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Commission permanente de la présidence du
conseil,
de la constitution et des affaires
intergouvernementales
Etude des crédits du ministère des
affaires intergouvernementales
Séance du mardi 3 juin 1975
(Dix heures trente minutes)
M. Gratton (président de la commission permanente de la
présidence du conseil, de la constitution et des affaires
intergouvernementales): A l'ordre, messieurs!
La commission de la présidence du conseil, de la constitution et
des affaires intergouvemementales continue ce matin l'étude des
crédits du ministère des Affaires intergouvernementales. M.
Massicotte remplacera M. Denis.
Le programme 1: Affaires fédérales-provinciales et
interprovinciales. Le chef de l'Opposition officielle.
Affaires fédérales-provinciales et
interprovinciales
M. Morin: M. le Président, nous avons interrompu notre
discussion très fructueuse, le ministre et moi-même, pour
reprendre l'étude des affaires intéressant le ministre d'Etat,
c'est-à-dire essentiellement les questions touchant à
l'aménagement de la région de la capitale
fédérale.
Ce matin, je voudrais revenir à ce qui faisait l'objet de notre
entretien auparavant, c'est-à-dire la loi 59; après quoi,
j'entretiendrai le ministre de la loi 65 et nous pourrons passer à
l'étude de divers aspects du budget du ministère.
La dernière question que j'avais posée au ministre et que
nous n'avons pas eu vraiment le temps de débattre à fond
était la suivante: Serait-il possible que le ministre dépose, par
exemple, au début et à la fin de chaque session, un exemplaire de
toutes les ententes intervenues dans l'intervalle, dans les mois qui
précèdent, de façon que les parlementaires soient au
courant des activités extérieures du Québec et notamment
du contenu de ces ententes extrêmement nombreuses, de plus en plus
nombreuses, de fait, qui interviennent entre le gouvernement du Québec
et les autres gouvernements du Canada, comme le fédéral, ou les
gouvernements des autres provinces?
Le ministre pourrait-il considérer l'établissement d'une
sorte de tradition, comme elle existe d'ailleurs dans d'autres Parlements de ce
pays, à l'effet de déposer, pour l'information des
parlementaires, toutes les ententes signées dans l'intervalle?
M. Levesque: M. le Président, j'ai répondu à
cette question du chef de l'Opposition vers la fin d'une réunion
précédente, alors que cette même question m'était
posée. J'avais dit, à ce moment, que je n'avais pas d'objection
en principe, que la loi ne m'y obligeait pas, que j'allais étudier la
possibilité de me rendre à ce désir, mais je dois avouer
que, puisqu'il ne s'est passé que quelques jours, ma réponse
n'est pas différente de celle que je donnais à ce moment.
M. Morin: La raison pour laquelle je suis revenu sur le sujet est
que la réponse paraissait un peu vague. Je voudrais dire au ministre que
je me rends parfaitement compte que la loi ne l'oblige pas à
déposer les ententes. La loi n'oblige pas, non plus, le gouvernement
fédéral à déposer ce qu'on appelle les "Executive
agreements"; les accords conclus par l'Exécutif, d'après la
constitution, n'ont pas à être soumis à l'approbation du
Parlement.
Néanmoins, le ministre des Affaires extérieures
dépose toujours devant le Parlement, au début et à la fin
des sessions, les ententes intervenues au cours des mois
précédents. Pour ma part, j'estime que c'est une coutume utile
qui permet de tenir l'opinion publique, en tout cas l'Assemblée, au
courant de ce qui se passe. Le ministre n'y voit pas d'objection. J'ai beau
scruter la chose, je n'en vois pas non plus.
M. Levesque: II y a une seule chose, si on me le permet, c'est
que je ne suis pas le seul à intervenir dans ces ententes. Lorsqu'il y a
entente, il y a, évidemment, le ministre des Affaires
intergouvernementales qui intervient, mais il y a d'autres parties aussi
à l'entente. J'aimerais voir quelles sont les possibilités et les
conséquences de cet engagement que je prendrais, à ce moment-ci,
seul. Je ne crois pas que je puisse le faire sans consultation; les propos que
tient le chef de l'Opposition me semblent correspondre à ma propre
interprétation de la situation, mais je n'aimerais pas répondre
d'une façon catégorique, lorsque je ne suis pas seule partie
à ces ententes.
M. Morin: Est-ce que le ministre pourrait, du moins, s'engager
à nous donner une réponse ferme au cours de la prochaine
année...
M. Levesque: Oui.
M. Morin: ... plus tard, aux prochains crédits?
M. Levesque: Je crois que...
M. Morin: Je ne veux pas bousculer...
M. Levesque: Non.
M. Morin: ... le ministre, mais cela me paraît
raisonnable.
M. Levesque: Cela me paraît raisonnable également.
Je crois qu'il est important que le Parlement soit informé du contenu de
ces ententes. On peut, comme le règlement le prévoit, lorsqu'on
n'est pas d'accord pour déposer un document, lorsqu'il n'est pas
d'intérêt public de le faire, dire simplement qu'il en est ainsi,
mais lorsque l'intérêt public n'est pas desservi par les
dépôts en question, je ne vois pas pourquoi on ne le ferait pas,
quant à moi.
M. Morin: Bien! Alors, j'attendrai une réponse du
ministre, au cours des prochains mois, sur ce point.
M. Levesque: D'ailleurs, le chef de l'Opposition sait que,
lorsqu'on lui remet la liste, comme je l'ai fait, aussi complète que
possible, même que je l'ai complétée à une
séance ultérieure, parce qu'elle n'était pas
complète en premier lieu, il peut demander le dépôt de
l'une ou l'autre de ces ententes et que je me ferai un plaisir de les
déposer, après avoir consulté, évidemment, les
autres parties à l'entente, afin que le tout puisse se faire
régulièrement, si toujours l'intérêt public n'est
pas desservi. On peut dire que c'est toujours d'intérêt public de
connaître ces ententes, mais quelquefois, il peut être
préférable d'attendre je ne sais pas; je n'ai pas de cas
à l'esprit une semaine ou un mois avant de faire un tel
dépôt. A ce moment-ci, on parle dans l'abstrait, on parle en
théorie. En pratique, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas
déposer ces documents, à la fin de chaque session, mais, encore
là, j'aimerais, avant de m'y engager, je le répète, avoir
le temps de consulter.
M. Morin: J'admets que, dans certains cas, au moment des
négociations, une certaine discrétion s'imposent, quoique
j'ajouterais que, vu l'importance de certains dossiers, il me paraît que,
dans bien des cas, la négociation doit se faire au grand jour. Mais
j'admets que, dans certains cas plus délicats, la négociation de
ces ententes puisse se faire discrètement, jusqu'à ce qu'on
aboutisse à des résultats. Mais, une fois l'entente conclue, je
ne vois pas très bien quelle justification on pourrait invoquer pour la
diplomatie secrète.
M. Levesque: C'est ma propre réaction.
M. Morin: Bien! Je vois que nous nous entendons sur le principe
et qu'au niveau pratique, d'ici quelques mois, nous attendrons
l'énonciation d'une attitude officielle de la part du
ministère.
Pour ce qui est de l'article 15 du projet de loi no 59, devenu loi
depuis lors, est-ce que le ministre pourrait nous dire s'il y a eu des
ratifications de traités? Le ministre et le sous-ministre se
souviendront que nous avions eu quelques discussions sur le sens exact du mot
"ratification", lors de l'étude du projet de loi.
Est-ce que les ratifications sont intervenues depuis l'adoption de la
loi?
M. Levesque: Non.
M. Morin: C'est une année mince, alors, sur le plan des
ratifications.
M. Levesque: Disons qu'il ne s'est pas encore passé une
année. Il y a cinq mois, à peu près,
d'activités.
M. Morin: Bon! Enfin, j'avoue que, du côté de
l'Opposition, on attend avec la plus grande hâte les premières
ratifications de la part du Québec. Il y a là, sans doute, encore
une tentative de se donner des allures d'Etat souverain, sans en porter les
responsabilités. Mais, à tout événement, comme je
l'ai laissé entendre lors du débat et je le répète
au ministre, je veux bien qu'on se serve, à la rigueur, d'un mot
impropre, étant donné que cela pounrait toujours donner aux
Québécois le sentiment qu'ils commencent à avoir un Etat
qui leur appartienne. A l'article 40, a-t-on procédé à des
transferts de fonctionnaires comme il avait été prévu?
Dans l'affirmative, quels fonctionnaires?
M. Levesque: Quelques mutations individuelles ont
été faites, mais des mutations en bloc de certains services n'ont
pas encore été faites. Je l'ai, d'ailleurs, annoncé dans
mon exposé d'ouverture. Les négociations sont en cours et nous
croyons que, dans un avenir prochain, ces mutations se feront. Ce n'est pas une
question de principe; c'est une question d'identifier dans chacun des
ministères les individus qui correspondent à la définition
de la loi.
M. Morin: De sorte qu'à l'heure actuelle il existe
toujours des services de coopération avec l'extérieur au
ministère de l'Education et au ministère des Affaires
culturelles.
M. Levesque: II restera toujours des noyaux dans chacun de ces
ministères les plus impliqués dans les relations
extérieures. Je crois qu'il y a seulement un ou deux ministères
qui ont les services... Un seul, c'est le ministère de l'Education.
M. Morin: Le ministère de l'Industrie et du Commerce n'a
pas de service extérieur ou de fonctionnaires affectés à
des fonctions extérieures?
M. Levesque: Oui, mais je parle d'un service de
coopération ce n'est pas le service extérieur dont je parle,
parce que le service de coopération, tel qu'on l'entend, c'est celui qui
s'occupe des programmes de développement international et de
coopération comme tels. Il y a un tel service évidemment au
ministère de l'Industrie et du Commerce; j'ai été assez
proche de ce ministère pendant plusieurs années, je sais fort
bien qu'il existe un service extérieur.
M. Morin: Ce que vous tentez de récupérer par la
loi 59, est-ce que ce sont seulement les services de coopération ou
l'ensemble des services axés sur des préoccupations
extérieures au Québec?
M. Levesque: Ceux qui, comme le prévoit l'article 40, sont
transférés au ministère des Affaires
intergouvernementales, c'est le personnel des autres ministères, dont
les fonctions principales correspondent à celles attribuées par
la présente loi au ministre, ainsi que les crédits
appropriés, suivant que le détermine le lieutenant-gouverneur en
conseil. Ce que la loi peut dire ici et ce qui arrive lorsque nous essayons
d'identifier des personnes, c'est qu'il y a des personnes un peu polyvalentes
dans les ministères qui n'ont pas seulement cette
fonction et les ministères tiennent à ces gens pour
d'autres raisons. Il s'agit, ensemble, d'identifier les personnes dont
réellement le rôle essentiel est celui de la coopération
avec l'extérieur ou les relations internationales. A ce moment, cette
personne doit être mutée au ministère.
M. Morin: II y en a donc à l'Education, aux Affaires
culturelles...
M. Levesque: A l'Industrie et au Commerce, au Tourisme, à
l'Immigration.
M. Morin: ... et à l'Immigration, de même.
M. Levesque: A l'Immigration, ce sont plutôt des gens qui
sont à l'extérieur, qui sont affectés par le ministre des
Affaires intergouvemementales et désignés par le ministre
sectoriel. Ce n'est pas un service de coopération qui existe au
ministère de l'Immigration. Le service de la coopération est
essentiellement au ministère de l'Education et si on peut trouver des
services qui seraient plus affectés, c'est du côté des
Affaires culturelles, de l'Industrie et du Commerce et un peu aux Affaires
sociales aussi.
M. Morin: Est-ce que le ministre a déjà une
idée du nombre de fonctionnaires que cela peut signifier dans chacun des
ministères?
M. Levesque: Nous essayons présentement d'identifier ces
personnes. Les chiffres les plus conservateurs sont peut-être dans les
30. Les chiffres les moins conservateurs serait peut-être de 60. Cela
peut peut-être varier entre 30 et 60.
M. Morin: Dans l'ensemble des ministères? M. Levesque:
Oui.
M. Morin: En attendant, puisque ces transferts n'ont pas
été effectués, comment se fait la liaison, la coordination
entre ces services axés sur les rapports extérieurs et votre
ministère?
M. Levesque: Par la direction de la coopération du
ministère des Affaires intergouvernementales.
M. Morin: Je vois bien qui est responsable chez vous mais dans
les autres ministères, est-ce qu'il y a, dans chacun des noyaux qui ont
des activités principalement axées sur l'extérieur, des
personnes responsables de la coordination quotidiennement avec votre
ministère?
M. Levesque: II ne faut pas dire qu'avant la loi 59 il n'y avait
pas de coordination. C'est simplement pour assurer encore plus de coordination
ou de cohérence que la loi a une telle disposition, mais on a un
interlocuteur principal dans chaque ministère et, chez nous, il y a une
direction qui s'occupe de chacun des ministères sectoriels.
M. Morin: Pourriez-vous, très brièvement, me dire,
dans chaque ministère, qui est l'interlocuteur principal? Quel poste
occupe-t-il? Est-ce que c'est un fonctionnaire assez élevé dans
la hiérarchie ou un fonctionnaire subalterne?
M. Levesque: Ils sont généralement rattachés
au bureau des sous-ministres. Ce sont normalement des directeurs de
service.
M. Morin: Dans chacun des ministères, c'est-à-dire
aussi bien Education, Affaires culturelles, Immigration, Affaires sociales,
Industrie et Commerce.
M. Levesque: Le sous-ministre adjoint ou directeur de service,
c'est le niveau et on le retrouve dans chacun des ministères qui ont
réellement des activités de caractère international.
M. Morin: Est-ce que le ministre est satisfait de la façon
dont s'effectue la liaison entre les ministères autres que le sien et
les Affaires intergouvernementales?
M. Levesque: Mes conseillers me disent que les pourparlers se
poursuivent activement et avec une grande coopération de part et
d'autre.
M. Morin: De sorte qu'on peut prévoir que d'ici le
prochain exercice financier...
M. Levesque: Nous envisageons, au cours du présent
exercice financier...
M. Morin:... vous pensez avoir regroupé, dans votre
ministère, l'ensemble des personnes dont les fonctions sont
principalement axées sur les activités extérieures.
M. Levesque: C'est cela.
M. Morin: C'est prévu pour l'année qui vient.
M. Levesque: Oui.
M. Morin: Bien. Pour entrer et rester en contact avec vos agents
à l'étranger, j'imagine que vous disposez d'un système de
téléscripteur.
M. Levesque: Oui.
M. Morin: Est-ce que le ministre pourrait nous décrire, en
gros, comment fonctionne ce système, où il s'en trouve qui soient
installés? Où se trouvent les terminaux, comme on les appelle
quelquefois et comment fonctionne en gros ce système de
communication?
M. Levesque: Sur le plan technique, franchement, je dois admettre
que je ne fais pas l'inspection des terminaux, etc. Tout ce que je sais, c'est
que le service semble bien fonctionner. Je n'ai pas eu de problème
d'ordre technique. J'ai régulièrement, sur mon pupitre, les
copies des Telex qui partent ou qui arrivent de l'étranger ou même
à l'intérieur du pays.
M. Morin: Ce que j'aimerais, M. le ministre, c'est que vous me
décriviez le système en gros. Est-ce que c'est un système
qui vous est particulier ou si vous passez par l'intermédiaire d'autres
systèmes de télécommunication? Si vous ne connaissez pas
la réponse, je suis prêt à accepter qu'un de vos adjoints
réponde en votre nom.
M. Levesque: II y a, sans doute, une raison a cette question, du
chef de l'Opposition. C'est une question qu'il n'a pas posée dans une
commission...
