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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Thursday, January 19, 2017 - Vol. 44 N° 66

Special consultations and public hearings on Bill 115, An Act to combat maltreatment of seniors and other persons of full age in vulnerable situations


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Table des matières

Auditions (suite)

Ordre des comptables professionnels agréés du Québec (CPA)

Centrale des syndicats du Québec (CSQ)

M. Richard Lévesque

Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec (OTSTCFQ)

Association des ressources intermédiaires d'hébergement du Québec (ARIHQ)

Ville de Montréal

L'Association des groupes d'intervention en défense des droits en santé mentale du Québec
(L'AGIDD-SMQ)

Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées
(AQRIPH)

Association des retraitées et retraités de l'éducation et des autres services publics
du Québec (AREQ-CSQ)

Association des établissements privés conventionnés (AEPC)

Autres intervenants

M. Michel Matte, vice-président

Mme Véronyque Tremblay, présidente suppléante

Mme Francine Charbonneau

Mme Isabelle Melançon

M. David Birnbaum

M. Harold LeBel

M. François Paradis

*          Mme Geneviève Mottard, CPA

*          Mme Christiane Brizard, idem

*          Mme Louise Chabot, CSQ

*          Mme Catherine Lafrenière, accompagne M. Richard Lévesque

*          Mme Guylaine Ouimette, OTSTCFQ

*          M. Alain Hébert, idem

*          M. Luc Vallerand, ARIHQ

*          Mme Manon Charpentier, idem

*          M. Denis Coderre, ville de Montréal

*          Mme Josée Blais, idem

*          Mme Andrée Morneau, L'AGID-SMQ

*          Mme Doris Provencher, idem

*          Mme Chloé Serradori, idem

*          Mme Isabelle Tremblay, AQRIPH

*          Mme Pauline Couture, idem

*          Mme Marie Montplaisir, idem

*          M. Pierre-Paul Côté, AREQ-CSQ

*          Mme Ginette Plamondon, idem

*          Mme Nicole Gagnon, idem

*          Mme Annick Lavoie, AEPC

*          M. Vincent Simonetta, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente et une minutes)

Le Président (M. Matte) : Bon matin à tous. Nous reprenons les travaux. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir fermer leurs sonneries de leurs téléphones.

La commission est réunie afin de poursuivre des consultations particulières, des auditions publiques sur le projet de loi n° 115, Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements ce matin?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Plante (Maskinongé) est remplacé par Mme Melançon (Verdun); Mme Rotiroti (Jeanne-Mance—Viger) est remplacée par M. Boucher (Ungava); Mme Vallières (Richmond) est remplacée par M. Reid (Orford); et Mme Lavallée (Repentigny) est remplacée par M. Paradis (Lévis).

Auditions (suite)

Le Président (M. Matte) : Merci. Ce matin, nous entendrons les personnes et organismes suivants : l'Ordre des comptables professionnels agréés du Québec, la Centrale des syndicats du Québec, M. Richard Lévesque de la Direction de la police de Trois-Rivières, l'Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec.

Je vous informe que vous disposez, Mme la ministre, de 16 min 30 s, l'opposition officielle, de 10 minutes, et le deuxième groupe de l'opposition, pour 6 min 30 s.

Sans plus tarder, je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Ordre des comptables professionnels agréés du Québec. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes. Je vous demande de vous présenter ainsi que la personne qui vous accompagne. Je vous cède la parole.

Ordre des comptables professionnels agréés du Québec (CPA)

Mme Mottard (Geneviève) : Bon matin, M. le Président, Mme la ministre, MM. et Mmes les membres de la commission. Mon nom est Geneviève Mottard. Je suis présidente et chef de la direction de l'ordre des CPA du Québec. La personne qui m'accompagne est Me Christiane Brizard, qui est vice-présidente aux affaires réglementaires de l'ordre et secrétaire de l'ordre.

Alors, je tiens, tout d'abord, à remercier la commission de nous avoir invitées aux consultations du projet de loi n° 115. D'emblée, l'ordre, évidemment, accueille favorablement l'initiative du gouvernement visant à permettre la dénonciation de maltraitance envers les personnes aînées et vulnérables. C'est un sujet sur lequel la société doit se pencher, surtout avec l'évolution de la courbe démographique actuelle.

Cette question préoccupe la profession comptable depuis déjà longtemps. Entre 2009 et 2011, les trois ordres comptables d'alors ont déjà siégé au groupe de travail créé par l'AMF sur la problématique des personnes vulnérables victimes de crimes financiers. Le groupe de travail avait notamment conclu que les notaires, les CPA, les avocats sont parmi les mieux placés pour détecter les abus financiers. Cependant — et j'insiste là-dessus — le groupe de travail avait également conclu que la dénonciation d'abus financiers à l'égard de personnes vulnérables nécessite un examen plus poussé, car cette question met en balance plusieurs droits fondamentaux.

Autre point important, le groupe de travail était d'avis qu'une réflexion plus approfondie s'imposait pour circonscrire le cadre dans lequel le professionnel pourrait divulguer certains renseignements assujettis au secret professionnel. Depuis le dépôt de ce rapport, l'ordre a poursuivi sa réflexion sur le secret professionnel et les dilemmes auxquels un CPA serait confronté s'il voulait dénoncer un acte illégal ou un abus, ou encore sur la conduite qu'il devrait adopter devant un client incapable d'administrer ses biens, ou encore lorsqu'il constate qu'un client fait l'objet d'abus financier ou abuse lui-même d'une personne vulnérable.

Le mouvement en faveur de la dénonciation d'actes répréhensibles a amené l'ordre à se pencher de façon plus générale sur l'équilibre à trouver entre la protection du secret professionnel et la prévention ou la répression de certains actes. C'est d'ailleurs ce qui a motivé l'intervention de l'ordre dans l'étude de divers projets de loi au cours de la dernière année, qu'il s'agisse du projet de loi n° 92 visant à accroître les pouvoirs de la RAMQ, du projet de loi n° 98 concernant l'admission aux professions et la gouvernance du système professionnel ou du projet de loi n° 87 facilitant la divulgation d'actes répréhensibles dans les organismes publics. Tous ces projets de loi contenaient des dispositions favorisant la dénonciation et l'échange de renseignements afin de contrer des abus de toutes sortes et la commission d'actes illégaux, mais ils avaient malheureusement en commun d'omettre de préciser dans quelle mesure les professionnels demeurent ou non tenus au secret professionnel.

L'expérience de la dernière année nous amène à conclure qu'il est hasardeux de légiférer à la pièce en l'absence d'une loi-cadre. Ce faisant, non seulement on multiplie les risques d'incohérences et d'oublis, mais on expose le professionnel au risque de confusion et d'erreur face à une panoplie de lois à géométrie variable. En l'absence d'une loi-cadre, le projet de loi n° 115 vient s'ajouter au puzzle législatif visant à favoriser la dénonciation d'actes répréhensibles.

J'aimerais, premièrement, vous parler de la portée du projet de loi. Dans sa note explicative, le législateur semble vouloir s'attaquer à la problématique de la maltraitance envers les aînés et les personnes vulnérables de façon globale, dans toutes les sphères de la société. Pourtant, le projet de loi lui-même ne les protège que dans la mesure où elles reçoivent des services sociaux et de santé. De plus, le mécanisme prévu par le projet de loi est la dénonciation au commissaire local aux plaintes et à la qualité des services de l'établissement où la personne reçoit ses services. Si ce mécanisme est adéquat pour la dénonciation d'une situation de maltraitance survenue ou constatée dans le réseau de santé, il n'est malheureusement d'aucune utilité pour un CPA, un avocat ou un notaire. Nous déplorons que la portée du projet de loi soit si limitée, alors que le plan gouvernemental d'action pour contrer la maltraitance envers les aînés contenait une série de recommandations dépassant largement les services de santé et les services sociaux.

En légiférant encore une fois à la pièce sans aborder la problématique dans sa globalité, on élude une partie importante de la maltraitance que sont les abus financiers et matériels. Pourtant, l'exploitation matérielle et financière est l'une des formes de maltraitance les plus fréquentes et représente, au bas mot, 40 % des demandes d'aide. Par conséquent, l'ordre estime essentiel que la loi protège l'ensemble des aînés et des personnes vulnérables dans toutes les sphères de leur vie, qu'elle vise toute forme de maltraitance, incluant la maltraitance financière et matérielle, et qu'elle prévoie les mécanismes nécessaires pour favoriser la dénonciation par des personnes qui ne sont pas nécessairement liées au réseau de la santé et des services sociaux.

Je vais prendre maintenant quelques minutes pour vous parler de la problématique du secret professionnel, qui nous tient évidemment à coeur.

Je dois tout d'abord vous dire que nous accueillons favorablement l'intention du gouvernement d'adresser la question du secret professionnel dans le cadre de l'article 60.4 du Code des professions. Cependant, si on voit là un pas dans la bonne direction, le législateur ne répond pas aux préoccupations que nous avons maintes fois réitérées et que l'Office des professions a lui-même faites siennes, à savoir qu'avant d'adopter des projets de loi visant, entre autres, des professionnels en exercice, une réflexion en profondeur devait être menée sur le secret professionnel. Le secret professionnel constitue une valeur fondamentale de la société québécoise et il est au coeur du système professionnel. Je vous rappelle également qu'au Québec la protection du secret professionnel revêt un statut quasi constitutionnel, comme l'a précisé la Cour suprême du Canada. Ajoutons que la charte québécoise des droits et des libertés place le secret professionnel parmi les droits fondamentaux de la personne.

Dans le contexte du projet de loi n° 115, comme c'était le cas de la loi concernant la lutte sur la corruption et, plus récemment, la loi favorisant la divulgation d'actes répréhensibles à l'égard des organismes publics, on ne se contente pas de permettre à la cour ou à l'État de prendre connaissance de documents ou de renseignements protégés par le secret professionnel. En fait, on encourage les professionnels à dénoncer une situation donnée en passant outre à ce secret professionnel, ce qui peut aller, dans certains cas, jusqu'à dénoncer son propre client. La relation de confiance entre le professionnel et son client, que le législateur cherchait à protéger avec la charte, est ici directement mise en cause. Comme nous enseigne la Cour suprême, il est essentiel que toute intervention législative portant atteinte au secret professionnel soit précédée d'un examen scrupuleux mettant en balance les droits et les valeurs fondamentales en jeu, qu'on n'y ait recours que s'il n'y a pas d'autre moyen de protéger le citoyen et qu'une telle atteinte soit minimale par rapport à l'objectif poursuivi.

• (9 h 40) •

Le projet de loi a par contre le mérite de préciser que tout professionnel peut faire une dénonciation nonobstant le secret professionnel. Il propose également d'élargir la portée de l'exception au secret professionnel, prévue à l'article 60.4 du Code des professions, en incluant, à la notion de blessure grave, une blessure psychologique qui nuit d'une manière importante à l'intégrité physique, à la santé ou au bien-être d'une personne. Malheureusement, ces modifications ne viennent aucunement clarifier l'exercice du droit ou même du devoir d'un professionnel de dénoncer une situation de maltraitance matérielle ou financière dont il serait témoin dans l'exercice de sa profession. Tout comme la directrice du Groupe de recherche en droit des services financiers, Me Raymonde Crête, nous pensons que l'amendement proposé à l'article 60.4 devrait prévoir clairement la possibilité de dénoncer des situations d'exploitation matérielle ou financière de personnes vulnérables.

L'ordre est d'ailleurs préoccupé par l'absence d'indications claires pour orienter le professionnel confronté à une situation de maltraitance ou d'abus dont un client est victime ou auteur. Cette lacune risque de dissuader un professionnel de s'engager dans un processus dont il ne connaît pas tous les paramètres et ainsi de négliger d'agir pour protéger une personne vulnérable. Ce faisant, il pourrait s'exposer à une plainte disciplinaire ou à une responsabilité civile. Nous recommandons par conséquent au législateur de s'assurer que le professionnel est adéquatement guidé dans sa démarche, notamment en modifiant l'article 87 du Code des professions.

Nous croyons en effet que le projet devrait prévoir aussi, et enfin, la levée du secret professionnel pour dénoncer la situation d'un client qui devient inapte afin de le protéger contre lui-même et de prévenir les abus potentiels de tiers. Nous sommes d'avis aussi que toute personne, incluant un professionnel, qui n'oeuvre pas dans un établissement de santé devrait pouvoir s'adresser au Curateur public si elle estime qu'une personne majeure a besoin d'être assistée ou représentée dans l'exercice de ses droits.

Le Président (M. Matte) : Je vous invite à conclure, madame.

Mme Mottard (Geneviève) : Je termine en assurant à Mme la ministre notre entière collaboration pour bonifier le projet de loi, notamment en matière d'abus financier. Les CPA, évidemment, sont naturellement disposés à participer à tout exercice de concertation que vous jugeriez utile. Et ça nous fera plaisir, maintenant, Me Brizard et moi, de répondre à vos questions.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie et je cède la parole à Mme la ministre pour le début des échanges.

Mme Charbonneau : Merci, M. le Président. Bon matin. Bon matin, tout le monde. Troisième journée fort intéressante. Merci, mesdames, d'être avec nous.

Je vous dirais que quelqu'un qui nous suit quelque peu se dirait ce matin : Mais qu'est-ce que l'ordre fait là, hein? On pourrait se poser cette question. Et, d'emblée, vous avez ouvert sur le fait de pourquoi vous y êtes, et vous êtes un partenaire fort intéressant, mais fort important. Je vous le dis parce que, depuis le début des recherches qu'on fait puis les échanges que j'ai avec les partenaires, on parle excessivement de l'abus financier, de cet impact que les gens ont ou du regard qui est porté sur cette espèce de stratégie là qui se développe de plus en plus. Les aînés connaissent leurs droits par rapport à l'aspect physique, par rapport à la sécurité des lieux, mais très peu par rapport à cet enjeu-là qui est le fond de leurs poches, et on a entendu des arnaques qui nous ont fait très peur.

D'ailleurs, sur ce principe-là, j'irai sur le secret professionnel après, mais je vous amène tout de suite sur l'axe 5 du projet de loi n° 115, qui est les ententes sociojudiciaires qu'on aimerait voir s'étendre partout au Québec. De ce fait, vous savez que — si vous ne le savez pas, je vous le dis — dans notre projet pilote qu'on a mis à Trois-Rivières, 80 % des cas qui ont été traités — je dis 80 % parce que j'arrondis, on va avoir plus tard notre spécialiste qui va nous dire combien exactement — ont été financiers, et l'AMF nous a accompagnés dans ce principe où on étudie puis qu'on regarde comment on peut amener l'aîné à trouver des pistes de solution. Donc, quand vous nous dites : C'est un peu dommage que, dans le projet de loi n° 115, on ne le voit pas, peut-être que le défaut du projet de loi n° 115, c'est qu'on ne titre pas, à l'axe 5, l'ensemble des inquiétudes et des cas traités par le sociocommunautaire.

Mais ma première question serait — le pire, c'est que je connais la réponse, mais je vous la pose pareil — : Est-ce que l'Ordre des comptables serait à l'aise d'être un partenaire dans chacun des milieux du Québec, de par ses représentants, à participer à cette rencontre-là qui ferait en sorte qu'on accompagne des gens dans une mesure d'aide pour les sortir d'un imbroglio financier qui est soit avec quelqu'un de confiance, quelqu'un de sa parenté ou un simple inconnu qui cherche, par un moyen ou par un autre, à aller fouiller dans les chiffres de notre personne aînée?

Mme Mottard (Geneviève) : J'espère que ma réponse va être en fonction de ce que vous pensez qu'elle allait être. Effectivement, je le vois comme le rôle de notre ordre. Nos membres sont à la table. Ils sont devant tous ces problèmes de maltraitance financière là, ils sont aux premières loges de cette problématique-là. Alors, l'ordre se ferait un plaisir de vous accompagner dans quelque table de concertation que ce soit pour traiter de ces enjeux-là. J'y vois là tout à fait notre responsabilité de le faire.

Mme Charbonneau : C'était exactement la réponse que j'avais dans ma tête. Je n'y voyais pas autrement puisque vous avez jusqu'ici toujours répondu présent quand on vous demandait de pouvoir vous avancer sur certains aspects de cette maltraitance-là.

Dans ce même principe-là, l'Ordre des notaires, hier, nous disait que, malheureusement, quelquefois l'information ne se rend pas jusqu'à l'aîné. Le ministère a sa responsabilité — et j'en conviens — par rapport à la divulgation des choses puis à l'attribution de documents pour faire en sorte que nos aînés aient de l'information. On a plusieurs organismes communautaires, hein, qui travaillent puis qui font en sorte qu'on donne plus d'information, et on a aussi des fédérations — je vais vous en nommer deux, la FADOQ puis l'AQDR — qui sont aussi des partenaires importants, qui veulent donner de l'information à nos aînés. Est-ce qu'au niveau de vos membres, au niveau de l'ordre comme tel, il y a de l'information très pointue qui coule jusqu'à eux puis, après, d'eux jusqu'à leurs clients pour s'assurer qu'on a une bonne connaissance de ce que peut être une arnaque ou une façon de faire qui fait que nos aînés se retrouvent dans une situation compromettante?

Mme Mottard (Geneviève) : Je vous dirais que nos membres CPA travaillent avec leurs clients de façon très rapprochée. C'est des gens qui gèrent des patrimoines, qui font des déclarations d'impôt, qui sont habilités à gérer l'ensemble des actifs financiers de personnes, incluant les personnes âgées. Alors, moi, je vous dirais que nos membres sont aux premières loges de cette information-là. Par contre, je pense qu'on a un devoir, à l'ordre, d'éduquer nos membres puis peut-être de leur donner une espèce de grille d'analyse de risque pour qu'ils puissent mieux déceler des situations de maltraitance où leurs clients seraient victimes de cette maltraitance-là. En posant des questions, je pense, qui seraient quand même assez toutes simples, nos membres seraient peut-être plus allumés, je vous dirais, envers les situations de maltraitance ou d'abus financier, et, bon, c'est quelque chose, évidemment, qu'on serait prêts à travailler avec vous pour faire avancer cette portion-là de vos initiatives.

Mme Brizard (Christiane) : Je pense qu'on peut aussi développer de la documentation qui viserait directement des situations d'abus financier qui visent les aînés. L'ordre aussi pourrait préparer des brochures qui pourront finalement être utilisées par nos membres, parce que c'est à force de communiquer que les gens sont sensibilisés, puis il faut vraiment outiller nos membres parce que nos membres ne sont pas des psychologues. Donc, comment détecter la maltraitance ou l'abus financier? Ce n'est pas nécessairement une opération du Saint-Esprit, là, ça n'arrive pas de but en blanc. Donc, il y a des grilles, mais il y a aussi des façons d'approcher les clients et de peut-être poser des questions directes ou indirectes pour les amener — et même si on a une relation de confiance, comme CPA, avec son client — à se dévoiler autrement. Donc, il y a un exercice d'information et de formation qui doit être fait.

Et j'oserais ajouter qu'à l'heure actuelle il y a un projet de loi qui vise la modification du Code des professions, le projet de loi n° 98, qui va faire l'objet d'une lecture article par article bientôt, et, dans le cadre de ce projet de loi là, on prévoit une obligation pour les membres d'avoir une formation continue, en éthique et déontologie, régulièrement mise à jour, et on devrait profiter du projet de loi n° 98 pour ajouter, à l'égard de cette formation-là, une formation qui viserait justement la détection des types de maltraitance parce que ça fait partie du code de déontologie, parce qu'on réfère au secret professionnel. Donc, il y a un lien immédiat, et je pense que la collaboration de l'office serait très indiquée à cet égard-là.

Mme Charbonneau : Merci de faire le lien, parce que vous avez compris qu'à partir du moment où un projet de loi passe l'ensemble du processus et arrive à l'adoption, bien, il y a toujours cette volonté de dire : On va arrimer avec les autres projets de loi. Donc là, on peut faire un petit pas d'avance pour le projet de loi n° 98. Donc, merci de votre suggestion. Je m'assurerai d'en parler à ma collègue pour être dans la même lignée que vous, pour être sûr de voir jusqu'où on va.

Je vais laisser la parole à mes collègues parce qu'ils ont aussi des questions, mais je voulais vous faire une petite blague en vous disant : Vous savez quoi? Je suis tombée sur Tout le monde en parle dimanche, puis il y avait quelqu'un qui disait que vous étiez chouettes puis qu'on devait vous fréquenter. Soyez assurés que j'en ferai la publicité parce que ça semble être très vrai.

• (9 h 50) •

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Je cède maintenant la parole à la députée de Verdun.

Mme Melançon : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames. Un grand plaisir de vous accueillir ce matin. Je vais faire du pouce sur ce que la ministre vient de dire, justement, parce que la personne qui a dit que vous étiez chouettes à Tout le monde en parle, c'est Pierre-Yves McSween, ce dimanche. Et, ce matin, j'écoutais Pierre-Yves McSween, et il a parlé de vous, il a parlé de nous, il a parlé du projet de loi qu'on étudie aujourd'hui, et s'il y a une chose dont on peut être fiers comme parlementaires, c'est lorsqu'on parle d'un sujet et puis que finalement il y ait de la résonance. Puis il parlait de maltraitance financière ce matin sur les ondes d'une radio bien écoutée dans le Grand Montréal, et, pour ça, déjà, je trouve qu'on vient de toucher à quelque chose de bien, de grand, parce qu'il faut en parler.

Donc, moi, où je m'interrogeais puis où vous allez peut-être pouvoir m'éclairer — parce qu'à la lecture ce n'était pas clair pour moi — c'est concernant la dénonciation obligatoire ou non. J'aurais voulu vous entendre sur le sujet parce que, maître, vous venez de dire : Quand même, bon, ce n'est pas des psychologues, ce sont des comptables, comment est-ce qu'on peut voir... Moi, j'aimerais que vous me parliez de la dénonciation obligatoire, s'il vous plaît.

Mme Mottard (Geneviève) : Je vous rappelle deux choses, deux commentaires. D'abord, le secret professionnel, comme je l'ai mentionné dans mon allocution, c'est couvert par la charte, alors il ne faut pas l'oublier, ça, O.K.? Le projet de loi n° 87, aussi, auquel j'ai fait référence tantôt, a choisi de ne pas faire une dénonciation obligatoire, mais de faciliter la dénonciation. Alors, si le projet de loi n° 115 viendrait à forcer la dénonciation, là, on aurait une incohérence entre divers projets de loi.

Ceci étant dit, la dénonciation par un professionnel qui passe outre son secret professionnel, notre commentaire, c'est que ça doit être fait avec un encadrement autour de ce sujet-là. Alors, si on force le professionnel à dénoncer et qu'on n'a pas un encadrement qui gère ce processus-là, le professionnel va peut-être avoir tendance à minimiser la situation et à ne pas aller dénoncer, de peur de représailles et de peur de ne pas trop connaître les conséquences et les méats qui pourraient s'ensuivre. Alors, je pense que le «peut» est une meilleure solution pour atteindre le but, et après ça qu'on encadre la façon par laquelle ça va être fait.

Je ne sais pas, Me Brizard, si vous voulez...

Mme Brizard (Christiane) : Parce que, souvent, on nous donne comme exemple ce qui se passe dans les autres provinces. Les autres provinces n'ont pas la protection qui est visée à la charte québécoise. Donc, quand on répond, on répond en fonction de l'article 60.4 du Code des professions puis de l'article 9 de la charte, qui garantissent justement ce droit au secret professionnel, et les enseignements de nos tribunaux, de la Cour suprême, nous demandent de trouver un équilibre entre les différents droits. Donc, il y a le droit au secret, mais il y a le droit à la vie privée, il y a le droit à la libre disposition des biens, il y a le droit à la dignité. Donc, la cour nous dit : Tentez de concilier ces différents droits là et tentez aussi de porter le moins possible atteinte au secret professionnel parce que c'est un lien pour la relation de confiance avec le client.

Donc, comment on fait pour concilier cela? Notre position à nous, c'est que ça passe par une dénonciation facultative parce que, pour le professionnel, il est habitué à exercer son jugement. C'est un professionnel, ça fait partie de son ADN d'exercer son jugement, d'une part. D'autre part, son objectif, c'est de ne pas perdre le lien avec son client parce qu'une fois qu'il a dénoncé parce qu'il a été obligé de dénoncer, il va peut-être perdre le lien avec son client. Peut-être que c'est le seul lien — autre ceux qui en abusent — c'est le seul lien indépendant, et cette personne-là va le perdre.

Donc, notre démarche est de passer par cet équilibre-là qui passe par l'autodétermination, qui passe par la consultation du client. Donc, on maintient aussi ses autres droits, on tente de le convaincre, on tente d'avoir des réponses, puis, si, en bout de ligne, on ne peut pas le faire, bien, le professionnel va se sentir obligé de dénoncer, mais son premier objectif, c'est de trouver une solution qui est adaptée aussi aux besoins du client puis que le client va être capable de vivre avec cette solution-là demain, après demain, l'année prochaine. Donc, on lui donne aussi des outils. Et c'est dans ce contexte-là qu'on donne notre réponse, disant qu'on est plus favorables au «peut» qu'au «doit», dans ce contexte justement de l'exercice du jugement professionnel et de la conciliation des différents droits.

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Il reste maintenant 2 min 37 s. Je cède la parole au député de D'Arcy-McGee.

M. Birnbaum : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Mottard, Me Brizard. Merci beaucoup pour vos interventions. Comme il a été dit, voilà devant nous un partenaire très privilégié même si, à première vue, on n'aurait pas cet instinct de le constater.

Vous parlez beaucoup de la levée du secret professionnel et de trouver ce juste équilibre, qui est, en quelque part, clé de l'affaire si on est pour s'avancer sur le plan de la lutte contre la maltraitance et pour s'assurer qu'il y a une application, même si ce n'est pas explicite dans la loi, pour les gens assujettis aux services actuels et même pour le monde qui ne l'est pas. Et, une autre fois, vous êtes bien situés pour... Je vous invite de préciser votre préoccupation sur les termes «exploitation» et «maltraitance» et comment trouver ce juste équilibre, et peut-être... bon, il n'y a pas grand temps, mais de nous parler de façon concrète du genre d'interaction que vous risquez d'avoir avec des clients dans cette situation-là et comment trouver, comme je dis, ce juste équilibre pour être en mesure de les aider et surtout aider les aînés qui sont vulnérables.

Mme Mottard (Geneviève) : Je ferais un petit peu de chemin sur les commentaires de Me Brizard. Je vous répète que nos professionnels, dans leur vie, gèrent des patrimoines, font des déclarations d'impôt, souvent sont appelés par des familles à aider, dans toutes sortes de situations, des personnes de plus en plus âgées puis qui ne sont plus capables de gérer leur vie. Alors, je réitère mon commentaire que nos membres, dans l'exercice de leur profession de tous les jours, peuvent être témoins de situations où leurs clients... On a une dame qui fait, par exemple, un chèque à son neveu. Toutes les semaines, il y a 1 000 $ qui passe dans le compte de banque. Le CPA constate ça. Peut-être qu'il aurait des questions à poser à ladite dame, de dire : Est-ce que c'est normal que, par exemple, vous faites un chèque à votre petit neveu de 1 000 $ par semaine? Alors, c'est vraiment au centre de leur profession.

Ensuite, je pense que le dilemme auquel nos professionnels font face, c'est le dilemme que Me Brizard vous a expliqué tantôt, où cette personne qui est totalement vulnérable se sent peut-être totalement isolée et son comptable, son CPA devient la personne à qui elle va se confier. Alors, si le professionnel est obligé de passer outre à son secret, mais là cette personne vulnérable, on va la rendre plus vulnérable, en plus, en brisant ce lien de confiance là. Alors, notre préoccupation, elle est vraiment là, pour le bien-être des personnes et des citoyens, de ne pas briser ce lien de confiance là.

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Le temps alloué à la partie patronale est maintenant... à la partie gouvernementale... Ça va bien. Alors, maintenant, au tour de l'opposition officielle, le député de Rimouski. Désolée.

M. LeBel : Au tour de la partie syndicale.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. LeBel : Je me suis fait accuser d'avoir un préjugé favorable aujourd'hui, ça adonne bien. Merci, Mme la Présidente.

Bonjour. Derrière le projet de loi, il y a un grand débat de société, puis plusieurs l'ont dit, c'est vraiment plate qu'on arrive aujourd'hui, qu'on soit obligés, au Québec, d'avoir une loi pour protéger nos aînés, tous ceux qui nous ont mis au monde, ceux qui ont fait ce pays-là, il faut les protéger contre la maltraitance. Qu'on soit obligés de faire une loi, déjà là, c'est un constat, un peu, d'échec, hein? Mais, bref, il faut protéger les droits des personnes, et c'est le rôle des législateurs, puis il faut le faire.

Mais, dans le projet de loi, on parle beaucoup du réseau de la santé, puis vous le dites là-dedans. Puis le réseau de la santé, il est quand même bien organisé, là. Il a été désorganisé pas mal, mais il est encore assez bien organisé. Si on sort du réseau de la santé pour protéger les aînés autrement... Le circuit des signalements et des plaintes, il faut qu'il s'adapte, il faut qu'il soit changé. Dans le projet de loi, on parle beaucoup du commissaire aux plaintes, on parle... Si on sort du réseau de la santé, comment on peut faire? Moi, j'ai vu des cas, tu sais, dans les bureaux de comté. On ne vit pas juste dans la bulle ici, là, on est dans nos bureaux de comté, on voit des cas, on voit des gens qui viennent nous voir.

J'ai vu des cas de gens où, comme vous dites, là, l'argent sort du compte de banque à chaque semaine. J'ai vu des gens des banques appeler la personne, dire : C'est-u normal que de l'argent sort comme ça pour votre garçon, ou votre neveu, ou votre... La personne, qu'est-ce que c'est que vous pensez qu'elle dit? Ah non! Mêlez-vous pas de ça, c'est correct, là, puis ça finit là. Qu'est-ce que tu veux qu'on fasse de plus? J'aimerais ça savoir, si on ouvre le réseau, si on ouvre le... ce serait quoi, selon vous, clairement, ce serait quoi, le circuit? Comment on pourrait faire pour s'assurer que cette personne-là... entre autres, dans mon cas, là, la banque qui appelle, où cette personne-là pourrait intervenir, où elle pourrait appeler, comment elle pourrait signaler?

• (10 heures) •

Mme Mottard (Geneviève) : C'est une question qu'on s'est posée nous autres aussi. La recommandation qui nous était venue à l'idée, c'était : Pourquoi ce n'est pas le Protecteur du citoyen, par exemple, d'élargir potentiellement le mandat du Protecteur du citoyen et de faire en sorte que ça devient le pôle où les gens qui constatent des maltraitances font appel au Protecteur du citoyen pour dire les situations, par exemple, des gens que vous voyez dans leur comté? C'est sûr que ça demande d'élargir le mandat du Protecteur du citoyen, mais on voyait ça comme potentiellement un bon véhicule ou un endroit où l'ensemble des dénonciations de maltraitance pourraient être déposées.

Mme Brizard (Christiane) : J'allais même ajouter qu'au projet de loi n° 7, qui vient d'être adopté, on a donné plus de pouvoirs au Protecteur du citoyen, justement, pour faire des enquêtes. Et nous, on a soulevé des questions sur le fait qu'à partir du moment où de l'information est au sein du Protecteur du citoyen, qui est couvert par le secret professionnel, est-ce qu'on va s'assurer que le Protecteur du citoyen va quand même garder cette information confidentielle et va ne la confier que pour des fins spécifiques, et on s'est fait rassurer sur ce fait-là. Donc, il y a déjà un canal qui existe.

M. LeBel : Il y en a un puis il y en a d'autres aussi. Tu sais, la CDPDJ, là, la commission des droits pour la jeunesse, eux autres aussi, il y a un canal. Il y a beaucoup de circuits, puis, à un moment donné, le danger, c'est que les gens se perdent, et le projet de loi, ce que j'espère, c'est qu'il va clarifier. Puis, si on ouvre à l'extérieur du réseau, il faudrait que ce soit très clair. Mais, si on fait ça, que ça soit au Protecteur du citoyen ou autre et on s'en va vers un signalement obligatoire... Je parle encore du cas que j'ai vu, là, la personne à la banque qui voit que... puis qui parle à la cliente, et qui sent au téléphone que ça ne va pas bien. Tu sais, la personne, elle dit : Non, non, laissez faire ça, laissez faire ça, mais on voit, là, tu sais, on entend puis on sait... S'il y a le signalement obligatoire, la personne doit signaler à quelqu'un, là. Si elle ne signale pas, si c'est obligatoire, si tu ne le fais pas, tu as des conséquences, là, comme dirait l'autre. Comment vous voyez ça, là? Dans ce sens-là, le signalement obligatoire, ça peut être difficile. La personne, avant de signaler, elle va y penser à deux fois. Elle dit : Moi, je suis aussi bien de me la fermer que de m'embarquer dans un processus qui peut être compliqué.

Mme Brizard (Christiane) : Bien, moi, j'ai toujours tendance à vous dire que je fais quand même une distinction entre les différentes personnes et les professionnels qui ont déjà un autre cadre qui les encadre, qui passe par, bon, oui, d'une part, le secret professionnel, mais par leur code de déontologie, par l'obligation, dans leur cadre de déontologie, de servir leur client, de voir à l'intérêt de leur client. Donc, il y a peut-être plus de facilité de faire ces processus de dénonciation là sans nécessairement avoir une obligation chez le professionnel. Je n'ai pas étudié l'impact qu'on a si on oblige à la dénonciation pour les autres personnes.

Ce que je peux vous dire, par ailleurs, c'est : dans le cadre du groupe de travail que l'AMF avait mis en place à l'époque, suite à l'affaire Earl Jones, qui n'a pas permis d'aboutir à une solution pour lever, à l'époque, le secret professionnel, la difficulté majeure que les gens avaient était à l'égard des institutions financières parce que c'est d'un régime fédéral puis on n'était pas capables de trouver une façon de gérer ces situations-là où ces gens-là ont conscience, dans certains cas, d'abus financiers.

Donc, la difficulté, c'est celle d'avoir une orientation qui n'est pas à la pièce, qui permettrait justement d'avoir des dénonciations dans des cas particuliers selon des situations particulières puis, dans d'autres cas, de laisser aussi au professionnel, quand on parle du juste équilibre au niveau du secret professionnel, d'avoir son exercice de jugement.

M. LeBel : Oui, parce que, tu sais, il faut voir le cas. Moi, j'aime ça, souvent, ramener ça à des cas précis, mais, tu sais, moi, je suis à Rimouski. Dans les régions ou dans des quartiers, c'est la même chose, je parle du cas des banques ou des caisses, les personnes aînées viennent au guichet, elles viennent voir la caissière, des fois ça devient des chums, là, tu sais, et la personne voit bien, là, qu'il y a quelque chose qui ne va pas.

C'est pour ça que moi, je suis en réflexion sur l'histoire du signalement obligatoire. J'essaie de voir puis, des fois, je suis plutôt pour. Je dis : Oui, c'est parce qu'il ne faut rien laisser passer. Tu sais, il n'y a pas personne qui doit vivre de la maltraitance. Mais, quand on dit qu'il faut ouvrir ça plus large qu'au réseau de la santé, là, je me dis : Comment on fait pour le gérer puis ne pas mettre trop de pression sur les personnes? Entre autres, là, je parle de la caissière ou votre personnel. C'est dans ce sens-là que, si on parle de signalement obligatoire, si c'est obligatoire, il y a des sanctions si tu ne le fais pas, et comment vous voyez ça? Comment on peut gérer ça?

Mme Brizard (Christiane) : J'allais peut-être vous dire — peut-être Mme Crête va pouvoir vous éclairer, éclairer la commission — aux États-Unis, ils ont créé des organismes centraux qui reçoivent toutes les dénonciations en matière d'abus financier. Est-ce que c'est une solution? Mais, à tout événement, c'est ce qu'on retrouve aux États-Unis, et on voit que, dans la plupart des États, ils ont plutôt prôné la dénonciation facultative qu'obligatoire.

Les études qu'ils ont faites ne les ont pas amenés à dire : Est-ce qu'il y a plus de dénonciations quand c'est obligatoire que facultatif? Les études par contre ont démontré que, ce qui compte, c'est que les gens soient formés et informés. Formés et informés, et je vous dirais que c'est là où le bât blesse, et ça s'applique autant à nos professionnels qu'à la clientèle vulnérable parce qu'à partir du moment où on est formés et informés, bien, on est plus enclins, un, d'une part, à aider, à ne pas accepter des situations d'abus, et c'est probablement là le travail important qui doit être fait.

M. LeBel : Mais ce qui est clair, c'est que le projet de loi parle du commissaire aux plaintes, qui est vraiment collé au réseau. Pour vous, il faut aller ailleurs, sinon on ne couvre qu'une partie de la...

Mme Brizard (Christiane) : Je recommence. Le commissaire aux plaintes a sa compétence qui est très, très limitée. Le CPA ne pensera même jamais dénoncer au commissaire aux plaintes. Ça ne lui viendra jamais à l'esprit, là, ça, c'est évident. Donc, oui, il faut aller plus loin que ça.

M. LeBel : Merci.

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Merci au député de Rimouski. C'est maintenant au tour du deuxième groupe d'opposition, je cède la parole au député de Lévis.

M. Paradis (Lévis) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à tous. Bon début de journée. Merci de votre présence, Mme Mottard et Me Brizard.

Je reviens sur des trucs qui viennent d'être dits, puis c'est quand même intéressant, puis c'est vrai que c'est le fun, dans votre dossier, bien, comme dans plusieurs autres, de se coller sur des réalités, des faits, des cas parce qu'ils nous sont rapportés puis ils suscitent des réactions.

Tout à l'heure, on disait : Former et informer. Vous avez raison, hein, c'est la base de tout, puis on se le répète, peu importent les groupes, là, qu'on représente la population, qu'on représente des ordres professionnels, tous disent : Il y a un devoir d'information et de formation. On en est tous. Remarquez que, s'il y avait déclaration, dénonciation, signalement obligatoire, la formation puis l'information, ce n'est pas incompatible. Ça se fait aussi. Je pense que, de toute façon, il faut le faire dans un contexte comme dans l'autre.

Mon collègue disait : Vous savez, il y a des caissières, là, qui rencontrent des gens. Le problème aussi, c'est que, dans le réseau, actuellement, il y en a de moins en moins de caissières puis se confier à un guichet automatique, ça ne donne pas grand-chose, tu sais. Alors, tu sais, il y a une réalité aussi, et c'est en ce sens-là où vous prenez votre place.

Une voix : ...

• (10 h 10) •

M. Paradis (Lévis) : Absolument. Alors, il y a de moins en moins d'intermédiaires, donc vous avez aussi toute votre importance. Puis je reviendrais en disant que sachons qu'en France, la dénonciation, elle est obligatoire, comme dans huit provinces canadiennes sur 13, et on ne semble pas trop mal s'en porter. Ceci dit, si on veut se doter d'un outil supplémentaire utilisé à bon escient, on a tous l'impression que, si on fait une dénonciation obligatoire, ça veut dire qu'à chaque coin de rue on va essayer de regarder quelqu'un pour dire : Ça y est, je te dénonce, je te dénonce, je te dénonce. Ce n'est pas ça, ce n'est pas de même que ça marche, là. La vérité puis la réalité des faits, ce n'est pas ça.

Ceci dit, vous savez, vous êtes dans une façon d'agir ou, en tout cas, une structure qui n'est pas évidente avec le client, j'imagine. Et là je vous parle aussi de faits, on a eu, rapporté par des médias à l'occasion et probablement venu à vos oreilles aussi, le cas de personnes aînées qui ont été manipulées financièrement de mille et une façons. Puis on s'en fera parler tout à l'heure, là, hein, l'exploitation financière, il y a des trucs, là, il y a des arnaques là-dedans puis, bon... Et, quand l'aîné décide... parce que ça n'a jamais été dénoncé, mais de prendre la parole et de venir le raconter, elle a, en plus du fardeau, de l'espèce de culpabilité de n'avoir rien vu, elle a le fardeau du jugement de ses pairs qui disent : Elle était donc bien nounoune, c'est épouvantable, là. Ça demande énormément de courage pour un aîné... ou pas aîné, une personne vulnérable, de venir dire : Dans ce moment de ma vie là, là, j'aurais peut-être eu besoin d'aide. Je ne suis peut-être pas allé en chercher, peut-être qu'on n'a rien vu, peut-être qu'on n'a rien dit, mais, au bout de l'histoire, je me rends compte que je me suis fait avoir, je viens vous le dire. Puis là, le lendemain, tu entends, là, ça part : Oui, mais il aurait dû réaliser. Bien oui, mais elle aurait dû le savoir.

Il peut arriver, je présume, dans vos pratiques que vous vous rendiez compte d'un épisode de vie où quelqu'un vit une vulnérabilité qui l'amène à se laisser berner. Comment vous réagissez? Comment vous agissez pour réussir à faire comprendre... Vous le disiez, vous n'êtes pas des psychologues. Bien, en même temps, vous avez ce devoir-là éthique de dire : Je le vois, que ça n'a pas de sens, comment je fais, comment j'agis pour contrer cette maltraitance qui est extrêmement importante en regard des chiffres dont on parle, l'exploitation financière notamment?

Mme Mottard (Geneviève) : Moi, j'aurais tendance à vous répondre que nos professionnels, dans l'exercice de tous les jours, ils ont... Puis, en tant qu'ancienne vérificateur, je peux vous dire ça, on a comme une espèce de vérificateur, une espèce de sixième sens. Quand on est face à certaines situations, on dit : Il y a quelque chose ici qui cloche. Puis là on a un petit sentiment où on dit : Notre client... Je reviens à mon exemple de faire un chèque à son neveu, 1 000 $ par semaine. Le professionnel a un cadre de référence dans sa pratique qui l'allume à des situations qui pourraient être, disons, plus complexes qu'en apparence.

Ceci étant dit, je reprends les paroles de Me Brizard, de dire : Il faut qu'on informe nos membres puis les sensibiliser plus à ça. Est-ce qu'on a un devoir à faire? Tout à fait, et c'est là qu'on vous recommanderait l'élaboration d'un outil qui permettrait, à notre avis, par des questions assez simples, d'amener la personne, le CPA, d'abord à reconnaître qu'il y a situation de maltraitance et ensuite d'amener son client à lui-même prendre connaissance de la situation et de le sensibiliser au fait qu'il est en train d'être abusé et maltraité. Et je ne pense pas que c'est... ce n'est pas de la science exacte. Par contre, je pense que, par des questions assez simples, le CPA, qui, pour son client, est souvent une personne de confiance... une grille d'analyse, une balise, un outil de travail permettrait ça.

M. Paradis (Lévis) : En même temps, vous le savez, il n'y a rien de noir, il n'y a rien de blanc. Puis vous pouvez être convaincu qu'il y a quelque chose qui ne va pas, et d'expérience... Et, vous savez, il y a des aînés qui gèrent pas mal mieux leur budget que je le fais moi-même, là, tu sais. Des fois, j'en suis presque jaloux. Puis, en même temps, il y a des aînés qui le font moins puis pour qui l'argent, là, il y a une notion très territoriale, là, puis même, pour vos membres, d'initier le regard comptable dans un processus financier, pour certains aînés — pas pour tous, pour certains aînés — c'est comme entrer dans un territoire qui est le leur. Et c'est pour ça, souvent, que des gens diront : Laisse faire, je gère mes affaires, bon, etc.

Je reviens. On parle, là, en fonction d'une maltraitance généralisée, au-delà des acteurs du réseau de la santé. Et, si vous vous rendez compte, effectivement, que malgré quelques questions, il y a un épisode, là, où quelqu'un est exploité financièrement, on parle d'argent... cette personne-là va probablement reprendre plus tard, là, tu sais, va peut-être se dire : Oui, j'avais... Quel pouvoir pourrions-nous vous donner pour vous permettre d'agir et de contrer cette maltraitance-là avec les limitations que vous avez, au-delà des questions?

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie. Le temps est écoulé.

Alors, je vous remercie de votre contribution aux travaux de la commission et je suspends pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 15)

(Reprise à 10 h 17)

Le Président (M. Matte) : Sans plus tarder, je souhaite la bienvenue aux représentants de la Centrale des syndicats du Québec. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour faire un exposé. Et vous êtes une habituée, donc vous savez, là, les règles de fonctionnement. Donc, je vous invite à vous présenter, ainsi que les personnes qui vous accompagnent.

Centrale des syndicats du Québec (CSQ)

Mme Chabot (Louise) : Merci beaucoup. Même habituée, 10 minutes, c'est souffrant. Louise Chabot, présidente de la Centrale des syndicats du Québec. À ma droite, Nathalie Léger, avocate conseillère aux services juridiques de la centrale; Sonia Éthier, première vice-présidente de la CSQ et responsable, entre autres, des dossiers petite enfance, santé, services sociaux; et Lise Goulet, qui est conseillère syndicale aux dossiers professionnels et sociopolitiques.

Merci de l'invitation à cette... on va se le dire, il y a une pièce devant nous, le projet de loi n° 115, qui était attendue parce qu'on va tous reconnaître, même dans le monde syndical, où, pour nous, la lutte pour une plus grande justice sociale et aussi au nom de l'ensemble des membres qu'on représente, la question qui est devant nous est une question importante parce que, quand on parle de la maltraitance des aînés, on pense qu'on doit agir et on comprend que le projet de loi qui est devant nous est un moyen pour agir. Donc, vous y trouverez nos appréciations et aussi vous y trouvez des recommandations, je vous le dis d'entrée de jeu, qui visent à bonifier ce qui est sur la table. Voilà.

Ça fait que, comme je le disais, la maltraitance envers les personnes majeures, ça, ça va être quelque chose qu'on va vous demander, parce que, quand on parle des personnes en situation de vulnérabilité, on s'adresse ici à des personnes majeures. Il y a d'autres lois qui traitent pour d'autres personnes, ce sera une question... Mais, outre les valeurs d'égalité, de solidarité puis de justice sociale, comme je le disais, qui nous animent, il y a trois grands principes qui nous ont guidés, là, dans notre réflexion en la matière, soit le respect de l'autonomie et de l'intégrité des personnes qui sont aptes à décider. Ça, c'est bien important. Ce n'est pas parce que tu es une personne aînée que tu es une personne vulnérable. Il y a des personnes aînées qui ont toute leur autonomie, toute leur intégrité pour décider de leurs choix. La protection entière des personnes dont l'état le requiert et l'action préventive aussi qui visent à réduire les facteurs de risque et de vulnérabilité tels que l'isolement social, qui accroissent les risques en matière de maltraitance.

• (10 h 20) •

Je pense que la richesse des connaissances et des expertises développées au Québec, au cours des dernières années, ont démontré l'importance d'agir de façon concertée pour enrayer ce fléau social. Aussi, le rôle important qui est joué par le personnel de la santé et des services sociaux dans la détection, mais également dans la prévention des situations de maltraitance, ça ne fait aucun doute.

Ça fait que, d'entrée de jeu, on tient à rappeler que le vieillissement, en santé, nécessite des investissements grandissants afin non seulement de respecter les droits fondamentaux des personnes aînées, mais aussi de leur assurer un milieu de vie sain et exempt de maltraitance, qu'elle soit le fait des personnes ou des organisations elles-mêmes. Ça fait que vous ne serez pas surpris de nous entendre sur la maltraitance organisationnelle. Et, pour nous, sans l'ajout de ressources nécessaires, tant au plan de la dispensation des soins qu'au plan du rôle qui sera confié au commissaire aux plaintes, ça va nous apparaître une façade.

Ça fait qu'en termes de politique de lutte, vous avez trois grands chapitres, là, trois axes. La première chose, c'est élargir et préciser la définition de la maltraitance, parce que les lois, elles ont une fonction régulatrice, mais elles ont aussi une fonction éducative. Ça fait qu'une définition plus explicite de maltraitance permettrait de mieux aussi guider les établissements dans leurs responsabilités. Donc, on va recommander que la définition de maltraitance soit précisée en ajoutant à celle qui est déjà là qu'elle peut être physique, financière, psychologique, sexuelle ou participer de l'âgisme, la violation des droits ou de la maltraitance organisationnelle.

S'assurer aussi que les grands principes se traduisent en interventions efficaces. Là, on va saluer qu'il y ait une obligation de faite aux établissements de mettre en oeuvre une politique de lutte à la maltraitance, mais on pense que l'ensemble des parties prenantes doivent être mises à contribution. Si on veut avoir une politique solide obligatoire, puis ça, c'est bien, qui réponde aux besoins du milieu, bien, il faut accepter que le personnel du milieu, le commissaire aux plaintes, qu'il y ait une équipe multidisciplinaire qui puisse voir à l'élaboration puis à la mise en oeuvre. Ça, pour nous, c'est important, comme les responsabilités puis les obligations des diverses parties devront être précisées dans la politique.

J'oserais vous dire qu'on a une certaine expérience. On a travaillé fort dans le milieu de l'éducation pour se doter d'une politique pour contrer la violence et l'intimidation à l'école. Quand on parle d'une politique institutionnelle au niveau de nos aînés pour contrer la maltraitance, je pense qu'il faut qu'il y ait du monde formé, qu'il y ait du monde qui connaissent leurs droits puis que le personnel, qui font partie pas du problème, hein, mais de la solution, puissent participer à ces mécanismes.

Assurer aussi la protection contre les représailles. La confidentialité des signalements, pour nous, c'est important. En cas de maltraitance, donc, on va demander qu'il y ait des ressources humaines et financières qui soient suffisantes, qui soient accordées, qu'on assure une protection à toute personne aussi qui pourrait demander conseil. Des fois, ce n'est pas toujours clair, je ne suis pas certaine. Si je veux demander conseil à la personne qui sera responsable de recevoir les plaintes pour savoir... est-ce que je serai préservée aussi de cette demande-là ou je serai sanctionnée? En tout cas, pour nous, c'est important d'être accompagné et assurer un accompagnement professionnel pour tous. On sait que ce n'est pas simple, dénoncer un abus ou de la maltraitance, et on pense que la Fédération des centres d'assistance et d'accompagnement, qui sont dans toutes les régions, qui ont 25 ans aux plaintes, pourraient être la ressource experte officiellement pour y répondre. Mon 10 minutes s'en va, hein? Donc, je vous l'avais dit, c'est presque de la maltraitance, M. le Président.

Ça fait qu'il faut inviter les parlementaires aussi à travailler en amont. La maltraitance organisationnelle, bien, vous nous poserez des questions. Je pense qu'avec tout ce qu'on a entendu et vu, je pense que le personnel du réseau a grandement mis sur la place publique tous les problèmes qui sont liés au manque de personnel, au ratio personnel soignant, au manque de ressources, au fait qu'il y ait des personnes aînées qui puissent avoir du retard dans leur traitement, du retard dans leurs soins, puis ça, pour nous, c'est des questions organisationnelles qui doivent être absolument réglées.

Il y a toute la question de la protection de la confidentialité de certaines informations. Vous semblez vous en tenir aux normes qu'on a définies, les critères dans la Cour suprême, mais vous en changez un peu la formule. On reviendra, si vous nous posez des questions, mais, pour nous, même si on trouve que ça rejoint les critères, on pense qu'en changeant, ça nous sème des craintes, le fait de vouloir changer des définitions, en tout cas, sur des certitudes ou des critères qu'on connaît. Les caméras de surveillance, écoutez, c'est en cours de route qu'on apprend quelques orientations de la ministre.

Pour conclure mon propos, je vais réitérer ce que j'ai eu à dire hier. En bout de course, même si on était devant vous aujourd'hui, ça demande tout un débat public, cette question-là, parce que ça suppose des questions éthiques, des questions de droit, des questions de liberté. Et, pour nous, faire une telle autorisation et le faire par voie réglementaire, alors qu'on ne peut même pas le faire par voie législative, sans commission parlementaire, sans qu'on ait le temps de faire le débat, je pense qu'il y a une occasion là de faire un beau débat de société. Qu'est-ce qu'on tolère? Qu'est-ce qu'on ne tolère pas? Pourquoi on le fait? Et pour qui on le fait? Ça nous apparaît majeur, puis là la piste retenue, d'y aller par voie réglementaire, pour nous, en termes de démocratie puis de débat public, on a vu ce que ça a suscité hier, ça nous apparaît incontournable.

Puis incontournable parce que, de façon bien... Puis ce n'est pas parce que les syndicats, là, sont juste contre parce qu'ils représentent du personnel, la question est beaucoup plus fondamentale que ça. Quand tu arrives dans un milieu de vie, que ce soit une ressource intermédiaire, que tu sois à domicile parce que tu reçois des soins, ou en CHSLD, d'entrée de jeu, avec une politique de la maltraitance, c'est de garantir à nos personnes aînées, mais aussi à celles et ceux qui y travaillent, des règles de sécurité, que le milieu est sain et sécuritaire et que le milieu est exempt de maltraitance. Donc, les personnes, d'entrée de jeu, doivent entrer avec la confiance puis avec la certitude que le milieu est sécuritaire. Ça fait que de décider comme ça que, parce que je suis une personne comme ça, parce que j'ai un petit doute, que je pourrais mettre une caméra de surveillance, c'est grave puis c'est grave surtout dans la relation de confiance qui est établie avec le personnel. Ça fait que, sur ce, ça fait un grand tour. Merci de m'avoir accordé quelques minutes de plus du mémoire qu'on vous a...

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie et je vous informe que vous n'êtes pas obligée de faire un signalement, hein? Alors, ceci termine le temps de l'exposé. Je vous invite, Mme la ministre, à poursuivre les échanges.

