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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Tuesday, February 9, 2016 - Vol. 44 N° 42

Special consultations and public hearings on Bill 77, Québec Immigration Act


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Table des matières

Auditions (suite)

Centrale des syndicats du Québec (CSQ)

Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration (AQAADI)

Montréal International (MI)

Comité sectoriel de main-d'oeuvre de l'industrie maritime (CSMOIM) et La Société de
développement économique du Saint-Laurent (SODES)

Ville de Gatineau

Fondation des entreprises en recrutement de main-d'oeuvre agricole étrangère (FERME)

Réseau des forums jeunesse régionaux du Québec

Intervenants

M. Marc Picard, président

M. Michel Matte, vice-président

Mme Kathleen Weil

M. Maka Kotto

Mme Nathalie Roy

M. Amir Khadir

Mme Filomena Rotiroti

Mme Caroline Simard

M. David Birnbaum

Mme Karine Vallières

*          Mme Louise Chabot, CSQ

*          M. Gabriel Danis, idem

*          M. Jean-Sébastien Boudreault, AQAADI

*          M. Hubert Bolduc, MI

*          M. Martin Goulet, idem

*          M. Francis Langlois, idem

*          Mme Nicole Trépanier, SODES

*          M. Claude Mailloux, CSMOIM

*          M. Maxime Pedneaud-Jobin, ville de Gatineau

*          Mme Émilie Cameron-Nunes, idem

*          M. Denis Hamel, FERME

*          Mme Nathalie Pouliot, idem

*          M. Santiago Risso, Réseau des forums jeunesse régionaux du Québec

*          Mme Florence Côté, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures six minutes)

Le Président (M. Picard) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 77, Loi sur l'immigration au Québec.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Montpetit (Crémazie) est remplacée par Mme Vallières (Richmond) et Mme Lavallée (Repentigny), par Mme Roy (Montarville).

Auditions (suite)

Le Président (M. Picard) : Merci. Ce matin, nous recevons la Centrale des syndicats du Québec et l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration.

Comme nous avons commencé la séance à 10 h 6, j'aurais besoin d'un consentement pour qu'on puisse poursuivre de quelques minutes. Consentement? Ça va pour tout le monde? Merci.

Je souhaite maintenant la bienvenue à Mme Chabot, de la Centrale des syndicats du Québec. Je vous invite à présenter la personne qui vous accompagne. Vous disposez de 10 minutes, va s'ensuivre des échanges avec les parlementaires. Vous êtes une habituée. La parole est à vous.

Centrale des syndicats du Québec (CSQ)

Mme Chabot (Louise) : Merci, M. le Président. Bonjour, parlementaires. Je vous présente Gabriel Danis, qui est conseiller à la Centrale des syndicats du Québec, entre autres, notamment, sur les questions comme l'immigration et la question de la langue française.

D'ailleurs, en introduction, vous ne serez pas étonnés de nous entendre à nouveau, on s'est rencontrés l'année dernière dans le cadre des consultations pour la politique d'immigration, et c'est bien sûr que notre propos, dans le cadre du projet de loi qui est là, va réitérer l'importance qu'on accorde de façon cruciale au français comme langue d'intégration, d'inclusion et de cohésion sociale.

On vous dit tout de suite qu'il y a deux objets dans le projet de loi qu'on accueille positivement, c'est la question des activités des consultants en immigration qu'on veut resserrer et la compétence du Tribunal administratif du travail.

Dans les remarques préliminaires, il nous apparaît important de vous souligner qu'en tout cas on est du moins étonnés qu'après, l'année dernière, avoir salué la consultation publique visant à doter le Québec d'une nouvelle politique d'immigration... on doit admettre qu'on est un petit peu perplexes devant le choix qui est fait maintenant, on se retrouve devant un projet de loi n° 77 alors que la politique n'a pas été encore dévoilée. Il nous apparaît logique qu'une politique claire, de notre avis, devrait guider l'action gouvernementale en matière d'immigration, qu'elle soit rendue publique et disponible, surtout qu'on a pu lire dans la Gazette officielle, au mois de novembre, que la politique avait été adoptée, et qui s'intitulerait Ensemble, nous sommes le Québec, approuvée par le Conseil exécutif. On a fait des demandes au ministère de l'Immigration pour l'obtenir, puis c'est un document qu'on n'a pas obtenu. Là, on se retrouve avec des modifications législatives alors qu'on ne connaît pas la teneur de la politique. Ça fait que permettez-nous de dire qu'on doit appréhender ou on doit supposer les intentions du législateur dans le cadre de ce projet de loi, ne connaissant pas, malheureusement, la politique.

• (10 h 10) •

La pérennité du français au coeur de la stratégie d'immigration. Bien, pour nos membres, en éducation majoritairement mais aussi dans le milieu communautaire qui s'occupe de francisation, c'est clair que l'État doit maintenir intégralement le caractère français du Québec, qu'il indique clairement aux candidates et aux candidats à l'immigration le caractère français du Québec, qu'il mette des mesures vigoureuses de francisation à la disposition de celles et ceux qui en ont besoin et qu'il renforce le français comme langue de travail dans l'ensemble des secteurs de la vie économique. C'est pour défendre le caractère distinct et francophone que le Québec a senti la nécessité, au cours de son histoire, d'être entièrement maître d'oeuvre de sa politique d'immigration, ce que reconnaît le cahier de consultation de l'année dernière, il avait été conçu dans la perspective de contribuer à la pérennité du fait français. Dans les cahiers de consultation, sur l'opinion publique, il y avait un des documents qui posait la question suivante : «L'examen de la Loi sur l'immigration...» «Elle est silencieuse sur des enjeux pourtant au coeur des préoccupations exprimées par la population telles [...] la pérennité du français, l'intégration [puis] le respect des valeurs...» Ça fait que, pour nous, ça, c'est essentiel, puis c'est essentiel qu'on la retrouve dans le projet de loi comme une affirmation forte dans notre politique d'immigration. Parce que, pour en témoigner, vous allez retrouver dans les pages qui suivent des tableaux, des figures qui viennent illustrer très bien une baisse de la vitalité du français, tant au plan de la langue maternelle que la langue d'usage, tant à Montréal que dans les régions du Québec, des prévisions qui sont aussi inquiétantes selon l'Office québécois de la langue française, on voit que la chute se poursuit. De moins en moins d'immigrants déclarent aussi connaître le français. Vous allez retrouver les statistiques dans le tableau II, qui parle de 64,1 de pourcentage à 57 %. Et vous avez l'étude de l'IREC qui est parue récemment qui donne... qui en vient à une conclusion qu'avec de tels chiffres, contrairement à l'objectif des politiques et des stratégies d'immigration de consolider le fait français au Québec, la politique menée au moins depuis 25 ans puis la défaillance des programmes de francisation contribuent largement à l'anglicisation de Montréal. Ça fait qu'on doit... En tout cas, nous, on pense que le MIDI doit se donner des chiffres exhaustifs et qualitatifs qui vont permettre d'évaluer la pertinence de ses politiques. On est d'ailleurs d'accord avec la proposition du chercheur Guillaume Marois et nous avons une recommandation dans ce sens-là, la recommandation n° 2.

Les responsabilités en matière de francisation. À notre lecture, le manque d'ambition transparaît dans les cibles en matière de francisation. La cible du ministère pour l'année 2015‑2016 se chiffre à 37 %. Non seulement on pense que ce n'est pas suffisant, mais les données récentes du ministère nous indiquent qu'on est encore loin du compte. Dans le rapport annuel de gestion 2014‑2015 du MIDI que Le Devoir a rendu public, 27,4 % des nouveaux arrivants qui déclarent ne pas connaître le français s'étaient inscrits au cours de français dans les deux ans qui ont suivi leur arrivée.

Aussi, dans le projet de loi n° 77, on s'étonne de voir qu'alors que dans la loi antérieure, la loi de l'immigration actuelle, on a six articles qui viennent consacrer les responsabilités en matière de francisation, maintenant on en retrouve juste deux, les articles 58 et 59. Et, si on fait des comparaisons, on voit qu'il semble y avoir une diminution au niveau de la précision et de la portée des articles concernant les responsabilités et les obligations de l'État, et ça, ça nous inquiète grandement.

En plus, l'article 26, on le voit, la grille, elle peut comprendre des critères de sélection tels formation, expérience et connaissances linguistiques. Pour nous, les connaissances linguistiques, elles doivent obligatoirement faire partie de la grille. Ce n'est pas un critère parmi d'autres, ça doit être le critère prépondérant de la grille de sélection de nos politiques et stratégies d'immigration.

Le français comme langue d'intégration et de cohésion sociale, il y avait une question que vous souleviez l'année dernière aussi : Qu'est-ce qui pourrait être mis en oeuvre pour s'assurer que les personnes immigrantes et des minorités ethnoculturelles acquièrent les compétences linguistiques nécessaires en français pour occuper un emploi à la hauteur de leurs aspirations?, et vous allez trouver les réponses à nos recommandations 4 et 5 : organiser plus de cours de francisation qualifiante et investir en francisation.

Les déclarations récentes de la ministre et des organisations patronales, très honnêtement, nous laissent croire que c'est exactement la direction opposée que l'on souhaite prendre. On est très inquiets, madame, on est très, très inquiets de ces déclarations. Et, selon nous, l'importance du français doit nécessairement continuer de se traduire dans la pondération accordée à la connaissance du français dans le processus de sélection des personnes immigrantes. Ça ne doit pas être vu comme un obstacle à l'intégration au marché de l'emploi mais comme une plus-value, au niveau du Québec, puis même une nécessité. C'est pour ça qu'on va recommander que l'exigence du niveau 7 de l'Échelle québécoise des niveaux de compétence soit maintenue, que ce soit un plancher. Pour nous, c'est un niveau plancher. C'est très difficile, on l'a dit tout à l'heure, d'anticiper les intentions, on le reconnaît, considérant qu'on n'a pas vu la politique globale de l'immigration, la stratégie.

On a intitulé l'adéquation formation-emploi une obsession, là. Écoutez, je suis membre de la CPMT, on vient du secteur de l'éducation, on a l'impression que ça devient le dogme, qu'on a ça dans notre soupe. Ce n'est pas qu'on est contre, ce n'est pas qu'on est contre, mais il ne faudrait pas non plus que nos politiques d'immigration soient restreintes à une simple question des besoins ponctuels du marché de l'emploi, des entreprises. Puis là il n'y a rien qui nous rassure quand on a pu lire, au cours d'une semaine, ce que dit la chambre de commerce, ce que disent les Manufacturiers et exportateurs. On a l'impression que le français, là, tant mieux, c'est un «nice-to-have», si vous me permettez, si on l'a, mais ce n'est pas le critère important; le critère, c'est d'avoir les compétences puis le profil pour occuper l'emploi immédiatement selon les besoins actuels. Pour nous, ce serait affaiblir de façon importante la politique d'immigration.

Il y a un nouveau modèle aussi basé sur la déclaration d'intérêt, où la ministre invitera, selon certains critères, les ressortissants étrangers à présenter une demande de sélection. On est inquiets des pouvoirs pour modifier les critères, les pouvoirs attribués à la ministre en termes de modification de critères de sélection, et le profil de l'immigration pourrait s'en trouver touché.

Le Président (M. Picard) : En conclusion, s'il vous plaît.

Mme Chabot (Louise) : En conclusion, oui, je savais que ça irait vite. Écoutez, sur la question du français, je pense qu'on a bien démontré l'importance à y accorder. Maintenant, sur les questions du marché de l'emploi puis les questions d'adéquation et de pénurie de main-d'oeuvre, on est convaincus que ce n'est pas juste par l'immigration qu'on va pouvoir régler ça, l'éducation joue un rôle aussi essentiel sur ces questions-là. Et, si on regarde le nombre de chômeurs au Québec par rapport aux postes vacants, ce n'est pas l'immigration qui va tout régler, c'est un ensemble de questions. Et il faut accorder énormément d'importance à l'éducation, puis on a vu les compressions budgétaires récentes comme celles effectuées au MIDI dans les groupes communautaires qui s'occupent de francisation, et, pour nous, on ne saurait baisser la garde, on ne saurait baisser la garde, au Québec, sur la question de la francisation dans nos politiques d'accueil, d'intégration, d'inclusion et d'immigration. Merci.

Le Président (M. Picard) : Merci, Mme Chabot. Nous allons débuter nos échanges avec Mme la ministre. Vous disposez d'une période de 16 minutes.

• (10 h 20) •

Mme Weil : Oui, bonjour. Bienvenue, Mme Chabot et M. Danis. D'entrée de jeu, juste vous rassurer, la politique va être déposée sous peu. C'était le temps des fêtes, c'était une fin d'année très chargée. Étant donné l'importance de cette politique — on le voit beaucoup juste sur la question de la langue — les orientations seront connues sous peu. Mais, je vous dirai aussi, c'est très bien d'avoir cette consultation, ça confirme ce qu'on a entendu, mais la loi, c'est vraiment beaucoup notre vision par rapport au meilleur usage de ce qui est un système, une technicalité, la déclaration d'intérêt, mais qu'est-ce qui entoure tout ça, c'est ça qu'on voit ici, dans le projet de loi.

Mais, écoutez, je vais revenir sur une affirmation, une déclaration que vous faites par écrit et verbalement qui me préoccupe beaucoup, vous dites : Les déclarations de la ministre... qui vous fait douter de l'engagement que j'ai, personnellement, et que mon gouvernement a envers l'importance de la langue française. Autant en amont, au niveau de la sélection des candidats à l'immigration qui parlent français, que de la préparation de ces candidats avant même qu'ils soient sélectionnés, de tous les programmes qu'on a qui leur permettent, à l'admission, de maîtriser la langue, et aussi, évidemment, toute l'offre diversifiée de francisation qu'on offre aux réfugiés, au regroupement familial, tous ceux qui ne sont pas sélectionnés, hein, en tant que tels... J'aimerais savoir quelles déclarations. Ici, en commission parlementaire, chaque fois que cette question a été soulevée... Je pense que vous faites la confusion entre les représentants d'employeurs qui sont venus proposer des choses... mais je n'ai jamais confirmé cette orientation, bien au contraire.

Alors, je vous dis, c'est une grande préoccupation que j'ai, quand ces faussetés sont circulées, et je me demande pourquoi. Il y a un article du Devoir ce matin qui est carrément faux, on l'a corrigé, mais je le dis parce que le journaliste est ici présent : Je n'ai jamais évoqué que je partageais l'opinion de ceux qui disent qu'on viendrait réduire les critères de sélection, d'une part, pour ensuite augmenter le niveau de francisation en milieu de travail.

La francisation en milieu de travail est importante en soi, j'ai toujours expliqué, parce qu'il y a des gens, oui, qui arrivent au Québec qui ne sont pas sélectionnés, hein, ils viennent de différentes... Ça peut être le conjoint de la personne sélectionnée ou la conjointe, ça peut être un réfugié qui a trouvé un emploi, qui a besoin de cet appui, ça peut être quelqu'un qui veut, et je l'ai répété souvent, gravir les échelons dans son milieu de travail, qui a besoin d'un lexique plus raffiné. Alors, j'ai déclaré publiquement que, la promotion, oui, en effet il y a eu des baisses dans les cours de francisation, je l'ai dit publiquement, ça a été rapporté dans Le Devoir que moi, je suis en faveur de la promotion de la langue française, et donc c'est de ça qu'on va parler dans la politique mais aussi de l'adaptation de nos cours de français aux besoins.

Alors, je vais vous donner des chiffres qui vont vous rassurer, j'espère bien. Vous mentionnez dans votre mémoire, en page 7, que le pourcentage d'immigrants ayant déclaré connaître le français est en baisse ces dernières années. Vous serez heureuse d'apprendre que le tableau que vous fournissez s'arrête en 2013 et qu'en 2014 cette statistique connaît une hausse de 1,2 %, donc pour être, donc, à 58,6 %.

Bon, vous accordez la même importance que moi, j'accorde à la langue française. Je ne reviendrai pas sur les différentes statistiques que vous avancez, mais ce que je veux vous dire : En 2012, 85 % de notre immigration était soit francophone, soit des enfants, qui sont scolarisés en français, soit des personnes qui fréquentent nos services de francisation, hein? Le verre est plein, il n'est pas vide, 85 %. Alors, il faut que les gens regardent la situation, puis on va vous fournir des chiffres, on va le faire, lors de la politique, pour que les gens aient un meilleur portrait. Et, depuis ce temps-là, au niveau des admissions, hein... Les admissions, il faut savoir, c'est le reflet de la sélection, qui généralement est de trois ou quatre ans qui précèdent. Tous les changements qu'on a apportés, le test linguistique, les alliances françaises, des ententes avec les alliances françaises, on a 130 ententes dans une trentaine de pays, on donne accès aux cours de francisation en ligne et on a un critère de sélection, oui, au niveau 7, et donc tout ça fait en sorte que nos travailleurs qualifiés, les requérants principaux, c'est maintenant rendu à 90 % qu'ils parlent français.

Donc, toute cette histoire qu'il y a un déclin au niveau de la sélection des personnes qui parlent français, ce n'est pas vrai. Et d'ailleurs, si vous regardez les bassins d'immigration qui alimentent notre immigration, c'est des bassins surtout francophones. Oui, il y a la Colombie, il y a des pays francotropes, donc vous avez la France, Haïti, l'Algérie, le Maroc, Cameroun, la Tunisie, bon, hein, donc vous voyez bien qu'on puise dans des bassins où les gens parlent français, mais il y a d'autres pays où les gens peuvent parler la langue, il y a des gens qui sont francophiles, et donc on essaie de les repérer partout où ils sont dans le monde. Et il y a le test linguistique que moi, j'ai introduit en 2011, je crois bien, qui fait une évaluation objective, c'est la première fois qu'on a eu ça. Donc, on ne donne pas des points parce qu'on pense que la personne parle bien, puis il déclare qu'il parle bien, on a un test qui évalue et on le maintient. Le niveau 7, ensuite, le gouvernement du Parti québécois a augmenté le niveau à 7, je le garde à 7.

Donc, d'où vient cette notion qu'on réduit? Je n'ai jamais fait de déclaration dans ce sens-là. Je pensais important de faire le point parce que ça circule beaucoup, surtout dans un quotidien du Québec, qu'il n'y a pas cette volonté, et vous, vous le répétez. Je ne vois pas d'où ça vient. Je pense que vous auriez beaucoup de misère à trouver une déclaration que j'aurais faite dans ce sens-là.

Alors, moi, ce que je vous dirais... Puis vous savez qu'un immigrant sur trois — c'est les statistiques du ministère de l'Immigration — c'est un enfant?

Mme Chabot (Louise) : Pardon?

Mme Weil : C'est un enfant — vous savez que la loi 101 s'applique — un enfant qui sera scolarisé en français. Donc, ça a toujours été le cas, mais c'est un sur trois. Et, je pense, c'est un chiffre qui est important à souligner pour tous ceux qui s'inquiètent.

Maintenant, vous dites que l'immigration n'est pas, pour en venir au marché de l'emploi... qu'on en fait, je ne sais pas, une religion. C'est très important. Alors, les chiffres qu'on a, d'Emploi-Québec, c'est que, d'ici 2021, c'est 1,3 million d'emplois qui devront être comblés, mais juste 16 % par l'immigration, on n'a jamais dit que c'est 100 %. Alors, ça, c'est un chiffre qui est répété, mais, je tiens à vous rassurer, on n'a jamais dit que l'immigration est la réponse totale à toutes ces problématiques.

Donc, je tenais à faire le point avant de vous poser des questions sur vos façons... ce que vous proposez pour améliorer puis qu'est-ce qu'on fait en amont parce qu'il faut qu'on parte de la même base, une compréhension commune de ma position, de votre position. Je pense que, sur la langue, on est sur la même page, en ce qui concerne la sélection et en ce qui concerne l'importance d'une offre de francisation qui serait robuste. Alors, c'est ça, j'ai déclaré notre intention, ça va se refléter dans la politique. Donc, j'aimerais vous entendre... Donc, c'est une belle réussite. Et donc moi, je prône la promotion, l'adaptation, et vous le verrez dans la politique.

Donc, nous, on parle... Et je pense qu'il faut revenir sur ce nouveau système de sélection qui va faire en sorte qu'on peut jouer un rôle en amont. C'est-à-dire, dans le profil qu'on recherche, comment vous voyez votre rôle pour nous assurer que tous puissent jouer un rôle? Vous êtes à la Commission des partenaires du marché du travail. Donc, la Commission des partenaires du marché du travail, vous l'avez vu dans le projet de loi n° 71 qui est sous étude, on aura un portrait régionalisé. Pourquoi? Parce que, l'immigration en région — c'est la nouvelle expression, au lieu de parler de régionalisation des personnes j'aime mieux parler d'immigration en région, c'est un peu plus dynamique, c'est un peu plus humain — on souhaite... et ce n'est pas qu'on souhaite, mais on a besoin des portraits régionalisés, on n'a jamais eu ça, et la Commission des partenaires du marché du travail nous a confirmé qu'ils seraient capables de nous donner ce portrait régionalisé. Il y a des pénuries dans certains secteurs, dans certaines régions, et la FTQ est venue confirmer ça puis confirmer leur rôle à titre de membres de la Commission des partenaires du marché du travail. Donc, sur cette question de sélection, j'aimerais vous entendre sur le rôle que vous pouvez jouer, que vous souhaitez jouer partout au Québec pour nous assurer qu'on est... et qui s'adresse à vos préoccupations, c'est-à-dire que, oui, évidemment, les Québécois, toujours, s'il y a des Québécois qui répondent aux besoins du marché du travail, on n'ira pas chercher un immigrant, ni temporaire ni permanent, mais, quand on ne peut pas trouver, l'immigration est là et l'immigration temporaire est là pour répondre à ces pénuries, qui est vécu de façon régionalisée. Alors, j'aimerais vous entendre, si vous pouvez bien, sur cette question, le rôle que vous, vous pouvez jouer en amont.

Mme Chabot (Louise) : Parfait. Je vais quand même me permettre, à l'égard de vos déclarations, là... Ce qui concerne les médias, puis tout ça, je vais leur laisser, mais, quand vous avez présenté le projet de loi, vous avez déclaré vous-même vouloir vous inspirer du modèle canadien. Bien, nous, ça ne nous inspire pas trop. Ça, c'est une question.

Mme Weil : Mais, écoutez, sur... Oui, excusez-moi.

Mme Chabot (Louise) : L'année dernière, quand on est venus, sur la question du niveau 7, là, vous nous avez questionnés là-dessus, est-ce que ce n'était pas trop fort. Bon, ça s'inscrivait aussi dans une tendance. Nous, ça nous inquiétait.

Et, troisième chose, je regrette, là, ça ne va pas bien, là, ça ne va pas bien, l'immigration, en termes de francisation. Là, vous m'avez donné... Non, ça ne va pas bien, là, il y a une chute, il y a un déclin incroyable.

Mme Weil : Mais est-ce que vous êtes capables de contrer les chiffres?

Mme Chabot (Louise) : Je pense qu'il faut être en mesure de le constater, là. On vous a ressorti des tableaux. Ça fait que, là, ça, ça me permet...

Mme Weil : Excusez-moi...

Mme Chabot (Louise) : Puis à votre question sur la régionalisation de l'immigration que vous nous posez, bien, on l'a illustré à la page 19, c'est bien sûr que comme membres partenaires de la Commission des partenaires du marché du travail on est dans toutes les régions. Je pense que l'idée est louable, on pense qu'on peut soigneusement être en mesure d'identifier les besoins. Par contre, vous devez reconnaître avec nous que parler de régionalisation, ça pose certaines difficultés aussi avec l'abolition de plusieurs structures au niveau régional qui auraient pu aider à l'identification puis au soutien d'une régionalisation en immigration, en plus des coupures qui ont lieu au niveau du MIDI.

Le Président (M. Picard) : Mme la ministre.

• (10 h 30) •

Mme Weil : Oui. Pour la question du système canadien, j'ai bien dit «de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie», mais savez-vous que les critères de langue sont très élevés au Canada, le saviez-vous, dans le système canadien? D'ailleurs, on s'est inspirés... il y a un test linguistique qu'ils doivent passer. Donc, c'était sur la question de la déclaration d'intérêt. Mais on parle souvent de la Nouvelle-Zélande, l'Australie, qui, eux aussi, exigent la connaissance de la langue. Je vais vous dire pourquoi : parce que la langue, c'est la clé de l'intégration en emploi et c'est très important pour la rétention. Dans ceux qu'on dit, qui ont été admis en 2012, qu'ils ne parlent pas français et qu'ils ne prennent pas de cours, savez-vous que le taux de rétention est de 80 %, à peu près, bon an, mal an? Pour augmenter le niveau, le taux de rétention, il incombe qu'on sélectionne des gens qui parlent français, sinon on les perd. Alors, ce n'est pas notre souhait. Donc, dans la cohorte qui a été mentionnée dans Le Devoir, certains d'entre eux, c'est des... il y a plusieurs personnes qui sont là, dans cette cohorte, notamment ceux qui ont quitté, parce qu'ils ne maîtrisent pas la langue.

Donc, j'aimerais... Alors, je reviens là-dessus, vous dites : Ça ne va pas bien. Alors, 90 %, alors on a doublé, en 20 ans, le nombre de personnes qui parlent français. Alors là, vous dites que la sélection, quand on est à 90 % des requérants principaux, on ne va pas dans la bonne direction? Qu'est-ce qu'il faudrait faire, avoir moins de réfugiés? Comment vous proposez de répondre à cette question-là?

Et là on dit... Et ça, c'était en 2012. Vous allez voir les chiffres de 2014 quand ils vont sortir, on les aura bientôt, vous allez voir que c'est encore en augmentation.

Mais je le dis parce que je pense que tout le monde partage l'importance du français comme vecteur d'intégration, il n'y a personne ici qui pourrait dire que c'est facile de vivre au Québec si on ne parle pas la langue commune, et ça fait partie de la vision de participation, c'est par la langue.

Bon, on va aller sur cette question de la langue, parce que nous, on regarde des façons de bonifier la francisation. La sélection, évidemment, on maintient le cap, mais, pour tous ceux qui se retrouvent sur le territoire, les réfugiés, vous le voyez, s'inscrivent rapidement dans des cours à temps plein, il y a une allocation qui est donnée. Donc, tout ça, c'est des incitatifs pour faire en sorte que ces gens prennent des cours à temps plein, mais, pour les réfugiés, c'est toujours ça. Il y a le regroupement familial, on l'a ouvert en 2008 en faisant de la promotion. Mais j'aimerais vous entendre, les idées que vous avez sur comment peut-on, parce que c'est un enjeu bien important, bonifier l'offre de francisation; peut-être en milieu de travail, parce que vous avez cette expertise. J'aimerais vous entendre là-dessus, si vous avez des réflexions, des recommandations.

Le Président (M. Picard) : Il reste une minute, Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise) : Oui, bien, notre expertise est plutôt en éducation, contrairement à nos collègues de la CSN et de la FTQ, au niveau de la langue du travail, où on avait déjà des réponses. Mais, écoutez, sur cette question-là, ce qui nous inquiète beaucoup : il y aura un pouvoir réglementaire sur les critères. Parce qu'on a changé, là, il y a un changement majeur quand même dans la politique de l'intégration, ça va être maintenant sur invitation, ça va être maintenant selon des critères de sélection, et par réglementation on pourra modifier ces critères-là. Ça fait que comment la pondération, le poids de la langue française va demeurer déterminant?

Puis c'est une de nos recommandations. Je veux bien croire, là... Tu sais, au Canada, la langue commune, ce n'est pas le français; au Québec, c'est le français. Je veux bien vous croire, ce n'est pas une question de confiance ou pas confiance, là, c'est une question de faits. Et, si on continue à la vitesse de croisière où nous allons, on n'y arrivera pas.

Mme Weil : Juste pour vous rassurer, Mme Chabot, c'est les mêmes pouvoirs réglementaires, il n'y a rien qui change. Donc, on maintient le statu quo, si ça vous rassure.

Mme Chabot (Louise) : Bien, écoutez, nous autres, on va le relire, là. Les articles de la loi, actuellement, il y en a seulement deux sur la responsabilité, puis au niveau... vous avez maintenant plus de pouvoir comme ministre en termes de réglementation, puis il y a même un article dans le projet de loi n° 99 qui vous donne une dizaine... sur une dizaine de règlements où vous avez même le pouvoir de les faire sans même qu'ils soient publiés dans la Gazette officielle, là, il y a une nouvelle... Puis ça, c'est vrai pour votre ministère, c'est vrai pour le ministère de la Santé, c'est vrai pour d'autres ministères, là.

Le Président (M. Picard) : Merci, Mme Chabot. Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget pour une période de 9 min 30 s.

M. Kotto : Merci, M. le Président. Mme Chabot, M. Daneau, soyez les bienvenus. Merci pour votre contribution, j'ai lu le mémoire avec beaucoup d'attention.

Mais j'aimerais rebondir sur ce que la ministre disait relativement aux critères de la langue qui sont très élevés au fédéral. Pas plus tard qu'hier, le Hill Times Online nous disait la chose suivante : «Immigration Minister John McCallum says the Government will be "producing radical changes" to the Citizenship Act in the next few [days].» Parce qu'on le sait, les libéraux étaient opposés au projet de loi... au bill 24, qui, disons, resserrait les critères de prise en... comment dire, les critères exigés pour la maîtrise de l'une des deux langues afin d'obtenir la citoyenneté, mais apparemment il y a des changements, comme le rapporte l'article, des changements radicaux qui vont être opérés. Donc, je serais prudent de me référer... relativement à ce qui risque d'arriver avec le gouvernement Trudeau à Ottawa.

J'ai une question simple, une première question simple à vous poser : La francisation, est-ce que, de votre perspective des choses, c'est une responsabilité collective? Est-ce une responsabilité dévolue au gouvernement, au nouvel arrivant ou... Bref, la question, elle est, comment dire, pertinente en ce sens qu'on entend ici et là des commentaires rejetant la faute sur les immigrants à l'effet qu'ils ne veulent pas apprendre la langue, mais par ailleurs on apprend que la plupart d'entre eux, notamment dans le milieu du travail, veulent bien apprendre la langue, mais les moyens ne sont pas là pour les accompagner dans ce dessein. J'aimerais vous entendre là-dessus.

• (10 h 40) •

Mme Chabot (Louise) : Oui, c'est une responsabilité, bien, collective, ça, c'est sûr, mais il y a une responsabilité de l'État, du gouvernement en termes de francisation. On ne peut pas... Pour nous, il y a une adéquation qui doit être très claire entre l'immigration puis la francisation. Puis actuellement, d'ailleurs, la loi est assez... Quand on parlait des deux articles, là, les six articles qui concernent les responsabilités, si vous allez voir à la page 9 de notre mémoire, actuellement l'article 3.2.4 de l'actuelle loi dit que «le ministre, en vertu [du] programme, dispense et assume la mise en oeuvre des services d'intégration linguistique [qui consistent] en des services d'apprentissage de la langue française et d'initiation à la vie québécoise». Ça fait qu'on voit toute l'importance qu'on accorde... «Assume», «dispense et assume», c'est des mots forts. Allez juste voir l'article 58. Pour nous, ça nous semble affaiblir les responsabilités, «favoriser la pleine participation», on ne retrouve plus la notion, entre autres, d'initiation à la vie québécoise, et de dispensation, et du fait d'assumer. Ça fait que, là, on veut vous alerter clairement, avec le projet de loi qui est là, par rapport à la loi qui est actuellement... Et, oui, il y a une responsabilité. Il y a des budgets qui existent dans d'autres secteurs, mais les groupes communautaires, le ministère de l'Immigration, ça fait partie de... puis il faut être capable d'offrir... On peut comprendre, pour une personne qui arrive, que, bon, l'emploi est important, et dans le milieu du travail ce n'est pas toujours simple d'avoir juste quelques heures pour avoir le français, donc il faut pouvoir rapidement offrir des cours de français tout en permettant l'intégration de ces personnes. Mais, oui, il y a une responsabilité très claire qui nous semble être affaiblie par l'article 58 et 59, qui sont les seuls articles qu'on retrouve en matière de responsabilité dans le projet de loi, et l'article 26 aussi au niveau de la grille, c'est important.

Moi, je veux bien nous croire qu'on est pour le français au Québec. Écoutez, nous, là, le drapeau est très élevé là-dessus. Je comprends qu'on est dans le cadre d'une politique d'immigration, mais on a la même mesure quand il s'agit de défendre et de promouvoir la langue française. Ça fait qu'il faut que ça se traduise, il faut...

Probablement que le fait qu'on n'ait pas obtenu... Puis ça, je le déplore. Je comprends qu'on va l'avoir puis qu'il y a eu bien des affaires à régler au mois de décembre, mais on a quand même été consultés, on a pris le temps de venir rencontrer les parlementaires, on s'attendait... On sait que la politique, la stratégie, bien, ça devient une pièce majeure et que le législatif, après, arrive. Là, on est obligés d'appréhender, de supposer les intentions du législateur, et c'est bien fatigant. Si on se trompe, si on nous dit qu'ici, au sortir de ce projet de loi là, le fait français au Québec sera préservé minimalement comme on le connaît, qu'on veut prendre toutes nos responsabilités pour continuer, aider à la francisation — puis ce n'est pas ça que les chiffres nous témoignent — bien on sera des plus heureux à venir saluer le processus parlementaire qui aura eu cours.

M. Kotto : O.K. Vous êtes sur le terrain, vous entendez des choses, vous voyez des choses, il vous est rapporté des choses relativement, notamment, à la francisation en milieu de travail. Vous savez les commandes de coupes paramétriques du gouvernement actuel dans tous les domaines, des coupes qui ont eu des impacts, nécessairement, en matière de francisation, il y a eu 5 millions qui ont été coupés cette année notamment. Qu'est-ce que vous pouvez nous dire relativement à ces impacts-là?

Mme Chabot (Louise) : Bien, on a illustré... Tant pour les groupes communautaires qui s'occupent de francisation que pour les budgets du ministère de l'Immigration, là, on va se le dire, les compressions sont importantes, c'est dans tous les secteurs d'activité. On a parlé aussi du rôle que l'éducation peut jouer et qu'elle joue très bien en termes d'accueil, puis on parlait des enfants, on a un très, très grand rôle à jouer, mais, dans les politiques d'austérité, on le voit sur le plancher, là, que... Même si on n'est pas dans les milieux de travail comme étant... bien on le voit. Puis je pense que l'article du Devoir, encore ce matin, venait illustrer que, dans les grandes industries, il y a une baisse du nombre de personnes qui peut...

Mais je vais laisser Gabriel continuer, on a une expérience terrain peut-être plus probante à vous illustrer.

Le Président (M. Picard) : M. Danis.

M. Danis (Gabriel) : Oui, merci. Effectivement, les groupes de francisation qui sont chez nous, à la CSQ, nous le disent, les compressions font mal, les compressions font en sorte notamment que plusieurs cours à temps plein qui s'offraient s'offrent maintenant à temps partiel, les listes d'attente s'allongent. Donc, ce n'est pas vrai que les investissements augmentent, ce n'est pas vrai en francisation.

De même, l'année dernière, en commission parlementaire, on nous avait questionnés sur la possibilité d'assouplir le niveau 7 de l'Échelle québécoise des niveaux de compétence en français des personnes immigrantes adultes comme étant un obstacle à la sélection de multiples talents. Ce que les gens nous disent sur le terrain, c'est que le niveau 7 est un niveau plancher pour fonctionner en emploi. Même si on le qualifie d'intermédiaire avancé, on se tire dans le pied collectivement à vouloir abaisser ce niveau-là. Donc, voilà.

M. Kotto : O.K. Je reprends un extrait de l'article de M. Dutrisac ce matin, qui nous rapporte : «Pour la francisation chez Peerless, la Commission des partenaires du marché du travail versait au syndicat une subvention annuelle de 100 000 $, ce qui couvrait la rétribution des professeurs et le salaire minimum aux employés qui assistaient aux cours.»

Dans le dernier budget, le gouvernement a haussé le seuil d'assujettissement des entreprises à la loi du 1 %, le seuil est passé de 1 % à 2 %... pardon, de 1 million à 2 millions. Est-ce que vous croyez que ça va avoir un impact sur la francisation en entreprise?

Le Président (M. Picard) : 30 secondes, Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise) : Oui, c'est clair. Puis en plus déjà il y a des difficultés avec... Il y a moins d'argent dans l'enveloppe de la loi du 1 %, puis on doit aussi faire l'adéquation formation-emploi, ça fait que... Puis ce n'est pas le MIDI qui va prendre le relais, à moins que le ministère augmente ces sommes.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Montarville. 6 min 30 s.

Mme Roy (Montarville) : Merci, M. le Président. Madame monsieur, merci. Merci pour votre mémoire. J'ai le nez dedans depuis tout à l'heure et j'ai une préoccupation, moi aussi, très grande à l'égard du recul du français en tant que langue d'usage. Et, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, à la page 6 de votre mémoire vous reproduisez des chiffres qui nous viennent de l'OQLF, des statistiques qui sont très troublantes quand on regarde les tableaux que vous nous avez mis là. La langue française, langue d'usage, lorsque nous serons rendus... Actuellement... En 2011, sur l'île de Montréal, la langue française est à 53 %, mais en 2031, selon le tableau de l'office de la langue ici, là, en 2031, la langue française, en tant que langue d'usage, sera à 48 %. Ça, ça veut dire minoritaire. Donc, sur l'île de Montréal, en 2031, il y aura plus d'anglophones et d'allophones que de francophones.

C'est une constatation qui nous vient de l'Office québécois de la langue française, ces chiffres-là, c'est ce que vous nous dites, vous les avez reproduits de façon intégrale. Naturellement, ce sont des perspectives. Cependant, c'est extrêmement troublant, et c'est la raison pour laquelle protéger le français en tant que langue d'usage, nous sommes tout à fait sur cette voie, nous voulons prôner cette protection, elle est extrêmement importante, naturellement dans le respect des immigrants, des citoyens qui viennent se joindre à notre population.

Et justement, pour se joindre à notre population et... À l'égard du projet de loi n° 77, il y a une ouverture à l'effet de sélectionner les immigrants en fonction des besoins aussi, des besoins du marché du travail, ce qui est aussi une bonne chose dans la mesure où nous avons besoin d'immigrants qui s'impliquent et qui deviennent des citoyens à part entière, qui travaillent avec nous, on en est. Par ailleurs, les préoccupations sont à l'égard du déclin de la francisation.

J'aimerais vous entendre. À la page 7, vous avez la recommandation n° 1... À la page 8, pardon, à la recommandation n° 1, vous nous dites qu'il faudrait «moderniser la Loi sur l'immigration au Québec afin qu'elle prenne spécifiquement en compte la pérennité du français au Québec — ça, on est d'accord avec vous — et qu'elle fixe des cibles ambitieuses en matière d'accueil d'immigrants ayant une connaissance du français». Alors, on parle ici des cibles de la connaissance du français à l'accueil. Actuellement, on parle de 50 %. Si 50 %, selon vous, cette cible-là, elle est trop faible, quelle devrait être une cible qui serait acceptable?