M. Morin: Je veux me faire décrire le système de
téléscripteur et j'aurai sans doute d'autres questions à
vous poser par la suite. Mais quelles que soient mes intentions...
M. Levesque: C'est cela. Posez-les donc tout de suite.
M. Morin: ... je pense que c'est une question raisonnable.
M. Levesque: Aussi bien les poser tout de suite, vos questions.
On n'est tout de même pas pour prendre une matinée pour savoir la
largeur, la hauteur de la machine Télex.
M. Morin: Non, ce n'est pas ce que je vous demande.
M. Levesque: Qu'est-ce que vous voulez savoir?
M. Morin: Je veux savoir avec qui vous avez un réseau
direct, à l'étranger, et, dans certains cas, vous passez par
d'autres systèmes de téléscripteurs par exemple, est-ce
que vous avez une ligne directe avec New York, un téléscrjpteur
direct avec New York, avec Paris, avec DÛsseldorf? C'est une question
légitime.
M. Levesque: C'est une ligne directe avec Paris et, de là,
on se rend à Bruxelles, Milan, D'ùssel-dorf.
M. Morin: Réseau particulier au ministère?
M. Levesque: On peut utiliser le réseau commercial, mais
on utilise présentement le réseau direct avec Paris, pour
l'Europe.
M. Morin: Et en Amérique du Nord?
M. Levesque: C'est le service commercial, c'est le réseau
direct.
M. Morin: Egalement réseau direct? M. Levesque:
Oui.
M. Morin: Propre au gouvernement québécois?
M. Levesque: Oui.
M. Morin: Avec New York, Chicago, combien d'autres centres?
M. Levesque: New Yord, Chicago, Boston, Los Angeles et
Lafayette.
M. Morin: C'est donc un réseau propre au gouvernement du
Québec dans chacun de ces cas-là?
M. Levesque: Pour l'Europe, c'est un réseau propre au
ministère. Pour les Etats-Unis, c'est le réseau commercial.
M. Morin: Le réseau commercial du gouvernement
québécois ou le réseau commercial privé?
M. Levesque: C'est le réseau commercial du CN. Le
CN/CP.
M. Morin: Autrement dit, vous passez par une firme privée.
Maintenant vient la question que le ministre redoutait.
M. Levesque: Non, que je vous invitais à poser.
M. Morin: Est-il exact qu'il existe au centre d'analyse et de
documentation de la présidence du conseil je devrais dire du
premier ministre un terminal qui permet au CAD de se tenir au courant de
toutes vos communications avec l'Europe et avec vos bureaux aux Etats-Unis?
M. Levesque: Je crois que cela existe.
M. Morin: Est-ce que ce terminal au CAD a été
installé avec l'assentiment du ministère des Affaires
intergouvernementales?
M. Levesque: Du ministre des Affaires intergouvemementales,
oui.
M. Morin: Du ministre? M. Levesque: Oui.
M. Morin: J'imagine que, si on avait consulté les
fonctionnaires, ils auraient peut-être eu une réaction
légèrement différente.
M. Levesque: Les fonctionnaires et le ministre forment une
équipe très homogène et la collégialité est
une des caractéristiques de la direction.
M. Morin: Est-ce que le ministre pourrait nous dire pourquoi il a
consenti à ce terminal?
M. Levesque: Parce que nous n'avons rien à cacher.
M. Morin: Est-ce que le ministre ne se sent pas quelque peu
épié?
M. Levesque: Au contraire, je crois que le fait que j'aie
consenti est un signe que je suis pleinement d'accord sur cette
procédure.
M. Morin: Est-ce que beaucoup d'autres ministères ont des
terminaux comme cela, au CAD?
M. Levesque: Vous avez beau le leur demander, on a eu
l'étude des crédits de chacun des ministères depuis un
mois ou deux.
M. Morin: A votre connaissance, M. le ministre, est-ce que votre
ministère n'est pas le seul qui jouisse de ce douteux
privilège?
M. Levesque: C'est impossible pour l'Europe, parce que c'est un
service qui est unique au gouvernement, qui passe chez nous. Tous les messages
sont acheminés par notre Télex, en Europe.
M. Morin: Vous voulez dire par vous-même, sur votre
Télex.
M. Levesque: Oui.
M. Morin: Est-ce que je dois comprendre que vos
messages-télex destinés à vos agents européens sont
également enregistrés sur le téléscripteur du
CAD?
M. Levesque: Je le crois.
M. Morin: Autrement dit, le CAD peut surveiller tous vos
entretiens privilégiés avec vos agents à
l'étranger. Mais à quel titre, M. le ministre, des fonctionnaires
chargés de surveiller et d'épier la société
québécoise peuvent-ils suivre de la sorte tous les cheminements
de votre ministère?
M. Levesque: C'est le même gouvernement.
M. Morin: Je n'en doute pas. Mais est-ce que vous connaissez les
fonctions du CAD?
M. Levesque: Je crois que vous avez eu l'occasion de poser cette
question au premier ministre, qui est responsable du CAD. Ce n'est pas à
moi de vous éclairer à ce sujet-là.
M. Morin: Justement, j'ai posé les questions et c'est cela
qui m'inquiète. Ce réseau est chargé d'épier la
société québécoise, de renseigner le premier
ministre sur tout ce qui se passe au Québec. Je me demande ce qui peut
valoir à votre ministère le douteux privilège d'être
sur la liste de ceux qui sont épiés quotidiennement.
M. Levesque: Le mot "épié" est du chef de
l'Opposition. Quant à nous, c'est une question d'information
réciproque entre le bureau du premier ministre et le ministre des
Affaires intergouvernementales et c'est normal.
Pendant bien des années, le ministère des Affaires
intergouvernementales était dirigé par le premier ministre. Au
tout début, les Affaires fédérales-provinciales
étaient sous la responsabilité du premier ministre. Cela a
été comme cela presque régulièrement,
c'était le premier ministre qui était responsable des relations
fédérales-provinciales. Le premier ministre actuel a
été mi- nistre des Affaires intergouvernementales directement,
pendant quelque temps également.
Il est normal qu'il y ait une information privilégiée
entre le bureau du premier ministre et le bureau du ministre des Affaires
intergouvernementales. Nous travaillons de très près et c'est de
concert que nous avons voulu que le bureau du premier ministre soit très
bien informé sur les communications qui existent entre le
ministère des Affaires intergouvernementales et l'extérieur. Il
ne faut pas se surprendre de cela.
M. Morin: Je dirai qu'il me paraît normal que le premier
ministre soit informé de la politique pratiquée par votre
ministère, mais pourquoi le CAD? C'est là la question que je me
pose. Pourquoi cela a-t-il abouti au CAD? Ce n'est pas le premier ministre, le
CAD, c'est un bureau qui a des fonctions bien spéciales.
M. Levesque: C'est l'instrument technique qui a été
choisi pour cette information. C'est tout ce que je puis dire.
M. Morin: Communiquez-vous également au CAD copie de la
correspondance du ministère?
M. Levesque: Pour dire franchement, je ne communique pas avec le
CAD.
M. Morin: Expédiez-vous au CAD copie de la correspondance
du ministère avec ses agents à l'étranger?
M. Levesque: Copie de la plupart de la correspondance importante
est transmise au bureau du premier ministre.
M. Morin: Les conversations du ministre des Affaires
intergouvernementales avec les autres instances à l'étranger ou
ailleurs au Canada sont-elles écoutées par le CAD?
M. Levesque: Je ne le sais pas. Je n'ai aucune objection, parce
que je n'ai rien à cacher. C'est le même gouvernement. Nos
conversations peuvent être de nature confidentielle, si vous voulez, pour
l'intérêt public, mais je n'ai aucune objection à ce que le
bureau du premier ministre puisse être au courant de ces conversations.
Je ne m'imagine pas que cela le soit, mais je ne le sais pas.
M. Morin: Vous en souciez-vous?
M. Levesque: Je n'ai aucune objection.
M. Morin: Vous n'avez jamais demandé au premier ministre
s'il en était ainsi ou pas.
M. Levesque: Non.
M. Morin: Savez-vous si les conversations des fonctionnaires de
votre ministère sont écoutées par le CAD?
M. Morin: Vous en souciez-vous?
M. Levesque: Non.
M. Morin: Cela vous indiffère?
M. Levesque: Oui. C'est le même gouvernement.
M. Morin: Avez-vous posé la question à vos
fonctionnaires?
M. Levesque: Non.
M. Morin: Alors, vous ne savez pas ce qu'ils en pensent?
M. Levesque: Je suis convaincu qu'ils ont la conscience claire et
honnête.
M. Morin: Là n'est pas la question.
M. Levesque: Je m'imagine qu'ils n'ont aucune objection à
ce que le bureau du premier ministre soit au courant de ce qui se passe au
ministère des Affaires intergouvernementales. Ce doit être leur
réaction, comme c'est la mienne.
M. Morin: Ce doit être leur réaction. Le ministre
permettrait-il que nous entendions quelques fonctionnaires
là-dessus?
M. Levesque: Non. Le ministre répond. Si vous avez des
questions à poser, je vous répondrai du mieux que je peux.
M. Morin: Oui, mais vous ne leur avez pas demandé leur
réaction. Vous êtes mal placé pour nous faire part de leur
réaction.
M. Levesque: Vous voulez dramatiser une situation qui n'est pas
dramatique. Ce n'est même pas un problème. C'est très
probable que cela ne se fait pas. J'ai dit que je ne le savais pas et je
continue à dire que je ne le sais pas. Vous avez dit: Auriez-vous des
objections si cela se faisait? Non. Je dois vous dire que je suis à
99.9% sûr que cela ne se fait pas.
M. Morin: Le ministre veut-il s'engager à se renseigner
sur cette situation, afin de savoir exactement ce qu'il en est, de façon
à pouvoir vraiment répondre aux questions que nous lui
posons?
M. Levesque: Je ne fais pas la chasse aux sorcières. S'il
y avait un indice quelconque qui était soumis au chef de
l'Opposition...
M. Morin: II y a un indice qui est maintenant connu de l'opinion
publique et qui est le fait que vous jouissez du privilège d'avoir un
terminal votre ministère aboutit au CAD et le CAD sait donc, en gros, ce
qui se passe sur vos téléscripteurs. J'aimerais savoir
jusqu'où va ce souci de vous surveiller de la part du CAD. Est-ce que
cela s'étend à votre correspondance?
M. Levesque: Ce n'est pas une question de surveillance. C'est une
question d'information.
Que voyez-vous de si anormal dans un téléscripteur qui
apporte les messages? On sait que c'est loin d'être confidentiel,
aujourd'hui, ce genre de communications. Où voyez-vous une objection
à ce qu'une copie des messages sorte à un autre bout, au bureau
du premier ministre? Qu'est-ce que cela vous fait? Qu'est-ce que cela vous
enlève? D'où vient votre inquiétude? Il y a là une
homogénéité...
M. Morin: Je veux savoir jusqu'où s'étend...
M. Levesque: ... entre le bureau du premier ministre et le bureau
du ministère des Affaires intergouvernementales. Je ne vois pas que je
doive cacher des choses au premier ministre. Au contraire, je suis heureux de
voir que nous avons un premier ministre si bien informé et qui
désire l'être davantage encore.
M. Morin: Mais il y a le problème de savoir
jusqu'où s'étend cette surveillance de votre ministère.
Après tout, c'est vous qui êtes responsable du ministère et
non pas le premier ministre.
M. Levesque: Vous devriez...
M. Morin: Est-ce bien vous, le vrai ministre? Est-ce que je l'ai
devant moi ou est-ce que je devrais poser toutes ces questions au premier
ministre?
M. Levesque: Si vous voulez me libérer, j'ai autre chose
à faire.
M. Morin: Je n'en doute pas.
M. Levesque: Vous pouvez adopter les crédits et on va s'en
aller. Si vous n'êtes pas satisfait de mes réponses... Je vous dis
une chose: Vous devriez être satisfait, heureux, et me féliciter
de voir que le ministère des Affaires intergouvernementales n'a rien
à cacher et est heureux de coopérer avec le chef du gouvernement
pour que tout soit le sujet d'une information complète de la part du
chef d'Etat. Vous devriez être heureux de cela. En plus de l'Opposition
qui nous surveille d'un côté, nous avons le premier ministre de
l'autre. Nous sommes réellement privilégiés.
M. Morin: Oui, je me rends compte que vous êtes
privilégiés et c'est un peu ce qui m'inquiète, je vous
l'avoue. Je vois que le ministre n'a pas, non plus, objection à ce qu'on
écoute les conversations des fonctionnaires...
M. Levesque: Je n'ai pas dit cela. Vous relirez ce que j'ai
dit.
M. Morin: Vous avez dit que...
M. Levesque: J'ai dit que je ne le savais pas.
M. Morin: Oui, vous m'avez dit que cela vous était
indifférent.
M. Levesque: Un instant! Oui, c'est vrai que cela m'est
indifférent parce que je suis à 99.9% sûr que cela ne se
fait pas. Mais je ne peux pas dire que cela ne se fait pas.
M. Morin: Est-ce que le ministre irait aux renseignements de
façon à pouvoir nous dire oui ou non?
M. Levesque: Je répète que je ne fais pas de chasse
aux sorcières. Je ne vais pas aux renseignements pour écouter ce
qui se passe dans les bureaux de mon ministère, je ne suis pas rendu
à cela. J'ai pleinement confiance...
M. Morin: Au CAD.
M. Levesque:... aux gens du ministère des Affaires
intergouvernementales, j'en ai eu la preuve. Si on voit comment le
ministère fonctionne, on voit que, malgré que l'information est
ainsi distribuée, si vous voulez, il y a un caractère de
confidentialité qui est respecté au ministère des Affaires
intergouvernementales pour la protection de l'intérêt public.
M. Morin: Est-ce que le ministre se rend compte de l'ambiance que
cela peut créer dans son ministère, que ses adjoints, l'ensemble
du personnel, se sentent l'objet d'une affection particulière de la part
du CAD?
M. Levesque: II n'y a pas de réseau comme celui-là
ailleurs.
M. Morin: Que voulez-vous dire par cela?
M. Levesque: Lorsque nous parlons des relations avec
l'étranger, par exemple, le réseau du ministère avec Paris
et les autres endroits, cela n'existe pas dans les autres
ministères.
M. Morin: Là, je ne vous parlais pas seulement du
téléscripteur; je vous parlais des autres moyens de
communication, la correspondance, les appels téléphoniques.
M. Levesque: Exactement, pas plus là qu'ailleurs; je dis
que je ne le crois pas. Vous me le demandez là, je ne peux pas
répondre d'une façon catégorique, je ne le sais pas. J'ai
l'impression quant à ce que vient de décrire le chef de
l'Opposition, que c'est simplement le fruit de son imagination.
M. Morin: II semble que non.
M. Levesque: C'est le fruit de son imagination, tout ce qu'il
vient de dire. Quant à moi, je n'ai aucune raison de croire qu'il y ait
une surveillance particulière de la correspondance ou des appels
téléphoniques ou des conversations téléphoniques.
Cela est le fruit de l'imagination du chef de l'Opposition, quant à moi.
Je n'ai aucune indication que cela puisse se faire, mais il y a le
dixième que je garde toujours en réserve; en effet suppo- sons
qu'il y aurait du "bugging", comme on dit, du ministère de la Justice.
Je ne le sais pas, je ne peux pas vous le dire. Cela s'est déjà
fait ailleurs.
M. Morin: N'est-ce-pas votre responsabilité de ministre de
vous en assurer?
M. Levesque: Je suis assuré, autant que je puisse
l'être, que cela n'existe pas. Mais je ne peux pas vous assurer...
