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Commission permanente de la présidence du
conseil,
de la constitution et des affaires
intergouvernementales
Etude des crédits du ministère des
Affaires intergouvernementales
Séance du mercredi 4 juin 1975
(Dix heures quinze minutes)
M. Gratton (président de la commission permanente de la
présidence du conseil, de la constitution et des affaires
intergouvernementales): A l'ordre, messieurs!
La commission continue ce matin l'étude des crédits du
ministère des Affaires intergouvernementales. Le seul changement
annoncé est que M. Ostiguy remplace M. Bourassa.
Le ministre des Affaires intergouvemementales.
Affectation de certaines sommes
M. Levesque: M. le Président, le chef de l'Opposition nous
avait demandé hier, à partir des comptes publics, quelle
était l'affectation de certaines sommes.
Il y avait d'abord Canadian Affiliated Financial Corporation, pour
$22,225. Il s'agit du paiement d'une facture de la compagnie de
télévision en circuit fermé relativement à une
téléconférence par satellite, dans le contexte de la
coopération internationale, qui avait trait à un échange
entre la France et le Québec, le 14 juin 1973, à l'Institut de
cardiologie de Montréal. Je pense que le chef de l'Opposition se
rappelle cette expérience qui avait été faite.
M. Morin: C'est le montant de $100,400.
M. Levesque: Non, c'est le montant de $22,225.
M. Morin: J'avais trouver que la note était un peu raide!
C'est une conférence par satellite qui a duré quelques heures, je
crois.
M. Levesque: Je ne sais pas si le nombre d'heures est
indiqué. On parle des cinq caméras de télévision,
d'une salle de contrôle avec moniteur, etc., cinq magnétoscopes,
l'installation d'écrans témoins, l'installation d'un projecteur
Eidophor c'est simplement pour embêter le journal des
Débats! Le mercredi 13 juin, entre 5 heures et 6 heures du matin, test
sur le réseau via satellite; après 17 heures,
répétition générale avec l'équipe
médicale. Le jeudi 14 juin, production de la
téléconférence entre 7 h 15 et 9 h 45, le matin.
M. Morin: Très bien. Il y avait des montants payés
à Guardian Business Services Limited.
M. Levesque: En effet. Dans ce cas, il s'agis- sait encore de
quelques factures, à l'intérieur d'un programme de
coopération internationale. Cette fois, cela touche l'échange
d'étudiants. C'est une entente qui affecte 200 étudiants
québécois à Londres. Ce sont des services qui ont
été retenus par le service de placement étudiant qui,
à ce moment, pour quelques mois, était aux Affaires
intergouvernementales. C'est pourquoi nous avons ce programme qui, normalement,
n'est pas chez nous, mais nous avions acquitté cette facture pour des
services rendus: organisation pédagogique, logement, nourriture,
activités, visite des sites, etc.
M. Morin: II s'agissait d'un échange
d'étudiants.
M. Levesque: C'est dans le service de placement étudiant.
C'est un voyage de 200 étudiants, approximativement, à sens
unique cette fois, en Angleterre, comme il y en a déjà eu en
Espagne et comme il y en a...
M. Morin: C'étaient des étudiants de quel
niveau?
M. Levesque: Secondaire, fin secondaire.
M. Morin: Dans toutes les disciplines ou dans... Je
n'étais pas au courant de cet échange-là, c'est la
première fois que j'en entends parler.
M. Levesque: Le service de placement étudiant organise
chaque été un voyage. Je me rappelle que celui d'Espagne
affectait 400 étudiants, je pense, celui d'Angleterre 200 et il y a une
participation cependant contributoire. Les parents contribuent également
à ces voyages. Ces activités relèvent du service de
placement étudiant et non pas du ministère des Affaires
intergouvernementales qui, par accident, en a hérité pendant
quelques mois durant l'année financière 1973/74.
M. Morin: M. le Président, nous sommes disposés
à procéder à l'étude d'autres aspects des Affaires
intergouvemementales, à moins que le ministre n'ait d'autres
réponses à me donner sur les questions posées hier. Il n'y
avait pas une ou deux autres questions sur...
M. Levesque: II y avait le texte de l'entente sur
l'hydrométrie, que je remettrai à la fin de la discussion au chef
de l'Opposition.
Justice
M. Morin: Bien. Tournons-nous maintenant, si vous voulez bien,
vers le domaine de la justice, du moins vers les aspects intergouvernementaux
de la justice. L'an dernier, nous avions longuement insisté sur
l'urgence qu'il y avait d'obtenir des modifications constitutionnelles dans ce
domaine, notamment pour ce qui est de l'article 96 du British North America
Act, c'est-à-dire l'article qui porte sur la nomination des juges des
tribunaux supérieurs. Nous pensions que cet amendement serait
nécessaire en vue de procéder aux réformes
qui s'imposent quant au tribunal de la famille et aux tribunaux
administratifs. Depuis cette époque, le ministre de la Justice a
publié son livre blanc intitulé: "Pour une justice
contemporaine". Presque à chaque page, le ministre aura observé
qu'on se bute à l'égard de la moindre réforme à des
difficultés d'ordre constitutionnel. A la lecture du livre blanc, j'ai
eu l'impression par moments que toutes les réformes importantes que
propose le ministre de la Justice sont compromises d'avance, se heurtent
à des obstacles constitutionnels insurmontables, du moins insurmontables
si le gouvernement du Québec n'est pas prêt à remettre en
question de façon fondamentale tout le système constitutionnel
canadien. L'année dernière, je me souviens très bien que
le ministre m'avait fait une promesse. Il m'avait promis que le Québec
sauterait sur la première occasion, ce sont ses propres mots, il les
trouvera à la page 3073 des crédits, il sauterait sur la
première occasion pour rouvrir, pour relancer cet important dossier.
J'ai l'impression, avec le recul du temps et avec l'échec perlé
du livre blanc sur la justice, que le ministre va arriver trop tard une fois de
plus, dans ce dossier comme dans plusieurs autres dossiers qui
intéressent la constitution. Les auteurs du livre blanc semblent presque
tenir pour acquis, et je pourrais citer de nombreux passages au ministre des
Affaires intergouvernementales, que, de toute façon, les obstacles
constitutionnels sont là pour y demeurer et qu'on ne peut pas
s'attendre, malgré toute leur bonne volonté, malgré toute
l'imagination dont on a pu faire preuve au ministère de la Justice pour
réformer l'administration de cet important secteur de la vie collective,
qu'il y ait vraiment de modification possible, à cause des obstacles
constitutionnels.
M. le Présidsent, j'estime que c'est un cas-type. L'inaction du
ministère des Affaires intergouvernementales, je crois, dans ce domaine,
a nui au développement des politiques d'un ministère sectoriel.
J'aimerais que le ministre, ce matin, nous dise comment il se fait que ce
dossier n'ait pas avancé, ne semble pas avoir avancé au cours de
l'année qui vient de s'écouler. Il semble que le ministère
de la Justice, lui, ait été actif, ait proposé des
solutions comme, par exemple, le tribunal de la famille; mais le
ministère des Affaires intergouvernementales n'a pas fait avancer d'un
pouce, d'un centimètre l'aspect constitutionnel de la question.
J'aimerais lui demander ce qu'il compte faire dans ce domaine maintenant qu'il
est bien tard, maintenant que le livre blanc du ministre de la Justice fait
état de difficultés quasi insurmontables.
M. Levesque: Tout d'abord, le chef de l'Opposition a
semblé vouloir me citer comme ayant dit que je sauterais sur la
première occasion. Je tiens simplement à le reporter à la
page B-3073 du journal des Débats. Je lui ai dit, le 6 juin 1974,
plutôt ceci: II faut prendre cela dans le contexte. "Je consultais mes
savants juristes qui ont travaillé sur cette question d'une façon
très sérieuse avec les juristes du ministère de la Justice
et ceux de l'Institut des droits publics, M. Pépin, en particulier.
On m'affirme que, dans un avenir pas trop éloigné, on
sauterait sur la première occasion, autrement dit, pour essayer
d'attirer l'attention des autorités fédérales, sur
l'opportunité de modifier l'article 96 ou de trouver d'autres moyens
pour essayer de contourner cette difficulté qui existe, à cause
de l'interprétation ou des implications de l'article 96." Je voulais
simplement faire la nuance.
Deuxièmement, cette question a été abordée
dans le livre blanc évoqué par le chef de l'Opposition, mais,
encore tout récemment est-ce que c'était hier?
à la commission parlementaire de la Justice, on semblait aborder les
mêmes sujets qu'à la commission parlementaire des affaires
intergouvernementales.
M. Morin: Cela se coupe par moments, c'est inévitable.
M. Levesque: Oui. On a posé certaines questions au
ministre de la Justice. On touchait justement cette question de la nomination
des juges de la cour Supérieure. "M. Choquette: II n'y a pas beaucoup de
promotions possibles, parce que nos juges vont être juges de la cour du
Québec. C'est cela l'objectif de la réforme. C'est qu'ils soient
tous juges égaux, au sein de la cour du Québec, affectés
à des sections ou des spécialisations différentes. Ils
n'ont pas d'espoir de devenir juges de la cour Supérieure par
l'intervention soit du juge en chef de la cour du Québec, soit du
gouvernement, parce que la seule promotion possible serait à la cour
Supérieure. Cela dépend d'une nomination fédérale.
"M. Burns: Vous n'êtes pas véritablement consulté quant
à la nomination des juges fédéraux? "M. Choquette: En
général, non; je suis informé. "M. Burns: On ne vous
consulte pas quant à la nomination d'un juge de la cour
Supérieure ou de la cour d'Appel? "M. Choquette: Cela peut arriver
occasionnellement, mais ce n'est pas..."
M. Morin: ... n'est-ce pas, quand on condescend à
consulter le Québec?
M. Levesque: "... une habitude de la part du gouvernement
fédéral ou du ministre fédéral de la Justice que de
me demander mon avis et mon approbation à la nomination d'un juge de la
cour Supérieure ou de la cour d'Appel. "M. Burns: Est-ce que vous avez
l'intention de faire des représentations auprès du gouvernement
fédéral à ce sujet? "M. Choquette: En droit
constitutionnel, c'est leur responsabilité. J'ai toujours pris la
position suivante: Qu'ils s'occupent de leurs problèmes et je vais
m'occuper des miens."
M. Morin: Comme définition du statu quo, c'est pas mal,
cela.
M. Levesque: M. le Président, maintenant, je dois dire que
je suis également informé que l'occasion ne s'est pas
présentée au cours des der-
niers mois. S'il y a une réouverture du dossier constitutionnel,
il est plus que plausible, il est normal, de songer que cette question serait
abordée très sérieusement. Le chef de l'Opposition se rend
compte que l'existence, comme il l'a dit, de l'article 96 de votre constitution
a amené le ministre de la Justice à répondre de cette
façon. Il existe un article à la constitution dans l'Acte de
l'Amérique britannique du Nord qui est clair à ce sujet, la
nomination des juges...
M. Morin: Alors, vous dites: On n'y peut rien, on est impuissant
devant la situation.
M. Levesque: On ne dit pas qu'on n'y peut rien, mais aujourd'hui,
nous sommes devant cette situation. Cependant, nous n'avons pas l'intention
d'oublier ce point lorsqu'arrivera la première occasion, encore une
fois. Ce ne sera peut-être pas, comme on me le disait, dans un avenir pas
trop éloigné...
M. Levesque: Attendez.
M. Morin: L'année prochaine et l'année suivante,
nous allons... .
M. Morin: ... revenir à l'étude des crédits
pour demander dans quel état se trouve ce dossier et pour constater
qu'il n'a pas avancé d'un centimètre. Je trouve cela
pénible.
M. Levesque: S'il avait avancé, je le dirais. Le chef de
l'Opposition sait que, lorsqu'il me pose une question, je lui réponds de
la façon la plus objective, la plus sincère, la plus ouverte
possible. Je ne lui cache rien, je lui dis exactement que, dans 25, 50 ou 75
dossiers, il y a eu progrès; dans celui-ci il n'y a pas eu
progrès. Je n'ai pas l'intention de changer ma réponse,
même si les critiques du chef de l'Opposition sont à l'effet qu'on
aurait dû créer une autre cour et aller créer une loi qui
serait anticonstitutionnelle il serait le premierànous le reprocher.
M. Morin: Ce n'est pas cela. Cela fait plusieurs années
que ce dossier est inactif. La création du tribunal de la famille, vous
le savez, dépend beaucoup...
M. Levesque:... depuis I97I.
M. Morin: C'est déjà long, depuis I97I. On veut
créer le tribunal de la famille...
M. Levesque: II n'y a pas eu de conférence
constitutionnelle.
M. Morin: Le ministre de la Justice réclame cette
réforme depuis déjà longtemps. C'est votre
responsabilité de négocier, de faire avancer les dossiers. C'est
votre responsabilité, en tant que ministre des Affaires
intergouvernementales, de ne pas simplement vous contenter de constater qu'il y
a des impasses.
M. Levesque: Voici, je m'imagine que le chef de l'Opposition a
une suggestion d'ordre pratique. Est-ce qu'il veut que nous allions à
Londres demander un changement à l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique ou que nous adoptions une loi anticonstitutionnelle ou quoi?
Qu'est-ce qu'il suggère? Ou comme nous croyions le faire, ne pas prendre
cela à la pièce, dans ce cas de révision constitutionnelle
éventuelle, et que nous ajoutions cet élément aux dossiers
en préparation. Nous n'avons pas l'intention, quant à nous, de
faire une approche pièce à la pièce dans ce domaine,
à moins que... Je suis prêt à écouter le chef de
l'Opposition.
M. Morin: Est-ce que le ministre se rend compte à quel
point il est prisonnier de ses postulats, des postulats constitutionnels de ce
gouvernement? De ce postulat à l'effet...
M. Levesque: N'importe quel pays est prisonnier, n'importe quelle
société qui a une constitution est prisonnière de sa
constitution jusqu'à ce qu'elle soit modifiée...
M. Morin: En pays démocratique, quand une constitution en
est rendue au point où on en est prisonnier, on la change. Une
collectivité qui a de la fierté et qui se tient, un gouvernement
qui se tient debout, s'arrangent pour la faire changer. C'est ce qui ne va pas
dans votre affaire. C'est que votre postulat, cela va bien, et il n'y a pas de
problème. Le fédéralisme rentable, c'est cela.
M. Levesque: Pensez-vous que les gens de la Californie peuvent
changer la constitution américaine, simplement, parce que quelque chose
ne fait pas leur affaire? Quand on est dans un grand pays et lorsqu'on respecte
les institutions, on peut demander des changements, et c'est ce que nous allons
faire, en temps opportun, mais, de là à dire que, chaque fois
qu'il y a une partie d'un pays qui veut changer une constitution, cela se fait
comme cela, ce n'est pas vrai.
M. Morin: La conséquence de cela, si je comprends bien le
ministre, c'est que, si, comme cela s'est toujours passé jusqu'ici, dans
la plupart des dossiers, Ottawa ne lâche pas de lest, décide, au
contraire, de centraliser de plus en plus certaines compétences, il faut
s'incliner devant les institutions, il faut l'accepter.
M. Levesque: Que le chef de l'Opposition ne dramatise rien. C'est
depuis I867...
M. Morin: Le ministre des Affaires intergouvernementales ne
remettra pas les institutions en question.
M. Levesque: ... que le gouvernement fédéral a la
responsabilité constitutionnelle de la nomination des juges de la cour
d'Appel et de la cour Supérieure. Ce n'est pas nouveau cela. On dirait
qu'il vient de se réveiller en disant: Qu'est-ce que c'est
que cette histoire? Cela fait des siècles. Ce n'est pas une
question d'années, c'est une question de siècles.
M. Morin: Cela fait I08 ans.
M. Levesque: Ceci était voulu pour un certain
équilibre.
M. Morin: Cela fait I08 ans de trop.
M. Levesque: Vu que l'administration de la justice était
du ressort des provinces, on a voulu, à ce moment, en I867, probablement
créer cet équilibre. Le chef de l'Opposition dit: II faut changer
cela. Pourquoi ne feriez-vous pas changer cela?
M. Morin: Ce n'est pas moi qui le dis, c'est votre ministre de la
Justice qui le dit. Vous n'êtes pas capable de faire avancer son
dossier.
M. Levesque: Excusez-moi, M. le Président. Le chef de
l'Opposition suggère que nous sommes en retard. Il faudrait changer cela
tout de suite, alors qu'il sait fort bien que c'est contenu dans l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique.
M. Morin: I08 ans de retard.
M. Levesque: Oui, I08 ans de retard. On tombe de nouveau dans
l'option. Allons-y.
M. Morin: C'est clair que les options fondamentales du
gouvernement l'empêchent finalement de faire aboutir les dossiers. A
partir du moment où vous acceptez le fédéralisme, comme
vous le faites, ne vous attendez pas que le gouvernement fédéral
cède quoi que ce soit. Il sait bien que vous êtes prisonniers du
système.
M. Levesque: Le chef de l'Opposition disait, hier, qu'il
était prêt à... Il s'est opposé, lorsque je lui ai
dit qu'il ne pouvait pas aider le gouvernement. Il parlait de consultation. Je
lui ai dit, à ce moment: Le chef de l'Opposition est dans une situation,
aujourd'hui, où il ne peut pas aider la province, où il ne peut
pas aider le gouvernement, parce qu'il met l'option indépendantiste
avant sa préoccupation d'améliorer la situation.
Si le chef de l'Opposition, qui protestait à ce moment, voulait
le prouver, c'était, ce matin, à lui de nous dire: Voici, je vous
suggère telle ou telle chose. Pourquoi ne faites-vous pas telle
chose?
M. Morin: De faire au moins l'action de passer à l'action
et de ne pas revenir, année après année, alors que le
ministre de la Justice veut des réformes et que vous me dites que cela
n'a pas bougé, qu'on n'a rien fait, qu'on n'a même pas rué
dans les brancards.
M. Levesque: M. le Président, le ministre de la Justice,
d'après les réponses que j'ai citées tout à
l'heure, n'est pas en désaccord sur l'attitude du ministère des
Affaires intergouvernementales. Je dis simplement au chef de l'Opposition qu'au
lieu de dire de "prendre action", il nous dise quelle action l'on
suggère? Dans quels termes cette action, d'après lui,
répondrait-elle à une stratégie?
M. Morin: Vous pouvez au moins entrer en contact avec les
fédéraux et leur proposer activement, pousser et faire appel
à l'opinion publique, pour obtenir cette modification, puisque le
tribunal de la famille en dépend.
Si le ministre n'est même pas prêt à ouvrir le
dossier et à le tenir devant l'opinion, à faire appel à
l'opinion et à s'appuyer sur l'opinion québécoise,
forcément, les fédéraux ne demandent pas mieux que de
laisser traîner les choses en longueur...
M. Levesque: Le chef de l'Opposition...
M. Morin: ... parce qu'ils y gagnent toujours. Vous savez
très bien qui gagne quand les choses traînent en longueur.
M. Levesque: Le chef de l'Opposition sait fort bien que, lorsque
nous pratiquons ce genre d'approche qu'il vient de nous suggérer, il est
le premier à nous critiquer, parce que nous avons une approche à
la pièce et que, lui, à ce moment...
M. Morin: Allons donc!
M. Levesque: ... s'élève contre cette
procédure en disant: Pourquoi pas une révision globale, une
approche globale de la situation? Le mot "globale", sonne, chez lui, on sait
comment. A ce moment, il nous stigmatise pour ce peu d'envergure que nous
aurions dans cette approche que lui-même suggère maintenant. M. le
Président, cela va se terminer en un dialogue de sourds entre le chef de
l'Opposition et moi, je ne veux pas poursuivre davantage.
M. Morin: Je constate tout de même que vous avez
été inactifs dans ce dossier. Il y en a un certain nombre...
