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Version finale

39th Legislature, 1st Session
(January 13, 2009 au February 22, 2011)

Thursday, February 3, 2011 - Vol. 41 N° 37

Consultations particulières et auditions publiques sur le document intitulé « Pour que l’égalité de droit devienne une égalité de fait – Vers un deuxième plan d’action gouvernemental pour l’égalité entre les femmes et les hommes »


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente et une minutes)

Le Président (M. Huot): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie aujourd'hui afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le document intitulé Pour que l'égalité de droit devienne une égalité de fait -- Vers un deuxième plan d'action gouvernemental pour l'égalité entre les femmes et les hommes.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Ouimet (Marquette) est remplacé par M. Huot (Vanier); M. Charette (Deux-Montagnes), par M. Traversy (Terrebonne); et Mme Lapointe (Crémazie), par Mme Beaudoin (Rosemont).

Auditions (suite)

Le Président (M. Huot): Merci, Mme la secrétaire. Nous recevons ce matin quatre groupes. Nous débutons immédiatement avec le réseau FADOQ, représenté par M. Jean-Claude Grondin, c'est bien ça?

Réseau FADOQ

M. Grondin (Jean-Claude): Oui.

Le Président (M. Huot): Donc, je vous rappelle les règles de fonctionnement de la commission. Ce n'est pas la première fois, je pense, que vous êtes en commission parlementaire de toute façon. Vous disposez de 15 minutes pour faire la présentation de votre mémoire. Il y aura par la suite un échange de 30 minutes avec les parlementaires. Donc, évidemment, je vous demande de vous identifier aux fins d'enregistrement, de présenter les personnes qui vous accompagnent, et la parole est à vous pour 15 minutes.

M. Grondin (Jean-Claude): Alors, à ma gauche, M. Danis Prud'homme, directeur général du réseau FADOQ, et Mme Bevilacqua, conseillère aux dossiers sociaux et économiques.

Alors, bonjour, tout le monde. Le réseau FADOQ est composé d'organismes affiliés et a pour mission de regrouper les personnes de 50 ans et plus et les représenter devant différentes instances afin de veiller à la reconnaissance de leurs droits et de leurs besoins. Il a également comme mission de favoriser la participation des aînés à la société par l'organisation d'activités, de programmes destinés aux personnes de 50 ans et plus. À ce jour, le réseau FADOQ compte 260 000 membres, ce qui en fait un groupe important des personnes de 50 ans et plus au Québec.

Alors, Vers un deuxième plan d'action gouvernemental pour l'égalité entre les femmes et les hommes. Encore aujourd'hui, au Québec, des iniquités entre les femmes et les hommes sévissent à tous les âges de la vie. Étant donné sa nature et sa mission, le réseau FADOQ est particulièrement concerné par les inégalités persistantes et importantes entre les femmes et les hommes aînés. Que ce soit au niveau de la pauvreté, de l'accès aux soins de santé, de la participation au marché du travail ou encore de l'intégrité physique et de la sécurité, les femmes aînées subissent souvent davantage les effets négatifs des aléas de l'économie et de certaines politiques publiques que leurs homologues masculins.

L'égalité du point de vue des femmes aînées. Dans le but d'amorcer ce processus essentiel, le réseau FADOQ concentrera son mémoire sur trois orientations de la politique qui touchent particulièrement les femmes aînées, soit l'égalité économique, le développement d'approches en santé adaptées aux spécificités des femmes et le respect de l'intégrité et de la sécurité des femmes. Et, pour chacune de ces orientations, nous analyserons les faits et proposerons des solutions concrètes à l'amélioration des conditions de vie des femmes de 50 ans et plus.

Alors, évidemment, je ne passerai pas à la longueur tout le rapport, il est assez long. Je vais essayer d'aller au plus vif.

Quant à la pauvreté, un fléau chez les femmes aînées au Québec, les chiffres démontrent sans équivoque un fossé économique énorme entre les femmes et les hommes de 65 ans et plus. En 2008, les femmes de 65 ans et plus avaient un revenu annuel moyen de 20 495 $, alors que celui des hommes se situait autour de 28 775 $, selon l'Institut de la statistique du Québec. L'écart entre les revenus des femmes et des hommes témoigne des difficultés économiques que vivent les femmes de plus de 65 ans. Mais la source de ces revenus est également intéressante à analyser. En effet, les hommes perçoivent davantage de revenus de sources liées au travail et aux économies personnelles, comme les prestations du Régime des rentes du Québec -- les hommes, 96 %, les femmes, 86 % -- et de REER -- les hommes, 27 %, et les femmes, 13 % -- comparativement aux femmes dont la source de revenus principale est le régime public de la sécurité de la vieillesse -- Ressources humaines et Développement des compétences Canada, 2007. Or, dépendre d'une prestation gouvernementale est loin d'être une situation optimale, car elle oblige des personnes aînées à être dépendantes des politiques et de vivre dans l'insécurité. Les femmes les plus touchées par la pauvreté sont les femmes seules, soit célibataires ou veuves. Elles doivent assumer seules tous les frais quotidiens dont les coûts ne cessent d'augmenter -- loyer, chauffage, achat de médicaments, alimentation et frais liés au transport -- alors que leurs revenus sont fixes et conditionnés aux faibles indexations des programmes de la sécurité de la vieillesse et du supplément de revenu garanti.

Le supplément de revenu garanti, SRG, est une prestation fédérale destinée aux aînés les plus démunis. Plusieurs bénéficiaires de ce programme sont des femmes seules. Or, plusieurs éléments de ce dernier en font un programme non adapté aux besoins des aînés et dont les prestations ne permettent pas aux aînés de vivre au-dessus du faible revenu canadien. En effet, au Québec, on estime à 40 000 personnes le nombre de personnes admissibles au supplément de revenu garanti mais qui n'en sont pas bénéficiaires. Parce qu'il faut d'abord connaître l'existence de ce programme et qu'il faut s'y inscrire en remplissant des formulaire des plus complexes, plusieurs personnes à faibles revenus, dont beaucoup de femmes qui ont bénéficié d'une éducation limitée, ne font pas la démarche de demander cette prestation à laquelle elles ont droit.

Même pour les personnes seules qui reçoivent le supplément de revenu garanti, les prestations maximales étant de 1 185,92 $ par mois, elles se situent en dessous du seuil de faible revenu qui est de 15 000 $. De plus, le calcul de l'indexation est dépassé et porte un préjudice considérable au pouvoir d'achat des consommateurs âgés.

La pauvreté entraînée par cette précarité économique rend les femmes aînées vulnérables. Lorsque leurs moyens sont limités, elles choisiront de se priver de leurs médicaments ou d'une alimentation équilibrée pour pouvoir payer leur loyer, leurs factures. Elles choisiront également de supprimer leurs petites sorties et leurs activités sociales pour économiser.

Recommandation: augmenter le seuil de pauvreté de la Régie des rentes du Québec. En octobre dernier, le réseau FADOQ a appuyé la campagne de la Fédération des travailleuses et travailleurs du Québec, FTQ, Une retraite à l'abri des soucis, afin de sécuriser et d'augmenter les revenus à la retraite de l'ensemble des Québécoises et des Québécois. L'une des mesures principales de ce programme vise à faire passer la couverture des prestations du Régime des rentes du Québec à la retraite de 25 %, tel que c'est le cas actuellement, à 50 % et à augmenter le plafond de cotisation de 42 700 $ à 62 500 $.

L'augmentation de cette couverture exigerait une hausse des cotisations d'environ 3 %. Comme ce régime est obligatoire pour toutes et tous, l'augmentation des cotisations assurerait à la fois une retraite de base plus élevée à l'ensemble des citoyens ainsi qu'une plus grande sécurité financière. De plus, comme le Régime des rentes du Québec n'est pas lié à un employeur, les prestations à la retraite ne seraient pas affectées par les changements d'emploi ou par les risques de faillite ou de mauvaise gestion des fonds de pension privés.

Fait important: cette proposition prévoit également faire passer l'exemption de cotisation annuelle au Régime des rentes à 7 000 $ au lieu de 3 500 $. Ainsi, les travailleuses et travailleurs à faibles revenus pourraient épargner en vue de leur retraite sans que cela handicape trop lourdement leurs conditions de vie actuelles. Comme beaucoup de travailleurs à revenu modique sont des femmes et que certaines doivent assurer seules les coûts de leur foyer, l'épargne en vue de la retraite est un luxe que peu d'entre elles peuvent se permettre. Or, il s'agit pourtant d'un besoin de première nécessité, car la pauvreté à la vieillesse peut être bien réelle. Augmenter les cotisations au Régime de rentes aujourd'hui est évidemment un sacrifice à faire, mais, vu la capitalisation des investissements, la couverture financière à la retraite en sera grandement améliorée.

Recommandation n° 2: faire pression auprès du gouvernement fédéral pour améliorer et bonifier le programme de supplément de revenu garanti. Depuis longtemps, le réseau FADOQ multiplie les actions et milite pour une bonification et une amélioration du supplément de revenu garanti. D'abord, il est plus que temps d'instaurer l'inscription automatique. Non seulement cette prestation s'adresse à des personnes démunies, dont certaines ne savent ni lire ni écrire, mais ce sont également des gens âgés pour qui demander une prestation de l'État peut être perçu comme de la mendicité.

**(9 h 40)**

Ces aînés démunis peuvent être isolés et donc mal informés sur l'existence des programmes gouvernementaux. L'inscription automatique permettrait à toutes et à tous de percevoir les prestations auxquelles ils ont droit. Le gouvernement canadien a tous les renseignements nécessaires sur le revenu et l'état civil des aînés, grâce aux rapports d'impôt, et sur leurs sorties et entrées au Canada ainsi que sur leurs années de résidence au Canada, grâce aux services de l'immigration et des douanes, pour passer à l'automatisation de l'inscription.

Une meilleure coordination des services et une plus grande collaboration entre les paliers provinciaux et fédéraux du gouvernement seront nécessaires pour instaurer l'inscription automatique. Par exemple, il faudra que le gouvernement provincial, chargé des programmes sociaux tels que la sécurité sociale, puisse transmettre au gouvernement fédéral, qui administre le programme du SRG, une liste exhaustive des personnes bénéficiaires qui atteindront l'âge de 65 ans de manière à faciliter et à optimiser leur travail d'identification des personnes potentiellement admissibles au supplément de revenu garanti.

Les préjugés dans le monde du travail, une réalité omniprésente pour les femmes de 50 ans et plus. Plusieurs femmes aujourd'hui âgées de 50 ans et 65 ans ont arrêté de travailler pendant de longues années pour élever leurs enfants. Aujourd'hui, parce qu'elles le désirent ou parce qu'elles sont dans la nécessité de le faire, certaines d'entre elles souhaitent reprendre le travail. Or, les perspectives d'emploi sont plus que limitées. En effet, en plus de subir les effets négatifs des stéréotypes liés à leur sexe, ces femmes sont souvent victimes d'âgisme, soit de la discrimination attribuable à leur âge. À tort, on véhicule l'idée que les travailleurs de 50 ans et plus sont moins motivés et plus réfractaires aux changements. Pourtant, ces qualificatifs sont loin de correspondre à la majorité des travailleurs d'expérience. Toutefois, d'autres supposent faussement que les femmes âgées de 50 et 65 ans seront plus souvent absentes du travail pour des raisons de maladies mineures. Or, aucune donnée ne démontre un taux d'absentéisme plus élevé après 50 ans.

Outre ces préjugés, le manque criant de ressources d'aide à l'emploi pour les travailleuses et travailleurs d'expérience est un frein économique à la fois pour la société et pour les individus. Très peu de programmes et d'outils sont disponibles pour ceux-ci afin de les aider à réintégrer un marché du travail souvent différent. Pour ces raisons, certaines femmes éprouvent énormément de difficultés à trouver leur place sur le marché du travail, ce qui ne fait qu'alimenter le cercle de la pauvreté.

D'autres femmes de 50 ans à 65 ans ont un parcours différent et vivent des difficultés tout aussi importantes mais bien distinctes. En effet, certaines travailleuses d'expérience ont été très actives sur le marché du travail tout au long de leur carrière. Elles ont dû jongler avec le travail, les enfants et parfois le retour aux études. Aujourd'hui, elles souhaitent ralentir leur rythme tout en continuant de travailler dans un emploi qui les stimule. Elles désirent également prendre du temps pour être avec leur famille, soit leurs petits-enfants ou leurs parents vieillissants.

Beaucoup de femmes âgées de 50 à 65 ans ont plusieurs obligations familiales liées à leur rôle de grand-parent ou de proche aidante. Or, très peu d'employeurs sont ouverts à la perspective des retraites progressives et des aménagements du temps de travail. En raison de cette rigidité, certaines femmes prennent leur retraite de manière précoce, alors qu'avec plus de souplesse la société aurait pu bénéficier plus longtemps de leur savoir-faire et de leur expérience. D'autres femmes qui ont oeuvré sur le marché du travail quittent leur emploi pour d'autres raisons. Ne sentant pas leur travail reconnu ni leur expérience valorisée, elles choisissent de mettre fin à leur vie active, en termes de travail, avec un goût amer. Voyant qu'elles sont souvent mises à l'écart des formations et qu'elles ne bénéficient pas d'avancement au sein de l'entreprise, certaines choisiront de se retirer, alors qu'elles pourraient apporter de grandes richesses à l'employeur.

Quatrième recommandation: améliorer les outils de recherche d'emploi pour les femmes de 50 ans et plus et faire tomber les stéréotypes liés à l'âge dans le monde du travail. Le gouvernement a un rôle important à jouer face à la création d'outils de recherche d'emploi pour les femmes de 50 ans et plus et pour faire tomber le double préjugé âge et sexe dont sont victimes celles-ci.

Recommandation n° 5: favoriser le maintien en emploi des travailleuses de 50 ans et plus par la promotion de nouvelles pratiques de gestion. Le gouvernement doit favoriser l'implantation de nouvelles pratiques de gestion des ressources humaines plus flexibles à tous les âges de la vie. À plus de 50 ans, les travailleuses devraient pouvoir aménager leur temps de travail, avoir la possibilité de faire du télétravail lorsque le type d'emploi le permet ou encore avoir la possibilité de prendre une retraite progressive. Le gouvernement a un rôle important à jouer dans la promotion de ces pratiques. Il doit non seulement donner l'exemple aux grandes et petites entreprises en favorisant ces mesures dans les différentes instances gouvernementales, mais également informer les employeurs de l'importance et des bénéfices de celles-ci.

Alors, je laisse la parole à mon collègue M. Danis Prud'homme.

Le Président (M. Huot): M. Prud'homme, je vais vous inviter à conclure, il reste une minute.

M. Prud'homme (Danis): D'accord. Alors, au niveau des femmes, ce sont aussi les premières victimes en ce qui a trait au système de santé qui est en souffrance. Il faut investir massivement aussi dans ces soins de santé et ainsi que pour les services à domicile. La détresse des proches aidantes est aussi criante. Le gouvernement devrait les aider et les reconnaître davantage, car ce sont majoritairement les femmes de 65 ans et plus qui sont les proches aidantes et qui sauvent annuellement au gouvernement près de 5 milliards au niveau des soins de santé. Il faudrait aussi développer une politique concertée pour soutenir les proches aidants.

Et la dégradation du service de santé publique est aussi un enjeu réel. Il faudrait s'assurer que les femmes aient davantage recours, ainsi que les hommes évidemment, à un service de santé qui est toujours gratuit et qui fait, comme on dit, le privilège au niveau du Québec. Alors, à ce moment-là, il faudrait évidemment s'assurer de maintenir ce système et l'accès à tous de façon gratuite.

Au niveau des médicaments et du faible revenu, il faudrait aussi travailler au niveau du supplément de revenu garanti, car les médicaments... pour ceux qui ne sont pas inscrits, ils n'ont pas droit à la gratuité des médicaments.

En terminant, je mentionnerais tout simplement que ce qui est très important, c'est qu'au niveau des recommandations que le réseau FADOQ fait pour l'égalité entre les femmes, et surtout les femmes aînées, c'est d'une importance capitale au niveau du futur de notre société en ce qui a trait au vieillissement.

Le Président (M. Huot): Merci beaucoup. Je reconnais maintenant Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Vous avez la parole pour les 15 prochaines minutes.

Mme St-Pierre: Merci. Merci, M. le Président. Merci d'être avec nous, ce matin. C'est vrai que la situation des femmes... des femmes aînées est peut-être encore plus difficile parce que, dans le passé, la question de l'autonomie économique des femmes était moins présente, et c'est la raison pour laquelle on doit insister énormément sur l'autonomie économique des femmes et qu'elles puissent, une fois rendues à la retraite, pouvoir en profiter. Vous donnez des chiffres sur l'écart entre les hommes et les femmes âgés de 65 ans et plus. Il y a encore un écart, bien sûr, mais l'écart tend à diminuer. En 2000, c'était 60 %; maintenant, en 2008, c'est 80 %. Donc, il y a une diminution, là, de l'écart, mais il y a quand même un écart encore entre les revenus des hommes et des femmes aînés.

Il y a quelque chose... c'est peut-être... ce n'est pas un détail, mais il y a quelque chose sur lequel... Vous avez dit que des personnes âgées ou personnes aînées -- puis, bon, les femmes... dans ce cas-ci on parle des femmes, mais je pense que ça peut s'appliquer à des hommes âgés aussi qui ont moins de revenus -- se privent de médicaments pour économiser. Moi, je suis peut-être sur une autre planète, là, mais il me semble qu'on a l'assurance médicaments au Québec. Comment on peut se priver d'acheter des médicaments pour économiser quand les médicaments sont assurés? À moins... Je pense.

Le Président (M. Huot): M. Prud'homme.

M. Prud'homme (Danis): Enfin, vous avez... Quand on dit «se privent de médicaments», ce n'est pas nécessairement qu'ils se les paient, ce qui est... c'est qu'ils doivent avoir des visites au médecin à certaines fois qui sont aux trois mois et ils ne peuvent pas se rendre chez le médecin parce qu'ils ont besoin de transport.

Mme St-Pierre: Ah bon.

M. Prud'homme (Danis): Alors, ils ne vont pas renouveler leurs médicaments et souvent ne vont pas les prendre jusqu'à la fin. Alors, il y a une sensibilisation de ce côté-là. Mais, côté économique, c'est vraiment, dans notre cas, ce qui nous préoccupe le plus, parce qu'au niveau... on n'a pas abordé le niveau des transports en commun, mais la majorité, c'est...

Mme St-Pierre: Oui, bien, je l'ai vu, que vous en parliez, là, sur...

M. Prud'homme (Danis): C'est ça. Alors, c'est une préoccupation parce qu'ils limitent leurs sorties pour couper ailleurs pour pouvoir joindre les deux bouts.

Mme St-Pierre: Oui, mais c'est parce que c'est quand même... c'est quand même gros de dire qu'on se prive de médicaments pour économiser, là. Vous l'expliquez, vous l'expliquez en disant: Ils ne vont pas renouveler leur ordonnance, et il faudrait peut-être qu'on ait des liens plus étroits avec les pharmacies et les pharmaciens puis que... enfin que... Je sais qu'il y a des services, là, pour que ça se fasse automatiquement, puis on veut évidemment améliorer ça. Mais c'est parce que vous l'avez dit, puis récemment, dans une entrevue à la télé, dans un reportage, j'ai entendu ça puis ça m'a fait sursauter, parce qu'il faut vraiment que les faits soient vraiment les faits, là. Alors, c'est pour ça. Je voulais juste corriger cette...

**(9 h 50)**

M. Prud'homme (Danis): Vous avez aussi... Si je peux me permettre, tous ceux qui devraient recevoir le supplément de revenu garanti, qui sont sous le seuil de la pauvreté, qui ne le reçoivent pas, eux n'ont pas la gratuité des médicaments. Donc, eux, ils se privent réellement des médicaments.

Mme St-Pierre: Ils n'ont pas la gratuité des médicaments?

M. Prud'homme (Danis): Non.

Mme St-Pierre: Ce n'est pas universel, l'assurance médicaments?

Mme Bevilacqua (Vanessa): Bien, en fait, c'est qu'il faut payer une franchise à chaque mois. C'est au niveau de la franchise. Les gens ne sont pas capables de payer la franchise.

Mme St-Pierre: O.K., la franchise.

Mme Bevilacqua (Vanessa): Et, à la page 15 du mémoire, vous voyez que, quand on a 65 ans et plus, qu'on n'a pas le supplément de revenu garanti, il faut payer une franchise maximale de 80 $ par mois. Pour les personnes qui ont 94 % du supplément de revenu garanti, ils ont 0 $ de franchise à payer. Mais, pour toutes les personnes qui reçoivent en bas de 94 % du supplément de revenu garanti, eux, ils doivent payer une franchise qui est autour de 50 $. Et...

Mme St-Pierre: Par mois?

Mme Bevilacqua (Vanessa): Par mois. Et c'est ça qu'ils ne sont pas capables de payer. Donc, des personnes qui n'ont pas les moyens de payer ces 50 $ là par mois vont se priver de médicaments.

Mme St-Pierre: Et ça, c'est depuis le début du régime? Le régime est comme ça depuis le début?

Mme Bevilacqua (Vanessa): Depuis le début.

Mme St-Pierre: Depuis que M. Rochon, l'ancien ministre, l'avait mis en place.

Mme Bevilacqua (Vanessa): Bien, il faut voir, là aussi, les dates qui concordent avec les réformes qu'il y a eu au niveau du supplément de revenu garanti, mais, nous, une de nos recommandations, c'est justement d'établir plus d'échelons, en fait, de paiement parce qu'en ce moment il y en a trois: ceux qui ont 94 %, ceux qui ont le reste puis ceux qui n'en ont pas du tout.

Mais, ici, on démontre, dans le mémoire, que, pour un revenu annuel à peu près de 10 $ de différence, il y a des gens qui doivent payer le 50 $ de franchise par mois, puis il y en a d'autres qui ne doivent pas le payer.

Mme St-Pierre: Donc...

Mme Bevilacqua (Vanessa): Donc, il y a comme un manque d'harmonisation, là, à ce niveau-là.

Mme St-Pierre: Parfait, O.K. C'était bien de le préciser, je pense, pour vraiment que ceux qui nous écoutent, là, comprennent très, très bien la situation, puis je pense que c'est une recommandation qu'on devrait regarder.

Un autre chiffre aussi que j'aimerais savoir où vous le prenez parce qu'il est arrivé hier également dans une commission... dans notre commission, c'est l'économie de 5 milliards concernant les gens qui font... bien, enfin, les proches aidants puis... Ce chiffre-là, il vient d'où? Parce qu'hier aussi on nous l'a servi en commission.

Mme Bevilacqua (Vanessa): Il vient des documents de préparation à la commission. Il vient de, je crois... c'est soit le bilan de la politique 2007-2010 ou alors du document... cahier de consultation de la commission. Même nous, ça nous a surpris, ce chiffre-là, parce que c'est quand même très important, là, 5 milliards.

Mme St-Pierre: ...qui est important.

Mme Bevilacqua (Vanessa): Mais ça vient... en fait, je pense que ça vient du bilan de la politique 2007-2010.

Mme St-Pierre: Est-ce que vous... Hier, également, on nous faisait une recommandation qui était de trouver une façon de compenser, lorsque... -- dans la grande majorité, c'est souvent des femmes, là, qui décident de rester à la maison pour garder les enfants ou d'aider comme... d'être proche aidante -- de voir à ce qu'il y ait peut-être une compensation à la Régie des rentes pendant ce temps d'absence du travail, là, qu'il y ait... J'imagine que vous êtes d'accord avec ça, là, mais est-ce que c'est quelque chose que vous avez analysé?

M. Prud'homme (Danis): Oui. Tout à fait. Quand on parle des femmes qui... à titre d'exemple, au niveau des aidants naturels, des proches aidants, mais aussi au niveau d'élever une famille, elles vont prendre plusieurs périodes dans leur vie où elles ne contribueront pas à la Régie des rentes, et ça, ça va les pénaliser beaucoup pour plus tard lorsqu'elles arrivent à leur retraite. Donc, effectivement, il devrait y avoir un mécanisme qui soit calculé pour ne pas les pénaliser autant qu'elles le sont présentement.

Mme St-Pierre: Est-ce que vous avez une idée de ce que ça pourrait coûter, une bonification comme ça de la Régie des rentes? Est-ce que vous avez fait des calculs?

M. Prud'homme (Danis): Bien, en fait, tout dépendant... Quand on mentionnait tout à l'heure... Au niveau de la bonification pour, lorsque les gens arrivent à la retraite, doubler, si on veut, la cotisation... pas la cotisation, pardon, mais ce qu'on reçoit lorsqu'on est à 65 ans, ça en coûte près de 3 %, si on calcule tout et partout. Donc, c'est sûr qu'il va y avoir un coût à ça, mais je pense que le coût est simplement reporté présentement et même va aller, en fait, en s'aggravant parce que, s'ils n'ont pas les besoins nécessaires financiers, ça va atteindre la santé et autres choses qui vont coûter encore plus cher.

M. Grondin (Jean-Claude): Si on ne fait pas ce changement-là, c'est une forme d'inégalité, d'iniquité qui existera toujours parce que, de toute façon, cette période-là où les femmes n'ont pas reçu, ne recevront pas, et par rapport aux hommes qui, eux, continuent, alors c'est qu'on établit, dans les faits ou dans l'organisation comme telle, une forme d'inégalité contre laquelle on lutte, mais, si on ne fait pas ce changement-là, notre lutte, elle ne sert à rien.

Mme St-Pierre: ...aussi maintenant de plus en plus qui font le choix de... Bon. Maintenant, vous avez une recommandation: investir massivement dans les soins de santé et les services à domicile. Est-ce que vous avez, sur le plan de... encore là, des chiffres? Est-ce que vous avez évalué quelle serait l'augmentation qu'il devrait y avoir? Et on prend l'argent où?

Parce que je suis ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Alors, ce n'est pas que je veux priver les autres, mais il y a un ensemble quand même. Quand on regarde l'ensemble du budget de l'État, il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup d'argent qui va à la santé et à l'éducation. C'est très bien. Ce sont des missions majeures. 75 %, je pense, du budget vont à ces deux missions-là. Mais il reste quand même plusieurs autres missions, dont les missions dont je suis responsable.

Et je me dis, bon, il faut aussi être équitable dans les différentes missions de l'État. Parce que, si on prive une mission de quelque chose, il y a certainement... il va y avoir des coûts sociaux. Alors... Et on sait que, bon, les Québécois ne veulent pas... Puis personne ne veut payer plus d'impôt. Et quand il y a des solutions qui sont amenées sur la table, il y a quand même des hauts cris, là, assez rapides. Alors, en termes de chiffres, qu'est-ce que vous suggérez comme investissement? Puis comment financer ces investissements?

M. Grondin (Jean-Claude): J'ai de la misère à répondre en termes de chiffres, mais quand même, nous, ce qui nous préoccupe, c'est les personnes les plus démunies, les plus en difficulté. Et plus ces personnes-là, bon, sont en état de vieillissement, il y a des possibilités... surtout les personnes seules et les plus pauvres seront dans une situation où le besoin est là. Et on n'a... J'ose dire qu'on n'a pas le choix d'y répondre. Alors... Et j'allais dire qu'on ait l'argent ou qu'on ne l'ait pas, à un moment donné, à ces personnes-là, il faudra répondre d'une façon ou d'une autre. Et ne pas y répondre par les soins à domicile, ça nous coûtera plus cher d'y répondre autrement. Alors, c'est là un peu ma forme de réponse. Mais, en termes d'argent, je sais que ça coûte des sous. Mais est-ce qu'une société doit mettre ça de côté? C'est ma question.

Mme St-Pierre: Oui. Non. Sûrement pas. Mais il y a aussi une question de savoir comment est-ce qu'on équilibre... Bien, il y a des gens en culture qui me disent que la culture est le parent pauvre. Alors, même si on investit beaucoup ou qu'on augmente les budgets, bien, il reste qu'il y a des fois des secteurs qui nous disent: Bien, si on avait un peu plus d'argent, on ferait plus, nous aussi. Mais je comprends très, très bien. Il y a la situation des femmes, et même des aînés, hommes, femmes. Un revenu de 20 000 $, 25 000 $ par année, 15 000 $, 20 000 $, ce n'est pas énorme. Et puis ce n'est même pas beaucoup, pas beaucoup du tout.

Sur la question du marché du travail, moi, je trouve ça vraiment important parce qu'on va vieillir de plus en plus en santé, en... plus d'énergie. Bon, il va y avoir... Il y a une pénurie de main-d'oeuvre qui s'annonce. Donc, il y aurait peut-être évidemment moyen d'aller chercher des personnes qui ont encore beaucoup à offrir et de pouvoir intégrer le marché du travail.

J'ai été étonnée au début. En 2007, je venais tout juste d'être nommée ministre de la Condition féminine et j'étais allée faire une tournée dans la région de Chaudière-Appalaches, et j'étais allée dans un centre de femmes, et on m'avait expliqué que, dans la région de Chaudière-Appalaches, chez les femmes de 45 ans et plus, il y en avait 75 % qui n'étaient pas sur le marché du travail. J'étais vraiment étonnée parce que 45 ans et plus... Donc, ça veut dire qu'il y a trois femmes sur quatre, d'après ce qu'on me disait, de 45 ans et plus qui ne... Et je demandais pourquoi est-ce qu'il n'y a pas...

Alors, il y a certainement des choses à faire. Ce n'est pas parce que nécessairement ces femmes-là ont choisi ça, cette situation-là, mais, bon, c'est une région, et tout ça... Il y a certainement des choses à faire pour amener davantage parce qu'entre 45 et 70 ans, et même 75, on est encore capables de faire plein de choses, souvent. Est-ce que vous auriez des mesures concrètes qu'on pourrait inclure dans notre plan d'action pour vraiment agir sur des situations où on pourrait amener des femmes... Vous parliez d'âgisme tout à l'heure. Bon, bien, il y a des stéréotypes, et tout ça. Mais est-ce qu'il y a plus encore qu'on pourrait faire?

**(10 heures)**

M. Prud'homme (Danis): Bien, en fait, si on veut attaquer vraiment le marché du travail, une des choses qu'il faut faire, c'est vraiment sensibiliser les employeurs, dans un premier temps. Mais je pense que ça va même au-delà de ça. Notre société en général a une vision de performance et de jetable. Alors, malheureusement, on doit commencer par là. Peut-être changer notre vision de société, retourner à l'être humain et aux valeurs fondamentales.

M. Grondin (Jean-Claude): J'ajouterais: c'est sûr, en région, d'abord, il y a toujours la question du transport, l'éloignement, et les industries, bon, c'est des PME la plupart du temps en région. Et l'emploi est moins... est moins clair que dans les grands centres, alors il faut que les femmes se déplacent, fassent un bon transport, beaucoup de kilométrage pour aller chercher un emploi, alors que tout est concentré de plus en plus dans les grands centres urbains. Et, même, les grandes compagnies n'iront pas en région pour... Alors, s'il n'y a pas ces grandes... S'il n'y a pas ces emplois-là, c'est sûr que les femmes, ils ne reviendront pas de Chaudière-Appalaches pour venir travailler à Québec. Les gens de la construction le font, mais est-ce que, bon, les femmes le feront -- de 45 ans et plus? Mettons que j'ai un grand doute.

Mme St-Pierre: C'est presque impossible, vous pensez?

M. Grondin (Jean-Claude): Bien, ça pourrait être possible dans la mesure où, à un moment donné, il y aura une clarification des... je dirais, de l'emploi déconcentré, alors, un peu partout dans les régions. À ce moment-là, les régions se videraient moins, et on pourrait créer un centre régional fort.

Mme St-Pierre: M. le Président, je n'ai pas d'autre question. Mes collègues ont peut-être des choses à suggérer.

Le Président (M. Huot): Oui. M. le député de Lévis, vous avez demandé la parole, mais je vous informe qu'il reste une minute seulement.

M. Lehouillier: Ah! O.K. Alors donc, d'abord, merci beaucoup pour le dépôt de votre mémoire et les échanges qui sont très enrichissants pour nous. Alors donc, merci beaucoup.

Moi, ma question était la suivante, c'est que vous avez dit... Vous dites, dans votre mémoire, qu'il y a beaucoup d'aînés qui ignorent les mesures qui sont mises à leur disposition, notamment les crédits d'impôt, mais surtout le supplément de revenu garanti, et vous estimez à 40 000 le nombre d'aînés qui vraiment ne bénéficient pas de... qui sont éligibles mais qui n'en bénéficient pas. Quel profil vous tracez de ces 40 000 personnes? Qu'est-ce qui fait qu'elles ne demandent pas le supplément de revenu qui... C'est quoi, le profil type de ces personnes-là?

Le Président (M. Huot): ...de répondre à la question en 15 secondes.

M. Grondin (Jean-Claude): Ce sont souvent des personnes qui sont illettrées, analphabètes ou encore elles ont peur d'aller... de faire ces demandes-là, alors on... Ça fait que tu... une mendicité, puis remplir tout ce formulaire-là, bon, la... même parfois la déclaration de revenus. Ces gens-là ne paient pas d'impôt, alors est-ce qu'ils font une déclaration de revenus? On ne le sait pas. Mais il y a tout un mécanisme. Il faudrait vraiment les amener à aller...

Le Président (M. Huot): Merci.

M. Grondin (Jean-Claude): ...à avancer plus loin.

Le Président (M. Huot): Merci beaucoup, M. Grondin. Je reconnais maintenant la députée de Rosemont et porte-parole de l'opposition officielle en matière de laïcité et de condition féminine. La parole est à vous pour les 15 prochaines minutes.

Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, M. le Président. Alors, messieurs, madame, bonjour et bienvenue à notre commission. Ma première question, je pense avoir la réponse, mais j'aimerais quand même l'entendre de votre bouche. En 2008, vous dites: «Les femmes de 65 ans et plus avaient un revenu annuel moyen de 20 495 $.» Est-ce que c'est considéré quand même comme étant au-dessus du seuil de la pauvreté, ça, selon les... Oui?

M. Prud'homme (Danis): Oui, effectivement, parce que, selon ce qui est calculé par Statistique Canada, le seuil de pauvreté est autour de 15 500 $.

Mme Beaudoin (Rosemont): Alors, bon, au moins, c'est un peu rassurant, parce qu'on s'imagine quand même... Il faudrait tous l'essayer, pendant quelques mois, de vivre avec ces montants-là, j'imagine, pour réaliser jusqu'à quel point ce n'est pas facile.

Juste une petite question aussi, quand vous parlez... Vous dites «les femmes âgées de 50 et 65 ans». Est-ce que vous voulez dire «entre 50 et 65 ans» ou vous voulez dire «les femmes de 50 et 65 ans», c'est-à-dire que les femmes devraient aussi, peut-être, si elles le souhaitent bien sûr, compte tenu du manque de main-d'oeuvre éventuel, compte tenu de toutes sortes de considérations, rester sur le marché du travail? C'est votre formulation que... sur laquelle je m'interroge.

M. Prud'homme (Danis): En fait, c'est... Ce que je dirais, c'est qu'il y a comme deux créneaux. On calcule 65 ans que les gens peuvent prendre leur retraite, si on veut, mais il y en a quand même, étant donné les deux dernières années qu'on a vécues au niveau des crises économiques, qui ont dû retourner parce qu'elles n'arrivaient plus à joindre les deux bouts. Donc, c'est un phénomène au niveau des 50-64, si on veut le dire comme ça, et des 65 ans et plus en tant que tels.

Mme Beaudoin (Rosemont): Bon. Parce qu'il y en a... Est-ce qu'il y en a de plus en plus, en effet? Bon, ça peut être conjoncturel, étant donné la crise économique, mais c'est... Est-ce que c'est une tendance lourde de voir des gens de plus de 65 ans continuer à travailler dans notre société?

M. Prud'homme (Danis): Bien, je pense que c'est une tendance de deux façons. C'est une tendance parce qu'il y en a qui veulent demeurer au travail, comme on est plus en santé. Et malheureusement ils n'ont pas toujours le loisir de le faire parce que les entreprises, ils ne veulent pas nécessairement. De l'autre côté, il y en a qui sont obligés, étant donné que les revenus à la retraite sont presque fixes, sinon en diminuant par rapport au pouvoir d'achat. Après un certain nombre d'années, ils ne peuvent plus joindre les deux bouts, donc doivent retourner.

Mme Beaudoin (Rosemont): Bien. Je dois vous dire que j'ai à peu près compris ce que vous avez dit concernant le régime d'assurance médicaments. Ça fait donc plusieurs années que je me posais la question: Comment ça marche exactement? Parce que je suis passée, même, au système public à un moment donné, à... en 2003, après être partie donc de cette Assemblée, et là je ne comprenais plus rien, très franchement. C'est compliqué, hein, compliqué. Là, en tout cas, en ce qui concerne les gens, là, dont vous parlez puis des gens, donc, qui doivent payer une franchise, puis selon justement leurs revenus, selon la sécurité du revenu, etc., c'est très compliqué. Franchement, j'ai arrêté de vouloir comprendre à un moment donné, puis, quand j'allais à la pharmacie, bien, je payais ce qu'on me disait. Parce que je trouve que ce n'est franchement pas simple, là, de savoir exactement... Ils ont beau avoir des beaux petits feuillets, je dois dire, hein, qu'ils nous distribuent, mais il faudrait prendre beaucoup, beaucoup de temps puis être à deux, trois pour essayer de saisir tout ça.

Il me semble que là les gouvernements, là, tout le monde devrait faire un effort de compréhension puis de vulgarisation pour que chacun comprenne bien quels sont justement ses droits, que chacun comprenne bien. Parce que ce que vous dites... J'imagine qu'il y a bien des gens non seulement qui ne s'inscrivent pas, parce qu'ils ne savent pas, à certains programmes gouvernementaux qui, pourtant, leur sont destinés. Je comprends que les gouvernements peuvent à ce moment-là faire des économies. Mais, honnêtement, j'ai... En tout cas, il me semble qu'on devrait trouver des manières, des façons de faire en sorte que ces programmes gouvernementaux importants de redistribution de la richesse, qui font quand même, je veux dire, l'affaire de la plupart des Québécois, soient connus et puis bien saisis par chacun. J'avais quelqu'un l'autre jour, dans mon bureau de comté, à propos de l'allocation-logement et puis qui ne savait pas qu'il y avait droit. Et donc j'ai tenté de faire en sorte qu'il puisse y avoir droit rétroactivement, mais le ministère en question m'a répondu: Non, tout le monde est présumé savoir, comprendre, etc.

Alors, est-ce qu'on devrait aller, pour tous ces programmes-là, à l'inscription, je ne sais pas, automatique dans certains programmes? Ce n'est peut-être pas possible, mais en tout cas ça me... Je voudrais avoir un peu votre réflexion à vous là-dessus. Parce que comment faire pour qu'au moins les programmes auxquels les personnes âgées ou aînées ont droit, ils les reçoivent?

M. Prud'homme (Danis): En fait, je pense que ce qui est très important dans ce que vous dites, c'est qu'il y a effectivement plusieurs programmes... Avec les données que les deux gouvernements récupèrent, que ce soit via nos rapports d'impôt, que ce soit via les douanes et accises Canada, Immigration Canada, on peut se transférer l'information et effectivement donner un automatisme à plusieurs programmes qui sont disponibles aux gens. Le problème qu'on rencontre souvent -- c'est-à-dire nous, parce qu'on s'informe à ces niveaux-là -- c'est, au niveau de la loi d'accès à l'information, qu'on ne peut pas transférer à gauche et à droite. Je renverrais ça à un médecin qui est sur la rue, qui voit quelqu'un en besoin. Quand on voit que quelqu'un est en nécessité et en besoin, on le sait, alors, je trouve ça un peu bizarre qu'on ne lui vienne pas en aide en transférant l'information.

M. Grondin (Jean-Claude): J'aimerais ajouter là-dessus. C'est vraiment un problème éthique entre deux biens, la protection de l'information personnelle et la protection de la dignité de la personne. Alors, faire un choix entre deux biens qui sont fondamentaux, je comprends. Mais, à un moment donné, quand tu as une décision à prendre... En tout cas, pour nous, la priorité passerait entre le respect de la dignité de la personne... et pour toutes les personnes plus... les plus démunies, puis on... Quand on parle de 65 ans et plus, c'est une strate de population qui, évidemment, historiquement, va disparaître de ce... dans leur façon de pouvoir vivre.

Mais le problème, il est là, il y a une décision à prendre. C'est sûr que la protection de l'information personnelle, c'est majeur, je comprends ça. Par ailleurs, l'autre, qui est le respect de la dignité de la personne, à mon point de vue, ça passe avant tout. Je pense, c'est une décision éthique à prendre, mais il faut trouver les critères, là, comment... tout ce qu'il faut pour le faire. Mais pouvoir le faire me paraît être essentiel. C'est sûr que c'est un choix déchirant entre deux biens, deux grands biens. Mais, par rapport aux plus démunis, par rapport aux plus pauvres, et, pensez, c'est la plupart du temps des femmes seules, alors je crois qu'il faudrait vraiment faire un effort de transfert entre les deux paliers de gouvernement pour que ça puisse arriver. Et il y a un problème par rapport au SRG là-dessus. Et on ne peut rien pour nous, là. Il faudrait pouvoir le faire.

**(10 h 10)**

Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, M. le président. Oui, je pense, c'est un vrai problème. En tout cas, c'est une vraie question. Parce qu'il y a des jours où je me dis: À l'ère de WikiLeaks, à l'ère de Facebook, etc., tu sais, nos données personnelles, là, puis notre... Notre vie privée, on se demande en effet où est-ce qu'elle se retrouve, hein? À l'ère d'Internet, en tout cas, ça me semble... Même si je suis d'accord avec vous, c'est quand même... On a le droit à ça, c'est un droit. Mais, entre deux biens, vous avez raison, il faut savoir choisir quelques choix.

Vous dites aussi une chose extrêmement importante, là, page 15, quand vous parlez de l'assurance médicaments: «Pour une différence de revenus de moins de 7 $ par année, une personne âgée est pénalisée de 600 $, car les catégories de revenus créées par la RAMQ sont trop larges et non représentatives des écarts de revenus entre les personnes de 65 ans et plus.» Vous voudriez, dans le fond, que ce soit... Et ça, c'est un problème récurrent dans les gouvernements. C'est sûr, il faut tracer la ligne, là, quelque part. Comment on fait ça? Bon. Ça a toujours posé des problèmes. Et là vous dites: Il y a moyen -- vous croyez -- administrativement, là, de changer ça puis de faire en sorte que ce soit plus progressif, qu'il y ait davantage de catégories, de telle sorte que cet écart-là soit vraiment amenuisé puis qu'on... C'est parce que, c'est vrai, tu dis: Pour 7 $ par année, on est pénalisé de 600 $, ça, pour une personne âgée, ça peut être beaucoup d'argent, là.

M. Prud'homme (Danis): Tout à fait.

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui. Alors, vous pensez vraiment que c'est possible, là, tu sais, que, si le ministère le souhaitait... ou la RAMQ le voulait vraiment... Parce que qu'est-ce qu'ils vous répondent là-dessus?

M. Prud'homme (Danis): En fait, ce n'est pas qu'on a des réponses en tant que telles, parce qu'on n'a pas nécessairement adressé directement le... au niveau de la personne pour avoir une réponse, mais, je pense, ce qu'il est important de voir, c'est qu'on a d'autres programmes, dans la société, qui ont des échelles beaucoup plus sympathiques, si je peux les appeler ainsi, au niveau du retour sur impôt qu'on peut obtenir ou du crédit d'impôt qu'on peut obtenir. Donc, c'est plutôt de ce côté-là que, nous, on demande qu'il y ait une révision des échelles, de façon à être plus appropriées, et de ne pas couper aussi sèchement au niveau... pour un petit montant, être obligé de débourser un si grand montant.

Mme Beaudoin (Rosemont): Très bien. Merci.

