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Commission permanente de la présidence du
conseil,
de la constitution et des affaires
intergouvernementales
Etude des crédits du Conseil exécutif
Séance du mardi 27 mai 1975
(Seize heures vingt-cinq minutes)
M. Gratton (président de la commission permanente de la
présidence du conseil, de la constitution et des affaires
Intergouvernementales): A l'ordre, messieurs!
La commission de la présidence du conseil de la constitution et
des affaires intergouvernementales continue cet après-midi
l'étude des crédits du Conseil exécutif, plus
particulièrement du programme 4: Coordination du développement
économique et régional et interventions de développement
régional.
Avant de céder la parole au ministre, j'aimerais aviser la
commission des changements suivants: M. Fortier remplace M. Bossé; M.
Assad remplace M. Denis; M. Lachapelle remplace M. Malouin et M. Déom a
l'agréable tâche de remplacer M. Gratton.
L'honorable ministre des Affaires intergouvernementales.
Remarques générales sur l'OPDQ
M. Levesque: Merci, M. le Président Gratton. On me fait
remarquer à juste titre que c'est au nom du ministre responsable de
l'OPDQ et non pas comme ministre des Affaires intergouvernementales que je dois
m'adresser à ce moment-ci.
Le Président (M. Gratton): Je m'en excuse.
M. Bédard (Chicoutimi): Vous avez plusieurs titres.
M. Levesque: C'est cela. M. le Président, avant de
discuter chacun des programmes et éléments de programmes de
l'Office de planification et de développement du Québec, qu'il me
soit permis de donner un aperçu général du travail
envisagé pour l'année 1975/76, de façon à mieux
cadrer la discussion détaillée de chacun des programmes
budgétaires.
Ce survol des activités de l'office nous permettra notamment de
décrire brièvement les principales composantes du budget de
l'office; d'indiquer les changements administratifs intervenus dans la
constitution du budget de l'office; de faire le point sur les résultats
de l'entente-cadre de développement qui a été
signée entre le Canada et le Québec; de préciser le sens
et la portée du fonds régional de développement et
d'indiquer le sens et l'orientation des programmes de travail de la
planification.
Je vais essayer d'être le plus bref possible, bien qu'il faille
cependant donner l'essentiel des informations requises pour une bonne
compréhension d'un organisme comme l'OPDQ.
Les crédits inscrits au budget de l'office en 1975/76 se
chiffrent à $85,842,800. Si on compare ces chiffres à ceux qui
apparaissent au budget de l'OPDQ en 1974/75, soit $184,316,800, on croirait
à une diminution des interventions du gouvernement dans le domaine de
l'aménagement et du développement régional.
Aussi, pour bien comprendre le budget de l'office, il faut
connaître les modifications générales qui ont
été apportées à la présentation du budget du
Québec et les modifications particulières apportées au
budget de l'office. J'y reviendrai tout à l'heure.
Si l'on donne au budget 1975/76 une présentation comparable
à la présentation 1974/75, on se rendra compte que le budget de
cette année est de 10% plus élevé que celui de 1974/75,
soit en réalité, $201,500,000 par rapport à
$183,700,000.
Les systhèses qui suivront tiennent compte de ces facteurs.
Ensuite, nous ferons la répartition des crédits de l'office
afférant au développement régional, entre chaque
ministère maître d'oeuvre.
Cette répartition indiquera également s'il s'agit de
projets financés par les ententes fédérales-provinciales,
administrées par l'office, ou de projets amorcés dans le cadre du
nouveau fonds de développement régional.
Finalement, nous indiquerons également les principales masses
budgétaires affectées à l'administration de l'office et
à ses autres entités administratives.
Si on regarde d'abord la base de comparaison des budgets 1974/75, et
1975/76, les changements survenus en 1975/76 affectant la base de comparaison
des budgets 1974/75 et 1975/76, sont les suivants:
D'abord, modification de la structure budgétaire de l'office.
Ensuite, abolition du système dit des imputations OPDQ. Finalement,
inscription au budget, des revenus de la province, des contributions
fédérales reliées aux ententes de
développement.
Les crédits inscrits au chapitre de l'OPDQ, en 1975/76, se
regroupent dans trois programmes, comparativement à quatre programmes en
1974/75.
Ainsi le programme intitulé Placement d'étudiants et
Initiatives locales n'est plus inscrit en regard de l'office. On le retrouve
dans la structure budgétaire du ministère du Conseil
exécutif et les crédits concernant ce programme pourront
être discutés avec le ministre d'Etat à l'OPDQ, le
député de Joliette.
En plus, l'élément de programme intitulé Travaux de
planification a été transféré du programme 4 au
programme 5. J'ai mentionné l'abolition du système des
imputations OPDQ. Ce changement se reflète en une inscription directe au
budget des ministères maîtres d oeuvre des crédits
reliés aux projets de développement sans nécessiter comme
par les années passées une inscription correspondante au budget
de l'office.
On retrouve à la page statistique XIV du livre des crédits
1975/76 déposé à l'Assemblée nationale par le
ministre des Finances et président du Conseil du trésor, la
ventilation de ces crédits par type d'affectation par ministère
maître d'oeuvre.
Maintenant, j'avais mentionné l'inscription au budget des revenus
de la province des contribu-
tions fédérales afférentes aux ententes de
développement, suivant la nouvelle classification des revenus et
dépenses adoptée par le Conseil du trésor en 1975/76; ces
contributions du gouvernement du Canada sont dorénavant
intégrées au budget des revenus du gouvernement du Québec.
Ce changement, tel qu'indiqué à la page IV des notes explicatives
du livre des crédits 1975/76, modifie le terme "crédit" par
opposition à celui de "crédit net" utilisé au budget de
1974/75. Ainsi, les contributions fédérales n'apparaissent plus
en déduction des dépenses au programme de l'OPDQ. Compte tenu de
ces trois changements, le budget de l'OPDQ 1975/76 se compare comme suit
à celui de 1974/75.
Le programme 4: Coordination du développement économique
et régional et interventions de développement régional,
1974/75: $177.8 millions, 1975/76: $184.1 millions, avec une variante de plus
9%.
Programme 5: Qualification économique et régionale,
consultation et administration de l'OPDQ, $5.6 millions, 1975/76, $7.1 millions
avec une variante de plus 27%.
Je veux faire une correction, si je ne l'ai pas dit comme ça:
Programme 4, 1975/76, $194.1 millions.
Je reviens au programme 5, $5.6 millions en 1974/75, $7.1 millions en
1975/76 pour une variante de plus 27%, comme je l'ai mentionné.
Programme 6: Consultation des agents socio-économiques, $300,000,
c'est la même chose en 1975/76.
Le total des crédits bruts en 1974/75: $183.7 millions; en
1975/76: $201.5 millions; soit une augmentation d'environ 10%. Si on soustrait
la part payée par le gouvernement fédéral, en 1974/75, de
$95.3 millions et en 1975/76, de $85.3 millions, nous notons que, la part
fédérale une fois enlevée, il reste pour la part du
Québec en 1974/75, $88.4 millions, en 1975/76, $116.2 millions, soit une
augmentation de la contribution du gouvernement du Québec
vis-à-vis de ces programmes de 31%.
L'office est donc impliqué dans un budget total de $201.5
millions cette année comparativement à $183.7 millions en
1974/75, soit une majoration réelle de 10% et je répète
que la part du Québec augmente de 31%.
Si on enlève de cette somme de $201.5 millions les crédits
de $7.4 millions prévus pour l'administration, les travaux de
planification, pour l'administration et les travaux de planification pour le
financement des CRD et le financement du CPDQ, le Conseil de planification et
de développement du Québec, on obtient les budgets de $194.1
millions reliés au projet d'aménagement impliquant l'office.
Pour les fins d'une meilleure compréhension, répartissons
cette somme selon les subdivisions suivantes, si on le veut bien: affectation
des fonds, répartition de cette somme selon les inscriptions au budget
de l'office et à ceux des ministères, répartition de cette
masse entre les ententes fédérales-provinciales et le fonds de
développement régional.
L'enveloppe budgétaire de $194.1 millions se subdivise selon
l'affectation comme suit: $42.6 millions serviront à financer les
actions de développement régional amorcées dans le cadre
du nouveau fonds de développement régional et $151.5 millions
financeront les divers programmes et projets prévus aux ententes
fédérales-provinciales.
Comment se répartit cette somme de $194.1 millions selon les
inscriptions au budget de l'office et à ceux des ministères? Eh
bien! les crédits inscrits à ce titre sont distribués
comme suit: Affaires culturelles, $1 million; Affaires municipales, $3.5
millions; Affaires sociales, $2.4 millions; Agriculture, $11.3 millions;
Communications, $200,000; Education, $5.5 millions; Fonction publique,
$200,000; Industrie et Commerce, $16.4 militons; Richesses naturelles, $5.7
millions; Terres et Forêts, $6.7 millions; Tourisme, Chasse et
Pêche, $18.3 millions; Transport, $44.3 millions; Travail et
Main-d'Oeuvre, $200,000 pour un sous-total de $115,700,000 et au budget
même de l'OPDQ, $78.4 millions, soit un total encore une fois de $194.1
millions.
Si on veut répartir cette somme autrement, soit entre les
ententes fédérales-provinciales et le fonds de
développement régional, voici comment ça se lit: entente
ARDA, $10.5 millions; entente zones spéciales, $23.1 millions; entente
Est du Québec, $37.8 millions; ententes-cadres, et les ententes
auxiliaires qui s'ensuivent, $80.1 millions, soit un sous-total de $151.5
millions, si on y ajoute le fonds de développement régional de
$42.6 millions, on arrive encore comme on le sait, à $194.1
millions.
Si on prend cette somme qui apparaît à l'entente-cadre de
$80.1 millions, si on la décompose par ententes auxiliaires, voici
comment ça se présente: axes routiers prioritaires, $30 millions;
accès aux ressources forestières, $4.3 millions; SIDBEC, $5
millions; infrastructures industrielles, $11.4 millions pour un sous-total de
$50.7 millions, si on ajoute les ententes auxiliaires en négociations,
soit $29.4 millions, on arrive encore à un total de $80.1 millions.
M. Bédard (Chicoutimi): Tout en termes de millions.
M. Levesque: Au titre de fonds du développement
régional, les crédits inscrits à l'OPDQ sont
ventilés de la façon suivante: nous touchons le nouveau fonds de
développement régional qui totalise $42.6 millions. D'abord,
l'aménagement du bassin de la Yamaska, $7.4 millions; construction
routière, $16.5 millions; aménagement de complexes industriels de
pêche, $2.5 millions; voirie forestière, $4.3 millions;
restauration historique de Place Royale, $2 millions, pour un sous-total de
$32.7 millions et à ce sous-total, on ajoute une réserve pour
permettre le démarrage d'autres projets en cours d'exercice pour $9.9
millions, pour arriver au total susdit de $42.6 millions.
M. le Président, on peut maintenant toucher les entités
administratives. D'abord, administration de l'OPDQ: $3,531,500. Ce montant
couvre les effectifs, traitements, honoraires, frais de voyages,
dépenses afférentes à l'administration, au loyer, aux
fournitures, aux approvisionnements, etc. Les travaux de la planification, $2
millions. Il s'agit des montants d'argent nécessaires à la
réalisation d'études spécifiques, à
l'identification de certaines
orientations du développement du Québec et de ses
régions et l'élaboration de schémas régionaux de
développement et d'aménagement.
C'est en raison de ces derniers que s'explique l'augmentation
substantielle par rapport à 1974/75.
Les subventions aux CRD, conseils régionaux de
développement: $1,415,500. Ces subventions de base sont versées
aux CRD pour le développement de leurs activités courantes de
concertation, d'information et de consultation.
L'office consent aussi des subventions dites de commandite pour des
projets précis d'intervention.
Le Conseil de planification et de développement du Québec:
$322,800. Ce conseil regroupe l'ensemble des grandes associations
socio-économiques du Québec.
Le Bureau d'aménagement et de gestion du complexe scientifique:
$169,600. C'est ce qui a été estimé pour le budget
administratif de ce bureau d'aménagement.
Provision de l'OPDQ: c'est inclus dans la masse budgétaire de
$194.1 millions, dont on a parlé il y a quelques instants. De
façon plus précise, la provision de l'OPDQ en 1975/76, inscrite
au programme 4, élément 6, est établie à
$15,830,000.
J'aimerais dire un mot sur l'entente-cadre de développement.
Comme vous le savez, c'est le 15 mars 1974 que fut signée
l'entente-cadre de développement entre le Québec et le Canada.
Essentiellement, cette entente est signée pour dix ans et elle permet de
signer des ententes auxiliaires portant sur certains dossiers moteurs de
développement et couvrant certains secteurs économiques
significatifs, en tenant compte plus particulièrement de leurs
incidences régionales.
Actuellement, quatre ententes sont signées. Certaines pour trois
ans, d'autres pour quatre ans. La première entente à être
signée fut celle de SIDBEC, au montant de $30 millions. Cette entente
intervient à titre complémentaire à l'exécution de
la phase 2 du plan d'expansion de SIDBEC, 1974/78.
La deuxième entente fut signée le 23 septembre 1974. Elle
porte sur les axes routiers prioritaires 1974/79. Elle finance un premier
projet, soit l'autoroute de l'acier, au montant de $44,275,000. D'autres
projets routiers sont en cours de négociation et seront
intégrés à cette entente auxiliaire.
L'entente auxiliaire sur l'accès aux ressources
forestières a été signée le 26 mars 1975. Elle
comporte une enveloppe de $24,200,000.
Enfin, une quatrième entente, soit celle des infrastructures
industrielles 1974/78, a également été signée le 26
mars 1975. Elle prévoit des dépenses de $60 millions. Nous
n'entrerons pas ici dans les détails de chacune de ces ententes.
Par ailleurs, l'OPDQ a déposé auprès du MEER,
c'est-à-dire le ministère de l'Expansion économique
régionale du gouvernement fédéral, une programmation dans
différents autres secteurs économiques.
Nous sommes assurés que nous pourrons bientôt signer
d'autres ententes auxiliaires que nous croyons être dans les secteurs
suivants: En agriculture, pour favoriser l'assainissement des sols et
l'aménagement foncier; dans le domaine des mines, pour encourager la
prospection mi- nière, ouvrir de nouveaux chemins d'accès aux
ressources et créer un centre de recherche minérale et en
tourisme, pour créer un certain nombre d'infrastructures
touristiques.
Par ailleurs, d'autres projets d'ententes ont été ou
seront bientôt déposés sur la table de négociation.
Par exemple, une entente sur le parc industriel aéroportuaire permettra
l'aménagement, déjà commencé, du parc industriel
relié aux cargos aériens.
Une entente sur le transport régional rapide aéroportuaire
Montréal-Mirabel; une entente sur le secteur manufacturier
prévoyant une contribution financière importante sur certains
dossiers moteurs de développement.
Plusieurs de ces dossiers feront l'objet de notre préoccupation.
A la suite de l'énumération de ces diverses ententes, il
m'apparaît opportun de vous indiquer comment l'OPDQ procède dans
leur préparation.
D'abord, l'OPDQ a préparé, avec les ministères du
Québec, une première programmation de cinq ans de certaines
activités jugées significatives à l'intérieur du
processus budgétaire régulier. Les projets découlant de
cette programmation ont ensuite été acheminés au Conseil
du trésor et aux groupes ministériels des affaires
économiques et du développement régional.
Ensuite, une seconde version à cette programmation se croisant a
été présentée au ministère de l'Expansion
économique régionale pour fins de négociation. Enfin, les
ententes auxiliaires sont signées et administrées par un
comité directeur dont le secrétariat est assuré par
l'OPDQ.
Comme on peut donc le constater, il s'agit là d'un processus
relativement complexe, mais, cependant, le climat actuel des relations entre
l'OPDQ et le MEER sont excellentes et la signature prochaine de trois autres
ententes auxiliaires porterait donc à sept, l'ensemble des ententes
auxiliaires découlant de l'entente-cadre de développement.
Un mot maintenant du fonds de développement régional. L'an
dernier, nous avions indiqué que le gouvernement avait l'intention de
créer un fonds régional de développement qui ferait appel
à des sources uniquement québécoises. En 1975/76, ce fonds
régional de développement a été constitué
pour un montant de $42.6 millions. Il est composé d'un montant de $32.7
millions, affectés à des ministères maîtres d'oeuvre
et, comme je le mentionnais, il y a quelques instants, $9.9 millions sont
prévus pour des projets et activités qui seront définis en
cours d'année.
Ce fonds répond essentiellement à deux
préoccupations majeures. La première préoccupation est
celle d'octroyer à l'OPDQ un moyen d'intervention supplémentaire
aux fins de développement régional. Ce moyen d'intervention peut
être utilisé à l'occasion d'une rallonge budgétaire
à accorder à certains ministères sectoriels qui, selon
leur vision propre, n'auraient pas jugé opportun d'indiquer que ce
projet est prioritaire dans leur budget régulier, mais qui, au nom du
développement régional, s'avère important.
En second lieu, à l'intérieur de ce fonds de
développement régional, l'OPDQ a, dans le courant de
l'année, la possibilité de certaines interventions pour des
projets et activités qui sont de-
venus nécessaires ou qui apparaissent nécessaires,
à la suite de travaux de planification et de développement
régional. Comme ce fonds était nouveau et qu'il fallait
éviter certaines règles administratives concernant son
utilisation, des séances de travail plus particulières ont
été tenues entre des responsables du Conseil du trésor et
des responsables de l'OPDQ. Les deux organismes se sont entendus sur un certain
nombre de critères administratifs, par exemple que tous les projets
amorcés par le fonds soient entièrement financés par lui,
pour ce qui est de la partie gouvernementale. C'est-à-dire qu'il n'y ait
pas de participation financière des ministères ou organismes du
Québec autres que l'OPDQ, ni en 1975/76, ni au cours des années
ultérieures, pour compléter les projets lancés en 1975/76,
sauf sur des projets spécifiques et après entente avec le Conseil
du trésor; que les montants du fonds ne se substituent pas à la
participation prescrite des municipalités ou des organismes locaux dans
des programmes réguliers du gouvernement du Québec ou du
gouvernement du Canada; que le fonds ne s'engage que dans des projets du
domaine public, c'est-à-dire qu'aucune subvention ne devrait être
accordée à des individus ou à des entreprises à but
lucratif, sauf sur des projets spécifiques et après entente avec
le Conseil du trésor; que, dans le cas de nouveaux équipements
destinés à des organismes ou aux collectivités locales, on
se préoccupera que les organismes responsables de son utilisation soient
en mesure d'assurer les frais d'exploitation sans devoir recourir
nécessairement à des subventions gouvernementales
spéciales; que, dans la mesure du possible, dans les projets
d'équipements destinés à des organismes ou aux
collectivités locales, ceux-ci contribuent à défrayer une
partie des coûts d'immobilisation; que le fonds ne finance pas, en partie
ou en totalité, des services de la dette, car ces engagements financiers
s'étendraient alors sur une période trop longue; que le fonds, en
partie, puisse servir à terminer certains projets lancés dans le
cadre d'ententes régionales qui ne peuvent être assumées
entièrement par ces ententes ou par les budgets réguliers des
ministères; que les projets financés, en tout ou en partie, par
le fonds devront recevoir, avant d'être amorcés, le visa de
conformité de l'office et leur gestion financière tiendra compte
des éléments de coordination prévus à la directive
du Conseil du trésor à ce sujet, c'est-à-dire
l'établissement d'un système de comptabilité auxiliaire et
la présentation mensuelle d'un état d'évolution des
dépenses.
J'ai voulu vous mentionner ces conditions, parce que je veux bien que
l'on comprenne que le fonds de développement régional est soumis
à au moins autant de règles administratives que les autres
programmes administrés par l'OPDQ.
Un mot sur la planification socio-économique et sur la
planification régionale.
Comme je l'ai indiqué précédemment, les
crédits de l'office pour des travaux de planification sont passés
de $800,000, en 1974/75, à $2 millions, en 1975/76. Il s'agit, comme on
le constate bien, d'une augmentation importante. Ces crédits permettront
à la fois de poursuivre les travaux généraux de
planification socio-économique d'ensemble et d'entreprendre la
fabrication de schémas régionaux de développement et
d'aménagement.
Quant à la planification d'ensemble, les effectifs de la
direction de la planification ont été modifiés
récemment, passant de 36 à 49 personnes et le nombre de cadres a
été augmenté de 7 à 14. Ces chiffres indiquent bien
la volonté de l'office d'assumer pleinement ses responsabilités,
en cette matière. Cette direction a, comme mandat, de définir
l'orientation du développement socio-économique et d'organisation
du territoire du Québec à moyen et long terme, en tenant compte
de la situation du Québec dans le contexte canadien et
international.
Elle a plus spécifiquement pour mandat, de concevoir et
d'améliorer les méthodes, mécanismes et outils
nécessaires à la planification, de travailler très
étroitement avec les services de planification des ministères et
organismes gouvernementaux aux fins d'animer, de coordonner les
activités de planification au Québec, de maintenir, à
cette fin, des liaisons permanentes avec les ministères et organismes du
gouvernement québécois et ceux de l'administration
fédérale, des milieux scientifiques et du secteur privé,
à effectuer ou faire effectuer des recherches, études ou
enquêtes nécessaires, à produire périodiquement des
rapports techniques et des documents synthèses d'orientation comprenant
l'analyse des tendances, les problèmes, les perspectives et les options
et, à proposer les objectifs de priorités politiques, à
donner des avis sectoriels sur les plans, projets d'études et de
réalisations à caractère économique et
socio-économique dans lesquels l'office est impliqué.
Pour accomplir son travail, la direction générale de la
planification comprend quatre directions synthèses et neuf services
d'études sectorielles Par ailleurs, la direction de la planification a
travaillé, l'an dernier, sur la mise au point d'un dossier sur
l'aménagement du territoire, ce qu'on appelle le cahier jaune. Des avis
reçus du conseil de la planification et du développement et des
ministères consultés soulignaient l'absence, dans ce document,
d'une proposition, d'une stratégie de développement
économique et d'un éventail d'options d'aménagement du
territoire.
Suite à la publication du livre jaune, un certain nombre de
rapports traitant du développement économique ont vu le jour et
la direction de la planification en a fait l'analyse. Cette analyse a permis de
constater plusieurs lacunes que le programme de recherche et de la
planification visera à combler au cours de la prochaine année. On
note, entre autres, que ces rapports et études économiques font
amplement état des diagnostics de l'économie
québécoise, des points faibles, des handicaps, des causes
à structure industrielle actuelle, mais insistent peu sur les potentiels
et les opportunités sur lesquels pourrait s'appuyer le
développement économique futur du Québec, dans la mesure
où le Québec ne peut être qualifié de grand pays
industriel.
Il nous faut donc nous spécialiser de manière très
sélective dans les domaines où il y a de bonnes chances
d'exporter et donc d'être concurrentiels. Il est impérieux de
faire une évaluation serrée de nos avantages comparatifs existant
au potentiel. Dans cette optique, il nous faudra tenir compte des aspirations
sociales et des incidences spatiales du développement. Il nous faudra
tenir
compte également des règles du jeu du commerce entre pays,
de la division internationale du travail, des stratégies des
multinationales, de la demande future de technologie et ainsi de suite.
Il s'agit, comme vous le constatez bien, d'un dossier complexe et vaste
qui demande du temps, de la réflexion et de la consultation. Nous
espérons bien, au cours de l'année 1975/76, produire un rapport
synthèse qui sera suffisamment présentable pour fins de
discussions publiques.
Quant à la planification régionale, lors de la
défense des crédits, l'an dernier, nous avions indiqué:
"L'office amorce la création de schémas de développement
et de l'aménagement pour chacune des régions du Québec.
Où en sommes-nous rendus dans ce travail? Nous pouvons indiquer que nous
marquons un très net progrès. Tout d'abord, au plan des
structures, trois éléments méritent d'être
indiqués, à cet égard. Tout d'abord, nous avons
augmenté considérablement l'équipe de permanents qui
travaille sur l'élaboration des schémas régionaux. D'une
quinzaine de personnes qui travaillaient, l'an dernier, nous avons maintenant
un plan d'effectif d'environ 45 personnes qui travailleront à temps
plein sur l'élaboration de tels schémas. Ces effectifs sont
groupés au sein de quatre directions régionales, la direction
régionale de développement de l'Est, du Nord-Ouest, de la
Côte-Nord, du Saguenay-Lac-Saint-Jean et du Nouveau-Québec;
deuxièmement, la direction régionale de développement de
l'Estrie, Trois-Rivières et de l'Outaouais; troisièmement, la
direction régionale de développement de Québec et,
quatrièmement, la direction régionale de développement de
Montréal.
En second lieu, nous avons constitué, dans le cours de
l'année, un comité interministériel de
l'aménagement du territoire. C'est un comité constitué de
onze sous-ministres qui se réunissent à tous les quinze jours
pour analyser différents dossiers d'aménagement du territoire et
du développement régional. Ce comité étudie donc de
multiples dossiers allant de l'analyse de projets de loi à
caractère de zonage jusqu'à des projets précis
d'intervention dans différentes régions du Québec. Il est
amené à formuler les avis qui sont acheminés au groupe
ministériel des affaires économiques et du développement
régional. L'OPDQ en assume le secrétariat technique.
Enfin, le troisième élément de cette structure est
justement le groupe ministériel des affaires économiques et du
développement régional composé d'une douzaine de ministres
dont nous avons déjà parlé l'an dernier et qui se
réunissent maintenant à chaque semaine tous les jeudis matin
à 8 h 30. Ce groupe des affaires économiques et du
développement régional que je préside, étudie les
conséquences en termes de développement ou encore les
problèmes de coordination interministérielle de multiples
dossiers à caractère économique et le développement
régional.
Voilà donc pour ce qui est des structures. Disons maintenant un
mot rapide concernant le contenu et les échéanciers des
schémas de développement et d'aménagement régional.
Quant au contenu du schéma, celui-ci comprendra les
éléments suivants: une analyse de l'ensemble des activités
socio-économiques effectives et potentiel- les d'une région et
des problèmes reliés au territoire; une série d'options
qui permettront des choix collectifs; une batterie d'objectifs de
développement et d'aménagement régional; une programmation
des activités gouvernementales correspondant aux objectifs retenus.
Quant à la période couverte, les schémas fixeront des
objectifs de développement et d'aménagement à long terme
on parle de quinze ans de manière à cadrer les
actions à court terme peut-être trois ans qui
permettront de les atteindre. Quant à l'espace considéré,
les schémas s'élaborent sur la base des régions
administratives telles qu'elles ont été définies en 1966
par le ministère de l'Industrie et du Commerce.
Quant au processus de planification, il permet la mise à jour des
dossiers, d'inventaires et d'analyses, de façon systématique et
continue. La problématique, les options, les objectifs et la
programmation seront révisés à tous les trois ans.
En terminant cet exposé du début, je voudrais mentionner
combien je suis heureux de la collaboration de tous mes collègues au
groupe ministériel des affaires économiques et du
développement régional, en particulier de mes collègues
qui sont responsables avec moi de l'administration, des relations de la
corporation de l'OPDQ avec le Conseil exécutif, les deux ministres
d'Etat, le député de Chauveau et le député de
Joliette. Je voudrais simplement souligner l'excellent travail du
président directeur général et de son équipe
à l'OPDQ, un travail que je considère extrêmement important
et qui ne peut se faire que par une équipe très dynamique. Je
dois reconnaître qu'à l'OPDQ il y a une équipe dont il me
plaît de souligner l'esprit de travail, l'initiative, le dynamisme. Je
crois que mes collègues partagent cette opinion, surtout lorsqu'on voit
le travail quotidien et hebdomadaire qui se fait et les rapports rapides qui
sont donnés. En même temps, lorsqu'on voit le travail
considérable de négociation qui se poursuit et la façon
dont on aboutit positivement à des actions concrètes à
l'avantage des régions du Québec, je ne puis faire autrement que
rendre ce témoignage à l'équipe qui m'appuie dans mes
efforts.
Le Président (M. Gratton): Avant de céder la parole
au député de Chicoutimi, vous me permettrez sûrement de
remplacer parmi les membres de la commission M. Lacroix par M. Quenneville.
M. Bédard (Chicoutimi): Aucune objection. Le
Président (M. Gratton): Le député de...
M. Levesque: M. le Président, simplement une question de
procédure, vu qu'on est dans la procédure. J'avais
mentionné au ministre d'Etat, le député de Joliette,
responsable de l'ODEQ, que vu la présence des officiers de Rimouski de
l'ODEQ ici, nous pourrions procéder cet après-midi. Après
consultation avec le député de Chicoutimi en particulier, on
demande de remettre à ce soir l'étude des crédits, parce
qu'on ne s'attendait pas à les étudier cet après-midi. Si
on pouvait le faire ce soir...
M. Bédard (Chicoutimi): La raison principale,
en fait, est que la responsabilité du dossier appartenait au
député de Saguenay. Maintenant, étant donné qu'il
est occupé en même temps comme critique au niveau de la commission
des richesses naturelles, à ce moment, je prendrai le temps
nécessaire pour pouvoir me mettre au courant du dossier et poser les
questions qui s'imposent.
M. Levesque: On commencera ce soir par les crédits au nom
du premier ministre, c'est-à-dire les programmes 1, 2 et 3, je crois,
dont on dispose normalement assez rapidement.
Je ne sais pas ce soir ce qui va se passer. Ensuite, on reprendra, si on
le veut bien... S'il y avait des changements, on pourra toujours se
consulter.
M. Bédard (Chicoutimi): On s'ajustera en
conséquence.
M. Levesque: C'est pour les fonctionnaires que je parle, parce
que nous serons ici de toute façon, mais c'est pour qu'ils
sachent...
M. Bédard (Chicoutimi): Je suis bien d'accord. C'est dans
cet esprit que j'ai accepté d'accomoder le député de
Saguenay, en tenant compte également du fait qu'il y a plusieurs
fonctionnaires qui se sont déplacés pour venir à
l'étude de ces crédits.
M. Levesque: II y avait un autre point aussi. Le ministre d'Etat,
député de Chauveau, va poursuivre cet après-midi avec vous
l'étude des crédits relativement à l'OPDQ, les
programmes.
Le Président (M. Gratton): Le député de
Chicoutimi.
M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, tel que
l'a fait remarquer le ministre tout à l'heure, il nous a livré un
aperçu général du travail du ministère dont il a la
responsabilité. Naturellement, nous pourrons procéder dans
quelques minutes à une discussion générale
là-dessus. Maintenant, étant donné que pas mal de chiffres
ont été apportés et que nous n'avons connu le contenu du
discours du ministre qu'au moment où il l'a fait, je m'imagine que, pour
une discussion générale éclairée et efficace, il y
aurait avantage à ce que nous ayons une copie de cet exposé. Il
s'agira de nous le fournir dans quelques minutes, à moins qu'on n'ait
objection.
M. Levesque: Les chiffres, oui, tout est dans cela.
M. Bédard (Chicoutimi): C'est-à-dire avoir une
copie de votre exposé.
M. Levesque: C'est parce que je les ai changés à
mesure, c'est pour cela que...
M. Bédard (Chicoutimi): II y a tellement de millions de
dollars.
M. Levesque: Je vais essayer de vous donner les chiffres
pertinents. Vous pouvez continuer.
Commentaires de l'Opposition
M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, lors de
l'exposé du ministre, tel qu'on l'a vu, on a pu s'en rendre compte, il y
a eu beaucoup de temps qui a été consacré à
l'analyse des dessous comptables qui nous ont amené l'image d'une danse
de millions qui semble, à prime abord, très impressionnante et
aussi donne l'impression qu'il y a beaucoup plus de millions que n'en a
laissé entendre le ministre dans son exposé, qui sont à la
disposition de l'OPDQ.
Je crois que les dessous comptables ont leur nécessité,
mais j'ai quand même été surpris de voir que cela occupait
une grande partie de l'exposé du ministre, parce que notre
préoccupation, au niveau de l'Opposition, est moins de connaître
cette comptabilité, ces jeux comptables, que de savoir
précisément jusqu'à quel point l'Office de planification
remplit son rôle, à savoir celui de planifier le
développement du Québec. Il est clair que le fait qu'il y ait
plus d'argent à la disposition du ministère, ne donne pas comme
conséquence nécessaire qu'il y a plus de planification de la part
de l'OPDQ, parce qu'on pourrait très bien concevoir un organisme de
planification qui n'aurait que son budget interne à sa disposition et
qui pourrait, à ce moment, remplir un rôle de planification de
tout premier ordre.
M. le Président, il est clair que nous y reviendrons dans la
discussion générale, mais l'augmentation de crédits, les
jeux comptables, dont on nous a fait état, ne sont pas synonymes de
concrétisation des schémas d'aménagement ou schémas
de développement régional qui sont nécessaires au
développement ordonné du Québec.
Pour ma part, M. le Président, au début de l'étude
de ces crédits, je voudrais me faire le porte-parole d'une forte
inquiétude que traversent les milieux municipaux, les CRD et tous les
citoyens qui sont engagés, de quelque façon que ce soit, dans
l'évolution progressive du Québec.
Ces inquiétudes, M. le Président, concernent la
planification. D'ailleurs, elles sont d'autant plus dans l'ordre que j'ai
remarqué que le ministre, dans son exposé, a été
très savoureux lorsque, à un certain moment, il a cru bon de dire
c'est son expression un mot sur la planification. En ce qui nous
regarde, on va essayer d'en dire un peu plus que cela et d'espérer avoir
des réponses, de la part du gouvernement, qui peuvent nous prouver non
seulement qu'il y a des crédits supplémentaires qui sont
octroyés au ministère, mais surtout qu'il se fait plus de
planification dans le Québec qu'il ne s'en faisait auparavant, et
d'avoir la conviction qu'en ce qui a trait à la planification, ce n'est
pas la situation de bordel qui continue.
