Journal des débats (Hansard) of the Committee on Citizen Relations
Version préliminaire
43rd Legislature, 2nd Session
(début : September 30, 2025)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Thursday, October 2, 2025
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Vol. 48 N° 2
General consultation and public hearings on the consultation document entitled “Planning of Immigration to Québec for the 2026-2029 Period”
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11 h 30 (version non révisée)
(Onze heures quarante-quatre minutes)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte.
La commission est réunie afin de
poursuivre les auditions publiques sur... dans le cadre de la consultation
générale sur le cahier de consultation... intitulé, pardon, La planification de
l'immigration au Québec pour la période 2026-2029.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve) est remplacé par M. Fontecilla
(Laurier-Dorion) et MM. Bérubé (Matane-Matapédia) par M. Boissonneault
(Arthabaska).
La Secrétaire : Merci
beaucoup. Alors, bienvenue, Mesdames et Messieurs les élus. Nous entendrons ce
matin les groupes suivants : la commission de la langue française et M.
Pierre Fortin.
Je souhaite donc la bienvenue à nos
premiers intervenants, c'est-à-dire les représentants du commissaire de la
langue française, M. Rodolphe Parent, M. Benoît Dubreuil ainsi que M. Dominic
Bédard, mais nous avons également, en visioconférence, M. Éric Poirier.
Alors, messieurs, bienvenue. Vous
connaissez un peu la procédure, 10 minutes pour vous présenter ainsi qu'évidemment
présenter l'essentiel de votre mémoire, par la suite on va avoir une discussion
avec les parlementaires. La parole est à vous.
M. Dubreuil (Benoît) : Bonjour.
Merci beaucoup, merci de nous recevoir aujourd'hui. Donc, je suis accompagné,
comme vous l'avez mentionné, du nouveau commissaire adjoint, Éric Poirier,
Dominic Bédard, secrétaire général, et Rodolphe Parent, professionnel de
recherche.
On est ici pour discuter du mémoire que
nous avons déposé. Les recommandations qui y sont proposées s'appuient sur les
travaux qu'on a publiés en fait depuis la création du commissaire en 2023.
Elles portent sur les différentes composantes d'immigration, soit temporaire et
permanente. Dans un premier temps, nos recommandations visent à accroître le
niveau de connaissance du français à l'arrivée au Québec. Notre insistance sur
ce point s'appuie sur un constat simple à savoir que nos efforts de
francisation ont eu, jusqu'à présent, et conserveront, selon toute
vraisemblance, une portée limitée. Comme on l'a montré dans nos travaux, la
plupart des participants aux cours de français gouvernementaux n'y reste pas
suffisamment longtemps pour apprendre à parler le français couramment. Par
ailleurs, parmi les immigrants qui ignorent le français à l'arrivée, la plupart
connaissent l'anglais et ont ainsi tendance à adopter cette langue à l'arrivée
et à la maintenir par la suite.
Donc, je rappelle que traditionnellement,
au Québec, on a environ plus ou moins le tiers des immigrants qui vont plutôt
avoir tendance à adopter l'anglais et il faudrait réduire cette proportion d'environ
la moitié pour maintenir le poids relatif du français dans la société.
Dans notre mémoire, on souligne que l'exigence
de connaissance du français, qui est désormais imposée à tous les immigrants
économiques, contribuera de manière importante à améliorer la situation.
Cependant, on recommande aussi d'imposer une connaissance minimale du français
pour les travailleurs étrangers temporaires et d'accroître...
M. Dubreuil (Benoît) : ...de façon
substantielle la part des étudiants étrangers qui étudient en français.
Rappelons à ce sujet que tous les immigrants, qu'ils soient permanents ou
temporaires, doivent maintenant pouvoir s'exprimer en français pour recevoir
des services du gouvernement du Québec. Lors de la consultation précédente,
donc en 2023, j'avais souligné que le fait de connaître le français à l'arrivée
n'était pas une garantie que les gens allaient par la suite l'utiliser. Donc,
pour cette raison, j'avais recommandé au MIFI de se doter d'un mécanisme de
suivi et d'une cible d'utilisation du français au travail et dans l'espace
public, que je fixais à 85 %. Alors, je considère que c'est une
recommandation qui est toujours pertinente.
Cela dit, depuis deux ans, avec mon
équipe, on a eu l'occasion d'étudier plus en détail les facteurs qui favorisent
l'adoption du français comme langue habituelle. Plus particulièrement, il y a
trois facteurs qui nous semblent très importants et prédire une utilisation
prédominante du français, qui ont aussi l'avantage d'être faciles à appliquer
sur le plan administratif. Ces facteurs sont les suivants : il y a le fait
d'être installé de manière durable à l'extérieur de Montréal et de Gatineau; il
y a le fait d'avoir étudié de manière prolongée en français dans un
établissement francophone; et il y a le fait de travailler dans un secteur où
le français réussit à bien se maintenir.
La présence au Québec d'un nombre
important de résidents non permanents, dont plusieurs souhaitent accéder à la
résidence permanente, nous donne la possibilité de sélectionner des personnes
qui non seulement connaissent le français, mais aussi qui ont toute
probabilité, en fait, de l'adopter de façon habituelle. Nous estimons donc que
le MIFI ne devrait pas se limiter à prioriser le recrutement d'immigrants
économiques déjà présents au Québec mais qu'il devrait admettre uniquement des
gens qui sont déjà présents au Québec et déjà intégrés de façon durable dans un
environnement francophone. D'un point de vue opérationnel, on propose
d'appliquer un filtre, comme on le fait déjà avec la connaissance du français,
en invitant au PSTQ exclusivement les personnes qui ont évolué pendant au moins
trois ans dans au moins l'un des contextes suivants, donc : à l'extérieur
des régions de Montréal et de Gatineau; dans un établissement d'enseignement
francophone; dans un secteur économique où le français se maintient fortement.
En annexe de notre mémoire, on présente d'ailleurs une liste des secteurs
économiques, pour les régions de Montréal et de Gatineau, où les francophones
réussissent à travailler en français dans une grande majorité.
Par ailleurs, depuis 2023, nous nous
sommes intéressés à la question de l'intégration des personnes immigrantes, en
lien avec l'objectif de la Charte de la langue française de faire du français
une langue d'adhésion et de contribution à la culture québécoise. Nous avons
constaté que les politiques menées au cours des dernières décennies n'ont pas
permis de faire naître chez plusieurs personnes issues de l'immigration un
sentiment de pleine adhésion et de pleine participation à la société
québécoise. C'est un constat qui, je crois, est assez largement partagé et qui
a probablement incité le gouvernement à adopter la Loi sur l'intégration à la
nation québécoise.
• (11 h 50) •
Dans le cadre des consultations sur ce projet
de loi, nous avons fait valoir que la seule manière de cultiver l'adhésion à la
culture commune était de favoriser la création de liens suffisamment nombreux
et suffisamment significatifs entre les personnes qui sont issues de
l'immigration et celles qui ne le sont pas, que ce soit dans les écoles, dans
les établissements postsecondaires, dans les milieux de travail ou dans les
milieux associatifs. Nous avons soutenu que, pour y arriver, la politique sur
l'intégration que prépare le gouvernement devrait prévoir des mesures pour
assurer la mixité des milieux d'accueil et accroître la fréquence des
rapprochements interculturels positifs.
Malheureusement, aujourd'hui, la
concentration de l'immigration dans les régions de Montréal et de Gatineau
vient réduire considérablement les possibilités d'organiser des contacts
positifs entre immigrants et non immigrants, que ce soit dans les écoles, dans
plusieurs milieux de travail et dans plusieurs milieux associatifs. Pour cette
raison, en attendant l'adoption d'une politique d'intégration efficace, nous
proposons d'admettre au PSTQ uniquement les personnes qui sont établies de
manière durable en dehors de Montréal et de Gatineau. Prochainement, par
ailleurs, nous présenterons des propositions plus concrètes visant
spécifiquement la politique sur l'intégration que prépare le gouvernement.
Ça m'amène à la question des volumes
d'admission. Le gouvernement propose trois scénarios, entre 25 000 et
45 000 personnes. Pour reprendre l'argument que j'ai présenté à la consultation
précédente, le scénario le plus élevé pourrait ne pas être problématique, mais
seulement si le MIFI peut nous garantir que les personnes admises non seulement
connaissent le français, mais aussi sont intégrées dans des milieux où le
français est la langue habituelle et ont eu l'occasion d'établir des contacts
positifs et significatifs avec des personnes qui ne sont pas issues de
l'immigration. En d'autres mots, pour accueillir un nombre plus élevé
d'immigrants tout en atteignant les objectifs de la Charte de la langue
française, il faudrait appliquer des filtres similaires à ceux que j'ai décrits
et doter le Québec d'une politique d'intégration efficace...
M. Dubreuil (Benoît) : ...Par
ailleurs, nous recommandons au gouvernement du Québec de réduire légèrement la
part de l'immigration économique de façon à rétablir un équilibre à long terme
entre celle-ci et le regroupement familial. L'augmentation de la part de
l'immigration économique, depuis plusieurs années, a contribué à créer un
goulot d'étranglement du côté du regroupement familial, ce qui n'est pas
souhaitable ni soutenable à long terme.
Je mentionne cependant que l'utilisation
du français parmi les personnes parrainées demeure encore trop faible et qu'il
faut impérativement trouver des manières de l'accroître en travaillant avec le
gouvernement fédéral. Sur la part....
Bon. Ça m'amène à parler en fait des
autres catégories d'immigration, celles que le Québec ne contrôle pas. Alors,
du côté de l'immigration temporaire, nous sommes d'accord avec le gouvernement
pour dire que la gestion fédérale du programme de mobilité internationale nuit
considérablement au français et, de notre point de vue, ne respecte pas
l'esprit de l'Accord Canada-Québec en immigration. Nous réitérons que la connaissance
du français devrait être exigée à l'obtention d'un permis de travail
post-diplôme et du permis de travail de conjoint. Rappelons que les services
publics du Québec sont donnés exclusivement en français en vertu de la Charte
de la langue française, même auprès des immigrants qui arrivent par une voie
que le Québec ne contrôle pas, et le gouvernement fédéral devrait en prendre
acte.
Pour ce qui est de la multiplication des
politiques d'intérêt public, elles sont souvent déployées par Ottawa à des fins
humanitaires, mais sans aucune stratégie de francisation ou d'intégration des
personnes admises. Ce problème est semblable à celui avec l'accueil des
personnes demandeuses d'asile, dont le nombre continue d'être très élevé.
Alors, j'en ai parlé dans mes rapports et je souhaite de nouveau tirer la
sonnette d'alarme quant à l'absence de stratégie crédible qui permettrait
d'assurer la francisation et l'intégration à la culture québécoise des quelque
200 000 personnes arrivées au cours des dernières... 10 dernières
années comme demandeurs d'asile. Pour l'instant, les demandeurs d'asile ont
accès à des services de première ligne. Cependant, en dehors d'une prise en
charge de quelques jours à leur arrivée, ces personnes sont pour l'essentiel
laissées à elles-mêmes. Alors, si elles parlent anglais, il y a de fortes
chances qu'elles adoptent cette langue de manière habituelle. Si elles parlent
seulement une langue tierce, elles sont susceptibles de se trouver dans une
situation de grande vulnérabilité, voire à la merci d'employeurs ou
d'intermédiaires mal intentionnés.
Alors, pour l'instant, les sommes qui sont
réclamées par Québec à Ottawa ne visent qu'à couvrir le coût des services qui
sont imputés directement aux demandeurs d'asile, elles n'ont rien à voir, de
mon point de vue, avec les investissements réels qui seraient nécessaires pour
assurer leur francisation et leur intégration à long terme. Nous réitérons donc
que le gouvernement du Québec doit exiger une réforme du système d'asile
canadien ainsi que la conclusion d'une entente fédérale-provinciale qui
assurerait la répartition des demandeurs d'asile à travers le Canada ainsi que
leur prise en charge complète pendant la durée nécessaire à leur francisation
et à leur intégration. Voilà. Alors, j'arrive à ma conclusion et je vous
remercie, en fait, de votre attention.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup pour cette présentation. On va commencer les
échanges avec les parlementaires. Je me tourne du côté de la banquette
gouvernementale avec M. le ministre, vous bénéficiez d'une période de 14 min 15
s.
M. Roberge : Mme la
Présidente, je salue à nouveau les collègues qui sont présents des deux côtés
de la table. Merci à l'équipe du Commissaire à la langue française d'apporter
cet angle de la langue française puis, au-delà de ça, langue de la culture
québécoise, l'intégration. Vous avez fait référence à notre nouveau modèle
d'intégration, à l'intégration nationale qui passe à travers la langue
française.
Quelques questions sur des points que vous
avez soulevés, peut-être pour mieux comprendre votre proposition et la
réflexion derrière. Vous avez parlé du permis de travail postdiplôme. Vous avez
dit qu'il faudrait avoir une maîtrise du français, donc, et c'est gouvernement
fédéral qui émet ce permis de travail, ce n'est pas nous malheureusement. Ce
n'est pas déjà le cas, en réalité, on offre le choix aux gens de démontrer la
connaissance du français ou de l'anglais. Vous souhaiteriez qu'il en soit
autrement. Pouvez-vous développer un peu?
M. Dubreuil (Benoît) : Absolument.
C'est-à-dire qu'en ce moment, les gens qui obtiennent un permis de travail
postdiplôme doivent démontrer un niveau, niveau 7, soit en français, soit
en anglais. L'enjeu, évidemment, comme vous le savez, c'est que parmi les
étudiants étrangers au Québec, vous avez 40 à 45 % des gens historiquement
qui vont être inscrit dans un établissement anglophone. Le taux de connaissance
du français parmi ces gens-là, il est très, très faible, on l'a démontré dans
nos travaux sur les migrations temporaires. Donc, ça représente un gros bloc de
personnes, quand on parle du PMI, là, donc la composante la plus importante,
évidemment, c'est les titulaires de permis postdiplôme et les conjoints, le
taux de connaissance du français dans cette catégorie, il est très faible.
