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Version préliminaire

43rd Legislature, 2nd Session
(début : September 30, 2025)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Thursday, October 2, 2025 - Vol. 48 N° 2

General consultation and public hearings on the consultation document entitled “Planning of Immigration to Québec for the 2026-2029 Period”


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Journal des débats

11 h 30 (version non révisée)

(Onze heures quarante-quatre minutes)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte.

La commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques sur... dans le cadre de la consultation générale sur le cahier de consultation... intitulé, pardon, La planification de l'immigration au Québec pour la période 2026-2029.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve) est remplacé par M. Fontecilla (Laurier-Dorion) et MM. Bérubé (Matane-Matapédia) par M. Boissonneault (Arthabaska).

La Secrétaire : Merci beaucoup. Alors, bienvenue, Mesdames et Messieurs les élus. Nous entendrons ce matin les groupes suivants : la commission de la langue française et M. Pierre Fortin.

Je souhaite donc la bienvenue à nos premiers intervenants, c'est-à-dire les représentants du commissaire de la langue française, M. Rodolphe Parent, M. Benoît Dubreuil ainsi que M. Dominic Bédard, mais nous avons également, en visioconférence, M. Éric Poirier.

Alors, messieurs, bienvenue. Vous connaissez un peu la procédure, 10 minutes pour vous présenter ainsi qu'évidemment présenter l'essentiel de votre mémoire, par la suite on va avoir une discussion avec les parlementaires. La parole est à vous.

M. Dubreuil (Benoît) : Bonjour. Merci beaucoup, merci de nous recevoir aujourd'hui. Donc, je suis accompagné, comme vous l'avez mentionné, du nouveau commissaire adjoint, Éric Poirier, Dominic Bédard, secrétaire général, et Rodolphe Parent, professionnel de recherche.

On est ici pour discuter du mémoire que nous avons déposé. Les recommandations qui y sont proposées s'appuient sur les travaux qu'on a publiés en fait depuis la création du commissaire en 2023. Elles portent sur les différentes composantes d'immigration, soit temporaire et permanente. Dans un premier temps, nos recommandations visent à accroître le niveau de connaissance du français à l'arrivée au Québec. Notre insistance sur ce point s'appuie sur un constat simple à savoir que nos efforts de francisation ont eu, jusqu'à présent, et conserveront, selon toute vraisemblance, une portée limitée. Comme on l'a montré dans nos travaux, la plupart des participants aux cours de français gouvernementaux n'y reste pas suffisamment longtemps pour apprendre à parler le français couramment. Par ailleurs, parmi les immigrants qui ignorent le français à l'arrivée, la plupart connaissent l'anglais et ont ainsi tendance à adopter cette langue à l'arrivée et à la maintenir par la suite.

Donc, je rappelle que traditionnellement, au Québec, on a environ plus ou moins le tiers des immigrants qui vont plutôt avoir tendance à adopter l'anglais et il faudrait réduire cette proportion d'environ la moitié pour maintenir le poids relatif du français dans la société.

Dans notre mémoire, on souligne que l'exigence de connaissance du français, qui est désormais imposée à tous les immigrants économiques, contribuera de manière importante à améliorer la situation. Cependant, on recommande aussi d'imposer une connaissance minimale du français pour les travailleurs étrangers temporaires et d'accroître...

M. Dubreuil (Benoît) : ...de façon substantielle la part des étudiants étrangers qui étudient en français. Rappelons à ce sujet que tous les immigrants, qu'ils soient permanents ou temporaires, doivent maintenant pouvoir s'exprimer en français pour recevoir des services du gouvernement du Québec. Lors de la consultation précédente, donc en 2023, j'avais souligné que le fait de connaître le français à l'arrivée n'était pas une garantie que les gens allaient par la suite l'utiliser. Donc, pour cette raison, j'avais recommandé au MIFI de se doter d'un mécanisme de suivi et d'une cible d'utilisation du français au travail et dans l'espace public, que je fixais à 85 %. Alors, je considère que c'est une recommandation qui est toujours pertinente.

Cela dit, depuis deux ans, avec mon équipe, on a eu l'occasion d'étudier plus en détail les facteurs qui favorisent l'adoption du français comme langue habituelle. Plus particulièrement, il y a trois facteurs qui nous semblent très importants et prédire une utilisation prédominante du français, qui ont aussi l'avantage d'être faciles à appliquer sur le plan administratif. Ces facteurs sont les suivants : il y a le fait d'être installé de manière durable à l'extérieur de Montréal et de Gatineau; il y a le fait d'avoir étudié de manière prolongée en français dans un établissement francophone; et il y a le fait de travailler dans un secteur où le français réussit à bien se maintenir.

La présence au Québec d'un nombre important de résidents non permanents, dont plusieurs souhaitent accéder à la résidence permanente, nous donne la possibilité de sélectionner des personnes qui non seulement connaissent le français, mais aussi qui ont toute probabilité, en fait, de l'adopter de façon habituelle. Nous estimons donc que le MIFI ne devrait pas se limiter à prioriser le recrutement d'immigrants économiques déjà présents au Québec mais qu'il devrait admettre uniquement des gens qui sont déjà présents au Québec et déjà intégrés de façon durable dans un environnement francophone. D'un point de vue opérationnel, on propose d'appliquer un filtre, comme on le fait déjà avec la connaissance du français, en invitant au PSTQ exclusivement les personnes qui ont évolué pendant au moins trois ans dans au moins l'un des contextes suivants, donc : à l'extérieur des régions de Montréal et de Gatineau; dans un établissement d'enseignement francophone; dans un secteur économique où le français se maintient fortement. En annexe de notre mémoire, on présente d'ailleurs une liste des secteurs économiques, pour les régions de Montréal et de Gatineau, où les francophones réussissent à travailler en français dans une grande majorité.

Par ailleurs, depuis 2023, nous nous sommes intéressés à la question de l'intégration des personnes immigrantes, en lien avec l'objectif de la Charte de la langue française de faire du français une langue d'adhésion et de contribution à la culture québécoise. Nous avons constaté que les politiques menées au cours des dernières décennies n'ont pas permis de faire naître chez plusieurs personnes issues de l'immigration un sentiment de pleine adhésion et de pleine participation à la société québécoise. C'est un constat qui, je crois, est assez largement partagé et qui a probablement incité le gouvernement à adopter la Loi sur l'intégration à la nation québécoise.

• (11 h 50) •

Dans le cadre des consultations sur ce projet de loi, nous avons fait valoir que la seule manière de cultiver l'adhésion à la culture commune était de favoriser la création de liens suffisamment nombreux et suffisamment significatifs entre les personnes qui sont issues de l'immigration et celles qui ne le sont pas, que ce soit dans les écoles, dans les établissements postsecondaires, dans les milieux de travail ou dans les milieux associatifs. Nous avons soutenu que, pour y arriver, la politique sur l'intégration que prépare le gouvernement devrait prévoir des mesures pour assurer la mixité des milieux d'accueil et accroître la fréquence des rapprochements interculturels positifs.

Malheureusement, aujourd'hui, la concentration de l'immigration dans les régions de Montréal et de Gatineau vient réduire considérablement les possibilités d'organiser des contacts positifs entre immigrants et non immigrants, que ce soit dans les écoles, dans plusieurs milieux de travail et dans plusieurs milieux associatifs. Pour cette raison, en attendant l'adoption d'une politique d'intégration efficace, nous proposons d'admettre au PSTQ uniquement les personnes qui sont établies de manière durable en dehors de Montréal et de Gatineau. Prochainement, par ailleurs, nous présenterons des propositions plus concrètes visant spécifiquement la politique sur l'intégration que prépare le gouvernement.

Ça m'amène à la question des volumes d'admission. Le gouvernement propose trois scénarios, entre 25 000 et 45 000 personnes. Pour reprendre l'argument que j'ai présenté à la consultation précédente, le scénario le plus élevé pourrait ne pas être problématique, mais seulement si le MIFI peut nous garantir que les personnes admises non seulement connaissent le français, mais aussi sont intégrées dans des milieux où le français est la langue habituelle et ont eu l'occasion d'établir des contacts positifs et significatifs avec des personnes qui ne sont pas issues de l'immigration. En d'autres mots, pour accueillir un nombre plus élevé d'immigrants tout en atteignant les objectifs de la Charte de la langue française, il faudrait appliquer des filtres similaires à ceux que j'ai décrits et doter le Québec d'une politique d'intégration efficace...

M. Dubreuil (Benoît) : ...Par ailleurs, nous recommandons au gouvernement du Québec de réduire légèrement la part de l'immigration économique de façon à rétablir un équilibre à long terme entre celle-ci et le regroupement familial. L'augmentation de la part de l'immigration économique, depuis plusieurs années, a contribué à créer un goulot d'étranglement du côté du regroupement familial, ce qui n'est pas souhaitable ni soutenable à long terme.

Je mentionne cependant que l'utilisation du français parmi les personnes parrainées demeure encore trop faible et qu'il faut impérativement trouver des manières de l'accroître en travaillant avec le gouvernement fédéral. Sur la part....

Bon. Ça m'amène à parler en fait des autres catégories d'immigration, celles que le Québec ne contrôle pas. Alors, du côté de l'immigration temporaire, nous sommes d'accord avec le gouvernement pour dire que la gestion fédérale du programme de mobilité internationale nuit considérablement au français et, de notre point de vue, ne respecte pas l'esprit de l'Accord Canada-Québec en immigration. Nous réitérons que la connaissance du français devrait être exigée à l'obtention d'un permis de travail post-diplôme et du permis de travail de conjoint. Rappelons que les services publics du Québec sont donnés exclusivement en français en vertu de la Charte de la langue française, même auprès des immigrants qui arrivent par une voie que le Québec ne contrôle pas, et le gouvernement fédéral devrait en prendre acte.

Pour ce qui est de la multiplication des politiques d'intérêt public, elles sont souvent déployées par Ottawa à des fins humanitaires, mais sans aucune stratégie de francisation ou d'intégration des personnes admises. Ce problème est semblable à celui avec l'accueil des personnes demandeuses d'asile, dont le nombre continue d'être très élevé. Alors, j'en ai parlé dans mes rapports et je souhaite de nouveau tirer la sonnette d'alarme quant à l'absence de stratégie crédible qui permettrait d'assurer la francisation et l'intégration à la culture québécoise des quelque 200 000 personnes arrivées au cours des dernières... 10 dernières années comme demandeurs d'asile. Pour l'instant, les demandeurs d'asile ont accès à des services de première ligne. Cependant, en dehors d'une prise en charge de quelques jours à leur arrivée, ces personnes sont pour l'essentiel laissées à elles-mêmes. Alors, si elles parlent anglais, il y a de fortes chances qu'elles adoptent cette langue de manière habituelle. Si elles parlent seulement une langue tierce, elles sont susceptibles de se trouver dans une situation de grande vulnérabilité, voire à la merci d'employeurs ou d'intermédiaires mal intentionnés.

Alors, pour l'instant, les sommes qui sont réclamées par Québec à Ottawa ne visent qu'à couvrir le coût des services qui sont imputés directement aux demandeurs d'asile, elles n'ont rien à voir, de mon point de vue, avec les investissements réels qui seraient nécessaires pour assurer leur francisation et leur intégration à long terme. Nous réitérons donc que le gouvernement du Québec doit exiger une réforme du système d'asile canadien ainsi que la conclusion d'une entente fédérale-provinciale qui assurerait la répartition des demandeurs d'asile à travers le Canada ainsi que leur prise en charge complète pendant la durée nécessaire à leur francisation et à leur intégration. Voilà. Alors, j'arrive à ma conclusion et je vous remercie, en fait, de votre attention.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup pour cette présentation. On va commencer les échanges avec les parlementaires. Je me tourne du côté de la banquette gouvernementale avec M. le ministre, vous bénéficiez d'une période de 14 min 15 s.

M. Roberge : Mme la Présidente, je salue à nouveau les collègues qui sont présents des deux côtés de la table. Merci à l'équipe du Commissaire à la langue française d'apporter cet angle de la langue française puis, au-delà de ça, langue de la culture québécoise, l'intégration. Vous avez fait référence à notre nouveau modèle d'intégration, à l'intégration nationale qui passe à travers la langue française.

Quelques questions sur des points que vous avez soulevés, peut-être pour mieux comprendre votre proposition et la réflexion derrière. Vous avez parlé du permis de travail postdiplôme. Vous avez dit qu'il faudrait avoir une maîtrise du français, donc, et c'est gouvernement fédéral qui émet ce permis de travail, ce n'est pas nous malheureusement. Ce n'est pas déjà le cas, en réalité, on offre le choix aux gens de démontrer la connaissance du français ou de l'anglais. Vous souhaiteriez qu'il en soit autrement. Pouvez-vous développer un peu?

M. Dubreuil (Benoît) : Absolument. C'est-à-dire qu'en ce moment, les gens qui obtiennent un permis de travail postdiplôme doivent démontrer un niveau, niveau 7, soit en français, soit en anglais. L'enjeu, évidemment, comme vous le savez, c'est que parmi les étudiants étrangers au Québec, vous avez 40 à 45 % des gens historiquement qui vont être inscrit dans un établissement anglophone. Le taux de connaissance du français parmi ces gens-là, il est très, très faible, on l'a démontré dans nos travaux sur les migrations temporaires. Donc, ça représente un gros bloc de personnes, quand on parle du PMI, là, donc la composante la plus importante, évidemment, c'est les titulaires de permis postdiplôme et les conjoints, le taux de connaissance du français dans cette catégorie, il est très faible. Donc, l'objectif en demandant un niveau 7, évidemment, c'est de s'assurer que les gens qui restent au Québec de manière durable ont les compétences linguistiques qui vont leur permettre de fonctionner en français, de travailler en français...

M. Dubreuil (Benoît) : ...et je dis que ça va un peu à l'encontre de l'esprit de l'accord Canada-Québec, je m'explique. C'est que l'accord Canada-Québec visait à transférer au gouvernement du Québec la responsabilité de l'immigration qui était de nature économique, ce qui n'était pas de nature humanitaire ou morale. Alors, le permis de travail post-diplôme, il a été inventé pour faire le pont entre les permis d'études et l'accès à la résidence permanente. Alors , c'est... L'absurdité, elle est là. C'est que, le gouvernement québécois, on reconnaît sa légitimité sur les permis d'études et sur l'immigration économique, mais le morceau qui est entre les deux, qui sert à faire le pont entre l'un et l'autre, il est resté sous la gouverne du gouvernement fédéral. Alors, pour moi, c'est très problématique comme situation.

M. Roberge : Oui, probablement même incohérent, d'autant plus qu'on a une langue officielle au Québec dans notre Charte de la langue française, c'est la langue française. Donc, le permis de travail devrait être donné si on maîtrise la langue officielle de l'État où on veut s'installer. Ici, c'est le Québec, c'est le français.

Et je vais permettre un petit commentaire éditorial. Certaines institutions anglophones auraient pu utiliser les fonds pour franciser leurs étudiants, tel qu'on leur demandait de le faire, pour qu'ainsi ils maîtrisent la langue et obtiennent ce permis-là plutôt que de contester des règles où on évitait de franciser. Ça aurait été, disons, une meilleure utilisation des fonds en enseignement supérieur.

Pour ce qui est du programme Mobilité internationale, qui relève d'Ottawa encore, vous dites qu'il faudrait que le gouvernement fédéral exige encore une fois la maîtrise du français. On est bien d'accord avec ça. Ottawa a ouvert la porte, mais pour certains, certaines personnes du programme Mobilité internationale, pas 100 %. Est-ce que vous croyez que ça devrait être 100 % et est-ce que vous croyez qu'on devrait inclure les conjoints, conjointes de ces personnes?

M. Dubreuil (Benoît) : Alors, pour moi, les composantes les plus évidentes, c'est celles que j'ai mentionnées, là, c'est le permis post-diplôme et les conjoints. C'est quand même un gros, gros morceau, là, dans le PMI. Ensuite, il y a un certain nombre d'exceptions qui sont liées aux accords de libre-échange qui permettent une mobilité de la main-d'oeuvre pour des travailleurs qui sont très, très, très spécialisés interentreprises. Ça, de mon point de vue, c'est des exceptions qui sont peut-être un petit peu moins importantes en termes de nombre. Aussi, on sait que, dans le PMI, il y a une grosse partie que c'est le... voyons, comment on dit... travail-vacances, en fait, là. Bien, ça, c'est beaucoup, beaucoup des Français. Donc, dans cette catégorie-là, il n'y a pas vraiment d'enjeux. Les enjeux pour moi, donc j'y reviens : le post-diplôme, les conjoints. Donc, oui, je pense qu'on pourrait demander un minimum de français avant la délivrance d'un permis de conjoint, on pourrait discuter du niveau.

• (12 heures) •

Et l'autre qui est très, très important, c'est les PMI qui sont délivrés pour les politiques d'intérêt public, hein? Donc, ça, c'est un enjeu, on l'a vu. Prenons le cas des Ukrainiens, par exemple. C'est peut-être le cas le plus important ces dernières années. On a une réponse du gouvernement du Canada qui est tout à fait légitime à une situation internationale. Il y a des gens qui arrivent avec des permis de travail, mais quel est le plan à long terme? Quel est le plan à long terme, par exemple, avec tous les Ukrainiens qui sont venus sur des PMI? Est-ce que le but, c'est que les gens, éventuellement, retournent dans leur pays ou on pense que c'est bien d'avoir un chemin vers la résidence permanente pour la plupart d'entre eux? Quand on utilise des outils comme ceux-là pour générer des réponses à des crises humanitaires, on crée des situations à long terme qui deviennent assez rapidement difficiles à gérer.

Alors, moi, je pense, le gouvernement du Canada peut avoir la légitimité de créer des programmes comme ça pour répondre à des situations internationales exceptionnelles, mais, s'il n'y a pas de plan pour que les gens retournent dans leur pays, à ce moment-là, il faut mettre des fonds pour que les gens s'intègrent. Puis, dans le cas des Ukrainiens, par exemple, ça n'a pas été fait. Il y a eu des petites allocations qui ont été mises sur pied, mais on n'a pas payé les gens, couvert la subsistance des gens pendant l'année ou l'année et demie dont ils auraient eu besoin pour vraiment devenir bons en français. Vous comprenez? C'est-à-dire qu'on prend des décisions à court terme sans réfléchir à la francisation à long terme, parce que, du côté fédéral, visiblement, on n'a pas envie de mettre les centaines de millions, voire les milliards de dollars qui seraient nécessaires pour prendre réellement en charge ces personnes-là. C'est le même problème, à mon avis, du côté des demandeurs d'asile.

M. Roberge : Merci. Puis, parlant des demandeurs d'asile, quand je regarde à la fois... au début, il y avait le tableau synthèse, des recommandations, que ce soit la 5 ou la 11, vous parlez d'une répartition : «Le gouvernement du Québec doit exiger une réforme des systèmes d'asile canadien et la conclusion d'une entente fédérale-provinciale qui assurera la répartition des demandeurs d'asile... leur prise en charge complète». D'après vous, ça devrait être à l'entrée, ça devrait être au moment de l'émission du permis de travail? Est-ce qu'on pourrait leur donner un permis de travail géolocalisé, par exemple, pour assurer une juste répartition de demandeurs d'asile à l'intérieur du Canada? À quoi vous pensez quand vous avez écrit «répartition» à la fois dans votre recommandation 5 et 11?

M. Dubreuil (Benoît) : ...avec la question du permis de travail. Je sais que les gouvernements qui ne veulent pas...


 
 

12 h (version non révisée)

M. Dubreuil (Benoît) : ...dépenser trop pour soutenir les demandeurs d'asile trouvent qu'en général c'est une bonne idée de donner très, très rapidement des permis de travail.

Mais je reviens à mon rôle, là. Quand vous avez quelqu'un qui arrive au Québec qui ne parle pas français, puis vous lui donnez un permis de travail, il y a deux choses qui peuvent arriver. La première, c'est que cette personne0là parle anglais et elle va aller s'insérer dans un milieu plutôt anglophone. On ne peut pas lui reprocher. C'est normal. Et, la deuxième possibilité, c'est que la personne ne parle ni l'un ni l'autre des deux langues. Et là, à ce moment-là, moi, je pose la question : Est-ce que cette personne-là est vraiment protégée? Moi, je pense qu'arriver à Montréal maintenant, avec l'aide sociale, vous ne parlez pas français, vous ne parlez pas anglais, c'est quoi votre plan pour ne pas être vulnérable? Vous êtes vulnérable. Vous êtes vulnérable. Donc, c'est quoi, le plan, par rapport à ces gens-là quand on leur donne un permis de travail? Moi, je pense qu'on devrait se doter, au Québec, d'un système. Je sais, en Europe, il y a plusieurs systèmes justement où il y a une prise en charge des gens. Et je ne dis pas que c'est des systèmes qui fonctionnent nécessairement très bien. C'est des systèmes qui coûtent cher, c'est des systèmes qui sont lourds à déployer sur le plan logistique, mais au moins on sait où sont les gens. Ici, on ne sait même pas combien qu'il y a de demandeurs d'asile. Il n'y a aucun suivi. Moi, je ne sais même pas combien d'entre eux ne parlent pas français, combien d'entre eux ne parlaient pas français à l'arrivée. Le gouvernement fédéral n'est pas capable de nous donner ces informations-là, OK. Donc, au moins, en Europe, quand il y a une prise en charge, on sait où sont les gens, on sait qu'ils sont nourris, on sait qu'ils sont logés, on sait qu'ils ont un toit sur la tête, OK, puis ensuite on fait le traitement de leur dossier.

Le problème qu'on a évidemment aussi au Canada, c'est que les gens sont... sont admis, sont complètement laissés à eux-mêmes. On a un délai de traitement qui est rendu de trois, quatre, cinq ans. Et là, on se dit : C'est bon, les gens sont protégés. Bien, je suis désolé, les gens sont dans une situation très vulnérable.

Et, moi... aujourd'hui que j'ai confiance que la francisation va bien. On voit, dans les données de francisation, les gens ne sont pas inscrits. Et je ne peux pas vous dire que l'intégration va bien non plus. On sait que la concentration est très, très, très forte à Montréal, que les gens se retrouvent dans des situations où ils n'ont pas la possibilité comme ça de s'épanouir, de se faire plein d'amis québécois puis de... On n'est pas là-dedans, là.

M. Roberge : Donc, la prise en charge des gens, la francisation des gens, la répartition des gens, en sachant qui les prend en charge, dans quelle province, c'est un mécanisme aussi pour les protéger, pour assurer qu'ils ne soient pas vulnérables. Puis c'est un mécanisme de bienveillance pour assurer à terme une intégration, puis qu'ils ne soient pas gobés par des réseaux criminels ou qui ne soient pas gobés par un réseau d'économie souterraine avec... OK. Je vous remercie. C'est ça qu'il y avait derrière votre réflexion.

Sur la question de personnes qui sont admises. Je suis à votre recommandation neuf, là, sur l'immigration permanente. On parle de l'admission de personnes établies dans les RMR de Montréal et Gatineau. Donc, ça, ce sont les régions métropolitaines de recensement. Il y a eu pas mal de discussions sur, par exemple, à Montréal, est-ce qu'on considère la CMM, est-ce qu'on considère la RMR, est-ce qu'on considère les régions administratives du Québec. Quand on regarde la RMR, la région métropolitaine de recensement, c'est quand même assez grand. Ça se rend jusqu'à Saint-Jean-sur-Richelieu. Est-ce que vous pensez que l'enjeu de la vitalité de la langue devrait être considéré dans une région aussi large? Moi, j'ai mes doutes là-dessus, mais j'aimerais ça vous entendre. Je pense qu'entre Montréal, Longueuil et Laval versus Chambly, Saint-Jean-sur-Richelieu, Saint-Jérôme, on est dans des réalités différentes.

M. Dubreuil (Benoît) : Je pense qu'on peut... on peut en discuter, effectivement, mais c'est sûr que, rendus à Saint-Jean-sur-le-Richelieu, la dynamique socioculturelle est différente de ce qu'on va avoir à Parc-Extension ou dans Côte-des-Neiges, là. C'est indubitable. Mais, le point de base, c'est qu'à Montréal et à Gatineau, c'est facile pour une personne d'arriver, de se retrouver dans un quartier où il n'y aura que des immigrants récents, de se retrouver dans une école où ses enfants ne feront que fréquenter des enfants d'immigrants récents, de travailler dans un milieu de travail où il n'y aura aussi que des immigrants récents. Ça ne veut pas dire que ça va mal se passer pour cette personne-là. Mais, l'enjeu qu'on va avoir collectivement, c'est qu'avec le temps, si on n'a pas suffisamment de liens entre les gens qui sont issus de l'immigration et les gens qui ne sont pas issus de l'immigration, si on n'a pas des liens significatifs et nombreux qui se développent, bien, les gens vont vivre côte à côte, mais ils vont développer des préjugés, ils vont développer des stéréotypes, ils vont avoir différents types de rancœurs, d'accusations qu'ils vont faire les uns contre les autres. Et, ça, à mon avis, ça va à l'encontre des objectifs de la Charte de la langue française. Parce que pour développer le sentiment d'adhésion à la culture québécoise, c'est l'objectif quand même que vous vous êtes donné comme parlementaires en révisant la charte, il faut qu'il y ait des liens. Mais ça devient difficile à Montréal, des fois, d'organiser des liens. Vous avez des jeunes qui vont... qui grandissent dans plusieurs écoles à Montréal, et la première personne qui n'est pas issue de l'immigration qu'ils vont rencontrer comme pairs, ça va être peut-être au cégep ou à l'université. Donc, comment on renforce ces liens-là? Pour moi, c'est vraiment ça, le défi que vous avez avec...

M. Dubreuil (Benoît) : ...la politique d'intégration que vous êtes en train de préparer au gouvernement, oui.

M. Roberge : Merci beaucoup pour l'éclairage que vous apportez. Je pense, j'ai des collègues qui veulent vous questionner.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Alors, je laisse la parole à la députée de Vimont. Il reste deux minutes dix secondes.

Mme Schmaltz : Parfait. Merci. Bonjour, M. Dubreuil. Peut-être juste rapporter un petit élément, là, de... Tantôt, vous parliez de francisation de demandeurs d'asile. Sachez quand même que, sur les 91 000 de... personnes francisées l'année passée, il y en a 6 000, demandeurs d'asile, aussi, qui ont été... qui ont été pris en charge. Donc, tantôt, j'ai vu qu'il y avait un petit peu un questionnement là-dessus, puis ce n'est pas ma question.

En fait, au tout début, vous avez parlé de notre... l'effort de francisation, que la portée était limitée et puis que les étudiants n'étaient pas là suffisamment pour apprendre ou du moins pour parler le français. Est-ce que vous parlez, à ce moment-là, du temps en termes de mois, en termes de formation? Est-ce que la formation doit être plus poussée? Est-ce qu'elle doit être davantage, je ne sais pas, imposée? Comment vous arrivez à ce constat-là?

M. Dubreuil (Benoît) : Bien, c'est le... c'est le résultat des deux rapports qu'on a faits sur le déploiement de Francisation Québec. C'est sûr que le problème de base, il est facile à comprendre, c'est que les gens arrivent, qu'ils soient des étudiants ou qu'ils soient des travailleurs ou des demandeurs d'asile, ils n'ont pas beaucoup de temps à consacrer à la francisation, parce qu'il y en a beaucoup soit ils sont en mode survie, soit ils ont calculé leur projet migratoire de façon un peu serrée sur le plan financier. Donc, les gens ont besoin de travailler, ils ont besoin de travailler beaucoup. Donc, faire l'investissement linguistique qui est nécessaire pour atteindre un niveau d'aisance complète, quand, par ailleurs... Vous savez, à Montréal, on peut fonctionner en anglais. Donc, si vous essayez de fonctionner à Montréal en anglais, il n'y a rien qui va vous empêcher de le faire. Donc, elle est vraiment là, la difficulté, c'est : comment on amène les gens à mettre non pas 150 ou 200 heures à leur francisation, c'est ce qu'on voit en ce moment au temps partiel, mais 800, 1 000, 1 200 heures, pour que les gens n'aient pas seulement une petite base qui leur permet d'interagir dans des interactions très, très, très simples, quand on va au dépanneur puis on dit : Merci, bonjour, mais avoir la capacité de socialiser en français, d'occuper un emploi autre que de services de base, de se faire des amis, d'être... de consommer de la culture...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Merci beaucoup. Le temps vient de se terminer pour la banquette gouvernementale. Je me tourne du côté de l'opposition officielle, avec le député d'Acadie pour une période de huit minutes 33 secondes.

• (12 h 10) •

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour, M. le commissaire, et mes salutations à vos collègues. Merci d'être avec nous. Merci pour votre mémoire également et vos réflexions.

J'aurais quelques questions, surtout des questions d'éclaircissement avec vous, après une lecture attentive de votre mémoire. À la recommandation trois, vous parlez du programme de mobilité internationale et vous suggérez que le MIFI exige, finalement, d'Immigration Canada, parce que le PMI, c'est un programme fédéral, que les candidats au permis de travail postdiplôme aient une connaissance du français au niveau sept, et ça devrait être exigé aussi des conjoints étudiants, des conjoints des travailleurs étrangers.

Est-ce que... Pour en arriver à cette recommandation-là, est-ce que vous vous êtes basé... quel chiffre avez-vous pris? Est-ce que vous savez... Est-ce que vous avez une idée de... du nombre de gens qui ont ces permis-là? Parce qu'évidemment, quand on parle de francisation, et on en a parlé, vous et moi, dans d'autres forums, ici, au parlement, il y a souvent des enjeux. Alors, je voudrais juste comprendre sur quel chiffre vous vous êtes basé puis ça représenterait quoi, approximativement, comme nombre de personnes.

M. Dubreuil (Benoît) : Sur les permis postdiplôme, là, il faut faire attention parce que ça change quand même, là, d'année en année. Je pense qu'on était autour de 40 000 personnes, des titulaires de permis postdiplôme, puis on peut présumer qu'il y en a peut-être la... grosso modo, la moitié, là, qui ne parle pas vraiment français. Du côté des permis de conjoints, là, je n'ai pas les derniers chiffres derrière moi. C'est peut-être, quoi, 20 000, peut-être? Je n'ai pas le... Je n'ai pas exactement les derniers chiffres.

Une voix : ...

M. Dubreuil (Benoît) : Exactement. Puis on était à peu près sur les mêmes proportions. Mais c'est sûr que, là, c'est en train de diminuer, hein, il faut être conscient, c'est en train de diminuer parce qu'il y a eu des restrictions qui ont été apportées, notamment pour les conjoints d'étudiants du côté du gouvernement fédéral. Et ça, le nombre de conjoints d'étudiants va diminuer, oui. Il y a aussi, évidemment, les conjoints de travailleurs temporaires. Avec les restrictions sur les temporaires, ça va... Donc, pour l'instant, ça diminue.

M. Morin : OK. Je vous posais la question parce qu'en fait je pense que ça englobait le PMI au grand complet, mais j'essayais de voir avec vous, tu sais, quel pourrait être l'impact, évidemment, sur la francisation. Parce qu'on est tous d'accord, là, le français, c'est notre langue officielle, c'est notre langue commune, il faut... il faut la parler. Mais...

M. Morin : ...quand je regardais les chiffres du gouvernement pour le PMI, je ne sais pas si vous avez pris ces chiffres-là, dans un article de Mme Geneviève Lajoie du bureau parlementaire publié en juin 2022. On soulignait dans l'article que pour le PMI, il y avait 62 000 personnes, 62 270. Mais là c'est l'ensemble. Dans le cahier de consultation du gouvernement, parce qu'il y a eu une consultation sur la planification en 2023 pour 2024‑2027. En 2021, dans le PIM, on donnait 64 120. Mais dans le cahier qu'on a présentement, en 2021, dans le PMI, si je comprends bien, là, on serait passé de 131 540. On ne parle pas des mêmes chiffres, du tout, du tout. Puis dans le cahier du gouvernement, bien, qui est récent, là, puis dans 2023, il y en avait 64 000, puis là, aujourd'hui, il y en aurait 131 540. Ça fait que quels chiffres avez-vous pris? Puis évidemment vous comprendrez, compte tenu des chiffres que le gouvernement nous donne, puis je relisais l'article de Mme Lajoie, évidemment l'impact ne sera pas le même. Alors, j'aimerais juste comprendre avec vous quel serait l'impact, puis qu'est-ce que ça donnerait, puis est ce qu'on a la capacité de le faire?

M. Dubreuil (Benoît) : Il faut comprendre que depuis trois ou quatre ans, là, les chiffres ont bougé d'une façon absolument spectaculaire parce qu'il y a eu une augmentation du nombre d'étudiants, par exemple, étrangers, avec le nombre de personnes qui ont... Il y a eu des gros changements dans les politiques aussi. Donc, on peut trouver 131 000, c'est ça, le nombre de titulaires uniques du PMI au 31? Ça, c'est au 31 décembre 2024.

M. Morin : ...consultation du gouvernement en 2025, c'est à la page 25...

M. Dubreuil (Benoît) : Oui.

M. Morin : ...qui a un permis valide au 31 décembre. Puis ça semble être la même catégorie que dans le document qu'on avait en 2023. Là, pour le PMI, je comprends que c'est probablement tout l'ensemble, mais là on serait passé de, et la même année, là, 64 000 à 131 000. Ça fait qu'ils sont son arrivée où?

M. Dubreuil (Benoît) : Peut-être un enjeu qu'il faut mentionner du côté du gouvernement fédéral, c'est que le gouvernement fédéral tient un inventaire des permis au 31 décembre, puis prend aussi le nombre de permis qui sont émis délivrés dans l'année ou il peut y avoir des renouvellements. Donc, il faut voir, là, c'est sûr que c'est les deux mêmes chiffres auxquels vous faites référence. Puis il y a une troisième difficulté aussi, c'est que là on parle de nombre de PMI. On ne parle pas nécessairement de nombre de personnes. Donc, depuis plusieurs années, il y a des débats internes, méthodologiques, entre Statistique Canada et l'IRCC pour savoir comment on calcule des personnes sur la base de permis. Parce que le gouvernement du Canada n'est capable d'informer les citoyens de façon adéquate sur le nombre de personnes qu'il y a sur le territoire. On ne sait pas si les gens sont partis. On ne sait pas. Par exemple, chez les étudiants étrangers, on sait... on sait qu'on a délivré un permis, mais ensuite est ce que les gens sont ici ou est ce qu'ils ne sont pas ici? Il n'y a aucune façon pour le gouvernement de le savoir parce que les sorties ne sont pas contrôlées. Donc, ça fait des années que Statistique Canada essaie de développer des modèles en essayant d'aller chercher différentes croisées, différentes bases de données pour savoir combien il y a de personnes au Canada. Puis tous les débats méthodologiques qu'on a eus découlent aussi de ça. Donc, voilà.

M. Morin : Je comprends. Et en 2024, moi, j'avais fait une suggestion au gouvernement parce que, dans l'opposition officielle... d'être constructif, et j'avais... J'avais suggéré au gouvernement de ramener dans le giron du Québec, compte tenu de l'entente que nous avons, la gestion du PMI au grand complet, parce qu'évidemment on parle de travailleurs... d'étudiants étrangers. Bon, vous, je comprends que, dans votre recommandation, vous n'y allez peut-être pas pour la totale, mais vous avez finalement certaines catégories. Qu'est-ce que vous pensez de l'idée de le rapatrier au complet pour qu'on soit capables de contrôler notre immigration?

M. Dubreuil (Benoît) : Bien, je pense... Je ne suis pas contre. Cela dit, comme je le mentionnais tout à l'heure, il y a de petites catégories au PMI qui sont liées à des ententes internationales de libre-échange. Donc, ça, est-ce que ça ferait partie de la compétence. On rentre plus dans la compétence exclusive du gouvernement du Canada. Par contre, quand on crée un programme comme Programme Vacances Travail, les PVT, là, ça, honnêtement, il n'y a pas d'accord international de raison suprême de l'État autour de ça. L'enjeu est peut-être plus autour de ce que j'ai appelé des politiques d'intérêt public. Donc, le Canada se garde le droit, comme on a vu avec les Ukrainiens ou dans le cas d'autres situations humanitaires, d'admettre massivement des gens en délivrant de façon massive des permis de travail. Là, ça soulève un problème de collaboration fédérale-provinciale, parce qu'évidemment il peut y avoir des coûts reliés à cet accueil-là qui sont automatiquement transférés aux provinces. Et là, comment le gouvernement fédéral s'assure qu'il est équitable envers les provinces quand elles accueillent, je ne sais pas, quelques centaines de milliers d'Ukrainiens, par exemple? Ça, pour moi, ça demeure un enjeu.

M. Morin : Oui. Et là-dessus, je vous rejoins. Et puis d'ailleurs, bien, il y a... Il y a aussi toute la catégorie des demandeurs d'asile, des...

M. Morin : ...et les réfugiés sur place qui sont... ils sont véritablement de la compétence du fédéral, là.

Et, parlant de ça, justement, votre recommandation n° 10 traite, entre autres, du regroupement familial. Je le disais hier puis je l'ai dit dans mes remarques préliminaires, le regroupement familial, pour moi, pour ma formation politique, c'est fondamental, c'est hyper important. On le sait, présentement, au Québec, les délais sont d'à peu près quatre ans, donc... et puis c'est à peu près 13 mois ailleurs dans le Canada, donc ces gens-là vivent un drame humain. D'ailleurs, on avait hier un groupe qui est venu nous parler de ça, Action réfugiés Montréal, et il y a des gens qui vivaient ce drame-là et qui nous ont parlé, évidemment, de l'impact psychologique d'attendre trois ou quatre ans avant de réunir les familles. Et je trouve ça totalement inhumain pour ma part.

Maintenant, ceci étant dit...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : En terminant.

M. Morin : Oui. J'avais fait une proposition au gouvernement de réduire la liste à deux ans. Est-ce que votre recommandation va dans ce sens-là?

