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Commission permanente de la présidence du
conseil,
de la constitution et des affaires
intergouvernementales
Etude des crédits du Conseil exécutif
Séance du mercredi 21 mai I975
(Dix heures treize minutes)
M. Gratton (président de la commission permanente de la
présidence du conseil, de la constitution et des affaires
intergouvernementales): A l'ordre, messieurs!
La commission de la présidence du conseil, de la constitution et
des affaires intergouvernementales entreprend ce matin l'étude des
crédits du Conseil exécutif.
Les changements dans la composition de la commission sont les suivants:
M. Léger remplacera M. Bédard (Chicoutimi); M. Dionne remplacera
M. Bourassa; M. Lalonde remplacera M. Côté; M. Faucher remplacera
M. Denis; M. Assad remplacera M. Levesque et M. Massicotte remplacera M.
Malouin.
J'inviterais le ministre, au cours de ses remarques
générales, à nous indiquer dans quel ordre il voudra que
la commission étudie les programmes du ministère. L'honorable
ministre d'Etat.
Etudes des programmes 7, 8 et 9
M. Lalonde: M. le Président, en examinant le menu des
crédits au chapitre du Conseil exécutif, on remarque trois
programmes, les programmes 7, 8 et 9 pour lesquels la loi prévoit qu'un
ministre responsable peut être nommé par le premier ministre, dans
le cas de la Loi du Conseil du statut de la femme, ou par le conseil des
ministres, dans le cas de la Loi sur la langue officielle et le code des
professions.
C'est le cas qui nous occupe, étant donné que le ministre
d'Etat au Conseil exécutif a été nommé responsable
de l'application de ces trois lois.
Le reste des crédits, tout ce qui n'est pas dans ces programmes,
relève de l'autorité administrative du ministre responsable du
Conseil exécutif, c'est-à-dire le premier ministre.
J'inviterais donc la commission à examiner ce qui me regarde dans
ces crédits, c'est-à-dire les programmes 7, 8 et 9 ainsi que
toutes autres questions qui pourraient être posées concernant
d'autres dossiers dont j'ai eu l'occasion de m'occuper, même s'ils ne
sont pas prévus spécifiquement et formellement dans les
crédits.
Je comprends que le député de Lafontaine aimerait qu'on
prodède tout d'abord, si on se réfère aux programmes, par
le programme 9, étant donné que le chef de l'Opposition
officielle aimerait être présent pour l'étude des
crédits du programme 8, c'est-à-dire la promotion du droit et du
statut de la femme, et le programme 7, l'organisation et la
réglementation des professions.
Je suis tout à fait d'accord pour accommoder le
député de Lafontaine. Je n'ai pas de long discours à faire
au début, sauf peut-être pour rappeler que, dans les trois
programmes qui nous occu- pent, nous faisons face à des situations un
peu analogues, c'est-à-dire des situations nouvelles.
Le code des professions est entré en vigueur en février
I974 dans sa très grande partie. Le Conseil du statut de la femme a
été formé à la fin de I973 et a
démarré, en fait, d'une façon formelle, au début de
I974. La Régie de la langue qui a quand même, dans sa formation,
hérité de l'Office de la langue française qui était
rattaché au ministère de l'Education, autrefois, la Régie
de la langue dis-je, fut à peine formée il y a quelques mois.
Dans les trois cas, nous faisons face à des organismes
semi-autonomes, de sorte que, dans une grande mesure, leur décision leur
est propre et la défense des crédits se fait dans ce contexte. Il
faut dire, si on veut commencer par la Régie de la langue
française, que cette régie a été
créée par la loi qui est entrée en vigueur à la fin
de juillet I974. J'en ai été nommé ministre responsable en
septembre. La régie a été formée dans les mois qui
ont suivi. Elle est en route. La préparation des règlements va
bon train, aussi, dans ce sens. Lorsque les règlements auront
été adoptés, nous pourrons dire que la régie aura
tout ce qu'il faut pour aller de l'avant dans l'implantation de la langue
française comme langue officielle, au Québec, dans
l'administration publique et dans les entreprises.
J'inviterais les députés à poser les questions
qu'ils veulent à ce sujet.
Le Président (M. Gratton): Messieurs, je me rends compte
que j'ai oublié de vous demander de désigner un rapporteur pour
la commission. Est-ce que je puis vous suggérer M. Tardif, le
député d'Anjou?
M. Léger: Oui, il devrait être un bon rapporteur, M.
le Président.
Le Président (M. Gratton): Qu'il en soit ainsi. Le
rapporteur de la commission est M. Tardif. M. Tardif.
Une Voix: M. le Président, vous n'allez pas m'obliger
à recommencer?
M. Léger: Tout est réglé...
Le Président (M. Gratton): Non.
M. Léger: Le député d'Anjou aurait
été élu rapporteur.
Le Président (M. Gratton): On tient pour acquis que le
député d'Anjou accepte sa tâche. Le député de
Lafontaine.
M. Tardif: Oui, j'accepte cette responsabilité.
M. Léger: Avec tout le sérieux qu'on lui
connaît.
M. Tardif: Je retiens cela.
M. Léger: M. le Président, dans les trois pro-
grammes que nous a mentionnés le ministre, je pense que le
ministre est au courant, nous en avons discuté un peu avant, c'est que
les différentes disciplines qu'on voit aux programmes 7, 8 et 9
relèvent, pour les représentants de l'Opposition, de
députés différents.
Concernant le code des professions, c'est le député de
Maisonneuve et le chef de l'Oppositon officielle qui doivent venir participer
à la commission. Pour le statut de la femme, c'est le
député de Sauvé, le chef de l'Opposition, qui doit aussi
venir en discuter à l'occasion de l'étude des crédits.
Malheureusement, ce matin, il siège à une autre commission qui
est celle du travail et de la main-d'oeuvre, je pense, et il ne peut pas
être à deux places. Donc, comme le ministre a accepté
gentiment qu'on discute d'abord du programme 9, c'est-à-dire la
Régie de la langue, c'est le domaine qui maintenant relève de ma
responsabilité au niveau de l'Opposition officielle, je vais commencer
immédiatement par faire un tour d'horizon avec le ministre sur une
série de questions concernant l'application maintenant pratique du bill
22.
Au départ, je vais demander au ministre: A part celles sur la
langue d'enseignement, est-ce qu'il y a d'autres réglementations qui ont
été publiées dans la Gazette?
Affichage et étiquetage
M. Lalonde: Non, pas à ma connaissance. Les
règlements sont prévus à différents articles de la
loi. Vous en avez, par exemple, à l'article 14. Vous en avez à
l'article 21. Vous en avez à l'article 26; à l'article 29 aussi,
on se réfère aux règlements; aux articles 34 et 35. Il y
en a plusieurs qui sont prévus par la loi, autres que ceux concernant la
langue d'enseignement. A cet effet, nous avons mis sur pied un certain nombre
de comités de préparation de règlements dont font partie
des fonctionnaires de différents ministères et qui sont
dirigés par Me Pierre Beaudoin, avocat de Québec, et
légiste aussi de profession enfin d'expérience qui
a travaillé à plusieurs reprises pour le ministère des
Affaires sociales ou pour d'autres ministères dans la rédaction
de lois et de règlements.
Nous avons aussi, dans le même cadre de préparation de
règlements, rencontré un nombre assez considérable de
personnes. La majorité des règlements concerne le monde des
affaires.
Vous avez, par exemple, les professions et le monde des affaires, les
règlements concernant l'étiquetage, à l'article 34,
l'affichage, à l'article 35, et les programmes de francisation, des
articles 26 à 29, et l'article 39, qui sont les plus
considérables au point de vue de l'impact que ces règlements
auront sur le commerce, sur l'industrie, et aussi l'effet que ces
règlements auront sur la population du Québec.
Pour bien consulter les milieux qui vont être touchés par
ces règlements, nous avons organisé une série de
rencontres, et nous avons aussi profité d'un certain nombre
d'invitations à rencontrer des gens, de sorte qu'en faisant un bilan
rapide, je peux dire que j'ai personnellement dialogué, répondu
à des questions et donné des conférences à peu
près à 35 reprises depuis septembre 1974 et à un total
d'environ 4,500 personnes.
Ce processus de rédaction des règlements est assez
avancé. Concernant l'affichage, nous l'avons soumis à la
Régie de la langue française. Si vous allez à l'article
55, vous voyez que 55 a) dit: La régie a pour rôle de donner son
avis au ministre sur les règlements prévus par la présente
loi, ce qui implique nécessairement une consultation de la part du
ministre à la régie, et c'est déjà fait pour
l'affichage. Nous attendons la réaction de la régie. Pour
l'étiquetage, cela va être fait dans les quelques semaines qui
suivront, et un peu plus tard pour les programmes de francisation.
Mais, pour répondre plus précisément à la
question du député de Lafontaine, il n'y a pas eu de publication.
Il y aura publication ensuite c'est encore prévu dans la loi
dans la Gazette officielle, et une période de 90 jours est
prévue par la loi pour une large consultation de tous les
intéressés, avant que les règlements n entrent en
vigueur.
M. Léger: Pour être plus précis, pour les
fins du journal des Débats, parce que nous relisons cela après,
pour voir ce qui a été mis en branle et pour voir quand cela
arrive à terme, est-ce que le ministre pourrait nous donner
précisément quels sont les règlements en
préparation et quand il prévoit, pour chacun, la publication dans
la Gazette officielle comme départ des 90 jours et plus?
M. Lalonde: Pour répondre de la façon la plus
précise possible, je vais y aller dans l'ordre chronologique. Le plus
avancé est le règlement concernant l'affichage prévu par
l'article 35.
En second lieu, je dirais que c'est le règlement prévu par
l'article 34 concernant l'étiquetage. Chronologiquement, je m'attends
à ce que le troisième qui sera prêt sera le
règlement concernant les programmes de francisation prévus par
l'article 26 et les autres relatifs aux programmes de francisation.
A peu près en même temps, à peu près
concurremment se prépare le règlement prévu à
l'article 14.
A été mis sur pied, un peu plus récemment, le
comité concernant le règlement de l'article 21. La commission
remarquera que l'article 21 entre en vigueur dans la mesure où il
s'applique à la délivrance d'un permis à un citoyen
canadien et entre en vigueur le 1er juillet 1976. Nous avons aussi
commencé la préparation de ce règlement.
J'en oublie peut-être, mais ceux que je viens de mentionner sont
les plus considérables. Quant aux dates où ils seront
prêts, là, c'est faire un peu de prédiction parce qu'on
dépend, naturellement, d'un certain nombre de facteurs dans la mesure
dans laquelle la régie acceptera le projet que je lui ai soumis. Si des
changements considérables sont suggérés, cela prendra plus
de temps, c'est tout.
M. Léger: Combien y a-t-il de personnes au contentieux qui
travaillent à préparer ces règlements?
M. Lalonde: J'ai la liste des membres. M. Léger:
C'est arrivé juste à temps.
M. Lalonde: Oui. Pour l'article 35, les membres qui ont fait
partie du comité sont Mlle Suzanne Laberge, de la Régie de la
langue française; M. Bernard Salvail de la Régie de la langue
française; Me Mainguy, du ministère des Affaires municipales; M.
Tessier, du ministère de l'Industrie et du Commerce et dirigés
par Me Pierre Beaudoin, dans tous les cas.
Pour l'étiquetage, nous avons Me Emile Du-charme du
ministère de l'Agriculture. Je pense que le député sait
que Me Ducharme a été mêlé depuis le début,
aux efforts qu'a faits le ministère de l'Agriculture pour franciser les
produits alimentaires au Québec depuis 1968, en vertu d'un
règlement.
Il y a aussi, Mlle Suzanne Laberge, de la Régie de la langue
française, Me Jean Brisson, du ministère des Institutions
financières, Compagnies et Coopératives, M. Leblond de Brumath,
de la Société des Alcools du Québec, M. Arthur Gareau, du
ministère de l'Industrie et du Commerce, Me André Lecours, des
Affaires intergouvernementales, M. Claude Appel, de la régie, et enfin
Me Pierre Beaudoin.
Est-ce que le député désire que je fasse...
M. Léger: Vous m'avez dit que vous en aviez une
trentaine?
M. Lalonde: De comités? M. Léger: Non, de
personnes qui... Francisation
M. Lalonde: De personnes. J'ai aussi la francisation des services
publics, par exemple, où nous avons un comité de neuf ou dix
personnes. Elles sont empruntées aux ministères susceptibles de
nous apporter les intrants au point de vue de l'information, au point de vue
aussi de l'apport qu'elles peuvent donner aux études que nous faisons.
