M. MORIN: Oui.

M. CHARRON: C'est censé être un bilan dynamique.

M. LEVESQUE: ... des matériaux de base, mais nous avons retenu, pour les fins du bilan, entre 150 et 200 dossiers.

M. MORIN: Si je comprends bien, le projet fédéral portant sur les fonds mutuels et qui porte sur un domaine où le Québec a toujours été très jaloux de sa compétence, n'a pas été examiné par votre ministère?

M. LEVESQUE: Je vous le dirai demain.

M. MORIN: Bon, je compte bien là-dessus.

Est-ce que vous pouvez nous dire, en même temps, demain, s'il y a eu des contacts entre les...

M. LEVESQUE: On m'informe, je ne sais pas si l'information est juste, mais ce projet fédéral n'a pas été plus loin qu'au feuilleton et qu'il est mort.

M. BOURASSA: Bon, c'est une question inutile.

M. MORIN: Oui, il est mort avec le récent Parlement, mais il va sûrement revenir sous une forme ou sous une autre.

M. LEVESQUE: Vous reviendrez vous aussi.

M. BOURASSA: Cela dépend de l'application...

M. MORIN: Est-ce que l'on peut compter quand même sur une réponse là-dessus, demain? Oui, demain?

M. LEVESQUE: Oui.

M. MORIN: Bien. Le Québec — et cela va peut-être intéresser le premier ministre — avait fait des recommandations, des représentations au gouvernement fédéral au sujet du tamisage des investissements étrangers. Ces représentations ont été ignorées.

M. LEVESQUE: Non, cela n'a pas été ignoré.

M. MORIN: Que compte-t-on faire maintenant à ce sujet?

M. BOURASSA: Je ne crois pas, c'est faux de dire cela. Le chef de l'Opposition le dit d'une façon catégorique.

M. CHARRON: Vous perdez votre équilibre tout de suite sur cette question. Continuez.

M. BOURASSA: Non, je veux dire que le chef de l'Opposition dit que c'est représentations ont été ignorées.

M. MORIN : C'est ce que le ministre Tetley a dit en Chambre.

M. BOURASSA: On connaît la position. Oui, mais vous faites dire un tas de choses au ministre depuis le début de la séance, quand même, en sortant cela du contexte.

M. MORIN: C'est ce qu'il a dit.

M. BOURASSA: On connaît la position du gouvernement sur les investissements étrangers, je l'ai dit à plusieurs reprises, on a besoin d'investissements étrangers si on ne veut pas que la jeunesse, dont parlait le député de Saint-Jacques, tantôt, à l'Assemblée nationale, soit forcé de quitter le Québec. Il parlait de la jeunesse des années soixante mais il devrait vérifier ce qui est arrivé à une partie de cette jeunesse qui ne pouvait pas trouver de débouchés au Québec. C'est pourquoi nous avons besoin d'investissements étrangers...

M. CHARRON: Dans le régime fédéral.

M. BOURASSA: Vous croyez que, dans le régime d'un Québec séparé, les jeunes pourraient trouver des débouchés?

M. CHARRON: Certainement.

M. BOURASSA: M. le Président, c'est in- croyable de faire une affirmation comme celle-là.

M. MORIN: Reprenons la chose à zéro. Quelles étaient exactement les représentations que vous avez faites au pouvoir fédéral?

M. BOURASSA: Ou c'est de la naiveté ou c'est de l'inconscience absolue.

M. MORIN: M. le premier ministre? M. BOURASSA: Oui.

M. MORIN : Quelles sont les représentations que vous aviez faites au pouvoir fédéral au sujet du tamisage, du contrôle, comme on le dit quelquefois, des investissements étrangers?

M. BOURASSA: II va y avoir une consultation. D'abord, si le chef de l'Opposition est bien informé, il y a des critères dans la loi, ou s'ils ne sont pas strictement dans la loi, qui peuvent être appliqués et qui tiennent compte des disparités régionales. Ils ne sont peut-être plus inscrits dans la loi, mais c'est évident que les disparités régionales vont jouer un rôle dans le critère des investissements étrangers, c'est-à-dire des économies où le taux de chômage est plus élevé à cause de la croissance de la main-d'oeuvre et à cause de la croissance de la main-d'oeuvre féminine. Il y a eu une augmentation très importante de la main-d'oeuvre féminine, au Québec, depuis quelques années.