Mme Charbonneau : Merci beaucoup, M. le Président. Mesdames, Mme la présidente, on se retrouve. C'est un plaisir à chaque fois puisqu'on a des échanges qui font que la communauté commune est meilleure. Et je me fais plaisir en vous rappelant, parce que je me suis rappelé hier en vous entendant, qu'on est dans un sujet d'une de vos anciennes vies, hein, parce que vous étiez au niveau de la santé, ce qui est un endroit où vous avez vraiment laissé votre marque, mais aussi parce que vous l'avez signalé, puis c'est un dossier qui me tient bien à coeur, parce que je le partage avec mes collègues des autres ministères, mais le dossier de l'intimidation, effectivement, vos membres ont participé à l'élaboration des politiques dans chacune de nos institutions scolaires et ont été de ceux qui ont dit : Ça ne s'arrête pas ici, ça va jusqu'ailleurs. Et de ce fait, le premier ministre du Québec a voulu définir encore plus loin sa volonté de contrer l'intimidation qui est un peu la ligne juste avant la violence et la maltraitance, hein? Des fois, l'intimidation prend toute sa place, puis là tout d'un coup, quand ce n'est pas arrêté avant, bien, ça se rend jusqu'à la maltraitance ou la violence. Donc, vous y avez participé, et on est très fiers de ça.

Je veux revenir sur le principe de la politique parce que vous nous dites : Il serait important d'avoir un groupe multi qui va faire en sorte qu'on va s'approprier une politique, mettre en place une politique. Hier, on a entendu des intervenants qui nous ont dit : On ne veut pas nécessairement que la politique vient de chacun des milieux, on veut que la ministre, hein, impose une politique qui serait la même partout pour s'assurer d'une uniformité. Puis je peux comprendre cette volonté-là de l'uniformité, mais je vous livre d'emblée un argument qui m'appartient à moi, c'est-à-dire celui qui veut que chacun des milieux prenne sa réalité en compte. Un coup que je vous ai dit ça, il y a nécessairement un mélange à faire entre des obligations dictées par la ministre et une réalité de chacun des milieux parce qu'un CISSS... le CISSS de Montréal gère plus de bâtiments ou moins de bâtiments qu'un CISSS de Trois-Rivières. Je fais des comparaisons un peu grosses. Écrivez-moi pas sur Twitter pour me dire que la comparaison n'est pas bonne, je le sais...

• (10 h 30) •

Mme Chabot (Louise) : Surtout, moi, je viens de Trois-Rivières.

Mme Charbonneau : En plus, elle vient de Trois-Rivières, mais... Donc, vous le connaissez bien. Mais je sais que vous connaissez bien le Québec, donc je ne me limiterai pas à Trois-Rivières. Mais je veux vous entendre parce que votre recommandation m'amène dans un autre aspect, et je vous le dis d'emblée parce que ça va vous aider dans ce que vous allez me dire. Je ne veux pas que ce soit une politique qui prend trois ans à mettre en place. Je veux que ce soit une politique qui arrive pratiquement à quelques semaines de l'adoption du projet de loi parce que la maltraitance, on veut la contrer maintenant. On ne veut pas qu'il y ait un laps d'attente parce que les administrateurs, puis parce que le syndicat, puis parce que le comité des usagers, puis tout ça, ça prend du temps à les asseoir ensemble. Je veux vraiment voir quelque chose apparaître rapidement puis qui va donner, à chaque institution, à chaque directeur général, la possibilité de contrer des gestes de maltraitance.

Mme Chabot (Louise) : Bien, pour nous, c'est essentiel qu'il y ait une politique, qu'il y ait une couleur locale selon le milieu. Ça fait que ce n'est pas une politique mur à mur érigée par Québec, là, qu'on va dire : Bien, à chaque établissement, parce que ça va appartenir à l'établissement, l'obligation de mettre en place sa politique, d'où l'importance d'y associer... Écoutez, être en CHSLD à quatre étages avec je ne sais pas combien de bénéficiaires puis d'être dans un CHSLD de plus petite taille... Là, on parle de CHSLD, mais ça va plus loin que le... c'est toutes les ressources qui peuvent faire affaire avec un CISSS dans la dispensation des services, ça fait que oui... Par contre, quand on demande des définitions, il va y avoir des balises assez claires au niveau d'une orientation nationale, des balises claires, là, donc ce qu'on disait tout à l'heure, tu sais, une définition claire sur laquelle les établissements vont avoir des assises, les droits et responsabilités.

Maintenant, comment on met ça dans le milieu? On parle même dans le mémoire qu'il va falloir, même dans la politique, être en éveil sur les moyens qu'on se donne pour détecter... Il y a des moyens qu'on se donne pour... Réparer, ce n'est pas le bon terme, mais pour... Tu sais, une politique, ça peut être bien clair, chacun va savoir ce qu'il va avoir à faire au niveau de son milieu, et ça, je pense que, si on associe tout le monde... Nous, on n'est pas pour que ce soit une politique nationale. En même temps, on serait contre aussi que ce soit le laisser-faire dans chacun des établissements. Nous, quand on a lu qu'il y avait une obligation puis que vous aviez la responsabilité, comme ministre, de la coordination, on en comprend qu'il y aura des grandes orientations nationales, mais qu'on pourra laisser au milieu le soin de définir les balises en fonction des besoins du milieu, mais en donnant les mêmes droits à tous.

Mme Charbonneau : Par contre, je vous fais un clin d'oeil en vous disant : Notre plus grande problématique à tous, c'est l'interprétation, donc définition claire pour qu'il y ait le peu d'interprétation possible sur la définition qu'on y donne.

Parlant de définition, vous nous disiez qu'il faudrait — dans une de vos recommandations — revoir une définition... Je veux juste vous guider en vous disant qu'on a pris la définition de l'OMS pour s'assurer qu'on prenait une définition reconnue par l'ensemble... mais j'entends votre recommandation qui dit : Peut-être qu'il y a là, tu sais, une définition un petit peu plus pointue à mettre en place pour être sûr que tout le monde s'y reconnaisse.

Une dernière question avant de laisser la parole à mes collègues. Le commissaire aux plaintes, vous nous disiez avec raison le doute... Bien, moi, quand vous me parlez du doute, de est-ce que je suis dans une situation qui ressemble à de la maltraitance, est-ce que mon collègue, est-ce que la famille, est-ce que... Parce que le «est-ce que» peut aller à bien des gens, parce que la maltraitance — je le sais, que je ne vous apprends rien — dans la majorité du temps, c'est quelqu'un de confiance. Puis quelqu'un de confiance, bien, c'est souvent un proche ou quelqu'un comme ça alentour de l'aîné qui peut, pour toutes sortes de raisons qui appartiennent à une réflexion, à la personne, poser un geste qui fait que ça s'interprète comme de la maltraitance.

Deux choses. La première, c'est : Est-ce que votre membre... Je vais le nommer comme ça parce que vous êtes ici à titre de représentants, mais est-ce que votre membre devrait avoir l'obligation de dénoncer, hein, il est-u obligé ou si le commissaire aux plaintes, pour l'aider dans sa réflexion, il y a autre chose qui fait qu'il peut être accompagné dans sa réflexion, de ce fait, après ça, bien, on pèse et on mesure? Donc, pour moi, la non-obligation, mais le jugement important d'un professionnel qui est en service...

Mme Chabot (Louise) : Bien, notre réponse rapide, c'est non à l'obligation de dénoncer. D'entrée de jeu, je l'ai rappelé, on est devant un projet de loi qui s'adresse à des personnes majeures, puis les personnes ont le droit de décider qu'on ait le droit de leur parler, qu'on ait le droit de les conseiller, mais ça va appartenir aux personnes de le faire. Ça fait que non à l'obligation de le faire, mais ce qu'on voulait souligner avec le commissaire aux plaintes, c'est particulièrement deux choses. Un, ça nous va que ça soit lui qui soit le répondant. Deux, ça va lui prendre des moyens extrêmement importants pour assumer ses fonctions. Puis, trois, si on a un doute, au sens : Coudon, on est-u devant une situation de... on n'est pas certains, bien, que la personne qui va demander conseil n'ait pas des représailles pour avoir juste demandé conseil. Ça fait que ça, pour nous, c'est aussi important, les représailles à l'endroit de la dénonciation, mais non à l'obligation.

Le Président (M. Matte) : C'est bien. Merci. Donc, je cède la parole à la députée de Verdun.

Mme Melançon : Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Merci beaucoup d'être parmi nous aujourd'hui.

Écoutez, moi, j'aimerais vous parler, il y a quelque chose qui retient beaucoup l'attention actuellement, c'est les caméras. Je vous ai entendue hier à RDI, et on a entendu plusieurs personnes hier... Moi, j'ai assisté aux travaux, là, depuis hier matin. Je suis présente, j'ai entendu beaucoup de gens et je dois vous dire que, comme nouvelle élue, je trouve ça très triste que notre société, on soit rendus là parce que, là, on parle de la maltraitance, et il me semble qu'on devrait tous se prendre... avec les autres, puis prendre soin de nos aînés, puis leur donner tout le temps et tout le coeur qu'on a. Malheureusement, on doit aller vers un projet de loi comme celui-là parce que, malheureusement, on a eu des cas... Et je ne veux vraiment pas généraliser parce qu'il y a des cas, c'est de la maltraitance qui vient du milieu familial, ce n'est pas uniquement, là, des gens que vous représentez, là, je ne veux vraiment pas aller là-dedans.

Je veux juste vous rappeler une chose, par contre. On a entendu Me Ménard hier, on a entendu la bâtonnière du Québec, la commission des droits, et, pour moi, ce que j'ai retenu, c'est le milieu de vie versus le milieu de travail parce que, d'abord et avant tout, nos aînés, quand ils sont dans leur appartement, ils sont chez eux, ils sont dans leur résidence. Et j'ai demandé à la fédération interprofessionnelle hier s'ils étaient pour ou contre, ils n'étaient pas contre. Moi, j'aimerais entendre votre position parce que, d'abord et avant tout, si on est ici aujourd'hui, c'est pour parler de la maltraitance des aînés, pour lutter contre cette maltraitance-là. Et ce que j'entendais bien de Me Ménard hier, c'est que, pour lui, ça a un effet qui est préventif. Alors, j'aimerais beaucoup vous entendre.

Mme Chabot (Louise) : Bien, merci pour votre question, qui mériterait un long développement. Bien, premièrement, je vous ferai remarquer que, dans le projet de loi, rien n'est prévu pour définir dans quel cadre, et tout ça, ça viendra par voie réglementaire. Ça fait que, pour nous, ça ne fait pas de sens sur la question des caméras de surveillance. Déjà, les débats éthiques que ça pose, les questions que vous soulevez, ça fait partie du débat public, la première question. La maltraitance, avant ce projet de loi là, là, elle existait. Puis elle n'existe pas juste en institution, il y a des personnes aînées, à leur domicile, dans leur communauté, qui vivent de la maltraitance. D'ailleurs, notre association des retraités... et des autres secteurs publics va être entendue à 17 heures, puis vous regarderez leur mémoire, puis souvent c'est la personne proche, de la famille beaucoup plus que du côté du personnel, même si les statistiques ne sont pas nombreuses. Ça fait que faire attention à penser que c'est le personnel.

Mme Melançon : C'est pour ça que je vous ai dit, d'entrée de jeu, que je ne voulais pas aller...

Mme Chabot (Louise) : Bien, c'est pour ça. Ça fait que, là, on parle de personnes qui sont en institution. On a beau dire qu'elle est dans sa chambre, je veux juste vous dire les critères maintenant pour être une personne qui arrive en CHSLD, là. Souvent, elles sont très âgées, puis leur nombre d'heures-soins est très élevé. Puis soigner des personnes, là, c'est le quotidien de l'ensemble du personnel du réseau de la santé et des services sociaux. Je vous inviterais juste à venir passer une journée, c'est des personnes passionnées, des personnes qui les aiment, des personnes bienveillantes. Ça fait que, là, la caméra de surveillance, pour nous, là, ce n'est pas légitimé, d'entrée de jeu, parce que j'aurais un doute, parce que c'est ma chambre, parce que... Oui, juridiquement, je suis chez nous, c'est mon milieu de vie. Bon, si ça me tente de mettre une caméra puis de dire à l'entrée : Souriez, on vous filme... Mais, pour nous, il y a comme une intrusion dans le genre de climat de confiance qu'on peut être avec des personnes aînées qui sont sous nos soins.

• (10 h 40) •

Je l'ai dit hier, tu sais, en plus de donner des soins, c'est toute la question de la relation humaine, puis la relation de confiance est bien importante. Ça fait que, la journée où on va, pour des raisons qui ne sont même pas graves, importantes... qu'il n'y aura pas eu une autorisation, qu'il y aura des caméras partout, bien, oui, on a le sentiment qu'on se fait surveiller, il y a un sentiment que le lien de confiance est brisé, puis chacun va être sur ses gardes dans cette relation-là, alors que ce n'est pas ça qui est souhaité.

Quand on parle de maltraitance puis qu'on veut la prévenir, là, bien, la surveillance par la caméra de surveillance, ce n'est surtout pas un outil de prévention, au contraire. Ça fait que, si vous décidez, comme législateurs, d'aller plus loin dans cette voie-là, vous allez avoir besoin d'encadrer ça de façon sérieuse parce que ça a bien des impacts au plan juridique. On a beau parler des droits des uns, des libertés des uns, mais ça s'arrête quand on prive le droit des autres. Ça fait que ça, pour nous, je pense qu'il faut différencier le droit de le faire parce que je suis chez nous, là, puis que je peux le faire en toute liberté au cas où, parce que j'ai un doute. Puis comment, dans quelle mesure on utilise un outil comme ça, pour nous, c'est bien important.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie. Je cède la parole à la députée de Chauveau pour une minute.

Mme Tremblay (Chauveau) : Merci beaucoup, M. le Président. Mme Chabot, j'aimerais revenir... Vous avez dit, en entrevue au Devoir, que la présence avérée ou soupçonnée de caméras vidéo sapera à coup sûr la relation de confiance unissant l'usager et le personnel des CHSLD tout en bafouant le principe de secret professionnel. Mais, si c'est l'usager lui-même qui installe ou qui fait installer la caméra, donc il ne souhaite pas que ce soit un secret, il souhaite que ce qui se passe dans sa chambre, ça se sache. Et l'usager qui installe une caméra, ce n'est pas nécessairement pour viser un travailleur, un employé qui offre des services. Il peut découvrir, à la lumière de ça, que c'est un voisin de chambre, par exemple, ou un autre usager dans une autre chambre qui fait irruption la nuit dans sa chambre pour quelconque raison, ou un membre de la famille. En ce sens-là, ça pourrait même protéger le travailleur. Vous en pensez quoi?

Le Président (M. Matte) : Une courte réponse.

Mme Chabot (Louise) : J'en pense que, tout ce débat-là, j'aimerais bien ça qu'on l'ait durant plus longtemps. Vous avez une opinion sur la question, vous nous posez une question. J'en dis bien, des affaires dans les journaux, mais je ne suis pas sûre que c'est moi qui ai... cette citation-là, mais ce n'est pas grave.

Quand on parle de la relation de confiance, là, moi, ce que je suis en train de vous dire : Une caméra de surveillance, ce n'est pas vrai, là... Ce n'est pas vrai que, dans un milieu institutionnel, de façon libre, c'est la personne qui le décide, qu'il y aura des caméras de surveillance partout, sur une longue durée, qui vont venir protéger quoi au juste? Les travailleurs, on n'a pas besoin qu'il y ait des caméras de surveillance pour se faire dire qu'on manque de personnel, pour se faire dire qu'on manque de couches, pour se faire dire que, deux heures plus tard, on n'a pas pu donner le pansement, malheureusement, que la personne, elle n'a pas mangé à temps, elle n'a pas été...

Le Président (M. Matte) : Je vous invite à conclure.

Mme Chabot (Louise) : Ça, on est capables de le documenter sans caméra de surveillance. Ça fait qu'on n'a pas besoin de ça pour se rappeler qu'on est maltraités de façon organisationnelle puis que les aînés en souffrent. Ce qu'on veut dire par une caméra de surveillance, c'est que c'est une intrusion. À quelque part, les gens reçoivent des soins. Là, on a dit que ça ne serait pas dans leur toilette. À quelque part, on vient, dans une relation entre la personne...

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie.

Mme Chabot (Louise) : Ah! bien, parfait.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie.

Une voix : ...

Le Président (M. Matte) : Mais on pourra le faire aussi après, là. J'invite le député de Rimouski à poursuivre les échanges.

M. LeBel : Merci, M. le Président. Salut, tout le monde. Juste une parenthèse, parce qu'effectivement ça mérite un vrai débat où qu'on pourrait en discuter plus longtemps, mais sur la caméra, hier, l'argument de Me Ménard qui disait, bon : Les personnes sont chez elles, si elles veulent mettre une caméra, elles ont bien le droit de le faire, moi, j'ai le droit de mettre une caméra chez nous, là-dessus, moi, ça m'a un peu ébranlé, cet argument-là. C'est difficile à aller contre cet argument-là, et, quand on pense que les aînés, entre autres, ces personnes-là ont des droits, c'est des personnes, on ne peut pas leur enlever le droit de mettre la caméra. Mais c'est un débat qu'on pourrait avoir.

Mais moi, ce matin, dans les médias, je me suis fait accuser d'être trop proche des syndicats. C'est comme si, maintenant, les syndicats... Je posais la question des caméras avec les journalistes, ils disaient : Oui, les syndicats sont contre. Le signalement obligatoire, les syndicats sont contre. C'est comme si les syndicats, tout de suite, si on est... Le syndicat protège plus le personnel que les maltraités. C'est un peu fou quand on sait que c'est le personnel qui travaille avec les personnes à la journée longue.

Moi, je suis revenu souvent sur la... Parce qu'une forme de maltraitance, c'est la maltraitance organisationnelle. Je reviens souvent là-dessus. Moi, ce n'est pas vrai qu'on va mettre tout sur le dos du personnel, des préposés quand on coupe partout dans le réseau de la santé. Chez nous, j'ai quelqu'un que je connais, là, la femme a 120 livres, là. L'autre jour, il fallait qu'elle transporte un monsieur, un costaud, là, puis elle le tasse toute seule parce qu'il n'y avait plus de personnel pour l'aider, puis avec les culottes d'incontinence, puis tout ça. 120 livres, c'est sûr qu'elle s'est fait mal, elle l'a échappé ou que... Tu sais, mais ça n'a pas de bon sens.

Et ça, cette maltraitance organisationnelle là, il faut en parler. Moi, j'en parle, là, je me fais accuser de dire que je parle de ça comme pour dire que le personnel, ils ne sont pas coupables de rien puis... Mais l'État, le gouvernement du Québec a un rôle à jouer, puis, actuellement, dans le réseau, il ne le joue pas, le rôle, et les gens ne sont pas bien traités dans le réseau parce qu'on a coupé partout dans les services. Il faut quand même se le dire. Il faut le dire, ça, puis moi, souvent, je trouve que ce projet de loi là qu'on est en train de faire essaie d'occulter ce débat-là. On revient tout le temps à la personne, on revient tout le temps à... le commissaire aux plaintes va traiter une plainte de quelqu'un qui a... Mais qui va se plaindre du gouvernement, qui sous-finance le réseau de la santé, qui fait en sorte que le monde sont épuisés, qu'il y a un roulement de personnel, que le monde veulent décrocher? Comment on fait pour se plaindre contre cet effet-là?

Moi, c'est ça, est-ce que le commissaire aux plaintes, là... Demain matin, moi, je fais une plainte au commissaire aux plaintes, je dis : Non, ça ne marche pas, le gouvernement a coupé partout, puis les gens ne sont pas bien traités. Qu'est-ce qu'il va faire, le commissaire aux plaintes, il va appeler le premier ministre, il va dire que ça ne marche pas, il va appeler le ministre? Ça va faire quoi de plus? Le danger, c'est que ce projet de loi laisse l'illusion qu'on va régler les problèmes. Dans le fond, une façon de régler le problème, c'est de réinvestir dans le système puis de s'assurer qu'il y ait du monde assez pour prendre soin de nos aînés. C'est ça, la solution.

Mme Chabot (Louise) : Donc, M. Lebel...

M. LeBel : Ce n'est pas une question, mais je me défoulais!

Des voix : Ha, ha, ha!

M. LeBel : Non, mais je n'ai pas aimé ça, ce matin, de lire ça. Si je parle de maltraitance organisationnelle, là, ce n'est pas parce que je veux sortir du débat.

Mme Chabot (Louise) : Non, non, mais je pense qu'on doit en parler, de la maltraitance organisationnelle. Mais, quand on parle, là, qu'on a un sentiment pour la maltraitance envers les aînés, puis tout ça, c'est bien, là, mais, tu sais, c'est pour ça que la maltraitance organisationnelle, il faut en parler. Puis vous avez un rôle comme élus, comme politiciens dans le cadre des débats, dans le cas des budgets. 2 milliards en santé et services sociaux, là, ça veut dire que les taux de croissance des budgets dans ces secteurs-là étaient en deçà, même, pour couvrir les besoins.

Ça fait que cette réalité-là... Pas parce que les personnes sont mal soignées, les personnes qu'on soigne, mais il y a quand même une pénurie de main-d'oeuvre, des conditions de travail de précarité, puis ça fait des années qu'on le dit. Ça fait que, si on veut aider dans cette politique-là à ce que nos aînés aient des soins sécuritaires puis exempts de maltraitance, bien, il faut donner les moyens. Puis, oui, on a une population vieillissante, ça fait qu'il y a toute une réorganisation de services qu'il faut faire, puis il faut avoir les personnes au bon moment pour donner les services. Puis sentez-vous tout à l'aise de soutenir cette thèse-là parce que je pense qu'au niveau du Québec, dans un projet social-démocrate où on veut réduire les inégalités aussi, bien, il faut parler de ces questions-là.

M. LeBel : Je me sens bien à l'aise. Me faire traiter de syndicaliste, ce n'est pas si grave que ça. C'est ça que je me dis.

Mme Chabot (Louise) : C'est un compliment qu'on vous fait, là.

M. LeBel : Je vais le prendre de même. Parce que, là, on parle du réseau, on met beaucoup de pression sur le réseau. Tous les gens qui viennent nous voir, ils disent : Il faut élargir, il faut aller plus loin, à domicile ou... et là on parle de ça, mais le circuit qu'on nous propose dans le projet de loi, ça revient toujours au commissaire aux plaintes. Comment vous voyez ça? Est-ce que le commissaire aux plaintes a ce qu'il faut pour intervenir dans le réseau de la santé? Mais en plus il faut qu'il intervienne plus largement. Est-ce qu'il a ce qu'il faut? Et, dans le cas de la maltraitance organisationnelle, Me Ménard disait hier : Il devrait y avoir une ligne rouge. Si les services sont donnés en dessous de la ligne, il devrait y avoir un signalement contre l'État. Mais ça, pour ça, il faut être organisé pour. Est-ce qu'on est organisé pour? Est-ce que les commissaires aux plaintes sont organisés pour défendre la maltraitance, entre autres, aussi la maltraitance organisationnelle?

• (10 h 50) •

Mme Chabot (Louise) : Bien là, maintenant, ça va lui prendre beaucoup, beaucoup, beaucoup de moyens, et financiers et des personnes. On a vu la Protectrice du citoyen, en tout cas, déjà, dans son rôle, là, en dehors de tout ce que ça peut demander... C'est la même chose pour le commissaire local aux plaintes. Bien, quelqu'un qui est... En tout cas, à moins que je ne m'abuse, là — puis mes collègues me corrigeront — nous, la personne qui est à domicile, mais qui n'est pas reliée à un CISSS, bien, nous, on n'a pas compris qu'elle était visée par ce projet de loi là. Nous, c'est la personne à domicile qui est... On est dans le cadre du maintien à domicile, mais peut-être que je me trompe parce que c'est sûr que le commissaire local aux plaintes ne peut pas répondre à l'ensemble des personnes aînées qui vivent à leur domicile. Mais, quand on parle du domicile, est-ce qu'on vise bien les personnes qui sont à domicile, mais qui... C'est le maintien à domicile dans le cadre de recevoir des soins, là. Voilà. Ça fait que, déjà, on limite les personnes, puis oui, c'est normal que ce soit le commissaire local aux plaintes, qui relève du même CISSS ou CIUSSS.

M. LeBel : Tantôt, on parlait de maltraitance financière. Souvent, ce n'est pas dans le réseau, là, c'est autrement qu'on voit cette maltraitance-là. Là, le commissaire, il est collé au réseau. Comment il va faire pour intervenir? C'est parce que je trouve qu'on en prend très large, mais on ne se donne pas les vrais moyens. Ici, j'ai un document, là, de la chaire qui nous explique : En CHLSD, dans les ressources intermédiaires, dans les résidences, tous les éléments pour faire des plaintes, il y en a beaucoup, là, il y a beaucoup de choses. Je trouve que le circuit, c'est déjà très encombré. Il faut que le projet de loi vienne clarifier tout ça. Un peu comme vous avez dit, là, il faut que les gens qui veulent porter plainte ou faire un signalement... il faut que ça soit clair puis il faut qu'ils disent : Moi, c'est là que je porte plainte. Puis, si je porte plainte, là, il va y avoir un suivi. Peut-être des sanctions, mais il va y avoir un suivi. Actuellement, je ne le sais pas. À chaque fois que quelqu'un arrive, il dit : Bien, c'est le Protecteur du citoyen, c'est la commission de protection des droits. Il faut clarifier tout ça, à mon avis. Sinon, on ne va nulle part.

Mme Chabot (Louise) : Vous avez raison, mais, dans ce cas-là, on pensait que la ligne était claire. Le commissaire local aux plaintes, c'est visé par un CIUSSS... Voyons, j'ai de la misère à le dire, c'est ça, CIUSSS? CISSS, CIUSSS, ça dépend, et donc tout ce qui relève... Parce que les CISSS ou les CIUSSS, quand on parle de ressources intermédiaires, c'est eux autres qui donnent les contrats finalement aux ressources intermédiaires. Ça fait que c'est ce réseau-là. En dehors de ce réseau-là, il y a une autre ligne, là, pour les plaintes. Ça, c'est évident, puis ça, bien, ça appartient maintenant au... Si on vise la maltraitance, effectivement, ça ne vise pas juste le milieu de la santé et des services sociaux, hein, ça peut se vivre ailleurs, je le disais. Bien là, il faut que les lignes soient claires en dehors du réseau.

M. LeBel : Je vous le dis, là, dans les bureaux de comté, là, parce qu'on en fait de temps en temps, quand on est dans les bureaux de comté, on voit plein de monde qui viennent nous voir, et ça devient de plus en plus compliqué. Les services, pour porter plainte, sont plus compliqués : Faites le 1, faites le 2. Si vous n'avez pas compris le 2, faites le 4, recommencez par le 3. Les personnes aînées ou vulnérables, là, elles ne sont pas capables, elles ont besoin d'être accompagnées. Et ça, on n'a pas cet accompagnement-là. Et il y a des groupes, là, qui le font, là, mais ils sont sous-financés pour le faire, les groupes de défense de droits. Mais il faut se poser cette question-là, c'est déjà très compliqué, puis, en plus, les gens ne sont pas informés de... Ça fait qu'en bout de ligne on donne l'illusion qu'on va s'occuper de la maltraitance, mais pas sûr qu'on va l'avoir fait.

Mme Chabot (Louise) : J'ai-tu 10 secondes?

Le Président (M. Matte) : 10 secondes.

Mme Chabot (Louise) : Oui, vraiment, pour répondre à ça. C'est pour ça, dire qu'au-delà qu'on a des politiques, puis tout ça, il faut être capable de diffuser, il faut être... Tu sais, si un gouvernement veut lutter contre la maltraitance, c'est qu'en plus de la politique, c'est que les gens connaissent leurs droits, sachent ces questions-là, c'est quoi. Ça fait que ça dépasse... C'est pour ça qu'on demande un ajout aussi, je ne sais pas, d'un article de loi pour dire que chaque personne, en tout cas, au moins, chaque résident devrait l'avoir quand il arrive dans un milieu, comme chaque personne aînée, dans sa communauté, devrait connaître ses droits puis à qui s'adresser.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie. Je cède la parole au député de Lévis.

M. Paradis (Lévis) : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, mesdames, d'être là. Incidemment, c'est drôle, hein, vous venez de Trois-Rivières. J'ai passé là mes jeunes années également, alors on a des racines trifluviennes.

Mme Chabot (Louise) : ...dans mes jeunes années, j'étais à Lévis-Lauzon.

M. Paradis (Lévis) : Ah! bien, voyez-vous, alors on passe d'un à l'autre. Moi, je suis maintenant à Lévis, vous êtes... Alors, c'est bien.

Oui, je pense, c'est important de le rappeler ici, puis je le fais aussi. Moi, je le fais puis je pense que mes collègues seront d'accord, il faut comprendre qu'on est en train de travailler sur un projet de loi pour contrer la maltraitance, et jamais, dans nos interventions — en tout cas, les miennes puis celles de mes collègues, en tout cas, je le sens — le personnel n'est pris à partie. Puis je pense qu'il faut que ce soit clair, hein, parce qu'il y a des gens qui disent : Ah! là, vous parlez de... Puis je le sais, je le vois, je le lis, il y a des gens qui disent : Ah! bien, vous nous en mettez sur le dos puis vous nous pointez du doigt. Non, les préposés aux bénéficiaires, les infirmières auxiliaires, les infirmiers, les travailleurs du réseau, quels qu'ils soient, sont des gens de grand dévouement.

Mais vous l'avez dit, madame, on est dans un monde qu'on aimerait être blanc, sans problèmes, puis, s'il n'y en avait pas, on ne serait pas là. Alors, pour les dérapages, pour les problématiques, il faut s'adresser et se donner des mesures et des moyens. Mais que les gens soient rassurés, vous êtes des personnes essentielles, vous êtes le ciment de ce réseau-là, puis, si vous n'êtes pas là, il n'existe plus. Alors, que les gens soient rassurés sur la vision qu'on a de votre travail exemplaire, celui que vous faites avec les difficultés qui se placent sur votre chemin pour bien le faire. Et c'est ça, quand on parle notamment de maltraitance systémique, et tout ça, de faire en sorte qu'on n'ait pas le temps d'agir, de réagir, de parler et de toucher, de regarder, bon, etc., et ça rend la tâche difficile, et les gens font tout pour bien s'en sortir. Alors, prenez pour acquis, je pense que ma vision à moi et celle de mes collègues est celle de reconnaître votre apport et votre dévouement également. Je pense, c'est important que ce soit dit.

Alors, dans un monde merveilleux, oui, il n'y en aurait peut-être pas, de caméras, puis, dans un monde merveilleux, là, tout blanc, il n'y aurait peut-être même pas de système d'alarme dans les appartements, puis je ne verrais probablement, peut-être, même pas d'aînés, puis de pas aînés, puis de gens vulnérables qui mettent le système d'alarme alors qu'ils y sont. Tu ne le mets pas parce que tu as peur que quelqu'un rentre chez vous parce que tu n'es pas là, les gens arrivent à la maison : Vite, mets le système d'alarme, tu sais. Alors, on est dans un monde qui n'est manifestement pas idéal, comme on le souhaiterait.

Et je dois rappeler également que, les caméras, bien, sachons-le — et vous le savez aussi — depuis 2015 qu'il y a des avis là-dessus. Il y a eu un comité des sages qui s'est penché là-dessus. Pas une personne seulement, il y a le Protecteur du citoyen qui a produit une lettre là-dessus en disant : Actuellement, là, moi, si, ce midi, je m'en vais chez moi puis je décide de mettre une caméra, c'est légal. On doit se donner un cadre pour baliser et éviter des dérapages, mais la légalité, la possibilité de mettre une caméra, actuellement, au moment où on se parle, puis depuis 2015, avec les avis qui ont été présentés, c'est également légal.

Je reviens sur ma question, est-ce que vous ne pensez pas que, malheureusement, dans l'état actuel des choses, ça puisse être un outil qui n'est pas nécessairement mauvais, mais qui peut être bénéfique tant au service de celui qui en a besoin puis dans sa valeur de prévention, dans sa valeur préventive également?

Mme Chabot (Louise) : Bien, la première chose, merci pour la reconnaissance. Le ministre, là, en parle aussi, mais ce n'est pas juste d'être reconnu, il faut être soutenu. Ça fait qu'on a de la difficulté à avoir la reconnaissance du personnel quand on voit dans quelles conditions le personnel doit exercer. Puis, oui, il y a une perception parce que, dès que, malheureusement, il arrive quelque chose qui n'est pas souhaitable, bien, c'est le personnel qu'on pointe du doigt tout de suite plutôt que de soutenir le personnel pour faire son travail.

Cela dit, la caméra, là, je ne suis pas sur la légalité, hein, sauf que, tout ce que vous énoncez depuis toutes ces années-là, il n'y a personne qui est arrivé clairement, clairement à bien préciser : C'est légal, puis voici, ça fait partie de... Personne n'est arrivé à trouver ce que vous dites, là, dans quelle situation, pour quelle raison. À partir du moment où tu as une caméra, elle sert à quoi, elle va servir à qui? Qui va avoir le droit de regarder ça? Est-ce qu'elle peut... C'est toutes des questions qui ne sont pas résolues. On en parle aussi dans... Bon, le droit de la personne, qui le demande? On a un milieu de vie où ce n'est pas encore les chambres uniques, là, c'est quoi, le droit des autres personnes qui sont dans la même chambre? C'est quoi, le droit pour le personnel? C'est tout ça.

Puis, écoutez, si ça existait, on l'aurait, puis je pense qu'avec toutes les études que vous nommez là, il n'y a personne qui est arrivé clairement à dire on fait ça comment. Ça fait que, nous, ce qu'on vous dit, on ne vous dit pas : Non, jamais. On fait juste dire : Toutes les questions que vous nous posez puis qui, depuis hier, là, prennent... bien, faisons un débat public. Si c'est un moyen pas pour prévenir, mais un moyen dans une situation x qu'on veut baliser parce qu'on veut enrayer la maltraitance, puis ça, ça devient un outil, bien, donnons-nous des règles claires. Puis des règles claires, pour nous, c'est bien important. Puis il y a des questions éthiques, puis il y a des questions juridiques.

• (11 heures) •

M. Paradis (Lévis) : J'aborde un autre thème rapidement, l'article 3.7 du projet de loi n° 115, sur les sanctions, parce qu'hier Pierre Blain, du regroupement des comités d'usagers, nous disait : Il y a une problématique. Même si un constat de maltraitance est fait pour un employé, il n'y aura aucune trace à son dossier parce que les conventions collectives font en sorte qu'un an plus tard tout ça s'efface. Et là je vous pose la question, parce que M. Blain disait : Il faut que ça disparaisse, il faut qu'il y ait un suivi, si on veut contrer la maltraitance, il faut qu'il y ait des traces. Là, actuellement, il y a des règles de conventions collectives qui font que porter au dossier un an plus tard, ça n'existe plus. Est-ce que vous seriez d'accord avec M. Blain de revoir ces conventions collectives là pour faire en sorte que les traces restent dans un processus qui aura mené à un constat de maltraitance?

Mme Chabot (Louise) : J'inviterais M. Blain à rester dans son champ d'action. Les conventions collectives, les mesures disciplinaires sont prévues pour toutes sortes de raisons, et ça appartient aux syndicats de négocier cela.

M. Paradis (Lévis) : Je comprends que c'est non, votre réponse.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie de votre participation aux travaux de la commission.

Le temps étant écoulé, je suspends les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance 11 h 1)

(Reprise à 11 h 5)

Le Président (M. Matte) : Sans plus tarder, j'invite M. Richard Lévesque, de la Direction de la police de Trois-Rivières, à présenter la personne qui l'accompagne. Et je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour faire votre exposé. Et on a parlé de Trois-Rivières beaucoup ce matin, donc la pression est sur vos épaules.

M. Richard Lévesque

M. Lévesque (Richard) : On a beaucoup d'attentes. M. le Président, Mme la ministre, membres de la commission, Richard Lévesque, inspecteur à la direction de la police de Trois-Rivières. Je suis accompagné de Mme Catherine Lafrenière, criminologue-analyste à la direction de la police de Trois-Rivières également.

Permettez-moi de remercier les membres de la Commission des relations avec les citoyens pour cette invitation de participer à la consultation portant sur le projet de loi n° 115. L'objectif principal de ce mémoire est de vous présenter le projet d'intervention sociojudiciaire visant à contrer la maltraitance, qui a été développé en Mauricie—Centre-du-Québec. Et je souligne d'ailleurs la collaboration et l'apport important des membres du comité régional pour la mise en oeuvre de l'implantation et l'application de l'entente sociojudiciaire. Et je me fais le porte-parole de ces derniers pour vous mentionner que nous sommes honorés que notre projet fasse partie de l'une des mesures ciblées du projet de loi.

C'est donc dans ce contexte spécifique je veux vous présenter les modalités de notre projet d'intervention. D'ailleurs, certains membres du comité régional siègent sur le comité national aviseur pour le déploiement provincial de l'entente sociojudiciaire. Nous y partageons l'expertise, notre expérience et, dans ce contexte, nous croyons que le projet de loi n° 115 est un important levier pour la lutte à la maltraitance envers les aînés.

Le besoin de développer un projet d'entente sociojudiciaire faisait suite à deux constats que nous avons faits dans la région de Trois-Rivières et de la Mauricie, avec mon partenaire de la Sûreté du Québec et un directeur des poursuites criminelles et pénales.

Premier constat. Dans le début des années 2010‑2011, on s'apercevait qu'il y avait une croissance des dossiers d'abus envers les aînés, principalement des dossiers d'abus financier et d'abus physique.

Deuxième constat. Ce qu'on voyait sur le terrain ou envers les différents organismes impliqués dans la lutte à la maltraitance, on était actifs au niveau de la prévention, on était actifs au niveau du repérage, mais on avait des lacunes au niveau de l'intervention et la prise en charge des dossiers qui avaient été justement repérés. On avait un problème de communication entre les différents organismes. Donc, parfois, on voyait même qu'il y avait un travail en silo.

Les partenaires impliqués dans l'entente sociojudiciaire de la Mauricie sont donc la Direction de la police de Trois-Rivières, la Sûreté du Québec, le Directeur des poursuites criminelles et pénales, les centres des services sociaux de la Mauricie—Centre-du-Québec, maintenant appelés CIUSSS, la Commission des droits de la personne et de la jeunesse et la coordonnatrice régionale spécialisée en matière de maltraitance.

L'objectif de l'entente sociojudiciaire est de garantir une meilleure protection et d'apporter l'aide nécessaire aux personnes aînées en situation de vulnérabilité qui sont victimes d'une forme criminelle de maltraitance et la mise en commun d'une procédure d'intervention sociojudiciaire permettant des actions concertées, rapides, complémentaires de la part des organismes publics que j'ai nommés précédemment.

Donc, je le rappelle, on vise principalement des infractions criminelles, parce qu'on y va avec la mission première des services de police et des organismes impliqués. Quand on parle d'infraction criminelle, on parle notamment des dossiers de voies de fait, de menaces, du harcèlement, de l'intimidation, des agressions sexuelles, des vols et des fraudes.

Comment fonctionne l'entente sociojudiciaire? Concrètement, l'entente sociojudiciaire s'opère par le déclenchement d'une procédure d'intervention qui s'inscrit dans une série de cinq étapes visant à faire cesser la maltraitance. D'ailleurs, un schéma de notre procédure d'intervention est en annexe à notre mémoire, à la dernière page, pour démontrer les cinq étapes. Il est à noter que notre procédure d'intervention ne vise pas nécessairement une judiciarisation des dossiers. On étudie plusieurs alternatives, plusieurs options justement dans l'intérêt de l'aîné. C'est un processus qui est fluide, continu, et le modèle est fortement inspiré de ce qu'on a appris et avec lequel on travail au niveau de l'entente multisectorielle visant les enfants.

Sommairement, les étapes. Première étape, c'est un processus de déclenchement et de liaison entre les partenaires. Lorsqu'un partenaire est informé d'une situation de maltraitance qui peut être criminelle, qui a un signalement, il obtient tout d'abord le consentement de la personne aînée et il utilise un outil qu'on a développé, un formulaire de déclenchement qui contient suffisamment d'information pour démarrer un processus en concertation, et ça permet également de conserver les rapports administratifs de chacun des organismes à leur niveau, de protéger les documents.

Par la suite, suite aux premières liaisons, il y a un contact téléphonique qui s'effectue pour déterminer c'est quoi, le portrait de la situation, c'est quoi, le degré d'urgence, quels sont les organismes qui doivent être impliqués dans l'entente sociojudiciaire, et ça se fait au niveau de l'équipe de base qui participe justement à cette première communication téléphonique.

• (11 h 10) •

Troisième étape, c'est l'évaluation et l'enquête, l'évaluation terrain, une cueillette d'information pour savoir exactement et valider les faits, de quel type de maltraitance qu'on a, quelles sont les personnes impliquées dans cette maltraitance et des pistes de solution pour les outils qu'on va utiliser.

Il s'ensuit rapidement, donc, une deuxième communication, un deuxième contact entre les partenaires de l'équipe de base pour déterminer c'est quoi, la stratégie d'action qu'on va utiliser dans cette situation très particulière. C'est une gestion tout le temps particularisée des dossiers. C'est quoi la meilleure option? Judiciarisation des dossiers, les poursuites criminelles, une ordonnance préventive, une ouverture de régime de protection ou un changement de milieu de vie? Il y a un paquet de solutions qui peut être adapté.

Dernière étape, action et suivi. C'est tout simplement la mise en oeuvre des actions qu'on a déterminées dans une stratégie, dans une séquence pour mettre fin à la maltraitance et justement fermer le processus d'entente sociojudiciaire.

Donc, par une gestion particularisée des dossiers, on s'assure de mettre fin aux situations de maltraitance par la mise en place de mesures de sécurité, des mesures de protection auprès des aînés, et je vous dirais même, parfois, auprès des abuseurs. Parce que, régulièrement, ce qu'on s'est aperçu, c'est que la personne abuseuse, c'est la personne qui soutient la personne aînée, ça se passe souvent à domicile, et elle aussi est en situation de vulnérabilité. Il y a même une prise en charge de l'abuseur dans plusieurs situations de déclenchement de l'entente sociojudiciaire.

Les principes sous-jacents principaux de notre procédure d'intervention. Deux principes que je retiens. C'est l'obtention du consentement. L'entente repose sur le principe que toute décision relative à une personne aînée en situation de maltraitance doit se faire dans le respect des droits et dans son intérêt, en favorisant autant que possible son autonomie, en respectant son autodétermination. Deuxième principe, l'efficacité dans l'intervention. Par la mise en commun de l'intervention, de l'information et de l'expertise, on croit qu'on est beaucoup plus efficaces.

Le projet pilote a démarré en mai 2014, et, dès le départ, l'évaluation et la production de bilans ont été un élément important afin de mesurer l'impact de l'implantation de l'entente sociojudiciaire. Nous avons donc recueilli des données quantitatives concernant la maltraitance comme telle et des données qualitatives concernant le type d'intervention qu'on faisait auprès des intervenants terrain qui nous ont donné des rétroactions. Un rapport est présentement en rédaction et devrait être déposé sous peu au Secrétariat aux aînés.

Dans le mémoire, nous avons inscrit quelques données statistiques concernant l'évaluation de notre projet. Ce que je peux dire, entre autres, c'est que la maltraitance financière, les abus financiers constituent principalement les abus qui amènent le plus de déclenchement d'ententes sociojudiciaires, et le deuxième type de maltraitance, c'est les abus physiques.

Ce qu'on a observé comme avantage de l'entente sociojudiciaire, autant chez nous, au niveau policier que des partenaires, c'est que l'entente sociojudiciaire s'inscrit dans la mission propre de chacune des organisations. Elle ne nécessite pour l'instant aucun ajout de ressources. On permet de travailler plus efficacement avec les ressources actuelles et mieux. Les personnes aînées victimes de maltraitance ont accès à un service d'aide et de soutien plus rapidement. Les rôles, et responsabilités, et les limites de chacun des partenaires sont beaucoup mieux connus. Parce que c'était une lacune qu'on avait au départ, on ne savait pas, parce qu'il y a une panoplie d'organismes, qu'est-ce qu'ils font, quels sont les rôles, les responsabilités.

Les partenaires ont développé, pendant cette procédure d'intervention, un partenariat qui peut aller au-delà de la maltraitance envers les aînés. Ça peut s'appliquer à d'autres modèles de maltraitance de personnes vulnérables.

L'entente sociojudiciaire a aussi permis le partage de l'expertise. On s'est formés mutuellement et développé un langage commun. Là, justement, on comprend c'est quoi, les indices de maltraitance au niveau des termes des services sociaux. En même temps, les gens des services sociaux comprennent le langage policier. On a mis ça simple à la base et on a fait des formations.

Un projet de cette nature comporte aussi des enjeux et des défis. Je vais vous en citer deux principalement : le consentement et l'aptitude à consentir. Les intervenants doivent obtenir le consentement de la personne aînée et tenir compte de ses besoins, de ses intérêts et, lorsque la situation l'exige, de sa volonté à judiciariser un dossier. Également, il faut tenir compte des problèmes cognitifs ou de l'état de santé de la personne, qui peut se détériorer pendant tout le processus judiciaire.

Un autre défi rencontré est l'identification des dossiers de maltraitance qui peut amener un déclenchement de l'entente sociojudiciaire. Même si on a établi des critères précis pour déclencher des ententes sociojudiciaires, il arrive que les dossiers ne sont pas si simples que ça à analyser pour amener le déclenchement.

Entre autres, une personne cible de la maltraitance envers les aînés est en situation de vulnérabilité et victime d'infraction criminelle. Comment définit-on concrètement la clientèle de ce projet? À quel âge une personne est-elle aînée? Sur quels bases et facteurs de risque sont-ils vulnérables? C'est des questions qu'on se fait poser régulièrement puis qu'on est obligés de revenir, nous, dans notre réflexion, lorsqu'on analyse les dossiers.

Considérant les enjeux et les défis rencontrés par les intervenants impliqués dans l'entente sociojudiciaire en Mauricie—Centre-du-Québec, je salue l'initiative de clarifier les dispositions concernant la levée du secret professionnel et la confidentialité dans certaines circonstances. Également, le déploiement provincial des ententes sociojudiciaires s'avère un levier important à la lutte à la maltraitance. Afin d'uniformiser le modèle d'intervention en partenariat et son application, je suis favorable à l'implantation d'une entente nationale cadre.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie pour votre exposé. Je cède la parole à la ministre pour poursuivre nos échanges.

Mme Charbonneau : Merci, M. le Président. Madame monsieur, c'est un plaisir de... madame, je vous dirais, de vous rencontrer, monsieur, de vous revoir. Vous ne le savez peut-être pas, mais, depuis le début de cette commission, je suis un peu... Bien, vous le savez, que je suis une groupie, là, ça, vous l'avez compris ça fait longtemps, mais vous avez donné un peu le secret du pourquoi, puisqu'on a commencé ensemble. Mai 2014, c'était mon début comme ministre responsable, et c'était votre début comme projet pilote, et, de ce fait, on s'est appréciés tout de suite.

Puis permettez-moi juste une petite parenthèse, je vais prendre juste quelques secondes, puis je suis sûre que mes collègues ne m'en voudront pas. Parce que la nouvelle vient d'arriver puis que pendant qu'on travaille, des fois, on va un petit peu plus loin. On sait que le travail de politicien est exigeant. Si on ne le sait pas, il y a quelques fois des signes qui se donnent pour nous le rappeler. Ça nous prend du temps, et nos familles en subissent les conséquences, et ça fait en sorte qu'on peut se retrouver plus souvent qu'autrement dans une certaine fatigue. Aujourd'hui, malheureusement, cette fatigue-là a annoncé le départ d'une collègue, une collègue qui, malgré le fait qu'elle n'était dans aucun des partis qui est ici présent, contribuait à nous éveiller sur plusieurs soucis qu'il pouvait y avoir. Moi, j'ai eu le plaisir de traiter avec ma collègue un projet de loi qui était d'un autre ministère mais pour les aînés, et le souci de ma collègue pour sa clientèle aînée était évident. Alors, Françoise, merci. Je sais que ça va être difficile pour elle mais pour la continuité des choses, parce qu'elle retrouve un monde qu'elle avait laissé, qui est la famille, et elle fait un bon choix qui dit qu'elle retourne à la sienne. Donc, Mme David, Françoise de son prénom, merci pour tout, bonne continuité.

Ceci dit, retournons à notre commission et ne faisons pas passer la politique comme un sujet de maltraitance, même si, des fois, on a l'impression qu'on se magane nous autres mêmes. M. Lévesque, ce qu'il est dur de comprendre du dossier ou de la cinquième orientation du projet de loi n° 115, qui est le comité sociojudiciaire, c'est, un, son titre. On n'est pas capable de lui en donner un autre parce que, pour moi, c'est ancré, c'est sociojudiciaire. Pour M. et Mme Tout-le-monde, ça ne veut pas dire grand-chose, «sociojudiciaire», mais, pour nous, on sait que c'est un comité qui est actif et ancré dans la réalité de Trois-Rivières. Tellement bien ancré que Montréal a pris l'idée, l'a travaillée à sa façon puis probablement va venir nous la présenter cet après-midi pour nous dire comment ça fonctionne bien aussi, à Montréal, de donner un appui à nos aînés.

Vous mettez le doigt sur quelque chose de très précieux, c'est-à-dire la question que je me pose encore plus depuis deux ans : C'est quoi, un aîné? C'est à quel âge, un aîné? Ça ressemble à quoi, un aîné? Parce que quand je lève mes yeux, normalement, je vois des aînés, mais, en même temps, les gens que je vois sont des gens qui sont au travail, qui sont actifs, de ce fait ne sont pas nécessairement dans l'image de l'aîné. Mais ce qu'il est encore plus dur à comprendre, puis nos partenaires qui sont venus à la même place que vous avez en ce moment, c'est que plusieurs nous disent : Vous faites quoi pour les aînés qui sont à l'extérieur du système de la santé? Vous ne faites rien, Mme la ministre, votre projet de loi s'adresse juste aux gens dans le système de la santé. Et pourtant, M. Lévesque, vous, ce que vous faites, c'est à l'extérieur du système de la santé. C'est l'aîné chez lui, dans ses affaires.

Et vous avez parlé des différents modèles, hein, ou les différents types, mais vous avez été confronté aux principes financiers très clairs. C'est très clair, quand vous... Du moins, à chaque fois qu'on s'est rencontrés, vous m'avez parlé du principe financier. Puis la dernière fois qu'on s'est vus, il y avait un gars sur le stage, comme on dit, qui était un jeune homme qui représentait l'AMF, qui faisait une conférence à vos partenaires à vous sur le principe financier.

Mais, un peu dans le même principe que du processus d'intervention que vous nous avez fait ici, si on avait à vous demander de nous faire la démonstration d'un cas type, de 1 jusqu'à 5, juste pour nous donner une idée... Je ne veux pas de nom, je ne veux pas de précisions sur c'est qui puis c'est quoi, son adresse, mais, si j'avais à vous demander de me partir le cas, là, à partir du déclenchement, pour vous, là, ça ressemble à quoi? Je sais qu'il n'y a pas de cas type, tous les cas sont particuliers avec leurs façons de faire, mais, si vous aviez à m'en décrire un pour que je puisse bien vous suivre dans le déclenchement, la planification, l'évaluation, pourriez-vous m'en dessiner un dans les minutes que vous avez?

• (11 h 20) •

M. Lévesque (Richard) : Je peux vous en décrire un qui a fait suite, justement, à la formation et l'implantation de notre projet au niveau du Service de police de Trois-Rivières. Il y a environ deux ans, les policiers répondent à un appel qu'on a régulièrement, un appel tout simplement de menaces par téléphone, une personne aînée qui reçoit ces menaces-là. Et, lorsqu'elle communique avec les policiers, elle veut tout simplement que la situation cesse, que la personne qui l'appelait arrête de l'importuner.

Quand la policière est allée sur les lieux, elle a investigué un petit peu plus loin, elle s'est aperçue que cette personne-là qui l'appelait était l'ancienne femme de chambre de la personne aînée et qu'elle avait maintenu quand même un lien, même si elle ne travaillait plus pour elle. Elle s'était fait acheter une automobile, son mari s'était fait acheter une moto, et elle ne les remboursait pas. Alors, on s'est aperçu qu'après une certaine période il y avait 100 000 $ que la personne avait réussi à obtenir de cette personne aînée là avec son consentement. Il y a également eu une moto qui été achetée à l'enfant. Dans cette situation-là, l'aînée a dit : J'étais consentante, j'ai fait des cadeaux, mais là je ne veux juste plus qu'elle m'appelle parce que c'était rendu des menaces de mort.

Donc, la policière, immédiatement, lorsqu'elle a pris la plainte de menaces qui aurait tout simplement pu être close par un avertissement à la personne suspecte, bien, elle est venue chez nous, elle a fait un rapport, elle a rencontré des enquêteurs qui ont développé une expertise en la matière. On est partis sur les lieux avec notre valise de vendeur, on est allés voir la personne aînée, on est allés investiguer la situation et on a tenté d'obtenir son consentement pour qu'on puisse divulguer des informations afin que d'autres partenaires puissent être impliqués dans cette situation-là.

Les autres partenaires qui ont été impliqués, rapidement, on a fait impliquer des gens du centre de santé et de services sociaux. On a fait aussi un signalement à la Commission des droits de la personne et de la jeunesse pour voir s'il n'y avait pas une forme d'exploitation. Bien entendu, l'évaluation du dossier par le procureur, voir si on n'était pas capables d'accuser de fraude. On n'a pas nécessairement été capables d'accuser de fraude parce que la personne aînée a dit : J'ai fait des cadeaux, je le consens, mais je veux que ça cesse. Mais, justement, chacun des organismes ont fait un bout de chemin ensemble rapidement pour prendre en charge la personne aînée pour justement mettre fin à cette situation-là où il y a eu des sommes qui ont été dilapidées. Mais la prise en charge a permis de remettre la personne aînée avec une certaine... avec une estime de soi justement pour lui redonner une autonomie, et il y a eu un suivi qui s'est fait pendant une certaine période. Ça démontre un peu l'efficacité du processus qui s'est fait là-dedans, une situation qui aurait pu passer sous le radar.