Pour la francisation des services publics, nous avons sûrement des
représentants de la fonction publique, par exemple, Me Jacques Per-rin
et M. Jacques Vézina. Pour la francisation des entreprises, nous avons
plusieurs membres de la Régie de la langue française,
déjà. Ce sont non pas des membres de la régie, mais des
fonctionnaires qui sont rattachés à la régie pour profiter
de l'expérience qu'ils ont prise à l'Office de la langue
française avant la régie qui avait fait plusieurs
projets pilotes de francisation de l'entreprise. Nous avons aussi M. Michel
Noël de Tilly, dans le comité de la francisation des entreprises du
ministère de l'Industrie et du Commerce. La francisation des entreprises
intéresse de très près le ministère de l'Industrie
et du Commerce. Nous avons aussi Me Hubert Gaudry, des Institutions
financières; dans ce secteur-là aussi, le ministère des
Institutions financières, Compagnies et Coopératives peut nous
apporter beaucoup d'informations et d'expérience; nous avons Me Georges
Boudreau, du ministère de la Justice. Nous avons réuni, sous la
direction ou la coordination de Me Pierre Beaudoin, des fonctionnaires de
différents ministères, y compris le contentieux de
différents ministères. Je n'ai pas de contentieux au
ministère du Conseil exécutif, comme tel...
M. Léger: C'était ma première
préoccupation.
M. Lalonde: Alors, nous avons emprunté les fonctionnaires
et les services des fonctionnaires où ils sont.
M. Léger: Mais ces fonctionnaires ne sont pas à
temps plein sur ce projet. Ils y sont à temps partiel en plus de leurs
fonctions habituelles.
M. Lalonde: Oui, ils y sont à temps partiel, mais chaque
comité a divisé les tâches et confié des travaux
à certains fonctionnaires qui ensuite les apportent aux réunions
des comités, distribuent le fruit de leur travail et en discutent.
M. Léger: Vu de l'extérieur, nous avons
l'impression que rien n'a bougé depuis la loi, sauf qu'avec ces
questions, on voit les difficultés que le ministère ou votre
groupe a pour réaliser cela. D'après le ministre, le personnel
actuel est-il suffisant pour remplir le rôle immense que la loi lui a
donné comme responsabilité?
M. Lalonde: Oui, le personnel actuel est suffisant puisque nous
avons eu la collaboration de tous les ministères et de tous les
ministres et sous-ministres qui nous ont prêté leur personnel.
Nous avons sûrement tout ce qu'il faut au gouvernement pour
rédiger des règlements qui seront à la fois efficaces et
qui tiendront compte de toutes les réalités. Mais, si le
député souligne le fait que, de l'extérieur, l'impression
pourrait être qu'il ne se fait rien, c'est qu'il n'a pas lu les nombreux
rapports dans les journaux sur les rencontres que j'ai eues et que d'autres
membres de la régie ont eues avec le public à différents
endroits dans la province et à l'extérieur.
C'est aussi le résultat de l'attention et de la
préoccupation que nous portons à la rédaction de
règlements qui soient réalistes, qui soient efficaces, qui soient
appropriés aux situations auxquelles on fait face. Par exemple,
lorsqu'on parle d'étiquetage, il faut se rendre compte qu'il y a des
dizaines de milliers de produits qui entrent au Québec de
l'extérieur. Il faut aussi se rendre compte qu'aucun
Québécois ne désire devoir voyager à Cornwall pour
acheter ses produits. Donc, il faut mesurer le besoin que nous avons d'avoir un
étiquetage en français et aussi les possibilités du
marché de le faire.
M. Léger: Depuis quand fonctionnent ces groupes? Entre
autres, le groupe qui travaille sur l'affichage, l'étiquetage, depuis
quand est-ce commencé? Le ministre doit quand même admettre que,
vu de l'extérieur, la loi est sanctionnée depuis dix mois et il
n'y a aucune réglementation
qui est apparue actuellement. La première, qui semble être
la plus proche de la réalisation, est celle sur le règlement
d'affichage, l'article 35. Le ministre peut-il nous dire à quelle date
celle-là, qui semble être la plus avancée, va être
effective? Je ne dis pas toutes les autres, parce qu'il semble y avoir des
problèmes d'ajustement pour chacune, mais celle qui est la plus
avancée, quand sera-t-elle effective?
M. Lalonde: Lorsqu'on m'a confié ce travail, en septembre,
et lorsqu'on a mis sur pied ces comités pour répondre
à votre première question au début d'octobre,
quelques semaines après mon entrée en fonction, j'ai toujours dit
que cela prendrait de huit à douze mois avant qu'on ait une connaissance
précise de la situation au niveau de la réglementation.
Ce que le député oublie lorsqu'il porte
l'appréciation ce n'est pas un jugement, je pense, qu'il vient de
faire c'est que la loi est en vigueur dans plusieurs de ces clauses et
qu'elle a commencé à produire ses effets même dans les
articles qui réfèrent à des règlements
possibles.
Prenons l'affichage, par exemple, dans plusieurs endroits à
Montréal, on voit, dans les quartiers où le français
était presque absent, des affiches qui sont installées seulement
en français ou avec du français d'une façon
prioritaire.
M. Léger: Eux, ils ont pris de l'avance.
M. Lalonde: II faut bien comprendre quel est l'esprit de cette
loi. Ce n'est pas comme une loi qui prévoit l'émission de permis
pour faire du transport où là, à partir de certaines
dates, on va mettre en place des mécanismes et la loi ne pourra
être appliquée que lorsque tous les règlements seront en
place.
C'est une loi d'ailleurs on l'a répété
pendant et après le débat qui crée une ambiance qui
a déjà des effets d'entraînement. Prenons la francisation
des entreprises. Les règlements ne sont pas en vigueur. Mais combien
d'entreprises ont déjà commencé? Plusieurs avaient
commencé avant la loi 22. Mais combien d'entreprises ont
déjà commencé à prendre des mesures pour que,
lorsque les règlements seront connus, elles aient déjà un
bout de chemin de fait.
On peut difficilement mesurer, actuellement, l'impact de la loi. On ne
peut sûrement pas le mesurer à l'absence des
règlements.
M. Léger: Le ministre doit quand même admettre
d'ailleurs il me l'a dit que cela prenait une période de
connaissance du milieu pour voir de quelle façon vous pouviez appliquer
la réglementation. Cette connaissance du milieu, selon le ministre, n'a
pas pu précéder la loi.
Il fallait que la loi soit adoptée et, par la suite,
connaître les réactions du milieu.
M. Lalonde: Si vous permettez, il ne faut quand même pas
faire abstraction de tout ce qui s'est fait avant la loi. La commission
Gendron...
M. Léger: Vous avez dit que cela prendrait à peu
près de huit à douze mois avant d'avoir une connaissance exacte
du milieu sur lequel on doit réglementer.
M. Lalonde: Ce n'est pas seulement du milieu. Lorsqu'on sait
je fais appel à l'expérience du député qui
est ici, à Québec, depuis plus longtemps que moi que des
règlements, c'est comme des lois, cela ne se fait pas du jour au
lendemain.
Il y a ce processus de préparation, de consultation, de
rédaction, d'étude juridique, de publication qui va suivre. Tout
cela prend du temps.
Mais ce qu'il faut retenir, c'est que si cela prend du temps, ce n'est
pas parce qu'on rencontre des difficultés énormes, pas du tout.
C'est qu'on veut les faire correctement et que l'on sait que déjà
l'impact de la loi 22 est ressenti en faveur de la promotion de la langue
française au Québec et que, s'il y avait une urgence, si nous
sentions qu'il y avait une urgence telle que, par exemple, aucun effet
favorable n'était senti relativement à la promotion de la langue
française au Québec, jusqu'à ce que les règlements
soient adoptés, peut-être qu'à ce moment-là, la
vitesse de croisière serait augmentée. Mais, ce n'est pas le
cas.
Par exemple, les guides d'implantation des programmes de francisation
qui ont été préparés par l'Office de la langue
française auparavant et qui sont actuellement révisés par
la régie ont été distribués à tous ceux qui
les ont demandés. Nous en avons plus de 500 exemplaires qui ont
été demandés et qui ont été
distribués. Cela montre que plusieurs industries ont déjà
commencé le processus de francisation. L'impact des règlements,
à ce moment, va venir d'une façon beaucoup plus secondaire.
M. Léger: Le ministre peut-il affirmer que, dans
l'étude du milieu dans lequel vous oeuvrez pour établir une
réglementation touchant tous les aspects qu'on vient de mentionner
tantôt, il y a quand même un état d'esprit qui change, parce
que la loi a amené chez les gens l'obligation de s'adapter, qu'il
devrait y avoir des changements? Donc, il y a un état d'esprit, mais il
y a aussi des barrières psychologiques que le ministre doit affronter.
C'est cela, je pense, qui amène une vitesse de croisière un peu
plus lente, avant de pouvoir établir une réglementation, parce
qu'il y a quand même des barrières psychologiques normales. Il y
avait un état qui existait avant, et la loi veut changer les choses. Il
existe des gens qui, d'eux-mêmes, ont dit: La loi, c'est cela, il faudra
s'adapter. D'eux-mêmes, ils ont francisé leur affichage, etc. Il y
en a d'autres qui attendent, et je pense que ce sont ces rencontres que le
ministre a faites qui permettent d'évaluer les barrières
psychologiques possibles à l'adaptation de la réglementation. Le
ministre a quand même à faire face à cela. Le ministre
peut-il régler...
M. Lalonde: Naturellement, on voit une certaine résistance
mais qui diminue. La réception
que j'avais en octobre ne ressemble pas tout à fait à
celle que j'ai actuellement dans certains milieux d'affaires anglophones qui
savent que, maintenant, ils vont devoir changer leur mentalité et leurs
habitudes. Mais je ne partage pas l'avis du député que cette
barrière psychologique, cela va prendre des règlements pour la
traverser. Non. La loi a déjà commencé à faire ce
changement. Dans les faits, on va pouvoir mesurer les effets de la loi par les
règlements. Mais, le choc psychologique, puisque vous parlez de
barrière et qu'on parle de l'ouvrir, on peut parler d'un choc, il a eu
lieu il y a un an. On en mesure actuellement les effets.
Or, dans la très grande majorité des cas, les effets sont
positifs, parce que c'est devenu un fait de la vie, maintenant, et que les gens
se sont rendu compte tout d'abord que c'était profitable de faire
affaires en français au Québec, que c'était une anomalie
absolument impensable, en 1975, mais qui était peut-être pensable
en 1945, de pouvoir vivre seulement en anglais au Québec et,
troisièmement, que le gouvernement est totalement sérieux dans
l'application de ces mesures, comme étant probablement une des choses
les plus importantes que le gouvernement ait été appelé
à faire depuis cinq ans.
M. Léger: La personnalité sympathique et souple du
ministre a aidé à traverser un peu plus facilement ces
barrières psychologiques.
M. Lalonde: II faut surtout comprendre qu'il faut dialoguer. Nous
n'avons jamais refusé le dialogue, même avant la loi. Au
contraire, la commission Gendron a été un grand dialogue de
quatre ans, au fond. Le débat a été un dialogue. Nous
continuons de dialoguer avec le milieu pour savoir de quelle façon,
parce qu'on dit que tout est dans la manière, oui, tout est dans la
manière, nous pourrions le faire d'une façon épouvantable
qui n'aurait pas de résultat. Nous essayons de le faire d'une
façon raisonnable pour avoir des résultats positifs.
M. Léger: Donc, le ministre admet que, quand il y a un
changement radical qui doit être fait, il y a une première
réaction, mais, par la suite, les gens s'adaptent graduellement à
cela.
M. Lalonde: C'est une opinion que le député me
demande. Cela prendrait peut-être un cours de psychologie. Oui, c'est
vrai que l'esprit humain est fait pour s'adapter.
M. Léger: Je disais cela pour les changements qui doivent
se faire au Québec. Il y a une période difficile et, après
cela, il y a des adaptations...
M. Lalonde: Aussi longtemps que les changements sont raisonnables
et sont cohérents et que les gens y voient leur profit, oui. Si les
changements qu'on leur offrait ou qu'on leur imposait étaient
incohérents, illogiques et que tout le monde y perdait, à ce
moment, le choc ne serait pas seulement psychologique, je pense qu'on
frapperait un mur. Ce n'est pas le cas avec la loi 22.
M. Léger: Est-ce que le ministre peut dire que certains
articles touchant les organismes gouvernementaux ou les ministères,
comme la francisation des noms de ministère, sont déjà en
vigueur actuellement?
M. Lalonde: Oui...
M. Léger: Cela ne prend pas de réglementation pour
cela.
M. Lalonde: Non, les dispositions des articles 6 et suivants sont
en vigueur, sauf, un instant... Les articles 6 à 9, le premier
alinéa de l'article 10 et l'article 13 s'appliquent à compter du
1er janvier 1976, dans le cas des organismes municipaux, et à compter du
1er juillet 1976, dans le cas des organismes scolaires. Pour le gouvernement,
ils sont en vigueur, je crois, en lisant bien l'article II7. L'article 19
s'applique à compter du 1er janvier 1976. Il touche les entreprises
d'utilité publique et les corporations professionnelles. Maintenant,
pour revenir à l'administration publique, pour le gouvernement, ces
articles sont en vigueur. Ils ne présentent pas, je crois, de
difficulté majeure. Le gouvernement et ses organismes, dans une
très large mesure, faisaient affaires en français avant la loi
22. Certains cas demandent une adaptation relativement mineure que nous
essayons de faire au profit de tous pour minimiser les coûts aussi au
gouvernement, étant donné que nous avons l'administration des
biens publics et pour obtenir l'effet désiré par la loi 22.
