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Version préliminaire

43rd Legislature, 1st Session
(début : November 29, 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Thursday, September 14, 2023 - Vol. 47 N° 25

General consultation and public hearings on the consultation document entitled : Planning of Immigration to Québec for the 2024-2027 Period


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Journal des débats

11 h 30 (version non révisée)

(Onze heures trente-cinq minutes)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte.

La Commission est donc réunie à nouveau afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le cahier de consultation intitulée... pardon, La planification de l'immigration au Québec pour la période 2024-2027.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Blais, Abitibi-Ouest, est remplacée par M. Lemieux...

La Secrétaire : ...Mme Gendron (Châteauguay) est remplacée par Mme Bogemans (Iberville); Mme Garceau (Robert-Baldwin) est remplacée par M. Derraji (Nelligan); Mme Prass (D'Arcy-McGee) est remplacée par Mme Lakhoyan Olivier (Chomedey); et Mme Massé (Sainte-Marie—Saint-Jacques) est remplacée par M. Cliche-Rivard (Saint-Henri—Sainte-Anne).

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, Mesdames et Messieurs les députés, bienvenue. Nous entendons donc ce matin les groupes suivants... les groupes ou les individus suivants : Mme Anne Michèle Meggs — j'espère que j'ai bien dit votre nom...

Une voix : ...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...oui — et M. Jean-Pierre Corbeil.

Alors, je vais donc commencer tout de suite en souhaitant la bienvenue à Mme Meggs. Je vous rappelle, Mme Meggs, que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous allons ensuite procéder à la période d'échange avec les parlementaires. Le micro est à vous.

Mme Meggs (Anne Michèle) : Bonjour, Mme la Présidente. Merci. Et bonjour à la ministre et aux autres membres de la commission ou substituts. Je ne peux pas m'empêcher de signaler aussi la présence et la contribution du personnel du ministère et de soutien de l'Assemblée nationale, qui font tout ce qu'il faut pour assurer le bon déroulement de ces consultations. Merci.

C'est un honneur d'être invitée à témoigner aujourd'hui, surtout parce que je sais que je ne suis pas parmi les suspects habituels pour un tel exercice. Je ne représente pas un groupe d'intérêt ou une partie prenante. Je ne suis pas non plus une scientifique, démographe, économiste, statisticienne, linguiste, juriste, pédagogue. Ils ont tous leur place dans ce domaine. Cela étant dit, je me demandais comment le mieux expliquer ma présence ici aujourd'hui. J'ai un petit faible pour les séries policières et j'ai remarqué que, quand la procureure présente un témoin expert, elle commence en établissant sa crédibilité avec des questions sur son expertise. J'ai donc décidé de présenter un peu mon expérience dans l'espoir que vous trouverez pertinente mon expertise en matière de planification de l'immigration.

Avant d'émigrer au Québec, de Toronto, j'ai passé les premiers 14 ans de ma carrière dans le domaine des affaires constitutionnelles, donc le partage des compétences, et des politiques linguistiques, tant au gouvernement canadien que de l'Ontario.

En 1991, je me trouve au ministère de l'Immigration du Québec plongée directement dans le dossier des accommodements raisonnables. Oui, plusieurs années avant Bouchard-Taylor.

Entre les années 2000 et 2017, l'an 2000 étant la date de l'adoption de la Loi sur l'administration publique, j'ai dirigé les travaux d'élaboration de trois des quatre plans stratégiques du ministère de l'Immigration et deux plans stratégiques de l'Office québécois de la langue française, ainsi que les rapports annuels de gestion les accompagnant. J'ai manqué le plan stratégique 2005-2008 parce que j'étais au ministère du Conseil exécutif à analyser les plans stratégiques de divers ministères et organismes en vue de leur adoption par le Conseil des ministres. Je suis fière de dire que, pendant les années que j'étais responsable de l'application de la Loi sur l'administration publique au ministère, on s'est trouvés plusieurs années de suite en haut du palmarès gouvernemental de la gestion par résultats produit par le Secrétariat du Conseil du trésor.

En 2018, je suis revenue au ministère de l'Immigration, attirée notamment par le défi de répondre aux recommandations du vérificateur général du Québec en ce qui concerne les indicateurs de résultats des services de francisation.

Depuis ma retraite au début de 2019, je fouille des aspects de l'immigration au Québec, au Canada, et même sur la scène internationale, qui ne faisaient pas partie de mon quotidien pendant ma vie professionnelle. Je continue à apprendre sur le sujet et, puisqu'on m'a offert des plateformes, je m'en sers pour tenter de vulgariser ce domaine tellement critique mais complexe, tant en français au Québec qu'en anglais pour le Canada anglais. Ces analyses ont culminé dans la publication de mon livre, paru en fin juin dernier, disponible en librairie, à lire bientôt parce que les données vont être datées.

Non seulement j'étais responsable de ces exercices de planification et de reddition de comptes, j'y croyais profondément, et c'est toujours le cas. La transparence dans la gestion de l'État ne peut que contribuer à bâtir la confiance de la population dans un gouvernement. De plus, ce type de planification et de suivi permet d'améliorer en continu les services publics et donc la vie des citoyennes et citoyens et de s'assurer que l'argent des contribuables, les ressources publiques, iront pour résoudre les problèmes clairement identifiés, preuves à l'appui, lors de la planification.

• (11 h 40) •

Comme élus, les membres de cette commission ont sûrement remarqué que la confiance de la population dans le gouvernement, et même dans notre système de gouvernement, est intimement liée à la perception que tout est sous contrôle. Dans le cas de l'immigration, on constate que les Québécoises et Québécois, autant que les Canadiennes et Canadiens, sont très ouverts à l'immigration, aux personnes immigrantes. En général, c'est parce que ce sont des peuples sympathiques et accueillants de nature. Mais moi, je vous dirais qu'une bonne partie de cette ouverture à l'immigration a été maintenue grâce à la perception que l'immigration était bien contrôlée, bien gérée au pays. Nous avons une réputation enviable comme modèle dans le monde occidental en ce qui concerne notre gestion de l'immigration, ou bien on avait...

Mme Meggs (Anne Michèle) : ...il faut le dire que c'était un modèle facile à comprendre. Une personne qui veut venir s'établir au Québec fait sa demande de l'étranger, la demande est traitée selon une grille de sélection connue et publique, incluant des caractéristiques que le gouvernement considérait pertinentes pour une intégration rapide et à long terme au Québec. Si la candidature, qui incluait les membres de la famille immédiate, obtenait le nombre de points... minimum de points, tous les membres de la famille seraient sélectionnés et le gouvernement fédéral leur accordait la résidence permanente avant même leur arrivée sur le territoire. Simple. De plus tous les trois ou quatre ans, au Québec, il y a des consultations publiques comme celles-ci pour débattre publiquement de combien de personnes seront admises avec la résidence permanente pour les années à venir, toutes catégories confondues. Le système faisait en sorte que le nombre de personnes qui obtenaient la résidence permanente correspondait grosso modo au nombre de personnes qui arrivaient au Québec chaque année, un système simple à comprendre et à suivre, une perception de bonne gestion, de planification et de reddition de comptes.

Mais qu'est-ce qu'on voit depuis quelques années? Des reportages presque quotidiens sur le nombre croissant de demandeurs d'asile, d'abord au chemin Roxham et maintenant aux aéroports, dont plusieurs tombent sur l'assistance sociale en attendant leur permis de travail, des travailleuses et travailleurs sans aucun contrôle sur leur vie à cause des permis qui les lient à leurs employeurs, des jeunes de l'étranger qui ont réussi toutes les étapes et payé tous les frais pour étudier ici mais qui ne trouvent pas de logement abordable en arrivant ou qui n'arrivent juste pas parce que leur permis d'études a été refusé, des jeunes éduqués francophones en emploi au Québec qui quittent parce que leur permis temporaire est expiré, ils ne réussissent pas à le renouveler, des attentes interminables pour un permis temporaire, ou la résidence permanente, ou la citoyenneté. Et je ne parle même pas des histoires tragiques sans fin de migrants qui meurent en mer ou dans la chaleur des déserts.

On entend les mêmes histoires partout au Canada. Presque tous ces reportages découlent du phénomène de l'immigration temporaire, la partie de l'immigration qui n'est pas planifiée ni au Canada ni au Québec. Pourtant, comme vous le savez, de plus en plus de Québécoises et Québécois le savent aussi, presque toutes les personnes arrivant au Québec de l'étranger sont d'abord les personnes à statut temporaire et sont trois fois plus nombreuses que celles qui ont obtenu leur résidence permanente la même année. Tout ça, ça donne quoi comme perception de contrôle? Combien de temps avant que cette perception de perte de contrôle donne lieu aux mêmes divisions qu'on voit apparaître dans d'autres pays même avec une population ouverte et accueillante?

Comment regagner la confiance de la population? Revenir à la transparence dans la planification de l'immigration. Toute bonne planification commence avec une lecture lucide et complète des contextes externes et internes. Et ici je demande pardon à la ministre, parce que je n'ai pas suivi ses consignes, première fois de ma vie que je ne suis pas les consignes de la ministre, mais, à mon avis, l'analyse du contexte externe que nous avons devant nous n'est pas complète parce qu'on n'examine pas les conséquences de l'immigration temporaire et on évite une réflexion sur ce qui constitue la capacité d'accueil et comment la mesurer. Et, suivant la tradition, le document de consultation n'aborde pas du tout une lecture du contexte externe... interne, je veux le dire, c'est-à-dire les ressources disponibles.

C'est à partir de l'analyse des contextes qu'on identifie les enjeux et problématiques les plus importants, et ensuite propose des orientations pour y faire face. Il faut que les liens soient évidents. Et finalement, chaque orientation, on élabore les objectifs ciblés dont les résultats sont mesurables. Nous ne sommes plus dans le même contexte qu'il y a 10 ans. Nous ne pouvons plus se permettre d'entreprendre le même type de planification que dans le passé. Non seulement l'immigration temporaire a explosé, mais prenons un peu de recul pour saisir le contexte international qui accélère de manière dramatique l'immigration.

Les membres de cette commission et tous les membres de l'Assemblée nationale ont une lourde responsabilité de ne pas se tromper dans la vision du Québec pour l'immigration et surtout aussi l'intégration, que je n'ai pas eu le temps d'aborder, mais nous n'avons pas le luxe de baisser les bras. Je crois dans le rôle de l'État de protéger les personnes qui se trouvent sur son territoire et de mettre en place les conditions qui permettront à chaque personne de s'épanouir dans une société, osé-je le dire, tricotée serrée, qui a survécu grâce à ses valeurs de respect et d'entraide. Je crois que le Québec, un peuple qui intègre avec succès la diversité depuis ses débuts, peut être un modèle pour le monde en matière de cohésion sociale grâce à sa bonne gestion de l'immigration. Prenons le temps de bien faire. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme Meggs. Merci pour cette présentation. Nous allons donc entamer la période d'échanges avec les parlementaires. Je vous donne tout de suite les temps, compte tenu qu'on a réduit un petit peu, là, pour récupérer le retard. Donc, le gouvernement bénéficiera de 12 minutes, l'opposition...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...officielle, de neuf minutes et la deuxième en position, de trois minutes. Nous commençons donc tout de suite avec Mme la ministre.

Mme Fréchette : Merci, Mme la Présidente. Avant de débuter, j'aimerais juste réitérer tout notre soutien au député de Nelligan, à la communauté marocaine, celle établie au Maroc, celle établie ici. On est de tout cœur avec vous, vraiment. Et merci d'avoir pris la parole sur ce drame, cette tragédie aujourd'hui, de même que notre collègue, autre député, Sainte-Henri Sainte-Anne. Merci d'avoir partagé ça avec nous. C'est important et j'étais heureuse qu'on le fasse devant une délégation représentant le Maroc. Alors, bien, merci, Mme Megg, d'être des nôtres. Merci d'avoir contribué. Vous continuez, en fait, à contribuer au processus et aux discussions entourant l'immigration au Québec, et je pense qu'on pourra profiter, en fait, de votre expérience en ce domaine pour la tenue de cet échange aujourd'hui, un échange important sur un sujet qui nous concerne tous.

Alors, dans un premier temps, je vous ramènerais sur un enjeu que vous avez abordé dans votre présentation, celui des demandeurs d'asile. Les demandeurs d'asile ont occupé beaucoup les devants de la scène au cours au cours des dernières années, particulièrement au cours de la dernière année, avec les arrivées nombreuses au chemin Roxham. On sait que ça a créé, vraiment, un débordement au niveau de notre capacité à accompagner ces gens adéquatement, des gens qui étaient en grand besoin. On en a fait mention de toutes les manières possibles, et, heureusement, bien, on a développé une stratégie, je pense, qui a permis d'attirer l'attention sur l'importance des enjeux entourant l'arrivée en fort grand nombre des demandeurs d'asile via le chemin Roxham, et, heureusement, à nouveau, il y a eu des discussions entre le gouvernement fédéral et les États-Unis pour en venir à la signature d'une entente sur les tiers pays sûrs.

Maintenant, les demandeurs d'asile, il continue à y en avoir qui arrivent via, notamment, notre aéroport à Montréal, ailleurs également, particulièrement en Ontario et un peu moins en Colombie-Britannique. Mais toujours est-il qu'il y a un enjeu sur lequel on doit davantage se pencher, entourant les demandeurs d'asile. Et j'aimerais vous entendre sur ce que l'on devrait considérer de faire en lien avec l'arrivée des demandeurs d'asile. Bon, c'est le fédéral, bien sûr, qui gère les frontières, donc c'est lui qui est le... qui a la maîtrise d'oeuvre, on pourrait dire, de la stratégie, de la réaction qui a à avoir en regard des demandeurs d'asile.

Donc, j'aimerais vous entendre sur des suggestions, des propositions d'actions, tant pour le fédéral mais que pour nous aussi en lien avec le fédéral, parce qu'il faut discuter de ce sujet-là. J'aurai une rencontre au cours des prochains jours, là, avec le nouveau ministre de l'Immigration canadien. Donc, c'est un des sujets que l'on devra aborder. Alors, j'aimerais vous entendre sur cette perspective.

Mme Meggs (Anne Michèle) : Oui, vous commencez avec la seule catégorie qu'aucun gouvernement contrôle, c'est... Et la seule façon de contrôler sur les... c'est des murs ou des visas. Puis c'est un dilemme parce qu'une chose que... un message que moi, je passerais au gouvernement et au ministre fédéral, ce serait de prendre plus de temps avec chaque demande de permis. Parce qu'on a l'impression que... je vais répondre, je vais revenir, je vais répondre plus directement à votre question. Point de vue du Québec, je pense, une des choses qui... dans ma tête, et je ne sais pas exactement jusqu'à quel point le Québec, le ministère a un profil des personnes qui sont sur son territoire qui attendent leur décision, mais...

Mme Fréchette : Vous voulez dire le gouvernement canadien quand vous dites... vous vous demandez...

Mme Meggs (Anne Michèle) : Oui, de la commission de... bien, des... sur les statuts de réfugié.

Mme Fréchette : Oui, parce que nous, on n'a pas ces données.

• (11 h 50) •

Mme Meggs (Anne Michèle) : Puis tout ça, là, parce qu'il y a le... il y a cette attente-là, il y a aussi, en amont de ça... En attendant ça, normalement, il devrait avoir un permis de travail. Puis, dans le passé, ça prenait, semble-t-il, à peu près deux mois, mais maintenant ça ne prend plus de temps. Donc, c'est très important que permis de travail soit offert le plus rapidement possible. J'ai un contact. Michel Cournoyer, ancien directeur de planification stratégique au ministère mais aussi expert et économiste en marché du travail, a écrit dans Le Devoir à un moment donné que le Québec pourrait... il n'y a rien qui...

Mme Meggs (Anne Michèle) : ...empêche le Québec d'émettre ses propres permis de travail dans le domaine provincial. Ça pourrait être lié au permis de séjour fédéral, et tout ça, mais ça permettrait peut-être de donner une occasion, tout de suite, à ces personnes-là, de travailler. Plus vite ils peuvent travailler, plus vite ils peuvent trouver, essayer de trouver un logement qui convient. L'autre chose, c'est que, si on avait un dossier qui montrerait - et je ne pense pas que c'est le cas - le profil de ces personnes-là, quelles sortes de formations qu'ils ont, quelles sortes d'expériences de travail, dans quels secteurs ils ont déjà travaillé. Et, ensuite, ce que j'ai appris assez récemment - comme je dis, j'ai continué à apprendre - ils sont pauvres, ils ne sont pas admissibles à des programmes, des mesures actives d'employabilité au Québec, semble-t-il. Et je me demande si c'est une bonne idée, tu sais. Moi, je dirais que, s'ils ont un permis de travail... C'est clair qu'ils ne connaissent probablement personne ici, donc les mesures d'employabilité leur pourraient être très utiles. Donc, moi, c'était... ça date d'un décret qui est de très longue date, d'après ce que je comprends, mais c'est de trouver toutes les façons de les aider à s'intégrer dès leur arrivée et de participer. Et d'apprendre le français, c'est déjà disponible. Mais c'est toutes ces questions-là.

Ce que ça fait, par exemple, si on réussit bien, et on est capable d'intégrer des personnes comme ça, s'ils arrivent après trois, quatre, cinq ans à être... à avoir leur dossier de réfugié refusé, c'est très difficile. On ne peut pas, en toute bonne humanité, dire : Ah! bien, dommage, i, faut que vous retourniez dans... Ils ont fui quelque chose, là, tu sais, on s'entend. Et je trouve que la législation, les conventions internationales ne sont plus faites pour la situation actuelle dans l'immigration internationale, mais c'est... On n'a pas le... le climat ne faisait pas partie des enjeux en 1951. Donc, ça, c'est quelques idées que j'ai eues, mais je ne sais pas, pour aider, mais pour en amont, là, comme je disais, le visa, j'ai l'impression, d'après tout ce que... les contacts que j'ai hors Québec, maintenant, que plusieurs des refus de permis, que ce soit visiteur, que ce soit d'études, que ce soit n'importe quelle sorte de permis, de certains pays francophones, africains notamment, sont liés à des craintes qu'ils vont demander d'asile en arrivant. Et il faut... ce que je demanderais au fédéral, qu'il trouve une façon que les... les demandes de permis ne soient pas décidées par les algorithmes, je vais le dire de même. Je ne sais pas si c'est le cas, mais il va... ils disent non, ils disent qu'il y a un agent qui regarde chaque demande, mais il y a des choses, de drôles de choses qui se passent dans les systèmes fédéraux des fois, là.

Mme Fréchette : En matière d'accompagnement de ces personnes-là, est-ce que la francisation devrait représenter un élément?

Mme Meggs (Anne Michèle) : Toujours, toujours, toujours. Bien, à ma connaissance, ils sont admissibles à des programmes de francisation, des services de francisation. Et ça fait que ça, c'est... absolument, le français, c'est... plus tôt on parle français au Québec, mieux c'est pour la personne et pas juste pour le Québec, mais pour la personne qui arrive. C'est comme ça qu'on... c'est une langue d'intégration, c'est... ça fait que oui, absolument. Mais c'est un dilemme, si on décide d'embarquer sur la question du français...

Mme Fréchette : D'ailleurs... Oui, tout à fait. C'est un vecteur d'intégration, hein, la langue française, l'apprentissage du français. Et vous n'êtes pas sans savoir qu'on a développé, là, beaucoup de choses au cours des dernières années. Rappelez-moi l'année... la dernière année à laquelle vous avez travaillé au ministère?

Mme Meggs (Anne Michèle) : J'ai quitté à la fin de 2008.

Mme Fréchette : À la fin de 2018, O.K. Donc juste comme... une année charnière pour nous, une année charnière pour la francisation aussi, parce que...

Mme Meggs (Anne Michèle) : Oui, c'est ça, beaucoup a changé.

Mme Fréchette : Depuis ce temps là, en fait, on a fait beaucoup de choses, particulièrement en francisation, hein? On a... les budgets de francisation ont pratiquement doublé. Donc, comme quoi...

Mme Fréchette : ...on a fait un bond en avant considérable. Les temporaires ont maintenant... les immigrants temporaires ont maintenant accès à la francisation, ce qui n'était pas le cas lorsque vous étiez au ministère, sous la gouverne... le gouvernement libéral, on a investi aussi 183 millions. Donc, en 2022-2023, on a élargi l'accès à la francisation aussi via la mise sur pied de Francisation Québec. Donc ça, c'était un gros morceau qui était promis de longue date par plusieurs partis politiques. Mais nous sommes celui qui l'avons mis sur pied et c'est en train de prendre son envol. On le sait, hein, sous la... en 2017, la vérificatrice générale indiquait que la francisation, c'était l'équivalent d'un fiasco tellement les services étaient éclatés, que c'était difficile de s'y retrouver pour ceux qui prennent... prenaient le parcours de francisation. Donc, on a rassemblé ça en une seule instance.

Et puis ce qu'on voit, c'est que, depuis que c'est en place, depuis le 1ᵉʳ juin dernier, bien, on bat des records, des records en termes d'inscriptions. Je vous donne quelques chiffres, là, pour la période 2022-2023, il y a 64 000 élèves, élèves qui ont bénéficié des services de francisation à la fois du MIFI puis du ministère de l'Éducation puis, en comparaison avec l'an dernier, là, pour le premier trimestre, donc du 1ᵉʳ avril au 30 juin, c'est déjà 30 200 personnes qui ont participé aux mesures de francisation. C'est énorme. Quand on y pense, là, c'est l'équivalent d'une université en francisation, là, qu'on est en train de mettre sur pied avec Francisation Québec. Donc, le 30 000 personnes du 1ᵉʳ avril au 30 juin, ça représente une hausse de 46 % par rapport à l'année précédente. Alors, c'est vraiment... les gens répondent à l'appel, alors on a lancé un appel de toutes sortes de manières, on a fait des réformes aussi importantes de nos programmes d'immigration permanente pour faire en sorte de rendre incontournable la connaissance du français et les gens répondent à l'appel positivement.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup.

Mme Fréchette : Merci. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, merci pour cette première partie d'échange. Je me tourne maintenant du côté de l'opposition officielle. Vous bénéficiez, comme je vous disais tout à l'heure, de neuf minutes. Le temps est à vous, M. le député de Nelligan.

M. Derraji : ...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Oui, c'est calculé. C'est juste qu'étant donné qu'on a commencé en retard...

M. Derraji : Ah! d'accord. Oui, oui.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...minutes.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente, je vais me permettre, merci, Mme la ministre. Écoutez, c'est très, très, très touchant et je suis très heureux. Je l'ai mentionné à M. le premier ministre et à Mme la ministre des Relations internationales. Le geste de solidarité de l'ensemble des élus du gouvernement du Québec, c'est très, très, très apprécié. Vous allez comprendre que je suis extrêmement touché... cette fierté de choisir le Québec et de voir le Québec aider mon pays d'origine, c'est extrêmement touchant. Donc, merci beaucoup, Mme la ministre.

Mme Meggs. Très heureux de vous rencontrer. Moi, j'ai lu votre livre et je veux vous permettre de commencer par vous aujourd'hui. C'est très rare qu'on le fait, mais je tiens à vous remercier. Vous savez pourquoi? Vous êtes une mine d'or en termes d'information. Moi, je vous lis, vous m'avez inspiré dans vos écrits sur l'immigration et je vous encourage à continuer à prendre votre plume et à écrire, à nous éclairer parce que nous avons besoin de vous. Maintenant, il n'y a plus de ministre avec vous. Vous êtes libre d'écrire ce que vous voulez et, sérieux, c'est très valorisant de voir des personnes d'expérience prendre la plume. Parce que l'enjeu de l'immigration, ce n'est pas uniquement, comment dirais-je, le travail du gouvernement, de l'opposition, c'est aussi la société civile et des gens d'expérience comme vous. Donc, je tiens à vous saluer parce que vraiment, et d'ailleurs, M. Fortin aussi, s'il était là, je vais lui dire, parce qu'il est... avec vous au niveau de la préface de Pierre Fortin, donc merci. Il est toujours avec moi, votre livre et vos écrits et je vous dis même : Le dépôt du projet de loi au mois de mai, je me suis inspiré de vos écrits.

Première question, parce que vous avez développé une bonne expertise, votre expertise est très reconnue dans ce sens. Vous dites qu'il faut inclure l'immigration temporaire. Je ne sais pas si vous avez suivi ou pas les deux derniers jours, mais il y a pas mal de groupes qui parlent de ça. Pourquoi c'est important d'inclure l'immigration temporaire dans le calcul ou dans notre planification?

• (12 h 00) •

Mme Meggs (Anne Michèle) : Bien, je pense que... Merci, d'abord, vous êtes gentil. Ça me... je suis trop motivée pour arrêter, là, ça fait que... Préparez-vous. Mais c'est une question... l'affaire, c'est que ce que les...


 
 

12 h (version non révisée)

Mme Meggs (Anne Michèle) : ...ce que je sens, c'est que... et ce qu'on n'a pas... tu sais, j'accepte, là, qu'on n'ait pas fait ça dans le passé avec la planification à laquelle j'ai participé, mais ce qu'on a besoin maintenant, sur le terrain, c'est de savoir combien arrivent et d'être capables de prévoir combien vont arriver, quand et où, c'est un peu ça que j'ai dit dans mon mémoire, pour savoir, là le document de consultation le souligne qu'ils sont bien conscients, là, que ça... On a besoin de savoir, là, combien de places en garderie, combien... est-ce qu'on a les médecins? Est-ce qu'on a des places dans les écoles? Est-ce qu'on a des places... Parce que, souvent, des familles... est-ce qu'on... Et aucun gouvernement qui donne des... publiquement, là, je pense qu'avec une demande spéciale de IRCC, on pourrait peut-être, j'ai vu que quelqu'un a réussi à en avoir, des données sur les arrivées. Mais toutes les données qu'on a actuellement, c'est... les permis, des visas et des permis, ce que j'utilise, en tout cas, ou les données de recensement. Ça fait que c'est savoir combien vont arriver pour bien préparer, pour savoir, être sûrs que les choses vont être en place. Et c'est un énorme dilemme. On n'a jamais fait ça nous-mêmes. Puis donc, ils arrivent, comme je le disais, presque tout le monde arrive avec un statut temporaire maintenant.

M. Derraji : Vous avez raison. C'est juste parce que je veux profiter dans mon échange avec vous, je n'ai pas beaucoup de minutes, donc, pour vous, c'est pour... le but, c'est bien planifier l'arrivée, l'installation, la régionalisation, la francisation. Si on ne les inclut pas, je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, je veux juste vraiment profiter de votre expertise, si on ne les inclut pas, ça veut dire qu'on ne va pas bien planifier leur arrivée. Par conséquence, donc, tous nos problèmes : garderie, logement, régionalisation, francisation, pensez-vous... Vous, vous étiez dans la machine, si on peut dire, à l'intérieur du ministère, pensez-vous que, réellement, si on ne les inclut pas, ça va affecter nos services, ça va compromettre certains efforts?

Mme Meggs (Anne Michèle) : Bien, c'est très évident. Canada anglais, c'est plein de données, de discussions, maintenant, sur le logement puis l'immigration, et de plus en plus de données aussi sur la question de... et l'immigration voulant dire immigration massive, et ça, ça veut dire temporaire. On planifie... on a maintenant un système à deux étapes puis on planifie la deuxième étape. Je ne sais pas comment être plus claire, mais il faut bien recevoir ces gens-là.

Et temporaires, c'est aussi plus difficile parce que les données qu'on a à partir des CAQ, puis tout ça, ne sont pas aussi complètes qu'une demande d'immigration comme telle. Comme les demandeurs d'asile, on n'a pas toute l'information sur leurs... et même pour le... tu sais, pour les garants, le parrainage.

M. Derraji : Et je sais que vous suivez les demandes. Vos prévisions, pour le futur, parce que vous voyez ce qui s'en vient avec... on le voit avec les CAQ, c'est des chiffres quand même... on parle plus de 50 000, de 60 000, c'est des chiffres quand même très importants.

Mme Meggs (Anne Michèle) : Bien, les... C'est... Même Statistique Canada ne sait pas comment compter les résidents... (panne de son)... Ça fait que c'est... il faut... Un message pour le gouvernement fédéral : ralentissez. Mais le Québec peut, grâce à l'accord, lui-même décider de ralentir le rythme des arrivées des temporaires, et de différentes façons. Ça fait que c'est... Moi, je trouve que le Québec a un... a des pouvoirs que les autres provinces n'ont pas dans ce domaine-là.

M. Derraji : Vous avez aussi mentionné, dans votre mémoire et lors de vos écrits, quelque chose qui m'a beaucoup interpelé. De plus en plus, c'est le secteur public de la santé qui a recours au PTET. Vous savez, avant... Je ne veux pas faire encore de message politique par rapport à la pénurie de main-d'œuvre, on l'a niée en 2018. Mais de voir l'État utiliser du temporaire, des travailleurs temporaires pour pallier une pénurie de main-d'œuvre, vous, là, si, aujourd'hui, vous étiez à l'intérieur du ministère, quel son de cloche ça va vous envoyer? C'est quel message, d'avoir recours au PTET pour combler des postes dans le secteur public?

Mme Meggs (Anne Michèle) : le PTET, à moins que ce soit comme avant, pour des... un dernier recours pour des postes temporaires à courtes périodes déterminées, je ne crois pas à ce programme-là. C'est...

M. Derraji : Je n'ai pas entendu...

M. Derraji : ...vous...

Mme Meggs (Anne Michèle) : Hein?

M. Derraji : Je n'ai pas entendu ce que vous voulez dire.

Mme Meggs (Anne Michèle) : Le PTET devait être un programme de dernier recours qui ne... Pour des postes de période déterminée. On est en train maintenant de combler des postes permanents avec des gens avec un séjour temporaire. Les usines d'Olymel qui ferment, ça, ce n'est pas nécessairement la... mais heureusement syndiqués par la CSN, mais ils pourraient... Sinon une compagnie comme ça ferme, les employés qui sont des TET, plus d'emploi, plus de permis.

M. Derraji : Mais je veux revenir au secteur public. Au niveau privé...

Mme Meggs (Anne Michèle) : Le privé, oui.

M. Derraji : Oui. Moi, ce qui m'inquiète dans ce que vous voulez, c'est quand vous avez mentionné c'est le secteur public, vous êtes la première à lever ce drapeau que l'utilisation de PTET dans le secteur public est de plus en plus très présente. Mais pourquoi on doit s'alarmer aujourd'hui? Ils comblent des postes.

Mme Meggs (Anne Michèle) : C'est d'ailleurs une journaliste du Canada anglais qui a attiré mon attention que les EIMT, au Québec, se donnaient dans le secteur privé... public, puis ça m'a... c'était une surprise pour moi. Peut-être que ça date depuis longtemps. Moi, je ne connaissais pas ça. Mais moi, je trouve que de... oui, il faut attirer des personnes, mais on a toujours pu, puis je trouve qu'Arrima a...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme Meggs, mais le temps est terminé pour la partie de l'opposition officielle. Par contre, je me tourne maintenant pour terminer et clore, pour trois minutes, avec la deuxième opposition. Le temps est à vous, M. le député.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. Merci, Mme Meggs, pour votre présentation. Moi aussi, j'ai lu votre livre avec attention, et c'est toujours intéressant d'avoir des discussions. On n'est pas toujours d'accord sur tout, mais je pense que sur beaucoup de choses quand même, on a les visions semblables. Et je continue avec mon échange et je réaffirme aussi, je ne voulais pas oublier, envers mon collègue de Nelligan, j'envoie encore toutes mes sympathies, ma solidarité, comme je l'ai exprimé au salon bleu, et je souligne le geste de la ministre de le redire ce matin. Je pense que c'est un point très important, donc je voulais le ressouligner.

Vous parlez d'une lecture complète du contexte dans votre mémoire et qu'il faut donc savoir exactement de quoi on parle, les chiffres, les arrivées notamment. Est-ce que vous, vous avez vu dans la planification ou est-ce que vous avez trouvé les chiffres sur les arriérés, là, le backlog par catégorie d'immigration?

Mme Meggs (Anne Michèle) : Ça, il faut le faire sur demande et c'est régulièrement. On voit les délais d'attente sur leur site, mais on ne voit pas nécessairement combien attendent. Ils sont en attente. J'ai demandé à RCC, à un moment donné, combien de personnes, demandeurs d'asile justement, étaient en attente d'un permis de travail au Québec, puis ils n'étaient pas capables de me le dire selon les courriels, là, en tout cas, donc...

M. Cliche-Rivard : Par contre...

Mme Meggs (Anne Michèle) : Mais c'est grave, on sait que c'est grave.

M. Cliche-Rivard : Par contre, les journalistes du Devoir ont été capables de faire cet exercice-là, ont obtenu les chiffres dans le regroupement familial, dans le refuge, dans l'humanitaire et ils nous en ont informé cet été. Les chiffres sont disponibles et ils ont été confirmés par le ministère. Comment ça se fait que ces chiffres-là de la planification, dans un document de 65 pages, avec plusieurs d'orientations, est-ce qu'on ne les avait pas?

Mme Meggs (Anne Michèle) : Il faut et il faudrait... Il y en a une ou deux là-dedans, notamment, là, sur les investisseurs.

M. Cliche-Rivard : Oui.

Mme Meggs (Anne Michèle) : Ce qui m'a vraiment surpris parce que je me dis s'il y en a 15 000 qui attendent à Ottawa, pourquoi on se donne 3 000 dans quatre ans? Là, tu sais, le nouveau programme, je ne vois pas la sélection ou de... n tout cas.

M. Cliche-Rivard : Donc, si on n'a pas ces chiffres-là, là, c'est impossible de faire une planification.

Mme Meggs (Anne Michèle) : Mais c'est-à-dire que ce qui va arriver, c'est que les personnes qu'on sélectionne selon les nouvelles règles ou autres cette année et ils arriveront, bien, parce que... ils n'auront pas leur résidence permanente avant quelques années. Plus il y a un inventaire à Ottawa, plus ça va prendre du temps si on planifie uniquement deuxième étape, c'est-à-dire, on garde les plafonds bas. Ce que le fédéral fait avec de plus en plus de temporaires qui deviennent admissibles à la résidence permanente, c'est ils augmentent leurs cibles de permanents? Mais c'est un peu... c'est le monde à l'envers.

M. Cliche-Rivard : C'est comme ça qu'on arrive à des 25 ans de délais de traitement.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : C'est tout le temps que nous avions pour cette première partie d'échanges, MMes et MM. les élus, merci... les parlementaires, merci de cet échange. Mme Meggs, merci énormément pour l'apport à nos travaux. Je vais suspendre les travaux quelques instants, le temps de se préparer pour la prochaine...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 11)

(Reprise à 12 h 14)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Les travaux de la commission reprennent. Nous en sommes donc rendus à l'audition de M. Jean-Pierre Corbeil.

M. Corbeil, bonjour, bienvenue à la Commission des relations avec les citoyens. Vous allez donc disposer d'une période de 10 minutes pour nous entretenir sur votre mémoire, votre exposé, en fait, vous présenter, bien entendu. Ensuite, on va commencer la période d'échange avec les parlementaires. Alors, le temps débute maintenant.

(Visioconférence)

M. Corbeil (Jean-Pierre) : Merci. Merci, Mme. Je tiens d'abord à vous remercier de m'avoir invité à partager avec vous aujourd'hui mes réflexions au sujet de la planification de l'immigration au Québec au cours des prochaines années. Le dossier de la planification de l'immigration est complexe, évidemment, et c'est principalement en tant que spécialiste de la relation entre la langue et l'immigration que je m'adresse à vous aujourd'hui.

J'aimerais d'abord souligner que toute réflexion sur le lien entre l'immigration et l'amélioration de la présence et de l'usage du français au Québec, et à Montréal en particulier, doit, selon moi, se situer au-delà de l'établissement des seuils d'immigrants de la catégorie économique, voire de seuils d'immigration permanente.

Le point de vue que je tiens à partager avec vous s'articule, de fait, autour de trois éléments qui me semblent fondamentaux. Tout d'abord, une stratégie de planification de l'immigration doit absolument prendre en compte l'ensemble des migrants internationaux, c'est-à-dire tant des immigrants permanents que temporaires. Deuxièmement, il importe de mieux cerner les indicateurs appropriés pour suivre l'évolution de la situation du français, notamment chez les immigrants, ce qui inclut un meilleur arrimage entre l'évolution de ces indicateurs et les pistes d'action proposées. Et troisièmement, il y a une nécessité, selon moi, de proposer un nouveau paradigme sur le vivre-ensemble linguistique au Québec, ce qui sous-entend rien de moins qu'une redéfinition du nous Québécois.

Le recul du français... Concernant le recul du français et de la planification de l'immigration, dans le document...

M. Corbeil (Jean-Pierre) : ...consultation publique planification pluriannuelle de l'immigration 2024-2027. Tant le premier ministre Legault que la ministre de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration, Mme Fréchette, présentent la politique d'immigration comme un... pouvant jouer un rôle pour inverser ce qui est décrit comme le déclin important de notre langue commune, que l'immigration a le potentiel d'être une solution au déclin du français.

Or, pour parler de la situation du français au Québec, ce document met principalement l'accent sur le français comme langue maternelle ou comme principale langue d'usage à la maison, deux indicateurs qui sont très contestables eu égard aux objectifs de la politique linguistique qui est de faire du français la langue publique commune de la société québécoise.

Quant à la baisse relative de la capacité de soutenir une conversation en français. Entre 2016 et 2021, elle constitue une première baisse en près de 60 ans et résulte essentiellement de facteurs de nature migratoire, dont principalement l'arrivée des migrants en provenance de pays où l'on est susceptibles de connaître l'anglais, mais non le français. Ces facteurs expliquent également en bonne partie l'évolution observée en matière de langue de travail entre 2016 et 2021, alors même qu'entre 2006 et 2016, on avait plutôt observé une baisse importante de l'usage exclusif de l'anglais au travail parmi les immigrants au profit de l'usage du français et de l'anglais à égalité.