M. Levesque: Un instant. Je ne peux pas dire que nous avons
été inactifs, je dis simplement qu'il n'y a pas eu de
progrès enregistré au point de vue des négociations
bilatérales.
M. Morin: Est-ce que vous en prévoyez pour l'année
qui vient?
M. Levesque: Tout dépend du dossier plus
général que nous avons évoqué au cours de cette
discussion.
M. Morin: Autrement dit, on est renvoyé aux calendes
canadiennes. Est-ce que, pour les coûts de la police, vous avez eu un peu
plus de succès? Je vous rappelle que, l'année dernière, je
vous avais déjà posé quelques questions là-dessus
aux pages 3076 à 3078, nous avons eu un minidébat sur la
question. Au début de I973, le ministre de la
Justice avait réclamé $362 millions du gouvernement
fédéral pour compenser les sommes dépensées par le
gouvernement fédéral pour permettre à la Gendarmerie
royale du Canada de...
M. Levesque: Le chef de l'Opposition est au courant.
M. Morin: Dans les autres provinces, dans plusieurs autres
provinces.
M. Levesque: Le chef de l'Opposition est au courant que toute
cette question a été longuement débattue le 22 mai I975,
à la commission parlementaire de la Justice et je sais que le ministre
de la Justice a eu des termes non équivoques pour...
M. Morin: Vous êtes ici en tant que ministre des Affaires
intergouvemementales et nous ne sommes pas ici pour les crédits de la
Justice.
M. Levesque: Comme ministre des Affaires intergouvernementales,
je suis solidaire de mon collègue comme des membres du cabinet en
donnent souvent l'illustration. On se rappelle que nous avions
réclamé $350 millions pour la période I965-I975 en
compensation financière, réclamation que nous faisions au
gouvernement fédéral pour le maintien des forces de police au
Québec. Nous connaissons la réaction de M. Allmand et du
gouvernement fédéral, nous savons que la question a
été soulevée de nouveau lors de la
conférence...
M. Morin: Non. Cela a été non.
M. Levesque: ... des procureurs généraux à
Québec à l'automne de I974. On sait que le Québec s'est
assuré à ce moment-là l'appui de l'Ontario et on sait
également que le fédéral a maintenu ses positions. J'avais
mentionné, je pense, l'an dernier et je le répète
q ue de nouveaux accords sont prévus pour 1976, si ma
mémoire est fidèle. C'est en vue de ce renouvellement de l'accord
de I976 du fédéral avec les autres provinces qui font partie de
ce plan avec les services de la Gendarmerie royale du Canada, c'est à
l'occasion de ce renouvellement que nous avons l'intention de faire de nouveau
valoir nos vues là-dessus et nous nous y préparons.
M. Morin: Autrement dit, nouvelle impasse, le dossier n'a pas
débloqué cette année.
M. Levesque: Nous n'avons pas dit à ce moment-là
qu'il débloquerait cette année. Nous avons dit l'an dernier, si
ma mémoire est fidèle, que nous allions essayer de profiter du
renouvellement de cette entente à laquelle le Québec n'est pas
partie présentement pour faire valoir nos prétentions.
M. Morin: Je vous ferai remarquer que, l'année
dernière, vous m'avez dit qu'il devait y avoir une rencontre
spécialement sur cette question avec votre "monologue
fédéral", c'est à la page 3077. "M. Levesque: Une
conférence fédérale-provinciale devrait avoir lieu
à l'automne I974".
M. Levesque: La conférence des procureurs
généraux a eu lieu à Québec à l'automne
I974.
M. Morin: Cela a été un échec.
M. Levesque: Au contraire, nous nous sommes assuré l'appui
de l'Ontario, je pense que c'était très important d'avoir l'appui
de l'Ontario à nos revendications.
Cela ne veut pas dire cependant que le fédéral ait
changé d'opinion à ce moment, mais je crois que l'idée
fait son chemin. Il est normal que le Québec et l'Ontario puissent
revendiquer une compensation qui est accordée aux autres Etats membres
de la fédération. Evidemment, le fédéral
répond: Vous pouvez utiliser, comme les autres, les...
M. Morin: C'est cela, vous pouvez utiliser la PJ...
M. Levesque: La...
M. Morin: "La police-à-joual" comme tout le monde.
Pourquoi n'avez-vous pas accepté? C'eût été
tellement plus simple dans votre perspective!
M. Levesque: Elle n'est pas celle que veut envisager ou que
perçoit malheureusement le chef de l'Opposition.
M. Morin: Non, mais c'est une bonne façon de
réduire les coûts, de s'en remettre à la police
fédérale. Pourquoi payer les frais de la police provinciale quand
d'autres provinces, elles, épargnent ces coûts? Pourquoi ne pas
faire appel au fédéralisme rentable une fois de plus?
M. Levesque: Nous avons toujours un grand respect de la
constitution, surtout lorsqu'elle est claire. L'administration de la justice
relève du Québec. Pour les autres provinces, c'est probablement
clair aussi. Elles louent les services de la Gendarmerie royale, c'est leur
affaire, si elles veulent le faire, mais elles les louent à un prix qui,
à mon sens, constitue une subvention.
M. Morin: En fait et en somme, ce dossier n'a pas avancé
cette année et vous pensez, vous avez raison de croire qu'il va
débloquer en I976?
M. Levesque: On a continué les discussions avec les autres
provinces mêmes qui sont partie à l'entente actuelle. On
s'aperçoit qu'elles aussi ont des réclamations à faire
valoir, particulièrement dans le domaine de la police municipale. Nous
croyons que I976 sera l'occasion de diverses prises de position. Je pense que
tout le problème sera revu à cette occasion.
M. Morin: Est-ce que vous prévoyez une conférence
constitutionnelle spéciale sur la question, une négociation
spéciale?
M. Levesque: Constitutionnelle, non, mais possiblement une
conférences des procureurs généraux ou une
conférence fédérale-provinciale.
Affaires culturelles
M. Morin: Bien. Nous y reviendrons aux prochains crédits.
Cela devient une sorte de rituel. Je voudrais maintenant me tourner vers les
affaires culturelles. Il s'agit tout d'abord du programme fédéral
d'animation socioculturelle, un programme qui s'adresse aux minorités et
qui existe depuis quatre ans, si je ne m'abuse. Le Québec, à ma
connaissance, n'a jamais fait connaître sa position, son attitude
à l'égard de ce programme. L'an dernier, si je me
réfère à la page B-303I des Débats, on nous avait
dit que la question était à l'étude, comme tant d'autres.
On étudie beaucoup dans ce ministère. Où en est ce
dossier? Qu'avez-vous fait cette année pour le faire avancer?
M. Levesque: A quelle page, vous dites 303I?
M. Morin: B-303I. Cela commence au sommet de la page, au milieu
de la première colonne. "M. Levesque: Ils ne sont pas arrivés aux
conclusions, ils sont en train de préparer le dossier."
M. Levesque: M. Levesque me demande de vous donner une
réponse.
M. Morin: Je n'ai pas d'objection.
M. Levesque: C'est qu'il y a une lettre, nous ne l'avons pas
apportée avec nous, nous pouvons toujours en faire état,
cependant.
M. Morin: Parlez plus fort.
M. Levesque: M. Bourassa a écrit une lettre importante
à M. Munro, ministre fédéral responsable du
multiculturalisme, il y a à peu près un mois.
Ce n'est pas moi qui ai écrit cela, c'est M. Bourassa.
M. Morin: C'est le ministre qui a signé la lettre.
M. Levesque: Bien oui!
M. Morin: II s'en souvient. Vous êtes sûr?
M. Levesque: Oui.
M. Morin: II est à peu près sûr que c'est
lui.
M. Levesque: De toute façon, le gouvernement a
expliqué...
Je m'excuse de ce lapsus, mais j'étais sûr que
c'était sous la signature de M. Bourassa, enfin c'est le vice-premier
ministre, il indiquait comme commentaire de fond à l'égard de cet
ensemble de programmes fédéraux qui visent au soutien des
minorités que, pour ce qui est du Québec, la mise en oeuvre de
ces programmes devait respecter la réalité fondamentale
québécoise, qui est celle du maintien de la prédominance
anglophone au Québec et qu'il était souhaitable, dès lors,
que des discussions soient entreprises dans les meilleurs délais afin de
trouver les modalités permettant de réaliser concrètement
cet objectif.
M. Morin: Le Québec a ses propres politiques à
l'égard des minorités. Il s'en occupe d'ailleurs.
M. Levesque: A l'égard...
M. Morin: II s'en occupe ou, du moins, il tente de s'en occuper.
Est-ce que vous avez demandé, dans cette lettre, la
récupération des montants versés par le
fédéral aux minorités québécoises en vertu
de ce programme?
M. Levesque: Non pas la récupération, mais la
canalisation...
M. Morin: Un autre programme conjoint.
M. Levesque: ... via les mécanismes du Québec.
M. Morin: C'est-à-dire un nouveau programme conjoint.
M. Levesque: Cela dépend de la définition du
programme conjoint.
M. Morin: J'entends par là un autre programme où ce
serait le gouvernement fédéral qui verserait les montants et
où le Québec prétendrait établir les
priorités. Ce n'est pas cela?
M. Levesque: Non, il ne s'agit pas de programmes conjoints tels
que nous le définissons d'habitude.
M. Morin: Est-ce le ministre qui a signé la lettre ou le
premier ministre?
M. Levesque: C'est-à-dire que le gouvernement
fédéral pourrait continuer de verser l'argent, mais aux personnes
ou institutions que nous indiquons.
M. Morin: Vraiment, le ministre me donne le sentiment, sur ce
dossier, d'être bien au courant.
M. Levesque: Oui, le chef de l'Opposition veut-il être au
courant? Nous allons être encore plus précis.
M. Morin: Bien!
M. Levesque: C'est que et le premier ministre et le ministre des
affaires intergouvernementales sont intervenus dans cette lettre. C'est pour
cela qu'il y a eu ce...
M. Morin: Bon! La façon la plus simple serait
peut-être que vous déposiez la lettre en question devant la
commission. Est-ce que ce serait possible?
M. Levesque: Je n'ai pas d'objection. J'aimerais bien la relire
cependant avant de ce faire et voir s'il n'y a pas d'objection
d'intérêt public, je suis alors prêt à la
déposer. Cela renseignerait peut-être plus complètement
encore le chef de l'Opposition.
M. Morin: Certainement, et cela ferait avancer le dossier un peu,
aussi.
M. Levesque: Oui.
M. Morin: Je disais au ministre, tout à l'heure, qu'une
façon de faire avancer les dossiers est de mettre l'opinion publique
dans le coup, de la tenir au courant. Si vous écrivez des lettres en
catimini et que vous recevez des fins de non-recevoir, finalement, les dossiers
bloquent, les dossiers n'avancent guère.
Je ne veux pas insister, mais le ministre devrait sentir que, dans ces
questions de conflit avec le gouvernement central, il peut toujours compter sur
une opinion publique favorable au Québec pour faire avancer ces
dossiers, surtout les dossiers culturels et ceux qui relèvent clairement
de la compétence québécoise. Pourquoi hésite-t-il
à faire appel à l'opinion publique? Certains de ses
collègues le font à l'occasion: je pense au ministre des
Communications. Il y aurait certainement beaucoup à retirer de cela.
Autrement, vous restez prisonnier de vos options fondamentales sans jamais
décoller du sol; les dossiers restent fermés et, finalement,
c'est quoi, les relations intergouvernementales? C'est l'exploration des
impasses constitutionnelles? On ne gagne pas grand-chose à explorer des
impasses.
M. Levesque: Evidemment, lorsqu'on est critique de l'Opposition
dans ces matières, on peut prendre beaucoup plus de temps à
explorer les impasses qu'à souligner ce qu'il y a de positif dans les
relations intergouvernementales.
M. Morin: Dans les derniers dossiers que nous avons
analysés, je ne trouve pas qu'il y a beaucoup de positif.
M. Levesque: Si le chef de l'Opposition avait pris 30, 40 ou 50
ententes signées au cours de l'année avec le gouvernement
fédéral et qu'il avait dégagé tout ce qu'il y a de
positif et qui a voulu dire de longues heures de travail de notre personnel,
cela aurait été encourageant pour les gens du ministère
des Affaires intergouvernementales.
M. Morin: Nous sommes de retour à la
nécessité de déposer lesdites ententes devant
l'Assemblée.
M. Levesque: Nous commençons aujourd'hui même. Nous
allons déposer ce que le chef de l'Opposition demande, ce n'est pas
mal.
M. Morin: Le ministre veut-il répondre à mes
questions d'hier? Officiellement, il veut dire qu'il entend déposer les
ententes?
M. Levesque: La seule entente que le chef de l'Opposition a
nommément demandée, c'était l'entente sur les
relevés hydrométriques, et ce sera fait au cours de la discussion
des crédits.
M. Morin: Ce n'est pas la seule demande que j'ai faite. J'ai
demandé au ministre s'il voulait déposer toutes les ententes.
M. Levesque: D'accord, j'ai répondu très clairement
et à la satisfaction du chef de l'Opposition.
M. Morin: Vous interprétez ma satisfaction un peu à
la légère.
M. Levesque: Je ne dis pas que c'était une satisfaction
folle et enthousiaste, mais c'était une satisfaction articulée
comme telle.
Réseaux hydrométriques
M. Morin: Je serai très content d'avoir entre les mains
l'entente sur les relevés hydrométriques. Mais j'ai
demandé au ministre et je ne sais pas s'il est prêt
à me répondre sur cette question, il m'avait promis une
réponse s'il était possible qu'il dépose les
ententes au début et à la fin de chaque session, toutes les
ententes.
M. Levesque: Premièrement, je lui remets illico copie de
la convention du gouvernement du Canada et du gouvernement de la province de
Québec concernant les réseaux hydrométriques et
sédimentologiques du Québec. Deuxièmement, je lui
répète que je veux vérifier chacune des ententes,comme je
l'ai dit auparavant, que je veux consulter les parties à ces ententes et
que je veux évaluer s'il est d'intérêt public que chacune
de ces ententes soit déposée et à quel moment le faire.
J'ai dit qu'en principe l'information doit être aussi complète et
rapide que possible, qu'en principe je concourais avec les propos du chef de
l'Opposition, mais que je devais attendre d'avoir eu l'occasion d'en discuter
avant de faire connaître mon attitude définitive.
M. Morin: D'accord.
M. Levesque: A ce moment, le chef de l'Opposition s'est
déclaré satisfait.
M. Morin: Tout cela pour dire que vous ne pouvez pas nous
blâmer de ne pas faire état de tous vos succès
sensationnels en matière d'ententes si vous ne les déposez pas et
si nous ne pouvons en prendre connaissance. Je voulais simplement rappeler au
ministre que les propos qu'il avait à mon égard,il y a quelques
instants, ne tenaient pas debout. N'ayant pas les ententes, nous ne pouvons pas
faire état de vos brillants succès.
M. Levesque: Vous en avez suffisamment.
D'ailleurs, lorsque nous avons des occasions, comme la signature
d'ententes auxiliaires qui touchent beaucoup de citoyens, la preuve est que
nous voyons plusieurs représentants de régions, des maires, etc,
venir et accourir pour la signature de ces ententes auxiliaires: l'Opposition
brille par son absence; elle ne semble pas curieuse de voir les succès
enregistrés par les bonnes relations intergouvernementales.
M. Morin: Vous faites courir les maires pour bien d'autres choses
aussi.
M. Levesque: Je dis simplement que les instances locales et
régionales sont fort intéressées aux auccès
remportés par les négociations soit des Affaires
intergouvernementales, soit de l'OPDQ, du gouvernement du Québec
autrement dit, tandis que l'Opposition, à ce moment, est silencieuse et
sou vent absente. Je me dis: Si réellement l'Opposition voulait
être aussi positive qu'elle peut être négative, elle serait
au premier rang de ces réunions où elle pourrait s'associer
à la population du Québec pour féliciter le
gouvernement.
M. Morin: Je ne me souviens pas d'avoir reçu d'invitation
du ministre.
M. Levesque: Ah! Oui. Au contraire, le chef de l'Opposition est
toujours invité ou bienvenu.
M. Morin: Voulez-vous me donner des exemples?
M. Levesque: Vous êtes toujours le bienvenu. Je n'ai pas
besoin de donner d'exemples.
M. Morin: Si vous ne m'invitez pas et si vous ne me dites pas
l'endroit et le lieu, comment pouvez-vous vous attendre à ce que je sois
présent? Ah! C'est mon problème!
M. Levesque: Je peux faire sortir plusieurs invitations
précises.
M. Morin: Pourriez-vous le faire pour la prochaine
séance?
M. Levesque: Oui, sauf que ce serait peut-être du
côté de l'OPDQ et non pas des Affaires intergouvernementales,
à ce moment.
M. Morin: Ah! Bon!
M. Levesque: Dans ce que je viens de dire.
M. Morin: On jouait sur les mots. Je vous parle des ententes.
M. Levesque: Ah! Non.
M. Morin: Vous me dites: Vous êtes invité à
assister à la conclusion de ces ententes.
M. Levesque: A la signature.
M. Morin: Je vous dis que non. Je n'ai jamais reçu
d'invitation.
M. Levesque: A la signature des ententes.
M. Morin: On reste en famille, dans ce temps-là et on
écarte les moutons noirs!
M. Levesque: Non. Au contraire; les journalistes, appelez-vous
cela des moutons noirs?
M. Morin: Du point de vue de votre whip, apparemment.
M. Levesque: Vous avez parlé des affaires faites en
catimini, où on laissait les moutons noirs de côté.
Pourtant, les journalistes sont présents.
M. Morin: Le ministre veut-il prendre l'engagement d'inviter
l'Opposition à la signature de toutes ces ententes?
M. Levesque: Non, parce qu'à ce moment, l'Opposition, qui
se plaint d'avoir beaucoup de travail, de ne pas pouvoir assister aux
commissions parlementaires parce qu'elle ne peut pas se diviser, ou se partager
davantage, devant l'accumulation des ententes, serait la première
à protester contre le travail inouï qu'on ajouterait à son
calendrier de travail. Je pense que ce ne serait pas raisonnable de demander
cela à l'Opposition, parce que, chaque semaine, l'Opposition serait
encore une fois obligée d'ajouter à sa charge de travail, la
participation aux signatures. Franchement, ce serait presque cruel d'imposer
cela au chef de l'Opposition. Mais, si je le prenais au mot, le chef de
l'Opposition me demanderait grâce, au bout de quelques mois, ou
même de quelques semaines.
M. Morin: Je suis très sensible aux égards que le
ministre peut avoir pour l'Opposition. Mais je suis prêt à prendre
un engagement. S'il m'invite, s'il invite un membre de l'Opposition à
participer à la négociation, à la conclusion, ou à
la signature de ces ententes, nous y serons. D'accord?
M. Levesque: D'accord, je vais en prendre une plate et qui est
longue!
Affaires culturelles (suite)
M. Morin: Oui, avec plaisir.
M. le Président, je voudrais peut-être maintenant passer
aux onze domaines précis dans lesquels le Québec voulait exercer
des pouvoirs en matière culturelle, d'après ce que nous a
déclaré le ministre, l'année dernière, lors de
l'étude des crédits de son ministère, à la page
B-303I. Il nous disait que ces onze domaines étaient: la planification
d'ensemble, le développement des réseaux et des services,
l'utilisation du sol, la propriété, les normes techniques et de
service, le contenu, la programmation, l'accessibilité, la recherche, la
publicité, l'équilibre linguistique et la présence
internationale.
Le ministre nous avait dit que le Québec avait indiqué
qu'il voulait exercer les pouvoirs dans ces onze domaines. Le ministre
affirmait que cela était en noir sur blanc. Cette année,
pourrait-il faire le point sur les succès remportés ou les
échecs subis depuis l'an dernier, dans l'affirmation des pouvoirs du
Québec à l'égard de ces onze domaines particuliers?
