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Version finale

31st Legislature, 2nd Session
(March 8, 1977 au December 22, 1977)

Tuesday, June 14, 1977 - Vol. 19 N° 123

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 2 — Loi régissant le financement des partis politiques et modifiant la Loi électorale


Journal des débats

 

Etude du projet de loi no 2 Loi régissant le financement

des partis politiques et modifiant la Loi électorale

(Dix heures quatorze minutes)

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, messieurs!

La commission de la présidence du conseil, de la constitution et des affaires intergouvernementales est réunie pour poursuivre l'étude des mémoires qui ont été présentés concernant le projet de loi no 2, la Loi régissant le financement des partis politiques et modifiant le Loi électorale.

Les membres de la commission sont: M. Bertrand (Vanier) remplacé par M. Gagnon (Champlain); MM. Biron (Lotbinière), Bisaillon (Sainte-Marie), Burns (Maisonneuve), Fontaine (Nicolet-Yamaska), Forget (Saint-Laurent), Garneau (Jean-Talon), Johnson (Anjou), Laberge (Jeanne-Mance), Levesque (Bonaventure); M. Lévesque (Taillon), remplacé par M. Gendron (Abitibi-Ouest); MM. Martel (Richelieu), Morin (Louis-Hébert); M. Morin (Sauvé) remplacé par M. Proulx (Saint-Jean); M. Paquette (Rosemont) remplacé par M. Mercier (Berthier); MM. Raynauld (Outremont), Roy (Beauce-Sud), Samson (Rouyn-Noranda), Vau-geois (Trois-Rivières); M. Blank (Saint-Louis) remplace M. Forget (Saint-Laurent); M. Gratton (Gatineau) remplace M. Garneau (Jean-Talon); M. Lavoie (Laval) remplace M. Raynauld (Outremont); M. Biron (Lotbinière) remplacé par M. Russell (Brome-Missisquoi).

Est-ce que le député de Beauce-Sud désire se remplacer?

M. Roy: Le député de Beauce-Sud se représente lui-même.

Le Président (M. Marcoux): II se remplace lui-même.

M. Burns: Le député de Beauce-Sud remplace le député de Beauce-Sud.

Le Président (M. Marcoux): Avant de céder la parole à M. le ministre, on m'a demandé de vous faire distribuer un addendum au texte de la Commission des droits de la personne du Québec et également un texte qui s'intitule "Réponse de M. Robert Burns, ministre d'Etat, aux commentaires préliminaires de la Commission des droits de la personne sur le projet de loi régissant le financement des partis politiques et modifiant la Loi électorale." On va distribuer cela immédiatement.

Discussion préliminaire

M. Burns: Je peux vous dire d'avance que je suis d'accord avec l'addendum de la Commission des droits de la personne.

M. Lavoie: M. le Président, avec votre permission, est-ce que je pourrais... On a distribué un document de M. Burns.

M. Burns: C'est ma déclaration.

M. Lavoie: C'est votre déclaration. Est-ce que vous avez l'intention de la lire?

M. Burns: Oui.

M. Lavoie: D'accord, autrement j'aurais demandé de suspendre cinq minutes, parce que...

M. Burns: Non, je vais vous la lire tout de suite. Et étant donné...

M. Lavoie: Je sais que vous en avez pris connaissance, on voudrait bien en prendre connaissance.

M. Burns: J'en ai pris connaissance, oui. Je l'ai surtout rédigée avec mes collaborateurs.

Comme tout le monde a reçu cette opinion préliminaire de la Commission des droits de la personne, je présume qu'il était normal que le ministre responsable du projet de loi commente cette opinion et, aussi, donne à la commission la direction que le gouvernement entend suivre relativement au projet de loi no 2.

C'est l'occasion, à mon avis, rêvée de faire cette déclaration.

M. Lavoie: Si je comprends bien le programme de la commission, ce matin, il y avait deux buts.

M. Burns: A votre demande non pas en tout respect pour vous, M. le Président, et par rapport à ce que vous avez dit tout à l'heure, pour continuer à entendre les mémoires, mais plutôt une commission de parlementaires avec l'assistance d'une opinion de la Commission des droits de la personne et l'assistance à caractère technique du président général des élections, M. le juge Drouin, qui est ici présent. J'ai communiqué avec M. Hur-tubise, président de la Commission des droits de la personne, et il m'a dit qu'il n'avait aucunement l'intention d'être présent, qu'en ce qui le concernait le boulot de la Commission des droits de la personne avait été fait, c'est-à-dire que l'opinion avait été déposée. Comme il ne veut pas — je pense que, là-dessus, on doit l'appuyer; je ne veux pas être contre ce point de vue — être présent au débat politique comme tel, il s'est dit absolument en désaccord sur la présence même d'un membre de la Commission des droits de la personne à cette commission parlementaire.

Quant au juge Orouin, il y a de nombreux précédents où le juge Drouin, comme président général des élections, est venu donner des informations à caractère technique parce que c'est probable-

ment la personne qui connaît cela le mieux, actuellement au Québec, à cause de l'expérience qu'il a et à cause d'un certain nombre de phénomènes dans les faits qui ont été vécus dans les 33 dernières années où il était président général des élections. C'est dans ce sens que le président général des élections a accepté de venir, non pas pour se prononcer sur le projet de loi. Ayant parlé au député de Laval, en privé, je sais que ce n'était pas du tout son intention, lorsqu'il demandait la présence du juge Drouin, le président général des élections.

M. Lavoie: En réponse aux propos du ministre d'Etat responsable de fa réforme électorale — réforme électorale; j'ai bien dit — ..

M. Burns: Et parlementaire.

M. Lavoie: ...je confirme que le but de cette rencontre était de continuer nos explorations, nos travaux préliminaires dans l'étude de ce projet de loi. Personnellement, je l'ai exprimé. Lorsque de tels projets de loi ont été adoptés aux endroits que nous avons visités, Washington, Sacramento, en Californie, Ottawa et Toronto, cela a été fait, en général, avec la collaboration de tous les partis politiques qui siègent dans ces différents Parlements. Ce n'est pas un regret que j'exprime, mais j'aurais souhaité, pour qu'un tel projet de loi se réalise et devienne un succès, afin qu'il soit bien accepté de tous les partis politiques, un peu plus de collaboration et de consultation des partis politiques.

En général, quant à tous les projets de loi qui constituent la base de notre démocratie, les projets de loi électoraux, je souhaiterais que ce soit la formule qu'on puisse appliquer afin d'en arriver, après une consultation avec les partis politiques, à aplanir énormément de difficultés. J'ai l'impression qu'on en arrive, en général, à un consensus qui est acceptable par tous les partis politiques. C'est la raison pour laquelle je suis tout à fait favorable à cette séance de travail de ce matin où il y aura, de la part de tout le monde, une ouverture d'esprit pour aplanir le plus de difficultés possible et qu'on puisse s'entendre sur la grande majorité des principes. Je crois que tout le monde est favorable au principe même du projet de loi, sans aller dans les détails; c'est une évolution normale de notre système électoral. Il faut qu'on donne l'impression que non seulement les élections se fassent dans la plus grande honnêteté, la plus grande confiance possible des citoyens, mais qu'il y ait également plus que cette réalité, qu'il y ait une apparence — c'est un mot que j'ai appris du député de Maisonneuve — ...

M. Burns: Je suis d'accord.

M. Lavoie: ...une confiance qu'on puisse transmettre à la population dans tout ce processus démocratique.

Si nous avons souhaité que le juge Drouin vienne ici, ce n'est pas pour l'inviter, loin de là, à s'impliquer dans un débat politique.

Nous avons à peine quelques questions à lui poser sur le point de vue technique de l'administration de cette nouvelle loi, etc. J'avais émis l'opinion d'avoir des commentaires, un rapport de la Commission des droits de la personne, ce que nous avons eu la semaine dernière. Je suis désireux de connaître la réponse du ministre responsable de cette loi. Mon voeu était d'avoir le rapport, le commentaire, mais lors de notre dernière séance, il y a eu un ajout à cela de la part du député de Beauce-Sud et du représentant de l'Union Nationale le député de Mégantic-Compton, je crois, voulant que non seulement on ait ce rapport, mais qu'on ait une personne de la commission à notre disposition.

Si cette personne ne désire pas venir, c'est vrai qu'il y aurait toujours des moyens de la forcer à le faire, mais pour le moment ce n'est pas mon intention de me servir de gros moyens. Si j'ai appuyé la proposition du député de Beauce-Sud, c'était pour obtenir peut-être, le long de la discussion, des renseignements supplémentaires. Pour le moment, je n'insisterai pas davantage pour qu'on lance toute la grosse artillerie pour avoir les témoins, dans le respect des institutions parlementaires, parce qu'une commission se transforme souvent un peu comme un tribunal.

M. Burns: Si vous me le permettez, M. le député de Laval, j'ai fait part au député de Beauce-Sud, qui suggérait la présence de quelqu'un du bureau de la Commission des droits de la personne, de la réponse de M. Hurtubise, le président. Je ne veux pas précéder ses commentaires, mais je pense qu'à ce moment-là il acceptait comme valable la décision du président, au nom de la Commission des droits de la personne, de ne pas comparaître, me disant tout simplement: Notre opinion est là, faites-en ce que vous voudrez, on vous la donne.

M. Russell: M. le Président, quelques mots...

Le Président (M. Marcoux): Le député de Beauce-Sud avait demandé la parole avant.

M. Roy: M. le Président, merci, je ne veux pas précéder mon collègue de l'Union Nationale, mais cependant, ce que vient de dire le leader du gouvernement est tout à fait exact. C'est que vendredi dernier, il est venu me rencontrer il m'a fait part de l'opinion de M. Hurtubise, la personne responsable des droits de la personne, disant qu'il préférait, et de beaucoup, ne pas venir comparaître devant la commission parlementaire.

Or, si j'avais fait cette proposition, M. le Président, à l'occasion d'une séance antérieure, je voudrais qu'il soit bien clairement établi que ce n'était pas dans le but d'amener M. Hurtubise dans un débat politique.

Je pense qu'il est normal et de tradition que, lorsqu'un organisme présente un mémoire en commission parlementaire, il vienne présenter ce mémoire lui-même. Il est normal, à ce moment, pour les membres de la commission de pouvoir interroger ceux qui ont fait la lecture de ce mémoire

et l'ont présenté, de façon à avoir plus d'explications.

Comme l'a dit le député de Laval, il est évident que nous pourrions le convoquer par une motion de cette commission. Je ne ferai pas une telle motion parce que je pense qu'il faut admettre que, pour M. Hurtubise, il y a là des responsabilités assez particulières, assez délicates parfois. Ce n'était pas mon idée et ce ne l'est pas encore de lui compliquer la tâche.

M. le Président, j'ai d'autres observations à faire, mais j'aimerais faire motion quand même, étant donné que le leader du gouvernement se prépare à répondre au mémoire de la Commission des droits de la personne, pour que le mémoire puisse être ajouté de façon intégrale en annexe au journal des Débats de la présente commission parlementaire. Je pense que c'est tout à fait normal, étant donné que l'on va tous faire certains commentaires, chacun de notre côté, sur ce mémoire, qu'il puisse être ajouté intégralement au journal des Débats.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que la motion du député de Beauce-Sud est acceptée?

M. Burns: En ce qui me concerne, M. le Président, c'est accepté. Je n'ai aucune objection.

M. Lavoie: Si je comprends bien, c'est pour que les commentaires préliminaires de la Commission des droits de la personne soient ajoutés au journal des Débats.

M. Burns: L'opinion, je pense, qui vous a été remise, à tous.

Le Président (M. Marcoux): Y compris l'addendum?

M. Burns: Y compris l'addendum qui vous a été remis ce matin.

M. Roy: Oui, que ce soit ajouté en annexe au journal des Débats pour consultation.

M. Burns: Entièrement d'accord.(voir annexe) M. Roy: Je vous remercie, M. le Président.

M. Lavoie: Ce sont les commentaires préliminaires.

M. Roy: Le document qui nous a été remis, qui est daté du 31 mai 1977, dont tout le monde a copie.

M. Lavoie: D'accord.

M. Roy: Je remercie le juge Drouin de s'être rendu au désir de la commission ce matin. Nous allons pouvoir l'interroger, mais, encore une fois, je veux le rassurer en lui disant que ce n'est pas mon intention de lui poser des questions qui pourraient le placer dans une situation délicate. Le but de sa présence parmi nous est d'être à la disposition de la commission et de pouvoir répondre le plus objectivement possible. Je suis assuré que, compte tenu de sa longue expérience, sa présence sera très bénéfique à tous les membres de cette commission. Cependant, j'aimerais ajouter ceci, M. le Président, et je suis bien à mon aise pour le dire: J'ai relu le mémoire, il y a quelques jours. J'ai pris connaissance des commentaires préliminaires de la Commission des droits de la personne et j'en suis venu à la conclusion qu'il faudra être très prudents et prendre notre temps dans l'élaboration d'une telle loi.

Si je dis que je suis à mon aise, c'est parce que, lorsqu'on parle du financement des partis politiques, on sait très bien que le gouvernement a dit à plusieurs occasions qu'il voulait mettre un terme aux grosses caisses électorales occultes.

N'ayant jamais été soumis à ces grosses caisses électorales, je suis d'autant plus à mon aise pour dire qu'il n'y a pas d'urgence, parce que je ne sache pas que notre démocratie soit en danger au Québec, à l'heure actuelle. Je ne sache pas qu'il soit impossible, pour une population qui veut s'organiser, de s'exprimer, de s'organiser à l'intérieur d'un parti politique, de le financer et d'être en mesure...

M. Burns: Je ne pense pas qu'on soit venu ici pour discuter de l'opportunité d'adopter ou de ne pas adopter le projet de loi. Je ne pense pas non plus qu'on soit au niveau du principe du projet de loi. C'est dans ce cadre, M. le Président, que j'avais compris la séance de la commission parlementaire. J'avais compris, entre autres, que les membres de l'Opposition avaient exprimé le désir d'avoir une séance additionnelle à la suite du dépôt des mémoires pour que nous discutions ensemble d'un certain nombre de problèmes à caractère technique sur le projet de loi, dont l'opinion de la Commission des droits de la personne. Je n'ai pas d'ordre à donner au député de Beauce-Sud, mais je pense...

M. Roy: J'en profite... je ne veux pas...

M. Burns: ...qu'il est en train de faire son discours de deuxième lecture.

M. Roy: Non, je ne suis pas en train de faire mon discours de deuxième lecture puisque je ne connais pas le texte réimprimé du projet de loi, comme l'a dit l'honorable leader du gouvernement. Je veux quand même en profiter pour dire, à la suite des propos qui ont été tenus par le député de Laval également, qu'il n'y a pas urgence. Nous ne sommes pas à la veille d'une campagne électorale. J'aimerais, si c'est nécessaire, à la suite de la séance de la commission parlementaire de ce matin, qu'il y en ait une autre, deux autres, trois autres, quatre autres, de façon à trouver une formule pour faire un consensus unanime entre les différentes formations politiques qui sont actuellement représentées à l'Assemblée nationale.

C'est dans ce sens que je fais mon intervention parce que cette loi comporte, évidemment,

des dispositions, des restrictions, des obligations. Il n'y a pas urgence puisque — c'est ce que je voulais dire au moment où l'honorable leader du gouvernement a pris la parole — cela n'a pas empêché le Parti québécois de faire souscrire récemment $1 million. Cela n'a pas empêché la formation d'autres partis politiques. Actuellement, d'autres partis politiques peuvent naître au Québec.

Dans notre législation il va falloir être extrêmement prudents pour ne pas brimer les initiatives, les droits d'expression des gens, des groupes, des individus et de ceux qui sont Intéressés par la vie québécoise, mais faire en sorte que la loi sur laquelle nous pourrons finalement nous entendre afin de faire un consensus puisse répondre aux besoins actuels sans mettre du sable dans l'engrenage de notre démocratie, chez nous.

M. Burns: D'accord.

M. Russell: M. le Président, tout simplement quelques remarques.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Russell: A la suite des propos tenus par le leader parlementaire du gouvernement, je regrette d'abord l'absence du président de la Commission des droits de la personne ou d'un de ses membres. Même s'ils nous ont soumis un mémoire, ils disent eux-mêmes dans le mémoire que c'est simplement une opinion préliminaire et partielle. Donc, étant donné que c'est préliminaire et partiel, je pense qu'il aurait dû au moins déléguer quelqu'un à qui on pourrait s'adresser pour obtenir des informations supplémentaires si la commission le désire.

M. Burns: On peut les comprendre quand même.

M. Russell: Je ne suis pas d'accord lorsqu'on parle d'un débat politique. Je comprends que c'est fait par des politiciens ce débat mais c'est une discussion, ce matin, en vue d'éclairer la commission pour la création d'une loi qui peut affecter la population du Québec en général.

M. Burns: Si vous me le permettez... M. Russell: Oui.

M. Burns: Si je veux me faire l'interprète de M. Hurtubise, à qui j'ai parlé vendredi dernier, ce n'est pas par non-respect de la commission, ce n'est pas non plus dans le but de ne pas donner des détails additionnels. C'est tout simplement que cette commission, je pense, à bon droit, se considère au-dessus et en dehors de toute possibilité de discussion politique. A long terme, ce serait mauvais. Là-dessus je partage entièrement l'opinion de M. Hurtubise et des membres de la commission, c'est difficile pour eux de se faire demander des opinions qui déjà imposent un far- deau assez lourd à une commission lorsqu'on leur demande des opinions sur des projets de loi à venir — parce que c'est cela, dans le fond, on est au stade de la première lecture — en plus de se faire demander de venir, à l'occasion de la discussion du projet de loi sous l'une ou l'autre des ses formes. Là-dessus, je partage entièrement l'opinion de M. Hurtubise et des membres de la commission, c'est-à-dire que c'est très difficile pour eux d'arriver, même de façon technique, dans l'arène politique.

M. Russell: M. le Président, je suis convaincu que le leader parlementaire va me permettre de respecter son opinion du président, mais sans la partager. Je pense qu'il s'agit, ce matin, d'une discussion très technique, et les membres de la commission ont le droit de demander aux meilleurs éléments de venir nous renseigner, parce que cette loi peut avoir des conséquences assez importantes. Dans le contexte actuel, je pense que M. Hurtubise ou la commission aurait peut-être dû déléguer quelqu'un, mais c'est encore là leur choix, ce sont eux qui décident, on n'a pas à les critiquer. Je suis prêt à me rallier au désir qui a été exprimé par le leader de l'Opposition, ce qui fait qu'on ne fera pas de motion pour le faire venir pour respecter cette décision.

On verra plus tard, selon la façon dont les choses de dérouleront, s'il est nécessaire d'avoir d'autres mesures pour se renseigner.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

Objectifs politiques du projet de loi

M. Robert Burns

M. Burns: M. le Président, je suis heureux que les commentaires préliminaires de la Commission des droits de la personne me donnent aujourd'hui l'occasion de réaffirmer les grands objectifs politiques poursuivis par le projet de loi no 2 sur le financement des partis politiques. Je veux d'abord rappeler qu'à titre de ministre d'Etat à la réforme électorale et parlementaire, n'en déplaise à mon collègue de Laval, je me suis donné comme objectif de remettre et de garantir aux citoyens électeurs le contrôle rigoureux du processus électoral.

Ce contrôle du processus électoral passe inévitablement par le contrôle rigoureux du financement des partis politiques. Il m'apparait essentiel que les électeurs retrouvent leur confiance dans le processus électoral et dans ses acteurs, c'est-à-dire les partis politiques, les hommes politiques et, ultimement, le gouvernement. Cette confiance, les électeurs la retrouveront si les acteurs ne sont plus soumis aux pressions occultes des forces financières. C'est pourquoi notre gouvernement s'est engagé, avec l'appui de la population québécoise, je pense, à abolir les caisses électorales occultes. Aucune recommandation, d'où qu'elle vienne, ne fera reculer le gouvernement sur ce sujet.

Quant au premier point, c'est-à-dire celui de la divulgation des sources de financement des partis politiques, nous considérons qu'il répond aux droits du citoyen à l'information. Je voudrais rappeler aux membres de la Commission des droits de la personne le principe du droit du citoyen à l'information relativement à la divulgation des sources de financement des partis politiques. Il m'apparait que pour l'électeur, qui doit choisir entre diverses formations politiques, il n'est pas indifférent de connaître les appuis financiers de telle ou telle formation politique, c'est-à-dire de connaître ceux qui ont intérêt à voir tel ou tel parti prendre en main les destinées du pays. Ce n'est pas, à mon avis, court-circuiter un principe fondamental de nos institutions politiques, c'est-à-dire le secret du vote, que de permettre à un citoyen d'élire en toute liberté les représentants politiques de son choix en lui garantissant l'accès à une information pertinente sur les sources de financement des formations politiques qui sollicitent son appui. Selon la même logique, nous apporterons une correction à l'actuel projet de loi qui obligera la divulgation de l'utilisation des fonds souscrits par l'Etat aux partis politiques. Là-dessus, je me range totalement derrière l'opinion de la Commission des droits de la personne. Lorsqu'on demande la divulgation concernant l'utilisation de fonds privés, si je peux les appeler comme tels, c'est-à-dire des contributions et de leur utilisation, il me semble tout à fait normal qu'éventuellement les fonds publics, eux aussi, soient divulgués, non seulement quant à leur montant, mais quant aussi à leur utilisation.

La Commission des droits de la personne nous dit que la liberté de former une association politique doit être facilitée à tous en pleine égalité. Vous ne serez pas étonné de me voir exprimer, M. le Président, un accord total sur cet énoncé de la Commission des droits de la personne. C'est pourquoi, comme je l'ai déjà annoncé lors de la commission parlementaire ou lors d'une séance précédente, l'article 23-D sera amendé de la façon suivante: Le directeur général — je cite — peut accorder une autorisation à un parti qui, au cours d'un congrès, s'est élu un chef, qui a des associations de comté dans au moins dix districts électoraux et qui s'engage à présenter des candidats officiels dans au moins dix districts lors des plus prochaines élections générales.

Cet amendement, à notre avis, permettra la naissance de partis régionaux et même de partis ethniques. Mais vous comprendrez qu'un Etat doive conserver ce seuil minimal de représentativité, s'il veut continuer à subventionner les partis politiques.

Je voudrais à ce chapitre, m'élever contre l'interprétation erronée, à mon avis, de la Commission des droits de la personne concernant l'article 23c et d). Dès son autorisation par le directeur général, un nouveau parti politique, en fait, peut recevoir des contributions et effectuer des déboursés, à la condition qu'il manifeste son intention de présenter des candidats dans le nombre de comtés fixé par la loi. Vous voyez que, par l'an- nonce d'un éventuel amendement, on réduit cela de 50 districts à 10 districts. Nous ne comprenons pas que la commission fixe des délais là où le projet de loi n'en prévoit aucun.

Quant au candidat indépendant, il faut noter que le projet de loi lui attribue le pouvoir de recevoir des contributions et d'effectuer des déboursés dans la mesure où il se prévaut de l'autorisation du directeur général et qu'il désigne son représentant officiel à cette fin. D'ailleurs, le candidat indépendant, il ne faudra jamais l'oublier, n'a pas d'existence légale en dehors de la période électorale, et cela va de soi, à cause de son statut. Il ne peut réclamer d'appartenance à un parti politique autorisé ou non; c'est le choix qu'il a fait lui-même. Je ne vois pas en quoi, par rapport à la situation passée, le projet de loi actuel constitue, face au candidat indépendant, une atteinte aux libertés d'opinion, d'expression et d'association et au droit de se porter candidat. C'est un choix que le candidat indépendant fait de ne pas se rallier à une formation politique autorisée.

Quant au droit d'expression des associations autres que les partis politiques, j'ai déjà mentionné, au cours de la première semaine de mai, et cela conformément au titre du projet de loi et aux notes explicatives qui l'accompagnaient — il ne faudrait jamais les oublier — que nous ne visions nullement à interdire aux associations autres que les partis politiques le droit d'intervention dans la discussion publique des politiques de l'Etat ou des partis politiques. C'est pourquoi la nouvelle rédaction du projet de loi, par le biais de la définition des contributions et en conformité de la Loi électorale, garantira aux associations ce droit que nous n'avons jamais voulu mettre en cause, d'autant plus que l'exercice de ce droit a constitué pour notre gouvernement, par exemple, dans le dossier de l'assurance-automobile, le soutien le plus évident de son action législative.

Quant au principe de l'inviolabilité de la demeure, à ce sujet, je voudrais vous informer que je tiendrai compte des remarques de la Commission des droits de la personne et que la nouvelle rédaction du projet de loi stipulera que le directeur général doit obtenir, pour effectuer une perquisition, un mandat émis par un juge de la Cour supérieure. C'est une des remarques que j'ai trouvées tout à fait acceptables et je ne vois pas pourquoi un gouvernement se diminuerait en acceptant une opinion comme celle-là et en l'intégrant à son projet de loi. Donc, lorsqu'il y aura réimpression du projet de loi, vous verrez un ajouté qui tient compte de cette remarque de la Commission des droits de la personne.

Quant aux contributions des personnes morales, vous comprendrez que je m'attarde plus longuement aux commentaires de la Commission des droits de la personne relatifs à ces contributions, c'est-à-dire celles des personnes morales, au financement des partis politiques. Le gouvernement dont je fais partie a décidé de maintenir l'interdiction faite aux compagnies de contribuer au financement des partis politiques. Par là, il réaffirme que seuls les citoyens électeurs peuvent contrôler

le financement des partis politiques. Les partis politiques appartiennent aux seuls électeurs.