M. Léger: Maintenant que la loi est adoptée et,
entre autres, l'article II, les organismes gouvernementaux sont
désignés par leur seule dénomination française.
Comment se fait-il que même des organismes du gouvernement ont
continué à garder je vais donner trois cas leur
appellation anglaise, le cas de la Régie des rentes, le cas du
ministère du Revenu, le cas du ministère de l'Education? Je donne
quelques exemples: La formule du ministère du Revenu TP-4 est encore
bilingue, cela pour l'année 1974, mais distribuée en 1975; c'est
encore bilingue. J'ai encore un exemple ici, le ministère du Revenu,
Operation Branch, Quebec, Department of Revenue. Au ministère du Revenu
du gouvernement du Québec qui a voté cette loi, c'est encore en
anglais. Vous avez une série d'exemples ici dans le domaine de la
Régie des rentes. Toutes les publications gouvernementales sont encore
en anglais. Your Quebec Pension Plan I975, cela a été
imprimé six mois après que la loi eut été
adoptée.
Vous avez les allocations familiales du Québec, du
ministère des Affaires sociales, les "Quebec Family Allowances", c'est
encore bilingue; il y a encore le "Quebec Pension Board". On n'a pas encore
changé le nom, selon l'article 11. J'ai des exemples de la Régie
des rentes du Québec "Quebec Pension Board", ici le formulaire qui est
utilisé. J'ai toute une série d'exemples. J'ai le
ministère du Revenu, "Department of National Revenue", toutes les
brochures du gouvernement sont encore en anglais. Les en-têtes
mêmes du papier à
lettre du "Quebec Pension Board" sont encore bilingues. J'ai une
série de cas. Les bulletins mêmes de la Régie des rentes
sont encore en anglais; les Bulletins du "Quebec Pension Board" sont encore en
anglais et en français, alors que l'article 11 de la loi 22 dit fort
bien que les organismes gouvernementaux sont désignés par leur
seule dénomination française. La langue officielle est la langue
de communication interne. Vous avez même l'Assemblée nationale,
l'enveloppe de l'Assemblée nationale, I975: "Province of Quebec, the
National Assembly, Quebec".
Ce sont des exemples qui démontrent que même le
gouvernement, qui a fait adopter sa loi, a fait réimprimer... Ce n'est
pas du vieux stock. C'est du nouveau...
M. Lalonde: Je ne le sais pas. M. Léger: Oui, on a
vérifié cela.
M. Lalonde: Je veux que le député soit bien
sûr de ce qu'il avance.
M. Léger: II y a même les estampes, ici qui sont en
date du 8 mars I975, "Department of Education" et ministère de
l'Education. Quand je parlais de barrières psychologiques dans le milieu
des affaires, dans le milieu du travail, c'est sûr que si le gouvernement
lui-même continue à envoyer des circulaires, des formules, des
documents dans les deux langues, les gens ne voient pas le sérieux du
gouvernement à réaliser son objectif. Les prestations
d'invalidité, "Disability benefits", I975, ce sont toutes des choses qui
sont imprimées, et la loi a été adoptée en juillet
I974.
M. Lalonde: Si le député me faisait ces mêmes
remarques dans deux ans, je pense que je les prendrais au sérieux, non
pas que je pense que le député n'est pas sérieux lorsqu'il
réclame une application plus rigide de la loi, mais il reste que, dans
plusieurs cas, sûrement dans le cas du ministère du Revenu, le
document que le député mentionne...
M. Léger: Les documents.
M. Lalonde: ... les documents, dans le cas du ministère du
Revenu, il y avait peut-être plus qu'un, enfin, les documents concernant
le ministère du Revenu avaient été commandés avant
la fin de mai I974.
M. Léger: Non, mais là, je vous parle... Le
ministre admettra avec moi qu'actuellement c'est illégal pour les TP-4
I975...
M. Lalonde: Si on parle de la légalité, par
exemple, je vais demander une opinion juridique au député de
Lafontaine. Il mentionne l'article 11, je ne veux pas être
légaliste là-dessus. Je pense que l'esprit de la loi, sinon la
lettre, c'est que tous les ministères... Enfin, ce serait la
façon dont j'aimerais l'appliquer, les ministères devraient
utiliser leur seule dénomination française. Mais la loi dit bien:
Les organismes gouvernementaux. Or, si vous allez à l'annexe A, les
organismes gouvernementaux sont définis l'annexe A,
paragraphe 2 et ne comprendraient pas, d'une façon
tout à fait... Est-ce que le député écoute,
oui?
M. Léger: Oui.
M. Lalonde: Bon! L'article 11 dit bien: Les organismes
gouvernementaux, et ce terme "organismes gouvernementaux" qui est défini
à l'article 2 de l'annexe A, ne comprend pas le gouvernement et ses
ministères. C'est peut-être une anomalie. C'est ce que la loi
dit.
Cela comprend les organismes dont le lieutenant-gouverneur en conseil ou
un ministre nomme la majorité des membres. Vous auriez quand même
raison pour certaines régies, par exemple, qui seraient des organismes
gouvernementaux.
M. Léger: Mais la Régie des rentes, entre
autres...
M. Lalonde: C'est cela, entre autres, la Régie des rentes
serait un organisme gouvernemental.
M. Léger: Pour la Régie des rentes, c'est le
bulletin de janvier I975. C'est un bulletin mensuel.
M. Lalonde: Je veux dire ceci au député:
Aussitôt après être entré en fonction, j'ai
commencé un processus d'inventaire de toutes les communications du
gouvernement, parce que la loi s'applique au gouvernement, au départ, en
même temps qu'à toutes les autres personnes. Ce processus
d'inventaire est en marche actuellement et je suis convaincu que, d'ici
quelques mois, tous les correctifs nécessaires seront apportés.
Déjà, plusieurs ont été faits, plusieurs ont
été portés à notre attention avant que le mal ne
soit fait. Les habitudes de la période prébill 22 sont encore en
train de changer, mais cela change d'une façon
accélérée à ce moment-ci. Je suis persuadé
que, dans un avenir très prochain, toutes ces anomalies seront
corrigées.
M. Léger: Est-ce que le ministre veut dire que, quand la
loi a été adoptée en juillet I974, loi qui avait
été déposée quelques mois auparavant, le
gouvernement ne s'attendait pas que cette loi soit adoptée? S'il
présentait cette loi, c'était dans le but qu'elle soit
adoptée. Donc...
M. Lalonde: On a beaucoup trop de respect pour l'Opposition pour
faire une prétention de cette nature. On s'attendait sûrement que
la loi soit adoptée. On s'attendait aussi que l'Opposition fasse un
débat honnête et que, par exemple, arrivée à
l'article 11, elle discute avec nous, ensuite à l'article 12, et cela,
jusqu'au bout. On ne s'attendait pas, naturellement, que l'Opposition
arrêterait à l'article 2. On ne pouvait pas présumer...
M. Léger: Même si on est d'accord sur l'article 11,
s'il n'est pas appliqué...
M. Lalonde: On ne pouvait pas, naturellement, présumer de
la forme finale de la loi 22 parce que, justement, on a trop de respect pour
les institutions parlementaires et trop de respect pour les recommandations et
les suggestions positives que l'Opposition peut nous faire lors d'un
débat. Lorsque le projet de loi 22 est devenu une loi, c'est seulement
à ce moment-là que les organismes gouvernementaux ont pu mettre
en marche les mécanismes nécessaires pour changer leurs
habitudes, pour se conformer à la loi. Certains ont glissé, et je
remercie le député de les porter à mon attention; j'avais
connaissance d'un certain nombre et je suis constamment en communication avec
certains ministères pour, justement, savoir comment apporter ces
changements sans gaspiller, naturellement, des sommes énormes. Ce qui
est déjà en stock a été payé avec l'argent
des contribuables. Dans la mesure où ce n'est pas une habitude ou,
enfin, cela n'entraînerait pas le gouvernement à employer une
langue en contravention avec la loi 22, pour une période de temps
illimitée, nous avons cru bon d'épuiser les stocks que nous
avions pour des questions d'économie.
M. Léger: Le ministre admettra quand même avec moi,
avec toute l'amitié que j'ai pour lui, que, depuis dix mois, le
ministre, par ses fonctionnaires, n'a pas pu envoyer une lettre, entre autres,
à la Régie des rentes du Québec, pour lui dire: N'oubliez
pas que, depuis juillet 1974, il y a une nouvelle loi et veuillez ne pas
publier vos bulletins dans une autre langue que le français. Autrement
dit, en dix mois, il n'a pas pu avoir une communication avec les
différents ministères ou avec les différents organismes
gouvernementaux pour leur dire: Actuellement, par la loi, tout doit être
désigné par la seule dénomination française. La
langue officielle, la langue des communications internes d'administration
publique doit être le français. En dix mois, cela n'a pas
été fait.
M. Lalonde: La langue des communications internes, c'est une
autre histoire.
M. Léger: Bien oui, mais...
M. Lalonde: Je ne pense pas que le député apporte
des exemples pertinents.
M. Léger: J'ai donné l'exemple des en-têtes
de lettres tantôt.
M. Lalonde: Je ne pense pas que le député, que ce
soit pour des en-têtes de lettres ou autre chose, donne des exemples
pertinents relativement à la langue des communications internes du
gouvernement et des organismes gouvernementaux. C'est le français et
cela l'est depuis quelque temps déjà.
Si le député lit l'article 10, l'administration publique,
c'est tout le gouvernement. Si l'article 11 emploie les mots... Est-ce que le
député m'écoute encore?
M. Léger: Oui.
M. Lalonde: L'article 10 dit bien: "L'administration publique". A
l'annexe A, on la définit. L'article 11 dit bien: "Les organismes
gouvernementaux". Encore là, c'est défini.
Si le législateur a employé des termes différents
dans deux articles qui se suivent, son intention était probablement de
limiter la seule dénomination française aux organismes
gouvernementaux, ce qui élimine peut-être la moitié des
exemples ou la pertinence de la moitié des exemples du
député tantôt. Quant aux autres, j'ai expliqué que
c'est un processus qui est en marche. On peut ramasser un petit détail
ici, un petit exemple ici et là et essayer d'en faire une grande
histoire. Si c'est la façon dont le député pense que la
loi devrait être appliquée, c'est son affaire. Nous pensons que
c'est surtout dans les endroits, dans les contextes, dans les milieux où
le français est totalement absent ou est gravement absent que les
efforts doivent peut-être porter en premier lieu. Nous allons corriger
ces petites anomalies qui se présentent et qui vont peut-être se
présenter aussi dans l'avenir, mais je fais appel au bon sens du
député pour mesurer réellement l'importance des exemples
qu'il vient de faire.
M. Léger: Si le ministre dit...
M. Lalonde: Symboliquement, ce n'est peut-être pas
tellement bon, mais si je prends ces exemples et que je les mets à
côté de tous les autres cas où le gouvernement emploie la
langue française seulement, nous parlons de peccadilles, nous parlons de
choses totalement exceptionnelles, peut-être un centième de 1% des
communications. Il reste que le député peut toujours les
souligner, d'accord. On peut toujours se perfectionner.
M. Léger: Oui. Ce que je ne peux pas accepter...
M. Lalonde: Et nous allons sûrement le faire, mais j'ai
essayé de répondre au député sur la façon
dont nous nous y prenons pour le faire. J'ai même dit au
député que, dans deux ans, si ces exemples nous étaient
apportés, là on pourrait dire qu'il y a soit une carence, une
négligence ou un sabotage quelque part; mais, dans le contexte actuel,
je pense que c'est simplement le processus de changement qui se fait. Le
député parlait de dix mois, mais dix mois dans la vie d'un
gouvernement, ce n'est réellement pas beaucoup.
M. Léger: Quand on voit que le ministère des
Transports a réussi à faire ses contacts avec ses plaques
d'immatriculation en français uniquement, je pense que ce n'est pas un
petit exemple; mais quand on dit que quatre millions de formules TP-4 bilingues
ont été envoyées, ce n'est pas non plus un petit exemple;
de même, tous les bulletins de la Régie des rentes du
Québec sont bilingues. Ce sont des millions d'exemplaires qui rejoignent
le plus de citoyens.
M. Lalonde: Est-ce que le député a lu l'article
8?
Les textes et documents officiels doivent être accompagnés
d'une version anglaise. Ou est-ce que le député reproche à
ces formules d'employer la dénomination...
M. Léger: La dénomination.
M. Lalonde: Alors, vous ne reprochez pas au fond le bilinguisme
de la formule. Vous reprochez la dénomination en anglais.
M. Léger: Si vous parlez de la bilinguisation de la
formule...