Donc, l'objectif en demandant un niveau 7, évidemment, c'est de s'assurer
que les gens qui restent au Québec de manière durable ont les compétences
linguistiques qui vont leur permettre de fonctionner en français, de travailler
en français...
M. Dubreuil (Benoît) : ...et
je dis que ça va un peu à l'encontre de l'esprit de l'accord Canada-Québec, je
m'explique. C'est que l'accord Canada-Québec visait à transférer au
gouvernement du Québec la responsabilité de l'immigration qui était de nature
économique, ce qui n'était pas de nature humanitaire ou morale. Alors, le
permis de travail post-diplôme, il a été inventé pour faire le pont entre les
permis d'études et l'accès à la résidence permanente. Alors , c'est... L'absurdité,
elle est là. C'est que, le gouvernement québécois, on reconnaît sa légitimité
sur les permis d'études et sur l'immigration économique, mais le morceau qui
est entre les deux, qui sert à faire le pont entre l'un et l'autre, il est
resté sous la gouverne du gouvernement fédéral. Alors, pour moi, c'est très
problématique comme situation.
M. Roberge : Oui,
probablement même incohérent, d'autant plus qu'on a une langue officielle au
Québec dans notre Charte de la langue française, c'est la langue française.
Donc, le permis de travail devrait être donné si on maîtrise la langue
officielle de l'État où on veut s'installer. Ici, c'est le Québec, c'est le
français.
Et je vais permettre un petit commentaire
éditorial. Certaines institutions anglophones auraient pu utiliser les fonds
pour franciser leurs étudiants, tel qu'on leur demandait de le faire, pour
qu'ainsi ils maîtrisent la langue et obtiennent ce permis-là plutôt que de
contester des règles où on évitait de franciser. Ça aurait été, disons, une
meilleure utilisation des fonds en enseignement supérieur.
Pour ce qui est du programme Mobilité
internationale, qui relève d'Ottawa encore, vous dites qu'il faudrait que le
gouvernement fédéral exige encore une fois la maîtrise du français. On est bien
d'accord avec ça. Ottawa a ouvert la porte, mais pour certains, certaines
personnes du programme Mobilité internationale, pas 100 %. Est-ce que vous
croyez que ça devrait être 100 % et est-ce que vous croyez qu'on devrait
inclure les conjoints, conjointes de ces personnes?
M. Dubreuil (Benoît) : Alors,
pour moi, les composantes les plus évidentes, c'est celles que j'ai
mentionnées, là, c'est le permis post-diplôme et les conjoints. C'est quand
même un gros, gros morceau, là, dans le PMI. Ensuite, il y a un certain nombre
d'exceptions qui sont liées aux accords de libre-échange qui permettent une
mobilité de la main-d'oeuvre pour des travailleurs qui sont très, très, très
spécialisés interentreprises. Ça, de mon point de vue, c'est des exceptions qui
sont peut-être un petit peu moins importantes en termes de nombre. Aussi, on
sait que, dans le PMI, il y a une grosse partie que c'est le... voyons, comment
on dit... travail-vacances, en fait, là. Bien, ça, c'est beaucoup, beaucoup des
Français. Donc, dans cette catégorie-là, il n'y a pas vraiment d'enjeux. Les
enjeux pour moi, donc j'y reviens : le post-diplôme, les conjoints. Donc,
oui, je pense qu'on pourrait demander un minimum de français avant la
délivrance d'un permis de conjoint, on pourrait discuter du niveau.
• (12 heures) •
Et l'autre qui est très, très important,
c'est les PMI qui sont délivrés pour les politiques d'intérêt public, hein?
Donc, ça, c'est un enjeu, on l'a vu. Prenons le cas des Ukrainiens, par
exemple. C'est peut-être le cas le plus important ces dernières années. On a
une réponse du gouvernement du Canada qui est tout à fait légitime à une
situation internationale. Il y a des gens qui arrivent avec des permis de
travail, mais quel est le plan à long terme? Quel est le plan à long terme, par
exemple, avec tous les Ukrainiens qui sont venus sur des PMI? Est-ce que le
but, c'est que les gens, éventuellement, retournent dans leur pays ou on pense
que c'est bien d'avoir un chemin vers la résidence permanente pour la plupart
d'entre eux? Quand on utilise des outils comme ceux-là pour générer des
réponses à des crises humanitaires, on crée des situations à long terme qui
deviennent assez rapidement difficiles à gérer.
Alors, moi, je pense, le gouvernement du
Canada peut avoir la légitimité de créer des programmes comme ça pour répondre
à des situations internationales exceptionnelles, mais, s'il n'y a pas de plan
pour que les gens retournent dans leur pays, à ce moment-là, il faut mettre des
fonds pour que les gens s'intègrent. Puis, dans le cas des Ukrainiens, par
exemple, ça n'a pas été fait. Il y a eu des petites allocations qui ont été
mises sur pied, mais on n'a pas payé les gens, couvert la subsistance des gens
pendant l'année ou l'année et demie dont ils auraient eu besoin pour vraiment
devenir bons en français. Vous comprenez? C'est-à-dire qu'on prend des
décisions à court terme sans réfléchir à la francisation à long terme, parce
que, du côté fédéral, visiblement, on n'a pas envie de mettre les centaines de
millions, voire les milliards de dollars qui seraient nécessaires pour prendre
réellement en charge ces personnes-là. C'est le même problème, à mon avis, du
côté des demandeurs d'asile.
M. Roberge : Merci. Puis,
parlant des demandeurs d'asile, quand je regarde à la fois... au début, il y
avait le tableau synthèse, des recommandations, que ce soit la 5 ou la 11, vous
parlez d'une répartition : «Le gouvernement du Québec doit exiger une
réforme des systèmes d'asile canadien et la conclusion d'une entente fédérale-provinciale
qui assurera la répartition des demandeurs d'asile... leur prise en charge
complète». D'après vous, ça devrait être à l'entrée, ça devrait être au moment
de l'émission du permis de travail? Est-ce qu'on pourrait leur donner un permis
de travail géolocalisé, par exemple, pour assurer une juste répartition de
demandeurs d'asile à l'intérieur du Canada? À quoi vous pensez quand vous avez
écrit «répartition» à la fois dans votre recommandation 5 et 11?
M. Dubreuil (Benoît) : ...avec
la question du permis de travail. Je sais que les gouvernements qui ne veulent
pas...
12 h (version non révisée)
M. Dubreuil (Benoît) : ...dépenser
trop pour soutenir les demandeurs d'asile trouvent qu'en général c'est une
bonne idée de donner très, très rapidement des permis de travail.
Mais je reviens à mon rôle, là. Quand vous
avez quelqu'un qui arrive au Québec qui ne parle pas français, puis vous lui
donnez un permis de travail, il y a deux choses qui peuvent arriver. La
première, c'est que cette personne0là parle anglais et elle va aller s'insérer
dans un milieu plutôt anglophone. On ne peut pas lui reprocher. C'est normal.
Et, la deuxième possibilité, c'est que la personne ne parle ni l'un ni l'autre
des deux langues. Et là, à ce moment-là, moi, je pose la question : Est-ce
que cette personne-là est vraiment protégée? Moi, je pense qu'arriver à
Montréal maintenant, avec l'aide sociale, vous ne parlez pas français, vous ne
parlez pas anglais, c'est quoi votre plan pour ne pas être vulnérable? Vous
êtes vulnérable. Vous êtes vulnérable. Donc, c'est quoi, le plan, par rapport à
ces gens-là quand on leur donne un permis de travail? Moi, je pense qu'on
devrait se doter, au Québec, d'un système. Je sais, en Europe, il y a plusieurs
systèmes justement où il y a une prise en charge des gens. Et je ne dis pas que
c'est des systèmes qui fonctionnent nécessairement très bien. C'est des
systèmes qui coûtent cher, c'est des systèmes qui sont lourds à déployer sur le
plan logistique, mais au moins on sait où sont les gens. Ici, on ne sait même
pas combien qu'il y a de demandeurs d'asile. Il n'y a aucun suivi. Moi, je ne sais
même pas combien d'entre eux ne parlent pas français, combien d'entre eux ne
parlaient pas français à l'arrivée. Le gouvernement fédéral n'est pas capable
de nous donner ces informations-là, OK. Donc, au moins, en Europe, quand il y a
une prise en charge, on sait où sont les gens, on sait qu'ils sont nourris, on
sait qu'ils sont logés, on sait qu'ils ont un toit sur la tête, OK, puis
ensuite on fait le traitement de leur dossier.
Le problème qu'on a évidemment aussi au
Canada, c'est que les gens sont... sont admis, sont complètement laissés à
eux-mêmes. On a un délai de traitement qui est rendu de trois, quatre, cinq
ans. Et là, on se dit : C'est bon, les gens sont protégés. Bien, je suis
désolé, les gens sont dans une situation très vulnérable.
Et, moi... aujourd'hui que j'ai confiance
que la francisation va bien. On voit, dans les données de francisation, les
gens ne sont pas inscrits. Et je ne peux pas vous dire que l'intégration va
bien non plus. On sait que la concentration est très, très, très forte à
Montréal, que les gens se retrouvent dans des situations où ils n'ont pas la
possibilité comme ça de s'épanouir, de se faire plein d'amis québécois puis
de... On n'est pas là-dedans, là.
M. Roberge : Donc, la prise
en charge des gens, la francisation des gens, la répartition des gens, en
sachant qui les prend en charge, dans quelle province, c'est un mécanisme aussi
pour les protéger, pour assurer qu'ils ne soient pas vulnérables. Puis c'est un
mécanisme de bienveillance pour assurer à terme une intégration, puis qu'ils ne
soient pas gobés par des réseaux criminels ou qui ne soient pas gobés par un
réseau d'économie souterraine avec... OK. Je vous remercie. C'est ça qu'il y
avait derrière votre réflexion.
Sur la question de personnes qui sont
admises. Je suis à votre recommandation neuf, là, sur l'immigration permanente.
On parle de l'admission de personnes établies dans les RMR de Montréal et
Gatineau. Donc, ça, ce sont les régions métropolitaines de recensement. Il y a
eu pas mal de discussions sur, par exemple, à Montréal, est-ce qu'on considère
la CMM, est-ce qu'on considère la RMR, est-ce qu'on considère les régions
administratives du Québec. Quand on regarde la RMR, la région métropolitaine de
recensement, c'est quand même assez grand. Ça se rend jusqu'à
Saint-Jean-sur-Richelieu. Est-ce que vous pensez que l'enjeu de la vitalité de
la langue devrait être considéré dans une région aussi large? Moi, j'ai mes
doutes là-dessus, mais j'aimerais ça vous entendre. Je pense qu'entre Montréal,
Longueuil et Laval versus Chambly, Saint-Jean-sur-Richelieu, Saint-Jérôme, on
est dans des réalités différentes.
M. Dubreuil (Benoît) : Je
pense qu'on peut... on peut en discuter, effectivement, mais c'est sûr que,
rendus à Saint-Jean-sur-le-Richelieu, la dynamique socioculturelle est
différente de ce qu'on va avoir à Parc-Extension ou dans Côte-des-Neiges, là. C'est
indubitable. Mais, le point de base, c'est qu'à Montréal et à Gatineau, c'est
facile pour une personne d'arriver, de se retrouver dans un quartier où il n'y
aura que des immigrants récents, de se retrouver dans une école où ses enfants
ne feront que fréquenter des enfants d'immigrants récents, de travailler dans
un milieu de travail où il n'y aura aussi que des immigrants récents. Ça ne
veut pas dire que ça va mal se passer pour cette personne-là. Mais, l'enjeu qu'on
va avoir collectivement, c'est qu'avec le temps, si on n'a pas suffisamment de
liens entre les gens qui sont issus de l'immigration et les gens qui ne sont
pas issus de l'immigration, si on n'a pas des liens significatifs et nombreux
qui se développent, bien, les gens vont vivre côte à côte, mais ils vont
développer des préjugés, ils vont développer des stéréotypes, ils vont avoir
différents types de rancœurs, d'accusations qu'ils vont faire les uns contre
les autres. Et, ça, à mon avis, ça va à l'encontre des objectifs de la Charte
de la langue française. Parce que pour développer le sentiment d'adhésion à la
culture québécoise, c'est l'objectif quand même que vous vous êtes donné comme
parlementaires en révisant la charte, il faut qu'il y ait des liens. Mais ça
devient difficile à Montréal, des fois, d'organiser des liens. Vous avez des
jeunes qui vont... qui grandissent dans plusieurs écoles à Montréal, et la
première personne qui n'est pas issue de l'immigration qu'ils vont rencontrer
comme pairs, ça va être peut-être au cégep ou à l'université. Donc, comment on
renforce ces liens-là? Pour moi, c'est vraiment ça, le défi que vous avez
avec...
M. Dubreuil (Benoît) : ...la
politique d'intégration que vous êtes en train de préparer au gouvernement,
oui.
M. Roberge : Merci beaucoup
pour l'éclairage que vous apportez. Je pense, j'ai des collègues qui veulent
vous questionner.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) :
Merci. Alors, je laisse la parole à la députée de Vimont. Il reste deux
minutes dix secondes.
Mme Schmaltz : Parfait.
Merci. Bonjour, M. Dubreuil. Peut-être juste rapporter un petit élément, là,
de... Tantôt, vous parliez de francisation de demandeurs d'asile. Sachez quand
même que, sur les 91 000 de... personnes francisées l'année passée, il y
en a 6 000, demandeurs d'asile, aussi, qui ont été... qui ont été pris en
charge. Donc, tantôt, j'ai vu qu'il y avait un petit peu un questionnement
là-dessus, puis ce n'est pas ma question.