Vous devez savoir que notre gouvernement légiférera dans le domaine de la consommation pour réduire l'inégalité de fait des citoyens consommateurs face aux géants de la consommation en permettant, par exemple, le recours collectif. Dans l'actuel projet de loi, l'interdiction qui est faite aux compagnies de contribuer au financement d'une formation politique particulière relève de la même analyse. Sur le plan financier, quand vient le temps d'effectuer des contributions à un parti politique, il y a une inégalité entre le citoyen électeur et la compagnie multinationale avec son puissant réservoir de capitaux.

Nous avons décidé, et en cela nous nous sentons appuyés par l'ensemble des électeurs québécois, de vaincre le cancer de l'argent qui rongeait nos institutions publiques et politiques. L'inégalité financière entre les électeurs et les compagnies ne pourra plus, espérons-le, produire des gouvernements soumis aux diktats de la minorité des plus riches. Les compagnies doivent accepter de jouer le jeu démocratique ouvertement, sans les pressions occultes qui faisaient triompher leurs intérêts bassement corporatifs aux dépens des intérêts majoritaires des citoyens. Il faut avoir vécu quelques années en politique pour se rendre compte que c'est tout à fait exact que le citoyen se sent constamment frustré par cette possibilité qu'avaient — et, espérons, qu'elles ne l'auront plus certaines corporations de diriger certaines décisions gouvernementales.

J'ajouterai même que les partis politiques sont exclusivement des associations de citoyens électeurs. Je ne connais pas de partis politiques qui ont comme membres telles compagnies. A ce titre, je crois que le droit des compagnies de contribuer à leur financement n'est ni souhaitable, ni fondé. A ce chapitre, nul ne nous accusera de tromper les électeurs. Le chef du gouvernement combat ouvertement, et ceci depuis son entrée en politique, les forces occultes qui contrôlaient et contrôlent encore les partis politiques traditionnels.

Dès son origine, le Parti québécois s'est prémuni contre le cancer de l'argent en rendant publics annuellement ses états financiers, en mobilisant annuellement ses militants pour soutenir financièrement son action politique. Je suis sûr que la confiance que les Québécois ont accordée au Parti québécois a été fortement stimulée par le caractère populaire du financement des partis par ce qu'il a été convenu d'appeler la caisse propre.

En conclusion, tous auront compris, à travers mes propos de ce matin, que le projet de loi no 2 ne sera pas modifié pour tenir compte des commentaires de la Commission des droits de la personne sur le caractère public de la divulgation des contributions et sur l'interdiction faite aux personnes morales de contribuer au financement des partis politiques. Le contraire indiquerait que le gouvernement a décidé de reculer sur un sujet majeur et qu'il accepte de tromper les électeurs à qui il a clairement promis — et cela, je pense que cela a été très clair durant la dernière campagne électorale — de remettre de l'ordre dans le financement des partis politiques en abolissant les caisses électorales occultes, en interdisant que les pressions financières puissent infléchir le processus démocratique aux dépens des citoyens.

Quant à l'addendum qui nous a été remis ce matin, pour les fins du journal des Débats et puisque c'est tellement bref, je pourrais peut-être le lire; c'est un addendum aux commentaires préliminaires que je viens de commenter et qui se lit comme suit: "Nous voulons porter à votre attention que le projet de loi no 2, Loi régissant le financement des partis politiques et modifiant la Loi électorale, déposé par M. Burns, prévoit, en annexe, un serment d'allégeance et d'office. Ce projet devrait être amendé pour prévoir, pour ceux qui le désirent, l'affirmation solennelle telle qu'elle est permise aux articles 18 et 300 du Code de procédure civile.

Ces remarques rejoignent les recommandations faites précédemment concernant la Loi électorale, SRQ 1964, chapitre 7. Je dois dire tout de suite, M. le Président, que cette remarque, je la retiens et que fort probablement, lorsque nous amènerons une réimpression du projet de loi, cette recommandation sera suivie. Ce sont les remarques, M. le Président, que j'avais à faire à ce moment-ci.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Laval.

Commentaires de l'Opposition M. Jean-Noël Lavoie

M. Lavoie: M. le Président, mon premier commentaire c'est que les propos du député de Maisonneuve, ministre d'Etat à la réforme électorale, m'apparaîssent plutôt un genre de tract politique sur une étude sérieuse qui nous a été fournie par la Commission des droits de la personne. Tout le monde est arrivé ici, bien calmement, pour étudier le plus lucidement possible ce projet de loi. Ce n'est pas notre intention de suivre le député de Maisonneuve dans ce tract politique.

Je vais m'attacher peut-être à la conclusion. Une chose qu'il faut remarquer et qu'on regrette, c'est cette improvisation, dès le mois de mars, qu'a voulue, qu'a exprimée ou démontrée le député de Maisonneuve. On a voulu faire, on voit la philosophie qui l'anime un peu, un grand écran de fumée au point de vue électorale, avant de bien penser sa loi, avant de bien l'élaborer, avant même de soumettre un livre vert, blanc ou bleu sur ce projet. Un tel projet de loi est complexe. Je me rappelle qu'on a appris, lors de notre périple rapide aux Etats-Unis et dans d'autres provinces canadiennes et dans la capitale canadienne, que souvent la plupart ont mis cinq ou six ans avant de légiférer sur cette question, après consultation, étant donné la complexité de la question. On a la preuve actuellement de cette complexité, on fait des accrocs des plus sérieux à mon point de vue, même si ce n'est pas surtout les points soulevés par la Commission des droits et libertés de la personne.

On joue avec des éléments qui frôlent ou qui sont sujets à brimer des droits fondamentaux qui s'appellent des droits d'opinion politique, des droits d'expression, des droits d'association, de réunion et autres.

On le sait, et je pense bien que c'est normal dans notre vie politique, le but du gouvernement, exprimé par son leader parlementaire, était de livrer une marchandise mal préparée, dès le mois de mars, portant le no 2, réservant plus normalement le no 1 pour la Charte de la langue française. Il a procédé avec improvisation, suscitant ou tentant de susciter un effet politique foudroyant auprès de la population du Québec. Je pense qu'il a manqué un peu son coup malheureusement, parce que cela a été noyé à ce moment-là par les comptes économiques ou par le dépôt du livre, je ne sais pas quel couleur, sur l'assurance-automobile.

La preuve, c'est que cela n'a suscité aucun intérêt dans la population; on a eu à peine un ou deux mémoires qui ont été soumis à la commission. De notre côté nous voulons l'étudier. D'ailleurs, je ne suis pas ici pour défendre l'ancien gouvernement. Je sais qu'il était rendu à la 12e édition, justement à cause de la complexité de la chose.

J'ai dit et je répète, au- nom de l'Opposition officielle, que sur le caractère de divulgation nous sommes tout à fait d'accord. Il s'agit de trouver une façon. Nous offrons notre collaboration pour qu'il y ait le plus de transparence possible sur la question des contributions, des fonds aux différents partis politiques. Cela s'est fait à Ottawa, après consultation, cela s'est fait à Toronto et, tout à fait récemment, en Alberta. Je crois qu'on peut atteindre les mêmes buts, obtenir une telle divulgation sans porter atteinte aux droits et libertés des citoyens.

Sur la question des personnes morales, on voit le côté pamphlet politique de ce document lorsque vous ne mentionnez, aux pages 6, 7 et 8, que le mot "compagnies," que le mot "multinationales". Vous mettez de côté les termes employés par la Commission des droits de la personne qui se sert des mots "personne morale". Vous êtes comme l'opprimé qui poursuit les grandes multinationales; vous avez glissé "multinationales" dans cela.

C'est peut-être dû à votre manque d'expérience politique, à votre manque de planification, à votre réaction de complexés, mais tout le monde dans la vie est méchant, tout, le monde est voleur et tout le monde est bandit. Vous ne vous rappelez pas que, lorsqu'on est allés à Sacramento ou à Washington, on a dit là-bas qu'on n'était pas parti avec ce principe de persécution, voyant des voleurs partout. On a voulu former des organismes qui tendraient beaucoup plus à faire un genre éducation populaire, à faire participer la population, pour qu'il y ait le moins d'accrocs possible au but recherché par la loi. Je n'aime pas ce rôle de persécutés; vous voyez des gens malhonnêtes partout. La preuve — et c'est une question que je poserai au juge Drouin tout à l'heure — depuis 1966 il existe une loi ici stipulant que tous les candidats dans les élections qui font partie de partis reconnus, et qui obtiennent au moins 20% de confiance populaire ont droit au remboursement d'environ 50% de leurs dépenses électorales? C'est une question que je pose d'avance au juge Drouin. 1966, 1970, 1973, 1976, quatre élections: sur les 500 candidats il y en a certainement environ 200 qui se sont qualifiés, à chaque occasion, pour le remboursement, grosso modo.

Quatre fois 200, cela fait 800. Je serais curieux de savoir combien il y a eu d'infractions à cette loi et de poursuites devant les tribunaux. Je serais curieux de savoir le nom des députés ou des candidats qui ont enfreint la loi.

J'ai quand même une certaine expérience. Ma dernière élection, c'était ma treizième: sept provinciales et six municipales. C'est sûr que j'ai eu l'occasion d'avoir des...

M. Burns: La dernière?

M. Lavoie: Ne vous en faites pas, j'ai la couenne aussi dure que vous.

M. Burns: Si cela avait été la dernière, j'aurais voté pour vous.

M. Lavoie: C'est votre argument le plus fort actuellement. Revenez donc un peu au sérieux et agissez en législateur au lieu d'agir en petit politicien.

Les corporations, les petites et moyennes entreprises, certaines sociétés ou des syndicats, ou des groupes de citoyens et même les compagnies ne font pas toujours cela par intérêt lorsqu'ils fournissent $1000 ou $2000. Comme je vous l'ai dit à la dernière réunion, qu'on les limite à $1000 ou à $2000 et qu'on les rende publiques, les contributions des compagnies, je suis d'accord avec cela. Le premier qui donnerait des sommes exorbitantes se disqualifierait. Ce n'est pas le montant qui est important dans toute cette loi. Ce sont les propos q'ue les Américains nous ont tenus, de même que d'autres Parlements canadiens qui l'ont exercé: La grande arme dans cela n'est pas la limite des contributions, mais la divulgation.

Que vous le permettiez aux petites ou aux moyennes industries ou aux compagnies, avec une limite de $2000 ou de $3000, comme vous le voudrez, on va s'entendre sur cela. Défendez les contributions où il pourrait y avoir une certaine influence sur les administrés.

Le premier cave qui irait donner des sommes exorbitantes de $15 000 ou $20 000, que ce'soit un ingénieur, un entrepreneur ou un autre, lorsque cela deviendrait public, serait le premier à se disqualifier pour obtenir des prétendus avantages, une fois que les personnes à qui il a donné de l'argent seraient au pouvoir.

Avez-vous également conçu l'idée que souvent les citoyens des corporations, des syndicats également, ne contribuent pas toujours par intérêt? Ils sont souvent là pour défendre un certain type de société. Ils le font également par convic-

tion. Si vous avez un gouvernement qui a plutôt une tendance socialiste ou assez forte de social-démocratie, il y en a d'autres qui peuvent différer d'opinion et qui aiment mieux l'entreprise libre. Comme ils veulent garder un système de société de la sorte, ils peuvent fournir $500 ou $1000 justement pour combattre un parti politique qui défend une cause qui ne fait pas leur affaire. Ce n'est pas toujours...

M. Burns: Cela ne me fait rien, M. le député de Laval, mais j'ai l'impression qu'on est dans le débat de deuxième lecture.

M. Lavoie: Je réponds à votre mémoire. Que voulez-vous que je fasse?

M. Burns: Je vous dis tout simplement dans mon mémoire que le gouvernement n'a pas l'intention de suivre l'opinion de la Commission des droits de la personne sur deux points particuliers: la divulgation et la prohibition à l'endroit des compagnies.

M. Lavoie: Je réponds à votre pamphlet politique. D'accord? Je suis tout à fait dans l'ordre.

M. Burns: Si vous qualifiez cela, ah oui!

M. Lavoie: Ce n'est pas moi qui ai ouvert la porte.

M. Burns: Cela ne me fait rien, mais je vous souligne que vous allez vous répéter en deuxième lecture.

M. Lavoie: Certainement, comme vous l'avez fait. Vous direz dans votre discours de deuxième lecture, que vous n'acceptez pas les conclusions de la commission.

M. Burns: Cela va aller bien plus loin que cela.

M. Lavoie: Vous dites, à une autre place dans votre pamphlet politique: "A ce chapitre, nul ne nous accusera de tromper les électeurs. Le chef du gouvernement — c'est le député de Taillon — combat ouvertement depuis son entrée en politique les forces occultes qui contrôlaient ou contrôlent encore les partis politiques traditionnels". Votre chef de gouvernement a été élu en 1962 et en 1966 par des prétendues forces ou fonds occultes. M. Lévesque, le premier ministre, était en position de force à ce moment pour changer cela.

M. Burns: Vous n'alliez pas aux congrès du Parti libéral, parce qu'il se battait au coton dans le parti pour que ces choses arrivent.

M. Lavoie: Laissez-moi donc terminer! Ce n'est pas un dialogue, ici.

M. Burns: Non, mais imaginez-vous donc! Ne dites pas de faussetés.

M. Lavoie: Je vous ai enduré tout à l'heure. Vous vous attendez que je ne sois pas d'accord avec vous.

M. Burns: Là, vous dites des faussetés.

M. Lavoie: En 1962, j'étais "back-bencher ". Je n'avais pas le poids de M. René Lévesque.

M. Burns: Vous n'aviez pas le temps d'aller aux congrès, vous.

M. Gratton: M. le Président, y aurait-il possibilité qu'on laisse au député de Laval son droit de parole?

Le Président (M. Marcoux): Le député de Laval.

M. Lavoie: En 1962, pourtant, M. Lévesque avait un certain rôle de vedette dans le Parti libéral. Il a même eu la force de déclencher une élection, où nous étions d'accord; sur la nationalisation de l'électricité. S'il s'est battu pour cela, comme vous le dites dans votre pamphlet politique, depuis son origine en politique, quand même il a été élu deux ou trois fois avec des prétendus fonds occultes. Je vais vous dire cela en passant pour défaire un peu votre petit document, pamphlet politique.

Maintenant, je termine car je veux donner la parole à d'autres. Nous n'irons pas dans les détails. Nous n'accepterons pas soyez-en assurés, des pouvoirs exorbitants et excessifs. Vous n'avez pas répondu dans votre document sur les pouvoirs exorbitants, excessifs du directeur général. Il est au-dessus du Parlement, au-dessus du gouvernement et des tribunaux. Encore un accroc en passant, si vous voulez le comparer à d'autres qui sont nommés par l'Assemblée nationale. Alors que le Vérificateur général des comptes et l'ombudsman au moins sont payés par une résolution de l'Assemblée nationale, le vôtre est payé par le gouvernement. On sait, à certains moments, quelles pressions cela peut représenter pour des augmentations ou des diminutions de salaire.

Ce sont des détails, si on a le temps, à discuter à d'autres étapes du projet de loi.

Vous me surprenez énormément, et je termine sur cela, vous, le grand défenseur, dans l'Opposition, de la Commission des droits de la personne. Je voudrais vous rappeler peut-être rapidement certains propos que vous avez tenus le 21 janvier 1975 où vous disiez: "Vous ne croyez pas que, lorsqu'une loi est adoptée et qu'elle contrevient aux dispositions de la loi concernant les libertés des personnes, cette loi doit, pour être adoptée, subir un peu plus de difficultés avant de recevoir sa sanction, pour souligner justement de façon concrète le fait qu'on contrevient à un des principes énrjncés dans cette loi. Je parle de la Charte des droits et libertés de la personne". Un peu plus loin, vous dites: "Je pense, par exemple, aux deux tiers ou aux trois quarts, ou à une autre formalité qui souligne qu'il s'agit d'un cas véritablement exceptionnel pour amender la charte".

M. Burns: Pour amender la charte.

M. Lavoie: Oui, mais vous allez me répondre, tout à l'heure, à certaines questions que je vais vous poser. C'est encore M. Burns qui disait: "Je me déclare favorable, en particulier, à celle qui veut que la Charte des droits, un peu comme le Barreau est venu nous le dire, la Chambre des notaires, la Ligue des droits de l'homme... Soit dit en passant, cela me plaît beaucoup de voir cette attitude des groupements intéressés qui viennent tenir cette attitude que la loi doit être fondamentale, transcendante". Quel beau vocabulaire! J'espère — ce sont mes propos — que le ministre de la Justice tiendra compte, éventuellement, en particulier, de votre recommandation sur le fait, qu'on doit rendre plus difficile l'amendement de droits et la disparition de droits qui se trouvent consacrés dans cette charte par un vote des deux tiers.

A la question que je vous pose, vous allez me dire, une fois pour toutes, ce qu'il y a de bon dans la charte, ce qu'on doit appliquer, l'interprétation, ce qui est vrai et ce qui n'est pas vrai. Vous allez me donner des balises ou, comme vous l'avez dit l'autre fois, des "guide-lines". Nous allons prendre votre opinion pour dire: Telle chose qu'on fait, cela ne touche pas aux droits fondamentaux, mais telle autre chose, on a le droit. Dans vos deux premières pièces de législation que vous avez, la loi no 1 et la loi no 2, on embarque avec de gros sabots dans la commission et dans les droits et libertés de la personne. Je me rappelle que quand vous étiez dans l'Opposition, vous étiez le plus grand défenseur, vous étiez l'allié des ligues, des commissions où il ne fallait pas toucher à un cheveu d'une personne, et rendu au pouvoir il ne nous en reste plus, dé cheveux, ni l'un ni l'autre.

En tout cas, vous êtes d'une voracité, on dirait que vous n'avez pas l'ossature du Dr JeKyll and Mr Hyde. Il y a une'différence entre le M. Burns que j'ai connu dans l'Opposition et le M. Burns que je connais au pouvoir. Je vous dis que c'est vraiment un cas...

M. Burns: La différence c'est que, dans le passé, je n'étais pas capable de décider de rien.

M. Lavoie: Et là, vous décidez trop. Je pense que vous avez une ossature trop forte.

M. Burns: C'est la différence.

M. Lavoie: Laissez donc un peu les gens respirer. Je vais vous laisser aller, si vous ne voulez pas respecter les opinions de cette commission. Et je ne pense pas que les membres de la commission soient des membres du Parti libéral ni des membres de l'Union Nationale ni du Parti crédi-tiste.

M. Burns: Ni du Parti québécois.

M. Lavoie: Je ne sais pas, mais ce n'est pas moi qui les ai nommés. Le seul honneur que j'ai eu, c'était de les assermenter une fois qu'ils ont été nommés, lorsque j'étais président. Mais si vous ouvrez la porte à, entre autres — je ne sais pas si la séparation est arrivée au Québec mais il y a eu un jugement des plus sérieux de la Cour suprême qui est rapporté ici, en 1962, SCR, je crois que c'est Supreme Court Reports...

M. Burns: Est-ce que je pourrais vous dire que même la commission a mal cité ce jugement. D'accord? Je ne veux pas en discuter aujourd'hui, je ne veux pas non plus être méchant, mais ce n'est même pas rapporté en 1962, SCR, c'est rapporté en 1963, et ce n'est pas rapporté à la page 798, c'est rapporté à la page 784.

M. Lavoie: Ah bon! On va laisser faire les références, mais je vais vous lire le fond.

M. Burns: Entre vous et moi, vous allez voir à peu près comment je réagis à leur opinion là-dessus.

M. Lavoie: Les références, je pense bien que ce sont des détails, mais je vais vous lire la citation.

M. Burns: Si vous le voulez, on va en discuter sur le fond, cela ne me fait rien.

M. Lavoie: C'est daris l'arrêt Oil Chemicals and Atomic Workers International Union versus Imperial Oil. L'honorable juge Martland, parlant pour la majorité, affirmait: "A trade union is entitled to engage in political activities as a free association of individuals and, therefore, within the limits previously mentioned, could disburse its fund for such purposes and any attempt, interference with such powers by a Provincial Legislature would be an interference with the democratic process in Canada and, therefore, beyond his power".

M. Burns: Est-ce que je peux poser une question au député de Laval. Est-ce qu'il a lu le jugement?

M. Lavoie: Ecoutez!

M. Burns: Non. Vous prenez l'extrait qui nous est cité carrément comme cela et vous le prenez comme cela.

M. Lavoie: Les membres de la commission sont des fous, non?

M. Burns: Là-dessus, ils se sont trompés. C'est une erreur totale. Savez-vous que ce que vous venez de citer et que la commission prétend être l'opinion du juge Martland, c'est l'argument du syndicat requérant. Correct? C'est cela.

M. Lavoie: Changez les membres de la commission.

M. Burns: On verra, mais je veux dire ce n'est pas mon rôle à moi, c'est l'Assemblée nationale cela.

M. Blank: Qu'y a-t-il dans le jugement?

M. Burns: Ce qui est dans le jugement est bien différent. Voici ce que la commission cite, et je ne voulais pas embarquer là-dedans parce que ce n'est pas mon rôle de descendre la commission, ici, ce matin. C'est la base de mon argumentation, je ne voulais pas entrer là-dedans, mais le député de Laval vient de m'ouvrir une porte là-dessus. Je vous dis simplement qu'à la lecture, et je prie le député, vous qui êtes un juriste, je ne sais pas si je devrais dire la même chose du député de Laval, je pense que cela fait longtemps, il ne sait même pas que SCR veut dire Supreme Court Reports...

M. Lavoie: En tout cas.

M. Burns: En tout cas. Je vous suggère simplement, je n'irai pas plus loin que cela, de lire l'arrêt Imperial Oil, 1963 SCR, et non pas 1962, correct? Je vous suggère également d'écouter de la bouche du juge Martland, parlant pour la majorité, un argument qu'il cite du syndicat requérant, Oil and Chemical Workers. Je vous suggère de voir que l'opinion qui nous est donnée prend des paroles qui sont dans la bouche, d'accord, du juge Martland, mais il cite le syndicat requérant et ce n'est pas son opinion. Si on veut être technique, je suis bien prêt à être technique, j'ai pris le temps de le lire ce jugement.

M. Blank: Est-ce que le jugement a suivi cette argumentation?

M. Burns: Pas du tout

M. Blank: Quel était le sens du jugement?

M. Burns: Le sens du jugement, voulez-vous que je vous le donne? C'est bien simple. Le juge parlant au nom de la majorité répond, à la page 595, ceci: A trade union, when it becomes certified as a bargaining agent, becomes a legal entity, "International Brotherhood of Teasmters" etc., local 213 vs Therrien. When the Legislature clothes the entity with wide powers for the exaction of membership fees by methods which previously it did not in law possess, it can set limits — je m'excuse, mais il y a des virgules ici qu'il faut respecter — by methods which previously it did not in law possess, it can set limits to the objects for which funds so obtained may be applied. Legislation of this kind is not — c'est le juge Martland qui parle — in my view, a substantial interference with the working of parliamantary institutions. Correct? Il dit exactement le contraire. Vous le lirez.

M. Blank: Ce n'est pas ça.

M. Lavoie: Les anglophones, réglez vos problèmes!

M. Blank: Même là, votre interprétation n'est pas bonne.

M. Burns: Vous le lirez et vous me direz ce que vous en pensez.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Beauce-Sud.

M. Burns: C'est l'opinion du juge Martland. Ce qui est cité dans l'opinion de la commission, c'est l'opinion et c'est la demande tout à fait justifiée, selon la possibilité de litige qui peut exister devant les tribunaux, mais c'est l'opinion qui est citée par le syndicat requérant.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Beauce-Sud.

M. Fabien Roy

M. Roy: Merci, M. le Président. Je veux apporter quelques commentaires, suite aux propos et à la déclaration que vient de nous faire l'honorable ministre d'Etat à la réforme électorale et parlementaire, ce matin. Je suis déçu par son attitude et c'est avec regret que je le dis. Et, si j'étais malin, je demanderais à quelle date on va abolir la Commission des droits de la personne. Je vais m'expliquer: Nous avons deux lois: la loi 1 et la loi 2. Les deux premières lois qui sont déposés devant l'Assemblée nationale, et je fais un parallèle pour soutenir mon argumentation. Depuis que cela a été étatisé... Nous avons la loi 1 et la loi 2.

Les deux premiers projets de loi auxquels le gouvernement accorde la plus haute importance et qui, justement ce matin, font l'objet de discussions en commission parlementaire, soit la Charte de la langue française et le projet de loi no 2, la loi concernant le financement des partis politiques, et déjà on se fout de l'opinion et de la Charte des droits et libertés de la personne. Je suis réellement inquiet, je le dis à mon grand regret. Si c'est l'attitude, le nouveau style que le nouveau gouvernement, entend adopter dans l'avenir, je dirai simplement qu'on dise tout de suite à la population que la Commission des droits de la personne, c'est une image, c'est une façade, c'est une belle peinture, c'est un beau tableau qu'on offre à la population du Québec pour lui, donner l'impression que les droits de la personne s'ont sauvegardés.