M. Dubreuil (Benoît) : ...à évaluer en fait, parce que... je reviens...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Je dois vous arrêter. Malheureusement, le temps de l'opposition officielle est terminé. On va poursuivre avec le député de Laurier-Dorion pour 2 min 51 s.

M. Fontecilla : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Dubreuil. Je salue vos collègues également. J'ai très peu de temps. Je vais aller du côté de la réunification, le programme de regroupement. Et donc on a un programme d'immigration économique qui est, supposément, le principal programme. Vous dites qu'il faut le réduire considérablement pour faire de la place à la réunification aux épouses, époux, enfants, etc. J'en suis. Je suis tout à fait d'accord de... Parce qu'il y a un grand problème, il y a beaucoup de gens qui sont en attente et. Mais, en plus, vous dites, là, que ces personnes-là devraient déjà arriver avec une connaissance du français. Mais j'aimerais ça que vous nous expliquiez davantage cet élément-là. Ça paraît un peu contre intuitif qu'on dise on a besoin des migrants économiques, mais on doit faire plus de place aux époux, aux conjoints, conjointes et enfants.

M. Dubreuil (Benoît) : Bien, ça va me permettre de répondre à la question précédente en même temps. Donc, si je recule un peu dans le temps puis je regarde la dynamique des dernières décennies, on a toujours eu, à peu près une moyenne dans l'immigration, là, de deux immigrants économiques pour une personne au regroupement familial, OK? Puis je n'ai pas examiné les détails... le détail des chiffres, mais je pense que ça fonctionnait relativement bien, ça finissait par s'équilibrer. C'est sûr que, depuis quelques années, au Québec, pour des raisons légitimes, on a dit : On va augmenter la part de l'immigration que contrôle le Québec, donc on va augmenter l'immigration économique. Mais évidemment il y a un lien causal, là, entre les immigrants économiques puis le regroupement familial. Il y a des... le regroupement familial, ça vient en partie parce qu'il y a des Québécois qui voyagent, qui tombent en amour à l'étranger, mais ça vient aussi beaucoup d'immigrants économiques qui sont venus puis qui font venir ensuite des membres de la famille. Donc, il y a les deux voies. Donc, moi, ce que je dis, c'est que vraisemblablement, quand on a augmenté l'immigration économique au cours des dernières années, on a brisé cet équilibre-là, puis il faudrait voir pour le retrouver parce que c'est sûr qu'à long terme ce n'est pas soutenable.

• (12 h 20) •

Ensuite, la question du français, si je comprends bien le point que vous mentionnez, je suis d'accord, mais la réalité c'est que les chiffres ne demeurent quand même pas très bons pour ce qui est de l'utilisation du français parmi les personnes parrainées. Il y a beaucoup de gens qui vont venir au Québec à travers le regroupement familial. L'utilisation de l'anglais notamment demeure beaucoup trop importante, deux fois plus importante, en fait, que dans la population, ou trois fois plus importante. Donc, comment on agit? Qu'est-ce qu'on fait par rapport à ça? Est-ce que c'est plus d'argent? Et si oui, qui va mettre cet argent-là? Parce que, visiblement, on n'atteint pas nos objectifs à travers le regroupement familial en termes d'apprentissage et d'utilisation du français. Peut-être qu'en francisant beaucoup l'immigration économique comme on l'a fait, il y aura des répercussions positives sur la situation du français dans le regroupement familial, on peut l'espérer, mais pour l'instant, moi, je regarde la composition de la liste d'attente, là, on a la composition par pays, la composition par langue déclarée...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : En terminant.

M. Dubreuil (Benoît) : ...puis la situation demeure assez défavorable.

M. Fontecilla : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. On poursuit la discussion avec le député d'Arthabaska pour une période de 2 min 51 s.

M. Boissonneault : Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Dubreuil, pour votre présentation puis votre travail. Votre proposition, là, n° 5, recommandation n° 5, vous dites que le gouvernement du Québec doit exiger une réforme du système d'asile canadien, la conclusion d'une entente fédérale-provinciale sur les demandeurs d'asile. Qu'est-ce qui empêche cette entente-là?

M. Dubreuil (Benoît) : Mais là je ne veux pas trop rentrer dans les éléments politiques, mais c'est sûr que, dans un système fédéral, puis il y a d'autres cas à travers le monde, la personne qui contrôle les frontières, ce n'est pas la même personne qui paye pour l'intégration des gens puis qui subit les conséquences des coûts si les gens... si l'intégration ne fonctionne pas, pas bien. Il y a cet élément-là. Puis il y a peut-être un élément de pas dans ma cour aussi, je pense, avec les autres provinces, parce que même s'il y a eu des volontés, en fait, de mobiliser...

M. Dubreuil (Benoît) : ...autres provinces autour de cet enjeu. On n'a pas senti non plus dans les autres provinces une volonté débordante de dire : Oui, c'est bon, on va vraiment mettre l'épaule à la roue puis... Donc, je pense qu'il y a un... il y a un enjeu de coordination fédérale-provinciale, comme il en arrive parfois dans les fédérations. Je ne sais pas quelle est la réponse à cette situation-là, mais je veux quand même tirer la sonnette d'alarme. En ce moment, ça ne va pas bien.

M. Boissonneault : En l'absence de collaboration du gouvernement fédéral, est-ce qu'il y a quelque chose là-dessus, pour faire le suivi pour les demandeurs d'asile, que le gouvernement du Québec peut faire?

M. Dubreuil (Benoît) : C'est une très, très bonne question. Je pense qu'on rentre dans des éléments peut-être plus de la stratégie politique, ou de la stratégie de négociation, ou comment on mobilise les gens autour de ça. Je n'aurais pas nécessairement de réponses précises à vous donner, malheureusement.

M. Boissonneault : J'aimerais ça revenir à une partie de la question de M. le ministre sur les permis géolocalisés pour les demandeurs d'asile, les permis de travail. Je sais que ça se fait à certains endroits, en Allemagne, je pense. On commence par trois mois. Est-ce que c'est quelque chose qui pourrait se faire ici au Québec?

M. Dubreuil (Benoît) : Je pense que, de manière générale, il faut trouver une façon de répartir les demandeurs d'asile dans des contextes d'accueil qui sont... qui sont favorables. Soyons clairs, là, ça va coûter de l'argent. On ne parle pas de dizaines de millions de dollars, on ne parle pas de centaines de millions de dollars. Il faut que le gouvernement fédéral dépense des milliards de dollars pour mettre en place un tel système. Il faut que les gens soient répartis dans des contextes favorables. Oui.

M. Boissonneault : ...applicable mais c'est théoriquement quelque chose qui pourrait fonctionner.

M. Dubreuil (Benoît) : Oui. Puis je ne veux pas, encore une fois, avoir des lunettes roses par rapport aux différents systèmes qui se mettent en place en Europe. Mais, quand même, au moins, ils essaient de gérer la situation, alors qu'au Canada, on reste pour l'essentiel dans un système de laisser-faire.

M. Boissonneault : M. Dubreuil, j'aimerais ça vous entendre sur cette absence de sentiment de pleine adhésion, quand vous avez parlé d'intégration, par exemple. Qu'est-ce que ça veut dire puis quelle est la conséquence de ça?

M. Dubreuil (Benoît) : Écoutez, je vais peut-être... je ne veux pas avancer trop là-dessus parce qu'on est en train de préparer justement quelque chose qui va nous permettre d'aller plus loin dans cette direction-là.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : En terminant.

M. Dubreuil (Benoît) : Mais c'est sûr que la Charte de la langue française définit ça comme un objectif. On dit : On veut que les gens adhèrent et contribuent pleinement à une culture commune...

M. Boissonneault : ...pas juste un instrument de communication.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Merci beaucoup. Alors, c'est tout le temps que nous avions pour cette audition. Merci pour l'apport à nos travaux.

Nous allons suspendre quelques instants, le temps de recevoir le prochain groupe.

(Suspension de la séance à 12 h 24)


 
 

12 h 30 (version non révisée)

(Reprise à 12 h 33)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens poursuit ses travaux. Nous recevons donc pour le... comme prochain intervenant M. Pierre Fortin, du Département des sciences économiques de l'Université du Québec à Montréal. Bienvenue, M. Fortin. Vous allez disposer d'une période de 10 minutes pour vous présenter ainsi que votre présentation. Par la suite, nous allons commencer les échanges avec les parlementaires. Alors, le temps commence maintenant pour vous. Allez-y.

(Audioconférence)

M. Fortin (Pierre) :Merci de m'accueillir. Je suis Pierre Fortin. Je suis mathématicien, macroéconomiste et formé en partie en démographie.

L'immigration est une question qui me tient bien à cœur, non seulement comme chercheur, mais aussi comme père de famille. Mes 15 enfants, beaux-enfants et petits-enfants sont tous issus de l'immigration, sauf un, mais il est fin, lui aussi. Les deux petits sur l'image que vous pouvez voir présentement sont mes... deux de mes petits-enfants, Yoan et Loïc.

Alors, on passe à la première image. Comme l'image le montre, le régime migratoire auquel le Canada a été soumis depuis 2016, ça a fait sauter le presto. Le taux annuel d'immigration au Canada et au Québec a soudainement presque quadruplé par rapport au rythme stable, paisible et ordonné des deux décennies antérieures. La composition de l'immigration s'est également détériorée. Afin de répondre aux besoins de main-d'œuvre à court terme des employeurs, on a laissé entrer à peu près n'importe qui plutôt que de conserver la vieille grille de points traditionnelle qui prédisait bien, à l'époque, le potentiel de développement à long terme des candidats à l'immigration.

Le mémoire que j'ai préparé pour le ministère explique en détail comment et pourquoi cette politique d'immigration a été une catastrophe économique et sociale. Ses premières victimes sont les immigrants eux-mêmes. Elle a de plus crinqué les Canadiens contre l'immigration. Mes conclusions vont être étayées non pas sur des opinions tirées de TikTok, mais par les résultats unanimes des travaux des chercheurs économistes canadiens.

Nos résultats démontrent démontre que le ministre fédéral de l'Immigration, M. Miller, a eu raison l'an dernier d'annoncer qu'il allait modérer le rythme d'entrée à l'immigration et que la ministre québécoise, Mme Fréchette, et son successeur, M. Roberge, ont eu raison de l'appuyer. Ce que les ministres ont voulu, ce n'est pas un repli sur soi, mais la correction de la boursouflure que la politique de 2016 à 2024 a imprimée à l'immigration et à la population du Canada et qui s'est avérée désastreuse, comme nos concitoyens l'ont bien compris.

Alors, on passe au tableau, le virage projeté. La nouvelle politique fédérale comprend deux volets. Le premier consiste à abaisser le rythme de l'immigration permanente, en haut du tableau, au Canada, à 365 000 en 2027. Mais, même ainsi réduit, un tel seuil appliqué au Québec au prorata de sa population...

M. Fortin (Pierre) :...22 % ferait bondir sa cible actuelle de 60 %, ça passerait de 50 000 à 80 000 admissions. Le ministère québécois a entièrement raison de juger que cela exercerait, pour l'instant, une pression beaucoup trop forte sur sa... la capacité actuelle d'accueil et d'intégration du Québec. Et donc, comme point de départ pratique sur le terrain, je favoriserais le maintien pour un temps de la cible actuelle de 50 000 nouveaux immigrants permanents par année. Ce taux correspond exactement au rythme moyen que le Québec a observé en proportion de sa population depuis 30 ans. Il pourrait ensuite être modifié à la lumière de l'expérience acquise dans les années futures.

Le second volet de la nouvelle politique fédérale concerne l'immigration temporaire, la partie du bas du tableau, parce que c'est elle, l'immigration temporaire, qui a surtout alimenté l'explosion migratoire de 2016-2024. Le plan fédéral vise à réduire le nombre accumulé d'immigrants temporaires résidents au Canada à 5 % de la population totale du pays. Il la ferait diminuer de 30 % en trois ans, du début 2025 au début 2028. Appliquée telle quelle au Québec, cette baisse de 30 % ferait diminuer le nombre d'immigrants temporaires en résidence du sommet de 565 000 enregistré au début de 2025 à 396 000 au début de 2028. Donc, c'est 396 et non 376 qui doit être inscrit sur le tableau. De son côté, avec les moyens limités dont il dispose, le MIFI projette une réduction du nombre accumulé d'immigrants temporaires à 375 000 en cinq ans, du début 2025 au début 2030. Pour y arriver, il compte en partie surfer sur les mesures de réduction fédérales et en partie obtenir des arrangements supplémentaires avec Ottawa pour les programmes qui échappent à son contrôle.

Je suis d'avis, pour ma part, que la réduction à 396 000 ou 375 000 du nombre d'immigrants temporaires proposée par Ottawa et Québec serait insuffisante pour réparer les graves perturbations économiques et sociales causées par la politique de 2016-2024. Je privilégie une cible qui vise à reproduire la situation d'avant 2016 pour les permis de travail et d'études, tout en accordant une importance spéciale accrue au rôle humanitaire que doit jouer l'immigration. Je propose ainsi de faire diminuer le nombre accumulé d'immigrants temporaires à 243 000 en quatre ans, ou en six ans, on pourrait aller plus loin si on veut, au début de 2029. Seul un retour résolu à ce qu'on pourrait appeler la normalité paisible des 20 années 1995 à 2015 aurait raison, à terme, de notre malheur. On a un gros problème, et un gros problème commande une grosse solution. On ne guérit pas une fracture en la beurrant de bacitracine.

• (12 h 40) •

Le gouvernement du Québec devra en arriver, évidemment, à des compromis avec ses principaux partenaires. Premièrement, le fait que le Québec ne puisse contrôler que le tiers, environ, des admissions à l'immigration temporaire est une incohérence administrative et politique qui doit être corrigée par une juste interprétation de l'Accord Canada-Québec de 1991 sur l'immigration.

Deuxièmement, un compromis avec les milieux d'affaires est essentiel. Leur féroce opposition aux mesures de modération proposées par Ottawa et Québec pose trois problèmes : impact nul sur la pénurie de main-d'œuvre; addiction au «cheap labor» et importantes subventions d'accompagnement de l'État. L'approche du bar ouvert ne doit plus continuer. Il faut rétablir partout la vieille grille de points uniforme d'autrefois et faire un choix de priorité selon le type de métier, le secteur industriel et la région.

Troisièmement, un compromis est enfin nécessaire avec les milieux d'éducation. Ils doivent mettre de l'eau dans leur vin eux aussi et faire leur part. C'est au budget provincial de faire un effort pour corriger leur insécurité financière.

Finalement, il y a quelques règles d'action à être observées. Premièrement — je prends la... ma dernière minute pour ça — combattre fermement l'illégalité...

M. Fortin (Pierre) :...deuxièmement, appliquer rigoureusement une grille de points universelle à la fois pour les candidats à la permanence et pour les postulants temporaires. Troisièmement, pour les résidents non permanents. Chaque année, les entrées ne doivent pas excéder les sorties. Et quatrièmement, respecter les promesses déjà faites aux temporaires de passer à la permanence, à ceux qui sont déjà dans le système. Mais s'assurer que dans l'avenir, les admissions à la permanence ne seront pas... ne seront plus engorgées par les tensions de temporaires à permanents. On pourrait peut-être même envisager de fermer cette voie de passage facile pour de bon et renvoyer simplement les temporaires qui veulent rester chez nous postuler à l'immigration permanente sur le même pied que tous les candidats en provenance de l'extérieur dans un beau programme par exemple comme Arrima. Merci de votre attention.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Professeur Fortin, merci beaucoup pour cette présentation. On va donc commencer la période d'échange avec les parlementaires. Et je me tourne du côté du ministre. M. le ministre, vous avez 10 minutes.

M. Roberge : Bonjour. M. le ministre. Je ne dirai pas «content de vous voir», mais content de vous entendre. Merci pour la clarté de vos propos. J'ai quelques questions suite à vos interventions puis à ce que j'ai trouvé dans votre mémoire.

Vous alléguez, vous précisez dans votre mémoire, puis je l'ai... je l'ai lu ailleurs à d'autres moments, que l'arrivée, la venue massive d'immigrants temporaires ou de travailleurs temporaires n'a pas allégé la pénurie de main-d'œuvre, ou l'a même laissée inchangée ou a pu aggraver. Comment pouvez-vous expliquer que l'arrivée d'immigrants temporaires, de travailleurs temporaires puisse augmenter la pénurie de main-d'œuvre?

M. Fortin (Pierre) :Bien, premièrement, il faut... il faut savoir qu'avec plus d'immigrants qui arrivent et plus de profits pour les entreprises qui les embauchent, bien, ça fait de l'argent de plus dans l'économie. Une fois qu'il est redépensé, bien, ça ajoute à la pénurie de main-d'œuvre et, par conséquent, ça compense pour la baisse initiale de pénurie de main-d'œuvre qui a été provoquée. Donc, au mieux, c'est nul comme impact général.

Pourquoi ça peut faire augmenter la pénurie de main-d'œuvre? C'est parce que ça devient plus difficile, avec une main-d'œuvre qui est beaucoup plus diversifiée, d'être capable de bien matcher, de bien pairer les emplois disponibles avec les travailleurs qui veulent les occuper. Donc, il y a une plus grande difficulté du matching entre emplois disponibles et travailleurs disponibles après l'arrivée d'une grande... d'un grand nombre d'immigrants.

M. Roberge : Merci beaucoup. Plusieurs gens du milieu des affaires, ou en tout cas leurs groupes de pression, nous disent que l'arrivée de ces personnes-là, massive, augmente le PIB et donc enrichit le Québec. Est-ce que c'est vrai? Est-ce que l'augmentation du PIB devrait être notre objectif ou est-ce que ce ne serait pas plutôt le PIB par habitant? Comment séparer l'accroissement du PIB et l'enrichissement réel des Québécois?

M. Fortin (Pierre) :La confusion est absolument totale dans les médias sur ce que veut dire croissance économique. Grossir le PIB, ça veut dire grossir la taille de l'économie. Mais, grossir le PIB, ça ne veut pas dire enrichir la population. «Grossir», ce n'est pas la même chose qu'«enrichir». Vous pouvez avoir un gros PIB par exemple, comme l'Italie ou l'Espagne, puis être beaucoup moins riche que des pays beaucoup plus petits comme le Danemark ou la Hollande par exemple, OK. Donc, il y a confusion entre grossir puis s'enrichir. Vous faites... Vous faites allusion à la différence entre PIB, qui est la taille... le PIB total, qui est la taille de l'économie, et PIB par habitant, qui est le niveau de vie moyen. Ce que mes collègues à travers le Canada et moi-même, on a démontré, c'est que la boursouflure migratoire qu'on a connue depuis une dizaine d'années a fait évidemment grossir le PIB, mais a fait diminuer le PIB...

M. Fortin (Pierre) :...par habitant, ça a baissé le niveau de vie, ça a baissé la productivité et les salaires moyens dans l'économie canadienne. Puis, en passant, ce n'est pas seulement le Québec, là, ici, là, c'est l'ensemble du Canada qui est visé.

M. Roberge : Donc, il y a un écart important entre ce que vous nous expliquez et ce que disent plusieurs regroupements ou associations, là, patronaux, les groupes... les groupes de pression, les lobbys. Est-ce qu'il faut considérer aussi, je vous dirais, l'offre et la demande, là, si on veut parler en termes macroéconomiques, pour les logements? C'est-à-dire que, si on augmente le PIB du Québec, bon, fort bien, mais que les salaires ne sont peut-être pas suffisamment à la hausse, mais que les loyers, eux, sont à la hausse, est-ce qu'il n'y a pas une possibilité carrément d'appauvrir les Québécois parce qu'une part plus importante de leurs revenus servent au logement?

M. Fortin (Pierre) :C'est certain que ça fait partie du problème. Les chercheurs de la Banque du Canada et de Statistique Canada, par exemple Lu et Hu sont de très bons chercheurs à Statistique Canada, ont démontré que plus l'immigration est rapide, plus le prix des loyers au Canada des maisons augmente rapidement dans les grandes villes du Canada. Donc, ce n'est pas une affirmation en l'air, c'est vraiment confirmé par la recherche qui a été faite là-dessus.

Et ce n'est pas seulement les logements qui sont impliqués, le coût du logement puis l'accessibilité, mais c'est aussi les services publics. Par exemple, si... j'ai calculé, comme j'ai mentionné tantôt, j'ai une formation parallèle à la démographie, plus on... Quand on est passés de la... du système d'avant 2016 d'immigration à la politique de 2016-2024, cela a fait augmenter au prim/sec, c'est-à-dire le primaire secondaire comme on l'appelle familièrement... ça a augmenté la clientèle du prim/sec, que vous connaissez vous-même particulièrement, vous avez enseigné à ce niveau-là, 250 000 élèves dans le système québécois pour un coût qui dépasse 2 milliards, 2 milliards et demi, pour M. Girard et, évidemment, pour le ministre de l'Éducation. Donc, seulement en éducation, le système qu'on a adopté de 2016-2024 a fait augmenter, en 2024-2025, de 150 000 l'effectif scolaire au Québec, et donc avec un coût supplémentaire de 2 milliards et plus pour le gouvernement du Québec.

• (12 h 50) •

M. Roberge : Merci pour cette démonstration-là. J'ai parlé de logements, vous nous parlez aussi d'éducation, donc on voit qu'il y a un équilibre, là, entre l'arrivée massive de plusieurs personnes, la disponibilité de services publics, comme l'éducation, puis la disponibilité de logements. Vous nous parlez d'un terme, là, normalité paisible. Donc, avant 2016, vous parlez, à la page six, de l'année 2015, une année comme représentative de cette période où il y avait un peu moins de 50 000 immigrants permanents. Certains vont dire : Bien, 50 000, c'est beaucoup. C'est au-delà de la fourchette proposée par le gouvernement, là, entre 25 000 et 45 000, mais il faut voir qu'à ce moment-là il y avait une arrivée de 3 600 temporaires sur le territoire québécois, alors que, là, on a... cette année, on s'enligne pour... juste pour demandeurs d'asile, au-delà de... au-delà de 40 000 demandeurs d'asile, je ne vous parle pas des PMI et de tout ce monde-là. Donc, quand on veut revenir, si je vous suis, à une normalité paisible de 2015, il faut aussi considérer non pas seulement l'immigration permanente, mais aussi l'écosystème complet et donc les temporaires. Est-ce que je vous suis bien?

M. Fortin (Pierre) :Oui, absolument. Absolument. J'ai fait ma comparaison pour arriver à ma baisse, qui est plus importante que celle qui apparaît dans le cahier de consultation du ministère, à 250 000 plutôt que... le cahier du ministère parle de 375 000, en reproduisant l'immigration permanente et temporaire de 2015 et... mais aussi... mais en laissant augmenter, comme ça a été le cas dans les 10 dernières années, les demandes d'asile, parce qu'il y a une dizaine d'années...

M. Fortin (Pierre) : ...les demandes d'asile étaient à niveau très faible au Canada et au Québec. Et donc j'ai dit : Bon, bien, acceptons cette demande supplémentaire là, mais évidemment, répartissons-la le plus également entre les provinces au prorata de leur population. Et voilà, c'est ça qui m'a donné le résultat. Mais la normalité paisible, cette situation normale était normale avant 2015. Et on le voit parce que l'immigration ne fait jamais les manchettes. Tout le monde était content avec le système d'immigration canadien. Au niveau international, le Canada avait une des plus grandes réputations comme pays d'accueil. Tout allait très bien. Et tout à coup, on a des apprentis sorciers qui sont arrivés, qui ont... qui nous ont lancé une explosion migratoire qui a créé tout ce chaos-là qu'on a connu depuis 10 ans avec les conséquences désastreuses, non seulement économiques, mais aussi les conséquences désastreuses sur le plan social. Le fait qu'on ait pratiquement aujourd'hui deux tiers de la population canadienne qui est rendue à trouver qu'il y a trop d'immigrants, c'est épouvantable. Je veux dire, ça nous rapproche des sentiments anti-immigration des États-Unis puis de l'Europe, mais il ne faut pas... Il faut renverser la situation. Et ça prend un gros, un gros coup pour rétablir la normalité.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, Pr Fortin, je dois vous arrêter. Le temps imparti au gouvernement est terminé. Par contre, nous allons poursuivre avec l'opposition officielle et le député d'Acadie pour six minutes.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Pr Fortin. Merci pour votre mémoire. Merci également pour les renseignements que vous partagez avec nous aujourd'hui, compte tenu, bien sûr, de votre expertise très grande et votre expérience. J'ai quelques questions pour vous. Dans le mémoire que vous avez déposé, 25 juillet 2025, vous soulignez à la page 8 de votre document : «Le gouvernement du Québec, et je vous cite, doit se donner quatre règles d'intervention pour mener à bien son opération de réduction de l'immigration temporaire. La première est de respecter les promesses déjà faites aux immigrants temporaires qui sont détenteurs d'un permis pour des raisons non seulement juridiques, mais surtout morales. Il doit éviter de changer des règles du jeu en cours de route pour que des personnes et des familles qui sont venues au Canada de bonne foi à l'invitation des autorités d'ici». Moi, quand je vous ai lu, j'ai trouvé ça hyper intéressant parce que, moi, ça fait plus d'un an que je dis qu'il faut une planification de l'immigration, mais quand je regarde les actes du gouvernement actuel, j'ai l'impression qu'ils font exactement l'inverse de ce que vous dites qu'ils devraient faire. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi?

M. Fortin (Pierre) : Est-ce qu'ils font le contraire? Ce qui se produit, c'est que l'explosion d'immigration temporaire a été tellement énorme que le gouvernement était pris dans une contradiction entre le fait que les cibles officielles. La cible officielle d'immigration permanente était de 50 000. Et vous comprenez qu'avec 600 000 immigrants temporaires qui étaient en résidence au Québec et qu'il y a en moyenne 8 % de cette population de résidents non permanents qui passe à... qui veut passer chaque année à l'immigration permanente, mais 8 % de 600 000, ça fait 48 000. Alors, vous épuisez presque totalement toute votre... Si vous utilisez cette... Si vous accueillez parfaitement ces immigrants temporaires là qui veulent aller à l'immigration permanente, bien là vous avez un gros problème parce qu'étant donné que vous avez épuisé votre cible d'immigration permanente, il ne reste plus de place pour n'importe quelle entreprise au Québec d'aller chercher des immigrants à l'étranger, des immigrants permanents. Donc, je veux dire, oui, le gouvernement du Québec a imposé des contraintes. Il a dû ralentir le rythme auquel il permettait aux immigrants temporaires qui voulaient devenir permanents, et il voulait le ralentir afin de laisser la place aux immigrants en provenance de l'extérieur, évidemment, et...

M. Fortin (Pierre) :...et donc il y avait cette contradiction-là entre la cible officielle et l'énorme afflux d'étudiants de... pas d'«étudiants», pardon, mais d'immigrants permanents qui... d'immigrants temporaires qui voulaient passer à la permanence. Et donc, oui, dans un sens, c'est une contradiction dans le comportement du gouvernement, mais c'est une contradiction qui vient d'une contradiction que la politique d'explosion migratoire a engendrée et qui était inattendue il y a quelque temps.

M. Morin : Si vous permettez, Pr Fortin...

M. Fortin (Pierre) :Je m'excuse d'être aussi long, là.

M. Morin : Non. Je... Mais j'ai une autre question pour vous. Dans un document que vous avez rédigé pour le ministère de l'Immigration en mai 2022 et qui s'intitule La politique d'immigration fédérale expansive, conséquences pour le Canada et pour le Québec, vous avez écrit à la page 26 : «Malheureusement, l'idée qu'une plus forte immigration peut aider à soulager des pénuries de main-d'œuvre parce qu'elle accroît la population à l'âge de travailler n'est rien d'autre qu'un gros sophisme de composition. Elle est basée sur une logique incomplète.» Mais après la pandémie, et corrigez-moi si je fais erreur, le gouvernement du Québec, comme le gouvernement du Canada... parce que le gouvernement du Québec contrôle une bonne partie de son immigration, n'a-t-il pas ouvert les vannes pour faire venir plein de travailleurs temporaires étrangers au Québec?

M. Fortin (Pierre) :Le gouvernement du Canada, oui, mais le gouvernement du Québec, pas mal moins, dans le sens suivant. C'est que, dans les programmes d'immigration temporaire, il y a... il y a... qui sont pour le travail, il y a deux gros programmes. Il y a le programme de mobilité internationale et le programme qu'on appelle des travailleurs étudiants... des travailleurs étudiants étrangers... des travailleurs étrangers temporaires, PTET puis le PMI. Le Québec ne contrôle rien sur le PMI, qui est le plus important des programmes. Et il... en partie, peut accepter ou non des personnes qui viennent par le programme, le programme de travailleurs étudiants temporaires. Alors, donc, oui, en partie, en partie...

M. Morin : ...parce que mon temps court...

M. Fortin (Pierre) :...le Québec a accepté plus ou moins régulièrement les demandes qui provenaient des entreprises et des travailleurs. Et il n'a pas rejeté beaucoup de demandes. Oui, dans un sens, il aurait peut-être pu faire plus. Mais, globalement, c'est surtout la politique fédérale qui est en cause.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Je dois vous arrêter, Professeur Fortin.

M. Morin : Je vous remercie.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Professeur Fortin, le temps file rapidement. Il reste quatre minutes. Et les deux prochaines minutes sont... sont accordées au député de Laurier-Dorion.

• (13 heures) •

M. Fontecilla : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Fortin. Écoutez, puisque j'ai très peu de temps, je vais aller directement avec une question sur la fameuse capacité d'accueil de la société québécoise de l'immigration. De façon générale, on l'utilise, on en parle beaucoup. Est-ce que... Qu'est-ce que vous comprenez comme... Quelle est votre définition, plutôt, de la capacité d'accueil du Québec par rapport au flux migratoire au Québec?

M. Fortin (Pierre) :C'est d'avoir les... C'est... C'est d'être capables de bien mesurer ce que ça peut coûter de bien accueillir, de bien intégrer, de bien franciser un immigrant qui arrive. Le Commissaire à la langue française, M. Dubreuil, par exemple, a indiqué que, pour bien franciser les immigrants temporaires qui sont dans le système à l'heure actuelle, ça coûterait quelque chose comme 2 milliards et demi de dollars. Alors, la capacité d'accueil, ce n'est pas un concept qui est... ça dépend de l'argent que vous êtes capables et que vous désirez investir dans le système. Si on veut vraiment franciser les immigrants temporaires, bien, ça va nous coûter 2 milliards et demi. Est-ce que vous voulez enlever 2 milliards et demi dans le système d'éducation puis de santé, puis mettre ça dans l'intégration des immigrants? On a des choix à faire. Donc, la capacité d'accueil, ça dépend de l'argent que vous voulez investir dedans et ça dépend aussi du temps que ça prend pour tous les concitoyens de bien accueillir, de faire en sorte que nos concitoyens immigrants en viennent à bien comprendre et à aimer le Québec, et pas seulement apprendre la langue, mais bien aimer, aimer le Québec. Et, ça, c'est...


 
 

13 h (version non révisée)

M. Fortin (Pierre) :...la raison pour laquelle je me suis fixé à 50 000 comme cible...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Pr Fortin. Le... Les deux minutes...

M. Fortin (Pierre) :...c'est parce que c'est sur le terrain...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Les deux minutes du député de Laurier-Dorion sont terminées, mais il en reste encore deux autres, que vous allez partager avec le député d'Arthabaska. La parole est à vous.

M. Boissonneault : Bonjour, M. Fortin. Merci, Mme la Présidente. M. Fortin, j'y vais directement moi aussi, je n'ai pas beaucoup de temps. J'aurais aimé ça vous entendre sur l'impact de cette augmentation importante de l'immigration permanente et temporaire des dernières années sur la cohésion sociale.

M. Fortin (Pierre) :Bien, la réponse que je peux vous donner, c'est celle que Kim Thúy nous a donnée, qui est une Québécoise qui est encore plus profondément québécoise que plusieurs d'entre nous. Alors, cette personne-là trouve que, depuis deux à quatre ans, je ne sais pas combien de temps, c'est plus compliqué, c'est... elle souffre beaucoup plus d'entendre des gens casser du sucre sur le dos des immigrants, et elle a parfaitement raison. Ça s'explique par... Et c'est encore pire dans le reste du Canada qu'au Québec. Elle a parfaitement raison qu'il y a plus de gens qui cassent du sucre sur le dos des immigrants. Mais c'est justement la situation qu'on veut changer. Pourquoi nos gens sont contre l'immigration en plus grand nombre? C'est parce qu'il y a eu des conséquences économiques et sociales très graves sur l'économie et que ces conséquences-là doivent être inversées avec les propositions que... de modération qui sont faites.

M. Boissonneault : M. Fortin, très rapidement, il nous reste 30 secondes, j'aimerais maintenant vous entendre sur l'impact de la cohésion sociale sur l'économie, le lien, parce que je sais que vous avez écrit là-dessus dans L'Actualité. J'aurais aimé ça vous entendre rapidement là-dessus.

M. Fortin (Pierre) :La cohésion sociale, la confiance que les gens mettent les uns dans les autres, c'est un outil important de développement économique. Ça a été démontré, par exemple, par mes collègues français — ils sont français, mais ils sont quand même bons — qui sont Yann Algan et Pierre Cahuc, à Sciences Po Paris. Et on a démontré que plus les gens se font confiance, plus il y a de cohésion sociale dans une économie...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci.

M. Fortin (Pierre) : ...dans une société, plus le développement économique peut être meilleur.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. Fortin, Pr Fortin. C'est... Votre apport à nos travaux est inestimable. Alors, je vous souhaite une bonne journée.

 Mesdames et Messieurs les élus, je suspends jusqu'à... les travaux jusqu'à 14 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 13 h 05)


 
 

13 h 30 (version non révisée)

(Reprise à 14 heures)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux.

Nous poursuivons les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le cahier de consultation intitulé La planification de l'immigration au Québec pour la période 2026-2029.

Cet après-midi, nous entendrons les organisations suivantes : l'Association Restauration Québec, qui va présenter, conjointement avec Restaurants Canada, son mémoire, les grandes lignes de son mémoire; nous allons également entendre le Conseil de la transformation alimentaire du Québec, conjointement, cette fois-ci, avec l'Association des détaillants en alimentation du Québec; nous allons poursuivre avec l'association Hôtellerie du Québec ainsi que l'Université du Québec en Outaouais; et nous allons terminer avec l'Institut de recherche sur le Québec.

Alors, pour les prochaines 45 minutes, nous sommes donc avec l'association Restaurants Québec conjointement avec Restaurants Canada. Mesdames et Messieurs, vous allez avoir une période de 10 minutes pour vous présenter ainsi que les grandes lignes de vos commentaires de votre mémoire. Par la suite, on entame la discussion avec les parlementaires. Alors, le micro est à vous.

M. Malouin-Trudel (Laurence-Olivier) : Mme la Présidente de la commission, M. le ministre de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration, Mmes et MM. les députés, bonjour, merci de nous accueillir. Je me nomme Laurence-Olivier Trudel, je suis le président-directeur général de l'Association Restauration Québec, mieux connue sous l'acronyme ARQ. Je suis accompagné aujourd'hui du vice-président aux affaires publiques de l'ARQ, M. Martin Vézina, et de Mme Marie-Pier Richard, vice-présidente Québec pour Restaurants Canada.

Je tiens à remercier les membres de la commission de nous avoir invités aujourd'hui à présenter nos observations sur l'enjeu important qu'est la politique d'immigration au Québec. Bien que l'immigration permanente représente un réel besoin pour notre secteur, puis qu'on croit qu'il faut modifier le programme de sélection des travailleurs qualifiés pour y permettre réellement l'accès à notre industrie, on va toutefois porter notre attention plus particulièrement sur les nouvelles cibles en immigration temporaire.

On ne peut pas cacher que la proposition actuelle du gouvernement, à savoir de réduire le nombre de personnes titulaires de permis de travail provenant du programme de travailleurs...


 
 

14 h (version non révisée)

M. Malouin-Trudel (Laurence-Olivier) : ...temporaire nous inquiète énormément. Les besoins en main-d'œuvre de notre secteur demeurent encore à ce jour. Et bien que le taux de chômage des jeunes soit plus élevé, très peu de CV de travailleurs québécois se dirigent vers nos membres, vers leurs établissements. C'est d'ailleurs en raison de cette absence de CV locaux que nos exploitants sont tenus de se tourner vers les travailleurs étrangers temporaires. Pour eux, c'est une solution de dernier recours. Je peux vous garantir, tous les exploitants à qui je peux parler préféreraient tous embaucher une personne résidente et ayant le droit de travailler au Québec plutôt que de devoir payer des milliers de dollars en frais de recrutement et administratifs pour aller embaucher un travailleur étranger. Pour vous donner une idée, une exploitante du secteur de Mont-Tremblant nous parlait récemment et nous a indiqué que les coûts estimés en taux horaire pour cet employé-là étaient 5 $ à 7 $ de plus de l'heure étant donné les coûts afférents. Pour nous, la pénurie de main-d'œuvre demeure en restauration, et nous nous inscrivons en contradiction avec l'affirmation dans le cahier de consultation qui indiquait que la rareté de main-d'œuvre n'est plus aussi présente que les années passées. Selon un sondage de l'ARQ, 40 % des répondants indiquent avoir autant de postes vacants en cuisine qu'en salle à manger. Selon Statistique Canada, c'est près d'un poste vacant sur 10 au Québec qui se trouve dans l'industrie de la restauration, et le tourisme québécois, dans son ensemble, connaît un taux de chômage de seulement 4,5 %. Avec les restrictions en vigueur depuis septembre 2024, l'inquiétude a monté d'un cran avec l'impossibilité pour plusieurs exploitants de pouvoir renouveler le permis de leurs travailleurs étrangers temporaires. Plusieurs se demandent déjà comment ils vont faire. Si, en plus, le gouvernement québécois doit réduire le nombre de travailleurs étrangers temporaires, il y aura des conséquences importantes pour notre industrie, c'est certain, mais aussi pour la vitalité de nos régions, la qualité de notre accueil touristique et l'image qui s'en ressort. Donc, pour éviter ce... Pour éviter cela, ma collègue Marie-Pierre Richard vous fera part de nos recommandations communes.