Il est important de reconnaître, ce que ne fait d'ailleurs pas le document de consultation publique, que le fait d'accroître la part d'immigrants de la catégorie économique qui peut soutenir une conversation en français n'influencera pas, ou vraiment très peu, à court, voire à moyen terme, l'évolution de la part du français comme langue maternelle ou comme principale langue d'usage à la maison. Les résultats de l'étude intitulée Scénarios de projection de certaines caractéristiques linguistiques de la population du Québec 2011-2036 qui ont été publiés par l'Office québécois de la langue française en 2021, et dont je suis co-auteur, sont formels sur ce point. Cela pourrait cependant exercer une faible influence sur l'usage du français dans l'espace public et au travail en particulier. Cela s'explique principalement par le fait que la proportion d'immigrants de la catégorie économique, qui a déjà une connaissance du français, est déjà élevée et qu'en raison de son effectif, cela aura peu d'influence sur celle de la situation linguistique québécoise. Alors que le gouvernement se donne pour objectif d'atteindre la cible de 96 % de cette catégorie d'immigrants qui auraient une connaissance du français en 2027, 89 % en 2024, nulle part dans le cahier consultation du MIFI on ne fournit de l'information sur le niveau actuel de connaissance du français parmi les immigrants récents de cette catégorie. Selon les dernières données publiques disponibles, cette proportion atteignait près de 85 % en 2021, cela veut donc dire qu'on fait grand bruit pour un nombre somme toute limité d'immigrants admis annuellement, alors même que le défi le plus important réside principalement dans la forte croissance du nombre de résidents non permanents et dont une part non négligeable ne connaît pas le français.

En 2022, l'immigration économique représentait les deux tiers de l'ensemble des immigrants devenus résidents permanents au Québec. Au cours de cette année, si on exclut l'effectif des immigrants dits de rattrapage au cours de cette année, cela signifie que 85 % des quelque 36 000 immigrants économiques auraient une connaissance du français, il ne resterait donc que 5 400 immigrants économiques à franciser. Or, on sait qu'environ la moitié de ces derniers quitteront le Québec vers d'autres provinces et que l'autre moitié apprendra de toute façon le français au fur et à mesure que se prolonge la durée de séjour. Ces résultats donnent donc à penser que de telles cibles changeront très peu l'évolution démolinguistique du Québec, étant donné l'infime part que présente un effectif aussi petit d'immigrants économiques non encore francisés au sein d'une population québécoise de 8,8 millions de personnes.

Ce n'est pas une mauvaise chose en soi de favoriser une immigration économique capable de parler le français. Il faut se garder de croire qu'il s'agit d'une panacée. Ces considérations appellent donc à la prudence quant à la promotion et la mise en oeuvre de stratégies qui non seulement risque d'alimenter la division et l'exclusion, mais qui auront fort probablement peu d'impact sur l'évolution démolinguistique de la population québécoise en regard de celles qui favorisent efficacement la francisation ainsi que la promotion et la valorisation de l'usage du français dans l'espace public québécois.

• (12 h 20) •

Dans le contexte actuel, il semble clair que le discours à l'égard des immigrants et de leur rôle dans ce que plusieurs appellent le déclin du français au Québec doit être nuancé et remis en question. La capacité de soutenir une conversation en français parmi les citoyens est déjà élevée, soit environ 81 %, mais tous... tous les immigrants, pardon, n'ont pas le même lien, le même rapport et la même contribution à la francophonie québécoise, et c'est son usage dans la sphère publique qui devrait être la préoccupation du gouvernement québécois, non son usage...

M. Corbeil (Jean-Pierre) : ...dans la sphère privée. Lors du recensement de la population de 2021, on a constaté que seulement le tiers des quelques 1 million d'immigrants dans la région métropolitaine de Montréal parlaient le français le plus souvent à la maison. Et, lorsqu'on prend en compte ceux qui parlent le français à égalité avec une autre langue, généralement une langue tierce, cette proportion atteint 42 %. De même, parmi ceux qui ne parlent le français ni le plus souvent ni à égalité avec une autre langue à la maison, mais qui l'utilisent de façon prépondérante au travail, on observe un bond de 14 points de pourcentage pour atteindre près de 56 % des immigrants qui font usage du français. Si l'on tient également compte des immigrants qui ne rencontrent aucun de ces derniers critères, mais qui font néanmoins usage du français de façon régulière comme langue seconde à la maison, un comportement qui, par ailleurs, témoigne d'une nette orientation vers le français dans l'espace public, l'usage cumulé du français atteint 64 %. En poursuivant cette approche, à partir des informations disponibles dans le recensement, la présence ou l'usage cumulé du français chez les immigrants de la région de Montréal atteint près de 82 %. Cette dernière statistique prend en compte les immigrants de Montréal capables de soutenir une conversation en français qui ne l'utilisent pas nécessairement dans la sphère privée ou au travail, mais qui, notamment parce qu'ils ne font pas partie de la population active, sont susceptibles de l'utiliser dans d'autres domaines de la sphère publique.

Une telle perspective illustre bien, selon moi, ce qu'on appelle la contribution de chacune des situations d'usage ou de présence du français dans la région de Montréal. On y constate donc une diversité de rapports à la langue française et qu'elle évolue au fur et à mesure que se prolonge la durée de séjour au pays. Que nous suggère une telle perspective au regard de la contribution des immigrants et des autres segments de la population à la francophonie québécoise? Elle témoigne, en fait, en réalité, du fait qu'il devient impératif de réfléchir au paradigme actuel qui prévaut en ce moment, notamment au regard de ce que signifie le nous Québécois dans une société qui a pour objectif de faire du français la langue publique commune de tous les Québécois.

Toute planification de l'immigration au Québec doit prendre acte...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Il vous reste une minute.

M. Corbeil (Jean-Pierre) : Parfait. ...du fait que l'évolution de la situation du français dépend d'un certain nombre de paramètres qui vont au-delà des simples statistiques sur la langue et a fortiori celles portant sur la sphère privée.

Dans mon mémoire, j'ai soumis un schéma qui illustre en fait les éléments les plus importants qui devraient sous-tendre toute réflexion sur le devenir de la société québécoise et du rôle que joueront notamment, à moyen terme et à long terme, les communautés issues de l'immigration. Il s'agit en fait de redéfinir le nous québécois. Je n'entrerai pas dans les détails, cela figure dans le mémoire. Mais ce que ça dit essentiellement, en bout de ligne, c'est que redéfinir le nous Québécois oblige à prendre acte du fait que l'État a pour objectif de valoriser l'usage et la présence du français dans la sphère publique et qu'il ne peut exercer aucun contrôle direct sur les dynamiques et les comportements dans la sphère privée.

Et je terminerais en disant que...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...terminé, M. Corbeil

M. Corbeil (Jean-Pierre) : Parfait. Tout simplement mentionner que la planification...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : C'est terminé.

M. Corbeil (Jean-Pierre) : Parfait. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : On entame la période d'échanges de toute façon, alors je me tourne tout de suite du côté du... de l'aile gouvernementale pour une période de 12 minutes. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Fréchette : Merci, Mme la Présidente. Alors, merci beaucoup, Pr Corbeil, de prendre part à cet exercice, d'autant que je crois comprendre que vous êtes à l'étranger.

M. Corbeil (Jean-Pierre) : Je suis dans le sud-ouest de la France, effectivement.

Mme Fréchette : Voilà. Alors, un grand merci de vous rendre disponible, alors que vous êtes en Europe. On apprécie vraiment puis j'apprécie avoir l'occasion d'échanger à nouveau avec vous. Notre conversation, lorsqu'on s'était rencontrés, était très riche, et instructive, et éclairante. Alors, si je me plonge dans votre mémoire, en fait... Bien, d'une part, je voulais vous remercier pour l'appui que vous avez donné à Francisation Québec dans le cadre de votre mémoire. Vous savez que c'est un élément, une assise très importante de notre action en lien avec le fait français, la langue française, un axe d'intervention très central dans toutes nos démarches. Comme vous le savez, on a créé un droit, le droit à l'apprentissage du français. C'est un droit nouveau, donc une action très déterminante. Et puis Francisation Québec incarne l'accès à ce droit, alors c'est une... ça a été une étape très importante pour nous. On avait déjà pris un certain nombre d'actions en lien avec la francisation, hein? Depuis notre arrivée au pouvoir, on a doublé notamment le budget en matière de francisation. Puis la création de Francisation Québec...

Mme Fréchette : ...une autre grande étape. Alors, moi, j'aimerais vous entendre sur qu'est-ce qu'on pourrait faire pour la suite des choses, pour faire en sorte de continuer sur cette lancée en matière de francisation avec une approche la plus attrayante possible et la plus efficace qui soit. Alors, qu'est-ce que vous nous inviteriez à considérer en ce domaine-là?

M. Corbeil (Jean-Pierre) : Bien, évidemment, ce qui est... pour moi, qui m'apparaît important, c'est évidemment de bien distinguer... même si j'ai dit qu'il fallait prendre en compte l'ensemble des migrants internationaux, tant ceux qui sont permanents que temporaires, je pense que c'est clair qu'il y a un coup de barre qui est fondamental à donner en matière de francisation en milieu de travail. Pour moi, c'est absolument fondamental. C'est... Évidemment, les employeurs vont certainement vouloir bénéficier d'un certain appui financier pour le faire. Je pense que c'est absolument fondamental que ça se fasse, mais que ça se fasse non seulement pour l'immigration permanente, mais pour l'immigration temporaire également. Je dirais que... Puis, à cet égard-là, évidemment, il y a une très grande différence entre les grandes entreprises des petites et moyennes entreprises où les défis sont totalement différents et les moyens, évidemment, sont totalement différents. Je pense que c'est important. C'est une... Moi, je salue le fait que les niveaux qui sont attendus en matière de compétences en français varient selon, évidemment, les exigences des métiers, des professions.

Je pense aussi, par ailleurs, qu'il y a certainement un partenariat à développer avec les institutions d'enseignement, en particulier étant donné le rôle que jouent, en fait, les étudiants internationaux mais surtout l'influence qu'exercent sur les dynamiques linguistiques dans la grande région de Montréal les étudiants qui fréquentent les universités de McGill et Concordia. Il y a, évidemment, des cours de français qui s'offrent, mais il y a un partenariat à développer qui ferait en sorte que les étudiants qui s'inscrivent dans ces universités-là... On devrait, d'ailleurs, avoir une certaine idée, à un moment donné, de leur parcours, du nombre ou de la proportion de ceux qui souhaiteraient demander la résidence permanente éventuellement, et de s'assurer qu'ils comprennent bien qu'au moment où... de toute façon, pour qu'ils puissent obtenir leur certificat, ils doivent avoir une compétence en français, mais les universités pourraient mieux contribuer à... dans le fond, à parfaire ou à développer leurs compétences en français.

Il y a aussi un message, je pense, qui doit être très important. Je sais que le gouvernement travaille, en ce moment, sur une campagne de valorisation et de promotion du français, mais je pense qu'on doit aussi promouvoir le fait que la connaissance du français... et il y a plein d'études qui ont démontré ça, que ça se traduit par des avantages économiques qui sont importants. Et donc, si on veut maintenir ces immigrants chez nous, ils doivent non seulement comprendre que le français est la langue publique commune, mais qu'il y a un avantage aussi à maîtriser cette langue-là. Et, bien, justement, ça facilitera certainement leur intégration. Donc, c'est un peu, très rapidement, à chaud, ce qui me vient à l'esprit.

Mme Fréchette : Oui, très intéressant, c'est riche. Pour vous dire, d'une part, bien, on a lancé un projet, d'ailleurs, il y a deux semaines, trois semaines, je sais plus, je perds la notion du temps, parfois, avec les horaires, mais on a lancé un projet en partenariat avec la Fédération des chambres de commerce du Québec et des établissements d'enseignement pour, en fait, sensibiliser des PME à l'apprentissage du français parmi les travailleurs au sein de ces différentes PME, c'est des chambres de commerce qui vont nous aider à repérer les entreprises pour, justement, aller faire de la francisation sur les lieux de travail. Donc, ça, c'est une des formules que l'on teste. On a choisi particulièrement trois régions où il y a eu une diminution de l'utilisation du français en région... pas en région, l'utilisation du français dans les milieux de travail. Donc, c'est l'Outaouais, l'Estrie et la Montérégie, là, qui font l'objet de ce projet pilote. Donc, c'est juste au passage comme ça où je voulais vous faire part de ça.

• (12 h 30) •

Mais votre notion de faire connaître les avantages économiques de la connaissance du français, ça, c'est vraiment un atout d'avoir ce type de données là et de promouvoir ces chiffres-là. Parce que je pense que c'est reconnu. Il me semble, il y a quelques années, le Conseil supérieur de la langue française avait fait faire une étude sur ce sujet-là particulièrement il y a peut-être 15 ans, 20 ans. Est-ce que vous avez eu connaissance d'études plus récentes sur cette question de la valorisation sur le marché du travail, de la connaissance du français...


 
 

12 h 30 (version non révisée)

M. Corbeil (Jean-Pierre) : ...oui, bien, en fait, il y a plusieurs études qui ont été réalisées par le professeur Vaillancourt à l'Université de Montréal...

Mme Fréchette : Le professeur... Pardon, j'ai manqué son nom.

M. Corbeil (Jean-Pierre) : Vaillancourt.

Mme Fréchette : Vaillancourt, d'accord. Merci.

M. Corbeil (Jean-Pierre) : Oui, c'est ça, à l'Université de Montréal. Et clairement ce qu'on voit, c'est que, bien, avant l'adoption de la charte, le fait de ne connaître que l'anglais se traduisait même par des avantages économiques qui étaient plus importants. Et aujourd'hui le fait d'être unilingue anglais, en fait, est probablement la situation la plus désavantageuse socioéconomiquement parlant, et évidemment ça touche les immigrants et les personnes issues de l'immigration. Mais clairement, aujourd'hui, la connaissance du français, et évidemment la connaissance du français et de l'anglais, qui est fortement corrélée à l'éducation... Mais, bref, on sait maintenant aujourd'hui... il y a des études, plusieurs études qui montrent clairement que le fait de connaître le français se traduit par des revenus plus élevés, par une situation socioéconomique qui est beaucoup plus avantageuse.

Mme Fréchette : Excellent. Bien, merci. Je vous amène maintenant sur le volet de la régionalisation. Vous savez que c'est une de nos priorités. Donc, comment est-ce que vous voyez que l'intégration... bien, d'une part, l'arrivée mais aussi l'intégration et la rétention des personnes immigrantes puissent être favorisées, facilitées pour la suite des choses? Est-ce que vous avez des suggestions à nous faire pour faire en sorte que de plus en plus de gens aillent s'établir en région et le rôle de la langue à travers ce processus?

M. Corbeil (Jean-Pierre) : Oui. Bien, c'est sûr que, bien, on sait tous que ça fait plus de 30 ans qu'on se... comment dire, on est confrontés à ce défi de régionaliser l'immigration, puis il y a eu des succès, mais il y a eu aussi beaucoup d'échecs. Je pense que, d'une part, la situation est rendue très différente aujourd'hui. La situation socioéconomique de plusieurs de ces régions-là doit être certainement mise au jour. Il y a des défis de main-d'œuvre qui sont importants dans différentes régions du Québec et il y a une stratégie qui devrait consister à non seulement promouvoir, justement, l'importance d'immigrer en région... mais je vous dirais que non seulement, oui, on doit créer des partenariats en région entre les représentants d'entreprises, par exemple, ou de certains... différents secteurs d'activité, et les immigrants ou ceux qui souhaitent immigrer au Québec, mais, en même temps, on doit avoir un portrait d'ensemble, ce qu'on n'a pas nécessairement. C'est-à-dire qu'il y a différentes régions, c'est totalement différent de choisir d'immigrer à Sherbrooke de d'immigrer, par exemple, dans le Saguenay ou d'immigrer en Gaspésie. Et, à ce titre-là, la situation... l'évolution de la situation économique, bien, elle varie puis elle sera déterminante pour l'intégration de ces nouveaux arrivants. Je pense que plus on est capables d'être attirants envers les immigrants... C'est-à-dire, évidemment, il ne faut pas qu'un immigrant soit confronté à devoir, je ne sais pas, moi, arriver dans une région où il n'y a pas de services de santé disponibles pour lui, pas d'accès à un médecin, que l'accès au logement est difficile.

Donc, on doit, je pense... puis c'est du cas par cas, on doit avoir... faire une analyse assez approfondie de la situation des différentes régions où on a besoin de main-d'oeuvre, on a besoin de nouveaux arrivants. Et là, bien, évidemment, si on doit injecter des fonds importants pour, disons, diminuer la pénurie de logements, bien, ça sera une façon d'attirer des nouveaux immigrants. Mais il y a plusieurs immigrants qui se sont dirigés vers des régions et qui finalement sont retournés vivre dans des grands centres comme Montréal parce que, justement, non seulement le réseau était plus fragile, ils n'ont pas nécessairement de... une masse critique de personnes autour d'elles pour faciliter leur intégration. Donc, je pense qu'il y a carrément une réflexion à bien évaluer, dans le fond, les structures d'intégration pour les immigrants, que ça soit en termes de services, en termes d'emplois, mais que ça soit aussi en termes de valorisation de la part de ces immigrants-là.

Donc, je pense, il y a... on ne le dira jamais assez, il y aura toujours une importante campagne de promotion et de sensibilisation non seulement à accueillir des nouveaux arrivants, mais à mettre tout en œuvre pour qu'ils aient les ressources et les services pour faciliter leur intégration. C'est ce que je dirais à cet égard-là.

Mme Fréchette : Merci. Mme la Présidente, je laisserais le temps restant...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : 45 secondes. Mme la députée de Vimont, rapidement.

Mme Schmaltz : Mais, en fait, je pense, je n'ai pas assez de temps. C'était juste de faire peut-être un pont entre le développement économique...

Mme Schmaltz : ...dans les secteurs de pointe. Vous semblez faire un pont avec aussi la régionalisation, l'immigration. Peut-être voir... Bien, là, je ne pense pas qu'on a le temps pour la réponse, mais...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : 25 secondes.

M. Corbeil (Jean-Pierre) : En fait, je pense que c'est clair que le Québec est un chef de file dans plein de secteurs. On a... Je ne vais pas les mentionner, mais on pense juste à l'intelligence artificielle, la filière des batteries, etc. Et je pense que, bien, s'il y a une régionalisation qui se fait à cet égard-là, il est possible aussi qu'on ait des immigrants qui n'aient pas une connaissance suffisante du français pour...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Pr Corbeil.

M. Corbeil (Jean-Pierre) : Oui.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avions pour la banquette gouvernementale, mais on continue les échanges. Je me tourne maintenant du côté de l'opposition officielle avec le député de Nelligan. Vous bénéficiez d'une période de neuf minutes. La parole est à vous.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre mémoire. Il y a trois points qui m'ont interpellé — j'ai neuf minutes — mais j'aimerais bien les aborder avec vous. Repenser le paradigme linguistique actuel. Deuxièmement, dans la page 4, vous parlez d'un risque de division et d'exclusion et, troisième point, la redéfinition d'un nous Québécois.

Donc, commençons par repenser le paradigme linguistique actuel. Pouvez-vous élaborer un peu? Parce que j'ai vraiment aimé la façon avec laquelle vous l'avez ramené, mais, pour le bénéfice des membres de notre commission, l'usage dans la sphère privée versus l'usage dans la sphère publique, les préoccupations du gouvernement.

M. Corbeil (Jean-Pierre) : Oui, bien, très rapidement. En fait, ça fait très, très longtemps, ça doit faire plus de 40 ans, même voire 50 ans, qu'on a adopté à peu près le même paradigme linguistique au Québec, c'est-à-dire qu'on savait historiquement, par exemple juste avant l'adoption de la Charte de la langue française, que 97 % de la population qui parlait le plus souvent le français à la maison, c'était la population de langue maternelle française. Aujourd'hui, on est à 94 %. Les choses n'ont pas beaucoup changé. La politique linguistique québécoise vise principalement la sphère publique, que ça soit les communications, l'éducation, que ça soit la loi, etc.

Et le paradigme linguistique actuel, il y a une certaine contradiction, c'est-à-dire qu'on veut des immigrants qui sont capables de parler le français, qui ont une connaissance du français, mais, en même temps, on souhaiterait qu'ils parlent le français le plus souvent à la maison, et c'est ça qui fait en sorte qu'on porte un regard qui est, selon moi, très problématique sur l'évolution de la situation du français au Québec. Il y a 175 000 personnes qui ont l'espagnol comme langue maternelle au Québec. La majorité d'entre eux, près de 60 quelque pour cent parlent l'espagnol le plus souvent à la maison, mais pourtant ces immigrants parlent principalement le français dans l'espace public. Et donc c'est un peu là où on doit repenser la façon dont on aborde ces enjeux-là.

M. Derraji : Oui, M. Corbeil, c'est un élément important que vous ramenez sur la table. Mais que dites-vous aux gens qui disent que pour la vitalité de la langue française, la promotion de l'indicateur de la langue parlée à la maison est très importante? Vous leur dites quoi?

M. Corbeil (Jean-Pierre) : En fait, je leur dirais que dans la majorité... il y a bien des gens qui disent que c'est le fait de parler le français à la maison qui a une influence sur la présence du français dans l'espace public. Je dirais que c'est, chez les personnes issues de l'immigration, c'est surtout l'utilisation du français dans l'espace public qui pénètre la sphère privée et qui a une influence à moyen et à court et à moyen terme sur la présence du français à la maison. Et à cause de la croissance du plurilinguisme au sein des populations issues de l'immigration, on parle souvent deux ou trois langues chez ces populations. Mais le fait de vouloir leur imposer uniquement le français comme principale langue d'usage à la maison pour déterminer qu'ils sont des vrais Québécois ou des vrais francophones ne tient tout simplement pas la route.

M. Derraji : C'est très éclairant. Merci beaucoup. Je vous... Je reviens au deuxième paragraphe parce que c'est un autre point que j'ai vu dans votre mémoire. Juste avant ce paragraphe, on parle sur l'immigration économique et vous dites que «les considérations appellent donc à la prudence quant à la promotion et la mise en œuvre de stratégies qui non seulement risque d'alimenter la division et l'exclusion, mais qui auront fort probablement peu d'impact sur l'évolution démolinguistique de la population québécoise.»

• (12 h 40) •

En fait, ce que vous essayez dans votre analyse de faire, c'est que même si on base notre immigration sur l'immigration économique et on pousse trop l'effet sur l'évolution démolinguistique de la population québécoise ne favoriserait pas et ne donnerait pas de résultats. Mais vous nous proposez quoi si on cherche par une immigration économique qu'à...

M. Derraji : ...de parler en français.

M. Corbeil (Jean-Pierre) : Je pense que c'est une bonne chose de favoriser une immigration économique où il y a une connaissance du français. Mais il faut reconnaître qu'il y a un équilibre à trouver aussi, il y a des secteurs, il y a des besoins spécifiques dans plusieurs secteurs d'industrie et il ne faudrait pas, disons, se couper l'herbe sous le pied ou sous les pieds en disant qu'on ne va favoriser que des immigrants qui ont une connaissance du français, alors qu'il y a des immigrants qui ont principalement une connaissance de l'anglais ou qui ne connaissent que l'anglais, mais où on doit tout mettre en œuvre justement pour favoriser leur francisation. Et c'est là aussi, finalement, on ne dit que ceux qui contribuent à la société québécoise francophone ne sont que ceux qui ont une connaissance du français. Bien là, ça, ça peut poser un réel problème. Parce que, là, on est en train de dire que, si vous ne parlez pas le français régulièrement dans votre vie de tous les jours, vous ne contribuez pas nécessairement de façon positive à la société québécoise. Donc, je dis qu'il doit... on doit être prudent quand on décide de certains indicateurs qu'on utilise pour sélectionner notre immigration. On veut favoriser une francisation. On doit tout mettre en œuvre pour ce faire. Mais il faut être prudent de dire qu'on n'accueillera pas d'immigrants qui ne connaissent pas le français ou on va essayer de limiter l'arrivée des immigrants qui ne connaissent pas le français.

M. Derraji : Très, très, très clair, M. Corbeil, très heureux de vous entendre sur cet enjeu parce qu'on a tendance à penser, je ne veux pas généraliser, que parfois la langue parlée à la maison, même parfois d'autres indicateurs, c'est ça qui nuit à la langue française. Et c'est pour cela, vous l'avez dit, nous avons échoué en tant que société depuis plusieurs années.

Je vais vous ramener à la page 7 et votre figure 2. Est-ce que c'est votre propre création? Est-ce que vous ou votre groupe de recherche... Qui a travaillé avec vous? D'où vient cette figure, s'il vous plaît?

M. Corbeil (Jean-Pierre) : Écoutez, oui, c'est ma création, mais je n'ai pas pondu ça comme ça de mon esprit en me réveillant un matin. Ça fait... je pense que ça fait plusieurs années qu'un certain nombre de collègues et moi... D'ailleurs, on va diffuser, mes collègues Richard Marcoux, Victor Piché et moi même, un livre sur Repenser la francophonie québécoise à l'automne. Et, en fait, c'est cette inspiration-là que, pour arriver à protéger la langue française au Québec, on doit inclure tous les Québécois. On doit sentir aussi que ceux qui ne sont pas d'ascendance canadienne-française contribuent aussi au devenir et à l'évolution de la société québécoise. Donc, cette figure-là inclut, selon moi, les principaux éléments ou les principales dimensions dont on doit tenir compte si on ne veut pas... Je le répète, on a... il y a le tiers de la population de Montréal qui est de langue anglaise. Si on ne développe pas un partenariat, si on n'essaie pas d'établir des passerelles et des ponts avec les communautés de langue anglaise, on n'arrivera pas à bien favoriser la présence du français dans la grande région de Montréal, même si on utilise la coercition ou les éléments juridiques.

M. Derraji : Je suis très d'accord avec vous. Vous avez un discours très pragmatique. Écoutez, je vous ai posé la question parce que la figure m'a interpellée. Je suis quelqu'un qui aime les flèches. Écoute, je pense que j'ai eu beaucoup de cours avant de faire ma recherche et mon doctorat sur les flèches. Et j'ai vraiment aimé redéfinir le nous Québécois. Je ne sais pas si vous avez des discussions avec Mme la ministre et son équipe. Moi, j'aimerais bien aller approfondir. Je ne sais pas s'ils partagent le point, mais quand on dit : travaillons ensemble, le nous Québécois inclut tout le monde. Le nom, c'est inclusif.

Donc, moi, je ne sais pas si vous avez travaillé avec des villes. Il y a beaucoup de villes qui ont des services d'accompagnement, qui demandent de gérer de la collaboration et qui ont plusieurs ethnies sur le territoire. Et je pense que c'est quelque chose qu'il faut approfondir. Nous, on n'a pas le temps. Vous, vous êtes sur le terrain et c'est là où j'ai aimé votre dernier paragraphe. La redéfinition d'un nous Québécois doit également promouvoir et reposer sur un projet de société juste, inclusif et pluraliste, ancré dans une histoire, une culture commune. Mais cette histoire et cette culture commune ne peuvent être que celles d'ascendance canadienne-française. Vous définissez clairement la culture, les paramètres de la culture, mais vous redéfinissez aussi le nous québécois. Avez vous déjà essayé de mettre en place ce nous...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : En terminant.

M. Derraji : ...cette figure, genre avec des partenaires sur le terrain?

M. Corbeil (Jean-Pierre) : Ça fait partie des activités qui suivront bientôt.

M. Derraji : Nous vous souhaitons le grand succès et, écoutez, je suis très intéressé à...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. C'est terminé pour cette portion...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...des échanges. Merci beaucoup, M. le député. Encore une fois, on poursuit, Professeur Corbeil, avec la deuxième opposition pour une période de trois minutes. Le temps est à vous, M. le député.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. Merci, Professeur Corbeil. Je reviens à votre figure 2. Elle M'a beaucoup intéressé, notamment, la Bulle trois, «un projet de société juste, inclusive et pluraliste, ancrée dans une histoire et une culture commune». Ça m'a fait beaucoup réfléchir aux vos propos de la dernière campagne électorale, malheureusement. On a parlé de louisianisation du Québec, on a parlé du suicide de la nation québécoise, on a parlé, ou on a allégué que 80 % des immigrants ne travaillaient pas, ne parlaient pas français, vivaient à Montréal seulement. Ma question pour vous, c'est : selon vous, est-ce que ça, c'est un projet d'inclusion, un projet de société inclusive?

M. Corbeil (Jean-Pierre) : Bien, écoutez, je ne me prononcerai pas sur la pertinence ou non de ces propos-là, je pense que, bien, ils ont été discutés et critiqués dans les médias.

Je pense que le point principal qui... je pense, qu'il faut faire ressortir, c'est qu'on n'attire pas ou on ne peut pas favoriser et promouvoir l'usage du français au Québec. Par ailleurs, on sait que 94 % de la population est capable de parler le français au Québec. Il y a des enjeux, principalement dans la région de Montréal, et on ne peut pas dire : Bien, finalement, il y a des anglophones au Québec puis, bien, ce sont juste des anglophones historiques, les autres, ce n'est pas des vrais anglophones. Les francophones, eux, ils peuvent être de tous les horizons, très diversifiés, mais les anglophones doivent avoir été scolarisés en français au Canada, à l'école primaire. Donc, il y a une vision, je pense, que les... Et là je mets l'accent sur les Anglo-Québécois, c'est... En fait, sur toutes les personnes qui sont soit issues de l'immigration, incluant les communautés autochtones, c'est-à-dire que le projet de faire en sorte que la langue commune du Québec... Publique et commune du Québec soit le français doit être promu, doit être valorisé, mais pas en rejetant, pas en voyant l'anglais comme une langue étrangère.

Le Québec a fait des choix économiques, des choix politiques. On est des chefs de file à l'échelle internationale dans plein de secteurs de pointe. On a juste à regarder le calepin qui est diffusé chaque année par le gouvernement du Québec pour constater à quel point nos échanges, nos exportations de biens et services sont en croissance. Et donc on doit, d'une certaine façon, reconnaître que l'anglais est aussi une langue utilisée à Montréal. Ce n'est pas une langue étrangère. Mais il y a 60 % des anglo-québécois qui utilisent le français au travail, dont à peu près le tiers, comme langue principale.

Et donc je pense qu'on doit travailler en collaboration. Et moi, j'en connais plusieurs qui seraient prêts à promouvoir un Québec, s'ils se sentaient inclus. En ce moment, être Québécois, c'est principalement être d'ascendance canadienne-française. En fait, c'est le message que moi, je reçois quand je communique avec plein de gens qui sont issus de l'immigration ou qui font partie de la communauté anglo-québécoise.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avions. Alors, professeur Corbeil, par la magie des ondes, merci d'avoir été présent à cette commission. Merci de l'apport que vous apportez à nos travaux.

Alors, chers collègues, je suspends les travaux jusqu'à 14 h. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 50)


 
 

14 h (version non révisée)

(Reprise à 14 h 01)

La Présidente (Mme Lecours, Lotbinière-Frontenac) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte. Nous reprenons donc nos travaux sur... qui vont porter sur les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le cahier de consultation intitulé La planification de l'immigration au Québec pour la période 2024-2027.

Alors, Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements? Ce sont les mêmes que ce matin? Oui. Parfait. Merci beaucoup.

Alors, pour cet après-midi, nous allons recevoir en début le Conseil du patronat du Québec, représenté par M. Karl Blackburn, président et chef de la direction, ainsi que M. Denis Hamel, vice-président politique de développement de la main-d'œuvre.

Alors, Messieurs, bienvenue à la Commission des relations avec les citoyens. Vous allez bénéficier d'une période de 10 minutes pour présenter votre argumentaire, votre mémoire également. Ensuite, nous allons poursuivre avec les parlementaires pour une discussion. Alors, la parole est à vous.

(Visioconférence)

M. Blackburn (Karl) : Merci, Mme la Présidente, Mme la ministre, Mesdames et Messieurs les députés, bonjour. Je suis Karl Blackburn, président et chef de la direction du Conseil du patronat du Québec, et je suis accompagné aujourd'hui de Denis Hamel, vice-président aux politiques de développement de la main-d'œuvre.

Comme vous le savez, le CPQ regroupe des entreprises et des associations sectorielles œuvrant dans tous les secteurs d'activité et toutes les régions du Québec et représente directement et indirectement les intérêts de plus de 70 000 employeurs de toutes tailles, tant du secteur privé et que parapublic.

Nous remercions les membres de la Commission pour l'invitation que vous nous avez fait parvenir de venir vous présenter notre point de vue en personne et pouvoir échanger avec vous. Sachez que j'aurais beaucoup apprécié pouvoir me retrouver avec vous aujourd'hui, mais pour des raisons familiales, je ne pouvais pas me rendre à Québec, mais j'aurais beaucoup apprécié être avec vous en personne.

D'entrée de jeu, nous tenons à réitérer notre appui aux nouvelles orientations gouvernementales en immigration telles que présentées par le gouvernement en mai dernier. Nous sommes assurément sur la bonne voie pour pallier de nombreux irritants qui rendent l'immigration au Québec moins attirante que dans d'autres juridictions avec lesquelles les employeurs québécois sont souvent en concurrence.

Le marché du travail est nettement propice à l'augmentation de l'immigration. Nous ne pouvons ignorer que le Québec se situe parmi les sociétés les plus vieillissantes des pays de l'OCDE et que le taux d'activité des personnes âgées de 25 à 55 ans est le plus élevé parmi les mêmes membres de l'OCDE.

Malgré la pénurie de main-d'oeuvre, les employeurs ont pu maintenir leur activité et éviter que le nombre de postes vacants ne croisse davantage, principalement en ayant recours à des travailleurs étrangers temporaires. Ces personnes parviennent à répondre en partie à nos besoins pressants en main-d'oeuvre, mais cette façon de fonctionner n'est pas la panacée pour les employeurs. Ils doivent gérer un fort taux de roulement des travailleurs temporaires, avec comme conséquence qu'il n'y a pas d'incitation à offrir de la formation, alors que l'acquisition de compétences est primordiale dans la nouvelle économie. Ce sont des freins à la productivité des entreprises.

Pour les personnes immigrantes, on fait abstraction de leur projet de vie. Comment espérer devenir un citoyen à part entière, s'impliquer dans la communauté et apprendre le français quand l'on vous affuble d'une étiquette de temporaire? D'ailleurs, le CPQ est préoccupé par la notion relativement abstraite de la capacité d'accueil du Québec en matière d'immigration. Nous sommes d'avis qu'il n'existe pas de méthode scientifique pour calculer cette soi-disant capacité d'accueil, qui est un concept plutôt souvent évoqué par ceux qui veulent limiter l'immigration. Mais surtout, la capacité d'accueil n'est pas une donnée statique, car l'immigration joue dans les deux sens, elle peut permettre des pressions sur certains services, mais aussi les alléger.

Par exemple, l'augmentation du nombre de permis d'enseigner à des immigrants par le ministère de l'Éducation, de 200 qu'ils étaient en 2015 à environ 2 000 cette année, illustre parfaitement que l'immigration peut contribuer à augmenter la capacité d'accueil de nos régions à l'égard de nouveaux arrivants, mais aussi pour faciliter les migrations interrégionales. Nous pourrions envisager la même mesure pour la construction, le secteur énergétique, le secteur de la santé, à titre d'exemple.

Nous sommes d'avis que plutôt que de nous questionner sur la capacité d'accueil du Québec, nous devrions plutôt nous interroger sur les mesures à prendre pour offrir une structure suffisante pour accueillir toutes les personnes immigrantes...

M. Blackburn (Karl) : ...relèvent de l'immigration permanente ou temporaire, économique ou humanitaire. Faut-il rappeler que le Québec aurait accueilli plus de 400 000 immigrants permanents et temporaires en 2022? À lui seul, l'état du marché du travail justifie le besoin accru de personnes immigrantes permanentes. En appuyant sur les prévisions d'Emploi-Québec, c'est près de 40 000 personnes immigrantes qui devraient intégrer annuellement le marché du travail afin de remplacer les départs à la retraite, ce qui nécessite l'arrivée d'environ 80 000 personnes par année, en comptant les conjoints et les enfants. L'augmentation graduelle du seuil de 50 000 à 60 000 personnes d'ici 2027 est un pas dans la bonne direction, d'autant plus qu'elle privilégie l'immigration économique, mais demeure néanmoins insuffisante, à notre avis, pour satisfaire les besoins du marché du travail.

D'ailleurs, nous appuyons la volonté gouvernementale de rapprocher l'immigration des besoins du marché du travail, en rappelant que ces besoins ne se limitent pas qu'aux six secteurs prioritaires identifiés par le gouvernement du Québec, mais qu'ils s'appliquent à tous les secteurs ayant des besoins sur le marché du travail. Il y a plus de la moitié des professions qui seront en déficit au cours des trois prochaines années, et tous les secteurs de notre économie et toutes les régions du Québec sont en quête de main-d'oeuvre.

Dans ce contexte, le CPQ propose trois mesures additionnelles qui permettraient un meilleur rapprochement des programmes d'immigration avec les besoins du marché de l'emploi. Tout comme il est proposé de le faire dans le cas des étudiants étrangers diplômés au Québec, le CPQ invite le gouvernement à ne pas tenir compte des admissions qui découleront du Programme de l'expérience québécoise, volet Travailleurs étrangers temporaires. Nous souhaitons que les chiffres qui apparaîtront dans le tableau des admissions projetées représentent le nombre de nouvelles demandes et que le nombre de personnes en attente de traitement dans toutes les catégories soit à zéro le 1ᵉʳ janvier 2024. Enfin, afin de mieux... de bien cerner l'impact de l'immigration sur l'emploi et apporter rapidement les correctifs nécessaires, le CPQ soumet à l'attention des élus que le ministère de l'Immigration, de la Francisation et de l'Inclusion devrait se donner une structure d'évaluation de ses cibles et de ses programmes de concert avec les partenaires du marché du travail.

Sur la question du français, maintenant, le CPQ et ses membres reconnaissent que nous devons demeurer vigilants afin qu'il demeure la langue de travail au Québec et que de rendre plus accessible l'apprentissage de notre langue aux nouveaux arrivants facilite non seulement leur accès à l'emploi, mais également dans leur société d'accueil. Toutefois, le CPQ est d'avis que l'atteinte du niveau 7, exigée pour plusieurs programmes d'immigration avant l'obtention de la résidence permanente, est exagérément élevée, difficilement atteignable pour la plupart des immigrants non francophones et peut aisément devenir un obstacle insurmontable pour les nouveaux arrivants. Les employeurs nous confirment que le recrutement de personnes les plus talentueuses sera inévitablement freiné et qu'ils sont à fort risque de perdre bon nombre de leurs candidats vers d'autres provinces canadiennes où l'exigence est moins élevée pour obtenir la résidence permanente.

