Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
(Dix-sept heures trente-et-une minutes)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît. Ayant constaté le
quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens
ouverte. La commission, je vous le rappelle, est réunie afin de procéder à la
consultation générale et aux auditions publiques sur le cahier de consultations
intitulé La planification de l'immigration au Québec pour la période 2026-2029.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. M. M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve) est remplacé
par M. Cliche-Rivard (Saint-Henri—Sainte-Anne) ; M. Bérubé (Matane-Matapédia) est remplacé par M. Boissonneault
(Arthabaska).
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, chers collègues, bienvenue à la
commission, votre première journée officielle. Alors, nous débuterons ce soir
par les remarques préliminaires puis nous entendrons le groupe suivant :
Action Réfugiés Montréal. Je souhaite également rappeler au public qui est
toujours possible de commenter ce mandat et que la consultation en ligne sur le
cahier de consultations se terminera le jeudi 30 octobre 2025, si ce n'est déjà
fait, je vous invite donc à vous rendre sur le site Web afin de remplir le
questionnaire, à l'adresse assnat.qc.ca/immigration.
Sur ce, j'invite donc le ministre de l'Immigration,
de la Francisation et de l'Intégration à faire ses remarques préliminaires. M.
le ministre, vous disposez de six minutes, et la parole est à vous.
M. Roberge : Merci. Bonsoir, Mme
la Présidente. Je salue les collègues des oppositions qui sont présents. Un
salut spécial au député d'Arthabaska- L'Érable, avec qui j'aurai le
plaisir de travailler pendant les prochaines semaines et qui commence son
travail parlementaire avec nous, Mme la sous-ministre, les équipes qui nous
aident à répondre aux questions. Le premier groupe est arrivé, on aura le temps
de discuter tout à l'heure, bonsoir, et les députés aussi gouvernementaux qui
sont là. Merci beaucoup.
C'est un exercice important qu'on commence
ce soir, parce que, lorsqu'on parle de planification de l'immigration, on parle
de parcours de vie des personnes qui choisissent parfois de fuir la misère, d'autres
fois, de venir tout simplement améliorer leur sort, des fois, des personnes qui
veulent s'établir ici durablement... moi, j'aime bien appeler les immigrants
les nouveaux Québécois... et, d'autres fois, des personnes qui viennent ici en
mission, tout simplement, sur un permis temporaire, que ce soit un permis d'études,
un permis de travail, selon le programme québécois, selon le programme fédéral.
Et parfois ils tombent en amour, ils veulent rester ensuite. Je les comprends
tellement, tellement, tellement.
Et toutes ces personnes qui arrivent ici,
avec toutes sortes de parcours de vie, avec toutes sortes de compétences,
doivent trouver leur place, apporter leur contribution, apporter parfois une
force de travail, un élément de recherche. Puis je pense à mes amis, à des gens
des universités, des collèges. Ils sont très, très, très utiles, même
essentiels pour ce qui est de la recherche fondamentale aux cycles supérieurs.
Par contre, on ne peut pas accueillir tout
le monde au Québec. Écoutez, le Québec, moi, je le dis, je le pense
sincèrement, c'est sans doute le meilleur endroit où faire sa vie sur la
planète. Écoutez, démocratie qui est forte, une économie qui est forte, une
culture qui est extraordinaire, les Québécois qui ont le cœur sur la main.
Donc, ce n'est pas des centaines de milliers, c'est probablement des millions,
peut-être même des milliards de personnes, qui pourraient dire : Bien, mon
Dieu! Je veux refaire ma vie au Québec.
Il faut respecter notre capacité d'accueil,
et c'est le défi, de trouver l'équilibre ou même, je vais dire, de retrouver l'équilibre
entre toutes ces personnes qui veulent fuir la misère ou veulent améliorer leur
sort et notre capacité d'accueil, en considérant les places qu'on a dans notre
réseau d'enseignement supérieur, en considérant l'apport, la contribution que
ces personnes-là amènent aux idées, la part culturelle, la part intellectuelle,
la part de la force de travail, en considérant notre capacité à loger tout ce
monde-là. Notre capacité à aider toutes ces personnes-là. Les gens nous le
disent, en ce moment, il y a une très, très forte proportion des gens qui
fréquentent les banques alimentaires qui sont des résidents non permanents...
M. Roberge : ...donc notre
capacité à remplir le contrat social, à prendre soin du monde qui arrive ici, à
leur donner des opportunités.
Et, quand on voit la pénurie de logements,
la hausse des coûts de logement, la difficulté d'accéder à la propriété pour
nos jeunes, je me dis qu'on a un enjeu de cassure, on a un enjeu avec notre
jeunesse ici, au Québec, sur l'équité intergénérationnelle. C'est quelque chose
qui me parle beaucoup.
On a aussi un enjeu avec l'éducation. On a
beau rénover, construire, agrandir, ajouter des modulaires, des classes
temporaires, quitte même à rapetisser nos cours d'écoles, on manque encore de
locaux. Et, quand on ouvre des classes, on manque d'enseignants, on prend des
enseignants qui ne sont pas légalement qualifiés. Je suis moi-même enseignant
légalement qualifié, je sais toute l'importance que ça a d'avoir quelqu'un
devant la classe et d'avoir quelqu'un qui est bien qualifié, bien formé, épaulé
par une équipe de professionnels.
Quand je dis que notre capacité d'accueil
est dépassée, c'est parce qu'on n'arrive plus à faire tout ça. On n'arrive plus
à loger tout le monde comme on voudrait, on n'arrive plus à donner accès à des
logements abordables, à permettre à nos jeunes d'accéder à la propriété. On a
des enjeux avec des listes d'attente en santé. On a des enjeux à scolariser
tout notre monde. On a des enjeux à offrir l'aide de dernier recours, à coup de
centaines de millions de dollars, à tous ceux qui en ont besoin, puis on a des
enjeux à nourrir tous ceux qui viennent fréquenter nos banques alimentaires.
Donc, est-ce délicat? Certainement, mais
il ne faut jamais oublier que, derrière tous ces chiffres-là que j'ai lancés,
il y a des personnes, des personnes qui ont à chaque fois, individuellement,
toutes les bonnes raisons de venir ici, et c'est pour ça que je nous invite,
tout le monde, à débattre de politiques publiques. Il n'y a pas de personne
raciste à l'Assemblée nationale, il n'y a pas de personne xénophobe ou fermée à
l'Assemblée nationale, il n'y a que des personnes avec des perspectives différentes
qui débattent de la meilleure façon d'accueillir les gens, de respecter le
pacte social avec les Québécois puis de donner aux gens qui arrivent ici tous
les outils pour s'épanouir pleinement.