Mme Chabot (Louise) : Bien, on devrait avoir une cible qui reconnaît... Vous l'avez bien illustré, là, on s'anglicise, là, puis particulièrement sur l'île de Montréal. Puis ce qui nous inquiète, c'est que même des chambres de commerce comme la chambre de commerce de Montréal viennent dire que la pondération de l'anglais devrait peut-être avoir plus d'importance que celle du français, ça fait que c'est assez inquiétant. Ça fait qu'une cible devrait au moins reconnaître une majorité francophone.

On a illustré d'autres chiffres aussi où il y a une tendance qui s'est inversée, je veux dire, qu'il y a un 60 % qui a déjà existé, alors qu'on est, là, dans l'inverse en termes de francisation. Ça fait qu'on n'a pas chiffré, mais la barre du 50 % nous apparaît... Je vous dirais 100 %, mais ça, on sait que ce n'est pas réaliste parce qu'il faut accompagner, mais il faut permettre, toutes les courbes qu'on a démontrées, là, qu'on puisse les lire à l'envers. Ce serait ma réponse.

Mme Roy (Montarville) : Vous conviendrez avec nous qu'outre la francisation des immigrants il faut aussi bien les intégrer, mais les intégrer à la société québécoise. Dans cette optique, est-il intéressant peut-être d'accueillir des citoyens qui ne parlent peut-être pas français mais qui s'intégreront facilement et à qui on pourra bien apprendre le français? Parce que vous dites : Une cible 100 % francophone. Je ne pense pas que c'est quelque chose qui soit possible et réalisable, mais, compte tenu du fait qu'on doit également suivre une formation à la citoyenneté québécoise, ne pensez-vous pas que, de un, ces formations devraient être obligatoires — ce n'est pas le cas actuellement, ni pour le français ni pour l'introduction à la citoyenneté — et, de deux, qu'il serait possible d'avoir une immigration qui n'est pas nécessairement francophone à 100 % comme vous le souhaitez mais qui puisse bien s'intégrer?

Mme Chabot (Louise) : Gabriel.

• (10 h 50) •

M. Danis (Gabriel) : Oui, bien on ne souhaite pas qu'une immigration soit à 100 % francophone, on souhaite qu'une grande majorité des immigrants qu'on sélectionne soient à tout le moins francotropes. Les données, l'étude de l'IREC publiée la semaine dernière démontre très bien que les francotropes s'inscrivent dans une démarche de francisation de façon beaucoup plus importante que les anglotropes. Même chose avec l'utilisation du français en milieu de travail, les francotropes ont tendance à 70 % à utiliser le français en milieu de travail, c'est complètement l'inverse avec les immigrants qui sont anglotropes. Donc, on pense qu'en amont cette pondération-là accordée soit à la connaissance du français ou à des immigrants qui soient francotropes demeure importante dans notre grille de sélection.

Et juste revenir sur le pourcentage d'immigrants ayant déclaré connaître le français, le tableau II de notre page 7 qui démontre très bien une baisse du pourcentage d'immigrants ayant déclaré connaître le français de 64 % à 57 % en 2013. Tant mieux si, ce taux-là, la ministre nous apprend que le taux a remonté à 58 %. Il n'en demeure pas moins que, dans le plan stratégique du ministère de l'Immigration, leur cible d'immigrants ayant déclaré connaître le français est de 50 %. Le gouvernement semble penser que c'est un verre qui est plein : nous, on pense qu'il est à moitié vide, à 50 %. C'est une cible qui est très peu ambitieuse, compte tenu de la baisse de la vitalité du français tant sur le plan de la langue maternelle que de la langue d'usage, que de la langue en milieu de travail. Les faits et les données sont têtus, les données du Conseil supérieur de la langue française le démontrent très bien. Donc, si on veut stopper cette tendance-là, il faut avoir des cibles plus ambitieuses en amont, dans la sélection des immigrants.

Mme Roy (Montarville) : Ce qui est intéressant aussi dans...

Le Président (M. Picard) : 20 secondes, Mme la députée.

Mme Roy (Montarville) : Combien?

Le Président (M. Picard) : 20 secondes.

Mme Roy (Montarville) : Oh! misère. Écoutez, si je reviens au tableau de la page 6 et de la page 5, lorsqu'on dit qu'en 2031 le français sera, comme langue d'usage, minoritaire, ce qui est frappant, c'est que l'anglais aussi sera très minoritaire et que ce sera toutes autres langues confondues qui sera extrêmement important aussi. Si on suit la tendance qu'on suit actuellement, là, si on regarde en 2011, autres langues sur l'île de Montréal, 33 %, anglophones, 17 %, et francophones, 48,7 %. Alors, à cet égard, ne devrions-nous pas rendre les cours de français obligatoires pour tous?

Le Président (M. Picard) : Rapidement.

Mme Chabot (Louise) : On doit accompagner les personnes, pas les obliger, mais on doit vraiment donner les moyens, absolument, pour que la francisation soit au rendez-vous. Mais on doit être plus ambitieux dans l'accueil.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède la parole à M. le député de Mercier pour trois minutes.

M. Khadir : Merci, M. le Président. En réaction au questionnement de la ministre sur ce qui, dans ses propos, fait porter à croire que son engagement n'était pas... enfin, qu'il manquait de conviction dans l'insistance sur le fait qu'en milieu de travail puis en immigration le français doit être au centre de ses préoccupations, moi, je ne doute pas de la volonté exprimée par la ministre, mais il y a une série, une constellation d'éléments qui font qu'il y a une perte de confiance et de crédibilité. Un, cette insistance sur le «skill-based», hein? Vous revenez souvent sur la notion de Nouvelle-Zélande, vous venez de parler du Canada. Moi, je connais très bien l'immigration montréalaise qui est acceptée par les instances canadiennes, et en grande majorité je peux dire que même en anglais les niveaux de qualification ne sont pas terribles, ne sont pas vraiment... Bon. Alors, dire que le Canada peut constituer un modèle parce que l'anglais est important, je pense que c'est déjà...

Une voix : ...

M. Khadir : Bon, oui, mais en réalité, tel que ça se pratique, ce n'est pas très bien. Puis ensuite, la Nouvelle-Zélande, c'est «skill-based». Ce n'est pas «language-based», ce n'est pas «education-based», c'est «skill-based». Alors, quand vous revenez sur le modèle néo-zélandais, bien ça envoie le message que, dans le fond, tout ce que ça vous intéresse, c'est que, les immigrants qu'on accepte, leurs compétences soient conformes aux besoins du marché du travail. Puis les patrons ici viennent dire : Le français, ce n'est pas tellement important, en fait c'est ce qu'on retient de leurs interventions sur...

Le Président (M. Picard) : M. le député, vous vous adressez à moi, s'il vous plaît.

M. Khadir : Oui, M. le Président. Ah oui! D'accord. C'est parce que la ministre posait des questions, mais je veux lui rappeler à la mémoire que nous sommes devant cette réalité.

Maintenant, dans votre mémoire, Mme Chabot et M. Danis, à la page 20, vous parlez du fait que les transferts fédéraux ne sont pas utilisés aux fins de l'intégration des immigrants, qu'alors qu'on a des coupes dans plusieurs secteurs... Est-ce que vous pouvez nous en parler, des coupes à même le MIDI? Est-ce que vous pouvez les chiffrer pour que ce soit illustré? Parce que moi, j'ai rappelé à Mme la ministre que pendant des années le gouvernement libéral a retourné de l'argent dans le fonds consolidé, de l'argent du MIDI, que le MIDI devait consacrer aux immigrants.

Mme Chabot (Louise) : Bien, exact, vous avez la réponse. Ce n'est pas rien comme coupes, hein : en 2014‑2015, 800 millions dans le programme Réussir l'intégration, un demi-million dans le programme Mobilisation-Diversité et 2,2 millions en francisation. Ça fait que, là, quand on nous dit qu'on investit... Et on a retourné 70 millions dans le fonds consolidé à partir majoritairement de sommes d'argent qui viennent aussi du fédéral.

M. Khadir : Mme Chabot, vous faites partie, je crois, des partenaires...

Le Président (M. Picard) : 30 secondes.

M. Khadir : ...de la commission des partenaires du milieu de travail qui finance les programmes de francisation en milieu de travail. La baisse de leur financement par le gouvernement, ça relève de quelle responsabilité? Est-ce que c'est la ministre de l'Immigration? Et est-ce que la ministre de l'Immigration peut rectifier ça?

Le Président (M. Picard) : Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise) : Premièrement, la baisse de fonds au niveau de la CPMT vient du fait qu'on a désassujetti 8 000 entreprises dans l'obligation du 1 %, ça fait qu'on a une baisse de fonds au niveau de la CPMT. Conséquemment, il y a moins de budget. Ça fait que, là, je pense qu'il y a un rôle à jouer du ministère de l'Emploi et Solidarité sociale et du gouvernement.

Le Président (M. Picard) : Merci. Merci, Mme Chabot, M. Danis, pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends quelques instants afin de permettre aux représentants du prochain groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 10 h 55)

(Reprise à 10 h 58)

Le Président (M. Picard) : Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue à l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration. Je vous invite à vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Vous disposez d'un maximum de 10 minutes, va s'ensuivre des échanges avec les parlementaires. La parole est à vous.

Association québécoise des avocats et avocates
en droit de l'immigration (AQAADI)

M. Boudreault (Jean-Sébastien) : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, Mme la ministre, Mmes, MM. les parlementaires. Mon nom est Me Jean-Sébastien Boudreault, je suis président de l'association des avocats en immigration du Québec. À ma droite, vous avez Me Andres Miguel Pareja, un administrateur, et, à ma gauche, Me Sara Goessaert, de l'AQAADI aussi.

On a préparé un mémoire. Nous, on est allés plus dans vraiment les technicalités du projet de loi du côté légal. On travaille beaucoup... Les avocats en immigration, on est la plus grosse association d'avocats qui travaillent en immigration au Québec, une des plus importantes au Canada, et puis on est allés vraiment dans les préoccupations sur la sélection et les pouvoirs qui ont été donnés ou qui seront donnés à la ministre dans le projet de loi n° 77.

La première chose qui nous a beaucoup frappés, dans le projet de loi, c'est le manque de définitions. On parle... On va chercher beaucoup de termes, dont l'intérêt public, mais sans définir quel est l'intérêt public en immigration. Et aussi on a trouvé un petit peu difficile la lecture du projet de loi sans avoir de table des matières, qui sont des petites technicalités mais qui pourraient beaucoup aider quand on vient... surtout pour des gens qui ne sont pas avocats, parce que les projets de loi, les projets de règlement, en immigration, sont souvent regardés par des gens, des citoyens qui veulent soit immigrer, ou faire immigrer leur famille, ou aider les gens à immigrer, donc il faut être le plus clair possible, étant donné que ça s'adresse majoritairement à des citoyens ou à des citoyens en devenir.

• (11 heures) •

Une des choses qu'on doit féliciter la ministre pour le projet de loi, c'est l'ouverture à un recours quasi judiciaire au TAQ. On trouve que c'est une bonne chose. Jusqu'à maintenant, il y avait seulement la possibilité de révision administrative qui découle d'un protocole d'entente entre les associations en immigration du Québec et le MICC, dans le temps, mais, pour pouvoir faire une demande judiciaire, il fallait aller en Cour supérieure, et ce qui rend le processus un peu difficile. On est très contents de voir qu'on peut maintenant y aller en cour... au Tribunal administratif du Québec.

Par contre, on se questionne : Pourquoi avoir et maintenir une différence entre un refus et un rejet? Les deux personnes... Les personnes qui voient rejeté leur dossier n'ont plus de recours, aucun, une fois le dossier rejeté par le ministère, par le MIDI. En 2014, il y a eu près de 10 000 rejets de travailleurs qualifiés. En 2015, en date du 31 octobre, il y a eu plus de 9 000 dossiers rejetés. Ce qui fait que ces gens-là, après avoir attendu plusieurs années, voient leur demande simplement fermée, les frais sont encaissés, et ils n'ont aucun recours à moins d'aller devant les tribunaux, qui sont des recours qui sont excessivement longs et coûteux, ce qui ternit de beaucoup la réputation du Québec à l'international.

On se préoccupe aussi parce qu'étant donné cette distinction entre le rejet et le refus l'article 55 permet à la ministre de refuser un dossier pour des bases d'intérêt public, et l'article 56 lui permet aussi de le rejeter pour les mêmes critères, donc ce qui nous dit que la ministre pourrait décider que certains dossiers sont refusés et maintenant pourraient aller devant le Tribunal administratif... ou ouverture à une révision administrative, mais tous les dossiers qui sont rejetés présentement n'auraient pas ce loisir-là, n'auraient pas cette opportunité-là. On trouve qu'il faut faire très attention.

Maintenant, aussi, on salue beaucoup les remboursements des frais, remboursements des frais qui pourraient être faits maintenant. Et c'est quelque chose que l'AQAADI, on a beaucoup demandé et qu'on demande constamment, les gens qui voient leurs dossiers rejetés ou même refusés avant une analyse approfondie de leurs dossiers devraient voir leurs frais administratifs remboursés proportionnellement aux coûts réels que l'étude de leurs dossiers a engendrés. Les 10 000 et quelques dossiers en 2014 et les 9 000 dossiers qui ont été rejetés en 2015 ont fait que le ministère s'est enrichi injustement, selon nous, en 2014, de plus de 28 millions de dollars, qui ont été encaissés pour les 10 000 dossiers rejetés sans possibilité d'appel. Il faut faire très, très attention. Et on voit que la possibilité maintenant de remboursement est seulement si un dossier est refusé ou la personne décide de retirer son dossier, parce qu'il y a une application rétroactive des règlements. Donc, dans tous les autres cas, on demeure encore avec le même modus operandi présent, donc les dossiers sont refusés, sont rejetés, les montants sont encaissés, et les personnes n'ont souvent aucun recours. Il faut faire très, très attention sur la rétroactivité, la possibilité d'aller de façon rétroactive. On espère, on ose croire qu'avec le nouveau modèle de déclaration d'intérêt les délais, et c'est ce que le ministère nous a dit souvent, les délais devraient être beaucoup plus courts entre le moment où on dépose une demande d'immigration et le moment où on obtient une réponse pour obtenir son CSQ. Dans cette optique-là, si les délais sont si courts, on se demande : Pourquoi donner un pouvoir de changer les règles rétroactivement? On peut comprendre, quand les délais étaient de trois, quatre ou cinq ans, que le marché du travail change, que les demandes en immigration puissent changer, mais, si les délais sont raccourcis, on ne comprend pas pourquoi il pourrait y avoir une rétroactivité.

Une autre chose qui nous préoccupe excessivement et qui a été une des grandes, grandes préoccupations pour l'AQAADI a été le pouvoir accordé à la ministre de faire des règlements qui ne sont pas publiés. L'immigration, c'est une compétence qui touche des vies, c'est une compétence qui touche le destin des gens, et on donne un pouvoir rétroactif et on permet à la ministre de ne pas publier des règlements. Et on s'entend que la Loi sur l'immigration, c'est le grand cadre, on a la politique qui est le cadre supérieur, on a la loi après ça, mais toutes les technicalités de comment immigrer, qui peut se qualifier, comment on évalue les demandes d'immigration se retrouvent dans les différents règlements du MIDI. Pourquoi le faire en cachette? Pourquoi le faire en catimini? Nous, on pense que ça, ça va travailler vraiment négativement sur la réputation du Québec, qui présentement est en train d'en prendre un coup avec Mon projet Québec, qui a été une chose assez difficile. On a travaillé très fort pour faire avancer les choses, les choses avancent, mais avancent lentement, et là on s'en va vers une loi qui est assez nébuleuse, vers des règlements qui ne seront probablement pas publiés, dont la société ne pourra pas commenter, ne pourra pas regarder et ne pourra pas aviser des possibles erreurs. Nous, on est en communication avec des immigrants à tous les jours et puis on pense que c'est important de pouvoir donner notre grain de sel comme tous les autres groupes d'intérêt pour les immigrants. Nous, on croit que l'immigration, c'est une partie de l'avenir du Québec, on a besoin des nouveaux immigrants, donc il faut le faire intelligemment, il faut aller chercher les bonnes personnes.

Maintenant, la déclaration d'intérêt, on félicite la ministre. On pense que c'est se mettre au goût du jour de faire quelque chose de plus électronique, de faire quelque chose qui soit plus rapide, d'amener à sélectionner des gens... les bonnes personnes pour le Québec.

Par contre, une chose qui, pour nous, est importante, on a eu une affirmation du ministère comme de quoi le PEQ, le Programme d'expérience québécoise, serait laissé à l'extérieur de la déclaration d'intérêt, et on veut réitérer que c'est quelque chose qui est très important. Le Programme d'expérience québécoise est le programme qu'on devrait privilégier. C'est des gens qui sont déjà ici, qui ont été soit éduqués ici, qui ont un travail au Québec, qui parlent français. C'est ces gens-là qui devraient avoir la priorité et voir leur projet d'immigration accepté en premier.

L'autre chose qui nous préoccupe un peu dans la déclaration d'intérêt, c'est la possibilité, pour la ministre, d'établir des quotas de gens qui pourraient soumettre leur candidature dans le bassin de la déclaration d'intérêt, et on se pose la question de pourquoi faire ça. Nous, on pense que plus il y a de candidats dans le bassin, mieux c'est, plus on pourra avoir un meilleur choix, plus on sera en mesure de sélectionner les bons ressortissants, les bons immigrants pour le Québec. Et ce qui nous inquiète, c'est que, si on annonce un quota ou une fermeture de la déclaration d'intérêt pour les bassins, il va y avoir, comme il y a eu dans le passé, un achalandage incroyable, ce qui pourrait être très difficile pour les portails informatiques comme on le voit présentement avec le projet Québec, les gens se sont garrochés pour soumettre leur déclaration, pour pouvoir soumettre leur dossier d'immigration, et on a peur qu'on arrive à la même chose. Et, encore une fois, si on fait premier arrivé, premier servi, pour une déclaration d'intérêt, on pense que ça pourrait nuire au Québec et à la réputation du Québec.

Le Président (M. Picard) : En terminant, s'il vous plaît.

M. Boudreault (Jean-Sébastien) : En terminant, juste faire attention, on trouve que la dernière partie du règlement qui donne le pouvoir à la ministre de déléguer ses pouvoirs est très, très générale et on pense que, ça, il faudrait que ça soit vraiment bien encadré.

Le Président (M. Picard) : Merci. Nous débutons la période d'échange avec Mme la ministre.

• (11 h 10) •

Mme Weil : Bon, alors, Me Sébastien Boudreault, Me Miguel Pareja, (s'exprime en espagnol), et je n'ai pas compris le nom de famille, mais bonjour, Sara, merci d'être là. Vous êtes un partenaire très important du ministère, je veux le dire. J'apprécie beaucoup votre travail, c'est important qu'on travaille en collaboration pour toujours faire mieux. Je suis sensible à ce que vous dites par rapport à la réputation du Québec et je sais qu'il y a eu certaines difficultés, mais je pense qu'on est capables de surmonter ces difficultés par des échanges ouverts en tout temps, en temps continu.

Alors, vous êtes présents ici pour amener des améliorations, donc je vais vous poser des questions. C'est sûr qu'il y a beaucoup de technicalités. Juste la notion d'intérêt public, on pourrait aller là-dessus, c'est important.

Je suis contente de voir que vous aimez cette décision qu'on ait recours au TAQ. Ce n'est pas anodin, je pense que c'est cette formation juridique qu'on a qui nous dit : C'est la meilleure... Moi, personnellement, j'y crois beaucoup, hein, je suis très contente que, le ministère de l'Immigration, on ait décidé d'aller dans ce sens-là.

Avant d'aller dans les technicalités, juste pour rester quand même sur la grande vision de la déclaration d'intérêt, qui met fin, finalement, au premier arrivé, premier servi parce que, dès que ce système est en place, beaucoup des problèmes de rejet, etc., on ne les verra plus, je veux vous dire que je suis très sensible à ce dossier des rejets. On essaie... Et nous, on pense que la solution, c'est vraiment de corriger en amont. J'avais déjà demandé une révision de nos façons de faire dans ce dossier-là lorsque vous vous êtes exprimés sur la place publique, il y a eu une révision des façons de faire. Là, il faut continuer à corriger ce problème-là.

Maintenant, dans le nouveau système, parce que, là... et je l'ai même testé avec les informaticiens du ministère, on est capables tout de suite de dire : Ah! il manque ce document-là, la personne peut tout de suite rajouter le document. Donc, peut-être sur cette question très technique, voyez-vous que ça va, finalement, régler ce problème de rejet? Je sais que le système n'est pas encore en place, il reste du temps, puis vous souhaitez une solution pour l'intérim, mais voyez-vous, donc, finalement que la déclaration d'intérêt permet justement un dialogue en temps réel avec le candidat?

M. Boudreault (Jean-Sébastien) : Oui, effectivement. S'il y a ce dialogue-là... Puis c'est un dialogue qu'on avait jusqu'en 2013. Jusqu'en 2013, les candidats recevaient une lettre, et on était beaucoup moins strict sur le format des documents, sur la virgule qui manque, sur le sceau qui ne semble pas traduit. Tant qu'il y a un dialogue, je crois que c'est quelque chose qui va gagner... tout le monde va y gagner, tant le MIDI, parce que le MIDI met énormément de ressources à rejeter ces candidats-là, à traiter des dossiers, et la réputation du Québec.

Les intervenants comme nous, les avocats qui y travaillent, comme vous le dites, nous aussi, on se voit comme un partenaire du MIDI, on est là pour travailler ensemble. Le Québec reste notre chez nous, on veut avoir les meilleurs candidats qui vont venir au Québec. Tant qu'il y a un dialogue, ce dialogue-là va être avantageux pour tous. Et, si vous me dites qu'il y aura la possibilité de dire, bon : Il manque tel document, et on le soumet, fantastique! On revient aux pratiques qui ont géré, moi, les premiers 10 ans de ma pratique.

Mme Weil : Donc, je pense que c'est important pour nous, là. L'intention, c'est, en amont, de corriger ces problèmes, et je pense que le dialogue doit se poursuivre.

J'aimerais vous amener sur le PEQ. Vous êtes contents, et c'est une décision qu'on a prise, de ne pas mettre le Programme d'expérience québécoise au sein de ce nouveau système. Vous avez peut-être vu les commentaires de certains par rapport au système Entry Express, Entrée express, où le programme d'expérience canadienne a été fondu, si on veut, hein, dans le système, qui ne donne pas des bons résultats. Est-ce que vous pourriez expliquer... Je suis tellement d'accord avec vous, c'est pour ça que, pour moi, c'est une orientation majeure. Dans certains pays, la Nouvelle-Zélande, la grosse majorité des personnes qui sont des immigrants permanents viennent justement de ce bassin d'étudiants étrangers qui sont sur place et des travailleurs temporaires étrangers. Donc, peut-être vous entendre un peu plus sur cette approche et l'importance du PEQ.

M. Boudreault (Jean-Sébastien) : Bien, pour nous, c'est la voie d'avenir. C'est des gens qui arrivent ici en tant que travailleurs temporaires, en tant qu'étudiants, c'est des gens qui doivent avoir un niveau de français intermédiaire avancé, donc c'est des gens qui ont tous les outils pour pouvoir s'intégrer correctement à la société québécoise et s'intégrer en français. Donc, pour nous, c'est vraiment la place où on devrait aller chercher le plus grand bassin de nos nouveaux immigrants.

C'est important aussi... Peut-être qu'il faudrait regarder le PEQ et peut-être discuter aussi avec le fédéral, parce qu'il y a certains gens qui viennent étudier au Québec qui, avec les nouvelles règles de permis de travail postétudes, ne sont plus capables d'avoir ce permis de travail postétudes qui leur permettrait de rester au Québec. Je pense, entre autres, on a les meilleures écoles d'ostéopathie, au Québec, beaucoup d'étudiants étrangers viennent étudier en ostéopathie, sont formés pendant sept ans ici et une fois leur sept ans terminé ne peuvent pas faire une demande de permis de travail postétudes. C'est quelque chose qu'on devrait corriger parce qu'après ça ces gens-là pourraient rester ici. Ils ont déjà une adaptation, ils sont déjà sept ans dans la province, c'est quelque chose qui est très très important.

Le PEQ doit devenir un programme qu'on utilise de plus en plus, dont on fait la promotion quand on va chercher des étudiants étrangers, des travailleurs étrangers, leur dire qu'ils auront la possibilité... beaucoup de travailleurs étrangers ne connaissent pas nécessairement ce programme qui est un programme parallèle au programme des travailleurs qualifiés, tout le monde pense qu'il faut passer par les travailleurs qualifiés... ou la majorité des gens qui arrivent ici; faire la promotion du PEQ, faire la promotion dans les écoles, chez les employeurs pour leur dire : Bien, vous avez la possibilité de garder vos employés, surtout qu'avec la nouvelle règle qui dit qu'on peut avoir un permis de travail maintenant seulement pendant quatre ans c'est important de le faire le plus rapidement possible pour que ces gens-là puissent appliquer, obtenir leur CSQ et après ça avoir leur résidence permanente.

Mme Weil : Oui, vous avez raison, en effet. Souvent, je suis allée sur les campus, surtout à l'entrée, c'est-à-dire lorsque la session commence, au mois de septembre, rencontrer des universitaires, et il y a toujours une grande foule, hein, d'étudiants étrangers qui viennent pour mieux connaître le programme, et vous avez raison. Alors, on a des partenariats avec Montréal International, qui va venir justement cet après-midi nous entretenir de ce programme et de leur rôle pour faire de la promotion, mais aussi avec Québec International, donc des partenaires. Et vous, j'imagine, aussi, vous faites connaître parmi vos clients que ce programme existe.

Peut-être vous amener... Vous suggérez que le projet de loi contienne une partie introductive à la loi consacrée aux définitions, bon, vous mentionnez l'intérêt public comme exemple de termes clés à définir. J'irai sur d'autres termes juste pour... parce qu'on a fait quand même une recherche, au MIDI, dans le corpus législatif et on n'a pas trouvé de définition d'«intérêt public». Ce que les gens de la législation me disent, c'est que c'est justement une notion évolutive, qui doit rester évolutive, car la notion d'intérêt public change au fil du temps. Donc, nous, on n'a pas trouvé d'autre loi... Les lois qu'on a trouvées, justement, parlent tout simplement d'intérêt public. Alors, peut-être qu'on peut aller sur ça, mais est-ce qu'il y a d'autres définitions que vous souhaiteriez ou que vous recommandez, d'autres termes qu'on pourrait définir pour amener plus de clarté au projet de loi?

M. Boudreault (Jean-Sébastien) : Bien, une autre chose qui est importante pour nous, c'est la distinction entre «rejet» et «refus». Il n'y a aucun endroit où c'est expliqué qu'est-ce qu'un rejet et qu'est-ce qu'un refus, mais la finalité de ces deux termes est complètement différente pour un immigrant. Quelqu'un qui est rejeté perd tous ses moyens, n'a plus le droit de faire aucune demande, à moins, comme je disais, d'aller en Cour supérieure, mais là on engendre des frais excessifs, et seulement pour les refus on veut aller au TAQ. Dans le protocole d'entente qu'on a entre le ministère, et l'AQAADI, et l'ABC, on parle de décisions négatives, et on se demande : Pourquoi ne pas garder ce verbatim-là d'une décision négative? Parce qu'une fois qu'on rejette ou qu'on refuse un immigrant, la finalité, c'est que cette personne-là ne peut pas venir au Québec ou doit soit faire une demande de révision administrative ou redéposer un nouveau dossier. Et pourquoi faire une distinction entre ces deux? Et, si on s'entête à faire une distinction, bien les définir pour que les gens sachent qu'est-ce que comprend un refus et qu'est-ce que comprend un rejet, pour savoir vers où on s'en va. Ça, c'est une des choses, pour nous, qui est très, très importante. Je vous dirais que c'est pas mal ça.

Et peut-être définir un peu mieux les pouvoirs que la ministre peut déléguer, les pouvoirs de vérification, de supervision, d'enquête. C'est très, très général et ça va à l'encontre, selon nous, dans la forme actuelle, de notre règle de droit qui dit qu'un pouvoir délégué ne peut pas être sous-délégué, et là on a un petit peu de craintes à y avoir, là, jusqu'où pourrait aller cette délégation de pouvoirs là.

Mme Weil : Peut-être, oui, vous entendre sur toute la question, plus en détail, sur le recours au TAQ, mais aussi révision administrative, hein? Actuellement... Bien, dans le projet de loi antérieur, il y avait cette révision administrative; nous, on propose le recours au TAQ. Peut-être vous entendre sur ces deux voies, soit concurrent ou, c'est-à-dire...

• (11 h 20) •

M. Boudreault (Jean-Sébastien) : La révision administrative, en fait, vient de notre protocole d'entente, donc n'a jamais été intégrée à une loi, c'était dans le protocole d'entente qu'on a avec le MIDI. Et on pense que la révision administrative devrait rester pour les dossiers, devrait être un premier recours, c'est un recours qui est gratuit, surtout pour les travailleurs qualifiés. Ces gens-là, souvent, sont des gens qui n'ont pas des fortunes, qui ont déjà investi beaucoup dans leur projet d'immigration soit par les frais de traitement, les frais de traduction, les frais de notarisation, les tests de français. Donc, on devrait garder un recours qui est gratuit, qui est revu par des spécialistes du ministère, parce qu'on croit qu'il y a quand même des spécialistes au sein du ministère qui revoient les décisions, il faudrait bien l'encadrer, et que par la suite les gens, s'il y a un problème avec la révision administrative, puissent aller au TAQ... ou à tout le moins pouvoir avoir le choix entre la révision administrative, le TAQ, pour garder les deux, mais ouvrir le tout tant aux rejets qu'aux refus. Il faut... Ou, si on décide de garder les refus seulement, il faut s'assurer qu'on n'a plus des chiffres faramineux comme en 2014 et en 2015. Il n'y a presque pas de refus dans ces années-là. Quand on regarde les statistiques du ministère, les refus sont presque nuls, il y a quelques milliers de refus, et il y a des dizaines de milliers de rejets dont les gens perdent tout recours.

Donc, pour nous, c'est important de garder les deux puis c'est important d'avoir une gradation un peu des recours. On espère que pas tout le monde ira au TAQ, parce qu'éventuellement, le TAQ, c'est de l'argent pour tout le monde, c'est beaucoup plus d'argent pour le ministère, c'est beaucoup plus d'argent pour les immigrants, on veut peut-être éviter un peu ce qui se passe au fédéral où tout le monde va à la cour fédérale. Il faudrait peut-être avoir... En ayant le TAQ comme deuxième étape nous permettrait de régler une partie des dossiers, selon nous, en révision administrative.

Mme Weil : C'est ça, j'allais dire : Dans le nouveau système — et cette loi, évidemment, prévoit déjà ce nouveau système parce que c'est assez rapidement qu'on veut le mettre en place — il n'y aurait plus cette problématique de refus et de rejet, hein, parce qu'on inviterait les personnes au profil qui répond le mieux à nos critères de sélection, donc ces personnes-là seraient invitées à déposer leur candidature... Mais c'est ça. Dans ce cas-là, il n'y aurait pas de rejet, ce ne serait plus un enjeu; des refus, oui.

Mais là vous, vous proposez donc qu'il y ait deux voies, la révision administrative et aussi le recours au TAQ, si je comprends bien. Je mettrais plus l'accent... Il y en aurait très peu, par exemple, parce qu'on ferait comme une présélection des gens qui ont le profil le plus intéressant. Donc, en tout cas, on pourra continuer à en discuter.

J'aimerais peut-être vous amener, avec le temps qu'il me reste... Vous ne l'avez pas évoqué, je comprends bien que vous ne voulez pas évoquer... mais c'est un aspect qui suscite beaucoup d'intérêt parmi les acteurs, je vous dirais, beaucoup régionaux, dans les régions, c'est les projets pilotes. Alors, vous l'avez vu, ça existe dans d'autres systèmes, alors, ce projet pilote qui nous permet de tester des idées à petite échelle, parce qu'on ne veut pas... — et vous, comme juristes en immigration, avocats en immigration, vous allez comprendre — on ne veut pas substituer le projet pilote au système d'immigration, qui doit avoir beaucoup d'intégrité puis une cohérence, dans ce système-là. Est-ce que vous avez eu l'occasion d'échanger là-dessus? Avez-vous une réflexion ou vous n'avez pas nécessairement réfléchi à ça?

M. Boudreault (Jean-Sébastien) : On n'a pas vraiment réfléchi à ça. Je vous dirais que, dans les dernières semaines, on a été très, très préoccupés par Mon projet Québec, donc on n'y a pas réfléchi. Mais on pense que, s'il y a... À brûle-pourpoint comme ça, je peux vous dire que, s'il y a des projets pilotes qui aideraient les gens à arriver plus vite, à avoir une meilleure sélection, à aller en région... L'année dernière, quand on est venus parler, à la politique d'immigration, on vous en avait parlé, de ça, la possibilité d'aller chercher les acteurs économiques dans les régions pour amener des immigrants à sortir de l'île de Montréal, à sortir des grands centres et aller au Saguenay, en Gaspésie, en Abitibi, et accélérer le processus d'immigration de cette façon-là. Nous, on verrait ça comme un avantage pour tout le monde.

Mme Weil : C'est très bien, ça me permet de voir votre vision des choses, donc, même si, comment dire... Votre réponse est très complète. Si vous n'y avez pas réfléchi, ça ne se voit pas.

J'aimerais vous entendre sur... Croyez-vous que la mise à jour des dispositions pénales permettra de mieux renforcer l'intégrité de nos programmes d'immigration, comme juristes? Et ce n'est pas une question que je pose aux autres, mais c'est une préoccupation, je pense, pour tout le monde en immigration, dans tous les systèmes d'immigration, c'est l'intégrité du système. On a un excellent système, on veut le maintenir en tant que tel. Mais je me demandais si vous aviez un point de vue là-dessus.

M. Boudreault (Jean-Sébastien) : Oui, mais, encore une fois, dans la loi c'est très, très général. On parle des consultants, on parle qu'on aurait dû savoir. En immigration, souvent, il y a des choses que peut-être qu'on aurait dû savoir mais qu'après avoir demandé à répétition, répétition, répétition ça devient difficile. On n'est pas certains, le devoir de vérification. On ne parle pas expressément des bureaux d'avocats, mais est-ce qu'on parle aussi de pouvoir aller vérifier, aller dans les bureaux d'avocats? Vous savez qu'on a des règles, on est gérés par le Barreau, on a des règles de secret professionnel, il y a certaines choses qu'il faut faire attention.

On s'en est peu attardés. On trouve que, oui, c'est une bonne idée de bien encadrer, surtout de bien encadrer les consultants en immigration. Je pense que le bât blesse depuis plusieurs années avec les consultants en immigration parce que des gens s'improvisent consultants en immigration. On ne s'improvise pas avocat, on a un permis d'exercice, on a fait les études pour, tandis qu'à peu près n'importe qui peut s'improviser consultant en immigration. Donc, ça, c'est un petit peu... Pour nous, c'est bien, c'est dans une bonne voie, mais il faut bien l'encadrer, et on a une grande crainte que tout ça soit encadré dans un règlement qui ne sera pas publié. Donc, c'est dans la bonne voie, mais il faut le faire de façon intelligente, et je pense qu'il faut le faire tout le monde ensemble pour que les gens sachent vers où on s'en va, quelles sont les limites de la façon qu'on peut travailler en immigration, pour s'assurer que ça devient... Ces mesures pénales devraient être des mesures vraiment accessoires, des mesures qui sont rarement utilisées, qui ne devraient pas avoir besoin d'être utilisées...

Le Président (M. Picard) : En terminant, s'il vous plaît.

M. Boudreault (Jean-Sébastien) : ...mais qui sont là au cas où.

Mme Weil : Je vous remercie, Me Boudreault, et je remercie vos collègues. Merci beaucoup de votre participation, c'est très apprécié.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget.

M. Kotto : Merci, M. le Président. Mme Goessaert — est-ce que je le prononce bien? — M. Boudreault, M. Pareja, soyez les bienvenus, et merci pour votre contribution à ces travaux.

Je voudrais revenir sur vos inquiétudes relativement aux pouvoirs exceptionnels attribués au ministère, en l'occurrence au ministre, pour établir des critères notamment en matière de sélection. Vous avez également exprimé vos craintes relativement au manque de définitions. Relativement à l'intérêt public, il y a quelque chose de flou là-dessus, on en convient. Pensez-vous que, si la loi-cadre, qui est déjà prête, le Conseil des ministres en a pris connaissance, comme nous l'a dit la ministre... si la loi-cadre avait été préalablement déposée, vous auriez une lecture moins inquiétante de ce projet de loi, notamment dans les articulations que vous avez évoquées?

M. Boudreault (Jean-Sébastien) : Pour nous, la politique en immigration, c'est beaucoup, et on l'a dit l'année passée en commission parlementaire... c'est des voeux pieux, c'est des grandes orientations. Ce qui, pour nous, est très, très important, c'est les règlements, c'est ça qui encadre l'immigration au Québec. La loi donne les orientations... la politique, les grandes orientations, la loi, les grands pouvoirs, et les règlements vont donner les définitions, vont donner la pondération, vont donner les critères de sélection, vont donner les critères pour la déclaration d'intérêt. C'est là qu'il faut aller regarder, mais, pour pouvoir les regarder, il faut que ces règlements-là soient publiés. Si, le règlement, on arrive et on met en vigueur un règlement qui n'a pas été vu à l'avance, ça veut dire que les gens vont être affectés sans avoir idée dans quoi ils se sont embarqués, parce qu'en plus on peut avoir des applications rétroactives, donc des gens qui ont déjà soumis leur demande vont pouvoir voir leur demande réévaluée sur d'autres critères. C'est là qu'il faut aller.

La politique, pour nous, on a regardé un peu l'année dernière, on a fait des commentaires sur la politique, mais, la politique, ce n'est pas là que, d'après nous, on trouve les définitions. Les définitions devraient être directement dans le projet de loi et vont être dans les règlements, et c'est là qu'il faut vraiment s'attarder, parce que c'est ça qui va régir la pratique au jour le jour de l'immigration, vraiment savoir qui peut immigrer. Est-ce que moi, je peux déposer une demande d'immigration? C'est dans les règlements qu'on le retrouve, si on se qualifie ou on ne se qualifie pas. Donc, c'est ça qu'il faut vraiment regarder.

M. Kotto : Je vous entends. Donc, vous persistez et signez à l'effet que les définitions doivent s'inscrire dans le projet de loi. En préambule ou en articulation?

M. Boudreault (Jean-Sébastien) : Bien, pour nous, ça devrait être à tout le moins en préambule, comme plusieurs lois, quand on a des projets de loi, quand on a des lois, on voit, en partant il y a des définitions, on dit qu'est-ce qu'on entend par «rejet», qu'est-ce qu'on entend par «refus», qu'est-ce qu'on entend par «EIMT» — quelqu'un qui ne fait pas nécessairement de l'immigration ne saura pas nécessairement c'est quoi, une EIMT — faire des définitions qui peuvent aider les gens pour mieux comprendre les grandes orientations du gouvernement en immigration. On pense qu'en préambule, tant que le préambule fait partie intégrante de la loi, comme dans plusieurs lois au Québec c'est le cas... Donc, on ne voit pas pourquoi on ne ferait pas la même chose en immigration.