Cette question a été développée au cours des
crédits du ministère des Affaires culturelles. Le ministre des
Affaires culturelles a répondu qu'il avait un budget particulier; il a
même donné des chiffres, relativement à son programme pour
l'année et qui touchent particulièrement la question du
patrimoine. Je pense que je dois me référer au ministre sectoriel
qui a développé cette question cette année.
M. Morin: Je vous interroge sur les aspects intergouvernementaux;
je ne vous interroge pas sur le budget des Affaires culturelles. Je ne vous
demande pas combien vous avez l'intention de dépenser pour faire avancer
ces dossiers. Ces questions, je les poserai ou nous les avons posées au
ministre des Affaires culturelles. Je vous demande si vous avez fait avancer
ces dossiers sur le plan constitutionnel. Je vous demande si vous avez eu des
négociations avec Ottawa dans ce domaine-Communications
M. Levesque: Je pense que vous n'aviez pas suffisamment
précisé: je viens de lire la page B-3031, et il s'agit
plutôt d'un dossier, non pas culturel comme tel, mais des communications.
C'est culturel au sens large, mais à ce moment...
M. Morin: C'est ce que je vous...
M. Levesque: ... on touche les communications, plutôt.
M. Morin: II y a une partie de cela qui touche aux
communications. Quand on est dans l'équilibre linguistique,
l'utilisation du sol, là, il s'agit des affaires culturelles.
M. Levesque: C'est pour les fins d'installation d'antennes. C'est
tout le dossier des communications que vous retrouvez ici, dans la
réponse que je donnais au député de Saint-Jacques, si on
se réfère à la page B-303I.
M. Morin: Oui.
M. Levesque: Cela avait fait l'objet d'une publication dans
Québec Canada. Ce dossier, le chef de l'Opposition admettra, qu'il a
été développé considérablement par le
ministre des Communications. Le chef de l'Opposition vient de dire, il y a
à peine cinq minutes, que le ministre des Communications avait fait
état de toute sa stratégie et l'avait fait connaître
à l'opinion publique.
M. Morin: Nous pouvons en parler des communications, si vous le
désirez, mais je vous demandais, dans ces onze dossiers précis,
s'il y a eu du nouveau cette année.
M. Levesque: On ne peut pas dire que ce sont onze dossiers; ce
sont onze questions à l'intérieur d'une stratégie de
communications.
M. Morin: Est-ce que le ministère a été
mêlé?
M. Levesque: Si on prend une planification d'ensemble,
développement des réseaux et des services, l'utilisation du sol
toujours dans le domaine des communications, la propriété, les
normes techniques et normes de service, le contenu et la programmation,
l'accessibilité, la recherche, la publicité, l'équilibre
linguistique et la présence internationale, ce sont des
éléments d'un même dossier.
M. Morin: Est-ce que votre ministère a été
actif dans ce dossier, cette année?
M. Levesque: Très actif, tant aux instances du CCRI qu'au
CIDA rien ne nous échappait dans ce dossier. Nous avons participé
aux conférences interprovinciales et
fédérales-provinciales. Nous avons participé à la
constitution des dossiers; ceux-ci ont été rendus publics, comme
on le sait. Tous les media se sont...
M. Morin: Cette fameuse conférence des ministres des
Communications à laquelle apparemment, vous avez été
associé et qui était censée être la
conférence de la dernière chance, vous souvenez-vous de cela? Il
n'y a pas si longtemps. Pourtant, c'est un échec.
M. Levesque: Non, elle a été simplement suspendue;
elle n'est pas terminée. Attendez, ne vous réjouissez pas trop
rapidement.
M. Morin: Je ne me réjouis pas, je trouve cela
catastrophique. Le ministre est rentré d'Ottawa complètement
bredouille, et pour dissimuler l'échec, il nous a appris que ce
n'était que partie remise, puisqu'on allait reprendre les discussions
à l'automne ou à l'été, je ne sais trop.
M. Levesque: Disons que le chef de l'Opposition, s'il veut
être absolument objectif, comme je sais qu'il est capable de
l'être, devrait se souvenir premièrement... Lorsqu'il dit que
c'était un échec, etc., il devrait nuancer ses propos, comme
ceci: il y a un an, lorsque nous nous sommes rencontrés, il n'y avait
pas ce que nous avons connu du consensus interprovincial, c'est-à-dire
que les autres provinces du Canada ont accepté et endossé la
position québécoise, sinon dans son ensemble du moins, dans la
majeure partie de sa présentation. Deuxièmement, le gouvernement
fédéral qui, à cette époque, refusait de discuter
de la compétence du Québec dans ces matières, accepte
maintenant de le faire. Je pense que le chef de l'Opposition devrait nuancer,
s'il veut être objectif...
M. Morin: Le ministre est entré en disant je crois
que c'est tellement caractéristique de l'état des
négociations fédérales-provinciales Nous n'avons
pas reculé. C'est déjà beaucoup.
M. Levesque: Qui a dit cela, parce que, moi, je n'admets pas
avoir dit cela.
M. Morin: Le ministre des Communications. Vous n'auriez pas pris
une chance comme celle-là. Lui a été un peu plus
sincère peut-être que les autres.
M. le Président, je veux bien fonctionner de façon
à aider le ministre et à ce que nous puissions avancer
rapidement, mais cela dépasse les bornes. Nous ne sommes que cinq. J'ai
laissé la commission commencer sans que nous ayons quorum, pour
accélérer les choses.
M. Levesque: Nous avions quorum, excusez-moi. Au moment où
le président...
M. Morin: Au moment où nous avons commencé...
M. Levesque:... a ouvert le...
M. Morin: Enfin, en ce moment, nous ne sommes que cinq. Je pense
que cela dépasse un peu les bornes.
Le Président (M. Gratton): Je dois constater qu'il n'y a
pas quorum. Je pense donc qu'il y aurait lieu de suspendre pour quelques
minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 12)
Reprise de la séance à 11 h 20
M. Gratton (président de la commission permanente de la
présidence du conseil, de la constitution et des affaires
intergouvernementales): A l'ordre, messieurs! On peut maintenant commencer.
L'honorable chef de l'Opposition officielle.
M. Levesque: M. le Président, j'ai maintenant la copie de
la lettre à laquelle nous avions fait référence il y a
quelques minutes. Je vais la déposer pour l'information de la
commission.
M. Morin: Je remercie le ministre, M. le Président.
J'aimerais revenir brièvement sur l'impasse qui existe dans le domaine
des communications. J'ai l'impression qu'aux Affaires intergouvernementales, on
ne se rend pas compte que la réponse du gouvernement
fédéral, à cette dernière conférence, a
été non, et que non, c'est non. Même si on se réunit
à nouveau pour constater que non, c'est non, cela ne changera pas grand
chose au problème.
Je voudrais souligner au ministre que le gouvernement
fédéral continue, à l'heure actuelle, d'occuper le
terrain. Pendant qu'on ergote et qu'on discute dans des conférences,
pendant ce temps-là, Ottawa, systématiquement, envahit notamment
le domaine de la câblodiffusion, continue à exercer, continue
à développer son emprise sur ce secteur. Par exemple, le ministre
ne peut ignorer que le CRTC a commencé ses audiences. Ce n'était
pas le cas l'année dernière quand nous nous sommes entretenus de
ce sujet pour la dernière fois. Le CRTC a commencé ses audiences
sur le nouveau règlement fédéral régissant la
câblodiffusion. Le gouvernement fédéral, à l'heure
actuelle, accorde des permis de câblodiffusion. Ce n'est pas seulement
une impasse, M. le Président, nous sommes devant un envahissement actif
du pouvoir fédéral. Il n'y a pas que l'inaction du
côté québécois, il y a l'action du côté
fédéral. Une fois de plus, nous sommes devant l'impasse et devant
l'inaction. Je voudrais souligner au ministre que, pendant que nous en
discutons ce matin, pendant que nous constatons cette impasse et cette
inaction, le gouvernement fédéral, lui, profite de ces
délais, profite de ces remises qui font son affaire, parce qu'elles lui
permettent non seulement de maintenir le statu quo, mais d'avancer, de
consolider constamment son emprise. Je commence à comprendre le ministre
des Communications revenant d'Ottawa et nous disant: Nous n'avons pas
reculé, c'est déjà beaucoup. Mais ce n'est pas le cas,
parce que, pendant que rien ne se fait, pendant que le Québec soutient
qu'il ne recule pas, Ottawa avance. J'aimerais demander au ministre ce qu'il a
l'intention de faire au cours de l'année qui vient, parce que cette
situation s'aggrave de mois en mois.
M. Levesque: Dans l'année qui vient, nous avons le mois de
juillet, où la conférence fédérale-provinciale se
réunira de nouveau. Deuxièmement, lorsque le chef de l'Opposition
dit que
le fédéral a dit non, le Québec dit non, parfois,
également. Ce n'est pas une faculté unique et exclusive d'un
gouvernement de dire non.
M. Morin: Qu'est-ce que cela donne en l'occurrence?
M. Levesque: Lorsque le Québec a dit non à la
charte de Victoria, cela a donné que cela n'a pas été
conclu.
Troisièmement, je dirai au chef de l'Opposition, si ma
mémoire est fidèle, que le gouvernement fédéral,
lors de la conférence, avait mentionné que, dans le domaine de la
câblodiffusion, comme dans les autres, il n'avait pas autorité
pour dicter de ligne de conduite particulière au CRTC. Mais, il faut
dire que, depuis ce temps, il y a eu le bill C-5 adopté la semaine
dernière, je crois, par le gouvernement canadien et qui permet
maintenant au ministre fédéral des Communications de donner des
directives au CRTC.
Quatrièmement, je rappellerais au chef de l'Opposition que si le
fédéral est intervenu en donnant des permis à la suite de
requêtes dans le domaine de la câblodiffusion, le Québec,
également, a agi dans le même sens. On se rappelle qu'il y avait
certaines difficultés lorsque, sur le même territoire, un permis
avait été accordé par le Québec et un autre par le
gouvernement fédéral. Ce cas est présentement devant les
tribunaux.
M. Morin: Oui. Et le ministre peut imaginer ce que vont dire les
tribunaux en l'occurrence, étant donné la jurisprudence.
M. Levesque: Ne soyons pas négatifs et
défaitistes.
M. Morin: Attendons d'être complètement à
terre et passés au rouleau compresseur.
M. Levesque: Nous avons des renseignements selon lesquels la
position du Québec, et je ne veux pas présumer, est bien
établie.
M. Morin: Plus tôt, le ministre a fait allusion au
bill...
M. Levesque: C-5.
M. Morin: C-5 fédéral qui autorise le ministre des
Communications à donner des directives au CRTC. Le ministre
considère-t-il cela comme rassurant du point de vue du
Québec?
M. Levesque: Je crois que ce que j'ai voulu indiquer là,
c'est que, s'il y a une volonté politique fédérale de
modifier certains aspects de tout ce problème, ce n'est pas un organisme
autonome ou censément autonome qui pourra faire échec à
cette volonté du gouvernement fédéral.
M. Morin: D'un autre côté, si ce n'est pas la
volonté du gouvernement fédéral de faire aboutir ces
dossiers d'une manière favorable au Québec, il est
également en position de dicter au CRTC sa ligne de conduite. C'est un
couteau à double tranchant.
M. Levesque: II y a là une responsabilité politique
que devra assumer le gouvernement fédéral devant une position
presque unanime de la part des Etats membres de la
fédération.
M. Morin: Et si, en dépit de tout ce que me dit le
ministre, comme j'ai lieu de le croire, la réponse reste: Non, en
matière de communications, de quels moyens le ministère des
Affaires intergouvernementales compte-il se servir, de quels moyens de pression
dispose-t-il pour faire aboutir ce dossier?
M. Levesque: II y a eu beaucoup de moyens de pression
exercés jusqu'à ce jour par le Québec, dans les faits. Il
s'agit là d'une question hypothétique; je préfère
attendre avant de dévoiler notre stratégie, mais je crois que
nous devons faire confiance aux onze gouvernements réunis au mois de
juillet pour arriver à une solution acceptable
Patrimoine
M. Morin: Nous reviendrons sur ce dossier après la
conférence de juillet, mais je crains bien que ce soit pour constater,
une fois de plus, l'impasse. Je n'ai pas grand espoir étant donné
le peu de moyens de pression dont dispose le gouvernement du Québec dans
le dossier des communications. Après tout, quand on accepte au
départ les règles du fédéralisme rentable, il faut
en accepter aussi les inconvénients, qui dépassent de beaucoup
les avantages. Je crains que, sur ce point comme sur bien d'autres, comme pour
la justice, pour le coût de la police, pour les affaires culturelles,
nous soyons dans une impasse permanente, dans le statu quo.
Une dernière question sur les affaires culturelles. Dans un
mémoire présenté au CCRI, le ministre des Affaires
culturelles proposait la conclusion de ce qu'il appelait un contrat avec le
gouvernement fédéral, qui aurait permis de définir les
domaines respectifs de compétence des deux gouvernements. Lorsque nous
avons posé des questions sur ce rapport du ministère des Affaires
culturelles, l'an dernier, à la page B-3034, le ministre a
déclaré que le problème était à
l'étude. C'est la formule passe-partout pour essayer de sortir d'une
impasse: c'était à l'étude. C'est justement, nous disait
le ministre, une des questions qui fera l'objet d'une étude, et on me
donne comme possible la date du 17 juin pour que le dossier soit
acheminé au niveau du comité de coordination des relations
intergouvernementales, et le dossier serait prêt.
Cette idée de contrat avec le gouvernement fédéral
a-t-elle été acceptée par le CCRI, par le CIDA? En a-t-on
discuté avec le pouvoir fédéral?
M. Levesque: Cette idée...
M. Morin: Est-ce que le ministre voudrait me présenter ou
présenter à la commission le fonctionnaire qui va parler en son
nom?
M. Levesque: Laurent Gagné, de la direction des relations
fédérales-provinciales. Cette idée de convention est loin
d'être abandonnée. Au contraire, nous avons travaillé de
façon très étroite, au cours de la dernière
année, avec le ministère des Affaires culturelles; le CCRI a
étudié à deux reprises cette question des avant-projets de
conventions appelons-les comme cela qui portent plus
précisément sur la question du patrimoine et non pas sur
l'ensemble du secteur culturel au sens plus large, c'est-à-dire qui
inclurait les arts et les lettres. Ceci viendra, présumément,
dans une deuxième phase.
Dans un premier temps, le CCRI a décidé de mettre l'accent
sur la question du patrimoine comme tel. A cet effet, il y eut un premier
avant-projet qui a été discuté au CCRI, retourné
aux Affaires culturelles et il y a maintenant des discussions qui se font entre
les Affaires culturelles, le Conseil du trésor et nous, en vue de
poursuivre l'étude de ce projet de convention.
M. Morin: J'imagine que cela porte sur l'inventaire du
patrimoine, sur la propriété et...
M. Levesque: Entre autres choses.
M. Morin: ... les objets patrimoniaux, si je peux m'exprimer
ainsi.
M. Levesque: Exactement, la restauration et aussi l'application
des lois et règlements, autant fédéraux que provinciaux,
afférents à la restauration, à la conservation, à
l'identification, à l'inventaire, enfin, sur le patrimoine.
M. Morin: Vous n'ignorez pas que le gouvernement
fédéral est également très actif dans ce domaine,
par le truchement, notamment, de Héritage-Canada ou, est-ce qu'il faut
prononcer "Heritage-Canada"?
M. Levesque: Avec un accent anglais. C'est un organisme à
but non lucratif, qui n'est pas un organisme fédéral au sens
strict.
M. Morin: Oui, mais c'est un organisme qui est financé par
le gouvernement fédéral. Est-ce que l'entente porterait
également sur les biens culturels qui sont tombés dans le giron
de cet organisme?
M. Levesque: II s'agit des biens culturels au Québec.
M. Morin: Bien sûr, comme, par exemple, la maison Papineau,
à Montebello.
M. Levesque: J'imagine que ce serait couvert. M. Morin: Ce
serait couvert par ce genre d'ac- cords. Est-ce qu'on en est rendu, à
l'heure actuelle, à la négociation avec Ottawa ou bien si c'est
encore à l'intérieur des institutions
québécoises?
M. Levesque: C'est le cas, à l'intérieur des
institutions québécoises.
M. Morin: Est-ce que vous prévoyez que cela va aboutir,
cette année ou dans un avenir prévisible?
M. Levesque: Je pense qu'il ne me revient pas de faire des
prévisions là-dessus.
M. Morin: On va le demander au ministre.
M. Levesque: S'il vous plaît. Non, je ne suis pas en mesure
de préciser. Le travail va se continuer comme il est engagé. Je
ne crois pas que je sois en mesure de répondre d'une façon
précise, parce que je n'ai pas tous les éléments en main
pour savoir à quel moment précis, mais on peuf s'attendre
à ce que cela débouche.
M. Morin: Est-ce qu'il est possible d'envisager que vous en
veniez à une entente avec Ottawa, une entente de cet ordre ou que vous
puissiez conclure éventuellement une convention sur l'ensemble du
domaine des activités culturelles? Je veux dire les arts, les lettres,
le livre, notamment, qui devrait vous donner beaucoup de soucis, à
l'heure actuelle, étant donné les intrusions toutes
récentes du pouvoir fédéral et de l'Ontario dans ce
domaine.
J'ai souligné au ministre, au début des crédits,
cette situation absolument invraisemblable où, à la Foire du
livre de Montréal, le gouvernement fédéral et le
gouvernement de l'Ontario reçoivent officiellement et financent
officiellement cette foire, à rencontre de la politique définie
par les Affaires culturelles, qui tend à favoriser la ville de
Québec, en matière de livres. C'est une situation absolument
intolérable. J'ai reçu.moi-même une invitation du
gouvernement de l'Ontario à participer, à Montréal
à une réception dans le cadre de la Foire du livre. C'est
vraiment la démonstration d'un cas type d'impuissance devant un
envahissement qui non seulement est fédéral mais est devenu
ontarien. Est-ce que le ministre pense qu'il est possible de conclure
uneentente là-dessus aussi, pourfaire respecter les compétences
québécoises dans ce domaine?
M. Levesque: II ne faudrait pas non plus que le chef de
l'Opposition fasse du théâtre ici, ce matin, même si on
parle d'affaires culturelles, parce que le Québec peut faire une
réception comme l'Ontario en fait. Nous en faisons un peu ailleurs au
Canada, un peu ailleurs dans le monde, et nous n'invitons pas les gens pour
essayer de contester la juridiction des gouvernements sur le territoire
desquels nous sommes présents. Ce n'est pas parce que l'Ontario qui
participait à cela, donne une réception et invite le chef de
l'Opposition, je
trouve au contraire que le chef de l'Opposition devrait se
féliciter que son institution soit aussi bien reconnue et je
crois...
M. Morin: C'est la fin de tout, celai En somme, vous vous
réjouissez de ce que l'on...
M. Levesque: Non, simplement, nous parlons d'une
réception: le chef de l'Opposition semble surpris d'être
invité quelque part, voyons donc!
M. Morin: C'était une invitation officielle du
gouvernement de l'Ontario. Bien oui, en l'absence du gouvernement du
Québec.
M. Levesque: Lorsque nous sommes en Ontario, nous invitons
souvent les gens de l'Ontario, le chef de l'Opposition de l'Ontario; cela nous
fait plaisir de le recevoir.
M. Morin: Et vous financez en Ontario des activités
culturelles sans le consentement du gouvernement de l'Ontario.
M. Levesque: C'est-à-dire que le gouvernement de l'Ontario
sait fort bien que nous avons une maison à Toronto et que nous avons des
activités d'ordre culturel, comme d'autres ordres. Il y a des
subventions que nous donnons, par exemple, dans les autres provinces du Canada
aux minorités françaises. Je ne crois pas que personne se
scandalise de cela. Le gouvernement de l'Ontario n'est pas ombrageux au point
qu'il... ou le gouvernement, par exemple, du Nouveau Brunswick, pourrait
s'objecter peut-être, selon la philosophie du chef de l'Opposition,
à ce que nous...