Donc, argumentons sereinement, trouvons
cet équilibre, débattons de politiques publiques, puis j'ai confiance qu'à la
fin on trouvera des politiques, des équilibres, des manières d'atteindre nos
objectifs qui sont, j'en suis convaincu, les mêmes, peu importe notre
appartenance politique. Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. le ministre. Je me tourne donc du côté
de l'opposition officielle avec le député d'Acadie ou de l'Acadie, je ne m'en
souviens plus, pour une période de 3 min 36 s. Le micro est à vous.
M. Morin : Alors, bonjour,
Mme la Présidente, M. le ministre, collègues des oppositions, je suis
particulièrement heureux de débuter cet exercice de planification parce qu'en
fait, dans la sphère publique, ça fait un an et demi que je dis qu'il faut
planifier l'immigration pour être capable d'en assurer un véritable contrôle.
Donc, évidemment, j'avais hâte de commencer à participer à l'exercice.
C'est un exercice qui est très important
parce que ça touche des êtres humains, qu'ils soient travailleurs, qu'ils
soient étudiants, qu'ils fassent partie du processus de réunification
familiale. On parle ici de gens et de gens qui sont au Québec, plusieurs
veulent y rester, on peut très bien comprendre pourquoi, puis là, bien, ça
devient un moment donné un peu compliqué.
Il y a eu énormément d'articles qui ont
été publiés dans les journaux et qui nous rappellent par ailleurs l'importance
des travailleurs étrangers temporaires dans les régions. Et je vous dirai que
nous, dans l'opposition officielle, on y tient aux régions, c'est... ça fait
partie de ce que le Québec a à offrir, puis les entreprises dans les régions,
moi, ce qu'on me dit sur le terrain quand je les visite, c'est qu'on a besoin
de travailleurs, on a besoin de travailleurs étrangers.
• (17 h 40) •
Les régions ne peuvent pas être vues comme
des entités périphériques. D'ailleurs, la députée de Rimouski le rappelait
récemment et je la cite : «Les régions éloignées ne peuvent pas être vues
comme périphériques. Elles doivent être au cœur du projet québécois.» Et c'est
excessivement vrai. Donc, il faut être capable, dans le cadre de cette
planification, d'en arriver, bien sûr, à travailler avec les régions pour faire
en sorte qu'elles puissent se développer, et évidemment surtout pas
d'improvisation.
Permettez-moi aussi de dire quelques mots
des étudiants. Dans la préparation pour cette planification...
M. Morin : ...j'ai eu le
privilège de parler à plusieurs dirigeants recteurs d'université qui me
disaient qu'ils sont excessivement inquiets de la tournure des événements,
particulièrement en ce qui a trait aux restrictions qui ont été imposées à des
étudiants étrangers, particulièrement dans les cycles supérieurs. Et, bien là,
évidemment, le mot s'est passé, donc, il y a un impact, évidemment, sur la
réputation du Québec. Donc, il faut être capable... si on veut véritablement
développer le Québec, faire en sorte qu'on puisse aller de l'avant avec la
recherche et le développement.
Finalement, j'aimerais dire un mot pour la
réunification familiale. À mon avis, j'ai regardé, bien sûr, ce qui est proposé
par le gouvernement, mais ça devrait être hors seuil. Je l'ai dit précédemment,
il faut être capable d'éliminer cette liste d'attente qui fait en sorte qu'on
vit de véritables drames humains. C'est des familles qui ne peuvent pas être
reconstituées. C'est des gens qui sont en attente, puis là, parfois, jusqu'à
quatre ans, ce n'est pas humain. Il faut être capable de trouver collectivement
une façon de ramener ces délais d'attente parce qu'on parle véritablement de
gens ici. Puis, en plus, je dirais, en terminant, que les politiques publiques
doivent toujours être basées sur des analyses rigoureuses. Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. le député. J'invite maintenant le
porte-parole du deuxième groupe d'opposition et député de Saint-Henri—Sainte-Anne
pour ses remarques préliminaires. Vous avez 1 min 12 s.
M. Cliche-Rivard : Merci, Mme
la Présidente. Très content de vous retrouver. Salutations aux collègues. Je
débute par remercier les dizaines et les dizaines de groupes qui ont tenu à
nous soumettre des mémoires et venir en audition. J'aurais préféré qu'ils
soient tous entendus, Mme la Présidente, mais le premier ministre a décidé de
suspendre le Parlement et la démocratie, par le fait même, comme vous le savez,
ce qui nous a fait perdre beaucoup de temps. Je tiens à vous aviser, Mme la
Présidente, que le cœur de ma participation dans cette planification sera en
crise... sur la crise de la réunification familiale, mon collègue en parlait il
y a quelques instants, sur le fait que la CAQ et son plan d'immigration
séparent les familles, des milliers de familles, des conjoints, des enfants.
Jamais dans l'histoire récente du Québec,
des délais de trois à quatre ans n'auront été de tels... aussi catastrophiques.
C'est le temps d'un mandat au complet que les gens doivent attendre, Mme la
Présidente. Et ça va être encore pire, parce que le programme est actuellement
suspendu, des rêves brisés, des vies mises sur pause, des frais exorbitants
pour les époux, une détresse incommensurable, une anxiété qui n'épargne
personne. Je parraine actuellement une pétition sur le sujet, des milliers de
personnes l'ont signée. Léger l'a dit, les deux tiers des Québécois,
Québécoises sont d'accord pour régler la crise. J'espère que le ministre sera à
l'écoute.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. le député. Je me tourne maintenant du
côté du député d'Arthabaska pour une période de 1 min 12 s.
M. Boissonneault : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Merci aux collègues. Merci, M. le ministre. Merci
pour l'accueil. C'est ma première commission. Je suis content de faire ça avec
vous. C'est un travail important. C'est un dossier important pour le Parti
québécois. Je suis d'accord avec les collègues qu'il faut parler de cet
enjeu-là de façon responsable, on parle d'êtres humains. Puis il faut rappeler
la part toujours positive de l'immigration quand c'est bien fait, évidemment,
quand on respecte aussi notre capacité d'accueil.
Le Parti québécois a été le seul parti à
déposer un document complet sur le sujet. Et vous connaissez notre position,
parce qu'on en parle depuis déjà plusieurs années, on a toujours maintenu la
même ligne dans ce dossier-là depuis des années, à savoir que nous croyons, au
Parti québécois, que nous avons largement dépassé notre capacité d'accueil,
qu'il va falloir réduire l'immigration temporaire de moitié d'ici quatre ans,
accueillir 35 000 immigrants permanents par année. On demande aussi
un moratoire sur l'immigration permanente économique venant de l'extérieur du
Québec. On aura l'occasion d'en discuter davantage. On souhaiterait évidemment
que ces recommandations-là fassent partie du rapport final. Puis le dernier
élément, ça serait de dire qu'il y a quand même le gouvernement fédéral qui a
un mot à dire là-dedans...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : En terminant.