Enfin, M. le Président, ces inquiétudes, comme je l'ai
dit, tant des CRD et des conseils municipaux que des agents
intéressés au développement, concernent la planification.
En fait, ce que tout le monde se demande ces temps-ci, ce sont les raisons
réelles qui font que nous disposons de douzaines d'excellentes
études de planification pour la plupart des régions du
Québec, que ces études sont commentées, analysées
dans les journaux, dans les conseils municipaux, dans les CRD, mais que,
lorsqu'on a fait le tour, il n'y a
strictement aucune application de ces études, et je parle tout
particulièrement des études concernant l'affectation des
sols.
En effet, de ce côté, tout semble être
inventorié, région par région. La plupart du temps, des
propositions précises et sérieuses ont été faites,
à savoir qu'il faut créer un parc à tel endroit,
réserver tel endroit à l'agriculture, aménager un port
ici, veiller, à cet endroit, à la qualité des
équipements touristiques, etc. Tout cela, on le sait, et si le
Québec n'avait pas d'études de planification dans les
années soixante, maintenant, il semble qu'il y en ait trop, et de plus
en plus de gens inquiets se demandent à quoi tout cela mène,
toutes ces études, puisque aucune n'est appliquée
systématiquement, puisque aucun mécanisme légal, puisque
aucune structure de pouvoirs n'existe pour appliquer ces brillantes
études menées, pour la plupart, par l'OPDQ ou encore des firmes
spécialisées.
En parodiant Napoléon, on pourrait dire que la planification, M.
le Président, est un art qui est tout d'exécution. On se demande
si ces études n'ont pas pour but, finalement, de calmer la population,
de lui faire croire que quelqu'un, quelque part, pense sérieusement
à coordonner ensemble les diverses actions ministérielles et
municipales.
Nous l'avons déjà mentionné, M. le
Président. La planification au Québec, de ces temps-ci, semble
avoir dégénéré puisque, d'une part, on
néglige la coordination des actions municipales, et je pense ici
à la loi-cadre sur l'urbanisme, cette loi qui deviendra bientôt un
mythe, si cela continue, et que, d'autre part, la seule éruption des
actions planificatrices semble être ces ententes auxiliaires qu'on
annonce, comme une nouvelle marque de savon, périodiquement.
Il s'agit nettement de projets pièce à pièce, sans
vision d'ensemble, et qui, la plupart du temps, étaient
déjà dans les cartons des ministères concernés,
comme l'autoroute de l'acier, par exemple, et bien d'autres projets.
M. le Président, la planification est devenue une manière
de faire donner de l'argent par le fédéral à un projet
précis. Ces ententes peuvent bien tenter de planifier le
fédéralisme, mais qu'on ne vienne pas nous faire croire qu'elles
planifient le Québec, qu'elles tentent de sauver la culture
laitière sur la rive sud de Montréal ou de prolonger le chemin de
fer dans le nord de la Gaspésie. Et on pourrait ajouter bien d'autres
exemples, ce que nous ferons dans la discussion générale.
M. Levesque: C'est un vieux texte...
M. Bédard (Chicoutimi): Si on tente, M. le
Président... Non, c'est un vieux texte... Ce n'est pas le même que
celui de l'an passé...
M. Levesque: Quand on parle du chemin de fer...
M. Bédard (Chicoutimi): ... mais on s'aperçoit
qu'avec le travail qui a été fait, il y a lieu de toujours
revenir à la question principale, à savoir jusqu'à quel
point cet Office de planification n'est-il qu'une façade et
jusqu'à quel point on peut se rendre compte qu'il... En fait, il faut se
creuser la tête pour essayer de voir s'il planifie vraiment le
développement ordonné du Québec.
Si on tente, M. le Président, de laisser de côté ces
exercices à la pièce que sont les ententes auxiliaires et qu'on
va au fond du problème, on y trouve simplement l'absence de pouvoirs
régionaux pour appliquer des études d'affectation des sols qui
sont, d'ailleurs, presque toutes terminées et dans les cartons des
différents ministères.
On connaît ce qu'il faut faire, mais il manque une volonté
politique, du simple courage pour mettre en place les moyens de planifier. Ce
devrait être la principale préoccupation du ministre au lieu de
l'OPDQ, au lieu que l'OPDQ soit une filiale du ministère des Affaires
intergouvernementales.
Bien sûr, M. le Président, le ministre vous allez
vous rendre compte que le texte n'est pas si vieux que cela, cela ne fait pas
si longtemps que cela qu'elles sont signées, vos ententes auxiliaires
bien sûr...
M. Levesque: Je ne parle pas de tout le texte. Lorsque j'ai
parlé du texte...
M. Bédard (Chicoutimi): Vous avez dit simplement un mot
sur la planification. On va essayer d'en dire un peu plus.
M. Levesque: C'est lorsque le député a
mentionné le chemin de fer en question; évidemment, c'est un peu
vieux, cette histoire. Depuis ce temps...
M. Bédard (Chicoutimi): II n'y a rien de...
M. Levesque: ... il y a eu une route de construite...
M. Bédard (Chicoutimi): .. trop vieux pour vous rappeler
que...
M. Levesque:... à même les fonds du chemin de
fer.
M. Bédard (Chicoutimi):... votre idée de
planification est peut-être vieille aussi, cette idée que vous
faites miroiter, vraiment, avec l'OPDQ, de donner au gouvernement un
véritable instrument de développement planifié. C'est une
vieille idée, quand même. Mais on s'aperçoit que,
même si elle est vieille, elle n'a pas mûri dans l'esprit du
gouvernement et elle ne nous donne pas plus d'éléments pour
croire qu'il se fait vraiment un travail de fond en termes de
planification.
M. Levesque: Je pensais que le député en aurait
profité pour nous féliciter pour les projets de sa région.
Non, mais l'infrastructure industrielle, etc.
M. Bédard (Chicoutimi): C'est un projet de quelque
$3,100,000. Vous ne voulez quand même pas que, pour toute une
région, on se mette à genoux et qu'on tombe dans des
félicitations à n'en plus finir...
M. Levesque: C'est du concret.
M. Bédard (Chicoutimi): ... parce qu'enfin, un
projet qu'on annonçait depuis quatre ou cinq ans est venu au
terme de la réalisation. Il me semble que c'est le minimum...
D'ailleurs, on aura l'occasion d'en discuter lorsqu'on...
M. Quenneville:... on avait parlé pour...
M. Bédard (Chicoutimi): ... saura ce que le
ministère responsable de l'OPDQ réserve vraiment pour la
région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Il n'y a pas seulement le parc
industriel. Il y a bien d'autres projets...
M. Quenneville:... on volait...
M. Bédard (Chicoutmii): ... dont nous aurons l'occasion de
discuter tout à l'heure pour savoir si l'OPDQ a été
vraiment sensibilisé par qui de droit.
M. le Président, bien sûr, le ministre nous annonce ces
fameuses ententes auxiliaires et nous lui posons des questions sur telle
entente ou sur la date de signature de telle autre entente. Le jeu du ministre
est visible, même s'il ne s'en rend pas compte lui-même. Tout se
passe comme si on voulait faire croire à la population, et même
aux députés de cette Chambre ou aux fonctionnaires de l'OPDQ, que
planifier signifierait se livrer à ces jeux publicitaires que sont les
ententes auxiliaires. Jamais on a tenté de réduire la
planification et le développement d'un pays à des données
aussi restreintes. Mais les vraies questions, M. le Président, celles
dont le ministre a soigneusement évité de parler, ce sont
celles-ci: Pourquoi, malgré toutes les promesses faites depuis des
années, rien de concret n'a-t-il été mis en place pour
protéger les sols arables au Québec, si bien et cela vous
le savez, M. le Président qu'il disparaît une ferme, toutes
les trois heures, maintenant, au Québec?
Les études sont faites. On connaît les sols à
protéger, mais rien ne bouge. Le gouvernement est empêtré
dans ses petits amis qu'il dérangerait en combattant la
spéculation foncière. A moins que ce soit l'immobilisme
caractérisé qui fait que le Québec apparaît comme le
paradis des spéculateurs, j'invite le ministre, juste pour son plaisir,
à comparer la loi de l'Ontario ou de la Colombie-Britannique au
laisser-faire qu'on retrouve ici.
Il y a une autre question dont le ministre a soigneusement
évité de parler. Pourquoi le ministre des Affaires municipales
retarde-t-il le projet de loi sur l'urbanisme et l'aménagement du
territoire, cette loi qui doit être la clé de voûte de toute
mise en place concrète de la planification du sol
québécois? Toutes les études faites et qu'on peut imaginer
qui devraient être faites ne demeureront que des masses de papier sans
valeur tant que les municipalités n'auront pas concrétisé
les schémas par des règlements de zonage pensés
régionale-ment, c'est-à-dire les mécanismes prévus
dans cette loi, dont un avant-projet, qui comportait des trous, mais qui, au
moins, avait le mérite d'exister et de constituer un départ, a
été déposé puis retiré sans raison
sérieuse en 1972.
Quand on pense que le rapport LaHaye, qui se veut à l'origine de
cette loi, date déjà de 1968, on réalise que la
planification n'existe encore que de nom au Québec et, pire, cela ne
préoccupe pas beaucoup le ministre, puisqu'il ne nous en parle pas.
Comme le disait son exposé, il n'a qu'un mot à nous dire
concernant la planification.
Dans le même sens, M. le Président, je pose la question au
ministre et à son collègue des Affaires municipales, quelles
actions a-t-il posées pour contrer la spéculation foncière
à l'intérieur des villes? Le ministre des Affaires municipales
nous a fait la réponse la plus insignifiante qu'on puisse imaginer,
c'est celle-ci, textuellement: Je veux observer les effets de la loi ontarienne
avant d'agir. Quand on sait qu'une telle loi prend au moins cinq ans avant de
faire sentir des effets réels, on réalise qu'avec cette
prétendue prudence qui n'est qu'une justification assez malhabile de
l'immobilisme, cela ramène une action sur le terrain d'une future loi
québécoise à près de dix ans. D'autre part, le
ministre des Affaires municipales et l'OPDQ aussi même si
c'est le ministre des Affaires municipales qui cristallise l'inaction
gouvernementale en ce moment, ne connaît absolument pas la portée
de la spéculation foncière intra-urbaine et, d'ailleurs, cela ne
semble pas l'intéresser plus qu'il ne le faut. Il raisonne ainsi,
m'a-t-il semblé, lors de l'étude des crédits de son
ministère. Il prétend que la spéculation n'est pas si
grave que cela, que nous pouvons nous permettre d'attendre et de voir les
conséquences, comme je disais tout à l'heure, de la loi
ontarienne. Par contre, le ministre nous dit qu'il n'a aucune étude sur
la gravité de la spéculation foncière et, d'ailleurs, il
ne croit pas que la situation soit si grave que cela.
De ces problèmes qui regardent vraiment la planification
lorsqu'on parle vraiment de planification, les deux plus importants, et de
très loin, qui confrontent la planification au Québec,
c'est-à-dire l'affectation des sols déterminés non plus
dans de beaux schémas théoriques, mais bien dans des lois et des
règlements et aussi la spéculation foncière, les deux sont
les deux côtés d'une même médaille. Sur ces deux
points chauds de la planification au Québec, on n'annonce absolument
rien du côté de l'OPDQ, comme si l'influence négative du
ministre des Affaires municipales avait contaminé l'OPDQ
lui-même.
Le ministre a beau nous annoncer les ententes auxiliaires qu'il voudra,
tant que l'OPDQ ne sera pas en train d'appliquer sur le terrain, avec les
municipalités, et les organismes régionaux, une politique
d'affectation des sols, l'OPDQ, c'est notre humble opinion, ne sera qu'un
paravent de plus en plus transparent au refus du gouvernement de s'attaquer aux
vrais problèmes.
D'un côté, il y aura les belles études sur les
bureaux de l'OPDQ, et, de l'autre, des intérêts très
particuliers qui continueront à modeler le territoire du Québec
à leur guise, à courte vue, et dans la seule optique de leur
profit personnel. Planifier, nous le savons, n'est pas uniquement faire des
études de planification, c'est aussi peser le terrain. Je
répète que la planification est un art, mais qu'il est fait
d'exécution. L'exécution se fait attendre trop longtemps, de la
part de ce ministère.
Le Président (M. Gratton): Messieurs, le programme 4
est-il adopté?
Une Voix: Adopté.
M. Bédard (Chicoutimi): Au niveau de la discussion
générale, le ministre serait-il en mesure de
nous donner la liste des ententes ou des projets qui font l'objet de
négociation, à l'heure actuelle, avec le
fédéral.
M. Lachapelle: M. le Président, je croyais que les
ententes auxiliaires n'étaient pas importantes, d'après ce que
vous venez de dire.
Ententes auxiliaires
M. Bédard (Chicoutimi): Si vous avez à
répondre à tout cela, parlez-moi de la spéculation
foncière, parlez-moi des vrais problèmes de la planification. On
peut en parler. Je n'ai pas dit que ce n'était pas important. Je vous ai
dit que ce n'était pas cela la planification. Qu'on n'essaie pas de nous
faire accroire, avec une danse de millions et la danse de multiples ententes
auxiliaires, qu'à ce moment on peut s'assoir et prétendre qu'on a
fait de la planification au Québec. Si vous pensez que vous en avez
fait, il s'agit pour vous de nous le démontrer.
M. Lachapelle: Je posais tout simplement la question, M. le
Président, parce que le député de Chicoutimi semblait si
peu accorder d'importance aux ententes auxiliaires, et sa première
question porte précisément sur les ententes auxiliaires. Je me
demandais si...
M. Bédard (Chicoutimi): Je vous demande la liste. Je ne
vous ai pas dit que je passerais deux heures là-dessus. Voulez-vous me
la donner?
M. Lachapelle: Je me demandais quelle conséquence il y
avait dans vos propos.
M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, je vois
que le gouvernement n'a pas grand-chose à répondre, en fait,
concernant une discussion de fond sur la véritable planification. Nous
passons, comme il se doit, à la période de questions concernant
les crédits.
M. Lachapelle: Si je comprends bien...
M. Bédard (Chicoutimi): Vous me permettez, deux secondes?
Si vous préférez une question peut-être plus
générale, je vais vous la poser. Au point de vue de la
planification en général, où en est la loi-cadre sur
l'aménagement du territoire, dont un avant-projet a été
déposé en 1972? Je voudrais savoir qui s'en occupe, au
gouvernement et qu'est-ce qui la retarde d'une façon aussi
inacceptable.
M. Lachapelle: On peut bien parler de la planification de
façon générale. C'est peut-être cela qui serait le
sujet à aborder.
M. Bédard (Chicoutimi): Pourvu que vous disiez quelque
chose, allez-y.
M. Lachapelle: Je tiens pour acquis que vous voulez que nous
disions quelque chose.
M. Bédard (Chicoutimi): Si c'est seulement acquis que vous
avez quelque chose à dire.
M. Lachapelle: De façon générale, M. le
Président, il faut bien se situer dans le contexte qui est celui du
Québec présentement et dans celui qui a été notre
contexte depuis quelques années, ici, au Québec, au sujet de la
planification. Le concept lui-même de la planification, à quelque
niveau que ce soit, en est un qui est encore, reconnaissons-le, et à
tous niveaux, dans un processus d'évolution. D'ailleurs, ce qui a
été noté tout à l'heure, par le ministre
responsable, quant à la nouvelle orientation, et je souligne bien cette
nouvelle orientation de l'OPDQ, non pas qu'elle soit tellement
différente de ce qui a existé jusqu'à maintenant, mais
qui, quand même, reflète une volonté politique certaine,
c'est précisément dans le but d'en arriver à une
planification, dans son sens le plus large, qui soit encore mieux
coordonnée et encore plus systématique dans son
élaboration.
D'ailleurs, le travail qui s'est effectué cette année, si
ce n'est que la refonte des structures de l'OPDQ a précisément eu
pour but de faire refléter davantage cette volonté politique de
s'engager dans un processus de plus en plus évident de planification au
niveau provincial et, par la suite, par voie de conséquence, aux autres
niveaux.
D'ailleurs, non seulement la refonte des structures de l'OPDQ, mais
également ce grand thème qui est celui de l'élaboration
des schémas régionaux démontrent également cette
volonté de s'engager de plus en plus dans un processus de planification.
De ce travail des schémas régionaux découleront
nécessairement des actions ponctuelles dans un très proche
avenir. Qu'il s'agisse, au niveau du tourisme, d'une loi-cadre pour les parcs,
qu'il s'agisse du zonage agricole le discours du trône en faisait
mention qu'il s'agisse d'une loi-cadre d'urbanisme qui a
été déposée il y a quelques années, mais
laissée à la réflexion de la collectivité, ce sont
autant d'instruments qui illustrent que non seulement il y a une volonté
politique de planifier, non seulement il y a un besoin de faire des
études en ce sens, mais il faudra ceci va se produire
déboucher sur des actions concrètes.
M. Bédard (Chicoutimi): Si vous permettez, ces trois lois
dont vous nous parlez, cela fait au moins trois ans qu'elles reviennent
constamment.
M. Lachapelle: C'est possible. Quand même, c'est comme pour
toute pièce de planification...
M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce que c'est un thème,
la planification?
M. Lachapelle: ... pour tout travail de planification qui est
fait à l'OPDQ, si je le prends à titre d'exemple. Nous le
fabriquons, c'est-à-dire dans le sens que nous le produisons, et nous le
laissons à la consultation générale. Ce processus en
lui-même en est un qui prend du temps. Je pense que c'est tout à
fait normal que cela se déroule de la sorte. Il faut qu'il y ait
matière à réflexion; il faut que la volonté locale
s'exprime; il faut que les intérêts, si valables soient-ils, qui
sont fort divergents dans une collectivité, s'expriment et c'est
exactement l'exercice auquel nous nous sommes livrés et auquel nous
allons nous livrer davantage. Je pense que cela est tout à fait
normal.
M. Bédard (Chicoutimi): C'est un thème.
M. Levesque: Ce que le ministre vient de dire, c'est exactement
le sens des remarques plus générales que j'avais faites au
début, mais si le député de Chicoutimi persiste dans
je ne dis pas des accusations ses hésitations, pour
employer un terme moins fort, j'aimerais qu'il entende le président
directeur général de l'office.
M. Bédard (Chicoutimi): Je dois vous dire que ce sont
nettement des accusations.
M. Levesque: Une chance que vous avez un bon recherchiste
à côté de vous. Vous avez votre dictionnaire.
M. Bédard (Chicoutimi): II me semble que c'est clair. Si
vous voulez jouer ce thème...
M. Levesque: Je vais demander au président...
Le Président (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
J'aimerais vous inviter, tous les membres de la commission, à vous
adresser au président. Je me sens seul ici, en avant, et j'aimerais
qu'on me parle.
M. Levesque: D'accord, M. le Président.
M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, je
soulève quand même un point d'ordre.
Le Président (M. Gratton): L'honorable ministre, vous avez
la parole.
M. Bédard (Chicoutimi): Je soulève quand même
un point de règlement. Le ministre, je ne sais pas si c'est
malicieusement ou autrement, fait souvent allusion au recherchiste. Il a l'air
de vouloir laisser oublier que...
M. Levesque: Au contraire.
M. Bédard (Chicoutimi): Avez-vous la parole ou...
M. Levesque: Je ne sais pas.
M. Bédard (Chicoutimi):... la demande-t-on au
président?
M. Levesque: Si vous voulez l'avoir encore, prenez-là.
M. Bédard (Chicoutimi): II me semble que c'est la
politesse. Il veut souvent faire allusion au recherchiste. Il semble oublier
que, derrière lui aussi, il a non seulement des recherchistes, mais
passablement de monde qui a travaillé...
M. Levesque: C'est cela.
M. Bédard (Chicoutimi): ... et qui serait peut-être
plus en mesure d'expliquer son texte que lui-même n'est capable de le
faire.
M. Levesque: C'est un autre genre de politesse. Probablement que
cela vient d'un autre...
M. Bédard (Chicoutimi): Je vous retourne votre
compliment.
M. Levesque: ... souci d'objectivité.
M. Bédard (Chicoutimi): Je vous retourne votre compliment,
franchement.
Zonage
M. Levesque: M. le Président, je pense qu'en
matière de zonage, il faut distinguer deux sortes de zonage. Il y a ce
qu'on appelle le macrozonage et la microzonage. Le macrozonage, ce sont les
grands zonages au niveau de l'ensemble des régions du Québec,
pour l'ensemble du Québec, et aussi pour chacune des régions du
Québec. Pour répondre aux besoins de zonage, ce qu'on appelle le
macrozonage, on qualifie cela comme étant les grandes zones agricoles,
les grandes zones forestières, les grandes zones touristiques, les
grandes zones urbaines, les grandes zones industrielles et, à
l'intérieur de cela, je pense que le ministre La-chapelle, tout à
l'heure, l'a indiqué, et M. Levesque l'a indiqué aussi dans son
texte, il y a quatre documents, quatre textes de loi qui regroupent ces besoins
de macrozonage; d'abord, en termes de ce qu'on appelle le patrimoine historique
et culturel et de ce qu'on appelle les arrondissements naturels.
Le ministère des Affaires culturelles a, actuellement, de par sa
loi, le pouvoir de faire un macrozonage pour les zones historiques et les zones
naturelles.
D'autre part, le ministère des Terres et Forêts a, de par
le dernier dépôt de la Loi sur les réserves
écologiques, le pouvoir de décréter des réserves
écologiques très importantes. Il a aussi le pouvoir, de par sa
loi constitutive, de faire des réserves en termes de réserves
forestières, c'est-à-dire tout ce qu'on appelle les fameuses
unités d'aménagement, les 42 unités de
réaménagement, en termes d'unités de production de la
matière ligneuse. Il y a ensuite c'est M. Lachapelle qui
l'indiquait tout à l'heure aussi, actuellement en discussion, ce
qu'on appelle la loi-cadre des parcs qui va proposer un grand zonage des
principaux parcs au Québec. Il y a, en plus, le ministère de
l'Environnement, le service de l'environnement qui, à travers les
règlements administratifs, décrète un certain nombre de
zones qui apparaissent comme étant une forme de macrozonage, qui
devraient être protégées plus particulièrement quant
à des normes d'environnement.
Vous comprenez, à ce moment, évidemment, qu'avec ces
grands macrozonages, on peut arriver avec certains conflits entre
l'Agriculture, par exemple, et les Forêts. Le ministère des Terres
et forêts voudrait que telle zone soit forestière. Le
ministère de l'Agriculture dit: Je pense que cette zone doit être
agricole. Mais, sur un même territoire aussi, le ministère du
Tourisme peut dire: Je pense que ce territoire devrait être
récréatif. Pour pallier et pour faire les arbitrages, le groupe
des
ministres, le groupe ministériel aux affaires économiques
a créé ce qu'on a appelé ce qui a été
souligné dans le texte de tout à l'heure le comité
de l'aménagement du territoire. C'est un comité de onze
sous-ministres que nous présidons et dont nous assumons le
secrétariat technique, qui fait l'arbitrage au niveau des
ministères centraux à Québec, sur les arbitrages entre les
différentes propositions de zonage des ministères. C'est ce qu'on
appelle le macrozonage.
Evidemment, il y a ensuite, à l'intérieur des plans
d'urbanisme, à l'intérieur de la loi municipale actuelle... Ce
sont les municipalités qui sont chargées de faire les plans
d'urbanisme, qui doivent conduire à des plans, des propositions de
zonage, ce qu'on appelle du microzonage, c'est-à-dire, par exemple, les
zones d'habitation, les zones de centres de commerce, les parcs
récréatifs internes à une municipalité. C'est au
sein des municipalités et c'est la loi-cadre, l'avant-projet ayant
déjà été déposé, il est vrai. Mais,
étant donné le problème suivant, ce sont les
municipalités qui sont vraiment responsables même le projet
de loi-cadre le proposait du microzonage, des plans de lotissement dans
une municipalité. C'est au nom du principe suivant qui est fondamental
en termes de municipalités, à moins qu'on pose vraiment le
problème fondamental des municipalités, c'est qu'il faut que la
municipalité, parce qu'elle élit son conseil municipal, parce que
ce conseil municipal a un pouvoir de réglementation, un pouvoir aussi de
taxation... Vous savez tout le mécanisme qui existe quand on change un
règlement de zonage dans une municipalité. On va en
référendum auprès des citoyens qui se sont acheté
une propriété privée et qui ont le droit d'habiter le
territoire qui leur avait été garanti comme étant une
utilisation résidentielle X.
De la même façon, si une municipalité se doit
d'avoir des plans d'équipement pour rencontrer une extension de son
territoire dans son plan d'urbanisme, elle doit, à ce moment, aller en
référendum auprès de sa population pour lui demander si la
population est d'accord pour payer les dépenses capitales.
Il faut très bien distinguer, je pense, entre les deux niveaux,
le macrozonage et le microzonage. Le macrozonage, on a le mécanisme
interministériel au niveau des ministères et, ensuite, ce dossier
s'en va au groupe des affaires économiques du développement
régional. Mais, ce macrozonage, lui aussi, doit être
éclairé par ce qu'on appelle les schémas régionaux
de développement et d'aménagement. Ce n'est pas tout de faire du
grand zonage dans des régions, à travers l'Agriculture, les
Forêts, etc. Encore faut-il fixer des objectifs de développement,
étudier la région elle-même. C'est vrai qu'il y a beaucoup
d'études, mais on n'a pas encore des synthèses de toutes les
régions en même temps, systématiquement, dans toutes les
régions du Québec.
Or, ce qui est proposé c'est que, dans toutes les régions
du Québec, en même temps, à tous les trois ans, il y ait un
schéma d'aménagement qui va définir les options de
développement, qui va dire quelle est la problématique du
développement de cette région, quels sont les options de
développement qui sont proposées et qui sont discutées
ensuite avec les ministères, la population, les conférences,
administratives régionales?
Troisième point, quels sont les programmes gouvernementaux qui
devraient être appliqués dans ces régions et, ensuite,
quelles sont les propositions de zonage, de macrozonage ou les arbitrages, en
termes de différents ministères, qui devront s'appliquer dans
cette région?
C'est essentiellement cela, je pense, qui a été
expliqué tout à l'heure, par le ministre, M. Levesque. Je pense
que c'est un mécanisme très important, parce qu'il n'est pas
possible de faire seulement le microzonage. Il faut qu'il y ait un macrozonage
éclairé par des schémas régionaux de
développement qui vienne éclairer les plans d'urbanisme locaux
avec les microzonages qui sont la résultante des plans d'urbanisme.
Le document qui a été déposé
récemment, par M. Godlbloom, à l'Union des municipalités,
ce sont des propositions qui conduiront à la remise à jour de
l'avant-projet de loi-cadre qui avait été déposé il
y a déjà deux ou trois ans.
M. Bédard (Chicoutimi): Quand vous parlez de macrozonage,
il y en a combien de fait? Où en êtes-vous rendus, concernant les
différentes régions du Québec? Est-ce que c'est fait dans
toutes les régions du Québec?
M. Levesque: C'est-à-dire que, actuellement, au niveau des
ministères, chaque ministère il faut bien comprendre
comment les ministères fonctionnent et comment on fonctionne avec les
ministères fait une première proposition de ce qu'il pense
être le territoire des réserves écologiques, le territoire
agricole à protéger, le territoire récréatif,
etc.
Nous, en tant qu'OPDQ, nous avons essayé de faire faire
l'arbitrage entre les ministères, comme je l'expliquais tout à
l'heure. Les propositions, actuellement, en ce qui concerne les réserves
écologiquesil y avait justement, cet après-midi, une
séance avec les onze ministres nous avons sur la table,
actuellement, des propositions du ministère des Terres et Forêts,
mais il y a certains ministères qui ne sont pas d'accord avec les
territoires que le ministère des Terres et Forêts voudrait
réserver comme réserves écologiques.
Les sous-ministres examinent cela et font des propositions au palier
ministériel pour qu'on tranche finalement sur les utilisations du
territoire.
Schémas d'aménagement
M. Bédard (Chicoutimi): J'ai l'occasion d'avoir en main un
schéma d'aménagement c'est un macrozonage, j'imagine
d'ensemble de la vallée du Richelieu où on spécifie
les endroits qui seront réservés, d'une part, pour le grand parc
régional, les réserves boisées à protéger,
les réserves écologiques, les zones de préservation
agricole, les zones d'industrialisation, le périmètre
d'urbanisation à fixer, en fait, les autoroutes projetées et tout
cela. Ce que je voudrais savoir, c'est qui va décider? Il y a
différents ministères qui sont concernés par chacun de ces
problèmes.
M. Levesque: Ce n'est pas ce qui vient d'être décrit
comme le macrozonage de la province. Il ne s'agit même pas d'un
schéma régional pour une région donnée...
M. Bédard (Chicoutimi): C'est un schéma
d'ensemble.
M. Levesque: ... c'est une sous-région, à ce
moment.
M. Bédard (Chicoutimi): Quand on le prend comme exemple,
c'est un schéma...
M. Levesque: Quand on parle de régions, on parle de
l'ensemble des régions administratives, telles que définies en
1966 par le ministère de l'Industrie et du Commerce. C'est toute la
région du Saguenay-Lac-Saint-Jean; c'est toute la région du
Nord-Ouest; c'est toute la région de l'Outaouais; c'est toute la
région de l'Est du Québec; c'est toute la région de la
Côte-Nord; c'est toute la région administrative de Québec,
ce sont les dix, c'est dans ce sens qu'on parle de macrozonage.
M. Bédard (Chicoutimi): Mais, je vous donne cela à
titre d'exemple. C'est une étude, je crois, qui a été
faite par une firme, pour l'OPDQ, qui représente un schéma
d'ensemble de la vallée du Richelieu. Donc, quand vient le temps de
prendre une décision, puisqu'il y a plusieurs ministères
concernés, qu'est-ce qui arrive exactement?
M. Levesque: Un dossier comme cela est acheminé au
comité interministériel de l'aménagement du territoire
avec les sous-ministres dont j'ai parlé tout à l'heure, parce
qu'il faut bien voir que cela, c'était un rapport d'experts qui nous
avait été présenté. Il est examiné et les
ministères nous disent si, selon eux, selon ce qu'ils voient, ce qui est
proposé dans le texte est bon.
Nous, à ce moment, il faut faire la synthèse des
propositions qui peuvent être contradictoires d'un ministère par
rapport à l'autre. Parce qu'un ministère peut fort bien dire: La
réserve qui est prévue, on n'est pas d'accord, parce qu'on pense
que cela devrait être l'Agriculture. L'Agriculture dit: Je pense que cela
devrait être récréatif et vice versa. Il faut donc faire
les arbitrages et faire les propositions. Ensuite, s'il y a des conflits,
définitivement, entre des ministères au niveau administratif, il
faut que l'arbitrage se fasse finalement au palier ministériel.
M. Bédard (Chicoutimi): Par exemple, vous pourriez
peut-être nous fournir un exemple d'un macrozonage qui est
complètement fini pour l'ensemble dune région.
M. Levesque: Nous avons eu, encore tout récemment, un
exemple, seulement à titre d'illustration. Si un territoire donné
doit être affecté uniquement à l'agriculture ou si, par
exemple, il peut supporter la présence de lignes d'Hydro-Québec.
Nous avons eu un exemple comme celui-là. Il a été
étudié par le comité interministériel en question.
Les recommandations ont été apportées au groupe
ministériel des affaires économiques du développement
régional. C'est un cas particulier qui est amené ici, mais c'est
encore le même principe. C'est comment le territoire du Québec
sera affecté et quelle est la vocation de telle et telle région
ou sous-région. Dans l'illustration que je viens de donner, il
s'agissait de savoir si on exi- geait d'Hydro-Québec de modifier son
tracé pour protéger les territoires agricoles. A ce moment, il y
a un arbitrage à faire.
M. Bédard (Chicoutimi): Je pense qu'on peut assez bien
comprendre les mécanismes que vous employez pour essayer de faire la
planification. D'ailleurs, vous nous les avez explicités passablement
dans le même sens lors de l'étude des derniers crédits,
l'an passé. Où en êtes-vous rendus? Cela a
débouché sur quoi tout cela, jusqu'à maintenant, en termes
de travail et de résultats?
Le Président (M. Gratton): L'honorable ministre, le
député de Chauveau.
M. Lachapelle: M. le Président, je pense que les
incidences des schémas d'aménagement sont quand même
nombreuses. Qu'on parle de l'aménagement du bassin de la Yamaska, c'est
quand même un schéma d'aménagement. Si on parle de la zone
Mirabel, c'est quand même un schéma d'aménagement. Si on
parle du couloir fluvial de Montréal, qui devrait, je pense, aboutir
incessamment à des propositions concrètes, c'est une forme de
schéma d'aménagement. Il y a également des schémas
d'aménagement dans des régions fortement urbanisées,
telles que la Communauté urbaine de Montréal qui,
d'elle-même, a produit un schéma d'aménagement, de la
région de Québec, qui doit incessamment, si mes renseignements
sont bons, par le biais de la Commission d'aménagement, produire un
schéma d'aménagement. L'ensemble de l'est du Québec s'est
prêté en premier lieu à un schéma
d'aménagement. L'île d'Anticosti également est en voie
d'être pensée et réfléchie en fonction d'un
schéma d'aménagement. Donc, les incidences d'aménagement,
cette volonté politique de planifier, ont été
démontrées à nombre d'occasions.