Enfin, nous encourageons... nous nous interrogeons sur la pertinence d'exiger de nos immigrants une connaissance linguistique orale et écrite en français supérieure à celle de la majorité des Québécois natifs. Pour ceux et celles qui douteraient du bien-fondé de notre proposition, je vous invite, les chefs de parti à l'Assemblée nationale ainsi que les membres de l'Assemblée nationale, à passer le seul examen de niveau 7 reconnu par le ministère, qui, rappelons-le, est administré en France, et, pour vous mettre un peu dans les souliers des immigrants, imaginez que la réussite du test soit un prérequis pour que vous puissiez siéger à l'Assemblée nationale. Le degré de stress va certainement monter.

• (14 h 10) •

Bien qu'elle soit importante, la connaissance du français ne devrait pas être un critère absolu au détriment des compétences. Dans ce contexte, nous ne pouvons souscrire à la volonté gouvernementale de tendre vers une sélection composée entièrement de personnes immigrantes adultes connaissant le français dans les programmes d'immigration économique. Nous sommes plutôt d'avis qu'il faille augmenter la proportion des personnes adultes déclarant connaître le français et l'admission et mettre en place les outils nécessaires pour connaître et accroître la francisation des nouveaux arrivants. Nous fondons beaucoup d'espoir sur la mise en œuvre récente de Francisation Québec, qui devra pallier le manque de coordination et de concertation entre les différents organismes qui offrent des services de francisation adaptés au parcours des personnes immigrantes et aux besoins des entreprises.

En dernier lieu, nous réitérons notre appel à l'accélération des délais de...

M. Blackburn (Karl) : ...traitement des dossiers d'immigration. Inutile de rappeler que les immigrants, surtout les plus qualifiés, ont le choix de leur destination et les délais actuels sont dissuasifs. Le Québec étant en compétition avec les autres provinces canadiennes et avec d'autres pays pour l'attraction des meilleurs talents. Le délai dans l'acceptation d'une demande ou d'une démarche d'immigration, qui représente souvent un projet de vie pour la personne immigrante, sera déterminant dans le choix du candidat. Le gouvernement autant à Québec qu'à Ottawa ont déployé les efforts louables pour raccourcir les délais au cours des derniers mois. Toutefois, ils demeurent élevés et administrativement très lourds en rehaussant significativement les seuils. Nous croyons qu'il sera possible que les deux administrations puissent traiter les dossiers plus rapidement et éviter ainsi des inventaires trop élevés qui retardent le processus.

En vous remerciant de votre attention. Nous sommes à votre disposition, Mme la Présidente, pour échanger avec les membres de la commission. Merci de votre attention.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. Blackburn. Merci pour cet exposé, pour vos suggestions aussi. Alors nous allons donc entamer la période d'échange avec les parlementaires. Je vais d'ores et déjà vous donner les temps. On revient au temps que nous avions avant la petite pause, 16 min 30 s pour le gouvernement, 12 min 23 s pour l'opposition officielle et 4 min 8 s pour le deuxième groupe d'opposition. Le temps commence tout de suite avec Mme la ministre. La parole est à vous.

Mme Fréchette : Merci, Mme la Présidente. Alors, bien, merci, M. Blackburn et M. Hamel, merci de prendre part à cet exercice, ce grand débat sur un thème dont je sais qu'il vous est cher, pour en avoir parlé déjà en rencontre avec vous antérieurement. Donc, merci de nous partager vos suggestions, votre lecture de la situation.

Je commencerais aussi en vous remerciant pour l'appui que vous avez offert lorsqu'on a présenté nos propositions de réforme de l'immigration permanente. Je pense que vous avez particulièrement appuyé, notamment, notre programme de sélection des travailleurs qualifiés. Et, comme vous savez, ça, c'est un des programmes, en fait, qu'on a mis en place pour faire en sorte de permettre à des gens, à des immigrants qui... pour l'instant, il est très difficile de se qualifier comme immigrant permanent, j'ai en tête des gens, donc, qui ont des compétences manuelles ou intermédiaires. Donc, on a créé le volet 2 du Programme de sélection des travailleurs qualifiés pour faire en sorte de créer une passerelle pour permettre à ces gens, qui souvent sont vitaux pour le fonctionnement de nos entreprises, particulièrement des PME, de leur permettre d'accéder à la résidence permanente.

Alors, j'aimerais savoir qu'est-ce que vous pensez de cette passerelle. Est-ce qu'elle répond adéquatement aux besoins des employeurs, des entrepreneurs au Québec? Est-ce qu'il y a des améliorations qu'on pourrait envisager? Ou si la formule qu'on a élaborée vous semble adéquate et nous permettra d'être dans une plus grande concordance avec les besoins du marché? Parce que c'était l'idée également non seulement d'être plus agile, parce qu'on pourra faire des invitations en fonction des besoins, mais également d'être en concordance avec les besoins des employeurs.

M. Blackburn (Karl) : Bien, peut-être brièvement, Mme la ministre, avant de céder la parole à mon collègue. D'abord, effectivement, nous avons salué, je dirais, le virage que vous avez apporté avec votre arrivée à la tête du ministère de l'Immigration. Vous avez apporté cette... je dirais, cette intelligence fine, il méritait que ce débat que nous sommes en train de faire aujourd'hui puisse se tenir dans des cadres respectueux, mais surtout sur des bases solides et très crédibles, et, dans ce contexte, nous avons salué votre arrivée et surtout les propositions que vous avez faites. Mais aujourd'hui je ne voudrais pas priver les membres de la commission d'un expert en soi dans le domaine de l'immigration qui est mon collègue, Denis Hamel, qui va certainement avoir l'occasion de vous apporter certains éléments très éclairants concernant votre question toute spécifique sur cette passerelle. Alors, Denis je te céderais la parole, s'il vous plaît.

M. Hamel (Denis) :Oui, mais merci, merci, Mme la Présidente. Bonjour à tous. Mais effectivement, pour répondre à votre question, Mme la ministre, oui, les quatre volets que vous avez annoncés dans le nouveau programme spécialisé, c'est effectivement très encourageant. D'abord, effectivement, pour les compétences moindres, donc le volet 2, effectivement, on aurait souhaité que ça soit plus large. On pense aux gens de compétences... des postes de niveau FEER 4 ou FEER 5, mais de fait d'avoir ce volet-là bien identifié va effectivement aider beaucoup. Du côté des employeurs, on mise beaucoup ici sur le volet 4, des talents d'exception, et on espère qu'il n'y a pas trop de limitations. Quand on parle aux gens des secteurs, par exemple, du jeu vidéo, de l'intelligence artificielle, des secteurs de pointe qui sont en émergence au Québec, les employeurs nous rappellent constamment qu'ils ont...

M. Hamel (Denis) :...des meilleurs talents dans le monde. Et on voit aussi, avec la présence de Mila, par exemple, à Montréal, comment ça attire des chercheurs de partout dans le monde. Donc, il ne faudrait pas limiter. Et c'est très difficile, et on comprend que vous n'ayez pas ventilé, dans vos seuils, chacun des volets, mais en augmentant les seuils, on espère effectivement que de plus en plus de candidats pourront se qualifier dans les quatre volets, qui, comme je le souligne encore, sont vraiment importants pour les employeurs.

Mme Fréchette : Merci. Et, comme vous le savez, pour le volet quatre, on a la volonté d'avoir une liste de corroborateurs, on pourrait dire, là, d'organismes qui, suivant les différents secteurs d'activité économique, pourront valider l'idée qu'il y a que nous sommes en présence d'un talent d'exception, d'une personne qui se démarque. Donc, bien, merci pour vos précisions, M. Hamel.

Je vous amènerais maintenant sur le thème de la francisation. Vous mentionnez dans le mémoire que vous souhaiteriez que davantage de soutien soit accordé aux employeurs qui offrent des cours de français sur les lieux de travail, en entreprise. Donc, pourriez-vous m'en dire un peu plus, là, sur le type de soutien que vous aimeriez avoir en tant qu'employeur et comment convaincre encore davantage d'employeurs de s'inscrire dans un processus de francisation? Parce qu'on sait que c'est souvent plus difficile pour les petites entreprises de dévouer du temps à ça, alors j'aimerais ça, avoir votre avis là-dessus.

M. Blackburn (Karl) : Bien, votre question, elle est très pertinente et, surtout, correspond, je dirais, à la réalité des employeurs au Québec. Dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre, bien évidemment, le travail de tous et chacun est essentiel dans les organisations. On l'a vu, dans les cinq dernières années, c'est plus de 10 fois le nombre de gens qui étaient inscrits il y a à peine cinq ans pour des programmes de francisation. Donc, il y a un appétit de la part des entreprises de pouvoir faire en sorte que, dans leur organisation, avec des programmes, avec des incitatifs, ils puissent permettre à leurs travailleurs de suivre des cours de francisation, et non pas demander à ces travailleurs... de leurs 37 ou 40 heures de travail par semaine, durant les soirs ou les fins de semaine, de faire des cours de francisation, dans des institutions qui sont, des fois, souvent, éloignées de leurs lieux de travail ou de leurs lieux de domicile.

Alors, c'est dans ce contexte que les entreprises veulent et peuvent en faire encore plus, Mme la ministre. Et, avec davantage d'outils incitatifs, bien, on pourrait, encore une fois, monter significativement ce nombre et ainsi faire en sorte que nos travailleurs qui sont dans nos installations, bien, puissent contribuer, d'une part, à la prospérité de leurs organisations, améliorer leur français et contribuer de façon significative à l'avènement et à la... je dirais, à l'intégration de notre société québécoise.

Mme Fréchette : Il y a déjà un soutien financier, là, qui est prévu pour des mesures de francisation en entreprise. Est-ce que vous avez à nous suggérer des propositions d'incitatifs non financiers? De quelle manière on pourrait s'y prendre pour convaincre les gens de l'importance que l'ensemble des employés maîtrisent le français?

M. Blackburn (Karl) : Bien, Denis... je demander à Denis de compléter, mais, vous le voyez, au niveau, par exemple, de programmes qui vont permettre une flexibilité dans l'agenda, par exemple, des travailleurs ou dans le calendrier de ceux-ci, la capacité d'avoir des entreprises qui puissent faire venir des professeurs dans leurs installations, avec des compétences, bien évidemment, nécessaires. Ces éléments ne sont pas nécessairement financiers pour les entreprises mais peuvent faire la différence pour les travailleurs, en termes de francisation, et ces mesures seraient certainement très, très, très bien appréciés.

• (14 h 20) •

M. Hamel (Denis) :Si je peux compléter, Mme la ministre, effectivement, l'effort financier est souvent le nerf de la guerre. Les employeurs nous disent, particulièrement en région : Il est très difficile de trouver des professeurs de français. La disponibilité des professeurs de français est un enjeu. Et très souvent aussi on nous a dit : On pense aux gens qui travaillent, aux personnes qui travaillent en entreprise, mais la clé du succès, tant au niveau de l'intégration, c'est souvent la famille. Alors, il faut aussi s'assurer que... Et les employeurs, vous savez, déploient énormément d'efforts, maintenant, pour accueillir des familles, aider au logement, comment fonctionne notre système bancaire, nos systèmes d'alimentation, ainsi de suite. Les gens arrivent ici, ils sont moins dépaysés. Alors, l'employeur... il n'est pas rare qu'un employeur engage une ressource dédiée explicitement aux travailleurs étrangers. Donc, il y a un élément financier, bien sûr, mais c'est sûr que l'entreprise y gagne au change, parce qu'au bout du compte, si la personne reste, s'intègre bien en entreprise, c'est un élément de productivité non négligeable.

Mme Fréchette : D'accord. Bien, merci. Je vous amène maintenant à la page 13 de votre mémoire, là, où vous abordez la question de la capacité d'accueil. Donc, vous suggérez qu'il faudrait plutôt s'interroger, là, sur les mesures à prendre pour une structure suffisante pour accueillir toutes les personnes immigrantes, bon, structure suffisante versus capacité d'accueil. Personnellement, je trouve que la notion de capacité d'accueil est quand même essentielle parce que, sinon, on se retrouve dans une situation un peu semblable à celle dans laquelle nous plonge le gouvernement fédéral, à fixer des...

Mme Fréchette : ...nombre, franchement, démesuré, sans égard à la capacité d'accueil puis d'intégration de ces personnes qui viendront au pays. Donc, en ce sens-là, qu'est-ce que vous... à quoi vous faites référence lorsque vous parlez de la notion de structure suffisante? Et en quoi est-ce différent de la capacité d'accueil?

M. Blackburn (Karl) : Bien, d'abord, avec tout le respect que je vous dois, la capacité d'accueil, Mme la ministre, c'est un terme qui ne veut, franchement, pas dire grand-chose. Vous avez raison, les chiffres évoqués par le fédéral dans certains cas peuvent aussi soulever un paquet de questions. Mais la meilleure façon de pouvoir bâtir des indicateurs sur les seuils d'immigration, c'est de se baser sur les besoins du marché du travail. Je pense que cette façon de les évaluer va permettre d'avoir et de recevoir le nombre d'immigrants nécessaires pour nous permettre de bien les intégrer. Et la capacité d'accueil, la meilleure façon de le faire, c'est via le travail. Alors, la vaste majorité des travailleurs immigrants qui arrivent ici, c'est du côté économique. Donc, avec un travail, ces gens contribuent déjà à l'essor de leur communauté.

Tantôt, je l'ai mentionné, le nombre de permis d'enseignant immigrant a été multiplié par un facteur extrêmement important de 200, il y a cinq à 10 années, on est rendu à plus de 2000, la même chose dans le domaine de l'éducation et de la santé, dans le domaine énergétique. Imaginez, si on arrivait à combler les postes dans le domaine de la construction, on pourrait augmenter notre capacité d'accueil et, en même temps, cette capacité d'accueil, si je peux me permettre, elle est également un couteau à double tranchant, parce qu'une région qui verrait peut-être un problème de place en garderie ou de place dans des écoles, est-ce que ça voudrait dire que d'autres citoyens de d'autres régions du Québec ne pourraient pas aller dans la région dite en souffrance de certains postes?

Alors, vous voyez que la réalité dans laquelle on se retrouve, ce n'est pas la capacité d'accueil de l'immigration qui est en cause de la situation, c'est la courbe démographique de notre société. Malheureusement, il y a plus de gens qui quittent le marché du travail à tous les jours, qu'il y en a qui entrent dans le marché du travail. Et cette situation risque de durer encore pendant de nombreuses années. Alors, la capacité d'accueil, c'est à nous de se la donner. C'est à nous d'investir dans la capacité de faire venir des gens qui vont, eux, contribuer à la croissance et à la prospérité de notre société, qui vont construire des places en garderie, qui vont enseigner à nos enfants, qui vont soigner nos aînés. Et c'est cette capacité d'accueil que je veux qu'on soit capable de défendre et non celle qui va limiter, pour des raisons, des fois, plus ou moins floues, la capacité d'accueil ou le nombre de personnes qui pourraient arriver ici, au Québec.

Et j'oserais dire qu'il y a même des gens qui préconisent d'avoir des tableaux, des indicateurs pour être capables de mesurer cette capacité d'accueil en fonction de certains indicateurs. Malheureusement, il manque beaucoup de données pour être capable d'avoir des données fiables. Même la Commission des partenaires du marché du travail a rejeté l'idée de mettre un tableau d'indicateurs pour nous accompagner, pour fixer des capacités d'accueil régionales, parce que c'est un outil qui n'est pas efficace et efficient et pertinent.

Donc, je pense qu'encore une fois la meilleure façon de se doter de notre capacité d'accueil, c'est, comme société, en ouvrant, je dirais, nos portes pour qu'on puisse combler nos besoins du milieu du travail tous les secteurs confondus, qu'on soit une société qui soit inclusive. Et vous allez voir qu'en bout de piste nous sortirons gagnants de cette réalité, parce qu'économiquement nous pourrons continuer de prospérer, socialement, nous serons encore plus forts, plus intégrés et plus unis, j'oserais dire. Et je pense que c'est de cette façon qu'il faut la voir, parce que le concept de la capacité d'accueil, malheureusement, pour nous, n'est basé sur aucune donnée qui nous apporte à réfléchir autrement que ce que je viens de faire avec vous dans cette description, pour nous, au Conseil du patronat et à nos membres, de quelle façon on devrait envisager cette capacité d'accueil.

Mme Fréchette : En tout cas, on semble converger sur ce qui compose la capacité d'accueil. Quand vous évoquez de quoi il est fait, bien, c'est pas mal les perspectives dans lesquelles on voit la chose également. Mme la Présidente, il nous reste combien de temps?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Il reste quatre minutes.

Mme Fréchette : Quatre minutes. Alors... Bien, je vais céder la parole à une collègue ou un collègue.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, je reconnais la députée de Vimont. Je vous rappelle, quatre minutes. La parole est à vous.

Mme Schmaltz : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Merci d'être présents à cet important exercice que nous faisons. Je vais vous amener, moi, vers le terme "délai". Vous mentionnez, dans votre mémoire, que le délai de traitement des demandes de sélection et de résidence permanente serait trop modeste. Alors, j'aimerais savoir, selon vous, c'est quoi, un délai raisonnable, comment vous le voyez.

M. Blackburn (Karl) : Alors, Denis, je te laisse répondre, tu es notre spécialiste.

M. Hamel (Denis) :Oui. Merci, Mme la Présidente. Voyez-vous, question des délais, c'est... la réponse peut sembler comique, mais ce que les campeurs nous disent, c'est : On se compare, il faut se comparer, vraiment, avec les autres... les autres juridictions. Vous avez vu, dans notre mémoire, on a fait...

M. Hamel (Denis) :...un tableau comparatif des délais pour quelqu'un qui veut s'installer au Québec versus quelqu'un qui veut le faire dans les autres provinces canadiennes, et là, ça cause vraiment un sérieux problème, ou on peut avoir des délais, par exemple trois fois, quatre fois supérieur au Québec par rapport à une même personne dans un même poste dans une autre province. Donc, quand on dit de raccourcir les délais, quand vous abordez les employeurs, tous, de façon presque unanime, vont dire : On a besoin d'immigration. Mais le principal irritant, c'est toujours la question des délais et ça, c'est quel que soit le programme. On a vu aussi des délais dans l'humanitaire, comment que ça peut être très élevé. Mais, si on s'en tient juste à l'immigration économique, on voit des délais qui dépassent, très, très souvent même, je dirais, les besoins des employeurs, par le temps que la personne arrive, on se demande même si le poste est encore disponible. Donc, je vous dirais, il faudrait avoir un... je dirais, des échelles de comparaison pour s'assurer de couper de façon vraiment, vraiment draconienne les délais, tant pour l'employeur que pour la personne immigrante. Vous savez, ces délais-là sont extrêmement dissuasifs. C'est un projet de société pour les personnes immigrantes. Souvent, elles vendent leur maison, elles vendent tout ce qu'elles ont à l'étranger. Ils attendent. Et, quand on voit des six mois, des huit mois, des 12 mois, des 25 mois, c'est sûr que la personne va changer d'idée, va changer de destination. Donc, on perd vraiment, vraiment une chance inouïe. Donc, il faut vraiment mettre l'emphase sur les délais. Et comme M. Blackburn l'expliquait aussi d'entrée de jeu la question des arrérages, on a beaucoup de gens qui attendent depuis trop longtemps. Il faut absolument éliminer ces arrérages-là le plus rapidement possible.

Mme Schmaltz : Justement, ça m'amène à la question suivante : De quelle façon vous pourriez peut-être aider le gouvernement fédéral dans les efforts du Québec à justement essayer de réduire ce délai? Est-ce que... je vois que vous hochez la tête, donc vous avez probablement des idées, j'aimerais bien les entendre.

M. Hamel (Denis) :Ah! bien, écoutez, comme c'est une juridiction partagée, c'est sûr que nos demandes s'adressent à la fois à Québec et à Ottawa. Malheureusement, très souvent, on a vu un jeu de ping-pong entre les deux ministères, les deux gouvernements, chacun blâmant l'autre gouvernement pour les retards. Et nous, dans le fond, que ce soit l'un ou l'autre, ce n'est pas ce qui est important pour les employeurs, mais il faut vraiment une meilleure coordination. Alors, on croit, nous, qu'en augmentant les seuils, évidemment par un jeu mathématique, on va pouvoir vider les inventaires beaucoup plus rapidement, et sachez qu'on a bien l'intention de rencontrer... Nous avons rencontré les anciens ministres de l'Immigration, le nouveau qui est en poste aussi, on va le rencontrer bientôt. Ça fait partie de nos demandes à la fois du côté d'Ottawa et de Québec, de réduire les délais et d'avoir une meilleure synergie entre les deux systèmes d'évaluation des dossiers d'immigration.

M. Blackburn (Karl) : S'il nous reste quelques minutes, je pourrais juste... quelques secondes. Je rajouterais...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : 15 secondes.

M. Blackburn (Karl) : ...15 secondes, ce n'est pas assez. 15 secondes. D'abord, on a mis de la pression sur le fédéral pour qu'il améliore ses traitements, qu'il arrête de regarder dans la cour du voisin, qu'il fasse ses devoirs. Deuxièmement, imaginez si le traitement des dossiers des travailleurs... pas des travailleurs, des gens en... immigration humanitaire, réfugiés politiques, si on donnait à ces gens-là...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Le temps est écoulé, M. Blackburn, mais ce n'est pas grave, donc on poursuit, on poursuit, on a encore des échanges. Alors, je me tourne du côté de l'opposition officielle qui va bénéficier d'une période de 12 minutes 23 secondes. M. le député de Nelligan, la parole est à vous.

• (14 h 30) •

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente, M. Blackburn, M. Hamel. Merci. Toujours très pertinent et... de vous entendre. Je n'ai pas beaucoup de temps, mais droit au but. Aujourd'hui, vous êtes en train de démolir l'argument de la capacité d'accueil. Je n'ai pas besoin de vous citer qui le dit, mais vous savez très bien de quoi je parle. Quand on mentionne la capacité d'accueil du Québec est dépassée et limitée. C'est quand même énorme ce que vous prononcez aujourd'hui en commission parlementaire, là, j'espère que vous êtes prêt à le démolir, cet argument.

M. Blackburn (Karl) : Bien, en fait, on a le même argument depuis le début. Nous sommes constants sur cette réalité. La capacité d'accueil, c'est celle qu'on peut bien se donner. Et malheureusement, dans certains cas, des gens ont une vision sur la capacité d'accueil en disant que gens-là viennent consommer des services publics et malheureusement ne contribuent pas à l'essor de notre société. Nous, de notre côté, c'est tout le contraire. On pense que la capacité d'accueil n'est basée en fait sur rien et les travailleurs immigrants, dans certains cas oui, peuvent venir consommer des services, mais oui, ils peuvent contribuer de façon significative à l'augmentation de notre capacité de déployer des services. Quand on regarde les besoins dans le domaine de l'éducation, quand on regarde les besoins dans le domaine de la santé, dans le domaine de la construction, alors, imaginez, si nous avions les travailleurs nécessaires pour nous permettre de briller parmi les meilleurs dans ces domaines d'activité, sincèrement, on ne serait pas dans la situation qui met tellement de pression sur les employeurs...


 
 

14 h 30 (version non révisée)

M. Blackburn (Karl) : ...actuellement au Québec, et je pense que ça serait de cette façon qu'il faut le voir, mais de façon structurée. Et sincèrement je pense que la direction que nous avons aujourd'hui peut nous amener à faire cette décision intelligente, structurée autour d'un débat de société qui est extrêmement important, mais qui peut nous projeter dans l'avenir.

M. Derraji : Donc, selon vous, la notion de capacité d'accueil n'existe pas? C'est dans l'imaginaire de ceux et celles qui l'imaginent.

M. Blackburn (Karl) : Je ne voudrais pas que vous me mettiez des mots dans la bouche.

M. Derraji : Non, je n'essaie pas, vous êtes...

M. Blackburn (Karl) : Je dis que la capacité d'accueil...

M. Derraji : Non, non, non, pas du tout. Vous êtes quelqu'un de très expérimenté, vous étiez dans ma place. Aucun problème. Je vais juste vous dire, avec vos arguments, ça veut dire que la capacité d'accueil, je vais dire, entre guillemets, n'existe pas. Je vous laisse le soin de le démontrer.

M. Blackburn (Karl) : La capacité d'accueil doit être basée sur les besoins économiques du marché et, si on se fie sur cette capacité ou sur ces besoins, bien, ce serait normalement 80 000 immigrants par année que nous devrions accueillir au Québec pour répondre aux besoins du marché et ainsi avoir un indicateur fiable sur lequel on peut se baser.

M. Derraji : M. Blackburn, vous êtes quelqu'un qui se promène à travers tout le Québec. Vous êtes très proche de nos entrepreneurs. Vous êtes très proche d'une réalité très territoriale, en fait, l'avenir économique du Québec, et c'est pour cela qu'on veut créer de la richesse pour qu'on puisse avoir des missions de l'État, ce soit éducation, santé, etc. Il y a beaucoup de groupes qui parlaient de la langue française, il y en a qui ont même dit : Écoutez, là, ce que vous faites, ça n'aidera en aucun cas la promotion et la protection de la langue française. Il y a même des groupes qui ont dit : C'est utopique de mettre le fardeau de la langue française sur les immigrants. Vous, au Conseil du patronat, deux questions. Premièrement, quel message on vous envoie quand le test du français est fait en France? Question un. Question deux, qu'est-ce que vous en pensez par rapport aux exigences de français? Surtout si on veut parler un langage économique et qu'on veut ramener des talents au Québec.

M. Blackburn (Karl) : Bien, d'abord sur l'aspect de la France qui gère notre test de français. Dans les recommandations que nous avons évoquées, sur les 18 recommandations, une d'elles est à l'effet que le Québec s'approprie le test de francisation, et ainsi qu'on soit maîtres chez nous de notre système de francisation au Québec. Alors ça, je pense que c'est important de le rappeler. Et il ne faut surtout pas envoyer un message à l'ensemble de la planète à l'effet que, malheureusement, le Québec est fermé pour des raisons linguistiques alors qu'on sait fort pertinemment que 80 % de l'immigration économique qui est ici depuis 2001 au Québec parle le français, alors ça, c'est une réalité qui est extrêmement importante et il faut le rappeler également.

Et la francophonie économique, si on regarde simplement cet aspect-là, la francophonie économique peut devenir un tremplin pour les entreprises du Québec pour rayonner à travers le monde, mais, également, le Québec peut devenir la porte d'entrée pour toutes les entreprises qui veulent rayonner auprès de la francophonie économique, et ce, dans toutes les régions du Québec. Imaginez, là, aujourd'hui, 321 millions de francophones à travers le monde, d'ici une quarantaine d'années, plus d'un milliard de francophones à travers le monde, majoritairement provenant de l'Afrique, où les besoins sont énormes, et la capacité du Québec de rayonner auprès des pays de l'Afrique est un avantage indéniable pour les entreprises ici au Québec. Et, dans ce sens-là, je ne voudrais pas qu'on se serve des frontières du Québec comme étant un rempart pour nous protéger contre l'envahisseur anglophone, au contraire, je voudrais qu'on se serve de nos frontières au Québec pour être un tremplin pour permettre à nos entreprises d'ici de rayonner à travers la francophonie mondiale, mais également pour que la Francophonie mondiale puisse passer par le Québec pour avoir accès à cette francophonie en Amérique du Nord.

M. Derraji : Un beau message, M. Blackburn. Et d'ailleurs, nous avons eu la chance de rencontrer le président d'un observatoire avant-hier, professeur Marcoux. Écoutez, ce qu'il nous a dit par rapport à... je sais que vous êtes très présent en Afrique avec vos amis du patronat ailleurs, ce qu'il nous a dit sur l'Afrique, sur le potentiel, sur l'avenir, et surtout au niveau de la jeunesse, concorde parfaitement avec ce que vous venez de dire.

Parlons des salaires. Ça a été tout un débat, les dernières années. Il y a un mot que j'aime moins, je n'aime pas du tout, je veux parler, pas parler du «cheap labor». Vous, aujourd'hui, je vous pose une question très directe, le pourcentage des immigrants qui gagnent plus que le salaire moyen, ça va nous donner une perspective sur des patrons, parce qu'on dit toujours vous êtes mieux placés par rapport aux employeurs, avez-vous une idée sur le pourcentage de salaire des immigrants au-delà du salaire moyen, s'il vous plaît?

M. Blackburn (Karl) : 62 % de l'immigration gagne un salaire supérieur au salaire moyen...

M. Blackburn (Karl) : ...Québec. Et ça, c'est une réalité, c'est des données qui sont implacables. Alors, il y a des postes pour tous les types de niveaux de salaire. Bien évidemment, il y en a pour des salaires de 30 000, 35000$, 50 000, mais il y en a également, pour des besoins, de plus de 200000, 250 000 $. Mais, quand on veut associer l'immigration, comme vous l'avez dit, à du cheap labor, ce qui est totalement erroné, bien... 62 % de l'immigration a un salaire supérieur au salaire moyen au Québec.

M. Derraji : Parlons du temporaire. C'est quoi le point de vue du patronat, du Conseil du patronat de l'arrivée en grand nombre des travailleurs temporaires étrangers versus les permanents? Comprenez-moi, il y a deux scénarios sur la table. Probablement, les deux scénarios ne font pas votre affaire parce que, si j'entends vos demandes et les demandes, je dirais, de l'ensemble de la classe économique, ça ne suffit pas. Comment voyez-vous la stratégie d'avoir plus de temporaires et ne pas les inclure dans la planification pluriannuelle?

M. Hamel (Denis) :Je vais me permettre de répondre à votre question, M. le député de Nelligan. On a... M. Blackburn l'a mentionné d'entrée de jeu, pour les employeurs, c'est un peu le mal nécessaire, le travailleur temporaire. Vous avez vu, si on se compare aux autres provinces canadiennes, on a eu beaucoup moins d'immigration permanente, beaucoup plus d'immigration temporaire, parce que les programmes permanents étaient fermés. Donc, on a eu recours de plus en plus à l'immigration temporaire, avec tous les inconvénients qui viennent avec, c'est-à-dire un haut taux de roulement. Maintenant, c'est un très vaste programme. À l'intérieur des temporaires, il y a, bien sûr, les étudiants, il y a la mobilité internationale, mais il y a aussi le Programme des travailleurs étrangers temporaires, qui viennent combler des besoins saisonniers, des besoins vraiment temporaires, mais que les employeurs ont été obligés d'utiliser pour combler des postes permanents. Et je pense que c'est cette section sur laquelle il faudrait vraiment travailler pour s'assurer une plus grande fluidité.

M. Derraji : Oui. M. Hamel, il y a des patrons qui m'ont dit : Ça nous coûte cher, payer les permis, ce n'est pas gratuit, là. Vos besoins, c'est des besoins permanents. On ne peut pas vous permettre une augmentation des seuils, vous savez pourquoi, ce n'est pas payant politiquement parlant. On limite le nombre de travailleurs permanents. De l'autre côté, on met sur le dos des entrepreneurs... Moi, je parle... Un entrepreneur PME, je ne parle pas de la grosse entreprise qu'ils ont des comptes où ils peuvent tout mettre. Pensez à un petit entrepreneur... Il n'y a pas de petit... à une petite entreprise, à un fier entrepreneur en région, 15 ou 20 travailleurs, à qui on demande de faire une étude d'impact. La première, un affichage, poste non comblé, vas-y, prend l'avion, cherche le travailleur, cherche un avocat, cherche un traducteur. Ce n'est pas comme ça qu'on va aider nos entrepreneurs. C'est là ma question : Pensez-vous vraiment que c'est stratégique, laisser la porte du temporaire grand ouverte, au lieu de dire : Écoutez, ça vous coûte des sous. Ces sous, on veut les voir dans l'innovation, ces sous, on veut aller voir ailleurs? Si vous êtes à choisir à notre place, quel scénario vous allez préférer ou souhaiter?

M. Blackburn (Karl) : Si je peux me permettre une réponse très simple, c'est pour cela qu'on souhaite une augmentation permanente plus grande. C'est pour éviter ce genre de situations qui occasionnent des coûts, des délais extrêmement importants aux employeurs. Et j'aimerais peut-être vous le rappeler, là, un employeur sur deux refuse des nouveaux contrats parce que, malheureusement, il n'a pas la main-d'œuvre pour être capable de les réaliser, ce qui a un coût économique pour le Québec. Près d'un employeur sur deux reporte ou cancelle des projets d'investissement parce que, malheureusement, il manque de travailleurs dans son organisation, ce qui a également des conséquences économiques pour le Québec. Alors, c'est clair que, pour nous, il faut privilégier l'augmentation de l'immigration permanente, justement, pour répondre aux besoins économiques du Québec.

• (14 h 40) •

M. Derraji : M. Blackburn, M. Hamel, je pense qu'il y a de plus en plus un consensus que la voie du temporaire n'aide personne. En fait, je ne sais pas qui aide la voie du temporaire, parce qu'hier il y avait pas mal de syndicats, vous aussi, aujourd'hui, premier groupe économique, d'autres personnes très impliquées dans le milieu, ils disent : Faites attention, le temporaire...

M. Blackburn (Karl) : Mais le temporaire, M. le député, il est important, il est important dans certains secteurs. Prenons, par exemple, l'immigration, les besoins... l'agriculture, pardon.

M. Derraji : L'agriculture.

M. Blackburn (Karl) : L'agriculture, c'est des besoins...

M. Derraji : Non, mais ça, c'est saisonnier.

M. Blackburn (Karl) : Oui, mais c'est également temporaire. Il y a des travailleurs également de l'étranger qui veulent venir ici de façon temporaire, venir contribuer à l'essor économique du pays et retourner dans leur pays. Alors, il y a, je dirais, un équilibre qui doit s'installer entre le permanent et le temporaire. Il y a des avantages avec le temporaire, il y a des avantages, bien évidemment, avec le permanent, c'est une question d'équilibre. Et c'est pour cela que nous, on privilégie l'augmentation de l'immigration permanente, justement, pour répondre aux besoins du marché du travail...

M. Blackburn (Karl) : ...et des employeurs au Québec. Mais, en même temps, il ne faut pas rejeter du revers de la main l'immigration temporaire, parce que cette immigration temporaire répond à des besoins extrêmement importants, également, au Québec.

M. Derraji : Du temporaire, je ne parle pas du saisonnier, saisonnier qui est au niveau de l'agriculture, on s'entend. On parle de temporaires dans des secteurs clés. Écoutez, aujourd'hui, je viens de recevoir un message : compagnies informatiques, il y a des enjeux avec le temporaire, ça coûte énormément de sous. C'est parce que, s'il y avait le travailleur ici... C'est énormément d'argent, là. Moi, quand on m'a partagé le montant, c'est... Clairement, on n'aide pas nos PME dans les régions. Et, vous le savez très bien, M. Blackburn, on parle de 260 000 PME dans tout le Québec. Les besoins sont là. Donc, l'équilibre, il est souhaitable, mais, selon vous, de quel ordre, cet équilibre?

M. Blackburn (Karl) : Bien, lorsqu'on parle des seuils...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : La période de temps est terminée. Désolée, M. Blackburn, désolée, M. le député. Mais on poursuit avec une dernière ronde d'échanges, cette fois-ci, avec la deuxième opposition, pour une période de 4 min 8 s. M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne, la parole est à vous.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. Je vais commencer par rebondir sur quelque chose qu'on a entendu, donc, qui a été mentionné deux fois, là, l'histoire du délai du permis de travail pour les demandeurs d'asile. J'ai vérifié ce matin, ça, c'est réglé, là, le permis travail est émis très rapidement. Il y a eu un problème avec ça l'année dernière, mais ce n'est plus ou ce n'est presque plus le cas. On me dit que le permis est maintenant émis relativement rapidement ou, en fait, beaucoup plus rapidement, et que l'immense majorité des demandeurs d'asile sont présentement au travail. Donc, le problème qu'on avait fin 2021, au début 2022 est réglé.

Raccourcir les délais, le fédéral a eu sa part de responsabilité dans le passé, beaucoup de responsabilité, mais, en ce moment, le seul responsable du délai de traitement, c'est les seuils du MIFI, et c'est le MIFI. Ce sont les quotas qui créent des délais d'attente. Alors, c'est difficile à dire : Il faut que le fédéral se brasse ou se presse quand, finalement, les seuils ont été atteints, puis qu'ils ne sont pas... ils n'ont pas le droit d'émettre la résidence jusqu'à l'année prochaine, selon les demandes du Québec. Finalement, c'est le MIFI auquel il faut demander d'augmenter ces seuils.

J'en viens à ma question, M. Hamel, je pense : Comment se fait-il que le MIFI émette des milliers de CSQ de plus, annuellement, que le seuil qu'il fixe lui-même pour la résidence permanente annuelle? Est-ce qu'il n'y a pas là un certain double discours?

M. Hamel (Denis) :Bien, M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne, je pense que la question devrait être posée au MIFI. Effectivement... Le fédéral, d'ailleurs, a avoué... L'ancien ministre avait avoué récemment qu'il manquait de personnel pour traiter tous les dossiers. Mais il est vrai que, d'après les informations qu'on a, c'est l'accumulation des dossiers qui fait en sorte qu'une fois que le fédéral, dans son traitement des dossiers a atteint la limite fixée par Québec, en vertu de l'accord que vous connaissez bien, l'accord Canada-Québec, bien, une fois que le maximum est atteint, les dossiers sont sur la pile, et il faut attendre l'année suivante. Donc, c'est pour ça qu'on a des délais beaucoup plus élevés. Vous savez, par exemple, que l'entrée express, au Canada, un employeur peut faire venir, en trois mois, quelqu'un. Malheureusement, on n'a pas ça au Québec.

Donc, c'est ce jeu, je dirais, de... entre les deux gouvernements qu'on a déploré dans les dernières années, se faire dire : Non, ce n'est pas de ma faute, c'est l'autre. Bien, je crois qu'on a vu, déjà, une amélioration, les délais ont beaucoup, beaucoup baissé. Ils demeurent élevés, et c'est surtout la différence de traitement entre le Québec et les autres provinces canadiennes qui irrite l'employeur.