M. Boissonneault : ...sauf
que, si je peux me permettre, le gouvernement fédéral, nous, contrairement à la
CAQ, on est prêts à aller jusqu'au bout du chemin pour pouvoir obtenir des
pouvoirs en immigration, c'est-à-dire qu'on est prêt à passer par
l'indépendance. Ça fait partie du calcul du Parti québécois.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. le député. Alors, les remarques étant
terminées, on va débuter de façon officielle les audiences publiques. Je
souhaite donc la bienvenue aux représentants... aux représentantes d'Action
Refuge Montréal. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour votre
exposé, mais évidemment, pour vous présenter, dans un premier temps. Le temps
est à vous maintenant.
Mme Louis (Nadine) : Mme la
ministre...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Présidente, je ne suis pas ministre.
Mme Louis (Nadine) : ...Mme la
Présidente, honorables membres de la commission, je vous remercie de nous
accueillir aujourd'hui au nom d'Action Réfugiés Montréal, une organisation
enracinée depuis plus de...
Mme Louis (Nadine) : ...de
la défense des droits des personnes réfugiées et demandeurs d'asile. Je suis
Nadine Louis, la directrice générale de l'Action Réfugiés Montréal. J'ai le
privilège de vous présenter brièvement notre délégation à mon extrême gauche,
Meghri Bakarian qui, elle, est coordonnatrice des communications et plaidoyers
et, à mon extrême droite, Maria Juliana Prieto Gracia qui, elle, est la
coordonnatrice du programme parrainage. Nous sommes ici pour faire entendre la
voix de celles et ceux qui vivent les politiques migratoires dans leur chair.
Pour la présentation du mémoire qui vous a été soumis, ma collègue Maria va
vous faire un exposé parce qu'en étant elle même réfugiée elle porte en elle
l'expérience vécue du déracinement et le courage de ceux et celles qui
reconstruisent leur vie au Québec. Maria, je pense que tu peux commencer.
Mme Prieto Gracia (María
Juliana) : Merci, Nadine. Bonjour, honorables membres de la
commission. Je tiens tout d'abord à vous remercier d'accorder la parole à Action
Réfugiés Montréal afin de mettre l'accent aujourd'hui sur la situation des
traitements de l'immigration dans la province de Québec au Canada. Je suis
Maria, une réfugiée colombienne, ce que le gouvernement appelle comme
l'immigration humanitaire. Avocate dans mon pays d'origine et engagée depuis
toujours dans la défense des droits des femmes victimes de violence, des... et
des guerres. Aujourd'hui, je défends les droits des personnes réfugiées à
travers mon travail en qualité de coordonnatrice du programme de parrainages.
Notre expérience directe auprès des personnes les plus vulnérables nous permet
de constater quotidiennement les forces et les limites des politiques publiques
ainsi que les conséquences concrètes des orientations gouvernementales sur la
vie des familles réfugiées. Ainsi, le mémoire présenté dans le cadre de cette
consultation soulignait plusieurs incohérences... notamment : Première,
les retards... de la réunification familiale et leur impact tout de même
majeur; la suspension du programme de parrainage collectif qui privait la
société civile... et la protection de la solidarité; les critères linguistiques
et économiques excluants, contraires aux obligations internationales.
• (17 h 50) •
Le document de... français, un critère
central, alors que la vie et la sécurité des réfugiés devraient en être les
maîtres mots. On s'attend à ce que le... une fois arrivé, maîtrisera la langue
en seulement de six mois. C'est exigeant et ne tient pas compte des réalités
prévues à leur arrivée. La priorité des réfugiés est de trouver un logement ou
un emploi, un moyen de subsistance pour reconstruire leur vie. Nous
reconnaissons que la protection du français est fondamentale pour l'identité et
la cohésion culturelle du Québec. Elle ne doit pas se faire au détriment des
droits humains. 45 mois, c'est le temps que... les réfugiés au Québec pour
obtenir la résidence permanente. C'est plus du double que ce qui est exigé dans
autres provinces comme la Colombie-Britannique et l'Alberta. Cela signifiait
trois années et demie de séparation familiale. Cette incertitude juridique est
de... Pendant plusieurs années Action Refugiés Montréal et les organismes
proposant les programmes de parrainage sont témoins des rejets arbitraires, des
silences administratifs ou de manques de transparence dans le traitement des
demandes de parrainage. Aujourd'hui, nous... l'arrêt temporaire du programme.
Derrière ces suspensions, il ne s'agit pas simplement d'un délai administratif,
mais bien de la fermeture d'une voie légale et sécuritaire pour les familles en
danger. Nous voyons dans cette mesure des anniversaires des enfants faits sans
leurs parents, des femmes seules à porter le fardeau de la survie, de rêves de
migration différents et d'espoirs... Cette décision, prise sans consultation
publique, a plongé des centaines de familles dans une insécurité profonde et
inacceptable. Notre plaidoyer aujourd'hui est pour une politique migratoire
équitable, humaine et transparente qui respecte la dignité et les droits
fondamentaux des personnes réfugiées comme moi, peu importe la province où
elles vivront. Nous ne pouvons fermer les yeux...
Mme Prieto Gracia (María Juliana) :
...sur ce qui se passe à nos frontières. Notre assistance en... d'expulsion...
humanitaires et de la criminalisation de la mobilité. Cette année, seulement,
il y a plusieurs cas malheureux, dont les 44 personnes, incluant des
enfants déshydratés et épuisés, interceptés en Estrie, à l'intérieur d'un
camion de déménagement, alors...de trouver refuge. Cette réalité, ce n'est pas
une anecdote, c'est un signe clair que les voies légales... et le système de
protection internationale est en train d'être... Lorsque le programme est
suspendu, comme c'est le cas, les personnes réfugiées ou membres de famille
n'ont plus d'option viable et se voyaient contraints de recourir à des moyens
dangereux et irréguliers. Dans ce contexte, le parrainage collectif...
alternative... et digne. Par exemple, le... Frédéric arrivant le
15 octobre en... Les membres de sa famille ont été parrainés par notre
organisation il y a longtemps. Ils sont devenus... En fait, quatre membres de
leur famille et... travaillaient dans une entreprise familiale, contribuant
ainsi à l'emploi et dans la croissance économique de la province. Maintenir la
suspension, c'est contribuer directement à l'augmentation des passages
clandestins, à la mise en danger des vies humaines, à... des principes même de
la protection humanitaire. La suspension du parrainage collectif envoyait un
signal contradictoire. Les récents changements au règlement concernant les...
qui interdisaient aux organisations de recevoir directement les contributions
financières de leur part et les obligeant à lever leur propre fonds, aggravant
cette situation.
Le programme de parrainage collectif est
unique en son genre. Il ne se limitait pas à un rôle humanitaire... générait
également un impact économique positif, en permettant aux personnes parrainées
de devenir rapidement autonomes comme Frédéric. Il réduit la dépendance en
services publics et soutient l'intégration productive des nouveaux arrivants.