M. Kotto : Est-ce que vous considérez pertinent le dépôt de projets de règlement, ce qui donnerait une idée, avant l'étude article par article au terme de cette commission?

M. Boudreault (Jean-Sébastien) : Ça pourrait être bien, mais c'est peut-être un peu ambitieux de dire : On va déposer des projets de règlement qui vont être bien faits avant l'étude article par article. Mais ces projets de règlement là devraient à tout le moins être faits... Parce que, pour nous, la loi va donner quand même les grandes orientations. Donc, que la loi soit déjà adoptée, et après qu'on vienne chercher les règlements, je pense qu'on peut très bien s'y faire, si c'est fait dans une période assez rapide et courte, mais il faut que les projets de loi soient publiés pour qu'on puisse les regarder... les projets de règlement, excusez-moi...

M. Kotto : ...de règlement. O.K.

• (11 h 30) •

M. Boudreault (Jean-Sébastien) : ...les projets de règlement soient publiés pour qu'on puisse les regarder et faire l'exercice ensemble.

Souvent, à plusieurs têtes, on peut arriver... Le ministère a une idée, a une voie. Nous, on arrive sur vraiment les gens, avec les immigrants, vous avez d'autres groupes d'intérêts qui sont sur le terrain, qui voient quelles répercussions pourraient avoir tel et tel règlement dans la pratique de l'immigration, dans la recevabilité des demandes, dans l'acceptation des immigrants, et c'est vraiment là qu'il faut qu'on s'assoie tout le monde ensemble pour regarder vers où on s'en va, pour accueillir les meilleures personnes.

M. Kotto : Considérant les pouvoirs exceptionnels, discrétionnaires même, je dirais, attribués, alloués à la ministre ou au ministre... On a un projet de loi qui compte 125 articles, et il y en a une quarantaine qui parlent de règlements. Est-ce que la prépublication devrait nécessiter des échanges comme on en a ici aujourd'hui tant les enjeux seront importants, compte tenu de la place que ces règlements occupent dans le projet de loi, ces règlements non publiés?

M. Boudreault (Jean-Sébastien) : Tout à fait. Nous, c'est primordial, c'est primordial de pouvoir avoir ces échanges-là sur les règlements. Quand, exemple, on a augmenté le niveau de français, on a augmenté le niveau de français, on a été un peu mis devant le fait accompli. On change les compétences, il y a beaucoup de choses qui changent, qui... Et c'est normal. L'immigration, c'est un domaine qui bouge beaucoup. On bouge avec la société, on bouge avec les bassins d'immigration, on bouge avec nos compétiteurs, parce qu'on a de plus en plus de compétiteurs pour les gens qui veulent immigrer. Le Québec, moi, il y a 15 ans de ça, était une des terres promises; maintenant, on a d'autres compétiteurs, on a d'autres gens, d'autres pays qui ont ouvert leurs portes. Il faut pouvoir aller sélectionner les bons, les meilleurs, les meilleurs pour le Québec, pour s'assurer que ces gens-là vont bien réussir, vont pouvoir s'intégrer et vont pouvoir demeurer. On veut avoir un taux de rétention, c'est ce qui est important, on ne veut pas que les gens utilisent le Québec comme porte d'entrée et s'en aillent vivre à Vancouver ou à Toronto par la suite. L'important, c'est de sélectionner nos immigrants et de les garder chez nous une fois qu'ils sont arrivés.

M. Kotto : O.K. Je veux revenir sur ce qui a tout l'air d'une arnaque. Vous avez parlé des sommes encaissées à hauteur de 28 millions de dollars, les dossiers rejetés en 2014, 10 000, vous l'avez dit; en 2015, 9 000. Ces frais encaissés et qui ne sont pas remboursés, vous avez rappelé qu'il n'y a aucun recours possible, à part poursuivre devant les tribunaux, mais c'est un exercice herculéen. Que suggérez-vous? Parce qu'il en va de la réputation du Québec, évidemment, vous l'avez bien évoqué. Que suggérez-vous pour réparer?

M. Boudreault (Jean-Sébastien) : Je pense qu'il faut à tout le moins regarder vers l'avenir, il faut voir... Là, on nous assure qu'il n'y aura plus ou peu de rejets, déjà là c'est un bon pas vers l'avenir, mais il faut établir une proportionnalité des frais. Quand on dit qu'un immigrant, travailleur qualifié, la demande coûte 700 $, mais qu'est-ce qui coûte 700 $? Ce n'est pas vrai que quand un agent administratif a regardé une liste de documents et a jugé qu'il manquait un sceau, on a demandé le document, on n'est toujours pas d'accord et on rejette le dossier sans que le dossier ait été analysé au fond... ce n'est pas vrai que le coût réel de cette préanalyse-là coûte 700 $. Encore moins pour les investisseurs. Présentement, le coût de l'administration, du dépôt d'une demande d'investisseur est de 15 000 $. Les investisseurs qui sont rejetés dans le même processus où on regarde les documents, on regarde vitement les documents, on fait une petite analyse et on regarde, bon, il manque une virgule ici, il manque une traduction là, et on rejette le dossier, c'est impossible que le coût réel de cette administration-là du dossier soit de 15 000 $. Il devrait y avoir un remboursement en proportion des coûts réels que le gouvernement a engendrés pour faire la révision des dossiers.

M. Kotto : Donc, si je vous entends bien, il faut établir de façon tangible ces coûts et il faut les mesurer et les rendre publics, par souci de transparence et, je disais, de probité.

M. Boudreault (Jean-Sébastien) : Oui, pour savoir... Bon, écoutez, on regarde l'examen préliminaire, qui est quand même une étape qui est quand même bien avancée, combien ça coûte, combien ça coûte pour l'entrevue, combien ça coûte pour... et avoir une idée. Pour un travailleur qualifié, quand un agent administratif regarde le dossier et dit : Il manque tel document, telle signature, on ferme le dossier, ça ne peut pas avoir coûté... Si tout le processus coûte 713 $ ou 763 $, cette petite partie là en coûte peut-être 50 $, mais le reste de l'argent... Déjà qu'on dit : Vous êtes refusé, vous n'avez aucun recours, et en plus on encaisse votre argent, à 20 000 dossiers dans les deux dernières années, c'est 20 000 familles qui lancent le mot à travers le monde que le Québec s'enrichit injustement sur le dos des immigrants.

M. Kotto : Merci.

Le Président (M. Picard) : Merci. Maintenant, Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour à vous tous, maîtres. Bienvenue. Merci pour votre mémoire.

Vous nous avez dit, en terminant votre présentation : On n'a pas le temps d'en parler, mais il faudrait aussi parler de la délégation des pouvoirs du ministre, de la ministre en l'occurrence. Donc, j'aimerais vous amener aux articles 80 et 81. Selon ma compréhension, mais corrigez-moi, probablement que je me trompe, lorsqu'on lit à la page 12 de votre mémoire, vous craignez qu'on parle d'une délégation, mais une délégation tout autant des pouvoirs de la ministre auprès d'autres ministres mais également auprès d'associations, de personnes, de sociétés. Je voudrais que vous m'éclairiez parce que, dans la façon dont l'article 80 est écrit, je semble comprendre que la délégation est uniquement auprès d'autres ministres ou d'autres organismes d'administration gouvernementale et qu'à l'article 81 on dit que la ministre peut conclure des ententes avec des associations, des sociétés, des personnes et non déléguer des pouvoirs. Mais corrigez-moi. Vous en parlez à la page 12 et vous dites, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent : «Dans la présente loi, il y a plusieurs articles préoccupants relativement à la sous-délégation des pouvoirs ministériels. Selon l'article 81, les pouvoirs du ministre de déléguer à une entité de leur choix nous semblent à la fois larges et vagues en ce qui concerne la possibilité de nommer non seulement un autre ministre pour administrer la loi et les règlements connexes, mais "une association", "une société", "une personne", "un organisme" sans pour autant préciser la nature de ceux-ci, ni leurs qualités.» Pourriez-vous m'expliquer? Pour ma part, j'y voyais plus une entente qu'une délégation, à l'article 81.

M. Boudreault (Jean-Sébastien) : Bien, nous, ce qu'on en a compris, et, si on est erronés, bien c'est parfait...

Mme Roy (Montarville) : Non, ce n'est pas ce que je dis, là, ce n'est pas ce que je dis. Je veux que vous m'expliquiez.

M. Boudreault (Jean-Sébastien) : Non, non, non, mais, si on est dans l'erreur, c'est parfait, puis on est bien contents de ça. Nous, la façon dont on l'avait vu, quand on parle d'un organisme de l'administration gouvernementale... Encore une fois, le manque de définitions fait qu'on ne sait pas trop à qui on parle, et c'est un peu ça qui nous a peut-être... Si on avait défini qu'est-ce qu'un organisme de l'administration gouvernementale... Est-ce qu'on peut créer... On a créé l'organisme qui gère les consultants, on a créé le... Il y a des organismes qui peuvent être créés à gauche et à droite, du ministère.

Et, comme je vous dis, si on l'a mal compris, mea culpa, et puis on est bien contents de savoir que ça ne peut pas être délégué à n'importe qui, mais, pour nous, c'était une préoccupation. Et probablement que le manque de définitions ou l'aspect qui semble très, très large, pour nous, de délégation des pouvoirs nous posait un problème en droit, avec la règle de droit que les gens connaissent, là, delegatus non potest delegare. Donc, il faut faire attention comment on délègue les pouvoirs de l'administration publique.

Mme Roy (Montarville) : Et à cet égard vous avez tout à fait raison. Mais heureusement on a discuté de la chose ici, parce que, comme je vous dis, nous lisions ça dans votre mémoire, et j'avais l'interrogation parce qu'effectivement je n'aurais pas aimé savoir que des pouvoirs de la ministre aient pu être délégués de façon aussi large.

Maintenant, si on revient à la page 7, en parlant des déclarations d'intérêt, ce qui est la nouveauté avec le projet de loi n° 77, vous nous dites des choses très intéressantes, Avantages théoriques : «Ce système offre, en théorie, plusieurs avantages pour toute société d'immigration, comme le Québec. De prime abord, seulement les candidats qui répondent le plus aux besoins économiques et sociologiques sont invités. En d'autres termes, seulement les "meilleurs" candidats peuvent immigrer, ce qui n'est aucunement le cas dans un système de "premier arrivé, premier servi".»

Cependant, quand on va à la page suivante, vous nous émettez certaines réserves et vous avez des craintes à l'effet qu'on se ramasse effectivement avec un premier arrivé, premier servi même avec les DI. Si je comprends bien, corrigez-moi si je me trompe... Entre autres vous nous dites, à la page 8, un, deux, troisième paragraphe : «Deuxièmement, l'expérience au Canada avec le système fédéral de l'Entrée express nous apprend que les candidats invités ne sont pas nécessairement les meilleurs candidats.» Alors, je crois comprendre que c'est ce que vous craignez ici avec le DI, si on y va avec premier arrivé, premier servi. Pourriez-vous élaborer... ou je me trompe? Allez-y, je vous écoute.

• (11 h 40) •

M. Boudreault (Jean-Sébastien) : En fait, au fédéral, c'est un système de points. Une personne qui va avoir un niveau de scolarité élevé, qui va avoir le niveau d'anglais, qui va aller chercher beaucoup de critères va aller chercher bon an, mal an, présentement, 450 points. Si elle a... Une personne qui a une offre d'emploi validée, donc qui peut être une personne qui ne parle pas nécessairement français mais qui a réussi à valider parce que dans un certain secteur on avait besoin de ses compétences, ou, au niveau fédéral, ne parle pas nécessairement anglais, en partant, en ayant une offre d'emploi validée, ça lui donne 600 points. Donc, la personne qui a tous les critères qu'on recherche, qui dans cette optique-là seraient, au Québec, le français, une scolarité, aurait un certain nombre de points, mais, en allant valider une offre d'emploi, pourrait ne pas parler français, ne pas connaître le Québec, avoir un emploi très, très spécifique dans un milieu très, très spécifique et se voir accorder une priorité.

C'est ce qui se passe présentement au fédéral, c'est que ce n'est pas nécessairement les personnes qu'on recherche vraiment, avec les critères qui ont été établis par le gouvernement fédéral, qui passent en premier, et on avait la crainte... Et ça, c'est là qu'on s'est dit : Il faut faire attention de ne pas recréer les mêmes erreurs qu'au fédéral et, de ça, aussi sortir le PEQ. Comme Mme la ministre l'a dit tantôt, au fédéral ils ont intégré le PEC, le programme d'expérience canadienne, à Express Entry, et on avait une crainte que ça soit ça qui se fasse au Québec. Si ce n'est pas le cas, fantastique, tant mieux! On aura appris des erreurs du fédéral et on aura un programme d'immigration qui sera beaucoup plus compétitif et beaucoup plus efficace.

Mme Roy (Montarville) : Donc, s'assurer qu'avec la DI ce ne sera pas premier arrivé, premier servi, mais les gens les plus compétents et les plus... et répondant, naturellement, aux standards qui auront été élaborés. Je vous suis.

M. Boudreault (Jean-Sébastien) : À tous les critères, pour s'assurer que, si jamais la personne perd son emploi dans le domaine où elle a obtenu une offre d'emploi validée, bien, puisse se retrouver un emploi. Si la personne parle français, a déjà une formation qu'on recherche... C'est ces gens-là qu'on veut aller voir.

L'autre problématique qu'on a vue, c'est que la ministre a le pouvoir, dans le projet de loi, de mettre un stop au nombre de demandes qui pourraient être déposées dans le bassin, qu'on appelle, de la déclaration d'intérêt, et là ça pourrait recréer... Si on annonce que le 30 avril le bassin sera fermé pendant x nombre de temps, les gens vont se garrocher, et là ça va être encore pas nécessairement les bonnes personnes...

Le Président (M. Picard) : En terminant, s'il vous plaît.

M. Boudreault (Jean-Sébastien) : ...qui vont réussir à rentrer dans le bassin d'où on peut piger les futurs immigrants.

Mme Roy (Montarville) : Je vous remercie infiniment.

Le Président (M. Picard) : Merci. Donc, je vous remercie pour votre contribution.

Et je suspends les travaux jusqu'après les affaires courantes, vers 15 h 30, où la commission poursuivra son mandat.

(Suspension de la séance à 11 h 42)

(Reprise à 15 h 48)

Le Président (M. Picard) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Cet après-midi, nous entendrons Montréal International, le Comité sectoriel de main-d'oeuvre de l'industrie maritime et Société de développement économique du Saint-Laurent et, pour terminer, la ville de Gatineau.

Puisque nous avons commencé les travaux avec quelques minutes de retard, j'ai besoin d'un consentement pour poursuivre au-delà de l'heure prévue. C'est habituel. On s'excuse pour nos témoins, mais on doit attendre l'avis des travaux qui est donné au salon bleu, c'est pour ça que nous étions prêts ici mais nous devions attendre.

Un simple petit rappel pour les parlementaires. Ce matin, il y a eu des propos, là, qui étaient sur la frontière des propos parlementaires. J'aimerais qu'on continue toujours dans la bonne entente, à discuter correctement. Donc, un petit rappel. Je ne suis pas ici pour faire de la discipline, mais, s'il faut en faire, on sortira le règlement.

Donc, je souhaite la bienvenue aux représentants de Montréal International. Je vous invite à vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Vous disposez d'un moment de 10 minutes, va s'ensuivre des échanges avec les parlementaires. La parole est à vous.

Montréal International (MI)

M. Bolduc (Hubert) : Bonjour à tous et à toutes. Je sais que nous avons 10 minutes, donc je vais aller directement à l'essentiel. Donc, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés. Je m'appelle Hubert Bolduc et je suis le président-directeur général de Montréal International. M'accompagnent aujourd'hui M. Martin Goulet, directeur de mobilité internationale, et M. Francis Langlois, analyste aux études économiques. J'aimerais tout d'abord vous remercier de nous avoir invités et de nous donner l'opportunité de vous donner quelques commentaires sur ce projet de loi crucial pour Montréal mais aussi pour le Québec en général.

Montréal International agit comme un moteur économique du Grand Montréal pour attirer de la richesse en provenance de l'étranger tout en accélérant la réussite de ses partenaires et de ses clients. Nous attirons les entreprises étrangères, les organisations internationales et des talents stratégiques dans la grande région de Montréal.

• (15 h 50) •

Le Grand Montréal n'est pas la seule région métropolitaine qui peut compter sur une telle organisation. En effet, la plupart des grandes villes de la planète disposent de telles agences. 4 000 agences d'attraction d'investissements directs étrangers et de talents se font compétition sur la planète. Elles sont essentielles pour la compétitivité, la croissance, la richesse et, bien sûr, pour l'avenir des métropoles qu'elles représentent.

Il y a 20 ans, il n'y avait que 800 agences qui faisaient notre travail. Elles se sont donc multipliées par cinq, et ça démontre toute la compétition qu'il y a à l'étranger dans l'attraction d'investissements étrangers.

Depuis sa création, Montréal International a contribué à la venue et à la rétention de 9 000 travailleurs stratégiques internationaux; à l'attraction de projets d'investissement direct étranger d'une valeur de 10 milliards de dollars dans le Grand Montréal, lesquels ont entraîné la création ou le maintien de près de 52 000 emplois; à l'établissement de près de la moitié des quelque 60 organisations internationales présentes dans la métropole. Je vous souligne au passage que Montréal est au troisième rang en Amérique du Nord dans les organisations internationales après les petites villes que sont Washington et New York et que Montréal compte plus d'organisations internationales que Vancouver et Toronto réunies, donc nous sommes très bien positionnés à cet effet.

L'immigration fait inévitablement partie de l'équation lorsque nous rencontrons les investisseurs étrangers. La question nous est régulièrement posée : Est-ce que Montréal possède un bassin suffisant de talents disponibles? Sinon, est-ce possible de recruter à l'international des travailleurs stratégiques? Est-ce que ceux-ci peuvent entrer en fonction rapidement? Donc, bref, le talent stratégique est au coeur des préoccupations des gens d'affaires. Cet atout est d'autant plus central que les secteurs qui sont les moteurs de la création d'emplois du Grand Montréal, ce sont les secteurs de haut savoir.

Le mémoire que nous vous présentons repose sur un grand principe : notre système d'immigration doit être flexible, rapide et accessible. L'immigration ne doit pas être un frein à la venue d'investissements étrangers, bien au contraire. Nous devons nous démarquer des autres juridictions, qui sont, elles aussi, à la recherche de talents stratégiques, et nous donner les moyens de nos ambitions.

Le Grand Montréal étant bien ancré dans l'économie du savoir, son développement économique passe nécessairement par le développement de ses secteurs de haute technologie. Les entreprises évoluant dans les secteurs de haute technologie font souvent appel à des travailleurs temporaires spécialisés pour combler les pénuries de main-d'oeuvre, pensons au secteur des technologies de l'information notamment, du jeu vidéo, des effets visuels, de développement de logiciels, des centres de solutions, des services financiers, etc. Et je vous signale au passage qu'hier nous avons, avec le premier ministre du Québec, annoncé la venue à Montréal de Cinesite, qui était déjà présente au Québec, et qui va ajouter 500 emplois dans le secteur non pas du jeu vidéo mais bien de l'animation, et donc tous les problèmes que je vous ai énumérés avant puis qu'on va voir plus tard sont les enjeux auxquels cette entreprise va faire face.

Montréal International accompagne plusieurs de ces entreprises dans leurs démarches de recrutement à l'étranger. La grande majorité des demandes de certificat d'acceptation du Québec pour lesquelles Montréal International est impliquée sont faites pas l'entremise du processus simplifié d'obtention du certificat d'acceptation et de l'étude d'impact sur le marché du travail, cette procédure allège les exigences pour une liste de professions en pénurie établie par Emploi-Québec. Jusqu'à présent, ce programme s'est montré efficace et a permis de réduire les délais d'embauche des entreprises, notamment celles dans nos secteurs de pointe de la métropole. Nous vous encourageons fortement à conserver ce processus simplifié, car il s'agit d'un avantage très concurrentiel pour attirer l'investissement étranger dans le Grand Montréal et ailleurs au Québec.

Le projet de loi vise notamment à introduire un modèle d'étude des demandes qui s'inspire de celui mis en place par le gouvernement fédéral dans le reste du Canada en janvier 2015 et qui est basé sur la déclaration d'intérêt d'un ressortissant étranger. À son article 41, le projet de loi mentionne que la déclaration d'intérêt sera applicable aux demandes de résidence temporaire et permanente. Nous croyons que les demandes de résidence temporaire doivent être exclues du système de déclaration d'intérêt. Imposer cette démarche aux demandes de résidence temporaire viendrait ajouter une étape supplémentaire, rendrait le processus plus complexe et augmenterait les délais de traitement. Les employeurs qui recrutent à l'étranger ont des besoins urgents, nous devons chercher à tout prix à simplifier et à accélérer les démarches. Cela est d'autant plus important que les secteurs stratégiques que sont les effets visuels et les jeux vidéo sont des secteurs où les délais de réalisation des projets sont extrêmement serrés et peuvent entraîner la perte de contrats s'ils ne sont pas respectés. Dans le cas de Cinesite, par exemple, ils doivent produire neuf films en cinq ans, et donc, les talents stratégiques, ils doivent les avoir le plus rapidement possible.

Les récentes modifications apportées par le gouvernement du Canada au Programme des travailleurs étrangers ont créé beaucoup d'incertitude et de lourdeur pour les employeurs, ajouter une étape supplémentaire compliquerait encore plus la vie de ceux-ci. Sur le terrain, nous les sentons échaudés, et ils se disent mal compris par les autorités. Les entreprises souhaitent que les choses arrivent rapidement. Dans le reste du Canada, Emploi et Développement social Canada a mis en place une procédure accélérée en 10 jours ouvrables pour le traitement des dossiers de professions en forte demande et pour les postes les mieux rémunérés. Il est essentiel que le Québec bénéficie d'un tel privilège. Une décision commune devrait être rendue en quelques jours par le ministère de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion — le MIDI — et Emploi et Développement social Canada.

Comme je le mentionnais plus tôt, ce projet de loi vise notamment à introduire un modèle qui s'inspire de celui mis en place par le gouvernement fédéral dans le reste du Canada en janvier 2015 et qui est basé sur la déclaration d'intérêt d'un ressortissant étranger. Les signaux reçus sont à l'effet que le nouveau système canadien ne facilite pas la rétention des travailleurs temporaires stratégiques et des étudiants étrangers désirant demeurer de façon permanente au Canada. Or, ceux-ci possèdent incontestablement un potentiel d'intégration et de réussite très élevé. Nous croyons donc que le nouveau système québécois devrait faciliter leur rétention. L'immigration doit être un accélérateur de développement économique et non un obstacle à la croissance des entreprises du Québec.

Bien plus que la moitié des étudiants et travailleurs étrangers aimeraient, aimeraient rester au Québec, mais seulement un étudiant international sur cinq dépose une demande de certificat de sélection du Québec. Pour les travailleurs étrangers, c'est un sur six. Nous n'arrivons pas à les retenir. Nous avons le Programme de l'expérience québécoise qui fonctionne bien, mais il est mal connu. En 2015, Montréal International a réalisé une étude sur les facteurs associés à la rétention des immigrants temporaires dans le Grand Montréal en partenariat avec le Conseil Emploi Métropole. Lorsque nous sondons les travailleurs étrangers et étudiants internationaux, ils nous mentionnent que, un, les processus d'immigration, temporaire ou permanent, sont méconnus et considérés complexes, il y a une confusion liée aux réformes récentes, les délais se sont allongés par l'octroi de la résidence permanente par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, et, enfin, le niveau de français exigé limite l'obtention du certificat de sélection du Québec, et qu'il est difficile d'atteindre le niveau requis, intermédiaire avancé, dans les délais impartis.

Ajouter une étape supplémentaire de déclaration d'intérêt ne favoriserait pas leur rétention, bien au contraire. Nous croyons que nous devons conserver le Programme de l'expérience québécoise, le PEQ, et le soustraire du système de déclaration d'intérêt.

Dans les derniers jours, des acteurs du développement économique ont demandé que soit révisé le niveau de français requis dans le cadre d'une demande de résidence permanente. Montréal International croit qu'il est primordial de distinguer les demandeurs à l'extérieur du Québec et ceux qui y résident de manière temporaire, soit les étudiants étrangers et les travailleurs étrangers. Les demandeurs vivant à l'extérieur du Québec constituent notre principal bassin de recrutement. Le niveau de français requis doit être maintenu notamment afin d'améliorer leur employabilité à leur arrivée au Québec, soit intermédiaire avancé. Le niveau de français requis pour les demandeurs résidant au Québec sous un statut temporaire devrait revenir au niveau de français exigé en février 2010 lors de la mise en place du Programme de l'expérience québécoise, soit intermédiaire débutant.

Les travailleurs temporaires et les étudiants étrangers sont facilement employables. Ils ne rencontrent pas les mêmes obstacles que les demandeurs résidant à l'extérieur du Québec dans la reconnaissance de leurs diplômes et de leurs acquis — et on sait combien c'est difficile et des fois long, la reconnaissance des diplômes. Ils sont déjà intégrés à la société québécoise, ils sont déjà en mode de francisation à l'intérieur des universités ou des entreprises qui les emploient. Mais...

Le Président (M. Picard) : En conclusion, s'il vous plaît.

M. Bolduc (Hubert) : Mais le temps manque. Un baccalauréat ne dure que trois ans, une maîtrise, deux ans, et certains permis de travail sont limités à quatre années.

En 2014‑2015, environ 6 800 certificats de sélection ont été délivrés en vertu du PEQ, selon le dernier rapport annuel de gestion du MIDI. De ce nombre total des certificats délivrés, 2 600 ont été remis à des étudiantes et étudiants étrangers diplômés du Québec et 4 200 à des travailleurs et travailleuses temporaires spécialisés ainsi qu'au nom de leurs familles. Nous présumons que plus de la moitié étaient francophones et nous croyons que possiblement 2 000 étudiants, travailleurs spécialisés pourraient bénéficier du processus accéléré.

Je termine... pas vraiment, mais je vais terminer avec ce paragraphe : Prenons tous les moyens pour retenir les talents stratégiques...

Le Président (M. Picard) : ...continuer, on va prendre ça sur le temps gouvernemental.

• (16 heures) •

M. Bolduc (Hubert) : ...présents sur notre territoire et surtout faire connaître le Programme de l'expérience québécoise. J'attire d'ailleurs votre attention au projet de rétention des étudiants étrangers proposé par Montréal International, des actions simples qui pourraient, nous l'espérons, faire la différence dans la rétention de ces nouveaux diplômés, et nous aurons l'occasion d'en reparler.

Pour les demandeurs qui sont à l'extérieur du Québec, il est primordial de les choisir en fonction des besoins du marché du travail. La grille de sélection actuelle favorise certaines formations. Ce nouveau système de sélection devrait aussi prendre en compte les professions en situation de pénurie ou en forte demande afin de répondre aux besoins de main-d'oeuvre de nos secteurs de pointe. Montréal International crée des écosystèmes porteurs, structurants et qui sont en forte croissance à l'échelle internationale, c'est pourquoi nous devons continuer de les appuyer.

On pourrait notamment envisager d'importer la liste des professions du processus simplifié dans le système de sélection permanente. Un alignement avec la liste du processus simplifié pour les demandes temporaires pourrait être envisagé avec le système de sélection permanent. Le demandeur bénéficierait ainsi d'un traitement accéléré pour la demande de séjour permanent, ce qui est en soi logique et souhaitable.

Les deux autres points que je voudrais souligner sont notre accord au recours au Tribunal administratif en cas de refus, nous sommes d'avis que c'est une bonne idée. Et, en terminant, je veux vous assurer que, les points que nous avons mentionnés ici, nous allons, dans le cadre de représentations avec le gouvernement fédéral, militer pour que celui-ci les intègre. Et j'attire votre attention sur les quatre points dont nous allons faire des représentations : les délais rencontrés dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers, le plan de transition exigé, la limite de quatre années pour certains permis de travail, et j'en passe. Merci.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.

Mme Weil : Oui. Alors, bienvenue et... Alors, bienvenue. Je souhaite donc la bienvenue à M. Bolduc, M. Goulet et M. Langlois. Merci beaucoup de votre participation parce que ça va nous permettre un peu peut-être de dresser le portrait de Montréal, les régions, la situation de besoins de main-d'oeuvre qui a un profil différent à Montréal, c'est ce qu'on ressent.

Vous nommez les secteurs de pointe. Ce matin, c'est la Centrale des syndicats du Québec qui mettait en doute cette pénurie et qu'on serait capables de répondre à tous les besoins de main-d'oeuvre, que l'immigration ne semble pas être une solution. J'ai bien clarifié que c'est 16 % des besoins d'ici 2021 en vertu de laquelle l'immigration est une réponse, ce n'est pas tous les besoins. J'aimerais vous entendre parler de surtout ce que vous voyez à Montréal, le Grand Montréal, hein, vous occupez tout le territoire, là où vous remarquez déjà des pénuries, autant dans les secteurs de pointe peut-être que d'autres secteurs aussi.

M. Bolduc (Hubert) : Peut-être un commentaire, puis ensuite je céderai la parole à mes collègues. Je vais revenir avec l'exemple de Cinesite parce qu'il est très frais. Quand Cinesite a annoncé son implantation au Québec, elle a dit qu'elle allait embaucher 200 employés en quatre ans. 18 mois plus tard, elle en avait 250 à son embauche. Pour procéder à l'embauche de 250 employés, elle a dû faire 2 500 entrevues. Et, selon eux, malgré le fait qu'ils ont été capables d'en trouver très rapidement, ils ne seront pas capables, dans les 500 prochains emplois qu'ils doivent créer, de recruter localement, à moins qu'on mette en place un programme de formation très, très flexible avec Emploi-Québec pour être capable de combler les besoins de l'entreprise.

Mme Weil : Quel pourcentage de ces emplois a été comblé par des gens du Québec et quel pourcentage de l'étranger? Ils ont recruté à l'international pour combler?

M. Bolduc (Hubert) : À peu près 50 %.

Mme Weil : 50 %, donc, dans tous les secteurs, là, que vous avez mentionnés, là, dans ces secteurs de pointe.

M. Bolduc (Hubert) : Exact.

Mme Weil : 50 %. Bien, on y viendra... Bien, c'est peut-être maintenant qu'on pourrait... Vous évoquez les modifications au Programme des travailleurs temporaires et que vous allez faire des représentations. Je pense que c'est important de vous entendre parler de ça parce que vous êtes vraiment au coeur de cette réforme, hein, l'impact de cette réforme sur le recrutement des entreprises. On le voit à Montréal, mais on le voit aussi en région. Moi, j'ai eu beaucoup de représentations d'entreprises qui disent que, cette réforme, il y a des pénuries.

Donc, vous suivez les travaux du projet de loi n° 71, parce que vous parliez de la procédure simplifiée, mais on aura des portraits régionalisés, c'est l'objectif du projet de loi n° 71, donc, à Emploi-Québec, par la Commission des partenaires du marché du travail. Donc, il faut voir un peu les deux projets de loi ensemble, en même temps, donc l'adéquation sélection-marché du travail et adéquation formation et marché du travail. Donc, vous avez évoqué les deux, vous avez dit : Soit par la formation soit par la sélection. Donc, il faut voir un peu les deux projets de loi, le mandat du ministère de l'Immigration et le mandat du ministère de l'Emploi, du MESS, un peu en même temps. L'idée, c'est de s'attaquer à ce problème de pénurie ensemble rapidement pour répondre aux besoins régionalisés, et c'est un peu au coeur de ce problème avec le PTET, les modifications qui ont été apportées. Donc, nous, notre objectif, comme gouvernement, c'est d'avoir un portrait régionalisé.

Je veux vous rassurer donc, oui, qu'on va maintenir donc dans notre système de déclaration d'intérêt pour connaître les besoins du marché du travail. Ce serait régionalisé en vertu de cette nouvelle capacité d'Emploi-Québec de vraiment pouvoir identifier les besoins sur une base régionale.

Je veux vous rassurer que le PEQ va rester à l'extérieur. On a l'avantage, hein, de voir comment ça fonctionne au niveau fédéral. Vous avez peut-être lu le rapport de La Chambre de commerce du Canada, donc, qui explique très, très, très bien ces problématiques, les deux problématiques ou la réforme du Programme des travailleurs temporaires et le fait d'avoir effacé, ou enlevé, ou... en tout cas, le programme d'expérience canadienne qui semble avoir disparu. Donc, on avait déjà cette notion-là de garder le PEQ distinct. Moi, je l'avais gardé comme programme distinct.

Mais peut-être vous entendre, parce que... Le PEQ, comment vous, vous faites la promotion? C'est tellement important, je suis tellement d'accord avec vous, on est sur la même page sur cette question. Je le mentionne souvent, je l'ai mentionné quand vous êtes venus en commission parlementaire, certains pays, comme Nouvelle-Zélande, 85 % de leur immigration permanente est issue de la voie temporaire. Donc, peut-être vous entendre sur les stratégies que vous avez, parce qu'on a un partenariat avec vous, pour faire connaître vos ambitions par rapport à mieux faire connaître ce programme. On sait que le potentiel est énorme, on a juste à regarder ailleurs, on sait que le potentiel est énorme, votre sondage le montre. Donc, comment on fait... Nous, on a fait cette même étude nous-mêmes, 30 % qui se disaient intéressés par l'immigration permanente au Québec, mais, vous, ce que vous rajoutez, c'est le passage à l'acte, au fond, la demande, et là c'est réduit, c'est un sur cinq. Donc, vos stratégies, ce que vous préconisez pour rejoindre ces gens puis les convaincre de faire la demande, quelles sont-elles?

M. Bolduc (Hubert) : Bien honnêtement, j'ai deux personnes à côté de moi qui sont des experts dans le secteur. Alors, je ne sais pas lequel des deux veut répondre à la question de la ministre, mais... Vas-y, Martin.

• (16 h 10) •

M. Goulet (Martin) : D'abord, j'aimerais souligner, oui, c'est vrai, on est venus souvent vous rencontrer ici, à l'Assemblée nationale, et souvent on a répété que l'immigration devait être un outil de levier économique. Et de voir dans le préambule du projet de loi inscrire que l'immigration peut contribuer à la prospérité du Québec, franchement, félicitations! L'immigration doit être un outil qui est un levier de développement économique, c'est clair.

Tout à l'heure, vous avez fait référence au terme «pénurie». Le terme «pénurie» est parfois galvaudé. Lorsqu'on parle avec les entreprises, on nous parle de pénurie, on nous parle de professions en forte demande. Dans les faits, qu'est-ce que c'est? Ce sont des professions pour lesquelles les candidats sont rares sur le marché du travail et en grande demande. Ce sont des candidats qui ont une expérience d'au-delà de cinq ans, c'est ce qu'on voit, nous, c'est les travailleurs étrangers qu'on voit arriver dans la grande région de Montréal, des programmeurs, des développeurs de logiciel, des animateurs 2D, 3D. C'est le type de travailleur qui vient s'établir au Québec, c'est la catégorie d'employé qui est recherchée par les entreprises de haut savoir. C'est d'ailleurs ces travailleurs spécialisés qui sont visés par le Programme d'expérience québécoise. C'est ces gens-là qu'on rencontre, c'est ces gens-là qu'on informe au niveau du programme.

Maintenant, la difficulté, c'est d'aller rejoindre ces travailleurs-là. Tout à l'heure, on faisait référence au secteur des effets spéciaux au niveau du cinéma, vous avez un projet, vous avez six mois, huit mois pour livrer un projet. Alors, le travailleur arrive au Québec, déjà on lui dit : Voici les objectifs et voici le livrable. L'immigration demeure, à ce moment-là, très accessoire. S'il est accompagné par un conjoint ou par une conjointe, on va d'abord voir si on aime Montréal, on va d'abord voir si on aime le Québec, on va essayer de comprendre la façon de fonctionner des Québécois, mais l'objectif reste le même, livrer le film, et par la suite... Donc, notre défi à nous, c'est d'aller rejoindre ces travailleurs-là, de leur expliquer la procédure, qui est méconnue. Et là celle du Québec, naturellement, pour le Programme d'expérience québécoise, peut paraître parfois complexe, mais il y a aussi l'autre portion qui est celle avec le gouvernement canadien, qui est la demande de résidence permanente. Donc, c'est de concilier cette information-là et de le livrer, je dirais, de la façon la plus simple possible.

Mme Weil : Pour ce qui est des diplômés, je sais qu'il y a eu un projet entre... — c'est les grandes, grandes entreprises — de fournir des stages à des étudiants étrangers qui sont ici, au Québec, pour leur trouver, pendant les vacances d'été, par exemple, ou durant le cours de leurs études, des stages au sein des entreprises pour les garder ici, il y a eu des projets dans ce sens-là. Est-ce que vous, vous avez déjà pensé à cette stratégie, de faire la promotion de ce genre de stratégie, faire le lien avec les entreprises? Est-ce que vous êtes dans une position d'être capables de faire ce maillage-là?

M. Goulet (Martin) : Montréal International n'a pas ce type d'activité là. Cependant, dans le cadre de notre étude effectuée avec le Conseil Emploi Métropole, lorsqu'on a sondé les étudiants sur, je dirais, les points positifs pour leur rétention au Québec, un des éléments importants était l'accès au marché de l'emploi. Et on a cherché à voir un peu ce que les universités offraient comme services, et ce qu'on a vu, effectivement, c'est que l'offre de service offerte par chacune des universités ou des grandes écoles est vraiment disproportionnée. Donc, on offre parfois, dans le cadre de programmes coopératifs, ce type de stage là. Pour ce qui est d'autres universités, bien, l'offre est nulle. Donc, c'est difficile pour les étudiants d'avoir accès au marché du travail ou d'avoir accès à des stages.

Mme Weil : Je vais permettre... j'avais des questions concernant... Filo, puis ensuite je vais revenir à la reconnaissance des compétences, si vous touchez à ces questions-là.

Mme Rotiroti : Ah! pour la reconnaissance des compétences.

Le Président (M. Picard) : Mme la députée de Jeanne-Mance—Viger.

Mme Rotiroti : Oui, merci. Alors, bienvenue. Merci beaucoup d'être là.

J'ai eu le mandat du premier ministre de travailler sur tout le dossier de la reconnaissance des compétences et des acquis. On sait que ça cause un problème. Une fois que l'immigrant arrive ici, bien il se trouve dans une situation où est-ce que ses compétences n'ont pas été reconnues ou partiellement reconnues, et l'accès sur le marché du travail devient très difficile. Alors, on est en train de regarder avec tous les partenaires concernés, il y a un comité interministériel qui a été mis en place, et je vous dirais que tous les ministères sont là, incluant les ordres professionnels, le Conseil interprofessionnel, et pour regarder comment qu'on pourrait en amont reconnaître leurs compétences, même avant qu'ils arrivent ici, et aussi donner la possibilité d'être capable de suivre certaines formations en ligne via l'ordre professionnel concerné ou qu'ils puissent avoir même une reconnaissance complète même avant qu'ils arrivent ici.

