To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Committee on Citizen Relations

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Committee on Citizen Relations

Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Wednesday, January 18, 2017 - Vol. 44 N° 65

Special consultations and public hearings on Bill 115, An Act to combat maltreatment of seniors and other persons of full age in vulnerable situations


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Document déposé

Auditions (suite)

Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec (COPHAN)

Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ)

Chaire de recherche Antoine-Turmel sur la protection juridique des aînés

Barreau du Québec

Chambre des notaires du Québec (CNQ)

Réseau FADOQ

Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ)

M. Jean-Pierre Ménard

Regroupement québécois des résidences pour aînés (RQRA)

Regroupement des commissaires aux plaintes et à la qualité du Québec

Autres intervenants

M. Michel Matte, vice-président

Mme Véronyque Tremblay, présidente suppléante

Mme Francine Charbonneau

M. Harold LeBel

Mme Isabelle Melançon

M. François Paradis

M. David Birnbaum

*          Mme Véronique Vézina, COPHAN

*          Mme Camille Desforges, idem

*          Mme Claire Bernard, CDPDJ

*          Mme Evelyne Pedneault, idem

*          Mme Christine Morin, Chaire de recherche Antoine-Turmel sur la protection juridique des aînés

*          Mme Katherine Champagne, idem

*          Mme Claudia P. Prémont, Barreau du Québec

*          Mme Ana Victoria Aguerre, idem

*          M. Nicolas Le Grand Alary, idem

*          Mme Flora Pearl Eliadis, idem

*          M. Gérard Guay, CNQ

*          M. Raphaël Amabili-Rivet, idem

*          M. Nicolas Handfield, idem

*          M. Maurice Dupont, Réseau FADOQ

*          M. Danis Prud'homme, idem

*          Mme Régine Laurent, FIQ

*          M. Daniel Gilbert, idem

*          Mme Florence Thomas, idem

*          M. Yves Desjardins, RQRA

*          Mme Geneviève Frenette, Regroupement des commissaires aux plaintes et à la qualité du Québec

*          Mme Lynne-Marie Casgrain, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-sept minutes)

Le Président (M. Matte) : Je voudrais vous souhaiter un bon matin à tous.

Une voix : ...

Le Président (M. Matte) : Pardon?

Une voix : ...

Le Président (M. Matte) : Oui, c'est vrai. Donc, le point à l'ordre, il a été fait, s'il vous plaît. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 115, Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplaçants?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Plante (Maskinongé) est remplacé par Mme Melançon (Verdun) et Mme Lavallée (Repentigny) est remplacée par M. Paradis (Lévis).

Le Président (M. Matte) : C'est bien. Je vous remercie. Oui, Mme la ministre.

Mme Charbonneau : J'attendais que vous me donniez la parole, M. le Président. J'aimerais, si c'est possible, vous remettre les orientations ministérielles relatives à l'utilisation des caméras et autres moyens technologiques pour des fins de surveillance dans les établissements exploitant une mission dans les centres d'hébergement et de soins de longue durée, donc les CHSLD. Si vous me permettez, je vais vous les remettre à vous.

Le Président (M. Matte) : C'est un dépôt que vous faites.

Mme Charbonneau : C'est un dépôt que je vous fais pour pouvoir le donner à mes collègues qui, hier, nous disaient qu'ils avaient un grand intérêt. Puis je me suis un peu fait jouer un tour. Alors, ce matin, je me suis dépêchée pour les avoir.

Document déposé

Le Président (M. Matte) : Donc, à titre de président, j'accepte le dépôt, et on va faire la distribution immédiatement.

M. LeBel : M. le Président.

Le Président (M. Matte) : Oui.

M. LeBel : D'abord, pour partir sur une bonne note, je souhaite la bienvenue à la députée de Verdun. C'est la première fois qu'on la voit. Et félicitations pour votre campagne, c'est le fun de vous voir là. On a un parcours qui se ressemble, d'attaché politique, de conseiller, et je suis content de vous voir.

L'autre élément, par exemple, c'est un peu dommage qu'hier, dans les médias, on parle des intentions réglementaires, et, ce matin, on nous les dépose. Je veux juste dire que j'ai un malaise avec ça, que les médias aient eu ces règlements-là, ces intentions, avant nous autres. Ce matin, c'est pour ça que je suis arrivé un peu plus tard, les médias me posent des questions là-dessus, sur un document que je n'ai pas et qu'eux autres ont, et c'est un peu, comme dirait l'autre, malaisant. Merci.

• (9 h 40) •

Le Président (M. Matte) : Donc, on ne s'étirera pas plus, là, sur le sujet, mais ce qui est important, c'est que les dépôts... La ministre avait pris un engagement de les déposer le plus rapidement possible, et ce qu'elle a fait ce matin.

Auditions (suite)

Ce matin, nous entendons les groupes et organismes suivants : la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, la Chaire de recherche Antoine-Turmel sur la protection juridique des aînés de l'Université Laval et le Barreau de Québec.

Compte tenu que la commission débute ses travaux avec un peu de retard, je vous demande, là, le consentement pour qu'on puisse poursuivre au-delà de l'heure prévue. Il y a consentement?

Je vous rappelle que le temps d'exposé pour le gouvernement est de 16 min 30 s; l'opposition officielle, de 10 minutes et le deuxième groupe de l'opposition, de 6 min 30 s.

Sans plus tarder, je souhaite la bienvenue à la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec pour 10 minutes. Veuillez, s'il vous plaît, vous présenter ainsi que la personne qui vous accompagne.

Confédération des organismes de personnes
handicapées du Québec (COPHAN)

Mme Vézina (Véronique) : Merci, M. le Président. Bonjour aux membres de la commission. Mon nom est Véronique Vézina, je suis présidente de la COPHAN. J'ai avec moi Camille Desforges, qui est chargée de projets à la COPHAN.

Donc, d'entrée de jeu, je vais vous présenter brièvement la COPHAN. On est un organisme d'action communautaire autonome qui a pour mandat de défendre les droits des personnes qui ont des limitations fonctionnelles et de leurs proches. Nous regroupons plus de 60 organismes et regroupements nationaux et régionaux de personnes ayant tout type de limitations.

Le mémoire qu'on dépose aujourd'hui fait suite à un avis qu'on a déposé en mai 2016, dans le cadre d'une consultation menée par le Secrétariat des aînés, au sujet du plan d'action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées. Dans cet avis, nous revendiquions l'étendue du plan d'action aux personnes ayant des limitations fonctionnelles de tous les âges.

L'inclusion, dans le titre du projet de loi n° 115, de toute personne majeure en situation de vulnérabilité nous laissait croire que cette préoccupation, qui s'inscrit dans les priorités d'intervention gouvernementale de la politique À part entière, soit celle d'agir contre toute forme d'exploitation, de violence et de maltraitance, avait été considérée.

Malheureusement, à la lecture du projet de loi, nous ne pouvons qu'en venir à la conclusion que les personnes ayant des limitations et leurs proches en sont en grande partie exclus, que la préoccupation des personnes en situation de vulnérabilité n'apparaît que dans son titre. Par sa portée limitée, à vocation principalement institutionnelle, le projet de loi nous paraît être en contradiction avec la volonté du gouvernement de favoriser le maintien à domicile des personnes qui ont des limitations et des personnes aînées, tel qu'indiqué dans la politique de soutien à domicile, Chez soi : le premier choix, et la politique Vieillir et vivre ensemble — Chez soi, dans sa communauté, au Québec.

En effet, l'absence de dispositions visant à lutter contre la maltraitance de la vaste majorité des personnes aînées et des personnes ayant des limitations qui vivent à domicile en dit long sur la considération qui est accordée par le gouvernement à ces dernières. Il nous semble incohérent que les principales mesures prévues par le projet de loi n° 115 n'adressent pas la problématique de la maltraitance à domicile alors même que le gouvernement met de nombreuses mesures en place pour encourager ces personnes à demeurer chez elles le plus longtemps possible.

Aussi, l'absence de reconnaissance de la nécessité d'adopter une approche globale de lutte contre la maltraitance des personnes ayant des limitations, comme c'est jugé nécessaire pour les personnes aînées, nous laisse sceptiques quant à la véritable volonté du gouvernement de lutter contre la maltraitance de toutes les personnes en situation de vulnérabilité.

Enfin, l'absence de dispositions claires en matière de dénonciation obligatoire pour envoyer un message fort pour contrer la maltraitance est regrettable. Pourtant, le projet de loi n° 399, Loi visant à enrayer la maltraitance des personnes vulnérables hébergées dans le réseau de la santé et des services sociaux, déposé en 2013 et mort au feuilleton, contenait des dispositions en matière de dénonciation des situations de maltraitance. Il introduisait notamment l'obligation, pour tout professionnel de la santé ou employé d'un établissement, d'effectuer un signalement à la personne responsable dès qu'il y avait des motifs raisonnables de croire qu'une personne visée par la loi faisait l'objet de maltraitance. Reprendre de telles dispositions et même les élargir pour que leur application ne se limite pas au réseau de la santé et des services sociaux enverrait un message clair : Au Québec, de tels actes de maltraitance ne seront plus tolérés.

Mme Desforges (Camille) : Donc, maintenant, je vais maintenant procéder à l'analyse de certaines dispositions du projet de loi n° 115. Certaines définitions nous semblent problématiques. Le terme «maltraitance», tel que défini à l'article 2, deuxième paragraphe, devrait être amendé. Cette définition nous apparaît difficile à appliquer dans les faits. La COPHAN propose que la définition de «maltraitance» soit remplacée par la définition suivante : un geste singulier ou répétitif ou un défaut d'action appropriée qui cause ou est susceptible de causer du tort ou de la détresse à une personne.

Ensuite, l'expression «personne en situation de vulnérabilité», à l'article 2, paragraphe 3°, est qualifiée par la capacité à demander ou à obtenir de l'aide. Le document de consultation du Plan d'action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées définissait, quant à lui, les facteurs de vulnérabilité ainsi : les caractéristiques personnelles de la personne aînée qui peuvent faire en sorte qu'elle sera plus sujette à vivre de la maltraitance.

Entendu que la capacité restreinte d'une personne à demander ou à obtenir de l'aide est un facteur de vulnérabilité, la COPHAN est d'avis que le projet de loi devrait comporter une définition plus large de «personne en situation de vulnérabilité» en ligne avec celle proposée lors de la consultation sur le plan d'action.

Finalement, l'expression «personne oeuvrant pour l'établissement» au sens du projet de loi est définie à l'article 2, quatrième paragraphe. Cette définition n'inclut pas les employés des entreprises d'économie sociale en aide à domicile et les agences d'aide à domicile privées. Pour assurer une lutte efficace à la maltraitance, il est nécessaire que la politique s'applique à ces derniers et que des mécanismes soient mis en place pour que les commissaires aux plaintes aient la compétence pour traiter les plaintes qui y sont reliées.

Plusieurs personnes ayant des limitations fonctionnelles choisissent de se prévaloir de la mesure chèque emploi-service pour l'obtention des services de soutien à domicile. Les bénéficiaires de cette mesure peuvent embaucher la personne de leur choix pour leur prodiguer les services de soutien à domicile dont ils ont besoin. Nos membres nous rapportent que les CISSS et les CIUSSS n'interprètent pas toujours de la même façon leurs responsabilités par rapport aux actes de maltraitance commis par les préposés des CES. Le rôle de prévention et d'intervention de ces derniers en matière de maltraitance à cet effet doit être clairement identifié dans la loi. De plus, des mécanismes devraient être mis en place pour s'assurer que les préposés soupçonnés de maltraitance ne puissent continuer de donner des soins, le temps qu'une décision soit prise par rapport à la plainte et que des sanctions nécessaires aient été appliquées, le cas échéant.

Le projet de loi prévoit également l'obligation d'adopter et de mettre en oeuvre une politique de lutte contre la maltraitance envers les personnes en situation de vulnérabilité qui reçoivent des services de santé ou des services sociaux. Mise à part la notion d'obligation, le projet de loi n'apporte rien de nouveau ici puisque presque tous les établissements produisent déjà de telles politiques notamment dans la foulée du plan gouvernemental en matière de lutte contre la maltraitance des personnes aînées. La maltraitance n'est pas toujours le fait des employés en contact direct avec les personnes en situation de vulnérabilité, mais peut être le résultat de décisions administratives ayant un impact considérable sur la qualité de vie des personnes ou sur leur capacité d'exercer leur liberté de choix.

La COPHAN insiste pour qu'il soit requis par la loi que la politique adresse le phénomène de la maltraitance administrative et systémique. La COPHAN salue les dispositions du projet de loi relatives à la diffusion de la politique de lutte contre la maltraitance. Cela dit, afin d'assurer une diffusion efficace, l'information sur la politique et les différents mécanismes de plainte qui en découleront doivent être accessibles aux personnes ayant tout type de limitation. L'ensemble de la documentation en lien avec cette politique doit faire l'objet de publications en format accessible et en média substitut.

Plusieurs personnes résidant dans une ressource intermédiaire ou une ressource de type familial font l'objet d'un régime de tutelle ou de curatelle. Les tuteurs et les curateurs devraient être informés du contenu de la politique de lutte contre la maltraitance. Donc, par souci de précision, la COPHAN propose d'ajouter, aux articles 8 et 9, deuxième paragraphe de la politique, «et à leurs proches tuteurs ou curateurs».

Finalement, le chapitre III du projet de loi donne à la ministre responsable des Aînés la responsabilité de lutter contre la maltraitance envers les aînés de façon plus générale en ne se limitant pas seulement aux établissements de santé. Il s'agit là d'une approche globale et systémique que la COPHAN salue.

Toutefois, nous ne pouvons nous empêcher de constater que les autres personnes en situation de vulnérabilité, dont les personnes ayant des limitations fonctionnelles, sont totalement exclues de ce volet du projet de loi. La COPHAN est convaincue qu'il y a un besoin réel pour le Québec de se doter d'une stratégie globale de lutte contre la maltraitance de toutes les personnes en situation de vulnérabilité et non seulement des personnes aînées.

En outre, comme il s'agit d'un large enjeu, cette responsabilité ne devrait pas incomber seulement à la ministre responsable des Aînés. À tout le moins, le ministère de la Santé et des Services sociaux devrait être également impliqué.

La COPHAN tient aussi à préciser que nous appuyons les recommandations présentées par l'Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées compte tenu des ajouts et adaptations nécessaires pour qu'elles s'appliquent également aux personnes que nous représentons.

En bref, la COPHAN reconnaît la nécessité de mieux protéger les personnes en situation de vulnérabilité. Cependant, comme nous l'avons démontré, nous sommes d'avis que le projet de loi n° 115, dans son état actuel, ne répond pas à cet objectif.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie pour votre exposé. Nous allons débuter la période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous.

• (9 h 50) •

Mme Charbonneau : Merci, M. le Président. Mesdames...

(Interruption) Je m'excuse. Bienvenue chez vous. Merci d'avoir participé à cette consultation et d'être avec nous ce matin pour nous emmener sur un angle un peu différent. Je vous dis un peu différent parce que les groupes qu'on a reçus sont principalement des groupes qui représentaient les aînés ou les résidents dans une institution dite de la santé. Et vous représentez un spectre plus large et, vous le dites bien, vous ne vous reconnaissez pas nécessairement bien dans le projet de loi n° 115 qui a été déposé parce que la volonté, au départ, qui partait de 399, c'était de voir les gens qui étaient en institution de santé, donc CHSLD. Et, de là, on n'allait pas bien à l'extérieur, on restait ancrés au principe de nos institutions. De ce fait, on a élargi — et vous avez bien vu, hein — le spectre de protection pour nos aînés et pour les gens en situation de vulnérabilité en allant plus vers l'extérieur aussi, puisque tout geste posé peut être aussi posé à l'extérieur.

Corrigez-moi si je me trompe, les gens que vous représentez ont aussi des ententes sociales, ce que nous... Au niveau des aînés, là, ça ne fonctionne pas nécessairement tout le temps comme ça, mais faites juste me préciser, puisque c'est un cadre que je connais un peu moins.

Mme Vézina (Véronique) : Les gens qui reçoivent des services et qui sont à domicile ont des contacts directs, bien sûr, avec les gens du réseau de la santé. Certains ont des intervenants sociaux. D'autres en ont, mais ils ne le savent pas. Donc, le lien n'est pas toujours évident entre la personne qui reçoit des services chez elle et qui a des limitations et le réseau de la santé. À part avoir un plan de services, savoir que c'est eux qui vont venir faire l'évaluation, ce n'est pas tout le monde qui est au fait de... j'ai un intervenant social que je peux l'appeler, je peux lui parler. Ce n'est pas toujours clair.

Mme Charbonneau : O.K. Ce n'est pas toujours clair et c'est bien que vous nous le disiez parce qu'hier on a eu des intervenants qui nous ont aussi dit la même chose. Ce n'est pas toujours clair, l'information, un, de mes droits, et deux, des services que je reçois et de qui je les reçois. Des fois, il y a une confusion, puis c'est bon de vous entendre parce que ça nous permet aussi d'aller plus loin dans le mandat qu'on se donne puisqu'à la fin de cette commission on va pouvoir parler encore à nos partenaires et leur dire qu'il y a certaines lacunes auxquelles il faut corriger.

Je vous rassure tout de suite, au niveau du curateur, il est avec nous depuis le début du processus. Il n'est pas nommé parce que probablement qu'on a pris d'emblée le fait qu'il est connu auprès de nos familles et auprès des gens à qui il donne le service. Il devrait être avec nous en commission dans quelques heures ou dans quelques jours, là, je n'ai pas regardé l'horaire d'aujourd'hui pour voir exactement c'était qui. Mais je sais qu'il va être avec nous et qu'il a été consulté aussi dans le principe des orientations pour les caméras, il est avec le principe de la maltraitance depuis le début parce qu'un peu comme vous, il fait certains constats sur des gens et les situations de ces gens-là.

Vous avez dit d'emblée dans votre mémoire que vous êtes pour la divulgation obligatoire plutôt que celle que nous proposons dans le projet de loi, c'est-à-dire la divulgation, ouvrir tous les outils pour aider à divulguer, mais pas nécessairement l'obliger. Un grand débat se fait à partir du moment où on oblige. C'est-à-dire devrait-il y avoir des sanctions? Devrait-il y avoir un prix? Et je le mets entre guillemets parce que vous le savez qu'un prix, ça peut être quelque chose de monnayable, une contravention, mais ça peut être aussi une peine.

Une peine, c'est autre chose. Ça a une conséquence plus grave dans le principe des sanctions qu'on met en place pour quelqu'un qui a été pris et pour quelqu'un qui n'a pas divulgué. Parce qu'il y a ça aussi quelqu'un qui est témoin, mais qui ne divulgue pas, et on est capable de faire la preuve qu'il en était témoin puis qu'il ne l'a pas fait. Vous voyez ça comment comme conséquence?

Mme Vézina (Véronique) : Pour nous, ce qui est clair, c'est que toute personne qui pose des actes de maltraitance ou qui est témoin d'actes de maltraitance et qui ne le dénonce pas doit avoir une sanction. Il ne devrait plus oeuvrer auprès des personnes qui ont des... que ce soient les personnes qui ont des limitations, ou les personnes aînées, ou toute autre situation de vulnérabilité.

Mme Charbonneau : Je vous entends puis je vous mets dans une situation que le témoin n'est pas un employé, n'est pas quelqu'un qui oeuvre dans les services, mais qui est plus un voisin de chambre, qui est plus un parent. Il remarque des choses, mais il tient ça mort, comme on dit, parce qu'il ne veut pas se retrouver dans une situation compromettante soit dans la relation qu'il a avec l'intervenant ou soit la relation qu'il a avec son proche, son aîné ou son voisin. Vous comprenez un peu la situation? Donc, avez-vous une idée comment on pourrait mettre en place quelque chose qui fait en sorte qu'on reconnaît à cette personne-là un manquement?

Mme Vézina (Véronique) : Pour nous, toute personne qui n'oeuvre pas auprès de ces individus-là... Bon, oui, ils ont eu des torts, ils ne l'ont pas dénoncé, mais il y a plusieurs circonstances à prendre en compte. Que ce soit un proche, un voisin, une personne qui est dans la même chambre ou dans la chambre voisine, ces gens-là sont aussi, à quelque part, vulnérables. Et souvent, si ces personnes-là dénoncent, elles ont peur, elles-mêmes, de subir certains actes. Donc, ce ne sont pas les témoins qui sont à risque aussi de subir des actes de maltraitance, que l'on doit accuser puis pour lesquels on doit poser différents actes, des amendes ou d'autres sanctions, c'est pour les gens qui oeuvrent auprès de ces personnes-là parce que les proches, les voisins, l'entourage, c'est aussi des gens qui sont souvent vulnérables et que, s'ils dénoncent, ils vont elles aussi subir les conséquences.

Par contre, je vous dirais que, pour des gens qui sont à domicile et même pour certains qui peuvent être en établissement, il faut être conscient qu'un proche peut aussi être la personne qui pose des actes de maltraitance. Et là on n'est pas dans la même situation, on est dans une situation où c'est elle qui a posé l'acte, et là on doit faire des sanctions parce que ce n'est pas acceptable.

Mme Charbonneau : Vous avez tout à fait raison. D'ailleurs, dans la plupart des cas, ce n'est pas un employé qui pose un geste, c'est une personne qui est en relation de confiance. Et, malheureusement, on le dit, il y a dans cette situation-là quelquefois une relation de proche aidant épuisé. Donc, il faut se préoccuper de nos proches aidants et sachez qu'on va être au rendez-vous. Mais il y a aussi toutes sortes de situations où la personne, par méconnaissance de ce qu'elle peut ou ne peut pas faire, pose les gestes qui sont inacceptables. Et vous avez raison de nous rappeler que plus souvent qu'autrement, parce qu'il faut le dire comme ça, c'est quelqu'un qui est proche puis qui est en confiance.

Donc, dans le principe des services qu'on reçoit en institution, nous avons une personne que nous nommons dans le projet de loi n° 115, qui s'appelle le commissaire aux plaintes. Je voulais savoir, de votre côté, est-ce que vous vous êtes attardés un peu au rôle? Parce que vous nous dites : Vous savez, il y a déjà probablement des politiques partout dans nos institutions. En faisant un tour de roue assez grand, on s'est aperçus que, un, il n'y en a pas partout, malheureusement, il y a des gens qui n'ont pas suivi les règles, puis qu'il n'y en a pas partout ou elles sont plutôt très différentes de part et d'autre. Donc, c'est pour ça qu'on l'a écrit dans le projet de loi en se disant : On va corriger le tir, mais on va s'assurer que... Mais on donne une responsabilité supplémentaire au commissaire aux plaintes. Je me demandais si, de votre côté, vous vous étiez attardés au rôle qu'il a en ce moment et à celui qu'il pourrait avoir dans la suite des choses avec le projet de loi.

Mme Vézina (Véronique) : Si on donne un rôle à la commissaire aux plaintes d'agir lorsqu'il y a des actes de maltraitance, il faut que le rôle de la commissaire aux plaintes aille au-delà d'un rôle de recommandation. Elle doit avoir le pouvoir soit de donner des sanctions ou de transmettre la plainte à quelqu'un qui va pouvoir sanctionner la personne qui a fait un acte de maltraitance.

Il faut, par contre, savoir qu'actuellement les commissaires aux plaintes sont déjà débordés. Donc, si on ajoute un mandat supplémentaire aux commissaires aux plaintes, il faut aussi qu'il y ait des ressources qui viennent avec pour qu'elles soient en mesure de faire rapidement parce que, dans un cas de maltraitance, on ne peut pas dire : On va traiter votre plainte ou votre commentaire dans 45 jours, il faut que ce soit traité immédiatement. Donc, il faut que les ressources soient en place et qu'elle ait le pouvoir d'agir dans l'heure qui suit la dénonciation qui a été faite.

Mme Charbonneau : Vous avez tout à fait raison. D'ailleurs, au moment où on a fait la conférence de presse pour annoncer le dépôt du projet de loi en Chambre, le ministre Barrette était avec nous, le ministre de la Santé, et il s'est aussitôt avancé pour dire : Si on a besoin de plus de ressources au niveau du commissaire aux plaintes, bien, on en mettra en place parce que le plus important, c'est d'essayer de mettre en place un processus qui fait en sorte qu'il n'y a plus de maltraitance du tout dans nos institutions. Et, quand quelqu'un lève la main, il faut qu'on soit capable d'en dénoncer les agissements.

M. le Président, ça me ferait tellement plaisir si vous pourriez donner la parole à ma nouvelle collègue, qui est mon ancienne collègue, puis qui va rester une collègue, qui aurait une question.

Le Président (M. Matte) : Donc, je vais laisser la parole à la collègue, la députée de Verdun. C'est à vous la parole, il vous reste six minutes.

Mme Melançon : Merci, M. le Président. Alors, mesdames, tout à l'heure, vous avez parlé de la maltraitance à domicile. Ça m'a beaucoup interpelée, puis, à la lecture, bien sûr, de votre mémoire, vous entrez un peu plus spécifiquement... mais j'aimerais beaucoup vous entendre sur des suggestions que vous pouvez avoir, précises, là, de façon très pragmatique, là, pour déceler, justement, toute forme de maltraitance à domicile.

• (10 heures) •

Mme Vézina (Véronique) : D'abord, il faut savoir que les services qui sont donnés à domicile sont soit donnés par des entreprises d'économie sociale, des agences privées ou des travailleurs du chèque emploi-services, à l'occasion par des travailleurs de CLSC. Eux sont déjà visés par le projet de loi, donc je n'en parlerai pas.

Pour les autres instances, il n'est pas clair pour toutes les entreprises d'économie sociale, les agences privées qu'elles doivent avoir des politiques pour lutter contre la maltraitance. Ces préposés-là viennent à domicile, des fois viennent une fois, ne reviennent pas ou reviennent deux semaines, trois semaines plus tard, il y a un roulement très important de personnel. Donc, il doit y avoir une vigilance, puis pour nous ça relève du réseau de la santé et des services sociaux et non pas du réseau des entreprises d'économie sociale. Les intervenants sociaux doivent être plus présents sur le terrain, voir qu'est-ce qui se passe, visiter les personnes. Parce qu'on les laisse, des fois, pendant un an, deux ans, les seules visites qu'elles reçoivent, ce sont les préposés des agences qui peuvent... je ne dis pas qu'elles le font, mais qui peuvent oser des gestes de maltraitance, et il n'y a personne qui peut les constater. C'est des gens qui sont isolés, qui souvent n'ont pas de proches. Donc, il faut qu'il y ait une vigilance qui soit assurée par le réseau de la santé et une présence pour venir voir, constater si tout va bien, si la personne n'est pas victime de maltraitance et qu'elle ait quelqu'un à qui elle puisse aussi s'adresser dans le cas où elle souhaiterait le dénoncer. Ce n'est pas toujours clair. Souvent, les appels sont très courts : Est-ce que ça va bien? Oui, merci. On raccroche. Donc, il faut qu'il y ait un arrimage qui soit meilleur pour protéger ces gens-là puis faire de la prévention.

Pour la situation du chèque emploi-services, c'est une situation qui est un peu plus particulière parce que c'est l'individu qui reçoit les services qui choisit d'embaucher une personne, donc le lien à faire est encore un petit peu plus difficile qu'avec une entreprise d'économie sociale, par exemple. Par contre, la même vigilance du réseau de la santé doit être présente. Il doit y avoir des visites régulières, qu'on s'assure de faire de la prévention. Et on doit surtout s'assurer qu'à partir du moment où la personne dénonce une situation de maltraitance... Si, moi, mon préposé vient à mon domicilie, qu'il me fait du harcèlement psychologique, par exemple, ou qu'il me vole de l'argent, si demain matin je lui dis : Tu ne rentres plus, là, j'appelle qui pour venir me coucher ce soir si je suis en fauteuil roulant, que je ne suis pas capable de le faire? Donc, il faut que le réseau de la santé soit en mesure de répondre à ces urgences-là pour que je puisse dénoncer. Parce que, sinon, je ne dénoncerais jamais une plainte de maltraitance si je sais que je n'aurai pas d'autres préposés qui vont venir me coucher le soir. Donc, il faut qu'il y ait des mesures d'urgence qui soient mises en place pour aider les personnes à d'abord avoir des options pour dénoncer ce qu'elles subissent mais pour aussi ne pas être victimes du fait qu'elles n'auront pas de services si elles dénoncent.

Le Président (M. Matte) : Très bien.

Mme Charbonneau : Permettez-moi, M. le Président...

Le Président (M. Matte) : Oui, oui, madame.

Mme Charbonneau : Vous savez que la cinquième mesure — puis on aimerait vous entendre là-dessus — du projet de loi, c'est les ententes sociojudiciaires. Donc, à l'extérieur du contexte du système de la santé, un individu que nous, on appelle un aîné ou un adulte en situation de vulnérabilité peut être accompagné pour pouvoir cesser la maltraitance. Je vous lève un petit drapeau pour vous dire que l'entente socio qu'on a mise en place à Trois-Rivières et qui a fait objet d'une étude pendant deux ans nous a fait la démonstration que, plus souvent qu'autrement, c'était financier, 80 % des cas qu'ils ont traités étaient financiers. Mais cette entente fait en sorte qu'on met alentour de la même table plusieurs intervenants officiels, en commençant par la sécurité publique, la santé, il peut y avoir le curateur, il peut y avoir le CAVAC, il peut y avoir plein d'intervenants spécifiques, qui fait en sorte que la personne que moi, je vais appeler un aîné, puisque c'est les gens que je représente plus mais que vous pourriez titrer autrement, la personne peut être accompagnée jusqu'à temps qu'on arrive à la fin de cette mauvaise histoire là dans laquelle il est. Dans ce principe d'étude là, on a regardé, puis ça prend à peu près 18 mois pour que l'histoire se finisse bien. Donc, pour nous, c'est quand même un grand pas. Et de ce fait, bien, on s'est dit : Pourquoi on n'a pas partout au Québec ces organismes-là? Et c'est ce qu'on propose dans le projet de loi n° 115. Après une bonne installation partout dans les régions, là, puis avec un mandat clair, est-ce que vous voyez une étendue face à votre clientèle, face aux gens que vous représentez pour pouvoir avoir accès à ce comité sociojudiciaire là?

Mme Vézina (Véronique) : Je crois que c'est intéressant de pouvoir l'étendre aussi aux personnes qui ont des limitations. Par contre, on est dans l'«après». Nous, ce qui nous préoccupe beaucoup, c'est l'«avant». Parce qu'à partir du moment où la personne a porté plainte, avoir de l'assistance, de l'accompagnement pour pouvoir aller jusqu'au bout, oui, c'est très bien, mais, si on ne lui en donne pas avant, de l'assistance, la personne, elle ne portera pas plainte. Et la journée où elle porte plainte, elle n'a pas besoin d'un comité qui va évaluer, qui va l'accompagner, elle a besoin de quelqu'un qui, dans l'immédiat, va la sortir de cette situation-là puis va lui rendre ces services. Donc, oui, l'«après», mais il faut prévoir aussi des mesures avant pour lui permettre d'avoir quelqu'un en qui elle a confiance, à qui elle va pouvoir en parler et d'avoir quelqu'un pour lui donner des services la journée où elle va dénoncer la situation.

Mme Charbonneau : Ça nous éclaire un peu plus dans les possibilités qu'on a. Ce que vous nous dites, c'est de régler rapidement, pas nécessairement de façon judiciaire mais de façon pour accompagner les gens jusqu'au bout du processus mais avec une intervention rapide au moment où la personne lève un drapeau jaune pour dire qu'il y a un problème.

Mme Vézina (Véronique) : C'est ce qui préoccupe les gens actuellement.

Mme Charbonneau : Oui, tout à fait.

Le Président (M. Matte) : Mais je vous remercie. Votre temps étant écoulé, je cède la parole au député de Rimouski.

M. LeBel : Merci, M. le Président. Bienvenue ici. Je ne pourrais pas commencer la journée sans revenir sur mon plaidoyer que ce projet de loi là vient travailler sur la maltraitance, mais une maltraitance organisationnelle, une maltraitance qui est faite par le manque de services offerts par l'État que ce projet de loi là ne vient pas régler. Ce n'est pas par ce projet de loi là qu'on va venir donner plus de ressources dans nos CHSLD, qu'on va s'assurer que nos personnes aînées et que les gens vulnérables soient bien traités. Actuellement, ils ne sont pas bien traités, on ne parle pas de bientraitance, et ce projet de loi là ne vient rien régler pour ces gens-là. Ça, il faut se le dire.

Vous, vous nous amenez des choses... C'est intéressant parce que souvent, c'est vrai, on parle souvent, le projet de loi... puis la ministre des Aînés — je suis porte-parole des aînés — on va parler beaucoup de la protection des aînés. Vous venez nous dire : Wo! Wo! Le projet parle d'autres choses, d'autre monde aussi, là, vulnérable. C'est bien, merci de le faire. Mais, quand je regarde, déjà, le circuit des plaintes ou du signalement est compliqué. Hier, on nous disait, à la commission des droits et protection de la jeunesse, l'article 48, le Protecteur du citoyen, il y a différents circuits pour faire une plainte ou un signalement, et là on vient en rajouter un, le commissaire aux plaintes. Vous, déjà, vous avez d'autres circuits. Est-ce que vous pensez que ça va être clair? Est-ce que vous pensez qu'on vient aider ou on vient compliquer les choses pour quelqu'un qui veut faire un signalement ou porter plainte? Comment vous voyez ça, concrètement, sur le terrain?

Mme Vézina (Véronique) : Pour nous, peu importe le nombre d'acteurs qu'il y aura pour gérer les plaintes, il doit y avoir une porte d'entrée, et cette porte d'entrée là fera la distribution à qui ça va par la suite. Mais il faut éviter de dire : Bien, pour telle situation ou dans telle situation, vous allez au commissaire, pour telle autre situation, vous appelez à la Commission des droits. C'est une porte d'entrée, un endroit, un numéro de téléphone. Il faut éviter de transférer d'un à l'autre puis de complexifier le système. Déjà, juste le système de traitement des plaintes régulier dans le réseau de la santé est complexe à comprendre pour les gens. Ils ne savent pas nécessairement à qui ils doivent s'adresser. Donc, des gens qui sont vulnérables, qui sont isolés, qui sont souvent loin de la réalité de ce à quoi ils ont droit ou ils n'ont pas droit, où est-ce qu'ils doivent aller, il faut leur simplifier la vie. Donc, une porte d'entrée serait la meilleure solution pour les aider.

Vous nous parliez tantôt des gens qui sont en CHSLD. Pour nous, quand on parle de maltraitance administrative et systématique, ça vise principalement les gens qui ont des limitations et qui se retrouvent en CHSLD à 35, 40, 45 ans souvent parce qu'on n'est pas en mesure de leur donner deux, trois heures de services de plus à domicile. Pour ces gens-là, c'est de la maltraitance quotidienne qu'ils vivent. Ils se retrouvent dans des CHSLD, où il n'y a pas des services adéquats pour leur condition, où ils sont contraints à manger à des heures précises, à se coucher à des heures précises, où les droits de sortie sont difficiles. Ça fait que, quand on parle de maltraitance administrative, c'est une chose sur laquelle il faut travailler. Les jeunes qui se retrouvent en CHSLD parce qu'elles ont besoin d'une intensification de services qui est importante, c'est quelque chose sur lequel on doit travailler parce que c'est une forme de maltraitance qui est faite, actuellement, à ces personnes-là qui ne sont pas dans des milieux de vie adéquats.

M. LeBel : Mais pensez-vous que ce projet de loi là vient régler cette maltraitance?

Mme Vézina (Véronique) : Il ne règle rien à cette maltraitance.

M. LeBel : Merci. Parce qu'on parle beaucoup du réseau, mais qu'il faut s'inquiéter de ce qui se passe au niveau du domicile, il faut protéger les gens aussi à domicile. Vous parlez de ceux qui travaillent dans les entreprises d'économie sociale, les agences privées, chèque emploi-services.

Je reviens au signalement obligatoire. Vous savez, ça peut être la personne qui offre le service qui pourrait être maltraitant, mais ça pourrait être quelque chose que la personne qui offre le service voit à domicile. Elle pourrait faire le tour puis dire : Moi, j'ai vu le garçon, ce n'est pas bien, bien correct. Puis la maltraitance, vous voyez, là, il y a beaucoup de niveaux de maltraitance, ce n'est pas toujours évident à identifier. Si on parle de signalement obligatoire, la personne qui travaille en économie sociale — ou ça pourrait être une bénévole aussi — qui voit quelque chose, mais elle n'est pas certaine, c'est-u de la maltraitance ou pas, avec une obligation de signaler, soit qu'elle pourrait signaler des cas qui ne sont pas vraiment de la maltraitance ou, si elle a peur de signaler, si elle ne signale pas, elle pourrait être elle-même poursuivie. Vous ne trouvez pas qu'il n'y a pas un danger? C'est un peu ce que nous dit la chaire sur la maltraitance. Vous comprenez ce que je veux dire? Quelqu'un qui arrive et voit quelque chose dans le domicile, il dit : Moi, je suis obligé de le signaler, je ne suis pas certain que c'est ça, mais je signale, sinon je pourrais être poursuivi pour quelque chose, vous ne trouvez pas qu'il peut y avoir un problème?

• (10 h 10) •

Mme Vézina (Véronique) : Bien, il pourrait y avoir un danger, dans le sens où les signalements pourraient augmenter de façon significative. Mais, pour nous, il vaut mieux avoir un signalement qui n'a pas de conséquence, donc où on juge qu'il n'y a pas eu de maltraitance, qu'aucun signalement où il y a eu de la maltraitance. Et puis il existe actuellement à la Commission des droits de la personne une équipe d'intervention pour les aînés, en lien avec l'article 48, qui permet justement à une personne de pouvoir faire un signalement, de dénoncer qu'il y a eu de la maltraitance. Malheureusement, actuellement, l'article 48 est clair, il vise la maltraitance qui est faite aux personnes aînées et aux personnes handicapées, mais l'équipe d'intervention qui existe, elle ne vise que les personnes aînées, alors qu'on devrait élargir leur mandat et s'adresser aussi aux personnes handicapées, puisqu'on parle de l'article 48.

M. LeBel : La chaire de recherche sur la maltraitance disait — on parle de cas précis : Quelqu'un va dans une résidence, un employé d'entreprise d'économie sociale voit ce qu'il pense peut-être être de la maltraitance, signale l'affaire contre la volonté de la résidente ou du résident, et là ça crée toute une histoire. Et là ce que les gens de la chaire disent, bien, ça peut peut-être créer plus de problèmes que ça va en régler. Mais mettons qu'on part du principe qu'il ne faut pas rien laisser passer, c'est mieux de signaler, qui va... Là, ça va se ramasser au commissaire aux plaintes, le commissaire aux plaintes qui est déjà, lui ou elle, impliqué dans le réseau. Là, ça va être avec le domicile. Est-ce que vous pensez que la commissaire ou le commissaire aux plaintes a ce qu'il faut pour gérer tout ça, gérer toutes ces plaintes-là rapidement pour éviter...

Mme Vézina (Véronique) : Actuellement, non. C'est pour ça qu'on recommande qu'il y ait des ressources qui soient mises en place puis qu'il y ait des mécanismes qui soient mis en place pour qu'elle soit en mesure d'agir rapidement. Mais, dans l'état actuel des équipes des commissaires aux plaintes ou dans les commissariats aux plaintes, ils n'ont pas la capacité de gérer ça.

M. LeBel : Dans le fond, ce qu'on comprend, c'est que tout le monde voudrait... L'idée, là, c'est qu'on ne laisse rien passer, mais il faut vraiment baliser les signalements, il faut avoir un cadre. Ça fait qu'il faut que les gens soient formés, il faut que le commissaire aux plaintes ait ce qu'il faut pour gérer les plaintes rapidement pour éviter que ça déborde ou que ça... Ça fait qu'est-ce que vous pensez qu'on a tout ça? On n'a pas ce qu'il faut au commissaire aux plaintes. Tout ce qu'on a, c'est la parole du ministre, qui dit : Ah! on verra s'il a besoin d'argent. Puis je ne suis pas sûr qu'on peut... c'est difficile à mettre dans une loi, la parole du ministre, là. Est-ce qu'on a ce qu'il faut? Et est-ce que, sur le terrain, on a la formation, les gens sont formés comme il faut pour vraiment identifier des cas de maltraitance?

Mme Vézina (Véronique) : Non. La formation, actuellement, n'est pas nécessairement adéquate, surtout pas dans les entreprises d'économie sociale, dans les agences privées, pour le personnel qui vient de l'extérieur puis qui est embauché par un individu. Par contre, nous, on part du principe qu'à partir du moment où on met des choses en place, on doit donner les ressources. Actuellement, on ne les a pas, c'est clair. Ils n'ont pas les moyens, ils n'ont pas la formation. Mais, nous, ce qu'on veut, c'est qu'à partir du moment où on écrit qu'on fait ça puis que ça va fonctionner comme ça, il faut que les ressources viennent avec. On ne part pas du principe qu'il n'y en aura pas, ce qu'on vient vous dire, c'est qu'il faut qu'il y en ait puis il faut qu'on les mette en place pour que le projet de loi fonctionne et aussi pour que les gens dénoncent. Parce que, si les gens se mettent à dénoncer des situations puis qu'ils se rendent compte que la commissaire n'a pas les moyens de gérer la situation puis de traiter les plaintes qu'elle reçoit, ça ne sera pas long qu'après deux, trois signalements le message va circuler, puis on va dire : Bien, ça ne sert à rien d'aller là, elle ne peut rien faire, elle ne peut pas traiter. Donc, si on l'écrit, il ne faut pas juste l'écrire, il faut qu'on s'assure que les mécanismes et les moyens sont en place et les ressources sont là pour donner le service.

M. LeBel : J'ai pris en note dans votre mémoire aussi les éléments qui concernent... Vous trouvez que le projet de loi, de temps en temps, dans un chapitre on parle des aînés et des personnes vulnérables, dans d'autres chapitres on ne parle que des aînés. J'aimerais ça que vous nous en parliez, qu'est-ce qu'on pourrait faire, là, dans le projet de loi, pour que ce soit plus clair, là, est-ce qu'on parle des aînés, est-ce qu'on parle des personnes vulnérables, que ce soit plus clair.

Mme Vézina (Véronique) : D'abord, de bien identifier les personnes en situation de vulnérabilité en modifiant, oui, la définition, mais aussi en spécifiant c'est qui, ces personnes en situation de vulnérabilité là. Puis, pour nous, la première section du projet de loi, on ajoute souvent «et toute personne en situation de vulnérabilité», bon, on peut s'y retrouver. Par contre, quand on arrive dans la politique, on est spécifiquement pour les aînés, et c'est là qu'on dit qu'on ne s'y retrouve pas. Quand on a lu le mémoire, on était contents, on a vu le titre, on a dit : Oui, on est inclus. On a l'impression qu'on a changé le titre mais qu'on n'a pas changé le contenu.

Donc, il y a des ajustements à faire pour tenir compte de la réalité de l'ensemble des personnes qui sont en situation de vulnérabilité. Et il y a des modifications à faire parce qu'actuellement le projet de loi, il lui manque beaucoup de mordant pour vraiment avoir un message fort où on va dire aux gens : C'est fini, la maltraitance, on n'en veut plus, puis voici les sanctions qui vont venir si on constate qu'il y a encore des situations.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie, et je cède la parole au député de Lévis.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Bonne journée à tous. Encore une bonne journée à avancer de façon constructive et objective, puis je pense que c'est exactement ce que vous faites à nouveau, à travers tous ceux et celles qui sont venus nous rencontrer. Mme Vézina, merci d'être là, Mme Desforges également.

Vous avez raison, et je reviens sur un de vos éléments, vous parlez notamment des personnes vivant des handicaps maintenant en centre d'hébergement et de soins de longue durée. C'est une clientèle à laquelle il faut penser plus que jamais, plus que jamais parce que, pour avoir visité des CHSLD au terme d'un exercice qui a mené à des recommandations, c'est aussi des préoccupations des employés, des établissements aussi et des résidents de dire : Nous sommes une clientèle qui a besoin de soins particuliers. Et on ne peut pas faire un amalgame, également, de ceux et celles qui se retrouvent en établissement parce que manquant de services à domicile, et je pense que vous le reflétez bien. Est-ce que c'est une préoccupation constante et dominante? Est-ce que vous en entendez davantage parler? Est-ce que c'est un élément majeur, également, dans ce que vous recevez, à travers ceux que vous représentez?

Mme Vézina (Véronique) : Ça fait au moins 15 ans que c'est une préoccupation à la COPHAN, les personnes en situation de handicap qui sont en CHSLD ou à qui on propose d'aller en CHSLD parce qu'on n'a pas d'autre moyen de les maintenir à domicile. Ça fait 15 ans qu'on nous dit qu'on s'en préoccupe, qu'on va arrêter d'en faire au moins entrer en CHSLD. Par contre, ça fait 15 ans qu'on nous présente les mêmes statistiques puis il n'y a pas d'actions claires qui sont posées.

Actuellement, les actions qui ont été posées ont été posées beaucoup par le milieu communautaire, qui a fait des choix d'ouvrir du logement communautaire avec des services à domicile pour des personnes qui ont des situations particulières. Mais il n'y a pas eu d'actions concrètes de la part du gouvernement pour faciliter puis octroyer plus d'heures de services ou mettre en place des solutions pour sortir ces gens-là de ces milieux de vie là et aussi pour leur permettre de vivre avec leurs femmes, avec leurs enfants, quand elles en ont. Parce que ce sont des gens qui ne sont pas juste contraints de rester dans un milieu de vie qui ne leur convient pas avec des horaires qui ne leur conviennent pas, mais c'est des gens qui sont aussi séparés du reste de leur famille et qui n'y ont pas accès, qui ont très peu de vie sociale, donc il faut en tenir compte. Puis nous, on est tannés d'entendre «oui, oui, on s'en préoccupe, on s'en préoccupe» et de ne pas voir les actions sur le terrain, et on a de plus en plus de personnes qui font de la pression sur nos groupes pour qu'on les représente puis qu'on les aide à sortir de ces milieux de vie là.

M. Paradis (Lévis) : Vous savez, Mme Vézina, j'ai une bonne mémoire — ça, je tiens ça de mon père — je retiens à peu près tout. Et malheureusement j'ai des témoignages en mémoire, j'ai des images en mémoire, je revois des gens qui m'ont parlé de ce que vous me dites également et qui souhaiteraient voir des solutions être apportées. Le projet de loi n° 115, là, ça nous donne peut-être la chance de se doter de quelque chose, dans la mesure où on a cette volonté-là de se donner des outils supplémentaires.

Et là je reviens à ce que vous avez dit. À l'image du 399 de 2013, quatre ans plus tard, vous dites : Donnons-nous... et faisons en sorte qu'on rende maintenant la dénonciation obligatoire, nous permettant... puis faisant confiance — et c'est comme ça que je le comprends, moi — à la façon dont ça va se faire. C'est bien sûr qu'à partir du moment où il y a dénonciation, il y a enquête puis il y a analyse. Tout ce qui est porté devant le Protecteur du citoyen, actuellement, ne mène pas nécessairement à des sanctions. Ils ont l'intelligence et l'équipe pour analyser une situation puis faire en sorte qu'on en soit informés et qu'elle puisse cesser, si maltraitance il y a.

Et je comprends dans votre propos, quand vous dites qu'on devrait aller là, ne laissons rien échapper. Mieux vaut signaler, ensuite enquêter que de fermer les yeux, et perdre, et faire en sorte qu'on se retrouve souvent avec des histoires qui nous ébranleront, chacun d'entre nous. Je comprends bien votre vision des choses?

• (10 h 20) •

Mme Vézina (Véronique) : Oui. Pour nous, un signalement, oui, oui, même un signalement qui va s'avérer, je dirais, négatif, où il n'y aura pas de conclusion où il y a eu de la maltraitance, oui, c'est difficile pour la personne qui va avoir subi cette sanction-là, ça va être... pas cette sanction-là, mais cette plainte-là, la personne qui va l'avoir faite aussi, mais au moins, au moins, toutes les situations où il va y avoir vraiment eu de la maltraitance, on va s'assurer que ça va cesser. Il vaut mieux dénoncer et constater qu'il n'y a pas eu de maltraitance que de ne pas dénoncer par crainte de peut-être déranger un petit peu ces personnes-là dans leur quotidien. Et c'est important, puis, si on veut arrêter la maltraitance, la seule façon de le faire, ça va être par de la dénonciation.

M. Paradis (Lévis) : Les besoins sont énormes, les besoins sont énormes, et vous parliez, à juste titre, des entreprises d'économie sociale, et là aussi il y a des gens... Puis je me rappelle très bien récemment avoir donné des certificats de gens qui travaillent dans des entreprises de ce type-là, avec un coeur gros comme ça, là, après 15 ans, 20 ans, 25 ans de service, puis ils aiment ce contact-là. En même temps, la demande est énorme, le roulement de personnel est énorme, et vous dites : Il va falloir qu'on s'arrête à ça aussi parce que la maltraitance et des politiques de maltraitance ne doivent pas se limiter qu'à des établissements de santé, faire aussi partie du cursus et de la façon de faire de ces entreprises-là.

Actuellement, avez-vous des rapports? Avez-vous abordé ce thème-là avec des entreprises d'économie sociale, de plus en plus présentes, et leur volonté de faire en sorte qu'à ce chapitre-là ils avancent également, ils ont besoin de soutien?

Mme Vézina (Véronique) : Actuellement, on a eu des rapports avec les regroupements d'entreprises d'économie sociale pour regarder un petit peu les bonnes pratiques qui sont mises en place de façon générale dans les entreprises d'économie sociale. Pour nous, la question de la maltraitance doit en faire partie, mais on est vraiment au début du travail avec eux. Donc, parmi les bonnes pratiques, toute la question de maltraitance qui peut être faite va faire partie des discussions qu'on va avoir, c'est certain, mais on n'en est pas rendus là.

M. Paradis (Lévis) : Sans signer votre conclusion, vous en avez une, mais ce que je comprends, en peu de mots, c'est faire encore davantage et se doter des outils pour le faire.

Mme Vézina (Véronique) : Oui.

M. Paradis (Lévis) : Merci, mesdames.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie, le temps étant écoulé. Je vous remercie de votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux afin de permettre au prochain groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 10 h 23)

(Reprise à 10 h 26)

Le Président (M. Matte) : Sans plus tarder, nous débutons, et je souhaite la bienvenue à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour faire un exposé, et par la suite il y a un échange. Je vous cède la parole et je vous demande de vous présenter ainsi que la personne qui vous accompagne.

Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse (CDPDJ)

Mme Bernard (Claire) : M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, je suis Claire Bernard, directrice adjointe du service de la recherche de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, et je suis accompagnée de Me Evelyne Pedneault, conseillère juridique au service de la recherche.

Permettez-moi d'abord de vous remercier de l'invitation faite à la commission de présenter ses commentaires sur le projet de loi n° 115. La commission a entre autres le mandat de relever les dispositions des lois du Québec qui seraient contraires à la charte en vue de faire les recommandations appropriées. En outre, l'objet du projet de loi interpelle directement la commission, qui joue un rôle important en matière d'exploitation des personnes en situation de vulnérabilité, et ce, depuis de nombreuses années. C'est donc à ce double titre qu'elle a procédé à l'analyse du projet de loi n° 115.

L'objet et les dispositions du projet de loi concernent de nombreux droits et libertés protégés par la charte, citons notamment le droit à la vie, à la sûreté, à l'intégrité et à la liberté de sa personne, le droit à la personnalité juridique, le droit au secours de toute personne dont la vie est en péril, le droit à la sauvegarde de sa dignité, le droit au respect de sa vie privée, le droit au secret professionnel. Le droit à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens peut également être en cause. Il en est de même du droit à l'égalité.

Plus particulièrement, il faut référer à l'article 48 de la charte, en vertu duquel toute personne âgée et toute personne handicapée a le droit d'être protégée contre toute forme d'exploitation. Il faut le rappeler, le champ d'application de cette disposition s'applique autant aux rapports privés qu'à l'État. Il s'étend à de nombreux secteurs d'activité, incluant les services de santé et les services sociaux. En consacrant le droit à la protection contre l'exploitation à l'article 48 de la charte, l'État québécois s'est engagé à mettre en place des mécanismes et des recours qui permettent d'en assurer la mise en oeuvre. En ce sens, la commission tient à souligner la reconnaissance que constitue le projet de loi de la responsabilité dans la lutte contre la maltraitance des personnes en situation de vulnérabilité que partagent l'État québécois et l'ensemble de la société québécoise, y compris les acteurs du réseau de la santé et des services sociaux. Elle souscrit aux objectifs du projet de loi. Celui-ci répond à plusieurs des recommandations qu'elle a faites par le passé.

Certaines dispositions du projet de loi soulèvent quelques préoccupations en regard des droits et libertés de la personne. Les commentaires de la commission à ce sujet se divisent en trois temps.