Maintenant, nous allons un pas plus loin. C'est ce que nous affirmons
lorsqu'on dit que le schéma doit prendre, doit couvrir le territoire
d'une région administrative, parce que cela nous apparaît
être les frontières les plus faciles pour les fins de
l'élaboration d'un schéma. J'oubliais même l'Outaouais,
quand même, qui a fait l'objet d'un schéma d'aménagement
fort important et qui, je pense, n'est pas conclu encore, mais qui est fort
avancé. Alors, il s'agit maintenant, dans le prolongement de cette
volonté politique de planifier, d'y donner une dimension plus large
encore, qui est celle du schéma d'aménagement régional.
C'est ce dans quoi nous nous engageons présentement d'une façon
résolue, à preuve, la refonte des structures de l'OPDQ qui avait
précisément comme objectif de faire réfléter dans
les structures cette volonté politique et aussi la volonté
politique qui a été exprimée par le discours inaugural en
ce qui regarde certaines lois-cadres très particulières qui
seront déposées au cours de la session actuelle.
Parallèlement à cela, et simultanément à
cela, il y a cette planification beaucoup plus vaste pour l'ensemble du
Québec, planification socio-économique qui a connu sa
première manifestation via le livre jaune dont nous parlions l'an
passé. Voici un exemple d'un document extrêmement important, qui a
été déposé sur la table comme cela pour que d'abord
les ministères nous
disent ce qu'ils en pensent. Nous sommes en voie de digérer le
tout. Quand cela sera fait, nous allons le mettre à la disposition du
public, à toutes fins pratiques, des populations, des corps
intermédiaires, afin qu'eux aussi nous donnent le fruit de leur
réflexion. Tout ceci ne prend pas trois semaines, ni trois mois,
à moins, bien sûr, qu'on veuille enfoncer dans la gorge des
municipalités certains axes directeurs de développement, mais
cela n'a pas été notre marque de commerce jusqu'à
maintenant, et nous n'avons aucunement l'intention d'adopter ce genre
d'approche.
M. Bédard (Chicoutimi): Vous m'avez donné quelques
exemples de schémas d'aménagement par rapport à certains
projets précis qui ont pu être rendus possibles. Si on fonctionne
à partir de régions administratives complètes, est-ce
qu'il y a des schémas d'aménagement qui sont terminés pour
des régions administratives?
M. Levesque: Oui, il y a le schéma de l'Outaouais. C'est
un schéma de développement et d'aménagement, parce qu'au
niveau d'une région administrative, ce sont d'abord les objectifs de
développement qui viennent éclairer les objectifs
d'aménagement. Il y a le schéma de l'Outaouais qui est en cours
maintenant. Il y a eu une première consultation qui a été
faite au niveau du Conseil régional de l'Outaouais, il y a
déjà maintenant sept ou huit mois. Le document a
été ensuite cheminé au niveau de l'ensemble des
ministères. Nous sommes en train de compléter ce dossier. Au mois
de septembre, on aura le document pour fins d'une deuxième discussion
avec le public, ses orientations de développement et
d'aménagement de l'ensemble de la région administrative de
l'Outaouais. Donc, cela va avoir comme réaction de porter un certain
nombre de jugements sur d'autres schémas qui ont été faits
à d'autres niveaux, c'est-à-dire la Communauté
régionale de l'Outaouais pour la partie urbanisée de l'Outaouais,
le schéma de la Commission de la capitale nationale aussi, qui est un
schéma qui a été déposé récemment, de
même que le schéma de développement de l'est de l'Ontario
qui a été déposé récemment. Donc, c'est pour
la région de l'Outaouais. Il y a ensuite un autre schéma de
développement qui est en cours depuis maintenant un an et demi à
la suite de l'étude-cadre qui avait été faite dans la
région de Québec. Il y a un schéma de développement
et d'aménagement pour l'ensemble de la région administrative de
Québec, qui devra tenir compte du schéma d'aménagement de
la Communauté urbaine de Québec, qui est fait par la
communauté, comme le disait M. Lachapelle tout à l'heure. Ce sont
les deux régions actuellement où il y a des schémas de
développement et d'aménagement.
Ce qui est formulé ici, c'est que, dorénavant, ce ne sera
pas une région après l'autre où il y aura des
schémas de développement et d'aménagement, ce sont toutes
les régions en même temps, de façon systématique et
remises à jour tous les trois ans, de façon que chaque
région sache en même temps les interrelations d'une région
l'une par rapport à l'autre, les objectifs de développement qui
sont proposés, les objectifs d'aménagement aussi qui sont
proposés, les programmes gouvernementaux qui devront être
affectés par ces objectifs à atteindre en termes de
développement et d'aménagement, et aussi les conséquences
dont les instances municipales devront tenir compte par rapport à leur
propre planification sur leur territoire urbain ou urbanisé ou
municipalisé.
M. Bédard (Chicoutimi): Quand vous parlez du schéma
d'aménagement et de développement de l'Outaouais, dans votre
optique, quand cela peut-il avoir force de loi?
M. Levesque: M. le Président, là, on pourrait
peut-être préciser qu'un schéma de développement,
pour nous, cela n'a pas nécessairement force de loi. Ce n'est pas un
plan d'aménagement au sens d'une loi de zonage du type de microzonage
dont je parlais tantôt. Là, où il y aura force de loi,
c'est au niveau des directives administratives par rapport aux directives
sectorielles, c'est-à-dire au grand zonage sectoriel. Par exemple,
lorsque la loi-cadre des parcs sera déposée et qu'elle permettra
de décréter des territoires de parcs, par arrêté en
conseil, nous imaginons en tout cas, pour le moment le mécanisme est en
train d'être analysé par l'ensemble des sous-ministres, qu'il y
aura des arrêtés en conseil qui décriront le territoire du
parc lui-même. A ce moment, ce sera le zonage lui-même qui sera
applicable à des tiers. C'est comme cela qu'on entend
procéder.
M. Bédard (Chicoutimi): Si on va d'une région
à l'autre, pour la région de Québec, quand
prévoyez-vous que le schéma d'aménagement et de
développement...
M. Levesque: En septembre, il y aura un document-synthèse
sur la région de Québec qui comprendra d'abord une
problématique du développement de Québec. Quels sont les
grands axes du développement de Québec, de la région
administrative de Québec? Quand on regarde la région
administrative de Québec, on se rend compte qu'on a dit
traditionnellement que c'était une fonction administrative, une fonction
touristique, une fonction de recherche scientifique à cause de
l'université, du complexe scientifique, et une fonction de
développement industriel. On s'est posé des questions, à
savoir comment se ferait ce développement industriel. On s'est rendu
compte que c'est par le fait qu'il y a eu un port, donc peut-être avec
une possibilité d'axer le développement industriel sur les
exportations d'un certain nombre de produits, et que ce serait
intéressant de développer la fonction industrielle de la
région de Québec. C'est la région disons dans un rayon
d'à peu près 50 milles de Québec. Mais il a fallu se poser
d'autres questions. Ce n'est pas tout de réfléchir sur la
région dans un rayon de 50 milles de Québec. Il faut encore voir
quelles sont les relations avec les sous-régions, comme la région
de Portneuf, comme la région de Thetford Mines, comme la région
de Montmagny, comme la région de Charlevoix.
On a vu récemment que la région de Charlevoix
elle-même, qui avait été identifiée dans nos
réflexions dès l'étude de cadrage de Québec et le
schéma qui sera rendu public bientôt au niveau de
l'ensemble de la région administrative de Québec, avait
une fonction touristique prioritaire. Cela a été discuté
avec la population et on a creusé davantage cette fonction. Dans cette
programmation, pour vous montrer le lien entre le microzonage et la
macrozonage, il est prévu qu'il y aura deux schémas de secteurs
qui seront faits dans la zone de Baie-Saint-Paul ou aux alentours et dans la
zone de la Malbaie ou Pointe-au-Pic, de façon que les gens puissent
identifier les microzonages qui sont directement applicables à eux sur
leur territoire, dans le territoire de la municipalité. Ces
schémas de secteurs seront faits dans le courant de l'année par
les municipalités sous l'aide technique des Affaires municipales.
M. Bédard (Chicoutimi): Si on prend la région du
Saguenay-Lac-Saint-Jean?
M. Levesque: Pour la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, la
région du Nord-Ouest du Québec, c'est-à-dire de
l'Abitibi-Témiscamingue, la région de la Côte-Nord, la
région de Trois-Rivières, la région de Sherbrooke, la
région de l'Est du Québec, toutes ces régions, pour mars
1976, on prévoit pouvoir systématiquement déposer dans un
premier temps d'abord au palier administratif, au palier d'une discussion, au
palier des ministres, ensuite au palier, une fois ces documents analysés
et discutés, des conseils économiques régionaux, un
document qui sera la problématique de développement de ces
régions. Ensuite, si les gens sont d'accord sur...
M. Bédard (Chicoutimi): C'est une date sérieuse
quand vous me dites...
M. Levesque: Oui, forcément. M. Bédard
(Chicoutimi): D'accord.
M. Levesque: Les indications qui sont données ici par
rapport à des effectifs de 45 personnes a temps plein à l'OPDQ,
plus du personnel à temps plein dans des ministères sur ce
dossier, nous incitent à penser que cette démarche sera
réalisée dans ses objectifs comme on prévoit. Donc, en
mars 1976, première problématique de ces sept régions que
je viens de mentionner. En mars 1977, il y aura pour chacune des régions
dépôt des propositions des objectifs de développement et
des options de développement. C'est le calendrier qui est proposé
ici dans la démarche de planification de l'OPDQ.
M. Bédard (Chicoutimi): Si on prend la région du
Saguenay-Lac-Saint-Jean, il y a eu le bill 98 qui a été
adopté, pour ne pas dire imposé, et qui amène en fait la
formation d'une grande ville dans le Haut-Saguenay. Je pense que cela
s'imposait. Là-dessus, je suis d'accord. Maintenant, le conseil
métropolitain a eu ne vous mêlez pas la fonction de
voir à faire un schéma d'aménagement concernant le
Haut-Saguenay.
A ce moment, est-ce que, dans l'optique d'une véritable
planification, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, non pas de procéder
seulement à un schéma d'aménagement pour le Haut-Saguenay,
mais de procéder à un schéma d'aménagement pour
l'en- semble de la région, parce qu'il est clair que
l'aménagement qu'on va faire dans le Haut-Saguenay peut avoir, en tout
cas, des conséquences concernant l'autre partie de la région
qu'est le Lac Saint-Jean. Pourtant, on procède simplement pour le
Haut-Saguenay.
M. Levesque: M. le Président, on pourrait peut-être
prendre exemple. Je pense que c'est un bon exemple pour illustrer la
démarche. Il y a déjà quand même, depuis maintenant
quatre ans, presque cinq ans, eu une mission avec des fonctionnaires du
territoire et de l'ensemble des ministères du Québec qui ont
étudié l'ensemble de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean,
c'est ce qu'on a ap pelé la mission du Saguenay-Lac- Saint-Jean. Ils ont
proposé un certain nombre d'objectifs de développement et de
programmes d'interventions sur le territoire. Pour donner un exemple, c'est de
cette mission qu'a découlé le programme agroforestier. Les
ministères des ressources, l'Agriculture, les Forêts, les
Richesses naturelles, le Tourisme nous ont dit: Ecoutez, nous, ensemble, par
rapport à des objectifs de développement de cette région,
on pense qu'on devrait faire un plan agroforestier. Avec l'ensemble des
ministères et l'OPDQ, on a fait une programmation de ce que pourrait
être ce dossier et nous avons négocié ensuite dans une
proportion de 50%-50% le financement et la réalisation de ce programme
agro-forestier dans le cadre de la mission Saguenay-Lac-Saint-Jean, par le
biais d'ARDA.
Ce que nous voulons faire maintenant dans cette démarche
actuellement, qui est proposée pour mars I976, par rapport à la
définition d'une première esquisse préliminaire, c'est de
refaire, de revoir tout le dossier de la mission qui avait été
fait à ce moment, remettre à jour toutes les données
fondamentales du développement du Saguenay-Lac-Saint-Jean. En d'autres
termes, se dire: Revenons aux objectifs de la mission. En 1969, il était
dit: Le Saguenay-Lac-Saint-Jean a une vocation forestière d'abord,
deuxième point, il a une vocation qui est basée sur l'aluminium,
il a aussi une vocation agricole très importante. Par ailleurs, il y
avait une autre dimension qui était aussi importante, le
Saguenay-Lac-Saint-Jean, qui a 285,000 habitants, a une population
métropolitaine regroupée de 160,000 à 165,000 habitants.
Donc, il faudrait c'est cela qui était recommandé dans la
mission faire un effort spécial pour créer une structure
particulière pour le Haut-Saguenay, de façon à pouvoir
répondre à des besoins urbains pour le développement
urbain de cette zone et, d'autre part, essayer de promouvoir davantage certains
dossiers de développement en termes miniers, en termes forestiers,
etc.
C'est donc actuellement, et c'est en mars qu'on va voir, à la
lumière de toutes les nouvelles données, si la population du
Saguenay-Lac-Saint-Jean, entre autres questions, a baissé depuis 1969.
Est-ce que la croissance des emplois a augmenté ou baissé depuis
1969? Est-ce que la croissance du secteur minier a augmenté ou non?
Là, on va regarder certains projets comme Ferchibal qui est un dossier
très important. On va regarder certains dossiers comme actuellement
c'est regardé très attentivement par l'OPDQ et les
ministères, le dossier Saint-Félicien, pour voir s'il n'y a pas
moyen d'avoir une accroissance du côté des ressources
en termes de développement économique, qui ferait qu'il y
aurait peut-être une certaine stabilisation, non pas seulement dans la
zone du Haut-Saguenay, mais dans l'ensemble de la région du
Saguenay-Lac-Saint-Jean.
C'est d'une part, au niveau de l'ensemble de la région. D'autre
part, l'OPDQ avec le ministère des Affaires municipales, nous avons
travaillé au conseil métropolitain à essayer de
préciser davantage, en relation avec l'ensemble de la région,
quelle est la vocation propre, en termes de développement et en termes
d'aménagement, du territoire du Haut-Saguenay. Lorsque ce schéma
sera ait, les municipalités elles-mêmes devront faire leur propre
plan d'urbanisme local. C'est une dé-narche à trois niveaux: un
schéma de développement et d'aménagement au niveau de
l'ensemble de la région administrative, un schéma
d'aménagement du territoire au niveau de la zone métropolitaine
par le conseil en étroite relation avec le ministère des Affaires
municipales comme conseil technique, et nous, l'OPDQ, comme éclairage de
la région. Ensuite, les municipalités qui sont membres du conseil
métropolitain au niveau du territoire municipal proprement dit. C'est
cela le modèle général dans toutes les régions qui
est proposé ici. Sinon, on est obligé de dire: L'addition de tous
les plans d'urbanisme des municipalités pourrait peut-être faire
un plan d'aménagement. L'addition de tous les plans d'aménagement
au niveau de trois ou quatre comtés ou de trois ou quatre
sous-régions pourrait faire un plan de développement d'une
région. Pour nous, c'est l'inverse. On dit: On va d'abord regarder
l'ensemble du développement économique de la province pour venir
éclairer les schémas de développement régionaux et
d'aménagement du territoire de la région au niveau de chacune des
régions administratives qui va venir éclairer dans les zones
métropolitaines, que ce soit le Haut-Saguenay, que ce soit la
région urbaine de Trois-Rivières, que ce soit la région
urbaine de Sherbrooke, que ce soit la région urbaine de Québec,
de Montréal, de l'Ouaouais, pour venir éclairer le schéma
d'aménagement métropolitain.
Ce schéma d'aménagement métropolitain viendra fixer
les plans d'urbanisme au niveau de la municipalité pour les
microzonages, les plans de construction, les règlements de construction,
les plans de lotissement, etc. C'est cela qui est proposé
fondamentalement dans la démarche.
M. Lachapelle: M. le Président, il y a peut-être une
autre dimension également qu on pourrait ajouter aux explications
extrêmement complètes qui viennent de nous être
données par M. Tremblay. Un schéma d'aménagement n'est pas
quand même une camisole de force dans laquelle une région
donnée doit évoluer. Ce n'est pas gravé pour toujours dans
{a pierre, l'avenir et le développement d'une région.
M. Bédard (Chicoutimi): Dans certains cas, on sait qu'il
faut que ce soit flexible.
M. Lachapelle: C'est éminemment évolutif, cela,
compte tenu des circonstances et compte tenu de l'évolution
démographique, de l'évolution économique d'une
région, et c'est dans cet esprit que le schéma est
élaboré. D'ailleurs, des méca- nismes sont prévus
pour qu'à des périodes données on effectue des
révisions de ces schémas pour que, d'une façon continue,
on puisse remettre à jour l'orientation et les axes de
développement des différentes régions du
Québec.
Je le signale parce qu'on croit souvent qu'un schéma
d'aménagement peut vouloir dire qu'on grave dans la pierre, pour ainsi
dire, l'avenir d'une région. Ce n'est pas le cas. Ce sont des
propositions qui ne doivent pas, en soi, avoir un caractère juridique ou
coercitif. Ce sont des propositions de développement qui,
évidemment, vont faciliter grandement la coordination des
activités de tous les intervenants gouvernementaux, soient-ils au niveau
provincial ou au niveau municipal. Mais, encore là, faut-il voir ces
mêmes schémas avec une certaine souplesse et avec un certain
réalisme, ce qui ne nous empêche pas, tout en faisant ces
nombreuses activités de planification dont on vient de vous parler
pendant une demi-heure, de faire simultanément des actions ponctuelles,
des actions qui, quand même, débouchent vers des interventions qui
sont pour le plus grand bien de la collectivité, soit par le biais des
ententes auxiliaires ou par le biais de toute autre intervention. Les ententes
auxiliaires auront permis, pour le moins, un parc industriel à
Chicoutimi et j'ose croire que le député de l'endroit est quand
même heureux de cette situation.
M. Bédard (Chicoutimi): Cela faisait assez longtemps qu'on
attendait après. On a été très heureux que cela
aboutisse, il n'y a pas de doute là-dedans. Ce n'est pas parce que vous
avez accordé le parc industriel à Chicoutimi qu'on va
arrêter de discuter de ce qui concerne votre ministère, à
savoir la planification. Lorsque le ministre nous dit qu'un schéma
d'aménagement doit avoir un caractère flexible, tout le monde
convient de cela. D'ailleurs, il nous l'avait dit lors de l'étude des
crédits l'an dernier, c'est le simple réalisme qui le commande.
Il faut aussi que ce schéma d'aménagement ait une base solide si
on ne veut pas être placé devant la situation que n'importe qui
vienne changer n'importe quoi à son gré et selon ses
désirs. Dans ce sens, si on parle de schémas d'aménagement
placés sur une base solide, je crois que vous conviendrez avec moi qu'il
y a une nécessité urgente que les trois lois dont on a
parlé tout à l'heure deviennent une réalité,
à savoir la Loi sur les réserves forestières, la Loi
concernant la protection des terres arables et également la loi-cadre
sur l'urbanisme. Je ne sais pas si vous convenez avec moi que c'est quand
même une base nécessaire, si on ne veut pas voir des
schémas d'aménagement construits à grands renforts de
dévouement être chambardés du jour au lendemain selon les
caprices de...
M. Lachapelle: M. le Président, j'en conviens très
bien. Je pense bien que toute notre action jusqu'à maintenant a
été à cette enseigne, mais elle a aussi été
à l'enseigne d'une consultation maximale auprès de tous les
intéressés et cela aussi, je pense, est aussi capital que la
production de quelque chose qui est fini ou à peu près, parce que
jamais nous n'imposerons à la volonté locale une pensée
qui n'est pas la sienne.
M. Bédard (Chicoutimi): Simplement.
Le Président (M. Gratton): Messieurs, il est 18
heures.
M. Bédard (Chicoutimi): On continuera à...
Le Président (M. Gratton): Les programmes 4, 5 et 6
sont-ils adoptés? Sinon, tel que convenu...
M. Bédard (Chicoutimi): On a le droit de rêver, M.
le Président.
Le Président (M. Gratton): Tel que convenu, à la
reprise, nous procéderons à l'étude des programmes I, 2 et
3.
M. Levesque: Si vous me le permettez, M. le Président,
dès que le premier ministre arrivera, nous pourrons passer à
l'étude des programmes I, 2 et 3. S'il n'était pas arrivé,
on continuera avec l'ODEQ ou avec celui-ci, selon les...
M. Bédard (Chicoutimi): J'ai quelques questions. Pour
accommoder, nous passerons ensuite au programme de l'ODEQ.
M. Levesque: A l'ODEQ. D'accord! Dès que le premier
ministre arrivera et qu'il voudra intervenir, on pourrait reprendre
l'étude des programmes I, 2 et 3.
Le Président (M. Gratton): La commission suspend ses
travaux jusqu'à ce soir, 20 h 15.
(Suspension de la séance à 18 heures)
Reprise de la séance à 20 h 20
M. Gratton (président de la commission permanente de la
présidence du conseil, de la constitution et des affaires
Intergouvernementales): A l'ordre, messieurs!
La commission de la présidence du conseil, de la constitution et
des affaires intergouvernementales continue l'étude des crédits
du conseil exécutif et, tel que convenu, plus spécifiquement les
programmes 1, 2 et 3.
Le premier ministre.
M. Bourassa: Adopté, M. le Président.
Le Président (M. Gratton): Le programme 1 est-il
adopté?
M. Bourassa: On peut adopter l'administration et après, je
serai disponible pour les questions de nature générale, pour
libérer peut-être mon...
M. Morin: M. le Président, nous aurons des questions
à poser sur chaque programme, mais auparavant, avec votre permission,
j'aurais quelques questions à poser au premier ministre sur divers
sujets. C'est la coutume que nous puissions discuter de tout à
l'occasion de l'étude du programme 1, à moins que le premier
ministre ne veuille faire une déclaration liminaire.
M. Bourassa: M. le Président, ma déclaration
liminaire serait peut-être d'adopter les programmes administratifs,
quitte à revenir sur les questions de nature générale.
J'ai quelques pères de famille qui m'accompagnent et qui voudraient
peut-être pouvoir se libérer un peu plus tôt, avec la
collaboration de l'Opposition. Après cela, je serais disponible pour
toutes les questions qui viennent à l'esprit du chef de l'Opposition sur
tous les sujets. Mais si nous pouvions adopter les programmes, les questions de
salaires, de traitements, des choses comme celles-là, qui ne posent pas
tellement de problème...
M. Morin: C'est-à-dire exactement quels programmes?
M. Bourassa: Les programmes 1, 2 et 3, le salaire du chef du
cabinet ou celui de M. Rivest, ou des choses comme cela où on peut
passer assez rapidement.
M. Morin: Ce sont des questions secondaires, je crois.
M. Bourassa: Oui, assez secondaires.
Le Président (M. Gratton): Si nous les prenons un par un,
le programme 1: Bureau du lieutenant-gouverneur.
M. Morin: M. le Président, j'aurais quelques questions
tout de même à poser. Ce sera très bref. Je suis
disposé à adopter effectivement les trois premiers; ensuite nous
pourrons passer à l'étude de questions plus
générales.
M. Bourassa: Merci, M. Morin.
Bureau du lieutenant-gouverneur.
M. Morin: Au programme 1, nous notons une augmentation d'environ
$80,000 d'un seul coup. Le budget passe de $189,100 à $269,100.
Pourrait-on justifier cette augmentation, somme toute plus que substantielle du
budget? Je vois que ce sont surtout les traitements qui expliquent cette
augmentation, mais j'observe que le nombre d'employés permanents demeure
le même, soit seize, et j'aimerais connaître le détail des
augmentations de traitements qui sont consenties.
M. Bourassa: C'est pour la sécurité de la
résidence du lieutenant-gouverneur, qui était aux Travaux publics
et qui est passée au bureau du lieutenant-gouverneur. C'est un
transfert.
M. Morin: Un transfert d'employés. M. Bourassa:
Oui, d'employés.
M. Morin: D'employés de sécurité, mais
comment se fait-il que le nombre demeure le même? Il est de seize, dans
les deux cas. L'année dernière, il était
déjà de seize et il reste le même cette année.
M. Bourassa: On me dit que ce sont des employés à
honoraires.
M. Morin: Je comprends. Ils n'apparaissent donc pas comme
employés permanents.
M. Bourassa: C'est cela. C'est une firme de
sécurité.
M. Morin: C'est ce qui explique ces $40,000 d'augmentation.
M. Bourassa: J'ai $34,377 ici.
M. Morin: La différence que vous m'expliquez se
trouve-t-elle à la catégorie 1 : traitements, ou à la
catégorie 4: services?
M. Bourassa: C'est à services.
M. Morin: C'est aux services. Mais je vous interrogeais sur la
catégorie des traitements. Qu'est-ce qui explique l'augmentation de
$40,000 de traitements pour un nombre d'employés qui demeure le
même?
M. Bourassa: Ce sont les augmentations régulières,
M. le Président, pour l'ensemble des fonctionnaires, il y a eu des
augmentations assez importantes avec le forfaitaire. La révision des
traitements compte pour $24,000.
M. Morin: Bon, je comprends mieux. La révision de
traitements est de $24,000. Le reste des $40,000 qu'est-ce que c'est?
M. Bourassa: Surtemps 1.5, avancement d'échelon et
indexation 1.7, traitement pour postes vacants 8.5, occasionnels 1.5.
M. Morin: Ce qui fait $16,000.
M. Bourassa: A peu près... au calcul rapide.
M. Morin: Bien. Nous sommes disposés à adopter le
programme 1, M. le Président.
Le Président (M. Gratton): Programme 1 adopté.
Programme 2: Administration des élections.
M. Caron: M. le Président, un instant. Il y a M. Rivest
qui travaille 24 heures par jour...
M. Bourassa: Tout d'abord, il ne travaille pas 24 heures par
jour, il est pour la plupart du temps au tennis.
M. Caron: Quasiment. Je voudrais savoir comment il se fait qu'il
avait moins que d'autres...
Le Président (M. Gratton): Programme 1 adopté.
Programme 2: Administration des élections.
Administration des élections
M. Morin: J'ai quelques questions à poser sur ce
programme, M. le Président. Dans son rapport de 1973, à la page
3, 62, le Vérificateur général a constaté que
des dépenses étaient effectuées par le bureau du
président des élections sans être approuvées par le
président ou par un haut fonctionnaire mandaté à cet
effet. Ce rapport du vérificateur a été
déposé au mois de juin 1974. J'aimerais demander au Premier
ministre si on a vérifié quelles sont ces demandes de paiement
qui n'ont pas été approuvées. Combien y en a-t-il eu, et
quelles sont les raisons de cette lacune administrative?
M. Bourassa: Maintenant on m'assure que cela a été
corrigé. Le président des élections est maintenant
autorisé à approuver ces dépenses.
M. Morin: Pourriez-vous, néanmoins, me dire quels sont les
montants qui ont été versés de la sorte?
M. Bourassa: Les montants ne sont pas mentionnés par le
Vérificateur général.
M. Morin: Je ne pense pas... il n'y a pas de montant, M. le
Président.
M. Bourassa: On pourrait vérifier.
M. Morin: Je vous donne lecture du paragraphe, si cela vous
intéresse: "Nous avons constaté qu'un certain nombre de demandes
de paiement de dépenses du bureau du président
général des élections ne sont pas approuvées par ce
dernier ou l'un de ses hauts fonctionnaires dûment autorisé
à assumer cette responsabilité. Nous sommes d'opinion que cette
lacune administrative devrait être corrigée".
M. Bourassa: C'est-à-dire que c'était fait
directement, à ce qu'on m'assure, au ministre des Finances. La loi
disait que cela se faisait directe-
ment au ministre de Finances. Les comptes des présidents
d'élections étaient envoyés au ministre des Finances, mais
maintenant, cela est approuvé par le président des
élections.
M. Morin: Toujours à l'administration de la loi
électorale, j'aurais une question plus fondamentale, qui n'est pas
d'ordre administratif, à poser au Premier ministre.
Une Voix: Les sondages?
M. Morin: Non, nous pourrions aborder ce sujet si le Premier
ministre le voulait, mais je crois que cela retarderait indéfiniment son
dîner; je sais qu'il a l'estomac creux, je ne voudrais pas le retenir
toute la nuit avec une discussion sur qui a raison dans les derniers
sondages.
M. le Président, j'aimerais souligner au Premier ministre le fait
qu'aux Etats-Unis, d'après une loi du Congrès qui s'institule
Federal Elections Campaign Act, on a confié à celui qu'on appelle
là-bas le contrôleur général des élections le
rôle de servir comme bureau général de renseignements pour
les élections, sur tout ce qui touche aux élections aux
Etats-Unis, ce qu'ils appellent "a National Clearing House for information with
respect to the administration of elections". Le contrôleur
général peut, en vue de réaliser cet objectif, conclure
des contrats, faire faire des études indépendantes sur les
élections. Déjà, le président général
des élections au Québec publie un rapport statistique
général à la suite de chaque élection. Il fait
aussi certaines analyses ou prépare certaines études à
l'occasion pour le gouvernement ou pour la commission de l'Assemblée
nationale.
J'aimerais demander au premier ministre, s'il ne croit pas opportun
d'accorder une initiative plus large au président général
des élections du Québec, qui lui permettrait d'agir auprès
de l'Etat et auprès du public comme un bureau d'information sur les
élections, de demander à des sources indépendantes, non
gouvernementales, des études sur divers aspects du comportement
électoral des Québécois, par exemple. Je songe à
une histoire électorale du Québec, à des études
comparées entre les élections telles qu'elles se font ici et
telles qu'elles se font ailleurs, sur les caractéristiques
socio-économiques du personnel politique ou des électorats
québécois. Est-ce qu'il ne serait pas utile que
l'Assemblée nationale et l'opinion publique en général
aient à leur disposition de telles études? Je sais qu'elles se
font déjà dans les universités et les instituts de
recherche. Mais, j'ai l'impression que, pour qu'elles atteignent le grand
public, il ne serait pas mauvais que ce soit le président
général des élections qui prenne l'initiative de telles
études.
M. Bourassa: M. le Président, l'idée vaut
certainement la peine d'être examinée, mais cela se ferait
comment, par des commandites à des universitaires?
M. Morin: Entre autres. Cela pourrait aussi être fait au
sein du bureau du président général des élections.
Je n'ai pas de méthode privilégiée à
suggérer au premier ministre, mais je sais que cela se fait
ailleurs.
M. Bourassa: Actuellement, je crois que le chef de l'Opposition a
fait partie de l'Institut de recherche de la faculté de droit à
l'Université de Montréal.
M. Morin: Non, j'ai remis ma démission et je puis rassurer
le premier ministre: Je ne cherchais pas à obtenir un contrat
indirectement!
M. Bourassa: Non, non...
M. Morin: Ce n'est pas ce qu'il insinuait, naturellement.
M. Bourassa: Bien non, parce que je comprends que le chef de
l'Opposition n'est pas encore disponible pour obtenir des contrats comme
commandite d'universitaires.
M. Morin: Non.
M. Bourassa: Je ne pouvais pas penser à ...
M. Morin: D'ailleurs, je n'ai pas été
associé à l'Institut, depuis déjà deux ou trois
ans.
M. Bourassa: C'est pour signaler l'excellent travail que fait
l'Institut et c'est pour dire au chef de l'Opposition que même si sa
suggestion paraît très valable, il faudrait éviter des
dédoublements dans ce genre de recherche ou d'étude. Je n'aurais
pas d'objection à ce que le bureau de la présidence des
élections puisse fournir le maximum de renseignements, mais quant
à faire des études sur les attitudes socio-économiques, je
me demande si ce ne sont pas typiquement des études de nature
universitaire.
M. Morin: Sûrement, l'aspect universitaire ne doit pas
être négligé, mais en général, les
études universitaires sont très savantes et intéressent
surtout les politologues ou les spécialistes des questions
électorales. Ce dont je vous parle, M. le premier ministre, c'est
d'études vulgarisant les comportements électoraux, qui pourraient
être mis à la disposition du public et pourraient peut-être
éclairer les Québécois sur leurs propres comportements
électoraux.
M. Bourassa: Cela vaut la peine. La suggestion du chef de
l'Opposition est positive, mais il y aurait des risques d'interférence
politique, les interprétations qui pourraient être faites de ces
études et jusqu'à quel point on ne risquerait pas de voir la
présidence des élections être accusée de
partialité si, disons... On a vu l'interprétation qui a
été donnée par certains adversaires poliiques au rapport
Cliche. C'est le genre de risques que nous avons quand nous avons des
études par des organismes gouvernementaux.
M. Morin: Je constate que le premier ministre veut mêler
les sauces, ce soir.
M. Bourassa: Non.
M. Morin: S'il le veut bien, nous allons laisser le rapport
Cliche de côté; on en parle dans une autre commission.
M. Bourassa: C'est cela. Et je vois que...
M. Morin: Les ondes vous en parviennent d'en haut, c'est cela!
Est-ce que le premier ministre voudrait au moins considérer la
suggestion et en saisir le...
M. Bourassa: Oui, oui.
M. Morin: ... président général des
élections qui n'est pas tellement loin de lui, d'ailleurs.
M. Bourassa: D'accord, il m'a dit qu'il faisait beaucoup,
jusqu'à maintenant, au point de vue des renseignements qui pouvaient
être fournis à différents groupes, mais systématiser
cela davantage, je suis prêt à discuter de cela avec lui. Je vais
demander à mon chef de cabinet d'en discuter avec lui dans les
prochaines semaines.