M. Cliche-Rivard : Parfait, c'est très clair. Je vous avais dit qu'on devrait traiter le PEQ-travailleur, aussi, hors seuils. Je devine que c'est parce que ces gens-là, comme les diplômés, sont déjà intégrés, ont déjà avancé une certaine intégration, pour la plupart, sont en emploi, sont logés. Est-ce que la même logique ne doit pas s'appliquer sur ceux qui sont demandeurs de résidence permanente, qui sont déjà sur le territoire? Je pense, notamment, aux époux, épouses, conjoints, enfants. Est-ce que la logique, finalement, c'est : il y a ceux qui sont ici, qui sont déjà utilisateurs de services, qui sont déjà intégrés, qui devraient, probablement, je le soumets, passer hors seuils, et il y a nos nouveaux immigrants, qui, eux, ont, finalement, un réel impact sur la capacité d'accueil? Est-ce que ce n'est pas ça, le discours que vous faites?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : En une minute.

M. Hamel (Denis) :Bien, la logique derrière, effectivement, l'idée de rajouter le PEQ-travailleur hors seuils, c'est... effectivement, ce petit nombre est déjà ici, et puis on pourrait même dire, les enfants sont à l'école, ils occupent un logement. Donc, l'impact, il est vraiment nul, en termes de capacité d'accueil, si je peux me permettre d'utiliser l'expression. Donc, c'est ce qu'on souhaite, de voir ces gens-là hors seuils, pour que, vraiment, les programmes d'immigration, surtout la nouvelle mouture qui a été annoncée par la ministre... s'adressent vraiment à des nouveaux, à des nouveaux arrivants, des nouveaux nouveaux arrivants, si je peux me permettre.

Alors, la logique qui est derrière ça, c'est, effectivement : ceux qui sont déjà ici, ils devraient avoir une façon beaucoup plus facile... Et c'est, notamment, un bon outil pour la régionalisation de l'immigration, parce que l'emploi, il n'est pas nécessairement à Montréal, et on le voit maintenant, depuis les dernières années, depuis qu'on a beaucoup plus rapproché l'immigration du marché du travail, que les...

M. Hamel (Denis) :...qui s'installent hors de la région de Montréal sont en nette hausse.

M. Cliche-Rivard : Qu'est-ce qu'on fait, M. Hamel, avec les gens d'affaires qui attendent 15 ans ou 10 ans pour la résidence, qu'est-ce qu'on fait avec eux?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Écoutez, le temps est écoulé. Je vous remercie beaucoup, M. Blackburn, M. Hamel, pour cette présentation, pour la réponse aux questions des parlementaires.

Mesdames et messieurs les élus, nous allons prendre une petite pause, le temps de recevoir le prochain groupe. À nouveau, merci et bonne fin de journée.

(Suspension de la séance à 14 h 47)

(Reprise à 14 h 50)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'Ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission reprend ses travaux. Nous en sommes rendus maintenant à l'organisme Au bas de l'échelle, représenté par M. Vincent Chevarie, responsable des dossiers politiques et des communications.

M. Chevarie, bienvenue à la Commission des relations avec les citoyens. Nous allons donc entamer avec vous cette deuxième ronde de l'après-midi. Et vous allez bénéficier d'une période de 10 minutes pour votre exposé, et nous allons par la suite échanger avec les parlementaires. La parole est à vous.

(Visioconférence)

M. Chevarie (Vincent) : Merci, Mme la Présidente. Bien, pas besoin de me présenter, les présentations sont faites. Avant de commencer, j'aimerais quand même, au nom de notre équipe et d'Au bas de l'échelle... De remercier la Commission et ses membres de nous permettre de prendre la parole aujourd'hui et de partager publiquement...

M. Chevarie (Vincent) : ...position de notre organisme concernant la planification de l'immigration. Donc, Au bas de l'échelle est un groupe d'éducation populaire qui défend les droits des travailleurs et des travailleuses non syndiqués depuis 1975. Donc, depuis bientôt 50 ans, notre organisme est devenu une référence dans l'ensemble du Québec en matière de droit du travail, tout... tout particulièrement, pardon, en lien avec la Loi sur les normes du travail et le harcèlement psychologique. Nous offrons notamment un service d'information téléphonique, des rencontres collectives d'information et des formations auprès de groupes, d'organismes et d'institutions scolaires. D'ailleurs, tous nos services offerts directement aux travailleurs, travailleuses sont gratuits.

Bref, à chaque année, Au bas de l'échelle informe des milliers de personnes non-syndiquées de leurs droits et de leurs protections ainsi que des recours mis à leur disposition, et, par une approche d'éducation populaire, nous encourageons les travailleurs, travailleuses non syndiqués à faire respecter leurs droits, à se regrouper et à s'impliquer socialement pour améliorer leurs conditions de travail autant que leurs conditions de vie.

Donc, pour rentrer dans le vif du sujet, la vision du gouvernement actuel en matière d'immigration est assez claire depuis 2019 : il faut prioriser l'immigration économique dans le but de répondre aux besoins économiques et d'accroître la prospérité du Québec. Malheureusement, même si Au bas de l'échelle reconnaît que ce type d'immigration est important et non négligeable, on déplore le côté simpliste utilisateur, réducteur et parfois incohérent de cette vision et des orientations qui en découlent. Et c'est un constat que partagent d'ailleurs beaucoup d'organisations syndicales et communautaires, comme pourront peut-être le montrer les présentes auditions.

Donc, en réduisant l'immigration à une perspective économique, il est plus facile d'oublier l'énorme contribution des personnes issues d'autres catégories d'immigration dans le développement social, culturel, économique de la société québécoise. Pourtant, les événements des dernières années, notamment la pandémie de COVID-19, ont démontré l'apport considérable et essentiel des travailleurs et des travailleuses immigrants à la société québécoise. On peut penser au cas des anges gardiens, qui ont mis leur propre vie en danger en fournissant des soins directs aux patients et aux patientes, ou encore les travailleuses et les travailleurs agricoles, sur lesquels dépend maintenant notre système alimentaire. Alors que le Québec connaît une sous-fécondité et un vieillissement de sa population, Au bas de l'échelle partage l'avis d'experts de chercheurs et de chercheuse selon lequel, entre autres, il est justifié d'élever les seuils d'immigration pour tenter d'assurer la croissance démographique du Québec et aussi pour tenter de freiner la baisse de son poids démographique dans le reste du Canada.

Ceci dit, pour Au bas de l'échelle, il est fâchant et insensé de réduire la planification de l'immigration, qui constitue pourtant un projet global à long terme, à une simple réponse aux objectifs économiques et à la pénurie de main-d'œuvre. Il est donc important qu'une telle planification s'inscrive dans une vision beaucoup plus large qui prend en considération les multiples besoins du Québec, pas uniquement ceux économiques, qui respecte les valeurs sociales et égalitaires que nous défendons et qui respecte nos engagements internationaux sur le plan humanitaire. Je ne suis sûrement pas le premier à vous en parler, l'immigration, oui, c'est des chiffres, c'est des données, mais, avant tout, c'est des histoires, c'est des témoignages, c'est des visages, c'est des familles.

Donc, pour le mémoire, comme vous l'avez peut-être constaté, on a divisé selon certains enjeux qui, pour Au bas de l'échelle, étaient relativement importants. Tout d'abord, je pense que c'est pertinent de faire un état des lieux du milieu... dans le milieu communautaire. Depuis sa fondation, Au bas de l'échelle s'est impliqué régulièrement dans des dossiers reliés à l'immigration, autant au Québec qu'au Canada, notamment en coordonnant le Front de défense des non-syndiqués, le FDNS. Pardonnez-moi. Nous avons donc été aux premières loges pour observer les effets dans le monde du travail qu'ont eu les récentes transformations sociodémographiques au Québec, entre autres, avec l'augmentation des nouvelles et des nouveaux arrivants. Par contre, depuis les 20 dernières années, le nombre de personnes immigrantes qui ont fait appel aux services d'Au bas de l'échelle pour obtenir de l'aide et de l'information sur leurs droits au travail a connu une forte progression. Le nombre de personnes immigrantes qui ont contacté, par exemple, notre service d'information, pour lesquelles nous avons un dossier ouvert, a augmenté de manière graduelle depuis le début des années 2000, entre 32 et 44 % de nos bénéficiaires à chaque année. Selon nos dossiers, encore une fois, parmi les types de problèmes vécus par les personnes...

M. Chevarie (Vincent) : ...qui sont classés d'ailleurs en quatre types de plaintes, on a les plaintes pécuniaires, les plaintes contre une... Pratique interdite, pardon, contre un congédiement injuste ou contre le harcèlement psychologique. Parmi ces plaintes-là, le cas de... les cas de harcèlement psychologique et aussi de congédiement injuste sont devenus de plus en plus fréquents. Et comme je pourrai l'aborder plus tard, ça a notamment coïncidé avec une hausse de la discrimination en milieu de travail à l'endroit des personnes immigrantes.

Pour ce qui est de nos formations, parce que, comme je l'ai mentionné, Au bas de l'échelle offre aussi de nombreuses formations, il y a eu une évolution du public qui a été rejoint par lesdites formations, ce qui signifie que notre public a été de plus en plus composé de personnes immigrantes, on parle d'entre 32 % et 61 % des participants et participantes à chaque année.

Certes, on reconnaît que le gouvernement actuel a mis en place certaines mesures permettant de faciliter l'accès à des services d'accueil et d'accompagnement pour les personnes immigrantes, cependant, le constat d'Au bas de l'échelle, qui semble être partagé dans le milieu communautaire, avec les données que je vous présente, c'est... et considérant aussi qu'il est fort probable que l'immigration continue d'augmenter, c'est que l'apport du milieu communautaire va être primordial et nécessitera davantage des financements de la part de l'État.

D'ailleurs, on reconnaît que, dans son cahier de consultation, le MIFI en parle brièvement, mais parle quand même des services essentiels offerts par le milieu communautaire, ce qui nous a amenés à postuler deux recommandations, soit d'augmenter et de pérenniser le financement des organismes communautaires qui soutiennent les personnes immigrantes et aussi de baser ce financement sur la mission des organismes et non pas sur des projets spécifiques.

Ensuite, au niveau de l'intégration, je le mentionnais précédemment, l'accessibilité des services est extrêmement important, parce que, pour permettre aux personnes immigrantes de bien s'intégrer à la société d'accueil et pour encourager aussi la régionalisation de l'immigration, comme souhaite le faire le MIFI, le gouvernement doit offrir les conditions optimales en ayant des services de qualité, que ce soient des logements abordables, un bon système d'éducation, des emplois intéressants, des services d'employabilité, l'accessibilité aux transports en commun, et cetera. Donc, malheureusement, sans une intervention de l'État, les personnes immigrantes sont trop souvent portées... doivent trop souvent porter seules le fardeau de leur intégration.

Et on aurait aimé, dans le plan de consultation, que le gouvernement précise certains engagements, et aussi des engagements plus forts en matière d'accessibilité aux services, ce qui nous amène encore une fois à postuler deux recommandations, c'est-à-dire d'investir dans le développement de nos... d'investir davantage, même, dans le développement de nos services et de nos infrastructures, de manière à répondre adéquatement à l'accueil des personnes immigrantes, peu importe la région ou Québec, et aussi offrir davantage de services en employabilité, adaptés à toutes les personnes immigrantes qui sont en droit de travailler au Québec, peu importe leur statut.

Même son de cloche au niveau de la francisation. Encore une fois, on constate, à Au bas de l'échelle, et encore une fois, c'est partagé dans le milieu communautaire, les délais pour avoir accès à la francisation sont... Et les démarches entreprises sont souvent très complexes, ce qui fait en sorte que, bien, voilà...

• (15 heures) •

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : il vous reste une minute.

M. Chevarie (Vincent) : Ah! oui. Donc, voilà. On pourra peut-être y revenir, mais on pensait, on croit justement que, entre autres au niveau de la francisation, il faut supprimer le délai de six mois pour avoir accès aux services gouvernementaux dans d'autres langues, dans d'autres langues que le français.

Et un point que j'aurais aimé aborder aussi, c'est les difficultés d'intégration des personnes immigrantes. Parce que, comme on le mentionnait, comme je le mentionnais, les... ces Personnes immigrantes occupent régulièrement des emplois instables, précaires et non syndiqués, et elles sont davantage victimes d'injustices dans leur milieu de travail, selon les données d'Au bas de l'échelle, parce que, bon, elles sont trop souvent peu ou mal informées sur leurs droits et leur protection, et aussi qu'elles vivent constamment sous le stress en raison de leur statut migratoire parfois incertain. Ce qui nous amène à postuler certaines recommandations que j'aurai peut-être la chance de rediscuter, si mon chrono...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Bien sûr, bien sûr, vous allez avoir la chance parce que nous allons entamer la période de discussion, justement, avec les parlementaires. Alors, je me tourne du côté de l'aile gouvernementale. Mme la ministre, vous avez au total 16 minutes 30 secondes. La parole est à vous.

Mme Fréchette : Merci, Mme la Présidente...


 
 

15 h (version non révisée)

Mme Fréchette : ...alors, merci M. Chevarie de prendre part à cette discussion, à cet échange fort important, d'un intérêt collectif aussi pour l'avenir du Québec. Vous mentionnez, dans le cadre de votre mémoire, là, que vous trouvez déplorable le manque d'organismes communautaires invités aux audiences publiques et à cette commission. Et vous dites que ça aurait été une belle occasion de leur donner la parole. Alors, bien, permettez-moi d'être très claire, personne n'a été empêché de participer à cette commission parlementaire. Absolument personne. Notre volonté, c'est d'entendre le spectre le plus large possible d'organismes, allant des organismes d'accompagnement, de francisation, des organismes communautaires jusqu'aux syndicats, aux établissements d'enseignement, aux entreprises, aux associations juridiques, aux associations économiques. Tout le monde est invité et nous avons entendu tout le monde et on a même veillé à accommoder plusieurs d'entre eux, dont votre groupe, pour faire en sorte de prendre la parole malgré que les délais impartis n'étaient pas respectés. Alors, je suis contente que vous soyez des nôtres aujourd'hui, mais j'aimerais apporter cette précision, parce que c'est une commission à portée générale et, de ce fait, nous entendons tout le monde.

Alors, c'est un plaisir pour nous de vous entendre et j'en profite pour saluer et reconnaître l'apport des organismes communautaires, tel le vôtre, dans la réussite du processus d'immigration des personnes qui choisissent le Québec pour se donner une nouvelle chance. D'ailleurs, peu après mon arrivée en poste, j'ai demandé rapidement à mon chef de cabinet d'organiser des rencontres avec la TCRI parce qu'il était très important pour moi d'avoir l'écho des gens qui sont sur le terrain à accompagner au quotidien les personnes immigrantes, les demandeurs d'asile et de gérer un grand ensemble de situations, comme on le sait. Et on a d'ailleurs augmenté passablement nos ressources, les budgets octroyés aux activités qui sont portées par les organismes communautaires, les organismes d'accompagnement et d'intégration et de francisation également. Donc, voilà, je tenais à faire cette mise en perspective et je salue, en fait, l'ensemble des personnes qui oeuvrent dans ces organisations parce qu'elles sont dévouées. Je les rencontre le plus régulièrement possible. J'en ai rencontré dans 15 différentes régions du Québec et, systématiquement, j'ai vu des gens engagés, passionnés, qui se font les ambassadeurs du Québec de la meilleure façon que l'on puisse imaginer.

Alors, je vous amène dans votre mémoire, aux pages... bien, c'est 17 et 18, là, où vous recommandez, entre autres, de travailler avec le ministère du Travail pour encadrer le travail des personnes immigrantes, vous recommandez, en fait, d'agir, là, pour un mieux prévenir la discrimination, les abus, développer des mesures soit coercitives ou punitives pour des employeurs fautifs. Alors, j'aimerais vous entendre sur des suggestions de mesures qui pourraient être mises en place par notre ministère, le MIFI, de manière à renforcer, là, la prévention contre les comportements abusifs.

M. Chevarie (Vincent) : Merci, Mme la ministre, de m'amener sur ce sujet-là. Ça me permet d'un peu continuer ma présentation. Avant de répondre à votre question, j'aimerais simplement préciser, comme je l'ai mentionné au début, on a vu une augmentation de nos... des gens qui nous ont appelés, des personnes immigrantes qui ont fait appel à nos services. On a vu aussi une augmentation des cas de congédiement injuste, des cas de harcèlement psychologique, comme je le mentionnais, spécifiquement chez les personnes immigrantes et aussi des cas de discrimination, d'ailleurs, je ne l'ai pas... je l'ai un peu moins abordé dans le mémoire et dans la présentation, mais aussi on a eu beaucoup de témoignages de personnes qui avaient été victimes de harcèlement, même, sexuel, de discrimination à l'embauche. Donc, tout ça, c'est très déplorable et malheureusement, un des points, c'est que la Loi sur les normes du travail, même si elle encadre le travail au Québec, a démontré historiquement qu'il y a encore aujourd'hui des... un certain pourcentage de travailleurs, travailleuses qui subissent des infractions en lien avec la LNT, ce qui nous démontre qu'elle n'est pas respectée encore à son plein... son 100 %. C'est le cas d'ailleurs aussi pour la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles.

Au niveau des... de nos suggestions, on reprendra un peu les mêmes suggestions qu'on a abordées il y a de cela quelques mois dans le projet de loi sur le travail des enfants. Et, ce qu'on disait, c'était essentiellement le même point, c'est que la CNESST...

M. Chevarie (Vincent) : ...doit s'occuper, doit prioriser, mettre de l'avant l'information, la sensibilisation, la prévention. On reconnaît qu'elle le fait déjà, mais considérant l'ampleur de la situation, considérant, comme on l'a mentionné, que l'immigration risque fortement d'augmenter encore dans les prochaines années, la CNESST et, indirectement, le ministère du Travail, se doivent d'être plus proactifs à ce niveau-là. Je donnais l'exemple des activités... activités d'information, de sensibilisation, de prévention, autant auprès des personnes immigrantes, qu'auprès des employeurs et des entreprises. Il y a aussi un aspect punitif, coercitif, c'est-à-dire d'augmenter les amendes, de les rendre plus coercitives à l'endroit des employeurs qui sont récalcitrants en matière de droits des personnes immigrantes.

Donc, voilà, globalement, c'est de faire en sorte que le gouvernement puisse encore mieux encadrer et encore mieux faire respecter les droits de ces personnes-là qui sont souvent, très souvent marginalisées.

Mme Fréchette : Oui, nous avons... portons une grande attention, justement, aux personnes qui subissent des abus de telle sorte qu'on puisse les soutenir et faire en sorte de limiter le plus possible ce type de situation.

Sur la résidence permanente, à la page 22, vous recommandez de favoriser la résidence permanente pour les personnes qui sont déjà en sol québécois, et c'est une chose qu'on a veillé à faire lors de la présentation, là, de la réforme qu'on a faite à la fin mai pour les programmes d'immigration au Québec. Et, dans cet ensemble de réformes, bien, il y a notamment l'idée d'admettre, potentiellement, les étudiants internationaux via le programme PEQ diplômé. Et je me demandais si ça constitue, pour vous, là, une bonne approche que celui qui est suggéré, là, dans le scénario deux, puisque des étudiants qui seraient formés chez nous, qui ont un bon potentiel, qui ont un diplôme d'une institution québécoise, pourraient donc rester au Québec avec une formule en continu. Donc, aussitôt que les personnes cadreraient avec les critères qui seraient établis, ils pourraient accéder à la résidence permanente.

Donc, est-ce que vous voyez d'un bon oeil, une orientation comme celle-là qui semble s'inscrire dans ce que vous souhaitez, que des gens qui soient déjà ici, en sol québécois, déjà en processus d'intégration, puissent accéder plus facilement à la résidence permanente?

M. Chevarie (Vincent) : Oui, tout à fait. Vous avez raison à ce niveau-là. Pour nous, ce serait un non-sens de ne pas miser davantage sur, comme vous dites, les personnes immigrantes qui sont déjà ici, au Québec, qui ont déjà commencé leur intégration, leur insertion professionnelle aussi et, dans bien des cas, leur apprentissage de la langue française. Donc, pour nous, effectivement, ce serait... ça concorde bien avec notre position.

Mme Fréchette : Position aussi facilitante pour des types de personnes qui ont un statut temporaire et qui parviennent difficilement, actuellement, à se qualifier pour la résidence permanente, parce qu'ils n'ont pas de diplôme, soit du collège ou de l'université. Donc, on a le volet deux, également, du programme pour les travailleurs qualifiés, qui viendrait permettre à des personnes ayant des compétences plus manuelles de se qualifier pour la résidence permanente. Donc, j'imagine que, là aussi, vous trouvez que ça cadre avec ce que vous mettez de l'avant.

• (15 h 10) •

M. Chevarie (Vincent) : Effectivement.

Mme Fréchette : Parfait. Merci. Mais, à partir d'ici, je vais céder la parole à des collègues.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Alors, nous allons poursuivre la discussion avec le député de Saint-Jean. C'est ce que je comprends.

M. Lemieux : Oui.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : La parole est à vous. Il vous reste sept minutes 33 secondes.

M. Lemieux : Vous avez vu et lu dans mes pensées, Mme la Présidente, c'était ma prochaine question. En parlant de question, bonjour, M. Chevarie.

M. Chevarie (Vincent) : Bonjour.

M. Lemieux : J'ai des questions pour vous, mais je suis curieux, parce que vous aviez à la fin, quand vous avez commencé à manquer de temps, vous avez dit deux ou trois sujets que vous espérez pouvoir aborder, il y en a un qui a attiré mon attention, c'est les services gouvernementaux en d'autres langues. Expliquez-moi ça. Vous avez dit...

M. Chevarie (Vincent) : Je n'ai pas souvenir d'avoir fait mention des services gouvernementaux en d'autres langues.

M. Lemieux : C'est ce que j'avais cru comprendre, d'accord, parce que vous aviez plusieurs sujets à la fin, puis vous les avez comme laissés...

M. Chevarie (Vincent) : Précipités.

M. Lemieux : Oui, d'accord, mais donc, ça, ça n'en était pas un. D'accord. On revient, donc, à votre mémoire et à ce que vous avez soumis tout à l'heure à la commission, à la page 14 de votre...

M. Lemieux : ...vous recommandez de bonifier les modalités pour l'offre de cours de français à temps plein et à temps partiel, pour des considérations, dites-vous, dans le mémoire de différentes réalités des personnes immigrantes. Sauf erreur, et la ministre me corrigera, mais ce que j'en comprends, c'est qu'il y a des cours en présentiel, en ligne, de jour, de soir et, tout récemment, dans l'actualité, vous avez peut être vu passer, les parents qui auraient une charge familiale qui complexifierait encore l'accès à la francisation sont maintenant gérés, entre guillemets, là, aidés par le ministère de la Famille pour bonifier et optimiser les services, les horaires des partenaires de la francisation. Donc, ma question, c'est : Quellea autres pistes ou quels autres moyens vous voyez qui sont nécessaires pour faciliter la francisation dans toutes ces expressions-là?

M. Chevarie (Vincent) : C'est sûr et certain que, par la mission d'Au bas de l'échelle, l'aspect francisation fait un peu moins partie de notre travail. Ceci dit, on reçoit des témoignages, on collabore avec plusieurs syndicats, plusieurs organisations communautaires, dont certains ont témoigné, là, comme... le CCTI, le... Mais donc dans les... par rapport à nos recommandations, puis je pense que... pour faire du pont là-dessus, je ramènerais aussi à notre première recommandation qui demande de venir clarifier le rôle, les ressources et les moyens de francisation au Québec. On reconnaît que c'est une avenue intéressante puis ça va très probablement venir compléter, et rejoindre ce que vous venez de mentionner, M. le député. Mais donc, nous, on voyait l'intérêt pour le gouvernement de venir clarifier cet aspect-là. Et donc un point qui est intéressant aussi, puis j'en parle je ne sais plus trop à quelle page dans le mémoire, mais on l'a mentionné, les organismes communautaires, notamment en francisation, mais pas que, ont une démarche qui est intéressante dans la mesure où, des fois, ça va être plus facile. Les échos qu'on a dans le milieu communautaire, là, sous toutes réserves, c'est plus facile de venir rejoindre les personnes. Et ce qu'on nous dit, c'est que, malheureusement, il y avait beaucoup... peut être que ça a changé dans les derniers mois, dernières années, mais on avait quand même des échos comme quoi c'était relativement difficile pour les personnes immigrantes, pour les nouvelles et les nouveaux arrivants de de venir bien moduler, de venir bien adapter leur horaire de travail, leur horaire de vie et d'inclure là-dedans des cours de francisation.

Donc, pour revenir à mon point, dans le milieu communautaire, beaucoup d'organismes ont acquis une expertise, ils sont capables de venir rejoindre ces jeunes... ces personnes-là, et leur offre aussi la possibilité de faire une immersion linguistique, de venir parler avec des gens d'autres nationalités, de tisser des liens, d'échanger dans un cadre qui va être, oui, formel, mais des fois un peu plus informel aussi.

M. Lemieux : Pour en revenir à ce que vous sentiez ou ce que vous entendiez des critiques sur Francisation Québec, la ministre m'a cédé la parole, alors je ne prétends pas dire ce qu'elle vous dirait, mais je pense qu'elle vous dirait que le rodage, parce que ça a commencé le 1ᵉʳ juin, le rodage n'est pas terminé, mais que ça s'accélère et que ça prend en ce moment bon train et qu'il reste encore des étapes aussi à la mise en train, justement, mise en route de Francisation Québec. Alors, on va se dire que c'est des choses qui, en théorie, devraient se régler plutôt que plus tard.

Mais ça m'intéresse, la partie communautaire, parce que, chez nous, entre autres, j'ai un organisme communautaire qui travaillait en alphabétisation et qui espère être capable de mettre l'épaule à la roue pour la francisation. Et ça fait exactement ce que vous venez de dire par rapport à la mise en commun et le regroupement de plusieurs nouveaux arrivants qui peuvent partager entre eux, mais aussi découvrir ensemble leur nouvelle communauté d'accueil. Et j'ai noté, puis je voulais juste que vous le sachiez, dans votre mémoire, vous soulignez malgré... au moment où vous parlez de l'accueil et l'intégration de nouveaux arrivants, vous dites que le PASI, qui subventionne les organismes communautaires, ce programme-là en particulier, vous le louangez, je ne sais pas, mais, en tout cas, vous êtes content qu'il existe plus puis vous êtes content qu'il finance des groupes communautaires. Et on est deux dans ce club-là, M. Chevarie, parce que, chez nous, l'ancre bénéficie de l'aide du PASI...

M. Lemieux : ...Je peux voir régulièrement les progrès que ça fait faire aux nouveaux arrivants à chaque fois qu'on les rencontre à gauche ou à droite.

Je vais terminer sur les moyens mis en place par votre organisme à vous pour accompagner les immigrants dans leur intégration à la société québécoise, parce que c'est une œuvre collective, l'accueil des nouveaux arrivants. Et vous, vous avez expliqué tout à l'heure que vous aviez beaucoup de nouveaux arrivants, beaucoup d'immigrants qui font appel à vos services. À part de répondre à leurs questions puis d'essayer de les aider, ça vous donne l'opportunité de mettre, comme je le disais, l'épaule à la roue, je présume?

M. Chevarie (Vincent) : Oui, exactement. Nous, c'est sûr que notre organisme, contrairement à d'autres, ne fait pas d'accompagnement dans un futur proche. Nous, vraiment, on se spécialise dans, notamment, notre service d'information par téléphone, nos formations, donc... Et je le mentionnais... Peut-être, j'aimerais revenir là-dessus parce que je l'ai mentionné très rapidement, mais oui, bon, vous le mentionnez, notre service d'information a connu une hausse assez marquante du nombre de dossiers ouverts par des personnes immigrantes. Au niveau de nos formations, je l'ai mentionné, on a vu que... On a vu une hausse dans notre public, mais aussi, parallèlement, on a vu une hausse des demandes des organismes en employabilité, en francisation, en intégration à l'emploi. C'est aussi à cause de ça que maintenant, notre public est majoritairement composé de personnes immigrantes. On entretient beaucoup de liens dans le milieu communautaire avec des organismes qui oeuvrent dans ces trois domaines là, reliés à l'immigration. Et donc, voilà.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. Chevarie. Merci pour cette première ronde de discussions. Je me tourne du côté de l'opposition officielle, et c'est la députée de Chomedey. Vous bénéficiez, Mme la députée, d'une période de 12 minutes de 23 secondes. La parole est à vous.

Mme Lakhoyan Olivier : Merci, Mme la Présidente. Bonjour. J'ai vraiment bien aimé lire votre présentation. Ça fait quelques jours, on rencontre beaucoup de groupes, et puis c'est vraiment intéressant, voir tout. Mais c'est... celui que vous présentez aujourd'hui, c'est plus basé sur le côté humain. Puis j'apprécie beaucoup votre présence aujourd'hui. Pour moi, et puis je suis sûre, pour nous tous, notre qualité de vie au Québec est importante pour nous. Et donner... avoir les immigrants arriver et prendre la relève, bien, c'est pour continuer notre qualité de vie, mais à titre égal, il faut les traiter au même niveau, donc il faut leur donner la qualité de vie aussi. C'est ça que vous êtes en train de dire.

Et puis, d'après ce que je comprends dans vos propos, l'immigration doit être un projet inclusif et ne doit pas être uniquement basée sur des critères économiques. L'Immigration n'est pas un problème, mais une solution. Il faut mettre plus de ressources pour accueillir les regroupements familiaux et les réfugiés, et leur permettre d'être intégrés rapidement dans la société québécoise. Parce qu'en ce moment ça se peut qu'ils ne travaillent pas, difficultés de logement, donc il y a beaucoup de problèmes que vous avez mentionnés, donc il faut faciliter l'employabilité de l'ensemble de ces nouveaux arrivants, pas une catégorie et non l'autre, il faut traiter tous de la même manière, donc pas juste les permanents, comme vous l'avez dit.

Vous trouvez que la francisation... Québec n'est pas optimale et il faut simplifier et bonifier la francisation partout au Québec, surtout dans les régions éloignées. Est-ce que vous pouvez élaborer sur la francisation au Québec, que vous ne trouvez pas optimale? J'aimerais entendre un peu plus de votre opinion là-dessus, de votre regroupement, s'il vous plaît.

• (15 h 20) •

M. Chevarie (Vincent) : Oui. Malheureusement, comme je l'ai mentionné, nous, ce sont des échos qu'on a, des témoignages qu'on a de la part de travailleurs, travailleuses qui ont dû passer par des services de... Ou qui passent présentement par des services de francisation, que ce soit avec le gouvernement ou avec les organismes communautaires, donc c'est difficile pour nous de se prononcer de manière plus précise.

Ceci dit, je peux me répéter à ce sujet-là. Les échos qu'on a de nos partenaires, des campagnes dans... sur lesquelles on travaille, des regroupements desquels Au bas de l'échelle est membre... Puis je dis ça sous toute réserve, parce qu'effectivement comme M. le député l'a mentionné, il y a certains projets, notamment Francisation Québec qui est en branle, donc les résultats devraient être les... on devrait avoir des conclusions prochainement...

M. Chevarie (Vincent) : ...mais donc, ceci dit, pour ce qui est des échos qu'on a, c'est beaucoup des... Les organismes, on le sait, sont épuisés. Les organismes communautaires sont épuisés mais continuent tout de même à essayer du... à faire des pieds et des mains pour apporter cette aide-là pour permettre à ces personnes immigrantes d'échanger, comme je le mentionnais, de vivre une immersion linguistique, et donc, pour beaucoup de personnes qui passent par la francisation auprès des services gouvernementaux, bien, on voit quand même qu'il y a un certain... il y a un écart entre ce qu'on vit, nous, ici... ce dont on est témoin, plutôt, ici, à Montréal, et ce qu'on voit dans dans d'autres villes, dans d'autres centres urbains, dans des centres urbains plus petits. Donc, voilà, il y a un rebalancement à faire, disons, mais je n'ose pas trop me prononcer parce que, comme je le mentionnais, la francisation, c'est moins le travail d'Au bas de l'échelle. Ça rejoint moins notre travail.

Mme Lakhoyan Olivier : Vous avez mentionné, dans votre mémoire, que la condition de six mois, il faut l'abolir. Pourquoi vous dites ça? Sur quoi... vous vous basez sur quoi?

M. Chevarie (Vincent) : On se base encore une fois sur les témoignages qu'on reçoit, les témoignages qui nous frappent en plein visage, parfois, parce que ce sont des personnes... tu sais, je le mentionnais dans le mémoire, mais les personnes immigrantes, puis on n'est définitivement pas le seul organisme communautaire à l'avoir mentionné, les personnes immigrantes vivent des réalités qui sont tellement différentes, qui sont tellement uniques, qui sont tellement à l'opposé, bien souvent. De ce que nous, on vit ici. Et donc, dans les six premiers mois, puis même dans les premières années, on voit que c'est difficile. On voit que, oui, il y a des beaux parcours, puis on est témoin de ça, puis on ne peut pas le nier. Toutefois, il y a... ce qu'on remarque, c'est qu'il y a beaucoup aussi, malheureusement, puis ça, c'est la grande majorité... que leur intégration, leur insertion prend beaucoup plus de temps que le six mois qui est inclus présentement, qui est prôné par le gouvernement. Donc, on croit, à Au bas de l'échelle, que d'enlever cette limite-là pour les personnes immigrantes, les nouveaux, les nouvelles arrivants qui sont en phase d'intégration, ça leur permettrait d'avoir un peu de répit et de pouvoir se concentrer sur tous les aspects de leur vie, que ce soit le travail, avec la réinsertion professionnelle, trouver un logement, faire vivre la famille, tout ce qui est alimentation, tout ça, c'est... Bref, ça fait partie des enjeux auxquels ils sont confrontés.

Mme Lakhoyan Olivier : Je comprends. Je suis immigrante. Et puis, quand on est arrivés, avec mes parents, mon père a travaillé tout de suite parce qu'il fallait vivre la famille. Ma mère est allée dans des cours de francisation, mais il n'y avait pas ce stress-là que tu as une limite à apprendre. Je comprends, le six mois, c'est stressant pour des nouveaux arrivants qui veulent... tu sais, ils viennent dans un pays occidental, Canada, Québec. Donc, c'est trop strict, six mois. Donc, mettre une limite de l'apprentissage de la langue et l'amélioration de la langue, je pense que c'est trop. On n'avait pas de limite, on était contents d'être au Québec, et apprendre, et vivre, et faire partie du Québec. Donc, je comprends que le six mois, ça n'a pas d'allure, ce n'est pas... ce n'est pas une loi, une règle qui pourrait faire partie dans un pays ou une province démocratique. Personnellement, avoir vécu... J'ai appris à l'école, ma mère a appris, mon père a appris plus longtemps, mais on a réussi, toute la famille, on a réussi. Donc, je comprends cette partie-là, le six mois, là, ce n'est pas nécessaire.

Est-ce que vous pensez qu'on utilise la francisation dans, le français, pourtant très important parce que c'est la langue du Québec... mais est-ce qu'on met ça comme un bâton dans les roues pour les gens qui vont venir de l'extérieur pour immigrer ici? Et puis, une fois ici, bien là, c'est sûr, tout le monde veut apprendre le français, les immigrants qui arrivent, n'importe quel statut. On reçoit beaucoup d'appels à mon bureau, à Chomedey, on en a, des immigrants, des sans-papiers, des réfugiés. Donc, quand ils n'ont pas des réponses sur l'Internet ou par téléphone, bien, ils nous appellent.

Donc, je comprends l'importance de la francisation...

Mme Lakhoyan Olivier : ...est-ce que vous trouvez que c'est un bâton dans les roues, toutes ces exigences là de français, vites, rapides et avant?

M. Chevarie (Vincent) : On ne serait pas prêt à dire que toutes les dispositions, que toutes les mesures sont... occasionnent des obstacles pour les personnes immigrantes. On l'a mentionné dans le mémoire, le délai de six mois, c'est un point qui, pour nous, est assez important. Mais il y a aussi... puis, encore une fois, c'est ce qu'on entend auprès d'organismes partenaires, auprès de certains, certaines personnes immigrantes qui nous contactent. C'est aussi des fois les niveaux d'exigence pour avoir accès à la résidence permanente ou que ce soit pour faire avancer leur dossier d'immigration, très souvent, les exigences sont... l'exigence sept, en fait, est très élevée, ce qui représente une difficulté, même pour des personnes qui ne sont pas issues de l'immigration, pour être honnête, donc, il y a ce type de mesures là qui peuvent poser un bateau dans les roues, mais en général, on le mentionnait dans la partie de notre mémoire sur la francisation, Au bas de l'échelle reconnaît l'importance de la francisation puis de l'apprentissage de la langue française. Vous l'avez mentionné, on est d'accord là-dessus, puis c'est un combat qui doit être mené autant par le gouvernement que par les organismes communautaires.

Mme Lakhoyan Olivier : Absolument. Je suis d'accord avec vous. À Chomedey, chez moi, il y a beaucoup d'organismes aussi qui viennent en aide, donc vous êtes très important pour la société québécoise parce que vous guidez, vous accompagnez les immigrants. À Chomedey, nous avons le Carrefour interculture de Laval. Je le visite souvent et je sais le travail que vous menez.

Qu'est-ce que vous pensez... vous parlez de rehausser les cibles d'accueil pour l'immigration humanitaire et le regroupement familial pour la période 2024-2027. Je sais, j'ai beaucoup de familles dans mon comté qui aimeraient avoir leur membre de famille, le regroupement et amener des travailleurs avec le regroupement familial. De ce fait, moins les besoins de logement et accompagnement plus facile par les membres de familles. Qu'en pensez-vous de ça?