Dans un premier temps, la commission tient à rappeler l'importance du droit à la protection contre toute forme d'exploitation garanti à l'article 48 et le rôle clé qu'elle joue en la matière. La commission a entre autres la responsabilité de faire enquête sur toute situation d'exploitation d'une personne âgée et, je le répète, toute personne handicapée. Les plaintes qu'elle reçoit peuvent mettre en cause tous les milieux, y compris les établissements ciblés par le projet de loi, leurs préposés ou toute autre personne. Dès l'ouverture d'un dossier en matière d'exploitation, la commission met en oeuvre les mesures permettant de mettre fin à la situation et d'en prévenir la récurrence. À tout le moins, la commission met en place des mesures pour former un filet de sécurité de la personne.

La commission agit également de façon à favoriser un règlement entre les parties. Si elle n'y parvient pas, elle peut, au terme de son enquête, proposer des mesures de redressement. Fait à noter, ces mesures de redressement peuvent être de nature systémique ou préventive. Si ces mesures de redressement ne sont pas mises en oeuvre, la commission peut saisir un tribunal en vue d'obtenir toute mesure appropriée. De même, la commission peut s'adresser à un tribunal pour demander d'urgence une mesure propre à faire cesser le risque lorsqu'elle a des raisons de croire que la vie, la santé ou la sécurité de la victime est menacée. La commission peut également saisir un tribunal lorsque quiconque exerce ou tente d'exercer des représailles contre une personne intéressée par le traitement d'un cas d'exploitation.

Signalons, par ailleurs, que les pouvoirs d'enquête de la commission ne se limitent pas à des cas individuels. Elle est intervenue dans des milieux de vie, que ce soient des résidences privées fournissant des services ou des établissements publics de santé et de services sociaux et que ce soient des personnes âgées ou des personnes handicapées.

Enfin, conformément aux différents mandats que lui confère la charte, la commission collabore depuis de nombreuses années avec d'autres acteurs. Pensons notamment aux établissements de santé et services sociaux, aux services de police, au Curateur public, aux organismes de défense des droits des personnes aînées. Entre 2014 et 2016, la commission a d'ailleurs fait partie du projet pilote d'entente sociojudiciaire portant sur les formes criminelles de maltraitance envers les aînés de la région de la Mauricie et du Centre-du-Québec. La commission profite donc de l'occasion pour réitérer son engagement à lutter contre l'exploitation des personnes en situation de vulnérabilité, et ce, dans le respect des droits que leur garantit la charte et en vertu de tous les moyens que celle-ci met à sa disposition.

Certes, le projet de loi prévoit l'élargissement du mandat du commissaire local aux plaintes, nommé en vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Celui-ci serait responsable du traitement des signalements et il devrait, le cas échéant, diriger les personnes qui formulent un signalement vers une autre instance appropriée. Cela dit, la commission conserve ses responsabilités et ses compétences en matière d'exploitation des personnes en situation de vulnérabilité et continuera de les exercer. En ce sens, elle constitue notamment l'une des instances appropriées vers laquelle le commissaire local aux plaintes pourra diriger les personnes formulant un signalement ou une plainte.

 (10 h 30)

En outre, la commission souhaite confirmer sa volonté de participer à une entente nationale portant sur un processus d'intervention concernant la maltraitance envers les aînés. Elle y contribuera notamment en offrant son support à la formation et à la sensibilisation contre l'exploitation.

Dans un deuxième temps, la commission a voulu s'assurer que les modalités envisagées par le projet de loi en cas de signalement de maltraitance de personnes en situation de vulnérabilité respectent les droits et libertés de ces personnes. Comme c'est le cas dans le cadre d'une plainte déposée à la commission en vertu de l'article 48, la procédure de signalement envisagée par le projet de loi ne nécessite pas nécessairement le consentement préalable de la victime de maltraitance. L'intervention doit néanmoins se faire en tenant compte des autres droits de la personne en situation de vulnérabilité, notamment le droit à l'intégrité, au coeur duquel se retrouvent le droit au respect de son autonomie et le droit au respect de sa vie privée.

Comme la commission l'a souligné à maintes reprises, la possibilité d'intervenir sans le consentement de la victime doit donc demeurer exceptionnelle. Lorsque possible, la participation de celle-ci est cruciale à la résolution des cas d'exploitation. En ce sens, le modèle d'intervention qui découle de la charte en matière d'exploitation implique de développer une approche qui permet à la personne de décider elle-même où se trouve son intérêt tout en lui fournissant les services qui l'aident à préserver son autonomie. Dans chaque cas, le défi consiste à trouver les moyens d'intervention qui optimisent l'équilibre entre l'autonomie de la personne et sa sécurité.

Ainsi, la commission tient à insister sur les mesures d'accompagnement, de concertation et de prévention de la maltraitance des personnes en situation de vulnérabilité. Comme l'a déjà constaté la commission, accompagner la personne âgée victime d'abus constitue une alternative valable et même beaucoup plus souhaitable qu'une intervention de force. De plus, des solutions qui préconisent une approche psychosociale concertée constituent une alternative satisfaisante au refus qu'une personne en situation de vulnérabilité victime d'abus peut opposer aux tentatives d'intervention. L'intervention préventive des abus demeure également de plus grande portée que celle de l'intervention correctrice, par ailleurs, essentielle.

Certes, plusieurs mesures ont été prises à ce chapitre au cours des dernières années. La commission rappelle néanmoins l'importance des mesures que les établissements visés par le projet de loi devront déployer pour prévenir la maltraitance des personnes en situation de vulnérabilité, notamment à travers des activités de sensibilisation, d'information et de formation. La première recommandation de la commission, dans son mémoire, réitère d'ailleurs certains éléments dont devront tenir compte les établissements visés, ainsi que la ministre responsable des Aînés, qui devra tenir compte de ces éléments dans le cadre des responsabilités qui lui seront confiées en vertu de l'article 16 du projet de loi.

Enfin, dans un troisième temps, la commission s'est attardée à l'article 31 du projet de loi. Cet article prévoit octroyer au gouvernement le pouvoir réglementaire de déterminer les modalités d'utilisation des mécanismes de surveillance dans les établissements régis par la Loi sur les services de santé et services sociaux. Il va sans dire que l'utilisation de ces mécanismes soulève des enjeux majeurs eu égard à certains droits et libertés protégés par la charte. La commission réserve ses commentaires quant à la conformité à la charte des modalités encore à déterminer.

Le Président (M. Matte) : Je vous invite à conclure, madame.

Mme Bernard (Claire) : Elle tient néanmoins à insister sur le sérieux et la portée des enjeux posés de même que sur l'importance de sensibiliser les acteurs concernés eu égard à ceux-ci.

Et je pourrai répondre aux questions par la suite. Nous restons à votre disposition. Donc, merci de votre attention.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie. J'invite et je cède la parole à la ministre.

Mme Charbonneau : Merci, M. le Président. Avant de m'adresser à nos invités — bienvenue chez vous — je voudrais juste lever un drapeau jaune. Il faudrait faire attention quand on dit que tous les aînés sont maltraités. Je vous dis pourquoi, M. le Président. Je peux comprendre qu'on veut faire un propos important, mais on a des gens qui se lèvent à tous les matins pour donner des services et faire en sorte qu'on donne des bons services. Il y a des lacunes, j'en conviens avec mon collègue, mais il faudrait faire attention quand on prend un propos puis qu'on dit : Tous les aînés du Québec sont maltraités. Ça me heurte. Donc, on va faire attention, de part et d'autre, aux propos qu'on tient.

Mesdames, je suis heureuse de vous voir ce matin, d'autant plus que vous êtes nos premiers partenaires qui ont eu l'expérience de Trois-Rivières, du comité sociojudiciaire. Quand vous avez annoncé votre présence, j'avais hâte de vous voir puisqu'à chaque fois qu'on parle du comité sociojudiciaire qui a été mis en place et qu'on a fait en sorte qu'on pouvait faire certaines approches, c'est un peu nébuleux pour les gens, hein? Ce n'est pas quelque chose qui existe ailleurs et ce n'est pas quelque chose qu'on comprend bien dans la perspective d'accompagner les gens dans une situation de maltraitance. Donc, j'aimerais ça si je pouvais avoir une forme de témoignage de votre part parce que vous y avez participé de façon active depuis les deux ans et ça fait en sorte que vos paroles vont porter un peu sur une action concrète. Moi, je peux en parler puis je vous dirais que j'apprécie énormément ce comité, mais vous l'avez vécu, ce qui est tout à fait différent. Donc, j'aimerais bien vous entendre sur cette participation-là.

Mme Bernard (Claire) : Il faut le voir comme un mécanisme de coordination où la commission est venue jouer son rôle — comme elle le faisait par ailleurs — donc, de concertation avec les services policiers, avec le Curateur public, avec les établissements et les représentants du réseau. Donc, c'était de s'assurer de mettre en place les couloirs de référence et d'information dans les cas qui étaient appropriés.

Mme Charbonneau : Dans la plupart des cas, quand j'ai rencontré les gens qui étaient en responsabilité de ce comité, on me disait que 80 % des cas avaient été plus des cas un peu plus financiers qu'abus physiques, psychologiques et tous les autres. Est-ce que vous avez la même perception de votre expérience avec le comité sociojudiciaire?

Mme Bernard (Claire) : Effectivement. Et ça reflète aussi l'expérience de nos propres plaintes, où, actuellement, la majeure proportion des plaintes dont nous sommes saisis touchent des aspects financiers, ce qui ne fait pas que... on peut être saisis aussi d'autres cas où que ça se mêle avec des situations de maltraitance psychologique ou parfois physique.

Mme Charbonneau : Le défi d'un comité comme celui-là, c'est non seulement l'échange d'expertise, parce que vous avez chacun vos créneaux, mais c'est l'aspect de confidentialité des informations que vous avez. Est-ce que d'avoir un endroit où les échanges sont simplifiés, confidentiels, peut vous permettre d'ouvrir un peu sur cette porte-là ou vous gardez toujours une très grande prudence, malgré les partenaires alentour de la table, sur le principe de la confidentialité des informations que vous détenez sur la personne ou sur le dossier en titre?

• (10 h 40) •

Mme Bernard (Claire) : Une fois que le dossier nous est référé, on garde la confidentialité. Il n'y a pas d'échange d'information, il y a des échanges de... en tout cas, pas sans le... Il y a des échanges, bon, avec... On a un protocole, aussi, d'entente plus spécifique avec le Curateur public et on a des règles très claires sur qu'est-ce qu'on peut échanger, qu'est-ce qu'on ne peut pas échanger face à certaines situations. Donc, l'entente et les protocoles permettent, justement, de clarifier quelles sont les règles de confidentialité, et ce qui permet... Une entente sociojudiciaire, justement, ce n'est pas un endroit où on se met à parler de tous les cas, de toute la vie privée des gens, mais ils sont plus, effectivement, des... un mécanisme pour les clarifier et pour, en tout cas, protéger en même temps la sécurité et ces informations.

Mme Charbonneau : En vous entendant un peu plus tôt, vous avez fait une ouverture sur le principe de l'autonomie de l'aîné, son autodétermination. Nous, on aime bien parler de cet aspect, puisque, entre la divulgation obligatoire et le principe de mettre en place un mécanisme pour pouvoir avoir accès pour dénoncer des choses, il reste que, je vous dirais, la perception que je vais dire que j'ai, moi, parce que c'est très fort, et je suis têtue, c'est qu'un aîné, c'est aussi un adulte qui a un peu plus d'expérience que les autres, donc une forme d'autodétermination. Ce n'est pas parce que j'ai 72 ans que je n'ai plus ma tête puis que quelqu'un devrait prendre des décisions à ma place sur la relation que je devrais avoir avec une personne. Ce qui peut-être pour certains — puis les gens nous l'ont dit — peut être de la maltraitance, pour d'autres ça peut être une relation qui a toujours été comme ça, puis qu'on ne veut pas changer, puis qu'on veut garder dans ce principe-là. Est-ce que vous croyez que l'autodétermination chez nos aînés est suffisamment forte pour qu'on garde un principe de filet de sécurité où c'est lui ou les gens alentour qui peuvent dénoncer et non qui doivent dénoncer ou on devrait mettre en place un système qui fait en sorte qu'on a l'obligation de dénoncer?

Mme Bernard (Claire) : Comme on disait, on pense que l'intervention de force doit rester exceptionnelle. Il faut garder un équilibre. Dans les situations individuelles, c'est ça, la difficulté de l'enjeu, et, quand on entendait les questions... de là l'importance des formations au préalable. Parce que ce que vient faire le projet de loi, c'est vrai qu'il ne vient pas rajouter nécessairement des nouveaux recours. Il vient clarifier les responsabilités du commissaire local. Il vient clarifier qu'est-ce qu'on doit retrouver dans les politiques. On nous dit qu'il y a des mécanismes, mais là on vient nous dire quels sont les mécanismes, et il faut que les gens connaissent les différents recours, donc qu'ils puissent aussi diriger vers les bonnes personnes. Dans certains cas, ça va être le Curateur public, dans certains cas, ça va être les services policiers, dans certains cas, ça peut être la commission. Ça peut être aussi ces personnes-là, et, après, nous, on agit en concertation.

Donc, même dans notre cas, où la charte permet d'être saisi et même de saisir le tribunal sans le consentement de la personne, c'est une démarche qu'on fait exceptionnellement dans certaines situations. On s'assure d'abord que la personne est capable de consentir, de déterminer son intérêt. Et donc, effectivement, dans cette logique-là, on n'a pas recommandé qu'on aille plus loin dans le signalement. On est très confortables avec la possibilité de signaler telle qu'elle est prévue dans le projet de loi.

Mme Charbonneau : Merci. Dans la relation que vous avez avec l'ensemble des dossiers, vous disiez un peu plus tôt qu'il est possible d'avoir une relation d'échange et de confiance avec le commissaire aux plaintes. Plusieurs nous ont dit avec raison... Je vous dirais même que, dès le départ, au dépôt du projet de loi, on en a parlé avec le ministre de la Santé, de lui donner plus de responsabilités pourrait faire en sorte qu'on se doit de lui donner plus d'effectifs, hein, parce qu'il faut qu'il soit capable d'interagir rapidement. Mais, dans votre perspective à vous, vous dites : Il est aussi plausible d'imaginer une relation d'échange qu'on a déjà avec le commissaire aux plaintes. Est-ce que, dans cette volonté-là, vous voyez une responsabilité qu'on pourrait lui donner, supplémentaire, par rapport à la relation que vous avez lui ou est-ce que la relation actuelle que vous avez est suffisamment grande pour faire en sorte que l'enjeu se règle rapidement entre la responsabilité de l'un et celle qui vous est conférée?

Mme Bernard (Claire) : Je dirais que l'enjeu des ressources est au coeur de tous les organismes, que ce soient les établissements, donc les commissaires locaux, mais les autres représentants des établissements, les ressources du Curateur public, les ressources de la commission. Et donc ça, ce n'est pas une correction législative. On a les mécanismes, on les exerce. On reçoit déjà les plaintes des établissements. On reçoit déjà des plaintes parfois de représentants de comités des usagers, mais de commissaires locaux, d'intervenants. Là, c'est peut-être clarifier quel est ce mécanisme à l'intérieur de l'établissement. Il se peut que parfois ce soit nécessaire, parfois ce n'est pas nécessaire. Là, on vient dire : Bien, dans un établissement, voilà comment ça se passe. Il va y avoir une personne qui va être responsable de canaliser les demandes, par exemple, chez nous, ou vers d'autres intervenants, ou vers, effectivement, la direction administrative de l'établissement, qui doit continuer à exercer ses responsabilités.

Mme Charbonneau : D'ailleurs, dans le projet de loi, on le dit, le premier répondant sera le directeur général de chaque établissement pour s'assurer qu'il y ait une personne responsable en titre et qui peut avoir des comptes à rendre si les choses ne se font pas de façon régulière.

Dans les dossiers de la CDPDJ, depuis quelques années, on voit la réduction — je vais l'utiliser comme ça, puis les mots ne sont pas toujours justes — du cas de dossiers ouverts pour les aînés. Je vous donne des chiffres ronds, là, parce que c'est ce qu'on me fournit. De 2012 à 2013, il y avait 87 cas de relevés, 2013 à 2014, 92 — donc une légère augmentation — mais 2014‑2015, 61. Est-ce que le comité sociojudiciaire vient faire en sorte que les dossiers qui sont traités là, un, ne sont pas reconnus auprès de la CDPDJ ou est-ce qu'il y a des formes d'aide qui font en sorte que ça ne se rend pas jusqu'à vous, on règle avant parce que l'information se rend chez nos aînés plus rapidement pour trouver des façons de les aider à se sortir de situations malaisantes?

Mme Bernard (Claire) : Alors, je vous dirais trois choses. La première, c'est qu'avec l'adoption du plan d'action sur la maltraitance, effectivement, sur le rôle accru qui n'était plus reconnu, on avait vu une très importante augmentation des... Donc, oui, effectivement, on voit une baisse ici, mais ce n'est rien par rapport à ce qu'on voyait avant. Donc, c'est important, et je dirais que les occasions comme ce projet de loi et les discussions remettent en mémoire aux gens qu'on a, nous aussi, un rôle à jouer. Donc, ça, peut-être qu'on va le voir, nous, dans les prochains mois. Donc, ça, c'est la première chose, c'est tout le rôle qui doit continuer à être un rôle d'information, de sensibilisation. Et enfin les gens, ce qu'on entend quand même, c'est encore un manque d'information et de connaissance, pourtant des choses qui sont très simples, sur les mécanismes qui existent.

La deuxième chose, c'est que les chiffres que vous donnez parlent des personnes âgées. C'est peut-être parce que vous les recevez à titre de ministre responsable, mais il y a aussi des données sur les personnes handicapées, qui sont moindres, mais qui viennent... Après, les chiffres que vous donnez sont les dossiers d'enquête, mais il y a aussi tout le volet des dossiers de plaintes. Et on le dit un peu plus dans le mémoire, c'est-à-dire que nous, dans les dossiers d'enquête, on les ouvre une fois qu'on n'a pas réussi à régler la situation, à établir avec les personnes le filet ou alors qu'on a... parfois, on réfère, effectivement. Donc, il y des cas où on n'a pas besoin de rester dans le dossier parce qu'en bout de compte, une fois qu'on fait enquête, nous, si on saisit le tribunal, on devient un recours civil, mais, dans certains cas, ce n'est pas nécessairement une demande de dommages-intérêts qui justifie l'intervention de la commission. Ça dépend des situations. Notamment, dans les cas où on est intervenus dans des établissements, ce qu'on avait fait à l'époque, c'était beaucoup plus des recommandations systémiques, et qui ressemblent à ce que fait le Protecteur du citoyen. Alors, je dirais que, pour certaines des situations, le Protecteur du citoyen joue un rôle beaucoup plus, enfin, accru depuis ses responsabilités.

Il y a aussi toute l'accréditation des résidences privées. Il y a quelques années, les résidences privées n'étaient pas accréditées, donc on était les seuls à pouvoir intervenir. Maintenant, les CISSS, maintenant, peuvent intervenir. En fait, tout ça, ça a permis aussi d'encadrer. Donc, on reste de plus en plus, nous, avec les situations particulières de familles... enfin, de familles ou de contrats. On a parlé tout à l'heure de situations, mais c'est sûr que les chiffres ne reflètent pas les situations qui existent, et ce que le... Parce que ce que vient faire le projet de loi, c'est effectivement rappeler... Parce que les dispositions antireprésailles, elles sont déjà dans la charte, mais on doit expliquer... Nous, on recommandait déjà dans le rapport de 2001 : Si on reconnaît le droit à une personne de porter plainte ou de signaler, ça doit nécessairement venir avec un mécanisme d'antireprésailles, de protection, mais c'est aussi tout ce qui vient avec la prévention et la formation. Et ça, c'est important que les employés disposent de ces formations pour savoir qu'ils peuvent effectivement signaler, parce qu'on sent encore cette peur, et ce que vient faire le projet de loi, c'est dire : Non, vous devez le faire et vous pouvez le faire.

• (10 h 50) •

Mme Charbonneau : Une dernière question, qui est une question qui relève d'une autre possibilité, mais, dans le projet de loi, on ouvre la porte à la divulgation du secret professionnel d'une façon plus ouverte. Je vais dire plus ouverte parce qu'un professionnel peut aller au-delà, mais il faut vraiment qu'il y ait danger de mort imminente ou un danger plus grand. Nous, ce qu'on dit, c'est : Quand il y a un soupçon ou une perspective de maltraitance, le professionnel peut sortir de son rôle de professionnel et aller porter... je ne dirais pas une plainte, mais il pourrait aller donner son soupçon d'une possibilité de maltraitance en outrepassant son secret professionnel. Je voulais savoir ce que vous en pensiez par rapport au projet de loi.

Mme Pedneault (Evelyne) : À ce sujet-là, la commission rappelle que la Cour suprême du Canada a énoncé trois conditions qui permettent l'exception au droit au secret professionnel dans les circonstances que vous énoncez. La commission a rappelé ces trois conditions-là. La nouvelle formulation proposée par le projet de loi change très peu de choses quant aux deux premières conditions, à savoir qu'il faut qu'il y ait une personne ou un groupe identifiable qui soit clairement en danger. La deuxième, c'est que cette personne-là ou ce groupe de personnes là doit risquer d'être blessé gravement ou tué. Et la troisième, c'est que le danger doit être imminent. La nouvelle formulation proposée par le projet de loi nous semble correspondre à la définition que fait la Cour suprême du terme «danger imminent», à savoir que le risque doit être sérieux et qu'il doit inspirer un sentiment d'urgence. En ce sens-là, la commission est d'accord avec cette exception-là dans la mesure où elle correspond aux balises établies par la Cour suprême et où la nouvelle formulation est interprétée comme respectant les cadres établis par ces balises-là.

Mme Charbonneau : Merci.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie. Le temps étant écoulé, je cède la parole au député de Rimouski.

M. LeBel : Merci, M. le Président. Je vous salue. Je vais commencer par relever le drapeau jaune de la ministre de tantôt. Je ne me souviens pas d'avoir dit que tous les aînés étaient des gens maltraités, au contraire. Et je rappelle que je suis très d'accord avec ce que l'AQRP disait hier, qu'on est dus pour des états généraux sur les aînés — je ne l'ai pas dit encore, mais je le répète — et ça pourrait être des états généraux sur une façon non partisane et qui nous permettraient de discuter de l'enjeu très large des aînés, et, entre autres, de souligner l'extraordinaire contribution de nos aînés, dans toutes les régions du Québec, dans la vie de nos communautés. Ça fait que je suis très ouvert. Je relance la ministre là-dessus.

Moi, depuis hier, là, j'entends... Puis je ne suis pas un expert, hein, j'écoute, puis j'essaie de me faire une tête sur différentes choses, mais ce que je trouve de plus en plus compliqué, là, à chaque fois, c'est qu'on dirait qu'on met une couche sur la complexité du réseau, là, comment la personne, là, qui a à faire une plainte ou un signalement, là, à qui elle fait la plainte puis comment ça... Je trouve que ça devient de plus en plus complexe. Et vous avez une expérience là-dedans, la ministre, tantôt, parlait d'un tableau qui parlait des enquêtes, des dossiers que vous avez ouverts, 2013‑2014, qui étaient de 92, 61 en 2014‑2015, et moi, je rajoute 48 en 2015‑2016. Vous avez expliqué un peu la problématique, mais vous avez ouvert des enquêtes là-dessus, j'aimerais savoir, les enquêtes que vous avez ouvertes, est-ce que vous avez un portrait de qui a fait les signalements? Ça vient-u du réseau, de la famille ou... Est-ce que vous avez un portrait?

Mme Bernard (Claire) : Je n'ai pas nécessairement les chiffres de qui... je ne peux pas vous les donner maintenant, mais je vous réponds que, oui, ça peut venir, donc, de travailleurs sociaux du réseau, donc, et de la famille, de proches, d'institutions financières. Donc, il n'y a pas de groupe plus que l'autre, là. Mais je pourrais vous les transmettre, par contre.

M. LeBel : Je posais la question parce que, quand je regarde les statistiques de la ligne Abus Aînés, là, ce que je vois, c'est que le signalement vient surtout des victimes elles-mêmes, des membres de la famille, c'est à 70 % à peu près, et du réseau, que 3 point quelques pour cent. Ça fait que je me demandais, j'essayais de voir parce que ça me pose la question pourquoi que les gens du réseau ne signalent pas dans la ligne Abus ou... J'essaie de voir, je pose la question, c'est en relation avec les signalements obligatoires. Parce que le signalement obligatoire viendrait nous assurer qu'il y ait des signalements qui soient faits dans le réseau plus que maintenant, et je posais la question pour ça.

Dans votre mémoire, vous parlez aussi d'une entente nationale prévue à la loi. Je ne sais pas si la ministre peut nous le dire, mais ce que j'ai lu dans la loi, on parle plutôt d'ententes... c'est plutôt régional ou local, là, avec les établissements. Je ne vois pas là-dedans où on parle d'une entente nationale qui est prévue dans la loi sur la maltraitance, c'est plus que la ministre coordonne des ententes, en fait, avec les établissements et... Mais je trouve l'idée intéressante d'avoir une entente nationale. Ça pourrait peut-être répondre à plusieurs questions sur le circuit que les plaintes pourraient être faites et comment chacun pourrait intervenir. Qu'est-ce que vous voyez dans ce genre d'entente nationale sur la maltraitance? Qu'est-ce que vous voyez là-dedans? Ça servirait à quoi, cette entente nationale?

Mme Bernard (Claire) : En fait, le projet de loi ne parle ni de national ni de régional. Il y a des discussions sur les suites, et ce que je peux vous dire, c'est que la commission, elle ne peut pas s'engager dans des ententes régionales ou même locales. Il y a eu des tentatives, mais on est quand même une petite équipe et on ne peut pas s'engager dans des ententes. On répond aux demandes, aux plaintes sur tout le territoire du Québec, mais avoir des ententes, il y a quand même beaucoup de réunions, de... Donc, nous, on préfère répondre dans les situations particulières plutôt que d'être engagés dans chaque entente régionale parce qu'on n'a pas assez de représentants de la commission pour participer à toutes les réunions. Mais, par ailleurs, ce que le mécanisme national doit prévoir, c'est effectivement quand on doit agir, là, comme on le fait... Comme je vous dis, ça vient formaliser des pratiques qu'on fait déjà, que ce soit avec le Curateur public, les services policiers, le CSSS ou le CISSS maintenant.

M. LeBel : O.K. Parce que je lis votre mémoire, là : «La commission souhaite également confirmer sa volonté de participer à une entente nationale portant sur un processus d'intervention concernant la maltraitance envers les aînés que prévoit la loi n° 115. Elle contribuera notamment en offrant un support de formation en sensibilisation contre l'exploitation.» Je trouve ça superintéressant, mais j'aurais... j'aimerais ça... Cette entente-là, qui devrait être, selon vous, les signataires ou les partenaires d'une entente comme ça? Comment cette entente nationale, où chacun s'entend sur son rôle... comment ça va faire en sorte que la personne qui vit de la maltraitance, ce sera plus clair pour elle, cette personne-là, comment faire son signalement ou ses plaintes?

Mme Bernard (Claire) : On le voit plus comme le haut de la pyramide, mais après, pour les cas individuels, ce sera par les ententes locales. Mais c'est plus, en fait, pour... Parce qu'au niveau national, c'est la Sécurité publique, le ministère de la Sécurité publique, ce n'est pas nécessairement, par exemple, les services policiers individuels. Après, dans... au niveau régional, c'est, par exemple, la ville de Montréal. Donc, ce n'est pas une entente nationale pour répondre aux besoins individuels. Ce que nous, on dit, c'est qu'on est prêts à s'engager dans une entente nationale, mais qu'on... Bien, voilà, c'est ce qu'on dit par rapport aux ententes.

M. LeBel : Moi, le souhait que je ferais pour une entente nationale, c'est que ça clarifie le processus puis que, dans les régions, ça nous aide à établir nos politiques, à savoir comment la personne... Parce que, tantôt, on a posé la question, là, avec la COPHAN, tu sais, la personne qui est vulnérable, qui subit de la maltraitance ou qui a peur de faire le signalement ou... ça devient compliqué quand tu regardes qui fait quoi. Et moi, je pense que ce projet de loi là, s'il y a quelque chose qu'il doit faire, c'est de clarifier tout ça, avoir un processus très clair, et l'idée d'une entente, je trouvais ça intéressant. Si ça vient aider les gens qui mettent en place des politiques dans chaque région, ça vient les aider à clarifier le processus, moi, je trouvais ça une bonne idée.

Tantôt, les gens de la COPHAN, puis d'autres aussi, nous... Tu sais, on parle beaucoup du réseau, on parle moins du domicile. Tantôt, on disait : Bon, il y a des gens qui interviennent à domicile. Puis là j'amène l'idée du signalement obligatoire, comment vous voyez ça? Comment on peut amener... pour ne rien laisser passer? C'est ça, l'objectif, on ne laisse passer aucune maltraitance. Comment on peut s'assurer qu'il y ait un signalement, mais que... Le signalement, si on le rend obligatoire, est-ce qu'il y a des sanctions qui doivent être données à ça? Est-ce que ça ne fera pas l'effet contraire, les gens ont peur des sanctions et ne signaleront pas? Comment vous voyez ça? Dans votre expérience, comment ça pourrait aider, le signalement obligatoire avec des sanctions?

• (11 heures) •

Mme Bernard (Claire) : Bien, comme on vous dit, nous, on prône plutôt ce qui est proposé, qui est le signalement facultatif. Et, encore là, tout notre exposé, c'est de dire que ça ne doit pas être automatique, mais qu'il faut impliquer la personne qui est au coeur de la démarche. Donc, il faut aller en chercher... Quand on parle de son consentement aussi, ce n'est pas nécessairement un consentement, oui ou non — est-ce que tu es d'accord? — c'est de lui expliquer quels sont ses recours, quelles sont ses possibilités face à sa situation et c'est ce qu'on fait déjà, nous, dans nos démarches. Donc, c'est effectivement prévoir que, dans certains cas — et comme on le fait actuellement, comme la chartre nous le permet — le consentement de la personne n'est pas obligatoire. Mais, dans la plupart des cas, nous, on procède avec la personne.

M. LeBel : Bien, moi, ça me permet, en terminant, de plaider pour... Il y a des groupes communautaires qui font ça, qui aident les personnes, je pense, les CAAP, communautés d'aide aux plaintes. Il faut mieux financer ces groupes-là. Parce que les régions sont grandes, tu sais. Tantôt, on parlait souvent de ça, mais moi, je vois des villages, là, puis je vois des... Et ça, ça prend des gens qui soient sur le terrain, et ce n'est pas si facile que ça. Et, pour ça, il faut mieux outiller nos organisations, les groupes communautaires, entre autres, les réseaux qui s'occupent de ça, sinon ça n'aboutira à rien. Ça me permet de plaider pour un meilleur financement du milieu communautaire.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie. Et je cède la parole au député de Lévis.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Bonjour et bienvenue, Me Bernard, Me Pedneault. Merci d'être là. Je prends une seconde pour dire aussi, également, puis je rappelle à la ministre... Je ne sais pas, M. le Président, d'où la ministre tenait ses informations concernant le propos voulant que tous les aînés soient maltraités. Effectivement, je n'ai pas entendu ça, je ne sais pas qui a pu dire ça, mais force est de constater que c'est loin d'être le cas et que ce ne doit pas l'être. Mais ceux qui vivent des situations de maltraitance, bien, travaillons pour faire en sorte que ça ne se reproduise pas, quel que soit le type de maltraitance, bien sûr.

Vous avez dit beaucoup de choses, mesdames, puis c'est important de vous avoir parce que vous avez été citées à de nombreuses reprises par des groupes qui se sont présentés avant vous comme étant peut-être le chemin idéal. Et cela, c'est bien important parce que vous avez parlé d'information, vous avez parlé de clarification. Vous avez parlé de l'article 48, c'est intéressant que vous nous l'ayez lu également parce que les gens ne le savent peut-être pas, mais cette notion — toute personne âgée ou toute personne handicapée a droit d'être protégée contre toute forme d'exploitation, telle personne a aussi droit à la protection et à la sécurité que doivent lui apporter sa famille ou les personnes qui en tiennent lieu — je pense que c'est fondamental, hein, c'est la base même d'une société qui fonctionne bien.

Mais je reviens sur le chemin, il y a des gens qui nous ont dit que ça doit passer par votre organisation. Il y a des gens qui sont venus nous dire : Le Protecteur du citoyen devrait être le chemin que l'on utilise, sachant pertinemment qu'on utilise l'un et l'autre, là, et vous nous le disiez il y a deux instants. Mais il y a une espèce de flou pour l'ensemble des citoyens, j'en suis convaincu, à savoir qui fait quoi. D'ailleurs, vous le disiez, la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, peut-être qu'il y a bien des gens qui ne savent pas qu'ils ont la possibilité de s'adresser à vous. Et là le chemin qu'on privilégie, c'est celui du commissaire aux plaintes.

Deux options, deux questions. Est-ce que, selon vous, c'est le chemin idéal? Deuxième question... Parce que plusieurs ont dit : Encore, faudrait-il qu'il ait, au terme de l'exercice, un pouvoir exécutoire, et non pas seulement un pouvoir de recommandation sur l'aboutissement de ce qui lui sera présenté. À la première : Est-ce que c'est le chemin idéal?

Mme Bernard (Claire) : Je répondrais que ce n'est pas le chemin unique. Pour nous, ce n'est pas de pointer un seul chemin, c'est que tous les acteurs soient bien conscients des passerelles qui existent et c'est ce que vient faire le projet de loi. Quand il dit que le commissaire local est la personne responsable, va pouvoir faire des recommandations, c'est celles, par exemple, qui touchent des mesures correctrices, qui impliquent l'établissement. Évidemment, ça ne va pas toucher le cas de toute autre personne, puisque le projet de loi, ce qu'il prévoit, c'est qu'on pourra signaler aussi des situations d'un proche, d'un membre de la famille, qu'il soit à domicile ou dans la chambre, par exemple. Donc, ce qui est très bien, c'est que, là, le commissaire local, même s'il est mis au fait, il pourra être le canal. On vient renforcer qu'il sera le canal, et il ne pourra pas dire : Mais écoutez, ça, ça ne relève pas de ma compétence parce que c'est un cas de maltraitance familiale. Donc, ça va être un canal de référence.

Les canaux existent déjà. Le Protecteur du citoyen a actuellement un canal vers nous dans la chartre. Quand il est saisi d'une situation qui ne relève pas de sa compétence, il est prévu qu'il nous le réfère. Il y a aussi un canal vers le Curateur public. Dans la chartre, si on est saisi d'une situation et on continue d'enquêter, mais où le Curateur public devrait intervenir parce qu'on est face à un besoin de protection, c'est déjà prévu. Alors, il y a des canaux déjà prévus, et ce que vient faire le projet de loi, ce n'est pas, à mon avis, écarter, ça vient renforcer, rappeler et responsabiliser.

Ça vient responsabiliser aussi les établissements et les commissaires locaux. Alors, ça, ça va être aux établissements aussi de se dire : Bon, là on est face à des situations de maltraitance, la loi nous le dit très clairement, on doit agir. À mon avis, ils devaient déjà agir parce que les droits qui sont reconnus, ils sont déjà dans la charte et sont déjà dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Mais ça vient dire très clairement que ce sont des situations de maltraitance et ça vient responsabiliser, donc, à la fois le commissaire local mais, encore là, les établissements eux-mêmes.

M. Paradis (Lévis) : Vous dites : Il va falloir que cette confusion, parce qu'il y en a une... en tout cas, que cette façon de faire là, que cette approche-là soit extrêmement claire pour les utilisateurs. Est-ce que vous ne craignez pas que ce que l'on vit actuellement... Vous dites que ça existe, hein? Manifestement, c'est là, là. Force est de constater qu'il faut bonifier ça aussi. Est-ce que vous pensez que, dans l'état actuel des choses... Parce que plusieurs nous ont dit que le commissaire local aux plaintes ou le commissaire aux plaintes est déjà débordé. On nous dit : On croule sous les dossiers que l'on ne peut traiter. Est-ce que vous pensez que, dans l'état actuel des choses, cette organisation-là est capable ou serait capable de recevoir et de remplir la mission qu'on lui souhaite?

Mme Bernard (Claire) : Ce n'est pas à la commission à le dire. Ce qu'elle dit dans son mémoire, c'est que l'État québécois a des responsabilités, il est en train de les mettre en oeuvre, il prend des engagements. Il va falloir que ces engagements soient aussi des engagements de ressources ou financières.

M. Paradis (Lévis) : Je comprends par votre message qu'à ce chapitre-là, et on rejoindra des propos qui ont été tenus, le gouvernement doit aussi ajouter la force des moyens, bien sûr, pour être en mesure d'atteindre les objectifs.

Je reviens sur le pouvoir de ce commissaire aux plaintes... local aux plaintes ou le commissaire aux plaintes. Alors, des gens ont dit : C'est dommage de voir qu'il n'y ait pas... qu'il n'y ait qu'un pouvoir de recommandation. Est-ce que vous avez l'impression que cette organisation-là devrait avoir davantage de pouvoirs qu'elle en a présentement dans le cadre du projet de loi n° 115?

Le Président (M. Matte) : Une courte réponse, s'il vous plaît.

Mme Bernard (Claire) : Notre analyse, qui s'insère dans les mécanismes actuels, est que les sanctions sont déjà de la responsabilité de la direction générale, des directions disciplinaires. Par exemple, il y a des mécanismes, mais on n'a pas fait l'analyse pour voir est-ce qu'ils sont déficients. Ce n'était pas notre objectif.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie de votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 8)

(Reprise à 11 h 11)

Le Président (M. Matte) : ...tarder, je souhaite la bienvenue à la Chaire de recherche Antoine-Turmel sur la protection juridique des aînés de l'Université Laval. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes et je vous invite à vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent.

Chaire de recherche Antoine-Turmel sur la
protection juridique des aînés

Mme Morin (Christine) : Alors, je vous remercie. Bonjour. Mon nom est Christine Morin, je suis professeure à la Faculté de droit de l'Université Laval et titulaire de la Chaire de recherche Antoine-Turmel sur la protection juridique des aînés. Je suis accompagnée par Marie-Hélène Dufour, qui est avocate, étudiante au doctorat et chercheuse à la chaire, et de Katherine Champagne, qui est notaire et coordonnatrice de la chaire. Alors, on est très heureuses de pouvoir être ici avec vous aujourd'hui et on vous remercie pour l'invitation. Sachez par ailleurs que c'est une première pour Katherine, pour Marie-Hélène et pour moi. Alors, merci.

Des voix : ...

Mme Morin (Christine) : Merci, merci. Alors, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, on est trois juristes associées à la Chaire Antoine-Turmel, et c'est à ce titre qu'on est présentes aujourd'hui.

Alors, la Chaire Antoine-Turmel a été lancée à l'automne 2014. Elle regroupe des professeurs et des étudiants qui s'intéressent aux questions en lien avec la protection des droits des personnes âgées. Donc, l'objectif de notre présence aujourd'hui à l'Assemblée nationale, c'est de contribuer à la réflexion sur l'environnement juridique global pour venir en aide aux personnes âgées qui sont maltraitées et autres personnes majeures en situation de vulnérabilité.

Alors, bien entendu, vous le devinerez, on accueille favorablement le projet de loi n° 115, on considère que c'est une initiative louable pour contrer la maltraitance. On se réjouit de la volonté politique de lutter contre la maltraitance des personnes aînées et autres personnes majeures en situation de vulnérabilité et on est contents du message qui est transmis par le législateur quant au caractère inacceptable de cette maltraitance. Vous me permettrez par ailleurs de me désoler du fait de constater qu'au Québec on a encore besoin de nouvelles lois pour que les personnes âgées ne soient pas maltraitées.

Alors, comme vous avez pu le constater à la lecture de notre mémoire, on fait plusieurs commentaires, certaines propositions. Mais ce qui est, selon nous, particulièrement important avec le projet de loi n° 115 et ce qu'il va falloir, selon nous, retenir de nos propos aujourd'hui, c'est qu'il faut chercher à favoriser l'accessibilité du droit et la cohérence du droit en matière de protection des personnes âgées contre la maltraitance.

Alors, je m'explique. Au niveau de l'accessibilité du droit, on considère que, d'une part, c'est fondamental que les personnes âgées et leur entourage connaissent leurs droits, ce qui est loin d'être le cas dans plusieurs situations. D'autre part, on pense qu'il est important, encore une fois, que les personnes âgées et leur entourage sachent quoi faire et à qui s'adresser lorsqu'elles constatent des situations où il y a de la maltraitance. Alors, on croit qu'il faut d'abord essayer de voir pourquoi ce qui est déjà en place au Québec ne fonctionne pas dans toutes les situations — il y a des situations où ça fonctionne, heureusement, mais pas toujours — et il faut ensuite veiller à coordonner les propositions du projet de loi n° 115 avec les mécanismes déjà prévus, de manière à obtenir la meilleure façon d'intervenir pour régler le fameux problème de la maltraitance aux aînés et autres personnes vulnérables.

Alors, comme on a peu de temps pour la présentation, je vais revenir seulement sur trois parties du mémoire, les parties 1, 3 et 5, mais on va évidemment être heureuses de répondre aux questions sur toutes les parties.

Dans la partie 1, sur les considérations générales, on s'interroge sur la portée et le champ d'application du projet, qui nous apparaissent restreints parce qu'on vise surtout les personnes âgées qui ont des soins et des services, ce qui semble exclure une partie des autres personnes âgées.

Je vous le mentionnais tout à l'heure, on s'interroge et on se préoccupe de la cohérence du projet de loi avec les dispositions déjà en place. Et je dirais que c'est particulièrement vrai par rapport à la charte québécoise et à la Commission des droits de la personne. En fait, on était très étonnées que le projet de loi ne mentionne ni la charte ni la Commission des droits de la personne, contrairement à ce que faisait le projet de loi n° 399. Alors, on croit que la commission est importante et on croit qu'elle devrait d'ailleurs être expressément mentionnée parmi les organismes qui participent aux ententes sociojudiciaires.

Dans la troisième partie du mémoire, celle qui porte sur la politique de lutte contre la maltraitance et sur le rôle accru du commissaire local aux plaintes, bien, on se réjouit du fait que les établissements vont devoir adopter une politique de lutte contre la maltraitance, ça va mettre en évidence la volonté de lutter contre la maltraitance et ça va avoir aussi un effet de sensibilisation.

Pour ce qui est du rôle du commissaire, qu'on veut accroître dans le projet, bien, là on se demande : Est-ce qu'il s'agit vraiment de la meilleure personne-ressource à qui dénoncer les situations de maltraitance? À première vue, le commissaire a moins de pouvoirs que la Commission des droits, moins de pouvoirs que le Curateur public, alors on s'interroge. Par ailleurs, on a un rapport de juin 2016 de la Commission de la santé et des services sociaux sur les conditions de vie des adultes hébergés en CHSLD qui révèle que peu de personnes âgées dénoncent les situations au commissaire. Alors, on pense que ce n'est peut-être pas la meilleure personne, notamment pour les situations de maltraitance organisationnelle, notamment parce que le commissaire est nommé par le conseil d'administration de l'établissement et parce qu'il relève de ce conseil d'administration.

Pour ce qui est de la partie cinq du mémoire, à propos des dispositions modificatives, sur le secret professionnel, on est favorables à la volonté de modifier le Code des professions et les lois qui régissent les professionnels pour revoir les dérogations qui permettent la levée du secret professionnel dans certaines situations. On a cependant l'impression qu'avec le projet de loi c'est un peu le statu quo, qu'on fait simplement reprendre ce qui a été établi par la Cour suprême, ce qui n'est pas mauvais en soi parce que ça a une fonction pédagogique. Par ailleurs, on pense qu'on aurait pu profiter du projet de loi pour aller un peu plus loin.

Ma collègue Me Dufour et la professeure Raymonde Crête ont beaucoup travaillé sur ce secret professionnel là, eu égard aux situations de maltraitance par rapport aux personnes âgées, et elles proposaient d'adopter une disposition qui permettait d'intervenir dans un plus grand nombre de situations. Je vous laisse le soin de vérifier leurs propositions dans notre mémoire. Mais l'avantage de ce qu'elles proposaient, c'était de laisser plus de place à la compétence et au jugement des professionnels, sans toutefois les forcer à intervenir.

Je mentionne d'ailleurs immédiatement que, pour toutes les questions sur la dénonciation obligatoire et le secret professionnel, c'est Me Dufour qui va pouvoir répondre à vos questions.

Un mot maintenant sur les caméras cachées... bien, en fait, les caméras de surveillance. Est-ce qu'elles seront cachées? On verra. On veut simplement mentionner encore une fois ici qu'on se désole de constater qu'on en est rendus là. Ça montre bien la méfiance de la population par rapport au réseau de la santé. Par contre, comme la maltraitance existe dans certains milieux d'hébergement, bien, on pense que, oui, il faut permettre l'utilisation des caméras, mais il faut le faire avec beaucoup de prudence, il faut respecter la vie privée des personnes hébergées, il faut respecter la vie privée des employés. Mais, par ailleurs, c'est un moyen effectivement utile pour prévenir la maltraitance et pour détecter les situations où il y a de la maltraitance.

Alors, je conclus en mentionnant qu'on est favorables au projet de loi, c'est une initiative louable pour contrer la maltraitance envers les aînés et autres personnes en situation de vulnérabilité. On est très conscientes qu'il n'y aura jamais de législation parfaite, mais on pense que le projet est néanmoins perfectible et que, si on veut vraiment mettre en place un environnement législatif global pour mettre fin à ces situations de maltraitance, il faut penser — et ici je vais me répéter — cohérence et harmonisation des mécanismes et des ressources en place et accessibilité du droit pour les personnes concernées. Sur ce, je vous remercie.

• (11 h 20) •

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie. Pour le début des échanges, je cède la parole à Mme la ministre.

Mme Charbonneau : Merci, M. le Président. Je suis en train d'écrire en gros «harmonisation» sur ma feuille, puisque vous en faites un éloge. Bienvenue, mesdames, merci d'être avec nous aujourd'hui. J'avais très hâte de vous rencontrer, comme la plupart des gens, mais tout particulièrement Mme Morin, parce que j'ai lu avec beaucoup d'attention votre lettre d'opinion que vous avez faite, le billet que vous avez fait pour rappeler plusieurs aspects, hein, du travail que vous faites et que vous avez constatés.

Je vais me faire plaisir personnellement, je vous le dis, aujourd'hui, je suis un peu égoïste, je me fais plaisir, je vais vous relire parce que... Probablement que, vous, vous le savez par coeur, parce qu'avant de l'envoyer on la lit bien des fois, cette lettre, pour s'assurer de tout. Mais vous finalisez vos propos en disant : «Le problème de la maltraitance envers les personnes aînées, comme celui de toute forme de maltraitance, est complexe et multifactoriel. La meilleure législation ne réussira jamais à résoudre tous les problèmes, si la société ne s'intéresse pas davantage au sort des personnes âgées qui sont en situation de vulnérabilité. De meilleures lois peuvent certes améliorer la situation, mais, face à un problème social, chacun de nous doit se sentir concerné.»

Je vous dis que je suis égoïste en relisant ce dernier chapitre de votre lettre parce que le premier constat que j'ai fait en arrivant au ministère, au Secrétariat des aînés, en parlant de différents dossiers, c'est qu'effectivement, si chacun d'entre nous se donnait une responsabilité — et je suis passée par l'intimidation, je suis passée par la maltraitance, dans un passé pas si lointain, j'étais en éducation, sur la persévérance scolaire — si chacun d'entre nous se donnait une responsabilité civile, forte et engagée, il y a bien des choses qu'on ne ferait pas en législation, on n'aurait pas besoin de le faire. Donc, je voulais souligner cet aspect que vous avez apporté.

Mais j'aimerais ça peut-être vous donner l'opportunité de nous parler un peu, de par la Chaire de recherche, mais aussi par les constats que vous en faites, comment peut-on amener une population, autre que par ce sujet qu'on a aujourd'hui... Parce que vous savez qu'avant d'en parler de façon légale, hein, avant de dire qu'on dépose un projet de loi sur la maltraitance, tout ce qu'on a, c'est quelques rubriques médiatiques qui nous rappellent un peu à l'ordre comme société, qu'il se passe des choses inacceptables. Comment peut-on faire, comme gouvernement, comme société, pour guider notre société dans un regard meilleur sur comment on s'occupe bien de notre monde? Parce qu'on pourrait prendre la jeunesse puis dire que la DPJ, si elle existe encore, c'est parce qu'il se passe encore des choses. La sécurité publique pourrait nous passer en rubrique plein de choses qui se passent, du vol à la maltraitance auprès des personnes handicapées, on en parlait ce matin, à toute autre forme de geste inconcevable. Mais comment peut-on faire, comme gouvernement ou comme société, pour mettre une lumière fluorescente sur ce fléau que nous subissons et comment faire en sorte que tout le monde se donne cet engagement-là de ne plus tolérer la maltraitance?

Mme Morin (Christine) : En fait, je pense qu'on est sur une bonne voie, notamment depuis 2010, avec le plan d'action contre la maltraitance. Mais je pense que ce qui est particulièrement important, c'est qu'on en parle. La campagne de publicité qui a eu lieu par rapport à la maltraitance, moi, je pense que ça a effectivement sensibilisé les gens, ça a fait en sorte que les gens en parlent. Et c'est la même chose, ne serait-ce qu'avec les commissions parlementaires, en ce moment; dans les journaux, hier on en parlait; dans les médias, ce matin, on en parlait. Et on ne parlait pas que d'un cas isolé, on parle vraiment de la problématique. On se rend compte qu'elle a une importance, qu'elle existe toujours, malheureusement, au Québec, et c'est à force d'en parler que les gens vont être de plus en plus conscientisés.

Et c'est la même chose avec l'ensemble des problèmes sociaux. Quand on a parlé de protection de la jeunesse, bien, c'est à force de conscientiser tout le monde qu'on en est venus à avoir un organisme, à mieux s'organiser, et tout ça. Il faut faire la même chose pour la maltraitance envers les personnes aînées et autres personnes majeures en situation de vulnérabilité.

Les politiques qu'on recommande d'adopter dans le projet de loi, ça aussi, je trouve que c'est une partie de la solution, parce que, là encore, ça manifeste la volonté de lutter contre la maltraitance. On a une politique formelle qui explique ce qu'est la maltraitance, ce qu'on doit faire pour l'enrayer. Mais, une fois qu'on a tout ça, il faut qu'on s'assure qu'une fois qu'on va avoir conscientisé les gens à la maltraitance, s'ils veulent dénoncer, il ne faut pas que ce soit compliqué, il faut qu'ils sachent où dénoncer, quoi faire, comment le faire. Il ne faut pas que ce soit un dédale de possibilités. Il faut qu'il y ait une voie, la voie optimale. Pour les enfants, c'est la DPJ. Quand il y a une urgence, c'est le 9-1-1. Quand il y a la maltraitance des aînés, on fait quoi? La majorité des gens ne le savent malheureusement pas.

Mme Charbonneau : À partir du moment où vous me dites : Il faut simplifier l'action et l'interaction de la dénonciation, est-ce qu'elle se doit d'être obligatoire ou peut-on laisser une place à l'autodétermination et le bon jugement des gens?

Mme Champagne (Katherine) : Il nous semble important effectivement, comme vous le dites, de ne pas oublier que la personne âgée est néanmoins une personne autonome et de respecter justement son autonomie. Avec un régime de dénonciation obligatoire, on prive la personne âgée de sa propre autodétermination sur sa personne, sur sa vie, sur sa façon de gérer sa vie comme elle l'entend. Et aussi il ne faut pas oublier, Me Morin l'a dit, la maltraitance est une problématique très complexe, multifactorielle, donc ça peut être très difficile de reconnaître des situations de maltraitance. C'est pour ça qu'avec une plus grande sensibilisation et puis une incitation à aider ça nous semble préférable qu'une dénonciation obligatoire.

Le Président (M. Matte) : Oui. Donc, je laisserais la parole à la députée de Verdun. Il vous reste huit minutes.

Mme Melançon : Merci. Merci beaucoup. Mesdames, bonjour. Merci beaucoup d'être parmi nous. Et je vais me permettre un commentaire. Si c'est votre première expérience comme ça parmi nous, je veux vous dire que moi aussi, c'est ma première expérience aujourd'hui. Alors, nous allons partager ce moment.

J'ai bien lu, j'ai bien parcouru tout le dossier et je sais que votre chaire se penche particulièrement sur la maltraitance financière. Et en ce sens, un peu plus tôt, avec la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, on a parlé du projet pilote en Mauricie, où on a parlé où c'était autour de 80 %, là — si le chiffre est exact — des cas qui étaient soulevés qui étaient de la maltraitance financière. Moi, je veux savoir — et j'imagine que la chaire s'est penchée là-dessus — est-ce que nos établissements, donc je pense aux banques, je pense à nos caisses... est-ce qu'ils sont bien outillés, justement, pour offrir un soutien? Est-ce qu'on dispose suffisamment d'outils pour faire de la prévention?

