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Version finale

30th Legislature, 3rd Session
(March 18, 1975 au December 19, 1975)

Tuesday, May 27, 1975 - Vol. 16 N° 107

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère des Affaires intergouvernementales


Journal des débats

 

Commission permanente de la présidence du conseil,

de la constitution et des affaires intergouvemementales

Etude des crédits du ministère des Affaires intergouvernementales

Séance du mardi 27 mai 1975

(Dix heures trente-cinq minutes)

M. Gratton (président de la commission permanente de la présidence du conseil, de la constitution et des affaires intergouvernementales): A l'ordre messieurs!

La commission de la présidence du conseil, de la constitution des affaires intergouvernementales entreprend ce matin l'étude des crédits du ministère des Affaires intergouvernementales.

Certains changements dans la composition des membres de la commission: M. Parent (Hull) remplace M. Bourassa; M. Houde (Fabre) remplace M. Malouin.

Si la commission est d'accord, M. Côté (Matane) pourrait agir comme rapporteur de la commission.

M. Morin: Nous n'avons pas objection, M. le Président.

Le Président (M. Gratton): L'honorable ministre.

M. Levesque: Sur la question de procédure, M. le Président, je sais que le premier ministre voudrait participer, au cours de la journée, à cette commission, particulièrement peut-être pas aux affaires intergouvernementales mais à l'Office de planification et de développement. Quand je dis conseil exécutif, c'est la même commission.

Peut-être qu'au lieu de changer M. Bourassa on pourrait peut-être...

Le Président (M. Gratton): D'accord. M. Parent (Hull) remplacera M. Denis (Berthier). D'accord?

L'honorable ministre des Affaires intergouvernementales.

Remarques préliminaires

M. Levesque: M. le Président, les crédits de $16,813,800, que je soumets aujourd'hui à l'approbation de notre commission, visent essentiellement à permettre la consolidation des actions entreprises depuis quatre ans afin de mettre au point une structure efficace de coordination des relations intergouvernementales du Québec.

Comme vous le savez, une étape décisive de notre cheminement a été franchie au cours de l'année qui vient de se terminer, alors que l'Assemblée nationale a doté notre ministère d'une nouvelle loi organique mieux adaptée aux exigences actuelles de la coordination des actions du Québec à l'extérieur.

Ainsi que je vous l'avais indiqué l'an dernier, lors de l'étude des crédits, le but premier de cette loi est de permettre au ministère d'assumer avec plus d'efficacité son rôle de coordination. C'est ainsi que la nouvelle législation a trois objets principaux: Elle précise certains éléments du mandat du ministère que l'expérience a révélé être décrit en termes trop généraux par la loi antérieure.

En second lieu, elle confère au ministre des attributions nouvelles, relativement aux ententes intergouvernementales, à la représentation du Québec avec l'extérieur et à l'administration des programmes de coopération.

Enfin, elle définit certains traits essentiels du cadre politique de l'exercice de notre mandat.

La loi comporte à cet égard trois éléments fondamentaux: D'abord, selon les termes de l'article 13, le ministre doit conduire les affaires intergouvernementales de manière à assurer la pleine mise en oeuvre des deux principes fondamentaux du fédéralisme, le principe de l'autonomie des Etats membres et celui de leur participation aux décisions du gouvernement de la fédération.

Deuxièmement, la loi prohibe, aux collectivités locales, à l'article 20, la négociation et la conclusion de toute entente avec un autre gouvernement que celui du Québec, ce qui indique, de façon non équivoque, une volonté de maintenir, au Canada, la dualité des ordres de gouvernement et une opposition aux relations tripartites préconisées par certains depuis quelques années.

Troisièmement, dans le domaine de la coopération internationale, le texte définit, avec une netteté sans équivoque, un objectif prioritaire à toutes les actions: celui de contribuer à la consolidation des institutions francophones internationales.

Je suis en mesure aujourd'hui de vous faire part du fait que la mise en oeuvre de cette nouvelle loi organique du ministère, en vigueur depuis le 24 décembre 1974, est en bonne voie, grâce aux précisions apportées à notre mandat.

Il nous a été possible d'établir, avec l'ensemble des ministères et organismes du gouvernement impliqués dans des activités à l'extérieur, des modes de collaboration efficaces permettant à chacun d'assumer pleinement les responsabilités qui lui sont dévolues par la loi.

Ainsi, les dispositions nouvelles relatives aux ententes intergouvernementales reçoivent déjà leur pleine application.

Evidemment, l'exigence de la signature du ministre pour assurer la validité de toute entente intergouvernementale crée, à la direction générale des relations fédérales-provinciales, surtout un accroissement considérable de travail, un travail d'analyse et de conseils, ce qui explique en partie, comme on le verra, l'augmentation de l'effectif demandé cette année, qui passe de 3I0 employés à 393.

Il s'agit là d'un travail considérable, parce que cette obligation vise, comme on le sait, tout accord intervenu entre le gouvernement, l'un de ses ministères ou l'un de ses organismes, et un autre gouvernement, l'un de ses ministères ou organismes, ou une organisation internationale.

Notons à cet égard que l'expression "orga-

nismes du gouvernement" vise les organismes qui, en vertu de leur loi constituante, ou de l'application de critères jurisprudentiels, peuvent être considérés comme des mandataires du gouvernement. J'insiste sur cette précision, car il y va de la validité même de certaines ententes.

Une réglementation est, d'autre part, en voie de préparation, en collaboration avec les ministères intéressés, afin d'exclure de l'application de la loi certaines catégories d'ententes qu'il n'est manifestement pas de l'intention du législateur, de couvrir.

C'est le cas de types d'ententes conclues en vertu de l'article 21, dont la mise en vigueur sera faite par proclamation, lorsque le règlement d'exclusion sera prêt. Cette dernière disposition — je me permets de le rappeler — impose, sous peine de nullité, aux organismes dits publics, de faire approuver par le lieutenant-gouverneur en conseil, les ententes qu'il projette de conclure avac un gouvernement autre que celui du Québec.

Par "organismes publics", on entend à cette fin, toute corporation dont le gouvernement nomme la majorité des membres, dont la loi ordonne que les fonctionnaires ou employés soient nommés ou rémunérés suivant la Loi de la fonction publique ou encore, dont les ressources proviennent, pour plus de la moitié, du fonds consolidé du revenu.

Compte tenu de l'ampleur de l'aire d'application possible de cette disposition inédite, on comprendra aisément qu'il nous est paru préférable d'en différer l'entrée en vigueur jusqu'à l'adoption d'une réglementation visant à exclure les catégories d'ententes qui ne présentent pas d'intérêt proprement gouvernemental, bien qu'elles soient conclues avec un gouvernement.

Ces exclusions requièrent évidemment un inventaire des ententes effectivement conclues par ces organismes. Des consultations sont présentement en cours à ce sujet avec les universités qui constituent certes l'un des groupes les plus importants parmi ceux visés par l'article 21.

Nous comptons être en mesure de proposer une réglementation au lieutenant-gouverneur en conseil, dans un avenir prochain, grâce à la collaboration du ministère de l'Education.

Il en ira de même, d'ailleurs, du secteur municipal où certaines exclusions apparaissent nécessaires à la prohibition faite aux corporations municipales, par l'article 20 de la loi, de conclure des ententes avec le gouvernement du Canada ou celui d'une province.

Certaines catégories d'arrangements administratifs, d'ordre pratique ou de contrats mineurs, que certaines municipalités sont amenées à conclure avec des organismes fédéraux, dans le cours normal de leurs opérations, sont présentement en voie d'identification, au ministère des Affaires municipales, de manière à en permettre, par règlement, la conclusion.

Il ne s'agira toutefois que d'exclusions très marginales. La règle de l'article 20 continuera d'être appliquée dans toute sa rigueur, pour la très grande majorité des actions des corporations municipales.

Je l'ai indiqué à plusieurs reprises, cette prohibition traduit pour nous une règle de fonds du jeu des relations intergouvemementales dans le cadre du fédéralisme canadien.

Toute initiative, qu'elle soit fédérale ou municipale, en vue d'institutionnaliser des relations directes entre le gouvernement central et les administrations municipales, sans l'intermédiaire des gouvernements des Etats membres de la fédération, nous paraît contraire à l'esprit et à la lettre de la loi constitutionnelle de 1867.

Quant à nous, nous n'entendons pas cautionner quelque tentative que ce soit, de modifier l'équilibre institutionnel en matière d'affaires municipales, ni dans le cadre de relations tripartites, ni autrement.

C'est dans cet esprit que l'article 20 a été présenté à l'Assemblée nationale et il sera appliqué de façon conforme à cette intention. Cela signifie concrètement que toute corporation municipale qui n'est pas expressément autorisée par une loi spéciale à cet effet, ne peut négocier ni conclure, en son nom, une entente avec un gouvernement autre que celui du Québec.

S'il apparaît nécessaire, pour des matières qui sont du ressort d'une corporation municipale du Québec, de conclure une entente avec le gouvernement du Canada ou celui d'une autre province, une telle entente pourra être conclue par le gouvernement du Québec, pour ia municipalité, par l'intermédiaire des ministres des Affaires municipales et des Affaires intergouvernementales.

Si l'entente implique des biens immobiliers, cession devra en être faita au gouvernement qui en transférera la gestion et l'administration pour des fins spécifiques au gouvernement fédéral.

Cette modalité d'application de la loi me paraît, au fait, devoir être soulignée, en raison de l'importance qu'elle a, du point de vue du contrôle de l'utilisation du sol.

Comme vous le savez, salon l'état actuel du droit constitutionnel canadien, les immeubles possédés par le gouvernement fédéral, dans les territoires des Etats membres, bénéficient, à toutes fins utiles, d'une immunité législative à l'égard des lois et des règlements provinciaux et municipaux. Cette situation présente des inconvénients pratiques sérieux dans les cas où l'usage de l'immeuble fédéral est incompatible avec la vocation définie par la municipalité ou le gouvernement, pour la zone où il est situé.

Depuis quelque temps déjà, nous avons pris des mesures afin de limiter, dans la mesure du possible, ces inconvénients. C'est ainsi que le conseil des ministres a adopté, comme règle de conduite, de ne plus autoriser de cessions pures et simples d'immeubles du domaine public québécois au profit du gouvernement fédéral.

Des transactions immobilières, pour être autorisées, doivent être faites par voie de transfert de gestion et d'administration pour des fins spécifiques et comporter une disposition assurant le retour automatique du droit de gestion et d'administration dans le domaine public du Québec, en cas d'usages non conformes aux fins convenues ou lorsque le but visé par le transfert est atteint.

Depuis l'entrée en vigueur de la Loi du ministère des Affaires intergouvernementales, cette politique vaut également pour le domaine public municipal dont les immeubles ne peuvent plus faire l'objet d'une cession au gouvernement fédéral, car cela constituerait une entente prohibée par l'article 20. Compte tenu de cette politique gouvernementale, il n'est évidemment pas question d'exclure les transactions immobilières municipales de l'application de la loi.

Si je me suis permis d'insister sur cet effet pratique et peu connu de la mise en oeuvre de la loi 59, c'est qu'il illustre, de façon concrète, notre souci de veiller à l'intégrité de la compétence législative que la concession attribue au Québec. Cette vigilance, on le voit, va au-delà des grands principes et elle atteint le niveau du pouvoir réel.