M. MORIN: Vous faites tout un baratin. Je vous écoute aller. Répondez donc à nos questions, ce serait plus simple. Je vous ai demandé quelles sont...

M. BOURASSA: Le chef de l'Opposition ne veut pas entendre la vérité, chaque fois que l'on arrive avec des arguments convaincants, persuasifs.

M. MORIN: J'attends la vérité toute nue de votre part.

M. BOURASSA: II voit des déficits, il voit des défaites, des échecs. Je ne comprends pas. Evidemment, c'est sa responsabilité d'essayer de nous faire obtenir le maximum du régime fédéral. Je ne le blâme donc pas là-dessus. Evidemment, il doit se dire: Cela va augmenter le pouvoir de négociation, si je critique; c'est pour cela qu'il a le droit de poser des questions.

M. MORIN: M. le premier ministre, je ne sais pas si je devrais vous poser les questions. Je vais plutôt m'en tenir au ministre, voulez-vous?

M. BOURASSA: Non...

M. MORIN: M. le ministre, on avait demandé là-dessus ou vous aviez demandé là-dessus un

comité fédéral-provincial d'étude sur la question du tamisage des investissements étrangers. Quelle a été la réponse d'Ottawa?

M. LEVESQUE: La réponse d'Ottawa est que l'on a inscrit dans la loi un processus de consultation avec les provinces, comme l'a mentionné le premier ministre il y a quelques instants.

M. MORIN: Est-ce que c'est un comité conjoint?

M. BOURASSA: II parle de comité, c'est comme si c'était tout ce qu'il a appris.

M. MORIN: C'est ce que vous aviez demandé, je veux dire.

M. CHARRON : Qu'est-ce que vous en faites des comités? On pourrait peut-être vous le demander. Est-ce que vous en avez fait un autre?

M. BOURASSA: Une commission ou un comité...

M. MORIN: Vous riez? Dois-je comprendre que vous riez de vos propres propositions?

M. BOURASSA: Non, je ne ris pas. Tout ce dont le chef de l'Opposition me parle depuis le début, c'est de la création de comités.

M. MORIN: C'est vous qui en avez parlé. On vous demande ce qui est arrivé à la suite...

M. BOURASSA: Vous passez le temps de la commission sur cette affaire.

M. MORIN: ... de cette proposition-là?

M. LEVESQUE: II reste justement à définir les modalités, mais le principe est inscrit dans la loi.

M. MORIN: D'une consultation ad hoc ou d'une consultation par un comité permanent?

M. LEVESQUE: C'est justement ce que je dis, c'est que les modalités restent à définir, mais ce qui est acquis, c'est que la loi fédérale comporte le processus de consultation.

M. BOURASSA: Autre échec.

M. MORIN : Etes-vous satisfait de la réponse du pouvoir fédéral?

M. LEVESQUE: Ce qui est important là-dedans, c'est que le gouvernement central ne prendra pas de décision sur un investissement étranger sans consulter la province impliquée.

M. MORIN: Bon. Autre question, toujours dans ce bilan? Est-ce que le gouvernement estime que l'on devrait rapatrier à Québec tout le secteur des assurances?

M. BOURASSA: Vous verrez la Loi des assurances.

M. MORIN: Non, ce n'est pas tout à fait la même chose. Est-ce que vous voulez affirmer la compétence exclusive québécoise dans le domaine des assurances? C'est la question que je vous pose.

M. BOURASSA: Rapatrier quoi et pourquoi?

M. LEVESQUE: Qu'est-ce que vous voulez rapatrier?

M. MORIN: La compétence en matière d'assurances.

M. LEVESQUE: Nous avons sûrement une compétence en matière d'assurances.

M. MORIN: Oui, mais figurez-vous qu'Ottawa en a une aussi.

M. LEVESQUE: Mes conseillers me disent que c'est une compétence exclusive et j'ai autant confiance dans mes juristes que dans l'excellent juriste que j'ai en face.

M. MORIN: II y a tout de même une loi fédérale des assurances, M. le ministre, et il y a un département fédéral des assurances, à moins que je ne m'abuse. Il n'exerce jamais ses compétences au Québec? Jamais?

M. LEVESQUE: Nous avons notre propre loi des assurances.

M. MORIN: Bien sûr, mais ce que je vous demande c'est si la loi fédérale ne s'applique pas au Québec.

M. BOURASSA: Dans certaines autres provinces, il n'y a pas de surintendant des assurances, alors c'est une loi qui peut être supplétive.