Le Président (M. Huot): Oui, je reconnais maintenant Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Poirier: Merci, M. le Président. Bienvenue à vous tous. Lorsque vous inscrivez dans votre mémoire que l'inscription automatique est vraiment un problème, moi, je ne comprends pas qu'encore aujourd'hui des personnes se voient privées du supplément de revenu garanti. À partir du moment où le régime de pension du Canada vous envoie un chèque, il devrait y avoir un automatisme. Quand les personnes sont sur l'aide sociale et qu'ils passent à 65 ans, qu'on ne me fasse pas accroire qu'on ne sait pas qu'ils étaient sur l'aide sociale, ces personnes-là, avant... et qu'elles ont automatiquement droit au supplément de revenu garanti, et qu'effectivement cette barrière d'information fait en sorte d'appauvrir et de rendre très, très vulnérables les personnes âgées.

Moi, je crois que le gouvernement du Québec doit tout mettre en oeuvre pour réclamer du gouvernement fédéral l'inscription automatique obligatoire, à partir particulièrement des gens qui sont à l'aide sociale. Il faut qu'il y ait un mécanisme entre l'aide sociale et les personnes qui... dès qu'elles atteignent 64 ans, parce qu'on sait qu'on s'inscrit à 64 ans. Il faut que ce soit fait à partir du bureau d'aide sociale, qu'il y ait un accompagnement. C'est compliqué, là, on a beaucoup de ces personnes-là qui sont analphabètes et qui ne comprennent pas les programmes en place, qui ne les connaissent pas. Il faut que les bureaux d'aide sociale puissent faire ce mouvement-là et faire en sorte que, lorsque la personne a 64 ans, bien, il y a un agent qui accompagne cette personne-là pour s'assurer qu'elle aura le maximum au moment où elle va passer sur le régime fédéral. Et ça, je vous le dis, je vous accompagne dans cette revendication-là qu'on fait depuis des années, et il faut absolument mettre tout en oeuvre là-dessus.

Moi, j'aimerais vous entendre sur le soutien à domicile. On l'a vu l'an passé, un revirement soudain en... On nous avait annoncé 3,5 millions. On a demandé, après ça, aux organismes d'économie sociale d'assumer le 3,5 millions. Moi, j'aimerais vous entendre sur les impacts, les impacts de cette coupure-là, parce que c'est une coupure en tant que telle puisque dorénavant il faut le prendre à même les budgets des organismes. Qu'est-ce que ça veut dire pour une personne âgée? Et aussi, toute cette dynamique-là, est-ce que... Est-ce que les personnes âgées connaissent vraiment le programme de soutien à domicile?

M. Prud'homme (Danis): En fait, je pense que, oui, il y en a plusieurs qui le connaissent via leurs CLSC, parce qu'il y a aussi des services disponibles dans les CLSC. Je pense que le... quand on fait... Vous avez mentionné justement les argents qui n'ont pas été versés au niveau des entreprises d'économie sociale; il y a une injection massive de fonds qui doit être faite premièrement dans le programme d'exonération. Minimum, nous, ce qu'on voit par rapport à ce qu'on a regardé, c'est d'autour de 15 millions pour faire le rattrapage. Du côté des entreprises d'économie sociale, lorsqu'évidemment on ne leur donne pas les moyens de... si on veut, d'avoir des taux horaires qui sont relativement bas, ils vont le charger aux personnes aînées. Les personnes aînées ayant un revenu souvent non... qui ne permet même pas de couvrir les besoins essentiels, alors on va se priver de ces simples soins là si le taux horaire augmente, dans un premier temps. Il y a même des proches aidants qui ont besoin de certains services de répit.

Donc, on parle d'une meilleure coordination au niveau des soins généraux de santé. Tout à l'heure, quand on parlait du système de santé, c'est sûr qu'on investit beaucoup d'argent, mais je pense qu'on a besoin de prendre un recul, de mieux planifier -- on n'est pas les seuls qui ont un système de santé, je pense qu'il y en a ailleurs -- de regarder ce qui se fait, de bien prioriser. Parce que, oui, il y a de la priorisation à faire. Ce n'est pas toujours drôle, j'en conviens, mais je pense qu'il faut le faire et qu'en investissant dans le système de santé et en faisant une meilleure coordination... et surtout, je pense, une meilleure transparence au niveau de la reddition de comptes, à ce moment-là, on pourrait à tout le moins commencer à... un bon début.

Mme Poirier: Quand vous nous parlez du programme...

Le Président (M. Huot): Mme la députée, je vous informe qu'il reste 30 secondes pour un dernier commentaire.

Mme Poirier: Ah bon! d'accord. D'accord. Je voudrais juste un petit commentaire, le programme d'exonération, juste nous en dire un petit mot très court. Il vous reste 10... 15 secondes, là.

Mme Bevilacqua (Vanessa): Qu'est-ce que vous... qu'on explique un peu c'est quoi, le programme? Bien, en fait, ce qui est bien avec ce programme-là, c'est que ça permet aux personnes âgées de débourser seulement la différence entre ce qui est donné par le gouvernement puis ce qui est demandé comme coûts par l'entreprise d'économie sociale. Donc, ça, c'est quand même quelque chose qui est bien. Mais c'est que cette différence-là peut juste aller en s'accroissant vu que les coûts d'entreprise, eux, s'accroissent et que, le programme, les fonds qui sont injectés dedans, eux, n'augmentent pas.

Le Président (M. Huot): Merci beaucoup, M. Grondin, M. Prud'homme, Mme Bevilacqua. Merci de votre contribution aux travaux de cette commission. J'invite les représentants du Regroupement pour la valorisation de la paternité à prendre place.

Et je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 18)

 

(Reprise à 10 h 21)

Le Président (M. Huot): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre les travaux. Nous recevons le Regroupement pour la valorisation de la paternité. Je vous souhaite la bienvenue. C'est soit Mme Dubeau ou M. Villeneuve qui fera la présentation. Les deux? Donc, la personne qui fait la présentation, je vous demande de bien vous identifier. Vous présentez la personne qui vous accompagne aux fins d'enregistrement des travaux de la commission. Je vous informe que vous avez 15 minutes pour faire la présentation de votre mémoire. Il y aura par la suite un échange de 30 minutes avec les parlementaires. Donc, je vous cède la parole pour 15 minutes.

Regroupement pour la valorisation
de la paternité (RVP)

M. Villeneuve (Raymond): Merci. Donc, je commence, et Diane poursuivra. Voilà, on y va. Donc, on va l'appeler le RVP, parce que c'est un peu long, Regroupement pour la valorisation de la paternité. Donc, on y va.

Le RVP est un regroupement de 150 organismes et individus provenant de toutes les régions du Québec dont le mandat est de faire la promotion de l'engagement paternel. Une des forces du RVP est de réunir des représentants des milieux communautaires, institutionnels et universitaires, ce qui favorise une complémentarité des expertises tout en accroissant le rayonnement potentiel. Les principales valeurs du regroupement sont: l'importance de l'engagement paternel dans une perspective familiale pour le bien-être des enfants, l'égalité entre les sexes de même que l'inclusion des communautés culturelles. Toutes les actions du RVP sont fondées sur une approche positive et respectueuse.

Le RVP place l'égalité entre les sexes au coeur de ses actions, et cette valeur est vécue au quotidien. Notre conseil d'administration est composé de quatre hommes et de trois femmes, et il est dirigé par une présidente qui effectue des travaux de recherche sur la paternité depuis plus de 20 ans. L'an dernier, 60 % de femmes et 40 % d'hommes ont participé à notre colloque annuel, la Su-père Conférence, dont la première édition avait d'ailleurs été finaliste lors du gala Égalité. L'an dernier, le RVP avait aussi siégé sur un des jurys du prix Égalité. Plusieurs de nos projets de valorisation de l'engagement paternel sont soutenus par le ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. À titre d'exemple, soulignons que le RVP mène actuellement une recension des services offerts aux pères québécois, soutenu financièrement par ce ministère.

Mentionnons que le RVP est financé au fonctionnement par Centraide du Grand Montréal et que le ministère de la Famille et des Aînés soutient régulièrement ses initiatives. Mentionnons aussi que le RVP est partenaire d'une projet du fonds québécois de recherche en science et en culture, une action concertée portant sur les services... sur les effets des services préventifs auprès des parents en difficulté et de leurs enfants.

Le RVP croit profondément que la valorisation de la paternité constitue un moyen privilégié de promouvoir des comportements égalitaires, puisque c'est dans la famille que se construisent les hommes et les femmes, les mères et les pères de demain.

La démarche du RVP s'inscrit à l'intérieur de tendances internationales qui considèrent que la participation des hommes est essentielle à la poursuite de l'égalité entre les sexes. L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a d'ailleurs énoncé que l'implication des hommes apparaît comme une condition sine qua non pour réussir l'égalité entre les femmes et les hommes. Cette Assemblée nous informe d'ailleurs que plusieurs pays européens «ont mis en place des programmes spéciaux pour les futurs pères afin de les impliquer pendant la grossesse. Les personnels de santé qui suivent le parcours médicalisé de la mère sont sensibilisés au rôle que sera appelé à jouer le père.»

La 53e Commission de la condition de la femme des Nations unies reconnaît aussi que «chacun bénéficie de l'égalité entre les sexes, tout comme la société dans son ensemble pâtit de l'inégalité entre les sexes; elle tient à souligner, en conséquence, que les hommes et les garçons, en assumant leur part de responsabilité et en oeuvrant conjointement avec les femmes et les filles, apportent une contribution indispensable à la réalisation des buts de l'égalité entre les sexes». La même commission précise aussi qu'il faut «prendre des mesures pour développer la participation des hommes à la prestation de soins au sein de la famille et dans les professions de soins, comme des campagnes d'information et de sensibilisation, l'éducation et la formation, les programmes scolaires, les programmes à l'intention des pairs et les politiques gouvernementales visant à promouvoir la participation des hommes et leurs responsabilités en tant que pères et prestataires de soins».

Tout comme il en est des positions adoptées par ces instances internationales, le RVP considère qu'un dialogue entre les femmes et les hommes est une condition gagnante pour favoriser l'égalité entre les sexes.

Mme Dubeau (Diane): Alors, Diane Dubeau, je suis présidente du conseil d'administration du RVP.

Alors, qu'en est-il du contexte social québécois? Alors, depuis une trentaine d'années, la société québécoise a considérablement évolué sur le plan des relations entre les hommes et les femmes mais aussi quant à la représentation respective qu'ils ont de leurs propres rôles. Cette évolution a été particulièrement marquante au sein de la famille et elle a transformé profondément la fonction du père.

Plusieurs indicateurs mettent en lumière, comme le constate le Conseil de la famille et de l'enfance dans son rapport annuel de 2007-2008, «une progression du désir des pères de s'investir auprès de leurs jeunes enfants». Cet investissement paternel se reflète, entre autres, par l'utilisation plus grande du congé de paternité. À cet effet, le Conseil de gestion de l'assurance parentale nous informe qu'en 2006 45 906 pères, soit 69 % des pères qui avaient droit à un congé de paternité, s'en sont prévalus. Il est précisé que, dans 12 % des cas, le congé parental a été partagé entre le père et la mère mais aussi que, dans 9,6 % des cas, le père a pris seul ce congé.

Sur le plan de l'engagement des pères au quotidien, l'institut national de la statistique du Québec énonce que, par rapport à 1986, le temps dévolu par les pères à leurs enfants s'est accru de 75 %, avec une augmentation de 0,6 heure par jour, pour un total de 1,4 heure. Les mères, quant à elles, ont augmenté le temps de travail à l'extérieur. En comparaison à 1986, les mères avec un enfant -- ou plus d'un enfant -- de moins de 5 ans ont augmenté leur temps de travail à l'extérieur de 0,2 heure par jour, tandis que celui des pères a baissé de 0,3 heure.

L'implication des pères s'inscrit également dans le contexte des séparations et des divorces. Statistique Canada relate qu'en 2006 22,1 % des familles monoparentales étaient dirigées par des hommes. En 2004, une étude longitudinale réalisée pour le ministère de la Justice du Canada nous informait que les gardes partagées et les gardes exclusives accordées aux pères sont plus fréquentes au Québec qu'ailleurs au Canada. En outre, au Québec, les gardes partagées sont plus durables.

Ces différents indicateurs démontrent clairement que les pères sont de plus en plus présents auprès de leurs enfants, et cette tendance semble devoir se maintenir, puisqu'elle persiste déjà depuis plusieurs décennies. Cet engagement accru n'acquiert toutefois toute sa signification que s'il est associé à des impacts positifs. Donc, quels sont les bienfaits de l'engagement paternel?

Les 20 dernières années ont vu se multiplier les études démontrant les effets positifs de l'engagement paternel. Plusieurs études ont été menées auprès des enfants, et on constate que la présence attentive et constante de son père peut lui apporter une meilleure adaptation sociale, cognitive, scolaire et psychologique, de même que de meilleures habiletés d'autocontrôle. L'engagement d'un père apporte aussi à l'enfant, garçon ou fille, une meilleure adaptation aux stress quotidiens. De plus, un engagement du père envers son enfant est susceptible de diminuer les effets de la pauvreté sur ce dernier. En effet, même après une séparation, si le père continue à subvenir au bien-être matériel de son enfant, il contribue ainsi, de manière non négligeable, à l'amélioration de ses conditions de vie. Un lien émotif père-enfant qui se maintient à travers le temps constitue un facteur de bien-être majeur dans la vie des jeunes, et ce, jusqu'à l'âge adulte.

Il y a des travaux qui montrent également les bienfaits auprès de la mère des enfants. Donc, l'Organisation mondiale de la santé constate aussi qu'un plus grand engagement des pères envers leurs enfants entraîne des effets positifs pour la mère des enfants. Les études démontrent que l'implication du père des enfants diminue le stress économique et la pression de la gestion du quotidien, apporte une meilleure satisfaction conjugale, soutient le développement de l'enfant et, dans des contextes plus spécifiques, peut même diminuer le nombre d'interventions médicales lors de l'accouchement. Le partage des préoccupations parentales et le temps passé par le père avec l'enfant constituent un facteur d'équilibre important pour la mère puisqu'il lui évite d'assumer ce rôle seule.

Il y a également, bien qu'elles soient moins nombreuses, des études qui montrent les bienfaits pour le père lui-même. Pour le père, l'engagement paternel contribue à une meilleure estime de soi et représente une importante source de valorisation, augmente la satisfaction conjugale et améliore sa santé physique et mentale.

Ces impacts positifs d'une présence accrue et de qualité des pères auprès de leurs enfants incitent à soutenir et à valoriser leur engagement. Les nombreuses études portant sur les déterminants de l'engagement paternel sont riches à cet égard et indiquent qu'il ne s'agit pas d'une simple question de bon vouloir des pères d'être engagés auprès de leurs enfants. L'engagement des pères relève à la fois des caractéristiques personnelles du père, mais aussi des caractéristiques de la mère, de la famille, des environnements sociaux élargis, mais également des contextes culturels et politiques.

**(10 h 30)**

M. Villeneuve (Raymond): Donc, Raymond Villeneuve reprend la parole.

Le Conseil de la famille et de l'enfance, dans son rapport annuel 2007-2008, nous indique que, dans les politiques sociales québécoises, «peu d'éléments sont destinés particulièrement à la condition paternelle». Cette situation est préoccupante, puisque «l'engagement paternel est aussi déterminé par des éléments de l'environnement telles les caractéristiques culturelles des pères ou celles des politiques et des lois qui existent en matière de famille, notamment».

Bien sûr, le congé parental constitue une mesure exemplaire, puisqu'il tient compte des réalités spécifiques aux mères et aux pères, tout en offrant aux jeunes parents une souplesse d'application digne de mention. Cette mesure pourrait même être bonifiée, puisqu'elle favorise un engagement paternel précoce ainsi qu'une plus grande implication des hommes dans le quotidien des familles et, de ce fait, soutient la mise en oeuvre de comportements égalitaires.

Malheureusement, les pères québécois ne sont pas toujours aussi présents dans les politiques sociales. Dans le Programme national de santé publique 2003-2012 -- Mise à jour 2008, le mot «père» est absent, alors que le mot «mère» apparaît à 56 reprises. Dans le Plan stratégique 2008-2012 du ministère de la Famille et des Aînés, le mot «père» est aussi absent. Dans le document du gouvernement du Québec La Politique familiale: où en sommes-nous?, il y a deux mentions du mot «père» mais uniquement en lien avec le programme de congé parental mentionné précédemment. La nouvelle politique de périnatalité québécoise se démarque cependant et propose d'adapter les pratiques, les interventions et les services offerts de façon à accueillir et à favoriser l'engagement des pères envers leurs jeunes enfants. Il faudra toutefois attendre la publication du plan d'action lié à cette politique afin de constater si des mesures concrètes seront mises en place.

Il nous semble aussi que plusieurs programmes de soutien aux familles s'intéressent insuffisamment aux pères. Il y a même souvent des contradictions significatives entre les énoncés de principe et la mise en place des services. Mentionnons, par exemple, le programme des services intégrés en périnatalité et petite enfance, dont l'objectif est de favoriser la santé des mères, des pères et des enfants de zéro à cinq ans mais dont la fiche de périnatalité, qui doit être remplie par un parent bénéficiaire de service, ne peut l'être que par la mère. Un père monoparental ne peut donc remplir cette fiche, et, de ce fait, les interventions peu fréquentes auprès des pères ne sont donc pas comptabilisées.

Pour mieux comprendre la place qu'occupent les pères dans les politiques sociales québécoises, nous croyons essentiel qu'une étude soit réalisée à ce sujet. Avec cet outil, il serait possible d'analyser la situation de manière à proposer des mesures spécifiques et appropriées afin de soutenir véritablement l'engagement paternel pour le bien-être des enfants, des mères et des pères. Le Conseil de la famille et de l'enfance énonçait d'ailleurs que «l'action de l'État est un incontournable à analyser pour comprendre l'engagement des pères, en commençant par les obligations et les droits qu'il attribue aux parents. Les politiques publiques, auxquelles les chercheurs s'intéressent, font partie des déterminants de l'engagement paternel relativement peu étudiés.»

Il est intéressant de se souvenir ici que le rapport Un Québec fou de ses enfants, déposé en 1991, recommandait déjà au gouvernement du Québec de valoriser l'engagement paternel et d'adapter les services aux réalités des pères. Les connaissances acquises au cours des 20 dernières années nous amènent à croire, par exemple, qu'il serait tout à fait réalisable de mettre sur pied un projet, en collaboration avec le ministère de la Famille et des Aînés, afin de mieux intégrer les réalités paternelles dans l'offre de services des organismes communautaires Famille du Québec. Différents projets dans d'autres secteurs pourraient aussi être mis en oeuvre afin de concrétiser cet objectif.

Il est à noter finalement que la conciliation travail-famille constitue aussi un déterminant important de l'engagement paternel, les études tendant à démontrer que l'attitude des employeurs est différente selon que le parent est masculin ou féminin. Les politiques sociales à cet égard devraient donc s'interroger, selon nous, sur l'impact du genre des parents.

Mme Dubeau (Diane): L'argumentaire. La valorisation et le soutien à l'engagement paternel représentent des avenues prometteuses pour travailler à des changements effectifs et en profondeur des rôles différenciés des filles et des garçons, des femmes et des hommes, dans la famille et dans divers domaines de la société. Il en va de même pour favoriser une meilleure articulation des responsabilités familiales et professionnelles des femmes et des hommes. Le RVP croit que l'on doit mieux soutenir l'engagement paternel et ainsi promouvoir des comportements égalitaires au sein de la famille, un lieu central où se construisent les hommes et les femmes, les pères et les mères de demain.

Cet énoncé rejoint tout à fait les préoccupations de la politique gouvernementale Pour que l'égalité de droit devienne une égalité de fait, puisque celle-ci stipule qu'il «est important de [...] promouvoir l'engagement paternel ainsi que de soutenir les femmes et les hommes dans l'exercice de leurs obligations parentales».

Comme le Conseil de la famille et de l'enfance, nous considérons que les politiques sociales constituent un déterminant important de l'engagement paternel.

En conséquence, le RVP soumet à la commission parlementaire sur le deuxième plan d'action gouvernemental pour l'égalité entre les hommes et les femmes, découlant de la politique Pour que l'égalité de droit devienne une égalité de fait, les sept recommandations suivantes.

Le Président (M. Huot): Simplement pour vous informer qu'il reste 30 secondes à votre présentation.

M. Villeneuve (Raymond): Parfait, il nous reste une page. Donc, rapidement, qu'un étude soit réalisée portant sur la place des pères dans les politiques sociales afin que des recommandations soient formulées pour que l'engagement paternel soit mieux soutenu pour... par l'État québécois.

Mme Dubeau (Diane): Que l'État québécois prenne connaissance de l'analyse des services aux pères, qui sera publiée par le RVP en mai 2011, afin de mettre en place des mesures pour mieux intégrer les réalités paternelles dans l'offre de services à la famille des réseaux communautaires et institutionnels.

M. Villeneuve (Raymond): Que le programme... que le prochain programme national de santé publique du Québec intègre les réalités paternelles pour le bien-être physique et psychologique des enfants.

Mme Dubeau (Diane): Que...

Le Président (M. Huot): Je vais devoir vous arrêter immédiatement. De toute... je pense que tout le monde a votre document, voit les recommandations. Vous aurez l'occasion d'en parler certainement lors des échanges avec les deux côtés.

Je reconnais tout d'abord Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Vous avez la parole pour une période de 15 minutes.

Mme St-Pierre: Merci. Merci, M. le Président. Merci d'être parmi nous ce matin. Et je veux vous féliciter pour avoir créé cet organisme, parce que je pense que, moi aussi, et... je pense que tout le monde pense la même chose, c'est que l'égalité entre les hommes et les femmes, ça passe par évidemment l'implication des hommes dans les travaux sur l'égalité entre les hommes et les femmes, puis je trouve que c'est une belle chose que vous ayez... que vous soyez parmi nous pendant cette consultation. On n'a pas eu beaucoup de groupes pour venir nous parler de la réalité des hommes, et souvent la réalité... ce que vivent les hommes ou les pères, c'est associé au masculinisme. Alors, vous apportez une vision beaucoup plus positive que la vision masculiniste, qui est plutôt une vision plutôt, à notre sens, négative.

On a besoin d'interpeller davantage les hommes, je pense, dans la quête de l'égalité, et, juste pour vous donner une idée, sur la consultation que nous avons faite en ligne, nous avons eu 93 citoyens qui ont répondu à cette consultation en ligne puis combien d'hommes, d'après vous?

M. Villeneuve (Raymond): Les hommes écrivent peu, en général.

Mme St-Pierre: Ah bon! Ah oui, ils écrivent plus sur les blogues ou les «tweets». Mais neuf. Alors, c'est peu. C'est trop peu puis je pense qu'il faut qu'on... vraiment qu'on interpelle... et peut-être dans notre discours aussi parler davantage d'égalité entre les hommes et les femmes en y mettant une connotation positive. Ce n'est pas les hommes contre les femmes, les femmes contre... ce n'est pas les femmes contre les hommes, c'est: les femmes travaillent avec les hommes.

Vous avez constaté que... Vous avez parlé des employeurs qui ne répondent pas de la même manière aux demandes d'arrangement de conciliation travail-famille selon que les demandes sont formulées par les mères ou les pères. Hier, on a eu des exemples du Conseil de la famille de... concernant cette question-là. De votre côté, avez-vous des exemples positifs puis des exemples négatifs qui vous viennent en tête, d'après ce que vous avez comme recherche sur le terrain?

M. Villeneuve (Raymond): Écoutez, je dois dire tout d'abord que je ne suis pas un spécialiste de la conciliation travail-famille. Ça fait partie des préoccupations. On est une petite organisation, je suis le seul permanent, alors je ne peux pas être spécialiste de toutes les questions. Cependant, on sait très bien que déjà pour les femmes, c'est compliqué, la conciliation travail-famille, mais il existe encore, dans le fond, des stéréotypes qui disent un peu, dans le fond: C'est à la mère à s'occuper des enfants. Et, quand le père demande d'aller à l'hôpital pour... à cause que l'enfant est malade, et tout ça, on sent très souvent que l'attitude n'est pas la même.

Je pense que c'est assez clair, on le constate tous, que certaines entreprises sont déjà en train de prendre le virage. Il y a des politiques d'emploi qui sont mises en place, et tout ça, mais généralement ce n'est pas très, très présent, surtout dans des secteurs, là, si on parle de la construction, si on parle dans certains secteurs qui sont très, très gars, très mâles. Souvent, c'est mal perçu. Et ce qu'on constate aussi, c'est, dans le fond, pour le congé de paternité, c'est un petit peu le même phénomène, parce qu'il y a une grande partie des pères qui ne prennent pas leurs congés. Ce n'est pas parce qu'ils ne veulent pas, c'est parce que ça va... ça ne sera tout simplement pas accepté. Si tu es dans la construction au mois de juin puis tu dis: Je pars en congé de paternité, tu risques de ne pas revenir après.

Donc, il y a, encore là, une espèce de deux poids, deux mesures, et il y a vraiment une adaptation sociale à faire à ce niveau-là, là. On voit que ça bouge, mais ça bouge lentement, puis il y a encore des résistances importantes. Puis c'est malheureux parce que ça peut être, surtout pour le congé de paternité, un frein important à l'engagement paternel. Parce qu'on pense que c'est important, les premières semaines après la naissance, là. C'est là souvent que se forge l'alliance entre le père, et la mère, et la famille. Il y a toutes les transformations qui se passent. Alors, si le père est absent, il peut... il va... il peut s'impliquer quand même, mais c'est sûr que c'est une condition gagnante de moins qui est présente, c'est certain.

**(10 h 40)**

Mme St-Pierre: Alors, même le congé de paternité, parce qu'il y a une partie du congé parental qui est réservé à ce... au père, là, on a... Il y a six États dans le monde, d'ailleurs, qui offrent ce congé, et le Québec fait partie de ces États. Alors, je suis très fière que le congé... qu'on soit... qu'on fasse partie de ces modèles de société. Cependant, est-ce que c'est par un manque d'information que le... Ce ne sont pas tous les pères qui le prennent, parce que je pense que vous avez dit 70 %...

M. Villeneuve (Raymond): 69 %. Ce qui est intéressant, c'est que la tendance est à la hausse, cependant.

Mme St-Pierre: Oui. Oui, ça, c'est une bonne chose.

M. Villeneuve (Raymond): On est rendu... En 2008, c'était en haut de 70 %, donc on voit que ça progresse. Mais, comme je vous dis, écoutez, sans... Je n'ai pas d'étude scientifique à cet égard, mais quand même, depuis cinq ans, je m'occupe des futurs pères dans des cours prénataux au CLSC Saint-Henri. J'ai rencontré quelque chose comme 500 futurs pères et, comme je vous dis, je vois vraiment que, selon le secteur de travail, ça change beaucoup, beaucoup, beaucoup. Si tu es un comptable dans le temps des impôts, c'est dur de prendre ton congé de paternité. Donc, il y a vraiment une attitude des employeurs qui varie selon le secteur, puis il y a encore du chemin à faire, là. Il y a de la pression beaucoup.

Mme Dubeau (Diane): Mais je pense qu'il y a des pas importants qui sont faits. Je pense que ce congé-là, spécifique, pour les pères a amené un changement important. On est passé de 4 % des hommes qui se prévalaient, lorsque c'était le congé parental partagé, à tout près de 70 %, ce qui est quand même un grand pas. Et ils prennent ce congé-là dans les premiers mois de vie de l'enfant, et on sait que l'engagement précoce, c'est le meilleur prédicteur de l'engagement ultérieur. On voit également que les nouvelles générations qui arrivent, également, changent la donne aussi. Donc, les réalités de notre génération ne sont pas nécessairement les mêmes que de la génération antérieure.

Et l'autre élément qui est important aussi à considérer, c'est les emplois qui sont atypiques. On sait que c'est le tiers des emplois actuellement au Québec qui sont atypiques. Dans certains cas, ça peut favoriser justement soit être... ou être un obstacle. Alors, le fait de travailler... d'avoir un horaire qui est variable, de soir, ou de travailler à la maison comme travailleur autonome amène le couple, les parents à pouvoir décider qui est la... qui demeure à la maison et d'arranger des modalités entre eux. C'est un défi de taille, par exemple, entre les parents.

Mme St-Pierre: Oui, puis il y a même, je pense, aussi des pères qui ne sont pas au courant qu'ils peuvent avoir un congé. Parce que je l'ai appris, moi, à quelqu'un qui est travailleur autonome, puis sa conjointe, elle est enceinte, puis je lui ai appris qu'il y avait un congé pour le père uniquement, puis... Enfin, il était très heureux de l'apprendre. Mais il faut peut-être continuer à faire notre information de ce côté-là, faire de la communication.

Vous avez parlé, dans votre présentation, de programmes spéciaux pour les nouveaux pères dans d'autres pays. Qu'est-ce que... Avez-vous des exemples de programmes spéciaux?

M. Villeneuve (Raymond): Écoutez, des... C'est parce qu'encore là, si on revient à ce que vient de dire Diane, on sait que le début de la relation entre le père et l'enfant, entre la famille et son enfant est très important. Et ce qu'on constate, c'est que, dans tout notre système de santé -- santé et services sociaux, dans les politiques, et tout ça, dans ce qui est appliqué -- les pères sont assez absents. On parle... On pense aux cours prénataux. Dans la grande majorité des cas, on ne tient pas compte que les pères sont là, et pourtant ils sont de plus en plus là. On parle de 75 %, 80 % des pères qui accompagnent leurs conjointes et, dans la majorité des cas, on fait un peu comme si les pères n'étaient pas là. À l'accouchement, le père est là, il est présent. Dans le suivi postnatal, le père est là, il est présent.

Et des pratiques qui intègrent vraiment les réalités des pères, ces pratiques-là sont encore marginales. Et elles ne dépendent que d'intervenants individuels. Et j'en connais plein, comme je dis toujours, de merveilleux petits Gaulois qui travaillent sur le terrain et qui travaillent fort pour intégrer les pères, mais, comme dans les politiques, les plans d'action, ce n'est pas présent, il n'y a pas de demande claire, ça demeure une volonté individuelle, ce qui fait que, si l'intervenant, individuellement, quitte, l'intention disparaît. Et c'est malheureux parce qu'il y a des belles choses qui se font, mais elles sont toujours fragiles et précaires. Et d'ailleurs, donc, notre étude sur les services aux pères, qu'on va rendre publique, là, dans les prochains mois, devrait venir soutenir ça. Et c'est intéressant parce qu'on a des questions sur le financement, le contexte, comment ces projets-là sont réalisés, donc on va pouvoir, dans le fond, nourrir cette réflexion-là.

Mais, règle générale, je vous dirais, notre réflexion à ce stade-ci, c'est que, comme ça ne... la préoccupation des pères ne se retrouve pas dans les politiques sociales, elle demeure à ce moment-là une question de responsabilité et de désir individuel des intervenants, ce qui fait qu'il y a des limites, là, à ces désirs-là.

Mme St-Pierre: Je comprends que vous avez... vous êtes une petite organisation puis vous avez des belles... vous êtes limités, là, dans vos ressources, mais est-ce que vous avez aussi des contacts avec les pères qui sont issus des communautés culturelles ou issus de l'immigration? Sur l'égalité entre les hommes et les femmes, et les valeurs que le Québec veut véhiculer, il y a des gens qui ont du chemin à faire, là, je pense qu'on peut se le dire comme ça. Il y a même des gens, des médecins qui racontent que, dans des salles d'accouchement, c'est le père qui décide si la femme va avoir son épidurale ou pas, là. Ça va... Dans certains cas, ça peut aller jusque-là. Est-ce que vous sentez qu'il y a un besoin de faire un travail, de ce côté-là, d'implication des jeunes pères, aussi de travailler sur la relation égalitaire hommes-femmes, là?

M. Villeneuve (Raymond): Absolument. C'est sûr qu'il y a un enjeu important. Et, nous, on est... on demeure à Montréal, ça fait que c'est sûr que, dans certains quartiers, là, des fois... Moi, je ne suis pas loin de Parc-Extension, alors l'immigration, c'est un phénomène qui est très, très, très présent. À cet égard-là, il y a un organisme fantastique, que vous connaissez probablement, qui s'appelle L'Hirondelle, à Montréal, qui ont un projet qui est soutenu par le ministère de l'Immigration, où il y a trois personnes qui travaillent à temps plein sur un programme de pairage entre des pères québécois et des pères immigrants. Et on constate que cette approche-là est très productive parce que c'est sûr que...

Dans le fond, la formule que je prends toujours un petit peu, je pense, qui fait image, c'est que souvent, le père, il part d'une autre culture, avec des valeurs plus traditionnelles, et dans son idée, c'est pour le mieux-être de sa famille. Alors, il arrive ici, et là toutes les valeurs viennent le... lui donnent... le remettent en question. On lui dit, dans le fond: Comme homme, ces valeurs ne sont pas nécessairement adéquates, comme père, ces valeurs ne sont pas adéquates. Les enfants s'en vont à l'école, puis ils reviennent, puis ils disent: Aïe! le vieux, là, tu sais, tes valeurs ne sont pas importantes. Alors... Puis souvent, si, en plus, son diplôme n'est pas reconnu, cet homme-là, même s'il a des valeurs très traditionnelles avec lesquelles on n'est pas en accord, il se retrouve que le plancher part, et là il perd complètement ses repères, il ne sait plus du tout qui il est et il peut être vraiment en réaction.

Et ce qu'ils ont constaté, à L'Hirondelle... qu'avec un système de pairage, avec des pères québécois qui parlent à des pères immigrants, c'est beaucoup plus porteur, parce que, là, on n'est pas dans le jugement et dans la norme de dire: Tu vas faire ci, tu vas faire ça, mais il y a des pères qui parlent à d'autres pères, et les hommes aiment ça entendre parler d'autres hommes. Et à ce moment-là ce programme-là est vraiment, je pense, une grande source d'inspiration, qui nous permet d'inscrire, dans le fond, cette démarche-là dans un contexte positif puis de dire: Comme père, c'est important le rôle que tu as à jouer avec tes enfants, puis tout ça, mais au Québec c'est un peu différent. Puis là il y a ci, il y a ci, il y a ça, et tout à coup il peut y avoir une porte qui s'ouvre, au lieu qu'on se retrouve, pour le père immigrant, dans une situation de retrait, et de repli, et comme de résistance, là. Et donc il y a vraiment...

Puis il y a des études... M. Normand Brodeur fait de la recherche aussi sur ce projet-là. Alors, je pense que c'est vraiment une initiative prometteuse à ce niveau-là, laquelle, là... qui peut nous aider à réfléchir sur comment, là, agir sur ces situations-là.

Mme St-Pierre: Alors, M. le Président, je vais laisser la place à mes collègues. Je retiens aussi... parce que vous avez dit que, dans certains plans d'action ou certains documents, le mot «père» est souvent absent. On va retenir votre... ce commentaire pour notre prochain plan d'action. Je pense que vous allez le retrouver à certains endroits... à plusieurs endroits.

M. Villeneuve (Raymond): La fonction rechercher «père», c'est très intéressant. Faites Google, rechercher «père», puis tout à coup il dit: Woups! il n'est pas là, il est n'est pas là, il n'est pas là. C'est malheureusement révélateur.

Le Président (M. Huot): Je reconnais maintenant M. le député de Chomedey pour un peu plus de trois minutes.

M. Ouellette: Merci, M. le Président. Bonjour à vous deux. Mémoire très fouillé. Et très rafraîchissant de vous écouter ce matin. Ça nous change un petit peu aussi. Et effectivement, le rôle du père, il faut le valoriser parce que ce n'est pas dans la normalité des choses et mettons que ça a très mal passé la barrière du temps, au cours des années. Et, pour votre père, là, qui fait des rapports d'impôt, il faudrait qu'il planifie un peu mieux sa naissance, ça réglerait son problème.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ouellette: Je veux vous entendre sur quelque chose... Parce que, dans votre mémoire, à un moment donné, vous avez ouvert juste une petite porte sur le congé parental. Et, à la page 8, particulièrement... Page 7, là, vous dites que le congé parental pourrait être bonifié. Mais je pensais de trouver à la page 8 qu'est-ce que c'est que... les mesures que vous pouviez nous indiquer, là, par rapport à la bonification.

Et l'autre chose que je veux savoir de vous, c'est... C'est intéressant, la prise du congé de paternité, mais on peut-u en faire plus un petit peu? On peut-u rendre ça tellement valorisant, là, que ça exciterait les pères encore plus à s'investir dans cette tâche-là, qui est extraordinaire, quand on y voit puis quand on est dedans, là?

**(10 h 50)**

M. Villeneuve (Raymond): Je pense... J'en déduis que vous êtes père vous-même. Quatre? Voilà. Et c'est clair que, comme on le dit dans le mémoire, le congé de paternité est une mesure exemplaire, parce qu'il tient compte qu'il y a les pères, il y a les mères, puis il y a moyen de... il y a des modalités qui permettent de partager. Malheureusement, une fois que le congé est terminé, quand on regarde les autres politiques sociales, souvent le père est complètement absent. Ça fait que, dans le fond, le défi, ça serait d'exporter cette belle philosophie là, qui tient compte... père, mère et partage, à application à l'ensemble des politiques. Et ce n'est pas toujours des mesures qui coûtent très cher, de juste dire il sera où, le père, là-dedans quand on parle de famille. Et je suis certain que, juste si on faisait cet exercice-là, on pourrait ouvrir un paquet de portes extrêmement intéressantes et prometteuses.

Écoutez, pour les... encore là, je ne suis pas un spécialiste du congé de parentalité, parce que je ne peux pas être un spécialiste de tout, mais je vous dirais que les exemples desquels tout le monde s'inspire, c'est dans les pays scandinaves. Il y a plusieurs programmes avec plusieurs modalités. Il y a même en Suède, si je ne m'abuse, où il y a un congé de paternité qui doit être pris... Quand il est pris par le père, il doit être tout seul à la maison, pour être sûr qu'il s'occupe des enfants. Alors, vous voyez, il y a comme différentes façons, je pense... Il y a vraiment des sources d'inspiration à ce niveau-là, et ça serait intéressant d'aller consulter ces documents-là qui pourraient certainement, là, alimenter notre réflexion.

M. Ouellette: M. le Président, me permettez-vous une autre petite question?

Le Président (M. Huot): Un dernier commentaire pour 20 secondes.

M. Ouellette: 20 secondes? Parce que j'aurais aimé vous entendre aussi dans les métiers traditionnellement féminins, parce qu'il n'y a pas encore beaucoup d'hommes... Parce que, dans mes quatre, j'en ai un qui est technicien en éducation spécialisée, puis il y a juste 5 % de gars dans ce métier-là. Ils sont très, très, très en demande. En 10 secondes, 10 secondes pour la réponse.

Le Président (M. Huot): Malheureusement, la période d'échange avec la partie gouvernementale est terminée. Je vais maintenant reconnaître Mme la députée de Rosemont et porte-parole de l'opposition officielle en matière de laïcité et de condition féminine.

Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, M. le Président. Alors, ça me fera plaisir que vous puissiez répondre sur notre temps à M. le député de Chomedey.

Moi, ce que je trouve en effet très intéressant, en effet, dans votre mémoire, c'est que c'est tellement vrai, tu sais, c'est ça qu'il faut faire et c'est trouver cet espèce d'équilibre, bon, qui est assez récent, enfin au Québec, de tenter de le trouver, parce que pendant un bout de temps ça a été très déséquilibré, hein? Il ne faut jamais oublier d'où les femmes québécoises sortent, partent. Quand on pense que c'est en, je ne sais pas, 1944 qu'on a eu le droit de vote, c'est ça? Première femme élue, 1960 je ne sais pas quoi. Alors, là, il y a eu vraiment toute... Mais maintenant je crois qu'on en est là, en effet, là, qu'au XXIe siècle, en 2011, cet équilibre entre hommes et femmes, cette égalité mais cet équilibre aussi dans la famille et puis que vous représentez très, très bien... Je pense, Mme Dubeau, vous avez beaucoup étudié ça. J'ai vu que... Êtes-vous à l'Université Laval ou à l'université...

Mme Dubeau (Diane): L'Université du Québec en Outaouais.

Mme Beaudoin (Rosemont): En Outaouais. Mais vous publiez à l'Université Laval.

Mme Dubeau (Diane): Oui.

Mme Beaudoin (Rosemont): C'est bien, les échanges interuniversitaires.

Mme Dubeau (Diane): Oui. Mon fils est à l'Université Laval aussi.

Mme Beaudoin (Rosemont): Il faut dire qu'il y a des bonnes presses à l'Université Laval, alors ça permet ces publications. Donc, je crois que c'est très intéressant.

Ce que vous avez dit aussi, concernant L'Hirondelle, il y a là, je pense, quelque chose de fondamental. Évidemment, ça doit être à relativement petite échelle parce que ce sont des organismes communautaires. Bon, la députée d'Hochelaga-Maisonneuve me disait que ça existait aussi du côté des femmes, c'est-à-dire que ce type de pairage, c'est important que... On aime toujours mieux convaincre que contraindre, alors que, si les femmes immigrantes comprennent quels sont leurs droits, d'abord, bien sûr, mais qu'aussi... quelles sont les valeurs ici, dans notre société, la même chose que les hommes, donc qu'elles ont des droits, des devoirs, mais que, dans la société québécoise, il y a un certain nombre de choses qui sont difficilement négociables, je pense que c'est excellent. Mais il y en a, semble-t-il, des organismes communautaires qui s'occupent de ce type de pairage entre femmes québécoises et nouvelles arrivantes. Alors, je pense que là aussi c'est extrêmement important.

Moi, j'aurais tout simplement une question. Ça concerne justement le... qu'un projet soit mis en place, donc, en collaboration avec le ministère de la Famille et des Aînés afin que le réseau des organismes communautaires Famille, qui s'étend dans toutes les régions du Québec, soutienne plus efficacement l'engagement paternel. Est-ce que vous avez une idée concrète de quel genre de projet pilote ça pourrait être, avec le...

M. Villeneuve (Raymond): ...assez précise.

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui.

M. Villeneuve (Raymond): C'est ça. Et on doit reconnaître qu'il y a quand même des oreilles du côté du ministère de la Famille et des Aînés, de ce côté-là. Et c'est parce que ce qu'on constate, c'est que de plus en plus, dans les organismes communautaires Famille, on réalise que, dans le fond, effectivement, on rejoint peu les pères. Et dans... il y a plein de gens qui sont membres chez nous. Il y a des gens qui viennent à nos activités, et tout ça, et disent: C'est difficile rejoindre les pères. Et ce qu'on constate, c'est qu'il y a un certain nombre de facteurs qui créent cette situation-là. Souvent, les employés sont uniquement des femmes. Le type d'activité, traditionnellement, vise les femmes. On parle de haltes-allaitement, on parle de... Et donc c'est toute une culture qui a été orientée de cette façon-là. Elle est importante, elle rend des services importants, sauf qu'en 2010 de plus en plus les gens disent: Oui, mais les pères sont là. Ils sont en quelque part. Souvent même ils veulent, mais on ne sait pas quoi leur dire, on ne sait pas comment les aider, on ne sait pas comment les soutenir, on ne sait pas comment trop agir avec eux. Et à la rigueur on se sent un petit peu menacé quand le père arrive: Qu'est-ce que c'est qu'il vient faire ici? C'est notre territoire.

Donc, il y a comme une réflexion, et notre réflexion nous a amenés à proposer un projet dans le sens suivant, c'est-à-dire qu'on pense que ça prend, oui, peut-être des ateliers de formation, réflexion, des outils de soutien au changement de pratique mais surtout de l'accompagnement. Parce que de changer des façons de faire, changer des mentalités, ce n'est pas juste un truc. Parce que souvent les gens, ils disent: Comment je fais pour rejoindre les pères? Ils m'appellent au bureau puis là ils pensent que je vais leur dire un truc magique puis qu'en cinq minutes ils vont tout régler ça. Ce n'est pas ça. Souvent, c'est une question de culture d'établissement, de verbal et de non-verbal. Des fois, le père, il arrive dans l'organisme puis il sent qu'il n'est pas à sa place. Il rentre là puis il dit: Oh! c'est une affaire de femmes, ça. Et là, si tout à coup tu as un intervenant homme, si tout à coup il y a une activité, le dimanche après-midi, où il y a du hockey ou avec... père-ado, si tout à coup il y a des activités pour les couples, si tout à coup, dans les affiches, on ne dit pas juste bienvenue aux mères, mais on dit bienvenue aux pères et aux mères... C'est un ensemble de petites choses qui fait que tout à coup on ouvre la porte et c'est possible.