En fait, au tout début, vous avez parlé de
notre... l'effort de francisation, que la portée était limitée et puis que les
étudiants n'étaient pas là suffisamment pour apprendre ou du moins pour parler
le français. Est-ce que vous parlez, à ce moment-là, du temps en termes de
mois, en termes de formation? Est-ce que la formation doit être plus poussée?
Est-ce qu'elle doit être davantage, je ne sais pas, imposée? Comment vous arrivez
à ce constat-là?
M. Dubreuil (Benoît) : Bien,
c'est le... c'est le résultat des deux rapports qu'on a faits sur le
déploiement de Francisation Québec. C'est sûr que le problème de base, il est
facile à comprendre, c'est que les gens arrivent, qu'ils soient des étudiants
ou qu'ils soient des travailleurs ou des demandeurs d'asile, ils n'ont pas
beaucoup de temps à consacrer à la francisation, parce qu'il y en a beaucoup
soit ils sont en mode survie, soit ils ont calculé leur projet migratoire de façon
un peu serrée sur le plan financier. Donc, les gens ont besoin de travailler,
ils ont besoin de travailler beaucoup. Donc, faire l'investissement
linguistique qui est nécessaire pour atteindre un niveau d'aisance complète,
quand, par ailleurs... Vous savez, à Montréal, on peut fonctionner en anglais.
Donc, si vous essayez de fonctionner à Montréal en anglais, il n'y a rien qui
va vous empêcher de le faire. Donc, elle est vraiment là, la difficulté,
c'est : comment on amène les gens à mettre non pas 150 ou 200 heures à
leur francisation, c'est ce qu'on voit en ce moment au temps partiel, mais 800,
1 000, 1 200 heures, pour que les gens n'aient pas seulement une
petite base qui leur permet d'interagir dans des interactions très, très, très
simples, quand on va au dépanneur puis on dit : Merci, bonjour, mais avoir
la capacité de socialiser en français, d'occuper un emploi autre que de
services de base, de se faire des amis, d'être... de consommer de la culture...
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) :
Merci. Merci beaucoup. Le temps vient de se terminer pour la banquette
gouvernementale. Je me tourne du côté de l'opposition officielle, avec le
député d'Acadie pour une période de huit minutes 33 secondes.
• (12 h 10) •
M. Morin : Merci, Mme la
Présidente. Alors, bonjour, M. le commissaire, et mes salutations à vos
collègues. Merci d'être avec nous. Merci pour votre mémoire également et vos
réflexions.
J'aurais quelques questions, surtout des
questions d'éclaircissement avec vous, après une lecture attentive de votre
mémoire. À la recommandation trois, vous parlez du programme de mobilité
internationale et vous suggérez que le MIFI exige, finalement, d'Immigration
Canada, parce que le PMI, c'est un programme fédéral, que les candidats au permis
de travail postdiplôme aient une connaissance du français au niveau sept, et ça
devrait être exigé aussi des conjoints étudiants, des conjoints des
travailleurs étrangers.
Est-ce que... Pour en arriver à cette
recommandation-là, est-ce que vous vous êtes basé... quel chiffre avez-vous
pris? Est-ce que vous savez... Est-ce que vous avez une idée de... du nombre de
gens qui ont ces permis-là? Parce qu'évidemment, quand on parle de
francisation, et on en a parlé, vous et moi, dans d'autres forums, ici, au
parlement, il y a souvent des enjeux. Alors, je voudrais juste comprendre sur
quel chiffre vous vous êtes basé puis ça représenterait quoi,
approximativement, comme nombre de personnes.
M. Dubreuil (Benoît) : Sur
les permis postdiplôme, là, il faut faire attention parce que ça change quand
même, là, d'année en année. Je pense qu'on était autour de 40 000
personnes, des titulaires de permis postdiplôme, puis on peut présumer qu'il y
en a peut-être la... grosso modo, la moitié, là, qui ne parle pas vraiment
français. Du côté des permis de conjoints, là, je n'ai pas les derniers
chiffres derrière moi. C'est peut-être, quoi, 20 000, peut-être? Je n'ai
pas le... Je n'ai pas exactement les derniers chiffres.
Une voix : ...
M. Dubreuil (Benoît) :
Exactement. Puis on était à peu près sur les mêmes proportions. Mais c'est sûr
que, là, c'est en train de diminuer, hein, il faut être conscient, c'est en
train de diminuer parce qu'il y a eu des restrictions qui ont été apportées,
notamment pour les conjoints d'étudiants du côté du gouvernement fédéral. Et
ça, le nombre de conjoints d'étudiants va diminuer, oui. Il y a aussi,
évidemment, les conjoints de travailleurs temporaires. Avec les restrictions
sur les temporaires, ça va... Donc, pour l'instant, ça diminue.
M. Morin : OK. Je vous posais
la question parce qu'en fait je pense que ça englobait le PMI au grand complet,
mais j'essayais de voir avec vous, tu sais, quel pourrait être l'impact,
évidemment, sur la francisation. Parce qu'on est tous d'accord, là, le
français, c'est notre langue officielle, c'est notre langue commune, il faut...
il faut la parler. Mais...
M. Morin : ...quand je
regardais les chiffres du gouvernement pour le PMI, je ne sais pas si vous avez
pris ces chiffres-là, dans un article de Mme Geneviève Lajoie du bureau
parlementaire publié en juin 2022. On soulignait dans l'article que pour le
PMI, il y avait 62 000 personnes, 62 270. Mais là c'est
l'ensemble. Dans le cahier de consultation du gouvernement, parce qu'il y a eu
une consultation sur la planification en 2023 pour 2024‑2027. En 2021, dans le
PIM, on donnait 64 120. Mais dans le cahier qu'on a présentement, en 2021,
dans le PMI, si je comprends bien, là, on serait passé de 131 540. On ne
parle pas des mêmes chiffres, du tout, du tout. Puis dans le cahier du
gouvernement, bien, qui est récent, là, puis dans 2023, il y en avait
64 000, puis là, aujourd'hui, il y en aurait 131 540. Ça fait que
quels chiffres avez-vous pris? Puis évidemment vous comprendrez, compte tenu
des chiffres que le gouvernement nous donne, puis je relisais l'article de
Mme Lajoie, évidemment l'impact ne sera pas le même. Alors, j'aimerais
juste comprendre avec vous quel serait l'impact, puis qu'est-ce que ça
donnerait, puis est ce qu'on a la capacité de le faire?
M. Dubreuil (Benoît) :
Il faut comprendre que depuis trois ou quatre ans, là, les chiffres ont bougé
d'une façon absolument spectaculaire parce qu'il y a eu une augmentation du
nombre d'étudiants, par exemple, étrangers, avec le nombre de personnes qui
ont... Il y a eu des gros changements dans les politiques aussi. Donc, on peut
trouver 131 000, c'est ça, le nombre de titulaires uniques du PMI au 31?
Ça, c'est au 31 décembre 2024.
M. Morin :
...consultation du gouvernement en 2025, c'est à la page 25...
M. Dubreuil (Benoît) :
Oui.
M. Morin : ...qui a un
permis valide au 31 décembre. Puis ça semble être la même catégorie que
dans le document qu'on avait en 2023. Là, pour le PMI, je comprends que c'est
probablement tout l'ensemble, mais là on serait passé de, et la même année, là,
64 000 à 131 000. Ça fait qu'ils sont son arrivée où?
M. Dubreuil (Benoît) :
Peut-être un enjeu qu'il faut mentionner du côté du gouvernement fédéral, c'est
que le gouvernement fédéral tient un inventaire des permis au 31 décembre,
puis prend aussi le nombre de permis qui sont émis délivrés dans l'année ou il
peut y avoir des renouvellements. Donc, il faut voir, là, c'est sûr que c'est
les deux mêmes chiffres auxquels vous faites référence. Puis il y a une
troisième difficulté aussi, c'est que là on parle de nombre de PMI. On ne parle
pas nécessairement de nombre de personnes. Donc, depuis plusieurs années, il y
a des débats internes, méthodologiques, entre Statistique Canada et l'IRCC pour
savoir comment on calcule des personnes sur la base de permis. Parce que le
gouvernement du Canada n'est capable d'informer les citoyens de façon adéquate
sur le nombre de personnes qu'il y a sur le territoire. On ne sait pas si les
gens sont partis. On ne sait pas. Par exemple, chez les étudiants étrangers, on
sait... on sait qu'on a délivré un permis, mais ensuite est ce que les gens
sont ici ou est ce qu'ils ne sont pas ici? Il n'y a aucune façon pour le
gouvernement de le savoir parce que les sorties ne sont pas contrôlées. Donc,
ça fait des années que Statistique Canada essaie de développer des modèles en
essayant d'aller chercher différentes croisées, différentes bases de données
pour savoir combien il y a de personnes au Canada. Puis tous les débats méthodologiques
qu'on a eus découlent aussi de ça. Donc, voilà.
M. Morin : Je comprends.
Et en 2024, moi, j'avais fait une suggestion au gouvernement parce que, dans
l'opposition officielle... d'être constructif, et j'avais... J'avais suggéré au
gouvernement de ramener dans le giron du Québec, compte tenu de l'entente que
nous avons, la gestion du PMI au grand complet, parce qu'évidemment on parle de
travailleurs... d'étudiants étrangers. Bon, vous, je comprends que, dans votre
recommandation, vous n'y allez peut-être pas pour la totale, mais vous avez
finalement certaines catégories. Qu'est-ce que vous pensez de l'idée de le
rapatrier au complet pour qu'on soit capables de contrôler notre immigration?
M. Dubreuil (Benoît) :
Bien, je pense... Je ne suis pas contre. Cela dit, comme je le mentionnais tout
à l'heure, il y a de petites catégories au PMI qui sont liées à des ententes
internationales de libre-échange. Donc, ça, est-ce que ça ferait partie de la
compétence. On rentre plus dans la compétence exclusive du gouvernement du
Canada. Par contre, quand on crée un programme comme Programme Vacances
Travail, les PVT, là, ça, honnêtement, il n'y a pas d'accord international de
raison suprême de l'État autour de ça. L'enjeu est peut-être plus autour de ce
que j'ai appelé des politiques d'intérêt public. Donc, le Canada se garde le
droit, comme on a vu avec les Ukrainiens ou dans le cas d'autres situations
humanitaires, d'admettre massivement des gens en délivrant de façon massive des
permis de travail. Là, ça soulève un problème de collaboration
fédérale-provinciale, parce qu'évidemment il peut y avoir des coûts reliés à
cet accueil-là qui sont automatiquement transférés aux provinces. Et là,
comment le gouvernement fédéral s'assure qu'il est équitable envers les
provinces quand elles accueillent, je ne sais pas, quelques centaines de
milliers d'Ukrainiens, par exemple? Ça, pour moi, ça demeure un enjeu.
M. Morin : Oui. Et
là-dessus, je vous rejoins. Et puis d'ailleurs, bien, il y a... Il y a aussi
toute la catégorie des demandeurs d'asile, des...
M. Morin : ...et les réfugiés
sur place qui sont... ils sont véritablement de la compétence du fédéral, là.
Et, parlant de ça, justement, votre
recommandation n° 10 traite, entre autres, du regroupement familial. Je le
disais hier puis je l'ai dit dans mes remarques préliminaires, le regroupement
familial, pour moi, pour ma formation politique, c'est fondamental, c'est hyper
important. On le sait, présentement, au Québec, les délais sont d'à peu près quatre
ans, donc... et puis c'est à peu près 13 mois ailleurs dans le Canada,
donc ces gens-là vivent un drame humain. D'ailleurs, on avait hier un groupe
qui est venu nous parler de ça, Action réfugiés Montréal, et il y a des gens
qui vivaient ce drame-là et qui nous ont parlé, évidemment, de l'impact
psychologique d'attendre trois ou quatre ans avant de réunir les familles. Et
je trouve ça totalement inhumain pour ma part.
Maintenant, ceci étant dit...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : En terminant.
M. Morin : Oui. J'avais fait
une proposition au gouvernement de réduire la liste à deux ans. Est-ce que
votre recommandation va dans ce sens-là?
M. Dubreuil (Benoît) : ...à
évaluer en fait, parce que... je reviens...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Je dois vous arrêter. Malheureusement, le temps de
l'opposition officielle est terminé. On va poursuivre avec le député de Laurier-Dorion
pour 2 min 51 s.
M. Fontecilla : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Dubreuil. Je salue vos collègues également. J'ai
très peu de temps. Je vais aller du côté de la réunification, le programme de
regroupement. Et donc on a un programme d'immigration économique qui est,
supposément, le principal programme. Vous dites qu'il faut le réduire
considérablement pour faire de la place à la réunification aux épouses, époux,
enfants, etc. J'en suis. Je suis tout à fait d'accord de... Parce qu'il y a un
grand problème, il y a beaucoup de gens qui sont en attente et. Mais, en plus,
vous dites, là, que ces personnes-là devraient déjà arriver avec une
connaissance du français. Mais j'aimerais ça que vous nous expliquiez davantage
cet élément-là. Ça paraît un peu contre intuitif qu'on dise on a besoin des
migrants économiques, mais on doit faire plus de place aux époux, aux
conjoints, conjointes et enfants.