Est-ce que, pour vous, vous voyez un avantage en faisant ça? Et est-ce que vous avez des suggestions qu'on pourrait peut-être aborder dans ce comité-là pour améliorer toute cette notion de reconnaissance de compétences et des acquis, parce que ce n'est pas pareil? Alors, j'aimerais ça vous entendre là-dessus, si...

M. Goulet (Martin) : Écoutez, on n'a pas abordé cette question-là dans notre mémoire parce que ce n'est pas vraiment, si je peux dire, notre «core business», mais ce que je peux vous dire, et c'est un peu les commentaires qu'on a faits déjà en préambule, si nous pouvions retenir les étudiants étrangers qui sont diplômés du Québec en plus grand nombre, si nous pouvions retenir les travailleurs étrangers qui ont vu reconnaître leurs acquis, là, leurs expériences par des travailleurs québécois, si on pouvait doubler ce nombre-là, passer de 6 000 à 12 000, le travail serait beaucoup moins ardu, de un.

De deux, ce que l'on dit dans notre mémoire, pour les gens qui à partir de l'extérieur du Québec veulent venir s'établir au Québec, on a une grille de sélection actuellement qui favorise certaines formations. On sait très bien que les métiers de l'avenir n'ont pas nécessairement une formation, appelons ça, classique, ce sont plutôt des professions. Les artistes 2D, 3D, ce n'est pas des gens qui ont nécessairement un diplôme en design graphique, c'est des gens qui ont une expérience, ce sont des artistes, ils ont un porte-folio. Alors, si on pouvait sélectionner maintenant nos ressortissants étrangers non pas sur une formation, mais bien sur leurs compétences, ce qu'ils font dans leur pays d'origine...

Mme Rotiroti : Parfait. Merci.

Le Président (M. Picard) : Il reste une minute.

Mme Weil : Les projets pilotes, vous l'avez vu, je ne sais pas si vous avez une réaction par rapport à cette idée d'avoir des projets pilotes. L'idée, c'est des projets pilotes restreints, 500 personnes maximum, pour tester des idées.

Donc, tant Montréal que les régions, les profils sont différents. Qu'en pensez-vous? Je ne sais pas si vous avez analysé cette question.

M. Goulet (Martin) : Écoutez, je dois vous dire qu'on en a discuté en groupe, on a vu ces projets pilotes là qui sont proposés, on n'en a pas fait mention dans notre mémoire parce que c'était quand même mince comme information, je dois vous dire, puis le commentaire qui est revenu, c'est : Pourquoi 500? Pourquoi 400? Pourquoi ne pas se donner les moyens de nos ambitions, alors, pourquoi se limiter? Si nous avons quatre entreprises du style Cinesite qui viennent s'établir en même temps à Montréal, pourquoi ne pas y aller avec un projet pilote de 1 000, 2 000 dossiers de travailleurs temporaires? Ça a été un commentaire, je dirais, général alentour de la table, mais c'est tout.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget.

M. Kotto : Merci, M. le Président. M. Bolduc, M. Goulet, M. Langlois, merci d'être là, merci pour votre contribution dans le cadre des travaux de cette commission.

Question juste pour m'éclairer : Quand vous parlez de Montréal, vous parlez de Montréal intra-muros ou de Montréal région?

M. Bolduc (Hubert) : Alors, Montréal International représente toute la CMM, donc les 82 municipalités. Donc, c'est à la fois Montréal, Longueuil, Laval, couronne nord, couronne sud.

M. Kotto : O.K. Et les enjeux relatifs aux entreprises de Montréal intra-muros sont-ils comparables aux enjeux à Sainte-Julie, ce que vous retrouvez à Sainte-Julie, par exemple? Est-ce que ce sont les mêmes enjeux? Est-ce que, d'un endroit à l'autre, dans la CMM, on a, disons, une configuration comparative d'un endroit à l'autre?

M. Bolduc (Hubert) : Je ne vois pas pourquoi il y aurait de différence à première vue, mais...

M. Langlois (Francis) : Écoutez, c'est certain que le tissu industriel est légèrement différent entre les couronnes et puis la ville centre. Les services sont concentrés dans la ville centre, mais les problèmes, par exemple, en immigration, lorsque les stades en aérospatiale sont au plein développement, sont les mêmes que pour une entreprise en effets visuels qui va être concentrée dans la ville, intra-muros, pour faire venir les employés ici. C'est souvent des projets de courte durée ou de durée sur cinq ans où la phase de développement est très importante et puis le temps est un élément déterminant dans la rentabilité du projet et puis si le projet s'effectue ou non.

M. Kotto : Je vous pose la question également, vous me répondez si vous avez l'info, sinon ce n'est pas grave : Des 9 000 travailleurs stratégiques dont vous parlez, quel est le pourcentage en rétention à Montréal intra-muros versus la couronne, nord et sud?

M. Langlois (Francis) : Je n'ai pas cette information-là.

M. Kotto : Non? Est-ce que vous avez une idée de la provenance de ces talents stratégiques? De quels pays ils viennent, en gros?

Une voix : Bon, la déclinaison par pays...

M. Goulet (Martin) : Par pays, les gens, enfin, les travailleurs que nous, nous aidons sont majoritairement des gens qui viennent de la France.

M. Kotto : Qui viennent de la France?

M. Goulet (Martin) : Oui, mais ce sont notre clientèle. Maintenant, il faudrait voir au niveau des statistiques...

M. Bolduc (Hubert) : Les gros pays, disons, les régions que Montréal International cible, tout comme Investissement Québec, d'ailleurs, c'est beaucoup, énormément la France, les pays francophones, évidemment, on a plus de... en termes d'attraction, c'est beaucoup plus facile d'attirer des entreprises ou des travailleurs étrangers de la Belgique et de la France, mais on travaille beaucoup sur l'Allemagne, on travaille beaucoup sur l'Asie et les États-Unis, très peu l'Amérique du Sud.

M. Kotto : Mais, si je vous entends bien, le pourcentage le plus important, c'est la France, et probablement la Belgique aussi, parce que... Alors, dans...

M. Bolduc (Hubert) : Mais, voyez-vous, dans le cas de... Ça dépend des secteurs. En aéronautique, oui. Des fois, dans le jeu vidéo, on reçoit beaucoup d'entreprises anglaises, parce que la plupart des grands studios, que ce soit Framestore ou Cinesite, sont basés en Angleterre. Donc, ça varie davantage selon le type de secteur que par pays.

M. Kotto : O.K. Donc, si vous plaidez à l'effet d'assouplir les exigences en matière de maîtrise de la langue, c'est davantage relativement à ceux qui ne viennent pas du bassin français, c'est ceux qui viennent d'ailleurs, pour les temporaires.

• (16 h 20) •

M. Bolduc (Hubert) : Bien, c'est certain que quelqu'un qui vient de France, normalement, ne doit pas avoir rencontré de problème à l'examen, quoiqu'il y en a qui disent que l'examen est très difficile, même s'ils sont Français, mais...

M. Kotto : Tout à fait, mais je pose la question parce que... c'est pourquoi je voulais vous amener sur les pourcentages, à savoir d'où ils viennent spécifiquement, afin d'identifier la provenance de ceux pour qui vous plaidez à l'effet d'abaisser les exigences en termes de maîtrise de la langue, de revenir au niveau 6 de 2010, comme vous l'avez dit.

Et par ailleurs vous dites que, du côté des étudiants, par exemple, qui sont déjà sur le territoire, il n'est pas nécessaire de leur appliquer cette exigence-là. Mais ils sont déjà là. Si au bout de deux, trois ans ils ne maîtrisent pas le français, c'est qu'il y a un problème, un réel problème.

M. Langlois (Francis) : La question n'est pas de savoir si... On a demandé aux entreprises si elles croyaient que, le français, c'était important pour les immigrants de le maîtriser. Toutes les entreprises sont d'accord sur le fait qu'il faut que les immigrants travaillent à apprendre le français.

Ce qu'on s'est rendu compte est que, la période d'un permis temporaire étant limitée à quatre ans pour les travailleurs temporaires... ou, pour les étudiants étrangers, lorsqu'ils font un bac, c'est trois ans, une maîtrise, c'est deux ans, la longueur du programme, c'est extrêmement difficile pour certains d'entre eux d'apprendre le français à un niveau intermédiaire avancé dans cette période de temps. Ces gens-là qui sont déjà à Montréal, qui ont déjà établi un réseau social, qui sont insérés dans la communauté montréalaise, québécoise et puis qui ont une plus grande chance d'insertion à long terme sont déjà en francisation, sont déjà en train d'apprendre le français, malheureusement on ne peut pas allonger la période pour permettre à ces gens-là d'atteindre le niveau intermédiaire avancé avant de faire leur demande de résidence permanente, donc l'autre solution étant de revenir à un niveau qui permet aux gens d'avoir une conversation de niveau intermédiaire et qui va faire en sorte qu'en restant au Québec... continuent à développer leur capacité à parler en français, à évoluer en français.

M. Kotto : O.K. Est-ce que vous avez une idée au plan statistique du pourcentage de ces personnes qui comptent rester, notamment en considération des ambitions de nos différents gouvernements, c'est-à-dire les inviter à rester une fois avoir terminé leur formation? Est-ce que vous avez le pourcentage de ceux qui désirent rester versus ceux qui veulent repartir? Vous avez une idée?

M. Langlois (Francis) : On a fait un sondage, chez Montréal International, avec le Conseil Emploi Métropole pour demander aux étudiants étrangers et puis aux travailleurs temporaires s'ils désiraient rester à Montréal à la fin de leur séjour temporaire. 50 % d'entre eux ont répondu : Nous désirons rester, 30 % nous ont dit : Je ne sais pas, et puis 20 % ont dit : Non, pour différentes raisons je désire retourner à la maison.

Ce qu'on s'est rendu compte, c'est que, sur 80 % de gens qui pourraient être intéressés, un étudiant sur cinq dépose une demande de certificat de sélection du Québec et un travailleur sur six dépose une demande de certificat de sélection du Québec. Donc, il y a un potentiel d'immigrants qui connaissent déjà le Québec, qui sont déjà insérés dans la communauté québécoise qu'on perd pour différentes raisons. Les trois raisons principales qui ont été identifiées dans l'étude est, premièrement, toutes les possibilités d'emploi, l'incertitude pour les étudiants étrangers de savoir est-ce qu'ils vont être capables de se trouver un emploi, le profil temporaire des travailleurs temporaires étrangers. Le deuxième élément, c'est la méconnaissance du système d'immigration. C'est une grosse boîte noire, c'est difficile, il faut simplifier, de là notre projet d'aller parler aux étudiants étrangers pour simplifier les procédures d'immigration. Et puis le troisième élément, c'était la possibilité d'apprendre dans un court laps de temps le français à un niveau intermédiaire avancé.

M. Kotto : O.K. Quelles sont les chances, selon vous, de voir ce pourcentage qui souhaiterait rester s'intégrer plus en anglais qu'en français, au Québec, au regard de leur milieu de formation?

M. Langlois (Francis) : Je n'ai pas de boule de cristal, c'est...

M. Bolduc (Hubert) : Aucune idée. Mais quelqu'un qui fait des études en français, dans une université francophone, ses chances d'intégration en français...

M. Kotto : Sont plus grandes.

M. Bolduc (Hubert) : ...sont nettement plus importantes.

M. Kotto : Tout à fait.

M. Bolduc (Hubert) : Maintenant, quel est le pourcentage d'étudiants étrangers qui fréquentent des universités anglophones versus le pourcentage d'étudiants étrangers qui fréquentent des universités francophones? Je ne le connais pas par coeur, là.

M. Kotto : O.K. J'avais d'autres questions, mais merci.

Le Président (M. Picard) : Merci, M. le député. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, messieurs. Merci d'être là, merci pour le mémoire.

Je m'en vais sur votre site Internet pour connaître davantage Montréal International. Dans votre mandat, Montréal International a comme mandat d'attirer dans la région métropolitaine des investissements étrangers, des organisations internationales et des talents stratégiques ainsi que de promouvoir l'environnement concurrentiel du Grand Montréal. Gros mandat. Quand vous allez à l'étranger... Immense mandat. Parce qu'il y a des choses qui me préoccupent là-dedans, là, au niveau de la langue française, mon collègue de Bourget en a glissé quelques mots, mais aussi au niveau de la connaissance de l'anglais. Quand vous allez à l'étranger pour faire ce démarchage-là où vous rencontrez les gens, qu'est-ce qu'on dit à l'égard du français? Vend-on Montréal comme étant une ville où le français est la langue d'usage?

M. Bolduc (Hubert) : Moi, j'ai été démarcheur pendant deux ans, puis à votre question la réponse, c'est oui.

Mme Roy (Montarville) : Alors, quelle est la réponse, la réaction des gens que l'on veut attirer ici lorsqu'on leur dit, on leur fait connaître que Montréal, ça se passe en français, c'est en français?

M. Bolduc (Hubert) : Règle générale, la plupart des entreprises n'ont pas vraiment d'écueil par rapport à la langue. Évidemment, notre territoire de prospection est, pour plusieurs dossiers, francophone, donc il n'y a pas d'enjeu. S'il y a des entreprises étrangères situées dans des pays où la langue est l'anglais, ils viennent ici pour le talent, ils sont intéressés à Montréal pour le talent. Ils savent qu'on en a puis ils veulent venir pour en profiter.

Mme Roy (Montarville) : Je vais poursuivre avec votre mémoire. Si je comprends bien, ce que vous nous dites, dans ce mémoire-là, c'est : Regardez, nous, on sait qu'il y a un bassin d'immigrants potentiels qui passe par nos mains. C'est ça que je comprends, là.

M. Bolduc (Hubert) : Oui, absolument.

Mme Roy (Montarville) : Vous nous dites : Ce sont entre autres les travailleurs temporaires spécialisés qui viennent ici pour remplir un mandat d'une durée x et également les étudiants internationaux, alors pigez donc là-dedans pour en faire des bons immigrants. C'est ça que vous nous dites, là.

M. Bolduc (Hubert) : C'est en plein ça.

Mme Roy (Montarville) : O.K.

M. Bolduc (Hubert) : Bien, c'est-à-dire qu'il y a un potentiel là de gens qui parlent, pour la plupart, le français, qui connaissent le Québec, qui connaissent les enjeux au Québec, ils sont ici, et puis en plus qui manifestent un désir de rester.

Mme Roy (Montarville) : Bon. Alors, c'est vraiment une clientèle spécifique sur laquelle vous nous aiguillez.

M. Bolduc (Hubert) : Comme on dit en anglais, c'est des «low-hanging fruits». Ils sont faciles, ils sont là, ils sont accessibles.

Mme Roy (Montarville) : Bon, ce que vous nous dites par contre, par ailleurs, je comprends que vous nous dites d'abaisser le niveau de maîtrise du français pour différentes raisons, entre autres, vous nous disiez, pour les étudiants, la durée, hein, tu es ici pour étudier à plein temps, tu n'as peut-être pas le temps de prendre ton cours pour te franciser. Soit. Si tu es ici pour faire un mandat x, y, z pour une entreprise, même chose. Soit.

Par ailleurs, vous nous dites, Autres obstacles : maîtrise de l'anglais pour les francophones. «Freine l'accès à l'emploi si la connaissance de l'anglais est insuffisante.» Là, ça me fait mal un peu, beaucoup dans la mesure où ces gens-là viennent travailler ici sachant que vous leur dites que la langue d'usage est le français, mais que, comme votre anglais n'est pas assez bon, vous n'avez pas assez de connaissances en anglais, c'est un obstacle à votre immigration. Là, j'ai un problème avec ça, moi, je suis préoccupée. Pourriez-vous élaborer?

M. Bolduc (Hubert) : Je n'ai pas entendu la fin de votre phrase, excusez-moi.

Mme Roy (Montarville) : J'ai dit : Je suis préoccupée parce qu'on dit à ces personnes ou ces personnes constatent que, semble-t-il, selon vos chiffres, c'est un obstacle au fait que les travailleurs temporaires spécialisés pourraient rester ici, le fait que leur niveau d'anglais n'est pas assez bon. Alors, moi, je suis préoccupée à cet égard-là puisqu'ils viennent vivre ici dans un lieu où la langue d'usage et langue de travail devrait être le français. Alors, j'aimerais que vous élaboriez à cet égard.

• (16 h 30) •

M. Langlois (Francis) : Je peux y aller. C'est certain que ces gens-là viennent ici pour vivre une expérience en français et travailler en français. Par contre, dans certains secteurs de pointe qui sont des secteurs internationalisés, lorsqu'on développe un avion où est-ce qu'il va y avoir des interactions avec l'étranger et puis il faut vendre l'avion à l'étranger, c'est certain que le marché principal nord-américain est anglophone. Donc, nous, ce qu'on dit, c'est, oui, parlons au téléphone... à l'intérieur de l'entreprise, mais parfois, quand un client de l'externe appelle, il faut être capable de répondre dans la langue anglaise.

C'est certain que les secteurs qui tirent l'économie du Grand Montréal, l'économie du Québec vers le haut, ces dernières années, c'est les secteurs de haute technologie, les secteurs... les technologies de l'information et des communications, l'aérospatiale, les technologies médicales. C'est une chance de pouvoir avoir ces entreprises-là au Québec qui évoluent en français, mais c'est certain que, si on ne dit pas un mot d'anglais, ça peut être un petit peu plus complexe d'évoluer dans un secteur où 80 % du marché nord-américain est anglophone.

M. Bolduc (Hubert) : À vrai dire, c'est les mêmes conditions qui s'appliquent pour quelqu'un qui habite au Québec puis qui se cherche un emploi, que ce soit dans une entreprise locale ou internationale. Même si l'essentiel du travail se passe en français, la connaissance de l'anglais ou d'une autre langue est un atout, et les personnes qui ne maîtrisent pas une autre langue se voient désavantagées dans un processus d'embauche.

Mme Roy (Montarville) : Par ailleurs, d'entrée de jeu...

Le Président (M. Picard) : Une minute.

Mme Roy (Montarville) : Je comprends très bien ce que vous voulez dire.

Vous nous parliez d'entrée de jeu de Cinesite, et là, si je comprends bien, c'est 500 emplois qui seront créés, mais on parle d'emplois pour une période bien déterminée, j'imagine, le temps de faire ces neuf films. Est-ce que ce sera des travailleurs temporaires ou c'est vraiment des gens... D'abord, on va regarder dans le bassin ce qu'on a ici, mais ils semblent dire que c'est très difficile à recruter. Est-ce qu'on peut s'attendre à ce que les gens qui viennent soient des travailleurs temporaires?

M. Bolduc (Hubert) : Je pense qu'il va y en avoir de tous les acabits. Cela dit, les entreprises comme Cinesite qui viennent ici, au Québec, s'établir, ils ne viennent pas ici seulement pour produire des films puis s'en aller, alors ils ont la forte intention de demeurer, et par conséquent il y a sûrement des travailleurs temporaires stratégiques que nous allons contribuer, ce monsieur en particulier, à attirer et à faciliter l'immigration qui vont se convertir en travailleurs permanents par la suite. Vas-y.

M. Langlois (Francis) : Et puis il faut compter aussi sur l'effet multiplicateur de ces travailleurs-là. On se développe une expertise, au Québec, en effets visuels, en amenant des entreprises ici, ce qui fait en sorte qu'après ça, pour nous, c'est plus facile d'aller attirer une autre entreprise d'effets visuels, parce qu'on augmente la masse critique de plus en plus de gens travaillant dans ce secteur-là.

À la base, pour répondre à votre question, c'est des contrats de deux ans, en effets visuels, normalement, mais, les contrats Cinesite, le projet qu'ils ont fait il y a deux ans, les 275 emplois ne sont pas disparus, parce qu'on a été capable de donner un nom à Montréal comme place où on est bons pour faire des effets visuels de films AAA. Donc, c'est une roue qui tourne. Le plus qu'on est capable d'amener de l'eau au moulin, le plus qu'on va pouvoir avoir du développement économique.

Le Président (M. Picard) : Merci.

M. Bolduc (Hubert) : Et si je peux ajouter...

Le Président (M. Picard) : 30 secondes. Allez-y. 30 secondes.

M. Bolduc (Hubert) : Si je peux ajouter, c'est que c'est tellement vrai, ce que mon collègue vient de dire, que déjà ce matin il y a une entreprise étrangère qui nous a contactés et qui veut faire un investissement supplémentaire dans un secteur autre mais très connexe, celui de la réalité virtuelle. Et en plus, le dernier point, en plus ils se débauchent entre eux des emplois, donc quelqu'un qui est en...

Mme Roy (Montarville) : Ils se cannibalisent.

M. Bolduc (Hubert) : Ils se cannibalisent, alors il faut en attirer encore davantage.

Le Président (M. Picard) : Merci, MM. Bolduc, Langlois et Goulet, pour votre apport aux travaux de la commission.

Je suspends quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 16 h 34)

(Reprise à 16 h 37)

Le Président (M. Picard) : Nous reprenons. Je souhaite la bienvenue aux représentants du Comité sectoriel de main-d'oeuvre de l'industrie maritime et Société de développement économique du Saint-Laurent. Je vous invite à vous présenter, et vous disposez de 10 minutes; va s'ensuivre des échanges avec les parlementaires. La parole est à vous.

Comité sectoriel de main-d'oeuvre de l'industrie maritime
(CSMOIM) et La Société de développement
économique du
Saint-Laurent (SODES)

Mme Trépanier (Nicole) : Merci. Alors, dans un premier temps, j'aimerais remercier la commission de nous accueillir, mon collègue et moi. Mon nom est Nicole Trépanier, je suis présidente de La Société de développement économique du Saint-Laurent, que j'appellerai dorénavant SODES pour gagner en temps. Et je vais laisser le soin à mon collègue de se présenter lui-même, étant donné qu'il est un grand garçon.

M. Mailloux (Claude) : Bonjour, M. le Président, Mme la ministre et tout le monde. Mon nom est Claude Mailloux, je suis directeur du Comité sectoriel de main-d'oeuvre de l'industrie maritime. Et merci beaucoup de nous accueillir pour nous donner l'occasion de vous présenter nos idées sur l'immigration au Québec pour notre secteur.

• (16 h 40) •

Mme Trépanier (Nicole) : Permettez-moi d'abord, puisque, bien que nous soyons à la base de notre économie, notre histoire, très peu de gens connaissent l'industrie maritime, de vous signifier aujourd'hui ce que c'est que... étant donné que je travaille pour l'équivalent d'une chambre de commerce maritime, de vous signifier ce que ça représente à présent pour nous, pour le Québec. C'est 27 000 emplois, l'industrie maritime, somme toute. Je tiens à dire que les chiffres que je vous fournis aujourd'hui viennent d'une étude qui a été réalisée en 2012 en vertu du modèle intersectoriel de l'Institut de la statistique du Québec. C'est quelque 300 entreprises, 2,3 milliards de dollars d'apport au produit intérieur brut, 1 milliard versé en salaires, somme toute, 681 millions de revenus de taxe pour les gouvernements. Et la question qu'on nous pose souvent pour avoir un aperçu de ce que ça peut signifier comme mouvement dans l'économie, bon an, mal an, sur le Saint-Laurent, il se transporte environ 110 millions de tonnes de marchandises, ce qui exclut bien évidemment les croisiéristes internationaux ou les croisières intérieures, qu'on appelle excursions. Donc, voilà, pour vous mettre la table sur notre importance. Nous sommes tellement importants que nous manquons de main-d'oeuvre, comme tous les autres secteurs d'emploi. Et mon collègue sera plus en mesure de vous fournir ces détails.

Qu'est-ce que c'est, la SODES? C'est, somme toute, à peu près 90 membres issus des transporteurs, qu'on appelle, donc des armateurs, des propriétaires de navire à la fois basés ici, au Canada, ou qui utilisent le Saint-Laurent, mais qui peuvent avoir des places d'affaires ailleurs dans le monde. C'est également le réseau portuaire. Au Québec, le réseau portuaire, c'est approximativement une vingtaine de ports partout sur le territoire. Ce sont aussi des expéditeurs, des minières, par exemple, des alumineries, donc c'est diversifié, de même que les municipalités riveraines qui ont des ports.

J'aimerais aussi vous dire que, cette activité, les chiffres que je vous fournissais en introduction s'appliquent au Québec, mais que parfois il est très difficile de tracer à la ligne les impacts de notre secteur en délimitant uniquement à la géographie du Québec, puisque nous sommes de nature internationale. J'écoutais nos collègues tout à l'heure qui nous ont précédés, de Montréal International, qui disaient : Nous, on apporte des affaires. Bien, j'ai envie de dire, nous, on apporte du commerce. Puis tout ce qui est amené de l'étranger, 90 % est fait par l'entremise du transport maritime.

Alors, je céderais maintenant la parole à mon collègue. On n'est pas des spécialistes de l'immigration, je n'ai aucune prétention en cette matière. Et, lorsque nous avions produit notre mémoire, nous l'avions fait sur la base du document de consultation, et ce qui avait évidemment, à l'époque, attiré notre attention, trois éléments : les pénuries de travailleuses et de travailleurs spécialisés sur lesquels vous vous penchiez dans le document de consultation, les besoins pressants des entreprises — et nous en sommes — de même que la création d'emplois.

Je tiens à préciser, comme vous le savez, évidemment, que le gouvernement actuel a une stratégie maritime. Nous sommes là et nous voulons qu'elle réussisse, bien évidemment, parce qu'elle dessert l'ensemble du territoire mais à peu près toute la population.

Alors, je céderais la parole à M. Mailloux.

M. Mailloux (Claude) : Merci, Nicole. Alors, pour ceux qui ne connaissent pas les comités sectoriels, un petit mot. Les comités sectoriels, il y en a une trentaine au Québec, qui sont une création du gouvernement du Québec à travers sa loi sur l'emploi, et la politique d'intervention sectorielle est gérée par la Commission des partenaires du marché du travail, donc, qui est un partenaire d'Emploi-Québec dans tout ce qui concerne le suivi du marché du travail au Québec. Le rôle des comités sectoriels est le développement de la main-d'oeuvre au sens large, mais plus particulièrement on touche le développement des compétences, l'identification des besoins de formation et l'identification des besoins de main-d'oeuvre et des besoins de relève, et pour ce faire on utilise différentes stratégies. Évidemment, on procède beaucoup au niveau de la promotion des carrières, parce que les entreprises nous disent qu'il y a des besoins de main-d'oeuvre extrêmement importants et qu'il y a même des pénuries de main-d'oeuvre pour certains corps d'emploi, et la promotion des carrières fonctionne, celle qu'on peut faire vis-à-vis des écoles secondaires, par exemple, mais il faut s'adresser aussi à des nouvelles clientèles, parce que les clientèles traditionnelles elles-mêmes ne suffisent pas à combler les besoins. Et, parmi les nouvelles clientèles qui font partie de nos cibles, il y a les femmes, puisqu'on trouve très peu de femmes dans le domaine maritime, alors qu'il y aurait de la place pour en avoir beaucoup plus, et il y a évidemment aussi les candidats issus de l'immigration. Et, quand je parle de l'industrie maritime, je parle de l'industrie maritime du côté du personnel navigant et du côté du personnel maritime terrestre aussi. En fait, dans les 27 000 emplois dont Nicole a parlé tout à l'heure, il y a beaucoup plus de monde dans le maritime terrestre. Alors là, on parle de gens qui travaillent en milieu portuaire dans tout le Québec et on parle aussi des gens qui travaillent dans la gestion et l'administration maritimes et qui sont des spécialistes de la gestion comme dans les agences maritimes, les administrateurs portuaires, etc.

Alors, je vous donne une courte liste des emplois qui nous ont été identifiés par les employeurs comme étant les plus problématiques au niveau du recrutement et pour lesquels dans certains cas on peut parler de pénurie ou de très grande rareté : les officiers mécaniciens et les officiers de navigation — donc on parle de personnel navigant — et particulièrement les officiers des échelons supérieurs, par exemple, en navigation, les capitaines, et, en mécanique de navire, les chefs mécaniciens, mais on parle aussi d'emplois comme les spécialistes en affrètement de navire, les courtiers en douane spécialisés en maritime, les gestionnaires de flotte, les surintendants portuaires. Alors, ce sont des exemples d'emplois pour lesquels le recrutement est extrêmement difficile.

Et même quand on ne parle pas de très grand nombre, c'est une notion qu'il est important de mentionner, leur importance stratégique est telle, dans certains cas, que ça peut être un paralysant extrêmement important. Trouver un gestionnaire de flotte de navires internationaux pour travailler à Montréal, ça peut être extrêmement difficile, même si on en a besoin même pas d'une dizaine, parce qu'il n'y a pas tant d'entreprises qui travaillent dans ce domaine-là, mais celles qui le font ont des activités importantes, sont des grands joueurs, en particulier dans la région de Montréal, dans ce cas-ci, et, si elles ne trouvent pas ces joueurs-là, bien c'est leurs activités qui en souffrent.

Dans notre mémoire, on a fait un certain nombre de recommandations pour, pensons-nous, aider à corriger ou s'attaquer à ces situations-là, tout d'abord la promotion à l'étranger de nos besoins en matière de main-d'oeuvre. Et nous, comme organisation, avons très peu de moyens ou de ressources pour faire ça. On a essayé à quelques reprises, par exemple, de produire des documents d'information, qu'on a transmis dans les délégations du Québec à l'étranger ou dans les ambassades canadiennes, on l'a fait, mais c'est un peu au-delà de notre portée en termes de ressources, et on aimerait beaucoup qu'il puisse y avoir, via les instances dont c'est la spécialité, à travers le ministère et en étant peut-être même supporté par les lois ou les politiques... que ça puisse se faire en plus grande abondance.

On souhaiterait beaucoup, en deuxième lieu, qu'il y ait un traitement accéléré qui soit accordé à des emplois qui seraient identifiés comme étant stratégiques ou prioritaires, même s'ils ne sont pas en très grand nombre. Encore une fois, je reviens sur la notion dont on parlait tout à l'heure. Pour des grandes entreprises basées à Montréal qui veulent faire du recrutement étranger et participer à des salons, par exemple, en Allemagne, ou en France, ou au Royaume-Uni, être obligé d'informer les éventuels candidats que ça va prendre des mois et des mois avant qu'il puisse y avoir des résultats au niveau de leur embauche, c'est quelque chose qui peut décourager beaucoup de candidats. Alors, le principe d'accélérer le traitement des dossiers, dans ce cas-ci, pour des emplois jugés stratégiques, je pense, serait quelque chose qui aiderait considérablement.

Le Président (M. Picard) : En terminant, s'il vous plaît.

M. Mailloux (Claude) : Oui. Et finalement la reconnaissance des compétences... Et là je fais appel à la collaboration qu'il devrait nécessairement y avoir, et là je parle du personnel navigant, parce que la reconnaissance des compétences, au Canada, pour les officiers maritimes, est faite par Transports Canada. Et Transports Canada, pour reconnaître les compétences, par exemple, d'un chef mécanicien qui arrive de l'étranger ou d'un officier de navigation, va d'abord exiger que cette personne-là, avant même de lui ouvrir un dossier d'analyse — et ouvrir un dossier d'analyse, ça ne veut pas dire qu'il est rendu sur le marché du travail, parce qu'on va exiger beaucoup de formation — il faut qu'il soit résident permanent, et, avant même que ça, ça arrive, ça peut prendre des mois et même des années, dans certains cas. Alors, évidemment, c'est un obstacle considérable, on sait qu'on perd beaucoup de monde pour cette raison-là. Alors, si c'était possible d'avoir un coup de main... Et cette fois-ci, évidemment, il y a différents... on ne parle pas de la même juridiction, mais, entre elles, elles peuvent se parler, et c'est ce qu'on préconise, parce que, pour nous, c'est un problème extrêmement important.

Le Président (M. Picard) : Merci.

M. Mailloux (Claude) : Pour la finale, je repasse la parole à ma collègue.

Le Président (M. Picard) : Non, nous allons entreprendre la période d'échange avec Mme la ministre. Vous pourrez compléter aussi lors des échanges, tout simplement. Mme la ministre.

Mme Weil : Oui, merci, M. le Président. Donc, bienvenue, Mme Trépanier, M. Mailloux. Savez-vous que j'ai travaillé, moi, dans une firme d'avocats en droit maritime pendant trois étés lorsque j'étais étudiante? Donc, je connais un peu, là, mais ça fait très longtemps quand même.

Mais c'est vrai que c'est un créneau très, très particulier, et je pense qu'il y a aussi... Quand vous parliez de traitement simplifié, il y a cette exigence d'Emploi-Québec qui est une masse critique, hein? Et donc, dans le cas des emplois, il n'y a pas la masse critique, mais il faut trouver une façon de vous appuyer.

Et vous le mentionnez dans le cadre de cette Stratégie maritime. J'aimerais vous amener là, par rapport à cette Stratégie maritime, parce qu'en effet, oui, la main-d'oeuvre, c'est la clé aussi, hein, pour réussir toute stratégie de développement économique; la main-d'oeuvre, le capital humain, c'est essentiel. Comment vous, vous voyez, dans cette Stratégie maritime... Ou, l'analyse, je ne sais pas si vous avez fait une analyse, justement, des métiers et professions qui seraient en demande pour répondre à cette Stratégie maritime et... Quel pourcentage de cette main-d'oeuvre pourrait être formé localement ici, au Québec, à peu près, si vous êtes capables de répondre? Quel pourcentage serait situé ailleurs dans le monde?

• (16 h 50) •

Mme Trépanier (Nicole) : Je vais vous donner un début de réponse par rapport à la Stratégie maritime elle-même parce que c'est une des bases de la stratégie, de créer de l'emploi, de créer de la richesse, et évidemment ça nous interpelle beaucoup. Lorsque le ministre D'Amour, par exemple, nous posait des questions, dans le cadre d'un forum qui sert à l'implanter, cette stratégie, à l'heure actuelle, le potentiel de placement de ceux qui sont formés au Québec, l'Institut maritime étant l'instance officiellement reconnue, ça, c'est le... puis Claude est un spécialiste des portes d'entrée, là, les différentes avenues empruntées, le taux de placement, il est parfait, c'est le rêve, O.K.? Il y a quelques années, on craignait que le fait de devoir aller étudier à Rimouski... Loin de moi l'idée de dire que Rimouski, ce n'est pas beau, mais ce n'est pas tout le monde, par exemple, qui souhaite quitter la région de Montréal pour aller s'y établir, on a tous étudié puis on sait qu'il y a des coûts liés à ça. Mais à l'heure actuelle le taux de placement est parfait.

Mais il y a aussi des entrants, dans l'industrie, notamment pour le personnel à terre, qui peuvent se recruter par d'autres avenues, notamment des formations professionnelles. Le comité sectoriel travaille d'ailleurs là-dessus, sur un diplôme d'études professionnelles. Il y a une bonne collaboration du ministère de l'Éducation, qui ne s'appelle plus... excusez, là, je n'ai pas tout mis à jour mon tableau des noms de ministère. Toutefois, ça va bien.

Maintenant, le nombre qui vient de l'étranger, je ne suis pas en mesure de vous le donner. Je sais que le taux de placement ici est bon. Ça n'empêche pas que nous ayons, en tant que secteur d'activité, à faire de la promotion, parce que notamment, comme d'autres secteurs économiques, nous aurons une cohorte importante qui partira à la retraite incessamment.

Alors, pour les corps d'emploi supérieurs auxquels Claude référait tout à l'heure, chefs mécaniciens, qui sont les emplois en haut de la hiérarchie, si on peut dire, en navigation et en mécanique, ce sont des formations et des années d'expérience qui sont importantes, on ne s'autoproclame pas chef mécanicien, on ne s'autoproclame pas non plus officier de navigation à tel rang. Là où nous souhaitions vous interpeller par notre mémoire, c'était dans l'idée qu'il en existe ailleurs, des gens qui sont formés. Nous sommes une nation maritime, mais il en existe d'autres, et ces autres... d'autres, j'ai dit, d'autres, et il est possible peut-être d'accélérer, entre guillemets, un bassin entrant de gens formés, déjà prêts à occuper ces rangs dans l'industrie dans la mesure où, par exemple, il y a une collaboration de la part de Transports Canada pour répondre aux besoins ici même, au Québec, en matière maritime.

Je te laisse compléter.

M. Mailloux (Claude) : Oui. Effectivement, ça réfère aux corps d'emploi que l'on mentionnait tout à l'heure au niveau des expertises qu'on trouve en nombre insuffisant ici. Et, dans ce cas-là, on parle beaucoup des emplois au niveau administratif qu'on va trouver, par exemple, dans des... de gestionnaire de flotte ou de courtier en affrètement, qu'on va trouver beaucoup, en grand nombre dans les pays d'Europe du Nord, par exemple, qui sont des grandes nations maritimes, et qu'on voudrait faire venir ici via des processus, si possible, accélérés, qui ferait en sorte que ça deviendrait plus attirant pour eux, parce que tout le volet administratif par lequel il faut passer serait simplifié, et ça, ça aiderait beaucoup les entreprises qui sont aux prises avec ce phénomène-là.

Du côté des officiers, du côté du personnel navigant, contrairement peut-être à bien d'autres domaines d'activité économique, le taux de placement des officiers issus de l'immigration qui ont réussi à passer à travers le processus de reconnaissance est de 100 % au Québec. Les officiers qui ont reçu, après avoir suivi la démarche imposée par Transports Canada, leur brevet d'officier canadien se trouvent un emploi, c'est automatique parce que c'est des corps d'emploi dont le taux de placement pour tout le monde est à 100 %, entre 90 % et 100 %, alors... Et à certaines périodes, quand l'activité économique est à son plus fort, comme ça a été il y a quelques années, le taux de placement, en fait, il pourrait être quasiment à 150 %, parce qu'il y a véritablement des besoins de recrutement très importants sur le marché du travail.

Et là où on rencontre des obstacles, ce n'est pas dans le placement de ces gens-là, c'est pour les amener jusqu'à la reconnaissance de leurs brevets canadiens. Bon, il y a les critères de Transports Canada qui leur imposent de faire une démarche pour canadianiser leurs brevets qui n'est pas toujours simple, qui peut être assez longue et coûteuse, mais là-dessus on a fait des gains, en toute honnêteté, au cours des dernières années, parce qu'on a fait beaucoup de représentations auprès de Transports Canada, et maintenant, au moins, ils ne les obligent plus à refaire les mêmes cours qu'ils ont déjà faits dans leur pays à l'origine, c'est déjà ça de gagné. Et il faut être honnête aussi, on ne peut pas demander à un capitaine qui, par exemple, a été capitaine sur la Méditerranée, du jour au lendemain, de devenir capitaine sur le Saint-Laurent, ce serait l'envoyer au suicide professionnel. Donc, c'est sûr qu'il y a nécessairement une conversion des connaissances à faire.