Le Québec pourrait faire mieux et opter pour une politique humaine cohérente,
juste dans les... de personnes réfugiées, et spécialement les femmes et les
enfants afin de leur permettre une participation effective à la vie économique,
sociale et culturelle de la province et de favoriser une intégration rapide et
efficace.
Dans ce contexte, voici la recommandation
d'ARM, un, lever, sans délai, la suspension du parrainage collectif, cela
permettrait de réunir les familles et de restaurer le leadership humanitaire du
Québec; deux, réduire le délai d'obtention de la résidence permanente en un
maximum de 24 mois, comme dans les autres provinces; reconnaître la
société civile comme une alliée stratégique, les organisations humanitaires
comme nous sont des partenaires et non des simples exécutants; supprimer les
seuils préalables et garantir l'égalité d'accès aux services pour toutes les
personnes résidant au Québec, quel que soit leur statut migratoire...la planification
migratoire sur les objectifs démographiques et économiques réels du Québec.
Honorable... l'immigration n'est pas ou
fardeau, c'est une opportunité de justice, de diversité et de croissance.
Chaque décision politique est un visage humain derrière elle. Lorsque nous
regardons l'octroi d'un permis de séjour, nous séparons une mère de son enfant.
Lorsque nous mettons fin à un programme, nous laissons nos familles en danger.
J'aimerais, en terminant... en rappelant que la force du Québec réside en solidarité
et de son leadership humanitaire, par le fait même, elle m'a donné
l'opportunité de construire une nouvelle vie ici. Renforcer les... et
protections, écouter à la société civile et axer la politique sur la dignité
humaine n'est pas seulement un devoir moral, c'est un investissement dans
l'avenir de notre société.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Je dois vous arrêter, le temps est écoulé, mais je vais
vous laisser reprendre votre souffle. On va commencer les discussions avec les
parlementaires, et je me tourne du côté du gouvernement. Vous allez pouvoir
compléter toutes...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...idées avec le gouvernement. Le temps est à vous.
M. Roberge : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Merci de vous êtes déplacées. Merci pour votre présentation.
Merci aussi pour ce que vous faites. Je ne doute pas que c'est extrêmement
exigeant d'accueillir des gens qui font le geste courageux d'arriver ici,
laisser tout derrière, et je salue votre courage à vous, personnellement. On
dit souvent que l'immigration, c'est des grands chiffres, c'est la démographie,
mais il y a du monde derrière ça, donc, je vois un visage très clair. Puis je
vous félicite pour votre apprentissage de la langue française. C'est
remarquable. Félicitations, félicitations! Et je remercie aussi les gens qui
vous ont aidé à apprendre cette langue-là, mais je ne doute pas qu'il y a
beaucoup d'heures derrière ça, beaucoup d'heures.
Je commencerais par peut-être une
incompréhension ou une mise au point. Quand je regarde à la page 10, vous
écrivez : «Toute exigence de français avant l'arrivée de réfugié.es et
migrants humanitaires doit être abolie.» j'ai vérifié après lecture de votre
votre document, puis avec l'équipe, il n'y a pas d'exigence linguistique au
Québec pour demander l'asile, il n'y a aucune exigence qui s'applique pour les
programmes d'immigration humanitaire ou les personnes réfugiées reconnues sur
place. Donc, est-ce qu'on ne parle pas du même programme ou c'est une incompréhension?
Pouvez-vous m'expliquer?
Mme Prieto Gracia (María
Juliana) : Merci beaucoup. Spécialement pour la requise pour le
français dans le programme de parrainage, quand les personnes arrivaient ici,
c'est une obligation pour nous, entre le traitement d'accueil et de bienvenue,
d'inscrire les personnes dans les cours de francisation, et il y a une
obligation, spécifiquement quand on parlait... le gouvernement du Québec... ou
que les réfugiés arrivaient dans un autre programme. C'est tout un monde à...
comment te dire, comme, c'est le meilleur mode...
Des voix : ...
Mme Prieto Gracia (María
Juliana) : Est-ce que c'est correct que je...
Mme Louis (Nadine) : Le moyen
le plus facile?
Mme Prieto Gracia (María
Juliana) : Le moyen le plus facile d'y apprendre la langue. Et ce
n'est pas... ce n'est pas possible, ce n'est pas la réalité de nos nouveaux
réfugiés parce que la première... Je pense que la première situation que nous
faisons... c'est... comme, je vais habiter ici, comme, je vais habiter en
sécurité. Ce n'est pas la langue. La langue, ce n'est pas possible d'apprendre
en six mois, et c'est une requise dans les programmes.
M. Roberge : Je viens de
comprendre. Bien...
Mme Louis (Nadine) : ...
M. Roberge : Bien, je vais
vous laisser aller. C'est votre présentation.
Mme Louis (Nadine) : Merci.
Pour renforcir l'intervention de ma collègue, c'était pour dire que... au fait,
je ne sais pas avec quelle lunette vous avez lu notre contenu, mais ce qu'on
voudrait dire, c'est qu'effectivement on comprend que la langue française, elle
est importante pour la construction des liens, de l'identité et aussi faciliter
l'intégration. Par contre, dans les premiers moments, les personnes qui
arrivent, en général, des personnes qui fuient le danger, qui fuient des
conditions difficiles, c'est vraiment de trouver un moyen de subsistance pour
pouvoir s'établir et s'intégrer normalement. Donc, pour... María, qui, elle,
coordonne ce programme de parrainage ou bien qui travail sur le terrain avec
les réfugiés, estime que la loi devrait, et je dirais, être plus souple par
rapport ou bien les exigences devraient être plus souples par rapport à cette
catégorie de personnes lorsqu'elles arrivent ici, au Québec.
• (18 heures) •
M. Roberge : Merci. Bien,
ça... J'ai compris avec vos deux interventions à quoi vous faites référence. Je
le répète, là, il n'est pas nécessaire de maîtriser la langue française pour
faire une demande d'asile ou pour être accepté réfugié. On souhaite qu'il y ait
un maximum de personnes qui connaissent la langue d'emblée, après ça on prend
les moyens, comme État, comme société, avec Francisation Québec et tous les
partenaires, pour permettre aux gens d'apprendre la langue à ceux qui ne l'ont
pas, mais une demande d'asile n'est pas traitée en fonction de... C'est
d'autres critères que le gouvernement fédéral a. Puis on parle de fuir un
endroit qui est... qui doit être fui pour des raisons évidentes. Donc, ça, je
voulais quand même le préciser.
Vous parliez du chiffre de six mois qui
est dans la Charte de la langue française. Ce n'est pas un six mois à
l'intérieur duquel les gens...
M. Roberge : ...doivent
apprendre la langue, sans quoi ils sont expulsés. C'est le gouvernement qui s'est
donné comme obligation de dire : Bien, nous, là, comme État, on peut
parler dans d'autres langues avec les nouveaux arrivants pendant six mois.