M. le Président, je pense que le gouvernement est imbu d'idéaux — et je vais employer un grand mot — sophistiqués dans son projet de loi et amplifiés par les abus de certains partis politiques qui ont été jugés. Cela on l'oublie. On manque de confiance à l'intelligence et au sens des responsabilités de la population du Québec. Je ne sache pas — je reprends les propos que j'ai tenus ce matin — que notre démocratie soit en danger à ce point qu'on accepte de se mettre un carcan pour être capable de travailler sur le plan politique et d'exprimer certaines opinions, comme celui que nous propose le gouvernement.

Je serais tenté de dire que le gouvernement veut légaliser son mode de financement et l'imposer aux autres partis. J'aimerais rappeler au leader du gouvernement un bref historique et je dirais

même les origines du Parti québécois. Si cette loi avait existé, le Rassemblement pour l'indépendance nationale et le Ralliement national, auquel j'ai été intimement mêlé au moment de sa fondation, n'auraient pu exister. En tout cas pour ce qui concerne le Ralliement national, parce que lorsque nous avons mis les structures sur pied, il n'y avait personne qui était capable de nous dire et nous garantir qu'on réussirait peut-être à présenter dix candidats dans dix comtés de la province.

Qu'on regarde notre histoire politique au Québec et que le Parti québécois examine ses origines. Il a fait confiance, il a fait appel à l'intelligence, à l'intégrité et au sens des responsabilités des Québécois et il a été porté au pouvoir. La population a parlé, puisque le Parti québécois est au pouvoir. Le Parti québécois a un mode de financement que tout le monde connaît et sur lequel, je pense, la population du Québec n'a pas un mot à dire, un mode de financement populaire. Il faut l'en féliciter. Mais le Parti québécois a eu des débuts et il a dû recevoir certaines souscriptions. Je n'entrerai pas dans les détails, le Parti québécois les connaît.

J'aimerais demander, ce matin, au gouvernement s'il a bien mesuré la portée de sa loi et la portée de l'attitude rigide qu'il entend adopter. Je pense qu'on tente de modeler une loi à la lumière des besoins et de la situation du Montréal métropolitain et qu'on oublie les comtés ruraux du Québec. Je donne un exemple. Puisque les individus auront le droit de souscrire $3000, je veux demander au leader du gouvernement de m'expliquer ce matin la différence qu'il peut y avoir entre dix professionnels ou cadres bien payés, dans un comté rural du Québec, qui peuvent souscrire $3000 chacun, donc $30 000, pour faire élire un candidat, et une personne, propriétaire d'une petite entreprise enregistrée qui porte le nom d'une compagnie, pour satisfaire les lois gouvernementales et qui, elle, en souscrirait $300. Ce sont des problèmes, M. le Président. Je veux attirer là-dessus l'attention du leader du gouvernement, je lui donne le bénéfice du doute, peut-être que cet aspect n'a pas été examiné. Mais lorsqu'on dit $3000 pour les mieux nantis et qu'on va refuser à des petites entreprises familiales des milieux ruraux de souscrire $300, $400 ou $500 dans une formation politique à l'occasion d'une campagne électorale, je dis...

M. Burns: M. le député de Beauce...

M. Roy: Je m'excuse, je ne permets pas au leader du gouvernement, à ce moment-ci...

M. Burns: Je ne veux pas entrer... D'ailleurs, vous discutez en deuxième lecture.

M. Roy: Je dis ceci: Qu'on limite à $3000 les entreprises, comme on le permet aux individus, et on aura réglé le problème. Je ne sache pas que les grandes multinationales vont pouvoir contrôler les partis politiques en souscrivant $3000. Mais si on ne permet pas à des corporations, à des person- nes morales de souscrire à des formations politiques, on met en danger la base même de l'existence des partis politiques dans les milieux ruraux.

M. Burns: Me permettez-vous une question, M. le député?

M. Roy: Oui.

M. Burns: Avez-vous pensé entre autres que moi, Robert Burns, individu, je pourrais former 18 compagnies en ligne et fournir 18 fois $3000, selon votre suggestion?

M. Roy: Qu'est-ce qui empêche un professionnel qui est ingénieur de souscrire quatre fois $3000 parce qu'il fait des affaires dans quatre comtés?

M. Burns: La loi. M. Johnson: La loi.

M. Roy: Si la loi l'interdit à un professionnel, que la loi l'interdise quand même aux compagnies.

M. Burns: Elle interdit surtout aux compagnies toute contribution, c'est bien plus sûr, cela.

M. Roy: M. le Président, justement, le gouvernement généralise trop. C'est ce qui fait que cela va créer des...

M. Burns: Est-ce que vous avez pensé à ce que je viens de vous dire?

M. Roy: Le gouvernement généralise trop. Il n'y a pas de distinction, actuellement, dans la loi entre la petite entreprise indépendante, l'entreprise multinationale et la grande entreprise intégrée.

M. Burns: M. le député de Beauce-Sud, je vous ai posé une question, car vous m'avez permis de vous la poser. Je dois dire que j'ai beaucoup de respect pour votre argumentation, mais j'ai l'impression que vous argumentez exactement dans le même sens que le projet de loi qui veut faire valoir un certain nombre de valeurs. Je vous pose la question suivante: Si Robert Burns, demain, forme 18 compagnies, personne ne va l'empêcher de faire cela, mais, si vous permettez aux compagnies de fournir, Robert Burns pourra donner 18 fois, via ses compagnies, $3000.

M. Blank: Et qu'est-ce qui arrive?

M. Roy: M. le Président, l'honorable leader...

M. Burns: C'est exactement ce que vous voulez éviter.

M. Blank: Et qu'est-ce qu'il arrive si 18 administrateurs d'une compagnie donnent personnellement?

M. Roy: ...pose une question hypothétique.

M. Burns: Peut-être, mais il va le donner une fois si on fait cela.

M. Roy: Je ne connais pas un homme d'affaires assez imbécile pour former 18 compagnies pour souscrire 18 fois dans des formations politiques.

M. Burns: Moi, j'en connais.

M. Lavoie: C'est la réponse que vous méritez.

M. Burns: Moi, j'en connais.

M. Roy: S'il y en a un et même s'il y en avait dix, est-ce une raison pour mettre la hache dans tout le système dans toute la province?

M. Burns: Oui.

M. Roy: Cela va empêcher 5000 petites entreprises, dans les milieux ruraux, de participer à la vie politique de leur milieu.

M. Burns: Mais les petites entreprises, c'est du monde qu'il y a derrière cela.

M. Roy: L'honorable leader du gouvernement...

M. Burns: II y a du monde derrière cela.

M. Roy: Oui, mais...

M. Burns: Pourquoi ne fournissenf-ils pas, ces gens-là? Ce sont eux qui votent.

M. Roy: ...l'honorable leader du gouvernement ignore totalement la réalité de ce côté-là. Il vient de m'en donner une preuve évidente. Dans la petite entreprise en milieu rural...

M. Burns: Bien oui, qu'ils fournissent directement, c'est tout.

M. Roy: ...les gens ne se paient pas de salaires, comme on s'en paie et comme c'est prévu dans l'administration des grandes entreprises. Qu'on aille voir la structure administrative de la petite entreprise rurale et l'honorable leader du gouvernement va avoir la réponse à la question qu'il vient de me poser. Il n'a qu'à aller là; c'est là qu'on va trouver la réponse.

En ce qui me concerne, je ne défendrai pas les grosses caisses électorales occultes, je les ai toujours combattues. Je n'ai jamais été élu par les grosses caisses électorales occultes; j'ai été élu par de petites souscriptions populaires. Le projet de loi que le gouvernement nous présente, avec toutes les structures qu'il nous propose, nous empêche d'agir, nous empêche de participer à une campagne électorale. J'aimerais que l'honorable leader du gouvernement soit bien conscient de la réalité de ce côté.

Le problème des petites entreprises familiales dans les comtés ruraux — il y en a beaucoup de comtés ruraux — et le problème qu'on retrouve dans les grands centres sont différents. A l'intérieur des comtés ruraux, si on permet seulement aux professionnels, qui ont plus d'argent que certaines petites entreprises, que les gagne-petit ou les petites entreprises familiales artisanales, de souscrire dans des formations politiques alors qu'on l'interdirait aux autres, je dis qu'on fait un accroc grave — je pèse mes mots, je pèse mes paroles — à la démocratie.

Il n'y a pas de loi au Québec — je suis d'accord avec l'honorable leader du gouvernement — qui régit, qui statue sur les entreprises indépendantes. C'est une loi que nous devrions avoir. L'actuel gouvernement devrait adopter une loi qui statue et qui légifère pour reconnaître un type d'entreprise qu'on appelle l'entreprise indépendante, qui n'est pas l'entreprise intégrée, la grande entreprise nationale, la grande entreprise multinationale.

M. Burns: II y a un bon élément de cela qui s'en vient.

M. Roy: Si nous avions cette loi...

M. Burns: Vous avez un bon élément de cela qui s'en vient, la Société de développement coopératif.

M. Roy: La Société de développement coopératif, c'est une coopérative.

M. Burns: Oui, c'est un bon élément. Je ne vous dis pas que c'est le seul, mais c'est un très bon élément.

M. Roy: C'est un maillon de la chaîne.

M. Burns: C'est cela.

M. Roy: C'est un maillon...

M. Burns: On va y aller morceau par morceau.

M. Roy: ...mais ce n'est pas la chaîne, c'est la maille. Puisqu'on parle de chaîne, vous pouvez être sûr que je vais surveiller le crochet.

M. Burns: On compte sur vous.

M. Roy: II y a un crochet au bout d'une chaîne.

M. Burns: On compte sur vous pour nous surveiller, M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: C'est ce que je .fais ce matin. M. Burns: On a besoin de vous.

M. Roy: Et si le leader du gouvernement ne m'avait pas tant interrompu...

M. Russell: Ce n'est pas facile!

M. Roy: Ce n'est pas tellement facile. Je livre ces réflexions, ces observations en toute bonne foi et en toute sincérité à l'attention du leader du gouvernement. J'aimerais lui dire ceci, afin qu'on sache très bien à quoi s'en tenir: Je ne patinerai pas là-dessus. Si la loi demeure telle quelle et qu'on ferme la porte d'une façon aussi rigide que l'a fait le leader du gouvernement ce matin à l'endroit des personnes morales, je vais lutter contre cette loi et je vais lutter farouchement, parce que j'estime qu'on attaque la base même de la démocratie des comtés ruraux qui, eux, ne sont pas financés, ne sont pas organisés par les grandes compagnies multinationales, comme ce peut être le cas dans des comtés ubains.

J'aimerais dire ceci, en plus, à l'honorable leader du gouvernement. Le gouvernement a parlé des appuis financiers, ce matin. Il n'est pas indifférent de connaître les appuis financiers. Il n'y a pas que les appuis financiers qui jouent durant les campagnes électorales, mais on n'en parle pas. Cela m'inquiète un peu.

M. Burns: On en parle dans la loi.

M. Roy: Quand on parle de divulguer l'utilisation des fonds souscrits par l'Etat aux partis politiques, je pense que soumettre les partis politiques à l'obligation de rendre publics leurs états finan-ciers m'apparaît une chose tout à fait normale.

J'aimerais parler cependant un peu des députés indépendants, des députés qui peuvent se présenter indépendants. M. le Président.

M. Burns: II n'y a pas un conflit d'intérêts, là?

M. Roy: ... Non, M. le Président, je ne suis pas en conflit d'intérêts là-dedans, parce que si j'avais voulu me présenter député indépendant je me serais présenté député indépendant. J'ai choisi de me présenter sous une étiquette politique, c'était mon choix, M. le Président, je l'ai fait, et si c'était à recommencer je ferais exactement la même chose. Il y a eu des députés indépendants à l'Assemblée nationale du Québec, il y en a eu à Ottawa qui ont représenté la population du Québec. Il y a des comtés qui ont toujours été plus, je ne dirai pas indépendantistes, je ne veux pas qu'on charrie sur les termes, mais des comtés...

M. Burns: Moi, j'ai toujours pensé que vous étiez un député indépendantiste.

M. Roy: M. le Président, que le leader du gouvernement ne me fasse pas dire ce que je ne veux pas dire ce matin...

M. Johnson: Pas ce matin.

M. Roy: ... et que je ne dirai pas...

M. Bisaillon: ... il ne dira pas qu'il n'a pas dit qu'il veut...

M. Roy: ... et que je ne dirai pas, si on m'avait laissé terminer ma phrase, M. le Président, mais je ne voudrais pas me laisser distraire. Une personne qui songe à se présenter indépendant dans un comté ne doit pas attendre le déclenchement d'une campagne électorale pour agir, surtout depuis que la loi a été amendée à deux reprises et qui fait en sorte que les campagnes électorales sont extrêmement courtes. La personne doit préparer sa candidature, si elle a réellement l'intention de participer à un prochain scrutin.

Cela veut dire que, parfois, il peut être nécessaire d'avoir un an, deux ans de préparation. Je pense que les exigences que je vois dans la loi et dans la réglementation devraient être revues pour être examinées à nouveau de façon qu'on ne ferme pas la porte à cette possibilité. Il y a des députés qui ont été indépendants à l'Assemblée nationale du Québec, qu'il suffise de nous rappeler René Chalout, qui ont joué de très grands rôles. Il y en a eu ailleurs...

M. Blank: Frank Hanley, 25 ans.

M. Roy:... il en a qui ont siégé pendant 25 ans et qui ont joué quand même un grand rôle dans la politique québécoise. Il pourrait y en avoir d'autres dans l'avenir, M. le Président, et je vous dis tout simplement que c'est absolument indispensable qu'on prenne les mesures qui s'imposent de façon à ne pas fermer la porte.

M. le Président, je termine mon observation sur ce point pour dire tout simplement que lorsqu'on parle du cancer de l'argent qui rongeait nos institutions politiques et nos institutions publiques, la population a agi sans qu'il y ait de loi. Je pense qu'il y a une énorme différence pour une entreprise entre souscrire $3000 et en souscrire $300 000. C'est la raison pour laquelle je dis encore une fois, en terminant, au leader du gouvernement et aux membres du gouvernement du Parti québécois, ainsi qu'à mes collègues de l'Opposition ici, qu'il est absolument indispensable qu'on fasse en sorte de ne pas fermer la porte aux personnes morales dans le financement des partis politiques, sans distinction, j'ai bien dit sans distinction.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, sur la question des personnes morales, je pense qu'évidemment l'expression personnes morales couvre des syndicats, des coopératives, des mouvements populaires. Mais au-delà de cela, si on ne veut pas se cacher ce pourquoi le projet de loi est fait, ce qu'on vise, finalement, dans le projet de loi, quand on parle de personnes morales, ce sont les compagnies. Si on vise les compagnies, que ce soit pour l'instant multinationales ou PME ou PPE, c'est-à-dire petites, petites entreprises, au-delà de cela, si on vise les compagnies, c'est parce que, dans le passé, il y a eu des abus.

Alors, il faudrait au départ, se rappeler les deux objectifs de la loi, c'est-à-dire — et cela a été

exprimé à plusieurs reprises par le leader du gouvernement — remettre à l'électeur le processus électoral, remettre dans ses mains le contrôle des partis politiques et, éventuellement, des partis politiques qui deviendront les gouvernements et, en plus de cela, faire en sorte que les partis politiques qui vont devenir les gouvernements, n'aient pas les mains liées, à partir du vieux principe qui dit: Dis-moi qui te paye et je vais te dire qui te contrôle.

Et si on en est arrivé là, c'est parce qu'il y a une situation passée et présente qu'il faut analyser. La première question qu'il faut se poser c'est: Pourquoi tous les hommes politiques et à peu près tous les partis ont-ils, dans le passé, pris des engagements vis-à-vis de la population en disant qu'ils feraient éventuellement disparaître les caisses occultes et le financement non populaire?

Pourquoi les hommes politiques, à un moment donné, dans leur carrière ont-ils senti le besoin de prendre ces engagements vis-à-vis de la population? C'est sûrement parce qu'ils se rendaient compte que la population avait de moins en moins confiance dans les partis politiques, dans les gouvernements et dans les hommes qui les dirigeaient.

Je ne voudrais rappeler les déclarations de l'ex-premier ministre du Québec, M. Bourassa, qui à la veille de l'élection de 1970 avait pris l'engagement formel, face à la population, de faire disparaître les caisses électorales occultes. Dans le terme "caisse électorale occulte" je suis d'accord pour dire qu'il y a deux aspects. Le député de Laval voudrait se contenter d'un seul, c'est-à-dire faire disparaître la partie occulte en se disant que le fait que ce soit publicisé c'est suffisant. Il y avait un autre aspect à cela.

M. Lavoie: Avec une limite. M. Bisaillon: Avec une limite.

M. Lavoie: Ce n'est pas $3000 qui vont m'acheter. Je ne sais pas si vous allez vous vendre pour $3000, mais ce n'est pas mon cas.

M. Bisaillon: II y en a d'autres qui se sont laissé acheter. Il y a la partie divulgation des sources de revenus, la partie limite des sources de revenus, mais il y a aussi tout le contexte qui entoure les dons qui étaient faits par des compagnies autrefois. Je reviendrai ultérieurement sur les propos du député de Beauce-Sud quant aux petites et moyennes entreprises et aux dons qu'elles voudraient pouvoir faire.

Il y avait un manque de confiance à l'intérieur de la population. Quand le député de Laval se réfère au chef du gouvernement actuel, au député de Taillon, et qu'il souligne le fait qu'en 1960 ou 1962, il a été élu par des caisses occultes...

M. Lavoie: Et en 1966 également.

M. Bisaillon: En 1966, mettez toutes les années que vous désirez, c'est là que la volonté politique arrive, au moment où on se rend compte qu'on n'est pas capable de voter les lois qu'on veut, quand on se rend compte qu'on est bloqué quand on veut agir au plan du gouvernement, c'est là qu'on commence à vouloir changer le système et le processus de financement des partis politiques. C'est ce qui nous a amené à agir dans ce sens. C'est ce qui a amené, entre autres choses, un parti politique précis qui s'appelle le Parti québécois, et il y en a eu d 'autres qui se sont financés par un financement populaire, c'est ce qui a amené le Parti québécois à changer les méthodes de financement des partis politiques. Lorsque le député de Beauce-Sud souligne que la population a agi face au financement occulte le 15 novembre, il faudrait se rendre compte aussi que la population, lorsqu'elle a voté le 15 novembre, a voté sur des engagements fermes du parti qui voulait arriver au pouvoir.

M. Roy: Est-ce que le député me permet une question?

M. Bisaillon: Si vous voulez me permettre de terminer cette phrase. Un des engagements fermes était le même qui avait été fourni par M. Bourassa en 1970, c'est-à-dire faire disparaître le financement occulte, faire en sorte que ce soit les électeurs qui contrôlent les partis politiques et éventuellement, lorsque les électeurs contrôleront les partis politiques, ils contrôleront aussi les gouvernements.

M. Roy: Est-ce que le député me permet une question? Est-ce qu'il a bien réalisé qu'il n'a pas fait partie de la première vague de députés qui ont été élus sans la puissance de la caisse électorale occulte, qu'il y en a d'autres qui ont siégé à l'Assemblée nationale bien avant lui et bien avant que le Parti québécois s'engage là-dessus? Le député est-il conscient de cela?

M. Bisaillon: Cette question mène où?

M. Roy: Cela m'amène à dire ceci: Ce n'est pas un problème qui est né le 15 novembre avec l'élection du Parti québécois.

M. Bisaillon: Je suis parfaitement d'accord. Ce qui est né le 15 novembre c'est la volonté ferme de le régler de façon définitive.

M. Roy: De régler ce problème et d'autres. Vous n'avez pas eu de mandats pour aller aussi loin.

M. Bisaillon: Cela fait partie d'une conviction profonde que la population — quand le leader du gouvernement dit que la population est derrière nous...

M. Blank: 40% M. Lavoie: 41%

M. Bisaillon: Je ne parle pas des votes, mais sur le financement... Allez voir vos partisans.

Une Voix: J'aurais une question.

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre! M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Situez-vous au-delà des partis, au-delà des intérêts partisans et allez dans la population et vous allez voir qu'elle est d'accord avec un financement populaire qui remet le financement dans les mains des électeurs. En vous opposant actuellement sur des choses qui sont à côté du fond du problème, vous luttez contre une loi qui est populaire, une loi à laquelle vos partisans adhèrent, sauf que vous prenez des moyens détournés pour le faire. Il faudrait aussi voir ce que le fait de se financer par la population, par les électeurs va permettre à un gouvernement. Ne me répondez pas aujourd'hui, mais pensez-y sérieusement. Est-ce que le présent gouvernement pourrait se permettre dans les semaines qui viennent de voter une loi sur le recours collectif ou le "class action" s'il était financé par des compagnies?

Peu importe le montant des subventions et du financement. Pourrait-il se permettre d'adopter une telle législation?

M. Blank: Cette loi n'était pas...

M. Bisaillon: Pourrait-on se permettre d'adopter une législation pour réformer toute la loi des consommateurs? Pourrait-on même adopter la loi 2, actuellement? Pourrait-on se permettre de légiférer sur la sécurité et la santé au travail? Ce sont toutes ces questions qu'il faut se poser. Il y a eu devant cette commission des gens qui sont venus nous dire qu'il fallait permettre aux compagnies de financer les partis politiques pour défendre leurs intérêts particuliers. Vous me permettrez de m'inscrire en faux contre cet argument. Les syndicats ont effectivement la possibilité de dépenser des sommes d'argent pour lutter contre une politique gouvernementale ou pour appuyer une politique gouvernementale, c'est dans leurs statuts, leu rs règles, c'est accepté par leurs congrès, de la même façon que les compagnies pourront continuer à le faire, mais en dehors du financement des partis politiques. Ils pourront continuer à défendre leurs intérêts privés, particuliers, sans lier les partis politiques à leurs intérêts particuliers et privés. C'est un coup de barre qu'il faut donner maintenant. Chacun on a...

M. Lavoie: On est d'accord sur les mêmes objectifs, mais on veut une bonne loi.

M. Bisaillon: M. le député de Laval, on a chacun nos éditorialistes. Je vais vous lire deux extraits d'un éditorial de ce matin. Evidemment, ce n'est pas Claude Ryan, mais on a chacun nos éditorialistes.

M. Blank: C'est un membre du Parti québécois qui a écrit cela.

M. Bisaillon: C'est un éditorial du Montréal-

Matin, de Daniel Latouche. Je vous lis deux passages de cet éditorial. "Il aura fallu une fois de plus que les jeunes libéraux se mettent de la partie pour que le chef intérimaire, M. Gérard-D. Levesque, se rende compte que son parti sombrera lentement dans le néant politique si rien n'est fait pour combler le vide intellectuel dans lequel les libéraux semblent s'être confortablement installés depuis le 15 novembre"...) "Sur l'assurance-automobile, la Charte du français, le projet de loi sur le financement des partis politiques, le Parti libéral s'évertue à vouloir mener des combats d'arrière-garde au nom de la préservation de privilèges. Les droits individuels, la liberté de choix, l'entreprise privée sont devenus les obsessions du parti. Chaque initiative péquiste est irrémédiablement critiquée au nom de l'une ou l'autre de ces vaches sacrées, quand ce n'est pas les trois à la fois".

M. Blank: ...contre les droits de la personne.

M. Bisaillon: Sauf que les jeunes libéraux, eux, en fin de semaine, se sont prononcés sur le principe du bill 2 et, en accord avec le principe du bill 2, ont déclaré qu'ils voulaient une ouverture et quelque chose... Je sais que la volonté politique peut exister à l'intérieur de tous les partis d'Opposition d'apporter une amélioration au financement public; je le sais pour en avoir jasé avec plusieurs des gens qui sont ici à la commission parlementaire, mais je sais aussi qu'on ne veut pas le faire complètement. On prend des prétextes pour ne pas le faire complètement, alors qu'on devrait savoir et que l'expérience aurait dû nous apprendre que c'est justement le financement des compagnies qui a vicié toute la procédure du financement des partis politiques et ce que les partis politiques ont pu faire par la suite.

Pour ce qui est des arguments invoqués par le député de Beauce-Sud, il y aurait intérêt et avantage à lire complètement le projet de loi et aller au-delà des mots, aller à l'esprit qu'il y a dans cette loi. Quand il nous réfère à sa petite et à sa moyenne entreprise qui ne pourrait pas faire un don de $300, je regrette, mais des dons de $300, les individus sont capables de faire cela. Cela ne met nullement en cause le processus électoral des milieux ruraux, le fait qu'on interdise aux compagnies... Justement les grosses multinationales n'existent pas dans les milieux ruraux. Les petites et moyennes entreprises, de toute façon, on peut se poser la question à savoir jusqu'à quel point on ne leur rend pas service par cette loi. Elles étaient souvent obligées à contribuer à deux ou trois candidats à la fois. Cela va au moins disparaître. L'individu qui voudra verser une somme d'argent à un parti politique ou à un candidat indépendant pourra le faire dans les limites de ce qui est prévu dans la loi, c'est-à-dire la limite de $3000. Si une petite et une moyenne entreprise, selon les déclarations du député de Beauce-Sud, étaient prêtes à donner $300, l'individu, l'électeur qui dirige l'entreprise les donnera, les $300. Cela fera un nom connu qui donnera une souscription connue de

$300. Cela n'enlèvera rien au financement des partis politiques dans les régions rurales, non plus qu'au candidat indépendant.