M. Lalonde: Je veux que le député fasse son
lit.
M. Léger: Justement, là on parle de l'appellation
et de la dénomination. Ce sont des exemples...
M. Lalonde: Votre lit, c'est seulement la
dénomination.
M. Léger: Pour le moment, mais si vous parlez de la
bilinguisation, vous prouvez que, dans la loi 22, c'était la
bilinguisation.
M. Lalonde: Ce n'est pas ce que je dis. Je demande ce que le
député reproche. Est-ce qu'il reproche une bilinguisation ou s'il
reproche une dénomination en anglais?
M. Léger: C'est la dénomination au départ
que je viens de donner comme exemple.
M. Lalonde: II n'y a qu'à lire quelques-uns des articles,
en fait toute la loi, pour se convaincre que cj n'est pas une loi de
bilinguisation. Quelqu'un qui le prétendrait n'aurait pas lu de
véritables lois de bilinguisation comme dans certains pays du monde
où on a deux langues officielles et où on pousse le
bilinguisme...
M. Léger: II y a des nuances, il y a des
subtilités...
M. Lalonde:... là on lirait qu'il faudrait que ce soit
dans deux langues. On tolère, on permet un certain nombre d'usages d'une
autre langue, mais on fait la promotion carrément de la langue
française.
M. Léger: Je ne veux pas, avec le ministre, relancer
aujourd'hui le débat de la bilinguisation. Ce n'est pas mon objectif,
mais il faut quand même admettre que, tout en ne disant pas que c'est la
bilinguisation, quand on fait le débat je ne veux pas revenir
là-dessus le fait qu'on pouvait avoir des exemplaires
français ou des versions anglaises, c'était de la bilinguisation.
A chacun des articles on le faisait, mais je ne veux pas revenir à ce
débat. Je parlais de la dénomination et le ministre doit admettre
quand même qu'il s'agissait simplement d'avertir les organismes
gouvernementaux. Même ces organismes auraient dû eux- mêmes
savoir que la loi était votée. Ils n'avaient pas besoin que le
ministre les voie.
M. Lalonde: Ils l'ont fait, mais, dans un souci d'application
plus complète, plus conforme à l'intention du législateur,
nous avons voulu communiquer avec tous les ministères et les organismes.
Nous l'avons fait.
Au tout début de novembre, j'ai écrit à tous les
ministres en attirant leur attention sur le fait que la langue officielle
s'applique aussi au gouvernement, naturellement, et en demandant d'être
informé de la façon dont les divers articles de ce chapitre sont
présentement appliqués au sein du ministère, et aussi, en
demandant un inventaire des communications que le ministère et les
organismes font quotidiennement. C'est le processus que j'ai expliqué au
député tantôt, le processus d'inventaire des communications
et éventuellement de rédaction de directives, au besoin. Il est
possible qu'on n'en ait pas besoin, mais selon le tableau que nous aurons de la
francisation de l'administration publique, nous verrons s'il est utile
d'émettre une directive à tous les organismes et à tous
les ministères pour corriger les quelques accrocs qu'un fonctionnaire ou
un autre peut faire.
M. Léger: D'après ce que le ministre me dit,
ça semble bien compliqué d'avertir les organismes gouvernementaux
de ne plus se servir d'une dénomination en langue anglaise. Il me semble
que le ministre me dit... est-ce qu'il était au courant d'ailleurs que
le bulletin mensuel de la Régie des rentes du Québec avait une
dénomination bilingue?
M. Lalonde: On me met au courant d'un certain nombre de choses
comme ça, au jour le jour; il y a des exemples qui m'ont
été apportés aujourd'hui et qui se sont produits à
ma connaissance avant aujourd'hui, mais le député peut être
assuré qu'on va le faire et...
M. Léger: ... relégaliser les choses.
M. Lalonde: ...qu'on le fait constamment lorsqu'on apporte un cas
à notre attention. J'ai celui d'un organisme qui est en train de faire
imprimer ou était sur le point de faire imprimer son rapport annuel.
Comme pour faire un rapport annuel, on prend celui de l'année
précédente comme cadre et on suit les habitudes qu'on avait
déjà auparavant, soit de le faire avec sa dénomination en
anglais. Je suis intervenu immédiatement pour que ce soit fait en
français, même s'il fallait faire certains efforts, mais pas
nécessairement mettre au panier des milliers d'exemplaires, mais un
certain nombre d'efforts. A ce moment-là, on nous disait: Nous n'avons
pas été avertis assez tôt pour intervenir.
M. Léger: D'accord. Est-ce que le ministre admet que
ça prend seulement l'initiative du ministre, qu'il n'est pas question
d'inventaire pour les TP-4, parce que ce sont des choses imprimées pour
l'année courante et qui étaient imprimées
pour être distribuées aux gens au début de
février? Les TP-4, quand on les envoie aux gens, c'est en janvier ou
février, c'est donc, presque six mois après que la loi a
été adoptée.
M. Lalonde: Le ministère du Revenu m'avait informé
que toutes les formules il faudrait préciser que ça
comprenait les TP-4, concernant les rapports d'impôt pour l'année
1974 qui seraient donc distribuées en grande partie en 1975,
étaient déjà commandées et en voie d'impression
pendant le débat, avant la fin de mai 1974. C'est donc à ma
connaissance, et je pense que c'est tout à fait raisonnable, parce que
l'on parle de millions de dollars, enfin de centaines de milliers de dollars,
que ces formules ont été employées pour 1975. Maintenant,
je suis en communication constante avec certains ministères, surtout le
ministère du Revenu, qui est le ministère qui a le plus de
communication avec la population, non pas seulement pour l'impôt sur le
revenu, mais encore davantage pour la taxe de vente, à propos de
laquelle il communique tous les mois avec ses mandataires. Nous essayons de
trouver la façon la plus rentable, la plus économique de nous
adapter sur une période de temps la plus courte possible aux
dispositions de la loi.
M. Léger: De toute façon, le ministre admet qu'on
doit constater ce matin ça va être corrigé pour
l'année prochaine, je suis convaincu qu'actuellement on
reconnaît l'échec de l'article 11 sur le ministère qui a le
plus de contacts avec les Québécois.
M. Lalonde: Pas du tout. Je ne reconnais aucun échec, au
contraire. Si le député évait venu avec un inventaire,
justement que je suis en train de faire actuellement, et si cet inventaire
était que le tableau donnait comme résultat que 25% ou même
10% des communications du gouvernement ne respectaient pas les dispositions de
la loi, je pourrais parler d'un demi-échec, mais ce n'est pas ce que le
député a fait. Il est arrivé avec quelques exemples, parmi
des dizaines de milliers de communications que le gouvernement a annuellement
avec la population.
M. Léger: J'en aurai d'autres tantôt...
M. Lalonde: Je ne pense pas que ce soit un constat
d'échec, au contraire. Je pense que le français a un statut
carrément prioritaire au Québec, c'est-à-dire dans
l'administration publique du Québec.
Il reste quelques changements, quelques correctifs à apporter sur
les questions de détail. Nous sommes, je l'ai expliqué au
député, en train de le faire, d'une façon ordonnée,
pour ne pas gaspiller l'argent des contribuables.
M. Léger: Est-ce que le ministre veut dire que
l'impression des formules TP-4 1974, donc pour l'année 1975, a
été effectuée avant la période de l'adoption de la
loi?
M. Lalonde: Ce n'est pas ce que j'ai affirmé.
J'avais raison de croire que toutes les formules pour l'impôt
1974, donc utilisées en 1975, dans la plupart des cas, étaient
imprimées avant la fin de mai. Cela comprend sûrement les formules
d'impôt.
Maintenant, j'ai bien dit et j'ai eu la précaution de langage
suivante: A ce moment-là, j'avais raison de croire que cela comprenait
également toutes les autres formules, y compris les TP-4.
M. Léger: Je pense que l'application d'autres articles de
la loi peut demander de requérir une période de
vérification d'inventaire. Mais, actuellement, pour quelle raison le
ministre n'enverrait-il pas une lettre formelle à tous les organismes
gouvernementaux?
M. Lalonde: Cela a été fait le 5 novembre.
M. Léger: Et ce sont là les résultats? Le
bulletin de la Régie des rentes?
M. Lalonde: Chaque fois que des accrocs sont portés
à notre connaissance, nous intervenons. Nous allons le faire. Je suis
sûr que, dans quelques mois... M faut quand même être
réaliste, on parle de dizaines de milliers de communications, c'est
possible qu'on en accroche une ou une autre...
M. Léger: Toutes les brochures de la Régie des
rentes sont faites de cette façon.
M. Lalonde: C'est ce que je mentionne comme étant un
accroc. La Régie des rentes a également beaucoup d'autres
communications. Le gouvernement, avec ses dizaines et ses dizaines
d'organismes, a un nombre considérable de communications et le
député en apporte quelques-unes.
Je ne pense pas qu'il y ait là de quoi faire une cause, comme on
disait en anglais, une cause "federal", non. Cela réfère aux
Etats-Unis plus qu'au Canada.
C'est quand même notre objectif, notre but, que la loi soit
respectée à la lettre, jusqu'au bout.
M. Léger: Vous avez déjà envoyé une
directive à...
M. Lalonde: J'ai fait appel au bon sens du député.
Je le répète, ces changements peuvent prendre une certaine
période de temps. Il faisait état que dix mois, c'est long; moi,
je lui dis que dix mois, c'est court, lorsqu'on ne veut pas...
M. Léger: Pour ces détails, c'est long. Pour autre
chose, d'accord.
M. Lalonde: ... lorsqu'on ne veut pas gaspiller l'argent des
contribuables, lorsqu'on veut le faire d'une façon ordonnée. Je
lui dis que je peux lui apporter des dizaines et des centaines de
communications qui se conforment à la loi.
M. Léger: Mais il faut qu'elles se conforment
toutes à la loi! Est-ce que vous voulez dire que la lettre que
vous avez envoyée à la Régie des rentes, ils l'ont
jetée au panier? Ils ne s'en sont pas occupés, puisque j'ai le
numéro du mois de janvier 1975.
M. Lalonde: Ce que je veux dire, c'est que, dans la très
grande mesure, il y a conformité avec la loi et que, de jour en jour,
nous intervenons pour le rappeler parce que, dans la plupart des cas, ce sont
simplement des distractions, souvent décidées par un
fonctionnaire ou un autre, sans que cela soit une décision formelle du
gouvernement.
M. Léger: Ce que je peux, à première vue,
conclure, c'est qu'avant de franciser les grosses compagnies privées, le
gouvernement a même de la difficulté à franciser les noms
de ses ministères. C'est la première constatation qu'on a, dix
mois après que la loi a été sanctionnée. Comment
cela sera-t-il avec les entreprises privées?
M. Lalonde: Naturellement, c'est une proposition que je n'accepte
pas, en ce sens qu'avant de franciser l'entreprise, on doive s'assurer qu'il
n'y a aucun accroc dans les centaines de milliers de communications avec le
gouvernement. A ce moment-là, on commencerait sûrement trop
tard.
Le gouvernement dont je fais partie a voulu commencer maintenant
à franciser les entreprises et ce ne sont pas les quelques accrocs qui
ont été faits jusqu'à maintenant, et qui pourraient
être faits dans l'avenir, qui vont réduire notre vitesse de
croisière dans la francisation des entreprises, qui vont réduire
notre effort et notre désir, notre détermination à
franciser, à faire du français la langue du travail au
Québec.
M. Léger: A l'article 12: "La langue officielle est la
langue de communication interne de l'administration publique." Le
ministère de l'Education, dans son bulletin officiel, encore là,
c'est dans les deux langues. On voit; "Officiai bulletin. This bimonthly
bulletin is published particularly for school boards and school principals of
Quebec." J'ai ici le bulletin de janvier I975 qui est bilingue. Encore
là, c'est complètement illégal.
M. Lalonde: C'est une affirmation que je ne partage pas. Que ce
soit complètement illégal, je ne sais pas si c'est une opinion
juridique que le député de Lafontaine donne au gouvernement. Je
peux la prendre pour ce qu'elle vaut. Mais, lorsqu'on parle de communication,
et la langue officielle étant la langue de communication interne de
l'administration publique, cela ne veut pas dire que le gouvernement ne peut
pas faire des publications dans une autre langue.
Par exemple, l'administration publique doit utiliser la langue
officielle pour communiquer avec les autres gouvernements du Canada et au
Québec avec les personnes morales. Cela n'empêche donc pas le
gouvernement de communiquer dans une autre langue avec les personnes physiques.
Si le député veut m'entraîner dans une discussion ju-
ridique, on peut y aller. Si c'est cela son désir, à cette
commission, je peux le faire.
M. Léger: Admettez-vous que la commission scolaire fait
partie de l'administration publique?
M. Lalonde: Oui, la commission scolaire fait partie de
l'administration publique. C'est une admission que je fais. Ensuite, cela
apporte quoi?
M. Léger: Donc, l'article 12 s'applique: "La langue
officielle est la langue de communication interne de l'administration
publique."