Là où on a très gros problème, c'est sur le délai que Transports Canada impose avant même d'accepter d'ouvrir le dossier de la personne, parce qu'on exige qu'elle soit rendue au stade de résident permanent. Je ne suis pas expert de ces choses-là, mais ce qu'on me dit, c'est que, dans certains cas, ça peut aller jusqu'à quelques années, à tout le moins c'est beaucoup de mois, et c'est suffisant pour faire en sorte que le candidat se détourne, parce qu'il voit devant lui un cheminement qui devient trop, beaucoup trop rempli d'obstacles avant d'arriver au résultat.

Le Président (M. Picard) : Mme la ministre.

Mme Weil : Oui. Alors donc, c'est vraiment un domaine très, très particulier. Parce que j'essaie de voir comment, avec cette réforme... mais je vois que parfois ça passe carrément par le Canada, par le gouvernement du Canada, vous faites affaire directement avec eux, le ministère des Transports. Il y a aussi cette question de sécurité nationale aussi, certains métiers qui exigent la citoyenneté canadienne, n'est-ce pas?

M. Mailloux (Claude) : Et ça, la reconnaissance, c'est beaucoup un problème de Transports, mais l'exigence d'être résident permanent, c'est un problème d'immigration et qui malheureusement est imposé par Transports.

Mme Weil : Et est-ce que donc vous avez des métiers, professions qui passeraient par un certificat de sélection du Québec dans un premier temps, qui sont des métiers connexes à l'industrie maritime, mais où ça passerait dans un premier temps comme dans... nous, on est dans la sélection de travailleurs qualifiés dont on a besoin, mais qui seraient carrément dans notre créneau, dans nos compétences? Et, si oui... Parce qu'on essaie de voir comment on pourrait vous aider. Je sais que vous avez déjà contacté le ministère de l'Immigration dans le passé pour vous accompagner. Ce serait de nous envoyer, par exemple, la liste des professions et des métiers en demande directement au MIDI — on me demande de vous demander de faire ça — pour qu'on puisse trouver une façon de faciliter, justement, la sélection de ces personnes-là, toujours avec le plan maritime aussi en tête.

Et je vous amènerais peut-être sur les besoins au niveau régional. Est-ce que vous voyez, à l'heure actuelle, parce qu'on est beaucoup aussi là-dessus... Est-ce que vous voyez des besoins qui seraient régionalisés? Vous avez parlé de Rimouski. C'est sûr que moi, quand j'entends «plan maritime», moi aussi, je pense toujours à Rimouski, et j'imagine que ce serait une ville, une région intéressante pour ce plan-là. Est-ce que vous voyez, par exemple, en parlant de Rimouski ou de... certaines régions au bord du fleuve qui auraient des besoins particuliers de main-d'oeuvre? Et on parle d'immigrants.

Mme Trépanier (Nicole) : Il est possible...

Mme Weil : Mais vous parlez de... vous voyez l'avenir... Comme dans tous les secteurs, vous voyez les départs à la retraite, hein, on est prévoyants, hein, dans tout ça. Puis on dit que d'ici 2021 on parle de 1,2 million d'emplois — c'est Emploi-Québec qui dit ça — qui seront à pourvoir, et 16 % de ces emplois seraient comblés par l'immigration. Donc, ce n'est pas 100 %, évidemment, c'est 16 %. Mais, vous, c'est peut-être beaucoup moins que ça, là, j'imagine, vous occupez un espace quand même plus spécialisé, restreint des besoins de main-d'oeuvre.

• (17 heures) •

Mme Trépanier (Nicole) : Je répondrais oui et non à votre remarque parce qu'à l'heure actuelle, si on regarde au plan économique, ce n'est pas le Klondike pour aucun secteur d'activité. Toutefois, on sait pertinemment, d'après les prévisions que nous avons, qui sont quand même étayées, qu'il y aura croissance par rapport à la demande de matières premières incessamment, c'est une réalité mondiale, mais aussi il y a un accord économique commercial global avec l'Union européenne, et cet accord amènera une augmentation de volume parce que le chemin le plus court pour accéder au marché américain, c'est quand même le Saint-Laurent.

Dans l'intervalle, pendant que ça va, disons, au ralenti, ce qui est important, c'est de se préparer à la reprise, notamment au plan des infrastructures mais aussi de la main-d'oeuvre. Si on revient à la Stratégie maritime, elle prévoit des zones industrielles ou portuaires qui toucheront... il y en aura une douzaine à travers le Québec, et, pour ces zones industrielles ou portuaires, il faudra avoir de la main-d'oeuvre spécialisée. L'objectif, c'est d'attirer des investissements au Québec à proximité des ports, tout comme avec les deux pôles logistiques qui sont prévus du côté de Montréal. Il faudra du monde. Oui, bien sûr, on n'a pas besoin nécessairement de penser à l'immigration pour avoir des spécialistes du chargement de marchandises dans des entrepôts. Par contre, il faudra avoir des débardeurs à l'intérieur des ports, il faudra avoir des opérateurs de grue, il faudra... puisque plusieurs... la flotte canadienne est en renouvellement, on rajeunit des navires. Il y aura une demande pour le Nord, l'Arctique prend une importance stratégique majeure et le Nord du Québec aussi, donc des navires plus spécialisés.

J'écoutais tout à l'heure les gens de Montréal International parler. Quand on entend parler de nouvelles technologies, d'informatique, on a toujours l'impression que c'est ce qui attire les jeunes. Il y a des gens qui pensent que le secteur maritime, on est encore avec des sextants. Alors là, quand on amène des jeunes devant un simulateur de navigation ou dans la timonerie d'un navire neuf, récent, il fait : Wow! je ne savais pas qu'il y avait des cartes électroniques, je ne savais pas qu'il y avait une multitude de radars, qu'on opérait avec les satellites, et là le wow fait : Je veux y travailler. Et je pense qu'on a toutes les raisons d'être fiers d'avoir une flotte qui se renouvelle, qui est plus avantageuse au plan environnemental, on a fait les efforts, mais il faut avoir le personnel pour les opérer, ces navires, et il faut avoir toute la structure de main-d'oeuvre pour être capable de bénéficier normalement de l'augmentation du commerce qu'on prévoit, si on veut que ça serve le Québec.

Mme Weil : O.K. J'ai une question de ma collègue.

Le Président (M. Picard) : Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré. Deux minutes qu'il reste.

Mme Simard : Merci beaucoup, je ferai vite. Le sujet m'interpelle énormément, vous savez, je représente une circonscription au riche patrimoine maritime, je me sens très interpellée par la Stratégie maritime également. Et chez moi je vais prendre l'exemple d'Océan. Tout à l'heure, ma collègue la ministre demandait s'il y avait des besoins en région. Océan est en constant besoin, recrutement de main-d'oeuvre, on parle d'une rareté en ce qui concerne... Par exemple, sur le site Internet, actuellement, on sait qu'ils recherchent des capitaines, des matelots, soudeurs, monteurs.

J'aimerais savoir... J'ai deux questions qui me viennent en tête, mais je vais vous poser celle où vous allez pouvoir répondre le plus rapidement : Comment pourrions-nous mettre à contribution davantage l'employeur, dans ce cas-ci qui fait déjà beaucoup en offrant de très bonnes conditions, pour pallier, finalement, à ce problème de main-d'oeuvre qui est constant?

Le Président (M. Picard) : M. Mailloux.

M. Mailloux (Claude) : Bien, les employeurs, de façon générale, collaborent très bien aux efforts que l'on fait parce qu'ils constatent assez rapidement qu'il y va de leur intérêt direct. Vous avez nommé Le Groupe Océan, qui fait partie des entreprises sûrement les plus proactives parce qu'elles ont... en plus des entreprises diversifiées au plan du type d'activité, diversifiées au plan régional aussi, alors elles rencontrent des besoins de main-d'oeuvre diversifiés, en conséquence. Et donc ils sont très au fait de ces situations-là puis ils ont même des programmes avec Emploi Québec qu'ils ont... puis je sais qu'ils sont encore en train de travailler sur d'autres. Alors, vous avez pris le meilleur exemple pour signifier que les entreprises sont prêtes à collaborer. Et, si on fait appel aux autres aussi, évidemment, ça va être le cas.

Et toutes les entreprises, que je sache, et ça, on l'a démontré par un sondage qu'on a fait il n'y a pas si longtemps, sont très disposées à accueillir du personnel issu de l'immigration, et, s'il y a des initiatives qui sont prises pour essayer de favoriser ça, c'est sûr qu'on va avoir leur collaboration. Puis c'est un milieu tissé assez serré, là, le monde maritime, il n'y a pas des millions d'entreprises, c'est entre 300 et 400 entreprises environ, ce qui fait que c'est assez facile de mobiliser les gens quand on peut travailler sur une cause qui les interpelle comme celle-là.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget.

M. Kotto : Merci, M. le Président. Mme Mailloux, M. Trépanier, soyez les bienvenus, merci... Pardon, voyons, Mme Trépanier, M. Mailloux. J'ai inversé.

Vous parlez de pénurie, de manque d'emploi, de besoins d'emploi, et vous évoquez la difficulté à recruter. Sur quoi repose cette difficulté-là?

M. Mailloux (Claude) : Dans le cas des emplois spécialisés comme ceux qu'on trouve à bord des navires, c'est carrément la rareté des candidats sur le marché du travail, parce que la majorité des emplois exigent des brevets spécialisés, et il est absolument impossible de remplacer ces brevets-là par quoi que ce soit d'autre. Et la réglementation est faite de telle manière que chaque navire, avant de quitter le port, doit avoir à bord exactement le nombre de marins pour chacun des corps de métier qu'on trouve à bord, qui sont spécifiés par le règlement, et, s'il ne les a pas, si le règlement dit que pour tel navire c'est 20 personnes qu'il doit y avoir à bord, quatre officiers de navigation, cinq officiers mécaniciens, deux cuisiniers et neuf matelots, bien, si on ne les a pas, on ne part pas. Et, si on ne les trouve pas sur le marché du travail parce que c'est des emplois qui sont en grande rareté, même si les employeurs sont extrêmement actifs pour éviter que ça arrive, bien il est arrivé des situations où des contrats n'ont pas pu être réalisés, faute d'avoir à bord le personnel. Alors, la première réponse à votre question, c'est la rareté des candidats sur le marché du travail.

M. Kotto : La rareté. Et elle s'inscrit à l'intérieur de nos frontières ou c'est à l'international?

M. Mailloux (Claude) : Elle est internationale.

M. Kotto : Internationale.

M. Mailloux (Claude) : Oui. Évidemment, ça fluctue beaucoup avec les cycles économiques. Si on parle de la deuxième moitié de 2015 et de ce qu'on annonce pour 2016, la pression sur l'embauche à l'international et même au Canada va connaître un certain soulagement, parce que ça va avec l'activité économique mondiale. Et, le transport maritime étant un service, bien, si tout le reste ralentit, le maritime ralentit aussi.

Mais, sur le moyen et sur le long terme, les messages qu'on reçoit de l'international, c'est qu'il y a des pénuries d'officiers sévères à l'international, et ça se reflète au niveau canadien aussi, parce qu'il y a des pénuries d'officiers sévères au niveau canadien.

M. Kotto : Mais, selon vous, vous me répondrez si vous avez la réponse, pourquoi on n'en forme pas assez, considérant que c'est un enjeu qui s'étale déjà sur plusieurs années?

M. Mailloux (Claude) : Bien, là-dessus, il y a une zone d'optimisme, parce que depuis quelques années on a réussi à attirer... en tout cas pour ce qui est de la situation du Québec, là, je peux moins parler pour l'international, mais, pour ce qui est du Québec, on a réussi à attirer à l'Institut maritime à Rimouski beaucoup plus de candidats grâce à des campagnes de promotion qui ont donné plus de visibilité à ces métiers-là.

Mais les métiers maritimes, contrairement à beaucoup d'autres qu'on trouve à terre, n'ont pas de visibilité naturelle. Et je m'explique. Ça veut dire que, bon, tout le monde côtoie des pharmaciens, des policiers ou des mécaniciens d'automobile, dans la vie courante, mais, des capitaines, on peut bien croiser un capitaine au dépanneur, mais on ne saura pas qu'il est capitaine, et il n'y a à peu près personne qui va sur les navires voir ces gens-là à l'oeuvre, de temps en temps on prend un traversier, mais ça se limite à ça ou à peu près, alors ce qui fait que, si on ne fait pas des efforts très accentués pour donner de la visibilité à ces métiers-là, ils n'en reçoivent pas.

Alors, on s'est efforcés de le faire beaucoup plus au cours des dernières années, ça a donné des résultats, avec le fait, d'ailleurs, comme Nicole le soulignait, que Rimouski s'est avérée ne pas être un obstacle à l'arrivée d'étudiants, dans la mesure où les gens savent... que suffisamment de gens savent qu'à Rimouski on peut aller faire des cours d'officier maritime. Et là ils découvrent que c'est des emplois avec des niveaux de salaire très élevés, c'est des emplois de haut savoir, comme disait Nicole, qui demandent des compétences très spécialisées et qui sont des emplois d'avenir, des emplois du futur. Mais il y a cette condition-là.

Alors, pourquoi pas plus? Bien, pas plus parce qu'il faut vraiment faire beaucoup d'efforts pour faire connaître ces métiers-là. Et là, avec ce qu'on a fait, on arrive au niveau où l'école est presque pleine mais au prix d'efforts qui demandent énormément de ressources, puis ce n'est pas toujours facile à maintenir. Et on est aussi à la merci des cycles qu'il y a là-dedans, comme dans n'importe quel autre domaine. Et, même en ayant rempli l'école, est-ce que ça va suffire pour combler les besoins du marché du travail dans l'avenir? Ce n'est pas évident. C'est pour ça que l'apport de l'immigration est toujours très activement recherché.

M. Kotto : Votre passage ici peut susciter des vocations.

M. Mailloux (Claude) : On est bien ouverts à ça.

M. Kotto : Maintenant, quand vous parlez de la hauteur des salaires, ça va à combien de chiffres, sans être spécifique?

M. Mailloux (Claude) : Pour un officier supérieur à bord d'un navire, que l'on parle d'un officier de navigation, un officier mécanicien, c'est au-dessus de 100 000 $, et parfois largement.

M. Kotto : O.K. Et les besoins...

M. Mailloux (Claude) : Par année.

• (17 h 10) •

M. Kotto : Pardon? Allez-y, allez-y.

M. Mailloux (Claude) : Par année.

M. Kotto : Par année, oui, oui, oui, O.K. Les besoins à combler, c'est quoi, le volume, sans spécifier les secteurs?

M. Mailloux (Claude) : Oui, c'est une bonne question. C'est difficile à établir. À travers les études qu'on fait, mais on n'a pas de système continu de vérification, puis évidemment le marché change, évolue, mais le dernier portrait qu'on a fait des besoins de main-d'oeuvre, qui cherche à quantifier ça, date de 2013, et ça a confirmé des études antérieures à l'effet qu'on avait, pour l'industrie maritime au Québec, un besoin de renouvellement de la main-d'oeuvre qui correspond à peu près à 5 % de la force de travail par année. Comme on a 27 000 emplois, comme on disait tout à l'heure, dans le domaine, mais ça, ça inclut les emplois indirects et... les emplois directs dans le domaine maritime sont environ au nombre de 13 000 ou 14 000, et un besoin de 5 % par année, donc c'est environ entre 700 et 1 000 personnes par année dont on a besoin pour combler les postes qui s'ouvrent et combler les départs à la retraite et le roulement normal. Donc, 700 à 1 000 personnes par année, c'est quand même beaucoup. Ça inclut le personnel navigant et le personnel non navigant, mais c'est quand même beaucoup. Et évidemment il ne sort pas ça de l'Institut maritime à chaque année, là. À l'Institut maritime, si on parle des officiers de navigation, il sortait 30 ou 40 officiers de navigation par année, qui sont des officiers juniors. Avant qu'ils soient rendus au stade de capitaine ou de premier maître... On n'est pas rendus là, là. C'est aussi long former un capitaine que de former un chirurgien, encore une fois, c'est des emplois hyperspécialisés. C'est pour ça qu'il y a des grands défis et c'est pour ça que notre système de formation, qui est excellent... L'Institut maritime du Québec a une réputation internationale de qualité et de former des bons officiers mais ne suffit pas, en nombre, à combler tous les besoins.

Oh! Excusez. Je m'étends beaucoup.

M. Kotto : ...je vais creuser davantage : Ce qui induit, je l'anticipe, une compétition acerbe à l'international pour le recrutement.

M. Mailloux (Claude) : Absolument, absolument, les gens qui sont formés ici sont des candidats intéressants pour des compagnies partout sur la planète. Et il y en a d'ailleurs un certain nombre qui font carrière à l'étranger, parfois pour revenir plus tard. Et il est courant qu'on voie dans le profil d'un officier de carrière qu'il fasse une partie de son temps à l'international parce que, comme expérience, ça peut être extrêmement intéressant aussi.

M. Kotto : O.K. Le pourcentage d'étudiants étrangers versus des autochtones, en fait les natifs, il est de combien?

M. Mailloux (Claude) : D'étudiants étrangers dans les programmes dont on parle, à Rimouski, il est très faible.

M. Kotto : Il est faible.

M. Mailloux (Claude) : Il est très faible. Par contre, la présence d'immigrants dans d'autres types d'emplois maritimes, comme par exemple dans l'administration maritime ou dans la gestion maritime — et là on parle surtout de réalité montréalaise — là, le pourcentage est plus élevé. Et, là aussi, il y a des besoins, et là l'immigration peut être d'un apport très important. Sur les navires, par exemple, de mémoire, c'est entre 5 % et 10 % du personnel navigant qui est issu de l'immigration, et on pourrait l'augmenter, parce que les besoins sont là.

Mais de gens qui vont à l'école maritime pour se former, à la base, il y en a très peu. Je ne peux pas dire comment il y en a, mais c'est moins que 5 %.

M. Kotto : O.K. Et, quand vous plaidez pour le traitement accéléré...

Le Président (M. Picard) : Il reste 30 secondes, M. le député.

M. Kotto : ... — 30 secondes — vous pensez à qui spécifiquement?

M. Mailloux (Claude) : On parle de quelques métiers que j'ai nommés tout à l'heure, qui sont courtier en affrètement de navire, gestionnaire de flotte de navires internationaux, parce que c'est des emplois qui sont... Surintendant portuaire. C'est des emplois qu'on ne trouve pas en très grand nombre mais qui sont des spécialités très recherchées par les compagnies maritimes qui ont à gérer ce genre d'actif.

M. Kotto : Merci.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Merci, M. le Président. Bonjour à vous deux, Mme Trépanier et M. Mailloux — c'est un petit clin d'oeil.

J'ai pris des notes tout le temps que vous parliez, et mes collègues ont posé exactement les mêmes questions que je m'apprêtais à vous poser. Cependant, j'aimerais souligner quelque chose. On parle ici de développement de l'industrialisation maritime. Sachez que, pour nous, le parti que je représente, la deuxième opposition, la Coalition avenir Québec, c'est extrêmement important, on y croit tellement qu'avant même la création de la Stratégie maritime de mes collègues du gouvernement il y a eu le Projet Saint-Laurent qui a été rédigé, écrit et autour duquel tout tourne, tout tourne autour du fleuve, naturellement, mais également du développement de l'industrie maritime. Alors, on est pour le développement de l'industrie maritime, croyez-nous.

Les chiffres que vous nous dites, nous les savions, mais c'est bien que les gens qui nous écoutent voient jusqu'à quel point c'est une industrie importante. Quand vous dites que la porte d'accès la plus facile aux États-Unis, c'est le fleuve Saint-Laurent, c'est extrêmement important, sous-exploité pour le moment, on devrait développer davantage, c'est une de nos propositions. Alors, on s'entend très bien.

On est ici pour parler d'immigration. Alors, j'ai pris des notes, et il y a des choses intéressantes. Vous nous avez dit... La plupart, vous y avez déjà répondu, mais j'aimerais aller un petit peu plus loin. Quand vous nous dites qu'il y a 90 membres, c'est la SODES qui compte 90 membres? Parmi ces membres-là, vous dites principalement les armateurs, les armateurs de navire. Est-ce que ce sont des navires de propriété... battant pavillon canadien ou est-ce que ce sont tous des bateaux étrangers?

Mme Trépanier (Nicole) : Dans le cas des armateurs, qui ne sont pas l'essentiel de notre membership parce qu'il est très éclaté, en tant que chambre de commerce maritime... En fait, nos membres sont tous liés à l'activité économique du Saint-Laurent, en excluant les croisières internationales, comme je l'ai dit tout à l'heure. C'est essentiellement du cargo, un peu de passagers avec la Société des traversiers du Québec.

Les armateurs qui sont membres chez nous sont, pour la plupart, sous pavillon canadien, mais ça ne les empêche pas, en étant propriétaires de navires ici, de parfois les mettre sous pavillon étranger pendant une période où ils ont un contrat ailleurs dans le monde et d'embaucher de la main-d'oeuvre étrangère aussi. Mais les quelques entreprises et armateurs dits internationaux qui sont membres à la SODES, ils le sont parce qu'ils opèrent sur le Saint-Laurent et qu'ils veulent connaître la réalité propre de l'activité ici.

Mme Roy (Montarville) : Parfait. On va rester sur le Saint-Laurent. Une des questions de mon collègue qui était également une de mes questions, c'était le nombre... Vous nous donnez une idée en quantité de personnel que vous allez avoir besoin pour combler des postes dans l'avenir, vous nous dites 5 % du 13 000, 14 000 annuellement que nous avons. Et ça, c'est uniquement le personnel navigant, les bateaux, le fleuve, ou est-ce que ça comptait également le réseau portuaire? Parce qu'il ne faut pas oublier...

M. Mailloux (Claude) : Ça inclut le réseau portuaire.

Mme Roy (Montarville) : Ça incluait également le réseau portuaire. Parfait. Réseau portuaire qui, lui, à moins que je ne m'abuse — probablement que je me trompe, puis corrigez-moi, vous êtes là pour ça — est de juridiction fédérale... ou est-ce qu'il y a des juridictions mixtes?

Mme Trépanier (Nicole) : C'est variable. Tout à l'heure, je mentionnais qu'on compte une vingtaine de ports au Québec. Ces ports sont évidemment essentiellement situés sur le Saint-Laurent, on parle du Saguenay également. On en ajoute quelques-uns qui sont sur la Basse-Côte-Nord, qu'on appelle, ou dans le Nord carrément, dans le Nunavik, des ports éloignés.

Mais, si je reviens à la vingtaine de ports au Québec, il y en a cinq qui sont des administrations portuaires canadiennes, entre guillemets : Montréal, Trois-Rivières, Québec, Sept-Îles, Saguenay. Et ça, c'est donc de propriété fédérale. Et il y a d'autres ports qui sont propriété de Transports Canada qui existent, c'est une bonne proportion. Ça peut être Matane, par exemple. On a le port de Bécancour qui est propriété du Québec, on a quelques ports qui sont propriété municipale, comme Valleyfield, puis il y en a qui sont de propriété privée parce que, par exemple, il peut y avoir... la municipalité a un quai où les gens vont, je ne sais pas, pêcher, mais à côté il y a une autre installation qui appartient à une minière, là, qui donne l'essentiel du volume qui est manutentionné à cet endroit, ça fait qu'il y a des propriétés, disons, adjacentes mais pas tout à fait la même vocation. Mais l'essentiel, c'est de propriété de Transports Canada...

Mme Roy (Montarville) : Parfait.

Mme Trépanier (Nicole) : ...qui voudrait bien s'en défaire, par ailleurs.

Mme Roy (Montarville) : Oui. Cela dit, un autre des items que vous nous avez soumis, pénurie de travailleurs, on en a parlé, besoins pressants dans l'industrie, ce fameux 5 % annuellement, création d'emplois, et vous nous avez parlé du volet promotion à l'étranger de nos besoins en main-d'oeuvre. Vous avez dit : On a essayé de le faire. C'est excessivement difficile, mon collègue de Bourget disait à juste titre, parce que vous faites face à une compétition internationale. Parce que ces gens-là sont extrêmement rares, donc, on se les arrache partout sur la planète.

Alors, qu'est-ce que vous avez essayé de faire? Puis qu'est-ce que vous aimeriez ou quelle est l'aide que vous demandez pour faire cette promotion, pour dire : Attendez, sur le Saint-Laurent, on a besoin de travailleurs, puis de travailleurs qualifiés? À quoi est-ce que vous vous attendez?

• (17 h 20) •

M. Mailloux (Claude) : Bien, essentiellement... On a peu de moyens, mais ce qu'on a produit, on a produit un document d'information qui explique à des gens qui ont des qualifications maritimes à l'étranger et qui aimeraient immigrer au Canada que c'est possible pour eux de le faire, et voici les démarches qu'ils devraient faire pour rendre leur démarche, leur expérience la plus efficace possible, et notamment en les informant, parce que c'est une chose qui entraîne beaucoup de délais, ça peut paraître simpliste, mais qu'ils doivent s'arranger, avant d'arriver au Canada, pour faire traduire tous leurs documents attestant de leurs qualifications maritimes en français ou en anglais, parce que, s'ils arrivent ici avec des documents maritimes écrits en ukrainien ou en marocain, bien ils n'ouvriront même pas l'enveloppe, là.

Mme Roy (Montarville) : Et cette tentative que vous avez faite pour recruter à l'étranger, vous l'avez faite via quel canal?

M. Mailloux (Claude) : En fait, c'était de l'information qu'on a diffusée via le réseau des délégations du Québec et des ambassades canadiennes, en fait tout ce qui est représentation à l'international. On s'est procuré la liste des bureaux et on a fait un envoi postal à tous ces gens-là. Et, bon, on n'a pas énormément de ressources. Ça impliquait la production des documents et les envois, mais on n'a pas les moyens d'assurer un suivi de ces...

Et, ce genre de chose là, il faut que ce soit continu. On a constaté qu'on a reçu des demandes d'information à quelques reprises par la suite. Sûrement que l'effet était là, mais on n'a pas les moyens de faire en sorte que ce soit vraiment une opération, tu sais, ultraefficace, faute de moyens.

Et là-dessus, si c'était possible d'obtenir l'appui, via la loi, ou via les politiques, ou via les interventions des ministères, pour s'assurer que c'est bel et bien pris en charge une fois que ça arrive là-bas — parce que, ça, on n'a pas les moyens de le vérifier — et que c'est mis dans les présentoirs...

Le Président (M. Picard) : En terminant, s'il vous plaît. Merci. Merci, Mme Trépanier, M. Mailloux, pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 22)

(Reprise à 17 h 25)

Le Président (M. Picard) : Nous reprenons. Je souhaite la bienvenue aux représentants de la ville de Gatineau. Je vous invite à vous présenter ainsi que la personne ou les personnes qui vous accompagnent. Vous disposez d'une période de 10 minutes, va s'ensuivre des échanges avec les parlementaires. La parole est à vous.

Ville de Gatineau

M. Pedneaud-Jobin (Maxime) : Bonjour à tous. M. le Président, Mme la ministre, MM et Mmes les députés. Merci d'avoir invité la ville de Gatineau à partager sa perspective sur le nouveau projet de loi. Je suis Maxime Pedneault-Jobin, je suis le maire de la ville de Gatineau, et je suis accompagné d'Émilie Cameron-Nunes, qui est responsable de la section de la diversité culturelle à la ville de Gatineau. Et ce poste-là à la diversité culturelle a été créé dans l'ancienne ville de Hull il y a déjà très, très longtemps, on a été la première ville au Québec à se donner un responsable des relations interculturelles, puis on a été imités par un village, quelque 10 années plus tard, puis ce village-là s'appelait Montréal. Donc, on est très fiers d'avoir montré la voie au Québec pour les relations avec les communautés culturelles.

On salue la volonté du gouvernement de moderniser la loi puis d'y introduire un nouveau système de sélection visant un meilleur arrimage entre le profil des nouveaux immigrants et les besoins du Québec puis de ses régions en matière de main-d'oeuvre. On croit que le mécanisme de déclaration d'intérêt va avoir un impact positif sur l'intégration socioéconomique des immigrants.

Bien qu'on souhaite jouer un rôle au niveau de l'identification des profils désirés en région via la Commission des partenaires du marché du travail, en tant que ville, on est particulièrement intéressés par le défi de l'intégration économique et socioculturelle. En effet, nos nouveaux citoyens issus de l'immigration sont amenés à se tourner vers la ville comme interlocuteur privilégié, étant donné notre proximité avec eux. Ainsi, les grandes orientations de la politique à venir et la façon dont le MIDI encadrera le rôle élargi des municipalités en matière d'inclusion va être déterminant sur notre capacité d'avoir des résultats intéressants chez nous.

Permettez-moi de dresser un bref aperçu du portrait de Gatineau en matière d'immigration, c'est un contexte qui est malheureusement mal connu. La région métropolitaine de recensement de Gatineau est le deuxième pôle d'immigration au Québec. En 2011, 10 % de notre population était issue de l'immigration, soit près de 31 000 individus. La ville de Gatineau à elle seule, donc pas la RMR, la ville de Gatineau à elle seule devance même la ville de Québec à ce chapitre, tant en chiffres absolus qu'en proportion de la population. Les prévisions laissent présager aussi que cette diversification de la population gatinoise va continuer à augmenter au moins jusqu'en 2031.

Depuis 2003, le gouvernement du Québec signe une entente particulière avec la ville de Gatineau afin que cette dernière prenne en charge des activités d'accueil et d'intégration sur son territoire. Dans le cadre de la mise à jour de notre propre politique, en automne dernier, on a aussi fait une première journée qu'on a appelée une journée découverte avec la ville d'Ottawa, où les deux villes étaient ensemble pour apprendre, pour que nos organisations apprennent à mieux se connaître et à mieux travailler ensemble dans un domaine qui nous concerne, les deux rives, directement.

Il y a plusieurs raisons qui expliquent la situation particulière de Gatineau en matière d'immigration. Disons que la première est certainement notre vigueur économique, un dynamisme qui ne se dément pas depuis quelques décennies. La présence massive du gouvernement fédéral constitue à elle seule une source d'attraction importante pour tous les chercheurs d'emploi. Notre capacité d'intégration économique aussi est impressionnante. Les immigrants arrivés avant 2001 avaient, en 2011, soit 10 ans plus tard, un taux de chômage un peu plus bas que la moyenne gatinoise, c'est-à-dire 5,8 % contre 6,5 % pour l'ensemble de la population. Évidemment, il reste des efforts à faire pour faciliter l'intégration des immigrants arrivés plus récemment, mais les chiffres nous démontrent qu'avec le temps on réussit l'intégration économique des immigrants à Gatineau, ce qui est une grande source de fierté pour nous.

Autre facteur : pour les personnes immigrantes, la frontière interprovinciale ne compte pas beaucoup. Après leur arrivée, les immigrants découvrent rapidement les particularités propres à chacune des deux rives, et certains font le choix de traverser la rivière pour s'établir au Québec, notamment afin de profiter de logements plus abordables ou encore de garderies accessibles.

De plus, ça fait plusieurs années que Gatineau est reconnue comme une municipalité proactive dans le domaine de l'intégration de l'immigration pour ses actions en matière de promotion de la diversité culturelle, ses services d'accueil, ses événements interculturels et ses partenariats avec le milieu, et ça, en grande partie grâce au travail remarquable réalisé par les organismes partenaires qui fournissent des services aux immigrants sur notre territoire.

• (17 h 30) •

Toutefois, on fait face à plusieurs défis particuliers dans la région. Il est important de maintenir et d'élargir la collaboration entre tous les partenaires pour mettre en oeuvre des solutions durables. Les résultats de notre consultation de cet automne démontrent l'importance que la ville joue un rôle de leadership et mette en place des mécanismes pour faciliter davantage l'intégration en rapport avec le marché du travail, la capacité de communiquer et l'accessibilité aux services. Parmi les défis, on note l'accès à la francisation, qui, à cause de notre situation frontalière, empêche parfois certains immigrants d'abord arrivés à l'extérieur du Québec d'obtenir certains services. Il faut aussi noter que la connaissance préalable du français par les nouveaux arrivants ne garantit pas la facilité à communiquer avec la société d'accueil, puisque l'apprentissage des valeurs de base et des codes culturels québécois reste une étape, pour nous, nécessaire pour s'adapter à la société québécoise.

Il est important de noter aussi la situation particulière de la région en matière d'enseignement supérieur. Le gouvernement du Québec a reconnu que l'Outaouais vit un contexte particulier de compétition avec des institutions ontariennes, ce qui provoque un exode important d'étudiants vers Ottawa, dont le quart ne peuvent pas avoir de reconnaissance de leurs diplômes en sol québécois, donc parfois ils ne reviennent pas chez nous.

Lors de la mise en oeuvre de la nouvelle loi et de la nouvelle politique du Québec, Gatineau va être un important partenaire du MIDI. On reconnaît que, selon le principe de la subsidiarité et en fonction vraiment de la réalité sur le terrain, il appartient aux villes et à leurs partenaires locaux de prendre en charge l'accueil, l'installation, la francisation, l'intégration socioéconomique et les relations interculturelles, mais les villes et leurs partenaires doivent avoir les moyens légaux et financiers de le faire. Je crois que Montréal et Québec ont été assez clairs là-dessus, et nous, on porte le même message.

Sur le projet de loi n° 77 lui-même, comme on l'a déjà mentionné, on accueille favorablement le projet de loi, qui va introduire un nouveau mode de sélection des immigrants. C'est une nouvelle façon de faire qui va nous permettre de répondre à un des plus grands défis pour les immigrants, soit la pénurie d'emplois qui leur sont offerts à l'arrivée. En plus de réduire les délais d'attente dans le traitement de dossier, ce nouveau mode de sélection va permettre de simplifier les procédures et cibler plus rapidement les candidats les plus prometteurs. De plus, considérant les délais actuels entre la sélection et l'arrivée des immigrants, on peut imaginer qu'il va être possible de faire participer davantage les employeurs à la sélection des immigrants si on réduit ces délais-là, donc en permettant aux employeurs de patienter jusqu'à l'arrivée de leurs nouveaux employés.

D'après nous, la mise en oeuvre de cette nouvelle façon de faire doit aller de pair avec un certain nombre d'autres mesures. Premièrement, bien que l'intégration économique soit la priorité des personnes immigrantes, il ne faut pas oublier qu'elle va de pair avec l'intégration socioculturelle. Pour assurer une rétention en emploi puis une intégration plus profonde, un sentiment d'appartenance à la société québécoise, il est essentiel que notre stratégie d'inclusion soit rattachée à notre stratégie d'intégration économique par des mesures facilitant l'adaptation à la culture québécoise et facilitant la communication interculturelle entre la société d'accueil et les nouveaux arrivants. Il est essentiel que le mode de sélection économique des immigrants s'accompagne d'un investissement du MIDI dans des initiatives d'intégration et d'inclusion qui ont fait leurs preuves. On a des organismes locaux chez nous comme le SITO, le service d'intégration au travail de l'Outaouais, et le carrefour jeunesse-emploi. Avec leur expertise en employabilité et en compétences interculturelles, ils peuvent jouer un rôle essentiel d'accompagnement auprès de nouveaux arrivants et des entreprises pour assurer l'embauche et l'intégration durable des personnes immigrantes. Également, les occasions de rapprochement culturel, de formation aux compétences interculturelles, de jumelage, de stage, de bénévolat organisées par la ville en collaboration avec ses partenaires doivent continuer d'être appuyées.

Advenant que la déclaration d'intérêt cherche à engager davantage les employeurs dans la sélection des immigrants, on est convaincus qu'il demeure tout aussi essentiel d'accompagner ces mêmes employeurs sur le plan de l'accueil, de l'intégration de leurs nouveaux employés et de la communication interculturelle pour favoriser la rétention en emploi. Le MIDI doit aussi continuer à encadrer et à financer la mise en place de stratégies et de services qui favorisent la francisation, la pleine participation des nouveaux citoyens dans les villes et qui s'assurent qu'un transfert équitable des ressources soit fait vers les partenaires concernés.

Enfin, pour ce qui est des consultants en immigration, on salue les nouvelles dispositions qui vont permettre d'éviter des fraudes et de protéger nos citoyens. En plus d'avoir accès au Registre québécois des consultants en immigration du MIDI en ligne, les citoyens vont pouvoir être accompagnés dans leurs démarches par des organismes locaux.

Toutefois, par manque de connaissance sur l'existence des différents services, il est arrivé que des Gatinois aient de mauvaises expériences avec de faux consultants en immigration à Ottawa. Donc, un lien ou un avertissement pourrait être fait avec le registre des consultants en immigration en Ontario afin de tenir compte de la particularité de notre région transfrontalière, où les citoyens naviguent entre les deux rives pour aller trouver les services dont ils ont besoin. Dans le cadre de nos initiatives de collaboration entre Gatineau et Ottawa, un lien entre nos sites Web va être créé et pourrait contenir ces registres afin que les citoyens et les organismes fournisseurs des services aux immigrants en soient informés de façon uniforme.

En conclusion, la ville de Gatineau souhaite arrimer ses pratiques avec celles du gouvernement du Québec en matière de pairage entre les immigrants et les employeurs, ça va nous aider à répondre à nos besoins en matière de main-d'oeuvre. Le projet de loi annonce des améliorations pour notre système d'immigration, constitue une belle occasion de bonifier nos stratégies d'inclusion tout en optimisant la collaboration entre le gouvernement, les villes et les acteurs du milieu. Gatineau est une vitrine sur le Québec et sur son modèle distinct d'immigration, elle doit être exemplaire à ce niveau et doit assurer la rétention des personnes immigrantes qui peuvent contribuer à notre société. Soyez assurés que Gatineau travaillera de concert avec le ministère et ses partenaires pour mettre en place les changements à venir. Merci.

Le Président (M. Picard) : Merci, M. Pedneaud-Jobin. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.

Mme Weil : Oui, merci, M. le Président. Donc, bienvenue, M. le maire, M. Pedneaud-Jobin, et Mme Nunes Cameron. Bienvenue.

Juste deux commentaires. D'entrée de jeu, je voudrais, premièrement, vous féliciter dans le dossier de l'accueil des réfugiés syriens. Vous jouez un rôle formidable, un partenaire fiable comme vous l'avez toujours été en matière d'immigration et diversité mais aussi pour l'immigration humanitaire et la prise en charge. Et vous faites un commentaire aussi dans votre mémoire que, la ville, il n'y a pas juste l'organisme communautaire, là, qui joue un rôle mais aussi la ville, qui veut s'assurer que... l'accueil, l'intégration puis essentiellement la rétention aussi, parce que vous avez la frontière qui est là, et je sais que c'est une situation très, très particulière que vous vivez.

Deuxièmement, je voulais vous dire que M. Robert Mayrand, du SITO, est venu la semaine dernière, et, je dois vous dire, ce sont vraiment de très bons ambassadeurs, hein, pour Gatineau. Ils ont partagé, justement, le fonctionnement et à quel point ensemble, tout le monde ensemble, avec Emploi-Québec, SITO, la ville, vous travaillez tous ensemble pour vous assurer de cette intégration en emploi. Donc, déjà vos chiffres étaient bons, mais là on dirait que tout le monde qui passe par SITO se retrouve en emploi. J'ai moi-même visité à de nombreuses reprises pour signer l'entente, l'entente Mobilisation-Diversité, d'ailleurs une entente qui sera signée sous peu. Alors, je voulais juste vous dire : Félicitations!