M. Morin: Avez-vous déjà posé la question au
premier ministre ou au ministre de la Juctice?
M. Levesque: Je ne me rappelle pas avoir posé la question
parce que c'est à 99.9% sûr que cela n'existe pas. Je ne suis pas
pour commencer à courir...
M. Lacroix: D'ailleurs, vos antennes à l'intérieur
du ministère vous informent bien.
M. Morin: II y a une accusation qui est portée par le
député des Iles-de-la-Madeleine.
M. Lacroix: M. Parizeau vous donne bien des informations.
M. Levesque: Ne me dites pas que vous n'avez pas autre chose
à poser ce matin que des questions comme cela.
M. Morin: J'en ai beaucoup d'autres...
M. Lacroix: C'est de l'infantilisme.
M. Morin:... mais cela me paraît extrêmement
important pour le moral du ministère des Affaires
intergouvernementales.
M. Levesque: Ne vous inquiétez pas du moral. Les gens sont
très heureux au ministère des Affaires intergouvernementales.
M. Lacroix: S'ils ne sont pas contents, ils n'ont qu'à
sacrer le camp chez vous.
M. Morin: Le ministre n'est peut-être pas allé voir
de près l'effet que peut avoir sur son personnel l'idée que le
CAD pourrait suivre toutes les négociations, tout ce qui se passe au
sein du ministère, même si je suis convaincu...
M. Levesque: C'est le fruit de l'imagination du chef de
l'Opposition. Je dis que la seule chose que j'ai admise, c'est le
téléscripteur. Tout le reste, c'est le fruit de l'imagination du
chef de l'Opposition, pour autant que je suis concerné. Je n'ai aucune
raison de croire le moindre iota de tout ce qui a été dit par le
chef de l'Opposition.
M. Morin: Je voudrais que le ministre me comprenne bien. Je suis
convaincu qu'il a autour de lui des hommes fiables, des hommes qui sont
dévoués à leur métier, qui aiment leur
métier. Je suis convaincu que c'est peut-être l'un des minis-
tères où l'on trouve les gens les plus qualifiés.
Ce qui m'inquiète, c'est que le ministre ne puisse pas donner à
l'ensemble des fonctionnaires de son ministère l'assurance qu'ils ne
sont pas épiés dans leurs fonctions quotidiennes. Cela
m'inquiète. Je le dis et je pense que le ministre devrait s'en
inquiéter également. Je le dis très simplement. Cela
m'étonne que le ministre, qui devrait être ombrageux sur les
questions touchant à ses compétences et à celles de son
ministère, comme tout ministre qui se respecte, ne se soit pas
inquiété de la chose et n'ait pas posé des questions
à qui de droit.
M. Levesque: On pourrait peut-être commencer par
s'inquiéter du rôle de l'Opposition.
M. Morin: Inquiétez-vous-en. Si vous avez quelque chose
à nous reprocher, dites-le.
M. Levesque: Non, mais, s'il fallait commencer à faire la
chasse aux sorcières, on commencerait par l'Opposition.
M. Morin: Qu'est-ce que vous voulez dire par cela?
M. Levesque: Pensez-y.
M. Morin: Non, dites-nous ce que vous voulez dire par cela. Ce
sont des insinuations qui ne répondent pas aux questions.
M. Levesque: C'est ce que vous avez fait depuis le début
de la présente réunion.
M. Morin: Je vous ai posé des questions.
M. Levesque: Excusez-moi, M. le Président. Le chef de
l'Opposition a continuellement laissé s'écouler, par ses propos,
le fruit d'une imagination très fertile, ce matin. Je le
répète, la seule chose que j'ai admise, de bon gré,
volontiers et sans aucune réserve, c'est que j'avais convenu que le
téléscripteur puisse avoir deux terminaux, si l'on veut, un chez
nous et un au bureau du premier ministre. C'est normal. Qu'est-ce qu'il y a
d'anormal là-dedans? De là, le chef de l'Opposition est parti,
avec cette imagination que je décrivais il y a un instant, pour dire:
Oui, mais si vous avez accepté le téléscripteur, cela veut
peut-être dire que vos conversations téléphoniques, que
votre correspondance sont épiées. C'est cela que le chef de
l'Opposition a dit.
M. Morin: Vos conversations téléphoniques
surtout.
M. Levesque: Oui, mais je n'ai aucune raison de croire cela.
Avez-vous des raisons de croire cela?
M. Morin: Je vous demande si vous êtes allé aux
renseignements, si vous vous en êtes inquiété. Vous me
dites: Non et cela m'indiffère. Je vous dis que cela ne devrait pas vous
être indifférent.
M. Lacroix: ... du conseil national.
M. Morin: Je m'excuse. Le député des Iles, je ne
sais pas s'il comprend ce qui est en cause.
M. Lacroix: Cela fait une demi-heure que vous nous faites perdre,
avec vos niaiseries.
Le Président (M. Gratton): A l'ordre, messieurs! A
l'ordre, messieurs! Puis-je inviter les membres de la commission,
premièrement, à s'adresser au président?
M. Lacroix: Je m'adresse à vous, M. le Président.
Cela fait une demi-heure qu'on perd à cause des niaiseries de
l'Opposition.
M. Morin: On va en finir avec cela. Je n'ai pas
intérêt à ce qu'il y ait des doutes. C'est au ministre de
lever les doutes et de s'en inquiéter. Autrement, il n'est pas vraiment
le maître de son ministère. Il y a quelqu'un d'autre qui
l'épie, qui le surveille, qui fait rapport, peut-être.
M. Levesque: Ce n'est pas vrai.
M. Morin: Vous n'en savez rien, justement.
M. Levesque: J'ai dit que j'étais à 99.9% sûr
que c'était faux.
M. Morin: Ce n'est pas assez.
M. Levesque: Je garde toujours une petite réserve. Ce sont
mes affaires, cela.
M. Morin: Pourquoi?
M. Levesque: Parce que j'ai toujours été
très prudent.
M. Morin: Que voulez-vous dire par cela?
M. Levesque: Je n'ai jamais affirmé catégoriquement
une chose où il peut exister le moindre doute, même le plus
fantaisiste.
M. Morin: Est-ce que vous vous rendez compte de l'effet que peut
avoir une déclaration aussi ambiguë sur vos adjoints et sur votre
ministère?
M. Levesque: Elle n'est pas ambiguë. Je ne parle pas comme
le chef de l'Opposition qui peut dire n'importe quoi et qui n'a à rendre
compte à personne.
M. Morin: J'ai à rendre compte à l'opinion
publique, comme vous.
M. Levesque: J'ai un mandat qui est beaucoup plus
précis.
Si je réponds non, d'une façon catégorique,
à la question du chef de l'Opposition, je ne crois pas que personne ne
puisse répondre non à cela. Même, je ne pense pas que
quiconque dans le gouvernement puisse répondre absolument, d'une
façon catégorique, qu'il n'y a pas une telle
possibilité. Il y a une possibilité que l'Opposition soit
branchée sur un de mes services. Je ne le sais pas. Je m'imagine bien
que ce serait le fruit de mon imagination, encore, mais cela pourrait arriver.
Puis-je dire que ce n'est pas vrai?
M. Morin: Ce n'est pas à vous que je poserais la
question.
M. Levesque: Supposons que je pose la question au chef de
l'Opposition et que je dise: Etes-vous sûr qu'il n'y a personne, dans
votre parti, qui est...
M. Morin: Non, au contraire, il est très probable que nous
soyons épiés. Il est très probable.
M. Levesque: Non, que vous, que votre organisation, que votre
parti épie certains ministères du gouvernement?
M. Morin: Cela, j'en suis sûr. Je peux vous donner une
réponse là-dessus.
M. Levesque: Moi, je ne le savais pas.
M. Lacroix: Nous autres, on sait que vous êtes en tutelle,
parce que ce ne sont pas les députés qui mènent, c'est le
conseil national.
M. Levesque: C'est une bonne chose que j'aie gardé un
dizième de réserve. Au moins, cela sert pour votre
réponse, cela sert pour l'Opposition. Je ne le savais pas.
M. Morin: Je peux, sur certains...
M. Levesque: Vous m'apprenez que vous épiez mon
ministère.
M. Morin: M. le Président, je crois qu'on a disposé
de toutes ces bonnes blagues. Est-ce que le ministre peut, du moins, nous
assurer qu'il va aller aux nouvelles et qu'il va tenter d'en avoir le coeur
net, auprès de ses collègues?
M. Levesque: Si le chef de l'Opposition voulait me dire
d'abord... On va commencer par lui. Vous avez admis que vous aviez vos sources
d'espionnage.
M. Morin: Comment? Qu'est-ce que vous racontez là?
M. Levesque: Tout le monde a compris que vous avez parlé
de votre espionnage, du PQ.
M. Morin: Est-ce qu'on pourrait faire relire la transcription, M.
le Président?
M. Levesque: Oui, c'est cela que vous avez dit.
M. Morin: M. le Président, avant de laisser aller des
sornettes pareilles...
M. Levesque: Mais, c'est ce que vous avez dit.
M. Morin: Je vous ai affirmé le contraire. Je vous ai
affirmé que non.
M. Levesque: Lorsque je vous ai dit...
M. Massicotte: On est mardi, ce n'est pas lundi matin.
M. Levesque: M. le Président, lorsque j'ai demandé
au chef de l'Opposition s'il n'était pas possible que sa propre
organisation épie les gestes ou les conversations de mon
ministère ou d'un autre ministère, j'ai eu l'impression que le
chef de l'Opposition l'a admis.
M. Morin: M. le Président...
M. Levesque: Vous avez dit: J'en suis sûr...
M. Morin: ... est-ce cela que vous avez compris ou est-ce que le
ministre tente de faire des tactiques de diversion? Je lui ai
affirmé...
Le Président (M. Gratton): Fort heureusement, je
n'écoutais pas à ce moment.
M. Morin: Je crois que vous n'avez pas perdu grand chose. M. le
Président, pour que les insinuations...
Le Président (M. Gratton): A l'ordre!
M. Morin: ... pour que les "incinérations malveilleuses"
du ministre ne créent pas de fausse impression, je peux affirmer
je le fais à 100%, non pas à 99.9%, pour laisser planer des
doutes que nous n'avons aucun moyen d'épier ou de surveiller ce
qui se passe dans son ministère et que, en eussions-nous les moyens,
nous ne les prendrions pas. C'est clair, c'est net. Ce qui m'inquiète,
dans toute cette affaire, ce n'est pas que le premier ministre soit au courant
de vos télex, c'est normal j'imagine que vous feriez suivre copie
de tous vos télex, normalement, pour informer le premier ministre de ce
qui se passe, au moins dans les grands dossiers c'est que cela aboutisse
au CAD, qui est un centre, pour parler, par euphémisme, de surveillance,
et. pour parler peut-être...
M. Levesque: C'est un centre de documentation et d'analyse, vos
télex, normalement, pour informer le premier ministre de ce qui se
passe, au moins dans les grands dossiers c'est que cela aboutisse au
CAD, qui est un centre, pour parler, par euphémisme, de surveillance,
et, pour parler peut-être...
M. Levesque: C'est un centre de documentation et d'analyse.
M. Morin:... sans euphémisme, c'est un centre qui ait de
"l'intelligence", n'est-ce pas? C'est cela. C'est un centre, disons-le
carrément, d'espionnage.
M. Levesque: C'est vous qui dites cela.
M. Morin: C'est ce qui commence à ressortir des
renseignements que la presse a pu obtenir.
M. Levesque: C'est encore le fruit de votre imagination.
M. Morin: Ce qui m'inquiète, c'est que, peut-être,
le ministre n'est pas en mesure d'affirmer que cette surveillance ne s'exerce
pas sur l'ensemble des activités de son ministère. Et je trouve
que c'est grave. Je n'affirme pas, non plus, que cela existe. Je dis que le
ministre devrait aller aux nouvelles et s'en assurer. Il devrait le faire le
plus rapidement possible.
Nous pouvons peut-être passer au projet de loi no 65, devenu le
projet de loi concernant les immunités et privilèges
diplomatiques et consulaires. Est-ce que je pourrais demander au
ministre...
Le Président (M. Gratton): Puis-je demander au chef de
l'Opposition s'il a terminé ses questions quant au programme 1: Affaires
fédérales-provinciales et interprovinciales?
M. Morin: Non, pas encore, M. le Président.
M. le Président, je crois que nous allons faire comme pour les
autres ministères, si vous le voulez bien, cela ira très vite.
Comme vous l'avez constaté...
Le Président (M. Gratton): II me semble que cela fait
plusieurs fois que vous me dites cela.
M. Morin: ... lors de l'étude des crédits du
Conseil exécutif, l'autre soir, nous avons adopté les
crédits en quelques minutes, à la fin de l'entretien que j'ai eu
avec le premier ministre. C'est un peu la tradition, je ne vois pas pourquoi on
y dérogerait.
M. Levesque: Je n'écoutais pas.
M. Morin: Nous parlions, le président et moi, de la
façon de procéder, c'est-à-dire passer au travers de tous
les dossiers et, ensuite, adopter les crédits rapidement.
Est-ce que le ministre pourrait nous dire pourquoi ce fameux projet de
loi no 65, fortement inspiré des conventions de Vienne sur les
immunités diplomatiques et les immunités consulaires, n'a pas
encore été adopté par l'Assemblée et n'a même
pas été réintroduit, à ce que je sache, devant la
présente session de la Législature?
M. Levesque: II a été déposé à
la toute fin de la session précédente, au mois de
décembre, je crois, et nous avons privilégié
évidemment le projet de loi no 59. Nous croyions qu'il était plus
important de procéder à l'adoption de ce projet de loi. On sait
que la session s'est terminée presque dans l'année I975; alors,
plusieurs projets de loi ont dû attendre ieur tour et n'ont pas pu
être étudiés à la fin de cette dernière
session. Parmi ces projets de loi qui sont demeurés au feuilleton, se
trouvait le projet de loi no 65 auquel se réfère le chef de
l'Opposition. Lorsque nous avons repris les travaux, plusieurs de ces projets
de loi qui étaient encore au feuilleton n'ont pas été
réintroduits dans les deux jours qui suivent le débat sur le
message inaugural, parce qu'il y avait des amendements ou d'autres raisons
comme cela. Seules deux lois ont été réintroduites, c'est
celle relativement à la fluoration de l'eau et celle relativement aux
droits et libertés de la personne. Quant aux autres projets de loi qui
n'ont pas été réintroduits, cela ne veut pas dire qu'ils
ne le seront pas au cours de la présente session. Mais, lorsque nous
avons jugé que tel projet de loi n'était pas encore mûr ou
parce qu'il y avait des amendements suggérés, nous avons
préféré attendre. Nous étions, dans le cas du
projet de loi no 65, en consultation avec le corps consulaire, le corps
diplomatique, l'Organisation...
M. Morin: Le gouvernement fédéral.
M. Levesque: ... de l'aviation civile internationale. J'ai eu des
contacts et des conversations avec mon homologue des Affaires
extérieures; enfin, nous faisons une consultation assez
générale pour bonifier la loi, s'il y a lieu, et nous assurer
qu'elle soit la plus efficace possible. Le projet de loi sera sans doute
réintroduit au cours de la présente session.
M. Morin: Au cours de la présente session,
c'est-à-dire avant l'ajournement d'été?
M. Levesque: Si possible, mais je crois que oui. Lorsque je dis
au cours de la présente session, je ne dis pas à quelle
période, si c'est avant l'ajournement d'été ou
après l'ajournement d'été. Mais je crois que ce sera dans
un avenir assez prochain.