M. le Président, dans ce projet de loi il va falloir se placer au-dessus des intérêts particuliers, partisans et faire en sorte que ce projet de loi réponde véritablement aux attentes de la population, qui voudrait une fois pour toutes, qu'on règle ce problème. Non seulement pour le gouvernement actuel, mais dans l'intérêt de tous les partis politiques qui, un jour, pourraient accéder au pouvoir.

M. Roy: M. le Président, je veux me prévaloir des dispositions de l'article 96 pour tout simplement rectifier un fait parce que j'ai cru comprendre, par les propos du député qui vient de prendre la parole, que je m'opposais au principe du projet de loi.

Je tiens bien à dire et à être très clair là-dessus: Je ne m'oppose pas au principe du projet de loi. Je ne suis pas en faveur du maintien des caisses électorales occultes. Je ne m'oppose pas à la divulgation des sommes. J'ai tout simplement dit que le projet de loi allait trop loin et je veux que ce soit bien compris. Quant à la forme de contrôle qu'on imposait, le député ne m'a pas répondu. Quelle différence y a-t-il entre un professionnel ou un salarié-cadre qui gagne $30 000 par année et qui souscrit $3000 et une petite entreprise qui en souscrirait $3000? C'est tout simplement le parallèle que j'ai voulu faire, M. le Président, et c'est pourquoi je tenais à faire cette mise au point.

Le Président (M. Marcoux): Une autre mise au point de la part du député de Laval. Ensuite, ce sera le député d'Anjou, le député de Brome-Missisquoi et le député de Gatineau.

M. Lavoie: En vertu du même article cité par le député de Beauce-Sud, je l'ai répété et je le répète encore pour la dixième ou quinzième fois; Sur les objectifs, nous sommes tous d'accord. On veut qu'il y ait des limites autant pour les personnes morales que pour les associations. On est d'accord sur les objectifs...

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Laval, il faudrait être bref.

M. Lavoie: ... mais on n'est pas prêt à travailler sur une loi qui donne des pouvoirs vraiment excessifs à un personnage qui s'appelle le directeur général. Il a des pouvoirs...

M. Burns: Est-ce que vous avez des amendements?

M. Lavoie: ... qu'aucun fonctionnaire ou qu'aucun directeur général n'a, ni même le président général des élections, ni même l'ombudsman, ni même le Vérificateur des comptes. Nous voulons, je termine, travailler sur une bonne loi et nous suggérons une certaine consultation. A la suite de vos propos, j'aurais une question à vous poser. Lorsque vous mentionnez qu'en 1966 le premier ministre actuel ne pouvait pas faire adopter sa législation à propos des caisses occultes ou de quoi que ce soit — je ne pense pas qu'il soit parti librement du Parti libéral, il a été aidé dans cela — est-ce que cela a empêché, à l'époque, de faire adopter des lois, entre autres, sur la réforme de l'éducation, sur l'assurance-hospitalisation? Est-ce qu'on l'a empêché de nationaliser l'électricité? Est-ce qu'on l'a empêché de collaborer au Régime de rentes, à l'assurance-maladie, aux petites créances, à l'aide juridique? Pour la première partie, il était là.

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lavoie: Pour toutes les politiques qu'il a voulu proposer, il n'y a jamais eu d'enfarges.

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, le député de Laval!

M. Bisaillon: C'est une question qui a été posée, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Ce ne sont plus des rectifications, ce sont des discours. M. le député d'Anjou.

M. Johnson: M. le Président, évidemment, on ne peut pas s'en tirer, dans ce débat, sans parler de l'éternel problème des personnes morales. Tout d'abord, en citant un auteur qu'aime bien le député de Laval, Montesquieu.

M. Lavoie: Ne me citez pas Karl Marx.

M. Johnson: Non, absolument pas. D'ailleurs, cela m'étonnerait qu'il soit un auteur qui vous intéresse. Mais j'ai l'intention de citer Montesquieu auquel vous avez référé à plusieurs reprises, alors que vous siégiez comme président de cette Assemblée. "Quoique dans la démocratie l'égalité réelle soit l'âme de l'Etat, cependant elle est si difficile à établir qu'une exactitude extrême à cet égard ne conviendrait pas toujours". Je pense que Montesquieu nous dit là-dedans que, fondamentalement, la démocratie, c'est le centre de ce qui se passe dans un Etat.

M. Lavoie: II n'y avait même pas le droit de vote dans le temps de Montesquieu; personne n'avait le droit de vote en France. Ne me faites pas croire cela; c'était sous l'ancien régime.

M. Johnson: C'est ce que j'allais dire. M. Lavoie: Bon!

M. Johnson: II demeure quand même que Montesquieu...

M. Burns: C'est votre auteur préféré?

M. Lavoie: Avec Robert Burns, l'Ecossais, pas l'Irlandais, celui que j'ai cité l'autre fois.

M. Johnson: Je pense que, fondamentalement, ce que Montesquieu nous dit là-dedans, c'est qu'au coeur de l'activité de l'Etat il y a la notion de démocratie et, dans le fond, c'est ce que ce projet de loi veut. Quand on parle de démocratie, on parle d'un équilibre entre la liberté et l'égalité des gens. Je voudrais tout de suite, ici, m'inscrire en faux contre l'attitude du député de Laval qui dit qu'on voit des méchants partout. Il y a quand même des faits qui existent. Il ne faut pas oublier que cette loi, quand elle parle des personnes morales, parle de toutes les personnes morales. Je vais tout simplement peut-être faire un petit rappel de ce que le financement a signifié par des intérêts particuliers dans l'histoire relativement récente des Etats-Unis et même du Japon qui est une grande démocratie, on le sait. Le secrétaire d'Etat Seward, au siècle dernier, aux Etats-Unis, disait qu'un parti politique constituait en essence une compagnie à capital-actions au sein de laquelle ceux qui contribuent le plus dirigent les opérations et prennent les décisions. Je pense que c'est assez significatif du genre de mentalité qui a permis un laisser-faire dans une très grande démocratie qui est la démocratie américaine. On sait que les intérêts corporatifs ont amené des décisions qui n'allaient pas nécessairement dans le sens du bien commun.

En Union Soviétique, Kerenski a pris le pouvoir grâce à des mécènes de Moscou. Le nazisme est né en 1932, entre autres, grâce à des contributions de quelques millions de marks qui étaient donnés par des corporations de la Rhénanie et du Palatinat en échange de concessions à ces corporations que le chef du parti nazi, en 1932, leur permettait. Aux Etats-Unis, on sait, dans une histoire plus récente, que seize ambassadeurs américains ont été nommés en 1968 et, comme par hasard, ces ambassadeurs, ces gens qui ont été nommés ambassadeurs, étaient des gens qui avaient contribué fortement à la caisse du président Nixon. Une grande corporation multinationale, que je ne mentionnerai pas, a fourni en 1972, $400 000 et, à l'occasion du Watergate, on l'a vu, cela a été dévoilé à l'époque, à un parti pour faire en sorte que la loi anti-trust ne soit pas appliquée à cette corporation.

Au Japon, on s'amuse à affubler les cabinets en se disant: "Est-ce que c'est un cabinet Mitsubishi ou Mitsui?" C'est $433 452 dans le cas de cette corporation, je m'excuse. Au Japon, on s'amuse à affubler les cabinets qui sont successivement formés du cabinet Mitsubishi ou Mitsui, en se référant à ces grandes corporations.

M. Blank: On est d'accord avec cela. M. Johnson: On parle d'une attitude.

M. Blank: C'est une double question qui couvre tout cela. Si M. B. donne $3 000, c'est une grosse affaire.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que le député de Saint-Louis pourrait demander la parole, de temps en temps? Depuis le matin, vous intervenez, vous interrompez tous les intervenants, alors, demandez la parole. Le député d'Anjou.

M. Burns: Je vais vous dire quelque chose qui va vous éclairer.

M. Lavoie: Voulez-vous dire les mêmes paroles au député de Maisonneuve, si vous êtes vraiment neutre.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Maisonneuve a interrompu des députés, mais après l'acceptation de ces députés.

M. Blank: Voilà, est-ce qu'il demande la parole, maintenant?

Une Voix: Non.

M. Blank: Lui est aussi coupable que moi, pourquoi ne lui reproche-t-on pas? Est-ce qu'il y a une justice seulement de ce côté-ci?

M. Bums: M. le Président, sur la question de règlement.

Le Président (M. Marcoux): Le sujet est clos. M. le député d'Anjou.

M. Burns: Je suggère simplement qu'on écoute sagement, tout le monde, les sages paroles du député d'Anjou.

M. Johnson: M. le Président, je voulais, en fait, ouvrir une parenthèse au sujet de ces intérêts particuliers, et je voudrais m'adresser beaucoup plus à votre esprit positif et, en particulier, à l'esprit positif du député de Laval, qui, on le sait, est en ce moment dans une grande campagne de financement sur l'île de Laval dans laquelle il essaie d'impliquer des milliers de personnes. C'est un effort admirable et on lui souhaite tous les succès nécessaires.

M. Lavoie: J'espère que vous m'enverrez votre contribution.

M. Johnson: Quant aux syndicats, ici, je voudrais peut-être un peu répondre à ce qui me semblait être une inquiétude du député de Beauce-Sud, lors d'une des premières réunions de cette commission, il y a trois semaines. Si on regarde l'histoire, en Grande-Bretagne, des Trade Unions, en ce moment, les grandes centrales syndicales contribuent pour à peu près la moitié du financement du Parti travailliste. Or, en 1909, la Chambre des Lords, qui est le tribunal d'instance suprême en Grande-Bretagne, dans la cause de Osborne, avait donné droit à un cheminot qui contestait le droit de son syndicat de fournir à la caisse électorale d'un parti politique. La Chambre des Lords lui donna raison, ce qui, évidemment, mettait les travaillistes de l'époque dans une situation difficile, ils n'étaient pas au gouvernement, ils étaient, à

toutes fins pratiques, un tiers parti puisque c'était le Parti libéral de Winston Churchill, à l'époque qui était au pouvoir, Winston Churchill étant libéral, ministre de l'Intérieur en 1913, parce qu'il a changé de parti, ce qui prouve... oui en effet, on en a plusieurs, d'ailleurs, dans notre parti.

Winston Churchill, en grand démocrate qu'il était, en 1913, décida donc d'adopter une loi qui permettait aux syndicats — et ce n'était pas son parti politique — qui permettait aux syndicats, effectivement, de contribuer aux partis politiques, mais à deux conditions: la première, c'était que la majorité des syndiqués soient d'accord, et la deuxième, c'était que ceux qui, de toute façon, ne voulaient pas, avaient le droit, en vertu d'une procédure, d'une formule, de faire ce qu'on appelait un "contracting out" autorisant le syndiqué à ne pas contribuer, à ne pas faire en sorte qu'une partie de sa perception syndicale aille à un parti politique.

En 1927, le Parti conservateur décida de changer la formule du "contracting out " par le "contracting in" et la différence était assez importante puisqu'on disait: dorénavant, les centrales syndicales pourront contribuer aux partis politiques, mais à condition que le syndiqué, individuellement, soit d'accord qu'une partie des fonds prélevés sur sa cotisation syndicale aille à un parti politique.

Ce qui a eu pour effet de faire passer le nombre de cotisants au Parti travailliste de 3,2 millions à 2 millions d'individus.

En 1945, les Travaillistes ayant pris le pouvoir, ils ont rétabli les choses et ils ont décidé que c'était encore la formule du "contracting out" qui s'appliquerait, ce qui fait qu'aujourd'hui, au moment où l'on se parle, environ 5,5 millions de syndiqués de Grande-Bretagne donnent un shilling par année au Parti travailliste. Si je vous ai donné cet historique, c'est pour vous expliquer que même cela est visé par le projet de loi. Je pense qu'on peut trouver là-dedans, à travers le type de syndicalisme qu'on vit au Québec, un fondement, à mon avis, qui, toutes réserves faites, met sur un pied d'égalité l'actionnaire minoritaire et le syndiqué, si on parle de corporations et de syndicats.

Oh sait qu'avec l'application de la formule Rand dans certaines entreprises, le type de problème qui peut se poser dans certaines grandes entreprises, avec le maraudage, etc., l'adhésion à un syndicat n'est pas nécessairement voulue par tous les syndiqués, mais elle est voulue par une majorité. L'ensemble, à ce moment, est sujet à l'activité de ce syndicat. On sait, d'autre part, que les syndicats occupent une place importante dans notre vie politique, et c'est, à mon avis, d'ailleurs souhaitable. Mais l'individu dans un syndicat risque d'être en total désaccord dans certains cas avec ceux, au niveau de son syndicat local ou au niveau de son syndicat national, qui prennent les décisions, entre autres celle qui pourrait être la contribution aux partis politiques. Cela est fondamentalement différent de ce qu'on retrouve en France où, finalement, les centrales syndicales sont effectivement très politisées, mais l'adhésion à la centrale syndicale est basée sur l'adhésion des individus et non pas en vertu d'une formule du type Rand.

En ce sens, je pense que cette loi protège tout le monde. Elle protège l'actionnaire minoritaire qui n'est pas d'accord, elle protège également le syndiqué qui n'est pas d'accord. Je pense qu'il faut retenir qu'elle met tout le monde sur un pied d'égalité. De façon beaucoup plus positive, je pense que rien n'empêchera quelque corporation que ce soit, y compris la petite et la moyenne entreprise du comté de Beauce-Sud ou d'ailleurs. Le député de Beauce-Sud sait combien, de ce côté-ci de la Chambre, nous savons que les partis dans lesquels il a milité et les campagnes auxquelles il s'est livré depuis qu'il est en politique, on peut le présumer d'ailleurs fort sérieusement, ont été financés à même de petits dons. On sait que c'est possible de réussir à même des petits dons. On voudrait que tout le monde soit sur un pied d'égalité. Je vois cela comme une perspective d'une société moderne, civilisée qui accepte que, finalement, cela appartienne aux citoyens le financement des partis politiques. Finalement, ce sont eux, d'abord et avant tout, que cela touche. Je ne mets pas en doute l'existence ou la validité de l'existence des personnes morales, qu'elles soient corporatives ou syndicales, mais je dis, fondamentalement que les syndicats, pas plus que les corporations n'ont un droit de vote, lors des élections provinciales ou fédérales. De la même façon qu'on considère que ce sont les individus qui ont le droit de vote, on considère que ce sont les individus qui devraient être garants de la démocratie dans notre société, par le financement démocratique des partis politiques qu'ils appuient.

En terminant, je voudrais tout simplement vous souligner un fait en date du 25 août 1976 — on peut retrouver la citation dans le Federal Register, volume 41, no 166, aux Etats-Unis. En vertu de la partie II du Federal Election Commission Establishment of Chapter, Rules and Regulations, article 114.2: Prohibitions on contributions and expenditures, national banks and corporations organized by authority of any law of Congress are prohibited from making a contribution or expenditure as defined in section 114.1. Cela est très clair. La plus grande démocratie, la plus puissante démocratie en Occident, également par sa commission fédérale des affaires électorales, dans un règlement d'août 1976, interdit les dons corporatifs. Je pense...

M. Roy: Mais limiter à un...

M. Lavoie: Ils permettent par contre soit pour les syndicats ou pour les sociétés d'offrir des services, mettre du personnel et former des comités de pression de citoyens, dites toute la chose.

M. Johnson: Rien n'empêche actuellement un citoyen, qu'il soit membre d'un syndicat ou actionnaire d'une corporation, directeur général d'une corporation ou permanent syndical, d'offrir ses services personnels aux partis politiques et de travailler pour des partis politiques.

M. Lavoie: Avec votre permission... Même les syndicats, aux Etats-Unis, les corporations et les sociétés, ou les groupes de pression, s'i Is n'ont pas le droit, au niveau fédéral, de contribuer directement, comme société ou comme syndicat, ils ont le droit, autant pour les syndicats que pour les corporations, d'organiser, soit au sein d'une corporation ou des syndicats, des groupes de pression, avec des services, des "mailing lists", des groupes actifs. Les gens sortent de la société normale du travail pour s'occuper uniquement des élections ou des syndicats...

M. Johnson: Mais l'argent...

M. Lavoie: ...payés par la compagnie.

M. Johnson: ...que recueillent ces groupes, qui sont définis à l'article 114.1, que j'ai relu ce matin encore, c'est l'argent d'individus. Les corporations ne peuvent financer ces comités. C'est la seule différence qui existe entre notre projet de loi et ces prohibitions des articles 114.1 et 114.2 des Rules and Regulations de la commission fédérale américaine qui disent qu'il ne serait pas possible de donner indirectement, qu'il y ait effectivement formation d'un comité spécial à l'intérieur d'une centrale syndicale ou d'une corporation. Cependant, cela n'empêche en aucune façon les individus de convoquer une assemblée d'actionnaires pour les inciter, chacun, à donner $3000 et à aller voter pour un parti, pas plus que cela n'empêche une centrale syndicale de le faire.

Je pense qu'il faut remettre un peu les choses dans leur perspective. Il ne faut quand même pas s'imaginer qu'on est en train d'instaurer la planète Mars dans le financement électoral. On s'inspire largement de ce qui se passe dans un pays où l'entreprise privée et la personnalité corporative est tellement importante qu'à un moment donné on se demandait, à certaines époques, aux Etats-Unis, qui menait. Quand je vous citais Seward, tout à l'heure, je pense que c'était assez significatif d'une mentalité de l'époque. Je pense que cette loi est innovatrice non seulement parce qu'enfin elle établit clairement qu'un gouvernement a décidé de prendre le taureau par les cornes, dans ce domaine, et d'affirmer, une fois pour toutes, la nécessité du contrôle démocratique par les citoyens électeurs, mais également cette loi ouvre une perspective sur une conception, qui ne manque pas d'imagination, de ce qu'est la démocratie. La démocratie, c'est vous et moi, c'est le secrétaire de comté, comme c'est le chef de cabinet du député de Laval, comme ce sont également toutes les personnes dans cette salle. Ce que ce projet affirme, c'est cela. C'est le contrôle, par les citoyens électeurs, des partis politiques. Je pense que c'est sain pour la démocratie.

M. Roy: Est-ce que le député d'Anjou fait une distinction quand il parle du contrôle? L'honorable député de Sainte-Marie, qui a parlé tout à l'heure aussi, a dit la même chose. On parle du contrôle des partis par les électeurs. Je regrette, mais je pense que c'est un peu le contrôle des par- tis par l'Etat. Regardez ce qu'il y a dans la loi. Je ne sache pas que ce soit l'électeur qui va pouvoir contrôler bien fort là-dedans, c'est l'Etat qui va contrôler. Il y a une distinction qu'il est important de faire.

M. Johnson: On reviendra là-dessus en deuxième lecture.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Russell: J'ai été un peu surpris ce matin d'entendre dire que le président de la Commission des droits de la personne ne voulait pas venir se présenter devant la commission, de peur que ce soit une discussion politique. Je pense qu'il aurait été servi à souhait. Il y a eu une bonne discussion politique, amorcée, d'abord, par le leader parlementaire du gouvernement, par l'exposé qu'il a fait de façon très sommaire. J'ai été un peu surpris. Je ne croyais pas que c'était le but de la réunion ce matin. On a fait venir des gens qu'on voulait questionner. Je ne voudrais pas non plus m'étendre sur le sujet comme l'ont fait ceux qui m'ont précédé, c'était leur droit s'ils voulaient le faire, mais je crois qu'on devrait peut-être, M. le Président, avec la permission de la commission, essayer de revenir au but poursuivi dès le début et ne pas s'embarquer dans des discussions sur les campagnes électorales et essayer de faire l'histoire du Québec, presque l'histoire du monde entier.

On pourrait même commencer en faisant une courte histoire des gouvernements précédents et des campagnes électorales, j'en ai vécu quelques-unes. On pourrait relever une multiplication de cas pour tâcher de se justifier. Pas plus que je voudrais que mon presque silence sur cette loi soit interprété du fait que je suis d'accord avec cette loi que je juge complètement inutile. On aurait pu — c'est là que je voudrais questionner — en amendant la Loi électorale, obtenir le même but et rejoindre les points qui ont été partiellement couverts ce matin, limiter les contributions aux partis politiques.

Il y a un paquet d'autres amendements qui auraient pu être apportés à la loi pour obtenir ce qu'on prétend qu'on veut obtenir, si on veut se limiter à démocratiser.

M. Burns: II y a toujours la possibilité, lorsqu'on l'étudiera article par article, de soumettre des amendements.

M. Russell: Oui, c'est à cela que je voulais en venir. Ce matin, on veut s'alimenter d'informations pour, demain, être capables de discuter de cette loi. Mais, si on continue dans le chemin qu'on suit actuellement, on aura passé la matinée a écouter des gens fort savants qui nous auront fait l'histoire politique de l'Angleterre et d'autres pays, mais on ne sera pas tellement informé sur les buts qu'on poursuit à cette commission.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, très brièvement. Le député de Sainte-Marie tantôt faisait allusion à un éditorial de M. Latouche. Il a omis de nous lire le paragraphe qui suivait la partie qu'il nous a citée et qui se lit comme suit: "Pourtant ce ne sont pas les points faibles qui manquent dans la législation péquiste". C'est un peu, M. le Président, ce que j'aimerais faire ressortir très brièvement; je n'ai pas l'habitude d'abuser du temps de l'Assemblée nationale et des commissions. Depuis le dépôt de ce projet de loi no 2, en mars dernier, on s'est rendu compte et je félicite le ministre de son ouverture d'esprit partielle lorsqu'il reconnaît...

M. Burns: II me semblait qu'il y avait un pot avec ces fleurs-là.

M. Gratton: II y a toujours un "partiel" quelque part... lorsque par exemple, il donne raison à la Commission des droits de la personne, en disant qu'on doit faciliter la liberté de former une association politique. On note que, dans le texte original...

M. Burns: Je m'excuse, je m'excuse, mais avant de...

NI. Gratton: Vous allez recommencer.

M. Burns: Non, non, avec votre permission, je voudrais juste vous préciser que, même avant la réception de l'opinion, à la suite de la réception du mémoire de la chambre de commerce, on a...

M. Lavoie: Mais...

M. Burns: A moins que vous ne me permettiez pas de faire cette intervention-là.

M. Gratton: Non, non, allez-y.

M. Burns: Le député de Laval a l'air de ne pas être content que j'intervienne. Je veux tout simplement dire que, dès la réception de l'intervention de la Chambre de commerce, on s'est dit: Oui, le projet de loi tel que rédigé ne précise pas suffisamment notre opinion et il faudra le modifier. On a donné tout à fait droit à la suggestion de la Chambre de commerce de Québec, à la suite de cette demande-là, puis bien avant que la commission nous envoie son avis.

M. Gratton: J'en conviens, M. le Président. Ce que je veux faire ressortir principalement, c'est le fait que, dans le texte original du projet de loi no 2, on retrouvait des anicroches très importantes que le ministre, la semaine dernière, a qualifiées de "technicalités", mais qui, dans le fond, nous menaient très loin, cela le ministre doit le reconnaître. Par exemple, le droit d'expression des associations autres que les partis politiques; cela a fait l'objet, bien entendu, de représentations de la chambre de commerce entre autres; la Commission des droits de la personne l'a repris et le ministre nous dit ce matin — il nous l'avait dit la semaine dernière — qu'il y souscrit. Le ministre nous a dit dans ses remarques ce matin, également, qu'il reconnaît le droit de l'inviolabilité de la demeure et j'en suis fort aise.

Essentiellement, M. le Président, là où le ministre rejette l'avis de la Commission des droits de la personne du revers de la main, c'est surtout dans le cas des contributions des personnes morales. Il s'inspire pour refuser le principe, sur le fait qu'on veut remettre le contrôle des partis politiques aux citoyens. Il nous dit, entre autres, qu'il veut éliminer deux sources de... Est-ce que je parle tout seul?

Le Président (M. Marcoux): Non, non, c'est dans le journal des Débats.

Une Voix: C'est enregistré.

M. Lavoie: On voudrait que ce soit enregistré dans la tête du ministre, pas au journal des Débats.

M. Gratton: C'est justement ce que je vise, M. le Président, par mes propos, soit de faire appel à cette ouverture d'esprit proverbiale du député de Maisonneuve et lui demander de reconsidérer cette prise de position de ce matin quant aux contributions des personnes morales. Il nous dit que, pour remettre le contrôle des partis politiques aux citoyens, il nous faut éliminer deux choses: d'abord, ce qu'il appelle l'inégalité de fait entre le citoyen électeur et la compagnie multinationale — c'est lui qui y fait référence — ensuite, l'aspect occulte du financement des partis politiques.

Or, M. le Président, il y a des façons de contrevenir à ces deux objections sans, pour cela, éliminer complètement la possibilité pour une personne morale de faire une contribution à un parti politique.

Il y a la divulgation, bien entendu, qui est un moyen dont se sert la grande majorité des gouvernements ou des Etats qui ont légiféré dans le domaine, divulgation du montant des contributions. Ensuite, bien entendu, une limite sur les contributions que peuvent faire les personnes morales. Où on risque des inégalités encore plus graves que celles que veut prévenir le ministre, c'est lorsqu'on élimine toute possibilité, pour toute personne morale, de faire une contribution quelconque, sauf par le biais de je ne sais trop quel article qui prévoit qu'une personne morale peut fournir des services quelconques mais à condition quelle le fasse de façon neutre, c'est-à-dire, à tous les partis politiques en cause, ce que j'ai qualifié de non-sens, la semaine dernière, et que je maintiens. Si la raison d'être d'une contribution, soit de service ou d'argent, à un parti politique est de promouvoir une idée ou un intérêt quelconque c'est, bien entendu, aller contre ce principe que de forcer cette personne morale à fournir le même service à tous les partis politiques. Le député de Saint-Louis,

d'ailleurs, a fait état d'une situation de fait la semaine dernière.