Après six mois, l'État dit : Bien, écoutez, je vais m'adresser à vous en
français. Il peut y avoir des services d'interprètes, on peut être accompagné
de plein de personnes, mais on se dit : Pour les six premiers mois, on
souscrit à notre devoir d'exemplarité de l'État. On s'est doté d'une loi qui
dit : Au Québec, seul État francophone d'Amérique du Nord, on s'adresse
aux citoyens français, sauf pour les nouveaux arrivants pendant six mois.
Donc, il ne faut pas le voir comme le fait
qu'après six mois les gens ne parlent pas français, ils ne sont plus les
bienvenus, mais c'est plutôt nous qui nous donnions cette obligation-là. Et
certains disent : Bien, voyons, c'est donc bien exigeant. En fait, on est
exemplaire d'ouverture. Parce que, cherchez des pays de l'OCDE qui disent :
Pendant six mois, là, on peut s'adresser aux citoyens dans la langue autre que
la langue nationale, vous ne trouverez pas ça. En réalité, par exemple en
Italie, en Angleterre, partout ailleurs, vous ne trouverez pas un État aussi
ouvert que le Québec qui se dit : Nous, là, pendant six mois, on peut
utiliser plein d'autres langues, donc... et je pense qu'il faut le voir par la
lunette inverse. Puis, si vous comparez, vous allez voir qu'on est remarquable
d'ouverture. Mais c'est exigeant, la langue française, mais ça vaut le coup.
Recommandation n° 5,
vous dites : Aligner la planification sur les objectifs démographiques
officiels. Je ne sais pas à quoi vous faites référence. Vous dites : «La
planification migratoire doit viser l'objectif officiel de 15 % d'immigrants
dans la population québécoise». Écoutez, sur 9 millions, ça veut dire 1 350 000.
Donc, vous, vous dites : Il devrait y avoir au moins 1 350 000 immigrants
au Québec. D'où vient ce chiffre? D'où vient ce pourcentage? D'où vient ce
chiffre? Je ne sais pas d'où vient votre 15 %, il me semble que c'est
considérable.
Des voix : ...
Mme Prieto Gracia (María Juliana) :
Est-ce que c'est possible de... la page?
M. Roberge : Je suis à la
page 10 de votre mémoire, recommandation n° 5.Page 10 de votre mémoire, recommandation
n° 5, deuxième ligne : «La planification
migratoire doit viser l'objectif de 15 % d'immigrants dans la population
québécoise». Et là, bon, vous me sortez ça. Moi, je lis, j'analyse, je me
demande : Mais d'où vient cette cible? Et si vous ne savez pas d'où vient
la cible, j'ai une autre question pour vous.
Mme Louis (Nadine) : Non.
Comme vous pouvez le constater, si vous allez à la page... je crois que les
différentes statistiques sont publiques et ont été consultées sur le site Web
du gouvernement. Et si vous allez au niveau de la page 6, vous allez y
trouver... que ce soit des références en lien... je dirais, à des articles qui
ont été écrits et qui ont puisé dans les statistiques qui sont sur vos sites ou
bien sur d'autres... je dirais, dans d'autres documentations qui sont
publiques. Par exemple, si vous allez au niveau de la page 8, nous nous
référons... nous nous assurons de mentionner dans nos documents les différentes,
je dirais, documentations consultées, que ce soit les liens au niveau des sites
Web ou bien des articles consultés.
M. Roberge : OK. Mais c'est
parce que là où... bon, je ne suis pas sûr de votre cible, mais ce n'est pas
grave. Supposons que vous dites : C'est 15 %, donc 1 350 000
de 9 millions, qu'est-ce qui arrive après? Parce que le débat porte aussi
sur la capacité d'accueil au-delà duquel, à un moment donné, on ne peut plus
donner tout ce qu'on veut donner aux nouveaux arrivants puis on ne peut plus
donner aux Québécois tout ce qu'on veut leur donner aussi en termes de services
publics. Et ça veut dire... Est-ce à dire que vous acceptez le concept d'un
seuil au-delà duquel on arrête puis on s'occupe des gens qui sont là, puis on
dit : Voici, notre capacité d'accueil arrête à cet endroit? Moi, honnêtement,
quand je regarde ce qu'il se passe, j'ai l'impression que nous avons atteint et
dépassé ce seuil. Je pense qu'on diverge d'opinion à ce sujet, je ne veux pas
vous prêter des intentions, mais supposons que vous dites que le seuil, c'est
15 %, si on l'avait atteint la semaine dernière, est-ce que vous diriez :
Bon, bien, très bien, accueillons ces gens-là, prenons une pause, suspendons
les programmes, comme ce qu'on fait en ce moment, puis on s'en reparle...
M. Roberge : ...on en
reparlera dans quelques années?
Mme Louis (Nadine) : Merci.
Et je pense que c'est une question très pertinente. Et pour répondre, je
voudrais vous dire que, quand on parle de démographie, il he faudrait pas voir
la démographie dans une perspective, je dirais, statique, parce que, la
démographie, elle est dynamique et c'est pourquoi les statistiques font un
travail qui permet à chaque fois de regarder... d'aller regarder le tableau
pour mieux comprendre ce qu'il se passe. Et je crois que l'analyse que nous
sommes en train de faire avec d'autres organisations aussi qui travaillent dans
le domaine, c'est que... c'est d'essayer de travailler, et justement, et vous
en avez parlé tout à l'heure, de politiques publiques, de regarder le travail
qui se fait au quotidien, à la fois par des professionnels au niveau des
organisations communautaires, mais également par rapport à ce qui se fait au
niveau du gouvernement pour pouvoir établir des politiques qui prennent compte
des réalités de notre société et ce qui arrive aujourd'hui. Nous avons...
Il faudrait aussi voir le Québec avec pas seulement Montréal, pas seulement
Laval, pas seulement la ville de Québec, mais nous avons plusieurs régions, et
si nous considérons la démographie par rapport à la diversité des régions que
nous avons, vous pouvez faire mieux. Et c'est ce que nous sommes venus vous
demander, parce qu'en réalité, aujourd'hui, nous sommes dans un contexte sociopolitique
difficile. Et je dirais qu'il ne s'agit pas du Québec ou du Canada, mais nous
sommes dans un contexte mondial difficile, et, aujourd'hui, vous êtes les
acteurs contemporains qui peuvent apporter les solutions. Et on peut voir le
niveau d'intelligence car toutes les personnes au niveau de... que ce soit de
ce gouvernement ou de l'opposition, qui travaillent à ce qu'on ait un pays
meilleur... Et c'est sous cette perspective qu'on vous demande de tenir compte
de ces réalités et de ne pas voir, dans les personnes qui arrivent, des
personnes qui viennent combler un espace du point de vue démographique. Mais
avec le mouvement, avec justement des stratégies bien élaborées, mises en place
et qui sont appliquées, nous pouvons avoir justement une belle collaboration de
cohabitation avec les personnes qui arrivent. Merci.