M. Chevarie (Vincent) : On l'a mentionné dans notre mémoire... je ne me souviens plus exactement à quel endroit, mais on est bien conscient que les... que le dossier de l'immigration est un dossier qui est complexe, entre autres parce que les compétences sont partagées entre le fédéral et le gouvernement du Québec. Ceci dit, on l'a vu avec l'accord Ottawa Québec de 1991, le gouvernement du Québec est en mesure de gagner, de négocier certains engagements, puis, pour faire... avant de répondre à cette partie de la question, juste faire un point sur le permis de travail fermé. Nous, on le voit dans la... dans la même optique que, oui, on le sait que c'est une compétence qui est fédérale, on sait que ça ne se réglera pas ici, mais on souhaite quand même.... puis ça fait partie de nos recommandations phare, d'ailleurs, que le gouvernement du Québec mette de la pression sur le gouvernement fédéral pour abolir les permis fermés. On l'a vu dans l'actualité récemment avec le rapporteur de l'ONU qui a passé deux semaines au Canada. Dans les dernières années, on a vu des cas d'accidents de travail, de décès, malheureusement de travailleurs, travailleuses temporaires qui étaient avec des permis fermés et qui ont aussi souvent dû passer par des employeurs... des abus, donc, il y a ça aussi à... je pense qui est un point important.

• (15 h 30) •

Mme Lakhoyan Olivier : Oui, très important. On a entendu ça hier. Beaucoup de cas, vraiment très triste.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup.

Mme Lakhoyan Olivier : Ah! voilà.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : C'est tout le temps que nous avions. Merci beaucoup, Mme la députée. On termine cette portion de discussion avec la deuxième opposition pour une période de quatre minutes huit secondes. La parole est à vous.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. Merci beaucoup pour votre mémoire et votre présentation. Vous en parliez, avant de finir, abolir le permis travail fermé. C'est une discussion qu'on a depuis quelques jours maintenant. J'ai soumis à cette commission un mandat d'initiative pour qu'on en parle. Il y a un article du Devoir de ce matin notamment, qui en parle, de notre proposition. Et je lis récemment que les libéraux ont confirmé leur appui aussi, donc dans l'espoir que la ministre en fera de même et qu'on puisse avoir un mandat d'initiative sur la question des permis de travail fermés, je le souhaite...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

M. Cliche-Rivard : ...vous avez parlé de hausser les cibles en familial et en humanitaire. Le document de la planification mentionne 12 mois comme objectif de délai de traitement dans l'économique. C'est un objectif qu'on veut se donner du côté gouvernemental. Mais il n'y a aucun objectif pour l'humanitaire, pour le refuge, où les seuils peuvent monter jusqu'à 25 ans, même, jusqu'à, aussi, trois ans pour les familles.

Alors, ma question pour vous, c'est : Comment se fait-il qu'il y ait certaines personnes qui méritent des délais plus longs que d'autres? Comment ça se fait que les individus ne sont pas égaux là-dedans? Et moi, j'avais toujours pensé... j'ai toujours pensé, en tant que juriste, que les individus étaient égaux. Il me semble que là, on a deux délais de traitement différenciés pour les individus.

M. Chevarie (Vincent) : J'aimerais répondre à votre question, j'aimerais avoir la réponse, mais, même pour nous, des fois, c'est difficile de comprendre cette disparité de traitement là. Je l'ai mentionné au tout début, mais Au bas de l'échelle, surtout à travers le Front de défense des non-syndiqué-es, a milité et milite encore pour les droits... pour la reconnaissance de droits des travailleurs, travailleuses temporaires. Ça, pour nous, c'est un exemple frappant, parce que ces personnes-là viennent, de manière temporaire, combler des besoins, qui, finalement, sont récurrents, ils sont récurrents à chaque année, et donc de voir qu'il y a cette disparité de traitement là, cette disparité dans le traitement des dossiers, on trouve ça un peu difficile à comprendre.

Puis on l'a vu, depuis les 20 dernières années, que la proportion de travailleurs, travailleuses temporaires a augmenté, jusqu'à un point où, maintenant, depuis 2008, je crois, il est plus élevé que le nombre de résidents, résidentes permanentes. Mais donc... Puis on a eu des cas aussi, dans l'actualité, dans les dernières années, du gouvernement qui a agi rapidement, on l'a reconnu. On prend l'exemple des réfugié(e)s ukrainiens, ukrainiennes, tout récemment. Donc, il y a comme un... il y a deux poids, deux mesures, puis...

M. Cliche-Rivard : Mais quel message... si vous permettez, quel message ça envoie, ça, à votre clientèle, quand ils lisent dans le journal, quand on ouvre Le Devoir puis qu'on lit : 25 ans d'attente pour la résidence? Quel message ça envoie à votre clientèle?

M. Chevarie (Vincent) : Bien, ça envoie le message que nous ne sommes... que les personnes immigrantes ne sont pas, tous et toutes, égaux, et ils ne sont pas, tous et toutes, valorisés, pour le gouvernement. Je l'ai mentionné au début du mémoire, au début de la présentation, mais l'immigration économique, parce qu'elle est priorisée, bien, fait en sorte que ce sont, malheureusement, les travailleurs, travailleuses qui favorisent les besoins économiques, qui comblent les besoins économiques qui vont être priorisés. Et donc voilà, de savoir que des procédures vont, parfois, être rapides et efficaces, mais, dans d'autres cas, extrêmement lentes et paralysées, c'est très décevant.

M. Cliche-Rivard : Donc, vous soutenez qu'il devrait y avoir un délai de traitement uniforme pour toutes les catégories, et que tout le monde soient égaux. Si on a un objectif de 12 mois, on l'a pour tout le monde, puis il n'y en a pas qui doivent attendre 25 ans.

M. Chevarie (Vincent) : Tout à fait, tout à fait...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : En terminant. Allez-y.

M. Cliche-Rivard : Allez-y.

M. Chevarie (Vincent) : Bien, j'allais rajouter que les événements des dernières années ont démontré qu'autant le gouvernement fédéral que le gouvernement provincial ont la capacité de le faire. Donc, qu'est-ce qu'il faut, c'est de la volonté...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, le temps est terminé. Merci beaucoup de l'apport aux travaux de notre commission.

Alors, Mmes et MM. les élus, nous allons suspendre quelques instants, le temps de recevoir le prochain groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 35)

(Reprise à 15 h 43)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux. Nous recevons pour l'heure la Fédération des chambres de commerce du Québec. Je vais me permettre de saluer M. Charles Rémillard, Président-directeur général, M. Alexandre Gagnon, vice-président, Travail et Capital humain, ainsi que Mme Audrey Langlois, conseillère principale, Main-d'oeuvre et affaires publiques. Bienvenue à la Commission. Je vous... Vous êtes des habitués, mais je vais quand même vous rappeler que vous avez une période de 10 minutes pour faire votre exposé, et nous allons ensuite entreprendre une période de discussion avec les parlementaires. La parole est à vous.

M. Milliard (Charles) : Alors, merci, Mme la Présidente. Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, merci beaucoup de nous accueillir aujourd'hui. Je profite de l'occasion pour vous souhaiter également une belle rentrée parlementaire. Alors, Mme la Présidente, vous nous avez déjà présentés, donc je suis Charles Milliard, Alexandre Gagnon et Audrey Langlois, qui m'accompagnent aujourd'hui pour la période d'échange.

Vous aurez remarqué que j'ai aussi... on a, ma foi, pratiquement rempli la salle, je suis accompagné physiquement, mais aussi virtuellement, de plusieurs personnes de partout au Québec qui représentent, je suis fier de le dire, la force de notre réseau. Vous connaissez la FCCQ, mais je me rappelle... Je rappelle quand même que notre organisation porte deux chapeaux, donc celui de chambre de commerce provinciale, avec plus de 1 200 membres corporatifs de toutes les provenances et de tous les secteurs d'activité, mais aussi le fameux regroupement de près de 130 chambres de commerce locales et régionales. Alors, je veux remercier mes collègues d'avoir fait la route aujourd'hui, plusieurs régions du Québec, pour appuyer notre message sur le sujet crucial qui nous occupe ici.

Les présentes consultations étaient vivement attendues par la communauté d'affaires, tout le monde le sait, et doivent permettre de dresser des constats et de donner une direction claire au dossier de l'immigration au Québec. Par contre, soyons honnêtes, s'il y a une chose qu'il sera difficile d'accomplir malgré toute la meilleure volonté du monde, c'est de dépolitiser totalement le dossier de l'immigration.

Dans tous les systèmes démocratiques, la question de l'acceptation ou non de nouveaux citoyens soulève les passions. Ce qu'il faut collectivement souhaiter au cours des prochaines semaines, selon nous, c'est de réussir à objectiver, à documenter et à chiffrer au maximum la réalité migratoire du Québec pour ensuite permettre à nos élus, à vous, de trancher avec les faits disponibles. Bref, le maximum de science et le minimum d'émotion. Et ça vaut pour tous les partis.

Notre mémoire contient 22 recommandations qui supportent évidemment, vous l'aurez deviné, une posture d'accueil beaucoup plus large à l'immigration, mais dans l'intérêt du temps et par souci de complémentarité avec les autres intervenants, je souhaite mettre la lumière sur deux aspects aujourd'hui, donc l'importance des données pour réussir nos ambitions et la régionalisation de l'immigration.

Le Québec est un exemple inspirant en Amérique du Nord quant à la mobilisation des acteurs sociaux pour dégager des consensus et pour rallier la société civile autour d'objectifs communs. La FCCQ est d'ailleurs fière de participer à plusieurs de ces forums, je pense entre autres à la Commission des partenaires du marché du travail.

Malheureusement, en matière d'immigration, ces instances se butent parfois à un certain mur d'opacité. En 2019, lors de la dernière consultation sur la planification de l'immigration pour 2020-2022, la CPMT a unanimement demandé au gouvernement de mettre de l'avant un tableau de bord gouvernemental en immigration afin de définir mais aussi de quantifier notre capacité commune d'intégration. Malgré le soutien du gouvernement à l'époque, ce tableau de bord, force est de reconnaître... tarde à être rendu public, et nous nous en désolons. Sans cet outil, l'utilisation de l'expression «capacité d'intégration» devient à tort un terme qu'on rejette parce qu'on ne sait pas ce que ça veut dire. Par contre... Or, la capacité d'intégration, ce n'est pas...

M. Milliard (Charles) : ...concept anodin, ce n'est pas un concept restrictif, ce n'est pas un concept négatif, bien au contraire. Connaître sa capacité d'intégration, c'est comprendre d'où l'on part, quelle est notre posture de base et c'est s'aider pour savoir où investir, pour réussir la promesse faite aux dizaines de milliers de personnes qui choisissent le Québec chaque année. Alors, encore une fois, plus de chiffres égalent moins de rêves déçus.

À la grandeur du Québec, on s'inquiète qu'il soit difficile d'obtenir les informations nécessaires afin d'évaluer dans quelle mesure on peut réussir nos projets collectifs en immigration. Je pense, entre autres, évidemment, pour une région donnée, à la disponibilité réelle de logements, à la capacité d'accueil dans nos écoles, dans nos services de garde, à la capacité résiduelle de support par les organismes d'intégration et d'employabilité. J'ajouterais aussi à ça les infrastructures sportives, les infrastructures culturelles. Alors, la réalité du Québec, elle est plurielle, et un seul chiffre de seuil d'immigration, même s'il fait souvent une bonne nouvelle dans les journaux, est insuffisant pour traduire cette réalité-là. C'est avec des données en main, qu'on devrait diffuser publiquement, que le gouvernement ira chercher le consensus social nécessaire au succès de sa politique.

Les données, quant aux besoins de main-d'oeuvre, sont connues, vous les connaissez mieux que moi, même. Il y a encore près de 200 000 postes vacants au Québec à l'heure actuelle, et Emploi-Québec estime avoir besoin d'environ l'arrivée de 40 000 travailleurs de plus par année, provenant de l'immigration. Nous avons, vous le savez, aussi, une connaissance assez précise des profils et des spécialités que nos entreprises recherchent ou rechercheront dans le futur proche. L'immense popularité de l'immigration temporaire est la démonstration flagrante, selon nous, des immenses besoins des employeurs et de l'incapacité relative des programmes d'immigration permanente actuelle d'y répondre. D'ailleurs, ne vous trompez pas, un grand nombre de détenteurs de permis de travail temporaire, bien sûr, ont toujours eu l'ambition de s'implanter durablement au Québec. Malheureusement, le niveau des seuils d'immigration des dernières années a prolongé indûment l'attente de travailleurs étrangers qui souhaitent choisir le Québec et qui sont pourtant, justement, bien implantés en emploi, vivant en français, même la plupart depuis plusieurs années.

Au même moment, le gouvernement reconnaît, dans le document de consultation, et on y souscrit entièrement, qu'un étudiant étranger, étant au Québec depuis plusieurs années et démontrant une capacité suffisante de français, a tous les atouts pour réussir son intégration à la société québécoise. Alors, cette logique serait tout aussi bonne en regard aux travailleurs étrangers ayant un statut temporaire. Pourquoi prolonger l'attente et la précarité d'un travailleur étranger en emploi et désirant rester au Québec? Selon nous, les travailleurs étrangers temporaires qui désirent bénéficier du programme de l'expérience québécoise ne devraient pas être soumis à une quelconque limite de seuil. À bien des égards, ils ont justement démontré non seulement leurs capacités, mais leur volonté de s'intégrer chez nous.

Évidemment, passer sous silence la question des délais de traitement des demandes reviendrait, pour nous, à mal faire notre travail. Alors, bien sûr, il est inacceptable pour nous qu'on se contente de viser un délai de traitement des demandes d'immigration en 12 mois, alors qu'il est de six mois pour les demandes faites ailleurs au Canada, et le Québec fait partie du Canada, du moins, la dernière fois que j'ai vérifié, en passant par le programme Entrée express. Alors, devant ce manque de... compétitivité, pardon, il ne faut pas se surprendre que certains cherchent à en profiter. Je pense, entre autres, et je l'ai vécu dans plusieurs de mes tournées, entre autres en Abitibi, en Outaouais, je pense à des entreprises ontariennes qui se spécialisent et qui sont devenues expertes un peu à mettre le trouble à la frontière pour convaincre de nombreux candidats de l'immigration que, quelques kilomètres plus à l'ouest, les choses sont moins compliquées. Alors, ne perdons jamais de vue que les nouveaux arrivants qui ont choisi le Québec, ils l'ont choisi pour plein de bonnes raisons, mais les débats constitutionnels n'en font pas partie.

• (15 h 50) •

Je termine notre allocution en mentionnant l'importance de la régionalisation de l'immigration, un point sur lequel, je pense, nous sommes tous d'accord. Le gouvernement a révélé, l'année dernière, son plan d'action afin de privilégier la régionalisation dès la déclaration d'intérêt du candidat à l'immigration. Chapeau! C'est une excellente stratégie que nous soutenons. Cependant, pour que ce soit un succès, il faut s'assurer que les budgets soient présents et qu'ils servent à faire la promotion des régions du Québec, et que la représentation des régions soit forte pour participer à l'effort de séduction à l'international. Je crois d'ailleurs que les dirigeants de nos chambres de commerce sont très bien positionnés pour faire cette séduction à l'international.

Dans un sondage qu'on a effectué en mai dernier à la FCCQ, 63 % des répondants disaient ne pas connaître d'organismes qui pourraient les appuyer dans leurs efforts de recrutement international. C'est quand même un chiffre important. Nos employeurs en région doivent pouvoir bénéficier des mêmes excellents services qui sont d'ailleurs offerts dans les grands centres en ce moment. Alors, si je peux imager mon propos, dans nos kiosques d'information qui vendent ou qui font la promotion du Québec à l'international, oui, ça nous prend des photos du Stade olympique, du Château Frontenac, de Bonhomme Carnaval, mais ça nous prend aussi des photos des fjords du Saguenay, du lac Témiscamingue, du centre-ville de Rimouski...

M. Milliard (Charles) : ...faire connaître tout de suite la beauté et l'ensemble du Québec aux gens qui veulent nous choisir.

Alors, en terminant, sachez que la FCCQ sera toujours l'alliée des élus qui souhaitent un Québec résolument ouvert à l'immigration et qui définit les contours de son action par une démarche rationnelle, chiffrée et qui donne une opportunité équitable à toutes les régions de se faire connaître auprès de nos futurs concitoyens. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. Milliard. Nous allons donc entamer d'ores et déjà la période d'échanges avec les élus. Nous allons commencer du côté du gouvernement avec une période, je vous rappelle, de 16 min 30 s. La parole est à vous, Mme la ministre.

Mme Fréchette : Merci. Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Milliard. Merci à toute l'équipe de la FCCQ et à tous les supporteurs enthousiastes ici présents. Contente de voir un grand groupe, ça montre l'importance que vous accordez à l'exercice. Un exercice qui se veut essentiel et crucial par rapport à la nature des enjeux dont on discute et aux décisions qui seront à prendre au terme de cette consultation-là.

Il s'agit d'une vraie consultation, M. Milliard, je voyais tout à l'heure que vous m'invitiez à faire preuve de transparence et à dire lequel des deux scénarios je privilégiais pour les futurs seuils en immigration, et je voulais vous dire que le fait même d'avoir soumis deux scénarios, c'est de faire preuve de transparence. Je ne pourrais être plus transparente qu'en mettant sur la table ces deux scénarios pour lesquels nous consultons les parties prenantes. Si, de votre point de vue, vous n'accordait pas de valeur à l'exercice qui est en cours, sachez que ce n'est pas mon cas. C'est ce pour quoi on tient cette consultation.

M. Milliard (Charles) : Je peux répondre?

Mme Fréchette : Si vous le souhaitez.

M. Milliard (Charles) : Oui, en fait, oui, parce que je suis d'accord avec vous. En fait, je fais partie probablement désormais d'un club dans lequel vous faites déjà partie, celui des mal-cités, parce que j'ai justement mentionné que, pour toutes les fois où on pense que les politiciens font des consultations alors que le rapport est déjà écrit, je suis d'avis que cette consultation-là a une pertinence importante. Par contre, je m'attends à ce que l'on connaisse votre décision rapidement à la fin des consultations et non aujourd'hui. Alors, je tiens à préciser.

Mme Fréchette : À la fin. D'accord.

M. Milliard (Charles) : Voilà. Alors, on s'entend là-dessus.

Mme Fréchette : Mais le processus doit suivre son cours, et c'est ce que nous faisons.

M. Milliard (Charles) : Bien sûr.

Mme Fréchette : Alors, parfait. Alors, j'aimerais obtenir quelques précisions sur certaines de vos recommandations. Je commencerais par votre position, une position qui m'a surprise, sur l'orientation trois, vous mentionnez en fait que vous ne recommandez pas que la part de la sélection québécoise dans l'ensemble de l'immigration au Québec soit accrue. Les personnes donc sélectionnées par le Québec, bien, comprennent les travailleuses, travailleurs qualifiés, les gens d'affaires, les gens accueillis pour des motifs humanitaires. Et nous, ce que... le scénario qu'on propose, c'est de rehausser la part... un des scénarios qu'on propose, c'est de rehausser la part occupée par le Québec, et vous avez des réserves par rapport à ça, alors je voulais comprendre le pourquoi... vous avez des réserves?

M. Gagnon (Alexandre) :Oui, effectivement, notre enjeu, ce n'est pas qu'il y ait davantage d'immigrants économiques, évidemment, vous comprendrez que c'est quelque chose qu'on désire. Ce qu'on ne veut pas, cependant, c'est de faire la compétition entre l'immigration humanitaire, l'immigration des regroupements familiaux et l'immigration économique.

Dans nos recommandations, notamment, ce qu'on met de l'avant, c'est que les immigrants qui sont ici, qui ont déjà un permis temporaire et qui ont fait la preuve qu'ils étaient capables de s'intégrer, ne devraient pas faire partie des seuils. Donc, on devrait, au même titre que les étudiants, considérer qu'ils sont pleinement intégrés, qu'ils sont des facteurs de succès de l'intégration des immigrants au Québec. Et, par le fait même, de venir comparer un ou l'autre, ça vient, un... c'est un faux débat. Donc, nous, ces personnes-là ne devraient pas être comptées dans nos seuils. De fait même, le pourcentage du 60 000 ou du 50 000 maintenu, là, qui resterait, bien, par la force des choses, il ne serait plus important dans le calcul, là.

Mme Fréchette : O.K. Je comprends votre perspective. Je vous amènerais maintenant la dernière recommandation, on reviendra à d'autres précédentes ultérieurement, en fait, la recommandation 22, je vais la lire, là, pour le bénéfice des gens ici présents. Donc, vous proposez d'asseoir la révision pluriannuelle des seuils d'immigration sur des données probantes et par région, en favorisant des concertations plus fréquentes auprès des employeurs, organismes communautaires et ceux spécialisés en immigration.

Alors, j'aimerais que vous me précisiez, bien, la pensée, là, de cette mécanique que vous proposez. Comment est-ce que vous verriez que ça puisse fonctionner? Puis quelle serait la nature des données dont vous croyez qui seraient essentielles pour la prise de décision?

M. Gagnon (Alexandre) :On a parlé tout à l'heure, là, du grand succès que connaît la Commission des partenaires du marché du travail à regrouper tous ces acteurs-là et avoir.

M. Gagnon (Alexandre) :...des décisions claires, parce que les bonnes personnes sont prêtes à la table, et à partager ces données-là et à se développer des visions communes.

Malheureusement, lorsqu'on parle d'immigration, on n'a pas ce genre de tribune là. C'est toujours sous l'égide du ministère de l'Emploi. Et, lorsqu'on veut obtenir des données en provenance du ministère de l'Immigration, c'est toujours un petit peu périlleux. On a rarement réellement les données précises ou on n'a jamais l'occasion de débattre avec les personnes représentant le ministère de l'Immigration sur ces données-là, notamment dans les conseils régionaux des partenaires du marché du travail. Il y en a 17 au travers... dans l'ensemble des régions du Québec. Longtemps, il y a eu des représentants du ministère de l'Immigration qui étaient là, qui étaient présents pour discuter, de voir les obstacles à l'immigration puis au succès de l'employabilité de ces personnes-là. Malheureusement, c'est quelque chose qui a disparu avec les années. On demande à ce que ça revienne. On demande qu'il y ait une table de discussion équivalente à ce qui se passe à la Commission des partenaires du marché du travail, mais qui soit sous l'égide du ministère de l'Immigration, afin d'avoir des débats sereins avec des positionnements, des engagements, également, de chacun des partenaires dans ces débats-là.

Mme Fréchette : Donc, quelque chose dont la composition s'apparenterait au CPMT correspondrait, grosso modo, aux intervenants que vous verriez qui soient autour de la table.

M. Gagnon (Alexandre) :Un véhicule similaire, oui.

Mme Fréchette : O.K.. Bien, justement, restons avec la CPMT. Vous avez une proposition, votre proposition d'accroître la concertation avec les acteurs du milieu, comme les associations patronales, la la la... de laquelle vous êtes membre, donc vous siégez, en fait, déjà à la CPMT. Est-ce que vous considérez que les travaux de la CPMT portant sur l'immigration devraient être renforcés suivant, ce que vous venez de proposer, ou encore vous verriez qu'une autre instance soit créée? Parce que vous dites : Il faudrait que ce soit sous l'égide du ministère. Est-ce que c'est parce que vous verriez le CPMT qui ait un lien avec le ministère ou ce serait une autre instance à créer?

M. Gagnon (Alexandre) :Ça pourrait très, très bien être en dessous de l'égide de la CPMT, mais il faudrait qu'il y ait un engagement clair du ministère de l'Immigration à participer à ces travaux-là et à amener les informations nécessaires pour que tout le monde ait cette vue globale. La Commission des partenaires du marché du travail a toute l'expertise pour y arriver. Les gens autour de la place sont très compétents et représentent l'ensemble des forces vives en lien avec l'employabilité puis les régions, notamment. C'est une bonne place pour ça, mais on a besoin d'un engagement plus clair du ministère de l'Immigration dans la collaboration à ces travaux.

M. Milliard (Charles) : Vous savez d'ailleurs que c'est un forum qui est un peu jalousé dans le reste du Canada. On est les seuls à avoir la qualité de cette institution-là qui, pour le bénéfice des gens qui ne la connaissent pas, rassemble les forces syndicales, patronales, d'éducation, communautaires. Alors, quand tous ces gens-là sont d'accord, au Québec, on en a un bon bout de fait, là. Donc, moi, je considère qu'on a un véhicule splendide, mais qu'on le laisse un peu dans le garage.

Mme Fréchette : D'ailleurs, on le valorise beaucoup ce véhicule-là, auprès du fédéral, notamment auprès de DSC, parce que c'est une instance, effectivement, qui offre beaucoup, qui valorise la concertation entre les différents milieux. Et je pense qu'effectivement ça fait des jaloux. Donc, on s'en vante, également, quand on interagit avec le fédéral.

M. Milliard (Charles) : Avec raison.

Mme Fréchette : Je vous amènerais maintenant à la recommandation 13. Donc, vous proposez, en relation avec l'orientation 9 sur la régionalisation dont vous avez parlé tout à l'heure, de mettre sur pied une stratégie de développement de l'offre de logements adaptés aux besoins des travailleurs dans l'ensemble des régions du Québec, en concertation avec les chambres de commerce, entreprises et organismes communautaires. Donc, est-ce que vous pourriez nous donner plus de précisions sur la façon dont une telle stratégie pourrait fonctionner et sur quelle base, dans le fond, on devrait... sur quelles informations on devrait se baser pour prendre des décisions à travers une instance de cette nature-là pour développer l'offre de logements? Est-ce qu'il ne s'agit pas de choses qui, normalement, devraient être... devraient provenir des régions elles-mêmes?

• (16 heures) •

M. Gagnon (Alexandre) :Bien, ça vient justement de connaître la réalité de ce qui s'en vient, hein, si on veut savoir... Justement, on parle beaucoup du nombre de travailleurs étrangers temporaires, on parle beaucoup des besoins éventuels des entreprises puis des organisations. Ça se prépare. Donc, si on s'attend de créer, par exemple, une méga grappe au niveau de la filière batterie dans le Centre-du-Québec puis qu'on a besoin d'avoir un attrait, soudainement, de plusieurs milliers de nouveaux travailleurs, bien, il faut le prévoir, il faut voir c'est quoi, les ressources qu'on a en présence pour accueillir puis... pour accueillir ces nouvelles personnes là, ces nouveaux travailleurs là. Donc, pour bien savoir le plan de développement des résidences, des domiciles à construire, ça nécessite d'avoir une vue que ces personnes qu'on a nommées pourraient donner aux instances afin de développer le plan.

Mme Fréchette : Est-ce que vous verriez que ces logements-là doivent être réservés, construits en fonction des personnes...


 
 

16 h (version non révisée)

Mme Fréchette : ...ou pour les Québécois en général. Espérant que des personnes immigrantes puissent s'y loger, c'est...

M. Milliard (Charles) : Spontanément, je ferais attention de ne pas ghettoïser non plus, là, certaines... certains quartiers ou certaines sections, mais c'est... le principal enjeu quand vous vous promenez en région comme moi, là, il y a une volonté d'accueillir les gens. On sait que l'immigration est une des solutions à bien des enjeux en région, mais c'est toujours, ça revient toujours, toujours, qu'importe la région, à la question du logement, puis cette capacité-là. Alors, nous, ce qu'on dit, on sait que ce n'est pas un problème facile à régler. On n'arrive pas avec une baguette magique non plus., mais je pense que le réseau privé des chambres de commerce devrait faire partie de cette discussion-là. Bien sûr, je suis biaisé. Je suis le président de la Fédération des chambres de commerce, mais je pense que dans toute cette mer d'organisations publiques, parapubliques, il doit y avoir une voie privée qui peut amener un regard privé, et c'est un terme positif à ces réflexions-là. Alors, c'est un peu dans cet esprit-là qu'on propose un canevas. Et puis, Dieu sait que je ne veux pas non plus qu'on fasse de la structurite, puis qu'on crée une CPNT 2.0, puis une autre organisation régionale. Si on peut être le plus simple possible, tant mieux, mais on doit inclure les gens qui sont derrière moi, à titre d'exemple.

Mme Fréchette : Mme la Présidente, il nous reste combien de temps?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Il reste cinq min 50... 49.

Mme Fréchette : Je me lance dans une dernière question. D'une part, un des commentaires que je reçois beaucoup quand je suis en région, c'est la difficulté qu'ont les villes, les régions de construire du logement avec des entrepreneurs parce que les coûts sont additionnels, donc la distance crée un enjeu aussi. Parfois, il n'y a pas d'entrepreneurs locaux aussi qui se spécialisent dans ce domaine-là. Donc, si jamais vous avez des propositions à nous soumettre, on sera tout ouïe. Puis j'aimerais.... En fait, je profite de votre passage pour prendre des nouvelles, en fait, du programme qu'on a annoncé il y a quelques jours à peine en Outaouais pour savoir si vous avez eu vent, déjà, qu'il y a des entreprises qui s'inscrivaient dans un programme, il s'agit d'un programme de francisation pour des petites entreprises. Donc, est-ce que vous avez eu des échos positifs déjà?

M. Milliard (Charles) : Bien, plusieurs types d'échos. Premièrement, il y a certaines régions qui sont jalouses, qui aimeraient aussi faire partie du projet pilote, puisque vous me le demandez, mais trêve de plaisanterie, je pense que ça... J'espère que vous convenez avec moi que ça témoigne de notre volonté de contribuer. On n'est pas seulement en mode de de se plaindre ou de proposer des solutions, on se relève les manches, on veut aider les entreprises, dans le cadre du programme dont vous parlez, de moins de 25 employés, donc qui ne sont pas assujettis à toute la nouvelle réglementation, de s'intéresser puis de fusionner avec la communauté d'affaires francophone. Alors on a déjà des manifestations d'intérêt intéressantes, il y a eu beaucoup d'attention médiatique sur ce point-là. Mais moi, je cesserais... je souhaiterais, plutôt, que l'attention médiatique diminue parce que je ne veux pas justement en faire quelque chose sous les projecteurs où on va dire à la personne qui a une petite entreprise de cinq employés : Allez, apprends le français, puis on va regarder ta présentation puis ton PowerPoint. Ce n'est pas ça qu'on veut, on veut que ça soit sous le radar, on veut que ça soit non invasif, que ce soit volontaire. On veut que les gens aiment le français puis ils l'aiment tellement qu'ils décident d'en parler de 9 à 5 aussi au travail. Alors, on peut dire ça, puis, en même temps, dire qu'on ne peut pas se priver de tous les talents dont on a besoin au Québec pour la seule question de la langue. Donc, je sais que vous ne visez pas non plus 100 %. Il y a un petit désaccord sur ce point-là parce que c'est peut-être un excès d'honnêteté, mais il faut quand même reconnaître que, dans plusieurs secteurs, ça va être difficile d'aller chercher des expertises qui sont essentiellement francophones. Alors, il faut amener ces gens-là le plus possible, s'ils parlent déjà français, c'est très bien. Il faut les amener, il faut leur offrir rapidement les offres de francisation. Et moi, je continue de penser qu'une des belles offres de francisation, c'est de se promener sur le boulevard Taché, à Montmagny, sur le boulevard des Forges à Trois-Rivières ou sur l'avenue Principale à Rouyn. Vous allez voir que le Français va faire une grosse partie du travail.

Mme Fréchette : Effectivement, vous parlez à une Trifluvienne, alors.

M. Milliard (Charles) : Oui, c'est vrai. Oui, hein?

Mme Fréchette : Mme la Présidente, je vais céder le droit de parole.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Merci beaucoup, Mme la ministre. M. le député de Saint-Jean, il vous reste trois minutes.

M. Lemieux : Merci, Mme la Présidente. On pourrait parler du boulevard du Séminaire à Saint-Jean-sur-Richelieu, où les gens de mon âge vous parlaient de la Grande Rue qui est la rue Richelieu. M. Milliard, M., Mme, et votre...

Une voix : ...

M. Lemieux : Bon, d'accord. Je savais que je partirais quelque chose, là, mais je voulais enchaîner, ne serait-ce que pour rebondir sur ce dont vous parliez avec la ministre au sujet de ce programme développer des affaires en français. Vous n'aviez pas encore terminé l'annonce que j'étais en train de texter avec le président de ma Chambre de commerce, le CCIHR, pour dire : Il faut que tu en embarques là-dedans, là, hein, embarque. Effectivement, je trouve qu'il y a beaucoup de mérite. Puis je voulais rester là-dedans, mais question plus pointue, vous appuyez l'orientation huit, je vous ramène à votre... dans votre dans votre mémoire. C'est...

M. Lemieux : ...La bonification des actions visant la reconnaissance des compétences des personnes immigrantes?

(Interruption) Pardon. Et je voulais savoir dans quelle mesure... La meilleure manière de communiquer les différents outils disponibles pour être capables de louvoyer dans... et de cheminer à travers ce qui, de toute évidence, pour certaines personnes immigrantes, est compliqué, pour qu'elles puissent s'intégrer rapidement au marché du travail québécois.

Alors, deux questions mais je les pose en même temps, parce qu'on va arriver bientôt à une minute et quelques, vous savez comment ça fonctionne, alors : quelles sont les meilleures matières... Les meilleures manières de communiquer? Et comment est-ce que la FCCQ peut s'impliquer dans le partage d'information? Parce que c'est une chaîne, la communication, hein?, l'émetteur, le récepteur, puis entre les deux, il y a un paquet de monde.

M. Gagnon (Alexandre) :Bien, la meilleure façon... Puis on sait, il y a des belles choses qui sont en train de se faire par rapport à ça à l'international, où on commence à préparer les candidats à l'immigration dès le départ, à utiliser les ressources en place pour commencer leur démarche de reconnaissance. Ça, c'est des bonnes choses qu'on est en train de faire, il faut renforcer ça, ça se fait bien.

Là où est-ce que les chambres de commerce peuvent s'impliquer, où est-ce que nous, on peut s'impliquer, c'est qu'actuellement toute la reconnaissance est beaucoup axée sur la diplomation. On est là pour voir en quoi tel diplôme correspond à tel diplôme. Mais, au niveau des expériences de travail, c'est très difficile de faire cette reconnaissance des acquis là parce qu'on parle toujours en termes de diplomation. Donc, il y a un moyen de... Par une approche par compétences. Puis on travaille très fort sur ça, vous allez nous en entendre parler dans les prochains mois. Mais c'est par une approche par compétences qu'on est capable de venir reconnaître les vrais acquis et les vraies capacités des candidats à l'immigration ou à n'importe quel Québécois qui ont des... qui apprennent autrement que sur les bancs d'école.

M. Lemieux : Il ne me reste pas assez de temps pour poser une question parce que vous ne pourriez pas répondre. Mais avec les 15 secondes qui me restent, je veux dire que moi, je suis un grand régionaliste, et ça ne changera peut-être pas l'opinion de la ministre par rapport à l'issue finale des enjeux, mais moi, je suis bien content que vous ayez amené tout ce monde-là avec vous. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. le député. Je me tourne maintenant du côté de l'opposition officielle. Avec un temps total de 12 minutes 23 secondes, la parole est à vous, M. le député de Nelligan.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous trois. Bonjour à toute la délégation qui vous accompagne, à ceux et celles qui nous suivent en ligne. Très heureux de vous revoir encore une fois sur un sujet extrêmement important.

Que pensez-vous de la capacité d'accueil? Vous avez vu, je ne sais pas, la déclaration du P.D.G. du Conseil du patronat, qui disait que le problème du Québec n'est pas sa capacité d'accueil, mais sa courbe démographique vieillissante. Vous, à la FCCQ, est-ce que, la capacité d'accueil du... au Québec, limitée ou illimitée?

M. Milliard (Charles) : Je prends le temps de réfléchir, parce que la réponse, c'est... Je ne suis pas certain qu'on le sait. Le point, c'est d'aller justement chercher ces données-là pour connaître notre position de base et ensuite savoir où investir. Alors, la position avec le Conseil du patronat, elle n'est pas si différente de la nôtre. On veut savoir quelle est la réalité au Québec puis on veut savoir où on doit investir pour accueillir le nombre d'immigrants qu'on veut avoir et que nos élus décideront. Alors, cette question-là, de capacité d'intégration, pour moi, c'est un terme positif qui veut dire : on en est où puis qu'est-ce qui manque. Ce n'est pas une façon de dire : on n'a plus de place, au contraire, sinon on ne serait pas ici.

• (16 h 10) •

M. Derraji : Est-ce que c'est ce que vous voulez en termes de tableau de bord? Parce que, vous savez, écoutez, je ne veux pas faire de la politique, là, mais la plupart des ministres et des ministères, ils ont des tableaux de bord, des indicateurs... Genre, Aujourd'hui, on parlait des chirurgies, on est capable d'aller voir qu'il y a 66 femmes en attente de chirurgies oncologiques qui souffrent d'un cancer du sein. C'est aujourd'hui. Je suis capable d'aller chercher combien de personnes souffrent du cancer de la prostate, qui sont en attente. Des hors-normes, on en voit, on en voit beaucoup. Maintenant, vous, ce que vous ramenez sur la table, parce que vous êtes le premier groupe qui le mentionne, pour vous, un tableau de bord est très important pour savoir comment on navigue. Est-ce que j'ai bien résumé votre proposition?

M. Gagnon (Alexandre) :On a... Lorsqu'on fait une analyse stratégique, toujours, dans n'importe quelle organisation, on veut savoir le portrait, le bilan de santé de ton organisation pour savoir, un, qu'est-ce qu'on a besoin de faire, et, deux, de connaître les impacts des actions qu'on va mettre en place. Donc, un tableau de bord gouvernemental en immigration... Puis ce n'est pas uniquement nous qui l'avons dit, hein? la Commission des partenaires du marché du travail l'avait mis dans leur mémoire, le gouvernement l'avait mis dans son plan d'action en régionalisation, qui a été émis l'année passée. Il y a moyen d'avoir des consensus, on est capables d'y arriver. Ce qu'on a besoin, c'est d'avoir des données claires...

M. Gagnon (Alexandre) :...de savoir que, si aujourd'hui il nous manque 500 logements dans une région, si on fait des investissements majeurs, ça va être quoi, les répercussions dans un an, ça va être quoi, les répercussions dans deux ans, est-ce que les investissements qu'on a faits ont atteint les résultats?