Et ce que l'on constate -- puis ça, je le dis vraiment... je connais très, très bien le réseau des organismes communautaires Famille -- c'est que le réseau est prêt à prendre ce virage-là et souhaite le faire. La fédération, aussi, des organismes communautaires Famille est prête et souhaite le faire. On a juste besoin, là, d'un petit soutien, d'un petit input, et ça pourrait se passer très rapidement. Les partenaires sont là, le terreau est là, et je pense que ça serait une action qui pourrait être très structurante, puisque c'est 300 organismes communautaires, qui rejoignent plus que 100 000 familles à chaque année, dans la majeure partie des cas des familles qui... dans le besoin. Donc, assez facilement, ça pourrait être mis en place.

Mme Dubeau (Diane): Et je pense également que... Ça me permet de répondre à monsieur. Je suis professeure au Département de psychoéducation et de psychologie à l'université, donc une clientèle majoritairement, nos étudiants, féminine, c'est-à-dire plus de 80 %, ce sont des femmes, donc dans le domaine... les professions en sciences humaines, où c'est une clientèle qui est fortement étudiante féminine. Alors, même si on fait le souhait d'avoir des intervenants masculins, d'avoir une présence masculine plus grande, il faut quand même être réaliste. Et ça amène la notion des approches, dans le fond, à adopter. Est-ce... On parle d'approches qui sont plus féminisantes ou d'approches masculinisantes, dans le sens où est-ce qu'une femme peut aussi intervenir auprès d'un homme, et ça revient à dire: Quelle est la façon de rejoindre ces hommes-là?

Et ce n'est pas uniquement parce qu'on est un homme qu'on va rejoindre plus les... Certains hommes se sentent très à l'aise davantage d'avoir une intervenante femme, en autant qu'on prenne en compte les spécificités des hommes. Parce que, oui, on a tenté de mettre en place des programmes, parce qu'on s'est dit: Les pères sont plus présents, donc adaptons nos programmes qu'on a développés pour les mères et offrons-les aux pères. Il y a les cours prénataux, sauf que ce qu'on s'est aperçu, c'est qu'ils n'y vont pas. Ça ne les rejoint pas. Pourquoi? Parce que ce n'est pas lié à leur spécificité ou à leur réalité. Donc, il faut avoir une approche qui est différente. Et en ce sens-là c'est pour ça que ça devient important de faire de la formation, de travailler avec les milieux et les intervenants, pour voir comment changer ces pratiques-là et de mettre en place des choses qui collent à leur réalité.

Les hommes misent davantage sur l'action, donc faire des projets où on les met en action. Non pas les asseoir en groupe et de dire «parlez», mais, lorsqu'ils sont en train de faire des choses, c'est là où ils vont aborder également: Bien, comment ça se passe à la maison? Qu'est-ce qui arrive avec tes enfants? Alors, c'est une approche qu'une femme peut très bien adopter, tout comme un intervenant masculin. Donc, oui, on a... on souhaite encourager la présence d'intervenants hommes, mais il y a aussi d'autres pas à faire à cet égard-là.

**(11 heures)**

Le Président (M. Huot): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Poirier: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue à vous deux. Je suis bien contente que vous soyez là.

Moi, je voudrais vous parler d'une expérience que j'ai vécue récemment et qui, à mon avis, corrobore beaucoup ce que vous venez de nous dire. Je suis devenue grand-maman il y a cinq mois, et, à l'Hôpital Pierre-Boucher, lorsque ma fille a accouché, il y a une infirmière -- et je reprends l'initiative personnelle, là -- qui s'est adressée directement à mon gendre et qui lui a dit: Votre femme vient d'avoir une césarienne -- et maintenant c'est la cohabitation, les parents et le bébé dans la même chambre -- et qui a dit: Bien, c'est vous qui allez vous occuper du bébé dans les prochains jours, monsieur. Et elle lui a donné le cours 101 papa en charge, alors comment donner le bain... Et elle l'a vraiment sorti de la chambre et elle lui a donné une formation, là... Moi, j'ai appelé ça la formation maman 101, mais, dans le fond, c'est la formation papa 101. Et ça a donné effectivement cet engagement précoce que vous appelez extraordinaire. Et effectivement, lui, les cours prénataux, il n'a jamais rien voulu... aller s'asseoir dans une salle en rond pour raconter ses histoires de... qu'il appelait ses histoires de bonne femme, mais d'avoir un cours pratique avec le bébé, de façon très, très intensive, parce que ça s'est fait en l'espace de deux heures avec l'infirmière, où il a fait le tour du jardin, comment s'occuper d'un bébé... Et ça a créé ce lien très, très personnel et ça lui a donné aussi l'effet de responsabilité, que, lui, il avait un rôle à jouer. Et, à mon avis, il y a là quelque chose d'important, mais malheureusement c'est assez atypique, en tant que tel, et on n'a pas cette volonté ou en tout cas cette disponibilité du personnel infirmier pour chaque papa.

Alors, j'aimerais savoir comment on peut faire pour vraiment créer de plus en plus... Je vous donne une expérience personnelle qui, à mon avis... Puis il a réussi, parce que vraiment je... c'est vraiment exceptionnel ce que ca a donné. Comment on pourrait faire pour justement développer encore plus cet engagement précoce là des papas? Et comment on peut faire... Parce qu'il y a aussi une acceptation des mamans, là. Moi, je suis bien consciente, là, qu'on a du chemin à faire aussi, là. Il faut que les mamans coupent le cordon un petit peu plus vite pour donner un peu de place aux papas, là, en tant que tel. Alors, j'aimerais ça vous entendre là-dessus.

M. Villeneuve (Raymond): Deux choses. Tout d'abord, pour tout ce qui touche la périnatalité, presque tout est déjà dans la politique de périnatalité. Ça fait que c'est pour ca que ce que je dis dans mon mémoire, c'est: Moi, j'ai hâte de voir le plan d'action, parce que malheureusement, souvent, dans le passé, on voit des belles intentions dans les politiques mais qui ne se répercutent pas dans les plans d'action. Alors, dans la politique, on peut avoir plein de belles choses, mais est-ce qu'il va y avoir des gestes concrets? Ça, c'est une question importante. Et la philosophie, l'éthique, les valeurs de la politique sont excellentes, donc le travail a été bien fait, mais il faut surveiller la sortie du plan d'action. Ça, c'est un enjeu très important.

D'autre part, moi, je pense que -- puis là je le dis d'expérience, j'ai travaillé beaucoup avec les pères -- ce qui est gagnant, c'est de miser sur le lien entre le père et son enfant. Et ça, on ne le fait pas assez souvent. Donnez-moi un groupe de pères, fermez la porte, puis je peux les faire brailler en parlant de leurs enfants. Puis il y a plein, de pères, tu leur dis: C'est important, puis tout ça, puis là, là, les yeux viennent pleins d'eau, puis tout ça. Mais souvent ce n'est pas comme ça qu'on les approche. On les approche plus dans une approche de fonctionnalité, de ci, de ça, alors que, si on s'implique auprès de son enfant, si on s'implique auprès de sa conjointe, c'est parce qu'on les aime, c'est parce qu'on pense que c'est important. Et, à partir du moment où on part de ça, tout découle tout simplement, logiquement: Il faut que je m'occupe de mon enfant parce que je l'aime, parce qu'il est important, et tout ça. Et ça, à ça les gars sont très, très, très sensibles et sont très ouverts. Ils ont le coeur ouvert gros comme ça à ça. Mais souvent je pense qu'on ne les prend pas de la bonne façon. On ne leur dit pas assez qu'ils sont importants pour leurs enfants. On ne voit pas assez d'affiches avec des pères puis des enfants. On ne voit pas assez de publicités où on trouve ça beau d'être père. Et, si on voyait plus ça, je pense que ça ferait du bien aux gars.

Et, en terminant, le message, je pense, le plus important que je peux dire à des futurs pères, c'est: Tu peux être parent puis tu peux être un gars. Et, quand on leur dit ça, c'est comme: Ouf! O.K. J'ai le droit de jouer au hockey. J'ai le droit d'être différent. J'ai le droit de pitcher mon enfant dans les airs, dans les limites de la sécurité bien sûr, mais j'ai le droit d'être un parent masculin. Et, quand ils reçoivent ça, je dis: Ah, tout à coup je viens de leur donner un espace, puis ils ont de la liberté et ils peuvent s'investir comme personnes. Et là on vient de changer complètement la donne.

Le Président (M. Huot): Merci. M. le député de Terrebonne pour 2 min 15 s.

M. Traversy: Merci beaucoup, M. le Président. Écoutez, je vois que vous faites vos interventions avec beaucoup de passion, hein, avec beaucoup d'amour pour votre organisme. Mais je comprends le message essentiel, là, que vous lancez puis je le trouve très intéressant, parce qu'on l'entend de plus en plus: La participation des hommes et des garçons à l'atteinte de l'égalité hommes-femmes est essentielle. Ça prend la participation des hommes et des garçons pour y parvenir. Puis, si on ne réussit pas à trouver le moyen de les faire participer davantage, peut-être qu'on va rendre les choses peut-être un peu plus difficiles. C'est ce que je comprends bien. Donc, il faut réfléchir à ça dans le prochain plan d'action puis voir comment qu'on peut encore davantage, là, les faire participer. Alors, je trouve ça intéressant.

Et vous parlez dans votre document, donc, que le... évidemment plusieurs mesures gouvernementales ont favorisé justement cette participation-là, dont le fameux congé parental qui est maintenant accessible donc aux pères depuis quelque temps. Et c'est drôle, hier on recevait le conseil, justement, de la famille qui venait nous parler des impacts importants que cette mesure avait apportés, et je vois que, dans votre mémoire, vous mentionnez qu'on pourrait même davantage le bonifier.

J'aimerais ça que vous puissiez brièvement, parce qu'il ne reste pas beaucoup de temps, nous expliquer en rafale, là, qu'est-ce que vous voulez, qu'est-ce que vous entrevoyez dans cette démarche-là puis qu'est-ce que ça apporterait de plus justement à la participation.

Le Président (M. Huot): En une minute.

Mme Dubeau (Diane): Je pense qu'on avait abordé un peu tout à l'heure en s'inspirant, par exemple, de ce qui se passe dans les pays scandinaves au niveau des politiques sociales ou... Et je pense qu'à ce niveau-là c'est déjà un grand pas qui est fait. Est-ce qu'on peut aller au-delà, bon, de ce cinq semaines-là et de voir quel est... les meilleures stratégies, là, pour mieux favoriser, là, cette présence-là une fois ce cap-là passé? Ce qu'on disait, c'est: C'est bien, c'est une très belle mesure, cinq semaines, mais au-delà de ça, après, les pères tombent un peu dans un vide. Et comment ils ont à poursuivre ce lien-là si précieux? Parce que je pense qu'un élément peut-être, si on voulait clore, puis un message à rester -- et vous le mentionniez tout à l'heure comment ce lien-là, il est précieux -- moi, je dis que la relation d'un parent avec son enfant comme celle d'un père avec son enfant, c'est un lien qui est porteur d'espoir. Et c'est peut-être ce qui manque à certains hommes actuellement, parce qu'ils se retrouvent dans des contextes où ils vivent beaucoup de vulnérabilité à ne pas avoir cet espoir-là.

Le Président (M. Huot): Merci beaucoup, Mme Diane Dubeau, M. Raymond Villeneuve, du Regroupement pour la valorisation de la paternité. Merci de votre contribution aux travaux de cette commission.

J'invite les représentants de la Fédération des commissions scolaires du Québec à prendre place. Je suspends les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 8)

 

(Reprise à 11 h 11)

Le Président (M. Huot): À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous allons reprendre les travaux. Nous recevons les représentants de la Fédération des commissions scolaires du Québec.

Vous connaissez bien le fonctionnement des travaux des commissions parlementaires. Donc, je vais demander à la personne responsable -- ce sera sans doute Mme Bouchard qui sera responsable de la présentation -- de bien vous identifier et de présenter les personnes qui vous accompagnent. Et vous avez la parole pour les 15 prochaines minutes pour faire la présentation de votre mémoire.

Fédération des commissions
scolaires du Québec (FCSQ)

Mme Bouchard (Josée): Alors, merci, M. le Président. Alors, Mme la ministre, M. le Président, Mmes, MM. les députés, bonjour. Eh bien, oui, Josée Bouchard, présidente de la Fédération des commissions scolaires du Québec. M'accompagnent aujourd'hui Mme Pâquerette Gagnon, qui est la directrice générale de la fédération; monsieur... en fait je devrais dire Me Bernard Tremblay, directeur des relations de travail et des services juridiques, il est aussi notre secrétaire général et président du conseil patronal de négociation -- il est quasiment comme Dieu, il est partout; et Mélanie Fortier, conseillère en analyse et développement, donc, qui a travaillé très fort à ce dossier.

Alors, c'est vraiment un plaisir pour nous d'être avec vous aujourd'hui. Et je vais vous dire qu'en suivi à ce qui vient d'être présenté, moi aussi, j'ai... on a trouvé ça très rafraîchissant. Et je pense que ce qu'on a à vous dire va aussi s'inscrire dans une suite logique de ce qui vient d'être présenté.

Alors, écoutez, j'ai envie de vous dire que, d'abord, un peu à titre personnel, en tant que citoyenne, ethnologue de formation, mère, élue à la commission scolaire du Lac-Saint-Jean et présidente de la Fédération des commissions scolaires, je crois pouvoir affirmer que chaque jour je contribue à ma mesure à l'avancement des femmes de notre société, parce que, dans les rôles, hein, qu'on a, oui, il y en a de plus en plus, mais on est encore peu. Mon implication a débuté à l'école primaire de mes enfants et elle s'est poursuivie au sein de la commission scolaire du Lac-Saint-Jean. Cette implication locale m'a permis de me rendre à la tête d'une organisation nationale.

Bien que des inégalités persistent entre les femmes et les hommes, la situation des femmes au Québec s'est grandement améliorée. Avec l'égalité de droit, nous avons maintenant une place dans notre société.

Au début des années soixante, alors que je commençais l'école, le rapport Parent a métamorphosé le système d'éducation, notamment en donnant accès à l'école à tous les jeunes, et tout particulièrement aux jeunes filles. Cette accessibilité à la scolarisation a ouvert plusieurs portes aux jeunes filles de l'époque et continue de le faire aujourd'hui. L'amélioration des conditions de vie des femmes passait et passe toujours par leur scolarisation. En effet, les statistiques le prouvent: plus elles sont qualifiées, moins le fait d'avoir des enfants constitue un frein à leur présence sur le marché du travail.

Il importe donc de souligner à ce moment-ci que, pour la fédération, une égalité entre les femmes et les hommes demande que la société qui est la nôtre doit tout autant se préoccuper des situations particulières que vivent les hommes, dont le décrochage scolaire et le taux de suicide de ces derniers. Ceci dit, la Fédération des commissions scolaires s'est penchée plus spécifiquement sur les questions qui touchent le milieu scolaire.

Parlons de persévérance. Vous le savez, la persévérance scolaire est un défi qui préoccupe de plus en plus les acteurs de notre société. La fédération lui donne une importance toute particulière, car qualifier tous les élèves est notre préoccupation de tous les instants. Un constat émerge cependant: les filles réussissent mieux que les garçons. En effet, après sept ans, pour la cohorte de 2002, 78,3 % des filles obtiennent leur diplôme d'études secondaires, alors que cette proportion diminue à 65,6 % chez les garçons. En 2009, c'est 81,4 % des garçons qui réussissaient leur épreuve uniforme de français alors que cette proportion augmente à 89 % chez les filles. Ces différences sont notables.

Pour la fédération, il est essentiel de favoriser la réussite de tous les élèves et par conséquent des filles et des garçons qui n'obtiennent pas leurs diplômes ou qui éprouvent des difficultés dans leurs apprentissages. Par contre, il est préoccupant que les garçons soient plus nombreux à abandonner leurs études et à échouer l'épreuve uniforme de français, alors qu'il est reconnu que les aptitudes en français favorisent la réussite scolaire. C'est pourquoi la fédération souhaite qu'il y ait plus de projets ciblés pour les garçons, par exemple que les choix de lecture pour les garçons portent sur des sujets qui les intéressent, tout comme il est essentiel d'avoir des projets, bien sûr, pour les filles.

Le rôle du père. S'il est vrai que les pères s'impliquent plus qu'avant dans l'éducation de leurs enfants, bien, les femmes en demeurent les principales responsables. La fédération est d'avis que la valorisation du rôle du père dans l'éducation et l'instruction des enfants est primordiale. La lecture étant majoritairement associée à des intérêts féminins, les garçons s'y reconnaissent moins. Il est essentiel de changer le rapport à la lecture des garçons, et ces derniers doivent avoir des modèles masculins de lecteur, dont leur père.

Parlons de la valorisation de la profession enseignante et de l'école publique. S'il est vrai que certains domaines sont à prédominance masculine, ce n'est pas le cas de l'enseignement, comme vous le savez. Sans aller vers la discrimination positive, la fédération souhaite que plus d'hommes soient présents dans nos écoles. Les enseignantes et les enseignants sont partenaires de la réussite actuelle et future de nos enfants afin que ces derniers puissent réaliser leurs rêves. Cette profession se doit d'être valorisée afin de donner aux enseignantes et aux enseignants toute la reconnaissance qu'ils méritent, d'autant plus que notre système public d'éducation est l'un des meilleurs au monde. Nous l'avons vu dernièrement d'ailleurs avec les résultats aux épreuves du Programme international pour le suivi des acquis des élèves, ce qu'on dit... on l'appelle communément PISA. Il faut le dire et le redire et surtout faire connaître les réussites quotidiennes de nos élèves et de leurs enseignants, ce qui, nous croyons, aura un effet mobilisateur. La fédération demande depuis quelques années une campagne de valorisation du système public d'éducation pour justement mettre en lumière la qualité de notre système et de son personnel et pour rendre la profession enseignante plus attrayante.

Comme je le disais il y a quelques minutes, le milieu de l'éducation est plutôt à prédominance féminine. En effet, entre 2000 et 2009, la proportion d'enseignants a diminué de 3 %, pour atteindre 28,4 % en 2009. La proportion d'hommes a également diminué dans tous les autres corps d'emploi dans les commissions scolaires francophones dans cette même période. Dans ce contexte, la fédération propose la création d'un concours ou d'un événement du type Chapeau, les filles! qui valorisera la participation des hommes dans les métiers qui attirent traditionnellement plus les femmes, dont les professions des domaines de l'éducation et de la santé.

Je profite de l'occasion aussi pour souligner que la fédération reconnaît l'importance de sensibiliser les femmes à la possibilité de choisir des métiers non traditionnels et que ces femmes puissent exercer le métier de leur choix sans discrimination liée à leur sexe.

Par ailleurs, nous le savons, avoir un enfant en bas âge peut avoir de grandes conséquences sur la poursuite des études. Les parents adolescents sont alors confrontés à leurs obligations familiales alors que leur diplôme d'études secondaires n'est pas complété. De plus, nous pouvons facilement nous imaginer les difficultés auxquelles peuvent être confrontées les jeunes filles enceintes dans une école régulière.

Actuellement, la Loi sur l'instruction publique ne permet pas que les jeunes filles enceintes ou les parents adolescents aient accès à l'éducation des adultes s'ils sont en âge de fréquentation obligatoire. Alors, la fédération vous suggère, bien, en fait, qu'une modification à cette loi soit apportée afin qu'elle leur donne accès à l'éducation des adultes. Cet ajustement leur permettrait de continuer leur parcours scolaire dans un environnement plus souple, et ce, à leur rythme, en fonction de leurs obligations familiales. De plus, le service d'éducation des adultes est disponible sur tout le territoire québécois, de même que l'accessibilité à la formation à distance pour ces jeunes est un autre moyen à privilégier.

**(11 h 20)**

Parlons maintenant de financement de la formation professionnelle à temps partiel et prêts et bourses pour les attestations d'études professionnelles, quelque chose d'important. Toujours dans l'idée de favoriser l'acquisition d'un diplôme en répondant aux obligations familiales, la fédération recommande de bonifier l'enveloppe de 2,5 millions de dollars actuellement disponible pour financer l'offre de formation professionnelle à temps partiel. En effet, compléter une formation à temps partiel est une alternative intéressante lorsqu'on souhaite améliorer ses conditions de vie en se gardant du temps pour la famille ou le travail. Dans la même veine, l'attestation d'études professionnelles est un diplôme qui permet d'obtenir une formation initiale ou une spécialisation dans un laps de temps plus court. L'accès aux prêts et bourses serait une façon de répondre aux besoins des élèves inscrits à cette formation. Comme vous le constatez, ces quelques modifications faciliteraient l'acquisition d'une formation ou la réorientation tout en continuant d'honorer ses responsabilités familiales.

Dans votre document de consultation, vous mentionnez une statistique qui nous interpelle particulièrement. Vous y dites que 35 % des fillettes de neuf ans essaient de perdre du poids et 60 % des adolescentes de 13 à 16 ans souhaitent avoir une silhouette différente de la leur. Il faut prendre très au sérieux effectivement ces données. Les troubles alimentaires qui peuvent découler de cette opinion que les jeunes filles ont d'elles-mêmes peuvent avoir des conséquences tragiques sur leur santé. À cet effet, je souligne que les commissions scolaires sont partenaires de la Politique-cadre pour une saine alimentation et un mode de vie physiquement actif.

Le milieu scolaire est activement engagé dans la promotion de saines habitudes de vie. C'est pour cette raison qu'il peut appuyer les différents efforts gouvernementaux pour augmenter la confiance en soi et l'estime de soi de ces jeunes filles. Le personnel scolaire, par son attitude et ses interactions avec les jeunes filles, peut contribuer à contrer les stéréotypes et l'image de la femme parfaite, entre guillemets, véhiculée par les médias, dans la mesure où des orientations claires proposées par le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport viennent appuyer le réseau scolaire. Pour aller plus loin, la fédération suggère qu'une sensibilisation à l'acceptation de soi, à la confiance en soi, à l'estime de soi et du rapport à son corps soit incluse dans le contenu de programme d'éducation à la sexualité en cours d'élaboration au ministère.

Je suis fière de souligner, M. le Président, que la parité est une réalité dans les gouvernements locaux que constituent les commissions scolaires du Québec. En effet, dans les commissions scolaires francophones du Québec, 49,7 % des commissaires élus aux élections générales, donc au suffrage universel -- et là je vous parle de novembre 2007 -- étaient en fait des femmes. De plus, les femmes occupent 46,7 % des postes à la présidence des commissions scolaires. C'est vraiment... Il faut s'en réjouir. Alors, pour tous ceux, vous comprenez, qui prônent notre abolition, on lève la main, on dit: Oh, un instant!

La Fédération des commissions scolaires croit fermement que les commissions scolaires peuvent être un tremplin vers d'autres paliers de gouvernement. Les femmes sont bien représentées au sein des conseils des commissaires, et les autres paliers gouvernementaux pourraient s'inspirer de la réalité des élus scolaires dans la recherche d'un meilleur équilibre dans la représentation politique des femmes et des hommes. Dans ce contexte, la fédération est surprise que, dans le plan d'action précédent, le gouvernement scolaire ne soit pas clairement nommé dans les actions visant à favoriser l'implication des femmes dans les instances locales. Bref, les élus scolaires doivent être pris en compte dans l'élaboration des politiques visant à accroître la présence des femmes à des postes décisionnels et électifs. La démocratie scolaire peut contribuer à l'avancement des femmes en politique, tous paliers de gouvernement confondus.

Parlons maintenant des postes d'encadrement. Les femmes sont également bien représentées dans les postes d'encadrement au sein des commissions scolaires francophones. En effet, leur proportion a progressé de 16 % entre 2000-2001 et 2008-2009 pour s'établir à 56,8 %. Puisque la proportion des femmes a augmenté pour atteindre près de 75 % dans les autres corps d'emploi, nous pensons que le nombre de femmes dans les postes d'encadrement devrait continuer d'augmenter en fonction de la progression professionnelle de ces femmes.

Par ailleurs, les commissions scolaires doivent, depuis 2003, élaborer des programmes d'accès à l'égalité en emploi visant à corriger la sous-représentation de quatre groupes cibles, dont celui des femmes. Puis là, bien, je vous disais que, nous, des femmes, on n'en manque pas dans notre milieu. Alors, ces programmes doivent être révisés sur une base régulière et ils comportent notamment l'analyse des processus de la gestion et la mise en oeuvre d'actions visant à diminuer les préjugés pouvant exister par rapport à certains groupes, dont les femmes. L'exercice demandé aux commissions scolaires à cet égard est extrêmement exigeant sur le plan administratif -- alors que, vous savez, on parle beaucoup de bureaucratie, bien là, on en a vraiment un exemple -- et constitue une opération donc d'envergure qu'il nous faut mettre en lumière. Rappelons que les organismes visés par cette Loi sur l'accès à l'égalité en emploi, dont les commissions scolaires, doivent régulièrement faire rapport à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse des actions entreprises et des résultats obtenus.

Alors, écoutez, pour terminer, M. le Président, je vous rappelle que la Fédération des commissions scolaires du Québec est une partenaire pour la poursuite des travaux afin d'améliorer la place des femmes dans notre société. Et nous croyons qu'il est aussi nécessaire de s'attaquer aux situations particulières vécues par les hommes, comme vous l'avez compris. Voilà.

Le Président (M. Huot): Merci beaucoup. Je reconnais maintenant la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine.

Mme St-Pierre: Merci beaucoup. C'est toujours très intéressant de vous entendre et de vous voir. Vous êtes pleine d'énergie, et vraiment c'est agréable.

Et vous avez entendu peut-être les gens qui étaient avant vous et qui parlaient du rôle des papas au moment... avant la naissance mais même dès les premières heures de la naissance. J'ai le goût de faire un peu de pouce là-dessus. Est-ce que, dans le milieu scolaire, il y aurait un travail à faire? Parce que, moi, j'avoue que le décrochage des garçons, là, ça ne me rentre pas dans la tête. Et je ne veux pas blâmer personne puis... mais il y a un rôle que la société, le gouvernement doit jouer. Mais est-ce qu'il y aurait quelque chose à faire avec les papas de ce côté-là?

Mme Bouchard (Josée): En fait, tout est basé, c'est ça, sur comment on, comment je dirais... culturellement aussi on transmet les valeurs à nos jeunes. Bon. Et je pense que ce qui est au coeur, je dirais, en fait, de notre espace, qui est le milieu de l'enseignement, c'est la problématique que j'ai relevée tout à l'heure et qui est relative à cette difficulté qu'on a à embaucher puis à convaincre, en fait, des jeunes hommes de se diriger vers la profession d'enseignant.

Et, moi, je pense qu'on va réussir à effectivement aussi influencer nos jeunes garçons, puis ça va être par les pratiques pédagogiques, la façon d'enseigner, tout ça. Même personnellement, moi, mes filles ont eu aussi des hommes au primaire, puis c'est différent, puis c'est bien, puis il faut que ce soit comme ça. Puis nos garçons ont besoin de modèles. Et je pense qu'on est vraiment face à un problème de dévalorisation de cette profession-là au Québec.

Comme je l'ai soulevé, on dévalorise... Vous le savez, c'est... Actuellement, tout ce qui s'appelle service public, malheureusement, fait les frasques de... en fait, de plusieurs critiques, et, je vais vous dire, parfois avec raison, mais souvent je vais vous dire que c'est sans raison. Ce n'est pas des cas particuliers qui font qu'on a... on doit conclure aux généralités. Comme je l'ai dit, on a un des meilleurs systèmes d'éducation au monde, puis il faut s'en réjouir. Puis une des façons de s'en réjouir, c'est de le valoriser, et c'est comme ça qu'on va attirer aussi des hommes dans cette profession-là. Et ça, c'est au... moi, je pense que c'est central. Si on ne change pas ça au Québec, là, on va avoir des problèmes.

Moi, savez-vous ce qui me surprend aussi à travers les statistiques que je vous livrais? Puis j'ai l'impression, j'ai peut-être l'impression que c'est l'ethnologue aussi qui vous parle à travers moi. C'est le fait qu'on ait si évolué en termes des droits des femmes au Québec, disons, depuis les années soixante, vraiment de façon très marquée, mais qu'en même temps je vous disais que, dans les dernières années, on accuse un recul de l'embauche des hommes dans notre corps enseignant, dans le milieu de l'éducation. Posons-nous des questions. On a un signal clair qui est là. Alors, pour moi, là, ça, c'est au coeur de ce que vous... ce sur quoi vous m'interpellez.

Mme St-Pierre: Parce que certains groupes de femmes sont venus nous dire qu'il fallait travailler très fort sur les métiers non traditionnels, encourager les femmes à aller vers les métiers non traditionnels, mais qu'il ne fallait pas dépenser d'énergie à envoyer des hommes vers des métiers non traditionnels. Alors, vous, ce que vous me dites, c'est qu'il faut le faire, il faut vraiment le faire dans le milieu de l'enseignement.

Mais ma question était sur le rôle des parents et le rôle des pères. Est-ce qu'il y a quelque chose qu'on pourrait faire en termes de sensibilisation? Écoutez, moi, je ne le sais pas, s'ils sont impliqués ou pas, là. Mais est-ce que... Je pense que la question du décrochage des garçons, c'est épouvantable, parce que ce n'est pas se préparer une vie. Ils ont tendance aussi à prendre des petits boulots, puis ils ont un peu d'argent, puis là, bien, ils s'achètent une petite voiture, puis ça devient comme, bon, on pense...

Mme Bouchard (Josée): ...on remarque... Vous permettez, M. le Président?

Le Président (M. Huot): Oui. Ça va très bien, l'échange. Je vous laisse aller.

Mme Bouchard (Josée): Oui. Vous permettez, Mme la ministre?

Mme St-Pierre: Oui.

**(11 h 30)**

Mme Bouchard (Josée): C'est ça, oui, effectivement, mais les filles aussi, je pense qu'elles travaillent tout autant, et tout ça. Mais il reste que, là encore, peut-être que la Fédération des comités de parents pourrait nous aider là-dedans, parce qu'effectivement ce qu'on peut remarquer... Parce que, moi, je suis partie de ça, d'un comité d'école où effectivement, quand on avait un ou deux hommes autour du comité, aïe, on se trouvait très chanceuses. Et je vais vous dire que les... encore aujourd'hui, les conseils d'établissement, les comités de parents, en fait, ils sont vraiment... les sièges sont vraiment majoritairement occupés par les femmes. Ça veut dire que c'est encore cette réalité-là.

Qu'est-ce qu'on peut faire pour ça? C'est une grande question, je n'ai pas toutes les réponses. Peut-être que vous pouvez m'aider.

Le Président (M. Huot): Mme Gagnon.

Mme Gagnon (Pâquerette): Je n'ajouterai pas -- bonjour -- quelque chose de... beaucoup plus, mais c'est toujours l'enjeu qui est global, hein? C'est dans les programmes, c'est dans la façon dont on véhicule les valeurs. La place des pères à l'école, elle est de plus en plus valorisée, mais ce n'est pas une évidence, ils ne se retrouvent pas toujours, hein, dans ce qu'on leur propose comme rôle dans les conseils d'établissement ou dans les comités. C'est un effort, je pense, de tous les jours, mais il y a des grands pas à faire encore. Mais, comme Mme Bouchard vient de dire, je pense qu'il y a un travail avec la Fédération des comités de parents là-dessus, quoique les gens qui se dirigent vers les conseils des commissaires, on l'a dit tantôt, on a la parité. Donc, il y a un intérêt pour les hommes qui proviennent souvent des comités d'école ou des conseils d'établissement, des comités de parents avant d'arriver dans les conseils des commissaires. Donc, on a quand même une augmentation, là-dessus.

Sur le décrochage, si vous permettez, depuis deux ans, je dirais, là, particulièrement, là, depuis deux ans, quoique c'est la mission des écoles et des commissions scolaires depuis toujours, mais, depuis deux ans, il y a une mobilisation importante, et on voit apparaître, dans les plans qu'on reçoit dans les conventions de partenariat, dans les plans qu'on reçoit, des mesures spécifiques pour les garçons. On a une préoccupation actuellement qui est importante sur le français pour les garçons -- la lecture, on en a parlé tantôt -- et sur la réussite pour contrer le décrochage. On parle de la formation professionnelle, il faut la valoriser aussi, elle mène à des métiers qui font en sorte qu'on réussit notre vie. Alors, on a des préoccupations qui sont beaucoup plus analysées actuellement, plus nommées que ce ne l'était il y a quelques années. Puis il y a une mobilisation de société aussi, on peut se dire ça, là. Ce n'est pas juste l'éducation actuellement qui parle de persévérance, c'est toute la société qui a une préoccupation, là, pour cette situation-là.

Mme St-Pierre: Enfin, sur les comités de parents, on devrait peut-être tendre à la parité... la zone de parité puis peut-être que là... Parce qu'on dit, dans le cas des femmes sur les conseils d'administration... Au départ, on disait: Bon, bien, c'est parce qu'on n'est pas capables d'en trouver puis on en... Mais, quand on en cherche, on en trouve, puis là, bien, si on se mettait à chercher des parents, bien, peut-être qu'on en trouverait, là... on en trouverait aussi puis ça changerait peut-être certaines choses. C'est un aspect qui pourrait changer, ça. Comme vous dites, c'est un tout, là, tout ça, là, ce n'est pas un élément uniquement, c'est un ensemble. Mme la présidente?

Mme Bouchard (Josée): Oui. Là-dessus, ce que je peux vous dire, c'est que, chaque année, justement pour recruter ces gens-là sur les comités, ce sont des assemblées générales. Donc, c'est une pratique très démocratique qui nous mène à ça. Les parents, donc, élisent leurs représentants. Donc, le message est vraiment envoyé à tout le monde, mais il faut se dire, je pense, les vraies choses: Comment ça se fait qu'on arrive à la parité lorsqu'on arrive au conseil des commissaires puis qu'on ne l'a pas quand on est au départ? On est encore, je pense, dans des relations de pouvoir; les hommes sont attirés peut-être plus par des postes de pouvoir. Il faut se dire les vraies choses.

Y a-tu un mal à ça? Bien, moi, je pense qu'effectivement il faut tendre vers le fait qu'on fasse participer plus d'hommes. Donc, il faudrait vraiment se pencher sur, bien, comment les attirer, ces hommes-là, à l'assemblée générale. Est-ce qu'il faut faire des téléphones particuliers, et tout ça? Alors, c'est tout ça qu'il faudrait regarder, effectivement, probablement avec la fédération des comités de parents.

Mme Gagnon (Pâquerette): Est-ce que vous permettez, M. le Président?

Le Président (M. Huot): Allez-y.

Mme Gagnon (Pâquerette): Il nous vient à l'esprit qu'il y a quelques années on a demandé, le réseau scolaire, puis je pense qu'on a peut-être une solution là-dedans, la reconnaissance du parent bénévole, du bénévolat pour permettre à des... Parfois, ce sont des hommes, parfois ce sont des femmes qui ne peuvent pas faire de bénévolat parce qu'on ne reconnaît pas, dans leur milieu de travail, ce bénévolat. Pour s'impliquer dans une fédération de comités de parents, au conseil d'établissement, il faut avoir une certaine libération de son travail. Notamment de donner une politique qui permettrait à l'employeur... qui dirait à l'employeur: Bien, accordez des congés sans traitement ou accordez des congés parfois avec traitement pour faire... pour permettre une implication. On a déjà, la fédération, acheminé au gouvernement une résolution là-dessus, là, du conseil général. Ça pourrait être une mesure qui est à la fois... qui pourrait être généreuse socialement, en termes de message, qui ne serait pas nécessairement avec un impact financier si important. Alors, je me permets de vous rappeler, là, cette recommandation.

Mme St-Pierre: Je vais vous poser une dernière question -- parce que je sais que mes collègues ont des questions aussi à poser: «L'accès aux prêts et bourses serait une façon de répondre aux besoins des élèves inscrits à une attestation d'études professionnelles.» Ça vous a... C'est à la page 7 de votre mémoire.

Donc, est-ce que ça pourrait être un facteur qui diminuerait le décrochage scolaire, s'il y avait un accès aux prêts et bourses pour la formation professionnelle? Parce qu'on s'en va vers une... on est dans une pénurie de main-d'oeuvre, puis ça va être encore plus important, là, au cours des prochaines années. Et est-ce que vous avez mesuré financièrement cette mesure que vous proposez?

Le Président (M. Huot): Mme Gagnon.

Mme Gagnon (Pâquerette): Ah! Mme la ministre, on n'a pas mesuré financièrement. Ça, je vous le dis, on ne l'a pas, ça fait des années qu'on demande une ouverture sur la discussion sur cette mesure-là.

Quant à nous, c'est une mesure à la fois qui pourrait permettre effectivement d'attirer des jeunes garçons ou jeunes filles à la formation professionnelle, leur permettre d'aller améliorer leur formation avec une formation courte -- parce que, là, on est dans un domaine de formation courte. Alors, on prend des exemples d'un métier... quelqu'un qui est dans un métier qui n'est pas nécessairement très rémunéré mais qui voit percer... Dans le fond, il voit poindre un autre métier qui pourrait être intéressant. Alors, pour permettre d'y accéder puis d'aller faire peut-être 400 heures, 500 heures de cours, pas plus que ça, il n'y a aucune aide financière pour le faire, alors que, dans le milieu collégial... Et notre discours, ce n'est pas pour enlever les prêts et bourses en milieu collégial, c'est correct, mais on revendique, nous, la parité pour permettre de contrer le décrochage puis d'attirer nos jeunes dans des milieux... dans des métiers de courte formation qui sont en demande actuellement, hein? On parle des services de garde, on parle de métier de conduite d'autobus. Dans le milieu de la santé, il y a plein, plein de besoins qui sont nommés par les employeurs et, lorsqu'on arrive pour donner l'accès à des élèves, toujours... on arrive toujours avec la barrière du financement.

Le Président (M. Huot): Merci. Je reconnais maintenant Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Merci. Merci, M. le Président. Donc, mesdames monsieur, bonjour. Bienvenue à notre commission. Alors, moi, j'aurais quelques questions. La première est une simple question d'information. Vous dites, page 3: «Après sept ans, 78,3 % des filles de la cohorte de 2002 [et] 65,6 % chez les garçons...» Sept ans, est-ce que ça prend sept ans maintenant pour faire son cours secondaire?

Mme Bouchard (Josée): Parce que les statistiques... Oui...

Mme Beaudoin (Rosemont): Où est-ce que vous prenez vos statistiques? Parce que cinq ans, il me semble, ce serait bien. Est-ce qu'il y en quand même la majorité qui termine après cinq ans ou est-ce qu'il faut attendre sept ans?

Mme Gagnon (Pâquerette): Non, c'est qu'il arrive que ces jeunes-là vont... si on suit les cohortes de cinq ans, et on les suit... Cinq ans, c'est le D.E.S. habituel, régulier: alors, j'ai tout, tout, tout réussi, je n'ai pas de formation manquante. J'ai une cohorte de cinq ans. On la suit sept ans parce que certains retournent à l'éducation des adultes, vont chercher les crédits manquants. Alors, ce sont des jeunes qui ont réussi aussi.

Mme Beaudoin (Rosemont): Tout à fait. Mais ce serait intéressant de savoir si, cinq ans, il y en a quand même un bon nombre qui termine après cinq ans.

Mme Bouchard (Josée): Oui, oui.

Mme Gagnon (Pâquerette): Cinq ans? Ah! La majorité termine, cinq ans.

Mme Bouchard (Josée): La majorité.

Mme Beaudoin (Rosemont): La majorité. Bon, vous me rassurez, là. O.K.

Mme Bouchard (Josée): Oui, oui.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Beaudoin (Rosemont): Bon! Non, mais c'est parce que, je trouve, ça prend du temps des fois pour finir. Au cégep aussi, ça peut prendre pas mal plus de temps. Alors, je sais qu'au Québec, quand on dit: Bon, bien, je ne sais pas, à 20 ans ou à 22 ans, bon, là, il y a des taux de réussite qui sont très comparables à ceux qu'on retrouve ailleurs dans le monde, mais que souvent, justement, disons cinq ans au secondaire, deux ans au cégep, trois, quatre ans à l'université, là, c'est rare qu'on fasse ça, là, je veux dire, dans cet ordre-là, puis qu'on termine tout à temps. Bon.

Maintenant, je voulais vous poser une question sur la valorisation, donc, du système public, quand vous dites justement: La profession enseignante doit être valorisée, donc revalorisée. Elle l'a peut-être déjà été, dans notre société, plus valorisée qu'elle l'est aujourd'hui, est-ce qu'une partie de cette dévalorisation-là est due -- je vais poser une question un peu... un peu candide, là -- au fait que c'est essentiellement féminin? Est-ce que ça dévalorise le métier que d'être essentiellement féminin?

Mme Bouchard (Josée): Bien, j'espère que non.

Mme Beaudoin (Rosemont): Bien, j'espère que non, aussi.

Des voix: Ha, ha, ha!

**(11 h 40)**

Mme Bouchard (Josée): J'espère que non. Je ne pense pas que ce soit le cas. Ce n'est pas la lecture qu'on fait, mais ce qu'on fait comme lecture quand même, c'est qu'effectivement, culturellement... Comme chez les infirmières, hein, ça a toujours été les femmes qui... au Québec, en tout cas, on va se parler du Québec, là, mais qui se sont dirigées vers ça et qui ont été valorisées très tôt vers ces métiers-là. Même avant la Révolution tranquille, c'était comme ça. Alors, c'est comme un héritage culturel qu'on a eu et puis qui fait que... Parlons-nous bien concrètement aussi, peut-être qu'aussi plus de femmes ont été attirées, compte tenu qu'elles voulaient aussi être près des enfants, de la famille. Ce sont des... la profession d'enseignante offre, je dirais, un cadre d'exercice d'emploi qui peut être intéressant, là, dans le sens où on suit le calendrier scolaire, on a des vacances durant l'été, tout ça. C'est un cadre d'exercice qui peut être perçu comme un avantage, vraiment, du moment où effectivement, historiquement, cette tâche-là, donc la responsabilité familiale, même si on enseignait, donc incombait quand même majoritairement à ces femmes, bien, je pense qu'effectivement c'est pour ça que peut-être on retrouve moins d'hommes, là, dans cette profession-là.

Il y a toute, bon, peut-être aussi la question salariale qui est autour de ça. La valorisation de la profession, écoutez, on en parlait, même chez nos professionnels, là, les... On a de la difficulté, bon, à convaincre des psychologues aussi de venir travailler avec nous parce que, bon, on ne suit pas du tout le marché, le marché privé, et tout ça. Alors, écoutez, ça peut être effectivement tous des facteurs. Maintenant, il faudrait, bien, le prouver, le soutenir par une recherche, là.

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui, parce qu'on peut imaginer que c'est plus ou moins, en effet, bien payé par rapport à d'autres métiers, disons, équivalents puisqu'on parle d'équité salariale, justement. Donc, il y a des métiers équivalents qui peuvent être mieux payés, et peut-être que les hommes, on l'a dit... en tout cas, ici, certains groupes sont venus le dire, bien, que ces métiers essentiellement féminisés... Et c'est pour ça que l'équité salariale a dû passer par là.

Mme Bouchard (Josée): Bien, je vais vous donner un exemple, Mme Beaudoin. Prenons, bon, un garçon qui aime les sciences... Parce qu'on retrouve... on a moins de problèmes à recruter des hommes en enseignement du secondaire qu'en enseignement du primaire, hein? Ça, c'est encore une autre chose. Bien, un gars qui est fort en sciences, là, il va-tu choisir d'aller enseigner en sciences? Il faut vraiment, là, que ce soit, là... qu'il ait envie d'enseigner, et tout ça, là, que... comme on dit, on appelle ça une vocation, ou il va plutôt penser à se diriger, par exemple, vers le génie, où il pourra être recruté par une grande compagnie puis peut-être gagner le double, le triple du salaire, et, bon, «the sky is the limit». Alors, c'est ça, je pense que présenter cet exemple-là, c'est comme y répondre, répondre à notre question.