M. Morin: Vous n'avez donc pas renoncé à ce projet
de loi.
M. Levesque: Non.
M. Morin: Est-ce que le gouvernement fédéral vous a
fait des représentations au sujet de ce projet de loi?
M. Levesque: Comme je l'ai mentionné, j'ai consulté
et mes fonctionnaires ont consulté beaucoup, particulièrement
dans les milieux comme ceux que j'ai mentionnés tout à l'heure.
Nous avons eu des réactions. Nous avons commencé à
étudier des amendements qui concernent, à ce jour, au moins,
cinq, six ou sept articles du projet de loi.
M. Morin: Y compris l'article 23, par exemple, sur la
réciprocité?
M. Levesque: II y aura peut-être des amendements de ce
côté. Il y en a qui sont prévus.
M. Morin: Est-ce que le gouvernement fédéral n'a
pas fait valoir au ministre ou à ses fonctionnaires que cette loi ne
relevait pas de la compétence québécoise et que le
Québec devait éviter de légiférer sur le sujet des
immunités diplomatiques et consulaires?
M. Levesque: Au contraire, le gouvernement fédéral,
déjà depuis quelques années, a souhaité que le
gouvernement du Québec intervienne dans ce domaine.
Mais je n'ai pas l'intention de faire état ici de ce que mes
interlocuteurs ont pu me dire. Dans une phase de consultation, il n'est pas
d'intérêt public...
M. Morin: Nous pourrons sûrement constater les
résultats de ces représentations quand les amendements seront
déposés.
M. Levesque: C'est cela, lorsque le texte d.u projet de loi sera
présenté devant l'Assemblée nationale.
M. Morin: Nous tournant maintenant vers l'article 23 en
particulier, il est bien évident que, d'après l'usage
international et conformément au premier paragraphe de cet article,
l'application des dispositions de la loi ne doit donner naissance à
aucune discrimination entre les Etats auxquels elle est appliquée de la
part du gouvernement québécois.
Mais le deuxième paragraphe nous dit qu'il demeure
néanmoins loisible au lieutenant-gouverneur en conseil d'étendre
la portée ou l'application de la présente loi en se fondant sur
la réciprocité de traitement dans le cas des Etats sur le
territoire desquels le gouvernement du Québec a établi une
délégation ou toute autre mission.
Est-ce que cette disposition a fait l'objet de représentations ou
de tractations entre votre ministère et le ministère
fédéral des Affaires extérieures?
M. Levesque: Je n'ai pas autre chose à ajouter à ce
que j'ai dit il y a quelques instants. Je suggérerais bien gentiment au
chef de l'Opposition de réserver ses commentaires pour l'étude du
projet de loi lorsqu'il sera déposé dans sa forme finale.
M. Morin: Je n'y manquerai pas à ce moment. Mais j'ai le
souci de m'assurer que le ministère se garde des dispositions propres
à assurer la réciprocité de traitement entre les
fonctionnaires étrangers établis au Québec et les agents
du Québec qui oeuvrent à l'étranger. Or, il semble bien,
dans certains cas, que la réciprocité n'est pas assurée,
c'est du domaine public, d'ailleurs. Je pense, par exemple, à certaines
de vos délégations en Europe qui sont loin d'avoir les moindres
immunités, les moindres privilèges. Est-ce que le ministre a
été saisi de ces problèmes? J'imagine qu'il l'a
été, c'est impossible qu'il ne soit pas au courant. Est-ce qu'il
n'est pas d'accord pour dire que la réciprocité pourrait
être, entre ses mains, une arme utile?
M. Levesque: Je répondrai à toutes ces questions
lorsque le projet de loi sera discuté. Nous n'avons pas la forme finale,
nos consultations ne sont pas terminées et nous espérons que,
dans un avenir prochain, nous pourrons déposer à
l'Assemblée nationale ce projet de loi.
M. Morin: Le ministre peut-il, du moins, nous assurer qu'il n'a
pas l'intention de renoncer à cette condition de
réciprocité?
M. Levesque: J'ai l'intention de ne parler de ce projet de loi
que lorsqu'il sera présenté à l'Assemblée
nationale.
M. Morin: Bien, ce n'est pas comme si nous nous trouvions devant
l'absence de tout texte. Nous avons un texte, un projet.
M. Levesque: Je n'ai pas invoqué le règlement pour
ma réponse; c'est simplement la réponse que je donne. Je n'ai pas
dit que c'était au feuilleton, que l'on n'avait pas le droit d'en parler
parce que c'était une question qui était devant la Chambre, non.
Je dis simplement que je trouve qu'il serait un peu prématuré,
à ce moment, de discuter d'un projet de loi qui fait l'objet de
consultations présentement et qui devrait être, dans un avenir
prochain, déposé dans sa forme finale; "finale" parce qu'on peut
toujours le modifier en commission parlementaire.
M. Morin: Ce que je comprends difficilement, c'est que ces
négociations n'aient pas eu lieu avant le dépôt du projet
no 65. Tout se passe...
M. Levesque: Ce sont des...
M. Morin: Est-ce que je peux terminer ma question? Tout se passe
comme si le gouvernement du Québec avait mis au point son projet de loi
selon ses besoins et en fonction de ses exigences et comme si ensuite, il avait
rencontré, de la part de Dieu sait qui, des résistances telles
qu'il ait dû remettre son projet de loi et le modifier de façon
substantielle.
M. Levesque: Non, non. C'est encore le fruit de l'imagination du
chef de l'Opposition. Le mardi matin, je crois que c'est...
M. Morin: II n'en reste pas moins que nous avons ce projet de loi
devant nous et qu'il risque d'être modifié de façon
substantielle.
M. Levesque: Non, le chef de l'Opposition n'a pas de projet de
loi devant lui techniquement, parce que les projets de loi qui n'ont pas
été réinscrits au début de la présente
session n'existent pas.
M. Morin: C'est ce qui m'inquiète justement.
M. Levesque: Alors, j'ai voulu répondre à cette
inquiétude en disant que nous avons présentement des
consultations, que nous avons l'inten-
tion de présenter un nouveau projet de loi sur cette question et
que nous aurons sûrement l'occasion à ce moment de répondre
d'une façon entière aux questions que peut se poser
présentement le chef de l'Opposition. J'espère qu'à ce
moment nous dissiperons en même temps son inquiétude.
M. Morin: II est dit, au troisième alinéa de
l'article 23 du projet, qu'il est également loisible au
lieutenant-gouverneur en conseil de restreindre l'application de la
présente loi à l'égard des fonctionnaires consulaires des
Etats étrangers, qui refuseraient d'accorder aux représentants et
fonctionnaires du Québec, agissant sur leur territoire, des avantages
analogues à ceux qu'accorde la présente loi.
Le ministre pourrait-il nous dire si, à l'heure actuelle, le
gouvernement du Québec a exercé des restrictions à
l'endroit de fonctionnaires consulaires des Etats étrangers à la
suite du refus, de la part de ces Etats étrangers, de reconnaître
des privilèges ou immunités semblables aux agents du
Québec dans ces pays?
M. Levesque: Je rappelerai au chef de l'Opposition que ce projet
de loi dont il parle n'existe pas. Nous n'avons aucune autorité
législative présentement nous pourrions avoir une autorité
administrative, si vous voulez.
M. Morin: Oui, justement.
M. Levesque: Mais, jusqu'à maintenant, la réponse
est négative.
M. Morin: Est-ce qu'il n'existe pas déjà un
décret sur la question dont j'oublie le numéro, mais qui remonte
à quelques années et qui prévoit justement le traitement
réciproque? Est-ce que vous n'avez pas une autorisation à tout le
moins gouvernementale?
M. Levesque: Je n'ai pas le texte de l'arrêté en
conseil ici, mais il existe un arrêté en conseil, si ma
mémoire me sert bien à ce moment...
M. Morin: J'espère.
M. Levesque: ... pour les remises de taxe de vente. Je pourrais
vérifier cet arrêté en conseil, mais je ne crois pas qu'il
comporte la réciprocité. Je pense qu'il comporte la
discrétion. Mais j'aimerais mieux le vérifier.
M. Morin: Est-ce que le ministre s'est servi de ce pouvoir
discrétionnaire, qui lui est reconnu par l'arrêté en
conseil, par le décret, pour tenter d'obtenir la
réciprocité de traitement pour ses fonctionnaires, pour les
agents du Québec à l'étranger?
M. Levesque: Je crois qu'il a pu y avoir une certaine influence
morale, mais j'aimerais mieux vérifier l'arrêté en conseil
avant de commenter.
M. Morin: Est-ce que le ministre pourrait faire cela pour la
prochaine séance, si possible?
M. Levesque: Oui.
M. Morin: Ou même coup, pourrait-il me dire s'il a
utilisé l'arrêté en conseil pour tenter d'améliorer
la situation des agents du Québec dans certains postes à
l'étranger? J'aimerais également demander au ministre ses
intentions à l'égard de ces fonctionnaires du Québec en
poste à l'étranger qui n'ont pu obtenir les immunités
habituellement consenties aux délégués ou aux agents de
l'Etat à l'étranger. Est-ce que le ministre a l'intention d'agir
et d'obtenir que nos agents à l'étranger se fassent
respecter?
M. Levesque: Voici, en général, nous avons
réussi à avoir des accommodements, des arrangements
administratifs, de sorte qu'il ne faut pas dire que nous n'avons pas une
situation... Il y a des situations très claires comme en France
où les immunités et privilèges sont reconnus.
M. Morin: Je ne parle pas de la situation française.
M. Levesque: II y a des accommodements ailleurs, à
Bruxelles, par exemple, où, en pratique, on arrive exactement à
la même chose.
M. Morin: Est-ce que le ministre pourrait me parler de Milan et
de Dusseldorf et des arrangements qui prévalent dans ces deux
postes?
M. Levesque: II y a sûrement du progrès à
faire de ce côté, mais j'attendrai que nous déposions
l'arrêté en conseil en question pour pouvoir le commenter.
M. Morin: Alors, nous reviendrons sur le sujet probablement
demain?
M. Levesque: Ah, peut-être la semaine prochaine; on n'est
pas pressé.
M. Morin: Bien, il ne faudrait tout de même pas que
l'étude de ces crédits s'étende sur trois semaines.
M. Levesque: On aime cela.
M. Morin: Ce n'est pas mon intention, en tout cas.
Sur le budget lui-même, avant de passer à d'autres
questions d'ordre général, il n'y aurait que quelques points
à éclaircir.
Il y a une augmentation de $150,000 dans les paiements de transfert au
programme I, les affaires fédérales-provinciales, et une
diminution de près de $500,000 dans les paiements de transfert au
programme 2, en ce qui concerne les affaires internationales. Est-ce que le
ministre pourrait nous expliquer ces changements?
M. Levesque: Je l'ai mentionné dans mes remarques
préliminaires. Il s'agissait de $150,000 affectés au
secrétariat permanent des conférences intergouvernementales, le
secrétariat canadien. J'en ai parlé, je ne sais pas si le chef de
l'Opposition a suivi.
M. Morin: Oui, je me souviens de cela, mais je ne me souvenais
pas de ce montant en particulier.
M. Levesque: $150,000.
M. Morin: Qui est une contribution québécoise au
secrétariat canadien des affaires...
M. Levesque: Des conférences intergouvernementales.
M. Morin: Des conférences intergouvemementales.
M. Levesque: J'avais mentionné, à ce moment, que
c'était une institution où il y avait, non seulement le
gouvernement canadien, mais les gouvernements des Etats-membres de la
fédération à qui répondait ce
secrétariat.
M. Morin: Pourriez-vous nous dire...
M. Levesque: Le budget du secrétariat est payé
à 50% par le gouvernement fédéral et à 50% par les
Etats-membres, selon leur population. Quant à nous, notre contribution
représente 14% du budget total.
M. Morin: Dans le domaine des affaires intergouvemementales, quel
rôle joue exactement cette conférence intergouvemementale?
M. Levesque: C'est un secrétariat qui joue le rôle
de soutien pour les conférences fédérales-provinciales et
interprovinciales qui le demandent.
M. Morin: Un rôle de soutien sur le fond des questions ou
seulement sur l'organisation?
M. Levesque: L'organisation.
M. Morin: Purement et simplement. Autrement dit, ce
secrétariat n'a pas à colliger les positions de fond des
différentes provinces ou du pouvoir fédéral sur tel aspect
de la constitution ou tel aspect des rapports extérieurs du
Québec?
M. Levesque: II fait un travail documentaire a posteriori.
M. Morin: Bien. Et la diminution de $500,000 au programme 2? Je
les mets ensemble .
M. Levesque: C'est la subvention à la
Société d'accueil du festival de la jeunesse des pays
francophones.
M. Morin: Qui a eu lieu.
M. Levesque: Qui a eu lieu en 1974 au mois d'août.
M. Morin: Voulez-vous m'expliquer comment il se fait qu'elle se
trouve aux crédits de cette année?
M. Levesque: Le montant disparaît comme subvention. J'avais
également expliqué dans mes notes qu'on maintenait cette somme,
mais non pas pour les mômes fins. Je disais, par exemple, et je me cite:
"II faut noter, cependant, qu'une somme de $588,600 prévue aux
crédits de l'an dernier au titre du Festival international de la
jeunesse a été quand même maintenue cette année dans
nos prévisions. Cette somme servira à assumer l'accroissement
normal des dépenses de fonctionnement et à permettre
l'exploration de la possibilité d'une nouvelle présence du
Québec à l'étranger.
M. Morin: Alors, ce n'est pas destiné à des
subventions cette année, si je comprends bien. C'est destiné au
fonctionnement normal du ministère.
M. Levesque: Je vais en profiter pour déposer le rapport
de la Société d'accueil du festival international de la jeunesse
francophone qui a eu lieu à Québec du 13 au 24 août
1974
Je dépose également le rapport du vérificateur dont
la conclusion est la suivante: II nous est permis d'affirmer que la
participation du gouvernement du Québec au financement des
activités du Festival international de la jeunesse francophone, quoique
plus importante que prévue, a servi les fins pour lesquelles les sommes
versées avaient été engagées et qu'elle n'a pas
excédé la proportion établie lors de l'entente intervenue
entre les deux gouvernements, c'est-à dire 35.75%.
M. Morin: Bien. A ma connaissance, le rapport n'a pas
été déposé en Chambre. Le ministre compte-t-il le
faire?
M. Levesque: Je n'ai pas d'objection à le faire, je le
dépose à la commission.
M. Morin: Vous faites distribuer un exemplaire?
M. Levesque: Oui.
M. Morin: Dans ce cas, ce ne sera pas nécessaire. Je
pensais que cela intéresserait l'ensemble des députés.
M. Levesque: Je n'avais aucune objection à le faire.
M. Morin: Bien.
M. Levesque: On pourra peut-être le leur faire parvenir
directement, vu que le dépôt a déjà
été fait.
M. Morin: Avez-vous des subventions prévues, cette
année, à des organismes particuliers?
M. Levesque: Oui. Comme à chaque année.
M. Morin: Est-ce possible d'avoir une idée des principales
subventions?
M. Levesque: Je n'ai pas d'objection à parler des
subventions qui ont été accordées au cours de
l'année 1974/75. J'aurais objection cependant, à ce moment-ci,
à faire état des subventions que nous prévoyons pour
1975/76, dans le détail, parce que cela fait l'objet d'études
présentement dans les divers services et nous ne sommes pas prêts,
maintenant, à nous prononcer sur le montant exact des sommes qui seront
versées aux diverses associations.