M. Dubreuil (Benoît) : Bien,
ça va me permettre de répondre à la question précédente en même temps. Donc, si
je recule un peu dans le temps puis je regarde la dynamique des dernières décennies,
on a toujours eu, à peu près une moyenne dans l'immigration, là, de deux
immigrants économiques pour une personne au regroupement familial, OK? Puis je
n'ai pas examiné les détails... le détail des chiffres, mais je pense que ça
fonctionnait relativement bien, ça finissait par s'équilibrer. C'est sûr que,
depuis quelques années, au Québec, pour des raisons légitimes, on a dit :
On va augmenter la part de l'immigration que contrôle le Québec, donc on va
augmenter l'immigration économique. Mais évidemment il y a un lien causal, là,
entre les immigrants économiques puis le regroupement familial. Il y a des...
le regroupement familial, ça vient en partie parce qu'il y a des Québécois qui
voyagent, qui tombent en amour à l'étranger, mais ça vient aussi beaucoup
d'immigrants économiques qui sont venus puis qui font venir ensuite des membres
de la famille. Donc, il y a les deux voies. Donc, moi, ce que je dis, c'est que
vraisemblablement, quand on a augmenté l'immigration économique au cours des
dernières années, on a brisé cet équilibre-là, puis il faudrait voir pour le
retrouver parce que c'est sûr qu'à long terme ce n'est pas soutenable.
• (12 h 20) •
Ensuite, la question du français, si je
comprends bien le point que vous mentionnez, je suis d'accord, mais la réalité
c'est que les chiffres ne demeurent quand même pas très bons pour ce qui est de
l'utilisation du français parmi les personnes parrainées. Il y a beaucoup de
gens qui vont venir au Québec à travers le regroupement familial. L'utilisation
de l'anglais notamment demeure beaucoup trop importante, deux fois plus
importante, en fait, que dans la population, ou trois fois plus importante.
Donc, comment on agit? Qu'est-ce qu'on fait par rapport à ça? Est-ce que c'est
plus d'argent? Et si oui, qui va mettre cet argent-là? Parce que, visiblement,
on n'atteint pas nos objectifs à travers le regroupement familial en termes
d'apprentissage et d'utilisation du français. Peut-être qu'en francisant
beaucoup l'immigration économique comme on l'a fait, il y aura des
répercussions positives sur la situation du français dans le regroupement
familial, on peut l'espérer, mais pour l'instant, moi, je regarde la
composition de la liste d'attente, là, on a la composition par pays, la
composition par langue déclarée...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : En terminant.
M. Dubreuil (Benoît) : ...puis
la situation demeure assez défavorable.
M. Fontecilla : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. On poursuit la discussion avec le député
d'Arthabaska pour une période de 2 min 51 s.
M. Boissonneault : Merci, Mme
la Présidente. Merci, M. Dubreuil, pour votre présentation puis votre
travail. Votre proposition, là, n° 5, recommandation n° 5, vous dites
que le gouvernement du Québec doit exiger une réforme du système d'asile
canadien, la conclusion d'une entente fédérale-provinciale sur les demandeurs
d'asile. Qu'est-ce qui empêche cette entente-là?
M. Dubreuil (Benoît) : Mais
là je ne veux pas trop rentrer dans les éléments politiques, mais c'est sûr
que, dans un système fédéral, puis il y a d'autres cas à travers le monde, la
personne qui contrôle les frontières, ce n'est pas la même personne qui paye
pour l'intégration des gens puis qui subit les conséquences des coûts si les
gens... si l'intégration ne fonctionne pas, pas bien. Il y a cet élément-là.
Puis il y a peut-être un élément de pas dans ma cour aussi, je pense, avec les
autres provinces, parce que même s'il y a eu des volontés, en fait, de mobiliser...
M. Dubreuil (Benoît) : ...autres
provinces autour de cet enjeu. On n'a pas senti non plus dans les autres
provinces une volonté débordante de dire : Oui, c'est bon, on va vraiment
mettre l'épaule à la roue puis... Donc, je pense qu'il y a un... il y a un
enjeu de coordination fédérale-provinciale, comme il en arrive parfois dans les
fédérations. Je ne sais pas quelle est la réponse à cette situation-là, mais je
veux quand même tirer la sonnette d'alarme. En ce moment, ça ne va pas bien.
M. Boissonneault : En
l'absence de collaboration du gouvernement fédéral, est-ce qu'il y a quelque
chose là-dessus, pour faire le suivi pour les demandeurs d'asile, que le
gouvernement du Québec peut faire?
M. Dubreuil (Benoît) : C'est
une très, très bonne question. Je pense qu'on rentre dans des éléments
peut-être plus de la stratégie politique, ou de la stratégie de négociation, ou
comment on mobilise les gens autour de ça. Je n'aurais pas nécessairement de
réponses précises à vous donner, malheureusement.
M. Boissonneault : J'aimerais
ça revenir à une partie de la question de M. le ministre sur les permis
géolocalisés pour les demandeurs d'asile, les permis de travail. Je sais que ça
se fait à certains endroits, en Allemagne, je pense. On commence par trois
mois. Est-ce que c'est quelque chose qui pourrait se faire ici au Québec?
M. Dubreuil (Benoît) : Je
pense que, de manière générale, il faut trouver une façon de répartir les
demandeurs d'asile dans des contextes d'accueil qui sont... qui sont
favorables. Soyons clairs, là, ça va coûter de l'argent. On ne parle pas de
dizaines de millions de dollars, on ne parle pas de centaines de millions de
dollars. Il faut que le gouvernement fédéral dépense des milliards de dollars
pour mettre en place un tel système. Il faut que les gens soient répartis dans
des contextes favorables. Oui.
M. Boissonneault : ...applicable
mais c'est théoriquement quelque chose qui pourrait fonctionner.
M. Dubreuil (Benoît) : Oui.
Puis je ne veux pas, encore une fois, avoir des lunettes roses par rapport aux
différents systèmes qui se mettent en place en Europe. Mais, quand même, au
moins, ils essaient de gérer la situation, alors qu'au Canada, on reste pour
l'essentiel dans un système de laisser-faire.
M. Boissonneault : M.
Dubreuil, j'aimerais ça vous entendre sur cette absence de sentiment de pleine
adhésion, quand vous avez parlé d'intégration, par exemple. Qu'est-ce que ça
veut dire puis quelle est la conséquence de ça?
M. Dubreuil (Benoît) : Écoutez,
je vais peut-être... je ne veux pas avancer trop là-dessus parce qu'on est en
train de préparer justement quelque chose qui va nous permettre d'aller plus
loin dans cette direction-là.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : En terminant.
M. Dubreuil (Benoît) : Mais
c'est sûr que la Charte de la langue française définit ça comme un objectif. On
dit : On veut que les gens adhèrent et contribuent pleinement à une
culture commune...
M. Boissonneault : ...pas
juste un instrument de communication.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Merci beaucoup. Alors, c'est tout le temps que nous
avions pour cette audition. Merci pour l'apport à nos travaux.
Nous allons suspendre quelques instants,
le temps de recevoir le prochain groupe.
(Suspension de la séance à 12 h 24)
12 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 12 h 33)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations
avec les citoyens poursuit ses travaux. Nous recevons donc pour le... comme
prochain intervenant M. Pierre Fortin, du Département des sciences économiques
de l'Université du Québec à Montréal. Bienvenue, M. Fortin. Vous allez disposer
d'une période de 10 minutes pour vous présenter ainsi que votre
présentation. Par la suite, nous allons commencer les échanges avec les
parlementaires. Alors, le temps commence maintenant pour vous. Allez-y.
(Audioconférence)
M. Fortin
(Pierre) :Merci de m'accueillir. Je suis
Pierre Fortin. Je suis mathématicien, macroéconomiste et formé en partie en
démographie.
L'immigration est une question qui me
tient bien à cœur, non seulement comme chercheur, mais aussi comme père de
famille. Mes 15 enfants, beaux-enfants et petits-enfants sont tous issus
de l'immigration, sauf un, mais il est fin, lui aussi. Les deux petits sur l'image
que vous pouvez voir présentement sont mes... deux de mes petits-enfants, Yoan
et Loïc.
Alors, on passe à la première image. Comme
l'image le montre, le régime migratoire auquel le Canada a été soumis depuis
2016, ça a fait sauter le presto. Le taux annuel d'immigration au Canada et au
Québec a soudainement presque quadruplé par rapport au rythme stable, paisible
et ordonné des deux décennies antérieures. La composition de l'immigration s'est
également détériorée. Afin de répondre aux besoins de main-d'œuvre à court
terme des employeurs, on a laissé entrer à peu près n'importe qui plutôt que de
conserver la vieille grille de points traditionnelle qui prédisait bien, à l'époque,
le potentiel de développement à long terme des candidats à l'immigration.
Le mémoire que j'ai préparé pour le
ministère explique en détail comment et pourquoi cette politique d'immigration
a été une catastrophe économique et sociale. Ses premières victimes sont les
immigrants eux-mêmes. Elle a de plus crinqué les Canadiens contre l'immigration.
Mes conclusions vont être étayées non pas sur des opinions tirées de TikTok,
mais par les résultats unanimes des travaux des chercheurs économistes
canadiens.
Nos résultats démontrent démontre que le
ministre fédéral de l'Immigration, M. Miller, a eu raison l'an dernier d'annoncer
qu'il allait modérer le rythme d'entrée à l'immigration et que la ministre
québécoise, Mme Fréchette, et son successeur, M. Roberge, ont eu raison de l'appuyer.
Ce que les ministres ont voulu, ce n'est pas un repli sur soi, mais la
correction de la boursouflure que la politique de 2016 à 2024 a imprimée à l'immigration
et à la population du Canada et qui s'est avérée désastreuse, comme nos
concitoyens l'ont bien compris.
Alors, on passe au tableau, le virage
projeté. La nouvelle politique fédérale comprend deux volets. Le premier
consiste à abaisser le rythme de l'immigration permanente, en haut du tableau,
au Canada, à 365 000 en 2027. Mais, même ainsi réduit, un tel seuil
appliqué au Québec au prorata de sa population...
M. Fortin
(Pierre) :...22 % ferait bondir sa
cible actuelle de 60 %, ça passerait de 50 000 à 80 000
admissions. Le ministère québécois a entièrement raison de juger que cela
exercerait, pour l'instant, une pression beaucoup trop forte sur sa... la
capacité actuelle d'accueil et d'intégration du Québec. Et donc, comme point de
départ pratique sur le terrain, je favoriserais le maintien pour un temps de la
cible actuelle de 50 000 nouveaux immigrants permanents par année. Ce taux
correspond exactement au rythme moyen que le Québec a observé en proportion de
sa population depuis 30 ans. Il pourrait ensuite être modifié à la lumière de
l'expérience acquise dans les années futures.
Le second volet de la nouvelle politique
fédérale concerne l'immigration temporaire, la partie du bas du tableau, parce
que c'est elle, l'immigration temporaire, qui a surtout alimenté l'explosion
migratoire de 2016-2024. Le plan fédéral vise à réduire le nombre accumulé
d'immigrants temporaires résidents au Canada à 5 % de la population totale
du pays. Il la ferait diminuer de 30 % en trois ans, du début 2025 au
début 2028. Appliquée telle quelle au Québec, cette baisse de 30 % ferait
diminuer le nombre d'immigrants temporaires en résidence du sommet de
565 000 enregistré au début de 2025 à 396 000 au début de 2028. Donc,
c'est 396 et non 376 qui doit être inscrit sur le tableau. De son côté, avec
les moyens limités dont il dispose, le MIFI projette une réduction du nombre
accumulé d'immigrants temporaires à 375 000 en cinq ans, du début 2025 au
début 2030. Pour y arriver, il compte en partie surfer sur les mesures de
réduction fédérales et en partie obtenir des arrangements supplémentaires avec
Ottawa pour les programmes qui échappent à son contrôle.
Je suis d'avis, pour ma part, que la
réduction à 396 000 ou 375 000 du nombre d'immigrants temporaires
proposée par Ottawa et Québec serait insuffisante pour réparer les graves
perturbations économiques et sociales causées par la politique de 2016-2024. Je
privilégie une cible qui vise à reproduire la situation d'avant 2016 pour les
permis de travail et d'études, tout en accordant une importance spéciale accrue
au rôle humanitaire que doit jouer l'immigration. Je propose ainsi de faire
diminuer le nombre accumulé d'immigrants temporaires à 243 000 en quatre
ans, ou en six ans, on pourrait aller plus loin si on veut, au début de 2029.
Seul un retour résolu à ce qu'on pourrait appeler la normalité paisible des 20
années 1995 à 2015 aurait raison, à terme, de notre malheur. On a un gros
problème, et un gros problème commande une grosse solution. On ne guérit pas
une fracture en la beurrant de bacitracine.
• (12 h 40) •
Le gouvernement du Québec devra en
arriver, évidemment, à des compromis avec ses principaux partenaires.
Premièrement, le fait que le Québec ne puisse contrôler que le tiers, environ,
des admissions à l'immigration temporaire est une incohérence administrative et
politique qui doit être corrigée par une juste interprétation de l'Accord
Canada-Québec de 1991 sur l'immigration.
Deuxièmement, un compromis avec les
milieux d'affaires est essentiel. Leur féroce opposition aux mesures de
modération proposées par Ottawa et Québec pose trois problèmes : impact
nul sur la pénurie de main-d'œuvre; addiction au «cheap labor» et importantes
subventions d'accompagnement de l'État. L'approche du bar ouvert ne doit plus
continuer. Il faut rétablir partout la vieille grille de points uniforme
d'autrefois et faire un choix de priorité selon le type de métier, le secteur
industriel et la région.
Troisièmement, un compromis est enfin
nécessaire avec les milieux d'éducation. Ils doivent mettre de l'eau dans leur
vin eux aussi et faire leur part. C'est au budget provincial de faire un effort
pour corriger leur insécurité financière.
Finalement, il y a quelques règles
d'action à être observées. Premièrement — je prends la... ma dernière
minute pour ça — combattre fermement l'illégalité...