M. Lalonde: Oui, mais l'exemple que vous m'apportez, ce n'est pas
nécessairement une question de communication interne.
M. Léger: Oui. Je le lis, c'est bien inscrit: "Officiai
bulletin. This bi-monthly bulletin is published particularly for school boards
and school principals of Quebec." C'est la communication du ministère de
l'Education avec les commissions scolaires et les principaux
d'école.
M. Lalonde: Oui, mais le député a-t-il lu l'article
13?
M. Léger: Oui. Vous avez bien spécifié... M.
Lalonde: II va reconnaître...
M. Léger: ... les commissions scolaires, entre elles.
M. Lalonde: Pas nécessairement. M. Léger: A
l'intérieur de l'école.
M. Lalonde: II va reconnaître que la loi a prévu
qu'il y a des commissions scolaires dont la langue peut être l'anglais,
étant donné que la majorité de leurs administrés
sont de langue anglaise. Le député ne trouve-t-il pas normal que,
à ce moment, il y ait des communications qui ne sont pas internes? Le
député interprète la loi comme il le veut.
M. Léger: C'est le français, seule langue
officielle. C'est ce que le premier ministre a dit.
M. Lalonde: Oui, la langue de communication interne, à
l'intérieur du ministère de l'Education, je suis sûr que
c'est le français. Lui, il englobe les commissions scolaires
là-dedans.
M. Léger: Oui.
M. Lalonde: Quand je lui parle de l'article 13, ils en ont. Ce
sont les commissions scolaires entre elles. Il va falloir que vous fassiez
votre...
M. Léger: A l'intérieur de la commission scolaire
comme telle, la commission scolaire anglaise.
M. Lalonde: Pourquoi ne serait-ce pas à l'intérieur
du ministère de l'Education comme tel?
M. Léger: Le ministre veut-il dire, par là, qu'une
communication entre le ministère de l'Education et la commission
scolaire peut être faite dans une deuxième langue, si c'est
l'article 13 qui s'applique?
M. Lalonde: Mais, quelle est l'idée que le
député de Lafontaine se fait de l'autonomie des commissions
scolaires?
M. Léger: Ce n'est pas une autonomie, c'est ce dont vous
parlez.
M. Lalonde: Est-ce que ce sont des créatures du
ministère de l'Education? Je n'aimerais pas que son parti soit au
pouvoir. Nous autres, nous respectons l'autonomie des commissions scolaires.
Même si elles sont comprises dans la définition de
l'administration publique, nous ne les avons jamais considérées
comme étant des fonctionnaires du ministère de l'Education. Je
pense que le député a fait erreur.
M. Léger: Ah non! Je pense que le ministre est en train de
se mettre les pieds dans les plats. Parce que ce n'est pas un bulletin de la
commission scolaire, c'est un bulletin du ministère de l'Education qu'il
envoie à la commission scolaire qui est une administration publique.
M. Lalonde: Qui? C'est cela, c'est un autre organisme.
M. Léger: Mais, vous venez d'admettre que c'est un
organisme public qui est visé par l'article 12. Je donne un exemple
concret. Le ministre est mieux de revérifier l'affirmation qu'il vient
de faire.
M. Lalonde: Oui, mais la communication interne, on
pourrait...
M. Léger: Interne, c'est le ministère de
l'Education...
M. Lalonde: Et les commissions scolaires.
M. Léger: ... qui communique avec les commissions
scolaires pour leur donner...
M. Lalonde: C'est externe cela.
M. Léger: Ce n'est pas externe, ce sont deux organismes
publics.
M. Lalonde: C'est externe quand même.
M. Léger: Attention à ce que le ministre vient de
dire...
M. Lalonde: La communication interne, c'est à
l'intérieur d'un organisme.
M. Léger: Voyons donc! Le ministère de l'Education
doit continuellement fonctionner avec des milliers de lettres par jour avec les
commissions scolaires. C'est un organisme public.
M. Lalonde: Comment le député
interprétera-t-il l'article 10, à ce moment? "On doit utiliser la
langue officielle pour communiquer avec les personnes morales. Les commissions
scolaires, ce sont des personnes morales.
M. Léger: Les personnes morales privées.
M. Lalonde: Pas nécessairement. Où est-ce que c'est
inscrit "privées"?
M. Léger: Pardon?
M. Lalonde: Où est-ce que c'est inscrit
"privées"?
M. Léger: Personnes morales.
M. Lalonde: Ce n'est pas nécessairement "privées",
une commission scolaire, c'est une personne morale.
M. Léger: Je lis l'article 12 et je le complète par
l'administration publique. On voit fort bien que, d'après l'article I23,
les organismes municipaux et scolaires sont inclus dans l'administration
publique.
A l'article 12, la langue officielle est la langue de communication
interne de l'administration publique. Vous voulez séparer les
commissions scolaires du ministère de l'Education comme étant une
personne morale différente?
M. Lalonde: C'est possible. Je dis que la loi peut donner
ouverture à deux interprétations.
M. Léger: A ce moment, on est d'accord là-dessus
que la loi n'est pas claire. C'est la tour de Babel dans le Québec.
M. Lalonde: Nous allons sûrement, comme nous l'avons fait
jusqu'à maintenant, l'interpréter pour le plus grand usage de la
langue française. Cela a été l'effort que nous avons
commencé à faire et que nous allons continuer de faire.
Maintenant, dans ce cas précis, cela mérite naturellement un
examen particulier et c'est justement le but de l'examen que je fais
actuellement avec chacun des ministères et chacun des organismes. Il y a
des cas comme cela qui sont portés à notre connaissance. Nous
essayons d'interpréter la loi pour le plus grand usage du
français, tout en respectant les dispositions qui protègent les
droits individuels des anglophones dans certains cas.
M. Léger: Donc, vous allez avertir le ministère de
l'Education de ne plus publier, dans son bulletin officiel, une version
anglaise.
M. Lalonde: C'est déjà fait. Ce que j'essaie de
dire au député depuis une demi-heure, c'est qu'on a
commencé cela le 5 novembre, cela a été commencé
à l'intérieur du ministère, mais de façon formelle,
cela a été commencé il y a plusieurs mois. C'est un
processus qui est en marche. On est pressé. On va presser encore le pas,
on l'a fait.
II faut prendre chacune des communications et l'examiner.
M. Léger: Ce que je trouve drôle, c'est que c'est le
ministre qui a travaillé là-dessus et, dans son propre
ministère, c'est la version anglaise.
M. Lalonde: C'est très facile pour le député
de prendre un cas ici et un cas là.
M. Léger: Je vous en donne. Il y en a d'autres qui s'en
viennent.
M. lalonde: M peut y en avoir I00 sur les dizaines de milliers de
communications des ministères avec les organismes. Je ne vous dis pas
que ce sont des cas qui ne sont pas importants. Chaque cas est important, mais
je vous dis que c'est la petite minorité, c'est l'exception. Le
député peut arriver encore avec dix cas s'il le veut. Ce que je
vais lui dire, c'est que ce processus d'examen est en marche, qu'il va se
terminer le plus tôt possible, sûrement dans les quelques mois qui
vont suivre. Maintenant, est-ce que c'est utile actuellement de faire un
débat sur chaque cas? Tout ce que je peux dire...
M. Léger: Le gouvernement peut légiférer et
lui-même, avant même d'être capable de réaliser la
francisation dans le domaine privé, après dix mois, il y a encore
des organismes gouvernementaux, des ministères qui ne respectent pas la
loi. Alors, c'est mon rôle et mon devoir, à l'occasion de
l'étude des crédits, de faire remarquer au ministre et
spécialement, c'est ce qui est ironique que c'est mal parti,
l'application de la loi, puisque c'est le ministre même de l'Education
qui a parrainé cette loi pleine de trous, qui est la tour de Babel dans
le Québec actuellement, surtout au niveau de la loi de l'enseignement
ce n'est pas votre département mais quand même
à ce niveau, c'est la tour de Babel. Je me demande si cela ne s'en
viendra pas de ce côté. Au niveau de la responsabilité
gouvernementale, on n'a pas pris les mesures, jusqu'à maintenant, pour
réaliser au moins chez soi, dans le gouvernement qui apporte cette loi,
alors qu'on admet les difficultés et la vitesse de croisière au
ralenti pour l'implantation de la francisation dans le domaine
privé...
M. Lalonde: Je m'étonne d'une chose, c'est que le
député n'ait pas communiqué avec moi plus tôt, avant
aujourd'hui, pour apporter ces cas à ma connaissance. S'il a un souci
aussi grand de voir la loi appliquée, je m'attendrais que le
député, comme tout bon citoyen, apporte, au ministre responsable
de l'application de la loi, ces exemples aussitôt qu'ils viennent
à sa connaissance. J'espère que, dans l'avenir, il le fera.
M. Léger: Certainement. Je peux vous donner d'autres cas
comme cela. Il y en avait tellement que j'ai dit: Je suis mieux de tout lui
donner cela d'un coup pour qu'il en voit l'importance. Je pourrais même
ajouter: La Gazette officielle du Qué- bec, Official Gazette, c'est un
outil gouvernemental public qui est encore avec sa version anglaise.
M. Lalonde: Oui, mais je n'accepte pas nécessairement
l'interprétation du député sur l'application de la loi
dans ce cas et dans d'autres cas.
M. Léger: Alors, pour vous, la Gazette officielle pourrait
être bilingue?
M. Lalonde: On sait que les règlements et les lois sont
publiés dans les deux langues. C'est parfaitement légal, conforme
à la loi 22. S'ils peuvent être publiés dans les deux
langues, pourquoi se surprendre que le titre de publication soit dans les deux
langues?
M. Léger: Ecoutez, quand on voit...
M. Lalonde: La Gazette officielle du Québec, ce n'est
quand même pas un organisme gouvernemental.
M. Léger: Ce que je vous montre, le plus ironique, c'est
le texte publié comme quoi le français était devenu la
langue officielle du Québec. C'est dans ce texte de la Gazette
officielle où on voit: Quebec Official Publisher Parliament Building
Québec, GIA IG7, P.Q., Quebec Official Publisher.
M. Lalonde: Oui, mais c'est tout en anglais.
M. Léger: Oui, la dénomination en anglais.
D'après le ministre, c'est normal? Il n'y a pas de correction à
apporter là?
M. Lalonde: II reste à savoir si l'Editeur...
M. Léger: Oui.
M. Lalonde: ... officiel...
M. Léger: Oui...
M. Lalonde: ... est un organisme gouvernemental.
M. Léger: On va être obligé de travailler
ensemble pour aller faire des...
M. Lalonde: Oui, mais c'est cela. Cela me surprend que le
député n'ait pas apporté ces cas-là à mon
attention plus rapidement.
M. Léger: Moi, ce qui me surprend, c'est que le ministre
ne lise pas la Gazette officielle.
M. Lalonde: Je la lis de temps en temps.
M. Léger: C'est quand même, M. le
Président...
M. Lalonde: Oui, mais cela ne veut pas dire que je suis d'accord
sur l'interprétation du député.
M. Léger: Mais quelle est votre interprétation? Je
vous pose la question...
M. Lalonde: Je vous dis que...
M. Léger: Est-ce que cela ne devrait pas être en
français?
M. Lalonde: Ecoutez. Les règlements et les lois sont
publiés dans les deux langues.
M. Léger: Oui, mais là, la dénomination,
l'article II...
M. Lalonde: Je dis simplement au député que je ne
suis pas nécessairement d'accord sur son interprétation, parce
que "organisme gouvernemental", tel que défini...
M. Léger: L'Editeur officiel du Québec n'est pas un
organisme gouvernemental?
M. Lalonde: Cela fait partie d'un ministère plutôt,
peut-être. Cela fait partie de l'étude que je fais, actuellement.
On peut rester ici toute la journée pour discuter de chaque cas. Je vous
dis que je rencontre ces cas quotidiennement, et on les règle à
mesure.
M. Léger: Mais la Gazette officielle est lue par tous ceux
qui, dans l'entreprise privée, doivent suivre de très près
les règlements, les lois et tout ce qui les touche...
M. Lalonde: Oui.
M. Léger: ... et que ces gens, dans le domaine
privé, vous allez prendre contact avec eux pour voir à ce qu'ils
francisent leurs entreprises. Ils reçoivent encore ces documents
bilingues, comme dénomination. Est-ce qu'ils vont croire que le
gouvernement est sérieux?
M. Lalonde: C'est possible. Les Québécois savent
que la loi 22 contient tous les éléments de justice et de
promotion du français, mais de justice pour les minorités. Ce
sont les deux principes sous-jacents de la loi, nous l'avons proclamé,
et nous continuons de l'appliquer dans ce sens. Je ne pense pas que les
Québécois doivent se voiler la face lorsqu'ils vont voir un mot
en anglais ici ou là.
M. Léger: Pour les universités, quand cela va-t-il
entrer en vigueur, à l'intérieur des universités...