M. Burns: On a réglé le cas de sa femme, dans la nouvelle rédaction.

M. Gratton: Oui. Comment?

M. Burns: Elle va venir travailler pour nous.

M. Blank: L'intelligence et la beauté manquent, chez vous.

M. Lavoie: Vous serez obligés d'amender la loi parce qu'elle coûte cher.

M. Gratton: Vous portez là un jugement très sévère envers la performance du député de Saint-Louis. Toujours est-il, M. le Président, que si nous voulons réellement éliminer la possibilité, pour les multinationales, d'influencer indûment un parti politique, pourquoi ne le dit-on pas dans la loi? Pourquoi n'élimine-t-on pas les personnes morales qui sont inscrites à la Bourse, par exemple, les empêchant de souscrire financièrement à un parti politique, et permettant aux syndicats, à des associations, à des personnes morales, qui sont des individus, mais qui n'ont pas le statut d'électeurs, de pouvoir contribuer de l'argent et des services à un parti politique de leur choix?

Il y a sûrement des formules qu'il serait possible au gouvernement d'adopter et qui ne brimeraient pas le droit d'une personne morale d'appuyer le parti politique de son choix. Si c'est réellement là la préoccupation principale du gouvernement — et c'est ce qui ressort de tout le charriage auquel j'ai été exposé depuis quelques mois — pourquoi ne pas le dire? Pourquoi ne pas légiférer dans ce sens plutôt que, du revers de la main, éliminer toutes les personnes morales, de quelque façon que ce soit?

On sait fort bien, M. le Président, que, indépendamment des dispositions...

M. Bisaillon: Juste une petite question.

M. Gratton: Oui, tantôt. Indépendamment des dispositions qu'on pourrait inscrire dans cette loi, il y aura sûrement toutes sortes de façons possibles d'y échapper. Une compagnie, par exemple, pourrait demander à plusieurs de ses administrateurs de faire des contributions à titre personnel. Elle pourrait demander à des gens qui lui fournissent des services professionnels de le faire en leur nom en fournissant une facture pour services professionnels à la corporation à ce titre.

Je préférerais — c'est défendu par la loi, bien entendu — de beaucoup que le taux soit fait ouvertement et qu'il y ait une limite, quelle que soit cette limite, sur la contribution qu'une corporation peut faire, et que le taux soit divulgué publiquement, ce qui répondrait aux deux préoccupations du gouvernement, soit que tous soient égaux, c'est-à-dire le citoyen électeur et la compagnie multinationale, et que le public ait droit à cette information par le biais de la divulgation.

M. le Président, il me semble que, partout ailleurs — on a des cas et on pourrait en citer une cinquantaine — on n'est pas allé aussi loin. La Commission des droits de la personne, ce n'est pas le Parti libéral qui parle, n'en déplaise à M. Latouche, il l'a dit lui-même que ce ne sont pas les points faibles qui manquent dans la loi péquiste. Je pense que c'est un point faible évident et flagrant dans cette loi et je fais appel à cette ouverture d'esprit proverbiale du député de Maisonneuve. Après tout, ce n'est pas un crime que de s'être trompé, que d'être allé trop vite, d'avoir improvisé en fonction d'un engagement qu'on avait fait en campagne électorale.

J'en conviens et c'est tout à fait normal. Mais, lorsqu'on se rend compte qu'on s'est trompé, qu'on est en train de se fourvoyer de façon magistrale, il y a lieu d'y penser sérieusement, d'essayer d'explorer les possibilités afin de faire en sorte qu'on atteigne réellement l'objectif qu'on vise et de ne pas, du revers de la main, brimer les droits de plusieurs personnes morales au Québec qui ont droit comme n'importe qui d'autres à faire valoir leurs intérêts et à souscrire au parti politique de leur choix.

M. Bisaillon: Je dois dire, M. le Président, que je suis très heureux de l'intervention du député parce qu'on voit qu'il progresse tranquillement. Il commence déjà à reconnaître qu'il y a un certain nombre de compagnies qui ne devraient pas être couvertes par la loi. Ma question c'est au sujet des mouvements. Si on laissait, je vous donne deux exemples, le Mouvement national des Québécois financer le Parti québécois et le Mouvement Québec-Canada financer le Parti libéral. Ces deux mouvements, en finançant les partis politiques, on ne contrôlerait pas les sources de financement des mouvements. Autrement dit si, par exemple, je reçois $10 000 du Mouvement national des Québécois...

M. Lavoie: C'est limité à $3000.

M. Gratton: C'est parce qu'on ne veut pas...

M. Lavoie: C'est dans les limites de la loi.

M. Bisaillon: II n'a pas fait cela. Il a dit: Laissez les mouvements...

M. Gratton: Le député de Sainte-Marie conviendra — si je me suis mal exprimé je m'en excuse. J'ai parlé de deux aspects fondamentaux, soit la divulgation publique et une limite.

M. Burns: Vous êtes d'accord avec la divulgation?

M. Gratton: Absolument.

M. Burns: Cela veut dire que vous n'êtes pas d'accord avec la Commission des droits de la personne?

M. Gratton: Je parle de la divulgation des contributions des personnes morales...

M. Burns: Avez-vous lu l'opinion de la commission?

M. Gratton: Oui, justement je...

M. Burns: La commission dit que la divulgation, entre autres, est une atteinte...

M. Gratton: Oui, mais ce n'est pas de cela que je vous parle. M. le Président...

M. Burns: ... au secret du vote.

M. Gratton: ... est-ce que j'ai la parole?

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: On peut bien se poser des questions toute la journée. Que je sois d'accord avec la commission sur ce point ou non, ce n'est pas là le but de mon propos. Je vous parle des contributions des personnes morales. De toute évidence, je l'ai dit, je le répète, je suis d'accord que ce soit divulgué. Je suis d'accord qu'il y ait une limite. A ce moment, cela rejoint les objectifs que vous semblez poursuivre, que tout le monde soit égal devant la loi, le citoyen électeur aussi bien que la multinationale. Si les multinationales, vous ne voulez pas les avoir, dites-le dans la loi qu'elles n'ont pas le droit.

M. Lavoie: Les compagnies cotées à la Bourse, excluez-les. Les multinationales, les banques, laissez les entreprises moyennes avec des limites de $3000 et divulguez. Si vous avez de la consultation...

M. Burns: Vous êtes rendu à mi-chemin. On est à la veille de vous convaincre. Cela va bien aller.

M. Lavoie: Ce projet était au Conseil exécutif à la douzième édition avant que vous n'arriviez.

M. Gratton: M. le Président, puis-je terminer?

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Saint-Louis.

M. Burns: Ce n'est pas pire. Nous ça nous a pris deux éditions. Ce n'est pas si mal.

M. Lavoie: C'est assez mal fait votre affaire aussi. Question d'ordre.

M. Burns: C'est cela. Vous nous le direz.

M. Lavoie: Je vois le ministre des Affaires intergouvernementales. Il est à la table. Je ne sais pas si son silence est une négation ou un appui.

Le Président (M. Marcoux): Ce n'est pas une question d'ordre.

M. Lavoie: Oui, parce qu'il a les jambes sur la chaise. Lui qui, comme grand conseiller de l'Etat, a servi de mauvais gouvernements...

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous plaît! Le député de Gatineau.

M. Lavoie: ... Johnson, Bertrand, Lesage, Bourassa, ces gouvernements...

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous plaît, le député de Laval! Le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, j'ai l'impression...

M. Lavoie: ... élus par des caisses occultes. Il a conseillé ces gouvernements, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, j'ai l'impression que je vais être interrompu par une question de privilège du député de Louis-Hébert.

M. Morin (Louis-Hébert): Pas du tout.

M. Gratton: Alors, M. le Président, j'avais terminé.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Saint-Louis.

M. Blank: Je veux seulement...

M. Burns: II me semble qu'il y a une question qui est posée au ministre.

Le Président (M. Marcoux): Le ministre n'a pas demandé la parole.

M. Lavoie: Je n'ai pas posé de questions. Une question de décorum et d'ordre.

M. Burns: II me semble qu'on devrait au moins donner la chance au ministre de répondre.

Le Président (M. Marcoux): II n'a pas demandé le droit de parole. S'il l'avait demandé, je l'aurais reconnu. Le député de Saint-Louis.

M. Blank: M. le Président...

M. Gratton: II est très discret, lui.

M. Morin (Louis-Hébert): Je crois que vous aimeriez mieux que je n'intervienne pas, avec la question que j'ai à vous poser.

M. Lavoie: La moutarde vous monte au nez.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Saint-Louis.

M. Blank: M. le Président, le député de Maisonneuve a fait allusion au fait qu'une personne peut arranger une corporation de 18 ou 20

compagnies pour contourner la loi; comme l'a dit le député de Beauce-Sud, c'est un peu illogique. Même si cela peut arriver, la plus nouvelle des lois semblables était votée par l'Alberta récemment. Dans cette loi, il y a un paragraphe, le paragraphe 30, qui couvre ce qu'on appelle les demi-corporations. Cela peut être réglé facilement. Comme le député de Gatineau l'a dit, si on veut contourner la loi on peut le faire facilement.

Pourquoi ne pas faire une loi qu'on peut appliquer, pas une loi qu'on trouve facile de contourner? C'est plus logique d'adopter une loi pratique qu'on peut appliquer.

M. Burns: C'est parce que, M. le député de Saint-Louis, on part avec l'idée de base — et je pense que cela se vérifie; comme avocat, je pense que vous êtes en mesure de me dire que c'est exact ce que je vais dire — que la majorité des citoyens a plutôt tendance à suivre une loi qu'à tenter de l'éviter.

M. Blank: Exactement comme le député...

M. Burns: Cela veut dire qu'on légifère, dans le fond, pour une minorité, ceux qui veulent contourner la loi.

M. Blank: Mais cela veut dire que vous empêchez les droits de la majorité, comme le député de Beauce-Sud l'a dit, pour essayer de couvrir un nombre très minime, ou que vous mettrez de côté les droits et les libertés de tout le monde pour couvrir les cas où vous pensez que vous avez des soupçons.

M. Burns: Non, c'est simplement pour reconnaître le fait qu'actuellement, au Québec, il y a des électeurs, et ces électeurs ne sont pas des compagnies; que, deuxièmement, il y a déjà de la discrimination à l'endroit des compagnies, n'en déplaise à la Commission des droits de la personne, même dans des domaines où la Charte des droits et libertés de la personne accorde une liberté de sexe. Je ne connais pas de compagnies qui se marient, je ne connais pas de compagnies qui font des enfants, je ne connais pas de compagnies...

M. Lavoie: Est-ce que vous connaissez des compagnies qui paient des impôts?

M. Burns: Oui, je connais des compagnies qui paient des impôts, mais elles ne votent pas. Je ne connais pas de compagnies qui votent au niveau provincial ou au niveau fédéral. Je ne connais pas de compagnies qui ont une religion à part des corporations religieuses.

M. Lavoie: Pour défendre un ordre social, c'est aussi simple que cela.

M. Burns: Pourquoi ne donnent-elles pas cela aux musées? Vous avez des musées qui sont en train de péricliter au Québec. Si elles ont de l'argent...

M. Lavoie: Si vous regardez de votre côté.

M. Burns: Non, je pointais en haut. Vous avez des musées, dans le domaine social...

M. Lavoie: Les compagnies donnent aux musées de Montréal.

M. Burns: L'argent qu'elles ont de disponible, qu'elles donnent donc là. Ce serait parfait.

M. Blank: Mais elles veulent avoir cet argent avec un gouvernement qui ne fait pas leur affaire; elles ne peuvent pas perdre tout cet argent, elles ne peuvent pas donner cela à la Croix-Rouge et aux musées. Elles veulent protéger ce droit fondamental de faire un dollar et le donner à qui elles veulent.

M. Burns: C'est très important.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Laval. Non? M. le député de Jeanne-Mance.

M. Burns: On pourrait peut-être passer le juge Drouin. Je m'excuse, M. le député de Saint-Louis. Je fais une suggestion à la commission. Le juge Drouin est avec nous depuis 10 heures ce matin, et c'est à notre demande, c'est-à-dire à la demande de la commission qu'il est venu ici. Il me semble qu'on pourrait peut-être tenter de le libérer avant notre ajournement d'une heure. Je n'ai qu'une seule question, avec votre permission, M. le Président, à poser au juge Drouin. Il a été question, au cours de la discussion, du candidat indépendant. Là, je m'adresse justement au technicien que vous êtes en matière électorale. Un candidat à une élection qui est un indépendant, est-ce que cela peut physiquement, légalement, exister avant que les brefs d'élection ne soient émis? C'est ma question, la seule.

M. François Drouin

M. Drouin (François): Non seulement avant que les brefs d'élection ne soient émis, mais avant qu'il ait déposé son bulletin de présentation. Il n'est candidat que lorsqu'il a déposé son bulletin de présentation et que ce bulletin de présentation a été accepté par le président des élections.

M. Lavoie: Je ne m'adresserai pas au juge... Continuez M. le juge.

M. Drouin: Mais, évidemment, on dit souvent, dans le langage populaire: M. Untel, parce qu'on a eu une convention, est candidat dans le district électoral de... mais c'est péjoratif.

M. Lavoie: Une question. Pour ne pas permettre, justement, l'introduction que je ne désire pas, du juge Drouin dans le débat politique, je vais l'adresser au leader parlementaire du gouvernement. Qu'on permette à un député indépendant, en vertu de cette loi, de recueillir des fonds pour favoriser son élection dans un délai d'à peu près un mois ou quinze jours seulement — parce que c'est lors de la mise en nomination qu'il devient un

candidat accessible à une élection — cela veut dire qu'on lui donne uniquement un délai d'une quinzaine de jours pour recueillir quelques fonds pour promouvoir son élection. En plus de cela, une fois élu, s'il désire garder son statut d'indépendant et qu'il veut propager la politique qu'il défend ou les gestes qu'il pose ou qu'il entend poser à l'Assemblée nationale, vous l'empêchez, pendant qu'il est élu, de ramasser des fonds, en entrant en contact avec ses électeurs, pour solliciter un deuxième mandat. Egalement, une fois élu, il est empêché ce bonhomme qui ne pourrait pas ramasser $1000 pour faire un envoi postal à ses électeurs, ou quelque chose comme ça, de peut-être passer à la télévision.

M. Burns: L'envoi postal, peut-être qu'éventuellement cela pourrait être réglé via la...

M. Lavoie: En tout cas, c'est un point d'interrogation. Je pense que vous brimez certains droits de ce bonhomme de se faire élire.

M. Burns: Quand on en discutera, je suis prêt à l'examiner, si vous m'amenez un cas comme celui-là. Le but de cette loi n'est pas de brimer quelqu'un, mais de remettre le financement entre les mains de ceux qui, normalement, devraient l'avoir, c'est-à-dire les électeurs. Ensuite, pour l'ensemble de la loi, je suis absolument certain que tout dépendra de celui qui aura à administrer la loi par la suite, c'est-à-dire le directeur général du financement. Je pense que le député de Laval est prêt à reconnaître cela. Dans notre petit voyage éclair à Sacramento, Washington, Toronto et Ottawa, on s'est rendu compte d'une chose, c'est que, à chacun des endroits, que ce soit une commission ou que ce soit un individu qui l'administre, que ce soit partisan ou que ce soit non partisan l'information de cette commission, l'approche constante a été de dire: II faut qu'il y ait compréhension entre les partis politiques.

M. Lavoie: Consultation, éducation populaire et tout et non pas persécution.

M. Burns: Non, mais cette loi, il ne faut pas la prendre comme coercitive non plus. Elle est faite tout simplement pour mettre des balises, pour mettre des "guide-lines", comme je le disais l'autre jour, ce que vous n'aimez pas comme expression.

M. Blank: Des chaînes, des menottes.

M. Burns: Non, mais c'est beaucoup plus un financement désordonné des partis politiques qui peut mettre des chaînes aux poings des partis politiques.

M. Gratton: II commence à y en avoir moins de chaînes.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: M. le Présidenjt, je voudrais poser une question qui s'adresse au président général des élections. Je veux qu'il soit bien à son aise pour me répondre. J'aimerais reprendre la question du député de Laval quand il a parlé de députés indépendants, de candidats indépendants. En vertu de la loi actuelle — je parle toujours en vertu de la loi actuelle, même si on me fait signe qu'il y aura une autre loi — une personne qui désire se présenter dans un comté, selon la tradition politique, un an avant la date des élections, peut commencer à former un comité et recueillir des fonds. Est-ce qu'en vertu de la loi actuelle il pourrait agir?

M. Burns: Vous voulez dire la Loi électorale? M. Drouin: En vertu de la Loi électorale. M. Roy: Du projet de loi 2.

M. Drouin: C'est en dehors de ma juridiction, ce que vous me demandez.

M. Burns: Je pense que vous lui demandez une opinion juridique sur le projet de loi no 2.

M. Lavoie: Le leader du gouvernement pourrait répondre.

M. Burns: Selon le texte de l'actuel projet de loi 2, non.

M. Roy: C'est cela que je voulais savoir. J'aurais une deuxième question, si on me le permet, à poser au président général des élections, une question de portée générale. Le personnel, actuellement, qui est au service du président général des élections, est-ce qu'il doit subir les concours de la fonction publique? Est-il soumis à la fonction publique et tout cela?

M. Drouin: Oui.

M. Roy: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Laval et après celui de Brome-Missisquoi.

M. Lavoie: Vous connaissez les pouvoirs que vous avez en vertu de la Loi électorale. Répondez donc à la première question que j'ai posée lorsque vous n'étiez pas encore invité à la table. Le remboursement des dépenses électorales des candidats, à certaines conditions, existe je crois, depuis l'élection de 1966, si je me rappelle bien.

M. Drouin: Sauf les élections partielles qui ont eu lieu avant 1966.

M. Lavoie: D'accord. Qui sont admissibles à peu près dans une proportion de 40% à 50%, suivant certaines conditions, grosso modo.

M. Drouin: Si nous prenons, par exemple, n'est-ce pas, un district électoral comprenant

30 000 électeurs, justement, ils ont droit à $15 000 de dépenses. Et s'ils dépensent leurs $15 000, je rembourse $9000.

M. Lavoie: Par contre, dans mon cas, j'en avais 46 000 ou 47 000; je pense que cela allait à peu près à 40% ou 45% des remboursements parce qu'après un certain nombre de votants le nombre permissible est diminué.

M. Drouin: C'est décroissant.

M. Lavoie: Depuis 1966, cela fait 1966, 1970, 1973, 1976, quatre élections, et je n'ai pas le nombre de candidats élus ou défaits à qui vous avez remboursé des sommes. J'ai lancé un chiffre tout à l'heure peut-être 800, soit 200 par élection; c'est peut-être trop, je ne le sais pas.

M. Drouin: 267 cette année qui ont droit à un remboursement sur 500.

M. Lavoie: J'ai fait une moyenne de 200 par quatre élections, cela fait 800. Combien y a-t-il eu de cas qui ont été devant les tribunaux pour délit ou infraction à la loi?

M. Drouin: Un.

M. Lavoie: Un sur 800.

M. Drouin: Un cas, puis cela n'a pas été contre le candidat ni contre le député élu, cela a été contre un agent officiel qui a falsifié des reçus. Il a été condamné à $500 d'amende puis il a perdu sa fonction là où il travaillait.

M. Lavoie: C'est un peu, pour confirmer les propos de M. Blank ou de M. Gratton, c'est la petite exception. Il ne faut pas prendre un "bulldozer" pour tuer une mouche.

M. Burns: Ce que je disais tout à l'heure, cela confirme exactement mes dires, c'est que la majorité des gens a tendance à suivre une loi plutôt que de passer à côté.

M. Bisaillon: II faut qu'elle soit adoptée. M. Burns: II faut qu'elle soit là.

M. Lavoie: Par contre, il ne faut pas une loi excessive, draconienne comme la vôtre et qui a suscité justement 23 pages de propos préliminaires de la Commission des droits de la personne.

M. Burns: C'est votre opinion. Sur laquelle on reviendra.

M. Lavoie: On parlera, à la fin, des pouvoirs du directeur général. Je pense bien que vous connaissez les pouvoirs que vous avez comme président d'élection. Je n'ai pas fait le parallèle entre les pouvoirs qu'on accorde, dans ce projet de loi, au directeur général de l'application de cette loi. Il est au-dessus du Parlement, au-dessus du gouvernement, au-dessus des tribunaux, parce que tout le système judiciaire, la surveillance du tribunal comme la Cour supérieure, il est libéré de cette surveillance...

M. Burns: Comme dans toute loi administrative.

M. Lavoie: Pas toutes les lois. M. Burns: Voyons donc! M. Lavoie: Attention!

M. Burns: Lisez donc n'importe quelle disposition que vous avez des pouvoirs quasi judiciaires, vous avez une exemption d'injonction...

M. Lavoie: Laissez-moi donc finir. Est-ce qu'il a demandé la permission? Je n'ai pas accordé la permission.

M. Burns: Vous dites des faussetés.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Laval.

M. Burns: Vous dites toutes sortes de sottises.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Laval.

M. Lavoie: La preuve, c'est que vous avez déjà enlevé le droit de perquisition sans mandat puis vous allez le rétablir, le mandat.

M. Burns: Oui.

M. Lavoie: C'est la raison pour laquelle on a soulevé des craintes et des appréhensions...

M. Bisaillon: Vous ne parliez pas de cela, là.

M. Lavoie: C'est dans le pouvoir du directeur général qui avait le droit de faire des perquisitions sans mandat. On a ouvert vos lumières puis vous revenez sur cela.

M. Burns: Je suis d'accord sur cela.

M. Lavoie: Je continue. Tous les hauts fonctionnaires, en général, ont la surveillance de la Cour supérieure, à ma connaissance.

M. Burns: Pas dans l'exercice de leur mandat, en vertu...

M. Lavoie: Mais il y a des recours.

M. Burns: Que ce soit en vertu de la Loi des commissions d'enquête, que ce soit n'importe quel tribunal administratif, n'importe quel fonctionnaire qui exerce une fonction judiciaire ou quasi judiciaire est exempt de tout appel dans l'exercice de ses fonctions...

M. Lavoie: Pas tous.

M. Burns: Je vais vous en citer à peu près 60 de nos lois. C'est une disposition qui existe dans chacune de nos lois.

M. Blank: Oui, mais dans cette affaire, c'est un peu différent. Le président des élections a cette protection, parce qu'on ne peut pas arrêter une élection. Il a 28 jours. Mais le financement, cela ne presse pas. Si on pense que le directeur a fait quelque chose de mal, on doit avoir le droit d'aller au tribunal, parce qu'on n'arrête pas une élection. Ce n'est pas le même cas.

M. Burns: Le député de Saint-Louis va comprendre ceci. Est-ce que le député de Saint-Louis peut m'écouter là-dessus? Si jamais vous avez véritablement, en vertu de quelque loi que ce soit, que ce soit le Tribunal du travail, que ce soit le commissaire-enquêteur, que ce soit n'importe qui, s'il y a excès de juridiction, la jurisprudence est constante et claire à l'effet que, même si cette disposition existe dans la loi, les tribunaux vont en prendre connaissance. Vous allez admettre cela.

M. Blank: Sur excès de juridiction. M. Burns: Oui. M. Blank: Oui.

M. Burns: C'est cela. C'est pour cela que je dis que, dans l'exercice de ses fonctions, comme n'importe quel de ces hauts fonctionnaires ou même un commissaire-enquêteur, par exemple, en vertu du Code du travail, on dit dans la loi, dans le Code du travail qu'il n'est pas sujet à évocation devant les tribunaux, il n'est pas sujet à des injonctions, etc. C'est exactement tout ce qu'on utilise dans le droit administratif, sauf que les tribunaux vont s'en mêler s'il excède sa juridiction. C'est la jurisprudence constante. On n'a pas besoin de mettre la jurisprudence dans la loi.

M. Lavoie: J'ai une autre question à poser. Je souligne les pouvoirs exorbitants du directeur général. Ma dernière question au juge Drouin. Vous avez établi, dans votre service, dans votre organisme qui s'appelle la Présidence des élections, depuis au-delà de dix ans, certains mécanismes d'administration, vous avez du personnel qui vérifie, qui épluche toutes les dépenses électorales des candidats élus ou défaits. Je sais toutes les exigences que vous avez. Lorsqu'il s'agit d'obtenir notre remboursement, on doit fournir toutes les pièces justificatives et tout. Vous avez tout cela et je pense que c'est très bien fait, je dois vous en féliciter. Je sais bien qu'on est obligé, dans certains cas, de fournir 500 ou 600 pièces, ce n'est pas rare, un reçu de chaque personne qui distribue quoi que ce soit.

Ma question est bien simple: Est-ce que votre bureau serait en mesure, à cause des mécanismes que vous avez mis en place, que vous avez rodés depuis dix ans, de surveillance, de comptabilité, etc., de voir à l'application de la présente loi au point de vue des dépenses des partis politiques et de la divulgation durant les périodes entre les élections?