M. Fortin (Pierre) :...deuxièmement, appliquer rigoureusement une grille de
points universelle à la fois pour les candidats à la permanence et pour les
postulants temporaires. Troisièmement, pour les résidents non permanents.
Chaque année, les entrées ne doivent pas excéder les sorties. Et quatrièmement,
respecter les promesses déjà faites aux temporaires de passer à la permanence,
à ceux qui sont déjà dans le système. Mais s'assurer que dans l'avenir, les
admissions à la permanence ne seront pas... ne seront plus engorgées par les
tensions de temporaires à permanents. On pourrait peut-être même envisager de
fermer cette voie de passage facile pour de bon et renvoyer simplement les
temporaires qui veulent rester chez nous postuler à l'immigration permanente
sur le même pied que tous les candidats en provenance de l'extérieur dans un
beau programme par exemple comme Arrima. Merci de votre attention.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Professeur Fortin, merci beaucoup pour cette présentation.
On va donc commencer la période d'échange avec les parlementaires. Et je me
tourne du côté du ministre. M. le ministre, vous avez 10 minutes.
M. Roberge : Bonjour. M. le
ministre. Je ne dirai pas «content de vous voir», mais content de vous
entendre. Merci pour la clarté de vos propos. J'ai quelques questions suite à
vos interventions puis à ce que j'ai trouvé dans votre mémoire.
Vous alléguez, vous précisez dans votre
mémoire, puis je l'ai... je l'ai lu ailleurs à d'autres moments, que l'arrivée,
la venue massive d'immigrants temporaires ou de travailleurs temporaires n'a
pas allégé la pénurie de main-d'œuvre, ou l'a même laissée inchangée ou a pu
aggraver. Comment pouvez-vous expliquer que l'arrivée d'immigrants temporaires,
de travailleurs temporaires puisse augmenter la pénurie de main-d'œuvre?
M. Fortin
(Pierre) :Bien, premièrement, il faut...
il faut savoir qu'avec plus d'immigrants qui arrivent et plus de profits pour
les entreprises qui les embauchent, bien, ça fait de l'argent de plus dans
l'économie. Une fois qu'il est redépensé, bien, ça ajoute à la pénurie de
main-d'œuvre et, par conséquent, ça compense pour la baisse initiale de pénurie
de main-d'œuvre qui a été provoquée. Donc, au mieux, c'est nul comme impact
général.
Pourquoi ça peut faire augmenter la
pénurie de main-d'œuvre? C'est parce que ça devient plus difficile, avec une
main-d'œuvre qui est beaucoup plus diversifiée, d'être capable de bien matcher,
de bien pairer les emplois disponibles avec les travailleurs qui veulent les
occuper. Donc, il y a une plus grande difficulté du matching entre emplois
disponibles et travailleurs disponibles après l'arrivée d'une grande... d'un
grand nombre d'immigrants.
M. Roberge : Merci beaucoup.
Plusieurs gens du milieu des affaires, ou en tout cas leurs groupes de pression,
nous disent que l'arrivée de ces personnes-là, massive, augmente le PIB et donc
enrichit le Québec. Est-ce que c'est vrai? Est-ce que l'augmentation du PIB
devrait être notre objectif ou est-ce que ce ne serait pas plutôt le PIB par
habitant? Comment séparer l'accroissement du PIB et l'enrichissement réel des
Québécois?
M. Fortin
(Pierre) :La confusion est absolument
totale dans les médias sur ce que veut dire croissance économique. Grossir le
PIB, ça veut dire grossir la taille de l'économie. Mais, grossir le PIB, ça ne
veut pas dire enrichir la population. «Grossir», ce n'est pas la même chose
qu'«enrichir». Vous pouvez avoir un gros PIB par exemple, comme l'Italie ou
l'Espagne, puis être beaucoup moins riche que des pays beaucoup plus petits comme
le Danemark ou la Hollande par exemple, OK. Donc, il y a confusion entre
grossir puis s'enrichir. Vous faites... Vous faites allusion à la différence
entre PIB, qui est la taille... le PIB total, qui est la taille de l'économie,
et PIB par habitant, qui est le niveau de vie moyen. Ce que mes collègues à
travers le Canada et moi-même, on a démontré, c'est que la boursouflure
migratoire qu'on a connue depuis une dizaine d'années a fait évidemment grossir
le PIB, mais a fait diminuer le PIB...
M. Fortin
(Pierre) :...par habitant, ça a baissé le
niveau de vie, ça a baissé la productivité et les salaires moyens dans
l'économie canadienne. Puis, en passant, ce n'est pas seulement le Québec, là,
ici, là, c'est l'ensemble du Canada qui est visé.
M. Roberge : Donc, il y a un
écart important entre ce que vous nous expliquez et ce que disent plusieurs
regroupements ou associations, là, patronaux, les groupes... les groupes de
pression, les lobbys. Est-ce qu'il faut considérer aussi, je vous dirais, l'offre
et la demande, là, si on veut parler en termes macroéconomiques, pour les
logements? C'est-à-dire que, si on augmente le PIB du Québec, bon, fort bien,
mais que les salaires ne sont peut-être pas suffisamment à la hausse, mais que
les loyers, eux, sont à la hausse, est-ce qu'il n'y a pas une possibilité
carrément d'appauvrir les Québécois parce qu'une part plus importante de leurs
revenus servent au logement?
M. Fortin
(Pierre) :C'est certain que ça fait
partie du problème. Les chercheurs de la Banque du Canada et de Statistique
Canada, par exemple Lu et Hu sont de très bons chercheurs à Statistique Canada,
ont démontré que plus l'immigration est rapide, plus le prix des loyers au
Canada des maisons augmente rapidement dans les grandes villes du Canada. Donc,
ce n'est pas une affirmation en l'air, c'est vraiment confirmé par la recherche
qui a été faite là-dessus.
Et ce n'est pas seulement les logements
qui sont impliqués, le coût du logement puis l'accessibilité, mais c'est aussi
les services publics. Par exemple, si... j'ai calculé, comme j'ai mentionné
tantôt, j'ai une formation parallèle à la démographie, plus on... Quand on est
passés de la... du système d'avant 2016 d'immigration à la politique de
2016-2024, cela a fait augmenter au prim/sec, c'est-à-dire le primaire
secondaire comme on l'appelle familièrement... ça a augmenté la clientèle du
prim/sec, que vous connaissez vous-même particulièrement, vous avez enseigné à
ce niveau-là, 250 000 élèves dans le système québécois pour un coût
qui dépasse 2 milliards, 2 milliards et demi, pour M. Girard et,
évidemment, pour le ministre de l'Éducation. Donc, seulement en éducation, le
système qu'on a adopté de 2016-2024 a fait augmenter, en 2024-2025, de 150 000
l'effectif scolaire au Québec, et donc avec un coût supplémentaire de
2 milliards et plus pour le gouvernement du Québec.
• (12 h 50) •
M. Roberge : Merci pour cette
démonstration-là. J'ai parlé de logements, vous nous parlez aussi d'éducation,
donc on voit qu'il y a un équilibre, là, entre l'arrivée massive de plusieurs
personnes, la disponibilité de services publics, comme l'éducation, puis la
disponibilité de logements. Vous nous parlez d'un terme, là, normalité
paisible. Donc, avant 2016, vous parlez, à la page six, de l'année 2015,
une année comme représentative de cette période où il y avait un peu moins de
50 000 immigrants permanents. Certains vont dire : Bien, 50 000,
c'est beaucoup. C'est au-delà de la fourchette proposée par le gouvernement,
là, entre 25 000 et 45 000, mais il faut voir qu'à ce moment-là il y avait
une arrivée de 3 600 temporaires sur le territoire québécois, alors
que, là, on a... cette année, on s'enligne pour... juste pour demandeurs
d'asile, au-delà de... au-delà de 40 000 demandeurs d'asile, je ne vous parle
pas des PMI et de tout ce monde-là. Donc, quand on veut revenir, si je vous
suis, à une normalité paisible de 2015, il faut aussi considérer non pas
seulement l'immigration permanente, mais aussi l'écosystème complet et donc les
temporaires. Est-ce que je vous suis bien?
M. Fortin
(Pierre) :Oui, absolument. Absolument.
J'ai fait ma comparaison pour arriver à ma baisse, qui est plus importante que
celle qui apparaît dans le cahier de consultation du ministère, à 250 000
plutôt que... le cahier du ministère parle de 375 000, en reproduisant
l'immigration permanente et temporaire de 2015 et... mais aussi... mais en
laissant augmenter, comme ça a été le cas dans les 10 dernières années,
les demandes d'asile, parce qu'il y a une dizaine d'années...
M. Fortin
(Pierre) : ...les demandes d'asile étaient à niveau très faible
au Canada et au Québec. Et donc j'ai dit : Bon, bien, acceptons cette
demande supplémentaire là, mais évidemment, répartissons-la le plus également
entre les provinces au prorata de leur population. Et voilà, c'est ça qui m'a
donné le résultat. Mais la normalité paisible, cette situation normale était
normale avant 2015. Et on le voit parce que l'immigration ne fait jamais les
manchettes. Tout le monde était content avec le système d'immigration canadien.
Au niveau international, le Canada avait une des plus grandes réputations comme
pays d'accueil. Tout allait très bien. Et tout à coup, on a des apprentis
sorciers qui sont arrivés, qui ont... qui nous ont lancé une explosion
migratoire qui a créé tout ce chaos-là qu'on a connu depuis 10 ans avec
les conséquences désastreuses, non seulement économiques, mais aussi les
conséquences désastreuses sur le plan social. Le fait qu'on ait pratiquement
aujourd'hui deux tiers de la population canadienne qui est rendue à trouver
qu'il y a trop d'immigrants, c'est épouvantable. Je veux dire, ça nous
rapproche des sentiments anti-immigration des États-Unis puis de l'Europe, mais
il ne faut pas... Il faut renverser la situation. Et ça prend un gros, un gros
coup pour rétablir la normalité.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, Pr Fortin, je dois vous arrêter. Le temps imparti au
gouvernement est terminé. Par contre, nous allons poursuivre avec l'opposition
officielle et le député d'Acadie pour six minutes.
M. Morin : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Pr Fortin. Merci pour votre mémoire. Merci également pour
les renseignements que vous partagez avec nous aujourd'hui, compte tenu, bien
sûr, de votre expertise très grande et votre expérience. J'ai quelques
questions pour vous. Dans le mémoire que vous avez déposé, 25 juillet
2025, vous soulignez à la page 8 de votre document : «Le gouvernement
du Québec, et je vous cite, doit se donner quatre règles d'intervention pour
mener à bien son opération de réduction de l'immigration temporaire. La
première est de respecter les promesses déjà faites aux immigrants temporaires
qui sont détenteurs d'un permis pour des raisons non seulement juridiques, mais
surtout morales. Il doit éviter de changer des règles du jeu en cours de route
pour que des personnes et des familles qui sont venues au Canada de bonne foi à
l'invitation des autorités d'ici». Moi, quand je vous ai lu, j'ai trouvé ça
hyper intéressant parce que, moi, ça fait plus d'un an que je dis qu'il faut
une planification de l'immigration, mais quand je regarde les actes du
gouvernement actuel, j'ai l'impression qu'ils font exactement l'inverse de ce
que vous dites qu'ils devraient faire. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi?
M. Fortin
(Pierre) : Est-ce qu'ils font le contraire? Ce qui se produit,
c'est que l'explosion d'immigration temporaire a été tellement énorme que le
gouvernement était pris dans une contradiction entre le fait que les cibles
officielles. La cible officielle d'immigration permanente était de 50 000.
Et vous comprenez qu'avec 600 000 immigrants temporaires qui étaient
en résidence au Québec et qu'il y a en moyenne 8 % de cette population de
résidents non permanents qui passe à... qui veut passer chaque année à l'immigration
permanente, mais 8 % de 600 000, ça fait 48 000. Alors,
vous épuisez presque totalement toute votre... Si vous utilisez cette... Si
vous accueillez parfaitement ces immigrants temporaires là qui veulent aller à
l'immigration permanente, bien là vous avez un gros problème parce qu'étant
donné que vous avez épuisé votre cible d'immigration permanente, il ne reste
plus de place pour n'importe quelle entreprise au Québec d'aller chercher des
immigrants à l'étranger, des immigrants permanents. Donc, je veux dire, oui, le
gouvernement du Québec a imposé des contraintes. Il a dû ralentir le rythme
auquel il permettait aux immigrants temporaires qui voulaient devenir
permanents, et il voulait le ralentir afin de laisser la place aux immigrants
en provenance de l'extérieur, évidemment, et...
M. Fortin (Pierre) :...et donc il y avait cette contradiction-là entre la cible
officielle et l'énorme afflux d'étudiants de... pas d'«étudiants», pardon, mais
d'immigrants permanents qui... d'immigrants temporaires qui voulaient passer à
la permanence. Et donc, oui, dans un sens, c'est une contradiction dans le
comportement du gouvernement, mais c'est une contradiction qui vient d'une
contradiction que la politique d'explosion migratoire a engendrée et qui était
inattendue il y a quelque temps.
M. Morin : Si vous permettez,
Pr Fortin...
M. Fortin
(Pierre) :Je m'excuse d'être aussi long,
là.
M. Morin : Non. Je... Mais
j'ai une autre question pour vous. Dans un document que vous avez rédigé pour
le ministère de l'Immigration en mai 2022 et qui s'intitule La politique
d'immigration fédérale expansive, conséquences pour le Canada et pour le
Québec, vous avez écrit à la page 26 : «Malheureusement, l'idée
qu'une plus forte immigration peut aider à soulager des pénuries de
main-d'œuvre parce qu'elle accroît la population à l'âge de travailler n'est
rien d'autre qu'un gros sophisme de composition. Elle est basée sur une logique
incomplète.» Mais après la pandémie, et corrigez-moi si je fais erreur, le gouvernement
du Québec, comme le gouvernement du Canada... parce que le gouvernement du
Québec contrôle une bonne partie de son immigration, n'a-t-il pas ouvert les
vannes pour faire venir plein de travailleurs temporaires étrangers au Québec?