Mme Richard (Marie-Pier) : Merci, Laurence. En effet, Restaurants Canada et l'ARQ vous proposent des recommandations qui visent l'atteinte d'un équilibre entre les besoins de notre secteur et la capacité d'accueil du Québec. Notre orientation est de faciliter les mesures de renouvellement des travailleurs actuellement sur le territoire. Ils sont déjà ici. Ils se sont intégrés à nos communautés. Nous savons aussi que le gouvernement fédéral fait partie de l'équation, mais nous croyons que le gouvernement du Québec peut montrer son leadership sur la question en appuyant nos revendications. Dans ce cadre, nous croyons que la première action apportée par le gouvernement du Québec serait d'enclencher des négociations pour arriver à une entente avec le gouvernement fédéral afin que des modifications soient apportées au Programme des travailleurs étrangers temporaires pour les entreprises québécoises désirant renouveler leurs TET. L'objectif est de créer une clause grand-père pour les travailleurs étant déjà sur le territoire avec un permis valide avant le 25 septembre 2024 et qui serait soumis aux mêmes conditions que celles de l'époque. On peut penser, par exemple, à un retour au seuil de 30 % pour les postes hors traitement simplifié et aucune limite pour les métiers identifiés dans la liste des professions admissibles au traitement simplifié. Un permis de travail d'une durée de deux ans et l'abolition du refus automatique pour les demandes du volet bas salaire pour les RMR ayant un taux de chômage de 6 % ou plus.

Parlant justement de cette liste pour les traitements simplifiés, nous recommandons que les professions identifiées dans les catégories superviseur, superviseur de service alimentaire diplômé et serveur, serveuse au comptoir, aide de cuisine et personnel de soutien assimilé... assimilé dans la Classification nationale des professions y soient ajoutés lors de la prochaine révision. Comme les besoins de notre industrie ne se limitent pas nécessairement aux régions mais aux îles de Montréal et de Laval, il faudrait abandonner le moratoire pour les demandes de renouvellement des travailleurs étrangers temporaires dans ces régions.

Finalement, un dernier mot sur le dossier de la francisation. L'industrie a toujours cru qu'il était essentiel de détenir une bonne connaissance du français pour l'ensemble des travailleurs de notre industrie. Une communication dans la même langue est essentielle pour que les chefs puissent coordonner sa brigade, pour que les serveurs puissent prendre les commandes ou expliquer le menu et pour que les sommeliers soient à même de présenter la carte des vins, par exemple. D'ailleurs, l'Office québécois de la langue française montre que l'usage du français au travail dans le secteur de l'hébergement et des services de restauration se fait majoritairement en français, à 88,1 %, se positionnant devant des secteurs tels que les arts et spectacles et les loisirs à 80,9 %, les finances et assurances à 82,8 % ou encore le commerce en gros à 77,4 %.

Toutefois, nos efforts se heurtent à un obstacle, soit une offre de francisation qui demeure limitée. C'est pourquoi nous croyons qu'il est essentiel que le gouvernement nous donne les ressources nécessaires pour que nous puissions bonifier l'offre de cours de francisation en entreprise. Nous avons plusieurs témoignages de travailleurs étrangers qui trouvent difficile de concilier une journée de formation en francisation pendant le jour et un quart de travail en soirée. En permettant que la francisation se fasse sur le milieu de travail, on permet d'éviter cet écueil. Ainsi, nous devons mentionner le niveau trop élevé, soit un niveau 7, pour l'obtention du certificat de sélection du Québec. Il s'agit d'un seuil bien élevé pour...

Mme Richard (Marie-Pier) : ...de nos travailleurs qui font des efforts importants pour maîtriser notre langue? Surtout que certains éléments du nouveau sept ne sont pas nécessairement connus des Québécois et Québécoises. Prenons par exemple la notion simple du gérondif présent, que nous doutons qu'une grande partie de la population connaisse réellement. C'est pourquoi nous pensons qu'il vaut mieux retourner à l'ancienne exigence qui est le palier cinq, une exigence beaucoup plus réaliste à atteindre pour plusieurs de nos travailleurs étrangers temporaires qui peuvent venir autant du Mexique que de l'Italie.

L'ensemble de ces recommandations visent à prévenir des impacts importants sur la vitalité de notre secteur. Selon nous, les exigences actuelles mettent à risque les entreprises du secteur dans plusieurs régions du Québec, mais aussi le dynamisme économique du secteur touristique.

Pour vous donner une idée des conséquences possibles, je vais laisser mon collègue Martin vous donner des exemples bien réels provenant de 200 témoignages que nous avons recueillis.

M. Vézina (Martin) : Alors, merci, Marie-Pier. En effet, j'aimerais faire part aux membres de la commission des témoignages que nous avons reçus, et je suis sûr que vous sentirez bien l'inquiétude des membres de notre industrie.

Par exemple, la propriétaire du restaurant La Chapelle à Kazabazua, dans l'Outaouais, a opté pour intégrer deux chefs de la Tunisie, vu qu'elle ne recevait aucune candidature dans sa région. Sans eux, et je la cite, «notre histoire aurait peut-être connu sa fin. Le futur de notre entreprise dans notre petite communauté est plutôt triste.».

Le propriétaire du Manoir Hovey, à North Hatley, en Estrie, doit recruter des travailleurs étrangers temporaires, bien qu'il a augmenté les salaires de 40 % à 50 %. Je le cite : «La main-d'œuvre locale pour répondre à nos besoins n'existe tout simplement pas. Sans changement, la qualité du produit touristique québécois et canadien reconnue à l'international se détériorera, et même des établissements emblématiques comme le Manoir Hovey ne pourront plus atteindre... répondre aux attentes de leurs clients.

La propriétaire du restaurant La Promenade à Havre-Saint-Pierre, en Côte-Nord, emploie neuf employés étrangers temporaires. Elle doit se rabattre sur ceux-ci puisque les travailleurs locaux sont employés par le secteur minier, par lequel la restauration ne pourra jamais compétitionner au niveau des salaires. Sans ces travailleurs étrangers, elle envisage tout simplement la fermeture de son établissement. Il faut mentionner qu'il s'agit du seul restaurant ouvert à l'année à Havre-Saint-Pierre et que sa fermeture va avoir un fort impact sur la communauté.

La copropriétaire du restaurant Horizon Thaï, à Rouyn-Noranda, en Abitibi-Témiscamingue, considère qu'elle ne pourra pas maintenir ses heures d'ouverture sept jours sur sept, et cela aura un impact important sur ses bénéfices.

Même réalité du côté des chaînes où une franchisée d'une chaîne de restaurants Paccini nous a mentionné que si elle perd ses travailleurs étrangers temporaires, elle devra fermer un jour par semaine.

Une autre franchisée de la chaîne de restaurants Bâton rouge emploie actuellement quatre travailleurs étrangers temporaires, ce qui lui a permis d'éviter la fermeture de jours d'exploitation. En les perdant, elle devra donc réduire ses heures d'ouverture en fermant quelques jours.

• (14 h 10) •

Les conséquences ne se limitent pas aux régions. Nous avons aussi des témoignages provenant de la région de Montréal.

Tout d'abord, le copropriétaire du restaurant Il Pazzesco à Anjou risque de devoir mettre sur pause ses investissements pour l'agrandissement de sa salle à manger, puisque les règles actuellement ne lui permettront pas de garder les cinq travailleurs étrangers temporaires. Et il ne reçoit toujours pas d'autres CV.

Même chose pour le propriétaire du Tomate Basilic, à Montréal, qui doivra revoir ses heures à la baisse parce qu'il ne pourra pas renouveler ses travailleurs étrangers temporaires.

Le propriétaire du café Cherrier, à Montréal, a dû laisser partir un cuisinier titulaire d'un diplôme professionnel en cuisine et ayant un bon niveau de français. Bien que son permis ouvert fût valide pour plusieurs mois, il est parti dans une autre province, vu que le gouvernement avait suspendu le Programme de l'expérience québécoise.

Tous ces témoignages montrent les conséquences importantes s'il n'y a aucun changement... n'est apporté aux exigences du Programme des travailleurs étrangers temporaires et de l'abaissement de la cible de ce type de travailleurs. Nous croyons nécessaire de vous en informer pour que vous puissiez prendre les actions nécessaires.

Je conclus en vous remerciant de votre écoute et en espérant que vous serez sensibles à nos recommandations. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Bien, merci beaucoup. Dix minutes pile. Alors, avant de poursuivre avec la discussion qui va commencer avec les parlementaires, je dois vous demander le consentement pour que le député de Saint-Henri-Sainte-Anne puisse prendre place à notre commission. Consentement? Consentement. Merci. Alors, on poursuit avec la banquette gouvernementale, et vous avez une période de 16 minutes 30 secondes. La parole est à vous.

M. Roberge : Merci, Mme la Présidente.

Merci pour votre présentation. En juin de cette année, à travers la Fédération des chambres de commerce, vous avez fait parvenir une lettre conjointe à moi, au ministère, et à la ministre Hajdu, au gouvernement canadien, par rapport au Programme de travailleurs étrangers temporaires. Est-ce que vous avez reçu une réponse de la part du gouvernement du Canada?

M. Vézina (Martin) : Pour notre part, non, nous n'avons pas reçu de réponse. Mais il faudrait valider peut-être avec les gens de la FCCQ, qui, peut-être, eux, vu qu'ils étaient le porteur de la lettre, ont peut-être eu une réponse. Mais, pour nous, non, effectivement, aucune réponse du gouvernement fédéral.

M. Roberge : OK...

M. Roberge : ...je peux vous dire que, pour notre part, on l'a reçu, on vous a répondu, et j'ai écrit personnellement aussi à la ministre de l'Immigration et à la ministre de l'Emploi, parce qu'on pense au gouvernement du Québec qu'on doit avoir une approche différenciée entre les différentes régions du Québec, particulièrement Montréal, Laval et toutes les régions du Québec. Donc, nous, notre demande ne répond pas, je pense, à 100 % de vos revendications, mais peut-être un 80 %, 90 % dans ce sens-là. On pense qu'il devrait y avoir une clause grand-père pour que les travailleurs étrangers temporaires à l'extérieur de Montréal, Laval, puissent rester ici. On n'est pas partisan d'une augmentation encore, et encore, et encore de davantage de travailleurs étrangers temporaires, mais on pense que ceux qui sont déjà ici, qui ont un emploi, bon, qui bien sûr occupent un logement et donc utilisent un logement, mais au moins sont déjà là, devraient rester, surtout qu'on espère, on pense que la plupart d'entre eux ont déjà commencé la francisation, pour ceux qui ne maîtrisaient pas la langue, on ne voudrait pas que cet immigrant-là parte pour le remplacer par un autre, pour lequel il faudrait recommencer le processus. Enfin, on va dans cette dynamique-là. On attend avec grande hâte la réponse d'Ottawa à cet égard. Est-ce que vous avez entendu l'intervention du Pr Pierre Fortin ce matin? Est-ce que vous avez eu l'occasion de vous brancher?

M. Vézina (Martin) : On était sur la route pour se rendre vous parlez.

M. Roberge : Je comprends très, très bien. Mais disons qu'il nous a un petit peu fait contrepoids, en fait, à plusieurs arguments que vous avez faits, il a utilisé des termes comme, écoutez, c'est une catastrophe économique et sociale, ce sont les termes de l'économiste Fortin, la surenchère, l'augmentation très, très grande d'immigrants temporaires sur le territoire québécois, on pourrait dire pour la langue française, on pourrait dire pour les logements, on pourrait dire d'un point de vue social, d'un point de vue cohésion sociale, mais c'est un économiste qui nous l'a dit : catastrophe économique et sociale. M. Fortin nous a expliqué en long et en large, alors qu'on l'a questionné, que, selon lui, loin d'être une solution à la pénurie de main-d'œuvre, l'arrivée de toujours plus de travailleurs étrangers temporaires aggravait la pénurie de main-d'œuvre, puisque ces gens-là, eux aussi, consomment des biens et services.

M. Vézina (Martin) : Mais je répondrais...

M. Roberge : Comment vous recevez cette analyse-là?

M. Vézina (Martin) : Mais je répondrais en trois temps. Un, comme on l'a mentionné puis on le mentionne toujours, on parle de clause grand-père, on parle de renouveler sur le territoire et, non, on ne vise pas un accroissement du nombre de travailleurs étrangers temporaires, on veut maintenir ce qu'on a. On a atteint un équilibre au niveau de l'industrie à cet effet.

J'ajouterais aussi que beaucoup de ceux qui font des critiques au niveau des travailleurs étrangers temporaires parlent peut-être d'automatiser le secteur. Or, dans notre secteur, on est prêt à discuter avec des économistes, on a recherché, on a essayé de trouver des innovations technologiques, mais malheureusement, en cuisine, les robots sont plus lents que les humains. Donc, on doit garder des humains pour travailler, on a besoin des gens pour le faire, donc on ne peut pas aller sur ce volet-là.

Après, on nous parle du taux de chômage des jeunes, mais le taux de chômage des jeunes, on est très conscient, on voudrait savoir pourquoi on ne les voit pas dans nos établissements. Actuellement, nos membres, nos propriétaires ne les voient pas. Une des raisons, un des motifs, une des hypothèses qu'on croit, c'est les horaires. Nous travaillons le samedi, le vendredi soir, des fois le matin pour ceux qui ont des déjeuners. Et ce qu'on entend de cette catégorie de travailleurs, ils recherchent des emplois du lundi au vendredi de 9 à 5, qui pourraient être trouvés dans d'autres secteurs d'activité, mais on ne le trouve pas ici. De là pourquoi nos exploitants, puis on l'a mentionné tantôt, le dernier recours, on a besoin de ces travailleurs étrangers temporaires. Puis ça ne nous fait pas nécessairement plaisir de payer les milliers de dollars qui sont associés au recrutement, mais on doit le faire pour faire... pérenniser notre entreprise. Puis, comme je vous ai mentionné, il y a des régions là-dedans, on a des restaurants qui, un ou deux dans les petites communautés, mais ça fait vivre la communauté.

M. Roberge : Vous avez abordé la question du taux de chômage chez les jeunes. Je peux comprendre. Certains horaires qui sont difficiles à combler. Mais cet été, l'écho qu'on a reçu, c'est que beaucoup, beaucoup de jeunes étudiants ont été incapables de se trouver un emploi. Je dis cet été, là, pas juillet, août, là, d'avril à maintenant. Beaucoup d'étudiants sont restés sans emploi. Et malgré tout, vous nous dites toujours que vous n'êtes pas capables de recruter. Moi, j'ai deux filles dans la vingtaine, une est aux études. Puis j'ai des visages, là, de jeunes filles, de jeunes femmes qui n'ont pas été capables de trouver des emplois dans la restauration cet été. Là, vous nous dites qu'il faut faire venir de la main-d'œuvre étrangère, mais...

M. Roberge : ...vous n'êtes pas en train de créer une compétition? Est-ce que... Moi, j'ai des visages de jeunes filles, je ne les nommerai pas, là, mais est-ce que mademoiselle X, Y et Z n'ont pas pu travailler parce que vous avez fait venir des gens de l'étranger?

Mme Richard (Marie-Pier) : Je serais vraiment contente que vous... D'avoir les CV de ces jeunes femmes là. Je suis convaincue que nos restaurateurs seraient contents de les prendre, en termes de main-d'oeuvre. Sincèrement, il n'y a pas un restaurateur que j'ai rencontré qui m'a dit depuis qu'il a refusé un CV pour un poste. Là, il faut faire attention, ce n'est pas seulement que des postes à temps partiel non plus qu'on a à combler. Il y a des postes à temps plein aussi à combler en restauration, il y a des postes qui ne conviennent pas à des jeunes qui sont en train d'étudier. Il va y avoir des quarts de nuit par exemple. Si on pense aux quarts de nuit, il y a beaucoup de jeunes qui vont nous dire que ça ne les intéresse pas ou qu'ils ne peuvent pas concilier ça avec le travail-études par exemple. Donc... Mais, à moins que vous nous disiez le contraire, moi, je n'en connais pas qui se sont fait dire non par des restaurateurs.

M. Vézina (Martin) : Le besoin, notamment pour les postes travailleurs étrangers temporaires, ce sont des emplois à temps plein, pas nécessairement uniquement deux mois à l'année en juillet, août. On va les prendre, Marie-Pier l'a dit, on va les accueillir. Mais nos besoins sont aussi en octobre. Ce sont des employés temps plein. On ne veut pas non plus que ces jeunes-là travaillent à temps plein puisqu'ils ont peut-être d'autres visées de carrière, ont un projet d'études. Puis, on l'a toujours dit, on est... on est contents de les recevoir puis on veut prendre ces temps partiels là pour leur donner leur première expérience de travail, mais on a aussi des besoins de temps plein. Puis, si les temps plein ne sont pas là puis ils ne sont pas comblés par des travailleurs étrangers temporaires, bien, ça se peut très bien aussi que, les emplois étudiants, bien, on en demande moins. Parce que, comme on a... on ne peut pas ouvrir assez de quarts de travail, bien, on se retrouve à faire des choix. Puis on ne peut pas ouvrir autant de quarts de travail pour les jeunes durant l'été.

M. Roberge : Vous nous parlez de quarts de travail, de travail de nuit. Je comprends. Je comprends. Mais il y a aussi les conditions de travail. Il y a des gens qui nous disent, bien, que c'est une question aussi de rémunération ou de compétition difficile à accoter pour les Québécois par rapport à un travailleur étranger temporaire qui arrive et qui fait une rude compétition.

Je ne sais pas si vous avez vu l'article ce matin, Radio-Canada, les immigrants surreprésentés, moins bien traités en hôtellerie et en restauration. C'est la Chaire de recherche du Canada sur les dynamiques migratoires mondiales qui a fait cette étude-là, Mme Coustere. Ça dit : «Des personnes qui avaient des maladies, des blessures, notamment sur le lieu de travail, n'allaient pas nécessairement chercher des ressources parce qu'elles ne savaient pas où elles étaient, ces ressources, dans certains cas, craignaient que ça aboutisse à une déportation.» Ils ont repéré des cas où des tâches ne correspondent pas à celles du poste, des horaires davantage atypiques, les salaires ne correspondent pas aux tâches effectuées. Donc, des gens qui sont dans ces conditions-là créent peut-être une spirale vers le bas qui fait qu'ensuite vous avez de la misère à attirer des gens dans la restauration. Ça fait que c'est une étude, là, de chercheurs parue ce matin. Ce n'est pas mon analyse personnelle. Je ne suis pas un expert en relations de travail, là.

• (14 h 20) •

M. Vézina (Martin) : Je ne commenterai pas nécessairement l'étude en tant que telle. Mais, tu sais, je vous donnerais d'autres exemples. Tu sais, vous parlez au niveau de, je pense, prévention, santé et sécurité au travail. Si on regarde notre performance de notre unité de classification à la CNESST dans les dernières années, vous pouvez en parlez à votre... au collègue, le ministre du Travail, vous verrez effectivement qu'on a mis beaucoup d'efforts et beaucoup de travail dans la prévention au niveau des accidents de travail. Puis on a un bilan assez exemplaire à ce niveau-là. Nous, à l'association, pour vous dire, nous avons même mis un projet en... On a un guide pour les travailleurs étrangers temporaires pour les sensibiliser aux notions de prévention des accidents de travail à ce niveau-là.

Au niveau des conditions de travail, on a eu une augmentation de nos salaires environ 29 % depuis 2019. Nous travaillons à ce rattrapage salarial là. Et on travaille à la valorisation de nos métiers. Ça fait que, oui, peut-être, il y a des situations notées dans cette étude que je ne nierai pas, mais je crois que la majorité, la très grande majorité de notre industrie offre des opportunités de qualité aux travailleurs étrangers temporaires. On a plein d'histoires de gens qui on les emmener fêter Noël chez eux, qui paient leur appartement, qui s'occupent de briser leur isolement. Parce que, quand on a un ou deux travailleurs étrangers temporaires dans une communauté, bien, des fois, il faut travailler à briser l'isolement de ces personnes-là.

M. Roberge : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, M. le ministre. On poursuit avec la banquette gouvernementale, et je vais reconnaître la députée de Vimont. Il reste encore six minutes 12 secondes.

Mme Schmaltz : Parfait. Ah! mon Dieu! L'horloge, elle est... Je ne sais pas. Je m'excuse. J'étais attirée par ça, là. Je suis vraiment désolée. Ça fait... C'est vraiment étrange de voir ça aller puis revenir, là. Ça ressemblait à un retour vers le futur, là. On retourne au début. La question n'était pas bonne! Non, non, c'est une blague...

Mme Schmaltz : ...Je voudrais revenir avec vous... Je veux revenir, pardon, sur la question de la francisation. Tantôt, vous avez mentionné au niveau de l'offre, vous pensez que l'offre, elle est limitée, étant donné que souvent les gens, quand ils viennent travailler, sont souvent en mode survie? Donc, de prendre du temps des fois pour se franciser, ça semble être un gros défi. Par contre, Francisation Québec a quand même mis sur pied un peu son volet deux, qui est la francisation en entreprise, justement pour éviter que les gens soient peut-être trop fatigués après des journées de travail et puissent se franciser directement sur les lieux, sur leur lieu de travail. Ce qui fait qu'en plus d'apprendre le français, bien, ils apprennent aussi le langage, disons, de l'entreprise ou peu importe, là, peu importe le métier qu'ils font. En restauration, j'ai vu... L'année dernière, on a... Le ministère avait financé un projet à Montréal et puis ce sont des personnes immigrantes qui avaient très peu de mots pour s'exprimer, et au moyen de pictogrammes, les gens apprenaient à prononcer les mots qu'on retrouve souvent, là, de l'eau, un verre d'eau. Et en plus ils avaient un portable où on leur a appris à vraiment s'exprimer, le genre de conversation qu'on rencontre souvent quand quelqu'un se rend dans un restaurant. Avez-vous le menu ou, vous savez, le genre de phrases, là, qu'on... qui sont reconnues. Vous pensez... Vous pensez encore que c'est très limité, l'offre en francisation, justement?

Mme Richard (Marie-Pier) : Je vous dirais que, pour ma part, j'ai des... j'ai des restaurateurs qui m'ont dit offrir davantage de cours de francisation, encore, qu'ils déboursent eux-mêmes des montants pour franciser leurs travailleurs étrangers temporaires en entreprise parce que l'offre n'est pas assez grande pour eux et qu'ils veulent s'assurer que leurs travailleurs atteignent le niveau, alors que je vous disais tantôt que le niveau est très, très élevé, qu'il est beaucoup plus que juste savoir donnez-moi un verre d'eau et tout ça. Donc, le niveau qui est demandé pour atteindre le niveau 7 est beaucoup plus élevé que ça. Donc, il y a des restaurateurs qui paient de leur poche, qui investissent dans leurs travailleurs étrangers temporaires pour offrir des cours de francisation supplémentaires sur les quarts de travail, là. Donc...

Mme Schmaltz : Et on parle d'offre, en fait, de francisation quotidienne tous les jours. C'est... J'essaie de voir. Quand on... Quand vous dites que l'offre n'est pas suffisante, c'est quoi? C'est de deux heures, c'est de cinq heures de francisation? J'essaie juste de comprendre cet aspect-là. C'est parce qu'on apprend...

M. Vézina (Martin) : Des fois, c'est... Des fois ce n'est pas nécessairement de leur métier de devenir... Notre industrie, on est près de 18 000 établissements. Ça fait que, souvent, c'est... Il y a beaucoup d'exploitants qui veulent aller là, mais il y a une limite quand même qui peut être apportée à la francisation au niveau de ses ressources. Donc, il doit sélectionner certains, certains établissements. Donc, c'est pour ça. On sent vraiment une volonté, tu sais, je vous dirais, de l'industrie. Puis on l'a vu dans les stats, puis on l'a nommé dans notre allocution, tu sais, on est vraiment, tu sais, nos membres, ils nous disent il nous faut des gens qui parlent français sur une ligne parce que quelqu'un qui parle espagnol puis français ne marche pas.

Mme Schmaltz : Est-ce que les gens de l'industrie, comme ça, sont au courant? J'imagine que les gens peuvent également suivre des cours aussi via les... Ils savent tout ça, que ce n'est pas... Ça peut être des week-ends aussi, mettons. Il y a des écoles de francisation qui sont ouvertes, leurs portes, les fins de semaine, justement pour faciliter aussi l'accès aux travailleurs. Mais il y a aussi des cours qu'on peut suivre de façon asynchrone, là. C'est bien ça, asynchrone? Puis il y a des cours déjà enregistrés. Je veux dire, on essaie beaucoup de bonifier, mais c'est sûr que lorsqu'on a des demandes, c'est bien aussi de les savoir.

M. Vézina (Martin) : Je vous donnerais...

Mme Schmaltz : C'est vraiment des exemples précis, là, de ce que les restaurateurs ont besoin pour franciser.

M. Vézina (Martin) : Bien, je vous donnerais un exemple. On a un travail, nous, au comité sectoriel de main-d'œuvre. Le Conseil québécois des ressources humaines en tourisme a un programme de francisation où des gens ont des... a eu des ressources, puis on suit ce comité sectoriel là, met en branle un programme avec certains établissements de restauration, que ce soit service rapide... ou indépendant, puis on a pu lever quand même beaucoup d'intérêt, je vous dirais. On partirait de notre cohorte. On a fait juste un courriel à nos membres pour dire : On part une autre cohorte de francisation. On a reçu 10 à 15 lettres d'intérêts dans les jours, on les 48 heures qui suivent.

Mme Schmaltz : Il y a des formules... Il y a des formules qui marchent bien. Parce que, des fois, les gens peuvent partager aussi les bonnes formules, là, qui fonctionnent.

M. Vézina (Martin) : Une bonne formule qu'on...

Mme Schmaltz : ...allez-y...

M. Vézina (Martin) : Une bonne formule qui fonctionne, là. On voit des groupes, des petits groupes dans des milieux de travail, avec un formateur qui vient en milieu de travail quelques heures. Puis, dans le cadre de ce programme-là, avec le comité sectoriel, puis il y a une rémunération, parce qu'en plus ils sont rémunérés pendant... pendant la formation. Donc, on vient chercher de la valeur ajoutée pour le travailleur qui, quand il va prendre des cours à Francisation Québec ou dans une école de francisation, là, dans une classe de francisation, pas nécessairement rémunéré à cette heure-là, surtout la fin de semaine. Donc, on essaie de chercher...

M. Vézina (Martin) : ...des façons de faire pour justement améliorer la francisation, parce que, comme industrie, pour nous, ça fait du sens de franciser les travailleurs, là.

Mme Schmaltz : C'est sûr que pour... oui, la francisation est importante en entreprise, mais elle est également importante à l'extérieur du travail, parce qu'il y a une grosse partie du travail aussi qui se fait entre les gens dans la vie de tous les jours, en magasinant, peu importe, en faisant le Metro, IGA. Je veux dire, il y a tout ça aussi qui fait que la personne... Est-ce que vous sentez que la personne, dans le milieu où elle évolue, a cette chance de pouvoir le faire?

Mme Richard (Marie-Pier) : Bien, je pense que... je pense que oui. Tantôt, on vous parlait à quel point les travailleurs étrangers temporaires étaient souvent bien intégrés à la communauté...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : En terminant.

Mme Richard (Marie-Pier) : ...par exemple, la communauté se mobilise, dans certains cas aussi, pour venir en aide aux travailleurs étrangers temporaires pour cette francisation-là aussi, c'est des... c'est du volontariat, si vous voulez.

Mme Schmaltz : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, Mme la députée. Alors, on poursuit avec le député d'Acadie pour une période de 9 min 57... 9 min 54. Allez-y.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Alors, bon après-midi. Heureux de vous rencontrer et de vous écouter. Merci pour votre mémoire.

J'ai... Il y a des points que j'aimerais clarifier avec vous. Dans ses premières questions, M. le ministre faisait référence à un document et au témoignage du professeur Fortin, un économiste. Or, dans le document qu'il a déposé à la commission en date du 25 juillet 2025, il souligne notamment dans son mémoire, puis je vais vous le lire parce que vous ne l'avez peut-être pas lu... il demande au gouvernement du Québec de «se donner des règles d'intervention pour mener à bien son opération de réduction de l'immigration temporaire». La première, c'est de «respecter les promesses déjà faites aux immigrants temporaires qui sont détenteurs d'un permis. Pas uniquement pour des raisons juridiques, mais aussi pour des raisons morales, il doit éviter de changer les règles du jeu en cours de route pour que des personnes qui sont venues au Canada de bonne foi, à l'invitation des autorités d'ici, puissent venir ici».

Ça m'a frappé parce que moi, je dis, depuis plus d'un an, que l'immigration, ça se planifie, que le gouvernement ne le fait pas. Et je vous écoutais, puis vous avez donné l'exemple du Café Cherrier à Montréal, qui a perdu un de ses cuisiniers et... à cause... à cause de la suspension du PEQ. Et on sait, le PEQ, à un moment donné, il y avait des gens qui étaient admis en continu, après ça ils ont arrêté, là ils l'ont suspendu. Donc, on a l'impression que le gouvernement fait l'inverse de ce que M. Fortin lui demande de faire. Des règles qui sont aussi imprévisibles, j'aimerais que vous m'en parliez davantage, c'est quoi, l'impact que ça fait chez vous? Quel est l'impact pour votre industrie puis pour l'économie du Québec également? Parce que, là, je comprends que, bon, un cuisinier titulaire d'un diplôme professionnel, ça doit quand même avoir un assez bon salaire, puis là il est parti. Si je vous ai entendus comme il faut, il serait dans une autre province.

• (14 h 30) •

Mme Richard (Marie-Pier) : Si je peux me permettre, vous avez raison, c'est quand même long à planifier. Certains restaurateurs mettent beaucoup de temps au-delà... On parle... On parle souvent de l'argent qui est... qui est mis, mais c'est... c'est un temps fou en démarches pour faire... pour faire venir des travailleurs étrangers, par exemple. Donc, c'est... il y a cet investissement de temps là qui est... qui est là pour eux, mais, au-delà de tout ça... Tu veux-tu compléter, peut-être?

M. Vézina (Martin) : Bien, je voulais juste dire, au niveau du cas du Café Cherrier, là, je vais... je vais aller là-dessus, effectivement, on avait un cuisinier français, donc on n'était pas dans un enjeu de langue, là, il aurait respecté son niveau 7, là. Dans ce cas-ci, il avait un diplôme d'études professionnelles d'un lycée français, donc ça allait. L'enjeu, puis on le voit de plus en plus, c'est que même pour les... des candidats à l'immigration français, aller en Ontario, aller chercher la résidence permanente est beaucoup plus facile. Pourquoi? Bien, parce que ce n'est pas prévisible. Là, ils orientaient... Puis là, je pense, c'était un bon candidat du PEQ. Il y a peut-être des enjeux avec le PEQ à réfléchir. Mais là on avait un bon candidat. Il va aller sur Entrée express du... du gouvernement fédéral en Ontario. Possiblement, il va revenir au Québec, mais, pendant ce temps-là, bien, on a perdu, nous... la propriétaire, elle a perdu, bien, quelqu'un d'expérimenté, qui parlait français, puis là elle se retrouve à trouver d'autre chose, là, elle doit trouver d'autre chose, une autre solution.

M. Malouin-Trudel (Laurence-Olivier) : Peut-être juste pour compléter. Dans mes discussions dans les derniers mois, dernières années avec les exploitants, au-delà des enjeux financiers, de temps, de ressources, le...


 
 

14 h 30 (version non révisée)

M. Malouin-Trudel (Laurence-Olivier) : ...le côté humain, c'est probablement qu'est-ce qui est le plus poignant pour ces gens-là. On parle de gens qui doivent remercier des employés qui travaillent chez eux de longue date, qui se sont engagés, qui ont mis leurs promesses puis qui doivent les déchirer, ces espèces de contrats sociaux là qu'ils ont faits puis contrats écrits, pour dire : Bien, non, tu vas retourner, qui avaient promis quelque chose de meilleur ici, au Québec. Puis ça, ça leur parle... puis des fois ça déchire des familles parce qu'il y en a un des deux, puis des fois il y a un... nos restaurateurs ont des employés qui pourraient conserver, mais la conjointe de cet employé-là est dans une autre entreprise, qui, elle, doit absolument quitter, puis à ce moment-là, bien, c'est la famille au complet qui part, parce que, sinon, la famille, bien, elle est séparée en deux. Donc, au-delà de tout ça, il y a des... il y a des petits drames humains qui se vivent, et c'est là.

Puis ce que j'entends des exploitants, c'est qu'eux, ils ne sont plus prêts à s'engager. À cause des règles qui ont tellement changé dans les derniers mois, dernières années, ils ne savent plus où donner de la tête, ils ne savent plus qu'est-ce que ça va être, donc ils ont peur de s'engager, puis de dire : Bien là, oui, je respecte le 10 %, mais ça va-tu tomber à 0 %? Donc, ils ont des grosses craintes en ce sens-là.

Donc, je vous dirais, donc, nos exploitants, avant tout, c'est des gens de cœur, c'est des gens qui sont là pour les humains, pour ces relations humaines là puis, en ce moment, bien, ils sentent qu'ils ne peuvent pas respecter ce pour quoi ils veulent s'engager, donc, pour ces raisons-là, ils y vont d'un gros frein. Donc, c'est sûr que ça l'a un gros impact.

Mme Richard (Marie-Pier) : ...aussi, on avait des restaurateurs qui nous ont dit aussi que ce changement de règles du jeu ou le fait qu'on sache que le permis ne pourra plus être renouvelé, par exemple, dans la région de Montréal, ça a un impact sur le travailleur lui-même, aussi sur sa motivation à apprendre le français. Sincèrement, on lui dit : Faites toutes ces démarches-là puis, en bout de ligne, ton permis ne sera pas renouvelé. C'est... Essayer de maintenir la motivation à la francisation de ces travailleurs-là, ce n'est pas nécessairement facile, alors qu'ils ont ce désir profond là de travailler en français, d'apprendre le français à la base. C'est sûr que, si on vous dit : Vous avez tout laissé derrière, puis, tout d'un coup, les règles du jeu changent, comme vous l'avez mentionné, c'est sûr que... c'est sûr que ça joue sur la motivation, bien sûr.

M. Morin : Est-ce que, par hasard, vous savez ça faisait combien de temps que ce travailleur-là, cuisinier-là était à Montréal?

M. Vézina (Martin) : Malheureusement, le témoignage n'allait pas jusqu'à ce niveau-là, là.

M. Morin : OK. Mais visiblement il était allé au lycée français, il parlait français, il était à Montréal, il travaillait à Montréal. Le gouvernement, sans crier gare, suspend le PEQ, qui est un programme qui permet la résidence permanente puis la citoyenneté éventuellement, et là, pouf, on vient de perdre quelqu'un. Puis... Bien, pour le propriétaire, j'imagine que c'est un enjeu important parce que... Si mon souvenir est bon, Mme Richard, vous avez parlé aussi de la... toute la paperasse, alors... je comprends que c'est aussi lourd. Ça fait que combien... Quelqu'un qui veut faire venir quelqu'un de l'étranger, combien ça peut prendre de temps, combien ça coûte, combien... C'est-tu bien compliqué? Expliquez-nous donc ça un peu.

M. Vézina (Martin) : Sur le temps, il faut commencer six mois à l'avance, définitivement, le temps d'avoir l'étude d'impact du marché du travail avec le certificat d'acceptation du Québec, de pouvoir faire la démarche, d'envoyer le tout au travailleur qui est à l'international, faire sa demande de permis de travail à son ambassade, consulat, l'entrée biométrique, tout ça, qu'il arrive sur le territoire. Nous, ce qu'on conseille à nos membres, c'est de commencer six mois à l'avance, parce qu'on ne s'y connaît pas, les délais... les délais peuvent varier, notamment chez Services Canada, donc c'est difficile à faire.

Au niveau des coûts, bien, au niveau gouvernemental, c'est 1 500 $, ça, c'est le bout simple, mais après rajoutez des milliers parce qu'il y a des consultants... ce n'est pas un exploitant qui va partir à Tunis pour aller faire... aller voir du recrutement, là, il va engager un consultant qui va facturer des milliers de dollars.

M. Malouin-Trudel (Laurence-Olivier) : Puis on parle... on parle, en moyenne, là, d'un... Le chiffre à Restaurants Canada qu'on évoque, c'est autour de 8 500 $ par travailleur étranger. Mais tantôt on vous disait à quel point les restaurateurs font plus de démarches, là. Donc, il y a des restaurateurs qui nous ont dit que ça pouvait aller jusqu'à des 20 000 $ parce qu'ils investissent eux-mêmes pour des cours de francisation privés par exemple, ils investissent pour trouver un logement, ils investissent du temps pour trouver un travail à la conjointe, au conjoint, ils investissent du temps. Il y en a qui m'ont même dit : En région, on a trouvé une voiture pour que notre travailleur étranger puisse venir travailler parce qu'il n'y a pas de transport en commun en région partout. Donc, l'investissement, il peut aller du 1 500 $, peut-être... très, très minimalement parlant, à aller jusqu'à 20 000 $ peut-être.

M. Morin : Donc, c'est quand même une somme considérable. Puis, si après il n'y a pas de prévisibilité, comme dans votre exemple du Café Cherrier, puis que la personne parte, puis là, bien, c'était, dans le texte, un programme québécois, ce n'est pas fédéral, là, bien là, à ce moment-là, le propriétaire restaurateur est obligé de recommencer, et ça prend du temps.

M. Vézina (Martin) : ...ça va reprendre le temps plus les investissements, mais là on se retrouve avec le fait que notre premier investissement pour le recrutement, bien, tombe à l'eau. Donc...

M. Morin : Il tombe à l'eau...

M. Vézina (Martin) : ...il y a un autre coût, puis qui va être associé à l'exploitant qui devra mettre encore des dizaines de milliers de dollars pour aller chercher quelqu'un d'additionnel.