Mme Charbonneau : Ça met des mots sur quand, moi, je dis : Quand vous faites un travail et que vous accompagnez un aîné, l'histoire se finit bien. Parce que là on a quelqu'un qui était dans une relation de confiance qui a, après ça, étiré sa sauce et fait en sorte qu'il y a un abus financier qui est évident. Donc, bravo pour l'exemple! Je suis contente que vous ayez choisi financier parce qu'honnêtement les gens qu'on rencontre, à chaque fois qu'on arrive à physique, sexuel, psychologique ou l'âgisme, c'est toujours un peu plus difficile. Mais, au moins, l'exemple est vraiment concret pour voir...

M. Lévesque (Richard) : Mais je peux vous donner un exemple, quand on parle de physique, c'est quand même concret parce que c'est ce qu'on visait et c'est ce qu'on soupçonnait qui se passait sur le terrain, entre autres à domicile, les appels de dispute familiale. Les appels de dispute familiale, on en a beaucoup. Les policiers se rendent sur les lieux et s'aperçoivent qu'il y a eu une querelle, il y a même eu des coups portés entre un enfant adulte qui demeure... il prend soin de ses parents, et qu'il l'a même obligée à prendre des médicaments pour qu'elle soit plus tranquille. Et, lorsque le conjoint, qui a appelé le 9-1-1 pour mettre fin à une dispute verbale... il y a eu des coups d'échangés, on a pris en charge la personne qui était l'abuseur dans ce dossier-là, et on a pris également en charge la personne aînée victime... Les deux personnes aînées étaient victimes. On a fait des procédures d'accompagnement avec les gens du CIUSSS et on a eu un suivi particulier qui a été fait au niveau du procureur de la couronne dans les dispositions judiciaires pour permettre à ce que la personne qui était abuseur ait aussi des soins. Parce que la volonté des personnes aînées, c'était qu'il revienne, à un moment donné, à domicile. Il y a eu des mesures appliquées de façon transitoire. Ça fait que, dans les abus physiques, on sait qu'on en a beaucoup de ce genre de situation là et on est capables d'intervenir plus efficacement.

Mme Charbonneau : Merci. J'ai une dernière question puis après ça je vais laisser mon collègue, M. Birnbaum, le faire. Puis je vais faire rapidement. Dans le principe du Secrétariat des aînés, on a un acteur que, nous, on connaît bien, que vous connaissez, j'espère, puis vous allez me le dire, mais qu'on aimerait faire encore plus la promotion, c'est notre coordonnateur régional en maltraitance. On en a un. Moi, je sais qui elle est, chez vous, parce que je sais que c'est une femme. Je voulais savoir votre relation avec la coordo de Trois-Rivières.

M. Lévesque (Richard) : Immédiatement, quand on a eu l'idée de partir un projet avec mon collègue de la Sûreté du Québec et du Directeur des poursuites criminelles et pénales, on s'est dit que ça nous prenait une personne pour coordonner notre comité régional d'implantation parce qu'on n'avait pas toute l'expertise et les portes d'entrée au niveau des centres des services sociaux. Et la personne toute désignée pour ça était la coordonnatrice régionale en matière de maltraitance, parce qu'elle avait justement un réseau au niveau des ressources offertes dans le milieu et elle avait un portrait sociodémographique de la maltraitance en Mauricie et Centre-du-Québec. D'ailleurs, autour de la table, c'est la coordonnatrice régionale qui coordonne nos rencontres du comité de suivi de l'implantation pour trouver, justement, des solutions, si on voit des solutions particulières ou problématiques dans le cadre de notre projet. Je vous dirais que c'est une pratique gagnante d'avoir tout de suite impliqué la coordonnatrice régionale.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie. J'invite le député de D'Arcy-McGee à poursuivre les échanges. Je l'informe qu'il lui reste environ cinq minutes.

M. Birnbaum : Je vous remercie, M. le Président. Peut-être que ça va me laisser le temps pour deux questions. Merci, M. Lévesque et Mme Lafrenière. C'est très intéressant et très important, votre intervention. En quelque part, on part d'une des pierres angulaires, stratégiques qui se trouvent au sein du projet de loi devant nous, et là on a un exemple très concret. Je vous invite donc d'élaborer un petit peu sur les ingrédients clés dans la confection de la formation de cette entente sociojudiciaire dans votre coin parce qu'évidemment ça risque d'aider à multiplier l'exemple. Dans une diversité, il faut le constater, une diversité de régions, les conditions, les liens sont peut-être différents. Et je vous invite peut-être de faire référence au rôle de collaboration avec les instances qui représentent les travailleurs du secteur, même si on parle aussi d'une protection pour les gens, chez eux, et aussi de nous parler du lien qui aurait été établi avec le commissaire local des plaintes.

M. Lévesque (Richard) : O.K. L'exemple qu'on avait en tête lorsqu'on a démarré le projet est l'entente multisectorielle envers les enfants, avec laquelle les services policiers et les procureurs de la couronne travaillent depuis 2000. Donc, il y a trois partenaires principaux, il y a deux portes d'entrée pour les signalements à cet endroit-là, c'est la direction de la protection de la jeunesse, les services policiers puis le procureur de la couronne, qui nous guident dans des actions. On s'est dit qu'on était capables de coller ce modèle-là au niveau des personnes aînées. Donc, on a les services policiers, le procureur de la couronne, et, selon les expériences vécues qu'on avait dans les dossiers qu'on avait de la difficulté à travailler, on savait que les CSSS, les intervenants sociaux avaient un rôle important à jouer. Donc, on a trouvé un répondant, et la Commission des droits de la personne avait un rôle important à jouer sur notre équipe de base. Donc, on s'est dit que ce noyau-là — et chacun va avoir à appliquer une loi — devra faire partie de l'équipe de base pour recevoir des signalements et développer le projet d'entente sociojudiciaire. Donc, ça devient une équipe ou un forum particulier qui nous permet d'échanger des informations nominatives pour, justement, appliquer... et mettre fin à des situations de maltraitance.

Et, lorsqu'on arrive dans des situations où, l'évaluation du dossier, on n'est pas certains si on peut transmettre l'information de façon confidentielle, on a développé ce qu'on appelle un service-conseil. Service-conseil, ça veut dire qu'on peut se partager des informations concernant la nature de l'événement, le type d'événement, sans donner des informations nominatives. Et par la suite, déjà, entre les deux spécialistes des organismes, ça se fait souvent au niveau des services policiers et des centres de services sociaux. Puis là on disait, tout à l'heure, que l'entente sociojudiciaire couvre ce qui se passe à domicile, mais aussi en établissement. Donc, c'est grâce à ça qu'on va aller récupérer l'ensemble des situations. Donc, on détermine de quelle façon on pourrait mieux intervenir, on évalue voir est-ce qu'on peut transmettre l'information sans le consentement, selon différentes formations ou dispositions légales qu'on a eues, ou est-ce qu'on retourne sur les lieux pour tenter d'obtenir le consentement. Puis je peux vous dire que ça fonctionne. Ça fonctionne, d'obtenir le consentement. Puis on a comme ça la volonté des personnes d'être impliquées dans le processus. Là, réellement, on voit l'intérêt de l'aîné sur les intentions puis on les mesure avec l'intérêt de la justice, justement, pour établir des mesures de sécurité.

M. Birnbaum : Merci.

Une voix : Merci.

M. Birnbaum : Je me demande où vous vous situez, compte tenu de votre expérience, sur la question de l'obligation ou la possibilité de signaler une maltraitance.

M. Lévesque (Richard) : Je vais laisser ma collègue répondre parce qu'effectivement c'est une très bonne question.

• (11 h 30) •

Mme Lafrenière (Catherine) : Bien, bonjour. En fait, en Mauricie—Centre-du-Québec, quand on a développé ce projet-là, premièrement, on y allait avec les balises qui étaient là actuellement et aussi on a misé sur la notion de consentement, d'obtenir le consentement de la personne aînée parce qu'on croyait profondément au respect de l'autodétermination de celle-ci. Aussi, on croyait au respect de son autonomie. En plus, comme M. Lévesque le disait, le fait d'aller chercher le consentement nous permet d'avoir la participation de la personne aînée à prendre part à la solution de sa situation.

Un autre aspect de ça aussi, c'est que, sur le terrain, en fait, ce qu'on constatait, ce n'était pas un manque de volonté des intervenants de dénoncer, mais peut-être qu'on sentait qu'il y avait, dans certaines situations, où ils étaient freinés dans cet élan-là de dénoncer par ce qui encadre, là, la notion du secret professionnel, la confidentialité. Et donc c'était plus à ce niveau-là qu'on le voyait et, comme M. Lévesque le disait, avec la valise de vendeur, on s'est aperçu que c'était gagnant.

L'autre aspect dans l'obligation de la dénonciation, en tout cas, ce qu'on a constaté en Mauricie—Centre-du-Québec, c'est qu'avant de pouvoir dénoncer il faut d'abord reconnaître la situation de maltraitance, et nous, avec les intervenants, on a misé sur la formation en leur donnant des séances d'information, en leur donnant des outils pour pouvoir reconnaître certains facteurs de risque, quand on cogne la porte puis qu'on rentre chez la personne, quels sont les facteurs de risque sur lesquels on doit être allumés pour se dire : Peut-être que je suis dans une situation ici où il y aurait maltraitance. Et, après ces formations-là, on a réalisé, en fait, que chez nous, à la sécurité publique, là, il y avait vraiment... on a vu des dossiers, en fait, arriver, où les policiers avaient réalisé, avaient constaté des choses. Donc, pour nous, on mise sur le consentement.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie. Je vous remercie, le temps étant écoulé. J'invite le député de Rimouski à poursuivre.

M. LeBel : Merci, M. le Président. Bonjour. Vous allez me permettre aussi de faire une petite parenthèse, là, pour saluer le travail de la députée de Gouin, Mme David, Françoise. Françoise, je l'ai connue il y a bien longtemps, quand je travaillais dans les milieux communautaires. J'avais la barbe plus longue, les cheveux plus longs dans le temps, et on se battait pour les mêmes idéaux. Puis Françoise, c'est toujours ça que j'ai remarqué d'elle, c'est ses idéaux qu'elle combattait, entre autres avec la Fédération des femmes du Québec, tout ça. Ça a toujours resté, pour dire qu'on fait de la politique — puis tout le monde, là — on fait de la politique parce qu'on a des idées, on a un idéal, ce n'est pas par intérêt personnel, et Françoise a bien démontré ça, elle a toujours défendu, entre autres, la place des femmes.

Et je me rappelle, je travaillais pour M. Parizeau, la marche mondiale, on avait travaillé avec elle, je me rappelle de ça. Récemment, on travaillait ensemble sur le projet de loi n° 70, sur la lutte au niveau de la pauvreté, l'aide sociale, et elle défendait aussi que les femmes vivent une certaine pauvreté qui est différente puis qu'il faut s'attarder. Ça fait qu'elle a toujours été fidèle à ça, et je la salue aussi, et je pense, ça va nous manquer un peu, ça. Puis on se fait accuser, ceux qui ont ces genres d'idéaux là, on se fait accuser souvent d'être des pelleteux de nuages, mais elle disait souvent : Il faut, de temps en temps, en pelleter des nuages si on veut voir le ciel à un moment donné. Ça fait que ce n'était pas... il faut continuer à travailler.

Et ça me permet de faire le lien avec votre mémoire parce que j'avais allumé que, dans six sur 10, vous dites, les signalements des gens, c'est des femmes, les enquêtes que vous ouvrez, là. Puis je devine qu'un peu... souvent, ceux qui font... les aînées femmes, au niveau de la maltraitance, je pense qu'elles sont plus vulnérables. Je pense, il faudrait voir. Hier, la FIQ nous parlait de l'analyse différenciée selon les sexes, ils nous ont amené ça.

Vous, dans votre intervention, est-ce que vous avez un protocole... Vous parliez de policières tantôt, est-ce que vous avez un protocole différent quand vous avez à vous adresser à une plainte d'une femme aînée? Est-ce qu'il y a un protocole, il y a une façon d'intervenir qui peut être différente? Parce que, quand on pense à des policiers, souvent c'est l'autorité, c'est assez costaud. C'est peut-être un préjugé, on en a aussi. Est-ce que vous avez un protocole différent quand vous avez à intervenir auprès de femmes qui sont victimes de maltraitance?

M. Lévesque (Richard) : Lorsqu'on a développé ce projet-là en Mauricie, la première chose qu'on a faite, c'est qu'on a formé nos intervenants. On a fait des séances d'information. Moi-même, personnellement, je me suis rendu à chacun des briefings de nos patrouilleurs sur le terrain, puis il n'y a pas de distinction entre une policière femme, un policier masculin. On a formé des gens pour détecter toutes sortes de situations, et c'est ça qui est important. Ça fait que c'est le même policier qui peut donner une contravention à un coin de rue qui, l'appel suivant, il va intervenir dans une dispute familiale, dans une situation de violence conjugale, où qu'il va reconnaître des indices de maltraitance, des facteurs de risque et qui va prendre en charge la personne et nous le signaler. Le secret, pour nous, c'est dans la sensibilisation, la formation des personnes.

Puis ce qu'on fait également, c'est qu'on s'aperçoit, lorsqu'on intervient en situation d'urgence, 9-1-1, la dispute familiale que je donne en exemple à quelques reprises, là, tout de suite, il faut comprendre que le patrouilleur va faire des observations, va transmettre un rapport, va prendre en charge, bien entendu, la personne abuseur. Il va établir un contact minimal avec la victime, mais on réfère à l'enquêteur pour qu'on puisse retourner sur les lieux parce qu'on sait qu'en situation de crise les gens, des fois, ne prennent pas les mêmes décisions qu'une journée, deux jours après. C'est le continuum et la prise en charge, l'accompagnement des personnes, qu'on pense qu'on mise dessus, puis ça se fait par l'éducation, par la formation de notre personnel comme dans d'autres situations au niveau de la santé mentale, et autres. Ça fait qu'on veut... c'est l'ensemble de nos policiers sur le terrain, les enquêteurs, qu'ils puissent être sensibilisés à ce phénomène-là.

M. LeBel : ...ce que vous dites, il n'y a pas de protocole particulier. Vous me dites : Là, on va intervenir dans le cas de violence conjugale ou d'une femme aînée maltraitée, il n'y a pas un protocole particulier parce que c'est une femme ou un homme.

M. Lévesque (Richard) : Non, non. On a une procédure qui s'applique à toutes les situations de maltraitance.

M. LeBel : Parce que vous faites du bon travail, puis je sais qu'à Rimouski on commence à travailler aussi sur un projet qui est intéressant aussi, qui est basé sur ce que vous faites, là. Vous travaillez avec eux autres, je pense, vous êtes en lien avec les groupes communautaires sur le terrain. Est-ce que vous êtes en lien ou est-ce que vous discutez, entre autres, avec les centres femmes, avec les CAVAC, les CALACS? Est-ce que vous êtes en lien avec ces gens-là pour peaufiner l'intervention ou mieux comprendre certaines situations?

M. Lévesque (Richard) : Il existe déjà des canaux de communication, là, autant au niveau des CIUSSS qu'au niveau de la coordonnatrice régionale qui obtient le pouls, justement, des organismes communautaires et du portrait de la situation. Cette personne nous ramène à notre table du comité régional.

Personnellement, avec certains membres du comité régional, j'ai eu à faire plusieurs présentations au cours des dernières années, autant au niveau communautaire, à l'École nationale de police, à des intervenants sociaux, puis les gens, ce qu'ils se questionnent... ils sont contents. Ce que j'entends, moi, là, c'est : Enfin. Enfin ils voient une procédure d'intervention qui peut rejoindre beaucoup de personnes. Puis quelle est la porte d'entrée? Quels sont guichets auxquels ils peuvent s'adresser?

Donc, il y a des canaux de communication présentement qui sont existants. Les gens du communautaire ont déjà, généralement, des canaux avec les gens des centres de services sociaux. Certaines autres tables ont déjà des policiers communautaires qui sont impliqués dans le milieu. Ce qu'on veut, c'est que... il existe présentement des canaux, on les utilise puis on est capables de rejoindre cette clientèle-là.

M. LeBel : Parce qu'il y a des problématiques particulières, là, moi, j'ai rencontré... Si je prends les centres d'hébergement pour femmes violentées, je suis allé voir les groupes qui interviennent au niveau de l'itinérance. Il y a de plus en plus de femmes aînées qui se retrouvent toutes seules dans la rue ou complètement démunies qui ont eu de la maltraitance. Ça fait qu'il y a une expertise qui est là, dans ces groupes-là, qui est importante. Je voulais voir : Est-ce que ça passe par les CIUSSS, cette expertise-là, ou s'ils peuvent travailler directement avec vous autres?

M. Lévesque (Richard) : Au niveau de la sensibilisation et de la formation, au niveau du comité régional, on est sensibles, justement, à cette situation-là. Il y a des gens qui peuvent se déplacer pour faire des campagnes de sensibilisation. L'important, c'est justement d'aider ces personnes-là à reconnaître les types de maltraitance et justement d'utiliser des canaux qui sont existants pour qu'on puisse les traiter. Et lorsqu'on a affaire à une situation qui est potentiellement criminelle, bien, c'est sûr et certain qu'on va trouver facilement le canal pour avoir accès à l'entente sociojudiciaire.

M. LeBel : Merci. Je n'ai pas d'autre question.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie. J'invite le député de Lévis à poursuivre les échanges.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Je vous salue. Je suis content que vous soyez là. C'est très motivant, ce que vous nous dites également, M. Lévesque, Mme Lafrenière.

Je fais une parenthèse aussi, hein, parce que les collègues l'ont faite, puis permettez-moi de dire que les qualités de coeur, les qualités d'écoute et le respect dans son ensemble distinguent, dans tous les métiers et toutes les professions, les meilleurs. À travers ces trois qualités-là, bien, on reconnaît ceux et celles qui ont envie de faire avancer et progresser les choses en respectant ceux et celles qui souvent confrontent ou partagent des opinions. Bien, Françoise, je ne prendrai pas énormément de temps. Et là souvent je dis : J'utilise le tu avec tout le respect que ça suppose. Je vais utiliser les deux, comme ça. Françoise, tu faisais partie, et Françoise, vous faites et vous ferez toujours partie des meilleurs. J'ai eu de bons moments. J'ai eu de bons moments. Cette progression, ces yeux vrais, cette façon de parler, de respecter et de faire avancer, tous partis confondus, pour le bonheur et pour l'avancement de ceux et celles qui composent le Québec, bien, je vous salue bien bas, et vous allez me manquer. Alors, merci pour ce petit moment.

• (11 h 40) •

Je reviens maintenant sur notre dossier. Je trouve ça intéressant parce qu'on sort aussi du cadre dont on parle, là. Vous, vous dites, là : La maltraitance, ce n'est pas seulement une affaire de personnel dans le milieu de la santé, c'est au-delà de ça. Je reviens sur votre exemple, M. Lévesque, puis je vous poserai deux autres questions par la suite.

On revient sur l'exemple de cette dame qui se fait exploiter financièrement — j'en parlais tout à l'heure — qui, pendant un bout de temps, dit : C'est correct. Mais, à un moment donné, ça prend des proportions qui ne sont plus tenables, puis elle vous dit : Là, je suis menacée. Simplement savoir quelle est votre façon d'agir dans le cadre de votre structure, advenant le fait que je suis témoin de menace de mort de la sorte. Ça va loin, là, puis, suite à ça, il peut y avoir autre chose, tu sais, mais je suis témoin, mais que la personne que vous souhaitez aider refuse toujours d'être aidée pour un million de raisons. Comment vous agissez, vous retournez, vous tentez de convaincre? Et, si ça ne marche pas, comment vous intervenez? On laisse passer ou quoi? Aidez-moi à comprendre votre processus.

M. Lévesque (Richard) : La solution la plus simple pour le policier qui a un signalement et qui pourrait être lui-même témoin... pourrait dénoncer. Ça se fait au niveau des violences conjugales. Mais, si on veut obtenir l'adhésion et justement mettre fin à la situation de maltraitance et installer un filet de sécurité autour de cette personne-là, on va tenter de la convaincre puis, je vous dirais, on change notre façon de travailler, ça change notre culture. Au lieu de transmettre l'information sans avoir le consentement ou sans obtenir toute l'implication de la personne, on est capable de le faire et c'est beaucoup plus gagnant. C'est commencer par ça. On va y aller une fois, deux fois, et on va lui dire : Regardez, ça se peut que ce ne soit pas nous, là, puis on va lui expliquer. Souvent, les gens ont peur que, parce que la police est impliquée, il va y avoir justement des poursuites judiciaires. Ils ne veulent pas causer du tort à la personne qui est proche.

Non, écoutez, là, on peut avoir différentes options, et ça peut être au niveau de la prise en charge par un intervenant social au niveau de la Commission des droits de la personne, qui ont aussi des rôles et des mandats particuliers dans certaines situations, des mesures de redressement, des mesures de recouvrement également.

M. Paradis (Lévis) : Je comprends qu'au-delà et au bout du compte, parce que, hein... Puis c'est vrai que les forces de l'ordre, souvent, ça fait peur. On a l'impression que ce sera la page frontispice du lendemain, puis il y a des gens qui ne veulent pas ça, puis qu'automatiquement il y a une médiatisation, mais vous le faites de façon et en respect aussi avec la personne que vous devez aider. Mais, à la limite, vous vous donnez le droit de ne pas laisser une personne dans une situation qui risquerait de dégénérer.

M. Lévesque (Richard) : C'est ça, tout à fait. Et, si on arrive dans une situation où est-ce que sa sécurité est compromise de façon très sérieuse, bien là on va intervenir puis on va favoriser la judiciarisation, on va tenter de la convaincre. On peut avoir également des organismes de support encore pour supporter et accompagner la victime. C'est ça qui est important, c'est, après l'intervention, qu'elle ne se retrouve pas seule.

M. Paradis (Lévis) : M. Lévesque, depuis la mise en place de ce programme, de ce projet-là, l'avant, l'après, avant, là, voyez-vous un changement significatif? 2014, la mise en place, là, 2012‑2013 par rapport à maintenant, aujourd'hui, est-ce qu'il y a une différence, les données préliminaires, sans les avoir? Ça aurait été le fun qu'on les ait, hein, parce qu'on peut féliciter un travail également. Mais on les aura, ça sortira éventuellement, les données du... mais les données préliminaires, est-ce que vous voyez une différence significative entre l'avant-projet et le maintenant?

M. Lévesque (Richard) : Ce qu'on a remarqué, c'est qu'on a un accroissement des situations d'abus physiques. Les abus physiques, ça, on en a beaucoup plus parce qu'on a formé nos intervenants terrain à les détecter et à les déceler dans des appels de tous les jours. Et si notre formation et la sensibilisation continuent, je pense que c'est ce genre de situation là que nous allons aller repérer qui se passe à domicile, pas juste dans les institutions, surtout à domicile.

Ce que je remarque également, c'est le partenariat qu'on développe, l'efficacité puis la satisfaction des intervenants. Ce que je constate, c'est qu'on a fait des journées bilan annuel avec nos intervenants terrain policiers, avec les intervenants terrain du centre de services sociaux. On en profite pour donner des formations parce qu'il n'y a pas nécessairement beaucoup de formations qui se donnent, qui existent présentement. On fait venir des conférenciers. Il y a la Commission des droits de la personne qui est venue donner des conférences sur les rôles et responsabilités, l'Autorité des marchés financiers, la commission des droits, faire connaître les limites à nos intervenants, et déjà on s'aperçoit que les enquêteurs qui travaillent spécifiquement ce genre de dossiers là ont développé une expertise particulière, puis les intervenants, tous les deux sont satisfaits. Ils sont assis à la même table, puis, dans les vignettes cliniques qu'on leur donne, les situations de cas à résoudre, bien, ces gens-là arrivent à des solutions communes, puis, des fois, l'intervention sociale vient de l'idée d'un policier. C'est ça qui est intéressant.

M. Paradis (Lévis) : Je sais qu'il y a... ça demande des ressources, vous l'avez dit, hein? Il y a beaucoup de monde autour de la table puis il y a de la coordination, et tout ça. Est-ce que les ressources nécessaires éventuellement pour le déploiement de projets comme ceux-là, la charge de travail, c'est gérable? Est-ce que les gens vous ont dit : Aïe! c'est de la job en mosus, par exemple?

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie. Le temps étant terminé...

M. Paradis (Lévis) : Ah! bien là, j'étais correct, j'étais à 6 min 1 s.

Le Président (M. Matte) : C'est pour attirer les téléspectateurs pour la prochaine, tu sais.

Alors, je suspends les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 45)

(Reprise à 11 h 49)

Le Président (M. Matte) : ...prendre place, et donc, sans plus tarder, je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire un exposé. Je vous invite à vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent.

Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes
conjugaux et familiaux du Québec (OTSTCFQ)

Mme Ouimette (Guylaine) : Merci. Mme la ministre responsable des Aînés et de la Lutte contre l'intimidation, MM., Mmes députés et membres de la Commission de la relation avec les citoyens, bonjour. Il me fait plaisir, en tant que présidente — mon nom est Guylaine Ouimette — de l'Ordre des travailleurs sociaux et thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec, de vous présenter aujourd'hui les grandes lignes de notre mémoire concernant le projet de loi n° 115, loi qui vise à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne en situation de vulnérabilité.

Vous me permettrez d'abord de vous présenter les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui. À ma droite, c'est M. Richard Silver, qui est notre conseiller juridique à l'ordre, et il est également travailleur social, et il est notre conseiller juridique. À ma gauche, M. Alain Hébert, qui est travailleur social également, chargé d'affaires professionnelles à la direction du développement professionnel de l'ordre. Je les remercie sincèrement de leur présence et je sais que je pourrai compter sur leur expérience, leur expertise afin de bien étayer nos positions.

D'entrée de jeu, je dirais que ce projet de loi est vraiment particulier, parce qu'il porte en grande partie sur la qualité de vie, la sécurité et l'intégrité de nos aînés, celles et ceux qui ont bâti notre société et à qui nous sommes tant redevables. On entend souvent dire qu'on peut juger une société à la manière dont on traite ses aînés et à la façon dont elle construit l'avenir des jeunes. Quand on y pense bien, on se rend compte que ce projet de loi, plus que tout autre peut-être, touche tout le monde. Nous avons...

• (11 h 50) •

Le Président (M. Matte) : ...vous approcher du micro, madame, on a de la difficulté à vous entendre.

Mme Ouimette (Guylaine) : Donc, on entend souvent dire qu'on peut juger une société à la manière dont elle traite ses aînés et la façon dont elle construit l'avenir de ses jeunes. Quand on y pense, on se rend compte que ce projet de loi, plus que tout autre peut-être, touche tout le monde. Nous avons tous des parents, des grands-parents, et nous serons tous, tôt ou tard, des aînés qui voudront vivre cette étape de leur vie en toute dignité.

Nos membres, les travailleurs sociaux et les thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec — nous sommes 13 000, en grande majorité des travailleuses sociales et des travailleurs sociaux — peu importe où ils travaillent dans le réseau de la santé et des services sociaux, côtoient et accompagnent des personnes aînées tous les jours à domicile et dans plusieurs types d'établissements, dont, bien sûr, les centres d'hébergement de soins de longue durée, les centres hospitaliers également.

Pour les travailleurs sociaux, une chose est claire, et incontournable, et non négociable, le respect du droit à l'autodétermination des personnes majeures en général et des personnes aînées en particulier. Ceci est une valeur-phare pour un travailleur social. D'ailleurs, nous ne sommes pas les seuls à accorder la plus grande importance à cette valeur. La présentation avant nous le décriait fort également. Ceci est même à l'Assemblée nationale que fut adoptée la première loi au pays accordant aux personnes en fin de vie la possibilité de réclamer l'aide médicale à mourir justement en s'appuyant sur ce droit à l'autodétermination.

En fait, c'est en ayant constamment à l'esprit ce droit à l'autodétermination que nous avons réfléchi à la position que nous allions adopter face à ce projet de loi. Bien sûr, nous partageons la volonté du gouvernement de lancer à l'ensemble de la société un message clair en faveur de la protection des personnes aînées vulnérables et de mettre en place des mesures qui visent à lutter contre la maltraitance de ces personnes.

De cette réflexion que nous avons longuement menée, un mot émerge : prudence. C'est probablement là que se situe l'essentiel du message que nous vous livrons aujourd'hui et qui teinte l'ensemble de notre mémoire. Même lorsqu'il est question de protéger des personnes contre les effets de la maltraitance, il faut faire preuve d'une très grande prudence afin de préserver leurs droits à l'autodétermination et au consentement, évidemment. Il faut, en effet, garder à l'esprit qu'il y a des risques pour les personnes concernées d'aller à l'encontre de leur volonté sans bien mesurer au préalable quelles pourraient en être les conséquences et particulièrement lorsque l'abuseur est un conjoint, un enfant, un proche, ce qui est le cas le plus souvent. Dois-je le rappeler, la capacité des professionnels, notamment les travailleurs sociaux, d'intervenir auprès des personnes repose sur ce lien de confiance qu'ils doivent d'abord et avant tout établir avec la personne, et le temps a besoin de son temps. C'est ce lien de confiance qui fera en sorte que la personne acceptera de s'ouvrir, de se confier, sachant que ce qu'elle partage avec ce professionnel demeurera confidentiel. C'est ce qu'on appelle, évidemment, le secret professionnel.

Même si le titre du projet de loi englobe toutes les personnes majeures en situation de vulnérabilité, nous décodons que les personnes aînées victimes de maltraitance matérielle et financière sont particulièrement ciblées. À notre avis, la majorité de ces cas pourraient être solutionnés efficacement, entre autres, en facilitant le déploiement de meilleures conditions de pratique pour l'ensemble des personnes entourant ces personnes et qui ont à intervenir dans ce genre de situation. Nous entendons ici la capacité d'exercer pleinement leur jugement professionnel, de recourir à l'ensemble de leurs compétences et de pouvoir consacrer le temps nécessaire pour accompagner la personne potentiellement victime de maltraitance.

Nous nous inquiétons aussi — et c'est important — du fait qu'en fonction des dispositions de ce projet de loi un travailleur social pourrait, sans préalablement obtenir le consentement de la personne concernée, transmettre des informations à un tiers dans des contextes de violence conjugale, d'itinérance ou de dépendance. C'est très préoccupant selon nous.

En somme, bien que nous soyons généralement en accord avec le principe du projet de loi, nous réitérons notre appel à la prudence à propos des dispositions relatives à la levée du secret professionnel et de la dénonciation obligatoire. Si le législateur décidait d'aller de l'avant, nous l'invitons à faire en sorte que le projet de loi soit plus spécifique quant aux personnes concernées et à mieux circonscrire les situations de maltraitance visées par la divulgation. Nous croyons également que le projet de loi doit établir clairement le caractère discrétionnaire et non obligatoire de la divulgation parce qu'il est essentiel de permettre aux professionnels d'exercer pleinement et librement leur jugement professionnel.

Cela dit, dans une telle approche restrictive, nous croyons toujours que de bonnes conditions de pratique, qui permettent la pleine expression du jugement professionnel, sont en mesure de désamorcer la majorité des situations. M. Lévesque l'a bien exposé avant nous. Dans tous les cas, il faut garder dans l'esprit le sérieux et les conséquences potentiellement graves de la levée du secret professionnel et de la dénonciation. Nous nous appuyons sur notre mandat de protection du public pour étayer cette mise en garde et pour insister sur l'importance de préserver le droit à l'autodétermination des personnes.

Je m'arrêterai ici en espérant qu'à travers vos questions je pourrai, avec les personnes qui m'accompagnent, aborder d'autres éléments importants de notre mémoire comme la maltraitance institutionnelle et l'encadrement du recours aux caméras de surveillance. Et, en terminant, j'ajouterais que je dois féliciter Mme la ministre d'avoir... Nous saluons la publication toute récente des orientations ministérielles en lien avec les caméras et nous y voyons vraiment un souci de transparence de nous transmettre ces orientations-là. Merci.

Le Président (M. Matte) : Merci. Je cède la parole à Mme la ministre.

Mme Charbonneau : Merci, M. le Président. Madame, messieurs, merci d'être avec nous et d'avoir accepté cette belle invitation. Je ne vous cacherai pas qu'il y a quelqu'un qui travaille proche de moi qui pratiquait votre métier et qui a la même sensibilité que vous avez auprès de ces gens qu'on dit des aînés, que moi, j'appelle avec plaisir des adultes avec plus d'expérience, et qui fait en sorte qu'on se doit de respecter leur autodétermination parce que c'est un regard, du moins, que j'ai et des discussions que j'ai beaucoup eues. Et, de ce fait, vous avez rappelé un passage important de la politique québécoise qui est le droit de mourir dans la dignité, à laquelle j'ai participé pendant deux ans, et qui a fait en sorte que j'ai été très interpelée par le principe de l'autodétermination, hein? Parce que ça a parti de là, cette question-là : Si j'ai le droit de choisir plein de choses, pourquoi je n'aurais pas le droit de choisir ma propre fin?

Vous avez plusieurs recommandations, hein? Si le regarde, là, vous avez minimalement 12 recommandations, puis, à travers ces recommandations, j'en sens... il y en a plus que dans... du moins, je vous dirais, au moins trois recommandations, il y a deux recommandations à même une seule. Donc, vous avez pris beaucoup de temps et beaucoup d'attention pour nous guider.

Je voulais vous entendre un peu sur la responsabilité du commissaire aux plaintes. On a reçu le regroupement hier, ça a été très intéressant, parce qu'on parle beaucoup d'eux, et de leurs responsabilités, puis de la charge de travail que ça apporte. Je pense que je n'ai pas besoin de vous demander votre position par rapport à l'obligation de divulguer, ce qui a été une question importante parce que ça change un peu la vision qu'on peut avoir sur cette responsabilité de dénoncer. Mais vous avez un travail à l'extérieur des établissements aussi, donc je voulais vous entendre un peu sur la responsabilité du commissaire aux plaintes, et la relation que vous avez, et la responsabilité partagée.

• (12 heures) •

Mme Ouimette (Guylaine) : En fait, le commissaire aux plaintes a vraiment le mandat de recevoir et de traiter avec diligence des plaintes, des signalements. Écoutez, dans une ancienne vie, j'ai été commissaire, donc je connais très bien ce rôle. J'ai quitté un CISSS pour venir prendre la place de la présidence, donc je connais beaucoup, beaucoup la réalité, surtout, des personnes aînées qui font très peu de plaintes par peur de représailles. Et, si on revient à l'autodétermination au consentement, lorsque la démarche de déposer une plainte est accompagnée par un professionnel qui prend le temps de bien saisir les enjeux, et qui aide à la personne de le formuler, et qui l'accompagne jusqu'au commissaire, en général c'est un travail qui va permettre une évaluation des processus en cause et de bien protéger cette personne-là.

J'encense vraiment le fait que le commissaire aux plaintes prenne cette responsabilité supplémentaire. Et j'ai vu également, dans votre projet de loi, que vous souhaitez qu'il y ait un rapport qui soit déposé, qui va être publicisé, donc ça va permettre de voir s'il y a une évolution au Québec par rapport à la divulgation et au dépôt des plaintes en lien avec la maltraitance. Ça, je trouve ça important parce qu'il faut vraiment mesurer si cette mesure-là va avoir un impact vraiment auprès des personnes qui vont s'enquérir de ce droit-là. Je crois que ce qui est préoccupant.

Et, bon, vous l'avez quand même nommé dans vos préliminaires, vous faites du travail actuellement pour équiper le réseau pour bien répondre aux besoins des personnes vulnérables, je vous dirais que les enjeux actuellement, c'est les ressources qu'il y a dans les bureaux des commissaires pour respecter et les délais et également pour, je vous dirais, gérer tous les signalements et faire la promotion nécessaire également pour que les gens se sentent à l'aise d'aller faire des plaintes. C'est vraiment l'enjeu majeur. Si vous voulez que ça fonctionne, je crois qu'il y aura lieu d'avoir une réévaluation des ressources qui sont investies auprès de ces bureaux-là.

Le Président (M. Matte) : ...M. le député de D'Arcy-McGee à participer à nos échanges.

M. Birnbaum : Merci, M. le Président. Mme Ouimette, M. Hébert, Me Silver, que j'ai le plaisir de connaître bien pour avoir travaillé ensemble à deux reprises, merci beaucoup pour vos interventions. Je peux constater, sur le plan personnel, l'implication et la pertinence de votre rôle en tout ce qui a trait à la maltraitance. J'accompagne actuellement l'ancien conjoint de ma mère, décédée il y a cinq ans, son conjoint, qui est maintenant au CHSLD, et j'ai noté, quand j'ai franchi chaque étape de mon accompagnement, le travailleur social a été présent. D'ailleurs, ma conjointe est aussi membre de l'ordre, alors je suis sensible au rôle que vous avez à jouer à cet effet-là.

Peu importent les structures qu'on risque de mettre en place, les contraintes, les comités, de bonifier le rôle de commissaire, et tout ça, à toutes fins pratiques c'est le comportement des intervenants, des gens concernés, les proches aidants, qui va faire en sorte qu'on va avoir une réussite contre ce gros problème à travers le Québec, et j'aimerais vous inviter à élaborer sur votre recommandation n° 1, qui note que «l'ordre recommande que l'État développe et mette en oeuvre un plan visant à sensibiliser le grand public ainsi que l'ensemble des gestionnaires, professionnels, intervenants et proches aidants au phénomène de maltraitance envers les personnes majeures vulnérables et à promouvoir des comportements et des mesures favorisant la bientraitance». Bon, j'ose croire. Et je lis qu'on parle de la formation, de l'information, et tout ça, mais, comme il me semble — et vous le dites vous-même aussi, c'est votre recommandation n° 1 — que voilà un complément essentiel aux autres genres de mesures qu'on risque de prendre ensemble comme société, pouvez-vous en élaborer et parler du rôle de votre ordre à cette optique-là?

Mme Ouimette (Guylaine) : Merci. En fait, je vous dirais qu'au départ notre recommandation fait beaucoup lien justement avec l'importance de la sensibilisation, et même du grand public. On faisait un parallèle un peu humoristique aujourd'hui en discutant de cette recommandation-là en lien avec le tabagisme. On arrive avec une nouvelle dimension, une nouvelle loi sur la maltraitance et on veut que, dans la culture du Québec, les gens en soient aussi soucieux, car c'est aussi dangereux pour la personne que le tabac. Donc, si on regarde tous les efforts qui ont été faits dans différentes sphères politiques, dans les ordres professionnels, dans la santé, au niveau des ordres professionnels des infirmières, et tout ça, c'est important qu'il y ait vraiment une approche massive pour bien frapper — excusez mon expression — pour bien sensibiliser la population et rendre les gens à l'aise de divulguer parce qu'il y a des mécanismes, il y a de la protection, et c'est pour vraiment favoriser le mieux-être des aînés et des personnes vulnérables.

Quand on parle de cette recommandation-là, c'est vraiment dans le sens que ça va prendre une campagne parce que, vous savez, les droits des personnes aînées, je discutais, justement, avec mon collègue à qui je vais passer le parole après, M. Hébert, tous les droits des personnes aînées, des personnes vulnérables, même si on en parle, ce n'est pas tellement connu par les personnes concernées. Donc, il va falloir que les gens comprennent que c'est un droit fondamental de divulguer ce genre de situation là, et un peu comme quand on a commencé à le faire avec la Protection de la jeunesse, que tout citoyen qui voit une situation qui est inadmissible et qui doit protéger le public doit faite quelque chose pour que cette personne-là soit aidée. Donc, c'est vraiment dans ce sens-là que nous avons mis cette première recommandation là.

Et je vais laisser M. Hébert élaborer sur l'idée de développer vraiment une campagne de sensibilisation du grand public parce que ça va un petit peu plus loin, dans d'autres recommandations, en lien avec la formation universitaire et la formation dans les collèges.

M. Hébert (Alain) : En fait, le phénomène de la maltraitance, on le sait, il n'est pas nouveau. Mais on comprend que, depuis les dernières années, le seuil diminue, si on veut, de tolérance, et on veut de plus en plus agir de façon structurelle, de façon systémique, de façon personnelle auprès des personnes aînées. Quand il y a un phénomène social comme celui-là, on souhaite l'enrayer, bien sûr, il y a des actions à plusieurs niveaux qui doivent être prises, et une de celles-là, au niveau de la prévention ou de la promotion, c'est d'abord de donner un message social clair à l'effet que ce n'est pas acceptable, à l'effet qu'il y a des droits, que les personnes connaissent leurs droits, et les façons générales de faire, c'est des campagnes populationnelles grand public. Quand elles sont bien faites, elles ont une efficacité et elles viennent supporter les actions qui peuvent être faites par les professionnels, par les intervenants, puis à différents niveaux, et c'est bon à la fois pour informer les personnes aînées qui pourraient être victimes de maltraitance et à la fois pour les proches parce que ça donne aussi aux proches qui pourraient maltraiter, ou aux personnes qui pourraient maltraiter, un signal à l'effet que ce n'est pas acceptable.

Donc, dans ce sens-là, pour nous, c'est très important et ça va dans le sens de la promotion aussi, puis c'est notre recommandation n° 2. Mais, rapidement, ça va dans le sens aussi de la valorisation qu'on a de pouvoir émettre un signal aussi social clair au Québec sur la volonté de bientraitance par rapport aux personnes aînées. Donc, aller dans un sens positif, si on veut, la prévention de la maltraitance, c'est une dimension, bien sûr, en intervention à considérer de façon majeure et très importante, mais aussi la promotion de la bientraitance, et ça aussi, ça donne le message quand fait une campagne à ce sujet-là.

Pour ce qui est de notre ordre, bien, c'est sûr qu'au niveau de la formation continue en rapport avec les différentes activités professionnelles qu'on mène, ces thèmes sont inclus de plus en plus, de plus en plus discutés, bien sûr. Alors, l'intervention à plusieurs niveaux nous semble être gagnante. C'est ce que montrent les données de la recherche, en fait, lorsqu'on veut agir sur un phénomène social.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie. Et je cède la parole à la députée de Verdun pour quatre minutes.

Mme Melançon : Merci, M. le Président. Bonjour, merci beaucoup d'être parmi nous aujourd'hui.

J'ai regardé avec attention votre recommandation, la recommandation n° 10. Alors, l'ordre souhaite «que les établissements prennent toutes les dispositions nécessaires pour éviter que les résidents qui ont recours aux caméras de surveillance ne soient victimes d'intimidation ou de représailles». Hier, est venu à notre rencontre Me Ménard, et il nous a parlé, justement, de... malheureusement, là, on avait indiqué à l'entrée des chambres, parfois, des résidents qu'il y avait une caméra, puis il y avait des soins qui se donnaient dans la noirceur la plus totale pour, justement, qu'on puisse éviter de voir. C'est une forme d'intimidation, là, on va se le dire ainsi. Et j'ai aussi pris connaissance hier, quand on nous a remis les orientations ministérielles relatives à l'encadrement de l'utilisation des caméras, qui ne sont pas des caméras de surveillance... Je tiens à le rappeler parce que, tout à l'heure, on se l'est redit entre nous, et, à l'intérieur de ces orientations, on dit que «l'établissement doit installer un panneau signalétique visible dans son hall d'entrée pour indiquer la présence possible de caméras à l'intérieur des chambres des usagers».

Est-ce que, selon vous, c'est suffisant d'y aller comme ça? Est-ce que vous avez d'autres idées? Comment est-ce qu'on peut améliorer pour, justement, éviter ce que je vous disais un peu plus tôt, là, qu'il y ait toute forme d'intimidation? Et, je ne sais pas, j'aimerais vous entendre sur le sujet.

• (12 h 10) •

Mme Ouimette (Guylaine) : Merci. En fait, je ferais un petit parcours dans le processus qui amène la caméra et je commencerais par un établissement, un centre, une résidence privée qui, d'emblée, va offrir des soins dans le concept de la bienveillance. On n'arrivera pas à avoir l'installation de caméras parce que, dans les discussions que nous avons eues avec votre sous-ministre, Mme la ministre, il est clair que l'arrivée des caméras semble avoir un message : Je mets une caméra parce que je veux être protégé. C'est comme si la caméra vient dire : Je n'ai pas les bons soins, j'ai besoin d'une caméra pour m'assurer que, si j'ai des éléments, je pourrai me défendre pour faire valoir que je n'ai pas les bons soins.

Nous croyons sincèrement, à l'ordre, que si, dans un établissement, les professionnels sont là en suffisance, que les gens sont bien formés, qu'ils offrent des soins appropriés et qu'ils voient la caméra comme un moyen, justement, pour la personne de se rassurer et d'avoir des collaborations avec les personnes... Parce que, parfois, ça peut peut-être un enjeu qui est important de dire : Regardez ceci, j'aime moins ça, est-ce que vous pouvez le faire différemment? C'est un outil de travail. Nous, on croit qu'il y a une grande sensibilisation également à faire dans la promotion de... parce que c'est un droit fondamental, les gens sont dans leurs chambres. Moi, je suis d'avis que le plus simple possible, de mettre une affiche à l'entrée, de dire : Il y a possiblement des caméras, et que c'est à la discrétion des gens... Parce qu'aujourd'hui une caméra, là, ça peut être plus petit que la bille de mon crayon, il n'y a pas personne qui va la voir, c'est à la discrétion des gens. Il y a des familles qui ont le rôle de protéger leurs personnes vulnérables. Il y a des gens qui sont très, très vulnérables, qui sont vraiment, vraiment inaptes et que, pour eux, c'est un outil pour les rassurer qu'ils ont des bons soins. Il y a toutes sortes de motifs qui permettent à une personne de choisir d'avoir une caméra, et je crois que c'est dans le même sens que l'autodétermination, ceci appartient à la personne, c'est son droit, donc simplifions les choses.

Le matériel qui est dans les caméras appartient également à la personne. On sait qu'il y a des règles de diffusion, et tout ça. Je pense qu'autour de ça, autant pour les travailleurs que les gestionnaires, que les personnes qui vont l'utiliser, il va y avoir de la sensibilisation à faire parce que le phénomène existe déjà. Moi, j'ai eu, dans ma vie antérieure, à gérer des situations comme celles-ci, donc c'est là, c'est là parce qu'il y a eu des manques, c'est là parce qu'il y a des gens ont été pas bien servis, et il y a des gens que c'était la seule façon de donner un message à l'équipe pour dire : Fais attention parce que, là, je te surveille. Mais il ne faut pas arriver dans cet état des choses là. Mais on est là, il faut faire face à la musique. Donc, nous, ce qu'on dit, c'est qu'en amont il devrait y avoir toutes, toutes, toutes les dispositions nécessaires pour que, même s'il y a une caméra, ça ne soit pas un enjeu de surveillance.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie et je cède la parole au député de Rimouski.

M. LeBel : Merci, M. le Président. Bonjour. Votre mémoire est très intéressant, je me suis accroché à la recommandation n° 9. Vous êtes des gens très gentils, vous recommandez à la ministre responsable de sensibiliser les ministres. C'est correct, là, mais je vais vous dire, il y a certains ministres qui sont durs à sensibiliser. Moi, ma collègue de Taillon essaie bien, avec le ministre de la Santé, de le sensibiliser. Mon collègue de Saint-Jean, qui s'occupe des CHSLD, essaie bien. Moi, j'essaie en période de questions. Mon collègue de Lévis essaie souvent de le sensibiliser à la période des questions, mais ce n'est pas facile. Puis il y a eu deux rapports de la Commission de la santé et des services sociaux sur les CHSLD qui auraient pu le sensibiliser aussi, mais qui ne l'ont pas sensibilisé. On fait une autre tournée des CHSLD pour, éventuellement, le sensibiliser, mais il n'y a pas de résultat. Ça fait que, moi, j'essaie de voir, pour éventuellement, vraiment, avoir des résultats, qu'est-ce qu'on pourrait faire.

Je vous propose quelque chose comme ça. Il y a plusieurs années, j'ai travaillé sur le projet de loi de la loi-cadre pour lutter contre la pauvreté, et ça avait été adopté unanimement, tout le monde, et on avait inscrit dans la loi une clause d'impact où on disait que chaque ministère qui intervenait au niveau de la pauvreté devait passer par un filtre, un comité ministériel, devait passer par un filtre pour voir l'impact sur la pauvreté de telle action gouvernementale. Est-ce que ça ne serait pas mauvais d'avoir, dans le projet de loi pour lutter contre la maltraitance, une petite clause d'impact qui obligerait chacun des ministères qui intervient, qui propose des choses, d'avoir une clause d'impact, d'analyser l'impact qu'il peut y avoir sur la maltraitance envers les aînés ou les personnes vulnérables de leur intervention? Est-ce qu'une clause d'impact, ça ne pourrait pas être intéressant? Ce serait une belle façon de sensibiliser, à mon avis.

Mme Ouimette (Guylaine) : Merci de votre question, qui est un peu complexe pour moi de répondre. Cependant, quand on a écrit notre recommandation n° 9, c'est qu'on réalise que, depuis 20 ans, il y a vraiment des décisions qui ont été prises par différents gouvernements, je ne veux pas personnaliser le débat que vous ouvrez, mais que, depuis une vingtaine d'années, il y a vraiment une restriction au niveau des budgets qui sont alloués à la santé et les services sociaux. Et actuellement, évidemment, on ne s'en cachera pas, nous, et on le dénonce, qu'il y a un effritement des services sociaux évidemment depuis un certain nombre d'années, qui a un impact sur l'accès aux services. Ça, c'est clair, net et précis pour nous.

Ce que vous soulevez, c'est d'avoir, d'une part, une culture de mesures lorsqu'on prend des décisions pour vraiment voir si les décisions et les lois que vous allez adopter auront les résultats attendus lorsqu'on les écrit. Moi, je pense qu'une culture de mesures, c'est très important. Je pense qu'on constate, avec maintenant les 31, 32 CISSS et CIUSSS, qu'il y a vraiment cette volonté-là de comparaison. Moi, je pense que votre idée n'est pas mauvaise, là. L'imputabilité des gens qui décident, des gens qui influencent le futur des aînés du Québec, c'est le minimum pour moi d'avoir cette préoccupation-là, quand on fait un projet de loi, de s'assurer que les décisions qu'on prend... Parce que ça implique plusieurs ministères ceci, ça ne sera pas juste le ministère dont Mme Charbonneau est responsable.

M. LeBel : Non, c'est clair, mais je le dis très... il faudrait voir. Il y a des projets de loi que c'est assez clair. La clause d'impact, ça n'agresse pas personne, c'est dans le processus législatif. Avant de déposer un mémoire au Conseil des ministres, il y a une analyse, ça reste confidentiel au Conseil des ministres, mais, au moins, ça oblige chacun de regarder ce qu'il fait, est-ce que ça a un impact sur... puis ça donne un moyen à la ministre responsable, ça lui donne un outil de plus parce qu'elle a le mandat de coordonner. Moi, je trouve que ça, c'est... En lisant votre mémoire, j'ai dit : Ah oui! Bien, ça pourrait être intéressant. Parce que, je vous dis, recommander de sensibiliser, on peut sensibiliser longtemps. Il faut, avoir, à un moment donné, des façons de faire, puis ça peut être une façon.

Une préoccupation que j'ai aussi, c'est de clarifier le processus, là. Tu sais, là, c'est intéressant, on parle, depuis deux jours, de lutter contre la maltraitance. Il y a un débat qui se fait sur la place publique, c'est très bon, juste ça, c'est très bon. Moi, je félicite la ministre. Puis tout ça, ça ouvre le débat là-dessus, mais, en bout de ligne, il faut que ça serve aux gens, puis il faut que les gens sachent où est-ce qu'ils vont, comme à qui ils vont porter plainte ou à qui ils peuvent faire des signalements.

Tu sais, je regardais, je lisais ça ce matin, juste en CHSLD, on disait : Bon, tu as un mécanisme de surveillance de la qualité, tu as un programme conjoint d'agrément, tu as les visites d'évaluation, tu as un registre national des incidents, tu as un comité de vigilance, tu as un comité des usagers, un comité de résidents, un conseil des malades, tu as un code d'éthique, tu as un cadre de référence pour l'application des mesures de contrôle, il y a beaucoup de choses. Dans les ressources intermédiaires, c'est la même chose, là, ça fait que, là, il ne faut pas comme rajouter pour venir tout complexifier, là, parce qu'on... Et je me demande... Puis là on se dit que ça, c'est dans les réseaux, mais on dit qu'on pourrait ouvrir ailleurs, tu sais, on pourrait ouvrir la maltraitance, aller ailleurs, aller voir. Ça fait que, là, il faut comprendre où est-ce qu'on s'en va avec ça. Puis les commissaires aux plaintes, tu sais, on leur dit : Ça va être... la porte d'entrée. Actuellement, est-ce que vous trouvez... Puis je repose la question : Est-ce qu'ils ont les ressources actuellement? Et, en plus, est-ce qu'ils ont l'indépendance nécessaire pour intervenir?