M. Fortin (Pierre) :Le gouvernement du Canada, oui, mais le gouvernement du
Québec, pas mal moins, dans le sens suivant. C'est que, dans les programmes
d'immigration temporaire, il y a... il y a... qui sont pour le travail, il y a
deux gros programmes. Il y a le programme de mobilité internationale et le
programme qu'on appelle des travailleurs étudiants... des travailleurs
étudiants étrangers... des travailleurs étrangers temporaires, PTET puis le
PMI. Le Québec ne contrôle rien sur le PMI, qui est le plus important des
programmes. Et il... en partie, peut accepter ou non des personnes qui viennent
par le programme, le programme de travailleurs étudiants temporaires. Alors,
donc, oui, en partie, en partie...
M. Morin : ...parce que mon
temps court...
M. Fortin
(Pierre) :...le Québec a accepté plus ou
moins régulièrement les demandes qui provenaient des entreprises et des
travailleurs. Et il n'a pas rejeté beaucoup de demandes. Oui, dans un sens, il
aurait peut-être pu faire plus. Mais, globalement, c'est surtout la politique
fédérale qui est en cause.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Je dois vous arrêter, Professeur Fortin.
M. Morin : Je vous remercie.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Professeur Fortin, le temps file rapidement. Il
reste quatre minutes. Et les deux prochaines minutes sont... sont accordées au
député de Laurier-Dorion.
• (13 heures) •
M. Fontecilla : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Fortin. Écoutez, puisque j'ai très peu de temps, je
vais aller directement avec une question sur la fameuse capacité d'accueil de
la société québécoise de l'immigration. De façon générale, on l'utilise, on en
parle beaucoup. Est-ce que... Qu'est-ce que vous comprenez comme... Quelle est
votre définition, plutôt, de la capacité d'accueil du Québec par rapport au
flux migratoire au Québec?
M. Fortin
(Pierre) :C'est d'avoir les... C'est...
C'est d'être capables de bien mesurer ce que ça peut coûter de bien accueillir,
de bien intégrer, de bien franciser un immigrant qui arrive. Le Commissaire à
la langue française, M. Dubreuil, par exemple, a indiqué que, pour bien
franciser les immigrants temporaires qui sont dans le système à l'heure
actuelle, ça coûterait quelque chose comme 2 milliards et demi de dollars.
Alors, la capacité d'accueil, ce n'est pas un concept qui est... ça dépend de
l'argent que vous êtes capables et que vous désirez investir dans le système.
Si on veut vraiment franciser les immigrants temporaires, bien, ça va nous
coûter 2 milliards et demi. Est-ce que vous voulez enlever
2 milliards et demi dans le système d'éducation puis de santé, puis mettre
ça dans l'intégration des immigrants? On a des choix à faire. Donc, la capacité
d'accueil, ça dépend de l'argent que vous voulez investir dedans et ça dépend
aussi du temps que ça prend pour tous les concitoyens de bien accueillir, de
faire en sorte que nos concitoyens immigrants en viennent à bien comprendre et
à aimer le Québec, et pas seulement apprendre la langue, mais bien aimer, aimer
le Québec. Et, ça, c'est...
13 h (version non révisée)
M. Fortin (Pierre) :...la raison pour laquelle je me suis fixé à 50 000
comme cible...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Pr Fortin. Le... Les deux minutes...
M. Fortin (Pierre) :...c'est parce que c'est sur le terrain...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Les deux minutes du député de Laurier-Dorion sont terminées,
mais il en reste encore deux autres, que vous allez partager avec le député d'Arthabaska.
La parole est à vous.
M. Boissonneault : Bonjour, M.
Fortin. Merci, Mme la Présidente. M. Fortin, j'y vais directement moi aussi, je
n'ai pas beaucoup de temps. J'aurais aimé ça vous entendre sur l'impact de
cette augmentation importante de l'immigration permanente et temporaire des
dernières années sur la cohésion sociale.
M. Fortin (Pierre) :Bien, la réponse que je peux vous donner, c'est celle que Kim
Thúy nous a donnée, qui est une Québécoise qui est encore plus profondément
québécoise que plusieurs d'entre nous. Alors, cette personne-là trouve que,
depuis deux à quatre ans, je ne sais pas combien de temps, c'est plus compliqué,
c'est... elle souffre beaucoup plus d'entendre des gens casser du sucre sur le
dos des immigrants, et elle a parfaitement raison. Ça s'explique par... Et c'est
encore pire dans le reste du Canada qu'au Québec. Elle a parfaitement raison qu'il
y a plus de gens qui cassent du sucre sur le dos des immigrants. Mais c'est
justement la situation qu'on veut changer. Pourquoi nos gens sont contre l'immigration
en plus grand nombre? C'est parce qu'il y a eu des conséquences économiques et
sociales très graves sur l'économie et que ces conséquences-là doivent être
inversées avec les propositions que... de modération qui sont faites.
M. Boissonneault : M. Fortin,
très rapidement, il nous reste 30 secondes, j'aimerais maintenant vous entendre
sur l'impact de la cohésion sociale sur l'économie, le lien, parce que je sais
que vous avez écrit là-dessus dans L'Actualité. J'aurais aimé ça vous
entendre rapidement là-dessus.
M. Fortin (Pierre) :La cohésion sociale, la confiance que les gens mettent les
uns dans les autres, c'est un outil important de développement économique. Ça a
été démontré, par exemple, par mes collègues français — ils sont français,
mais ils sont quand même bons — qui sont Yann Algan et Pierre Cahuc,
à Sciences Po Paris. Et on a démontré que plus les gens se font confiance, plus
il y a de cohésion sociale dans une économie...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci.
M. Fortin (Pierre) :
...dans une société, plus le développement économique peut être meilleur.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. Fortin, Pr Fortin. C'est... Votre apport
à nos travaux est inestimable. Alors, je vous souhaite une bonne journée.
Mesdames et Messieurs les élus, je
suspends jusqu'à... les travaux jusqu'à 14 heures. Merci.
(Suspension de la séance à 13 h 05)
13 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 14 heures)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des
relations avec les citoyens reprend ses travaux.
Nous poursuivons les auditions publiques
dans le cadre de la consultation générale sur le cahier de consultation
intitulé La planification de l'immigration au Québec pour la période 2026-2029.
Cet après-midi, nous entendrons les
organisations suivantes : l'Association Restauration Québec, qui va
présenter, conjointement avec Restaurants Canada, son mémoire, les grandes
lignes de son mémoire; nous allons également entendre le Conseil de la
transformation alimentaire du Québec, conjointement, cette fois-ci, avec l'Association
des détaillants en alimentation du Québec; nous allons poursuivre avec l'association
Hôtellerie du Québec ainsi que l'Université du Québec en Outaouais; et nous
allons terminer avec l'Institut de recherche sur le Québec.
Alors, pour les prochaines 45 minutes,
nous sommes donc avec l'association Restaurants Québec conjointement avec
Restaurants Canada. Mesdames et Messieurs, vous allez avoir une période de 10 minutes
pour vous présenter ainsi que les grandes lignes de vos commentaires de votre
mémoire. Par la suite, on entame la discussion avec les parlementaires. Alors, le
micro est à vous.
M. Malouin-Trudel (Laurence-Olivier) :
Mme la Présidente de la commission, M. le ministre de l'Immigration, de la
Francisation et de l'Intégration, Mmes et MM. les députés, bonjour, merci de
nous accueillir. Je me nomme Laurence-Olivier Trudel, je suis le président-directeur
général de l'Association Restauration Québec, mieux connue sous l'acronyme ARQ.
Je suis accompagné aujourd'hui du vice-président aux affaires publiques de l'ARQ,
M. Martin Vézina, et de Mme Marie-Pier Richard, vice-présidente
Québec pour Restaurants Canada.
Je tiens à remercier les membres de la
commission de nous avoir invités aujourd'hui à présenter nos observations sur l'enjeu
important qu'est la politique d'immigration au Québec. Bien que l'immigration
permanente représente un réel besoin pour notre secteur, puis qu'on croit qu'il
faut modifier le programme de sélection des travailleurs qualifiés pour y
permettre réellement l'accès à notre industrie, on va toutefois porter notre
attention plus particulièrement sur les nouvelles cibles en immigration
temporaire.
On ne peut pas cacher que la proposition
actuelle du gouvernement, à savoir de réduire le nombre de personnes titulaires
de permis de travail provenant du programme de travailleurs...
14 h (version non révisée)
M. Malouin-Trudel
(Laurence-Olivier) : ...temporaire nous inquiète énormément. Les
besoins en main-d'œuvre de notre secteur demeurent encore à ce jour. Et bien
que le taux de chômage des jeunes soit plus élevé, très peu de CV de
travailleurs québécois se dirigent vers nos membres, vers leurs établissements.
C'est d'ailleurs en raison de cette absence de CV locaux que nos exploitants
sont tenus de se tourner vers les travailleurs étrangers temporaires. Pour eux,
c'est une solution de dernier recours. Je peux vous garantir, tous les
exploitants à qui je peux parler préféreraient tous embaucher une personne
résidente et ayant le droit de travailler au Québec plutôt que de devoir payer
des milliers de dollars en frais de recrutement et administratifs pour aller
embaucher un travailleur étranger. Pour vous donner une idée, une exploitante
du secteur de Mont-Tremblant nous parlait récemment et nous a indiqué que les
coûts estimés en taux horaire pour cet employé-là étaient 5 $ à 7 $ de
plus de l'heure étant donné les coûts afférents. Pour nous, la pénurie
de main-d'œuvre demeure en restauration, et nous nous inscrivons en
contradiction avec l'affirmation dans le cahier de consultation qui indiquait
que la rareté de main-d'œuvre n'est plus aussi présente que les années passées.
Selon un sondage de l'ARQ, 40 % des répondants indiquent avoir autant de
postes vacants en cuisine qu'en salle à manger. Selon Statistique Canada, c'est
près d'un poste vacant sur 10 au Québec qui se trouve dans l'industrie de la
restauration, et le tourisme québécois, dans son ensemble, connaît un taux de
chômage de seulement 4,5 %. Avec les restrictions en vigueur depuis
septembre 2024, l'inquiétude a monté d'un cran avec l'impossibilité pour
plusieurs exploitants de pouvoir renouveler le permis de leurs travailleurs
étrangers temporaires. Plusieurs se demandent déjà comment ils vont faire. Si,
en plus, le gouvernement québécois doit réduire le nombre de travailleurs
étrangers temporaires, il y aura des conséquences importantes pour notre
industrie, c'est certain, mais aussi pour la vitalité de nos régions, la
qualité de notre accueil touristique et l'image qui s'en ressort. Donc, pour éviter
ce... Pour éviter cela, ma collègue Marie-Pierre Richard vous fera part de nos
recommandations communes.
Mme Richard (Marie-Pier) :
Merci, Laurence. En effet, Restaurants Canada et l'ARQ vous proposent des
recommandations qui visent l'atteinte d'un équilibre entre les besoins de notre
secteur et la capacité d'accueil du Québec. Notre orientation est de faciliter
les mesures de renouvellement des travailleurs actuellement sur le territoire.
Ils sont déjà ici. Ils se sont intégrés à nos communautés. Nous savons aussi
que le gouvernement fédéral fait partie de l'équation, mais nous croyons que le
gouvernement du Québec peut montrer son leadership sur la question en appuyant
nos revendications. Dans ce cadre, nous croyons que la première action apportée
par le gouvernement du Québec serait d'enclencher des négociations pour arriver
à une entente avec le gouvernement fédéral afin que des modifications soient
apportées au Programme des travailleurs étrangers temporaires pour les
entreprises québécoises désirant renouveler leurs TET. L'objectif est de créer
une clause grand-père pour les travailleurs étant déjà sur le territoire avec
un permis valide avant le 25 septembre 2024 et qui serait soumis aux mêmes
conditions que celles de l'époque. On peut penser, par exemple, à un retour au
seuil de 30 % pour les postes hors traitement simplifié et aucune limite
pour les métiers identifiés dans la liste des professions admissibles au
traitement simplifié. Un permis de travail d'une durée de deux ans et l'abolition
du refus automatique pour les demandes du volet bas salaire pour les RMR ayant
un taux de chômage de 6 % ou plus.
Parlant justement de cette liste pour les
traitements simplifiés, nous recommandons que les professions identifiées dans
les catégories superviseur, superviseur de service alimentaire diplômé et
serveur, serveuse au comptoir, aide de cuisine et personnel de soutien assimilé...
assimilé dans la Classification nationale des professions y soient ajoutés lors
de la prochaine révision. Comme les besoins de notre industrie ne se limitent
pas nécessairement aux régions mais aux îles de Montréal et de Laval, il
faudrait abandonner le moratoire pour les demandes de renouvellement des
travailleurs étrangers temporaires dans ces régions.
Finalement, un dernier mot sur le dossier
de la francisation. L'industrie a toujours cru qu'il était essentiel de détenir
une bonne connaissance du français pour l'ensemble des travailleurs de notre
industrie. Une communication dans la même langue est essentielle pour que les
chefs puissent coordonner sa brigade, pour que les serveurs puissent prendre
les commandes ou expliquer le menu et pour que les sommeliers soient à même de
présenter la carte des vins, par exemple. D'ailleurs, l'Office québécois de la
langue française montre que l'usage du français au travail dans le secteur de l'hébergement
et des services de restauration se fait majoritairement en français, à 88,1 %,
se positionnant devant des secteurs tels que les arts et spectacles et les
loisirs à 80,9 %, les finances et assurances à 82,8 % ou encore le
commerce en gros à 77,4 %.