Pour ce qui est des ententes intergouvemementales, des ententes impliquant les organismes dits publics et des ententes en matière d'affaires municipales, il m'est donc permis de vous assurer que la mise en oeuvre de la loi 59 se déroule d'une façon excellente.

En ce qui concerne les dispositions nouvelles portant sur la représentation du Québec à l'extérieur, qu'il s'agisse des délégations, des conférences ou de la coopération, les choses sont également très bien engagées. Les mutations de personnel requis par l'application de ces parties de la loi ont été amorcées dès son entrée en vigueur. Les discussions se poursuivent avec les ministères de l'Education, des Affaires sociales, des Affaires culturelles et de l'Industrie et du Commerce et l'opération devrait être complétée au cours du présent exercice financier.

Ainsi, cette dernière étape de l'institutionnalisation du ministère des Affaires intergouvernementales, que j'annonçais l'an dernier, lors de l'étude des crédits, aura-t-elle été franchie non seulement au plan formel, mais encore dans la réalité administrative. Les prévisions budgétaires que je vous propose aujourd'hui d'adopter ont été faites de manière à permettre ce que j'ai appelé tout à l'heure la consolidation des divers moyens attribués au ministère pour assumer les responsabilités que lui confère la loi.

Les crédits proposés représentent, par rapport à ceux de l'an dernier, une augmentation de près de $3 millions, soit un accroissement prévu de dépenses de l'ordre de 22%. Plus de 70% de ces sommes supplémentaires seront consacrés à des traitements et à d'autres rémunérations, tant en raison d'ajustements bénéficiant au personnel en place que de l'accroissement de notre effectif. Le nombre de postes d'employés permanents dont l'approbation est demandée pour le présent exercice passe de 3I0 à 393, sans compter le personnel des autres ministères qui n'a pas encore été muté au ministère, en vertu de l'article 40 de la loi 59.

Parmi ces 83 postes additionnels, 19 se situent au niveau des cadres et adjoints, 29 sont de la catégorie des professionnels et 35 de celle des fonctionnaires. 14 de ces nouveaux postes seront affectés à la Direction des relations fédérales et provinciales, 10 iront à la Direction générale des relations internationales, 36 à la Direction générale de la coopération internationale, dont 31 dans le cadre de projets en liaison avec l'ACDI, et enfin, 23 sont requis pour l'application du programme de gestion interne et soutien.

Sur l'effectif actuellement autorisé de 3I0, plus de 300 employés sont effectivement en poste, au ministère, comparativement à 249, à pareille date, l'an dernier. Pour avoir une idée juste du nombre total de personnes oeuvrant présentement au sein du ministère, il faut ajouter 27 personnes engagées à titres d'occasionnels, dans les trois directions générales, à Québec, de même que 81 personnes oeuvrant dans les délégations du Québec à l'étranger et qui, à titre de recrutés locaux, sont régis par une réglementation particulière.

Comme vous le savez, la structure de programmes que je vous propose aujourd'hui comprend, par rapport à celle de l'an dernier, un programme nouveau, celui de l'Office franco-québécois pour la jeunesse. Cet organisme autonome, en effet, a été placé sous la responsabilité du ministre des Affaires intergouvernementales par l'effet de l'article 39 de la loi 59. C'est pourquoi la subvention annuelle qui lui est accordée constitue dorénavant le programme 3 de notre budget. Ce changement du titulaire de la responsabilité de l'organisme vis-à-vis de l'Assemblée nationale ne modifie pas cependant la situation présente pour ce qui est de la coprésidence du conseil d'administration qui continuera d'être assumée, du côté québécois, par mon collègue, le ministre des Communications ainsi que le permettent la loi de l'office et le protocole qui y est annexé.

Pour des raisons de commodités dont je sais gré aux membres de cette commission de juger valides, l'étude de ce programme a pu être faite déjà, avec la participation de mon collègue, à la fin de la semaine dernière, est peut-être considérée comme terminée. Outre cette modification, la structure budgétaire que nous vous présentons comporte, comme celle de l'an dernier, trois programmes: les affaires fédérales-provinciales et interprovinciales, les affaires internationales, la gestion interne et le soutien.

Le programme des affaires fédérales-provinciales et interprovinciales correspond aux activités de la Direction générale des relations fédérales et provinciales dont la fonction principale, comme vous le savez, est d'assurer la coordination des relations intergouvernementales au Canada, conformément à des orientations de travail ou priorités définies par la gouvernement via les mécanismes déjà mis sur pied à cette fin et dont le fonctionnement est maintenant parfaitement rodé. Je veux dire d'abord, au niveau des fonctionnaires, le CCRI, soit le comité de coordination des relations intergouvernementales et, au niveau ministériel, le CIDA, soit le comité interministériel des affaires intergouvernementales.

L'essentiel des crédits de $1,164,700 demandés au titre de ce programme 1 consiste en somme en des dépenses de traitements et autres rémunérations. L'augmentation de $536,200, soit plus de 85%, par rapport à l'année financière 1974/75, s'explique principalement par deux facteurs dont

l'importance mérite d'être soulignée du point de vue institutionnel. Le premier de ces facteurs d'augmentation résulte de !a création, au sein de la direction générale, sous la responsabilité du ministre d'Etat aux Affaires intergouvernementales, d'un nouveau service important qui sera chargé des affaires de la capitale du Canada.

Dans la conjoncture présente, ce service correspond manifestement à un besoin pressant de coordination des activités de l'ensemble des institutions administratives québécoises dans !a région de l'Outaouais, de manière à assurer la cohérence de nos relations avec le gouvernement fédéral et plus particulièrement la Commission de la capitale nationale, de même qu'avec le gouvernement de l'Ontario.

Une équipe pluridisciplinaire est en voie de formation au sein de ce service et un concours a déjà été annoncé à cette fin, qui permettra de combler rapidement les postes prévus. Le ministre de la Fonction publique, ministre d'Etat aux Affaires intergouvernementales, pourra nous entretenir plus longuement, le cas échéant, du rôle de ce nouveau service. J'ai tenu, pour ma part, a en souligner la création, car cela illustre bien l'importance que nous attachons à l'avenir de cette région, du point de vue des relations fédérales-provinciales et interprovinciales.

Le second facteur important de l'augmentation des crédits m'apparaît également très significatif du point de vue institutionnel. Il s'agit en fait d'une subvention au Secrétariat des conférences intergouvernementales canadiennes, à titre de contribution du Québec à son budget de fonctionnement. Mis sur pied à la suite d'une décision de la conférence des premiers ministres, cet organisme, qui est chargé d'assurer les services de soutien requis pour les conférences et réunions fédérales provinciales ou interprovinciales où il est sollicité, possède, en vertu d'un accord intervenu entre les onze gouvernements canadiens, un statut inédit dans l'histoire des relations intergouvernementales au Canada.

Bien que rattaché, au plan administratif, au gouvernement fédéral où il constitue un ministère distinct relevant du premier ministre du Canada, à titre de président de la Conférence des premiers ministres, le secrétariat possède en réalité un caractère intergouvememental qui constitue un gage de son impartialité. En effet, d'une part, le secrétaire, qui le dirige, répond de son mandat devant la conférence des premiers ministres du Canada et non au gouvernement fédéral seul.

Cette même conférence approuve, en outre, son budget et ses dépenses de fonctionnement sont assumées par voie de contribution des onze gouvernements canadiens, selon une proportion de 50% par le gouvernement fédéral et de 50% par les gouvernements des Etats membres qui se partagent, entre eux, la charge, au prorata de leur population respective. Notons enfin que le personnel du secrétariat doit comprendre des personnes recrutées parmi les fonctionnaires des gouvernements des Etats membres qui acceptent de les détacher à ces fins.

Cet organisme, d'un type nouveau, dont nous avions préconisé, avec certaines autres provinces, la mise en place, à tout le moins, à titre expérimental, est maintenant en plein fonctionnement. C'est là une expérience particulièrement importante d'un point de vue institutionnel, car un grand nombre de leçons pourront en être tirées pour l'avenir des relations intergouvernementales au Canada. C'est pourquoi nous avons choisi d'en favoriser la réalisation en détachant auprès du secrétariat à titre de responsable de l'information un employé du gouvernement du Québec. Quand au reste, l'augmentation des crédits à ce programme se rapporte aux traitements et aux autres dépenses de fonctionnement de la direction.

Ainsi que je l'ai déclaré le 8 avril dernier devant la Chambre de commerce de Montréal, l'action de cette direction générale s'articule autour de trois lignes de force qui tendent, premièrement, à une clarification du partage des responsabilités des deux ordres du gouvernement dans un certain nombre de secteurs dont l'immigration et les communications sont parmi les plus importants; deuxièmement, à un réaménagement des modes de financement de la fédération, c'est-à-dire des pouvoirs de taxation du partage fiscal et de la péréquation; troisièmement, à une concertation accrue des actions des deux ordres de gouvernement pour assurer le développement maximum de la collectivité. Ces orientations de travail sont claires et précises. Je n'y reviendrai pas aujourd'hui. Vous me permettrez de vous référer au texte de mon allocution qui vous a déjà été distribué afin de ne pas allonger inutilement le débat. Je répondrai, cependant, avec plaisir à toutes vos questions à ce sujet.

Le programme des affaires internationales, d'autre part, comporte deux éléments qui correspondent chacun aux activités d'une direction générale. Il s'agit, d'une part, des relations internationales et d'autre part, de la coopération internationale. Un mot d'abord de la Direction générale, des relations internationales. Il m'est agréable de vous rappeler, en premier lieu, que M. André Dufour, qui occupait l'an dernier, lors de la défense des crédits, la fonction de directeur général, a été nommé depuis sous-ministre adjoint responsable des affaires internationales. Un nouveau titulaire occupe le poste de directeur général depuis le 1er avril. Il s'agit de M. Demetrius Michailides, un homme d'une expérience fort précieuse, dont nous avons pu obtenir les services grâce à un concours de recrutement.

J'attire, en outre, votre attention sur l'organigramme du ministère qui vous a été distribué tout à l'heure. Vous y constaterez que !a direction générale a été réorganisée en fonction de critères différents, d'aménagement du travail. Elle compte maintenant une direction Europe, une direction Amérique, une direction Afrique, Asie et Océanie, une direction des organisations internationales et une direction des délégations du Québec à l'étranger. Toutes ces unités de travail comptent actuellement un directeur en poste. Une équipe solide a donc pu être ainsi constituée au sein de cette direction générale, où les activités ne manquent pas, ainsi que le chef de l'Opposition a pu

être à même de le constater, à la lecture du dernier rapport annuel du ministère.

Les crédits prévus pour ce premier élément du programme des affaires internationales représentent une augmentation d'environ $400,000. Pour l'essentiel, ces dépenses supplémentaires seront encourues pour permettre l'extension de notre réseau d'agents d'immigration à l'étranger, tant dans les maisons du Québec qu'au sein des missions diplomatiques canadiennes, conformément à l'article 27 de la loi 59.