Mme Ouimette (Guylaine) : Je n'ai pas fait l'étude de comparaison au niveau des ressources dans l'ensemble du Québec, dans les bureaux des commissaires. Je vous dirais que ce que, moi, j'ai vu avant de quitter, c'était une augmentation, quand même, des plaintes. Et, comme vous savez, c'est très structuré, là, le dépôt d'une plainte, il y a des délais, et tout ça. On se questionne, effectivement, si les bureaux des commissaires sont suffisamment équipés pour faire face à cette nouvelle musique là, et, effectivement, dans le réseau, il y a vraiment beaucoup, beaucoup... tout ce que vous avez nommé, tout ça, c'est des mesures pour assurer la qualité et l'offre des services. C'est là également pour mesurer. Les visites ministérielles aux deux ans, ça revient très rapidement. Et moi, comme j'avais tous les CHSLD dans ma région, j'en ai entendu plusieurs, plusieurs, rapports ministériels par rapport aux différents aspects qui sont mesurés lors des visites, et il y a vraiment une augmentation de la qualité qui s'offre dans les CHSLD, et je l'ai entendu dans l'année précédente. On parle de 2016.

Nous, ce qu'on dit, c'est qu'au fond assurez-vous — encore dans le même esprit que vous avez soulevé — de dire : Est-ce qu'on est imputable comme gouvernement? On va donner ce mandat-là au commissaire aux plaintes, de s'assurer de répondre à ces demandes-là et d'aller plus rapidement dans les signalements. Parce que vous savez que, quand il est question d'un signalement, c'est beaucoup plus complexe d'aller faire une enquête parce que, là, il y a toute une... En tout cas, c'est un autre processus, évidemment. Donc, moi, je vais dans le même sens que vous, de dire : Soyez imputables, comme gouvernement, et assurez-vous que les ressources sont nécessaires non seulement au niveau du bureau du commissaire, mais autour de toutes les personnes qui interviennent auprès des aînés vulnérables. Et, dans ce sens-là, on est...

• (12 h 20) •

M. LeBel : Au niveau de l'indépendance?

Mme Ouimette (Guylaine) : L'indépendance est déjà là. Moi, je n'ai jamais eu de problème, là, à ce niveau-là, d'assurer mon indépendance par rapport à l'organisation lorsque je faisais des examens de plaintes. Les portes étaient ouvertes. Encore là, ça passe par des personnes, dans la collaboration. C'est un peu comme les syndics dans les ordres professionnels. On doit aller chercher l'information, il y a toute une façon de faire. L'important, quand on va faire un examen, c'est pour améliorer les services et pour pouvoir faire corriger des processus, des politiques, des procédures qui ne répondent plus, finalement, aux besoins de clientèle.

M. LeBel : Un mot juste pour dire : Sur les ressources pour les commissaires aux plaintes, tout ce qu'on a actuellement, c'est une déclaration du ministre, dans le hall, qui dit : S'ils en ont besoin, j'en donnerai. Moi, je pense que ce n'est pas suffisant. Merci.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie. Et je cède la parole au député de Lévis.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Merci pour votre présence, évidemment. Puis on continue à boucler la boucle, hein, finalement. Je pense qu'on s'entend tous sur la problématique de base. L'objectif du projet de loi sur lequel on travaille aujourd'hui, c'est de se doter d'outils pour protéger le maltraité. Dans le meilleur des mondes, bien, on souhaite qu'il y en ait moins, puis un jour, peut-être, qu'il n'y en ait plus. Mais on peut rêver, hein? Je veux dire, qu'il fasse 30 degrés à l'extérieur, l'hiver, j'aimerais ça aussi, je peux rêver à ça, mais ça ne se fera pas. Alors, il faut qu'on se donne les outils nécessaires. Et c'est dans ce sens-là où, par exemple, vous parliez de caméras. Bien, quand la caméra devient un outil de prévention, comme le disait Me Ménard, sa vision des choses, notamment, dans son utilisation, si on parle de dénonciation obligatoire, bien faite, bien structurée, avec un plan d'intervention et d'application, c'est peut-être un outil supplémentaire, également, en tout cas, réclamé par de groupes qui représentent des aînés, à fortes proportions, également.

Mais plus que ça, vous dites, là : Il va falloir qu'on aille plus loin parce qu'on rend se compte que — et monsieur, vous le disiez à juste titre — si on veut que la société change, il faut former, il faut informer, il faut sensibiliser encore davantage. Je vous demande de faire un peu de chemin là-dessus, parce que, quand vous parliez de formation, corrigez-moi si je me trompe, mais j'ai cru comprendre qu'à travers ce que vous nous disiez vous souhaiteriez qu'on fasse de la formation à ce chapitre-là aussi dans nos établissements d'éducation, bon, qu'on aille plus loin, qu'on en fasse un sujet. Et, en ce sens-là, je pense qu'on a du chemin à faire. Vous voyez ça comment?

Mme Ouimette (Guylaine) : En fait, c'est pour ça qu'on prenait — je vous remercie de votre question — l'exemple, là, de toutes les campagnes, depuis des années, contre le tabagisme, l'intervention doit se faire à tous les niveaux. Et même qu'on sait qu'au niveau de... mon collègue me parlait plus tôt de... Arrivé au secondaire V, maintenant, il va y avoir un cours qui va traiter des enjeux financiers. Pourquoi, dans ce cadre-là, on ne devrait pas parler de maltraitance également, puisqu'il y a différents secteurs qui sont responsables? On est tous responsables de contrer la maltraitance au Québec, chaque citoyen, chaque professionnel, chaque député, tout le monde est responsable. Donc, quand on parle de campagne, je pense qu'on a des beaux exemples de réussite au Québec. Écoutez, il y a une diminution incroyable de l'utilisation du tabac. On voit même que, dans les entreprises, dans les cafés, dans les restaurants, même dans les bars, maintenant, il y a des restrictions. Écoutez, on est rendus très loin, là, pour protéger les gens de ce fléau-là.

Moi, je me dis : C'est des exemples qui existent déjà, et c'est pour ça que nous, quand on ouvre l'idée d'aller du secondaire à... Parce qu'il y a beaucoup de jeunes qui vont chez leurs grands-parents faire un petit tour. Souvent, les plus jeunes, ils vont faire des ponts, etc., ou les grands-parents vont s'occuper des jeunes, il va peut-être y avoir des moments où il va y avoir suffisamment d'intimité et de confiance pour qu'il y ait des choses qui sont divulguées. Qu'est-ce que le jeune va faire avec ça? Là, on parle d'un jeune. Donc, si on sensibilise l'ensemble de la population par rapport à comment on fait ça, à qui on peut s'adresser, qui peut vous soutenir, moi, je pense qu'on va réussir éventuellement à avoir une société qui est protégeante par rapport aux personnes vulnérables.

M. Paradis (Lévis) : Ce que je comprends à travers vos propos, donc d'impliquer, hein, c'est une histoire de... C'est tous ministères confondus, toutes organisations confondues, tous ordres professionnels confondus avec cette même volonté. Je comprends bien ce que vous me dites.

Vous parliez de tabagisme il y a quelques instants. Oui, j'en étais de cette loi où les choses... On s'est dotés maintenant d'une loi — on le dira comme ça — avec du mordant. Il a fallu aller plus loin. Ça n'a pas fait l'affaire de tout le monde, là. Puis, encore actuellement, il y a de la mise en application de mesures de ce projet de loi là qui, sur l'application, questionne certaines personnes. Il y a des gens qui se sentent agressés dans leurs droits parce que, maintenant, c'est sujet à des dispositions pénales de plus en plus importantes pour faire en sorte qu'on comprenne bien le message.

En même temps, ces mesures-là dont on parle, réclamées par plusieurs, la dénonciation obligatoire pour envoyer le message clair avec un environnement solide, bien là il y a des groupes qui sont venus nous dire : Nous, on représente des membres. La FADOQ, l'Association québécoise des retraité-e-s des secteurs public et parapublic, l'association québécoise des retraités, le Conseil pour la protection des malades, ils disent: On est rendus là aussi, tout comme l'idée des caméras comme étant un outil supplémentaire. Est-ce qu'on ne peut pas se permettre aussi d'aller plus loin, justement, si on utilise correctement toutes ces mesures?

Mme Ouimette (Guylaine) : D'entrée de jeu, nous avons parlé de prudence. Nous ne sommes pas d'accord avec la dénonciation obligatoire à cause que le rôle du professionnel, des gestionnaires dans les établissements doit être fait en amont pour accompagner la personne qui vit cette situation-là. Et M. Labrecque a tellement bien dit que même les abuseurs doivent être aussi pris en charge pour faire cesser... Parce que quelqu'un, une personne qui commence à abuser une autre personne, c'est parce qu'elle a également des problèmes. Donc, comment on peut faire pour devenir une société qui est plus bientraitante, là? Alors, nous, dans notre mémoire, on est très clairs, on n'est pas d'accord avec la divulgation obligatoire, on trouve que le projet de loi va suffisamment loin dans ses dispositions. Et on sait très bien qu'au niveau de notre travail, par rapport à tout ce qui est l'encadrement des nouvelles normes qu'il y va arriver, par rapport au secret professionnel, qu'est-ce qu'on fait avec l'élargissement, comment ça va être fait.

Nous, on va s'asseoir sur les mêmes principes que nous avons, que nous défendons constamment, qui est l'autodétermination de la personne, la confidentialité, la relation qui s'établit avec la personne pour l'amener à ouvrir sur des choses aussi douloureuses qu'elle peut le faire, là, dans des situations comme celles-ci. Parce que vous savez que, quand une personne ouvre ou n'ouvre pas, ça fait un bout de temps que ça dure. Un peu comme quand les plaintes arrivent au bureau du commissaire, ça fait un bout de temps que ça dure avant que ça arrive là. Donc, il faut agir rapidement quand c'est ouvert, et avec un doigté. Et le doigté nécessaire, c'est les professionnels qui l'ont pour accompagner les gens et les gens qui entourent aussi cette personne-là.

Le Président (M. Matte) : Merci de votre contribution à nos travaux. Je suspends les travaux jusqu'à 14 heures.

Et, si vous me permettez, moi, je quitte. Malheureusement, je ne pourrai pas finir ma participation aux travaux, mais je peux vous dire : Je vous remercie de m'avoir facilité la tâche, parce que c'était ma première présidence pour cette consultation-là. Alors, merci, puis bonne fin des travaux.

(Suspension de la séance à 12 h 28)

(Reprise à 14 h 2)

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : On est de retour en ondes. À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 115, Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité.

Cet après-midi, nous allons entendre les organismes suivants : l'Association des ressources intermédiaires d'hébergement du Québec, la ville de Montréal, l'Association des groupes d'intervention en défense de droits en santé mentale du Québec, l'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées, l'AREQ, l'association des retraités de l'éducation et des autres services publics du Québec, et l'Association des établissements privés conventionnés.

Sans plus tarder, je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Association des ressources intermédiaires d'hébergement du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis ensuite nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter puis à commencer votre exposé.

Association des ressources intermédiaires
d'hébergement du Québec (ARIHQ)

M. Vallerand (Luc) : Merci. Alors, bonjour, Mme la ministre, Mme la Présidente, chers membres de la commission. Je suis accompagné de Mme Manon Charpentier, qui est sur le conseil d'administration de l'association, qui opère également une résidence privée pour aînés et deux ressources intermédiaires, une à Montréal en déficience intellectuelle et une ressource intermédiaire à Trois-Rivières pour des personnes en perte d'autonomie liée au vieillissement. Moi, je suis Luc Vallerand. Je suis directeur des communications et des services aux membres à l'association et j'ai préparé une courte allocution, puis après ça on sera disponibles pour répondre et débattre ensemble de nos propositions à cette commission.

Alors, on tient à vous remercier de nous recevoir dans le cadre des consultations particulières liées au projet de loi n° 115 visant la lutte à la maltraitance. L'Association des ressources intermédiaires d'hébergement est reconnue par le ministère de la Santé et des Services sociaux comme le représentant et le porte-parole officiel de toutes les ressources intermédiaires pour adultes du Québec qui ne sont pas régies par la loi sur la représentation des ressources. Là, je fais une nuance. Il existe, au Québec, les ressources intermédiaires qui hébergent des personnes en vulnérabilité et un réseau qu'on appelle des ressources de type familial. Ces ressources-là ne sont pas représentées par l'association, et elles ne peuvent héberger pas plus que neuf personnes dans leurs ressources, et elles sont syndiquées, ce qui n'est pas le cas de l'association, mais c'est nous qui sommes le représentant officiel pour négocier avec le ministère.

Les ressources intermédiaires sont des milieux de vie qui accueillent des personnes vulnérables confiées par les établissements publics de santé. On existe depuis près de 25 ans. Le réseau des ressources intermédiaires offre des services de soutien et d'assistance dont ces personnes ont besoin dans un environnement répondant à des critères d'accessibilité, de sécurité et de confort. Quand il n'est plus possible de vivre à la maison, quand la famille est à bout de souffle et de ressources, les ressources intermédiaires sont des alliés pour diminuer la pression dans le réseau public.

Ce qu'il faut savoir, toutes les personnes hébergées en ressources intermédiaires sont nécessairement référées et orientées par le réseau public, ce qui est tout à fait différent des résidences privées pour aînés, où là c'est un choix personnel. Il n'y a aucune transaction économique qui se fait entre la personne qui est hébergée et le propriétaire de la ressource. C'est encadré par un contrat, le contrat public qui est établi par une entente particulière entre l'établissement et le propriétaire. Donc, la personne qui est hébergée va payer un certain montant d'hébergement, mais elle va le payer à la RAMQ, donc elle ne le paie pas au propriétaire. Donc, c'est vraiment des personnes qui ont une perte d'autonomie suffisante qui les rend incapables de demeurer seules à domicile, même avec des soins à domicile, mais leur condition n'est pas suffisamment détériorée pour exiger d'être hébergées en soins de longue durée, donc en CHSLD. Donc, on est vraiment un intermédiaire entre le domicile et le CHSLD.

Nos services. On offre des services qui, selon nous, sont essentiels et complémentaires à ceux du réseau public. En date du 1er décembre 2016, l'association regroupait 873 ressources pour environ 13 341 places. On estime le nombre d'employés à peu près à 10 000 dans notre réseau. Je vous donne la répartition des types de programmes clientèles ou de difficultés des personnes hébergées en ressources intermédiaires. On parle, à peu près 62 % des places sont occupées par des personnes en perte d'autonomie liée au vieillissement, 14 % pour des personnes ayant une déficience intellectuelle, 22 % environ pour des problèmes de santé mentale et un petit 2 % pour des personnes qui ont vraiment des difficultés liées à un handicap physique.

Le réseau des ressources intermédiaires permet de fournir des services qui sont, selon nous, essentiels et complémentaires, de diminuer la pression dans le réseau, notamment pour l'hébergement des personnes en perte d'autonomie, et on présente, selon nous, une solution appropriée et adaptée et qui est en croissance depuis une dizaine d'années. Donc, je le disais tantôt, l'association négocie les conditions nécessaires au développement durable des ressources intermédiaires à l'échelle du Québec. À ce titre, elle promeut les intérêts professionnels, sociaux et économiques de ses membres. On les soutient concrètement dans leur mission puis on offre une série de services-conseils et d'accompagnement.

Il faut savoir, tout de même, que le réseau de ressources intermédiaires correspond au 14e employeur au Québec. C'est un peu plus que Les Rôtisseries St-Hubert, à 9 300, et un peu moins que Québecor, à 10 200 personnes. Donc, c'est juste d'affirmer que les ressources intermédiaires génèrent des retombées économiques dans toutes les régions. Effectivement, on est répartis dans les 17 régions administratives. Les propriétaires sont fiers de leurs entreprises, sont fiers de leur contribution auprès des personnes vulnérables et ils se considèrent comme de véritables entrepreneurs sociaux responsables.

L'association se tient aussi à l'affût du développement des pratiques exemplaires tant en gestion que dans le domaine de l'intervention clinique. On souhaite déployer une influence constructive auprès de nos membres et de ses partenaires afin de contribuer activement à l'amélioration de la qualité des services en milieu de vie offerts à la population du Québec. D'ailleurs, c'est dans notre positionnement corporatif, on souhaite des milieux de vie de qualité. Nos prises de position recoupent ou reprennent des principes de protection et de promotion de l'intérêt premier des usagers tels que défendus par le Protecteur du citoyen ou la Commission des droits de la personne.

Dans le présent mémoire, nos recommandations visaient à souligner ce que l'ARIHQ estime être des conditions d'efficacité d'une éventuelle loi en matière de maltraitance en partant de notre expertise et de notre expérience. On a cinq recommandations pour la commission.

Recommandation n° 1 : assurer et réaliser une vaste campagne de formation et d'information auprès des citoyens, des usagers et de leurs proches, les employés des réseaux publics, privés et l'ensemble des milieux de vie visés par le projet de loi. Pour l'association, l'adoption d'un projet de loi pour lutter contre la maltraitance par le gouvernement du Québec est significative et symbolique, mais ça va être insuffisant si le gouvernement n'ajoute pas les ressources nécessaires et indispensables pour faire une différence. On a pu constater dans le passé que des campagnes sociétales contre la violence conjugale, l'alcool au volant ont été efficaces à cause de leur intensité, leur durée et des acteurs impliqués au quotidien. Selon l'ARIHQ, la lutte à la maltraitance doit s'effectuer simultanément par une campagne de sensibilisation gouvernementale, par des obligations d'agir dans les milieux d'hébergement des personnes vulnérables et par tout citoyen proche ou en contact avec les personnes. Bref, pour nous, c'est à la fois une responsabilité gouvernementale, des intervenants impliqués au quotidien dans les soins et par tout citoyen ou proche d'une personne vulnérable. La volonté gouvernementale doit nécessairement passer non seulement par une lutte, mais aussi par un ajout de ressources humaines, économiques et sociales. C'est ensemble qu'on pourra faire une différence dans la lutte à la maltraitance.

• (14 h 10) •

Notre deuxième recommandation : inclure des dispositions législatives claires en matière d'obligation de dénonciation pour tous les employés et les professionnels oeuvrant dans les secteurs public, et privé, communautaire visés par la loi et prévoir des sanctions disciplinaires dans des cas avérés et démontrés d'omission de dénonciation. Afin d'assurer la cohérence des différentes orientations gouvernementales en matière de lutte à la maltraitance, le projet doit viser à lutter envers toutes les personnes, et ça doit signifier que c'est tolérance zéro maintenant, la maltraitance dans nos milieux d'hébergement. On devrait retrouver un article qui précise que tout membre du personnel d'un établissement public, privé ou en ressources intermédiaires ou en résidence privée pour aînés qui a un motif raisonnable de croire qu'il y a maltraitance envers une personne vulnérable qui est hébergée ou qui en reçoit les soins des services de santé, bien, est tenue de le signaler sans délai à la personne ou à une instance responsable de protéger la personne vulnérable.

Notre troisième recommandation : inclure une disposition législative visant l'adoption d'une politique en matière de lutte à la maltraitance dans les ressources intermédiaires, en fait, avec les mêmes obligations que ce qui est prévu pour les établissements publics. Afin d'assurer une meilleure efficacité et cohérence de l'application du projet de loi dans le réseau des ressources intermédiaires, l'ARIHQ recommande une modification à l'article 8 du projet qui dirait : «Toute ressource intermédiaire doit adopter une politique de lutte contre la maltraitance envers les personnes en situation de vulnérabilité hébergées en ressources intermédiaires.» C'est juste pour prendre en considération que les ressources intermédiaires, elles ont une responsabilité légale comme employeurs envers leurs employés, et, à l'heure actuelle, dans le projet de loi, ce qui est prévu, c'est que l'établissement peut appliquer des sanctions disciplinaires à leurs employés, mais il ne peut pas le faire dans les milieux de ressources intermédiaires, ce ne sont pas leurs employés. Donc, par souci de cohérence, on s'est dit, pour responsabiliser en plus les promoteurs, de faire en sorte qu'on ait l'obligation d'avoir une telle politique.

Quatrième recommandation : confier au Protecteur du citoyen la responsabilité de traiter les plaintes et les signalements effectués dans le cadre de la politique. Pourquoi le protecteur? Pour nous, ça bonifierait nettement le projet de loi parce que le Protecteur du citoyen ne relève pas des établissements publics. Il agit déjà comme vice-protecteur du réseau de la santé, il intervient déjà dans plusieurs situations d'enquête d'abus par rapport à des plaintes des usagers. Donc, il a une bonne connaissance du réseau, et, pour nous, surtout, il a une autorité morale et une crédibilité, et il est connu par les citoyens du Québec. Et moi, à mon sens, quand le protecteur intervient suite à une plainte ou à une allégation, pour avoir accompagné des ressources, écoutez, là, on constate que tout le monde collabore, ainsi que l'établissement. Puis, en plus, il a des pouvoirs d'un commissaire.

Puis enfin on pourra parler des caméras de surveillance, à votre convenance, dans nos échanges.

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Charbonneau : Merci, Mme la Présidente. Bonjour et bienvenue. On vous a fait attendre un peu, mais c'est toujours intéressant de pouvoir vous entendre, puisque, vous le dites bien dans votre présentation, vous êtes un peu... Tu sais, l'étendue des services qu'on donne dans nos établissements reconnus comme la santé... les RI, vous êtes une organisation très proche de nous, tellement proche que je vous partage avec une autre «ch», Mme Charlebois, qui s'occupe, elle, des services sociaux. À la blague, on dit tout le temps : On est les deux «ch» de l'équipe, et on vous partage, puisque des gens que je représente — que j'ai ce privilège-là — sont chez vous, et, vous le disiez bien, les gens avec un handicap reconnu. De ce fait, quand le projet de loi n° 115 s'est écrit, Mme Charlebois a tout de suite réagi pour qu'on puisse y inclure les gens en situation de vulnérabilité. Il y a là beaucoup de questions qui se sont posées parce que la situation de vulnérabilité, elle peut s'étendre jusqu'à une clientèle autre que celle qui est aînée.

Je vous l'avoue bien candidement, là, je suis peut-être un peu naïve, mais je suis un peu surprise sur votre position que vous faites sur la divulgation obligatoire, mais, en même temps, je veux être capable de mieux vous comprendre parce que c'est quand même une position ferme, et vous allez un pas plus loin en disant... Puis je vais l'appeler un peu comme je le vois depuis quelques jours. Peut-être que c'est, encore une fois, malhabile, mais je vous le dis, le principe d'une contravention, si tu ne le dis pas, il y a une sanction. Mais la sanction, pour moi, ça ne peut être que juste un aspect punitif. Puis, si je veux que ça soit une sanction qui a un impact majeur, bien, il faut qu'elle soit à un niveau ou à l'autre, c'est-à-dire soit une sanction au niveau de son employeur — tu es obligé de les retirer ou quelque chose comme ça — ou une sanction monétaire parce que tu avais une responsabilité, tu ne l'as pas fait, je te donne une forme de contravention parce que, la prochaine fois, on veut que tu divulgues.

En rencontrant les gens de la chaire de recherche sur la maltraitance, ils nous signifiaient que, malheureusement, dans certains endroits, ils ont réalisé ou ils se sont aperçus que de mettre une sanction obligatoire faisait en sorte que les gens se positionnaient plus tardivement, ils dénonçaient moins vite. Le soupçon — parce que je reprends le terme que vous avez pris, parce que ça m'a éveillé quelque chose — ce n'était pas suffisant pour la personne qui dénonçait, puisque de dénoncer, ça déclenchait une enquête, ça déclenchait plein de choses. Ils disaient : Bien, on va attendre d'être sûrs de notre coup parce que le soupçon, ce n'était pas assez.

Un autre regroupement nous a dit : Vous savez, il ne faudrait pas que la divulgation obligatoire devienne une guéguerre entre deux syndiqués : J'aurais aimé avoir le poste qu'elle a, je ne l'ai pas eu, je ne la trouve pas si bonne que ça, il me semble que j'étais meilleur, bien, je la regarde agir, là, puis... Donc, syndicalement, on a eu des petits drapeaux jaunes qui nous disent : Il y a peut-être un enjeu là. Puis la chaire de recherche, elle nous dit : Bien, vigilance, prudence, parce que, si vous prenez cette avenue-là, le danger qu'il peut y avoir, c'est l'avancée tardive. Donc, on est déjà dans un cas de maltraitance avancée avant que les gens posent le geste ou donnent l'information.

De notre côté, la croyance que nous avons pour l'instant — parce qu'on reste influençables jusqu'à un certain point — c'est de dire : Bien, si je fais en sorte que tous les outils alentour de la divulgation, ils sont en place puis ils font en sorte que, si c'est un soupçon, hein, je peux protéger l'employé jusqu'à temps que ça soit fondé, puis là s'il y a enquête, encore plus enquête criminelle, bien là, là, on lâche les soupçons puis on met du lousse aux voiles, puis on prend notre chemin, puis on s'assure que la personne ne peut plus poser les gestes qu'elle pose.

Alors, quand vous me dites : Sans contredit, nous, on veut que ça soit la dénonciation obligatoire, j'aimerais vous entendre sur l'impact que vous pensez que ça a puis pourquoi votre regard est aussi ferme sur cette proposition.

Mme Charpentier (Manon) : Bien, en fait, moi, dans mon milieu, ce n'est pas une obligation, c'est-à-dire que ce n'est pas un document écrit que les employés signent, mais c'est une culture que j'essaie d'instaurer. Donc, tout le personnel sait que, s'ils sont... En fait, s'ils soupçonnent, s'ils voient, s'ils entendent des choses, et des deux côtés, c'est-à-dire soit parce qu'ils ont entendu des choses qui se sont passées dans la chambre avec la famille, soit que le résident s'est confié... Parce que ça arrive très souvent. Alors, le résident va se confier à un préposé, puis la deuxième partie de cette conversation-là, c'est souvent : Parles-en pas. O.K.? Donc, il y a ça et il y a aussi le fait que le personnel, eux-mêmes, ils voient les autres... Bon, alors moi, chez moi, j'essaie d'instaurer ça. Ça fonctionne assez bien, je dirais, mais il y a des situations avec lesquelles c'est plus difficile de gérer ça, et on ne sait pas trop, hein, comment s'y prendre parce que, des fois, la ligne, elle est mince, hein, entre ce que le résident veut qu'on fasse puis ce qu'il ne veut pas qu'on fasse.

Par contre, par rapport aux employés, moi, j'insiste beaucoup là-dessus puis je dis toujours à mes employés : Si vous êtes conscients, par exemple, qu'une collègue, qu'un collègue, bon, a des gestes, des paroles, peu importe, qu'on ne tolère pas dans la résidence, vous devez absolument m'en parler parce que, sinon, vous êtes aussi coupables parce que vous le tolérez. Alors donc, je dirais que ça fait partie de notre quotidien. Cependant, il m'arrive encore... Puis, tu sais, j'ai en tête des situations où, par exemple, on met à pied un employé parce qu'on considère que la qualité du travail n'est pas là puis on se fait dire : Ah oui! bien, finalement, cette personne-là, elle n'était pas toujours... des fois, elle était bête avec les résidents. Puis là, bien, notre réaction, c'est : Comment ça se fait qu'on ne l'a pas su? Comment ça se fait que vous n'en avez pas parlé?

Alors, même si on insiste, même si on en parle, même si on essaie d'instaurer ça, alors, à partir de là... En fait, la réflexion sur l'obligation, elle part de là. Ça ne part pas seulement de moi, du promoteur, de la propriétaire, mais il y a une obligation citoyenne de dénoncer ce qu'on voit, ce qu'on entend. C'est sûr qu'après ça, bien, comment tout ça va être traité, c'est une deuxième partie. Mais, par rapport à l'obligation, moi, en tout cas, chez moi, je n'ai pas de difficulté du tout à dire à l'ensemble de mon personnel : Bien, tu sais, maintenant, vous avez une obligation morale de le faire.

• (14 h 20) •

Mme Charbonneau : J'ai juste une petite question puis je vous laisse compléter après. Mais vous avez instauré de façon morale... au bout de cette moralité-là, il n'y a pas de menace, là, ou il n'y a pas de... Bien, quand je dis menace, c'est qu'il n'y a pas de sanction. Si votre employé...

Mme Charpentier (Manon) : Non. Il pourrait aller jusqu'à des sanctions. C'est-à-dire que moi, je crois beaucoup à... Ma façon de gérer, ça se passe par la communication puis la formation. Alors, à partir du moment où, par exemple, on va me dire : J'ai entendu une employée tutoyer un résident, bien, la première chose que je vais faire, c'est rencontrer l'employée, lui en parler, discuter avec elle, bon, lui, expliquer quelles sont les règles, etc. Si c'est plus important que ça, bien, il pourrait y avoir des sanctions. Puis, si, bien, ça dépasse ce que nous, on ne tolère pas, bien, il va y avoir une mise à pied, là. Ça pourrait aller jusque-là, effectivement, là.

M. Vallerand (Luc) : Mais on a longuement réfléchi. Parce que nous aussi, on s'est posé la question sur l'obligation de dénonciation, puis on l'a restreinte à seulement le personnel qui donne des soins. Puis nous, on pense que, si on ne va pas à la dénonciation obligatoire, on n'envoie pas un message assez fort aux gens qui travaillent au quotidien que c'est tolérance zéro. Mais nous, on a beaucoup insisté en ouverture sur la nécessité, au préalable, avant cette obligation de dénonciation là, d'avoir une campagne de sensibilisation à caractère sociétal, mais aussi que tous les milieux soient formés au dépistage, dans la prévention des gestes de maltraitance pour savoir c'est quoi exactement, la maltraitance, ça se manifeste comment, avec quelles attitudes, quels gestes, quelles paroles, puis qu'on ait vraiment les moyens, puis qu'on oblige les milieux à donner de la formation. Pour nous, c'est un minimum. Il devrait même y avoir une obligation de rendre obligatoire ce qu'on appelle la formation sur l'approche relationnelle de soins en ressources intermédiaires, en résidence privée pour aînés puis en CHSLD, et, pour nous, ça devrait être une condition sine qua non pour toute personne qui travaille en hébergement. Mais, d'abord et avant tout, une campagne sociétale puis une formation dans tous les milieux. On ne pense pas que l'obligation, c'est l'ultime solution, mais on est rendus là au Québec en termes de message public à la population.

Mme Charbonneau : Dans ce principe-là, vous avez compris... Puis je pense que le message qu'on donne tous ici, alentour de la table, c'est qu'à partir du moment où 115... Un, à partir d'aujourd'hui, même de voilà deux jours, on souhaite que ça se parle encore plus, le principe de la maltraitance. Mais le souhait de faire avancer le projet de loi le plus rapidement possible pour arrêter, hein, pour contrer le plus possible... Parce que, malheureusement, on a plein de systèmes en place qui ne font pas assez de contraintes officiellement pour tout le monde. On pourrait parler de la DPJ puis encore des malheurs qui arrivent aux enfants, là. Il faut se dire qu'on essaie de mettre en place le meilleur système possible. Mais je vous entends puis je me dis : On ne peut pas se fier qu'à une seule chose. Oui, une campagne sociétale, mais je ne pense pas attendre que la campagne soit faite puis que la formation soit faite pour espérer que les gestes ne se posent plus. Donc, comment voyez-vous l'aspect... Je vais prendre le terme «punitif», l'imputabilité de la personne. Si vous dites oui à la divulgation obligatoire, comment vous voyez l'effet de ne pas avoir divulgué l'information? Où vous le placez dans l'aspect contraignant?

M. Vallerand (Luc) : Bien, en fait, nous, on pense que c'est l'enquête qui va révéler s'il y avait des gens au fait de la situation de maltraitance parce qu'il faut, évidemment, s'assurer que ce n'est pas du ouï-dire ou du colportage, qu'on ait vraiment des faits avérés et démontrés par l'instance qui sera chargée de faire l'enquête, et le message qu'on doit envoyer, c'est qu'il devrait y avoir des sanctions disciplinaires. Si tel employé était au courant qu'elle parlait «rough» à une madame, bien, ça ne peut pas rester impuni et ça devrait être à l'employeur, qui devrait émettre ces sanctions-là. On faisait le parallèle avec la loi sur la violence et l'intimidation. C'est obligatoire de dénoncer l'intimidation et la violence en milieu scolaire, alors on devrait avoir la même logique pour les personnes hébergées.

Mme Charbonneau : Mais il n'y a pas de sanction. On se rappellera que, tu sais, il y a l'obligation, oui, parce que c'est une responsabilité citoyenne. Vous avez raison, j'en suis responsable, de ce plan sur la lutte contre l'intimidation, donc, oui, mais les écoles se donnent chacune leur politique, et puis, un peu comme vous donniez le regard de votre responsabilité, vous dites : Moi, je l'impose, mais à ma façon, ce qui fait que les écoles font la même chose, et il n'y a pas de sanction si, malheureusement, des jeunes ont participé ou ont été témoins... il y a juste la responsabilité morale, hein, il n'y a pas de sanction parce que c'est des jeunes puis... Donc, pour moi, le principe de la sanction, si je n'ai pas donné suite à ce que j'ai vu, parce que je n'étais pas sûre, parce que ce n'était pas assez franc, parce que je connais moins la maltraitance financière que la maltraitance physique, ça devient plus... Donc, pour moi, le principe de la sanction, il se situe où? C'est-u un principe justicier? C'est-u un principe monétaire? C'est-u une conséquence de mon employeur ou de mon syndicat? Je voulais juste que vous m'aidiez à mieux le situer parce que, si jamais l'angle se prend vers ça, il va falloir se donner une idée aussi de c'est quoi, la conséquence.

M. Vallerand (Luc) : Bien, en fait, si c'est de l'ordre monétaire puis qu'il y a vraiment eu fraude ou abus ou si c'est de l'ordre d'agression physique, bien là c'est le Code criminel qui s'applique. Mais, dans le cas d'autres comportements qu'on dit maltraitants, qui devraient être balisés, d'ailleurs, puis définis, ça devrait être des sanctions disciplinaires, puis on devrait... D'ailleurs, c'est la première chose qu'on devrait faire, c'est bien baliser ce que c'est, des comportements de maltraitance, en dehors des abus financiers ou des agressions physiques qui pourraient se passer dans les milieux d'hébergement.

Mme Charbonneau : C'est parce que tu avais une question, oui?

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Oui. Alors, le député de D'Arcy-McGee, à vous la parole.

M. Birnbaum : Merci, Mme la Présidente. Et merci de votre intervention. Un des volets du projet de loi devant nous va exiger aux ressources, aux établissements, y compris les quelque 880 ressources intermédiaires, de produire une politique de lutte contre la maltraitance. Comment vous envisagez ça? Et quel rôle est-ce que vous serez en mesure de jouer, comme fédération, association, pour accompagner vos établissements dans la confection d'une telle politique?

Mme Charpentier (Manon) : Bien, en fait, nous, notre questionnement, il était surtout dans l'uniformité de ça. C'est-à-dire que, si les politiques viennent des différents CIUSSS, notre crainte, c'était : Est-ce qu'on va avoir exactement les mêmes politiques, les mêmes procédures, les mêmes balises d'un CIUSSS à l'autre? Parce que, bon, ça part de la loi, là, les CIUSSS émettent des politiques, là, ça descend après ça aux ressources intermédiaires. Alors, ce qu'on souhaitait, c'est qu'il y ait une uniformité. Nous, on veut bien participer à ça puis vraiment travailler de concert avec eux parce que, de toute façon, à l'intérieur de la ressource, on travaille directement avec l'infirmière, avec le travailleur social, donc on est impliqués. Alors, moi, je veux bien jouer le rôle qu'on me donne et avoir l'imputabilité qui me revient, là, puis je pense que l'ensemble des propriétaires est prêt à ça aussi, là. Alors, tu sais, qu'on le fasse de concert. Si le CIUSSS est ouvert à ça, nous, clairement, on voudrait y participer, là.

M. Vallerand (Luc) : Puis évidemment, comme association, on a un rôle conseil puis d'accompagnement de nos ressources sur comment faire les choses puis on est capables d'accompagner l'ensemble des propriétaires à l'instauration, puis l'implantation, puis les balises d'une telle politique, là. De toute façon, nous, on dit : On est guidés par le même intérêt que les établissements publics, c'est le bien-être de l'usager avec les meilleures conditions possible.

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Le temps alloué au gouvernement est maintenant écoulé. Au tour de l'opposition officielle d'amorcer les échanges. Je cède la parole au député de Rimouski.

M. LeBel : Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Dans le fond, la première question que j'aimerais vous poser, c'est : Comment ça va? Parce qu'on s'est vus un peu avant les fêtes, puis, quand on parle de maltraitance, on dit que, un, les causes qui risquent la maltraitance, c'est le roulement du personnel, les tâches qui sont lourdes, manque de formation. C'est des facteurs qui peuvent amener la maltraitance. C'est ce qu'on appelle aussi de la maltraitance organisationnelle. Votre réseau, moi, ce que j'en vois, souvent, ça permet... Tu sais, les CHSLD, il y a beaucoup de pression actuellement, puis le gouvernement essaie de se sortir de ça. Il y a toujours des mauvaises nouvelles des CHSLD. Une des façons, c'est de se servir un peu plus des ressources intermédiaires. Avant d'arriver au CHSLD, on essaie de les garder le plus longtemps chez vous. Ça permet de souffler un peu dans les CHSLD, sauf que, pour vous, ça augmente la tâche. Et ce que je comprends, c'est que, de vous, on dit que les écarts salariaux dans votre réseau à vous... pour des préposés, entre chez vous et dans le public, c'est 10 $ de l'heure, que le gouvernement vous offre dans les ententes pour faire de la formation, c'est 55 $ par employé. Et là il y a une entente, là, qui encadre ça, puis c'est ça, la question : Comment ça va avec l'entente?

• (14 h 30) •

M. Vallerand (Luc) : Bien, on ne sait pas comment ça va parce qu'il n'y a rien qui se passe à l'heure actuelle. On est toujours en discussion avec la partie patronale du ministère de la Santé. Un des problèmes majeurs qu'on a, c'est la rétention, comme vous le disiez, de nos employés puis le taux de roulement. Le profil de besoins des usagers, il se complexifie au fil du temps, et c'est un peu normal, la population vieillit, mais il faut que les ressources puis la capacité des ressources intermédiaires suivent également la complexité des besoins. Puis le nerf de la guerre, c'est à la fois notre capacité à retenir les employés parce que c'est eux qui donnent les services.

Il faut savoir que, dans le réseau de ressources intermédiaires, 90 % des postes sont occupés par des femmes avec une moyenne de 13 $ à 15 $ de l'heure. Actuellement, là, nos concurrents pour l'emploi, là, c'est les Wal-Mart puis le CHSLD, le CHSLD parce que le premier échelon est à 21 $ de l'heure, puis Wal-Mart, c'est parce qu'à 13 $ de l'heure ou à 14 $ de l'heure, vous n'avez presque pas de responsabilités par rapport à la clientèle, alors qu'en ressource intermédiaire, c'est un élément extrêmement important à entendre, c'est que les préposés au ministère font ce qu'on appelle des activités déléguées, donc des activités qui normalement sont confiées à des infirmières auxiliaires ou à des infirmiers, puis, parce qu'il n'y a pas cette catégorie de personnes là en ressource intermédiaire, ce sont les préposés aux bénéficiaires qui sont formés par l'établissement pour donner les activités déléguées. Donc, on parle administrer des médicaments puis des activités déléguées, donc plus de responsabilités pour un salaire moindre que dans le réseau public.

Donc, nous, on discute fort avec le gouvernement pour, premièrement, aussi, qu'il arrête de nous amalgamer avec les ressources de type familial. Moi, je n'en connais pas de ressource de type familial de 40 lits ou 100 lits. Ça n'existe pas, là. On est dans un autre univers. Ce n'est pas une résidence, ce n'est pas un bungalow. On est vraiment dans un autre type de ressources plus organisées avec des employés, puis il faut que les ressources financières suivent pour donner des services de qualité et adéquats à la clientèle. Il y a un enjeu pour l'avenir là-dessus, c'est sûr.

M. LeBel : Ça fait combien de mois que vous négociez?

M. Vallerand (Luc) : Ah! ça doit faire 20 mois.

Une voix : Oui, pas loin de deux ans, là.

M. LeBel : Deux ans, puis vous n'avez pas de nouvelles.

Il y avait des gens, ce matin, qui ont amené une proposition, qui demandent... ils recommandent à la ministre de sensibiliser ses collègues. C'est peut-être une raison de sensibiliser les collègues, là, sur... Ce serait peut-être bon qu'après 20 mois on réussisse une entente sur le financement du réseau parce que c'est vrai, ce que vous dites, s'il y a un taux de roulement... J'aimerais ça que vous m'expliquiez c'est quoi, les conséquences pour vous autres, comme employeur, d'un roulement si intense parce que les gens sont mal payés.

Mme Charpentier (Manon) : Bien, en fait, je me suis beaucoup, moi, questionnée par rapport à la maltraitance, hein, puis moi, mon travail quotidien, c'est d'essayer de trouver toujours les meilleures pratiques puis d'essayer de trouver les meilleures façons de donner le meilleur service possible à tous mes clients. Alors, vraiment, là, on est imaginatif puis on fait des miracles avec deux bouts de ficelle, là, mais avec deux bouts de ficelle, là, je ne peux pas construire un pont non plus.

Alors, il y a des choses sur lesquelles je sais que je pourrais m'améliorer, je pourrais faire en sorte... Puis je vais vous donner un exemple. On parle de respecter le rythme de chacun des résidents. Alors, moi, les levers, là, j'ai des gens qui sont debout à 4 heures, là, mais mes levers dans la résidence, c'est de 6 heures à 8 h 30. Il y a des gens qui voudraient se lever à 9 heures, 9 h 30. Ma structure organisationnelle, là, elle ne me le permet pas parce qu'à partir de 9 heures, mon personnel, il est aux bains.

Alors, moi, j'aimerais ça, là, j'ai ce souhait-là de pouvoir respecter le rythme de chacun. Ce que ça me prend, c'est du personnel, mais je ne peux pas, financièrement, ajouter de personnel. Déjà, je suis au maximum de ma capacité. Alors, je ne peux pas en ajouter. Mais, si j'avais cette capacité-là d'ajouter du personnel, je pourrais, là, aller chercher d'autres petits miracles, là, puis vraiment faire une différence, là, sur des aspects... Tu sais, par rapport à la maltraitance, on ne parle pas nécessairement de grosses choses, là, mais, tu sais, des petits détails, là, qui font en sorte que tu as l'impression vraiment que la personne a tout ce dont elle a besoin. Parce que, des fois, on coupe les coins ronds, là. C'est-à-dire que, si, moi, j'ai une employée qui ne rentre pas ce matin, j'ai des gens que je dois faire marcher, par exemple, pour venir à la salle à manger, et c'est exigeant. Alors, un résident, deux résidents, trois résidents, quatre résidents, ça me prend quatre employés, là, pour amener ces gens-là à la salle à manger. S'il m'en manque une, bien, les gens, ils ne marchent pas, on les met dans leur fauteuil roulant, on les amène. Quant à moi, il y a une notion de maltraitance, là, mais je ne peux pas faire mieux, puis ce n'est pas parce qu'on n'essaie pas, là.

M. LeBel : Bien, c'est exactement ça, ce qu'on appelle la maltraitance organisationnelle, systémique. Et là l'État a un rôle à jouer, et, dans ce cas-là, je pense qu'il est absent.

Mme Charpentier (Manon) : Puis vous le disiez tout à l'heure, là, mais notre personnel, là, tu sais, on doit leur lever notre chapeau, là, parce que, pour une différence de salaire importante, là, ils pourraient aller travailler dans le réseau, là, mais ils restent chez nous, là. Puis on essaie, là, on essaie par nos structures, par la façon dont on travaille, par la façon dont on s'adresse à eux, de faire en sorte qu'ils restent le plus longtemps. Malgré ça, on a du roulement, là, parce que, finalement, les gens, bien, ils se disent, hein : Je serais peut-être mieux d'aller travailler dans le réseau public, là, il y a une différence importante au niveau du salaire, là.

M. LeBel : En tout cas, moi, je trouve que c'est un peu odieux de traîner la négociation aussi longuement. Dans le fond, on focusse sur les CHSLD, les kodaks sont tous sur les CHSLD, puis vous autres, vous êtes en train de pédaler en arrière pour essayer de... puis on ne vous finance pas, on vous sous-finance, les gens travaillent moins cher que ceux dans le réseau... Parce que vous êtes en train de donner de l'air aux CHSLD, mais on ne s'occupe que des CHSLD, entre guillemets, pour essayer de sauver l'image du gouvernement, moi, ça, je...

Je n'ai pas beaucoup de temps. La dernière question, peut-être. J'essaie de voir le cheminement des plaintes puis des signalements. Vous parlez du Protecteur du citoyen, vous pensez que c'est là que ça va, mais la loi ne dit pas ça, là, la loi parle des commissaires aux plaintes. Pourquoi la différence? Pourquoi ce choix-là au lieu de ce que la loi propose?

M. Vallerand (Luc) : Moi, j'ai été cinq ans président d'un comité de vigilance et de qualité où il siégeait, le commissaire local aux plaintes, puis là je suis à l'association, j'accompagne parfois des ressources lorsqu'il y a des enquêtes par le protecteur. Il y a une différence majeure sur la capacité de réaction, la capacité d'enquête, le pouvoir de convoquer aussi. Alors, le Protecteur du citoyen, il a le pouvoir de convoquer des personnes, il obtient toute la documentation, puis l'autorité morale du protecteur a beaucoup plus d'efficacité que le commissaire local, qui est embourbé, je dirais, dans les enquêtes au niveau local. Et nous, on sait que ça enverrait un message beaucoup plus fort que ce soit le protecteur qui ait la responsabilité au niveau de la maltraitance, parce qu'il l'a déjà pour des plaintes, des insatisfactions. Il enquête déjà dans le réseau. Ça fait qu'on ferait juste élargir un rôle qu'il a déjà à la notion de maltraitance puis, à mon sens, ça permettrait d'avoir vraiment une lecture objective, distincte de l'établissement, par une institution qui relève de l'Assemblée nationale.

M. LeBel : Juste en conclusion, 30 secondes?

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Une minute.

M. LeBel : Une minute. Dans le cas, qu'on vient de parler, d'un sous-financement, d'une maltraitance organisationnelle, le commissaire aux plaintes ne pourrait rien faire. Le commissaire aux plaintes, chez vous, ne pourrait pas dire : Bon, il y a de la maltraitance parce que c'est sous-financé. Qu'est-ce que vous voulez qu'il fasse avec ça? Mais le Protecteur du citoyen pourrait.

M. Vallerand (Luc) : Il pourrait. On l'a même rencontré cet automne parce qu'il y a eu quelques situations dans certaines ressources en déficience intellectuelle à Montréal, puis on est allés lui partager nos préoccupations, puis il nous a dit qu'il était en mode veille, en mode observation sur les ressources intermédiaires dans le secteur de la déficience intellectuelle. Donc, il a même un mandat d'initiative et il peut formuler des recommandations, notamment sur la question des ressources.

Et moi, la bonne nouvelle que j'ai apprise, moi, avant les fêtes, c'est que le ministre de la Santé a annoncé d'autres ressources et d'autres ressources financières en ressources intermédiaires. Nous, on dit : Attention! Avant de développer des nouvelles places, consolidez ce qui existe déjà.

M. LeBel : Merci.

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Merci, M. le député de Rimouski. C'est maintenant au tour du député de Lévis, du deuxième groupe d'opposition.

M. Paradis (Lévis) : Merci, Mme la Présidente. Mme Charpentier, bonjour. M. Vallerand, merci d'être là. Vous faites un travail exceptionnel puis vous en avez aussi lourd sur les épaules. Puis je comprends à travers vos propos cette volonté que vous avez de bien traiter ceux et celles que vous hébergez, cette volonté-là de protéger. Et c'est comme ça que je reçois votre recommandation, qui pourra peut-être en surprendre certains, mais qui rejoint d'emblée la position de la FADOQ, qui représente 475 000 personnes, de l'association québécoise des retraités, de l'Association québécoise des retraité-e-s des secteurs public et parapublic, qui, en plus, nous présente un sondage de 2016 où l'ensemble des Québécois sondés dans leur sondage scientifique nous dit à 93 % : On est rendus là. Est-ce qu'on devrait être obligés de dénoncer, donc on ne laisse plus rien passer? Puis ils nous disent 93 %. Pas 60 %, pas 80 %, pas 88 %, c'est 93 %. C'est énorme.

Et là vous me dites : Regarde, c'est ça, nous autres aussi. Vous travaillez pour ça, Mme Charpentier, dans votre vision à vous, dans vos établissements, puis, en même temps, vous dites : Il est temps, la société est prête à ça. Et je le vois, puis corrigez-moi, puis ajoutez là-dessus pourquoi c'est important pour vous. Je pense que c'est important que le message passe. Parce que moi, j'ai un peu de difficultés avec l'idée qu'on véhicule actuellement, de dire que, s'il y a des dénonciations obligatoires, ça risque d'ouvrir la porte à des dénonciations frivoles, comme s'il n'y avait pas de système permettant, à un moment donné, quand on dénonce, de faire en sorte qu'on enquête puis qu'on juge de la pertinence. D'ailleurs, dans l'article du projet de loi n° 399, de 2013, on disait «qui a un motif raisonnable de croire». On dénonce, vous êtes obligé si vous avez un motif raisonnable de le croire, puis il y aura des sanctions pénales si vous ne le faites pas. Et vous allez jusque-là.

Alors, je me dis : Quoi, on a peur d'une dénonciation frivole? Moi, j'aime mieux enquêter puis me rendre compte que c'en est une que de se tromper puis de fermer les yeux, de laisser passer, ce qui nous révolte tous quand il y a quelque chose qui nous arrive devant le visage. Vos résidents, vos employés, parce que ça les touche, là, je présume, comme porte-parole de l'association, vous suivent là-dessus. Est-ce que vous avez, Mme Charpentier, des employés qui sont systématiquement touchés par ce que vous dites là, qui vous ont dit : Ne faites pas ça, là, ça se peut qu'on se chicane ensemble, qu'une me fasse une plainte parce que je ne suis pas gentille puis elle ne m'aime pas? Est-ce que vous avez ce sentiment-là?

• (14 h 40) •

Mme Charpentier (Manon) : Non. Non, c'est-à-dire que... Puis des plaintes frivoles, là, on va se le dire, on en a, là, mais ça ne va jamais bien, bien loin, là, parce que, première rencontre, deuxième rencontre, généralement, là, on se rend compte que ça ne tient pas la route, là. Donc, les gens aussi, ils savent, là, qu'ils ne viendront pas nous voir avec des histoires un peu abracadabrantes, là. Donc, non.

Puis les employés, ils le savent. Moi, je leur répète constamment : Vous êtes mes yeux, vous êtes mes oreilles. Ils sentent cette responsabilité-là et ils le disent parce qu'il y en a, des dénonciations. Alors, que ce soit pour mon personnel, mais aussi pour soit les familles ou les proches aidants, on en a, là. On n'en a pas beaucoup, là, parce que c'est quand même un milieu en ressources intermédiaires. Moi, je suis, en fait, avec une clientèle physique, donc les gens sont cognitivement sans... En fait, ils ne sont pas atteints, ils sont capables de se défendre. Mais on en a quand même, là. Les gens sont à l'écoute, ils vont nous dire : Mme Unetelle m'a dit telle chose. Donc, ils rapportent les choses, puis je pense qu'ils se sentent responsables, puis ça fait en sorte aussi que, dans leur travail, c'est important, ça fait partie de leur travail. Alors, il y a une espèce de fierté, là... peut-être que le mot n'est pas bon, là, mais, tu sais, de dire : Je peux contribuer à faire en sorte qu'une telle personne, bon, ne subisse pas de maltraitance, là.

M. Paradis (Lévis) : Je comprends ce mot-là, moi, je l'accepte, «fierté». La fierté d'avoir le devoir de dénoncer, pas parce qu'on m'oblige, qu'on me force puis qu'on me pousse, simplement parce que je veux protéger ceux et celles avec qui je travaille. M. Vallerand, vous...

M. Vallerand (Luc) : Le Protecteur du citoyen, il va vérifier si la plainte est frivole. De toute façon, il le fait déjà pour les plaintes qui sont déjà adressées au bureau du protecteur. Mais, je le répète, ça doit être fait, la dénonciation obligatoire, avec la nécessité et l'obligation d'avoir de la formation dans tous les milieux. On ne pense pas que la dénonciation, à elle seule, va suffire. Et, si ce n'est pas suivi d'une intense campagne de formation et de sensibilisation, on ne va pas faire reculer le phénomène. Donc, il faut aller former tous les gens dans tous les milieux de travail où il y a de l'hébergement de personnes vulnérables, et ça, ça va faire la différence à la fois sur la dénonciation, mais aussi sur la prévention de gestes de maltraitance.

M. Paradis (Lévis) : On est d'accord. Je pense qu'on est d'accord. Ceux que j'ai entendus, même les ordres professionnels qui s'inquiètent de toute la notion du secret professionnel, sont aussi d'une même voix, réclament aussi de la formation, de l'accompagnement, meilleur accompagnement, un cheminement, une route à suivre plus facile pour ceux et celles qui auront à agir également, toujours dans un but d'avoir une loi, éventuellement, qui va protéger davantage et qui enverra le signal extrêmement important réclamé par plusieurs que c'est fini, que la tolérance, elle est zéro.

Il me reste peu de temps, mais j'aimerais ça vous entendre sur les caméras parce qu'on a beaucoup parlé de caméras, de règlement à être déposé le plus rapidement possible, mais d'orientations ministérielles. Votre vision.

M. Vallerand (Luc) : On est vraiment embêtés par rapport à cette question-là, surtout sur la question de préserver l'intimité de l'usager dans son milieu de vie, qui est sa chambre, puis comment on va s'assurer de la destruction aussi des documents. On en parlait tantôt...