Toutefois, nos efforts se heurtent à un
obstacle, soit une offre de francisation qui demeure limitée. C'est pourquoi
nous croyons qu'il est essentiel que le gouvernement nous donne les ressources
nécessaires pour que nous puissions bonifier l'offre de cours de francisation
en entreprise. Nous avons plusieurs témoignages de travailleurs étrangers qui
trouvent difficile de concilier une journée de formation en francisation
pendant le jour et un quart de travail en soirée. En permettant que la
francisation se fasse sur le milieu de travail, on permet d'éviter cet écueil.
Ainsi, nous devons mentionner le niveau trop élevé, soit un niveau 7, pour
l'obtention du certificat de sélection du Québec. Il s'agit d'un seuil bien
élevé pour...
Mme Richard (Marie-Pier) : ...de
nos travailleurs qui font des efforts importants pour maîtriser notre langue?
Surtout que certains éléments du nouveau sept ne sont pas nécessairement connus
des Québécois et Québécoises. Prenons par exemple la notion simple du gérondif
présent, que nous doutons qu'une grande partie de la population connaisse
réellement. C'est pourquoi nous pensons qu'il vaut mieux retourner à l'ancienne
exigence qui est le palier cinq, une exigence beaucoup plus réaliste à
atteindre pour plusieurs de nos travailleurs étrangers temporaires qui peuvent
venir autant du Mexique que de l'Italie.
L'ensemble de ces recommandations visent à
prévenir des impacts importants sur la vitalité de notre secteur. Selon nous,
les exigences actuelles mettent à risque les entreprises du secteur dans
plusieurs régions du Québec, mais aussi le dynamisme économique du secteur
touristique.
Pour vous donner une idée des conséquences
possibles, je vais laisser mon collègue Martin vous donner des exemples bien
réels provenant de 200 témoignages que nous avons recueillis.
M. Vézina (Martin) : Alors,
merci, Marie-Pier. En effet, j'aimerais faire part aux membres de la commission
des témoignages que nous avons reçus, et je suis sûr que vous sentirez bien
l'inquiétude des membres de notre industrie.
Par exemple, la propriétaire du restaurant
La Chapelle à Kazabazua, dans l'Outaouais, a opté pour intégrer deux chefs de
la Tunisie, vu qu'elle ne recevait aucune candidature dans sa région. Sans eux,
et je la cite, «notre histoire aurait peut-être connu sa fin. Le futur de notre
entreprise dans notre petite communauté est plutôt triste.».
Le propriétaire du Manoir Hovey, à North
Hatley, en Estrie, doit recruter des travailleurs étrangers temporaires, bien
qu'il a augmenté les salaires de 40 % à 50 %. Je le cite : «La
main-d'œuvre locale pour répondre à nos besoins n'existe tout simplement pas.
Sans changement, la qualité du produit touristique québécois et canadien
reconnue à l'international se détériorera, et même des établissements
emblématiques comme le Manoir Hovey ne pourront plus atteindre... répondre aux
attentes de leurs clients.
La propriétaire du restaurant La Promenade
à Havre-Saint-Pierre, en Côte-Nord, emploie neuf employés étrangers
temporaires. Elle doit se rabattre sur ceux-ci puisque les travailleurs locaux
sont employés par le secteur minier, par lequel la restauration ne pourra
jamais compétitionner au niveau des salaires. Sans ces travailleurs étrangers,
elle envisage tout simplement la fermeture de son établissement. Il faut
mentionner qu'il s'agit du seul restaurant ouvert à l'année à
Havre-Saint-Pierre et que sa fermeture va avoir un fort impact sur la
communauté.
La copropriétaire du restaurant Horizon
Thaï, à Rouyn-Noranda, en Abitibi-Témiscamingue, considère qu'elle ne pourra
pas maintenir ses heures d'ouverture sept jours sur sept, et cela aura un
impact important sur ses bénéfices.
Même réalité du côté des chaînes où une
franchisée d'une chaîne de restaurants Paccini nous a mentionné que si elle
perd ses travailleurs étrangers temporaires, elle devra fermer un jour par
semaine.
Une autre franchisée de la chaîne de
restaurants Bâton rouge emploie actuellement quatre travailleurs étrangers
temporaires, ce qui lui a permis d'éviter la fermeture de jours d'exploitation.
En les perdant, elle devra donc réduire ses heures d'ouverture en fermant
quelques jours.
• (14 h 10) •
Les conséquences ne se limitent pas aux
régions. Nous avons aussi des témoignages provenant de la région de Montréal.
Tout d'abord, le copropriétaire du
restaurant Il Pazzesco à Anjou risque de devoir mettre sur pause ses
investissements pour l'agrandissement de sa salle à manger, puisque les règles
actuellement ne lui permettront pas de garder les cinq travailleurs étrangers
temporaires. Et il ne reçoit toujours pas d'autres CV.
Même chose pour le propriétaire du Tomate
Basilic, à Montréal, qui doivra revoir ses heures à la baisse parce qu'il ne
pourra pas renouveler ses travailleurs étrangers temporaires.
Le propriétaire du café Cherrier, à Montréal,
a dû laisser partir un cuisinier titulaire d'un diplôme professionnel en
cuisine et ayant un bon niveau de français. Bien que son permis ouvert fût
valide pour plusieurs mois, il est parti dans une autre province, vu que le
gouvernement avait suspendu le Programme de l'expérience québécoise.
Tous ces témoignages montrent les
conséquences importantes s'il n'y a aucun changement... n'est apporté aux
exigences du Programme des travailleurs étrangers temporaires et de
l'abaissement de la cible de ce type de travailleurs. Nous croyons nécessaire
de vous en informer pour que vous puissiez prendre les actions nécessaires.
Je conclus en vous remerciant de votre
écoute et en espérant que vous serez sensibles à nos recommandations. Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Bien, merci beaucoup. Dix minutes pile. Alors, avant de
poursuivre avec la discussion qui va commencer avec les parlementaires, je dois
vous demander le consentement pour que le député de Saint-Henri-Sainte-Anne
puisse prendre place à notre commission. Consentement? Consentement. Merci.
Alors, on poursuit avec la banquette gouvernementale, et vous avez une période
de 16 minutes 30 secondes. La parole est à vous.
M. Roberge : Merci, Mme la
Présidente.
Merci pour votre présentation. En juin de
cette année, à travers la Fédération des chambres de commerce, vous avez fait
parvenir une lettre conjointe à moi, au ministère, et à la ministre Hajdu, au
gouvernement canadien, par rapport au Programme de travailleurs étrangers
temporaires. Est-ce que vous avez reçu une réponse de la part du gouvernement
du Canada?
M. Vézina (Martin) : Pour
notre part, non, nous n'avons pas reçu de réponse. Mais il faudrait valider
peut-être avec les gens de la FCCQ, qui, peut-être, eux, vu qu'ils étaient le
porteur de la lettre, ont peut-être eu une réponse. Mais, pour nous, non,
effectivement, aucune réponse du gouvernement fédéral.
M. Roberge : OK...
M. Roberge : ...je peux vous
dire que, pour notre part, on l'a reçu, on vous a répondu, et j'ai écrit
personnellement aussi à la ministre de l'Immigration et à la ministre de
l'Emploi, parce qu'on pense au gouvernement du Québec qu'on doit avoir une
approche différenciée entre les différentes régions du Québec, particulièrement
Montréal, Laval et toutes les régions du Québec. Donc, nous, notre demande ne
répond pas, je pense, à 100 % de vos revendications, mais peut-être un
80 %, 90 % dans ce sens-là. On pense qu'il devrait y avoir une clause
grand-père pour que les travailleurs étrangers temporaires à l'extérieur de
Montréal, Laval, puissent rester ici. On n'est pas partisan d'une augmentation
encore, et encore, et encore de davantage de travailleurs étrangers
temporaires, mais on pense que ceux qui sont déjà ici, qui ont un emploi, bon,
qui bien sûr occupent un logement et donc utilisent un logement, mais au moins
sont déjà là, devraient rester, surtout qu'on espère, on pense que la plupart
d'entre eux ont déjà commencé la francisation, pour ceux qui ne maîtrisaient pas
la langue, on ne voudrait pas que cet immigrant-là parte pour le remplacer par
un autre, pour lequel il faudrait recommencer le processus. Enfin, on va dans
cette dynamique-là. On attend avec grande hâte la réponse d'Ottawa à cet égard.
Est-ce que vous avez entendu l'intervention du Pr Pierre Fortin ce matin?
Est-ce que vous avez eu l'occasion de vous brancher?
M. Vézina (Martin) : On était
sur la route pour se rendre vous parlez.
M. Roberge : Je comprends
très, très bien. Mais disons qu'il nous a un petit peu fait contrepoids, en
fait, à plusieurs arguments que vous avez faits, il a utilisé des termes comme,
écoutez, c'est une catastrophe économique et sociale, ce sont les termes de
l'économiste Fortin, la surenchère, l'augmentation très, très grande
d'immigrants temporaires sur le territoire québécois, on pourrait dire pour la
langue française, on pourrait dire pour les logements, on pourrait dire d'un
point de vue social, d'un point de vue cohésion sociale, mais c'est un
économiste qui nous l'a dit : catastrophe économique et sociale.
M. Fortin nous a expliqué en long et en large, alors qu'on l'a questionné,
que, selon lui, loin d'être une solution à la pénurie de main-d'œuvre,
l'arrivée de toujours plus de travailleurs étrangers temporaires aggravait la
pénurie de main-d'œuvre, puisque ces gens-là, eux aussi, consomment des biens
et services.
M. Vézina (Martin) : Mais je
répondrais...
M. Roberge : Comment vous
recevez cette analyse-là?
M. Vézina (Martin) : Mais je
répondrais en trois temps. Un, comme on l'a mentionné puis on le mentionne
toujours, on parle de clause grand-père, on parle de renouveler sur le
territoire et, non, on ne vise pas un accroissement du nombre de travailleurs
étrangers temporaires, on veut maintenir ce qu'on a. On a atteint un équilibre
au niveau de l'industrie à cet effet.
J'ajouterais aussi que beaucoup de ceux
qui font des critiques au niveau des travailleurs étrangers temporaires parlent
peut-être d'automatiser le secteur. Or, dans notre secteur, on est prêt à
discuter avec des économistes, on a recherché, on a essayé de trouver des
innovations technologiques, mais malheureusement, en cuisine, les robots sont
plus lents que les humains. Donc, on doit garder des humains pour travailler,
on a besoin des gens pour le faire, donc on ne peut pas aller sur ce volet-là.
Après, on nous parle du taux de chômage
des jeunes, mais le taux de chômage des jeunes, on est très conscient, on
voudrait savoir pourquoi on ne les voit pas dans nos établissements. Actuellement,
nos membres, nos propriétaires ne les voient pas. Une des raisons, un des
motifs, une des hypothèses qu'on croit, c'est les horaires. Nous travaillons le
samedi, le vendredi soir, des fois le matin pour ceux qui ont des déjeuners. Et
ce qu'on entend de cette catégorie de travailleurs, ils recherchent des emplois
du lundi au vendredi de 9 à 5, qui pourraient être trouvés dans d'autres
secteurs d'activité, mais on ne le trouve pas ici. De là pourquoi nos
exploitants, puis on l'a mentionné tantôt, le dernier recours, on a besoin de
ces travailleurs étrangers temporaires. Puis ça ne nous fait pas nécessairement
plaisir de payer les milliers de dollars qui sont associés au recrutement, mais
on doit le faire pour faire... pérenniser notre entreprise. Puis, comme je vous
ai mentionné, il y a des régions là-dedans, on a des restaurants qui, un ou
deux dans les petites communautés, mais ça fait vivre la communauté.
M. Roberge : Vous avez abordé
la question du taux de chômage chez les jeunes. Je peux comprendre. Certains
horaires qui sont difficiles à combler. Mais cet été, l'écho qu'on a reçu,
c'est que beaucoup, beaucoup de jeunes étudiants ont été incapables de se
trouver un emploi. Je dis cet été, là, pas juillet, août, là, d'avril à
maintenant. Beaucoup d'étudiants sont restés sans emploi. Et malgré tout, vous
nous dites toujours que vous n'êtes pas capables de recruter. Moi, j'ai deux
filles dans la vingtaine, une est aux études. Puis j'ai des visages, là, de
jeunes filles, de jeunes femmes qui n'ont pas été capables de trouver des
emplois dans la restauration cet été. Là, vous nous dites qu'il faut faire
venir de la main-d'œuvre étrangère, mais...
M. Roberge : ...vous n'êtes
pas en train de créer une compétition? Est-ce que... Moi, j'ai des visages de
jeunes filles, je ne les nommerai pas, là, mais est-ce que mademoiselle X, Y et
Z n'ont pas pu travailler parce que vous avez fait venir des gens de
l'étranger?
Mme Richard (Marie-Pier) : Je
serais vraiment contente que vous... D'avoir les CV de ces jeunes femmes là. Je
suis convaincue que nos restaurateurs seraient contents de les prendre, en
termes de main-d'oeuvre. Sincèrement, il n'y a pas un restaurateur que j'ai
rencontré qui m'a dit depuis qu'il a refusé un CV pour un poste. Là, il faut
faire attention, ce n'est pas seulement que des postes à temps partiel non plus
qu'on a à combler. Il y a des postes à temps plein aussi à combler en
restauration, il y a des postes qui ne conviennent pas à des jeunes qui sont en
train d'étudier. Il va y avoir des quarts de nuit par exemple. Si on pense aux
quarts de nuit, il y a beaucoup de jeunes qui vont nous dire que ça ne les
intéresse pas ou qu'ils ne peuvent pas concilier ça avec le travail-études par
exemple. Donc... Mais, à moins que vous nous disiez le contraire, moi, je n'en
connais pas qui se sont fait dire non par des restaurateurs.