M. MORIN: Bien sûr, mais je me réfère à des revendications québécoises au terme desquelles nous avons réclamé, dans le passé, l'exclusivité, la compétence exclusive dans le domaine des assurances. J'aimerais savoir où c'en est.

M. BOURASSA: Comme M. Johnson qui réclamait 100, 100, 100. Vous vous souvenez des trois cents de M. Johnson?

M. MORIN: Encore la confiture.

M. BOURASSA: Ce n'est pas cela.

M. MORIN : Nous parlons du domaine des

assurances, non du domaine des impôts, M. le premier ministre. D'accord?

M. BOURASSA: Non, je veux dire qu'il ne faut quand même pas tout confondre, comme le fait le chef de l'Opposition.

M. LEVESQUE: Que le chef de l'Opposition consulte la Loi des assurances et qu'il se prépare à en discuter en commission parlementaire et il verra que le Québec a une compétence exclusive. Je ne crois pas qu'on ait à...

M. MORIN: Le ministre affirme donc que la loi fédérale sur les assurances ne s'applique pas au Québec?

M. LEVESQUE: Le premier ministre a donné une réponse, il me semble, très juste là-dessus.

M. MORIN: Non, justement, ne vous cachez pas derrière cette réponse. Cela n'en était pas une.

M. BOURASSA: Pas pour vous, mais pour mon ministre cela en était une.

M. MORIN: Oui, je comprends.

M. LEVESQUE: II faut bien comprendre que la juridiction dont je parle, au point de vue exclusif...

M. CHARRON: Vous avez l'air d'un "pickpocket".

M. LEVESQUE: ... et sur les contrats d'assurance eux-mêmes qui sont de juridiction exclusive des provinces et du Québec, en particulier.

M. MORIN: Oui.

M. LEVESQUE: II s'agit cependant, dans le cas de la loi fédérale, des sociétés à charte fédérale.

M. MORIN: Oui, c'est cela. On vous demande maintenant si, à votre avis, le Québec devrait avoir la compétence exclusive en matière d'assurances, c'est-à-dire sur toutes les sociétés qui font de l'assurance au Québec, sur l'ensemble du domaine des assurances.

M. LEVESQUE: Nous avons la juridiction du surintendant des assurances, autrement dit sur le droit de regard du surintendant. Ce droit de regard s'étend à toutes les compagnies d'assurance qui font affaires au Québec.

M. MORIN: Ce n'est pas exact.

M. LEVESQUE: Non?

M. MORIN: Je pense que non.

M. LEVESQUE: Si ce n'est pas exact, en quoi ce ne l'est pas?

M. MORIN: Est-ce que vous pourriez consulter votre conseiller juridique? Je pense qu'il cherche à attirer votre attention.

M. LEVESQUE: Voici ce que mon conseiller juridique me dit: Le rapport Bouchard soulignait l'importance de récupérer ou de ramener les sociétés à charte fédérale au Québec...

M.MORIN: On y est là.

M. LEVESQUE: ... mais qu'il n'y a pas eu de désistement, de la part des sociétés à charte fédérale, de leur charte.

M. MORIN: Qu'est-ce que vous allez faire pour mettre en vigueur le rapport Bouchard, en tout cas, les conclusions du rapport Bouchard?

M. LEVESQUE On me dit que c'est également à l'étude.

M. MORIN: Vous avez beaucoup de choses à l'étude. Qui l'étudié à l'heure actuelle?

M. LEVESQUE: Vous d'abord et ensuite les fonctionnaires compétents du ministère et comme ils sont tous compétents...

M. MORIN: Autrement dit, vous n'avez rien fait dans ce domaine?

M. LEVESQUE: Le ministère des Institutions financières qui est le ministère sectoriel...

M. MORIN: Mais votre ministère...

M. LEVESQUE: ... se penche sur la question,

M. MORIN: Mais votre ministère, non.

M. LEVESQUE: Disons que ce n'est pas le dossier le plus actif du ministère à l'heure actuelle.

M. MORIN : Bon, en sorte que le pouvoir fédéral continue à surveiller, comme la loi l'y autorise, les portefeuilles, les investissements des compagnies d'assurance à charte fédérale. Vous n'avez aucun pouvoir à l'encontre de cela.