M. Morin: Je ne comptais pas interroger le ministre dans le
détail parce que je sais très bien qu'il ne peut pas annoncer
d'avance des subventions qui ne sont pas encore décidées. S'il y
en avait eu de décidées depuis le début de l'exercice
financier, cela nous intéresserait de les connaître.
Peut-être pourrait-il commencer par l'année dernière, au
moins par les principales.
M. Levesque: Les principales subventions pour 1974/75. L'Agence
de coopération culturelle et technique des pays francophones, je pense
que c'est une des plus importantes subventions que nous accordons; le montant
accordé est de $115,000. Ceci est la subvention générale
pour le budget de fonctionnement; cela exclut, évidemment, d'autres
sommes que nous pouvons affecter à des programmes de l'agence.
M. Morin: Plus une contribution qu'une subvention, en
l'occurrence.
M. Levesque: Oui. L'Association canadienne d'éducation de
langue française, l'ACELF, $24,500. L'Association France-Québec,
$24,500. L'Association des universités partiellement ou
entièrement de langue française, l'AUPELF, $68,000. Le Centre
québécois de relations internationales, $23,975. Le
Congrès international des sciences de l'activité physique,
$15,000. Le Fonds international de coopération universitaire, le FICU,
$10,000. L'an dernier, il y avait le Festival international de la jeunesse
francophone qui, comme on le sait, a eu plusieurs versements, tel que
mentionné. Les autres sont des subventions un peu plus modestes.
M. Morin: Dans le cas de France-Québec, je crois que vous
avez mentionné $24,000?
M. Levesque: $24,500.
M. Morin: Le ministre peut-il nous dire, grosso modo, quelles ont
été les activités de France-Québec au cours de
l'année écoulée?
M. Levesque: Le ministre des Communica- tions s'est rendu
à l'Association France-Québec il y a à peine dix jours,
mais je n'ai pas de rapport sous la main. Il y a un appui à une dizaine
de sections qui existent en province.
M. Morin: C'est très bien. Je n'ai pas d'objection, je
veux bien que le ministre le sache au contraire.
C'est une association remarquable.
M. Levesque: Je me suis déjà rendu, d'ailleurs,
dans certaines sections, comme dans les Alpes, à Grenoble, pour
rencontrer une section, justement, de l'Association France-Québec.
M. Morin: Le ministre pourrait-il me dire si une partie de cette
subvention va à Québec-France, qui est une association qui existe
ici, au Québec?
M. Levesque: Elle est ailleurs.
M. Morin: Le ministre pourrait-il me dire de combien elle
est?
M. Levesque: Elle est de $4,700.
M. Morin: Le ministre ne trouve-t-il pas étrange la
disproportion entre les deux montants? N'est-il pas d'avis que l'Association
Québec-France devrait jouir de moyens au moins aussi importants,
étant donné qu'elle oeuvre ici, au Québec?
M. Levesque: Disons que l'Association France-Québec est
plus structurée. Elle est plus ancienne, tandis que l'autre
démarre. Nous y attachons autant d'importance, mais, pour le moment, le
montant des subventions ne traduit pas le souci que nous avons. Il ne faut pas
regarder la différence des subventions comme signifiant un manque
d'intérêt. Au contraire, nous y attachons une importance aussi
grande. Seulement, comme le sait le chef de l'Opposition, l'Association
France-Québec est plus ancienne, elle est plus structurée.
M. Morin: Oui, elle est plus ancienne. Elle fait un travail
remarquable et elle a même aidé à la naissance de
Québec-France. L'objet de ma question est le suivant. Le ministre me dit
que Québec-France démarre. En fait, elle démarre depuis
des années. Elle n'en finit plus de démarrer.
M. Levesque: II faut bien penser aussi que nous avons ici, au
Québec, l'Association France-Canada, qui est dirigée par des
Québécois et qui fait également le même travail.
M. Morin: Le même travail exactement, M. le ministre?
M. Levesque: Cela dépend. Si vous voulez essayer de faire
revenir votre option à la surface, encore une fois...
M. Morin: Non, mais je me demande, par
exemple, pourquoi ne subventionnez-vous pas France-Canada, plutôt
que France-Québec en France, selon la même logique? Il y a aussi
en France une association France-Canada. Comment se fait-il que vous ne la
subventionnez pas?
M. Levesque: Nous subventionnons l'Association France-Canada,
ici.
M. Morin: Vous subventionnez France-Canada ici?
M. Levesque: Oui.
M. Morin: Combien?
M. Levesque: $6,000.
M. Morin: Et France-Québec, $4,000?
M. Levesque: C'est $4,700. Ceci est analysé. Il faut bien
comprendre que nous avons une analyse objective et non partisane ou
souverainiste ou ce que vous voudrez. Nous regardons les activités des
associations. Il y a des gens au ministère qui regardent cela d'une
façon très objective, qui voient à ce que ces subventions
servent réellement les fins du Québec. Nous arrivons à ces
conclusions. Je dois vous dire que je reçois les rapports et suggestions
qui proviennent de gens du ministère, qui font une étude assez
complète des dossiers avant de recommander une somme en particulier. Je
vois ici, par exemple, dans la question de l'Association France-Canada, que
nous avons une demande plus élevée, évidemment, c'est
normal, mais le montant recommandé par le ministère est de
$6,000. et j'ai accordé $6,000. Dans le cas de l'Association
France-Québec, le montant recommandé par les fonctionnaires du
ministère est de $24,500 et j'ai accordé $24,500.
M. Morin: Le ministre connaît-il les montants qui sont
versés à France-Canada par le gouvernement
fédéral?
M. Levesque: Pardon?
M. Morin: Je demande si vous connaissez les montants et les
subventions qui sont versés par le gouvernement fédéral
à France-Canada.
M. Levesque: Je peux vérifier, mais on m'informe qu'on ne
croit pas qu'il y ait de subvention du gouvernement fédéral.
M. Morin: Pourriez-vous aller aux renseignements?
M. Levesque: II est peut-être important de souligner que
les subventions sont reliées à des activités
particulières dont les programmes sont soumis au ministère par
les associations en question. Ce ne sont pas des subventions
générales, si l'on veut, mais des subventions reliées
à des acti- vités particulières. Or, si une association
veut obtenir une subvention, elle doit nous faire part à l'avance des
activités qu'elle prévoit, du genre d'activités; ces
activités, ces programmes sont analysés et sont à la base
des sommes prévues aux subventions.
On m'informe, de plus je crois qu'on me l'avait dit avant, mais
je ne m'en souvenais pas que France-Canada a changé son nom pour
France-Canada-Québec.
M. Morin: Cela devrait inquiéter le ministre. Est-ce que
le ministre pourrait me dire si une part de la subvention qui va à
France-Québec est destinée à des dépenses de
fonctionnement ou si elle est liée, seulement, à des programmes
précis, à des activités précises?
M. Levesque: Laquelle?
M. Morin: La subvention à France-Québec.
M. Levesque: Oui.
M. Morin: L'association dont le siège social est à
avenue de Saxe, à Paris. Le ministre peut-il me dire si une partie de la
subvention est pour des dépenses de fonctionnement ou liée
seulement à des activités précises?
M. Levesque: En général, nous ne subventionnons pas
des dépenses de fonctionnement, mais les activités.
M. Morin: Y compris pour France-Québec.
M. Levesque: On me dit qu'accessoirement France-Québec
peut utiliser une partie de cette subvention pour une secrétaire
à mi-temps.
M. Morin: Le ministre ne pense-t-il pas qu'il serait temps que
démarre de façon définitive l'association
Québec-France, ici même?
M. Levesque: On me dit que c'est en bonne voie.
M. Morin: On vous dit cela depuis combien d'années?
M. Levesque: On vient de me le dire il y a une minute.
M. Morin: Cela fait des années que cela démarre et,
finalement, cela ne décolle pas. Est-ce que le ministre compte que cette
association va décoller cette année, qu'elle va prendre son envol
cette année?
M. Levesque: Nous faisons ce que nous avons à faire pour
l'encouragement, pour l'étude des activités, des programmes, pour
les subventions que nous pouvons normalement accorder, mais l'initiative n'est
pas celle du ministère. Il faut bien comprendre que cela repose sur du
bénévolat.
M. Morin: Oui. Est-ce que le ministre ne croit pas opportun
d'aider de façon active à la naissance de cette association?
M. Levesque: II faut bien comprendre que nous avons des relations
France-Québec extrêmement variées. S'il y a dans le budget
des Affaires intergouvernementales un endroit privilégié, c'est
bien celui des relations France-Québec. Il y a de multiples
façons de multiplier ou de resserrer les liens entre le Québec et
la France et toute la coopération franco-québécoise. Il y
a l'Office franco-québécois pour la jeunesse. Il y a la
présence très impressionnante du Québec à la Maison
du Québec à Paris. Nous faisons des efforts assez importants et
substantiels pour resserrer ces liens.
M. Morin: Effectivement...
M. Levesque: Une association comme celle que mentionne le chef de
l'Opposition n'est qu'un des nombreux éléments pour favoriser ces
rapports.
M. Morin: Je n'en doute pas. Je ferai observer au ministre que
les activités Québec-France ou France-Québec sont plus
élaborées et plus étendues en France qu'elles ne le sont
ici au Québec.
M. Levesque: Si on ajoute les activités
France-Canada-Québec et France-Québec et si on ajoute les
subventions accordées aux deux associations, France-Canada...
M. Morin: Autrement dit, Québec-France n'a plus
d'importance dans ce tableau général.
M. Levesque: Si vous voulez faire vos propres commentaires, vous
pourriez attendre que j'aie fini. L'Association France-Canada, avec une
subvention de $6,000 et l'Association Québec-France, avec $4,700, fait
que nous avons dépassé, à ce moment, le cap de $10,000 de
subventions . Nous n'avons pas l'intention de les diminuer, si les
activités qui s'annoncent se matérialisent; au contraire, nous
allons tenir compte du développement, de l'ampleur que peut prendre
cette association.
M. Morin: Le ministre n'est-il pas au courant que le
défaut de subventions de la part de son ministère est la
principale raison pour laquelle l'Association Québec-France n'a pas pu
démarrer?
M. Levesque: Non, ce n'est pas le cas.
M. Morin: Le ministre est-il vraiment bien renseigné
là-dessus?
M. Levesque: Je suis assez bien renseigné pour dire que
mes fonctionnaires ne font pas de discrimination dans les associations. Ils
font une étude objective des demandes de subventions reliées aux
activités prévues. C'est à la suite de l'étude de
ce dossier, comme de l'étude de tous les autres, qu'ils arrivent
à une recommandation. Je crois que, si le chef de l'Opposition continue
dans cette veine, il devra préciser et dire ce qu'il a à
l'esprit. S'il veut critiquer ceux qui, à l'intérieur du
ministère, font les études nécessaires et les
recommandations, qu'il le dise.
Quant à moi, je n'ai cas reçu de recommandations
différentes de celles que j'ai à approuver.
M. Morin: Avez-vous reçu des demandes différentes
de celles que vous avez approuvées?
M. Levesque: Oui.
M. Morin: N'avez-vous pas reçu des demandes qui, par
exemple, auraient permis l'établissement d'un secrétariat de
l'Association Québec-France?
M. Levesque: Oui, ce sont là des dépenses de
fonctionnement et nous ne subventionnons pas les dépenses de
fonctionnement.
M. Morin: Même pour une association qui a de la
difficulté à prendre son départ et qui s'appelle
Québec-France?
M. Levesque: Oui, même cela. Nous demandons à cette
association de nous présenter des projets précis, à
même lesquels nous pouvons prévoir des frais d'administration. Il
faut toujours bien savoir ce qu'elle va faire!
M. Morin: Si je comprends bien,la politique du ministère
à l'égard de Québec-France est de ne pas aider à
l'établissement d'un secrétariat pour cette association?
M. Levesque: Oui, en versant accessoirement des frais
d'administration, s'il y a des projets précis acceptables par le
ministère. Nous lui avons demandé plusieurs fois si elle avait
des projets précis; la réponse a été telle que nous
n'avons pas pu recommander autre chose.
M. Morin: Si je comprends bien, cette association se débat
dans un cercle vicieux. N'ayant pas de secrétariat permanent, elle ne
peut pas écha-fauder une série de projets valables. Ne pouvant
échafauder de projets valables, elle ne peut obtenir de subventions. Ne
pouvant obtenir de subventions, elle ne peut avoir de secrétariat, et
voilà qui fait, monsieur, que votre association est muette!
M. Levesque: Si vous êtes tellement convaincu, allez donc
dans vos $900,000 que vous venez de récolter et donnez-en quelques
milles.
M. Morin: Le ministre confond les responsabilités de son
gouvernement avec les moyens d'action politique des partis. Ce n'est pas la
même chose.
M. Levesque: J'ai répondu entièrement et
j'espère à la satisfaction du chef de l'Opposition,
sur la façon dont nous étudions ces demandes. Nous avons
une responsabilité vis-à-vis des fonds publics.
M. Morin: D'accord.
M. Levesque: Nous avons établi des critères et nous
les respectons.
M. Morin: Le ministre se rend-il compte du cercle vicieux dans
lequel se débat cette Association Québec-France? N'ayant pas de
secrétariat, elle ne peut avoir de projets; n'ayant pas de projets, elle
ne peut avoir de subventions et, n'ayant pas de subventions, elle ne peut avoir
de secrétariat. Le ministre est-il conscient de cela?
M. Levesque: Non. Je ne suis pas conscient de cela. Je suis
conscient que toutes les autres associations qui reçoivent des
subventions se sont débarrassées de ce cercle vicieux et ont
réussi à naître, à prendre de l'expansion, à
déterminer et à définir des projets. Nous les avons
subventionnées.
M. Morin: A la prochaine séance, le ministre pourra-t-il
me dire...
M. Levesque: Mes fonctionnaires m'indiquent qu'ils ont même
fait des efforts particuliers pour faire des suggestions à cette
association, pour l'aider à démarrer, pour sortir du cercle
vicieux décrit par le chef de l'Opposition, mais il n'y a pas eu de
réponse.
M. Morin: Ces efforts sont-ils récents? M. Levesque:
Depuis deux mois.
M. Morin: Est-ce que le ministre pourra, au cours des prochaines
séances, nous renseigner sur le budget dont dispose France-Canada, qui
tente maintenant de devenir France-Canada-Québec, ce qui va,
évidemment, régler le problème, puisqu'il n'y aura
probablement plus de Québec-France dans cette perspective? Est-ce que le
ministre pourra me dire de quel budget dispose, en gros, cette association et
quelles sont les sources de ce budget?
M. Levesque: Nous l'avons.
M. Morin: Alors, vous pourrez me mettre au courant des
subventions reçues par cet organisme?
M. Levesque: Nous allons consulter le rapport que France-Canada
nous remet comme les autres récipiendaires de subventions.
M. Morin: Bien. J'aimerais avoir des précisions sur
certaines dépenses qui paraissent aux comptes publics pour
l'année 1973/74 et lors de l'étude de ces dépenses, nous
n'avons pu obtenir des renseignements satisfaisants. Je me tourne vers la page
1-15 des dépenses publiques et je note, sous la catégorie:
Services professionnels administratifs et autres, un montant de $22,225
accordé à Canadian Affiliated Financial Corporation. De quoi
s'agit-t-il exactement?
M. Levesque: Combien?
M. Morin: $22,225.
M. Levesque: A Canadian...
M. Morin: A Canadian Affiliated Financial Corporation. Je
n'insiste pas pour avoir le renseignement tout de suite. Si vous désirez
aller le chercher, cela ne me dérange pas, cela ne me retardera pas. De
même, puisque le sous-ministre note, aux dépenses de transfert,
sur la même page, vous avez, parmi les agences ou les organismes qui ont
bénéficié de montants de la part du ministère,
Guardian Business Services Limited, pour $100,400. Quelle est exactement cette
dépense? Pour quelle fin?