M. Derraji : Pour être sûr... Parce qu'au Conseil exécutif, moi, je suis capable d'aller voir, au niveau du ministère - parce que vous parlez de plan stratégique, juste pour qu'on s'entende sur qu'est-ce qu'on veut exactement - je peux voir, au niveau du site du ministère, par exemple l'Immigration, on s'est donné un tel objectif par rapport à la francisation... en sont à 80 %, à 70 % d'atteindre l'objectif, tout est détaillé en bas. Ça, c'est... on l'a, c'est des données qu'on a. Vous, aujourd'hui, ce n'est pas ces données qui vous intéressent. Ce qui vous intéresse, c'est autre chose : c'est un tableau de bord sur l'immigration permanente. Est-ce que c'est sur le temporaire? Est-ce sur la régionalisation? C'est quoi, vos indicateurs que vous cherchez aujourd'hui, que la FCCQ demande d'une manière très claire, que, si on a ces données, on va avoir le vrai portrait de l'immigration? Parce que, par rapport au ministère, on l'a, on a les indicateurs, ils sont là, là. C'est comme les autres ministères.

Mme Langlois (Audrey) :C'est sûr qu'au cours des derniers mois, dernières années, on a identifié plusieurs indicateurs. On n'a pas... Encore une fois, on n'a pas la connaissance absolue, mais ça demeure que, oui l'accès au logement est un des principaux indicateurs qui est utilisé par nos membres. Ceux qui suivent, c'est l'accès aux cours de francisation, c'est le transport en commun, l'accès aux services de garde, ça peut être également la liste d'attente pour avoir un médecin de famille. Donc, il y a un ensemble de facteurs qui peuvent être pris en considération, et c'est d'ailleurs pour cette raison-là qu'on recommande justement d'avoir un tableau de bord qui pourrait être discuté à la CPMT, de toute évidence, afin d'avoir une perspective beaucoup plus large de tous les indicateurs qu'on a besoin pour réussir à retenir nos immigrants, à s'assurer qu'ils soient intégrés et, par le fait même, viser une régionalisation de ces immigrants.

M. Derraji : O.K. On a plusieurs enjeux avec ça. Je vous donne un exemple parfait : Est-ce qu'il y a une crise du logement au Québec?

M. Gagnon (Alexandre) :C'est évident qu'il y a une crise du logement au Québec. Là, je pense qu'il n'y a plus personne qui en doute. Mais l'enjeu, c'est : Est-ce qu'on sait exactement combien de logements, dans quelles villes, de quels types de logements qu'on a besoin? C'est très difficile d'avoir ce degré de détail là. Ce qu'on va avoir comme information, c'est qu'on a un taux d'inoccupation à Sherbrooke de 0,2 % des logements, exemple. Je dis ça en l'air, là, ça ne doit pas être si loin de la vérité. Mais ce 0,2 %-là, si moi, je fais venir 10 000 personnes demain matin, est-ce que c'est suffisant?

M. Derraji : Oui. Non, non, mais c'est une très bonne question. Ça veut dire que demain... D'ailleurs, il y a pas mal de très bonnes entreprises que j'ai eu l'occasion de visiter à Sherbrooke. Ça veut dire quoi? Qu'est-ce qu'on fait? On ne peut pas monter des tentes, on ne peut pas faire des maisons préfabriquées, le gouvernement est incapable de livrer des CPE préfabriqués à Québec. On arrête l'immigration à Sherbrooke?

M. Milliard (Charles) : Bien, après, ça devient une impulsion politique, une décision politique sur qu'est-ce qu'on fait. Donc, c'est ça, le point, ce n'est pas.. Ça semble complexe, et c'est tout simple, là, on veut... J'ai envie d'utiliser, comme disait Yvon Deschamps : On ne veut pas le savoir, on veut juste le voir. On veut voir les chiffres qui permettent d'avoir une meilleure idée de la réalité migratoire dans chaque région. Moi, personnellement, je n'ai pas la science infuse, mais, moi, je vois plus de valeur à savoir quelle est la capacité d'accueil de nouveaux... de nouvelles personnes au Bas-Saint-Laurent en 2023 que de savoir qu'on va accueillir, exemple, 50 000, 60 000 personnes. À partir du moment où on sait - environ, on n'est pas à une personne près - qu'on peut accueillir, je ne sais pas, moi, 2 200 personnes au Bas-Saint-Laurent, ça c'est la réalité.

Maintenant, en tant que gouvernement, qu'élus, qu'est-ce qu'on souhaite? Est-ce qu'on veut que ce soit le double? Bon. Et, si on veut que ce soit le double, tant mieux. Mais qu'est-ce qu'il faut qu'on fasse comme investissements? C'est juste d'avoir les deux yeux en avant des trous, en fait, finalement, par rapport à la réalité régionale, plutôt que de juste avoir un chiffre qui parle, mais qui ne dit pas tout sur la réalité du Québec.

M. Derraji : Oui. Bien, au fait, je comprends ce que vous voulez dire par rapport au tableau de bord.

Je vais parler des travailleurs temporaires étrangers. J'ai eu la même discussion, presque la même question que je vais vous poser : Pensez-vous que c'est la voie utile? Et l'autre question... On peut... on va se le dire, on s'est vus lors de la réforme du PEQ, vous l'avez dénoncée. Vous n'étiez pas les seuls, je l'ai dénoncée. On a perdu quand même quatre ans. Heureusement, la ministre, elle est venue. Moi, je le dis souvent, la ministre, elle est chanceuse, parce qu'elle réforme les réformes du passé, de son prédécesseur. C'est une bonne nouvelle. Mais on a perdu du temps. Mais, en parallèle, on voit que le nombre de travailleurs temporaires étrangers explose au Québec, avec tout ce que vous savez en termes de problèmes. Pourquoi...

M. Derraji : ...rendu là.

M. Gagnon (Alexandre) :Il y a deux types de travailleurs étrangers temporaires. On en a notamment où il y a des vrais enjeux temporaires, exemple dans le milieu agricole, puis on en a une autre proportion importante de ces travailleurs étrangers temporaires là, qui sont là pour combler des besoins permanents. S'ils ont recours aux travailleurs étrangers temporaires, ce n'est pas parce que les employeurs veulent abuser des travailleurs, là, ce n'est pas vrai. Ce n'est pas ça, la vraie raison. La vraie raison, c'est parce que le mécanisme d'immigration permanent ne fonctionne pas. Il est trop long, les délais sont trop...

Une voix : ...

M. Derraji : J'aimerais bien vous entendre... Non, non, mais on va se dire les vraies affaires. Est-ce que les seuils ou, selon vous, depuis que... depuis 2018 qu'on a dit... d'échecs, 18 000 dossiers, on baisse ça à 40 000... On joue avec les seuils parce que ce n'est pas payant politiquement de dire qu'on a augmenté la part d'immigration. On trouve en parallèle un système pour ramener les travailleurs. On s'entend. Les employeurs ne veulent pas rater des contrats, ne veulent surtout pas... ils font appel aux programmes travailleurs temporaires étrangers parce que le gouvernement ne voulait pas ouvrir ni dire les vraies affaires par rapport au nombre de postes vacants.

M. Gagnon (Alexandre) :On n'embarquera pas sur le fait de savoir qu'est-ce qui a... Les raisons derrière la baisse du seuil, il y avait des raisons qui avaient été mises à l'époque, on n'avait pas exprimé notre accord, évidemment non plus à ce moment-là. Mais il reste que, oui, une des raisons des délais d'immigration qu'on a au Québec... ils sont beaucoup plus grands, là, on parle de 17 mois versus cinq mois, hein, aujourd'hui? On est allé voir, là, c'est cinq mois dans les autres provinces. Un de ces enjeux-là qui a causé ça, c'est un amas de demandes d'immigration qui sont en attente au fédéral, pas en raison que le fédéral les traite, en attente que les seuils soient suffisamment importants, donc que le Québec donne l'accord au fédéral de traiter ces demandes de résidence permanente là.

M. Derraji : Donc, vous êtes en train de me dire que le Québec, le gouvernement du Québec, d'une manière délibérée, contribue à l'augmentation du nombre de travailleurs temporaires étrangers parce que ses seuils sont limités.

M. Gagnon (Alexandre) :À savoir si c'est délibéré ou non, je ne crois pas que ça soit délibéré, là. C'est un enjeu, peut être à côté, une conséquence d'une décision qui a été prise. Mais, oui, effectivement, la diminution des seuils puis la faible augmentation ont causé ces délais-là.

M. Derraji : ...Vice-président, travail Capital Humain, vous siégez à la CPMT, vous connaissez très bien les besoins du marché du travail. On peut atteindre les seuils actuels, si on suit la logique, même pas au bout de quatre ou cinq mois. La seule façon qu'il reste pour nos employeurs, c'est les permis temporaires, c'est les permis fermés, c'est le recours aux travailleurs temporaires étrangers. Avec le fédéral, il y a du 20 % sur la table, il y a du 30 %. Moi, je vous pose une question très directe. Aujourd'hui, le réseau des chambres de commerce, est-ce qu'il est pour du permanent ou du temporaire?

M. Gagnon (Alexandre) :On est pour du permanent, évidemment, pour les postes qui sont de besoins permanents. Mais tant et aussi longtemps qu'on n'a pas un système qui fonctionne... Par exemple, par notre solution d'enlever des seuils, les travailleurs étrangers temporaires qui ont acquis cette expérience-là, qui passaient par le Programme de l'expérience québécoise, si on les enlève, les seuils, on pense qu'on va réussir avec les systèmes qu'on a actuellement à combler ce déficit-là et à avoir un système qui fonctionne bien.

• (16 h 20) •

M. Derraji : Très clair. Dernier point, il me reste une minute. Permis de travail fermé, qu'est ce que vous en pensez? Vous avez entendu beaucoup de choses. Je ne veux pas vous parler de l'esclavagisme, rapport des Nations Unies, le reporteur qui est venu Québec, ce n'est pas bon pour le Québec, ni pour les... je ne dis pas, la plupart des employeurs, c'est des bonnes personnes. Qu'est ce que vous en pensez, des permis de travail fermés?

Mme Langlois (Audrey) :Ce qu'on a remarqué, c'est que, dans les autres provinces canadiennes, on n'a pas nécessairement le même problème. Au Québec, une particularité on a des... nominatives, ce qui fait que chaque demande de permis de travail est associée à un individu. Donc, je dirais, il faudrait peut-être regarder si on conserve ou non des... nominatives et si on fait ce changement-là...

M. Derraji : ...ce serait quoi, votre solution, concrètement?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : En 10 secondes?

M. Gagnon (Alexandre) :Oui, en fait, là, dans les autres provinces du Canada, un travailleur peut changer d'employeur quand il veut, même avec un permis fermé, tant que l'employeur a un... valide. On doit enlever la nominative...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, on a terminé avec l'opposition officielle. Il nous reste une dernière ronde de... j'allais dire : De négociations, une dernière ronde d'échanges avec le député de Saint-Henri-Sainte-Anne pour une période de...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...minutes, huit secondes. La parole est à vous.

M. Cliche-Rivard : Merci. Je voulais revenir sur quelque chose, puis merci pour votre présentation, je voulais vais revenir sur ce qu'on disait tantôt, augmenter la part de l'immigration sélectionnée par le Québec. Moi, je trouve ça toujours intéressant, parce que, d'une certaine façon, nos immigrants sont tous sélectionnés par le Québec. Ils reçoivent tous un certificat de sélection du Québec. Tout le monde a un CSQ. Ils sont sélectionnés. Après, quand on dit que le fédéral choisit l'immigration familiale, ce n'est quand même pas le gouvernement fédéral qui choisit notre conjoint, notre conjoint, notre enfant, là. Je veux dire, il faut aussi ne pas exagérer en ce sens où qui choisit quoi, dans le sens où il n'y a pas toujours un choix qui a été fait. Et on ne veut certainement pas que le gouvernement commence à dire qui on marie, certainement pas, ce n'est pas ça, la question. Et donc, dans ces scénarios-là, le Québec ne choisirait pas plus que le fédéral. Donc, il faut faire attention quand on parle de qui est sélectionné, par quoi, finalement, quand il y a une réelle sélection ou quand il n'y en a pas.

Votre recommandation 20, je la trouve très intéressante, celle sur, vous optez, là, pour le scénario un. Cela dit, quand je note toutes vos recommandations, il y a énormément de recommandations, aussi, d'exclure certains volets, certaines catégories, certains groupes du seuil. Alors, par exemple, recommandation six, "exclure du seuil les sélections, les autres candidats ayant réussi le niveau de français, un certain niveau de français"; recommandation 7 "admettre en continu des gens du volet de PEQ travailleur"; recommandation 8... 18 "exclure la régularisation des seuils; 21 "admettre en continu les travailleurs étrangers".

Bref, qu'est-ce que veut dire le 60 000, finalement, si hors seuils, on en traite cinq, 10, 15, 20 000? Finalement, la question ou la preuve, c'est que le seuil même proposé, même le scénario, même votre recommandation 20, ça ne fonctionne pas. Finalement, vous êtes beaucoup plus haut ça.

M. Milliard (Charles) : Mais la recommandation 20, c'était de répondre à A ou B. Il n'y avait pas de C, alors...

M. Cliche-Rivard : ...tu sais, c'est quoi? Parce que, finalement, si on exclut tout du seuil, là, ou une grosse partie du seuil, mais une grosse partie, qu'est-ce qu'on détermine finalement? Qu'est-ce qu'on décide? Et la question de fond, c'est : Vous êtes plutôt à 80, vous êtes plutôt à 90, vous êtes à 100, vous êtes où?

M. Gagnon (Alexandre) :Ce qu'on dit, c'est que, lorsqu'une personne démontre qu'elle a été intégrée, qu'elle a vécu au Québec, qu'elle a vécu en français, on ne devrait pas les calculer dans les seuils. Donc, rendu là, à ce moment-là, ce qui reste dans les seuils, c'est des gens qui n'ont pas encore fait l'expérience du Québec. C'est des gens qu'on va avoir besoin de mettre à profit notre capacité d'intégration. Donc, encore une fois, c'est ces gens qui ne sont pas encore venus, que ça soit des regroupements familiaux, que ça soit des demandeurs d'asile, peu importe, les autres systèmes d'immigration, c'est ceux-là qu'on veut évaluer : Est-ce qu'on a la capacité ou non de les accueillir, de les intégrer convenablement? Parce que ce qu'on dit dans notre mémoire, c'est que les autres, ils sont intégrés, ils ont déjà démontré être capables de vivre puis de contribuer à notre société.

M. Cliche-Rivard : Vous estimez à combien ces gens-là? Si on avait estimé toutes vos recommandations de hors seuil, PEQ travailleur, diplôme... ou le niveau de français, la régularisation, on est où à peu près dans votre calcul?

Mme Langlois (Audrey) :Si je peux me permettre, au niveau des calculs, c'est difficile à déterminer, parce que pour les travailleurs étrangers temporaires, certains vont vouloir s'établir au Québec, tandis que d'autres, non. Pour qu'est-ce qui est des candidats... je ne veux pas dire candidats, mais pour ceux qui viennent de l'ordre humanitaire, je vais parler, entre autres, des sans-papiers, les données qu'on a sont très vagues, on parle entre 20 000 et 500 000. Donc, c'est sûr qu'actuellement nous allons prôner pour plus de données, c'est difficile, par moments, on le comprend, mais on ne peut pas arriver avec un seuil définitif aujourd'hui, à ce moment-ci. On a besoin de plus d'informations, et on cherche aussi à avoir... qu'est-ce qu'on peut utiliser pour, sans doute, rehausser notre seuil, si c'est possible.

M. Cliche-Rivard : Vous avez parlé tout à l'heure des délais de traitement, j'imagine que vous prônez un délai traitement égal dans chacune des catégories, ou si vous dites que c'est seulement la catégorie des travailleurs qui devrait avoir un traitement privilégié en six mois, au moins, comme vous le disiez.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : En 10 secondes.

M. Gagnon (Alexandre) :Si on est capable de donner à tous la capacité de traiter en cinq mois, tant mieux, mais là il y a un facteur de la réalité des faits, peut-être.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, merci beaucoup, Mme messieurs. Merci pour l'apport à cette commission.

Je vais suspendre les travaux quelques instants, le temps de permettre au prochain groupe de s'installer. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 26)


 
 

16 h 30 (version non révisée)

(Reprise à 16 h 34)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux. Nous en sommes donc rendus avec l'audition du groupe Communauté maritime des Îles-de-la-Madeleine. Vous êtes plusieurs, je vais vous laisser vous présenter. Vous allez bénéficier, par la suite, d'une période de 10 minutes pour votre exposé, et nous allons reprendre la période d'échange avec les parlementaires. La parole est à vous.

M. Valiquette (Antonin) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je m'appelle Antonin Valiquette, je suis le maire des Îles-de-la-Madeleine, la municipalité des Îles-de-la-Madeleine, et je suis président de la Communauté maritime des Îles-de-la-Madeleine. Municipalité, communauté maritime, dans le fond, communauté maritime, on parle de l'équivalent MRC, finalement, étant donné qu'il y a deux municipalités distinctes sur le territoire de l'archipel.

M. Bessette (Alexandre) : Alexandre Bessette, chef de section en attractivité du territoire pour la municipalité des Îles-de-la-Madeleine.

Mme Robitaille (Audrey) : Audrey Robitaille, agente d'accueil de liaison pour les nouveaux résidents.

M. Chevarie-Davis (Maxim) : Maxim Chevarie-Davis, conseiller en diversité et inclusion.

M. Valiquette (Antonin) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Écoutez, je veux tout d'abord saluer Mme la ministre, ici, présente, et les distingués membres de cette commission. Je tiens à vous remercier de nous avoir invités à paraître devant vous aujourd'hui pour vous présenter nos enjeux, aux Îles-de-la-Madeleine, en matière d'accueil et d'intégration de nouveaux arrivants issus de l'immigration, un enjeu important pour notre communauté insulaire isolée. C'est pour ça que notre équipe et moi, nous nous sommes déplacés pour vous rencontrer aujourd'hui.

J'ai dit que l'enjeu de l'accueil et de l'intégration des nouveaux arrivants issus de l'immigration était important pour la communauté maritime des Îles, j'aurais pu dire qu'il est primordial, parce qu'il fait partie intégrante de notre stratégie de vitalisation démographique pour rejoindre... pour répondre, plutôt, au défi du vieillissement de notre population insulaire, du déclin de notre population active, et donc de l'impact préoccupant de la pénurie de main-d'oeuvre.

Comme je vous l'ai dit, je me présente devant vous comme maire de la municipalité des Îles et comme président de la Communauté maritime des Îles parce que la communauté maritime est l'équivalent MRC du territoire qui comprend la municipalité des Îles et la communauté anglophone de Grosse-Île, qui forme sa propre municipalité. Cette désignation de «communauté maritime» remplace celle d'«agglomération» depuis 2016, année d'adoption du décret gouvernemental qui reconnaît nos particularités insulaires...

M. Valiquette (Antonin) : ...et qui impose aux différents ministères d'adapter leurs programmes à notre réalité de territoires isolés. J'ai mentionné notre enjeu prioritaire démographique, considérer que l'âge médian aux Îles-de-la-Madeleine est de 54 ans et qu'il est de 43 ans au Québec. Selon les projections de l'Institut de la statistique du Québec. 40 % de la population aura plus de 65 ans en 2041. Le taux de remplacement des travailleurs près de la retraite est de 42 jeunes de 19 à 25 ans pour remplacer 100 travailleurs de 55 à 64 ans. C'est deux fois moins qu'à l'échelle du Québec et on dit que le taux de remplacement national est déjà préoccupant. Pour nous, il est carrément inquiétant, d'autant plus que, toujours en vertu de notre insularité, la mobilité de travailleurs spécialisés ou non entre villes ou régions voisines n'est pas possible.

Alexandre vous parlera toutefois des succès du milieu en attraction au cours des dernières années. Notre insularité n'apporte pas que des obstacles. Nous avons le privilège d'agir... d'avoir une communauté tissée serrée, des partenaires socio-économiques mobilisés et concertés, un tissu entrepreneurial composé surtout de petites et très petites entreprises qui collaborent tous ensemble. C'est pour ces raisons que la communauté maritime des îles se porte volontaire pour opérer un projet pilote territorial avec permis de travail permettant de travailler chez de multiples employeurs pour les travailleurs étrangers saisonniers. J'ai eu le privilège d'en discuter ce printemps avec Mme la ministre dans le cadre de sa tournée de consultation. Pour nous, c'est incohérent que des travailleurs mexicains embauchés pour la pêche commerciale en avril jusqu'au début juillet et qui ne peuvent pas prêter main forte à l'industrie touristique qui manque cruellement de travailleurs en juillet et en août, même si ces travailleurs veulent le faire. Et même certains repartent au Mexique au début juillet pour revenir aux îles pour la pêche d'automne, vous pouvez imaginer les coûts pour les employeurs qui préféreraient nettement partager ces travailleurs et les charges avec d'autres entrepreneurs locaux qui ont cruellement besoin de travailleurs durant la forte période touristique. De plus, la mobilité des travailleurs entre différents employeurs est possible dans le secteur agricole. Nous avons tenté une telle démarche en vertu des règles actuelles. Si la chose est théoriquement possible, elle est infaisable en pratique. Je vous remercie de votre attention. Je passe la parole à M. Alexandre Bessette.

M. Bessette (Alexandre) : La stratégie d'attraction et de rétention de la communauté maritime des Îles a été créée en 2018 de concert avec les acteurs clés de la communauté et sur la base des orientations du projet de planification stratégique territoriale Horizon 2020-2025. Notre objectif, c'est d'attirer 100 nouveaux résidents travailleurs supplémentaires par année et de favoriser l'accueil, l'intégration et la rétention de ces personnes qui font le choix de s'établir aux îles. Au cours des six dernières années, ce sont d'ailleurs plus de 2000 personnes qui ont fait le choix de s'installer aux Îles à l'année, pour un solde positif total de 789, selon l'ISQ. 789 personnes pour une grande ville, ça peut paraître petit, mais pour les Îles, ça représente un village au complet. Avec le renouvellement en 2022 de la stratégie d'attraction de la communauté maritime des îles, jusqu'en 2025, l'immigration est devenue une action prioritaire. Déjà, l'équipe pouvait se baser sur le rapport déposé en 2019 dans le cadre du programme Mobilité diversité du MIDI, qui est devenu le MIFI, qui dressait un portrait de l'immigration sur le territoire qui représente encore aujourd'hui moins de 1 % de la population, ainsi que des pistes de solutions pour la développer de manière pérenne.

C'est avec la concertation de plus d'une vingtaine de partenaires du milieu, de secteurs et expertises variés, qu'un plan d'action commun, considérant les réalités et les besoins de chacun, a été déposé dans le cadre du PAC, le... en fait, le PAC. C'est suite à ce processus de concertation et à la signature de l'entente de trois ans dans le PAC avec le MIFI qui est née en décembre 2022, la structure d'accueil et d'intégration en immigration aux îles qui comprend tous ces mêmes partenaires qui ont participé à la démarche de concertation. Ce partenariat fort important avec le MIFI nous a permis d'embaucher un conseiller en diversité et en inclusion qui est là aujourd'hui pour mettre en œuvre ce plan d'action. Concrètement, la structure développe des services variés et complémentaires, en collaboration avec les organismes et institutions locales impliquées au niveau de l'attraction, de l'accueil, de l'intégration et de la rétention des personnes issues de l'immigration, qu'ils soient saisonniers, temporaires ou permanents.

• (16 h 40) •

D'ailleurs au niveau des travailleurs étrangers saisonniers, pour les îles, on parle d'environ 200 personnes qui viennent travailler pour le secteur des pêches plusieurs mois par année. Ce nombre est en constante progression vu les nombreux départs à la retraite. Et ces travailleurs ont aussi besoin et droit à des services d'accueil et d'intégration. Je salue d'ailleurs notre partenaire Immigrant Québec, avec qui nous avons eu la chance de travailler depuis avril dernier et qui nous a permis de justement développer l'accueil et l'intégration de ces travailleurs en milieu de travail, mais aussi à l'extérieur du corps de travail. La structure d'accueil menée par notre équipe se retrouve donc impliquée dans tous les aspects de l'immigration sur le territoire : recrutement, accueil, intégration, formation et sensibilisation, maillage avec les entreprises, et plus encore. On a déjà pris de l'avance sur le terrain pour des actions qui relèvent du... vu les besoins, malgré le fait qu'aucun organisme des îles n'ait déposé encore dans ce programme. Je suis fier du travail que la communauté a accompli, mais...

M. Bessette (Alexandre) : ...vu les enjeux démographiques auxquels nous faisons et ferons face pour encore de nombreuses années, nous devons accueillir davantage de personnes issues de l'immigration et nous devrons obtenir les outils et le support nécessaires pour continuer de bien le faire.

M. Chevarie-Davis (Maxim) : Considérant la complexité des processus, la lourdeur administrative et les coûts plus élevés pour les régions éloignées, aussi avec la méconnaissance des démarches par les entreprises aux Îles-de-la-Madeleine qui ont peu de ressources à y dédier, nous félicitons le retour, évidemment, des directions régionales du MIFI.

Toutefois, ces ressources du ministère ont à répondre à des besoins sur des très grands territoires, ils sont peu connus des organisations des Îles-de-la-Madeleine. On doit souvent faire le lien entre le MIFI et les organismes de notre territoire et combler les besoins en attente de ces services provinciaux. On ne veut pas substituer le MIFI, ce n'est pas notre rôle. Ce que nous voulons plutôt voir, c'est une simplification des processus rendant cet élément de réponse à la pénurie de main-d'œuvre plus accessible aux très petites et petites entreprises ainsi qu'aux organismes avec peu de moyens qui sont présents sur notre territoire. Nous sommes persuadés qu'une présence locale du ministère contribuera à l'objectif de répondre aux besoins des employeurs et de la communauté et des élus.

Nous recommandons donc de faciliter les démarches pour les employeurs et d'offrir ou de permettre un accompagnement soutenu dans l'avant, le pendant et l'après-recrutement international. Il est important de reconnaître que ces employeurs sont très peu outillés pour s'y retrouver seuls. D'ailleurs, l'implantation d'un projet pilote d'EIMT territorial permettant à des travailleurs étrangers temporaires... pardon, de combler les besoins de plusieurs employeurs selon les saisons d'activités sans avoir à refaire toutes les démarches administratives à chaque fois, contribuerait grandement à permettre à notre communauté d'assurer ses services et de maintenir un développement économique.

Faciliter et améliorer le recrutement des travailleurs étrangers temporaires nous permettraient de mieux répondre aux besoins de main-d'oeuvre, mais ne contribuent que très peu à résoudre nos enjeux démographiques, qui sont aussi présents. En considérant, de plus, la constance des besoins au travers de tous les secteurs économiques année après année, un programme qui faciliterait la transition vers la permanence des travailleurs étrangers temporaires serait très bénéfique, autant pour répondre aux enjeux démographiques que ceux de main-d'œuvre.

Une sélection des candidats pour la résidence permanente directement par la communauté maritime en amont de la sélection du Québec, comme c'est le cas pour un programme pilote d'immigration dans les communautés rurales et du Nord, merci au fédéral, nous permettrait de sélectionner des candidats que nous connaissons bien, qui ont une expérience de travail sur le terrain et qui sont bien intégrés dans notre communauté. Bien que le PEQ permette aux résidents temporaires qualifiés d'accéder à la permanence, les programmes existants actuellement ne permettent malheureusement pas à nos travailleurs saisonniers d'avoir accès à la permanence, alors qu'ils font déjà partie intégrante de notre communauté, qu'ils sont essentiels à notre économie et qu'ils reviennent à chaque année aux Îles-de-la-Madeleine.

Mme Robitaille (Audrey) : Au-Delà de l'aspect économique, l'accueil et surtout l'intégration de qualité de ces personnes dans notre milieu est cruciale. Avec l'aide de nos différents partenaires, dont Place aux jeunes, on offre l'accompagnement complet des nouveaux arrivants, incluant ceux issus de l'immigration qui s'installent sur notre archipel. Nos services gratuits et personnalisés offerts aux nouveaux résidents et aux entreprises inclus, et sans se limiter à, la préparation du milieu avec des formations en diversité et en inclusion, soit en milieu de travail ou dans la communauté, l'accueil dès leur arrivée, l'accès à des cours de francisation avec le Groupe Collegia et la logistique tels que le numéro d'assurance sociale, permis de conduire, et bien plus.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...Dix minutes est terminé, mais vous allez pouvoir répondre aux questions. La période d'échange avec les élus commence dès maintenant avec la partie gouvernementale. Mme la ministre, vous avez la parole pour un peu plus de 16 minutes.

Mme Fréchette : Oui. Merci, Mme la Présidente. Merci, M. le maire et toute l'équipe. Ça me fait grand plaisir de vous revoir. On s'était rencontrés il y a quelques semaines de ça, donc on a déjà une base de discussion. Et je suis contente que vous participiez à cette commission parlementaire pour mettre à profit, dans le fond, les différentes idées que vous mettez de l'avant, parce que vous m'en... vous en mettez plusieurs de l'avant, puis je pense que ça peut être d'intérêt pour plusieurs acteurs au sein du territoire.

Une des choses que vous demandez dans le mémoire, c'est de faire en sorte que les démarches soient simplifiées à la fois pour les employeurs et les personnes immigrantes qui viendront travailler. Bien, sache que c'est un... une attention, en fait, un intérêt que je partage avec vous. C'est quelque chose dont on discute systématiquement avec le gouvernement fédéral, faire en sorte de limiter les dédoublements, de réduire les complexités bureaucratiques, de réduire également les...

Mme Fréchette : ...donc, ce sont des choses dont on discute systématiquement, et je le ferai à nouveau avec le nouvel homologue fédéral lorsque j'aurai l'occasion de le rencontrer prochainement.

Je vous lancerais, dans un premier temps, sur comment est-ce que la population locale voit la venue des personnes immigrantes. Est-ce que vous sentez que la population locale souhaite accueillir davantage de personnes immigrantes? Comment ça se traduit chez vous et comment est-ce que vous sondez la population sur ces questions-là? Est-ce que vous avez abordé la question directement? Et qu'est-ce qu'il en est ressorti.

M. Valiquette (Antonin) : J'ai envie de laisser notre agente de liaison, qui est directement impliquée dans ce volet-là de notre démarche territoriale, répondre à cette question-là. Merci beaucoup.

Mme Robitaille (Audrey) : Absolument. Donc, c'est sûr que ça prend un gros travail en amont pour préparer une communauté, une petite communauté comme aux Îles-de-la-Madeleine. On a quand même une réponse très positive de la communauté. Puis c'est sûr aussi qu'on veut intégrer ces personnes-là de façon très graduelle. On veut s'assurer que c'est une intégration qui est faite de façon qualitative et non quantitative, si on veut, vraiment bien les intégrer avec la communauté. Puis on fait justement un programme de jumelage interculturel, entre autres, pour réussir à faire ça, pour pouvoir vraiment tisser des liens entre les personnes issues d'immigration qui s'installent aux Îles et les Madelinots, Madeliniennes. Donc, ça, c'est un des objectifs. Ensuite aussi, avec toutes les formations en diversité, en inclusion, qu'on offre autant en entreprise que dans la communauté. Donc, c'est une des façons qu'on essaie justement de mieux préparer le milieu pour que ces personnes-là soient bien intégrées, autant en milieu de travail que dans toute la communauté.

M. Bessette (Alexandre) : Si je peux ajouter. En fait, avec les activités d'accueil et d'intégration qu'on vit, il y a énormément de mélange de culture qui se fait. Bien, les gens des Îles, vu les besoins criants dans les secteurs comme la petite enfance, la santé... de plus en plus, on voit des gens issus de l'immigration qui viennent. On les accueille à bras ouverts parce qu'on a besoin de gens aux Îles. On n'est pas juste en mode développement, on est vraiment plus en mode maintien.

Donc, en fait, dès qu'on reçoit de l'aide d'une quelconque façon, bien, en fait, tous les gens l'accueillent les bras ouverts. Par contre, y a encore du travail à faire puis c'est pourquoi on a déposé dans le PAC puis qu'on a, en fait, Maxime qui est là dans notre équipe pour poursuivre le travail qu'on a entamé, là.

M. Valiquette (Antonin) : Et si je peux conclure. En fait, si vous regardez à la fin du mémoire qui vous a été déposé, vous trouverez en annexe de nombreuses lettres d'appui au mémoire qui vous a été démontré. On s'est arrêté à ce nombre-là parce qu'à un moment donné, il fallait arrêter, mais s'il fallait en obtenir le triple demain matin, je vous assure que ce serait très facile.

Mme Fréchette : Et qu'est-ce qui constitue le premier obstacle, les principaux obstacles dans le fond, à l'idée de recevoir davantage de personnes immigrantes? J'imagine que le logement constitue une barrière importante. Et comment vous les contournez? Est-ce que vous faites des appels à tous pour que les gens puissent accueillir chez eux certaines personnes immigrantes, le temps qu'il y ait du logement additionnel. Ou est-ce que c'est au niveau des services que le frein se fait davantage sentir?

M. Valiquette (Antonin) : En effet, l'accès au logement et M. Bessette a mentionné aussi l'accès à des services de garde. Souvent, les nouveaux arrivants, qu'ils soient d'origine étrangère, issus de l'immigration ou non, viennent en famille, peuvent avoir besoin de services de garde que l'on considère comme des services essentiels. Effectivement, il y a un enjeu là. On travaille en parallèle sur le développement de logements. On a plusieurs projets, on ne met pas tous nos œufs dans le même panier. On travaille notamment avec le cabinet de la ministre Duranceau. On a l'OMH qui a déposé un projet de logement dans le nouveau PHAQ. On a d'autres projets avec des promoteurs privés. Et, comme l'a dit Audrey Robitaille il y a quelques instants, l'approche de la communauté maritime et de la municipalité elle est dans l'accueil qualitatif et non pas quantitatif. On n'a pas l'intention d'accueillir le plus de gens qu'on peut et même qu'on ne peut pas pour les voir repartir après quelques semaines ou un mois, et d'avoir à ce moment-là dépensé temps, efforts, énergie, argent pour rien, puis en créant plus de déception que d'attentes finalement et de satisfaction au niveau de la population. Donc, on s'ajuste au fur et à mesure.

• (16 h 50) •

Et comme l'a mentionné aussi Alexandre Bessette, il faut considérer que les Îles-de-la-Madeleine sont quand même un petit territoire. Donc, qu'on soit capable d'accueillir cinq ou 10 ou deux gens issus de l'immigration, s'installer et s'intégrer dans notre communauté, l'important, c'est le volet intégration et non pas le fait qu'il y ait un petit nombre. Si on dit, par exemple, qu'un emploi créé aux Îles-de-la-Madeleine équivaut à, bon, je n'ai pas la statistique exacte, mais équivaut à 10, 20, 80, 200 à Montréal, par exemple, c'est la même chose pour un contribuable, pour un citoyen, pour un travailleur aux Îles-de-la-Madeleine. Donc, ce n'est pas dans une approche quantitative, mais bien qualitative. On n'a pas l'intention d'accueillir plus que ce qu'on est capable de bien accueillir aux Îles-de-la-Madeleine...

Mme Fréchette : ...est-ce que des formules, comme, alternatives, là, que je pourrais qualifier, là, au niveau de l'habitation, par exemple, que vous envisagez, ou si vous y allez, d'un mode plutôt classique de développement?

M. Valiquette (Antonin) : Bien, en fait, on est dans une situation où tout est bon. On a des modèles classiques, on a des modèles partage, on a des... Vous savez probablement que les Îles-de-la-Madeleine sont une région touristique. On a des propriétaires de maisons secondaires par exemple. Et je pense que M. Bessette pourrait bonifier ma réponse en disant qu'on le fait déjà. Si vous regardez aussi, dans le mémoire, vous allez voir que, depuis 2017, le solde migratoire est positif, aux Îles-de-la-Madeleine, donc il y a de plus en plus... il y a plus de gens qui s'installent aux Îles qu'il y en a qui partent. Donc, on a une capacité d'accueil qui est limitée, qui doit être développée, non seulement pour les nouveaux arrivants mais aussi pour notre propre population. On travaille là-dessus, par exemple... Sur la question des classiques, versus innovantes, en matière d'habitation...

M. Bessette (Alexandre) : Bien, en fait, dès qu'on parle de logement, on essaie d'être créatifs. Tout le monde est un peu en mode... c'est ça, en mode créatif, les entreprises, les partenaires, surtout. Je reviens à ce que j'ai dit au début, mais on n'est pas en mode développement, là, on est en mode maintien. Donc, pour les CPE, par exemple, quand on lance un appel à tous ou quand la directrice générale d'un CPE s'organise par elle-même pour aller solliciter des gens, trouver un logement pour des gens, par exemple, du Maroc, qui arrivent prochainement, ça a de l'impact. Par contre, ça devient du cas par cas à chaque fois, puis on essaie de s'organiser tant bien que mal, mais il n'y a pas de solution miracle, en ce moment, pour le logement.

Mme Fréchette : Il n'y a pas de baguette magique encore.

M. Bessette (Alexandre) : Exact.

Mme Fréchette : Merci. Donc, j'entends... Parce qu'en fait je trouve intéressante l'idée de votre projet pilote. Donc, vous, ce serait orienté vers un permis de travail régional. Est-ce que vous verriez également d'un bon oeil l'idée d'avoir un permis de travail sectoriel? Est-ce que ce serait quelque chose que vous verriez de manière positive?

M. Valiquette (Antonin) : C'est... Bien oui. En fait, on est dans une situation, comme on dit, où tout gain sera apprécié. Donc, si le permis de travail, il est sectoriel, que des entreprises d'un même secteur peuvent se partager des employés qui, entendons-nous, veulent le faire, veulent bien le faire, je n'y vois pas d'inconvénient dans la mesure où... si c'est un premier pas. Mais étant donné mon idée à moi et notre idée ici, autour de la table, je pense que je peux l'affirmer, c'est idéalement qu'en vertu des travailleurs saisonniers qui viennent aux Îles-de-la-Madeleine et qui reviennent d'été en été... tendent, plusieurs tendent à devenir citoyens... vous avez entendu M. Chevarie Davie, il y a quelques instants, vous parler de la résidence permanente aux Îles-de-la-Madeleine, qu'on aimerait aussi développer à partir des travailleurs saisonniers, si c'est possible. Et, à ce moment-là, pour moi, un travailleur étranger a autant le droit de se trouver un nouvel emploi qu'un autre citoyen des Îles-de-la-Madeleine s'il est pour... si on considère qu'il est en démarches pour obtenir sa résidence permanente.