M. Burns: Je m'excuse, M. le Président, j'in- voque le règlement. Je ne veux pas bâillonner le juge, loin de là, je veux tout simplement qu'il se sente tout à fait à l'aise de répondre à cette question, mais j'y décèle...

M. Lavoie: C'est une question technique.

M. Burns: Je m'excuse, mais c'est justement dans le but de protéger l'indépendance du président général des élections. J'y décèle une opinion relative à la loi. Je ne sais pas, je le dis en toute liberté. Si le juge se sent en position de répondre à cette question, qu'il le fasse; par contre, moi, je ne le critiquerai pas si jamais il trouve qu'il se prononce sur une décision politique. C'est une décision politique qui a été prise dans la loi, de créer le poste de directeur général du financement.

M. Lavoie: Et de créer un autre organisme avec encore du fonctionnarisme et une autre commission.

M. Burns: Bien oui, c'est cela. En tout cas, c'est une décision politique. Vous avez le droit de m'engueuler là-dessus, mais je pense que vous n'avez pas le droit, et ce serait injuste, d'engueuler le juge Drouin ou même de lui demander d'être votre avocat sur cette position. Maintenant que cela est dit, dans les limites où le juge — je me fie à son jugement là-dessus — décidera de répondre, je n'ai aucune espèce d'objection, mais je voulais aussi qu'on ne critique pas sa réponse.

M. Lavoie: Ne vous inquiétez pas, je ne lancerai pas de débat.

M. Drouin: Je n'ai jamais refusé, dans le passé, les responsabilités que les gouvernements ont voulu me donner. Cela a fait 32 ans, ta semaine dernière, que je suis président général des élections. La décision de donner cela au président général ou à une tierce personne ou à une tierce organisation, c'est une décision politique qui relève du gouvernement. Une fois qu'elle est prise, ce n'est pas à moi de dire si elle est bonne ou mauvaise.

M. Lavoie: Combien avez-vous de personnes à votre emploi? Je ne parle pas en période électorale, vous pouvez avoir du personnel supplémentaire.

M. Drouin: Avec la Commission permanente de la réforme des districts électoraux, on doit être une trentaine de personnes...

M. Lavoie: Une trentaine de personnes.

M. Drouin: ... parmi lesquelles j'ai cinq ou six personnes à Montréal. J'ai un adjoint à Montréal et un adjoint à Québec. Il est d'ailleurs ici, avec moi.

M. Lavoie: Je n'ai plus de question à poser au juge. Un seul commentaire: C'est une suggestion que je ferais s'il y avait consultation entre les partis. Pourquoi ne pas centraliser tout ce qui regarde

les élections — c'est une suggestion que je fais dans un esprit de collaboration — tout ce qui regarde la présidence des élections, le remboursement des dépenses aux candidats, qui a une affinité très proche avec le contrôle des dépenses des partis politiques en dehors des périodes électorales, l'administration de cette loi et même, j'irais plus loin, une autre commission, la Commission permanente de la réforme des districts électoraux?

M. Burns: Qui est présidée par la même personne.

M. Lavoie: Par la même personne.

M. Burns: En l'occurrence, mais ce sont deux organismes différents.

M. Lavoie: Pourquoi avoir quatre ou cinq organismes? Vous avez encore une loi du référendum qui va couvrir d'autres choses. Je verrais comme prétendu ministre de la démocratie, mais...

M. Burns: Oui, oui.

M. Lavoie: ... en second, parce que je considère que le premier est le président de l'Assemblée nationale, je verrais qu'au lieu d'organiser une multitude de branches et de diviser les forces on crée un organisme qui s'appellerait les surveillants de la démocratie au Québec.

M. Burns: Est-ce que le député de Laval veut se revaloriser rétroactivement?

M. Lavoie: Non, je l'ai fait à ce moment-là.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Russell: Si j'ai bien compris les propos tenus par l'honorable juge, du fait qu'il n'est pas au courant de cette loi, dois-je tenir pour acquis qu'il n'a pas été consulté, ni lui ni aucun de ses officiers, avant la confection de cette loi?

M. Drouin: Non. J'ai rencontré privément M. Burns. Evidemment, cela a été des consultations privées. De ces consultations privées, depuis 30 ans, j'en ai eu avec d'autres gouvernements et j'ai toujours jugé qu'elles avaient un caractère confidentiel.

M. Burns: Effectivement... M. Russell: Donc, vous êtes...

M. Burns: ... je peux confirmer que le juge Drouin et moi nous nous sommes rencontrés durant une assez longue période et je l'ai consulté sur les grands objectifs du projet de loi. Je dois dire qu'il m'a fait — comme il le mentionne lui-même, de façon privée, c'est une consultation privée, je me référais, à ce moment-là, à l'expérience du juge

Drouin — un certain nombre de recommandations et, dans plusieurs cas, nous en avons tenu compte.

M. Russell: C'est simplement pour rétablir les faits parce que vous êtes partiellement conscient de ce qui est contenu dans le projet de loi actuellement.

M. Drouin: Je n'ai pas pris part à la rédaction.

M. Russell: Non, non, mais est-ce que vous avez pris connaissance du projet de loi?

M. Drouin: Une fois qu'il a été déposé, j'en ai pris connaissance, pas avant.

M. Russell: Vous contrôlez actuellement les dépenses des candidats en campagne électorale. La Loi électorale vous permet de contrôler les dépenses des candidats en campagne électorale. Est-ce qu'il aurait été facile, parce que vous connaissez les buts poursuivis par cette loi, d'incorporer ce projet à la Loi électorale actuelle, avec certains amendements?

M. Burns: Je m'excuse, mais je fais la même remarque que je viens de faire à propos de la question du député de Laval.

M. Drouin: C'est encore une question politique. Si la commission avait demandé au président général de venir la rencontrer pour donner son opinion à savoir est-ce que cela peut s'incorporer ou non, avant que le choix soit fait par le cabinet, là j'aurais pu donner mon opinion, mais une fois que le choix est fait, je ne peux pas ni approuver, ni désapprouver le cabinet, ce n'est pas de mon ressort.

M. Russell: Si je comprends bien, vous avez dit tout à l'heure, et le leader parlementaire l'a admis, qu'il y avait eu une rencontre en privé avec vous. Je ne veux pas que vous dévoiliez votre conversation privée, mais est-ce que je dois tenir pour acquis que c'est concernant le projet de loi que vous avez discuté?

M. Drouin: Entre autres.

M. Russell: Entre autres. Est-ce qu'à ce moment-là cela a été vu, d'une façon globale, presque impossible à incorporer à la Loi électorale?

M. Johnson: M. le Président, est-ce que vous permettez? Je voudrais intervenir là-dedans. Je comprends la situation du leader et du juge Drouin. Il me semble qu'il a été établi clairement que le contenu des conversations entre le leader du gouvernement, à titre de ministre d'Etat à la réforme parlementaire et électorale, et le juge Drouin est privé. On peut toujours poser 42 questions en faisant précéder cela de: Je sais que c'était une conversation privée... Mais puisque

c'était une conversation privée, et le juge Drouin le dit, cela fait 32 ans qu'il le fait et cela fait 32 ans qu'il confère avec les premiers ministres, les présidents de l'Assemblée nationale et des ministres responsables, que ce soit de la Justice, je présume, ou d'autre ministres qui sont responsables des modifications de la Loi électorale, etc., il me semble qu'on doit respecter sa décision quand il dit qu'il s'agit d'une entrevue privée sur laquelle on ne pourrait pas revenir.

M. Burns: Si vous permettez, M. le Président, sur ce point, je voudrais simplement ajouter quelque chose. C'est que c'est évident que pour n'importe quel gouvernement, que ce soit le nôtre ou les gouvernements qui nous ont précédés, quand il s'agit de toucher à la Loi de la Législature, quand il s'agit de toucher à la Loi électorale, quand il s'agit de toucher à tout ce domaine qui tourne autour des institutions parlementaires, politiques et autres, une de nos personnes-ressources les plus normalement consultables, c'est le président général des élections, justement, comme le disait le juge tout à l'heure, qui a 32 ans d'expérience dans ce domaine. Je veux dire qu'un gouvernement qui ne consulte pas, via le ministre responsable des amendements, par exemple, à la Loi de la Législature ou à la Loi électorale ou à des lois connexes, ce serait un gouvernement irresponsable de ne pas consulter une telle personne-ressources qui est là à notre disposition et qui veut nous aider à ne pas commettre d'erreurs dans toute éventuelle législation. Cela, je pense que c'est tout à fait normal.

M. Russell: Pour faire suite aux remarques du député d'Anjou, j'ai beaucoup de respect pour le juge responsable des élections, que je connais depuis plusieurs années pour avoir siégé ici. J'ai eu l'occasion d'entrer en communication avec lui pour certaines informations, mais je croyais qu'il était venu en commission pour essayer de nous renseigner techniquement. Actuellement je crois qu'il est partiellement au courant de la loi seulement depuis le dépôt.

Si on conteste la Loi électorale actuelle, cela va probablement être un jugement qu'on va lui demander, donc cela restreint pas mal les questions qu'on peut lui poser. Si c'est une loi qui est en rédaction et qui, à mon sens, pourrait créer des difficultés d'administration ou devenir en conflit avec la Loi électorale actuelle, naturellement on ne peut pas poser de questions là-dessus, il ne peut pas se prononcer, cela va être une opinion. C'est une question qu'on pourrait lui poser et beaucoup d'autres questions quand...

M. Burns: Si vous demandez au juge: Est-ce que vous pensez que la loi 2 entre en conflit avec la Loi électorale? Qu'est-ce que vous voulez, il n'est pas capable de vous répondre là-dessus...

M. Bisaillon: C'est votre travail.

M. Burns: Si vous arrivez à cette conclusion, il s'agit de me bûcher sur le dos, à moi qui présente ce projet de loi, lorsque je le présenterai en deuxième lecture.

M. Lavoie: Je vais prendre une note.

M. Burns: Ne vous gênez pas. C'est mon rôle de recevoir des coups relativement à cette loi et pas celui d'un haut fonctionnaire de l'Etat.

M. Russell: Je croyais que cette loi avait une importance fondamentale sur le jeu électoral du contribuable du Québec. On veut avoir une loi aussi bien forgée que possible et qui ne viendra pas en conflit avec la Loi électorale actuelle. C'est ce qu'on tente d'établir. Les membres de la commission ont ce rôle, cette responsabilité. On doit faire appel aux meilleurs éléments qu'on connaît, pour qu'ils puissent nous renseigner.

On les a devant nous actuellement et je reconnais en la personne du juge Drouin l'homme compétent en cette matière. Il semble que le leader parlementaire veut éviter que l'on ne pose des questions au juge.

M. Burns: Je pense que c'est un minimum d'éthique à l'endroit du juge, une question d'éthique pure et simple. Vous ne pouvez pas lui demander cela, pas plus que vous ne pourriez demander à mon sous-ministre ce qu'il pense du projet de loi. Il va vous dire qu'il est bien bon, c'est bien sûr. Si vous dites: Vous ne pensez pas telle chose ou telle chose, il va dire: Ecoutez, je fonctionne à l'intérieur d'un cadre qu'on m'a établi. Je pense qu'il y a un minimum d'éthique là-dedans que l'on doit respecter. C'est uniquement dans ce sens que je le dis.

M. Russell: II y a aussi, M. le Président, un minimum de respect que l'on doit avoir pour le contribuable du Québec quand on veut rédiger des lois qui vont les enfarger ou les aider.

M. Burns: Vous êtes là pour cela, pour m'en-gueuler là-dessus, si vous voulez.

M. Russell: C'est cela. On va le faire tout à l'heure, soyez-en certain. On pourrait peut-être commencer immédiatement. Ce matin, j'avais l'idée qu'on s'en venait en commission parlementaire pour essayer de regarder les points techniques de cette loi. On a convoqué le président des élections pour essayer de nous renseigner, lui qui a une expérience d'environ 30 ans dans ce domaine. On semble vouloir restreindre les questions qu'on pourrait lui poser en invoquant le fait que ce pourrait être un jugement et que ce ne serait pas selon l'éthique professionnelle.

M. Burns: Je n'interviendrai plus. Je vais tout simplement me fier à votre sens de l'éthique et au sens de l'éthique du juge. Je n'interviendrai plus.

M. Russell: A ce moment-là, je me dis que j'ai assisté à une commission parlementaire depuis 10 heures ce matin et il est 12 h 35. On nous a informés que le président de la Commission des droits de la personne ne pouvait pas venir parce qu'il avait peur d'assister à un débat politique et que la

commission était au-dessus de tout cela. Mais je pense qu'on a été servi à souhait ce matin. On a vécu un débat politique commencé par le leader parlementaire qui a été suivi par tout le monde. Cela a presque été une discussion de deuxième lecture. Cela n'a pas été de l'information technique.

M. Burns: C'est ce que j'ai dit.

M. Russell: C'est ce que j'ai vécu ce matin. A mon sens, on n'a pas d'informations; on a simplement ce qu'on connaît, des affaires en général. Je pourrais commencer à parler des élections depuis 1944 du temps du Bloc populaire et faire toute l'histoire de la province de Québec et je serais justifié parce que je suivrais le débat qui a été commencé ce matin par le leader parlementaire.

M. Burns: La commission a été réunie à la demande de l'Opposition.

M. Bisaillon: Vous avez manqué l'autre commission parlementaire.

M. Russell: Oui, mais si elle a été conduite comme celle-là, je n'ai peut-être pas manqué grand-chose.

M. Bisaillon: Non, c'est pas cela.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Russell: M. le Président, je vais conclure là-dessus parce que mon but, c'est de me renseigner techniquement pour savoir si cette loi ne vient pas en contradiction avec la Loi électorale existante. Ma deuxième question aurait été de savoir si cela aurait été facile d'incorporer cette loi à la Loi électorale actuelle pour savoir si le personnel en place pouvait l'administrer. Cela aurait coûté pas mal meilleur marché. Il n'y aurait pas eu de conflit de personnalités entre deux groupes de gens comme il va en exister actuellement. Ce sont des choses que je vais dire en deuxième lecture. J'aurais pu le dire ce matin si j'avais voulu embarquer dans un débat politique et frapper sur le leader parlementaire ou le ministre responsable, comme il le disait tout à l'heure. Avant de le faire, je voulais essayer de me renseigner techniquement. Dans l'impossibilité de le faire, je vais être obligé de garder le silence.

M. Drouin: Je suis prêt à vous dire, M. le député, que cette loi peut s'incorporer dans la Loi électorale. Ce n'est pas obligatoire qu'elle soit incorporée. Vous avez des provinces où la loi de la distribution territoriale, des districts électoraux, fait partie de la Loi électorale. Pour nous, c'est deux lois différentes. Cela a été une décision prise autrefois par le cabinet d'avoir la division territoriale et la Loi électorale.

Aujourd'hui, celle-là, si le cabinet a pris sa décision, ce n'est pas à moi ni de l'approuver ni de la désapprouver. Ce n'est pas de ma juridiction.

M. Russell: M. le Président, on ne demande pas de l'approuver ni de la désapprouver. On vous demande simplement une information technique, point. Je vous remercie...

M. Drouin: Cela peut s'incorporer, mais la décision de l'incorporer ou de ne pas l'incorporer, c'est une décision politique qui relève du cabinet.

M. Russell: C'est évident que ce n'est pas vous qui avez dit au gouvernement, faites une loi séparée. On sait que c'est leur décision. Tout à l'heure on va lui en parler.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Beauce-Sud.

M. Roy: M. le Président, j'avais des questions à poser sur ce que comporte le projet de loi. J'espérais, ce matin, qu'on puisse interroger le président général des élections sur l'application du projet de loi comme tel. On me dit que ce n'est pas possible.

M. Johnson: Allez-y.

M. Roy: La question que je voulais poser touche à l'application de la loi. Le président général des élections, si je me réfère à la loi qui est déposée devant nous, le projet de loi actuel, serait chargé de l'application de cette loi. J'aimerais aller sur le plan pratique. Puisqu'on parle d'un certain contrôle des associations de comtés, d'un examen et ainsi de suite, en somme, j'imagine qu'il va falloir que le président général des élections ait du personnel pour pouvoir faire le tour du Québec. Cela a-t-il été examiné, au bureau du président général des élections, ce que cela pouvait comporter de coûts, au point de vue du personnel, l'application d'une loi comme celle-là? Quels seraient les besoins en personnel? Il va falloir qu'il y ait des budgets qui soient votés par le gouvernement.

M. Drouin: Quant à moi, il n'y a pas eu d'estimation de faite de ce côté.

M. Roy: II n'y a pas eu aucune estimation de faite.

M. Drouin: Non.

M. Roy: Dans l'engagement de votre personnel, tantôt j'ai posé une question à savoir si votre personnel relevait de la fonction publique comme tel, s'il était soumis...

M. Drouin: On veut savoir ce que va coûter le personnel dont on aura besoin. Cela ne relève pas de moi. Je ne sais pas.

M. Roy: Non. Je comprends, mais il reste que le gouvernement nous dit faire des consultations, à l'occasion, avec les personnes mandatées, des personnes responsables, des personnes compétentes, autrement dit nos spécialistes. Alors je voulais savoir... oui...

M. Burns: Je peux vous répondre partiellement, parce qu'évidemment on s'imagine que cela va coûter à peu près ce que cela coûte en Ontario pour administrer une loi semblable. La "Commission on Election Contributions and Expenses", dans son dernier rapport, nous dit qu'au grand total, durant la dernière année, soit l'année 1976, cela a coûté $2 821 928.79. On s'imagine que de provinces...

M. Blank: ...aussi, cette commission? M. Burns: Oui.

M. Roy: Entre les élections. On ne parle pas d'une campagne électorale.

M. Burns: Les campagnes électorales et en dehors des campagnes électorales.

M. Lavoie: Ce sont les mêmes personnes qui font cela là-bas?

M. Burns: Non, ce ne sont pas les mêmes personnes. A Ottawa, ce sont les mêmes personnes.

M. Lavoie: A Ottawa, le président est M. Hamel...

M. Burns: M. Hamel est président des élections et il s'occupe également du contrôle.

M. Lavoie: ...et ses commissaires voient au deux.

M. Burns: Exactement.

M. Roy: M. le Président, cela m'amène à poser une question au gouvernement. Cela coûte plus cher que la somme totale des contributions souscrites aux partis politiques?

M. Burns: Excusez, le juge Drouin m'apporte une précision concernant Ottawa, afin qu'on ne laisse pas une fausse impression. Plus particulièrement, il y a une personne affectée, à Ottawa, à l'aspect des caisses électorales, mais sous le contrôle du président général des élections. D'accord.

M. Lavoie: Le commissaire Gorman.

M. Burns: Je donne la réponse au député de Beauce-Sud. Pour l'année 1976, cela a coûté $2 821 928.79 pour administrer la "Commission on Election Contributions and Expenses".

M. Roy: Je voudrais tout simplement signaler aux membres de la commission qui sont ici jusqu'à quel point c'est important. C'est un chiffre qui est extrêmement important. C'est une somme qui dépasse la totalité des budgets de toutes les formations politiques existantes au Québec pour contrôler les fonds. J'aimerais qu'on y pense.

M. Burns: Non.

M. Roy: Oui.

M. Lavoie: Ecoutez...

M. Burns: Vous n'avez qu'une contribution, entre autres, une campagne de financement du Parti québécois, et cela, c'est le parti, d'accord, qui vient de rapporter $1 200 000 ou quelque chose comme cela, près de $1 300 000.

M. Roy: Le budget des autres partis maintenant?

M. Burns: C'est un parti et ce n'est pas sans tenir compte des activités de chacune des associations de circonscription. Je sais, parce que les journaux en ont parlé, que le Parti libéral fait actuellement une campagne de souscription qui était rendue, selon mes dernières informations, aux environs de $70 000. Est-ce que votre affaire va mieux?

M. Blank: Dans le journal d'aujourd'hui... M. Lavoie: C'était la petite caisse... M. Burns: Ah! C'est la petite caisse. M. Lavoie: ... que la secrétaire avait.

M. Johnson: C'est une erreur, c'est $170 000, on s'excuse.

M. Burns: $170 000, bon.

Cela, c'est encore le Parti libéral, sans tenir compte des activités des circonscriptions. Je veux dire, écoutez, c'est bien évident. L'Union Nationale, je présume, vous n'avez pas commencé. Vous autres aussi, vous allez vous rendre dans les $25 000, $26 000, quelque chose comme cela.

M. Lavoie: Là, vous allez arriver pas mal en bas du montant de $2,8 millions.

M. Burns: Oui.

M. Lavoie: Continuez.

M. Burns: Mais, c'est au cours d'une période où vous avez quelque quatre ou cinq partis politiques existants. Là, vous allez en avoir possiblement d'autres qui vont être également contrôlés, et à la satisfaction du public, dont les sources de contribution seront divulguées.

M. Roy: Je pense que le leader du gouvernement connaît assez bien ce qui se passe dans les différentes formations politiques au Québec, un ordre de grandeur des budgets des différentes formations politiques pour constater et admettre qu'en dehors d'une campagne électorale comme telle cette somme représente plus que le coût total

du fonctionnement de tous les partis politiques, et j'y inclus les associations de comté, uniquement pour contrôler les souscriptions; il faut y penser. Je me demande si on a pris la bonne formule et si on prend les bons moyens.

M. Lavoie: Quel est votre budget, M. le juge? Cela, je peux vous le demander, je pourrais le vérifier dans les comptes.

M. Drouin: Voyez-vous, moi...

M. Lavoie: C'est sûr qu'une année d'élection coûte plus cher qu'une autre, mais si on fait une moyenne sur quatre ans.

M. Drouin: Evidemment, c'est le fonds consolidé. Prenez les élections générales qui viennent de passer. Je calcule que cela va coûter près de $13 millions.

M. Lavoie: Cela comprend tous les salaires.

M. Drouin: Les salaires et les remboursements de candidats, tout cela.

M. Lavoie: Oui, et le paiement des sous-officiers rapporteurs, des greffiers, des représentants, n'importe! Quel est votre budget administratif en dehors de la confection des...

M. Drouin: Cela peut monter dans les $150 000 chez nous.

M. Roy: Combien?

M. Drouin: $150 000 à peu près.

M. Roy: Annuellement.

M. Drouin: Je vous dis cela, vous ne me l'avez pas demandé.

M. Lavoie: Vous dites que vous avez 30 personnes, cela fait seulement $5000 par personne.

M. Burns: Je pourrais le vérifier.

M. Drouin: C'est plus que cela. C'est $500 000 au conseil des élections. $500 000 à $600 000.

M. Lavoie: De toute façon, l'argument du député de Beauce-Sud me frappe; si cela coûte plus cher ou aussi cher pour surveiller une chose que...

M. Burns: En répondant, j'ai donné l'exemple, j'ai dit $2 millions, c'est ce que cela coûte là-bas. On prévoit que cela ne devrait pas dépasser cela en ce qui nous concerne.

M. Roy: Je l'espère, au moins.

M. Burns: Et il serait possible que ce soit moins cher. Ils ont une commission formée d'un certain nombre de personnes alors que nous, ce que nous envisageons, c'est un directeur général.

M. Roy: Voyez-vous, M. le Président, et on me permettra peut-être un argument, à ce moment-ci, et je m'en excuse d'avance auprès des membres de la commission, je pense que les gens qui paient des taxes au Québec sont en droit d'examiner ce que leurs élus, leurs députés, leur gouvernement en font. Je me demande sérieusement, compte tenu du fait de ce que cela pourrait coûter, l'administration de cette loi, et compte tenu du montant qui est souscrit dans les différentes formations politiques actuellement au Québec, si on en pénalise pas trop lourdement, encore une fois, les contribuables du Québec.

M. Burns: Je vais vous donner des précisions avant qu'on parte sur une "chire" monumentale.

M. Roy: Ecoutez...

M. Burns: Vous m'avez demandé une réponse.

M. Roy: Je m'excuse, mais à la place du terme que le leader vient d'employer, il est mieux d'employer une "glissade". C'est lui qui va donner les chiffres.

M. Burns: Un "skid". Je vous ai donné $2 821 928.79. A l'intérieur de ce montant, vous avez un article qui est assez important qui s'appelle "Public funding of candidate expenses" qui cote $2 056 302.04. D'accord? Si on traduit cela, c'est la subvention ou la contribution...

M. Lavoie: Ce ne sont pas les mêmes...

M. Burns: C'est la même chose. Dans la loi actuelle les dispositions de la section 21-A de la Loi électorale sont transférées au directeur général du financement des partis politiques. C'est exactement la même chose qu'en Ontario. On n'innove pas, là. Que voulez-vous? Mais, à l'intérieur de ce budget de $2 800 000, il y a $2 056 000 qui vont au financement, par l'Etat, des partis politiques et des candidats.

M. Mackasey: Like an annual report. M. Lavoie: Je me rappelle...

Le Président (M. Marcoux): Je m'excuse, M. le député de Sainte-Marie et ensuite celui de Gatineau.

M. Bisaillon: Je ne voudrais enlever le droit de poser des questions à personne, mais j'avais une motion à présenter. Je ne sais pas s'il reste des questions. Je ne voudrais pas qu'on oublie ma motion avant de terminer.

M. Gratton: M. le Président, j'aurais tout simplement...

M. Burns: Si vous le permettez, le juge Drouin me signale, pour votre éclairage, qu'il serait bon qu'il vous donne ses chiffres se rapportant aux partis politiques actuels.