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui. Une autre question, si vous me permettez, sur des choix professionnels, donc, moins stéréotypés. Je crois à ça, moi aussi, beaucoup. Ce qu'on se fait dire ou ce qu'on pense aussi, ce qu'on croit, c'est que, pour les femmes, les jeunes filles qui cherchent, donc, des métiers non traditionnels pour les femmes, souvent il y a comme une discrimination systémique, hein, je veux dire, pour aller... C'est pour ça qu'il y a des programmes, là, vous avez parlé de Chapeau, les filles!, etc. Est-ce que vous pensez que, pour les garçons qui voudraient, par exemple, venir dans ces formations enseignantes de maternelle... Vous devez en avoir encore moins, j'imagine, en maternelle. Moi, en tout cas, dans les services de garde que je visite dans ma circonscription, je ne vois pas... je vois beaucoup de jeunes femmes... C'est formidable, d'ailleurs, tous ces services de garde, mais il n'y a pas beaucoup de jeunes garçons. Est-ce que vous pensez qu'il y a une discrimination systémique aussi pour les garçons de la même façon qu'il y en a pour les filles dans certains métiers qu'on connaît très bien, là? Parlons de la construction, parce qu'on en parle souvent, qu'une jeune femme qui arrive dans la construction, ce n'est pas évident qu'elle va être accueillie à bras ouverts et qu'elle va trouver vraiment facilement sa place. Il faut être faite forte, j'imagine, pour s'en aller dans certains métiers non traditionnels quand on est une jeune femme.

Mme Bouchard (Josée): Oui.

Mme Beaudoin (Rosemont): Mais est-ce que vous pensez que l'inverse est vrai, que c'est une discrimination, donc, qui est plus systémique pour certains choix de carrière, par exemple l'école primaire et secondaire?

Mme Bouchard (Josée): Alors, dans un deuxième temps, je répondrai, mais j'aimerais, M. le Président, dans un premier temps... Me Tremblay puisse apporter un premier volet à la réponse.

M. Tremblay (Bernard): Alors, peut-être effectivement, en réponse, pour illustrer la question ou la réponse à votre question, vous savez que nous avons présentement plus de 97 % de nos enseignants du préscolaire, donc de la maternelle, qui sont des femmes. Alors, vous imaginez qu'un homme qui choisit cette carrière-là, il est dans un milieu essentiellement donc féminin, ça prend effectivement quelqu'un qui a la vocation, comme disait Mme Bouchard, et on en a, des exemples comme ça. Vous avez parlé des services de garde, les gens nous témoignent que les hommes qui... Il y en a, des hommes, en services de garde, mais les hommes qui choisissent cette profession-là, ils ont effectivement à combattre un certain préjugé, hein, parce que c'est associé à un métier de femmes. Et, vous savez, à l'époque actuelle, les hommes en particulier sont souvent victimes de... je dirais, là, d'une perception à l'effet que, s'ils veulent travailler avec des jeunes enfants, bien, c'est peut-être parce qu'ils ont des tendances pédophiles, et tout ça.

Alors, ça aussi, c'est donc aller à l'encontre de cette espèce d'idée latente qu'on trouve dans certains... dans bien des milieux. Et ça, c'est difficile, hein? Les enseignants en éducation physique, par exemple, au primaire, on le sait, ils ont dû, dans les dernières années, changer -- ils nous en témoignent -- leur approche parce qu'ils ont peur évidemment d'être perçus, s'ils sont trop proches des élèves, s'ils touchent aux élèves, comme étant, dans le fond, dans des situations de harcèlement. Et ça, c'est un phénomène qu'on connaît, qui a été décrié et qui joue, dans le fond, dans les choix de carrière, je pense, de plus en plus.

Le Président (M. Huot): Mme Bouchard, vous voulez compléter.

Mme Bouchard (Josée): Je suis contente qu'il ait relevé, là, l'exemple des profs d'éducation physique. Moi, là, je l'ai tellement entendu sur le terrain, là, les hommes me disent: Écoutez, je n'ose plus être chaleureux avec un élève. Tu sais, on voit des prédateurs sexuels partout, ça n'a plus de bon sens, là. Ça, c'est un phénomène social, là.

Et, pour ce qui est de la formation professionnelle, là, puis de l'encouragement, en tout cas, je trouve que c'est important d'encourager effectivement nos hommes à se diriger aussi vers des carrières peut-être non traditionnelles. Et je dirais qu'au premier chef c'est de valoriser la formation professionnelle, je pense que... Bien, on va avoir une belle occasion prochainement avec, en fait, une rencontre des partenaires sur la formation professionnelle technique, adéquation du marché du travail. J'espère que ce sera un espace privilégié, dans notre vie politique au Québec, pour qu'on puisse enfin, enfin, rompre avec ce préjugé qu'on a envers la formation professionnelle et qui s'explique, écoutez, historiquement et culturellement. Mais il faut faire un virage qui va nous aider à faire persévérer bien du monde au Québec, les garçons, oui, mais les filles aussi et bien sûr de pouvoir continuer à promouvoir des programmes comme Chapeau, les filles! et, oui, chapeau, les gars aussi.

Moi, écoutez, j'ai été jury six ans sur le concours Chapeau, les filles! J'ai lu plusieurs textes, et effectivement les filles qui nous racontent qu'est-ce que c'est, arriver dans un milieu d'hommes, elles ne se positionnent pas du tout en victimes, hein, ce sont des filles qui disent: Il faut simplement avoir le sens de l'humour quand on arrive dans un milieu de gars puis faire en sorte que, bien, oui, on est capables de répondre puis faire notre travail comme on l'entend. Puis, à un moment donné, bien, ils reconnaissent notre compétence aussi, notre compétence égale.

Alors, on le sait, pour les femmes qui accèdent à des... même à des postes électifs comme nous avons, on est... aussi, on est peu puis on a à travailler avec beaucoup d'hommes. Moi, au Lac-Saint-Jean, comme présidente de la commission scolaire, écoutez, autour de la table des décideurs, j'étais la seule femme. Alors, écoutez, tout ça pour dire que, oui, il faut valoriser ça de part et d'autre. Et puis je ne pense pas que ce soit seulement le cas des filles qui soit... comment on dit, être mis sous les projecteurs. C'est pour ça que je suis quand même étonnée que le groupe des femmes, là, que vous citiez un peu plus... auparavant, disait, bien, qu'on n'aurait peut-être pas besoin, là, d'investir chez les garçons. Je pense qu'actuellement où est-ce qu'on en est au Québec, les garçons ont vraiment besoin d'un coup de pouce, un fier coup de pouce de notre part.

Le Président (M. Huot): Merci beaucoup. Ça complète les échanges. Alors, Mme Bouchard, Mme Gagnon, M. Tremblay, Mme Fortier, de la Fédération des commissions scolaires du Québec, merci de votre contribution aux travaux de cette commission.

J'invite les représentants de la FEUQ à prendre place, et je suspends les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 49)

(Reprise à 11 h 53)

Le Président (M. Ouellette): Nous reprenons nos travaux en recevant la Fédération étudiante universitaire du Québec, M. Louis-Philippe Savoie, Mme Ariane Campeau et M. Laurent Viau. Je vous laisse la parole. Vous savez que vous avez 15 minutes pour nous présenter votre mémoire et, par la suite, il y aura sûrement des questions que votre mémoire suscitera de la part de la ministre et de la porte-parole de l'opposition officielle. Ça fait que je vous laisse la parole.

Fédération étudiante universitaire
du Québec (FEUQ)

M. Savoie (Louis-Philippe): Merci, M. le Président. Bon, d'abord, je tiendrais à remercier la commission pour l'invitation qui a été lancée à la fédération pour participer aux consultations qui ont cours actuellement sur le renouvellement du plan d'action sur l'égalité entre les hommes et les femmes.

Donc, pour les présentations: moi-même, Louis-Philippe Savoie, je suis président de la FEUQ; je suis accompagné d'Ariane Campeau, qui est vice-présidente exécutive de la fédération; Laurent Viau, aussi, qui est président du Conseil national des cycles supérieurs.

Avant de commencer, un mot sur la FEUQ. On regroupe 15 associations étudiantes de partout au Québec. 125 000 étudiants sont représentés au sein de la fédération. C'est 21 ans d'histoire. C'est le plus grand groupe jeunes au Québec. C'est la plus grande organisation étudiante au Québec.

Donc, d'abord, sur le contexte: la dernière fois qu'on était présents devant cette commission pour discuter d'égalité entre les hommes et les femmes, c'était dans un contexte où est-ce que le gouvernement du Québec avait coupé 103 millions dans le Programme d'aide financière aux études. Aujourd'hui, ce n'est pas un changement de méthode, mais la cible reste la même, avec un engagement, dans le dernier budget du Québec, de hausser les frais de scolarité. C'est un peu dans ce contexte-là qu'on présente notre mémoire.

Donc, dans l'élaboration de notre mémoire, nous nous sommes penchés sur deux aspects qui sont apportés par la commission. D'abord, toute la question de l'égalité économique entre les hommes et les femmes: donc, on va parler évidemment d'accessibilité aux études universitaires, frais de scolarité universitaires, aide financière aux études, la situation du quatrième stage en enseignement aussi. On se penche aussi sur l'orientation 3 sur la conciliation travail-famille.

D'abord, avant tout, il faudrait spécifier qu'on parle de conciliation études-travail-famille ici, on y reviendra plus loin, et on parle ici d'aide aux étudiants parents, du Régime québécois d'assurance parentale et de services de garde mieux adaptés pour des étudiants en milieu universitaire.

Donc, on va commencer d'abord sur les frais de scolarité universitaires. Dans le dernier budget était contenu un engagement de hausser les frais de scolarité à la fin de la politique actuelle, donc en 2012. En général, ce qu'il faut rappeler, c'est que les étudiants universitaires vivent une situation financière qui est extrêmement précaire. On le révélait dans la plus vaste enquête jamais réalisée sur les étudiants de premier cycle qu'on a lancée en novembre dernier. Plus de 12 500 répondants partout au Québec.

Au niveau des étudiants de premier cycle à temps plein, donc qui sont la population traditionnelle des universités québécoises, ce qu'on constatait, c'est un financement moyen qui est faible, 13 330 $; c'est très peu d'argent. Une conciliation entre travail, études et souvent même famille, qui est de plus en plus présente. Le quart des étudiants à temps plein travaillent plus de 20 heures par semaine en cours d'études à temps plein. Et aussi 61 % des étudiants s'endettent au cours de leurs études de premier cycle en moyenne avec une dette à la sortie de 14 000 $. On parle ici de dette non seulement à l'aide financière aux études, mais face à des cartes de crédit, marges de crédit, prêts personnels famille et amis. Donc, c'est une situation financière fragile qu'il ne faut pas négliger.

L'accessibilité aux études universitaires, au Québec, a permis au Québec de se développer, mais ça a été un important facteur aussi pour que les femmes réussissent à s'émanciper dans les 50 dernières années. On s'entend, il y a de cela environ 50, 60 ans, les femmes étaient très peu présentes à l'enseignement universitaire; aujourd'hui, ce n'est plus le cas. C'était noté aussi dans les Faits saillants de la situation sur l'égalité hommes-femmes. Un diplôme universitaire pour les femmes, ça veut dire une hausse du taux d'emploi; ça veut dire aussi le maintien du taux d'emploi en cas de grossesse, donc après l'accouchement; ça veut aussi dire une diminution des écarts salariaux entre les hommes et les femmes. Donc, c'est une façon d'assurer... Assurer un accès large à l'éducation universitaire, c'est une bonne façon d'assurer l'égalité économique entre les hommes et les femmes. Mais il faut être clair avant de poursuivre: hausser les frais de scolarité, c'est dire à des étudiants et à des étudiantes qu'on ne veut pas les voir sur les bancs d'école pour des fins monétaires.

Et aussi, il faut souligner, les femmes sont très présentes, de nos jours, à l'enseignement universitaire, mais il y a encore plusieurs obstacles de nature économiques et financiers qui se dressent encore devant eux. On a, entre autres, sorti certaines données de notre enquête pour essayer de tracer un portrait de la situation des femmes à l'enseignement supérieur. Ce qu'on a constaté d'abord, c'est qu'elles sont plus souvent inscrites à temps partiel, donc ce qui est généralement le signe d'une fragilité financière importante. On choisit généralement le régime à temps partiel parce qu'on doit travailler à temps plein pour subvenir à ses besoins.

On constate aussi un financement annuel qui est moindre, nonobstant le fait que les autres caractéristiques sociodémographiques sont similaires -- donc, je parle ici, par exemple, de l'âge. Le financement est... on parle d'un écart de 1 000 $ par année pour les étudiantes à temps plein et de 3 400 $ pour les étudiantes à temps partiel. Donc, il y a une fragilité financière ici qui est très présente.

Et aussi des études universitaires -- ça revient un peu sur la question des domaines d'études -- sont souvent moins rentables économiquement. La rentabilité du diplôme d'une femme, donc, tout au long de la vie, le bonus salarial qu'elle va avoir suite à son diplôme universitaire va être de 66 % celui d'un homme. Donc, c'est un écart qui est important. Ça signifie aussi que l'endettement accumulé en cours d'études va peser plus lourdement sur leurs épaules.

Finalement, une situation qui est assez inquiétante, c'est la question des stages obligatoires qui sont très rarement rémunérés dans les cas féminins. 14 % des stages obligatoires suivis par des femmes sont rémunérés; c'est le cas de 55 % des stages pour les hommes. Pourquoi cet écart aussi dramatique? C'est, entre autres, dû à la situation qui prévaut à l'heure actuelle dans le domaine de l'enseignement où 75 % de la population est féminine. Et le dernier stage, donc le quatrième stage après la quatrième année de bac -- c'est un bac de quatre ans, donc plus long que la moyenne -- est un stage de prise en charge complète d'une classe, de huit à 12 semaines; donc, deux à trois mois. Et, ce stage-là, les étudiantes, pour la vaste majorité, ne reçoivent aucune compensation financière et, pire encore, doivent débourser des frais de scolarité pour pouvoir s'inscrire au stage. En plus de ça, elles doivent souvent abandonner leur travail à temps partiel pour être capables d'arriver, parce qu'un stage à temps plein, c'est un emploi à temps plein. On le sait, le métier... la profession d'enseignant, ce n'est pas exactement la plus simple au monde. Donc, on a proposé, entre autres, qu'il y ait une compensation financière qui soit offerte à ces étudiantes.

Donc, pour conclure un peu sur cette question-là des frais de scolarité: encore aujourd'hui, il subsiste encore des inégalités entre les hommes et les femmes dans l'enseignement universitaire. Les chiffres le démontrent et il y a du travail qui doit continuer à être fait. Il faut permettre aux femmes d'atteindre leur plein potentiel. C'est l'objectif d'atteinte de l'égalité économique entre les hommes et les femmes. Et hausser les frais de scolarité, c'est revenir 45 ans en arrière, c'est refuser l'accès à des étudiants pour des motifs monétaires.

Par contre, ce n'est pas tout, les frais de scolarité abordables sont simplement une partie de l'équation, il faut aussi assurer un appui financier aux étudiants, ce qui passe beaucoup par le programme d'aide financière aux études. Je laisserais Mme Campeau poursuivre avec cette question.

**(12 heures)**

Mme Campeau (Ariane): Donc, effectivement, c'est impossible d'aborder la question de l'accessibilité sans mentionner l'AFE, c'est-à-dire l'aide financière aux études. Pour ceux qui sont plus ou moins familiers avec le programme, l'AFE, c'est le principal programme gouvernemental qui vise à assurer l'accès financier aux études supérieures aux étudiants les plus démunis. Le régime offre un soutien monétaire en fonction des frais globaux de fréquentation universitaire, son statut de résidence, son salaire, le salaire de ses parents, etc. Gardez cependant en tête que, dans une perspective d'accessibilité, l'AFE est un régime complémentaire à une politique de bas frais de scolarité, ça ne remplace pas une politique des bas frais de scolarité.

Reste qu'on doit quand même mettre en lumière quelques-uns des nombreux problèmes liés à l'aide financière aux études. Premièrement, les dépenses admises qui aujourd'hui n'ont plus rien à voir avec la réalité financière des étudiants. Non seulement plusieurs années d'indexation ont été omises, mais certaines catégories de dépenses doivent impérativement être ajustées, par exemple: le prix du transport en commun, qui devrait refléter le coût selon le lieu d'études; la présence ou non d'infrastructures de transport en commun, puisqu'en région on se retrouve souvent avec des endroits où c'est très... en fait, les infrastructures ne sont tout simplement pas présentes et où les étudiants doivent se retrouver avec d'autres moyens de transport; le coût d'une connexion Internet, aujourd'hui, qui est pratiquement indispensable à la poursuite des études.

Il faut aussi réviser la formule de contribution parentale. Les règles en vigueur stipulent qu'une unité familiale gagnant 30 000 $ doit contribuer aux études de leurs enfants, ce qui nous semble insensé. Pour vous donner une mesure de l'absurde, deux parents qui travaillent présentement, en 2010, à temps plein, 40 heures-semaine, et qui gagnent le salaire minimum gagnent ensemble 40 000 $, ce n'est pas beaucoup. Et contribuer aux études des enfants à partir de 30 000 $, c'est un peu aberrant. Donc, il est essentiel que le seuil de contribution parentale soit augmenté de façon substantielle afin d'offrir une aide adéquate aux étudiants.

L'endettement généré par le système lui-même est aussi un frein pour les étudiants à fonder une famille, à acheter une maison ou même à démarrer une entreprise. Dans le cas des femmes, par contre, l'impact de leur endettement est de beaucoup amplifié, premièrement parce que leur revenu moyen tout au cours de leur vie reste moindre en général que celui des hommes, donc une capacité à payer qui est moindre, durée du remboursement qui est plus grande, etc. Il faut aussi inclure la possibilité d'une grossesse rapidement suite à la fin des études, ce qui augmente aussi le poids de la dette. Ces situations-là restent actuellement très mal gérées, très mal prises en compte dans les modalités de remboursement de l'aide financière aux études. L'endettement étudiant, de toute façon, ce n'est jamais une bonne chose, et ce gouvernement doit viser la diminution de l'endettement.

Les pensions alimentaires, dossier qui fait couler beaucoup d'encre depuis quelques années, et pour cause. Premièrement, en fait, pour comprendre le problème, il faut savoir deux choses: l'aide financière aux études considère les pensions comme un revenu du parent et, deuxièmement, tout revenu du parent fait diminuer l'aide qui est reçue, en fait l'aide reçue par l'étudiant. Donc, on ne se le cachera pas, aujourd'hui encore, la plupart des parents monoparentaux, c'est des femmes, et une pension alimentaire, bien, c'est un revenu qui est à l'enfant, qui n'est pas à la mère. C'est illogique, c'est irresponsable de faire diminuer l'aide financière d'une mère monoparentale, alors que cet argent-là est censé aller à l'enfant. Les règles en vigueur sont une attaque directe à une catégorie d'étudiants qui vivent dans des conditions très précaires, puis ça détourne la mission des pensions alimentaires, qui ont, comme on le rappelle, un revenu de l'enfant. L'AFE doit donc exempter complètement les pensions du calcul des prêts et bourses.

Toujours sur le thème des étudiants-parents, les montants qui leur sont accordés pour le maintien de l'unité familiale sont insuffisants. On a mentionné, plus tôt, l'écart entre le financement accordé et les dépenses réelles étudiantes. Dans le cas des étudiants avec enfants, cette différence est encore plus criante. Un étudiant-parent, en plus d'aller à l'école, bien, ça doit faire garder son enfant, ça doit se préoccuper de son développement, ça doit se préoccuper de lui, en fait, dans sa vie de tous les jours, là. Je pense qu'il y a des gens ici qui ont eu des enfants. Mettez ça avec des études à temps plein ou à temps partiel sur le côté, ce n'est absolument pas évident à vivre. Donc, déjà, ils doivent concilier études, famille et travail, mais en plus l'AFE sous-estime de beaucoup tant les frais de subsistance que ceux de transport ou tous ceux auxquels vous pouvez penser quand vous êtes parents.

Je passerais, pour continuer sur le sujet, sur les étudiants-parents et la conciliation travail-famille, la parole à M. Laurent Viau.

M. Viau (Laurent): Donc, voilà, sur le dossier de la conciliation études-famille-travail, bien, tout d'abord, j'aimerais souligner le fait qu'historiquement le gouvernement du Québec a beaucoup plus abordé la question sous l'angle de la conciliation travail-famille. Et d'ailleurs le cahier de consultation en fait foi, on ne mentionne absolument pas l'idée de la conciliation études-famille-travail, qui se retrouve de plus en plus présente sur nos campus.

À cet égard-là, le CNCS, conjointement avec le Comité consultatif jeunes d'Emploi-Québec, a fait une étude récemment sur, justement, le thème de la conciliation études-famille-travail pour permettre d'aborder la question des conflits qui existent entre la vie sociale de l'individu et la vie familiale, et les répercussions qui sont engendrées par les conflits, justement, en question. Donc, à ce niveau-là, on aimerait vous présenter deux dossiers où, à notre égard, le gouvernement et les universités peuvent améliorer les choses par rapport à la situation des étudiant-parents.

La première touche au Régime québécois d'assurance parentale. Aux cycles supérieurs, l'âge moyen des étudiants à la maîtrise est de 28 ans, l'âge moyen des étudiants au doctorat est de 31 ans, et l'âge moyen de la maternité au Québec est de 30 ans. Donc, on voit qu'il y a vraiment un chevauchement entre les deux et qu'à un moment donné ce n'est plus possible de faire fi de ça. Puis là on ne veut pas reporter éternellement le projet familial.

Donc, en poursuivant des études avancées, les étudiants se privent de revenus importants liés à leur entrée de plain-pied sur le marché du travail. D'un autre côté, ils doivent également, dans bien des cas, repousser le projet familial. Et donc, l'horloge biologique étant ce qu'elle est, il n'est plus possible ni souhaitable de repousser indéfiniment les projets familiaux, ce qui fait en sorte qu'on se retrouve avec environ 35 000 étudiants-parents au Québec, sur une population étudiante de 265 000 étudiants.

Cela dit, il y a environ 26 % des revenus globaux des étudiants de cycles supérieurs qui sont des revenus de bourses ou d'aide financière aux études, que ce soient des bourses au mérite qui viennent des fonds subventionnaires ou de fonds institutionnels. Et, pour ceux qui en bénéficient, c'est généralement la principale source de revenus. Ces revenus-là ne sont pas pris en compte par le Régime québécois d'assurance parentale, et, à notre avis, c'est quelque chose qui est extrêmement problématique. Ça fait plus de 10 ans que le CNCS travaille dans ce dossier-là, a tenté, au moment de l'implantation du Régime québécois d'assurance parentale, de s'assurer de faire couvrir ces revenus-là, et donc, pour nous, il est temps que le gouvernement règle enfin ce problème-là.

Finalement, je vais vous parler de la question des services de garde en milieu universitaire. Rapidement, simplement vous dire que d'une part il existe très peu de places réservées aux étudiants-parents dans les CPE en milieu universitaire. Ensuite, il s'est créé très peu de nouvelles places dans les CPE, malgré une hausse importante du nombre d'étudiants-parents au cours des dernières années. Les listes d'attente peuvent atteindre deux ou trois ans, et même plus dans certains cas, ce qui, donc, fait en sorte que les étudiants sont exclus de facto des listes d'attente des CPE en milieu universitaire. Enfin, les horaires ne correspondent pas nécessairement à la réalité des étudiants. Les étudiants ne sont pas nécessairement à l'université de 8 à 6.

Et donc, pour nous, il est important que, de un, le gouvernement soutienne le développement des places en service de garde pour les étudiants-parents en milieu universitaire, qu'il y ait des places qui soient réservées pour les étudiants-parents, donc environ la moitié des places soient réservées dans ces CPE, et enfin qu'on trouve un moyen, avec le ministère de la Famille, de subventionner, en fait de développer un réseau de haltes-garderies en milieu universitaire pour justement permettre la flexibilité dont ont besoin les étudiants en ce qui concerne les services de garde.

Le Président (M. Ouellette): Merci, M. Viau.

M. Viau (Laurent): Je vais laisser conclure Mme Campeau.

Le Président (M. Ouellette): Bien, sûrement que vous pourrez, dans votre conclusion... Mme la ministre va sûrement vous permettre... Lors de ses questions, vous pourrez, à un moment donné, conclure. Mme la ministre.

**(12 h 10)**

Mme St-Pierre: Alors, merci beaucoup. Puis ces consultations sont très importantes, évidemment, pour notre prochain plan d'action en condition féminine, je pense que vous en êtes très conscients. Et ça nous permet aussi d'apprendre bien des choses, parce qu'on ne sait pas tout, puis on n'est pas conscients de tout ce qui se passe et nécessairement dans tout... dans le menu détail. Moi, vous venez de m'en apprendre une bonne: que les stages... il y a des stages rémunérés puis des stages non rémunérés. Moi, je pense... J'ai toujours pensé que les stages étaient non rémunérés pour tout le monde. Alors, vous dites qu'il y a des stages rémunérés, stages non rémunérés, puis, dans les stages non rémunérés, on trouve celui dans le quatrième stage en enseignement, qui est non rémunéré. On sait que cette discipline comprend 77 % de femmes, dans l'enseignement. Est-ce que ça serait un... C'est une question, là, qui touche un effet de cette... Du fait que ça soit non rémunéré, est-ce que c'est possible que ça soit une des raisons qui fassent que les hommes soient moins attirés vers l'enseignement ou je... ça n'a pas de...

Le Président (M. Ouellette): M. Savoie.

M. Savoie (Louis-Philippe): Ce n'est pas impossible, mais c'est un peu peut-être prendre le problème à l'envers. En fait, quand on regarde les domaines où est-ce qu'il y a des stages rémunérés et non rémunérés, on voit une cassure très souvent. Les domaines traditionnellement masculins sont très souvent rémunérés. On parle ici des domaines comme l'administration, le génie, où est-ce que tous les stages sont rémunérés, le droit. Bref, les traditions... des professions traditionnellement masculines sont très souvent rémunérées lorsqu'il y a présence d'un stage obligatoire.

Dans le cas du quatrième stage en enseignement, il est apparu au début des années 1990 avec la réforme des curriculum à l'université. C'est là qu'on a introduit, dans le fond, un quatrième stage qui est obligatoire, qui est une intégration dans le curriculum.

Ce n'est pas impossible que ça soit un facteur qui réduise l'attractivité du programme auprès des hommes. Il y a probablement d'autres facteurs aussi qui rentrent en ligne de compte, des facteurs culturels par exemple, comme ça a été évoqué plus tôt par la Fédération des commissions scolaires. Par contre, ça place les stagiaires dans une situation économique qui est extrêmement inconfortable en fin de parcours, surtout qu'on sait que l'intégration professionnelle des nouveaux professionnels... des nouveaux professeurs, pas nécessairement très facile, ce n'est pas nécessairement les meilleures situations. Et en plus que non seulement le stage est non rémunéré, mais que les stagiaires doivent assumer une facture, en termes de frais de scolarité, qui peut être importante, simplement pour s'inscrire dans le stage. Ce n'est pas un cours de trois crédits, ça peut être six, neuf, 10, 12 crédits parfois, donc une facture qui peut aller jusqu'à 1 000 $ à l'heure actuelle, peut-être plus en 2012 avec la hausse des frais de scolarité. Ça peut réduire l'attractivité, mais aussi c'est une situation qui est très problématique pour les stagiaires à l'heure actuelle. C'est vraiment... Pour nous, c'est une question vraiment... Il y a un écart important en matière d'égalité hommes-femmes dans cette situation-là.

Mme St-Pierre: Est-ce que...

Le Président (M. Ouellette): Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Sur les statistiques des étudiants universitaires qui sont également parents, est-ce que... Ce que vous nous avez dit tout à l'heure, c'est qu'il y aurait 35 000 étudiants ou étudiantes universitaires qui sont aussi... également parents, sur 265 000. Est-ce que c'est ça ou c'est des étudiants de niveau maîtrise ou doctorat? C'est l'ensemble?

Le Président (M. Ouellette): M. Viau.

M. Viau (Laurent): En fait, c'est 4,3 % des étudiants de premier cycle à temps plein, 26,6 % des étudiants de premier cycle à temps partiel et 17,3 % des étudiants de cycles supérieurs de façon générale, maîtrise, doctorat.

Le Président (M. Ouellette): Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Ça, c'est en termes de pourcentage, mais, en termes de nombre, c'est 35 000.

M. Viau (Laurent): Oui.

Mme St-Pierre: O.K. Tout à l'heure, avant vous, on parlait des prêts, bourses. Vous êtes des étudiants... vous représentez des étudiants universitaires, mais je veux quand même vous poser la question: Les prêts et bourses pour des formations, des formations professionnelles, est-ce que... L'accès aux prêts et bourses des formations professionnelles, est-ce que vous seriez d'accord avec ça dans le système, dans le système de prêts et bourses qu'on connaît?

Le Président (M. Ouellette): M. Savoie.

M. Savoie (Louis-Philippe): C'est actuellement prévu aux règles de l'aide financière aux études. Le programme de prêts et bourses est accessible aux étudiants des niveaux secondaire professionnel, collégial et universitaire. Par contre, c'est uniquement pour le régime à temps plein. Ça n'a pas été abordé dans le mémoire, mais les étudiants qui sont inscrits au régime d'études à temps partiel sont éligibles à un programme, qui est le programme de prêts pour études à temps partiel, qui est très mésadapté face à la réalité. Dans le cas universitaire, par exemple, c'est un montant forfaitaire qui est offert, qui est considéré comme étant une moyenne des frais de scolarité et des frais affairants qui sont payés, qui, en fait, ne correspondent même pas à la facture universitaire. C'est basé sur des moyennes qui sont décalées, qui n'ont pas été ajustées depuis 10 ans. C'est un programme qui ne correspond pas vraiment à la réalité, en fait, le programme de prêts à temps partiel.

Mme St-Pierre: Sur la population étudiante, on sait qu'il y a une augmentation du nombre de femmes dans les niveaux universitaires, bon, des professions qui, autrefois, étaient presque uniquement pour les hommes: médecine... médecins, avocats. Aujourd'hui, il y a... plus de 50 %, ce sont des femmes. Pour attirer des femmes vers les professions non traditionnelles, vers des secteurs non traditionnels, est-ce que vous auriez des idées à nous suggérer? Et l'inverse, attirer des étudiants dans des formations moins traditionnelles pour les hommes, comme l'enseignement par exemple. Qu'est-ce qu'on pourrait faire pour stimuler l'égalité entre les hommes et les femmes, en termes de chiffres, dans ces disciplines-là?

Le Président (M. Ouellette): M. Savoie.

M. Savoie (Louis-Philippe): Bien, il y a certainement plusieurs façons de procéder. Ce n'est pas nécessairement une question qu'on a étudiée en profondeur. On pourrait, par exemple, faire la promotion des différents métiers non traditionnels. Par contre, si on érige des obstacles supplémentaires à la fréquentation universitaire via une hausse des frais de scolarité et une augmentation de l'endettement étudiant, c'est certain que ça va rendre réfractaires certaines personnes à suivre des cheminements qui sont moins traditionnels parce que ça implique une prise de risque, dans ce cas-là, qui va être plus importante, pour s'exprimer en termes un peu économiques. Pour un homme, par exemple, de ne pas... Prenons un exemple: un homme qui aurait le choix entre le génie et l'enseignement. Si on hausse les frais de scolarité, il va certainement choisir, de un, ce qui est plus traditionnel pour lui, le génie, de deux, ce qui est plus rentable pour lui, plutôt que de choisir quelque chose pour lequel il serait probablement très qualifié mais que son... voyons, son calcul au final, à l'entrée... voyons, est un peu faussé. Il y a aussi un autre élément. Je laisserais M. Viau compléter.

M. Viau (Laurent): L'autre élément que je crois qui est important, c'est de voir aussi le décalage entre chaque cycle d'études. Au premier cycle, les femmes sont très majoritaires aux études universitaires, alors qu'à la maîtrise on arrive à peu près à la parité. Au doctorat, ça réduit de beaucoup, et donc les hommes sont majoritaires à ce cycle d'études là. Il y a une raison pour ça, puis c'est, entre autres, le fait qu'à un moment donné le projet familial prend le dessus. Et donc, à notre avis, justement c'est là que le dossier du Régime québécois d'assurance parentale devient extrêmement important.

Donc, le fait de pouvoir savoir que d'une part on est capables de continuer les études, qu'il n'y a pas nécessairement d'impact négatif sur la famille, alors, ça, c'est quelque chose qui va pouvoir faire en sorte que les femmes vont pouvoir avoir accès également aux cycles supérieurs, et non pas simplement réfléchir en termes de quels types de programmes est-ce qu'ils vont choisir.

Le Président (M. Ouellette): Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Je n'ai pas d'autre question, M. le Président. Merci beaucoup.

Le Président (M. Ouellette): Mme la députée de Rosemont, porte-parole de l'opposition officielle.

Mme Beaudoin (Rosemont): Bonjour à tous les trois, et bienvenue à notre commission. Moi aussi, je voudrais revenir sur cette question du stage non rémunéré, je voudrais bien comprendre. Donc, c'est un stage obligatoire, donc, pour devenir enseignant, et c'est le quatrième, si je comprends bien, et dernier stage. Et qui a décidé -- puis comment se fait-il que ce ne soit pas rémunéré, alors que justement c'est obligatoire? -- qu'il faut payer, comme vous dites, pour s'inscrire, puis ensuite payer tous les frais afférents pour s'y rendre, j'imagine, à cette école-là, etc., bon, alors qu'on prend, je comprends bien, en charge une classe pendant quelques mois dans le cadre de ce stage-là? Alors, comment en est-on venu à quelque chose, je dirais, d'aussi injuste, finalement, parce qu'on travaille, parce qu'il faut que, ce stage-là, on le fasse pour obtenir son diplôme etc., et que systématiquement, donc, dans ce secteur-là... Il a été convenu entre qui et qui que ce serait non rémunéré partout et pour tout le monde?

Le Président (M. Ouellette): M. Savoie.

M. Savoie (Louis-Philippe): Bien, la détermination de la politique globale en matière de rémunération, ou de non-rémunération, ou de compensation financière du quatrième stage en enseignement relève du ministère de l'Éducation. Donc, en reformant les curriculum, en allongeant le baccalauréat de un an et en changeant le mode d'attribution de l'autorisation d'enseigner, c'est à ce moment-là, dans ce cas-là, que le stage terminal a été créé et est maintenant non rémunéré.

Cela dit, il y a une volonté de changement qui existe. Depuis plusieurs années, les associations étudiantes en éducation l'ont souligné. Je soulignerais entre autres l'association en éducation de l'Université du Québec à Montréal, l'association de l'Université de Montréal aussi et plusieurs autres. C'est un dossier sur lequel on s'est penchés depuis plusieurs années. Il y a aussi plusieurs acteurs du milieu de l'éducation qui nous appuient dans cette démarche-là, entre autres la Fédération des syndicats de l'enseignement, associée à la Centrale des syndicats du Québec, la Fédération des commissions scolaires du Québec, la Fédération autonome de l'enseignement.

Il y a eu des réflexions au sein du ministère de l'Éducation sur cette question-là. Par contre, elles n'ont toujours pas abouti à ce moment-ci. Donc, on croit qu'il est temps de passer à l'action, ça fait, somme toute, longtemps qu'on sait que ce problème-là existe. Ce qu'on a proposé comme solution, c'est d'octroyer une compensation financière pour les stagiaires, pour s'assurer, dans le fond, qu'elles aient au moins un minimum pour être capables de passer à travers le stage sans devoir contracter un endettement supplémentaire ou devoir concilier un stage à temps plein de l'ordre de 50 heures par semaine avec du travail à temps partiel et une dette sur la carte de crédit pour être capables d'arriver.

Il y a une volonté d'avancer au niveau d'à peu près tous les acteurs au milieu de l'éducation, mais il serait temps que ça commence à déboucher. C'est un problème qui est extrêmement important pour un domaine qui est, encore aujourd'hui, majoritairement féminin.

**(12 h 20)**

Mme Beaudoin (Rosemont): Merci. Je voudrais revenir aussi sur la relation, si je peux dire, entre la hausse des frais de scolarité et puis une hausse du régime d'aide financière. Souvent, on fait la corrélation: oui, on va hausser les frais de scolarité, mais, comme on va hausser en même temps le régime d'aide financière de prêts et de bourses, etc., finalement, l'un dans l'autre, ça va se compenser, et il n'y aura pas ce problème d'accessibilité dont vous nous parlez, puisque le régime d'aide financière... Bon. Et, vous, vous dites bien -- puis c'est écrit en gras: «C'est faux!» On ne peut pas faire cette... J'aimerais ça vous entendre un peu plus là-dessus: Pourquoi ça ne peut pas finalement compenser l'éventuelle hausse de frais de scolarité si on change ce régime d'aide financière pour qu'il soit plus intéressant pour les étudiants?

Le Président (M. Ouellette): M. Savoie.

M. Savoie (Louis-Philippe): O.K. On va y aller en deux temps, je vais commencer, Mme Campeau va poursuivre sur le régime comme tel. Donc, de un, c'est... D'abord, ce qu'on peut constater dans les autres provinces canadiennes, lorsqu'il y a eu des hausses de frais de scolarité, on a évincé du monde. Le cas de la médecine, c'est le plus parlant. Le Journal of Medical Education s'est penché sur la question. Il a évalué la composition sociologique des programmes de médecine au Québec et dans le reste du Canada. La conclusion qu'il en a tirée est on ne peut plus claire. Au Québec, les programmes sont composés de manière plus égalitaire et reflètent mieux la société québécoise que dans les autres programmes de médecine dans le reste du Canada.

En termes plus clairs, on a évincé les plus pauvres de la classe moyenne des programmes de médecine dans le reste du Canada en haussant leurs frais de scolarité. Nonobstant le fait qu'il y ait eu des bonifications au niveau de l'aide financière aux études dans ces programmes-là, qu'il y a même eu des programmes de bourses spécifiques qui ont été créés pour certaines populations, ça n'a pas réussi à les préserver. Pourquoi? Parce que s'inscrire aux études universitaires, c'est nécessairement une prise de risque. C'est le choix entre entrer sur le marché du travail ou poursuivre pendant trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf ans, dans certains cas, un programme d'études pour... aussi tous les sacrifices que ça engendre, ne serait-ce qu'au niveau de la gastronomie et au niveau, évidemment, de l'endettement qui est engendré. Ce sont toutes des barrières. Et, si on augmente les frais de scolarité, cette barrière-là va continuer à exister, va même s'accentuer.

Ce qu'on constate aussi, dans le concret, lorsqu'il y a des hausses de frais de scolarité, les régimes d'aide financière ne suivent tout simplement pas le rythme. Ça n'arrive pas. L'objectif d'une hausse des frais de scolarité, ce n'est pas de bonifier l'aide financière aux études, c'est toujours d'avoir plus d'argent. Sur le régime actuel, je laisserais Mme Campeau compléter.

Le Président (M. Ouellette): Mme Campeau.

Mme Campeau (Ariane): Oui. J'ai quand même... En fait, on a commencé la présentation sur l'aide financière avec ça. Un régime d'aide financière aux études, c'est complémentaire, ce n'est pas de l'accessibilité avec une baguette magique. Déjà, à l'heure actuelle, il y a beaucoup de problèmes dans l'aide financière aux études. On peut cibler... le chiffrer à 240 millions, si je ne me trompe pas. Il faudrait peut-être commencer par régler les problèmes avant d'en créer d'autres.

Les hausses de frais de scolarité, il y a effectivement 25 % qui retournent dans l'aide financière aux études, mais ça ne fait que bonifier selon les paramètres qui sont déjà là. Donc, on ne va pas régler le problème, on va juste en accentuer plusieurs et... autant de par l'aide financière aux études que tout simplement par les anticipations, les anticipations d'une dette, les anticipations de ne pas avoir de revenu constant pendant certaines années. La socialisation aussi, si on vous a encouragé à faire ou pas des études.

Ça crée différentes catégories d'étudiants qui sont beaucoup plus fragiles. Là-dedans, on rentre les étudiants-parents, on rentre les mères monoparentales qui ont des enfants et c'est... Des hausses de frais de scolarité massives, comme celles qu'on nous annonce présentement, ça va affecter directement ces populations-là. Ça va directement affecter les étudiants qui sont les plus fragiles, qui sont le plus insécures, qui vont lâcher le plus facilement.

Je vous donne un exemple. En Abitibi, leur étudiant type, ce n'est pas un étudiant, c'est une étudiante qui a entre 30, 35 ans, qui a un, deux enfants, qui ne va pas travailler dans les milieux traditionnels miniers de première transformation, qui va aller à l'université, prendre des cours à temps partiel, qui n'a pas droit à l'aide financière aux études, qui doit travailler en même temps et tout amalgamer ça en même temps. Si on hausse les frais de scolarité, qu'est-ce qui va se passer en Abitibi? Il y a un très faible taux là-bas de diplomation. Puis toutes les mesures qui sont en place en termes d'accessibilité, c'est pour favoriser l'éducation.

En haussant les frais de scolarité, on touche directement ces populations-là, les populations les plus fragiles, et les populations les plus fragiles sont constituées en général, majoritairement, de femmes.

M. Viau (Laurent): Est-ce que je peux compléter?

Le Président (M. Ouellette): M. Viau, vous pouvez compléter, certainement.

M. Viau (Laurent): ...on sait également sur ce... Je ne répéterai pas sur les impacts directement de la hausse des frais de scolarité. Par contre, je vais y aller sur la volonté du gouvernement d'améliorer la situation des étudiants et donc de bonifier l'aide financière aux études.

Un des premiers gestes qu'a commis ce gouvernement en entrant au pouvoir, c'est de couper 103 millions de dollars en bourses pour les transférer en prêts étudiants, donc augmenter directement l'endettement étudiant. Par la suite, lorsqu'il a haussé les frais de scolarité en 2007, il a renié une partie de ses engagements dans l'entente, justement, qui a été prise en 2005 avec les étudiants pour revenir sur, justement, la coupure de 103 millions. Et donc une bonne partie de l'aide financière supplémentaire qui doit servir à couvrir la hausse des frais de scolarité est maintenant accordée sous forme de prêts plutôt que sous forme de bourses. On change, on module le plafond de prêts, et donc le niveau d'endettement, en fonction de la hausse des frais de scolarité, ce qui nous apparaît aberrant.

Et finalement, depuis l'année dernière, on sait qu'il y a de l'argent supplémentaire, de l'argent neuf qui nous vient d'Ottawa dans le cadre d'une hausse du... bien, en fait, de la création du Programme canadien de bourses aux étudiants, donc 30 millions supplémentaires qui n'ont pas été réinvestis en aide financière aux études, alors que le gouvernement du Québec en avait la chance. Alors, il me semble que le gouvernement n'a pas fait preuve de bonne foi en la matière, et donc on n'a aucune confiance au fait qu'une hausse supplémentaire des frais de scolarité, surtout au niveau qui est proposé, va... que l'aide financière aux études va suivre et donc va compenser les problèmes qui vont avoir été engendrés.

Le Président (M. Ouellette): Merci, M. Viau. M. le député de Terrebonne.

M. Traversy: Merci, M. le Président. Alors, écoutez, vous avez fait un excellent mémoire, encore, sur la question. Peut-être, vous posez celle qui est importante peut-être dans le cadre d'une préparation d'un plan pour l'atteinte à l'égalité hommes-femmes. Vous avez un discours qui est cohérent, avec une logique puis une philosophie indéniables. Vous gardez toujours le même cap, peu importe la commission dans laquelle on se rencontre.