M. Morin : Très bien. Alors, je vous remercie. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, M. le député. Alors, on va poursuivre avec le député de Saint-Henri—Sainte-Anne pour 3 min 18 s.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous d'être présent, présente aujourd'hui. Ma formation politique, on a pris la position à l'effet qu'il fallait réduire l'immigration temporaire, mais là, quand ça devient dans le qui, ou dans quoi, ou dans comment, les choses deviennent plus difficiles après. Et là vous êtes là à nous dire «pas nous». J'entends. Puis vous avez de très bons arguments sur le pourquoi pas nous? Mais dans ce cas-ci, est-ce que vous avez des pistes ou des avenues de solutions pour où ça serait possible? Parce que les universités nous disent «surtout pas nous», les cégeps en région nous disent «surtout pas nous», plein d'autres catégories nous disent ça. Alors, j'aimerais ça vous entendre sur vos recommandations.

M. Vézina (Martin) : Je vais rebondir sur votre question, parce ce qu'on dit : Oui, on parle des travailleurs étrangers temporaires, pourquoi? Parce que les programmes permanents pour notre secteur, puis ça, ce commentaire-là, je l'ai fait à la dernière commission de la planification pluriannuelle puis, je pense, je l'ai fait en 2019 aussi, nos exploitants voudraient bien aller sur des programmes permanents, mais, à la fin, les grilles de pointage font que ça n'arrivera pas. Donc, tu sais, je vous dirais : Est ce que c'est... Tu sais, tout ça en dépit, dépit... locaux... On prendrait un travailleur qui est déjà en droit de travailler ici, ça, c'est le premier. En deuxième, bien, peut-être les gens avec l'investissement se diraient : J'irais chercher quelqu'un qui pourrait aller chercher une résidence permanente à travers les programmes permanents, puis là mais comme je n'ai pas accès à ces deux-là, mais je vais tomber dans le programme de travailleurs étrangers temporaires, parce que, bien, c'est la dernière voie de salut que j'ai pour pérenniser mon entreprise.

Donc, ce n'est pas de couper ailleurs, je veux dire, c'est peut-être : réfléchissions à nos programmes d'immigration permanente. On a toujours axé vers du hyper qualifié. Nous, ça fait longtemps qu'on dit : Mais il y a aussi des métiers qui ne sont peut-être pas aussi qualifiés que le baccalauréat, mais qu'il y a des gens qui ont des diplômes en cuisine, en service, il peut aller là en sommellerie, puis on pourrait les reconnaître.

M. Cliche-Rivard : Ce que vous dites, c'est que, finalement, le permanent puis le temporaire sont très interreliés dans votre scénario ou seraient, devraient être interreliés, puis que, finalement, plus qu'on réduit les signes d'immigration permanente, notamment dans l'économique, plus artificiellement on fait gonfler le bassin de résidents temporaires. C'est ce que vous dites essentiellement.

M. Vézina (Martin) : Mais ce n'est pas une question de cible, c'est une question de pointage. Si on n'atteint même pas le pointage pour pouvoir atteindre à pouvoir recevoir le certificat de sélection, vous pouvez bien laisser monter les cibles, ça n'arrivera... on n'aura pas accès. L'enjeu, puis ce qu'on entend des exploitants, c'est que les grilles de pointage, comme elles sont montées présentement dans les programmes permanents, il faut être bien très qualifiés pour y accéder.

• (14 h 40) •

M. Cliche-Rivard : Puis elles sont autant difficiles d'accès parce que les cibles sont plus basses. SI les cibles étaient plus hautes... Je veux dire, c'est l'oeuf avant la poule ou la poule avant l'oeuf. Finalement, il faut une contingence avec la cible qui est accordée, là.

M. Vézina (Martin) : Je ne suis... Encore là, je ne crois pas nécessairement que c'est une question de cible, c'est une question d'accès. Est-ce que oui, est-ce qu'il y ait plus de cibles va... peut-être pas, on va peut-être prendre plus de doctorants, doctorat, de docteurs ou d'infirmières. C'est un choix, c'est un choix collectif.

M. Cliche-Rivard : Et donc, pour revenir à ma question principale, vous, vous ne m'aidez pas ou vous ne nous aidez pas dans où est-ce qu'on devrait couper, là?

M. Vézina (Martin) : Mais, regardez, on doit être solidaires de nos collègues des autres secteurs d'activité. Je pense que les besoins sont là. C'est une réflexion à avoir. Au niveau des étudiants internationaux, c'est des gens qui viennent à temps partiel, c'est une relève dans certains cas. Il y a des cégeps, cégep de Matane, la technique de tourisme, s'il n'y a pas d'étudiants internationaux, il n'y a pas de programmes. Donc, il y a ces questions-là

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci.

M. Cliche-Rivard : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, on poursuit avec le député d'Arthabaska pour 3 min 18 s.

M. Boissonneault : Merci, Mme la Présidente. Puis je vais faire un peu de pouce sur ce que disait mon collègue le député de Saint-Henri—Sainte-Anne. Merci à vous aussi d'être là, par ailleurs. J'aimerais ça qu'on parle d'avenir un peu puis donc du volet temporaire, parce que j'aimerais comprendre, pour vous, ce que ça signifie, parce que dans cette idée-là d'avoir recours à cette main-d'œuvre, il y a l'idée du temporaire. De quelle façon c'est compris, ça, d'une part par les personnes qui sont engagées dans la restauration puis par les restaurateurs aussi, à savoir est-ce qu'il y a l'idée éventuellement de se sortir de ce modèle-là de... perpétuellement dans l'utilisation d'une main-d'œuvre étrangère?

M. Vézina (Martin) : ...absolument, on veut se sortir de ça, il n'y a personne qui veut. L'enjeu et démographique, hein, on se rappelle, il y a moins de jeunes travailleurs. On est toujours dans une courbe démographique descendante. On est même dans le creux en 2025-2026. Mais, si on suit nos courbes démographiques, selon les études qu'on avait, puis on l'a dit dans le mémoire, en 2031, là, c'est un rapport de RCGT, de notre comité sectoriel avec Raymond Chabot...

M. Vézina (Martin) : ...qui disait que les jeunes travailleurs, la courbe, on va peut-être remonter d'ici 2031. On va peut-être avoir assez de jeunes travailleurs pour ne peut-être plus avoir recours au PTET. Mais actuellement, on est dans le seuil, en bas, là. Il faut se sortir de l'eau, un peu, là.

M. Boissonneault : Mais je comprends, selon vos propositions, qu'on devrait enlever les restrictions pour la région de Montréal par exemple, aussi dans le secteur de la restauration. Pourtant, le marché de l'emploi n'est quand même pas le même à Montréal qu'ailleurs dans d'autres... dans les régions aussi. L'immigration, d'ailleurs, n'est pas la même à Montréal que dans certaines régions. Je reviens un peu sur ce que disait le ministre. On a quand même noté une hausse du taux de chômage des jeunes à 15 % en juillet. Donc, pour moi, j'ai de la difficulté quand même à réconcilier l'idée qu'il y a... il n'y a personne de disponible avec un taux de chômage des jeunes comme celui-là. Moi, je me souviens quand j'étais plus jeune, travailler au restaurant, c'est ce qu'on faisait. Qu'est-ce qui s'est passé? Est-ce que vous avez étudié le fait qu'on n'est plus en mesure d'aller chercher les jeunes? Qu'est-ce qui fait qu'entre 2019 et 2025, on soit devenus si dépendant de la main-d'œuvre étrangère temporaire?

M. Vézina (Martin) : Première hypothèse, c'est qu'avec tout ce qui est arrivé à la pandémie et le fait qu'après la pandémie il y a quand même eu une pénurie de main-d'oeuvre assez accrue dans tous les secteurs. Je pense que les gens ont trouvé d'autres vocations, que ce soit cols blancs, tout ça, qui ont trouvé qu'il y a des emplois en télétravail qui peuvent être agréables, ce qu'on ne peut pas nécessairement offrir comme cols bleus. Puis on le voit dans d'autres secteurs, hein? Le manufacturier, la construction sont tous en pénurie aussi dans la région de Montréal. Pourtant, comme vous le dites, il y a un chômage des jeunes. Où vont les jeunes? C'est la question à se poser.

M. Boissonneault : Dernière question, rapidement. Vous souhaitez augmenter le seuil des travailleurs étrangers temporaires à 30 %. Sur le lieu de travail, est-ce que vous avez pensé à l'impact que ça pourrait avoir sur les autres employés? Moi, je l'ai vu, des fois, dans certains restaurants où, derrière le comptoir, ça se parle en anglais, là. Est-ce qu'il y a un danger? Est-ce que vous mesurez? Parce que 30 %, c'est un employé sur trois qui pourrait parler, par exemple, une autre langue que le français.

Mme Richard (Marie-Pier) : Je suis d'accord avec vous. Mais l'impact aussi, de se dire qu'on n'a plus de travailleurs étrangers temporaires, sur les travailleurs actuels. On le voit dans certains endroits où il y a pénurie, ça met une pression vraiment, vraiment très forte sur les travailleurs locaux qui restent en place, qui doivent concilier avec des quarts de travail qu'ils n'ont pas... qu'ils n'ont pas nécessairement envie de faire, ou tout ça. Donc, il y a ça aussi à prendre en considération, cette pression-là qu'on met sur les travailleurs déjà en poste, qui en ont déjà beaucoup, là.

M. Boissonneault : Mais il n'y a pas de risque, par exemple, que les autres travailleurs, finalement, doivent s'intégrer au fait qu'il y ait des travailleurs qui ne parlent peut-être pas leur langue? Donc, les francophones se trouvent à parler en anglais, éventuellement, sur le lieu de travail.

M. Vézina (Martin) : Non. On n'a pas cette inquiétude-là. On recite ce qu'on a dit tantôt puis dans notre mémoire, on est un des secteurs d'activité où le taux de francisation est le plus élevé.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Merci beaucoup. Alors, madame, Messieurs, c'était un plaisir de vous recevoir à la commission. Je vous souhaite une bonne fin de journée.

Et je vais suspendre les travaux quelques instants, le temps de recevoir le prochain groupe.

(Suspension de la séance à 14 h 45)

(Reprise à 14 h 48)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux. Donc, pour le prochain... les prochaines 45 minutes, nous recevons le Conseil de la transformation alimentaire du Québec ainsi que l'Association des détaillants en alimentation du Québec. Madame, Messieurs, bienvenue à la commission. Donc, vous allez bénéficier d'une période de 10 minutes pour vous présenter ainsi que présenter l'essentiel de vos recommandations. Par la suite, on va entamer une période de discussion avec le ministre et les parlementaires. Alors, votre 10 minutes commence maintenant.

M. Blouin (Pierre-Alexandre) : Bonjour, Mme la Présidente. Pierre-Alexandre Blouin, de l'ADA. Très heureux d'être entendu dans le cadre de cette importante consultation.

Il y a plusieurs questions spécifiques qui sont à l'étude dans le cadre de la consultation, mais je crois qu'il est très important de vous positionner un peu notre secteur d'activité par rapport au besoin de main-d'œuvre.

Il y a un important problème de main-d'oeuvre dans notre secteur, qui vient par phases, qui est plus important dans certains secteurs d'activité. Puis, dans le secteur de l'alimentation en général, l'immigration est devenue une denrée essentielle à notre capacité de fournir de l'alimentation à nos clients.

La culture alimentaire riche des Québécois est aussi issue en grande partie de l'apport de l'immigration. Il y a eu les couches successives de nouveaux Québécois qui se sont ajoutés chez nous, que ce soient les Italiens, les Grecs, les Asiatiques, les Africains, dans les dernières années, les Latino-Américains. Ce sont des mélanges de cultures qui sont venues se mêler à notre terreau fertile des basses terres du Saint-Laurent pour donner notre culture alimentaire, de laquelle on est très fiers aujourd'hui.

C'est vrai également dans nos magasins. C'est vrai également d'un point de vue commercial et économique. Sans l'apport de beaucoup d'investisseurs de différents pays dans nos dépanneurs depuis les années 80, on aurait probablement beaucoup moins de services. C'est aussi la même chose au niveau de nos boulangeries. Sans l'apport de beaucoup de gens formés en Europe au niveau de la boulangerie, on n'aurait pas tout l'essor qu'on a aujourd'hui dans notre secteur d'activité. Ce n'est pas des clichés, c'est la réalité concrète sur le terrain.

• (14 h 50) •

En dehors des programmes, le détail alimentaire est une porte d'entrée d'intégration naturelle des nouveaux Québécois, qui sont souvent leur première expérience de travail et de socialisation en territoire québécois. On souscrit tout à fait aux intentions du gouvernement présentées dans cette planification de faire valoir la langue française et la culture francophone dans un contexte où l'utilisation de l'anglais peut être perçue comme une menace, mais également nous sommes un vecteur d'incubation et d'intégration de ces nouveaux arrivants là. On vous a soumis différentes demandes et requêtes dans le cadre de cette consultation-là. Malheureusement, le temps va très vite, et nous sommes deux groupes à devoir témoigner, donc je vais y aller directement vers ces points.

Il y a quatre principales recommandations. La première : un prolongement de la durée des permis de travail temporaires de trois années, puisque le temps est un facteur clé pour l'intégration des gens dans nos magasins, puis on arrive à faire une intégration avec ces gens-là; une clause grand-père afin de préserver les droits existants et la qualité des processus d'immigration que permettent nos membres dans les milieux; une réouverture du PEQ pour les travailleurs temporaires et étudiants étrangers; un élargissement de notre secteur pour les exemptions d'IEMT d'accès au PTET, tout en interpellant le gouvernement fédéral dans sa méthodologie de sélection pour la hausse des seuils de chômage de 6 % à 8 %.

Je voudrais laisser un tout petit moment à mon collègue Frédéric Vincent, qui a une expérience terrain sensible à la fois en intégration de différents nouveaux arrivants, mais aussi au niveau du programme de travailleurs étrangers.

M. Vincent (Frédéric) : Merci, Pierre-Alexandre. Mme la Présidente, les députés, bonjour. Merci de m'accueillir aujourd'hui. Je me présente, en fait, Frédéric Vincent. Je suis épicier propriétaire. J'ai...

M. Vincent (Frédéric) : ...quatre marchés d'alimentation, dans l'extrême sud du Québec, situés dans la région de Valleyfield. Je suis ici pour vous témoigner de l'importance que représentent les travailleurs étrangers temporaires dans nos opérations quotidiennes. Puis leur présence nous assure une stabilité essentielle en nous permettant de couvrir une partie de nos longues heures d'ouverture. Concrètement, ça se traduit par une meilleure exécution en magasin puis, par conséquent, une meilleure expérience client, un meilleur service à la clientèle. Puis, au-delà de l'aspect opérationnel, ces employés apportent également des nouvelles techniques de travail, des connaissances variées sur des produits et des cultures culinaires distincts. Puis cette diversité constitue une véritable richesse qui nous aide à mieux répondre aux attentes d'une clientèle québécoise de plus en plus ouverte, diversifiée et multiethnique.

Puis il est important de rappeler, dans les commerces de détail alimentaires, le service à la clientèle est au cœur de nos activités. Puis, contrairement à d'autres industries, il est pratiquement impossible de remplacer ces fonctions par l'automatisation. Ça fait que les travailleurs étrangers temporaires jouent donc un rôle essentiel et irremplaçable dans le maintien d'un contact humain de qualité avec nos clients.

En tant qu'employeurs, ce recours nous impose également une grande responsabilité, puis on doit mettre en place des critères rigoureux lors du recrutement afin de nous assurer de leurs compétences mais surtout de leur capacité à interagir en français. Puis, pour les accompagner, en plus de toutes les formations qu'on offre déjà à l'ensemble de nos employés, on a même dû instaurer des cours de français donnés par des professeurs retraités ou des clients. Ça impliquait vraiment... et c'était important pour les travailleurs de bien s'intégrer.

Puis, à titre d'exemple, encore cette semaine j'ai échangé avec un des travailleurs qui m'a confié son souhait de devenir gestionnaire dans notre établissement. On a donc mis en place avec lui un parcours de formation qui lui permettra d'accéder à un poste de gestion dès que son permis de travail sera renouvelé. Cet exemple illustre bien à quel point ces personnes veulent vraiment contribuer activement à notre société puis s'intégrer au Québec.

Puis j'aimerais également insister sur un point essentiel, la nécessité dans la loi de distinguer les nouveaux travailleurs étrangers temporaires de ceux qui renouvellent leur permis. Ces derniers, là, sont déjà établis, connaissent nos valeurs, connaissent les façons de faire. Ils contribuent déjà fortement à notre économie puis à notre société. Et ça ne représente pas le même défi qu'un nouvel arrivant ou qu'un réfugié ou un demandeur d'asile.

En somme, cette main-d'œuvre améliore non seulement l'expérience client, mais aussi celle des employés et des employeurs. Elle s'intègre pleinement à nos entreprises, tant par son engagement quotidien, par sa participation à nos fêtes de Noël, nos activités d'équipe, tout au long de l'année. Bien, voilà en partie pourquoi il est essentiel de reconnaître leur apport et d'adapter le cadre législatif en conséquence. Je vous remercie de m'avoir entendu. Puis il me fera plaisir de répondre à vos questions.

M. Fraeys (Dimitri) : Ça fait que bonjour. Je vais continuer pour le Conseil de la transformation alimentaire du Québec. Je remercie la commission de nous avoir invités. Donc, j'essaierai de résumer en cinq minutes, mais bon, vous pourrez nous poser les questions.

Alors, je me présente, Dimitri Fraeys, vice-président, Innovation et affaires économiques au CTAQ. Je suis en compagnie de Gabrielle Fallu, qui s'est présentée, directrice, Relations publiques et gouvernementales chez Exceldor coopérative.

Ce que j'aimerais quand même préciser, c'est que la transformation alimentaire, c'est l'industrie qui permet justement à l'ADA de pouvoir offrir des produits à ses clients. Je vous rappelle qu'on est le premier secteur manufacturier au Québec, dont 40 milliards de livraisons, soit 18 % des... total des livraisons. Puis aussi, l'élément important, on est le premier employeur manufacturier avec 75 000 emplois directs, 25 000 connexes et 135 000, je dirais, indirects.

L'industrie de la transformation alimentaire souffre de rareté de la main-d'œuvre, principalement en région, parce que nos usines de transformation sont situées dans des villages ou des petites villes qui ont un bassin limité de travailleurs disponibles. Malgré des efforts vigoureux de recrutement, d'embauche et de rétention de travailleurs canadiens et de résidents permanents, malgré le soin que l'industrie prend à leur offrir les meilleures conditions de travail et malgré les améliorations technologiques constantes apportées aux installations... demeure une solution incontournable pour atténuer le peu de main-d'oeuvre disponible sur le marché local et régional. Puis, tantôt, Gabrielle pourra présenter des exemples.

Au niveau de l'immigration temporaire, je dirais que l'élément... le PTET, le Programme des travailleurs étrangers temporaires, pour nous, il est essentiel. En fait, je dirais la bonne nouvelle, pour nous, c'est que le seuil est à 20 %. Puis on tient absolument à ce qu'il soit maintenu à 20 % parce que la transformation permet à l'industrie agricole de pouvoir...

M. Fraeys (Dimitri) : ...c'est un débouché pour tout ce qui est produit sur les fermes. En fait, on achète 67 % de tout ce qui est produit au Québec, ce qui est le plus haut taux au niveau du Canada. Dans les fermes, il n'y a pas de limite de travailleurs étrangers temporaires. Donc, la transition alimentaire, c'est le prolongement de la production agricole. Un abattoir, il permet aux fermes d'élevage de libérer des espaces pour pouvoir poursuivre leur activité agricole. Donc, une baisse de l'abattage par un manque de travailleurs, bien, pourrait aboutir à l'obligation d'euthanasier à la ferme certains animaux, ce qu'on ne veut absolument pas.

Je vous dirais, rapidement, un élément qui nous a fait beaucoup de mal, c'est la hausse du salaire... ce qui n'est pas le bon... qui est d'environ 20 %, mais ce que ça a fait, c'est qu'il y avait des travailleurs qui auparavant étaient dans les hauts salaires, je pense principalement à des postes comme mécanicien, cariste, électromécanicien qui, maintenant, se retrouvent au niveau de ce qu'on appelle les bas salaires, donc en bas de 34,62 $ de l'heure. Ce qui fait que, bien, tout ça, ça vient ajouter à des travailleurs qui auparavant n'étaient pas dans le 20 %. Et surtout, ça vient ajouter des coûts parce que, dans le programme des TET à bas salaires, bien, il faut ajouter des coûts, que ce soit le logement, que ce soit le transport, que ce soit les éléments de coûts qui ont été mentionnés auparavant par... Donc, il y a... C'est quand même un élément important pour nous. Et de façon à pouvoir prolonger ou maintenir ce 20 %, ce qu'on propose, c'est de trouver des voies rapides à la résidence permanente pour ces travailleurs temporaires afin de les conserver et de respecter ce seuil ou de prolonger la durée des permis des travailleurs étrangers qui travaillent déjà dans les entreprises de façon à maintenir les opérations. Comme je le mentionne, le maintien des opérations est crucial parce qu'il faut libérer les espaces dans les fermes. On est une chaîne. Et donc nous, on est comme... On est entre les deux, on a... On est... On est après les producteurs, mais on est avant les détaillants, les magasins qui offrent les produits aux consommateurs.

Au niveau de l'immigration permanente, ce que j'aimerais mentionner, c'est que nous, ce qu'on aimerait, c'est que le nombre de postes en immigration permanente soit de 50 000 par année, ce qui permettrait de pouvoir faire en sorte que des immigrants temporaires deviennent permanents. Puis je voudrais apporter une précision dans notre secteur, il faut faire une distinction entre les travailleurs étrangers temporaires qui travaillent dans des abattoirs sur une période annuelle et ceux qui travaillent dans des usines de transformation de légumes qui, eux, sont saisonniers. On pourra leur venir... vous revenir plus en détail par la suite. Un élément qui, pour nous aussi, nous a beaucoup aidés, c'est le programme...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Je vais vous demander de faire rapidement, s'il vous plaît.

M. Fraeys (Dimitri) : Oui, c'est terminé?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Votre temps est terminé, mais le ministre vous accorde du temps sur le sien. Mais si vous voulez avoir des questions, il faut juste essayer d'accélérer un petit peu, s'il vous plaît.

• (15 heures) •

M. Fraeys (Dimitri) : Oui, une minute. Alors, ce que j'aimerais revenir, c'est qu'on bénéficié d'un programme pilote en transformation alimentaire qui termine au 1ᵉʳ janvier. Ce programme permet de libérer 600 places de travailleurs étrangers veulent des programmes permanents, donc ce qui permet aux entreprises d'avoir une prévisibilité. Et j'aimerais aussi faire mention du projet C-5, en fait, de la loi C-5 au niveau du fédéral qui va amener une compétitivité des programmes du Québec par rapport aux autres provinces. Je pourrais conclure là dessus et je laisserais... Puis je vous dis que, bon, bien, on va répondre à vos questions. Et puis l'avantage d'avoir Mme Fallu, c'est que vous avez la possibilité de poser des questions à quelqu'un qui vit sur le terrain, en entreprise. Tous les éléments que je viens vous mentionner. Voilà.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Parfait. Merci. Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose, madame? Ou on poursuit avec des questions? On y va avec les questions.

Mme Fallu (Gabrielle) : Bien, allez-y avec les questions. Pas de problème.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Parfait. Alors, M. le ministre, il vous reste 14 min 20 s.

M. Roberge : Merci bien, Mme la Présidente. Effectivement, on vous a laissé continuer un peu, parce que c'est ça, on veut vous entendre. C'est le but des consultations. Je vais commencer par quelques éléments sur lesquels je pense qu'on a des points de convergence, sur lesquels on s'entend. Puis après ça, peut-être des points de vue divergents ou des... ou des questions pour mieux comprendre. D'abord, je vois que vous souhaitez que plusieurs de vos travailleurs, qui sont un moment à statut temporaire, deviennent des permanents. Je dirais qu'avec le nouveau Programme sélection des travailleurs qualifiés, le PSTQ, qui est divisé en quatre volets, il y a définitivement au moins un des volets, peut-être deux dépendamment du type de personne que vous avez dans vos entreprises, il pourrait très, très bien vous permettre d'atteindre vos objectifs, puis leur permettre d'atteindre leurs objectifs de vie aussi, et donc devenir des résidents permanents, des Québécois à part entière et, bon, je vous le souhaite, rester dans votre entreprise, contribuer à la force de travail. Je pense que, là-dessus, il y a une voie de passage qui nous convient à tous les deux, je pense.

Pour ce qui est des demandes au gouvernement fédéral des réclamations, du cri du cœur que vous lancez, je vous le dis, on est...


 
 

15 h (version non révisée)

M. Roberge : ...pour ce qui est à l'extérieur de Montréal et à Laval, d'avoir cette clause grand-père pour conserver les travailleurs qui sont déjà dans nos entreprises. À ce moment-ci, on n'est pas favorable nécessairement à en ajouter encore et toujours plus parce qu'on a des enjeux, là, de capacité d'accueil, mais on souhaite arrêter la déperdition de la force de travail dans vos entreprises à cause de la mesure du fédéral. Donc, je pense que, là-dessus, il y a une certaine... un certain alignement.

Par contre, quand vous dites : Il faudrait qu'à chaque année on se donne la cible de 50 000 résidents permanents, en tout cas, j'ai entendu un de vous quatre mentionner ceci, vous êtes légèrement au-dessus de la cible supérieure. Dans notre fourchette, on a proposé 25 000, 35 000, 45 000. Bon, vous dites 50 000, encore faudrait-il réduire le nombre de temporaires. Donc, si vous dites : Bien, on garde tous les temporaires sur le territoire québécois, on garde tous les 400 000 temporaires qui relèvent d'Ottawa, on garde tous les TET et, par-dessus ça, on en prend 50 000 par année permanents, mais, quand un temporaire devient permanent, on le remplace par un autre temporaire, bien là, j'ai un petit enjeu. Est-ce que c'est ce que vous dites ou pas? Est-ce que vous voulez, en accueillant 50 000 permanents par année, réduire d'autant les temporaires? Vous souhaitez avoir 50 000 permanents chaque année et garder toujours 600 000 temporaires sur le territoire québécois? Qu'est-ce... Quelle est votre approche?

M. Fraeys (Dimitri) : Je peux débuter. En fait, oui, c'est ça qu'on veut. Ce qu'on veut, c'est que les temporaires puissent devenir permanents. Je veux vous rassurer, au niveau de l'industrie de la transformation alimentaire, c'est environ 10 000 à 12 000 travailleurs temporaires. Oui, effectivement, comme je le mentionnais tantôt, lorsqu'on peut permettre à des travailleurs temporaires de devenir permanents, ça permet de maintenir un bassin. Il faut comprendre qu'en modifiant... en augmentant de 20 % le salaire médian, ce qu'on fait, c'est qu'il y a certaines entreprises qui étaient avant... qui, maintenant, se retrouvent à 25 %, 30 %, parce qu'elles avaient bien respecté le 20 % dans les règles antérieures, avec un salaire médian qui était à 29 $, en l'augmentant à 34 $, 35 $, bien, on vient ajouter des travailleurs de plus qui étaient dans les hauts salaires qui, maintenant, sont des bas salaires, donc ça vient dépasser le 20 %. C'est ce changement de règle là qui fait le plus mal à notre industrie. C'est pour ça qu'en les dirigeant vers le programme permanent ça permet de pouvoir libérer des places et ça permet surtout aux abattoirs de pouvoir continuer à opérer en région, parce que ces entreprises-là sont dans des régions où le bassin de main-d'œuvre est très restrictif, puis je vais laisser Gabrielle vous expliquer.

Mme Fallu (Gabrielle) : Oui, effectivement. Puis, pour compléter sur ce que Dimitri est en train de mentionner, M. Roberge, il faut... ça... Il faut que vous sachiez aussi, puis je veux... on est déjà venus à votre bureau vous l'expliquer, vous êtes au courant de ça, il y a beaucoup de notre force de main-d'œuvre qui, dans les prochaines... dans les cinq prochaines années, va se diriger vers la retraite, et on pense avoir un manque environ de 35 % de la main-d'œuvre qui nous occupe en ce moment. 35 %, c'est énorme, surtout qu'on a déjà un 20 % de travailleurs étrangers temporaires au sein de nos usines. Donc, c'est une prévisibilité, je vous dirais, à... même à court terme de ce qui nous attend dans les prochaines années dans les régions hors grands centres.

Particulièrement, chez Exceldor coopérative, on a une usine à Chaudière-Appalaches, à Saint-Anselme, et c'est un bassin de main-d'oeuvre avec lequel on se retrouve avec un taux de chômage de 3,6 %. Pas besoin de vous dire qu'avec un taux de chômage aussi bas, le bassin est à sec. On est plusieurs entreprises à s'arracher les travailleurs disponibles, je vous dirais. Donc, nous, on est réellement devenus dépendants des travailleurs étrangers temporaires dans cette région précise, avec la réalité qui nous occupe. Notre usine de Saint-Anselme a environ presque 700 employés qui occupent cette usine-là. Donc, c'est évident qu'avec une aussi grande capacité de développement, d'accueillir des travailleurs, bien, on transforme un village aussi, mais on a besoin de renouvellement de main-d'oeuvre.

Je suis très satisfaite d'entendre le fait que la clause grand-père, c'est quelque chose qui vous intéresse, c'est quelque chose que vous regardez. C'est sûr que les besoins de formation... Pour nous, c'est des coûts astronomiques aussi de toujours reformer nos employés. Et ça vient aussi avec l'insécurité. Je vous dirais que la qualité alimentaire, c'est très important. Il faut s'assurer que notre main-d'œuvre est très bien formée, et, toujours être en retour d'information constant, ça n'avance pas les choses dans notre secteur. Donc, le fait que nos travailleurs étrangers temporaires, qui ont un taux de rétention, d'ailleurs, de 91 % chez nous, restent, mandat après mandat, renouvellent leur permis avec nous, deviennent des superviseurs...

Mme Fallu (Gabrielle) : ...s'intègrent dans la communauté. Je veux dire, on a tout... on a tous les beaux critères devant nous. Ils sont sous convention collective, ont des bons salaires. C'est très dur à Saint-Anselme, là, de parler anglais, là, c'est... il faut parler français. Donc, c'est ça, la beauté d'avoir des usines en région au Québec, on finit tous par parler français. C'est ce qui nous entoure, c'est la réalité de notre communauté.

Donc, je suis très satisfaite d'entendre ça aujourd'hui, parce que, nous, effectivement, le fait de pouvoir maintenir les travailleurs en place serait un énorme soulagement pour nous, tout en s'assurant que le 20 % continue à être reconnu. On vous a déjà remercié pour ça. Je le refais aujourd'hui. C'est un besoin essentiel pour nous. On est en train de se dénombrer, puisque nous étions à 30 % de travailleurs étrangers temporaires à Saint-Anselme. Donc, le renouvellement des permis s'effiloche un petit peu pour qu'on retombe dans le 20 %. Mais voilà, un peu, pour répondre à votre question.

M. Roberge : Bien, j'imagine que vous le saviez déjà, mais, bon, c'est depuis le printemps dernier qu'on a très, très clairement exprimé notre posture, envoyé toutes les lettres puis demandé à Ottawa de ne pas traiter le Québec comme étant uniforme et homogène, là. La disponibilité de main-d'œuvre à Montréal, Laval est beaucoup plus grande, ne serait-ce que pour énormément... beaucoup, beaucoup de cégeps, d'universités. Ça donne beaucoup d'étudiants aussi qui veulent travailler à temps partiel. Il y a des centaines de milliers de gens du Programme mobilité internationale et leurs conjoints, conjointes, plein de demandeurs d'asile, on est au-dessus de 100 000 aussi. Donc, on a une main-d'oeuvre à Montréal, Laval. On a des enjeux de français aussi à Montréal, Laval qu'on n'a pas nécessairement à Saint-Anselme ou ailleurs. Puis, bon, malheureusement, en ce moment, Ottawa regarde même la notion RMR, là, région métropolitaine de recensement, comme si Parc-Extension, Montréal-Nord vivaient la même chose que Saint-Jérôme, puis Saint-Jean-sur-Richelieu, puis Saint-Mathias-sur-Richelieu. C'est des réalités qui sont très, très, très différentes. Donc, là-dessus, on s'entend.

Je vais vous dire, en toute honnêteté, que je n'ai pas écrit à Ottawa pour augmenter le nombre d'heures pour les permis d'études, pour qu'ils travaillent, parce que je considère que le premier travail d'un étudiant, que ça soit un étudiant québécois ou un étudiant étranger temporaire, c'est d'étudier. Là, en ce moment, ils ont un permis de 20 heures. Ça relève d'Ottawa aussi. Je serais mal à l'aise de demander à Ottawa de dire aux étudiants : Bien, devenez étudiants à temps partiel ou étudiez plus ou moins. Ça devient des travailleurs étrangers temporaires déguisés en étudiants. J'ai un petit peu de misère avec ça. Je comprends vos enjeux de main-d'oeuvre, mais je pense qu'il faut faire attention au mandat principal. Lorsqu'un étudiant étranger vient ici, c'est surtout pour étudier.

• (15 h 10) •

Par rapport à la disponibilité de main-d'oeuvre, je sais que les réalités régionalement sont très, très différentes, on l'a dit tantôt pour la langue, et tout ça, mais, si on regarde sur une ligne du temps, il y a quand même une différence. Le taux de chômage est beaucoup plus élevé maintenant qu'il ne l'était il y a deux ans. Et il y a aussi la disponibilité de main-d'oeuvre. Il y a beaucoup de monde qui arrive à chaque année sur le territoire québécois. La population du Québec a augmenté de presque 150 000 personnes par année pendant trois ans. J'ai l'impression que, quoi qu'on fasse, la pénurie de main-d'oeuvre ne se résorbe jamais. C'est comme si c'était insatiable. Et ce n'est pas pour une question juste de démographie, des gens qui prennent leur retraite, là. Il n'y a pas 160 000 personnes qui prennent leur retraite au Québec à chaque année, là.

Comment ça se fait qu'on augmente la population de presque 150 000 personnes par année, depuis trois ans, à cause des dérives d'Ottawa surtout, mais qu'il y ait encore autant de pénurie de main-d'oeuvre? Est-ce que ce n'est pas une fuite en avant puis, si on en fait venir un autre 200 000, il va y avoir encore une pénurie de main-d'oeuvre? Qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Fallu (Gabrielle) : Bien...

Une voix : Si je peux débuter... Oui, vas-y.

Mme Fallu (Gabrielle) : C'est une très belle question, qui m'interpelle bien. Je vais vous répondre, ça va me faire plaisir.

Je vous dirais, écoutez, je vais reprendre Chaudière-Appalaches, c'est un très bon exemple, on est passés de 2,7 % à 3,6 % à peine. Donc, même si on a augmenté de presque un point au niveau du taux de chômage, je vous confirme que c'est encore excessivement bas.

On est plusieurs entreprises dans la région. C'est sûr que le... la première initiative chez un travailleur, ce ne sera peut-être pas de venir travailler dans un abattoir, malgré le... l'aspect essentiel qui revêt de... à la société d'avoir de la nourriture sur la table trois fois par jour.

La démographie, elle est réelle aussi. Non, ce n'est pas seulement ça, mais je vous dirais qu'il y a trois ans j'aurais peut-être eu besoin de 35 % de travailleurs étrangers temporaires. Et là on est en train d'essayer de s'en sortir à 20 %. OK. Nous, dans notre réalité...

Mme Fallu (Gabrielle) : ...là. Ce n'est pas : Je n'ai plus besoin des travailleurs ou... C'est... Il y a peut-être une diminution avec laquelle je peux survivre et avoir des opérations fonctionnelles à 100 %. Mais, la barre, elle est... elle est très mince, là. Et, en sachant que dans les cinq prochaines années, de notre côté, on va avoir environ 30 % de notre main-d'œuvre qui va être âgée de plus de 60 ans et qui va nous quitter, ça fait partie d'une réalité très prochaine qui nous attend sur laquelle on a quelque peu d'anxiété, là. C'est la réalité des ruralités, là.

M. Fraeys (Dimitri) : Et si je peux renchérir. Le taux de chômage, on est bien conscients qu'il augmente, mais ça dépend des postes. S'il y a des taux de chômage parce qu'il y a des soudeurs ou d'autres éléments comme ça à cause des tarifs américains, ça ne va pas faire en sorte que ces employés-là seront disponibles dans les abattoirs. Ça, c'est le premier élément.

Deuxième élément. On sait bien qu'il y a beaucoup de réfugiés que les abattoirs pourraient employer. Sauf que les réfugiés sont sur l'île de Montréal, puis, les postes, ils sont à Saint-Anselme ou bien ils sont à Rivière-du-Loup ou sont sont dans des endroits... mettons, Sainte-Julienne, aux abattoirs d'Olymel ou Asta, ça fait qu'il faut les déplacer. Puis, dans notre mémoire, on proposait de mettre en place un... En fait, il y a des... il y a des programmes de régionalisation des immigrants. Il faudra peut-être envisager d'avoir des programmes de régionalisation et des réfugiés, justement, pour pouvoir leur permettre à ces gens-là d'avoir un emploi en région. Donc, ça, c'est proposé dans notre mémoire.

Puis il y a un élément aussi qui est superimportant. On a un comité sectoriel de la main-d'oeuvre et on a été en mesure d'avoir du financement pour franciser plus de 1 000 travailleurs. Donc, ça, pour nous, ça aussi, c'était important. On a... On a réservé ces sommes-là pour franciser des travailleurs, donc des réfugiés, mettons, ou... parce que les travailleurs étrangers, la majorité, sont déjà... comment je dirais, leur niveau de français, ils progressent bien. Mais, pour les réfugiés, il y a de l'argent qui est disponible dans les comités sectoriels pour franciser un minimum de 1 000 employés. Ça fait qu'on vous a bien entendu, M. le ministre.