M. Morin: Pour ce qui est des chiffres du programme 2, j'imagine
que l'augmentation draconienne de $1,737,200 à $4,154,900 est due au
fait que cette année on a revu la carte électorale. C'est bien
cela?
M. Bourassa: C'est à cause du recensement. Il n'y a pas
d'élection prévue là, c'est pour rassurer le chef de
l'Opposition, c'est à cause du recensement prévu pour cette
année. C'est pourquoi on a d'avance augmenté le montant.
M. Morin: Le recensement de l'automne? M. Bourassa: De
l'automne, oui.
M. Morin: Est-ce qu'il n'a pas lieu chaque année? C'est un
recensement annuel, c'est une liste annuelle.
M. Bourassa: II n'y avait pas de révision en septembre
dernier non plus.
M. Morin: Mais la révision ne coûte pas $3 millions,
$2,500,000.
M. Bourassa: On me dit qu'en I974 cela a coûté
$3,700,000. Comme on a une révision additionnelle, cela explique le
montant de $4,200,000. Je suppose qu'il y a eu un budget supplémentaire,
ce serait plutôt cela.
Une Voix: Non, non.
M. Bourassa: A même le fonds consolidé, c'est
cela.
M. Morin: Nous parlons bien du recensement des électeurs,
ce qu'on appelle quelquefois, en terme vulgaire, l'énumération.
C'est de cela dont nous parlons.
M. Bourassa: Oui.
M. Morin: Est-ce qu'il y en a eu une en 1974/75? Normalement
oui.
M. Bourassa: On me dit que, dans les années
précédentes, cela ne partait pas de chiffres réels et que
cette année on a voulu si je comprends bien, je veux dire les
avis qui me sont donnés essayer de prévoir un chiffre plus
réaliste, alors que, dans les années précédentes,
c'était à même le fonds consolidé en vertu de la loi
que les montants étaient complétés.
M. Morin: Je comprends. Autrement dit, le montant
mentionné pour 1974/75 n'est pas le véritable montant.
M. Bourassa: Non.
M. Morin: Ah bon! Je m'explique un peu mieux la différence
considérable entre les deux montants. Cela avait plus que doublé
d'une année à l'autre; cela paraissait pour le moins un peu
étonnant.
M. le Président, nous' sommes disposés à adopter le
programme 2.
Le Président (M. Gratton): Programme 2, adopté.
Programme 3: Organismes-conseils auprès du premier ministre et du
Conseil exécutif.
Organismes-conseils
M. Morin: J'ai quelques questions là-dessus. Tout le monde
peut imaginer, M. le Président, que le premier ministre procède
à l'heure actuelle, avec sa discrétion coutumière,
à un réaménagement de son cabinet, en particulier depuis
le départ de M. Paul Desrochers. Le premier ministre pourrait-il nous
faire le portrait général de son cabinet actuel? Plus
précisément qui remplace M. Paul Desrochers, avec quel mandat et
avec quel salaire?
M. Bourassa: M. le Président, j'ai annoncé la
nomination de Maurice Paradis qui n'est pas encore inscrit, qui était
à honoraires et qui va reprendre une bonne partie du travail de M.
Desrochers pour ce qui a trait à des dossiers économiques ou
spéciaux. M. Paradis a une très large expérience...
M. Morin: Pourriez-vous nous donner un exemple du type de dossier
économique que vous pensez lui confier?
M. Bourassa: Je pense au projet Ferchibal, par exemple, que M.
Desrochers avait examiné avec M. Gilles Bergeron qui est maintenant
affecté à la question de l'hébergement pour les Jeux
olympiques. M. Paradis a une très bonne expérience et est
très respecté dans tous les milieux.
M. Morin: M. Paradis va-t-il avoir quelque chose à voir
avec la baie James?
M. Bourassa: Non, pas d'une façon spécifique. Ce
qu'on a reproché à M. Desrochers, c'est d'avoir essayé
d'éviter des grèves à la baie James. Il ne faut quand
même pas exagérer.
M. Morin: Je ne voulais pas entrer là-dedans, mais si le
premier ministre veut que nous parlions du rapport Cliche, c'est une autre
affaire.
M. Bourassa: On a présenté ça comme
des...
alors qu'il a essayé de placer des travailleurs à la baie
James et a empêché des grèves...
M. Morin: Oui.
M. Bourassa: Ce qu'on n'a pas dit sur M. Desrochers pour des
choses comme ça.
M. Morin: Une toute petite infraction qui consistait à ne
pas respecter la loi.
M. Bourassa: Je vous en prie, M. le Président, c'est
absolument faux. Ce n'est pas parce qu'il y a des réunions exploratoires
pour améliorer les lois. A ce compte-là, tous ceux qui veulent
améliorer les lois seraient dans l'illégalité.
M. Morin: Le premier ministre manie l'euphémisme avec
beaucoup de dextérité. Mais passons. Est-ce que M. Desrochers a
reçu des deniers de l'Etat pour quelques services rendus depuis son
départ officiel qui, si ma mémoire est bonne, a eu lieu le 1er
avril 1974?
M. Bourassa: D'ailleurs, M. Desrochers avait ralenti
considérablement son activité depuis bien avant son départ
officiel, à cause de raisons de santé. Je ne crois pas qu'il ait
reçu... Non, pas depuis le 1er avril 1974.
M. Morin: Donc...
M. Bourassa: Peut-être des frais de voyages qui ont
été remboursés après, mais pas...
M. Morin: Les dossiers spéciaux que vous lui aviez
confiés, même après son départ, ont-ils
été abandonnés par lui ou bien faisait-il cela pour la
gloire ou pour le bien commun?
M. Bourassa: Mon chef de cabinet a repris ces dossiers pour les
confier à M. Paradis et je suppose que, s'il avait un point obscur, il
pouvait communiquer avec M. Desrochers qui pouvait être disponible au
téléphone pour le renseigner sur un point ou sur un autre.
M. Morin: M. Desrochers n'avait donc pas véritablement de
dossiers entre les mains?
M. Bourassa: C'est ça, il n'y avait aucun dossier. Il a
quitté de fait et de droit le 1er avril 1974 et, comme je l'ai dit,
même avant son départ, il avait ralenti son activité. Donc,
à ce moment-là, les dossiers avaient déjà
commencé à être remis à d'autres personnes. Donc,
lorsque son départ officiel est arrivé, il ne restait pas
tellement de dossiers en plan.
M. Morin: J'oubliais de vous rappeler cette autre partie de ma
question sur le remplaçant de M. Desrochers. Quel est le salaire qui lui
sera versé ou quels sont les honoraires que vous avez prévus?
M. Bourassa: $33,000.
M. Morin: Ce qui représente...
M. Bourassa: 50 semaines de 5 jours, $33,000.
M. Morin: 105 jours?
M. Bourassa: Non, 5 jours, 50 semaines.
M. Morin: En fait, il sera au service du cabinet du premier
ministre à temps plein.
M. Bourassa: Oui.
M. Morin: M. Jean Prieur est-il toujours consultant à
honoraires?
M. Bourassa: Non, il est secrétaire exécutif. M.
Morin: Secrétaire exécutif à temps plein? M.
Bourassa: Ah oui!
M. Morin: Est ce qu'il y a d'autres consultants?
M. Bourassa: Qu'est-ce que vous entendez, à temps plein,
à part M. Prieur?
M. Morin: A temps plein d'abord, oui.
M. Bourassa: Vous ne voulez pas parler de fonctionnaires?
M. Morin: Non, je parle de M. Prieur qui, auparavant,
était consultant, n'est-ce pas?
M. Bourassa: C'est ça.
M. Morin: II avait le statut de consultant, est-ce que je me
trompe?
M. Bourassa: C'est ça. Si je vous comprends bien, il n'y
en a pas d'autres.
M. Morin: II n'y en a pas d'autres. Qu'en est-il de M. Michel
Guay?
M. Bourassa: M. Michel Guay est en disponibilité, il a
démissionné de son poste. Il est en Afrique dans le moment.
M. Bellemare (Rosemont): M. le Président, est-ce que le
chef de l'Opposition pourrait me dire combien gagne son chef de cabinet?
Le Président (M. Gratton): A l'ordre, messieurs! D'abord,
je devrai demander à la commiss-sion son consentement pour que le
député de Rosemont puisse prendre la parole, parce qu'il n'est
pas membre de la commission, Est-ce qu'on a le consentement?
M. Bellemare (Rosemont): Merci, M. le Président, je
respecte votre autorité.
M. Morin: M. le Président, à condition que ce
soient des questions intelligentes, je n'ai pas d'objection.
M. Bellemare (Rosemont): Je pense que c'est assez intelligent. Je
ne pense pas...
M. Morin: Non. Vous ne savez pas consulter les comptes publics,
M. le député?
M. Bellemare (Rosemont): Je ne consulte pas les comptes
publics.
M. Morin: Vous avez tort.
M. Bellemare (Rosemont): Je demande combien gagne votre chef de
cabinet. Est-ce que c'est stupide ou intelligent ou
"désintelligent"?
M. Morin: Vous irez consulter les comptes publics. En attendant,
c'est moi qui pose les questions. Si vous avez des questions, posez-les au
premier ministre.
M. Bellemare (Rosemont): Continuez à poser des questions
stupides et idiotes.
Le Président (M. Gratton): A l'ordre! Le chef de
l'Opposition officielle.
M. Morin: Merci, M. le Président. Est-ce que le premier
ministre...
M. Bellemare (Rosemont): Vous n'avez pas répondu à
ma question.
Le Président (M. Gratton): A l'ordre!
M. Morin: Est-ce que je vais être interrompu encore, M. le
président? Le député n'est pas membre de la
commission.
Le Président (M. Gratton): Je ne le pense pas.
M. Morin: Je veux bien lui permettre de participer aux travaux de
la commission, mais si c'est pour les interrompre, je vais m'y opposer.
M. Bellemare (Rosemont): Qu'il soit très calme, je ne
j'interromprai plus parce que, quand on veut mentir, on garde le silence.
Le Président (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. Morin: M. le Président, je voudrais demander...
M. Bellemare (Rosemont): Cela fait sourire le chef de
l'Opposition.
Le Président (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous
plaît! Le chef de l'Opposition.
M. Morin: Est-ce que le premier ministre voudrait bien dresser
pour nous la liste des membres de son cabinet qui reçoivent en salaire
et honoraires plus de $15,000.
M. Bourassa: Pour soulager le chef de cabinet, je vais donner
ça: Benoît Morin, $37,000; Jean-Claude Rivest, $29,200; Charles
Denis, $29,200; René Beaulieu, $19,000; Jean Prieur, $32,000; Marcel
Laliberté, $19,000; Jean-Pierre Ouellet, $19,000; Lawrence Cannon,
$16,000; Ber-the Drouin, ma secrétaire... Je peux aller plus loin, si
vous voulez.
M. Morin: Non, je voulais seulement demander les montants
supérieurs à $15,000.
M. Bourassa: Normand Bolduc, $16,000; François Coderre,
$22,000; je n'en vois pas d'autres. C'est tout. J'essaie d'en trouver d'autres,
mais je n'en vois pas. C'est assez raisonnable, quand même. Est-ce qu'on
peut dire que le personnel donne l'exemple de l'austérité?
M. Morin: M. Gilles Néron ne relève pas directement
de votre cabinet, n'est-ce pas?
M. Bourassa: C'est le secrétariat général,
dirigé par M. Chouinard.
M. Morin: Puisque vous mentionnez M. Chouinard, le
secrétaire général du Conseil exécutif vient
d'être nommé juge, à ce qu'on nous a appris...
M. Bourassa: Oui.
M. Morin: ... et je pense que ce n'est pas le premier ministre
qu'il faut convaincre de la nécessité de nommer à ce
poste, qui constitue vraiment une charnière au sein du gouvernement,
quelqu'un qui soit de la même qualité, du même calibre que
M. Chouinard.
Le premier ministre a-t-il déjà jeté son
dévolu sur une personne en particulier?
M. Bourassa: Le chef de l'Opposition veut-il me proposer son chef
de cabinet?
M. Morin: II m'est trop précieux pour cela. M.
Bellemare (Rosemont): II gagne $18,000.
M. Morin: M. le Président, je regrette, mais, en ce qui me
concerne, je n'autorise pas le député de Rosemont à
participer à la commission.
Le Président (M. Gratton): D'accord.
M. Bellemare (Rosemont): J'ai un meilleur dialogue avec le chef
de cabinet du leader de l'Opposition.
Le Président (M. Gratton): A l'ordre! Puis-je demander la
collaboration du député de Rosemont, s'il vous plaît? Il
n'est pas membre de la commission, il n'a pas le droit de parole.
M. Bellemare (Rosemont): M. le Président, à compter
d'immédiatement, je ne parlerai plus. Je voudrais simplement dire que le
chef de cabinet de M. Burns comprend plus que le député de
Sauvé, parce qu'il est un ouvrier.
Le Président (M. Gratton): A l'ordre! Le chef de
l'Opposition officielle.
M. Morin: Le premier ministre a-t-il un successeur en vue?
M. Bourassa: M. Chouinard a remis sa démission vendredi.
Je n'ai pas à mentionner les très gran-des qualités de
solidité, de compétence, de jugement et de courage de M.
Chouinard. C'est évident que, comme chef du gouvernement, je perds un
collaborateur extrêmement précieux. Au cours des prochaines
semaines, le nom de son remplaçant sera connu. Sa démission a
été annoncée vendredi, on ne peut
pas me demander aujourd'hui même de nommer son remplaçant.
D'ailleurs, M. Chouinard ne sera pas assermenté avant un certain temps.
Il sera encore disponible pour quelques semaines.
M. Morin: Du moment que le premier ministre m'assure qu'il se
rend compte des exigences de la situation et qu'il s'assure de
l'impartialité politique, entre autres qualités, du successeur de
M. Chouinard.
M. Bourassa: Là-dessus, le chef de l'Opposition ne peut
pas reprocher au chef du gouvernement actuel de rechercher toujours des gens
qui sont partisans, dans les nominations qu'il fait. Je n'ai pas à
mentionner les membres de certaines commissions. De ce côté, je ne
pense pas qu'on puisse m'accuser de manquer de tolérance.
M. Morin: C'est une autre affaire. Je ne parle pas des
commissions qui ont des rôles spécifiques à jouer et
où vous devez tenter de trouver des gens qui connaissent la situation et
peuvent vraiment aller au fond des choses. Je vous parle du conseil
exécutif. C'est une tout autre affaire.
M. Bourassa: D'accord. Mais, pour rassurer le chef de
l'Opposition, devrais-je nommer quelqu'un qui est membre d'un autre parti, pour
lui donner des garanties d'impartialité?
M. Morin: Non, mais qui ne soit membre d'aucun parti, ou qui ne
soit pas un ancien agent électoral, en tout cas. Le premier ministre me
saisit-il?
M. Bourassa: Oui. La personne à qui il se
réfère a fait un travail exceptionnel, à l'endroit
où elle a été affectée, indépendamment du
poste qu'elle pourra obtenir plus tard. Je n'ai pris aucune décision. Je
ne sais pas à quoi se réfère le chef de l'Opposition.
M. Morin: Du moment que nous nous comprenons, et que le premier
ministre est conscient du caractère impartial du poste de
secrétaire général du conseil exécutif, je n'en
demanderai pas plus. Je n'ai pas l'intention de pousser les choses plus
loin.
M. Bourassa: II est certain que M. Chouinard sera difficile
à remplacer. On sait que gouverner le Québec ces années-ci
n'est pas une sinécure. C'est même assez exigeant et m. Chouinard
détenait un poste clé. Je suis d'accord avec lui que l'importance
du poste est telle que les qualités de celui qui l'occupe doivent
être assez exceptionnelles.
M. Morin: Pour l'instant, je n'irai pas plus loin, mais c'est une
question qui nous intéresse vivement. Je tiens à vous le
signaler.
M. Bourassa: D'accord, mais c'est la prérogative du
premier ministre de nommer le secrétaire général.
M. Morin: Je n'ai pas fait de suggestion au premier ministre et
je n'ai jamais prétendu lui enlever cette prérogative.
M. Bourassa: II ne veut même pas proposer son chef de
cabinet comme successeur possible, et après, il veut que je nomme des
gens qui soient impartiaux!
M. Morin: Je ne doute pas que mon chef de cabinet ait toute la
compétence nécessaire; il n'y a aucun doute. Je pense qu'il n'y a
personne à cette table qui le connaisse et qui en doute une seconde. Le
premier ministre a essayé si souvent de me l'enlever par tous les moyens
possibles et imaginables.
M. Bourassa: Est-ce qu'il veut revenir à la fonction
publique?
M. Morin: Je ne parlerai pas pour lui, M. le Président,
mais je pense que le premier ministre connaît la réponse
déjà, étant donné le nombre d'offres qu'il a faites
à mon chef de cabinet depuis quelques années.
M. Bourassa: Quand même, M. le Président.
M. Morin: Sur ce sujet, je donnerai la parole à mon chef
de cabinet en temps et lieu. Je n'ai pas à répondre pour lui,
c'est un homme libre. Je prends note de l'hommage discret que lui fait le
premier ministre; je le lui transmettrai. Cela lui fera certainement plaisir.
Ce n'est pas le genre d'homme qui se laisse acheter par des compliments;
autrement il serait depuis longtemps parmi les hauts fonctionnaires, les grands
commis de l'Etat, du gouvernement.
M. Déom: Est-ce que vous laissez sous-entendre que les
hauts fonctionnaires de l'Etat se laissent acheter?
M. Morin: Non, je dis qu'il pourrait sans doute occuper un
très haut poste, s'il se laissait allécher par les compliments,
ou par le salaire.
M. le Président, maintenant que M. Michel Guay est "en
disponibilité en Afrique" c'est merveilleux comme expression,
cela fait rêver au club Méditerranée immédiatement
le premier ministre pourrait-il nous dire qui, désormais, est
responsable du placement à la baie James dans son cabinet?
M. Bourassa: J'ai déjà expliqué à
plusieurs reprises ce qui était arrivé, M. le Président.
Les députés, les ministres et le chef du gouvernement, combien de
fois, personnellement, ai-je reçu des offres de travailleurs pour aller
à la baie James, que je pouvais rencontrer sur la rue ou dans les
restaurants ou dans des piscines, qui s'offraient pour aller travailler
à la baie James. Alors, le chef du gouvernement, les ministres ou les
députés...
M. Morin: Je croyais que vous faisiez évacuer les piscines
d'habitude!
M. Bourassa: Non, M. Morin. Alors, M. le Président, ce qui
arrivait c'est que ces offres d'emploi étaient
référées à mon chef de cabinet qui, lui, les
référait, je suppose, à quelqu'un d'autre, ou mon ancien
chef de cabinet, M. Langlois. Il ne faut tout de même pas exagérer
ce travail qui a été fait...
M. Morin: Mais, enfin, il y a quelqu'un qui s'occupe de cela dans
votre cabinet à l'heure actuelle. Pourrait-on savoir qui?
M. Bourassa: II n'y a personne en particulier, M. le
Président.
M. Morin: Est-ce vous-même qui vous en occupez?
M. Bourassa: Ce n'est pas moi qui fais les démarches.
Mais, quand on me demande un emploi, je le transmets à qui de droit
selon les règlements de la fonction publique ou autrement.
M. Morin: II n'y a personne, donc, qui soit chargé de
cette mission.
M. Bourassa: C'est parce que cela ne relève pas du... je
comprends que la loi 50 relève du bureau du premier ministre, mais cela
ne relève pas directement de mon bureau. Le chef de l'Opposition veut
citer le rapport Cliche?
M. Morin: On me le met sous les yeux, M. le Président. "A
cette époque, le gouvernement veut créer une banque de placement
pour les grands travaux au Québec. M. Paul Desrochers, conseiller
spécial auprès du premier ministre et M. Michel Guay, alors chef
de cahinet auprès du ministre de la Fonction publique, veulent que M.
Yvon Bergeron soit chargé de cette banque de placement. C'est un de
leurs hommes"; et ainsi de suite. Je ne veux pas rappeler au premier ministre
des passages qu'il a sûrement appris par coeur tant il les a
médités. Je voudrais simplement savoir qui remplaçait M.
Guay dans ses fonctions délicates?
M. Bourassa: II était à la fonction publique,
à l'époque, il n'était pas à mon bureau.
M. Morin: II était chef de cabinet auprès du
ministre de la Fonction publique, c'est cela?
M. Bourassa: Tout de même, il ne faut pas confondre les
postes et les personnes.
M. Morin: Vous m'affirmez qu'à l'heure actuelle, il n'y a
personne dans votre cabinet qui soit chargé de ces fonctions.
M. Bourassa: Lorsque je reçois des demandes, supposons que
le chef de l'Opposition veut un emploi pour un travailleur de son comté;
je vais en discuter, je vais remettre cela soit à M. Rivest, si cela
vient du chef de l'Opposition...
M. Morin: En somme, si je comprends bien, c'est la corbeille
à papiers.
M. Bourassa: II n'y a pas d'affectation... aucun membre de mon
personnel n'est affecté au placement.
M. Morin: Pour terminer, serait-il possible d'obtenir la liste de
tous les consultants contractuels? Vous avez, je pense, à l'occasion,
des consultants qui ne sont pas à temps plein dans vos bureaux, qui sont
occasionnels ou contractuels, combien y en a-t-il?
M. Bourassa: Vous voulez dire les choses qu'on donnerait pour six
mois ou neuf mois? Il n'y a seulement que M. Paradis, à ce qu'on me dit
actuellement.
M. Morin: A honoraires. M. Bourassa: Oui.
M. Morin: Oui, mais il est à temps plein, ce M. Paradis.
Je vous parle des consultants occasionnels.
M. Bourassa: On n'en a pas. On peut prendre quelqu'un pour trois
mois. On n'en a pas...
M. Morin: Même pour un mois, trois mois?
M. Bourassa: Je vais regarder cela. N'en avons-nous pas pour
cette année? Non, à ce qu'on me dit, après une
vérification sommaire, on n'en a pas. On n'en a pas pour l'année
financière. Ils vont vérifier, s'ils en trouvent, ils vont...
M. Morin: J'ai terminé. Prenez tout votre temps. Pour
autant que je suis concerné, j'ai terminé...
M. Bourassa: J'ai M. Georges-Henri Cloutier, coordonnateur
spécial dans le cadre de la situation socio-économique qui
prévaut présentement dans la région de Thetford-Mines,
$25,000, pour une année. Il a été désigné
par mon bureau afin d'aviser le gouvernement sur les actions gouvernementales
visant à résoudre les problèmes socio-économiques
qui résultent des difficultés de cette région, à
cause de la grève de l'amiante.
M. Morin: La King Beaver et tous ces problèmes? Comment
s'appelle-t-il à nouveau, je m'excuse?
M. Bourassa: Georges-Henri Cloutier.
M. Morin: Je crains de ne pas le connaître. Quelles sont
ses qualifications professionnelles?
M. Bourassa: Un enseignant qui était maire de Black
Lake.
M. Morin: C'est le maire de Black Lake dont vous me parlez. Je
vois, d'accord.
M. Bourassa: Vous y aviez fait une assemblée, je crois,
qui avait été un fiasco.
M. Morin: Elle avait été un très grand
succès. C'est même, lors de cette assemblée que nous avons
annoncé...
M. Bourassa: L'étatisation des mines, ce que j'ai
réfuté en fin de semaine...
M. Morin: Oui, et ce que cela coûterait au
Québec.
M. Bourassa: ... en citant l'économiste suédois
Myrdal qui parlait des pertes énormes des nationalisations quand on peut
arriver au même objectif avec des contrôles et des normes
appropriées.
M. Morin: Oui, mais comme vous n'avez pas de normes
appropriées, ni contrôle...
M. Bourassa: Vous devriez viser d'abord des contrôles et
des normes appropriés au lieu d'engloutir des centaines de millions pour
des actionnaires américains.
M. Morin: On peut peut-être discuter de cette question, M.
le Président. Je suis prêt à m'étendre sur la
nationalisation de l'amiante, ce soir, mais ce que je voulais savoir, c'est si
ce M. Cloutier est à l'emploi du gouvernement pour un an.
M. Bourassa: Oui, c'est un contrat d'un an, jusqu'à la fin
de l'année, décembre 1975.
M. Morin: Pourriez-vous nous décrire, de façon un
peu plus précise, ses fonctions? Qu'attendez-vous de lui?
M. Bourassa: M. Cloutier nous fait des recommandations pour
arriver à corriger ou atténuer la conséquence des
grèves actuellement ou du feu qui a eu lieu et des problèmes que
connaît la région. Je crois qu'il a été très
utile dans ce qu'on a proposé pour la firme Bellevue. Plusieurs
centaines d emplois ont été épargnées à
cause de l'intervention du gouvernement dans ce secteur.
M. Morin: M. Cloutier se trouve-t-il de la sorte à
surveiller la grève qui a lieu dans l'industrie de l'amiante? Est-ce que
cela fait partie de ses fonctions?
M. Bourassa: Non, cela ne fait pas partie de ses fonctions. Ses
fonctions sont d'apporter ou de faire des suggestions pour essayer
d'améliorer la situation socio-économique dans son ensemble.
M. Morin: II a démissionné de son autre poste et il
est au service exclusif du gouvernement, pour l'année?
M. Bourassa: Oui. Il y a un remboursement des frais à la
commission scolaire et il y a des frais d'honoraires.
M. Morin: Y a-t-il d'autres consultants de cette nature?
M. Bourassa: On me dit que non, M. le Président. Je n'en
vois pas d'autres.
M. Morin: Quand le premier ministre choisit un consultant pour
résoudre un problème comme celui de l'amiante, par exemple, cette
décision demeure-t-elle secrète ou si elle fait l'objet d'une
déclaration publique?
M. Bourassa: Dans ce cas, le cas de M. Cloutier, il y a eu un
communiqué de M. Charles Denis.
M. Morin: Est-ce que c'est invariable que ce soit annoncé
publiquement?
M. Bourassa: Oui. C'était utile pour le gouvernement de
l'annoncer.
M. Morin: Je m'en doute, puisque vous l'avez fait. Connaissant le
premier ministre, je me doute qu'il considère la chose comme fort
"utile", mais je me demandais s'il le faisait invariablement pour toutes les
nominations de consultants occasionnels ou contractuels?
M. Bourassa: Cela ne se fait peut-être pas par
communiqué de mon bureau parce que, quand même, ce sont des
questions administratives alors que M. Denis s'occupe de l'information
politique, comme vous le savez. Mais je crois que c'est connu et que c'est dans
les comptes publics. Il n'y a rien à cacher.
M. Morin: Les comptes publics, cela vient après que la
dépense a été faite. Je parle au moment où la
nomination est faite.
M. Bourassa: Je ne peux pas dire qu'on a fait des
communiqués chaque fois. D'ailleurs, on y recourt assez rarement.
Cloutier et Paradis ont été annoncés par communiqué
et ce sont les deux consultants qu'on m'a donnés. Si on en trouve
d'autres, on pourra les donner au chef de l'Opposition. Dans ces cas, cela a
été annoncé par communiqué.
M. Morin: Le souci que j'ai, c'est qu'il ne se fasse pas de
nomination qui ne soit portée d'une manière ou d'une autre devant
l'opinion publique.
M. Bourassa: Non, c'est un principe de gestion publique auquel
j'adhère.
M. Morin: Si le premier ministre est prêt à y
adhérer, nous pouvons adopter le programme no 3.
M. Bourassa: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gratton): Programme 3, adopté.
M. Bourassa: Le secrétariat général, ce
n'est pas dans le programme 3?
Le Président (M. Gratton): Oui, c'est adopté. M.
Bourassa: D'accord, c'est adopté.
Le Président (M. Gratton): Je pense que, en
définitive, ceci complète l'étude des crédits que
doit défendre le premier ministre. Y a-t-il d'autres questions à
son intention avant que nous ne revenions à l'OPDQ?
M. Morin: Oui, il y a d'autres questions à l'intention du
premier ministre, s'il le veut bien.
M. Bourassa: Je vous écoute.
Repatriement de la constitution
M. Morin: Je n'ai pas l'intention de faire de bien longs
discours. Je voudrais simplement poser quelques questions au premier ministre
au sujet du rapatriement de la constitution puisque, ce matin, après
avoir abordé cette question, lors de l'étude des crédits
du ministère des Affaires intergouvernementales, le ministre a cru bon
de me
renvoyer au premier ministre pour tout ce qui touche la question du
rapatriement.
On se souviendra que, dès la réélection de M.
Trudeau, au lendemain même de sa réélection, son bureau
émettait un communiqué dans lequel il se réjouissait de
l'occasion qui allait être donnée au pouvoir fédéral
et au Québec d'enfin procéder au rapatriement de la constitution.
Le premier ministre du Québec lui-même, à une ou deux
occasions, n'a pas écarté cette possibilité. Il y a
même fait allusion récemment. Je ne sais plus si c'était
dans un communiqué ou dans un discours. En tout cas, il y a fait
allusion comme étant une possibilité tout à fait
distincte.
Or, qui dit rapatriement dit nécessairement mode d'amendement
constitutionnel et qui dit mode d'amendement constitutionnel dit partages des
pouvoirs, des compétences entre les deux niveaux de gouvernement. En
d'autres termes, qui dit rapatriement dit révision constitutionnelle. Ce
qui m'inquiète, c'est de voir le premier ministre s'aventurer sur le
sentier du rapatriement sans qu'il ait mesuré toutes les
conséquences que cela peut comporter, du point de vue de la
révision constitutionelle, du point de vue de l'avenir du Québec
et de son statut.
Nous pourrions nous ramasser à la table de négociation
fédérale-provinciale sans qu'une stratégie globale ait
été préparée. C'est du moins ce que j'ai cru
constater lors de l'étude des crédits du ministère des
Affaires intergouvernementales, l'année dernière. Bien que je
n'aie pas encore eu un entretien complet sur la question avec le ministre,
cette année, j'ai senti, à son exposé préliminaire
et au discours qu'il a fait le 5 avril devant la chambre de commerce, je
crois...
M. Levesque: Le 8.
M. Morin: Le 8 avril, merci. J'ai senti que...
M. Levesque: Simplement pour vous indiquer que je suis ici.
M. Morin: Oui, je l'avais noté dès le départ
et je m'en réjouis puisque, éventuellement, le ministre pourra
intervenir dans la conversation. Je n'ai pas d'objection à ce qu'il le
fasse.
Ce qui nous inquiète, c'est de voir le gouvernement du
Québec parler de rapatriement ou même faire allusion a la
possibilité du rapatriement sans être vraiment en possession de
dossiers complets sur la révision et sans avoir préparé
une politique globale en ce qui concerne l'avenir du Québec.
J'avoue que les déclarations du premier ministre m'ont paru un
peu légères, compte tenu des conséquences qu'elles peuvent
comporter. J'aimerais, puisque l'occasion nous en est fournie ce soir, qu'il
nous précise sa pensée sur le rapatriement; non seulement sur le
rapatriement, mais sur le mode d'amendement constitutionnel ainsi que sur le
partage des pouvoirs.
M. Bourassa: M. le Président, je crois que le chef de
l'Opposition assume ses responsabilités d'une façon tout à
fait normale en discutant de cette question et en prévenant le
gouvernement du sérieux du problème. Ce que je peux lui dire,
c'est que le gouvernement du Québec ne s'est aucunement engagé
à accepter le rapatriement de la constitution. Il y a une tradition qui
veut au Québec que ce rapatriement soit associé au moins à
un certain partage des pouvoirs. C'est un peu ce qui était en discussion
a Victoria en I97I, cela n'a pas été une situation facile. C'est
peut-être l'un des moments les plus difficiles que j'ai eu à
traverser personnellement, parce que le problème québécois
se trouvait à s'exprimer dans une acuité particulièrement
forte, c'est-à-dire le fait que, sur le plan culturel, les
Québécois sont un peu orientés vers une solution, alors
que, sur le plan économique, ils sont orientés dans une autre
direction, c'est-à-dire du côté du
fédéralisme. C'est la tâche du gouvernement
québécois de concilier ces exigences plus ou moins
contradictoires, c'est-à-dire le maximum d'autonomie sur le plan
culturel et une participation au régime fédéral sur le
plan économique. Ceci se trouve à être posé
évidemment d'une façon particulièrement claire dans le cas
du rapatriement de la constitution.
Le premier ministre du Canada, et on le comprend, a manifesté son
intention de vouloir rapatrier la constitution ou d'amorcer des discussions
pour le faire. On sait qu'il y a plusieurs premiers ministres avant lui qui s'y
sont essayés sans succès. On peut considérer
qu'étant canadien français, il puisse lui paraître opportun
de faire un nouvel effort pour assurer le rapatriement de la constitution,
c'est-à-dire que la constitution soit modifiée par les Canadiens
eux-mêmes. Le chef de l'Opposition est peut-être au courant des
arguments qu'il a apportés au cours de la fin de semaine devant un
auditoire d'étudiants ou de jeunes en reprochant au gouvernement du
Québec de ne pas abonder dans le même sens. En refusant de
rapatrier la constitution purement et simplement sans qu'il y ait au moins un
certain partage des pouvoirs sur lequel on pourra discuter tantôt, le
gouvernement du Québec ne fait qu'adopter une attitude qui a toujours
existé au Québec depuis des générations.