M. Lalonde: Les universités ont formé des
comités. J'ai rencontré à quelques reprises M. Dale
Thompson, qui est le recteur adjoint; on appelle cela "vice principal", je
pense, à l'université McGill. Il est responsable de l'application
de la loi sur la langue officielle à l'intérieur de
l'université. Entre elles, elles ont formé aussi un
comité. J'ai rencontré des représentants de ce
comité, et il y a aussi un autre comité qui englobe les CEGEP an-
glophones. Justement, la semaine dernière, ils étaient dans mon
bureau, et nous examinions ensemble toutes les dispositions de la loi, ainsi
que des communications internes, la langue d'administration, la langue
d'enseignement, naturellement, étant l'anglais, étant
donné que ce sont des institutions d'enseignement en langue anglaise.
Nous procédons activement pour voir quels sont les changements que les
universités doivent apporter pour se conformer aux dispositions de la
loi.
M. Léger: Est-ce que, d'après...
M. Lalonde: II y a certains articles qui ne sont pas encore en
vigueur, qui vont les toucher, d'ailleurs.
M. Léger: L'article 13 va entrer en vigueur...
M. Lalonde: C'est cela.
M. Léger: ... en janvier I976.
M. Lalonde: II y a une anomalie dans la loi, où l'article
14 se trouve à ne pas pouvoir invoquer l'article 13 pour se
protéger contre d'autres dispositions, parce que l'article 13 n'est pas
en vigueur. Il y a une espèce d'hiatus légal actuellement. Je ne
pense pas que ce soit tellement grave, qu'on doive amender la loi ou offrir un
amendement, étant donné que cela va se corriger avec le
temps.
Entre-temps, de toute façon, elles prennent des dispositons pour
se conformer à la loi.
M. Léger: Est-ce que, d'après
l'interprétation du ministre, qui a hérité de la patate
chaude je suis très sympathique au travail qu'il fait
...
M. Lalonde: Quelle patate chaude? M. Léger:
L'application du bill 22.
M. Lalonde: C'est extrêmement intéressant. Il n'y a
pas de patate chaude...
M. Léger: Oui, mais pour quelqu'un qui a du...
M. Lalonde: Au contraire, je pense que j'ai l'occasion de...
M. Léger: ... qui a frappé le "challenge"...
M. Lalonde:... j'ai la chance de participer à un des
changements les plus importants pour les Québécois.
M. Léger: C'est sûr. J'espère que vous ne
vous viderez pas au long du chemin, parce que c'est un gros travail.
M. Lalonde: Est-ce que j'ai l'air vidé?
M. Léger: Vous avez ma sympathie. Le ministre peut-il
interpréter que l'article 13 obligerait, à partir de janvier
I976, les communications internes
des universités anglophones d'avoir leur bulletin bilingue des
communications?
M. Lalonde: Je ne sais pas si c'est une opinion juridique ou
une...
M. Léger: Votre rôle est de faire appliquer la loi.
D'après vous, est-ce que cela veut dire cela?
M. Lalonde: Etant donné que l'article 13 n'est pas encore
en vigueur...
M. Léger: II va l'être en I976. Ma question est pour
I976.
M. Lalonde: Oui, je sais. Mais à mesure qu'on avance dans
l'application de la loi, je prends bien la précaution de me faire
conseiller par des juristes sur l'interprétation de la loi. C'est un
bulletin périodique, j'imagine.
M. Léger: Oui, il est publié à toutes les
semaines.
M. Lalonge: Est-ce que le bulletin interne devrait être
compris dans l'application de l'article 13 quand on dit que la langue de
communications internes est l'anglais et le français pour les organismes
touchés par l'article 13. C'est possible. C'est l'interprétation
que je fais pour les entreprises. Lorsqu'on me dit qu'on a seulement une
minorité de francophones parmi les employés, je réponds
quand même que, par simple courtoisie pour ces quelques francophones, les
entreprises devraient concevoir que les bulletins distribués aux
employés soit en français aussi.
M. Léger: Mais le ministre...
M. Lalonde: C'est l'interprétation que je fais pour les
entreprises. Est-ce que cela va toucher l'université de la même
façon? Reste à savoir.
M. Léger: ... est en train de négocier avec les
universités, je présume, actuellement?
M. Lalonde: Ce n'est pas de la négociation.
M. Léger: Je veux dire qu'il est en contact pour
étudier les modalités d'application.
M. Lalonde: Les universités veulent s'assurer que leur
interprétation de la loi est bien conforme à notre entendement.
Je leur ai bien dit que l'interprétation serait la plus près
possible, naturellement, de l'interprétation juridique...
M. Léger: Qui est?
M. Lalonde: ...qui est d'interpréter le désir du
législateur...
M. Léger: Qui est?
M. Lalonde: ... qui est, dans chaque cas, ap- puyée par
les avis juridiques que nous demandons aux juristes.
M. Léger: Ils vous donnent quoi comme...
M. Lalonde: Nous avons demandé, dans plusieurs cas... A
l'article 13, cela ne s'est pas présenté parce qu'il n'est pas
encore en vigueur. Mon interprétation serait, d'une façon
générale, qu'il vaudrait mieux le faire dans les deux langues,
comme on le fait... C'est pour cela que je fais l'analogie avec l'entreprise
privée, l'entreprise qui distribue un bulletin à ces
employés. Dans les autres pays, ces compagnies qui ont des usines et des
employés en Espagne, le bulletin est en espagnol aussi. Le seul
problème, c'est que, dans la mentalité de plusieurs personnes, on
a tenu pour acquis que le Québec acceptait que les communications ne
soient qu'en anglais dans certains cas. C'est le changement des
mentalités que nous faisons actuellement et auquel nous participons. De
plus en plus, elles vont s'apercevoir que le Québec, c'est
français et que cela va être normal de communiquer en
français. Possiblement que les universités devront aussi faire le
même changement quoiqu'il y ait une différence. La langue, dans
une entreprise, est un moyen de communication pour faire un produit. Une fois
le produit sorti et étiqueté, il n'y a plus de langue. Tandis que
l'université anglophone, un CEGEP anglophone prodigue son enseignement
en anglais. Donc, le produit a justement une caractéristique
linguistique.
M. Léger: Mais les élèves qui vont là
ne sont pas tous des anglophones. Il y en a dont la langue est le
français et il y en a qui sont d'une autre langue, une troisième
langue.
M. Lalonde: Oui, mais ce que je veux dire, c'est la langue
d'enseignement.
M. Léger: D'accord!
M. Lalonde: Je ne pense pas que le francophone qui va à
l'université anglophone y aille pour se faire enseigner en
français.
M. Léger: Les francophones qui vont à
l'université anglophone pour une spécialité, pour un cours
précis qui leur convient, est-ce que, pour eux, le ministre n'admet pas
que l'intention du législateur, à l'article 13, qui est
très claire, est que le français et l'anglais sont les langues de
communication interne des organismes municipaux et scolaires dont les
administrés sont en majorité de langue anglaise. Donc, cela
voudrait dire que, pour une université anglophone
fréquentée par des gens de langue française, ils auraient
droit d'avoir des communiqués dans leur langue.
M. Lalonde: Des communiqués.
M. Léger: Pas des communiqués, mais des
communications.
M. Lalonde: Oui, des communications.
Mais le député ne suggère pas que l'enseignement se
fasse en français.
M. Léger: Non. Ma question était la suivante: Quand
allons-nous le savoir? Il me semble que le ministre devrait le savoir
aujourd'hui parce qu'il commence déjà à vouloir appliquer
les choses dans le domaine privé et là, on parle du domaine
public. Est-ce que le McGill Reporter, unilingue anglais, qui est un organe de
communication interne, selon l'article 13 de la loi qui est très clair,
qui dit que cela doit être fait en français et en anglais, sans
même demander de conseil juridique de ses conseillers, à partir de
janvier I976, est-ce que cela ne devrait pas être bilingue?
M. Lalonde: J'ai répondu au député que,
d'abord, l'article n'est pas en vigueur deuxièmement...
M. Léger: Je parle de 1976.
M. Lalonde: Oui. Deuxièmement, nous examinons tous ces cas
avec l'université.
M. Léger: Ce n'est pas assez clair dans l'article 13 pour
affirmer cela?
M. Lalonde: C'est une question d'interprétation. Je pense
que les communications internes comprennent un certain nombre de choses. Cela
comprend sûrement les communications dans l'administration, cela comprend
sûrement les avis au personnel, comme les articles 24 ou 33 le
suggèrent.
M. Léger: Tantôt, vous avez dit que, quand vous
aviez une interprétation, c'était toujours en faveur du
français.
M. Lalonde: Oui.
M. Léger: Donc, dans ce cas-ci, vous devriez le faire en
faveur du bilinguisme.
M. Lalonde: Pas du bilinguisme, du français.
M. Léger: Le bilinguisme des communications à
l'intérieur...
M. Lalonde: S'ils veulent continuer de le faire en anglais, je ne
suis pas pour les obliger.
M. Léger: Si?
M. Lalonde: S'ils veulent continuer à le faire en anglais,
d'accord...
M. Léger: C'est justement pour cela. J'apporte une
liste...
M. Lalonde: ... on ne peut pas les obliger. Le bilinguisme veut
dire qu'on les obligera à le faire dans les deux langues.
M. Léger: C'est cela. La loi dit cela, l'article 13 est
très clair. Je pose la question parce que...
M. Lalonde: Oui, pour l'article 13, vous avez raison.
M. Léger: Je dis cela, parce que l'université
McGill a même défié le gouvernement en disant qu'elle ne
ferait pas ses communications dans les deux langues.
M. Lalonde: Ce n'est pas ce que j'ai compris des
communications.
M. Léger: Vous avez une autre interprétation de ce
qu'ils ont dit?
M. Lalonde: Je ne sais pas à quel journal ou
nouvelle...
M. Léger: C'était dans les journaux.
M. Lalonde: Oui, mais il ne faut pas tout croire ce qu'il y a
dans les journaux, pas à cause des journalistes. Vous savez qu'il y a un
tas de choses qui se glissent. Non, l'esprit que je vois dans les
communications que j'ai, dans les rencontres que j'ai avec les
représentant des universités, c'est un désir de se
conformer à la loi. On me souligne un certain nombre de
difficultés, y compris les coûts. On me demande, comme dans
l'entreprise d'ailleurs, de faire en sorte que les coûts soient les plus
bas possibles, ce qui est normal. C'est tout à fait conforme à
notre philosophie administrative.
M. Léger: Est-ce que j'ai bien compris le ministre quand
il a dit tantôt que, si l'université McGill menaçait de ne
pas publier le McGill Reporters! on les obligeait à le faire bilingue,
le ministre le laisserait publier uniquement en anglais, malgré
l'article 13 qui est très clair?
M. Lalonde: Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit.
M. Léger: Ce n'est pas ce que vous avez dit
tantôt?
M. Lalonde: Pas du tout. J'ai dit que ce serait un
problème qu'on interprétera lorsque la question nous sera
posée.
M. Léger: Elle vous l'a été puisque qu'il y
a eu, dans tous les journaux, une affirmation, qui n'a pas été
démentie, selon laquelle l'université McGill a dit qu'elle
n'aurait pas ses communications dans les deux langues.
M. Lalonde: Excusez-moi, mais je n'ai pas lu cette nouvelle. Je
me suis fié beaucoup plus aux rencontres et aux communications que j'ai
eues avec les représentants officiels de l'université McGill et
nous n'avons pas touché ce point encore.
M. Léger: Mais votre interprétation, c'est qu'ils
devraient le faire dans les deux langues...
M. Lalonde: Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que le
ministre responsable de l'application doit l'appliquer en interprétant
l'intention du législateur. Ce n'est pas à lui à changer
ce que la loi dit. Alors, nous demanderons les avis juridiques
nécessaires pour interpréter la loi, pour l'appliquer suivant
l'intention du législateur. Parce que, si j'allais plus loin que le
législateur et que j'exigeais ce qui n'est pas contenu dans la loi, la
chose la plus simple arriverait, c'est-à-dire que quelqu'un, un simple
citoyen, pourrait contester notre interprétation en cour et la faire
renverser. Alors, nous avons tous intérêt, comme gouvernement,
comme représentant de la population, à appliquer la loi suivant
l'intention, en interprétant correctement l'intention du
législateur. Dans ce cas, étant donné que l'article 13
n'est pas encore en vigueur, je n'ai pas cru bon d'obtenir
d'interprétation spécifique sur un bulletin. Nous sommes en
train, actuellement, avec les représentants des universités et
des CE GEP anglophones, de faire l'inventaire de leurs communications et des
changements qu'ils devront apporter à leur administration pour se
conformer à la loi, mais nous ne sommes pas rendus là encore.
M. Léger: Quand on voit les difficultés, la lenteur
de croisière qu'a à subir le ministre pour l'application de cette
patate chaude qu'est le bill 22, si, actuellement, vous ne prévoyez pas
immédiatement, par une affirmation officielle, votre
interprétation de la loi, comment voulez-vous que les universités
s'y plient en janvier I976? En janvier I976, c'est là qu'elle entre en
vigueur.