Mme Morin (Christine) : Eh bien, en fait, je dois vous dire que les institutions financières et tout ça sont de plus en plus conscientisées. Quand on fait des activités à la chaire, par exemple, ce n'est pas rare qu'on ait des représentants des institutions financières. Et ils ont le même problème qu'un peu tout le monde, ils se disent : On constate une situation, est-ce qu'on peut faire quelque chose? Est-ce qu'on peut geler un compte? Est-ce qu'on doit aviser quelqu'un de la famille? Parce que, malheureusement, parfois, c'est des gens de la famille aussi qui font l'exploitation financière ou la maltraitance financière. Alors, qu'est-ce qu'on fait rendu là? Si on parle à la personne âgée puis qu'elle nous dit : Non, non, c'est correct, on ne fait rien, c'est ma fille, c'est correct, jusqu'où peut aller l'institution financière? À qui elle peut demander de l'aide? Donc, on est conscients qu'il y a des gens qui téléphonent dans les CIUSSS, demandent à des travailleurs sociaux, il y a des gens qui se renseignent à la Commission des droits de la personne, mais les gens ne savent pas où se diriger, même lorsqu'ils veulent intervenir.

Par ailleurs, pour les institutions financières, il y aurait peut-être lieu de les inciter ou peut-être même de modifier les lois pour qu'elles puissent intervenir plus facilement. Je pense, par exemple, à l'utilisation des cartes de crédit. Vous savez tous que, quand on part à l'étranger, ce n'est pas rare que, si on n'a pas avisé la carte de crédit, on va bloquer notre carte de crédit. Mais pourquoi une personne âgée qui a un compte de banque où, tout à coup, il y a des gros retraits significatifs, pourquoi il n'y a pas une lumière rouge? Pourquoi il n'y a pas une réaction de la banque quand on constate une situation comme ça, anormale? Là aussi, ça permettrait d'arrêter l'exploitation avant qu'elle soit rendue trop loin, avant que le compte de banque soit à zéro. Donc, les institutions financières, ce serait bien qu'elles aient plus de ressources mais peut-être également qu'elles aient plus de pouvoirs pour intervenir dans ces situations-là.

• (11 h 30) •

Mme Melançon : Intéressant. En ce sens-là, tout à l'heure, lorsque vous avez débuté votre intervention, vous avez parlé que les aînés devaient mieux, peut-être, connaître leurs droits. Encore faut-il que les aînés connaissent mieux leurs droits, et, en ce sens-là, auprès des institutions financières, est-ce que vous ne croyez pas qu'on pourrait peut-être aller vers une campagne de sensibilisation ou... Puis là je sais, là, que les institutions financières sont d'ordre fédéral, mais à quel point, à ce moment...

Une voix : ...

Mme Melançon : Ah! je savais que j'étais pour te faire sourire. Mais j'aimerais bien connaître... avez-vous déjà eu des liens avec les institutions financières pour voir avec eux? Oui, il y aurait une mesure à prendre pour mieux faire connaître le droit des aînés?

Mme Morin (Christine) : Oui, puis ce n'est pas seulement avec les institutions financières, c'est dans tous les milieux, à tous les niveaux. Même les gens qui oeuvrent dans le domaine de la santé, parfois, ils ont une connaissance approximative des droits des uns et des autres. Donc, toutes les campagnes d'information et de sensibilisation à ce sujet-là sont les bienvenues, c'est certain.

Par ailleurs, quand on fait des campagnes de sensibilisation, d'information, il faut faire attention, il faut vulgariser l'information pour qu'elle soit facilement accessible. Parce que, si on pense, par exemple, à Internet, on a des sites merveilleux avec plein d'informations — je pense simplement à Éducaloi, le site de la Chambre des notaires — mais il faut que ce soit accessible, facilement compréhensible.

Et on se rend compte aussi dans nos recherches que l'accessibilité du droit, ce n'est pas juste connaître la loi, c'est parfois avoir quelqu'un pour nous accompagner pour faire les démarches, une fois qu'on sait qu'on a droit à quelque chose, donc avoir une espèce de soutien. Bien, pas pour toutes les personnes âgées. Et là je ne l'ai pas encore mentionné, mais tout le monde a compris que les personnes âgées, ce n'est pas un groupe homogène, là, la plupart des personnes âgées n'ont aucunement besoin de protection législative supplémentaire. Mais là on parle de celles en situation de vulnérabilité. Et, pour celles-là, bien, il y a un besoin accru d'accompagnement. Donc, pas juste de donner l'information, mais d'accompagner la personne.

Le Président (M. Matte) : Merci. Je céderais la parole au député de D'Arcy-McGee. Il vous reste 2 min 30 s.

M. Birnbaum : Merci, M. le Président. Mes Morin, Champagne et Dufour, merci pour votre présentation. Bon, c'est une première fois. Dans les deux cas, je trouve que c'est assez bien réussi.

Vous avez noté que vous auriez souhaité que la portée du projet de loi touche aux aînés qui ne sont pas soit en établissement ou en train de recevoir des services. Intéressant. Deux questions qui me viennent. Dans un premier temps, est-ce qu'on peut comprendre, donc, que les instances actuelles et les lois en place ne sont pas suffisantes pour cette plus grande cible là? Dans un deuxième temps, sinon, comment on aurait pu faire appliquer un tel projet de loi pour cette population-là?

Mme Morin (Christine) : O.K. En fait, la nouveauté du projet de loi, c'est un rôle accru au commissaire local, ce qui est super pour les gens qui sont dans le réseau de la santé et des services sociaux. Mais que peut faire un commissaire local aux plaintes, si on lui dit qu'il y a de la maltraitance financière qui est faite par le fils de la personne? Quel est le pouvoir du commissaire local aux plaintes de contacter le fils de la personne âgée pour lui dire d'arrêter de faire ça? C'est quoi, ses moyens? Donc, ici, on se rend compte que, vite, il atteint ses limites. Pour les gens qui oeuvrent dans le réseau de la santé, là c'est différent, et le commissaire devient peut-être une ressource de proximité qui est intéressante, mais pour les autres situations qui n'ont pas trait aux soins de santé, c'est plus difficile. On parlait des institutions financières. Je serais très surprise qu'une institution financière qui constate une situation de maltraitance ait le réflexe de contacter le commissaire local aux plaintes.

Donc, c'est pour ça que je me dis qu'il faut avoir un organisme à la base qui est la première ressource qu'on va contacter, et par la suite, bien, peut-être que ce groupe-là pourra renvoyer à d'autres endroits. Mais il faudrait avoir un lieu commun où on s'occupe de la maltraitance envers les personnes âgées, et pas plein de petits réseaux, plein de petits canaux. Parce que là, commissaire local aux plaintes, Commission des droits de la personne, Curateur public, on peut contacter tout le monde. Est-ce que tout le monde se parle? Est-ce que tout le monde partage les informations? Est-ce que ça se pourrait, éventuellement, qu'il y ait une plainte de maltraitance contre une personne déposée à ces trois endroits-là puis qu'on ne sache pas, dans les trois cas, qu'il y a des plaintes aux autres endroits? Donc, c'est pour ça qu'on parle d'environnement global, d'harmonisation, de cohérence, pour qu'on sache vraiment quelle est la façon d'intervenir dans les situations de maltraitance.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie. Je cède la parole au député de Rimouski.

M. LeBel : Bonjour, vous trois. J'ai lu votre mémoire, puis la présentation était très bien faite. Puis je vais continuer sur la même question que mon collègue, prenons, exemple... vous avez parlé de la caissière qui voit qu'il se passe quelque chose de pas normal, tu sais. Effectivement, pour l'instant, le projet de loi ne touche pas à ces personnes-là ou on ne semble pas, comme vous le dites, on ne semble pas... On parle surtout des gens qui sont dans le réseau, mais pas à ceux qui sont... Mais, mettons que le projet de loi ouvre et qu'on a un circuit qui est plus clair, comme vous demandez. Si j'arrive maintenant au signalement obligatoire, la caissière en question, est-ce qu'elle doit faire le signalement obligatoire? Et, si elle ne le fait pas, est-ce qu'on parle de sanctions? Comment on peut mettre en place l'idée du signalement obligatoire si on ouvre à des cas comme ça?

Mme Champagne (Katherine) : Bien, encore une fois, le signalement obligatoire ne nous semble pas nécessairement la voie à suivre. On préconise plutôt une incitation, une sensibilisation pour amener les gens, volontairement, à d'abord outiller la personne âgée, l'informer de ses droits, l'amener elle-même à reconnaître la situation de maltraitance et aller chercher les ressources.

Il ne faut pas oublier que la personne âgée continue d'être une personne autonome et qu'elle peut décider pour elle-même. Évidemment, si on parle d'une personne inapte, peut-être qu'il y aurait lieu de faire certains ajustements. Mais, pour une personne qui est apte, mais qui est en situation de vulnérabilité... la caissière d'une institution financière, par exemple, devrait d'abord l'accompagner et, si elle juge que la situation nécessite vraiment un signalement, eh bien, là, elle pourrait être autorisée à le faire, mais sans être obligée à le faire.

Et il ne faut pas oublier que, si on met une obligation législative de dénoncer une situation, bien, il va falloir aussi mettre en place des conséquences et que c'est une question d'allocation des ressources. Est-ce qu'on veut mettre les ressources pour surveiller les gens qui ne font pas des signalements ou on préfère utiliser ces ressources-là pour accompagner les personnes en situation de vulnérabilité qui voudraient avoir de l'aide ou des services pour contrer la maltraitance dont elles sont l'objet?

M. LeBel : Merci. Sur un autre sujet, peut-être. Hier, la CSN nous parlait de comment on peut mieux identifier la maltraitance, là, la nommer puis la définir, et ils disaient, bon, qu'on devrait bonifier la définition proposée de la maltraitance, qu'il serait pertinent d'y introduire la notion d'atteinte aux libertés et les droits fondamentaux. Dans votre mémoire, vous, vous dites qu'au niveau de la notion de maltraitance vous remettez en question l'histoire de... où il devrait avoir de la confiance. J'essaie de voir, là — puis vous êtes la chaire qui s'occupe de ça au niveau des droits de la personne, au niveau du juridique, plus — pourquoi vous arrivez à cette notion-là que, la confiance, il faudrait sortir ça? Qu'est-ce que ça vient donner de plus? Et la proposition de la CSN de se référer aux droits et libertés de la personne, qu'est-ce que vous en pensez?

• (11 h 40) •

Mme Morin (Christine) : Alors, merci pour votre question. En fait, nous, on parlait de la distinction à la base entre maltraitance et exploitation. Là encore, c'est une situation où il y a une certaine incohérence parce que, sur le plan social, on parle de maltraitance, alors que, sur le plan juridique, le mot consacré, c'est «exploitation», à l'article 48 de la charte. Donc, est-ce qu'on parle de la même chose? Dans la plupart des cas, il semblerait que oui, mais là aussi il y aurait peut-être lieu de clarifier : Est-ce que l'exploitation, c'est de la maltraitance? Est-ce que de la maltraitance, c'est de l'exploitation? Est-ce que ça couvre toutes les mêmes choses?

Nous, on pense qu'il faut élargir au maximum, et d'où l'aspect lien de confiance qui est dans la définition de la maltraitance en ce moment. Donc, on exige qu'il y ait une relation de confiance, et nous, on se demande pourquoi l'exiger. Oui, c'est une des situations où il y a de la maltraitance, mais, en faisant ça, est-ce qu'on n'est pas en train de fermer la porte à d'autres situations, par exemple tout ce qui est fraude par Internet, tout ce qui est arnaque aux grands-parents, dont on a entendu parler, là, les téléphones pour obtenir des montants d'argent, le vendeur porte-à-porte qui ciblerait la clientèle des personnes âgées? Donc, tous ces gens-là, est-ce qu'ils sont visés par la définition de «maltraitance», puisqu'on ne s'attend pas à ce qu'il y ait un lien de confiance avec les gens avec qui on transige sur Internet, les gens à qui on parle nécessairement au téléphone, les vendeurs de porte-à-porte? Donc, on a peur qu'on mette de côté certaines situations en exigeant ce lien de confiance, qui, par ailleurs, est souvent présent dans les relations où il y a de la maltraitance. Donc, d'où notre bémol.

M. LeBel : O.K. Là, je comprends bien. D'ailleurs, ça s'applique sur tout ce qui touche la maltraitance organisationnelle, parce qu'il n'y a pas de lien de confiance, là. Le CHSLD, si on ne donne pas les services, si on ne donne pas les bains, si on laisse les gens dans leurs couches, c'est le système, là, c'est l'organisation, c'est l'État qui ne prend pas en charge assez bien nos aînés. Là, on ne peut pas parler de lien de confiance.

Mme Morin (Christine) : Oui et non, parce qu'il devrait y avoir un lien de confiance par rapport au personnel qui nous soigne. On a un lien de confiance avec notre médecin, on a un lien de confiance avec notre infirmière, notre travailleur social, etc. Donc, moi, je pense que, pour le réseau, on est couverts par la relation de confiance parce que ces gens-là, c'est des gens qui nous donnent des services de proximité, donc avec qui on s'attend effectivement à ce qu'il y ait une relation de confiance.

M. LeBel : Mais, encore là, on met la charge sur le personnel, le personnel qui est débordé, qui est surchargé, qui n'est pas assez nombreux. C'est vrai qu'il y a un lien de confiance avec la personne, mais le problème n'est pas là. Le problème, c'est qu'il n'y a pas assez d'investissement dans le réseau, puis le problème, c'est qu'on s'en... Ça fait que, là-dessus, effectivement, en parlant de lien de confiance, on met la charge sur le dos de la personne qui fait son possible pour donner le service, mais qui est débordée.

Ailleurs, dans votre mémoire, vous dites : «Nous croyons que le commissaire local aux plaintes et à la qualité des services ne dispose pas de pouvoirs suffisants, notamment pour lutter contre la maltraitance.» Effectivement, plusieurs nous le disent, là, les commissaires, là. Puis, si on couvre plus large au niveau de la maltraitance, le commissaire va être débordé. Les commissaires ne seront pas capables de livrer. Puis le ministre nous dit : Bon, si ça déborde, on mettra de l'argent. Mais ça, on ne le sait pas, là. Comment vous voyez ça? Comment on pourrait s'assurer qu'on est capables, là, en mettant le projet de loi en marche, qu'on est capables de livrer la marchandise puis qu'on ne décevra pas personne?

Mme Morin (Christine) : Alors, je reviens sur le début de votre proposition, là, sur la maltraitance organisationnelle. Moi, je suis d'accord pour dire que c'est de la maltraitance. Donc, quand c'est le réseau qui n'arrive pas à répondre aux besoins des personnes aînées et autres personnes majeures en situation de vulnérabilité, je crois que c'est de la situation de maltraitance organisationnelle, structurelle et qui doit impérativement être visée par le projet de loi n° 115.

M. LeBel : Dans un cas comme ça, le commissaire aux plaintes fait quoi?

Mme Morin (Christine) : Bien, c'est ça, le commissaire local aux plaintes fait quoi par rapport à la maltraitance organisationnelle? Il relève du conseil d'administration, c'est difficile pour lui de les forcer à bouger. Par ailleurs, vous mentionnez un problème important, celui des ressources. La commission l'a évoqué tout à l'heure, que ce soit la Commission des droits de la personne, le Curateur public ou le commissaire local aux plaintes, si on veut vraiment régler les problèmes, il va falloir affecter les ressources en conséquence, et c'est probablement une partie du problème.

Tout à l'heure, la Commission des droits de la personne disait qu'elle voulait et pouvait agir sur le plan national, mais qu'elle n'avait pas suffisamment de ressources pour intervenir dans les ententes sociojudiciaires locales. Mais ça, selon moi, c'est un problème parce que la Commission des droits de la personne a tellement de pouvoirs qui lui sont donnés dans la charte, elle peut faire beaucoup de choses, mais, si elle n'est pas là sur le terrain, où il y a des problèmes, bien, on se prive d'une ressource hyperimportante. Donc, il faut que, dans les ententes sociojudiciaires, ce ne soient pas juste les policiers, travailleurs sociaux, médecins, il faut que la Commission des droits de la personne soit là, qu'elle accompagne localement. Parce que la commission est là pour l'ensemble du territoire québécois. Donc, on n'est pas que dans les grands principes théoriques, il faut qu'elle soit là sur le terrain parce qu'elle peut intervenir, la charte lui permet de le faire, et ça, c'est hyperimportant.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie. Je cède la parole au député de Lévis.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Me Morin, Me Champagne, Me Dufour, merci. C'est intéressant. Puis, si on fait seulement un petit bout de chemin sur ce qu'on a abordé là... Et vous le disiez d'emblée dans votre préambule, vous disiez : C'est dommage qu'en 2017 on soit à se jaser de ça puis tenter de bonifier un projet de loi pour protéger nos aînés. À la même enseigne, en 2013, il y avait ce projet de loi n° 399, en fait, qui, déjà, mettait en lumière des problématiques.

Vous venez de parler de maltraitance organisationnelle, de cette obligation d'avoir des ressources pour faire en sorte que le fardeau de la preuve ne soit pas que sur notre personnel, qui n'est pas en mesure de rendre son service parce que le système ne lui permet pas de le faire. Mais on est encore en train de jaser de ça aujourd'hui puis à se demander est-ce qu'on a suffisamment d'argent pour investir où ça compte, c'est-à-dire dans le cadre de la protection de nos aînés, tant sur le plan personnel, que psychologique, que juridique. Avouez comme moi, on a du chemin à faire. Mais, tant mieux, vous êtes là, puis on va tenter d'avancer également.

Je reviens sur la dénonciation obligatoire, est-ce que vous avez analysé et comparé les dispositions légales et le chemin qu'ont pris huit provinces sur 13 qui ont adopté le signalement obligatoire avec, évidemment, leurs modalités d'application propres? Mais huit provinces sur 13, actuellement, ont dit : Nous, là, on se dote d'une disposition de déclaration obligatoire. Est-ce que vous avez analysé le pourquoi, les effets, ce que ça a donné de bon puis peut-être ce que ça a donné de mauvais?

Mme Champagne (Katherine) : Bien, en fait, on a déjà regardé, effectivement, ce qui se faisait ailleurs, mais pas le détail dont...

Une voix : ...

Mme Champagne (Katherine) : Pardon?

Une voix : Non, pas dans le détail de chacune des provinces.

Mme Champagne (Katherine) : C'est ça, et pas nécessairement au niveau des effets non plus pour vérifier si c'est des mesures qui ont été efficaces.

Mme Morin (Christine) : Mais, en fait, la littérature à ce sujet-là, elle n'est pas très abondante, hein? Donc, est-ce que l'obligation de signalement, c'est un plus ou un moins? C'est loin d'être certain. Les quelques études qu'on a, certaines montrent que ça peut parfois être contre-productif d'obliger à le faire parce que ça va faire en sorte que certaines personnes vont attendre d'être sûres que c'est vraiment, vraiment de la maltraitance avant de dénoncer, alors que, si c'est simplement une incitation, une possibilité, peut-être qu'elles vont être plus amenées à le faire. Mais, encore là, on n'a pas de chiffres, on n'a pas d'étude, et le gros bon sens devrait vouloir qu'on n'ait pas besoin de forcer les gens à faire ça. Et nous, ce qu'on dit, c'est que, comme les ressources ne sont pas illimitées, si on doit mettre l'accent sur quelque chose, on pense que ça doit être la prévention, la détection et l'intervention.

M. Paradis (Lévis) : Je comprends Me Morin, puis je comprends que vous dites... Puis surtout ce que j'entends, c'est qu'on n'a pas la littérature nous permettant d'aller chercher l'aboutissement, mais qu'il reste que huit provinces sur 13 ont décidé d'adopter cette façon de faire là, qu'au Québec la société — en tout cas, à travers des sondages qui ont été présentés — semble prête à aller de ce côté-là. Puis oui, vous avez raison, dans le meilleur des mondes, tous ceux qui voient un élément de maltraitance devraient dénoncer dans la mesure où on le fait de façon intelligente. Et, à travers même des dispositions d'obligation de dénonciation, il y a des mesures d'application qui permettent de faire en sorte que ce soit fait d'une manière intelligente, sans infantiliser qui que ce soit, mais en aidant peut-être ceux qui ne sont pas en mesure de se défendre en fonction d'un traitement que l'on juge globalement inacceptable.

Vous dites : L'important ce sera — puis vous n'êtes pas la première — de clarifier le chemin et de faciliter le chemin également. Vous parliez, il y a deux instants... Puis on pourrait reprendre l'exemple de mon collègue, là, de la caissière qui se rend compte que des... ou du banquier ou du directeur de banque qui se rend compte qu'il y a des relevés ou des retraits importants puis qui se demande : Est-ce que... Puis permettez-moi une parenthèse, c'est parce que je repense à vos propos. Quand vous dites : Ça pourrait peut-être faire en sorte que les gens attendent avant de dénoncer, vous l'avez dit, on n'a pas les données probantes pour huit provinces sur 13 qui ont décidé... D'ailleurs, ces chiffres-là viennent de l'étude de la chaire de recherche sur la maltraitance. En même temps, il y a des gens qui, malheureusement et manifestement, ferment les yeux. Et ça, on en a des échos assez régulièrement, et, à chaque fois qu'on en a, ça nous ébranle. Est-ce que l'un ne permettrait pas d'éviter l'autre? En tout cas, le raisonnement, le questionnement est là.

Ceci dit, selon vous, quel est le chemin idéal? Vous m'avez parlé du commissaire local aux plaintes, de ses pouvoirs. En a-t-il assez? On nous a dit ici : Le pouvoir de recommandation, pas suffisant. Oui, il y a d'autres... La Commission des droits est venue nous rencontrer. Le Protecteur du citoyen, il nous a parlé du Curateur. Vous parlez... Il y a la ligne Abus, on ne sait pas trop. Quel est le chemin? Est-ce que ce qu'on prévoit là est le chemin idéal pour faire en sorte qu'on puisse répondre à l'objectif qu'on se donne, c'est-à-dire celui du commissaire local aux plaintes?

• (11 h 50) •

Mme Morin (Christine) : En fait, ce n'est pas un mauvais chemin pour les gens qui sont dans le milieu de la santé, pour les cas de maltraitance dans le réseau, dans les services, dans les soins, dans la mesure où le commissaire, il est de proximité et qu'il est accessible. Alors, ça, c'est ce qui est important. Là, on sait qu'il n'y a pas un commissaire dans chacun des établissements. Donc, est-ce que c'est une ressource suffisamment accessible pour qu'on soit porté à aller lui dénoncer la situation?

Donc, il faut trouver le moyen le plus simple, le plus près, celui à qui on va penser spontanément. Si on regarde ce qu'on a sur papier en ce moment, ce chemin-là, ça devrait être la Commission des droits de la personne. Parce que ce n'est pas rien, hein, on protège les personnes âgées dans la charte. On devrait être fiers, comme société, au Québec, de faire ça parce que c'est loin d'être le cas partout dans le monde. Mais est-ce qu'on fait en sorte qu'on utilise tout ce que nous donne la charte?

M. Paradis (Lévis) : ...et donc de signaler et de mettre en avant-scène le rôle de la Commission des droits.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 51)

(Reprise à 11 h 56)

Le Président (M. Matte) : Sans plus tarder, je souhaite la bienvenue aux représentants du Barreau du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes et je vous invite à vous présenter, ainsi que les personnes qui vous accompagnent.

Barreau du Québec

Mme Prémont (Claudia P.)  : Alors, bonjour, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les membres de la commission. Alors, je me présente, Claudia P. Prémont, bâtonnière du Québec. À mes côtés, vous avez Me Pearl Eliadis, qui est présidente du Comité sur les droits de la personne du Barreau du Québec, ensuite Me Ana Victoria Aguerre, à la gauche, avocate et secrétaire du Comité sur les droits de la personne du Barreau du Québec, et, finalement, Me Nicolas Le Grand Alary, qui est avocat au Secrétariat de l'ordre et affaires juridiques du Québec.

Alors, le Barreau, bien évidemment, soutient l'objectif du projet de loi n° 115, qui est de protéger les droits fondamentaux des personnes aînées et des personnes majeures en état de vulnérabilité, en situation de vulnérabilité. C'est avec enthousiasme que nous accueillons l'idée d'instaurer en établissement et hors établissement une politique contre la maltraitance de ces personnes vulnérables.

Vu le temps qui nous est alloué, nous référons à notre mémoire pour nos autres commentaires généraux. Et j'aimerais attirer votre attention sur trois points en particulier : alors, tout d'abord, l'exception au secret professionnel; en second lieu, les caméras de surveillance; et, finalement, le commissaire aux plaintes, qui sera la personne désignée, selon notre compréhension, pour gérer les plaintes découlant du projet de loi n° 115.

Alors donc, l'exception au secret professionnel, l'article 21 du projet de loi, ce sont les pages cinq à 10 de notre mémoire qui y réfèrent plus particulièrement, et on vient modifier l'article 131 de la Loi sur le Barreau. Alors, le Barreau du Québec considère que les modifications à l'exception au secret professionnel ne sont pas nécessaires, et on se questionne sur l'objectif poursuivi par le législateur par le changement des critères nécessaires à la levée du secret professionnel. Et je m'explique.

En 1999, la Cour suprême a rendu l'arrêt Smith contre Jones, qui demeure l'arrêt de principe sur la question à l'exception de sécurité publique au secret professionnel. Dans cet arrêt, la cour conclut qu'il est possible pour un avocat de passer outre, hein, à son secret, dans certaines circonstances spécifiques, lorsque la sécurité publique est en jeu. Le législateur québécois, en 2001, a fait le choix d'utiliser les critères établis par cet arrêt relativement au secret professionnel de l'avocat pour le rendre applicable de manière uniforme aux lois, là, concernant les professionnels, aux lois professionnelles. Et, à la page 7 de notre mémoire, on a mis la liste des lois qui étaient touchées et qui prévoient, là, les critères établis par Smith contre Jones.

Ainsi, le secret professionnel peut être levé lorsqu'il y a présence d'un danger imminent, de mort ou de blessure grave visant une personne ou un groupe de personnes identifiables. Or, le projet de loi n° 115 viendrait modifier toutes les lois ayant codifié l'exception au secret professionnel relative à la sécurité publique.

Le projet de loi propose une reformulation des critères, qui s'articuleraient désormais autour de la notion d'un risque sérieux, de blessure grave ou de mort menaçant une personne ou un groupe de personnes identifiables et dont la nature de la menace inspire un sentiment d'urgence. En premier lieu, par ailleurs, les termes «blessure grave» sont définis, équivalant à des blessures physiques ou psychologiques qui nuisent à l'intégrité physique, à la santé ou au bien-être d'une personne ou d'un groupe de personnes identifiables. Et, à cet égard-là, cette précision-là, nous la saluons, on considère que c'est bien que ce soit précisé, lorsqu'on parle de blessure grave, ça équivaut à quoi.

Nous remarquons toutefois que la notion de danger imminent est remplacée par celle de risque sérieux dont la nature de la menace inspire un sentiment d'urgence. Alors, on comprend, là, que, bien que les termes soient différents, oui, ils sont tirés de ce qui était dit dans l'arrêt Smith contre Jones et dans l'arrêt Reine contre McCraw de la Cour suprême du Canada, cependant le critère du risque sérieux dont la nature inspire un sentiment d'urgence dans son sens général, selon nous, ça semble correspondre à un seuil moins élevé que le danger imminent, prévu depuis 2001 dans nos lois par le législateur.

• (12 heures) •

Alors, le changement de termes dans le libellé laisse donc croire qu'il existe une intention de modifier les critères applicables, puisque, comme vous le savez, le législateur ne parle pas pour ne rien dire. Ainsi, ces modifications sont de nature à engendrer des difficultés quant à leur interprétation et à soulever des litiges, à notre avis. Et est-ce vraiment nécessaire afin d'atteindre l'objectif visé par le projet de loi n° 115? Nous ne le croyons pas.

Le projet de loi n° 115 a pour objet de lutter contre la maltraitance envers les aînés. C'est un objectif spécifique, mais ça vient modifier des lois d'application générale comme le Code des professions, la Loi sur le Barreau ou la Loi sur les services de santé et services sociaux. Alors, l'intention du législateur est-elle ici de modifier ces lois d'application générale afin de permettre, entre autres aux professionnels et aux autres personnes visées, de dénoncer les situations de maltraitance envers les aînés, par exemple en ce qui a trait aux questions d'exploitation financière?

Alors, si c'est le cas, on ne comprend pas le choix du législateur de modifier l'exception. Et, selon nous, la protection des personnes aînées contre la maltraitance et l'exploitation serait mieux servie par la création de procédures spécifiques de signalement de maltraitance permettant la levée du secret professionnel. Et ces dispositions s'appliqueraient à certains professionnels visés par une loi particulière à l'instar des mécanismes qui sont prévus et qui sont différents dans chacune des lois, mais, à l'article 39 de la Loi sur la protection de la jeunesse, à l'article 603 du Code de la sécurité routière ou à l'article 15.1 de la Loi sur l'Autorité des marchés financiers, on y réfère dans notre mémoire. Cela permettrait, à notre avis, d'éviter de modifier une exception générale au secret professionnel applicable à tous les professionnels dans tous les cas pour lesquels il existe un danger imminent de blessure grave ou de mort à l'endroit d'une personne ou d'un groupe de personnes identifiable. Alors, c'était le premier commentaire que nous tenions à faire.

Deuxième commentaire, sur les caméras de surveillance, pages 10 à 15 de notre mémoire, article 31 qui vient modifier l'article 505 de la Loi sur les services de santé et services sociaux.

Alors, le projet de loi n° 115 habilite le ministre à édicter, par règlement, des mécanismes de surveillance dans tout établissement en lien avec la prestation de services de santé et de services sociaux. Nous n'avons pas, évidemment, le règlement. Nous avons pris connaissance des directives ministérielles qui ont été publiées, là, il y a quelques minutes, peut-être une heure. Donc, évidemment, on réserve nos commentaires, c'est clair. Il aurait peut-être été préférable d'avoir un document de travail un petit peu plus élaboré à cet égard-là pour qu'on vous donne des commentaires peut-être plus pertinents.

Mais, cela étant dit, on a quand même certains commentaires généraux à faire. Alors, l'utilisation de la vidéo de surveillance soulève des enjeux juridiques concernant notamment les droits fondamentaux, comme vous le savez, garantis par la Chartre des droits et libertés de la personne.

Alors, première des choses, bien que la jurisprudence confirme à la fois que la vidéo de surveillance effectuée par les usagers résidant dans un milieu de vie substitut ou encore par les employeurs est légale, ça, je pense que vous le savez, elle doit répondre à certains principes qui varieront selon les circonstances.

Alors, principe établi par la loi, la jurisprudence qui précise le cadre juridique selon deux circonstances. C'est-à-dire, tout d'abord, la vidéosurveillance est effectuée par l'usager lui-même et, en second lieu, selon que l'usager agit de connivence avec l'établissement.

Alors, dans le premier cas, la jurisprudence indique que la personne qui se retrouve en milieu de vie substitut jouit d'une protection large de sa vie privée. Donc, il faudra néanmoins toujours avoir en tête qu'il faut obtenir le consentement de toute autre personne qui partagerait, par exemple, le milieu de vie substitut. Dans le deuxième cas, bien qu'il soit vrai qu'en vertu de la chartre l'employé a droit à des conditions de travail justes, raisonnables, qui respectent sa santé, et sa sécurité, et son intégrité physique, on sait que la jurisprudence nous indique toutefois que le milieu de travail ne peut, généralement, pas être considéré comme un lieu visé par le droit à la vie privée. La jurisprudence exige néanmoins que l'employeur — il faut garder ça en tête — justifie toute mesure de vidéosurveillance qu'il mettra en place par des motifs rationnels et des moyens raisonnables conformément à l'article 9.1 de la chartre. De façon générale, la surveillance par l'employeur en milieu de travail doit répondre à un test de raisonnabilité, et je vous réfère aux pages 12 et 13 de notre mémoire, où on a chacun des critères qui doivent être analysés.

Alors, gardant à l'esprit l'objectif du projet de loi, le Barreau, comme je vous le disais, reste dans l'attente d'évaluer précisément la réglementation qui sera finalement émise, mais nous croyons néanmoins que le contexte de vulnérabilité dans lequel se retrouvent les usagers en milieu de vie substitut serait, à lui seul, susceptible de répondre aux critères de nécessité et de raisonnabilité des moyens requis par le droit pour justifier l'installation de caméras de surveillance dans les chambres des usagers par les établissements et estimons qu'une fois démontrée la maltraitance organisationnelle pourrait répondre aux exigences juridiques et justifier une telle mesure.

Le dernier point, capacité organisationnelle du commissaire aux plaintes et à la qualité des services, pages 15 et 16 de notre mémoire. Alors, un petit peu, on a entendu les autres intervenants. Je crois que notre commentaire va dans le même sens, c'est-à-dire on s'interroge sur la capacité organisationnelle du commissaire aux plaintes et à la qualité des services de répondre de ces nouvelles obligations qui découleraient de l'application du projet de loi n° 115. Alors, le message qu'on veut passer, c'est tout simplement très important de s'assurer que les ressources seront suffisantes pour faire face à ce nouveau volume de plaintes à prévoir.

Maintenant, en terminant, oui — et c'est très, très, très important — alors vous avez compris qu'on accueille favorablement le projet de loi, mais on croit que l'objectif de lutte contre la maltraitance doit également passer par des mesures de prévention, extrêmement important, tout autant que par la mise en place de procédures, et signalements, et mesures d'interdiction de représailles. Dans la lutte contre la maltraitance, oui, il est crucial de fournir aux victimes, leur famille, tous les moyens pour faire cesser et sanctionner les actes reprochés, mais ultimement le projet de loi doit proposer des moyens pour qu'il n'y ait plus de victimes. Et on pense que c'est par la prévention, fournir des outils, l'éducation, qu'on va enrayer le phénomène de la maltraitance.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie, et ceci...

Mme Prémont (Claudia P.)  : Merci beaucoup, je terminais.

Le Président (M. Matte) : Nous sommes rendus à la période d'échange, et je cède la parole à Mme la ministre.

Mme Charbonneau : Merci, M. le Président. Mesdames, monsieur, vous avez compris que le temps est quelque chose de superprécieux, et, de ce fait, bien, quelquefois, ce qui peut sembler être un peu bousculé, bien, fait en sorte que ça nous donne plus de temps pour pouvoir échanger avec vous. Donc, pardonnez-nous les règles, mais elles sont ainsi faites. Et je m'adresse aux gens du Barreau qui connaissent très bien, hein, ce qu'est une règle et quand on doit la mettre en application.

Merci pour le mémoire. Je corrige un peu parce que vous avez dit, effectivement, vous avez reçu les orientations... elles ont été rendues publiques, hein, ces orientations, ce matin. Par contre, le Barreau avait reçu une invitation pour participer à la journée de réflexion qu'on a faite avec les groupes. Malheureusement, probablement que, dans vos horaires, il y avait un imbroglio qui faisait que vous ne pouviez pas être avec nous. Mais on avait lancé l'invitation, et soyez assurés que, quand le règlement sera écrit, la même mesure sera prise pour pouvoir vous entendre parce que vous avez un regard sur cette société qui est très bien cadré dans le principe du droit de la personne. Donc, merci de vous y intéresser.

Vous avez fait dans votre présentation une phrase qui m'a accrochée en disant : Pour l'utilisation des caméras, il y a nécessairement des réglementations qui visent le milieu de travail et l'individu. Je veux juste vous donner la perspective qui émane du Secrétariat des aînés ou de la ministre, qui les défend bien, c'est que, pour nous, c'est vraiment un milieu de vie. Comme la chanson le dit en anglais, où j'accroche mon chapeau, c'est chez moi. Mais, pour un aîné, à partir du moment où il est dans une résidence, même s'il faut qu'il paie un loyer, il est chez lui. Donc, de ce fait, la réflexion qui a été faite pour les caméras, c'est vraiment dans cette perspective-là.

Ce matin, on a pu entendre des gens réagir par rapport à un milieu de travail, mais rappelons-nous que, de ce côté-ci de la table ou de l'autre côté, on parle éminemment d'un milieu de vie. Et, quand on parle de l'aspect désorganisé ou institutionnel, bien, on fait référence aux services, mais le milieu de vie reste une priorité dans la perspective.

Vous l'adressez dans votre mémoire, mais vous avez choisi de ne pas le mettre dans vos trois points d'aujourd'hui, alors je vais vous y amener tout de suite parce qu'il y a un grand débat qui veut faire en sorte qu'on se demande entre l'obligation et la possibilité, et, de ce fait, j'aimerais avoir l'angle sur lequel vous avez statué entre l'obligation de dénoncer et la possibilité de dénoncer.

• (12 h 10) •

Mme Prémont (Claudia P.)  : Bien, comme vous l'avez vu... et là je vais céder la parole à Me Aguerre sur ce point-là, possiblement, mais ce que j'aimerais quand même vous dire d'entrée de jeu, c'est que nous référons à des dispositions spécifiques. Nous référons, entre autres, à la Loi sur la protection de la jeunesse, qui prévoit une obligation applicable à certains professionnels. Les deux autres lois ne vont pas aussi loin dans leur approche. Et le but, c'était vraiment d'offrir, finalement, aux parlementaires, au gouvernement, une ouverture, différentes possibilités. Parce que peut-être, un petit peu comme l'ont dit les intervenants juste avant nous, est-ce que vraiment le fait d'obliger une dénonciation va nécessairement amener de meilleurs résultats? Peut-être qu'il y a un questionnement à y avoir. Mais Me Aguerre va pouvoir vous réponde peut-être de façon encore plus pointue.

Mme Aguerre (Ana Victoria) : Compte tenu que c'est davantage Me Le Grand Alary qui a travaillé sur ce volet-là du projet de loi, je céderais, à mon tour, la parole à Me Le Grand. Regardez...

Mme Prémont (Claudia P.)  : Bon, alors, vous voyez, je suis bien informée.

Mme Charbonneau : Mais je voulais vous dire, j'ai l'impression d'être comme dans un match de hockey, puis là vous venez de passer la puck à...

Mme Prémont (Claudia P.)  : Oui, exact. C'est un beau travail d'équipe.

Mme Charbonneau : Un jeu d'équipe, un jeu d'équipe.

M. Le Grand Alary (Nicolas) : Oui. Donc, bonjour. Sans prendre position, là, claire au niveau... dans le mémoire du Barreau, on a décidé de présenter des mesures alternatives parce qu'on l'a vu vraiment dans la perspective de l'exception au secret professionnel. On a compris, là, de différentes entrevues puis de... que l'intention est de permettre aux professionnels de passer outre leur secret pour dénoncer des situations de maltraitance. Nous, par contre, de la façon qu'on a interprété les modifications proposées, qui collent à la décision de la Cour suprême dans Smith contre Jones et R. contre McCraw, on voit difficilement comment le critère pourrait être assoupli à ce point et, donc, on propose des mesures alternatives issues, par exemple, de la Loi sur la protection de la jeunesse, le Code de la sécurité routière ou la Loi sur l'Autorité des marchés financiers.

En ce qui a trait à la Loi sur la protection de la jeunesse, effectivement, il s'agit d'une obligation de signalement applicable à tout professionnel qui voit des situations de compromission, là, des enfants. Et par contre, dans le Code de la sécurité routière, c'est seulement une possibilité pour un professionnel de la santé de le faire, de transmettre à la SAAQ des informations, là, que quelqu'un était incapable de conduire un véhicule automobile. Et, dans la Loi sur l'Autorité des marchés financiers, c'est vraiment une interdiction de refus de la part des comptables professionnels agréés de transmettre des documents à l'autorité.

Donc, il y a différentes façons de procéder, et, sans avoir pris une décision peut-être fixe, on propose trois mesures alternatives, là, au lieu de vraiment aller sur l'exception au secret professionnel, de plus aller sur des mesures spécifiques.

Mme Charbonneau : Je vous dirais que moi, comme mon collègue de la CAQ... être déçue de ne pas vous voir statuer, mais permettez-moi... Puis je n'ai aucune force légale. Dans l'ensemble des articles de loi, là, vous êtes mieux placés que moi. Mais, pour la jeunesse, on se rappellera que c'est des gens qui ne sont pas aptes, hein? Je vais reprendre ce terme-là, c'est peut-être malhabile, mais ce sont des enfants jusqu'à l'âge de 18 ans, donc ils ne sont pas aptes. Donc, il faut mettre un encadrement différent pour pouvoir assurer qu'on puisse les accompagner dans des gestes qui sont inacceptables ou dans des situations dans lesquelles il faudrait les retirer. Ma première intervention.

Les deux autres sont... parce que c'est une responsabilité partagée. Le médecin signe un document pour assurer qu'à partir de 80 ans je peux encore conduire ma voiture, donc il a une responsabilité face au document qu'il signe. Et, quelquefois — je vous le dis parce que, dans les bureaux de comté, on en voit plusieurs — les gens veulent maintenir leur permis de conduire parce que c'est leur autonomie qui en dépend, leurs déplacements.

En ce qui a trait à l'autonomie des marchés, on connaît les histoires d'horreur qui se sont passées et on sait pourquoi un a une responsabilité face à l'autre. On est plutôt cette fois-ci dans une situation où, dans le fond, la question qui se pose, c'est l'autodétermination de la personne, l'autonomie d'un aîné. On le dit souvent, «aînés», c'est un titre qu'on donne à un regroupement de gens, mais qui ne sont pas nécessairement... J'ai déjà livré des repas de popote avec un monsieur de 72 ans qui me disait qu'il allait porter des repas aux vieux. Alors, «aîné», ce n'est pas toujours la même perspective pour tout le monde.

De ce fait, de ce côté-ci de la table, nous croyons qu'un aîné, c'est quelqu'un qui a encore de l'autodétermination. Quand il ne l'a plus, vous le savez, il y a un contrat ou un mandat d'inaptitude qui est donné à quelqu'un pour pouvoir parler au nom de cette personne. Mais nous croyons qu'il y a encore cette liberté de penser là chez... l'autonomie de la personne, qui fait en sorte qu'il peut se prononcer s'il se passe quelque chose et qu'il choisit de le faire. Après ça, bien, on s'en va au secret professionnel, puis ça, c'est une autre rubrique.

Mais j'aurais vraiment apprécié vous entendre sur ce principe, puisque c'est une grande question qui nous habite, entre l'autodétermination puis entre l'obligation, qui, pour moi, est une forme d'infantilisation auprès de l'aîné parce qu'on la compare à la DPJ, puis je ne trouve pas ça intéressant. Donc, j'aurais mieux aimé une position plus ferme de votre côté pour pouvoir vous prononcer sur le sujet. Donc, si moi, je n'y arrive pas, soyez assurés que j'ai peut-être un collègue qui va avoir les bons arguments pour vous faire vous prononcer, pour pouvoir vous entendre sur le sujet. Je crois que j'ai un collègue qui a signifié sa volonté de poser une question puis je veux vraiment que tout le monde participe. Donc, M. le Président...

Le Président (M. Matte) : Je cède la parole au député de D'Arcy-McGee.

M. Birnbaum : Merci, M. le Président. Je veux revenir à la question de la levée du secret professionnel et je m'aventure. Je ne suis pas avocat de formation, mais je crois que votre conseil là-dessus est très précieux et je veux m'assurer que vous pouvez en élaborer. Vous avez noté que la formulation de «danger imminent» risque d'être, en quelque part, un petit peu plus limitative que ce qu'on propose. En même temps, vous dites qu'il y a peut-être d'autres façons d'assurer que l'étendue du projet de loi soit à propos. Je crois qu'on partage l'idée que les protections soient présentes et l'accès à ces recours soit protégé. Si j'ai bien compris, vous avez l'inquiétude que d'élargir cette définition de cette façon risque d'inciter des cas d'abus ou des problèmes. Par contre, si j'ai bien compris, vous êtes en train de nous proposer de créer un autre libellé pour toucher de façon claire des cas qui risquent d'être oubliés par un danger imminent, à titre d'exemple, bon, des cas d'abus financier ou d'autres. Je vous invite d'assurer qu'on a bien compris votre suggestion là-dessus, ce serait un autre libellé d'ajouté?

M. Le Grand Alary (Nicolas) : Oui. En fait, selon nous, le libellé original qui est actuellement dans la loi, qui est issu de la définition de la Cour suprême, les modifications qui sont proposées, là, à toutes ces lois, selon nous, ne devraient pas avoir de changement significatif au niveau de l'étendue de l'obligation et l'étendue de qu'est-ce qui est possible, de quelles situations peuvent mener à l'ouverture à la levée du secret professionnel dans ces cas précis.

Donc, en quelque sorte, on trouve que ça rate un peu la cible si l'intention est réellement de permettre aux professionnels de passer outre leur secret professionnel pour dénoncer des situations de maltraitance au lieu de modifier une exception au secret professionnel qui s'applique à tous les professionnels dans toutes les situations visées où une personne ou un groupe de personnes est face à un danger imminent de blessures graves ou de mort. On pourrait avoir une disposition spécifique qui permet de passer outre le secret professionnel dans les cas particuliers de maltraitance. On pourrait avoir dans la disposition une définition de ce qu'est la maltraitance et, donc, vraiment bien cibler le cas et cibler aussi les professionnels qui seront visés par cette exemption.

M. Birnbaum : Si je peux, n'y a-t-il pas justement un danger que ça serait trop exclusif si on ciblait une certaine terminologie? N'y aurait-il pas des cas possibles d'un abus psychologique où le danger imminent n'est peut-être pas tout à fait évident? Est-ce qu'on ne risque pas de laisser des trous dans la couverture de ces exceptions-là avec une telle formulation?

M. Le Grand Alary (Nicolas) : Il faudrait s'assurer que la définition de maltraitance et le libellé choisi permettent de protéger le maximum de situations où les aînés et les personnes majeures vulnérables sont face à ces situations-là. Par contre, au niveau du secret professionnel, l'exception, c'est pour tous les professionnels dans toutes les circonstances, donc, et le critère établi par la Cour suprême dans Smith contre Jones est un critère assez strict, qui a déjà été codifié dans la loi, et on vient proposer de le modifier à nouveau d'une façon qui ne devrait pas faire de changement vraiment conséquent, là, au niveau des libellés. Même le choix des termes actuellement n'est pas porteur de modifications, là, majeures selon nous, donc, pour éviter les situations... Je pense, c'est vraiment dans le cas de présenter une mesure spécifique applicable aux situations de maltraitance envers les aînés.

• (12 h 20) •

Mme Prémont (Claudia P.)  : C'est ça, parce qu'en touchant à toutes ces lois-là avec un libellé avec lequel, depuis 2001, on est habitués de fonctionner, on pense que la modification qui est proposée ne touchera pas l'objectif spécifique du projet de loi n° 115. Puis, à ce moment-là, bien, si on veut véritablement, comme a dit Me Le Grand Alary, toucher la cible, allons-y avec quelque chose de plus spécifique.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie et je cède la parole au député de Rimouski.

M. LeBel : Merci, M. le Président. Bonjour, tout le monde. Je rappelle un peu mon inquiétude, c'est... La ministre l'a dit elle-même un peu, elle dit : Il y a un grand débat, c'est l'obligation... signalement obligatoire ou pas, la vidéo... J'ai peur que la commission, le grand débat devienne ça et ne devienne pas vraiment la maltraitance des aînés, moi, je trouve, parce que, dans les médias, on ne parle que de ça aujourd'hui, là, vidéo ou pas, signalement ou pas. C'est vrai que c'est en ayant... mais le fond de la chose, le fond de l'affaire, c'est comment on fait pour protéger nos aînés contre la maltraitance. C'est ça, le grand débat qu'on devrait donner.

Ceci étant dit, vous avez été chanceuses et chanceux, vous avez pu lire le document que la ministre a déposé ce matin. Nous, on ne pouvait pas, on participait puis on a posé des questions, mais je n'ai pas vraiment pris le temps... avoir le temps de regarder tout ça. J'aimerais savoir, vous avez lu... votre première réaction par rapport à ce qui est déposé ce matin, par rapport à l'orientation ministérielle sur l'utilisation des caméras vidéo.

Des voix : ...

Mme Eliadis (Flora Pearl) : Bon, le pari continue. Merci beaucoup pour la question. Effectivement, moi, j'aimerais commencer un peu avec les grands principes qui s'appliquent, et ensuite vous parler des éléments plus précis, et ensuite je vais passer la parole à Me Aguerre.

La question de la vidéosurveillance est toujours une question d'un équilibre entre la vie privée des deux personnes ou des deux côtés, si vous voulez, qui sont en jeu. Primo, la personne qui est visée, soit la patiente ou la personne aînée et, secundo, les personnes qui peuvent être touchées ou affectées par cette vidéosurveillance, alors les employés, les personnes qui sont peut-être vidéosurveillées — s'il y a un verbe comme ça — à cause de l'installation de ce mécanisme.

C'est sûr que l'interprétation devrait toujours être consciente des vies privées de toutes les personnes qui sont là, mais c'est sûr que, et là je reprends un peu vos paroles, c'est la maltraitance de la personne concernée qui nous concerne, une personne qui est, dans les circonstances et dans un certain contexte, plus vulnérable. Or, l'équilibre change un peu dans ce contexte-là et met l'emphase, particulièrement quand il s'agit de la vidéosurveillance qui est menée par l'usager, en contraste avec l'institution, bien sûr, qui donne le droit à la personne concernée de s'assurer de sa propre intégrité physique et de son autonomie.

Alors, quand on parle de l'usager, c'est sûr que la jurisprudence regarde la situation d'une façon différente par rapport à l'institution. Quand l'institution met en place la vidéosurveillance continue, qui cible particulièrement les employés, là, c'est autre chose. Je comprends que ce n'est pas la deuxième situation qui nous concerne dans votre question, c'est la première, mais il faut clarifier, je pense, dans l'esprit du citoyen, la différence les deux. Et je passe maintenant la parole à Me Aguerre.

Mme Aguerre (Ana Victoria) : Donc, on a pu prendre connaissance, effectivement, des directives, des orientations ministérielles ce matin. Moi, il y a deux choses qui m'ont interpelée rapidement. C'est sûr que je n'ai pas eu l'occasion de les lire en fond et en comble, de faire une réflexion très, très large. Il y a deux choses principales. Le premier critère à prendre en considération, à retenir, comme on l'a fait dans la présentation, comme Mme la bâtonnière l'a présenté, c'est toute la notion du milieu de vie substitut, comme vous l'avez bien signalé.

À partir du moment où un usager, puisque l'orientation ministérielle démontre que ça serait l'usager qui mettrait lui-même ou elle-même sa caméra, à partir du moment où on se retrouve dans ce qu'on pourrait associer, assimiler à un milieu de vie substitut, là, le droit à la vie privée de cet usager-là est presque illimité. Il y a vraiment une interprétation très, très, très large qui se fait de ce droit-là et qui pourrait l'emporter sur certains autres droits qui pourraient entrer en considération dans ce contexte-là.

Par contre, ce qu'il faut savoir, c'est que, mettons, dans une chambre, dans un CHSLD, il y a peut-être deux personnes qui peuvent aspirer à bénéficier de ce statut-là de milieu de vie substitut. Ce qui n'a pas été spécifié, je pense, dans les orientations, c'est qu'en est-il du voisin de chambre qui, lui aussi, peut aspirer à un droit important à sa vie privée et qui se retrouve dans les captations vidéo de l'autre usager qui, lui, veut mettre une caméra. Ça, c'est la première question. Si je vous ramène à la jurisprudence, le consentement de cette personne-là devrait être obtenu. Ça, c'est très important.

Et la deuxième chose qui m'a interpelée — et ça, je ne suis pas certaine de l'avoir vu au niveau des orientations — c'est que le pouvoir habilitant, tel que rédigé dans le projet de loi, est très, très, très, très large. Et en clair, ce que ça permettrait éventuellement, c'est de réglementer sur la présence des caméras par des usagers, on l'a vu ce matin avec les orientations, dans des milieux qui seraient difficilement assimilables à des milieux de vie substituts. Or, comme on l'a vu, à chaque fois qu'on se distance davantage de ce qu'on pourrait assimiler à un milieu de vie substitut, le droit à la vie privée de la personne, de l'usager, devient de moins en moins grand, interprété moins largement. Donc, il faudrait voir à ce niveau-là dans quel contexte le règlement va s'appliquer, si c'est vraiment dans ce qu'on peut vraiment facilement assimiler à un milieu substitut ou autrement.

Par contre, moi, quand je me réfère, par exemple, à l'article 31, le pouvoir de réglementation du ministre va aussi loin que dans tout autre lieu en lien avec la prestation de services de santé et de services sociaux qu'il détermine. C'est extrêmement large. À partir de ce moment-là, il faudra se poser la question : Est-ce que ce lieu-là peut être facilement assimilable à un milieu de vie substitut? C'est vraiment la notion à retenir, je pense, lorsque vient le temps d'analyser la réglementation à ce niveau-là.