Je suggère donc au ministre que c'est peut-être un dossier plus important qu'il ne semble de croire.

M. PARENT: II faut croire qu'on n'est pas séparé.

M. MORIN: C'est à l'intérieur du fédéralisme, je dirai au député de Hull.

M. BOURASSA: On prend note de la suggestion du chef de l'Opposition.

M. MORIN: On y reviendra peut-être l'année prochaine dans ce cas.

Prenons le secteur de l'eau. Le bilan mentionne qu'il y a un certain flottement dans la position du Québec.

M. LEVESQUE: Pardon?

M. MORIN: Dans le secteur de l'eau, il y a un certain flottement dans la position du Québec. On semble mettre en veilleuse des droits constitutionnels du Québec en échange de contributions fédérales pour l'aménagement de la ressource eau et pour la lutte à la pollution.

Mais quand on fait le bilan, on s'aperçoit que le Québec a reçu bien peu d'argent de sorte qu'il se trouve perdant des deux côtés. Le pouvoir fédéral s'immisce dans la compétence relative aux eaux, et d'autre part le pouvoir fédéral dépense très peu pour aider le Québec à résoudre ses problèmes. Quelle est la position du Québec à l'égard par exemple du Canada Water Act?

M. BOURASSA: C'est M. Taillon qui avait le dossier, vous devez le savoir.

M. MORIN: Je ne sais pas qui l'a eu, mais je demande la position du ministère.

M. LEVESQUE: Le Québec s'est opposé à l'adoption en 1970 de la loi fédérale qui, d'après nous, empiètait sur la compétence des provinces.

M. MORIN: Oui. Et qu'est-ce qui est arrivé?

M. LEVESQUE: Depuis lors, le Québec a toujours refusé, dans ses relations avec le fédéral, de poser un geste qui pourrait être interprété comme étant une reconnaissance de cette loi.

M. MORIN: Autrement dit, le fédéral a décidé de procéder malgré votre opposition, et depuis lors, vous vous croisez les bras et vous le regardez faire. Cela fait un beau bilan, ça.

M. LEVESQUE: II ne procède pas au Québec en vertu de cette loi.

M. MORIN: Est-ce que le pouvoir fédéral ne dépense pas beaucoup d'argent dans les autres provinces à l'égard des eaux?

M. LEVESQUE: Je ne crois pas, s'il le fait, que ce soit en vertu du Canada Water Act.

M. MORIN: Je regrette, oui.

M. LEVESQUE: Peut-être des sommes modestes, mais on m'informe qu'il n'y a pas de sommes considérables de dépensées en vertu de cette loi.

M. MORIN: Sur quels cours d'eau le Québec accepte-t-il une compétence fédérale quant à l'aménagement et au contrôle de la pollution?

M. LEVESQUE: Aucune compétence quant à l'aménagement des eaux.

M. MORIN: Donc, M. le ministre, il n'y aura pas d'entente entre Québec et Ottawa au sujet du Canada Water Act. C'est ça votre...

M. LEVESQUE: C'est la position actuelle du moins. Ce que je veux dire, c'est qu'il y a évolution, nous ne prenons pas d'engagement éternel. Il y a certainement une compétence fédérale dans le domaine de la navigation par exemple.

M. MORIN: Oui.

M. LEVESQUE: Elle pourrait être plus nuancée dans le domaine de la pollution.

M. MORIN: Mais en ce qui concerne les normes de pollution justement, est-ce qu'il y a eu des échanges entre les deux gouvernements?

M. LEVESQUE: Oui.

M. MORIN: Et comment en arrivez-vous à concilier les deux séries de normes, celles émanant d'Ottawa et celles émanant de Québec?

M. LEVESQUE: C'est présentement en discussion, mais nous n'avons pas l'intention de nous faire imposer des normes. Mais encore une fois, je vois que le chef de l'Opposition est en train de faire le tour de tous les ministères du gouvernement, ce qui a été fait dans l'étude des crédits de chacun des ministères.

M. MORIN: Non, c'est fédéral-provincial.

M. LEVESQUE: On a eu l'occasion avec le ministre des Affaires municipales de passer un certain temps dans ce secteur et on reprend la discussion sous une autre forme...

M. BOURASSA: Comme pour les tarifs...

M. LEVESQUE: ... en se rattachant aux Affaires intergouvernementales. Autrement dit, si on poursuit la procédure du chef de l'Opposition, on va reprendre l'étude de tous les crédits de tous les ministères parce qu'il y a dans chacun des ministères une certaine facette ou un volet qui touche les relations avec le gouvernement fédéral.