Littérature
M. Morin: Est-ce que le ministre est au courant de l'attitude de
son collègue des Affaires culturelles sur cette Foire du livre à
Montréal?
M. Levesque: Voici. Quant à nous, nous avons
privilégié le Salon du livre de Québec. On me dit que la
raison de cette recommandation est que c'était moins commercial ici,
à Québec; c'était plus tourné vers la culture
elle-même...
M. Morin: Le ministre est-il au courant de l'attitude de son
collègue sur cet événement particulier de la Foire du
livre à Montréal? Est-il au courant?
M. Levesque: Pas personnellement.
M. Morin: Vous n'avez pas été tenu au courant de
cela
M. Levesque: Nous n'avons pas cru bon... Le ministère des
Affaires culturelles, nous le savons, n'a pas cru bon de subventionner la Foire
du livre à Montréal.
M. Morin: Non. Il a même tenté de décourager
la chose;ce que voyant, le gouvernement l'a fait et le gouvernement de
l'Ontario l'a fait. C'est pour cela que je vous pose la question. Vous tentez
de la sortir de son contexte, mais je pense que le ministre s'éloigne
des réalités.
M. Levesque: Je pense qu'il y avait des facteurs bien
différents à Montréal et essentiellement orientés
vers des échanges de caractère industriel, si je puis dire , qui
concernent les droits d'auteur et visent à favoriser les ententes entre
éditeurs; de sorte que celle de Québec est une foire plus
populaire, un salon plus populaire visant à faire connaître les
livres comme tels, comme vous le savez.
M. Morin: C'est bien possible, ce que me dit le sous-ministre,
mais la question n'est pas là. Mais je reprends ma question: qu'il
s'agisse de droits d'auteur ou qu'il s'agisse des aspects culturels du livre,
est-ce que cela relève du gouvernement du Québec ou si cela
relève du gouvernement du Canada ou du gouvernement de l'Ontario? C'est
cela la question que je vous pose.
M. Levesque: A propos de la Foire du livre, on ne peut pas...
C'est entendu que, pour le ministère des Affaires intergouvernementales
ce n'est pas à une foire telle que l'on vient de décrire, ce
n'est pas à cet endroit qu'on va régler les questions
constitutionnelles.
M. Morin: Non, cela ne fait que soulever toute la question. Si je
comprends bien la réponse du ministre, ceci n'est pas vraiment de sa
compétence; cela ne relève pas de son ministère.
M. Levesque: Pas comme tel.
M. Morin: Autrement dit, Ottawa et l'Ontario peuvent avoir des
activités comme ils l'entendent.
M. Levesque: Ce sont deux événements de
caractère privé qui ont reçu de part et d'autre des
subventions.
M. Morin: Oui, mais en fin de compte, beaucoup
d'événements de caractère privé tombent sous la
compétence du Québec, ou sous la compétence d'Ottawa. La
plupart des événements, les théâtres
subventionnés, toutes les activités culturelles
subventionnées, la plupart sont privées, au Québec. La
question que je vous pose est celle-ci: Cela relève-t-il de
Québec ou d'Ottawa?
M. Levesque: Le chef de l'Opposition sait fort bien l'attitude
prise et par le premier ministre et par le ministre des Affaires culturelles,
sur ces questions. C'est non équivoque.
M. Morin: C'est plutôt équivoque, au contraire,
parce que la souveraineté dite culturelle s'accompagne, en fait,
d'invasion fédérale.
M. Levesque: Lorsqu'on parle du livre, il y a un aspect de
commerce international qui peut s'ajouter à la question purement
culturelle.
Quant à la question purement culturelle, il n'y a aucune
équivoque là-dedans. Lorsqu'il s'agit du commerce international,
à ce moment, nous pouvons nous imaginer que le ministère du
Commerce fédéral ou que le gouvernement fédéral
soit impliqué.
M. Morin: Ah! Bon! Parce que, si le livre comporte un aspect
international, alors, c'est de compétence fédérale?
M. Levesque: Pas du tout. Le commerce lui-même. Il y a des
questions douanières qui entrent en ligne de compte.
M. Morin: Ah! Bon!
M. Levesque: Le chef de l'Opposition a l'air très surpris
de voir...
M. Morin: Que devient la souveraineté culturelle
là-dedans? Qu'est-ce que c'est, alors?
M. Levesque: II y a la question de la Loi des droits d'auteurs,
qui est fédérale. Le chef de l'Opposition devrait le savoir, lui,
le grand constitu-tionnaliste!
M. Morin: Vous devriez le savoir vous aussi!
M. Levesque: II devrait savoir également que le commerce
international relève du gouvernement fédéral.
M. Morin: Je le constate, hélas!
M. Levesque: II devrait savoir que la question des douanes et
d'accise relève du gouvernement fédéral. D'après
nous, l'aspect culturel nous importe d'une façon primordiale.
M. Morin: Oui, mais si l'aspect commercial du livre, du
théâtre et de toutes les activités relève du
gouvernement fédéral, parce qu'il n'y a pas d'activités
culturelles qui n'aient des prolongements internationaux, si cela relève
du gouvernement fédéral...
M. Levesque: Le commerce international?
M. Morin: Oui, bien sûr, à l'heure actuelle, cela
relève du pouvoir fédéral. Je vous demande, dans ce
contexte, à quoi rime la souveraineté culturelle?
M. Levesque: II y a des domaines, quels qu'ils soient, où
il est question de commerce international et qui, dans cet aspect d'une
question, relèvent du gouvernement fédéral. C'est clair.
Cela ne change absolument rien à la dimension culturelle.
M. Morin: C'est clair que la souveraineté culturelle est
une grosse farce! Entre nous, si le ministre avait un mouvement de
sincérité.
M. Levesque: II n'y a pas d'entre nous. Ne me mêlez pas
à vos conceptions. Je n'en veux rien savoir.
M. Morin: Vous ne voulez rien savoir de la
souveraineté.
M. Levesque: Certainement pas entre nous. Entre vous et vous,
d'accord!
M. Morin: Vous ne voulez rien savoir de la souveraineté
culturelle, et je vous comprends.
M. Levesque: Au contraire. La souveraineté culturelle a
été définie maintes et maintes fois, par le chef du
gouvernement, par le ministre des Affaires culturelles. Je ne sais pas si le
chef de l'Opposition veut se payer notre tête ce matin, mais je n'ai pas
l'intention d'entrer dans toutes ces considérations qui feraient
beaucoup plus l'objet de discussions à une autre table que celle-ci.
M. Morin: M. le Président, je ne veux pas éterniser
cet échange, mais je suis obligé de constater que, si certains
aspects des activités culturelles québécoises, sous
prétexte qu'elles sont internationales, qu'elles sont de portée
internationale...
M. Levesque: Non, qu'elles font l'objet de commerce
international.
M. Morin: ... qu'elles font l'objet de commerce
international.
M. Levesque: Parce que, lorsqu'on emploie volontairement le mot
"international" seul, on ne devrait pas oublier que le gouvernement du
Québec est impliqué dans les activités culturelles
à l'étranger, dans le monde international, que ce soit par
l'Agence de coopération culturelle et technique, que ce soit par sa
participation active dans d'autres domaines de coopération,
particulièrement dans le domaine de la coopération
franco-québécoise, et bientôt dans le domaine de la
coopération belgo-canadienne, et belgo-québécoise, dans
les ententes que nous avons d'une façon bilatérale ou
multilatérale, avec d'autres sociétés,
particulièrement en Afrique, à ce moment, notre mandat culturel,
notre dimension culturelle, même si c'est international, nous y sommes et
nous y sommes pleinement.
La seule dimension que j'ai voulu ajouter est la dimension de commerce
international. Le commerce international ne donne pas une compétence
particulière dans le domaine culturel.
M. Morin: Oui, parce que cela permet d'organiser des foires du
livre à Paris. Cela permet d'en organiser à Montréal,
à la barbe même du gouvernement québécois. Cela
permet de subventionner des troupes de théâtre à
l'étranger. Cela permet de se présenter comme étant le
porte-parole de la culture québécoise à l'étranger
et c'est ce que fait le gouvernement fédéral. Dans les
circonstances, je suis bien obligé de dire au ministre que parler de
souveraineté culturelle est un slogan frauduleux!
M. Levesque: Le chef de l'Opposition sait fort bien que le
gouvernement du Québec est le porte-parole authentique et est reconnu
comme tel à l'étranger, dans le domaine.
M. Morin: Allez voir à l'étranger, vous allez voir
ce que c'est. Vous allez voir comment est présenté le livre
québécois.
M. Levesque: J'ai moins de temps que le chef de l'Opposition pour
voyager.
M. Morin: Oui, il ne faut pas aller bien loin pour voir que le
livre québécois est présenté par le gouvernement
fédéral et que le Québec est absent à
l'étranger.
M. Levesque: Ce n'est pas vrai. Droits miniers
sous-marins
M. Morin: Voyons. Circulez un peu. Je vois que cela ne nous
mènera pas bien loin, parce qu'on joue sur les mots. Prétendant
faire la souveraineté culturelle, on s'aperçoit que dès
qu'il y a un aspect extérieur important, un domaine culturel, le pouvoir
fédéral y joue des pieds et des mains. Passons donc aux droits
miniers sous-marins. C'est un dossier avec lequel le ministre est familier.
Nous nous en sommes entretenus longuement l'an dernier. J'aimerais faire le
point sur cette situation. L'an dernier, le ministre a expliqué
l'état du dossier et notamment la proposition de créer une agence
mixte pour espaces immergés, cette solution permettant d'éviter
de régler la question de leur propriété. Apparemment, le
principe d'une telle agence mixte avait été accepté de
part et d'autre c'est du moins ce que j'ai cru comprendre l'année
dernière c'est-à-dire du côté
fédéral comme du côté provincial, avec l'exception
possible de Terre-Neuve, si j'ai bien interprété la
réponse du ministre.
Il restait cependant à régler les modalités, par
exemple, quelle serait la part de la province riveraine, quel serait le niveau
des droits perçus. On nous disait, du moins, que les négociations
étaient très actives. Je me réfère à la page
3012 des crédits de l'année dernière. Le ministre peut-il
nous dire si ce dossier a progressé au cours de l'année
écoulée?
M. Levesque: On se rappelle fort bien que cette question date
déjà de plus de dix ans.
M. Morin: Oui.
M. Levesque: En effet, cette question a pris un peu d'importance
lorsqu'il a été question de la possibilité d'exploration
et d'exploitation de gisements au large des côtes canadiennes et
particulièrement dans l'est du Canada. On se rappellera que le
gouvernement du Québec a maintenu une position de veto assez claire
quant aux droits du fédéral dans les eaux limitrophes ou dans le
secteur qui avoisine les rives de chacune des provinces canadiennes,
particulièrement les rives du
Québec. On se rappelle que cette position a été
partagée par les autres provinces de l'est du pays et qu'il y a
même eu un partage du golfe et des eaux.
M. Morin: Un partage géographique.
M. Levesque: Un partage géographique entre les provinces
riveraines, si on veut.
M. Morin: C'était en 1968.
M. Levesque: Oui. Le gouvernement fédéral...
M. Morin: On se rappelle beaucoup de choses, mais où en
est-on maintenant?
M. Levesque: Un instant. Le chef de l'Opposition est
peut-être bien au courant de cela, mais peut-être que d'autres le
sont moins. Je crois qu'il est important de rappeler également que nous
avons eu diverses conférences interprovinciales dans lesquelles la
position du Québec a été soutenue par les autres
provinces, parce que le Québec mettait l'accent sur la question de
principe, soit celle de la propriété des droits miniers
sous-marins. Nous avons, à la suite de conférences
interprovinciales, pris une attitude commune sur cette question de
principe.
Comme on le sait, il y a eu ensuite une sorte d'impasse qui a fait que
nous avons rencontré le premier ministre du Canada sur cette question et
que nous en sommes venus à la conclusion qu'il était
préférable d'avoir une solution politique plutôt que
juridique qui aurait impliqué une opinion sollicitée de la cour
Suprême du Canada.
M. Morin: Le pouvoir fédéral ne voulait aller
devant la cour Suprême du côté de l'est parce que ses droits
sont beaucoup plus incertains que du côté de l'ouest.
M. Levesque: Je ne suis pas sûr. Je crois que le
gouvernement fédéral a clairement indiqué qu'il
était prêt à soumettre le tout à la cour
Suprême. Quant à nous, nous avons toujours
préféré un règlement politique à cette
question. D'ailleurs, nous avons récemment abouti à une entente
selon laquelle on mettrait de côté la question de la
propriété même, sans qu'aucun laisse de côté
ses prétentions, le Québec maintenant toujours cette position de
principe selon laquelle il croit et proclame sa propriété sur le
fond, mais que, pour des raisons d'ordre pratique, nous pouvions
momentanément laisser de côté cette question et nous
attaquer à l'aménagement...
M. Morin: Momentanément? Vous voulez dire jusqu'à
l'indépendance ou quoi?
M. Levesque: Vous ne pensez qu'à cela.. Vous faites
pitié.
M. Morin: Oui, c'est vrai. Je ne cacherai pas au ministre
qu'à force de l'écouter, je pense de plus en plus à
cela.
M. Levesque: Vous mourrez en pensant à cela.
M. Morin: J'espère bien que non.
M. Levesque: Vous serez un homme frustré lorsque vous
arriverez devant saint Pierre.
M. Morin: J'espère bien que non. Enfin, passons.
M. Levesque: Je ne voudrais pas perdre le fil, puisque le chef de
l'Opposition est intéressé à savoir le déroulement
de cela. Nous avions mis de côté, pour des fins très
pratiques, non pas que nous mettions de côté dans le sens
d'abandonner, mais seulement momentanément, pour revenir à ce que
j'ai dit, cette question de propriété, chacun maintenant ses
positions, pour nous attaquer à une gestion de ces droits miniers
sous-marins, et nous avions convenu de la création d'une agence
fédérale-provinciale. Il y a eu des discussions quant à
des modifications de la constitution elle-même, pour mieux clarifier ce
partage des pouvoirs. Mais, pour revenir à la question de la gestion,
nous avons eu plusieurs réunions pour établir des
modalités de gestion. Il y a eu une proposition faite par les cinq
provinces de l'Est du Canada; il y a eu ensuite une contreproposition faite un
peu plus tard par le gouvernement fédéral, au cours du dernier
exercice financier. Nous ne l'avons pas acceptée après l'avoir
étudiée; le Québec ne pouvait pas accepter cette
contreproposition fédérale.
M. Morin: A-t-elle été rendue publique?
M. Levesque: Non.
M. Morin: Pourrait-elle l'être?
M. Levesque: Je ne crois pas qu'il serait d'intérêt
public de le faire à ce stade des négociations. Il y a eu un
facteur, cependant, qui a un peu changé les règles du jeu, c'est
Terre-Neuve s'est retirée.
M. Morin: Pour quelle raison?
M. Levesque: Terre-Neuve croit qu'elle a une meilleure cause que
les autres devant les tribunaux, parce qu'elle est entrée en 1949 dans
la Confédération et qu'alors, elle croit ce n'est pas moi
qui dis cela...
M. Morin: Pour les baies qui sont considérées comme
faisant partie...
M. Levesque: Même le plateau continental. C'est sa
prétention, je ne peux pas la juger.
M.Morin: Cela ne vaut pas cher.
M. Levesque: De toute façon, ce qui...
M. Morin: Je m'excuse, je ne sais pas si le sous-ministre est
d'accord avec moi, mais cela ne vaut pas cher.
M. Levesque: Ce qui préoccupe le sous-ministre,
peut-être, c'est la question de stratégie, je ne sais pas. Enfin,
c'est vous qui le dites.
M. Morin: En tout cas, je vous écoute.
M. Levesque: II appert que Terre-Neuve veut défendre seul
sa position. En attendant, nous maintenons nos positions et nous suivons de
près les discussions entre Terre-Neuve et le fédéral, tout
en maintenant l'unité des quatre autres provinces sur ces positions.
Le gouvernement de la Nouvelle-Ecosse, tout récemment, a fait une
proposition voulant que, même si les discussions ou les
négociations se poursuivent d'une façon bilatérale entre
Terre-Neuve et le fédéral, on n'attende pas l'issue de cette
discussion mais qu'on la poursuive à quatre, autrement dit. C'est la
position toute récente de la Nouvelle-Ecosse.
M. Morin: Ce qu'il y a d'intéressant, c'est que si
Terre-Neuve a gain de cause, elle impose, de fait, un partage du sous-sol dans
le golfe Saint-Laurent puisque, forcément, elle demandera la ligne
médiane. Je vois que le sous-ministre est d'accord avec moi. Donc, vous
avez intérêt à suivre de très près.
M. Levesque: C'est ce que je viens de dire.
M. Morin: Bon! Je voudrais vous poser une autre question.
J'imagine que, dans ces débats, quand vous parlez des droits miniers des
espaces, immergés du golfe, vous ne parlez que des espaces qui se
trouvent au-delà de la ligne de fermeture des eaux intérieures
qui va du Gap-des-Rosiers à la pointe occidentale de l'île
d'Anticosti, et de là à la rivière Jacques-Cartier, ou je
ne sais plus si ce n'est pas à la rivière Mingan.
M. Levesque: Pour l'instant. Mais il faut attendre,
peut-être, que la Communauté internationale ait reconnu que...
M. Morin: Je ne pense pas que...
M. Levesque: ... que le golfe soit considéré...
M. Morin: Entendons-nous bien. La fermeture des eaux du golfe
pour fins de pêche est une chose. Le sous-sol, cela en est une autre. La
ligne de fermeture de pêche, ce n'est pas...
M. Levesque: Nous ne parlons pas de fins de pêche,
là.
M. Morin: On parle du plateau continental.
M. Levesque: Pas seulement le plateau continental. Lorsqu'on
parle du golfe Saint-Laurent, je ne parle pas de plateau continental.
M. Morin: II y a une infime portion, qui est le chenal sous-marin
du Saint-Laurent vers le détroit de Cabot, qui pourrait être
considérée comme n'étant pas du plateau continental. Mais,
dans la mesure où il est exploitable, il le devient en vertu de la
convention de Genève de 1958.
Je pense que je n'ai pas posé ma question de façon
suffisamment claire. Ce que j'essaie d'obtenir du ministre est qu'il prenne
position sur les eaux intérieures. Est-ce que, du moins, en ce qui
concerne les eaux intérieures, c'est-à-dire celles qui se
trouvent en deça de la ligne de fermeture de 1763, cella qui a
été établie par proclamation royale et qui ferme
l'estuaire du Saint-Laurent...
M. Levesque: Est-ce que le chef de l'Opposition considère
que le golfe Saint-Laurent est une mer intérieure?
M. Morin: Attention! Qu'est-ce que vous voulez dire par
là? Voulez-vous dire des eaux intérieures, des eaux
territoriales?
M. Levesque: Est-ce que cela fait partie du territoire du
Canada?
M. Morin: J'ai écrit déjà que je
considérais... M. Levesque: Bien oui.
M. Morin: ... que cela faisait partie des eaux
intérieures.
M. Levesque: Oui, c'est cela.
M. Morin: Je ne veux pas embêter le ministre avec les
positions que j'ai pu prendre. Ce qui m'intéresse, c'est de savoir
quelle est l'attitude du ministère des Affaires intergouvernementales.
En premier lieu, quelle est son attitude à l'égard des espaces
situés en deçà de la ligne de 1763?
M. Levesque: C'est exactement ce qu'on discute avec le
fédéral.
M. Morin: J'espère que non. J'espère que,
là-dessus, la position est claire. C'est Québécois, sans
problème.
M. Levesque: Avez-vous dit en deçà ou
au-delà?
M. Morin: En deçà.
M. Levesque: En deça, c'est québécois.
M. Morin: Est-ce que c'est reconnu par le gouvernement
fédéral comme étant québécois? C'est la
première fois que je pose cette question au ministre. Je pense qu'elle
est importante.