M. Lalonde: La façon que me suggère le
député, si j'ai bien interprété ce qu'il a dit, ce
serait une façon beaucoup plus spectaculaire, plus cassante, beaucoup
plus officielle dans ce sens. La mienne en a été plutôt une
de communications très nombreuses, continues, pour chercher la
façon de nous conformer à la loi et chercher à faire en
sorte que les changements soient apportés d'une façon
ordonnée, raisonnable, cohérente et pas trop coûteuse, mais
le plus vite possible. La vitesse de croisière est beaucoup plus rapide
que ce que le député suggère. Naturellement, nous ne
sommes pas en mesure de mesurer l'impact de la loi tous les mois ou de faire
des sondages tous les mois pour voir jusqu'à quel point la loi 22 a fait
la promotion du français dans les endroits où le français
n'était pas la langue prioritaire. Pour les universités comme
pour les entreprises, nous avons établi des lignes de communications qui
vont très bien, nos communications sont complètes, sont
très ouvertes et soyez assurés que nous allons appliquer la loi
pour faire en sorte que l'intention du législateur pénètre
dans tous les milieux où le français a besoin du support d'une
loi comme la loi sur la langue officielle pour avoir le statut qui lui
revient.
La question de détail du bulletin de McGill est une question
qu'on réglera, lorsqu'elle se présentera.
M. Léger: Je la soumets aux crédits.
M. Lalonde: Le député me la soumet aujourd'hui, il
aurait pu la soumettre il y a deux mois, c'est possible qu'on la soumette
seulement le mois prochain, lorsque nous aurons complété notre
inventaire, notre examen de la situation dans les universités. Le
député peut soulever encore dix autres cas comme ça. Je ne
sais pas, j'espère que vous n'avez pas une trop grosse caisse de ces
cas, parce qu'on n'en finira plus, mais c'est parce que je vous réponds
toujours la même chose, c'est un processus de changement. Naturellement,
cela ne s'est pas fait du premier coup. Il y a un certain nombre de choses qui
n'ont pas été faites à l'administration publique, on l'a
dit tantôt.
Cela se fait actuellement, beaucoup plus rapidement que le
député peut le croire.
M. Léger: On parle de l'avenir, on ne parle pas du 1er
août 1974, c'est sûr qu'on ne pouvait pas. Mais là, il y a
dix mois qui ont passé depuis la sanction de la loi et le ministre vient
de dire qu'il va essayer d'appliquer l'intention du législateur.
M. Lalonde: Quand je parle de l'intention, excusez-moi, c'est
dans l'effort d'interprétation de la loi. Interpréter une loi,
c'est essayer de savoir ce que le législateur a dit. Lorsque les cours
sont appelées à interpréter un article, c'est une
règle d'interprétation, les cours n'ont pas le droit de
s'interposer et de dire: Si j'avais été le législateur,
qu'est-ce que j'aurais dit? Si j'avais été le testateur dans un
testament, qu'est-ce que j'aurais dit? Si j'avais été le
contractant dans un contrat, qu'est-ce que j'aurais dit? Ce n'est pas ça
du tout. On essaie de trouver quelle était l'intention du
législateur, l'intention du testataire, l'intention du contractant.
C'est un effort d'interprétation pour interpréterla loi
correctement, pour qu'elle soit conforme, fidèle à l'intention du
législateur, parce que c'est quand même le législateur qui
est le même là-dedans. C'est lui qui fait la loi.
M. Léger: C'est sûr, mais, comme a dit un personnage
célèbre: "Ce qui se conçoit bien s'énonce
clairement et les mots pour le dire arrivent aisément ". Alors,
l'intention...
M. Lalonde: II n'avait sûrement pas fait de loi
celui-là.
M. Léger: II n'aurait pas fait cette loi, parce que dans
cette loi, dans l'intention derrière cette loi, même celui qui
l'applique a de la difficulté à interpréter plusieurs
articles.
M. Lalonde: Je n'irais pas tellement dans ce sens. Cette loi
n'est pas de la nature des lois qu'on voit généralement. C'est
une loi qu'un état proclame de temps à autre pour faire de grands
changements. Le langage est large, le style est très large aussi. Ce
n'est pas le style qu'on retrouve...
M. Léger: ...
M. Lalonde: Non, c'est un style qui englobe beaucoup de
réalités. C'est justement le cas que le député
soulève. On n'aurait pas pu, dans la loi, prévoir, par exemple,
le bulletin mensuel ou le bulletin
hebdomadaire que l'université ou que les étudiants
publient; je ne sais pas si c'est l'université ou si ce sont les
étudiants qui publient ce bulletin...
M. Léger: C'est l'université.
M. Lalonde: ...l'université va le distribuer à ses
étudiants. Ce n'est pas la nature de cette loi.
Cette loi nous permet de faire des pas de géant dans la
francisation du Québec, parce qu'elle dessine de larges traits sur un
tableau où un gouvernement va être appelé, à tous
les jours, à ajouter certaines choses, soit par voie de
règlement, soit par voie de directive.
Alors, elle nous permet d'aller plus loin, peut-être, qu'on aurait
pu aller si on avait eu une petite loi détaillée.
M. Léger: Mais une loi est faite le ministre vient
de l'affirmer dans le but de s'appliquer à des
réalités concrètes?
M. Lalonde: C'est cela.
M. Léger: Je lui apporte une dizaine de
réalités concrètes, ce matin, et le ministre est pris avec
des problèmes d'interprétation de cette loi.
M. Lalonde: Pas du tout.
M. Léger: Est-ce que le ministre peut me dire,
aujourd'hui, officiellement, que l'article 13, en janvier I976, lorsque ce sera
appliqué même s'il n'y avait pas eu de janvier I976, c'est
quand même accepté cette loi... Est-ce que cela veut dire
qu'en janvier I976, que le McGill Reporter devrait être bilingue?
M. Lalonde: Ce que je veux vous dire, c'est beaucoup plus
important que le McGill Reporter.
M. Léger: Cela touche tous les bulletins de liaison de
tous les CEGEP...
M. Lalonde: Ce que je veux vous dire, c'est que non seulement en
janvier I976, sûrement en janvier I976 pour l'article 13, mais
actuellement, tout est fait pour que l'intention du législateur, le
désir du législateur soit respecté, que les objectifs du
législateur et du gouvernement soient atteints, cela peut englober tous
les bulletins que vous voulez. La question de détail, à savoir
comment telle publication, parce qu'on va commencer par le Reporter et ensuite,
on va en avoir un autre...
M. Léger: C'est-à-dire que cela va être la
même chose pour tous les autres.
M. Lalonde: Ce que le législateur a voulu dire quand il a
dit: Le français et l'anglais sont les langues de communication interne,
si, dans l'interprétation juridique, cela comprend ce que vous avez
devant vous, le bulletin. A ce moment-là, cela va être en
français. C'est cela que je veux vous dire. C'est une question
d'interprétation; maintenant, il me demande une opinion juridique.
M. Léger: Non.
M. Lalonde: Oui, c'est ce qu'il me demande, une
interprétation juridique.
M. Léger: Non. Vous êtes celui qui doit faire
appliquer cette loi. Vous avez déjà eu au moins des opinions
juridiques sur la plupart...
M. Lalonde: Non, pas là-dessus.
M. Léger: Non, peut-être pas sur celle-là,
parce que c'est en janvier I976, mais est-ce que, d'après le ministre,
un bulletin interne d'une université est une communication interne?
M. Lalonde: C'est justement ce que je vous dis depuis une
demi-heure. On va l'interpréter dans ce sens-là, si nous sommes
appuyés par nos conseillers juridiques dans cette
interprétation.
M. Léger: Quand le peuple du Québec saura-t-il
l'interprétation que vous faites de l'article 13? J'espère que ce
ne sera pas le 31 décembre I975.
M. Lalonde: Vous pensez que le peuple du Québec a retenu
son souffle pour savoir dans quel'e langue le McGill Reporter va être
publié. Vous avez une très pauvre conception de la
réalité du Québec, parce que celui-ci s'est aperçu
que le gouvernement est extrêmement sérieux dans l'application de
la loi 22. D'abord, pour la faire adopter, deuxièmement pour
l'appliquer.
Je ne pense pas que le peuple du Québec retienne son souffle pour
savoir si le McGill Reporter sera en français.
M. Léger: Le peuple du Québec a compris le vieil
adage que je mets à l'envers: Pourquoi simplifier, quand c'est si facile
de compliquer?
M. Lalonde: Ce n'est pas la première chose que vous mettez
à l'envers.
M. Léger: La loi 22 est tellement compliquée, que
c'est la tour de Babel et dans l'enseignement et dans le domaine
privé.
M. Lalonde: C'est pour illustrer jusqu'à quel point...
Même, le ministre a toute ma sympathie d'essayer de faire appliquer une
loi qui est pleine de trous, en tentant de sauver et la chèvre et le
chou. Quand il arrive dans des cas pratiques, je lui en ai donné
plusieurs exemples à même son ministère, il m'a
affirmé que la commission scolaire, ce n'est pas certain que ce soit un
organisme public et que cela va avec les organismes du ministère de
l'Education.
Il y a des interprétations qui sont réellement floues.
M. Lalonde: La sympathie du député est touchante.
Sans vouloir être cavalier, je n'en ai pas besoin, parce que je vous
répète que ce n'est pas une patate chaude...
M. Léger: Vous êtes plus que cela, c'est
sûr.
M. Lalonde: ... c'est extrêmement intéressant et je
remercie le ciel de m'avoir donné la chance de participer à la
francisation du Québec.
M. Léger: Vous n'avez pas répondu à ma
question. Quand prévoyez-vous avoir une interprétation?
M. Lalonde: J'ai déjà remercié le ciel.
L'interprétation, à mesure que les problèmes nous seront
soumis, nous...
M. Léger: Je viens de les soumettre.
M. Lalonde: A ce moment-là, je vous enverrai l'opinion
juridique.
M. Léger: II y a d'autres cas qui vont revenir. Quand
l'université McGill va-t-elle le savoir, elle aussi?
M. Lalonde: Au cours des communications que nous avons
actuellement.
M. Léger: Mais le ministre ne peut pas me dire aujourd'hui
quand il peut avoir... Est-ce une question de mois?
M. Lalonde: De mois, sûrement.
M. Léger: Est-ce que le ministre peut me dire combien de
séances a tenues la régie depuis sa formation?
M. Lalonde: Je sais qu'au début, les séances
étaient hebdomadaires. On me dit que nous sommes rendus à la 17e.
On a tenu 17 réunions qui étaient d'une journée ou d'une
demi-journée. C'était varié.
M. Léger: La régie a aussi pour tâche de
veiller à la correction et à l'enrichissement de la langue
parlée et écrite. D'autre part, on connaît la situation
dans les écoles, avec les articles qui ont été
publiés dernièrement, la situation pitoyable du français
tant parlé qu'écrit. Y a-t-il des mesures précises que la
régie entend prendre pour remplir cette part de son mandat?
M. Lalonde: Oui, je peux vous dire oui. C'est d'abord la loi qui
impose cette fonction à la régie. La régie, à ce
que je sache, n'a pas du tout l'intention de se défiler. Quelles seront
les modalités de son intervention à ce niveau? Il est
peut-être prématuré, pour le dire parce que la régie
est en voie de formation actuellement. Elle est en train de mettre sur pied son
plan d'effectifs. Elle est en pleine période de recrutement de cadres.
Dans le temps, lorsque ces décisions seront prises, elles seront
communiquées au public. Mais, la régie a l'intention d'intervenir
au niveau du gouvernement, des organismes gouvernementaux ou autrement, pour
établir les mécanismes nécessaires qui lui permettront de
veiller à la correction et à l'enrichissement de la langue
parlée et écrite, tout en tenant compte, naturellement, que
l'enseignement lui-même du français, l'enseignement en
français relève du ministère de l'Education. Mais nous
allons établir des mécanismes de communication, comme j'ai dit,
avec le ministère de l'Education, sûrement, et avec les autres
organismes impliqués pour permettre à la régie de remplir
son rôle.
M. Léger: Est-ce que la...
M. Lalonde: Oui, d'ailleurs, on me dit que, dans l'organigramme
que nous sommes en train de terminer, actuellement, il y a un service, il y a
une boîte: Relations avec l'administration publique, avec le gouvernement
et avec le monde de l'enseignement. Un de nos membres de la régie,
d'ailleurs, Mme Colette Biche, fait partie de la Commission des écoles
catholiques de Montréal. Cette fonction a sûrement
été pour quelque chose dans son choix.
M. Léger: Le ministre a-t-il l'intention, par la
régie, d'établir ou de mettre en oeuvre une campagne publicitaire
pour la francisation un exemple des termes d'automobile ou
d'autres domaines dans ce sens?
M. Lalonde: C'est déjà fait. L'Office de la langue
française, au départ... Je voudrais peut-être, puisque vous
parlez de la régie, souligner la présence du président de
la régie, M. Maurice Forget, d'un vice-président, M. Jean-Denis
Gendron.