M. Blouin (Pierre-Alexandre) : Il y a... Il y a également des situations très particulières. Saint-Anselme, c'est un bon exemple, mais toute la région est problématique. Mais on a aussi beaucoup de régions ressources où en est quasi mono-industriels. Et on se retrouve avec des booms et des baisses très importantes au niveau de la disponibilité de la main-d'oeuvre. Dès que le monde forestier ou le monde minier a une petite baisse de régime, là, tout à coup, on a beaucoup de CV, mais ce n'est plus là qu'on a besoin de personnel. On en avait besoin quand les gens travaillaient à plein dans l'industrie de l'endroit. Donc malheureusement, l'équation entre... nous, on est au bout de la chaîne, là, on a besoin d'avoir des produits alimentaires qui nous sont livrés sur les tablettes, mais ensuite de ça, la demande est influencée par la situation économique de la région, ce qui rend la chose un peu plus... un peu plus fluctuante, je dirais.

M. Roberge : Bien, il nous reste quelques secondes. Je veux... Je veux vous dire que ce que vous mentionnez pour une remigration, c'est-à-dire que d'inciter des gens qui sont dans les grands, grands centres, Montréal, Laval, mais pas seulement, qui sont des demandeurs d'asile, qui ont un permis de travail, à aller s'installer en région pour pourvoir des postes, je pense qu'il y a une voie là qui est très intéressante, plutôt que de faire venir tout le temps des nouvelles personnes sur le territoire.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci.

M. Roberge : Quand on parle de métiers qui ne demandent pas de grandes, grandes qualifications... travailler en collaboration pour qu'on fasse ça ensemble.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Merci, M. le ministre. Alors, on poursuit la conversation avec le député d'Acadie pour 12 min 23 s.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour à vous quatre. Merci pour vos mémoires. Si j'ai bien lu, dans le mémoire du Conseil de la transformation alimentaire du Québec, vous dites que c'est le premier secteur manufacturier en importance au Québec, tous secteurs confondus, avec 40 milliards de livraison. J'ai bien lu?

M. Fraeys (Dimitri) : Oui, vous avez bien lu, c'est 40 milliards.

M. Morin : C'est énorme.

M. Fraeys (Dimitri) : C'est énorme, c'est pour... On nourrit la population du Québec et on exporte la nourriture, oui, c'est 40 milliards exactement.

M. Morin : Merci.

M. Fraeys (Dimitri) : C'est les données du MAPAQ, c'est les données du ministère de l'Agriculture.

M. Morin : Excellent. Je vous remercie. Maintenant, moi, j'aimerais vous parler, parce que vous y faites référence dans votre mémoire, au niveau de l'immigration, je pense que la prévisibilité, c'est un élément qui est important, est-ce que vous êtes d'accord avec moi?

Mme Fallu (Gabrielle) : 100 %.

M. Morin : Et à la page... bien, en fait, à la page 8/11, vous avez fait une référence à la suspension du Programme de l'expérience québécois, le PEQ — ça, c'est un programme vraiment québécois, pas de fédéral là-dedans — et donc ça a été suspendu. Est-ce qu'on vous avait avisé à l'avance? Est-ce qu'il y a eu des négociations avec vous ou si vous avez... comme bien d'autres, vous vous êtes rendu compte de la suspension du programme quand le décret a été publié?

M. Fraeys (Dimitri) : On s'en est rendu compte... je pense qu'on a eu 24 heures pour réagir.

M. Morin : Oui, c'est ça, donc, la prévisibilité n'était pas tout à fait là.

M. Fraeys (Dimitri) : ...

Mme Fallu (Gabrielle) : Je dirais que, dans les années, en termes...

Mme Fallu (Gabrielle) : ...en termes d'immigration, surtout en ce qui concerne le Programme des travailleurs étrangers temporaires, la prévisibilité est une claque au visage pour les entreprises qui se servent du programme, elle est inexistante, quasi. C'est des choses qu'on a déjà mentionnées au ministre et à son cabinet, très au courant de ça. Ça n'aide pas les entreprises dans le secteur à aller de l'avant, investir, assurément, en sachant qu'on pourra se fier sur la main-d'œuvre qu'on met en place.

M. Morin : Parce que, tu sais, je me mets... j'essaie de me mettre à votre place puis de comprendre votre réalité, puis là je pense que c'est important, parce qu'on parle... de planification, d'immigration. Puis là, bien, ce que je comprends, c'est que l'État fait exactement l'inverse. Si une entreprise... Puis, tu sais, on parlait là, vous l'avez dit, 40 milliards, vous avez des entreprises qui veulent investir. Donc, évidemment, s'ils veulent investir, il faut qu'il y ait du monde. Si ce n'est pas possible d'avoir des prévisions, comment vous faites?

Mme Fallu (Gabrielle) : On fait des représentations pour essayer de faire valoir notre position. Puis j'aime votre question, puis je pense que ça nous amène aussi sur un autre aspect qui est : Est-ce qu'on est conscient à quel point la chaîne alimentaire au Québec, là, est dépendante de l'immigration de A à Z? Je ne crois pas que le citoyen québécois et même que le politique est au courant à quel point on a besoin de la chaîne alimentaire et de l'immigration. Que ça soit à la ferme ou en épicerie, vous avez, devant vous, la fin de la chaîne. Tous les segments de la chaîne d'approvisionnement sont devenus dépendants de l'immigration. C'est notre réalité avec laquelle on fait face aujourd'hui.

M. Morin : Et est ce que j'ai raison si je vous dis également qu'elle est économique? Donc, c'est un impact...

Mme Fallu (Gabrielle) : 100 %.

M. Morin : ...économique important...

Mme Fallu (Gabrielle) : Majeur.

M. Morin : ...puis qu'en plus c'est dans les régions.

Mme Fallu (Gabrielle) : Oui...

M. Fraeys (Dimitri) : Bien, c'est non seulement... C'est parce que c'est non seulement économique, mais c'est sociétal, ça permet à la province du Québec d'avoir son autonomie alimentaire.

M. Morin : Et ça, on s'entend, c'est fondamental. On ne voudrait surtout pas dépendre trop des autres pour notre alimentation, on est d'accord?

• (15 h 20) •

Mme Fallu (Gabrielle) : Bien, on est d'accord que c'est là-dessus qu'on s'enligne, la souveraineté alimentaire du Québec, et même on va à la souveraineté alimentaire du Canada. Avec ce qui se passe dans le contexte américain, on veut de plus en plus être capable de nourrir nos concitoyens avec les entreprises qui sont déjà sur notre territoire. Pour nous... coopérative, c'est facile de mentionner qu'on est sous gestion de l'offre, donc, non seulement j'ai des obligations en lien avec le système de la gestion de l'offre et de la chaîne d'approvisionnement, oui, moi j'ai une convention de mise en marché qui fait en sorte que je n'ai pas le choix d'abattre la volaille qui est élevée sur le territoire québécois dans nos usines au Québec.

Donc, je ne pourrais même pas dire demain matin, je transfère ma production à... en Ontario, il n'y a pas de problème de main-d'œuvre. Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne. Notre système n'est pas basé comme ça. On est tous très fiers du système de la gestion de l'offre, ça fait notre fierté. C'est un choix qu'on a décidé de garder au Québec, au Canada. Cependant, il faut savoir que ça vient avec, bien, des grandes usines en région pour être plus proche des fermes, pour être plus proches des élevages et des défis de main-d'oeuvre, évidemment.

M. Morin : Un autre élément que j'aimerais aborder, parce qu'on l'entend, bon, il y a des gens qui disent : Écoutez, les entreprises se nourrissent avec des travailleurs temporaires étrangers. Ils devraient plutôt se robotiser, ça augmenterait la productivité. Est-ce que c'est quelque chose à laquelle vous avez songé? Il y a une partie de votre mémoire qui en parle, mais j'aimerais que vous puissiez nous en parler davantage.

Mme Fallu (Gabrielle) : Bien, non seulement c'est quelque chose à laquelle on a songé, j'ai déjà invité le ministre Roberge, je vous invite personnellement, tous les membres de la commission, si vous voulez venir visiter un abattoir au Québec, pour comprendre puis visuellement voir à quel point on est automatisé, on fait partie de l'industrie... des industries les plus automatisées au Canada. C'est très facile à dire. Cependant, on a des tâches qui ne peuvent pas être automatisées. Il y a des tâches que ça prend des mains humaines. Quand on parle de désosser, d'enlever le gras sur des poitrines de poulet, c'est très, très, très... des tâches très fines qui prennent la dextérité humaine encore à ce jour. Et la main-d'œuvre ne s'en ira pas du jour au lendemain avec l'innovation dans notre secteur.

M. Blouin (Pierre-Alexandre) : Et n'oublions pas que, dans l'ensemble des secteurs d'activité, il y a des petits, des plus gros joueurs. Dans notre secteur à nous, c'est difficile d'automatiser les tâches, parce qu'on est un secteur de service de préparation finalisée, et il y a aussi des plus petits joueurs dans l'industrie qui n'ont souvent pas accès au capital. Il y a très peu de programmes pour soutenir ces entreprises-là à faire cette conversion vers un système plus automatisé. Donc, c'est la combinaison des deux, soit on aide les entreprises à s'automatiser avec...

M. Blouin (Pierre-Alexandre) : ...davantage de programmes, soit au moins on leur fournit plus d'employés pour pouvoir arriver à fonctionner.

M. Morin : Mais je comprends que, cet exercice-là de robotisation ou d'automatisation, vous y avez songé, vous avez déjà réalisé une partie, donc les travailleurs dont vous avez besoin, bien, c'est après... c'est l'exercice que vous avez fait finalement.

M. Fraeys (Dimitri) : Oui... Au niveau de robotisation, c'est tellement, tellement... Maintenant, tellement... les entreprises sont tellement conscientes que... Lorsque ministre de l'Agriculture a ouvert le programme... le PTA, le programme en transfo alimentaire qui permet de robotiser, eh bien, le programme de 40 millions a été plein en même pas six semaines. Il va falloir attendre l'année prochaine. C'était la même chose l'année dernière, en 2024, ça a pris huit semaines, cette année, ça a pris six semaines. Donc, les entreprises sont tellement conscientes de se robotiser qu'elles sont prêtes à déposer des projets, de le faire. Je l'ai démontré, les investissements ont doublé. Mais, comme disait Gabrielle, des choses qu'on ne peut pas robotiser, que ce soit dans le secteur des viandes ou dans le secteur des légumes, il y aura toujours besoin de la dextérité de l'être humain et de son œil pour pouvoir faire des tâches qu'un robot ne pourra jamais fait.

M. Morin : Merci. Ma compréhension, c'est que, présentement, le programme PEQ est toujours suspendu. Par contre, vous suggérez, et ça, c'est dans le mémoire de l'Association des détaillants en alimentation du Québec, à la page cinq... vous suggérez une réouverture du PEQ à plus large échelle afin de faciliter les objectifs. Pouvez-vous m'expliquer un peu plus ce que vous avez en tête? Ça vous aiderait comment?

M. Blouin (Pierre-Alexandre) : Bien, en fait, on... Actuellement, là, je vous dirais, l'objectif, c'est... ce n'est pas tant le chemin, c'est la solution à la fin. Donc, si on a des employés ou des gens qui ont une expérience sur le territoire du Québec, pourquoi ne pas capitaliser là-dessus, tu sais, en plus des gens qui vont avoir acquis des connaissances linguistiques, des compétences au niveau de dextérité ou de différentes tâches dans nos entreprises? Ça devrait les qualifier pour avoir accès à des permis sur une plus longue durée ou encore de pouvoir rester au pays avec nous, rester dans nos entreprises, se développer. L'exemple dont faisait... auquel faisait référence Frédéric plus tôt, un employé qui veut se développer dans l'entreprise, bien, il doit avoir le permis pour pouvoir le faire, et actuellement, bien, on est...

M. Morin : On est en train de parler de planification. Il y a un document du gouvernement. On est ici, à l'Assemblée. Bon, ça semble être pas mal centralisé, l'affaire. Vous êtes en région et vous faites travailler des gens dans les régions du Québec. Comment vous receviez ça si, par hasard, on développait éventuellement des sommets régionaux pour mieux planifier l'économie et l'immigration? Un partenariat, par exemple, avec un milieu municipal, les MRC, est-ce que c'est quelque chose qui serait adapté à votre réalité?

Mme Fallu (Gabrielle) : Je vous... Pour ma part, je vous dirais que j'aimerais que la compréhension de la différenciation régionale parte du provincial, j'aimerais que le provincial comprenne sincèrement les besoins dans différentes... dans les différentes régions. On a déjà tellement de misère à faire la part des choses entre le fédéral et le provincial au Québec. C'est vraiment compliqué, l'immigration. On fait nos représentations au fédéral, on arrive au provincial, on se fait parler du fédéral, le fédéral nous parle du provincial. Si, en plus, on ajoute le municipal dans tout ça, honnêtement, on va être à bout de souffle. Donc, moi, j'aspirais à ce que les deux paliers gouvernementaux actuellement impliqués puissent travailler mieux ensemble et plus efficacement avant qu'on implique un autre palier.

M. Morin : Très bien, je vous remercie.

M. Fraeys (Dimitri) : ...

M. Morin : Oui, allez-y.

M. Fraeys (Dimitri) : Non, mais c'est ça, parce que... Bien, ce que je voulais dire, c'est qu'exactement il faut que le provincial Québec et le fédéral se parlent, et une meilleure compréhension commune, je pense, ça va beaucoup faire avancer les choses. Mais il y a un nouveau gouvernement fédéral, on va espérer qu'il y ait une plus grande ouverture et qu'il y ait une meilleure écoute et que les... que, je dirais, les choses avancent plus vite.

M. Morin : Merci. Tout à l'heure, il y a un de vous qui a parlé au niveau, si j'ai bien compris, de l'immigration permanente d'une cible ou d'un seuil d'à peu près 50 000. Est-ce que je me trompe?

M. Fraeys (Dimitri) : Non, c'est ce que j'ai mentionné tantôt, oui.

M. Morin : Parfait. Vous arrivez comment au chiffre de 50 000? Comment vous le calculez, vous vous basez sur quoi?

M. Fraeys (Dimitri) : Le chiffre de 50 000, c'est parce qu'il y avait... il y avait là aussi... La raison pour laquelle j'ai mis 50 000, c'était pour m'assurer... Parce que, là, on parlait de 25, 35, 45, et je voulais m'assurer qu'il y ait au moins un 5 000 qui nous permette de transférer des postes temporaires vers des postes permanents. C'est ce qu'on vous a expliqué tantôt, là. Pour nous, c'est... La façon de pouvoir libérer des pourcentages de postes temporaires, c'est de les envoyer vers le permanent. On a perdu le programme pilote, puis là, bien, on a perdu le PEQ, ça fait que c'est de s'assurer que les travailleurs temporaires puissent aller au permanent. Voilà.

M. Morin : Et est-ce que je me trompe, si vous souhaitez que le PEQ revienne et qu'il soit même étendu?

M. Fraeys (Dimitri) : En fait, ce qu'on veut, nous, c'est un programme qui permet de la prévisibilité, que ce soit...

M. Fraeys (Dimitri) : ...ou un autre, là. Nous, ce qu'on... Pour nous, ce qui est... Pour les entreprises, ce qui est superimportant, c'est de pouvoir planifier et d'avoir une prévisibilité à long terme. C'est ça, en fait. Le nom du programme n'est pas important.

M. Blouin (Pierre-Alexandre) : ...

M. Fraeys (Dimitri) : Pardon?

M. Blouin (Pierre-Alexandre) : On fonctionne avec les programmes existants. Actuellement, il s'appelle le PEQ. Il pourrait avoir un autre nom. Ce n'est pas la coquille qui est importante, c'est le résultat à la fin. Puis, comme vous le disiez très bien, l'objectif, puis c'est la... c'est l'objectif de la plupart des gens qui viennent ici sous un permis temporaire, c'est de s'établir, c'est d'apprendre le français, c'est de participer à la société puis de contribuer. C'est ce qu'on voit dans les exemples de gens avec lesquels on travaille. Ça a une moins grande proportion dans notre secteur d'activité, mais on comprend l'impact que ça peut avoir sur toute la chaîne de valeur alimentaire, puis c'est pour ça qu'on supporte nos collègues par rapport à leurs demandes.

M. Morin : Donc, prévisibilité...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci.

M. Morin : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Merci, M. le député. Alors, on va terminer cette ronde de discussion avec le député de Saint-Henri—Sainte-Anne pour quatre minutes huit secondes.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. D'abord, merci de votre présentation.

Je regardais, là, pendant que vous mentionniez, là, la question du transfert des temporaires aux permanents. Il y a un article du Devoir au mois d'août qui nous disait qu'il y avait plus de 142 000 personnes déjà avec un certificat de sélection du Québec qui attendaient dans nos listes d'attente pour la résidence permanente. Donc, je pense que ça fait directement écho à ce que vous dites. Ces temporaires-là sont des temporaires, des semi-temporaires, des gens en voie d'obtenir la résidence permanente, en tout cas pour la très grande majorité. Donc, je voulais faire écho à ce que vous avez mentionné.

Vous nous parliez tantôt du PSTQ, imprévisible et coûteux pour l'entreprise. Je suis allé voir. Il y a eu, effectivement, une ronde d'invitations dans le volet deux au mois de juillet, comme vous le mentionnez dans votre mémoire. 273 invitations qui ont été envoyées à travers le Québec. Est-ce que vous êtes en mesure de nous dire combien de vos candidats ont été retenus ou à peu près? Est-ce que c'est des gens que vous connaissez qui ont reçu des invitations?

M. Fraeys (Dimitri) : Moi, je n'ai pas ce chiffre-là, mais vous comprendrez que 276 pour une... si on prend les ratios, là, 75 000 emplois, 20 %, on aurait besoin d'à peu près... donc c'est 15 000. Puis là on en aurait juste 276 qui pourraient être permanents. Dans le programme pilote, c'était 600. Ça fait que, vous voyez, les chiffres, ils ne tiennent pas.

M. Cliche-Rivard : Qui pourraient être permanents, vrai, mais qui vont s'ajouter à la liste des 142 000, par ailleurs, là, donc, qui seront peut-être permanents un jour, là. Ça, c'est l'autre... Ça, c'est l'autre volet. Donc, ça fait quand même du pouce sur ce que vous dites, évidemment.

M. Fraeys (Dimitri) : Les 142 000 seront un jour permanents, mais on ne sait pas dans combien de temps.

M. Cliche-Rivard : Une question. Là, le programme, évidemment... Vous parlez de la suspension du PEQ, vous parlez des programmes pilotes. On l'a vu notamment dans le programme pilote des préposés aux bénéficiaires, là, qui lui aussi s'est rempli d'un coup, sans information ou sans préavis. Qu'en est-il de votre côté?

• (15 h 30) •

Mme Fallu (Gabrielle) : De mémoire, il est complet. Il est déjà complet. On avait jusqu'en janvier pour appliquer dessus. On a reçu une notice que le programme a été... a été complété. Je vous dirais qu'amicalement, entre entreprises qui pouvaient appliquer dessus, on a fait une course... une course aux travailleurs étrangers temporaires à inscrire. C'est... C'est pathétique un peu, mais c'est la réalité avec laquelle on fait face. Donc, il fallait remplir les profils le plus rapidement possible pour avoir une chance d'en avoir le plus... plus que notre compétiteur. C'est la vérité.

M. Cliche-Rivard : Donc, si je vous comprends bien, le programme pilote est fermé, le PEQ travailleur est suspendu, puis le PSTQ, pour 15 000 personnes, il y avait 273 invitations, c'est ça? Ça résume bien...

Mme Fallu (Gabrielle) : Et nos besoins... Et nos besoins sont toujours présents, oui.

M. Cliche-Rivard : Quand même. Je pense que n'importe qui qui entend ça comprend les conclusions.

Je voulais vous poser une autre question sur la question du permis de travail fermé, du permis de travail sectoriel, c'est des débats qu'on a eus, là, par régions, par secteurs d'activité. Est-ce que vous avez une position là-dessus?

Mme Fallu (Gabrielle) : Écoutez, je... moi personnellement, je comprends, je comprends les débats. Les débats sont sains à avoir. Nous, dans notre milieu, un travailleur arrive, il est syndiqué sous convention collective avec les mêmes droits que les autres travailleurs, logé, tout ça. On n'a pas connu de cas qui ont nécessité de changer notre façon de fonctionner ou de lever... de lever le drapeau sur le fait que permis fermé... discriminatoire, peu importe. De notre côté, ça fonctionne bien. La... Le taux de rétention est à 91 %. Donc, je crois que, si on voulait renouveler son permis parce qu'on n'était plus heureux, on ne le ferait pas dans notre secteur. Donc, de notre côté, ça fonctionne bien avec les permis fermés pour nous.

Et puis peut-être que je pourrais ajouter que, pour nous, un travailleur nous coûte 10 000 $ à faire venir. Donc, si on avait le choix, on prendrait d'autres sortes de moyens pour avoir des travailleurs dans nos usines. Nos travailleurs étrangers sont très importants, et on y tient, dans des belles conditions...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...en terminant.

M. Vincent (Frédéric) : On a... On a, M.... on a la même réalité en épicerie. Puis, nous aussi, un milieu syndiqué. Puis d'ailleurs, même le syndicat, je n'en ai pas parlé tantôt, mais offrait des cours de français aux travailleurs étrangers. C'est une offre qu'ils font, mais on est quand même dans une position très semblable, similaire.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, le temps est écoulé. Mme, Messieurs, merci d'être passés nous voir de façon virtuelle à la commission. Nous apprécions beaucoup votre apport à nos travaux.

Et, pour les collègues, je vais suspendre quelques instants, le temps d'accueillir notre prochain groupe.

(Suspension de la séance à 15 h 33)

(Reprise à 15 h 36)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Donc, pour les prochaines minutes, nous recevons les porte-parole de l'Association Hôtellerie du Québec. Alors, Mesdames et M., bienvenue à la commission. Donc, vous allez avoir une période de 10 minutes pour vous présenter et donner l'essentiel de vos recommandations face à la planification. Par la suite, nous allons avoir des discussions avec les parlementaires. Alors, le micro est à vous.

Mme Tremblay (Véronyque) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. le ministre, chers parlementaires de tous les partis, merci de nous accueillir aujourd'hui dans le cadre de cette consultation publique sur la planification de l'immigration au Québec...

Mme Tremblay (Véronyque) : ...un dossier qui a une importance capitale pour toute l'industrie hôtelière. Je me présente, Véronique Tremblay, PDG de l'Association Hôtellerie du Québec. Je suis accompagnée de mes collègues, Alupa Clarke, PDG de l'Association hôtelière de la région de Québec, Dominique Villeneuve, PDG de l'Association hôtelière du Grand Montréal, et Joanna Lortie, copropriétaire de l'Hôtel universel de Rivière-du-Loup, qui sont tous membres de l'AHQ. Que ce soit à Québec, à Montréal ou en région, le Québec s'est forgé au fil des décennies une réputation d'excellence en matière d'accueil et d'hospitalité. Nos hôtels ne sont pas de simples lieux de passage, ils sont la vitrine vivante de notre culture, de notre savoir-faire, de notre gastronomie, de notre vitalité économique, et nous en sommes fiers. Pourtant, la capacité d'accueil du secteur est aujourd'hui grandement fragilisée par des décisions politiques. En cherchant à réduire rapidement et massivement le nombre de travailleurs étrangers temporaires et permanents, ces décisions politiques risquent de mettre à mal plusieurs secteurs de l'économie québécoise, d'affaiblir la croissance économique, de dégrader l'expérience offerte aux visiteurs et de mettre en péril des entreprises qui sont déjà sous tension.

L'industrie hôtelière au Québec, c'est un réel moteur économique. Elle génère plus de 3,3 milliards de dollars et soutient plus de 33 000 emplois. Les taux d'occupation de nos hôtels ont atteint 61,4 % en 2023, 62,9 % en 2024 et c'est parmi les plus élevés depuis 1996. Cette performance est d'autant plus remarquable qu'elle se fait dans un contexte de pénurie chronique de main-d'œuvre. Nous avons d'ailleurs réalisé une étude conjointe avec le Conseil québécois des ressources humaines en tourisme, pas plus tard qu'en juillet, qui confirme l'ampleur de cette problématique. Quatre établissements sur cinq jugent difficile ou extrêmement difficile de recruter localement. Plus d'un tiers des hôtels ont déjà subi un impact important ou majeur depuis le resserrement des paramètres du Programme des travailleurs étrangers temporaires en septembre 2024, comme une baisse de la qualité de service ou la réduction de certaines offres, la réduction des heures ou des jours d'ouvertures des restaurants à l'intérieur de nos hôtels, des annulations de réservations. Dans certains cas, des projets d'investissement ont été reportés et même des fermetures temporaires d'établissement.

• (15 h 40) •

Les prochains mois s'annoncent encore plus critiques. Une forte majorité des hôteliers, soit trois sur quatre, anticipent des conséquences graves dans les six à 12 prochains mois. On peut penser à une désorganisation des équipes trop de postes à combler, un manque de compétences, une hausse du stress chez les employés, chez les propriétaires, ce qui affecte directement l'expérience client. Les hôtels de plus grande taille et ceux qui offrent des services de restauration sont les plus vulnérables. Les conséquences économiques de telles décisions se font déjà sentir auprès de nos membres et ont inévitablement un impact majeur sur les revenus et la rentabilité. Sans surprise, près de 60 % ont dû augmenter leur budget de recrutement. Plus de 50 % ont haussé drastiquement les salaires pour retenir leur personnel, et malgré cela, les postes demeurent difficiles à combler. 37 % font état d'une perte de revenus directs. Mais au-delà des pertes de revenus et des coûts de recrutement qui explosent, c'est toute une chaîne qui se fragilise, la qualité de l'accueil, la disponibilité des chambres, l'attractivité touristique des régions et même la réputation du Québec comme destination et des investissements dans nos régions qui ne verront pas le jour. Le resserrement touche principalement les postes d'exécution comme l'entretien ménager, l'accueil, les postes en cuisine, le service à la clientèle les soirs et le week-end qui sont essentiels au bon fonctionnement des établissements hôteliers. Le rôle de préposés à l'entretien ménager demeure de loin le plus affecté. 85 % des répondants signalent des difficultés de recrutement pour ce poste. Dites-vous une chose, si c'était possible d'embaucher uniquement au Québec, les hôteliers le feraient. Ce serait beaucoup plus simple. Mais des postes essentiels comme cuisinier, aide-cuisinier, préposé à l'entretien ménager et à la réception les soirs et les week-ends, ça n'attire plus les travailleurs québécois, ou du moins très peu. Le métier a un urgent besoin d'être revalorisé.

Évidemment, nous avons besoin... nous avons des solutions à vous proposer. La plus urgente et la plus facile à mettre en œuvre est claire, renouveler pour 24 mois les permis des travailleurs étrangers temporaires déjà présents au Québec et y inclure une voie accélérée de traitement des dossiers pour éviter toute rupture de service sans avoir à faire une nouvelle étude de l'EIMT...

Mme Tremblay (Véronyque) : ...ces travailleurs sont déjà intégrés dans nos équipes, formés, compétents, appréciés. Ils payent leurs impôts et contribuent directement à l'économie de nos régions. Leur départ forcé entraîne des pertes d'expertise, un déséquilibre, une pression supplémentaire sur les équipes et des coûts de recrutement additionnels inutiles. Cette mesure ne nécessite pas l'accueil de nouveaux travailleurs étrangers, mais préserve les acquis et évite de déshabiller inutilement les équipes.

Autres solutions applicables rapidement. Relever le plafond des travailleurs étrangers temporaires de 10 à 20 % pour les postes les plus critiques de l'hôtellerie. Ajouter le secteur hôtelier aux exceptions de la suspension temporaire de traitement des demandes d'études d'impact sur le marché du travail pour les postes à bas salaires. Assouplir la règle des 6 % de chômage pour le secteur touristique et accueillir plus d'étudiants étrangers en hôtellerie. Même si une région où le taux de chômage est de plus de 6 %, il est beaucoup plus bas en hôtellerie, alors il faut en prendre compte.

Et d'autres solutions applicables à partir de 2026. Mettre en place un parcours intégré emploi, francisation, qualification, financé et flexible pour accélérer l'intégration linguistique et professionnelle. Créer des passerelles vers la résidence permanente pour les travailleurs qui occupent des postes essentiels pour l'hôtellerie que nous sommes incapables de combler au Québec et consulter les industries et groupes sectoriels avant de prendre des décisions unilatérales qui impactent négativement l'économie québécoise.

En terminant, deux voies s'offrent à nous : maintenir ou renforcer notre réputation d'excellence en adaptant nos politiques ou voir notre position se dégrader au profit de destinations qui sauront aligner immigration et besoins économiques. Disons que le choix nous semble facile à faire.

Nous invitons le gouvernement à agir rapidement en reconnaissant que préserver les travailleurs déjà présents est la solution la plus simple, la plus rapide et la plus rentable pour protéger notre industrie et les retombées qu'elle génère pour l'ensemble du Québec. J'invite maintenant ma collègue de l'AHQM à poursuivre.

Mme Villeneuve (Dominique) : Merci Véronyque. Donc, un des enjeux est le gel des demandes d'études d'impact pour le marché du travail, qui vise essentiellement Montréal et Laval. Donc, en fait, la réception et le traitement des études d'impact sur le marché du travail pour les postes à faible salaire situés sur l'île de Montréal, notamment ceux qui payent moins de 27,47 $ de l'heure. Donc, évidemment, ça a été prolongé, ce gel-là. Et donc, pour Montréal, il faut lui verser un minimum de salaire de 70 000 $ par an pour conserver les postes. Alors, évidemment, c'est beaucoup trop pour la capacité de payer de nos hôteliers actuellement.

Donc, comme je vois le temps qui y va, je vais y aller avec la proposition déjà. Donc, il faut absolument régler cette situation-là et inclure Montréal et Laval dans la solution. Donc, on propose d'ajouter le secteur hôtelier aux exceptions de la suspension temporaire de la réception et du traitement des demandes d'études d'impact sur le marché du travail et donc d'inclure comme le secteur de la santé, d'éducation, de la transformation alimentaire, et de l'agriculture, et de la construction. Donc, d'ajouter des postes qui proviennent de notre secteur, donc les préposés à l'entretien ménager et aux chambres, préposés à la buanderie, aides-cuisiniers et préposés à la réception. Puis on pourra poursuivre la discussion dans les questions.

Mme Lortie (Joanna) : Bonjour! Alors, l'Hôtel universel de Rivière-du-Loup participe chaque jour à la vitalité économique du Bas-Saint-Laurent. Notre entreprise de services accueille des clients de partout dans le monde et fait rayonner notre belle région. Nous aimerions vous rappeler quand même que nous faisons appel à des travailleurs temporaires faute de main-d'œuvre sur le territoire, parce que je ne vous cacherai pas que ce serait beaucoup plus facile de recruter directement chez nous. Nous avons annoncé un agrandissement majeur, nous aurons donc besoin de cette main-d'œuvre.

Dans les impacts, évidemment, investissements compromis, donc sans main-d'œuvre pour soutenir notre projet de croissance, investir pour accroître notre capacité d'accueil n'est tout simplement pas viable. Notre entreprise est pourtant prête à investir 18 millions prochainement. Alors ça, c'est un des impacts.

L'autre impact, des quarts de travail qui sont compromis. Donc, sans main-d'œuvre pour combler l'écart de soir, de nuit ou de fin de semaine, notre entreprise ne peut subvenir aux besoins de sa clientèle, doit refuser des contrats.

Les métiers compromis. Les postes de cuisinier sont inexistants dans notre région. Sans travailleurs temporaires, nous fermons nos restaurants. Actuellement, seulement deux employés sur 20 viennent du Québec dans ce domaine chez nous, sans compter les plongeurs, préposés aux chambres, auditeurs de nuit, préposés à la buanderie, préposés aux bassins, massothérapeutes.

Donc, ce que nous demandons : clause de droit acquis pour les travailleurs étrangers qui sont déjà intégrés dans notre entreprise, adapter le programme des travailleurs temporaires aux réalités régionales et revoir...

Mme Lortie (Joanna) : ...la liste des professions admissibles au traitement simplifié afin d'y prioriser les métiers avec un déficit comme c'était le cas auparavant.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Je sais que c'est court, 10 minutes, mais on va entamer la période de discussion avec les parlementaires. Vous allez pouvoir étoffer dans les réponses aux questions de nos parlementaires. On va commencer avec le ministre pour 16 minutes 30 secondes.

M. Roberge : Merci bien. Merci pour votre présentation. Il n'y a pas à dire, vous vivez des enjeux en main-d'œuvre, on le reconnaît. On l'entend au fil d'un groupe et de l'autre. Vous nous dites : Il faudrait renouveler les permis de travail pour les travailleurs étrangers temporaires pour 24 mois. Vous êtes conscients que c'est Ottawa qui nous empêche de le faire à ce moment-ci pour l'extérieur de Montréal, Laval. Donc, vous le dites ici. Ça résonne. Il y a des gens qui écoutent. Vous savez qu'on a porté cette voix-là pour extérieur, Montréal, Laval. Donc, je pense que vous souhaiteriez peut-être à la grandeur du Québec, mais pour extérieur, Montréal et Laval, on a porté ce message-là.

Mais j'ai de la misère à réconcilier deux choses que vous dites. Vous dites : Adoptez une approche régionalisée, mais j'ai l'impression que vous voulez renouveler tous les permis partout. Alors, quelle serait votre approche régionalisée? En quoi vous voulez une approche régionalisée?

Mme Tremblay (Véronyque) : La première approche, c'est de renouveler les permis qui sont déjà ici, peu importe la région. C'est que si les gens ont... veulent les renouveler, c'est parce qu'ils ont encore des besoins et qu'ils ont déjà tenté de voir s'il y avait des gens pour occuper ces postes-là au Québec. S'ils veulent les renouveler, c'est parce que c'est difficile à combler, ces postes-là. Ça fait que, la première chose, c'est ça.

Là où on dit : Régionalisez, c'est pour l'embauche de nouveaux travailleurs étrangers temporaires. Bien, on dit : Assoyons-nous ensemble et regardons là où sont les besoins les plus criants. On est conscients qu'il y a eu une amélioration depuis quelques années à la sortie de la pandémie. Mais, pour les postes qu'on vous a mentionnés, il n'y en a pas, d'amélioration. Ça demeure vraiment difficile. Actuellement, si on réussit à bien s'en sortir, c'est parce qu'on les a avec nous, ces travailleurs étrangers temporaires là. Mais, comme je vous mentionne, c'est critique parce que plusieurs permis viennent à échéance dans les prochains mois, 6 à 12 prochains mois. Là, ça va vraiment être critique. Et, si on... et comme la majorité des hôteliers dépassent le 10 % de travailleurs étrangers temporaires, ils ne pourront pas les renouveler. Ils vont devoir les laisser quitter.

Peut-être poursuivre avec Alupa.

• (15 h 50) •

M. Clarke (Alupa) : Non, non, mais vous avez tout à fait raison, Véronyque. Moi, j'avais quelques témoignages que je pourrais aisément envoyer à la Commission. Mais, à Québec, voyez-vous, depuis quatre ans, on est en remontée post-pandémique. On a encore des grands enjeux de pénurie de main-d'oeuvre, endettement post-pandémique, manque de financement dans les hôtels, le parc hôtelier qui est vieillissant. Puis on fait face à une compétition internationale féroce.

Donc, dans le fond, tout ce qu'on demande, nous, c'est de ne pas avoir des bâtons dans les roues pour le développement qu'on crée pour la Capitale-Nationale. Le tourisme, à Québec, c'est 2.5 milliards de dollars par année, 35 000 emplois. On parle souvent de filière batterie, mais il faudrait penser à la filière hôtelière. Et, nous, ce qu'on demande, c'est d'avoir un coup de pouce du gouvernement. On ne se plaint pas, nous, même à l'association hôtelière, on a mis en place un projet depuis un an et demi qui s'appelle Ressources humaines innovation. On s'occupe de l'ensemble des problématiques de gestion de ressources humaines dans toutes les 4 000 entreprises touristiques de la région de Québec. On fait notre part. Donc, tout ce qu'on demande, c'est que le gouvernement cesse de... On comprend que ça vient surtout du fédéral, mais on a besoin de l'appui du palier gouvernemental pour... provincial, pardon, pour se faire entendre. Essentiellement, là, dans le monde entier, il y a une immense compétition pour s'accaparer les touristes post-pandémiques. Et, à Québec, il ne faut pas se leurrer, on est une destination internationale prisée de par le monde. Et on est loin d'être sortis, encore une fois, de tous nos grands enjeux post-pandémiques, donc, à ce stade-ci. Puis on comprend tous les enjeux au niveau de la perception des citoyens du Canada au niveau de l'immigration. Ce n'est pas facile pour vous, on le comprend. Mais, nous, on devrait absolument faire partie des exceptions, comme les agriculteurs, pour pouvoir garder nos travailleurs étrangers.

M. Roberge : Je ne perçois pas de changement entre ce que vous disiez il y a un an, deux ans, trois ans, quatre ans, et ce que vous dites aujourd'hui : Ah! la situation a changé, le taux de chômage est en hausse importante, particulièrement chez les jeunes. En 2022, il y avait 0,8 chômeur par poste vacant, donc très peu de chômeurs par postes vacants. Maintenant, il y a 2,6 chômeurs par poste vacant. La situation a complètement reviré. On a le plus bas nombre de chômeurs par postes vacants depuis sept ans. Donc, il n'y a jamais eu autant de personnes pour les postes disponibles, depuis 2018. Et, dans cette situation-là, je comprends que, région par région... Ça, c'est... c'est un taux national, ça ne tient pas compte de ce qui se passe à... nécessairement à Rivière-du-Loup ou ce qui se passe en...

M. Roberge : ...en Estrie ou dans certaines régions très touristiques, mais reste que, même quand on regarde région par région, il y a quand même eu des changements. On ne peut pas avoir exactement la même demande car il y a plein de gens qui sont au chômage puis quand il n'y a personne qui est au chômage.