Et j'aimerais donc savoir, dans ce mémoire qui compose... qui est composé de 17 recommandations, vous parlez évidemment de plusieurs choses, de frais de scolarité, vous parlez des stages non rémunérés, des places en garderie, même des coûts de l'Internet, des pensions alimentaires, quelle serait, selon vous, donc, la mesure à prioriser, parmi toutes celles-ci, pour... que vous souhaiteriez retrouver dans un plan d'action gouvernemental pour l'atteinte égalité hommes-femmes. Est-ce qu'il y en a une, selon vous, qui ressort plus que les autres?

Le Président (M. Ouellette): M. Savoie.

M. Savoie (Louis-Philippe): L'attaque la plus directe qu'on voit à l'heure actuelle, par rapport aux recommandations qu'on fait évidemment, c'est ce qui a été mis de l'avant dans le dernier budget concernant les frais de scolarité universitaire. Toutes les recommandations qu'on met de l'avant sont importantes et, à notre sens, peuvent permettre de progresser en matière d'accessibilité aux études universitaires et de permettre de poursuivre le cheminement vers une meilleure égalité économique entre les hommes et les femmes. Par contre, si on hausse les frais de scolarité, on va finir par effacer tout le chemin qu'on aurait fait, si on applique les 16 autres recommandations sans appliquer la première, c'est aussi simple que ça. Si on bonifie l'aide financière aux études mais qu'on hausse les frais de scolarité, on perd du monde. Si on hausse les frais de scolarité mais qu'on travaille sur d'autre chose, au final, on finit par se tirer dans le pied comme société.

Le Président (M. Ouellette): Je pense que Mme Campeau brûle d'impatience de terminer la réponse.

Mme Campeau (Ariane): Bien, tout juste une simple précision. On parle beaucoup de mesures spécifiques pour aider des groupes, mais il n'y a rien de tel qu'une mesure universelle pour aider tout le monde. Et, dans ce cas-ci, la hausse de frais de scolarité, comme j'ai mentionné tantôt, va attaquer directement les groupes les plus faibles. Donc, hausse... pas hausse universelle, pardon, mais mesure universelle, c'est ce qui va avoir le plus d'impact, autant au niveau de l'équité et de l'égalité hommes-femmes que de tout ce qui concerne le reste du monde universitaire.

Le Président (M. Ouellette): Dernière question, pour une minute, M. le député de Terrebonne.

M. Traversy: Donc, rapidement, en résumé, c'est tout ce qui concerne donc l'accessibilité aux études, ce serait donc d'envisager, dans un plan d'action visant l'égalité hommes-femmes, de retrouver une clause qui emmènerait le gouvernement du Québec à s'engager davantage dans cette voie-là. Et donc je comprends bien que tout ce qui concerne l'étude, le travail, la famille viendrait, à ce moment-là, par cette politique globale, s'améliorer. Ce serait donc dans cet axe-là que le gouvernement puis les parlementaires devraient s'aligner.

Le Président (M. Ouellette): En 45 secondes, M. Savoie.

M. Savoie (Louis-Philippe): Pour nous, effectivement, l'éducation universitaire, on le voit dans les chiffres, on le voit partout, c'est un vecteur de mobilité sociale. C'est une façon, pour les étudiants et les étudiantes qui ont le talent, qui peuvent aspirer à des études universitaires, de pouvoir atteindre leur plein potentiel, faire rayonner le Québec et pouvoir ainsi développer notre société. On croit que... On croit tout à fait à l'objectif que... à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, et, pour ça, ça prend, entre autres, une éducation universitaire robuste, de qualité mais accessible à tous et à toutes, en fonction du talent et non en fonction du portefeuille.

Le Président (M. Ouellette): Sur ces belles paroles, M. Louis-Philippe Savoie, Mme Ariane Campeau, M. Laurent Viau, représentant la Fédération étudiante universitaire du Québec, merci beaucoup de vous être joints à nous aujourd'hui.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 30)

 

(Reprise à 14 h 6)

Le Président (M. Bernier): À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le document intitulé Pour que l'égalité de droit devienne une égalité de fait -- Vers un deuxième plan d'action gouvernemental pour l'égalité entre les femmes et les hommes.

Cet après-midi, nous recevrons, dans une première rencontre, le groupe À coeur d'homme, par la suite suivront l'Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées et le Réseau des femmes d'affaires du Québec, et nous terminerons avec Réalisatrices équitables. Donc, je vous souhaite une bonne après-midi à tous. Merci d'être là.

Je vous donne la parole. La parole est à vous pour une période de 15 minutes en vous identifiant, s'il vous plaît, et en identifiant les personnes qui vous accompagnent.

À coeur d'homme, Réseau d'aide aux
hommes pour une société sans violence

M. Blanchette (Daniel): Merci, M. le Président. Alors, merci pour l'invitation à cette tribune pour présenter... nous permettre de présenter notre positionnement de même que quelques recommandations en vue du prochain plan d'action gouvernemental en matière d'égalité entre les femmes et les hommes.

Mon nom est Daniel Blanchette. Je suis président d'À coeur d'homme et je suis également directeur et responsable clinique d'un organisme dans la région de Lanaudière. Et je partagerai ma présentation avec mes collègues: ici, à ma gauche, Mario Trépanier, qui est coordonnateur d'un organisme à Valleyfield; et Sylvain Lévesque, à ma droite, qui est directeur général d'À coeur d'homme, de l'association. Et je veux mentionner également la participation de notre collègue Yves C. Nantel, qui est coordonnateur général d'un organisme à Montréal qui a également collaboré à la rédaction du mémoire.

Alors, tout d'abord, je souhaite réitérer notre appui indéfectible aux fondements de la politique gouvernementale en matière d'égalité entre les femmes et les hommes. Puis je vais les reformuler un peu en résumé, mais à notre manière. Alors, malgré d'importants progrès, il reste beaucoup de chemin à faire, à parcourir et de défis à relever pour parvenir à une véritable culture de l'égalité et qu'en soient imprégnés tous les rapports sociaux.

Les femmes et les hommes doivent avoir des conditions égales pour exercer pleinement leurs droits, exercer leur potentiel ainsi que contribuer à l'évolution politique, économique, sociale et culturelle tout en profitant également de ces changements. Puis la liberté de choix des femmes comme des hommes doit reposer sur l'égalité de droit, des responsabilités et des possibilités.

Alors, évidemment, nous traiterons principalement de la question des changements en matière de rôles de genre, compte tenu de notre champ d'action spécifique qui est d'intervenir auprès des hommes aux prises avec des comportements violents en contexte conjugal et familial. Alors, nous considérerons cette question-là à travers l'incidence sur les orientations concernant l'intégrité des femmes et leur sécurité dans tous les milieux de vie ainsi que la promotion des modèles de rapports égalitaires.

Alors, nous sommes aussi heureux d'être ici pour une deuxième fois, hein, nous avions fait une présentation précédemment, en 2005, et nous avons la conviction que ce n'est qu'ensemble, en collaboration, les femmes, les hommes et toutes les instances et structures sociales, que sera possible l'atteinte de l'égalité de fait. Alors, je cède la parole à mon collègue Sylvain.

**(14 h 10)**

M. Lévesque (Sylvain): Merci beaucoup, Daniel. Merci aux membres de la commission de nous accueillir également.

Très rapidement, je voudrais vous dresser un portrait, qu'est-ce que l'association, parce que malheureusement elle n'est pas très bien connue par l'ensemble des gens au Québec. On est une association... Premièrement, les premiers groupes qui interviennent auprès des hommes en violence conjugale ont vu le jour en 1982. Comme vous voyez, c'est assez récent dans l'histoire, et l'association elle-même, en 1987, a été fondée. Présentement, l'association compte 25 membres répartis dans 13 régions du Québec. Donc, comme vous voyez, il y a un déploiement assez large et assez représentatif de l'ensemble du territoire québécois. Et notre mission est d'agir comme ambassadeurs de nos membres afin de promouvoir, au niveau sociopolitique, un réseau oeuvrant en transformation sociale visant justement des rapports égalitaires et sans violence. Le cadre de la commission cadre très bien.

Nos organismes, qu'est-ce qu'ils ont en commun? C'est justement d'offrir des services aux hommes ayant des comportements violents via des entrevues d'accueil, des entrevues d'évaluation, en offrant des programmes individuels ou de groupe en matière de violence conjugale. Évidemment, plusieurs d'entre eux offrent un programme... un suivi postprogramme justement pour s'assurer que les bons comportements acquis en cours de thérapie puissent justement se poursuivre et que les hommes soient bien encadrés. Nous offrons aussi des activités de sensibilisation, des activités de prévention et nous participons à de nombreux lieux de concertation sur les différents territoires québécois. Vous savez, il y a des tables de concertation en violence et dans différentes autres sphères qui nous touchent. Parallèlement à ça, tous nos membres ont développé des activités parallèles répondant à divers besoins sur leurs territoires pour justement donner une couleur locale aux actions, parce que nous sommes des organismes communautaires autonomes.

Pour vous dresser un portrait également de l'ampleur des gens que nous accueillons, nous recevons, je vous dirais, plus de 3 500 hommes dans l'ensemble du réseau que nous desservons, 3 500 hommes par année en entrevues d'accueil et en entrevues justement d'évaluation pour voir si on peut intégrer les hommes dans nos programmes plus spécifiques. La majorité des hommes qui viennent nous voir sont soit référés par le réseau de la santé et des services sociaux et également une bonne partie d'entre eux via le service... le système judiciaire. Donc, ces deux systèmes référents là représentent environ 75 % des hommes qui viennent nous voir. Les autres personnes étant des personnes qui par elles-mêmes ont entendu parler des ressources et viennent nous voir de leur propre chef.

L'association, au fil des années, est assez engagée. Je vous dirais, premièrement, on est impliqués au niveau de la recherche. On participe tant avec le groupe que vous avez rencontré, je crois, le CRI-VIFF, et également avec Masculinités et Société, ce sont des groupes de chercheurs qui interviennent dans notre expertise. Nous sommes très impliqués, comme association, dans différents milieux de concertation, notamment la Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles, et plus spécifiquement, au cours des dernières années, auprès des médiateurs familiaux du Québec. Ça a été une très belle activité de concertation qu'on poursuit présentement. Nous participons à de nombreuses activités de sensibilisation via des campagnes de sensibilisation, autant celles du gouvernement du Québec qu'une spécifique que nous avons développée. Et nous nous affairons à former entre nous et à former nos intervenants afin de partager nos expertises, améliorer nos connaissances, améliorer notre façon de faire auprès... et finalement reprendre des bonnes stratégies que tout le monde peut avoir développées dans leurs territoires.

Permettez-moi, avant de céder la parole à mon collègue, de vous donner quelques grandes réalisations au cours des dernières années. Nous avons développé deux campagnes de sensibilisation, une en 2007 et une qui sera lancée dans une dizaine de jours. Donc, je vous lance un peu le scoop aujourd'hui. Et nous avons contribué, au cours des derniers mois, de la dernière année, à former plus de 300 médiateurs familiaux en violence conjugale avec d'autres partenaires, notamment les maisons d'hébergement du Québec et les médiateurs familiaux du Québec. Et, en plus, nous avons, l'année passée, fait un colloque national, qui regroupait des intervenants de l'ensemble du Québec, portant sur la problématique des enfants exposés à la violence et la transmission intergénérationnelle des comportements violents. Donc, vous voyez... et puis j'en ai oublié un très important, on est en train de travailler sur tout le volet de l'homicide conjugal. Donc, autant sur la recherche que sur la formation, nous travaillons à ça car, vous vous en doutez bien, c'est l'élément le plus extrême de la violence conjugale, malheureusement, l'homicide conjugal. Alors, c'est une préoccupation qui nous occupe beaucoup au cours de la dernière année et des prochains mois à venir.

Alors, vous avez une bonne idée de l'association. Maintenant, pour vous parler un peu plus en détail de la problématique et de nos recommandations, je céderais la parole à mon collègue, Mario Trépanier.

M. Trépanier (Mario): Merci.

Le Président (M. Bernier): M. Trépanier.

M. Trépanier (Mario): Bien, bonjour. On va prendre quelques minutes pour tracer, si vous permettez, un bref portrait, là, de la violence conjugale au Québec, et en particulier des disparités entre les hommes et les femmes en la matière. De plus en plus, les milieux de recherche et les milieux d'intervention considèrent que, pour mesurer la violence conjugale, il faut plusieurs indicateurs pour tenir compte en particulier de la complexité de la problématique. On sait assez bien, selon les enquêtes sociales générales, le nombre d'agressions commises chaque année au Québec, on parle d'environ 60 000 agressions commises en contexte conjugal, agressions qui correspondent, dans le fond, à des crimes, autrement dit, voies de fait, principalement, harcèlement, menaces de mort. On sait également que 65 % de ces agressions sont commises envers des femmes. On évalue annuellement à 39 000 le nombre de cas, d'incidents de violence conjugale criminelle envers des femmes.

Un autre indicateur qui est très important, parce qu'il n'y a pas juste les agressions, il y a l'élément de la sévérité de la problématique, de la répétition des agressions, et on ajoute à ça une autre dimension qui est les conduites contrôlantes qui accompagnent ces agressions. Par «conduites contrôlantes», on entend généralement jalousie, surveillance, tentative de restreindre les contacts de la partenaire ou du partenaire avec le réseau social ou avec la famille, contrôle économique, destruction des biens, donc c'est la forme que généralement on connaît comme étant la plus grave de violence conjugale. On évalue à autour de 11 % le nombre de couples au sein desquels on retrouve de la violence conjugale qui serait dans une dynamique de type, justement, de rapport de domination conjugale. Et c'est la forme particulièrement, je le disais, la plus grave.

Un autre indice... Ça va être la dernière statistique, là, parce que ça fait... c'est déjà beaucoup de statistiques. Regardez, Sylvain disait: L'effet le plus terrible de la violence conjugale, c'est évidemment les homicides conjugaux. On en compte une vingtaine chaque année au Québec. Et, quand on observe sur 20 ans l'incidence des homicides conjugaux, on s'aperçoit que 83 % des victimes sont des femmes. On trace ce portrait-là d'abord pour se rappeler l'inéquité entre les hommes et les femmes, il n'y a pas de... de symétrie, hein, c'est important de se rappeler cet élément-là.

D'ailleurs, mon collègue Daniel va, un petit peu plus tard, vous mentionner certains éléments de recommandation ou de suggestion qu'on entend faire pour favoriser une lutte beaucoup plus active et beaucoup plus importante en matière de réduction des incidents des comportements violents chez les hommes.

Il y a un autre constat, par contre, que ça nous permet de faire, ça nous permet de voir qu'en violence conjugale il y a une diversité des dynamiques de pouvoir, et c'est important, à notre avis, de tenir compte de cette diversité des dynamiques de pouvoir, notamment pour bien évaluer les cas de dangerosité. Et on souhaite, dans les prochaines années, sensibiliser un peu plus nos partenaires à tenir compte, dans l'ensemble des mesures qu'on va prendre en violence conjugale, de ces dynamiques de pouvoir et de la dangerosité qui s'y rattache.

Un élément un petit peu plus délicat à apporter, je me permets... on se permet de le faire, c'est de rappeler que, dans tous les milieux, on reconnaît qu'il y a des hommes qui subissent la violence conjugale. Par contre, actuellement, au Québec, 100 % des ressources destinées aux personnes subissant de la violence conjugale s'adressent exclusivement aux femmes. Et donc on souhaiterait pouvoir se pencher sur cette question-là et qu'on puisse venir en aide aux personnes en danger, et à toutes les personnes en danger sur cette question-là, on souhaiterait qu'il y ait une préoccupation un petit peu plus grande et probablement des services un petit peu mieux adaptés aux besoins des hommes, en particulier ceux qui subissent un rapport de domination conjugale. Mais, pour faire ça, ça contrevient à un stéréotype important chez les hommes, le stéréotype voulant qu'un homme qui subit des épreuves, et même qui est victime de violence, doive s'en sortir seul, faire preuve de robustesse, de courage, d'agressivité. Et on est donc dans une dimension où on peut contribuer à la lutte aux stéréotypes en favorisant ce genre de mesures là. Je vais céder la parole à mon collègue Daniel.

**(14 h 20)**

M. Blanchette (Daniel): Alors, initialement, l'aide aux hommes en violence conjugale a été initiée sous forme de complément en réponse aux besoins des femmes qui subissaient de la violence conjugale. Et, pour nous, ça s'avère incontournable d'aborder la problématique de la violence conjugale, je dirais, par les deux bouts, alors non seulement par les efforts faits en vue de venir en aide aux victimes de violence conjugale pour les aider à sortir du cycle de cette violence, mais aussi en impliquant des hommes dans un processus de changement.

Alors, combinant la responsabilisation des auteurs de violence et la diminution de l'incidence des agressions et avec... jumelées avec les différentes motivations des hommes qui nous demandent de l'aide... puis je vous en énumère juste quelques exemples: un homme qui veut surmonter une situation de crise, qui veut mieux comprendre et trouver les moyens pour apaiser sa colère, mieux gérer son impulsivité, mieux composer avec les conflits, puis... ou encore, et ça, c'est une des plus importantes, éviter que ses enfants se retrouvent exposés à la même violence qu'eux-mêmes ont été exposés étant jeunes. Alors, ça permet d'atteindre, ça, des résultats qui s'inscrivent véritablement dans un processus de changement.

Alors, il a été démontré aussi que l'abandon des comportements violents semble facilité largement par le développement de la relation d'aide qui s'appuie spécifiquement sur les besoins de chaque individu, et c'est ce à quoi on travaille.

Le Président (M. Bernier): Une trentaine de secondes pour conclure, M. Blanchette, avant de passer aux échanges.

M. Blanchette (Daniel): Ah! d'accord.

Le Président (M. Bernier): Si vous voulez conclure.

M. Blanchette (Daniel): Écoutez, actuellement, on vient en aide à 9 % des hommes en situation de violence conjugale au Québec et on souhaite vivement pouvoir en rejoindre 30 % pour avoir une incidence beaucoup plus marquée sur l'ampleur de la problématique. Merci.

Le Président (M. Bernier): Voyez, c'est très intéressant, mais le temps file très rapidement. Nous allons passer aux échanges immédiatement. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme St-Pierre: Oui. Merci beaucoup d'être parmi nous. C'est très intéressant et surtout très important que vous soyez là pour nous éclairer évidemment sur le travail que vous faites, qui est un travail qui est formidable, et avec des petites ressources, et également un travail qui est essentiel. Parce que vous avez utilisé un terme que je trouve tout à fait parfait, c'est «complémentarité» aux services des femmes, et, si on n'agit pas sur l'autre bout du problème, on n'arrivera à rien.

Et je vois... dans vos recommandations, bien sûr, vous nous demandez de faire en sorte qu'on ait des mesures spécifiques qui visent à aider les hommes à mieux faire face aux problématiques sociales liées aux contraintes imposées par les stéréotypes sexuels. Vous nous demandez aussi des ressources suffisantes, que vous puissiez bénéficier de ressources suffisantes. Vous nous demandez qu'il y ait un accès à des services spécialisés et adaptés aux besoins des conjoints violents. Alors, vous avez cinq recommandations seulement, mais ce sont cinq recommandations importantes et majeures pour faire avancer votre cause, puis en même temps c'est la cause des femmes que vous allez faire avancer.

Est-ce que, dans vos travaux... Vous travaillez évidemment auprès des conjoints violents, mais c'est une fois que le juge ou le policier est arrivé, là, je pense, que vous entrez en scène. Je me trompe ou pas?

M. Blanchette (Daniel): C'est généralement après le fait.

Mme St-Pierre: C'est ça.

M. Blanchette (Daniel): Ce n'est pas toujours en situation judiciarisée, mais c'est généralement après que...

Mme St-Pierre: Pas en amont, là.

M. Blanchette (Daniel): ...que l'occurrence a eu lieu, de violence conjugale.

Mme St-Pierre: Alors, pour qu'on soit plus en amont, évidemment on parle de sensibilisation, on parle d'information. Est-ce que les campagnes de sensibilisation... Parce que vous avez fait une très belle campagne, vous en avez parlé tout à l'heure, en 2007, puis, au même moment, on lançait la nôtre. Alors, c'est comme si c'étaient deux... bien, oui, c'est ça: d'un côté, on lance une campagne, de l'autre côté, on lance une campagne. On avait de très belles campagnes, tout le monde, mais est-ce que ces campagnes-là devraient être mieux... en fait, complémentaires, c'est-à-dire qu'une campagne accompagne l'autre ou qu'une campagne soit complémentaire à l'autre, ou enfin qu'on mette les énergies ensemble? Est-ce que ça, vous le...

Le Président (M. Bernier): M. Lévesque.

M. Lévesque (Sylvain): Oui, Mme la ministre...

Mme St-Pierre: C'est un jeu de mots, mais...

M. Lévesque (Sylvain): ...je vous dirais que l'ensemble des campagnes qu'on fait ont un impact extrêmement important. On voit, chaque fois qu'on a la chance d'avoir une entrevue dans un média, une campagne de sensibilisation, la nôtre qui était modeste, mais quand même, qui a eu beaucoup d'impact sur l'ensemble de nos groupes... On a vu des groupes de thérapie s'ouvrir dans des organismes communautaires supplémentaires suite à une petite campagne de sensibilisation.

Donc, le gros problème au niveau des hommes, c'est de les inciter de demander de l'aide davantage, et ce n'est pas naturel. Donc, c'est ce qu'on tente de faire par cette modeste campagne, la nôtre, qui va voir le jour dans quelques semaines, et ce que vous avez fait au gouvernement a eu de l'impact beaucoup aussi. Donc, les hommes appellent davantage, mais, comme on dit, c'est de toujours le poursuivre parce que, vite, c'est vitement oublié. Les organismes sont peu connus. Donc, de faire une complémentarité, de pouvoir faire une campagne qui serait spécifique, s'adressant aux hommes, comme la dernière campagne qui avait été faite avec le comédien M. Robitaille, a eu certainement de l'impact. Bien, je pense que ça pourrait se faire en complémentarité davantage, que les différents acteurs du milieu, ensemble, puissent la travailler pour que justement on incite davantage à demander de l'aide.

Parce qu'il y a toujours un côté pervers. Si on met une violence extrêmement sévère à la télévision, il y a des hommes qui ne se reconnaissent pas parce qu'ils disent: Moi, je ne suis pas rendu là dans mon cheminement. Donc, évidemment, il faut être capable de les rejoindre, ceux qui ne sont pas là. Et, comme vous l'avez si bien dit, on souhaite amener les hommes avant que le problème ne soit très avancé. Donc, si on prend le problème rapidement, je pense qu'on peut avoir une incidence importante sur la problématique.

Le Président (M. Bernier): Vous voulez ajouter, M. Blanchette? Allez-y.

M. Blanchette (Daniel): En lien avec votre dernière question et la précédente aussi ou votre commentaire précédent, c'est une donnée qui est fort intéressante, c'est: Aux États-Unis, 94 % des hommes qui consultent en violence conjugale le font en situation de judiciarisation. Ici, au Québec, c'est moins de...

Une voix: Autour de 30 %.

M. Blanchette (Daniel): Autour de 30 %. Alors, ce qu'on voit, c'est qu'on réussit à rejoindre des hommes beaucoup plus précocement dans leur processus d'escalade de la violence, et c'est heureux, et on souhaite pouvoir le faire de plus en plus précocement. Et on voit que l'impact de nos modestes campagnes de sensibilisation, qui s'adressent spécifiquement aux hommes, ça porte et c'est heureux, concrètement, dans nos organismes, dans nos régions.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Il y a certains médias qui essaient de déconstruire ce qu'on essaie de construire ensemble, là, en disant, bon, bien, que la violence n'est pas si... ce n'est pas si grave... enfin, qu'il n'y en a pas autant que ce qu'on... Vous nous parlez de 60 000, et les statistiques concernant les interventions policières sont de... étaient, l'année dernière, de 17 000, je crois, donc ça veut dire que le phénomène est beaucoup plus important qu'on pense, mais il y en a qui essaient de déconstruire tout ça en disant que c'est des femmes qui mentent, c'est des femmes qui provoquent ou... puis qu'il y a beaucoup plus de cas d'hommes violentés qu'on ne le dit.

Moi, je ne veux pas minimiser le fait qu'il y ait des hommes qui sont victimes de violence conjugale. Je pense qu'il y en a, là, puis, ça aussi, il faut travailler là-dessus, mais là vous avez parlé de 60 000. C'est beaucoup, là. Est-ce qu'on est dans un phénomène en... Puis, avec tout ce qu'on fait depuis des années, de prévention et de sensibilisation, est-ce que c'est parce que c'est moins tabou ou c'est parce qu'on est dans une augmentation? C'est comme si les efforts ne donnaient pas grand-chose.

Le Président (M. Bernier): M. Trépanier.

M. Trépanier (Mario): On souhaite évidemment que les efforts donnent beaucoup. Évidemment, on a peu d'outils pour bien mesurer l'évolution de la problématique. L'enquête sociale générale de 1999 et celle de 2004 de Statistique Canada avaient quand même démontré une diminution de... On parlait, en 1999, de 8 % des femmes vivant en couple qui avaient subi, au moins à une occasion dans les cinq années précédant l'enquête, un geste d'agression de nature criminelle. Et, cinq ans plus tard, on avait observé une diminution de 1 % au Canada.

Donc, il y a une courbe... il y a une courbe assez lente, trop lente à notre goût. On voit la même courbe au niveau de la diminution des homicides conjugaux qui étaient beaucoup... il y a 40 ans, il y en avait beaucoup plus que maintenant. Donc, on est dans un phénomène de diminution, mais ça prend du temps. Et, comme le disait Daniel, nous, on est en mesure d'intervenir auprès de 9 % des... c'est ça, 9 % des hommes qui, dans l'année, ont des comportements violents. On sait qu'on a des taux de succès importants. Les recherches... la seule recherche d'envergure au Québec sur le sujet a démontré que, pour les gens qui complétaient la démarche, il y avait un taux de succès d'abandon de toute forme de violence physique de l'ordre de 94 %.

Donc, on sait qu'on peut avoir un impact. On en rejoint encore trop peu à notre goût et on sait qu'on pourrait en rejoindre bien davantage par les campagnes de financement... de financement... oui, ça, on le souhaite aussi, mais par des campagnes de sensibilisation, par de plus en plus une sensibilité aussi à des clientèles vivant des réalités particulières. Je pense aux hommes en situation d'immigration, je pense aux hommes gais, à une ouverture à des clientèles qui s'adressent à nous pour avoir de l'aide. Je pense aussi à toutes les... aux préoccupations du réseau à pouvoir aider ces hommes-là. Et les campagnes, pas juste celles qui s'adressent aux hommes mais les campagnes générales dans toutes... à la fois celles du gouvernement mais toutes les campagnes qui sont organisées régionalement contribuent à amener une diminution de la tolérance sociale à l'endroit de la violence. Et ça, c'est extraordinairement important dans la motivation qu'ont les hommes à consulter et idéalement, justement, à consulter avant qu'il y ait des gestes trop sévères ou trop lourds.

**(14 h 30)**

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Est-ce que vous considérez qu'il y a une augmentation de la violence dans les commentaires? Moi, je lis les «tweets», les blogues. J'aime ça aller lire ça parce que ça me fait constater que... un phénomène de société. En même temps, premièrement, je trouve qu'il y a des fautes de français, c'est incroyable. Et, deuxièmement, ce qui me frappe vraiment, là, encore une fois, sans faire de mauvais jeu de mots, c'est la violence du vocabulaire. Est-ce que ça contribue? Est-ce que ça contribue, ça, à entretenir cette attitude? Puis il y a des femmes et des hommes, là, qui vont sur les blogues, là, mais c'est comme s'il y a un défoulement. Il n'y a plus de gêne. Donc, on part des mots, après ça on l'écrit, on le dit, puis on passe aux actes, là.

Le Président (M. Bernier): M. Blanchette.

Mme St-Pierre: Puis à la radio on entend des commentaires qui ne sont pas tout à fait flatteurs non plus.

M. Blanchette (Daniel): Ça parle de deux choses, quant à moi: d'une part, d'un certain ras-le-bol chez plusieurs personnes, mais en même temps c'est comme si ça laisse entrevoir que la violence ou des propos violents peuvent être une option. Et ça, c'est malheureux, quant à moi. Mais il reste que les gens ont besoin de s'exprimer, et parfois la ligne est mince entre pouvoir exprimer la colère d'une manière, je dirais, conviviale et civilisée et de l'exprimer d'une manière violente. Et il n'y a pas de cours de formation pour ça, hein, qui existe, malheureusement.

Mme St-Pierre: Je vais laisser mes collègues poser des questions, M. le Président.

Le Président (M. Bernier): M. le député de Chomedey.

M. Ouellette: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Je pense que c'est important aussi d'avoir votre point de vue sur cette situation-là, parce qu'effectivement 60 000, c'est beaucoup. C'est probablement le fait que plus on en parle, plus il y a de gens qui vont extérioriser ces choses-là. Et je pense que c'est une bonne chose. Ça va permettre vraiment d'avoir un portrait qui sera peut-être plus efficace.

Je reviens à une des choses que vous avez mentionnées, qui m'a interpellé, parce qu'au cours des derniers jours on a eu des gens qui sont venus nous parler de médiation familiale, et là vous nous dites que vous donnez de la formation à des médiateurs familiaux. D'un autre côté, quand on parle de violence conjugale et... on a entendu dans les derniers jours que, woups, ça ne devrait pas s'appliquer à la médiation familiale.

Voulez-vous me réconcilier ça ou plutôt m'éclairer sur le genre de... qu'est-ce qui est mis dans la formation et puis comment vous voyez ça, cette affirmation-là, qu'on devrait peut-être exclure ces gens-là des cours de médiation?

Le Président (M. Bernier): M. Trépanier.

M. Trépanier (Mario): C'est une question importante, et on partage le même souci que le regroupement des maisons d'hébergement ou la fédération à cet effet-là, à l'effet que, dans un contexte de rapport de domination en particulier, la violence conjugale, la médiation familiale devrait normalement être contre-indiquée. Et ça prend une expertise extraordinaire au médiateur pour être en mesure d'essayer de rétablir un rapport de force qui soit équitable, et on pense qu'il y a très peu de cas où c'est possible. Donc, ça, c'est très, très clair pour nous.

Une fois qu'on a dit ça, c'est important justement de former. Et le processus de formation dont on parlait, la collaboration qu'on a faite, on l'a faite... on le fait en ce moment avec le regroupement des maisons d'hébergement et l'association des médiateurs familiaux. On a la... Ça a été construit... la formation a été construite largement sur les préoccupations en particulier du regroupement pour bien distinguer les cas. Je vous disais tantôt: 11 % de tous les cas de violence conjugale qui sont dans un contexte de rapport de domination, et on s'en rend compte, qu'à défaut de distinguer ça on n'est pas capable d'intervenir correctement. Il y a des cas de violence conjugale, sans les minimiser, des cas d'agression qui peuvent être isolés, spécifiques au contexte de séparation, qui peuvent être bilatéraux, donc qui n'ont pas nécessairement la même sévérité en termes de rapport de pouvoir. Et notre préoccupation, la même que le regroupement des maisons d'hébergement, est à l'effet de travailler avec les médiateurs pour mieux identifier ça et avoir des mesures appropriées pour faire en sorte qu'effectivement on ne valide pas ou on n'installe pas un système qui va, en l'ignorant, valider finalement des rapports de pouvoir inégaux basés sur la violence conjugale.

Le Président (M. Bernier): Merci. M. le député, environ 1 min 30 s.

M. Ouellette: C'est bon. 1 min 30 s, ça va être une petite question. Votre troisième recommandation, vous mentionnez qu'il y a nécessité d'offrir des services d'intervention aux hommes victimes de violence conjugale. Est-ce qu'on pourrait penser à des maisons d'hébergement pour les hommes?

Le Président (M. Bernier): M. Trépanier.

M. Trépanier (Mario): À court terme, il n'y a rien, là, en ce moment ou très, très, très peu de choses. Donc, à court terme, ce qu'on peut penser, c'est de sensibiliser un peu plus les partenaires. Je pense à des centres d'intervention de crise, par exemple. Je pense à certains de nos organismes qui pourraient développer des programmes. Certains en ont déjà. Je pense même aux CLSC, qu'ils soient davantage à l'affût de cette question-là. Il y a la Maison Oxygène, à Montréal, qui est le seul espace, à notre avis, où on peut référer des hommes subissant de la violence qui ont besoin d'aller se cacher, de se protéger en tout cas, et non seulement d'avoir de l'aide, mais au moins de se protéger, et en tout cas, à chaque fois que j'ai référé là, il n'y avait pas de place, là.

Donc, je vous dirais: Dans un premier temps, le reconnaître, regarder un petit peu qu'est-ce que peut faire le réseau un peu plus, de plus, et éventuellement mieux connaître les besoins pour pouvoir y répondre.

Le Président (M. Bernier): Merci. Nous allons passer maintenant du côté de l'opposition officielle avec Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui. Merci, M. le Président. Bonjour. Bienvenue à notre commission. Alors, j'écoutais la ministre tantôt vous dire qu'elle lisait avec intérêt les blogues et ce qui se dit sur l'Internet; moi, je fais exactement l'inverse, tellement ça... Je trouve ça, à certains moments... Surtout sur le sceau de l'anonymat ou des pseudonymes, je trouve qu'on dit n'importe quoi, en effet, et dans un langage qui est souvent, je veux dire, très, très violent, justement. Peut-être que la société, à quelque part, est plus violente aussi à certains égards. En tout cas, on a juste à regarder la télé et puis à regarder des films, et puis c'est... Mais, moi, quand... Ne serait-ce que quand je faisais une chronique dans La Presse, dans un premier temps, puis dans Le Devoir ensuite... Pourtant dans Le Devoir je m'attendais justement à voir... journal d'Outremont distribué dans certains quartiers francophones. Mais honnêtement, c'était stupéfiant, à l'occasion, de lire ça.

Et maintenant je m'abstiens. Je m'abstiens puis je me dis: S'il y en a qui veulent me rejoindre... D'ailleurs, même ici, là, pendant qu'on est en commission, on reçoit des courriels au fur et à mesure des interventions et des questions qu'on pose, parce qu'on est quand même facile à rejoindre, mais ça, ça me fait plaisir de les lire puis de répondre. Mais il y a des moments, très franchement, où je trouve ça inquiétant, moi. Je trouve ça inquiétant, ce type de comportement, je dirais, incivique. Tu sais, il me semble qu'on vit tous ensemble, on n'est pas d'accord sur bien des choses, mais qu'on peut en débattre, disons, intelligemment.

Et vous dites une chose qui est aussi inquiétante quand vous dites, par exemple: «L'exposition à la violence durant l'enfance permettrait même de prédire des comportements d'agression durant au moins deux générations.» Ça se transmet?

M. Trépanier (Mario): On...

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui, M. Trépanier.

Le Président (M. Bernier): M. Trépanier.

M. Trépanier (Mario): Bien, j'allais dire: C'est parce qu'on n'a pas pu mesurer plus loin que deux générations.

Mme Beaudoin (Rosemont): Donc, c'est... Mais déjà c'est beaucoup, là.

M. Trépanier (Mario): Mais oui. Sur cette...

**(14 h 40)**

Mme Beaudoin (Rosemont): C'est quoi, c'est pourquoi? C'est parce qu'on recrée ce qu'on a vécu, je veux dire, un peu spontanément ou quoi?

M. Trépanier (Mario): Bien, on sait que les... D'abord, un des premiers éléments quand on... Vous pourrez compléter, là, mais un des premiers éléments quand on travaille dans nos organismes, on s'aperçoit que l'immense majorité des hommes avec lesquels on travaille, lorsqu'ils nous racontent leur enfance, ils nous racontent toujours un peu les mêmes choses: ils ont été exposés à la violence conjugale et ils ont subi, dans bien des cas, également toutes sortes de formes de mauvais traitement ou d'abus. Et effectivement on sait, on sait de mieux en mieux les effets de cette exposition-là aux mauvais traitements et à la violence en milieu familial chez les enfants et on sait qu'il y a des effets à court terme chez les enfants qu'on peut observer, et il y a également des effets à long terme qu'on va voir tout au long de la vie des personnes, malheureusement. Ces effets-là vont de problèmes de troubles de personnalité, état de stress post-traumatique avec, un peu plus tard, consommation abusive de drogues ou d'alcool, violence conjugale, donc c'est assez... idées suicidaires.

Donc, c'est assez... tu sais, la liste est longue, là. Et effectivement on essaie de voir comment on peut aider de façon précoce ces enfants-là. Et il y a plein de pistes. Moi, je pense que les prochaines années vont être importantes au niveau de la recherche puis de la concertation pour essayer de dégager davantage de pistes. C'est sûr qu'à notre niveau ce qu'on peut voir, c'est qu'en intervenant auprès des hommes -- la plupart sont... une grande partie sont des papas -- donc en réduisant l'incidence de la violence chez les papas, bien, on est en mesure d'apporter une protection sur un mode préventif, là, pour essayer d'arrêter ce cycle-là de transmission intergénérationnelle de la violence. Et en même temps on se rend compte bien des fois aussi qu'en intervenant auprès de ces hommes-là on intervient auprès des ex-enfants qui n'ont pas été soignés comme il faut. Et c'est ça qui est un peu triste. Évidemment, ils n'ont pas l'air de ça, là, c'est des... Ils ne font pas pitié, là, ce n'est pas ça que je suis en train de dire. Mais, plus profondément, dans le fond, on a ces blessures-là et on travaille avec les effets de ces blessures-là dans l'immense majorité des cas, bien sûr.

M. Lévesque (Sylvain): Si je peux me permettre de bonifier...

Le Président (M. Bernier): Oui, M. Lévesque

M. Lévesque (Sylvain): Oui, bonifier très légèrement. C'est qu'on s'est rendu compte aussi, dans les hommes qu'on rencontre, que, quand les hommes ayant des comportements violents se rendent compte que leurs enfants, la famille est affectée, et il y a des changements de comportement, c'est souvent quelque chose qui les pousse à demander de l'aide, parce qu'ils se disent: Non, je ne veux pas reproduire les comportements que, moi, j'ai vus quand j'étais enfant et ce que je suis devenu aujourd'hui.

Donc, tout l'aspect de la transmission intergénérationnelle, c'est une piste pour susciter la demande d'aide. Évidemment, c'est un fort facteur de risque, comme Mario vient de le dire. Ce n'est pas un automatisme, ce n'est pas... mais c'est un prédéterminant qui est important, disons, dans la donne.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la députée.

Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, M. le Président. Vous avez dit, je pense, tout à l'heure, et j'aimerais ça que vous nous en parliez un peu plus longuement, que, bon, il y a 40 ans, en tout cas, il y avait au moins... il y avait plus d'homicides conjugaux et que donc il y a quand même, là, après tout ce que les gouvernements, en effet... puis la société qui a pris conscience d'elle-même davantage et puis de ces problèmes-là, il y a eu quand même une diminution. Mais vous dites: Ce n'est pas assez rapide que cette diminution-là. Comment vous voyez ça?

Le Président (M. Bernier): M. Blanchette.

M. Blanchette (Daniel): Oui, bien, écoutez, un décès en situation de violence conjugale, c'est un de trop. On s'entend là-dessus. Alors, oui, clairement, il y a eu une diminution, mais on souhaiterait qu'il n'y en ait plus du tout. Et, pour arriver à cela, bien, ça nécessite évidemment qu'on puisse s'assurer de répondre aux besoins de toutes les personnes concernées, tant les femmes que les hommes, et de la manière la plus précoce possible, évidemment, avant d'en arriver dans l'escalade de la violence.

Le Président (M. Bernier): Mme la députée.

Mme Beaudoin (Rosemont): Est-ce que je me trompe en disant que, par exemple, pour les enfants dans les écoles, je pense, les CSSS font des études pour nous dire: Bon, il y a des jeunes qui sont à risque très, très tôt? Mais est-ce que c'est aussi à risque à cet égard ou c'est à risque de pauvreté ou à risque de décrochage, disons, donc, parce qu'ils ont... ils sont au primaire puis que déjà on voit des comportements qui sont un peu inquiétants? Et dans notre... je ne sais pas, Carole, dans le tien, mais dans le nôtre, dans Rosemont, chez Lucille-Teasdale, là, il y avait donc cette grande étude qui nous permettait de dire qu'il y avait, je ne sais pas, moi, 40 % -- c'était un peu inquiétant, là, justement -- d'enfants à risque de toutes sortes. Est-ce que vous pensez que, quand ils sont si jeunes, on peut déjà détecter un certain nombre de problématiques?

Le Président (M. Bernier): M. Trépanier.

M. Trépanier (Mario): Il y a, entre autres, une étude longitudinale, là, de Moffitt qui avait... qui a suivi pendant plusieurs années justement des enfants, des jeunes, et on était capable de prédire assez jeune, autant chez les garçons que chez les filles, d'ailleurs, l'incidence de comportements violents en contexte conjugal à partir des expériences vécues dans le milieu familial. Donc, oui, on est capables de le prévoir.

Une des dimensions sur lesquelles on a fait plus de travail de notre côté, c'est d'essayer de voir: Comment se fait-il, si les garçons et les filles sont exposés aux mêmes... sensiblement les mêmes problèmes, comment se fait-il qu'il y ait des réactions si différenciées? Et c'est là qu'on a des réponses au niveau des stéréotypes sexuels, encore une fois, qui font en sorte que, très souvent, je le disais tantôt, un... et pas juste un homme mais un garçon qui subit de la violence est supposé faire un homme de lui. Et donc ça, ça veut dire de se taire et de trouver des solutions par lui-même. Mais ces enfants-là, ces garçons-là, ils n'en trouvent pas, des solutions par eux-mêmes, là. Tu sais, ça n'a pas de sens, là. C'est trop leur demander. Les solutions traditionnellement masculines pour surmonter les épreuves, ça ne marche pas. Ça ne marche pas dans tous les cas, en tout cas, et en particulier chez ces enfants-là. Et c'est ce qui fait qu'on pourrait expliquer, par exemple, le fait qu'il y ait plus d'agressions et des agressions plus sévères commises par des hommes que des femmes en contexte conjugal quand ils sont pourtant soumis aux mêmes conditions, mais qu'il y aurait des conditions qui rendraient plus difficile chez les garçons la guérison, entre guillemets, et qui... Bon, voilà.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Poirier: Merci, M. le Président. J'ai été chercher dans mon bureau le livre de Raymond Villeneuve, Dix pères, dix histoires, que j'ai offert à tous les députés l'an passé comme cadeau de Noël... pas l'année passée, l'année d'avant, comme cadeau de Noël, et qui représente exactement ce que vous venez de nous dire. C'est 10 histoires de pères qui ont vécu des contextes de violence conjugale dans les deux sens, que je dirais, autant ont été violents qu'ils ont connu la violence eux-mêmes. Et ce livre-là fait bien la démonstration des besoins, des besoins de ces hommes-là et des besoins aussi des enfants, parce que le livre représente la Maison Oxygène qui est dans Hochelaga-Maisonneuve, qui est la première maison qui accueille pères et enfants et qui vient faire... vient un peu changer le modèle pour faire reconnaître les besoins, les vrais besoins. Et, dans votre mémoire, moi, ce que je vois aussi, c'est cette demande aussi d'avoir des lieux d'hébergement pour hommes, des maisons Oxygène un peu partout au Québec ou en tout cas des centres d'aide pour hommes.

J'aimerais ça que vous puissiez nous donner un portrait de quels seraient les besoins en tant que tels. L'espoir, quand ils ont sorti le livre, c'était d'avoir cinq maisons Oxygène. On sait qu'il y en a une à Baie-Comeau, une à Drummondville maintenant. Selon vous, l'évaluation des besoins d'hébergement pour hommes en situation de violence, quels seraient-ils?

Le Président (M. Bernier): M. Blanchette.