Donc, de le limiter à un secteur, oui, dans son statut d'étranger temporaire, de travailleurs étrangers temporaires, c'est normal, c'est déjà une avancée par rapport à ce qui est en place actuellement, où il ne peut pas non seulement changer d'employeur, mais, en même temps, non plus de changer de lieu de travail. On a des propriétaires d'usines de transformation des produits de la mer qui possèdent deux usines ou même trois distinctes, et qu'un travailleur étranger doit rester dans la même usine pour le même employeur. Il ne peut pas passer d'une usine, par exemple, à La Vernière, étant du Nord, pour aller travailler dans celle de Grande-Entrée, sur le même territoire des Îles-de-la-Madeleine. Et là on voit une opportunité, c'est que les Îles-de-la-Madeleine, de leur situation géographique, me semble un terrain...

Mme Fréchette : Terreau fertile.

M. Valiquette (Antonin) : Terreau fertile pour une expérimentation du genre où les suivis, les redditions de comptes seront faciles à faire. Étant donné que tout le monde se connaît et que c'est un petit endroit fermé, isolé, on est capable de faire le suivi d'un tel projet pilote.

M. Bessette (Alexandre) : Et, pour conclure à votre question, si on avait le choix, ce serait un permis de travail territorial qu'on demanderait.

Mme Fréchette : Ça s'applique mieux à votre réalité.

M. Bessette (Alexandre) : Oui, absolument.

Mme Fréchette : D'accord. Bien, merci. Bien, Mme la Présidente, je vais céder le droit de parole.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, Mme la ministre. Alors, je cède maintenant la parole au député de Saint-Jean pour 5min 56s.

M. Lemieux : Ah! nos chronomètres sont pas mal pareils, Mme la Prsidente. Merci. Bonjour. Sans vouloir faire de folklore, je vous écoutais, là, puis je me souvenais de mes passages aux Îles, puis je me disais : Le problème, ce n'est pas juste les... Dans le fond, si vous ne faites pas attention, c'est les Québécois qui vont investir les Îles plus que deux...

M. Lemieux : ...par année, pendant leurs vacances, dans la mesure où vous êtes en train de devenir de plus en plus accueillants et attirants, pas juste pour le tourisme, mais pour aller vivre. Faites attention, le télétravail, ça marche, vous allez peut-être avoir plus de clients que vous pensiez, puis... Mais je pensais à ça parce que vous avez une réalité très particulière. Je me souviens de m'être fait dire, la première fois que je suis débarqué aux Îles : Tu sais, nous autres, en hiver, on a 15 000 habitants, puis, en été, on monte à 150 000. Alors, on grossissait, là, mais on grossit toujours un peu, on grossit toujours un peu, là. Mais, à quelque part, il y a cette réalité-là.

Puis là on est en train de regarder l'immigration de votre point de vue. Et on en a parlé, de la capacité d'accueil, du point de vue du logement surtout, mais, en même temps, avant vous, il y a des gens qui sont venus nous dire : Tu sais, la capacité d'accueil, là, faites attention, parce que dans le fond, l'immigration, ça peut être une solution, puis pas juste un problème. Entre autres, les éducatrices en garderie, PAB, à l'hôpital, CHSLD, ça peut facilement devenir une solution, même si ça ne règle pas tous les problèmes. Est-ce que vous avez besoin de cette variété, de cette palette très large de main-d'oeuvre? Ou, quand vous y pensez, puis vous venez rencontrer la commission, puis que vous voulez influencer les décisions de la ministre, c'est en fonction de besoins très particuliers, par rapport, surtout, aux travailleurs étrangers saisonniers, et tout ça? Mais le reste de la palette, vous l'occupez, ce terrain-là, aussi, là?

M. Valiquette (Antonin) : Oui. Bien, en fait, je vous ramène aux enjeux démographiques, que j'ai mentionnés en début d'audience. Les Îles-de-la-Madeleine... La population des Îles-de-la-Madeleine est en décroissance. On a un vieillissement de la population accéléré. On est préoccupés de là où sera le Québec dans une dizaine d'années, par rapport au vieillissement de la population et des impacts sur la main-d'oeuvre. Je vous dirais qu'aux Îles-de-la-Madeleine on est rendus, nous autres, on est 10 ans d'avance, de par notre situation insulaire, dont vous avez mentionné les particularités, dont vous avez évoqué les particularités il y a quelques instants.

Considérant ça, oui, l'immigration est une voie incontournable. Écoutez, en 2018, on a mis sur pied une stratégie d'attraction des personnes, qui est supervisée par l'équipe de développement du milieu et chapeautée, plus précisément, par M. Bessette, à ma droite, et l'objectif, c'est 100 nouveaux résidents par année aux Îles-de-la-Madeleine, sur plusieurs années, parce que... Ça, ce chiffre-là, d'où il vient... C'est ce chiffre-là qui nous permet de maintenir notre population actuelle jusqu'en 2041, selon les projections de l'ISQ. Donc, oui, des travailleurs issus de l'immigration qui viendraient s'établir aux Îles-de-la-Madeleine, on le juge nécessaire...

M. Lemieux : Vous êtes un peu les canaris dans la mine par rapport au problème démographique du Québec, vous le vivez avant tout le monde, mais...

M. Valiquette (Antonin) : Je le dirais aussi, oui.

M. Lemieux : Donc, vous n'êtes pas expérimental, vous êtes en avant de la parade. Vous allez le régler avant nous autres.

M. Valiquette (Antonin) : L'expérience... Justement, les expériences viennent avant les... L'idée de faire une expérience, c'est d'avoir les résultats avant d'en arriver à l'application.

M. Lemieux : Mais parce que c'est souvent l'oeuf ou la poule, quand on parle de... quand je disais que ça peut être une solution, au lieu d'être juste un problème. Mais il y a, évidemment, des besoins très précis, comme du logement. Ça, c'est un peu incontournable. Mais quand vous dites que vous avez d'autres modèles... Il y a de quoi à faire aux Îles, là, vous êtes capable de loger... je le disais en blague tout à l'heure, vous êtes capable de loger beaucoup de monde tout le reste de l'année, considérant que vous êtes équipés pour bien recevoir en été. Il faut juste être capables d'adapter ça à une réalité de travailleurs permanents, à ce moment-là.

• (17 heures) •

M. Bessette (Alexandre) : Oui, exactement. Puis, pour répondre à votre question précédente, sur les secteurs, les besoins, on en a besoin partout. Il y a des secteurs où c'est plus criant, parce que c'est des besoins primaires. On pense à l'hôpital, on pense, justement, à la petite enfance, tu sais, c'est des secteurs qui reviennent souvent. Mais, en ce moment, on a des installations neuves qui sont vides, à cause qu'il n'y a pas de main-d'œuvre. Donc, on a des besoins partout. Puis les départs à la retraite, il y en a énormément, puis ce n'est pas fini, à cause de la population vieillissante.

M. Lemieux : Il ne me reste presque plus de temps, mais réussissez-vous à garder vos jeunes ou il y a toujours un exode des jeunes?

M. Bessette (Alexandre) : On réussit à... Les jeunes reviennent de plus en plus. On a des initiatives pour qu'ils reviennent, des bourses Retour aux Îles, qu'on finance via la stratégie d'attraction. Bien, c'est certain que... Puis c'est une bonne nouvelle, antenne universitaire qui va offrir des programmes sur le territoire, aux Îles. Mais les gens partent pour étudier, ils finissent par revenir aux Îles.

M. Lemieux : Et, puisque vous êtes en avant de la parade, je suis curieux, parce qu'à la question... l'orientation 12 — c'est la grosse affaire ici — vous êtes dans la colonne, pour le scénario un, neutres, puis, dans le scénario deux, pour aborder. Vous en...


 
 

17 h (version non révisée)

M. Lemieux : ...quoi, vous de ce que le reste du Québec devrait faire, considérant que vous êtes en avant puis que vous subissez ça avant nous autres?

M. Valiquette (Antonin) : Oui. Bien, écoutez les gens qui sont ici devant vous représentent de la communauté maritime des Îles-de-la-Madeleine, un archipel dans le milieu du golfe. Donc, on n'a pas la prétention, M., de vous dire... de me positionner sur qu'est ce qui devrait être retenu comme seuil d'accueil, d'immigration à l'échelle nationale. On n'a pas une portée nationale, nous, à la communauté maritime des Îles. On est des spécialistes de notre petit territoire, mais on va laisser à d'autres instances à portée nationale de réfléchir et de... cette question-là.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Merci.

M. Lemieux : Petit territoire d'îles paradisiaques Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Cette première période étant terminée, je me tourne maintenant du côté de l'opposition officielle pour une période d'un petit plus de 12 minutes. La parole est à vous, M. le député de Nelligan.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, à vous quatre. Merci pour votre mémoire, mais surtout merci de venir me sensibiliser par rapport à votre réalité. On ne peut pas faire du mur à mur, surtout, surtout avec les Îles-de-la-Madeleine, surtout.

Ce que j'ai aimé de votre mémoire et votre présentation, c'est la réalité de la pénurie de main-d'œuvre. Et on peut dire que la pénurie, je ne veux pas refaire le débat politique, il y en a qui pensaient que la pénurie de main-d'œuvre, c'est juste dans l'imaginaire ou parfois c'est une mausus de bonne affaire. Ça, vous l'avez vu dans les médias et votre rôle, ce n'est pas de commenter les phrases des politiciens. Mais, aujourd'hui, vous avez fait la démonstration que, si on ne fait rien, si on ne bouge pas, c'est carrément la vitalité économique des Îles-de-la-Madeleine qui est touchée.

Avant d'aller dans les détails de l'immigration, je vais vous poser une question d'ordre économique. C'est quoi vos besoins présentement? Quels secteurs d'activité? C'est une déclinaison, après, on va aller en profondeur.

M. Valiquette (Antonin) : Bien, je vous remercie pour la question. Les besoins en termes économiques, bien, clairement, la main-d'œuvre, je veux dire, ça, c'est le besoin criant de toute entreprise. On vous a parlé du vieillissement de la population. Les travailleurs vieillissent, les entrepreneurs vieillissent. On est encore capable d'avoir une bonne vitalité économique. Je vous dirais, dans les grands défis aussi encore liés aux particularités insulaires, les surcoûts liés à l'insularité, particulièrement de ce temps-là dans la question des infrastructures. Aux Îles-de-la-Madeleine, le décret sur l'insularité en 2016 reconnaît les surcoûts liés à l'insularité. Et je suis bien heureux de dire que plusieurs programmes et entreprises ou initiatives gouvernementales, devrais je dire, en ont tenu compte.

Presque toujours, par contre, à force de représentations des Îles-de-la-Madeleine, alors ce que le décret normalement impose au gouvernement et aux différents ministères de prendre en compte la particularité insulaire des Îles, incluant les surcoûts, donc l'inflation. Par contre, je tiens à dire que, dans le décret sur l'insularité, il y a des mesures particulières pour les entreprises, particulièrement au niveau fiscal, qui aident énormément le milieu entrepreneurial des Îles-de-la-Madeleine. Donc, pour répondre à votre question et pour avoir été avant d'être élu maire en mars dernier, j'étais directeur général de la Chambre de commerce des Îles-de-la-Madeleine, je peux vous dire que les commerçants, c'est énormément le problème de main-d'œuvre et de relève entrepreneuriale, étant donné le vieillissement de la population qui était préoccupant.

M. Derraji : Mais en termes de main-d'œuvre, là, on parle de deux types d'emploi, emplois spécialisés, tout type d'emplois?

M. Valiquette (Antonin) : Lorsqu'on arrive... Le groupe d'âge de travailleurs le plus important aux Îles-de-la-Madeleine, maintenant, c'est plus que 55 ans.

M. Derraji : Wow!

M. Valiquette (Antonin) : Donc, ça vous donne une idée du...

M. Derraji : Et en termes de cédants d'entreprise... parce que, là, dans un passé pas très loin, j'étais en charge d'une étude sur le repreneuriat, et c'était très alarmant déjà, les chiffres, parce qu'il y a beaucoup de cédants, mais moins de repreneurs. Là, pour vous, ça devrait être encore beaucoup plus présent comme enjeu?

M. Valiquette (Antonin) : Pour l'instant, je pense qu'on y arrive. L'inflation fait mal parce qu'on parle d'entreprises avec la pénurie de main-d'œuvre qui se fait déjà sentir. Il faut savoir aussi que, juste après et un peu pendant les mesures sanitaires et la période pandémique, l'achalandage touristique a été particulièrement important aux Îles-de-la-Madeleine, étant donné que les frontières internationales étaient fermées. Il y a eu un gros, gros achalandage, pénurie de main-d'œuvre. On avait de la misère à répondre à la demande du côté des entreprises. Ça a créé un essoufflement du côté des employés...

M. Valiquette (Antonin) : ...on en manquait d'ailleurs déjà. On a vu des... comme partout ailleurs au Québec, remarqué des fermetures temporaires, être ouvert quatre jours par semaine au lieu de six ou sept. Ça, on a connu ça et ça vient affecter des... Il ne faut pas oublier non plus que... Le caractère saisonnier de notre économie aux Îles-de-la-Madeleine.

M. Derraji : Oui et c'est là où ma prochaine question : vos besoins sont d'ordre par saison ou permanent en termes de main-d'oeuvre? Ma sous-question : vous êtes pour du permanent ou du temporaire?

M. Bessette (Alexandre) : On a des besoins des deux côtés, puis je ne vois pas pourquoi on aurait à se commettre entre les deux. On a des besoins à l'année dans le secteur de la santé et de la petite enfance, comme je le mentionnais, santé et services sociaux, on a une population vieillissante, ça, ça veut dire plus de services nécessaires aussi, puis on a des besoins saisonniers aussi pour la pêche, donc on a besoin des deux. C'est principalement ça, nos besoins, en ce moment.

M. Valiquette (Antonin) : ...une chose qui est à retenir. Par exemple, dans un cas de pénurie de main-d'oeuvre qui est généralisé dans tous les secteurs, mais dans un endroit, encore là, isolé et insulaire, où les deux principaux moteurs économiques sont saisonniers, il faut faire attention, par exemple... Non plus, de ne pas trop... il faut faire attention de ne pas concentrer notre pénurie de main-d'oeuvre dans le... Nos deux principaux piliers économiques saisonniers en favorisant ou en faisant trop la promotion, si vous voulez, du travail à l'année. Il ne faut pas aller chercher tous les travailleurs saisonniers pour qu'ils s'en aillent travailler à l'année puis que, finalement, toute la pénurie de main-d'oeuvre se concentre dans nos principaux piliers économiques. Ça, c'est une notion à... particulière à retenir dans notre gestion.

M. Derraji : Je vous comprends et je sais où vous voulez aller avec ça. Mais ma question, c'est que vous êtes en concurrence avec d'autres régions. On peut dire, et je peux réfléchir avec vous à haute voix, quand il fait beau partout au Québec, le secteur de la restauration ou d'autres secteurs, la pénurie est généralisée. Vous n'avez pas pensé à un statut particulier par rapport à la régionalisation de l'immigration?

Je réfléchis avec vous à haute voix. Je n'ai pas pensé à ça, c'est vos arguments qui me ramènent à cheminer avec vous. C'est ça, le but de la consultation. Parce que j'ai très bien lu votre mémoire et j'ai bien écouté votre présentation. Au fait, si je peux le dire aujourd'hui, là, vous êtes venus à quatre, c'est un cri du cœur que vous lancez. Si on ne fait rien, c'est tout le secteur économique qui est en péril aux Îles-de-la-Madeleine. Vos besoins sont énormes, vos besoins touchent à la fois le secteur privé et public. Vous pouvez m'arrêter à n'importe quel moment, si je me trompe. Vos besoins sont à la fois de l'ordre privé...

M. Valiquette (Antonin) : Vous faites un sans-faute jusqu'à présent.

M. Derraji : Merci. Merci pour le compliment. Ce qui est touchant, c'est la dernière intervention qui lève le drapeau : Attention! Services publics, garderies et santé. Avant, on ne parlait que du secteur privé, et la réponse du politique était : Élevez vos salaires. C'était ça, la réponse, juste.... les Entrepreneurs, il faut juste augmenter les salaires. On voit qu'aujourd'hui, quatre ans ou cinq ans plus tard, ça ne marche plus.

Donc, est-ce que pour vous, au-delà de nos politiques migratoires, au-delà de ce qu'on fait maintenant dans la Commission... Ma crainte, malgré tout ce qu'on fait, est-ce que les Îles-de-la-Madeleine aujourd'hui vont avoir sa part? Parce que, vous l'avez dit dans votre mémoire, il faut... le... d'immigration. C'est encore beaucoup plus pertinent pour vous. Il faut donner aux régions et à leurs organismes des cours et des ressources pour pouvoir bien intégrer les immigrants. C'est très pertinent pour vous, parce que, si un service manque, c'est toute la chaîne qui est bloquée, vu la spécificité des Îles-de-la-Madeleine. Mais vu qu'au Québec on a toujours eu cette spécificité de voir les Îles-de-la-Madeleine sous un autre angle, une autre lecture, un autre prisme, vous ne souhaiteriez pas qu'en même temps le pouvoir politique ou les politiques migratoires aient cette lecture à part des Îles-de-la-Madeleine?

• (17 h 10) •

M. Valiquette (Antonin) : Qu'est-ce que vous voulez dire, «à part des Îles-de-la-Madeleine»?

M. Derraji : «à part», ça veut dire que ce qu'on fait pour les autres régions, c'est bon, on peut le faire, mais il faut avoir une autre lecture, parce que, si on a... on ne livre pas, si les politiques migratoires ne livrent pas, c'est clairement le secteur économique qui sera touché.

M. Valiquette (Antonin) : Au-delà du... le secteur économique, vous avez parfaitement raison. Au-delà du secteur économique, je vous ramène aussi à la projection démographique. Il y a un enjeu de vitalisation, il y a un enjeu social aussi. On a besoin d'avoir de jeunes familles, non seulement du côté économique, mais aussi pour vitaliser, pour avoir des enfants dans nos écoles, pour avoir des gens qui consomment, et pas seulement que des gens à la retraite qui consomment normalement moins que des... D'autres catégories d'âge. Donc, l'enjeu, il est... On en revient, finalement, à une question d'économie à ce moment-là, mais je vous dirais qu'il y a tout un volet quand même social qui va là-dedans. Écoutez...

M. Valiquette (Antonin) : ...moi, je ne vois pas nécessairement... Oui, il y a... les îles ont une particularité insulaire et je pense qu'on le démontre très bien dans le mémoire, et c'est pour ça qu'on propose d'agir pour un projet pilote. Mais, pour moi, c'est dans l'optique de servir de modèle d'exemple, de modèle qui pourrait être appliqué dans d'autres régions éloignées du Québec. J'ai dit à M. Saint-Jean tout à l'heure... député de Saint-Jean, c'est qu'on... j'hésitais à me prononcer sur un chiffre national en termes de seuils d'immigration. C'est encore ma position, mais pour moi... j'inviterais la commission et le gouvernement à réfléchir à l'idée : Est-ce que recevoir moins pour mieux recevoir... Est-ce que l'idée de régionaliser davantage pour mieux recevoir, en donnant les moyens et les ressources à des régions, davantage, finalement, de moyens et de ressources aux régions qui seront capables d'accueillir, de mieux accueillir finalement dans leur petit milieu des... lentement mais sûrement, et de façon qualitative, des immigrants? C'est là que je me pose la question, là.

M. Derraji : Bien, je... En aucun cas, je voulais vous ramener sur les... c'est un débat politique qui nous concerne. Vous êtes un de nos invités. Vous venez en commission pour nous éclaircir sur votre situation. Ce n'était pas ma question, c'est la question du collègue. Je comprends le pourquoi, mais je vais revenir à une question très importante : Vu la spécificité de la région, pensez-vous que c'est plus juste pour la région d'avoir une autre lecture qui n'est pas la lecture de Montréal, ni de Québec, ni de Trois-Rivières? Parce que, si on ne vous assure pas ce flux migratoire, c'est toute la population qui en paiera le prix aux Îles-de-la-Madeleine. C'est ça où je voulais vous ramener.

Maintenant, vous répondez quoi aux gens qui vous disent qu'il y a une crise du logement... du moment qu'il y a une crise du logement, l'immigration, on ne peut pas en accueillir? C'est une boucle. Parce que chez vous, la boucle contient un service de garde, santé, éducation, rajeunissement, vu la... démographique. Ça serait quoi, votre réponse?

M. Valiquette (Antonin) : C'est une très bonne question et je vous remercie de la poser. Parce qu'en effet on connaît des gens aux Îles, par exemple des familles qui viennent des Îles-de-la-Madeleine, qui sont parties à l'extérieur des îles, sur le continent, pour étudier ou pour aller travailler et qui souhaitent revenir, et qui ont le même enjeu de trouver un logement. Et donc de voir la communauté maritime proposer un mémoire pour accueillir des immigrants aux Îles-de-la-Madeleine, pour moi, je n'y vois pas une question de priorisation, premièrement, et comme je le disais tout à l'heure, on est quand même en train de s'adapter. On est en train d'en développer, du logement. On essaie, dans la mesure de nos moyens, au niveau municipal, d'offrir des incitatifs, par exemple de limiter par exemple des achats de maisons secondaires dédiées à la seule fonction de location secondaire... de la location touristique court terme. On travaille là-dessus. On va développer du logement, mais on se ramène toujours à l'enjeu démographique d'une population qui diminue sur les prochaines années, d'une population qui vieillit en même temps.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. Valiquette.

M. Valiquette (Antonin) : Ça va prendre des nouveaux arrivants.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Cette portion d'échange étant terminée, on va finaliser le tout avec le député de Saint-Henri–Sainte-Anne pour une période de quatre minutes huit secondes. Le temps est à vous, M. le député.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup, pour votre présentation, vous me rappeliez une histoire, là, souvent dans... souvent, quand on parle des demandeurs d'asile, on parle de fardeau, mais il y a quelques années, dans une ancienne vie d'avocat en l'immigration, moi, j'ai connu plusieurs demandeurs d'asile, des femmes d'Afrique de l'Ouest qui, à peine arrivée, là, partaient vers les îles donner un coup de main comme préposées aux bénéficiaires. J'en connais quelques-unes, et je trouve que c'est un bel exemple, quelque chose dont on ne parle pas assez souvent, de l'apport part que des gens, pas que du profil économique, mais des autres profils, des gens qui s'établissent ici, au Québec, qui viennent faire leur vie au Québec, peuvent aussi contribuer. Puis je pense que c'est un tout qu'on doit traiter ensemble. Je vous vois ici les quatre, vous... vraisemblablement vous êtes venus en avion, j'imagine, vous avez fait un mémoire exhaustif.

Une voix : ...est venu en auto.

M. Cliche-Rivard : Bon. Un mémoire exhaustif avec des lettres d'appui. Vous avez mobilisé des gens, il y a urgence, là, je veux dire, on a quand même une délégation ici qui se présente avec un message fort et j'espère qu'il sera entendu. Vous parliez des permis de travail fermés, ouverts. Je suis d'accord. Puis, en même temps que vous parliez, j'ai reçu un courriel comme quoi il vient d'être déposé une action collective devant la Cour supérieure pour l'abolition des permis de travail fermés. Donc, on est vraiment dans l'air du temps. Les tribunaux vont devoir se saisir de la question. Et moi, je veux savoir, prospectivement, comment vous voyez ça. Vous avez soumis EIMT régional, permis de travail régional sectoriel. Est-ce que vous avez d'autres idées en plus de ça pour nous appuyer? Parce qu'on est à...

M. Cliche-Rivard : ...discuter, ou j'espère qu'on va discuter de ça dans les prochaines semaines. Votre solution optimale pour les Îles, c'est quoi?

M. Valiquette (Antonin) : J'ai envie de laisser mes collègues... j'ai l'impression d'avoir monopolisé un peu le temps. Bien sûr, là-dessus, sur les moyens et sur ce qui se fait déjà et ce qu'on veut faire, je pense qu'ils sont très bien placés pour le faire. Alexandre ou Maxime?

M. Chevarie-Davis (Maxim) : Oui. Bien oui, c'est une très bonne question. C'est un bon exemple aussi. Effectivement, c'est très intéressant de discuter de l'idée d'abolir les permis de travail fermés. Je pense que ça implique beaucoup de choses, donc c'est une discussion qui n'est pas près d'être terminée, mais bravo à ceux qui ont déposé cette motion-là!

Nous, ce qu'on suggère, en fait, c'est vraiment un permis qui serait limité à notre territoire, mais où les travailleurs pourraient travailler pour différents employeurs dans tous les secteurs. Effectivement, si on pouvait avoir un permis à l'intérieur d'un même secteur économique, déjà, ça serait aidant, mais étant donné les besoins de main-d'oeuvre criants dans tous les secteurs, aux Îles-de-la-Madeleine, d'avoir... d'ouvrir ça un peu plus encore serait particulièrement aidant. Une autre piste de solution qu'on propose, en fait, c'est le passage vers la permanence pour ces travailleurs-là qui viennent travailler chaque année, qui, s'ils le pouvaient, demeuraient à l'année, aux Îles-de-la-Madeleine, mais ils travaillent dans des secteurs saisonniers, donc ne peuvent pas, qui sont des travailleurs qui ne sont pas qualifiés, donc n'ont pas accès à tous les programmes qui leur permettent la permanence. D'offrir ces possibilités-là à ces personnes-là, qui contribuent autant que n'importe qui d'autre à notre communauté, c'est ça qui va permettre de répondre autant aux besoins démographiques que de main-d'oeuvre. C'est des résidents, finalement, qui vont être là, qui vont contribuer comme les autres autour d'eux.

M. Cliche-Rivard : Et le permis de travail, disons, de l'île, là, de la Madeleine, le permis travail régional, qui le demanderait? Parce que, là, ce ne serait plus associé à l'entreprise. Dans votre logique, c'est vous, peut-être, la communauté des Îles, qui ferait la demande? Comment ça fonctionne pour choisir en amont la personne qui arrive puis qui a un permis local?

M. Chevarie-Davis (Maxim) : On a déjà entamé des actions en concertation avec des employeurs aux Îles-de-la-Madeleine. On a tenté de partir un projet pilote où on accompagnait les employeurs dans ces démarches-là. Malheureusement, on a été un peu confrontés à la lourdeur des démarches administratives en immigration. Donc, plusieurs employeurs se sont rebutés parce que ça coûtait... l'implication qui était requise et les délais qui en découlaient. Par contre, on a pu vraiment développer des liens avec tous ces employeurs-là qui sont prêts à travailler ensemble. On travaille avec eux...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Le temps est terminé. Merci beaucoup pour cette... dans un premier temps, de vous être déplacés jusqu'ici pour débattre avec nous et défendre, surtout, votre mémoire. Bon retour à tous.

Alors pour les membres, je suspends, à peine quelques secondes, pour notre prochain groupe. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 17 h 19)

(Reprise à 17 h 24)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît. La Commission des relations avec les citoyens poursuit ses travaux. Alors, pour le dernier groupe de la journée, il s'agit de Manufacturiers et exportateurs du Québec. Bienvenue, donc, à Mme Véronique Proulx, présidente-directrice générale, ainsi qu'à M. Marc-André Gosselin, directeur, affaires publiques et gouvernementales. Donc, vous êtes des habitués. Vous allez bénéficier d'une période de 10 minutes pour présenter les grandes lignes de votre mémoire et, ensuite, nous allons poursuivre avec les parlementaires pour une période de discussion. Le temps commence, la parole est à vous.

Mme Proulx (Véronique) :Excellent. Alors, bonjour à tous, Mme la ministre. Mmes, MM. les députés. Merci de nous accueillir aujourd'hui. Alors, Manufacturiers et exportateurs du Québec, c'est une association d'affaires. On représente le secteur manufacturier. Notre mission, c'est de favoriser la croissance des manufacturiers québécois, et on les appuie sur quatre facettes, donc, la main-d'oeuvre, l'innovation, l'exportation et la décarbonation. On représente 1100 entreprises qui sont partout au Québec, de toutes tailles, tous secteurs d'activité.

Alors, tout juste avant de commencer le secteur manufacturier, brièvement, qui est un de nos piliers économiques. Alors, le secteur emploie un peu plus d'un demi-million de personnes. Le secteur de la fabrication est encore aujourd'hui le plus grand contributeur au PIB du Québec, avec 12,6 %. Nous sommes de grands exportateurs, dont plus de 86 % des biens... des exportations sont des biens, des biens fabriqués, et le secteur manufacturier est stratégique pour l'économie et pour les finances publiques du Québec, particulièrement dans un contexte d'incertitude comme nous le vivons aujourd'hui.

Pénurie de main-d'oeuvre, brièvement. Alors, encore aujourd'hui, la pénurie de main-d'oeuvre, c'est le plus grand défi à la croissance du secteur manufacturier, également, un frein à l'investissement. Donc, on est à près de 23 000 postes vacants dans notre secteur d'activité, et c'est un défi qui a un impact très concret chez nos entreprises. Donc, plus de 98 % des entreprises manufacturières affichent des postes vacants. C'est un sondage qu'on a réalisé l'automne dernier. Et, au cours de la dernière année, les manufacturiers ont laissé 7 milliards sur la table. Donc, des contrats...

Mme Proulx (Véronique) :...des possibilités de croissance auxquelles on n'a pas accédé, mais aussi des projets d'investissements qui ne se font pas faute d'avoir les travailleurs nécessaires. Alors, vous comprendrez que l'immigration, ce n'est pas la seule solution pour pallier la pénurie de main-d'œuvre, on a bien sûr l'automatisation, la robotisation, la formation, mais c'est quand même un levier qui est essentiel pour nous.

Alors, la consultation prend tout son sens pour le secteur manufacturier québécois. On souhaite s'assurer qu'à terme on puisse avoir un impact très concret, c'est-à-dire que nos membres partout au Québec puissent ressentir l'impact de la consultation pluriannuelle, qu'il y ait des gains pour eux partout en région.

Ma présentation se fera en quatre volets. Alors, je ne vais pas passer au travers de tout le mémoire, bien sûr, mais je vais y aller sous quatre angles, le premier, les seuils d'immigration, le deuxième, l'alignement avec les besoins des manufacturiers, troisièmement, l'immigration francophone et, quatrièmement, la régionalisation.

Alors, sur les seuils d'immigration, qui correspond à l'orientation 12, les consultations des dernières années n'ont clairement pas permis de répondre aux besoins du marché du travail, encore moins à ceux des manufacturiers. Alors, on a besoin d'une consultation, une planification plus précise, plus proactive. Et la réalité, c'est que le nombre de postes vacants va continuer à augmenter, sachant qu'on a toujours de plus en plus de départs à la retraite. Alors, je tiens à souligner qu'on appuie fortement la proposition du gouvernement d'augmenter progressivement les seuils permanents à 60 000 en excluant la catégorie de diplômés du Québec du PEQ du calcul. C'est vraiment un pas dans la bonne direction. Ça pourrait nous permettre, à terme, d'aller chercher beaucoup plus d'immigrants qualifiés pour le Québec. Mais les seuils proposés, pour nous, ne suffisent pas pour répondre à l'ensemble des besoins, dont ceux des manufacturiers. Alors, c'est pourquoi on revient à la charge avec un seuil idéal qui aurait été à 90 000 immigrants pour répondre aux besoins de l'ensemble des secteurs.

Lorsqu'on parle d'immigration, on parle de quantité mais on parle aussi de qualité. Alors, le gouvernement doit s'assurer que l'immigration économique sera bien alignée avec les besoins des manufacturiers. Et là je me permets d'aller plus spécifiquement sur le PSTQ, sur le volet 3. Ce qu'on souhaite, c'est qu'on puisse prioriser les métiers les plus en demande dans le secteur manufacturier. Alors, je vais y arriver, quels sont ces métiers, mais je reviens à la notion d'impact. Il faut que la réforme du PRTQ ou PSTQ puisse bénéficier également aux entreprises manufacturières pour qu'on y retrouve des nouveaux arrivants qui ont de l'intérêt, des connaissances, des compétences pour travailler dans notre secteur.

Alors, j'arrive à quels sont ces métiers, c'est le volet 2, alignement avec les besoins des manufacturiers. Pour nous, il faut que le secteur manufacturier fasse partie intégrante des priorités du plan d'action sur la main-d'oeuvre. C'est une question de cohérence. Le plan d'action en main-d'oeuvre, ça comporte des mesures au niveau de l'emploi, de l'éducation mais également des migrations. Alors, on demande une plus grande cohérence entre les métiers manufacturiers qui se retrouvent dans les grands secteurs prioritaires de l'économie, donc des... que l'économie supporte, je pense notamment à l'aérospatial, à la batterie, la fabrication d'équipements. Investissement Québec, notamment, supporte des projets d'automatisation, de robotisation dans ces grands secteurs là. Puis on doit s'assurer que les entreprises qui sont financées pour augmenter leur productivité aient accès aux travailleurs en quantité et en qualité. Alors, c'est pourquoi les 15 métiers les plus en demande, qui est une liste qui est fournie par le ministère de l'Emploi, devraient se retrouver dans le plan d'action en main-d'oeuvre.

Je vous donne deux exemples, mais il y en a plusieurs autres dans le mémoire. Il y a le métier de tôlier, qui est un FEER 2, mais également le métier de soudeur. On a tellement entendu parler des soudeurs, alors on pourrait penser à voir s'il y avait une priorisation pour les soudeurs, des métiers... pas des métiers, des missions de recrutement international pour les soudeurs, on pourrait penser à des bourses Perspective pour les soudeurs, pour valoriser les métiers manufacturiers également.

• (17 h 30) •

Dans un deuxième temps, le PEQ étudiant, toujours, ce qu'on souhaite, c'est que le nombre d'heures exigé pour qu'une formation soit reconnue par le PEQ, volet Diplômé du Québec, soit revu à la baisse. Alors, présentement, c'est 1 800 heures pour que la formation exigée... pour qu'un étudiant soit admissible au PEQ étudiant. Or, si on regarde le D.E.P. en tôlerie, c'est 1 275 heures. Le D.E.P. Fabrication de pièces industrielles et aérospatiales en composites, c'est 1 005 heures, puis c'est dans un secteur d'avenir qui est celui de l'aérospatiale. Ce sont des métiers qualifiés pour lesquels on a des besoins, et aujourd'hui des étudiants étrangers qui voudraient s'inscrire dans ces domaines d'études ne seraient pas admissibles.

Troisième temps, rapidement, le EIMT ouvert ou... dénominalisé, je vais y arriver. Alors, en 2015, dans le secteur manufacturier, on accueillait 651 travailleurs étrangers temporaires. En 2022, on en a 14 796. Ce sont des PME partout en région qui vont chercher des travailleurs étrangers temporaires ou c'est des grandes entreprises. Si on pouvait réduire les délais de 3 à 4 mois via un EIMT ouvert, ce serait vraiment une façon de leur donner un bon coup de pouce pour leur permettre d'accéder aux travailleurs dont ils ont besoin plus rapidement.

J'arrive au volet 3, sur la francisation, qui correspond à l'orientation 1. Alors, bien sûr que les manufacturiers sont favorables au fait qu'on accueille davantage...


 
 

17 h 30 (version non révisée)

Mme Proulx (Véronique) :...d'adultes qui déclarent connaître le français à l'admission et qu'on tende vers une plus grande immigration économique francophone, mais ça doit se faire en équilibre avec le marché du travail et avec le soutien nécessaire à la francisation. Et j'ai envie de vous dire, ça ne doit pas être un frein à l'attraction des meilleurs talents à l'étranger, également. Alors, il devient important de trouver un bon équilibre.

C'est pourquoi, dans un premier temps, on propose de réduire l'exigence du français pour les volets 1 à 3 du PSTQ à un niveau 5. Pourquoi? On le voit avec nos entreprises, partout en région, qui font beaucoup d'efforts de francisation sur le terrain, quand les gens arrivent avec un niveau minimal de français, ils vont faire de la francisation, ils sont capables de rapidement augmenter leur niveau, accélérer la cadence. Ils sont en région, ils sont intégrés. Et l'objectif, bien, ça serait d'élargir le bassin de candidats francophones que l'on peut accueillir.

Deuxièmement, l'exigence pour les époux ou les conjoints, on propose de l'enlever, encore une fois pour augmenter le bassin de candidats qui pourraient immigrer vers le Québec.

Et finalement, dans la proposition dans la consultation, on souligne que les étudiants, les étudiants étrangers dans des collèges anglophones doivent avoir la preuve qu'ils ont fait trois ans dans un lycée français. On propose plutôt de remplacer cette exigence par un test de français parce qu'on a les étudiants bilingues francophones, anglophones, qui étudient dans des collèges anglophones et qui pourraient se qualifier si on leur permettait de faire le test.

Alors, il est impératif pour Manufacturiers et exportateurs du Québec que toute nouvelle imposition d'exigence de français pour l'immigration s'accompagne d'un meilleur accompagnement en francisation.

Rapidement, trois propositions. La première, de mettre en place des projets pilotes en amont pour faire de la francisation avant que les gens arrivent. Deuxièmement, d'élargir l'accessibilité à la francisation avant l'arrivée au Québec pour couvrir les coûts, les déboursés par les entreprises et par les travailleurs. Et, finalement, dans la mesure où vous n'alliez pas de l'avant avec notre recommandation d'enlever l'exigence de français pour les époux, bien, de leur permettre de faire de la francisation en amont également.

Dernier volet, la régionalisation. Je pense qu'il y a beaucoup de recommandations qui vont avoir été faites puis il y a certainement beaucoup de solutions qui pourraient être mises en place pour favoriser la régionalisation de l'immigration. Nous, ce qu'on propose ici, c'est un incitatif financier, comme il se fait pour les étudiants étrangers, comme le crédit d'impôt qui est en place pour les finissants, pour les inciter à aller en région. Ce serait de mettre en place un montant, donc, 3 000 $ par année pour un maximum de 10 000$ pour les nouveaux arrivants qui arrivent à Montréal, par exemple, et qui souhaiteraient s'établir en région. Donc, c'est vraiment... ce n'est pas ça qui va faire bouger l'aiguille à elle seule, mais c'est une mesure parmi plusieurs qui pourrait avoir un impact concret.