M. Drouin: Les chiffres sur les dépenses des partis politiques, actuellement, je ne les ai pas, je ne les ai pas terminés. Je n'ai pas tous les chiffres, mais si je prends les élections de 1973, les partis politiques avaient droit à $0.25 par électeur. C'était près d'un million et ils n'ont pas dépensé le million. Voyez-vous, ils n'ont pas dépensé tout cela. Ils vont dépenser certainement cette année tout près de $3 millions, tous les partis politiques ensemble.

M. Roy: En période électorale.

M. Drouin: C'est cela que je vous dis: c'est en période électorale et c'est pour des dépenses permises, encourues et acquittées. Le transport des candidats, par exemple, ce n'est pas une dépense électorale. On ne l'a pas. Il y a plusieurs dépenses qui ne sont pas électorales. Il faut les ajouter à cela.

M. Gratton: M. le Président, une question à l'attention du ministre. On sait qu'il a consulté un certain nombre de personnes à l'extérieur, comme en Ontario, au fédéral et même aux Etats-Unis. Est-ce que dans ces consultations, on a, de part ou d'autre, échangé une correspondance quelconque et est-ce que le ministre serait disposé à déposer cette correspondance?

M. Burns: Non, parce que c'est une correspondance personnelle.

M. Gratton: Cela aussi.

M. Burns: Ce sont des histoires, je vais vous donner un exemple. La lettre à M. Dan Lowens-tein, à qui j'ai adressé mes remerciements pour l'accueil dont nous avons été l'objet, le député de Laval, le député de Mégantic-Compton, le député d'Anjou, le député de Sainte-Marie et moi-même, ainsi que deux fonctionnaires de mon cabinet, c'est ce type de correspondance qui, à l'occasion, évidemment, touche au projet de loi. C'est bien sûr. Je ne serais pas d'accord pour la déposer, si vous me comprenez parce que c'est très personnel comme échange. Ce n'est pas, si vous voulez, de la correspondance à caractère politique.

Si j'avais reçu ou si j'avais fait un échange de correspondance avec M. Hamel, à Ottawa, relativement au projet de loi, etc., en lui demandant son opinion, je n'aurais aucune espèce d'objection à déposer ce type de correspondance, mais vous allez comprendre que le caractère personnel de la correspondance me défend de la déposer, parce que je ne considère pas que c'est du domaine public.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Sainte-Marie.

M. Lavoie: Un instant, avant votre motion.

Le Président (M. Marcoux): Ah bon! Le député de Laval.

M. Lavoie: Quand même, peut-être que cela va vous coûter $1 million, si vous enlevez les $2 millions qui sont des fonds électoraux. Vous étiez à $2 millions.

M. Burns: Si on suivait exactement le budget de 1976 pour la commission ontarienne, cela nous coûterait quelque chose comme $900 000.

M. Lavoie: Plus $1 million que l'Etat va fournir. Comme le fonds de $400 000 est augmenté à près de $1 million, on arrive à peu près à $2 millions.

Pour un parti traditionnel ou semi-traditionnel, ayant une envergure à l'échelle du Québec, je pense que cela coûte, d'après mes informations, environ $1 million ou $1,25 million pour s'administrer.

M. Burns: Le parti. M. Lavoie: Le parti.

M. Burns: Mais là on ne parle pas des associations de circonscription.

M. Lavoie: Tout dépend de l'activité que vous pouvez avoir. Certains partis ont plus d'activités dans des circonscriptions que d'autres. Il y a deux ou trois partis. Cela veut dire que la contribution de l'Etat, autant par les fonds que par l'administration de cette loi, c'est une couple de millions de dollars, alors que les partis ont peut-être besoin de $3 millions à $3,5 millions pour s'administrer.

Cela me fait penser à un propos que je n'endosse pas de Pierre Laporte dans un débat. Il a dit: Si vous voulez vraiment aller au bout, si vous voulez faire disparaître tous les méchants et les caisses occultes, il faut tout payer comme cela existe aux Etats-Unis lors d'une élection nationale à la présidence. A la dernière élection Carter/Ford, $21 millions ont été payés par l'Etat pour chacun. Là, il n'y en avait plus de caisses occultes. Mais là, vous vous rendez quasiment à cela; la contribution de l'Etat est à $2 millions.

M. Burns: Pas du tout.

M. Lavoie: Cela va vous coûter $2 millions et $1 million pour surveiller.

M. Burns: Je m'excuse. M. le député de Laval, vous faites ce qu'on appelle du sophisme actuellement.

M. Lavoie: Je n'irais pas jusque-là, mais, en tout cas, cela va coûter aussi cher d'administrer...

M. Burns: Je pense, au contraire...

M. Lavoie: ... avec l'étatisme que vous voulez établir.

M. Burns: Ah bon! Ecoutez, si vous voulez. Une Voix: Mon Dieu, Seigneur!

M. Burns: Le mot est lâché. Les gros méchants.

M. Lavoie: Etatisme n'est pas signe de "fautisme". Dirigisme. Aimez-vous mieux dirigisme?

M. Burns: Planification, on aime mieux cela.

M. Lavoie: II y a tellement de synonymes que je peux satisfaire tout le monde.

M. Burns: De toute façon, j'espère que vous ne partirez pas, parce que c'est vous, tantôt, M. le député de Laval...

M. Lavoie: Laissez donc la liberté des individus.

M. Burns: ... qui faisiez appel à une espèce de compréhension entre partis politiques relativement à ce projet de loi.

J'espère que vous ne commencez pas, dès maintenant, votre chasse aux sorcières relativement au projet de loi. C'est un projet de loi qui est, au contraire, bien intentionné, qui permet aux partis politiques de se financer à même deux sources de financement: l'une, les contributions du public, l'autre, la contribution qui, éventuellement, est une contribution publique également mais qui est faite selon une proportion différente, via l'Etat.

Ce projet de loi n'est pas fait pour décourager les contributions, au contraire, ce sera la première fois qu'il y aura possibilité de contribuer à un parti politique de notre choix en ayant un crédit d'impôt à la fin de l'année, quand on reçoit notre rapport d'impôt. Je pense que ce n'est pas en vue de décourager les contributions et surtout pas les petites contributions; c'est cela qui est important. Le projet de loi soustend cette idée. Sans vouloir passer un "spot" pour mon parti, comme on dit en termes publicitaires, la dernière campagne de financement du Parti québécois, qui a récolté, comme je le disais tout à l'heure, tout près de $1.3 million, se répartit sur environ 80 000 contribuants, ce qui donne une moyenne d'environ $13 par contribuant.

Une Voix: Vous l'avez dit à la télévision.

M. Burns: Je vous le rappelle pour ceux qui ne regardaient pas la télévision ce soir-là.

M. Gratton: Ce n'était pas nécessaire de le répéter.

M. Burns: D'accord, je l'ai fait quand même. Je peux tout simplement vous dire que ce gouvernement-ci n'a pas du tout l'intention de décourager la contribution du public, au contraire, et surtout pas les petites contributions.

M. Roy: J'aurais juste une question à poser à l'honorable leader du gouvernement puisqu'il aborde la question des petites contributions. A-t-il l'intention de réviser son projet de loi quant à la divulgation? En somme, la divulgation est celle de toutes les contributions politiques.

M. Burns: C'est cela.

M. Roy: Le mémoire qui nous a été présenté par la Commission des droits de la personne en a parlé largement. Le leader du gouvernement est-il bien d'opinion, malgré que je n'ai peut-être pas le droit de lui demander une expression d'opinion, mais quand même, il est le parrain du projet de loi...

M. Burns: A moi, vous avez le droit.

M. Roy: ... qu'il soit bien nécessaire de rendre publiques toutes les souscriptions, y compris les petites souscriptions de $25, $50 et $100? Le leader du gouvernement a-t-il bien mesuré le danger qu'il y a, pour certaines personnes, de s'identifier publiquement à une formation politique? Est-ce qu'on a bien mesuré l'impact?

Je me souviens d'une certaine époque où c'était assez grave de s'identifier publiquement à une formation politique quand elle n'était pas au pouvoir.

M. Burns: Cette époque est révolue.

M. Roy: J'ai revu cela quand les gouvernements ont changé.

M. Burns: Cette époque est révolue, mon cher.

M. Roy: Je ne suis pas sûr qu'on ne puisse pas y retourner. Il n'y a rien dans la loi, il n'y a rien dans les faits, il n'y a rien dans l'histoire qui puisse nous donner des certitudes.

S'il fallait obliger les gens de divulguer publiquement lorsqu'ils donnent $50 dans un chapeau...

M. Burns: C'est prévu dans la loi, le chapeau est anonyme.

M. Roy: Oui, mais cela prend un permis avant de le passer.

M. Burns: Bien cela prend un parti autorisé pour le faire.

M. Roy: Ah voilà!

M. Burns: Bien voilà! Vous venez de découvrir cela.

M. Roy: Non, non, j'aimerais que le leader du gouvernement nous dise...

M. Burns: Le doigt accusateur du député de Beauce-Sud contre le chapeau.

M. Roy: Oui le doigt accusateur parce que je le dis encore une fois, le gouvernement va beau-

coup trop loin. Je pense que si on est d'accord avec les objectifs que le gouvernement veut atteindre, si on est d'accord avec lui, l'application de la loi comme telle va détruire les objectifs qu'on cherche à atteindre. Alors...

M. Burns: Je veux juste vous dire une chose, le leader du gouvernement se balance complètement de tout cela; mais le ministre d'Etat à la réforme électorale et parlementaire, lui, est très sérieusement concerné par tous vos commentaires.

M. Blank: ...concerné, Alberta c'est 250.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Sainte-Marie.

Motion réclamant la réimpression du projet de loi no 2

M. Bisaillon: M. le Président, je voudrais faire motion, en m'appuyant sur l'article 119, paragraphe 2 de nos règlements, pour que le rapport de la présente commission demande la réimpression du projet de loi no 2.

M. Lavoie: Une question de règlement, M. le Président. Je crois que cette motion doit être faite par un membre du cabinet, parce qu'elle amène une dépense d'argent. Cela devrait être proposé par le député de Maisonneuve.

M. Burns: Non, non, 119 est une recommandation de la commission et je vous dis tout de suite que, si le rapport recommande, comme dit l'article 2, la réimpression, la deuxième lecture ne peut être proposée que lorsque la réimpression est disponible.

M. Lavoie: Le rapport rapporte les motions passées en commission. Quelle est la motion?

M. Burns: Plus l'audition des témoins. La motion, c'est que la commission recommande la réimpression du projet de loi.

M. Lavoie: Recommande seulement.

M. Burns: C'est la commission qui doit le faire. Le paragraphe 2 de l'article 119, puis je pense que le député de Sainte-Marie a tout à fait droit de faire cette recommandation.

M. Blank: ...ne veut pas prendre ses responsabilités. Est-ce qu'il y a des raisons particulières pour passer au vote?

Une Voix: Pas du tout.

Le Président (M. Marcoux): II y a une motion de présentée, est-ce qu'il y a des membres de la commission qui veulent parler sur la motion?

M. Gratton: Bien oui.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Gatineau.

M. Blank: C'est transparent.

M. Gratton: Moi, M. le Président, je vais courir un risque, puis je vais parler tout de suite en di- sant que j'ai l'intention de voter pour la motion. J'aimerais demander par contre au ministre s'il a une indication; il nous avait dit, la semaine dernière, qu'il s'écoulerait au moins une semaine entre le dépôt du bill réimprimé et le moment où on commencerait l'étude. J'aimerais invoquer selon...

M. Lavoie: Toutes les motions, cela est écrit.

M. Gratton: J'ai de la misère, M. le Président. J'aimerais demander au ministre s'il peut allonger autant que possible cette période de temps durant laquelle on pourra prendre connaissance des modifications à apporter.

M. Burns: J'ai pris l'engagement, et je le maintiens, qu'à la suite de la réimpression je laisserais, et aux partis de l'Opposition et aux députés ministériels — parce qu'il ne faudrait jamais les oublier eux non plus — le loisir de prendre connaissance du projet de loi pendant au moins une semaine avant d'aborder la deuxième lecture.

M. Gratton: Vous n'excluez pas que ce soit deux semaines.

M. Burns: Je n'exclus pas, je dis au moins une semaine. Cela dépendra des travaux de la Chambre et d'un certain nombre de choses. Je peux vous garantir, et je le maintiens — c'est le leader et non pas le ministre qui vous répond — que le leader parlementaire du gouvernement n'appellera pas le projet de loi no 2 tel que réimprimé avant que les députés aient eu le temps d'en prendre connaissance pendant au moins une semaine.

M. Burns: Quelle est votre motion exactement?

M. Bisaillon: C'est que le rapport de la présente commission recommande...

M. Burns: Je vous dis en passant... M. Lavoie: L'article 61, voyons...

M. Bisaillon: Voulez-vous la savoir? Que le rapport de la présente commission recommande, en vertu de l'article 119, paragraphe 2, la réimpression du projet de loi no 2.

M. Lavoie: Ce n'est pas tout à fait dans les formes.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que la motion est adoptée? Si je comprends bien la commission...

M. Burns: Sine die.

M. Lavoie: Quand aurons-nous le nouveau projet?

M. Burns: Probablement d'ici quelques jours. M. Lavoie: Encore de l'improvisation.

Le Président (M. Marcoux): La commission de la présidence du conseil, de la constitution et des affaires intergouvernementales ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 13 h 2)

ANNEXE

Commentaires préliminaires de la commission des droits de la personne

au sujet du projet de loi no 2 Loi régissant le financement des partis politiques et modifiant la loi électorale

Le 31 mai 1977

Table des matières

Introduction.

Exposé des dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne concernées par ce projet de loi 1-Le droit de voter et de se porter candidat à une élection 2- Droit d'association et d'opinion politique; liberté d'expression et droit de vote 3- Libertés d'expression et d'opinion politiques 3.1- Définition de "contribution" 3.2-Personnes morales 3.3- Divulgation des contributions 3.4- Financement public et contrôle périodique 4- Inviolabilité de la demeure

La Commission des droits de la personne a pour mandat de promouvoir, par toutes mesures appropriées, les principes contenus dans la Charte des droits et libertés de la Dersonne. (1a)

Lors du dépôt du Projet de loi no 2, Loi régissant le financement des partis politiques et modifiant la Loi électorale, certains députés (2a), l'ont critiqué en mentionnant que certaines de ses dispositions pourraient aller à rencontre de la Charte des droits et libertés de la personne.

C'est alors que la Commission fut invitée à donner son avis sur le bien-fondé de ces critiques et sur le projet de loi en général, par rapport aux principes contenus dans la Charte.

Le présent document constitue une opinion sommaire de la Commission sur certains aspects du projet de loi. Compte tenu du temps limité qu'elle a eu à sa disposition pour rédiger la présente analyse, la Commission ne prétend nullement livrer ici son dernier mot à ce sujet. Il s'agit donc d'une opinion préliminaire et partielle, et la Commission se réserve le droit de faire toutes critiques supplémentaires qui lui apparaîtraient justifiées dans l'avenir.

Introduction

La Charte des droits et libertés de la personne contient plusieurs dispositions susceptibles d'avoir une relation avec la formation et le financement des partis politiques ou avec des associations à caractère politique, le choix des candidats en vue d'une élection, la liberté du vote et, enfin, le droit de favoriser ou de combattre le programme ou la politique d'un candidat ou d'un parti, ou de favoriser ou de combattre tout acte ou mesure ayant des implications politiques.

Ces dispositions concernent, en premier lieu, la liberté d'opinion, la liberté d'expression et la liberté d'association. L'article 3 de la Charte affirme: "Toute personne est titulaire des libertés fondamentales telles... la liberté d'opinion, la liberté d'expression... et la liberté d'association".

En second lieu, l'article 10 de la Charte affirme explicitement le principe déjà énoncé dans le Préambule et qui reconnaît le droit à l'égalité et à une égale protection de la loi. L'article 10 prévoit: "Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur... les convictions politiques".

Enfin, au chapitre sur les droits politiques, l'article 22 reconnaît que "Toute personne légalement habilitée et qualifiée a droit de se porter candidat lors d'une élection et à droit d'y voter".

Les libertés fondamentales, mentionnées à l'article 3 de la Charte, ne sont pas nouvelles. Elles font partie, depuis toujours, du patrimoine constitutionnel canadien et québécois. Le fait qu'elles soient inscrites maintenant dans la Charte provinciale a cependant une conséquence d'importance: pour critiquer ou contester des mesures prises par l'Assemblée nationale et qui seraient contraires à ces libertés, on pourra, du moins dans le cas où il s'agit de matières de juridiction provinciale, se référer à des dispositions précises de la Charte des droits et libertés de la personne.

Si l'article 3, en vertu de l'article 52, ne prévaut pas sur toute disposition d'une loi postérieure qui lui serait contraire, les articles 10 et 22 font partie de cette série d'articles de la Charte qui ont préséance sur les dispositions d'une loi postérieure.

Toutefois, si une mesure législative proposée par le gouvernement apparaissait nettement contraire à la liberté d'opinion, d'expression ou d'association, telle que comprise à la lumière de la jurisprudence constitutionnelle canadienne, il serait du devoir de la Commission des droits de la personne d'en proposer le retrait, espérant que ses recommandations seraient suivies par le gouvernement qui a tout intérêt à légiférer dans le respect des libertés et du processus démocratique.

Ces trois grandes libertés ont fait l'objet, au cours des années, de certains développements jurisprudentiels. L'A.A.N.B., affirmait l'hon. juge Duff, prévoit un Parlement qui fonctionne sous le feu de l'opinion publique et de la libre discussion (1):

(1a) L.Q. 1975, c.6, art. 66

(2a) Voir, à ce sujet, R. Daignault, Election bill curbs government critics. The Gazette, Montréal, le 6 mai 1977

(1) Renvoi relatif aux lois de l'Alberta. 1938 S.C.R. 100, traduction de H. Marx, Les grands arrêts de la jurisprudence constitutionnelle au Canada, p. 603

"II ne peut y avoir aucun doute que ces institutions tirent leur efficacité de la libre discussion des affaires, des critiques, réponses et contre-critiques, des attaques contre la politique et l'administration et des défenses et contre-attaques, de l'analyse et de l'examen le plus libre et le plus complet de chaque point de vue énoncé sur les projets politiques"

Sans doute, la liberté d'expression a-t-elle certaines limites. Mais, comme l'ajoutait d'ailleurs le même juge, il faut la considérer "de façon à exclure une loi qui impose à l'exercice du droit de discussion publique une restriction telle qu'elle gêne sérieusement le fonctionnement des institutions parlementaires du Canada prévues aux dispositions de l'A.A.N.B. ou dans les lois du Dominion du Canada".

Il s'agit donc, pour apprécier le bien-fondé d'une restriction à ces libertés, de se poser la question suivante: a-t-elle pour effet de supprimer la liberté ou simplement de la contrôler pour atteindre des objectifs légitimes "consistent with the natural and public, interests" (2) de l'Etat?

Notamment, la Loi sur le financement des partis politiques, qui doit avoir pour objectif de faciliter l'accession des citoyens, en pleine égalité, a la libre discussion des affaires publiques, n'atteindrait certes pas son but en bâillonnant, par des mesures excessives, leur possibilité de s'exprimer.

Il faudrait se demander si cela fait partie de la liberté d'expression que de fournir des sommes d'argent pour financer un programme quelconque. L'argent est le nerf de la guerre... et de la politique. Contribuer par son argent est l'expression d'un acquiescement aux mesures qu'un parti ou un groupe de personnes favorise. Comme le souligne un commentateur (3), "contributions may be seen as symbolic speech because... they involve a) an intent to communicate approval or support, although the communication is more likely to be private than public, and b) a reasonable expectation that the audience in this case the recipient politician, will understand the communication".

Cependant, on ne peut assimiler complètement la liberté d'expression et la liberté de contribuer au programme d'un parti ou d'une association. D'autres considérations peuvent en effet intervenir, notamment celle de favoriser l'égalité entre tous les citoyens. C'est pourquoi les restrictions au montant des contributions pourraient être justifiées par l'intérêt de l'Etat à protéger l'intégrité du processus démocratique et à préserver le pouvoir législatif de l'influence indue et disproportionnée des personnes et des groupes de personnes fortunés. Comme l'affirmait la Cour suprême des Etat-Unis, "Legislators represent people, not trees or acres. Legislators are elected by voters, not farms or cities or economic interests". (4)

Première conclusion

Par conséquent, si des limites au montant des contributions peuvent être admises, dans un but d'égalité, l'interdiction absolue de faire toute contribution serait, selon la Commission, contraire à la liberté d'expression.

Outre la liberté d'opinion et d'expression, la liberté d'association est reconnue, tant par la Constitution que par l'article 3 de la Charte des droits et libertés de la personne. Cette liberté emporte certainement celle de former de nouveaux partis politiques. Elle doit être reconnue, en pleine égalité, sans distinction fondée, entre autres, sur les convictions politiques. La liberté de former un parti politique ou une association à caractère politique est intimement liée à la liberté d'opinion et d'expression. D'autre part, sous réserve de ce qui est interdit soit par le Code criminel, soit par d'autres lois d'ordre public (sédition, terrorisme, diffamation, etc..) la liberté de former une association politique doit être facilitée à tous, en pleine égalité. On peut citer à ce sujet l'hon. juge Abbot: "Toutes ces lois (A.A.N.B., lois électorales, loi sur le Sénat et la Chambre des communes) prévoient implicitement le droit pour les candidats au Parlement ou à une législature, et pour tous les citoyens en général, d'expliquer, de critiquer, de débattre et de discuter le plus librement possible des questions comme les compétences, les lignes de conduite et les principes politiques, économiques et sociaux que préconisent ces candidats ou les partis ou groupes politiques dont ils peuvent être membres". (5)

(2)Swait v. Board of Trustees of Maritime Transportation Union, (1966), 61 D.L.R. 317, p. 321

(3) Comment, The Constitutionality of Restrictions on Individual Contributions to Candidates in Federal Elections, (1974), 122 U. of Penn. Law Rev. 1690, p. 1629

(4) Reynolds v. Sims. 377 U.S. 533, 562 (1964)

(5) Switzman v. Elbing. (1957) R.C.S. 285, traduit par Marx, H. op. cit., p. 638, à la p. 655

Deuxième conclusion

Par conséquent, la Commission estime que le droit de se porter candidat, le droit de former un parti politique, reconnus particulièrement par les articles 3 et 22 de la Charte des droits et libertés de la personne, doivent être reconnus par l'Etat d'une façon égalitaire, sans distinction fondée sur les convictions politiques (article 10 de la Charte) et de façon à assurer aux candidats et aux partis une égale protection de la loi (Préambule de la Charte).

1. Le droit de voter et de se porter candidat à une élection (art. 22)

L'article 22 de la Charte reconnaît à "toute personne légalement habilitée et qualifiée (le) droit de se porter candidat lors d'une élection et (le) droit d'y voter".

Rappelons ici que ces droits "de se porter candidat" et "de voter", constituent en fait des applications particulières des libertés qui sont reconnues à l'article 3 de la Charte et plus particulièrement, les libertés d'opinion, d'expression et d'association. Si l'article 3 de la Charte ne prévaut pas sur les lois postérieures (en vertu de l'article 52), tel n'est pas le cas de l'article 22. En outre, le principe fondamental qui sous-tend toute la Charte est celui de la reconnaissance et de l'exercice en pleine égalité, des droits et libertés de la personne (art. 10). Cela implique donc que toute personne, quelles que soient ses convictions politiques (art. 10), ou encore quelle que soit sa plus ou moins grande richesse personnelle, doit avoir une chance égale de se porter candidat et d'être élue. A cet égard, l'organisation politique constitue un facteur primordial car sans organisation politique pour la soutenir, les chances d'une personne d'être élue sont bien moindres. (C'est d'ailleurs par ce biais de l'organisation politique nécessaire que la liberté d'association est mise en cause). De la même façon, les votes doivent être aussi "égaux", c'est-à-dire avoir autant de poids les uns que les autres. Ceci implique donc que toute personne, quelque minoritaire que puisse être sa conviction politique, doit avoir une possibilité égale de faire porter son vote sur un candidat qui la représente effectivement, et ce candidat doit lui-même avoir une chance égale d'être élu par rapport aux autres candidats, (voir note 5a)

De toute évidence, l'intention sous-jacente au projet de loi est de créer les moyens de cette double égalité. Malheureusement, les mesures prévues ne correspondent pas aux intentions et sont même susceptibles de produire des effets contraires.

D'abord, il faut signaler que par rapport au "droit de se porter candidat", la loi telle que projetée aura pour effet de créer trois statuts, auxquels s'attacheront des avantages— sinon des privilèges— très inégaux.

Au bas de l'échelle, il y aura le citoyen ordinaire qui ne se reconnaît pas dans les partis officiellement reconnus, et qui n'aura d'autre choix que de se porter candidat "indépendant" ou encore de voter pour un candidat "indépendant". Mais les moyens dont disposent ces "indépendants" seront bien restreints. Ils pourront certes se réclamer d'un parti politique, même si ce parti n'est pas "autorisé", mais en vertu des articles 53 et suivants, ce parti ne pourra recevoir ou solliciter des contributions, ni même soutenir financièrement ses candidats. L'article 58 énonce en effet que "les contributions doivent être faites uniquement aux partis autorisés, aux associations de circonscription autorisées et aux candidats autorisés". L'article 56 énonce par ailleurs que "les contributions ne peuvent être faites que par un électeur" et l'article 57 précise que "toute contribution doit être faite par l'électeur lui-même et à même ses propres biens. Elle ne peut être faite par une personne à même des biens mis à sa disposition pour faire des versements de fonds à des partis politiques, à des associations de circonscription ou à des candidats".