M. BOURASSA: Et qui a touché dans le cas des tarifs notamment, le chef de l'Opposition l'avait soulevé avec l'Industrie et le Commerce. Il reprend toutes ses questions.

M. MORIN: Bon. Nous allons... M. BOURASSA: D'accord.

M. MORIN: M. le premier ministre, je regrette que vous ayez manqué la séance qui a précédé, mais nous avons dit que nous ferions le tour de toutes les relations fédérales-provinciales.

M. BOURASSA: D'accord.

M. MORIN: Parce que c'est notre devoir de le faire dans le cadre de ce ministère.

M. BOURASSA: Je vous félicite d'accomplir votre devoir.

M. MORIN: Merci, M. le premier ministre. Je suis très sensible à ces félicitations.

Alors, au sujet des normes, Québec n'entend pas laisser les normes fédérales s'imposer au Québec. C'est bien ça? Au Québec, ce sont les normes québécoises qui s'appliquent. C'est ça votre position.

M. LEVESQUE: Nous essayons de nous entendre avec l'ensemble des provinces sur certaines normes minimales.

M. MORIN: Certaines normes communes?

M. LEVESQUE: Communes, minimales, mais nous préservons les normes québécoises.

M. MORIN: Oui, mais les normes fédérales, elles s'appliquent au Québec. Vous ne pouvez pas les empêcher de s'appliquer au Québec.

M. LEVESQUE: Je vous ai répondu là-dessus.

M. MORIN: Vous m'avez répondu là-dessus?

M. LEVESQUE: Nous essayons de faire en sorte que le gouvernement fédéral ait des normes minimales dans tout le Canada, mais pour l'essentiel ce sont les normes québécoises qui s'appliquent.

M. MORIN: Oui, mais on vous demande si vous avez réussi. Parce que le pouvoir fédéral, lui, impose ses normes.

M. LEVESQUE: Mais c'est présentement en négociation avec le gouvernement fédéral.

M. MORIN: Autrement dit...

M. LEVESQUE: C'est un dossier très actif, mais c'est présentement en négociation.

M. MORIN: ... les normes fédérales s'appliquent, et vous faites ce que vous pouvez pour essayer d'expliquer à ces gens que ça ne devrait pas.

M. LEVESQUE: Elles ne s'appliquent pas pour l'instant.

M. MORIN: Elles ne sont pas appliquées. M. LEVESQUE: En ce moment.

M. BOURASSA: On peut ajourner à demain.

M. MORIN: Je vous cite maintenant, pour ce qui est de l'eau toujours, un extrait de ce qui prétendait être le bilan. "Si on essaie de faire la part des choses entre le constitutionnel et l'économique, on peut dire que pour le Québec le relâchement du premier" — c'est-à-dire du constitutionnel — "n'a pas encore produit de résultat financier concret". "Le gouvernement fédéral est beaucoup plus présent, mais le Québec n'a pas beaucoup plus de ressources qu'auparavant pour agir dans le secteur de l'eau". Est-ce que ce bilan est toujours exact?

M. LEVESQUE: Je vous ai dit et je vous répète, que ce que vous lisez là, soit l'article du Soleil, c'est ça que vous lisez encore, vous avez passé la soirée à lire ça...

M. MORIN: Bien, donnez-nous le bilan.

M. LEVESQUE: Et je vous ai dit que ce n'était pas le bilan, qu'il s'agissait de matériaux de base recueillis, qui ont fait l'objet d'une fuite, que ces jugements de valeur que vous ressortez là-dedans sont le fait d'un fonctionnaire probablement, d'un ministère sectoriel, mais ça ne fait pas partie du bilan qui est présentement à notre disposition.

M. MORIN: C'est inexact.

M. LEVESQUE: Et qui est le document de travail que nous utilisons.

M. MORIN: Bien, voulez-vous consulter le bilan maintenant, que vous avez en votre possession et que je n'ai pas en la mienne, et me dire si cet extrait correspond au bilan que vous avez devant vous aujourd'hui?