Il faut noter, cependant, qu'une somme de $588,600, prévue aux crédits de l'an dernier au titre du Festival international de la jeunesse, a été quand même maintenue cette année dans nos prévisions. Cette somme servira a assumer l'accroissement normal des dépenses de fonctionnement et à permettre l'exploration de ia possibilité de nouvelles présences du Québec à l'étranger. Les activités de la Direction générale des relations internationales, au cours de la présente année, auront principalement pour objectif d'intégrer le plus possible, dans nos actions internationales, les priorités du gouvernement du Québec en matière de politique linguistique d'immigration, de politiques énergétiques, de recherche, d'investissements étrangers et de commercialisation à l'extérieur de produits québécois.

De plus, on verra en priorité à sensibiliser davantage aux préoccupations des pays étrangers les ministères et organismes du gouvernement québécois, particulièrement dans les domaines de l'alimentation de la population, de l'aide aux pays en voie de développement, des questions pécuniaires et du recyclage des pétrodollars. C'est dans cette perspective que sera examinée la possibilité de développer la présence du Québec sur la scène internationale par l'ouverture de nouvelles délégations et la participation à des organisations internationales.

La direction des affaires d'Afrique, d'Asie et d'Océanie se propose de promouvoir la présence et les intérêts du Québec au Moyen-Orient. La priorité sera donnée aux relations financières et commerciales avec les Etats pétroliers, mais elle continuera à développer au Liban nos échanges culturels dans les domaines de l'éducation, de la formation des cadres et des affaires sociales, grâce au caractère privilégié que ces échanges revêtent en raison de la participation de ces pays à l'Agence de coopération culturelle et technique. Pour sa part, la délégation du Québec à Tokyo devra probablement élargir sa vocation naturellement économique en contribuant à développer une coopération du Québec avec le Japon dans les domaines scientifiques et techniques et un secteur de promotion touristique.

La direction des Amériques, pour sa part, compte consacrer ses efforts à affermir les lignes de force déjà dégagées au cours de cette année et à accroître son action en ce qui a trait aux Etats-Unis d'Amérique et aux Etats de l'Amérique latine. C'est ainsi qu'aux Etats-Unis, on verra à assurer une présence québécoise articulée et nettement identifiée dans des milieux priviligiées, telles les universités par l'intermédiaire de projets comme celui de la Semaine québécoise à l'université de Cornell. De plus, on établira, de concert avec chacune des délégations du Québec aux Etats-Unis, des relations plus étroites et plus suivies avec les milieux gouvernementaux de chaque Etat où cela est possible, en vue de favoriser l'établissement de liens de bon voisinage. D'autre part, la présence québécoise, qu'elle soit privée ou publique, est assez importante en Amérique latine, en particulier dans certains pays, comme Haïti et le Pérou. Des relations existent, de plus, avec l'Argentine. C'est pourquoi il y aurait lieu de poursuivre l'exploration des besoins, des objectifs et des moyens du Québec vis-à-vis de l'Amérique latine.

De plus, il s'avérera nécessaire de déterminer et de coordonner l'élaboration des dossiers moteurs intersectoriels dans les domaines qui permettront au Québec de s'impliquer davantage dans les grandes questions auxquelles nous rattache la solidarité continentale. L'exemple du pétrole vénézuélien vient tout de suite à l'esprit. Il ne faudrait pas oublier les domaines de l'éducation dans le cas du Pérou. Signalons celui de la langue française pour ce qui est d'Haïti, membre de l'Agence de coopération culturelle et technique. Enfin, comment ignorer ie rôle de la République fédérale du Brésil dans plusieurs dossiers dont ceux des richesses naturelles.

Quant à la direction d'Europe, son action s'orientera principalement en fonction des objectifs suivants: Premièrement, accroître sensiblement les relations et les échanges avec la France, conformément au voeu exprimé par les premiers ministres Chirac et Bourassa, lors de la visite de ce dernier en France en décembre 1974; mise en oeuvre progressive des principales décisions de cette nouvelle charte des relations franco-québécoises, en particulier dans les domaines de la langue, des communications, de l'économie et de la main-d'oeuvre. Deuxièmement, examiner la possibilité d'élargir les responsabilités de la délégation générale de Paris à l'égard de l'Espagne et du Portugal et explorer les voies d'une coopération nouvelle avec ces pays. Troisièmement, multiplier les échanges bilatéraux avec la Belgique et les Pays-Bas dans les domaines de la recherche scientifique, de l'économie, de l'éducation et de la culture. Quatrièmement, élargissement des relations actuelles du Québec avec la République fédérale d'Allemagne et les Etats membres de cette fédération, l'Autriche, la Suisse et l'Italie. Cinquièmement, amorcer une coopération avec l'URSS, via l'accord général de coopération canado-soviétique, exploration des voies possibles d'échange avec la Roumanie, avec le concours de l'association Québec-Roumanie et l'ambassade de ce pays à Ottawa.

La création d'une direction des organisations internationales, enfin, indique que le gouvernement du Québec se propose d'intensifier ses relations avec les organisations internationales. La participation du Québec aux organisations francophones, intense depuis quelques années, se poursuivra dans les institutions, activités et programmes de l'Agence de coopération culturelle et technique ou des conférences de ministres.

Cependant, une réévaluation de cette politique s'impose, tant en ce qui concerne le statut du Québec qu'en ce qui a trait à sa participation aux activités et programmes. Les effectifs nouveaux dont dispose la direction lui permettront de porter une meilleure attention au travail des organisations non gouvernementales, tels l'association des universités partiellement ou entièrement de langue française et le fonds international de coopération universitaire.

L'effort portera principalement, cette année néanmoins, sur le développement de nos relations avec les organisations non francophones, entre autres, les grandes institutions spécialisées des Nations Unies, dont les activités sont de la compétence du Québec. Dans le cadre de la francophonie, les relations culturelles sont privilégiées, de même que les relations avec les pays du Tiers Monde. Le Québec contribue ainsi au développement international. Avec les institutions spécialisées des Nations Unies, le Québec cherchera surtout à découvrir la complémentarité entre ses ressources, ses besoins et ceux des autres Etats, notamment sous l'aspect économique, technique et aussi de la protection de la personne et de la propriété. Ainsi, la présence d'un représentant du ministère des Affaires intergouvernementales, à Genève, permettra de suivre l'évolution des négociations du GATT. De Paris, la délégation du Québec portera attention aux activités de l'UNESCO et de l'OCDE, dont plusieurs portent sur des questions économiques et techniques. A New York, un observateur du ministère des Affaires intergouvernementales surveillera le développement de tous les travaux des Nations Unies, et particulièrement ceux préparatoires aux conventions et conférences, concernant la protection de la personne et de la propriété.

Le deuxième élément du programme Affaires internationales, par ailleurs, correspond aux activités de la direction générale de la coopération internationale. Un nouveau collaborateur assume également la responsabilité de cette direction depuis peu. Il s'agit de M. Pierre Lefrançois, qui avait été le directeur général de la Société d'accueil du Festival international de la jeunesse francophone, qui s'est tenu à Québec l'été dernier, et dont on connaît le succès. Le travail au sein de la direction générale est aménagé en fonction de critères sectoriels et comporte quatre directions: les affaires économiques, les affaires sociales et institutionnelles, les affaires éducatives et culturelles, et enfin, la direction des programmes multilatéraux.

Cette dernière unité, créée récemment, a pour mandat de veiller à la mise en oeuvre des programmes de coopération établis dans le cadre d'organisations internationales, comme l'Agence de coopération culturelle et technique où le programme pour la maîtrise d'oeuvre est confié au Québec par l'Agence canadienne de développement international, en vertu d'ententes particulières.

La mise sur pied de cette direction traduit, dans notre organisation administrative, la priorité que nous attachons, depuis l'an dernier, aux actions multilatérales.

C'est ainsi qu'une part substantielle de l'augmentation de dépenses prévues sera consacrée à de nouvelles initiatives dans le cadre de programmes multilatéraux. Au plan des programmes bilatéraux, une partie très importante des crédits sera affectée à la coopération franco-québécoise. Comme chacun le sait, une programmation très développée a été mise au point, à la suite des rencontres que le premier ministre du Québec a eues, en décembre 1974, avec le président de la République française et le premier ministre Chirac. Le compte rendu de ces entretiens, que l'on a déjà pris l'habitude d'appeler "les accords Bourassa-Chirac, constitue un pas important vers l'approfondissement et l'efficacité des échanges franco-québécois, surtout dans les domaines du français, langue de travail, des affaires et de la technique. En raison de cette impulsion particulière ainsi donnée à la coopération franco-québécoise, plus d'un-demi million de dollars seront consacrés à des programmes spéciaux qui sont déjà élaborés pour plusieurs, et dont l'exécution commencera cet été. La tendance à la diversification de la coopération amorcée il y a quatre ans, se poursuivra, par ailleurs, cette année, malgré l'effort particulier que représente la coopération franco-québécoise. Celle-ci correspondra, en effet, à environ 40% de l'ensemble de nos programmes, qui se développeront, notamment, de façon considérable cette année, avec la Belgique.

La direction de la coopération, d'autre part, s'est fixée deux objectifs principaux, du point de vue opérationnel: la consolidation des opérations et une plus grande ouverture sur le milieu. La consolidation des opérations vise d'abord à une rationalisation des voies et méthodes de la coopération, par une meilleure liaison entre le ministère des Affaires intergouvernementales et les ministères sectoriels et les sociétés parapubliques, et par rétablissement de systèmes permettant d'assurer une continuité dans les programmes de coopération. La consolidation inclut aussi la restructuration de la direction générale de la coopération internationale, qui sera complétée par l'intégration de nouveaux effectifs, conformément à l'article 40 de notre nouvelle loi.

Quant à l'ouverture sur le milieu, elle paraît indispensable, parce que le milieu, lui-même, s'ouvre à la coopération et aux réalités internationales. Le sondage réalisé auprès des Québécois qui ont assisté au Festival international de la jeunesse est révélateur à cet égard.

Par ailleurs, l'association du milieu aux programmes de coopération internationale est extrêmement bénéfique à la coopération dans la mesure où elle a un effet multiplicateur évident. L'Office franco-québécois pour la jeunesse en est un bel exemple.

Consolidation et ouverture sur le milieu, ce sont là deux priorités d'action pour 1975/76, et deux préalables essentiels au développement de nouvelles voies de coopération internationale.

Je terminerai en disant un mot du programme 4 de notre budget, qui correspond aux activités de la direction générale de l'administration, de même qu'à celle de la direction du protocole.

A propos de la première, je me contenterai d'attirer votre attention sur le fait qu'elle a été restructurée de manière à mieux répondre aux impératifs de plus en plus complexes de la gestion. Elle comprend maintenant quatre directions: ressources financières, ressources humaines, communications et organisations et méthodes. Toutes sont pourvues d'un titulaire et sont placées sous la responsabilité du sous-ministre adjoint à l'administration.

D'autre part, les crédits prévus pour la direction du protocole appellent un commentaire. Il importe de souligner, en effet, que la réduction du montant prévu pour 1975/76, par rapport aux crédits de l'année dernière, ne correspond en aucune façon à une diminution d'importance pour cette direction. La différence s'explique par le fait du retrait d'un montant exceptionnellement élevé qui avait été alloué l'an dernier pour assumer les coûts d'accueil de visiteurs de marque et de réceptions spéciales à l'occasion du Festival international de la jeunesse.