Mme Charpentier (Manon) : En fait, on est d'accord sur le principe. On est d'accord sur le principe, moi, je n'en ai pas, de difficultés à ce qu'ils installent des caméras dans les chambres. Mais comment tout ça... En fait, dans la pratique, là, comment ça va se faire, c'est une autre chose. En ressource intermédiaire, les gens vivent dans des chambres. Alors, à partir du moment où il y a une caméra, ça veut dire que tout est filmé. Ça veut dire que les soins d'hygiène sont filmés, ça veut dire que toute l'intimité de la personne est filmée, et on a une espèce de malaise, là, c'est-à-dire...

M. Paradis (Lévis) : En même temps, vous reconnaissez que c'est un milieu de vie.

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Le temps est écoulé.

Mme Charpentier (Manon) : Absolument.

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Désolée de vous interrompre. Merci beaucoup pour votre contribution aux travaux de la commission.

On va suspendre quelques instants, le temps de permettre au prochain groupe de prendre place. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 14 h 44)

(Reprise à 14 h 47)

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Je souhaite maintenant la bienvenue à la ville de Montréal. Bienvenue aux représentants de la ville de Montréal. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Ensuite, nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé.

Ville de Montréal

M. Coderre (Denis) : Merci, Mme la Présidente. Évidemment, c'est un dossier qui est extrêmement important, c'est pour ça qu'on est ici. Je suis avec Monique Vallée, qui est membre de mon comité exécutif, responsable de la diversité sociale, d'itinérance, très impliquée au niveau du développement social — évidemment, on a beaucoup d'aînés également chez nous — et l'inspecteur Mme Josée Blais, inspecteur-chef au SPVM, parce qu'on va parler d'entente sociojudiciaire. Donc, vous comprendrez que tout ce qui va toucher les opérations, à ce moment-là, il y a un projet pilote extraordinaire de la part du SPVM. Alors, l'inspecteur-chef pourra répondre à toutes vos questions.

Alors, je tiens, d'abord, à féliciter le gouvernement pour cette initiative de projet de loi qui répond à un problème de société très préoccupant, c'est-à-dire la maltraitance entre les personnes aînées et les personnes majeures vulnérables. Évidemment, on n'y échappe pas, on sait que le vieillissement de la population et ses conséquences posent de grands défis à notre société.

Je considère la maltraitance envers les aînés et les personnes handicapées et vulnérables comme un enjeu exigeant une réponse urgente. C'est un sujet difficile et complexe à traiter parce que ces actes répréhensibles sont souvent commis par des personnes de l'entourage, et les victimes refusent de les dénoncer. Je dirais que ce phénomène compte certainement parmi les crimes les plus abjects qui soient. On parle d'abus physiques, mais aussi psychologiques envers des membres de notre société qui comptent parmi les plus vulnérables.

Au Canada, on estime des taux de maltraitance des personnes aînées de 65 ans et plus vivant à domicile de 4 % à 7 %. Ces chiffres sous-estiment certainement la réalité, étant donné que de nombreux cas ne sont pas dénoncés. Malheureusement, comme métropole du Québec, la maltraitance envers les aînés est un sujet qui nous affecte aussi, et la tendance démographique ne fera qu'intensifier ce problème. En effet, d'ici 10 ans, un Montréalais sur cinq sera âgé de 65 ans et plus. Alors, de toute évidence, les intervenants et les policiers seront de plus en plus appelés à assurer la sécurité des aînés et à intervenir dans les cas de maltraitance.

Je veux souligner que la situation de Montréal est particulière sur plusieurs aspects. Premièrement, nous avons un taux de pauvreté chez les aînés de 28 %, comparé à 20 % pour le reste du Québec. Aussi, plus d'un tiers des personnes âgées à Montréal sont issues de l'immigration, ce qui peut nécessiter des adaptations dans les interventions. Finalement, les aînés, à Montréal, sont plus susceptibles de vivre seuls. Un logement sur neuf est occupé par une personne âgée qui vit seule.

Ces enjeux spécifiques requièrent des programmes particuliers afin de répondre adéquatement aux défis de la métropole. La bonne nouvelle, c'est que nos services ont déjà pris une longueur d'avance sur ce phénomène et ont conçu des programmes qui s'attaquent déjà aux défis de la métropole. La ville de Montréal, à travers son plan d'action municipal MADA, Métropole amie des aînés, compte plus d'une centaine d'actions qui visent à faire de notre ville un espace de vie où le respect à la dignité et l'inclusion sont valorisés. Notre plan d'action vise notamment à faire de Montréal une ville plus sécuritaire pour les aînés, aménager l'espace public pour leur en faciliter l'accès, améliorer les conditions d'habitation des aînés et améliorer l'accessibilité à l'information, entre autres.

• (14 h 50) •

La ville de Montréal a aussi annoncé en 2014 son adhésion au réseau FADOQ, anciennement, comme on disait, la Fédération de l'âge d'or du Québec, en faveur de la qualité de vie des personnes aînées. Alors, comme vous le voyez, il est évident que notre engagement envers les personnes aînées et leur qualité de vie est sérieux.

Je tiens aussi à souligner les efforts de la cour municipale et du Programme d'accompagnement justice contre la maltraitance des aînés. Ce programme, qui offre de l'accompagnement aux personnes âgées tout au long du processus judiciaire en cas de maltraitance, vise, entre autres, à encourager la dénonciation de la maltraitance et à travailler en partenariat avec d'autres intervenants du milieu.

Aujourd'hui, je souhaite particulièrement mettre de l'avant les actions du Service de police de la ville de Montréal. L'an dernier, le SPVM a mis en place un modèle d'intervention spécifique où la détection et l'évaluation du risque de la maltraitance envers les aînés se font systématiquement par tous les policiers. Ce modèle, connu comme le modèle d'Intervention policière auprès des aînés maltraités ou IPAM, est à l'avant-garde et bénéficie d'un rayonnement mondial. L'IPAM figure dans des rapports de l'Organisation mondiale de la santé comme un modèle inspirant pour l'avenir. Ainsi, Montréal fait déjà sa marque sur la scène mondiale en matière d'intervention auprès des aînés maltraités.

Alors, on va sortir du texte rapidement. Mme la Présidente, ce n'est pas compliqué, le gouvernement du Québec a mis ses culottes concernant le respect du statut de métropole. On a un projet de loi n° 121. Vous avez une occasion en or de démontrer à quel point que ce n'est pas juste un slogan. Alors, on veut, dans un premier temps, nous assurer qu'à l'intérieur de la loi il y ait un réflexe Montréal parce qu'on a établi un réflexe Montréal. On vous a déjà dit qu'il y a une réalité d'immigration, il y a une réalité avec des conditions qui sont différentes par rapport au reste du Québec. Donc, si on veut être efficaces, le Réflexe Montréal est essentiel.

La deuxième, on souscrit pleinement et entièrement à une dénonciation obligatoire. Il ne faut pas se tromper, là, il faut trouver une façon et de s'assurer qu'on ne peut pas attendre. Autant on a, avec IPAM, la capacité, pour tous les policiers, de s'assurer qu'on voit l'ensemble des dossiers, les maltraitances, actes criminels ou non, autant on a besoin de mesures de dénonciation. S'il le faut, qu'on s'organise pour assurer, dans le cas de sonneurs d'alerte également, de protection nécessaire, et tout ça, mais on a besoin d'une entente sociojudiciaire à part. On a un projet pilote. Je sais que vous vous êtes inspirés beaucoup de celui de la Mauricie. L'IPAM a fait ses preuves, on a tout ce qu'il faut entre les mains pour avoir cette sensibilité de la situation de la métropole. Ce n'est pas faire à part, c'est juste d'être encore plus efficaces et de s'assurer qu'on puisse être un fer de lance pour aider l'ensemble de la société québécoise.

Donc, dénonciation, entente sociojudiciaire, Réflexe Montréal. Alors, on pense qu'avec ça le projet de loi est souhaité et souhaitable. Je pense qu'on n'a pas le choix de le faire passer. Si, à travers la loi que j'ai lue, on se rend compte qu'il y a également une concordance par rapport à l'article 59, justement, c'est dans ce sens-là qu'on se sert de 59.1 pour la question de la dénonciation obligatoire. Si on fait des ajustements de concordance et d'équivalence par rapport à une série de lois, bien, gardez-vous un petit moment parce qu'il va y avoir le projet de loi n° 121 qui va passer dans votre session, j'espère bien — ça sent bon, comme dirait l'autre — et, à ce moment-là, ce Réflexe Montréal, qui va être enchâssé dans une entente administrative déjà signée avec Montréal, le ministre Coiteux et le premier ministre, bien, nous démontre de façon très concrète qu'est-ce que ça veut dire, un réflexe Montréal. Et il n'y a rien de plus concret que le respect de nos aînés et de lutter contre la maltraitance.

Alors, je vous remercie. On pourra répondre à vos questions, et je vais demander à Mme Blais... De toute façon, je sais qu'il va y avoir des questions. Tout ce qui va toucher le programme IPAM, on va vous donner par la suite, parce qu'on veut que vous nous écoutiez quand on parle... on va vous donner des documents après, vous allez avoir tout ça par écrit. Mais, très certainement, l'inspecteur-chef, qui fait un travail colossal, je vous invite à lui poser toutes les questions. Vous avez déjà pas mal le fond de ma pensée. Ça va, Mme la ministre ?

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Merci beaucoup, M. le maire, pour cet exposé. Nous allons maintenant débuter la période des échanges. Mme la ministre, à vous la parole.

Mme Charbonneau : Merci, Mme la Présidente. M. le maire, madame, Mme Vallée. Mme Vallée est ma partenaire à chaque fois que je vais à Montréal pour faire des annonces pour les aînés. Malgré que j'ai passé un petit bout de ma journée de Noël avec votre mère, j'ai quand même le privilège de vous rencontrer à chaque fois, puisque vous représentez bien votre ville. Quand on fait des gestes ou des annonces à Montréal, Mme Vallée est toujours au rendez-vous. M. le maire, si j'avais à faire un petit crochet, je dirais : «Good job».

M. Coderre (Denis) : Elle fait sa job.

Mme Charbonneau : Oui, elle fait bien sa job.

Revenons sur votre principe de concordance, puis je vais dire cohérence, hein? À partir du moment où le projet de loi n° 121 a été annoncé, déposé, il devrait commencer à y avoir les travaux... Si tout se passe bien, je pense que le principe veut que, quand le 115 sera adopté, toutes les mesures... C'est toujours la dernière ligne d'un projet de loi, vous le savez, hein, toutes les lois en concordance seront mises à l'ordre du jour. Donc, normalement, il devrait y avoir cet aspect-là.

Vous aviez raison aussi, M. le maire, nous, on a mis en place le projet pilote à Trois-Rivières qui, depuis deux ans, fait vraiment ces grandes démarches. L'année passée — parce qu'on est déjà en train de dire l'année passée, on est juste au mois de janvier, mais c'est quand même l'année passée — vous avez fait l'annonce avec le fédéral pour les avancées que vous avez faites pour votre projet à vous sociojudiciaire — c'est comme ça que nous, on l'appelle — et il y avait, parmi les invités que vous aviez, quelqu'un qui est très important pour nous, qui est Mme Beaulieu, chaire de recherche avec qui on a un partenariat fort intéressant. Puis je vous vois sourire, puis je le sais qu'elle vous a déjà parlé beaucoup parce que Mme Beaulieu, que moi, j'appelle Marie, est investie de cette mission-là contre la maltraitance, et c'étaient les premiers qu'on a reçus quand la commission a commencé. Mme Beaulieu est venue nous rencontrer et nous a fait un rapport assez exhaustif, mais, quand même, dans le même 10 minutes que vous, M. le maire, qui fait en sorte qu'elle nous a beaucoup parlé de cette recherche qu'ils font puis les informations qu'ils ont.

Dans cette présentation-là, Mme Beaulieu nous disait : Il est excessivement important de bien comprendre le principe de l'obligation à la divulgation. Pourquoi? Parce que certaines études démontrent qu'il y a un recul au moment où la divulgation est obligatoire parce que, là, les gens, ils se disent : Tant qu'à — je vais le dire comme je le pense, là, puis je le sais qu'on se comprend sur ce bout-là — m'embarquer dans la démarche, je vais attendre que ça soit concret. Donc, dans les sept différentes violences, maltraitances qui peuvent exister, qu'elles soient de sexuelle allant à gestes, mais aussi financière, maltraitance psychologique, physique et toutes les autres, Mme Beaulieu nous disait : Bien, les gens, avant d'embarquer dans tout ça, quel que soit leur titre alentour de l'aîné, prennent leur temps avant de dénoncer parce qu'ils veulent être sûrs.

Le deuxième constat, c'est quand c'est un membre de la famille, puis vous l'avez bien dit, M. le maire, malheureusement, hein, avec... et maintenant, avec, des fois, un peu de fatigue, on va... On a vu aujourd'hui l'impact de la fatigue, hein? Nous, on perd une collègue qui arrive à sa propre fatigue, à ses propres limites, mais qui a eu le jugement de dire : Avant de dépasser la... je vais m'arrêter. Des fois, ça ne se passe pas comme ça, et, des fois, la relation familiale, on n'est pas dedans, mais il se passe des choses, puis ça peut être calculé comme de la maltraitance. L'aîné ne veut pas, il veut régler ça autrement, et c'est là où votre enjeu à vous est tout en place, c'est-à-dire que les ententes sociales font en sorte que les histoires se finissent bien. Mais il n'y a aucune obligation en ce moment. Avec une obligation, on se dit : Bien, est-ce que les histoires vont se finir pareil, puisque là, ça ne sera plus pareil? Le fils qui va là une fois par mois, peut-être qu'il ne viendra plus si on a eu un soupçon parce qu'un soupçon peut se faire dénoncer.

Alors, je voulais vous entendre sur cette perspective, soit vous, M. le maire, ou soit vous, madame, pour vraiment nous mettre en tête comment vous l'avez fait, cette réflexion-là, pour dire : Il faut que ça soit obligatoire, nonobstant le fait... Puis, je vous le dis, on se rejoint exactement là, c'est intolérable, c'est inacceptable, puis il faut tout mettre en place pour que ça soit dénoncé. Mais, entre l'obligation puis la volonté de le faire, des fois il peut y avoir un enjeu. Je veux vous entendre.

M. Coderre (Denis) : C'est sûr qu'on a fait cette réflexion-là, mais j'invite l'inspecteur-chef Blais aussi à mettre la table concernant le projet pilote comme tel qui vous explique bien que cette intégration de l'ensemble des services et l'approche fait toute la différence, et, quand c'est obligatoire, bien, c'est un gage de succès.

• (15 heures) •

Mme Blais (Josée) : Oui, effectivement, Mme la ministre, avant de répondre à votre question, j'aimerais vous partager davantage notre positionnement et nos pratiques policières.

C'est pour ça que, selon le modèle IPAM, l'ensemble de policiers et des enquêteurs du SPVM traitent tous les cas de maltraitance envers les aînés, qu'ils soient de nature criminelle ou non. Ils rédigent obligatoirement un rapport d'incident, même si le plaignant ne désire pas porter plainte. Avec le consentement des victimes aînées, ils réfèrent chacune d'entre elles à des ressources afin qu'elles reçoivent l'aide et le suivi appropriés. Ces victimes sont prises en charge par les intervenants du Centre d'aide aux victimes d'actes criminels, hein, le CAVAC, des Centres intégrés universitaires de santé et des services sociaux, communément appelés les CIUSSS, et les travailleurs du milieu. Chacun veille à prendre en charge les victimes en fonction de son champ de compétence respectif. Ensemble, les intervenants du milieu et les policiers peuvent offrir un service à nos citoyens montréalais plus en harmonie aux besoins des aînés.

Le SPVM a déjà préparé un projet d'entente sociojudiciaire avec ses partenaires du milieu dont le CAVAC fait partie. Complémentaire au modèle IPAM, l'entente tient compte des particularités montréalaises. Elle vise à faciliter le traitement des cas plus complexes de maltraitance envers les aînés. Elle favorise la concertation entre les différents partenaires et le partage des informations pouvant être d'ordre légal. En fait, elle oblige à structurer une réponse rapide, parfois même en 24 heures, à donner dans les cas les plus complexes. Ça formalise nos engagements.

La modification de l'article 59.1 est un pas dans la bonne direction. Cette mesure est susceptible de faciliter la collaboration entre le SPVM et les ordres professionnels de la santé et des services sociaux. Par contre, il est nécessaire d'aller plus loin en incluant dans le projet de loi une obligation de dénoncer des cas de maltraitance envers les aînés. Cette obligation de dénoncer n'induit pas nécessairement l'obligation de criminaliser la situation de la maltraitance vécue, mais elle permet de mettre fin à la maltraitance, de faire cesser le mal par une intervention spécifique du CAVAC, du SPVM et des ressources locales.

Pour répondre à votre question, ce qu'on a constaté — parce que ce n'est pas dans la nature policière de prendre un rapport quand il n'y a pas d'événement criminel — en obligeant les policiers à prendre un rapport d'événement dans les incidents où la maltraitance est non criminelle — exemple, du mépris, des insultes — ça fait en sorte qu'indépendamment du type d'appel ça éveille le policier à être à l'écoute d'une possibilité de maltraitance, de facteurs de vulnérabilité, d'indices à la maltraitance. Vous savez, les policiers ont deux heures de formation depuis quelques années à la l'ENPQ. Moi, les policiers de ma génération n'avaient pas cette formation-là. Mais, ce qu'il faut faire, c'est d'encourager les professionnels de la santé à intervenir, à dénoncer, comme dans le cas de la violence conjugale.

Nous avons mis en place, il y a 30 ans, une loi pour obliger le policier à intervenir, à obliger l'arrestation de la victime de la violence conjugale. C'est pour ça que, dans ce contexte-là, nous, ce qu'on constate, c'est qu'étant donné que les policiers sont plus éveillés, ils comprennent davantage c'est quoi, la maltraitance, nous avons vu 125 cas de plus que le CAVAC a traités de personnes dans la dernière année. C'est nos chiffres. Et Mme Beaulieu a travaillé avec nous, et c'est nous qui avons décidé d'obliger les policiers à faire des rapports. Et on les a formés, on les a outillés, et ça permet de bien accompagner et de faire en sorte de dénoncer davantage.

M. Coderre (Denis) : ...Mme la ministre, obligation voudra dire prévention. Et c'est ça, au même titre que l'opération va permettre, évidemment, de couvrir l'ensemble des angles, mais, sur l'ensemble, d'avoir une stratégie de prévention. Pourquoi je dis le Réflexe Montréal? Parce que cette sensibilité, à cause de la complexité des enjeux. Mais par la suite, autant aux opérations, c'est le SPVM, on pourra négocier des ententes avec l'ensemble des municipalités, puis je pense que ça serait de bon aloi de travailler, de s'assurer que le gouvernement du Québec avec les municipalités, avec la métropole ou la capitale de vraiment avoir une stratégie ponctuelle pour le respect de nos aînés.

Mme Charbonneau : Deux choses. La première. Depuis le début, les gens, on leur demande un peu de se prononcer, hein, pour ou contre la divulgation obligatoire pour nous donner plus d'éclairage sur le sens à donner à nos choses. Mais plusieurs intervenants sont venus nous voir puis ils ont dit : Bien, l'obligation, oui, mais pas nous. Pas nous, parce que... Il y a toujours un «parce que» qui est valable, là. Tout le monde n'a pas dit : Pas nous. Mais plusieurs ont dit : Pas nous.

Et là j'entends vos propos, qui suscitent beaucoup d'intérêt par rapport à l'obligation des policiers de faire un rapport, mais faut-il qu'ils soient en place pour... faut-il qu'ils le sachent, qu'il y a une intervention à faire là. Puis c'est là où, moi, j'ai un doute en la volonté des gens de s'avancer si c'est obligatoire. Parce que, si c'est obligatoire, vous avez compris que, pour nous, il va falloir qu'il y ait une conséquence si la personne ne divulgue pas. Et on ne peut pas imposer quelque chose puis, après ça, fermer ses yeux en disant : Bien, si tu ne le fais pas, ce n'est pas grave, il faut qu'il y ait un regard sur cet aspect-là. Et la personne qui est devant vous — pas la ministre, mais la personne — elle se dit : Moi, je veux me concentrer sur la maltraitance, pas sur ceux qui n'ont pas dénoncé, parce qu'il faut que je mette en branle tout le processus du filet de sécurité.

Donc, mon premier aspect, c'est : Oui, je suis d'accord avec le principe du rapport obligatoire, que ce soit reconnu criminel ou pas, mais y a-t-il pour vous des exceptions dans le principe de la divulgation obligatoire? Et la deuxième m'amène au secret professionnel parce que vous avez, de votre côté, des obligations aussi. Au niveau politique, on en a nécessairement. Mais, au niveau professionnel, il y en a aussi. Et, M. le maire, vous avez alentour de vous des professionnels de toutes les professions. Donc, divulgation obligatoire pour tout le monde ou il y a des exceptions pour vous? Et est-ce que le secret professionnel, c'est quelque chose qui est venu vous interpeler?

M. Coderre (Denis) : Au niveau de l'interprétation sur un point de vue opérationnel et la raison pourquoi que l'inspecteur-chef est ici, c'est parce qu'il y a un projet pilote, puis ils ont travaillé sur le terrain, donc c'est solide, là. Mais, en termes d'orientations politiques, je vous dirais que nos aînés méritent ça, je veux dire, ce n'est pas juste... Si on veut les dénoncer, si on a une dénonciation obligatoire, oui, il ne faut pas qu'il y ait d'impunité, ils méritent ça. Parce que je vous ai dit que la dénonciation... Puis j'ai été convaincu par le travail exceptionnel du SPVM et des autres joueurs, juxtaposé avec ce que ma collègue Monique fait avec le programme MADA. Et puis là, tout ça, écoutez, c'est de la prévention, on va sauver des situations. Donc, c'est sûr qu'il faut qu'il y ait des conséquences en autant que moi, je suis concerné. Elle applique la loi, on les fait, on fait des règlements, c'est la même chose. Donc, l'orientation, pour moi, c'est que, oui, il faut qu'il y ait des conséquences. Parce que, déjà là, quand tout le monde met du sien, ça fonctionne. Donc, si on a cette obligation-là puis qu'on couvre tous les angles, moi, je pense qu'on va y arriver. Peut-être, Mme Blais voulait répondre aussi.

Mme Blais (Josée) : Bien, en fait, moi, je vois le parallèle avec la violence conjugale. L'obligation de dénoncer en cas de maltraitance envers les aînés rappelle l'obligation d'intervention pour le policer en cas de violence conjugale. Par exemple, lorsqu'il y a des motifs raisonnables et probables de croire qu'il y a eu violence, le policier doit procède à l'arrestation du suspect. La victime est alors prise en charge jusqu'à la tenue du procès, que ça soit de l'hébergement, de l'interdiction de contact avec la victime ou autres.

Les aînés victimes de maltraitance sont, d'abord et avant tout, des victimes qu'il faut protéger. Et c'est notre mandat, c'est notre mission du service de police, et c'est peut-être la mission que la société québécoise est rendue. Les policiers et les intervenants du milieu doivent intervenir de façon rapide, efficace pour faire cesser une situation de maltraitance et s'assurer que les victimes aînées reçoivent le soutien approprié. Si un policier n'intervient pas auprès d'un suspect, ne procède pas à son arrestation, et, dans les jours et les heures qui suivent, la victime est tuée, qui va intervenir pour sanctionner le policier?

Mme Charbonneau : Puis je complète, je complète un peu. Vous avez compris que l'obligation, quand je vous pose la question, elle n'est pas juste à votre profession, elle est à... le frère, la soeur, le fils, la fille, le voisin, le concierge, l'infirmière, le médecin, le psychologue, le conseiller financier. Parce que, là, je parle aussi du secret professionnel. Je comprends ce que vous m'expliquez parce que, là-dessus, je vous suis complètement sur le principe de la profession que vous avez. Mais la divulgation obligatoire s'étend à toute la société, puis, M. le maire le disait, pour Montréal, cette vision-là, elle est concrète. Bien, si elle est concrète, il faut qu'elle soit punitive, sinon divulguée, à tout le monde.

• (15 h 10) •

Mme Blais (Josée) : En fait, oui, j'aurais le goût de vous répondre que nous, on compare votre projet de loi à la politique en matière de violence conjugale. On ne la compare pas, dans notre position, à la Loi de la protection de la jeunesse. Nous, ce qu'on recommande, c'est que ce soit obligatoire pour les professionnels intervenants et qu'ils soient... eux, lever la confidentialité, lever l'obligation de se taire quand on constate qu'une victime aînée subit de la maltraitance.

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Le temps alloué au gouvernement est maintenant écoulé. Alors, au tour de l'opposition officielle d'amorcer les échanges. Je cède la parole au député de Rimouski.

M. LeBel : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous trois, M. le maire.

M. Coderre (Denis) : ...ça va bien?

M. LeBel : Ça va très bien. J'ai le goût de...

Une voix : ...

M. LeBel : ... — mon sénateur à Rimouski, effectivement — parler un peu d'autre chose. Je suis d'accord, si on parle de la bientraitance, comment on traite nos gens au Québec... Puis je suis d'accord avec le Réflexe Montréal, puis ça ne met pas en contrepartie les réflexes de région ou... Parce que la qualité de vie de nos aînés ou des personnes vulnérables, en milieu rural c'est assez compliqué. Mais je sais qu'on a la solidarité des gens de Montréal par rapport à ça, on a le même combat. Mais il y a des réalités différentes qu'il faut prendre en compte.

Je suis porte-parole des aînés, mais aussi au niveau de la pauvreté. Ce que vous avez dit tantôt, ça m'a fait un peu sursauter. Puis c'est vrai, on l'oublie, mais, comme vous dites, 28 % des aînés vivent en situation de pauvreté. Ça a des conséquences, ça rend les gens vulnérables. La pauvreté rend les gens vulnérables et ça les ouvre à la maltraitance éventuellement aussi.

Je ne connais pas beaucoup la réalité de Montréal, ça fait que je voulais aller voir. Puis je ne connais pas encore assez, mais je suis allé rencontrer des groupes. J'ai tombé sur le dos. Pour le gars de région qui débarque, qui ne voit pas tout le temps cette réalité-là, là, je vais vous dire... Puis c'est pour ça que je voulais vous entendre parler. Je suis allé dans un organisme qui s'appelle le Sac à dos, j'ai vu un monsieur qui est arrivé, peut-être 80 ans, à peu près, avec sa petite valise, complètement démuni, le monsieur. Il a passé à travers toutes les aides, là, mais il n'avait plus rien. Dans la rue. J'en parle avec des frissons, ça m'a... Je suis allé à La Maison du Père, j'ai été assommé. Tu sais, moi, je n'ai pas le genre... je ne vois pas ça. C'est assez effrayant, ce qui est... Les auberges du coeur, les jeunes, là — c'est moins des aînés, mais ils sont vulnérables — ils arrivent avec leurs sacs «baggies» pleins de médicaments, ils sont complètement assommés par les médicaments. Les gens qui sont là essaient de s'en occuper, mais... Et je suis allé voir aussi des centres d'hébergement pour les femmes itinérantes, beaucoup de personnes âgées aussi. Ça fait que vous faites beaucoup de choses.

Mais qu'est-ce que vous pensez de ça, qu'est-ce qu'on pourrait faire de mieux? Parce que, ces gens-là, on essaie de les aider, mais on ne parle pas de bientraitance au Québec, là. Qu'est-ce qu'on peut faire de mieux, là?

M. Coderre (Denis) : Il faudrait avoir un débat extraordinaire, qui est le projet de loi n° 121. Et c'est pour ça que je salue le gouvernement, qui, enfin, a démontré — puis ça fait longtemps qu'on en parle, là — que les municipalités, ce n'est pas juste des créatures des provinces. Vous avez la réalité de l'autonomie municipale, vous avez la réalité de la Capitale-Nationale et vous avez la réalité de la métropole du Québec. Donc, ce statut de métropole va permettre d'avoir des luttes concrètes contre la pauvreté. Parce que, quand il y a de la maltraitance, quand on est dans une situation de vulnérabilité, il faut parler aussi d'habitation, il faut parler de lutte contre l'itinérance, il faut s'assurer qu'on ait les outils économiques qui nous permettent un développement. Il faut qu'il y ait des mesures de développement social juxtaposées à tout ça parce que ce n'est pas un menu à la carte. Donc, c'est un état qui fait qu'on arrive à ça.

Moi, j'ai été député pendant 16 ans à la Chambre des communes, comté de Bourassa, à Montréal-Nord. Il y a 26 000 personnes âgées 65 ans et plus, hein? Et puis il y a des réalités auxquelles on est confrontés aujourd'hui, mais on veut sortir de cette façon de penser que c'est chronique, on est capables de trouver des solutions. C'est concret, votre projet de loi n° 115, parce que ça s'attaque à une situation lorsqu'elle arrive. On parle aussi en matière de prévention. Donc, on s'outille ensemble. Parce que, tu sais, tout seul, on va plus vite, mais ensemble on va plus loin. Et c'est pour ça que j'ai fait une distinction entre l'orientation et les opérations, notamment au niveau de l'IPAM.

Mais on a aussi, par exemple... Parce qu'on parlait de dénonciation puis on parlait de trouver une façon d'avoir l'oreille des gens et de leur parler, il y a un élément de confiance là-dedans, hein? Donc, autant on va faire de la lutte contre la pauvreté, autant on doit faire des mesures où tout le monde fait partie de la solution, autant on a besoin des mesures d'accompagnement qui vont nous permettre, justement, d'arriver à ça.

Je suis allé à La Maison du Père encore pendant Noël, on a vu... Mme la ministre et moi, on était au dîner des Petits frères, là, anciennement les Petits Frères des pauvres. Monique et moi, on se promène tout le temps, on est là pour le Jeunesse au soleil et on voit qu'il y a plusieurs générations. Mais nos aînés, c'est le solage de notre société, donc il faut nécessairement faire des choses tant au niveau de la prévention qu'au niveau de l'intervention.

Et, vous savez, on a comme un projet qui est le Programme d'accompagnement justice contre la maltraitance des aînés. Là-dedans, bien, ça vise à encourager les dénonciations, recueillir les éléments de preuve auprès des personnes aînées, offrir une écoute aux victimes, accompagner la victime à la cour, traiter les dossiers dans le respect et la volonté de la victime puis mettre fin à la maltraitance et aux abus. Alors, vous avez des mesures comment on va arriver, vous avez l'IPAM, vous avez le programme ici. Quand vous mettez tout ça ensemble, avec un Réflexe Montréal puis les mesures qu'on met de l'avant en habitation puis de la lutte contre la pauvreté, bien, on va arriver à des résultats, à mon avis.

M. LeBel : Vous travaillez fort. Mais j'arrivais avec l'oeil qui n'est pas là souvent, mais...

M. Coderre (Denis) : Ce que ça veut dire, c'est que mon 28 %, il est différent parce que vous avez une complexité puis une réalité qui peuvent être autres, mais la pauvreté, quelle qu'elle soit, il faut la combattre. Donc, oui, vous avez l'isolement, par exemple, au niveau de certains coins dans des régions, mais nous, on a aussi une réalité d'intégration des nouveaux arrivants, on a une réalité de gens qui sont seuls, mais qui vivent dans une densité, donc ils sont seuls en gang.

M. LeBel : Il ne me restera pas beaucoup de temps, mais juste vous dire, moi, ce que je dis, c'est qu'on discute... C'est pour ça que je n'ai pas parlé des caméras puis des... On est beaucoup dans la mécanique, tu sais, mais, des fois, il faut penser à...

M. Coderre (Denis) : Il faut penser aux aînés. Il faut penser aux gens.

M. LeBel : Et ça, on n'en parle beaucoup, mais il faut... Moi, j'ai vu quelqu'un à L'Itinéraire, une dame assez âgée, là, qu'elle m'expliquait son parcours de vie, elle vivait dans le métro ou dans les cours du Tim Hortons, tu sais, elle a fait ça pendant des années. Il y a un plan de lutte à la pauvreté qui s'en vient, il faudra s'y attaquer et, effectivement, avoir le Réflexe Montréal pour être sûrs qu'on... Il faut combattre ça. Si on combat ça, on va aider, on va combattre aussi la maltraitance.

M. Coderre (Denis) : ...de santé mentale, donc les stratégies d'accompagnement. Il y a l'itinérance puis ceux qui y arrivent, donc il faut prévenir pas seulement sur le ponctuel, mais il faut trouver une façon d'aider les gens à sortir d'un état où tu as l'impression que c'est un cercle vicieux. Alors, c'est sûr que ce que vous faites est essentiel, mais la première chose — puis vous le faites — qu'il faut penser, c'est l'individu, c'est l'être humain. On ne parle pas de statistiques ou juste de mécanique, là, on parle d'aider les gens, des fois, même, à se protéger contre eux-mêmes, mais à leur donner un environnement de quiétude parce qu'ils méritent ça.

M. LeBel : ...sensibles à ça. Merci.

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Il vous reste 2 min 40 s. C'est complété?

M. LeBel : Ah! il me restait deux minutes?

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Oui. Vous pouvez le prendre.

M. LeBel : Ah! O.K. Je vais le prendre, pour deux minutes.

Une voix : ...le donner?

M. LeBel : Ah! Non, non, non, je vais le garder pour moi. Non, non, bien, effectivement, c'est... Souvent, ce que j'ai vu aussi, c'est... Quand je parlais du «baggies» tantôt avec les médicaments, j'ai remarqué que souvent, quand les gens viennent un peu malcommodes, on les assomme avec des médicaments. Et j'ai vu beaucoup de personnes, entre autres, qui avaient cette réalité-là, tu sais, on ne sait pas où les placer, on les envoie dans des ressources communautaires qui sont déjà sous-financées, et ils arrivent souvent... Ça fait que ce que je veux plaider, dans le fond, je prends mon deux minutes pour dire que... Vous parlez du CAVAC, il y a plein d'autres groupes, les gens du Sac à dos, que j'ai vus, plein d'autres groupes communautaires et les auberges du coeur, ces groupes-là, il faut les soutenir. S'ils n'étaient pas là, on est...

M. Coderre (Denis) : ...comment ils font l'approche face aux gens, et, à la lumière de ça, bien, il y a des approches qui peuvent être similaires, où on peut être utiles en région également. Tu sais, ce n'est pas des vases clos, là, c'est juste de se dire : La complexité et la réalité de cette diversité font en sorte qu'on doit avoir une approche, une reconnaissance puis une sensibilité. Mais l'approche, comment qu'on peut faire ça, peut-être l'inspecteur-chef pourrait nous expliquer comment ça fonctionne.

Mme Blais (Josée) : Bien, en fait, nous, on travaille vraiment en intersectorialité, de façon multidisciplinaire. Et, quand on a fait le lancement des postes de quartier pour débuter la démarche région après région, à chaque fois on invitait deux partenaires, un partenaire des CIUSSS et le CAVAC étaient là. Et le CAVAC, la force qu'ils ont, c'est qu'ils sont en lien avec les organismes locaux, les CLSC, les travailleurs du milieu, et cette approche-là fait en sorte de mettre un filet de sécurité auprès de la victime aînée. Parce que nous, on croit vraiment à l'autonomie des droits fondamentaux des adultes, il n'y a aucun problème. Sauf que, quand la victime a un trouble cognitif, une incapacité, elle a peur de la personne qui l'agresse, elle a peur de l'abandon, elle a peur de vivre cet abandon-là parce que c'est souvent et parfois son aidant naturel. On a des cas où que les policiers sont devant une dame, une grand-maman... On a un cas là, vraiment, c'est une grand-maman qui vit avec son petit-fils, son petit-fils l'ébouillante, son petit-fils la maltraite, mais ce n'est pas un cas de violence conjugale où les policiers ont l'obligation d'intervenir. Les gens du milieu de la santé connaissent la situation depuis des années, mais, parce qu'ils ne veulent pas lever le secret professionnel parce qu'ils ne sont pas protégés, bien, ça fait en sorte que la personne reste dans la situation de maltraitance. Mais on peut comprendre, j'écoutais les notaires...

• (15 h 20) •

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : ...maintenant écoulé pour cette partie. Alors, la parole est maintenant au député de Lévis, du deuxième groupe de l'opposition.

M. Paradis (Lévis) : Merci, Mme la Présidente. M. Coderre, M. le maire, Mme Vallée, Mme Blais. Bien, oui, puis on va en reprendre où vous en étiez, hein? C'est ça, c'est exactement l'image que vous nous donnez, on n'a pas le droit de fermer les yeux. Puis oui, M. le maire, vous avez dit : Oui, c'est un choix, c'est un choix de société, ça prend du courage, pas évident, puis moi aussi, je comprends que vous y veniez, là. Les ordres professionnels s'inquiètent, le secret professionnel. Je comprends leur argumentation, je comprends, là, qu'elle est légitime, mais on est rendus là puis on a l'opportunité de se doter d'un outil supplémentaire, de faire davantage au nom de ceux qui ont su être protégés.

Et j'aime beaucoup une des phrases dans votre mémoire quand vous dites : «Cette obligation de dénonciation n'induit pas nécessairement une obligation de criminaliser.» Alors, qu'on s'enlève l'idée, là, à partir du moment où on dénonce quelque chose parce qu'on a un motif raisonnable, que soudainement arrive la cavalerie, puis qu'on met des menottes à tout le monde, puis qu'on fouille, puis on se colle sur le mur. Ce n'est pas ça, ce n'est pas ce que vous faites dans votre quotidien avec l'IPAM. Et cette dénonciation-là, permettez-moi, en tout cas, de le penser, puis dites-moi si je me trompe, cette dénonciation obligatoire là par des professionnels du milieu, eu égard à l'exemple que vous me donnez, vous donnerait encore les moyens de faire en sorte qu'on protège davantage ceux qui méritent d'être protégés.

M. Coderre (Denis) : Un des éléments que je voudrais... J'ai eu le privilège d'être ministre un jour. Comme ministre de l'Immigration, c'est sûr que tu as un canevas, tu as une loi à respecter, mais il y a toujours une mesure dans une loi qui est un pouvoir exceptionnel. À situation exceptionnelle, pouvoir exceptionnel, et il n'y a rien qui empêche, à ce moment-là... Et ça, ça serait la dénonciation obligatoire quand on est face à une situation précise. Ça vous donne un outil pour le faire.

Alors, je peux comprendre qu'il peut y avoir une certaine complexité, mais nous, on pense, d'autant plus avec l'exemple, et je vais laisser l'inspecteur-chef conclure par rapport à tantôt... ça nous donne un outil d'une certaine flexibilité. Mais tout doit être dans l'équilibre, tu ne te sers pas de quelque chose pour en abuser, tu te sers de quelque chose pour protéger. Alors, si, à Montréal, on parle du vivre-ensemble, c'est l'équilibre entre l'ouverture et la vigilance, ça fait partie de l'agenda de la vigilance. Et c'est pour ça que non seulement c'est très concret, mais c'est un outil qui, avec le professionnalisme des acteurs, pourrait appliquer. Inspecteur-chef...

M. Paradis (Lévis) : ...du temps à votre collègue parce que c'était intéressant, puis on était rendus à l'exemple en disant : Bien oui, mais là on ébouillantait, on savait, on n'osait pas, et pourtant ça perdurait. C'est important de compléter votre exemple.

Mme Blais (Josée) : En fait, ce que je trouve important de dire aussi, c'est que nous, les policiers, c'est normal de dénoncer l'aspect de la maltraitance, tout à fait. Je comprends que, pour le professionnel de la santé, ce n'est pas dans sa culture organisationnelle de lever le secret professionnel. C'est en lien avec la relation. Cependant, si on veut faire cesser le mal, arrêter la maltraitance, il faut se donner les outils, les moyens et la latitude pour que ça puisse cesser. Il faut que le professionnel se sente responsable, que cette personne-là, qui est grand-maman, qui a de l'incapacité, qui vit des sentiments contradictoires, qui vit une angoisse et qui a une certaine incapacité à prendre la décision, qu'on lui donne le coup de pouce. Ce n'est que ça qu'on veut.

Il y a 40 ans, on a voulu protéger les enfants, mais les enfants de 18 ans et moins, on s'est dotés de la Loi sur la protection de la jeunesse. Il y a 30 ans, on a voulu protéger les femmes, c'est 50 % de notre société. Est-ce que, les femmes, on a voulu leur enlever leurs droits fondamentaux? Est-ce qu'on a voulu les infantiliser? Pas du tout, on a voulu faire en sorte que la violence conjugale ne soit plus du domaine privé, mais qu'elle soit du domaine public, et on a voulu comme société... Mais, quand je suis rentrée au service, il y a 30 ans, les policiers se disaient : Bien oui, mais ça fait trois fois qu'on va là, puis elle ne veut pas porter plainte. Ça, c'est il y a 30 ans. Mais, aujourd'hui, les patrouilleurs, quand ils vont sur un appel, ils comprennent le syndrome de la violence conjugale. C'est pour ça que ce que je comprends des provinces, ailleurs, qu'il n'y a peut-être pas eu d'augmentation, c'est qu'on ne peut pas faire une loi et ne donner aucune formation, il faut outiller les gens, il faut faire comprendre aux...

Et, dans les trousses qu'on va vous remettre à la fin, on a fait un petit aide-mémoire à l'intention des policiers sur les facteurs de vulnérabilité et les indices à la maltraitance. Et, pour ça, ça les éveille. Et les partenaires à Montréal nous ont demandé d'arrêter d'écrire «aide-mémoire aux policiers» et de marquer «aide-mémoire à la situation». Et on le distribue — on en a 10 000, si vous en voulez — à tous les partenaires, et ça permet de dire : O.K. J'ai un indice. Il faut donner des critères, et ce n'est pas dans une loi qu'on va mettre une procédure en place. Les procédures et les formations se sont intensifiées suivant la politique gouvernementale de la violence conjugale.

M. Paradis (Lévis) : Je comprends. Puis je vous laissais aller, le temps file, mais malgré tout... Et je pense que le mot clé, c'est courage et collaboration à travers les acquis puis ce qu'on a fait. Je vous pose une petite question sur l'IPAM, par exemple, parce que, ce matin, le projet pilote Mauricie-Centre-du-Québec disait : Au départ, on regardait, c'était beaucoup de l'exploitation financière, mais on se rend compte que particulièrement, puis dans les prémisses, il y a davantage de maltraitance physique qui commence à poindre parce qu'on est en train d'intervenir davantage. Est-ce que vous avez remarqué ça, à l'IPAM, la proportion de maltraitance en fonction des différentes maltraitances qu'on a identifiées?

Mme Blais (Josée) : Bien, le projet IPAM, c'est au niveau de la maltraitance. O.K.? C'est davantage centré au niveau de la maltraitance, puis c'est vers là qu'on a outillé et formé les gens, alors que l'exploitation financière, quand il y a relation, on est aussi dans la maltraitance. Mais, en fait, le protocole d'entente sociojudiciaire a été débuté au début...

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : ...s'il vous plaît.

Mme Blais (Josée) : ...en lien avec l'exploitation financière.

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Merci beaucoup. Mme Blais, M. le maire, Mme Vallée, merci beaucoup pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux pendant quelques minutes, le temps de permettre au prochain groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 15 h 27)

(Reprise à 15 h 31)

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Alors, nous poursuivons les travaux.

Sans plus tarder, je souhaite la bienvenue aux représentants de L'Association des groupes d'intervention en défense des droits en santé mentale du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et ensuite nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé.

L'Association des groupes d'intervention en défense des droits
en santé mentale du Québec (L'AGIDD-SMQ)

Mme Morneau (Andrée) : Bonjour. Mon nom est Andrée Morneau, et je suis la présidente de l'association.

Mme Provencher (Doris) : Bonjour. Doris Provencher, directrice générale de l'association.

Mme Serradori (Chloé) : Bonjour. Chloé Serradori, agente d'analyse et de liaison à l'association.

Mme Morneau (Andrée) : Mme la Présidente, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, on vous remercie de nous accueillir à la commission afin qu'on puisse vous présenter notre mémoire.

Sommairement, notre association existe depuis 1990. On lutte pour la reconnaissance et l'exercice des droits des personnes vivant ou ayant vécu un problème de santé mentale. On porte aussi un regard critique sur les pratiques en santé mentale et on s'implique pour le renouvellement de ces pratiques.

On veut rappeler à la commission que L'AGIDD, on avait déposé un avis lors de la consultation concernant le Plan d'action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées, et vous allez trouver dans cet avis plusieurs éléments et exemples sur la bientraitance.

Tout en étant d'accord avec le principe de ce projet de loi, on considère qu'il n'est qu'un premier pas dans la lutte contre la maltraitance. On aurait souhaité une couverture gouvernementale semblable à la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

On salue le fait que les personnes majeures en situation de vulnérabilité aient été considérées dans le projet de loi et aussi, bien sûr, que le terme utilisé soit bien «personne majeure en situation de vulnérabilité» plutôt que «personne vulnérable». On est satisfaits aussi que la politique comporte les points que vous allez voir à la page 5 de notre mémoire, que je ne vais pas vous énumérer, pour le temps. On regrette toutefois que le recours envisagé soit le commissaire local aux plaintes et à la qualité des services. On va vous en parler, de ce point, un petit peu plus loin.

Mme Provencher (Doris) : Merci. Donc, au niveau de la définition qui est donnée dans le projet de loi, bien, écoutez, on aurait préféré voir la définition de l'OMS. Vous la retrouvez à la page 7 de notre mémoire. Ça va? Oui? Donc : «La maltraitance consiste en un acte unique ou répété, ou en l'absence d'intervention appropriée, dans le cadre d'une relation censée être une relation de confiance, qui entraîne des blessures ou une détresse morale pour la personne qui en est victime. Ce type de violence constitue une violation des droits de l'homme et recouvre les violences physiques, sexuelles, psychologiques ou morales, les violences matérielles et financières, l'abandon, la négligence, l'atteinte grave à la dignité ainsi que le manque de respect. La maltraitance en institution recouvre le recours à la contrainte physique à l'égard des patients, le non-respect de leur dignité, par exemple en négligeant de changer les vêtements souillés, et de leur liberté de choix concernant la vie quotidienne, le manque intentionnel de soins — entraînant par exemple l'apparition d'escarres — l'abus ou le défaut de traitement médicamenteux ainsi que la négligence et la violence morales.» C'est la définition de l'OMS, donc, beaucoup plus vaste par rapport au projet de loi, donc, parce que, selon nous, ça définit diverses formes de maltraitance et ça inclut aussi la négligence. Ça légitimerait aussi le fait de travailler sur l'abolition de pratiques institutionnelles qui provoquent de la maltraitance.

Concernant la définition de «personne en situation de vulnérabilité», oui, c'est intéressant, mais, selon nous, cette définition aussi ça correspond presque à la définition d'une personne inapte, inapte selon la loi. Encore là, on aimerait que ça soit un peu plus large. Donc, ce qu'on propose, nous, à la page 9, c'est : «En tenant compte de leur extrême diversité et situation, toute personne majeure susceptible de vivre de la maltraitance et de la violence institutionnelle, notamment par un non-respect des droits et par la non-réalisation des déterminants sociaux de la santé», parce qu'aussi on trouve que les déterminants de la santé ne sont pas très apparents non plus dans le projet de loi. Pourtant, le gouvernement du Québec a fait des tellement beaux documents au niveau des déterminants sociaux en 2010... 2012, 2011, 2013... en tout cas, dans les années 10, et une excellente formation. C'est bien dommage qu'on ne retrouve pas ça dans le projet de loi. C'est limitatif un peu, selon nous.

Les commissaires aux plaintes, on aimerait aussi — on en a parlé un peu tantôt, on l'a entendu — qu'ils relèvent du Protecteur du citoyen. Le commissaire aux plaintes est un peu coincé, hein, tandis que le Protecteur du citoyen, qui est à l'extérieur, et tout ça, on pense que ça pourrait être encore plus efficace et efficient, avec les ressources humaines et financières qui vont avec, bien évidemment. À toi.

Mme Serradori (Chloé) : Ce qu'on va vous parler, essentiellement, dans notre mémoire et qui n'apparaît pas forcément dans le projet de loi, c'est tout ce qui touche la violence institutionnelle, la maltraitance systémique. Puis, pour les personnes qui vivent ou qui ont vécu un problème de santé mentale, il y a quatre thèmes récurrents qu'on dénonce depuis plus de 20 ans et de 25 ans, alors on espère que cette commission va nous entendre.

Les quatre thèmes qui sont la base de la maltraitance dans ces systèmes systémiques, c'est le non-respect des droits et libertés de la personne, l'utilisation de mesures de contrôle telles la contention, l'isolement, l'utilisation de substances chimiques — on en a parlé tout à l'heure avec les jeunes qui arrivaient avec des sacs de médicaments, là — le recours aux électrochocs, qui touche énormément de femmes et de femmes âgées de plus de 60 ans, et toute la médicalisation des problèmes sociaux des personnes aînées puis des personnes en situation de vulnérabilité. Pour cela, la proposition qu'on vous fait — je vais vous amener à la page 19 de notre mémoire, parce qu'il nous reste trois ou quatre minutes, là, et puis après on espère que vous allez nous poser plein de questions : L'AGIDD demande l'ajout d'un point 9° à l'article 3 du projet de loi indiquant justement :

«9° la lutte à la maltraitance systémique pour favoriser un changement de pratiques en — puis là il y aurait des alinéas :

«Mettant en place des mesures garantissant que le respect des droits est une priorité qui guide [...] les mesures mises en place pour prévenir la maltraitance des personnes en situation de vulnérabilité qui reçoivent des services de santé et des services sociaux;

«Prévoyant les ressources humaines et financières afin que tous les acteurs concernés par les personnes aînées et les personnes en situation de vulnérabilité aient une connaissance académique générale et continue des droits et recours et [aussi] l'état actuel de la recherche [en] santé mentale;

«Visant l'élimination des mesures de contrôle par la mise en place rapide de mesures préventives et alternatives respectueuses des droits[...];

«Faisant la promotion de l'abolition des électrochocs...» Savez-vous qu'actuellement, au niveau des électrochocs, il y a plus de 1 048 femmes de 80 ans et plus qui en reçoivent par année, entre autres?

«Priorisant la lutte à la médicalisation des problèmes sociaux des personnes aînées [...] et en faisant la promotion d'alternatives au traitement et de l'accès aux traitements de psychothérapie;

«[Et aussi en] utilisant [des] modèles de bientraitance respectueux des droits humains, issus de groupes communautaires ou d'installations du réseau public.»

On voulait... Une minute, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Deux minutes, il vous reste deux minutes.

• (15 h 40) •

Mme Serradori (Chloé) : Deux minutes? Si vous permettez — deux minutes — on va vous remettre, à la fin de notre présentation, un rapport qui a été fait par M. Juan Méndez, qui est rapporteur général contre la torture. Et ce rapport a été fait en 2013, et il demande l'abolition de traitements cruels, inhumains, dégradants. Et, parmi ces traitements cruels, inhumains, dégradants, on parle, justement, de l'isolement et de la contention, de l'obligation de soins, de la garde en établissement et des électrochocs. Alors, ça fait depuis 2013 qu'on en parle partout, sur toutes les tribunes, vous allez la voir.

Et aussi, peut-être pour terminer, un bon signe de l'Assemblée nationale, vous savez que le 15 mai, ça a été décrété par nous et pour nous la Journée nationale Non aux mesures de contrôle! L'année dernière, il y a eu une intervention à l'Assemblée nationale à ce niveau-là. Alors, j'espère que vous allez penser le 15 mai... un grand, grand symbole de lutte contre la maltraitance que sont l'isolement, la contention et les mesures chimiques. Alors, ça va être à vous.

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Alors, je vous remercie beaucoup pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période des échanges. Alors, Mme la ministre, à vous la parole.

Mme Charbonneau : Merci, Mme la Présidente. Mesdames, on a presque dîné ensemble. On ne se l'est pas dit, on ne se l'est pas dit, mais on a presque dîné ensemble. Bienvenue chez vous. Je comprends que vous avez un peu l'habitude, là, des commissions parce que vous avez été disciplinées dans le minutage. Vous êtes pas mal bonnes.

Dans le projet de loi que vous avez devant vous, vous y voyez certaines restrictions. Je dois vous avouer, par contre, que la... — voyons, je ne le dirai pas parce que je veux vous le dire — ce qu'on a fait comme description pour la maltraitance, c'est une interprétation et une volonté plus serrée du long titre que vous nous avez lu de l'OMS, mais c'est la même description. C'est juste qu'on a enlevé, à partir du moment où vous dites «pour»... ne bougez pas...

Une voix : Les droits de l'homme.

Mme Charbonneau : Les droits de l'homme, à partir du droit de l'homme. Bien, à partir de là, nous, on a gardé plus la haute partie que la basse partie parce que je vous dis qu'au moment où on a commencé à vraiment établir le titre du projet de loi n° 115, on s'en est maintenu à «les personnes aînées», même si, des fois, «aînées», c'est déjà difficile à savoir c'est quand, puis c'est où, puis c'est à quel âge, puis après ça «les adultes en situation de vulnérabilité» parce qu'au départ le projet de loi n° 399 avait été pensé pour les gens qui étaient dans les CHSLD. Puis, vous le savez, on a, oui, une clientèle aînée de façon majoritaire, mais il y a quand même 10 % de la clientèle en CHSLD qui n'est pas du tout une clientèle aînée, qui est une clientèle qui a des problématiques physiques et de maladies graves. Donc, c'est pour ça que le titre avait été conclu comme ça, et la volonté de faire un descriptif qui n'allait pas peut-être jusqu'à la clientèle que vous représentez mais qui se voulait une interprétation de l'OMS.