M. Roberge : Merci. Si vous
permettez, Mme la Présidente, je pense que j'ai des collègues qui veulent
intervenir.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Bien entendu. Merci beaucoup, M. le ministre. Je vais
reconnaître la députée d'Anjou—Louis-Riel. Il reste à votre groupe
parlementaire 3 min 43 s.
Mme Boivin Roy : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Alors, merci à vous d'être présentes aujourd'hui.
C'est un exercice qui est important et, évidemment, on est là pour vous écouter
avec toute l'attention nécessaire. Et d'ailleurs, je vais vous amener à la
page 8 de votre mémoire. Vous mentionnez que la réduction... Je vais vous
laisser y aller. Voilà. Parfait. Vous mentionnez que la réduction des résidents
non permanents, principalement à Montréal et à Laval, ne prend pas en compte la
réalité économique de ces régions. Est-ce que vous pouvez nous en dire
davantage sur votre opinion là-dessus?
• (18 h 10) •
Mme Louis (Nadine) : Alors,
ce qui arrive, c'est que le débat, surtout quand on suit au niveau de la
presse, en général, pour parler de réduction, surtout au niveau de
l'immigration, on... davantage les espaces ou les villes qui sont davantage
peuplées ou bien qui sont plus convoitées. Et ce qu'on voudrait dire, à travers
ce texte, c'est que, quand on fait nos analyses, et je viens de le dire tout à
l'heure, il faudrait le faire dans... je dirais, dans une logique où on prend
en compte, je dirais, une analyse qui soit plus holistique, qui va considérer
l'ensemble des régions de manière intégrée pour justement, lorsqu'on va
certainement accueillir des personnes, on puisse favoriser à ce que les autres
régions puissent en bénéficier. C'est un peu ça, notre logique quand on a fait
mention de Montréal, et on sait que Montréal aujourd'hui, elle continue d'être
convoitée. Donc, c'est pourquoi on a voulu attirer votre attention dans le
cadre de notre travail.
Mme Boivin Roy : Merci
beaucoup. Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Je vais maintenant reconnaître le député de
Jonquière, et il reste 1 minute 46 s.
M. Gagnon : J'y vais
rapidement. C'est un plaisir. On est issus du même milieu. Moi aussi, j'ai eu
la chance de travailler dans un organisme communautaire. Et je ne vais pas
prendre longtemps de mon temps, mais j'ai eu la chance, dans mon autre vie, de
faire...
M. Gagnon : ...l'aide aux
devoirs des jeunes Colombiens et d'assister à des jeunes qui voyaient la neige
pour la première fois. Alors, je viens du Saguenay, alors, en février, il
était, comme moi, un peu tanné de pelleter. Mais... Mais ça a été un moment
extraordinaire. La mission de votre organisme, vous l'avez dit tout à l'heure,
vous avez mentionné faciliter l'intégration. Pour moi, c'est quelque chose qui
me parle énormément, impliquer les gens dans leur milieu de vie, impliquer les
gens dans leur communauté, sentiment d'appartenance. Sentiment d'appartenance,
sûrement une certaine loyauté et une reconnaissance envers votre organisme,
mais aussi un sentiment envers la culture québécoise. Et puis je pose la
question, quand on dit faciliter l'intégration, est ce que tout votre travail
mène souvent, ou la plupart du temps, à des gens qui ont passé entre vos mains
et qui s'impliquent davantage dans la communauté, qui se sont intégrés à cette
communauté-là, ou vous voyez davantage des gens qui, dans les premiers mois ou
les premières années, peuvent s'isoler? Alors, je voulais voir un peu comment
un ça se vit quand vous avez la chance.
Mme Louis (Nadine) :
Merci de me donner la chance de vous dire qu'Action Réfugiés Montréal construit
des interventions sur trois piliers fondamentaux. C'est le parrainage, le
programme de détention et le programme de jumelage. Et déjà, ça vous dit
quelque chose. Je vais m'arrêter sur le jumelage pour répondre à votre
question, pour vous dire que pour faciliter l'intégration des personnes, nous,
nous utilisons déjà les personnes qui sont arrivées avant et qui sont bien établies
pour faciliter l'intégration des autres personnes.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. C'est tout le temps qu'on avait pour le
côté du gouvernement. Je me tourne du côté de l'opposition officielle et le
député d'Acadie. La parole est à vous.
M. Morin : Merci, Mme la
Présidente. Alors, merci à vous trois pour votre témoignage en commission et le
mémoire que vous avez produit. Si vous vous permettez, Mme, vous aviez commencé
à répondre à la question de mon collègue. Si vous pouvez peut-être continuer un
peu parce que, malheureusement, le temps vous a arrêté. Vous étiez bien partie.
Alors, j'aimerais que vous puissiez continuer.
Mme Louis (Nadine) :
Merci. C'est gentil. Alors, j'étais en train de parler de nos trois piliers, à
savoir le programme de parrainage, le programme de détention et le programme du
jumelage. À travers ces trois programmes, et Action Réfugiés Montréal essaie de
proposer aux personnes réfugiées et demandeuses d'asile un espace, un
environnement sûr à travers lequel ils peuvent progressivement s'intégrer et
s'approprier à la fois de l'espace mais aussi de la culture québécoise. Donc,
nous... Et d'ailleurs, dans la présentation de Maria, on a parlé de Frédéric.
Frédéric qui est rentré parce que nous avions, dans un premier temps,
accompagné sa famille. Il est rentré parce que sa famille est bien établie et
parce que nous avions, justement, dans le cadre du programme de «sponsorship»
facilité son intégration. Sa famille est devenue une famille entrepreneur. Pour
vous dire que Frédéric, c'est un nom d'emprunt pour une question de sécurité.
Et aujourd'hui, ce sont des entrepreneurs, ici au Canada, qui offrent à la fois
des emplois à leurs familles, mais également à des Québécois et à des personnes
et réfugiés. Donc, pour vous dire qu'il faudrait voir les réfugiés avec des
lunettes où ce sont d'abord des personnes, des personnes qui ont du potentiel
et qui veulent contribuer à notre société.
M. Morin : Je vous
remercie. J'attire votre attention à la page 4 de votre mémoire. 4.2 La
réunification familiale, je l'ai dit dans mes remarques d'ouverture, c'est un
dossier qui est très important pour moi et pour ma formation politique. Vous
parlez à la fin des répercussions. Est-ce que, dans le cadre de votre travail,
vous accompagnez des gens qui sont en attente de réunification familiale?
Mme Louis (Nadine) : Et
alors, laissez-moi vous dire qu'en dehors du fait que nous faisons beaucoup de
travail pour parrainer les personnes, nous, nous travaillons aussi avec les
personnes qui sont arrivées, surtout dans le cadre du jumelage, qui attendent
un enfant, un mari pour venir, je dirais, réunir, pour réunir la famille,
autrement dit. Et qu'est ce qu'on constate? On constate que c'est des moments,
je dirais, assez difficiles, difficiles à vivre à la fois pour, par exemple,
une femme qui laisse son mari derrière et...