M. Levesque: Je consulte mon expert constitutionnel. Un instant!
Nous allons avoir une conférence.
M. Morin: Bien. Prenons le temps qu'il faut. Je ne veux pas
embarrasser le ministre. Est-ce qu'il préférerait avoir sa
conférence pendant l'heure du déjeuner et me donner une
réponse cet après-midi?
M. Levesque: Un instant! Nous allons donner une première
réponse, ce n'est pas la peine.
M. Morin: Parce que je ne voudrais pas une réponse trop
hâtive, cela pourrait compromettre des droits du Québec, si...
M. Levesque: Non, mais je pense que, du p'oint de vue de la
domanialité, il n'y a aucun doute, bien que je n'aie pas à la
mémoire, une déclaration formelle fédérale d'aveu
en ce sens, mais des comportements indiquent une reconnaissance de la part du
gouvernement fédéral, que le fond, en tout cas, du fleuve, le lit
du fleuve jusqu'à la ligne, à Cap-des-Rosiers, fait partie du
domaine public québécois.
Quant à l'administration pour des fins de navigation, le
problème est différent.
M. Morin: C'est autre chose.
M. Levesque: Mais, quant à la domanialité, je pense
pouvoir affirmer que oui.
M. Morin: On distingue bien domanialité et
compétence. Ce n'est pas du tout la même chose.
M. Levesque: Oui.
M. Morin: Si le ministre veut y repenser pendant l'heure du
déjeunr pour nous donner une réponse plus complète...
M. Levesque: Non, je n'y repenserai pas. M. Morin: Non?
Pourtant, c'est capital.
M. Levesque: Pas pendant l'heure du dîner, j'ai d'autres
choses qui m'attendent.
M. Morin: Est-ce que nous pouvons continuer là-dessus
encore, M. le Président, pendant dix minutes ou si le ministre veut
suspendre le débat tout de suite?
M. Levesque: D'accord. Je pensais que vous aviez
terminé.
M. Morin: Non, je n'ai pas terminé. Le principe de cette
agence mixte est donc accepté par le Québec, à l'heure
actuelle?
M. Levesque: Oui, je vous l'ai dit, l'an dernier.
M. Morin: Oui, mais les modalités sont importantes.
M. Levesque: C'est pourquoi la contrepropo-sition
fédérale n'a pas été acceptée par le
Québec. Nous avions accepté...
M. Morin: Est-ce que vous pourriez me dire pour quelle
raison?
M. Levesque: Nous avions concouru à la proposition commune
des provinces de l'est, mais nous n'avons pas accepté la
contreproposition fédérale.
M. Morin: La contreproposition fédérale, j'ai bien
compris cela. Pourquoi le gouvernement québécois a-t-il
refusé cette contreproposition?
M. Levesque: J'ai refusé, tout à l'heure, de
déposer la contreproposition fédérale. Je sais que,
habilement, le chef de l'Opposition essaie de savoir ce qui n'allait pas dans
la contreproposition.
M. Morin: Pour ne rien vous cacher, j'aimerais bien en avoir une
idée, oui.
M. Levesque: Je ne crois pas que ce soit d'intérêt
public, à ce moment-ci, au point où nous en sommes de commenter
la contreproposition fédérale
M. Morin: Cela a des répercussions concrètes.
Pendant ce temps, pendant qu'on discute...
M. Levesque: On peut dire, en général, que, ce qui
nous préoccupe, c'est d'avoir un droit de regard suffisant sur les
ressources et sur leur utilisation.
M. Morin: Je commence à me méfier quand on me parle
de droit de regard suffisant.
M. Levesque: Enfin, le contrôle, si vous
préférez.
M. Morin: Est-ce que, en ce qui concerne les redevances, vous
pourriez me dire quelle est l'attitude québécoise, la fixation
des redevances?
M. Levesque: Nous avons parlé longuement de cela. Je n'ai
pas, ici, la proposition des provinces. Je me rappelle qu'on avait bien
stipulé que la part du lion des redevances devait être à la
province riveraine.
M. Morin: C'est-à-dire à peu près combien?
Quel pourcentage?
M. Levesque: C'est-à-dire que cela entre réellement
dans les modalités. Nous avions je lance un chiffre 60%,
mais cela pouvait être 70%. Cela pouvait aller...
M. Morin: De cet ordre?
M. Levesque: Oui. Il y avait une partie qui était le
"pool", si on peut employer ce mot commun, une caisse commune, si on veut, et,
il y avait une dernière partie pour le fédéral.
M. Morin: Autrement dit, il y avait les frais d'administration de
l'agence commune, et, ensuite...
M. Levesque: Qui étaient d'abord pris. M. Morin:
... on se divisait le résidu. M. Levesque: C'est cela.
M. Morin: Dans cette agence mixte, quel était le
rôle exact du Québec? Est-ce que c'est une agence mixte, cinq
provinces ou quatre provinces, en l'occurrence, puisque Terre-Neuve reste
à l'écart, plus le fédéral, ou bien si...
M. Levesque: Oui.
M. Morin: C'est cela. Donc, c'est une agence. Quelle aurait
été la représentation? Est-ce que cela aurait
été une représentation égalitaire?
M. Levesque: Cela fait l'objet de discussions.
M. Morin: Est-ce que vous pouvez me dire quelle est l'attitude du
Québec, du moins? Je sais bien que c'est matière à
discussion, mais ce serait utile que nous sachions ce que le Québec veut
obtenir.
M. Levesque: II y avait la question de savoir si les provinces
seraient majoritaires. C'est ce que nous voulions.
M. Morin: Autrement dit, le pouvoir fédéral voulait
avoir soit l'égalité de voix, soit une majorité par
rapport aux provinces.
M. Levesque: Vous ne pouvez pas parler de la contresproposition
fédérale.
M. Morin: Ce n'est pas sans importance. Pendant qu'on cause,
cause, jase, jase, il ne se fait pas d'exploration ou quasiment pas dans le
golfe Saint-Laurent. Donc, cela a des aspects concrets. J'espère que le
ministre en est conscient.
M. Levesque: Disons que j'ai discuté de cela assez
longuement avec des experts en la matière. Il y a beaucoup de permis
accordés dans le golfe Saint-Laurent. Nous n'avons pas encore
été très chanceux. Une étude géologique, si
l'on veut, ou les études ou les relevés qui ont été
faits ne sont pas encore assez positifs pour qu'on puisse se lancer dans de
vastes programmes d'exploration. C'est du moins ce qu'on me dit.
M. Morin: Oui, mais j'ai ouï dire que le contentieux
fédéral-provincial n'encourage pas les compagnies privées
ou publiques à procéder activement à l'exploration du
golfe, parce qu'elles se demandent toujours à qui elles vont devoir
remettre les redevances. Dans l'état actuel du dossier, si je ne
m'abuse, il faudrait qu'une compagnie paie des redevances et au pouvoir
fédéral et au gouvernement provincial.
M. Levesque: Apparemment, ce n'est pas cela qui bloque. Les
compagnies prennent présentement double permis sans préjudice.
Rien ne les empêche de poursuivre leur exploration. Au moins, cela ne
nous apparaît pas présentement comme la raison de l'exploration un
peu lente de ces fonds.
M. Morin: Le ministre m'a posé une question tout à
l'heure au sujet du régime des eaux du golfe au-delà de la ligne
de fermeture de l'estuaire. Est-ce que je peux lui demander à mon tour
quelle est l'attitude québécoise de son ministère sur
cette question? Est-ce que vous considérez que ce sont des eaux internes
j'emploie l'expression technique des eaux territoriales ou des
eaux internationales?
M. Levesque: Oui, ma première réponse, c'est que
nous considérons que ce sont des eaux intérieures.
Deuxième chose, c'est que nous avons été présents
à Genève tout récemment, comme nous l'avons
été à Caracas, je crois, sur la question des droits de la
mer.
M. Morin: Par le truchement du responsable des
pêcheries?
M. Levesque: Oui. Nous avions quelqu'un du ministère de
l'Industrie et du Commerce, le sous-ministre adjoint au ministère, qui
est chargé des pêcheries maritimes.
M. Morin: Et votre ministère?
M. Levesque: Pour notre ministère, c'était M.
Bergeron.
M. Morin: A Caracas. Et à Genève?
M. Levesque: M. Bergeron, des Affaires intergouvernementales
était seul à Caracas, mais, à Genève, M. Bergeron
était accompagné du sous-ministre responsable des pêcheries
au Québec. D'ailleurs, je viens de recevoir un rapport assez bien
articulé de la part de ces messieurs.
M. Morin: Quel statut avait M. Bergeron, de votre
ministère, à ces conférences? Observateur, sans doute?
M. Levesque: II était conseiller de la
délégation canadienne...
M. Morin: II faisait partie de la délégation
canadienne?
M. Levesque: ... et mandaté par le ministre des Affaires
intergouvernementales, comme l'était d'ailleurs M. Viateur Bernard, le
sous-ministre responsable des pêcheries maritimes.
M. Morin: Est-ce qu'il faisait partie de la
délégation canadienne?
M. Levesque: Oui.
M. Morin: Nommé donc par le gouvernement d'Ottawa?
M. Levesque: Reconnu par le gouvernement d'Ottawa, mais
mandaté par le gouvernement du Québec. Nous n'avions pas de
représentation distincte comme telle.
M. Morin: Je m'en doutais, je m'en doutais bien. Cela viendra un
jour. Un jour, un jour...
M. Levesque: Le jour...
M. Morin: ...où nous serons maîtres chez nous. Cela
viendra, n'en déplaise au ministre. Dernière question. Je vois
qu'il est presque le quart, mais le ministre a peut-être... Pour terminer
ce dossier. Pour ce qui est de la Baie d'Hudson, où en sont les
négociations?
M. Levesque: Mon Dieu!
M. Morin: Je touche à une autre ecchymose? Une autre
impasse?
M. Levesque: II n'y a pas d'impasse.
M. Morin: J'ai l'impression que nous explorons des impasses
depuis le début de ces crédits, M. le Président.
M. Levesque: On me dit qu'il n'y a pas de nouveau dans ce
dossier.
M. Morin: Rien. Cela n'a pas bougé. M. Levesque:
Non.
M. Morin: Pourtant, il semble qu'il y ait des
possibilités...
M. Levesque: Cela implique également le Manitoba et
l'Ontario, il ne faut pas l'oublier.
M. Morin: Oui, bien sûr, mais avez-vous eu des contacts
avec le Manitoba et l'Ontario pour tenter d'obtenir un partage équitable
des espaces sous-marins dans cette région?
M. Levesque: II en a été question entre les
fonctionnaires de part et d'autre. On me dit qu'il y a eu des rencontres, mais
c'est encore "exploratoire."
M. Morin: Existe-t-il une entente entre les ministères
provinciaux concernés sur le partage éventuel de la superficie
sous-marine? Vous savez que, dans le cas du golfe, il y a une carte; elle est
plus ou moins officielle, mais au moins elle existe. Avez-vous une carte
également pour le détroit d'Hudson, la baie d'Hudson et la baie
James?
M. Levesque: II y a eu une entente, me dit-on, il y a environ
trois ans, sur une délimitation entre le Manitoba, l'Ontario et le
Québec, mais il n'y a
pas eu de suite encore. Cela n'a pas été remis en
question.
M. Morin: Le ministre a-t-il objection à porter cette
carte à notre connaissance?
M. Levesque: Je pense que le rapport Dorion contiendrait ces
éléments; on peut le vérifier, cependant. C'est ce que
l'on croit.
M. Morin: II y a peut-être une proposition de la commission
Dorion...
M. Levesque: De la carte dont on vient de parler. Nous
vérifierons.
M. Morin: Si vous vouliez. Je crois qu'effectivement, la
commission Dorion s'est penchée là-dessus et a émis une
opinion sur la question, mais je ne crois pas que la carte ait
été présentée comme ayant fait l'objet d'un accord
interprovincial.
M. Levesque: Vous avez peut-être raison, mais nous
vérifierons.
M. Morin: Bien. Pour la prochaine séance. Si je comprends
bien, ce dossier qui dormait l'année dernière a encore dormi une
autre année.
M. Levesque: Enfin...
M. Morin: C'est la Belle au bois dormant.
M. Levesque: Enfin...
M. Morin: M. le Président, je vois que, sur ce point, il
n'y a pas grand-chose à tirer du ministre, alors je veux bien que nous
ajournions les travaux.
Le Président (M. Gratton): La commission ajourne ses
travaux sine die.
(Fin de la séance à 12 h 14)
Reprise de la séance à 16 h 45
M. Gratton (président de la commission permanente de la
présidence du conseil, de la constitution et des affaires
intergouvernementales): A l'ordre, messieurs!
Nous étudions les crédits du ministère des Affaires
intergouvernementales, les programmes I, 2 et 4. Le chef de l'Opposition
officielle
Pétro-Canada
M. Morin: M. le Président, nous étions à
recenser les impasses dans lesquelles se débat le ministre des Affaires
intergouvernementales, et je voudrais continuer cet après-midi à
étudier quelques questions, avec l'espoir de terminer avant six
heures.
La première question que je voudrais évoquer est celle de
Pétro-Canada. L'an dernier, le ministre avait répondu à
nos questions à ce sujet en soulignant que le projet de loi
fédéral était mort au feuilleton, avec la dissolution du
Parlement.
Le ministre se souviendra que je lui avais prédit à cette
époque la résurrection rapide dudit projet de loi. J'avais
tenté de lui montrer qu'il se rassurait à peu de frais. C'est
effectivement ce qui s'est produit, puisque le projet de loi est maintenant sur
le point d'être adopté par les Communes. Je voudrais donner
lecture au ministre des Affaires intergouvernementales de l'article 3 de ce
projet de loi, qui définit les objectifs de cette société
nationale des pétroles, nationale dans le sens fédéral,
bien sûr. "Article 3. La présente loi a pour objet de créer
dans le secteur de la production énergétique au Canada une
compagnie de la couronne habilitée à rechercher les gisements
d'hydrocarbure, négocier et conclure l'achat de produits
pétroliers à l'étranger, afin d'assurer la permanence des
approvisionnements au Canada, mettre en valeur et exploiter dans
l'intérêt du Canada les gisements d'hydrocarbure, tant au Canada
qu'à l'étranger, effectuer des travaux de recherche et de
développement concernant les hydrocarbures et tous autres combustibles
et se lancer dans la prospection, la production, la distribution, le raffinage
et la commercialisation des combustibles."
Oui, je veux bien communiquer le projet de loi au ministre, je vais
même lui donner la page où se trouve l'article 3.
A la lumière de ce projet de loi qui devrait entrer en vigueur
d'ici peu, je crains que le ministre ne se trouve devant un nouveau fait
accompli. Le ministre nous avait affirmé l'année dernière
qu'il serait vigilant. J'utilise textuellement le mot qu'il avait
utilisé à la page 3021. Il avait dit qu'il insisterait pour que
Pétro-Canada ne fasse pas double emploi avec SOQUIP, ce qui voulait
dire, comme j'ai demandé au ministre de le préciser, que
Pétro-Canada n'aurait pas d'activité sur le territoire
québécois, à moins que ce ne soit avec le concours de
SOQUIP ou avec le consentement du Québec. Ces propos se trouvent
à la page 3020 des Débats de l'année dernière.
J'aimerais demander au ministre, cette année, quelle vigilance il
a exercée dans ce dossier. Il n'y a rien dans la loi
fédérale qui limite le droit de Pétro-Canada d'agir comme
bon lui semblera au Québec, du moins à ce que je sache.
Le ministre peut-il nous dire quelles assurances il a obtenues
d'Ottawa?
M. Levesque: Je crois que ce n'était pas dans la liste qui
a été retenue par les gens du ministère.
M. Morin: Si, j'ai prévenu hier soir, je m'en
souviens.
M. Levesque: Vous l'avez dit, mais cela n'a malheureusement pas
été inscrit.
M. Morin: Je suis prêt à attendre la réponse,
mais, évidemment, il n'y aura pas de séance
subséquente.
M. Levesque: Non. Est-ce qu'on pourrait passer à autre
chose, parce qu'on a justement les documents qu'on est en train de feuilleter?
On en a pour environ cinq minutes.
Ententes sur l'habitation
M. Morin: Je le veux bien. Passons donc à l'habitation.
Les nouvelles ententes pour I975 entre la Société d'habitation du
Québec et la Société centrale d'hypothèques et de
logement marquent, de l'avis de l'Opposition, un recul très net par
rapport aux ententes conclues depuis I967. Comment le ministère des
Affaires intergouvernementales a-t-il pu approuver de telles ententes, qui sont
une perte de terrain par rapport à ce qui avait été
gagné, obtenu à l'époque du gouvernement Johnson en
I967?
M. Levesque: Quelle est la question?
M. Morin: Comment avez-vous pu signer ces accords pour I975 qui
constituent un tel recul par rapport aux ententes de I967
négociées par le gouvernement Johnson?
M. Levesque: Je crois qu'il faut rappeler au chef de l'Opposition
qu'il y a simplement eu un changement de forme, il n'y a certainement pas eu de
recul. Ce que la Société centrale d'hypothèques et de
logement prêtait pour certaines fins, c'est maintenant la
Société d'habitation du Québec qui en devient
maîtresse ou maître d'oeuvre.
M. Morin: Je vais être obligé à mon tour de
rafraîchir la mémoire du ministre parce que, de I967 à
I974, la Société centrale d'hypothèques et de logement
prêtait à la Société d'habitation du Québec,
laquelle, à son tour, reprêtait aux municipalités et aux
organismes sans but lucratif. Si le ministre veut me laisser terminer sur ce en
quoi il y a eu recul, il pourra me répondre ensuite. Les ententes
contenaient une clause, c'était le numéro 2, paragraphe 6, selon
laquelle la Société centrale, fédérale, ne pouvait
refuser un prêt pour des mo- tifs relevant de la politique d'habitation
du Québec, c'est-à-dire des normes, de l'emplacement, de
l'architecture, etc. Or, en vertu des ententes de I975, la
société centrale prête à la Société
d'habitation du Québec, mais celle-ci n'a pas le droit de reprêter
cet argent. C'est donc un recul très net, à moins qu'elle ne
construise elle-même les logements.
La clause 2, paragraphe 6, est donc disparue des ententes de sorte que
la société centrale peut refuser un prêt lorsqu'elle n'est
pas d'accord sur le projet qu'il s'agit de financer. Vous m'aviez avoué
vous-même, l'année dernière, non, c'était votre
collègue des Affaires municipales qui m'avait avoué que ce
n'était pas son intention de confier à la Société
d'habitation du Québec la construction de tous les logements. Donc, la
Société d'habitation ne pourra pas reprêter, comme elle
pouvait le faire jusqu'à cette année, les sommes d'argent
obtenues du fédéral. C'est un cas de recul très net, quoi
que le ministre ait pu dire jusqu'ici. C'est un cas clair où le
gouvernement fédéral a forcé le Québec à
modifier sa politique de façon substantielle.
M. Levesque: Si le Québec n'avait pas modifié sa
politique à la suite des gestes posés par le gouvernement
fédéral, l'Opposition et le chef de l'Opposition nous feraient
des reproches.
M. Morin: Ah oui!
M. Levesque: Nous avons fait certaines modifications justement
pour contrer cette politique fédérale. Nous avons
décidé que la Société d'habitation du Québec
deviendrait maîtresse d'oeuvre et qu'en plusieurs cas la
société d'habitation, lorsque nécessaire, deviendrait
propriétaire des immeubles.