Cette direction assume en fait des fonctions de plus en plus importantes. En plus de faire le lien avec les représentations étrangères, elle fournit aux missions établies au Québec, tels les consulats — et à ce propos, nous souhaiterions que les consuls de carrière soient encore plus nombreux à Québec même — et les délégations permanentes auprès de l'Organisation de l'aviation civile internationale, tous les services administratifs, techniques et diplomatiques que ces missions sont en droit d'attendre d'un service du protocole, car la tâche première du protocole est précisément de faciliter leur activité chez nous, activité à laquelle nous attachons la plus grande importance.

C'est naturellement à cette direction du protocole qu'il revient de faire le nécessaire pour aménager la visite au Québec des membres de gouvernements étrangers. La liste, fort longue, des visiteurs, chefs d'Etat, chefs de gouvernement, ministres ainsi reçus, de même que l'accueil réservé à l'étranger aux chefs du gouvernement, à l'occasion de visites dont s'est également occupé le protocole, de même que celles d'autres membres du gouvernement, témoigne éloquemment du prestige et de l'importance du Québec sur la scène internationale.

La direction du protocole doit naturellement faire les arrangements requis pour donner tout l'éclat qui convient aux visites au Québec des membres des autres gouvernements, de notre fédération, de même qu'aux grandes conférences fédérales-provinciales qui y ont lieu.

Enfin, notons que la direction du protocole, pour être rattachée au ministère des Affaires intergouvernementales, n'est pas moins au service de l'ensemble du gouvernement, et c'est elle qui a la responsabilité du protocole dans des cérémonies officielles majeures du gouvernement du Québec. C'est dire suffisamment son importance. Il y a lieu de se réjouir de la solidité qu'elle acquiert d'année en année. En cela, elle est à l'image — j'ose le dire — du ministère tout entier.

Voilà, M. le Président, bien modestement ex- primé, l'essentiel des remarques préliminaires qu'il m'a paru utile de faire sur l'évolution du ministère que je dirige et dont je demande à cette commission l'approbation des crédits.

Le Président (M. Gratton): L'honorable chef de l'Opposition officielle.

Commentaires de l'Opposition

M. Morin: M. le Président, avant de procéder à l'étude des crédits du ministère et de ses politiques, j'aimerais vous proposer quelques commentaires préliminaires. J'ai eu l'occasion de dire au ministre, l'an dernier, lors de l'étude des crédits du ministère, la place de choix que son ministère occupe ou devrait occuper dans l'ensemble du gouvernement québécois.

Pour l'avenir du Québec, en effet, c'est, à mon avis, le ministère clé, n'en déplaise au collègue du ministre des Affaires intergouvernementales, qui s'est joint à nous, ce matin, en tant que ministre d'Etat aux Affaires intergouvemementales, ne lui en déplaise du moins en tant que ministre responsable du Conseil du trésor. J'estime que le ministère des Affaires intergouvemementales est vraiment le ministère clé, si l'on se place dans une perspective d'avenir.

En effet, d'après la loi elle-même, la loi constitutive du ministère, l'article 10 nous apprend que c'est ce ministère qui élabore les politiques du Québec en matière d'affaires extérieures. L'article 13 nous dit — et c'est peut-être plus important encore dans le phase historique actuelle où se trouve le Québec — que ce ministère a la responsabilité de faire respecter les compétences constitutionnelles du Québec. Ce n'est pas peu dire en ce moment.

Ce ministère possède donc une responsabilité directe, notamment dans le domaine des négociations fédérales-provinciales, dans le domaine des relations internationales, et il possède une responsabilité qu'on pourrait qualifier d'indirecte pour ce qui est de la coordination des politiques des divers ministères qui, dans leurs activités au jour le jour, se trouvent à toucher à des domaines d'intérêt fédéral-provincial.

C'est donc — ce devrait être en tout cas — un organisme de synthèse que ce ministère. Il devrait être le point de rencontre de toutes les politiques qui présentent le moindre aspect extérieur, mais justement parce que c'est un organisme de synthèse, il lui faudrait élaborer des orientations générales, une conception globale de l'avenir du Québec. A mon avis, c'est cette conception globale, ce sont ces objectifs généraux qui font le plus défaut, bien que nous soyons témoins d'une prolifération des activités du ministère, sur le plan international notamment. Bien que les problèmes fédéraux-provinciaux s'accumulent à l'heure actuelle à un rythme effarant, dans tous les domaines, on a l'impression que tout cela se fait plus ou moins empiriquement, sans un dessein ordonné, sans une volonté claire d'aboutir à des résultats bien déterminés.

Or, sans cette conception globale de l'avenir

du Québec, sans ces objectifs clairement définis, j'ai l'impression que la coordination des activités des divers ministères, de même que l'exercice des responsabilités directes du ministère, deviennent bien difficiles. Il ne semble pas — c'est là-dessus que j'entends faire porter mes remarques préliminaires — qu'il y ait dans ce ministère une conception globale de ce qu'est le Québec, de ce qu'il devrait être. Je sais bien que le sous-ministre, l'année dernière ou l'année précédente, avait laissé entendre que cette conception globale était sans doute impossible, mais admettre cela, l'accepter comme règle de conduite, c'est, je crois, limiter considérablement ce que pourrait être ce ministère.

Dans son discours du 8 avril, le ministre, sur le plan des rapports fédéraux-provinciaux, a écarté toute révision globale de la constitution. Il nous dit que la loi fondamentale de 1867 nous fournit des réponses relativement claires qui permettent d'ordonner le partage des compétences encore aujourd'hui. C'est ce qu'il prétend, du moins, dans la première partie de son discours. Il craint le risque d'une nouvelle "aventure" à la manière de Victoria, encore que cette conférence ait été bien modeste et n'ait jamais prétendu régler l'ensemble du contentieux fédéral-provincial. Tout juste y réglait-on et encore, de manière peu satisfaisante la question du tribunal constitutionnel, certaines questions linguistiques et, évidemment, le mode d'amendement constitutionnel.

Toutefois à Victoria, on n'a jamais même apporté la moindre réponse à la question du partage des compétences entre Québec et Ottawa, sauf de façon, limitée et ambiguë à mon avis, dans le domaine de la sécurité sociale.

Pourtant, dans le même discours, quelques pages plus loin, le ministre admet que les chevauchements de compétence et les conflits vont se multipliant. Ils surgissent constamment, nous dit-il. Pourtant, il admet que la question d'un partage des compétences plus clair doit être tranchée. Ce sont ses propres mots. Pourtant, le premier ministre lui-même, il n'y a pas si longtemps, nous a laissé entendre qu'il n'était pas fermé à l'idée d'un rapatriement de la constitution canadienne malgré que cela comporte des dangers évidents sur lesquels je reviendrai dans un instant.

Il me paraît donc que les activités du ministère sont empreintes d'une très grande ambiguïté, tant sur le plan des rapports fédéraux-provinciaux que sur le plan des rapports internationaux. Ambiguïté qu'on retrouve dans le discours du ministre, où il nous dit: Le système actuel, en fin de compte est assez bon, mais d'autre part, il y a, évidemment, beaucoup de choses fondamentales, à corriger, notamment le partage des compétences. Ce sont là des contradictions qui sautent aux yeux quand on lit le discours du ministre et qui, quoique moins apparentes, me paraissent sous-tendre les activités du ministère.

Le ministère se développe, bien sûr. Son budget prend de l'ampleur. De cela, je pense que tous doivent se réjouir. Il était grand temps, d'ailleurs. Toutefois, les ambiguïtés fondamentales, auxquelles j'ai fait allusion tout à l'heure, continuent de caractériser son développement encore cette année. Dans le domaine des rapports fédéraux-provinciaux, ies objectifs restent vagues et presque de nature publicitaire. On y parle, depuis plus d'un an maintenant, de "souveraineté culturelle", mais il est évident, chaque jour davantage, que, dans la réalité, ce slogan ne rime absolument à rien. Encore la semaine dernière, j'étais invité — j'imagine que mon collègue, le député de Bonaventure l'a été aussi — à l'ouverture d'une grande foire du livre à Montréal, organisée avec l'appui financier et moral des autorités fédérales. Ce salon ou cette foire est en conflit direct avec les politiques du ministère des Affaires culturelles et j'imagine, avec les vôtres, dans le domaine du livre, M. le ministre, en conflit direct avec un organisme semblable qui a tenu ses assises à Québec, la semaine suivante, comme question de fait; le calendrier parle par lui-même.

Non seulement le Québec n'avait rien à voir dans cette foire, mais c'est l'Ontario qui était le gouvernement hôte avec le gouvernement fédéral.

J'avais, parmi mes invitations — le ministre sans doute aussi, cela a dû le flatter — une invitation à une grande réception donnée par le gouvernement de l'Ontario. Je trouve cela très symbolique. Le livre, à Montréal — que je sache, Montréal, jusqu'aux dernières nouvelles, fait encore partie du Québec — a fait l'objet d'une grande foire dont les appuis étaient essentiellement le gouvernement fédéral et le gouvernement de l'Ontario.

M. le Président, j'ai choisi cet exemple, mais je pourrais parler aussi du domaine du cinéma. Je pourrais prendre chacun des domaines d'activités culturelles au Québec pour démontrer qu'en fin de compte, les objectifs du Québec, dans ce domaine, sont vagues et que, faute d'être définis de façon précise et de correspondre à un plan global, ils n'aboutissent, le plus souvent, qu'à des impasses.

Voulez-vous que nous parlions aussi des communications? Le ministre est revenu — c'était la semaine dernière — avec un constat d'échec et d'impasse. Il nous a dit: Nous avons exploré l'impasse à fond, nous sommes allés dans les moindres recoins. On dirait que les rapports fédéraux-provinciaux, dans ce pays, consistent à explorer des impasses. Quand on les a visitées à fond et qu'on s'est mis d'accord pour constater qu'on n'était pas d'accord, on rentre à Québec, un peu penaud, mais on sauve la face en disant: Ce n'est pas terminé, nous allons recommencer à nous engueuler au mois de juillet.

Hélas! pendant ce temps, le Québec recule car, comme on l'a fait observer bien des fois, qui n'avance pas recule dans ce domaine des rapports fédéraux-provinciaux. Pour chaque dollar culturel investi par le Québec, il y a des sommes de plus en plus considérables investies par le gouvernement d'Ottawa, qui n'entend visiblement point se laisser damer le pion dans ce domaine, pas plus que dans les autres.

Sur le plan international, je constate, avec beaucoup de plaisir — je tiens à le dire au ministre, en passant, car il y a tout de même des as-

pects positifs dans son bilan — que se multiplient les délégations, les bureaux. Cependant, il faut bien se rendre compte que le statut incertain du Québec, à l'heure actuelle, ce brouillard qui enveloppe son avenir — son présent aussi d'ailleurs — font que cette présence demeure souvent ambiguë à l'étranger. Cela a des conséquences pratiques au niveau des immunités et des privilèges, notamment. Certaines délégations, certains bureaux ont toutes les difficultés du monde à se faire reconnaître le moindre statut officiel à l'étranger. Le ministre le sait. Je ne parle pas de la délégation en France, c'est une autre affaire. Mais Dieu sait, en Allemagne, aux Etats-Unis et ailleurs toutes les difficultés que nos délégués éprouvent. Cela est une conséquence directe de ce statut ambivalent, de ces attitudes ambiguës sur le plan des choses qui comptent, c'est-à-dire sur les choses fondamentales. On veut se donner les allures d'un Etat souverain; on se les donne. Toutefois, on prend garde d'aller au bout du raisonnement. On ne possède pas cet Etat, on ne possède pas ces compétences, même dans des domaines comme le culturel.