Mais vous avez une situation très particulière qui, je pense, exige une attention particulière. Généralement, ça ne semble pas être un problème, mais il y a beaucoup d'allées et venues, hein, entre Ottawa et Gatineau. Alors, on pourra y venir, sur la question de la langue, par exemple, accès à des cours de francisation, et tout ça, il faudra qu'on en discute.

Peut-être, dans un premier temps... Oui, on pourrait aller sur la sélection après, mais vous parlez de l'importance de s'attarder à la question de l'inclusion, de la participation, et tout ça, et c'est vraiment une force que vous avez. Et je ne l'ai pas expliqué ce matin, parce qu'on avait des commentaires de la Centrale des syndicats du Québec, mais je n'ai pas eu le temps d'expliquer, tout ça, c'est dans le projet de loi, puis je pense que les gens peut-être ne s'y attardent pas. C'est dans les fonctions du ministre. Je dis bien «du ministre» parce que c'est un projet de loi pour l'avenir, donc la ou le ministre. C'est vraiment dans les fonctions que c'est décrit.

Donc, on pourrait aller là-dessus tout de suite. On pourra revenir sur le rôle que vous vous voyez jouer en amont autour de la sélection puis de la détermination de vos besoins en termes de sélection, mais peut-être vous entendre sur, par votre expérience et votre vision des choses, le rôle de la ville. Vous l'avez beaucoup expliqué quand même mais parce que c'est tellement central dans votre présentation, et c'est un peu votre marque de commerce aussi, je pense, la ville de Gatineau, une ville de diversité mais qui vit bien sa diversité. D'ailleurs, c'est vraiment un savoir-faire, là, que vous avez, puis concernant le vivre-ensemble, hein? C'est beaucoup ça, votre expertise.

Donc, je voudrais voir comment vous, vous voyez le gouvernement, le rôle qu'on peut jouer avec vous, avec les villes, donc, les villes, sur toute cette question d'intégration, de participation, de rétention de l'immigration. Parce que, la rétention, je ne sais pas si vous avez donné le chiffre, mais vous pourriez peut-être parler de cette question aussi. Ça doit un peu un défi, j'imagine, les gens qui peuvent quitter la ville.

• (17 h 40) •

M. Pedneaud-Jobin (Maxime) : Oui. Il y a beaucoup d'éléments.

Bien, d'abord, je voudrais vous remercier parce que, quand vous êtes passée chez nous et vous avez utilisé le mot «modèle» en parlant du SITO, là, des gens qui étaient déjà motivés et qui faisaient déjà du bon travail étaient encore plus motivés. Alors, merci d'avoir reconnu ce qu'ils font de bien, parce qu'on en est vraiment très fiers. Puis c'est un organisme dont une des principales caractéristiques, c'est vraiment son ancrage avec l'ensemble des partenaires, c'est vraiment tout le monde qui travaille ensemble pour atteindre l'objectif, bien, principal à court terme, c'est-à-dire de travailler. À partir du moment où les nouveaux arrivants peuvent travailler, nourrir leur famille, contribuer, après ça on peut travailler sur beaucoup d'autres choses, mais ça reste pour eux, en fait, et pour nous, là, la priorité. Donc, merci d'avoir eu ces bons mots là.

Le rôle de la ville, pour nous, puis ce n'est pas seulement dans ce domaine-ci, c'est dans beaucoup de domaines, pour nous, les villes, ce n'est plus des administrations simples qui gèrent aqueduc, égout, asphalte, c'est vraiment un gouvernement de proximité qui intègre l'action, qui pourrait intégrer — parce qu'on le fait, mais on pourrait le faire encore plus — intégrer l'ensemble de l'action gouvernementale qui arrive sur le terrain. Puis vous avez parlé des réfugiés. On l'a vu, ça prend une ville, ça prend une autorité locale qui assoit les gens ensemble, qui s'assure qu'on collabore; quand il y a des trous de services, qui peut soit le combler, soit revendiquer pour que quelqu'un d'autre le comble, qui pourrait être un autre gouvernement. Et c'est un peu ce qu'on fait avec les partenaires en immigration, qui fait une partie de notre succès, c'est vraiment cette capacité-là de coordonner l'action, de s'asseoir, d'asseoir les gens ensemble. Ce qu'on a fait avec la ville d'Ottawa cet automne, c'était un peu ça, c'est de dire : Bien, l'immigrant ne voit pas tellement la frontière, il y a des partenaires de chaque côté de la rive qui offrent des services, ce serait intéressant qu'on se connaisse. Puis malheureusement ça n'avait jamais été fait dans les dernières années. Donc, pour moi, c'est vraiment d'intégrer l'action gouvernementale.

Puis je reviens aux réfugiés, là. C'est comme naturel parce qu'il y a à la fois un leadership politique, là, il y a un élu qui est redevable, vers qui les gens peuvent se tourner, il y a un appareil gouvernemental qui est capable d'asseoir les gens ensemble, puis souvent c'est tous des organismes qu'on connaît, Accueil-Parrainage Outaouais, le SITO, Option Femmes Emploi, nommez-les. Tous ceux qui sont... l'éducation, la santé, qui font affaire de près ou de loin avec un immigrant, on est là. Ça fait que, pour moi, le rôle de la ville, c'est vraiment ça, c'est d'intégrer l'action gouvernementale sur le terrain.

Mme Weil : Dans votre mémoire aussi, bon, vous appuyez donc ce système de déclaration d'intérêt, mais vous dites par ailleurs qu'il faut développer d'autres mesures afin de diminuer le taux de chômage des personnes immigrantes. Donc, c'est des mesures comme, par exemple, le rôle de la ville, asseoir tout le monde autour d'une table pour échanger, des organismes comme SITO et les autres? Est-ce que c'est un peu dans ce sens-là?

M. Pedneaud-Jobin (Maxime) : Bien, l'autre élément, c'est l'intégration socioculturelle. On peut cibler l'emploi, mais il y a des codes. Puis je ne veux pas donner... je ne veux pas cibler des communautés particulières, mais, par exemple, on a des anecdotes de gens qui viennent de France, donc qui parlent quand même assez bien le français, et qui ont de la difficulté à s'intégrer dans le modèle nord-américain; dans des cas, des gens qui viennent d'Afrique francophone, ils parlent très, très bien le français, mais qui ont des difficultés à s'intégrer dans nos communautés. Et c'est là, encore une fois, où la ville peut jouer un rôle. On fait toutes sortes d'activités interculturelles, on rassemble les gens. Dans les quartiers, il faut qu'il y ait des activités culturelles, sportives, communautaires où on réussit à, souvent, extraire les gens de leur appartement, parce qu'ils n'ont pas beaucoup de réseau, et les faire participer à la vie de la communauté.

J'ajouterais un élément. On a aussi des services comme, par exemple, nos bibliothèques. Quand on va dans une bibliothèque la fin de semaine ou en fait en plein jour la semaine, souvent la proportion d'immigrants, elle est considérable, parce qu'il y a des ordinateurs gratuits, c'est un service qui est public, ils sont à l'aise, ils sont accueillis par quelqu'un. Bien, si la ville a les ressources pour que les gens qui les accueillent connaissent la situation des immigrants, connaissent les services disponibles et soient capables de les attirer vers des activités communautaires pour briser leur isolement... C'est là où la ville est bien placée pour faire ça.

Mais ça, là, on arrive à la partie plate, c'est que ça prend des ressources. Il faut qu'on forme notre personnel, il faut qu'ils sachent... Des fois, ça va prendre, puis je crois que c'est ce que Montréal veut faire... des fois ça va prendre des gens qui ne font que ça, en particulier dans les bibliothèques. Et ça, pour moi, c'est vraiment utiliser l'espace public, le rôle de la ville puis de l'employé municipal d'une façon intelligente, où on ne multiplie pas nécessairement le nombre d'employés, mais on a quelqu'un qui est en contact direct avec des gens qui ont un besoin et qui sont capables d'y répondre; en fait souvent qui ne savent même pas qu'ils ont un besoin, mais on est capables de les aider.

Mme Weil : Écoutez, je trouve ça intéressant. On n'a pas eu, jusqu'à date, de villes qui ont parlé de cette problématique de codes culturels. Donc, vous dites même, vous, vous le remarquez puis vous avez le souci de trouver des stratégies d'accompagnement pour partager, c'est l'interculturalisme, hein, c'est beaucoup cette approche de dialogue et de participation ensemble, mais même avec des Européens, là, des Français qui... Donc, ce n'est pas une question de langue...

M. Pedneaud-Jobin (Maxime) : Ce n'est pas toujours une question de langue.

Mme Weil : ...pas toujours une question de langue ou de religion, même, c'est vraiment ce que vous dites, c'est des codes culturels. Et donc vous êtes proactifs depuis un certain temps à cet égard, hein, ça fait plusieurs années.

M. Pedneaud-Jobin (Maxime) : Oui. Peut-être que Mme Nunes pourrait donner des exemples de ce qu'on fait.

Mme Cameron-Nunes (Émilie) : Oui. En fait, on a mis sur pied un projet de centre interculturel en collaboration avec les acteurs du milieu de la diversité. Ça, c'est une des initiatives, en fait, qui va être vraiment intéressante parce que les activités offertes au centre interculturel vont être un prétexte pour favoriser le rapprochement interculturel. Alors, à travers du jardinage collectif, à travers de la zumba, à travers n'importe quelle activité, on va offrir un cadre positif structurant pour favoriser le développement de relations harmonieuses à Gatineau.

Il y a toutes sortes de choses qu'on peut penser en tant que ville, offrir un cadre structuré puis optimiser les activités qu'on a. Par exemple, on va avoir une bibliothèque vivante pour sensibiliser la population à la situation des réfugiés. Ça, ça va être fait avec l'UQO. Vous connaissez le concept, c'est que les gens empruntent des livres vivants. Alors, il va y avoir toutes sortes de questions sur c'est quoi, porter le voile, c'est quoi, être musulman, etc.

Alors, si on peut combiner des actions comme ça à d'autres, tel que le jumelage de familles, par exemple, des possibilités de mentorat professionnel, si on peut utiliser chaque occasion qu'on fait pour permettre à la société d'accueil de se rapprocher avec les nouveaux arrivants, je pense que c'est vraiment l'idéal, utiliser des événements qu'on fait comme prétexte pour mettre les gens ensemble puis que les personnes qui viennent d'arriver dans notre société puissent justement se familiariser avec la façon qu'on fonctionne au Québec. Il y aurait ça.

Qu'est-ce qui est ressorti aussi, on a eu une consultation citoyenne à l'automne, et ce qui est ressorti de ça, c'était, oui, bien sûr, la priorité, c'est l'intégration économique mais aussi la capacité de communiquer et l'accessibilité aux services. Ça, c'était une grande problématique. Donc, quand M. le maire vous parlait, tout à l'heure, justement de l'idée d'offrir une espèce de guichet unique... pas un guichet unique mais que les employés de la bibliothèque puissent fournir les informations sur tout ce qui est offert dans la région, ça pourrait répondre aux besoins, ce serait une façon; au centre interculturel aussi, ce serait une façon; notre portail Web, etc.

Si je peux me permettre de répondre à votre question, tout à l'heure, par rapport à la rétention, la problématique de la rétention aussi j'aurais une petite anecdote à raconter. On a une personne qui est passée à travers le SITO qui a fait ses études à l'Université McGill, à Montréal, après ça elle est arrivée à Gatineau, elle a fait la formation préparatoire à l'emploi du SITO qui forme aux codes culturels de la société québécoise, etc., puis elle m'a été référée par le SITO pour notre initiative de collaboration, justement, Gatineau-Ottawa. Alors, c'était la personne parfaite. Elle parle l'anglais très bien, le français un peu moins bien, mais ça va quand même. Donc, je lui ai donné une super référence, mais ce n'était pas possible pour elle d'avoir un emploi à Gatineau parce que son niveau de français écrit n'était pas assez bon. Donc, elle s'est trouvé un emploi comme ça à Ottawa, mais c'est une perte de productivité pour le Québec comme... C'est ça. Donc, c'est un peu un exemple au niveau de problématiques au niveau de la rétention qu'on a.

Mme Weil : J'ai le député de D'Arcy-McGee qui souhaiterait poser une question, M. le Président.

Le Président (M. Picard) : M. le député de D'Arcy-McGee. Il reste trois minutes.

M. Birnbaum : Merci, M. le Président. M. Pedneaud-Jobin, Mme Nunes-Cameron, merci beaucoup pour votre mémoire. Et je me permets de vous féliciter aussi, parce que je trouve ça très intéressant de noter, malgré les particularités de Gatineau — ce n'est pas nécessairement facile, compte tenu de vos voisins juste à côté — que vous avez l'air d'avoir réussi, il y a plein de défis, mais à mettre de l'avant les préoccupations à la fois des immigrants et les compagnies qui risquent de les recevoir, la société qui risque de les recevoir. Il me semble que peut-être on peut apprendre beaucoup de votre modèle.

Vous avez parlé de Toronto et, avant, de la rétention, l'intégration, la francisation. Je comprends qu'il y ait des défis, mais en même temps vous avez l'air d'avoir trouvé des stratégies très intéressantes. J'aimerais vous inviter à élaborer un petit peu, surtout compte tenu du contexte démographique et géographique de Gatineau, de votre expérience en tout ce qui a trait à la francisation, les défis ainsi que les réussites, et comment ce projet de loi risque de faciliter vos efforts.

• (17 h 50) •

M. Pedneaud-Jobin (Maxime) : C'est clairement un enjeu, la francisation. On est peut-être la région après Montréal où l'influence de l'anglais est la plus forte, il y a nos voisins qui sont de l'autre côté qui envoient des messages puissants de ce côté-là, et, pour nous, c'est une préoccupation.

Il y a plusieurs éléments qui font, je crois, qu'on s'en sort assez bien pour l'instant, c'est qu'on n'a pas une concentration à un endroit en particulier de nouveaux arrivants, il y a vraiment, là... dans toute la partie ouest, l'ancien Aylmer, l'ancien Hull. Et on essaie, par des tournées de la ville au complet... Quand on a des nouveaux arrivants, on leur présente l'ensemble de la ville. On essaie qu'il y ait une installation un peu partout dans la grande ville pour que l'intégration linguistique se fasse un peu mieux.

On a vécu un certain nombre de difficultés par rapport aux cours de francisation, notamment de gens qui s'installent à Ottawa, qui veulent venir chez nous mais qui n'ont pas accès aux cours parce qu'ils sont entrés par la voie ontarienne. Et là peut-être que Mme Cameron-Nunes pourrait élaborer.

Mme Cameron-Nunes (Émilie) : C'est ça. Je crois que les gens qui n'ont pas un certificat de sélection du Québec n'ont pas accès à la francisation. Alors, ce qui est ressorti de notre consultation, c'est qu'en fait la francisation devrait être offerte à tous, en fait, peu importe, puis aussi la francisation devrait être plus flexible, plus accessible, la façon que c'est offert.

Par exemple, bien ça, je pense, l'exemple a été cité dans le mémoire, il y a des citoyens gatinois qui vont dans les bibliothèques à Ottawa pour avoir accès à des cours de français parce que c'est style portes ouvertes, les gens peuvent y aller quand ils veulent, c'est gratuit, alors ça répond bien aux besoins.

Il y a aussi quelque chose d'intéressant qui avait été proposé, c'était que des cours de francisation soient plus reliés, en fait, aux professions des gens, donc que ce soit plus relié aux démarches de recherche d'emploi qu'ils font. S'ils peuvent intégrer un groupe de professionnels ou avoir accès à du mentorat professionnel pour que leur vocabulaire soit vraiment axé sur leur emploi, ce serait intéressant. Donc, c'est vraiment à ce niveau-là, je crois, qu'il faudrait peut-être axer le futur.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède la parole à M. le député de Bourget.

M. Kotto : Merci, M. le Président. M. le maire, Mme Nunes-Cameron. De parents ou de culture...

Mme Cameron-Nunes (Émilie) : Oui, portugaise, Nunes.

M. Kotto : Portugaise.

Mme Cameron-Nunes (Émilie) : Cameron, c'est écossais...

M. Kotto : Écossais.

Mme Cameron-Nunes (Émilie) : ...québécois, oui.

M. Kotto : Donc, vous êtes dans un sacerdoce qui vous convient très bien, travailler pour la diversité.

Mme Cameron-Nunes (Émilie) : C'est ça. J'ai vécu en Asie, en Afrique, en Amérique latine...

M. Kotto : Tout à fait. Bien, soyez les bienvenus et merci pour votre contribution à nos travaux.

M. le maire, vous parlez... enfin, vous plaidez pour un rôle accru de la ville pour incarner ou intégrer l'action du gouvernement sur le terrain relativement aux questions d'accueil, de francisation, de logement. Sous quel paradigme idéal voyez-vous ça? Comment fonctionneriez-vous relativement à ce qui se fait actuellement via les organismes communautaires en particulier?

M. Pedneaud-Jobin (Maxime) : Bien, je vois le rôle de la ville essentiellement comme un coordonnateur, comme une espèce de leadership territorial. Moi, je suis dans une position... ou le maire est dans une position pour dire aux gens : On doit s'asseoir, on doit faire quelque chose, donc le maire peut être porteur des objectifs généraux du territoire. Mais on ne fera pas tout nous-mêmes, surtout qu'il va falloir réviser notre fiscalité le plus rapidement possible parce que 87 % de nos revenus, c'est de la taxe foncière, on est supposés offrir des services à la propriété avec ça. Et on se trouve à s'investir dans des domaines, avec joie et enthousiasme, comme la culture, les loisirs, l'accueil des immigrants, mais notre fiscalité n'est pas conçue pour ça.

Mais concrètement vraiment moi, essentiellement, je vois ça comme un rôle de leadership territorial, donc des gens comme Mme Cameron-Nunes qui connaissent les partenaires, qui les assoient ensemble, on se donne des objectifs généraux comme partenaires, et c'est la ville qui, par son leadership, réunit les gens, voit s'il y a des trous de services, voit à ce qu'ils soient comblés par nous-mêmes, ou par des partenaires, ou par les gouvernements, les autres ordres de gouvernement, mais essentiellement c'est ce que j'appellerais du leadership territorial, qui, pour moi, est indissociable de l'autonomie des villes, qui est un autre débat qui s'en vient cette année au Québec, là.

M. Kotto : Et sur le terrain, notamment en matière de francisation, à travers quels indicateurs... On est dans des hypothèses, là, parce que la porte n'est pas encore ouverte à ça, je sais qu'il y a des discussions qui se font, mais, dans la mesure où justement vous incarnez cette action gouvernementale sur le terrain, à travers quels indicateurs pourrait-on, nous, de ce côté-ci, quand la reddition de comptes s'imposera, nous référer afin de prendre la mesure du parcours réussi de l'immigrant ou de l'immigrante?

Mme Cameron-Nunes (Émilie) : O.K. Vous parlez des indicateurs pour la ville comme telle, pour notre...

M. Kotto : Oui, oui.

Mme Cameron-Nunes (Émilie) : O.K. Donc, en fait, moi, la seule information que j'ai eue pour les prochains programmes à venir pour les villes, c'est que le ministère s'enligne vers l'approche des Collectivités accueillantes, puis la ville d'Ottawa a déjà cette approche-là depuis quelques années. Alors, je trouve ça bien intéressant, justement, le fait qu'il y ait des indicateurs comme ça et des mesures de rendement. Par exemple, O.K., au niveau de l'intégration économique, nous souhaitons avoir 10 stages pour des immigrants par année et avoir une augmentation de 5 % d'employés immigrants au sein de la ville d'ici 2020, disons, par exemple. Donc, il y a vraiment des indicateurs comme ça pour chaque action.

Puis ça, ça ferait partie, justement, de notre leadership territorial. On pourrait avoir une forme d'observatoire, un rôle de vigie plus prononcé, les organismes communautaires nous signalent quels sont les mécanismes d'exclusion sur le territoire, quelles sont les problématiques qu'ils ont remarquées, nous, on prend note de ça. Puis on peut mesurer aussi de façon globale, avec le taux de chômage, avec d'autres indicateurs, comment va l'intégration à Gatineau. On peut aussi faire des sondages plus au niveau qualitatif, pour évaluer la qualité des relations interculturelles. C'est comme ça que je vois ça.

M. Kotto : O.K. Les organismes communautaires qui ont une relation privilégiée avec le ministère au moment où on se parle, comment voient-ils la perspective du rôle que vous seriez amenés à jouer dans l'hypothèse où le ministère s'ouvrirait à votre proposition?

M. Pedneaud-Jobin (Maxime) : On est en train de le tester avec la question des réfugiés, et le leadership municipal est tout à fait bienvenu pour toutes sortes de raisons, parce que c'est plus difficile de se chicaner entre eux, parce qu'ils sont des partenaires constants, alors que, si la ville assoit les gens ensemble puis que collectivement on essaie de trouver des solutions, c'est... Le rôle de modérateur, jusqu'à maintenant, est bienvenu.

Mais là je ne peux pas parler pour l'avenir, mais, jusqu'à maintenant, c'est bienvenu. Et ils ne sont pas, individuellement, dans la position de jouer ce rôle-là.

Et, si vous me permettez d'aller un petit peu plus loin sur l'autonomie des villes, c'est un beau cas, le cas de l'immigration. Il y a Québec, il y a Montréal, il y a Gatineau. Après ça, on arrive dans un autre degré d'importance, on vit des choses complètement différentes. Montréal ne peut pas être comparée à Gatineau, certainement pas, mais je dirais qu'on ne peut pas être comparés à Québec non plus. Donc, dans le modèle où Québec s'appuierait sur les villes, ça prend une forme d'autonomie ou de très, très grande flexibilité de la ville, oui, avec des indicateurs en fin de course, mais, pour s'y rendre, il faut vraiment nous donner une marge de manoeuvre assez grande, parce que sinon on n'y arrivera pas... et des ressources. J'insiste pour dire que notre fiscalité n'est pas conçue pour faire ce que je vous dis qu'on aimerait faire.

M. Kotto : O.K. Je voulais vous dire dès le départ que j'ai vécu cinq années, presque cinq ans à Gatineau, parce que je siégeais à la Chambre des communes à ce moment-là, et ce que j'avais effectivement remarqué, c'est que, comparativement à Montréal, par exemple, où les communautés vivent en silo, différents endroits, il n'y a pas de ghetto en tant que tel, mais c'est des silos, je n'avais pas remarqué ça à l'époque. À Gatineau, ça n'a pas changé, si...

M. Pedneaud-Jobin (Maxime) : Ça va bien.

M. Kotto : Ça va bien, O.K. Et la question est en lien avec les deux approches en termes d'intégration. Il y a l'approche dite canadienne, rejetée par Robert Bourassa vers la fin des années 70, début des années 80. Lui, il voulait incarner en Amérique du Nord une approche interculturaliste, donc le vivre-ensemble, si on peut banaliser la chose, comme tel, vulgariser la chose, comme tel. La proximité avec l'Ontario n'a pas encore eu, disons, un effet de contamination avec votre ville relativement à cette approche multiculturaliste au plan de l'intégration?

• (18 heures) •

M. Pedneaud-Jobin (Maxime) : Je laisserais, en fait, des chercheurs répondre à ça et je vous répondrais que, de notre point de vue... Puis, moi, c'est une des préoccupations que j'ai. Il y avait une conférencière qui était venue à Gatineau, il y a quelques années, peu après les émeutes de Montréal-Nord, et elle disait : Une ville peut se concentrer sur l'asphalte, là, mais, quand on se concentre uniquement sur ce que certains appellent nos missions de base, qui, selon moi, sont plus larges, on oublie parfois l'essentiel. Puis l'essentiel, c'est des activités culturelles, c'est des activités sportives, c'est une communauté, utilisons l'expression, tricotée serrée, qui se parle, qui communique. Et, dans la mesure où les nouveaux arrivants s'intègrent dans un quartier comme ça et ont accès à un carnaval, ont accès à un festival du film, ont accès à des potagers ou des jardins communautaires où les gens travaillent ensemble, je ne sais pas ce que ça fait à la fin puis si on parle de multiculturalisme, ou d'interculturalisme, ou de différents modèles, mais ça fait certainement une communauté qui se parle, qui se connaît puis qui est heureuse d'être ensemble.

Puis, pour moi, le rôle de la ville, la ville doit avoir des outils pour faire ça, pour que des gens comme à Montréal-Nord, bien, aient des activités, soient devant une vie communautaire plus intéressante que ce qu'on voyait à une certaine époque, et ça, je pense qu'on réussit, puis je ne veux pas quêter, là, mais on réussit avec des moyens assez limités, là. Nous, c'est deux personnes et demie... je dis «et demie», je ne devrais pas dire ça, mais c'est une secrétaire, c'est du soutien qui s'occupe de la vie interculturelle à Gatineau, là, ce n'est pas beaucoup pour la quatrième grande ville au Québec. Il y a une limite à ce qu'on peut faire avec les ressources qu'on a pour en arriver à des communautés qui vivent bien ensemble.

M. Kotto : ...dans leur diversité, sans se renier, comme tel, mais s'identifiant en un foyer de sens avec une langue, avec des codes, vous parliez des codes.

Le Président (M. Picard) : En terminant, s'il vous plaît.

M. Kotto : Et je voulais juste dire que c'est un incubateur de référence pour l'ensemble du Québec, quelque part.

M. Pedneaud-Jobin (Maxime) : J'ajouterais un élément : Gatineau est une ville de passage même pour les gens qui ont des racines plus profondes, disons. Pour nous, là, le patrimoine, mettre en valeur l'histoire locale, que les noms de rue aient un sens, qu'on parle d'où on vient, c'est encore plus important, parce que ce n'est pas seulement les nouveaux arrivants... c'est-à-dire c'est les nouveaux arrivants mais qui arrivent souvent de Montréal, ou de Québec, ou du Lac-Saint-Jean. Et, oui, ça prend un tronc commun. Les gens n'arrivent pas dans un nouveau quartier, ils arrivent dans un endroit qui a une histoire. Et ça aussi, ça exige, selon moi, des investissements plus importants qu'ailleurs, pour construire ce tronc commun là.

M. Kotto : Merci.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Merci, M. le Président. Madame, M. le maire, merci. Merci pour le mémoire, merci d'être là.

J'aimerais tout de suite aller à la page 7 et parler de francisation. Vous nous en parlez beaucoup puis vous nous arrivez avec des pistes de solution. En fait, vous aimeriez voir certaines modifications aux cours de francisation, naturellement dans le but de les optimiser. Alors, qu'est-ce qu'il faudrait modifier, qu'est-ce qu'il faudrait améliorer, question d'être plus efficace et puis d'avoir encore une meilleure francisation?

Mme Cameron-Nunes (Émilie) : O.K. En fait, il y a différents aspects à tout cela. L'accessibilité, d'ailleurs j'en ai déjà parlé, l'accessibilité, moi, je pense que ça devrait être offert à tout le monde, même si ça fait plusieurs années... Parce que des fois les gens vont commencer tout de suite à travailler, peut-être, en anglais, mais peut-être qu'à temps partiel ils pourraient continuer leur francisation en soirée, les fins de semaine. Donc, multiplier les formes de cours, si on veut, puis peut-être les endroits aussi où c'est offert, ça pourrait être une possibilité.

Aussi, ce qui est ressorti, c'était vraiment d'adapter la francisation ou l'annexer, en fait, aux besoins principaux des personnes immigrantes, c'est-à-dire leur intégration en emploi. Donc, ça pourrait être intéressant peut-être de l'offrir pendant qu'ils font des programmes, justement, de préemployabilité ou même pendant qu'ils commencent un stage en entreprise, plus l'annexer de façon à ce qu'ils voient tout de suite l'application immédiate de ce qu'ils apprennent. En fait, les langues, c'est vivant, hein, alors plus on est dans un contexte réel, plus ça s'apprend rapidement.

Mme Roy (Montarville) : Et, ce que vous dites, vous n'êtes pas les premiers qui nous le dites, alors je voulais seulement qu'on le souligne, là, adapter effectivement les cours aux besoins des gens qui les recevront. Mais ce qui est important, c'est qu'ils les reçoivent, pour les franciser.

Aussi, vous nous dites, l'offre de cours de francisation n'étant pas assez prolongée pour ceux dont la courbe d'apprentissage est plus grande, par exemple les langues asiatiques versus les langues latines, ça aussi, c'est une lacune à laquelle il faudrait s'attaquer.

Mme Cameron-Nunes (Émilie) : Oui, tout à fait. Moi, pour avoir vécu trois ans en Corée du Sud, c'est... Je veux dire, apprendre l'espagnol, l'italien, le portugais, ça se fait comme ça, c'est la même famille de langues, mais, quand tu parles d'une langue complètement étrangère, chaque mot, il n'y a aucun mot qui est commun, la structure est complètement différente, alors c'est vraiment plus difficile, la prononciation, alors il faut être plus indulgent et leur donner... C'est sûr que ça dépend aussi de la motivation des gens, du temps qu'ils ont aussi, mais de base je pense que, oui, c'est beaucoup plus difficile à partir de la langue de laquelle on part, oui, l'apprentissage.

Mme Roy (Montarville) : Donc, on devrait toujours prendre en considération, effectivement, la langue maternelle de l'immigrant qui nous arrive, parce que ce n'est pas vrai qu'on apprend le français dans la même période de temps, pas pour tout le monde, et s'adapter à ces langues qui sont beaucoup plus difficiles, à ces gens qui viennent de pays d'origine où les langues sont plus difficiles... c'est-à-dire, plus difficiles, ce serait difficile pour moi, mais que ce serait plus difficile pour eux de comprendre le français, étant donné qu'elles sont tellement loin, là, les origines de la langue sont tellement loin, donc l'adapter à ça, faire en sorte que ce soit adapté, parce que ce ne l'est pas pour le moment, il y a un délai imparti, là.

Par ailleurs, j'aimerais vous amener... Et vous dites, toujours dans les mêmes pages — et là je suis tout à fait d'accord avec vous — qu'il serait pertinent que des moyens éducatifs permettent l'apprentissage des codes culturels de la société québécoise. Je suis tout à fait d'accord avec vous. J'irais même plus loin, j'irais dire que c'est notre responsabilité, c'est de notre responsabilité de recevoir ces gens et de leur apprendre les codes, et en contrepartie ils auraient le devoir de les apprendre également.

Je vous amène maintenant à la page 9, où vous parlez du taux de chômage. Et il y a une statistique que vous avez mise de l'avant qui, moi, m'a fait sursauter, puis j'aimerais comprendre comment ça se fait, comment vous arrivez avec ces chiffres-là, quelle est la clé du succès. Vous nous parlez des taux de chômage et vous dites, à la page 9 : «Sur ce point, les personnes immigrantes résidant en Outaouais ont un taux de chômage plus faible que celui de leurs homologues de Montréal», alors 8,9 % chez vous contre 13 % pour Montréal. C'est dû à quoi?

M. Pedneaud-Jobin (Maxime) : Bien, il y a plusieurs facteurs. Peut-être que Mme Nunes pourrait élaborer, mais évidemment la présence de l'État... Souvent, les personnes immigrantes arrivent formées, elles ont des formations importantes, elles sont allées à l'école, elles sont motivées, et nous, on a la présence des gouvernements provincial et fédéral — et surtout fédéral — de façon massive. Donc, il y a ça. Il y a des groupes comme le SITO qui fonctionnent, là, qui sont capables d'aider des gens à se lancer en entreprise, qui vraiment les orientent, les accompagnent dans toute cette recherche-là, là, d'intégration au travail, mais on a une économie qui est dynamique depuis 30, 40 ans, à Gatineau, notamment parce que même quand ça va mal, nous, la présence de l'État fait que les crises nous affectent un peu moins qu'ailleurs. Donc, il y a une partie de la réponse qui est certainement là.

Mme Cameron-Nunes (Émilie) : Si je peux compléter, je ne suis pas certaine, il faudrait vérifier, mais je me demande si le fédéral n'a pas une politique d'embauche aussi. Je sais qu'ils ont des stages pour personnes immigrantes, je me demande s'ils n'ont pas des quotas... Ça fait que ça, ça aide, là, c'est ça.

Mme Roy (Montarville) : J'allais poser la question, exactement. C'est un genre de discrimination positive...

Mme Cameron-Nunes (Émilie) : C'est ça, oui.

Mme Roy (Montarville) : ...lorsqu'on a ces gouvernements qui sont près, tout près, à la portée même sur le territoire.

Le Président (M. Picard) : Il vous reste une minute.

Mme Roy (Montarville) : Parfait. Vous parlez également, à la page 9, des besoins, parce que, là, le nouveau projet de loi veut arrimer davantage les besoins de l'industrie, de l'entreprise pour combler des postes qui seront vacants, et vous nous parlez d'un phénomène, à la fin de la page 9, chez vous, les fameux départs à la retraite, qu'il y aura énormément d'emplois à combler. Même si actuellement on pourvoit, on s'attend à ce qu'il y ait une bonne demande. Pouvez-vous un petit peu élaborer, pour le temps qu'il nous reste, là-dessus?

M. Pedneaud-Jobin (Maxime) : Bien, on est une région... on est une ville très jeune, mais on est une ville qui vieillit plus vite que les autres. Donc, au gouvernement fédéral, à la ville de Gatineau, il y a toutes sortes de postes où on commence déjà à sentir le début d'une pénurie, donc l'apport... Moi, c'est une des raisons. Tu sais, la crise des réfugiés, c'est un drame humain auquel on doit répondre pour des raisons humaines, mais, sans vouloir avoir l'air trop content, bien c'est aussi une occasion pour nous, c'est des gens qui sont motivés, qui sont formés puis qui vont nous aider à remplacer notre main-d'oeuvre.

Donc, ce besoin-là va se faire autant dans l'appareil municipal, dans l'appareil gouvernemental que dans nos entreprises. C'est pour ça que ces mesures-là pour faciliter l'intégration et la rétention des nouveaux arrivants sont essentielles pour l'avenir.

Mme Roy (Montarville) : Je vous remercie infiniment.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de notre commission.

Je suspends les travaux jusqu'à 19 h 30, où la commission poursuivra son mandat. La salle va être sécurisée, donc vous pouvez laisser vos documents et ordinateurs. Donc, à tout à l'heure.

(Suspension de la séance à 18 h 10)

(Reprise à 19 h 39)

Le Président (M. Matte) : La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Nous recevons présentement la Fondation de l'entreprise en recrutement de la main-d'oeuvre agricole étrangère, Mme Pouliot, M. Hamel et M. Gibouleau. Alors, actuellement, dans un premier temps, on vous accorde un 10 minutes pour pouvoir faire votre intervention, et par la suite c'est un échange de part et d'autre. Alors, je vous souhaite une bonne soirée et une bonne intervention.

Fondation des entreprises en recrutement de
main-d'oeuvre agricole étrangère (FERME)

M. Hamel (Denis) : Merci, M. le Président. Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, bonsoir. On remercie d'entrée de jeu la commission pour nous donner cette occasion de nous exprimer sur une problématique assez particulière qui est celle des travailleurs étrangers temporaires, essentiellement dans le milieu agricole et agroalimentaire.

• (19 h 40) •

En quelques mots, plusieurs d'entre vous connaissez FERME, nous sommes un organisme de liaison qui assure la venue de travailleurs étrangers temporaires, essentiellement dans le milieu agricole et agroalimentaire. Après 25 ans d'existence, c'est près de 9 000 travailleurs qui annuellement viennent occuper des postes essentiellement dans l'agriculture primaire mais aussi dans la transformation alimentaire et dans quelques entreprises en périphérie du milieu agricole.

Donc, cette présentation-là me permet en même temps de vous présenter l'angle à travers lequel on regarde le projet de loi n° 77 qui est à l'étude ici, donc celui des employeurs ayant besoin de travailleurs étrangers mais sur une base temporaire. La première particularité, c'est qu'il y a un arrimage parfait entre la venue des travailleurs étrangers et les postes qui doivent être comblés dans les entreprises. Les travailleurs arrivent pour une période bien déterminée, sont embauchés et, à la fin de la saison agricole, essentiellement, à la fin du contrat, ils retournent dans leurs pays. Ce sont des emplois qui essentiellement, pour ne pas dire pour la plupart, sont boudés par les travailleurs locaux, d'où la nécessité de recruter à l'étranger; des emplois en région rurale, qui sont peu ou pas desservies par des transports collectifs, donc qui sont difficilement accessibles à des travailleurs établis au Québec.

Ce sont des programmes fédéraux qui existent, pour le plus vieux d'entre eux, depuis 50 ans, fête son 50e anniversaire cette année, donc ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on a besoin de travailleurs sur les fermes. D'ailleurs, le Québec n'est pas un endroit unique dans le monde, il existe des programmes équivalents aux États-Unis, en Europe, en Australie où les employeurs ont besoin de main-d'oeuvre étrangère pour combler leurs besoins en milieu agricole.

Quelques mots sur l'impact économique de ces travailleurs. C'est une masse salariale importante, plus de 100 millions de dollars, une valeur ajoutée de 236 millions de dollars, ce qui fait de l'arrivée des travailleurs étrangers un rouage, je dirais, non seulement important, mais essentiel à l'agriculture du Québec. D'ailleurs, d'après un sondage fait par le CISA du cégep de Victoriaville, 80 % des employeurs du milieu agricole délaisseraient leurs entreprises si ce n'était pas des travailleurs étrangers temporaires. Donc, c'est un rouage essentiel à notre agriculture. Sans travailleurs étrangers, presque pas d'agriculture au Québec.

Lorsqu'on a regardé le projet de loi n° 77, nous nous sommes posé trois questions. D'abord, est-ce que le projet de loi n° 77 offre une place suffisante aux travailleurs étrangers temporaires? Les problèmes qui découlent du Programme des travailleurs étrangers temporaires sont-ils abordés dans le projet de loi? Et enfin quelles seraient les pistes de solution viables et efficaces?

Je vous dirais d'entrée de jeu que les orientations, l'approche générale et le but recherché par le projet de loi n° 77 satisfait les employeurs que nous représentons. C'est effectivement un rouage... L'immigration au Québec comme levier de développement économique, développement des entreprises du Québec, il est fondamental.

Nous nous inquiétons par contre de certaines absences et de certaines dispositions dans le projet de loi. Évidemment, une loi aussi importante que la Loi sur l'immigration n'est pas modifiée très souvent, je crois que la loi actuelle a presque une quarantaine d'années, alors, pour nous, il y avait, je dirais, certaines occasions manquées qu'on aurait souhaité voir dans le projet de loi ou certains éclaircissements qu'on souhaiterait voir dans le projet de loi.