Mme Tremblay (Véronyque) : Mais vous avez totalement raison. Mais justement, tout à l'heure, quand j'ai mentionné qu'il faut cesser de faire du mur-à-mur, c'est justement ça que je voulais mentionner. Le taux de chômage en hôtellerie se situait en mois d'août, c'est le nouveau rapport que j'ai reçu ce matin, baromètre RH mensuel, que j'envoie à tous les mois à nos membres et qu'on vient de recevoir... le taux de chômage en hôtellerie est à 3,4 %. C'est un niveau bien inférieur à la moyenne au Québec, qui est de 6,6 %, et du tourisme, qui est à 4,2 %. Je pense, c'est un signal de tension extrême sur le marché du travail qui confirme que la rareté de main-d'œuvre demeure l'une des principales contraintes à laquelle fait face notre secteur, et c'est un frein structurel pour notre croissance. Alors, si vous nous dites que notre discours n'a pas changé, c'est tout simplement parce qu'on est toujours aussi affectés pour ces types de postes qu'on n'est pas capables de combler. Vous le voyez très bien, le taux de chômage dans notre industrie est faible.

M. Roberge : Est-ce que vous avez posé des gestes spécifiques pour aller puiser dans un bassin de main-d'oeuvre, qui augmente à chaque année, les demandeurs d'asile? Cette année, là, par-dessus les quelques 180 000 demandeurs d'asile qu'on avait déjà, il en arrive 40 000 de plus, là, cette année, là, il y en a déjà plus de 20 000 d'arrivés, là, et, plus que ça continue, là, il y a comme 200 par jour, là. Il y a de ces personnes-là qui obtiennent un permis de travail en quelques mois qui pourraient sans doute occuper des postes dans votre secteur, soit parce qu'ils sont près de chez vous, s'ils sont dans... vraiment dans le secteur métropolitain, ou qui pourraient se déplacer pour décrocher un emploi. Est-ce que vous avez des initiatives, des méthodes, des stratégies pour utiliser cette main-d'œuvre par dizaine de milliers?

Mme Tremblay (Véronyque) : Oh! je pense que tous mes collègues vont pouvoir s'exprimer sur le sujet.

M. Clarke (Alupa) : M. le ministre, oui, absolument. Puis d'ailleurs vous n'êtes pas sans le savoir parce que c'est votre gouvernement qui a mis en place une initiative très structurante il y a un an et demi avec le Conseil québécois de ressources humaines en tourisme... la ministre de l'Emploi à l'époque, un programme qui visait à mettre 1 000 demandeurs d'asile par année au travail, puis le programme n'a pas fonctionné parce que les demandeurs d'asile ne voulaient pas sortir de Montréal. Et, comme on a une charte des droits et libertés, on ne peut pas les forcer de le faire, bien, le programme n'a pas fonctionné. Après un an, à peine 50 demandeurs d'asile avaient été placés dans des emplois à travers le Québec, y compris Montréal.

Donc, on est d'accord avec vous, c'est un bassin important, mais il faudrait avoir des législations qui nous aident de faire en sorte que ces gens-là vont effectivement au travail en dehors de l'île de Montréal. Il y a des questions aussi d'acceptabilité sociale, de contexte sociodémographique. Ce n'est pas... C'est compliqué. Mais vous-même, vous avez fait l'expérience puis vous n'avez pas réussi en tant que gouvernement, avec l'aide de notre domaine d'industrie. C'est très complexe.

M. Roberge : Non, mais je ne pense pas qu'il faut renoncer quand même.

M. Clarke (Alupa) : Bien, je suis d'accord.

Mme Lortie (Joanna) : Je veux juste aussi renchérir sur quelque chose, c'est que les demandeurs d'asile, pour faire des chambres, ça va, mais cuisinier, on oublie ça, massothérapeute, ça prend des cours spécifiques, ça prend de la... une expérience, une expertise que, malheureusement, ils n'ont pas. Souvent, ils sont... ils ont des problématiques déjà très criantes. Donc, je... Puis je vous le dis, j'en ai plein, de demandeurs d'asile chez moi. Ce n'est pas ça, le problème. On veut les avoir puis on fait ce qu'il faut pour les avoir, mais encore faut-il qu'ils soient dans un domaine où est-ce qu'on a vraiment besoin aussi.

M. Clarke (Alupa) : Puis je rajouterais peut-être... bien, Domique...

Une voix : ...

M. Clarke (Alupa) : Non, mais, très rapidement, aussi, c'est une question d'infuser aussi le sens du devoir chez notre jeunesse. Je sors un peu du sujet, mais c'est-à-dire que beaucoup, beaucoup des gens qui sont au chômage ne vont pas faire ce type d'emploi là. C'est très problématique. Vous avez raison de le dire, mais il faudrait des immenses campagnes de valorisation de nos métiers dans l'hôtellerie, comme en va pour d'autres secteurs, les... les orienteurs, pardon, dans les écoles secondaires ne vont jamais promouvoir les emplois d'hôtellerie, alors que c'est des grandes carrières, des grandes possibilités. Donc, ça prendrait des grandes initiatives. Ça fait deux ans que je le demande. Juste à Québec, nos quatre écoles hôtelières sont en train de mourir. Ils sont passés de cohortes de 250 étudiants par année à 25. Et ça, c'est un grand succès quand vous avez 25 étudiants.

Donc, tout ce qu'on demande, c'est justement de mettre en place une panoplie de mesures qui vont au-delà du bassin des travailleurs étrangers. Mais, puisqu'il n'y a pas ce type d'initiative là, on doit se rattacher aux travailleurs étrangers, et là, maintenant, bien, on a des restrictions qui font en sorte que, même ce bassin-là, il devient difficile d'être accessible. Dominique.

Mme Villeneuve (Dominique) : Bien, je veux ajouter... en fait, j'abonde dans le même sens que mes collègues. Et on en a... On a travaillé très, très fort avec le CQRHT. Quand ils avaient le lancement du programme, on a fait des présentations, on a travaillé avec les hôteliers. Tous ceux qui ont réussi à les recruter, ils les ont conservés. Donc, il y a eu des très beaux succès, mais il y a eu aussi beaucoup de difficultés terrain...

Mme Villeneuve (Dominique) : ...donc, je vous le dis encore, ça va finir par se répéter, mais si on pouvait... Les offres d'emploi sont en perpétuelle publication, donc, si on avait des bassins de CV, on ne serait probablement pas ici à venir vous demander des solutions supplémentaires. Mais ce qu'on a sur le terrain, c'est des enjeux puis aussi des départs. Donc, tu sais, moi, ce matin, un hôtelier qui m'a appelée en disant : Mais là je perds mon maître d'hôtel, il quitte en novembre, son permis est terminé. Mais qu'est-ce qui va arriver? Bien, il n'y a pas d'autre maître d'hôtel à Montréal disponible. J'ai affiché le poste ça fait un mois. Je n'ai reçu aucun CV qualifié. Bien, il va mettre un chasseur de têtes puis ils vont essayer d'aller se voler, entre les hôtels, les mêmes postes. Donc, qu'est-ce que ça va faire? Ça va faire un trou dans un autre hôtel.

Ça fait qu'ultimement on a besoin de garder... Puis c'est pour ça que la première demande, c'est de conserver ceux qui sont déjà en poste, ils sont déjà formés. Il y a déjà de l'investissement de la part des hôteliers pour former ces gens-là. Ils sont déjà aussi habitués à la vie culturelle du Québec. Donc, c'est pour ça qu'on a cette demande-là aussi pour la région de Montréal.

Mme Tremblay (Véronyque) : Et le gouvernement du Québec est à même de constater, c'est difficile de combler les postes, par exemple, d'entretien ménager, au sein même des hôpitaux. D'ailleurs, il y a une exception, pour le ministère de la Santé, vous pouvez continuer à aller embaucher au niveau des travailleurs étrangers temporaires. Il n'y a pas de plafond de 10 % ni de plafond lié au taux de chômage, mais, dans l'hôtellerie, oui.

Mme Lortie (Joanna) : Juste pour rajouter, s'il vous plaît, c'est que ces gens-là, c'est des personnes, c'est des personnes humaines qu'on a fait venir. Oui, ça nous a coûté cher, mais c'est des gens qu'on tient, c'est des gens avec qui on travaille fort, puis, quand on les voit partir, ça nous donne mal au cœur. Merci.

M. Roberge : Juste un mot avant de laisser...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...

M. Roberge : ...je suis très conscient de ça.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, M. le ministre. On va poursuivre la discussion avec la députée de Vimont. Il reste encore 4 min 53 s.

Mme Schmaltz : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous quatre. Merci de votre présence aujourd'hui. C'est intéressant parce qu'en fait je vous  écoutais parler tantôt, en lien avec les postes à pourvoir au sein de l'hôtellerie, et tout ça, il y avait les postes de cuisinier. On parle de travail de nuit aussi, entre autres, buanderie, services ménagers. Je comprends que l'automatisation, on ne peut pas la rentrer là-dedans, il y a quand même... il y a sa part que l'automatisation peut faire puis, oui, effectivement, il y a une part aussi que l'humain doit continuer. Tantôt, vous disiez, les offres d'emploi, elles roulent, elles roulent puis, malheureusement, il n'y a pas de CV qui est envoyé. M. le ministre précise que, bon, pourtant, au nombre de gens qui viennent, comment se fait-il... Comment ça fonctionne justement tout... les offres d'emploi, elles vont où? De quelle façon vous allez rejoindre justement les gens? Est ce que vous avez des organismes... Vous avez des radios communautaires? Parce que la plupart des gens qui arrivent n'ont pas nécessairement accès, des fois, à un ordinateur, ou simplement ils ne savent même pas où aller pour regarder les offres d'emploi. Est-ce que les offres sont publiées, j'imagine, dans les organismes?

• (16 heures) •

Mme Lortie (Joanna) : Bien, si je peux répondre, je veux dire, oui au niveau informatique, là, on a... sur toutes les plateformes, là, nommez-les, les... Job Illico...

Mme Schmaltz : Mais ça, ce n'est pas facile... et tout ça. 

Mme Lortie (Joanna) : Non, non, attendez, attendez-moi un petit peu. Parce que ça, c'est la norme, OK, mais il reste qu'on va... Sur les babillards des cégeps, sur les babillards du secondaire, on fait partie d'une... bien, parce que vous parlez d'étudiants tantôt, on va partout dans les écoles, on fait partie... Nous, à Rivière-du-Loup, il y a un regroupement de gens d'affaires, on nous appelle les employeurs conciliants. Donc, on s'assure aussi qu'il ne manque pas d'école puis que, tu sais, on n'est pas trop exigeants versus ce qu'ils ont à faire comme travail. Ça fait que, là-dessus, ça, c'est une autre façon. Mais, au-delà de ça, il y a des organismes qui sont à Montréal qu'on connaît bien, avec qui on travaille, le CQRHT a été nommé... qu'on connaît très bien. Je vous dis, je ne sais pas qu'est-ce que je peux faire de plus?

Mme Schmaltz : Est-ce que les postes à temps plein versus les postes à temps partiel, est-ce que ça, ça joue aussi dans l'intérêt ou est-ce que c'est quelque chose qui peut soit freiner, ouvrir la porte dans le sens que, peut-être temps partiel, ça peut être bien pour une certaine clientèle, temps complet, c'est d'autres choses. Est-ce que vous avez déjà vérifié là-dessus? Quand vous affichez un poste à temps plein puis qu'il n'y a pas de CV, est-ce, peut-être, de penser... partiel, ça peut-tu être une autre solution?

Mme Lortie (Joanna) : On pitche partout, madame. Je vais être honnête avec vous, quand on affiche un poste, si ça ne marche pas...


 
 

16 h (version non révisée)

Mme Lortie (Joanna) : On change le type. Si ça ne marche pas, deux temps, deux temps partiel pour faire un temps plein. Si ça ne marche pas, les personnes âgées. On pitche partout.

Mme Schmaltz : Qu'est ce que les organismes vous disent quand, j'imagine, vous faites un suivi. Quand vous envoyez des postes à pourvoir, j'imagine que vous faites le suivi après avec l'organisme. Et qu'est ce qu'on vous répond? C'est la qualification? C'est quoi? C'est les gens?

Mme Lortie (Joanna) : Bien, honnêtement, c'est tout simplement il n'y a pas de candidat.

Mme Tremblay (Véronyque) : C'est pour ça que je vous dis, le taux de chômage, là, on le comprend, mais en hôtellerie, il est très bas.

Mme Schmaltz : Même...

Mme Villeneuve (Dominique) : Même sur les plateformes en ligne, pardon madame, mais aussi toutes les salons de carrière, formations en emploi, la Chambre de commerce de Québec. Aujourd'hui, j'ai une équipe, l'Université Laval pour la rentrée. On est partout, sur tous les forums, à la fois en ligne et physique.

Mme Schmaltz : Ouais.

Mme Villeneuve (Dominique) : Puis comme je vous dis, au-delà de l'immigration, c'est qu'au Québec... Si vous allez en France, par exemple, ils valorisent les métiers de l'hôtellerie et de la restauration. Travailler en restauration en France, c'est un grand honneur. Au Québec, c'est un sous-métier. Malheureusement, moi, je n'y crois pas, mais je le dis, c'est la perception du grand public. Et malheureusement à la fois les parents, les écoles et nos institutions publiques ne font pas la promotion de nos grands restaurants et autres.

Mme Schmaltz : Oui, mais est-ce que vous ne pensez pas que c'est aussi à... peut-être aux gens, aux propriétaires de valoriser ça par eux-mêmes?

Mme Villeneuve (Dominique) : Oui. Bien, on le... Je comprends.

Mme Schmaltz : Puis on ne peut pas entendre tout le temps que le gouvernement fasse quelque chose.

Mme Villeneuve (Dominique) : Bien, on le fait.

Mme Schmaltz : Il faut que ça vienne de l'intérieur aussi. C'est important, là. Je pense qu'il faut que ça soit donnant donnant, là.

Mme Lortie (Joanna) : ...de culture?

Mme Schmaltz : Pardon?

Mme Lortie (Joanna) : Est-ce que vous êtes en train de parler de culture?

Mme Schmaltz : De culture?

Mme Lortie (Joanna) : Oui, de culture d'entreprise.

Mme Schmaltz : Oui, il en faut. Oui, oui, oui, tout à fait.

Mme Lortie (Joanna) : Bien, venez chez nous. Vous allez tout comprendre. Je fais juste vous dire ça.

Mme Schmaltz : Non, mais je parle même en règle générale d'avoir un regard un peu différent aussi de votre part aussi pour valoriser votre propre profession.

Des voix : ...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : En terminant.

M. Clarke (Alupa) : En terminant, bien, nous on a un événement le 16 octobre qui s'appelle Les leaders de demain. Donc, on va recevoir plus de 100 étudiants. Donc c'est la relève avec nos gestionnaires étudiants. C'est la deuxième édition. Donc, il y a tellement d'initiatives qu'on fait pour se rapprocher, pour valoriser le métier...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Merci, pour cette première ronde d'échanges. On poursuit avec le député d'Acadie pour 12 min 23 s.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Alors, bonne après-midi. Bonjour. Merci d'être là. C'est très intéressant. Tout à l'heure, je pense que vous avez mentionné que l'hôtellerie ou c'est peut-être juste la restauration, en fait, vous allez préciser, c'est des revenus de 2,5 milliards à Québec.

Mme Villeneuve (Dominique) : Québec, oui.

M. Morin : Québec. Ça, c'est hôtellerie et restauration.

Mme Villeneuve (Dominique) : C'est le tourisme.

M. Morin : Le tourisme.

Mme Villeneuve (Dominique) : Puis dans tout le Québec, 16 milliards.

M. Morin : 16 milliards.

Mme Villeneuve (Dominique) : Oui. Dont... entrée d'argent neuf au Québec.

M. Morin : Et donc, quand vous parlez, quand vous venez nous rencontrer, au fond, les gens que vous représentez, là, si on regarde l'apport économique au Québec, c'est 16 milliards.

Mme Villeneuve (Dominique) : 16 milliards. Oui.

Mme Tremblay (Véronyque) : Pour tout le tourisme.

Mme Villeneuve (Dominique) : Pour tout le tourisme, oui.

Mme Tremblay (Véronyque) : Mais pour l'industrie hôtelière, 3,3 milliards de dollars.

M. Morin : Alors, on parle quand même de milliards. Donc, c'est un... C'est un moteur.

Mme Tremblay (Véronyque) : C'est majeur.

M. Morin : C'est un moteur économique important.

Mme Tremblay (Véronyque) : Quatrième produit d'exportation au Québec. Et l'hôtellerie, c'est la colonne vertébrale de l'industrie touristique.

M. Morin : Et vous êtes dans toutes les régions.

Mme Tremblay (Véronyque) : Partout.

M. Morin : Très bien. Avez-vous l'impression que le gouvernement vous écoute quand vous parlez?

Mme Villeneuve (Dominique) : Bien, ce que je peux vous dire, c'est que ce n'est pas une question d'un gouvernement spécifique. Très sincèrement, là, c'est que traditionnellement, comme je l'expliquais d'un point de vue sociologique, politique, historique, «name it», là, l'hôtellerie, la restauration n'est pas valorisée dans notre société ici au Québec ni au Canada, par ailleurs, dans l'ensemble du pays, contrairement en Europe. Donc, ça, c'est très difficile à démarcher. Quand vous allez à Ottawa également, vous êtes ministre du Tourisme, bon, vous êtes la risée du cabinet. Donc, tout ça, ça a un impact sur notre industrie. Mais essentiellement, c'est pour ça, je vous dis qu'une des... une des options intéressantes, ce serait de démarrer vraiment des initiatives structurantes de valorisation. Puis madame posait une bonne question, est-ce que vous, les propriétaires, vous investissez de l'argent? Bien, écoutez, juste à Québec, la taxe sur l'hébergement amène 25 millions de dollars par année qu'on utilise pour faire le marketing à l'international et faire venir des millions de touristes, 35 millions de dollars en taxes municipales à Québec cette année, en 2024 l'année passée, 250 millions de dollars en impôts, provincial et fédéral. Donc, peut-être que nous, personnellement, on ne met pas de l'argent sur la table pour valoriser notre métier, on le fait quand même, là, mais pas à hauteur de dizaines de millions de dollars, mais le gouvernement a les moyens que, nous, on lui donne pour le faire. Ça serait une option.

M. Morin : C'est ça. Donc, je comprends. En fait, vous, là, au fond, vous amenez de l'eau au moulin, si je peux m'exprimer ainsi.

Mme Villeneuve (Dominique) : Oui, tout à fait. Donc, compte tenu de votre secteur d'activité, il y a effectivement des taxes, etc., qui sont perçues et donc qui sont redonnées dans la collectivité. Et je comprends que vous êtes dans toutes les régions du Québec. Donc, vous êtes un moteur économique pour l'ensemble du Québec.

Mme Tremblay (Véronyque) : Oui.

M. Morin : Parfait. Est-ce que c'est difficile d'aller recruter à l'étranger? Est-ce que c'est coûteux? Est-ce que c'est long, compliqué?

Mme Lortie (Joanna) : Bien, ça doit coûter à peu près 10 000 $ par personne qu'on fait venir. Donc...

Mme Lortie (Joanna) : ...il faut... il faut y croire. Donc, si... Je l'ai dit d'emblée, au départ, si on avait la possibilité de le faire au Québec, ce serait fait. On n'est pas... C'est... C'est complexe. Puis, moi, les premiers cuisiniers qui sont... qui sont venus, on ne connaissait rien là-dedans, les... Puis, tu sais, les dossiers, là, c'est complexe, c'est long. Ça a pris un an et demi avant qu'on voie le premier cuisinier arriver. Je vais vous dire de quoi : Hourra!, là, tu sais, c'était comme... Mais là, trois ans plus tard, on lui dit : Bien là, ça se peut que tu sois obligé de partir. C'est ordinaire.

M. Morin : Puis... Oui. Non. Allez-y, allez-y, je vous écoute.

M. Clarke (Alupa) : Bien, je voulais juste rajouter. Qu'est-ce qui... pour de nombreux sujets, le Canada et le Québec, on est en retard. On ne suit pas la parade. Donc, au niveau des travailleurs étrangers par exemple, chaque pays va l'un après l'autre. Le dernier pays qui était un des plus grands fournisseurs de travailleurs dans le monde récemment, c'était la Tunisie. Mais c'est déjà terminé. Tout le monde est parti en Espagne puis en France. Il n'y en a plus, de Tunisiens, donc. C'est... C'est un phénomène extrêmement rapide. Et, comme dans bien d'autres cas, comme vient de le dire, le Québec est à la remorque, ne suit pas la parade. Et la compétition internationale est beaucoup plus rapide que nous.

Mme Tremblay (Véronyque) : Et ensuite, maintenant, on envoie un message qu'on ne les veut plus ici aussi.

M. Clarke (Alupa) : En plus.

Mme Tremblay (Véronyque) : Alors, ça va être de plus en plus difficile, en recruter des nouveaux, mais même garder ceux qu'on a, il y en a peut-être qui ne voudront pas renouveler, en se disant : Bien, de toute façon, c'est quoi mon avenir ici, on ne veut plus de moi.

Mme Lortie (Joanna) : ...j'ai des exemples.

Mme Villeneuve (Dominique) : Oui. Puis j'ajouterais aussi.

M. Morin : Bien oui. Allez-y.

Mme Villeneuve (Dominique) : On l'a... On l'a peu mentionnée, mais toute la question des étudiants étrangers, pour Montréal, qui est une des capitales universitaires, pour nous, cette année, on voit vraiment l'impact direct pour l'automne. C'étaient des travailleurs qui venaient travailler en hôtellerie. Là, il y a une baisse directe d'étudiants étrangers, qui, eux, valorisent ce travail-là à temps partiel, évidemment. Et donc, là, les hôteliers mentionnent, en disant : Bien, on le voit, là, tu sais, dans les postes à... dans les postes à pourvoir pour l'automne, bien évidemment, on avait un bassin plus accessible, puis là, bien, avec la baise des étudiants étrangers, on le voit comme un impact direct aussi pour les hôtels. Donc, l'impact est sur différents éléments.

Puis, oui, sur le discours, pour nous, ça a un impact aussi sur l'ensemble de la réputation, tu sais. Il y a des gens qui sont juste repartis au-delà... ils avaient un permis, mais en disant : Ah! ça va tellement être compliqué de le renouveler, bien, peut-être que je suis mieux de partir maintenant, même s'il me reste un an, je vais retourner en Europe. Donc, on voit aussi ces départs-là, qui sont évidemment non voulus de notre côté parce qu'on veut les garder. Donc, je dirais que c'est un... c'est une drôle d'ambiance actuellement pour les employés actuels. Et ça met de la pression sur les employés qui sont là aussi, parce que, de perdre un employé par mois, bien, c'est un membre de son équipe. Donc, vous avez vu l'émotion par Joanna, mais c'est comme ça dans tous les hôtels, parce que c'est des membres de... c'est des membres d'équipes, de familles, puis c'est des gens qui... avec qui ils passent beaucoup de temps. Donc, c'est ce qui est vécu quotidiennement par l'ensemble des hôteliers, évidemment à Montréal et l'ensemble des régions.

• (16 h 10) •

M. Morin : Puis je comprends que, quand le gouvernement change les règles... puis là, il y a aussi le fédéral, mais, à tout bout de champ, puis que vous ne le savez pas, bien, une entreprise investit, vous avez parlé de 10 000 $, bien là, c'est une perte sèche. Vous le perdez, là. Et vous aviez... Et vous aviez d'autres... d'autres exemples, peut-être, à donner. Vous avez levé la main, alors allez-y.

Mme Lortie (Joanna) : Oui. Bien, en fait, ce qui serait intéressant aussi, c'est que c'est... c'est de favoriser... en fait, que les différents dossiers de gens qui veulent avoir la résidence permanente, si au moins on était... on avait l'option de les virer vers la résidence permanente, on pourrait les garder de cette façon-là. Ils ne feraient plus partie du ratio. Ça fait que ce serait déjà une option superintéressante. Mais là tout est bloqué. On ne peut plus rien faire.

M. Morin : Oui. Je comprends que le gouvernement du Québec a suspendu le PEQ, qui était un véhicule québécois, un programme pour amener à la résidence permanente. Pas eu prévisibilité. Pouf! C'est arrivé, un décret, bonsoir. Et donc là, vous êtes pris, et vos travailleurs, en plus, temporaires ont de la misère à... bien, ils ne peuvent pas aller dans ce programme-là, ont de la misère à renouveler leur permis. C'est... C'est très compliqué. Avant vous, il y a... il y a un autre groupe qui nous disait justement qu'ils avaient perdu un cuisinier au café Cherrier parce qu'ils sont allés travailler ailleurs parce que le PEQ était suspendu. Allez-y.

M. Clarke (Alupa) : Non. Je tiens juste à préciser. Je pense que c'est important que ce soit dans les bleus du comité, là. C'est-à-dire que les hôteliers, c'est des bons citoyens corporatifs puis qui vivent dans notre société. Ils sont très au fait des problématiques et de la pression sur le filet social, le manque de logements, etc. Ils sont tout à fait conscients de ça. Et puis M. le ministre a parlé ce matin à travers les médias d'une clause grand-père. Nous, on n'est pas ici pour demander des exceptions... en fait, oui, une exception, mais on ne demande pas des choses exceptionnelles. On demande d'avoir... de pouvoir garder ceux qui sont déjà ici, qu'on a payés pour les faire venir, qu'on les a formés depuis deux ans, qui ont fait venir leur famille, qui ont des amis, qui parlent le français, qui apprennent notre culture, qui s'intègrent de manière extraordinaire.

Puis j'ai une panoplie de témoignages ici que je ne vais pas vous lire puis...

M. Clarke (Alupa) : ...mais, à chaque fin des témoignages, mes hôteliers, qui sont 205 à Québec, ont pris la peine de dire : Nous comprenons les impératifs politiques, l'État d'esprit des Canadiens par rapport à l'immigration puis la pression sociale sur nos services, on demande juste de garder notre monde, dans lequel on investit du temps et de l'argent.

M. Morin : Je pense que vous vouliez ajouter quelque chose, madame. Oui? Non, ça va?

Une voix : ...

M. Morin : C'est bon? OK. On va... On va continuer. Il semblerait... Vous l'avez très bien décrit, là, vous essayez de recruter ici et vous y... vous n'y arrivez pas. Vous avez parlé du manque de publicité aussi, du manque d'encouragement. Est-ce qu'on a assez d'instituts d'hôtellerie au Québec? Est-ce qu'on a assez d'élèves qui y vont? Est-ce que c'est quelque chose qui, dans les maisons d'enseignement, est valorisé? Parce qu'évidemment ça serait une façon de palier à la main-d'oeuvre étrangère, là, si on avait suffisamment de gens formés.

Mme Villeneuve (Dominique) : ...l'Institut du tourisme et de l'hôtellerie du Québec est à Montréal, qui est une excellente école, je dirais la meilleure au Canada, qui forme et qui... c'est... je veux dire, c'est le lien direct pour Montréal pour le recrutement, mais tous les étudiants sont placés à la fin de leurs programmes, là. Donc, il n'y a aucun taux de chômage pour ces étudiants-là. On les voit le 16 octobre, comme je vous disais, on a un événement avec eux, mais ils ont des opportunités de carrière dans nos hôtels, assurément. Donc, pour moi... oui. Est-ce qu'on peut encourager davantage l'ITHQ? Bien, pour moi, ça revient au même avec les étudiants étrangers. Ils se sont fait couper les ratios, même pour l'ITHQ, pour aller recruter, alors que, quand je parle de pâtissiers, de chefs cuisiniers, c'est... on a besoin de Français, on a besoin d'Européens qui viennent se former ici. Puis c'est ce mix de culture là aussi qui fait notre renommée internationale. Donc, pour moi, on peut l'encourager davantage, puis là je parle de l'ITHQ parce que c'est celle qui est en sol montréalais, mais assurément on peut les encourager davantage. Mais ce que je peux vous dire, c'est qu'on va directement recruter avec l'ITHQ, avec l'UQAM, avec le collège LaSalle également, on va recruter partout où on peut aller. Là, on s'est évidemment concentrés sur certains enjeux d'immigration plus spécifiques pour les employés, mais, quand on parle de notre relève, on y tient, puis on s'implique énormément dans les institutions académiques pour que la formation demeure la meilleure en ville. Elle l'est déjà. Et on les recrute, ces étudiants-là.

M. Clarke (Alupa) : Puis, si on prend encore l'exemple de la Tunisie, ils ont des immenses écoles hôtelières avec des formations qualifiées incroyables, puis c'est ces gens-là qu'on recrute, justement. Quand on vous parle de problème de pénurie de main-d'œuvre qualifiée, bien, c'est : ces travailleurs étrangers là arrivent ici qualifiés, justement.

Si on prend l'exemple de Québec, Mérici, l'école Limoilou, Fierbourg puis l'École hôtelière de la Capitale, comme je l'ai dit précédemment, on est passés de cohortes de 250 étudiants il y a 15 ans, à chaque session, à 25 étudiants. Donc, c'est famélique. Et il ne faut pas se leurrer, tu sais, ce n'est pas une industrie qui va pouvoir payer des campagnes publicitaires de centaines de millions de dollars. Ça doit provenir de certaines initiatives gouvernementales. On s'entend qu'on n'est pas Bombardier, on n'est pas la filière, non plus, des jeux, des vidéos, etc., à Montréal, mais, comme vous avez même vous-même spécifié, on est le quatrième produit exportation du Québec, on est une grande contribution. C'est 400 000 emplois au Québec, 45 000 entreprises pour le tourisme. Et donc je pense...

Puis surtout postpandémique, avec la compétition qu'on vit, et toutes les études le démontrent, le Canada, d'ici 2050, et plus particulièrement Québec et le Québec, pourrait devenir une des plus grandes destinations touristiques du monde. Et, contrairement à nos a priori, c'est un futur économique fort important sur tout le domaine touristique. On l'a vu cet été, que ce soit le tourisme intracanadien, l'Europe, une augmentation de 21 % de touristes de la France. Nous, ici, au Canada, on n'a pas d'enjeux géopolitiques criants. Et, au niveau des changements climatiques, on a quatre saisons tempérées. L'Europe, il fait extrêmement chaud. Donc, il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de critères et de facteurs qui fait en sorte qu'on a un grand futur, puis c'est maintenant qu'il faut investir dans notre industrie.

M. Morin : Très bien. Donc, gros potentiel. Je comprends que c'est difficile, très difficile pour vous. En plus, difficile pour l'ITHQ, qui est une maison d'enseignement. Là aussi, il y a des enjeux. J'ai siégé pour l'opposition dans le projet de loi n° 74...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : En terminant.

M. Morin : ...je peux vous en parler. Donc, vous vivez une tempête parfaite. J'espère que M. le ministre vous a entendus. Merci. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, M. le député. Alors, on va terminer la ronde de discussion avec le député de Saint-Henri—Sainte-Anne pour quatre minutes huit secondes.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous pour votre présentation, votre mémoire, très intéressant.

 Je voudrais m'attarder à la question de la passerelle, là, du temporaire au permanent. Vous en parlez dans vos recommandations. On note, là, par ailleurs, un article du Devoir qui nous parlait du fait qu'il y avait, quoi, 144 000 résidents... ou, en fait, temporaires choisis avec un CSQ dans la file d'arriéré. Ça fait que, quand même, ça, c'est des temporaires, pour la plupart, qui sont...

M. Cliche-Rivard : ...juste sur le territoire qui devraient pouvoir accéder à la résidence permanente et pérenniser leur statut. Et donc finalement qu'ils ont... ils sont particulièrement quoi? Des semi-temporaires ,là, ou essentiellement ils ne sont pas vraiment dans ceux qu'on devrait calculer comme les vrais temporaires parce qu'ils visent à être pérennisés. Je me demandais à part ça, vous, est-ce que vous privilégiez... c'était le PEQ, ça reste le PEQ, c'est le programme régulier avec le volet 2. Comment vous entrevoyez ce passage-là? Puis c'est quoi que vous demandez finalement sur la passerelle du temporaire vers le permanent?

Mme Tremblay (Véronyque) : Mais je vous dirais que dans le court terme, ce qu'on dit, c'est permettez-nous de renouveler nos travailleurs étrangers temporaires qui sont chez nous. Ça, c'est la première des choses, parce qu'en ce moment on ne peut pas les renouveler dès qu'on a plus de 10 %. Et ensuite voyons voir, dans le fond, selon les régions, selon les besoins, mais c'est certain qu'on a encore besoin de gens. Puis il faut continuer à avoir un discours positif envers l'immigration parce qu'on a besoin de cette main-d'œuvre-là.

Et oui, quand vous parlez de la passerelle, peu importe de quel programme, quand ils sont chez nous ces travailleurs-là et qu'ils sont appréciés, qu'on veut les garder, bien, ils sont une force vive. Souvent, ils sont arrivés ici avec leur conjointe qui travaille peut-être avec un permis ouvert. Leurs enfants qui sont arrivés ici. Je vais vous donner un bel exemple. Hôtel Le Francis à New Richmond, en Gaspésie. Cet hôtel-là, 38 chambres, restaurant, spa, piscine, tourisme d'affaires. Bref, quand arrive la mi-août, là, tous ces étudiants quittent pour Québec, Montréal pour aller aux études, cégep université. Donc, il perd son bassin de main-d'œuvre. Alors, il est très heureux en ce moment de pouvoir compter sur ces Mexicains et ces Tunisiens qui sont chez lui et qui lui permettent de pouvoir continuer à opérer à son hôtel. Alors, évidemment, il aimerait que ces travailleurs étrangers temporaires là puissent devenir des travailleurs permanents, qu'ils puissent rester chez nous.

En plus, dans plusieurs villages, villes plus éloignées des centres-ville, la population vieillissante. Il y a ce manque de bassin de main-d'œuvre là. Vous savez, demain matin, on a beaucoup de tous faire des bébés, ça va prendre 20 ans avant que les gens puissent commencer à travailler en hôtellerie. On a besoin de..

Une voix : ...

Mme Tremblay (Véronyque) : Oui, mais, en tout cas, ça dépend quel type de poste, mais une vingtaine d'années, mettons, avant qu'ils puissent occuper nos emplois, majoritairement dans nos hôtels. Alors, cette main-d'œuvre-là, elle est indispensable, et on veut qu'ils restent chez nous, pas qu'ils demeurent toujours des temporaires. Ils veulent se faire une vie ici, pouvoir investir, acheter une maison, c'est leur rêve de rester ici.

M. Cliche-Rivard : Exact. Je comprends que, dans l'urgence, vous dites : Renouvelons le permis de travail, puis on verra après. Par contre, si on faisait juste accorder la résidence permanente, on n'aurait pas à faire tous ces renouvellements de permis.

Mme Tremblay (Véronyque) : Bien, totalement, totalement. Mais peu importe le programme, là, c'est ça.

• (16 h 20) •

M. Cliche-Rivard : Écoutez, je vous laisse sur une dernière question. Bon, la discussion sur la réduction de l'immigration temporaire, elle est dans les parages depuis un certain moment, mais là à tous les groupes qu'on rencontre, ils nous font un plaidoyer quand même assez fort pour que ce ne soit pas leur secteur. Est-ce que vous avez des indications pour nous? Est-ce que, dans votre approche, dans votre logique, à quelque part que ce serait possible de couper? Parce que là on voit groupe après groupe, puis ça semble être déterminant pour la survie de chacune des économies.

Mme Tremblay (Véronyque) : Bien, déjà, je vous dirais qu'il y a eu quand même une diminution. Pour certains hôtels qui étaient à 30 % à la sortie de la pandémie, ils ont pu réduire à 20 %, mais ça dépend de la réalité de tout le monde. À La Tuque, à Matawin, bien là, la réalité, honnêtement, ils ont besoin d'avoir un taux plus élevé. Alors, je pense qu'il faut faire confiance aussi aux hôteliers. Plus il y a des cohortes qui vont sortir de nos... des jeunes au niveau de nos écoles, bien, plus on va embaucher ici, au Québec, bien sûr.

M. Clarke (Alupa) : ...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : C'est ce qui met fin...

M. Clarke (Alupa) : ...protéger l'image du Québec, on reçoit le monde entier chez nous.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, je vous souhaite un bon retour et je vous dis surtout merci pour l'apport à nos travaux.

Pour le reste, je vais suspendre quelques instants, le temps de recevoir le prochain groupe.

(Suspension de la séance à 16 h 21)

(Reprise à 16 h 27)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux. Donc, pour les prochaines minutes...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...nous serons en compagnie de M. Adel El Zaïm, vice-recteur à la recherche, à la création, au partenariat et à l'internationalisation pour l'Université du Québec en Outaouais. M., bienvenue à la commission. Donc, vous allez avoir une dizaine de minutes... 10 minutes, pour être plus précise, pour présenter les grandes lignes de votre mémoire, donc de vos recommandations, et par la suite nous allons en discuter avec les parlementaires. Alors, le micro est à vous.

M. El Zaïm (Adel) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, monsieur et madame. Merci, d'abord, de m'accueillir à votre commission pour représenter l'Université de Québec en Outaouais. Vous vous en doutez sûrement bien, à l'Université du Québec en Outaouais, nous nous sentons directement interpelés par la planification pluriannuelle de l'immigration 2026-2029, et je devrais même dire que nous sommes interpelés par toutes les mesures récemment en place en matière d'immigration. L'UQO tient à rappeler que la présence d'étudiantes et d'étudiants internationaux constitue un levier essentiel pour contrer le recul du français, pour répondre aux pénuries de main-d'œuvre et renforcer la recherche et l'innovation dans tous les domaines, dont surtout les domaines et les disciplines scientifiques et la recherche en technologie, en environnement, en génie, toutes des disciplines dont on a grandement besoin au Québec. L'UQO joue un rôle clé dans la protection et la promotion de la langue française et contribue ainsi à la vitalité de la langue, mais aussi et surtout de la société francophone dans notre région transfrontalière, je parle de l'Outaouais, bien sûr.