Forcément, il en résulte que, bien qu'on soit très actif, bien qu'on soit de plus en plus présent, tout cela baigne dans un climat d'ambiguïté et, à vrai dire, d'incertitude quant à l'avenir. L'une des conséquences me paraît être le sort du bill 65. On nous avait présenté ce bill, ce projet de loi, comme étant urgent lors de la dernière session. Je ne sache pas qu'il soit revenu, cette année, devant l'Assemblée. Je ne sais pas si le ministre a l'intention de le faire adopter à cette session.

On m'a laissé entendre qu'Ottawa avait des objections à ce projet de loi, notamment quant aux conditions de réciprocité définies par l'article 23. Serait-ce la raison pour laquelle cette loi sur les immunités et les privilèges diplomatiques et consulaires n'a pas encore été adoptée? Le ministre a-t-il l'intention de la porter devant la Chambre le plus tôt possible? Va-t-il renvoyer cela aux calendes canadiennes? Voilà les questions que je me pose. D'ailleurs, il ne faut peut-être pas s'étonner que ce projet de loi no 65 ait été remis. Cela fait partie de ce climat général d'ambiguïté dont je parlais à l'instant.

Tout cela dépend sans doute des moyens de pression, politiques dont dispose le Québec. Il ne faut pas se cacher que nous touchons, à l'occasion de l'étude des crédits de ce ministère, aux problèmes politiques fondamentaux du Québec. C'est pour cela d'ailleurs que j'ai dit qu'à mon avis, c'était le ministère clé.

Si l'on ne remet pas en question de façon globale les dispositions constitutionnelles qui régissent ce pays — ou ces pays — si l'on veut éviter — cela semble être la politique gouvernementale actuelle — de secouer le bateau, si l'on se refuse à parler carrément de l'avenir du Québec, de ce qu'il veut être dans l'avenir, de quels moyens de pression dispose-t-on sur le plan politique? En fait, depuis cinq ans, qu'avons-nous obtenu de concret d'Ottawa? Sur quel point Ottawa a-t-il reculé depuis 1970, depuis qu'on a abandonné l'idée d'une révision globale de la constitution, à la ma- nière de ce que proposait antérieurement le gouvernement de M. Johnson? Qu'a-t-on gagné à faire preuve d'un certain empirisme au jour le jour tout en abandonnant les concepts globaux? Je ne me situe même pas, que ce soit bien clair, dans le contexte de l'indépendance; je parle de la révision fondamentale de la constitution canadienne.

Le ministre nous dit que c'est là une aventure dont le Québec ne doit pas prendre le risque. Il n'est pas prêt à prendre ce risque, il ne dispose d'aucun moyen de pression. S'il veut prendre le dossier, feuille par feuille — communications, agriculture et tous les domaines qui ont été mentionnés dans le discours du 5 avril, affaires urbaines, environnement, loisirs, communications, arts et lettres, patrimoine culturel, politique scientifique, relations de travail, formation professionnelle des adultes, immigration, affaires sociales, péréquation, transport intégré, prenez-les tous les uns après les autres — il s'apercevra que lorsqu'on divise le dossier de la sorte, on fait le jeu du pouvoir fédéral qui, lui, à prendre les pièces les unes après les autres, ne peut qu'être gagnant, étant donné que non seulement il profite des zones grises, des ambiguïtés de la constitution, mais qu'il possède le pouvoir de dépenser. Il possède le pouvoir financier qui lui permet, dans les faits, d'affirmer sa présence, quoi qu'en pense le Québec.

M. le Président, je dirai, en terminant ces remarques préliminaires, qu'au fond, le seul moyen de pression dont dispose le gouvernement — et encore il ne s'en sert pas — c'est l'Opposition officielle, c'est la présence et l'existence du Parti québécois qui, lui, remet en cause le "système" de façon globale. Le gouvernement ne sait même pas s'en servir intelligemment. Nous serions prêts, nous, tout à fait disposés à jouer ce rôle de levier, si le gouvernement voulait bien s'en servir.

Ces remarques me paraissent d'autant plus importantes que nous sommes peut-être à la veille de changements constitutionnels. Je m'en inquiète. La presse ne s'en est pas suffisamment inquiétée. J'ai gardé pour aujourd'hui l'expression de cette inquiétude en ce qui me concerne.

Je m'inquiète de voir le premier ministre de cette province, à deux reprises déjà, tenter de préparer l'opinion publique québécoise à un rapatriement de la constitution canadienne, c'est-à-dire du British North America Act. Je m'inquiète de ces bruits entendus déjà combien de fois depuis quinze ans, au temps du régime Lesage et de la conférence de Victoria, ces bruits inquiétants, qui annoncent des changements, alors qu'aucune formule globale ne semble élaborée, qu'aucun bilan global, qui soit public du moins n'a été élaboré et ne peut servir de moyen de pression sur Ottawa.

Nous ne savons pas, à l'heure actuelle, à quelle condition le gouvernement Bourassa serait prêt à négocier le rapatriement de la constitution. Or, est-il un domaine plus important que celui-là pour l'avenir? Est-il un domaine dont l'opinion publique devrait être plus informée que celui-là? Je n'en connais point en ce qui me concerne, étant donné que tout tourne autour de la révision constitutionnelle, du partage des compétences en particulier.

M. le Président, le sort de chaque ministère de ce gouvernement dépend des attitudes qui seront prises par le ministère des Affaires intergouvernementales à la suite des consultations entre hauts fonctionnaires et à la suite des réunions du CIDA. C'est tout l'avenir du gouvernement québécois, de l'Etat québécois, à l'intérieur ou à l'extérieur de la confédération canadienne, qui est en cause. On se contente de laisser entendre que peut-être on se montrera favorable au rapatriement de la constitution. Or, qui dit rapatriement de la constitution dit forcément, inéluctablement, formule d'amendement, mode d'amendement constitutionnel. A-t-on pensé à cela au ministère? Est-on prêt à négocier cela sur une autre base que celle de Victoria, que la formule Trudeau-Turner ou la formule Fulton-Favreau?

Bien sûr, on ne saurait se prononcer là-dessus en l'absence d'un dessein globale, en l'absence d'objectifs fondamentaux. Qui dit mode d'amendement, dit forcément aussi partage des compétences, non pas réexamen du partage dossier par dossier, mais conception globale de ce que devrait être le partage des compétences, par exemple, dans le domaine culturel. J'imagine que, si la "souveraineté culturelle" signifie quelque chose, sans doute veut-on dire autonomie culturelle, mais cela fait mieux de souffler le ballon pour lui donner des proportions de souveraineté; cela permet aussi de récupérer des gens qui, de plus en plus, se montrent favorables à l'idée de souveraineté tout court. Sans doute est-ce cela qu'on désigne par la "souveraineté culturelle": l'autonomie du Québec en matière culturelle. Toutefois, cela n'est même pas dit de façon claire et surtout cela n'est pas affirmé de façon claire dans les dossiers qui ont été actifs récemment, comme celui du livre ou du cinéma.

M. le Président, je termine ces remarques préliminaires, proposées à bâtons rompus, en disant que si l'on devait s'acheminer prochainement vers un rapatriement de la constitution qui, nécessairement, signifierait implicitement un nouveau partage des compétences, sans que l'opinion publique québécoise n'en ait été saisie, avec le temps d'y réfléchir et de faire un débat public, ce serait une catastrophe.

Il faudrait, une fois de plus, que l'opinion publique québécoise réagisse non pas de façon affirmative comme on le voudrait à l'égard de choses aussi importantes, mais de façon négative comme cela a été le cas à deux reprises dans le passé, lors de la formule Fulton-Favreau en 1964-65 et de la conférence de Victoria en 1971. Je suis très inquiet — et je le dis au ministre ce matin car c'est l'occasion de le faire — de ces bruits qui nous parviennent, de pressions fédérales sur le Québec en faveur d'un rapatriement de la constitution qui ferait bien l'affaire des libéraux fédéraux, mais qui ne saurait être pour le Québec, en l'absence de politique globale, de vision globale de l'avenir, qu'une catastrophe. Une de plus. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Gratton): Le ministre.

M. Levesque: M. le Président, le chef de l'Opposition est fidèle à lui-même. Je m'attendais un peu à cette expression de sa part. Il a brossé un tableau que je pourrais qualifier de négatif, si je ne le situais pas dans le contexte de son option politique. Situé dans ce contexte, évidemment, il est dans sa logique et lorsqu'il nous demande, à un moment donné, d'aller jusqu'au bout de notre raisonnement, évidemment nous n'avons pas le même raisonnement, parce que nous n'avons pas opté pour le même système constitutionnel.

Je tiens, cependant, à le remercier de l'intérêt qu'il porte au ministère, de l'appréciation qu'il a donnée de l'importance du ministère, des activités de plus en plus nombreuses qu'il note, de l'envergure, de plus en plus significative, des actions menées par les diverses directions du ministère. J'ai apprécié également le fait que le chef de l'Opposition souligne le nouveau budget, l'importance que le gouvernement du Québec lui attache. Il semble que, quant à l'administration du ministère, quant au dynamisme du ministère, le chef de l'Opposition se rallie facilement. Où il a évidemment des hésitations, peut-être plus que des hésitations, je n'oserais pas dire une condamnation, c'est lorsqu'il touche, évidemment, à ce qui nous sépare fondamentalement. Le chef de l'Opposition se surprend que dans mon discours du 8 avril devant la Chambre de commerce de Montréal, j'aie souligné certaines lacunes, que j'aie déploré certaines lenteurs, que j'aie mis le doigt sur certaines choses qu'il considère être des contradictions. Pour moi, c'est simplement vivre dans le réel, dans le concret. Nous sommes dans un régime fédéral.

Il n'y a aucun régime au monde, que ce soit dans les relations internationales entre Etats, autrement dit relations entre Etats, ou relations à l'intérieur des Etats, que ce soit simplement des relations entre régions d'un même Etat, on aura toujours des tiraillements, on aura toujours des négociations, on aura toujours des problèmes qui ne trouveront pas immédiatement des solutions, quel que soit le régime dans lequel on vit, parce qu'il y aura toujours des groupes d'hommes et de femmes, à cause de la géographie, à cause de certaines autres différences d'ordre social ou économique ou culturel, il y aura toujours de ces groupes qui trouveront que le système n'est pas parfait pour eux, qu'il devrait être amélioré pour tenir mieux compte de leurs intérêts. Que les groupes soient de dix, de cent, de mille, d'un million ou de dix millions, il y aura toujours des groupes qui s'identifieront et qui voudront, à ce moment, que le reste des humains ou que le reste de l'unité administrative ou de l'Etat tienne compte de leurs aspirations, de leurs besoins. Il n'y a pas à s'en surprendre, cela est normal.

Comme Gaspésien, je sais fort bien que je ne suis pas toujours d'accord sur certaines politiques québécoises qui sont peut-être de nature à favoriser, disons, la région du député de Sauvé. Je négocie, je représente une population qui dit qu'elle n'a pas suffisamment ce qui lui revient. Mais, est-ce que pour cela je mets en doute, parce que je négocie, parce que je lutte, parce que je discute,

est-ce que je mets immédiatement en cause l'unité politique? Il est impossible d'avoir une situation où tous les problèmes seraient réglés, où les négociations cesseraient, où il y aurait une situation idéale comme celle que véhiculent le chef de l'Opposition et le Parti québécois présentement.