M. LeBel : O.K. C'est le milieu de vie et la décision de la personne qui y vit, hein? C'est à cette personne-là à prendre la décision ou pas d'avoir... Il faut son consentement avant de... C'est ça qui est important aussi, c'est ça que vous dites.

Mme Aguerre (Ana Victoria) : Bien, en fait, pour la personne elle-même, on présume qu'elle a donné son propre consentement, si c'est elle ou son représentant légal. Par contre, c'est pour le voisin de chambre, celui qui va vraiment et qui est susceptible d'être capté, après beaucoup de temps dans la journée, dans les captations vidéo.

M. LeBel : Et, pour le travailleur, la personne qui offre les services, qui doit passer régulièrement dans cette chambre-là, est-ce que cette personne-là a des droits aussi?

Mme Aguerre (Ana Victoria) : Bien, en fait, c'est différent. La jurisprudence, la loi nous enseigne que, lorsque la caméra est placée par l'usager lui-même, c'est un cadre juridique spécifique qui s'applique parce que l'employé n'est pas là 24 heures sur 24, qu'il n'y a pas une caméra qui le filme, un peu à la Big Brother, de manière systématique, permanente, tous ses faits et gestes. Ce n'est pas considéré comme une atteinte quelconque à un droit, notamment au droit à l'article 46, conditions de travail raisonnables, justes et raisonnables. Donc, j'espère que ça répond à votre question.

Mme Eliadis (Flora Pearl) : Et, si je peux me permettre, ce n'est pas l'employé lui-même qui est ciblé par la caméra en l'espèce. Quand l'employé est visé par l'employeur, à ce moment-là, c'est sûr que l'employé peut avoir plus de droits. Mais, si c'est l'usager lui-même qui met en place la caméra pour se protéger, là, ce n'est pas l'employé en particulier qui est visé à 100 % par l'employeur. Et c'est pour ça que, tout en comprenant qu'il y a les deux droits qui sont en jeu, c'est sûr qu'il y a un équilibre toujours à maintenir par rapport à la situation de l'usager.

M. LeBel : Merci.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie et je cède la parole au député de Lévis.

• (12 h 30) •

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Me Prémont, Me Eliadis, Me Aguerre et Me Le Grand Alary, merci d'être là. Et je surprendrai la ministre, mais, de but en blanc, bien sûr que le signalement obligatoire est un questionnement qui, depuis quelques jours, est à l'ordre du jour. Mais, cependant, je veux simplement dire : La ministre donne l'impression souvent, quand on parle de ce dossier-là, que l'adoption du signalement obligatoire infantiliserait nos aînés puis elle emploie souvent ce terme-là, et très fréquemment. J'imagine mal, ceux qui ont décidé d'aller dans cette voie-là — c'est quand même huit provinces sur 13 — que ces gens-là aient le sentiment d'avoir infantilisé tous les aînés habitant sur leur territoire. Alors, à ce chapitre-là, je pense qu'il faut faire aussi attention, ils ont peut-être choisi de protéger davantage que d'infantiliser. Ça fait peut-être partie des options qu'ils ont choisies.

Je comprends votre prudence. Je comprends votre prudence, je la salue puis je comprends très bien que vous arrivez et vous dites qu'il serait préférable d'avoir des procédures spécifiques de levée du secret professionnel parce que vous liez ça à cette dénonciation obligatoire particulièrement, j'entends Cependant, quand je dis que huit provinces sur 13 ont décidé de prendre cette avenue-là, et il est dit clairement dans les documents, bien qu'on manque de données sur les effets, hein — vous n'en avez pas plus que j'en ai, il n'y en a pas, de documents là-dessus, malheureusement — que ça a été fait avec leurs modalités d'application propres, bien, c'est aussi ça que vous me dites ... Et je comprends votre prudence et le fait que vous décidiez de proposer des alternatives, mais les modalités propres d'application peuvent faire en sorte que, d'un côté comme de l'autre, on atteigne les objectifs que l'on souhaite. Et je vous la pose comme ça à...

Mme Prémont (Claudia P.)  : Bien, je crois qu'effectivement, dans cette réflexion-là, je crois que tous, on a un objectif, c'est que ça serve à quelque chose puis qu'on atteigne la cible. Alors, c'est vraiment de faire une analyse sur les mesures spécifiques de nature à mieux atteindre ledit objectif, et je pense qu'il y a des questionnements à y avoir, à savoir est-ce qu'il faut que ce soit obligatoire, une dénonciation obligatoire ou non? Et, à cet égard-là, c'est pour ça, on se dit : Ça appartient au gouvernement de choisir la meilleure mesure, et on arrive avec des mesures alternatives qui ont leurs avantages et leurs inconvénients.

M. Paradis (Lévis) : Je veux aller ailleurs, je parle maintenant de ce chemin que l'on propose, commissaire local aux plaintes, parce que vous dites dans votre mémoire : Le nombre total de CLPQS, commissaire local aux plaintes, au sein des établissements de santé et de services sociaux a diminué drastiquement au rythme de la diminution des établissements eux-mêmes. Il y a donc lieu de se questionner sur la capacité actuelle du commissaire local aux plaintes de traiter tous les signalements qui lui seraient transmis. Est-ce que, par ce propos-là, vous nous dites : Ce n'est peut-être pas le chemin idéal?

Mme Prémont (Claudia P.)  : Bien, je vous dirais : Présentement, peut-être non. Mais, à partir du moment où on décide d'aller par ce chemin-là et qu'on donne les ressources afin que le commissaire fasse bien son travail, on n'était pas nécessairement fermés au fait que ça puisse être le commissaire aux plaintes qui reçoive les plaintes. Maintenant, il faut s'assurer, par contre, qu'il y a les ressources, le personnel suffisant pour répondre à la demande.

M. Paradis (Lévis) : Et ça, ce n'est pas toujours facile, mais remarquez qu'en principe l'objectif est celui-là. Advenant que les ressources ne soient pas au rendez-vous, ce qui pourrait peut-être arriver, il y a mille et une circonstances, est-ce qu'il y a un autre chemin qui serait préférable à celui qui est étudié?

Mme Prémont (Claudia P.)  : Moi, je n'ai pas cette réflexion-là. On ne l'a pas eue de cette façon-là, je crois, à moins que quelqu'un ait quelque chose à ajouter. Alors, à cet égard-là, on ne s'est pas positionnés sur d'autres alternatives. Nous, vraiment, ce qui nous préoccupait, c'était de s'assurer que les ressources suffisantes soient injectées dans le système afin que la personne, les commissaires puissent faire le travail qu'on leur demande de faire.

M. Paradis (Lévis) : Me Prémont, j'aborderai le troisième thème dont vous avez parlé, celui des caméras. En avril 2015, je déposais au salon bleu un document émanant du Protecteur du citoyen qui reprenait dans ses grandes lignes l'analyse de la justification de la caméra pour l'usager qui désire s'en servir, et je pense qu'à travers les dispositions, les orientations ministérielles, on retrouve de ces éléments-là. Le Protecteur du citoyen, cependant, parlait en général, non pas seulement du secteur public, mais également de résidences privées. On sait qu'il y a 170 000 aînés qui, actuellement, habitent en résidence privée, et non pas dans les établissements publics. Est-ce qu'il serait de bon aloi que le règlement englobe également, aussi, les résidences privées d'aînés?

Mme Prémont (Claudia P.)  : Alors, ça, je crois...

Le Président (M. Matte) : ...s'il vous plaît, parce que le temps est épuisé.

Mme Prémont (Claudia P.)  : Oui, je crois, on ne s'est pas positionnés. Pour nous, présentement, je pense que c'est un pas dans la bonne direction, le projet de loi tel qu'il est rédigé. Clairement, il ne va pas jusque... En tout cas, selon notre compréhension, ça peut toucher les familles d'accueil qui reçoivent des aînés, mais, dans les résidences privées, ça ne va pas jusque-là. Alors, éventuellement, on aura à y réfléchir, mais on n'a pas de position définie sur cette question-là particulièrement.

M. Paradis (Lévis) : Et j'imagine qu'on devra, ensemble, aussi collectivement, ne pas oublier ces 170 000 personnes pour clarifier des situations dont on devra éventuellement disposer. Merci.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie de votre contribution à nos travaux et je suspends la commission jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 35)

(Reprise à 14 heures)

Le Président (M. Matte) : À l'ordre, s'il vous plaît! Je constate que mon message de ce matin a porté fruit. On est tous là.

Alors, la Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils. Nous poursuivons les consultations particulières et l'audition publique sur le projet de loi n° 115, Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité.

Cet après-midi, nous entendrons les personnes et organismes suivants : la Chambre des notaires du Québec, le réseau de la FADOQ, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec, Me Jean-Pierre Ménard, le Regroupement québécois des résidences pour aînés ainsi que le Regroupement des Commissaires aux plaintes et à la qualité.

Alors, sans plus tarder, je souhaite la bienvenue à la Chambre des notaires du Québec et je vous cède la parole. Toutefois, je vous invite à vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent.

Chambre des notaires du Québec (CNQ)

M. Guay (Gérard) : Merci. Bonjour, M. le Président. Bonjour, Mme la ministre et Mmes et MM. les membres de la commission.

Alors donc, je suis accompagné, en commençant à ma gauche, par la Dre Johanne Clouet, docteure en droit, future notaire également, ayant une expertise en droit des personnes, de Me Nicolas Handfield, ici, à ma droite, notaire, chef de service à la Direction des services juridiques, et de Me Raphaël Amabili-Rivet, notaire à Direction des services juridiques, qui a piloté le dossier pour la Chambre des notaires, et le mémoire également. Enfin, je me présente, Gérard Guay. Je suis président de la Chambre des notaires du Québec.

Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, au nom de la Chambre des notaires du Québec, je vous remercie de votre invitation à cette consultation particulière portant sur le projet de loi n° 115. Son objectif est clair, il laisse transparaître la volonté du gouvernement de lutter contre la maltraitance qui peut être faite envers les personnes aînées ou toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité.

La chambre, il va de soi, il va sans dire, accueille favorablement ce projet de loi. Elle salue l'intérêt et la détermination de la ministre responsable des Aînés et de la Lutte contre l'intimidation de proposer de telles mesures législatives. La protection des personnes aînées est un des thèmes-phares de la profession notariale non seulement au Québec, mais également à travers le monde. Ce sujet a récemment été abordé dans le cadre des congrès tenus par l'Union internationale du notariat. C'est un des sujets qui nous intéressent, qui nous préoccupent dans tous les pays où les notaires sont implantés, et ça, il y en a dans 86 pays dans le monde.

Par sa fonction de juriste de proximité, une grande relation de confiance unit en effet le notaire, son client et la famille de ce dernier. Le notaire est bien à même de constater que le phénomène de la maltraitance faite envers les personnes aînées est une problématique en filigrane de notre société qui déborde des simples frontières généralement associées aux aspects juridiques de leur vie. La manifestation de la maltraitance prend de l'ampleur et est de plus en plus variée. Il serait donc faux de prétendre que ce sujet peut être traité simplement. Sur certaines questions, on aime beaucoup répondre par noir et blanc, vrai ou faux, oui et non. Comme on peut s'en douter, ce n'est pas le cas de la maltraitance faite envers les aînés.

La règle de base est la suivante : toute personne est présumée apte à exercer pleinement ses droits civils. Le principe de base, «toute personne est apte», c'est le principe de l'autonomie, de la volonté et du libéralisme dans les conventions. Les aînés ne font évidemment pas exception à cette règle. Toutefois, les professionnels ont un devoir déontologique et sociétal d'agir en cas d'abus. Cependant, l'arbitrage éthique entre le bien commun et les droits individuels peut être difficile à vivre pour lui ou pour elle.

À titre d'illustration, une personne aînée souhaite conclure une donation qui, au lieu des tiers, peut paraître déraisonnable. Il souhaite donner, de son vivant, sa maison à sa jeune conjointe nouvellement rencontrée alors qu'il a deux enfants majeurs qui aimeraient bien avoir la maison et qui seraient peut-être même dans le besoin. Y a-t-il une situation de captation ou d'abus psychologique de la nouvelle conjointe pour expliquer ce geste? Évidemment, lorsqu'une telle situation se produit, le notaire cherchera à savoir si le client exprime sa volonté sans aucune contrainte ni confusion. Il suggérera peut-être à son client d'en parler à une autre personne ou bien de réfléchir à la situation. Mais, concrètement, comment le professionnel qui se retrouve dans une telle situation peut-il alors agir pour prévenir les cas d'abus faits envers ces personnes? Qu'en est-il de l'autonomie et de la vie privée de la personne? Il veut gâter sa conjointe. Est-ce qu'on peut l'en empêcher s'il est parfaitement lucide? Peut-on protéger une personne contre son gré?

En effectuant une pondération des droits fondamentaux, le projet de loi n° 115 tente de répondre à ces questionnements en proposant des mesures qui visent notamment à faciliter la dénonciation des cas de maltraitance. Nous croyons toutefois que l'élargissement de la levée du secret professionnel ne peut être la seule avenue à considérer pour lutter contre la maltraitance et c'est pourquoi notre mémoire propose d'autres pistes de solutions intéressantes.

Parlons justement du secret professionnel. Avant d'y arriver, on constate d'emblée que le projet de loi n° 115 propose de briser le mur du silence qui aurait pu exister en certaines circonstances en modifiant le texte des lois relatives aux ordres professionnels, dont la Loi sur le notariat. En effet, il existe actuellement une problématique documentée en ce qui concerne les limites du régime de confidentialité des professionnels, soit le secret professionnel lorsqu'un client est potentiellement victime de maltraitance. Plusieurs intervenants sont actuellement réticents à lever le secret professionnel, particulièrement en présence d'une blessure psychologique ou lorsque le danger n'est pas immédiat, et ce, considérant, d'une part, les difficultés d'interprétation que posent les dispositions actuelles, deux, la balance entre les divers droits constitutionnels, dont le respect au secret professionnel parce que c'est un droit constitutionnel pour le juriste, ou encore les conséquences de communiquer un renseignement protégé par ce secret sans d'abord avoir obtenu le consentement du client.

Or, pour répondre à ces problématiques, le projet de loi n° 115 vient aujourd'hui renforcer les mesures d'exception déjà existantes pour justifier la levée du secret professionnel, le tout en conformité avec les enseignements de la Cour suprême du Canada. En d'autres termes, on vient accorder une préséance à la sécurité et au bien-être de la personne, mais en veillant néanmoins à ce que l'atteinte au secret professionnel soit minimale. Généralement, dans les limites prévues par la loi, nous croyons que cette bonification permettra d'offrir une latitude supplémentaire aux différentes ressources oeuvrant auprès d'une personne aînée, dont les notaires, afin de se concerter entre elles lorsqu'elles auront un motif raisonnable de croire qu'un risque sérieux de mort ou de blessure grave menace cette personne et que la nature de cette menace inspire un sentiment d'urgence.

Il faut toutefois noter que la conciliation des propositions du projet de loi n° 115 avec le cadre législatif existant présuppose que la levée du secret professionnel se fasse toujours en vue de prévenir un acte de violence. Il est vrai que cette contrainte législative qui survivra au projet de loi n° 115 pourra causer certaines problématiques d'application, par exemple lorsqu'une personne est victime de maltraitance financière. Le caractère violent de certains gestes associés à la maltraitance financière n'est en effet pas toujours reconnu ou admis. Cela dit, comme mentionné en introduction, étant donné le contexte particulièrement difficile, il n'existe aucune solution parfaite. Il s'agit donc d'un choix du législateur, qui, on peut l'imaginer, s'est livré à un complexe exercice de pondération des droits fondamentaux afin d'en arriver à un compromis en accord avec les balises établies par la Cour suprême en cette matière. Le législateur renforce donc par le fait même la confiance envers le jugement du professionnel dans l'évaluation des motifs menant à la levée du secret professionnel, ce que nous saluons.

Parlons du rôle du notaire. Le rôle qu'entendront avoir divers intervenants, dont le notaire, sera déterminant dans la lutte contre cette maltraitance. En effet, le notaire, de par ses fonctions, serait un des professionnels les plus susceptibles de détecter des situations de maltraitance. On est le conseiller de proximité des gens partout au Québec. Pour preuve, un récent sondage, en janvier 2017, de la firme Léger fait état de la statistique suivante : près de 82 % des Québécois sont d'accord pour dire que le notaire peut conseiller une personne aînée ou en situation de vulnérabilité en vue de prévenir des situations d'abus. De ce nombre, les personnes âgées de 65 ans et plus sont les plus nombreuses à être en accord avec cet énoncé, 92 %. Donc les gens, personnes âgées ont confiance en leur notaire.

Dès lors, on comprend que l'approche du notaire est naturellement axée sur la prévention et même davantage lorsque des personnes vulnérables sont parties à des actes ou des procédures. Nous croyons donc que ce rôle peut être consolidé par le biais de divers outils juridiques. À titre d'illustration, le notaire a la possibilité d'inclure certains types d'actes qu'il reçoit, tels la procuration ou le mandat de protection, des clauses de reddition de comptes, de contrôle, adaptées à sa clientèle. Il s'agit d'une action préventive relativement simple et peu coûteuse, qui saura bénéficier aux personnes vulnérables.

Je termine en vous disant que les pages 26 et suivantes de notre mémoire comportent des propositions qui, bien que simples, nous apparaissent tout à fait innovatrices. Nous proposons en effet des modifications techniques à la procédure menant à l'ouverture d'un régime de conseiller au majeur afin de faciliter sa mise en place. Ce régime d'assistance — le conseiller est là pour assister la personne âgée ou la personne en perte d'autonomie — souvent considéré comme archaïque ou d'un autre temps, pourrait en fait constituer le mécanisme préventif le plus approprié pour contrer l'abus fait envers des personnes aînées en légère perte d'autonomie. Il suffit de donner suite à nos quelques recommandations.

Effectuons d'abord un bref rappel de ce régime. Le Code civil prévoit donc qu'une personne généralement apte, lorsqu'elle a besoin, pour certains actes ou temporairement, d'être assistée dans l'administration de ses biens... d'avoir un conseiller qui est là pour l'assister. Le majeur doté d'un conseiller exerce lui-même ses droits civils, mais le conseiller doit cependant intervenir aux actes pour lesquels il est tenu de lui prêter assistance.

• (14 h 10) •

Le Président (M. Matte) : Je vous invite à conclure.

M. Guay (Gérard) : Oui. Donc, nous proposons donc que le notaire joue un plus grand rôle dans la mise en place de cette protection. Nous sommes donc, bien évidemment, disponibles afin de répondre à vos questions que vous pourriez avoir et vos commentaires. Merci de votre attention.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie pour votre exposé. Nous débutons notre période d'échange, et je cède la parole à Mme la ministre.

Mme Charbonneau : Merci, M. le Président. Madame, messieurs, je vous ai un peu vus aussi ce matin. J'ai senti que vous aviez un intérêt à entendre non seulement le Barreau, mais les gens qui sont venus aussi avant. Donc, merci de passer votre journée avec nous. On va le titrer comme ça. Je ne sais pas ce que vous allez faire après, mais je viens de vous mettre de la pression un peu. Mais, en même temps, on sent votre intérêt, et je ne suis pas surprise. Je ne suis pas surprise parce que, quand vous nous dites que, dans le monde des notaires, qui est un monde qui peut sembler un peu plus loin qu'on pense, vous avez toujours eu un intérêt pour le bien, moi, je vais le généraliser en disant le bien des gens parce que votre relation, ce n'est pas juste quand on achète une maison. D'ailleurs, c'est l'endroit où, la première fois, le notaire a l'opportunité d'expliquer aux gens qu'il peut l'aider aussi dans autre chose dans sa vie que juste son contrat d'achat puis son acte notarié qui fait qu'il est maintenant propriétaire. Donc, bravo et merci de nous signifier que, partout dans le monde, on se soucie de ce principe-là! On n'est pas uniques, on vieillit partout.

Et la première question que je vous poserais ou la première chose que je vous demanderais de réagir, c'est sur ce bien qui appartient à l'individu. Donc, on a chacun nos trésors de maisons, mais on a aussi chacun nos biens, et, de ce fait, quand on fait un acte notarié, mais quand on fait aussi le principe du contrat d'inaptitude, il y a une demande de votre part, de façon professionnelle, de : Qu'est-ce qui vous appartient, à qui vous donnez quoi, puis... Alors, cet aspect-là de votre travail, qui fait en sorte que vous gérez des... J'essaie de trouver le bon terme. J'ai eu une relation privilégiée, professionnelle, avec le curateur, et on parlait beaucoup du...

Une voix : ...

Mme Charbonneau : ...patrimoine — merci — du bien patrimoine, et, de ce fait, il y a différents aspects de ce patrimoine. J'aimerais ça vous entendre sur cet aspect-là parce que votre premier exemple que vous avez donné est le meilleur. Des fois, ça peut être une dame aussi qui a marié un plus jeune homme qu'elle vient de rencontrer — s'il vous plaît, un peu d'espoir — mais le bien de la personne devient toujours un enjeu au moment où une nouvelle relation entre en compte. Et je n'irai pas sur le principe où, des fois, il y a des gens qui veulent donner leur fortune à leur chat, je vais rester sur le bien où on a de jeunes personnes qui peuvent, pour toutes sortes de raisons, avoir en vue un héritage d'une autre personne qui a un peu plus de vie et d'expérience puis qui fait en sorte qu'il peut y avoir là un litige. J'aimerais vous entendre sur ce bien patrimoine, le bien patrimoine que vous avez à gérer ou que vous avez à bien sensibiliser les gens sur la gestion de ce bien.

M. Guay (Gérard) : Bien, c'est évident que, lorsqu'on reçoit les clients... Par exemple, dans l'exemple que je vous donnais, c'est évident, le notaire, son rôle, c'est de s'assurer, un, que la personne, évidemment, elle a sa capacité, la personne, donc elle est vraiment saine d'esprit, qu'elle n'est pas en perte d'autonomie, auquel cas il pourrait y avoir, effectivement, eu de l'exploitation financière. La Cour d'appel l'a rappelé dans l'arrêt Vallée, il y a quelques années, en appliquant l'article 48 de la charte. Mais, quand la personne est vraiment saine d'esprit puis elle a toutes ses capacités mentales, bien, c'est évident, c'est de voir que c'est sans contrainte et qu'on... Le notaire la rencontre seule, la personne, prend le temps de discuter, au besoin, il peut lui dire : Revenez, puis voir ce qu'il en est, mais c'est évident que le notaire, un, n'est pas là pour juger la personne. Mais il doit quand même prendre les précautions — et c'est ce qu'il fait en pratique — pour s'assurer que c'est bien la volonté de la personne de donner à son jeune conjoint, de donner à un tiers, peut-être, même, qui s'occupe d'elle... Parce qu'on voit des situations où les enfants, exemple, de la personne ne vont pas vraiment la visiter, ils ont leur vie, ils ne vont pas la visiter. Il y a quelqu'un d'autre qui est plus significatif, qui va la voir plus souvent, peut-être que cette personne-là, la personne aînée, veut donner plus à cette personne-là qui est plus souvent en relation, qui lui ferait plus de... il rend plus de services.

Alors, les gens ont cette liberté. On sait qu'au Québec... et ça, c'est un principe qui date depuis toujours, la liberté de tester, entre autres, hein, la liberté de faire le testament qu'on veut. Contrairement à en Europe, on n'a pas de réserve, on n'est pas obligé de léguer des biens à sa famille en particulier ou il n'y a pas une partie... Sauf quelques exceptions, la survie, l'obligation alimentaire, là, il n'y a pas d'obligation au Québec de léguer ses biens ou que c'est la loi qui fait que ça va à telle personne. Donc, c'est pourquoi cette liberté de tester, qui nous vient du régime anglais, ça s'est perpétué à notre Code civil, ça se perpétue, et c'est vrai dans tous les autres actes.

Donc, dans la mesure où la personne est saine d'esprit, on s'assure que c'est bien la volonté de la personne, on s'assure que c'est bien fait sans contrainte. Ceci dit, pour la suite, bien, si la personne est vraiment lucide et sans contrainte, bien, c'est sa décision de faire le geste qu'elle veut faire.

Mme Charbonneau : Et si le notaire a un doute sur la lucidité de la personne?

M. Guay (Gérard) : À ce moment-là, ce qu'il va faire, il va peut-être demander qu'on ait soit un rapport du médecin, il va demander qu'il y ait plus de vérifications pour s'assurer que la personne est vraiment lucide. Alors, c'est évident que, dans le doute, le notaire va hésiter ou même n'agira pas. Alors, il ne va vraiment agir que dans la mesure où il sait que c'est vraiment libre et sans contrainte, effectivement.

Mme Charbonneau : Je vous le fais dire parce que c'est bien que les gens entendent que le rôle que vous occupez n'est pas qu'un rôle aussi simple qu'on pourrait le croire puis que vous ne le faites pas les yeux fermés. Vous êtes...

M. Guay (Gérard) : Non, il ne fait pas ça les yeux fermés, il fait ça les yeux ouverts. Et là, dans tout ce qui s'appelle le patrimoine des gens, on est vraiment le conseiller des gens. Partout au Québec, on est la personne qui sommes là pour les aider. Et, effectivement, un élément important du rôle du notaire, c'est son devoir de conseil, ce qu'on appelle... et ce devoir de conseil là, les tribunaux l'ont souvent rappelé également, c'est donc qu'on n'est pas là juste pour faire des contrats, on est là pour conseiller les gens au départ. On est un conseiller impartial pour conseiller les personnes, et, dans ce sens-là, c'est évident que, si une personne âgée vient nous voir pour faire poser un acte, faire une donation ou autre, on est là pour la conseiller et s'assurer qu'elle agit en bonne connaissance de cause et ayant toute sa capacité également.

Mme Charbonneau : Alors, c'est pour ça que, dans votre mémoire, vous nous parlez d'un conseiller de protection.

M. Guay (Gérard) : Oui. Alors, c'est évident qu'on déborde un peu le texte de la législation, du projet de loi n° 115. On en est conscients, et c'est pourquoi aussi on appelle de nos voeux que le projet de loi n° 96, qui est déjà devant cette Assemblée nationale, puisse cheminer en commission parlementaire et être adopté, parce qu'effectivement... Et on pourra, à ce moment-là, en reparler, mais le conseiller au majeur... Et je vous le dis, je ne vous parle pas à titre de président, que quelqu'un qui enseigne ce domaine-là, qui le pratique aussi, le droit des aînés, c'est que le conseiller au majeur, c'est une façon, si on le simplifie, d'avoir une assistance légale, c'est-à-dire que la personne, là, si elle signe un contrat, bien, le moindrement important, bien, si le conseiller ne l'a pas assistée, le contrat n'est pas bon. Alors, s'il y a un bon assistant, s'il y a un bon conseiller, ça peut être très utile.

Exemple tiré de ma pratique, une dame âgée s'est fait offrir une balayeuse de 2 000 $. C'est sûr qu'elle n'en a pas vraiment de besoin, une balayeuse de 2 000 $. Bon, alors, mais c'est évident que, si une personne est moindrement en perte d'autonomie, en perte de capacité, bien, à ce moment-là, si elle avait eu un assistant, mais elle aurait pu dire : Écoute, là, la balayeuse, je n'en ai pas vraiment de besoin.

Donc, sans faire de l'âgisme, sans faire du paternalisme, le conseiller au majeur peut être une personne qui pourrait aider les personnes qui sont vulnérables, les gens vulnérables, en perte d'autonomie, habituellement aptes, comme dit la loi, mais qui, un petit peu, perdent l'autonomie. Ce serait une bonne façon de les aider.

• (14 h 20) •

Mme Charbonneau : M. le président, quand vous me parlez de ce rôle, est-ce que vous y voyez... je vais dire «en conséquence», c'est peut-être le mauvais terme, mais, en conséquence, une facturation qui irait à la personne ou qui serait gérée d'une autre façon? On va se parler des vraies affaires, hein, quand je passe chez le notaire, il y a un coût, et il y a des gens même... Puis vous aviez été un des premiers — l'organisation que vous représentez — à signifier le fait qu'il y a des gens qui n'en font pas, de testament, hein? Il y a des gens qui n'en font pas parce qu'ils voient le coût, ils ne voient pas l'avantage...

M. Guay (Gérard) : Exactement.

Mme Charbonneau : ...et malheureusement, quelquefois, le coût qu'ils n'ont pas déboursé finit par être un coût ailleurs.

M. Guay (Gérard) : Très souvent.

Mme Charbonneau : Par contre, avec ce drapeau-là, on se dit : La proposition que vous faites est intéressante, mais y a-t-il un coût?

M. Guay (Gérard) : Oui, il y a un coût, mais le coût est beaucoup moindre que le coût actuel. C'est qu'actuellement il faut comprendre que ça existe, le régime du conseiller au majeur, mais je peux vous dire d'expérience que les gens ne le font pas parce que, comme maman est encore un peu capable, on peut lui tenir la main, puis elle signe les chèques, tu sais, bon, alors il n'y a aucune protection. Et c'est ce que le mémoire dit, d'ailleurs. Alors donc, à cause des coûts actuellement puis les démarches qu'il faut faire — il faut obtenir une évaluation médicale, psychosociale, et autres, passer à la cour, et tout — à cause de tout ça, les gens disent : Bon, comme elle est encore un peu capable, on va le faire... alors que, si une personne souffre de l'Alzheimer puis elle est complètement inapte, bien là c'est évident qu'on n'a pas le choix parce que tout est bloqué, tout est gelé, mais là, ici, elle est encore...

Alors, c'est pour ça qu'on se dit : Si on peut simplifier la procédure, ça va, d'une part, diminuer dramatiquement les coûts, et de un, et ça va inciter les gens à dire : O.K. Parfait, ça va nous protéger, ça va me protéger, puis l'avantage pour moi est très grand. Tu sais, il y a déjà eu une cliente qui a déjà dit : Il y a-tu moyen de me faire signer un papier comme quoi je n'ai plus le droit de donner de l'argent à mon fils, là, parce qu'il vient à toutes les fins de mois, là? Bien, c'est ça, c'est qu'on ne peut pas faire un genre de document comme ça. Par contre, on pourrait avoir un régime, pour une personne vulnérable, qui ferait en sorte que quelqu'un de confiance pourrait l'assister, puis, si elle ne contresigne pas le chèque, bien, il ne sera pas donné, le chèque, au fils, tous les mois, les fins de mois.

Donc, oui, il y a des coûts, et c'est pour ça qu'on a voulu un système très simplifié, pour éviter les coûts, les garder au minimum puis pour faire en sorte que les gens puissent l'utiliser, le régime.

Mme Charbonneau : Je trouve ça intéressant, mais je trouve aussi tout aussi intéressant que vous gardiez cette sensibilité-là auprès de la population plus vieillissante, où il peut y avoir un jugement qui est porté. Parce que vous le savez, souvent, hein, étrangement, on garde nos sous pour nos enfants.

M. Guay (Gérard) : Exactement. Oui, oui, oui, c'est un fait.

Mme Charbonneau : Vous l'entendez plus souvent que moi.

M. Guay (Gérard) : Oui, oui, on entend souvent ça.

Mme Charbonneau : Moi, je l'entends parce que, quand je me promène dans les résidences puis je vais voir les gens, souvent, je leur demande s'ils voyagent, puis ils me disent : Ah! non, non, non, je garde les sous pour les enfants, puis je leur rappelle souvent que, sur un corbillard, il n'y a pas de porte-valise, hein, donc, des fois, il faut profiter de la vie un peu.

Je crois que mon collègue, il m'a fait signe un peu. Donc, je vous laisserais aller, M. le président. Je veux laisser le temps aux gens de pouvoir intervenir.

Le Président (M. Matte) : C'est lequel de vos collègues? Le député de D'Arcy-McGee?

Mme Charbonneau : L'homme.

Le Président (M. Matte) : L'homme.

M. Birnbaum : Merci, M. le Président. Mes Guay, Handfield, Amabili-Rivet, Mme Clouet. Merci pour votre présentation. Il me semble que c'est une évidence que vous êtes un partenaire privilégié et potentiellement à privilégier davantage dans la bataille contre la maltraitance. Vous êtes très bien placés.

M. Guay (Gérard) : ...notre mission de protection du public, oui.

M. Birnbaum : Oui, en tout ce qui a trait au sujet devant nous. Il y a, par contre, évidemment, une proportion de la clientèle, de la population dont on parle qui est inapte, alors, comme vous avez dit, il y a toutes sortes d'autres régimes et d'autres enjeux qui s'imposent. Il y a aussi une clientèle — assez substantielle, j'imagine — apte sans notaire et qui n'aurait pas pris le choix, pour diverses raisons, légitimes et autres, de ne pas se prévaloir d'un notaire. Pour cette population-là, et on parle de beaucoup, beaucoup de monde, je vous invite de vous prononcer sur deux choses.

Dans un premier temps, de façon générale, est-ce que vous diriez que le régime qu'on propose, les protocoles qu'on propose, nous met sur la bonne voie pour ajouter aux protections que vous êtes en mesure d'accorder aux clientèles qui vous cherchent, qui décident de se prévaloir de vos services? Dans un premier temps, est-ce qu'on est sur la bonne voie dans notre projet de loi?

Dans un deuxième temps, y a-t-il des gestes, collectivement, qu'on devrait poser sur le plan communication pédagogique pour faire comprendre aux Québécois et Québécoises qui sont des aînés, des proches aidants... pour qu'ils comprennent les enjeux, les protections auxquelles ils ont droit, les droits auxquels ils peuvent se prévaloir?

M. Guay (Gérard) : Bien, c'est évident que l'information auprès du public, c'est très important. Puis je pense qu'on n'a jamais trop de communication, soit par la télévision ou autrement, pour sensibiliser les gens à cela parce qu'on sait que les gens... Si on dit que les jeunes sont sur les réseaux sociaux, les personnes âgées sont devant la télévision. Alors donc, c'est évident qu'entre autres la télévision, c'est sûr que c'est un médium privilégié pour rejoindre les gens.

Mais il existe d'autres mesures, et je tiens à en mentionner une, entre autres, à laquelle on participe. C'est un organisme, que vous connaissez peut-être, de Montréal, Juripop, et qui organise la Caravane 360° des aînés, où ils ont une journée de... et c'est nous qui sommes le commanditaire, et on les aide. Les notaires participent à ça aussi, et la caravane est une journée de sensibilisation et d'information sur l'abus envers les aînés, offerte au grand public, et ça a, d'année en année, un grand succès. Alors donc, ça a eu lieu cette semaine.

Alors donc, tout ça pour dire que, oui, il y a des mesures et il y a des organismes qui aident. Puis nous, de notre côté, on contribue, les notaires participent également, et, oui, il faut continuer la sensibilisation auprès des gens pour leur faire prendre conscience de cette réalité puis faire comprendre aux gens qui la vivent qu'ils ont intérêt à en parler à d'autres, hein, c'est beau. Parce qu'on parle de secret professionnel, puis ça, ce n'est pas toujours évident, pour un professionnel, quand est-ce je vais signaler, mais est-ce que la personne elle-même pourrait... moi, je...

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie et je cède la parole au député de Rimouski.

M. LeBel : Merci, M. le Président. Bonjour à vous trois, madame, messieurs. Quand on parle de la maltraitance... Je veux juste le ramener parce que souvent, à un moment donné, on en parle, sur la maltraitance, mais, selon ce qu'on nous donne, la littérature, il y a sept types de maltraitance. Je veux en parler parce que ça a une importance sur le suivi qu'on peut y faire. La maltraitance psychologique, là : chantage affectif, manipulation, humiliation, insultes, infantilisation. Maltraitance physique : bousculade, rudoiement, brûlures, alimentation forcée. Maltraitance sexuelle : propos ou attitudes suggestives, blagues ou insultes à connotation sexuelle, promiscuité. Maltraitance matérielle et financière — puis vous le voyez peut-être plus souvent — : pressions à modifier un testament, transactions bancaires sans consentement.

Puis je peux rajouter, j'ai vu des choses, là, dans certaines résidences, où les personnes aînées qui demeurent là, si elles veulent aller faire des commissions en ville, il faut qu'elles passent au comptoir pour demander leur 20 $ ou quelque chose du genre. Des fois, c'est pour les protéger, mais, d'autres fois, je trouve que c'est un peu exagéré. Il y a toujours des nuances dans ces affaires-là, mais maltraitance, violation des droits, imposition d'un traitement médical, déni du droit de choisir, de voter... Ça, j'ai déjà vu ça aussi, des propriétaires de résidences suivent la personne pour l'aider à voter, tu sais, lui tenir le bras, tu sais, ce n'est pas... Bref, maltraitance organisationnelle, bon, ça, on en parle en masse, comment on traite nos aînés dans notre réseau, dans les CHLSD, les coupures, les couches, les lunchs trop vites, etc., puis l'âgisme. Vous voyez, il y a beaucoup de nuances. La personne qui traite ces plaintes-là, il faut qu'elle soit allumée à gérer les signalements de chacun qui... il y a bien, bien, bien des choses à regarder, à nuancer.

Dans votre mémoire, dans les mises en garde, vous dites que les commissaires aux plaintes n'ont, un, pas toutes les ressources pour le faire, et ils font face à déjà plein de choses, le curateur, etc., et vous dites qu'il faudra harmoniser... et vous posez la question, vous dites : De quelle façon devrait-on harmoniser le rôle renouvelé du commissaire local aux plaintes avec celui, entre autres, de la commission dans les fonctions... Est-ce que vous avez réfléchi à ça, à ce genre d'harmonisation? Si vous avez vu un danger, comment vous voyez la solution?

M. Guay (Gérard) : ...Amabili-Rivet répondre à la question.

M. Amabili-Rivet (Raphaël) : Bonjour. Bien, d'emblée, en fait, ce qu'on amène, c'est l'harmonisation avec la charte puis les mécanismes qui y sont prévus. Vous parliez un peu plus tôt de toutes les différentes formes de maltraitance, puis, pour répondre aussi au député de D'Arcy-McGee, un peu plus tôt, sur sa question, notre position générale sur le projet de loi, c'est qu'on est favorables. Il faut comprendre que notre compétence ou notre expertise se limite aux professionnels notaires. Donc, c'est sûr que les réalités qui existent dans les centres d'établissement de santé, c'est une réalité qui nous échappe un peu. Toute la maltraitance à laquelle vous référez, la levée du secret professionnel, la position qui a été choisie par le législateur dans le projet de loi n° 115, c'est d'y aller généralement, sans identifier de maltraitance particulière, mais laisser la chance au professionnel d'user de sa discrétion, de son jugement pour voir s'il y a des circonstances ou des motifs raisonnables qui justifient qu'il y ait levée de ce secret professionnel là.

• (14 h 30) •

M. LeBel : Il y a plusieurs groupes qui sont... Effectivement, on parle beaucoup du réseau. Le projet de loi est très centré... il y a beaucoup de monde qui sont venus nous voir, ils disent qu'il faudrait ouvrir plus large. Effectivement, dans les cabinets de notaire, les gens peuvent voir des clients arriver, ils peuvent détecter de la maltraitance au cabinet. Ça peut être dans l'autobus qui emmène les gens dans les différentes activités, ça peut être très large. Et puis, comme je disais tantôt, il y a beaucoup de façons de porter plainte ou de signaler, mais là le défi du projet de loi, c'est de clarifier tout ça, et je ne suis pas sûr qu'on clarifie beaucoup actuellement. Vous dites : «Le législateur pourrait aussi profiter de l'occasion que lui offre le projet de loi n° 115 afin de renforcer ses outils de protection déjà existants et ayant un statut quasi constitutionnel.» Pouvez-vous m'expliquer un peu qu'est-ce que vous voulez dire par là?

M. Amabili-Rivet (Raphaël) : On faisait référence particulièrement à l'article 48 de la charte, qui parle déjà de l'exploitation qui peut être faite envers les personnes aînées. Puis, comme je vous le disais un peu plus tôt, là, le mécanisme de la commission, en fait, qui est là, qui est un mécanisme existant pour porter plainte... on entendait la Chaire de recherche Antoine-Turmel, un peu plus tôt, qui disait : Pourquoi ne pas harmoniser le rôle du commissaire avec le rôle de la commission? Donc, ça, c'est toutes des avenues qui peuvent être envisagées dans ce projet de loi là.

Une voix : Oui, Me Handfield.

M. Handfield (Nicolas) : Nicolas Handfield. Il y a le mot «harmoniser» qu'on utilise aussi dans notre mémoire, mais, pour que la personne se sente assez en confiance afin de parler de sa situation, il faut qu'il y ait un lien de confiance entre les personnes. Donc, c'est pour ça qu'à titre de professionnels on les voit dans nos bureaux à longueur de journée, s'il y a un cas de maltraitance, étant donné qu'il y a cette relation de confiance là qui existe... Mais, si c'est une personne avec laquelle la personne n'a pas accès facilement, ça peut être difficile. Donc, un travail plus local de la commission des droits pourrait être une porte agréable pour avoir un lien plus facile puis bâtir une relation de confiance plus rapidement.

M. LeBel : Parce que c'est un peu ça, le mot clé depuis deux jours, là, c'est harmoniser puis baliser. Tout le monde est d'accord à aller de l'avant sur plein de choses, mais comment on va harmoniser avec chacun? Puis comment on va baliser les droits, entre autres? Si on fait du signalement obligatoire, comment on balise? Si on met des caméras vidéo, comment on balise? C'est la grande question. On n'a pas toujours les réponses. On a beaucoup de choses, là, mais il faudra relever ce défi-là.

Vous avez dit aussi dans votre mémoire qu'il faut rappeler le respect de l'autonomie de la vie privée de la personne, qu'elle soit aînée ou en situation de vulnérabilité, c'est un fondement de la société québécoise et de son système de droits. Parce que c'est majeur, là, les personnes aînées, c'est des gens autonomes qui ont des droits dans tout ce qu'on va faire. Autant au niveau du signalement que de la protection, il faut respecter les droits de chacun. Peut-être juste en terminant, il me reste une minute, peut-être revenir là-dessus.

M. Guay (Gérard) : C'est évident que toute personne, y compris les personnes inaptes, a des droits. Et d'ailleurs, si on regarde le Code civil, c'est ce que ça nous dit, hein? La sauvegarde de l'autonomie de la personne, c'est un élément clé de notre droit des personnes inaptes, la sauvegarde de l'autonomie des personnes inaptes. Donc, c'est évident que c'est une balance, comme je disais, c'est un balancier entre protection mais aussi sauvegarde de l'autonomie de la personne et c'est un équilibre qu'il faut avoir. Donc, on trouve que la loi, le projet de loi est un pas dans la bonne direction. Et c'est évident que c'est à parfaire, mais je pense que c'est déjà un premier pas qui est intéressant dans ce sens-là.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie. Je cède la parole au député de Lévis.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Je vous salue, messieurs mesdames, Mes Guay, Handfield, Amabili-Rivet et Clouet. Je reviens sur votre exemple, si vous voulez, du départ. Parce que vous nous dites être souvent des intervenants de première ligne dans des situations qui peuvent devenir chaotiques ou problématiques. J'en suis. Je comprends fort bien puis j'illustre très bien ce que vous dites là. Dans votre exemple du début, avec le couple, et puis la nouvelle conjointe, puis l'ancienne, puis les enfants, et tout ce que vous voudrez, probablement que vous voyez ça de temps en temps, j'imagine, êtes-vous appelés aussi à convoquer des tiers pour tenter de comprendre le phénomène qui fait que certains diront que l'aîné a pris une mauvaise décision, qu'il se fait manipuler, que c'est une forme d'exploitation financière de laquelle il est victime? Alors, quand vous analysez avec votre client sur le précepte des conseils puis que vous jugez qu'il a un argumentaire pour dire pourquoi il fait ça, mais, devant les contradictions qui sont émises, avez-vous ce pouvoir-là ou vous arrive-t-il de convoquer les tiers, ceux qui sont questionnés, pour tenter de voir effectivement si votre client est dans une situation de manipulation ou d'exploitation?

M. Guay (Gérard) : Bien, on n'a aucun pouvoir de convoquer un tiers ou qui que ce soit, c'est évident. Alors, évidemment, on va renseigner la personne, on va discuter avec elle ou même discuter d'autres sujets qui vont nous amener à voir si elle est lucide. Parce que c'est un premier élément, est-ce qu'elle est lucide, la personne, est-ce qu'elle sait ce qu'elle fait. Puis, si vraiment elle est lucide, à ce moment-là il y a des moyens. Soit qu'on lui dit : O.K. On se revoit à un deuxième rendez-vous, il y a toutes sortes de moyens.

Bien, vous savez que le notaire, depuis toujours, là, il est... En matière testamentaire, entre autres, tout ce qu'on appelle la captation, quelqu'un qui te dirige à faire un testament où il veut, ça existe depuis toujours, donc le notaire, il est déjà allumé à ces questions-là, à éviter qu'une personne agisse sous influence. Donc, le fait d'agir librement, et de façon volontaire, et que ça soit sans contraintes, le notaire est déjà formé à cela, et c'est pourquoi, par différents moyens, lors des rencontres, les discussions qu'il peut y avoir, il va faire ce genre de discussion avec la personne, quitte à la faire revenir, et autre. Mais c'est évident qu'on ne peut pas aller voir d'autres personnes. Mais c'est évident que, si le notaire connaît bien la personne, connaît la famille, des fois... et c'est souvent le cas aussi, hein?

M. Paradis (Lévis) : C'est souvent le cas.

M. Guay (Gérard) : Alors, à ce moment-là, c'est évident qu'il peut se faire peut-être à l'idée du passé, de l'historique. Mais, s'il ne la connaît pas, il va quand même agir avec prudence pour s'assurer que le geste est posé correctement. Et, s'il est vraiment fait sans contraintes, bien, à ce moment-là, on pourra respecter la volonté de la personne.

M. Paradis (Lévis) : La ministre disait, à juste titre, il y a quelques instants, que le notaire, c'est bien au-delà que de la signature d'un acte qui aura une vertu légale. Puis au-delà des actes notariés pour des propriétés, vous intervenez dans mille et un dossiers, hein, je veux dire, évidemment, tout ce qui sera matrimonial, nuptial, évidemment, quand ça va moins bien, l'autre côté, la division du patrimoine et puis, bon, est-ce qu'on voudra les testaments et les legs.

Je vous pose une question, c'est une hypothèse. On se fait une image. Peut-être qu'elle n'est pas réelle, peut-être qu'elle est déjà arrivée. Dans la mesure où... Parce que, de mémoire et de souvenir d'individus qui, à un moment donné, sur le plan financier, se sont trouvés sous le joug d'un manipulateur ou d'une manipulatrice, se rendant compte plus tard qu'effectivement leurs économies avaient été dilapidées par quelqu'un en quel il ou elle n'aurait pas dû avoir confiance, hein, parce que souvent c'est ça, à un moment donné il y a comme un... Puis vous devez le voir, là, tu sais, il y a une espèce de... on ne voit plus clair, puis, tout d'un coup, oups! on voit clair puis on a l'impression que ce qu'on a vu, ça n'aurait pas dû être ça. Dans une situation comme celle-là, où vous devez vous fier au fait de la lucidité de votre client, mais sachant pertinemment... puis le regret, est-ce qu'il arrive, à l'occasion, que des clients vous disent : Vous auriez donc dû, monsieur mon notaire, me dire que ça ne n'avait pas de sens parce que j'ai pas mal perdu, puis là je me rends compte que je n'avais pas toute ma tête?

M. Guay (Gérard) : Ils vont nous le dire quand ils ne nous ont pas consultés avant. S'ils consultent avant, là on va généralement donner des bons conseils. Puis ça m'est arrivé souvent, les clients qui me connaissent, qui sont déjà ma clientèle, qui me consultent avant pour n'importe quoi, un projet quelconque. Au fil des ans, il y a eu toutes sortes de projets qu'il y a eu à une époque, des fameuses sociétés en commandite, puis toutes sortes de choses qui sont arrivées, là, puis ils nous consultent, même des raisons familiales, il y a des affaires familiales. Quand ils nous consultent, le notaire est généralement de bon conseil puis il dit : Fais attention, puis tout ça.

Moi, j'ai plusieurs cas où les gens ont dit : Une chance qu'on vous a consulté avant parce qu'on se serait fait embarquer dans une chose. Et c'est vrai pour tous les notaires aussi, alors, parce que le notaire, il faut comprendre, il a vraiment une relation de confiance, de proximité avec la personne, comme on dit. Et ces questions-là de patrimoine, et tout, là, c'est vraiment au coeur de notre profession, là, il y a des notaires qui font des testaments, des mandats puis qui font des partages, ces choses-là, des donations. C'est vraiment, comme on dit, le coeur de notre profession, de notre travail, et les notaires qui s'y dévouent le font et ils ont la confiance. Et cette confiance-là, ils ne veulent pas la perdre. Et c'est pour ça que le notaire, vraiment, c'est... Que les notaires conseillent mal, non, pas vraiment. Ce qu'on voit surtout, c'est les gens qui n'ont pas demandé conseil avant. Ça, c'est...

M. Paradis (Lévis) : Ou qui ont mal compris. Merci.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends pour quelques minutes, là, afin de permettre au prochain groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 14 h 40)

(Reprise à 14 h 42)

Le Président (M. Matte) : Sans plus tarder, nous débutons avec les représentants... C'est un test de son que je faisais. Sans plus tarder, je souhaite la bienvenue aux représentants de la FADOQ. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour faire un exposé et, par la suite, un échange entre les représentants des membres de la commission. Je vous invite à vous présenter, ainsi que les personnes qui vous accompagnent.

Réseau FADOQ

M. Dupont (Maurice) : Alors, Maurice Dupont, président du Réseau FADOQ, M. Danis Prud'homme, directeur général, et Mme Caroline Bouchard, qui est notre attachée, coordonnatrice au niveau des affaires publiques et relations gouvernementales.

Le Président (M. Matte) : Vous débutez votre exposé.

M. Dupont (Maurice) : Alors, le Réseau FADOQ est un regroupement de personnes de 50 ans et plus qui compte plus de 475 000 membres partout au Québec.

M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, la maltraitance envers les aînés est encore un sujet tabou au Québec. Force est de constater que les campagnes de sensibilisation et la dénonciation des actes de maltraitance sur la place publique n'ont pas suffi à endiguer le phénomène. Au contraire, tout porte à croire qu'avec l'augmentation de notre population aînée le phénomène va en s'accroissant.

En 2010, pour répondre aux besoins des aînés et prévenir les cas de maltraitance, le Réseau FADOQ a mis sur pied le programme Aîné-Avisé, de concert avec la Sûreté du Québec et le centre affilié universitaire en gérontologie sociale du CIUSSS—Centre-Ouest-de-l'Île-de-Montréal. Ainsi, en six ans, nous avons rejoint plus de 45 000 personnes, qui ont participé à nos séances d'information par rapport à la fraude et aux divers types de maltraitance.

Je résumerais notre expérience au sein du programme Aîné-Avisé en un seul mot : peur; peur, d'une part, des aînés victimes de maltraitance de dénoncer leur situation, peur des témoins de faire face à des représailles de toutes sortes ou encore de faire subir ces représailles à leurs proches. C'est la peur qui engendre le silence et l'aveuglement volontaire qui constitue le terreau fertile de la maltraitance.

À l'évidence, le combat contre la maltraitance demande un effort important de tous les secteurs de la société. Le projet de loi n° 115, en se concentrant de manière importante sur la maltraitance au sein du réseau de la santé, constitue une étape importante mais insuffisante pour contrer le phénomène. Nous espérons, par notre apport, réussir à améliorer un projet de loi dont le contenu est de première importance pour tous les aînés du Québec.

Nos propos porteront sur trois éléments : le premier, la divulgation obligatoire des actes de maltraitance envers les aînés; le deuxième, la facilitation dans l'utilisation des caméras et autres moyens de surveillance en établissements de soins; et le troisième, diverses suggestions pour faciliter la mise en oeuvre des politiques de lutte contre la maltraitance dans les établissements de soins.

Le Réseau FADOQ croit fermement que les cas de maltraitance envers les aînés doivent être à déclaration obligatoire pour le personnel des établissements de la santé, tel que préconisé dans l'article 8 du projet de loi n° 399 présenté par l'opposition libérale en octobre 2013. Nous croyons qu'une telle mesure envoie un message clair que la maltraitance envers les aînés dans le réseau de la santé, c'est tolérance zéro. Cette mesure est d'ailleurs déjà en vigueur en France et dans certaines provinces canadiennes, dont l'Alberta, la Colombie-Britannique et la Nouvelle-Écosse. C'est la responsabilité de l'État de déclarer clairement que la personne qui tolère une situation de maltraitance a une responsabilité légale au même titre que la personne qui commet l'acte de maltraitance.