M. Morin: Dans tous les cas?
M. Levesque: Je veux simplement vous référer
à une déclaration que faisait mon collègue, le ministre
des Affaires municipales, justement sur la clause 2-6 dans les ententes sur
l'habitation. Il disait ceci: "Je voudrais que cela soit clair que la
Société d'habitation du Québec, jusqu'à la
conclusion des ententes de septembre dernier, agissait comme
intermédiaire. Aujourd'hui et depuis le 12 septembre, la
Société d'habitation du Québec n'agit pas comme
intermédiaire. La clause 2-6 est devenue superflue parce que c'est
l'emprunteur qui décide lui-même du type du projet ou de programme
d'habitation et de l'endroit où il entend réaliser ce projet ou
ce programme."
La clause n'était plus nécessaire parce que c'est la
Société d'habitation du Québec qui est devenue
maître d'oeuvre et qui est devenue emprunteuse; donc, elle était,
par ce fait, habilitée à prendre des décisions et elle
n'avait pas besoin de la clause 2-6 pour prendre ces décisions. Toute
rénumération de pouvoirs, dans la clause 2-6, demeure la
prérogative de la Société d'habitation du Québec et
ce n'est pas sur chacun de ces éléments que le gouvernement
fédéral peut refuser
un prêt. La seule raison pour laquelle le gouvernement
fédéral pourrait refuser un prêt, c'est s'il dit: Nous
n'avons pas l'argent disponible. Si un projet, comme par le passé, si
rien n'est changé , est conforme à la Loi nationale sur
l'habitation, le gouvernement fédéral n'a pas d'autres raisons
possibles, d'autres justifications possibles, d'autres pouvoirs possibles pour
refuser un prêt qu'une limitation des disponibilités
financières."
Je crois que le ministre des Affaires municipales donnait, à ce
moment-là, une réponse entière sur l'utilité de la
clause 2-6 à laquelle se réfère le chef de
l'Opposition.
M. Morin: Dois-je en conclure que le ministre affirme que la SHQ
est maître d'oeuvre de tous les projets qu'elle finance? Dois-je en
conclure que la SHQ est propriétaire de tous les immeubles qu'elle
finance?
M. Levesque: Oui, dans tous les projets d'habitation.
M. Morin: Propriétaire et maître d'oeuvre.
M. Levesque: Dans le domaine de l'habitation, oui.
M. Morin: Bon. Donc, elle ne prête plus aux
sociétés privées.
M. Levesque: Pas pour des fins d'habitation.
M. Morin: Et les sociétés privées qui
veulent procéder à de la construction vont donc s'adresser
directement à la société centrale?
M. Levesque: II y a eu une nouvelle société, la
CHQ, qui a été formée, la Corporation d'hébergement
du Québec, encore une fois, grâce à la vigilance du
gouvernement du Québec.
M. Morin: II faudrait que les gens qui lisent les Débats
voient votre beau sourire quand vous dites ces choses-là.
M. Levesque: Même ceux qui ne lisent pas le journal des
Débats l'ont toujours remarqué.
M. Morin: C'est ce qui fait qu'on peut endurer le ministre
malgré les sophismes et les réponses qu'il nous donne. Est-ce que
vous pourriez nous préciser cette Corporation d'hébergement du
Québec; qui la contrôle et comment fonctionne-t-elle?
M. Levesque: II s'agit d'une corporation formée en vertu
de la troisième Loi des compagnies...
M. Morin: Troisième partie.
M. Levesque: Troisième partie de la Loi des compagnies.
Les membres sont nommés par le ministre des Affaires municipales et par
le ministre des Affaires sociales.
M. Morin: C'est une corporation de la couronne, une
société d'Etat.
M. Levesque: Une société sans but lucratif.
M. Morin: Est-ce une société d'Etat? Je veux savoir
si c'est une société d'Etat.
M. Levesque: Non. Cela dépend comment on définit
une société d'Etat. Alors, les membres sont tous nommés
par le gouvernement.
M. Morin: Je vous demande...
M. Levesque: C'est assez difficile.
M. Morin: ... si c'est une corporation de la couronne.
M. Levesque: Ce n'est pas une corporation formée en vertu
d'une loi spéciale du Parlement, mais c'est une corporation qui est
formée, comme les autres corporations à but non lucratif, en
vertu de la troisième partie de la Loi des compagnies.
M. Morin: Oui, mais, si elle est formée en vertu de la
troisième partie de la Loi des compagnies, c'est tout de même une
société privée, même si le gouvernement en nomme les
administrateurs. Soyons précis, là.
M. Levesque: Alors, même dans sa charte je n'ai pas
vu sa charte on m'informe que la Corporation d'hébergement du
Québec ne fait pas affaires directement avec la Société
centrale d'hypothèques et de logement, mais doit se servir, comme
interlocuteur ou intermédiaire, de la Société d'habitation
du Québec.
M. Morin: Donc, lorsque ce n'est pas la SHQ qui est maître
d'oeuvre, lorsque c'est la CHQ, la Corporation d'hébergement du
Québec, est-ce que la Société centrale
d'hypothèques et de logement peut refuser d'avancer les montants
d'argent réclamés par la SHQ?
M. Levesque: Je l'ai dit, s'il n'y a pas de
disponibilités...
M. Morin: Non, non. C'est évident, s'il n'y a pas de
disponibilité, d'accord. Mais, ma question, ce n'est pas ça. Nous
revenons à la clause 2, paragraphe 6...
M. Levesque: Oui.
M. Morin:... qui faisait en sorte que le Québec pouvait
obtenir ces montants d'argent sans condition. La SCHL ne pouvait refuser un
prêt pour des motifs relevant de la politique d'habitation du
Québec, soit les normes, soit l'architecture, soit l'emplacement,
etc.
Ce que vous nous disons depuis plusieurs mois, c'est que la nouvelle
entente constitue un recul, parce que, désormais, lorsque ce n'est
pas
la SHQ qui est maître d'oeuvre et propriétaire, la
Société centrale d'hypothèques et de logement peut refuser
d'avancer les montants d'argent si elle n'est pas d'accord sur les projets, si
elle refuse l'emplacement...
M. Levesque: Non, un instant.
M. Morin:... ou les normes, ou l'architecture.
M. Levesque: Non, non. Là, il ne faudrait pas
charrier.
M. Morin: Je vous pose la question.
M. Levesque: Vous posez la question, vous arrivez à la
conclusion et, ensuite, vous protestez tout seul.
M. Morin: Non, non. C'est à vous... M. Levesque:
Voici, quelles sont les... M. Morin: ... de préciser.
M. Levesque: ... conditions que pose le prêteur, n'importe
quel prêteur? Il y a des conditions. Quelles sont ces conditions? C'est
normal qu'il y ait des conditions.
M. Morin: C'est là qu'on vous dit que cela constitue un
recul par rapport à 1967.
M. Levesque: Oui, mais attendez que je vous dise quelles sont ces
conditions.
C'est simplement de respecter les exigences de la loi et des
règlements nationaux visant les prêts pour l'habitation.
M. Morin: C'est ça.
M. Levesque: Un instant. Il doit être conçu
conformément aux exigences du code canadien de la construction...
M. Morin: C'est ça.
M. Levesque: ... ou, s'il y a lieu, au code national du
bâtiment et aux lois provinciales, et aux codes provinciaux et
municipaux. C'est normal que tout prêteur indique des conditions de ce
genre.
M. Morin: Non, ce n'était pas le cas. Voilà
où se trouve le recul. Avant, la Société d'habitation du
Québec pouvait avoir ses propres normes, choisir ses propres
emplacements. Elle pouvait choisir ses architectes. Désormais, lorsque
ce n'est pas la SHQ qui est elle-même maître d'oeuvre ou
propriétaire du projet, lorsque ce sera la CHQ, Ottawa peut,
étant donné que le paragraphe 6 de la clause 2 est tombé,
poser ses conditions.
M. Levesque: On avait ça également dans l'ancienne
entente entre la Société centrale d'hy- pothèques et de
logement et la Société d'habitation du Québec. Justement
dans 2-6, vous aviez: "II est convenu entre les parties que la
déclaration d'admissibilité a pour seul but de déterminer
que le projet peut faire l'objet d'un prêt en vertu de la loi."
M. Morin: C'est ça.
M. Levesque: De quelle loi?
M. Morin: C'est ça.
M. Levesque: Quelle loi?
M. Morin: La loi fédérale.
M. Levesque: Bon. Alors?
M. Morin: Bien sûr. Mais, est-ce que le ministre a compris
la portée de cette loi?
M. Levesque: "En vertu de la loi et de fixer le montant du
prêt."
M. Morin: Oui. Cela voulait dire, à moins que le ministre
n'ait pas compris...
M. Levesque: C'est la société du Québec qui
est responsable de l'évaluation du besoin, de l'acceptation de
l'emplacement et du nombre, ainsi que de la grandeur des logements, de
l'approbation de la planification de l'architecture, des plans et devis, des
normes et conditions d'occupation, etc., mais c'est encore cela.
M. Morin: Non, ce n'est pas le cas. Je vois que le
ministre...
M. Levesque: Ce n'est pas changé. Il n'y a rien de
changé et je viens d'avoir une confirmation encore à cet
effet.
M. Morin: Le document que vient de lire le ministre, c'est quoi,
exactement, pour que ce soit bien clair?
M. Levesque: C'est l'entente qui a existé...
M. Morin: Tout à l'heure, je lui ai prêté une
copie de la loi et j'aimerais bien qu'il me prête copie de ce document
aussi, si je pouvais le consulter.
M. Levesque: C'est le texte de I973, celui que vous avez
vous-même cité ou voulu citer.
M. Morin: Bon.
M. Levesque: Je vous prête cela sans commentaire.
M. Morin: Oui, bien sûr, mais ce dont je vous parle, c'est
de la disparition de cette clause de l'accord de I975.
M. Levesque: Oui, mais je dis que cette clause dit
substantiellement la même chose, c'est-à-dire que le prêt ne
se fera que si c'est en conformité de la loi fédérale.
M. Morin: Non, justement, c'est là. Je peux rendre le
document au ministre, je vois qu'il n'a pas compris la portée de cette
clause et qu'il n'a rien compris aux accords de 1967.
M. Levesque: Alors, ni M. Goldbloom n'a compris, ni moi, ni
personne au ministère, seul le chef de l'Opposition comprend; alors, il
va nous expliquer.
M. Morin: Alors, on va reprendre la chose au départ, parce
qu'il faut que ce soit clair.
M. Levesque: Bon.
M. Morin: En vertu de cette clause, négociée en
1967, la SHQ pouvait obtenir des sommes d'argent de la SCHL...
M. Levesque: Oui.
M. Morin: ... qu'elle reprêtait à ses
conditions...
M. Levesque: Oui.
M. Morin:... en vertu de ses propres normes et en vertu de ses
propres choix quant à l'emplacement, à l'architecture, etc.
M. Levesque: Dans le cadre de la loi fédérale.
M. Morin: Attention! L'accord, justement, disait clairement que
la SCHL était liée par les décisions du Québec en
ce qui concerne les normes, l'emplacement, l'architecture, etc. C'est la
disparition de cette clause qui fait que désormais...
M. Levesque: Mais...
M. Morin: Voulez-vous me laisser finir? Je crois que c'est
important. Désormais, lorsque la SHQ est maître d'oeuvre, est
propriétaire, il n'y a pas de difficultés, la SCHL accepte de lui
prêter sans condition. Mais, étant donné que votre
gouvernement a abandonné cette clause gagnée par M. Johnson,
désormais, lorsque le maître d'oeuvre n'est pas la SHQ, quand
c'est la Corporation d'hébergement du Québec, alors, les
conditions posées par Ottawa s'appliquent de nouveau et Ottawa peut
refuser d'avancer les sommes d'argent qui auraient été
reprêtées par la SHQ à la CHQ. Est-ce clair?
M. Levesque: C'est clair, c'est aussi clair que ce que disait M.
Goldbloom, encore une fois, lorsqu'il disait ceci: "Je voudrais que cela soit
clair. La Société d'habitation du Québec, jusqu'à
la conclusion des ententes de septembre dernier, agissait comme
intermédiaire. Aujourd'hui, dit-il, depuis le 12 septembre, la
Société d'habitation du Québec n'agit pas comme
intermédiaire."
M. Morin: Ah non?
M. Levesque: La clause 2-6, est devenue superflue.
M. Morin: Vous venez de me dire que la CHQ passe par la SHQ pour
obtenir ses prêts.
M. Levesque: C'est-à-dire que...
M. Morin: Ou alors, c'est votre collègue qui est dans les
pommes de terre.
M. Levesque: La Société d'habitation du
Québec, jusqu'à la conclusion des ententes, agissait comme
intermédiaire. Ce n'est pas ce que j'ai dit tout à l'heure? C'est
la CHQ qui passe par la SHQ.
M. Morin: C'est ce que je vous dis.
M. Levesque: Oui, c'est cela. Nous disons la même
chose.
M. Morin: Oh non! cela ne veut pas dire la même chose. Vous
nous avez dit tout à l'heure j'ai bien compris que la CHQ
passe par la SHQ pour obtenir des prêts.
M. Levesque: C'est cela.
M. Morin: Donc, la SHQ sert encore d'intermédiaire,
contrairement à ce que vous venez de dire.
M. Levesque: Ce n'est pas dans le même contexte; attendez
un peu, là!
M. Morin: Je suis bien prêt à attendre un peu, mais
je pense...
M. Levesque: Attendez un peu. L'argent n'est plus
prêté à la Société d'habitation du
Québec et reprêté à un tiers; l'argent est
prêté directement à la CHQ, mais, grâce aux bons
offices de la SHQ.
M. Morin: Oui.
M. Levesque: Donc, la "médiatisation"...
M. Morin: Oh!
M. Levesque:... de la SHQ est différente de ce qu'elle
était.
M. Morin: Oui, oui, je vois. Autrement dit, elle ne sert plus
d'intermédiaire, elle sert seulement d'intermédiaire.
M. Levesque: D'auxiliaire.
M. Morin: Ce genre de nuances ne fait pas honneur au sens
juridique du sous-ministre.
M. Levesque: Si vous me permettez... M. Morin: Je permets,
oui.
M. Levesque: ... je pense qu'il y a une différence
juridique assez élémentaire entre un prêt fait à la
SHQ et un deuxième prêt fait à la CHQ et un prêt
direct fait à la CHQ grâce aux bons offices de la SHQ.
M. Morin: Alors, maintenant, dans un cas où le prêt
est fait par les bons offices de la SHQ à la CHQ, directement ou par les
bons offices, est-ce que j'ai raison de croire que, la clause 2, paragraphe 6,
ayant été écartée, la SCHL peut désormais
imposer les conditions fédérales alors qu'elle ne le pouvait
point en vertu des accords de 1967?
J'aimerais mieux que le sous-ministre continue. Le ministre m'avait
l'air un peu perdu dans ses papiers.
M. Levesque: On doit admettre que dans les sigles dont on parle,
à un moment donné, on peut avoir certaines
hésitations.
M. le Président, il me semble très clair à moi que
ce qui existait avant dans la clause 2-6) se retrouve présentement dans
la nouvelle entente. En effet, à 2-6) on disait: "II est convenu entre
les parties que la déclaration d'admissibilité a pour seul but de
déterminer que le projet peut faire l'objet d'un prêt en vertu de
la loi." Alors, cela veut dire que, même avec 2-6) il fallait que les
prêts soient soumis à la loi fédérale qui
prévoyait les activités de la Société centrale
d'hypothèques et de logement.
M. Morin: Oui mais attention, M. le ministre. Cela signifiait que
la déclaration du Québec à l'effet que ces projets
étaient admissibles était finale et ne pouvait pas être
examinée de nouveau par la SCHL. Autrement dit, les normes
québécoises s'appliquaient, même si les normes
fédérales n'étaient pas respectées. C'est ce que
cela voulait dire.
M. Levesque: Oui mais qu'est-ce que c'est, maintenant, que cette
nouvelle entente prévoit, celle de septembre 1974? C'est que les parties
conviennent que les projets respecteront les exigences de la loi et des
règlements nationaux...
M. Morin: C'est cela.
M. Levesque:... visant les prêts pour l'habitation,
c'est-à-dire encore cette loi de la Société centrale
d'hypothèques et de logement.
M. Morin: La différence, je vais vous l'expliquer. Je vois
que vous ne l'avez pas comprise.
M. Levesque: Bien non, mais c'est parce que le chef de
l'Opposition est en train d'essayer de faire le procès de ces ententes
et qu'on parle exactement des mêmes choses présentement.
M. Morin: Je ne fais pas le procès de l'entente, j'essaie
de faire le procès de votre ministère dans ce dossier, ou du
ministre. Je ne sais trop qui est responsable de cela mais c'est un abandon
très grave par rapport à ce que le gouvernement Johnson avait
décroché.
Cela signifie que, dans le premier cas, en vertu de la convention, de
l'entente de 1967, les décisions du Québec étaient finales
quant aux normes, quant à l'admissibilité du projet tandis que
désormais, lorsque la société québécoise
n'est pas maître d'oeuvre ou n'est pas propriétaire, les normes
fédérales s'appliquent et Ottawa peut refuser un prêt parce
qu'elle estime, elle, que ses normes n'ont pas été
respectées.
M. Levesque: Bien oui! La Société d'habitation ou
la Corporation d'hébergement du Québec est
propriétaire.
M. Morin: Oui.
M. Levesque: Alors...
M. Morin: Alors?
M. Levesque: ... ce que vient de dire le chef de l'Opposition,
rime à quoi ?
M. Morin: Je vais recommencer l'explication. Le pire c'est que
probablement, le ministre m'a compris depuis longtemps. Je recommence quand
même.
En vertu des accords de 1967, la SHQ pouvait soit financer ses propres
projets, soit des projets privés auxquels elle reprêtait et Ottawa
ne pouvait pas dire: Vous ne respectez pas mes normes, donc je ne vous
prête pas; ou votre projet privé que vous allez financer ne
respecte pas mes normes, donc je ne vous prête pas.
La clause 2, paragraphe 6 avait pour effet de rendre finale la
décision du Québec au sujet du respect de ses propres normes.
Désormais, parce que vous avez abandonné la clause 2,
paragraphe 6, parce que vous avez abandonné cette clause, lorsqu'il
s'agit d'un projet privé... Le ministre ne me suit plus, je me demande
si ça vaut la peine de répéter ça pour la
troisième fois.
M. Levesque: Non. C'est parce que, en pratique, cela ne sert
absolument à rien. On me confirme encore une fois que même avec la
clause 2-6, le gouvernement fédéral pouvait ou la
société pouvait...
M. Morin: Non.
M. Levesque: ... refuser...
M. Morin: Non, là ce n'est pas...
M. Levesque: On n'était pas obligé d'invoquer les
mêmes raisons qu'aujourd'hui peut-être. Mais on pouvait facilement
refuser si on jugeait que ce n'était pas conforme...
M. Morin: Oui.
M. Levesque: ... aux normes fédérales.
M. Morin: Alors, je vais demander au ministre, s'il est capable
de me faire cette affirmation...
M. Levesque: Et on me donne des exemples. M. Morin:... de
me donner... M. Levesque: On me donne des exemples ici. M. Morin:
Oui.
M. Levesque: On me donne même des exemples concrets
où le gouvernement fédéral refusait.
M. Morin: Bon. Est-ce que le ministre serait prêt à
ce que nous entendions, en commission parlementaire, la Société
d'habitation du Québec sur ces questions?
M. Levesque: A ce moment-là, il faudrait le demander au
ministre sectoriel. Je n'ai pas d'objection, quant à moi, comme leader
du gouvernement,à la favoriser.
M. Morin: Parce qu'il est bien clair qu'en vertu de la clause 2,
paragraphe 6, de 1967 à cette année ou à 1974, le pouvoir
fédéral ne pouvait refuser un prêt à cause des
normes québécoises, à cause du non-respect de ces normes
fédérales tandis que, désormais, il peut le faire. Cela va
faire une très grosse différence.