M. Levesque: Je vais vérifier, mais il est possible que ce
soit, dans les deux cas, reliés à la Maison du Québec
à Toronto. Dans le deuxième cas, on pense que c'est le loyer.
Nous allons vérifier cela avec le service de secrétariat.
M. Morin: Très bien. Si vous pouvez me fournir ces
renseignements-là à une séance subséquente, il n'y
a pas de problème.
Je voudrais, maintenant, entretenir le ministre d'un sujet qui a
déjà fait l'objet d'un échange entre le premier ministre
et moi-même. Peut-être, auparavant, devrais-je vous demander
à quelle heure vous aviez l'intention de suspendre, M. le
Président, avant d'aborder un sujet aussi complexe que celui des
amendements à la constitution canadienne?
Le Président (M. Gratton): Je n'ai reçu aucune
instruction.
M. Bacon: Libre à la commission de décider.
M. Morin: Au sujet de la négociation concernant les
modifications à la constitution?
M. Levesque: Combien de temps voulez-vous prendre?
M. Morin: Je ne sais pas, peut-être une demi-heure. Alors
on suspendrait vers midi trente, M. le Président. Est-ce
l'intention?
M. Levesque: Je suis prêt à rester jusqu'à
une heure, si vous le désirez.
M. Morin: Bon, très bien. C'est ce que je voulais savoir
avant d'aborder cette question.
Le premier ministre et moi-même avons eu un entretien sur le
rapatriement de la constitution, l'autre soir, auquel était
présent le ministre des Af-
faires intergouvernementales. Je n'ai pas l'intention de revenir sur
toutes les questions, puisque, dans la plupart des cas, j'ai une idée au
moins vague des intentions du gouvernement. Je voudrais interroger le ministre
sur des aspects de la question qui relèvent de façon plus directe
de son ministère. Dans son premier discours aux Communes, après
les élections fédérales, M. Trudeau s'est fixé
publiquement comme objectif d'obtenir un accord de toutes les provinces sur les
amendements apportés à la constitution et sur une nouvelle
procédure d'amendement. Il s'est même fixé une
échéance, quatre ans au maximum, autrement dit, la durée
probable de son mandat à Ottawa. Est-ce que le ministre a pris
connaissance du discours prononcé à ce moment-là par le
premier ministre fédéral? A-t-il pris connaissance,
également, du discours qu'il a prononcé plus récemment
devant les Communes, dans lequel il disait que, si le gouvernement du
Québec ne voulait pas convenir d'une formule d'amendements, d'un mode de
rapatriement, il ferait appel directement au peuple québécois,
passant donc par dessus le gouvernement du Québec, pour les convaincre
de la nécessité de rapatrier la constitution? Le ministre est-il
au courant de ces déclarations?
M. Levesque: Je me tiens au courant des déclarations de ce
genre, faites par le premier ministre du Canada.
M. Morin: Le ministre peut-il nous dire ce qu'il pense de cette
attitude du gouvernement fédéral et du premier ministre en
particulier?
M. Levesque: J'ai mentionné et je me demande si la
mémoire du chef de l'Opposition lui fait défaut que dans
la question du rapatriement de la constitution, de la procédure
d'amendement, de la révision constitutionnelle, je lui avais
suggéré d'en parler au chef du gouvernement. Ces
questions-là relèvent directement du chef du gouvernement.
Je sais que le chef de l'Opposition s'est rendu à ma
suggestion.
M. Morin: Oui.
M. Levesque: J'étais présent, comme il le
mentionnait tout à l'heure, lorsqu'il a posé les questions qu'il
a voulu poser, durant toute une soirée, au premier ministre. Le premier
ministre lui a donné toutes les réponses à ses questions.
Je n'ai pas l'intention de reprendre le débat ce matin, je regrette, ce
sont des décisions qui appartiennent au chef du gouvernement, qui
dépassent l'autorité du ministère des Affaires
intergouvernementales, malgré que le ministère soit en soi un
privilégié, un ministère ressource pour ces questions.
Mais les déclarations concernant l'attitude du Québec,
vis-à-vis du rapatriement sont officielles et sont faites, normalement,
par le chef du gouvernement.
M. Morin: Bien sûr. L'autre soir, encore une fois, j'ai
suivi le conseil du ministre et me suis en- tretenu avec le premier ministre de
ces questions quoique, sur certains points, j'aurais
préféré avoir comme vis-à-vis le ministre des
Affaires intergouvemementales. J'ai l'impression que j'aurais eu des
réponses plus précises à mes questions, moins
évasives, moins sinueuses. C'est pour cela que j'avais gardé un
certain nombre de questions qui me paraissent, elles, toucher plus
précisément la compétence du ministre. Le ministre ne
viendra pas me dire qu'il a renoncé à sa compétence en
tant que ministre, au profit du premier ministre.
M. Levesque: J'ai bien expliqué plus tôt que des
déclarations concernant cette question reviennent à
l'autorité du chef de l'Etat. Ce sont des questions qui touchent
tellement l'avenir de tous les Québécois, l'avenir de la
confédération canadienne, que toute déclaration je crois,
doit être faite avec beaucoup de circonspection, de prudence, et avec
toute la responsabilité que doit avoir une question comme
celle-là. Je crois qu'elle revient au chef de l'Etat
québécois, le premier ministre. Cela ne veut pas dire que mon
ministère n'est pas à la disposition du gouvernement, dans son
ensemble, pour faire le travail nécessaire à conseiller le
premier ministre, à lui fournir tous les renseignements, toute
l'information, toute la documentation dont il a besoin. Mais, de là
à ce que le ministre des Affaires intergouvernementales fasse des
déclarations de la nature de celles qui sont réservées
normalement au chef de l'Etat, non, je n'en suis pas.
M. Morin: Je voudrais...
M. Levesque: Nous avons ici un renseignement qui avait
été demandé par le chef de l'Opposition au cours de la
présente séance; c'est l'arrêté en conseil 1480 du
27 juillet 1965, concernant certaines concessions fiscales aux
représentants non canadiens de pays étrangers. On y dit, entre
autres.que tout consul, vice-consul, agent commercial, chef de
délégation permanente, qui est un officier de carrière non
ressortissant du Canada et de la province et qui n'exerce aucune entreprise,
charge ou emploi dans la province autre que sa fonction auprès du
gouvernement qu'il représente, jouit des concessions fiscales
ci-après énumérées pourvu que le pays que
représente tel officier confère des privilèges similaires
aux représentants de la province auprès de tels pays.
M. Morin: Je ne m'étais pas trompé.
M. Levesque: Non. C'est un arrêté en conseil qui a
été proposé non pas par le ministre des Affaires
intergouvernementales, car en 1965, je ne sais pas...
M. Morin: Vous ...
M. Levesque:... il y avait le ministre des Affaires
fédérales-provinciales, mais il n'y avait pas de ministre des
Affaires intergouvernementales. C'était le ministre du Revenu qui avait
fait cette proposition au conseil.
M. Morin: Le ministre a l'air de découvrir le
document. Est-ce qu'il ne savait pas qu'un document existait
l'autorisant à négocier la réciprocité?
M. Levesque: On avait même commencé, comme me dit le
sous-ministre, à négocier la réciprocité. C'est
donc qu'on le savait, mais disons qu'on a trouvé certains aspects
difficiles d'application. Je ne voudrais pas commenter un arrêté
en conseil qui date déjà de dix ans...
M. Morin: Et qui ne s'applique plus sans doute.
M. Levesque: ... et que la loi va contribuer à
remplacer.
M. Morin: Enfin, il est applicable. Cet arrêté en
conseil n'a pas été rescindé.
M. Levesque: Je ne l'ai pas tout lu. Je n'ai fait que faire
ressortir la partie à laquelle se référait le chef de
l'Opposition.
M. Morin: Je crois qu'il y a des dispositions qui portent
également sur l'OACI.
M. Levesque: Oui.
M. Morin: Cela va, je le connais.
M. Levesque: C'est un autre arrêté.
M. Morin: La question que je vous posais, c'était: Est-ce
que, justement, puisque cette condition de réciprocité
était déjà prévue dans un document gouvernemental,
vous ne vous en êtes pas servi pour négocier l'obtention de
privilèges semblables pour votre maison à Düsseldorf? Tout
à l'heure, le ministre m'a dit qu'il n'avait aucune autorisation pour
procéder à des négociations comme celles-là. Je lui
mets sur le nez un arrêté en conseil qu'il voit visiblement pour
la première fois.
M. Levesque: J'ai dit qu'il n'y avait pas d'autorisation
législative et je le répète. Lorsque le chef de
l'Opposition a parlé d'un décret, j'ai songé à un
arrêté en conseil et il y en a plusieurs, d'ailleurs. Il y en a
qui datent de 1965, 1966 dans le cas de l'Organisation de l'aviation civile
internationale. Ce sont des documents qui ont été
présentés par le ministre du Revenu, à ce
moment-là, et qui font l'objet de certaines concessions.
M. Morin: Est-ce que le ministre ne pourrait pas s'autoriser de
ce document il est encore en vigueur, que je sache pour
négocier l'obtention de privilèges semblables, par exemple
à Milan et à Diisseldorf?
M. Levesque: On m'a dit qu'on avait utilisé au
ministère, dans les négociations, la présence de ces
arrêtés en conseil, mais que cela a été assez
difficile parce que les pays en question ne comprenaient pas, mettaient
même en doute la valeur de ces arrêtés en conseil. Il ne
s'agit pas de lois. Autrement dit, cela n'a pas une valeur législative,
mais plutôt administrative, comme je l'ai déjà
mentionné. Or, on me dit qu'il y a eu des difficultés. Nous avons
éprouvé des difficultés avec les pays étrangers. A
notre service, c'est uniquement ces décrets. Ce que mes fonctionnaires
ont mentionné dans ces négociations, c'est: Nous allons continuer
pour le moment, mais nous voudrions que, dans le temps, vous preniez
très au sérieux nos revendications de ce côté.
M. Morin: Dans le temps.
M. Levesque: Dans un délai raisonnable.
M. Morin: Cela fait ressortir l'importance d'adopter cette loi le
plus vite possible avec l'article 23 intact.
M. Levesque: Nous en discuterons lorsque nous introduirons de
nouveau ce projet de loi.
M. Morin: Je vais dire au ministre ce qui m'inquiète et il
pourra toujours surveiller la chose s'il partage mon inquiétude. C'est
que le gouvernement fédéral ne s'immisce dans cette affaire et
force le Québec à modifier certains articles de loi, dont
l'article 23, de façon à empêcher le Québec d'exiger
la réciprocité de traitement.
M. Levesque: Si j'avais toutes les inquiétudes du chef de
l'Opposition, au moins celles qu'il exprime régulièrement, je
mourrais d'inquiétude.
M. Morin: C'est la fonction de l'Opposition de sensibiliser le
ministre aux questions auxquelles il devrait être sensibilisé.
M. Levesque: C'est cela.
M. Morin: Visiblement, il n'est pas prêt de mourir
d'inquiétude, parce qu'il ne s'inquiète pas. Il devrait
pourtant.
Revenons à nos moutons constitutionnels. Je voudrais quand
même vous poser une ou deux questions qui sont vraiment pertinentes au
comportement de votre ministère et non pas à celui du premier
ministre. Laissons au premier ministre, puisque vous avez abdiqué la
responsabilité, le fond du dossier; laissons-le décider l'avenir
constitutionnel du Québec. A vous, j'avais posé une question en
ce qui regarde le processus.
M. Levesque: Un instant! Je ne voudrais pas être
interprété comme cela. Je n'ai pas abdiqué mes fonctions
de ministre des Affaires intergouvernementales, fonctions que j'assume avec
toute la responsabilité que cela comporte. J'ai dit que je n'assumais
pas les déclarations publiques concernant cette question.
M. Morin: Je voudrais vous interroger sur le processus de
négociation qui, lui, relève, très directement, je pense,
de votre ministère. Y a-t-il eu des discussions bilatérales avec
le gouvernement fédéral, depuis la réélection de M.
Trudeau, depuis
qu'il a proclamé son objectif de rapatrier la constitution et de
la modifier, au Canada?
M. Levesque: Je ne réponds pas pour le premier ministre ou
le bureau du premier ministre, mais, pour le ministère des Affaires
intergouvernementales comme tel, non.
M. Morin: Voulez-vous dire que, même pour ce qui est du
processus de négociation, cela échappe à votre
ministère et que c'est entre les mains du premier ministre?
M. Levesque: Qu'est-ce que vous voulez dire? Reprenez la phrase
du début.
M. Morin: Je vous ai demandé s'il y avait eu des
discussions bilatérales entre le gouvernement fédéral,
d'une part, et votre ministère, soit vous-même, soit vos
principaux adjoints, au sujet du rapatriement de la constitution.
M. Levesque: Non; La question constitutionnelle, c'est
quotidien.
M. Morin: Oui, je sais.
M. Levesque: Mais au sujet du rapatriement de la constitution,
c'est non.
M. Morin: II n'y a donc, de la part de votre ministère,
aucune préparation technique.
M. Levesque: Non, je n'ai pas dit cela.
M. Morin: Vous pourrez répondre à ma question;
j'essaie de comprendre la situation.
M. Levesque: Vous m'avez demandé s'il y avait des
négociations bilatérales entre le gouvernement
fédéral et le ministère des Affaires intergouvernementales
relativement au rapatriement de la constitution, depuis l'élection de M.
Trudeau. J'ai dit non. Mais, de là à interpréter comme
vous voulez le faire maintenant, c'est différent. Que nous nous ne
préparions pas à toutes les alternatives, que nous ne nous
préparions pas en vue d'une discussion de ce sujet, c'est faux.
M. Morin: Sur le rapatriement en particulier.
M. Levesque: C'est évident que, lorsqu'on parle de
rapatriement, on parle de formule d'amendement. Lorsqu'on parle de formule
d'amendement, on parle de constitution, on parle de partage des pouvoirs, on
parle du financement de la fédération, on parle de tout cela.
C'est notre préoccupation quotidienne.
M. Morin: Je crois que le ministre a écouté
l'entretien que j'ai eu avec le premier ministre.
M. Levesque: Comment cela?
M. Morin: C'est très bien. Je vois que le ministre
constate que les questions sont liées.
M. Levesque: Je l'ai mentionné dans mon discours.
M. Morin: Cela n'inquiète pas le ministre de voir cet
aspect fort important du dossier constitutionnel lui échapper en quelque
sorte?
M. Levesque: Au contraire, je viens d'exprimer notre
intérêt, notre travail assidu et quotidien dans ce domaine. J'ai
simplement dit que, pour des déclarations de principe, des
déclarations publiques relativement au rapatriement de la constitution,
je crois que ce n'est pas exceptionnel c'est normal que ce soit
le chef d'Etat québécois qui les fasse au moment où il le
juge opportun.
M. Morin: Comment votre ministère prépare-t-il,
dans le concret, la question du rapatriement et la question des amendements
constitutionnels? Est-ce que vous avez repris l'étude des propositions,
par exemple, de la formule Fulton-Favreau, des propositions de Victoria, de la
formule Trudeau-Turner? Avez-vous repris tout cela? L'avez-vous
étudié au sein du ministère?
M. Levesque: C'est évident que nous n'ignorons pas les
antécédents? que nous sommes familiers avec les diverses
propositions et tentatives qui ont eu lieu. Ces dossiers sont très bien
connus et familiers au ministère. C'est de là que nous sommes
partis pour élaborer, préparer les dossiers qui seront
nécessaires a une discussion éventuelle bilatérale.