On parle de l'idéal; lorsqu'on parle des hommes, on parle de la vertu d'un côté, du vice de l'autre. Lorsque l'on parle du système constitutionnel, on parle de l'indépendance du Québec comme étant la solution à tous les problèmes, la solution la plus... On a même appelé cela LA solution.

Or, M. le Président, tant que les hommes seront les hommes, nous n'aurons pas de situation comme celle-là. C'est fausser la vérité et c'est présenter à la jeunesse du Québec des fausses solutions. Je dis que nous sommes présentement dans un cadre constitutionnel valable. Le fédéralisme a fait ses preuves, non seulement au Canada, mais également dans les pays les plus avancés du monde...

M. Morin: Au Brésil?

M. Levesque: ... et je dirai que si vous regardez les Etats-Unis, si vous regardez l'Allemagne de l'Ouest, vous voyez là les deux pays les plus avancés au point de vue économique, et ils ont un système fédéral. Mais nous avons un système fédéral qui répond mieux à nos aspirations parce qu'il est fait de telle façon qu'il donne à chacun des Etats membres beaucoup plus de pouvoirs que ceux que l'on retrouve dans les autres fédérations connues au monde.

Nous avons, ici au Québec, des pouvoirs qu'aucun autre Etat dans une fédération, que je connaisse, ne possède. Mais que je dise que ces pouvoirs ne sont pas partagés d'une façon assez claire, qu'il y aurait lieu de clarifier, c'est normal. Nous avons une constitution qui date de 1867, il est normal que nous voulions clarifier davantage cette constitution; il est normal que des gens, qui sont des latins, qui ont l'esprit cartésien, veuillent voir mieux codifié un partage de responsabilités. Que l'on vienne me reprocher que je le dise, je ne crois pas que l'on puisse me reprocher de le dire, et dire que cela est contradictoire avec mon option fédérale; au contraire, M. le Président, je crois que c'est notre devoir de veiller à ce qu'il y ait toujours de l'amélioration dans le fédéralisme canadien.

Il y aura toujours des parties du pays qui voudront tirer la couverture de leur côté, le Québec voudra faire de même, et il a constamment, le Québec en particulier, eu des positions très fortes du point de vue autonomiste; c'est l'histoire qui nous l'enseigne et nous continuons dans ce sens.

Mais nous continuons non pas d'une façon seulement verbale. Ce que nous faisons, et c'est ce que je voudrais souligner ce matin, c'est que nous avons mis sur pied cet instrument extrêmement important qui est le ministère des Affaires intergouvemementales. Plutôt que de nous contenter de dire non, plutôt que de nous contenter de dire que nous ne sommes pas satisfaits, que nous regrettons, plutôt que de rester dans une position purement intellectuelle et de regretter que nous n'ayons pas une approche globale à nos problèmes, plutôt que de rester, autrement dit, dans une stérilité comme celle que semble souhaiter d'autres personnes plus attachées au verbe qu'au geste, je dis, M. le Président, que ce que nous avons fait. Nous nous sommes donné les instruments pour qu'à l'intérieur de la fédération canadienne nous puissions faire connaître nos vues d'une façon rationnelle et basée sur des études sérieuses et sur des documents bien préparés.

Nous avons pris un ministère qui, en I96I, avait à sa disposition un budget de $100,000, et nous avons aujourd'hui un ministère avec une expertise, avec une expérience, avec du personnel qualifié et un budget de près de $17 millions qui passera bientôt le cap des $20 millions. C'est pourquoi j'ai apprécié ce que le chef de l'Opposition mentionnait plus tôt quant à la qualité du ministère. Quant à la question qu'il pose, celle qui fait qu'il y a de l'ambiguïté quant à ce qu'il dit, si j'ai bien compris, il dit: Nous sommes d'accord sur vos activités, sur votre dynamisme, sur votre développement, mais il vous manque une conception globale, des objectifs globaux et votre situation à l'étranger devient ambiguë. Tout cela, évidemment, dans sa conception, dans sa logique, dans sa préoccupation de vendre l'idée d'un Québec indépendant; à ce moment-là, toute discussion cesse parce qu'il faudrait discuter de l'a-propos ou du non-à-propos, chose qui a été discutée assez longuement en octobre 1973 avec le résultat que l'on sait. Nous pourrions en discuter encore lors d'une prochaine rencontre devant la population du Québec. Mais, tant et aussi longtemps que la population du Québec nous dit qu'elle veut un régime fédéral, il est de notre devoir de respecter le mandat que nous avons reçu et de faire en sorte que nous ayons le meilleur fédéralisme possible et que le Québec possède les meilleurs instruments pour travailler à l'intérieur du fédéralisme canadien. Je retiens, de ce que le chef de l'Opposition a dit ce matin, deux choses: l'une qui est favorable au ministère dans sa structure, dans son dynamisme, dans son activité, dans son personnel, et l'autre qui est défavorable simplement parce que le ministère ne joue pas le jeu, comme il dit, ne va pas au bout de la logique du Parti québécois. Je n'ai pas le droit d'aller dans cette logique, je n'y crois pas premièrement, et, deuxièmement et surtout, je devrais dire plutôt premièrement, parce que nous n'avons pas de mandat du Québec et nous ne nous attendons pas à avoir un mandat de la population du Québec à cet effet.

La population du Québec est une population qui, tout en désirant avoir un gouvernement qui puisse lui donner la meilleure administration possible, préfère voir ce gouvernement à l'intérieur d'une fédération, comme la fédération canadienne.

La population du Québec, en particulier, a su, à maintes et maintes reprises, se féliciter d'être à l'intérieur de la fédération canadienne. On n'a qu'à se rappeler la situation énergétique, il y a à peine

douze mois. Toute la population du Québec était très heureuse, à ce moment, d'être membre de la fédération canadienne, de faire partie du Canada et d'avoir accès à toutes ces richesses.

La population du Québec est heureuse, également, lorsque dans un système de péréquation comme celui qui existe présentement, nous pouvons retirer plus d'un milliard de dollars annuellement des richesses qui existent ailleurs au pays, en complémentarité des nôtres. Il y a de multiples exemples que nous pouvons donner, mais je n'ai pas l'intention d'entrer dans ce débat qui sera certainement repris et repris comme il l'a été dans le passé. C'est la population du Québec qui jugera du mandat à accorder. Je suis déjà convaincu de la façon qu'elle continuera de se prononcer.

M. le Président, je n'ai pas l'intention d'entrer dans la question du rapatriement de la constitution canadienne, de la révision constitutionnelle. Ce que j'avais à dire, je l'ai dit dans le discours que j'ai prononcé le 8 avril. Le premier ministre du Québec sera avec nous au cours de la journée. Je suis convaincu que le chef de l'Opposition reviendra sur cette question, peut-être brièvement, je n'en suis pas sûr, mais enfin, je ne veux pas présumer de ce qu'il a l'intention de faire à ce sujet.

M. Morin: Je m'excuse; je pensais que c'était de votre compétence...

M. Levesque: J'ai dit ce que j'avais à dire. D'ailleurs, cela a été relevé par le chef de l'Opposition. Nos services du ministère sont continuellement à l'affût et travaillent sur toutes ces questions régulièrement. Mais, je crois qu'une déclaration de principe, comme je l'ai dit lors de l'étude des crédits, l'an dernier, une question comme celle-ci devrait faire l'objet d'une déclaration du premier ministre, à une question du chef de l'Opposition. Je crois qu'il appartient au chef du gouvernement d'articuler la position du Québec, quant à la question du rapatriement de la constitution et de la révision éventuelle de la constitution.

Le Président (M. Gratton): Le programme 1: Affaires fédérales-provinciales et interprovinciales. Le chef de l'Opposition officielle.

M. Morin: M. le Président, à la suite de la réplique du ministre, j'ai constaté que, dans son esprit, la Gaspésie est au Québec ce que le Québec est au Canada.

M. Levesque: Je n'ai pas dit cela, M. le Président.

M. Morin: Ce n'est pas fait pour me rassurer.

M. Levesque: J'ai donné un exemple non pas constitutionnel, mais de groupes humains identifiés, avec leurs besoins et leurs aspirations. Si ce n'est pas assez intellectuel pour le chef de l'Opposition, je pourrais essayer de... Je sais que la Gaspésie n'intéresse pas le chef de l'Opposition, pas plus que l'Opposition, dans son ensemble.

M. Morin: La Gaspésie nous intéresse beaucoup, puisque nous nous sommes donné la peine d'y aller à plusieurs reprises. Cela d'ailleurs, si ma mémoire est bonne, n'avait pas laissé d'inquiéter le ministre.

M. Levesque: II ne faudrait pas en parler à vos candidats qui se sont présentés là dernièrement.

M. Morin: M. le Président, je ne me situe pas dans l'abstrait. Je me situe au niveau des choses tout à fait concrètes. S'il fallait, par hasard, que les intérêts du Québec, devant Ottawa, soient défendus à la manière dont les intérêts de la Gaspésie sont défendus, ici, à Québec, j'aurais vraiment lieu de m'inquiéter sérieusement.

M. Levesque: II n'y a rien de plus injuste.

M. Morin: Je ne parle pas du comté de Bonaventure. Je parle de la Gaspésie dans son ensemble.

M. Levesque: Regardez le député de Matane. Affaires fédérales-provinciales

Le Président (M. Gratton): A l'ordre, messieurs! Pouvons-nous revenir au programme 1?

M. Morin: M. le Président, je suis disposé à examiner en priorité les crédits du service des affaires de la capitale canadienne, puisque le ministre d'Etat est là ce matin. Profitons-en. Je veux bien l'accommoder.

Mais, M. le ministre, si vous nous quittez, cela ne veut pas dire que vous abdiquez votre responsabilité a l'égard de ce service.

M. Levesque: Bon! Je vais être obligé de me rasseoir. Votre générosité a été de courte durée.

M. Morin: Non, je suis disposé à ce que vous nous quittiez. Je n'ai pas d'objection, encore une fois.

M. Levesque: C'est parce que j'ai quelque chose qui m'attend, mais si vous voulez que je reste, je vais rester.

M. Morin: Enfin, vous déléguez entièrement vos pouvoirs au ministre d'Etat, si j'ai bien compris?

M. Levesque: D'ailleurs, il est responsable au ministère, comme ministre d'Etat aux Affaires intergouvernementales, particulièrement de ce programme.

M. Morin: C'est ce qui m'inquiétait. M. Levesque: Ah oui!

M. Parent (Hull): Je comprends l'inquiétude du chef de l'Opposition.

M. Morin: M. le Président, il conviendrait peut-être d'abord de clarifier le statut exact de ce service. Lorsqu'il a été rendu public, le 24 mars dernier, ou dans les jours qui ont précédé, on l'a présenté comme étant une nouvelle direction générale. Je vois, sur l'organigramme qui vient de nous être soumis, qu'il ne s'agit plus que d'un service des affaires de la capitale canadienne. Pourrait-on préciser le statut exact de cette direction ou de ce service à l'intérieur du ministère?