M. Levesque: On m'informe que le gouvernement
fédéral pouvait le faire et le faisait, peut-être pas
nécessairement de la même façon que l'indique le chef de
l'Opposition, mais pouvait facilement le faire et le faisait. Nous avons pris
certaines dispositions, cependant, afin que la Société
d'habitation du Québec devienne propriétaire. Création de
la Corporation d'hébergement du Québec. Nous avons pris des
moyens pour faire face à cette menace que...
M. Morin: Autrement dit...
M. Levesque:... vient de souligner...
M. Morin: ... au lieu de vous assurer.dans la nouvelle entente,
qu'il n'y aurait, effectivement, aucun contrôle fédéral sur
les décisions québécoises...
M. Levesque: II ne faudrait pas penser non plus...
M. Morin:... non seulement vous avez accepté qu'il y ait
ce contrôle mais vous avez fait disparaître la garantie, la clause
qui protégeait le Québec.
M. Levesque: Apparemment, cette clause n'avait absolument pas
plus de valeur que celle qui existe...
M. Morin: Alors, là...
M. Levesque: ... présentement et cela, je le tiens du
témoignage de ceux qui administrent la Loi de la Société
d'habitation du Québec.
M. Morin:... je pense que le ministre s'éloigne de la
vérité.
M. Levesque: Je refais...
M. Morin: C'est la première fois que je le constate, cette
fois-ci.
M. Levesque: Non, non, faites attention. Je demande au chef de
l'Opposition... J'ai dit que je suis informé et tout près
de moi que dans l'administration de la loi ce n'est pas moi qui
l'administre la Société d'habitation du Québec ne
voit pas... que le fédéral n'aurait pas pu, de la même
façon, avec le 2-6, refuser de consentir un prêt.
M. Morin: Et pourquoi avez-vous abandonné 2-6?
M. Levesque: Comme le ministre des Affaires municipales je
viens de le citer deux fois l'a dit, cette clause était devenue
superflue. Mais ce n'est pas...
Lorsque nous avons signé les quatre ententes,
Québec-Ottawa, qui ont été conclues au cours de
l'année 1974, sur l'habitation, cela n'a pas été facile.
Il y a eu de nombreuses réunions, des discussions et il y a eu de
longues négociations à ce su-jet.
M. Morin: Je suis bien prêt à admettre que cela n'a
pas dû être facile, pour vous, d'abandonner une clause comme
celle-là.
M. Levesque: Bien c'est justement parce que...
M. Morin: Mais vous avez fini par l'abandonner.
M. Levesque: Non, c'est parce que nous avons pris des moyens ici,
au Québec, pour protéger la position québécoise. Ce
n'est pas pour rien que nous avons procédé comme nous l'avons
fait quant à la Société d'habitation du Québec,
quant aux pouvoirs accordés à la Société
d'habitation du Québec, quant à la création de la
Corporation d'hébergement du Québec.
M. Morin: M. le Président, je n'ai pas...
M. Levesque: Je n'aime pas que le chef de l'Opposition doute de
ma parole, surtout lorsque je dis que je tiens l'information de personnes en
autorité à la Société d'habitation du
Québec.
M. Morin: M. le Président...
M. Levesque: Je ne viens pas d'inventer ça.
M. Morin: ... je compte pouvoir interroger les responsables de la
Société d'habitation du Québec. Vous me dites qu'ils sont
dans la salle. Peut-être pourrait-on les entendre.
M. Levesque: Je ne crois pas que ce soit les crédits de la
Société d'habitation du Québec jusqu'à
nouvel ordre que nous étudions présentement.
M. Morin: Oui. Je regrette de devoir constater, de toute
façon, qu'il est un peu tard. Vous avez déjà
lâché ce morceau qui avait été gagné de peine
et de misère sous Johnson.
M. Levesque: C'est votre interprétation.
M. Morin: Je constate que cette clause n'y est plus, je constate
qu'elle liait le pouvoir fédéral, je constate qu'il s'agit d'un
recul très net, comme nous l'avons soutenu en Chambre. Le ministre ne
m'a pas rassuré. Le ministre, au contraire, a confirmé les
craintes que je pouvais avoir.
M. Levesque: Quel ministre?
M. Morin: Le ministre des Affaires intergouvernementales.
M. Levesque: II a confirmé les craintes que vous pouviez
avoir?
Qualité de l'eau
M. Morin: Oui. Les réponses que vous m'avez faites
confirment les craintes que nous avions, qu'il s'agit d'un net recul du
Québec dans ce domaine.
Mais cela ne sert à rien; ce n'est pas en grattant les plaies
qu'on va faire avancer beaucoup le dossier, surtout sur un organisme qui semble
de plus en plus meurtri. On va passer à autre chose.
L'an dernier, le ministre avait affirmé qu'on procédait
à des négociations avec Ottawa de façon qu'il n'y ait pas
de conflit entre les normes québécoises et les normes
fédérales en ce qui concerne la qualité de l'eau. J'aborde
ce dossier, à moins que vous ne soyez prêt à revenir
à Pétro-Canada.
M. Levesque: Continuez.
M. Morin: J'aimerais savoir où en sont les
négociations à ce sujet. Est-ce qu'on a obtenu que les normes
fédérales soient des normes minimales dans tout le Canada mais
que, pour l'essentiel, ce soient les normes québécoises qui
s'appliquent, comme le déclarait l'année dernière le
ministre, à la page 2987 des Débats, vers les deux tiers de la
première colonne? "M. Levesque: Nous essayons de faire en sorte que le
gouvernement fédéral ait des normes minimales dans tout le Canada
mais pour l'essentiel, ce sont les normes québécoises qui
s'appliquent". C'était du moins l'accord que vous tentiez d'obtenir.
Qu'en est-il de ce dossier?
M. Levesque: Le gouvernement fédéral a fait une
proposition d'accord-cadre à signer avec l'ensemble des provinces du
Canada et nous avons fait une contre-proposition que nous avons soumise il y a
un mois, contre-proposition qui vise à assurer la prédominance
des normes québécoises en cette matière.
M. Morin: Est-ce que le ministre pourrait être un peu plus
spécifique et me dire le contenu de cette contre-proposition
québécoise, ou était-elle interprovinciale?
M. Levesque: La réaction a été bonne mais
nous n'avons pas de consensus encore qui se dégage à la suite de
notre contre-proposition. A Edmonton, la semaine prochaine, il y aura la
conférence des ministres des Ressources du Canada et, à ce
moment-là, ce sera l'occasion pour nous d'essayer d'avoir une certaine
concertation de la part des autres provinces à ce sujet.
M. Morin: L'attitude québécoise, c'est donc que les
normes québécoises s'appliquent en dépit de l'existence de
normes fédérales?
M. Levesque: Sous réserve de normes minimales valides
consenties pour l'ensemble du Canada.
M. Morin: Et ces normes minimales seraient telles que les normes
québécoises pourraient être plus exigeantes.
M. Levesque: Plus exigeantes.
M. Morin: Quelle est la position exacte du gouvernement
fédéral dans la proposition à laquelle vous avez fait
allusion il y a un instant?
M. Levesque: Alors, il ne semble pas qu'il y ait d'objection de
la part du gouvernement fédéral quant au principe que j'ai
mentionné il y a quelques instants, soit les normes minimales
canadiennes et des normes plus exigentes de la part du Québec.
Apparemment, la raison pour laquelle on n'est pas encore arrivé à
un accord il semble bien que les positions soient très proches
c'est que le gouvernement fédéral aimerait étendre
cet accord à d'autres domaines que l'eau et l'air, alors que nous
serions prêts à négocier, à conclure sur ces deux
points.
M. Morin: L'eau et l'air; qu'est-ce qui serait visé en sus
de cela?
M. Levesque: Le fédéral aimerait entrer
plutôt dans un concept d'environnement plus global mais on n'a pas
tellement de détails sur ce qu'il envisage.
M. Morin: Si c'est tout l'environnement, cela peut aller
très loin. Cela peut inclure le sol lui-même, l'utilisation...
M. Levesque: Pour le fédéral, ce serait une
vue plus globale, la poursuite des objectifs de la conférence de
Stockholm.
M. Morin: Oui, mais cela va loin.
M. Levesque: Cela toucherait peut-être au sol.
M. Morin: Cela touche certainement les sols. Qu'est-ce que le
ministère pense de ce concept fédéral et est-il prêt
à accepter qu'en matière d'environnement ce soit le pouvoir
fédéral qui soit compétent?
M. Levesque: Evidemment, sur le plan international, nous croyons
que cela a beaucoup de mérite. Nous ne mettons pas de côté
les objectifs visés mais il y a peut-être ici une question qui
touche la préoccupation constitutionnelle et qui fait que bien que nous
acceptions les objectifs, nous regardons de plus près les
modalités qui pourraient être envisagées.
M. Morin: Est-ce qu'il n'appartiendrait pas au Québec de
mettre en oeuvre tout accord international? Remarquez que nous n'en sommes pas
encore au stade des accords. On a tout juste pu se mettre d'accord, on a tout
juste pu s'entendre sur des grands principes généraux très
vagues à Stockholm. J'ai bien l'impression qu'en dehors de conventions
très spécifiques sur les hydrocarbures, peut-être sur les
cargaisons dangereuses, il n'y a pas encore d'accord possible à
l'horizon sur l'ensemble de l'environnement. Mais s'il y en avait un, est-ce
qu'il n'appartiendrait pas au pouvoir québécois de les mettre en
oeuvre? Le sous-ministre, je l'ai entendu dire: Très certainement.
J'aimerais que le ministre soit aussi affirmatif.
M. Levesque: Moi, j'ai dit oui. Ce n'est pas mal.
M. Morin: J'aimerais mieux: Très certainement. Les
convictions du sous-ministre semblent plus profondes que celles du
ministre.
M. Levesque: Les exigences du chef de l'Opposition sont telles,
cet après-midi, qu'il ne se satisfait même pas d'un oui.
M. Morin: J'aime mieux: Très certainement. Je ne vous le
cacherai pas.
M. Levesque: Bon, d'accord.
M. Morin: Bon. Alors, le ministre dit: Très
certainement.
M. Levesque: Non, je n'ai pas dit: Très certainement.
Chacun a son vocabulaire.
M. Morin: Oui, je sais. Est-ce que nous pouvons compter que dans
cette affaire des normes relatives à l'eau ou, de façon plus
générale, à l'environnement, le Québec va insister
pour que ses compétences soient respectées?
M. Levesque: J'ai dit oui.
M. Morin: Le ministre a ajouté: Très
certainement.
M. Levesque: Pour Pétrocan, si vous voulez... M. Morin:
Attendez. M. Levesque: Non?
M. Morin: Si vous le voulez bien, on va se tenir dans l'eau avant
de revenir au pétrole.
M. Levesque: D'accord.
Inondations
M. Morin: L'an dernier, au sujet des inondations, le ministre
avait répondu à nos questions au sujet de la formule d'aide
fédérale en cas de désastre naturel, comme les
inondations, en disant qu'une demande formelle serait faite au gouvernement
fédéral pour que cette formule d'aide soit révisée.
D'ailleurs, la question avait été soulevée, si ma
mémoire est bonne, au niveau des fonctionnaires. Une demande plus
officielle devait suivre incessamment. Cela se trouve à la page 3006. Je
me permets de le relire.
M. Levesque avait dit: "Au palier des fonctionnaires, cela a
déjà été entamé au comité permanent
des affaires économiques. Nous disons que nous alIons le faire d'une
façon plus officielle lorsque nous allons déposer les demandes du
Québec pour bénéficier des dispositions de la loi
fédérale."
Avez-vous déposé les demandes du Québec,
officiellement, en matière d'inondation? Avez-vous eu de la
correspondance sur la question?
M. Levesque: II s'agissait des inondations dont il était
question l'an dernier et qui comportaient des sommes assez
considérables, si je me le rappelle bien.
M. Morin: Bien, c'était des inondations
désastreuses et il y a, vous le savez...
M. Levesque: Justement, nous avons fait, évidemment, les
évaluations et nous avons conclu, avec le gouvernement
fédéral, de partager, selon la loi fédérale, le
remboursement, les compensations à ceux qui étaient victimes
d'inondations.
M. Morin: Oui, mais je ne vous interroge pas sur le paiement.
J'aurais interrogé le ministre responsable de la question si j'avais
voulu savoir quels sont les montants qui ont été versés
aux victimes. Ce n'est pas ça que je vous demande.
M. Levesque: Non, mais je me rappelle...
M. Morin: Ce dont je vous parle, cela relève de votre
ministère. Il s'agit de savoir si vous avez fait la demande formelle de
révision de la formule
d'aide fédérale, comme vous l'aviez annoncé
l'année dernière.
M. Levesque: L'an dernier, nous avions une préoccupation,
si ma mémoire est fidèle, sur le fait que l'aide
fédérale ne s'appliquait qu'une fois qu'on avait
dépassé, en dommages... Je crois que c'était $1 per
capita. On disait, à ce moment-là, que des dommages qui
n'atteignaient pas $6 millions ou $6.5 millions n'étaient pas
admissibles, autrement dit, à l'aide fédérale.
M. Morin: C'est ça.
M. Levesque: A ce moment-là, nous avons, publiquement,
fait connaître notre désir de voir modifier cette disposition
fédérale. Je dois dire, cependant, que je ne crois pas qu'il y
ait eu grand-chose de changé depuis ce temps, sauf que je dois dire
qu'en pratique, dans ce cas d'innonda-tions importantes que nous avons connues
l'an dernier, la loi fédérale s'appliquait, nous étions
admissibles. Alors, en pratique, je crois que plusieurs dizaines de millions de
dollars ont été versés à ceux qui avaient subi des
dommages.
M. Morin: Oui, mais...
M. Levesque: Je le sais particulièrement...
M. Morin: Oui, oui.
M. Levesque: ... parce qu'il y en a de mon comté qui ont
bénéricié de remboursements assez importants.
M. Morin: Moi, je vous parle de la formule en question, de la
formule fédérale. J'aimerais savoir si vous êtes...
M. Levesque: Je n'approuve pas cette formule, sauf...
M. Morin: Non, je sais que vous ne l'approuvez pas.
M. Levesque: ... que je dis que, l'an dernier, en pratique, la
formule n'a pas été...
M. Morin: Bon.
M. Levesque:... préjudiciable comme telle.
M. Morin: Bon.
M. Levesque: Mais je dis que nous avons...
M. Morin: Mais vous mêlez.
M. Levesque: ... je le disais d'ailleurs l'an dernier
l'intention de mettre en cause les critères qui sont inclus dans
la loi fédérale.
M. Morin: C'est ça.
M. Levesque: Et nous avons encore cette in- tention. Je ne sais
pas si le dossier s'est poursuivi...
M. Morin: L'enfer canadien...
M. Levesque: ... au ministère des Richesse naturelles
ou...
M. Morin: ... est pavé de bonnes intentions.
M. Levesque: Bon, bon. Ne m'envoyez pas en enfer tout de
suite!
M. Morin: Nous y sommes.
M. Levesque: J'en profite parce qu'on me rappelle cet autre
aspect des inondations. Il y a eu, au moment des inondations,
particulièrement dans la région à l'ouest de
Montréal, certaines rumeurs selon lesquelles peut-être ces
inondations auraient été moins graves s'il n'y avait pas eu
déversement du lac Ontario ou les Grands Lacs vers le fleuve
Saint-Laurent.
Nous avons fait certaines représentations. J'ai moi-même
rencontré, à deux reprises, depuis ce temps, le Commission mixte
internationale sur la régularisation des eaux des Grands Lacs.
M. Morin: Ce n'est pas là-dessus que je vous ai
posé une question.
M. Levesque: Non, je veux simplement dire ça, parce que,
lorsque ce sont des activités qui ne font pas votre affaire, vous ne
voulez pas que j'en parle. Alors, laissez-moi donc finir.
M. Morin: C'est parce que je surveille bien et je voudrais
bien...
M. Levesque: D'accord. Si c'est la raison... M. Morin: ...
pour voir finir vos crédits.
M. Levesque: ... j'arrête tout de suite.
Je voulais simplement terminer en disant que nous avons fait les
représentations auprès de la Commission mixte internationale.
Mais la Commission mixte internationale ne peut pas, d'après sa
constitution et ses pouvoirs, parler de compensations. Elle peut
peut-être suggérer au gouvernement fédéral qu'il y
aurait lieu, tant du côté canadien que du côté
américain, de donner des compensations aux riverains qui supportent des
dommages. Mais disons que je n'entrerai pas dans ce sujet vu que...
M. Morin: Alors, je...
M. Levesque: II y a de plus une entente qui vient d'être
conclue et je pense que je l'ai mentionnée hier au chef de
l'Opposition... Non? Je ne vous l'ai pas mentionnée parce qu'elle
n'était pas dans la liste qui se terminait le 31 mars, je pense, I975.
C'est une nouvelle convention visant des études pour la
régulation des eaux de la région de Montréal, entente
passée le 28 mai I975 entre le
gouvernement du Canada, d'une part, et le gouvernement du Québec,
d'autre part. Et les signataires étaient Mme Jeanne Sauvé, je
crois, pour le gouvernement fédéral et le ministre des Richesses
naturelles pour le Québec, ainsi, évidemment, que le ministre des
Affaires intergouvernementales.
Je vois le chef de l'Opposition faire un signe! Donnez-moi ça. Il
va prendre l'habitude.
M. Morin: Bien ouil je vous ai demandé de déposer
toutes les ententes.
M. Levesque: Je dépose.
M. Morin: Merci, M. le Président.
M. Levesque: Voyez-vous comment je suis devenu docile!
M. Morin: Bien. Nous allons faire notre bien de ça. Mais
je reviens à la question que je posais au ministre.
M. Levesque: Bon.
M. Morin: Est-ce que le ministre peut me permettre de la
reformuler au complet? L'année dernière, vous m'avez dit que vous
feriez une demande formelle pour faire réviser la formule de
compensation fédérale.
Il semble que vous ne l'ayez pas fait. Ma question est celle-ci:
Allez-vous attendre de nouvelles catastrophes avant de tenter d'obtenir une
révision de la formule?
M. Levesque: Nous avons fait des représentations à
un comité fédéral-provincial, qui s'appelle le
comité permanent des questions économiques et fiscales et qui est
un comité de support de la conférence des ministres des
Finances.
Mais nous ne croyons pas que ce soit venu à l'ordre du jour. Nous
ne sommes pas maîtres de l'ordre du jour. Mais nous les avons soumises
aux instances que nous croyons appropriées parce qu'il s'agit là,
après tout, d'une loi fédérale et c'est une aide purement
fédérale quant à l'application de la loi
fédérale.
Alors, nous avons utilisé ce que nous croyons être le
meilleur canal. Nous avons fait nos représentations à ce
comité.
M. Morin: Bien. On peut s'attendre que ce soit
réglé d'ici la prochaine fois où nous aurons le bonheur
exquis de nous entretenir.
M. Levesque: Cela dépend... M. Morin: Ne
répondez...
M. Levesque: Je ne dirai pas... Comment dites-vous ça?
Très certainement! Non, je ne dirai pas ça.
M. Morin: Bon. Le ministre voulait revenir à
Pétrocan, Pétro-Canada.
Pétro-Canada (suite)
M. Levesque: Oui. Je voulais simplement parce que tout
à l'heure je le cherchais... L'article en question, que je voulais
souligner, c'est l'article 14-5 du projet de loi. Le chef de l'Opposition
mentionnait tout à l'heure qu'il s'agissait d'un projet de loi. Il
parlait de...
M. Morin: L'article 3.
M. Levesque: ... du moment où ce projet de loi deviendrait
loi. Je tiens à l'informer que je suis moi-même informé que
c'est devenu loi, que la loi est en vigueur.
M. Morin: Cela n'arrange rien.
M. Levesque: Non, non. Cela fait une chose. C'est que cela
apporte un peu de précisions à la discussion.
M. Morin: Oui.
M. Levesque: Et cela rectifie, sinon une erreur le chef de
l'Opposition appellerait cela une fausseté si j'avais dit ça
mais disons une imprécision.