M. Morin: La question non pas du partage des pouvoirs, mais du
rapatriement et du mode de modification de la constitution ont-elles
été soumises, puisqu'il s'agit de deux questions distinctes bien
que liées, au CCRI ou au CIDA?
M. Levesque: Non, pas encore, mais il faut bien comprendre que le
rapatriement en soi ne pose pas tellement de problèmes techniques. On
arrive aux problèmes techniques dans la formule d'amendement, on arrive
aux questions techniques dans le partage des pouvoirs dans une révision
constitutionnelle; ce sont des questions techniques. Le principe du
rapatriement lui-même ne fait pas l'objet d'études uniquement
comme concept ; II est accompagné des autres conditions.
M. Morin: S'il est accompagné d'un mode d'amendement
convenable qui ne bloque pas l'avenir du Québec, qui ne livre pas le
Québec pieds et mains liés aux autres provinces. Je pense que
j'ai fini d'interroger le ministre. Je vais maintenant lui parler d'une
inquiétude de plus, parce que son ministère, je lui ai dit,
dès le début, l'importance que je lui attache et que tous les
Québécois devraient y attacher. J'espère bien que le
ministre n'a jamais interprété la moindre de mes remarques comme
signifiant un manque d'intérêt pour les activités de son
ministère. Je voudrais, au contraire, le persuader que c'est fort
important. Je vais le dire sous forme d'affirmation, parce que,
sous forme de question, cela ne suscitera aucune réponse valable,
j'en suis sûr, de la part du ministre. L'une de mes inquiétudes,
c'est de voir que ce dossier si capital, si important pour l'avenir, est
à toutes fins pratiques, entre les mains du seul premier ministre . Or,
d'après ce que j'ai pu constater l'autre soir et d'après ce que
certainement le ministre a pu constater de son côté, ce n'est pas
un dossier qu'il connaît vraiment à fond.
Je suis inquiet de voir que les gens qui, eux, devraient connaître
le dossier à fond ne sont pas encore vraiment dans le portrait. Ils
étudient, bien sûr, probablement, étant donné que ce
sont des gens consciencieux. Quand je vois que tout cela est entre les mains du
premier ministre, je vous avoue que cela me donne la chair de poule, parce que,
sur ces dossiers, je serais porté à faire plus confiance au
ministre des Affaires intergouvernementales, bien entouré comme il
l'est, qu'au premier ministre. Est-ce que je suis clair?
M. Levesque: Vous êtes clair, mais ce que .vous dites ne
correspond pas à la vérité. Je n'ai pas le droit de dire
autre chose en termes parlementaires.
M. Morin: Alors, dites-nous quelle est votre
vérité.
M. Levesque: C'est qu'il n'y a aucun fossé entre le
premier ministre et moi-même. Le premier ministre est bien au courant de
ce dossier. Il n'est pas obligé, pour enlever une inquiétude au
chef de l'Opposition, de rendre publique sa stratégie. Ce n'est pas
à ce moment qu'il juge à propos de faire certaines
déclarations pour enlever l'inquiétude du chef de l'Opposition.
Ce serait un objectif, mais je pense bien que ce serait un objectif difficile
à atteindre, parce que, même si on lui enlevait cette
inquiétude, il en naîtrait immédiatement une autre.
M. Morin: J'avoue que j'en ai plusieurs concernant l'avenir du
Québec entre vos mains, en tout cas entre les mains du premier ministre,
parce que j'ai pu constater à quel point il est sinueux et insaisissable
sur ces questions qui devraient pourtant faire l'objet d'un débat public
continuel. Ce que je crains je vais le dire également au
ministre, parce que les questions ne nous permettraient pas d'avancer beaucoup
c'est que nous nous présentions une fois de plus dans une
conférence fédérale-provinciale préparée en
catimini, l'opinion publique québécoise étant
laissée de côté, n'étant pas informée de ce
qui se prépare, comme elle devrait l'être normalement, à la
veille d'événements aussi porteurs soit de
déchéance pour le Québec, soit d'avenir. J'avoue que la
désinvolture avec laquelle on semble traiter ces dossiers
m'inquiète.
Je serais moins inquiet si je savais que ces questions ont
déjà fait l'objet d'études au CCRI et au CIDA. Si je
savais que le ministère a un dossier étoffé sur la
question et si je savais que le premier ministre en tient compte, je serais
moins inquiet.
M. Levesque: Je peux assurer le chef de l'Op- position que les
parties de ce dossier font l'objet d'études au CCRI et au CIDA, mais
l'ensemble d'une proposition éventuelle, c'est évident qu'il est
prématuré d'apporter cela au CCRI et au CIDA.
Deuxièmement, le chef de l'Opposition, qui est bien
préparé professionnellement pour s'intéresser à ces
questions ne peut malheureusement pas nous aider tellement, parce qu'il n'a pas
intérêt, évidemment, à améliorer le
fédéralisme canadien, la situation du Québec à
l'intérieur de la fédération, parce qu'il a
déjà fait son lit.
M. Morin: Détrompez-vous.
M. Levesque: II a préféré une option
radicale qui est celle de l'indépendance du Québec et toute son
argumentation, toutes ses préoccupations, toute son approche à ce
problème, perd de sa valeur, malheureusement, parce qu'il a
déjà sauté à une conclusion radicale et il ne peut
pas, objectivement, bonifier la position du Québec à
l'intérieur du fédéralisme canadien ou tenter de bonifier
le fédéralisme canadien lui-même.
M. Morin: Je peux dire au ministre qu'il se trompe...
M. Levesque: Tant mieux.
M. Morin: ... et que ce n'est certainement pas l'avis, en tout
cas, du premier ministre qui, connaissant parfaitement mes prises de position,
ne m'en a pas moins demandé conseil à la veille des grands
événements.
M. Levesque: Avant que le chef de l'Opposition occupe le poste
qu'il occupe aujourd'hui.
M. Morin: Oui, bien sûr, mais mes opinions étaient
déjà formées à ce moment-là et je peux dire
au ministre une chose. Je conçois que le gouvernement n'est pas
obligé de consulter le chef de l'Opposition ou l'Opposition en
général, mais ce serait peut-être politiquement intelligent
de le faire, parce qu'autrement, il se préparera des déconvenues
du style de celles qui ont suivi la formule Fulton-Favreau ou la charte de
Victoria. S'il avait consulté l'Opposition à ce moment-là,
le Québec se serait évité bien des ennuis. Est-ce que j'ai
besoin de tracer un tableau plus précis pour le ministre? Je pense qu'il
m'a compris.
Il est bien certain c'est à mon tour de rassurer le
ministre que, d'ici à ce que l'indépendance se fasse
et elle se fera personne, même dans l'Opposition, n'a
intérêt à ce que les positions du Québec se
détériorent. En tout cas, je peux dire au ministre que je ne suis
pas de ceux qui pratiquent la politique du pire et que je n'en connais pas dans
mon parti qui veuillent que la position du Québec se
détériore sous prétexte que cela permettrait d'ouvrir les
yeux aux plus incrédules. Ce n'est pas du tout le genre de politique que
nous pratiquons; d'ailleurs, le ministre le sait très bien. Il sait
très bien l'appui que nous avons apporté l'année
dernière à l'adoption du bill 59. Nous
avons essayé de l'améliorer. Le ministre a même
accepté certains de nos amendements.
Il devrait savoir qu'en attendant l'indépendance, nous sommes
prêts à coopérer avec lui chaque fois qu'il propose quelque
chose d'intelligent et de valable pour l'avenir du Québec. De
même, si le gouvernement propose une formule d'amendement convenable, il
aura l'appui de l'Opposition, sûrement, mais cela n'a pas
été le cas jusqu'ici. La preuve, c'est que le premier ministre
lui-même a dû revenir sur ses déclarations et ses
décisions antérieures pour dire non à la charte de
Victoria, comme M. Lesage avait dit non à la formule Fulton-Favreau,
après pourtant s'être engagé envers le pouvoir
fédéral.
M. Levesque: Est-ce que le chef de l'Opposition veut dire par
là qu'il peut imaginer une situation d'une formule d'amendement et d'une
révision constitutionnelle qui ferait qu'il l'appuierait sans
réserve?
M. Morin: Bien sûr. C'est possible. C'est concevable,
à condition que cela ne mette pas l'avenir du Québec entre les
mains d'une autre province. C'est cela qui est le point sensible. Le ministre
le sait bien, d'ailleurs. Il va être aux prises avec le même
problème avant longtemps, et on verra bien comment il se débattra
au bout de l'hameçon.
M. Levesque: Je sais fort bien, je connais suffisamment le chef
de l'Opposition et le parti qu'il représente pour savoir qu'aucune
formule ne trouverait grâce devant ses yeux ou devant les yeux de son
parti.
M. Morin: Peut-être aucune des formules que le gouvernement
libéral est prêt à adopter; c'est une autre affaire.
Parce que vous avez vous aussi votre hypothèse sur l'avenir du
Québec, et vous aussi, elle vous dicte vos comportements et restreint
votre marge de manoeuvre. Vous aussi, vous êtes serrés, vous vous
faites de plus en plus tasser par le pouvoir fédéral, vous en
êtes conscients. Qu'il s'agisse de communications, d'affaires
culturelles, de n'importe quoi, vous êtes de plus en plus acculés
au mur. Avec les années, vous allez l'être de plus en plus parce
que vous n'êtes pas déterminés à faire quoi que ce
soit.
M. Levesque: C'est votre opinion, mais vous permettrez qu'on ne
la partage pas.
M. Morin: Cela fait partie du jeu démocratique. Je sais
qu'au fond le ministre n'est pas loin de la partager mais qu'avec les pouvoirs
et la volonté dont il dispose, il ne peut pas y faire grand-chose, pas
plus que ses collègues, d'ailleurs.
M. le Président, nous pourrions peut-être passer à
l'étude des programmes conjoints. Peut-on disposer encore de 35
minutes?
M. Levesque: Comme vous voudrez.
M. Morin: Les crédits de l'an dernier ont fait ressortir
la tendance du gouvernement actuel à accepter, voire même à
rechercher dans certains cas, les programmes conjoints comme méthode
pour rapatrier de l'argent fédéral et le faire servir à
des fins provinciales. Je pense, par exemple, à l'utilisation du cadre
de l'ACDI dans lequel le Québec s'insère. Je pense à
l'entente recherchée sur les relevés hydrométriques. Je
pense à l'abandon de la formule de l'"opting-out" qui était une
des conquêtes de l'époque Lesage.
De fait, nous sommes témoins d'une utilisation croissante des
programmes conjoints qui ont tant et tant été
dénoncés à l'époque de M. Lesage et de M. Johnson.
Je me permets de citer un extrait tiré des propos du premier ministre
Johnson sur le gouvernement du Québec et la constitution, qui a
été publié en 1968, d'après ce que je vois. A la
page 5 de ce petit livre fort instructif qui remonte à une époque
où le Québec tentait de se tenir debout, on disait, au sujet des
programmes conjoints, ce qui suit: "En effet, pour nous, les programmes
conjoints, malgré tous les avantages financiers immédiats que
l'on peut parfois y déceler de prime abord, prennent en
définitive figure d'obstacle à la libre croissance de notre
collectivité. En effet, ces programmes conjoints lui imposent des
priorités d'action susceptibles de bousculer celles qu'on
établirait autrement, sans compter qu'ils réduisent son autonomie
budgétaire réelle. Pour une province, les programmes conjoints
peuvent être considérés comme une aide financière
accompagnée de conditions plus ou moins tracassières. Pour une
nation comme la nôtre, les programmes conjoints gèlent ses
ressources fiscales et lui enlèvent le plein contrôle de domaines
d'activités qui lui reviennent de droit. Il y a donc, de façon
générale, incompatibilité entre le régime des
programmes conjoints et la poursuite par la nation canadienne-française
de ses objectifs essentiels. "C'est pourquoi, ajoutait M. Johnson, au terme de
la période actuelle de transition, le Québec n'envisage pas de
renouveler les programmes conjoints dont il s'est déjà
retiré. Il veut, au contraire, que ce retrait soit définitif
après l'établissement d'une compensation fiscale fondée
sur une estimation juste des coûts actuels et futurs. Il demeure
toutefois disposé à participer aux conférences
fédérales-provinciales qui pourraient, après la
période de transition, être convoquées pour discuter de
questions relatives à ces programmes. "Le Québec n'entend pas,
non plus, s'engager dans de nouveaux programmes conjoints portant sur des
domaines exclusivement provinciaux. Il exigera plutôt de recevoir en
retour une compensation inconditionnelle qui lui permettra d'assurer à
la population québécoise des services conformes à ses
besoins propres. Les modalités de cette compensation seront
déterminées en tenant compte de la nature et de la durée
des programmes. "Quant aux programmes conjoints auxquels le Québec
participe encore, notre attitude sur chacun d'entre eux sera prise à la
lumière des
principes énoncés ici. Le Québec souhaite que l'on
comprenne une fois pour toutes que, pour des raisons socioculturelles, il tient
de façon absolue et intégrale au respect de ses
compétences constitutionnelles et qu'il n'accepte à leur propos
aucune ingérence fédérale directe ou indirecte."
C'était l'attitude du gouvernement québécois il y a
quelques années à peine. Il semble bien qu'on soit...
M. Levesque: Egalité ou indépendance.
M. Morin: Non, c'est dans Le gouvernement du Québec et la
constitution, qui est une publication que vous devriez relire ou lire
peut-être parce qu'elle représente la position du Québec en
I968, à la suite de la conférence
fédérale-provinciale tenue à Ottawa du 5 au 7
février de cette année.
M. Levesque: Est-ce que cela avait été
présenté à la conférence même?
M. Morin: Non, cela a été publié
après la conférence, faisant état des positions du
Québec à l'époque.
M. Levesque: Est-ce que ce n'était pas plutôt un
document de travail?
M. Morin: Non, je ne le crois pas. M. Levesque: Quel est le
titre?
M. Morin: Le gouvernement du Québec et la
constitution.
M. Levesque: Ensuite? Il n'y a pas d'autre chose?
M. Morin: Non, c'est le seul titre et cela date d'après la
conférence de février I968, au cours de laquelle le premier
ministre Johnson, vous vous en souviendrez, avait pris des positions
très nettement québécoises. Il semble bien qu'on soit
revenu sur ces positions officielles du gouvernement québécois.
Il semble bien que les programmes conjoints soient devenus une technique
considérée comme normale par le gouvernement actuel, permettant
de la sorte au pouvoir fédéral d'imposer ses conditions, ses
priorités dans un nombre croissant de domaines qui font l'objet de
négociations entre Québec et Ottawa sur le plan de la
compétence constitutionnelle. Le gouvernement fédéral a
toujours été favorable, lui, aux programmes conjoints, parce
qu'ils lui permettent de garder le leadership politique et fiscal et il est
désireux d'utiliser ce moyen, comme l'a dit M. Trudeau, le 2 octobre
I974, dans son discours, pour accroître la présence
fédérale d'une façon générale partout au
Canada
II est bien clair que, du point de vue fédéral, ces
programmes conjoints sont une politique d'interventions très utiles.
Est-ce que je pourrais demander au ministre de nous dire quelle est la position
actuelle du gouvernement du Québec sur les programmes conjoints et de
nous dire pourquoi le gouvernement du Québec, malgré les prises
de positions de I968, semble aujourd'hui favoriser de plus en plus les
programmes conjoints et l'immixtion du pouvoir fédéral dans les
affaires québécoises?