La première place, première chose, premier élément, c'est, finalement, l'absence de la place du travailleur étranger temporaire dans les définitions. On parle d'étrangers qui viennent soit pour des raisons de maladie, soit les étudiants qui viennent au niveau... des étrangers qui viennent dans nos institutions d'enseignement, mais ensuite on regroupe l'ensemble des travailleurs étrangers temporaires sous un seul vocable. Pour nous, c'est une réalité très complexe qui disparaît et qui amène la nécessité de parler explicitement des travailleurs étrangers temporaires. Un travailleur étranger spécialisé, par exemple, qui vient au Québec dans un but éventuel d'immigration est dans une situation bien différente de celle du travailleur étranger temporaire en milieu rural, travailleur généralement non qualifié qui va repartir à la fin de son contrat et qui n'a pas nécessairement l'intention de s'installer au Québec. Donc, c'est deux réalités bien différentes qu'on aurait bien voulu voir apparaître dans le projet de loi.

Il ne faut pas oublier aussi que les entreprises agricoles sont en concurrence, les entreprises agricoles du Québec sont en concurrence dans un marché nord-américain avec plusieurs producteurs américains, du Nord-Est américain, de la Californie et notamment de l'Ontario, alors toutes les dispositions qui compliquent la venue des travailleurs étrangers ou qui ne s'adressent pas spécifiquement à l'arrivée des travailleurs agricoles risquent de nuire à la compétitivité du secteur agroalimentaire québécois. Donc, la première recommandation que nous faisons à la commission, ce serait d'énoncer à l'alinéa 1° de l'article 6... d'identifier clairement les besoins spécifiques en matière d'immigration pour les travailleurs étrangers temporaires.

Le deuxième point que nous avons soulevé dans le projet de loi, c'est la question de la résidence permanente. La lecture que nous faisons du projet de loi semble ouvrir une porte à la résidence permanente pour l'ensemble des travailleurs étrangers temporaires. C'est une solution intéressante, qui mérite qu'on s'y attarde puisque jusqu'à maintenant cette porte était entièrement fermée. Par contre, c'est une solution partielle à un problème fondamental.

La plupart des emplois en milieu agricole sont des emplois saisonniers. La plupart des travailleurs étrangers, qui viennent pour la plupart du Mexique, d'Amérique centrale, ont peu ou pas d'intérêt à s'installer au Québec. Et une fois installé au Québec, par exemple, si un travailleur... Par les lois, notamment les lois d'assurance-emploi, ils sont incités à occuper des emplois à temps plein. C'est sûr que ces gens-là viennent ici, ils veulent faire vivre leur famille et contribuer au dynamisme de l'économie québécoise, donc il y a des fortes chances qu'un travailleur étranger temporaire qui obtient sa résidence au Québec va être plus intéressé à occuper un emploi à temps plein, un emploi peut-être plus proche des centres urbains, plus proche des services, et délaisserait l'agriculture, ce qui fait que, finalement, on n'a pas solutionné le problème, on l'a simplement pelleté par en avant.

Par contre, il ne faut pas fermer la porte complètement. On pense notamment à la question de la relève agricole, pour laquelle il y a des travailleurs étrangers qui seraient intéressés à reprendre des fermes. On pense à des emplois annuels, des emplois sur une base annuelle au niveau de la production en serre, par exemple, la production laitière, dans la transformation de certains fruits et légumes, pour lesquels la résidence permanente apparaît une voie de solution assez intéressante. Par contre, comme je vous dis, on souhaiterait voir une certaine limitation dans le projet de loi... ou peut-être que ça apparaîtra dans les règlements qui suivent le projet de loi, mais que cette solution ne doit pas être vue comme une solution tous azimuts aux problèmes de pénurie de main-d'oeuvre en milieu agricole.

Enfin, le dernier point, c'est la question de la simplification administrative réglementaire. On voit dans le projet de loi plusieurs références à l'établissement de programmes. La situation que les producteurs agricoles vivent au Québec, surtout depuis les trois, quatre dernières années, c'est une complexité extrême et grandissante du fardeau administratif imposé aux employeurs. Une des particularités des travailleurs étrangers temporaires, c'est que ce sont les mêmes travailleurs qui reviennent dans les mêmes établissements année après année. Les producteurs agricoles doivent malgré tout, année après année, passer à travers un dédale administratif de formulaires, d'exigences, qui fait en sorte que la saison des producteurs agricoles maintenant se résume à six mois de production et six mois de paperasserie pour faire venir les travailleurs étrangers. C'est extrêmement lourd, extrêmement difficile pour eux et ça fait planer une incertitude sur l'agroalimentaire, sur l'agriculture du Québec.

On aurait donc souhaité, dans le projet de loi, une ouverture, puisqu'il y a quand même un article, là, qui permet des programmes pilotes, on aurait souhaité voir dans le projet de loi une ouverture vers une simplification administrative réglementaire en ce qui touche les programmes étrangers temporaires. Ceux-ci, il n'y a pas de... La problématique concernant l'arrimage avec le travail, concernant la francisation ne s'appliquant pas, le Québec peut se permettre d'être moins exigeant envers ces travailleurs qui reviennent année après année, surtout lorsqu'on considère la contribution au développement économique du Québec.

Donc, je vous dirais, en conclusion, c'est l'essentiel de notre présentation. Nous sommes convaincus que plus on aura de l'immigration au Québec, plus on aura ciblé, notamment, je dirais, l'immigration ciblée, meilleure sera la santé financière de nos entreprises agricoles. Et, comme ils contribuent énormément au développement économique et aux emplois chez nous, puisque les travailleurs temporaires ne représentent que la moitié des emplois sur les fermes, l'autre moitié, ce sont des résidents, je pense qu'il faut encourager leur venue et faciliter leur venue pour le bien-être de tous. Merci, M. le Président.

• (19 h 50) •

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie, M. Hamel. Avant de céder la parole à la ministre, j'aurais besoin d'un consentement pour poursuivre les travaux au-delà de l'heure prévue, compte tenu que nous avons débuté à 19 h 39. Est-ce que vous donnez le consentement? Ça va?

Maintenant, le temps se répartit de cette façon : le gouvernement, vous avez 16 minutes, l'opposition officielle, 9 min 30 s, le deuxième groupe de l'opposition a 6 min 30 s, et le député indépendant, vous avez trois minutes.

Alors, je laisse la parole à Mme la ministre.

Mme Weil : Oui. Bonjour, M. Hamel, M. Gibouleau et Mme Pouliot. Merci beaucoup de venir ici parler d'un domaine qui est complexe, que peu de gens comprennent mais qui est, comment dire, beaucoup d'actualité.

Il y a la Commission des droits de la personne qui est venue faire quelques représentations, je ne sais pas si vous avez suivi ça, puis je vais vous parler des questions là-dessus, mais peut-être, dans un premier temps, pour qu'on sache de quoi on parle, il y a ces ententes entre le gouvernement du Canada et, bon, le Mexique, Honduras, Guatemala, les Antilles. Donc, c'est des ententes entre deux pays qui font en sorte que ces travailleurs saisonniers agricoles viennent mais qu'ils doivent retourner dans leur pays, hein, parce l'entente, c'est pour les aider à les faire vivre, et ils retournent voir, comment dire... retrouver leur famille et leurs enfants. Donc, ce n'est pas une voie d'immigration temporaire vers le permanent, c'est conçu pour autre chose, et ça, on le comprend. Moi, j'ai souvent... je suis allée sur des fermes, j'ai rencontré surtout des travailleurs du Guatemala, on voit dans quelles conditions ils vivent, etc., et on voit qu'ils reviennent à chaque année, mais ils veulent retourner aussi, retourner voir leur famille. Donc, vous, quand vous parlez... Et leur présence ici est... leur présence dans un temps limité est gérée par le gouvernement fédéral, et c'est une catégorie qui n'est pas nommée dans les catégories d'immigration. Nous, on a tout simplement repris les catégories d'immigration dans notre projet de loi, des catégories d'immigration qui sont reconnues par le gouvernement fédéral.

Quand vous évoquez cette question de transition vers le permanent, vous n'êtes pas en train d'évoquer ces travailleurs saisonniers qui sont ciblés dans ces ententes entre le Canada et d'autres pays... ou est-ce que vous êtes en train de parler de ces travailleurs-là?

M. Hamel (Denis) : Merci de votre question, Mme la ministre, parce qu'effectivement c'est un programme complexe, qui mérite qu'on s'y attarde.

Comme on l'explique dans le mémoire, la plupart, la très vaste majorité des travailleurs saisonniers ne veulent pas rester au Québec. La famille reste dans le pays d'origine. Ils sont très heureux, ils rapportent énormément d'argent chez eux, qui contribue à l'éducation, à la santé.

Par contre, il y a un certain nombre, oui, de ces travailleurs qui souhaiteraient rester ici. Je vais donner l'exemple de l'industrie laitière, par exemple. L'industrie laitière n'est pas une industrie saisonnière, la traite des vaches se fait tous les jours de l'année, et, pour plusieurs producteurs agricoles qui sont en manque de relève, le travailleur étranger pourrait être, par exemple, la voie ou la solution possible à la relève de l'entreprise agricole.

Pour autant que l'emploi soit annuel, c'est-à-dire non saisonnier, je pense qu'il serait intéressant d'ouvrir la porte. Même chose dans les entreprises qui travaillent à l'année, pensons aux productions en serre, par exemple, où ces gens-là doivent venir pour des contrats plus longs, par exemple un an, deux ans, et certains d'entre eux souhaiteraient s'établir au Québec. Mais on parle effectivement d'une très petite fraction des travailleurs qui viennent en vertu de ces programmes.

Mme Weil : Bon, ma compréhension, puis ce n'est pas mon domaine du tout d'expertise non plus, du MIDI, c'est qu'ils sont ici pour un maximum de huit mois, puis c'est des ententes négociées entre le Canada et ces pays. Puis on comprend bien pourquoi, c'est parce qu'ils amènent... Le Canada, en leur fournissant cette capacité de travailler ici, c'est pour aider les familles là-bas. C'est un peu comme un genre de soutien, aide à ces pays-là.

Donc, je ne pense pas que c'est une immigration qui est... Moi, je comprends bien qu'on voudrait garder certaines personnes qui viennent dans le cadre de ces ententes, mais... Je n'ai pas les ententes devant moi, là, mais j'imagine qu'en vertu de ces ententes, si on dit : Maximum de huit mois, c'est aussi par mesure de protection des familles qui sont restées là-bas dans leur pays d'origine. Tout ça, c'est comme des ententes pour, comment dire... de support mutuel, là, parce qu'on a besoin de ces travailleurs agricoles, mais eux ont besoin d'emplois.

Alors, en tout cas, tout ça pour dire que c'est un peu délicat, je pense, de s'aventurer sur... Et on ne pourrait pas, en vertu... nous, le Québec, on ne pourrait pas outrepasser ces pouvoirs-là, de leur offrir la résidence permanente, en vertu... en tout cas, on va regarder tout ça, là, mais en vertu de ces ententes entre le Canada et ces pays.

Sur la question de la protection des travailleurs, moi, quand je... en 2011, on avait amené des mesures additionnelles pour protéger ces travailleurs saisonniers qui sont ici. Je me rappelle même, FERME, je pense, c'est en 2011, quand on a fait la planification pluriannuelle, vous êtes venus pour expliquer les mesures que vous prenez pour bien les protéger. La Commission des droits de la personne a évoqué notamment, par exemple, dans le cadre de cette présente consultation, que certains employeurs décident unilatéralement de retourner les travailleurs dans leur pays d'origine.

Donc, pouvez-vous nous aider à comprendre cette situation, préciser les raisons qui peuvent justifier un tel rapatriement des travailleurs étrangers temporaires, mais peut-être plus largement expliquer les mesures, le souci que vous devez avoir, que vous pouvez avoir de protection de leurs conditions de travail? Quels sont les guides? Nous, on avait développé, en 2011, certaines mesures, mais là on est en 2016. Si vous pourriez me répondre à cet égard, sur la protection de ces travailleurs temporaires. Qui ont un statut précaire, hein? On a nos lois, nos lois ici, au Québec, s'appliquent à ces personnes-là, mais, selon la Commission des droits de la personne et les études que la commission a faites, il reste une précarité, et que le gouvernement du Québec doit avoir le souci et travailler plus fort avec tout le monde, plusieurs ministères, évidemment, le Travail notamment, pour mieux les protéger.

M. Hamel (Denis) : Bien sûr, Mme la ministre, effectivement, vous avez raison, beaucoup de choses ont été faites dans les cinq dernières années.

Au chapitre de la protection comme telle, comme vous le mentionnez avec justesse, tous les travailleurs étrangers sont protégés par les lois du Québec au même titre que les travailleurs québécois, mais on est tout à fait conscients qu'il faut en faire un peu plus. Ces gens-là, pour la plupart, ne parlent ni français ni anglais, ils sont dans une situation plus difficile du fait qu'ils sont à l'extérieur des grands centres. Ils comptent sur l'employeur pour avoir accès aux services de santé, notamment, ou pour avoir accès aux activités qu'ils ont besoin de tous les jours.

Toutefois, comme je vous dis, depuis cinq ans, il y a des mesures qui ont été prises, et c'était une de nos préoccupations, d'ailleurs, de s'assurer que ces travailleurs-là reviennent puis soient bien encadrés, et notre taux de retour de 90 % après années montre que... Je pense qu'il y a un certain succès de ce côté-là.

D'abord, sur la question du rapatriement, il est vrai qu'à la fin d'un contrat l'employeur peut mettre fin au contrat d'un employeur. Par contre, il ne peut pas, comme le prétend la Commission des droits de la personne, qui, respectueusement, n'a peut-être pas suivi le dossier dans les dernières années... Cette autorisation-là est donnée par les consulats, donc c'est les consulats qui autorisent le départ des travailleurs après discussion avec l'employeur, après étude du cas. Donc, on ne peut pas décider unilatéralement, comme ça, de le mettre dans l'avion.

Nous, on a fait un gros travail de sensibilisation avec les employeurs en partenariat avec la Commission des normes du travail. Nous, ça fait la quatrième année qu'on a une entente de collaboration avec la Commission des normes du travail qui se traduit par de la documentation donnée en espagnol à tous les travailleurs, d'une part; deuxièmement, une visite de tous les employeurs, les nouveaux employeurs, par des agents de la Commission des normes du travail. Et on était très heureux d'apprendre d'ailleurs cette année que la Commission des normes du travail donne au milieu agricole la plus haute cote de conformité à la Loi sur les normes du travail de la majorité des secteurs économiques québécois.

Donc, il y avait un problème, et il y a un très gros travail qui a été fait dans les dernières années. On vise, bien sûr, la perfection, on espère y arriver, mais effectivement toutes les notions de rapatriement, d'encadrement des travailleurs ont été resserrées. Et nous, comme organisation, on a pris aussi en charge de bien informer les employeurs, on a adopté un code d'éthique. Les employeurs qui travaillent avec nous s'engagent non seulement à bien traiter les travailleurs, ça va de soi, mais en plus à leur porter assistance et à en faire beaucoup plus qu'auprès de leurs travailleurs québécois.

Je ne sais pas si...

• (20 heures) •

Mme Weil : Mais, par curiosité, est-ce que vous avez parlé avec la Commission des droits de la personne? On dirait qu'il y a comme une distance importante entre ce qu'eux, ils nous ont dit, leur étude, et ce que vous dites. Moi, je savais que j'avais déjà fait du travail en 2011 dans ce dossier-là, je ne savais pas qu'est-ce qui avait changé depuis, mais est-ce que vous avez eu un dialogue avec la commission sur les mesures de protection?

M. Hamel (Denis) : On a déjà eu un dialogue. Notre interlocuteur privilégié est plutôt la Commission des normes du travail, puisqu'ils ont un système d'inspection, ils sont sur le terrain. Il y a beaucoup d'inspecteurs, d'ailleurs, qui parlent espagnol et qui peuvent communiquer avec les travailleurs. J'oubliais aussi notamment, là, de l'information qu'on donne aux travailleurs à leur arrivée à l'aéroport, où on leur donne un numéro de téléphone 24 heures par jour, sept jours par semaine où ils peuvent contacter des services. Mais, avec la commission, on a déjà eu des rapports avec eux, mais pas tant.

Mme Weil : Parce que l'étude de la commission date de 2011.

M. Hamel (Denis) : Exactement.

Mme Weil : Et beaucoup de ces changements ont été depuis ce temps-là? C'est ça?

M. Hamel (Denis) : Ah! oui, oui. Oui, des changements.

Mme Weil : Après les réformes qu'on a amenées en 2011.

M. Hamel (Denis) : On en a tenu compte justement pour corriger les faits, et malheureusement il demeure des perceptions.

Mme Weil : O.K. Vous parlez d'allègement procédural à la page 13 de votre mémoire. Tout en restant dans cette discussion de la protection des travailleurs, selon vous, c'est toujours possible en assurant la protection des travailleurs, l'intégrité du programme.

Quand vous parlez d'allègement procédural, peut-être nous en parler un peu. Qu'est-ce que vous évoquez en parlant d'allègement procédural?

Mme Pouliot (Nathalie) : Bien, écoutez, Mme la ministre, il me fait plaisir de répondre à votre question. L'allègement procédural ferait en sorte de créer un système qui tiendrait compte de la protection des droits à la fois, certainement, des travailleurs et des employeurs mais qui aurait pour effet de créer une autorisation prima facie d'une demande de la part d'un employeur qui année après année revient dans le système et qui est, si vous me permettez l'expression, un copier-coller de la demande de l'année dernière.

Donc, il faut savoir qu'au moment d'émettre une étude d'impact sur le marché du travail les deux paliers de gouvernement, en l'occurrence fédéral et provincial, ont par la loi toujours la possibilité, à tout moment, de réouvrir une enquête, de suspendre une EIMT qui a déjà été approuvée et éventuellement de révoquer une EIMT s'il s'avère que les faits qui ont donné lieu à l'approbation d'abord, en premier lieu, ont changé. Alors, ce qui est ici, ce qu'on propose par «allègement procédural», c'est donc une voie privilégiée, une voie accélérée, si vous voulez, d'une autorisation prima facie qui pourrait durer, par exemple, sur une période de trois ans, donc, dans la mesure où à chaque fois que les choses reviennent, à chaque fois que les choses sont similaires, eh bien, il devrait y avoir en quelque sorte une espèce de sceau de conformité. Et les droits des deux parties seraient constamment protégés parce que tout se ferait toujours à visière levée.

Donc, évidemment, les travailleurs étrangers, dans les programmes que vous avez évoqués plus tôt, sont toujours excessivement intéressés à revenir chez leurs employeurs. D'ailleurs, pour vous donner, en fait, un... pour aller dans l'anecdote, la plupart, sinon la vaste majorité d'entre eux, lorsqu'ils quittent à la fin de leur contrat, vont laisser des effets personnels dans leur logement, dans l'habitation chez leur employeur, parce qu'ils reviennent l'année prochaine. Et c'est cette récurrence-là qui alourdit inutilement le système et qui n'est pas prise en compte par les autorités, parce qu'on refait la même chose à chaque année.

Mme Weil : J'ai ma collègue la députée de Richmond... Mais, juste avant de céder la parole, je comprends très bien ce que vous proposez. On va faire de notre mieux, on va proposer ça au gouvernement fédéral, j'espère que vous allez proposer ça au gouvernement fédéral, mais je trouve que c'est une excellente idée. Et on m'a confirmé que les gens veulent revenir, surtout lorsque les conditions sont favorables. Et le Canada ou le Québec, dans ce cas-ci, aurait une bonne réputation, dépendant... ou une ferme en particulier acquiert une bonne réputation dans un village, hein, c'est ça qu'on nous dit, puis les gens reviennent.

Mme Pouliot (Nathalie) : Tout à fait, tout à fait.

Mme Weil : Merci beaucoup.

Le Président (M. Matte) : Mme la députée de Richmond, vous avez deux minutes.

Mme Vallières : Merci, M. le Président. Salutations, madame messieurs. Merci de me laisser ce temps de parole.

Je voulais revenir avec vous sur ce que vous indiquez comme étant une préoccupation par rapport aux résidents, les travailleurs temporaires saisonniers. Je pense qu'il faut plutôt le voir peut-être d'une autre façon puis que c'est un enjeu pour vous, mais que ça peut être quand même un côté positif. On peut démontrer, à ce moment-là, que l'intégration se fait bien de par l'emploi, on parle de l'occupation du territoire également.

Ce qui m'amènerait à vous poser comme question... parce qu'il y a des entreprises en serriculture dans le comté de Richmond, que je représente, mais plutôt pour vous entendre sur votre difficulté d'attraction, non pas de rétention de cette main-d'oeuvre-là mais d'attraction, dans un premier lieu, et les efforts que ça demande aux entreprises quant à tout ce qui a trait aux ressources humaines mais, par la suite, à la formation également. Donc, je pense que c'est important de comprendre ce détail-là, qui n'en est pas un pour vous, mais pour comprendre cette demande de récurrence à accueillir des gens qui sont déjà venus et qui auraient un intérêt à revenir, là.

M. Hamel (Denis) : C'est une question qui mériterait une réponse très, très longue. Oui, effectivement, la récurrence fait en sorte que... Vous pouvez difficilement imaginer toutes les embûches administratives qui se dressent devant les employeurs à chaque fois, à chaque année qu'ils ont besoin de travailleurs agricoles. Les exigences sont nombreuses, légitimes, la qualité du logement notamment, être capable de démontrer d'abord et avant tout que les emplois occupés par les travailleurs étrangers ont été offerts d'abord à des Canadiens, et c'est tout à fait normal, mais, lorsqu'il y a reconnaissance explicite de pénurie de main-d'oeuvre dans le milieu agricole, cette démarche devient un petit peu ridicule. Vous savez, il faut annoncer en octobre...

Le Président (M. Matte) : Il faut conclure, M. Hamel, le temps est écoulé.

M. Hamel (Denis) : D'accord. Il faut annoncer en octobre des emplois qui vont être occupés à partir du mois d'avril. Alors, une partie de la paperasserie est tout à fait inutile et inutilement lourde. Mais, les emplois, on en a besoin, et les travailleurs étrangers viennent avec enthousiasme. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Matte) : Merci, M. Hamel. Je céderais la parole au député de Bourget.

M. Kotto : Alors, Mme Pouliot, M. Hamel, M. Gibouleau, soyez les bienvenus et merci pour votre contribution dans le cadre de ces travaux.

J'aimerais creuser un peu plus pour ma compréhension personnelle et probablement celle de celles et ceux qui nous écoutent — j'espère qu'ils sont nombreux à cette heure-ci. En ce moment, le fardeau administratif dont vous parlez, est-ce que, dans le passé — et, si oui, depuis combien de temps? — vous l'avez évoqué auprès des autorités québécoises et fédérales?

M. Hamel (Denis) : Oui. Le fardeau s'est considérablement alourdi depuis 2013. Il existait, mais, pour autant que les employeurs avaient une certaine prévisibilité, on pouvait passer à travers. S'y prendre deux ou trois mois à l'avance pour faire venir des travailleurs agricoles, c'était faisable.

Dans les trois dernières années, ça s'est considérablement alourdi, et mettons ça sur la faute du gouvernement fédéral, puisque c'est lui qui est le maître d'oeuvre de toutes les mesures d'immigration. On parle d'émission des visas et aussi des normes entourant le programme avec le Mexique et avec l'Amérique centrale.

Donc, oui, nos représentations ont été faites depuis le début à tous les niveaux administratifs et politiques, tant à Ottawa qu'à Québec.

M. Kotto : O.K. Et, hypothèse d'école, si le Québec avait pleine maîtrise de sa gestion de l'immigration, pleine maîtrise d'oeuvre au Québec, est-ce que vous pensez que ce genre de complications... Et on a vu les histoires d'horreur qui se sont avérées avec les blocages d'Ottawa. Si Québec avait pleine maîtrise d'oeuvre en ces matières, est-ce que vous pensez que ces dossiers se géreraient avec plus de fluidité?

M. Hamel (Denis) : Écoutez, loin de moi d'être un expert en politique et de pouvoir présumer quel...

M. Kotto : ...on est dans l'administratif, pas dans le politique.

• (20 h 10) •

M. Hamel (Denis) : Au niveau administratif, il y a une réalité qui est tout à fait incontournable qui est celle du traitement différent que vivent les producteurs agricoles du Québec par rapport à ceux des autres provinces canadiennes, et c'est une source de frustration. On comprend les fondements, mais on comprend difficilement pourquoi les producteurs du Québec doivent payer ou écoper de cette situation.

Le gouvernement canadien a mis de l'avant une mesure accélérée pour le milieu agricole, pour les employeurs qui ont des travailleurs dans le milieu agricole. Ce traitement accéléré là est disponible pour tous les producteurs agricoles du Canada, à l'exception de ceux du Québec. En Ontario, ça prend deux semaines, avoir une autorisation du gouvernement canadien pour avoir un travailleur étranger. Au Québec, c'est 12 semaines, et ça pénalise les producteurs.

Pourquoi? Est-ce la double juridiction? C'est ce qu'on nous dit des fois. Est-ce le fait que les employés du gouvernement fédéral qui traitent les dossiers au Québec ont une approche différente de celle des autres provinces? Probablement aussi. C'est difficile de cerner, de mettre le doigt sur le problème, mais, chose sûre, la dualité que nous vivons actuellement pénalise.

M. Kotto : O.K. Je reviens également sur un autre sujet que vous avez abordé avec la ministre, c'est la perception ou les interprétations de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Ses récriminations, selon ce que je viens de comprendre, reposent sur des faits avérés au tournant des années 2010‑2011, mais la commission se tient, là, on est en 2016. Qu'est-ce qui peut avoir motivé, selon vous, ou alimenté la lecture qu'ils ont faite des conditions de travail de ces travailleurs saisonniers pour l'exprimer ici?

M. Hamel (Denis) : Je vous dirais, la perception est alimentée par le passé et par des situations qui ont cours notamment aux États-Unis. On voit régulièrement des reportages de comment les employeurs traitent les travailleurs mexicains aux États-Unis, et on est à des années-lumière de la situation qui se passe au Québec.

L'amélioration, elle est venue... D'abord, c'est un autoexamen de la situation. Mettez-vous à la place, M. le député, d'un employeur québécois qui a absolument besoin de travailleurs étrangers pour faire fonctionner son entreprise, puisque la main-d'oeuvre locale n'est pas au rendez-vous. Le travailleur étranger vient année après année faire fonctionner l'entreprise, assurer, donc, des emplois, la croissance de l'entreprise. Quel est l'intérêt de l'employeur de mal le loger, de mal le traiter, de le faire travailler des heures impossibles?

La collaboration entre les employeurs et les travailleurs a largement évolué dans les dernières années et justement par des mesures proactives qui ont été prises par les employeurs, notamment ce rapprochement avec la Commission des normes du travail, s'assurer que... Il fallait être, dans le fond, beaucoup plus... Justement à cause de la perception, il fallait aller beaucoup plus loin au niveau de la conformité réglementaire. Cette prise de conscience là a donné lieu à un changement important sur le terrain.

C'est déplorable que la commission n'ait pas suivi cette évolution-là, mais fort heureusement la Commission des normes du travail, elle, l'a suivie.

M. Kotto : Merci. Je n'ai pas d'autre question, M. le Président.

Le Président (M. Matte) : C'est bien, merci. Maintenant, je cède la parole à la députée de Montarville, Mme Roy.

Mme Roy (Montarville) : Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, je voudrais faire mes excuses à la ministre, à la commission, au président et aux invités, j'avais un petit retard. J'étais en réunion. Ce n'est pas une excuse, ce sont les faits. Alors, je tenais à vous le dire. Alors, excusez mon retard.

Le Président (M. Matte) : Vous êtes pardonnée.

Mme Roy (Montarville) : C'est pour que vous le sachiez, c'est important. Je le regrette, on a fait retarder les travaux.

Maintenant, madame messieurs, bonsoir, merci d'être là. J'ai lu votre mémoire et je crois comprendre effectivement qu'on est ici dans une double juridiction, là, parce que ces travailleurs-là ne sont pas couverts pour la grande partie du projet de loi n° 77 qui est sous nos yeux, là, c'est ce que je semble comprendre.

À la lecture de votre rapport, à la page 10, cependant, en toute fin, il y a quelque chose qui a attiré mon attention, puis je suis surprise. Vous nous parlez du prêt de travailleurs, le prêt de travailleurs d'une entreprise agricole à une autre est formellement interdit. Est-ce que vous me dites que c'est quelque chose qui se fait actuellement, dont les entreprises auraient besoin de le faire ou... On nous parle du prêt de travailleurs, et, sachant qu'il y a des impacts pour l'employeur, à certains moments il pourrait ne pas y avoir de travail à fournir, alors que quelqu'un d'autre aurait besoin de main-d'oeuvre... Pouvez-vous élaborer? Parce que, de un, c'est une notion... c'est la première fois que j'en entends parler.

M. Hamel (Denis) : C'est effectivement une obligation dans le contrat, chaque travailleur est associé à un lieu de travail et ne peut pas aller travailler dans une autre entreprise. Dans un secteur aussi sensible aux aléas de la température que le milieu agricole, c'est une contrainte importante.

Une entreprise agricole peut avoir des fois des travailleurs en surplus, et, son voisin immédiat, il va lui manquer des travailleurs. Il est tout à fait illégal de prêter des travailleurs, même si le gros bon sens nous dit : Voyons! il pourrait aller travailler à côté! Si des inspecteurs du gouvernement fédéral passaient cette journée-là, l'employeur serait privé de son droit de faire venir des travailleurs étrangers.

Donc, c'est effectivement dans la constitution même du programme fédéral qu'il est interdit de le faire, et c'est déplorable d'enlever cette flexibilité-là alors que l'entreprise en aurait vraiment besoin.

Mme Roy (Montarville) : Plus loin vous poursuivez en disant : «Rien qu'en 2014, les retards dans l'émission des visas ont causé aux producteurs agricoles du Québec des pertes évaluées à plus 50 millions de dollars.» Comment vous arrivez à ce chiffre-là? Comment pouvez-vous dire ça?

M. Hamel (Denis) : C'est une estimation basée sur le nombre de jours perdus multiplié par la valeur moyenne de la récolte récoltée par un travailleur étranger à ce moment-ci de la saison, basé par des estimations d'agroéconomistes, là, qui travaillent pour l'association des producteurs jardiniers, des producteurs maraîchers du Québec notamment, donc, parce qu'il y a eu à peu près 350 travailleurs, près de 50 000 jours perdus à cause des délais administratifs, et des récoltes ont été perdues dans certains... Dans certaines régions du Québec, c'étaient des champs entiers qui n'ont pas été récoltés.

Mme Roy (Montarville) : Quand vous parlez de délais, puisque c'est un genre... il y a une juridiction un peu mixte, parce que le gouvernement du Québec a un peu à voir dans ce dossier mais très peu, selon ma compréhension des choses... On lit plus loin dans votre mémoire que vous nous dites : En Ontario, ça peut prendre quelques semaines, alors qu'ici ça en prend 12. C'est dû à quoi? Est-ce qu'on peut alléger quand même pour que... Est-ce que le Québec peut faire quelque chose à cet égard-là?

M. Hamel (Denis) : Le Québec peut faire quelque chose, comme ma collègue, Mme Pouliot, le proposait tantôt, d'avoir un système de reconnaissance automatique ou... selon une période de temps et bien normé, on ne cherche pas à se substituer aux normes ou se défiler des normes, mais d'avoir des autorisations sur des périodes de trois, quatre ou cinq ans, un peu comme notre passeport maintenant est rendu valide pour 10 ans, avec une procédure simplifiée. C'est la même approche qu'on recommande pour les employeurs. Si on avait ce système-là, ça nous permettrait très probablement, selon notre connaissance du dossier et des exigences administratives, de rentrer dans le canal de simplification offert par le gouvernement fédéral aux producteurs agricoles des autres provinces.

Mme Roy (Montarville) : Vous abordez brièvement la question de la langue française, de la francisation. Lorsqu'ils sont ici, ces travailleurs-là, qui sont ici vraiment pour une période très, très précise, déterminée, pour un contrat d'emploi et retourner à la maison, il n'est pas question de francisation, il n'y a pas de cours. C'est uniquement en socialisant avec les gens, j'imagine, qu'on peut arriver à se comprendre et à parler.

M. Hamel (Denis) : Effectivement, dans leur métier, ils n'ont pas à apprendre le français. Certains le font de bonne foi et simplement pour améliorer les contacts avec la communauté. Dans certaines régions du Québec, ils sont 2 000, 3 000, et puis, je dirais, même ça contribue à l'hispanisation de certains villages, et les employeurs apprennent l'espagnol au même titre que certains travailleurs parlent français. De façon générale, ils ne le font pas, mais on a des belles expériences même de travailleurs qui ont marié des Québécoises.

Mme Roy (Montarville) : Je vous remercie infiniment. Merci.

Le Président (M. Matte) : Merci. Je céderais la parole au député de Mercier.

• (20 h 20) •

M. Khadir : Merci, M. le Président. D'abord, bienvenue. Vous aussi, c'est un horaire, j'imagine, exigeant pour vous, là, de venir témoigner ici, à Montréal, en fin de... je dis «à Montréal»... à Québec en fin de soirée.

Je voudrais vous demander, parce que... Bien, d'abord, une chose : Québec solidaire est tout à fait conscient des difficultés que connaît le secteur agricole en raison d'importantes transformations de nos sociétés, de nos régions, de la culture, de l'agriculture, qui fait en sorte que vous faites face à des problèmes, notamment la pénurie de main-d'oeuvre, et vous avez besoin de soutien. Alors, c'est sûr que moi, j'aurais souhaité qu'on ait plus de temps pour qu'on parle du genre de chose que pourrait faire le gouvernement, par exemple en incitant Hydro-Québec à offrir de meilleurs tarifs à nos entrepreneurs agricoles comme on le fait avec des grandes multinationales internationales et dont les contrats sont même... on n'a même pas accès pour savoir combien de réduction on leur accorde. Où on peut voir un gouvernement qui accorde des hausses de revenus aussi importantes de rémunération à des médecins, de plusieurs milliards de dollars, comment ça se fait qu'on ne trouve rien pour un meilleur soutien ou un meilleur accès à certains marchés, que le gouvernement ait des politiques d'achat public pour ses écoles, pour ses hôpitaux, qu'il soutienne...Donc, il y a toute une série de mesures qui pourraient être faites qui pourraient donner de la vigueur et un souffle au secteur agricole. Malheureusement, ce n'est pas au rendez-vous. Vous n'avez pas le même lobby que les Bombardier ou... bon, on pourrait nommer la liste, ou les banques, qui ont obtenu 800 millions de cadeau il y a quelques années, bon, il y a toutes sortes de rabais fiscaux qui leur ont été accordés qui ne vous ont pas été accordés.

Ceci étant dit, ce qui nous intéresse, d'un point de vue social, nous, Québec solidaire, c'est aussi la protection des travailleurs. Alors, je suis sûr que vous êtes tout aussi, disons, soucieux que les pratiques soient les meilleures possible pour que ce ne soit pas entaché d'irrégularités ou de choses que les gens ne peuvent pas accepter. Alors, qu'est-ce que vous suggéreriez? Est-ce que c'est des campagnes de sensibilisation auprès des travailleurs quant à leurs droits? Est-ce que c'est une meilleure politique de francisation? Est-ce que c'est permettre leur syndicalisation ou, comme la Protectrice du citoyen le suggérait, qu'ils ne soient pas obligés de résider... Quelles seraient les mesures que vous-mêmes, vous proposeriez pour améliorer la protection des travailleurs étrangers?

Le Président (M. Matte) : M. Hamel, vous avez 40 secondes pour répondre à la question.

M. Hamel (Denis) : Bon, je vais donc faire vite. Oui, écoutez, beaucoup a été fait, il y a certainement d'autres choses à faire. Je crois que, la communication avec les travailleurs, avec la fusion maintenant de la Commission des normes du travail avec la commission de la santé et sécurité au travail, notre programme va s'élargir, va permettre donc un meilleur accès ou une meilleure connaissance, pour les travailleurs étrangers, des programmes qui sont mis à leur disposition par le gouvernement du Québec. Une formation que l'on fait déjà : à l'accueil à l'aéroport, systématiquement les travailleurs sont rencontrés, un par un, à l'aéroport, par nos services de façon à ce qu'ils connaissent très bien leurs droits. Les employeurs connaissent très bien leurs droits et leurs obligations.

L'information est la clé. On pourrait, je pense, étendre encore notre gamme de services, mais déjà avec les progrès qui ont été faits dans les cinq dernières années je suis très confiant qu'on est sur la bonne voie. Et cette préoccupation-là demeurera, de toute façon.

Le Président (M. Matte) : Et, sur ceci, je vous remercie de votre participation, Mme Pouliot, M. Hamel et M. Gibouleau.

Je vais suspendre les travaux afin de permettre au prochain groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 20 h 22)

(Reprise à 20 h 25)

Le Président (M. Matte) : Eh bien, je souhaite la bienvenue aux représentants du réseau des forums jeunesse de la région de Québec. Je vous invite à vous présenter, et vous avez 10 minutes pour faire votre exposé. On vous demande de vous présenter.

Réseau des forums jeunesse régionaux du Québec

M. Risso (Santiago) : Ce ne sera pas long.

Mme Côté (Florence) : Oui, bonjour. Florence Côté, présidente du Forum jeunesse de la région de la Capitale-Nationale.

M. Risso (Santiago) : Santiago Risso, président du Forum jeunesse de l'île de Montréal.

Le Président (M. Matte) : Eh bien, vous avez 10 minutes pour nous exposer... et par la suite c'est un échange de part et d'autre. Merci.

Mme Côté (Florence) : Merci. Bonsoir. Puis merci d'avoir invité les forums jeunesse régionaux à donner leur point de vue sur le projet de loi n° 77 sur l'immigration.

Les forums jeunesse régionaux, rappelons-le, c'est des organisations qui sont présentes dans toutes les régions administratives du Québec depuis le tournant des années 2000. C'est des organisations composées de jeunes de 12 à 35 ans qui travaillent sur la représentation jeunesse, le rôle conseil en matière de jeunesse, la concertation des organismes jeunesse et la promotion de l'implication sociale dans les régions administratives du Québec.

On est d'autant plus heureux et légèrement surpris d'avoir l'occasion de nous exprimer ce soir que notre financement a été coupé en avril 2015. Malgré tout, on continue nos activités comme on peut. Et on est regroupés au sein d'un nouveau projet national, Citoyenneté Jeunesse, qui a les mêmes objectifs globaux et les mêmes sensibilités pour la participation citoyenne et qui est présentement en évaluation au Secrétariat à la jeunesse. En attendant, on est fiers de vous présenter ce soir le fruit des réflexions des jeunes du Québec, de toute la province et de toutes les origines, sur l'immigration au Québec. On va s'attarder plus particulièrement sur la reconnaissance des acquis et des compétences, la francisation, l'intégration et l'éducation.

Je m'appelle Florence Côté, comme je l'ai dit, je suis présidente du FJRCN. Je suis aussi, parallèlement, externe en médecine, en stage de chirurgie pour l'instant, et membre du conseil d'administration et du comité exécutif de l'Université Laval.