M. Parent (Hull): Le chef de l'Opposition comprendra facilement que, depuis le mois d'août I970, j'ai assumé des responsabilités au ministère des Affaires intergouvernementales à différents niveaux. Plus récemment, je me suis astreint à des responsabilités limitées à l'intérieur du ministère en regard du fait que, pour l'année I975, mes préoccupations étaient dans le cadre de la négociation des conventions collectives des employés du gouvernement et du réseau des Affaires sociales et de l'Education. C'était la raison pour laquelle j'ai demandé à être relevé de certaines responsabilités que j'exerçais au ministère des Affaires intergouvernementales. La direction ou le service des affaires de la capitale canadienne a été autorisé, d'ailleurs, dès le mois de novembre, par le Conseil du trésor, à la suite de représentations que j'avais soumises au ministère des Affaires intergouvernementales et, par la suite, au comité de direction du ministère des Affaires intergouvernementales et, par la suite, au comité de direction du ministère, pour ensuite arriver à déterminer la forme sous laquelle l'action du ministère serait entreprise pour ce dossier dont je conservais la direction.

On constatera que, dans l'organigramme du ministère, on a convenu de l'appeler plutôt service que direction générale, ce dont je ne me suis pas offusqué. Il était inévitable qu'un service de cette nature devait exister dans le cadre des ententes que nous avons négociées avec le gouvernement fédéral, en particulier, avec la Commission de la capitale nationale. Ce service relève directement de la part de responsabilités dont je m'occupe présentement au ministère des Affaires intergouvernementales et qui est sous la direction, également, de Me Jules Brière, qui agit comme sous-ministre responsable de ce secteur, avec M. Claude Diament, comme directeur du service.

M. Morin: M. le Président, puis-je demander au ministre d'Etat le nom officiel — non pas celui qui apparaît à l'organigramme, mais le nom officiel — de cet organe qui s'inscrit au sein du ministère des Affaires intergouvernementales?

Dans l'arrêté en conseil, comment est-il nommé? Est-il nommé direction générale ou service?

M. Parent (Hull): D'abord, il n'y a pas eu d'arrêté en conseil. Il s'agit d'un organigramme approuvé par le Conseil du trésor, et au moment où on a approuvé la nomenclature de chacun des titres de direction et de service, il a été convenu de l'appeler le service des affaires de la capitale canadienne.

M. Morin: Bien. Je vois, d'après l'organigramme qu'il se trouve à part par rapport aux autres directions générales. Toutes les directions générales sont intégrées organiquement sous l'autorité du sous-ministre adjoint et du sous-ministre.

Je vois que là, on a en quelque sorte pris ce service qui, d'ailleurs, possède un nom sui generis — il n'y a pas d'autre tel service à l'intérieur de l'organigramme — puis on l'a littéralement sorti de l'organigramme général pour le mettre à part, sous l'autorité du ministre d'Etat, lequel, d'après ce que je vois, en principe, se trouve dans un lien de subordination directe au ministre. Dois-je comprendre de cela que ce service jouit d'une très grande autonomie par rapport au ministère lui-même; que ce service échappe à l'autorité des sous-ministres adjoints?

M. Parent (Hull): Je pense que le chef de l'Opposition veut être subtil dans ses remarques. J'ai bien souligné qu'au moment où nous avons convenu de la création de ce service, c'était au moment où je m'engageais dans une voie qui aurait ma principale préoccupation au cours de l'année 1975. Ce service, depuis 1970, existait à l'intérieur du gouvernement, il a toujours été sous ma responsabilité depuis que le gouvernement a accédé au pouvoir en 1970, il est intégré au ministère. Par ailleurs, comme j'occupe d'autres responsabilités dans le gouvernement, ce service m'a toujours suivi, mais le suivi quotidien, comme je l'ai souligné, est sous la direction du sous-ministre adjoint, Me Jules Brière, qui est celui qui fait partie de toutes les négociations dont j'ai assumé la responsabilité et M. Diament, qui n'a jamais quitté le ministère des Affaires intergouvernementales, a été responsable du dossier sous la direction de M. Brière et cela continue ainsi. Si on a fait dans l'organigramme cette distinction que ce service était de la juridiction ou de la responsabilité du ministre d'Etat, c'était volontaire puisque ce dossier m'a préoccupé depuis le début et, comme je voulais laisser certaines responsabilités à cause des autres, il était convenable qu'à ce moment, nous puissions le détacher pour que je continue de garder la responsabilité de ce service et de poursuivre les négociations avec le gouvernement fédéral dans ce secteur particulier qui, comme on le sait, est un secteur qui me préoccupe au plus haut point.

M. Morin: La raison pour laquelle je pose la question, M. le Président, est la suivante: Dans les rapports qui ont été donnés par les journaux, à la suite de la création de ce service qu'on appelait "direction générale", il y a un mois à peine, on nous dit que cette direction générale ou ce service aura les pouvoirs de coordonner les activités à incidence intergouvernementale et de négocier directement avec le gouvernement fédéral et l'un de ses principaux organismes dans la région, la Commission de la capitale nationale.

J'aimerais que le ministre nous éclaire de façon très précise sur la façon dont les accords avec la CCN ou le gouvernement fédéral sont conclus par le ministère des Affaires intergouvernementales du Québec. Dois-je comprendre de cela que son service négocie directement avec la CCN, avec le gouvernement fédéral, en marge des autres directions générales du ministère, notamment la direction générale des relations fédérales-provinciales, la direction générale de l'administration, qui sont les deux directions générales les plus directement mises en cause? Est-ce que le ministre pourrait nous expliquer comment son service négocie avec le gouvernement fédéral, avec les autres organismes fédéraux qui traitent de ces questions et notamment la CCN?

M. Parent (Hull): Toute la cohérence se fait à l'intérieur du ministère; que le service soit détaché, il n'en demeure pas moins qu'il est une partie intégrante de la Direction générale des relations fédérales-provinciales et interprovinciales. La liaison est faite par M. Diament, qui est le directeur du service; avec M. L'Ecuyer, qui est un conseiller juridique aux relations fédérales-provinciales.

Il y a également M. Jules Brière, qui est sous-ministre adjoint et responsable dans le centre de responsabilité établi. Les négociations se font à deux niveaux, au niveau des fonctionnaires, d'abord sous la tutelle du ministère des Affaires intergouvernementales, mon collègue, le ministre titulaire donne son approbation sur chaque projet que nous avons à discuter, suit le processus régulier de la hiérarchie à l'intérieur du ministère des Affaires intergouvernementales. Par ailleurs, si on regarde les relations bilatérales fédérales-provinciales, nous avons des partenaires. Les projets que nous avons à réaliser le sont à différents niveaux; il y a, par exemple, des ministères impliqués comme dans le domaine des transports, où le ministère des Transports est impliqué dans les négociations; à ce moment, la délégation est composée du service des affaires de la capitale canadienne, des représentants du ministère des Transports, des organismes locaux qui peuvent être impliqués et du gouvernement fédéral par la Commission de la capitale nationale. De l'autre côté, il y a également des négociations qui se font au niveau des municipalités avec le gouvernement fédéral, mais sous l'égide du service des affaires de la capitale canadienne, par l'entremise de M. Diament, au niveau des fonctionnaires, avec la Commission de la capitale nationale. Il y a l'autre niveau, le niveau ministériel, où celui qui vous parle a des rencontres avec son homologue fédéral, M. Barney Danson, qui est responsable des affaires de la capitale canadienne; d'autre part, il y a des discussions selon les secteurs d'acitivtés; si ce sont les transports, il y a trois gouvernements impliqués, l'Ontario, le Québec et le fédéral, mais il y a d'autre part également les négociations entre le gouvernement du Québec et le gouvernement de l'Ontario. Nous avons tenu une séance de travail il y a deux semaines avec le gouvernement de l'Ontario. M'ont accompagné à la discussion, M. Jules Brière, qui est sous-ministre adjoint, et M.

Diament; nous y avons discuté des projets concernant la capitale nationale et où le gouvernement fédéral est impliqué par sa présence.

Il est donc commun que ce secteur d'activités revêt si l'on veut un caractère très particulier, ce que nous concevons comme un secteur très particulier, puisqu'il s'agit d'un organisme fédéral qui est présent dans les questions qui concernent l'aménagement d'une capitale canadienne et qui concerne aussi à ce moment deux gouvernements provinciaux impliqués, l'Ontario et le Québec. C'est donc une situation, si l'on veut, particulière, il faut bien le reconnaître, mais qui suit la hiérarchie du ministère en ce qui concerne les relations fédérales-provinciales et interprovinciales.

M. Morin: M. le Président, la raison pour laquelle je m'interroge sur le statut particulier de ce service — comme vient de nommer le ministre d'Etat — c'est que je n'en vois pas très bien la rationalité, dans la mesure où il est vrai. En entrant dans les détails, peut-être trouverait-on qu'il faut faire des nuances sur l'emprise que possède le ministère sur ce service. Mais dans la mesure où il est vrai que ce service est vraiment intégré au ministère et vraiment sous la tutelle du ministère, on ne voit pas pourquoi, rationnellement, ce service serait détaché comme vous l'avez dit du reste de l'organigramme et il ne serait pas étroitement imbriqué à l'intérieur de la Direction générale des relations fédérales-provinciales, à moins que, évidemment, il y ait des raisons que la raison ne connaît pas et je vais être tout net avec le ministre, je pense que, lui-même, en général, est assez net, je vais l'être avec lui. Je m'inquiète du statut particulier de ce service, parce que, au jour le jour, je pense que cela peut avoir des conséquences concrètes pour le destin de la ville de Hull et de la région de l'Outaouais, de façon plus générale.

Soyons honnêtes. Je me demande si ce statut particulier ne confirme pas ce fait politique, qu'on pourrait appeler l'emprise du ministre d'Etat sur la région de l'Outaouais. Je me demande si ce service n'est pas, en fait, un ministère dans le ministère. Suis-je assez précis dans ma question?

M. Parent (Hull): M. le Président, je peux dire qu'aux différents centres de responsabilité que j'exerce dans ce gouvernement, en ce qui me concerne, il y a un gouvernement. Ce n'est pas compartimenté par ministère, parce que, autrement, je pense que je serais un peu dans l'euphorie, à cause des différents endroits où j'exerce les responsabilités que le premier ministre m'a confiées.

Il n'en demeure pas moins que, même si le chef de l'Opposition ne reconnaît pas qu'il y ait une situation particulière pour une région comme la capitale nationale, on n'a qu'à regarder antérieurement à 1970 pour comprendre que le gouvernement n'avait pas tellement fait d'effort pour assurer à cette région un développement cohérent. Le reproche qui était fait par la population, à ce moment, était l'éloignement du gouvernement du Québec. C'était comme du côté ontarien, où on invoquait le fait que le gouvernement de Toronto était très éloigné de la capitale canadienne.

II est vrai que le gouvernement du Québec a voulu qu'il y ait un effort poussé pour améliorer les conditions de vie de cette région, qui constitue la capitale canadienne. Il est vrai que ce statut particulier a été accordé et qu'il continue à l'être, même si le chef de l'Opposition peut penser que celui qui parle a une emprise sur cette région. Ce n'est pas simplement une question d'emprise.