Dans votre mémoire, vous nous avez parlé, du moins au début de la présentation, du commissaire aux plaintes. La différence entre le commissaire aux plaintes puis le Protecteur du citoyen, vous en faites une élaboration. Hier soir, on a eu ce privilège-là de rencontrer l'association des commissaires aux plaintes, qui définissait son indépendance sous un regard différent. Je vous dirais qu'on était heureux de les rencontrer parce que c'étaient des gens qu'on sortait un peu d'une caverne parce qu'on ne les connaît pas beaucoup, et on était en relation fort intime, un peu comme on l'est avec vous, à savoir comment ça fonctionne, puis votre niveau d'indépendance, vous le percevez comment, puis eux, ils se disaient forts du contexte où ils étaient très autonomes. Oui, il y a un conseil d'administration, oui, il y a une direction générale, mais ils sentaient que, depuis le départ, ils avaient une très forte autonomie et que chaque recommandation qu'ils avaient faite avait été suivie avec énormément de pointu. J'ai l'impression que vous n'avez pas la même interprétation, alors j'aimerais ça vous entendre sur la perception que vous avez du commissaire aux plaintes.

Mme Provencher (Doris) : Oui. Moi, j'aimerais ça juste revenir peut-être très peu au niveau de la définition parce que, vous savez, une personne qui vit un problème de santé mentale, elle ne correspond pas à la définition qu'il y a là nécessairement. Elle est tout à fait apte, mais elle vit beaucoup de maltraitance de toute sorte. C'est pour ça qu'on demande de vraiment élargir la définition, de un.

De deux, les commissaires, ce sont des commissaires aux plaintes à la qualité des services. Alors, un de leur principal objectif, c'est d'améliorer la qualité, c'est un peu d'autorégulariser tout ce beau grand système. Nous, on travaille en défense de droits. Moi, ma job — et je pense que le Protecteur du citoyen, ça ressemble un peu à ça aussi — c'est vraiment de défendre les droits des personnes et de voir à ce que les personnes puissent exercer leurs droits.

Alors, oui, nous avons des expériences qui ne sont pas toujours du même ordre de ce qu'on vous a nommé hier parce qu'il y a des organismes régionaux de promotion et défense de droits, ils accompagnent les personnes qui portent des plaintes. Des fois, ça s'en va au commissaire aux plaintes de l'établissement... Là, je vais y aller de même pour ne pas faire les nuances de... Bon, il y a des fois ça reste là, il y a des fois... Vous savez, pour des personnes qui vivent un problème de santé mentale, il y a beaucoup de monde qui veulent leur bien, et, pour leur bien, on va considérer : Ah! bien oui, tu devrais peut-être faire ça, mais ça, tu ne devrais pas le faire. D'une bonne volonté, vous savez, ça part d'une intention, mais ce n'est pas nécessairement respectueux de ce que la personne, elle veut vraiment, et ça, ça transparaît aussi chez les commissaires, ça peut être chez les avocats, ça peut être chez tout le monde, vous voyez? Et puis, c'est ça, les recommandations du commissaire, nous, ce qu'on a vu, ce n'est pas toujours suivi à la lettre, mais alors là, pas du tout. Alors, non, on n'a pas la même expérience.

Puis l'autonomie, veux veux pas... Je comprends que, pour les gens qui sont là-dedans, O.K., mais veux veux pas, ils sont à l'intérieur, et, veux veux pas, on pense qu'il y a quand même une certaine influence... nous sommes tous des êtes humains, et qu'il peut y avoir une certaine influence, tandis que le protecteur, il est vraiment à part, il est à l'extérieur, et son travail, c'est beaucoup plus clair comme mandat puis plus net. C'est pour ça qu'on dit que ça devrait relever du protecteur.

Mme Charbonneau : Merci.

Mme Serradori (Chloé) : Une autre chose aussi, c'est qu'on a entendu beaucoup de choses au niveau du système. On ne devrait jamais accepter que, parce qu'il n'y a pas d'argent ou des mesures d'austérité, etc., ça provoque de la maltraitance ou de la violence institutionnelle. Ce n'est pas un argument, ce n'est vraiment pas un argument recevable. Et souvent, bien, quand une plainte est adressée à un commissaire aux plaintes d'un établissement et que ça touche justement le fait de coupures, bien là, la nécessaire indépendance, elle n'y est peut-être pas forcément. Et souvent ils sont peut-être efficaces quand ils mènent une plainte jusqu'au bout, mais il y a beaucoup de plaintes qui sont rejetées et qui ne tiennent absolument pas compte du système.

Juste un exemple atroce, on va dire, là, une personne qui s'est fait attacher de très, très nombreuses fois porte plainte, et puis le commissaire aux plaintes décide que c'est la façon dont ça fonctionne à cet hôpital, ça fait que c'est ça, le système, ça fait que : Non, madame, elle n'est pas recevable, votre plainte — vous voyez, ce n'est pas répandu — alors que, bon, le même exemple a été en recours, en recours, en recours, et puis l'hôpital a dû payer des dédommagements. Donc, vous voyez, ce n'est pas toujours évident.

Mme Charbonneau : J'entends plus principalement votre réalité, hein, parce que vous, vous faites affaire directement avec les gens que vous voyez. Dans ce principe-là d'autonomie, où, des fois — j'utilise la phrase que vous avez faite — on veut le bien de la personne et, de ce fait, on pense qu'elle n'agit pas... ou alentour d'elle les gens n'agissent pas de la bonne façon, est-ce que, pour vous, le principe où on mettrait en place dans le projet de loi une dénonciation obligatoire pour protéger la personne d'elle-même parce que c'est... Parce que, malheureusement, j'ai un collègue qui dit : Si on ne fait pas ça, c'est comme si on se fermait les yeux, quand on sait que ce n'est pas parce qu'on se ferme les yeux. Si on a d'autres mesures en place, je ne pense pas que personne dans la société choisit de fermer ses yeux. Des fois, il y a des raisons où les gens décident de ne pas dénoncer, mais je pense que c'est fort, de dire «fermer ses yeux sur les situations».

De ce fait, de votre côté... Parce qu'il y a une conséquence si c'est obligatoire, mais il y a aussi une conséquence si ce n'est pas obligatoire. Donc, je voulais vous entendre sur qu'est-ce que vous en pensez, vous.

Mme Serradori (Chloé) : Bien, déjà, ce serait bien pas de protéger la personne contre elle-même, mais de protéger la personne contre les autres parce que, souvent, la personne, elle n'a pas forcément besoin qu'on la protège contre elle-même, en tout cas pour les personnes qu'on représente. Pour l'obligation, ce n'est pas un sujet qu'on a vraiment... on ne l'avait pas vu dans le projet de loi. Par contre, une obligation de dénoncer, ça implique des changements au niveau du secret professionnel, au niveau de la confidentialité. Ça va aussi impliquer une obligation de dénoncer quoi? C'est quoi, la peine, si on ne dénonce pas?

Alors, je ne sais pas s'il vaut mieux mettre des énergies là-dedans ou s'il vaut mieux mettre des énergies pour vraiment mettre en place des mesures de bientraitance, et changer le système, et changer les pratiques. C'est peut-être un faux débat.

• (15 h 50) •

Mme Provencher (Doris) : Sauf que moi, je dirais, de par ce que j'ai entendu avant nous, effectivement, de faire le parallèle avec la violence conjugale, avec la violence faite aux enfants, je vous avoue que c'est un peu troublant, c'est questionnant. C'est vrai qu'à l'époque, quand toute la question de la violence conjugale... j'imagine que les mêmes questions se sont posées et sont... mais on n'y a pas vraiment réfléchi en tant que tel.

Aussi, je veux juste dire aussi, vous savez, il y a des lois qui obligent déjà les personnes, vous savez... Parce que, quand j'ai un problème de santé mentale, la première affaire — là, je ne finis pas mes phrases, je m'excuse — que je perds, c'est ma crédibilité. Ça fait qu'à partir de là il y a une loi qui est là pour m'hospitaliser contre ma volonté, en principe pour mon bien, pour me protéger, puis on peut me médicamenter contre ma volonté puis sous une autorisation judiciaire de soins. Alors, quand j'ai un problème de santé mentale, il y a déjà pas mal d'affaires qu'on peut faire contre ma volonté. Alors, comme disait ma collègue, ça serait mieux d'y aller à l'inverse, il faut me protéger de la maltraitance.

Mme Charbonneau : Je ne veux pas vous inquiéter, mais, dans le projet de loi, on parle de l'ouverture sur le principe du secret professionnel sous un angle très particulier. Mais on ouvre pour pouvoir permettre aux gens de pouvoir avancer sur certaines suspicions, hein, ou des divulgations au-delà de la personne. Puis je vous le dis parce que je sais que vous en êtes soucieuses, là, mais on se dit : Si jamais quelqu'un veut s'avancer, puis, dans le projet de loi, aller voir le commissaire aux plaintes, puis, tu sais, divulguer une information qui dit : Je pense que monsieur dans la chambre x, son petit-fils vient, il y a des problématiques, il faudrait peut-être aller voir, bien, le commissaire aux plaintes a un devoir d'enquête pour aller voir. Mais là c'est un choix du professionnel, et, s'il le fait, dans le projet de loi n° 115, il n'y a pas de conséquence, hein, parce qu'on ne veut pas non plus...

Mme Provencher (Doris) : Bien, moi, j'ai une question. Si jamais que moi, je considère que mon médecin, il me maltraite parce qu'il me surmédicamente, ça va-tu être recevable, ça?

Mme Charbonneau : C'est nécessairement recevable si, dans le contexte que vous le dites, quand vous faites votre approche, vous dites : Je vis de la maltraitance, je le sens comme ça, je veux dénoncer. Ce qui va arriver après, je ne peux pas vous le dire parce que, tu sais, nous, on n'est pas dans...

Mme Provencher (Doris) : Moi, je peux vous le dire si vous voulez.

Mme Charbonneau : Tiens, j'avais un doute que vous pourriez le faire. Mais je vous dis juste que dans la volonté... Mais allons-y dans un angle différent, allons-y par : La personne pense qu'elle est surmédicamentée, puis elle va voir un autre médecin, puis elle dit à l'autre médecin : Tu peux-tu analyser ça, ta, ta, ta, je pense que... et l'autre médecin s'aperçoit qu'il a vraiment raison. Bien là, il y a une possibilité d'aller et de dire, sans que le nom du deuxième médecin soit divulgué au premier... pour dire : Sais-tu quoi? On regarde ta pratique, mon homme, puis je pense qu'il y a quelque chose qui ne marche pas là-dedans. Mais les ordres professionnels se sont engagés en disant : Effectivement, on est d'accord avec l'ouverture, mais pas à tous azimuts, là, l'ouverture sous certains angles du secret professionnel pour pouvoir protéger de la maltraitance les aînés et les gens en situation de vulnérabilité. Ça fait que je ne sais pas si ça répond parce que je ne suis pas dans la technique...

Mme Provencher (Doris) : Je suis un peu Thomas, là, mais ce n'est pas grave, on verra à l'usure.

Mme Charbonneau : Mais vous n'êtes pas le premier Thomas de s'asseoir dans cette chaise.

Des voix : Ha, ha, ha!

Mme Charbonneau : Mais, en même temps, c'est cette volonté-là.

Ma dernière question, c'est une autre qui nous interpelle beaucoup depuis... puis je ne vous ai pas entendues dans votre présentation, c'est les caméras. On a, dans le projet de loi, la volonté de regarder les individus comme les aînés, de dire : Quand ils rentrent en CHSLD, ils rentrent chez eux, c'est leur pièce, c'est leur chez-eux. Puis, dans le droit fondamental, tu as le droit de faire ce que tu veux dans ta pièce : mettre ton cadre, mettre ta télé, mettre ta caméra, s'il le faut. Vous en pensez quoi, cette disposition-là qui dit qu'on va encadrer pour être sûr que tout le monde se rejoint dans la possibilité de l'utilisation d'une caméra?

Mme Serradori (Chloé) : Premièrement, on trouve ça très dommage, pour lutter contre la maltraitance, de mettre des caméras dans les chambres. Ça, c'est le premier constat «at large». Je pense que Me Ménard a beaucoup travaillé sur ce dossier.

Vous avez aussi eu, je pense, à la Commission des droits puis le Barreau... Dans la mesure où la personne le veut, la personne l'autorise parce qu'elle est chez elle, ça veut dire... Tout à l'heure, on en parlait avec Mme Provencher, bien, à un moment donné, la caméra, on peut la mettre à off aussi. On parlait tout à l'heure des soins, etc., bien, dans la mesure où la personne concernée a donné son autorisation, puis le souhaite, et le veut, c'est juste dommage qu'elle soit obligée de mettre une caméra pour se protéger, là, mais ça, on n'est pas... Mais je pense qu'une fois... un peu comme Me Ménard vous l'a dit, ça reste le choix de la personne.

Mme Provencher (Doris) : Parce que c'est sa maison, c'est son lieu de résidence. Ça fait que, tu sais, là...

Mme Charbonneau : On a la prétention de croire que c'est un milieu de vie. C'est vraiment son milieu de vie, donc c'est dans cette perspective-là qu'on essaie de voir l'implantation... Puis avez raison, on a réussi à asseoir à la même table 30 personnes représentant différents regroupements qui se sont prononcées sur des orientations. Le règlement n'est pas écrit, mais les orientations ont été écrites pour guider l'écriture parce que le règlement ne va s'écrire que si le projet de loi passe. Parce que, s'il n'y a pas de projet de loi, il va falloir voir ça d'une autre façon si on veut donner un encadrement au principe de l'obligation... de l'encadrement sur les caméras — je vais le dire comme ça — parce qu'en ce moment tout le monde peut mettre une caméra dans ses installations. Ça, c'est la première chose.

Dans cette volonté-là de mettre un titre correctement, vous nous avez parlé des définitions. Est-ce que vous changeriez quelque chose au titre du projet de loi, vu que vous étendez jusqu'à votre clientèle le principe de la maltraitance?

Mme Serradori (Chloé) : C'est-à-dire que nous, on trouvait ça vraiment intéressant que vous ne parliez pas de «personne vulnérable» mais de «personne en situation de vulnérabilité», sauf que la définition, elle ne correspond pas à «personne en situation de vulnérabilité». Parce qu'une personne en situation de vulnérabilité, c'est une personne qui vit de la pauvreté — vous allez reprendre tous les déterminants sociaux — qui n'a pas de logement, et ce sont elles qui sont les plus susceptibles de vivre de la maltraitance et de la violence institutionnelle.

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Merci beaucoup. Le temps est maintenant écoulé pour la partie gouvernementale. Je cède la parole au député de Rimouski, de l'opposition officielle.

M. LeBel : Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Je suis un gars sensible, hein, quand les journalistes disent des affaires, je prends ça «rough». C'est parce qu'à matin le journaliste, il dit : LeBel, il fait juste parler de la maltraitance systémique, organisationnelle, puis qu'il n'y a pas assez d'argent, puis, dans le fond, ce n'est pas ça, la maltraitance. La maltraitance, c'est quelqu'un qui fait mal à quelqu'un, tu sais, puis on devrait parler de ça, on devrait parler des préposés qui brassent... Puis ça, ça, c'est de la maltraitance, puis il ne faut rien laisser passer, puis... obligatoire, tout ça.

Mais moi, je continue à me dire que... Et là vous avez amené l'exemple dans ce que vous sortez, ce que vous avez expliqué, puis ça, ça vient me chercher, les médicaments qu'on donne aux personnes aînées, c'est... Je l'ai vu, là, je le vois faire, puis les antidépresseurs, toutes sortes de... on les assomme complètement. Et les jeunes aussi, dans le réseau de la jeunesse, là... J'expliquais tantôt, moi, j'ai vu, là, je suis allé voir Les Auberges du coeur, là, tu sais, ils n'arrivent pas drogués parce qu'ils prennent de la drogue dans la rue, ils arrivent drogués parce qu'ils ont plein de médicaments, ils sont... Aussitôt que quelqu'un est un peu malcommode, entre guillemets, on l'assomme. Je suis allé au forum du ministre l'autre fois, là, à Montréal, puis le Dr Voyer faisait sa présentation. Vous avez repris un peu ses données, on voit jusqu'à 60 %, ici, de... pour les gens en santé mentale, là, les... Aux États-Unis, on parle de 15 % à 20 %, gros max. Ça fait que ça, c'est le système, c'est des pratiques qui maltraitent, là.

Tantôt, il y avait des gens des ressources intermédiaires qui étaient là, qui sont sous-financés, qui font ce qu'ils peuvent, mais il y a un roulement de personnel. Ça, ce n'est pas la faute à personne, là, c'est le système qui n'outille pas le réseau, et j'aimerais ça que vous m'en parliez un peu plus de ça, cette partie-là de la pratique, là. Moi, ça fait frissonner de lire ce que vous écrivez, là, sur la contention. Je ne pensais jamais... Il y a des décès, il y a des... Ça existe dans le réseau, tout ça?

• (16 heures) •

Mme Provencher (Doris) : Ça existe. Écoutez, au niveau de la contention physique, mettons, il y a des gens qui en meurent à chaque année, et ça — personnes âgées — dans l'institution. Dans n'importe quelle institution, on attache le monde. Et les jeunes en centre jeunesse, on les attache aussi. On les isole, on les attache. Quand on parle d'institutions, c'est possible. Il y a énormément d'abus par rapport à ça, et nous, ça fait des années... bien, en fait, depuis que l'association est là, depuis qu'il y a des groupes en défense de droits, on dénonce ça.

Les électrochocs, effectivement, tout le monde tombe en bas de leur chaise quand on dit ça. Et, d'ailleurs, chez vous, vous irez cogner a l'hôpital de Rimouski, ils ont augmenté de 600 %, l'année passée, les électrochocs. Ça fait que vous irez voir le médecin. On ne sait pas pourquoi qu'il a augmenté tant que ça, mais donc il y a vraiment... C'est des pratiques qui se font encore et toujours.

Il y a toutes les autorisations judiciaires de soins, ce qu'on ne parle non plus beaucoup, hein, des ordonnances de traitement. Ça, ça veut dire que moi, j'ai un jugement, par exemple, pour les trois, quatre ou cinq prochaines années, je vais être obligé de suivre un traitement. On m'impose un traitement, et ça, on le voit de plus en plus parce que ça va bien pour contrôler quelqu'un. Je n'ai même pas besoin de le contrôler parce que, si je n'y vais pas, à mon traitement, pas de problème, on va appeler la police. La police, elle va venir me chercher puis je vais l'avoir, mon traitement. Il y a beaucoup de contrôle.

Au niveau de la santé mentale, au niveau de la psychiatrie, vous ne savez pas ce qui se passe dans ce milieu-là, la population ne le sait pas, ce qui se passe. Il peut y avoir de l'aide. Ce n'est pas d'abolir, mais c'est d'être conscient — parce que, nous, c'est notre job — de ce qui se passe dans ces milieux-là. La maltraitance, là, si vous en voulez, là, allez vous promener sur un département de psychiatrie, parlez avec des gens qui sont passés par la psychiatrie, vous allez en avoir des tonnes, d'exemples. Malheureusement, c'est ça.

Mme Morneau (Andrée) : Il y a des gens qui vivent dans les ressources de type familial... Moi, je suis dans un groupe d'entraide à Joliette, puis il y a des gens en santé mentale qui vivent là puis qui n'ont même pas de lait pour mettre dans leurs céréales le matin, qui ont de l'eau. Ça, on l'a vu, puis ça ne fait pas si longtemps, là.

Mme Provencher (Doris) : Puis ce n'est pas une question d'argent. Ce n'est pas vrai, ça.

Mme Serradori (Chloé) : Puis, vous savez, ce que nous, on appelle la violence systémique — parce que, dans ces cas-là, on peut vraiment parler de violence — elle va beaucoup se jouer aussi dans des petites choses. N'importe qui parmi vous... Espérons que ça ne vous arrive pas, mais vous pourriez vous retrouver un jour en psychiatrie, et puis vous allez rester en jaquette une semaine jusqu'à ce que le médecin trouve que vous pouvez vous habiller normalement. Plus de téléphone cellulaire, il va y avoir juste le téléphone dans le salon où il y a 25 personnes qui parlent en même temps, et bonjour la confidentialité. Vous savez, aux soins intensifs, au niveau physique, là, on a tous ces droits-là, passé la porte du département. Comment ça se fait que les départements de psychiatrie sont fermés? Personne ne se pose cette question-là.

Une voix : Ils sont tous barrés.

Mme Serradori (Chloé) : Ils sont tous barrés, et pourtant, en principe, la majorité des personnes y vont sur une base volontaire. Ça veut dire : Moi, j'ai 63 ans, je me retrouve en psychiatrie, si je veux aller fumer une cigarette dehors, il faut que je le demande au préposé, qui va le demander à l'infirmière, qui, si c'est l'heure, va bien vouloir peut-être si le médecin l'a marqué dans mon dossier, me laisser sortir pour aller fumer ma cigarette.

M. LeBel : ...2017.

Mme Serradori (Chloé) : Et on est en 2017.

M. LeBel : J'ai l'impression de revoir le film sur Alys Robi, là, tu sais, c'est...

Mme Provencher (Doris) : ...qu'on me dit : Ah! ça a changé, vous savez. Nous, notre pratique, ce n'est pas ça qu'elle nous dit pantoute.

M. LeBel : Vous avez parlé de la police tantôt, mais personne n'est obligé d'accepter des soins, le Code civil... La police va aller chercher quelqu'un pour l'amener...

Mme Provencher (Doris) : Oui, il y a les autorisations judiciaires de soins, c'est dans le Code civil. Et, effectivement, si j'ai un jugement par rapport à... et j'ai une autorisation judiciaire de soins, et, si je ne m'y soumets pas, on peut appeler la police, et, légalement, la police peut m'emmener. Il y a eu, l'année dernière, plus de 1 300 autorisations judiciaires de soins au Québec.

M. LeBel : C'est assez effrayant, ce que vous dites là, mais le...

Mme Provencher (Doris) : ...

M. LeBel : Non, non, mais il faut savoir ça. Le projet de loi qu'il y a là, le projet de loi, là, c'est une mécanique pour essayer de combattre la maltraitance. Cette mécanique-là d'arriver au commissaire aux plaintes, est-ce que ça vient régler des cas comme ce que vous dites?

Mme Provencher (Doris) : Régler, non, c'est plus large que ça pour régler les cas qu'on vous parle. C'est un changement de pratique, c'est un changement profond, organisationnel, politique aussi. Il y a quelque chose... C'est sûr que ça aide, c'est un outil, c'est un premier pas. Vous savez, nous, on fait de la défense de droits. Donc, moi, je n'ai pas de pouvoir, j'aide la personne à ce qu'elle se défende. C'est un outil de plus, mais c'est sûr que...

M. LeBel : Excusez-moi...

Mme Provencher (Doris) : Non, non, allez-y, allez-y.

M. LeBel : ...ce que vous dites, bien, c'est un outil de plus, mais vous dites que la finale de l'outil, qui est le commissaire aux plaintes, ce n'est pas assez fort.

Mme Provencher (Doris) : Exact.

Mme Serradori (Chloé) : Mais, vous savez, en tant que parlementaires, votre principale responsabilité et obligation, c'est de promouvoir, de protéger et de défendre les droits des citoyens. Ça, c'est la première chose. Puis, si ça, c'était mis en place puis s'il y avait une réelle volonté politique, un changement de pratique par rapport au respect des droits humains, bien, probablement que ça changerait parce que, dès qu'on est atteint dans sa dignité, bien, elle est là, la maltraitance, dans des choses épouvantables, mais aussi dans des petites choses. Et la formation — on parlait de formation — ça ne devrait pas être juste une formation ponctuelle qu'on donne, ça devrait être dans les cours des professionnels, ça devrait être en formation continue. Et tout le monde va vous dire : Ah! les droits, les droits, on les connaît, les droits. Ce n'est pas vrai. Les gens sont infantilisés, on ne les écoute pas, on ne les respecte pas, tout ce que vous avez entendu. Donc, les droits et les déterminants sociaux de la santé, si c'était à la base des pratiques, on aurait... En tout cas, au niveau...

Une voix : On ne serait pas ici.

Mme Serradori (Chloé) : On ne serait pas ici, d'une part, ce serait le fun! Bien, ce serait le fun... je veux dire, ce serait le fun qu'il n'y ait pas besoin de groupes de défense de droits, que les gens, leurs droits soient respectés.

M. LeBel : Je veux juste vous dire merci pour votre témoignage. Puis ça m'amène à continuer aussi à parler de cette maltraitance qui est systémique puis organisationnelle. Ce n'est pas vrai qu'on va passer à côté de ce débat-là puis qu'on va s'enfarger dans les détails, là, toujours, mais qu'on ne parlera jamais de tout ça. Ce n'est pas vrai. Merci.

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : La parole est maintenant au deuxième groupe de l'opposition, au député de Lévis.

M. Paradis (Lévis) : Merci, Mme la Présidente. Mme Morneau, Mme Provencher, Mme Serradori, merci d'être là. Dans le portrait que vous nous tracez, qui est inquiétant puis qui n'est pas évident non plus, c'est complexe, ce que vous nous racontez, puis la vie de chacun de ceux et de celles que vous accompagnez aussi, ça devient complexe, mais à la base... Puis là je sors un petit peu du projet de loi n° 115, puis, en même temps, je ne sors pas tellement parce que, vous venez de le dire, s'il y avait un meilleur environnement, on n'aurait peut-être pas besoin de jaser de tout ça. Mais ça commence dans la rue aussi. Corrigez-moi si je me trompe, mais combien d'organismes communautaires de soutien, d'aide, d'accompagnement auprès de personnes qui sont atteintes de problématiques de santé mentale ont peine à survivre pour accompagner celui ou celle qui a besoin d'accompagnement? Puis, à la base, là, c'est un constat d'échec quand les gens viennent nous voir, me voir, probablement voir des collègues pour dire : C'est parce qu'il y a des gens, là, dans la rue qui voudraient qu'on s'occupe aussi d'eux, d'elles lorsqu'elles ont besoin, dans des circonstances particulières...

Parce que, quand on présente une problématique, c'est souvent en montagnes russes. Moi, j'ai eu le privilège d'avoir un ami, maintenant décédé... J'ai eu un ami — j'étais adolescent — qui présentait une problématique sérieuse de santé mentale puis je me rappelle, fréquemment, sa mère qui me disait : François, va donc retrouver Stéphane parce que, là, il n'a pas l'accompagnement puis les gens autour de lui, puis je ne sais plus quoi faire. Puis il n'est plus là, Stéphane, mais je me rappelle des souvenirs qui sont heureux puis d'autres qui étaient assez pas faciles, mais, à la base, sa mère disait : Comment ça se fait qu'il n'y a pas quelqu'un pour aider mon fils dans son cheminement? Est-ce qu'il n'y a pas une problématique de société aussi dans l'accompagnement au quotidien de ceux et celles que vous défendez et que vous représentez?

Mme Provencher (Doris) : On a combien de temps?

Des voix : Ha, ha, ha!

Mme Provencher (Doris) : Je ne sais pas si, Andrée, tu veux dire quelque chose?

Mme Morneau (Andrée) : Bien, moi, je suis présidente aussi d'un groupe d'entraide en santé mentale à Joliette, là, où on reçoit des gens qui viennent... On est comme un centre où les gens viennent dans la journée, où on peut les aider, des gens qui ont vécu de la psychiatrie, d'autres moins, là, ça dépend, puis c'est sûr que ça se bouscule aux portes, là, c'est sûr qu'on ne fournit pas à aider. Nous, on travaille beaucoup au niveau de l'entraide parce que, dans mon groupe, on a deux personnes employées pour... On a une soixantaine de membres. C'est sûr qu'il n'y a pas 60 personnes à tous les jours, là, mais c'est sûr que ce n'est pas évident non plus puis que les gens sont à bout de ressources. Les gens, souvent, sont dans la rue, ils n'ont pas de sous, ils ont besoin de soins, ils ont besoin... La majorité se retrouvent sur l'aide sociale parce qu'ils ne peuvent plus travailler, parce qu'il n'y a pas d'autres mesures pour les aider. Ça fait que c'est sûr que ça n'aide pas dans la vie quand tu es toujours au bout de ta cenne pour manger, au bout de ta cenne pour fonctionner, que tu n'as pas de transport, que tu n'as pas... C'est sûr.

M. Paradis (Lévis) : Le maire de Montréal le disait il y a deux instants, là. Il présentait la problématique à Montréal, notamment avec des pourcentages qui étaient assez éloquents, mais il disait : Il y a une problématique, une problématique de pauvreté, il y a une problématique de santé mentale, il faut aussi s'y adresser.

• (16 h 10) •

Mme Provencher (Doris) : Mais il y a aussi... Vous savez, quand j'ai un problème de santé mentale puis que j'ai vécu l'hôpital, je vais tout faire pour ne jamais y retourner, je suis terrorisé d'y retourner. Moi, ça fait 25 ans que je fais de la défense de droits — c'est un petit peu plus, là, mais... — et les gens, ils sont vraiment terrorisés d'y retourner. S'il y avait des services dans la communauté, s'il y avait des services de crise, s'il y avait de l'hébergement, s'il y avait une place où je pourrais aller... Je ne vais pas bien, je le sais quand je ne vais pas bien, alors... Mais, s'il y avait une place pour aller me reprendre, aller me reposer, aller... Mais non, il y a l'hôpital. Puis qu'est-ce qu'on fait à l'hôpital? Bien, c'est «rough», l'hôpital. Puis donc, oui, il y a un manque de services, il y a un manque de variété de services dans la communauté.

M. Paradis (Lévis) : ...discuter pour discuter parce que c'est un sujet... Vous l'avez dit : Combien on a de temps? On pourrait continuer, mais il reste que... Puis s'ajoute à ça tout le regard des familles également, parents, amis qui accompagnent un enfant, un conjoint, un père, une mère aux prises avec des problématiques de santé mentale, qui sont perdus aussi là-dedans parce qu'ils viennent nous voir pour nous le dire en disant : Je fais quoi?

Mme Provencher (Doris) : Tout à fait. Je veux juste faire une distinction, par exemple. Je suis bien d'accord avec vous, effectivement, c'est terrible aussi pour les proches, sauf que ce qu'on entend depuis quelques années, une de leurs solutions, c'est de diminuer les droits des personnes, c'est de faire en sorte qu'on peut les hospitaliser contre leur volonté plus facilement. On l'entend. Je ne dis pas que c'est tout le monde, mais on entend ça. Et, pour nous, ce n'est vraiment pas la solution.

M. Paradis (Lévis) : Mais, un jour, il faudra en parler. Vous parlez du P-38, et tout ça?

Mme Provencher (Doris) : Exact.

M. Paradis (Lévis) : Il faudra en parler éventuellement parce que c'est un dossier éminemment important également où on pourra en jaser.

Mme Provencher (Doris) : Ah oui! Oui, on pourra en jaser si vous voulez, pas de problème.

M. Paradis (Lévis) : Merci pour moi.

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : C'est beau? Alors, merci beaucoup, Mme Serradori, Mme Morneau, Mme Provencher. Merci beaucoup de votre contribution à ces travaux.

On prend maintenant une pause de quelques minutes, le temps de laisser le nouveau groupe s'installer. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 12)

(Reprise à 16 h 17)

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Alors, nous poursuivons les travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Ensuite, nous allons procéder aux échanges avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et, ensuite, à commencer votre exposé.

Alliance québécoise des regroupements régionaux pour
l'intégration des personnes handicapées (AQRIPH)

Mme Tremblay (Isabelle) : Alors, bonjour. Isabelle Tremblay, je suis la directrice générale de l'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées, l'AQRIPH. Je suis accompagnée de Mme Marie Montplaisir, du regroupement de Richelieu-Yamaska, et de Mme Pauline Couture, du regroupement de la Rive-Sud de Montréal.

Alors, vous avez reçu, au cours de l'automne, tous les parlementaires, un document promotionnel qui explique ce qu'est l'AQRIPH. Donc, je n'ai pas besoin de vous présenter notre organisation, quoique je vais quand même vous dire un petit mot, qu'on est un organisme national de défense de droits des personnes handicapées et des familles et qu'on rassemble 15 regroupements régionaux partout sur le territoire québécois, qui, eux, rassemblent environ 350 organismes de personnes handicapées et de parents.

Vous avez pu constater à la lecture de notre mémoire que nous, on vient vous parler d'une clientèle particulière, c'est-à-dire les personnes handicapées qui sont hébergées en RIRTF plus particulièrement. On sait qu'il y a des personnes handicapées jeunes qui sont hébergées en CHSLD. Ils sont à peu près 3 700 au Québec, mais, en RIRTF, nos personnes handicapées qui ont un DI, un TSA ou une déficience physique, elles sont au nombre de 11 087 en déficience intellectuelle et, en déficience physique, 470. Donc, on a à peu près 12 000 personnes dont on vient vous parler aujourd'hui, et ces personnes-là ne sont hébergées pour pas seulement quand elles ont atteint un certain âge, mais ça peut être très, très jeune. Donc, elles peuvent être en hébergement dans des RI, des RTF pendant très longtemps dans leur vie. Ça ne veut pas dire que toutes ces personnes-là ont besoin de protection, mais il y en a plusieurs, quand même, qui en ont besoin.

L'office, en 2015, l'Office des personnes handicapées du Québec, a fait un rapport sur la maltraitance envers les personnes handicapées. Les conclusions de ce rapport-là sont venues dire que les adultes handicapés étaient plus à risque de subir de la maltraitance que le citoyen ordinaire qui n'est pas handicapé et que, parmi ces personnes handicapées là, celles qui ont une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l'autisme étaient encore plus à risque. Donc, quand on a une personne handicapée qui a une déficience intellectuelle ou un TSA, qui est hébergée en plus, pour nous, les risques de subir de la maltraitance sont d'autant plus importants. Il n'y a pas eu de recherches sur les personnes hébergées, en tant quel, handicapées dans les centres, sauf qu'il y a eu énormément de cas qui ont été ressortis, dans les médias, de maltraitance, de négligence et d'abus.

Pour notre clientèle dont on vient vous parler aujourd'hui, la dénonciation s'avère difficile, voire impossible. Vous savez que ces personnes-là résident dans des endroits qui sont très petits, où il y a très peu de résidences et souvent des ressources de type familial ou des ressources intermédiaires où il n'y a pas beaucoup de monde, il n'y a pas beaucoup de chambres. Alors, pour faire une dénonciation, pour ces personnes-là, ça veut dire qu'elles doivent incriminer la personne qui fournit les services, avec laquelle elles ont un lien de dépendance. Imaginez la peur des représailles. Souvent, aussi, nos personnes qui sont plus lourdement handicapées ne connaissent pas leurs droits ou ne sont tout simplement pas en mesure de les exercer. Donc, on a une partie de notre clientèle qui a un véritable besoin de protection.

On va saluer pour une chose votre projet de loi, le Québec se penche sur la maltraitance. Malheureusement, pour nous, l'AQRIPH...

• (16 h 20) •

Une voix : Un gros «mais».

Mme Tremblay (Isabelle) : Oui, le gros «mais» qu'on a à l'AQRIPH, c'est qu'on trouve que le moyen que vous avez retenu, d'adopter des politiques sur la maltraitance, ça agit uniquement quand la maltraitance a eu lieu. Alors, on va vous expliquer certaines choses. Toujours garder à l'esprit qu'on parle des clientèles handicapées hébergées en RIRTF. Il existe, au ministère de la Santé, un merveilleux cadre de référence sur les ressources de type familial et les ressources intermédiaires. Ce cadre de référence là, qui a été actualisé en mars 2016, contient 214 pages, 214 pages où on parle des balises concernant les rôles et responsabilités des dispensateurs de services, où on a les lignes directrices pour rendre des services de qualité.

À la page 166, on parle de comment doit être appliqué le processus du contrôle de la qualité et on nous dit que l'établissement, c'est lui qui est le responsable, en vertu de la loi sur la santé et services sociaux, de l'application du processus du contrôle de qualité et qu'il doit s'occuper de la mise en oeuvre. Vous allez voir, à la page 167 de ce document-là, le contrôle de la qualité, avec un processus de cinq étapes, qui est clair, et le ministère a même fait un logigramme concernant le contrôle de la qualité, comment on doit l'exercer. Nous, ce que vous dit à l'AQRIPH, c'est que les obligations des RI et des RTF sont claires dans le cadre de référence qui a été adopté. Est-ce que les services de qualité sont présents partout dans les ressources pour autant? Malheureusement, non.

Je vais vous faire un petit peu d'histoire. En 2003, tout le monde se rappelle de l'incident de Saint-Charles-Borromée. M. Philippe Couillard, notre premier ministre, qui était alors ministre de la Santé, a dit, pour régler le problème de maltraitance qu'il y avait eu : «Je vais mettre sur pied des visites d'appréciation de la qualité. Le temps est venu d'aller vérifier sur le terrain.» Et ça, c'est important parce que c'est en italique dans mon texte. Alors, de 2005 à 2010, il y a eu des visites d'appréciation de la qualité en RIRTF. Je ne vous parle pas de CHSLD de personnes âgées. Malheureusement, ces visites-là ont été diminuées d'année en année. Elles sont passées de, chaque année, 57, 28, 24, 19, 6, jusqu'à ne plus y en avoir.

Vous avez lu dans les médias à maintes reprises que le Protecteur du citoyen s'inquiétait de la cessation des visites, et nous, à l'AQRIPH, on est intervenus à plusieurs reprises auprès des ministres, auprès des médias pour demander, justement, de continuer les visites d'appréciation. Savez-vous pourquoi on le demandait? Parce que la revue de presse qu'on avait déposée au ministre Couillard lors du scandale de Saint-Charles-Borromée — parce qu'il n'y avait pas juste Saint-Charles-Borromée — bien, c'était ça, cette revue de presse là. Elle jaunit, mais elle est encore là, et ça, c'est la revue de presse de 2006 jusqu'à 2010.

Donc, les cas de négligence, de maltraitance envers les personnes handicapées continuent. Et nous, à l'AQRIPH, on a quand même fait des visites d'appréciation et on a vécu une situation jugée avec urgence d'agir. Alors, on est très inquiets pour une partie de notre clientèle. On n'est pas juste venus vous dire aujourd'hui que vous n'aviez pas identifié le bon moyen pour régler tout le problème de la maltraitance. On est venus vous dire pourquoi une politique sur la maltraitance réussirait là où les chartes ne réussissent pas, où les lois ne réussissent pas, et où les cadres ne réussissent pas, et où le Protecteur du citoyen revient à maintes reprises, la commission des droits, le commissaire aux plaintes, etc. Nous, ce qu'on vous dit, c'est que ça prend une action concrète.

Depuis presque 20 ans, l'AQRIPH demande un véritable régime de protection. Là, n'ayez pas peur du mot «régime de protection». Il fallait utiliser des mots, mais ça pourrait être quelque chose de très simple. Ce qu'on vous donne dans notre mémoire, par exemple, c'est deux exemples, là, qu'on pourrait s'inspirer pour établir un régime de protection au Québec, c'est l'Ontario et les États-Unis. Dans le fond, ce sont des intervenants qui ont un pouvoir d'entrer dans les résidences, un pouvoir d'avoir accès aux dossiers des personnes et qui... Cet intervenant-là a une indépendance. Nous, on trouve que ce régime de protection là, plus simple, serait vraiment de la prévention pour éviter qu'il y ait de la maltraitance dans les ressources intermédiaires et les ressources de type familial.

Vous avez vu qu'on termine notre mémoire avec un engagement de votre parti politique, qui a dit en 2014 que votre gouvernement allait poser une action concrète pour lutter contre la maltraitance. Pour nous, une action concrète, c'est une action sur le terrain. Accrocher dans des établissements je ne sais pas combien de dizaines et de dizaines de politiques qui vont être différentes, pour nous, ça pose problème et ce n'est pas une action concrète sur le terrain. On vous expliquera tantôt comment les gens connaissent dans les ressources... ou, plutôt, ne connaissent pas le commissaire local aux plaintes. Ce que M. Couillard dit en 2004 : «Ça prend des gens sur le terrain.» Alors, nous, ce qu'on vous dit, c'est qu'il faudrait revoir le titre de votre projet de loi. Vous avez appelé ça Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés, mais nous, on trouve qu'en proposant une politique vous êtes en train de parler d'une loi visant à réagir à la maltraitance. Si vous voulez lutter contre la maltraitance, il faut agir sur le terrain. Et, quand on veut savoir ce qui se passe sur le terrain, il faut y aller.

Alors, voilà pour...

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : C'est complété?

Mme Tremblay (Isabelle) : Oui, ça va.

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Merci beaucoup pour votre exposé. Alors, on va maintenant débuter la période des échanges. À vous, Mme la ministre.

Mme Charbonneau : Merci. Merci, Mme la Présidente. Mesdames, bonjour. J'entends bien votre réaction quand vous dites... D'après vous, à la lecture du projet de loi n° 115, vous ne voyez là qu'une réaction, vous ne voyez pas de prévention. Je vais le dire comme ça parce que c'est ce que j'ai compris de votre intervention. Par contre, dans le projet de loi, nous croyons mettre en place... Je vais dire «nous croyons» parce qu'on n'a pas la prétention d'avoir la vérité, là. Pour moi, c'est un très beau projet de loi, mais je n'ai pas la vérité. Donc, nous croyons mettre en place aussi un filet de sécurité et de prévention.

Je vous donne un exemple facile, les caméras. Les caméras, on pourrait penser que c'est juste une réaction, mais ça peut être aussi, d'après nous, une prévention. On y voit aussi, dans le comité sociojudiciaire, une forme de prévention parce qu'on peut accompagner un aîné qui a un doute, qui a un malaise face à une situation en disant : Je pense que je vis de la maltraitance, comme on met le comité en place si quelqu'un appelle et dit : Je crois que mon voisin, je crois que mon père, je crois que mon conjoint... Donc, le comité socio peut accompagner. Donc, pour moi, là, il y avait une prévention. Je m'étire un peu peut-être dans le principe de prévention, vous me corrigerez.

Je crois aussi qu'en ouvrant sur le secret professionnel entre un médecin et son patient, entre un psychologue et un patient, entre un professionnel et son patient qui dit : Je pense qu'il se passe quelque chose où il habite qui n'est pas correct, et lui donner la possibilité d'ouvrir sur cette interrogation-là, je trouve ça intéressant aussi.

Où, là, vous me touchez particulièrement sur le principe de la prévention — puis vous allez m'éclairer là-dessus — c'est plus sur le principe qui se veut qu'on a l'obligation ou pas l'obligation de divulguer une situation. Et vous l'avez bien dit au début — je pensais que vous vous en alliez vous prononcer là-dessus, mais je vais y aller pour voir votre réponse — quand vous avez dit : Nous autres, notre monde, là, il ne peut pas dénoncer. Puis vous avez raison parce que les gens que vous représentez sont en lien affectif, et c'est la même problématique, des fois, qu'on a chez nos aînés. Des fois, c'est un enfant. Des fois, c'est un parent. Des fois, c'est un conjoint qui fait de la maltraitance. Puis on se dit : Comment il fait pour bien dénoncer ou comment il va chercher de l'aide? Puis c'est pour ça qu'on se dit : On va mettre un filet de sécurité, mais on ne veut pas mettre une obligation pour toutes sortes de raisons que vous avez sûrement entendues.

Donc, dans ce principe-là, ma première question, c'est : Croyez-vous que ce qu'on met autour des gens en ce moment avec le projet de loi malgré le côté de son titre ou pas, là... On peut y aller, au titre, mais on va rester, moi, je pense, plus dans le contenu. Mais croyez-vous qu'on met là des bons outils pour faire de la prévention? Parce qu'on croit qu'on en fait aussi malgré le fait qu'on est aussi en interaction après que la personne ait annoncé qu'elle vit quelque chose. Et, de par la clientèle que vous représentez, même si je ne crois pas beaucoup les représenter dans le projet de loi, croyez-vous que de mettre en place la divulgation obligatoire ou non obligatoire, ça peut, de part et d'autre, là, une ou l'autre, plus aider ou pas plus aider le principe de soutien aux gens que vous représentez?

• (16 h 30) •

Mme Tremblay (Isabelle) : Je vais y aller sur deux éléments dans votre question. Premièrement, les caméras. N'oublions pas que les clients dont on vous parle aujourd'hui, ce sont des personnes qui sont hébergées dans des RI et des RTF. Ce sont, la plupart du temps, des maisons privées. Pour nous, la caméra ne peut pas être la panacée. C'est un moyen, mais ça ne peut pas être la panacée. J'écoutais Me Ménard qui disait : Dans un CHSLD, à partir du moment où on sait qu'il peut y avoir des caméras, ça peut être un moyen dissuasif. Oui, dans un CHSLD, mais comment voulez-vous que, discrètement, dans une résidence où il y a deux chambres, on mette une caméra puis que personne ne sache qu'elle est là? C'est plus difficile pour notre clientèle. D'ailleurs, on n'est pas dans les détails du projet de loi, mais on se retrouve des fois, mais pas toujours, hein, dans le texte, hein? Des fois, c'est ça. Donc, on est là parce qu'on est des personnes... parce que c'est des...

Mme Charbonneau : ...en situation de vulnérabilité.

Mme Tremblay (Isabelle) : Oui, en situation de vulnérabilité, mais c'est beaucoup personnes aînées. Bon. C'est des petits milieux. Et puis on sait que le Vérificateur général avait recommandé au ministère de «veiller à ce que l'ensemble des mesures de contrôle de la qualité permettent une surveillance suffisante et adéquate des ressources d'hébergement en considérant notamment la fréquence et la nature des contrôles effectués». Donc, pour nous, juste les caméras, et dans les milieux dont on vous parle, ça peut être un petit peu compliqué.

Divulgation. Ah, mon Dieu! Je vais vous exposer un cas qu'on a vécu à l'AQRIPH et que j'ai vécu personnellement. Marie, dans sa région, a participé aux visites d'appréciation de la qualité, qui avaient été mises sur pied par le ministre Couillard, et moi, en tant que représentante du national, j'ai fait partie des visites d'appréciation. Cinq visites dans cinq régions de plusieurs établissements, RIRTF, personnes déficiences physiques. Il y avait d'autres groupes qui faisaient la déficience intellectuelle. On a vécu en Outaouais une situation jugée inacceptable avec urgence d'agir. Ça, c'est des gros mots. Et ça, là, c'est quelque chose à vivre. Ça veut dire que, quand on est en Outaouais avec l'équipe ministérielle qui fait les visites, l'équipe ministérielle constate que les six personnes handicapées qui sont devant nous ont une atteinte grave à leur dignité et à leur intégrité, et urgence d'agir veut dire : Il faut téléphoner à la ministre, qui est à Québec, et c'est elle qui va autoriser, en fonction de ce qu'on va lui dire, 24 heures pour faire un plan à l'établissement.

Divulgation. J'y viens. On est l'équipe ministérielle, on rencontre individuellement les personnes handicapées, déficience physique, qui sont hébergées, qui ont entre 24 et 60 ans, toutes des personnes qui parlent comme vous et moi. Ça a pris une demi-heure avant que le pot aux roses sorte. Et, quand ça a sorti, les quatre personnes — normalement, c'est deux, on séparait les visites — les quatre personnes, on est allés dans la ressource, les quatre personnes, on a constaté l'état des lieux, et c'était désolant. D'ailleurs, si ces personnes-là, qui ont une déficience physique, ça leur a pris une demi-heure, il a fallu établir le lien de confiance avant que quelqu'un parle. Quand une personne a parlé, les cinq autres ont toutes reculé dans leur chaise. Alors, on y croit à la divulgation, mais ça a des limites aussi, puis on parle de la clientèle où il y a comme pas trop de monde non plus autour. Faire quelque chose en secret dans une résidence de type familial, c'est plus difficile. À partir du moment où le lien de confiance est établi... Bon, c'est sûr qu'il y en a un des usagers qui a tout de suite appelé à la résidence : L'équipe s'en vient, ils ont tout dénoncé. Bon, on ne peut pas tout changer dans une ressource dans l'espace d'une demi-heure, on a quand même pu constater, et il y a eu une urgence d'agir. Savez-vous — puis là je vais en profiter — ce que la directrice de l'établissement a répondu quand on lui a fait part de la situation à 6 heures, le soir? Ah! mais c'est tellement une petite partie de ma clientèle.

Moi, ici, là, j'ai un message à vous passer. Ça fait 12 ans de ça, hein, à peu près, cette phrase-là me hante encore. Je me dis, cette petite partie de clientèle là ne mérite pas d'être protégée? Il y en a combien au Québec qui font partie de cette petite clientèle là? Quand une directrice d'établissement nous a dit ça, là, moi, je vous le dis, là, ça fait 18 ans que je travaille à l'AQRIPH, que je défends les droits des personnes handicapées, et ça me hante encore.

Donc, la divulgation, c'est un moyen comme les caméras, mais on ne peut pas tout mettre là. Moi, je vous dis que les visites d'appréciation, ça nous a permis de sortir ces gens-là de la ressource, d'améliorer leurs conditions de vie, puis je veux juste vous dire en terminant... Puis le rapport, il est disponible. Je pourrai vous le laisser, vous pouvez l'avoir au ministère. Imaginez-vous...

Une voix : ...

Mme Tremblay (Isabelle) : ... — bien, je vous le laisserai tantôt — que ces gens-là dénonçaient à leur travailleuse sociale pendant des années : Trouve-nous une autre ressource, on ne veut plus rester là. Puis vous allez pouvoir voir dans le rapport toutes les atteintes à la dignité et à l'intégrité, puis il ne s'est jamais rien fait parce que c'était trop une petite clientèle pour qu'on s'en occupe.

Bien, pour moi, une personne, c'était une personne de trop, puis ce n'était pas plaisant, vivre ça. Donc, les visites d'appréciation sur le terrain, M. Couillard, il avait bien visé que c'est là que ça se passe puis que c'est là qu'on voit les choses. Nous autres, on ne veut pas que vous mettiez sur pied un système d'«advocacy», comme l'Ontario l'avait fait, avec une commission, et tout ça. Il existe des choses au Québec. La Commission des droits de la personne existe...

Une voix : Le Protecteur du citoyen.

Mme Tremblay (Isabelle) : ...le Protecteur du citoyen existe. Est-ce que ça pourrait être le Curateur public? Élargir des fonctions, quelque chose de simple, mais qui permettrait d'entrer de façon indépendante dans les résidences, comme on l'a fait. Puis ce n'est pas une question d'inspecter, c'est une question d'éviter la maltraitance, pas d'agir a posteriori, quand elle a eu lieu. C'est ça qu'on dit, que c'est avec des actions concrètes sur le terrain qu'on va pouvoir lutter contre la maltraitance, et non agir juste après.

Dans toutes les résidences RIRTF qu'on a visitées, dans toutes les régions, en déficience physique, qu'on a faites, personne, aucun usager ne connaissait le commissaire local aux plaintes, aucun. On a fait des interventions auprès de la ministre Dominique Vien de l'époque pour lui dire : Écoutez, on est cinq régions à avoir fait les visites d'appréciation, personne ne le connaît. C'est supposé être affiché comme va être censée être affichée votre politique sur la maltraitance, mais personne ne sait qu'il existe, personne ne sait à quoi il sert. Peu de gens connaissaient le protecteur des usagers aussi. Alors, pourquoi votre politique serait plus connue? Bien, on doute un petit peu du moyen puis on se dit : On a tellement des beaux écrits, qui connaît le cadre de référence sur les RIRTF? Pensez-vous que les usagers le connaissent aussi?

Est-ce qu'on a vraiment besoin d'un autre texte ou on a besoin d'avoir des yeux qui vont être sur le terrain? On s'est questionnés, hein — je suis allée vite dans ma présentation, mais là j'en profite — on s'est questionnés si ça pouvait être aussi le commissaire local aux plaintes, élargir les pouvoirs du commissaire local aux plaintes, mais on a un petit problème au niveau de l'indépendance du commissaire local aux plaintes aussi. Je vais en profiter, je vais devancer votre prochaine question, vous allez me la poser là-dessus probablement, mais on a constaté lors des visites d'appréciation et puis avec ce qu'on entendait sur le terrain, nos regroupements régionaux, que l'indépendance du commissaire local aux plaintes n'était pas toujours là. C'est souvent, souvent, très souvent une personne du réseau qui occupe ce poste-là et qui est très, très près du conseil d'administration de qui elle relève. Donc, nous, le mot «indépendant» est très important. Puis n'ayez pas peur, avec ce qu'on vous a mis dans le mémoire, hein, l'Advocacy Act et puis ce qui se passe aux États-Unis, retenez juste deux choses : pouvoir d'entrer et de consulter les dossiers avec l'indépendance.

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Il y a le député, je crois, D'Arcy-McGee qui avait une question à poser?

M. Birnbaum : ...

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Il reste près de cinq minutes.

M. Birnbaum : Merci. Merci, Mme la Présidente. Merci, Mmes Tremblay, Montplaisir et Couture, pour votre présentation. C'est très important, vous parlez d'une population d'une vulnérabilité accrue si je peux le dire comme ça. C'est évident qu'on parle d'une question qui nous touche tous, là, la maltraitance. Et là on parle d'une population ciblée qui est même plus vulnérable, et on est sensibles à la façon que vous nous avez sensibilisés aux particularités de cette cible-là.

En même temps, ce qu'on essaie de faire, c'est de bonifier des outils qui sont en place, et je veux vous inviter à nous parler un petit peu du rôle... Et, malheureusement, il n'y a pas toujours quelqu'un dans cette situation-là, mais du rôle du proche aidant avec cette population-là et, avec cette perspective-là, de nous parler de quelques-unes des mesures qu'on propose et si ça ne risque pas d'outiller le proche aidant pour agir un petit peu.

On a parlé tantôt, à titre d'exemple, du commissaire des plaintes, un rôle qui va être élargi, bonifié, dans un premier temps. Ils nous ont dit hier que le fait qu'ils soient rattachés, en quelque part, à un conseil d'administration n'atteint aucunement leur indépendance et, à l'appui de ça — je peux comprendre qu'on peut avoir des opinions différentes — ils nous ont parlé dans leur expérience de nombre de recommandations où il y a eu suites, et c'était quasiment 100 %.