M.Levesque: M. le Président, essentiellement la position
du Québec n'a pas changé. Je me rappelle lorsque je me suis
adressé à la presse diplomatique à Paris, que j'avais fait
état... Je n'ai peut-être pas parlé exactement dans les
mêmes termes, mais cela revenait à cela. J'ai, d'ailleurs, repris
cette idée dans mon discours à la Chambre de commerce de
Montréal en avril dernier. J'avais dans les deux cas souligné
l'importance pour le gouvernement du Québec d'avoir les ressources
fiscales correspondant à sa compétence constitutionnelle. Nous
n'avons pas changé d'opinion ou d'avis en principe.
M. Morin: En principe.
M. Levesque: Nous avons, cependant, marqué des points. Je
pense, en particulier, aux ententes de développement que nous avons
conclues, l'entente-cadre que nous avons conclue avec le gouvernement
fédéral et qui tient compte justement des priorités du
Québec. Nous avons, avant même de signer cette entente,
établi clairement que ce sont les priorités du Québec qui
seraient respectées et qui seraient à la source même des
ententes auxiliaires qui seraient négociées par la suite. C'est
ce qui se passe. Je suis moi-même, comme ministre responsable de l'OPDQ,
en mesure d'en témoigner.
Ce sont les projets du Québec, préparés par le
Québec, à l'intérieur de ces priorités, qui sont
apportés à la table de négociations.
En plus, il s'agit d'un domaine, souvent de responsabilité
conjointe ou de juridiction mixte. Dans plusieurs domaines, comme celui de la
santé, par exemple, nous avons un financement fédéral,
mais nous étudions très intensément, si vous voulez, de
nouvelles propositions pour la récupération de ce domaine, tant
dans sa conception que dans son financement. Ce qui retarde un peu, c'est
l'évaluation, la croissance des coûts, etc., qui veut que nous
prenions le temps nécessaire pour bien évaluer la situation,
avant d'accepter la pleine responsabilité quant au financement de
matières, d'une extrême importance pour la population du
Québec.
Nous avons, à maintes reprises, indiqué que nous
n'acceptions pas simplement le pouvoir de dépenser du gouvernement
fédéral qui cause certainement des préoccupations au
gouvernement du Québec. Mais, de là à être
complètement négatifs et à dire que nous n'avons pas
maintenu les mêmes principes que ceux qui sont contenus dans les
déclarations que vient de lire le chef de l'Opposition, non, il n'en est
pas question. Nous avons maintenu les mêmes principes. Nous avons fait
des progrès dans plusieurs domaines. Il y a encore des progrès
à accomplir, c'est normal. Par exemple, on a parlé d'un sujet
comme I'ACDI. Le chef
de l'Opposition a mentionné l'ACDI, en passant. Je dois dire que
nous avons mis au point une formule qui permet non seulement la participation
du Québec, mais qui lui accorde la maîtrise d'oeuvre dans les
projets que lui-même accepte de poursuivre.
L'ACDI, évidemment, s'occupe du financement, mais le
Québec réalise le projet et fournit les ressources humaines,
techniques, etc. Nous avons fait un progrès considérable en
utilisant le financement fédéral, mais qui tient compte des
projets que veut mettre de l'avant le Québec.
M. Morin: Mais est-ce que le fait que ce soit l'ACDI qui finance
ne permet pas à l'ACDI de poser ses conditions, de choisir les domaines
où elle veut être active, où elle a besoin du
Québec, parce qu'évidemment, sans le Québec, l'ACDI ne
pourrait rien faire dans certains domaines? C'est sur le plan pratique.
M. Levesque: C'est entendu qu'il y a un veto réciproque,
si on veut, au tout début du projet. Mais, une fois que le Québec
accepte le projet, il en prend la maîtrise d'oeuvre, contrairement
à ce qui se passait autrefois, alors que nous ne faisions que fournir
les ressources et que la maîtrise d'oeuvre était
fédérale. A ce moment-ci, nous avons changé la situation
complètement. Si nous voulons réaliser un projet, nous le
pouvons. Nous avons notre droit de veto, mais, en même temps, la formule
qui a été trouvée est celle qui nous permet, une fois que
nous nous sommes entendus sur les objectifs, de prendre la maîtrise
d'oeuvre d'un projet.
M. Morin: Le ministre accepte qu'au début du projet, lors
de l'initiative des projets, le pouvoir fédéral ait un veto sur
les activités québécoises. Il appelle cela établir
des priorités.
M. Levesque: II a une responsabilité vis-à-vis des
contribuables canadiens et il répond au Parlement canadien. Je m'imagine
qu'il doit demeurer responsable des sommes que lui confient les contribuables
canadiens.
M. Morin: C'est là qu'intervient justement la prise de
position de M. Johnson qui dit: Plutôt que des programmes conjoints
où, en définitive, les priorités ne sont jamais
établies par nous, rapatrions le pouvoir fiscal.
M. Levesque: Oui, mais il faut bien penser que M. Johnson ne
pensait pas, à ce moment, à l'Agence canadienne de
développement international. Il s'agit de programmes
fédéraux. Ce n'est pas un programme conjoint, à ce moment.
Je ne pense pas que M. Johnson avait cela à l'esprit, lorsqu'il a dit
cela.
M. Morin: II avait à l'esprit tous les programmes
conjoints.
M. Levesque: Mais, il ne s'agit pas ici d'un programme conjoint
dans le sens qu'on le pensait en 1966 ou en 1968. J'en suis convaincu.
M. Morin: Un programme conjoint, à l'heure actuelle, dans
la description générale qu'on peut en donner, c'est un programme,
par exemple, où le pouvoir fédéral avance les deniers.
M. Levesque: Disons l'assurance-santé ou...
M. Morin: Et, de manière plus large, tout programme
où le pouvoir fédéral avance des fonds et où il
demande à une province de s'associer au projet pour réaliser
l'objectif.
M. Levesque: C'est-à-dire qu'il y a des programmes
purement fédéraux où il y a une intervention du
Québec. A ce moment-là, on ne peut pas dire qu'il s'agit de
programmes conjoints tels que l'avait pensé M. Johnson, à ce
moment-là. Je pense que ce à quoi il pensait en particulier,
c'était au programme de santé impliquant un financement
conjoint.
M. Morin: Prenons un autre exemple concret, celui des
relevés hydrométriques. Je crois que cela intéresse
beaucoup... Il y a un des fonctionnaires qui se trouvent près du
ministre, qui a eu l'occasion de se pencher sur les problèmes de l'eau.
Où en est-on dans ce dossier?
M. Levesque: II y a eu une entente signée, je pense que
cela fait partie de la liste que j'avais remise au chef de l'Opposition. J'ai
le texte ici de l'entente qui est intervenue cette année, tout
récemment.
M. Morin: A ma connaissance, le texte de cette entente n'a pas
été déposé.
M. Levesque: Je ne le crois pas.
M. Morin: Est-ce qu'il y aurait moyen d'en obtenir un
exemplaire?
M. Levesque: Cette entente est entrée en vigueur le 1er
avril 1975.
M. Morin: Cela fait effectivement partie de la liste
supplémentaire que vous nous avez remise. Accord Canada-Québec
sur les relevés hydrométriques, intervenu entre le
ministère de l'Environnement fédéral et le
ministère des Richesses naturelles du Québec. Est-ce qu'il y
aurait moyen d'avoir copie de cet accord, de cette entente?
M. Levesque: Je vais tâcher d'avoir une copie originale
certifié. Je n'ai pas d'objection à la déposer.
M. Morin: Le ministre voit l'intérêt qu'il y aurait
à déposer toutes les ententes au début ou à la fin
de chaque session.
M. Levesque: Pour la troisième fois, je vais être
obligé de répondre de la même façon que je l'ai fait
dans...
M. Morin: Je sais, mais je veux souligner en
paissant que si nous avions automatiquement le texte des ententes, cela
nous tiendrait mieux informés.
Est-ce que le ministre peut étudier la possibilité de nous
donner ce texte à une séance subséquente?
M. Levesque: Oui, dans le cadre de la réponse que j'ai
déjà donnée.
M. Morin: Dès maintenant, est-ce que le ministre pourrait
nous dire sur quel type de coopération est fondé cette entente
Québec-Canada sur les relevés hydrométriques?
M. Levesque: Je vais simplement remettre au chef de l'Opposition
une copie de cette entente. Je n'ai pas l'intention d'entrer dans tout le
contenu. C'est assez long et complexe pour les quelques minutes que nous avons
a notre disposition.
Cela n'a pas pour effet de reconnaître au fédéral
quelque autorité que ce soit dans les relevés
hydrométriques, mais simplement de faire financer certaines
opérations.
M. Morin: A certaines conditions?
M. Levesque: Pour des stations nommément
désignées. Il y en a une liste impressionnante.
M. Morin: Cela ne m'en intéresse pas moins. Je prendrai
connaissance de l'accord, mais est-ce que le ministre peut me dire
brièvement quelles sont les conditions auxquelles intervient l'entente?
J'entends les conditions posées par le gouvernement
fédéral.
M. Levesque: C'est de fournir les données et de faire ce
qu'on faisait déjà. On le faisait déjà.
M. Morin: La question générale de l'utilisation des
programmes conjoints en tant qu'instruments des relations
fédérales-provinciales a-t-elle fait l'objet de discussions au
CCRI ou au CIDA?
M. Levesque: Je n'ai pas compris...
M. Morin: La question générale de
l'opportunité de pratiquer la méthode des programmes conjoints
a-t-elle été examinée par...
M. Levesque: Non, parce que ce qui arrive au CCRI et au CIDA
je le rappelle au chef de l'Opposition ce sont des dossiers
précis et non des dossiers qui concernent une philosophie
générale. Nous apportons au CIDA la question du financement de la
santé; si c'est un programme conjoint, il est étudié au
CCRI et au CIDA.
Il se dégage à ce moment une philosophie, c'est
évident, mais nous n'acheminons pas vers le CCRI ou le CIDA des choses
purement théoriques. Elles sont présentées,
illustrées, si vous voulez, par un programme précis. Nous avons
eu de longues discussions, par exemple, sur le financement de la santé.
A ce moment-là, c'est clair que la question des programmes conjoints
revient à la surface. Il y a discussion de la philosophie, de
l'approche, il y a également discussion sur le financement et sur les
aspects de cette question qui peuvent avoir une influence assez
considérable non seulement sur le budget actuel et présent du
gouvernement, mais sur les budgets à venir.
M. Morin: Est-ce que la question, n'ayant pas été
étudiée au CCRI...
M. Levesque: Je n'ai pas dit cela. Elle n'a pas été
étudiée d'une façon abstraite. Elle a été
étudiée sûrement chaque fois qu'un dossier comportant un
plan conjoint était abordé.
M. Morin: Oui. Mais c'est un peu encore une inquiétude
dont je vais faire part au ministre; c'est qu'à force de traiter
seulement de problèmes concrets on perd de vue...
M. Levesque: Le chef de l'Opposition nous a souvent fait reproche
de notre approche empirique, mais cela ne veut pas dire...
M. Morin: Mais cela va finir par constituer un abandon, c'est le
danger.
M. Levesque: Pas du tout. Cela ne veut pas dire que, parce que
nous avons une approche concrète, les principes sont mis de
côté, au contraire. Il se dégage de cette suite
d'études de dossiers une philosophie générale et une
attitude générale du gouvernement.
M. Morin: Oui. Et l'attitude générale, c'est que
vous acceptez des transferts conditionnels, et vous acceptez...
M. Levesque: Nous acceptons tout d'abord un système de
péréquation inconditionnel qui dépasse le milliard de
dollars annuellement. Je tiens à le rappeler au cas où...
M. Morin: J'y reviendrai en temps et lieu.
M. Levesque: Vous ne soulignez pas cela souvent dans vos
remarques.
M. Morin: Nous pourrons nous entretenir de cela plus tard.
M. Levesque: II y a de ces paiements inconditionnels qui sont
extrêmement importants dans le système fédéral
canadien...
M. Morin: Oui.
M. Levesque: ...et qui favorisent clairement le
Québec.
M. Morin: Cela dépend par rapport à quoi. Si vous
aviez votre propre fiscalité, si vous aviez, selon les formules du
gouvernement Johnson, l'ensemble de l'impôt sur le revenu par exemple, il
faudrait voir alors ce que cela signifierait pour le Québec. Bien
sûr, si vous comparez le système de
péréquation au système actuel, à
l'intérieur du système actuel, cela peut paraître avantager
le Québec. Si on le comparait à d'autres solutions qui peuvent
exister, mais qui paraîtront théoriques au ministre qui veut s'en
tenir toujours à des questions concrètes, cela serait une autre
affaire, je pense.
M. Levesque: Mais, deux et deux font quatre. La fiscalité
au Québec peut avoir comme résultat tant de dollars et de cents.
En Ontario, cela veut dire plus.
M. Morin: Deux et deux faisaient quatre pour M. Johnson
aussi.
M. Levesque: C'est clair, et la péréquation fait en
sorte que le Québec recueille de ce système fédéral
plus d'un milliard de dollars en paiements inconditionnels. Il ne faut pas
sous-estimer cette importance.
M. Morin: II faudrait voir aussi combien lui rapporteraient
quelques points d'impôt sur le revenu des particuliers ou sur les
bénéfices des compagnies.
M. Levesque: Moins qu'en Ontario.
M. Morin: Dix, vingt ou trente points. Si le Québec avait
la maîtrise de sa propre fiscalité, ce ne serait pas d'un milliard
qu'il s'agirait; ce serait beaucoup plus que cela, le ministre le sait.
M. Levesque: Le chef de l'Opposition sait que ce sont les efforts
que nous avons faits j'étais membre du gouvernement alors, sous
un régime précédent qui ont fait en sorte que nous
avons récupéré une somme importante en points
d'impôt, mais ce n'était pas suffisant.
M. Morin: II se tenait beaucoup plus sur ses pieds que le
gouvernement actuel. Le ministre qui a l'expérience des deux doit le
savoir.
M. Levesque: Je n'ai pas de comparaison à faire entre deux
gouvernements...
M. Morin: Je comprends. Evitez bien ces comparaisons.
M. Levesque: ... auxquels j'ai été... Au contraire,
j'ai été très heureux de servir dans le gouvernement de M.
Lesage, tout comme je suis heureux de servir dans le gouvernement de M.
Bourassa.
M. Morin: C'est ce qu'on appelle des convictions successives.
M. Levesque: Oui, et toujours avec l'idée que
j'étais au service du Québec.
M. Morin: M. le Président, nous pouvons...
M. Levesque: Nous pouvons peut-être suspendre
maintenant.
M. Morin: Le temps avance, je voudrais peut-être aborder le
question de la justice cet après-midi.
M. Levesque: Ecoutez, je ne suis pas certain...
M. Morin: Je peux dire au ministre de quoi je veux l'entretenir
et peut-être qu'il pourra en tenir compte.
Je compte revenir en détail sur la justice, les affaires
culturelles, les communications, les droits miniers sous-marins,
Pétro-Canada, l'habitation, la question des inondations et de l'eau, les
institutions financières, les relations du travail et quelques menues
autres questions de moindre importance. J'essaie de dire au ministre d'à
peu près de combien de temps nous devons disposer, mais je voudrais
prévoir une autre séance, peut-être une et demie.
Le Président (M. Gratton): Est-ce que je peux demander au
chef de l'Opposition j'ai noté qu'on a parlé d'inondations
s'il parle toujours à l'intérieur des Affaires
intergouvemementales?
M. Morin: Oui, il s'agit de la compétence du
ministère des Affaires intergouvernementales au sujet des inondations,
etc. Cela va de soi, M. le Président.
Le Président (M. Gratton): Alors, la commission ajourne
ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 12 h 51)