M. Morin: J'ai dit au ministre que c'était sur le point
d'entrer en vigueur, à la connaissance que j'en avais.
M. Levesque: Non, mais c'est-à-dire...
M. Morin: Et le ministre m'apprend que c'est maintenant
entré en vigueur. Alors, le problème est d'autant plus grave.
M. Levesque: Maintenant, je ne sais pas si le texte, que m'a
prêté le chef de l'Opposition, est le texte final. Je dois...
M. Morin: Forcément, je ne le sais pas moi non plus parce
que c'est le projet de loi...
M. Levesque: Sous réserve de cette condition, sous
réserve de la vérification définitive du texte, j'aimerais
attirer son attention sur l'article 14, paragraphe 5, qui dit ceci: "La
corporation a, dans l'exploitation de son entreprise dans une province,
l'obligation de se conformer aux lois de cette province...
M. Morin: Oui, cela va de soi.
M. Levesque:... qui se rapportent à la conservation des
ressources naturelles et qui s'appliquent en général aux
corporations qui exploitent une entreprise semblable à la sienne".
Deuxièmement, je tiendrais aussi à rappeler au chef de
l'Opposition que cette question a évolué depuis la
dernière fois où on s'est entretenu au cours de l'étude
des crédits, particulièrement en 1974.
M. Morin: Est-ce que je pourrais avoir mon projet de loi?
M. Levesque: D'accord.
M. Morin: Mais continuez. Je ne voulais pas vous interrompre.
M. Levesque: Si je dis que la situation a évolué,
c'est que de plus en plus on se rappelle la dernière
conférence fédérale-provinciale sur la question
économique et plus particulièrement sur l'énergie
on insiste sur les besoins d'énergie, deuxièmement, sur les
besoins d'une exploration plus intense, particulièrement dans le Nord
canadien . Il a paru nécessaire, pour tous les Canadiens, pour tous les
gouvernements du Canada, qu'on favorise l'exploration accrue...
M. Morin: Ce n'est pas ma question. Est-ce que je peux
revenir...
M. Levesque: ... particulièrement dans le Nord canadien ou
...
M. Morin: Oui, oui, d'accord.
M. Levesque: ...dans les Territoires du Nord-Ouest en
particulier...
M. Morin: Oui, bien sûr. Qui relèvent de la
compétence fédérale.
M. Levesque: ... qui relèvent de la compétence
fédérale.
M. Morin: Oui.
M. Levesque: Alors, il est normal, croyons-nous, que le
gouvernement fédéral se donne les moyens d'agir.
M. Morin: Oui, d'accord. Pour ce qui est des Territoires du
Nord-Ouest, pour ce qui est du Grand-Nord, pour ce qui est de tout sauf le
territoire québécois, nous sommes bien d'accord, mais moi, je
vous ai parlé du territoire québécois.
M. Levesque: Quant au territoire québécois, c'est
évident que nous privilégions SOQUIP, premièrement.
M. Morin: Mais ce n'est pas vous qui décidez.
M. Levesque: Non, mais quant à nous...
M. Morin: C'est Pétro-Canada qui va décider.
M. Levesque: Quant à nous, nous avons mis $100
millions.
M. Morin: Eux, ils ont mis $1.5 milliards.
M. Levesque: Non mais enfin, disons que nous allons
privilégier SOQUIP et suivre son action. Deuxièmement, nous
croyons qu'il n'est pas impossible qu'il puisse y avoir association, parce que
la loi fédérale que vous avez devant vous, à l'article 7
d) et e), prévoit la possibilité de telles associations. On peut
même prévoir une association entre Pétrocan et SOQUIP. Je
crois que nous avons encore un autre argument; c'est que nous sommes
maître d'émettre les permis d'exploration et d'exploitation . Nous
avons, jusqu'à maintenant, prouvé que nous privilégions
notre société d'Etat.
M. Morin: II est évident que, lorsqu'il s'agit de
recherche de gisement, de mise en valeur des gisements, lorsqu'il s'agit
d'effectuer des recherches ou de faire de la prospection, la
société d'Etat fédérale va être sujette aux
lois québécoises portant sur la conservation. Elle n'a
constaté, dans cet article, que l'évidence. Une corporation
fédérale doit respecter les lois du territoire sur lequel elle
fonctionne.
Voici ce que je désirais savoir du ministre; il ne m'a pas
rassuré là-dessus... Supposons que SOQUIP, dont la dotation est
faible... Le ministre a dit $100 millions; il aurait dû ajouter en cinq
ans.
M. Levesque: Mais, lorsque l'on sait que l'on parlait de $1
million, $2 millions et $3 millions avant cela et que, tout d'un coup, le
gouvernement du Québec décide d'y aller pour $100 millions...
M. Morin: Oui.
M. Levesque: ... cela veut dire que...
M. Morin: Et que, tout d'un coup, Pétro-Canada va disposer
de $1.5 milliards, il y a des possibilités de conflit, de double emploi,
de chevauchement qui n'échapperont pas au ministre. J'espère, en
tout cas, que cela ne lui échappera pas.
Ce que je lui avais demandé, l'année dernière,
c'était de s'assurer qu'il n'y aurait pas double emploi et qu'on ne
verrait pas Pétro-Canada, par exemple, arriver au Québec non
seulement pour faire de la prospection mais pour distribuer, pour raffiner,
pour commercialiser, parce que là...
M. Levesque: Attendez, attendez.
M. Morin: ... il n'y aurait rien que le Québec pourrait
faire pour empêcher que cela se fasse si le pouvoir fédéral
décide de le faire.
M. Levesque: On remarquera que, dans la loi
fédérale, il y a une préoccupation particulière.
Lorsque l'on voit l'article 14, 5 sur les obligations de se conformer aux lois
de la province, c'est une stipulation qui peut paraître assez normale et
coutumière pour le chef de l'Opposition mais le chef de l'Opposition
voudra bien me citer une autre loi constitutive d'une société de
la couronne fédérale qui a cette disposition. Si on a inscrit
cette disposition, c'est qu'on voulait particulièrement respecter les
institutions provinciales et qu'on voulait faire une sorte de mise en garde.
C'est comme cela que j'interprète cela, moi: le Parlement
fédéral, dans la loi constitutive de Pétrocan, donnait
un avertissement pour ne pas qu'il y ait de méprise ou pour
enlever toute inquiétude.
M. Morin: Oui. Si, vraiment, le Québec avait fait des
représentations et si on avait écouté, si on avait entendu
le Québec, on aurait fait un article plus précis que
celui-là parce que je regrette de dire au ministre que cela va
être une barrière bien faible si jamais Pétro-Canada
décide de s'installer au Québec et d'organiser la prospection et
le raffinage, voire la distribution.
Je ne vois absolument pas ce qui, dans l'article 14, pourrait
l'empêcher de faire à sa tête.
M. Levesque: Le chef de l'Opposition conviendra avec moi que,
jusqu'à maintenant, c'étaient les multinationales qui faisaient
cela.
M. Morin: Et cela vous rassure de savoir que ce sera Ottawa
désormais?
M. Levesque: Que ce soit Pétrocan... Cela ne me surprend
pas à cause de l'option du chef de l'Opposition, mais cela me surprend
cependant qu'objectivement le chef de l'Opposition semble plus inquiet de la
présence d'une société fédérale, dans le
contexte du fédéralisme canadien, qu'il ne semble inquiet de la
présence des multinationales dans le domaine de la distribution du
pétrole.
M. Morin: Le pouvoir québécois pourrait, à
la rigueur, réglementer les activités des multinationales et en
avoir raison, mais je lui souhaite bien du plaisir si jamais il veut mettre
à la raison Pétro-Canada ou le pouvoir fédéral. Si
je m'en tiens en tout cas à l'expérience du ministre dans les
autres dossiers où il a eu affaire au pouvoir fédéral, je
dois avouer qu'on a lieu d'être inquiet.
M. Levesque: Dans certains dossiers où se complaît
le chef de l'Opposition, particulièrement lorsqu'il essaie d'être
aussi négatif qu'il l'est depuis quelques jours, mais je peux...
M. Morin: Je vous pose des questions et j'avoue qu'il y a de quoi
être inquiet.
M. Levesque: Si au lieu de poser des questions, je donnais les
réponses sur les sujets qu'évite volontiers le chef de
l'Opposition...
M. Morin: Je n'en ai pas évité beaucoup. Donnez-moi
ceux que j'ai évités.
M. Levesque: Je vais vous en donner deux dont vous ne m'avez pas
parlé et qui sont extrêmement importants pour les
Québécois.
M. Morin: II reste dix minutes.
M. Levesque: La péréquation, il n'en parle pas
souvent de cela le chef de l'Opposition.
M. Morin: On en a parlé hier.
M. Levesque: La question énergétique, on n'en parle
pas souvent.
M. Morin: Bien, je vous en parle là.
M. Levesque: Vous en parlez, vous parlez de Pétrocan, mais
vous avez oublié de parler de ce qui s'est passé l'an dernier
alors que le Québec a reçu plus de $1 milliard...
M. Morin: Voulez-vous qu'on en parle?
M. Levesque: ...à cause de la redistribution de la taxe
d'exportation.
M. Morin: Votre aide sociale? M. Levesque: Voyons
donc!
M. Morin: Parlez-nous donc du développement...
M. Levesque: Vous ne parlez pas des choses positives...
M. Morin: Ce n'est pas à vous que je dois parler de
cela.
M. Levesque: ...qui font l'honneur du fédéralisme
canadien...
M. Morin: Ce n'est pas à vous que j'ai à parler de
cela.
M. Levesque: ...et qui aident réellement les
Québécois. Vous êtes en train de faire l'analyse...
M. Morin: Vous irez lire les débats intervenus entre le
ministre de l'Industrie et du Commerce et moi-même au sujet du projet
Hercule et au sujet des autres projets et surtout des projets qui ont dû
être abandonnés par le pouvoir québécois à la
suite des événements des deux dernières années, des
projets d'investissement dans le domaine pétrolier.
M. Levesque: Attendez un peu, ce n'est pas fini.
M. Morin: Bien, vous prendrez connaissance en tout cas des
débats qui sont intervenus.
Le Président (M. Gratton): Messieurs, puis-je m'informer
auprès du leader si nous devons voter avant six heures ou si nous allons
continuer jusqu'à six heures? Au moment où les cloches
sonneront?
M. Levesque: Quand les cloches sonneront.
M. Morin: M. le Président, je vais laisser de
côté à regret ce dossier. Nous y reviendrons certainement
par la suite, surtout si Pétro-Canada vient mettre ses gros pieds dans
les petits plats
québécois et si SOQUIP modestement est obligée de
se tasser pour faire de la place. On en reparlera.
M. Levesque: Ne soyez pas négatif.
M. Morin: Nous en reparlerons. Le ministre sait très bien
qu'il devrait avoir des inquiétudes, tout comme moi, sur ce chef.
Parlons un peu de l'agriculture. Puisque le temps nous manque, je vais
laisser tomber la question du crédit agricole, dont nous avons
d'ailleurs traité l'an dernier, pour parler des grains de provende.
Dernièrement, les agriculteurs québécois ont
éprouvé beaucoup de difficultés à s'approvisionner
en grains de provende en raison des politiques fédérales dans le
domaine du transport et en raison aussi de la politique fédérale
dans le domaine des relations du travail. Les grains que les agriculteurs
québécois ont réussi à obtenir leur ont
coûté les yeux de la tête: dans certains cas, un pourcentage
important d'augmentation des coûts. Le ministre de l'Agriculture a
déclaré en Chambre que la compensation pour ces prix plus
élevés devait venir du gouvernement fédéral.
J'aimerais savoir quelle a été l'activité du
ministère des Affaires intergouvemementales dans ce domaine de la
compensation pour l'augmentation des prix des grains de provende. Est-ce que le
ministère a été saisi de ce dossier par le
ministère de l'Agriculture et est-ce qu'il a entrepris des
démarches auprès du gouvernement fédéral?
M. Levesque: Je n'ai pas très bien compris la fin de la
question.
M. Morin: Je vous rappelais que votre collègue de
l'Agriculture a déclaré que la compensation pour les pertes
subies en raison de l'augmentation des prix des grains de provende devait venir
du gouvernement fédéral. Je vous demande si vous avez
été saisi de ce dossier et quelles démarches avez-vous
entreprises.
M. Levesque: Disons, d'abord, que la situation dans les grains de
provende a connu une amélioration sensible avec la nouvelle politique
que nous avons gagnée de la part du gouvernement fédéral.
Nous avons fait des demandes répétées au gouvernement
fédéral qui a finalement mis en place, en 1973, pour une
période d'essai d'un an, une nouvelle politique relative aux grains de
provende. Le but recherché, évidemment, était de diminuer
l'écart de prix qui existe entre l'est et l'ouest du pays pour ces
produits. Il y avait cette question aussi dont on a souvent parlé que,
sur le plan international, on pouvait obtenir des grains de provende canadiens
à un meilleur prix que les producteurs de l'est pouvaient l'obtenir.
Une nouvelle politique fédérale permanente est
entrée en vigueur le 1er août 1974. C'est vrai, comme le mentionne
le chef de l'Opposition, qu'il y a eu certains points sombres au tableau.
Lorsqu'il parle, lui, des relations de travail du gouver- nement
fédéral, moi, je parle des conflits ouvriers qui ont eu lieu dans
les ports des Grands Lacs, en 1974, et dans ceux du Saint-Laurent, en 1975, et
qui existent présentement. Il existe, évidemment, un écart
encore entre l'ouest et l'est, mais je crois que nous avons réussi
à faire enlever ce qui n'était sûrement pas normal dans la
question des grains de provende.
M. Morin: Mais la question que je vous pose porte sur la
compensation exigée ou demandée par les agriculteurs
québécois à la suite de la crise des grains de provende,
au cours des derniers mois. Le ministre de l'Agriculture a
déclaré qu'il appartenait au gouvernement fédéral
de fournir cette compensation. Je vous demandais si votre ministère a
été saisi de cette demande ou bien si le ministre de
l'Agriculture disait cela comme ça pour faire taire les plaintes et les
râlements et les grincements de dents.
M. Levesque: C'est très récent, pour notre
ministère. Nous avons effectivement été saisis de cette
question par les fonctionnaires du ministère de l'Agriculture,
très récemment, auprès des fonctionnaires du
ministère des Affaires intergouvernementales.
M. Morin: Et quelle est votre attitude?
M. Levesque: Bien, c'est que nous allons donner suite,
évidemment, à cette demande de la part du ministère de
l'Agriculture
Fonds mutuels
M. Morin: Bien. Alors, nous reviendrons là-dessus en temps
et lieu.
Au chapitre des institutions financières, j'aimerais vous
rappeler que, l'année dernière, j'ai soulevé quatre
questions. La première avait trait au projet d'une commission
fédérale des valeurs mobilières.
La seconde portait sur l'avant-projet de loi fédérale sur
les fonds mutuels. La troisième avait pour objet le tamisage des
investissements étrangers. Et enfin la quatrième portait sur la
récupération du contrôle complet des assurances.
Tout d'abord, étant donné que le temps va nous manquer, je
vais retenir la question la plus importante, celle des fonds mutuels. Il y
avait un avant-projet de loi sur les fonds mutuels auquel je me suis
référé, d'ailleurs, à la page 2983 des
Débats de l'année dernière. Le ministre, l'an dernier,
m'avait semblé assez peu au courant du problème. En fin de
compte, on nous avait informé que cette question était à
l'étude au ministère des Institutions financières et
qu'une décision serait prise plus tard en ce qui concerne
l'opportunité de faire des représentations au gouvernement
fédéral.
Est-ce que le Québec accepte qu'Ottawa ait la compétence
constitutionnelle en matière de fonds mutuels? Est-ce que l'avant-projet
de loi fédéral paraît constitutionnel aux yeux du
ministère des Affaires intergouvernementales?
Je vous avais prévenu.
Vous n'avez pas l'air d'être plus au courant que l'année
dernière. Pourtant il a eu un an pour se familiariser à ce
dossier.
M. Levesque: II faut bien comprendre qu'on demande au ministre
des Affaires intergouvernementales tous les dossiers sectoriels qu'on se
plaît à éplucher dans chacun des ministères. Il
faudrait avoir une connaissance universelle de tous les dossiers qui existent
dans tous les ministères et de tous les sujets les plus
abracadabrants.
M. Morin: C'est un rôle terrible mais crucial.
M. Levesque: Donc, qu'on me donne au moins quelques secondes
entre les questions.
M. Morin: Oui, très volontiers. Je voyais approcher les 18
heures, c'est ce qui m'inquiétait.
A moins qu'on remette à plus tard, je serais prêt à
revenir après le dîner.
M. Levesque: A la suite de cet avant-projet de loi, il y a eu, en
fait, une certaine inquiétude manifestée par le président
de la Commission des valeurs mobilières et nous avons donné un
mandat à une firme d'avocats de Montréal, demandant que cet
avant-projet de loi fasse l'objet d'une étude sur le plan juridique.
M. Morin: Vous voulez dire que vous n'avez pas consulté
vos propres spécialistes dans le domaine constitutionnel?
M. Levesque: Ce sont nos propres spécialistes qui nous ont
donné ce conseil. Ils n'avaient peut-être pas de
disponibilité au contentieux pour le faire et nous avons confié
un mandat.
M. Morin: Oui, à une firme honorable de gens bien vus.
M. Levesque: Est-ce que le chef de l'Opposition les
connaît? Mes Olivier Prat, De Grandpré, Colas, Amyot, Lesage
et...
M. Morin: Oui, je les connais très bien.
M. Levesque: Nos officiers, après l'étude de l'avis
juridique et selon leur propre opinion, sont d'avis que cet avant-projet de
loi, sous plusieurs aspects, serait incompatible avec la constitution. Dans les
circonstances ils présentent une proposition au gouvernement
fédéral pour que cet avant-projet de loi ne prenne pas naissance
sous sa forme actuelle.
M. Morin: J'avais encore des questions sur les institutions
financières et les relations de travail. Est-ce que le ministre serait
disposé à revenir ce soir, même si c'est mercredi? En ce
qui me concerne, je n'aurais pas d'objection.
M. Levesque: Pas ce soir, nous avons d'autres engagements.
J'avais fait certains arrangements avec le leader...
M. Morin: Vous aviez fait les arrangements avec le leader.
M. Levesque: Oui.
M. Morin: Nous allons les respecter dans ce cas. Ces arrangements
étaient que nous terminerions ce soir.
M. Levesque: Ce soir, et que demain nous prendrions les Affaires
sociales.
M. Morin: Dans ce cas, si l'arrangement a été fait,
il est fait. Je n'insisterai pas davantage.
J'inviterais seulement le ministre, non plus seulement à explorer
les impasses auxquelles il fait face, mais à tenter d'en sortir au cours
de l'année qui vient, jusqu'à ce que nous nous retrouvions
à nouveau, pour ces entretiens cordiaux. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Gratton): Messieurs, est-ce que les
programmes I, 2 et 4 sont adoptés?
M. Morin: Adopté.
Le Président (M. Gratton): Adopté.
M. Levesque: Je vous remercie, M. le Président, je
remercie le chef de l'Opposition de nous tenir sur le qui-vive d'année
en année. Lorsque nous passons nos examens, nous nous demandons si le
professeur va poser des questions sur tel ou tel sujet. Cette fois-ci, je pense
que je me suis trompé, je m'attendais d'avoir des questions sur les
meuneries, des questions sur le transport interprovincial, comme l'an dernier,
mais cette année il ne m'en a pas parlé.
M. Morin: Oui, mais elles venaient. C'est ce que j'allais vous
poser ce soir.
M. Levesque: Des questions sur les lois du travail dans le
domaine de la construction.
M. Morin: Oui, cela allait peut-être venir, mais
étant donné que les leaders ont fait une entente, je la
respecte.
Le Président (M. Gratton): Messieurs, merci. La commission
ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 18 h 2)