La position du Réseau FADOQ au sujet de l'encadrement des caméras de surveillance est claire, le meilleur règlement serait qu'il n'y en ait pas du tout. Nous sommes catégoriquement contre toute forme d'encadrement des caméras de surveillance dans tous les types d'établissements. C'est pourquoi nous avons été très heureux de lire que le gouvernement souhaite proposer de rendre leur autonomie aux usagers qui souhaitent utiliser les caméras, et ce, avec un moindre encadrement. Nous appuyons cette démarche, puisqu'agir à l'inverse aurait d'importantes conséquences. De fait, une réglementation limitative serait carrément néfaste, car elle encouragerait les établissements à restreindre de manière bureaucratique et arbitraire les droits des usagers et de leurs familles.

Nous avons déjà exprimé notre point de vue auprès de la ministre et nous le réitérons aujourd'hui : la présence de caméras et d'autres moyens de surveillance en établissement ne constitue pas un problème pour les aînés, bien au contraire. Sans ces moyens de surveillance, des situations d'abus inacceptables n'auraient pu être rendues publiques. Plutôt que de s'attarder à limiter les droits des usagers et de leurs familles, le gouvernement devrait corriger le contexte qui a donné lieu à l'utilisation de plus en plus fréquente des caméras, soit les difficultés que les usagers et leurs proches éprouvent à faire entendre leurs récriminations auprès du personnel et des gestionnaires des établissements et la perte de confiance du public envers le réseau de la santé.

Par ailleurs, afin de faciliter la mise en oeuvre du projet de loi n° 115, le Réseau FADOQ croit bon de préciser quelques éléments du projet de loi qui... s'inquiète des ressources humaines et financières qui seront disponibles pour sa mise en oeuvre. D'emblée, comme les établissements de santé devront se doter d'une politique de lutte contre la maltraitance revue tous les cinq ans, nous croyons essentiel que des lignes directrices soient spécifiées pour permettre une certaine uniformité. Nous relevons aussi l'absence dans le projet de loi de mécanismes de surveillance pour assurer la pertinence mais la mise en oeuvre et l'actualisation de ces politiques locales.

Nous craignons également que les commissaires aux plaintes ne soient pas en mesure d'assumer les responsabilités qui leur sont attribuées dans le projet de loi. À l'heure actuelle, plusieurs usagers déplorent les délais dans la gestion des plaintes. Si le système est trop lent, il sera difficile d'inspirer confiance aux usagers et aux employés du réseau. La maltraitance est un problème sérieux qui demande des investissements humains et financiers sérieux aussi. Nous aimerions avoir des précisions quant aux moyens financiers qui seront disponibles pour mettre en oeuvre les politiques de lutte à la maltraitance.

Parallèlement, les moyens mis à la disposition des organismes offrant de l'accompagnement aux usagers, notamment les centres d'assistance aux plaintes et d'accompagnement aux plaintes, doivent être revus à la hausse. Il ne faudrait pas négliger non plus l'accompagnement à la suite de plaintes, car ce processus peut laisser d'importantes séquelles autant pour le plaignant que pour la personne ayant fait le signalement.

Au niveau structurel, nous aimerions souligner plusieurs éléments qui bonifieraient avantageusement le projet de loi. Premièrement, nous croyons que les commissaires aux plaintes, en tant qu'employés des établissements de santé, ne disposent pas de l'indépendance que requiert leur fonction. Il serait préférable d'augmenter leur autonomie pour garantir la confiance des usagers, des employés du réseau de la santé et du grand public.

Deuxièmement, nous sommes surpris par l'absence de toute mention du Protecteur du citoyen dans le projet de loi. Nous croyons essentiel que le rôle du Protecteur du citoyen soit bonifié pour inclure le traitement en deuxième instance des plaintes et signalements qui découleront de l'adoption de politiques de lutte à la maltraitance dans les établissements.

• (14 h 50) •

Troisièmement, le projet de loi n° 115 serait une bonne opportunité de supprimer la distinction entre une plainte et un signalement. Le dépôt d'une plainte comporte plusieurs obligations, notamment celles de faire enquête et d'offrir une réponse durant les 45 jours suivants. Quant au signalement, il ne comporte aucune garantie formelle de réponse. Si nous voulons convaincre les travailleurs du réseau de la santé de l'importance de dénoncer la maltraitance, la moindre des choses serait de donner aux commissaires l'obligation de leur répondre.

Quatrièmement, nous saluons les efforts du p.l. n° 115 pour protéger les employés contre toute forme de représailles s'ils présentent un signalement aux commissaires aux plaintes, l'article 11 du projet de loi. Toutefois, s'il communique des renseignements aux médias, rien n'empêchera son employeur de faire usage de représailles à son égard. Malheureusement, dans plusieurs situations, c'est l'ensemble de la structure organisationnelle qui participe activement ou tacitement à la situation d'abus et il est difficile de concevoir une réelle amélioration dans la dénonciation publique. Par conséquent, nous croyons que cette protection devrait être étendue à toutes les démarches pour dénoncer les situations d'abus et non uniquement à celles entreprises dans le cadre du mécanisme de plainte.

En conclusion, et compte tenu du vieillissement accéléré de la population québécoise et de concert avec l'adoption du projet de loi n° 115, le Réseau FADOQ estime que la création d'une commission de protection des droits des aînés, déjà suggérée en 1995, serait tout à fait à propos dans le contexte actuel. Cet organisme aurait un rôle d'évaluation et de surveillance afin d'assurer le respect des droits des aînés. Cet observatoire et organe indépendant se pencherait sur tous les enjeux touchant le vieillissement.

Enfin, dans la foulée de l'adoption du projet de loi n° 115, il serait logique que le gouvernement québécois fasse pression auprès du gouvernement canadien pour qu'il appuie la convention internationale sur le droit des personnes âgées proposée par l'ONU. Merci.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie pour votre exposé. Nous allons débuter notre période d'échange. Mme la ministre, je vous cède la parole.

Mme Charbonneau : Merci, M. le Président. Pour tous les gens qui ne le savent pas, nous avons une forme de routine, M. Dupont et moi. En premier, je commence par : Messieurs, jeune fille... et puis après je lui dis comment je suis jalouse de son membership.

Une voix : ...

Mme Charbonneau : J'ai toujours ce sentiment-là, M. Dupont. Puis, à chaque fois que vous dites le chiffre, j'ai un petit frisson qui me passe puis qui me dit : Maudit chanceux!

M. Dupont (Maurice) : Il faut éviter les calculs, Mme la ministre.

Mme Charbonneau : Oh! tout à fait, tout à fait, vous avez raison. Mais vous le savez parce que vous êtes un réseau qui valorise, qui informe mais qui est toujours proche de ses membres. Puis là-dessus j'ai peu l'occasion de le faire publiquement — d'habitude, quand on se voit, c'est plus privément, là, dans le cabinet ou en rencontre autrement — mais cette fois-ci, sous caméra, je le dis : Vous êtes un réseau qui s'occupe bien de vos aînés, malgré que souvent, dans nos rencontres, on arrive à ne pas s'entendre sur deux, trois affaires, mais on finit toujours par avoir une belle conclusion parce qu'on travaille pour le même monde.

Je vous entends, M. Dupont, et je sais que votre souci de l'autonomie de l'aîné est important, premièrement, parce que ce sont des gens que vous côtoyez de façon journalière, hein? Des aînés, vous en voyez partout, vous en accueillez. Et vous avez mis un peu la barre basse, comme on dit, par rapport à 50 ans, mais, en même temps, vous êtes les premiers à donner signe à un aîné en lui disant : Vous avez droit à un réseau, on vous représente, et ça commence à 50. Mais, de tous ces gens, vous en voyez... Moi, je vais à votre rencontre annuelle que vous avez et je vois une salle pleine de gens qui vont danser, qui m'interpellent, qui sont très actifs, qui regroupent un paquet de regroupements, hein, parce que, quand je les rencontre chez vous, ils sont déjà peut-être sur la table de concertation des aînés, ils sont peut-être à l'AQDR, ils sont peut-être même ailleurs, dans d'autres organisations, mais ils sont en premier chez vous. Donc, quand vous dites que vous ne voyez pas autre chose que la divulgation obligatoire, ça m'interpelle un peu, puisque, dans le principe de la divulgation obligatoire, pour moi, il y a un manque de respect sur l'autonomie de la personne. Mais je veux mieux le comprendre dans l'angle que vous avez parce qu'on est ici pour améliorer, s'il y a lieu, les principes du projet de loi n° 115. Donc, j'aimerais vous entendre sur l'autonomie et l'obligation pour un tiers de divulguer plutôt que l'opportunité, puisque tous les outils alentour de lui font en sorte que c'est plus facile de travailler avec la dénonciation.

M. Dupont (Maurice) : Bien, je répondrais a priori, après ça je laisserai la parole à la direction générale. Je pense qu'il faut revoir l'image des services qui sont donnés et surtout de la confiance que la société québécoise a envers les milieux de santé. Alors, oui, l'autonomie est importante pour nous et, je dirais, à cause de notre contrat social et les quatre piliers du bouton argenté que je porte avec fierté. À tous les échelons de la vie, je pense qu'il faut avoir ça en tête.

Alors, pour l'argumentaire, je vais laisser Mme Bouchard et M. Prud'homme argumenter.

M. Prud'homme (Danis) : En fait, je dirais qu'on ne veut pas enlever l'autonomie aux gens mais on veut plutôt l'appariement, l'appariement avec ce qui est dit dans la charte par rapport aux devoirs citoyens. Donc, on considère que ce qui est présentement dans la charte devrait être dans le projet de loi comme un devoir citoyen de venir de l'avant et de dénoncer lorsqu'on voit quelque chose. Ce n'est pas qu'on veut enlever l'autonomie aux gens, c'est plutôt un devoir citoyen de dire quand on le voit. Peut-être que la personne n'est pas en position de venir de l'avant, mais nous, on l'a vu, là, alors c'est un devoir citoyen, qu'on considère.

Mme Charbonneau : Dans le principe de devoir citoyen, nous avons tous les mêmes devoirs, hein? Vous le savez, si vous voyez quelque chose, dans la rue, qui se passe, vous avez le devoir de. Mais, si je ne le fais pas, il n'y a pas nécessairement une conséquence aussi grande que si je regarde ce qui nous avait interpelés dans le 399 sur la conséquence de non-divulgation. Et, malheureusement, il y a aussi cette réalité-là qu'on ne parle pas que du système de la santé. On parle de gens de confiance qui sont près de nos personnes aînées, donc ça peut être un conjoint, ça peut être un fils, ça peut être une fille, ça peut être une voisine, ça peut être une soeur. Un membre de la famille peut aussi être une personne qui, pour toutes sortes de raisons, pose des gestes qui sont inacceptables.

Et le niveau de tolérance de la personne par rapport au principe de la maltraitance, hein? On est toutes et tous — je vais le dire maladroitement — élevés d'une différente façon. Peut-être que, dans une maison, il y a des gestes qui se posent et qui sont acceptés puis, dans une autre, ça serait inacceptable. Prenons juste lever la voix. Vous pouvez lever la voix dans certaines familles, puis c'est juste normal parce qu'ils sont passionnés, sanguins et puis qu'ils ont le goût de faire valoir leurs points, et, dans d'autres maisons, poser ce geste-là est une agression. Comment voyez-vous ce principe-là s'appliquer à partir du moment où il faut que je sois obligée de dénoncer et que, de ce fait, si je ne le fais pas, il y aura nécessairement des conséquences? Puis comment les voyez-vous, ces conséquences-là, si le gouvernement avait à en mettre en application?

M. Prud'homme (Danis) : Bien, en fait, je répondrais assez simplement en disant que, quand une personne est dans le système de santé, parce qu'on commence avec le système de santé — vous avez dit «c'est plus large», oui, mais prenons le système de santé — les personnes prennent soin de ces gens-là dans le système de santé, donc ont comme une responsabilité de s'assurer qu'ils sont bien, qu'on prend bien soin d'eux, qu'on leur dessert les bons services. Et donc, dans le temps qu'ils sont dans notre entourage, donc dans notre cercle, c'est, pour nous, nécessaire que la personne, si elle voit des choses se passer, de venir de l'avant avec ça pour le dénoncer. Première chose.

La deuxième chose, je comprends ce que vous dites, nous-mêmes dans notre programme Aîné-Avisé, on l'a adapté à certaines cultures. Par contre, quand on est dans un système de santé où on prend soin de quelqu'un, oui, on pourrait, mais là on commence à mettre beaucoup de différenciations. Et, à ce que je sache, on veut essayer de prendre soin de la personne de la bonne façon. Et, quand on va dans le système de santé, on n'a qu'une façon de prendre soin de la personne, on ne donne pas des soins de différentes façons. Donc, c'est un peu là qu'on veut faire un lien, de dire : Tant qu'à aller sur la, entre guillemets, protection du système de santé parce qu'on prend soin d'elle, bien, les gens devront respecter comment on doit prendre soin d'un patient, ou d'un client, ou selon le nom qu'on veut lui donner.

Mme Charbonneau : Vous savez comme moi que les mots sont lourds quelquefois. Donc, de bien nommer les choses, des fois, ça peut nous jouer des tours puis... Mais on va l'appeler notre aîné parce qu'il peut être dans le système de la santé, comme il peut être en dehors. Vous savez que le projet de loi n° 115 va à l'extérieur aussi du système de la santé. Pour nous, c'était important de dire : Si on est pour parler des gens en situation de vulnérabilité ou les aînés, bien, heureusement pour nous, on est capables de dire qu'il y a des aînés qui sont actifs sur le marché du travail, qui sont chez eux, qui font du bénévolat, mais ça n'empêche pas qu'il peut arriver des situations.

Donc, dans le projet n° 115, il y a cette proposition d'un projet pilote qu'on a mis en place en Mauricie, à Trois-Rivières, et qui s'appelle le comité sociojudiciaire. On en a déjà échangé quelque peu parce qu'il y avait des questions de votre côté à savoir... mais, chez nous, on dit «de que c'est» parce que ce n'était pas très expliqué, mais c'était un projet pilote. Et la volonté dans le 115, c'est de faire en sorte qu'on puisse nationaliser cette mesure-là et la rendre accessible dans toutes les régions du Québec pour accompagner un aîné qui est à l'extérieur du système de la santé, qui fait affaire autrement, mais qui peut vivre une situation de maltraitance.

Puis on prend toujours le même exemple parce que c'est, pour l'instant, 80 % des cas qu'on a traités, la maltraitance financière, donc l'aîné qui se retrouve dans une situation malaisante par rapport à ça, qui se pose beaucoup de questions, qui fait appel soit à un travailleur social, soit à quelqu'un dans son CLSC ou à la sécurité publique, hein, parce qu'ils sont nos premiers partenaires au niveau du comité. Et là on met en place tout un réseau alentour de lui pour l'accompagner à bien finir cette histoire, parce que c'est ce qu'on cherche à faire. Est-ce que, pour vous, c'est plus clair maintenant, ça a plus de sens, ou il y en a encore, au niveau de la FADOQ, du questionnement par rapport à ce comité qu'on veut mettre en place partout au Québec?

• (15 heures) •

M. Prud'homme (Danis) : En fait, je pense que, quand on en a discuté, ça a été éclairci, puis on a bien compris le processus. Et, tant que ça va quand même de l'avant, advenant qu'on doive aller plus loin, ça y va. Pour nous, en poursuite ou quoi que ce soit, on n'a pas de problèmes avec ça.

Et, quand on disait pour la divulgation, je pense que les travailleurs du milieu de la santé, s'ils n'ont pas une formation... je pense qu'ils en ont. Peut-être qu'ils auraient avantage à en avoir davantage, mais il y a des signes qui sont apparents chez des gens qui souffrent ou qui sont négligés, qui ont de l'abus ou de la maltraitance envers eux. Et, quand on parlait du programme Aîné-Avisé, ce sont des choses qu'on dit aux gens, à savoir : Bien, quand vous voyez quelqu'un qui vient à tous les jours jouer à une activité, il ne vient plus, bien, déjà il faut se poser une question puis, si on le connaît, aller le voir. Quelqu'un perd du poids, quelqu'un devient triste, quelqu'un ne parle plus, quelqu'un commence à avoir peur, donc il y a plein de signes qui sont... par les experts, les intervenants. Et ça, c'est là que nous, on dit : Surtout dans le milieu de la santé, ces gens-là devraient être encore plus aptes à voir ça arriver, et justement pour pouvoir prévenir. Et, quand on voit définitivement des signes, pour nous, c'est une obligation de venir de l'avant pour les dénoncer parce que ça veut dire qu'on ne prend pas bien soin de la personne si on ne le fait pas.

Mme Charbonneau : Bien, je prends la balle au bond pour vous dire, M. Prud'homme, que, ça, c'est quelqu'un qui signalerait quelque chose, ce n'est pas quelqu'un qui ferait une plainte. Parce que vous avez compris qu'entre les deux il y a la personne qui subit quelque chose, qui fait une plainte, puis la personne qui le voit ou le perçoit; elle, elle le signale, donc le signalement.

La chaire de recherche, hier, a été fort intéressante dans le principe de oui ou non sur l'obligation de divulguer, et elle nous disait : Vous savez, ce qu'on a cru percevoir puis ce qu'on a entendu de quelqu'un qui nous a fait une présentation dans un autre pays, c'est qu'à partir du moment où il y a une divulgation obligatoire les gens attendent plus longtemps, ils attendent que le concret soit plus perçu.

Je reprends l'exemple que vous nous avez donné, il y a une perte de poids, le goût de manger est moins là, il y a un intérêt moindre à socialiser. Mais, pour arriver à l'obligation, puisque ça découle, après ça, hein, une enquête, puis il y a plein de choses qui se font, puis ça alourdit le processus, la chaire de recherche semblait nous dire : Quand il y a une obligation, quand on attend plus longtemps avant de le faire... Puis peut-être que, dans le plus long temps, il y a une personne plus fragile au moment où on fait le signalement. Je me demandais si c'était quelque chose, un, que vous aviez peut-être déjà entendu parce que peut-être que je vous radote une histoire que vous connaissez. Mais, sinon, est-ce que vous pensez que c'est plausible d'imaginer que, si le processus est obligatoire avec conséquences si tu ne le fais pas...

Parce qu'il y a ça aussi, hein? Si j'oblige quelque chose, il faut que... Je dis : Il faut que tu roules à 100. Si tu roules à 120, bien, il y a une conséquence, tu vas avoir une infraction. Par contre, si tu frappes un enfant et que tu le blesses, bien, ce n'est pas une contravention, que tu vas avoir, tu vas peut-être faire de la prison, c'est différent. Donc, dans le principe de la conséquence de la divulgation, les gens attendaient plus longtemps. Est-ce que vous y voyez là... je n'ose pas dire un intérêt parce que ce n'est pas ça que je veux dire, mais est-ce que vous y voyez là quelque chose de plausible ou, malgré ce principe-là, vous dites : Bien, oui, effectivement, ça peut arriver, mais nous, malgré tout, on aime mieux garder le principe de l'obligation?

M. Prud'homme (Danis) : En fait — et je pense que, dans la littérature, on le voit — ça peut arriver. Par contre, ce qu'il faut regarder, c'est lorsqu'on met quelque chose de nouveau en place, ça comme stimule, et, avant que ça arrive, souvent ça va prendre... On s'est adapté à la chose, et là peut-être qu'on devient un peu plus... plus facilement pour voir ce qui se passe, puis on peut prendre plus de temps parce qu'on n'est pas sûrs. Au début, c'est sûr qu'au contraire ça va être bénéfique, je pense, dans un premier temps. Et c'est comme tout. En fait, quand on parle de conséquences, si on met quelque chose en place, bien, je pense qu'on y va graduellement, je pense qu'on fait des choses graduellement. On doit mieux renseigner notre monde, mieux former notre monde. Puis je pense que tout ça va de pair, c'est sûr qu'on ne s'attendra pas, demain matin, à ce que tout soit mis en place et parfait, là. Ça, c'est sûr.

Mme Charbonneau : Juste avant de vous quitter ou de laisser ma parole à mon collègue... Puis je m'excuse à mes propres collègues parce que j'ai pris tout le temps, mais, vous le savez, quand on est ensemble, on jase tout le temps, pas mal longtemps. Au début, M. le président, vous avez dit : On était contre les caméras. Puis il y a eu le groupe des 30 qui a étudié, qui a fait des recommandations. Puis, à la fin de votre intervention, vous avez dit : Si c'est ça, bien, oui aux caméras. Je voulais juste avoir plus un oui ou un non parce que je n'étais pas sûre de... l'avenue qu'on prenait était bien ou pas bien. Je veux juste être plus sûre de votre réponse, là, face à ça.

M. Prud'homme (Danis) : En fait, on a toujours été pour les caméras. C'est l'encadrement qu'on avait un bémol, à savoir comment on allait faire ça. Puis, pour nous, je ne crois pas qu'on doit le faire. Et là, bien, en partie, ce qui a été fait a été répondu.

Mme Charbonneau : O.K. Puis mes collègues ne le savent peut-être pas, mais vous avez participé au groupe des 30, qui ont échangé pour assurer que les orientations, avant d'écrire un règlement — parce que c'est là qu'on est — étaient, dans un sens, concrètes pour vous puis acceptables.

M. Prud'homme (Danis) : ...qu'on vient de voir.

Mme Charbonneau : Oui. Merci beaucoup.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie. Et j'invite le député de Rimouski à poursuivre les échanges.

M. LeBel : Merci, M. le Président. Bonjour à vous trois. Dans votre mémoire, vous écrivez, à la page 9 : «Le Réseau FADOQ redoute d'autant plus un autre cas de manque criant de financement que tout le système de santé est actuellement sous respirateur artificiel, tant les compressions sont importantes de tous bords, tous côtés. Les personnes les plus vulnérables, dont une majorité d'aînés, sont de plus en plus victimes de cette situation déplorable, et il ne faut pas se surprendre que le nombre de cas de maltraitance soit à l'avenant.»

Un type de maltraitance, c'est la maltraitance organisationnelle. Mais ça, ce n'est pas la faute des soignants ou du personnel, c'est le système. C'est l'État qui ne prend pas soin de ses aînés, qui ne «bientraite» pas ses aînés, qu'on pourrait dire. Puis il y a des exemples depuis longtemps, là. Dans les CHSLD, on se le dit tous, on ne veut pas aller là parce qu'on a des couches, la bouffe, les logements, etc. Est-ce que vous pensez que ce projet de loi là, avec le lien qu'il fait avec le commissaire aux plaintes, va venir corriger la situation de maltraitance, entre autres, dans les CHSLD, la maltraitance organisationnelle? Est-ce que vous pensez que ce projet de loi là vient régler des choses?

M. Prud'homme (Danis) : En fait, c'est une première étape pour dire que la maltraitance n'est pas acceptable. Et là on parle de maltraitance, et là je ne parle pas qui la fait. Ça, c'est la première étape. Je pense qu'elle est là.

La deuxième étape, évidemment, nos travailleurs de la santé... Je dis nos, pas les miens, mais les travailleurs de notre société qui travaillent en santé sont des gens qui sont passionnés et qui ont du coeur, dans la majorité des cas, là, parce que, comme dans tous les emplois, il y a des gens qui ne devraient peut-être pas exercer une certaine profession. Mais, dans la majorité des cas, nos gens sont passionnés, je pense, ceux qui font ça. Et malheureusement, effectivement, par faute de temps, de ressources, on est minuté pour faire manger les gens, donc on est moins humain qu'on devrait l'être. Bon, ça, c'est un autre volet qu'il va falloir regarder parce que, comme on dit, actuellement, et depuis bien des années, et c'était à prévoir... Puis, bien, quand une maison est à rénover, si on ne la rénove pas quand c'est le temps, elle va coûter plus cher à rénover par après. Bien, c'est là où on en est aujourd'hui.

Je pense qu'il faut regarder notre système de santé en fonction du vieillissement de la population. Il y a l'OMS qui l'a dit dans un rapport qui a été publié à l'automne sur le vieillissement dans le monde. On a un institut au Canada qui se penche sur le vieillissement, qui l'a aussi dit dans son rapport et son plan stratégique. Et les déterminants de la santé font foi de ce qu'on veut comme société. Et, si on s'oriente vers une société vieillissante, le système de santé est bon pour tout le monde. Ça fait que c'est sûr que c'est un tout, là, mais ça, c'est la première étape, de dire : On n'accepte pas la maltraitance. Par la suite, on pourra aller de l'avant.

M. LeBel : Mais le projet de loi, si on n'accepte pas la maltraitance, nous propose un circuit pour signaler ou faire des plaintes. Mais le commissaire aux plaintes, là, dans le Bas-du-Fleuve, là, qu'on lui fasse une plainte sur le système de santé, là, bien, qu'est-ce que vous voulez qu'il fasse? Il va appeler le premier ministre? Qu'est-ce qu'il va faire? Il va recommander quoi? Qu'on mette de l'argent? Ça ne réglera pas le problème, à mon avis. Bref.

Sur les obligations de divulgation puis l'encadrement des caméras de surveillance, je voudrais juste comprendre, là, la dernière information, j'ai moins... Dans votre mémoire, vous dites : «La position du Réseau FADOQ au sujet de l'encadrement des caméras de surveillance est claire : le meilleur règlement serait qu'il n'y en ait pas du tout. Nous sommes catégoriquement contre toute forme d'encadrement des caméras de surveillance dans tous les types d'établissements.» Ça fait que, bref, vous êtes contre les caméras de surveillance?

• (15 h 10) •

M. Prud'homme (Danis) : Pas contre les caméras, contre l'encadrement des caméras au niveau des usagers, s'ils veulent... Et ce qu'on voit, là, c'est ce qui a fait ressortir les cas de maltraitance qu'on voit. C'est des caméras qui l'ont fait ressortir. Nous, on dit qu'un usager a le droit de placer une caméra, que son représentant, au sens de la loi, a le droit de placer une caméra, et on n'a pas le droit de l'encadrer pour ça. Si lui, il pense qu'il y a quelque chose qui se passe, il doit en...

M. LeBel : Ce que vous dites dans le fond : Il faut respecter l'autonomie de la personne. C'est le consentement de la personne puis c'est son milieu de vie, c'est sa résidence en tant que telle, et, s'il y a une caméra à placer, ça prend son consentement, à la personne elle-même. C'est ce que vous me dites?

M. Prud'homme (Danis) : Bien, à la personne ou son représentant. Puis là, bien, on ne rentrera pas parce qu'on l'a fait avec... on travaille beaucoup avec Me Ménard, là. Quand on regarde ça, son représentant, ce n'est pas obligé qu'il y ait eu un affidavit à l'effet que la personne, elle n'est plus capable de prendre soin d'elle-même. Il peut y avoir autres façons d'aller de l'avant, donc ça peut être l'âge, là. Ça, c'est un débat qui est...

M. LeBel : O.K. Il faut respecter le droit de la personne, son consentement d'une façon ou d'une autre. O.K. Mais, concernant les obligations de divulgation, là-dessus vous dites même un peu... dans votre mémoire, vous faites la différence entre une plainte puis un signalement. Vous dites que «signalement», ce n'est pas assez fort, que «plainte», c'est plus fort parce que ça amène des sanctions ou une enquête, quelque chose du genre.

M. Prud'homme (Danis) : Non, c'est la loi qui fait une différence, pas nous. Nous, on a écrit que la loi faisait une différence entre les deux dans notre mémoire.

M. LeBel : Mais vous, vous êtes...

M. Prud'homme (Danis) : Nous, ce qu'on dit, c'est qu'il ne devrait pas y en avoir, de différence. Un signalement ou une plainte devrait être traité et être répondu parce que, si un signalement qu'on rend obligatoire n'est pas répondu, bien, les gens, ça a beau être obligatoire, à un moment donné, ça n'a pas force. Parce que, quand on dit : C'est quelque chose, on ne sait pas ce qu'est la suite, on ne se fait pas répondre. Donc, nous, on dit : Ils devraient être traités similaires au niveau des réponses, le délai et le processus à ce niveau-là.

M. LeBel : Je comprends mieux. Mais, quand vous dites, dans le fond, là, vous dites : «Signalisation» ou «plainte», ça devrait être la même chose et ça devrait être obligatoire, j'essaie de comprendre pourquoi. Dans le cas des caméras, ça prend le consentement des personnes, mais, dans le cadre du signalement, est-ce que ça prend le consentement aussi des personnes ou une... Quelqu'un passe dans une résidence, voit, pense voir... Puis là il y a beaucoup... il y a sept formes de maltraitance. Mais, si c'est obligatoire, elle est obligée, là, il faut qu'elle le fasse. Alors, elle n'est pas certaine, mais elle doit le faire, et là ça emmène des sanctions ou toutes sortes d'affaires. Si elle ne le fait pas, il y a des sanctions aussi, là, il faut croire. Puis ça peut se faire sans le consentement de la personne, la victime en tant que telle. C'est ça que j'essaie de voir, pourquoi, d'un côté, ça prend le consentement, et, de l'autre, ça ne le prend pas. Pourquoi?

M. Prud'homme (Danis) : Non. Au niveau de la caméra pour l'usager, donc, c'est sa famille qui l'installe ou lui-même pour se protéger ou pour démontrer quelque chose. Ça ne prend pas nécessairement son consentement. C'est pour ça que je vous dis : Il faut faire attention, là, la loi, il faut y aller... Si on va à la loi, on ne va pas être ici pendant longtemps parce que le représentant, ça peut être sa famille. Puis il n'est pas obligé de le dire à sa personne qu'il va mettre une caméra parce que lui, il a présumé avoir quelque... C'est très compliqué, là, ce n'est pas aussi simple que ça.

Ça fait que, donc, idéalement, la personne, oui, si elle est toute là. Mais, quand la personne commence à avoir des signes où, à quelques reprises, malheureusement, elle a des habiletés mentales qui commencent, pour différentes raisons, à manquer, on n'est pas obligé de lui dire. Il y a plein de choses qui sont réglementées au niveau du représentant dans la loi. Donc, c'est juste ça, là, qu'il faut regarder, là. Mais, donc, je ne dis pas que ça prend le consentement parce qu'il ne faut pas le faire ou il ne faut pas... Moi, là, au niveau de la réglementation de la caméra, ce qu'on a dit, c'est qu'on n'en voulait pas, de réglementation, que les gens, s'ils voulaient en mettre, ils en mettaient.

M. LeBel : Parce que vous connaissez ça plus que moi, vous connaissez ça, puis j'aime ça avoir votre lumière là-dessus, là, c'est pour ça que je pose des questions. C'est-à-dire que la famille d'un... pourrait décider elle-même, la famille, sans parler à la personne aînée, pourrait décider, la famille, sans lui dire, d'installer une caméra. C'est ça que vous me dites?

M. Prud'homme (Danis) : La famille pourrait décider, parce qu'elle a une... Quand je vous disais, tout à l'heure, des signes, par exemple, si on regarde des signes de ce qui arrive à notre parent, par exemple. Si c'est notre parent, bien, si on voit des choses qu'on ne comprend pas puis on questionne... Parce qu'une caméra n'est pas le but ultime, on l'a toujours dit, là. Si on pose une caméra, c'est parce qu'on soupçonne et on a des raisons de soupçonner. Donc là, on est rendu à une étape plus loin que de poser des questions parce que notre parent a eu telle ou telle chose ou telle et telle chose est arrivée. Donc, on est rendu à une étape supérieure, habituellement, quand on va mettre une caméra, là, les gens ne font pas ça pour le fun. Dans les cas qu'on a vus aller en cour, ça a été fait parce qu'ils soupçonnaient des choses.

M. LeBel : C'est bien. Est-ce que vous avez eu le temps de voir les intentions réglementaires du gouvernement sur les caméras? Est-ce que vous avez eu le temps de voir ça, ce qui a été déposé ce matin?

M. Prud'homme (Danis) : Bien, à la consultation, on était là, et sur ce qui a été... Hier, là, ce qui été... là, bien là, oui, on l'a lu et on l'a regardé, tout à fait.

M. LeBel : Est-ce que vous avez une opinion là-dessus?

M. Prud'homme (Danis) : Bien, en fait, comme on l'a dit dans notre discours d'ouverture, je pense que c'est dans le bon sens. Nous, on n'en voulait pas, de réglementation comme telle pour les caméras, on voulait que ce soit laissé libre aux personnes d'en mettre. Évidemment, quand ça touche leur lieu prescrit, c'est-à-dire, quand ils sont dans une chambre, leur chambre, quand ils sont dans leur appartement, leur appartement; si on parle de résidences privées, même chose. Dans un édifice à appartements, tous les lieux publics, évidemment, on est conscients qu'on ne peut pas mettre de caméras là. Ce n'est pas notre building, c'est notre chambre qui est notre endroit personnel.

Le Président (M. Matte) : Alors, merci. Je cède la parole au député de Lévis.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Bienvenue à M. Prud'homme, bien sûr, à Mme Couillard et à M. Dupont. Content que vous y soyez. Ce que je comprends fondamentalement, dans votre position, puis c'est clairement exprimé, là, on a l'opportunité aujourd'hui, dans un contexte de maltraitance où la population réagit très sévèrement, où il y a une inacceptabilité sociale claire, puis vous devez le sentir à travers vos membres, vos membres, ils vous parlent aussi — puis on a eu des organisations qui sont venues nous voir également, où il y a des membres qui sont aussi membres de chez vous — on a l'opportunité de se donner des outils, de nouveaux outils, puis de passer des messages clairs, des outils supplémentaires : signalement obligatoire, on pourrait dire dénonciation obligatoire, c'est comme ça qu'on l'a sorti en premier, mais le fait de se donner un outil, un outil faisant en sorte qu'on n'a plus le droit de se fermer les yeux. Et, si je comprends bien votre message, c'est ça : permettons-nous d'être conséquents aussi avec ce que les gens en général constatent, n'acceptent plus, donnons-nous cet outil-là pour faire en sorte que le maltraitant potentiel sache que tous ceux et celles qui verront seront obligés de le dire. C'est un outil supplémentaire que vous recherchez et que vous réclamez.

M. Prud'homme (Danis) : Tout à fait. En fait, on pense que le projet de loi a des bonnes choses dedans et on voudrait, quant à la divulgation obligatoire, que soit rajouté l'article qui était dans l'ancien projet de loi qui avait été déposé il y a quelques années. Donc, pour nous, à la base, ça envoie un signal que c'est non acceptable, la maltraitance, dorénavant. Et, comme je dis, oui, ça va prendre un bout de temps à mettre en place, oui, ça va prendre davantage de formation pour tout le monde qui travaille dans le milieu de la santé, parce qu'ici on parle de santé plus précisément. Mais, si on va en résidence privée, bien, on ose espérer, puis on le mentionne dans notre mémoire, que ça va être inclus à l'intérieur de la certification, qu'il va y avoir des processus de faits très sérieux au niveau de dire que ce n'est pas plus accepté non plus.

Donc, parce qu'on parle ici, malheureusement, souvent de personnes qui sont vulnérables, et les personnes vulnérables, on a besoin de les protéger... D'ailleurs, dans la loi de la santé, ça le dit bien, et c'est pour ça qu'on va plus loin avec un comité qui s'adresserait directement à ça, et c'est pour ça qu'on pousse encore plus loin, c'est-à-dire... Et on siège sur le comité de travail à l'ONU sur la convention internationale, et, à travers le monde, ils en ont débattu pendant cinq ans. Nos outils ne protègent pas bien nos aînés actuellement. C'est pour ça que ça prend une convention et c'est pour ça que, dès en 1995, il y avait déjà, ici, une commission qu'on demandait pour protéger les aînés davantage.

M. Paradis (Lévis) : Il y a du travail à faire, et le collègue, le député de Rimouski, le dit, puis on se le dit, puis on le sait. Mais là on est dans une étape primordiale puis on ne peut pas rater notre chance, quelque part, d'autant plus que ce n'est pas d'hier qu'on en parle. Vous parliez de cette première mouture de 2013. Vous dites même plus loin que ça, vous êtes d'avis que le gouvernement du Québec doit imiter des pays comme la France, comme huit provinces canadiennes sur 13, dont l'Alberta, la Colombie-Britannique et la Nouvelle-Écosse, qui ont établi des protocoles d'application. Et ça, c'est ce que je comprends de ce que vous me dites également, on établira des protocoles d'application, mais, au-delà de ça, vous dites «qui prévoient de graves sanctions à la non-divulgation». Vous dites : Plus que d'être obligé de divulguer, il va falloir qu'il y ait des conséquences si on ne le fait pas. Alors, vous en êtes également de ces dispositions pénales pour celui qui saurait mais ne dit pas.

M. Prud'homme (Danis) : Bien, écoutez, oui, parce que c'est un peu comme... Quand on met une loi en place, on y va graduellement, et je pense que, lorsque notre société aura bien, comme on dit, pris en charge ce volet-là, si on le met de l'avant avec tout ce qu'on demande, bien, les gens vont devoir être conscients que c'est sérieux et que, oui, si on ne fait pas ce qu'on a une responsabilité de faire... Un peu comme la loi, quand on a des lois, on doit suivre. Si on ne remplit pas notre rapport d'impôt, bien, il y a des conséquences. Bien, je pense qu'il faut aller là si on veut que ça arrête un jour.

M. Paradis (Lévis) : Ce que vous me dites, M. Prud'homme, puis vous ne parlez pas en votre nom personnel... Ce que je comprends d'après ce qui nous a été présenté, des associations nous ont dit : Écoutez, on a des sondages récents, là, 2016, on a posé la question mot à mot, à 93 %, les gens consultés ont dit : On est rendus là. C'est le reflet de ceux que vous représentez?

M. Prud'homme (Danis) : Enfin, oui, parce qu'on a toujours et continuellement une hausse d'appels, et c'est des milliers d'appels par année sur plein de causes au niveau de ce qui touche de la maltraitance, de la négligence et de l'abus. Et les gens sont démunis, ils ne savent pas quoi faire, ils ne savent pas où aller, ils ne comprennent pas que ça peut se passer envers leur famille, leurs parents ou leurs amis. Donc, définitivement, eux, ce qu'ils cherchent, ces gens-là, quand ils nous appellent, c'est une solution pour que ça arrête et comment faire arrêter ça. Donc, ça, à la base, là, je fais un portrait global, si je retiens tout ce qui vient des plaintes qu'on a, nous, via notre service téléphonique à chaque année et quand on sonde nos membres par rapport à comment on veut vieillir, bien, c'est en qualité et avec respect et être considéré comme une personne à part entière, donc que, s'il y a des choses qui nous sont faites, que ça soit corrigé.

• (15 h 20) •

M. Paradis (Lévis) : Que la divulgation soit donc, à ce moment-là, rendue obligatoire. Je parle de caméra parce que les caméras aussi, si je lis bien ce que vous nous écrivez, c'est un outil, c'est un autre outil supplémentaire. Ça serait tellement merveilleux qu'on n'ait pas besoin de ça, mais je vois manifestement... Puis, encore aujourd'hui, pour ceux qui suivent l'actualité, on a vu, encore aujourd'hui, puis c'est déchirant, des images captées par caméra. Alors, maintenant, on a des orientations.

Est-ce que vous iriez davantage à dire... Parce que, déjà en 2015, un avis du Protecteur du citoyen, avant même que vous ayez, vous aussi, à participer puis à arriver avec des orientations — en tout cas, pour le moins, des conseils — arriver à ce qu'on a maintenant, disait : On le fait, résidences publiques, là, établissements publics. Mais la portée du protecteur était plus large en disant : Le règlement, là, pour éviter toute confusion, il va falloir aussi qu'il soit édicté puis qu'il comprenne les résidences privées, les 1 850 résidences privées au Québec qui accueillent 117 000 aînés. Est-ce que vous seriez d'accord que ça ratisse plus large et que cette réglementation-là s'adresse à toutes résidences pour aînés, qu'elles soient publiques ou privées?

M. Prud'homme (Danis) : Au niveau du projet de loi, vous parlez?

M. Paradis (Lévis) : Oui, du...

M. Prud'homme (Danis) : 115?

M. Paradis (Lévis) : ...concernant les caméras.

M. Prud'homme (Danis) : Bien, concernant les caméras, en fait...

Le Président (M. Matte) : Pour votre réponse, il vous reste deux secondes.

M. Prud'homme (Danis) : Oui, en fait, en ce qui concerne les caméras, l'usager et sa famille ont le droit de l'installer s'ils pensent qu'il y a quelque chose qui se passe. Point.

M. Paradis (Lévis) : Partout, public, privé?

M. Prud'homme (Danis) : Bien, dans leurs appartements.

M. Paradis (Lévis) : Dans leurs appartements, entendu en fonction d'une réglementation qui peut s'appliquer à l'un comme à l'autre.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie. Ceci termine la période. Je vous remercie d'avoir participé aux travaux de la commission.

Et je suspends les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 22)

(Reprise à 15 h 26)

Le Président (M. Matte) : Alors, sans plus tarder, je souhaite la bienvenue aux représentants de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec. Alors, vous êtes un habitué, donc je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour faire l'exposé et je vous invite à vous présenter, ainsi que les personnes qui vous accompagnent.

Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ)

Mme Laurent (Régine) : Bonjour. Merci, M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, merci de nous recevoir.

Alors, à mon extrême gauche, Florence Thomas, qui est conseillère syndicale à la FIQ, au secteur condition féminine; à côté de moi, Daniel Gilbert, qui est vice-président à la fédération; et, à ma droite, Marc-Antoine Durand-Allard, qui est aussi conseiller syndical au secteur tâches et organisation du travail et pratique professionnelle.

Alors, merci. Tout d'abord, bien, c'est clair que, pour nous, la lutte contre la maltraitance et sous toutes ses formes, toutes formes de violence, est une priorité et que, comme professionnels en soins, évidemment, ça nous fait mal au coeur. Depuis plusieurs années, on s'emploie par tous les moyens à enrayer la violence et la maltraitance dans nos milieux de travail comme dans le milieu de soins. Pour notre organisation, c'est inconcevable que des aînés, au Québec, ou des personnes vulnérables subissent de la maltraitance. On est quand même en 2017. Les membres de la fédération se sont toujours fermement positionnés pour agir contre la violence, qui est souvent banalisée à tort.

Les professionnels en soins du réseau de la santé auront à travailler avec l'application de cette nouvelle loi au quotidien. Donc, on souhaite vous interpeller au-delà de la portée stricte de la loi. Le succès d'une lutte contre la maltraitance est intrinsèquement lié aux moyens financiers, organisationnels déployés pour mettre en oeuvre des politiques contre la maltraitance. Investissez dans la prévention, investissez dans la bientraitance.

Bien qu'on salue le gouvernement et sa volonté de s'attaquer à la maltraitance dont sont victimes plusieurs aînés on ne peut passer sous silence cette manie aussi de jouer un peu au pompier pyromane. Ce que je veux dire par là, c'est que, depuis l'élection du gouvernement libéral, près de 2 milliards de dollars ont été coupés au budget de la santé. Des répercussions se sont fait sentir partout dans le réseau, et particulièrement dans les soins et les services aux aînés.

Il y a aussi le projet de loi n° 10, qui éloigne les aînés des soins, qui augmente la distance à parcourir, qui centralise les services et coupe dans les soins à domicile. C'est une réforme, on nous avait dit, qui devait vraiment s'attaquer à l'administratif. Or, elle s'est avérée malheureusement une catastrophe pour les patients et pour le personnel soignant. J'étais hier en Gaspésie et, je vous dis, ça me fait mal au coeur — et, pour moi, c'est de la maltraitance — qu'il y ait encore des gens qui se posent des questions par rapport à leur hémodialyse parce que la distance à parcourir, c'est trop loin pour eux. Et, pour moi, une dame de 85 ans qui vit ces situations-là, c'est inacceptable et c'est de la maltraitance.

Régulièrement, on revient sur des histoires d'horreur qui se passent dans les centres d'hébergement partout au Québec. Le personnel qui y travaille, particulièrement celles qui soignent, les infirmiers auxiliaires, les infirmières, l'équipe soignante, les préposés aux bénéficiaires font un boulot extraordinaire. Malheureusement, on leur impose des conditions épouvantables. Leur charge de travail est trop souvent inhumaine et, inévitablement, ça a un impact, malheureusement, sur la qualité des soins aux patients. Des ratios une infirmière pour 200 patients, ça n'a vraiment pas de bon sens. Et ça, c'est le résultat direct des compressions et de la réforme de la loi 10. Les décisions du gouvernement ont contribué à créer et à augmenter les conditions favorisant la maltraitance chez nos aînés.

Je vous le répète, M. le Président, on est d'accord avec les objectifs du projet de loi, mais encore j'ai l'impression que le gouvernement essaie de corriger un problème qu'il a, en partie, exacerbé.

À la FIQ, on estime que les dispositions du projet de loi sont nettement insuffisantes pour contribuer à endiguer et résoudre un phénomène fort complexe, pluridimensionnel qu'est la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité. Pour nous, il est clair que le projet de loi, tel que libellé, ne s'attaque pas adéquatement aux racines des différentes formes de maltraitance qui touchent les aînés.

• (15 h 30) •

Quand on parle de racines, quand on parle de maltraitance, c'est peut-être le travers de nos professions où on aime beaucoup la prévention avant que les problèmes arrivent. Pour cela dit, on trouve, d'ailleurs, que la définition de la maltraitance qui est choisie dans le projet de loi est réductrice, et c'est pour ça que, très respectueusement, nous vous en proposons une autre, parce que, dans le projet, la définition qui est proposée, bien, ça identifie les individus comme les seuls responsables de la maltraitance. Or, ce n'est pas le ça. Sans vouloir minimiser la présence de maltraitance liée aux personnes qui gravitent autour des aînés au sein des établissements du réseau de la santé, on considère que les compressions budgétaires des dernières années et, surtout, les effets directs de ces dernières en regard de la qualité des soins reçus, ça représente une forme de maltraitance organisationnelle que l'on pourrait qualifier de systémique.

Le projet de loi est complètement muet sur ce type de maltraitance. En escamotant cet aspect clé, le gouvernement diminue quant à nous grandement les chances d'atteindre les objectifs qu'il a lui-même fixés, entre autres à l'article 1 de ce projet de loi. Nous, on croit que pour lutter efficacement contre la maltraitance l'État doit assumer pleinement sa responsabilité et réinvestir rapidement en santé afin de permettre aux professionnels en soins du réseau d'offrir des soins de qualité sécuritaires, investir dans la prévention, investir pour que la norme sociale soit la bientraitance.

Bien qu'on considère, je le répète, qu'il s'agit d'un pas dans la bonne direction, le réinvestissement en santé annoncé récemment par le ministre des Finances, quant à nous, est nettement insuffisant. Je vous le disais, depuis 2014, 2,3 milliards, c'est nettement insuffisant pour corriger le tir. Pas plus tard que la semaine dernière, nous étions, mon collègue et moi, dans le Bas-Saint-Laurent pour faire part d'une consultation menée auprès des professionnels en soins de la région et, face à un énième plan de compression de 20 millions, bien, c'était assez catastrophique, ce qu'elles nous ont dit par rapport aux soins qu'elles ne peuvent plus dispenser.

Par exemple, 86 % des professionnels en soins questionnés nous ont dit ne pas avoir le temps d'informer les patients sur les effets indésirables de la médication. Nous sommes au coeur des soins. Cet exemple-là illustre les effets vraiment des compressions au sein des établissements, qui a un effet sur la sécurité ou sur la dignité des patients. Et la réalité, je vous donne un exemple du Bas-Saint-Laurent, mais pour parcourir le Québec, je peux vous affirmer que ça ressemble à ça un peu partout dans les régions du Québec, et nous ne sommes pas les seuls à affirmer que les compressions et la réforme ont des effets dévastateurs pour les patients.

Il faut mettre en lumière toute la conjoncture qui prévaut dans le réseau si on veut corriger le tir. Plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer la réorganisation qui se vit, une première de l'association des gestionnaires des établissements de santé ont lancé un cri d'alarme en avril dernier. La Protectrice du citoyen est également intervenue pour dénoncer les effets indésirables de la réforme en précisant que les personnes âgées de 65 ans et plus sont de plus en plus nombreuses à attendre pour avoir accès à des soins à domicile.

Je le sais bien, le ministre de la Santé n'aime pas être critique, mais il faut aussi voir les faits. Comment est-ce qu'il peut dire, par exemple, que ce qu'on dénonce dans les situations ces derniers mois, ces dernières semaines, des situations qui se vivent dans des CHSLD par des vraies personnes... au lieu de répondre à ces vraies personnes qui attendent, on nous parle de maraudage syndical, rien de moins. Ce que nous demandons, c'est que les décisions soient prises, qu'on arrête de banaliser les situations déplorables qui se vivent. On estime que malgré toute la bonne volonté des personnes qui oeuvrent au sein du réseau de la santé, l'implantation d'une politique, celle du projet de loi à l'étude, qui s'avère aussi peu définie et sommaire dans un réseau en pleine mutation, est vouée à l'échec. Les personnes qui vivent des situations de maltraitance attendent une réussite de nous. Un échec est exclu.

M. le Président, nous sommes une fédération qui exerçons un syndicalisme de propositions. Nous l'avons démontré dans nos interventions sur plusieurs enjeux, et des propositions, on en fait dans notre mémoire. C'est dans cet esprit que nous faisons neuf recommandations qui, à notre avis, si elles trouvent l'écoute auprès de vous — ce sont des recommandations pragmatiques, constructives — devraient nous aider, nous tous, à ne pas vivre un échec.

Parmi les solutions, des ratios professionnels en soins patients qui ont de l'allure. La FIQ est l'ambassadrice des ratios sécuritaires, professionnels en soins de patients au Québec et on va continuer de le faire. On va continuer d'y travailler parce que c'est une des façons d'enrayer plusieurs problèmes dans nos milieux, en arrimant les besoins de soins cliniques avec une présence sécuritaire de professionnels en soins. Des législations ailleurs, appliquées en Californie, au Queensland, l'État de Victoria aussi en Australie, ont prouvé des effets bénéfiques de ces pratiques. Pour nous, une dotation sécuritaire des équipes de soins assure des conditions facilitantes pour exercer notre jugement clinique, une plus grande autonomie et des conditions d'exercice qui nous permettraient de répondre mieux encore à nos obligations déontologiques et respecter les standards de meilleures pratiques cliniques.

Vous êtes en train de me faire signe que je suis arrivée à 10 minutes, hein?

Le Président (M. Matte) : Oui.

Mme Laurent (Régine) : Est-ce que c'est ça, votre signe de tête?

Le Président (M. Matte) : C'est en plein ça.

Mme Laurent (Régine) : Alors, je vous invite, en terminant, à lire le dossier spécial que je vous remettrai à la fin de notre présentation sur les soins sécuritaires. C'est un symposium que nous avons tenu au moins d'octobre 2016 avec des chercheurs internationaux. Je pense qu'il y a des choses là-dedans qui pourraient vous intéresser. Je vous remercie.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie et je cède la parole à Mme la ministre.

Mme Charbonneau : Merci, M. le Président. Mesdames messieurs, merci d'être avec nous aujourd'hui. Mais, de tous les groupes, je savais que vous n'étiez pas pour manquer ce rendez-vous. Donc, j'avais confiance de vous rencontrer encore une fois.

Mme Laurent (Régine) : On n'en manque jamais un.

Mme Charbonneau : Exactement. C'est pour ça que j'avais confiance que vous y soyez.

Vous avez sûrement remarqué que la voix est un peu plus féminine, que le look est un peu plus jeune. Je ne suis pas le ministre de la Santé, je vous fais un peu la blague. Parce que je vais vous ramener sur le projet de loi n° 115. Mais ne craignez rien, Mme Laurent, je vous entends. À chaque fois que vous prenez la parole, j'entends les propos que vous tenez. Je ne peux que mieux les entendre quand on est ensemble, comme ça, dans la même pièce, mais vos soucis, j'en partage plusieurs, et on a un travail à faire pour mieux encadrer plusieurs choses.

Je ne défendrai pas l'ensemble des gestes posés. Ça va me faire perdre mon 10 minutes que j'ai d'échange avec vous, alors je n'irai pas là. Je vais juste vous dire que je reste le chien de garde auprès des aînés, pour m'assurer qu'à chaque fois qu'un ministre prend une décision, l'impact soit moindre, ne soit pas du tout, soit même pour bonifier la vie des aînés au Québec, parce que c'est ce que je cherche à faire par le rôle que j'occupe.

Ceci dit, avant 2014, il y avait de la maltraitance pour les aînés. Donc, avant le projet de loi n° 10, avant le projet de loi n° 15, 20, il y avait de la maltraitance. Et l'objectif qu'on a en commun, parce que je pense vraiment que la fédération a le même objectif que le ministère qui s'occupe des aînés, c'est-à-dire d'essayer de faire un environnement le plus sain possible, le plus sécuritaire possible pour un aîné. La différence entre vous et moi, c'est que moi, je partage mon rôle avec le système de la santé, le système de la justice et le système de sécurité publique. De ce fait, c'est pour ça que, dans le projet de loi n° 115, dans la cinquième proposition, il y a le comité sociojudiciaire qui ne s'adresse pas au système de la santé. Vous n'êtes pas au rendez-vous là et c'est correct puisqu'on adresse le principe pour aider un aîné à l'extérieur du système.