Notre descendance normande fait que nous sommes plutôt
réticents à signer des documents qui pourraient nous engager pour
l'avenir, d'une façon irrémédiable. C'est pourquoi nous
voulons adopter une attitude de prudence, mais s'il était possible
d'arriver à un certain partage, surtout dans le domaine culturel,
puisque c'est cela qui nous distingue du reste de l'Amérique du Nord et
du reste du Canada, s'il était possible de le faire, nous serions
prêts à aborder la discussion. Pour le mode d'amendement
lui-même, il y avait eu entente à l'occasion de Victoria, et il y
avait eu discussion dans cette salle même avec les partis d'Opposition.
Si ma mémoire est bonne, mais ceci devrait être
vérifié, je crois que le Parti québécois, par la
voix du député de Bourget de ce moment, avait exprimé son
appui sur le mode d'amendement, évidemment pas sur l'acceptation
globale, mais sur...
M. Morin: J'aimerais bien que vous me retrouviez cela.
M. Bourassa: Oui, je crois que je vais le retrouver pour... Le
chef de l'Opposition avait été consulté, je crois,
à ce moment.
M. Morin: Est-ce que vous voulez faire état publiquement
de nos conversations téléphoniques?
M. Bourassa: Non, mais je veux dire...
M. Morin: J'ai toujours gardé la plus grande
discrétion là-dessus.
M. Bourassa: Non, M. le Président...
M. Morin: Je ne voudrais pas que vous vous serviez de cela pour
essayer de me mettre en boîte.
M. Bourassa: Non, je n'ai pas l'intention de mettre en
boîte le chef de l'Opposition.
M. Morin: Parce que, souvent, le premier ministre, pour
réduire certains adversaires au silence, les appelle et les met dans sa
confidence.
M. Bourassa: Pour les réduire au silence?
M. Morin: Oui, la conversation peut débuter de la
manière suivante: "A condition que vous n'en parliez pas, j'ai certaines
choses à vous dire." Forcément, l'interlocuteur a les mains
liées et la langue cousue. Je vous ferai remarquer que, la
dernière fois que vous m'avez appelé, je vous ai dit que je
préférais ne rien savoir pour garder ma liberté
d'action.
M. Bourassa: M. le Président, le chef de l'Opposition fait
toutes sortes d'interprétations aux appels téléphoniques
que je peux lui faire.
M. Morin: C'était il y a bien longtemps, j'en
conviens.
M. Bourassa: Oui, il faut dire que c'était avant qu'il
devienne chef de l'Opposition. Il était professeur de droit
constitutionnel à l'université. Il m'avait recommandé
à l'université de Harvard, je crois qu'il se souvient des lettres
de recommandation qu'il m'a faites pour mes études à
l'université de Harvard. Alors, il était normal...
M. Morin: Je ne m'en cache pas. J'avais un jeune étudiant
assez brillant devant moi. Je me suis dit: II mérite d'être
encouragé, ce garçon ira peut-être loin. Je le voyais
déjà comptable chez Simard.
M. Bourassa: Revenons à la constitution. Je dis donc que,
pour ce qui a trait au mode d'amendement de la constitution, j'avais cru
percevoir un accord au Québec sur le contenu de la formule d'amendement.
Là où il y avait eu désaccord, c'était sur la
question du partage des pouvoirs et la question du domaine social, où
les positions du Québec n'avaient pas été
acceptées. Nous croyons que si nous voulons discuter de nouveau de cette
question du rapatriement de la constitution, il devra être question de la
souveraineté culturelle du Québec, notamment dans les secteurs
des communications et de l'immigration, c'est-à-dire que, devant le
déclin de la proportion des Canadiens français au Canada,
logiquement, devant une certaine perte d'influence sur le plan
fédéral en raison même du déclin de la proportion
des Québécois francophones, il est normal que nous ayons plus de
pouvoirs en matière culturelle, quitte à collaborer pleinement
sur le plan social et économique, parce que nous sommes d'avis au sein
de notre parti que, quel que soit le statut politique du Québec, il
faudrait de toute manière collaborer avec le reste du Canada sur le plan
social et économique. Quand on voit qu'il y a quelques mois, on
annonçait un Parlement fédéral au suffrage universel en
Europe pour mai 1978, on ne voit pas comment le Canada, qui est bien plus
intégré économiquement que l'Europe, que le marché
commun, voterait contre un Parlement fédéral ou briserait son
lien fédéral. L'économie du Québec est tellement
intégrée au reste du Canada que, pour nous, elle doit s'appuyer
sur un lien fédéral pour fonctionner et nous donner les avantages
que nous connaissons. Sur le plan social, c'est la même chose. Du moment
qu'on a un marché commun, les politiques sociales doivent s'aligner les
unes sur les autres. Donc, la présumée indépendance
sociale que nous pourrions avoir est pour nous illusoire.
Ceci étant dit, il reste à obtenir sur le plan culturel
les pouvoirs dont nous avons besoin pour assurer notre sécurité
pour l'avenir. C'est le contexte dans lequel nous serions prêts à
discuter le rapatriement de la constitution. C'est ce que j'avais dit il y a
quelques semaines à l'occasion d'une rencontre avec les militants
libéraux au dîner-bénéfice que les questions
d'immigration et de communications nous paraissaient importantes dans cette
question.
M. Morin: M. le Président, je ne voudrais pas à
cette occasion lier un débat avec le premier ministre sur les rapports
économiques inévitables qui lient le Québec et le Canada
en tout état de cause, que nous soyons à l'intérieur d'un
fédéralisme strangulateur ou que nous soyons dans une association
économique du type de celle que propose le Parti
québécois. Ce serait un long débat. Le premier ministre
autrefois a eu l'occasion, avant qu'il ne devienne premier ministre, de
participer à certains débats dans certains sous-sols sur ces
questions. Je crois qu'il en a gardé d'ailleurs un assez bon souvenir,
même si, par la suite, il a semblé changer d'orientation pour des
raisons sur lesquelles je n'ai pas à me pencher. Je ne voudrais pas
refaire ce débat, ce n'est pas l'occasion. Ce que je voudrais examiner
de façon assez brève je ne veux pas faire traîner
les choses en longueur ce soir c'est la question du mode
d'amendement.
Le premier ministre nous a dit: Ce mode d'amendement avait
été approuvé par le Québec à Victoria. Si
j'ai bien compris, il nous signifie par là que c'est sur autre chose que
la conference et la charte de Victoria ont avorté. Or, si je peux me
permettre de lui rafraîchir les idées, l'Opposition au
Québec à ce moment, s'est manifestée de façon
très vive. Le premier ministre lui-même a parlé d'une
situation aiguë tout à l'heure, d'une crise aiguë.
L'Opposition...
M. Bourassa: Pas au niveau de l'ensemble de la population, mais
au niveau de ceux qui étaient intéressés au
problème.
M. Morin: Oui, chez un assez grand nombre de personnes,
même au sein du cabinet.
M. Bourassa: Non, au niveau de l'intelligentsia...
M. Morin: L'opposition, si ma mémoire est bonne, portait
non pas contre l'article 94A), je pense que le Québec avait
proposé comme solution lors des entretiens de Victoria, mais portait sur
le mode d'amendement dont l'effet était de lier le Québec pour
l'avenir en ce qui concerne le partage des pouvoirs et des questions
linguistiques. Est-ce que le premier ministre veut aujourd'hui laisser entendre
que c'est pour d'autres raisons qu'il a dit non à la charte de Victoria?
Si c'est le cas, j'aimerais qu'il soit bien clair une fois pour toutes.
M. Bourassa: J'ai dit non à la charte de Victoria parce
que, pour le gouvernement du Québec et pour les Québécois,
ce qui était offert comme partage de pouvoirs paraissait insuffisant
pour justifier le rapatriement de la constitution, parce que le rapatriement de
la constitution est un élément de négociation important
pour le Québec avec le reste du Canada. Il faudra que cela se fasse un
jour ou l'autre. Je comprends que le Parti québécois a
intérêt à ce que cela ne se produise pas, je pense bien,
politiquement parlant. Peut-être pas le chef de l'Opposition. Je pense
que, dans ces questions, il est au-dessus...
M. Morin: Personne n'a intérêt à ce que le
Québec ait les mains liées dans une camisole de force, ni vous,
ni l'Opposition.
M. Bourassa: M. le Président, on a un droit de veto en
vertu du mode d'amendement.
M. Morin: Oui, mais les autres provinces également.
M. Bourassa: Oui, mais je veux dire à certaines
conditions. Je crois qu'actuellement on a un droit de veto qui existe d'une
façon temporaire, c'est-à-dire que le gouvernement
fédéral, et là il peut y avoir des points de vue
différents, mais on prétend, dans certains milieux
fédéraux, que le gouvernement fédéral pourrait
rapatrier la constitution par-dessus les provinces. Je crois que le chef de
l'Opposition est au courant de la thèse qui est soutenue par certains
milieux fédéraux là-dessus. Je ne sais pas si...
M. Morin: Ils soutiennent cela depuis quinze ans et ils ne l'ont
pas fait encore. Je doute qu'ils le fassent, parce que ce serait vraiment un
bris de la coutume constitutionnelle. Il n'y a pas que les textes
écrits, il y a des coutumes aussi, dans ce domaine, qui sont
importantes. Mais je m'excuse, je ne voulais pas vous interrompre.
M. Bourassa: Non, d'accord, mais disons que, quand le chef de
l'Opposition parle de bris de coutume constitutionnelle,, il ne se
réfère pas à des textes de loi. La valeur juridique de ces
arguments peut, à tout le moins, paraître discutable à ceux
qui proposent que cela puisse se faire.
M. Morin: Pas pour des gens qui ont été
formés dans la tradition britannique, la coutume est aussi
déterminante que les textes écrits. Je crois qu'il est fort peu
probable que le pouvoir fédéral passe par-dessus les provinces
pour rapatrier la constitution. Ce serait un coup de force constitutionnel qui,
vraiment, encourrait la désapprobation unanime. En fait, je serais
prêt à soutenir que ce serait contraire au droit coutumier,
c'est-à-dire contraire au droit tout court, parce que la coutume en
droit britannique a la même valeur, comme source de droit, que les
écrits.
M. Bourassa: Pour répondre au chef de l'Opposition, c'est
parce que le partage des pouvoirs qui était proposé ne nous a pas
paru justifier l'acceptation du mode d'amendement.
M. Morin: Dans le domaine social.
M. Bourassa: C'est cela. Mais dans les autres points aussi, la
question des droits à la cour Suprême, les droits linguistiques;
il y avait certains progrès incontestables, mais pas suffisants pour
justifier l'acceptation du rapatriement de la constitution. Actuellement, nous
sommes prêts à aborder cette discussion si on peut
également discuter des garanties constitutionnelles dans le domaine
culturel pour les Québécois. Je ne crois pas que personne au
Canada va trouver exagéré que le gouvernement
québécois exige des garanties constitutionnelles pour son avenir
propre parce que, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, on ne peut pas
confier à une majorité qui n'est pas la nôtre le soin de
développer la culture d'une minorité.
M. Morin: Oui. Ce qui m'inquiète, pour ne rien vous
cacher, c'est qu'effectivement, à Victoria, vous aviez posé des
conditions. Vous aviez dit: Nous serons d'accord pour le rapatriement, donc
pour le mode d'amendement, si vous acceptez notre proposition sur l'article
94A), c'est-à-dire si vous acceptez que le Québec ait
compétence exclusive dans le domaine de la sécurité
sociale. Ottawa vous a dit non. Vous êtes revenu à Québec
et vous avez dit: ll n'y a pas de quid pro quod. Parce que, si j'avais bien
compris votre position à l'époque, vous étiez prêt
à échanger l'avenir pour ce "tiens", pour cet avantage
immédiat que constituait le rapatriement de la sécurité
sociale.
M. Bourassa: C'est-à-dire qu'à ce moment, on ne
pouvait pas prévoir les arrangements pratiques qui ont eu lieu, si nous
avions obtenu ces concessions, le point de vue du cabinet à ce moment,
c'était d'accepter l'ensemble de la charte qui comprenait plusieurs
facteurs.
M. Morin: Et par la suite, je vous dis que...
M. Bourassa: Par la suite, il y a eu des arrangements pratiques,
qui éventuellement pourraient s'inscrire dans un texte constitutionnel.
Je vous dis que la préoccupation dominante du gouvernement,
présentement, c'est la question culturelle.
M. Morin: Vous étiez parti avec la compétence
exclusive que vous revendiquiez dans le domaine
de la sécurité sociale et vous avez abouti à des
arrangements pratiques qui font, qu'en fait, c'est Ottawa qui...
M. Bourassa: Non, non. M. Morin: ... qui paie.
M. Bourassa: Qui paie et c'est nous qui décidons des
priorités...
M. Morin: Oui.
M. Bourassa: ... évidemment il faut quand même
être pragmatique dans toutes ces questions. C'est nous qui
décidons du montant et des bénéficiaires. Il y a des
normes à respecter. Mais, même si le parti québécois
était au pouvoir et qu'il... Le référendum,
l'espèce de camouflage que vous avez fait avec le
référendum, admettons que le Québec devient
indépendant, il faudrait qu'il respecte certaines normes nationales en
matière sociale. Je ne vois pas pourquoi le Québec, à
l'intérieur du...
M. Morin: Cela ferait l'objet d'ententes. Il n'y a pas de
difficulté particulière; c'est une question technique.
M. Bourassa: Mais il faudrait qu'il y ait des ententes. Alors
pourquoi briser le lien fédéral pour aboutir au même
résultat?
M. Morin: Ah! ce n'est pas sûr que nous aboutirions au
même résultat. Vous prenez cela pour acquis, mais ce n'est pas
sûr du tout.
M. Bourassa: M. le Président, ce qui est important pour
nous, c'est d'avoir le contenu, de pouvoir décider du contenu de la
politique. Nous pouvons avec les arrangements pratiques que nous avons et qui
pourraient s'inscrire dans la constitution... Je comprends que cela pourrait
exiger assez d'ingéniosité sur le plan de la rédaction
législative.
M. Morin: Assez, d'ingéniosité, oui. Vous admettrez
que, de part et d'autre, ce n'est pas clair. Ces arrangements-là ne sont
pas clairs. Ottawa prétend qu'il conserve son pouvoir de
décision.
M. Bourassa: Sur des normes générales.
M.Morin:Et à condition que le Québec s'inscrive
dans les normes générales, il peut décider. Bien oui!
M. Bourassa: Non!
M. Morin: C'est brillant, c'est brillant! Il faut le faire!
M. Bourassa: Non, non. Le chef de l'Opposition revient à
de la partisanerie politique, ce qu'il a évité de faire depuis 32
minutes.
M. Morin: Non, non?
M. Bourassa: Ce que je dis au chef de l'Opposition, c'est que
nous décidons du contenu, c'est le gouvernement du Québec qui
décide du contenu, du montant et de l'identité des
bénéficiaires.
M. Morin: A l'intérieur des normes
fédérales.
M. Bourassa: A l'intérieur de normes de bon sens que tout
le monde accepte.
M. Morin: Bon, alors continuez.
M. Bourassa: Dites-moi avec quelles normes, vous n'êtes pas
d'accord, du gouvernement fédéral, dans les questions sociales
actuellement? Vous n'auriez pas un minimum? Le minimum est de $12 ou $20...
M. Morin: Ce qui m'intéresse, c'est de savoir si,
après avoir finalement fait ces "arrangements" en matière de
sécurité sociale, alors que vous prétendiez obtenir
l'exclusivisme au départ, si, maintenant que vous avez changé
votre fusil d'épaule et que vous faites porter l'accent sur l'autonomie
culturelle j'ai bien noté que vous parliez "d'autonomie
culturelle" et non de souveraineté...
M. Bourassa: J'ai parlé de souveraineté
culturelle.
M. Morin: Je vous avais cru plus modeste et plus réaliste,
tout à l'heure, lorsque vous avez utilisé l'expression "autonomie
culturelle", qui est beaucoup plus exacte.
M. Bourassa: Non. J'ai dit que les Québécois
étaient portés vers des objectifs qui pourraient sembler
contradictoires. C'est que, sur le plan économique ils ont
intérêt à faire partie du Canada et sur le plan culturel
ils doivent avoir le maximum d'autonomie ou la souveraineté culturelle.
C'est pourquoi dans notre parti nous proposons la souveraineté
culturelle dans le fédéralisme économique. Cela nous
paraît être la formule originale, moins simpliste qu'une
indépendance traditionnelle comme il y en a en Afrique.
M. Morin: Comme il y en a en Europe, comme il y en a un peu
partout dans le monde!
M. Bourassa: En Europe, on a un parlement fédéral
qui a été annoncé pour deux ans.
M. Morin: II se trouve qu'il y a à peu près 135 ou
140 états qui possèdent leur souveraineté
"traditionnelle".
M. Bourassa: Non, non. M. le Président, je ne sais pas si
le chef de l'Opposition a vu l'annonce qui a été faite qu'il y
aurait des élections au suffrage universel, en Europe, en mai 1978. Je
sais que le chef de l'Opposition n'y croit pas.
M. Morin: J'ai vu cela.
M. Bourassa: Les fédéralistes orthodoxes à
Ottawa n'y croient pas non plus. Vous vous retrouvez dans ça...
M. Morin: Je doute que cela ait lieu en 1978. Je pense qu'on a
voulu anticiper un peu sur la réalité. Si le premier ministre
connaît les sondages qui ont été effectués dans les
divers pays d'Europe, il a dû se rendre compte que les populations
elles-mêmes sont loin d'être disposées encore. Cela prendra
beaucoup plus d'éducation
populaire qu'on en arrive à des résultats comme
celui-là. Sur la situation de l'Europe, je ne veux pas laisser aller le
premier ministre indéfiniment, M. le Président, parce que c'est
tout à fait différent du contexte nord-américain.
Lui-même passe son temps à signaler le statut tout à fait
spécial du Québec en pleine Amérique anglophone. Les pays
d'Europe sont nombreux, ils sont une quinzaine, ils parlent tous des langues
différentes, donc l'équilibre entre ces divers pays est bien plus
facile à établir qu'entre le Québec et le reste du
Canada.
M. Bourassa: Ce que je veux dire, M. le Président, c'est
que l'intégration économique du Canada suppose un lien
fédéral et qu'on s'en aperçoit actuellement en Europe avec
une plus grande intégration économique.
M. Morin: Ecoutez, cela nous ramène au débat de
fond de tout à l'heure. Je veux bien m'engager là-dessus, mais je
pense à votre estomac qui doit crier famine. Avant de comparer les
bienfaits du fédéralisme tel qu'il est pratiqué dans ce
pays avec l'indépendance, je pense qu'on ferait mieux de s'en tenir
à la révision.
M. Bourassa: Je comprends que vous craigniez de discuter de cette
question.
M. Morin: Je ne le crains pas. Voulez-vous qu'on la discute? J'y
suis disposé; il est 21 h 30. On peut commencer dès maintenant,
je n'ai pas d'objection.
M. Bourassa: M. le Président, ce que je demande au chef de
l'Opposition, c'est à quoi répond son parti devant la
nécessité, parce que le problème qui se pose actuellement
en Europe, c'est que les fonctionnaires ne peuvent pas prendre des
décisions politiques. On ne peut pas demander à des
fonctionnaires du marché commun indéfiniment de décider du
prix des produits agricoles. C'est pour cela que tous les gouvernements sont
tombés d'accord pour avoir un Parlement élu au suffrage
universel, parce que des décisions comme celle-là supposent des
décisions qui soient prises par des élus du peuple. Or, nous, qui
avons une économie bien plus intégrée, et nous voyons les
avantages que cela nous donne dans la question du pétrole, je ne vois
pas pourquoi nous nous couperions de ce lien fédéral.
M. Morin: C'est un débat fort intéressant. Je
n'aurais pas d'objection à l'avoir en public, avec le premier ministre,
si l'occasion m'en était donnée. Ce pourrait être fort
intéressant de comparer les avantages, justement, et les
inconvénients des deux formules. Parce que les deux présentent
des avantages et les deux comportent des inconvénients. Mais, nous
prétendons qu'une indépendance, assortie d'une association
économique, serait beaucoup plus avantageuse pour le
développement du Quebec. Evidemment, c'est une question d'opinion. Ce
n'est pas cette question que je voulais vider ce soir.
M. Bourassa: Je constate que le chef de l'Opposition se rapproche
de la position du gouvernement.
M. Morin: Ah! vraiment?
M. Bourassa: Oui.
M. Morin: Je ne voudrais pas que vous vous illusionniez. Enfin,
peu importe; passons. Il m'intéresse de savoir à quelles
conditions précises vous êtes prêt à négocier
le rapatriement de la constitition et le mode d'amendement, à l'heure
actuelle.
M. Bourassa: M. le Président, le chef de l'Opposition
comprendra que cela n'a pas encore été discuté
suffisamment pour que je puisse annoncer publiquement la position du
Québec en détail sur cette question. Je dis au chef de
l'Opposition que la position traditionnelle du Québec a toujours
été de s'opposer au rapatriement pur et simple de la
constitution, comme semblent le souhaiter certains milieux
fédéraux.
M. Morin: M. le Président, il n'y a pas de rapatriement
pur et simple. Il ne peut pas y avoir de rapatriement sans qu'un mode
d'amendement ne soit défini.
M. Bourassa: D'accord, le mode d'amendement.
M. Morin: Le rapatriement signifie que Westminster n'a plus la
compétence pour modifier le BNA Act. Donc, il faut
nécessairement...
M. Bourassa: D'accord, je suis d'accord avec le chef de
l'Opposition, avec le mode d'amendement sur lequel on s'était entendu
très largement en 1971.
M. Morin: Mais dois-je comprendre que, de toutes les
récentes déclarations du premier ministre, de toutes les
déclarations depuis à peu près un an et demi, dans le cas
où Ottawa s'inclinerait devant ce qu'il appelle la souveraineté
culturelle, devant une autonomie culturelle accrue pour le Québec, qu'il
serait prêt, dans ces conditions, à accepter le rapatriement et le
mode d'amendement?
M. Bourassa: Nous serions certainement prêts à en
discuter sérieusement. Tout dépendrait du contenu de ce que vous
venez de parler.
M. Morin: Le Québec renoncerait-il, de la sorte, à
soulever la question du partage des compétences, dans le domaine
économique et dans le domaine financier?
M. Bourassa: M. le Président, quant à ce qui est
prioritaire pour le Québec actuellement, puisque pour ces questions,
nous pouvons toujours facilement trouver des alliés dans les autres
régions du Canada, l'isolement du Québec est une chose du
passé, pour ce qui a trait au domaine social et au domaine
économique et même au domaine culturel. Au domaine culturel, il
faut quand même constater que le Québec est dans une position
particulière et qu'il peut se trouver isolé, en raison même
de son contexte sociologique. Mais, pour les questions économiques et
sociales, que ce soit à l'Est ou à l'Ouest, nous l'avons vu dans
les conférences fédérales-provinciales depuis quelques
années, le Québec trouve toujours des alliés pour soutenir
son point de vue. A certains moments, c'est l'Est, dans les
questions de péréquation, et à d'autres moments,
c'est l'Ouest, pour ce qui a trait aux richesses naturelles.
Dans ces questions, le Québec n'est pas dans une situation
similaire à celles des questions culturelles.
M. Morin: Pour avoir une réponse un peu plus
précise à ma question, je la repose. Dois-je comprendre que si un
nouveau partage est accepté par Ottawa, dans le domaine culturel, le
Québec ne soulèvera pas la question du partage des
compétences dans les domaines économique et financier?
M. Bourassa: M. le Président, c'est une question qui devra
être réglée parmi les différentes régions du
Canada. Je ne puis pas répondre d'une façon définitive au
chef de l'Opposition, je le regrette, mais tout ce que je peux lui dire en
exprimant mon opinion et celle du gouvernement, mais non en détail,
parce qu'il y a eu très peu de discussions encore jusqu'à
maintenant, cette question a été soulevée d'une
façon de plus en plus intense depuis quelques mois seulement, tout ce
que je peux lui dire, c'est que, pour le gouvernement actuel, la question
culturelle est prioritaire, c'est-à-dire que nous ne voyons pas comment
nous accepterions je l'ai dit au dîner-bénéfice, je
l'ai dit dans le discours inaugural le rapatriement de la constitution
avec le mode d'amendement si nous n'avons pas des garanties constitutionnelles
dans des secteurs comme les communications ou l'immigration. Je ne crois pas
que j'assumerais mes responsabilités comme chef du seul gouvernement
francophone en Amérique du Nord, si je n'avais pas des garanties
constitutionnelles dans des secteurs clés pour la culture francophone au
Québec. Ceci nous apparaît indispensable.
Quant aux autres questions économiques, financières,
où le Québec bénéficie beaucoup plus qu'il n'est
pénalisé de sa participation au Canada, il est incontestable que
les bénéfices dépassent de très loin les
inconvénients. Seulement dans le cas du pétrole et de la
péréquation inconditionnelle, je ne parle pas de toutes les
participations du gouvernement aux programmes sociaux, alors que nous avons
l'autonomie complète, là où il assume la moitié des
salaires, de telle sorte que chaque augmentation de salaires est payée
à 50% par le fédéral. Je parle de la
péréquation inconditionnelle et le pétrole, c'est
au-delà de $2.5 milliards seulement pour ces deux questions, en plus de
la sécurité des approvisionnements. C'est pourquoi nous ne
mettons pas la priorité sur les questions économiques mais sans
éliminer un nouveau partage des pouvoirs au moment opportun.
M. Morin: Si je vous comprends bien, vous n'êtes pas encore
prêt, en tant que gouvernement, à prendre position sur le partage
des pouvoirs dans le domaine économique et dans le domaine fiscal. Ces
questions n'ont pas encore été vidées.
M. Bourassa: Nous en avons déjà discuté au
ministère des Affaires intergouvernementales, on examine cette question
du rapatriement de la constitution comme éventualité étant
donné que le premier ministre du Canada en a parlé, on a
discuté de certaines possibilités ou d'amendements à la
constitution, par exemple au titre de la péréquation ou des
choses comme celles-là. La position du gouvernement du Québec
n'est pas encore définitive là-dessus. Tout ce que je peux vous
dire c'est qu'il y a une priorité dans cette question du rapatriement,
il y a une priorité très nette au domaine culturel pour les
raisons évidentes que je vous ai données tantôt. Je ne vois
pas pourquoi le chef de l'Opposition ne serait pas d'accord, en enlevant son
chapeau de chef du Parti québécois...
M. Morin: Je ne suis pas le chef du Parti
québécois.
M. Bourassa: Cela s'en vient, quoi? Non? En enlevant son chapeau
de député du Parti québécois, je ne vois pas
pourquoi le chef de l'Opposition comme québécois, ne serait pas
d'accord avec le gouvernement pour obtenir la sécurité culturelle
pour les Québécois francophones.
M. Morin: Bien sûr, mais c'est insuffisant.
M. Bourassa: Je sais que je ferais des miracles et vous diriez
que c'est probablement Lucifer qui les fait.
M. Morin: Non, non!
M. Bourassa: Je ne m'attends pas à ce que l'Opposition
félicite le gouvernement.
M. Morin: Si le gouvernement adopte les politiques que nous
préconisons, j'entends s'il les adopte vraiment, et non pas seulement
des slogans, comme la social-démocratie pour faire illusion, faire
image.
M. Bourassa: M. le Président, si le chef de l'Opposition
veut aborder cette auestion, je vais le référer au budget qu'on a
déposé et qui aide sensiblement plus les petits travailleurs,
seulement $13 étaient proposés par le Parti
québécois pour celui qui gagnait $6,000 et $229 dans notre
cas.
M. Morin: Non, $100 plus l'indexation.
M. Bourassa: Dix-neuf fois plus, M. le Président.
M. Morin: Encore un débat qu'on pourrait peut-être
garder pour la Chambre ou pour une autre commission.
M. Bourassa: Juste un point là-dessus, je ne comprends pas
l'attitude du Parti québécois qui se dit à gauche et qui
ne veut pas, disons, utiliser l'inflation pour redistribuer les ressources
à l'avantage des travailleurs. Je ne comprends pas votre position.
M. Morin: C'est la première fois que je vous entends
énoncer cette politique. C'est intéressant, cela utiliser
l'inflation pour redistribuer les revenus.
M. Roy: La richesse.
M. Morin: C'est une politique. Mais vous n'avez jamais dit cela
si clairement que cela en Chambre, M. le Premier ministre. C'est fort
intéressant comme déclaration!
M. Bourassa: Le chef de l'Opposition n'est pas d'accord qu'on
prenne tous les moyens pour aider les travailleurs?
M. Morin: Ce que j'aimerais, c'est que vous fassiez une
redistribution consciente, en disant à ceux qui en font les frais,
exactement ce qui en est. A l'heure actuelle vous soutirez subrepticement aux
uns pour donner aux autres et il n'est même pas sûr qu'avec cette
formule, vous arriviez à donner suffisamment aux
défavorisés.
M. Roy: Le premier ministre oublie que les première
victimes de l'inflation sont justement les travailleurs comme tels.
M. Bourassa: Mais les premiers bénéficiaires du
budget que nous avons déposé sont les travailleurs bien plus que
les classes...
M. Roy: Vous parlez du budget, avec $1,025,000,000 que vous allez
chercher en plus dans les goussets des contribuables du Québec dans une
seule année...
M. Bourassa: Vous parlez comme Yvon Char-bonneau, cela n'est pas
sérieux.
M. Roy: Je n'ai pas besoin d'Yvon Charbon-neau pour donner ces
chiffres. Je les ai donnés le soir même où le ministre des
Finances a déposé son budget à l'Assemblée
nationale.
M. Bellemare (Rosemont): Pour autant que tu ne parles pas comme
Yvon Dupuis.
Le Président (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. Roy: C'est fort, c'est fort comme objection!
Le Président (M. Gratton): Sur un point de
règlement, est-ce que je pourrais demander le consentement de la
commission pour permettre au député de Beauce-Sud de remplacer M.
Samson comme membre de la commission et ainsi avoir droit de parole?
M. Morin: Cela va de soi.
M. Côté: Si le député de Rosemont a le
droit.
M. Bellemare (Rosemont): M. le Président, je demanderais
le même privilège.
Le Président (M. Gratton): II n'y a malheureusement plus
de députés à remplacer du côté
ministériel, je m'en excuse.
M. Bellemare (Rosemont): Je m'excuse auprès de mon
collègue de Beauce-Sud. Si vous donnez le privilège au
député de Beauce-Sud...
M. Morin: II n'a même pas le droit de s'exprimer, M. le
Président. Franchement, cela dépasse les bornes.
M. Bellemare (Rosemont): M. le Président, je vous demande
le même privilège, n'en déplaise au chef de l'Opposition,
parce qu'il ne connaît rien au travailleur. Mais je connais le
travailleur car je suis un type de la masse et je demanderais d'avoir les
mêmes privilèges que ceux de mon collègue, le
député de Beauce-Sud.
Le Président (M. Gratton): A l'ordre!
M. Bellemare (Rosemont): M. le Président, je
respecte...
Le Président (M. Gratton): A l'ordre! Eh bien, montrez-le
par des faits et, s'il vous plaît, ne prenez pas la parole. Le chef de
l'Opposition officielle.
M. Roy: Quelle est la décision, M. le Président,
suis-je membre de la commission?
Le Président (M. Gratton): Oui. M. Roy: Merci.
M. Bellemare (Rosemont): Est-ce que je suis membre de la
commission, M. le Président?
Le Président (M. Gratton): Non, le député de
Rosemont...
M. Bellemare (Rosemont): M. le Président...
Le Président (M. Gratton): Vons ne pouvez tout de
même pas refuser votre consentement si vous n'êtes pas membre de la
commission.
M. Bellemare (Rosemont): M. le Président, je vous remercie
et je veux respecter votre décision car, au lieu de faire du bruit,
nous... L'efficacité ne fait pas de bruit, ça travaille.
M. Morin: Vous en faites beaucoup, je trouve. M. le
Président, peut-on revenir... Je ne voudrais pas interrompre mon
collègue de Beauce-Sud. Aviez-vous encore des questions? Puis-je revenir
à la question constitutionnelle?
M. Roy: Des questions... Ce n'est qu'un court commentaire que je
veux faire. Lorsque le premier ministre dit que la première
priorité est la souveraineté culturelle et qu'il nous parle des
désavantages qu'il y a actuellement dans le domaine économique de
laisser le fédéral envahir de plus en plus toute question, tout
le domaine des activités économiques, le premier ministre se
sert, comme argument, du pétrole. Le pétrole, cela n'a pas
toujours existé, la situation n'a pas toujours existé comme
telle. Demain, il se trouvera d'autres situations, et je me demande si l'on
peut logiquement, sincèrement et honnêtement croire possible une
souveraineté culturelle dans une dépendance économique de
plus en plus grande. Je n'y crois pas du tout et le premier ministre ne m'a.
pas donné, ce soir, les arguments pour me convaincre.
M. Bourassa: M. le Président, j'ai parlé... M.
Roy: C'est impensable.
M. Bourassa: ...d'une priorité culturelle pour la question
du rapatriement de la constitution. Le gouvernement a plusieurs
priorités en ce qui a trait à son action dans l'ensemble,
notamment dans le domaine économique. Je ne voudrais pas que l'on dise
que nous avons renoncé à notre
priorité économique dans l'ensemble des politiques
gouvernementales. Pour rafraîchir la mémoire du
député de Beauce-Sud, il y a la question du pétrole, du
gaz, de l'uranium. Nous recevons des centaines et des centaines de millions
à cause du pétrole et du gaz, même si nous n'en avons pas
du tout au Québec, ou à peu près pas. C'est le
pétrole cette année, ça pourrait être le gaz dans
quelques années, ou l'uranium.