M. Blanchette (Daniel): Bien, en fait, il est difficile présentement d'avoir une portrait précis des besoins, mais il y a actuellement en cours une recherche, un projet de recherche important qui est à recenser les besoins concrètement dans chacune des régions. Et toutefois on peut dire, je dirais, simplement au fil de nos observations au quotidien dans l'intervention, je pense qu'on peut s'avancer sans se tromper que ce serait important qu'il y ait au moins une ressource de ce type-là dans chacune des régions administratives au Québec, minimalement.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la députée.

**(14 h 50)**

Mme Poirier: Dans ces ressources-là, parce que j'aimerais ça que vous nous décriviez un peu le... dans le fond, les besoins, parce que, moi, ce que j'en ai compris, c'est que ça ne répond pas nécessairement aux mêmes besoins que les centres d'hébergement pour femmes, c'est vraiment une identification différente des besoins. J'aimerais ça que vous puissiez peut-être nous dire comment, quelle serait la différence, dans le fond, dans le modèle homme versus le modèle qu'on connaît, femme.

Le Président (M. Bernier): M. Blanchette.

M. Blanchette (Daniel): Oui. En fait, c'est que les hommes qui se retrouvent en situation de nécessité de trouver un lieu d'hébergement, c'est que ces hommes-là ont besoin de, comment je dirais... ils sont confrontés à vivre une certaine situation qui est la leur et qui généralement correspond à leur éducation personnelle, à leur expérience personnelle. Et souvent ils sont, je dirais, contraints de s'en tenir à leur modèle de stéréotype sexuel auquel ils connaissent, et à un moment donné ça ne fonctionne plus, ça, pour eux, mais ils ne connaissent pas d'autre chose, ils n'ont pas d'alternative. Alors, ils ont besoin de se trouver un lieu, une ressource où ils pourront prendre le temps de se remettre en question à cet égard-là et de faire des nouveaux choix de valeurs sur lesquelles appuyer le reste de leur vie après. Et ce type de ressource là n'existe pas présentement.

Alors, les hommes sont obligés de s'arranger comme ils peuvent. Et il n'y a pas de modèle qui existe, là, des ressource mais peu de modèles, je dirais, à suivre de changement de mentalité à cet égard-là. Et d'ailleurs c'est pour ça qu'on vient se présenter ici. C'est que, quand on aide un homme à changer ses comportements violents, on l'aide à changer toute sa conception de c'est quoi, ses rapports aux femmes. Et à ce moment-là on vient, quand on a aidé un homme, on vient de gagner un allié supplémentaire pour faire la promotion des rapports égalitaires entre les femmes et les hommes. Je vous dirais, s'il y a une phrase qui résume toute notre action, c'est celle-là aujourd'hui.

Le Président (M. Bernier): Autre question, allez-y. Avec une courte réponse.

Mme Poirier: On entend toujours l'expression «violence conjugale». J'aimerais ça qu'on puisse un jour parler de violence familiale, parce que, lorsqu'on parle de violence conjugale, c'est vraiment entre un homme et une femme, et souvent ce modèle-là a des répercussions sur la famille mais aussi a des gestes envers les enfants, parce que ce n'est pas seulement qu'un et l'autre qui sont soit victime et agresseur, mais les enfants aussi sont agressés aussi dans bien des cas. Alors, peut-être que notre langage pourrait évoluer un jour et qu'on puisse en parler à violence familiale au lieu de parler de violence conjugale.

M. Blanchette (Daniel): À cet égard-là, on a mené une longue réflexion à l'interne de l'association et on en est venus à la décision de changer cet aspect-là. Et, dans la mission, on s'apprête à changer les lettres patentes, là, de l'association pour dire que notre mission, c'est d'intervenir en situation de... auprès des hommes en situation de violence conjugale et familiale.

Le Président (M. Bernier): Merci. Merci, M. Blanchette, M. Trépanier, M. Lévesque, À coeur d'homme. Merci d'avoir participé à la commission. Ça a été très, très intéressant. C'est un sujet difficile mais très intéressant. Merci infiniment.

Je suspends pour quelques instants afin de permettre aux représentants de l'Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées de prendre place.

(Suspension de la séance à 14 h 53)

 

(Reprise à 14 h 57)

Le Président (M. Bernier): À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous allons reprendre nos travaux.

Et nous accueillons l'Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées. Bon après-midi, mesdames. Merci d'être présentes. Donc, je vous invite à vous présenter, et vous avez 15 minutes pour faire votre présentation. Allez-y.

Association québécoise de défense
des droits des personnes retraitées
et préretraitées (AQDR)

Mme Loock (Joséphine): Merci, M. le Président. Je vous présente Mme Lise Bournival, membre de l'exécutif de l'AQDR nationale et vice-présidente de l'AQDR de Shawinigan, ainsi que Mme Dolorès Lévesque, présidente de la section AQDR de Saint-Hubert. Je suis Joséphine Loock, chef de projet à l'AQDR nationale et responsable du dossier de la condition féminine.

Nous représentons ici le comité de la condition féminine de l'Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées, l'AQDR. L'AQDR a pour mission la défense collective des droits des retraités et préretraités. Nous sommes composés d'un bureau national et de 47 sections à travers le Québec et nous comptons 30 000 membres. On veut juste rappeler que l'AQDR s'est engagée à défendre les droits des femmes aînées depuis 1983 en créant un comité de la condition féminine au sein de l'exécutif. Nous vous remercions de nous avoir invitées en audition.

Le dernier plan d'action pour l'égalité entre les femmes et les hommes, de 2007-2010, prévoyait peu de mesures pour améliorer le sort des femmes aînées. Nous saluons ici l'effort du gouvernement d'intégrer les femmes aînées dans le prochain plan d'action. Ce sont ces femmes qui se sont battues hier pour leur autonomie et leur participation sociale et politique. C'est donc en grande partie grâce à elles si vous et nous sommes là aujourd'hui pour débattre de ce sujet.

Il y a plus de femmes que d'hommes de plus de 50 ans. Le tiers de la population féminine québécoise a plus de 55 ans. Pourtant, elles subissent un grand nombre d'inégalités face aux risques de la vieillesse. Nous allons vous présenter ces inégalités, que nous avons décrites dans le mémoire. On va vous les présenter brièvement, puis vous proposer des recommandations, et enfin répondre à vos questions. Nous avons choisi de répondre à quatre questions posées dans le cahier de consultation: la question 2 sur l'égalité économique, la question 3 sur la conciliation des responsabilités familiales et professionnelles, la question 4 sur les approches en santé adaptées aux femmes et la question 5 sur le respect de la sécurité et l'intégrité des femmes.

D'abord, les femmes aînées sont en situation d'insécurité économique. Ce phénomène commence avant la retraite. Les femmes de 55 à 64 ans ont des revenus très inférieurs à ceux des hommes. Ça, c'est dû en grande partie au taux d'activité des hommes qui est largement supérieur à cet âge au taux d'activité des femmes. Il faut savoir qu'après 50 ans le maintien en emploi est difficile. L'âgisme latent de notre société s'exprime fortement dans le milieu du travail et tend à pousser dehors les travailleurs âgés des deux sexes. Le taux d'activité des femmes a donc de fortes chances de se maintenir à un bas niveau malgré l'arrivée des nouvelles générations de femmes, qui sont plus présentes sur le marché du travail.

**(15 heures)**

Les femmes ont aussi peu la possibilité de recours à... de recourir à l'épargne personnelle au cours de leur vie en raison de leur appartenance discontinue au marché du travail par rapport aux hommes, en raison du fardeau familial qu'elles assument davantage que les hommes. Donc, à la retraite, il y a la moitié des femmes qui touchent un revenu issu de l'épargne, seulement la moitié des femmes, et c'est le cas pourtant de près de 70 % des hommes.

Les revenus de retraite, également, sont assez insuffisants pour les femmes. Vous citez, dans le document de consultation, le revenu moyen de 2007, ce qui est très pertinent. Nous avons regardé celui de 2008 et, en fait, on a constaté que l'écart de revenus entre femmes et hommes s'est agrandi en 2008, par rapport à 2007, les femmes recevant... les femmes de plus de 65 ans, pardon, recevant l'équivalent de 69 % du revenu des hommes. On constate ainsi que l'écart des revenus entre femmes et hommes à la retraite reste grand et diminue à un rythme très lent et incertain.

Autre point majeur, 54 % des revenus des femmes de 65 ans et plus proviennent de sources publiques. Le ratio est de 38 % chez les hommes.

La pauvreté des femmes à la retraite est une réalité. Près de trois quarts des femmes de 65 ans et plus vivent avec moins de 20 000 $. Cette pauvreté, elle est aggravée lorsque les femmes vieillissent seules, c'est-à-dire qu'après 65 ans les femmes seules sont plus pauvres que les hommes seuls. Or, la solitude des femmes aînées est vraiment un phénomène d'une ampleur incroyable. On a 60 % des femmes de 65 ans et plus qui vivent seules, alors que c'est le cas de moins de 30 % des hommes.

Les femmes aînées sont donc doublement discriminées. Elles ont des revenus plus faibles que les hommes et elles vivent seules, bien souvent, donc elles se retrouvent seules pour supporter les coûts de la vie de base, donc le logement, le chauffage, ces choses-là.

Face à ces inégalités que nous constatons, nous proposons des recommandations, notamment d'augmenter les revenus publics des retraites, toutes sources confondues, afin que les aînés puissent vivre et non survivre. Ici, nous vous renvoyons aux revendications émises en partenariat avec la FTQ. Et puis la FTQ est passée, il n'y a pas longtemps, donc je pense que vous les avez déjà eues. Oui?

Le Président (M. Bernier): ...

Mme Loock (Joséphine): Nous vous recommandons aussi d'analyser la participation de la main-d'oeuvre féminine après 50 ans pour comprendre pourquoi ces femmes ont un taux d'activité très faible.

Nous vous recommandons de lutter contre l'exploitation des femmes sur le marché du travail et de lutter contre l'exclusion du marché du travail des plus 50 ans et contre l'âgisme.

Je passe maintenant la parole à Mme Dolorès Lévesque pour l'orientation n° 3.

Le Président (M. Bernier): Mme Lévesque.

Mme Lévesque (Dolorès): Est-ce que je peux me lever?

Le Président (M. Bernier): Pardon?

Mme Lévesque (Dolorès): Est-ce que je peux être debout?

Le Président (M. Bernier): Bien, c'est comme vous voulez, madame. Vous avez le droit de... Libre à vous de faire ce que vous voulez.

Mme Lévesque (Dolorès): Comme dirait M. Le Bigot, je souffre de diminution verticale, alors...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Lévesque (Dolorès): J'avais la table sous le menton. Merci beaucoup d'accéder à ma demande.

Je vais traiter de l'orientation 3 de votre cahier de consultation, qui consiste en la meilleure conciliation des responsabilités familiales et professionnelles. Alors, nous avons titré ça Le fardeau du vieillissement.

D'après le document de consultation de 2007, les familles fournissent 80 % des soins... les femmes, pardon... les familles fournissent 80 % des soins à domicile, et 30 % des soins sont en établissement. Ce sont souvent les femmes aînées qui prennent soin des personnes aînées. Il reste du travail à faire à cause de la perception du rôle familial des femmes. Il semble que ce rôle ait évolué, mais c'est la situation qui pourrait bien encore rester une fiction pour les femmes aînées. C'est toujours en référence avec les documents ministériels qui nous ont été fournis.

Voici les tâches familiales d'une femme aînée d'aujourd'hui. Aînée, on peut commencer à 50, on peut se rendre à 90, c'est sûr. Vous allez pouvoir départager.

Les femmes aînées ont souvent la charge de leurs parents, c'est-à-dire le papa, la maman, le beau-papa, la belle-maman, leurs conjoints, qu'ils soient malades ou non, ces gens-là.

Elles aident leurs enfants adultes qui ont des difficultés avec leur vie familiale ou qui sont en difficulté parce que ce sont des personnes handicapées physiques ou qui souffrent de problèmes de santé mentale. Et, vous le savez, vos dernières statistiques sont à l'effet que c'est, au Québec, une personne sur cinq, tout acabit confondu, qui souffre de maladie mentale. J'ai un fils qui est schizophrène, et laissez-moi vous dire que c'est quelque chose. Mais on a des services, par exemple, quand on sait les trouver. Ils peuvent parfois être aussi obligés d'héberger leurs enfants, ce qui est le cas pour le nôtre.

Ils prennent soin également des petits-enfants. Voyez donc! Les CPE. On va vous faire une belle recommandation. Aussitôt que le petit ne file pas, clic, les gens sont organisés qu'ils n'ont pas de réseau comme, nous, on avait. Ils se fient sur les CPE de 6 heures le matin à 18 heures le soir. C'est fini, ils s'en vont au travail, heureux la vie, c'est parfait. Maintenant, quand l'enfant est malade, il n'y a pas d'autre réseau. Qui doit prendre la relève? La grand-maman.

Ce rôle de proche aidante adoptée par les femmes cause, en résumé, la pauvreté, une pauvreté assurée via l'abandon d'emploi ou la réduction d'heures de travail, donc la réduction de revenus, ce qui cause aussi des dépenses supplémentaires quand quelqu'un est malade à la maison. Peu ou pas de répit, pas de vie sociale ou à peu près pas. Ça cause l'isolement, la détérioration de la santé. Et, les statistiques sont là, les aidantes meurent souvent avant la personne aidée.

Alors, M. le Président, sans limiter la généralité de ce qui précède et afin d'alléger le fardeau fiscal de plus en plus coûteux pour la société, nous recommandons:

Puisque nous notons une augmentation des besoins, ce qui égale une diminution des services automatique, nous vous recommandons d'investir suffisamment dans les services à domicile afin de corriger la discrimination actuelle envers les femmes aînées, qui réalisent très majoritairement les tâches de proche aidante.

Nous vous demandons de soutenir les entreprises en économie sociale, qui sont un pur bijou pour la société, quand elles sont bien gérées, naturellement, afin d'augmenter les services à domicile, les services de répit aux aidants naturels ou familiaux -- parce que ça a l'air que ce n'est pas tout à fait aussi naturel qu'on pourrait le croire. Par exemple, on peut augmenter la subvention qui est accordée par la RAMQ aux bénéficiaires des services des entreprises d'économie sociale. On demande, ça fait longtemps, qu'elle passe de 4 $ à 6 $.

Augmenter les subventions aux organismes à but non lucratif qui desservent les aidants familiaux, ceci afin qu'ils puissent desservir mieux et plus d'aidants.

Augmenter les barèmes d'exonération fiscale pour les subventions de soutien à domicile. C'est-à-dire, quelqu'un qui gagne 50 000 $ a moins de rabais sur le prix chargé par l'entreprise d'économie sociale qui vient faire le soutien à domicile que la personne qui gagne 12 000 $.

Comme il existe des mesures fiscales pour les enfants s'occupant de leurs parents, envisager une telle mesure pour les personnes s'occupant de leurs petits-enfants, dans un souci d'équité intergénérationnelle. Ça pourrait se faire de diverses façons. Si vous me posez la question, je vous en proposerai.

Pour faire en sorte que les grands-parents, la plupart du temps les grands-mamans, comme je l'ai dit tout à l'heure, cessent de servir de bouche-trous -- excusez mon langage -- aux CPE et aux écoles primaires lorsqu'un enfant est malade, obliger les CPE et les écoles primaires à se doter d'un local d'infirmerie, comme c'était le cas dans le temps que j'allais à l'école -- parce que je ne suis pas si jeune que ça.

Nous voudrions aussi, en étant très idéalistes, que toutes les législations puissent inclure toujours les femmes de tous les âges, de toutes les conditions dans la nouvelle législation, style: quand vous légiférez sur l'emploi, l'éducation, le soutien aux aidants, etc.

Je me permets maintenant -- merci beaucoup de m'avoir entendue -- de vous présenter Mme Bournival.

Le Président (M. Bernier): Merci, Mme Lévesque de votre présentation. Mme Bournival.

**(15 h 10)**

Mme Bournival (Lise): M. le Président, Mme la ministre et membres de la commission, je vais aller avec l'orientation 4: Pour des approches en santé adaptées aux spécificités des femmes.

La santé mentale et physique des femmes vieillissantes est plus fragile que celle des hommes. L'espérance de vie des femmes est plus élevée que celle des hommes, mais l'écart d'espérance de vie entre les femmes et les hommes se réduit de moitié en ce qui concerne l'expérience de vie sans incapacité. Toujours, nos femmes vivent plus longtemps avec des problèmes de santé que les hommes.

La santé mentale des femmes semble plus à risque que celle des hommes. La santé des femmes aînées est à mettre en lien avec quelques spécificités. Les tâches familiales, le soin de ses proches et la naissance des enfants sont autant de facteurs fragilisants pour la santé physique et mentale des femmes. Ce qui aggrave aussi beaucoup la santé des femmes aînées, ce sont les situations d'isolement, qui est le cas de la majorité de nos aînées.

En conséquence logique, les femmes aînées utilisent davantage de services sociaux... de services de santé que les hommes.

Phénomène fortement lié à la solitude des femmes dans le grand âge, elles représentent, en 2007, le trois quarts de 130 000 personnes dans les centres d'hébergement de soins de longue durée, en CHSLD, des ressources intermédiaires et des résidences privées.

Aussi le cas des soins de la population habitant les HLM.

Nous ne rappelons pas ici l'ensemble des dysfonctionnements du système de santé et des services sociaux, mais les nombreuses situations de maltraitance en établissement pour personnes âgées qui nous sont rapportées en témoignent.

Les hôpitaux sont aussi des lieux où l'âgisme sévit lors d'un choix pour prioriser un malade, jeune ou aîné, arrivant en urgence en même temps, avec les mêmes urgences.

Le Président (M. Bernier): Les mêmes besoins.

Mme Bournival (Lise): Les mêmes besoins, oui.

Le Président (M. Bernier): Je vous invite à conclure, madame...

Mme Bournival (Lise): Je m'excuse.

Le Président (M. Bernier): Je vous invite à conclure, Mme Bournival, pour qu'on puisse procéder aux échanges.

Mme Bournival (Lise): De nombreuses femmes aînées sont aussi en attente d'hébergement et souvent doivent se tourner vers des résidences privées où les frais de location par mois sont à 5 000 $, et c'est assez courant.

Le Président (M. Bernier): Merci beaucoup. Nous allons maintenant procéder aux échanges avec les parlementaires. Vous aurez l'occasion... Je sais que ça paraît très, très vite, 15 minutes, hein, mais, que voulez-vous, il y a plusieurs groupes. On doit respecter nos horaires. Mme la ministre, la parole est à vous pour un premier échange.

Mme St-Pierre: Merci. Merci d'être parmi nous aujourd'hui. Vous avez, juste à la toute fin de votre présentation, parlé, dans un exemple, un cas... Par exemple, deux personnes qui arrivent à l'urgence, on a une personne aînée, puis on a une personne plus jeune, puis c'est à peu près la même urgence, là; ça sera la personne plus jeune qui va être priorisée par rapport à la personne aînée?

Mme Bournival (Lise): Selon les expériences qui nous ont été rapportées, oui. On ferait de l'âgisme, là, à ce niveau-là.

Mme St-Pierre: Est-ce que plusieurs expériences comme ça vous sont rapportées?

Le Président (M. Bernier): Mme Bournival.

Mme Bournival (Lise): Bien, je dirais... Je ne peux pas vous donner la quantité, je peux... mais souvent on nous parle d'expériences comme ça, là.

Mme St-Pierre: Ah oui!

Mme Loock (Joséphine): Sur ce sujet-là...

Le Président (M. Bernier): Mme Loock.

Mme Loock (Joséphine): Excusez-moi.

Le Président (M. Bernier): Oui, vous voulez ajouter?

Mme Loock (Joséphine): Pour aller plus loin aussi, il y a des études qui ont montré ça. Je ne sais pas si vous connaissez la gériatre Marie-Jeanne Kergoat, qui est à l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal, mais elle a fait pas mal d'études et de recherches qui montrent la présence d'âgisme à l'hôpital. Et ça, c'est un exemple qu'on a montré, donc, pour l'urgence parce qu'il nous semble assez parlant. Mais elle montre que, dans différents stades, qu'on a décrits ici, dans le mémoire, les personnes âgées, tous sexes, mais particulièrement les femmes, c'est là la conclusion de l'étude, auraient moins accès à des interventions, à des examens, à du dépistage, parce qu'on entend dans les couloirs de l'hôpital: Bah! de toute façon, il est vieux, elle est vieille, elle va mourir, ou alors: Elle a mal? Bien, c'est normal. Quand on est vieux, on a mal. Mais non, la douleur, ça ne vient pas avec l'âge; la douleur, ça vient avec la maladie.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Enfin, vous m'étonnez parce que je pense que... Enfin, peut-être qu'il y a ce genre de commentaires-là, puis c'est sûr que je ne suis pas dans les hôpitaux à tous les jours, mais il me semble que ça doit être... ce n'est pas quelque chose qui est généralisé. Et, à un moment donné, il n'y a pas longtemps, j'ai été dans une salle d'urgence, puis il y avait le triage, puis tout le monde attendait son tour, puis je n'ai pas senti que les plus jeunes étaient triés avant les plus vieux. Puis je ne sais pas si... Enfin... Et ce n'est pas parce que je suis connue, là. J'ai passé mon... j'ai attendu mon tour, puis les autres... Enfin, je n'ai pas vu ça dans une expérience, une seule, là, mais ça a duré quelques heures, mais...

Enfin, c'est quelque chose sûrement qu'il faudrait étudier davantage, je pense. Parce que, si ce que vous nous dites est vrai pour ce qui est du triage, moi, je pense que ce n'est pas acceptable, là. On ne peut pas accepter ça d'une société comme la nôtre, évoluée comme la nôtre et avec un souci, d'ailleurs de... Tu sais, je pense que les Québécois sont généreux, là, dans l'ensemble, et ce n'est pas la société, enfin, moi, que je reconnais, là, dans ce que vous dites.

Le Président (M. Bernier): Mme Loock.

Mme Loock (Joséphine): Je n'ai pas entendu d'exemple parler du triage précisément. Je parle... Et c'est une situation qui heureusement n'est pas généralisée dans les hôpitaux, mais c'est une situation qui existe et qui a été décrite dans des études.

Le Président (M. Bernier): Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Sur la solitude des personnes retraitées, c'est vrai, je pense, que les femmes souffrent énormément de solitude. Tout d'abord, elles n'ont pas de sous pour sortir, pour se payer des loisirs, payer un petit café, quelque chose. On n'a... Elles n'ont presque pas de sous. Ensuite, elles sont vraiment seules, et je pense que c'est triste, et il faudrait trouver des mesures pour briser cette solitude.

Je vous demanderais si vous auriez des recommandations à faire, mais en même temps -- et là c'est un commentaire qui touche l'ensemble de la société québécoise -- je pense que, quand nos parents sont seuls, il faut aller les voir puis il faut leur téléphoner. Et c'est la moindre des choses de téléphoner à tous les jours à nos parents. Et je trouve ça... Et on l'entend. Ma collègue ministre des Aînés parle de ces choses-là, de personnes qui n'entendent... qui n'ont jamais de téléphone de leurs enfants, qui n'ont jamais de visite et qui sont vraiment seules toute leur vie. C'est terrible, être seul puis de ne pas avoir à parler à personne.

Alors, est-ce qu'il y a des mesures qui vous viennent en tête, là? Ça ne peut pas être toujours un étranger non plus qui donne cette affection-là puis qui... enfin qui... Il faudrait qu'on trouve des moyens pour sensibiliser les enfants qui ont des parents âgés à vraiment réfléchir sur cette question-là. Vous pouvez vous lever, madame.

Le Président (M. Bernier): Mme Lévesque. Je vous vois debout, donc je présume que vous voulez prendre la parole.

Mme Lévesque (Dolorès): Oui, j'avais comme un petit élan, hein?

Alors, d'abord, je pense que ça pullule d'organismes communautaires dans notre milieu, au Québec. C'est une de notre fierté. Et il y a beaucoup d'organismes communautaires qui s'occupent des aînés. Vraiment, là, j'en connais beaucoup et de longue date, là.

Ce que je trouve pénible, c'est que les milieux de vie autour du clocher, si vous voulez, se sont tellement dévastés et redevenus déserts par tous les services qui s'éloignent que les personnes aînées, ils ne peuvent pas sortir, justement, parce que, s'ils le pouvaient, prendre une petite marche puis aller rencontrer les gens au café du coin ou quelque chose comme ça, bien ça leur ferait plaisir, ils pourraient.

D'autre part, je veux vous dire que l'isolement chez les personnes âgées, ce que je vis beaucoup, c'est pire chez les gens qui ont des enfants. Parce que, quand on n'a pas d'enfant, on n'en a pas eu, on s'est consacré à la société, on s'est fait des réseaux, etc. On n'a pas l'idée de s'asseoir chez nous et d'attendre: Je ne sors pas, le téléphone va peut-être sonner; je ne sors pas, il va peut-être venir. Ceux qui ont des enfants, ils s'attendent, ils désirent voir leurs enfants, donc ils sont plus seuls. Les autres, ils n'ont pas cette mentalité-là.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Justement, vous étiez debout, j'ai encore une question... j'ai une question pour vous. C'est un sujet très important, là, que nous touchons là, puis malheureusement on n'a que 45 minutes pour le faire, puis... Et je sais qu'il y a des gens qui écoutent, là, présentement, et semble-t-il qu'on a une très bonne cote d'écoute pour notre commission parlementaire, j'en suis très fière. Alors, c'est un sujet qui suscite beaucoup d'intérêt et...

Donc, vous avez parlé de la personne entre 55 et 65, 70 ans. Bon, les enfants sont grands, elle commence à être grand-maman, puis après ça les parents sont âgés, puis là il faut aller d'un bord puis de l'autre puis aider tout le monde. Là encore, ça... Tu sais, je pense que la question peut-être de donner des compensations financières, ce n'est pas tout ça, parce que l'argent ne règle pas tout. C'est comme si... Est-ce que c'est pire qu'avant? Parce que, moi, j'ai vu des cas où les...

Puis, chez les personnes issues de l'immigration, on voit beaucoup, beaucoup que les parents restent encore... restent à la maison avec les enfants jusqu'à leur mort, tandis que, nous, on a tendance à dire: Bien, vous allez vous en aller dans un foyer de personnes âgées. Les personnes... les immigrants... les gens qui sont issus de l'immigration, j'en ai beaucoup dans mon comté, et les personnes âgées vivent avec leurs enfants jusqu'à la fin de leurs jours. Alors, la tâche est encore plus importante. Et là j'aimerais ça que vous élaboriez davantage sur cette... Est-ce que ça va en empirant, ce que vous nous dites là?

**(15 h 20)**

Le Président (M. Bernier): Mme Lévesque.

Mme Lévesque (Dolorès): Merci. Les frais engendrés par les grands-parents qui se... ou les parents... les grands-parents qui s'occupent des petits-enfants, ils sont là, parce que maintenant il y a des exigences de sécurité dans les voitures, tout l'équipement qu'il faut acheter pour mettre dans la maison, dans la voiture, le transport à bébé, la chaise haute. Je regarde mes copines aller, c'est ça qu'elles font. Et personne ne peut s'empêcher... même si on dit: Moi, je ne serai pas gaga quand je vais être grand-mère. J'en ai vu, des femmes politiques, et très, très cérébrales, dire: Je ne ferai pas ça. Quand le flo est arrivé, madame... M. le Président -- excusez, je suis supposée m'adresser à vous -- croyez-moi qu'on devient gaga. On ne peut pas s'empêcher... Et, personnellement, je ne pourrais pas accepter beaucoup que mon flo, il s'en aille au CPE avant au moins, je veux dire, deux ans et demi, trois ans, là, comprenez-vous?

Oui, ça alourdit. Ça alourdit aussi parce que la vie familiale de conjoints et d'époux, c'est dérangé. On a des réseaux, quand on est des aînés, quand même qu'on est en couple, là. On va à notre club d'âge d'or, on va dans notre équipe de bowling, on va faire notre bénévolat à l'hôpital, bon, etc. Quand l'enfant est malade, les parents n'ont pas de place où le mettre, bien, ils appellent les grands-parents, puis là c'est comme ça, comprenez-vous? Et la vie n'existe plus.

Puis, les moyens économiques, oui, il pourrait y en avoir. Il pourrait y en avoir. Ça serait à discuter, parce qu'il ne faut pas que ça... Ce qu'on donne d'une main, il ne faut pas que ça apparaisse de l'autre, il ne faut pas que ça tire de l'autre, comprenez-vous, là?

Alors, je pense qu'une des raisons, moi... une des belles solutions que j'ai trouvées, c'est donner... doter les CPE d'infirmeries pour libérer les grands-parents, parce que c'est plus là vraiment que c'est en demande, vraiment.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la ministre.

Mme St-Pierre: M. le Président, je vais laisser la chance à mes collègues de...

Le Président (M. Bernier): M. le député de Lévis.

M. Lehouillier: Merci beaucoup. Donc, d'abord, merci pour la présentation de votre mémoire. C'est fort enrichissant pour la commission.

Et je voudrais, un peu à l'instar de la ministre, que vous me disiez... Parce que vous avez parlé un peu de discrimination pour les femmes, notamment parce qu'elles ont moins accès que d'autres personnes à des interventions de pointe. Vous parlez de cardiologie et autres traitements. Je voudrais juste revenir... Parce que vous avez dit: Les études le démontrent. Pouvez-vous me dire de quelles études vous parlez? Et en même temps, peut-être, si vous avez d'autres commentaires à ajouter là-dessus... C'est quand même des données intéressantes pour nous, à la commission.

Le Président (M. Bernier): Mme Loock.

Mme Loock (Joséphine): Alors, justement, j'espère que c'est la seule référence qu'on a oubliée dans le rapport. Donc, on a oublié de la mettre. C'est Marie-Jeanne Kergoat. Ça paraît dans la revue de l'Association québécoise de gérontologie, Vie et vieillissement, un numéro spécial sur l'âgisme. Donc, cette étude... Ça, en fait, son étude dans cet article-là, dans la revue Vie et vieillissement, ça portait surtout sur la recension de littérature. Donc, elle a fait un travail avec toutes des études cliniques qui existent pour arriver à ça.

Maintenant, c'est sûr que l'âgisme... C'est surtout sur la question de l'âgisme qu'on aimerait sensibiliser la population, c'est-à-dire la discrimination sur la base de l'âge, c'est-à-dire avoir une vision du vieillissement qui est basée sur des stéréotypes. Et cet âgisme-là, il sévit à l'hôpital. Je ne dis pas que tous les hôpitaux et tous les médecins sont âgistes, loin de là, mais il sévit dans beaucoup d'endroits de la société et donc à l'hôpital, en résidence, à la maison, enfin dans... à plein d'endroits. Alors, ce qu'on préconise, c'est aussi de faire un travail de sensibilisation sur cette question-là de façon large.

Le Président (M. Bernier): Merci. M. le député.

M. Lehouillier: Vous nous proposez... Au niveau de la protection du patrimoine des femmes, vous proposez des mesures pour corriger les modalités des procurations qui sont accordées à un proche pour la gestion des biens d'une personne. Exemple, vous suggérez d'en limiter la durée, d'avoir plus d'un mandataire, la présence d'un représentant de l'établissement bancaire, etc. Est-ce que vous croyez qu'on ne risque pas de s'embarquer dans une dynamique qui fait en sorte que, pour les proches aidants, ça va devenir de plus en plus difficile d'apporter l'aide et le soutien? Parce que souvent les proches aidants donnent un bon coup de pouce de ce côté-là. Je veux juste vous entendre là-dessus pour qu'on comprenne bien ce que vous voulez signifier par ça. C'est une piste qui peut être intéressante, justement, au niveau de la commission.

Le Président (M. Bernier): Mme Bournival.

Mme Bournival (Lise): Vous parlez au niveau de la procuration, lorsqu'on donne une procuration à une personne. Et, nous, on avait des... peut-être des propositions de limiter peut-être la procuration... de limiter le temps de la procuration, mettons, comme exemple, renouvelable à chaque année, de limiter le montant, qui pourrait être, selon les besoins, par mois... Mettons que la personne a besoin de 1 000 $, pour donner un exemple, par mois, de limiter les montants qu'ils peuvent prélever par mois. Et peut-être aussi de ne pas laisser la procuration à une personne, de peut-être nommer deux personnes. En tout cas... Et... Bon, vous allez me dire: Les instituts financiers sont indépendants dans ce... De peut-être... d'essayer de rendre ça légal, ces genres de procuration là.

Le Président (M. Bernier): Merci. 1 min 30 s.

M. Lehouillier: Si je comprends bien, M. le Président, ce que vous voulez signifier, c'est qu'on regarde ces mesures-là pour faire en sorte qu'on évite l'exploitation des gens, etc., et qu'on les protège au maximum.

Mme Bournival (Lise): Parce que...

M. Lehouillier: Alors, c'est très, très bien. Et dans ce sens-là vous proposez également la création d'un protecteur de personnes âgées ou handicapées vulnérables. Donc, est-ce que vous pouvez me faire juste une distinction? Parce qu'il y a déjà le Protecteur du citoyen, là. Quelle valeur ajoutée vous voyez par rapport au rôle qu'aurait ce protecteur-là?

Le Président (M. Bernier): Mme Loock.

Mme Loock (Joséphine): On préfère mettre ce protecteur des personnes âgées ou handicapées vulnérables au sein de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, parce que le Protecteur du citoyen a un pouvoir d'enquête et de recommandation, tandis qu'à la commission il y a vraiment un pouvoir, excusez-moi si je n'a pas les termes exacts, là, mais d'investigation et puis d'obliger d'apporter des corrections. Alors, c'est pour ça qu'on trouve que c'est plus efficace.

Le Président (M. Bernier): Merci.

M. Lehouillier: ... c'est une instance où les... on peut exécuter des décisions, on peut faire exécuter des décisions plus rapidement, c'est ça? C'est ça que vous voulez dire?

Mme Loock (Joséphine): Quand on repère une situation d'exploitation qui est commise à l'égard d'une personne âgée ou d'un groupe de personnes, on pourrait alors exiger de corriger la situation.

Le Président (M. Bernier): Merci. Nous allons donc passer du côté de l'opposition officielle. Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, M. le Président. Mesdames, bonjour. Ma première question, moi, c'est que je trouve ça bien jeune, 50 ans, là, pour être considérés comme des personnes âgées, surtout qu'on vit justement de plus en plus longtemps. Alors, je ne sais pas, mais... Puis j'ai vu qu'à la FADOQ, je pense, c'est la même chose, considéré comme une personne âgée à 50 ans. Parce que, bon, je ne sais pas, les femmes vivent jusqu'à, je pense, 82, à peu près, 82 ans. Il me semble que c'est long, là, pour être une personne âgée que... Puis d'autant qu'il y a de plus en plus, quand même, de femmes... Vous le dites, là, c'est difficile puis, à partir de 50 ans... Je n'en doute pas, de ça, que de trouver du travail, si on a quitté le marché de l'emploi pendant un temps, ou encore de conserver un emploi intéressant alors qu'on peut dire: Bien, tu sais, tu as plus de 50 ans, ce n'est pas intéressant pour l'employeur ou que sais-je? Donc, je trouve ça jeune.

Et puis, d'autre part, vous dites aussi que cet âgisme latent de notre société s'exprime très fortement dans le milieu professionnel. Mais là je me demande si la société ne sera pas obligée de changer, puisqu'on parle beaucoup de pénurie de main-d'oeuvre. On va nous dire puis on nous demande de plus en plus de travailler jusqu'au-delà de 60 ans, 65 ans. Vous avez vu, d'ailleurs, en Europe il y a un gros débat, en France entre autres, parce que la retraite passait de 60 à 62 ans. En Allemagne, je pense que c'était de 65 à 67 ans, etc. Donc, on repousse de plus en plus l'âge de la retraite pour ne pas avoir, j'imagine... j'imagine que c'est beaucoup ça, là, ce n'est pas juste par bonté d'âme, mais pour ne pas avoir à payer, dans le fond, des retraites pleines pendant 40 ans à des gens qui auront travaillé 50 ans puis qui vont recevoir des retraites pendant 40 ans. Alors, je vois un peu une contradiction, là, par rapport à l'évolution, en tout cas, du marché de la main-d'oeuvre tel qu'on nous le présente ici, au Québec, et que...

Et en même temps, justement, quand on dit 50 ans aujourd'hui... Je ne sais pas, c'est Balzac ou Flaubert qui a écrit La femme de trente ans, là, au XIXe siècle. Là, ça avait de l'air bien vieux, là, une femme de 30 ans, à l'époque. Mais aujourd'hui, quand on regarde justement les magazines de mode et puis les... puis au contraire dire: On est jeune... On est jeune éternellement, d'ailleurs, mais disons qu'au moins jusqu'à 50 ans, sinon davantage... Alors, vous dites un peu, dans le fond, le contraire. Je voudrais vous entendre plus philosophiquement là-dessus.

Le Président (M. Bernier): Mme Lévesque.

**(15 h 30)**

Mme Lévesque (Dolorès): M. le Président, je veux connaître... je veux faire savoir à Mme Beaudoin qu'il y a quatre catégories d'âge: il y a l'âge d'or, de 50 à 65 ou à peu près; de 65 à aller jusqu'à 70, 72, c'est les aînés; et, de 72 en montant jusqu'à 80, 85, c'est les personnes âgées; et plus tard, lorsqu'on brûle des chandelles 100 fois, on fait partie du groupe du grand âge.

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Lévesque (Dolorès): Il y en a qui ne le sont pas tant que ça. On a vu une expérience à la télé l'autre fois.

Ce qu'on veut dire, M. le Président, c'est que les femmes de notre génération... J'ai 60, O.K., c'est correct. Moi, ici, moi, j'ai 40 ans, là, puis je travaille, puis je suis contente, puis je ne voudrais pas m'arrêter, puis mon époux, il a 82, puis il travaille à tous les jours. Ce qu'on veut dire, c'est qu'on n'a pas toutes été des femmes qui ont eu la chance d'avoir une instruction un peu plus poussée. Il y a eu des femmes souvent qui ont consacré du temps, comme on disait tout à l'heure, à la famille, aux besoins, tout ça. Donc, ces femmes-là ne sont pas trop préparées à retourner sur le marché du travail, même si elles ont de la disponibilité. Comprenez-vous? Et c'est la majorité des femmes de 60...

Nous autres, on parle toujours de 65 ans ici, 65 ans et plus. Alors, pour ça, elles sont appauvries. On vous l'a expliqué tout à l'heure. Et pourquoi qu'on dit «les aînés»? Bien, c'est parce que c'est un petit peu plus tard. Mais n'oubliez pas qu'on parle toujours des générations des femmes de notre âge, 65 ans et plus, dans les conditions dans lesquelles elles ont grandi et ont été éduquées.

Le Président (M. Bernier): Merci, Mme Lévesque. Mme la députée.

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui. Je vais laisser, je pense, la parole à mes collègues... le député de Terrebonne.

Le Président (M. Bernier): M. le député de Terrebonne.

M. Traversy: Bien, je vais continuer, M. le Président, à briser la glace pour mieux connaître encore le fond de votre pensée. Merci beaucoup d'être présents, aujourd'hui, à Québec.

Donc, vous dites, à l'intérieur de votre mémoire, à la page 13, plus précisément dans les recommandations qui touchent, dans le fond, le fardeau du vieillir, qui est votre chapitre II, et je vais vous le lire pour être sûr de bien comprendre: «Pour faire en sorte que les grands-parents, la plupart du temps les grands-mamans, cessent de servir de bouche-trous aux CPE et aux écoles primaires lorsque l'enfant est malade: [on voudrait] obliger les CPE et les écoles primaires à se doter d'un local d'infirmerie.»

Donc, je vois que le paragraphe est très clair. Je comprends l'idée de fond de vouloir essayer, là, de limiter justement ce recours peut-être un petit peu plus facile ou traditionnel à la famille. Mais je voudrais voir de quelle façon les choses seraient faites à l'intérieur justement du modèle que vous proposez: c'est d'avoir, dans le fond, un local, pas de quarantaine mais quasiment, d'infirmerie pour pouvoir garder des enfants malades toute la journée à l'école et dans les CPE. Expliquez-moi juste un peu plus précisément, là, ce que vous voyez là-dedans.

Le Président (M. Bernier): Mme Lévesque.

Mme Lévesque (Dolorès): Merci. Lorsque le parent est appelé par la garderie parce que son enfant est malade, même s'il vient de l'y laisser il y a une demi-heure, il est au travail, il appelle la grand-maman ou le grand-papa puis ils vont le chercher. Parce que le CPE ou l'école n'ont pas de place, ils ne peuvent pas garder l'enfant, sauf qu'il est dans le bureau de la directrice pour ne pas qu'il contamine.

Alors, ce serait facile d'avoir un petit local, justement pour la journée, pour cet enfant-là, jusqu'à ce que le parent puisse se libérer du travail. Parce que le grand-parent, il n'est peut-être pas disponible, lui non plus, ou, s'il est disponible, il est rejoint par son cellulaire -- parce que ça, on est tous obligés d'en avoir -- alors, par le parent qui est au travail, qui, lui, peut ou ne peut pas, veut ou ne veut pas se libérer, alors que c'est facile, comme vous dites, d'avoir un palliatif. Alors, ce n'est pas trop compliqué d'avoir un petit local avec une personne qui est formée en conséquence, à la garderie, pour pouvoir isoler cet enfant ou ces enfants-là pour éviter la contagion.

Le Président (M. Bernier): Merci, Mme Lévesque. M. le député de Terrebonne.

M. Traversy: Excellent. Écoutez, je vois que vous parlez aussi beaucoup d'équité intergénérationnelle. Donc, j'aimerais vous entendre aussi davantage là-dessus, étant donné que, bon... Bon, j'aimerais que vous puissiez me parler davantage comment vous voyez la collaboration justement, là, des différentes strates générationnelles d'une famille, puis de voir un peu, là, qu'est-ce que vous voulez préconiser. On voit qu'il y a un souci d'équité par rapport aux mesures fiscales, notamment, là, pour les personnes qui s'occupent de leurs petits- enfants, tout ça. Est-ce que... Bon, j'aimerais vous entendre un peu plus sur la question.

Le Président (M. Bernier): Mme Lévesque. J'aime ça vous voir debout.

Mme Lévesque (Dolorès): Ça fait changement. Je pense que j'avais été un petit peu explicative, tout à l'heure, lorsque j'ai exposé les frais engendrés. Le grand-parent doit s'équiper, la même chose et au même titre qu'un parent, de tout l'équipement que ça prend pour le bébé lorsqu'il vient au monde. Vous savez, un bébé à cette heure, là, on ne prend plus ça dans nos bras bien, bien, là, hein? On le prend, on l'habille, on l'installe dans sa coquille, qu'ils appellent. On prend la coquille en dessous du bras, on s'en va, flic... en arrière dans l'auto, dans l'autre porte-bébé.

On sort, on s'en va au magasin, encore le bébé dans la coquille. Alors, vous devez avoir un siège d'auto, une coquille, une chaise haute, un parc, une poussette, une affaire pour faire dormir le bébé. Après ça, bien là, vous avez la poussette. Vous savez, c'est toute une panoplie de dépenses extravagantes, parce que c'est très cher, ces équipements-là, entre autres -- entre autres. Et, quand l'enfant est malade, le grand-parent doit l'apporter à la clinique.

Je m'arrête, parce que je ne veux pas prendre tout le temps de mes collègues non plus. Je pense, ça va...

Le Président (M. Bernier): Merci, Mme Lévesque. Oui, M. le député.

M. Traversy: Juste une dernière question vraiment rapide, là. Est-ce que vous avez, bien, pensé à à peu près chiffrer aussi vos demandes? Parce que, quand je regarde ce que vous proposez, qui sont des demandes extrêmement légitimes et intéressantes, là -- on parle d'investir davantage dans les soins à domicile, soutenir davantage l'entreprise de l'économie sociale, passant de 4 $ à 6 $, augmenter les subventions des organismes à but non lucratif, augmenter les mesures fiscales, développer les nouveaux services dans les écoles -- est-ce qu'il y a un chiffre, là, dans tout ça, pour aider un peu le gouvernement puis les parlementaires à voir combien ça coûte, toutes ces belles mesures là?