Ce qu'on dit, je pense, alentour de cette table depuis le début, c'est qu'on veut et on souhaite un projet de loi qui met en lumière des gestes qui se posent, qui sont inacceptables, mais sans jamais laisser un doute sur le professionnalisme du personnel que vous représentez. Je suis certaine qu'il n'y a personne qui se lève le matin — on reprend tout le temps cette même phrase là parce que, pour M. et Mme Tout-le-monde, c'est une image concrète — en se disant : Je vais aller travailler pour maganer quelqu'un. Tout le monde se lève en se disant : Aujourd'hui, je vais faire de mon mieux, et, des fois, mon mieux est difficile à faire. Et ça, j'ai compris dans vos propos, c'est ce que vous cherchiez à nous dire aussi.

Dans le projet de loi, une des premières propositions qu'on fait, c'est de mettre en place une politique dans chacune de nos institutions. Et, depuis hier, mais depuis un petit bout, parce qu'avant ça je posais des questions ici et là dans les organismes que je rencontrais, on semble nous dire que, un, des politiques, il n'y en a pas partout sur la maltraitance pour les aînés dans nos institutions. Deux, elles ne se ressemblent pas d'une place à l'autre pour toutes sortes de raisons. Puis, des fois, on me vante ce principe. Puis, des fois, on me le détruit un petit peu en me disant : Ce n'est pas juste, ce n'est pas correct. Donc, si le projet de loi n° 115 va jusqu'au bout de son processus, que mes collègues me suivent et font en sorte qu'on arrive à déposer le plus rapidement possible, parce qu'à chaque fois qu'on met une mesure contraignante de plus il y en a de moins en moins...

Donc, quel serait le regard que vous porteriez ou quel conseil pourriez-vous donner à la ministre sur une politique qui pourrait s'inscrire dans chacun de nos établissements de la santé, qui part soit du CISSS ou qui part de l'établissement? Je suis prête à vous entendre sur cette proposition-là qui ferait en sorte que l'aîné est plus en sécurité, mais qu'il y a une complicité peut-être même avec les gens qui travaillent avec cette politique-là.

• (15 h 40) •

Mme Laurent (Régine) : D'accord, merci. Alors, oui, vous avez raison, d'une part, on veut faire mieux, on veut soigner. Ce que j'essayais d'illustrer par mes propos, c'est qu'il y a des limites à notre faire mieux, et qu'on est rendus là depuis un certain nombre d'années, et que les compressions viennent exacerber, effectivement, une difficulté, déjà, qu'on avait dans le réseau de la santé, je suis d'accord avec vous.

Ce qu'on dit dans notre mémoire, c'est qu'il ne faut pas que ça retombe sur des individus, la politique. Alors, dans la mesure où ce que je comprends, c'est que vous souhaitez uniformiser comment les choses vont se faire, et vous avez raison, il n'y a pas de politique dans tous les établissements, il y a beaucoup d'établissements où c'est la politique... Comment on l'appelle? Pas tolérance zéro...

M. Gilbert (Daniel) : Il y a le code de conduite.

Mme Laurent (Régine) : Le code de conduite. Merci, Daniel. Donc, code de conduite, ce n'est pas uniforme, vous avez raison. Si l'objectif, c'est d'uniformiser, je veux bien, mais il ne faut pas que ça retombe sur les individus. C'est pour ça qu'une des choses importantes qu'on a mises dans notre mémoire, c'est qu'il faut tenir compte vraiment de tous les types de maltraitance, et ça, ça ne peut pas reposer sur les individus. Il faut aussi se donner les moyens pour arriver à enrayer, et ça, ça ne peut pas être individuel. Quand je vous disais tantôt en présentation peut-être maladroitement : Il faut qu'on travaille à ce que la norme sociale devienne la bientraitance... Alors, si c'est dans ce sens-là, nous, on est là pour travailler dans ce sens-là parce que ça nous fait mal au coeur, comme professionnels en soins, quand on voit la situation ou l'état de personnes âgées se dégrader parce qu'il y a un problème organisationnel, parce qu'on n'a pas le temps de les faire manger comme du monde. C'est ça qu'il faut enrayer.

Mme Charbonneau : Vous avez compris que le principe de la maltraitance organisationnelle ne relève pas que de la ministre des Aînés. C'est une responsabilité que je dois incomber à mon collègue de la Santé, mais que mon collègue en face de moi se fait un plaisir de rappeler, sur le principe. Donc, je vais vous laisser, cher collègue, tout le questionnement sur la maltraitance institutionnelle. Je pense que...

Une voix : ...

Mme Charbonneau : Oui, oui. Bien, chacun notre créneau. Mon autre collègue, lui, c'est la dénonciation obligatoire. Donc, on a chacun...

Une voix : ...

Mme Charbonneau : Oui, oui, oui, c'est vrai, vous en avez plus qu'un. Je veux dire, ce n'est pas réducteur, ce que je fais là, mais je fais un peu une image de qui on est. Ce n'est pas par volonté de devenir réducteur.

Mais j'ai une collègue qui va poser une question. La mienne revient à celle que je viens tout juste de faire, juste pour préparer le terrain un peu, mais par rapport à la divulgation obligatoire ou non obligatoire. Moi, j'appelle ça entre l'autonomie de l'aîné et lui retirer cette forme d'autonomie pour la divulgation obligatoire pour gestes de maltraitance.

Vous savez, au moment où on a soulevé cette question-là, beaucoup de gens ont sourcillé en se disant : Bon, qui on pointe? Puis c'est pour ça que le projet 115 va au-delà du système de la santé, on ne pointe pas un personnel, on ne pointe pas une personne, on se dit : Ça existe, et on devrait resserrer le filet de sécurité auprès de nos aînés. Pour le faire, on pense qu'il faut faciliter et mettre des outils pour la divulgation.

Personnellement, cette divulgation-là, on la voit dans l'autodétermination de l'aîné, dans sa façon de pouvoir le regarder et d'être accompagné dans ce processus-là. Par contre, on lève aussi, hein, une partie de l'enveloppe sur le secret professionnel, cette relation de confiance là qu'on a avec notre professionnel, et on fait en sorte que c'est peut-être plus facile de faire un suivi auprès de l'aîné pour l'aider dans une situation de maltraitance.

Deux questions sont soulevées à partir de là. C'est : Y a-t-il moyen d'émettre... Y a-t-il obligation de divulguer? Si oui, bien, si je ne le fais pas, il y a sûrement des conséquences, là, il faut se le dire. Et, si lever en partie une plus grande liberté pour le professionnel de pouvoir dénoncer des choses qu'il voit, bien, est-ce que vous y voyez là une ouverture plus intéressante?

Mme Laurent (Régine) : O.K. Sur la divulgation, nous, on suit vraiment des organismes qui ont beaucoup plus fouillé et qui nous disent : Faisons attention, allons plus dans l'éducation et la prévention parce qu'il y a un effet pervers que je ne souhaite pas voir et qu'ils ont soulevé. L'effet pervers — et vous le savez — c'est que les gens, comme le processus est long, fastidieux, je dirais, moi, comme infirmière, émotionnellement... bien, les gens attendent que, vraiment, ce soit très grave avant de faire une divulgation. Or, toujours parce que nous sommes des professionnels en soins puis on assume nos travers, la plus petite maltraitance est inacceptable. Alors, il ne faut pas non plus prendre, à mon avis, une tangente où on risque de banaliser un certain nombre de maltraitances parce qu'on attend que ce soit très, très, très grave pour passer à travers ce processus.

Ce que j'ajoute, par exemple, quand vous parlez du secret professionnel, vous changez la définition — je vais me retrouver — je ne suis pas sûre que c'est une bonne idée. Quand vous changez «une mort imminente»... Merci, Daniel.

Mme Charbonneau : ...assouplir les propos.

Mme Laurent (Régine) : O.K. Quand vous changez, effectivement, «danger imminent de mort ou de blessure grave», quand on a une définition qui est claire pour tout le monde, qui a été testée devant les tribunaux, qui veut dire la même chose pour tout le monde, à notre avis, on vient diminuer encore par le changement que vous proposez. Donc, on ne voit pas pourquoi changer quelque chose qui ne pose pas problème. Alors, pour nous, ce n'est pas une bonne idée de changer la définition en regard de «secret professionnel».

Mme Charbonneau : Mais là-dessus, si vous me permettez, on a pris un jugement qui a été donné par la Cour suprême pour prendre les mêmes propos qui avaient été utilisés pour faire la jurisprudence. Donc, j'entends ce que vous me dites, j'en prends bonne note, là, quand il y a un changement, ça peut provoquer un recul plus qu'une avancée. Mais les propos qui ont été utilisés ont vraiment été pris dans un principe de jurisprudence de la Cour supérieure parce qu'on s'est dit : C'est plus clair. Mais ça change le terme, vous avez raison.

Mme Laurent (Régine) : Mais c'est parce que... Excusez.

Mme Charbonneau : Non, non, je...

Mme Laurent (Régine) : Mais c'est qu'en même temps il faut le changer dans nos codes de déontologie, et tout ça, là. Donc, il y a un arrimage à faire parce que, là, si ça s'appliquait aujourd'hui, nous, comme infirmières auxiliaires ou infirmières, on a un petit problème. Donc, c'est pour ça que, s'il n'y a pas un problème majeur, pourquoi changer? On a d'autres choses sur lesquelles agir, à mon avis.

La Présidente (Mme Tremblay) : Alors, la députée de Verdun, maintenant, qui aurait une question à poser.

Mme Melançon : Bonjour. Bonjour à vous quatre. Merci d'être présents avec nous aujourd'hui. On a entendu, depuis ce matin, différents groupes venir nous parler de la place acceptable ou non des caméras dans les différents lieux. On a entendu certains syndicats s'opposer. Bien, vous avez entendu tout à l'heure les gens de la FADOQ, hein? Vous étiez arrivés lorsque les gens de la FADOQ, eux, ont parlé. Oui à la caméra sans réglementation.

J'ai lu, de votre côté, votre recommandation n° 8 qui est assez large, là. J'aimerais vous entendre un peu plus, de façon plus pointue, la position de la fédération sur l'utilisation des caméras.

• (15 h 50) •

Mme Laurent (Régine) : Tout à fait. Alors, merci de la question. Ça va me permettre d'expliquer pourquoi est-ce qu'on demande cette consultation publique, parce que c'est ça, notre recommandation 8.

Pour les caméras, on n'est pas contre parce que je pense que, dans certains cas, effectivement, ça peut permettre de mettre en lumière des... où c'est nécessaire. Ça peut aussi rassurer ou sécuriser, mais parfois c'est un faux sentiment aussi, sécuriser des familles. Mais agissons aussi en amont. Il y a, par exemple, des équipes multidisciplinaires dans les établissements, dans les CHSLD. Nous croyons que, si on avait le temps d'intégrer mieux les familles dans les soins, de prendre le temps que les familles participent aux équipes multidisciplinaires quand on a ces rencontres-là, qu'ils puissent suivre, je pense que ça diminuerait l'insécurité, d'une part.

D'autre part, on demande la consultation publique, parce qu'il y a un certain nombre de questions qu'on n'a pas de réponse. Probablement qu'on les aura quand le règlement va arriver, mais je pense que ce n'est pas souhaitable, même pour les gens qui installeraient des caméras, que les images se retrouvent sur YouTube. Alors, comment est-ce qu'on va s'assurer d'avoir un système de caméras sécurisé pour ne pas que quelqu'un vienne pirater puis que ça se retrouve sur YouTube? Peut-être que, pour des familles ça ne dérange pas, mais il y a aussi des professionnels en soins... Moi, Régine Laurent, si j'étais en train d'installer une sonde urinaire à un monsieur, je n'ai pas envie que ça se retrouve sur YouTube, il n'y a pas de raison pour ça.

Autre question, par exemple, comme professionnelle en soins, comment est-ce qu'on va interpréter et qui va interpréter les images? Je racontais à mes collègues que ce qui m'est venu spontanément, c'est ma mère, qui est, malheureusement, décédée maintenant, mais ma mère, de tout temps, on a eu de la difficulté à la piquer, ne serait-ce que pour une prise de sang. Alors, si l'image montre que je la pique une fois, ça ne marche pas, je la pique une deuxième fois, je la pique une troisième fois, ce n'est pas parce que je suis incompétente. Dans l'image, on va dire : Coudon, elle va-tu arrêter de la piquer? Alors, comment est-ce qu'on va interpréter mon geste qui est professionnel?

Donc, c'est pour ça que je dis : On n'est pas contre, mais je pense qu'il faut répondre à un certain nombre de questions. Mais, en même temps, les caméras, c'est la solution facile. Il faut aussi agir et faire de la prévention, intégrer mieux les familles, accueillir les familles dans les CHSLD à bras ouverts et les intégrer dans les soins pour faire diminuer cette pression-là, arrêter aussi de minuter, parce que c'est sûr que ce ne sera pas une belle image si j'ai trois minutes pour faire manger un patient. Il y a eu une commission de députés, c'est la commission sur la santé, je pense, qui disait : On n'a même pas le temps de bien positionner — ça veut dire de mettre la personne assise droite dans sa chaise pour qu'elle mange — et, si je n'ai pas le temps de faire ça puis que je la fais manger pareil, bien oui, c'est de la maltraitance dans l'image.

Donc, je pense que c'est global, il faut agir en amont. Et on n'est pas contre, effectivement, mais c'est important pour nous, la consultation publique, pour voir comment est-ce que ça va être géré.

La Présidente (Mme Tremblay) : Il reste 30 secondes à la partie gouvernementale.

Mme Melançon : Bien, c'est intéressant. Il y a des idées comme ça qui nous viennent en tête puis, grâce à vous, là, de pouvoir voir un petit peu loin. Mais on me rappelait aussi que l'utilisation de la caméra peut être aussi une forme de protection pour certains de vos membres, hein? En Outaouais, là, d'ailleurs, il y a une infirmière qui a été blanchie grâce, justement, à l'utilisation de caméras. On pourra peut-être y revenir plus tard, puisque je n'ai plus de temps, mais, sur les différents types de maltraitance, là on parle vraiment en santé, la piqûre, mais il y a aussi toute la maltraitance financière, dont on a parlé un peu plus longuement ce matin, pour laquelle on pourrait aller...

La Présidente (Mme Tremblay) : Le temps est écoulé pour la partie gouvernementale. Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de Rimouski, de l'opposition officielle.

M. LeBel : Merci, Mme la Présidente. Salutations à tout le monde. On va parler des différentes sortes de maltraitance, mais je vais parler de celle organisationnelle, ça ne vous surprendra pas. J'aime bien la ministre, là, je l'aime bien. Vous avez un bon mandat, mais vous avez le mandat de chien de garde des aînés, et on ne passera pas à côté du traitement de nos aînés dans le système de santé. Ça fait partie aussi du mandat. Je peux comprendre que ça ne peut pas toujours être facile, mais ça fait partie du mandat.

La Commission de la santé et des services sociaux, là, les députés... une tournée des CHSLD, ils ont vu plein de choses. Moi, mes collègues étaient là-dessus, cette commission-là, ils ont vu plein de choses qui étaient arrivées, ont dénoncé plein de choses sur le roulement de personnel, toujours des facteurs de risque pour la maltraitance, mais ils ont tout vu. Le gouvernement a réagi en mandatant une députée de faire une autre tournée pour voir encore, pour être sûr qu'on a bien compris et un forum sur les CHSLD, une bouffe populaire au centre des congrès pour être sûr... bon, plein de choses comme ça, mais qui, dans le fond, ne règlent pas la problématique.

L'autre jour, je suis allé vous entendre dans le Bas-Saint-Laurent, puis vous avez parlé un peu de l'enquête que vous avez faite, là, auprès des intervenants dans le Bas-Saint-Laurent. Vous avez sorti quelques statistiques, mais je vais vous en sortir d'autres un peu, là. 31 % des professionnels en soins n'ont pas le temps de veiller à la sécurité du patient, cloche d'appel... 31 %, c'est quand même beaucoup. 76 % des professionnels en soins n'ont plus le temps d'enseigner au patient, à ses proches aidants, à sa famille, la préparation du retour à domicile. 75 % des professionnels en soins n'ont pas le temps d'écouter leur patient lorsqu'il tente de parler. Aïe! Ça n'a pas de sens. Tu sais, c'est... Puis là un projet de loi comme ça, là, on serait porté à dire : S'il n'y a pas le temps... On serait porté à dire que le maltraitant, c'est le professionnel. Mais ce n'est pas le professionnel, le maltraitant, c'est le réseau qui manque d'outils, c'est le réseau qui a été abandonné.

La question que je pose : Est-ce que ce projet de loi là, avec le commissaire aux plaintes, et tout ça, vient régler le problème de la maltraitance qu'on a dans le réseau de la santé suite aux différentes coupures depuis deux ans? Est-ce que, par ça, on va régler ces problèmes-là?

Mme Laurent (Régine) : Vous allez me permettre de vous parler d'un espoir, M. le député. Quand il y a eu les recommandations de la commission de la santé, nous avons eu espoir, parce qu'on s'était dit : Bien, comme c'est l'ensemble des députés, en tout cas, des différents partis politiques qui sont arrivés et qui ont produit ce rapport de la commission santé, on pensait effectivement que ce serait appliqué.

Or, il faut se rendre compte que les employeurs dans le réseau de la santé n'appliquent même pas les recommandations de votre rapport. Quand je donnais l'exemple tout à l'heure de positionnement pour être capable de manger convenablement, c'était une des choses qui était ressortie effectivement de ce rapport-là. Donc, on est vraiment dans, pour nous, le minimum du minimum dans la dignité et dans le prendre soin qu'on ne fait pas. Alors, j'ai commencé avec espoir, je dois vous dire espoir déçu, parce qu'au moment où je vous parle, malheureusement, ce n'est pas appliqué par beaucoup d'employeurs.

Quand on parle organisationnel, si vous regardez les bienfaits d'avoir des ratios professionnel en soins-patients qui ont de l'allure, on maintient quelques bienfaits. On maintient les aptitudes fonctionnelles des personnes âgées, on diminue les contentions, on diminue l'utilisation de cathéters urinaux, et je continue avec, donc on diminue les risques d'infection urinaire. Je ne sais pas si vous le savez, mais ça fait mal. Donc, on diminue l'hospitalisation, on diminue où on doit appeler, faire venir une ambulance, les amener à l'urgence. Et malheureusement, une personne âgée, deux jours sur une civière, et elle n'est pas mobilisée, et elle a perdu énormément de ses capacités.

Alors, je suis obligée de vous dire : J'avais beaucoup d'espoir en voyant ce rapport-là, mais, aujourd'hui, je suis obligée de vous dire ma déception.

M. LeBel : Mais vous voyez, ce que vous nous dites, là, selon la définition de la maltraitance, puis... qu'on va chercher, c'est un type de maltraitance. C'est ce qu'on appelle la maltraitance organisationnelle. Ça fait que c'est un type de maltraitance que le projet de loi devrait prendre.

Je reviens à ma question, le projet de loi, avec toute la mécanique qu'on installe, le commissaire aux plaintes, est-ce qu'on pourrait, par ça, régler ces problèmes-là? Est-ce que le commissaire aux plaintes aurait un certain pouvoir d'appeler le premier ministre ou le ministre de la Santé pour dire : Ça ne marche pas, tes affaires? Pas vraiment?

Mme Laurent (Régine) : Malheureusement, non. C'est pour ça que je disais très respectueusement qu'on vous apporte des recommandations pour essayer d'atteindre les objectifs. Si on ne tient pas compte des différents risques qui entraînent la maltraitance... Et, pour nous, les risques organisationnels, ils sont importants. Quand on parle, par exemple, de risques liés à l'organisation du travail, quand une organisation du travail est sous-financée, roulement de personnel, moins de personnel...

Je pense que je vais vous donner un exemple, là. Quand, dans un CHSLD, on me dit que, pour arriver, pour toutes les raisons de sous-financement, de manque de personnel, qu'on doit faire la toilette en deux temps... Moi, je suis une vieille infirmière, je n'avais jamais entendu ça, je pensais que c'était un nouveau modèle de soins. Mais, quand on m'a expliqué qu'effectivement il fallait réveiller des personnes âgées... À 5 h 30, le personnel de nuit les réveille, fait le bas du corps, comme on emploie dans le langage du sport. Ils les assoient, ils déjeunent, il faut attendre le personnel de jour pour faire la toilette du haut du corps. Je trouve ça humiliant. Pour moi, c'est déjà humiliant d'être dans une condition physique où ma toilette doit être faite par quelqu'un d'autre. Une personne par jour, c'est suffisant, mais deux, c'est trop.

Alors, c'est pour ça que je dis : Quand on parle de risques et de conjonctures dont il faut tenir compte, il y a effectivement l'organisation du travail, il y a la pénurie de main-d'oeuvre, il y a tout ce qui appelle la dévalorisation de certaines fonctions. Il y a l'absence, effectivement, de règles d'éthique aussi, il y a les risques liés à ce sous-financement-là. On peut et on fait beaucoup, mais ne nous en demandez pas plus, ce n'est humainement pas possible.

M. LeBel : J'aurais d'autres choses à dire là-dessus, mais il ne me reste pas de temps. Mais je voudrais juste souligner que, dans votre mémoire, vous avez un grand passage sur l'analyse différenciée selon les sexes. Vous êtes les seuls, que j'ai vus, là, qui l'ont fait, et je voulais juste vous en féliciter. J'aurais aimé ça en entendre parler un peu plus parce que je pense que vous avez...

• (16 heures) •

La Présidente (Mme Tremblay) : Il vous reste deux minutes. Il vous reste deux minutes.

M. LeBel : Ah! vous avez deux minutes pour nous en parler un peu, parce que c'est important, je pense.

Mme Laurent (Régine) : Ça va faire plaisir à notre experte conseillère syndicale en condition féminine. Effectivement, pour nous, c'est important d'en tenir compte. Puis peut-être qu'on a cette sensibilité-là parce qu'on est une organisation à plus de 90 % de femmes, mais aussi parce que dans le réseau, comme les femmes vivent plus longtemps, bien, elles sont aussi plus à risque ou plus nombreuses à être à risque d'être dans une situation de vulnérabilité et où nous devrons les protéger. Donc, elles sont en plus grand nombre. Et ce qu'on dit, c'est que, quand on installe des politiques, si on ne tient pas comme de cette analyse différenciée, on va passer à côté.

Peux-tu ajouter quelque chose, Florence? Il doit te rester 15 secondes.

La Présidente (Mme Tremblay) : Il reste 1 min 20 s.

Mme Thomas (Florence) : Ça ne marche pas, là. Vous m'entendez? Bien, écoutez, Régine a très bien résumé la problématique. En fait, ce que ça permet de faire, c'est de nommer, comme dans le titre du mémoire, de nommer ce qui est invisible. Quand on n'a pas les statistiques ou quand on n'a pas les collectes de données qui reflètent la réalité, on ne peut pas agir adéquatement. Donc, c'est ça.

En fait, c'est un outil qui nous permet de diagnostiquer des situations. Et pour établir des politiques publiques, et faire de la prévention, et apporter des solutions, on ne voit pas comment on pourrait faire pour corriger des situations si on n'utilise pas des bons outils d'analyse. Voilà.

La Présidente (Mme Tremblay) : Il reste 40 secondes.

M. LeBel : Parce que, dans les facteurs de risque et puis dans les différentes formes de maltraitance, je peux penser qu'il faut probablement agir d'une façon différente avec une femme patient et un homme patient dépendamment des circonstances. Dans la formation des intervenants, il doit y avoir des différences. On n'agit pas de la même façon, puis, dans les politiques qu'on met en place, on devrait aussi avoir une certaine différence, à mon avis.

Mme Laurent (Régine) : Absolument.

M. LeBel : Merci.

La Présidente (Mme Tremblay) : Le temps alloué à l'opposition officielle qui est maintenant écoulé, je cède la parole au député de Lévis, du deuxième groupe d'opposition.

M. Paradis (Lévis) : Merci, Mme la Présidente. Je salue évidemment Mme Laurent. Bonjour. Content de vous revoir. M. Gilbert, Mme Thomas, M. Durand-Allard.

Je suis obligé de faire un bout de chemin... Puis je pense que c'est intéressant, puis ça fait aussi partie de ça, notre rencontre, là, aujourd'hui, au-delà des principes et des articles du projet de loi, quand vous dites : L'impact des demandes faites aux travailleurs en fonction des ressources dont elles ou ils disposent... Et je ne sais pas si vous avez entendu ce matin, mais je suis obligé de le dire parce que ça m'a secoué, une recherche faite par un chercheur de l'Université du Québec à Trois-Rivières qui interroge des préposés aux bénéficiaires, Mauricie—Centre-du-Québec, près de 1 000 personnes interrogées avec un constat qui est alarmant, et c'est un peu ce que vous nous dites, et c'est un peu l'effet de tout ça : 56 % d'entre eux recommandent aux jeunes de faire un autre choix de carrière que le leur. 56 % disent : Bien, ne prenez pas cette job-là. Puis je vais vous donner un chiffre qui est plus fort que ça : 69 % des répondants, 69 % accepteraient n'importe quelle autre job offrant le même salaire. Ce n'est pas des blagues, là, et ça, ces chiffres-là, là, c'est un chercheur qui pousse ce sondage-là et cette recherche-là, et c'est très évocateur et révélateur des problématiques que l'on vit actuellement.

Et c'est pour ça que, oui, mon collègue a raison, qu'on doit tous ensemble — et je comprends que la ministre en est également — avoir un regard beaucoup plus vaste, beaucoup plus large concernant le traitement de nos aînés puis aussi comment vivent ceux qui souhaitent que tout aille mieux. Je pense que c'est important de le dire.

Vous abordez, dans le dossier qui nous occupe, pour revenir au projet de loi n° 115... Et, si vous voulez intervenir sur les chiffres que je vous ai donnés, vous le ferez, hein, liberté vous est donnée. Mais vous abordez la trajectoire, vous dites : Dans ce projet de loi là, là — j'y reviens carrément — il y a le commissaire aux plaintes. Avec le projet de loi n° 10, le problème, c'est que, dans les faits, on a un commissaire aux plaintes par établissement, donc un par région, en fonction, bon... Et là je vous donne l'exemple de la région de la Capitale-Nationale, de la région, bon, ici, où il y en a un. Il y en a cinq dans le bout de Montréal, mais les territoires sont maintenant énormes. Et, d'ailleurs, vous questionnez ça en disant : Est-ce qu'on a les moyens de faire ça? On est-u capables puis est-ce qu'on a l'impartialité de le faire également? Est-ce que c'est le canal privilégié? J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

Mme Laurent (Régine) : Je peux y aller, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Tremblay) : Vous pouvez y aller.

Mme Laurent (Régine) : Merci. Je vais intervenir peut-être sur les chiffres que vous avez nommés au début. Ça ressemble à peu près, les chiffres chez les aides-infirmières à l'intérieur des trois premières années pour toutes sortes de raisons et, entre autres, parce qu'on n'a pas le temps, on n'a plus le temps de les accueillir, de les intégrer. Parce qu'il y a une différence entre le milieu scolaire et quand on arrive vraiment sur le plancher. Malheureusement, ce n'est plus comme dans le temps où j'étais jeune infirmière, où les plus expérimentés avaient le temps de m'intégrer. Et là, depuis des années, on réclame qu'il y ait plus de mentorat, de tutorat, d'accompagnement, et cet accompagnement, ce n'est pas longtemps. Des fois, c'est quelques semaines, quelques mois, de façon régulière, qu'elles aient une répondante, qu'elle puisse valider un certain nombre de choses, parler des questions qu'elles se sont posées dans leurs priorités durant la semaine. Donc, je ne suis pas étonnée parce que c'est à peu près ça qu'on a.

Dans les chiffres que votre collègue citait tantôt, le Bas-Saint-Laurent, bien, il y en a 61 % de celles qui ont été interrogées qui nous disent qu'elles songent à quitter, mais plus inquiétant, 25 % de celles-là ont entre 25 et 40 ans. Donc, ça veut dire que ma tranche d'âge qui arrive et celles qui ont 35, 40 ans, donc qui ont acquis une certaine expérience, c'est celles-là qui nous disent qu'elles pensent à quitter. Donc, il faut vraiment agir, et, pour moi, c'est assez urgent.

Sur le commissaire aux plaintes, nous sommes intervenus en commission parlementaire, c'était le projet de loi sur le lanceur d'alerte — c'était comme ça, lanceur d'alerte? — et ce qu'on avait dit, par exemple, un commissaire aux plaintes qui peut, par exemple, nommer des adjoints, donc le risque est que, si, par exemple, je veux faire une dénonciation puis que la personne qui est adjointe du commissaire, bien, c'est la chef d'unité ou la chef de programme, on a un problème. Alors, il y a beau avoir des adjoints, mais nous, on avait questionné le fait que les lanceurs d'alerte, dans la loi qui a été passée, ne sont pas bien protégés.

Alors, moi, j'ai beaucoup de respect pour les gens qui agissent comme commissaire aux plaintes, mais, comme vous le disiez, avec la grandeur des territoires, les nombreux sites, je ne suis pas sûre qu'on va avoir des résultats ou qu'on va atteindre les objectifs visés.

M. Paradis (Lévis) : Je vais un petit peu plus loin sur votre réflexion. Au-delà de vous inquiéter, est-ce que vous avez songé ou analysé quelle pourrait être la trajectoire idéale? Parce qu'on s'est fait dire aujourd'hui, à travers les témoignages, le Protecteur du citoyen est là, le commissaire est là aussi, droits de la personne et de la jeunesse, devraient être des outils puis des organisations privilégiés. Est-ce que vous avez analysé quelle pourrait être la trajectoire idéale pour faire en sorte qu'on arrive avec des résultats, avec un projet de loi comme celui-là?

Mme Laurent (Régine) : Encore une fois, je vais assumer mes travers comme professionnelle en soins, comme infirmière. Les plaintes, c'est le bout, là. Il faut agir en amont et faisons le pari que, si on finance correctement le réseau de la santé, on devrait avoir de moins en moins de plaintes. Faisons ce pari-là, parce que jusqu'à maintenant, ce qu'on constate, c'est de coupures, en coupures, en coupures et en plan d'optimisation et de tous les noms, ça fait que c'est sûr qu'on arrive avec des plaintes. Alors, faisons le pari de mieux financer.

Ce que nous avions dit, à l'époque, en commission parlementaire, c'était qu'il fallait s'assurer que la personne qui agit, donc envers qui on peut porter plainte, qu'elle soit complètement impartiale, et je pense même, de mémoire, on avait dit : Idéalement, de l'extérieur de l'établissement.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie. Ceci termine le temps qui était réservé et alloué, et je constate que vous connaissez mon langage non verbal, gestuel quand je fais...

Mme Laurent (Régine) : Je vous décode bien, M. le Président. Merci infiniment.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie de votre participation aux travaux.

Alors, je suspends les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 9)

(Reprise à 16 h 13)

Le Président (M. Matte) : Alors, sans plus de préambule, je souhaite la bienvenue à Me Jean-Pierre Ménard. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour faire un exposé, et, par la suite, c'est une période d'échange avec les membres de la commission. Alors, je vous invite à vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent.

M. Jean-Pierre Ménard

M. Ménard (Jean-Pierre) : Oui. Alors, je suis avec deux de mes collègues, donc Me Camille Dontigny et Me Carl Dutrisac, qui sont des collègues de mon cabinet qui ont travaillé avec moi sur la présentation et la préparation de ce mémoire-là.

Merci, d'abord, de l'invitation. C'est avec immensément d'intérêt que j'ai dit oui tout de suite pour participer à ça, parce que moi, je suis un avocat qui pratique depuis 36 ans dans le domaine de la santé, où je représente essentiellement les patients. Et, pendant toute cette carrière-là, j'ai vu des centaines de cas impliquant des cas de maltraitance individuelle. J'ai eu aussi le privilège de faire les quatre causes de maltraitance systémique que le système judiciaire a traitées au Québec, jusqu'à maintenant. Je représentais les victimes dans ces causes-là. J'ai également eu l'occasion de faire à peu près tous les cas de caméras qui ont été rendus publics, sauf peut-être un ou deux aussi. Et, encore tout récemment, j'ai eu l'occasion de défendre une personne qui avait dénoncé la maltraitance et qui a été poursuivie par le propriétaire d'un CHSLD, là. C'est l'affaire de Savoie contre Thériault-Martel. Ça s'est bien terminé pour ma cliente, mais ça pose la question de la protection des lanceurs d'alerte puis des gens qui dénoncent la maltraitance aussi. Alors, on a voulu, dans ce dossier-là, faire un exemple en faisant... C'était une poursuite-bâillon, mais le projet de loi, dans ce contexte-là, a une pertinence qui est bien réelle. Alors donc, je voulais vous dire ça parce que ce que je viens de vous raconter, c'est fondé essentiellement sur cette expérience pratique là. Moi, j'ai la prétention modeste d'être en première ligne, peut-être, de la lutte contre la maltraitance dans le système de santé. Mon cabinet fait à peu près 60 % des poursuites de la province dans ce domaine-là, alors on voit vraiment tout ce qui se passe un peu partout.

Essentiellement, l'expérience nous amène à constater qu'il y a deux sortes de maltraitance — puis on en parle beaucoup ici — la maltraitance individuelle quand c'est l'action d'un individu et la maltraitance organisationnelle quand ça découle de politiques, procédures, pratiques tolérées ou pratiquées par une organisation aussi. Cette deuxième forme de maltraitance là, elle est plus grave puis elle touche plus de monde. Elle est plus difficile aussi à contrer, aussi, et, évidemment, on va voir, puis je vais parler un peu de l'impact du projet de loi sur cette forme de maltraitance là parce que ça pose des difficultés qui sont particulières, donc, puis c'est une maltraitance, aussi, qui découle au niveau, je parle, organisationnel. On voit un accroissement des plaintes par rapport à ces choses-là parce qu'on assiste, dans le système de santé, à une diminution graduelle des ressources pour certaines clientèles, dont les personnes âgées, et ça, ça augmente les plaintes liées à la maltraitance organisationnelle. On voit surtout une forme de maltraitance qu'on appelle la maltraitance par privation, les services qui ne sont pas rendus ou pas rendus dans les conditions qu'ils devraient être. Alors donc, c'est à la lumière de cette expérience-là, donc, qu'on va analyser le projet de loi n° 115.

D'abord, écoutez, je tiens d'abord à souligner que c'est un point extrêmement positif qu'on dépose une loi sur la maltraitance. Ça nous oblige, comme société, à s'arrêter, puis à en parler, puis à voir ce qu'on est capables de faire. Alors, je reçois, moi, le projet de loi n° 115 comme étant un premier pas qu'il faut encourager, mais il faut par contre, puis je vais souligner ça comme une difficulté, il faut aller nettement plus loin si on veut vraiment attaquer la maltraitance à bras-le-corps.

Alors donc, essentiellement, d'abord, au niveau de la définition de la maltraitance, essentiellement, on a une définition qui découle de l'OMS, mais je pense que cette définition-là, il faut faire attention à deux choses, parce que je pense que la maltraitance, si on veut vraiment l'attaquer, il faut qu'elle ait la définition la plus large possible pour qu'on soit vraiment capables de l'adresser comme il faut. Donc, dans ce contexte-là, la notion de la nécessité d'un lien de confiance m'apparaît un cadre peut-être un petit peu délicat, parce que, dans le domaine de la santé, quand les gens reçoivent des soins, la question de l'établissement préalable d'un lien de confiance, ce n'est pas toujours un prérequis. D'abord, les gens, des fois, reçoivent des soins de personnes qu'ils ne connaissent pas, reçoivent des soins aussi de personnes qui changent constamment aussi. Et je pense qu'exiger ce genre de chose là, c'est un petit peu délicat. Je pense qu'on peut le laisser là, mais peut-être rajouter aussi que la maltraitance peut résulter du simple exercice de la prestation de soins de santé et de services sociaux.

Par ailleurs, aussi, la définition même de maltraitance, on pense que ça peut causer un tort ou un préjudice. Je pense qu'il faudrait aussi rajouter, dans la maltraitance, que l'on trouve dans la littérature aussi, que dans certains cas, la maltraitance découle aussi d'une forme d'atteinte aux droits de la personne aussi. Alors, c'est pour ça que mon mémoire comprend une série de modifications proposées. Je propose de la définir un peu plus largement avec ça aussi.

Bon, la maltraitance, par ailleurs, c'est un concept beaucoup plus large que l'exploitation. Donc, actuellement, la charte québécoise prévoit, à l'article 48, la notion d'exploitation. La maltraitance, c'est un concept beaucoup plus large, parce que, dans la maltraitance, on n'a pas besoin de prouver le rapport de force ni l'intention de quelqu'un de tirer avantage de la condition de quelqu'un d'autre. Ça, c'est l'exploitation. Alors, j'ai fait des litiges liés à l'exploitation aussi déjà. Alors, la maltraitance, c'est un concept qui est beaucoup plus large que ça, puis je pense que, juridiquement, on peut lui trouver un cadre bien précis.

La lutte contre la maltraitance a trois volets : prévention, détection, répression. Il faut comprendre, ces trois volets-là, qu'ils sont indissociables et ils doivent être aussi bons l'un que l'autre. Dans le projet de loi n° 115, je pense qu'il faut souligner le volet prévention qui est encouragé ici. Alors, je pense que c'est excellent de prévoir de la formation, de la sensibilisation puis de l'information à tout le monde, le plus largement possible, sur ce que c'est, la maltraitance. Par contre, ce qui serait important, c'est que cette formation-là, ces informations-là soient quelque peu, je vous dirais, structurées puis organisées. C'est pour ça qu'on demande, on suggère d'intégrer au projet des orientations ministérielles pour guider l'ensemble des établissements sur l'élaboration de leur politique en matière de maltraitance, par ailleurs, s'assurer aussi que la formation va comprendre de la sensibilisation puis de la formation sur les droits des usagers et sur la maltraitance systémique.

Parlons maintenant de la détection, puis j'y vais rapidement parce que mon mémoire comprend ces choses-là, là. La détection, alors, ça, le projet de loi n° 115 m'apparaît un peu plus faible là-dessus. Essentiellement, c'est que la détection, le mécanisme de mise en oeuvre pour détecter la maltraitance, c'est par les plaintes, plaintes et signalement. Pour favoriser le signalement, on propose une modification aux règles du secret professionnel qui m'apparaît tout à fait insuffisante, parce qu'essentiellement, puis je pense que le Barreau l'a souligné, puis on a eu des échanges là-dessus aussi, on retrouve un peu la même redéfinition de ce qu'on trouve dans la décision de la Cour suprême de l'affaire de Jones contre Smith. Puis ce qui est proposé là, c'est un changement qui est tellement... c'est presque un changement de virgule. Moi, je propose une définition beaucoup plus radicale, si on veut...

Parce que la maltraitance, pour la détecter, il faut qu'on en favorise le signalement. Moi, je ne suis pas favorable au signalement obligatoire puis je vais vous dire pourquoi tout de suite après, mais ce que je pense qu'on devrait faire, c'est prendre plutôt un critère large de signalement. Ce que je propose, c'est ma résolution n° 7. Essentiellement, ce que je propose essentiellement, c'est que, donc, l'exception du secret professionnel serait redéfinie différemment. Vous l'avez à la page 23 de mon mémoire, là.

• (16 h 20) •

Alors, je propose donc qu'on puisse... c'est-à-dire que, donc, toute personne liée par le secret professionnel ou la confidentialité puisse signaler au commissaire aux plaintes et à la qualité des services toute situation où la personne a des motifs raisonnables de croire qu'une personne en situation de vulnérabilité est ou peut être victime de maltraitance, parce que, si on veut combattre la maltraitance, il faut favoriser la déclaration le plus possible.

Le traitement du signalement, il est très emballé juridiquement : protéger la confidentialité, protéger tout ça, alors il n'y a pas grand risque pour la réputation des personnes à permettre un signalement large, et ça, ça m'apparaît être un meilleur mécanisme que le signalement obligatoire, parce que le signalement obligatoire, si on en fait une obligation, il faut qu'on le sanctionne s'il n'est pas respecté. Alors, il faudrait que le projet de loi prévoie quelqu'un qui fait défaut de signaler de la maltraitance peut-il avoir une sanction pénale, une responsabilité. Je pense qu'il y a ça d'une part.

Deuxièmement, il y a plein de gens qui ne veulent pas signaler de façon contrainte, ils vont tout faire pour ne pas voir la maltraitance le moindrement évidente aussi. Je pense qu'il faut plutôt savoir qu'il faut encourager les gens à signaler puis dire : Écoutez, le critère de signalement est large, vous êtes protégés si vous signalez de bonne foi aussi, et tout ça, vous êtes assurés du traitement confidentiel. Je pense que c'est important. Alors, actuellement, donc, au niveau de la détection, ça ne m'apparaît pas suffisant, ce qui est dans le projet de loi, beaucoup trop restrictif. Puis, si on regarde le texte qui est là, ça ne changera pas la nature réelle de ces choses-là.

Troisième partie, la répression. Alors, ça, encore ici, bon, le projet de loi propose de remettre au commissaire aux plaintes. Ça, ça m'apparaît être un remède, malheureusement, tout à fait inadéquat si on veut parler de maltraitance organisationnelle ou systémique. La maltraitance individuelle, peut-être plus efficace parce que, ça, on peut cibler un individu, et tout ça, mais il faut penser que, nous, le gros des cas de maltraitance qui nous sont rapportés ne sont pas individuels. C'est des gens qui se plaignent qu'ils n'ont pas de services, que les services ne sont pas donnés comme il faut, et tout ça, et ça, c'est difficile de pointer quelqu'un en particulier parce que les préposés et les infirmières s'arrachent le coeur pour donner des services qui ont de l'allure dans des conditions qui sont extrêmement discutables.

Alors donc, de tout remettre ça au commissaire aux plaintes, c'est inadéquat pour les raisons suivantes. Le commissaire aux plaintes, d'abord, il est engagé par le conseil d'administration du CISSS. Alors, quand on parle de maltraitance organisationnelle, ça peut venir très bien des décisions du conseil d'administration. Si on constate que, dans un CHSLD, il n'y a pas assez personnel puis ça conduit à des conditions de maltraitance, est-ce que le commissaire aux plaintes peut raisonnablement penser de demander à son conseil d'administration : Bien, écoutez, rajoutez du personnel, ne faites pas ces coupures-là? Ce n'est pas réaliste, d'autant plus aussi que le commissaire aux plaintes, d'abord, en termes d'indépendance, il n'a pas cette indépendance-là, deuxièmement, n'a qu'un pouvoir de recommandation. Alors donc, ça n'a pas de portée réelle.

En plus de ça, avec la restructuration du réseau, la charge de travail des commissaires aux plaintes s'est beaucoup alourdie, et on a dégradé la crédibilité du processus de plainte dans beaucoup de milieux. Je pourrai vous donner des exemples de ça tantôt si vous me posez des questions là-dessus. C'est ça. Puis par ailleurs, aussi, moi, tous les cas de maltraitance systémiques que j'ai faits, on s'est aperçu, dans tous ces cas-là, qu'il y avait une faillite ou un échec complet du processus de plainte qui n'était pas fonctionnel. Donc, ce n'est pas un processus assez sécuritaire.

Moi, je propose comme solution puis je vais aller rapidement là-dessus, qu'on modifie l'article 48 de la charte pour rajouter, dans l'alinéa 1° : «Toute personne âgée, toute personne handicapée a le droit d'être protégée contre toute forme d'exploitation et de maltraitance.» Le rajouter là, ça a pour effet d'abord d'ouvrir un recours à la Commission des droits de la personne. Ça a pour effet aussi de favoriser les recours liés à la maltraitance parce que 74.3 de la charte permet d'exercer des recours dans cette matière-là, à ce moment-là, en vertu du premier alinéa de 48, sans le consentement des victimes. J'ai entendu la commission ce matin qui disait : Écoutez, on aime mieux avoir le consentement, mais on pourrait le faire sans consentement, puis ça permet aussi à des organismes de défense des droits de déposer ces recours-là aussi. Ça, c'est important.

En plus de ça, la commission peut demander au tribunal immédiatement d'intervenir pour faire cesser, par ordonnance de cour, là, les situations d'abus. Ça ouvre la porte aussi à ce que la commission s'adresse au Tribunal des droits de la personne, le cas échéant, pour demander compensation, incluant dommages exemplaires, le cas échéant. Alors, on aurait, de l'extérieur, pourvu que la commission, par ailleurs, ait une approche peut-être un peu plus proactive dans ces matières-là... parce qu'actuellement, malheureusement, la commission, pour des questions de ressources puis d'approche, est extraordinairement lente, malheureusement.

Le Président (M. Matte) : Votre temps étant écoulé, est-ce que...

M. Ménard (Jean-Pierre) : Alors donc, je pense qu'on devrait aller beaucoup plus loin avec ça.

Le Président (M. Matte) : On va procéder aux échanges.

M. Ménard (Jean-Pierre) : Alors, je vous écoute.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie. J'ai été généreux dans son cas aussi.

Mme Charbonneau : C'est vrai. Ça veut dire que j'ai perdu des minutes, ça, M. le Président.

Le Président (M. Matte) : Ah! exactement. Je ne peux rien vous cacher, mais je vous cède la parole sans plus de préambule.

Mme Charbonneau : Merci. Je suis rendue à combien?

Le Président (M. Matte) : 15 minutes.

Mme Charbonneau : O.K. Bon, je n'ai pas perdu tant que ça. Merci, Me Ménard. Dans mon préambule, je veux faire une petite parenthèse à l'extérieur du contexte dans lequel on est parce que je n'ai pas eu toujours la chance de pouvoir le faire, mais j'ai eu le privilège, pendant deux ans, de travailler dans la consultation. Je n'ai pas travaillé au projet de loi parce que le gouvernement avait changé puis je n'ai pas été attribuée à cette responsabilité-là, mais j'ai eu le privilège de faire la consultation publique privée sur mourir dans la dignité, et peu de gens peut-être savent que vous avez été d'une aide indispensable. Votre connaissance du patient qui fait des demandes qui sont à l'extérieur du contexte légal et de la structure et cette défense que vous avez de l'humain nous a aidés à avoir une perspective autre que celle du départ, quand on est partis avec notre dossier. Donc, merci infiniment pour cette implication-là parce qu'à chaque fois les gens peuvent penser que les avocats s'investissent parce qu'il y a un cadran au bout du pupitre, bien, ce n'est pas toujours le cas. Donc, cette fois-là, je vous ai découvert à travers cette commission. C'est un peu ça que je vous dis puis je vous en remercie.

Et, vous l'avez bien dit, vous avez défendu puis vous avez un intérêt particulier pour l'utilisation des caméras. Je veux aller là avec vous. Je pourrais aller sur le secret, je pourrais aller... Je pense qu'il y a plein d'aspects qu'on pourrait regarder ensemble, mais je vais vous amener là parce que chacun de mes collègues ont aussi des questions qui sont plus axées... Moi, je veux rester sur le principe de la caméra parce que je pense que, un, vous faisiez partie des 30 et vous avez donné des opinions très... je vais utiliser le mot «tranchées», sur l'utilisation de la caméra. De un, le droit fait en sorte que tout le monde peut utiliser dans ses installations une caméra. Ça, c'était clair. À partir de là, l'humain étant ce qu'il est, on joue avec le droit des uns et le droit des autres, hein, puis la fameuse phrase du voisin qui dit : Le droit de un s'arrête quand le droit de l'autre commence. Mais vous avez quand même bien situé les choses.

Dans les recommandations ou dans les orientations qui ont été déposées ce matin par moi-même et qui font en sorte qu'on donne un peu d'éclairage sur ce que pourrait être la réglementation, il y a un avis sur l'utilisation dans les règles générales, il y en a un qui dit : «L'utilisation d'une caméra ou d'autres moyens technologiques pour des fins de surveillance ne doit pas porter atteinte au droit de la vie privée des autres usagers, des visiteurs ou du personnel de l'établissement. Conséquemment, l'établissement doit installer un panneau signalétique visible dans son hall d'entrée pour indiquer la présence possible de caméras de surveillance à l'intérieur des chambres des usagers.»

Je vais vous poser une question qu'un collègue m'a posée, parce que je suis en réflexion sur bien des choses depuis quelque temps par rapport au dépôt du projet de loi n° 115. On me disait : Pourquoi ne pas mettre à la porte de la chambre une pancarte qui dit : Souriez, vous êtes filmé, puisque, dans certains établissements, c'est vraiment au moment où on peut voir la caméra que c'est écrit : Il y a une caméra en haut, faites attention? Alors, je voulais savoir, pour vous, la différence entre signaler avant d'entrer dans la chambre ou signaler avant de rentrer dans l'établissement.

• (16 h 30) •

M. Ménard (Jean-Pierre) : Bon, alors, au départ, dans le projet préliminaire d'orientation, on parlait de mettre un pictogramme sur les portes. Moi, je me suis opposé à ça lors de la consultation puis, effectivement, je pense qu'on a... cette idée-là et que ce n'était peut-être pas la meilleure approche. Je vais vous dire pourquoi... plusieurs façons. Moi, là, comme je vous dis, là, je suis en première ligne de voir un grand nombre de situations de maltraitance. Il faut qu'on arrête d'en voir. Moi, j'aimerais ça que ça diminue, puis il faut qu'on travaille sur la prévention. La prévention, bien, les caméras, pour moi, ça en fait partie. Ça peut être un instrument puissant de prévention.

Puis là, pour parler par expérience, O.K., un des cas que j'ai faits, le personnel savait qu'il y avait une caméra dans cette chambre-là, ça fait que les gens n'étaient pas d'accord. Alors, ce qu'on a décidé de faire, c'est de boycotter la patiente. Ce qu'on faisait, c'est qu'essentiellement on allait lui donner des soins, mais on ne lui parlait pas. O.K.? Dans un autre cas que j'ai fait aussi, on savait qu'il y avait une caméra, alors là le personnel décidait de donner des soins à la noirceur, on n'allumait pas les lumières. Alors, le patient atteint d'Alzheimer était traité, était brassé dans la noirceur. Imaginez un peu ce que ça peut être. J'aurais encore d'autres histoires à vous conter là-dessus. Bon.

Mais alors moi, je pense que, pour éviter qu'à un moment donné des patients soient ciblés ou soient... Bon, parce qu'à une chambre il y en a une; une chambre, il n'y en a pas; une chambre, il y en a une; une chambre, il n'y en a pas. Je pense que l'effet utile des caméras, c'est la prévention puis la dissuasion aussi. Si n'importe qui sait qu'il peut y en avoir, il va se comporter comme s'il y en avait à l'égard de tout le monde. Et ça, je pense que, même s'il y a juste une caméra sur 200 chambres, ça va avoir un effet bénéfique pour tout le monde.

Alors, l'aspect prévention, là, m'apparaît capital pour éviter le pictogramme sur la porte, puis je pense que le personnel va apprendre à travailler avec ces choses-là aussi. Puis, écoutez, dans la vraie vie, là, de toute façon, on ne pensera pas que tout le monde va mettre des caméras partout, là. Dans la vraie vie, moi, les cas que j'ai vus où les gens en ont mis, c'est quand? C'est quand on n'a pas confiance dans l'établissement, quand on n'a pas des réponses satisfaisantes sur la qualité des soins, quand la communication est mauvaise, quand on voit des choses qui arrivent puis on a des explications invraisemblables, quand il y a eu des vols, des bleus qu'on ne peut pas expliquer, on voit que les gens n'ont pas l'air bien. Alors, la meilleure façon d'éviter les caméras, c'est la bonne communication, les bons soins, la transparence, l'imputabilité. Alors moi, je ne pense pas que, demain matin, il va y avoir 1 million de caméras dans les CHSLD du Québec, mais le fait qu'il puisse y en avoir, juste le fait qu'il puisse y en avoir, on vient de gagner beaucoup sur la prévention, presque autant que la formation.

Mme Charbonneau : Vous avez raison, d'autant plus que certains commerces nous disent qu'il y a une caméra, mais il n'y a rien qui les filme. C'est juste parce qu'elle est là comme installation que les gens ont déjà une prévention de posée ou ça enlève l'intention de poser le geste parce qu'ils ont l'impression qu'ils sont filmés. Contrairement à ces installations-là, ici, les caméras fonctionnent, je vous le dis, et on projette l'image partout au Québec. Vous êtes une vedette aujourd'hui. Vous l'êtes depuis ce matin si j'ai bien compris parce que je vous ai suivi un petit peu.

M. Ménard (Jean-Pierre) : Ça a commencé à 6 h 30.

Mme Charbonneau : Oui, c'est ça. Dans le principe de la liberté de la personne et de l'obligation d'une entreprise ou d'une institution, il y a le principe qui veut... Puis il y a beaucoup de journalistes qui posaient la question sur le droit de la personne. Donc, est-ce que je dois demander à mon institution où je loge, que je considère un milieu de vie, et non un milieu de travail, personnellement... mais est-ce que je dois demander la permission pour poser une caméra? Puis, si je demande la permission, est-ce qu'il faut que je dise le nombre de caméras que je mets puis qui fait les trucs ou je n'ai pas besoin de faire ça, là?