M. Morin: J'ai été poli!

M. Levesque: Ce n'est pas simplement une question d'emprise; avant la venue, si on veut, de cette cohésion que nous avons établie dans cette région, c'était un peu le laisser-aller qui existait. Chacun pouvait obtempérer à ses besoins, à ses désirs, sans pour autant qu'il y ait une cohérence et une planification sur l'aménagement du territoire. Nous étions, si on le veut, à la merci de la capitale canadienne, de la Commission de la capitale nationale, qui, par sa loi qui date de 1899, avait déjà des pouvoirs, avait déjà tout un organisme très bien rodé pour donner suite à ces objectifs que la loi fédérale lui avait donnés sur le territoire de la capitale canadienne.

Il n'en demeure pas moins que le gouvernement du Québec, malgré les incidents de parcours qui ont pu arriver, voulait apporter un effort soutenu, considérant que cette région avait besoin de la présence du gouvernement du Québec, qu'il fallait assurer une cohésion et une cohérence dans le développement. Comme l'a dit ce matin mon collègue, le ministre des Affaires intergouvernementales, la loi 59 a bien souligné le fait que l'article 20 de la nouvelle loi impose aux municipalités, sous peine de nullité, de ne pas conclure d'accord avec le gouvernement du Canada, ou avec d'autres gouvernements.

On sait fort bien que dans la vie quotidienne de la région de la capitale nationale en sol québécois, il y a énormément de problèmes qui se présentent au jour le jour, sur la place, et qui doivent recevoir des décisions. Si nous avons convenu qu'il était nécessaire de créer un service particulier au ministère des Affaires intergouvemementales, c'était la volonté du gouvernement d'apporter des solutions au problème que pose la présence de la capitale nationale dans ce secteur du Québec, et également, pour le Québec, d'apporter sa collaboration dans l'élaboration des politiques et des objectifs de développement.

M. Morin: M. le Président, j'aimerais entretenir le ministre quelques instants des pouvoirs que la CCN possède dans la région de la capitale dite "nationale" et demander au ministre comment il entend faire face à ce qu'on pourrait appeler littéralement l'envahissement fédéral en territoire québécois.

Les pouvoirs de la CCN s'étendent de l'acquisition, de la gérance des biens jusqu'à l'entretien et à l'exploitation de concessions de toute sorte, en passant par la construction de routes, de ponts, par l'administration de plusieurs lieux ou musées historiques. Dans les faits, l'exercice de ces pouvoirs a donné des résultats qu'on a peine à imagi- ner; je vous en cite quelques-uns: Dans la région urbaine d'Ottawa-Hull, la proportion du territoire possédé par la CCN, en propriétés, atteint 30%, et, dans les 1,800 milles carrés qui constituent le territoire de la capitale nationale, il y en a 10%, un territoire beaucoup plus vaste, évidemment, que la région urbaine d'Ottawa-Hull, qui appartient à des gens en propriété propre à la CCN. Celle-ci possède la presque totalité des espaces verts situés sur ce territoire, et à lui seul, le parc de la Gatineau représente 88,000 acres de verdure qui sont sous compétence et propriété du gouvernement fédéral.

Si on veut des événements plus récents — pour le cas où l'on voudrait nous dire que le gouvernement a tenté de renverser la vapeur — au cours de la seule année I973 — je demanderai au ministre tout à l'heure de nous donner des chiffres pour I974 — la CCN a obtenu, au Québec, 12,500 acres de terrain en échange de 197 acres situées près de la ville du Hull. Nous pourrions aussi souligner les $200 millions dépensés par la CCN pour l'acquisition de terrains qui, aujourd'hui, sont évalués à des sommes beaucoup plus considérables, plus d'un milliard de dollars, et qui me semble presque constituer de la spéculation foncière à la limite.

M. le Président, devant un tableau comme celui-là, auquel nous pourrions ajouter encore la construction d'énormes édifices fédéraux à Hull, à l'automne 1973 — l'édifice Fontaine, la tour no 1 de la place du Portage — tableau qui comporte la présence quotidienne, en plein centre de Hull, avec tout ce que cela comporte de 6,000 fonctionnaires fédéraux qui sont unilingues anglais à 97%, ou 98% ont dit certains statisticiens, qu'est-ce que le ministre a l'intention de faire? Ce service est sous sa direction. Qu'avez vous l'intention de faire, de façon concrète, au cours des années qui viennent, pour redresser cette situation? Allez-vous, notamment, demander que le Québec redevienne propriétaire de certains de ces espaces qui ont été aliénés, ou que le gouvernement fédéral a acquis de diverses façons, soit de gré à gré, soit par voie d'expropriation? Quelle est la politique du ministère, ou, devrais-je dire, de votre service à l'égard de ces empiètements fédéraux?

M. Parent (Hull): M. le Président, je pense que le chef de l'Opposition vient justement de confirmer la nécessité de la présence d'un service particulier qui s'occupe des affaires de la capitale canadienne. S'il est vrai que nous constatons nous-mêmes — et c'est l'un des sujets que j'ai abordés lors de ma rencontre avec mon homologue ontarien il y a deux semaines — c'est que nous sommes occupés par ce problème, nous aussi.

Je pense que le chef de l'Opposition, dans l'exercice de sa profession antérieure, pourrait censément se rappeler qu'il y a eu un jugement rendu par la cour Suprême dans le cas Monroe en 1966, je crois, qui donnait à la Commission de la capitale nationale les pouvoirs d'expropriation en sol québécois.

Si on se reporte à ce jugement, je pense qu'il

est clair que la cour Suprême, ayant convenu que la Commission de la capitale nationale avait droit d'expropriation pour atteindre ses objectifs, il devenait impérieux, à compter de cela, que le gouvernement du Québec, autant que l'Ontario, devait prendre des mesures pour enrayer cette poussée alors que la Commission de la capitale nationale avait déjà avec à propos fait part de sa présence.

Si le gouvernement du Québec a convenu que depuis 1970, il affectait un ministre spécialement, avec des responsabilités spéciales, en regard de ce phénomène, c'est que nous étions conscients qu'il y avait des difficultés que nous devions surmonter. C'est pourquoi nous en sommes arrivés à la conclusion qu'un service, même s'il est particulier, comme le chef de l'Opposition l'a souligné tout à l'heure, est, de plus, essentiel dans les circonstances actuelles.

Le fait de la présence du gouvernement du Québec, avec les relations que nous entretenons avec l'Ontario, et nos discussions régulières avec le gouvernement fédéral nous permettent maintenant de convenir que le gouvernement fédéral est disposé à donner sa collaboration pour que les plans de développement que nous préparons soient conformes aux points de vue des deux gouvernements.

Si nous regardons simplement le jugement Munro, nous n'avons aucun droit si la Commission de la capitale nationale veut se porter acquéreur de bandes de terrain et de banques de terrain. C'est donc un intérêt primordial pour le Québec d'être à la table de discussion, de faire valoir son point de vue, ce qui va nous amener, comme résultat immédiat, ce que nous venons d'obtenir, c'est-à-dire des banques de terrains achetés il y a au-delà de 25 ans, par le gouvernement fédéral, qui vont servir incessamment pour établir une communauté de 2,500 personnes, par voie de transfert.

A mon avis, c'est l'un des éléments essentiels de la politique que nous poursuivons, c'est-à-dire de tenter, d'abord, depuis 1970, et d'obtenir que la Commission de la capitale nationale cesse toute expropriation, ce qui a été fait.

Depuis 1970, à la suite des premiers accords que j'ai réalisés au nom du gouvernement, le gouvernement fédéral a convenu qu'il n'y aurait plus d'expropriation sans qu'il y ait accord avec le gouvernement de Québec, et malgré le jugement Munro selon lequel il avait des droits. Nous avions convenu qu'il était préférable que le Québec, de concert avec la capitale nationale, puisse arriver à déterminer les objectifs de développement du côté de l'Outaouais québécois, comme d'ailleurs l'Ontario veut s'en préoccuper, puisqu'elle a également fait préparer un plan de développement du territoire situé en Ontario, à l'intérieur de la capitale nationale.

Du côté de Québec, il y a eu une loi spéciale qui a donné des pouvoirs à la Communauté régionale de l'Outaouais en juillet dernier, où nous avons confié à la communauté le pouvoir de préparer un schéma d'aménagement, lequel doit être complété pour le 1er novembre 1975. Dans le cadre de cette loi, le gouvernement du Québec as- sume lui-même les responsabilités financières de l'exécution du projet, sous l'égide de la Communauté régionale de l'Outaouais.

C'est donc là que nous avons nous aussi une préoccupation, à savoir quelle est l'utilisation du sol qui doit être faite en territoire québécois, à l'intérieur de la capitale nationale. Qu'il y ait le parc de la Gatineau de 88,000 acres, comme le chef de l'Opposition l'a mentionné, je pense que c'est un acquis pour la région. C'est un bienfait pour la population que de pouvoir compter sur un espace vert aussi considérable à l'intérieur et à proximité de la partie urbanisée.

M. Morin: On ne le sait pas encore.

M. Parent (Hull): D'ailleurs, il s'agissait d'un territoire non urbanisable. C'est constitué de montagnes et de lacs. Je pense que la population de la région se réjouit d'avoir, à l'intérieur de ses limites, un parc d'une telle bienveillance et d'une telle excellence.

Mais, pour autant, il ne s'agit pas, pour le Québec, de délaisser son droit qui, à mon avis, est un droit exclusif du gouvernement du Québec dans la préparation d'un schéma d'aménagement et de développement. C'est par ce service des affaires de la capitale canadienne que nous voulons jouer un rôle encore plus actif que celui qui a été joué dans le passé. Par les directives que nous avons émises récemment aux municipalités, après l'adoption du projet de loi no 59, nous avons établi la façon de poursuivre les discussions d'abord avec nos partenaires, ensuite avec l'autorité fédérale. Nous avons déjà le consentement de la capitale nationale que ces gens sont prêts à collaborer avec nous à l'élaboration du schéma d'aménagement du territoire qui va permettre à l'autorité compétente, la communauté régionale, qui a les pouvoirs en vertu de sa loi, d'exercer ses prérogatives dans un cadre bien concret.

A mon avis, c'est là l'un des avantages que, voyant le déroulement des activités que nous avons eues depuis 1970, voyant les résultats acquis depuis cette date, nous en sommes arrivés à la conclusion qu'il devait y avoir un service particulier pour s'occuper principalement des questions qui sont en litige ou des questions qui sont en voie de discussion pour que le Québec et les municipalités, nos organismes publics, puissent exercer leurs prérogatives dans un cadre bien défini.

Notre politique est que le gouvernement du Québec doit assumer ses responsabilités en ce qui concerne l'aménagement du territoire. Nous avons l'intention, comme nous l'avons fait depuis 1970, d'exercer ces prérogatives sans pour autant engager des batailles constitutionnelles pour lesquelles nous sommes convaincus d'avance que nous ne serions pas les vainqueurs.

M. Morin: M. le Président, je vois que l'heure dont nous avions convenu est venue. Je n'ai pas terminé mon entretien privilégié avec le ministre d'Etat. Si cela ne le dérangeait pas trop, je lui demanderais de revenir à la prochaine séance. Nous

allons, apparemment, ajourner nos travaux sine die. J'aimerais que le ministre d'Etat revienne, s'il veut bien en convenir. J'ai encore à l'entretenir pendant une demi-heure à trois quarts d'heure de conversation.

M. Parent (Hull): Parfait!

Le Président (M. Gratton): Messieurs, la commission ajourne ses travaux, sine die.

(Fin de la séance à 12 h 33)

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