M. Risso (Santiago) : Bonsoir, tout le monde. Bonsoir, M. le Président. Bonsoir, Mme la ministre. Bonsoir, chers membres de la commission. Comme je disais tantôt, mon nom est Santiago Risso, président du Forum jeunesse de l'île de Montréal, et je suis aussi membre du conseil d'administration de Concertation Montréal et du comité organisateur pour les Jeux du Québec à Montréal 2016. Je suis très honoré d'être ici ce soir, oui, en tant que président du forum et porter la voix des jeunes Montréalais mais surtout en tant... plus personnel. Vous avez remarqué, là, avec mon accent. Je ne suis pas une minorité visible, je suis une minorité audible, comme on dit.

Une voix : ...

M. Risso (Santiago) : Merci. Donc, moi-même, en tant qu'immigrant, je suis arrivé au Québec à l'âge de 15 ans. Donc, je suis vraiment honoré de participer ce soir, apporter au projet de loi.

Donc, pour commencer, nous aimerions remercier le gouvernement de la reconnaissance, en fait, des projets pilotes comme moyen d'amélioration continue du programme d'immigration, on trouve que c'est une excellente idée.

Par contre, on aimerait savoir si le gouvernement, il a l'intention de consulter la population pour la mise en place et imaginer ces projets-là. Les forums jeunesse, on est prêt à aider à consulter les jeunes, les jeunes immigrants surtout, on vous propose en fait d'inclure les jeunes immigrants dans l'élaboration des projets. Donc, les forums jeunesse, on peut vous aider. On a déjà pas mal d'expertise en consultation. Notamment, le Secrétariat à la jeunesse nous a mandatés de faire la consultation pour Destination 2030, donc on parle de renouvellement de la politique jeunesse en 2013.

• (20 h 30) •

Mme Côté (Florence) : Attardons-nous maintenant sur le processus que vivent les immigrants avant d'arriver au pays. C'est vraiment important pour les immigrants de recevoir des réponses qui soient véridiques puis claires à leurs questionnements, puis c'est pour ça qu'on est contents de voir le désir d'encadrement des conseillers en immigration. Les conseillers sont encadrés beaucoup au niveau du Canada, par loi canadienne de l'immigration, surtout depuis 2011, mais on est très contents de voir que le gouvernement québécois a aussi la sensibilité de s'attarder à cet enjeu-là. L'avis qu'on a déposé — un peu tard, c'est vrai — aborde le cas des universités puis des autres organismes avec une expertise pour certaines catégories d'immigrant, mais les universités semblent déjà avoir débuté un bon dialogue à cet effet-là avec le gouvernement, avec un rapport en construction, donc on va seulement se limiter, ce soir, à réitérer l'importance pour nous d'une information de qualité mais aussi obtenue avec une certaine efficacité.

De la même manière, la vision des immigrants est souvent erronée, avant leur arrivée, en ce qui a trait à la reconnaissance des acquis puis des compétences. Le gouvernement semble, encore une fois, avoir une certaine sensibilité à cela avec l'article 108 du projet de loi. Donc, on va réitérer l'importance de travailler activement avec les associations d'employeurs, les ordres professionnels et les établissements d'enseignement postsecondaire pour avoir des lignes directrices claires puis uniformes pour la reconnaissance des acquis puis des compétences.

À l'arrivée, maintenant, le lieu de résidence puis la langue sont des pierres angulaires de l'intégration des immigrants. Pourtant, il semble y avoir d'abord une certaine métropolisation des arrivants. Entre 2010 puis 2014, c'est plus de 75 % des immigrants qui se sont établis dans la région élargie de Montréal, qui comprend aussi Laval puis Longueuil, alors que pourtant la revitalisation des régions semble être un bon objectif du gouvernement avec le projet de loi. On se demande comment assurer une bonne répartition avec la banque de candidats qui est annoncée avec le projet de loi. Ce qu'on propose, c'est un plan pluriannuel avec des discussions qui soient faites d'avance avec les MRC, les municipalités et les employeurs de chacune des régions. Les forums jeunesse ont des bons liens avec les municipalités puis les régions administratives du Québec, puis on se propose également de participer à ces discussions-là parce qu'on trouve important que d'avance il y ait des lignes directrices établies pour assurer la régionalisation de nos immigrants.

Ensuite, par rapport à la francisation, on sait que, dans les dernières années, la proportion d'allophones qui ne participent pas aux cours de francisation à leur arrivée, dans les deux premières années, est passée de 40 % à 60 % des allophones, et plus de 50 % de ces gens-là sont des anglophones. Les critiques entendues par rapport aux cours de francisation eux-mêmes ne sont, selon nous, pas à prendre à la légère. On parle de la taille des classes, de plusieurs niveaux de français regroupés dans une même classe, d'enseignants contractuels ou de matériel désuet. Quand on sait que, depuis 2012, c'est 10 % du budget du MIDI puis 2,7 % des sommes en francisation, en 2014‑2015, qui ont été amputés, on peut comprendre une partie du problème. Le Devoir d'aujourd'hui titrait d'ailleurs Francisation en entreprise — Québec ampute son aide de moitié. On y parlait du fait que la CPMT, qui par le fonds de la loi du 1 % finançait jusqu'à dernièrement un OBNL appelé Formation de base pour le développement de la main-d'oeuvre pour assurer la francisation des employés en même temps qu'ils soient employés, la CPMT, donc, n'a plus l'argent pour le faire, étant donné que le surplus de 96 millions des quatre dernières années du fonds de la loi du 1 % est écoulé. La CPMT s'attend à ce que le MIDI prenne la relève. Puis on sait que c'est utile, ce genre de formation là, parce que, pour beaucoup d'immigrants, le travail puis l'argent, la subsistance passent avant l'apprentissage de la langue à l'arrivée. D'autant plus que la raison évoquée pour la diminution des budgets était la diminution du nombre d'immigrants, mais que parallèlement on assure que le projet de loi va permettre d'augmenter le nombre d'immigrants puis de réfugiés dans les prochaines années, les forums jeunesse souhaiteraient donc une priorisation de la francisation accompagnée d'une augmentation des sommes allouées à cet effet.

En entrevue, également, la ministre parlait de possibilité de passe-droits pour commissions scolaires anglophones sur l'île de Montréal pour les réfugiés syriens ou encore de passe-droits pour des travailleurs qui seraient en demande. Selon les forums jeunesse, ce n'est pas la bonne voie à emprunter pour éviter une ghettoïsation des immigrants à leur arrivée et pour protéger la langue française au Québec.

M. Risso (Santiago) : Concernant la participation citoyenne, les forums jeunesse, on croit que la participation citoyenne, en fait, c'est vraiment la clé de l'intégration pour les jeunes immigrants. Cette intégration-là doit être au coeur des préoccupations pour le développement social, économique et culturel du Québec. Les jeunes immigrants d'aujourd'hui et de demain auront un poids assez considérable dans le futur ou dans les années qui s'en viennent, étant donné le contexte sociodémographique, en fait, de la société. Il faut prendre en charge l'intégration afin de réduire les impacts négatifs dans le futur.

Pour les forums jeunesse, l'intégration va au-delà de l'insertion professionnelle. Nous devons porter une attention particulière au rapprochement interculturel et à la connaissance de la culture québécoise, ce qui n'est pas tout à fait acquis en ce moment. On sait que 30 % des immigrants allophones montréalais étaient en situation de rétention culturelle, c'est-à-dire qu'ils n'adoptent pas la langue, ni les coutumes, ni la culture, ni les habitudes de vie de leur société d'accueil, et ça, à long terme, si on y pense, il y a des répercussions dans les deuxième et troisième générations d'immigrants aussi, donc leurs enfants.

Alors, les forums jeunesse, nous croyons que la favorisation de la participation citoyenne chez les jeunes immigrants et leur intégration dans les milieux décisionnels sont essentielles à l'intégration. Un, la participation citoyenne est l'expertise des forums jeunesse depuis plus de 10 ans, donc nous connaissons très bien les impacts positifs chez les jeunes. La participation aux actions locales et régionales crée un sentiment d'appartenance aux communautés. Par exemple, les lieux d'implication comme les forums jeunesse et d'autres organisations de jeunes proposent en fait un transfert des connaissances entre d'autres cultures et entre les Québécois de souche.

Mais il faut aller plus loin et au-delà des échanges interculturels, il faut que les immigrants aient l'opportunité et la chance de s'impliquer concrètement dans leur nouvelle communauté. Un exemple, le projet Prends ta place dans ta communauté, développé le Forum jeunesse de l'île de Montréal, valorisait le leadership des jeunes des communautés culturelles, c'est les jeunes qui mettaient en place des projets, qui les imaginaient, qui faisaient tout le processus et les mettaient en place; valorisait leur leadership et créait un sentiment d'appartenance chez les jeunes.

Concernant l'implication des immigrants dans les lieux décisionnels, la question ne doit pas seulement venir des immigrants, il ne faut pas que ce soit seulement une initiative de l'immigrant d'aller quand il a envie d'aller vers les milieux décisionnels, mais les institutions doivent, elles aussi et surtout, s'ouvrir à la diversité. La participation des minorités visibles qui occupent une place dans les conseils d'administration est de seulement 7,3 %, le gouvernement doit se doter de procédures claires et précises pour les instances décisionnelles afin de favoriser la place de la diversité dans les C.A. Par exemple, la majorité des provinces ont adopté la politique «se conformer ou se justifier» afin de favoriser la place des femmes au sein des conseils d'administration. Donc, on croit que c'est une politique qui peut s'appliquer très bien à la diversité culturelle.

Le Président (M. Matte) : ...rapidement, le temps est écoulé.

M. Risso (Santiago) : C'est excellent parce que j'allais conclure, justement. Dans le projet de loi, on parle, en fait, qu'on ne parle pas assez, puis dans la société en général on ne parle pas de l'approche intersectionnelle, en fait. Nous recommandons donc qu'une importance particulière soit accordée à cette sensibilisation-là puis à la sensibilisation de la diversité culturelle, par exemple, dans les programmes d'éducation au secondaire.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie. Et je cède la parole à la ministre pour 16 minutes. Mme la ministre.

Mme Weil : Oui. Bonjour et bienvenue, Mme Florence Côté et Santiago Risso. Merci beaucoup d'être présents. La voix des jeunes, c'est un privilège pour nous, vous représentez l'avenir, et c'est intéressant d'avoir votre point de vue.

Alors, je vais vous amener directement sur une recommandation que vous faites, que je trouve vraiment intéressant, et on pourrait voir ce qu'on pourrait faire avec ça. Vous parlez d'un plan pluriannuel régionalisé. Alors, on a beaucoup parlé ici, en commission parlementaire aussi, lorsqu'on a fait notre consultation en janvier, comment faire en sorte que la sélection reflète vraiment les besoins mais régionalisés, et donc il y a le projet de loi n° 71, en même temps, qui procède, et la Commission des partenaires du marché du travail va être capable d'avoir un portrait régionalisé. Puis l'intention, la vision, c'est vraiment d'amener les gens directement en région, basé sur les besoins puis cette présélection où on invite les gens qui ont le profil, qui répondent à ces besoins.

Maintenant, j'aimerais vous entendre un peu plus mais... Votre recommandation, on parle qu'un effort particulier soit mis dans la régionalisation de l'immigration — maintenant on parle d'immigration en région, on a décidé lors de cette consultation que c'est une expression qui est un peu plus dynamique — en prévoyant des plans pluriannuels d'intégration basés sur les besoins de chaque région et des employeurs qui la composent. Peut-être juste nous en parler un peu, de cette idée qui est nouvelle.

Mme Côté (Florence) : Oui, bien, en fait, l'idée vient en partie d'un autre questionnement qu'on avait, qui était à savoir s'il allait y avoir un moyen de rétention une fois que les immigrants seraient rendus dans la région. Est-ce qu'il est possible, est-ce qu'il est souhaitable de mettre un certain nombre d'années où les immigrants devront rester? En même temps, si on conçoit qu'ils vont s'en aller dans une région particulière parce qu'il y a un besoin pour eux puis il y a un emploi qui peut les attendre puis des intérêts qui peuvent être là, ça peut déjà être un bon moyen, là, de rétention des immigrants dans les régions.

L'idée de plans pluriannuels basés sur les besoins de la région vient entre autres aussi de discussions qu'on a eues avec la Fédération québécoise des municipalités. On a lu leur mémoire, on a discuté avec eux, on sait qu'ils sont passés ici puis que c'était quand même une sensibilité qu'eux avaient, là, de dire qu'ils peuvent être des interlocuteurs privilégiés, là, mais pour aller chercher un objectif global pour chacune des régions du Québec par rapport à l'immigration. Ça fait qu'on pense qu'il y a de tous côtés un intérêt pour la chose. De notre côté, c'est certain qu'on pense que d'avoir des immigrants qui vont se retrouver dans les régions directement va permettre, tu sais, d'éviter la passoire montréalaise, qui semble retenir beaucoup d'immigrants, puis surtout justement d'aller chercher un intérêt préalable, là, de savoir que ces gens-là ne vont pas arriver complètement perdus au milieu du Saguenay à ne pas parler un mot de français.

L'autre chose, c'est que, si on pense à les amener en région d'emblée, la plupart, présentement, là, des immigrants qui s'en vont dans les régions éloignées sont jeunes et ont déjà une certaine francophilie, si ce n'est francophonie. Donc, en s'attendant à envoyer plus d'immigrants en région, on va s'attendre à envoyer plus d'allophones en région, puis je pense qu'il faut aussi rappeler, justement, là, notre désir de prioriser la francisation puis l'accès aux cours, notamment en région.

Mme Weil : Bien, c'est intéressant parce qu'il y aura une autre consultation qui va venir, on va être pas mal occupés dans cette commission, c'est la planification pluriannuelle. Et, lors de cette planification, qui se fait tous les trois ans, quatre ans, on regarde le volume d'immigration qu'on cherche et la composition de l'immigration, mais on pourrait — puis là j'ai mes collègues qui sont devant moi, voir leur réaction — on pourrait introduire cette notion, qui est différente, et de voir ce qu'on pourrait faire avec ça. Alors, on vous inviterait à revenir lors de la consultation...

Mme Côté (Florence) : Avec plaisir.

• (20 h 40) •

Mme Weil : ...parce que ça peut être vraiment quelque chose de dynamique qui serait différent de ce qu'on fait d'habitude. Normalement, c'est vraiment le volume, puis on est dans les 50 000, etc. Puis, bon, c'est progressif, puis on parle de la composition, puis on parle des talents qu'on recherche avec une proportion, etc. Mais, étant donné cette réforme et un mode de sélection qui est très différent, qui met les régions en amont avec nous, on pourrait essayer d'intégrer cette notion, parce que ce que vous faites ici, ça rejoint ce que la politique vient faire, et on a eu beaucoup cette discussion avec des acteurs, les élus, des villes, des régions, des MRC, c'est qu'on ne peut pas réussir l'immigration en région si on ne travaille pas en amont et en aval et on travaille l'intégration, la participation. Donc, peut-être un plan fait en sorte, régionalisé, où tout le monde dans une région s'attarde, les MRC, pour assurer d'un milieu accueillant, hein, on a parlé avec Gatineau de tous ces sujets-là, des milieux accueillants... Donc, je retiens cette idée.

Oui, j'aimerais vous... Les projets pilotes, vous dites que c'est important de consulter les jeunes par rapport aux projets pilotes. Moi, je suis très réceptive à cette idée, là aussi, quelque chose à développer. Les projets pilotes, ça, c'est vraiment quelque chose qui intéresse, je dirais, à peu près tous les intervenants, toutes les régions, parce qu'il y a beaucoup de possibilités de tester des idées sans faire en sorte que tout le système soit nécessairement axé sur une idée, donc on est réceptif. Je ne sais pas si vous en particulier, vous avez des idées là-dessus, mais essentiellement votre message, c'est que les jeunes puissent être consultés lorsqu'on prépare ces projets pilotes.

M. Risso (Santiago) : Essentiellement, oui. L'idée première, c'est qu'on soit consultés, que les jeunes soient consultés, surtout les jeunes immigrants. Ça, c'est une étape des projets. C'est sûr que, oui, c'est vrai, on n'a pas besoin de réinventer la roue à trois boutons, comme votre collègue disait l'autre fois, mais il y a déjà des projets qui ont déjà été mis en place. Entre 2009 et 2014, les forums jeunesse, avec les anciens fonds d'investissement régional jeunesse, on a mis en place une quarantaine de projets sur l'immigration, donc on a déjà plus d'une centaine de partenaires avec qui on travaille, donc nous, on propose... L'idée, c'est de mettre tous ces acteurs-là sur la même table, assis sur la même table pour imaginer ces projets-là.

Mme Weil : Très bien. Je voulais juste vous donner un chiffre qui va vous donner une autre image de l'immigration maintenant, là, mais c'est des chiffres de 2012. En 2012, 80 % des immigrants, en 2012, donc, étaient soit francophones soit des enfants scolarisés, donc, nécessairement en français, comme vous avez vécu peut-être, scolarisés... — non, pas vous? Ah! bien bravo, hein, vous avez bien réussi votre francisation! — ...

M. Risso (Santiago) : Merci.

Mme Weil : ...ou ils sont en francisation. Donc là, le verre est beaucoup plus plein que ce qu'on pouvait imaginer. Et, depuis ce temps-là... Parce que, quand on parle de cette étude de 2012, ça peut prendre jusqu'à trois ans avant que la personne qui a été sélectionnée arrive, hein, trois ans, là. Donc, les critères de sélection, depuis 2009, ont changé quand même. Le recrutement dans les bassins francophones, on a d'ailleurs entendu Montréal International qui a bien parlé de ça, on recrute dans des bassins francophones, la France, les pays du Maghreb, l'Afrique francophone, c'est des bassins importants, ou francotropes, beaucoup en Amérique latine, qui fait en sorte que 90 % des requérants principaux... On parle dans la catégorie des travailleurs qualifiés.

Ceci étant dit, il faut travailler les 15 %. Ça peut être des gens du regroupement familial, ça peut être des... Essentiellement, on doit mieux comprendre le phénomène, et donc, je pense, des études en temps continu, en temps réel toujours pour alimenter nos politiques publiques.

Donc, j'apprécie vos commentaires sur cette question de francisation, parce que vous parlez de participation, de rétention, de tout ça, la langue, c'est peut-être... Je pense que vous le comprenez bien, la langue, c'est peut-être le premier facteur d'intégration, hein, pour pouvoir travailler, participer à la société. Donc, peut-être vous entendre un peu plus sur cette question importante, on en a beaucoup parlé en commission parlementaire. J'ai une collègue aussi qui a, je pense, des questions et je ne veux pas prendre trop de temps, là, mais peut-être évoquer rapidement...

Mme Côté (Florence) : Je peux y aller rapidement. Je pense que vous faites bien le tour de la question, là. On est contents d'entendre que 80 % ou plus sont déjà francophones, là. Ce qu'on aurait voulu peut-être rajouter, puis je vais juste revenir sur quelque chose que j'ai dit tantôt, pendant la présentation, mais qui ne se retrouve pas dans le mémoire parce qu'on l'a travaillé surtout aujourd'hui en lisant l'article du Devoir, mais c'est la francisation en milieu de travail, parce c'est quand même vrai que beaucoup de gens vont arriver puis avoir comme priorité de s'installer, avec un certain montant d'argent pour faire vivre leur famille, puis tout ça, puis ces travailleurs-là vont avoir de la difficulté à en même temps avoir des cours de français. Donc, on trouverait quand même important, maintenant que le CPMT n'a plus le 96 millions de surplus sur quatre ans à dépenser, entre autres, là-dedans, que le MIDI puisse s'engager, là, à combler ce manque-là.

M. Risso (Santiago) : Rapidement, par rapport à la francisation, ce n'est pas juste une nouvelle façon de communiquer avec l'autre, mais c'est l'ouverture, justement, à une nouvelle culture. Donc, oui, c'est essentiel à l'intégration.

Mme Weil : Mais en fait c'est 85 %. J'ai peut-être dit 80 %, mais c'est 85 %. Alors, la députée de Richmond voudrait poser des questions.

Le Président (M. Matte) : Je cède la parole à la députée de Richmond.

Mme Vallières : Merci, M. le Président, bien aimable à vous. Salutations, Mme Côté, monsieur également. Tout un plaisir pour moi de pouvoir vous voir dans le cadre de cette commission parlementaire. On se reverra certainement dans d'autres dossiers également.

Je voulais parler... faire un petit peu de pouce sur l'immigration en région. Vous avez parlé de rétention, moi, je pense que c'est le coeur de la solution qui est là. Pour vivre moi-même en région, avoir des amis issus de l'immigration mais en connaître d'autres également qui connaissent certaines difficultés, je suis à même de constater qu'on a une problématique particulière quant à la rétention des gens que l'on finit par attirer chez nous.

Vous avez parlé, oui, de francisation, de l'adéquation formation—main-d'oeuvre également, mais j'aimerais ça savoir, à travers le réseau des gens que vous côtoyez, à travers les consultations que vous avez faites également pour le projet Citoyenneté, les jeunes en immigration... ou des jeunes issus de l'immigration, eux, vous disent quoi. Est-ce qu'il y en a que vous avez rencontrés qui ont été de ces jeunes qui sont repartis vers Montréal? Et j'ai l'impression qu'on a beau parler de francisation, de main-d'oeuvre, mais il y a quelque chose d'autre qui se cache derrière ça. Puis est-ce que, dans vos réseaux, vous avez pu discuter avec de jeunes immigrants qui auraient pu faire état de leurs expériences personnelles, peut-être?

Mme Côté (Florence) : Veux-tu commencer?

M. Risso (Santiago) : Je peux commencer. En fait, on n'a pas vraiment eu cet écho-là au niveau des jeunes, mais on pourrait aller... effectivement ce serait intéressant d'aller plus en avant. Je pense, cette question-là est très... ça ne s'applique pas juste aux jeunes mais à l'immigration en général, là, je pense que c'est le problème, en fait, en immigration au Québec. C'est sûr que c'est plus rassurant, pour un nouveau arrivant, d'arriver quelque part où il sait qu'il va côtoyer des gens qui font déjà partie de sa communauté, donc c'est rassurant, surtout quand on ne parle pas la langue. Donc, oui, la francisation...

Et je pense qu'il y a aussi tout le préalable dans la sélection des immigrants, l'importance de bien informer les immigrants aussi où est-ce qu'ils s'en vont, c'est quoi, les possibilités qu'il y a aussi autour d'eux. Qu'est-ce que j'ai entendu de façon plus informelle, c'est qu'il y a des gens en Europe, mettons, qui vont dans des séances d'information pour immigrer au Québec, puis on lui dit que, bien, voici, en médecine il y a beaucoup de travail au Québec, et ce n'est tout à fait pas le cas, là, donc...

Mme Côté (Florence) : Bien, également, vous repreniez ce qu'on disait par rapport à la main-d'oeuvre, par rapport au français, mais il ne faut pas aussi oublier toute la partie sur la participation citoyenne. Je pense qu'une bonne manière d'intéresser quelqu'un à un milieu d'accueil, c'est de sentir qu'il a une importance puis qu'il peut participer à faire grandir ce milieu-là. Puis je vais paraphraser Mme la ministre à l'École d'été de l'Institut du Nouveau Monde de cet été qui disait que renforcer le sentiment d'appartenance puis l'implication citoyenne des jeunes immigrants est un élément clé pour contrer la radicalisation, mais, j'ajouterais, également pour assurer la rétention de cet immigrant-là dans son milieu d'accueil.

Mme Vallières : Vous m'ouvrez la piste sur la participation citoyenne aussi, où j'avais une question. Vous en parlez énormément. Par rapport aux jeunes, on a, dans les différents écrits ou propositions que vous avez déjà faites, des idées sur comment amener davantage de jeunes en participation citoyenne, mais, encore là, spécifiquement, parce qu'on est ici pour parler d'immigration, est-ce que ces mêmes mesures là tous azimuts, peu importent les jeunes, vous croyez que c'est suffisant pour inclure sur des instances décisionnelles des jeunes issus de l'immigration aussi ou vous croyez qu'il faudrait faire un pas de plus pour cette catégorie de Québécois, de nouveaux Québécois chez nous?

• (20 h 50) •

Mme Côté (Florence) : Je pense que l'inclusion des jeunes, des jeunes immigrants, de toutes les catégories sous-représentées dans les milieux décisionnels peut se faire en deux étapes, puis on les aborde toutes les deux, là, dans notre avis puis dans nos vies en général, mais la première serait quand même la formation, parce que, même si juste s'impliquer dans un milieu décisionnel forme, en soi, c'est sûr que, pour avoir le courage d'y aller puis pour aussi avoir une bonne réception de notre implication, c'est utile d'avoir une formation de base. Ça, ça se fait par l'implication dans des milieux qui sont peut-être plus accueillants et plus formateurs, par exemple... là, on prêche pour notre paroisse, mais par exemple dans les forums jeunesse, là.

Mais une fois que ça, c'est fait, une fois que la formation est arrivée puis qu'il y a une certaine base, là, ensuite, il faut qu'il y ait quand même un incitatif des deux côtés pour aller chercher une place dans un milieu décisionnel. Ce qu'on mentionnait tantôt, entre autres, c'est l'intérêt qu'on trouve dans le programme, là, «se conformer ou se justifier», qui parle en fait de la place des femmes dans les conseils d'administration des sociétés cotées en bourse au Canada, puis ça pourrait être quelque chose à aborder aussi pour d'autres minorités, là, par exemple pour les jeunes, par exemple pour les jeunes immigrants, par exemple pour les immigrants. Donc, l'idée, là, c'est de dire qu'il y a des politiques qui doivent être mises en place dans chacun des milieux, puis il doit y avoir des objectifs mis en place, puis à chaque année ou périodiquement il faut que la compagnie justifie soit l'atteinte ou pas de ces objectifs ou la présence ou non d'une politique. Donc, ça commence soft, dirons-nous, au lieu de mettre une discrimination positive d'emblée ou quelque chose de plus dur, sauf que ça fait une bonne prise de conscience. Comme première étape, on trouvait ça intéressant.

Puis on a vu, d'ailleurs, pour les femmes, là, en ce qui a trait à ce projet-là, que, dans la dernière année, la proportion des femmes sur les sociétés cotées en bourse, les 500 plus grosses sociétés cotées en bourse au Canada, est passée de 17,1 % à 19, 5 %. Quand même, 2 % en une année, avec un programme qui vient tout juste d'arriver, on trouvait ça intéressant.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie. Maintenant, j'inviterais le député de Bourget à prendre la parole pour 10 minutes.

M. Kotto : Merci, M. le Président. Mme Côté, M. Risso, serait-ce indiscret de vous demander vos âges respectifs?

Mme Côté (Florence) : J'ai 23 ans.

M. Kotto : Wow!

M. Risso (Santiago) : 29 ans.

M. Kotto : Wow! Je suis impressionné par votre maturité intellectuelle. Vous êtes deux beaux modèles, vous nous inspirez, c'est ce que je me disais tout au long des échanges que vous venez d'avoir avec la ministre. Et je suis bien heureux d'avoir entendu et reçu tous les commentaires que vous avez pu exprimer ici et j'abonde dans le sens de la totalité du contenu de ce que vous avez présenté, là, ce soir.

Mais je vais insister sur quelques aspects de vos commentaires. En liminaire, vous avez abordé la question du sécateur de l'austérité. Vous avez été victimes. Quels vont être les impacts ou quels seraient les impacts potentiels à ces coupures relativement à vos activités?

M. Risso (Santiago) : Vous avez le temps?

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Risso (Santiago) : Quels sont les impacts? C'est sûr qu'au début ça a été très démobilisant. Pourquoi? Parce qu'on a continué à se mobiliser quand même, suite à réflexion, parce qu'on trouvait la pertinence des forums jeunesse puis on y croit vraiment.

C'était quoi, les impacts? Les impacts, c'est, oui... Parce que les forums jeunesse, c'est deux choses : c'est une école de gouvernance, premièrement, et, deuxièmement, c'était un moteur économique de développement aussi pour les jeunes Québécois. Avec le financement qu'on a perdu, c'est tout le financement qu'on donnait aux organisations aussi, c'est les organisations qui venaient cogner à notre porte pour avoir du financement, avec notre philosophie de par et pour les jeunes, c'est-à-dire qu'on générait des emplois aussi pour la jeunesse et on permettait aux jeunes d'imaginer des projets et les mettre en place, puis on était très innovateurs dans notre façon de faire parce que ça permettait aux jeunes vraiment de... ou à une organisation qui venait de démarrer, on aimait ça prendre des risques puis dire... on croyait à une organisation puis on donnait l'argent, dire : Vas-y, allez-y, puis après cette organisation-là était capable d'aller chercher d'autres bailleurs de fonds. Le meilleur exemple, c'est Clip 514, ça appartient à Montréal. Aujourd'hui, c'est Clip seulement, c'est partout au Québec, c'est Fusion Jeunesse qui le porte. Ça, c'est un très bel exemple aussi. C'est la mort aussi d'Électeurs en herbe, un très beau projet en participation citoyenne.

Comme je disais aussi, on était un acteur en développements de toutes sortes. Pour chaque dollar que les forums jeunesse investissaient, c'était 3 $ qui revenait à la communauté. Donc, tout ça, c'est perdu. On pourrait parler tellement longtemps...

Mme Côté (Florence) : Bien, ce qui reste, ce qui se maintient sans le financement qu'on avait pour financer à notre tour, je dirais que c'est la jeunesse mobilisée, là. Dans la plupart des régions où il y avait des forums jeunesse, les forums jeunesse persistent et continuent leurs activités. Je vous dirais qu'il y a beaucoup d'espoir de la dernière chance dans ces efforts-là, on compte encore sur une reconnaissance du gouvernement renouvelée et possiblement un financement également qui... celui qu'on demande est quand même moins élevé que celui qu'on avait, mais, en attendant, on continue de travailler, on continue de parler entre nous, de faire des actions, de faire des ateliers, de mobiliser autour de nous.

On a, par exemple, sans aucun financement, fait l'élection fédérale de l'automne 2015, on a fait des simulations électorales dans plein d'écoles secondaires au pays. On a fait des formations en participation citoyenne. On en fait une samedi prochain à des jeunes ambassadrices du programme EAU Nord dans la région de Québec.

Donc, les projets continuent mais ils sont plus difficiles sans argent. Donc, on attend encore la réponse du Secrétariat à la jeunesse.

M. Kotto : Merci. Maintenant, je reviens sur les projets pilotes. Vous en avez parlé avec la ministre, mais vous suggériez une consultation publique dans la mesure où ces derniers seraient envisagés par la ministre et le ministère. Quelle en est la pertinence, selon vous? Je fais l'avocat du diable.

M. Risso (Santiago) : Quelle est la pertinence? Bien, je pense surtout aux régions, ça peut donner justement l'opportunité que ces projets-là, étant donné qu'ils vont être... S'ils sont pensés et conçus par des jeunes immigrants qui ont vécu tout ce processus d'immigration là, bien peut-être ça va être plus facilitant, et on va avoir des réponses de justement comment mieux intégrer les jeunes en région, tout simplement.

M. Kotto : Vous avez... Oui?

M. Risso (Santiago) : ...c'est le simple fait de la démocratie, écouter la population et les jeunes.

M. Kotto : Cela sous-entend cela. Ceci sous-entend cela.

Vous avez rappelé une citation de la ministre que j'ai beaucoup appréciée sur la question du sentiment d'appartenance. À cela, j'accolerais le sentiment d'acceptation aussi, et tout ça dans le sens de cet impératif de rapprochement interculturel.

On vit dans un univers hypermédiatisé, vous le savez. Il y a des faisceaux de communication très puissants, notamment la télévision, le cinéma, la publicité, le théâtre, du moins tout ce qui est visuel, qui véhicule des modèles d'identification, des modèles de référence qu'on peut adopter parce qu'ils nous ressemblent et ils nous rassemblent.

Or, des pans importants de la population, et ceci, j'en parle de la perspective de la diversité, des pans importants de la population ne sont pas représentés, ne sont pas incarnés à travers ces faisceaux culturels.

Est-ce que, de votre point de vue, et j'en parle parce que vous êtes la génération de l'imagerie populaire... Est-ce que, de votre point de vue, il serait important d'explorer des avenues pour inscrire dans la psyché collective cette représentation diverse afin de faciliter effectivement l'objectif qui vous passionne tant, c'est-à-dire le rapprochement interculturel?

Mme Côté (Florence) : Oui, je pense que ça va de soi. On l'aborde un petit peu dans la dernière partie du mémoire, dans la recommandation 8, considérant qu'il faut que ça commence tôt, que l'exposition à ce genre d'images là aussi commence tôt. Il nous semblait que le programme d'éducation secondaire était un bon endroit pour commencer... bien, en fait, pour aller plus en profondeur dans une réflexion de ce genre-là.

On aborde aussi dans cette partie-là le principe d'intersectionnalité, qui est relativement nouveau dans la psyché collective mais qui consiste à prendre en compte les mécanismes d'articulation des différentes logiques de domination qui s'opèrent à partir des construits sociaux tels que le genre, l'ethnicité, la race, l'orientation sexuelle. Donc, c'est de dire qu'en plus d'aller chercher une manière d'intégrer, par exemple, quelqu'un qui vient de la communauté d'Haïti, on va également chercher à aller accommoder la personne qui vient aussi de la communauté LGBT en Haïti. Donc, c'est d'aller concevoir que l'expérience est différente selon beaucoup d'aspects, y compris l'immigration, y compris le genre et toutes ces autres choses en même temps.

Puis donc on parle du programme d'éducation secondaire, mais évidemment ça se décline dans tous les aspects de la société, sauf qu'au secondaire, présentement, on a quand même les futurs dirigeants, les futurs ordres professionnels, les futurs professionnels, employeurs, donc c'est sûr que de commencer le plus tôt possible puis de la manière la plus large possible nous semblait une avenue à privilégier.

M. Kotto : Merci pour votre contribution. Merci. Merci, M. le Président.

• (21 heures) •

Le Président (M. Matte) : Merci. Je cède la parole à la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président. Madame monsieur, merci. Merci pour votre mémoire, que je lis et que j'annote.

Vous avez des préoccupations qui rejoignent les nôtres, là, de façon très directe. Quand vous nous parlez des régions qui sont délaissées, du français qui est délaissé, de la ghettoïsation, des choses auxquelles il faut s'attaquer, qu'il faut prévenir également, ça nous touche.

Quand vous nous donnez des chiffres... Et je pense que je vais faire une petite lecture ici pour les gens qui nous écoutent, parce que force est de constater que la grande, grande, grande majorité des immigrants s'en vont vivre à Montréal, et ce serait bien qu'ils aillent vivre un petit peu partout pour qu'on puisse en bénéficier, bénéficier de leur expertise, les franciser comme il le faut et puis préserver notre langue française. Alors, pour les gens qui nous écoutent : «Alors que tous s'entendent pour dire que les régions du Québec se vident et ont besoin d'être revitalisées, les nouveaux arrivants de la province se dirigent en très grande majorité vers la métropole et ses environs. Ainsi, entre 2010 et 2014, des [263 000] immigrants, 70,5 % se sont dirigés vers l'île de Montréal — c'est énorme, là, c'est sept sur 10 — 8,4 % [vers] la Montérégie, 5,7 % [...] Laval, 4,9 % se sont installés dans la région de la Capitale-Nationale — Québec — et une poignée seulement dans les autres régions du Québec. Par exemple, à l'autre extrême, on compte 0,6 % [dans] la Mauricie et 0,5 % [dans] le Centre-du-Québec.» Alors, on comprend ici votre préoccupation puis on le voit avec les chiffres que vous nous soumettez, merci de nous les soumettre. Et, tout comme vous, nous croyons qu'il faut absolument que les immigrants aillent tout partout et pas uniquement à Montréal.

Par ailleurs, la francisation, extrêmement important, ça passe par là. J'aimerais vous amener à la page 9. Vous soulevez quelque chose d'important, vous nous dites que récemment une étude... Bien, je commence à la 8, mais je vais aller à la 9, là, dernière ligne du 8 : «Récemment, une étude du Laboratoire de recherche sur la santé et l'immigration de l'UQAM révélait pourtant que 30 % des immigrants allophones montréalais étaient en situation de rétention culturelle, c'est-à-dire qu'ils n'adoptent pas la langue, les coutumes, la culture ou les habitudes de vie de la société d'accueil.»

Alors, pourquoi ça se passe? Qu'est-ce qu'il faut faire? C'est vraiment ça qu'il faut s'attaquer, là, et je suis tout à fait d'accord avec vous à cet égard. Donc, pourquoi il y a ce 30 % qui est en rétention culturelle? Que faut-il faire?

M. Risso (Santiago) : Pourquoi, je pense qu'il faudrait faire une étude approfondie là-dessus, mais qu'est-ce qu'on pourrait faire, c'est qu'est-ce qu'on propose, c'est de mettre en place des projets surtout en participation citoyenne, c'est de créer un sentiment d'appartenance chez les jeunes. Et puis il faut évidemment qu'ils soient en contact avec d'autres jeunes, des Québécois de souche, si on veut, pour qu'ils se sentent partie de la chose. Donc, nous, c'est ça qu'on propose, c'est utiliser la participation citoyenne comme excuse d'intégration puis de francisation aussi, en même temps.

Mme Roy (Montarville) : ...à une certaine époque, vous savez que c'était ça aussi, les immigrants arrivaient puis ils allaient à différents endroits, le gouvernement les plaçait à différents endroits. J'ai un très, très bon ami à moi italien, parents italiens qui sont arrivés ici après la Deuxième Guerre, qui sont allés dans un coin francophone, et tout le monde est français, et cet ami-là parle maintenant français, italien, espagnol. Donc, c'est vers ça qu'il faut tendre. Et à une certaine époque ça se faisait, mais il faut aller, naturellement, délicatement, avec délicatesse, ne brusquer personne.

Mais, les propositions que vous mettez sur la table, là, j'en suis. Je n'ai pas beaucoup de critiques à formuler, parce que c'est vraiment par l'intégration, par la participation citoyenne, par l'implication de la communauté... Alors, tout ce que vous dites là, ça coule de source, là.

Alors, je tiens à vous remercier pour votre participation, merci de vous être déplacés. Et puis en espérant qu'on puisse continuer la réflexion, comme Mme la ministre le disait, à l'égard des régions, parce que je pense que c'est excessivement important. Ça va garder la vitalité de la langue française, et les immigrants deviennent des atouts et des Québécoises, des Québécois à part entière. Puis je pense qu'il y a plein de monde qui sont... plein de gens qui sont prêts à les accueillir à bras ouverts, justement, dans toutes les belles régions du Québec. Ça fait que merci pour votre participation.

Le Président (M. Matte) : Alors, je tiens à vous remercier pour votre contribution, ça a été très apprécié.

Et je mets fin à cette séance, là, de la commission, qui ajourne à 21 h 4, et la commission ajourne ses travaux à mercredi le 10 février 2016, après les affaires courantes, vers environ 11 h 15. Merci et bonne soirée.

(Fin de la séance à 21 h 5)

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