M. Léger: Pourrais-je les...
M. Lalonde: Oui. M. Forget est ici.
M. Léger: Bonjour, M. le Président.
M. Lalonde: M. Jean-Denis Gendron et M. Jean-Guy Lavigne qui est
directeur général, qui est à ma gauche. Je vois M. Corbeil
dans l'assistance, qui est directeur de la terminologie. J'allais vous parler
justement de la terminologie.
L'Office de la langue française, avant la régie, avait mis
sur pied un service pour construire une banque de terminologie. Plusieurs
lexiques ont déjà été publiés, 75 lexiques
dont certains sont plus importants que d'autres, naturellement. Je me souviens,
lorsque j'étais aux Institutions financières, qu'un lexique sur
les termes de l'assurance avait été fait, dans le domaine des
pâtes et papiers, dans le domaine de l'automobile. Le nombre total de
mots que nous avons actuellement, dans ces lexiques je ne sais pas si
quelqu'un pourrait me l'indiquer la banque contient 100,000 mots
actuellement. C'est un service extrêmement utile, parce qu'on peut
consulter la banque. Naturellement, le mot le dit, c'est un service qui,
lorsqu'il sera complété, sera assez unique. Le Québec
pourra en être fier.
M. Léger: II y a quand même une nuance entre faire,
préparer un lexique et le diffuser auprès
de ceux qui ont à s'en servir. Comment allez-vous procéder
à ce niveau?
M. Lalonde: Les lexiques, jusqu'à maintenant, ont
été diffusés dans les entreprises qui, naturellement,
oeuvrent dans tout le secteur, comme par exemple le secteur des pâtes et
papiers. Ils sont, j'en suis sûr, mis à la disposition des
employés aussi. Ils font l'objet d'une conférence de presse au
moment de leur publication, de leur lancement. Les professeurs en
reçoivent, ils sont distribués dans des milieux
stratégiques qui permettent l'utilisation la plus complète
possible. Les associations de compagnies oeuvrant dans le même secteur le
diffusent, les syndicats aussi. L'Editeur of-ficiPl les vend aussi.
M. Léger: Est-ce que le Quebec Publisher...
M. Lalonde: L'Editeur officiel du Québec, au cas où
le député n'aurait pas lu l'article 11.
M. Léger: Est-ce que le ministre peut nous dire s'il a
d'autres façons de le diffuser qu'uniquement en petites brochures comme
cela? Je pense à des termes de garagiste précis, à une
citation, à des termes bien usuels, qui sont entrés dans son
vocabulaire. Je peux peut-être raconter une petite anecdote au ministre
en passant. J'ai un ami français qui est arrivé en automobile et
qui a eu une crevaison. Il pleuvait. Les automobiles passaient à
côté de lui et il les arrêtait. Il leur demandait: Avec-vous
un cric? Personne n'avait un cric. Après un certain temps, quelqu'un lui
a dit que ce n'était pas un cric, que c'était un "jack" qu'on dit
cela ici au Québec; alors, des gens ont arrêtés, lui ont
passé un "jack". Il était complètement mouillé.
C'est un exemple de problème de langue.
M. Lalonde: Est-ce qu'on doit croire l'authenticité de
cela ou ne pas y croire?
M. Léger: Ecoutez, c'est un exemple de terminologie qui
fait que les gens ne parlent pas de la même chose.
M. Lalonde: Est-ce que la commission aurait objection à
poser des questions directement aux membres de la régie ici?
M. Léger: Non, je n'ai pas d'objection.
M. Lalonde: Vous n'avez pas d'objection. Alors peut-être
que M. Lavigne ou que le président... On me dit que cela se fait
parfois...
Le Président (M. Gratton): Je n'ai sûrement pas
d'objection, sauf que les paroles du témoin sont enregistrées au
nom du ministre.
M. Léger: Quand le ministre se relira...
M. Lalonde: C'est un risque que je vais prendre en me croisant
les doigts.
A propos, M. le Président, si vous me permettez...
Le Président (M. Gratton): Si vous voulez bien parler au
micro pour que ce soit enregistré. M. Lavigne.
M. Lalonde: A propos spécifiquement du lexique des termes
de l'automobile, il a été distribué dans tous les garages
du Québec. Il y a toute une série de grandes affiches blanches,
jaunes et noires qui ont été préparées, c'est
immense. Cela a été expédié aux garagistes en leur
demandant de les installer à vue. Cela décrit vraiment la
pièce avec le nom français en dessous, si bien qu'on voit ce que
c'est. Le lexique, en plus de cela, est naturellement bilingue. Il donne la
version anglaise de façon à faire la relation. Cela a
remporté un certain succès. Cela a été fortement
apprécié même des garages qui nous redemandent des
exemplaires.
M. Gendron aurait quelque chose à dire.
M. le Président, j'aimerais ajouter ceci à propos de la
diffusion du vocabulaire. Nous commençons d'abord par les entreprises
qui ensuite, évidemment, le diffusent par l'étiquetage dans la
vente de leurs produits, et évidemment, par l'étiquetage, nous
atteignons de cette façon le grand publia. Il ne faut pas croire pour
autant, et cela est très important, que le public va
instantanément changer c usage linguistique. Je vais au garage, je dis
toujours le pare-choc, je dis toujours le volant, mais mon garagiste me dit
toujours le "bumper" et le "steering". Il me dit qu'il ne changera pas, c'est
très clair. Nous faisons la diffusion, si vous voulez, en partant de
centres de diffusion et en allant le plus possible vers le grand public. C'est
avec la nouvelle génération que nous arriverons à changer
le vocabulaire.
Je voudrais ajouter un exemple à ceci. Nous sommes allés
du temps de la commission à l'AI-can. A l'Alcan, les ouvriers nous ont
dit: Nous pouvons employer les mots français. Nous leur avons
demandé: Les employez-vous? Ils nous ont dit: Non, nous sommes trop
âgés, cela nous mêle, mais les jeunes qui viennent les ont
appris et eux peuvent les employer. Donc, c'est avec les
générations, si vous voulez, qu'on peut changer lentement le
vocabulaire d'usage de la population.
M. Léger: Est-ce qu'au niveau de l'étiquetage
je voudrais revenir peut-être à ce qu'on disait au
début, dans les articles qui touchent l'étiquetage cela
inclus selon le ministre le mode d'emploi? Je prends l'exemple de quelqu'un qui
vend une balayeuse, la façon de l'utiliser, est-ce que cela va
être obligatoirement dans la langue française?
M. Lalonde: Sûrement. L'article 34, au deuxième
paragraphe: II en est de même des certificats de garantie et des notices
qui accompagnent le produit. Dans mon interprétation, cela comprend le
mode d'emploi. Une notice, c'est le mode d'emploi.
M. Léger: D'accord! Maintenant, au niveau des
fonctionnaires, quelles sont les mesures qui ont été
prévues pour diffuser le sens des articles
pertinents à leur travail, comme celui dont on a parlé
tantôt, sur la langue de communication interne, aussi avec les personnes
morales, avec le gouvernement d'Ottawa? Quelles sont les directives...
M. Lalonde: Les directives sont faites par les ministres ou par
les ministères directement. Nous les avons avisés des
dispositions de la loi qui les touchent, en novembre, et les directives sont
faites par les ministères. La responsabilité reste aux
ministères de faire l'application quotidienne. Ni la régie, ni le
ministre responsable ne peuvent pénétrer dans tous les
ministères quotidiennement pour voir de quelle façon... C'est
pour cela que nous avons procédé à l'inventaire en
même temps. L'inventaire que nous sommes en train de compléter va
nous indiquer justement dans quelle mesure ces directives sont
appliquées, et quelles directives officielles pourraient être
nécessaires je l'ai dit tantôt quelles seront les
directives officielles qui devraient être édictées, mais
globalement, par le conseil des ministres, par exemple, en sus des directives
quotidiennes, internes des ministères.
M. Léger: Est-ce que le ministre peut nous assurer que ces
directives ont déjà été données, par les
ministres responsables?
M. Lalonde: C'est ce que je vous disais tantôt. L'examen
que nous faisons va nous indiquer si les directives sont suffisantes, si les
politiques du ministère sont conformes.
M. Léger: Ma question est préalable à cela.
La deuxième serait celle-là, probablement.
M. Lalonde: Oui. Nous avons attiré l'attention...
M. Léger: Est-ce que, quand un ministre envoie une
communication touchant l'application du bill 22 pour des articles particuliers,
il y a une copie de cette directive qui est envoyée à tous les
fonctionnaires, qui est envoyée au ministre responsable?
M. Lalonde: Nous avons...
M. Léger: De façon que vous puissiez savoir quels
sont les ministres qui sont...
M. Lalonde: Oui, dans certains cas; je ne peux pas dire que nous
ayons reçu toutes les directives, mais c'est possible qu'on en
découvre à l'examen. Mais plusieurs ministres, sous-ministres ou
fonctionnaires ont communiqué avec mon bureau pour nous demander, dans
tel ou tel cas, de quelle façon la loi ou la directive devait être
interprétée.
M. Léger: Mais, à ce stade-ci, le ministre ne peut
pas nous assurer que tous les ministres ont envoyé une directive
à leur ministère. Je ne dis pas la vérification de
l'application...
M. Lalonde: Je pourrai l'assurer lorsque notre travail d'examen
d'inventaire sera terminé.
M. Léger: D'accord!
M. Lalonde: Puis, même après cela, il faudra
probablement revenir...
M. Léger: Pour l'application.
M. Lalonde: ... pour l'application, pour voir à ce qu'il
n'y ait pas trop d'accrocs.
M. Léger: D'accord! Est-ce que le ministre peut nous
assurer que tous les contrats conclus au Québec par le gouvernement ont
été rédigés en français depuis juillet
1974?
M. Lalonde: C'est exactement la même réponse. Nous
allons le savoir quand nous aurons terminé nos...
M. Léger: Votre inventaire.
M. Lalonde: ... notre examen. J'ai posé certaines
questions, par exemple, au ministère des Travaux publics, qui conclut de
nombreux contrats avec l'entreprise privée pour les loyers, par exemple,
et on m'a assuré, dans certains cas particuliers, que c'était en
français et que c'était déjà en français
auparavant.
M. Léger: Quand allez-vous avoir une réponse ou une
vision d'ensemble de cette étude?
M. Lalonde: Dans les mois qui suivent.
M. Léger: Est-ce que le ministre peut nous dire en
même temps, je ne sais pas s'il va donner la même réponse,
si le ministre de la Justice a fait traduire tous les jugements
prononcés en anglais depuis juillet 1974?
M. Lalonde: Cela fait partie du même inventaire. Je ne peux
pas vous donner une réponse précise actuellement. J'ai
attiré son attention en novembre justement sur cette
responsabilité particulière qui m'échappe. Il est possible
que cette question doive être posée au ministre de la Justice,
lors de l'examen de ses crédits, parce que c'est une
responsabilité non pas du ministre responsable de la loi 22,
l'article...
M. Léger: Cela ne relève pas de votre
responsabilité.
M. Lalonde: ... 16 dit: Le ministre de la Justice doit faire en
sorte que les jugements prononcés en anglais par les tribunaux soient
traduits dans la langue officielle. C'est une responsabilité
spécifique du ministre de la Justice, comme les articles 40 à 44
sont des responsabilités qui m'échappent, parce que la loi
réfère directement au ministre de l'Education.
M. Léger: Vous avez quand même une
responsabilité morale de l'application.
M. Lalonde: Naturellement, j'ai un souci constant...
M. Léger: Je ne pense pas que le ministre aille poursuivre
le ministre de la Justice.
M. Lalonde: ... que tous les organismes du gouvernement, tous les
ministères se conforment à la loi.
M. Léger: Est-ce que ces évaluations vont
être faites d'une façon périodique et à quelle
fréquence?
M. Lalonde: Lorsque la première sera terminée,
lorsque le résultat sera évalué. Si les démarches
et les interventions que nous jugeons nécessaires à la suite de
cette évaluation sont considérables, probablement que nous
devrons refaire un inventaire dans un avenir plus ou moins proche après
que ces directives auront été édictées. Il est
actuellement impossible de savoir à quel rythme, à quelle
fréquence ces interventions devront être faites.
M. le Président, si vous me permettez, j'aimerais m'informer du
désir des membres de la commission pour l'ajournement.
M. Léger: Je pense que ce devait être midi parce
que, de votre côté, vous avez un caucus, et nous aussi. On doit
aller refaire le plein chacun de notre côté.
M. Lalonde: Oui. A quelle heure ajourne-t-on? Une Voix: A
midi.
Une Voix: Sine die.
Le Président (M. Gratton): Je pense qu'on devrait
probablement ajourner sine die jusqu'à un nouvel ordre de la Chambre.
Est-ce le désir des membres de la commission?
Une Voix: Oui.
Le Président (M. Gratton): La commission ajourne ses
travaux sine die.
(Fin de la séance à 12 h 2)