Le Président (M. Bernier): Mme Lévesque.

Mme Lévesque (Dolorès): Bon. La première, c'est... pour le maintien à domicile, pour éviter que les gens soient logés dans les CHSLD ou dans les mesures transitoires, c'est le soutien à domicile via les entreprises d'économie sociale, où la RAMQ donne 4 $ de l'heure pour chaque heure de service rendu auprès d'une personne aînée: on demande, depuis plusieurs années, que ce soit majoré à 6 $.

On demande aussi -- ce n'est pas beaucoup, là -- on demande aussi qu'il y ait de l'exonération fiscale par rapport au montant du revenu familial ou, tout seul, le montant global de l'année. Alors, vous avez la liste ici. Ça, ce n'est pas la Santé et Services sociaux qui fait ça...

Une voix: ...

Mme Lévesque (Dolorès) : En partie? Oui, c'est la Régie de l'assurance maladie avec un autre de vos ministères. Exemple: quelqu'un, en sus du 4 $... ou du 6 $ -- on va mettre ça à 6 $, on va être optimistes -- une personne qui gagne 15 000 $... jusqu'à 15 000 $ par année, elle va payer... elle va avoir 11 $ d'aide en surcroît du 4 $. Comprenez-vous? C'est-à-dire que, si -- si -- j'ai 20 $ de l'heure à payer, à chaque heure, ça va m'en coûter 16 $ parce que la RAMQ va en payer 4 $. Ça va peut-être m'en coûter 12 $, là, ou 14 $, je ne sais pas quoi, là, en tout cas. Après ça, si je gagne 12 000 $ par année, je suis en deçà du seuil de la pauvreté, alors, à ce moment-là, je vais avoir d'autant plus d'exonération fiscale sur le coût de mon 20 $ ou de mon 16... du 16 $ de l'heure. Comprenez-vous?

Alors, c'est des normes qu'il faut juste réajuster; parce que vous les avez déjà, il faut juste les réajuster. Parce que le coût de la vie a augmenté, les entreprises de l'économie sociale qui donnent ce service-là ne sont plus capables d'absorber les coûts que ça leur implique d'avoir le personnel. Moi, je suis présidente d'une entreprise d'économie sociale et, à chaque deux semaines, c'est de 78 000 $ à 80 000 $ de salaire qui sort, voyez-vous, mais parce qu'on a une belle entreprise, puis qu'on paie bien notre personnel, puis qu'on donne du bon service. Mais on est obligés d'augmenter les coûts auprès de nos gens qu'on dessert, ce qu'on ne veut pas faire. Mais, nous, on n'est pas ceux qui chargent le plus cher.

Le Président (M. Bernier): Merci. M. le député? Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve?

Mme Poirier: Ça va.

Le Président (M. Bernier): Ça va?

Mme Poirier: Oui.

Le Président (M. Bernier): Donc, merci. Merci de votre participation à cette commission. Ce fut très, très intéressant.

Je vais donc suspendre quelques instants afin de permettre le Réseau des femmes d'affaires du Québec de prendre place.

(Suspension de la séance à 15 h 38)

 

(Reprise à 15 h 46)

Le Président (M. Bernier): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux.

Nous recevons maintenant le Réseau des femmes d'affaires du Québec. Bienvenue, mesdames. Nous sommes fort heureux de vous accueillir cet après-midi. Je vous demanderais... Vous avez une période de 15 minutes qui vous est allouée pour faire votre présentation. Par la suite, nous allons échanger avec les parlementaires.

Je vous demanderais de vous identifier et identifier la personne qui vous accompagne, pour fins d'enregistrement. Merci. La parole est à vous.

Réseau des femmes
d'affaires du Québec inc.

Mme Vachon (Ruth): Ruth Vachon, présidente du Réseau des femmes d'affaires du Québec; ma collègue, Justine Lacoste, qui est avocate et qui est responsable du secteur de la gouvernance au Réseau des femmes d'affaires; et j'ai ma collègue de Québec en arrière, Michelle Cantin, qui est la présidente régionale du Réseau des femmes d'affaires du Québec pour la région de Québec.

Le Président (M. Bernier): Bienvenue.

Mme Vachon (Ruth): Mme St-Pierre, Mme Mailloux, mesdames messieurs, ça nous fait plaisir d'être ici. Pour moi, c'est ma première expérience, je suis en poste depuis le mois de juin dernier seulement.

Alors, compte tenu du temps que nous avions, de la composition de notre groupe et de notre champ d'intérêt, nous, on est allées uniquement avec la question 6 du questionnaire, qui est: «Comment accélérer la progression des femmes dans les postes de décision et de pouvoir politique?»

On s'est arrêtées principalement sur huit éléments qui influencent la progression des femmes dans les postes de décision et de pouvoir économique.

Le premier, qui est la diplomation, qui est encore très stéréotypée: les femmes vont dans les mêmes secteurs encore et encore.

Deuxièmement, le manque de diversification dans les emplois: on est très concentrées encore dans les domaines de service, des soins aux personnes et de l'éducation.

Ensuite, sur le point aussi... le revenu annuel encore moins... beaucoup moins élevé des femmes...

On s'est arrêtées aussi sur un élément d'influence, qui est la scolarité des femmes. Plus la scolarité des femmes est élevée, moins elle constitue un frein à l'emploi.

Ensuite, on s'est aussi arrêtées sur le fait que les femmes, les Québécoises de 55 ans à 64 ans sont moins actives sur le plan du travail que celles de l'Ontario. On parle de 48 % par rapport à 57 %, et la moyenne canadienne est de 54,6 %.

Ensuite, un facteur qui influence, c'est l'indice de pression du temps chez les mères qui travaillent à temps plein, pour les femmes âgées de 25 à 44 ans, qui est beaucoup plus élevé.

Ensuite, la présence de stéréotypes trop ancrés encore: on dit qu'il y a 35 % de nos fillettes de neuf ans qui essaient de perdre du poids et 60 % de nos adolescentes qui souhaitent une silhouette différente plutôt que de penser à la carrière. Plutôt que de leur ancrer des valeurs qui sont d'être une femme de carrière ou une femme en affaires, on va lui laisser le stéréotype de «je désire être belle et perdre du poids».

Un facteur qui influence aussi, c'est le faible taux de participation des femmes au sein des conseils d'administration, et on s'est basées aussi sur l'étude... sur l'avis du Conseil du statut de la femme qui disait qu'on était à 16,8 % présentes dans les conseils d'administration. Alors, c'est aussi un facteur qui influence la progression des femmes au niveau décisionnel.

Alors, tous ces facteurs sont importants et sont des freins à la progression des femmes dans les postes de décision.

**(15 h 50)**

Alors, nous, ce qu'on dit, c'est que des mesures importantes auraient avantage à être mises en oeuvre, dans tous les secteurs de l'économie, pour permettre aux femmes d'accéder à l'égalité de ces postes.

Alors, en soutenant l'intégration des femmes dans des métiers et des professions non conventionnelles, on pourrait accroître l'égalité, au moins accroître une égalité salariale ou s'y rapprocher.

En accroissant le niveau d'éducation, les femmes vont être plus aptes et plus compétentes à prendre en main les défis imposés par la participation aux postes décisionnels.

En valorisant l'image des femmes d'affaires ou de carrière par des promotions intelligentes auprès des fillettes et des adolescentes, ça va nous permettre de leur ancrer d'autres valeurs et leur permettre de poursuivre des objectifs de carrière différents... que physiques.

La mise en place de mesures assurant la présence des femmes dans les milieux économiques créera aussi un effet d'entraînement pour ouvrir les portes aux conseils d'administration et aux postes de pouvoir. On pense aussi que, vers la cinquantaine, pour les femmes, en ayant plus d'accès aux conseils d'administration, ça leur permettrait... ça leur donnerait la possibilité d'avoir une carrière plus étendue.

Les femmes sont des consommatrices influentes qui décident pour 80 % des achats, mais leur pouvoir d'influence n'est pas assez reflété dans les structures décisionnelles.

On sait aussi que les femmes sont de plus en plus actives. Ce qui est de nouveau, c'est 47 % des 1,3 million de PME canadiennes comptent des femmes parmi leurs propriétaires. C'est une très bonne nouvelle et, si la tendance haussière se maintient, on devrait atteindre 50 % d'actionnariat dans nos PME bientôt.

Alors, je passe la parole à Justine.

Mme Lacoste (Justine): Alors, je voudrais baser notre présentation sur la liste des recommandations du Conseil du statut de la femme. On est très contentes de l'avis du Conseil du statut de la femme, mais on aimerait ça aller plus vite puis plus loin.

Hier, on était présentes à la commission sénatoriale sur les banques et les affaires de commerce et on a soutenu une position favorisant l'équité... l'égalité hommes-femmes dans les conseils d'administration des société cotées en Bourse, des banques, des compagnies d'assurance et des sociétés d'État mères. Et, à notre grand étonnement, il y avait, en vidéoconférence, une femme qui était en Alberta et qui nous a dit: Je suis d'accord avec les prétentions ou les déclarations de nos collègues du Québec. Alors, peut-être qu'on va arriver à quelque chose.

Alors, je voudrais d'abord dire que les femmes ont de nombreuses occasions de se former et d'apprendre la gouvernance. Il y a plusieurs façons de le faire: il y a l'Institut des administrateurs, à Québec; il y a les HEC; il y a l'ENAP; et, même, le Réseau des femmes d'affaires a donné des formations dans le cadre d'une formation avec l'Université Laval. Alors donc, c'est un cadre différent, on avait adopté nos formations à une présentation plus d'affaires et on avait inclus vraiment deux journées de présentation financière. Cette formation-là visait plus les PME et les organismes sans but lucratif.

On a offert également, au RFAQ, une formation qui s'appelait Femmes vers le sommet, où on incluait les ressources humaines, la comptabilité et toutes sortes d'items, qui est une formation différente de ce qui est offert dans les universités. C'est pour ça qu'on considérait... bien, que le Conseil du statut de la femme recommande de subventionner les maisons d'éducation, on pense qu'on pourrait être subventionnées pour présenter de telles formations.

Le gouvernement fédéral a donné une subvention à un groupe pour former des femmes qui pourraient accéder à des conseils d'administration. Également, ils ont accordé de l'argent pour faire du mentorat. Alors, c'est peut-être des choses qui seraient à subventionner, en plus des formations spécifiques.

Touchant l'égalité, nous progressons dans des négociations pour mettre en place une entente avec un organisme qui s'appelle WEConnect Canada, et cet organisme, qui est partie de WEConnect International, vise à permettre à des entreprises détenues par des femmes à 51 % l'accès aux grandes chaînes d'approvisionnement, aux grands marchés. Maintenant, ce n'est pas une différence, on ne parle pas de 51 % puis 50 % en contradiction, on veut vraiment l'égalité, mais on veut un programme qui serait similaire à ce qui a été adopté aux États-Unis et qui... Les grandes entreprises donnent une partie de leurs achats dans des entreprises dites de diversité, et malheureusement les femmes se retrouvent, dans ces programmes-là, en compagnie des autochtones et des handicapés. Alors, on parle de programme d'achats qui réserverait, pour ces compagnies de diversité, 5 % des achats totaux qui sont faits par les grandes entreprises. On souhaiterait voir ces mesures-là de programme de diversité adoptées par le gouvernement, les sociétés d'État et toute entreprise qui est subventionnée ou qui a des contrats avec le gouvernement.

Quant à la parité des femmes dans les conseils d'administration, l'avis du Conseil du statut de la femme parle d'un progrès qui pourrait être fait rapidement. Nous suggérons que les mandats soient limités à quatre mandats par personne en même temps, de telle sorte qu'une personne ne cumule pas 10 mandats, et ce qui ferait des nouvelles places pour les femmes au sein des conseils d'administration.

On aimerait voir que les statistiques soient cumulées pour établir le nombre de femmes dans les conseils d'administration, mais aussi l'impact de leur présence dans les hautes sphères des directions d'entreprise. Alors, on pourrait dès maintenant, en modifiant le questionnaire qui est déposé par les entreprises auprès du Registraire des entreprises, ajouter des questions, tant pour la propriété des actions, c'est-à-dire plus que 10 %, que sur les postes de dirigeants. Je ne crois pas que ce soit identifié par sexe et je ne crois pas que des rapports soient disponibles, en ce sens, actuellement.

Maintenant, il y a un sujet qui est toujours délicat, c'est le financement des projets d'entreprise. Je pense que les femmes ont des problèmes qui leur sont particuliers sur le financement. Je ne pense pas qu'il y ait, dans le domaine... dans ce domaine, égalité de chances ou égalité de succès. Alors, je pense qu'il y aurait des mesures qui devraient être adoptées... Si nous participons au programme de WEConnect, les femmes auront besoin, pour se développer, d'arriver à des financements de corporation qui leur permettent de progresser... À toi.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme Vachon, ça va?

**(16 heures)**

Mme Vachon (Ruth): À du financement et à de l'accompagnement. Parce que c'est très important dans notre... Dans notre développement, ce qu'on s'aperçoit, c'est qu'on peut supporter financièrement mais on a aussi besoin d'accompagnement. Alors, ces femmes-là qu'on veut faire croître sur le plan économique vont pouvoir accéder aussi à des postes plus hauts... des postes décisionnels plus élevés, mais elles ont besoin, après la certification, d'avoir un programme d'accompagnement qui les mène aux portes des grandes chaînes d'approvisionnement. Alors, on soumet de nombreuses mesures qui devraient être mises en place pour arriver à une augmentation significative du nombre de femmes à titre de membres des conseils d'administration ou de personnes décisionnelles dans l'économie québécoise.

On dit que la croissance de l'économie de demain va passer énormément par l'entrepreneuriat, par les petites et moyennes entreprises. Alors, si on veut qu'elles deviennent un moteur... elles deviendront un moteur économique important. Alors, si on veut les aider à en arriver là, elles ont besoin d'aide, et, nous, on est là pour les supporter.

Les femmes ont toujours été porteuses de l'innovation. Alors, dans un premier temps, ce qui nous importe, c'est de voir un grand nombre d'entreprises féminines ouvrir et, dans un deuxième temps, que nos entreprises féminines établies jouissent d'un soutien particulier pour répondre à leurs besoins. Alors, les efforts qui sont consentis de part et d'autre contribuent à la création d'entreprises, d'emplois partout au pays, d'une façon particulière au maintien des collectivités et spécialement en milieu rural.

Le Président (M. Bernier): Je vous inviterais à conclure, Mme Vachon, s'il vous plaît.

Mme Vachon (Ruth): Bien, c'est fait. Alors, nous, on est là.

Le Président (M. Bernier): C'est fait. Bon. La conclusion est déjà faite.

Mme Vachon (Ruth): La conclusion est faite.

Le Président (M. Bernier): Donc, merci de votre présentation. Nous allons donc passer aux échanges avec les parlementaires. Mme la ministre pour débuter.

Mme St-Pierre: Merci. Alors, on est dans un secteur où il y a du travail à faire, hein, n'est-ce pas?

Mme Vachon (Ruth): Tout à fait.

Mme St-Pierre: C'est sûr que l'avis du Conseil du statut de la femme nous a donné un éclairage, bon, très scientifique, très... On a les chiffres pour les plus grandes entreprises au Québec, et vraiment, 16 %, il y a énormément de chemin à faire. Et on remarque que les entreprises qui ont un conseil d'administration où on trouve le plus grand nombre de femmes, c'est souvent des sociétés d'État, comme Radio-Canada ou Postes Canada. En fait, ce sont des sociétés d'État qui ont tendance à aller recruter des femmes pour leur conseil d'administration. Donc, on n'est pas dans le secteur privé, on est dans le secteur public.

Mais il y a des secteurs absolument... C'est assez incroyable, le secteur de la construction. Un, deux trois, quatre, cinq... Sur cinq entreprises des plus grandes entreprises du Québec, il y en a seulement une qui a des femmes sur son conseil d'administration, c'est SNC-Lavalin, et c'est 27 %. Les autres, c'est zéro, zéro, avec quand même des conseils d'administration assez importants, là. Alors, il y a une compagnie ici qui a 3 500... 3 000 employés, conseil d'administration, zéro femme. Donc, il y a des choses à faire de ce côté-là, puis je pense que cet avis-là, il était essentiel, important pour faire évoluer l'égalité entre les hommes et les femmes.

Dans les recommandations à la fois du conseil... puis, vous aussi, vous en parlez dans... cette certification ISO, enfin, un genre ISO, certification égalité, qu'est-ce que ça donnerait de plus à part avoir la certification?

Mme Vachon (Ruth): Ce que ça donne, ça...

Le Président (M. Bernier): Mme Vachon.

Mme Vachon (Ruth): Oui. Excusez-moi. Ce que ça donne, c'est... ça permet aux... D'abord, ça prend... c'est pour favoriser l'achat dans des entreprises contrôlées à 51 % par des femmes, et ça va permettre aux femmes de vivre... Souvent, soit elles n'y vont pas ou... Nous, ce qu'on veut, la certification, c'est que tu as un évaluateur qui passe dans ton entreprise, qui va voir tes états financiers, qui va voir ta constitution et la force de ton entreprise. Par exemple, quand on pense à Wal-Mart, qui est une entreprise qui a adhéré au programme de diversité, est-ce que cette entreprise-là a les reins assez solides pour se permettre d'aller vendre chez Wal-Mart? C'est le fun d'y aller, mais est-ce qu'on est capable?

Maintenant, quand cette entreprise a été certifiée, ça ne s'arrête pas là. C'est comme: si je deviens avocate demain, je ne fais application à nulle part, je ne pratiquerai jamais. Alors, après que j'aie la certification, c'est une porte ouverte. Ça me permet d'aller m'enregistrer sur les sites de ces grandes entreprises là comme fournisseur. Ça ne veut pas dire que demain ils vont acheter, ça veut dire que demain mon travail commence.

Alors, nous, ce qu'on dit, c'est que, oui, on veut certifier ces entreprises-là, mais ce qui est d'autant plus important, c'est de prendre ces entreprises-là un coup qu'elles ont été certifiées et de dire: Bon, maintenant, où est-ce que tu veux te rendre, où est-ce que tu veux aller? Est-ce que c'est des plans de visibilité? Est-ce que c'est en développement des affaires? Peu importe, mais ces entreprises-là ont besoin d'aide parce que de franchir le pas de la petite entreprise pour aller frapper aux portes des grands, ça fait souvent très peur, la même chose que pour le gouvernement ou les sociétés d'État.

Le Président (M. Bernier): Oui, Mme Lacoste.

Mme Lacoste (Justine): J'aimerais ajouter quelque chose. Quand on achète un vêtement, on voit où il est fabriqué. Quand on achète de la nourriture, on sait si c'est biologique. Peut-être qu'on aurait intérêt, quand on achète quelque chose, de connaître si c'est un produit... on a le café équitable, alors peut-être qu'on pourrait avoir nos entreprises équitables au Québec.

Le Président (M. Bernier): Merci.

Mme St-Pierre: Très intéressant.

Le Président (M. Bernier): Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Ce n'est pas des solutions qui coûtent très cher, là. L'organisme, là, WEConnect Canada, moi, à la dernière rencontre fédérale-provinciale des ministres de la Condition féminine, il y a quelqu'un de cet organisme-là qui est venu nous en parler. Puis le gouvernement fédéral a financé pour mettre en place cet organisme-là au Canada. J'étais très déçue de voir que ça n'avait pas énormément de répercussions au Québec et j'ai fait certains commentaires assez... où j'étais... enfin, je n'étais pas très tendre, là, parce que je trouvais que, quand même, il y avait des choses à faire ici. C'est sûr que... Et je leur ai demandé de faire des efforts, mais... Bon. Le terme «WEConnect.ca», il va falloir qu'on trouve quelque chose en français, ça, ça va être notre difficulté, là, parce que, Branchez-vous!, ça existe déjà. Branchez-vous! existe déjà, donc ça ne peut pas être lui qu'on... Mais c'est quand même un réseau canadien, américain puis international, là. C'est important, cette affaire-là.

Le Président (M. Bernier): Mme Vachon.

Mme Vachon (Ruth): C'est un réseau international. Ils opèrent... c'est parti des États-Unis, ils opèrent en Europe, en Chine et aux Indes. Et... J'ai perdu mon petit fil, là, vous m'avez amenée à quelque part...

Mme St-Pierre: Le nom.

Mme Vachon (Ruth): Ah! le nom, oui, le nom. Oui, c'est sûr qu'on aimerait se pencher... Je pense que ce serait agréable de garder le WEConnect pour avoir la connotation, sauf qu'on aimerait peut-être ajouter un petit slogan français qui pourrait inspirer les gens ou les brancher. Bien, Branchez-vous! l'est déjà. Et WEConnect, le o-u-i... «Connect», je pense, n'a pas une connotation française. Alors, bienvenue à toutes les suggestions, hein?

Mme St-Pierre: On va faire aller notre imagination. Mais expliquez-nous exactement, parce que vous êtes issue du milieu des gens d'affaires, là, en quoi ça peut avoir une influence sur les femmes dans le domaine des affaires, dans le domaine de l'économie...

Le Président (M. Bernier): Mme Vachon.

Mme St-Pierre: ...pour les entreprises aussi qui sont détenues par des femmes.

Mme Vachon (Ruth): Je vais y aller avec un exemple facile. Dans le passé, ce qui s'est fait et pourquoi... c'est une des raisons, O.K., je reviens à ce que je voulais vous dire tout à l'heure, pourquoi ça n'a pas levé au Québec, c'est qu'il y a eu de l'activité au Québec, il y a eu des espèces de journées d'information qui ont été données, il y a six entreprises qui ont adhéré, dont deux qui n'ont pas renouvelé leur adhésion l'année suivante. Pas de suivi. Pas de suivi, pas d'accompagnement. Les gens veulent passer à l'international ou vendre aux grandes corporations mais, je veux dire, de là à vouloir et le réaliser, souvent c'est deux. Alors, ils se sont retrouvés avec une certification et peu d'accompagnement. Tout se passait en Ontario. Alors, si tu ne peux pas y aller, bien, tu manques l'information et tu perds le fil, le fil conducteur qui va te conduire où est-ce que tu veux aller. La deuxième question maintenant.

Mme St-Pierre: Bien, c'est-à-dire de savoir en quoi, là... comment... Moi, je trouve qu'il y a quelque chose d'intéressant là, mais j'aimerais le comprendre et savoir en quoi, si on fait des efforts dans ce sens-là, ça pourrait avantager les entreprises. Est-ce que nos entreprises québécoises ont quelque chose à offrir que les autres entreprises n'offrent pas? Est-ce qu'on pourrait faire faire des choses intéressantes aux entreprises qui sont détenues par des femmes avec ce réseau-là?

Mme Vachon (Ruth): D'abord, nos entreprises québécoises, ça ne veut pas dire qu'elles vont nécessairement toutes faire affaire à l'international. C'est ouvrir l'accès à des marchés qui sont sous-estimés. Ça veut dire... On en a, des Bureau en Gros, chez nous. On en a, des Wal-Mart. On en a, des... Mais on ne veut pas nécessairement frapper à leurs portes. Alors, c'est de vendre à de grandes corporations.

Moi, je vais vous donner un exemple simple. Ce qui a été fait, ça a été des soirées publiques, des soirées d'information où les femmes entrepreneures sont sorties en disant: Ah! ce n'est pas pour moi. Alors, je pense que ce sont des ventes qui doivent se faire un à un, face à face, parce que ça... il faut que ce soit plus élaboré et mieux compris.

Alors, je vous fais la compréhension d'une dame qui est allée, elle m'a dit... elle m'a répondu, quand je lui en ai reparlé un an plus tard: Ah oui! j'ai assisté à ça, puis ce n'est pas fait pour moi. Moi, je suis déjà dans plusieurs pays, puis... Ah oui! Donc, tu veux me dire que tes ventes sont saturées? Elle me dit: Non, non, non! Je peux vendre encore. C'est une dame qui vend des logiciels comme une peu des logiciels pour les nuls. Alors, je dis: Toi, ton rêve, admettons, là, si je te disais demain, là, que, ton logiciel, il va avoir un crochet chez Bureau en Gros pour le vendre puis être distribué. Elle me répond: Mais c'est mon rêve! Alors, «c'est mon rêve», les gens ne comprennent pas à quel point ils ont un produit merveilleux dans les mains, mais il n'est pas développé.

La même chose, je pense, c'est avec Mme Mailloux, puis on a eu une conversation là-dessus la semaine dernière. On sait que, je veux dire, dans le 50 % de nos femmes entrepreneurs, ce n'est pas nécessairement les entreprises... les plus grandes entreprises. Alors, on a besoin de faire grandir ces petites-là.

J'ai un exemple qui est très petit. Quand j'expliquais à une dame qui fabriquait des coffres au trésor pour les garderies en milieu familial, elle me dit: Bien, ça, ce n'est certainement pas pour moi. Bien, ton produit est tout à fait réglementaire, ton produit est... tout est écrit en français, alors ça pourrait te permettre... on pourrait aller chez Wal-Mart et distribuer ton produit. Les éducatrices vont dans les Wal-Mart, elles vont dans les Bureau en Gros, elles vont s'approvisionner à quelque part. Alors, ça peut être en France, ça peut être dans d'autres pays, mais c'est un produit qui est facilement exportable et facilement vendable dans des grandes corporations.

Alors, ça prend une explication, mais je pense que c'est un bon moyen pour faire grandir nos petites entreprises à propriété féminine.

**(16 h 10)**

Le Président (M. Bernier): Merci, Mme Vachon.

Mme St-Pierre: Dans les mesures pour amener les femmes vers des conseils d'administration... le fait qu'ils ne recrutent pas suffisamment, puis les amener, ces grandes entreprises là, à recruter des femmes sur les entreprise  -- les grandes ou moyennes, là, il faut commencer quelque part -- comment on pourrait... quels seraient les incitatifs qui pourraient amener des... J'imagine que vous ne pensez pas à une loi, mais est-ce qu'il y a des choses qui pourraient être amenées sur la table en disant: Bien, vous avez intérêt à avoir des femmes sur vos conseils d'administration? Comment on peut y arriver dans notre plan d'action? Est-ce qu'il y a des mesures que vous nous proposez?

Le Président (M. Bernier): Mme Lacoste.

Mme Lacoste (Justine): Évidemment, une loi, ce serait l'idéal. Ma grand-tante a fondé Sainte-Justine, puis ils ont fait une loi privée pour dire que les maris n'étaient pas responsables. S'ils ne l'avaient pas fait, Sainte-Justine n'existerait pas. Ma mère a fini son étude de droit en même temps que mon père, en 1936: les femmes n'étaient pas admises au Barreau. Elle a été admise en 1942, et sa question a été, c'était un Barreau oral: Est-ce que les femmes peuvent être accusées de viol? Pas sexiste?

Je pense que la législation est toujours une façon de faire. Si on voit maintenant tant d'avocates, c'est qu'on a changé la loi. On n'a pas demandé aux femmes, en leur donnant leur droit de vote, si le gouvernement était pour être meilleur. Il y a toute une tendance de recherche qui essaie de prouver que, si on avait des femmes au conseil d'administration, les compagnies feraient plus de profits. J'ai une étude, que je n'ai pas avec moi, qui dit que, quand on confie des postes de direction aux femmes, c'est qu'on pense qu'il y a des problèmes plus grands, et que les femmes qui réussissent dans ces circonstances-là ont un meilleur succès que les hommes.

Je reviens à la législation. Essayons de trouver peut-être... En France, ils parlent de 40 % sur six ans. Pour la parité, je trouve que ça correspond à la population. Essayons de trouver peut-être des mesures qui seraient peut-être des étapes mais d'aller en avant dans cette direction-là, puisque tout est administré pour la population, c'est-à-dire, on prend les fonds de pension, il y a autant de femmes que d'hommes, pourquoi on...

Mme St-Pierre: C'est parce que les entreprises nous disent: À quoi bon? Il y a trop de règlements, puis il y a trop de ci, puis il y a trop de ça. Moi, c'est pour ça que je me disais: Bien, peut-être qu'il y a une voie pour y aller... y arriver sans une législation. Mais vous nous dites que ça serait la meilleure voie, la meilleure façon, c'est ce que vous nous recommandez?

Mme Lacoste (Justine): Donnez des... Excusez-moi, mais donnez des crédits d'impôt. L'argent et la loi.

Mme St-Pierre: Bon, je ne suis pas ministre des Finances, mais je peux passer le message. Les conseils d'administration, bon, on l'a, la loi pour les sociétés d'État, puis on va atteindre... bien, enfin, on est sur le point d'atteindre la parité, d'atteindre notre objectif des... notre objectif, et je pense que c'est très sain de le faire. Et la zone de... On parle aussi de zone de parité maintenant. En fait, ce n'est pas 50-50, mais ça pourrait être 60 femmes, 40... en fait, 60-40, on est plus dans... on parle de zone de parité, mais... Donc, est-ce qu'il y aurait... ça serait... ça pourrait toucher, dans votre esprit, toutes les entreprises ou juste les grandes entreprises ou est-ce qu'il faudrait l'imposer à toutes les entreprises?

Le Président (M. Bernier): Oui, Mme Lacoste.

Mme Lacoste (Justine): L'idéal, évidemment, c'est toutes les entreprises, mais disons qu'on ne peut pas arriver là tout de suite. Alors, si on prenait les émetteurs assujettis, celles qui sont couvertes par l'Autorité des marchés, qu'on travaillait dans ce sens-là, on pourrait peut-être faire faire des progrès sur la parité.

L'autre chose, c'est que, les femmes, on va avoir des changements, je pense que c'est évident. À ma génération, en droit, nous étions deux, au MBA, nous étions deux. Ces chiffres-là n'existent plus. On nomme les femmes aux conseils d'administration 45-50, dans ces zones-là. Donc, avec la progression des femmes plus éduquées, on va évidemment voir des changements, on va avoir des femmes qui ont travaillé, qui ont de l'expérience. Il y a une autre étude qui dit que, quand ils cherchent des membres de conseil d'administration, les hommes cherchent des profils identiques aux leurs. S'ils cherchent un joueur de football, jamais je ne serai nommée sur un conseil d'administration, je n'ai jamais joué au football.

Le Président (M. Bernier): Merci, Mme Lacoste. Nous allons donc passer du côté de l'opposition officielle. Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, M. le Président. Alors, mesdames, bonjour et bienvenue à notre commission. Alors, en effet, quand on regarde, dans l'annexe III, là, qui nous a été fournie, la présence des femmes aux conseils d'administration des 100 géants de l'industrie classés par ordre d'importance, c'est inquiétant, ce n'est pas...

Mme Vachon (Ruth): Il y a place à l'amélioration.

Mme Beaudoin (Rosemont): Mais il y a place à l'amélioration, c'est certain, parce que je vois Rio Tinto Alcan, 6,7 %. Est-ce que je lis bien Air Canada, 0 %? Pas beaucoup.

Une voix: Je ne sais pas, je pense que oui.

Le Président (M. Bernier): Madame...

Mme Beaudoin (Rosemont): Bien, oui. Quebecor, 9,1 %; AbitibiBowater, 15,4 %. Alors, bon, je sais que la moyenne, c'est ça. Ça fait quoi? 16 %. C'est ça, la moyenne? Bon. Alors, oui, c'est parce que, quand on le voit, là, écrit comme ça puis qu'on le lit, puis tout du monde qu'on connaît, ça nous inspire quand même un certain nombre de réflexions. Alors donc, vous avez bien raison qu'il y a... Est-ce qu'il faut passer par la loi? Moi, je n'ai jamais d'objection. En général, je pense qu'à un moment donné il faut peut-être contraindre parce que les résultats, et vous l'avez dit, dans les organismes... dans les entreprises publiques, ça a vraiment fait la différence, ça a fait un changement extraordinaire. Alors, mutatis mutandis, on pourrait imaginer en effet que, pour les entreprises du secteur privé... bon, il faut savoir lesquelles, en effet, où est-ce qu'on trace la ligne, mais ça me semble être une voie en effet qu'on pourrait suivre.

Moi, je voudrais... Vous excuserez mon ignorance, mais je voudrais que vous me parliez du Programme d'obligation contractuelle. C'est quoi, ce Programme d'obligation contractuelle, quand vous dites qu'il devrait être «modifié de façon à ce que les entreprises assujetties incluent dans leur programme d'accès à l'égalité des mesures destinées à instaurer graduellement la parité femme-homme dans les conseils d'administration»?

Le Président (M. Bernier): Me Lacoste.

Mme Lacoste (Justine): Alors, c'est un... Si vous êtes familière avec Internet, allez voir sur Internet, vous allez trouver le programme du gouvernement du Québec sur les obligations contractuelles, qui est l'équité salariale dans les entreprises...

Mme Beaudoin (Rosemont): Ah bon, oui, oui.

Mme Lacoste (Justine): ...et qui nomme spécifiquement 161 entreprises au Québec qui seraient soumises à ce Programme d'obligation contractuelle, et, d'après ce que nous comprenons de discussions que nous avons eues, ces entreprises-là ne respectent pas les rapports et leurs obligations d'égalité, et ce n'est pas public, donc il y a des améliorations à faire auprès de ces 161 entreprises qui sont soumises à l'obligation contractuelle.

Le Président (M. Bernier): Merci.

**(16 h 20)**

Mme Beaudoin (Rosemont): Donc, ils n'ont pas donné... qui continuent à faire affaire avec le gouvernement sans avoir... sans donner suite véritablement à ces obligations contractuelles, finalement, qui concernent ce secteur-là. C'est ça?

Mme Lacoste (Justine): C'est ce qu'on comprend.

Mme Beaudoin (Rosemont): C'est ce que vous comprenez. Bien, peut-être que la ministre pourra nous dire, avant la fin de la commission, exactement de quoi il s'agit.

Moi, j'aimerais vous poser une question. Vous n'en avez pas du tout parlé, vous avez décidé, puis vous êtes un regroupement de femmes d'affaires, de vous en tenir à ce secteur-là, puis il y a en effet beaucoup de marge pour améliorer les choses, mais je voudrais quand même vous poser la question sur la politique, c'est-à-dire que, bon, vous le savez, c'est difficile d'obtenir... on n'y est pas arrivé puis on en est bien loin, même, il y a une espèce de stagnation par rapport au nombre de femmes, ici, à l'Assemblée nationale, et puis aujourd'hui, avec le remaniement, bien, il n'y a plus de parité.

Une voix: ...

Mme Beaudoin (Rosemont): Pardon? Vous êtes dans la zone. O.K., très bien, maintenant, on va retenir le concept de zone, mais... Parce qu'il y a beaucoup de groupes qui sont venus féliciter le gouvernement, depuis le début de ces auditions, en disant: C'est formidable, la parité totale, etc., bon. Mais, peu importe, quand on regarde... Donc, on est moins de 30 %, on n'a pas tout à fait atteint le 30 %. À Ottawa, c'est moins encore. Je parle de femmes à l'Assemblée nationale, et à Ottawa, donc à la Chambre des communes, c'est encore moins. Et, je vous le disais, il y a comme une stagnation, parce que, pendant un temps, on a pu dire, depuis Mme Kirkland, que ça augmenterait de façon linéaire, puis, d'élection en élection, jusqu'à la victoire finale, on se retrouverait, je ne sais pas quand, à parité. Là, si on fait une projection, on se dit qu'en 2033, peut-être, on obtiendrait, donc, ce 50-50, et peut-être un peu avant, cette zone de mixité égalitaire qui serait autour de 40 %. Mais vous devez avoir quand même une petite opinion là-dessus puisque vous défendez avec raison, justement, dans le milieu des affaires, dans le secteur privé en particulier, donc, cette atteinte de la parité.

Le Président (M. Bernier): Mme Vachon.

Mme Vachon (Ruth): Si ma mémoire est bonne, dans l'avis, on disait: À ce rythme-là, ça prendrait 16 ans avant d'atteindre parité, alors vous êtes à peu près égales à nous autres; ça va vous prendre le même temps.

Mme Lacoste (Justine): Alors...

Le Président (M. Bernier): Mme Lacoste.

Mme Lacoste (Justine): Est-ce qu'on pourrait penser qu'il y ait des similarités entre la situation des femmes d'affaires et la situation des femmes en politique? Je pense que oui. Je pense qu'on a de la difficulté à imaginer des personnes de pouvoir. Je ne pense pas que toutes les femmes veulent respecter le modèle de Mme Thatcher, je ne pense pas que toutes les femmes veulent respecter le modèle de Mme Palin, je pense qu'on a du développement à faire, et c'est pour ça que nous avons inscrit l'article qui fait référence aux jeunes filles. Je pense qu'il y a des choses à faire sur les images, sur la projection, sur les perceptions, sur la façon de communiquer des femmes et des hommes.

Le Président (M. Bernier): Mme la députée.

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui. Oui, c'est intéressant, vous avez sûrement... sûrement raison, puis, quand vous faites référence à Mme Thatcher ou à Sarah Palin, en effet, les femmes n'ont pas qu'un modèle, et ce n'est pas parce qu'on veut que tout le monde soit dans le même moule, que ce soit dans votre secteur ou dans le nôtre, qu'il faut qu'il y ait des femmes... Il faut qu'il y ait des femmes en soi, quelque part, puisque la société est ainsi constituée puis la représentativité passe par là. Mais je trouvais intéressant... Vous dites... Dans le fond, vous étiez prête à dire tout à l'heure: Bien, il faut peut-être une loi, bon, comme il y en a eu une dans le secteur public, pas au secteur privé, puis, dans le fond, la question qu'on doit aussi se poser... même si je suis la seule à défendre ce point de vue ici, en tout cas au moins autour de la table, qu'il faudrait aussi une loi concernant la politique. Parce que ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de femmes qui sont compétentes, là, ce n'est pas ça, hein, qui... Bon, on nous dit souvent: Bien, les femmes n'ont pas tellement envie de faire de la politique parce que... Est-ce que c'est vraiment inspirant? Est-ce que c'est vraiment intéressant? Est-ce que c'est vraiment le genre de vie qu'on a envie de mener? Et justement les jeunes femmes se disent: Je suis peut-être mieux de m'impliquer dans le secteur privé, d'être une entrepreneure et de réussir autrement, alors que longtemps la réussite... la politique pouvait être considérée comme une réussite, mais là on peut quand même reconnaître que c'est légèrement dévalorisé.

Alors, il faut qu'on retrouve en effet cette image positive de la politique pour que les femmes aient envie de s'embarquer. Mais, moi, dans le fond, je me dis, si on est prêts à faire une loi pour faire en sorte qu'il y ait parité dans les conseils d'administration des grandes entreprises ou, enfin, un certain nombre d'entreprises privées, on pourrait mutatis mutandis, donc, faire la même chose à l'Assemblée nationale pour être certaines que ça ne prenne pas 100 ans avant que les femmes donc se retrouvent, disons, en tout cas, au moins justement à 40 %. On dit que c'est le plafond de verre, 30 %. 30 %. Mais il faut au moins être 30 % pour que ça paraisse, pour que le poids en quelque sorte des femmes... La masse critique, c'est à peu près 30 % pour qu'il se passe enfin un certain nombre de choses, où les femmes sont plus à l'aise, en tout cas, à 30 %. Mais là on ne l'a jamais atteint, ce 30 % là.

L'autre jour, on était... -- c'est dans cette commission -- on est allés dans la salle des Premiers-Ministres, alors, qui est ici pas loin. Alors, c'est une salle où, là, il y a les photographies, les portraits, là, de chacun des premiers ministres. Il y a comme un malaise quand on arrive là, là, tu sais, comme un malaise.

Une voix: ...

Mme Beaudoin (Rosemont): Hum? Pardon?

Une voix: ...

Mme Beaudoin (Rosemont): C'est vrai. Bon, voilà. Alors, c'étaient mes commentaires. Je ne sais pas si vous voulez commenter sur mes commentaires, mais c'étaient...

Le Président (M. Bernier): Merci, Mme la députée, de vos commentaires. Est-ce que vous avez des commentaires à faire sur les commentaires de madame? Non? Ça va? Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Poirier: Merci, M. le Président. Moi, j'aimerais ça vous entendre sur un autre sujet. Vous êtes dans le milieu des affaires. Vous êtes des femmes qui représentent les femmes en quelque part dans les entreprises. Et on voit encore beaucoup d'images sexuées des femmes, que ce soit dans les magazines, que ce soit dans... particulièrement dans le monde de la mode, où il y a encore beaucoup... On parle souvent d'hypersexualisation, mais on a beaucoup de publicité sexiste, et c'est un des thèmes qui a été abordé. Et j'aimerais savoir qu'est-ce que le Réseau des femmes d'affaires du Québec fait pour contrer cette publicité sexiste là.

Le Président (M. Bernier): Mme Vachon.

Mme Vachon (Ruth): Ou Mme Lacoste.

Le Président (M. Bernier): Me Lacoste.

Mme Lacoste (Justine): Bon. Bien, je me lance. Je dirais qu'on n'a jamais considéré cet aspect-là comme dans notre mandat. C'est-à-dire que, nous, on en a, je dirais, plein les mains à essayer de favoriser l'avancement des femmes dans les positions de pouvoir dans les entreprises. Nous sommes très conscientes de ce phénomène. C'est clair que, quand on prend les revues féminines, ce n'est que ça. Et c'est pour ça qu'on parlait de publicité auprès des jeunes filles pour essayer de trouver des façons de présenter des images de femmes qui ne sont... qui ne correspondent pas, qui sont dans la vraie réalité des femmes, qui ne pèsent pas... filiformes, etc.

Donc, il y aurait vraiment un effort à mettre nos politiciennes et nos femmes d'affaires en avant de telle sorte qu'elles soient des modèles, qu'il y ait autre chose dans les revues que les mannequins filiformes. C'est mon commentaire.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui, en terminant, M. le Président. J'ai une revue ici que, par charité chrétienne, je ne nommerai pas, mais qui... Je veux juste vous lire... Je veux juste vous lire... C'est quand même... Parce que c'est une revue très «mainstream», on dirait, là, pas du tout une revue spécialisée, là, dans ce que je vais vous dire. Alors, tout ce que je lis, là, c'est, bon, sur la page couverture avec justement un beau pétard, là. Alors: «La porno a-t-elle tué l'érotisme?», première question. «Fétichisme 101», «Ma libido sur ordonnance», «Sade, sadisme, sadique».

Une voix: ...

Mme Beaudoin (Rosemont): Bien non! Justement, c'est pour...

Une voix: La démonstration.

Mme Beaudoin (Rosemont): ...démonstration. «Dentelle hot, lingerie, cuir et compagnie», «Bistouri, cheveux et seins». Bien, je veux dire... Ça, là, c'est une des revues les plus vendues.

Le Président (M. Bernier): Est-ce que c'est une préparation pour la période des questions? Est-ce que c'est une préparation pour la prochaine période des questions?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bernier): Je me pose...

Mme Beaudoin (Rosemont): Non, mais...

Le Président (M. Bernier): Allez-y, Mme la...

Une voix: ...

Mme Beaudoin (Rosemont): Mais c'est quand même, je veux dire, franchement... On l'a apportée parce qu'on parle beaucoup de...

**(16 h 30)**

Une voix: De la charte.

Le Président (M. Bernier): ...Mme la députée.

Mme Beaudoin (Rosemont): ...de la charte, etc., alors c'est juste pour dire qu'à un moment donné...

Une voix: Des signataires de la charte.

Mme Beaudoin (Rosemont): Sont-ils signataires de la charte?

Le Président (M. Bernier): Mme la députée, si quelqu'un demande le dépôt du document, je refuse.

Mme Beaudoin (Rosemont): Très bien.

Une voix: ...

Mme Beaudoin (Rosemont): Mais c'est -- oui -- seulement pour vous démontrer que c'est... Je trouve ça particulier, en tout cas, là, que ce soit... ce genre de...

Une voix: Qu'on continue de l'accepter.

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui, et qu'on accepte ça, en effet, qu'on... Alors, même vous autres, là, comme organisme, c'est pour ça que je vous dis ça, même si ce n'est pas dans votre mandat comme tel, je pense qu'à un moment donné tous ensemble on devra, bon, réagir.