M. Ménard (Jean-Pierre) : Alors, écoutez, moi, je me suis opposé énergiquement à ça parce qu'il y a eu des groupes qui ont émis des opinions laissant entendre qu'il fallait qu'on ait des raisons extraordinaires, que c'était... il fallait que ce soit justifié, exceptionnel. Écoutez, ça n'a pas de bon sens. Je vais vous dire pourquoi puis l'expérience pratique, moi, ce que j'ai vu dans la vraie vie, là. Les caméras ont servi souvent à surveiller, effectivement, je dirais, de façon globale, la qualité des soins; pas un individu, la qualité des soins. Je ne vais prendre rien qu'un exemple que je vis à travers différentes affaires.

Dans un cas, par exemple, ce qu'on voyait, c'était une dame dont il était convenu que ce seraient des préposés féminins qui viendraient lui faire les soins d'hygiène. À l'établissement, on disait : Oui, oui... La dame ne pouvait pas parler elle-même, sauf que, sa caméra, qu'est-ce qu'on voyait tout le temps? Des préposés masculins qui venaient faire les soins d'hygiène. Alors, la famille a découvert qu'en leur absence on ne respectait pas ces choses-là.

Dans un autre cas, ce qu'on voyait, c'était une autre forme de maltraitance. Par exemple, on voyait un monsieur dont on changeait la culotte d'incontinence. On voyait changer la culotte, mais ce qu'on s'est aperçu, c'est qu'on ne le lavait pas entre les changements, une fois, deux fois, trois fois. Puis, une fois, c'était une infirmière-chef qui était là. L'autre, c'était le chef d'unité. L'autre fois, c'était un autre préposé.

Bon, dans un autre cas, on faisait manger un monsieur. Alors, on voyait que les préposés le faisaient manger assez vite, puis là on servait le breuvage. Le breuvage n'a pas été touché, alors on ne l'a pas fait boire pendant son repas. On l'a fait manger vite puis on est sorti vite aussi.

Toutes sortes de situations comme ça. Alors, la surveillance, ici, là, s'il fallait demander la permission à la direction de mettre ces caméras-là... Ça permet de voir de la maltraitance organisationnelle, ici, là, claire, claire, claire. Alors, si on a un doute sur la qualité du service qu'on donne, est-ce qu'on va le permettre facilement aussi ou est-ce qu'on va s'arranger pour pas que ce soit apparent ou visible? Je pense que c'est enlever un droit important. N'oublions pas qu'on a réduit les ressources dans les CHSLD, les ressources au niveau des ratios personnel-patients, au niveau de l'encadrement. On a réduit ça à un niveau, d'après moi, là, qui est critique puis qui favorise le développement de pratiques de maltraitance. Alors, à ce moment-là, enlever aux patients, en plus de ça, le droit de surveiller comme ça... Puis n'oublions pas qu'aujourd'hui aussi ce n'est pas rare, les gens qui sont placés dans des milieux où ils ne veulent pas aller, dans le sens où le choix du CHSLD, là, on va vous placer là où il y a de la place, pas là où vous voulez aller. Alors, des fois, vous faites 50 kilomètres, les gens n'ont pas de transport, pas de moyen d'y aller. Ça reste un moyen ultime.

Alors moi, je ne voudrais pas qu'on enlève aux patients, à leurs familles, un moyen de protection puis de sécurité. C'est un moyen de protection et de sécurité, ce n'est pas un moyen d'espionnage — laissons faire ce discours-là — puis ce n'est pas un moyen d'essayer de coincer un personnel, c'est le moyen de s'assurer qu'une personne vulnérable est bien traitée, puis ça, bien, ça suppose peut-être qu'on veut, peut-être, je vous dirais, écorcher un tout petit peu le droit d'autres personnes plus autonomes et moins vulnérables pour protéger les gens plus vulnérables. C'est des choix de société qu'on doit être prêts à faire puis prêts à accepter.

Mme Charbonneau : Dans les exemples que vous donnez — je les entends bien — j'en ai entendu un en Outaouais parce que je suis allé faire une visite là pour pouvoir échanger avec les gens, et la directrice générale me disait... Parce que je posais toujours la question : Que répondez-vous à une famille qui veut poser une caméra? Et ils avaient été confrontés à cette problématique-là, et ils étaient heureux de me dire : Bien, on a dit oui parce que c'est dans les droits, on a consulté, c'est dans les droits, pour, finalement, voir que la personne qui venait faire du barda, hein, dans la chambre de la personne aînée, c'était un autre résident, ce n'était pas un employé, et, tout à coup, la scène, elle venait de se dégonfler parce qu'il y avait une justification, quelqu'un de confus qui entrait dans la mauvaise chambre, qui défaisait toutes les affaires puis, finalement, changeait de chambre, et, à chaque fois que la famille arrivait, la chambre était toute croche, puis ils ne savaient pas... ils se disaient : Bien, coudon, on ne prend pas bien soin de ma mère ici. Donc, ce principe-là...

Je finis avec ma dernière question sur les caméras. Je suis-tu obligée de la mettre dans un nombril d'un toutou, cette caméra-là, ou bien je peux la mettre à la vue de tout le monde?

M. Ménard (Jean-Pierre) : Ce sera au choix du patient, O.K., qui pourrait très bien décider de la mettre aux vues de tout le monde. Mais, si tu ne veux pas que tout le monde la voie, il y a un bon toutou. O.K.? Mais on ne devrait pas aller jusque-là dans le balisage de ça. O.K.? Je pense que ça devrait être laissé à la discrétion, aux gens.

Mme Charbonneau : C'est à la discrétion de la personne.

M. Ménard (Jean-Pierre) : Mais savez-vous ce qui arrive? C'est que je pense, moi, c'est de transparence, O.K., tout simplement. Puis, écoutez, je pense que ça veut dire qu'ici, là, on n'a rien à cacher, on est ouverts, on est transparents. Puis, écoutez, si vous voyez des choses sur la caméra qui peuvent nous aider à donner des meilleurs soins, bravo! Dites-nous-le, on va bien vous accueillir. C'est ça, je pense, l'esprit avec lequel il faut travailler ces choses-là.

Mme Charbonneau : Tu as-tu quelque chose... Il me reste combien de temps?

Une voix : ...

Mme Charbonneau : Il me reste quatre minutes? Yé! Vous nous suggérez une modification au principe qui veut... la possibilité de s'ouvrir sur le secret professionnel, hein, sur cette volonté-là. Ce matin, on a rencontré, quand même, les gens de différents ordres, et certains sont bien frileux par rapport à cette possibilité de...

M. Ménard (Jean-Pierre) : Je ne connais pas un ordre professionnel qui ne sera pas frileux, O.K., le pire étant mon ordre. O.K.? Je le dis avec fierté pour le...

Mme Charbonneau : Merci de le souligner!

M. Ménard (Jean-Pierre) : Non, non, mais c'est des préoccupations bien légitimes du Barreau parce qu'il y a une pression large du public. Bon. Mais, par ailleurs, si on regarde un peu tout l'esprit de la loi par rapport aux exceptions au secret professionnel — puis il y en a une trâlée, en passant, peu importe ce qu'on peut dire, mais il y en a un grand, grand nombre, dans le domaine de la santé particulièrement — ce qu'on voit, c'est qu'il y a toujours une justification qui permet de le faire. D'habitude, ça va être un intérêt public, un intérêt de protection. Le meilleur exemple, c'est pour la jeunesse. Moi, je ne pense pas qu'il faut aller au signalement obligatoire, là. Mais, dans la mesure où on veut protéger des personnes vulnérables, un peu comme on permet le signalement au Curateur public — 270 du Code civil — de gens qui sont inaptes et en besoin de protection, c'est un signalement qui est permis là pour fins de protection, alors, quand c'est pour ce type de fin là... Puis, sans être paternaliste, là, pour ce type de fin là, on se rend compte que le secret professionnel est appliqué avec beaucoup plus de flexibilité, tout en protégeant... Parce que comprenons bien, moi, je propose de l'atténuer, mais pour une seule fin, envoyer de l'information au commissaire aux plaintes, point. Pas aux médias, pas à qui que ce soit non autorisé, là, juste à une seule personne. Alors, on est dans l'application rigide des exceptions, mais la base de l'exception, elle devient plus large pour favoriser — puis c'est ça, ce qui est important, là — la lutte contre la maltraitance.

Mme Charbonneau : C'est ça.

M. Ménard (Jean-Pierre) : Alors, il faut viser large si on veut que ça se fasse.

Mme Charbonneau : Le travail non seulement de divulgation, mais de prévention aussi.

M. Ménard (Jean-Pierre) : Oui, tout à fait. Puis comprenons bien aussi, c'est que l'exception, il faut penser à une chose, là, c'est interne à l'établissement, alors un peu comme, par exemple, on a un processus de déclaration obligatoire des accidents, incidents. O.K.? Alors, le patient, on ne lui demande pas avant s'il est d'accord pour qu'on déclare qu'on a eu une erreur de médicament, la loi dit : Vous êtes obligé de déclarer. Mais c'est déclaré à qui? Au comité de gestion de risques. Ça ne va à personne d'autre, puis tout ça, c'est protégé. Alors, on n'est pas dans de grosses exceptions puis dans des changements fondamentaux aux règles, là. On a l'infirmière de l'établissement, ou le préposé, ou le médecin qui signale à quelqu'un d'autre de l'établissement, qui s'appelle le commissaire aux plaintes, une situation comme ça. Alors, écoutez, moi, là, je ne pense pas qu'on est dans de grandes infractions.

Mme Charbonneau : J'y vais rapide, puis peut-être que vous ne l'avez pas... Je vous en lance une qui sort de nulle part, là. Le comité sociojudiciaire qu'on veut mettre en place partout au Québec, c'est-à-dire un beau mélange de monde qui vont... ma problématique, c'est la divulgation d'informations personnelles par le DPCP alentour de cette table-là avec la Sécurité publique, avec d'autres membres qui sont là pour bien accompagner l'aîné. Vous en pensez quoi, de cette confidentialité-là? Doit-elle être protégée ou doit-elle... Doit-il y avoir un lieu où on peut avoir des échanges francs sur des informations privées de quelqu'un?

• (16 h 40) •

M. Ménard (Jean-Pierre) : Moi, je pense que tout ce qui est nominatif, qui permet d'identifier une personne, on doit essayer de protéger le caractère privé de ça. Par contre, une fois qu'on a dénominalisé, on devrait être capable, en comité, ici, de discuter d'un cas avec une série de paramètres même très personnels, mais qui ne permettent pas d'identifier la personne aussi. Alors, je pense que, là-dessus, c'est des équilibres. O.K.? Parce que, si on regarde la protection du secret professionnel, là, ce n'est pas un dogme, c'est un droit fondamental avec une série d'atténuations. Puis l'atténuation, elle n'est pas compliquée, c'est quand c'est permis par la loi. Alors, c'est la loi qui est la mesure d'atténuation de ces règles-là. Il n'y a rien au-dessus de la loi qui empêche... Alors, c'est des choix politiques, des fois, du législateur, des choix d'opportunité par rapport aux intérêts qui sont en cause. Alors, moi, je vous dis, en matière de maltraitance, c'est un problème qui est tellement fondamental dans la société, là, dans le système de santé, qu'il faut qu'on ait peut-être des remèdes plus originaux puis qu'on fasse preuve d'audace. On ne traitera pas la maltraitance si on reste dans des sentiers très battus.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie et je cède la parole au député de Rimouski.

M. LeBel : Merci, M. le Président. Bonjour. J'ai beaucoup aimé ce que vous avez parlé, sur la caméra vidéo. Ça dédramatise un peu l'affaire. Tu sais, on part ça gros, on se dit : Là, il va y avoir des caméras qui surveillent tout le monde tout le temps. Mais, de la manière que vous l'amenez — puis j'ai écouté les gens du Barreau aussi, là, sur le consentement des personnes — la vie privée des... je trouve qu'il y a quelque chose là, pour avancer là-dessus, qui dédramatise un peu les choses.

Mais ma question est plus sur... Vous avez parlé, là, du commissaire aux plaintes, là, puis d'un projet d'amender l'article 48 pour... Dans le fond, ce que vous dites, c'est : Il faut préciser un peu le circuit, là, de... Du moment où on détecte une plainte ou on fait un signalement, quand ça embarque dans la machine à saucisse, il faut que ça fonctionne, il faut savoir où on va puis que... Puis ça, je vous le dis, là, depuis deux jours, des... Puis il y a des groupes, des fois, qui nous ramènent d'autres choses. Aujourd'hui, il y avait un groupe qui a proposé un protecteur des aînés, puis, tu sais, à un moment donné, là, je ne sais plus trop où on va se rendre. Il y a aussi la loi sur les lanceurs d'alerte qu'on vient d'adopter, où on parle que des lanceurs d'alerte, c'est le Protecteur du citoyen qui serait l'organisme qui reçoit les plaintes. L'article 48, c'est plus la CDPJ, 115, c'est le commissaire aux plaintes. Vous remettez en question un peu son indépendance.

J'aimerais ça que vous... Vous avez l'expérience de ça. Moi, je suis un nouveau là-dedans, je ne connais pas trop... mais comment vous voyez ça?

M. Ménard (Jean-Pierre) : Alors donc, essentiellement... Puis, écoutez, on va se comprendre, le commissaire aux plaintes... Je ne mets pas en doute la bonne volonté de chacun de faire son possible, O.K., bon, mais sauf que dans la réalité, moi, ce que j'ai vu, ce que j'ai constaté, dans les cas de maltraitance systémique, les commissaires aux plaintes n'ont aucune influence, aucune capacité, vraiment, d'influencer les choses, ils ne touchent pas à ces questions-là. Ce qu'on va dire, essentiellement, c'est que... Regardez, oui, il a parlé que votre mère, votre père est trop souvent souillé, malheureusement, problème de ressources. C'est pour ça que moi, j'ai proposé qu'on modifie l'article 13 de la loi... services sociaux pour dire que le droit au service, qui peut être limité par les ressources, doit s'appliquer sous réserve des obligations de l'établissement en matière de maltraitance. On ne doit pas couper les ressources jusqu'à générer de la maltraitance. Alors, autrement dit, là, la protection contre la maltraitance, ça devrait être la ligne rouge à ne pas franchir pour n'importe quel décideur du réseau en matière de réduction de l'offre de service. Il y a une ligne rouge, là. O.K.? Puis je pense qu'actuellement je ne suis pas sûr si, dans plusieurs milieux, elle n'est pas déjà franchie.

Bon, alors, moi, ce que je pense qu'il faut faire, c'est à éviter de créer d'autres structures. O.K.? Le protecteur des personnes âgées, bien oui, ce serait peut-être intéressant, mais là on crée une bureaucratie. Puis il va faire quoi, ce protecteur-là? Bon, on a un Protecteur du citoyen qui est là, qui a un pouvoir de recommandation. Là, ce qu'on voit, c'est une tendance récente, les recommandations du protecteur en matière de santé sont de moins en moins suivies par le réseau. Avant, c'était 99 point quelques pour cent de ce que le protecteur recommandait qui était appliqué par l'État. Dans les réseaux de la santé, là, on commence à développer une résistance, là. On a des antibiotiques qui ne sont plus efficaces, là, bon, ou des bactéries qui sont résistantes aux antibiotiques, bien là le réseau de la santé commence à être résistant au protecteur, bon, parce que les pouvoirs du protecteur, c'est le pouvoir de recommandation, un pouvoir moral très fort encore, mais plus limité. Bon, alors moi, ce que je pense, c'est que je pense que le message fort qui doit être envoyé en matière de prévention de la maltraitance... Puis on comprend que c'est des cas exceptionnels, là, mais c'est qu'il existe des moyens coercitifs. Pas de recommandation puis pas de suggestion, mais coercitifs, un certain stade pour ça. N'oublions pas, par ailleurs, que la commission des droits, lorsqu'elle intervient, a d'abord un pouvoir de médiation.

Donc, essentiellement, il ne faut pas penser que ça sera tout judiciarisé d'un coup, puis c'est clair qu'il faut penser que, dans beaucoup de cas, on sera capables de régler les choses sans l'avoir judiciarisé, trouver des solutions acceptables pour les victimes aussi. Parce que le but de tout ça, c'est faire cesser la maltraitance dès qu'elle est constatée, puis ça, la commission a le pouvoir d'urgence, l'article 81 de la charte le prévoit. Il n'y a pas d'autre organisation qui a ces mandats-là, parce que j'ai cherché à voir qu'est-ce qu'il y avait dans le système actuel qui serait utile, puis ça, c'est là. On n'a pas besoin de créer puis de faire des nouvelles affaires, bon, sauf que, là, évidemment, est-ce que la commission veut cette juridiction-là? Actuellement, ils ne courent pas après aucune juridiction. Ils ont un certain degré de difficulté, même, à assumer dans des délais corrects les juridictions qu'ils ont, mais ça, c'est une autre sorte de problème. Mais je pense qu'on n'a pas à faire le choix en fonction, je vous dirais, de la vision que les gens ont de leur mandat. Je pense que la loi a défini ces mandats-là. Mais je pense qu'il est nécessaire qu'il y ait quelque chose d'extérieur au système de santé qui vienne dire au système de santé : Ça, ça n'a pas de bon sens. Le Protecteur du citoyen, ça se peut, mais là je vous dis juste, là, que j'ai des craintes sur la résistance du système, actuellement. Là, la commission des droits, elle a le pied dans le système judiciaire si nécessaire. C'est beaucoup plus puissant, plus dissuasif, quant à moi. Puis aussi c'est que la commission, même si ce n'est pas parfait, a une certaine crédibilité, là. On critique beaucoup la commission, il faut la critiquer encore, mais je pense quand même que ça peut...

Alors, c'est pour ça que je pense que, si on regarde tout ça, peut-être que le calibre du fusil qu'on a pour se battre contre la maltraitance à travers de la 115, on est à peu près à l'époque des fusils à plomb, là. Alors, peut-être que ça aurait besoin d'un gros canon.

M. LeBel : Oui. Bien, je pense, ça va être important, là, qu'on trouve les amendements au projet de loi pour améliorer ça, mais ça veut dire... Concrètement, là, il y a une plainte, il y a un signalement dans un établissement, la plainte serait faite au commissaire aux plaintes?

M. Ménard (Jean-Pierre) : Regardez, moi, ce que j'ai proposé, essentiellement, c'est que t'appelles une fois le commissaire aux plaintes, puis, quand le commissaire aux plaintes considère que la plainte est soit d'allure systémique ou encore qu'il estime ne pas avoir les pouvoirs ou l'autorité suffisante pour la traiter, qu'il puisse la référer à la Commission des droits de la personne immédiatement. Je pense, ça serait une articulation comme ça parce qu'il faut un véhicule quelque part, il faut un guichet, là.

M. LeBel : O.K. Sur le systémique, vous dites, là : Il y a un niveau de service qu'il faut donner, sinon c'est de la maltraitance. Mais, tu sais, je vois...

M. Ménard (Jean-Pierre) : C'est le niveau de service en deçà duquel il ne faut pas descendre. C'est un petit peu différent.

M. LeBel : C'est ça, O.K. Mais, si ça descend parce qu'il n'y a pas les ressources, pas le financement, pas rien, qu'est-ce que vous voulez que les gens du CISSS font? Ils ne font rien, là.

M. Ménard (Jean-Pierre) : Regardez bien, mais, à ce moment-là, c'est parce que ce qui arrive, c'est que... Alors, d'une part, je pense que c'est un problème que ce soit vu par des yeux externes au système de santé, porter un jugement là-dessus parce que peut-être qu'à l'intérieur du système on ne s'en aperçoit pas puis on a tellement l'habitude de faire ces choses-là qu'à un moment donné on ne le voit plus. Alors donc, essentiellement... Alors, si on voit, effectivement, que c'est un problème de ressources qui génère de la maltraitance, bien, d'abord, un organisme indépendant comme la Commission des droits de la personne peut aussi très bien s'adresser au gouvernement puis dire : Écoutez, on a problème là, les ressources sont d'une nature telle qu'on a développé des pratiques de maltraitance par privation, les gens, les besoins de base ne sont plus satisfaits.

Bon, ça, ça peut avoir un caractère public, puis ça, je pense que la population... Quant à moi, ce que je vois, là, les gens n'aiment pas qu'on maltraite les personnes âgées. Les personnes âgées nous ont donné la société qu'on a, on leur doit énormément, puis là le retour d'ascenseur qu'on fait, c'est qu'on les envoie au sous-sol. Alors, ça, ce n'est pas acceptable. Alors, je pense que, quand ces choses-là deviennent publiques, il y a un levier là qui est important pour, quelque part, qu'on trace une ligne. Je ne pense pas qu'il y a un gouvernement qui va dire : Bien, écoutez, on ne peut pas faire autrement. On va adresser ça, puis on va attaquer ça, puis le but, c'est d'aider les personnes.

M. LeBel : Très d'accord avec vous, là, je suis en plein dans ce sens-là, mais, pour ça, il faut bien identifier c'est quoi, la maltraitance, il faut que tout le monde s'entende sur quoi...

M. Ménard (Jean-Pierre) : Tout à fait. Bien, c'est pour ça qu'on n'a pas une définition qui... parce que la maltraitance, on n'y gagne pas non plus pour la prévenir si on a une définition qui est très étroite, hein, où quasiment rien n'est de la maltraitance. Il ne s'agit pas que tout soit de la maltraitance. Regardez, moi, je fais des cas d'erreurs médicales. Tous les cas d'erreurs médicales ne sont pas de la maltraitance, mais il y en a qui en sont. Comprenez-vous l'idée? Alors, quand ça en est, bien là je pense qu'il faut agir, bien, aussi un peu comme, par exemple, l'exploitation. Toute forme d'exploitation, au sens de la charte, est de la maltraitance, mais toute forme de maltraitance n'est pas de l'exploitation. Alors donc, il faut être capable, donc, de comprendre ces... puis de les distinguer juridiquement aussi, puis d'essayer d'avoir une définition qui est la plus opérationnelle possible. C'est pour ça que j'ai fait quelques suggestions, mais, évidemment, ça... Et puis ce n'est pas le sujet, là, mais alors qu'on s'entende bien sur ce que c'est, de la maltraitance.

Puis la maltraitance, aussi, ce qui est intéressant, c'est qu'avec l'expérience qu'on a à la fois avec des litiges judiciaires, où les tribunaux se sont prononcés pour dire : Ça, ce n'est pas acceptable, ça, ce n'est pas acceptable, les rapports du Protecteur du citoyen, la littérature scientifique, on sait pas mal aujourd'hui, à tout le moins, les principales pratiques de maltraitance : la maltraitance par privation, ne pas donner les services; la maltraitance aussi par action, autrement dit, dénigrement, tutoiement, abus, isolement. Bon, c'est sûr que l'imagination humaine peut permettre d'en trouver d'autres, là, mais moi, je fais confiance aux gens du réseau puis aux citoyens de percevoir ces choses-là.

M. LeBel : Je vous remercie. Merci beaucoup.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie. Je cède la parole au député de Lévis.

• (16 h 50) •

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Me Ménard, Me Dontigny, Me Dutrisac, merci d'être là. Je vais revenir, je fais du chemin également... C'est très intéressant parce que vous avez parlé de maltraitance individuelle, de maltraitance organisationnelle. On arrive avec ce que vous nous dites : On ne doit pas couper les ressources qui pourraient générer de la maltraitance. Cependant, force est de constater qu'actuellement les ressources sont telles qu'on a l'impression que des services ne sont pas rendus. La difficulté, c'est d'établir le seuil où c'est acceptable, où ce ne l'est plus non plus. Puis, si on veut être coercitif, il faut montrer du doigt quelqu'un. Est-ce que je comprends que, si tout ça est fait, dans la chaîne, là, on établit tout ça, à la limite, un gestionnaire pourrait être accusé de maltraitance en fonction de ce qu'on est en train de définir ensemble?

M. Ménard (Jean-Pierre) : Bien, ce qui arrive, regardez, c'est que je pense que la prévention de la maltraitance, ça doit être aussi un principe de gestion. O.K.? On a l'article 3 de la loi des services de santé et services sociaux — je l'ai mis dans mon texte, là — où on dit : Pour l'application de la présente loi, les lignes directrices suivantes guident la gestion et la prestation des services... est la personne qui les requiert... le respect des droits... doivent inspirer les gestes... Puis on dit aussi que la personne doit être traitée avec courtoisie, équité et compréhension, dans le respect de sa dignité, autonomie, besoins. Y aurait-u lieu, peut-être, de rajouter là aussi, comme principe de gestion, la prévention de la maltraitance? Parce qu'un gestionnaire qui affecte des ressources puis qui décide un modèle organisationnel, bien, il doit avoir derrière la tête la nécessité de rendre des services de qualité, des services adéquats puis de ne pas maltraiter.

Parce que les gestionnaires aussi, il faut qu'ils soient imputables. Là, le problème, c'est que ça, ces décisions-là se prennent puis il n'y a personne qui est imputable. On dit : Ah! problème de ressources, mais qui a décidé de l'allocation des ressources, O.K., alors, autrement dit, qui a décidé qu'on priorisait telle chose plutôt que telle chose? Bien, c'est parce qu'il y a des clientèles à l'intérieur des CISSS qui sont actuellement nettement défavorisées. Les CISSS ont favorisé beaucoup, beaucoup le développement d'un modèle très médicalisé au détriment des services sociaux. Alors là, par exemple, en déficience ou des clientèles comme ça, actuellement, là, c'est les parents pauvres. Mais l'idée, c'est que, dans notre système de santé, puis là c'est un jugement très personnel que je porte, il manque beaucoup d'imputabilité.

M. Paradis (Lévis) : À la limite, si on réfléchit à voix haute, là, en fonction de ce qu'on se dit, là, dans le meilleur des mondes, bien sûr, là, qu'on pourrait remonter jusqu'aux choix politiques faisant en sorte qu'on décide d'actions concrètes dans un système de santé.

M. Ménard (Jean-Pierre) : Tout à fait.

M. Paradis (Lévis) : Je fais une parenthèse parce que... J'ajoute même : Si on réfléchit encore davantage — puis souvent nos aînés le disent, puis leurs enfants nous le disent — on est les clients de demain. Nos demandes seront plus élevées. C'est qu'à la limite, en fonction de la clientèle, le seuil, il est variable et évolutif.

M. Ménard (Jean-Pierre) : Mais c'est très égoïste, on travaille tous pour nous autres ici, là.

M. Paradis (Lévis) : C'est un fait.

M. Ménard (Jean-Pierre) : Oui, on peut se le dire.

M. Paradis (Lévis) : Vous dites : Facilitons le cheminement puis la façon de faire... Article 48, on ajoute «et de maltraitance», ce qui va permettre d'avoir un accès direct, notamment... La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse... On a reçu l'un comme l'autre, le Protecteur du citoyen, commission des droits, qui disaient : C'est important que les gens sachent qu'on est là comme deuxième instance. Alors, le fait d'ajouter et de modifier, ceci change quoi dans les faits dans la mesure où, de toute façon, les gens ont cet accès-là ou à la commission ou au protecteur?

M. Ménard (Jean-Pierre) : Bien, actuellement, la Commission des droits de la personne ne court pas après la juridiction là-dessus. La commission a juridiction sur l'exploitation. Exploitation, maltraitance, c'est deux choses bien différentes. Si on examine un cas de maltraitance puis on conclut que la personne n'avait pas l'intention... ne tire pas d'avantages personnels de ça ou qu'il n'y a pas de rapport de force avec une personne, on va dire : Bien, écoutez, c'est malheureux, ce n'est pas de l'exploitation au sens de la charte, et on vous remercie beaucoup d'avoir porté plainte.

Alors, moi, je pense qu'il faut élargir la portée de ça pour que la commission ne doute pas de sa juridiction ou qu'on ne commence pas, pour des raisons... parce qu'on n'a pas beaucoup de ressources d'enquêteurs, à appliquer de façon étroite ces concepts-là. Parce qu'en matière de protection de gens vulnérables, là, comme disait Mme Michelle Obama dans la... il faut viser haut. O.K.? Visons loin, n'ayons pas peur d'être audacieux, c'est la seule façon de le faire. Si on a une approche qui est frileuse puis étroite, ça ouvre la porte à n'importe quoi.

M. Paradis (Lévis) : On a tous envie de faire un coup de circuit. Dans le meilleur des mondes, ça fera un coup sûr, on avancera sur les sentiers, tant mieux. Alors, le but de l'exercice, ce n'est pas de se faire retirer. C'est la même chose dans ce dossier-là.

J'arrive avec les caméras parce que c'est un dossier qui est important également, dont on a souvent parlé. Est-ce que je comprends que, du fait que... Et, depuis 2015, il y avait un avis du Protecteur du citoyen, il y avait cet avis du comité sur l'utilisation des caméras, donc, et puis il a été convenu que c'était légal. En 2015, c'était déjà légal, tu sais, on disait : Vous avez le droit sans demander de permission. On arrive avec des orientations ministérielles, mais, eu égard à cette légalité-là, est-ce qu'on aurait pu déjà édicter, présenter un règlement pour baliser l'application sans attendre nécessairement l'adoption d'une loi comme la 115?

M. Ménard (Jean-Pierre) : Bien, écoutez, d'après moi, je penserais que oui, mais, écoutez, là, quel est le meilleur véhicule? Parce que, là, je pense que, dans la mesure où on a une loi habilitante puis qui s'inscrit aussi dans un contexte de maltraitance, moi, je vous le dis, les caméras, ça a beaucoup de sens dans le contexte de la prévention de la maltraitance. Si on ne parle pas de maltraitance, si on parle juste de façon générale... réseau de la santé, peut-être, ça n'aura pas la même connotation. Mais, si on associe les caméras à la protection contre la maltraitance, je trouve que ça a un sens beaucoup plus puissant, quant à moi, aussi.

M. Paradis (Lévis) : En 10 secondes, Me Ménard. Parce que l'orientation ministérielle et le règlement à venir proposent, en tout cas, une avenue concernant les centres d'hébergement et de soins de longue durée, CHSLD, réseau public, est-ce qu'on devrait étendre ça également aux résidences privées? Il y en a 1 850.

M. Ménard (Jean-Pierre) : Bien, si on veut être concordant avec le reste du projet de loi n° 115, ça devrait toucher les RI, les RTF et les RPA. O.K.? Parce que 115, c'est une loi sur la protection contre la maltraitance dans le système de santé. O.K.? Alors donc, ça devrait comprendre les organisations, puis moi, je serais d'avis que le règlement devrait également s'appliquer partout où il y a un chez-soi pour les gens.

M. Paradis (Lévis) : Merci.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie de votre contribution au sein de nos travaux et je suspends les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 56)

(Reprise à 17 heures)

Le Président (M. Matte) : Alors, sans plus tarder, je souhaite la bienvenue au Regroupement québécois des résidences pour personnes aînées. Alors, je vous invite à vous présenter et je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour faire un exposé, et par la suite nous allons procéder à un échange de la part des membres.

Regroupement québécois des résidences pour aînés (RQRA)

M. Desjardins (Yves) : Excellent. Merci beaucoup. Alors, mon nom est Yves Desjardins, je suis le président-directeur général du Regroupement québécois des résidences pour aînés. Je veux d'abord vous remercier, tous les membres de la commission, Mme la ministre, M. le Président, pour nous donner l'opportunité de pouvoir exprimer notre point de vue, étant donné que le projet de loi sur la maltraitance vise bien sûr les résidences pour aînés.

Alors, le Regroupement québécois des résidences pour aînés, RQRA, représente plus de 700 résidences privées pour aînés réparties sur l'ensemble du territoire québécois. Nos membres offrent aux aînés autonomes ou en perte d'autonomie près de 80 000 unités locatives. Comme association, nous nous efforçons de promouvoir l'efficacité, l'efficience et la qualité des services offerts par nos membres à la clientèle. Nos actions et représentations n'ont qu'un but, faire en sorte d'offrir des milieux de vie sécuritaires aux aînés, où ils pourront recevoir les services et les soins d'assistance qui leur permettront de conserver aussi longtemps que possible leur autonomie et la liberté d'organiser leur vie.

Le RQRA se réjouit que le Québec se dote d'une première loi visant à contrer le phénomène de la maltraitance. Mais, pour en augmenter l'efficacité, nous soumettons à la Commission des relations avec les citoyens les recommandations suivantes.

Premièrement, augmenter la portée de la loi en retirant de son article 3 les références au fait qu'elle s'adresse aux personnes qui font l'objet de maltraitance et qui reçoivent des services de santé et des services sociaux, ce, afin d'éviter que les aînés qui sont aussi victimes de maltraitance mais qui sont isolés, qui ne reçoivent aucun service d'un établissement et dont le réseau social est réduit ne soient laissés pour compte. À défaut de modifier le projet de loi dans ce sens, nous croyons que son nom doit être modifié pour mieux identifier les personnes à qui il s'adresse.

Deuxième recommandation. Par souci d'équité envers les résidences privées pour aînés, nous souhaitons associer aussi le commissaire régional aux plaintes et à la qualité des services, qui connaît mieux le milieu et la culture des RPA que le commissaire local, tout ça à la réception et au traitement des plaintes de maltraitance des personnes en situation de vulnérabilité, portées en vertu de la loi.

Nous recommandons également de mieux baliser deux choses. Premièrement, le processus de traitement des signalements, au sujet de la façon dont seront traités les signalements frivoles, vexatoires ou sans fondements, du lien qui doit être établi entre une mesure de représailles et un signalement de maltraitance, du recours dont doit pouvoir se prévaloir la personne qui fait l'objet d'un signalement. Le deuxième point étant le processus d'intervention, pour que l'article 3 mentionne aussi quel type d'aide sera apportée aux victimes de maltraitance ou de quelles ressources elles pourront disposer pour que les centres intégrés de santé et de services sociaux adaptent leurs politiques de façon à y inclure les mesures de lutte à des formes de maltraitance qu'on observe plus fréquemment dans les milieux d'hébergement collectifs comme les RPA, notamment l'intimidation et le harcèlement.

Dernière recommandation, bien baliser l'utilisation des mécanismes de surveillance, tels que les caméras ou tout autre moyen technologique, de façon à assurer le respect des principes fondamentaux que sont le droit au respect de la vie privée des résidents et des employés des RPA ainsi que le droit à la dignité des résidents, tout en prévenant les situations de maltraitance. Voilà.

Le Président (M. Matte) : Merci. Alors, on débute notre période d'échange, je cède la parole à Mme la ministre.

Mme Charbonneau : Merci, M. le Président. Bonjour.

M. Desjardins (Yves) : Bonjour.

Mme Charbonneau : Comment ça va?

M. Desjardins (Yves) : Ça va bien. Vous?

Mme Charbonneau : Ça va bien. On se connaît d'une autre vie, hein?

M. Desjardins (Yves) : Oui, c'est ça.

Mme Charbonneau : Il y a de ça très longtemps, on était tous les deux dans le monde scolaire, donc on s'est rencontrés là. Puis on s'est retrouvés au moment où j'ai pris le chapeau de ministre responsable des Aînés, pour savoir que vous étiez encore une fois sur le même chemin que moi pour le travail. Donc, ça fait toujours plaisir de vous revoir.

M. Desjardins (Yves) : Merci, madame.

Mme Charbonneau : Et c'est toujours un plaisir pour moi de vous rappeler que non seulement je suis restée dans le même giron, mais dans mon comté il y a l'IPIQ maintenant, ça fait que je suis vraiment doublement gâtée. L'IPIQ étant l'école de pompiers de la commission scolaire de Laval, d'ailleurs la seule école de pompiers publique au Québec. Ça fait que ça me fait toujours plaisir de le dire.

Vous avez donné certaines recommandations, et je les entends. Je veux juste corriger le tir sur une chose, puis permettez-moi de le faire, je le fais bien humblement. Le commissaire régional aux plaintes n'existe plus. Il n'existe plus. Il y a maintenant juste le commissaire local aux plaintes. Donc, celui-là n'existe plus, mais j'ai bien entendu votre propos quand vous dites : Il y aurait peut-être une importance à ce qu'il y en ait un plus local que celui qui est dans les institutions. Mais je vous entends quand vous dites : Un plutôt que l'autre.

Dans le principe du projet de loi n° 115, sur lequel vous vous prononcez aujourd'hui, il y a aussi cette volonté d'avoir une politique dans chacune de nos institutions. Nous, au départ, à l'intérieur du projet qu'on a écrit, il y a nécessairement une volonté d'imposer quelque chose aux institutions de la santé. Mais, nonobstant l'aspect partenariat, vous êtes quand même au premier plan qui abrite des gens aînés. Et de ce fait, croyez-vous qu'il serait intéressant, plausible? Et vous la voyez comment, cette politique, si on avait — ...

Une voix : ...

Mme Charbonneau : ...à vos souhaits! — à vous demander... Des fois, ça ne vient pas tout seul, ces affaires-là, par exemple. Il y en a tout le temps un, deux trois. Là, je vous checke, là, deux, hein? Ne sursautez pas personne, ça se peut qu'il y en ait un autre qui arrive. Quelles seraient les mesures incontournables à mettre dans une politique de lutte contre la maltraitance, dans une institution qui pourrait être un de vos membres, là? Prenons-en un type parce que vous avez des résidences qui sont quelquefois très différentes une de l'autre en âge, en... je ne dirai pas en contenu, mais en nombre de pièces qu'il y a et aussi en services parce que vous avez de un jusqu'à trois, je pense. Donc, j'aimerais vous entendre sur ce principe.

M. Desjardins (Yves) : Merci, Mme la ministre. Vous me donnez justement l'occasion, je m'étais promis, j'ai dit : Il faut absolument que je leur parle de ça, c'est notre milieu. Puis j'entendais Me Ménard, juste avant moi. On n'est pas des établissements de santé. Les gens nous confondent souvent, ils disent : Bien, vous faites partie du réseau de la santé. Quand on regarde l'article 79 de la Loi sur la santé, nous sommes des habitations. Je répète aux gens que, quand vous parlez de résidences pour aînés, il faut penser bungalow, il faut penser meubles locatifs, les gens signent un bail, c'est un choix qu'ils font de venir vivre en résidence pour aînés. On en est bien heureux. Alors, il faut que ce soit différemment.

Par contre, il existe un règlement sur la certification des résidences privées pour aînés au Québec qui relève du ministre de la Santé, lequel, je pense, apportera, dans sa nouvelle mouture, des recommandations justement sur la bientraitance. Et on veut vraiment parler de bientraitance. Puis je peux vous dire une chose, notre secteur d'activité... Je le dis comme ça parce que nous vendons de la sécurité, c'est ça que nous faisons. Le premier objet pourquoi les gens viennent en résidence pour aînés, c'est pour être en sécurité. Alors, loin de nous l'idée d'accepter quelque forme de maltraitance que ce soit.

Toutefois, et c'est le cas, par exemple, pour les mécanismes de surveillance, il faut comprendre que les gens sont chez eux, c'est leur domicile. Loi pas loi, actuellement, un aîné en résidence pour aînés, qu'il ait une chambre ou un appartement, il a le loisir d'avoir le nombre de télévisions qu'il veut, le nombre de caméras qu'il veut, et on n'a pas à intervenir. À l'inverse, si le propriétaire ou le gestionnaire d'une résidence pour aînés voulait installer une caméra, il ne pourrait pas le faire sans obtenir l'autorisation du locataire puisque c'est son domicile.

Concernant la diversité des résidences pour aînés, la plus petite résidence au Québec contient une unité, la plus grande 1 044 unités. Il y a une panoplie de services allant des repas, des loisirs, à aller jusque... nous, on dit à la porte des CHSLD, où des gens reçoivent une panoplie de services, de soins, à la carte bien sûr, parce que chaque résident, c'est variable. Mais on peut offrir, dans une résidence, de l'aide à la vie domestique, alors que, dans une autre résidence, on va vraiment... de l'aide à la vie quotidienne, où là vraiment on parle de soins. Puis on a des gens atteints de déficits cognitifs, dans certaines résidences, ce ne sont pas toutes les résidences. Alors, c'est un spectre qui est très, très large.

C'est pour ça qu'il y a un peu plus de 1 800 résidences pour aînés au Québec. Nous, on en représente 700. Mais la variété des résidences pour aînés fait en sorte qu'il faut vraiment composer avec une réalité différente. Ceci dit, moi, je pense que les résidences pour aînés vont toujours... du moins le Regroupement québécois des résidences pour aînés, offrir sa collaboration pour mettre en place des politiques, Mme la ministre, dans chacune des résidences pour aînés qui sont membres du RQRA.

• (17 h 10) •

Mme Charbonneau : Merci, M. Desjardins. Par contre, vous le disiez, hein, vous n'êtes pas une institution de la santé. Vous avez raison. Par contre, il y a un déploiement de services de la santé quelquefois dans vos installations pour toutes...

M. Desjardins (Yves)T : Le maintien?

Mme Charbonneau : C'est ça. Pour toutes sortes de...

M. Desjardins (Yves) : Bien sûr.

Mme Charbonneau : ... raisons, on a des gens de la santé qui vont chez vous. Et, vous savez, le principe même du projet de loi n° 115 ne s'adresse pas juste aux gens qui donnent des services. Et c'est là que je veux peut-être un peu vous rassurer. On a malheureusement un constat d'une société où quelquefois le lien de confiance entre l'aîné et un membre de sa famille est brisé par un geste inacceptable. Plus souvent qu'autrement d'ailleurs notre difficulté qu'on voit, c'est la divulgation de ça. La personne aînée va tarder avant de la faire, parce qu'elle juge que c'est peut-être un comportement temporaire, peut-être que ça ne durera pas. Des fois, on peut dire : C'est l'adolescence, ou c'est un manque de sous au moment où la personne vient interpeler l'aîné. Quand c'est un voisin, bien, des fois, c'est parce qu'il lui rend bien des services puis là il est impatient, ça fait que, tu sais, il a fait ça, mais ce n'est pas grave.

Ce qu'on veut faire à partir du projet de loi n° 115, mais depuis longtemps, c'est de dire, un, et ça, je vous dirais, je suis heureuse que ma collègue, mon ex-collègue, Mme Blais, l'a fait, c'est nommer la maltraitance, dire que ça existe. Pour l'enrayer, pour la prévenir, pour la détecter, il faut être capable de dire que ça existe. Il faut aussi être capable de dire que ce ne sont pas juste des gens qui donnent des services, qui posent des gestes. Ça peut être aussi quelqu'un de confiance. Et là, quelqu'un de confiance, bien, j'étire la sauce très, très loin, parce que ça peut aller très loin.

Donc, quand on parle d'une politique mise en place, j'entends votre volonté puis je n'avais pas de doute, là, sur le fait que vous n'avez aucune contrainte à mettre en place dans vos installations une politique. Mais vous voyez cette implication-là ou cette obligation-là de façon favorable, mais diversifiée dépendamment de la grosseur de l'établissement, ou vous voyez un enlignement très sûr et très clair, un signe du gouvernement qui dit : C'est ça, la politique, ou vous nous voyez vous laisser certaine latitude pour adapter à chacun des milieux? Puisque vous avez un privilège, c'est que la plupart de vos résidences ont des gens fort autonomes qui réclament plus de récréologie que de soins parce qu'ils veulent bouger, ils veulent nager, ils veulent aller au golf, ils veulent aller se promener plutôt que des gens qui ont besoin de soins. Donc, la question est plus : Est-ce qu'on devrait avoir une diversification ou des lignes claires qui font en sorte qu'on doit imposer à tout le monde la même ligne?

M. Desjardins (Yves) : Vous savez, on ne représente qu'une partie, hein, des... malgré toute la bonne volonté du Regroupement québécois des résidences pour aînés. Il reste qu'il y a des résidences qui ne sont pas membres. Moi, je vois très bien qu'il y ait une politique qui s'applique à l'ensemble des résidences pour aînés.

La ligne, Mme la ministre, elle est mince entre la surveillance et d'infantiliser les aînés. Parfois, on s'approche un peu pour comprendre les comportements. Quand on côtoie des gens quotidiennement, des aînés aussi, on le voit dans leur comportement, par exemple, qu'après la visite de telle personne l'appétit n'y est plus, le sommeil est perdu, on la sent morose. Et d'entrer dans sa vie privée, parfois, ça peut être difficile, et il y a toute une délicatesse à travers ça. Ce n'est pas simple.

Moi, je pense qu'il faut donner les outils. On a la chance, je pense, d'avoir des aînés près de nous. On les a un peu dans notre quotidien, les employés sont à même... et tous ceux qui travaillent, là, les préposés sont, je dirais même, au chevet, là, des résidents, là, ils sont là quotidiennement, il y a des confidences qui sont faites, ils sont à même de déceler les sources de maltraitance. Il faut pouvoir donner à nos gestionnaires, nos propriétaires, mais tous nos employés la possibilité d'avoir recours à des moyens pour aider ces gens-là. Parce que vous avez soulevé de très bons exemples, et je vous dirais que, des fois, la maltraitance n'est pas dénoncée par amour.

Le Président (M. Matte) : Merci, M. Desjardins. Je céderais la parole à la députée de Verdun.

Mme Melançon : Merci, M. le Président. Bonjour.

M. Desjardins (Yves) : Bonjour, Madame.

Mme Melançon : Merci. Merci d'être parmi nous. Très personnellement, moi, je sors d'une campagne électorale où j'ai visité de nombreuses résidences. Et, lorsque vous dites : Il y a différents niveaux, hein, vous parlez d'une unité à 1 044 unités, c'est pas mal ce que j'ai vu, et à différents niveaux aussi, disons-le. Moi, ce qui me préoccupe, on a parlé beaucoup des usagers, et parce que c'est pour les usagers d'abord et avant tout qu'on veut avoir une politique pour contrer, pour lutter la maltraitance, mais j'aimerais qu'on parle encore des préposés parce que j'en ai rencontré plusieurs, des gens qui se dévouent. Et vous, comme regroupement, là, des résidences pour aînés, j'aimerais savoir, selon vous, là, pour que la politique soit bien comprise, pour qu'il y ait une adhésion à cette politique-là, quels devraient être les moyens mis en place par le gouvernement, là, mais de façon rapide pour qu'il y ait une meilleure compréhension. Parce que, là, on parle des usagers, on parle des grands regroupements, mais encore faut-il penser aux travailleurs, puis, pour les atteindre, ce n'est pas toujours aussi évident qu'on peut le penser.

M. Desjardins (Yves) : C'est vrai, votre question n'est pas simple, mais moi, je peux vous assurer... Puis je ne viens pas de ce milieu-là, et je ne suis pas un propriétaire de résidence, et je n'étais pas là avant 2009, puis j'ai découvert des gens... les plus grands défenseurs de la maltraitance, ce sont des gens qui travaillent auprès des aînés. Ils ne travaillent pas là autrement que par vocation, ils les aiment, ils les accompagnent. Et je vous dis, la marche, elle n'est pas très grande pour être capable... Bien, il y a une compréhension, là, bien, bien élaborée, là. Mais, d'une adhésion... moi, je ne suis pas certain qu'on est loin de l'adhésion. Les gens sont déjà à l'affût de tout ce qui est signe de maltraitance.

Notre inquiétude, c'est parfois de dire : Qu'est-ce qui arrive avec la dame qui est seule dans sa maison, à l'autre bout, et elle n'a pas des services de maintien à domicile, elle est laissée pour compte? C'était là notre point, dans notre mémoire, on disait : Bien, d'accord, là, puis, dans les résidences, pas de problème, puis le réseau de la santé, il faut protéger. Mais il y a, quoi, 83 % des aînés qui sont ni en CHSLD, ni en RI, ni en résidence pour aînés. Moi, ça, ça m'interpelle comme citoyen. Je me dis : Ces gens-là...

Puis les gens vivent plus longtemps, on en a beaucoup plus, d'aînés. Je ne ferai pas une démonstration de démographie, vous le connaissez mieux que moi, mais il va y en avoir, des aînés, et il faut trouver des moyens pour sensibiliser pas seulement que les aînés, mais toutes les familles, tous les gens. Je sais qu'il y a des sensibilisations qui se fait chez le personnel des banques, par exemple, qui peuvent déceler un retrait inattendu. On a déjà entendu ces histoires-là. En tout cas, en ce qui concerne mon secteur, les résidences pour aînés, nous, c'est certain qu'on va parler de formation, on va parler d'initier les gens à, dans le fond, connaître toutes les formes de maltraitance.

Parce que, souvent, on dit : Ah! maltraitance, c'est violence physique... Moi, j'ai lu une recherche récemment qui m'a vraiment interpelé parce que... et ça vient du ministère de la Sécurité publique, qui dit que la strate de population qui est la plus victime de maltraitance, c'est entre 54 et 64 chez les hommes, et la maltraitance, elle est financière. Moi, j'étais sûr que c'étaient les dames au-dessus de 90 ans. Ça fait qu'il faut vraiment étendre, élaborer, bien comprendre. Puis je pense qu'aussi avec l'information, la formation puis le souci... Puis ça, c'en est un bel exemple, je pense, qu'il y a une préoccupation tant au niveau du gouvernement que de la société, et c'est pour ça qu'on s'en réjouit. Je pense que c'est un beau geste. Voilà.

Le Président (M. Matte) : Il vous reste un peu moins qu'une minute.

• (17 h 20) •

Mme Charbonneau : Je la prendrais, M. le Président, pour vous rassurer, M. Desjardins. Deux aspects. Un, je reviens au projet de loi parce que c'est pour ça qu'on se voit. Il y a le principe du comité sociojudiciaire. Pourquoi? Parce que celui-ci, qui est le cinquième axe de notre projet de loi, fait en sorte qu'on va au-delà des résidences, au-delà du système de la santé. On parle à monsieur, madame, qui est chez lui, dans sa résidence à lui, puis qui a besoin de services. Le comité fait ça, accompagne quelqu'un qui lève la main pour dire : Je crois que mon voisin vit de la maltraitance. On peut l'accompagner à partir de là.

La deuxième chose, je vous donne leur nom, comme ils sont appelés sur le marché du travail, des ITMAV. C'est une initiative de travail pour aider les aînés en situation de vulnérabilité, mais on les trouve... On a des gens dans le milieu que leur travail, c'est de parler aux organismes communautaires parce que ce sont, comme le dit mon collègue d'en face, des organismes très précieux, mais qui nous soulignent que Mme Tremblay n'est pas sortie de chez elle depuis trop de temps puis que, dans le fond du rang, il y a une maison avec une dame, puis elle est seule. Et là il y a une première visite qui s'organise pour pouvoir les accompagner puis revenir dans le milieu social pour pouvoir faire en sorte qu'ils ne sont plus isolés.

Donc, je voulais juste vous rassurer pour vous dire : Il existe des moyens. Maintenant, il faut juste s'assurer qu'avec le projet de loi n° 115 on fait un premier grand pas pour...

Le Président (M. Matte) : Je vous souligne, Mme la ministre...

Mme Charbonneau : Oui, oui, oui!

Le Président (M. Matte) : ...que vous avez dépassé votre temps. J'invite le député de Rimouski à poursuivre les échanges.

M. LeBel : Merci, M. le Président. Salut. Bonjour. On va jaser un peu, là, j'ai des... On parlait de campagne électorale. C'est vrai, pendant une campagne, tu en rencontres plein. Puis moi, j'en ai fait quatre. J'ai gagné juste la dernière, mais j'en ai fait quatre.

Des voix : ...

M. LeBel : Mais je les ai quand même faites, puis j'en ai rencontré plein, là, puis j'en rencontre plein, des gens, là, des résidences, puis tout ça. C'est assez particulier, les propriétaires de résidences, c'est vrai, les gens, le personnel, c'est des gens qui sont très attachés aux aînés qui habitent là. Ça devient comme une grande famille. Le monde lunche ensemble souvent, tout le monde se... Souvent, les propriétaires vont comme protéger aussi, tu sais, ils vont protéger, s'assurer que ça va bien. Et il y a beaucoup d'amour là-dedans, je le vois aussi, là. Mais souvent ça amène... Des fois, les aînés, ils sont là, ils sont très redevables au propriétaire ou sont très... tu sais, ça devient un peu leur père de famille ou je ne sais pas trop quoi. Souvent, c'est...

M. Desjardins (Yves) : Une deuxième famille.

M. LeBel : Oui. Et je me demande, des fois, comme ça devient très serré, est-ce que... Avant de faire une plainte ou avant de faire un signalement ou dire que ça ne va pas bien, la personne aînée va attendre un peu, tu sais, elle va se dire... Tu sais, ce que je veux amener comme discussion, c'est que... J'essaie de mieux m'expliquer, là. Mais, des fois, je me pose la question. Vous allez me dire, là : Est-ce que les aînés ont ce qu'il faut? Est-ce qu'ils ont la latitude ou est-ce qu'ils ont la... de porter plainte? Des fois, ils aiment mieux ne pas parler pour ne pas faire de chicane ou pour ne pas changer le climat. Des fois, j'ai l'impression, quand je vois les... Des fois, j'ai cette impression-là. Ça se peut-u? Comment on pourrait faire pour s'assurer que les aînés aient la possibilité ou la latitude de porter plainte ou signaler des choses?