Alors, en conclusion, on a publié hier une lettre ouverte dans le Journal de Montréal où on implorait tous les élus à mettre l'économie au centre des priorités à l'aube de la rentrée parlementaire. Et ça passe notamment aujourd'hui par les choix qui se feront en immigration. C'est-à-dire qu'on a besoin, encore une fois, que cette consultation pluriannuelle puisse se traduire de façon très concrète en gains pour les manufacturiers partout en région. C'est avec le manufacturier qu'on va augmenter la richesse du Québec. C'est avec le manufacturier qu'on va réduire notre écart de productivité avec l'Ontario, et c'est aussi grâce à ça qu'on va être en mesure de financer nos grands besoins en santé et en éducation.

Alors, je vous remercie beaucoup, il me fera plaisir de poursuivre l'échange avec nous.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme Proulx. Très belle présentation. Nous allons donc commencer l'échange avec les parlementaires, et je me tourne du côté du gouvernement, pour une période totale de 14min 30s. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Fréchette : Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Proulx, pour cette présentation effectivement très claire, très structurée, très limpide. Alors, bien, on voit que vous maîtrisez le dossier, que c'est un axe sur lequel vous avez travaillé de longue date au sein de votre organisation. Et, comme vous nous avez mentionné, le secteur manufacturier est effectivement un secteur d'importance, au Québec, on reconnaît cette importance-là.    D'ailleurs, on a accordé beaucoup d'attention au secteur manufacturier dans nos Journées Québec ces dernières années. Donc, le secteur... particulièrement le secteur de la fabrication et usinage, métiers mécaniques, transformation alimentaire, métier du bois ont tous fait partie de la majorité de nos missions de recrutement à l'international, et ça va continuer, donc, c'est sûr qu'on va poursuivre sur cette veine-là. Puis il y a aussi eu une mission virtuelle de recrutement qui a eu lieu en mai 2022 spécifiquement pour le secteur manufacturier. D'ailleurs, j'aimerais ça, si vous avez l'occasion, là, de nous parler de votre... des retombées, en fait, des missions virtuelles en comparaison des missions en présentiel, si vous me passez l'expression. Donc, c'est un secteur de grande importance pour nous. Je pense qu'il faut avoir à l'oeil l'évolution de ce secteur.

Je vous amènerais sur la francisation. Vous avez fait mention, là, de vos souhaits en lien avec la francisation. J'entends des échos variables en lien avec la francisation en entreprise. Parfois, j'entends que ça fonctionne...

Mme Fréchette : ...très bien. Parfois, les gens ont des réserves. J'aimerais ça que vous nous partagiez votre lecture de comment ça se passe au niveau de la francisation en entreprise. Est-ce qu'on a les bonnes formules? Est-ce qu'il faut bonifier ces formules-là? Est-ce que vous voyez qu'on est, bref, sur la bonne voie ou c'est à réviser? Avec Francisation Québec, là, il y a toute l'offre qui vient donc d'être redéployée différemment. Ça va se compléter avec la formation, la francisation en entreprise à partir du mois de novembre. Ça va être chez Francisation Québec que ça va se passer, mais j'aimerais savoir votre écho là-dessus.

Mme Proulx (Véronique) :Excellent. Alors, je vais commencer par les missions virtuelles versus présentielles, les missions... Je n'ai pas eu d'écho à qu'est-ce qui générait le plus de retombées ou qu'est-ce qui avait le plus d'impact, mais ce qui ressort lorsqu'on parle avec nos membres, de l'accompagnement dans le cadre des missions de recrutement, c'est... en fait, le besoin, c'est de l'accompagnement sur toute la démarche, pour aider notamment les PME à faire du recrutement étranger. Je n'ai pas la donnée par cœur, mais, quand on a fait le sondage l'année dernière, on voyait clairement que les PME avaient beaucoup plus de difficulté à faire du recrutement international, notamment pour des TET, par manque de ressources, puis d'accompagnement sur l'ensemble du processus. Puis je reviens à une donnée que je n'ai pas mentionnée tout à l'heure, là, on a 13 000 manufacturiers au Québec, il y en a juste 1000 qui ont plus de 100 employés. Alors, quand on parle de TET, c'est beaucoup ces plus petites là qui en ont besoin, parce qu'elles sont moins attractives, elles offrent des moins bons salaires que des multinationales. Et lorsqu'elles se retournent vers l'international, elles rencontrent plusieurs embûches. Ça fait que la notion d'accompagnement du début à la fin pourrait être une bonification de l'offre du MIFI pour mieux accompagner ces entreprises-là.

Mme Fréchette : D'accord. Et sur la francisation...

Mme Proulx (Véronique) :Sur la francisation, je vais demander à Marc-André d'intervenir, là, je vais commencer, parce qu'on a échangé avec plusieurs entreprises. Il y a effectivement des gens qui disent que ça se passe très bien, d'autres pour qui c'est plus difficile. Généralement, les PME sont celles pour qui c'est plus ardu parce qu'elles ont moins de ressources, moins d'expertise pour aller chercher l'aide dont elles ont besoin. Dans la grande entreprise, on va voir qu'il y a des cohortes, que la formation qui se fait en entreprise, ce n'est pas nécessairement à la portée de plus petites. Je parlais avec une multinationale, qu'elle, fait de la formation elle-même à l'étranger avant que les gens arrivent. Ça fait qu'il y a un peu un deux poids, deux mesures au niveau de la francisation. Encore une fois, je pense que ce sont les plus petites pour qui c'est plus difficile. Marc-André, je ne sais pas si tu as des précisions dans les échanges qu'on a eus.

M. Gosselin (Marc-André) : Oui. Bonjour, tout le monde. Bien, c'est sûr que, pour les manufacturiers, tu sais, ils ont tous intérêt à ce que la francisation se passe bien, parce que c'est un enjeu de rétention, c'est un enjeu d'intégration et de succès de l'immigration, puis ça passe notamment par le marché du travail. Puis c'est notamment pour ça, pour rebondir sur les propos de Mme Proulx, que c'est très important que... tu sais, la francisation, c'est un processus qui peut être long terme et selon ce que les membres nous ont dit, eux autres voyaient une réelle différence quand la personne immigrante arrivait avec une connaissance du français, ne serait-ce que minime. Donc, tous les enjeux de francisation dès l'étranger... puis on sait qu'il existe des projets pilotes, notamment à l'intérieur des Journées Québec, mais ces mesures-là ont un impact réel sur la rétention des employés et sur leur francisation au Québec. Donc, quand ils arrivent au Québec avec une connaissance minimale de français, ils sont beaucoup plus enclins à suivre les cours de francisation et à progresser à l'intérieur, bien, de ces cours-là. Donc, pour nous, c'est une mesure qui a tout son sens et qui, individuellement, lorsqu'on les additionne, peut avoir un impact réel et concret, tant pour la personne immigrante que pour l'entreprise.

Mme Fréchette : Merci. Je n'aurai pas besoin de vous convaincre du fait qu'on a un retard en termes de productivité. Est-ce que la situation, le contexte actuel de pénurie de main-d'oeuvre, ce n'est pas l'occasion pour beaucoup d'entreprises du secteur manufacturier de justement investir dans les technologies pour améliorer leur productivité? Est-ce que vous voyez ce passage-là parmi plusieurs de vos membres? Et est-ce qu'il n'y a pas là une voie de solution?

• (17 h 40) •

Mme Proulx (Véronique) :Bien, en fait, on le souhaiterait. On le souhaiterait que la pénurie soit un incitatif pour aller de l'avant. On a fait un sondage en juin dernier qu'on a... avec Desjardins où on regardait le portrait d'intégration technologique. Et là, on a vraiment fait une distinction entre les entreprises de moins de 100 employés et de plus de 100 employés. Globalement, la majorité des entreprises, c'est près de 50 %, ont entamé un processus de transformation numérique, mais, quand on regarde au niveau des plus petites, on est à peu près dans le même pourcentage, qui n'ont pas rien fait encore, qui n'ont pas entamé de processus. Et, quand on pose la question : Pourquoi? Tu sais, qu'est-ce qui vous inciterait à aller de l'avant puis quels sont les freins? La main-d'œuvre se retrouve des deux côtés. Alors, d'un côté, les gens nous disent : Bien, on veut pouvoir faire plus avec moins, on manque de main-d'œuvre, ça nous coûte cher, on automatise, on rebaptise, puis tu as un autre pourcentage des entreprises qui disent : Non, pour nous, c'est un frein. On ne va pas investir 500 000 $, 1 million, 2 millions si on n'a pas l'expertise nécessaire pour faire... par exemple pour automatiser une ligne de production. Puis, si on n'est pas sûr d'avoir les gens qui vont travailler, qui vont avoir les bonnes compétences pour...

Mme Proulx (Véronique) :...travailler sur la ligne. Alors, et je reviens à ma petite encore une fois, celle de moins de 100 employés, ils ont moins de connaissances, moins de compétences puis ils le nomment pour trouver la bonne technologie, les bonnes façons de faire puis l'expertise. Ça fait qu'il y a encore beaucoup, beaucoup de défis à nos plus petites. Puis le danger, c'est que ce sont les fournisseurs dans les chaînes d'approvisionnement de nos grands donneurs d'ordres. Donc, le retard se creuse puis ce sont les entreprises qui ont le plus de difficultés aussi à attirer les bons talents.

Mme Fréchette : Est-ce que vous diriez que les enjeux de productivité sont pas mal les mêmes à l'échelle du Québec ou c'est plus en région ou certaines régions? Est-ce que vous voyez des variantes de ce côté-là ou pas mal tout le monde est à même niveau?

Mme Proulx (Véronique) :Je vais vous dire a priori que tout le monde est pas mal à même niveau, je dirais plus en termes de taille d'entreprise, mais on est en train de travailler sur une étude qu'on fait avec l'Institut du Québec pour justement regarder par secteur, par région. Alors, plus tard en cours d'année, je pourrai vous revenir, mais, pour l'instant, je n'ai pas vu de grandes variations en termes de régions.

Mme Fréchette : O.K. Parlant de régions, donc là vous proposez... vous considérez que des incitatifs plus importants doivent être déployés, vous faites référence à des incitatifs financiers pour favoriser la régionalisation de l'immigration, est-ce que vous avez des suggestions de mesures non financières qui pourraient contribuer à la régionalisation et à la rétention des immigrants?

Mme Proulx (Véronique) :Oui. Absolument. Alors, pour nous, puis on en a souvent parlé dans les dernières années, quand les travailleurs étrangers temporaires arrivent en région, qui sont là pour deux ou trois ans, ils font de la francisation, ils s'intègrent et parfois ils sont là avec leur famille, si la société d'accueil est accueillante, puis qu'on est en mesure de les intégrer, s'ils ont accès après au PEQ, au PSTQ, il y a de plus fortes chances qu'ils restent en région. O.K. Ça, c'est une première chose. On l'entend beaucoup de nos membres.

Le deuxième défi, c'est toute la question de l'accès aux services, du logement. Et ça fait longtemps qu'on dit, nous, que nos membres sont prêts à mettre la main à la pâte, mais ça prend quelqu'un dans chacune des régions qui va concerter les partenaires socioéconomiques en éducation, en santé, en habitation pour être capable que l'offre globale se tienne, qu'elle soit attractive pour que les gens aient envie de rester, puis nos membres vont vouloir y participer. On a des gens qui vont construire, qui vont acheter des maisons, qui vont les rénover, qui vont louer. Les gens s'investissent pour aider leurs travailleurs étrangers temporaires à trouver des logements, leur permis de... pas leur permis de travail, leur permis de conduire. Alors, il y a vraiment un manque de... On le sait que l'immigration puis l'emploi financent plusieurs organismes, mais il y a un manque de concertation régionale qui fait en sorte que ça devient très difficile d'avoir une offre attractive. Mais nos membres sont prêts à s'asseoir autour de la table puis d'y contribuer, ça, c'est clair.

Mme Fréchette : Est-ce que vos membres seraient à même de partager, dans le fond, leur lecture de la pénurie de logements dans leur environnement, dans leur localité ou dans leur région? Est-ce que c'est des informations dont vous disposez déjà?

Mme Proulx (Véronique) :Pas qu'on dispose présentement. Alors, la question du logement revient tout le temps, on l'avait mis dans notre mémoire prébudgétaire pour le dernier budget. Normalement, les manufacturiers ne parlent pas de logement dans leur mémoire prébudgétaire, mais c'est un des principaux enjeux qui revenait constamment dans toutes les régions du Québec, avec toutes tailles d'entreprises, mais, si on devait mettre en place une forme de concertation, c'est clair qu'ils pourraient être là pour partager ces informations-là.

Mme Fréchette : Et comment est-ce que vous voyez la discussion sur les permis de travail fermés? Est-ce que c'est quelque chose que vous avez discuté à l'interne, que vous considérez comme alternatives, des permis de travail soit sectoriel ou encore...

Mme Proulx (Véronique) :C'est à dire de les ouvrir?

Mme Fréchette : Les ouvrir, les permis de travail, les ouvrir à une région ou les ouvrir à un secteur d'activité donné, est-ce que c'est une discussion qui a cours chez vous?

Mme Proulx (Véronique) :Bien, en fait, ce qu'on a eu comme information, les entreprises souhaiteraient avoir un permis ouvert au sein de leur organisation pour ceux qui sont multisites parce que ça devient difficile si tu as plusieurs sites.

Maintenant, quand tu fais venir un travailleur étranger temporaire, tu dépenses 12 000 $ à 15 000 $, tu le formes; de le perdre trois mois, six mois, un an plus tard, c'est quand même difficile à justifier pour l'employeur. Alors, il n'y a pas beaucoup d'ouverture à ouvrir les permis de travail.

Mme Fréchette : Mme la Présidente, il nous reste combien de temps?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : 4 min 15 s.

Mme Fréchette : Bien, je vais céder le droit de parole.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Alors, je pense me tourner du côté de la députée de Soulanges pour 4 min 12 s.

Mme Picard : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, à vous deux. Merci pour votre contribution à nos travaux. C'est vraiment apprécié de vous voir ici en présentiel.

Vous venez juste de l'aborder, mais j'aimerais que vous creusiez peut-être un petit peu plus sur les acteurs qui pourraient être autour de la table de concertation. Vous avez mentionné peut-être la MRC, les municipalités, mais pouvez-vous me donner une meilleure idée de qui vous verriez autour de cette table de concertation là.

Mme Proulx (Véronique) :Oui. Bien, en fait, je vais vous donner l'exemple qui avait été présenté il y a plusieurs années, là, c'était Exceldor, si je ne me trompe pas, à Saint-Anselme, si je me souviens bien, qui était allé chercher, puis là, les données, là, c'est loin, un peu, mais environ 200 travailleurs étrangers, en fait, 200 personnes issues de l'immigration qui étaient à Montréal. Donc, ils les ont amenés avec leur famille à Saint-Anselme qui n'avait pas, à ce moment-là, beaucoup d'immigrants et ils ont mis autour de la table la garderie, le système scolaire, les gens de la ville, tous les acteurs...

Mme Proulx (Véronique) :...ils étaient autour de la table, puis là, bien sûr, c'était Exceldor qui pilotait cette initiative-là, pour s'assurer qu'on puisse trouver des logements, pour s'assurer qu'on trouve des places dans les écoles, qu'on accompagne les parents qui ne parlaient pas bien français sur les démarches pour les garderies et les écoles également. Ça fait que c'était vraiment une offre complète, avec tous les intervenants.

Encore une fois, c'était piloté par le privé. Je ne pense pas que c'était à la portée de tous, mais je pense que, si le MIFI... Ça pourrait être le MIFI. Je ne sais pas qui est le bon ministère, le bon levier pour coordonner ces gens-là, parce qu'on en a beaucoup parlé avec différents ministères au fil des années, puis ça ne s'est pas concrétisé. Peut-être que ça prend un modèle différent dans chaque région, parce que les structures sont différentes aussi. Mais ça prend vraiment des gens de chacune des facettes pour accompagner les gens, tant sur le plan personnel que professionnel.

Puis je reviens... Parce que, chaque fois qu'on en parle, on nous dit : Bien, on finance beaucoup d'organismes d'employabilité. Ils ont tous des noms différents, les gens ne savent pas comment les retrouver, leur offre de services varie d'une région à l'autre, et, en termes d'indicateurs de performance, il y aurait peut-être lieu de les revoir pour s'assurer qu'ils répondent à l'exigence très claire dont les nouveaux arrivants ont besoin. Je pense qu'il y a beaucoup de travail à faire à ce niveau-là. Je crois qu'ils font un excellent travail, ils ne sont pas assez connus, puis il y a un manque d'arrimage et de concertation.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, c'est terminé. Je pense que le député de... Ah! la ministre, je vous cède à nouveau la parole. Il reste 1 min 57 s.

Mme Fréchette : Bien, je vais aller vite. Est-ce que vous croyez que les employeurs sont suffisamment outillés pour accueillir adéquatement et accompagner les travailleurs étrangers qu'ils reçoivent? Parce que, souvent, il semble que les équipes qui sont déjà en place, avant que les travailleurs étrangers arrivent, ne sont pas nécessairement préparées. Est-ce que ça vous semble être un enjeu, de votre côté?

Mme Proulx (Véronique) :Bonne question. Absolument. Ils ne sont pas bien préparés, ils ne sont pas bien outillés, tant au niveau de comment gérer la diversité, inclusion, que leurs obligations légales...

Mme Fréchette : Qu'est-ce que ça prendrait pour qu'ils le soient, outillés?

Mme Proulx (Véronique) :Qu'est-ce que ça prendrait, qu'est-ce que ça prendrait, bien, ça prendrait un... je vais utiliser le terme «accompagnement», c'est galvaudé, mais c'est quand même ça, pour les informer sur leurs droits, leurs obligations, les organismes qui sont là, tu sais, vraiment, de... il faudrait comme décliner les différents besoins, puis qui peut vous accompagner, qui peut vous aider dans les différentes facettes.

Puis aussi, au niveau légal... Je reviens aux responsabilités. On a vu que certains employeurs ont été pris au piège, notamment dans le manufacturier... pas pris au piège, mais qui ont mal interprété. Il faut les accompagner. Les gens sont de bonne foi, ils veulent faire venir des travailleurs, parce qu'ils en ont besoin. Il y a un volet d'accompagnement, de connaissance d'informations qui n'est pas là. Puis, dans un contexte de rareté de main-d'oeuvre, ils n'ont pas toujours les équipes à l'interne ou l'expertise nécessaire, non plus.

Mme Fréchette : On va voir, de notre côté, s'il y a des choses qu'on peut initier en ce sens-là. Ça complète pour moi.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : C'est complet? Mais il reste 30 secondes.

Mme Bogemans : ...est-ce qu'il y a des catégories d'entreprises qui sont plus attractives, pour la main-d'oeuvre, que d'autres? Parce que, je me souviens, on avait fait une table ronde, il y avait beaucoup d'entrepreneurs qui étaient là, des grosses entreprises...

Mme Proulx (Véronique) :...je vous dirais que les entreprises qui ont des produits finis qui sont connus, des marques connues, raisonnent plus auprès des jeunes, auprès des employés. Les entreprises qui investissent davantage en automatisation, robotisation, c'est clair que ça offre un environnement de travail qui est plus intéressant, tant pour les nouveaux arrivants que les employés en général. Donc, ce n'est pas des catégories, mais, je vous dirais, des secteurs. Et, plus c'est automatisé et robotisé, plus on retrouve de femmes...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, c'est ce qui complète le temps du gouvernement. Mais on se tourne du côté de l'opposition officielle, pour une période de 10 min 53 s. Le temps est commencé.

M. Derraji : Combien?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : 10 min 53 s.

• (17 h 50) •

M. Derraji : O.K. Merci, Mme la Présidente. Bonjour, toujours un réel plaisir, vous revoir sur, donc, commission parlementaire sur l'immigration. Je ne vais pas revenir sur la dernière. Je l'ai dit, écoute, nous sommes heureux de voir que Mme la ministre répare ce qui a été mal fait lors de la dernière, en 2019, surtout par rapport au PEQ, et je me rappelle que vous avez beaucoup, beaucoup soulevé le fait que le PEQ était en net recul pour garder les travailleurs au Québec.

Il y a deux scénarios sur la table. Je vois, dans votre mémoire, vous, vous parlez, carrément, d'un autre seuil. Pourquoi?

Mme Proulx (Véronique) :En fait, le scénario à 60 000 est celui que l'on préconise, qu'on met de l'avant, et, après, l'idée, ça va être de voir combien d'étudiants étrangers on est capables d'aller chercher ou combien d'étudiants étrangers, via le PEQ, on pourrait accueillir. Alors, est-ce que ça va être 10 000, 15 000, 20 000? Pour nous, le seuil idéal est à 90 000. Et, je tiens quand même à le souligner, je trouve qu'on a... que la ministre, le gouvernement avancent dans la bonne direction. Et, après, quel sera le plan pour attirer davantage d'étudiants étrangers francophones? Encore une fois, 30 000 par année, c'est peut-être beaucoup. Mais le seuil, pour nous, serait autour de 90 000.

M. Derraji : Mais là on parle du secteur manufacturier...

M. Derraji : ...en aucun cas — corrigez-moi si je me trompe — les étudiants étrangers ne vont pas combler les postes du secteur manufacturier, si on peut parler du secteur manufacturier, qui... Moi, je me rappelle de votre dernière étude, je ne sais pas s'il va y avoir une mise à jour. Ça a été très alarmant, ce que vous avez évoqué. C'est une très bonne étude, une très bonne cartographie de toutes les régions du Québec. Avec des besoins énormes, on perdait beaucoup de contrats. Si je me rappelle, en millions de dollars ou en milliards...

Mme Proulx (Véronique) :C'était 17 milliards l'année précédente, oui.

M. Derraji : 17 milliards... Je ne vous l'ai pas évoqué, non... Oui, 17 milliards de dollars. C'est des emplois qu'on perd, c'est des contrats délocalisés. Mais, en termes du manufacturier, vos besoins actuels, vous les chiffrez à combien?

Mme Proulx (Véronique) :En fait, dans le secteur manufacturier, on a 23 000 postes vacants. Quels sont... C'est très difficile de prendre l'ensemble des secteurs puis de dire : D'ici 10 ans, voici les besoins. On a regardé ce qui se fait au niveau de l'Emploi, de l'Immigration, on n'a pas été capables de le faire nous-mêmes, l'Emploi non plus, par ailleurs. Alors, le 90 000, c'est pour l'ensemble des secteurs d'activité, et, quand on regarde les besoins actuels, quand on regarde les projections au cours des 10 prochaines années de 1,4 million, il y a des projections au niveau de l'immigration basées sur la planification pluriannuelle, une augmentation du taux d'activité et des travailleurs expérimentés qui resteraient plus longtemps sur le marché du travail. Ce qu'on voit jusqu'à présent, c'est que ces deux indicateurs-là n'ont pas beaucoup bougé, et c'est pourquoi on dit : On a besoin de plus d'immigration pour répondre aux besoins.

Mais je reviens... Tu sais, ce n'est pas juste la quantité... on focusse aujourd'hui, c'est de dire... c'est beaucoup la qualité, donc vraiment l'alignement entre l'immigration et les besoins...

M. Derraji : Les besoins.

Mme Proulx (Véronique) :...parce qu'on pourrait les augmenter à 100 000, puis, s'il n'y a personne qui a de l'intérêt ou les connaissances pour venir dans notre secteur, il n'y aura pas d'impact sur les entreprises manufacturières, on ne sera pas plus avancés.

M. Derraji : Au fond, c'est du ciblé : c'est de l'immigration ciblée, des profils très bien ciblés.

Mme Proulx (Véronique) :Exact.

M. Derraji : Arrima?

Mme Proulx (Véronique) :Pardon?

M. Derraji : Arrima, est-ce qu'il répond aux besoins?

Mme Proulx (Véronique) :Arrima? Arrima, ce n'est pas clair que ça répondait aux besoins.

M. Derraji : O.K. Parce que c'est ce qu'on avait sur la table depuis les cinq dernières années. Bon. Ça, c'est réglé.

Temporaires. Vous avez vu que les cinq, six dernières années, pour une raison X, ont maintenu à 40 000, 50 000 les seuils. L'autre côté, il y a une explosion de nombre de travailleurs temporaires étrangers. Vous, votre lecture, du temporaire ou du permanent?

Mme Proulx (Véronique) :C'est-à-dire, notre lecture? Est-ce que...

M. Derraji : Lecture de la main-d'oeuvre qu'on a présentement. Vu que les seuils sont limités, il n'y a pas assez de travailleurs permanents, qui ne répondent pas... Au fait, la plupart des travailleurs, avec la pénurie de main-d'oeuvre qu'on a, les postes sont comblés. Mais, de l'autre côté, les employeurs paient des sommes faramineuses pour aller chercher des travailleurs temporaires étrangers. S'ils les cherchent, c'est parce que le besoin, il est là. La question que je vous pose : Est-ce que le temporaire que vos entrepreneurs paient - ils paient le prix élevé, vous avez évoqué ça tout à l'heure - est-ce que c'est pour répondre à un besoin permanent ou temporaire?

Mme Proulx (Véronique) :Ah! O.K., d'accord. Alors, c'est une très bonne question. Dans la grande majorité des cas, c'est des besoins qui sont permanents, et c'est pourquoi, pour nous, dans la révision puis dans le projet de règlement qui a été déposé au printemps aussi ou à l'automne, ce qu'on souhaite, c'est que les TET... je reviens, là, au fait qu'on souhaiterait que, dans le PEQ étudiant, dans le PSTQ, dans le volet 3, on puisse cibler des métiers priorisés, donc que les gens qui arrivent sur des TET qui sont en région qui correspondent puissent accéder plus facilement. Mais, si ces gens-là... Si je prends l'exemple de soudeurs ou mon tôlier, tout à l'heure, s'ils arrivent puis qu'ils n'arrivent pas à se qualifier dans le PSTQ, le volet 3, bien, c'est des gens qui vont devoir repartir. On souhaite grossir le bassin des travailleurs, ultimement, au Québec qui ont de l'intérêt, des connaissances, des compétences pour notre secteur.

M. Derraji : Est-ce qu'on fait fausse route... Est-ce qu'on fait fausse route avec l'explosion du nombre du permanent... du temporaire, vu que nos besoins, c'est des besoins permanents et qu'on est dans une boucle où les gens vont perdre beaucoup de temps, ils risquent de quitter le Québec?

Mme Proulx (Véronique) :En fait, je veux juste revenir... Tout à l'heure, c'est le volet 2, pas le volet 3, là. Je me suis trompée dans ce que j'ai dit. Bien, j'ai envie de vous dire que l'augmentation des travailleurs étrangers temporaires, qui fait suite en fait aux assouplissements qui ont été négociés il y a quelques années entre le provincial et fédéral, a beaucoup bénéficié à notre secteur, on le voit dans les données, dans les statistiques. Encore une fois, certains peuvent être temporaires, mais pour la plupart ce sont des besoins qui sont permanents. Alors, si on est capable de leur donner accès, via le PSTQ, à l'immigration permanente, encore une fois, on va grossir le bassin.

M. Derraji : Oui. Mais c'est là mon point, on n'a pas ça à l'extérieur du Québec, on l'a juste au Québec. À l'extérieur du Québec, c'est... Donc, moi, je me mets dans la place d'une entreprise en Ontario, même secteur que vous. Pourquoi ce casse-tête? Si vous me dites que déjà, les besoins, c'est des besoins permanents, pourquoi on va rendre la vie beaucoup plus difficile à nos entrepreneurs? Pour moi, un entrepreneur, surtout dans votre secteur, qui est avec une compétence, et surtout une concurrence mondiale, il n'est pas là pour jouer, jongler...

M. Derraji : ...des mesures bureaucratiques, ça coûte combien...? Dealer avec l'intégration? J'ai vu des entrepreneurs payer des billets d'avion, chercher le logement, chercher une garderie, payer le «fly in, fly out», parfois, c'est la région... est loin. C'est énorme. Je ne veux pas dire que... ils sont très généreux, nos entrepreneurs. De l'autre côté, ils n'ont pas à faire ça. Ils n'ont pas à attendre des délais ou doivent jongler avec plusieurs programmes. Ma question avec la planification pluriannuelle aujourd'hui : Est-ce qu'on aide vos membres? Est-ce qu'on facilite la vie à nos entrepreneurs, à nos créateurs de richesse?

Mme Proulx (Véronique) :J'ai envie de vous dire qu'on avance dans la bonne direction. Je le pense sincèrement. Je trouve que ce qui est mis sur la table est mieux que ce qu'on avait par le passé, qui répondait peu ou pas aux besoins des manufacturiers. Et, encore une fois, si on est capable, dans ce qui est proposé via le volet 2 du PSTQ, via le PEQ étudiant, de cibler ou de prioriser, le terme, c'est de prioriser des métiers manufacturiers qui sont en demande, qui sont reconnus par le ministère de l'Emploi, on va réussir à aider davantage ce secteur-là qui en a besoin.

Je reviens à votre question rapidement sur Arrima. Ce que je voulais dire tout à l'heure, le PRTQ ne répondait pas nécessairement aux besoins des manufacturiers. Le PSTQ, dans ce qu'il propose, semble être plus intéressant compte tenu du volet 2 qui touche les métiers spécialisés.

M. Derraji : Je peux juste conclure une chose, que vos besoins, c'est des besoins permanents et la réponse, elle est plus du temporaire que du permanent.

Mme Proulx (Véronique) :On en a besoin de plus de travailleurs permanents.

M. Derraji : Oui, mais vous comprenez la nuance, c'est extrêmement important, parce que si on va continuer à avoir deux scénarios, je ne pense pas qu'on va... on risque d'avoir la même discussion dans la prochaine planification pluriannuelle.

Mme Proulx (Véronique) :En fait, pour nous, tout va dépendre du nombre de travailleurs qu'on admet dans les 60 000 qui ont des connaissances, des compétences pour répondre aux besoins du manufacturier.

M. Derraji : C'est très clair. Bravo! Capacité d'accueil. Je ne sais pas si vous avez vu vos homologues, membres des associations patronales. Il y a tout un débat. M. Karl Blackburn démolit complètement la capacité d'accueil. Vous, chez les manufacturiers... le MEQ, Manufacturiers et exportateurs du Québec, vous en pensez quoi?

Mme Proulx (Véronique) :C'est à dire, est-ce que le Québec a la capacité d'accueillir davantage d'immigrants?

M. Derraji : Oui. Il y a des gens qui demandent des études. Il y a des gens qui disent que la capacité d'accueil, elle est limitée, et d'autres, elle est illimitée. Vous, vous en pensez quoi?

Mme Proulx (Véronique) :En fait, ce qu'on en pense, je reviens à ce que je disais tout à l'heure, est-ce qu'on a la capacité? La capacité, ça se mesure comment? Donc, effectivement, d'avoir peut-être des paramètres clairs sur ce qu'on entend par capacité. Mais je pense qu'à la base, ce qu'il faut faire, puis je reviens à ce que j'ai mentionné tout à l'heure, c'est de mettre en place des tables avec les différents intervenants socioéconomiques pour évaluer les besoins concrètement. Aujourd'hui, si vous me dites : En Abitibi, vous avez besoin de combien...  combien de travailleurs vous attendez au cours des prochaines années? Combien de logements? Je ne peux pas y répondre. Il faut commencer par ça pour que les gens puissent se concerter, se parler. Et par la suite, qu'on mette en place des plans d'action régionaux pour favoriser la régionalisation de l'immigration.

M. Derraji : Votre collègue au Conseil du patronat parlait du test du français. Il nous a mis tous au défi de passer l'examen. Un, vous pensez quoi de l'examen? D'ailleurs, c'est en France, ce n'est pas au Québec, il n'est pas fait au Québec. Et qu'est ce que vous pensez des exigences en français?

Mme Proulx (Véronique) : En fait, le test devrait être un test qui est fait au Québec. Ça, ça va de soi, là, pour nous. Qu'est-ce qu'on pense des exigences? Dans le volet 1 à 3, on propose de ramener à un niveau 5, parce qu'effectivement le niveau 7 est un niveau qui est élevé, que probablement une partie des Québécois des franco-québécois, je n'ai pas le bon terme, mais les gens qui sont nés ici, qui parlent le français ne passerait pas nécessairement. Donc, pourquoi exiger ça de gens qui arrivent de l'étranger? Puis on revient à ce qu'on disait tout à l'heure. Quand les gens arrivent avec une connaissance minimale de Français, ils réussissent à accélérer leur niveau de français, à augmenter puis à s'intégrer. C'est pourquoi on propose un niveau 5 plutôt qu'un niveau 7 à l'oral et un niveau 5 à l'écrit.

• (18 heures) •

M. Derraji : Oui. Pensez-vous réellement... en fait, par rapport à vos membres, est ce qu'ils ont eu des enjeux par rapport à ce test? Est-ce que vous avez perdu des gens à cause de ce test?

Mme Proulx (Véronique) : Je l'ai entendu, je l'ai entendu de différentes entreprises, de d'autres groupes, pas seulement des groupes patronaux, que des travailleurs, parfois, n'arrivaient pas à se qualifier parce qu'ils n'arrivaient pas à passer le test, mais qui étaient quand même fonctionnels. Alors, c'est pourquoi on proposait de réduire le niveau pour élargir le bassin.

M. Derraji : Je vous remercie. Bien hâte de voir la mise à jour que vous faites de l'analyse des régions. Merci beaucoup à vous deux pour le passage en commission.

Mme Proulx (Véronique) : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, M. le député. Alors, nous allons terminer nos échanges avec le député de Saint-Henri Sainte-Anne pour une période de 3 min 38 s. La parole est à vous.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. Merci pour votre présentation. Moi, je suis content aussi du volet 2, comme vous, du PSTQ. Je pense que c'est, d'une certaine façon, l'aveu que la réforme du PEQ travailleur de 2020 était erronée. Je pense qu'on vient rétablir ou corriger un petit peu cette affaire-là. Vous parliez de pouvoir choisir des emplois privilégiés ou les prioriser dans le nouveau PSTQ...


 
 

18 h (version non révisée)

M. Cliche-Rivard : ...Mais l'ancien système ou le système d'invitation du PRTQ le permettrait, ou aurait dû le permettre aussi. On pouvait choisir une CNP et envoyer des invitations avec. Donc, j'espère que cette fois-ci votre message sera entendu. J'espère que vous pourrez prioriser des CNP, puis que les invitations seront faites en conséquence.

Vous parliez d'EIMT dénominalisée. Moi, je trouve ça intéressant. Moi, je sais aussi qu'il existe... Ça existe partout, ailleurs qu'au Québec. En fait, dans toutes les provinces, ils l'ont. Ils ont aussi une EIMT Express pour des besoins express. En 10 jours, on peut avoir une EIMT. Comment ça se fait qu'au Québec on n'est pas capable d'avoir ça, puis que toutes les autres provinces canadiennes l'ont?

Mme Proulx (Véronique) :Je ne suis pas en mesure de vous dire pourquoi ce n'est pas possible ou pourquoi le gouvernement ne le fait pas. Mais c'est clair, j'y reviens, un EIMT ouvert, dénominalisé, un EIMT express, ça répondrait aux besoins des manufacturiers québécois. Et c'est certainement des mesures qui faciliteraient puis qui favoriseraient l'attrait des... L'attraction ou l'arrivée, en fait, des travailleurs dont on a besoin.

M. Cliche-Rivard : J'ai été très intéressé par vos avantages ou en tout cas ce que vous proposez de mettre de l'avant pour les incitatifs financiers pour le PEQ région ou pour un PEQ régionalisation ou pour des façons de régionaliser l'immigration. Nous, en début de semaine, on a mis au jeu ce que j'appelle le PEQ régionalisation justement, un PEQ qui prendrait deux fois moins de temps avant de se qualifier, donc douze mois de travail au lieu de 24, qui serait ouvert à toutes les catégories d'emplois, donc le zéro, A, B, C, D, dans l'ancienne CNP, un PEQ qui serait traité express, donc pas de délai de traitement ni au provincial ni au fédéral, et finalement qui n'aurait pas de frais de traitement, là, un avantage comparatif sur les autres programmes où des familles peuvent facilement débourser 1 500 dollars pour un CSQ. Pensez-vous que c'est ce genre de mesures incitatives, qui pourraient être bonifiées avec vos incitatifs financiers, là, qui donneraient une chance de régionaliser?

Mme Proulx (Véronique) :En fait, toute mesure qui va permettre de faciliter, accélérer puis simplifier le processus pour les employeurs qui vont chercher des TET seront des mesures qui seront bienvenues. Ce qu'on souhaite, c'est réussir à accueillir le plus rapidement possible des gens en quantité, en qualité, avec les bonnes compétences, que ce soit via le TET ou via l'immigration permanente, et ce, dans toutes les régions du Québec. Alors, toute mesure qui va nous permettre de faciliter et d'accélérer et donner de la prévisibilité aussi, ce sont des mesures qui seront les bienvenues dans le secteur manufacturier.

M. Cliche-Rivard : Vous parlez aussi des inventaires, au point 10, les inventaires, là, les arriérés. Est-ce que vous pensez qu'il faut mettre à zéro les inventaires rapidement pour qu'on reparte sur une planification réelle 2024-2027 ou vous pensez qu'il faut y aller graduellement? Comment vous voyez ça?

Mme Proulx (Véronique) :Le plus vite, on sera en mesure de vider l'inventaire, le plus on sera en mesure d'accueillir puis d'atteindre les seuils qui seront proposés.

M. Cliche-Rivard : Et dans toutes les catégories, économique, familiale, refuge humanitaire? Vous pensez qu'on doit...

Mme Proulx (Véronique) :En fait, je vais parler pour le volet économique, en fait, qui est le secteur qui nous concerne aujourd'hui.

M. Cliche-Rivard : Et votre délai idéal pour l'obtention de la résidence permanente, ce serait quoi, six mois, 12 mois?

Mme Proulx (Véronique) :Ça serait d'avoir un comparable à ce qui se fait dans les autres provinces.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Voilà. Alors, c'est terminé. Mme Proulx, M. Gosselin, merci beaucoup pour votre apport à nos travaux.

Et, pour l'heure, je suspends les travaux de la commission jusqu'au mardi 19 septembre 2023 à 9 h 45. Au plaisir, mes chers collègues.

(Fin de la séance à 18 h 04)


 
 

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