L'alignement des politiques d'immigration sur les besoins réels du marché du travail et sur les besoins du Québec en général est fondamental. Je ne répéterai pas des chiffres dont... plusieurs acteurs de l'économie québécoise ont répété, mais les retombées économiques de l'immigration étudiante sont majeures. En 2022, les étudiantes et les étudiants internationaux ont généré 3,8 milliards de dollars au PIB québécois, en plus de soutenir 47 762 emplois. Pour le réseau de l'Université du Québec, avec les 10 établissements que nous sommes, les retombées économiques s'élevaient à 157 millions de dollars en 2022, mais comme vous savez, les retombées réelles ne sont pas seulement économiques. Je ne voudrais sûrement pas imaginer une université québécoise qui perd. Par exemple, tous ses professeurs qui sont d'origine étrangère qui sont arrivés ici comme étudiants ou comme immigrants.

• (16 h 30) •

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : On vous entend. Est-ce que ça va?

M. El Zaïm (Adel) : Désolé, on dirait que j'avais perdu la connexion.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : On vous entend bien.

M. El Zaïm (Adel) : Je continue? Vous m'entendez maintenant?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Oui, on vous entend.

M. El Zaïm (Adel) : D'accord. Donc, en Outaouais, comme dans d'autres... Très bien. Donc, je disais que les retombées réelles ne sont pas que des retombées économiques parce que je ne voudrais surtout pas imaginer une université québécoise qui perd tous ses profs, par exemple, qui sont d'origine étrangère et qui sont arrivés au pays comme étudiants ou comme chercheurs postdoctorants.

L'UQO formule, dans ce contexte, six recommandations que je voudrais citer ici, et je voudrais y ajouter une autre venant de l'UQ. Première recommandation serait d'exclure les étudiants internationaux des seuils d'immigration temporaire. Deuxièmement, maintenir et consolider le Programme de l'expérience québécoise. Troisièmement, soutenir la francisation dans une perspective inclusive. Quatrièmement, rehausser l'appui aux initiatives de recrutement international francophone. Cinquième recommandation, retirer l'obligation d'obtenir un permis d'études et un certificat d'acceptation du Québec pour les étudiantes et étudiants inscrits dans un programme de bidiplomation avec des partenaires, donc, étrangers dont le séjour est de courte durée, moins de six mois. Et dernière recommandation de l'UQO, ne pas assujettir aux quotas les demandes de renouvellement de certificats d'acceptation du Québec soumises pour un programme d'études de niveau universitaire. Je me permets aussi d'ajouter la recommandation qui a été formulée dans une... dans le mémoire de l'Université du Québec. On a recommandé que le gouvernement n'assujettisse pas les demandes...


 
 

16 h 30 (version non révisée)

M. El Zaïm (Adel) : ...des demandes de CAQ soumises pour un programme d'études aux cycles supérieurs au quota. Ces mesures permettraient de préserver la mission des universités et de répondre efficacement aux défis démographiques, linguistiques et économiques du Québec. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, si vous avez terminé, vous aviez encore quelques minutes. Ça vous va?

M. El Zaïm (Adel) : Ça me va. J'ai terminé.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Parfait. Alors, on entame la période de discussion avec les parlementaires. On va commencer avec M. le ministre, et la banquette gouvernementale, vous bénéficiez de 16 min 30 s.

M. Roberge :  Bonjour. Merci pour votre présentation. Merci pour votre participation aux travaux aujourd'hui. Je dois dire que j'ai été surpris par votre demande d'exclure tout simplement tous les établissements d'enseignement supérieur des seuils d'immigration temporaire. À ce moment-ci, en 2025, avec tout ce qui s'est vu, ce qui s'est dit, ce qui s'est écrit dans les dernières années, de dire : Écoutez, laissez les universités et les cégeps décider de la politique migratoire, il n'y a pas de limite. Si on peut en faire venir 120 000, c'est 120 000. Si on peut en faire venir, 200 000, c'est 200 000. Si on peut en faire venir 250 000, c'est 250 000. Tout ce que les universités peuvent attirer ou retenir, c'est bon. Donc, est-ce que j'ai bien compris, vous voulez qu'il n'y ait aucune limite? Le gouvernement ne se mêle pas des admissions internationales, ce sont les universités qui décident. C'est bien ça?

M. El Zaïm (Adel) : Nous ne disons pas que le gouvernement, M. le ministre, ne se mêle pas ou que les universités décident seules. Il y a des seuils naturels, il y a des... des seuils naturels, donc, que nous avons dans toutes les universités, et, que ce soit en termes de capacité d'accueil, en termes de capacité de formation, il n'y a pas une université qui est équipée, par exemple, pour 10 000 étudiants qui va accueillir 100 000. Donc, il y a des capacités que nous savons, que nous gérons depuis toujours. Et d'ailleurs, même cette idée de considérer l'étudiant comme immigrant, il faudrait vraiment penser qu'est-ce que ça veut dire, ça, un étudiant qui vient ici pour étudier, puis qu'on le considère comme immigrant et qu'on le mette au même titre que n'importe quel autre travailleur.

M. Roberge : Bien, «immigrant», en fait, on dit des fois «immigrant temporaire», des fois on dit «RNP», résident non permanent, ce sont des gens qui arrivent de l'extérieur, qui séjournent ici, on dit... on les qualifie de temporaires. Certains veulent permanents, d'autres repartent. Mais, si chaque fois qu'il y en part un, il en arrive un, bien, il y a, de manière permanente, quelqu'un, dans les étudiants. Comme, en ce moment, on est autour de 120 000 étudiants étrangers. On peut bien les qualifier de résidents non permanents ou d'immigrants temporaires, on est autour de 120 000. Si, à chaque fois qu'il en part un, il en arrive un, il beau être là de manière permanente, l'occupation du territoire... pardon, temporaire, est permanente.

Donc, on avait bien compris. Vous souhaitez sous une espèce de libres marchés, ce serait les universités... autant qu'ils peuvent en admettre. Vous dites : Bien, faites-vous-en pas, il y a une espèce de respect naturel de la capacité d'accueil. Je vais vous soumettre que, dans les 10 dernières années, on est passé de 50 000 à 120 000 étudiants étrangers avec cette espèce de libre marché, et en même temps cégeps et universités remplissent leurs classes et disent au gouvernement : Ah! on a besoin d'argent au PQI, on a besoin de plus de locaux, on a besoin d'agrandir nos installations, on a besoin de nouvelles classes. Donc, j'ai comme l'impression que la machine s'emballe. S'il n'y a pas de couvercle sur la marmite, les universités vont en démarcher, vont en faire venir, vont nous dire que leurs classes sont pleines, vont demander au gouvernement des sommes, des millions, des milliards pour agrandir, pour après ça en faire venir davantage. On a joué dans ce film-là depuis 10 ans, M..

M. El Zaïm (Adel) : Oui, M.. Vous avez tout à fait raison, M. le ministre, ça a doublé. Et ça, c'est surtout grâce à la réussite de stratégies gouvernementales qui recrutaient grandement et qui nous invitaient à les recruter. Donc, je ne voudrais pas blâmer le ministère des Affaires internationales ou les autres organismes gouvernementaux qui nous amenaient dans les délégations du Québec et dans d'autres pays pour nous dire : Venez recruter dans tel pays partenaire ou dans tel pays partenaire. C'était la politique du Canada, la stratégie d'internationalisation du Canada qui a commencé en 2014 et même la stratégie de Québec. Moi-même, j'ai participé il n'y a pas longtemps... bien, en fait, oui, il y a peut-être maintenant un an, à une activité...

M. El Zaïm (Adel) : ...ici même, à Québec, où le ministère nous demandait comment recruter plus d'étudiants. Donc, ce que je dis, c'est que nous ne pouvons pas recruter plus que notre capacité. Mais de nous imposer déjà, par exemple, un quota puis, après, de retarder tout ce qui est obtention de... au niveau du Canada, l'obtention du permis, aujourd'hui, on ne remplit même pas le quota.

M. Roberge : Bien, ne pas remplir le quota, ne pas réussir à attirer les étudiants en fonction de cibles nationales établies après débat, c'est un enjeu. Je vous l'accorde. Par contre, dire qu'il n'y a aucune limite, là, je vous le dis, l'orientation gouvernementale est de trouver une cible qui est raisonnable, qui nous permet d'attirer des talents internationaux, qui nous permet de maintenir une capacité de recherche. Ça, on en est. Mais, de dire qu'il n'y a pas de limites, je vous le dis, on n'est pas là. Trouvons ensemble la meilleure... le meilleur équilibre. D'autant plus que, je pense, même dans votre mémoire, vous reconnaissez que le taux d'inoccupation en Outaouais est très, très bas. Gatineau, taux d'inoccupation des logements, 0,5 % pour les logements abordables, donc inférieurs à 1 200 $ par mois. C'est quand même drôle de dire qu'inférieur à 1 200 $ par mois, c'est abordable, hein? On... En tout cas, il n'y a pas si longtemps, on aurait trouvé que c'était très élevé. Le seuil serait 3 %. On est à 0.5 %. Puis vous nous dites qu'il faudrait peut-être en recevoir davantage. Mais vous ne pensez pas qu'il y a un enjeu avec des gens qui sont ici, sur le territoire québécois, et qui ont de la misère à se loger à prix abordable?

M. El Zaïm (Adel) : Ça dépend qu'est-ce qu'on définit par «abordable». Et ça dépend aussi des besoins en termes... Vous savez, il a été prouvé, dans certaines études, que la pression sur le logement n'est pas nécessairement due aux étudiants internationaux, surtout quand on parle de logement justement à un prix plus élevé. Les étudiants internationaux cherchent souvent à se loger en résidences universitaires ou à partager des appartements. Ce n'est pas moi qui le dis. Ça a été... Ça a été prouvé. C'est des jeunes qui n'ont pas besoin nécessairement de soins de santé comme un vieux comme moi.

• (16 h 40) •

M. Roberge : Oui. Vous amenez... Vous amenez sur la santé. C'est un autre dossier. Loin de moi dire que la pénurie de logements en Outaouais ou ailleurs reposerait seulement sur des immigrants temporaires ou permanents ou des étudiants étrangers, là. Attention, là, il y a des Québécois aussi qui utilisent des logements, là. On va être d'accord, là. C'est simplement que lorsqu'on est en situation de pénurie, il faut se demander est-ce qu'on peut faire venir des dizaines de milliers de personnes de plus. C'est très différent que de dire : La pénurie est causée par des étudiants internationaux. Je n'irais pas là. Il faut faire attention, là. Mais, quand même, quand on est en situation de pénurie, de dire, comme on dit en anglais, le ciel est la limite, hein, je fais exprès pour le dire en français, je vous dirais que je pense qu'il faut faire attention.

Il y a eu aussi des personnes qui ont usé de subterfuges dans les dernières années, qui sont arrivées sur le territoire, se faisant passer pour des étudiants étrangers internationaux, avec, au fond, non pas le dessein d'étudier, mais le dessein de demander l'asile. Et il y en a eu à l'UQO comme ailleurs, pas seulement chez vous, mais quand même, vous avez eu votre part. Qu'est-ce qu'on peut faire pour se prémunir contre ça? Qu'est-ce que vous faites pour vous prémunir contre ça?

M. El Zaïm (Adel) : Oui. Bien, c'est... c'est un point, M. le ministre, qui est très important. Permettez-moi de commencer par une petite anecdote qui est réelle quand même. Il y a 30 ans, je suis arrivé au Québec et j'étais stagiaire postdoc à l'UQAM. Et je me souviens qu'une secrétaire se plaignait du fait que certains étudiants annulaient leurs cours avant la période d'abandon et ils disparaissaient dans la nature. Ce que je veux dire, c'est que ce phénomène, malheureusement, il date de plusieurs décennies. C'est bien qu'on s'y adresse maintenant.

À l'Université du Québec en Outaouais, en fait, comme toute autre université, nous n'avons pas... l'étudiant quand il arrive au pays. Nous le voyons quand il se présente chez nous. Et c'est... c'est... vous le savez, comment ça arrive au Canada...

M. El Zaïm (Adel) : ...ils ont le papier. Nous, nous contrôlons l'admission, la lettre d'admission. Nous collaborons avec IRCC, donc le ministère de l'Immigration du Canada, pour vérifier ou valider la lettre d'admission. Et nous remercions beaucoup le gouvernement du Québec maintenant, parce que la lettre d'admission mentionne une université, un établissement, puis je pense qu'on était parmi les précurseurs d'avoir ce genre de lettre. Mais quand la personne arrive à l'aéroport, nous ne le voyons pas. Et la personne peut arriver effectivement à l'aéroport, obtenir son entrée et disparaître dans la nature, malheureusement. Donc, c'est une question, je pense, qui fait partie de l'immigration illégale internationale sur laquelle l'université n'a pas de contrôle, que ce soit l'UQO ou n'importe quelle autre université.

M. Roberge : Et est-ce que vous pouvez nous dire, en ce moment, dans vos chiffres, chez vous, à l'UQO, parmi tous les étudiants étrangers, combien sont au baccalauréat, à la maîtrise et au doctorat?

M. El Zaïm (Adel) : M. le ministre, votre dernière question a coupé, malheureusement.

M. Roberge : Ah, je vais reprendre.

M. El Zaïm (Adel) : Je pense avoir compris que...

M. Roberge : Je vais reprendre, si vous permettez, pour être certain. Oui, je me demandais le portrait à l'UQO, dans votre institution, vous avez des étudiants étrangers, bien sûr, en ce moment, je me demande, soit en nombre absolu ou en proportion, combien de vos étudiants étrangers sont au premier cycle, deuxième cycle ou troisième cycle?

M. El Zaïm (Adel) : Oui, maintenant, j'ai bien compris. Je suis désolé, je n'ai pas les chiffres actuellement, mais, bien sûr, le plus grand pourcentage, c'est les étudiants de premier cycle.

M. Roberge : Mais c'est une question que...

M. El Zaïm (Adel) : Le nombre d'étudiants...

M. Roberge : Allez-y, excusez-moi, je ne veux pas vous couper.

M. El Zaïm (Adel) : Les étudiants de troisième cycle, les étudiants du troisième cycle, de doctorants sont aux alentours de 200, mais je peux, bien sûr, vous fournir les détails ultérieurement.

M. Roberge : D'accord. Mais je serais preneur si vous êtes capable de les envoyer à la commission. Il nous reste combien de temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Il reste 4 min 50 s.

M. Roberge : Très bien. Je pose la question parce qu'en ce moment on a ouvert un nouveau programme, programme Sélection des travailleurs québécois, qui nous permet de sélectionner puis d'inviter des diplômés. Parmi les quatre volets du PSTQ, le nouveau programme, il y a un volet diplômé du Québec qui nous permet d'éviter des gens. Et donc il y a beaucoup de diplômés québécois qui, en ce moment, ne passent plus par le PEQ diplômé qui est suspendu, mais par le PSTQ. Des gens disent : Il faut rouvrir le PEQ diplômé. Je veux faire la consultation, mais il y a quand même une voie qui est ouverte en ce moment.

Je vous posais la question parce que, dans l'argumentaire de plusieurs dirigeants d'universités, on nous dit : On a absolument besoin de beaucoup, beaucoup, beaucoup d'étudiants étrangers parce qu'ils sont essentiels pour la recherche fondamentale au Québec. Et ce que je vois, c'est que, depuis... de 2020 à 2025, seulement 3 % des gens du PEQ diplômés sont des gens qui étaient de niveau doctorat. Donc, il y en a, bien sûr, on est à quoi sur... un, deux, trois, quatre, cinq, sur six ans, on a à peu près 1 000 personnes dans les 18 universités qui sont allées dans le PEQ diplômé, qui étaient de niveau doctorat. Et c'est très bien, c'est juste que... en proportion, on était à 3 %, donc ce n'était pas, là, la... une grande majorité des gens qui étaient... Je me demandais si ça se reflétait à l'UQO, on n'a pas le chiffre, mais on le recevra plus tard si vous êtes capable d'envoyer ça à la commission.

Maintenant, est-ce que votre situation, vous êtes tout près de la rivière des Outaouais, près de l'Université d'Ottawa et d'autres universités canadiennes, est-ce que ça vous permet de tirer notre épingle du jeu en termes de recrutement international quand on regarde, là, la compétition géographique qui est juste l'autre côté de la rivière, pour vous?

M. El Zaïm (Adel) : Actuellement, en fait, c'est une question très pertinente, parce que l'écho depuis deux, trois ans est vraiment... est très, très réellement dans une période de développement important. L'UQO connaît un développement important et un progrès très important, aussi bien dans le nombre d'étudiants internationaux, d'étudiants canadiens et québécois surtout, et bien sûr dans, aussi, la recherche et le développement de la recherche, le développement de nouveaux programmes. Est-ce que nous tirons...

M. El Zaïm (Adel) : ...du jeu. On était dans un... dans une hausse très marquée. Maintenant, bon, on... il y a des mesures qui font que, comme on disait, on n'atteint pas le quota en termes d'étudiants internationaux.

La localisation géographique ou la position géographique fait, effectivement, qu'on peut être attrayants pour les francophones. D'ailleurs, notre stratégie actuelle vise justement la francophonie ontarienne. J'avoue quand même que la compétition est très, très dure. Je ne pensais pas en parler, mais personnellement j'ai été quatre ans à l'Université d'Ottawa avant d'aller à Gatineau et je peux vous dire que l'Université d'Ottawa pose une compétition, pas seulement pour l'UQO, mais pour toutes les universités québécoises avec leurs programmes de bourses. Par exemple, quand j'étais là-bas, ils ont développé un programme de bourses qui était destiné aux étudiantes des cégeps, québécoises, mais surtout de l'Outaouais. C'est un programme de bourses pour les intégrer dans le programme de droit... de droit civil, donc la section francophone. C'étaient des bourses que nous, on ne peut pas donner. Donc, la compétition est très forte, et pas seulement pour l'UQO.

M. Roberge : Heureusement, depuis ce temps, je pense que vous avez développé, à l'UQO, une réelle faculté de droit, parce que c'était quand même particulier de forcer les Québécois à traverser la rivière des Outaouais puis à apprendre la common law, pour après ça revenir pratiquer au Québec, où c'était le Code civil. Il y avait quelque chose de particulier, là. Moi, je peux vous dire que j'étais très, très fier de voir l'UQO déployer ses ailes en droit, puis maintenant avec la faculté de médecine aussi, avec McGill, mais en français, on a tenu l'autre bout là-dessus. Donc, on est bien contents.

Je ne sais pas s'il nous reste du temps, Mme la Présidente, ou...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : En terminant.

M. Roberge : En terminant, je vous remercie pour votre participation aux travaux.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci.

M. El Zaïm (Adel) : Merci beaucoup, M. le ministre.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, M. le ministre. Alors, nous allons poursuivre, cette fois-ci, avec l'opposition officielle et son porte-parole, le député d'Acadie, pour 12 minutes 23 secondes.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour, M. le vice-recteur. Merci pour votre exposé.

J'ai quelques questions en lien avec votre mémoire, particulièrement à la page 3. Il est écrit : «Il semble que l'attractivité du Québec à l'égard des talents internationaux a été fragilisée par les politiques récentes qui visent à limiter leur présence sur le territoire.» Vous suggérez la réouverture, évidemment, du PEQ. M. le ministre parlait du PSTQ. Pouvez-vous nous en dire davantage là-dessus, sur l'impact réputationnel pour le Québec et votre université?

• (16 h 50) •

M. El Zaïm (Adel) : Merci beaucoup, monsieur. Oui, effectivement, vous savez, la réputation, ça se construit pendant des années, sinon des décennies, et malheureusement elle peut être affectée très, très rapidement. Nous remarquons, si je parle de l'UQO, une diminution du nombre de demandes d'admission qui est quand même significative. Nous remarquons aussi, bien sûr, une diminution du taux de conversion. Donc, une fois qu'on a fait une lettre d'offre d'admission, bien, tout le monde ne vient pas nécessairement.

Cette... Malheureusement, disons, cette atteinte, je mets ça entre guillemets, à la réputation... ou impact, plutôt, sur la réputation est observé aujourd'hui sur tout le Canada. Le Bureau canadien pour l'éducation internationale parle beaucoup actuellement de... d'atteinte à la réputation. Et il y a eu une journée de travail, le mois dernier, sur ce sujet-là. C'est les mesures, parce que, malheureusement, ce qui sort, c'est que le Canada, et le Québec, mais le Canada, ne veut plus d'étudiants internationaux, ne veut plus accueillir d'étudiants internationaux.

Vous savez, il y a eu une mesure récemment qui visait, je pense, au niveau canadien, à accélérer l'obtention des permis d'études et qui a été mal perçue parce qu'elle a visé les pays du G7 parce qu'ils n'ont pas besoin de visa. Donc, probablement, un employé quelque part à Ottawa, il a dit : Bien, je vais donner le permis d'études à ceux qui n'ont pas besoin de visa, comme ça j'accélère et j'enlève une étape. Mais ça a été vu comme étant, malheureusement, comment on dit ça, discriminatoire.

Donc, nous, l'impact réel qu'on a vu, c'est la diminution du nombre de demandes d'admission, et ça réduit d'autant le bassin d'étudiants éventuels.

M. Morin : Et comment... comment faites-vous pour concilier...

M. Morin : ...parce qu'en fait le gouvernement nous dit qu'on veut réduire, on veut réduire et il y a trop d'étudiants internationaux, alors qu'au même moment le même gouvernement, dans les plans stratégiques du ministère des Relations internationales et du ministère de l'Enseignement supérieur... dans son plan 2023-2027, dit qu'ils vont intensifier les efforts pour aller chercher des étudiants à l'international. Ces plans sont toujours en ligne.

Donc, vous êtes un étudiant à l'étranger... bien, vous-même, vous êtes un gestionnaire d'université, vous dites : Oh wow! Ils vont développer des efforts, c'est bien, et puis, après ça, vous vous faites dire Non. Comment vous faites pour concilier tout ça?

M. El Zaïm (Adel) : C'est très difficile. C'est exactement à ça que je faisais allusion tout à l'heure quand je disais que, si on avait réussi à doubler le nombre d'étudiants internationaux au Québec et, de surcroît, au Canada, c'était grâce, justement, aux campagnes de recrutement que le gouvernement menait. Et je pense que le ministère va avoir à revoir ses plans pour aller clarifier. Malheureusement, ce n'est pas mon travail, mais, vous savez, on a toujours été vu comme un pays invitant et accueillant. Je pense que le Québec est toujours un pays invitant et accueillant. Le Québec accueille toujours aussi bien les étudiants que les travailleurs, que les immigrants sous toutes leurs formes, mais il demeure qu'on a l'impression, comme université et comme gestionnaire universitaire, que la contradiction a besoin d'être réglée. Et c'est pour ça qu'on participe aux travaux, et aux réflexions, et aux groupes de travail sur le sujet. Nous avons un rôle constructif ici pour contribuer et amener peut-être l'heure juste sur ces enjeux-là.

M. Morin : Et quand vous parlez, M. le vice-recteur, du Québec comme terre d'accueil, si j'ai bien compris votre parcours, vous en êtes un exemple frappant.

M. El Zaïm (Adel) : Je suis un exemple frappant. Je suis né au Liban, j'ai obtenu une bourse d'études supérieures pour faire un doctorat à Paris, qui était offert par le... gouvernement... qui était offerte par le gouvernement français. Un jour, j'ai participé à un colloque à Québec dans le cadre de mes études. J'ai été invité à travailler avec des chercheurs canadiens et... québécois, plutôt, à Québec même. Je suis retourné en France, j'ai eu l'occasion d'avoir une bourse de l'AUR, de l'Agence universitaire de la Francophonie. Donc je suis aussi un enfant de la francophonie, comme je le dis. Et quand je suis venu pour faire mes recherches postdoctorales à l'UQAM, avec l'intention de retourner en France et au Liban, bien, à l'UQAM, j'ai eu un contrat d'un an, et après 18 mois, plus que 18 mois de travail ici, je suis retourné un jour à Paris, je suis allé à la délégation du Québec pour me renseigner sur l'immigration. Et l'agente qui était sur place, après une demi-heure de discussion, elle m'a dit : Félicitations, M. le Zaïm! Vous êtes accepté au... Et deux jours ou trois jours plus tard, j'Ai reçu mon certificat d'acceptation par le courrier à mon appartement de Paris. Donc, c'était dans les années 90, début des années 90, le monde a changé depuis, mais ce que je peux vous dire, c'est que...

M. Morin : Oui, on peut dire que le monde a bien changé.

M. El Zaïm (Adel) : Le monde a changé, «bien changé», je ne sais pas. Le monde a changé, effectivement, a drastiquement changé, je dirais.

M. Morin : Oui. «Bien changé» dans le sens de changé beaucoup, parce qu'on n'est plus dans la même réalité du tout, du tout, du tout.

M. El Zaïm (Adel) : Exactement.

M. Morin : Alors, bien, voilà. Donc, je vous remercie. Alors, c'est ça, donc, impacts, impacts importants, c'est ce que j'entends de vous.

À la page 6 de votre mémoire, vous soulignez l'impact direct sur la recherche universitaire. On sait comment la recherche universitaire, c'est important, particulièrement au deuxième et au troisième cycles. Vous écrivez... et vous citez Le Devoir, mais vous écrivez : «Il devient pratiquement impossible pour les universités de maintenir l'intensité de leurs activités de recherche. Il n'y a pas assez d'étudiants québécois qui poursuivent des études avancées en sciences. Ce déséquilibre est d'autant plus préoccupant dans un contexte de compétition mondiale marquée notamment par une guerre tarifaire et scientifique avec les États-Unis.» Donc, est-ce que vous avez peur que les restrictions...

M. Morin : ...qui vise, entre autres les étudiants étrangers, particulièrement en deuxième et troisième cycle, a un impact sur notre capacité, au Québec, d'innovation et de recherche.

M. El Zaïm (Adel) : Affirmatif, je dirais, c'est clair. La recherche se fait avec les étudiants tout en formant les étudiants à être spécialistes dans leur spécialité, mais aussi chercheurs. Donc, la recherche se fait avec les étudiants et parfois par des étudiants. Et la collaboration étudiants, professeurs est une réalité qu'on doit vraiment respecter et admirer.

D'ailleurs, c'est une pratique qui nous distingue aussi de certains pays. L'étudiant participe chez nous, l'étudiant de maîtrise, et même la recherche au premier cycle se développe, et on développe les compétences de recherche. Ce n'est pas des chercheurs, mais donc aux deuxième et troisième cycles, effectivement, il y a une menace réelle. Il y a des profs qui nous disent carrément qu'ils ne réussissent plus à recruter des étudiants, surtout dans des doctorats, dans ce cas-là. Et des étudiants, nous, on a fait des offres à des étudiants de doctorat qui n'ont pas réussi à venir au pays ou qui vont arriver en retard, qui vont peut-être arriver l'année prochaine s'ils ne sont pas accueillis par d'autres pays.

J'attire votre attention aussi et notre attention, tous, aux stratégies d'autres pays, alors que, nous, on a... on est maintenant en train de débattre : Est-ce qu'on veut plus ou moins d'étudiants? Bien, la France est en train de recruter des étudiants et des jeunes chercheurs. Il y a un objectif de presque un demi-million d'étudiants en France. La Belgique est en train de recruter et les étudiants africains qui viennent chez nous, l'Europe, pour eux, est plus proche. Donc, c'est une réalité et pas seulement vis-à-vis les États-Unis. Mais, je veux dire, nos compétiteurs ne sont pas seulement au sud de la frontière ou les autres provinces, et les autres provinces, c'est au sud de la frontière, mais c'est aussi les autres pays francophones.

Il y a un «shift» qui s'organise aujourd'hui ou un glissement de cette internationalisation-là. Il y a des pays qui sont en train de devenir des fournisseurs d'éducation à l'international et de formation à la recherche avec des bourses.

M. Morin : Et est-ce que vous avez l'impression qu'au Québec on est en train de manquer le bateau présentement?

M. El Zaïm (Adel) : Je pense qu'on risque de manquer le bateau.

M. Morin : Je vous remercie. Toujours dans votre mémoire, à la page 7, vous parlez d'une politique d'internationalisation fondée sur la valorisation de la francophonie, et évidemment c'est très important. On travaille dans un univers francophone, on y tient, c'est clair. Pouvez-vous nous en dire davantage sur votre valorisation, votre politique fondée sur la valorisation de la francophonie?

• (17 heures) •

M. El Zaïm (Adel) : Oui, la francophonie, pour nous, c'est quelque chose de, bien sûr, naturel, intrinsèque, mais qui ne va pas de soi en termes de développement étant donné notre position géographique, évidemment, mais aussi les changements qu'on voit dans le monde. Donc, nous avons des partenariats, et nous en avons de plus en plus de partenariats en France, en Belgique et dans d'autres pays, comme le Maroc, où on travaille avec les établissements, avec les universités. Donc, les étudiants peuvent venir en groupe, en cohorte, peuvent venir pour des stages. Et on valorise cet aspect francophone, parce qu'il y a encore des étudiants qui veulent étudier en français, qui veulent faire leur recherche en français.

Donc, c'est dans le sens de promouvoir le français, de promouvoir le fait français, de promouvoir le fait de pouvoir faire la science en français. C'est tous ces éléments-là que nous mettons, mais c'est surtout aussi en ciblant des pays francophones avec lesquels nous essayons de signer des partenariats.

M. Morin : Si je reviens à l'impact sur la recherche universitaire, notamment dans... au cycle des études supérieures, est-ce que l'impact, jusqu'à maintenant, s'est fait sentir au point où vous avez dû fermer les programmes ou vous n'avez pas été en mesure d'embaucher des enseignants ou des chercheurs parce que le nombre d'étudiants est en baisse?

M. El Zaïm (Adel) : Nous n'en sommes pas encore là, heureusement. Comme je le disais tout à l'heure, l'UQO, depuis quelques années, connaît un développement et une progression très, très importante. Donc, cette année, on a encore plus 9 % d'étudiants internationaux. C'est des...


 
 

17 h (version non révisée)

M. El Zaïm (Adel) : ...c'est majoritairement des réinscriptions, donc des étudiants qui continuent leurs études. On a une centaine de nouveaux étudiants seulement. Vous conviendrez que c'est un... c'est un petit chiffre, mais je parle de 100 étudiants sur 1 200 qui sont nouveaux. Ce qui me fait dire que l'impact n'est pas encore apparu cette année. Mais on attend l'année prochaine et peut être les années suivantes. Donc, on vit encore sur, je dirais, la vague de développement qu'on a fait, tous les efforts qu'on a faits depuis quelques années. On a reçu un petit choc cette année. On espère que, l'année prochaine, il ne sera pas plus grand. Mais, très sincèrement, on le craint.

M. Morin : Et, quant au renouvellement des permis puis de la période aussi où des gens obtiennent un permis, vous en avez parlé... évidemment, quand on est aux études doctorales, il est quand même excessivement rare qu'on termine un doctorat en un an ou deux ans, n'est-ce pas, on s'entend, est-ce que ça crée un stress? Parce qu'habituellement ça prend trois, quatre, cinq ans. Est-ce que ça crée le stress chez vos étudiants, la complexité maintenant ou les délais pour obtenir des renouvellements?

M. El Zaïm (Adel) : M., je peux vous dire qu'être étudiant étranger dans un pays, c'est du stress. Je le connais, je l'ai vu, je l'ai vécu. C'est du stress, tellement que parfois, certaines familles envoient la mère ou la sœur pour aider l'étudiant ou l'étudiante.

Maintenant, le délai, ça crée effectivement un stress sur l'étudiant qui doit s'occuper de son dossier. Ça crée aussi un stress sur l'institution, sur l'établissement. Nous avons chez nous un conseiller en immigration, un CRIC, qu'on appelle dans le langage d'immigration, donc... en immigration au Canada. Et, cette année, le nombre de dossiers qu'il a traités a quintuplé presque. C'est des gens qui viennent lui dire : Patrice, est-ce que tu... avec ça, est-ce que tu peux m'aider avec ça? On a fait beaucoup, beaucoup d'appels aux différents ministères pour accélérer certains dossiers. Donc, la réponse : oui, ça ajoute au stress qu'un étudiant étranger vit dans un pays qui n'est pas le sien.

M. Morin : Très bien. Je vous remercie. Maintenant, si on regarde, en terminant, vos recommandations. Donc, vous souhaitez, entre autres, maintenir et consolider le Programme de l'expérience québécoise, le PEQ, pour le volet Diplômés. Donc, vous voulez le consolider, vous voulez l'ouvrir et l'élargir. Je vous comprends bien?

M. El Zaïm (Adel) : Oui, consolider et effectivement, bien sûr, l'élargir, si possible.

M. Morin : Parfait. Et vous recommandez aussi que les politiques de francisation soient renforcées dans une optique inclusive. Est-ce que vous pouvez nous en dire davantage là-dessus? Qu'est-ce que vous avez en tête quand vous parlez d'une perspective inclusive pour soutenir la francisation?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Rapidement. En 30 secondes.

M. El Zaïm (Adel) : Que... bien, très rapidement, que les programmes de francisation soient développés davantage et qu'ils soient accessibles à tous, je dirais.

M. Morin : Merci beaucoup, M..

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, M. le député. M. El Zaïm, je vous remercie, au nom des parlementaires, pour cette présentation et d'avoir répondu à toutes les questions. Je vous souhaite une bonne fin de journée.

Et, pour les collègues, je vais suspendre quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 06)

(Reprise à 17 h 16)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Alors, pour notre dernière dernière ronde d'audition de la journée, nous recevons les représentants de l'Institut de recherche sur le Québec, qui est représenté par le directeur de la recherche, M. Guillaume Rousseau, ainsi que le vice-président, M. Vincent Vallée.

Alors, messieurs, bienvenue à la commission. Comme de coutume, vous bénéficiez d'une période de 10 minutes pour votre exposé, et par la suite on va échanger avec les parlementaires. Alors, le temps est à vous.

M. Vallée (Vincent) : Donc, merci de nous recevoir. Bonjour. Dans le fond, comme vous l'avez déjà présenté, on représente l'Institut de recherche sur le Québec. Moi, je vais commencer, dans le fond, avec une partie un petit peu plus théorique, puis Guillaume Rousseau, lui, va continuer sur nos hypothèses de recherche...

M. Vallée (Vincent) : ...recherche, par la suite.

Peut-être un ou deux mots sur l'Institut de recherche sur le Québec. En fait, c'est un institut qui a pour mission l'étude de la question nationale québécoise et, plus largement, l'analyse des intérêts du Québec et de son identité. L'IRQ, comme on l'appelle, regroupe des chercheurs et des intellectuels de différentes tendances qui ont l'intérêt national du Québec à cœur.

Donc, Choisir et non subir : Pour une politique migratoire fondée sur l'intérêt national du Québec, c'est le mémoire qu'on a déposé. En fait, ça se veut une réflexion sur la notion de capacité d'accueil, hein, on le sait, une notion qui est souvent abordée. Et dont on a peut-être parfois peu d'assises pour la réfléchir. Donc, on s'est posé cette question-là, on s'est demandé : Qu'est-ce que c'est, la capacité d'accueil? Et on a commencé par éplucher un peu la recherche qu'il y a qui concerne l'immigration. D'abord, la recherche au Québec. On réalise qu'au Québec il n'y a pas tant que ça de recherches qui portent sur l'immigration, puis celle qui a été faite est beaucoup axée sur le discours sur l'immigration et moins sur la réalité matérielle, donc les effets positifs et négatifs de l'immigration. Donc, on souligne cette lacune-là. Il y a quand même certaines recherches qui ont été faites, surtout sur des questions économiques. Puis ici notre rapport... notre mémoire, il vient souligner le fait que, oui, il y a des enjeux économiques qui sont liés à l'immigration, mais ce n'est pas l'enjeu fondamental ou névralgique, la question de l'immigration, c'est davantage, selon nous, une question de démographie. Et, oui, il y a d'autres effets, mais le premier effet principal de l'immigration, c'est la démographie. Donc, s'il y a une chose qu'on veut que vous reteniez aujourd'hui en particulier, c'est cette question-là.

Ensuite, on parle un petit peu de l'histoire dans le mémoire, donc on dit quelques lignes. On sait qu'il y a des différences entre l'histoire du Québec et du reste du Canada. D'abord, en Nouvelle-France, on le sait, la Nouvelle-France n'a pas été fondée particulièrement sur une immigration importante, même s'il y en a eu un petit peu, mais c'est surtout lorsqu'on la compare avec les Britanniques, qui, dans les 13 colonies, avaient beaucoup plus d'immigration. Donc, c'est déjà une différence importante. Une fois qu'on est tombé suite à la conquête, eh bien, le rapport à l'immigration a un peu changé. Et on va donner tout simplement l'exemple de la colonisation, hein, dans l'Ouest, où le Canada faisait face ou l'Empire britannique au Canada faisait face à des menaces d'annexion des États-Unis, donc à des menaces qui sont externes, et il répondait à ça par l'immigration notamment, c'est pour cette raison qu'il y a eu beaucoup d'immigration, notamment dans l'Ouest du Canada, mais aussi il faisait face... L'immigration était utilisée comme un outil, notamment pour cette raison-là, mais aussi pour des menaces jugées à l'interne ou des défis, on pourrait dire des défis démographiques, notamment francophones et autochtones.

• (17 h 20) •

Évidemment, aujourd'hui, on est dans un autre contexte. Il y a des événements particuliers qui nous touchent, notamment la question de la natalité, hein? Lorsqu'on pense à la démographie, la question de la natalité, c'est très fondamental et structurant, notamment en Occident, mais pas seulement. Il y a aussi la question de la mondialisation, où on a une révolution au niveau des transports, au niveau des communications, donc il y a plus de déplacements à travers le monde, mais il y a aussi l'arrivée des conflits qui influencent la question de l'immigration.