Alors, je vous invite de vous prononcer sur quelques-unes des mesures qu'on propose, le rôle accru du commissaire, l'idée de modifier le secret professionnel — même si on parle des petites résidences, souvent, il y a plus qu'un employé — l'idée qu'il serait invité à signaler des choses. S'il y a deux employés, un peut signaler l'autre. On constate que vous avez des difficultés avec ce qu'on propose, mais, comme ils disent, surtout avec l'idée de voir si on risque d'outiller les proches aidants à intervenir au nom de la personne vulnérable, voyez-vous des choses dans le projet de loi qui risquent d'améliorer la situation?

• (16 h 40) •

Mme Tremblay (Isabelle) : Écoutez, vous parlez de bonifier les textes qui existent déjà. Je voudrais vous faire une référence à une enquête systémique qui a été faite par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse en 2001 sur l'exploitation des personnes âgées, et la conclusion à laquelle en était venue la commission, c'était de dire : Est-ce que les personnes âgées ont besoin d'une loi pour assurer leur protection? Et la commission avait dit : Non, ce qu'on a comme charte, ce qu'on a comme loi, ce qu'on a comme cadre, c'est suffisant, le problème est dans l'application. Est-ce qu'on a vraiment besoin d'un autre document?

Nous, à l'AQRIPH, on se questionne beaucoup. D'ailleurs, dans le mémoire, il a fallu qu'on lise et qu'on relise pour essayer de comprendre. Il va y en avoir combien, des politiques de maltraitance? Est-ce qu'il va y en avoir autant qu'il va y avoir d'établissements? Qui va contrôler si la politique élaborée par je ne sais pas combien de dizaines d'établissements au Québec va correspondre aux dispositions prévues dans la loi au niveau du contenu? De qui va relever la politique? On a compris que ça pouvait être le ministre de la Santé, peut-être la ministre des Aînés. Nous, on a des personnes handicapées comme clientèle. Donc, est-ce qu'on a vraiment besoin d'un autre document au Québec? Nous, on a des grosses, grosses réserves là-dessus, on se dit qu'on en a tellement, des beaux documents.

D'ailleurs, on aurait besoin juste d'un article, puis tout pourrait super bien aller au Québec, c'est l'article 3 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, hein? Toutes les personnes ont droit de recevoir des services de santé en réponse à leurs besoins et dans le respect de leur dignité, etc. J'aimerais passer la parole à Pauline concernant ce que ça pourrait apporter aux familles de plus d'avoir une politique.

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Rapidement, parce qu'il reste à peine 20 secondes.

Mme Couture (Pauline) : O.K. Bien, ce ne sera pas long. Vous parliez, monsieur...

Une voix : ...

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : O.K. On va pouvoir le prendre sur le temps de l'opposition officielle.

Mme Couture (Pauline) : O.K. Vous parliez des proches aidants. En fait, les personnes handicapées adultes qui vivent dans les résidences intermédiaires ou résidences de type familial, bon, la plupart, là, ont des familles, mais leurs familles proches, les parents naturels... Par exemple, la personne est placée en RI ou RTF, il existe des familles, mais les personnes sont adultes, peuvent avoir 30 ans, 40 ans, 20 ans, 50 ans, les familles sont vieillissantes. Puis, bon, au début, ce n'est pas nécessairement... ce sont des familles naturelles qui restent en contact avec leur enfant, peu importe l'âge, mais ils sont aussi dépendants de la situation. C'est-à-dire que, s'ils vont signaler ou porter plainte, leur enfant risque, éventuellement, de perdre son milieu de résidence ou... En tout cas, les familles, en vieillissant, deviennent aussi comme dépendantes, aussi, de la situation. Donc, difficile pour elles de signaler parce qu'elles ne sont pas en mesure de recevoir la personne chez elles.

Donc, il y a cet élément-là de proches aidants. Au niveau des RI et RTF, il n'y en a pas vraiment. Les personnes qui vivent dans ces résidences-là, dans ces milieux-là, auraient besoin d'accompagnement, mais indépendant, en dehors des personnes qui ont signé les contrats vraiment pour les protéger, pour parler en leur nom, parce qu'ils ne sont pas toujours en mesure de s'exprimer ou de défendre leurs droits. Donc, c'est pour ça que les familles ne sont pas toujours en mesure... Je ne suis pas en train de dire non plus que ça va mal dans toutes les RI, les RTF, il y en a des extraordinaires, mais dans des situations de maltraitance...

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : La parole est au député de Rimouski.

M. LeBel : Merci. Bonjour. Les gens des RI, tantôt, nous disaient : Il y a aussi un manque de ressources, là, puis ils attendent après un règlement d'une entente pour leur financement, la formation, puis ça fait presque deux ans qu'ils sont en négociation, puis ça n'aboutit pas. Il y a ces réalités-là aussi.

Tantôt, quelqu'un, je pense, avant vous, disait : Vous êtes des législateurs, votre rôle, c'est de s'assurer que les droits des personnes soient respectés. Ce n'était pas mauvais de nous le redire parce que c'est vrai. Effectivement, si les droits de chacun étaient bien respectés, on n'aurait pas besoin de tout ça. Mais, malgré tout, ici, on veut, tout le monde, collaborer pour le projet de loi. Le projet de loi donne un signal, puis il faut trouver une façon de l'améliorer, là, il y a des choses qu'il faut faire. Mais il donne un signal juste depuis deux jours. Qu'on fasse le débat, moi, je trouve que c'est intéressant de faire ce débat-là, et ça prouve que, la société, qu'on s'inquiète de ça et qu'il y a un débat à faire, qu'il y a une réalité qui existe qu'on ne veut pas se cacher.

La volonté de tout le monde ici, c'est de ne rien laisser passer, de ne pas laisser passer de la maltraitance à personne, puis est-ce qu'on peut se donner les outils pour ne rien laisser passer? On essaie de voir chacun... Là, il y a plein de technicalités, il y a plein de choses. Moi, j'amène souvent aussi le débat de fond. Tu sais, on peut bien se donner des outils, un circuit de plaintes, et tout ça, mais, si, d'un autre côté, on coupe dans la santé puis on coupe dans les services, bien, ce n'est pas bien, bien d'avance, comme dirait l'autre.

Ça fait que le défi pour nous autres, là, c'est de trouver un projet de loi qui donne un signal fort puis que ça soit clair, mais efficace. Tu sais, il ne faut pas arriver, comme envoyer ça, puis se retrouver dans deux ou trois ans, puis on s'aperçoit que ça n'a rien changé, là. Ça fait qu'il faut que ça soit clair et efficace, puis il faut arrêter de complexifier les affaires. Ce que vous dites là-dedans, c'est qu'on complexifie beaucoup. Il y a déjà beaucoup de choses qui existent. Vous arrivez à une conclusion assez simple, mais qui serait efficace. Dans le fond, ce que vous dites, s'il y avait un ombudsman par région qui pouvait enquêter, pouvait débarquer partout, ça réglerait le problème. C'est un peu ça que vous nous dites, mais comment vous voyez la... comment ça s'organiserait, ça? Vous avez des regroupements régionaux, vous connaissez vraiment le terrain, là, chaque région. Comment ça pourrait s'articuler? Ça serait quelqu'un de lié à... Tu sais, vous avez parlé de l'exemple de l'Ontario puis les États-Unis, mais comment, au Québec, ça pourrait se mettre en place?

Mme Montplaisir (Marie) : Bien, ça pourrait peut-être être rattaché à la Commission des droits de la personne ou au protecteur, comme on en a parlé, comme d'autres en ont parlé dans leurs mémoires. L'important, c'est qu'il y ait des interventions dans le milieu de vie des personnes handicapées. Et — comment je vous dirais ça? — quand on écoutait les personnes de la Commission des droits de la personne, ils disaient qu'il y avait des équipes d'intervention plus pour les personnes âgées. Nous, on le voit un peu dans ce sens-là, des interventions directes sur le terrain. Parce que les instances qu'on a, ce sont des instances qui agissent, un coup que la maltraitance a eu lieu, et nous... Alors, un coup que le commissaire va s'occuper de la plainte, s'il n'est pas capable de la régler, il va l'envoyer au Protecteur du citoyen, il va l'envoyer à la Commission des droits de la personne. Ils nous ont dit qu'ils ont un mécanisme, mais la maltraitance a déjà eu lieu.

Alors, nous, on voudrait y aller en prévention, on voudrait que les gens puissent recevoir des visites de gens qui peuvent en discuter avec eux parce que, quand on regarde les plaintes qui se sont rendues au Protecteur du citoyen, ces plaintes-là étaient beaucoup sur l'organisation des services, qui était déficiente. Vous savez que les RIRTF signent des contrats avec les établissements, avec des contrats sur la nourriture, sur l'encadrement des soins, etc. Et c'est là que le bât blesse souvent, et la maltraitance va beaucoup se faire sur la qualité de la nourriture, sur toute la qualité de l'intervention, sur la formation du personnel. Parce qu'il y a des RIRTF, surtout les RI, qui sont plus spécialisés dans les troubles de comportement, les gens qui ont des pertes cognitives, des troubles, des personnes multi handicapées, et toutes les plaintes se sont ramassées au Protecteur du citoyen. Les recommandations du protecteur étaient à l'effet que les CSSS de l'époque ou les agences devaient, selon leurs compétences, avoir un resserrement du contrôle de la qualité des services pour éviter les situations de maltraitance.

Alors, nous autres, on se dit : Bon, bien, si c'est autour... C'est sûr que le commissaire aux plaintes, lui, il fait souvent ses recommandations sur l'organisation des services. Moi, quand je rencontre des parents de personnes handicapées, ils se disent : Bien, des fois, nous autres, tu sais, on reçoit la lettre de réponse, qui nous dit : Il n'y a pas eu de faute professionnelle, donc votre plainte est irrecevable. Il n'y a pas eu de faute professionnelle, mais, des fois, c'est autre chose, là, tu sais. Donc, c'est pour ça qu'on se disait : S'il y avait quelqu'un qui pouvait entrer, et prévenir, et inciter la personne à communiquer ce qu'elle vit, surtout dans de plus petits milieux comme ça, des milieux plus familiaux, ça pourrait être intéressant.

Toute la mécanique, là, bien, c'est sûr qu'on ne s'est pas rendus là, tu sais, on s'est dit : Bon, il y a déjà les CAAP. Nous, les organismes de défense de droits, mais on n'a pas de pouvoir d'entrer. Vous savez qu'il y a des RI, des RTF où on a vu des plaintes où les gens n'avaient pas le droit de recevoir de visites entre telle heure et telle heure, pas le droit de recevoir des visites durant le temps des repas, mais souvent, c'est là qu'on aurait besoin de voir des choses. Ça fait que, tu sais, on n'a pas le pouvoir d'entrer, on n'a pas le pouvoir non plus... On peut accompagner les personnes à leur demande, mais il faut toujours bien qu'ils puissent nous appeler pour nous le demander, tu sais. Alors, des fois, ce n'est pas possible.

M. LeBel : C'est parce que la chaire de recherche avait fait l'inventaire des mécanismes qui permettent d'avoir... Dans les RI, ce que je vois, il y a un mécanisme, là, de visites d'appréciation de la qualité. Est-ce que c'est...

Mme Montplaisir (Marie) : On l'a fait. Moi, j'ai participé à une visite d'appréciation de la qualité dans quelques ressources intermédiaires et RTF, oui, mais c'est organisé par le ministère, là, ce n'est pas, tu sais... Et nous, comme organisme communautaire, on nous incluait, on nous donnait une formation et on se rendait, avec l'équipe ministérielle, faire les visites, et pouvoir...

M. LeBel : Mais, ce que vous proposez, c'est une coche de plus, ça serait...

• (16 h 50) •

Mme Montplaisir (Marie) : Bien, les deux. Moi, je pense que les visites, c'est très intéressant parce qu'à ce moment-là le ministère est là aussi, puis, tu sais, là, on est tous là pour voir les choses. Et on a vu de très belles choses, hein, on a vu des... mais on a vu des choses, c'est sûr, on a vu des... Mais, tu sais, on propose, oui, les visites puis le pouvoir aussi d'entrer sans être dans une grosse organisation de visites ministérielles. Mais on propose qu'il y aurait un genre d'ombudsman, mais que la personne handicapée soit consentante ou que son curateur ou son... soit consentant aussi, là. Alors, ça ne se fait pas, là...

M. LeBel : Mais vous mettriez sur les visites, là... Votre expérience des dernières années, est-ce que le ministère fait les mêmes visites à chaque année? C'est le même nombre à peu près ou...

Mme Montplaisir (Marie) : ...on n'est plus invités, en tout cas.

Une voix : Depuis 2009.

Mme Montplaisir (Marie) : On les a faites en 2009, nous.

Mme Tremblay (Isabelle) : Ça a arrêté en 2010 en déficience physique. Si les visites ont été reprises, on n'est pas au courant. Pas parce qu'on ne les a pas demandées, là, mais on nous disait... On nous a longtemps répondu, et le ministère de la Santé a répondu aussi au Protecteur du citoyen : C'est parce qu'on est en train de réviser l'accréditation des ressources. Le projet de loi n° 49, là, on travaille là-dessus, ça fait qu'après on va reprendre les visites, reprendre les visites. Si elles sont reprises, on n'est pas au courant, et Dieu sait si, à chaque année, le Protecteur du citoyen réitérait que les visites devraient être reprises. Et, si elles ont été reprises, on n'est pas au courant puis on n'est surtout pas sollicités pour y participer. Parce que c'était quand même un...

M. LeBel : Je comprends la différence avec ce que vous proposez.

Mme Montplaisir (Marie) : Oui, c'est deux choses, mais on espère que les visites vont continuer aussi.

Mme Tremblay (Isabelle) : Mais on vous a donné quand même un indice, là, sans tout canner, que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse serait un organisme indépendant qui pourrait exercer ce rôle-là. Appelez-le comme vous voulez, mais il faut que ça soit simple, là.

Une voix : Simple et indépendant.

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Je vais maintenant donner parole au député de Lévis, du deuxième groupe d'opposition.

M. Paradis (Lévis) : Merci, Mme la Présidente. Mesdames, merci d'être là. Vous dites 2009, la dernière fois que vous avez participé?

Une voix : ...

M. Paradis (Lévis) : Oui, je parle de... Puis, depuis ce temps-là, vous n'avez plus eu de nouvelles, puis on est en 2017. On vous dit qu'on est en train de réviser des choses, mais faisons le calcul...

Des voix : ...

M. Paradis (Lévis) : Mais c'est sept ans, tu sais, ça fait à peu près sept ans, là, et plus ou moins, où vous dites : Il me semble qu'en principe on aurait dû continuer au bénéfice des gens qui sont là pour voir ce qui se passe également. Puis, encore une fois, je pense que vous amenez un élément qui est important quand vous dites : Il y a visites puis visites. Tu sais, une visite annoncée, on arrive en autobus, là, puis ce n'est pas la même chose que d'arriver à l'improviste puis d'être en mesure de constater aussi et de discuter avec les usagers. Vous faites, je présume, cette différence-là dans la façon aussi de rencontrer et les usagers que vous représentez, et les directions, et le personnel.

Mme Tremblay (Isabelle) : Mais vous savez que les visites en RI et RTF, c'est ça, comme je vous expliquais dans ma présentation. Puis les chiffres sont dans le mémoire avec la source, c'est que de 2005, lorsque le ministre Couillard les avait mises sur pied... il y en a quand même eu plusieurs. Il y en a eu beaucoup en CHSLD aussi. On est partis de 57 à 6 en 2010, puis après c'était terminé.

Mais que les visites soient annoncées ou pas, nous, on ne veut pas que les gens soient perçus comme des inspecteurs et puis qu'ils débarquent n'importe quand dans les ressources. Là, ce n'est pas ça qu'on veut parce qu'on n'a pas besoin de ne pas s'annoncer pour constater des choses. Parce que, quand on faisait les visites d'appréciation avec le ministère, la ressource était avisée. Il fallait organiser le transport des personnes, le transport adapté, il y avait quand même une organisation. Il fallait que l'établissement soit disponible. Il fallait qu'on puisse rencontrer les personnes, les familles. On rencontrait les familles aussi. Et, malgré que les gens étaient avisés, bien, on a vu une situation jugée inacceptable. On ne redéfait pas un milieu de vie au complet en 48 heures. C'est comme ça que ça fonctionne dans la ressource, bien, c'est ça qu'on a vu.

Il y a des choses un petit peu plus anodines aussi. On est allés dans une ressource intermédiaire où c'était écrit : Lavez les planchers comme il faut sur le babillard, les inspecteurs débarquent demain. Bon, écoutez, mais moi aussi, je lave mes planchers comme il faut quand je sais que j'ai de la visite qui vient demain, là. Donc, je pense qu'on n'a pas besoin de faire quelque chose qui va être tranché, et on débarque, puis c'est à l'improviste, puis on a l'huissier en arrière de nous autres au cas où ça ne va pas bien. Ce n'est pas ça qu'on demande, pas du tout, c'est de la prévention. Ce qu'on vous dit, c'est que les personnes qu'on représente ont le droit d'être protégées d'abord, pas d'être signalées. On voudrait que vous agissiez au niveau de la prévention, puis qu'on n'a pas besoin d'un texte supplémentaire, on en a tellement des beaux au Québec.

M. Paradis (Lévis) : C'est sûr qu'au niveau de l'information et de la prévention, du suivi, du canal efficace lorsqu'on constate des choses, il faut absolument que ça fonctionne, sinon ce n'est voué à rien.

Vous avez dit un chiffre au début, j'aimerais que vous le rappeliez parce qu'on n'en parle pas souvent. Puis là moi, j'ai compris le chiffre 3 770 ou à peu près, et j'ai compris que c'était de jeunes adultes — est-ce que je me trompe? — en CHSLD.

Une voix : Exact.

Une voix : Oui, de moins de 65 ans.

Une voix : De moins de 65 ans, oui.

M. Paradis (Lévis) : De moins de 60 ans. J'aimerais vous entendre parce que vous savez que c'est une problématique, on est questionnés beaucoup là-dessus. En tout cas, moi, il y a des gens qui me questionnent là-dessus, puis, je veux dire... Puis vous avez peut-être vu hier aussi... bien, cette semaine, avec le Conseil pour la protection des malades, M. Pilote, qui dit : Moi, j'ai 54 ans, ce n'est pas ma place, puis M. Marcotte, à 43 ans, qui a plaidé pour avoir trois douches, parce que lui, il dit : Regarde, j'ai de la sclérose en plaques, ce n'est pas ma place. Puis là vous dites : Il y en a 3 770. Mais ce n'est pas rien. Puis, quand on est allés visiter des CHSLD, dans le cadre de la mission qu'on s'était donnée, la Commission de la santé et des services sociaux, non partisane comme démarche, on s'est aussi fait dire par des gens : Vous savez, la clientèle, là, puis le portrait d'aujourd'hui, c'est qu'il arrive des gens, puis ce n'est pas le même profil, ce n'est pas le même... Parlez-moi de ça, c'est majeur.

Mme Tremblay (Isabelle) : C'est très important. C'est, effectivement, près de 4 000 personnes handicapées hébergées en CHSLD qui sont trop jeunes et qui ne sont pas dans le bon milieu. Par contre, le Québec est imaginatif. Les régions, certaines régions ont fait des choses extraordinaires pour cette clientèle-là, pour qui on n'avait pas d'autre endroit où elles pouvaient être hébergées, et puis je vais laisser Marie vous présenter le projet qui a été fait dans sa région.

Une voix : ...

Mme Montplaisir (Marie) : Bien, on a eu un projet dans la région Richelieu-Yamaska où on a sensibilisé notre CHSLD à cette problématique-là, on a eu une très belle collaboration. On a travaillé sur un projet, d'abord de réunir ces gens-là peut-être dans une aile plus spécifique s'ils veulent. Alors, on n'a obligé personne. Les gens qui étaient déjà installés, on leur a donné le choix soit de participer à la réorganisation ou de rester dans leur chambre. Par la suite, on a essayé de travailler sur toute la programmation des loisirs, des activités. Donc, tout le service des loisirs, les sortes, s'ils veulent aller écouter une game de hockey durant les éliminatoires à la Cage aux Sports, il y a possibilité. Donc, on leur propose un type d'activité qui est différent de gens en CHSLD qui vont... Après ça, on a tout essayé de retravailler — c'était déjà débuté — sur toute l'alimentation. Parce qu'un homme de 40 ans, même s'il est lourdement handicapé, manger des petites crêpes le soir, il va avoir faim à 10 heures, là, tu sais. Ça fait que...

M. Paradis (Lévis) : Ce que vous dites, c'est important. Je m'excuse, mais, en même temps, tu sais, je vais me faire dire... Puis ma dernière question, personne ne va pouvoir y répondre. Ça fait que je vais essayer de la...

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Il reste une minute.

M. Paradis (Lévis) : Il me reste une minute. Je salue ça, ce que vous dites là. Je salue ça, mais, en même temps, il y a des endroits où on ne peut pas faire ça. Puis ce que je veux savoir de votre part, parce que vous êtes là pour le bien-être de ceux que vous représentez, de ces 3 770, est-ce qu'on peut convenir qu'il y a des gens qui n'ont pas d'affaire là, auxquels on devrait trouver d'autres places?

Mme Montplaisir (Marie) : Oui, puis on a travaillé en amont aussi. On a travaillé avec des gens du CLSC à l'époque du CSSS qui ont essayé de bonifier les services de soutien à domicile, on a travaillé là-dessus. On a travaillé aussi à essayer de mettre sur pied des résidences intermédiaires plus spécialisées. On a des milieux d'hébergement où on va très loin dans la prestation de services, et c'est la dernière partie où les gens se retrouvent en CHSLD.

M. Paradis (Lévis) : ...job à faire, puis, de la façon dont vous dites ça, là, c'est beau, là, il y en a plus de problèmes. Moi, j'en vois, des problèmes.

Mme Montplaisir (Marie) : Non, non, non, il y en a. Il y en a beaucoup, mais on essaie... Tu sais, la solution, elle n'est pas juste à organiser dans le CHSLD. La solution, elle est de travailler aussi avant et d'être imaginatifs. Il y a des ressources intermédiaires qui peuvent être assez spécialisées, et c'est de les créer, d'avoir le financement. Il y a des personnes qui se retrouvent en CHSLD simplement parce qu'elles ont besoin d'être tournées la nuit...

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Le temps est maintenant complété.

Mme Montplaisir (Marie) : ...puis il n'y a personne pour le faire.

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Merci beaucoup, Mme Montplaisir, Mme Tremblay, Mme Couture. Merci beaucoup de votre présence ici, votre participation aux travaux.

Nous allons maintenant prendre une pause, suspendre la session et laisser le temps à l'autre groupe de s'installer.

(Suspension de la séance à 16 h 59)

(Reprise à 17 h 3)

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Alors, bonjour. Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de l'Association des retraités de l'éducation et des autres services publics du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Ensuite, nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Alors, je vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé.

Association des retraitées et retraités de l'éducation et des
autres services publics du Québec (AREQ-CSQ)

M. Côté (Pierre-Paul) : Alors, bonjour à toutes et à tous. Permettez-moi, d'abord, de nous présenter. Je suis Pierre-Paul Côté, le président de l'AREQ. À ma gauche, Mme Nicole Gagnon, qui est membre du conseil exécutif de l'AREQ national, et, à ma droite, Mme Ginette Plamondon, qui est conseillère aux dossiers sociopolitiques et à la condition des femmes. Vous voyez, je suis bien entouré, là.

Alors, l'AREQ, c'est l'Association des retraités de l'éducation et des autres services publics du Québec. Elle compte plus de 58 000 membres dont la moyenne d'âge est de 68 ans. Les deux tiers sont des femmes. Notre association regroupe sur une base volontaire des personnes retraitées de la Centrale des syndicats du Québec.

Au sein de l'AREQ, on compte 10 régions, 88 secteurs qui se sont dotés de nombreux comités de travail touchant une multitude de sujets comme les soins de santé, l'hébergement des personnes aînées, l'âgisme, la protection du pouvoir d'achat et l'environnement.

Depuis de nombreuses années, à l'AREQ, nous militons pour faire en sorte qu'aucun aîné, homme ou femme, autonome ou non, ne subisse de la maltraitance. Nous sommes convaincus que c'est toute la société qui est interpellée pour assurer aux aînés des conditions de vie qui les protégeront de ce type de traitement. Le projet de loi semble s'inscrire dans cette vision.

En outre, nous reconnaissons les efforts consentis par le gouvernement au cours des dernières années pour lutter contre la maltraitance. Néanmoins, nous savons qu'il subsiste toujours un nombre élevé de personnes aînées qui connaissent une forme ou une autre de maltraitance. C'est pourquoi nous espérons que le projet de loi n° 115 contribue à poursuivre la lutte contre la maltraitance des aînés.

Dans notre mémoire, nous insistons sur différents enjeux soulevés par les dispositions du projet de loi en rappelant que, pour l'AREQ, le respect de l'autonomie décisionnelle des aînés et la protection des personnes vulnérables doivent guider nos positions et nos interventions. Pour nous, il est essentiel d'éviter tout amalgame entre vieillissement et vulnérabilité. Le fait de prendre de l'âge ne signifie pas automatiquement qu'une personne devienne vulnérable.

Nous voulons attirer l'attention sur le fait que les femmes et les hommes aînés ne sont pas égaux devant la maltraitance. Ce constat est corroboré par diverses sources qui constatent que les femmes aînées sont plus nombreuses que les hommes aînés à être victimes de maltraitance. Il faut donc tenir compte des différences à l'égard de l'actuel projet de loi.

Le projet de loi n° 115 vise à faciliter le dépôt de plaintes pour maltraitance aux instances concernées. Nous appuyons cet objectif. Toutefois, nous sommes convaincus qu'il sera difficilement atteint dans l'état actuel de sensibilisation relative à la maltraitance. Il nous apparaît essentiel de mener une large campagne d'information et de sensibilisation sur la maltraitance et l'âgisme. Des actions spécifiques doivent être dirigées vers les personnes aînées elles-mêmes. Une campagne de sensibilisation destinée au grand public doit également avoir lieu.

Par ailleurs, au regard des politiques en matière de maltraitance que devront développer les établissements, nous recommandons que la maltraitance organisationnelle soit intégrée au même titre que les autres formes déjà connues. La reconnaissance de cette forme de maltraitance est devenue une nécessité. Elle permet de cibler une des formes de maltraitance parmi les plus courantes et qui, malheureusement, nous semblent de plus en plus banalisées. D'ailleurs, nous considérons que la détérioration des conditions de vie observée dans plusieurs milieux d'hébergement — on ne dit pas tous, là, plusieurs — peut être qualifiée de maltraitance organisationnelle et nous la dénonçons.

Nous comprenons également que la politique sur la maltraitance que nous devrons adopter et mettre en oeuvre... les établissements visera toute personne vulnérable, peu importe son âge. Nous sommes ouverts à ce que toute personne maltraitée obtienne le soutien et l'accompagnement requis. Toutefois, nous insistons sur l'importance que la réalité spécifique des personnes aînées soit prise en considération.

Nous accueillons de façon positive les dispositions du projet de loi qui obligent l'adoption d'une politique en matière de maltraitance à l'intention des personnes vulnérables par les établissements, incluant les services à domicile. Nous souhaitons toutefois que cette nouvelle obligation légale soit étendue aux entreprises d'économie sociale en aide domestique, aux organismes communautaires pour aînés ainsi qu'aux entreprises privées, qui sont de plus en plus nombreuses à offrir des services à domicile à des personnes aînées.

Cela dit, le projet de loi ne fait aucune mention de l'ajout de ressources à l'intention des établissements pour les soutenir dans l'élaboration et la mise en oeuvre de la politique sur la maltraitance. Nous déplorons cette situation. Aussi intéressante soit cette proposition, nous croyons qu'une telle politique demeurera lettre morte si les établissements ne reçoivent pas des ressources supplémentaires.

Nous formulons la même inquiétude en ce qui concerne le commissaire aux plaintes. Il est probable que le nombre de cas de maltraitance soumis à son attention augmente significativement. En conséquence, nous croyons que des ressources supplémentaires devront également lui être accordées afin qu'il soit en mesure d'offrir des services de qualité à toutes les personnes qui déposeraient une plainte. De plus, les ressources devraient être prévues à l'intention des organismes communautaires aînés ainsi que des entreprises d'économie sociale en aide domestique afin de les soutenir dans l'élaboration et la mise en oeuvre de leurs politiques en matière de maltraitance.

Par ailleurs, le projet de loi prévoit la révision de la politique sur la maltraitance par l'établissement tous les cinq ans. Nous accueillons positivement cette obligation. Toutefois, nous croyons que le délai devrait être de trois ans pour une première mise à jour et de cinq ans par la suite. Un délai plus court nous semble nécessaire pour apporter les ajustements requis au début de l'implantation d'une politique.

• (17 h 10) •

En ce qui a trait au dépôt de plaintes, nous désirons rappeler qu'il s'agit d'un geste extrêmement difficile à poser. Dans ce contexte, nous croyons qu'il est essentiel que l'aîné puisse obtenir le soutien d'une personne professionnelle qui l'accompagnera tout au long du processus qui précède et qui suit le dépôt de la plainte. Les centres d'assistance d'accompagnement aux plaintes, les CAAP, qu'on appelle communément, nous semblent les plus aptes à jouer ce rôle. Présents dans toutes les régions, les CAAP accompagnent et assistent gratuitement et de manière confidentielle une personne plaignante. Ils possèdent l'expertise requise pour soutenir un — ou une — aîné maltraité. Leur personnel est neutre et il est indépendant des établissements, ce qui leur permet d'accompagner la personne plaignante sans aucune contrainte ou crainte de représailles, au contraire des comités d'usagers ou de résidents, qui se trouvent directement dans les locaux des établissements et qui entretiennent des liens étroits avec le personnel.

Par ailleurs, comme la maltraitance prend plusieurs formes, se manifeste de différentes manières, la prévention et le traitement de plaintes impliquent le recours à de nombreux intervenants dans différents champs d'activité. Une approche intersectorielle alliant les connaissances et les compétences de spécialistes de diverses disciplines permettra, selon nous, de s'attaquer plus efficacement au problème.

Dans notre mémoire, nous exprimons également une certaine ouverture à recourir à des moyens de surveillance comme les caméras vidéo. Du même souffle, nous souhaitons la tenue d'un véritable débat public sur l'utilisation de cet outil qui doit être strictement encadré pour éviter des dérives qui porteraient atteinte à la dignité et à l'intimité des aînés. Ainsi, pour l'AREQ, toute réflexion sur l'utilisation de caméras, d'abord et avant tout, doit permettre d'assurer le respect de l'intimité et de la dignité des personnes concernées. Sans cette assurance, nous ne pourrions cautionner le recours à de tels moyens de surveillance.

Enfin, en raison du devoir qui incombe à notre société de protéger tous ses membres, nous croyons que le personnel d'un établissement de la santé et des services sociaux devrait être contraint de signaler toute situation de maltraitance à l'égard des personnes vulnérables. Néanmoins, à notre avis, cette question doit être abordée avec des nuances. Toute intervention dans ce domaine doit être guidée par la recherche d'un équilibre entre la protection d'une personne aînée vulnérable et le respect de son autonomie décisionnelle.

Ainsi, la protection que mérite toute personne aînée doit être reconnue dans la législation québécoise. En obligeant le signalement d'une situation de maltraitance que subit un aîné vulnérable, le législateur québécois participera à la construction d'une société où les aînés recevront respect et dignité. L'enjeu est différent lorsque la personne aînée maltraitée est considérée autonome et apte à demander et obtenir de l'aide si elle le souhaite. Dans un tel contexte, la décision de porter plainte ou non doit lui appartenir entièrement.

En résumé, l'AREQ accueille avec satisfaction le désir du gouvernement de se doter de mécanismes supplémentaires pour prévenir et lutter contre la maltraitance dont les victimes sont des personnes aînées. En même temps, nous affirmons que le respect de l'autonomie décisionnelle constitue la pierre d'assise qui doit guider les interventions gouvernementales. Le fait de prendre de l'âge ne doit en aucun cas être perçu comme une restriction à l'autodétermination des aînés.

Plusieurs mécanismes prévus au projet de loi contiennent des outils intéressants. Toutefois, nous sommes convaincus que ces efforts seront vains si des ressources humaines et financières ne sont pas au rendez-vous. Le gouvernement doit passer de la parole aux actes et donner les moyens nécessaires aux intervenants concernés — j'achève, il me reste quatre lignes.

La lutte à la maltraitance constitue un défi que toute la société doit relever. L'atteinte des objectifs du projet de loi nécessite une mobilisation de tous et de toutes pour arriver à mettre un terme à ce fléau qui prive les aînés du respect et de la dignité qui leur sont dus. Alors, merci de votre écoute.

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Merci, M. Côté, pour votre exposé. Alors, nous allons maintenant débuter la période des échanges. Au tour de la ministre. À vous la parole.

Mme Charbonneau : Merci, Mme la Présidente. Bonjour. C'est la première fois qu'on se voit cette année. Donc, M. le président, mesdames, ça me fait plaisir de vous voir. Et merci de participer à cette table qui se veut ouverte à toute suggestion par rapport au dépôt d'un projet de loi. Donc, merci d'être avec nous aujourd'hui.

Ma question va vous sembler étrange, mais, vous allez voir, je vais l'entourer un petit peu. Vous nous avez dit dès le départ que vous avez fondamentalement une croyance, hein, une conviction sur l'autodétermination des gens. Ça, je vous ai entendus à plus qu'une reprise dire : Il faut le considérer parce que... Et on s'amuse toujours avec le principe aîné, parce qu'un aîné c'est quelqu'un qui, dans sa tête, est rendu là. Parce que, souvent, je rencontre des gens qu'on pourrait qualifier comme aînés qui me disent : Moi, je ne suis pas un aîné, je suis une personne de tel âge, mais je ne suis pas un aîné. Parce qu'être un aîné ça peut avoir un regard négatif. Alors, depuis le début de la commission, je m'amuse puis je dis qu'un aîné c'est quelqu'un de 18 ans et plus mais depuis plus longtemps que les autres. Ça donne une image différente.

Donc, l'autodétermination, oui, mais, dans le projet de loi, il y a deux sujets qui touchent l'autodétermination. Le premier, la divulgation obligatoire ou non d'actes posés sur une personne ou le doute qu'on a sur un acte posé sur quelqu'un, un proche ou quelque chose comme ça. Dans le projet de loi, on a choisi d'y aller de deux façons : la première, quelqu'un qui reçoit des services en santé, hein, vous l'avez vu, vous l'avez bien signifié; et puis le dernier axe, le comité sociojudiciaire, qui, lui, prend en compte quelqu'un qui est complètement à l'extérieur du système de la santé, qui est chez lui puis qui peut avoir de la maltraitance financière, physique ou autre, mais qui n'est pas à l'intérieur du système de la santé. Donc, quelqu'un appelle, dit : Je crois que, et là se met en branle tout un système alentour de l'aîné.

Mais vous, vous faites une distinction que nous, on n'a pas faite. C'est-à-dire qu'on a choisi de construire le projet de loi en disant : C'est un projet de loi pour lutter contre la maltraitance envers les personnes aînées, mais, puisqu'on parle de gens qui reçoivent des services — puis on le disait plus tôt avec le groupe avant — en CHSLD, bien, il y a des gens qui ne sont pas des aînés, il y a des gens en bas de 50 ans, il y a 10 % de la clientèle qui sont en bas de 50 ans et qui sont en CHSLD. Donc, on a dit «en situation de vulnérabilité» parce que quelqu'un qui est... un handicapé est vulnérable, mais il n'est pas juste en situation, il y a alentour de lui tout un système parce qu'il est reconnu dans soit le handicap qu'il a ou dans le milieu de vie où il est. Donc, on a choisi le terme «une personne majeure en situation de vulnérabilité». Vous, vous faites une distinction entre les deux puis vous dites : Il y en a un qui doit avoir l'autodétermination. Donc, vous le laissez faire sa plainte, s'il le veut bien, ou faire le signalement pour quelqu'un d'autre, s'il le veut bien, mais pour l'autre qui est en situation de vulnérabilité, pour lui, vous avez, vous, la société, l'obligation de divulguer l'information si vous pensez qu'il se passe quelque chose alentour de sa vie. Donc, ça, c'est les deux distinctions.

Et, dans le principe de l'autodétermination, parce que c'est un droit en ce moment qui appartient à chacun d'entre nous, l'utilisation d'une caméra... Là, on est en fin de journée, ça fait que je mélange mes questions pour être sûre que je suis capable de toutes les passer, mais vous pouvez en faire deux points, là, M. le président, inquiétez-vous pas. Mais, dans l'autodétermination puis dans le droit de la personne, l'utilisation d'une caméra, en ce moment, aujourd'hui, là, sans projet de loi, j'ai le droit de mettre des caméras. Pas comme ceux-là, parce que ceux-là, ils nous avertissent, mais j'ai le droit de mettre une caméra chez moi. Puis la volonté qu'on a, c'est que toute personne qui habite dans un endroit, CHSLD, résidence privée subventionnée, bien, elle est chez lui. Tu paies un loyer, tu es chez vous. Ça fonctionne comme ça, la loi. Donc, toute personne, en ce moment, peut l'installer comme elle veut, quand elle veut, où elle veut.

Nous, on dit : On va proposer un encadrement, une réglementation qui va faire que ça va être quelque peu plus entouré puis encadré que maintenant parce que, maintenant, on n'aime pas ça quand je dis ça, mais c'est un peu le far west. Donc, de mettre un encadrement fait en sorte que tout le monde s'y retrouve, la personne qui l'installe, les gens alentour de cette personne-là puis l'institution qui reçoit l'appareil. Parce que c'est la chambre de la personne, c'est sa maison. Donc, l'autodétermination, pour moi, ça se rend jusque-là, ça se rend jusqu'à : la personne, elle a le droit de choisir d'avoir une caméra ou pas. Maintenant, il faut quand même respecter les gens qui sont alentour de là parce qu'à l'extérieur de cette chambre-là c'est un milieu de travail, à l'intérieur de la chambre, c'est un milieu de vie.

Donc, je parle de l'autodétermination, mais vous avez compris qu'il y a comme deux questions dans mon intervention. C'est à vous, il faut que j'arrête. J'ai juste 10 minutes, ça fait qu'il faut qu'on fasse ça...

M. Côté (Pierre-Paul) : O.K. Je vais commencer par l'autonomie décisionnelle. Moi, ça fait ma, je pense, huitième commission parlementaire que je fais, là, et, dans deux autres commissions, on a toujours parlé d'autonomie décisionnelle pour les personnes aînées en termes... par exemple, quand il y a eu la commission sur les soins de fin de vie puis quand il y a eu la commission sur l'assurance autonomie. Alors, c'est le même principe pour nous autres. Vous définissez, d'ailleurs, dans le projet de loi, là, la personne vulnérable, tu sais, on adhère à ça. Bon, ça peut être permanent ou momentané. Mais, à cette période-là, on dit : Bon, là, la divulgation, là, les personnes qui sont autour devraient être en mesure de le faire. En même temps, la personne, elle... Moi, je suis un aîné, j'ai plus que 70 ans, hein, mais je ne me sens pas vulnérable puis je verrais bien quelqu'un qui décide à ma place, il passerait un mauvais quart d'heure.

Mme Charbonneau : Il serait vulnérable.

• (17 h 20) •

M. Côté (Pierre-Paul) : Il serait vulnérable. Alors, pour moi, là, c'est important. Puis la personne, elle dit : O.K. Je suis autonome puis je suis prête à embarquer là-dedans. Ça pourrait arriver, mais il est conscient de ça. Mais ce n'est pas quelqu'un qui va le faire à sa place, tu sais, il va avoir au moins une décision.

Puis, tout autour de la divulgation, là, nous autres, ce qu'on dit : Il faut faire attention parce que les personnes qui vont faire de la divulgation, elles peuvent être protégées. O.K.? Alors, c'est prévu. Par contre — puis on a vu un petit peu neiger avec l'âge qu'on a — on sait qu'il y en a, très bien, qui sont habiles dans des postes de cadres, ou etc., qui pourraient, par la bande, hein, faire un petit peu de représailles, puis, des fois, subtiles, etc. Ce qu'on a trouvé dans le projet de loi, il n'y a rien qui est indiqué pour ces gens-là. O.K. On peut dénoncer, mais la personne qui, subtilement, fait de la pression, ça, là, on n'en parle pas. Alors, nous autres, on aimerait qu'il y ait quelque chose à ce niveau-là.

Sur la question sociojudiciaire, là... D'ailleurs, quand on a participé à un colloque, il y avait l'équipe, là, de la Mauricie, on avait trouvé ça intéressant. Il y avait aussi dans la région du Bas-Saint-Laurent, Rimouski qu'il se passait de quoi aussi là-dedans, là. En tout cas, ce n'était pas exactement pareil, mais il y avait... Autrement dit, arrêtons de travailler en silo puis mettons nos ressources... Surtout avec une diminution de ressources, ça aide.

Concernant les caméras, bon, on ne conteste pas que le fait que, dans son appartement, dans sa chambre, etc., il y a de l'autodétermination, il peut avoir sa caméra. Mais, nous autres, on est d'accord sur le principe, mais on est inquiets en même temps. C'est sur les dérives. Moi, je regarde juste ici, là, je vous parle, mais la caméra est vis-à-vis moi, là, elle ne balaie pas personne autour, là. Puis, des fois, on voit ça aussi à l'Assemblée nationale, elle balaie, mais elle n'aurait pas dû balayer. Alors, tu sais, là, c'est là-dessus. Puis on se dit, nous autres : Quand quelqu'un a ça dans sa chambre, bon, il n'a peut-être pas le contrôle, c'est peut-être des gens plus habiles.

Et puis ce qu'on a peur, c'est que, tu sais, YouTube, maintenant, là, on passe toutes sortes de niaiseries là-dessus, là, et ce serait l'intimité des personnes, et c'est ça... En tout cas, nous autres, ça, ça nous inquiète. Ça nous inquiète. En tout cas, on espère que ce ne sera pas un moyen que, certaines résidences, qu'ils sauvent du personnel en mettant une caméra, puis on regarde un peu partout, tu sais, comme on voit dans les grands édifices, là, le surveillant il est là puis il regarde ce qui se passe. Ah! il se passe telle affaire, on envoie un agent de sécurité. Alors, il y a toutes ces choses-là. Je pense qu'on commence à en débattre, de ça, ça va se repréciser, mais c'est à ce niveau-là, là, qu'on veut réagir.

Mme Charbonneau : Je vous rassure tout de suite, quelqu'un ne peut pas mettre, en ce moment, une caméra... un propriétaire d'une résidence ne pourrait pas mettre une caméra dans la chambre d'un résident au choix du propriétaire. Il faut que ça soit le résident ou quelqu'un qui est répondant du résident qui puisse accorder ce droit-là. En ce moment, le droit protège le résident. Donc, quand vous me dites : Il ne faudrait pas que, vous avez raison. Par contre, j'en ai visité plusieurs depuis deux ans, j'ai vu des aires communes, des corridors, juste en cas si, la nuit, il se passe quelque chose, il y a plutôt une caméra qui surveille constamment le corridor, là, surtout dans les zones où les gens sont un peu confus. C'est plus dans ce sens-là.

Au niveau de la personne en situation de vulnérabilité, on pensait plus... Je dis «on pensait plus», mais l'axe avait été sur les gens qui sont temporairement dans une situation. Puis hier j'ai fait une petite blague, mais je vais la refaire aujourd'hui puis voir si... Vous êtes vite habituellement avec moi, vous. Mais c'est une comparaison boiteuse. Mais, si quelqu'un se fracture une hanche, il se retrouve dans une situation de vulnérabilité, mais il a encore toute sa tête, il a encore toute son autodétermination, il a une incapacité pendant un certain temps puis il est en traitement de santé pendant un certain temps, mais il a encore toute sa tête. C'est plus dans ce sens-là qu'il y avait une situation de vulnérabilité où, là, tu perds un peu de contrôle alentour de toi, mais, même si tu es un aîné, tu as encore toute ta tête. Vous comprenez ce principe-là, il n'y a pas de souci. Mais je comprends vos inquiétudes sur la dérive.

Puis, quand on a parlé des caméras, Me Ménard nous a bien signifié qu'il y avait une autre forme de dérive aussi. C'est-à-dire que, s'il y a une caméra pour porter une surveillance sur les traitements qui sont faits aux gens, bien, il y a déjà eu des endroits où on fermait les lumières pendant qu'on donnait les traitements parce qu'on voulait un aspect punitif. Parce qu'on disait que les employés ne voulaient pas se faire filmer, donc ils posaient des gestes un peu pas le fun pour faire en sorte qu'ils montrent aux résidents qu'ils n'étaient pas d'accord avec le principe de la caméra.

Donc, toujours dans un principe de juste milieu, on veut faire en sorte que, un, la caméra ne vient pas nécessairement faire le travail de quelqu'un d'autre, mais qui vient appuyer peut-être un doute sur quelque chose. Parce que, des fois, ce n'est pas un travailleur qui pose le geste, ça peut être un autre résident. On a entendu des histoires de gens confus qui se trompent de chambre, puis qu'il arrive des choses. Bien là, on est capable d'en faire la preuve puis, des fois, même avoir l'appui de la famille de l'autre résident pour dire : Il faut que ça cesse, il faut mettre en place un processus, on va fermer les portes, on va mettre un ruban. Il y a toutes sortes de nouvelles choses qui se mettent en place, là, dans les CHSLD pour aider les travailleurs à aider les résidents. Donc, c'est plus dans cette perspective-là aussi qu'on a vu l'utilisation de la caméra. Ce n'est pas juste pour prendre la place de quelqu'un, c'est vraiment pour aider à réconforter la famille.

Donc, vous nous avez aussi parlé de l'accompagnement. Dites-moi ce que vous connaissez des CAAP puis comment vous les voyez interagir avec quelqu'un qui a besoin d'un accompagnement. Nous, on a le comité — dans les axes du projet de loi n° 115 — le comité sociojudiciaire, comme je vous disais, qui accompagnait les gens à l'extérieur du contexte de la santé, quelqu'un qui habite chez lui. Ce matin, on a eu les gens qui représentaient la Montérégie, que vous avez déjà rencontrés dans une rencontre, là, qui sont venus nous parler du comité sociojudiciaire, puis ils nous ont donné un cas type, là, de quelqu'un qu'ils ont accompagné, là, qu'ils ont accompagné dans un principe de maltraitance financière, la personne a appelé. Ils nous en ont donné un aussi sur la maltraitance physique, où, là, ils ont accompagné l'aîné à se sortir de la problématique puis ils ont accompagné l'agresseur pour se sortir de son principe aussi. Donc, ça, c'était intéressant. Mais, les CAAP, vous êtes plusieurs à être venus nous voir pour nous parler des CAAP puis de l'accompagnement, vous les voyez comment à l'intérieur d'un projet de loi pour accompagner les gens?

M. Côté (Pierre-Paul) : Nous autres, dans nos instances, on a quand même... C'est l'année passée, je crois, on a fait venir le représentant des CAAP pour qu'il explique ça aux gens, il y a des gens qui étaient déjà au courant. C'est une rencontre, à peu près, de 125 personnes qui viennent de tout le Québec, et, à ce moment-là, on a des informations, hein, qui viennent de partout. Et ce qu'on avait compris — et peut-être que Mme Plamondon pourrait ajouter aussi — que c'est un groupement... bien, un groupement, il est géré aussi par le ministère de la Santé et des Services sociaux, ce sont des professionnels. Et là, nous autres, ce qu'on ne veut pas, c'est que ce soient d'autres organismes qui s'occupent de ça puis qu'on utilise des bénévoles. Là, il faut avoir quelqu'un d'assuré, qui est habitué puis qui a un rôle de confidentialité, etc., là. Puis c'est des gens qui sont habilités à faire ça, là. Moi, en tout cas, là, nous autres, on est très bien placés pour parler du bénévolat, là, mais je ne voudrais pas que nos membres, en tout cas, nos aînés soient rendus des bénévoles pour aller essayer de, tu sais, là... Ça peut aider, mais ce n'est pas leur responsabilité légale, là. Mme Plamondon pourrait peut-être...

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Oui. Ah! O.K.

Mme Plamondon (Ginette) : Oui, je peux compléter. En fait, ce qu'on comprend du rôle des CAAP, c'est que le ministère, par la Loi sur la santé et les services sociaux, lui a justement confié le rôle d'accompagner et d'aider une personne qui veut porter une plainte. Donc, ce serait intéressant que ce rôle-là soit élargi pour que tout ce qui concerne la maltraitance, bien, que ce soient les CAAP aussi qui puissent offrir ce service-là. On sait que ce sont des ressources professionnelles formées en accompagnement, en relation d'aide, donc là il y a une garantie de qualité d'intervention. Et aussi, le fait qu'ils soient situés à l'extérieur des installations ou des établissements, on pense que ça peut garantir une plus grande indépendance vis-à-vis le processus de plainte. Voilà.

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Il ne reste qu'une minute. Est-ce que le député de D'Arcy-McGee souhaite toujours reposer une question?

M. Birnbaum : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci pour votre présentation. Vous avez fait écho à plusieurs des interventions de Louise Chabot et l'équipe de CSQ. Entre autres, vous avez parlé, comme plusieurs groupes, de l'importance de l'information, et de la formation, et tout ça, à juste titre. Et on entend ça souvent, et on n'a jamais le temps d'en élaborer, je vous invite de nous parler de façon concrète de cet aspect-là et peut-être comment des regroupements comme le vôtre peuvent être catalyseurs pour cet échange d'information et de sensibilisation.

• (17 h 30) •

M. Côté (Pierre-Paul) : Bien, d'ailleurs, au niveau des CAAP, là, on avait eu de l'information, puis on a pu distribuer de l'information à nos présidents de secteur. Il y en a 88 dans la province. Donc, eux autres, après ça, ça fait comme des petits, là, ils peuvent... L'adresse, ils peuvent en commander d'autres, demander les gens qui viennent faire de l'information.

La sensibilisation, quand on en a parlé au début, là, une campagne... Je ne sais pas si vous faites référence à ça, à la campagne de sensibilisation, on se souvient de la campagne qui avait eu lieu sur l'âgisme avec Yvon Deschamps, ça avait eu comme une très bonne portée. Alors, les gens avaient apprécié, et c'est ça qui fait...

Tu sais, souventefois, les gens, ils pensent que la maltraitance, là, c'est de donner une couple de taloches, là, mais ce n'est pas juste ça, là. On en a beaucoup au niveau psychologique aussi, là. Alors, ce type d'annonce là, là, à une certaine période, pourrait aider. Mais, pour nous autres, là, c'est sûr que dans notre réseau, là, on a quand même 58 000 membres, là, on est capables de faire de l'information quand on en a. On a une revue qui est distribuée, on en parle à l'intérieur de ça. On a un site Internet, on a une actualité Web. En tout cas, on est assez bien équipés.

Et puis la référence que vous avez faite tout à l'heure avec... Oui, vous avez entendu Mme Chabot, mais... Oui, on est affiliés à la CSQ, mais je vous dirais qu'on est indépendants dans nos pensées et dans nos positions.

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Merci beaucoup à la partie gouvernementale. Je cède maintenant la parole à l'opposition officielle, le député de Rimouski, qui a accepté, là, de donner un peu de son temps à la fin de votre intervention.

M. LeBel : Aucun problème. Bonjour. Les gens du gouvernement ne seront pas surpris que je vais parler de maltraitance organisationnelle. À la page 10, vous en faites référence, vous dites : «Il faut s'assurer que les politiques en matière de maltraitance des établissements de santé et de services sociaux reconnaissent et intègrent la notion de maltraitance organisationnelle et que les établissements prennent tous les moyens nécessaires pour la prévenir et l'éliminer s'il y a lieu.»

Vous avez, dans le texte, élaboré... vous avez revenu sur le rapport de la Commission de la santé et des services sociaux, qui a posé certains constats sur les CHSLD, sur l'hygiène, sur la bouffe, sur la façon qu'on traite nos aînés en CHSLD, et vous avez bien montré que ça fait partie de ce qu'on appelle la maltraitance systémique ou organisationnelle. Mais ce que vous dites là-dedans, c'est qu'il faut que les établissements, que les politiques... que chacune des politiques qu'on va mettre en place va obliger l'établissement à intervenir là-dessus ou à prendre ça en compte.

La question que je me pose, c'est... Bien, si je regarde dans le Bas-du-Fleuve, le ministre a imposé des coupures de 20 millions au niveau du CISSS. 20 millions, ça a des conséquences, moins de ressources, moins de ci, moins de ça. Si on oblige les établissements, qu'est-ce que c'est que vous voulez qu'ils fassent? Ils ne peuvent pas en rajouter de l'argent, ce n'est pas eux autres qui ont décidé, c'est en haut. C'est ce bout-là que je me pose, comment on peut... Les établissements, ils sont comme coincés par des décisions gouvernementales. Comment on peut aller rejoindre la bonne personne, c'est-à-dire le décideur en haut? Hier, Me Ménard nous disait : Est-ce qu'il y aurait moyen, en quelque part, par une formule où il y aurait un genre de rapport annuel public qui dit que ça ne va pas bien dans le système, qu'on a descendu en bas de la ligne rouge, qui fait que les gens sont maltraités... Ça serait public, national puis ça ferait que le ministre serait obligé de bouger. Mais ça, c'est national, ce n'est pas par établissement puis ce n'est pas par politique. Ça fait que je ne sais pas comment vous voyez ça, là.