M. LEVESQUE: En plus, on me dit que c'est complètement inexact, pour votre information.

M. MORIN: Voulez-vous me dire ce qu'il y a dans votre bilan sur ce point?

M. LEVESQUE: Je n'ai pas l'intention de publier le bilan, et surtout pas par pièces détachées. Je l'ai dit ça.

M. BOURASSA: II vous a répondu tantôt à toutes ces questions.

M. MORIN: Alors, allez-vous le publier? Vous voyez bien que ça serait utile que vous le publiiez.

M. LEVESQUE: ... il n'y a pas eu de relâchement de la position constitutionnelle.

M. MORIN: On peut peut-être passer...

M. BOURASSA: II est onze heures moins cinq.

M. MORIN: On peut peut-être discuter... il y a encore les droits miniers sous-marins, l'agriculture, il y a passablement de choses.

M. BOURASSA: On fera ça demain matin.

M. MORIN: Vous voulez suspendre jusqu'à demain?

M. BOURASSA: II reste cinq minutes, quant à aborder un autre sujet. A moins que ce soit très court, l'agriculture, les droits miniers.

M. MORIN: Cela risque d'être plutôt long au contraire.

M. LEVESQUE: Demain matin à...

M. BOURASSA: C'est parce que c'est pour mes crédits, vous prévoyez en avoir jusqu'à jeudi, je suppose.

M. MORIN: Je ne sais pas, ça va dépendre de la précision et de la concision du ministre dans ses réponses.

M. BOURASSA: Cela voudrait dire que mes crédits pourraient aller à la semaine prochaine.

M. LEVESQUE: ... concis.

M. MORIN: Oui, jusqu'à ce que le premier ministre arrive, c'était pas mal concis, je dois concéder ça au ministre.

M. BOURASSA: Je voulais demander au chef de l'Opposition... c'est parce que je dois m'absenter pour Montréal jeudi après-midi, j'ai quelque chose à Montréal jeudi soir. Cela voudrait dire que mes crédits iraient à la semaine prochaine, si je comprends bien. Vous en avez au moins pour...

M. MORIN: J'ai l'impression, quoique la semaine prochaine si nous sommes pris devant la commission sur le bill 22, je doute que nous puissions étudier les crédits du premier ministre en même temps.

M. BOURASSA: C'est assez bref habituellement mes crédits.

M. LEVESQUE: Nous pourrions peut-être commencer, parce que le gros du Conseil exécutif, si on me permet, au point de vue budgétaire, c'est l'OPDQ. Je puis être présent pour ça.

M. MORIN: Oui.

M. BOURASSA: A moins de commencer le soir pour donner une chance au chef de l'Opposition d'être en commission l'après-midi, mais on pourra s'entendre. On ne pourra pas les faire cette semaine et on ne peut pas retarder...

M. LEVESQUE: II faut les adopter, il y a un délai qui...

M. MORIN: II faut les adopter, mais...

M. BOURASSA: Je m'arrangerai avec le chef de l'Opposition pour trouver un moment. Est-ce qu'on vous fait une suggestion pertinente?

M. MORIN: Non. Il y aurait peut-être lieu d'essayer de suggérer une solution concrète, mais j'en ai une à vous suggérer. Si vous ne nous faisiez pas perdre tant de temps, M. le premier ministre, cela irait plus vite, je pense, et nous aurions déjà peut-être terminé ce soir l'Agriculture, peut-être les droits miniers sous-marins...

M. BOURASSA: Mais cela vous fait mal que je mentionne les bénéfices du fédéralisme !

M. MORIN: ... mais j'ose à peine à réfléchir au temps que cela va prendre pour finir ces crédits, si vous venez à chaque séance. Remarquez que vous êtes le bienvenu, mais ne venez pas nous blâmer ensuite du temps que cela prend.

M. BOURASSA: Non. Le ministre des Affaires intergouvernementales m'a dit que le chef de l'Opposition voulait m'interroger sur la révision constitutionnelle. Alors, j'ai annulé tous mes rendez-vous à 9 h 30 pour être ici et attendre que le chef de l'Opposition m'interroge sur la révision constitutionnelle.

M. MORIN: Vous auriez dû nous en parler, parce que j'ai l'intention de le faire effectivement.

M. BOURASSA: Quand?

M. MORIN: Nous pourrions le faire tout de suite.

M. BOURASSA: J'ai reporté mes rendez-vous à 11 heures.

LE PRESIDENT (M. Picard): La commission ajourne ses travaux à demain matin à 10 heures, à la même salle.

(Fin de la séance à 22 h 56)

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