On va parler un petit peu du Canada ici, où le Canada réfléchit son intérêt général. Ici, je fais la différence entre l'intérêt général et l'intérêt national, puisqu'on se fonde un peu sur la façon que le Canada se conçoit lui-même, qui est un État postnational et pas une nation, et donc on va le distinguer de l'intérêt national, fin de la parenthèse. L'intérêt général du Canada est fondé notamment sur la question du poids démographique face aux États-Unis. Là, on le réalise davantage depuis les derniers mois, même depuis la dernière année, mais c'était le cas déjà auparavant, et c'est pourquoi le Canada avait fondé... bien, mis sur place son comité consultatif en matière de croissance économique, où il avait mis sur son comité des personnes qui travaillaient à un lobby qui s'appelle L'initiative du siècle, hein? Ça, je pense qu'on le connaît. C'est un lobby qui voulait augmenter la population du Canada à 100 millions d'habitants d'ici 2100, et c'est des gens qui sont toujours dans l'entourage du gouvernement canadien.

Maintenant, on va parler des spécificités du Québec. La première question qu'on se pose, c'est : Si l'intérêt national du Québec correspond toujours à l'intérêt général du Canada, est-ce qu'on doit assujettir l'intérêt national du Québec à l'intérêt général du Canada? Bien, nous, à l'Institut de recherche sur le Québec, on définit l'intérêt national du Québec comme la pérennité et la vitalité de notre existence nationale et la capacité à réaliser nos aspirations. Évidemment, il y a des différences entre le Québec et le Canada, on a publié une recherche à ce sujet-là. Puis notamment, au niveau de l'immigration, eh bien, le... au niveau linguistique, pour commencer, évidemment, il y a des différences, à commencer par la langue, mais également l'approche en matière linguistique, où le reste du Canada est davantage fondé sur un libre choix, ce qu'on appelle l'approche personnaliste ou de la personnalité linguistique, alors qu'au Québec la langue n'est plus perçue comme un bien commun. Et, dans le fond... donc c'est une approche territoriale qu'on appelle.

Il y a aussi la question d'où proviennent les immigrants. Au...

M. Vallée (Vincent) : ...au Québec, les immigrants sont davantage de la francophonie, alors que dans le reste du Canada de l'anglophonie. Ça, ça nous appelle à demander à ce que l'immigration soit fondée sur l'intérêt national du Québec. Et c'est pourquoi on dit l'immigration doit être choisie par le Québec et non subie. Donc, on développe ici, et c'est peut-être là qu'il y a un caractère un peu innovateur, mais c'est beaucoup au niveau réflexif, la notion de capacité d'accueil. Donc, la capacité d'accueil, on la... on la définit de deux manières. Donc, la capacité d'accueil matérielle, donc ce qu'on appelle les paires de jambes ou le nombre de personnes qui viennent. Et ça, on le décline de plusieurs façons, notamment au niveau national, où ça va vraiment être la question des budgets qui vont influencer le gouvernement du Québec. Mais c'est difficile de mesurer à quel point la capacité d'accueil au Québec, est-ce qu'elle est égale à Québec, dans les régions, etc. Donc, on va essayer de... de spécialiser au niveau des localités. Et d'ailleurs on a entendu, là, qu'il y aurait peut-être un changement au niveau du discours qu'on salue à ce niveau-là, parce que ce n'est pas la même réalité, notamment à Montréal ou dans certaines régions.

L'autre élément qu'on amène au niveau de la capacité d'accueil, c'est la question de la capacité d'accueil sociale, ce qu'on appelle parfois la capacité d'intégration. On le sait, ça n'a pas juste... Ce n'est pas juste des paires de jambes, c'est des êtres humains qu'on reçoit. Et l'intégration, ça a aussi des coûts, ça a aussi... On a beaucoup entendu parler des classes de francisation. Ça, ça en fait partie. Et c'est ce qui est dans... C'est lié également à la question du contrat social, qu'est ce qu'on s'attend des nouveaux arrivants, mais également qu'est-ce que l'État du Québec s'engage. C'est quoi ses engagements envers les nouveaux arrivants? Maintenant, je vais laisser la parole à M. Rousseau.

M. Rousseau (Guillaume) : Oui. Bonjour. Donc, les considérations mentionnées par Vincent nous amènent à vous présenter certaines hypothèses. Donc, nous vous soumettons l'hypothèse que les taux actuels d'immigration permanents, temporaires, combinés dépassent la capacité d'accueil puis particulièrement la capacité du parc de logements. On le voit avec le taux d'inoccupation qui est très peu élevé. Une fois qu'on a dit ça, on vous suggère que l'éventuelle réduction des seuils d'immigration devrait... devait viser... devrait viser prioritairement les personnes qui ne sont pas encore arrivées sur le territoire. Donc, il faut éviter autant que possible des mesures assimilables à un renvoi ou à une rupture d'engagement, sauf exception. Donc, il s'agirait moins de diminuer la population présente, le nombre total de personnes que de diminuer le rythme de la croissance. Parce qu'après tout, les gens qui sont déjà sur place occupent déjà un logement. Donc, c'est vraiment les nouvelles arrivées qui risquent d'empirer la situation au niveau de la crise du logement.

Deuxième hypothèse, nous vous soumettons que la composition actuelle des flux migratoires ne contribue pas pleinement au renforcement du français. Donc, on n'a pas tout à fait le même pourcentage de francophones dans les immigrants que dans la population d'accueil. Donc, mathématiquement, l'immigration ne va pas renforcer le français si on n'accentue pas les exigences en matière de français dans l'immigration. Et à ce sujet, on vous suggère d'avoir une priorisation dans l'immigration selon des cercles concentriques, avec des exigences linguistiques, donc, où on commence par prioriser les immigrants Français, ensuite d'autres immigrants francophones. Mais on attire vraiment votre attention sur l'importance de l'immigration française, qui est souvent composée de personnes très éduquées, qui ont fait une partie souvent de leur éducation ici même au Québec, c'est des étudiants Français qui viennent au Québec et ensuite souhaitent y rester. Donc, il faut une cohérence entre notre politique de frais de scolarité bas pour les Français et notre politique d'immigration. Ensuite, on sait que la France, parmi tous les pays d'où nous viennent des immigrants, la France est notre principal partenaire économique, notamment grâce aux immigrants Français présents au Québec.

Et enfin, on attire votre attention sur le fait que dans toutes les relations internationales du Québec, celle avec la France est hyper stratégique. Et si jamais la politique de réduction de l'immigration au Québec devait affecter négativement les Français, ça pourrait nuire à la relation France-Québec et plus largement aux relations internationales du Québec. Donc, on va vraiment vous alerter là-dessus.

Sur un autre point, on pense que la question de l'immigration doit être réfléchie plus largement comme étant un enjeu de démographie. Et donc il faut peut-être penser à réfléchir immigration et natalité en même temps pour réfléchir plus largement à la démographie. Il n'y a pas de ministère de la démographie, mais on sait, par exemple, que le commissaire à la langue pourrait... Il y a toute une équipe très, très forte en matière quantitative et tout qui pourrait peut-être soit interpréter plus largement son mandat, soit voir son mandat élargi à la question plus large de la démographie, incluant la natalité.

Donc, en conclusion, la capacité d'accueil, c'est vraiment un outil politique qui permet d'arrimer l'immigration à des objectifs démographiques, sociaux, culturels qui sont choisis démocratiquement. Et cette vision pourrait même être complétée par d'autres mesures, dont une politique de natalité qui soutienne les familles et aide les femmes et les couples à concevoir autant d'enfants qu'ils le souhaitent. C'est vraiment ça l'enjeu. Donc, l'objectif démographique global qui doit guider cette...

M. Rousseau (Guillaume) : ...politique, c'est d'assurer la pérennité de la nation québécoise, sa vitalité culturelle et sa capacité d'action politique. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup pour cette présentation. Alors, on commence la période d'échange. On va commencer avec...

(Interruption) ...pardon, le ministre pour une période de 16 minutes 30 secondes.

M. Roberge : Merci, Mme la Présidente.

Merci pour votre présentation. Vous touchez quelque chose qui est dans l'espace public depuis plusieurs années, la fameuse capacité d'accueil. C'est intéressant d'avoir des intellectuels, des profs d'université qui creusent spécifiquement cette question. Vous séparez ça en deux, capacité matérielle ou physique, capacité sociale collective. Pour la capacité matérielle, bon, c'est assez clair, là : «Nous soumettons l'hypothèse que les taux actuels d'immigration dépasseraient dès à présent, à court terme, la capacité d'accueil du parc de logements.» Bon. La capacité physique, d'après vous, est dépassée. Capacité sociale, c'est moins clair quand je lis. Donc, capacité à accueillir, intégrer, franciser, je vous dirais, intégrer au sens culturel, d'après vous, en ce moment, est-ce que les nombres actuels, les permanents et les temporaires, rencontrent notre capacité d'accueil ou pas? Je n'ai pas trouvé la réponse précise pour cette deuxième question.

M. Vallée (Vincent) : Un mot là-dessus. En fait, le mémoire se voulait un peu des pistes de réflexion pour encourager la recherche dans ce sens-là. On le sait, on manque de chiffres, on manque de recherche. Et, comme on l'a dit, ou c'était dans le mémoire, il faudrait encourager d'abord la recherche qui se fait dans l'intérêt national du Québec, c'est-à-dire davantage sur les indicateurs qui sont au niveau matériel, là, donc qu'est-ce... qu'est-ce qui se produit, etc.

Ce qu'on dit par rapport à la capacité d'intégration, et mon collègue pourra compléter, c'est qu'il y a... dans le fond, comment... comment on l'a catégorise, c'est qu'il y a plusieurs types d'immigration. L'immigration ne se fait pas toute de la même façon, dépendamment d'où ils viennent. Et on fait également la différence entre les gens qui viennent de différents endroits, de différents pays, hein? L'Égypte, ce n'est pas connu pour être un pays francophone, mais il existe des populations francophones en Égypte. Donc, on propose de... c'est pour ça qu'on propose d'orienter vers certaines populations, comme la population française ou des populations francophones par exemple. Donc, c'est davantage là-dessus qu'on a porté cette réflexion-là. Mais effectivement, la réflexion, la recherche devrait poursuivre pour avoir plus de richesse au niveau des données.

• (17 h 30) •

M. Roberge : Merci. Précédemment aujourd'hui on a eu le Commissaire à la langue française, qui, lui, nous disait que, bon, à ce moment-ci, on n'était pas capables d'accueillir. Puis il parlait de la langue française, mais pas seulement, il faisait référence à notre nouveau modèle d'intégration nationale, notre modèle propre. Puis il disait essentiellement qu'il fallait changer la donne puis qu'il y avait en ce moment trop de personnes, qu'il fallait réduire des personnes pour avoir la capacité à franciser et à accueillir, intégrer. Je trouvais ça intéressant de le mentionner puisque vous avez suggéré de donner un mandat nouveau à cette nouvelle institution.

Ensuite, bon, vous parlez de capacité matérielle physique, capacité sociale collective. La capacité économique, c'est-à-dire, est-ce que vous la rentrez dans matériel et physique? C'est-à-dire capacité de loger quelqu'un, mais est-ce que vous considérez aussi là-dedans la capacité économique, c'est-à-dire de donner un emploi, et non pas nécessairement un emploi au bas de l'échelle, un emploi que les Québécois ne voudraient pas occuper, mais donner un emploi à la hauteur des capacités, des habiletés, des diplômes, des personnes? À mon sens, je le considérerais. Ça ne veut pas juste dire : Je t'accueille, je te donne un salaire tel que tu ne meurs pas de faim, mais je t'accueille, je te permets de t'épanouir. Est-ce que vous... pour vous, c'est un troisième volet, peut-être, à creuser, ou ce serait dans la capacité matérielle et physique?

M. Vallée (Vincent) : C'est une excellente question. En fait, comme on l'a mentionné dans le texte, ce n'est pas deux notions qui sont complètement déconnectées l'une de l'autre. Au contraire, elles sont directement liées, ces deux notions là. Puis, de la manière dont vous l'expliquez, j'aurais l'impression effectivement qu'elles chevauchent un petit peu les deux, en réalité, plutôt que d'ajouter une troisième catégorie, puisque, bien, ça prend des emplois disponibles pour ces personnes-là. Mais il y a également la question de l'intégration dans l'emploi qui rentre en considération. Donc, a priori, on verrait peut-être un petit peu des deux. Je ne sais pas si...

M. Rousseau (Guillaume) : Oui. Je compléterais là-dessus. En fait, je pense que ça va répondre, au moins en partie, à votre question. En fait, le risque des hauts taux d'immigration, c'est... c'est sûr qu'un moment donné, il y a un risque que, s'il y a un ralentissement économique, bien là, on se retrouve avec du chômage. Donc, c'est tout à fait possible que si, à un moment où ça va mieux, l'économie, on fait venir beaucoup de temporaires, ils peuvent rapidement... on sait comment ça va vite, la conjoncture économique, ça change rapidement, notamment avec...


 
 

17 h 30 (version non révisée)

M. Rousseau (Guillaume) : ...la question des relations avec les États-Unis. Donc, rapidement... s'il survient un ralentissement économique, bien là, ça peut assez rapidement augmenter le chômage et là ça peut devenir une difficulté. On le voit chez les jeunes. Il y a quand même des taux relativement élevés, là, on est autour de 7 % de chômage chez les jeunes dans certaines régions. Et ce qui est déjà au-dessus du plein emploi, ce n'est pas la catastrophe, loin de là, mais on est déjà au-dessus du plein emploi, donc ce n'est pas tout à fait le plein emploi chez les jeunes. Et, si jamais il y a cette difficulté économique, cette hausse du chômage, causée par toutes sortes de causes mais liée entre autres à des hauts niveaux d'immigration, bien, les premiers à en souffrir, oui, il y a les jeunes, on le voit présentement, mais ce sera les immigrants. Donc, ils seront les premiers à avoir des difficultés, puis probablement effectivement que certains plus qualifiés n'auront pas des emplois à la hauteur de leurs qualifications. Donc, le point que vous soulevez, il me semble extrêmement important dans ce contexte-là.

M. Roberge : Et puis les statistiques vous donnent raison. Effectivement, il y a eu une hausse du taux de chômage assez importante dans la dernière année, et les deux catégories catégorie qui paient le prix, ce sont les jeunes Québécois, mais aussi les nouveaux arrivants, qui, eux aussi, ont de la difficulté, se font concurrence entre eux et avec les jeunes, et eux aussi peinent à s'intégrer socialement et donc économiquement.

Précédemment, je faisais référence au Commissaire à la langue française, qui a parlé aujourd'hui, qui a parlé, lui, de l'intégration, je dirais, culturelle et évidemment linguistique, mais on a eu un professeur émérite en économie, M. Pierre Fortin, qui, lui, a dit que la situation actuelle, avec le dérapage complet du gouvernement fédéral, c'était, je le cite : Une catastrophe économique et sociale. Et lui, il y est... les deux en ce moment. Donc, il appelle à un redressement important, pas juste pour une question économique, pour une question sociale, puisque les deux, souvent, sont liés, parce que difficultés économiques veut dire pauvreté, pauvreté veut dire problèmes sociaux.

Donc c'est intéressant de voir qu'on peut segmenter les éléments de la capacité d'accueil pour mieux la comprendre, mais, à la fin, c'est une seule et même personne qui occupe un logement, occupe un emploi, apprend la langue, adhère à la culture, devient un Québécois. Tout ça est interrelié.

Vous écrivez, page 10 : L'intérêt national du Québec en matière d'immigration diffère de l'intérêt général du Canada. Vous avez dit : Oui, au Canada, l'intérêt général, essentiellement, c'est d'être plus nombreux par rapport aux États-Unis, mais, d'après vous, c'est quoi, l'intérêt général du Québec en immigration? Pourquoi vous dites que c'est différent?

M. Vallée (Vincent) : Bien, en fait, on le fonde notamment sur les différences québécoises, puis il y a plusieurs éléments qui nous amènent à... Bien, tout d'abord, le Québec a un intérêt national. Le Québec est une nation, on le répète, bien, vous, notamment, dans la bouche des élus, et puis, bien, l'intérêt national du Québec, c'est la pérennité de sa nation, c'est la pérennité de sa vitalité culturelle dans le reste du Canada.

Je ne veux pas trop parler pour eux non plus, mais on voit que lorsqu'ils portent leurs réflexions, c'est moins davantage fondé sur les intérêts de la nation que sur les intérêts de ce qu'on appelle l'intérêt général du Canada ou les intérêts supérieurs du Canada, qu'ils ne sont pas nécessairement connectés à ceux de leur population. C'est pour ça, notamment, qu'eux, leurs commissions, ils les font davantage au niveau des commissions économiques, ils ne font pas nécessairement des commissions parlementaires comme ça, où ils vont inviter la population à commenter, etc.

M. Roberge : Peut-être une dernière question avant de laisser un collègue poursuivre l'échange avec vous. J'ai été un peu surpris quand vous avez dit : Écoutez, il ne faut pas faire de rupture d'engagement, c'est-à-dire que les gens qui sont ici doivent rester ici, faire attention avant d'inviter des nouvelles personnes, respecter notre capacité d'accueil. Mais, quand on parle de rupture d'engagement, quand on dit à quelqu'un : Bien, viens le temps de tes études ou viens pour un permis de trois ans et qu'arrive la fin de trois ans, c'est un permis temporaire qui commence telle date, qui finit telle date. À la fin du permis, on peut le renouveler ou pas. Pour moi, ce n'est pas une rupture d'engagement. La personne peut avoir demandé un permis temporaire en ayant dans sa tête l'idée de rester ici pour la vie, mais reste qu'elle a demandé un permis temporaire et qu'elle s'est fait remettre un permis temporaire.

Est-ce que vous pouvez extrapoler un petit peu? Est-ce que le Québec a l'obligation de rendre permanentes les 600 000 personnes temporaires sur le territoire du Québec? Ça me semble excessif et j'ai de la misère à penser que c'est votre interprétation de la chose.

M. Rousseau (Guillaume) : Oui. Peut-être deux choses. Effectivement, sur le plan légal, technique, l'engagement ici dont on parle, il est de trois ans. Donc, si jamais il y avait une politique de réduction qui souhaitait demander à la personne de quitter avant le terme de son permis... mais je vois que vous ne voulez pas aller là, donc, à ce moment-là, vous voulez aller dans...

M. Rousseau (Guillaume) : ...dans notre recommandation. Maintenant, la nuance est de voir : Est-ce qu'il n'y a pas parfois des gens qui vont recruter à l'étranger puis qui laissent croire que, oui, vous pourriez venir sur un permis temporaire, mais il y a de fortes chances que vous ayez un renouvellement ou que vous ayez accès à tel ou tel programme. Il peut y avoir de ça. Il y a des... Je pense qu'il y a des fonctionnaires de l'État québécois qui font du recrutement, donc, je ne suis pas au courant du détail de leur discours, mais il faudrait peut-être regarder, de ce côté-là, s'il n'y a pas un engagement, disons, peut-être un peu plus flou, mais qui irait dans ce sens-là. Puis je pense qu'il faut en tenir compte. Il y a peut-être des attentes raisonnables de la part de certains nouveaux arrivants. Puis, sinon, il n'y a pas que l'État québécois, au sens le plus strict, qui fait du recrutement à l'étranger. Les universités en font beaucoup. C'est pour des étudiants internationaux qui, la plupart, ne sont pas destinés à rester.

Mais ça démontre, donc, il y a beaucoup de Québécois qui vont recruter à l'étranger. Donc, c'est quoi, le discours qu'ils ont? Est ce qu'il n'y a pas certains d'entre eux qui laissent miroiter des possibilités de rester plus longtemps, auquel cas, légalement, il n'y a pas d'engagement de l'État québécois, mais, moralement, il y a quand même une question qui peut se poser dans certains cas?

M. Roberge : Merci pour cet éclaircissement. Si vous permettez, je laisserais le collègue poursuivre.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, M. le ministre. Alors, je pense que la discussion a suscité des questions chez Mme la députée de Vimont. Il vous reste encore 5 min 28 s.

Mme Schmaltz : Parfait. Merci, Mme la Présidente... la Présidente Bonjour, messieurs. Vous proposez la création d'un observatoire démographique dans votre mémoire. J'aimerais que vous développiez un petit peu son rôle. Quel rôle pourrait jouer cet observatoire dans, justement, dans tout ce qui a trait à la planification de l'immigration? C'est quoi, exactement?

Des voix : ...

M. Vallée (Vincent) : Bien, en fait, nous, ce qu'on remarque, c'est qu'on parle beaucoup d'immigration, on a des ministères sur l'immigration et que, bien, en fait, ce qu'on pense, c'est que, justement, au niveau de l'intérêt national, c'est plus intéressant de le fonder sur la question de la démographie. Et il n'y a pas, au Québec, d'institut pour étudier la question de la démographie, notamment la natalité de l'immigration, etc. Donc, on pense que ça pourrait nous permettre de regarder, de permettre de faire des meilleures planifications, de réfléchir en fonction de plusieurs indicateurs comme ça. Donc, ça, c'est une partie, puis peut-être Guillaume...

• (17 h 40) •

M. Rousseau (Guillaume) : Donc, c'est ça, c'est vraiment de dire qu'il faut réfléchir plus largement à la question de la démographie. Donc, natalité et immigration, ça va ensemble, alors habituellement, au Québec, on réfléchit les deux de manière séparée, parce que la natalité, c'est assez peu réfléchi et assez peu débattu comme un sous-thème du thème plus vaste la politique familiale. Et, d'autre part, il y a la politique d'immigration, rarement on met les deux ensemble. Or, je pense qu'on est rendu là comme société, à faire ce lien-là, parce que — encore là, c'est une hypothèse — mais certains pensent que la crise du logement qui est liée à plusieurs choses, mais notamment des hauts taux d'immigration, ça peut nuire au taux de natalité. Évidemment, quand on est un jeune couple puis qu'on a la misère à se loger, on peut repousser à plus tard le premier enfant puis, au bout du compte, avoir moins d'enfants que prévu. Donc, il y a des liens entre natalité et immigration, mais c'est une espèce... des politiques québécoises.

Alors, si on avait un observatoire, par exemple de la démographie, on pourrait vraiment penser ces deux enjeux-là qui sont liés, de manière justement liée, pour avoir des meilleures politiques publiques. Là, on est conscient que le contexte budgétaire n'est peut-être pas propice à la création de nouveaux observatoires ou autres, d'où l'autre idée qui serait d'interpréter le mandat du commissaire à la langue comme pouvant lui permettre de se pencher sur la question de la natalité en lien avec l'immigration et la langue.

Mme Schmaltz : Merci. Je vais laisser... Je pense qu'il y a un collègue aussi qui voulait...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) :  Merci beaucoup. Le député de Jonquière, il reste encore trois minutes.

M. Gagnon : C'est vraiment intéressant. Bienvenue à notre institut de recherche. J'ai bien aimé, puis je vais en profiter de manière un peu plus transparente, c'est-à-dire un peu un peu crue en fin de journée. Dans votre mémoire à la page 4, 5, c'est intéressant ce que vous dites, vous dites que le Canada comme un mouvement mondial et pas unique, c'est un peu une immigration comme levier à la démographie puis à l'économie. C'est un peu ça qu'on mentionne. Puis je viens d'une région, vous comprendrez, Saguenay—Lac-Saint-Jean, où est ce que la démographie, en économie aussi, en immigration, dans le domaine manufacturier, ça nous touche. Quand vous parlez des deux, ça m'atteint énormément, puis j'ai le goût de vous entendre.

Puis vous parlez aussi, avec ce mouvement-là mondial, dans lequel fait référence le Canada, sur quoi on s'appuie, bien, si on n'y va pas vers une évaluation rigoureuse, que ça peut avoir des effets à long terme. Et, quand je parle, là, que, dans mes dernières questions, un peu plus transparent, un petit peu plus cru... transparent, qu'est-ce que vous voulez dire par effet à long terme?

M. Vallée (Vincent) : Bien, c'est que l'immigration d'abord, c'est... il faut... c'est une personne qui arrive là, ce n'est pas du matériel, c'est vraiment des gens. Puis ces gens-là vont arriver, ils vont s'établir, ils vont avoir des familles, ils vont fréquenter des écoles, donc...

M. Vallée (Vincent) : ...l'immigration, en fait, ça touche tous les domaines de la société, hein? Ça, je pense que vous êtes au courant. Et généralement on va en parler beaucoup, en tout cas dans la discussion, sur les questions qui touchent l'économie. Puis, oui, ça va avoir des effets économiques à long terme. Mais il va y avoir des effets sur plusieurs... sur à peu près tous les domaines de notre société. Et, ce qu'on voit, c'est qu'on évalue souvent l'immigration sur du terme assez court, alors que l'immigration, c'est quelque chose qui dure sur du temps long.

M. Gagnon : Je vais faire du pouce. Quand vous mentionnez, vous en parlez un petit peu plus tard dans votre rapport, la capacité d'accueil matérielle qui peut être un impact aussi sur le long terme, j'imagine, évaluer cette capacité d'accueil matérielle là, est-ce qu'on... est-ce que vous avez des pistes de solutions avec des indicateurs précis, on pourrait dire?

M. Vallée (Vincent) : Bien, on avait noté les écoles, entre autres, bien, les infrastructures en santé, les infrastructures... les garderies, les transports, si on doit donner quelques exemples à ce niveau-là. Oui.

M. Rousseau (Guillaume) : C'est sûr, ici, il faut regarder... C'est sûr qu'on peut toujours plaider pour une augmentation de cette capacité. Donc, on peut toujours dire : Bon, il manque des écoles, on a juste à construire des écoles, il manque des logements, on a juste à construire. Et évidemment, il y a un peu de vrai là-dedans, parce que la crise du logement, c'est le déséquilibre entre offre et demande, donc il faut jouer sur les deux. Mais aussi, il ne faut pas perdre l'aspect qualitatif. Tu sais, par exemple, à l'heure actuelle, pour différentes raisons, mais notamment en raison des classes de francisation, on construit des classes, des nouveaux pavillons dans des écoles en matériaux préfabriqués, puis souvent, c'est à même la cour de récréation. C'est le cas à Sherbrooke, entre autres. Donc, il faut... il faut calculer, donc, effectivement le nombre d'écoles, et tout. Mais là, ensuite, quelle qualité dans les nouvelles écoles? Est-ce qu'on est capables de... Est-ce qu'on est capables de le faire avec des nouvelles écoles qui sont belles, et tout, en prenant le temps qu'il faut pour bien le faire ou est-ce qu'on fait ça en matériaux préfabriqués en prenant la moitié de la cour de récré puis en diminuant la qualité de vie des élèves pendant leur récréation? Donc, il faut aussi garder le côté qualitatif, je pense, et pas être seulement sur le quantitatif, même si le quantitatif est à la base de la réflexion.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. On va poursuivre la discussion avec le député d'Acadie pour 16 minutes 30 secondes.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente.

Alors, M. Vallée, Dr Rousseau, bonjour. Merci d'être là avec nous en cette fin de journée. Merci pour votre mémoire. Question large au départ. Votre institut de recherche, parce que je vois, Docteur Rousseau, que vous êtes professeur titulaire à l'Université de Sherbrooke, est-ce que c'est affilié à l'université? Ça fonctionne comment? Ou c'est un truc totalement indépendant?

M. Rousseau (Guillaume) : Non. C'est vraiment un institut de recherche privé, donc indépendant. À l'origine, c'était associé au Mouvement national des Québécois. Mais maintenant on est en phase d'autonomisation, donc on... Voilà.

M. Morin : Parfait. Merci. Deuxième question. Parce qu'en fait vous le soulevez dans votre... dans votre mémoire, à la page trois, ça a piqué ma curiosité. Vous parlez de la Nouvelle-France. Vous dites que l'immigration y est donc demeurée limitée. Est-ce que vous avez analysé l'impact de l'édit de Fontainebleau sur l'immigration en Nouvelle-France?

M. Vallée (Vincent) : Pas personnellement. En fait, j'ai consulté des historiens pour faire cette partie-là. Mais, ça, je ne l'ai pas... Non.

M. Rousseau (Guillaume) : Mais on le note parce que vous avez deux férus d'histoire ici, deux amateurs d'histoire, donc on note ça. C'est... C'est vraiment... C'est intéressant. Ça pique notre curiosité, je pense.

M. Morin : Parfait. Excellent! Merci. On continue, page 17, les sommets régionaux. Est-ce que vous pensez qu'on... Parce qu'on essaie, là, de contrôler, planifier, là, l'immigration. Est-ce que vous pensez que des sommets régionaux, par exemple avec les acteurs socioéconomiques, feraient en sorte qu'on pourrait avoir une meilleure idée finalement des gens qu'on pourrait inviter, où ils pourraient s'installer? Est-ce que c'est ce que vous avez en tête quand vous parlez d'états généraux? Moi, j'ai la régionalisation, j'ai les régions à cœur. Est-ce que c'est de ça dont vous faites référence?

M. Vallée (Vincent) : Bien, c'est une excellente question. Merci d'attirer l'attention sur cette question-là. On avait eu une réflexion justement sur le fait qu'en fait on... La question des états généraux, ça vient vraiment d'une préoccupation du fait que, lorsqu'on discute de la question de l'immigration, c'est explosif, hein, cette question-là, puis on a de la difficulté à aller dans la précision, d'aller rechercher de l'information. Et on sait que, dans l'histoire du Québec, le Québec s'est développé sur beaucoup de sommets, hein, des sommets en éducation, des grands sommets sur la langue française, sur la nation, etc., des états généraux. Donc, ce qu'on propose, c'est l'idée d'avoir des états généraux. Évidemment, le monde économique serait invité, mais également le milieu communautaire, les différents instituts de recherche, donc la société civile, qu'ils puissent discuter, qu'on puisse en discuter de manière posée, des citoyens également qui puissent parler, faire part de leurs préoccupations, même si, des fois, on le sait que ça peut devenir chaud, comme... des fois, comme débat, mais, des fois, c'est important que les gens puissent s'exprimer pour qu'ils puissent exprimer leurs inquiétudes et qu'on puisse les entendre. Donc, ce serait vraiment dans...

M. Vallée (Vincent) : ...dans une optique démocratique qu'on ferait ces états généraux là.

M. Morin : Parfait. Maintenant, toute la question des travailleurs temporaires, ça a alimenté beaucoup le débat et plusieurs articles dans des journaux. Il y a le Québec, en vertu de l'Entente Québec Canada a une compétence d'ailleurs. Le Québec émet un grand nombre de certificats, mais le fédéral a aussi un programme qu'on appelle le PMI, qui est indépendant. Est-ce que vous pensez que ce serait bien de rapatrier le PMI, compte tenu de l'entente qu'on a avec le fédéral pour que le Québec soit capable de contrôler l'ensemble des temporaires?

M. Rousseau (Guillaume) : Oui. Et là vous posez une question à deux personnes qui enseignent le droit constitutionnel. Donc, vous... Vous nous voyez ravis de...

M. Morin : C'est pour ça que je vous pose la question.

M. Rousseau (Guillaume) : Absolument. Et ça me permet d'attirer votre attention sur quelque chose qui est assez peu connu. Ce qui est connu, c'est que la compétence en matière d'immigration, elle est partagée avec une prépondérance fédérale. Donc ça, c'est connu. Mais si vous lisez le détail de l'article, et c'est 95, là, si je ne me trompe pas, si vous lisez le détail de l'article 95 de la Loi constitutionnelle de 1867, vous allez remarquer qu'on parle de... Quand on parle de la compétence de la législature... des législatures provinciales... En fait, je vais vous la lire parce que ça vaut vraiment la peine. Donc, c'est bien ça. Article 95 de la Constitution de 1867 : «Dans chaque province, la législature pourra faire des lois relatives à l'agriculture et à l'immigration dans cette province. Il est par la présente déclaré que le Parlement du Canada pourra faire de temps à autre des lois relatives à l'agriculture et à l'immigration.»

Donc, vous voyez, dans le libellé de 95, c'est comme si la compétence fédérale, en fait, c'est une compétence d'exception, alors que généralement... Puis là, plus loin, si je continuais de lire l'article, on verrait qu'elle a une prépondérance fédérale. Ça fait que, souvent, on a eu le réflexe de dire que c'est une compétence partagée avec prépondérance fédérale, donc comme si c'est le fédéral qui a le gros bout du bâton. Mais ce serait plus juste de dire, si on se fie au texte, puis il n'y a pas une tonne de jurisprudence, puis c'est, si je ne vous dis pas que je vous donne un argument, puis vous partez avec ça, puis vous êtes sûr de gagner, mais il y a vraiment quelque chose là. C'est en fait une compétence de principe provincial, une compétence d'exception fédérale avec prépondérance fédérale a cette compétence d'exception. Donc, c'est plus subtil. Donc, moi, je pense vraiment que les mots, de temps à autre, à l'article 95, donnent au Québec la possibilité, à un moment donné, si le fédéral en mène trop large, de faire du «push back» constitutionnel avec du «hard ball» constitutionnel, si vous me permettez les anglicismes. Mais évidemment, le plan A, c'est toujours de négocier, de bonifier l'entente et tout. Donc, je pense que, par la voie administrative, ce que le Québec a fait, c'est vraiment des gains intéressants, mais je voulais attirer votre attention sur le fait que, juridiquement, à mon avis, bien plaider dans une bonne cause, les mots «de temps à autre» ici pourraient amener les tribunaux à reconnaître que la compétence fédérale en matière d'immigration et accessoirement l'agriculture, elle est d'exception, bien qu'elle soit prépondérante.

• (17 h 50) •

M. Morin : Donc, ce serait possible.

M. Rousseau (Guillaume) : Je pense que oui. Et ce serait souhaitable. Et pour répondre encore plus directement à votre question, mais je me suis permis de mettre un tout petit peu à côté, mais oui, effectivement, le rapatriement des compétences en matière d'immigration, et je fais un lien avec ce que vous disiez plus tôt au niveau de la régionalisation. En fait, moi, j'ai fait une thèse dans laquelle j'essayais de démontrer que la logique de répartition des compétences, et ça vaut pour fédéral-Québec, Québec-municipalités, la logique, là, c'est que ce qui relève de l'identité nationale, ça doit être l'État national du Québec qui s'en occupe. La langue, ça doit être l'État québécois. Personne n'imagine qu'on décentralise, puis qu'on laisse les municipalités décider de la langue de l'affichage commercial. Personne n'imagine ça, alors que ça se fait dans d'autres provinces parce qu'au Québec, ce qui relève de l'identité nationale, c'est le Québec. Ce qui ne relève pas de l'identité nationale et qui permet d'avoir un grand marché canadien, le fédéral peut s'en occuper. Ce qui ne relève pas de l'identité nationale et qui est relatif à des services quotidiens, les municipalités doivent s'en occuper. Mais tout ce qui est de l'identité nationale, l'État québécois, de manière centralisée, a toute la légitimité pour s'en saisir. Donc, oui, il peut y avoir de la régionalisation, oui, il peut y avoir des partenariats avec les municipalités. Oui, le fédéral peut avoir un rôle à jouer pour une libre circulation itou pour le grand marché canadien, mais c'est d'abord et avant tout l'État québécois qui doit être maître d'oeuvre. Et il y a vraiment des bons arguments en termes de subsidiarité identitaire à faire valoir pour ça.

M. Morin : Je vous remercie. Finalement, c'est plus un commentaire. Je crois que vous avez souligné que vous voulez favoriser l'immigration française. C'est ce que j'ai compris, française, pas francophone, française, donc de la France.

M. Rousseau (Guillaume) : Bien, en fait, on a... L'expression qu'on utilise, c'est cercles concentriques, c'est-à-dire qu'on devrait d'abord prioriser l'immigration française. Puis là, ensuite, ça pourrait être suisse-francophone, francophone belge, ensuite la francophonie du monde entier. Mais si on est dans un contexte de réduction, bien là, possiblement qu'effectivement c'est l'immigration française qui est la priorité des priorités. Puis si, une année, on est dans un contexte d'expansion, qu'on en a un peu plus, alors là, effectivement, on pourrait élargir les bassins. Mais là, là, ce que je comprends, c'est qu'on peut être dans un... On est un petit peu plus dans un contexte de réduction, tout en respectant ceux qui sont déjà là. Alors, c'est dans ce contexte-là que l'immigration française nous semble devoir être priorisée. On le voit entre autres dans nos universités. Moi, je dirige un programme universitaire, puis je pense que s'il n'y avait pas d'étudiants français, il ne serait peut-être pas rentable, mon programme universitaire. Donc, c'est un exemple parmi d'autres. Et les étudiants français réussissent bien...

M. Rousseau (Guillaume) : ...au marché du travail. Et comme je vous dis, la relation internationale avec la France est tellement stratégique qu'il faut faire attention à la question des immigrants français, qui me semble plus délicate encore, plus stratégique que celle des autres immigrants, même si évidemment tous les immigrants sont importants.

M. Morin : Et si je vous ai bien compris, vous avez dit qu'il ne faudrait pas que ça affecte la relation que l'on a avec la France. Et désolé de terminer sur une note un peu négative, mais moi, je peux vous dire que, dans mon bureau de comté, j'ai plusieurs Français qui sont venus me voir. La suspension du PEQ et la suspension des programmes, ils sont désespérés, ils vont retourner chez eux.

M. Rousseau (Guillaume) : Bien, c'est exactement... Vous confirmez ce que... les informations qu'on a eues aussi. Donc, il faut vraiment faire attention à ça. Pour toutes sortes de bonnes raisons, il y a probablement une réduction des seuils à faire, mais il y a une attention particulière à avoir pour nos... j'allais dire nos compatriotes, tout à fait, nos cousins, donc, immigrants français.

M. Morin : Merci. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, c'est tout. Messieurs, merci beaucoup d'avoir pris part à nos travaux. Vous avez enrichi nos travaux, assurément. Alors, pour les collègues, je vous remercie donc tous et toutes.

Et la commission ajourne ses travaux au mardi 7 octobre 2025, à 9 h 45. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 53)


 
 

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