M. Desjardins (Yves) : Vous savez, à mon point de vue, mais on en discute beaucoup au niveau de nos membres, c'est vrai à tous les niveaux, puis ce n'est pas peur de représailles. Souvent, les aînés vont dire : Je n'ai plus de temps pour me battre, pour aller là, pour déposer une plainte là. Je parle de façon générale, là, bien sûr, là, on n'est pas dans la maltraitance physique, là. Mais, de façon générale, les aînés, cette génération d'aînés, souvent, c'est : Ça va être correct. C'est froid, mais ce n'est pas grave. Puis les patates sont froides, mais, bof! ils en ont beaucoup à servir. On sent beaucoup une résignation. Puis, d'abord, ils ont eu la vie très dure, il faut le dire, et ils ne s'accrochent pas nécessairement à beaucoup de choses.

Alors, souvent, un premier geste, c'est vrai, mais ce n'est pas par peur de représailles. Souvent, c'est parce qu'il ne doit pas être dans une bonne journée. Ou est-ce que j'ai fait quelque chose pour lui déplaire? C'est vrai à l'endroit d'un employé, c'est vrai à l'endroit d'un enfant qui visite aussi son parent. Les aînés, on le sait, ce n'est pas des gens qui sont portés à aller se plaindre tout le temps. Ils se plaignent pour des petites choses, mais ce n'est pas des gens qui vont entamer des processus pour relever. C'est là que je parle que, nous, on doit être vigilants, les propriétaires, les employeurs, les gestionnaires, les employés, tout le monde. On remarque quand qu'il y a des changements de chiffres, M. LeBel, il y a toute cette communication-là : Elle ne va pas bien, madame, aujourd'hui, je ne sais pas ce qu'elle a, mais surveillez. Et on rattache ça à des événements, et là on va apporter une attention plus particulière.

J'ai vu, dans une résidence où on a mis une préposée dans la chambre, ce n'était pas un appartement, on a mis une préposée toute la nuit à côté de la dame parce qu'elle se réveillait, puis elle faisait des cauchemars, puis personne ne sait pourquoi. Mais il fallait qu'il y ait quelqu'un à proximité immédiatement. Ça fait que, quand je vous parle de gestes, que ces gens-là adorent les aînés, je peux vous dire qu'il y a beaucoup de gestes qui sont faits qui ne sont malheureusement pas très connus mais qui sont fait dans le sens pour aider les aînés.

M. LeBel : Oui. Puis, des fois, j'ai vu des situations aussi... Tu sais, les aînés, ils arrivent en résidence, comme ça, il y a... Tu sais, ils vont luncher, tout le monde ensemble. Des fois, ils n'ont jamais vécu ça trop dans leur passé, tu sais, et là ils arrivent ensemble, et là des aînés gais, des... il y a toutes sortes de... et là il y a des conflits, des fois, qui s'installent. En tout cas, ce n'est pas facile, toujours, à gérer, et c'est pour ça, quand on parle de maltraitance, la définition de la maltraitance, comment les signalements vont se faire, il faut comme préciser ça d'une façon très claire.

Puis vous amenez le mot à la mode, là, depuis deux jours, vous amenez le mot «baliser», mieux baliser, dans le règlement d'application, la loi. Entre autres, vous parlez au sujet de la façon dont seront traités les signalements frivoles, vexatoires ou sans fondement. Est-ce que vous avez une idée, là, de tout ça, comment ça pourrait être mieux balisé?

M. Desjardins (Yves) : Bien, écoutez, on en vit, des situations où, par exemple, un employé — ça arrive — qui est remercié n'est pas nécessairement content et, là, va porter plainte. On l'a vécu avant les fêtes, là, puis il a dit : Moi, je travaillais là, là, puis c'est effrayant comment ils maltraitent les aînés. Et là on part la machine, tout simplement, puis cet employé-là est rendu, il travaille ailleurs. Puis pourquoi? Simple vengeance. Ça, nous, on dit : Oui, mais il faut faire attention, non plus, que ça ne tombe pas dans l'excès parce qu'à un moment donné... On voudrait que ce soit bien contenu, que ce ne soient pas des signalements frivoles, comme on disait, là, et que ça porte vraiment sur intérêt parce qu'autrement il va y en avoir, puis pas juste dans les résidences pour aînés, là, c'est là que ça... Je n'ai pas encore toutes les idées ou tous les moyens pour dire comment le baliser, mais certainement il faut mettre des mesures, là, pour limiter ça parce que, sinon, là, je vous le dis, il va y avoir un débordement et les commissaires aux plaintes ou peu importe qui vont passer du mauvais temps, dans le fond, sur des plaintes qui sont non fondées. Pendant ce temps-là, il y a peut-être des cas fondés qui vont manquer de ressources ou de temps pour qu'on s'occupe de ces vrais cas là.

M. LeBel : Merci. C'est bien pour moi.

Le Président (M. Matte) : Merci. Je cède la parole au député de Lévis.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Desjardins. Vous avez raison, hein, mais tout ça, c'est comme vous dites : Comment il faut faire ça? Puis est-ce qu'il peut y avoir des plaintes ou des signalements frivoles? Puis, en même temps, bien, c'est ça qu'on est en train de faire, bâtir quelque chose pour faire confiance au système qui va être mis en place.

Au-delà de ça, aussi, bien, vous le dites aussi, ça va prendre des ressources parce que, oui, vaut-il mieux avoir un signalement frivole, dans la mesure où le système enquête rapidement puis puisse juger de la pertinence de la plainte ou du signalement, ou ne pas le faire alors qu'il se passe peut-être quelque chose? Ça fait que je pense que le système doit être mis en place, doit être efficace, puis il doit avoir les ressources nécessaires.

Vous disiez... puis, tout à l'heure, la ministre vous disait : Bien, M. Desjardins, le commissaire régional aux plaintes n'est plus là. Vous disiez : Le commissaire aux plaintes, là, le commissaire local aux plaintes, pas sûr que ça nous servirait parfaitement. Vous me corrigerez si j'interprète vos propos. C'est pour ça que vous disiez : Il faudrait peut-être aller au commissaire régional aux plaintes. La ministre dit : Bon, il n'y a plus de commissaire régional aux plaintes. Est-ce que ça vous inquiète davantage? Parce que, là, ce que vous souhaitiez n'est plus là. Avez-vous encore cette impression que le canal qui passe par le commissaire local aux plaintes peut vous desservir là-dedans?

M. Desjardins (Yves) : Bien sûr, bien sûr, il le fait très bien, M. Paradis. D'ailleurs, actuellement, là, ça va très bien avec les commissaires locaux. C'est tout simplement que, dans la loi, là, il y avait une distinction, puis le commissaire régional aux plaintes s'occupe des établissements de santé, alors que le commissaire local, comme il traite régulièrement avec les résidences pour aînés, connaît mieux la culture, connaît mieux les gens, donc est plus près aussi de ce réseau-là de résidences pour aînés. C'était notre seul point, là, il n'y a pas d'autre préférence que ça. Voilà.

M. Paradis (Lévis) : ...on comprend que le canal choisi, pour vous, fait sens.

M. Desjardins (Yves) : Bien sûr.

• (17 h 30) •

M. Paradis (Lévis) : Vous êtes en résidences privées, puis c'est vrai que ce n'est pas évident, puis c'est vrai que vous devez faire face à quelque chose de bien particulier parce que les aînés que vous recevez qui décident d'aller vivre dans vos établissements, petits ou plus gros, sont des aînés qui évoluent en fonction de leur quotidien et de leur santé. Et c'est très fragile, hein? Un aîné autonome la semaine dernière ne le sera peut-être plus la semaine prochaine, faisant en sorte qu'il aura besoin de soins que vous ne pourrez peut-être pas lui donner partout non plus. Alors, vous êtes obligés de composer avec la fragilité de votre clientèle.

Vous êtes aussi ouvert et sensible au phénomène de la maltraitance, vous l'avez dit. Est-ce que vous sentez que les aînés savent vraiment de quoi on parle? Vous disiez tout à l'heure : Vous savez, des fois, ils sont résilients, ils sont tolérants. On parle de formation, d'information et de formation de travailleurs et travailleuses. Est-ce que, quelque part, il faudrait aussi faire du travail auprès de ceux qui peuvent être des victimes potentielles pour qu'elles comprennent les droits qu'elles ont puis de quoi veut-on les protéger?

M. Desjardins (Yves) : Il y a des situations qui sont très, très claires pour l'ensemble de la société, pour vous tous, pour moi puis pour nous. Il y en a d'autres qui sont sur la ligne, et, je le disais, c'est difficile d'intervenir auprès d'un aîné qu'on sait pertinemment qu'un de ses enfants, à chaque fois qu'il lui rend visite, il a des changements de comportement profonds. On ne sait pas ce qui se passe nécessairement dans la discussion. On ne sait pas, cette pression-là, d'où elle vient, on ne connaît pas nécessairement tout le passé, mais on le voit.

Et c'est difficile de dire à l'aîné : Est-ce que vous voulez qu'on porte plainte? Et, écoutez, c'est presque si on était... Vous voulez accuser mon fils? Pour qui vous vous prenez? Et là, je vous le dis, ce n'est pas simple. Puis ce n'est pas parce qu'ils ne veulent pas, mais il y a une question d'amour. Puis il a toujours été de même, puis c'est normal, c'est mon dernier. Puis, bon, on entend un paquet d'histoires.

M. Paradis (Lévis) : Vous avez raison, mais la ligne est mince, vous venez de le dire. Il peut y avoir des résultats, mais on dit : Oui, mais j'aime, c'est mon enfant, oui, j'aime... Bon, peu importe, là, et vous l'avez probablement vécu à travers des rapports de gens qui travaillent à vos côtés.

Alors, vous faites quoi à ce moment-là? Est-ce que vous indiquez à votre personnel... ou, en tout cas, vous en parlez pour tenter d'investiguer davantage pour comprendre une situation qui peut être permise par un aîné, mais que vous jugez être une forme de maltraitance?

M. Desjardins (Yves) : Bien, il peut arriver même qu'il rencontre ces enfants-là ou ces visiteurs-là qui peuvent amener des changements de comportement, là. Mais nous, on se pose la question : Est-ce qu'on fait fi de l'aîné puis on dit : Bien, on va porter un signalement, on a maintenant tous les outils et on le rentre dans ce processus-là? Est-ce qu'il voulait ça? Là, je ne parle pas de cas, là, extrêmes, là, où qu'on est capables d'identifier, là, je parle vraiment, là, de... il vient quêter un peu d'argent, puis elle trouve que c'est normal, puis, bon, tu sais... Et là nous, on dit : Non, un instant, là, ça, parce qu'elle pleure après ça pendant deux jours. Ça fait que, là, on dit : Écoutez, il faut arriver à faire quelque chose. Et c'est là que je me dis : On prend les moyens puis on juge de la situation. On en parle avec les commissaires aux plaintes, on en parle avec le réseau de la santé, et là on dit : Je pense qu'il faut porter une action indépendamment du souhait de l'aîné pour le protéger lui-même.

M. Paradis (Lévis) : Indépendamment du souhait, pour la protéger, en fonction de l'étude que vous en aurez faite.

Je terminerai avec le dossier des caméras, M. Desjardins. Bientôt sera présenté un règlement précis concernant l'encadrement, donc, de l'utilisation des caméras. Ça concerne les centres d'hébergement et de soins de longue durée dans la façon dont on l'explique. Souhaiteriez-vous que ce règlement-là qui balise l'utilisation des caméras s'adresse également de façon officielle aux résidences privées pour aînés?

M. Desjardins (Yves) : Comme je disais, le milieu est différent. Les gens ont le loisir déjà d'en installer, les familles. Que ce soit une chambre ou un appartement, c'est un domicile, donc ils peuvent déjà en installer. Pour ce qui est des espaces communs, bon nombre de résidences ont déjà des systèmes de surveillance, dans le fond, pour éviter s'il y a une chute ou quoi que ce soit puis voir les allées et venues, puis les entrées sont contrôlées. Mais je pense que de dire : Bien, on va le mettre obligatoire, je me demande si c'est vraiment nécessaire puisqu'actuellement les gens ont tous les droits d'installer des caméras dans leur domicile.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie, M. Desjardins, de votre contribution à nos travaux et je suspends les travaux de la commission pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 17  h 34 )

(Reprise à 17 h 38)

Le Président (M. Matte) : ...sans plus tarder, je souhaite la bienvenue au Regroupement des commissaires aux plaintes et à la qualité. Je vous invite à vous présenter, ainsi que la personne qui vous accompagne, et à procéder à votre exposé pour une durée de 10 minutes.

Regroupement des commissaires aux plaintes et à la qualité du Québec

Mme Frenette (Geneviève) : Merci bien. Bonjour à toutes et à tous. M. le Président, Mme la ministre et les membres de la commission, d'abord, merci de nous recevoir et de nous permettre de présenter nos observations suite à la consultation du projet de loi n° 115.

Je me présente. Donc, mon nom est Geneviève Frenette. Je suis commissaire aux plaintes et à la qualité des services du CHUM ainsi que la présidente du Regroupement des commissaires aux plaintes et à la qualité du Québec. Je suis accompagnée...

Mme Casgrain (Lynne-Marie) : ...de Lynne Casgrain. Je suis commissaire aux plaintes au Centre universitaire de santé McGill et je suis la vice-présidente du regroupement. Bonjour.

• (17 h 40) •

Mme Frenette (Geneviève) : Donc, d'entrée de jeu, mentionnons que le sujet de la maltraitance et de sa prise en charge est si vaste qu'il nous apparaît illusoire de penser que nous pouvons nous prononcer sur tous ses tenants et aboutissants, bien entendu, de même que sur l'intégralité du projet de loi. C'est pourquoi nous nous sommes attardés bien humblement à réfléchir le projet de loi dans une perspective terrain que nous connaissons, basée sur notre expérience de la fonction de commissaire, afin que les grands principes qui y sont énoncés puissent être applicables et intégrables aux fonctions des commissaires dans la conjoncture actuelle du réseau de la santé et des services sociaux.

Plus que quiconque, nous avons une connaissance fine des rouages du système de santé québécois et passons, en une même journée, de l'usager couché sur une civière, ou dans un lit d'hôpital, ou d'une résidence, ou d'un centre d'hébergement au conseil d'administration.

Les objectifs qui ont guidé nos travaux sont la réponse rapide et efficace aux signalements, le renforcement du régime d'examen des plaintes existant et la mise à contribution des forces vives et des expertises du réseau de la santé et des services sociaux dans le contexte où nous sommes convaincus que la lutte à la maltraitance est une responsabilité partagée entre tous les acteurs du réseau de la santé de même qu'avec ses partenaires externes et la population.

En principe, le respect des droits fondamentaux, dont le droit de l'intégrité de la personne, est un droit énoncé au Code civil et à la charte des droits et libertés. De même, la Loi sur les services de santé et les services sociaux, à son article 5, stipule que toute personne a le droit de recevoir des services de santé et sociaux adéquats sur les plans scientifique, humain et social, avec continuité et de façon personnalisée et sécuritaire. En réalité, des moyens sont parfois nécessaires pour veiller au respect de ces droits, ce qui constitue, selon nous, ce projet de loi, un moyen, donc, pour éviter ou corriger ce que nous reconnaissons tous comme étant inacceptable : des situations de maltraitance à l'endroit d'aînés ou de personnes vulnérables.

Nous tenons à préciser également qu'à cet effet nous avons considéré le projet de loi comme inclusif à l'endroit de toute personne vulnérable, incluant les personnes vulnérabilisées par une condition de santé ou une condition psychosociale ponctuelle. Nous avons également considéré nos actions afin que soit prévue la possibilité, pour un usager ou son représentant, de faire un recours en deuxième instance auprès du Protecteur du citoyen, lorsque applicable, ceci afin de garantir à tous les usagers les droits de recours qui leur sont dévolus par le régime d'examen des plaintes pour toute autre situation qu'un signalement ou une plainte liée à la maltraitance.

Encore une fois, nous pourrions commenter le projet de loi pendant des pages et des heures, puisque l'on adresse un sujet dont la prise en charge est et doit être tentaculaire. Tous doivent y être investis. Et certains enjeux qui nous apparaissent plus prioritaires, du moins, à court terme, pour son application sont énoncés dans le mémoire que nous avons déposé, qui comporte les recommandations suivantes.

Je les énonce rapidement, la première étant d'identifier les sphères d'action. Donc, nous recommandons que les sphères d'action suivantes s'inscrivent dans une action gouvernementale, dont la sensibilisation de la population et des acteurs concernés. Nous parlions tout à l'heure des personnes vulnérabilisées elles-mêmes, que ce soient des personnes âgées ou tout autre adulte, le signalement sécuritaire et accessible des situations de maltraitance, l'enquête sur le signalement, l'intervention concertée des acteurs, le suivi et la rétroaction adéquats concernant les interventions qui auront été prises.

La recommandation n° 2 stipule d'émettre une politique type pour tous les établissements, basée sur les meilleures pratiques en la matière. Nous avons la chance d'avoir des acteurs au sein du réseau qui sont très, si on veut, spécialisés en matière de maltraitance et qui sont en mesure de produire une politique type qui pourrait être harmonisée pour l'ensemble du réseau.

Notre troisième recommandation est de mettre à profit les ressources spécialisées existantes, donc ces mêmes ressources, au bénéfice de l'ensemble du réseau de la santé. Nous recommandons donc que les ressources qui ont été déployées dans le cadre du plan d'action pour la maltraitance participent activement à la réalisation du mandat de lutte à la maltraitance en offrant, entre autres, un service de formation et d'expertise tant aux commissaires, aux équipes des établissements, aux équipes dédiées ou toute autre personne qui doit contribuer à la lutte à la maltraitance.

Quatrième recommandation, nous recommandons de modifier la dénomination des commissaires afin que l'on puisse introduire la notion de protection des usagers.

La cinquième recommandation est de prévoir le pouvoir d'enquête aux commissaires. Nous recommandons donc que le pouvoir d'enquête puisse être introduit dans la loi pour les commissaires. De même que la recommandation numéro 6 qu'il soit introduit également une reddition de comptes aux commissaires.

Dernière recommandation : obtenir ou compter sur des ressources suffisantes. C'est une recommandation extrêmement importante, et nous l'avons stipulé en toutes lettres pour que nous puissions actualiser un mandat très important et surtout avec lequel nous avons comme objectif de le remplir de façon adéquate et de qualité.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie. Vous avez terminé?

Mme Frenette (Geneviève) : Terminé.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie. Je cède la parole à Mme la ministre pour poursuivre nos échanges.

Mme Charbonneau : Merci, M. le Président. Mesdames, j'ai le goût de vous faire une petite boutade en disant : Je ne suis pas surprise d'avoir des femmes devant moi quand on parle de commissaires aux plaintes. Mais, bon, je n'irai pas plus loin parce qu'on pourrait me dire, de l'autre côté, où il y a des gars, que je fais de moi-même une entrave à la disposition de certains aspects de l'intimidation et des préjugés, donc je n'irai pas là.

Dites-moi, ma première question est assez technique, votre regroupement existe depuis combien de temps?

Mme Frenette (Geneviève) : En fait, nous avions, antérieurement à l'avènement de la loi n° 10, un regroupement des commissaires du Grand Montréal dont les activités ont été transformées depuis près d'un an et demi, là, en regroupement des commissaires de la province du réseau de la santé. Donc, nous représentons l'ensemble des commissaires, de même que les commissaires adjoints et leurs équipes, bien entendu, du réseau de la santé, donc de tous les établissements.

Mme Charbonneau : Merci. Ça amène un plus grand éclairage, là, sur l'organisation que vous avez, et ce qui nous permet aussi d'axer sur certains aspects du rôle que vous occupez et du regard que vous portez dans différentes régions parce qu'il y a plus qu'un commissaire aux plaintes, donc peut-être une perspective différente.

Vous avez été au coeur de nos discussions depuis le début. C'est votre dernière recommandation, mais vous avez compris qu'on a longtemps compris que, si on vous donnait des responsabilités supplémentaires ou si on permettait à des gens de vous interpeler plus, il y aura nécessairement, j'imagine, de votre côté, une volonté de nous dire que vous allez avoir besoin de ressources. Et, dès le dépôt du projet de loi, en octobre, où il y a eu conférence de presse avec mes partenaires, collègues de travail, le ministre de la Santé, la ministre des Services sociaux et la ministre de la Justice, il y avait aussi des partenaires en arrière de nous, hein, qui nous accompagnaient dans cette annonce, il y a eu d'emblée un engagement du ministre de la Santé, qui disait : Si on a besoin de plus de ressources pour faire le travail, on mettra en place plus de ressources. Donc, je vous le dis, ça ne vient pas dire combien, ça ne veut pas dire comment, mais la finalité de la loi fait en sorte qu'on a un engagement du ministre de la Santé. Il n'est pas écrit dans la loi, comme dirait mon collègue, mais l'engagement est là. Et, quand j'ai un engagement, croyez-y, pour moi, c'est comme un os, je ne le lâche pas.

Mais ceci, on a exploré différentes avenues, hein, du projet de loi n° 115, de comment on pourrait le modifier, le bonifier, le rendre meilleur, mais ce que j'ai entendu jusqu'ici depuis deux jours, c'est qu'on a une volonté de le faire avancer. Donc, ça, ça me rassure. Mais, à chaque fois qu'on parle de votre rôle, on parle en partie de votre indépendance. Vous relevez d'un conseil, vous avez un directeur général, vous êtes rattachés à une organisation. Vous le disiez, chacun de votre côté, vous êtes rattachés à une institution de la santé. Quand on parle de votre indépendance, y a-t-il lieu pour nous de beaucoup s'inquiéter ou vous êtes capables de trouver les mots pour nous rassurer par rapport à cette indépendance? J'aimerais vous entendre.

Mme Casgrain (Lynne-Marie) : Bon, alors, justement, la raison pour laquelle nous parlons, une de nos recommandations, du pouvoir d'enquête, c'est vrai que, selon la loi sur la santé et les services sociaux, la LSSSS, nous avons un pouvoir d'enquête qui est quand même considérable. Mais nous pensons que de l'inscrire aussi dans votre projet de loi n° 115, ça le bonifie. Il n'y a pas besoin d'aller chercher ailleurs, c'est là, ça nous aide à nous donner des assises puis à nous donner un peu plus de poigne et de force.

Je vous rappelle que l'indépendance que nous avons, nous l'avons de plusieurs façons, mais par l'exclusivité de nos fonctions et le fait que nous répondons au conseil d'administration, non à nos directeurs généraux, ne leur en déplaise. L'exclusivité de nos fonctions fait que nous n'avons pas d'intérêt à ce que nous ayons un plus grand budget ou un plus petit budget. On ne donne pas des soins et des services. Alors, ça nous permet d'avoir un regard plus indépendant là-dessus. On ne dépend pas du budget de l'établissement, sauf quand on a besoin de ressources, puis, quand on a besoin de ressources, selon la loi, c'est au conseil d'administration que nous devons nous adresser.

Évidemment, nous parlons à nos directeurs généraux et nous collaborons avec tout le monde. C'est pour ça que vous n'entendez pas souvent parler de nous, parce que nous collaborons, parce que... Et puis, comme nous vous disons ici avec nos recommandations, nous voulons collaborer avec tout le monde. Nous avons parlé du Protecteur du citoyen qui est très important en deuxième recours. Nous sommes intéressés avec tous les autres mécanismes que vous avez en place et avec qui nous comptons travailler.

Alors, oui, l'indépendance, c'est important, l'exclusivité de nos fonctions, mais nous donner un pouvoir d'enquête directement dans ce projet de loi pourrait permettre de bonifier, de nous donner plus d'assises, puis c'est ça.

• (17 h 50) •

Mme Charbonneau : Plus de mordant, comme on dit.

Mme Casgrain (Lynne-Marie) : Voilà.

Mme Charbonneau : Plus de mordant. On en a parlé, de donner plus de mordant à la loi, plus de mordant. La question, pour moi, s'impose à vous puisque vous un acteur principal du projet de loi. Il y a la volonté de mettre une politique en place partout, laquelle pourrait, à l'intérieur, reconnaître le rôle que vous occupez, le mandat que vous avez, qui vient éclairer non seulement le directeur général, mais le conseil d'administration. Ça, c'est un premier regard que je porte sur le principe même de la politique qu'on pourrait mettre.

Mais le CDPDJ a, lui, un pouvoir que vous n'avez pas, c'est-à-dire que lui peut prendre le téléphone puis poser, par quelques mots, un geste qui fait que tout s'arrête, que tout ce qui gravite alentour de mon aîné, qui subit quelque chose ou qu'il ne le subit pas, hein, parce qu'une chose et son contraire peut faire de la maltraitance... Quels seraient les gestes à poser, s'il y a lieu de le faire, pour vous permettre d'avoir une influence aussi grande et un pouvoir aussi grand qu'une CDPDJ par rapport l'arrêt de gestes posés instantanément au moment où vous prenez le téléphone?

Mme Casgrain (Lynne-Marie) : Là, vous nous posez une question à laquelle des juristes devraient répondre parce que, là, ça devient une question technique et légale. C'est un peu difficile pour nous de répondre. Si vous voulez, bien, donnez-nous les pouvoirs du... Ce n'est pas parce que je les veux, là, mais, si vous voulez que nous ayons ce pouvoir, bien, il s'agit de nous les donner. Je ne peux pas vous dire quels sont les mécanismes exacts qui viennent de la loi sur... mais c'est ça.

Mme Frenette (Geneviève) : Oui, il faut aussi tenir compte... Dans votre question, Mme Charbonneau, ce que j'entends, en fait, c'est de dire : Comment on pourrait faire en sorte que les commissaires puissent faire un arrêt d'agir si une situation de maltraitance était portée à son attention? Je dois vous dire qu'au moment où on se parle on est en mesure d'actualiser ce type d'intervention là, et nous le faisons au quotidien, c'est-à-dire que les situations pour lesquelles le commissaire est interpelé... Aujourd'hui, je pourrais vous donner des exemples d'hier, aujourd'hui et demain où est-ce que le commissaire va interpeler sur-le-champ un gestionnaire pour faire un arrêt d'agir d'une situation x, y, z parce que nous devons... Parfois, c'est pour réfléchir à où est-ce qu'on doit s'en aller, est-ce qu'on va dans le bon chemin ou ne serait-ce que de dire : On fait un arrêt d'agir et on peut même demander un changement d'intervenant. C'est des choses qui arrivent, c'est des choses qu'on fait au quotidien.

Toutefois, nous croyons que le pouvoir d'enquête dûment explicité et nommé pourrait renforcer cette capacité-là qui est actuellement en place et qui s'actualise dans le quotidien, là, déjà, tout à fait.

Mme Charbonneau : C'est bon de vous entendre, je vous le dis, vous étiez attendues avec beaucoup de plaisir.

Mme Frenette (Geneviève) : C'est parce qu'effectivement on a des situations comme ça à tous les jours, là, où est-ce qu'on est appelés de façon anonyme ou de façon déclarée, où est-ce qu'on nous dit : Bien, à tel endroit, il se passe quelque chose. Tout de suite, on y va et on intervient sur-le-champ.

Mme Charbonneau : Dans cette perspective-là puis parce que la question se pose à vous encore plus de façon pointue, pour ou contre la divulgation obligatoire? Puisque, vous le disiez un peu plus tôt, on n'a pas beaucoup entendu parler de vous, sauf que, depuis deux jours, on parle du rôle que vous occupez, là, mais parce que votre discrétion et votre emploi font en sorte que ça va bien. Je le dis en gros, comme ça, parce que c'est sûr que tout peut s'améliorer. Mais, si on met un processus en place, le pour et le contre, en ce moment, c'est une discussion qu'on a, là, presque avec chaque intervenant parce que chacun a sa perspective du départ de qui il représente puis c'est quoi, son travail. Pour vous, pour ou contre une divulgation obligatoire?

Mme Casgrain (Lynne-Marie) : On doit vous dire que nous sommes déjà interpelés, que nous recevons des signalements, que nous avons des dénonciations. C'est certain que ce projet de loi nous aide là-dedans. Ça veut donc dire que, même si ça ne faisait pas exactement partie de notre mandat, que quelqu'un du personnel nous fait un signalement contre quelqu'un d'autre du personnel, avoir ce projet de loi là, maintenant, ça nous donne une plus grande légitimité. On le faisait pareil, on s'était arrogé ce pouvoir de parler puis on avait un certain respect des gens avec qui nous travaillions, qui avaient compris le but de nos interventions, donc ça fonctionnait. Mais, avec ça, on est bien plus en mesure de dire : Voilà, nous pouvons agir sans ambages, nous avons les coudées franches.

Mme Charbonneau : Mais je n'ai pas compris le pour ou contre.

Mme Frenette (Geneviève) : En fait, la divulgation obligatoire, nous, ce n'est pas quelque chose que nos jugions comme étant un impératif, O.K., dans la mesure où notre rôle, là — on est toujours avec notre lunette à nous, là — dans les établissements est aussi un rôle d'influence très important. Et, dans la promotion de notre rôle, si on y intègre la promotion des signalements liés à la maltraitance, bien, bien entendu qu'on promeut par le fait même la divulgation des situations. C'est ce qu'on fait au quotidien avec les droits des usagers qui sont inscrits dans LSSSS, mais là, si on ajoute cette notion-là, on vient renforcir. Donc, on se situait à ce niveau-là.

Mme Charbonneau : Merci.

Le Président (M. Matte) : Merci. J'invite le député de D'Arcy-McGee à participer à nos échanges.

M. Birnbaum : Merci, M. le Président. Mme Frenette, Mme Casgrain, merci beaucoup pour vos interventions. Vous êtes en mesure de nous donner un aperçu de la situation actuelle, et on parle d'un projet de loi qui vise à bonifier votre rôle, et vous avez déjà parlé de quelques gestes qui seraient nécessaires à poser pour faire comme il faut.

Il me semble que, compte tenu qu'on propose, comme gouvernement, une stratégie qui vise à vous positionner comme joueur clé, enfin, dans la lutte contre la maltraitance, ça serait intéressant de vous entendre nous parler un petit peu de votre vécu jusqu'à date sans cet outil-là, de nous dresser un petit peu un portrait typique lorsque vous avez à faire des enquêtes et à donner des recommandations à vos conseils d'administration. Votre vécu, jusqu'à date, est-ce que ça s'annonce promettant pour un rôle accru qu'on vous propose?

Mme Frenette (Geneviève) : Bien, en fait, la fonction de commissaire est une fonction qui exige, je dirais, certaines habiletés, nommons-les comme celles-là. C'est une fonction dont l'exercice est difficile, bien entendu, par définition. Dans le quotidien, comment cette fonction-là s'actualise — du moins, je vais parler pour mon milieu, mais je peux parler pour mes collègues sans aucun problème — est portée à notre connaissance une situation x, y, que ce soit une plainte, que ce soit un signalement, une insatisfaction par écrit, verbalement, nous recevons tout, tout, tout.

Tout à l'heure, j'entendais monsieur parler de la plainte frivole ou vexatoire. Elle a aussi de la valeur, la plainte frivole ou vexatoire, parce que, bon, parfois, la façon de se plaindre n'est pas toujours la bonne, mais le coeur du problème est quand même réel, il faut l'examiner. Ça, c'est notre travail d'examiner ça. Et donc des plaintes frivoles ou vexatoires, on en ouvre très peu parce que, même quand c'est difficilement enrobé, on réussit quand même à aller chercher ce qu'il faut aller chercher pour être porteur d'amélioration. Parce que nous, notre rôle, c'est l'amélioration continue des soins et des services, c'est ce pour quoi on est là.

Donc, quand on reçoit une insatisfaction d'un usager ou d'un proche, si la personne est en mesure par elle-même de déposer une plainte, on va ouvrir un dossier de plainte. Si elle ne l'est pas, on peut, si on le juge requis, si la situation est suffisamment préoccupante, ouvrir une intervention. Ça, c'est notre prérogative de commissaire. Donc, une situation qui est portée à notre connaissance ne sera jamais laissée lettre morte quoi qu'il arrive, il y aura toujours un examen minimal qui sera fait. On va décider après ça comment on oriente le dossier et on va interagir, dans un premier temps, avec l'usager pour obtenir davantage l'information sur ce qu'il nous rapporte et on va essayer de voir avec cette personne-là comment on peut répondre à son besoin. Il a fait appel à nous, il y a un besoin qui est exprimé.

Comment, nous, à l'intérieur de notre mandat, on peut y répondre pour arriver à faire en sorte soit qu'il reçoive ces services, ces soins, que ce soit fait de la façon plus adéquate si telle est sa perception qu'il y a une inadéquation, on va regarder tout ça avec lui et, après ça, nous allons intervenir auprès des gestionnaires et des intervenants impliqués. Donc, ça peut aller d'une visite directement à l'urgence pour aller constater sur les lieux s'il se passe quelque chose parce qu'on nous a signalé une situation. Ça peut aller à une rencontre avec un gestionnaire pour que le gestionnaire puisse s'approprier le contenu de ce qui nous a été rapporté et que lui fasse une démarche de son côté et nous revienne avec l'information. Ça peut aller à rencontrer nous-mêmes un intervenant directement sur place ou au bureau.

C'est très, très vaste, là, la multitude d'interventions que nous pouvons faire pour traiter une plainte.

Et, après ça, on va regarder si, effectivement, il y a un écart entre l'offre de service attendue, l'offre de service donnée et comment on peut rétablir cet écart-là. C'est ça, nous, notre objectif, puis comment on peut surtout... Parce que notre rôle, c'est aussi de maintenir le lien de confiance de l'usager envers l'établissement et les intervenants parce que ce qu'on veut, c'est que l'usager reçoive ces soins et services. Donc, au quotidien, on traite les dossiers de cette façon-là. Les dossiers arrivent, on les ouvre, on interagit avec les usagers, avec le personnel, on trouve des solutions, on essaie de proposer des choses. Quand les dossiers sont plus difficiles...

Le Président (M. Matte) : ...

Mme Frenette (Geneviève) : Excusez-moi.

• (18 heures) •

Le Président (M. Matte) : Je vous invite à conclure votre réponse.

Mme Frenette (Geneviève) : Ah! je vais conclure. Quand c'est plus difficile, on peut aller en recommandation. Si on va en recommandation, à ce moment-là on va aller avec notre comité de vigilance, qui va faire le suivi de nos recommandations. Mais je vous dirais que, dans la réalité, on fait ça nous-mêmes. Moi, je peux vous dire que, pour ma part, toutes les recommandations que j'ai émises ont été suivies dans leur intégralité. Alors, je n'ai pas de complexe vis-à-vis mon pouvoir de recommandation.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie. Et je cède la parole au député de Rimouski.

M. LeBel : Merci, M. le Président. Bonsoir. Il est 18 heures, on est un peu fatigués, mais... Puis c'est un peu dommage de la façon qu'on procède, je n'aurais pas haï que... Parce qu'on a parlé beaucoup de vous toute la journée hier, il y a des formules... C'est la formule qu'on a ici, mais peut-être, des fois, des formules table ronde, on aurait pu échanger avec d'autres groupes ou vous auriez pu être là pour répondre, ça aurait peut-être été utile — en tout cas, pour nous autres — pour mieux comprendre.

Moi, je sais que je vous vois sur le terrain, là, on vous voit, les députés, on vous voit faire sur le terrain, vous êtes proches des clientèles. Bien, entre guillemets, vous connaissez les situations puis, à chaque fois qu'il y a des colloques ou des affaires en région, des forums, vous êtes là, pas loin, on comprend. Je pense que vous avez la connaissance locale assez précise.

Le questionnement qui a été depuis deux jours, c'est plus sur le potentiel que vous avez dans le cadre du projet de loi pour livrer la marchandise, est-ce que vous avez tout ce qu'il faut, les équipes. Tout le monde, on nous dit que les commissaires aux plaintes n'ont pas le personnel qu'il faut, il faut financer parce que, comme ça, vous n'avez pas... Tout le monde ont dit ça, presque tout le monde. D'autres ont dit que vous n'avez pas assez de pouvoirs, le pouvoir de recommandation, ce n'est pas assez fort. Là, vous parlez d'un pouvoir d'enquête, mais on parle aussi de sanctions éventuellement, et il y a d'autres... Me Ménard disait tantôt qu'il faut aller plus haut pour être sûr que vous pourriez... Vous devrez pouvoir référer à des personnes pour aller plus haut, pour être capables d'avoir des sanctions puis comprendre le bon sens, là.

Moi, j'ai posé la question... Dans les types de maltraitance, il y a la maltraitance organisationnelle, et ça, c'est de la maltraitance parce que le réseau est sous-financé. Quand les services ne sont pas donnés, les soins ne sont pas donnés, les bains ou, des fois, le minutage des services, ce n'est pas la faute à la personne, au préposé, c'est la faute... Il n'y en a pas, d'argent, dans le réseau. On a tellement serré à la ceinture qu'on est rendus à un niveau de maltraitance. Me Ménard disait qu'à un certain niveau on pourrait dire qu'en bas de... il y a une ligne rouge, là, puis, en bas de ça, là, c'est de la maltraitance. Et là je disais en blague hier, j'ai dit : Qu'est-ce que va faire le commissaire aux plaintes si on arrive, on dit : Il y a de la maltraitance organisationnelle, pas d'argent dans le réseau? Le commissaire aux plaintes va faire quoi? Il va appeler le ministre? Il va appeler le premier ministre? Qu'est-ce qu'il va faire? Qu'est-ce qu'il pourrait faire?

Mme Casgrain (Lynne-Marie) : Ça serait bien qu'on appelle le ministre puis le premier ministre. Nous, on ne s'objecte pas à ça. D'ailleurs, les bureaux du ministre et de tous les députés nous sollicitent régulièrement. Alors nous, on va parler à tout le monde. Ça, ce n'est pas un problème en partant. Si vous voulez nous donner une ligne directe, allez-y.

Mais, si nous sommes ici, c'est parce que notre système de santé est imparfait, et qu'il est toujours perfectible, et que ce que nous offrons à notre population a besoin de s'améliorer. C'est certain que le projet de loi n° 115, c'est un outil qui va nous aider, puis on vous a parlé de certaines choses. Mais la maltraitance organisationnelle, c'est un problème sociétal. Ce n'est pas juste le problème de l'établissement, ce n'est pas juste le problème...

Une voix : ...

Mme Casgrain (Lynne-Marie) : Mais non. Mais ce n'est pas juste le problème de l'établissement, c'est le problème de toute la société. Est-ce qu'on veut augmenter notre apport de taxes pour augmenter notre apport au système de santé pour nous assurer qu'on donne deux bains par semaine à nos aînés? Bien, moi, je suis en faveur de ça, mais je ne pense pas que c'est comme ça que ça fonctionne. Alors, qu'est-ce qu'on peut faire avec la maltraitance organisationnelle? Bien, on doit en parler, puis je pense que tout le monde autour de la table, ici, est aussi responsable de ça.

M. LeBel : ...maltraitance organisationnelle, ça peut être un problème sociétal, mais ça devient un problème d'une personne, que c'est la personne qui n'a pas le service, et ça...

Mme Casgrain (Lynne-Marie) : Mais nous, quand on reçoit la personne qui vient puis qui n'a pas le service, on peut vous assurer qu'on ne les laisse pas comme ça : Ah! bien, c'est un problème organisationnel. Nous, là, ce n'est pas une réponse de dire : C'est la faute du conseil d'administration, c'est parce qu'il n'y a pas assez d'argent. Ce n'est pas une réponse. Alors, nous, on dit : Qu'est-ce que vous allez faire? Puis on travaille avec le monde dans le terrain, sur les unités, dans les CHSLD, pour essayer de trouver des solutions. On ne peut pas vous dire qu'on trouve des solutions miracles, mais on est tous là à travailler à essayer de trouver quelque chose de raisonnable, de rationnel. Puis, si ça ne marche pas, bien, ils auront le Protecteur du citoyen, qui, eux, vont faire une recommandation à l'Assemblée.

M. LeBel : C'est ça. Ce qu'on nous disait tantôt, c'est que, de plus en plus, les recommandations du Protecteur du citoyen ne sont pas suivies, ça fait que... À un moment donné, si on veut vraiment lutter contre la maltraitance, il faut, dans tous les cas de maltraitance... Puis là, quand on parle de maltraitance organisationnelle, c'en est, c'est de la maltraitance, c'est des gens, au bout de la ligne, qui n'ont pas le service. Et ça, je trouvais ça intéressant tantôt de dire : S'il y a un certain niveau, dans nos établissements, que le service n'est pas donné parce qu'il n'y a pas d'outils ou il n'y a pas ce qu'il faut, là, bien, ça, on devrait être capable de le dénoncer. Le commissaire aux plaintes — j'aime beaucoup votre idée du protecteur des usagers — il devrait être capable de le dénoncer, puis ça devrait être capable d'être public. Et ça, pour ça, l'indépendance, c'est important. Actuellement, vous relevez des conseils d'administration qui sont nommés par le ministre. Est-ce que ce ne serait pas mieux que le protecteur des usagers, comme vous — puis je pense que c'est une bonne idée, là — soit complètement indépendant, à l'extérieur? Est-ce que ce ne serait pas une bonne façon d'assurer vraiment l'indépendance des conseils d'administration et du réseau?

Mme Casgrain (Lynne-Marie) : Bien là, vous pensez à créer une autre organisation de commissaires aux plaintes et à la protection des usagers qui serait externe aux établissements?

M. LeBel : ...moi, c'est ce que, tantôt, on nous a proposé...

Mme Casgrain (Lynne-Marie) : Si c'est ce que nous comprenons de ce que vous nous dites, je ne pense pas que ça soit la solution. Je pense que ça serait de créer quelque chose d'autre.

M. LeBel : Puis ce ne serait pas une façon d'assurer l'indépendance? Pour l'instant, l'indépendance est assurée, vous pensez, actuellement?

Mme Casgrain (Lynne-Marie) : Je...

Mme Frenette (Geneviève) : ...

Mme Casgrain (Lynne-Marie) : Oui.

Mme Frenette (Geneviève) : La portée des interventions actuellement... J'entends ce que vous dites, là. On parle peut-être de systémique, tu sais, quand, au niveau systémique, on constate des lacunes, par exemple, qui pourraient mener à de la maltraitance organisationnelle. C'est ce que je comprends de votre propos, là, si je ne m'abuse. En fait, les interventions systémiques sont aussi dans notre mandat, et nous les adressons également. Maintenant, ce que j'entends, c'est : Est-ce que les recommandations que vous allez faire seront suivies? Et, de ce fait, est-ce qu'il serait préférable que vous releviez d'une organisation externe à l'établissement pour qu'elle puisse l'être? C'est ce que je comprends?

M. LeBel : C'est ce qu'on a entendu souvent ici depuis deux jours, c'est ce qu'on entend.

Mme Frenette (Geneviève) : O.K. C'est ce que je comprends de votre question. Moi, de mon expérience, je vous dirais, comme je l'ai... Je ne sais pas si je vous l'ai dit tout à l'heure, mais je pense que oui, l'ensemble de mes recommandations, qu'elles soient individuelles ou systémiques, elles ont été appliquées. Elles ont été appliquées. Je pense à un cas, entre autres, où on a fait ajouter un préposé aux bénéficiaires sur une unité, et les budgets ont été trouvés à gauche et à droite pour créer le manque à gagner qu'il y avait. Et on a créé ce poste-là, et c'était suite à une de nos interventions. Donc, c'est sûr que l'actualisation du rôle du commissaire, comme je le disais tout à l'heure, c'est un pouvoir d'influence très important, et je crois que, là, c'est notre responsabilité de l'assumer comme il se doit et de faire en sorte que nos recommandations soient porteuses.

• (18 h 10) •

Mme Casgrain (Lynne-Marie) : Je vous dirais qu'à l'intérieur de nos établissements, quand nous avons des choses qui nous préoccupent, ce n'est pas réglé nécessairement dans les 45 jours. Nous avons donné une réponse au plaignant ou à la personne, mais parfois nous allons suivre un dossier un an, deux ans, trois ans, jusqu'à ce que nous obtenions les engagements des établissements, que nous obtenions des dates fermes d'accomplissement de ce que nous voulions qu'ils fassent. Moi, j'ai fait des rapports de 30 000 dossiers environ depuis les 14 ans que je suis commissaire aux plaintes et je dois vous dire que toutes les recommandations et engagements qui ont été faits ont été acceptés. Il n'y a que deux recommandations du Protecteur du citoyen qui n'ont pas été acceptées, mais ça, ce n'était pas important, ces deux-là. Mais toutes les autres recommandations du Protecteur du citoyen — puis il y en a eu des importantes — ont été acceptées, mises en place.

Le Président (M. Matte) : 30 secondes.

M. LeBel : 30 secondes. Moi, mon objectif, là, c'est, si on veut lutter contre la maltraitance, il faut que ça fonctionne. Et, là-dedans, ce qu'on entend, c'est qu'il faut donner plus de pouvoirs au commissaire aux plaintes, plus de ressources pour mieux fonctionner. C'est comme ça que je vois ça, puis s'assurer de l'indépendance. C'est pour ça que je posais ces questions-là. Et on pourra étudier ça davantage et nous assurer que ça fonctionne.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie. Et je cède la parole au député de Lévis.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Bienvenue, Mme Frenette. Bienvenue, Mme Casgrain, également. Puis c'est vrai, je dois le dire, hein — puis vous le disiez, puis je pense que c'est important de le mentionner — vous êtes des partenaires importants. Puis on le sait, nous le savons tous, en fonction de nos démarches, de nos demandes citoyennes également, souvent on est appelés à collaborer, à échanger, et, au-delà d'être la présidente, la vice-présidente du regroupement, vous aussi chapeautez et dirigez comme dans les différentes régions du Québec. Et, en ce sens-là, chez vous, comme moi, dans mon coin aussi, vous demeurez des partenaires importants.

Deux choses à clarifier. Au-delà de ça, je vais revenir sur l'indépendance que vous avez parce que c'est ce qui a été questionné beaucoup, hein, le meilleur canal faisant en sorte qu'on puisse atteindre les meilleurs résultats. D'abord, pouvoir d'enquête, vous dites : Selon l'état actuel de la LSSSS, le commissaire local aux plaintes et à la qualité des services n'a pas de pouvoir d'enquête. Alors, vous écrivez ça. Et puis, en même temps, vous me dites tout à l'heure : On a des pouvoirs d'enquête. Alors là, je m'excuse, vous les avez, vous ne les avez pas? Aidez-moi à comprendre.

Mme Casgrain (Lynne-Marie) : Alors, on les a, les pouvoirs d'enquête, mais nous croyons... Alors, c'est mal dit dans notre...

Mme Frenette (Geneviève) : Ils ne sont pas spécifiés dans la loi comme telle.

Mme Casgrain (Lynne-Marie) : Oui, oui, c'est ça, ils ne sont pas spécifiés dans le projet de loi n° 115, et c'est ce que nous aimerions voir dans le projet de loi n° 115.

M. Paradis (Lévis) : Mais je comprends. Au-delà du fait qu'ils ne soient pas mentionnés dans la 115 actuellement, dans l'état actuel des choses, vous avez ce pouvoir. En fait, vous aimeriez simplement que ça soit écrit pour qu'on comprenne que, dans ce contexte, vous en avez un.

Mme Frenette (Geneviève) : Oui, c'est ça, exactement.

M. Paradis (Lévis) : O.K. Je reviens sur le dossier de la maltraitance systémique parce qu'elle a été abordée, et vous nous dites, et vous nous rassurez en disant : Écoutez, là, nous, on fait une bonne job puis on a à coeur... Bien, je présume.

Une voix : Très humblement.

M. Paradis (Lévis) : Vous ne me direz pas que vous faites une mauvaise job, là, tu sais, on s'entend là-dessus.

Mme Frenette (Geneviève) : Très humblement, on fait notre possible.

M. Paradis (Lévis) : Mais, tu sais, vous travaillez au maximum de... Et, dans l'aspect d'aider les usagers, quel que soit le dossier qui vous est présenté, il faut que ça arrive à quelque chose. Alors, il y a les cas individuels puis il y a les cas... Et les cas de maltraitance systémique, on vient d'en parler. Et, même si vous nous dites que tout va bien puis que vous avez cette indépendance, bien, force est de constater qu'il y a des gens qui sont venus nous parler puis qui remettent en question cette indépendance-là. Et pourtant, bien, vous vous êtes croisés à quelques minutes d'intervalle, il n'y a rien qui a changé entre il y a 10 minutes puis maintenant.

Et, dans ces propos qu'on a entendus, on dit notamment, dans le cas de maltraitance systémique, que l'on adresse également parce que ça fait aussi, hein... le manque de services est un principe de maltraitance en soi ou peut l'être. Alors, dans le cas de maltraitance systémique où la situation peut avoir été générée par des décisions du conseil d'administration lui-même ou son P.D.G., par exemple, le commissaire conserve-t-il la même indépendance pour critiquer ou remettre en question ses décisions? Et l'intervenant ajoute : Le commissaire ne possède qu'un pouvoir de recommandation dans le contexte de la maltraitance systémique. Lorsque l'établissement ne suit pas ses recommandations, le commissaire, il n'a pas de pouvoir pour corriger la situation, alors ça s'arrête là. Constatez-vous ça ou ce qui nous est dit là n'est pas la réalité?

Mme Frenette (Geneviève) : Bon, bien, j'aimerais répondre, dans un premier temps, au fait qu'il y a des gens qui disent que, bon, c'est plus difficile avec nous, l'indépendance, etc. Il faut savoir, je l'ai dit d'entrée de jeu, que la fonction de commissaire est d'exercice difficile et qu'il est... En général, c'est difficile de satisfaire toutes les personnes avec qui on fait affaire parce que nous, nous sommes impartiaux. O.K.? Donc, parfois, l'usager va être satisfait. Parfois, il ne le sera pas. Parfois, le protecteur va dire : Vous n'êtes pas allés assez loin, mais l'usager... Selon l'établissement, on est allés trop loin. Le protecteur va dire : Non, vous n'êtes pas allés assez loin. Puis l'usager, lui, il ne sera pas content de notre réponse parce qu'il aurait voulu qu'on fasse un congédiement ou des choses comme ça. Donc, les attentes à notre endroit, elles sont très grandes. O.K.? Donc, on a à manoeuvrer à travers ça.

Maintenant, pour ce qui est de la maltraitance organisationnelle, ce que vous dites, c'est : Est-ce qu'on va émettre une recommandation suivant la décision de l'établissement de réduire, par exemple, un service x, y, z? C'est un peu ça.

M. Paradis (Lévis) : En fait, ce que je dis, c'est qu'au-delà de la recommandation que vous émettrez... Et, dans la présentation faite par Me Ménard, il y a peu de temps, on dit : Au-delà de ça, si l'établissement ne suit pas la recommandation que vous faites, ça s'arrête là. C'est pour ça, quelque part — et je vous demande votre avis — il dit : Modifions l'article 48 de la charte, faisant en sorte qu'on y inclue la maltraitance, permettant, par exemple, à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse d'intervenir parce qu'eux vont avoir un pouvoir plus grand de modifier les choses. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette vision qui nous a été présentée?

Mme Frenette (Geneviève) : Nous, en fait, comment on le voyait, c'est de donner ce recours-là au Protecteur du citoyen dans le respect du régime d'examen des plaintes actuel. Donc, ce recours-là, il est présent, là, il est là, il existe, il se trouve au niveau du Protecteur du citoyen. Nous, c'est comme ça qu'on l'articulait. On ne prétend pas avoir raison, on ne prétend absolument pas, sauf qu'on a essayé de le réfléchir avec le régime actuel, qui comporte les outils nécessaires à l'actualisation de ça. Donc, au final, si une recommandation n'a pas été suivie suite à une situation de maltraitance et que l'usager ou le plaignant est insatisfait du fait que ça n'a pas été suivi, le recours au Protecteur du citoyen est applicable à 100 %.

M. Paradis (Lévis) : Je comprends. Le Protecteur du citoyen a aussi, évidemment, un pouvoir moral, hein, quand il présente quelque chose. Ses recommandations, ça a une aura particulière. Mais on nous dit également qu'on devrait davantage se servir de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse parce qu'eux ont encore davantage de pouvoirs pour faire de la sanction, à la limite, ou obliger une décision. Est-ce que vous êtes aussi en accord avec ça?

Le Président (M. Matte) : Une courte réponse, s'il vous plaît...

Mme Casgrain (Lynne-Marie) : On n'a pas réfléchi à ça, on est prêts à...

Le Président (M. Matte) : Une courte réponse.

Mme Casgrain (Lynne-Marie) : Alors, nous n'avons pas eu cette question-là avant, c'est difficile pour nous de nous prononcer. Mais certainement, si vous pensez que le Protecteur du citoyen devrait avoir recours à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, c'est peut-être une idée, mais nous, personnellement, on a assez de choses autour, que je pense que c'est limité.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie de votre contribution à nos travaux.

Je suspends la commission jusqu'à jeudi le 19, 9 h 30.

(Fin de la séance à 18 h 17)

Document(s) related to the sitting