Mme Louis (Nadine) : ...un
enfant est obligé de vivre, et on l'a dit tout à l'heure, l'anniversaire de
cette personne pendant trois à quatre ans, qui est obligé aussi d'accepter — moi,
je suis mère de deux filles — d'accepter que ces enfants grandissent,
connaissent la puberté, parfois, connaissent la majorité, sans pouvoir voir
grandir ces enfants. Et c'est des situations assez fâchantes. Et je pense que
vous êtes tous et toutes ici des pères et des mères de famille pour la
majorité. Vous comprenez ce que ça veut dire voir grandir votre enfant. Donc,
parlons de réunification familiale, c'est de ça que l'on parle aujourd'hui, c'est
de ça qu'il s'agit.
M. Morin : Je vous remercie.
En fait, j'ai dénoncé les délais, qui, quant à moi, sont inhumains, à plusieurs
reprises.
Mme Louis (Nadine) : Merci.
M. Morin : Mais je voulais
évidemment vous donner l'opportunité, puisque vous êtes avec nous, de nous
expliquer véritablement, pour bien comprendre ce que ces gens-là vivent sur le
terrain, qu'est-ce que ça fait, la détresse qu'ils peuvent vivre? Et
effectivement, ce qu'il faudrait, c'est qu'on soit capable de réduire ce
délai-là. Parce que, corrigez-moi si je fais erreur, mais ce n'est pas de trois
à quatre ans qu'on attend, dans le reste du Canada, a pour la réunification
familiale.
Mme Prieto Gracia (María
Juliana) : Et je vais ajouter un point aussi, parce que ton
intervention, c'est pertinent, et nous sommes un partenaire de le réseau de
réunification familiale, en collaboration avec le Conseil canadien des
réfugiés, nous fait le traitement des demandes de réunification familiale et
spécialement pour les mères célibataires et les enfants qui attendent à leur
pays d'origine, qui sont complètement seuls. C'est une initiative qui est...
Action Réfugiés Montréal a dit : C'est notre responsabilité pour assurer
que les enfants sont réunis à ces familles. Et, pour moi, j'ai parlé pour mon
cas, je viens de séparer complètement de ma famille depuis 2021. Ce n'est pas
possible pour moi de parrainer mon parrain et mon famille, parce que je ne
reçois pas de ma résidence permanente, et je suis accepté en 2022. C'est...
pour moi, la séparation, c'est déprimant dans ma vie. J'apprends le français,
Je suis en train d'apprendre le français. Je suis en train d'adapter à la
culture québécoise... c'est possible pour moi de me réunir avec ma famille. Et
c'est exactement comme tu dis, c'est une... parce que c'est très important. Ce
n'est pas possible pour moi de vivre ma vie, ma vie, de manière complète, si ma
famille n'était pas ici. Nous sommes...c'est important. J'oubliais les mots...
Est-ce que c'est possible, je m'exprime en anglais pour cette... pour ce
moment? Merci. «...myself», comme une personne complète, exactement.
M. Morin : Exactement. Et
donc, vous vivez, comme d'autres, cette détresse, et je vous remercie pour le
témoignage que vous nous livrez. J'ai dit souvent que ces délais-là devaient
être ramenés parce qu'ils sont différents. C'est beaucoup moins long ailleurs
au Canada. Et est ce que vous avez, dans les gens que vous accompagnez, des
gens qui songent même à quitter, parce que ça ne devient pas possible de réunir
une famille ici ou c'est trop long? Est-ce que c'est des choses que vous
rencontrez?
• (18 h 20) •
Mme Louis (Nadine) : Bien sûr,
bien sûr. Moi, j'ai connu plusieurs personnes qui ont dû laisser, qui avaient
déjà commencé à construire quelque chose et qui ont dû laisser et le Canada
pour... de leur famille parce que ce n'était plus possible, c'était
insoutenable.
M. Morin : Très bien. Je vous
remercie. J'ai une autre question, et c'est dans vos recommandations à la
page 9f de votre mémoire. En fait, c'est la recommandation n° 1,
vous dites : Lever la suspension du parrainage privé, parce que
vous dites à la page 10, que ça compromet les obligations humanitaires du
Québec, ça contrevient à la réunification familiale. Pouvez-vous nous en dire
un peu plus, c'est quoi, l'impact? Puis qu'est-ce que... Quels sont les enjeux
que ça engendre?
Mme Louis (Nadine) : Alors, tu
veux y aller... OK Je vais répondre et, comme ça, tu pourras... si tu veux.
Alors il faut dire que...
Mme Louis (Nadine) : ...que le
programme de sponsorship, aujourd'hui, c'est un programme qui est mis sur pause
par le MIFI et c'est un programme qui permettait justement à des personnes...
ça peut être des Québécoises, mais, en général, on voit davantage de personnes
réfugiées installées réussir ici, au Québec, qui décident de, justement, je
dirais, sponsoriser les personnes, parrainer les personnes et qui... qui ont un
besoin que ce soit dans le cadre de la réunification familiale, etc. Mais
aujourd'hui nous faisons face à la fermeture de ce programme. Et vous voyez le
contexte sociopolitique actuel qui fait que beaucoup de gens sont persécutés.
Et aujourd'hui nous voyons les scandales à la frontière, récemment
Saint-Bernard, et elle a mentionné des personnes comme du bétail dans un camion
et déshydratées. Parce que, justement, ces personnes veulent soit rejoindre
leur famille ici parce que les voies légales sont quasiment fermées. Et, avec
la loi C-2, aujourd'hui, on voit que c'est davantage de mettre en danger
ces personnes-là.
Donc, nous sommes venues ici faire ce
plaidoyer, particulièrement pour demander la levée de cette suspension du
programme. Parce qu'il est fondamental, aujourd'hui, pour le Québec qui, dans
une certaine mesure, a été toujours reconnu comme pays d'accueil...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Je dois vous arrêter.
Mme Louis (Nadine) : ...de
jouer son rôle. Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Mais on poursuit avec le député de Saint-Henri
Sainte-Anne.
M. Cliche-Rivard : Merci, Mme
la Présidente. D'abord, merci pour votre travail au quotidien, tout ce que vous
faites, vraiment, je vous remercie. Moi, c'est le... je vous en ai parlé tout à
l'heure, la réunification familiale qui m'intéresse particulièrement.