M. Roy: Et ça pourrait être
l'électricité dans quelques années.
M. Bourassa: Sur ce sujet, le député se trompe
parce que ce qu'il reste à développer, c'est à peu
près 20,000 mégawatts, et ceci servira à des fins
québécoises, étant donné que les besoins en
électricité seront tels dans les prochaines décennies que
tout cela devra être affecté aux besoins québécois.
Alors, comment voulez-vous que nous puissions exporter
l'électricité quand tout ce qui sera développé
devra à peine suffire aux besoins québécois?
M. Morin: En cas d'urgence.
M. Bourassa: Je voudrais que le député de
Beauce-Sud se rende compte. Il a ouvert la porte du pétrole et je veux
être très bref et aussi concis que possible. S'il avait fallu que
nous soyons séparés, je sais que le député de
Beauce-Sud est contre...
M. Morin: Cela est inexact. Vous reprenez encore votre chanson,
qui n'est que spéculation.
M. Roy: Nous la connaissons.
M. Bourassa: Alors, laissez-moi la dire, la
répéter.
M. Morin: Voulez-vous qu'on vous accompagne en choeur?
M. Bourassa: M. le Président, s'il avait fallu que le
Québec soit séparé, M. Parizeau lui-même, dans un
éditorial du Jour, l'admettait. La question du pétrole est
peut-être la plus embêtante à laquelle ait jamais eu
à faire face le parti Québécois. Je vous apporterai cet
editorial de M. Parizeau qui a ses moments de franchise étant
donné qu'il a laissé...
La question la plus embêtante à laquelle vous avez eu
à faire face, et pour cause, parce que si le Québec avait
été séparé, M. le Président, non seulement
chaque consommateur québécois aurait payé $0.14 de plus le
gallon, mais des dizaines de milliers de travailleurs qui travaillent dans des
usines qui consomment du pétrole auraient été mis en
chômage, parce que ces entreprises auraient été en
faillite, étant donné la concurrence exceptionnelle que leur
aurait pu faire Toronto, où le prix du baril aurait été de
$6.50, par rapport à $11. Mettez-vous à la place des entreprises
pétrochimi-ques qui auraient dû payer $11 le baril, plutôt
que $6.50 qui auraient été payés à Toronto. Quel
effet désastreux sur ce secteur économique!
M. Morin: Le premier ministre, dans ses spéculations,
oublie toujours de préciser toutes les variables de son
hypothèse. Si le Québec avait été
indépendant depuis plusieurs années, s'il avait eu des accords
avec des pays pétroliers, producteurs de pétrole, s'il avait eu
des accords avec le Canada, l'hypothèse est tout à fait
différente.
M. Bellemare (Rosemont): Vous rêvez en couleur.
M. Morin: Le premier ministre saisit l'hypothèse qui fait
son affaire...
M. Bourassa:... où il y aurait eu une sorte de
Québec isolé de ses voisins...
M. Morin: ... qui n'aurait pas d'entente avec les Etats
étrangers?
M. Bourassa: Pourquoi nous aurions été...
M. Morin: C'est enfantin ce que vous proposez.
M. Bourassa: Non, c'est ce que vous dites qui est puéril.
Pourquoi aurions-nous été de petits
préférés, alors que les Etats-Unis, l'Allemagne, la
France, la Belgique, la Hollande, l'Angleterre, l'Italie ont été
incapables d'avoir des ententes spéciales?
M. Morin: Ils en ont eu.
M. Bourassa: Ils n'ont pas eu des prix spéciaux pour le
pétrole. Le prix n'est inférieur dans aucun de ces pays.
M. Morin: II y a eu des ententes spéciales, vous le savez
bien.
M. Bourassa: Non, il n'y a pas de prix inférieur. Il y a
eu des ententes économiques en échange d'entreprises et d'usines,
mais le prix international n'était pas inférieur dans ces pays.
Donc, nous aurions payé $11 le baril. Le chef de l'Opposition le sait
fort bien.
M. Morin: Tout dépend des ententes.
M. Bourassa: Nous aurions payé $11 le baril. C'est
très hypothétique, les mirages du chef de l'Opposition.
M. Morin: Encore là, le premier ministre écarte un
certain nombre de variables qui ne font pas son affaire, comme, par exemple, la
possibilité d'une association économique avec le Canada, telle
que nous la proposons, ce qui modifie complètement le tableau.
M. Bourassa: Le chef de l'Opposition devrait savoir que nous
exportons 50% de ce que nous produisons sur le plan manufacturier, et plus que
l'Ontario, en proportion.
M. Morin: Et même un peu plus.
M. Bourassa: En proportion, nous dépendons davantage du
commerce extérieur que l'Ontario. Cela ne nous place pas dans une
position de négociation tellement forte.
M. Morin: Mais il n'a jamais été question
d'iso-
ler le Québec, comme vous affectez de le croire, chaque fois que
nous en parlons, en nous parlant de barbelés et de murs de ciment, de
toutes ces images enfantines.
M. Bourassa: Je vous donne des exemples précis, des faits
concrets, et vous me répondez par des généralités
comme l'association économique, en faisant valoir que tout cela pourrait
créer des miracles pour le Québec.
M. Morin: J'essaie de vous démontrer que, parmi toutes les
hypothèses, vous retenez celles qui font votre affaires pour votre petit
baratin traditionnel.
M. Bourassa: Des hypothèses d'actualité qui font
très mal au Parti québécois.
M. Morin: Je ne le pense pas, quand elles sont discutées
sérieusement. Mais, lorsqu'elles sont lancées comme cela en
l'air, évidemment, cela fait votre affaire.
M. Bourassa: C'est votre propre conseiller économique qui
l'a dit.
M. Morin: Nous en reparlerons et j'espère que vous pourrez
me trouver les extraits...
M. Bourassa:... demain, M. le Président.
M. Morin: M. le Président, revenons à la question
qui fait l'objet de notre débat, ce soir, qui est la question des
amendements, des modifications à la constitution et celle du
rapatriement, dans l'hypothèse où le pouvoi
rfédéral se montrerait disposé à donner au
Québec les garanties qu'il exige, dans le domaine culturel. Dois-je
comprendre que le Québec serait prêt à accepter une formule
d'amendement aux termes de laquelle l'Ontario aurait un veto sur l'avenir
constitutionnel du Québec, une province à l'ouest de
l'Ontario...
M. Bourassa: On le possède actuellement.
M. Morin: Laissez-moi finir ma question. Elle est passablement
complexe. Une province à l'ouest de l'Ontario disposerait
également d'un droit de veto et une province à l'est
également disposerait d'un droit de veto sur l'avenir du Québec.
Est-ce que c'est cela que vous nous dites?
M. Bourassa: M. le Président, est-ce que le chef de
l'Opposition, qui est un expert en la matière, n'est pas d'accord avec
moi pour dire qu'actuellement c'est la situation? Actuellement,
l'Ile-du-Prince-Edouard possède un droit de veto sur l'avenir
constitutionnel du Québec.
M. Morin: Actuellement, sur le plan juridique, ce n'est pas
clairet, sur le plan politique, la question est ouverte, tandis qu'avec une
formule écrite en noir sur blanc, cela devient un droit écrit.
Cela prend drôlement de l'importance pour l'avenir.
M. Bourassa: M. le Président, la réponse du chef de
l'Opposition est assez ambiguë.
M. Morin : Je vous ai posé une question, vous me
répondez par une autre. J'essaie d'aller au fond, de savoir.
M. Bourassa: Ce que je dis, c'est qu'une interprétation
actuelle, c'est qu'une province peut opposer un droit de veto à l'avenir
constitutionnel du Québec, alors que, dans la formule qui avait
été proposée à Victoria, c'est un ensemble de
provin- ces, ou les provinces qui ont plus que 25% de la population du Canada
qui pouvaient avoir ce droit de veto. C'est certainement une
amélioration incontestable sur la situation actuelle. C'est dans ce
contexte qu'il faut regarder, autrement, il ne sera jamais possible de
rapatrier la constitution. Cela peut faire l'affaire de votre parti, mais les
Canadiens et les Québécois penseront peut-être
autrement.
M. Morin: Je ne soutiendrais pas la proposition qu'à
l'heure actuelle l'Ile-du-Prince-Edouard possède un droit de veto sur
l'avenir constitutionnel du Québec, ce n'est pas le cas.
M. Bourassa: Mais toutes les provinces possèdent un droit
de veto actuellement. Pourquoi éliminer l'une des provinces?
M. Morin: Pas nécessairement sur l'avenir de l'une des
provinces. Non, je ne crois pas que l'on puisse soutenir cela, à l'heure
actuelle, même en droit coutumier. Je ne crois pas que ce soit le cas. Et
d'ailleurs, si c'était si clair que cela, vous ne verriez pas Ottawa
tant insister pour rapatrier la constitution et rédiger une formule en
noir sur blanc. Cela ferait son affaire que n'importe quelle province puisse
s'objecter au développement de l'avenir constitutionnel du
Québec.
M. Bourassa: II faut quand même comprendre le gouvernement
fédéral de vouloir rapatrier la constitution, que ce soient les
Canadiens qui décident de modifier la constitution, je pense que c'est
un objectif qui est valable.
M. Morin: L'histoire de la formule Fulton-Favreau et de la
formule Trudeau-Turner montre que ce qui intéresse le pouvoir
fédéral, ce n'est pas tellement le rapatriement de la
constitution que d'avoir enfin en main une formule d'amendement précise,
une formule d'amendement de droit écrit, qui permette de tenir
tête aux aspirations constitutionnelles du Québec. Je rappellerai
au premier ministre que cette question des amendements constitutionnels avec la
formule Fulton-Favreau, a commencé à donner du fil à
retordre en 1964-1965, c'est-à-dire à une époque où
on craignait que le gouvernement Lesage ne mène le Québec sur la
voie du statut particulier. C'est la cause directe de l'insistance d'Ottawa
pour obtenir une formule d'amendement rigide, qui lie le Québec.
M. Bourassa: Je suis d'accord que la question est complexe,
d'ailleurs le chef actuel du député de Sauvé était
d'accord pour la formule Fulton-Favreau, il s'en souvient.
M. Morin: Pardon? Comment?
M. Bourassa: M. René Lévesque avait exprimé
son accord pour la formule Fulton-Favreau.
M. Morin: Mais cela n'a rien à voir. Il faisait partie
d'un gouvernement dont il était solidaire; le premier ministre sait-il
ce que c'est que la solidarité ministérielle?
M. Bourassa: Ce sont des questions complexes, alors,
peut-être n'avait-il pas saisi toute la portée.
M. Morin: Le premier ministre sait ce que c'est la
solidarité ministérielle, sûrement.
M. Bourassa: Sur ce sujet, je dois dire que nous donnons
l'exemple, un exemple remarquable.
M. Morin: Sur le fond, au sein du cabinet Le-sage, le premier
ministre sait peut-être, ou devrait savoir, qu'il y avait des ministres
qui étaient foncièrement contre la formule...
M. Bourassa: Ceux qui se disent contre après que
ç'a été refusé, je ne sais pas s'ils...
M. Morin: A l'époque il y en avait qui étaient
contre et je pourrais vous les nommer, parce que je leur ai parlé,
à l'époque.
M. Bourassa: Nommez-les.
M. Morin: Voulez-vous que je vous en nomme un qui va beaucoup
vous étonner?
M. Bourassa: Disons, M. le Président...
M. Morin: Je vais vous le nommer, parce que je pense que vous le
savez.
M. Bourassa: Je n'insiste pas, car je ne crois pas que ce soit
délicat.
M. Morin: Je vous comprends. M. Bourassa: D'accord.
M. Morin: Je vous comprends; celui que je m'apprêtais
à vous nommer ne vous aurait peut-être pas étonné,
mais il en aurait étonné plusieurs.
M. Bourassa: J'aime mieux pas, parce que révéler
des secrets de cette nature... je comprends que la discussion est importante,
mais pas au point de trahir les confidences qu'on vous a faites.
M. Morin: Tout ça pour dire qu'au sein du cabinet Lesage
il y eut des gens qui retinrent leur langue, mais qui n'étaient pas
d'accord, et qui ont été obligés de faire preuve de
solidarité ministérielle.
M. Bourassa: Alors, pour eux, ce n'était pas à ce
point important qu'il faille qu'ils démissionnent parce qu'ils
n'étaient pas d'accord.
M. Morin: Cela, c'est une autre affaire.
M. Bourassa: Oui, mais... c'est une autre chose...
M. Morin: Celui auquel je pense aurait peut-être dû
démissionner à l'époque.
M. Bourassa: Mais la formule n'a pas été
retenue.
M. Morin: De toute façon, la formule n'a pas
été retenue, c'est ce qui s'est finalement produit; donc, la
question de démission ne se posait pas.
M. Bourassa: Ce que je veux dire au chef de l'Opposition, c'est
que la question du rapatriement de la constitution est extrêmement
importante, mais, pour lui, je crois qu'elle est d'une importance totale et
absolue, et je voudrais tout de même la situer dans le contexte global
des responsabilités québécoises. Même si c'est une
question dont je ne sous-estime pas l'importance, il reste que le gouvernement
doit quand même tenir compte de l'ensemble de ses priorités. Il
n'est pas question que le gouvernement du Québec, pour résumer ma
pensée, déroge à l'opposition traditionnelle pour ce qui a
trait au rapatriement de la constitution. Le Québec a toujours
exigé un certain partage des pouvoirs, qui a varié selon les
moments où cela a été discuté. Dans le cas de M.
Lesage, est-ce qu'il s'était associé... je n'étais pas en
politique à ce moment, j'étais à l'extérieur.
M. Morin: M. Lesage voulait que le Québec ait un statut
constitutionnel particulier au sein de la fédération.
M. Bourassa: Les questions de partage des pouvoirs n'avaient pas
été discutées en détail. C'était simplement
la formule qui avait été discutée.
M. Morin: C'était la formule, et M. Lesage voulait
être sûr, du moins avant la conférence, qu'on puisse
définir un statut particulier pour le Québec. Finalement, la
formule qui lui a été plus ou moins imposée niait la
possibilité de ce statut particulier. C'est sans doute pour cela qu'il a
fini par dire non, à la formule Fulton-Favreau.
M. Bourassa: D'accord. Nous considérons qu'avant d'aborder
la question du rapatriement de la constitution, nous devons être
assurés qu'il sera possible pour le Québec d'avoir des garanties
constitutionnelles, pour aborder la discussion. Cela ne veut pas dire que ce
sera la position finale. Nous verrons après les négociations.
L'Alberta exigera peut-être certaines choses. L'Ontario pourra exiger
certaines modifications dans d'autres secteurs.
M. Morin: Par exemple, de vendre son pétrole au prix
international.
M. Bourassa: L'Alberta, non, cela ne touche pas à la
constitution.
M. Morin: Si. Cela touche la compétence en matière
de richesses naturelles. Parfaitement. Nous reparlerons sans doute de cela dans
l'avenir. J'ai peut-être encore une ou deux questions.
M. Roy: Si vous me permettez, avant d'aller plus loin, M. le
Président, le premier ministre a parlé tout à l'heure de
pourcentage qui aurait été retenu, lors des discussions qui ont
eu lieu, relativement à la charte de Victoria, soit 25%. Le premier
ministre peut-il nous dire si le gouvernement du Québec retient encore
ce pourcentage dans ses négociations ultérieures?
M. Bourassa: C'est un pourcentage qui protège le
Québec.
M. Roy: C'est un pourcentage qui protège le Québec
pour combien de temps?
M. Bourassa: C'est pour cela que nous signalons l'importance d'en
discuter.
M. Roy: C'est pour cela que j'ai attiré l'attention de la
commission.
M. Bourassa: La question du député est très
juste. Plus nous retardons la discussion sur le rapatriement de la
constitution, plus la question qu'il pose peut se soulever. S'il vient un
moment où le Québec a 24% de la population, cela modifie
complètement la formule d'amendement.
M. Roy: II faut songer à cette chose maintenant.
M. Bourassa: Ce n'est pas prévu avant I98I, je pense.
M. Roy: Tout de même, si le gouvernement du Québec
retient le pourcentage de 25%, dans ses discussions, il y a évidemment
le risque, dans quelques années, dans très peu
d'années...
M. Bourassa: Dans le mode, il est dit que si c'est 25% au moment,
il y a protection pour l'avenir, pour répondre à la question du
député. D'accord?
M. Roy: C'est la précision que je voulais obtenir.
M. Morin: Le premier ministre pourrait-il s'engager, avant de
partir à nouveau pour une conférence
fédérale-provinciale portant sur la constitution, à ce
qu'il y ait un débat public, ouvert, sur ce qui fera l'objet de la
conférence? La dernière fois, il se souviendra qu'il est parti en
catimini pour la conférence de Victoria.
M. Bourassa: J'avais 60 journalistes, M. le Président!
M. Morin: Oui, mais aucun des journalistes qui durent faire le
pied de grue à la porte de la conférence ne savait ce qui s'y
passait, ne savait ce que le Québec était parti demander, ni
quels étaient ses arguments.
M. Bourassa: II y avait eu une commission parlementaire.
M. Morin: Ne serait-il pas opportun que, cette fois, avant de
partir, le gouvernement fasse pleinement état de ses arguments, de ce
qu'il entend revendiquer? Autrement dit, le premier ministre n'estime-t-il pas
opportun de mettre les Québécois "dans le coup", cette fois, pour
s'éviter de nouvelles déconvenues, comme le "non" à la
formule Fulton-Favreau, ou le "non" à la charte de Victoria?
M. Bourassa: Le chef de l'Opposition propose-t-il un
référendum?
M. Morin: Ce ne serait peut-être pas une si mauvaise
idée. Mais, avant de faire un référendum, il faut informer
la population. Je lui demande s'il a l'intention d'informer pleinement les
Québécois de ce qu'il ira négocier à Victoria, ou
ailleurs.
M. Bourassa: Je ne sais pas quelles seront les modalités
à ce moment. C'est un engagement qui est facile à respecter et
que nous avons toujours respecté.
M. Morin: Non, ce n'est pas le cas, justement!
M. Bourassa: J'ai fait une commission parlementaire avant d'aller
à Victoria, et c'est là que M. Camille Laurin a dit qu'il
était d'accord sur la formule, le mode d'amendement, à l'occasion
de la commission parlementaire. C'est malheureux que je sois obligé de
vous dire cela.
M. Morin: J'aimerais bien que vous me prouviez cela.
M. Bourassa: Oui, je vais le trouver. M. Ri-vest...
M. Morin: M. le Président, je voudrais quand même
que le premier ministre soit plus spécifique. La dernière fois,
les Québécois se demandaient exactement quelles allaient
être les attitudes de Québec à Victoria. Il n'y avait pas
eu de débat public. Le débat public a eu lieu au retour, lorsque
la délégation québécoise est rentrée de
Victoria.
Elle a tourné de la manière que le premier ministre sait.
Il avait dit oui à Victoria. Il a dû dire non, une fois de retour
à Québec.
M. Bourassa: C'est faux, M. le Président.
M. Morin: C'est ce qui a été rapporté
à l'époque.
M. Bourassa: C'est faux, je n'avais pas dit oui à
Victoria. C'est complètement faux.
M. Morin: Qu'aviez-vous dit? Un oui conditionnel ou quoi?
M. Roy: N' oui. Le premier ministre avait dit: N'oui!
M. Bourassa: Non. D'ailleurs, c'est pour cela qu'on avait
donné une semaine pour donner les réponses. Comment pouyais-je
avoir dit oui, quand une semaine de délai avait été
donnée?
M. Morin: Pour la confirmation par les gouvernements.
M. Bourassa: Pas la confirmation, pour la réponse.
M. Morin: Si je comprends bien, le premier ministre avait dit non
à Victoria?
M. Bourassa: Je ne peux pas démentir toutes les rumeurs ou
les ragots, ou les bobards qui circulent. Il ne me resterait pas de temps pour
administrer.
M. Morin: Le premier ministre peut-il nous dire quelle avait
été sa réponse, à Victoria même?
M. Bourassa: La réponse que j'avais faite, au
sortir de la conférence, est que, dans une semaine, nous
donnerions notre réponse. J'ai réuni le cabinet le 22 juin. Comme
je l'ai dit, ce n'étaient pas des moments faciles. Il faut quand
même être conscient que, dans toute cette question, se trouve
à s'exprimer le problème québécois dans toute son
acuité.
M. Morin: Pour terminer, je ne pose plus de question au premier
ministre, parce que je vois que je n'aurai pas de réponse. Je lui dis
simplement que, pour s'éviter des déconvenues de ce genre, la
prochaine fois, il vaudrait mieux que tout le monde soit au courant, au
Québec, de ce qu'il s'en va négocier, des concessions qu'il est
prêt à faire et des exigences minimales dont il fera preuve durant
la conférence. Autrement, au retour, ce sera la même histoire. Le
premier ministre aura pris des engagements moraux et se trouvera devant
l'obligation de revenir sur sa parole, ou encore, de dire non, alors que tout
le reste du pays attend un oui.
Je voudrais que le premier ministre soit conscient de la
nécessité de mettre les Québécois dans le coup! Que
tout ne se passe plus derrière des portes closes.
M. Bourassa: D'accord.
M. Morin: Je note que le premier ministre est d'accord.
M. Bourassa: M. le Président, je pense bien que le chef de
l'Opposition doit admettre que, sur des questions comme celle-là, nous
ne pouvons pas engager l'avenir du Québec d'une façon
irrémédiable, sans informer les Québécois. C'est
une vérité de La Palice que me demande de lui dire le chef de
l'Opposition.
M. Morin: Je voudrais bien que cela en fût une.
Malheureusement, l'expérience du passé, aussi bien dans votre cas
que dans le cas de M. Lesage, en est une de secret. Tout s'était
tramé en catimini. Personne ne savait exactement ce qui se passait,
même les experts, même les constitution-nalistes dans les
universités.
Je pense que j'en ai terminé pour le rapatriement de la
constitution.
M. Roy: M. le Président, sur ce point j'aimerais ajouter
quelque chose et aller peut-être un peu plus loin que le chef de
l'Opposition. On se rappellera qu'au moment où le premier ministre
s'était rendu à Victoria, il y avait eu des demandes
formulées à l'Assemblée nationale, dans le temps.
J'étais un de ceux qui avaient demandé au premier ministre,
devant des conférences aussi importantes où on joue l'avenir du
Québec, puisqu'il s'agit de la constitution comme telle, qu'il accepte,
lorsque ces conférences ont lieu, qu'il y ait des membres de
l'Opposition qui y assistent, à titre d'observateurs, de façon
que nous sachions, et que l'Opposition sache ce qui se passe et qu'on ne fasse
pas des conférences à huis clos.
Je pense que les Québécois ont quand même le droit
de savoir.
M. Bourassa: Vous voulez dire tous les partis.
M. Roy: C'est une chose qui pourra se discuter dans le temps.
M. Bourassa: Combien?
M. Roy: Non, c'est une chose qui pourra se discuter dans le
temps, ce n'est pas une question de détail.
M. Bourassa: Nous allons vider l'Opposition.
M. Roy: Non. C'est une question de principe. Vous pouvez rire,
parce que c'est peut-être vous qui serez dans l'Opposition dans ce
temps!
M. Bourassa: Oh! Oh!
M. Roy: Non, un instant. Le premier ministre veut charrier un
peu! Je veux dire ceci et de façon sérieuse, étant
donné qu'il s'agit d'une question fondamentale, d'une question
primordiale...
M. Bourassa: Nous verrons à ce moment, mais il faut que le
député sache qu'une partie se fait à la
télévision. De toute manière, les membres de l'Opposition
peuvent voir ce qui se passe. Ils ne sont pas obligés d'être dans
la salle elle-même. C'est bien plus facile pour eux de voir directement
ce qui se passe à la télévision, que d'être dans la
salle.
Nous verrons à ce moment, si la conférence est
publique.
M. Roy: En somme, le premier ministre ne dit pas non à
cette possibilité.
M. Bourassa: Je suis d'accord pour examiner cette
possibilité.
M. Roy: Le premier ministre ne dit pas non.
M. Bourassa: Nous pourrons voir les modalités. Est-ce que
ce serait le député de Beauce-Sud ou le député de
Rouyn-Noranda? Seront-ils ensemble à ce moment?
M. Roy: M. le Président, ce sera peut-être le
premier ministre qui sera dans l'Opposition, à ce moment aussi.
M. Bourassa: Alors le problème ne se posera pas.
M. Roy: Le premier ministre sera peut-être celui qui se
basera sur les propos que nous tenons aujourd'hui. Je dis, de façon
sérieuse, nonobstant la petite politicaillerie, mettons cela de
côté...
M. Bourassa: On examinera la suggestion, mais je crois que la
question est prématurée, car le processus de négociation
n'est même pas...
M. Roy: Mais je note que le premier ministre n'a pas dit non.
Le Président (M. Gratton): Est-ce que la commission peut
maintenant libérer le premier ministre?
M. Morin: Non, j'aurais encore quelques questions pour lui, M. le
Président, à moins qu'il ne veuille revenir un autre jour.
M. Bourassa: C'est bien, je vais accepter les questions du chef
de l'Opposition. Est-ce sur la social-démocratie qu'il voulait me poser
des questions?
M. Morin: Je le voudrais bien, mais cela voudrait dire au moins
trois ou quatre heures de discussion.
M. Bourassa: A un autre moment.
M. Morin: Je préférerais m'en tenir à des
questions plus concrètes pour l'instant. Est-ce que le premier ministre
pourrait...
M. Bourassa: Les conflits d'intérêts?
M. Morin: ... déposer la dernière édition
des divulgations des ministres, conformément aux directives qui ont
été adoptées en matière de conflits
d'intérêts.
Conflits d'intérêts
M. Bourassa: Je veux tout d'abord signaler, M. le
Président, que ces règles sur les directives sont les plus
sévères du Canada. Je veux le dire au chef de l'Opposition car le
Parti québécois a fait beaucoup de partisanerie politique sur des
transactions, dans le cas de Paragon entre autres, alors que ces transactions
sont permises par la presque totalité des gouvernements provinciaux, y
compris la Colombie-Britannique. Il est assez étonnant de voir la
partisanerie ou la démagogie dont a fait preuve l'Opposition sur cette
entreprise en citant comme exemple la Colombie-Britannique où de telles
transactions sont permises, parce que, dans ces provinces, la
divulgation...
M. Morin:... dans certaines provinces. M. Bourassa:
Pardon?
M. Morin: On a vu des démissions, à la suite de
conflits d'intérêts, dans certaines provinces....
M. Bourassa: Vous comparez des pommes avec des oranges.
M. Morin: ...M. le premier ministre.
M. Bourassa: Je vous dis que, dans le cas des entreprises
Paragon, c'est permis dans la presque totalité des provinces et par le
gouvernement fédéral. Du moment qu'il y a divulgation, et il y a
divulgation puisque c'est dans les comptes publics, c'est permis. Donc, quand
vous citez, d'un côté, la Colombie-Britannique en exemple au
Québec, et que vous critiquez ces transactions qui sont permises dans la
province que vous citez en exemple, il y a là une contradiction assez
étonnante. Donc, je veux dire au chef de l'Opposition que les
règlements que nous avons édictés sont les plus
sévères de l'histoire du Québec et du Canada, et sont
appliqués.
M. Morin: C'est une question d'opinion. Je ne veux pas reprendre
le débat que nous avons eu sur ce sujet a plusieurs reprises.
M. Bourassa: Vous voulez la divulgation des... C'est ouvert,
c'est accessible, ça. On me dit que vous avez une question au feuilleton
là-dessus?
M. Morin: Pas de moi.
M. Bourassa: Du député de Beauce-Sud?
M. Morin: C'est possible.
M. Bourassa: Mais c'est accessible.
M. Morin: C'est accessible? Mais alors pourriez-vous
déposer la dernière version?
M. Bourassa: Les journalistes ont pu commenter tout l'avoir de
mon épouse ou de...
M. Morin: Mais je vous parle des ministres.
M. Bourassa: D'accord, mais dans mon cas, j'ai donné
l'avoir et les investissements de mon épouse.
M. Morin: Vous dites que c'est accessible, mais est-ce que vous
pourriez faciliter l'accessibilité et déposer le dernier
état de la chose?
M. Quenneville: Vous charriez!
M. Bourassa: M. le Président, je ne sais pas pourquoi...
On peut le faire, mais je veux demander au chef de l'Opposition de
réfléchir sur les conséquences de tous ces gestes pour le
recrutement politique éventuel.
M. Morin: Puisque c'est accessible...
M. Bourassa: Oui, d'accord, mais est-ce qu'on doit...
M. Morin: Pouvez-vous nous dire que c'est accessible à
tout le monde? Je ne vois pas pourquoi, tout à coup, vous nous dites que
cela peut nuire aussi...
M. Bourassa: Non, ceux qui...
M. Morin: ... si c'est vraiment accessible
déjà.
M. Bourassa: M. le Président, si on multiplie les
commentaires sur l'avoir des épouses ou des enfants ou des hommes
politiques et qu'on en tire toutes sortes de nouvelles à sensation ou
toutes sortes d'insinuations; si une épouse a cinq actions dans une
entreprise, si on tente d'impliquer l'homme politique en cause, je dis que cela
peut, finalement, devenir dangereux pour le recrutement des hommes politiques.
Très peu de gens voudront faire, d'une façon systématique,
du nuvitisme financier.
M. Morin: Mais alors, à quoi sert la divulgation si ce
n'est justement destiné à informer le public?
M. Bourassa: II y a une question au feuilleton. Si vous voulez
voir les actions ou connaître les compagnies dans lesquelles mon
épouse a des actions, vous pouvez vous rendre de l'autre
côté, dans le bureau du secrétariat général,
vous y verrez toutes les compagnies avec le pourcentage des actions
détenues par mes enfants ou mon épouse. Moi, j'ai donné
les miens.
M. Morin: Je vous demande s'il est possible d'en déposer
copie.
M. Bourassa: Mais pour quelle raison si c'est accessible?
M. Morin: C'est accessible peut-être à un indi-
vidu, ce qui ne veut pas dire que ce le soit à tous.
M. Bourassa: Les journalistes ont écrit des articles
là-dessus. Le journal Le Soleil a publié tout le mandat où
mon épouse se départit de tous les biens.
M. Morin: Mais puisque c'est accessible, je ne vois pas
très bien pourquoi vous faites de telles histoires pour éviter de
les déposer devant la commission.
M. Bourassa: Pourquoi faites-vous une telle histoire pour qu'ils
soient déposés quand tout le monde en a pris connaissance, ou
tous ceux qui étaient intéressés...
M. Morin: Non, tout le monde n'en a pas pris connaissance. La
preuve? Je n'en ai pas pris connaissance encore; je ne sache pas que quiconque
dans l'Opposition en ait pris connaissance.
M. Bourassa: Demandez à un de vos recherchistes.
M. Morin: En avez-vous pris connaissance, vous? Le
député de Beauce-Sud non plus n'en a pas pris connaissance.
Une Voix: Camille le sait, lui.
M. Bourassa: Demandez à l'un de vos recher-chistes. Nous
vous avons tout de même attribué plusieurs recherchistes, demandez
à l'un d'eux de vous faire faire des copies de tout ce qui a
été fait. Ce n'est pas que je m'oppose à le
déposer, mais vous pouvez demander a un messager de se rendre au bureau
de M. Chouinard et de demander une copie de tout ce qui a été
fait par les ministres. Cela revient au dépôt. Pourquoi faire
cela?
M. Morin: Mais, cela ne revient pas au dépôt,
justement, parce que c'est une communication à une personne. Si vous le
déposez, cela devient un document public, ce n'est pas la même
chose.
M. Bourassa: Ce que je dis, c'est que cela ne se fait dans aucune
province...
M. Morin: Autrement dit, si je comprends bien, vous ne voulez pas
le déposerl
M. Bourassa: Non, M. le Président, ce n'est pas cela. Tout
ce qu'il y avait à dire à ce sujet a été dit, ce
n'est pas que je ne veuille pas le déposer, mais je trouve...
M. Bellemare (Rosemont): M. le premier ministre, soyez
assuré...
Le Président (M. Gratton): A l'ordre!
M. Bellemare (Rosemont): ...que le chef de l'Opposition...
Le Président (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous
plaît !
M. Bellemare (Rosemont): ...aurait aimé marier une jolie
dame...
Le Président (M. Gratton): A l'ordre!
M. Bellemare (Rosemont): ...comme vous, et aussi riche, mais,
malheureusement, ce n'est pas arrivé.
M. Morin: Une belle dame comme le premier ministre!
M. Bellemare (Rosemont): ...comme son épouse, comme
l'épouse du premier ministre, c'est pour cela qu'ils sont si jaloux.
M. Bourassa: M. le Président, ce que je veux dire au chef
de l'Opposition...
M. Bellemare (Rosemont): Ils n'ont pas eu cette
chance-là.
M. Bourassa: ...que je n'ai pas d'objection à le
déposer. Je ne voudrais pas que l'on dise que le premier ministre refuse
de déposer les bilans. C'est clair? Je n'ai pas d'objection à le
déposer. Dieu sait que j'ai eu à supporter toutes sortes
d'insinuations sur ce sujet. Mais je dis au chef de l'Opposition que cela ne se
fait nulle part ailleurs. Ce n'est pas pour moi que je parle, c'est pour ceux
qui, éventuellement, pourraient être intéressés
à faire de la politique. Si on multiplie les gestes pour les
détourner, je pense qu'il faut tenir compte de la qualité de
l'administration publique. Je dis que le chef de l'Opposition, comme tout autre
citoyen, peut avoir une copie de tout ce qui a été
déposé, donc, avoir accès direct, complet et total
à tout ce qui a été écrit sur les dettes, les
actifs ou tout ce qui peut être dû par les ministres ou les
épouses des ministres. Mais si le chef...