M. Côté (Pierre-Paul) : C'est un dossier très politique, là, hein? C'est sûr, qu'on appelle ça «austérité» ou «rigueur», au bout de la ligne il y a moins de monde, il y a moins de monde pour faire la job. Et nous autres, quand on regarde ça, entre autres, là, puis quand on rencontre des responsables politiques, là, des aînés, là, nommés dans chacune des régions pour nous parler, qu'est-ce qui se passe dans votre région, ils nous apportent des choses comme ça, hein? On couche les gens de bonne heure, mais on les lève tôt. On les fait déjeuner tôt puis même... Je ne pensais pas d'entendre ça dans ma vie, là. Moi, je suis un amateur de hockey, hein? Quand un joueur se blesse, il dit : Il a été blessé en haut du corps ou en bas du corps. Bien là, c'est rendu que... Il y a une personne qui nous a dit, dans un établissement, que les préposés de nuit lavaient le haut du corps, puis l'autre qui arrivait le matin lavait le bas du corps. Alors, c'est rendu assez fort, là, je trouve, là.

Et, là-dessus, c'est sûr, il y a une question d'organisation du travail là-dedans, il y a une question d'argent, mais il y a une question politique aussi, là, puis je pense que la population... Ce qu'on est en train de faire actuellement, là... On dit qu'il y a le vieillissement de la population, il faut préparer la société à ça aussi, là. Puis, si on ne veut pas mettre d'argent là-dedans, là, bien, c'est là qu'on va voir les dérives, puis ce que ça sort dans les journaux, puis c'est toujours des affaires extrêmes. Moi, ce que je trouve déplorable, c'est que le personnel, il va au bout de leurs tâches là-dedans, puis il y en a beaucoup en burn-out, là. Et, à ce moment-là, ces gens-là, ils sont déçus parce qu'on montre toujours leur côté négatif, puis eux autres, ils font beaucoup de positif à l'intérieur.

Alors, il y a tout ça, mais moi, je pense que, là-dessus, la société, il va falloir qu'elle regarde ça parce que le vieillissement de la population, ça va être de pire en pire. Puis, s'ils ne mettent pas d'argent... Puis, s'ils mettent de l'argent, là, on parle de l'emploi au Québec, là, bien, quand on engage du monde, ça fait travailler, puis ils ont un salaire, puis ça fait dépenser, puis ça augmente. Puis, en tout cas, qu'on parle du PIB puis de tout ça, mais qu'on parle de la protection individuelle des personnes aînées aussi.

M. LeBel : Il y a le fait aussi qu'en agissant sur la maltraitance et en divisant par plein de politiques qui peuvent être un peu différentes, on multiplie les politiques un peu partout, mais, des fois, on oublie une politique nationale puis un engagement national, et c'est ma peur, un peu.

Je n'ai pas beaucoup de temps, mais j'ai aussi deux mots sur... Parce qu'il n'y a pas beaucoup de groupes qui nous en ont parlé, puis je pense qu'il faut en parler. Et les gens de la FIQ qui en ont parlé, puis vous êtes les deuxièmes, c'est la maltraitance par rapport aux femmes vulnérables ou aînées et l'idée de faire l'analyse différenciée selon les sexes. L'analyse différenciée selon les sexes, là, c'est important, mais souvent ça peut être vu comme un slogan, tu sais, on dit : On va faire l'analyse différenciée selon les sexes, ça vient d'être réglé. Mais il faut la faire, l'analyse, puis ça a des conséquences.

J'aimerais ça que vous nous en parliez. Comment vous voyez ça? Qu'est-ce que vous voyez dans votre tête quand vous dites ça? C'est quoi, les conséquences?

M. Côté (Pierre-Paul) : Je vais laisser Mme Plamondon répondre là-dessus.

M. LeBel : J'ai deviné que c'était elle qui allait répondre.

Mme Plamondon (Ginette) : Bien, écoutez, les motifs qui nous ont amenés à faire cette recommandation-là, ce sont notamment les données de la ligne Aide Abus Aînés, qui indiquent que les femmes aînées sont davantage maltraitées. Les données de la CDPDJ aussi, la commission des droits de la personne et de la jeunesse, vont dans le même sens. Alors, pour nous, c'est clair qu'il y a une réalité, là, qui est différente, tant pour les hommes que pour les femmes, et on pense qu'il faut en tenir compte. Ce qu'on se dit, c'est que, dans les politiques, par exemple, sur la maltraitance que les installations devront adopter, ça serait important de prévoir un mécanisme différent, notamment en matière de maltraitance sexuelle, parce qu'on sait que ce sont davantage, sinon quasi exclusivement les femmes qui sont victimes de maltraitance sexuelle dans les établissements d'hébergement.

Alors, est-ce qu'on ne pourrait pas prévoir, à ce moment-là, dans la politique, que, dans un cas de maltraitance sexuelle, par exemple, bien, que ce soit une policière qui intervienne au besoin s'il y a un geste à caractère policier à poser? Est-ce qu'on ne pourrait pas prévoir que ce soit une femme médecin qui intervienne dans ce cas-là? Alors, vous voyez, des dispositions plus spécifiques qui vont concerner davantage la réalité des femmes et celle des hommes aussi parce que peut-être que, du côté des hommes, il y a des particularités. Mais, en faisant l'exercice d'une analyse différenciée et en l'intégrant dans les politiques, bien, je pense qu'on court plus de chances que les besoins spécifiques à chacun des sexes soient respectés. Je ne sais pas si ça répond.

M. LeBel : Merci. Oui, ça répond, merci. Il me reste une minute, je vais juste conclure sur... Vous faites référence aux entreprises d'économie sociale, je pense que c'est important de le faire. Et j'ai aimé ce que j'ai lu sur le signalement obligatoire, je pense que vous nous emmenez sur une piste intéressante au niveau de l'équilibre, sur faire la différence entre ceux qui peuvent... Ou ils doivent... On doit aller chercher le consentement. Et ceux qui ne pourraient pas donner le consentement, il y a peut-être quelque chose là à travailler. Je vous remercie de votre réflexion, puis merci de votre présentation.

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Alors, merci au député de Rimouski. Je cède maintenant la parole au député de Lévis, du deuxième groupe d'opposition.

M. Paradis (Lévis) : Merci, Mme la Présidente. Mesdames, monsieur, merci d'être là. Vous voyez, il y a des chiffres qui sont importants, puis c'est drôle, hein, parce qu'on était... Je ne sais pas si ça suit le... mais on était sur les mêmes... Mon collègue m'a carrément volé mon intervention concernant la différenciation entre hommes et femmes, mais la réponse était donnée, puis c'était important de le faire parce que c'est vrai qu'on ne l'a pas tant entendu.

Alors, ce que je remarque dans la même page, en page 7, par exemple, c'est que la maltraitance — on l'a dit, là, puis on est tous conscients — qu'elle est, malheureusement, trop souvent le lot de bien des gens qui, évidemment, la subissent. Et vous dites que, dans votre organisation, c'est un chiffre qui est important, là... «7 % de nos membres ont indiqué avoir observé qu'une personne aînée proche d'eux ou qu'ils connaissent personnellement en a déjà été victime.» Moi, c'est très parlant et c'est significatif, là.

De ces gens-là qui disent : Moi, là, je connais quelqu'un ou j'ai été proche de quelqu'un qui vivait de la maltraitance, vous n'avez peut-être pas poussé la réflexion plus loin, puis c'est correct, mais comment ça, ça se termine? Si on parle de... Et vous venez de le dire, là, la dénonciation obligatoire pour faire en sorte qu'on puisse protéger quelqu'un qui subit alors que je sais... Il y en a, là, dans votre groupe, là, qui disent : Moi, là, c'était quelqu'un que je connais, là, je le savais, là, je le voyais. Comment ça s'est terminé? Est-ce qu'ils ont trouvé la façon d'aider? Est-ce qu'ils ont dénoncé? Est-ce que l'accompagnement de la plainte a été satisfaisant? Est-ce que, dans leurs révélations puis dans leurs explications, ils ont été plus loin?

• (17 h 40) •

M. Côté (Pierre-Paul) : Je vais laisser Mme Gagnon répondre parce qu'elle a travaillé plus le...

Mme Gagnon (Nicole) : D'abord, notre sondage, justement, il a été fait par la maison CROP. Donc, c'est un sondage sérieux.

Non, je pense qu'on n'est pas allés jusqu'à vérifier dans ce sens-là, mais on trouvait que... Quand même, notre mission, nous autres, c'est de faire valoir les droits des personnes aînées, de défendre les droits puis les intérêts des personnes aînées. Donc, dans notre sondage, on a dit aussi que les trois quarts des membres observent qu'il y a une banalisation du sort des aînés. Tu sais, on dit aussi : 80 % nous disent qu'ils subissent souvent aussi des discriminations en raison d'âge, hein, de l'âgisme. On dit «ma petite madame», là, puis la madame, elle pèse 300 livres, là. Elle dit : Est-ce que tu as mis tes lunettes ce matin, là? Ça fait que, dans ce sens-là, les gens, ils trouvent que c'est difficile aussi.

Vous avez parlé du 7 %. Oui, ils ont été victimes soit de maltraitance psychologique, maltraitance morale, la négligence aussi au point de vue sécurité psychologique ou morale, au plan des soins primaires. Parce que, dans notre sondage, il y avait quatre questions. Donc, les gens y répondaient, ça pouvait être de l'exploitation financière, bien, de qui ils subissent ça, ces gens-là. Bien, des fois, c'est de la famille, les conjoints, les enfants, puis ça peut être aussi du personnel, du personnel soignant.

Ils parlaient aussi, comme vous disiez tout à l'heure, les repas, hein, les repas qui ont une mauvaise qualité, hein? Donc, ce n'est pas assez ou, des fois, c'est servi trop vite. Donc, c'est de la maltraitance, hein? Si j'ai besoin de 20 minutes pour manger, puis ils m'en donnent cinq, bien, il faut que je mange vite, hein? Ça fait que les groupes, à l'origine, bien, on a quand même plusieurs personnes dans les CHSLD. Je ne dis pas qu'ils ne font pas leur travail, hein, ils sont vaillants. Mais, comme on dit, il manque de personnel, on trouvait ça. Donc, aussi, entre ces gens-là, il existe un lien de confiance. On dit : Si jamais il y a de la dénonciation, bien, peut-être, le lien de confiance va aller sur le diable, hein, va être coupé.

Donc, moi, je trouve triste, là, qu'on soit obligés d'arriver à faire une loi contre la maltraitance, hein, chez nos aînés, hein? Donc, on dit : C'est comme 74 % de nos membres, ce qui revient à dire que la société, hein, elle se fout un peu du sort réservé aux personnes aînées.

M. Paradis (Lévis) : C'est dramatique, ce que vous dites en ce sens-là, puis, en même temps, voyez-vous, depuis quelques jours... puis davantage, mais, depuis quelques jours, on en parle beaucoup. Et, chaque fois qu'on en parle, chaque fois que vous sondez vos membres également, vous incitez tout le monde à prendre position puis à s'ouvrir aussi les yeux sur un phénomène qu'on voudrait voir disparaître. Mais malheureusement, parce qu'il est encore là et présent, il faut intervenir pour faire que les choses changent, et c'est souvent ça, le lot d'une société qui évolue.

Je reviens avant de compléter sur... parce que le collègue aussi l'a abordé, puis on va aller un petit peu plus loin... Vous dites : Il faut absolument inscrire au projet de loi l'obligation d'adopter une politique en matière de maltraitance pour les entreprises d'économie sociale puis les agences privées parce qu'elles sont de plus en plus présentes dans le quotidien des aînés également.

M. Côté (Pierre-Paul) : Oui, pour nous autres, ça, c'est important parce qu'on sait que, de plus en plus, il y en a, puis, s'ils ne sont pas couverts, bien, disons que le projet de loi va servir à juste une partie, puis il va y avoir une grande partie qui va être susceptible d'en avoir, puis il n'y a personne qui va les protéger. Alors, pour nous autres, c'est important.

Puis, pour faire suite, tout à l'heure, à votre... tu sais, là, le sondage qu'on a fait, là, on l'a fait faire l'an passé, au printemps passé, mais là on s'en va en congrès au printemps, puis là on est en train de regarder avec tout le monde, on a fait une tournée provinciale à l'automne où on a livré ça. Les gens regardent ça, ils vont nous amener des orientations puis, l'automne prochain, ils vont faire comme un plan d'action avec... Et ce que vous dites, les gens ne sont peut-être pas allés plus loin, mais là il y en a qui vont suggérer comment faire pour aller plus loin. Tu sais, c'est un premier pas, mais je pense qu'on va avancer là-dedans.

M. Paradis (Lévis) : Mais c'est correct. Mais c'est ça, évoluer, là, c'est d'être confronté à une situation, de l'établir, de la mettre sur la table puis, ensuite, de dire : Bien, coudon... C'est comme un bon menu, hein, il est sur la table, mais il faut goûter chaque plat pour, ensuite, en apprécier ou la saveur ou le fait qu'il soit moins réconfortant. Mais c'est ça, c'est la suite des choses, et c'est en ce sens-là où je pense que le travail qu'on fait présentement nous permet d'aller plus loin également.

Dernière question en 30 secondes, je pense...

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Il ne reste plus de temps. Malheureusement, le temps est écoulé. Merci au député de Lévis. Mme Plamondon, M. Côté, Mme Gagnon, merci beaucoup pour votre contribution.

Nous allons maintenant suspendre les travaux, le temps de laisser le temps aux autres de s'installer.

(Suspension de la séance à 17 h 45)

(Reprise à 17 h 50)

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Alors, nous reprenons les travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Association des établissements privés conventionnés. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Ensuite, nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé.

Association des établissements privés conventionnés (AEPC)

Mme Lavoie (Annick) : Alors, merci. Bonjour, Mme la Présidente, Mme la ministre et les membres de la commission. Alors, mon nom est Annick Lavoie. Je suis directrice générale de l'Association des établissements privés conventionnés. Je suis accompagnée par le président de l'association, M. Vincent Simonetta. M. Simonetta est également coprésident de Vigi Santé, qui est un établissement privé conventionné comportant plusieurs installations.

Alors, pour le bénéfice de tous, je prendrai quelques instants pour expliquer ce qu'est un établissement privé conventionné. Alors, l'association regroupe 30 propriétaires gestionnaires de 59 installations réparties dans 11 régions du Québec. La répartition de nos installations comprend 57 centres d'hébergement de soins de longue durée et deux centres de réadaptation, incluant une unité de soins palliatifs. Alors, nos membres répondent aux besoins de plus de 7 000 personnes, soit près de 20 % de la clientèle hébergée dans l'ensemble du réseau de la santé du Québec. Leurs employés sont des travailleurs du réseau de la santé qui sont assujettis aux différentes conventions collectives nationales et aux mêmes conditions de travail.

Depuis plus de 50 ans, nos membres, pour la majorité issus d'entreprises familiales et de communautés religieuses, oeuvrent auprès de personnes de tous âges pour leur fournir un milieu de vie, des soins et des services de grande qualité. La culture de bientraitance qui prévaut dans les établissements privés conventionnés prend racine de nos valeurs communes, qui sont la qualité, la solidarité, le respect et la collaboration. Dans tous les établissements privés conventionnés, chaque résident est un client à qui on accorde toute l'attention qu'il mérite et tout le respect qui s'impose. Les résidents sont traités avec dignité, et tout geste ou toute action allant à l'encontre de la bientraitance est décrié, dénoncé et sanctionné.

Rentrons dans le vif du sujet si vous le voulez bien. Alors, vous aurez constaté, à la lecture de notre mémoire, que nous avons abordé l'analyse du projet de loi sous un angle plus pratico-pratique. La raison est fort simple, nos membres oeuvrent quotidiennement auprès des personnes que le projet de loi veut protéger. Alors, ils vivent ce qu'est la bientraitance et portent une attention vigilante sur les situations qui pourraient entraîner ou favoriser des gestes de maltraitance. Tout comme vous, nous considérons que la maltraitance est inacceptable. Nous trouvons regrettable que, dans notre société civilisée, l'État doive intervenir contre ce fléau. Néanmoins, nous comprenons l'esprit de la loi, et force est de constater qu'une telle mesure s'impose.

En ce sens, nous croyons que les dispositions de la loi doivent permettre de dégager des moyens dissuasifs et punitifs afin de contrer la maltraitance envers les personnes majeures en situation de vulnérabilité. À cet égard, nous considérons que certaines dispositions contreviennent avec notre interprétation de l'esprit de la loi. Si une telle loi d'ordre public s'impose, le législateur doit lui donner la force répréhensive nécessaire. C'est pourquoi nous estimons que l'article 1 du projet de loi devrait créer l'obligation de dénoncer tout acte ou absence d'acte causant de la maltraitance envers une personne majeure en situation de vulnérabilité. Ceci implique que la maltraitance soit clairement définie. La définition actuelle nous apparaît succincte, et nous souhaiterions qu'elle soit élargie.

Nous croyons que des situations de maltraitance peuvent avoir lieu en dehors d'une relation de confiance. À titre d'exemple, prenons le cas d'un visiteur qui invective ou menace à chaque visite le compagnon de chambre de son parent. Ce geste répétitif cause de la détresse à la personne qui en est victime, et on ne saurait qualifier de confiance cette relation.

En ce qui a trait au signalement, nous considérons que le commissaire aux plaintes et à la qualité des services est une personne-ressource bien placée pour l'accueillir. Nous suggérons qu'en son absence, alors en vacances, maladie ou autres, la direction générale de l'établissement soit la porte d'entrée du signalement. Bien entendu, cela n'exclut pas le fait qu'en tout temps la direction générale doit être immédiatement mise au courant de tout signalement fait au commissaire aux plaintes et à la qualité des services.

Nous souhaitons qu'une disposition vienne baliser le temps de traitement d'un signalement de maltraitance. Dans la hiérarchie des plaintes, celle-ci doit être examinée avec extrêmement diligence. Le délai de traitement d'au-delà de 45 jours prévu à l'article 33 de la LSSSS ne saurait être acceptable ici. Nous comprenons, dans certains cas, le souci du législateur eu égard à la protection de l'anonymat du plaignant ou de la personne qui effectue le signalement. Cependant, dans la réalité, là où le bât blesse, c'est lorsque la plainte vise un employé. En tant qu'administrateurs, nous avons le devoir de protéger les résidents en prenant les moyens nécessaires pour que cesse la maltraitance, incluant des mesures disciplinaires.

Or, pour analyser adéquatement la plainte, nous devons valider les faits avec le plaignant ou la personne qui effectue le signalement. Une preuve de ouï-dire ne saurait être admissible. Des intervenants qui ont passé devant vous au cours des deux derniers jours ont parlé d'imposer des amendes aux personnes trouvées coupables de maltraitance. Nous voulons attirer l'attention du législateur sur le risque que cela pourrait entraîner dans le cas d'un employé, soit la double sanction, amende et mesure disciplinaire.

En ce qui concerne l'utilisation des caméras, les établissements privés conventionnés respectent la volonté des résidents ou leur répondant légal qui désirent installer une caméra dans leur chambre. Nous sommes confiants que la relation de transparence et le lien de confiance établi entre les intervenants du milieu et la famille du résident sauront limiter l'usage des moyens technologiques de surveillance.

Finalement, il appert important de se souvenir que la meilleure des lois, la meilleure des politiques et la meilleure des formations ne sauraient surpasser l'importance de croire en la culture de bientraitance, et ce, à tous les niveaux hiérarchiques de l'organisation. Les corollaires de cette culture de bientraitance sont le savoir-être, la responsabilisation, la prévention et la rigueur dans la gestion des signalements et des mesures correctives qui s'imposent. On nous demande fréquemment ce qui fait le succès des établissements privés conventionnés. Alors, brièvement, la philosophie de l'entreprise est axée sur le respect, le bien-être et la sécurité des personnes, est un gage d'un milieu de vie et de travail de qualité, qualité qui est une qualité supérieure.

Les employés — et je tiens à rappeler — ce sont des employés du réseau de la santé. Alors, ils sont choisis avec soin, sont exposés à la culture de bientraitance qui prévaut dans les établissements privés conventionnés. Ils adhèrent au principe de tolérance zéro qui s'applique lorsqu'il s'agit de maltraitance envers les résidents et leur famille. Et, au-delà de tout cela, ils apprécient le milieu de travail et ils sont très fiers de faire une différence.

Alors, si vous me permettez, Mme la Présidente, je passerais la parole à M. Simonetta.

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Il reste une minute.

M. Simonetta (Vincent) : Je vais être très rapide. Je voudrais juste rajouter qu'on entend beaucoup parler de cas d'espèce qui sont sortis à titre d'exemple. Et la très grande majorité, pour ne pas dire la presque totalité des employés qui oeuvrent dans le réseau, c'est d'excellents employés, d'excellentes personnes. Et on a, malheureusement, à l'intérieur du réseau... on vit dans la même société, donc on est tributaires des mêmes ressources qui vivent dans la société.

Il faut faire attention que le petit pourcentage d'employés problématiques, parce qu'on va vous parler surtout des établissements du réseau au niveau... d'un autre que ceux qu'on connaît bien et sur lequel on peut parler... Cette petite portion génère la totalité des problèmes, les mauvaises manchettes dans les journaux, les sévices auprès des résidents, la non-qualité qui est donnée. Mais ce n'est pas la majorité, et il faut endiguer ce petit pourcentage pour que le reste continue à être bon, et pas pour qu'à l'autre extrême pas de conséquences, bien, pourquoi je ferais quelque chose de plus que mon collègue à côté. Et c'est de là l'importance d'avoir des sanctions, des sanctions qui soient claires, tout en respectant les droits du travail avec lesquels on doit vivre et qui font que la double sanction ne peut pas être utilisée, qu'on ne peut pas avoir deux mesures différentes d'un employé à l'autre. Il faut avoir un certain nombre de choses. En cas d'abus, la gradation n'existe pas. Un abus, c'est un abus, et la personne n'a pas le droit de travailler avec quelqu'un qui a besoin d'aide, et d'entraide, et de compassion, et qui est là pas par choix, mais parce qu'il n'a pas le choix, justement.

• (18 heures) •

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : M. Simonetta, Mme Lavoie, merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période des échanges. Alors, Mme la ministre, à vous la parole.

Mme Charbonneau : Merci, Mme la Présidente. Madame, monsieur, premièrement, je commencerais par merci parce que peu de gens savent que vous vous êtes tournés sur un dix cents pour être ici ce soir. Vous avez fait ça rapidement, vous vous êtes adaptés à la nouvelle situation, puisqu'on a un invité qui s'est désisté, puis ça vous a permis à vous d'être avec nous. Mais merci parce que ça demandait probablement pour vous un changement, dans vos horaires, assez rapide. Mais vous êtes au rendez-vous comme toujours, donc merci.

Dans votre mémoire, vous mettez en contexte de façon très claire les positions que vous avez sur les propositions que nous avons. Par contre, on a aussi dans ces propositions une volonté de donner un rôle accru au commissaire aux plaintes et de le mettre en interaction de façon plus spécifique. Par contre, vous avez compris que, par le commissaire aux plaintes aussi, nous, on y met une perspective de divulgation non obligatoire. Mais j'ai bien compris votre position au niveau de la divulgation obligatoire. Comment vous voyez cette relation avec le commissaire aux plaintes et le rôle accru qu'il pourrait avoir à partir du moment où il est responsable du signalement ou de la plainte qu'il reçoit, dans le cas de votre perspective, de façon obligatoire?

M. Simonetta (Vincent) : Actuellement, je veux clarifier peut-être, d'entrée de jeu, que ce soit le commissaire ou que ce soit le Tribunal des droits de la personne, peu importe qui va être l'organisme ou la personne choisie, il faut que le tout se fasse le plus rapidement possible parce qu'on ne peut pas laisser un résident victime de maltraitance dans un système qui prend du temps pour gérer la situation.

Le commissaire, actuellement, il joue ce rôle-là, en tout cas dans un établissement privé conventionné. Quand il y a une plainte, qu'elle soit de maltraitance ou de n'importe quoi, elle est adressée à lui. La seule différence avec le projet de loi, c'est qu'immédiatement, si ça touche un employé de l'établissement, il informe les ressources humaines pour qu'elles l'accompagnent dans l'enquête. Donc, il n'y a pas de faux-pas qui sont faits qui permettent, plus tard, de pouvoir perdre — parce que ça finit toujours en arbitrage — l'arbitrage. Et, en ce cas-là, il prend en collaboration avec lui l'ensemble des gens qui oeuvrent dans l'établissement, qui... comme je disais tantôt, c'est du monde qui travaille très bien et qui ne veut que le bien du résident.

Donc, actuellement, on a déjà un système. Ce qui manque peut-être, c'est le courage, pour beaucoup de gens — et je ne parle pas du privé conventionné — de congédier un employé. C'est considéré la peine ultime, c'est considéré la peine de mort au niveau des syndicats. Pourtant, quelqu'un qui frappe un résident ou qui abuse d'un résident psychologiquement ou quelque chose, il n'est pas digne de travailler auprès d'une personne âgée. Il est peut-être très bon dans autre chose, mais pas pour travailler avec une personne âgée. Donc, il ne peut pas y avoir de gradation des mesures, on touche à un résident... Et il faut que ça, ça soit clair dans le milieu de travail, et il faut que cette philosophie de tolérance zéro soit véridique, et non pas : J'ai tolérance zéro, je suspends l'employé avec solde, je fais mon enquête, après je verrai qu'est-ce que je vais faire. Ou, à la limite, on se fait répondre en entrevue : Ah! moi, je suis pour la tolérance zéro. L'employé, qu'est-ce que vous donnez comme mesure? Ah bien, je vais donner une grosse suspension, une semaine ou deux semaines avec solde. On a un problème de culture, et d'application, et de courage managérial au niveau de beaucoup de cadres, malheureusement, et, en même temps, on envoie un mauvais message à l'employé que lui, il fait un excellent travail, pour dire : Bien, pourquoi, moi, je me tue au travail quand, l'autre à côté, il fait ce qu'il veut et il n'a aucune conséquence pour ses gestes? Je ne sais pas si ça répond à votre question ou...

Mme Charbonneau : Bien, vous m'avez parlé plus de la conséquence si un geste est posé, sur le principe de la répréhension. Là, je comprends que vous me dites : Si jamais un préposé ou quelqu'un qui est en service auprès... Parce que, vous savez, la maltraitance... Vous avez raison de signifier, dès votre début d'intervention que vous avez faite, que vous avez des gens dévoués dans vos services. Et vous avez raison, et la plupart du temps, plus que 60 % du temps, la maltraitance ne se fait pas par un employé, elle ne se fait pas non plus par un professionnel, elle se fait par quelqu'un qui a un lien de confiance avec l'aîné. Malheureusement, on est obligés d'en nommer quelques-uns, hein?

Pour donner un exemple pour les gens qui nous écoutent, c'est quoi, un lien de confiance? Bien, ça peut être un enfant, ça peut être un parent, ça peut être une fratrie, hein, un frère, une soeur, ça peut être un voisin avec qui je fais des courses habituellement, puis qui devient impatient, puis qui pose un geste incorrect, ce ne sont pas que les gens qui sont au service des aînés et qui oeuvrent auprès de vos institutions. Donc, là-dessus, je comprends quand vous me dites : Il faut poser un geste, il faut le retirer. Et vous avez raison, il y a des sanctions qui sont prises de par l'employeur. Puis, après ça, bien, il y a tout le débat par rapport aux conventions collectives. Mais, pour nous, on n'en est pas là, on se dit : S'il y a un geste qui se pose... D'ailleurs, dans le principe de la divulgation, si c'est fondé, on peut même avoir des accusations criminelles. Ce n'est pas une contravention que je reçois, là, c'est des accusations criminelles, c'est un humain contre un autre humain. Ça fait qu'il faut se dire qu'il existe déjà des mesures pour s'assurer de ça.

Moi, c'était plus la relation avec le commissaire aux plaintes parce que, nécessairement, vous êtes en service auprès des gens, les aînés, des gens qui sont avec vous, et ce sont des gens de la santé aussi qui vont auprès... et, de ce fait, bien, c'est le commissaire aux plaintes qui traite la plainte ou le signalement. Dans le projet de loi n° 115, on lui donne plus de responsabilités, on lui dit : Un encadrement plus grand pour ce que vous faites pour assurer un retour puis une conséquence ou une fin pour enquête s'il y a suspicion. Je vous demandais si cette relation-là, où on augmente la responsabilité du commissaire aux plaintes, vous la voyez d'un angle positif ou si vous avez des inquiétudes par rapport à son indépendance.

M. Simonetta (Vincent) : Non, on n'a pas d'inquiétude. C'est pour ça que je vous ramenais... Le seul élément, c'est qu'on doit connaître, pour pouvoir procéder... Il ne peut pas, le commissaire, prendre une mesure face à l'employé fautif. Si on n'est pas au courant de ce que l'employé a fait, on ne peut pas juger de la gravité pour prendre la mesure, le suspendre ou faire quoi que ce soit.

Nous, on suspend sans solde. Et la raison, c'est simple, on n'est pas pour donner une prime à quelqu'un qui a commis un geste d'abus. Et, si on a tort, les accusations ne sont pas véridiques, mais s'avèrent autre chose, on rembourse l'employé rétroactivement, on s'excuse, et ça finit là. Si, au contraire, son geste, il est prouvé, bien là il est congédié à la date de la suspension. Donc, il n'y a aucun gain qu'il peut avoir face à ça, et on a gagné tous nos arbitrages, même sur cette notion-là.

Donc, c'est juste au niveau de la collaboration, je vous dirais, entre le commissaire, ou peu importe qui, et l'établissement pour avoir l'ensemble des données. Disons que le commissaire, ça lui prend 30 jours pour faire son enquête, et là on nous dit : Bien, il y a un cas d'abus, mais on ne sait pas qui qui a été abusé, on ne sait pas qui qui a fait la déclaration, on ne sait pas quel employé à la limite ou, si on sait l'employé, on ne peut pas établir, questionner l'environnement immédiat, on protège toujours nos sources jusqu'à l'arbitrage. On n'est pas pour dire à l'employé : Telle personne nous a informés. Mais, rendu à l'arbitrage, on n'a pas de choix — ou devant le tribunal, dans le cas où c'est la police qui s'en occupe — de divulguer le nom de l'ensemble des personnes qui ont fait la preuve, sinon on n'a pas de preuve. Et, si on n'a pas de preuve, bien, il n'y a pas de justice qui est possible.

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Je cède maintenant la parole au député de D'Arcy-McGee, et vous pourrez intervenir également.

M. Birnbaum : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup de votre intervention. Je poursuis, justement, sur ce point-là. Je comprends, et je respecte, et j'admire, en quelque part, votre détermination d'aller au fond de la chose quand on parle d'un problème de maltraitance et, comme employeur, d'assurer que vous êtes en mesure d'agir.

En même temps... Et je sais qu'on essaie de chercher le juste équilibre, mais, quand on parle... Si j'ai bien compris votre recommandation, est-ce qu'on se situe à la bonne place pour faciliter le signalement des problèmes si on n'est pas vraiment en mesure, selon votre recommandation, de protéger la confidentialité? Je comprends, du processus à respecter, et tout ça, mais comment on protège en même temps l'employé, en bonne foi, qui veut signaler quelque chose de façon responsable et réaliste?

• (18 h 10) •

M. Simonetta (Vincent) : Je vais y aller par l'absurde si vous permettez. Le fait d'avoir un signalement, si je ne peux pas agir sur le signalement parce que les lois en vigueur m'empêchent d'agir si je n'ai pas une preuve formelle, ça ne me donne absolument rien d'avoir un signalement, sauf que d'avoir un signalement, de remplir une statistique : Il y a quelqu'un qui l'a signalé. Donc, il faut aller un peu plus loin que le signalement.

Comment protéger la personne qui a fait le signalement? Comme je vous disais tantôt, on ne donne pas le nom de la personne qui a fait le signalement, sauf si on est rendu à l'arbitrage. Et là on n'a pas le choix que de faire une preuve formelle, et ça, la personne qui fait le signalement est informée immédiatement.

Comment régler que la personne veuille signaler? Je vous dirais que c'est une question de culture. C'est une question de culture d'entreprise et de culture de l'employé en lui-même. Il y a 20 ans, on a commencé à donner des cours sur les droits et les abus envers les personnes âgées dans nos établissements parce qu'on constatait qu'il y avait des gestes qui étaient posés qui pouvaient être proches de la maltraitance. Ça a donné des résultats. Après ça, le gouvernement a repris ce qu'on faisait, l'a transformé dans la fameuse formation AGIR qui était donnée dans l'ensemble des établissements. Donc, il y a moyen de protéger un et l'autre, mais il ne faut pas, par une trop grande pureté, ne pas obtenir de résultat au bout de la ligne, qui est de pénaliser ce petit nombre ou ce petit pourcentage de personnes qui font que la réputation des CHSLD, elle est mauvaise, elle est entachée et qui empêchent d'avoir des bonnes ressources qui veulent venir travailler parce qu'ils disent : Bien, pourquoi j'irais travailler en CHSLD?

On a des employés qui nous disent : Bien, écoutez, à Noël, on parlait de fierté avec notre emploi, maintenant on ne dit plus qu'on travaille dans le réseau en CHSLD parce que : Ah! vous êtes comme ça? Ils se font accuser de toutes sortes de malheurs. Ça, c'est la réalité qui a été créée actuellement par tout ce qu'on dit dans les médias.

M. Birnbaum : Donc, si je peux, vous avez l'impression que vos employés vous suivraient dans cette recommandation.

M. Simonetta (Vincent) : Comme je dis régulièrement, je veux dire, on n'est pas à l'abri... Ce n'est pas parce qu'on est un établissement privé conventionné, ce n'est pas parce que le propriétaire, il est là, ce n'est pas parce qu'il y a une culture qui est là et que ça se transmet de père en fils, ce n'est pas parce que c'est la même directrice générale qui est là depuis des années et des années et qui ne change pas régulièrement ou continuellement, ça fait partie des moeurs. Les employés sont fiers de ce qu'ils font et ils ne tolèrent pas que quelqu'un fasse du mal. Ils vont peut-être commencer par dire à l'employé : Regarde, je t'ai vu faire, fais-le pas à nouveau. Mais, si ça continue, ils vont venir parler.

Par contre, quand on passe des entrevues et qu'ils nous répondent à la question : Si vous voyez une situation d'abus, qu'est-ce que vous faites?, ah! bien, moi, ce n'est pas de mes affaires, je ne m'en occupe pas ou c'est le problème du gestionnaire ou... bien, ces gens-là, on ne les retient pas. O.K.? Donc, sur 100 personnes, le nombre qu'on retient au bout de la ligne, il est très petit, très étroit. Et, encore là, est-ce qu'ils ont donné vraiment la réponse qu'on voulait entendre ou est-ce qu'ils ont donné ce qu'ils pensaient vraiment? Mais, au moins, on a fait l'effort d'essayer de chercher cette réponse-là. Après ça, il y a la période de probation, il y a un paquet d'éléments qui nous permettent de considérer si l'employé est bon.

Et, comme je vous dis, il faut arrêter de taper tout le temps sur tout le monde dans le réseau. Il y a d'excellents gestionnaires, il y a d'excellents établissements. Pas tout le monde est problématique. M. Paradis, qui a fait le tour des établissements, il a été à même de constater que, peu importe la qualité de la bâtisse, on peut avoir des milieux où on vit mieux que dans des palais cinq étoiles. Et ce n'est pas ça qui ressort, c'est toujours le côté négatif ou le côté pas positif.

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Est-ce qu'il y a une autre question? Il reste trois minutes à la partie gouvernementale. Tout est parfait? Merci beaucoup.

Alors, c'est au tour, maintenant, de l'opposition officielle, le député de Rimouski. À vous la parole.

M. LeBel : Bonsoir. La ministre disait tantôt : La maltraitance, c'est souvent fait par une personne qui a un lien de confiance. Vous faites une nuance là-dedans. Dans votre mémoire, vous dites : Ça peut, des fois, être le voisin de chambre. Ça fait qu'il n'y a pas de lien de confiance, mais il y a de la maltraitance quand même. Et moi, je rajoute que la maltraitance, elle peut être faite autrement que par une personne. Je l'ai répété pas mal toute la journée, l'absence de soins ou des mauvais soins, c'est aussi de la maltraitance, puis ce n'est pas vraiment à cause d'une personne, mais il faut la traiter pareil, cette maltraitance-là.

Moi, j'ai appris beaucoup de choses, là, depuis deux jours. Puis, avec ce que j'ai lu, et tout ça, et quand j'ai... La chaire de recherche, tu sais, propose sept façons de voir la maltraitance : psychologique, physique, sexuelle, matérielle ou financière, sur les droits, organisationnelle puis l'âgisme. C'est assez précis, hein, puis il y a plein de différents niveaux, hein, ce n'est pas... Souvent, quand on parle de la maltraitance, on pense à quelqu'un qui bouscule quelqu'un, tu sais, je ne sais pas quoi, ou qui... tu sais, ça peut être... Mais, quand on lit ça, on s'aperçoit que c'est beaucoup plus nuancé, c'est beaucoup plus... ça peut être... Ça fait que c'est difficile, des fois, à détecter, dépendamment de la personne âgée ou la personne vulnérable ou sa culture, sa religion, je ne sais pas, moi, et ça veut dire que la personne qui va signaler, il faut qu'elle soit capable de détecter ces différents types de maltraitance.

Et, si je pose la question, c'est que ça se pourrait... Puis, comme si on parle d'obligation, quelqu'un qui voit un type de maltraitance, là, qui est assez... On parle de rejet ou indifférence, ce n'est pas facile, mais, pour la personne qui voit ce genre de maltraitance là, elle ne la signale pas parce qu'elle ne pense pas vraiment que c'est de la maltraitance, et, une semaine ou deux après, elle s'aperçoit qu'il y avait eu vraiment de la maltraitance, est-ce que la personne, comme elle était obligée... est-ce qu'il y a des sanctions du fait que la personne ne l'a pas fait parce qu'elle n'a pas vu vraiment que ça en était? Est-ce qu'il y a des sanctions? Parce que, quand on parle d'obligation, tu es obligé de le faire. Si tu ne le fais pas... C'est ce bout-là, là, moi, j'ai... Parce que j'explique que la maltraitance, c'est très nuancé, ça fait que la personne qui va signaler, il faut qu'elle soit vraiment sûre de son coup.

M. Simonetta (Vincent) : ...parce qu'elle voulait répondre. Je peux répondre après, je vais rajouter.

Mme Lavoie (Annick) : Évidemment, la maltraitance, ça peut être très insidieux. Comme vous dites, ça peut être très difficile de faire la... La ligne est ténue entre ce qui est de la maltraitance et ce qui ne l'est pas. Par contre, le fait de signaler est une bonne chose, et c'est là où va entrer en jeu tout le jugement du commissaire aux plaintes et à la qualité. Or, actuellement, son rôle est de vérifier si la plainte qui est reçue, elle est frivole, si elle est vexatoire, si elle est anodine. Alors, c'est le même rôle que le commissaire aura à faire par rapport à tout l'aspect de la maltraitance. Donc, ce sera au commissaire à être bien formé sur comment on va détecter ce qu'est de la maltraitance.

M. LeBel : Mais ma question, c'est... Je reviens, je ne sais pas, moi, différentes cultures... Tu sais, vous avez des gens de différentes cultures dans les CHSLD maintenant, différentes religions. Pour certaines personnes, là, on peut dire que c'est de la maltraitance. Dépendamment de leur vision des religions, ce n'en est pas, c'est dans la culture, puis là les gens qui voient ça... L'intervenant qui voit la... s'il ne le fait pas, est qu'il a des sanctions? Quelqu'un qui décide de ne pas faire un signalement... parce qu'il est obligatoire, ne fait pas le signalement parce qu'il ne pense pas que c'est de la maltraitance, puis c'en est, est-ce qu'il a une sanction parce qu'il ne l'a pas fait?

M. Simonetta (Vincent) : Il y avait deux questions dans votre intervention. La première, je vous dirais que la définition, au-delà de la définition scientifique que les chaires et tous les experts nous donnent, ma définition à moi de la maltraitance, elle est aussi simple que de ne pas faire à autrui ce qu'on ne voudrait pas qu'on nous fasse ou à quelqu'un qui nous est cher. Donc, à partir de ce jugement-là, on est capable de voir s'il y a un acte répréhensible ou non. Il peut être de différents niveaux, dépendamment du niveau culturel d'où la personne vient. Il y a certaines minorités culturelles actuellement à Montréal où, dans leur pays d'origine, dénoncer, c'est quelque chose qui ne se fait pas. Mais ils vivent au Québec, ils donnent des services et des soins au Québec, il faut s'adapter, à un moment donné, à la réalité québécoise et dire : Un geste était répréhensible, il faut que je fasse de quoi.

Pour revenir à votre deuxième question, qu'est-ce qu'on fait avec l'employé qui ne juge pas que c'est de la maltraitance? Quand je dis de punir par complicité, ce n'est pas cet employé-là que je vise, mais je vise l'employé qui a participé à un acte de violence, et que, là, il sent la soupe chaude parce qu'on est en train de faire une enquête — on l'a vécu — et que, là, tout d'un coup, il dit : Bien, je l'ai vu. L'employé qui vient, au contraire, dire : J'ai participé à la maltraitance et je me sens mal, il faut que je vous en parle, il n'aura pas de mesures disciplinaires ou il va avoir une mesure — parce qu'il faut quand même lui en donner une, compte tenu qu'on ne peut pas se permettre de ne pas le sanctionner — en fonction de la jurisprudence. Bien, il va avoir une suspension minimale, ou il va avoir un avis écrit, ou il va avoir autre chose que le congédiement que celui qui a frappé le résident va avoir, à titre d'exemple, ou qui a abusé psychologiquement, ou qui a dit : Ton incontinence, bien, tu sais quoi faire. O.K.?

C'est subtil, c'est différent, mais je vous dis, il y a de l'ouvrage à faire, et on met beaucoup d'énergie pour un très petit nombre de personnes plutôt que sur l'ensemble des bonnes personnes dans la société.

M. LeBel : Non, je comprends ça, puis je vous dis, là, l'évolution évolue, on réfléchit. J'essaie de voir comment on... Mais j'ai une question là-dessus. Quand on dit : C'est obligatoire, c'est obligatoire, tu sais, quand tu es... Je veux dire, si le signalement est obligatoire, puis il y a eu quelque chose à signaler, mais tu ne l'as pas fait, mais tu aurais été obligé de le faire, tu ne l'as pas fait parce que tu ne pensais pas vraiment que c'en était, je me dis : C'est quoi, la sanction?

M. Simonetta (Vincent) : Bien, chaque cas, ça devient un cas d'espèce. C'est pour ça que je dis qu'il faut qu'il soit analysé par des gens qui connaissent la gestion des ressources humaines, entre autres, à participer avec... C'est mon père qui est hébergé. Demain matin, il y a deux employés qui, peu importent les raisons, le maltraitent. Bien, moi, je me fous — excusez-moi — de pourquoi ou comment qu'il l'a fait, il a fait quelque chose de mal à mon père, et je vais tout faire ce qui est en mes possibilités pour qu'il soit pénalisé et puni. O.K.? Et c'est aussi simple que ça, ne pas faire à autrui ce qu'on ne voudrait pas qu'on fasse à un être qui nous est cher ou à nous-mêmes.

M. LeBel : Tout le monde est un peu là-dessus. Les gens ont des droits, puis il faut les respecter, les droits des personnes. Puis c'est ça, tout le monde ici, autour de la table, on veut trouver une façon de ne pas échapper personne, mais c'est... Comme on parle de différentes politiques, par établissement, il faut quand même avoir des guides, tu sais. Puis il peut y avoir une politique d'une façon, puis qu'ils traitent ça d'une autre façon qui soit un peu plus souple, l'autre, moins souple. Là, à un moment donné, on ne sait plus trop où est-ce qu'on s'en va. Moi, c'est qu'il faut avoir des guides. Depuis deux jours, on parle de balises. Moi, c'est ça, le secret, il va falloir trouver les bonnes balises.

Tantôt, les enseignants, là, les retraités disaient : C'est signalement obligatoire, mais pour les personnes qui sont aptes à consentir, là. On doit avoir le consentement de la personne avant de signaler. On ne doit pas signaler de la maltraitance sur quelqu'un qui ne voudrait pas qu'il y ait de signalement ou qui n'est pas consentant. Mais, pour les personnes qui ne peuvent pas consentir, bien là on pourrait, ils mettaient un...

• (18 h 20) •

M. Simonetta (Vincent) : Je pourrais vivre avec ça si je dis que, dans les établissements, 80 % de notre clientèle n'est pas apte, malheureusement, ou n'est pas totalement capable de le faire. Donc, le 20 % qui est capable, apte, je ne peux pas, moi, pour elle... Il faut respecter les personnes. Si la personne ne veut pas dénoncer ou est bien dans sa maltraitance, je ne peux pas intervenir. Je ne suis pas mieux que lui pour porter un jugement. Mais, là où il y a une inaptitude, là où il y a une incapacité, là où il y a une relation de fragilité, bien, il faut, à ce moment-là, protéger ces gens-là parce que, s'ils sont dans nos établissements, c'est pour recevoir des soins, et ne pas se faire maltraiter.

Au niveau du reste de la population, on n'a pas fait beaucoup d'interventions en disant : Sauf qui qui va faire le travail dans les résidences privées ou ailleurs? Parce que ça ne peut pas être le commissaire aux plaintes du CISSS ou du CIUSSS qui va le faire, il est trop loin de la réalité du quotidien, il ne pourra pas le vivre ou le voir pour porter des jugements. Donc, il va falloir trouver pour ça un autre mécanisme, on ne peut pas avoir un mécanisme...

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Merci beaucoup. On va maintenant devoir céder la parole au député de Lévis.

M. Paradis (Lévis) : Merci, Mme la Présidente. Bienvenue, donc, Mme Lavoie, M. Simonetta. C'est intéressant, ce que vous dites, et je capte à travers votre mémoire cette volonté que vous avez de voir inscrite la dénonciation obligatoire, à la même enseigne que la ville de Montréal, il y a quelques instants, où on dit qu'il y a une obligation qui doit être là, puis, à un moment donné, il faut avoir le courage d'agir parce qu'on veut passer un véritable message. Et je rappellerais un petit peu les propos du maire Coderre et de son équipe, notamment au chapitre des policiers, qui disaient : L'obligation de dénonciation, d'abord, n'induit pas nécessairement une obligation de criminaliser, hein, et au surplus elle permet surtout de mettre fin, de mettre fin à une situation de maltraitance. Alors, si on le dit, on y met fin.

Et je pense que vous venez de le dire, là. Moi, en tout cas, c'est ce que j'ai compris, M. Simonetta, j'ai compris qu'à travers ce qu'on se dit depuis le début il faut qu'il y ait un processus d'information, il faut qu'il y ait un réseau d'accompagnement, il faut qu'il y ait un canal qui donne des résultats également, il faut que, bon, les gens soient... Et tout ça, bien, il faut faire aussi confiance à la qualité des professionnels qui seront des maîtres d'oeuvre dans ce dossier-là. On avance, là, on se donne un outil supplémentaire, et vous rejoignez de nombreux groupes à ce chapitre-là.

Et vous dites 80 %... C'est ce que vous avez dit. Mon collègue dit : Bien oui, mais là, vulnérable, pas vulnérable... Attention, il ne faudrait pas commencer à faire de l'évaluation de vulnérabilité, sachant que la vulnérabilité, pour un client, pour un résident, pour un usager, pour un aîné, ça peut être, dans le temps, très, très différent. Moi, j'ai rencontré des aînés qui vivaient un deuil, la perte de leur conjoint et qui, manifestement ébranlés par ça, sont devenus vulnérables pendant une période de temps. Et, pendant cette période de temps là, il peut y avoir aussi des mouvements, des abus, des choses qui se passent, il faut être vigilant, il ne faut pas commencer à dire... On ne passera pas des évaluations à tout le monde pour savoir si tu es vulnérable ou tu ne l'es pas, il faut sauter le pas ou on ne le saute pas. C'est ma vision des choses. Bien, en tout cas, bref, 80 % de votre clientèle, dites-vous, est vulnérable.

M. Simonetta (Vincent) : Ils ont des troubles cognitifs, donc ils sont moins capables de pouvoir exprimer tout le temps ce qui se passe ou ils peuvent avoir à... la médication... et on analyse tout ça. Même quand il y a une plainte de la part d'un résident, on regarde... Le médecin, il est interpelé pour voir est qu'il y a des problématiques dans sa médication qui peuvent amener de la fabulation. Non, donc ce qu'il dit, il est plus que valable et valide. Est-ce qu'il y a des problèmes psychologiques ou des histoires enterrées qui peuvent faire que... Est-ce qu'il a déjà fait des fausses déclarations? On tient compte de tout ça dans l'analyse du dossier pour arriver à un résultat, pour dire : Non, ce qu'il nous dit, c'est très crédible, voyons qu'est-ce qu'on peut faire pour régler le problème maintenant.

M. Paradis (Lévis) : Mais c'est quand même 80 % de votre clientèle qui, donc, a besoin d'un soutien. En tout cas, d'une présence constante à cet égard-là.

M. Simonetta (Vincent) : Je dirais que même l'autre 20 % a certains moments où... Ils en ont besoin, de toute façon, la totalité, la totalité.

M. Paradis (Lévis) : C'est ce qu'on vient de se dire, c'est ce qu'on vient de se dire. En fonction du temps, à un moment donné ou à un autre, quelqu'un peut avoir besoin d'un soutien et d'accompagnement.

Je fais une parenthèse juste avant de vous laisser. À la lumière de ce que vous nous dites... puis les recommandations sont très claires, vous dites à la recommandation 7 : Nous recommandons de traiter des modalités d'utilisation des mécanismes de surveillance en dehors de ce qu'on se dit là. Bien là, j'imagine qu'on parle de caméras. Pourquoi?

M. Simonetta (Vincent) : Bon, parce qu'au moment où on a écrit le mémoire on n'avait pas encore de ligne directrice, qui vient de sortir hier, et qu'on n'a pas eu le temps d'analyser en profondeur. O.K.?

M. Paradis (Lévis) : Mais, à la lumière de ce que vous avez vu et de ce que la ministre a déposé concernant les dispositions et les orientations ministérielles...

M. Simonetta (Vincent) : De ce que j'ai vu, rapidement, ça semble être correct. Il y a un petit bémol que... Il faut que je vérifie l'article 5, des droits, pour voir qu'est-ce qu'il dit exactement pour ne pas donner d'un côté et enlever de l'autre. O.K.? Donc, il faut juste que je fasse un certain nombre de vérifications pour pouvoir me prononcer de façon plus spécifique, est-ce que ça va répondre, oui ou non, aux besoins actuels.

M. Paradis (Lévis) : Est-ce qu'il me reste du temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Deux minutes.

M. Paradis (Lévis) : Ah! j'en prendrai une. Vous parliez tout à l'heure, et c'était important... Quand il y a un signalement puis il y a un processus d'entamé, vous dites : Il faudrait qu'on le sache parce que, si on ne le sait pas, ça donne quoi? Vous avez l'expérience, vous en avez vécu. Normalement, quand un signalement est fait impliquant, par exemple, un préposé ou un individu dans un de vos établissements, est-ce que vous ne faites pas partie de l'enquête de celui qui aura à déterminer le bien-fondé de la plainte, donc automatiquement vous êtes avisés très rapidement?

M. Simonetta (Vincent) : C'est-à-dire que, oui, la direction générale est avisée immédiatement. Dans notre cas, le directeur des ressources humaines, avec son équipe, traite le dossier disciplinaire ou l'analyse disciplinaire. Les commissaires aux plaintes regardent tous les autres aspects qui entourent ça, ils communiquent avec les familles, ils demandent s'ils veulent parler, s'ils veulent témoigner, etc., ils essaient de les convaincre s'ils ne veulent pas. Parce qu'ils n'ont pas l'obligation, on ne peut pas les obliger, sinon ça va faire un témoin réticent devant un éventuel arbitrage. Et, à partir de tout ça, avec l'ensemble des éléments reçus... C'est déjà arrivé qu'on ait dit à la famille : Écoutez, vous faites une dénonciation, mais vous ne voulez pas témoigner. Le seul témoin, c'est vous, on ne peut rien faire parce qu'il n'y a personne d'autre qui vient corroborer les faits.

M. Paradis (Lévis) : Mais je comprends dans ce que vous me dites que, dans un processus — parce que votre inquiétude était de faire en sorte que vous soyez avisés trop tard — normal, vous êtes avisés très rapidement et vous pouvez agir très rapidement pour éviter que ça perdure.

M. Simonetta (Vincent) : Actuellement, l'employé, en cas d'abus ou de maltraitance, est suspendu dans les 24 heures de l'événement.

Mme Lavoie (Annick) : Si je peux me permettre, j'ajouterais, là où c'est important d'aviser la direction générale, c'est lorsque ce n'est pas un employé parce que la direction générale doit quand même prendre des mesures si c'est un visiteur qui vient ou... Et la protection du résident, elle est entière. Que ce soit un employé, ou que ce soit un visiteur, ou que ce soit quelqu'un de la famille, nous, notre responsabilité est de le protéger.

M. Paradis (Lévis) : C'est très clair. Merci.

La Présidente (Mme Tremblay, Chauveau) : Merci. M. Simonetta, Mme Lavoie, merci beaucoup pour votre contribution à nos travaux. Je vous souhaite un bon retour à la maison.

La commission ajourne ses travaux au vendredi 20 janvier 2017, à 9 h 30, où elle poursuivra son mandat. Bonne soirée à tous.

(Fin de la séance à 18 h 28)

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