Le Président (M. Bernier): Mme la présidente, je vous laisse une minute pour le mot de la fin. Mme Vachon.

Mme Vachon (Ruth): Alors, on voit qu'on a du travail à faire au niveau de l'image. C'est sûr que, nous, ce n'est pas notre priorité numéro un de s'attaquer à des articles comme ça, sauf que, nous, on dit: Bon, bien, par ce qu'on veut projeter, par les modèles féminins inspirants qu'on veut mettre en tribune, on pense qu'on devrait pouvoir faire une balance et une différence qui n'est pas comptée dans l'économie et dans la culture québécoises.

Le Président (M. Bernier): Merci. Je veux vous remercier, Mme Vachon, Mme Lacoste. Mme Vachon, vous avez très bien fait ça, même si vous avez brisé la glace, on vous invite à revenir. Donc, merci aux représentantes du Réseau des femmes d'affaires du Québec.

Je vais suspendre quelques instants pour permettre aux représentantes de Réalisatrices équitables puissent... pour qu'elles puissent prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 32)

 

(Reprise à 16 h 35)

Le Président (M. Bernier): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux. Nous avons le plaisir d'accueillir, cet après-midi, les représentantes de Réalisatrices équitables. Bienvenue, mesdames. Vous avez une période de 15 minutes pour faire votre présentation. Et je vous invite à vous présenter et à présenter la personne qui vous accompagne. La parole est à vous.

Réalisatrices équitables

Mme Hayeur (Isabelle): Bonjour. Alors, on voulait d'abord vous remercier et remercier le ministère de nous avoir invitées à participer en personne à cette consultation.

O.K., je vais me présenter avant, et Marquise. Marquise Lepage est réalisatrice et présidente de Réalisatrices équitables.

Mme Lepage (Marquise): Bonjour.

Mme Hayeur (Isabelle): Moi, je suis Isabelle Hayeur. Je suis la vice-présidente et réalisatrice aussi, de mon métier.

Alors, on voulait vous remercier, puis nous croyons avoir l'expertise pour apporter certaines réponses à la question: Comment travailler à des changements effectifs et en profondeur des rôles différenciés des filles et des garçons, des femmes et des hommes dans divers domaines de la société?

Brièvement, notre groupe, Réalisatrices équitables, existe depuis quatre ans. On travaille à faire en sorte que les femmes aient une place plus équitable devant et derrière la caméra. Puis on veut parler aujourd'hui plus spécifiquement de la situation des réalisatrices et de la production audiovisuelle au Québec. Comme ce domaine a une énorme influence sur tous les secteurs de la société, car nous vivons de plus en plus dans un monde d'images, nous parlerons plus particulièrement de l'impact des films et des émissions de télévision sur toute la population du Québec.

Mme Lepage (Marquise): D'ailleurs, on vient juste de le mentionner, les médias sont souvent pointés du doigt quand on parle de stéréotype et d'hypersexualisation des femmes et des jeunes filles. Alors, je pense qu'il est important de mentionner que les films réalisés par des femmes représentent un vent d'air frais dans ce domaine, parce qu'en effet plusieurs études démontrent que, lorsqu'une femme est la réalisatrice d'un film ou d'une émission, il y a un plus grand nombre de femmes à l'écran, les personnages féminins y sont plus diversifiés, moins stéréotypés et pas ou peu hypersexualisés. De plus, comme les femmes représentent 51 % de la population québécoise, il est clair qu'elles devraient être plus équitablement et plus démocratiquement représentées qu'actuellement où environ 15 % des budgets québécois vont à des réalisatrices et 85 % pour des réalisateurs.

D'abord, peut-être que vous n'êtes pas tous habitués aux termes «réalisatrice», «scénariste» et «productrice», alors je voudrais juste, pour ne pas qu'il y ait de confusion, expliquer ce que c'est, la... et pourquoi on focalise sur le métier de la réalisation. C'est parce que c'est là que les principales décisions créatives se prennent. Le réalisateur ou la réalisatrice choisit les comédiens, les personnages, les costumes, le style de jeu et prend plein d'autres décisions, y compris celles de vêtir ou non les personnages féminins. C'est aussi là qu'on décidera de faire jouer au personnage féminin un rôle de mère à la maison, de victime, de poupoune ou de superhéroïne. Alors, bref, tous ces choix... tous les choix qui auront un impact sensoriel, visuel et sonore sur la manière dont le film influencera les spectateurs et les spectatrices sont décidés par le réalisateur ou la réalisatrice. Donc, c'est pour ça que ce rôle est très important.

On a dit que les images ont une influence énorme. Il y a un exemple aux États-Unis qui le prouve, l'exemple The West Wing, qui... Quatre ans avant, il y avait 80 % de la population qui n'était pas prête à voter pour une femme comme présidente. Ensuite, les proportions étaient inversées, 80 % des gens se disaient maintenant prêts à voter pour une présidente. Donc, en quelques années, l'opinion populaire s'était inversée. On peut donc aussi imaginer l'impact négatif sur la société quand les stéréotypes sont perpétuels, sont... ils sont les seuls modèles de personnages féminins offerts. Les enfants et les jeunes prennent beaucoup leurs modèles dans les médias, et la sous-représentation des femmes sur les écrans actuels contribue à leur faire croire que les femmes sont moins importantes que les hommes dans la société. Il faut donc cesser rapidement cette acculturation.

Ce qu'il est important de savoir, c'est que, l'an dernier, au Québec, 85 % des premiers rôles étaient tenus par des hommes. Il y a trois fois plus de personnages masculins que féminins dans tous les films, toutes catégories confondues, y compris pour les émissions pour enfants. Les personnages féminins présents dans... sont, dans 80 % des cas, stéréotypés ou hypersexualisés, y compris dans les films québécois.

La majorité des enfants occidentaux de plus de six ans passent entre cinq et 10 heures par jour à regarder un écran de télé, film, DVD, jeu vidéo, iPhone ou iPod. Sachant qu'une partie importante de la socialisation et du développement se passe dans la petite enfance, il est important de se pencher sur les messages diffusés par ces petits et grands écrans.

Le manque de modèles positifs dans les personnages féminins constitue un important déficit identitaire pour toutes les fillettes et les jeunes filles du Québec, et un déficit pour tous les enfants, et pour la société en général, d'un potentiel d'éveil et d'influence face à l'égalité des rôles hommes-femmes dans la société.

**(16 h 40)**

Mme Hayeur (Isabelle): Bien, on rappelle un peu brièvement les chiffres, parce qu'on a eu plusieurs études, puis des études récentes, qui prouvent que, lorsqu'une femme réalise un film... On parle de film, hein, on ne parle pas de... on parle de long métrage de fiction aussi, beaucoup, là...

Une voix: Et des émissions.

Mme Hayeur (Isabelle): ...et des émissions. Lorsqu'une femme réalise un film, les personnages féminins sont en moyenne deux à trois fois plus nombreux, plus positifs que dans les films réalisés par des hommes. Les personnages principaux sont aussi majoritairement des femmes, ce qui est normal parce qu'on parle de ce qu'on connaît. Ça fait que, quand on est un homme puis qu'on fait un film, on va avoir tendance à plus parler de soi, donc un héros masculin. Quand on est une femme, on a tendance à plus parler d'une héroïne féminine. Ce n'est pas tout le temps comme ça, là, mais en général. Les rôles féminins vont y être beaucoup plus diversifiés quand c'est une femme qui réalise. Plusieurs catégories d'âge vont être représentées aussi. Et les personnages féminins vont être moins stéréotypés, peu ou pas hypersexualisés, puis en général pas plus dévêtus que les hommes.

Donc, la quasi-exclusivité de la place à l'écran est aux personnages principaux masculins, et la présence des multiples stéréotypes des personnages féminins contribue de façon notoire à confirmer les préjugés négatifs envers les femmes. Ces préjugés, ancrés très tôt dans la petite enfance, sont très dommageables, et ce, autant pour les filles que pour les garçons.

Alors, lorsqu'on regarde l'ensemble de l'industrie, les femmes semblent correctement représentées, je parle de l'industrie cinématographique, tous les gens qui y travaillent. Mais les réalisatrices, qui sont, à l'instar de leurs collègues réalisateurs, les maîtres d'oeuvre du film, se font très rares. Elles sont même, dans certains domaines, comme le long métrage de fiction, quasi totalement absentes. Il faut augmenter le nombre de réalisatrices et de productions réalisées par des femmes parce que, comme on le démontrait plus tôt, en encourageant la réalisation de films mis en images par des femmes, on agirait de façon directe à lutter contre les préjugés, les stéréotypes et l'hypersexualisation.

Mme Lepage (Marquise): Il faut savoir quelque chose... quelques chiffres et choses importantes. Les jeunes filles étudient, dans les principaux programmes universitaires au Québec en cinéma et télévision, dans une proportion à peu près égalitaire, mais elles sont beaucoup plus nombreuses à abandonner leur rêve de devenir réalisatrice.

Il faut savoir aussi que tous les films et toutes les émissions de télé, au Québec, sont financés par des fonds publics, c'est-à-dire principalement par la SODEC et les crédits d'impôt ou Télé-Québec. Il n'existe pas d'industrie privée au Québec, c'est une fausse appellation que de parler d'industrie privée de cinéma ou de télévision. Quand on veut faire un film, une réalisatrice ou un réalisateur doit convaincre d'abord un producteur d'accepter son projet, parce que la SODEC donne l'argent aux producteurs ou aux productrices et non aux réalisateurs ou aux réalisatrices. Les producteurs déposent beaucoup moins de projets signés par une réalisatrice que par un réalisateur. Le nombre de projets de réalisatrices acceptés est donc toujours moindre que pour les réalisateurs. Les montants accordés sont pratiquement toujours inférieurs pour les femmes que pour les femmes... que pour les films réalisés par des hommes.

Il y a des chiffres qui font dresser les cheveux sur la tête. Par exemple, 14 % des budgets, seulement, de la SODEC vont aux femmes, mais elles réalisent 20 % des projets, c'est-à-dire que les femmes ont deux fois moins d'argent pour réaliser le même type de production. La proportion de films et d'émissions réalisés par des femmes n'a pas augmenté depuis 20 ans, elle a régressé. Ce phénomène est visible dans presque toutes les institutions, et rien ne laisse présager une amélioration de la situation des réalisatrices dans un proche avenir. Au contraire, dans certains cas, on a observé une tendance à la baisse.

Mme Hayeur (Isabelle): Bien, rapidement, on a essayé de cerner pourquoi, quelles sont les raisons, pourquoi il y a si peu de femmes qui percent l'écran de verre -- on l'a appelé comme ça. Bon, d'abord, pour réaliser, il faut beaucoup d'argent, puis, comme dans plusieurs autres sphères, plus il y a d'argent et de prestige en jeu, plus les femmes se font rares. Deux, l'héritage historique, c'est-à-dire, depuis la naissance du septième art, on est inondés par des histoires principalement racontées et mises en images par des hommes. Nous avons tous baigné dans cette façon de présenter la vie à l'écran. Nous sommes, les femmes comme les hommes, tellement imprégnés par ces codes et ces façons de faire que nous les pensons universels. Pourtant, les codes masculins pour raconter une histoire ne sont pas universels, puisqu'ils ne rendent pas compte de la moitié de la population.

Une autre raison pourquoi les femmes percent difficilement l'écran de verre, c'est qu'il y a beaucoup d'intermédiaires entre la créatrice, la réalisatrice puis l'argent. En effet, pour qu'un projet finisse par être déposé à la SODEC, par exemple, qui est la principale institution où on doit présenter nos projets, il faut non seulement que le producteur choisisse un projet de réalisateur, mais en plus le distributeur va devoir choisir ce projet-là et plusieurs... un ou plusieurs télédiffuseurs. Alors, cette triple sélection, producteur-diffuseur-distributeur, constitue autant de murs de préjugés sexistes à franchir pour une réalisatrice.

L'autre raison pourquoi les femmes ont de la difficulté à aller plus loin que l'écran de verre, c'est le manque de modèles de réalisatrices. Cette rareté des femmes à la réalisation donne l'impression aux étudiantes et aux jeunes femmes qui désirent se diriger vers ce métier qu'elles ne réussiront pas à l'exercer ni à y gagner leur vie convenablement. Le manque de professeurs de cinéma qui sont femmes dans les universités et les collèges y contribue aussi beaucoup. C'est pourquoi il faut vraiment qu'il y ait plus de films réalisés par une femme, qu'il y ait un plus grand nombre de réalisatrices et un plus grand nombre de professeurs femmes dans les écoles de cinéma et de télévision.

Mme Lepage (Marquise): D'ailleurs, on apprenait récemment qu'à l'UQAM, au Département des médias, il y a seulement trois femmes pour 30 hommes professeurs. Ça, c'est moins qu'il y a 20 ans, quand j'y étudiais. Et d'ailleurs, il y a 20 ans, quand j'ai commencé à faire du cinéma, à l'Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec, les femmes représentaient 35 % des membres. Aujourd'hui, elles ne sont plus que 28 %, ce qui est aberrant parce qu'il y a beaucoup plus de femmes qu'à l'époque qui étudient dans les écoles.

Donc, il est urgent de redresser la situation et de renverser la vapeur. Pour ça, on pourrait s'inspirer de plusieurs modèles. De nombreux pays qui ont constaté aussi le problème du déficit identitaire de modèles de femmes à l'écran et la sous-représentation des réalisatrices ont décidé d'agir. Ainsi, la Suède, l'Australie, l'Espagne et, plus récemment, la France et l'Angleterre ont entrepris de mettre de l'avant certaines mesures pour corriger la situation et donner plus de place aux réalisatrices.

Comme l'égalité entre les hommes et les femmes est, selon les sondages, la valeur la plus importante pour les Québécois, y compris pour les moins de 20 ans, il faudrait aussi se mettre à redresser la situation ici. Les changements n'arriveront pas d'eux-mêmes, ils ne peuvent venir que d'une réelle volonté politique, que nous sentons actuellement. Mais, sans l'affirmation officielle de la nécessité de répartir équitablement les fonds -- les fonds publics, il va sans dire -- et sans la mise en oeuvre de mesures incitatives pour y arriver, la présence des réalisatrices continuera à stagner et même à diminuer dans la cinématographie nationale. Les femmes seront de moins en moins représentées.

Mme Hayeur (Isabelle): On a évidemment beaucoup réfléchi, à Réalisatrices équitables, aux solutions, comment est-ce qu'on pourrait redresser la situation. On en a quelques-unes, on ne va pas les... on va juste comme les lister, les nommer. Mais, d'abord et avant tout, ce qui est important, c'est que les institutions culturelles québécoises, et en premier lieu la SODEC, ça... Parce que la SODEC, ce n'est pas uniquement un guichet qui distribue des subventions, la SODEC détermine aussi les critères qui rendent les producteurs et les distributeurs admissibles pour demander du financement. La SODEC est donc la principale institution québécoise qui pourrait faire une réelle différence en matière d'équité pour les réalisatrices.

Voici quelques exemples de mesures incitatives pour... qui pourraient être adoptées par la SODEC et les autres institutions culturelles, comme le CALQ et Télé-Québec. Alors, bien, on parle de la mise en application du concept de mixité égalitaire. Là, vous en avez parlé tout à l'heure. Nous recommandons que la SODEC inscrive, dans ses objectifs, le concept de mixité égalitaire avec une zone paritaire 40-60. Ça, quand on parle de ça, on ne parle pas des employés de la SODEC, on parle vraiment des projets qui vont être financés, là, les films qui vont être financés. Alors, zone paritaire 40-60 imposant que les enveloppes de tous les programmes soient attribuées à des oeuvres réalisées par des représentants des deux sexes dont aucun n'est représenté à plus de 60 % ou moins de 40 %.

Le premier programme, à la SODEC, où est-ce qu'on voudrait voir appliquée cette mixité égalitaire là de façon... bien, il faut commencer à quelque part, ce serait le Programme d'aide aux jeunes créateurs, parce qu'il s'adresse aux étudiants qui viennent de sortir, ils viennent de terminer leurs études. Alors, ce serait un bon endroit pour commencer à mettre... à installer ça.

Ensuite de ça, on demande évidemment un fonds temporaire, un fonds spécial temporaire qu'on appellerait un FFF, Fonds films de femmes, pour augmenter la production de films réalisés par les femmes. On a aussi comme idée d'augmenter significativement les fonds du Programme d'aide aux longs métrages indépendants et à petit budget. Ça, c'est fiction et documentaire, c'est un programme très spécifique de la SODEC, qui donne beaucoup moins d'argent, c'est des beaucoup plus petits montants, et là le taux de succès des femmes est beaucoup... est beaucoup supérieur aux autres programmes.

Le Président (M. Bernier): Je vous invite à conclure, Mme Hayeur, pour qu'on puisse procéder aux échanges, s'il vous plaît.

Mme Hayeur (Isabelle): O.K. D'accord. Bien, c'est ça, là... bien, les autres mesures... C'est ça, il y a d'autres mesures.

**(16 h 50)**

Mme Lepage (Marquise): Alors, on rappelle que les réalisatrices sont des créatrices d'images de personnages féminins diversifiés et de tous les âges et qu'en augmentant de façon significative la présence de leurs oeuvres sur les grands et petits écrans nous nous assurerions d'une façon certaine d'une hausse de la qualité et de la quantité de modèles féminins à l'écran. Et ces faits rencontrent en droite ligne les deux premières orientations du plan d'action du MCCCF, soit la promotion de modèles et de comportements égalitaires, et la diminution d'images stéréotypées et hypersexualisées des femmes.

Le Président (M. Bernier): Merci beaucoup. Nous allons donc procéder aux échanges. Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Merci. Alors, merci d'être avec nous aujourd'hui. Ce n'est pas la première fois qu'on se rencontre. Vous avez... On a eu quelques échanges sur cette question-là. J'ai posé des questions à la SODEC, et, moi, je réfléchis encore là-dessus, puis je vous avoue que je veux réfléchir encore, puis je veux vous entendre encore parce que j'ai... On rentre dans le domaine de la création, puis c'est comme si je vous disais: Bien, moi, comme gouvernement, je pense qu'on devrait imposer un critère dans la distribution d'un film, par exemple, c'est-à-dire, bon, bien, il faut qu'il y ait une parité hommes-femmes dans la distribution du film. Vous allez me dire... Si vous réalisez ce film-là, vous, vous allez me dire: Bien, c'est parce que c'est moi, là, qui le crée, le film, là, c'est moi qui va le réaliser, puis c'est moi qui va décider de mes personnages, puis, si mon histoire, bien, c'est une famille de gars... Donc, comprenez-vous?

Mais, en même temps, moi aussi, je le constate. Je regarde ce qui se passe à la télé... Je ne regarde pas énormément la télé, mais, quand je regarde la télé, le cinéma, il y a des distributions, c'est uniquement des distributions de mâles. Tu te dis: Bien, il me semble qu'on pourrait avoir... très beaux à regarder, mais il reste que, tu sais, c'est... Et je me dis... Puis je suis très sensible à ce que vous dites parce qu'écoutez je viens d'un milieu où c'était un peu comme ça, là. Je veux dire, avant de réussir à monter puis à le défoncer, le plafond de verre, je veux dire, on en faisait du millage, là. Et, en politique, on le voit aussi.

Bon, vous parlez de la création d'un fonds pour les réalisatrices femmes. Est-ce que vous avez une idée de qu'est-ce que serait... quel serait ce fonds, à quelle hauteur, à quel...

Mme Lepage (Marquise): Avant ça...

Le Président (M. Bernier): Mme Lepage.

Mme Lepage (Marquise): Excusez-moi. Avant ça, j'aimerais vous dire: Au niveau de la création, c'est vrai, c'est vrai que les critères de création, de créativité, ils existent au CALQ, mais pas à la SODEC, à l'entrée des projets. Ce n'est pas la créativité parce que c'est ouvert seulement aux producteurs et non aux réalisateurs et réalisatrices. Les programmes qui sont ouverts comme, justement, au CALQ, où c'est les artistes directement qui déposent les projets, le taux de dépôt est dans la zone 40-60, hommes-femmes, et le taux d'acceptation aussi.

Alors, c'est pour ça que le fait de donner ce pouvoir-là à la machine plus business fait en sorte qu'on enlève le critère de la création. Ce n'est pas la créativité qui est le critère numéro un. Est-ce que vous avez un producteur, un distributeur et un télédiffuseur? Voilà les trois critères qu'on demande à la SODEC pour entrer un projet. Tu peux avoir le meilleur projet du monde... D'ailleurs, il y a des projets qui n'ont pas trouvé de producteur pendant cinq, six ans, comme CRAZY, qui est devenu un succès international. Mais il était bon, il y a cinq ans, son scénario aussi, à ce réalisateur-là. Mais il n'a pas trouvé la machine qui allait dire: D'accord, moi, je le dépose à la SODEC pour toi.

Donc, soit qu'on change les critères... Parce que, moi, je pense qu'effectivement on ne fait pas du cinéma ici, au Québec, pour les mêmes raisons qu'aux États-Unis, c'est-à-dire pour faire de l'argent, mais bien pour des raisons culturelles, parce qu'on trouve qu'on a une culture différente de nos voisins du Sud et qui... On veut faire la promotion de d'autres valeurs, de d'autres modèles, de notre langue, etc. Donc, par rapport à ça, effectivement le modèle d'affaires a été biaisé, d'une certaine façon.

Avant, il y a longtemps, les ancêtres -- où, moi, je n'étais même pas là -- effectivement, on donnait l'argent aux réalisateurs et aux réalisatrices, à l'époque où ils étaient 35 %, les réalisatrices, dans l'Association des réalisateurs et réalisatrices. Le créateur ou la créatrice était à la base du projet. C'était lui ou elle qui déposait à la SOGEC... ou je ne sais plus trop comment... à SOGIC, ou je ne sais pas trop quoi, avant, en tout cas les ancêtres de la SODEC.

Maintenant, on a bifurqué vers, supposément, un cinéma rentable. Or, je le répète pour ceux qui des fois ne le sauraient pas, il n'y a aucun film qui a été rentable au Québec. Oui, il y a de l'argent qui rentre un peu. Mais, si un film a rentré 2 millions mais qu'il a coûté 5 millions, on est encore, comme société, 3 millions dans le trou. Et donc ce n'est pas pour faire de l'argent qu'on en fait, c'est pour faire la promotion de notre culture.

Alors, comme c'est ça, la raison puis nos valeurs, je pense qu'on peut changer les règles qui sont instaurées à la SODEC actuellement pour faire en sorte que, oui, les critères plus de créativité soient les premiers... la première ligne de front et non la liste des... commerciale. Parce qu'on n'en fait pas, d'argent. Ce n'est pas comme un fond de roulement. Les femmes d'affaires ont dit: Bon. L'idée, c'est de faire rouler votre commerce. On n'en fera jamais, d'argent, avec le cinéma au Québec. Je pense que le seul film qui ait rentré de l'argent, c'est Deux femmes en or. Alors, ça fait quand même quelques années, puis ça n'a peut-être pas coûté si cher que ça. En tous cas, c'est le seul qui a... film que le Québec a fait de l'argent dessus.

Le Président (M. Bernier): J'imagine que c'était deux banquières.

Mme Lepage (Marquise): Pardon?

Le Président (M. Bernier): J'imagine que c'était deux banquières.

Des voix: ...

Le Président (M. Bernier): Oui, allez-y, Mme Hayeur.

Mme Hayeur (Isabelle): Bien, par rapport aussi à la création, on ne veut pas que les... on ne veut pas que... c'est-à-dire, on ne demande pas que les producteurs disent: Bien là, il n'y a pas assez de rôles de femmes dans ton film, donc va réécrire ton scénario ou va réécrire ton film. Ce n'est pas ça qu'on demande. On demande qu'il y ait plus de femmes qui accèdent à la réalisation, puis donc, automatiquement, il va y avoir plus de rôles de femmes, des images plus positives. C'est ça qu'on demande.

Mme Lepage (Marquise): Oui, parce que, justement, ça coïncide tout à fait, il y a 85 % des fonds qui vont aux réalisateurs. Puis même... En fait, c'est un peu... Quasiment 90 % des images, l'année passée, du premier rôle étaient un rôle masculin. Donc, ça... C'est ceux-là qui disent... Il y a une corrélation parfaite entre qui fait le film et les images qu'il y a devant.

Et on ne demande pas aux gars de s'inventer une histoire de filles. Justement, on dit: Plus il va y avoir de femmes qui vont faire ça, plus on va en avoir, de modèles. Ça va être diversifié. Peut-être qu'il va y avoir des femmes qui vont faire des films juste avec des gars, comme vous dites. Mais ce qu'on veut, c'est que, oui, il y ait un accès puis qu'il y ait des règles. En Suède, c'est exactement le même type de... la SODEC suédoise, ils imposent une enveloppe 40-60. Il n'y a jamais ni... un des deux sexes, au niveau de la création, qui ne doit dépasser les projets 40-60.

Le Président (M. Bernier): Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Et ils ont le même système que nous, c'est-à-dire producteur...

Mme Lepage (Marquise): Non.

Mme St-Pierre: ...qui reçoit les projets?

Mme Lepage (Marquise): Ah! je ne le sais pas. Mais, au niveau du financement, c'est... je veux dire, c'est un financement public, parce qu'ils croient que leur cinéma, c'est important, et ils font, dans une enveloppe, de la parité égalitaire.

Mme Hayeur (Isabelle): J'aimerais...

Le Président (M. Bernier): Oui, Mme Hayeur.

Mme Hayeur (Isabelle): J'aimerais rajouter aussi que tous les pays, en France, en Angleterre, tous les pays d'Europe ou d'Occident doivent subventionner leur cinéma national. Il n'y a aucun de ces films-là que... C'est rarement rentable, peut-être un peu plus qu'au Québec, là, mais pas tellement plus, parce qu'ils doivent résister au monstre américain. Je veux dire, les productions américaines prennent vraiment tellement toute la place qu'ils n'ont pas le choix. C'est partout pareil: en Suède, en Angleterre, en France, en Belgique...

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Oui. Parce que, pour un peu continuer dans l'esprit de la création, c'est... Puis c'est vrai que, pour amener des changements dans la société... Vous avez fait référence à West Wing. On a des beaux exemples ici, au Québec, Janette Bertrand qui a mis des homosexuels à l'écran, Denise Filiatrault a fait la même chose. Il y a eu... Je me souviens, dans le temps de Rue des pignons -- vous êtes beaucoup trop jeunes pour ça -- il y en avait une qui, à un moment donné, tombait enceinte, puis elle n'est pas mariée. Alors, on a amené dans... des aspects de la vie, les femmes ont amené des aspects de la vie qui étaient cachés puis que ça fait évoluer la société. Et, moi, je pense que c'est... Faire évoluer une société, c'est sain. Alors, dans la création, c'est la même chose. Et il y a des hommes réalisateurs qui ont... qui donnent des... qui font des histoires avec des femmes. Je pense... Dans le temps des fêtes, je l'ai vu avec du retard, là, j'ai vu La Neuvaine. Alors, bon, bien, c'est un très...

Une voix: ...dis pas que... mais...

Mme St-Pierre: C'est ça. Alors, vous... Mais c'est là, c'est à la... C'est au moment du dépôt du film chez le producteur, c'est... Comment on pourrait arriver à ce que le producteur -- parce que j'en connais, vous en connaissez, des productrices, aussi, là -- soit ouvert à ces choses-là, en disant: Moi, c'est... je vais en pousser, des réalisatrices, puis je vais faire en sorte que mes réalisatrices, elles avancent puis elles progressent. Puis, le film, je vais le vendre, puis ça va passer, puis on va l'avoir, le financement. Puis il y a tous les comités de lecture, aussi, là. C'est supercompliqué.

Mme Lepage (Marquise): ...

Le Président (M. Bernier): Mme Lepage.

Mme St-Pierre: Pardon?

**(17 heures)**

Mme Lepage (Marquise): Excusez-moi. Les comités de lecture arrivent après, une fois que tu as tout le package, avant que... après qu'il soit déposé.

Ce que je voulais dire, c'est... La seule façon... Il y a deux producteurs à qui j'ai posé exactement la même question. Il a dit: Il y a une seule façon, c'est que les règles du jeu soient changées à la SODEC puis à Téléfilm. Mettez des enveloppes puis des trucs qui disent... votre téléphone ne dérougirait pas, madame. Parce que c'est eux autres qui dictent les trucs, puis, eux, ils envoient la balle à la SODEC, ils disent: Bien, sur 10 projets, il y en a neuf d'hommes qui sont financés. Un fou! Je vais-tu mettre mes billes dans le panier des filles? C'est ça qu'on se fait dire du côté des producteurs. Qu'ils les changent. L'idée de 40-60, il y en a beaucoup qui sont très ouverts à ça, même des mégaproducteurs. Et ils vont effectivement en pousser, des femmes réalisatrices, parce que, quand on leur dit: Est-ce que tu penses vraiment qu'il n'y a pas de réalisatrice de talent?, ils disent: Bien non, je sais qu'il y en a, des filles de talent. J'en connais, je... Puis pourtant, moi, j'ai plusieurs producteurs pour qui j'ai travaillé et je suis la seule femme avec qui ils ont travaillé, parce que mes projets se sont vendus mieux à la SODEC ou je ne sais pas quoi. Mais je suis comme la minorité qui fait une production tous les ans, tous les deux ans, dans les réalisatrices. Et ça, ce n'est pas normal, parce qu'il y a des femmes extrêmement talentueuses. On n'est pas juste huit à être talentueuses comme réalisatrices au Québec, on est beaucoup plus. On est autant que les hommes. Par contre, c'est moins choisi parce que les règles ont été un peu différenciées vers... et pour pas les bonnes raisons, à mon avis, au niveau de la construction des règles à la SODEC. C'est pour ça que, quand on dit: Augmentez au moins le budget des films d'auteur, là où il y a le plus de femmes, on va déjà doubler ou tripler, parce que c'est là que se retrouve le plus grand bassin de demandes de femmes.

Le Président (M. Bernier): Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Comment ça se passe dans les autres domaines? Je pense à quand on fait des campagnes de promotion, d'information, de sensibilisation. Dans les publicités sociétales, il y a des réalisateurs, réalisatrices qui rentrent... qui sont appelés à faire des productions de message publicitaire. Les publicités...

Une voix: Est-ce que vous...

Mme St-Pierre: ...je pense à celles, des publicités, qui sont commandées par des entreprises privées mais des publicités qui sont commandées aussi par le gouvernement. Est-ce que, dans les boîtes, là, qui fabriquent ces choses-là, là, il y a une ouverture ou si là aussi on est devant une situation où la porte est pas mal fermée?

Mme Hayeur (Isabelle): Bien là...

Le Président (M. Bernier): Mme Hayeur.

Mme Hayeur (Isabelle): Oui, merci. Pardon. Bien, on peut vous donner un peu un scoop parce qu'on va sortir une étude dans presque trois semaines où on parle de ces raisons-là. Puis, bien, le scoop, c'est un peu que la porte est tellement fermée pour les réalisatrices dans le domaine de la publicité, dans le domaine du vidéoclip qu'elles n'arrivent pas à prendre leur expérience puis avoir assez de, comment dire... inspirer assez de confiance aux gros producteurs, qui, eux, choisissent systématiquement des gars qui ont fait beaucoup de pubs, beaucoup de clips. Ça fait qu'il y a comme toute une chaîne qu'on est en train d'analyser en ce moment puis de regarder qui est là.

Mme Lepage (Marquise): Il y a une productrice qui a même carrément dit à une réalisatrice fort talentueuse qui a fait beaucoup, beaucoup de choses pourtant: Nous, on n'a jamais eu de réalisatrice, on n'en veut pas. Puis elle a réussi à la convaincre un tout petit peu, puis elle a dit: On ne dira pas que tu es une fille.

Mme Hayeur (Isabelle): C'est ça, il y a une des réalisatrices qui nous a confié que, par exemple, quand elle a monté son portfolio pour trouver un travail en publicité, bien, la consigne, c'est: Tout qu'est-ce qui fait fille, on l'enlève, tu sais. Ça fait que les préjugés sont encore très, très, très forts dans le domaine de la publicité puis dans d'autres domaines aussi, dans le long métrage fiction aussi beaucoup, parce que c'est là qu'il y a le plus de rôles masculins, c'est là qu'il y a le plus d'argent aussi. Ça fait que tout ça est comme lié ensemble.

Mme Lepage (Marquise): Et c'est ça, il n'y a pas de règle non plus au niveau de la publicité. Même les publicités sociétales, ce qu'on a fait rapidement, on a... c'est majoritairement, très, très, très majoritairement des hommes qui le réalisent, puis pourtant, encore là, surtout la publicité venant du gouvernement, il y aurait lieu aussi là d'avoir un pouvoir et de demander que ce soit moitié-moitié, que... parce que, s'il y a... dans un endroit où les femmes justement sont encore, dans la publicité, bonnes, c'est souvent la publicité sociétale, et c'est comme ça qu'ils nous jugent: Ah, bien je vais te faire faire une publicité sociétale, tu es meilleure là-dedans.

Alors, c'est ça, l'absence de règles fait en sorte que les producteurs, maisons de production ont vraiment tout le loisir de faire ce qu'ils veulent. Et, eux, ils pensent qu'ils savent ce que la SODEC veut, ce que les publicitaires veulent, et apparemment ils ne veulent pas de femme.

Mme St-Pierre: Est-ce que... Ce serait ma dernière question, je ne sais pas s'il va rester du temps pour mes collègues. Est-ce que...

Le Président (M. Bernier): Il vous reste environ une minute, Mme la ministre.

Mme St-Pierre: O.K. Enfin, oui et non, est-ce que vous... oui ou non, est-ce que vous avez fait le même genre de démarche vis-à-vis Téléfilm Canada?

Une voix: Oui.

Mme St-Pierre: O.K. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bernier): Merci, ça répond. Mme la députée de Rosemont, la parole est à vous.

Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, M. le Président. Alors, mesdames, bonjour. Ça fait plaisir de vous voir et de vous revoir. Oui, alors, moi, c'est sûr que la première fois, quand on s'est rencontrées, je trouvais ça un peu curieux aussi. Je me disais: Mon Dieu, c'est comme bizarre, dans le fond, de venir nous voir puis de nous dire: Bien, dans le milieu du cinéma, voici comment ça se passe, et puis qu'il y ait les conséquences que vous exprimez très bien, que vous démontrez aussi très bien, bien sûr, chiffres à l'appui. On a l'impression d'ailleurs que c'est comme un cercle vicieux, puisque la publicité, ceci, cela, donc finalement ça tourne en rond, et puis que votre conviction, c'est qu'il faut changer les règles si on veut changer quelque chose.

Alors, moi, j'ai passé trois ans, trois très, très, très belles années à Téléfilm Canada à défendre le cinéma canadien. Mais il y avait deux marchés, hein? C'était comme ça que schizophréniquement je pouvais me dire que, moi, Louise Beaudoin, souverainiste... Bon. Alors, il y a un marché, en effet, hein? Il y a un marché francophone québécois puis il y a un marché anglophone dans le reste du Canada, puis ce n'est pas souvent... Bon, même s'il commence à y avoir peut-être certaines passerelles. Mais c'était très, très, très différent dans les deux marchés.

Alors, ce que vous dites par rapport... je me disais souvent à l'époque en moi-même, je ne le disais pas publiquement, mais que c'était un système donc, dans le fond, de gestion privée de fonds publics qu'on a instauré, avec un modèle d'affaires qui a ses avantages. Tu sais, quand même, c'est sûr qu'il y a eu toute une industrie du cinéma qui s'est construite autour de ça. Bon, maintenant, les critères de Téléfilm sur la rentabilité puis... Bon, ça a bien changé, là. Moi, j'ai quitté Téléfilm en 1990. Quand j'étais ministre de la Culture, bien sûr, avec la SODEC, bon, il y a eu aussi là ce modèle d'affaires qui s'est implanté en effet, comme je vous dis, qui a des avantages et des désavantages. Mais, parmi les désavantages, c'est clair qu'il y a ce que vous dites et ce que vous démontrez.

Il y a aussi le fait, vous le faites remarquer, c'est vrai... Moi, en tout cas, à l'époque que j'étais là, il y avait Mon oncle Antoine qui avait fait, je pense, ses frais, parce que, comme vous dites, un film ne coûtait pas à l'époque... Mon oncle Antoine n'a pas dû coûté 5 millions, mais ça a coûté je ne sais pas combien. Puis finalement, quand tout le monde s'est remboursé, quand le distributeur qui a mis l'argent, quand le télédiffuseur, quand le producteur puis ensuite le réalisateur, comme on sait, qui est souvent donc en bout de ligne... C'est sûr que c'est très, très rare que les films québécois... et c'est normal. Et c'est pour ça, comme vous le disiez si bien, qu'on a décidé ici collectivement de faire en sorte qu'il y ait une industrie du film. Parce qu'on est, disons, bientôt 8 millions. Bien là, on ne peut pas amortir justement sur le marché intérieur, je veux dire, ces montants-là. Et, sur les marchés internationaux, bien, puisque... Puis j'espère qu'on va continuer comme ça. Bien sûr qu'il y a des films qui se font en anglais au Québec, et pourquoi pas, mais la majorité des films se font en français. Mais on sait quand même que le marché porteur, il est plutôt... Disons que le français n'est pas un vecteur comme langue internationale. Malheureusement, on sait que c'est une des questions, je veux dire, sur lesquelles il faut travailler. Bon, bien sûr, il y a le marché francophone qui n'est pas négligeable, là, mais quand même ça a beaucoup de limites.

Alors, là-dessus, moi, je vous suis complètement. Ce système-là, il a ses avantages et ses inconvénients. Mais en tout cas, s'il y a des inconvénients, il faut essayer de les redresser, ces inconvénients-là.

Moi, ce qui m'intéresserait, c'est qu'on sache davantage... Je ne sais pas si vous avez d'autres informations là-dessus. Ailleurs, ils ont... Comme vous le dites si bien au point 3.1.4: «De nombreux pays constatent le même problème.» Donc, il y a eu... «La Suède, l'Australie et l'Espagne ont entrepris de mettre de l'avant certaines mesures...» Et vous citez Jane Campion, cette grande cinéaste. Est-ce qu'elle n'est pas Néo-Zélandaise? Elle est Australienne?

Une voix: ...Australienne.

Mme Beaudoin (Rosemont): Australienne. Qui est la seule femme -- et là encore on découvre des choses stupéfiantes -- la seule femme qui ait jamais eu, obtenu une Palme d'or à Cannes. C'est inouï! Ça fait combien de temps que ça dure, le...

Une voix: ...

**(17 h 10)**

Mme Beaudoin (Rosemont): 63 ans. Bon. Alors, elle a dit, bien, justement que, pour elle, là, ça a été... ça a fait la différence, parce que l'Australie, si l'Australie n'avait pas considéré comme prioritaire de financer l'imaginaire... J'aime bien ça, d'ailleurs, «l'imaginaire des femmes». On n'est pas... On est égaux, mais on est différents, alors c'est vrai qu'on n'a pas des imaginaires similaires. Bon.

Alors, les mesures, donc, vous dites: Voilà, il devrait y avoir tel, tel... En tout cas, moi, je serais curieuse, dans un premier temps, qu'on fasse cet exercice de savoir... Bon, bien là, c'est des pays quand même avancés, là, la Suède, l'Espagne, l'Australie, c'est des pays qui tiennent à leur cinéma en effet, hein, puis à ce que leur cinématographie nationale existe, rayonne comme, nous, on veut que la nôtre le fasse. Exactement ce qu'ils ont fait. Est-ce que c'est vrai? Ils ne sont peut-être pas dans le même modèle que nous, mais peut-être qu'il y a des choses qu'on pourrait certainement apprendre en faisant ça.

Et puis, moi, en tout cas, je pense qu'il faut regarder en effet, là, les solutions que vous proposez: «Ajouter aux critères d'octroi des fonds en développement pour les maisons de production l'obligation de développer...» Enfin, tout ce que vous dites, la mise sur pied de ce comité puis, bon, comment redresser la situation. Moi, en tout cas, je pense qu'il faut prendre ça très au sérieux. Puis je pense que ma collègue d'Hochelaga-Maisonneuve va vous dire qu'on en a même parlé l'autre jour dans un caucus de Montréal, de l'île de Montréal, parce que c'est une chose qui nous préoccupe. Vous étiez venues nous voir et ma collègue et moi-même. Chacune notre tour, on a été attentives. Et je pense que, bon, la ministre se montre quand même ouverte à entendre puis à écouter. Puis en tout cas elle trouvera chez nous une oreille aussi attentive et la main tendue à ce propos.

Mme Lepage (Marquise): Merci beaucoup.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Poirier: Écoutez, juste vous dire merci d'être là. Bon, vous savez l'appui que je porte à ce dossier-là depuis... Au moment où j'avais la condition féminine, je l'ai découvert, et j'ai continué à poursuivre de mes assiduités mes collègues de notre équipe.

Il y aurait juste une question que je voudrais vous poser. Je ne l'ai pas là-dedans, mais je sais qu'on en a déjà parlé. Est-ce qu'on a un portrait, un portrait en tant que tel? On parlait de, bon, il y avait 35 % de filles inscrites à l'époque, elles ne sont que 28 % à l'association des réalisatrices. Actuellement, en termes de... pas de pourcentage mais de nombre, comment... combien de réalisatrices y a-t-il au Québec présentement? Mais je préciserais: Combien en vivent?

Une voix: Bonne question. C'est une bonne question.

Le Président (M. Bernier): Mme Hayeur.

Mme Lepage (Marquise): On est...

Le Président (M. Bernier): Mme Lepage.

Mme Lepage (Marquise): On est près de 300 réalisatrices et même un peu plus dans Réalisatrices équitables. On en a recensé pas loin de 400. Par contre, on inclut aussi les toutes jeunes, ce que l'association professionnelle ne fait pas avant qu'elles aient fait des projets professionnels. Donc, on est une masse importante, et il y en a beaucoup plus qu'on pense qui ont fait des longs métrages fiction. Il y en a une soixantaine. Et donc elles ont la capacité, elles ont les qualités et souvent elles ont eu un très bel accueil. Elles n'ont pas fait des tonnes... Au box-office, elles n'ont pas remboursé, mais personne, en fait... et donc ça ne devrait pas être disqualifié.

Et, nous, à Réalisatrices équitables, on rencontre souvent des femmes qui nous racontent des histoires d'horreur, des femmes qui ont gagné des prix partout dans les festivals, qui sont sur le bien-être social à 55 ans ou à 60 ans. Moi, je trouve ça inadmissible quand je vois que les mêmes personnes... les hommes de cette génération-là font beaucoup, beaucoup d'argent. Et je ne veux pas qu'ils ne vivent pas bien, les hommes, mais je trouve ça scandaleux même comme société et comme spectatrice de voir ça. Je trouve ça vraiment triste, parce que ces femmes-là ont été mes modèles quand j'étais une jeune réalisatrice, et de les voir venir puis nous raconter des choses invraisemblables de... justement d'apporter des scénarios à des producteurs, puis ils disent: Bien, si tu changes tes personnages puis tu les rends... si tu fais ça avec des gars, ça m'intéresserait peut-être. Mais, tu sais, ça ne marchera pas. Ce n'est pas... Tu ne peux pas changer une histoire comme ça. Ou une fille qui fait du documentaire qui nous a dit... elle a été déposer un projet sur la ménopause, et il lui a demandé, le producteur a demandé: Mais est-ce que tu pourrais faire ça sur les gars? Comment ça peut faire pour qu'il y ait plus de gars? Tu dis: Bien, je ne le sais pas.

Mme Poirier: ...transférer la ménopause.

Le Président (M. Bernier): C'est ce qu'on appelle la créativité.

Mme Lepage (Marquise): Oui, c'est ça. Donc...

Le Président (M. Bernier): Merci. Donc, je vous remercie, Mmes Lepage et Hayeur, d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom de Réalisatrices équitables. Je remercie également les parlementaires pour cette journée de travail qui a été encore une fois très bien remplie.

Donc, compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux au vendredi 4 février 2011, à 9 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 15)

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