Cela signifie donc qu'à l'occasion d'une élection, un mouvement ne pourrait se constituer qui présenterait des candidats uniquement dans quelques circonscriptions; pour que ce "mouvement" puisse faire campagne et financer des candidats, de même que pour que des candidats puissent se

(5a)

Aux Etats-Unis, le principe de l'égalité de "l'influence politique" a été sanctionnée dans des causes portant sur la répartition des sièges (carte électorale), Reynolds v. Sims, 377 U.S. 533 (1964) et Westberry v. Sanders 376, U.S. I (1964), ainsi que dans des causes portant sur des restrictions d'ordre financier à la participation au processus électoral, (Bullock v. Carter 405 U.S. 134 (1972), sur les frais d'inscription des électeurs, Phoenix v. Koldziejski, 399 U.S. 204 (1970); sur la nécessité d'être propriétaire pour voter à un référendum, Harper v. Virginia Bd. of Elections, 383 U.S. 663 (1966).

Dans Reynolds v. Sims, par exemple, la Cour a souligné qu'une participation réelle exige des votes également efficaces pour tous les citoyens, lors de l'élection des représentants. Dans toute la mesure du possible, le vote de chaque personne doit avoir le même poids que celui de toute autre personne (p. 559). Les législateurs doivent rendre compte de leur mandat à des personnes, et non à des intérêts économiques (p. 562). Ces principes s'appliquent non seulement au droit de vote mais à tous les éléments de la démocratie représentative; on aurait tort de les appliquer restrictivement à la seule vocation. Sur l'ensemble de la question, voir le commentaire cité supra, note 3.

réclamer d'un tel mouvement et recevoir des contributions non seulement "personnellement" (comme candidat "indépendant") mais aussi d'un tel "mouvement", il faut absolument que ce mouvement soit reconnu comme "parti autorisé". Les partis politiques non autorisés seraient donc dans la même position que les associations de citoyens, groupes de pression, syndicats, etc.

Quant au candidat "indépendant", on constate qu'on le condamne pratiquement à mener une campagne individuelle. Il n'aura même pas droit à une association de circonscription puisque par définition, une telle association appartient à un parti autorisé (art. 1a). Les contributions destinées à financer sa campagne devront lui parvenir directement, personnellement, et non par l'intermédiaire de son parti. Elles ne pourront aussi lui parvenir que pendant la période électorale, puisque ce n'est qu'à ce moment qu'il pourra acquérir le statut de candidat "autorisé", et donc le droit de recevoir des contributions, (art. 29) II ne pourra donc vraiment faire campagne qu'à partir du jour de l'émission des brefs pour des élections générales. Quant au parti politique (non autorisé) auquel il pourra éventuellement appartenir, il ne pourra se financer que grâce au "travail bénévole" ou encore à des "sommes anonymes recueillies... au cours d'une réunion ou manifestation organisée à des fins politiques" (art. 55b). Et encore, en ce qui concerne ces "sommes anonymes", le directeur général aura le pouvoir de réglementer et même d'interdire la cueillette de telles sommes. Et de toute façon, on peut se demander si, en raison du caractère exagérément extensif de la définition du mot "contribution" à l'article 54 — point sur lequel nous revenons par ailleurs — ainsi que l'interdiction qui est faite à des personnes morales de faire des "contributions", il semble que les "partis politiques non autorisés" ne pourraient utiliser les moyens dont ils disposeraient pour faire élire leurs candidats ou encore combattre leurs adversaires.

On voit que par le biais de "l'autorisation" pratiquement nécessaire des partis, associations de circonscription et candidats, c'est non seulement les libertés d'opinion, d'expression et d'association qui sont atteintes, mais le droit de se porter candidat à une élection et d'y voter (art. 22 de la Charte). Pour ces motifs, les dispositions du projet de loi nous paraissent excessives; elles ne correspondent pas aux intentions de départ, et elles portent atteinte à des droits fondamentaux reconnus par la Charte des droits et libertés de la personne.

Au dessus du statut "indépendant", la loi prévoit le statut de "parti autorisé". On aura compris par ce qui précède que les "partis autorisés" pourront notamment faire campagne à l'année longue et non seulement pendant la période électorale. Ils pourront recevoir des contributions et utiliser ces contributions pour soutenir la campagne de leurs candidats officiels. C'est donc dire que ces candidats seront nettement favorisés par rapport aux candidats indépendants puisqu'ils pourront recevoir des contributions "collectives", des contributions provenant d'une "personne morale", à savoir leur parti. (Notons ici que l'article 66 autorise les "association, société, corporation ou autre personne qui n'est pas un électeur (à) mettre à la disposition des partis, associations (de circonscription) ou candidats autorisés des locaux ou moyens de transport, du temps d'émissio'n à la radio ou à la télévision ou de l'espace dans des journaux (...) ou tout autre service semblable, pourvu qu'elle offre ces services également à tous les partis autorisés et, dans une même circonscription électorale, à toutes les associations ou candidats autorisés". La loi n'interdira donc pas absolument toute contribution par des "personnes morales"; mais elle oblige celles-ci à être neutres, apolitiques.) En outre, l'article 98 prévoit que les électeurs auront droit à une déduction d'impôt pour les contributions qu'ils auront faites, à la condition que cette contribution ait été faite "au représentant officiel des partis politiques autorisés, des associations de circonscription autorisées ou des candidats autorisés."

On constate que "l'autorisation" confèrera de très nets avantages matériels quant à la possibilité de se porter candidat et d'être élu. On aurait pu s'attendre à ce que cette autorisation soit quasi-automatique, puisqu'elle affecte aussi directement l'égalité d'exercice du droit de se porter candidat et du droit de vote. Or de fait, cette autorisation sera quasi-automatique en faveur des candidats indépendants, dès le moment de l'émission des brefs d'élection (art. 29). Mais tel n'est plus le cas en ce qui concerne les associations de circonscription (qui par définition doivent appartenir à un parti autorisé) ou encore les partis. En effet, pour qu'un parti obtienne un certificat d'autorisation, l'article 23 énonce qu'il doit être: a) le parti du premier ministre; b) le parti du chef de l'opposition officielle ou encore qu'il doit: c)avoir eu dix candidats officiels aux dernières élections générales. d)avoir un chef élu lors d'un congrès du parti tenu pour désigner ce chef, démontrer au directeur général que dans au moins la moitié des circonscriptions électorales, il a des associations de circonscription et projeter d'y présenter des candidats officiels aux élections générales suivantes.

La condition c) paraît relativement facile à remplir. Un parti représentant une tendance nettement minoritaire pourrait donc accéder au statut de parti autorisé en présentant dix candidats officiels à une élection générale; mais il ne pourrait accéder à ce statut dès la première élection générale qui suivrait sa fondation. Il lui faudrait attendre la deuxième élection générale suivant sa fondation. Or l'organisation politique — la "liberté d'association" — étant partie intégrante du "droit de se porter candidat" et du "droit de voter", il nous paraît excessif de retarder aussi longtemps l'exercice intégral de ce droit et de cette liberté. Par ailleurs les exigences qu'on trouve au paragraphe d) sont telles qu'aucun tiers parti ne pourrait les remplir.

Par conséquent, les conditions énoncées à l'article 23 du projet de loi nous paraissent nettement excessives par rapport aux objectifs poursuivis, et de toute façon, elles sont de nature à porter une atteinte injustifiée au "droit de se porter candidat à une élection et d'y voter".

Au-dessus du statut de parti "autorisé", le projet de loi envisage finalement le statut de parti "subventionné". L'article 46 prévoit en effet que "le directeur général verse annuellement une allocation aux partis politiques: a) ayant fait élire, aux dernières élections générales, au moins douze députés; ou b) dont l'effectif reconnu à l'Assemblée nationale est de moins de douze députés mais ayant obtenu au moins vingt pour cent des votes valides donnés d'après la récapitulation officielle du scrutin dans l'ensemble du Québec."

Les critiques qu'on pourrait faire à l'égard de ces dispositions sont essentiellement les mêmes que nous avons faites à propos du statut de parti "autorisé" et ce d'autant plus que le seuil d'accès au privilège de la subvention publique est encore plus élevé que le seuil d'accès au statut autorisé. On se propose de rétablir l'égalité des chances et on prend des mesures qui sont susceptibles de favoriser les partis qui sont déjà mieux organisés, les plus forts, et qui jouissent de l'appui d'une bonne proportion de la population. Il conviendrait de s'interroger sur la situation des électeurs qui appartiennent à une tendance minoritaire.

2. Droit d'association et d'opinion politique (Art. 3 de la Charte des droits)

liberté d'expression et droit de vote.

L'article 23 du projet de loi no 2 précise quels partis peuvent être autorisés.

Cette autorisation est lourde de conséquences puisque c'est elle qui permet les "contributions" au sens des articles 53 et suivants. Ces conséquences sont de deux ordres. D'une part, il résulte de l'ensemble de ces articles que l'on introduit une différence importante entre les moyens d'action des partis autorisés et ceux des partis non autorisés. En effet, les partis politiques autorisés auraient la possibilité de faire campagne, recevoir des contributions, en tout temps, alors que les partis ne correspondant pas aux critères de l'article 23, c'est-à-dire les partis jeunes ou de moindre importance numérique, devraient attendre le déclenchement d'élections pour mener une campagne politique, (recueillir des fonds), et alors, présenter un ou des candidats indépendants (art. 29).

D'autre part, par l'article 58 du projet de loi no 2, il est spécifié que "les contributions doivent être faites uniquement aux partis autorisés, aux associations de circonscription autorisées et aux candidats autorisés". Ceci, si l'on se réfère aux critères permettant l'autorisation d'un parti, a pour effet de tendre à exclure la formation de nouveaux partis ou a empêcher l'existence de tiers partis de dimensions restreintes.

Ainsi, un parti qui serait voué à la représentation d'une minorité aurait peu de chances d'avoir des associations de circonscription dans "au moins la moitié des circonscriptions électorales" et de projeter y présenter des candidats officiels aux élections suivantes, c'est dire que de tels partis, partis de minorités politiques, ethniques ou partis particuliers à une région géographique seraient privés de moyens de subsistance et donc, éliminés. De plus, il est difficile d'imaginer qu'un nouveau parti puisse avoir des associations de circonscriptions dans au moins la moitié des circonscriptions électorales sans financement. Ce qui revient à dire que la naissance de nouveaux partis deviendrait extrêmement difficile.

Il semble donc, que tant du point de vue de la liberté d'expression, d'association et d'opinion politique (art. 3 de la Charte des droits et libertés de la personne) que plus généralement du point de vue du droit de vote et du droit de se présenter candidat (art. 22 de la Charte des droits et libertés de la personne) l'article 23 décrivant les critères d'autorisation d'un parti vu à la lumière des art. 53 et suivants, et plus spécifiquement de l'article 58 sont indûment restrictifs.

Il n'est pas nécessaire, croyons-nous, de faire ici la démonstration du fait que si certains partis sont plus ou moins voués à disparaître, ceci affecte forcément le droit de vote des citoyens, tout autant que le droit d'actualiser et d'exprimer ses opinions politiques au sein d'associations qui sont en l'occurrence des partis.

Nous nous interrogeons de plus sur les limites du financement public des partis politiques. L'article 46 précise que les partis politiques qui ont fait élire aux dernières élections générales au moins douze députés ou qui ont obtenu au moins vingt pour cent des votes valides ont droit à une allocation publique. Il est évident qu'une telle mesure permettra une certaine égalisation des chances des partis. Cependant, si cette mesure égalise les chances des partis ayant déjà un assez fort appui populaire, elle définit une distance d'avec les partis plus faibles. Il est bien évident qu'un financement public ne peut se faire qu'à des partis ayant une certaine reconnaissance populaire, mais les critères servant à définir cette reconnaissance devraient permettre de faire la distinction entre les partis ayant une présence réelle au moment des élections, et les groupes ou mouvements politiques qui ne se situent pas dans le contexte électoral d'une façon significative. Ne pourrait-on envisager une formule du type proportionnalité simple établie en fonction du pourcentage de votes aux dernières élections générales?

La question que nous nous posons se situe finalement au même niveau que la disposition du projet de loi qui prévoit le mode de financement des partis: celui de l'égalité.

3. Libertés d'expression et d'opinion politiques 3.1-Définition de "contribution"

L'article 54 donne une définition très large de "contribution". Elle s'étend notamment aux sommes d'argent versées, aux services rendus ou aux biens fournis "pour combattre le programme ou la politique d'un candidat ou d'un parti politique... pour faire désapprouver des mesures préconisées ou combattues par eux ou des actes accomplis ou proposés par eux..."

Etant donné l'article 58 qui stipule que les contributions doivent être faites uniquement aux partis autorisés, aux associations de circonscription autorisées et aux candidats autorisés, l'effet de cet article est d'interdire toute contestation organisée des programmes ou projets mis de l'avant par un parti politique, à l'intérieur de cadres non-partisans. Il rend impossible toute cueillette de fonds par un groupe de pression aux fins de mener une campagne d'opinion publique contre la politique d'un parti, et notamment, un parti au pouvoir.

Un exemple concret illustrera bien la portée de cette disposition: un groupe de citoyens organisés pour la protection de l'environnement ne pourrait mener une lutte contre un projet gouvernemental de construction d'un barrage qui, selon lui, pourrait déséquilibrer l'harmonie écologique de la région. Le seul moyen d'action qui serait accessible à ce groupe serait d'utiliser pour ce faire un autre parti politique et de lui verser le cas échéant les sommes qu'il désire affecter à cette cause, et ceci, indépendamment de son adhésion aux politiques de ce parti, par ailleurs.

Une telle mesure contrevient indéniablement à la liberté d'opinion et à la liberté d'expression consacrées à l'article 3 de la Charte des droits et libertés de la personne, et, à cet égard, contentons-nous de faire référence ici au dictum classique du juge Duff dans l'Arrêt In re Alberta Statutes (6), que nous avons déjà cité en introduction.

Le Gouvernement de la province d'Alberta a présenté récemment un projet de loi (7) régissant les contributions et les dépenses électorales. Ce projet de loi donne de "contribution" une définition beaucoup moins large que celle contenue dans le projet de loi no 2: "contribution" means money, goods or services or any combination thereof given, loaned, pledged or guaranteed by a contributor to a political party, constituency association or candidate registered under this Act..."

Une telle définition paraît beaucoup plus appropriée à une législation comme celle qui est présentée ici.

L'objectif de cette loi est d'assainir les pratiques et les règles de financement des partis politiques et d'exercer, dans un but de démocratisation, un contrôle plus étroit des contributions recueillies dans le public à des fins partisanes. Or, la poursuite de cet objectif ne justifie pas que le contrôle s'étende aux contributions faites à des fins politiques mais en dehors de cadres partisans, et, particulièrement, un tel objectif ne justifie certainement pas que le droit de critique organisée de politiques mises de l'avant par un parti au pouvoir soit anéanti. Aller aussi loin, c'est faire échec à la liberté d'expression et d'opinion politique et détruire, à toutes fins pratiques, tout le bénéfice des mesures principales contenues dans le projet de loi et, partant, ses objectifs. 3.2-Droit des personnes morales de faire des contributions

L'article 56 prévoit que "les contributions ne peuvent être faites que par un électeur".

L'article 57 précise que "toute contribution doit être faite par l'électeur lui-même et à même ses propres biens. Elle ne peut être faite par une personne à même des biens mis à sa disposition pour faire des versements de fonds à des partis politiques, à des associations de circonscription ou à des candidats",

Ces dispositions auraient pour effet d'interdire aux personnes morales de faire des contributions.

L'article 3 de la Charte des droits et libertés de la personne affirme que "toute personne" a droit à la liberté d'opinion et d'expression. Le mot "personne", dans la Charte, englobe les personnes morales, dans la mesure où ses dispositions peuvent s'y appliquer. (8)

Les corps politiques, corporations avec ou sans but lucratif, syndicats, associations de citoyens, ont droit à la liberté d'expression, ils devraient pouvoir faire des contributions, soit pour aider un parti politique ou une association, soit pour combattre ou promouvoir des mesures ayant des implications politiques.

(6) Supva

(7) Bill 227, An act to regulate election contributions and election expenses (1977) (3rd Session, 18th Leg. 26 Eliz. II)

(8) Voir à ce sujet l'article 61, par. 17, de la loi d'interprétation: "le mot personne comprend tes corpora-tions à moins que le statut ou les circonstances particulières du cas ne s'y opposent .

Dans l'arrêt Oil Chemicals and Atomic Workers International Union v. Imperial Oil (9), l'hon. juge Martland, parlant pour la majorité, affirmait: "A trade union is entitled to engage in political activities as a free association of individuals and, therefore, within the limits previously mentioned, could disburse its funds, for such purposes, and any attempted interference with such powers by a Provincial Legislature would be an interference with the democratic process in Canada and, therefore, beyond its powers".

Nous sommes d'accord avec cette affirmation. Mais, de plus, nous croyons qu'elle est conforme à l'article 3 de la Charte des droits et libertés de la personne en ce qui concerne la liberté d'expression et d'association.

Notons enfin que le très récent projet de loi de l'Alberta (10) n'a pas cette rigueur envers des personnes morales. Il cherche plutôt à limiter les personnes morales autorisées à contribuer à celles qui sont localisées dans la province et à prévoir un montant maximum pour leurs contributions.

Notons toutefois qu'aux Etats-Unis, la Corrupt Practices Act (11) restreint les contributions et les dépenses des corporations et des syndicats au cours des campagnes électorales et, bien que cette législation de même que des lois étatiques analogues aient été judiciairement très controversées, elle n'a jamais été déclarée inconstitutionnelle, parce qu'attentatoire à la liberté d'expression.

La Commission est donc d'avis que s'il convient de limiter le montant des contributions fournies par les personnes morales, il ne faudrait pas leur interdire absolument de contribuer en faveur soit d'un parti, d'une association ou d'un candidat, soit en faveur d'un mouvement ayant des objectifs à caractère politique. Cette interdiction serait excessive par rapport aux buts poursuivis par la loi qui est de permettre, en pleine égalité, la libre discussion des affaires publiques. 3.3-Divulgation des contributions politiques

L'article 77 du projet de loi prévoit qu'un rapport doit être transmis au directeur général, contenant entre autres, les noms des personnes ayant versé une contribution de $25.00 ou plus à un parti, une association ou un candidat. L'article 85 prévoit quant à lui que les rapports présentés au directeur général sont accessibles au public et que toute personne peut les examiner et en prendre copie.

La divulgation des contributions électorales, pour des raisons évidentes, soulève, elle aussi la question d'une violation possible de la liberté d'expression et d'opinion politique. En effet, le fait de savoir qu'une contribution politique sera dévoilée dans le public peut amener certaines personnes à s'abstenir de le faire, ne voulant pas divulguer leur allégeance politique.

Des dispositions analogues à celles proposées ici existent aux Etats-Unis (12) et leur constitu-tionnalité a été contestée devant la Cour suprême en 1975 (13). Il faut décidé que même si une telle mesure a pour effet de restreindre possiblement la liberté d'expression politique, protégée par le Premier amendement à la Constitution, elle est constitutionnelle parce que les objectifs d'intérêt public qu'elle poursuit priment sur les droits individuels ainsi protégés par la constitution.

Ces précédents du droit américain peuvent constituer une certaine autorité pour l'adoption d'une mesure comme celle qui est proposée ici.

La Commission des droits de la personne s'interroge toutefois sur l'opportunité d'adopter une mesure qui permet ainsi de court-circuiter un principe fondamental de nos institutions politiques, le secret du vote. Le droit du citoyen d'élire en toute liberté les représentants politiques de son choix est tout aussi essentiel à une saine démocratie que ne peut l'être un contrôle public des sources de fonds des partis politiques.

Pour ce motif, on pourrait penser à un mécanisme qui permettrait d'atteindre ce dernier objectif sans mettre en péril le premier. On pourrait par exemple prévoir un contrôle des contributions par un représentant autorisé de l'Etat, en l'occurrence, le directeur général du financement des partis politiques, sans imposer la divulgation ouverte et publique de telles contributions. 3.4-Financement public des partis politiques

L'article 46 prévoit le versement d'une allocation annuelle aux partis politiques ayant fait élire douze députés ou ayant obtenu 20% des votes aux dernières élections générales.

L'article 48 précise que cette allocation est versée à raison d'un douzième par mois.

(9)(1962) S.C.R. 798

(10) Bill 227, cité supra, note 7; voir notamment l'article 158.2 par. 5 et l'article 159.3

(11) 18 U.S.C., 610 (1970)

(12) Federal Election Campaign Act Amendments of 1974, Pub. 1, no. 93-443, 201-10

(13) Burklev v. Valeo, 424 U.S.1, (1976)

Enfin, l'article 49 stipule que l'allocation doit être utilisée par les partis politiques pour payer les frais de leur administration courante, diffuser leur programme et coordonner l'action politique de leurs membres et qu'elle n'est versée que si ces frais sont réellement encourus et payés.

Le bien-fondé des objectifs de ces dispositions est évident et le principe a l'effet de ne donner des allocations, à même des fonds publics, qu'à condition qu'elles soient effectivement utilisées aux fins pour lesquelles elles sont accordées respecte tout à fait les exigences d'une saine démocratie. La Commission s'interroge toutefois sur la périodicité des contrôles de l'utilisation des fonds versés. L'article 49 semble, à cet égard, ambigu. Est-ce que l'exigence à l'effet que les frais doivent être réellement encourus et payés s'applique sur l'ensemble de l'allocation annuelle ou sur les versements mensuels prévus à l'article 48? Si cette dernière interprétation est la bonne, le contrôle qu'elle implique nous semble restrictif de la liberté d'action politique des partis, et partant, de la liberté d'expression politique. Un parti peut souhaiter concentrer son action politique et ses campagnes de diffusion à un ou des moments précis de l'année, et, conséquemment, né pas nécessairement encourir, mensuellement, les frais lui donnant droit à l'allocation.

Pour ces motifs, la Commission est d'avis que cette disposition du projet de loi no 2 devrait être précisée dans le sens d'un contrôle annuel de l'utilisation des fonds.

4. Le principe de l'inviolabilité de la demeure (articles 5 à 8 de la charte)

Les articles 5 à 8 de la Charte des droits de la personne comportent une série d'énoncés qui ont trait plus ou moins directement au droit au respect de la vie privée ainsi qu'au principe de l'inviolabilité de la demeure: article 5 — Toute personne a droit au respect de sa vie privée. article 6— Toute personne a droit à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens, sauf dans la mesure prévue par la loi. article 7 — La demeure est inviolable. article 8— Nul ne peut pénétrer chez autrui ni y prendre quoi que ce soit sans son consente- ment exprès ou tacite.

Le législateur, lors de l'adoption de la Charte des droits et libertés de la personne, n'a pas jugé bon de conférer à ces articles, un statut particulier et d'énoncer que ces articles, a l'instar des articles 9 à 38, prévaudraient "sur toute disposition d'une loi postérieure qui leur serait contraire, à moins que cette loi n'énonce expressément s'appliquer malgré la Charte" (article 52 de la Charte des droits). C'est donc dire que le législateur pourrait maintenant, dans la Loi régissant le financement des partis politiques, aller à rencontre des principes énoncés aux articles 5 à 8 de la Charte sans même qu'il soit tenu d'énoncer clairement que telle est son intention.

Mais on peut présumer que ce n'est pas uniquement pour la forme que ces principes ont été énoncés, de même d'ailleurs que tous les autres droits qui sont contenus dans la Charte et qui ne jouissent pas de ce statut privilégié. Ce n'est donc que dans les cas de la plus stricte nécessité que le législateur devrait se résigner à enfreindre l'un ou l'autre de ces principes.

Or, les articles 17 à 21 du projet de loi sont de nature à porter atteinte à l'un ou l'autre des droits qui sont énoncés aux articles 5 à 8 de la Charte. En effet, les articles 17, 18 et 19 confèrent à toutes fins pratiques au directeur général et à "toute personne qu'il désigne par écrit" un pouvoir de perquisition "en tout lieu" et "à tout moment", et ce sans mandat. L'article 20 garantit l'impunité au directeur général et aux membres du personnel, à la seule condition qu'ils aient été "de bonne foi". Qui plus est, l'article 21 a pour effet de soustraire ce pouvoir exorbitant du droit commun au pouvoir général de surveillance et de contrôle qui revient à la Cour supérieure.

Il nous apparaît que ce pouvoir de perquisition qui est attribué au directeur général sans aucune possibilité de contrôle de la part du pouvoir judiciaire, est excessif et injustifié. Nous ne voyons pas pourquoi le directeur général ne devrait pas se munir au préalable d'un mandat de perquisition, lorsqu'il a de bons motifs de soupçonner que certaines pratiques frauduleuses ont cours, ou même simplement lorsqu'on refuse de produire tous les documents se rapportant aux contributions et aux dépenses qu'il sollicite. A plus forte raison, la Cour supérieure ne devrait pas être privée, dans ces cas, de son pouvoir général de contrôle et de surveillance.

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