Évidemment, tout le volet du parrainage privé collectif aussi, on pourra voir
si on a le temps d'en parler, mais vraiment... Vous avez une recommandation
précise, hein, je pense à la dernière page, de réduire à 24 mois les
délais de réunification. Déjà deux ans, c'est quand même énorme, mais, quand on
compare à quatre ans, cinq ans et aussi la suspension du programme, hein,
aujourd'hui, de parrainage qui fait en sorte qu'il n'y a pas de nouveaux
dossiers qui peuvent être déposés du côté du MIFI depuis l'atteinte des quotas,
on va monter, là, on va monter à cinq, six, sept ans, des délais beaucoup plus
longs. J'imagine que ça, ça vous trouble.
Mme Louis (Nadine) : Bien,
justement. Alors, on n'a pas voulu... D'ailleurs, dans la dynamique de travail
au niveau de l'organisme, on avait, dans un premier temps, proposé
12 mois, mais on s'est dit que, dans la dialectique, dans les échanges et
dans la négociation aussi, on peut justement aller chercher d'abord le
24 mois. Et je pense que, aujourd'hui, on ne peut pas aller au-delà de
24 mois pour une famille qui attend de recevoir son enfant, son mari, sa
femme. Et les personnes, vous autres qui êtes dans la commission, je pense que
vous avez un devoir historique de changer les choses. Parce qu'au moment où les
gens écrivent les différents documents pour prendre les mesures, certainement,
ils n'ont pas nécessairement consulté les personnes qui vivent les réalités.
Aujourd'hui, vous avez accès à nous, et nous sommes en train de vous informer
comment il serait mieux de faire. Donc, j'espère que vous pouvez non seulement
écouter, mais aussi comprendre et agir par rapport à ces recommandations qui
vous... qui, je pense, va certainement... va vous donner ce... je ne sais pas
comment le dire, mais que l'histoire va retenir certainement le travail que
vous aurez fait dans le cadre de cette commission.
M. Cliche-Rivard : Donc, si
je vous comprends bien, votre 24 mois était une position de négociation,
mais vous préféreriez ou vous parlez davantage de 12 mois, comme on l'a
toujours connu. C'est ça, votre souhait final?
Mme Louis (Nadine) : Ce
serait le souhait final.
M. Cliche-Rivard : Et il nous
reste à peu près une minute, là. On peut vous réentendre sur le fond. Qu'est-ce
que ça fait d'être séparé de son conjoint et de sa conjointe quatre ans?
Mme Louis (Nadine) : Vous
voulez y aller?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : En 30 secondes.
Mme Louis (Nadine) : En
30 secondes. Ça fait que, justement, on a une charge mentale où on... pour
avoir moi-même vécu ça, on se sent... Je ne suis pas nécessairement réfugiée,
mais, dans le cadre du programme de parrainage où mon mari qui est rentré dans
le cadre d'un...
Mme Louis (Nadine) : ...de
travailleurs qualifiés et qui devraient peut-être faire venir... me faire venir
ici. Mes enfants ne sont pas avec moi, donc je suis maman. Et ce que je vous
disais tout à l'heure rejoint mon ressenti. Donc...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Désolée, je dois maintenir le temps. On
termine la ronde de discussion avec le député d'Arthabaska.
M. Boissonneault : Merci
beaucoup pour votre présentation. Merci aussi pour votre travail. Puis vous
représentez bien tout le drame qu'il peut y avoir dans les histoires dont vous
parlez, parce que ce sont des histoires très humaines.
Je n'ai pas beaucoup de temps, donc je
vais y aller en rafale avec les questions que j'ai pour vous. Vous avez parlé
du contexte politique aux États-Unis, la rhétorique anti-immigrants. Et, si je
comprends bien, vous dites que tous les demandeurs d'asile qui arrivent des
États-Unis devraient être acceptés, c'est ça?
Mme Prieto Gracia (María
Juliana) : La problématique avec les États-Unis, c'est parce qu'au
Canada il y a les tiers pays...
M. Boissonneault : Sûrs.
Mme Prieto Gracia (María
Juliana) : Exactement. Et pour les demandeurs d'asile dans la
frontière, c'est un obstacle. C'est un obstacle, vraiment, parce que si tu es
résident des États-Unis, ce n'est pas possible de faire une demande d'asile ici
en territoire canadien. Et ce n'est pas qui ont accepté, mais c'est que la
politique du Canada a fermé les portes pour les personnes d'accéder de ces
programmes humanitaires. C'est le gros problème parce que les États-Unis à
des... des anciennes années de leadership pour le rétablissement des réfugiés,
des parrainés, des «pathways» qui sont complémentaires, mais, dans ce moment,
ce n'est pas possible de faire une acceptation pour les demandeurs d'asile
comme...
M. Boissonneault : Oui. Je
suis désolé, je veux juste... J'aurais une autre question aussi que je voulais
vous poser. Le Canada va déterminer si la personne est protégée, hein, parce
que là, on mélange un peu demandeurs d'asile, réfugiés. Le Canada détermine,
dit : Cette personne-là a un statut de personne protégée. Si la personne
n'obtient pas son statut de personne protégée, qu'est-ce qui doit se passer,
selon vous?
Mme Prieto Gracia (María
Juliana) : Déportation. Et après la déportation, parce que les «new
politics» de ICE des États-Unis, la majorité... Oh! Est-ce que tu me...
M. Boissonneault : Pour ici.
Pour ici.
Mme Prieto Gracia (María
Juliana) : Pour ici. Pour ici.
M. Boissonneault : Si, par
exemple, le Canada détermine que la personne n'est protégée, donc n'est pas
réfugiée, donc qu'est ce qu'on fait?
Mme Prieto Gracia (María
Juliana) : La déportation. La déportation, c'est la route que le
Canada a fait pour les personnes qui ne sont pas acceptées, des demandeurs
d'asile.
M. Boissonneault : Mais
est-ce que c'est ce que vous souhaitez?
Mme Prieto Gracia (María
Juliana) : Oui.
Mme Louis (Nadine) : Alors,
excusez. Je peux?
M. Boissonneault : Oui.
Mme Louis (Nadine) : Je
voudrais juste mettre un point pour attirer l'attention sur, justement, la
question des protégés. Et, en général, parfois, nous regardons des personnes
qui vont à des audiences et qui malheureusement se retrouvent sous le verdict
de ne pas être protégées par le Canada, tandis que cette personne est
réellement persécutée. Je pense que... et la commission devrait aussi
travailler sur... pour faciliter à ce que ces personnes-là soient bien
encadrées, surtout par rapport à la question de la langue, etc., pour permettre
à ce que ce soit des personnes qu'on puisse notifier vraiment la réalité de
cette personne, que cette personne soit jugée sur la base de ses besoins réels
et de sa situation de sécurité réelle.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) :
Merci. J'ai laissé courir le temps,, je voulais vous laisser terminer votre
phrase. Le temps est écoulé. Alors mesdames, je vous remercie infiniment pour
votre présence ici en commission et l'apport à nos travaux.
Et, pour ce faire, je vais ajourner les
travaux au jeudi 2 octobre, après les avis touchant les travaux des
commissions. Bonne soirée.
(Fin de la séance à 18 h 30)