M. Morin: Je ne veux pas insister.
M. Bourassa: ...si le chef de l'Opposition insiste, nous le
déposerons, mais je lui suggère, comme formule alternative, et si
cela ne suffit pas, nous le déposerons, d'envoyer un de ses messagers
faire faire une copie de tout ce qui a été
déposé.
M. Morin: M. le Président, je cherche à comprendre
l'attitude qui veut que, d'une part, ce soit c'est accessible et que, d'autre
part, on refuse de les déposer. Cela ne me paraît pas très
logique; mais j'enverrai quelqu'un chercher les renseignements...
M. Bourassa: Ce que je dis, c'est que cela ne se fait nulle part
ailleurs. Et pourquoi? Déjà, nous avons les règlements les
plus sévères de l'histoire du Québec et du Canada.
M. Morin: C'est discutable, je vous ai déjà dit ce
que j'en pensais.
M. Bourassa: Prouvez le contraire!
M. Morin: Je pense qu'on pourrait le faire assez facilement.
M. Bourassa: Faites-le!
M. Morin: D'ailleurs, nous en avons déjà
parlé en Chambre.
M. Bourassa: Faites-le. Vous avez cité comme exemple, en
Chambre, la Colombie-Britannique, c'est inscrit au Journal des débats.
Or, en Colombie-Britannique, il n'y a aucune interdiction, alors que, dans
notre cas, si l'épouse d'un ministre ou du premier ministre...
M. Morin: On vous parle de divulgation.
M. Bourassa: ...détient une action, la compagnie est
empêchée de faire affaires avec le gouvernement et cela
pénalise tous les autres actionnaires, c'est donc dire que cela force
l'épouse ou le ministre à vendre ses actions parce que les autres
actionnaires n'acceptent pas d'être empêchés de faire
affaires avec le gouvernement. Or, le chef de l'Opposition sait que la plupart
des entreprises importantes aujourd'hui font affaires avec le gouvernement,
alors, cela pénalise fortement ceux qui font de la politique
actuellement.
M. Morin: Le premier ministre a-t-il l'intention d'adjoindre aux
directives des sanctions en cas de contravention? A l'heure actuelle, il
n'existe pas de sanction dans les directives.
M. Bourassa: M. le Président, tout dépend. On m'a
signalé un cas où il y avait $50 qui avaient été
payés par mégarde à une entreprise, la sanction doit-elle
s'appliquer dans ce cas? Il y a des erreurs de détail, mineures. Si un
garage qui appartient à un ministre vend de l'essence à un camion
d'Hydro-Québec par mégarde, le ministre sera-t-il
obligé...
M. Morin: N'allez pas chercher des histoires farfelues!
M. Bourassa: Mais c'est cela! Si on met des sanctions, il faut
les mettre pour les gestes.
M. Morin: Pour les contraventions vraiment sérieuses, n'y
aurait-il pas lieu de prévoir des sanctions?
M. Bourassa: S'il y a des contraventions sérieuses, il
reste à voir si elles furent commises de mauvaise foi ou non, et si
l'Etat a été pénalisé ou s'il y a eu
bénéfice réel. Tout ce que je puis dire, c'est qu'il n'y a
eu aucun avantage, de quelque nature que ce soit, pour aucun membre de mon
cabinet. Aucun avantage. On a fait beaucoup de bruit avec ces conflits
d'intérêts, mais on n'a pas été capable de trouver
un seul avantage.
Je pourrais vous donner plusieurs cas où il y a eu perte,
où les compagnies ont été pénalisées,
où les ministres ont été pénalisés, mais
aucun cas où il y a eu avantage.
M. Morin: Maintenant, compte tenu de la distinction que vous
faites entre les cas où on a agi de bonne foi, ou sans que
l'intéressé ne sache les gestes qu'on posait en son nom, et,
d'autre part, des situations où l'individu savait ce qu'il faisait, le
premier ministre n'est-il pas d'avis qu'il y a des cas où il doit y
avoir une sanction?
M. Bourassa: C'est toute la question. Nous sommes dans du droit
nouveau.
M. Morin: Oui, c'est vrai.
M. Bourassa: Comment rédiger la sanction dans un texte
législatif? Comment évaluer? Il faudrait que la sanction soit
correspondante à l'action. Si nous faisons une sanction dans un texte,
peut-on écrire que s'il y a mauvaise foi, la sanction s'applique, s'il y
a bonne foi, la sanction ne s'applique pas? Comment évaluer la bonne foi
ou la mauvaise foi? Il s'agirait que l'épouse d'un ministre je
parle d'une façon purement hypothétique veuille jouer un
tour à son époux et le forcer à démissionner en
achetant une action d'une entreprise qui fait affaire avec le gouvernement.
M. Roy: Vous n'en avez pas de meilleure que celle-là!
M. Morin: Le premier ministre devrait être
sérieux!
M. Bellemare (Rosement): C'est un droit d'avocat.
M. Bourassa: II ne faut quand même éliminer aucune
hypothèse.
M. Morin: Justement, on ne peut éliminer aucune
hypothèse. Dans un cas de conflit d'intérêt grave,
où il y aurait eu contravention aux directives, le premier ministre
n'est-il pas d'avis que dans ces cas, il devrait avoir une sanction?
M. Bourassa: S'il y a mauvaise foi, certainement. C'est au chef
du gouvernement à prendre la sanction. Mais, si cela s'est fait à
l'insu de l'épouse ou du ministre, doit-on examiner la situation?
M. Morin: Bien sûr, je n'en disconviens pas. Si cela s'est
fait à l'insu et si on peut établir la bonne foi de
l'intéressé, je pense qu'il n'y a pas lieu d'appliquer des
sanctions.
M. Bourassa: Je crois que dans les directives, on parle de la
commission des engagements financiers pour examiner cette question. Par
exemple, il y a des cas où les seules entreprises qui pouvaient faire
affaires avec le gouvernement étaient des entreprises où les
ministres ou les épouses détenaient des actions. Dans ces cas,
ils ont été obligés de vendre leurs actions à des
prix réduits. L'Opposition devrait certainement féliciter le
gouvernement pour les gestes qu'il a posés. Je ne vois pas beaucoup
d'exemples, dans l'espace et dans le temps, de gouvernements qui imposent
autant
d'exigences aux membres du conseil des ministres. Ce sont des exigences
qui s'expriment dans des coûts assez importants.
M. Morin: Je ne suis tout de même pas pour vous
féliciter pour les conflits d'intérêt où vous avez
tenté de mettre un peu d'ordre. Il ne faut pas charrier!
M. Bourassa: M. le Président, ce que je dis au chef de
l'Opposition est que nous avons pris des mesures extrêmement rigides pour
y faire face, qui ont pénalisé les intéressés.
M. Roy: Je voudrais dire tout simplement au premier ministre que
lorsqu'il s'est référé à la commission des
engagements financiers tout à l'heure, c'est bien pauvre, pour
l'Opposition, comme source de renseignements. Dans la commission des
engagements financiers, tous les engagements inférieurs à $25,000
ne paraissent pas. C'est un premier point.
Deuxièmement, on n'a pas examiné les engagements des
sociétés paragouvernementales qui sont de plus en plus
nombreuses. Cela veut di re que c'est extrêmement limité. Il ne
faudrait pas se fier uniquement à la commission des engagements
financiers pour examiner la question.
M. Bourassa: Je parle d'un forum pour les cas où les
parlementaires voudraient les examiner et où toutes les questions
pourraient être posées.
M. Roy: Nous ne pouvons pas poser de questions à la
commission des engagements financiers, en vertu de notre règlement,
parce qu'il ne s'agit pas d'approuver ou de désapprouver des
dépenses gouvernementales. Il s'agit d'un examen, et le ministre qui
présente les comptes à la commission des engagements financiers
est assez limité dans la possibilité de fournir les
réponses. On nous dit toujours, à ce moment, et si c'était
inscrit dans le journal des Débats, on pourrait se rendre compte,
qu'à chaque fois qu'il y a une séance, je pense que dix à
quinze fois on dit, à ce moment, interrogez le ministre en titre. C'est
lui qui pourra vous fournir les renseignements.
M. Bourassa: Nous avons proposé cela comme formule.
M. Roy: C'est bien pauvre comme formule!
M. Bourassa: Oui, mais c'est une commission parlementaire comme
une autre!
M. Roy: Non, elle n'est pas comme une autre, parce qu'il n'y a
pas d'enregistrement. Elle n'est pas comme une autre, c'est une commission
parlementaire exceptionnelle.
M. Bellemare (Rosemont): M. le Président, avec
l'assentiment de l'Assemblée, me permettez-vous une question?
Le Président (M. Gratton): Est-ce que la commission
consent?
M. Bellemare (Rosemont): Je crois que ma question est
pertinente.
M. Morin: Non, M. le Président.
Le Président (M. Gratton): Le consentement est
refusé. Je m'excuse.
M. Bellemare (Rosemont): Le consentement est refusé, M.
Morin?
M. Morin: M. le Président, internpestivement, et à
plusieurs reprises, sans y être autorisé, le député
est intervenu dans le débat.
M. Bellemare (Rosement): M. le Président, je vous
demanderai une...
Le Président (M. Gratton): A l'ordre!
M. Bellemare (Rosemont):... directive.
Le Président (M. Gratton): Vous ne pouvez pas me demander
de directive, vous n'avez pas droit de parole. Il me semble que c'est clair,
c'est simple. Alors, s'il vous plaît, vous vouliez me respecter,
respectez-moi parce que je vais me fâcher.
M. Bellemare (Rosemont): Je vous respecte beaucoup, M. le
Président. C'est là que je vois...
Le Président (M. Gratton): A l'ordre! Je rappelle le
député de Rosemont à l'ordre pour la deuxième
fois.
M. Bellemare (Rosemont): ... à quelle sorte d'acabit j'ai
affaire.
Le Président (M. Gratton): Est-ce qu'on a terminé
les questions à l'endroit du premier ministre?
M. Morin: Non, pas encore, M. le Président.
Le Président (M. Gratton): L'honorable chef de
l'Opposition.
M. Morin: Quinze ou vingt minutes. Si vous voulez me donner
encore quinze ou vingt minutes, je pourrai terminer.
M. Bourassa: Ah! cela va, c'est pour commander mon...
M. Morin: Je pense que nous pouvons disposer de ce qui reste.
Est-ce que vous comptiez ajourner à une heure précise ce soir, M.
le Président?
M. Bourassa: J'aimerais mieux terminer parce que, dans les jours
qui viennent, je vais avoir plusieurs problèmes...
Le Président (M. Gratton): Onze heures.
M. Morin: Onze heures? Je vais essayer de faire vite. Je voudrais
entretenir le premier ministre du rapport Descent et du rapport Cliche, en
matière électorale. Le rapport Descent, on s'en souviendra,
portait sur les activités d'Yvon Duhamel, de René Mantha et
autres personnages du même acabit, pour parler comme le
député de Rosemont.
M. Bellemare (Rosemont): Comme vous mon cher collègue!
M. Morin: Le 29 octobre 1973, ce rapport a conclu à
l'inutilité d'entreprendre des poursuites judiciaires et aussi à
une situation confuse, notamment dans les comtés de Laporte et de
Taillon. Or, le rapport Cliche est beaucoup plus précis, semble-t-il,
que le rapport Descent, notamment à la page 70. Les commissaires ont
conclu au contraire à une situation très claire, à ce
qu'ils appellent l'indécence de l'absence de poursuites. Le premier
ministre connaît peut-être par coeur les passages auxquels je me
réfère mais simplement pour lui rafraîchir la
mémoire, je vais relire ceci:...
M. Bourassa: Je les connais. Quelle est la question?
M. Morin: Alors je ne citerai pas au long. M. Bourassa:
D'accord.
M. Morin: Je veux simplement lui rappeler que deux
fiers-à-bras, faisant partie d'un groupe d'une dizaine, ont fait l'objet
d'une arrestation, dans l'après-midi, à l'entrée d'un
bureau de scrutin du comté de Laporte. Ils tentaient d'y
pénétrer pour semer le désordre et effrayer les
électeurs. Mantha et trois de ses voyous se sont fait arrêter
durant l'avant-midi, en train de faire du grabuge à l'entrée d'un
comité du Parti québécois dans le comté de Taillon.
On ajoute: Tout ce beau monde était commandé par René
Mantha, qui avait comme mission de faire "régner l'ordre" dans les
bureaux de scrutin. Ils se promenaient du comté de Taillon à
celui de Laporte, alternant leurs efforts au soutien des candidatures de MM.
Guy Leduc et André Déom.
M. Bourassa: Vous en aviez des fiers-à-bras dans
Dorion.
M. Morin: Ah oui! Aucun doute que le premier ministre ait des
preuves?
M. Déom: Le député... M. Bourassa:
Demandez...
M. Bossé: Y compris "Chapeau"Gagné, qui a
été trouvé assassiné.
Le Président (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. Bossé: Et Johnny Rougeau, qui est encore vivant.
Le Président (M. Gratton): En l'occurrence, vous
permettrez que le député de Laporte puisse s'exprimer.
M. Bossé: Les McSween... Une Voix: "Chapeau"
Gagné?
M. Bellemare (Rosemont): Ce sont eux qui ont perdu!
M. Morin: Je n'ai pas d'objection à ce que le
député de Laporte s'exprime là-dessus tout à
l'heure; au contraire, je pense que cela pourrait éclairer tout le
monde. Mais j'ai une question à poser au premier ministre tout d'abord.
A la suite des conclusions du rapport Cliche sur ce point, conclusions à
l'effet qu'aucune des personnes arrêtées ce jour-là ne fut
poursuivie en justice et que le défaut de plainte et l'ordre de
libération émanant d'un officier d'élection paraissent,
à la commission, nettement "indécent", je le cite textuellement,
j'aimerais demander comment le premier ministre peut nous expliquer les
conclusions directement opposées de ces deux rapports. J'aimerais aussi
lui demander si, ayant pris connaissance du rapport Cliche, il est encore
satisfait du rapport Descent.
M. Bourassa: M. le Président, je m'étonne que le
chef de l'Opposition parle du rapport Cliche car ses collègues,
tantôt, ont quitté l'Assemblée Nationale dans une
réaction d'enfant gâté, et on refuse de discuter du rapport
Cliche.
M. Morin: Parce que vous avez refusé d'inviter les
commissaires, je suppose?
M. Roy: M. le Président, je veux invoquer le
règlement.
Le Président (M. Gratton): Question de
règlement.
Le député de Beauce-Sud.
M. Roy: Le premier ministre fait référence à
une décision qui a été prise dans une autre commission
parlementaire et je ne pense pas que le règlement lui permette de le
faire. Cependant, j'aimerais lui dire, pour son information, que si
l'Opposition a quitté en bloc la commission parlementaire plus
tôt...
M. Bourassa: Un petit bloc.
M. Roy: ... c'est à cause du refus du gouvernement de
permettre aux commissaires de venir à la commission parlementaire.
Le Président (M. Gratton): A l'ordre! Vous êtes en
train de faire exactement...
M. Roy: Non, non.
Le Président (M. Gratton): ... ce que vous ne voulez pas
que le premier ministre fasse.
M. Roy: Alors, puisqu'on lui a permis...
Le Président (M. Gratton): Alors, on va arrêter cela
là, si vous voulez bien, et le premier ministre...
M. Bourassa: Ayez donc le courage d'assumer...
Le Président (M. Gratton): ... va continuer à
répondre.
M. Bourassa: ... vos responsabilités quand même! Il
y a des groupes qui viennent faire valoir leur point de vue et ils quittent en
bloc comme des enfants gâtés.
M. Roy: C'est le gouvernement qui n'a pas assumé ses
responsabilités...
Le Président (M. Gratton): A l'ordre!
M. Roy: ... en voulant faire en sorte de se servir de
l'Opposition...
Le Président (M. Gratton): A l'ordre!
M. Roy:... pour essayer de se faire...
Le Président (M. Gratton): A l'ordre!
M. Bourassa: D'accord, M. le Président.
Le Président (M. Gratton): A l'ordre! Votre point de
règlement, c'était qu'on ne peut pas faire allusion à une
décision qui s'est prise ailleurs.
M. Roy: Bon.
Le Président (M.Gratton): Je ne le partage pas, mais, au
moins...
M. Bourassa: D'accord.
Le Président (M. Gratton): ... soyez conséquent
avec vous-même et ne faites pas...
M. Bourassa: Alors, le rapport Descent...
Le Président (M. Gratton): ... ce que vous reprochez au
premier ministre de faire.
M. Roy: Si vous voulez faire observer le règlement,
faites-le observer par le premier ministre aussi.
M. Bourassa: Le chef de l'Opposition a peut-être lu le
rapport Descent. Il y avait des choses sur le Parti québécois,
sur Pierre Marois qui sera probablement son rival, éventuellement.
M. Morin: Ah! Ah! Ah!
M. Bourassa: Non, mais il faudrait...
M. Morin: Attention à ce que vous dites.
M. Bourassa: Non, mais lisez.
M. Morin: Soyez précis si vous allez porter des
accusations.
M. Bourassa: Bien, lisez, je voudrais qu'il relise.
M. Morin: Oui, oui..
M. Bourassa: II y avait des points d'interrogation sur
l'activité de certains membres du Parti québécois.
M. Morin: Non.
M. Bourassa: Oui. Je voudrais...
M. Morin: Vous interprétez, un peu à la
manière de la fameuse page 133 que vous interprétez à
votre façon aussi.
M. Bourassa: Bon. Alors, pourquoi en a-t-on parlé?
Pourquoi les commissaires ont-ils jugé bon de parler de M. Burns, du
député de Maisonneuve? Pourquoi en ont-ils parlé si ce
n'était pas sérieux?
M. Morin: Est-ce que vous voulez qu'on retombe là-dedans
maintenant, sur la page 133...
M. Bourassa: Oui, oui.
M. Morin:... et l'usage absolument abusif...
M. Bourassa: Non, non.
M. Morin: ... que vous en avez fait, l'usage même
malhonnête...
M. Bourassa: Non, non.
M. Morin: ... que vous en avez fait?
M. Bourassa: Ah! M. le Président...
M. Morin: C'était carrément malhonnête.
M. Bourassa: Revenons à la page 133.
M. Morin: Bon.
M. Bourassa: Le chef de l'Opposition avait l'air de jouir en
silence, à ce moment-là!
M. Morin: Le premier ministre pourrait-il définir
l'expression "jouir en silence"?
Le Président (M. Gratton): Puis-je m'opposer à ce
que vous dites?
M. Bourassa: M. le Président, ce que je dis au chef de
l'Opposition, c'est que dans ce genre d'attaque sur les tactiques
électorales, je ne crois pas que le Parti québécois puisse
jouer au dragon de vertu. Le député de Dorion a parlé
tantôt de "Chapeau" Gagné.
M. Bossé: Oui. Assassin reconnu.
M. Morin: Est-ce que vous pourriez répondre à mes
questions?
M. Bourassa: Non, non, mais je veux dire que, quand même,
il faut que le chef de l'Opposition se rende compte de ce qui existe.
M. Morin: Je sais ce qui existe. J'ai eu affaire, moi-même,
à certains fiers-à-bras dans mon comté.
M. Bourassa: Moi aussi.
M. Morin: Je vous assure...
M. Bourassa: Moi aussi.
M. Morin: ... que ce n'est pas un cadeau.
M. Bourassa: Je ne sais pas s'ils travaillaient pour
l'abbé O'Neil, mais les tactiques qui étaient employées
dans mon comté...
M. Morin: Vous salissez des gens par "innuendo".
M. Bourassa: Non, non.
M. Morin: Ce n'est pas digne de vous, ça.
M. Bourassa: Non, mais ce que je dis au chef de l'Opposition,
c'est que, dans certains comtés de la région de Montréal,
on ne peut pas dire simplement que le Parti québécois est exempt
de tout reproche, est irréprochable. C'est pour ça que je
mentionnais tantôt le député de Dorion, qui a eu affaire...
Ce n'est pas pour rien que Rene Lévesque n'a pas demandé de
recomptage.
Une Voix: Ce n'est pas fini.
M. Bourassa: Ce n'est pas pour rien que René
Lévesque n'a pas demandé de recomptage dans Dorion,
même...
M. Morin: Allons, allons.
M. Bourassa:... s'il a été battu simplement...
M. Morin: Allons.
M. Bourassa:... par 300 voix.
M. Morin: Encore des insinuations.
M. Morin: Encore des insinuations. Je vous ai demandé,
à la lumière du rapport Cliche...
M. Bourassa: Oui.
M. Morin: ... ce que vous pensez du rapport Descent.
M. Bourassa: M. le Président... Rapport Cliche
M. Morin: Le rapport Cliche dit des choses précises...
M. Bourassa:... le ministre de la Justice...
M. Morin: ... et, jusqu'ici, vous n'avez pas répondu
à ma question.
M. Bourassa: ... a dit qu'il avait confié à une
équipe d'avocats le soin d'examiner le rapport Cliche et d'intenter des
poursuites qu'ils jugeront nécessaires. C'est la réponse que je
dois lui donner. Je l'ai assaisonnée d'autres commentaires, étant
donné les remarques qu'il avait faites et que son parti fait
régulièrement. Je crois que, là-dessus, la population se
rend compte que les tactiques électorales du Parti
québécois, notamment dans le cas des immigrants ou des
Néo-Québécois, sont tout à fait inacceptables, pour
employer un mot modéré. Il devrait être le dernier à
essayer de nous donner des leçons sur ce plan.
M. Morin: II a été mis en preuve, dans mon
comté, que le Parti libéral avait fait inscrire des gens qui
n'avaient pas le droit de voter, des non-citoyens.
Des Voix: Ha! Ha!
M. Morin: Je vous posais des questions sur les
fiers-à-bras, dont parle la commission Cliche.
M. Bourassa: Poursuivez. Vous avez parlé...
M. Morin: ...et vous me répondez par autre chose.
M. Bourassa: Non. Je vous réponds là. La
réponse, c'est que le ministre de la Justice a dit...
M. Morin: Bon.
M. Bourassa: ... qu'une équipe d'avocats examinait les
poursuites...
M. Morin: Bon.
M. Bourassa:... qui pourraient être prises. M. Morin:
Et cela comprend ces aspects-là? M. Bourassa: II a
parlé du rapport Cliche. M. Morin: Bon.
M. Bourassa: Je ne sais pas... Il n'a pas fait d'exception quand
il a parlé du rapport. Il n'a pas dit: Cela exclut la page 133. Il a
dit: L'ensemble du rapport Cliche est examiné par une équipe
d'avocats pour voir s'il doit y avoir des poursuites.
M. Morin: C'est une affaire à suivre.
Le Président (M. Gratton): L'honorable
député de Laporte.
M. Déom: Je voudrais intervenir, M. le Président,
parce que je pense que, depuis la parution du rapport Cliche, il y a un certain
nombre de commentaires que j'aimerais faire. Le juge Cliche, à plusieurs
reprises, demande aux syndicats de respecter les institutions judiciaires ou
quasi judiciaires et lui-même s'est permis de ne pas respecter ces
institutions. Je fais référence particulièrement au
président général des élections.
Il faut se rappeler que c'est à la demande du juge Cliche que le
président général des élections à fait faire
une enquête dans les comtés de Taillon et Laporte. Si on analyse
l'enquête qui a été faite par le juge Cliche, celui-ci a
entendu trois ou quatre témoins au plus tandis que M. Descent, qui a
fait le rapport pour le juge Drouin, a vu plus de 57 témoins.
J'ai l'impression que les conclusions du rapport Descent, pour autant
que je suis concerné, sont beaucoup plus probantes que celles du juge
Cliche. Peut-être que le juge Cliche aurait dû porter un peu plus
de respect à l'institution qu'on appelle la présidence
générale des élections.
Je voudrais souligner encore une fois, comme je l'ai déjà
fait, que le rapport Descent a été très clair en ce qui
concerne l'organisation électorale dans le comté de Laporte.
Quand on fait référence à l'école
Catherine-Primeau, il faudrait peut-être que le chef de l'Opposition se
rappelle que le rapport Descent s'est posé plusieurs questions sur la
coïncidence étrange de la présence, au même moment,
à la même heure, à l'entrée de l'école
Primeau, du candidat du Parti québécois, M. Marois, qui s'est
amené dans une voiture de police de la ville de Longueuil,
accompagné du maire de Longueuil, de M. Mantha et des autres. Le rapport
Descent a été très clair là-dessus. Sa conclusion a
été, à mon avis, en ce qui me concerne, en tout cas,
très claire et est venue confirmer l'enquête que j'avais
menée moi-même à la suite des accusations de M.
Laberge.
M. Descent a conclu qu'à sa connaissance et après
l'enquête qu'il a menée, il n'y avait pas d'or-
ganisation similaire dans le comté de Laporte. Peut-être
qu'il y en avait dans d'autres comtés, mais il n'y en avait pas dans le
comté de Laporte. L'enquêteur Descent a été
très clair là-dessus. Je voudrais bien que le chef de
l'Opposition se rappelle que c'est cela le rapport du président
général des élections, et le juge Cliche, lui, devrait
peut-être penser à respecter les institutions qui sont en place.
Il demande aux syndicats de les respecter mais peut-être qu'il devrait
les respecter lui-même. Enfin, il y a une chose que je voudrais dire.
C'est que jamais M. Marois n'a voulu contester l'élection dans Laporte
et pour cause. Jamais M. Marois ne s'est permis de faire des
déclarations sur cela. Il l'a toujours fait par personnes
interposées...
M. Morin: Vous prêtez des intentions, M. le
député.
M. Déom: Laissez-moi finir, M. le chef de
l'Opposition.
M. Bourassa: Pourquoi ne conteste-t-il pas? Pourquoi faites-vous
des accusations?
M. Déom: Je vais vous dire pourquoi il ne conteste
pas...
Une Voix: II n'y a qu'eux qui en ont le droit!
M. Déom: ... parce que la journée même de
l'élection, j'aurais pu disqualifier M. Marois parce qu'il a
violé, devant moi et devant deux autres témoins, la Loi
électorale en tentant d'intimider des scrutateurs...
M. Morin: Allons doncl
M. Déom: Ecoutez, la plainte est au bureau du
président des élections et si vous voulez la vérifier,
vous irez la vérifier.
M. Morin: Encore une autre tactique pour intimider M. Marois,
cela?
M. Déom: Pas du tout, pas du tout.
M. Bourassa: Ce sont des faits affirmés d'une façon
sérieuse par un député sérieux.
M. Déom: Je peux ('affirmer. Vous pourrez vérifier.
Je suis prêt à discuter avec M. Marois en tout temps, mais dans
tout ce débat qui a eu lieu sur le comté de Laporte, jamais on
n'a entendu M. Marois dire quoi que ce soit. Cela a toujours été
fait par personnes interposées. Moi, comme dirait l'autre, j'ai mon
voyage. Il est temps que la population sache que j'aurais pu, la journée
même, à dix heures et demie le matin... parce qu'en me
présentant dans un bureau de scrutin, j'ai constaté
moi-même, avec deux témoins, que M. Marois lui-même violait
la Loi électorale en tentant, avec sa loi sous le bras et en se
présentant comme avocat, d'influencer des scrutatrices. J'ai fait une
plainte. Le président des élections m'a demandé si je
voulais le faire disqualifier. J'ai dit: Non. On verra le résultat
à la fin de la journée. Mais je pense que ce sont des faits qui
sont importants. Je voudrais souligner au chef de l'Opposition que pour autant
que je suis concerné...
M. Morin: Est-ce Mme Bastienne Foucrault qui voulait disqualifier
M. Marois?
M. Déom: Non, non. Elle ne voulait pas le disqualifier.
Elle m'a demandé si en vertu de la loi...
M. Morin: Qui vous demandait si vous vouliez le disqualifier?
M. Déom: Pas du tout, pas du tout. Elle m'a demandé
si je voulais faire respecter la Loi électorale.
M. Bourassa: Le chef de l'Opposition...
M. Déom: C'est le rôle d'un président
d'élections.
M. Bourassa: Le député de Laporte a
été attaqué de toutes sortes de façons avec des
insinuations complètement injustifiées et je voudrais que le chef
de l'Opposition le laisse donner son point de vue. Je crois que quand
même...
M. Morin: J'ai écouté avec beaucoup de soin, M. le
Président, je peux vous l'assurer. Seulement je ne peux pas le suivre
quand il tente de discréditer la commission Cliche. La commission Cliche
avait des pouvoirs d'enquête dont elle s'est servi. Et si elle
n'était pas satisfaite du rapport Descent, la commission Cliche gardait
le pouvoir, en vertu de son mandat, de faire toutes les observations qu'elle
estimait nécessaires.
M. Déom: Pourquoi la commission Cliche ne m'a-t-elle pas
assigné publiquement? Le juge Cliche a essayé à trois
reprises de m'assigner à huis clos et j'ai refusé.
M. Morin: C'est vous qui avez refusé.
M. Déom: J'ai refusé parce que, s'il voulait avoir
une déclaration publique, j'étais prêt à y aller en
public. Dans mon communiqué, au mois d'octobre ou novembre, je ne me
rappelle pas, j'ai dit que j'étais prêt à aller
témoigner en public devant la commission Cliche. Je me suis
refusé à y aller à huis clos.
M. Morin: Sur les fiers-à-bras?
M. Déom: ... sur les accusations de M. La-berge. Je me
suis refusé à y aller à huis clos pour ne pas jouer dans
les politicailleries du président de la commission Cliche; s'il voulait
politiser sa commission, c'est son problème. Moi, j'avais le droit,
comme député, d'être entendu publiquement là-dessus
pour qu'on ne puisse pas dire en public: Ah! le député de Laporte
est allé essayer d'arranger son affaire avec la commission Cliche.
M. Morin: Avez-vous offert carrément de comparaître?
Je ne veux pas interroger...
M. Le Président (M. Gratton): Ce n'est pas le
député de Laporte qui est sur la sellette.
M. Bourassa: Ce que je veux dire au chef de l'Opposition, moi je
pourrais parler de l'intimidation dans mon comté sur ceux qui avaient
des
pancartes. Ils se faisaient intimider par des gens de votre parti et se
faisaient faire des menaces pour les enlever. On pourrait en parler de vos
méthodes électorales.
M. Morin: J'ai subi moi aussi ce genre de menaces et
d'intimidation je sais ce que c'est dans mon comté.
M. Bourassa: Je demanderais au chef de l'Opposition...
M. Morin: On vous parle de fiers-à-bras.
M. Bourassa: Des fiers-à-bras, le député de
Dorion peut vous en parler aussi de votre côté.
M. Bellemare (Rosemont): M. le premier ministre, les "guns"
sortis, une plainte déposée au poste 3 dans le comté de
Rosemont par le parti Québécois. La plainte est là, si
vous voulez la vérifier.
M. Le Président (M. Gratton): A l'ordre!
M. Bourassa: Arrêtez donc de jouer au dragon de vertu.
M. Bellemare (Rosemont): ... M. le Président.
M. Morin: Je vous ai posé une question
sérieuse.
M. Bellemare (Rosemont): C'est sérieux.
M. Morin: Le rapport de la commission Cliche, qui est public, a
constaté qu'il y avait des liens entre un certain parti que vous
connaissez bien et ces fiers-à-bras, qui, par ailleurs, étaient
des délégués de chantier dans bien des cas.
M. Bourassa: M. le Président, pensez-vous qu'on pouvait
être lié de quelque façon que ce soit? Quel gouvernement a
poursuivi par "preferred indictment" Dédé Desjardins et Louis
La-berge? Quel gouvernement? On ne peut pas dire qu'on...
M. Morin: Le même gouvernement qui a eu recours à
ces gens-là quelques mois auparavant. C'est un fait. Lisez le
rapport.
M. Bourassa: Ce n'est pas parce qu'il y a quelques dizaines de
personnes qui se rendent à une assemblée du ministre qui n'est
même pas dans son comté, à Saint-Jérôme, que
le ministre va se sentir lié par cela. Quand même, il ne faut pas
exagérer. En quoi cela aidait-il le ministre d'avoir 150 personnes de
plus pour l'écouter?
M. Morin: Avez-vous lu la conversation?
M. Bourassa: Est-ce que le ministre est impliqué ou son
chef de cabinet?
M. Morin: C'est le chef de cabinet, si ma mémoire est
bonne. C'est bien clair.
M. Bourassa: II ne faut quand même pas exagérer. On
monte en épingle des choses comme celle-là.
M. Bellemare (Rosemont): ...
M. Le Président M. Gratton): Je pense que les questions
par rapport au rapport Cliche sont acceptables dans la mesure où elles
se rapportent au...
M. Morin: De toute façon, le premier ministre m'a
affirmé que le ministre de la Justice ferait étudier tous les
aspects du rapport Cliche. Nous suivrons cette question. Je pense qu'on en a
assez discuté ce soir.
M. Bourassa: D'accord. Je comprends, parce qu'on pourrait vous
répliquer d'une façon foudroyante.
M. Morin: Cela n'a pas de fin. Si on commence à se
menacer...
M. Bourassa: Arrêtez, je vous...
M. Morin:... des pancartes de part et d'autres, on n'est pas
sorti du bois. Je voulais vous parler de fiers-à-bras. C'est de cela
qu'on voulait parler.
M. Bourassa: Non, je dis au chef de l'Opposition qu'il est
nouveau! Arrêtez de jouer aux purs. Qu'il en parle à son chef; il
a été élu quatre fois dans le comté de Laurier.
Qu'il en parle a son chef des tactiques électorales du parti
Québécois.
M. Morin: Je suis bien convaincu, pour connaître l'homme,
qu'il n'a jamais eu recours à des fiers-à-bras.
M. Bellemare (Rosemont): Johnny Rougeau, c'est qui cela?
M. Morin: On parle de coup-de-poing américains.
M. Bourassa: Ne me forcez pas...
M. Morin: M. le Président, une autre des
difficultés...
M. Bourassa: Comment pouvez-vous dire cela sans rire?
Il vous a parlé de "Chapeau" Gagné.
M. Morin: C'est la simple vérité. Pour se tirer
d'affaire, le premier ministre peut faire toutes sortes d'insinuations, mais il
n'arrivera pas...
M. Bossé: Ce ne sont pas des insinuations, ce sont des
affirmations.
M. Morin: ... à ébranler ce qu'a dit la commission
Cliche sur les élections dans Laporte et Taillon.
M. Bossé: Johnny Rougeau et sa "gang" étaient
très occupés le jour des élections dans Dorion je
veux donner le bénéfice du doute à René Levesque,
c'était peut-être à son insu mais Johnny Rougeau par
hasard...
M. Morin: Vous irez raconter cela à la commission
Cliche.
M. Bossé: ... et Chapeau Gagné m'a même pris
le bras, il a touché à cet objet...
M. Morin: M. le Président...
M. Bossé: ... et je lui ai demandé de ne pas
toucher à cette partie fragile.
M. Bellemare (Rosemont): II s'occupait plus de Sauvé.
M. Morin: II y aurait peut-être lieu qu'il y ait une
enquête générale sur la dernière
élection.
M. Bossé: En ce qui a trait aux radiations dans Dorion,
les poursuites se continuent, d'ailleurs.
M. Quenneville: Là vous allez en avoir des surprises.
M. Bellemare (Rosemont): Là vous seriez mal pris.
Le Président (M. Gratton): A l'ordre!
M. Morin: M. le Président, est-ce que je peux vous
demander de rappeler le député à l'ordre.
Le Président (M. Gratton): La parole est au
député de Laporte.
M. Bourassa: Est-ce qu'il y a d'autres questions?
Je m'excuse d'avoir été un peu...
M. Morin: Je n'ai pas d'objection, quoique ce n'est pas le
rôle du député de Laporte d'interroger le chef de
l'Opposition, c'est le rôle du chef de l'Opposition d'interroger le
premier ministre.
Le Président (M. Gratton): Un instant. M. Déom:
A la condition de... M. Bellemare (Rosemont): II va dire non. M.
Déom: Non, j'ai juste une question.
M. Morin: Si je peux vous interroger à mon tour, je vous
permets de m'interroger.
Le Président (M. Gratton): A l'ordre!
M. Déom: Est-ce qu'on peut prendre au sérieux
certaines recommandations d'une commission qui dit, dans les premières
pages, une des hérésies les plus fondamentales en matière
de relations de travail: que le pluralisme syndical a acquis droit de
cité au Québec, depuis des générations, alors que
nous vivons depuis 1867 et même avant, si c'est possible, dans un
régime de monopole syndical. Et le seul pluralisme syndical qu'on a
connu c'est celui du bill 290. Quand je vois une affirmation comme cela,
à la page 23 du rapport Cliche qui est censé parler des relations
de travail dans la construction, je me pose de sérieuses questions sur
le reste du rapport. Merci.
M. Morin: J'imagine que le rapport Cliche fai- sait allusion
à la diversité des centrales syndicales au Québec.
M. Déom: Alors, ce n'est pas ce que le concept de
pluralisme syndical veut dire, en matière de relations de travail.
Identification des électeurs
M. Morin: Je ne veux pas entrer dans un débat avec le
député de Laporte là-dessus, ce n'est pas l'objet de cette
commission. Je voudrais en venir à un autre aspect du scrutin. J'en ai
déjà parlé au premier ministre, à quelques
reprises, et je voudrais y revenir ce soir. Est-ce qu'il ne serait pas dans
l'intérêt de tous les partis, le parti gouvernemental comme les
oppositions, de pouvoir identifier de manière certaine, les
électeurs, le jour du scrutin? Est-ce qu'il ne serait pas utile de
prévoir une carte d'identité pour fins électorales, non
pas pour fins générales, mais pour des fins strictement
électorales, carte qui ne servirait que ce jour, comme cela se fait dans
d'autres pays, au moment où on se présente devant les urnes?
M. Bellemare (Rosemont): II faudrait en donner aux
immigrants.
M. Bourassa: M. le Président, je suis prêt à
aborder cette question. Je m'excuse d'avoir été un peu direct
tantôt, mais j'étais scandalisé...
M. Morin: Vous étiez surtout coïncé à
ce moment...
M. Bourassa: Vous m'avez déjà vu
coïncé?
M. Morin: Oui, oui. Il n'est que de vous voir en Chambre, et la
manière dont vous vous tirez d'affaires par des pirouettes, à
l'occasion. En tout cas, passons là-dessus, je vous ai posé une
question sérieuse, j'aimerais avoir une réponse.
M. Bourassa: Je dis que c'est dans le cadre des études de
la réforme électorale. On en a quand même fait plusieurs.
On pourra discuter cela à l'occasion, au cours de l'été,
probablement au mois d'août.
M. Morin: D'accord on pourra en discuter, je le veux bien, mais
là ce soir, je pose une question directe au premier ministre.
M. Bourassa: On pourrait réévaluer. Ma position
n'est pas définitive là-dessus. Il y a des avantages à la
formule du chef de l'Opposition, il doit y avoir des désavantages,
puisqu'elle n'est pas encore en application.
M. Morin: Je dirai au premier ministre que tant que nous n'aurons
pas cette carte, il y aura des possibilités de grabuge, le jour du
scrutin. Je ne parle pas du Parti libéral, j'essaie de me situer
au-dessus des partis...
M. Bourassa: Non, non, je sais...
M. Morin: Et, s'il vous plaît, est-ce qu'on peut tenir la
question à ce niveau?
M. Bourassa: II est temps et je comprends
que vous ayez abandonné les attaques contre le parti sur les
tactiques électorales.
M. Morin: Ce ne sont pas mes attaques, c'est le rapport Cliche
qui aligne des faits, M. le Président, C'est sur le rapport Cliche que
je me fondais. A moins de vouloir discréditer la commission Cliche,
comme le gouvernement tente de le faire...
M. Bourassa: M. le Président, le député de
Sauvé citait une partie du rapport Cliche, alors que je lui rappelais
des choses sur lesquelles la commission Cliche n'a pas enquêté.
C'est évident, la commission Cliche ne pouvait pas enquêter dans
tous les comtés. Je rappelais simplement au député de
Sauvé que des gestes avaient été posés par des gens
de son parti ou pour son parti qui se comparaient très certainement avec
ce qui a pu être mentionné.
M. Morin: Ce sont des affirmations gratuites et qui ne vous
tireront pas d'affaire.
Le Président (M. Gratton): A l'ordre!
M. Morin: Revenons-en, M. le Président, à nos
moutons.
Le Président (M. Gratton): A l'ordre!
M. Morin: M. le Président, est-ce que je pourrais vous
demander de rappeler le député de Rosemont à l'ordre? Cela
fait plusieurs fois qu'il perturbe les travaux, ce soir.
M. Bellemare (Rosemont): Je ne perturbe rien, je vous demande de
me parler des noms que vous avez fait rayer...
Le Président (M. Gratton): A l'ordre! Le
député de Rosemont, s'il vous plaît! La prochaine fois, je
devrai vous demander de sortir.
M. Bellemare (Rosemont): Avec plaisir, M. le Président,
parce que j'ai du respect pour vous, parce que vous n'êtes pas
séparatiste!
Le Président (M. Gratton): Vous avez une drôle de
façon de le démontrer!
M. Bourassa: Je dis au chef de l'Opposition que je ne puis pas
lui répondre de façon définitive ce soir. Ce sera
discuté. Qu'arrive-t-il dans les pays qui l'ont? Le chef de l'Opposition
peut-il donner des exemples?
M. Morin: Ils l'ont en France.
M. Bourassa: Ils l'ont en France.
M. Morin: La carte nationale électorale.
M. Bellemare (Rosemont): L'ont-ils à Bruxelles?
M. Morin: J'imagine qu'ils l'ont aussi à Bruxelles. Si
j'étais député...
M. Bourassa: L'ont-ils dans les territoires d'outre-mer de la
France, en Martinique ou en Guadeloupe?
M. Morin: J'avoue que je n'en sais rien. Probablement, oui, pour
fins électorales.
M. Bourassa: Et vous croyez que c'est efficace?
M. Morin: Si ce sont des territoires d'outremer qui
élisent des députés à l'Assemblée nationale
française, alors, oui, ils doivent avoir la carte.
M. Bourassa: Est-ce efficace dans les territoires
d'outre-mer?
M. Morin: Parlez-vous des TOM... M. Bourassa: Oui, de la
Martinique.
M. Morin: ... ou si vous parlez de la Corse? Evidemment, si on
veut comparer la Corse et le Québec, ce serait intéressant au
point de vue des moeurs électorales. Sérieusement, ne croyez-vous
pas que toute la réforme électorale peut achopper sur cette
question?
M. Bourassa: Nous sommes prêts à l'examiner
sérieusement. On a réformé la carte électorale;
c'était bien plus difficile, comme réforme, que celle que propose
le chef de l'Opposition.
M. Morin: Je n'en suis pas sûr.
M. Bourassa: Changer tous les comtés.
M. Morin: Si c'est tellement simple de s'assurer de
l'honnêteté du scrutin et de s'assurer de l'identité de
ceux qui votent cela fait plusieurs fois que je vous en parle
pourquoi hésitez-vous tellement?
M. Bourassa: M. le Président, le chef de l'Opposition
devrait savoir que le gouvernement ne serait que très heureux de
s'assurer de l'honnêteté du scrutin. Peut-être que nous
aurions plus de comtés, si elle avait été totalement
appliquée.
M. Morin: Vous en auriez peut-être 110 sur 110? Oui, on
peut l'imaginer facilement, surtout avec les majorités par lesquelles
vous avez remporté certains comtés. Mais j'essayais de poser une
question sérieuse au premier ministre. Je crois que c'est une question
sérieuse. Nous aurons beau refaire la carte électorale, nous
aurons beau modifier le mode de scrutin, si nous ne pouvons pas nous assurer de
l'identité de ceux qui votent, je soutiens, en ce qui me concerne, que
la réforme électorale reste illusoire.
M. Bourassa: II ne faut quand même pas exagérer! Je
suis d'accord q'elle n'est pas complète, mais de dire qu'elle est
illusoire!
M. Morin: Je ne sais pas si le premier ministre est au courant de
ces tactiques et de ce qu'on appelle les télégraphes.
M. Bourassa: Avez-vous un cas de télégraphe que
vous avez été capable de prouver?
M. Morin: Oui, dans mon comté, nous avons, à
la suite de 1970, établi des dizaines et des dizaines...
M. Bourassa: En 1973?
M. Morin: ...prouvés devant le tribunal, des dizaines de
cas de télégraphes.
M. Bourassa: En 1973?
M. Morin: En 1973, il n'y a pas eu de contestation.
M. Bourassa: Ah! Pas de contestation en 1973, après toutes
les accusations que vous avez faites!
M. Morin: Pas que je sache, en tout cas.
M. Bourassa: Vous avez accusé le parti au pouvoir durant
des semaines et des semaines, et pas de contestation!
M. Morin: C'est parce que nous nous sommes rendu compte que les
contestations ne donnaient rien et que, sur ce plan, nous n'avons aucune
confiance.
Des Voix: Oh! Oh! Oh!
M. Morin: Oui, oui, parfaitement.
M. Bourassa: Quelle admission!
M. Morin: Je dirai autre chose au premier ministre: La Loi des
élections doit être repensée sur le plan de la contestation
également, parce que, de la façon dont elle est
rédigée, les contestations n'aboutissent absolument à
rien. C'est clair? Ceux qui en ont fait l'expérience savent de quoi je
parle.
M. Bellemare (Rosemont): Vous autres, vous le savez.
M. Morin: M. le premier ministre, j'aimerais quand même
vous demander si vous ne pouvez pas être un peu plus précis sur
cette question.
M. Bourassa: D'accord. Nous allons fixer une réunion et
nous allons en discuter en priorité, si vous voulez. Il y a la loi pour
l'abolition des caisses électorales.
M. Morin: Oui? M. Roy: La vôtre?
M. Bourassa: Nous autres, cela a été
appliqué.
M. Morin: Je n'appelle pas cela la loi pour "l'abolition des
caisses électorales". Quand vous les aurez vraiment abolies, nous en
reparlerons. Là encore, vous jouez sur les mots.
M. Bourassa: Non, je veux dire pour l'abolition des caisses
occultes. D'ailleurs, c'est appliqué dans le Parti libéral depuis
plusieurs mois.
M. Morin: Oh! Oui. La caisse du Parti libéral est connue
de tout le monde! Il n'y a pas de problème! Enfin, nous reparlerons de
cela, voulez-vous?
M. Roy: Combien de millions?
M. Bourassa: On sait bien qu'on ne gagne pas des élections
avec des grosses caisses électorales; je l'ai dit, M. le
Président, et le chef de l'Opposition est au courant.
M. Morin: Cela n'a aucune espèce d'importance! Cela permet
seulement d'inonder tous les media de communication de votre savon, de votre
confiture!
Une Voix: L'Union Nationale s'est fait laver aussi!
M. Bourassa: L'Union Nationale s'est enterrée avec sa
caisse.
Une Voix: Comme le Jour.
M. Morin: M. le Président, puis-je avoir l'assurance du
premier ministre que cette question de l'identité des électeurs
sera débattue en commission, lorsque nous parlerons de la
réforme?
M. Bourassa: Oui, M. le Président. Il approche onze
heures.
M. Morin: Je ne fais pas de blague.
M. Bourassa: Je suis d'accord. Ce le sera. Cela fait dix fois que
vous le demandez.
M. Morin: C'est une question fondamentale pour tous les
partis.
M. Bourassa: D'accord. Il n'y a pas d'élections avant deux
ans; il n'y a pas d'urgence à discuter cela, ce soir.
M. Roy: Oui mais il y aura peut-être des élections
complémentaires à l'automne.
M. Morin: Si j'étais le premier ministre, je ne ferais pas
d'affirmation comme celle-là, parce que c'est suffisant pour que
l'Opposition s'interroge sur ses véritables intentions et sur la
possibilité d'un scrutin surprise.
M. Bourassa: Ce serait malheureux pour vous, vous avez perdu cinq
points depuis octobre 1974.
M. Morin: D'après votre sondage maison, toujours?
M. Bourassa: Non, non. M. le Président on pourra en
reparler l'IQOP est une maison dont la crédibilité est
reconnue...
M. Morin: Et le CROP?
M. Bourassa: ...et c'est l'IQOP qui vous donnait 28% en octobre
1974 et c'est l'IQOP qui vous donne 23% en avril 1975.
M. Morin: Et le CROP?
M. Bourassa: Même formule, même système.
M. Morin: Oui. Et le CROP?
M. Bourassa: Le CROP a fait précéder son sondage de
toute une série de questions plus ou moins sombres...
M. Morin: Qui sont beaucoup plus complètes que le sondage
de l'IQOP.
M. Bourassa: ...et Maurice Pinard, qui avait été
invité par Radio-Canada pour commenter les deux sondages je pense
qu'on peut admettre la compétence de Maurice Pinard a dit que le
sondage de CROP comportait des défauts techniques et que le sondage de
l'IQOP était beaucoup plus fiable. C'est Radio-Canada qui, reconnaissant
son erreur, a demandé à M. Pinard d'émettre cela sur les
ondes.
M. Bellemare (Rosemont): Laquelle est la plus anglaise: CROP ou
l'IQOP? Laquelle fait votre affaire, vous?
Le Président (M. Gratton): A l'ordre!
M. Morin: Le député de Rosemont jette la
lumière sur le sujet!
M. Bellemare (Rosemont): Je ne jette pas de lumière, je
pose une question.
Le Président (M. Gratton): A l'ordre!
M. Roy: II y a tellement de lumière qu'il éblouit
tout le monde!
M. Bourassa: Est-ce qu'il y a d'autres questions, M. le
Président?
M. Roy: Oui, M. le Président, sur la carte
d'identité...
M. Bellemare (Rosemont): Je peux l'éclairer, le
député de Beauce-Sud.
M. Roy: ...le chef de l'Opposition l'a mentionné tout
à l'heure, c'est une demande qui a été faite à
chaque fois que nous avons discuté de réforme électorale
à l'Assemblée nationale.
Je suis heureux ce soir. Je pense que le Parti québécois,
à une couple de reprises, a parlé de la carte d'identité.
C'est une chose qui est réclamée de plus en plus par la
population. C'est une chose qui a de plus en plus d'adeptes, la carte
d'identité. Si le premier ministre nous donne l'assurance ce soir que
cela sera discuté à la prochaine commission parlementaire, cela
me satisfait pour le moment, quitte à ce que le gouvernement y donne
suite, par exemple, l'étudie de façon objective...
M. Bourassa: D'accord.
M. Roy: ...et qu'on arrive avec des mesures positives de ce
côté.
M. Bourassa: D'autres questions, M. le Président?
Information
M. Morin: Oui. Sur le CAD, mais très brièvement,
puisque nous n'avons encore que quelques minutes. Pourriez-vous nous dire quel
est le budget du CAD cette année, M. le premier ministre?
M. Bourassa: Je croyais qu'on avait adopté cela
tantôt.
M. Morin: Oui, mais je me réserve le droit de poser une
question là-dessus. Cela va être très bref.
M. Bourassa: J'ai répondu à toutes les questions
sur le CAD à plusieurs reprises.
M. Morin: Vous avez dit, je pense, dans le passé, que cela
correspondait au quart du budget du secrétariat général.
Est-ce toujours le cas?
M. Bourassa: Oui. On me dit que c'est exact.
M. Morin: Donc, cela ferait quoi, à peu près?
$500,000 pour l'année à venir?
M. Bourassa: Cela doit. Il n'y a pas de total, là...
M. Morin: Et pourriez-vous nous dire combien de personnes sont
employées dans ce service cette année? Il y en avait douze, je
crois, l'année dernière.
M. Bourassa: Cela n'a pas tellement augmenté. Vingt, M. le
Président.
M. Morin: C'est passé de douze à vingt?
M. Bourassa: Oui.
M. Morin: Cela n'a pas tellement augmenté!
M. Bourassa: C'est huit personnes de plus. Votre personnel a
augmenté de combien dans l'Opposition?
M. Morin: Pas autant que cela, je le regrette. Si vous m'en
offrez huit nouveaux, je vais les prendre avec plaisir.
M. Gilles Néron est-il encore directeur du service?
M. Bourassa: Oui.
M. Morin: Ce qui nous a toujours inquiétés
le premier ministre le sait c'est que le CAD n'existe nulle part de
façon vraiment officielle, sur le plan législatif ou sur le plan
réglementaire. Et le premier ministre se souviendra même qu'on a
découvert, dans le passé, que ce service existait
déjà depuis quelque temps, de façon secrète, et que
personne n'était au courant.
M. Bourassa: II n'y avait pas eu de questions qui avaient
été posées.
M. Morin: Justement, n'était-ce pas la
responsabilité du premier ministre de nous renseigner
là-dessus, de renseigner l'opinion publique, lorsqu'il
crée des services de cette importance?
Est-ce qu'il y a d'autres services du même genre, comportant douze
ou vingt personnes, dont le premier ministre n'a pas daigné informer
l'opinion publique ou la Chambre?
M. Bourassa: Je ne crois pas, M. le Président. M. Roy:
Le permier ministre n'a pas l'air sûr. M. Bourassa: Non, je
veux dire... Non.
M. Morin: Est-ce que je pourrais demander au premier ministre
s'il serait possible d'interroger, en commission parlementaire, M. Néron
ou quelque personne responsable de ce service pour connaître exactement
la nature de ses activités...
M. Bourassa: Vous pouvez me poser des questions à moi, M.
le Président.
M. Morin: Dans le passé, on n'a pas eu beaucoup
d'éclaircissements.
M. Bourassa: Essayez-vous une nouvelle fois, je suis prêt
à répondre aux questions.
M. Morin: Je ne sais pas si je me sens disposé à
perdre encore du temps. Pourriez-vous alors nous dire exactement en quoi
consistent les activités de ce service?
M. Bourassa: Je l'ai dit l'an dernier. C'est d'informer le chef
du gouvernement sur les situations qui existent. Là, on a eu la
grève dans la construction. J'étais informé, à
toutes les quatre heures, de l'évolution de la grève, de la
"spontanéité" de ceux qui faisaient la grève, du nombre
présumé des fiers-à-bras. C'est pour permettre au chef du
gouvernement d'avoir la meilleure qualité d'information possible afin
qu'il prenne les bonnes décisions.
L'un des facteurs pour lesquels nous avons procédé
rapidement avec la tutelle, c'est qu'on a été informé que
des milliers de travailleurs ne pouvaient pas travailler sur les chantiers
alors qu'ils voulaient le faire. Ce n'était pas une grève
spontanée, c'était une grève imposée par quelques
dizaines ou centaines d'individus au plus.
M. Morin: Quelle sorte de réglementation avez-vous pour
vous assurer que ce service fonctionne de façon à ne pas
empiéter sur les droits des citoyens?
M. Bourassa: Bien, il n'y a pas... C'est au niveau de
l'information. On sait que...
M. Morin: II y a plusieurs façons de recueillir
l'information.
M. Bourassa: Bien, c'est fait avec les corps constitués.
On communique avec le ministère de la Justice. Il y a un agent de
liaison avec la Sûreté du Québec. Il n'y a pas...
M. Morin: II n'y a pas de secret?
M. Bourassa: Non. Je ne vois pas pourquoi on ferait des secrets.
Je pense que c'est normal qu'on soit informés. Il y a quand même
là... Il y a la question de la United Aircraft. On m'informait d'heure
en heure, dans le cas de la United Aircraft, de la situation, du nombre de
personnes à l'intérieur. Et c'est régulièrement...
Il y a toujours des événements au Québec qui suscitent
l'attention...
M. Morin: Si c'est un service qui, en somme, ne s'écarte
pas des normes ordinaires, un service composé de gens bien ordinaires
qui font du renseignement tout simplement, pourquoi cette réticence
à ce que nous puissions interroger la personne responsable?
Pourquoi?
M. Bourassa: J'ai demandé au chef de l'Opposition de
visiter les lieux. Les journalistes sont venus, ils ont pris des photos.
M. Morin: Avec des conditions que vous imposiez. Est-ce que, si
nous visitons les lieux, les journalistes et l'Opposition, nous pourrons poser
des questions aux personnes responsables?
M. Bourassa: Faites la demande et on verra.
M. Morin: Vous vous souviendrez que ceux qui avaient
été invités ont jugé que les conditions que vous
imposiez...
M. Bourassa: Oui.
M. Morin: ... étaient inacceptables.
M. Bourassa: Quand même, il faut tenir compte des
précédents. Sj les membres de l'Opposition peuvent aller visiter
des endroits et commencer à poser des questions aux fonctionnaires, ils
les placent dans une drôle de situation. Le député de
Beauce-Sud a l'air de trouver cela assez exagéré.
M. Roy: M. le Président, je n'ai pas fait de commentaire
et je n'ai voulu donner aucune impression au premier ministre. Je sais qu'il
cherche, par tous les moyens possibles, à trouver le moyen de
détourner l'attention et de ne pas répondre aux questions.
M. Morin: Ce que je voudrais demander au premier ministre, c'est
si ce CAD utilise, à l'occasion, des services d'agents extérieurs
pour faire des enquêtes.
M. Bourassa: D'agents extérieurs... Vous voulez
dire...
M. Morin: D'agents qui se mêlent, par exemple, à la
foule, à Cabano, à Mont-Laurier, dans le
Témiscamingue...
M. Bourassa: Bien, le CAD est en communication avec la
Sûreté du Québec.
M. Morin: ... qui se mêlent, par exemple, à la
grève des policiers, qui se mêlent au milieu sur lequel vous
faites faire enquête.
M. Bourassa: II est en communication avec les corps policiers. Si
cela fait partie du travail des policiers...
M. Morin: Est-ce que je dois comprendre qu'il y a des rapports
institutionnels entre le CAD et les divers corps policiers?
M. Bourassa: II y a des agents de liaison avec la
Sûreté du Québec qui, elle, en a avec les autres corps
policiers.
M. Morin: Avec les autres corps policiers directement aussi, avec
la police des grandes villes, à tout le moins?
M. Bourassa: Bien, je crois... La Sûreté du
Québec a des rapports avec tous les corps policiers du Canada.
M. Morin: Quels sont exactement les rapports du CAD avec le
ministère de la Justice? J'achève, je tiens à vous
rassurer, il est onze heures et...
M. Bourassa: C'est la même chose, M. le Président.
Les rapports sont très étroits. Il y a des représentants
de part et d'autre. C'est simplement pour que le chef du gouvernement puisse
être informé instantanément à travers un organisme
qui relève de lui, mais il n'y a aucun problème entre les deux
organismes, entre la Sûreté du Québec, qui dépend du
ministère de la Justice, et le groupe de M. Néron.
M. Morin: Est-ce qu'il y a des rapports avec la gendarmerie dite
royale?
M. Bourassa: A travers la Sûreté du Québec,
c'est possible, oui.
M. Morin: Pas directement.
M. Bourassa: Je ne saurais vous dire s'il peut y avoir des
communications. Mais d'une façon institutionnelle, je dirais que c'est
à travers la Sûreté du Québec.
M. Morin: Est-ce qu'il serait possible d'avoir une idée
précise de cela?
M. Bourassa: D'accord. M. le Président, moi, je demande
d'être informé de toutes les différentes méthodes.
Ce qui est important pour moi, c'est la qualité de l'information.
M. Morin: Je reviens sur la question principale dans tout cela.
Comment est-ce que le premier ministre s'assure, dans le concret, que ce CAD
respecte les droits fondamentaux des citoyens?
M. Bourassa: J'en suis convaincu.
M. Morin: Cela ne nous suffit pas que vous en soyez convaincu.
J'aimerais que vous nous disiez par quels moyens vous vous assurez de la
chose.
M. Bourassa: Parce que le travail qui est fait ne se trouve pas
à mettre en danger, de quelque façon que ce soit, les droits des
citoyens. Le travail qui est fait, c'est de fournir l'information au chef du
gouvernement, de manière qu'il prenne les décisions correspondant
le plus aux situations décrites.
M. Morin: Est-ce qu'il ne serait pas utile qu'il y ait des
règles? Vous savez qu'aux Etats-Unis le président ne savait pas
toujours ce que faisait la CIA et même le FBI.
M. Bourassa: Oui, mais on ne doit pas les comparer avec
ça.
M. Morin: II s'est fait jouer des tours, parce qu'il n'y avait
pas de règles précises.
M. Bourassa: Le chef de l'Opposition peut dormir tranquille.
M. Morin: Je ne songe pas à des dangers personnels. Je
songe à la population du Québec et à la possibilité
que cette institution puisse, à l'occasion, enfreindre les droits
fondamentaux des citoyens.
M. Bourassa: II n'y a pas de danger là-dessus.
M. Morin: C'est une simple affirmation. Je vous demande s'il ne
serait pas opportun qu'il y ait des règles qui définissent le
comportement de ce service.
M. Bourassa: On pourra en discuter l'an prochain, pour voir si,
à ce moment...
M. Morin: Vous nous renvoyez aux calendes canadiennes encore une
fois!
M. Bourassa: Non, non.
M. Morin: Ce n'est pas très sérieux, cela.
M. Bourassa: Je veux dire, les règles, quelles
règles? Il devrait se fermer des portes pour obtenir l'information ou
quoi? Je ne vois pas où veut en venir le chef de l'Opposition.
M. Morin: Pourtant, ce n'est pas difficile d'imaginer qu'un
organisme secret comme cela puisse empiéter, à l'occasion, sur
les droits des citoyens.
M. Bourassa: On en parle depuis une demi-heure; ce n'est pas
secret.
M. Morin: Le comportement, les façons de travailler de cet
organisme ne sont pas connues.
M. Bourassa: Oui, je viens de les décrire, j'ai
donné le budget, M. Néron est le directeur. Qu'est-ce que vous
voulez de plus?
M. Morin: Cela ne nous apprend rien sur le comportement des
agents en question, vous le savez bien. Je vois que nous n'avançons
guère.
M. Bourassa: J'ai offert au chef de l'Opposition de visiter les
lieux.
M. Morin: Visiter les lieux vides ou visiter les lieux avec la
possibilité de parler avec les responsables?
M. Bourassa: Là, je vais examiner ce que cela comporte
comme précédent, mais, pour visiter les lieux, il n'y a aucun
problème.
M. Morin: Cela, je le sais, mais cela ne m'inté-
resse guère de visiter un bureau vide. Le premier ministre sait
très bien que cela ne signifie absolument rien. S'il est prêt
à nous laisser interroger les responsables, c'est une autre affaire. Je
pense qu'il y aurait beaucoup de journalistes qui seraient
intéressés à venir avec le chef de l'Opposition.
M. Bourassa: II faut que j'examine le précédent.
Est-ce que des fonctionnaires comme cela pourront être soumis à
des interrogatoires de la part de députés de l'Opposition? Vous
allez commencer avec le CAD; après vous irez au Conseil du
trésor; après, au comité de législation.
M. Morin: Au Conseil du trésor, nous avons le loisir
d'interroger le ministre responsable et ses principaux lieutenants lors de
l'étude des crédits. Ce n'est pas le cas pour le CAD.
M. Tardif: II est le ministre responsable.
Le Président (M. Gratton): A l'ordre, messieurs. Nous
avons déjà dépassé 23 heures, la commission
reprendra l'étude des crédits du ministère des Affaires
intergouvernementales, programme 1, affaires
fédérales-provinciales et interprovinciales. C'est surtout
à l'intention de l'Opposition officielle que je le mentionne. Le
ministre d'Etat sera présent pour les circonstances.
M. Morin: M. le Président, j'ai noté, cependant
je pense que vous l'aurez noté aussi que le premier
ministre va examiner très sérieusement la possibilité de
nous permettre des contacts avec les responsables du CAD.
M. Bourassa: Je n'ai pas fait de promesse, mais je suis
prêt à examiner la possibilité.
M. Roy: M. le Président, sur le programme 3, une simple
question, parce que le premier ministre, la semaine dernière, à
la suite d'une discussion assez laborieuse, ici, à la commission
parlementaire, s'est engagé à nous fournir la liste de son
personnel.
M. Bourassa: J'ai tout donné, c'est au journal des
Débats. J'ai fait la liste, sauf pour les secrétaires.
M. Roy: J'ai reçu, l'an dernier...
M. Bourassa: C'est au journal des Débats.
M. Roy: M. le Président, je vais terminer. J'ai
reçu l'an dernier, la liste du premier ministre, mais je n'ai pas eu les
informations que j'ai demandées. Elles n'étaient que très
partielles. J'ai vérifié également ce qui avait
été inscrit au journal des Débats, l'an dernier.
C'était absolument impossible d'avoir la liste complète et
d'avoir l'information complète que nous avions demandée. Je parle
pour l'an dernier. Ce soir, il n'a pas été possible de donner
toute la nomenclature...
Le Président (M. Gratton): Avec les salaires, etc.? Cela a
été fait.
M. Bourassa: Les secrétaires et tout ça!
M. Roy: II y a 110 personnes. Si on me dit que cela a
été fait, d'accord, je vais vérifier.
Le Président (M. Gratton ): Vérifiez puis...
M. Roy: Je voulais quand même dire que, l'an dernier, nous
nous étions fait organiser...
Le Président (M. Gratton): Sinon, vous poserez une
question au feuilleton.
M. Roy: ... dans le sens qu'on n'avait pas en quelque sorte
organiser...
M. Bourassa: D'accord. Non, non.
M. Roy: ... par le fait qu'on n'a pas été capables
d'avoir les renseignements que nous avions demandés et qui nous aient
été promis.
M. Bourassa: J'ai donné la liste tantôt des
plus...
M. Roy: Vous avez donné...
M. Bourassa: Le chef de l'Opposition m'a demandé ceux qui
étaient au-delà de $15,000.
M. Roy: Parfait.
M. Bourassa: II n'a pas voulu me demander... Alors, si le
député n'est pas satisfait, il pourra poser des questions au
feuilleton ou venir me voir à mon bureau. Je pourrais lui donner toutes
les explications.
Le Président (M. Gratton): Alors, messieurs, merci. La
commission ajourne ses travaux à demain, dix heures.
(Fin de la séance à 23 h 6)
Séance du mercredi 28 mai 1975
(Seize heures trente quatre minutes)
M. Gratton (président de la commission permanente de la
présidence du conseil, de la constitution et des affaires
intergouvernementales): A l'ordre, messieurs!
La commission continue l'examen des crédits du ministère
du Conseil exécutif. Le ministre.
Ajournement de la séance
M. Levesque: M. le Président, devant l'absence
évidente de tout membre de l'Opposition et du manque
d'intérêt évident vis-à-vis des questions de
planification et de développement régional, je suggère que
l'on ajourne ta séance sine die.
Le Président (M. Gratton): La commission ajourne ses
travaux sine die.
(Fin de la séance à 16 h 35)