M. Vézina (Martin) : Le
besoin, notamment pour les postes travailleurs étrangers temporaires, ce sont
des emplois à temps plein, pas nécessairement uniquement deux mois à l'année en
juillet, août. On va les prendre, Marie-Pier l'a dit, on va les accueillir.
Mais nos besoins sont aussi en octobre. Ce sont des employés temps plein. On ne
veut pas non plus que ces jeunes-là travaillent à temps plein puisqu'ils ont
peut-être d'autres visées de carrière, ont un projet d'études. Puis, on l'a
toujours dit, on est... on est contents de les recevoir puis on veut prendre
ces temps partiels là pour leur donner leur première expérience de travail,
mais on a aussi des besoins de temps plein. Puis, si les temps plein ne sont
pas là puis ils ne sont pas comblés par des travailleurs étrangers temporaires,
bien, ça se peut très bien aussi que, les emplois étudiants, bien, on en
demande moins. Parce que, comme on a... on ne peut pas ouvrir assez de quarts
de travail, bien, on se retrouve à faire des choix. Puis on ne peut pas ouvrir
autant de quarts de travail pour les jeunes durant l'été.
M. Roberge : Vous nous parlez
de quarts de travail, de travail de nuit. Je comprends. Je comprends. Mais il y
a aussi les conditions de travail. Il y a des gens qui nous disent, bien, que
c'est une question aussi de rémunération ou de compétition difficile à accoter
pour les Québécois par rapport à un travailleur étranger temporaire qui arrive
et qui fait une rude compétition.
Je ne sais pas si vous avez vu l'article
ce matin, Radio-Canada, les immigrants surreprésentés, moins bien traités en
hôtellerie et en restauration. C'est la Chaire de recherche du Canada sur les
dynamiques migratoires mondiales qui a fait cette étude-là, Mme Coustere. Ça
dit : «Des personnes qui avaient des maladies, des blessures, notamment
sur le lieu de travail, n'allaient pas nécessairement chercher des ressources
parce qu'elles ne savaient pas où elles étaient, ces ressources, dans certains
cas, craignaient que ça aboutisse à une déportation.» Ils ont repéré des cas où
des tâches ne correspondent pas à celles du poste, des horaires davantage
atypiques, les salaires ne correspondent pas aux tâches effectuées. Donc, des
gens qui sont dans ces conditions-là créent peut-être une spirale vers le bas
qui fait qu'ensuite vous avez de la misère à attirer des gens dans la
restauration. Ça fait que c'est une étude, là, de chercheurs parue ce matin. Ce
n'est pas mon analyse personnelle. Je ne suis pas un expert en relations de
travail, là.
• (14 h 20) •
M. Vézina (Martin) : Je ne
commenterai pas nécessairement l'étude en tant que telle. Mais, tu sais, je
vous donnerais d'autres exemples. Tu sais, vous parlez au niveau de, je pense,
prévention, santé et sécurité au travail. Si on regarde notre performance de
notre unité de classification à la CNESST dans les dernières années, vous
pouvez en parlez à votre... au collègue, le ministre du Travail, vous verrez
effectivement qu'on a mis beaucoup d'efforts et beaucoup de travail dans la
prévention au niveau des accidents de travail. Puis on a un bilan assez
exemplaire à ce niveau-là. Nous, à l'association, pour vous dire, nous avons
même mis un projet en... On a un guide pour les travailleurs étrangers
temporaires pour les sensibiliser aux notions de prévention des accidents de
travail à ce niveau-là.
Au niveau des conditions de travail, on a
eu une augmentation de nos salaires environ 29 % depuis 2019. Nous
travaillons à ce rattrapage salarial là. Et on travaille à la valorisation de
nos métiers. Ça fait que, oui, peut-être, il y a des situations notées dans
cette étude que je ne nierai pas, mais je crois que la majorité, la très grande
majorité de notre industrie offre des opportunités de qualité aux travailleurs
étrangers temporaires. On a plein d'histoires de gens qui on les emmener fêter
Noël chez eux, qui paient leur appartement, qui s'occupent de briser leur
isolement. Parce que, quand on a un ou deux travailleurs étrangers temporaires
dans une communauté, bien, des fois, il faut travailler à briser l'isolement de
ces personnes-là.
M. Roberge : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, M. le ministre. On poursuit avec la banquette gouvernementale,
et je vais reconnaître la députée de Vimont. Il reste encore six minutes
12 secondes.
Mme Schmaltz : Parfait. Ah!
mon Dieu! L'horloge, elle est... Je ne sais pas. Je m'excuse. J'étais attirée
par ça, là. Je suis vraiment désolée. Ça fait... C'est vraiment étrange de voir
ça aller puis revenir, là. Ça ressemblait à un retour vers le futur, là. On
retourne au début. La question n'était pas bonne! Non, non, c'est une blague...
Mme Schmaltz : ...Je
voudrais revenir avec vous... Je veux revenir, pardon, sur la question de la
francisation. Tantôt, vous avez mentionné au niveau de l'offre, vous pensez que
l'offre, elle est limitée, étant donné que souvent les gens, quand ils viennent
travailler, sont souvent en mode survie? Donc, de prendre du temps des fois
pour se franciser, ça semble être un gros défi. Par contre, Francisation Québec
a quand même mis sur pied un peu son volet deux, qui est la francisation en
entreprise, justement pour éviter que les gens soient peut-être trop fatigués
après des journées de travail et puissent se franciser directement sur les
lieux, sur leur lieu de travail. Ce qui fait qu'en plus d'apprendre le
français, bien, ils apprennent aussi le langage, disons, de l'entreprise ou peu
importe, là, peu importe le métier qu'ils font. En restauration, j'ai vu...
L'année dernière, on a... Le ministère avait financé un projet à Montréal et
puis ce sont des personnes immigrantes qui avaient très peu de mots pour
s'exprimer, et au moyen de pictogrammes, les gens apprenaient à prononcer les
mots qu'on retrouve souvent, là, de l'eau, un verre d'eau. Et en plus ils
avaient un portable où on leur a appris à vraiment s'exprimer, le genre de
conversation qu'on rencontre souvent quand quelqu'un se rend dans un restaurant.
Avez-vous le menu ou, vous savez, le genre de phrases, là, qu'on... qui sont
reconnues. Vous pensez... Vous pensez encore que c'est très limité, l'offre en
francisation, justement?
Mme Richard (Marie-Pier) :
Je vous dirais que, pour ma part, j'ai des... j'ai des restaurateurs qui m'ont
dit offrir davantage de cours de francisation, encore, qu'ils déboursent
eux-mêmes des montants pour franciser leurs travailleurs étrangers temporaires
en entreprise parce que l'offre n'est pas assez grande pour eux et qu'ils
veulent s'assurer que leurs travailleurs atteignent le niveau, alors que je
vous disais tantôt que le niveau est très, très élevé, qu'il est beaucoup plus
que juste savoir donnez-moi un verre d'eau et tout ça. Donc, le niveau qui est
demandé pour atteindre le niveau 7 est beaucoup plus élevé que ça. Donc,
il y a des restaurateurs qui paient de leur poche, qui investissent dans leurs
travailleurs étrangers temporaires pour offrir des cours de francisation
supplémentaires sur les quarts de travail, là. Donc...
Mme Schmaltz : Et on
parle d'offre, en fait, de francisation quotidienne tous les jours. C'est...
J'essaie de voir. Quand on... Quand vous dites que l'offre n'est pas
suffisante, c'est quoi? C'est de deux heures, c'est de cinq heures de francisation?
J'essaie juste de comprendre cet aspect-là. C'est parce qu'on apprend...
M. Vézina (Martin) : Des
fois, c'est... Des fois ce n'est pas nécessairement de leur métier de
devenir... Notre industrie, on est près de 18 000 établissements. Ça
fait que, souvent, c'est... Il y a beaucoup d'exploitants qui veulent aller là,
mais il y a une limite quand même qui peut être apportée à la francisation au
niveau de ses ressources. Donc, il doit sélectionner certains, certains
établissements. Donc, c'est pour ça. On sent vraiment une volonté, tu sais, je
vous dirais, de l'industrie. Puis on l'a vu dans les stats, puis on l'a nommé
dans notre allocution, tu sais, on est vraiment, tu sais, nos membres, ils nous
disent il nous faut des gens qui parlent français sur une ligne parce que
quelqu'un qui parle espagnol puis français ne marche pas.
Mme Schmaltz : Est-ce que
les gens de l'industrie, comme ça, sont au courant? J'imagine que les gens
peuvent également suivre des cours aussi via les... Ils savent tout ça, que ce
n'est pas... Ça peut être des week-ends aussi, mettons. Il y a des écoles de
francisation qui sont ouvertes, leurs portes, les fins de semaine, justement
pour faciliter aussi l'accès aux travailleurs. Mais il y a aussi des cours
qu'on peut suivre de façon asynchrone, là. C'est bien ça, asynchrone? Puis il y
a des cours déjà enregistrés. Je veux dire, on essaie beaucoup de bonifier,
mais c'est sûr que lorsqu'on a des demandes, c'est bien aussi de les savoir.
M. Vézina (Martin) : Je
vous donnerais...
Mme Schmaltz : C'est
vraiment des exemples précis, là, de ce que les restaurateurs ont besoin pour
franciser.
M. Vézina (Martin) :
Bien, je vous donnerais un exemple. On a un travail, nous, au comité sectoriel
de main-d'œuvre. Le Conseil québécois des ressources humaines en tourisme a un
programme de francisation où des gens ont des... a eu des ressources, puis on
suit ce comité sectoriel là, met en branle un programme avec certains
établissements de restauration, que ce soit service rapide... ou indépendant,
puis on a pu lever quand même beaucoup d'intérêt, je vous dirais. On partirait
de notre cohorte. On a fait juste un courriel à nos membres pour dire : On
part une autre cohorte de francisation. On a reçu 10 à 15 lettres d'intérêts
dans les jours, on les 48 heures qui suivent.
Mme Schmaltz : Il y a des
formules... Il y a des formules qui marchent bien. Parce que, des fois, les
gens peuvent partager aussi les bonnes formules, là, qui fonctionnent.
M. Vézina (Martin) : Une
bonne formule qu'on...
Mme Schmaltz :
...allez-y...
M. Vézina (Martin) : Une
bonne formule qui fonctionne, là. On voit des groupes, des petits groupes dans
des milieux de travail, avec un formateur qui vient en milieu de travail
quelques heures. Puis, dans le cadre de ce programme-là, avec le comité
sectoriel, puis il y a une rémunération, parce qu'en plus ils sont rémunérés
pendant... pendant la formation. Donc, on vient chercher de la valeur ajoutée
pour le travailleur qui, quand il va prendre des cours à Francisation Québec ou
dans une école de francisation, là, dans une classe de francisation, pas
nécessairement rémunéré à cette heure-là, surtout la fin de semaine. Donc, on
essaie de chercher...
M. Vézina (Martin) : ...des
façons de faire pour justement améliorer la francisation, parce que, comme
industrie, pour nous, ça fait du sens de franciser les travailleurs, là.
Mme Schmaltz : C'est sûr que
pour... oui, la francisation est importante en entreprise, mais elle est
également importante à l'extérieur du travail, parce qu'il y a une grosse
partie du travail aussi qui se fait entre les gens dans la vie de tous les
jours, en magasinant, peu importe, en faisant le Metro, IGA. Je veux dire, il y
a tout ça aussi qui fait que la personne... Est-ce que vous sentez que la
personne, dans le milieu où elle évolue, a cette chance de pouvoir le faire?
Mme Richard (Marie-Pier) : Bien,
je pense que... je pense que oui. Tantôt, on vous parlait à quel point les
travailleurs étrangers temporaires étaient souvent bien intégrés à la
communauté...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : En terminant.
Mme Richard (Marie-Pier) :
...par exemple, la communauté se mobilise, dans certains cas aussi, pour venir
en aide aux travailleurs étrangers temporaires pour cette francisation-là
aussi, c'est des... c'est du volontariat, si vous voulez.
Mme Schmaltz : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, Mme la députée. Alors, on poursuit avec le député
d'Acadie pour une période de 9 min 57... 9 min 54. Allez-y.
M. Morin : Merci, Mme la
Présidente. Alors, bon après-midi. Heureux de vous rencontrer et de vous
écouter. Merci pour votre mémoire.
J'ai... Il y a des points que j'aimerais
clarifier avec vous. Dans ses premières questions, M. le ministre faisait
référence à un document et au témoignage du professeur Fortin, un économiste.
Or, dans le document qu'il a déposé à la commission en date du 25 juillet 2025,
il souligne notamment dans son mémoire, puis je vais vous le lire parce que
vous ne l'avez peut-être pas lu... il demande au gouvernement du Québec de «se
donner des règles d'intervention pour mener à bien son opération de réduction
de l'immigration temporaire». La première, c'est de «respecter les promesses
déjà faites aux immigrants temporaires qui sont détenteurs d'un permis. Pas
uniquement pour des raisons juridiques, mais aussi pour des raisons morales, il
doit éviter de changer les règles du jeu en cours de route pour que des
personnes qui sont venues au Canada de bonne foi, à l'invitation des autorités
d'ici, puissent venir ici».
Ça m'a frappé parce que moi, je dis,
depuis plus d'un an, que l'immigration, ça se planifie, que le gouvernement ne
le fait pas. Et je vous écoutais, puis vous avez donné l'exemple du Café
Cherrier à Montréal, qui a perdu un de ses cuisiniers et... à cause... à cause
de la suspension du PEQ. Et on sait, le PEQ, à un moment donné, il y avait des
gens qui étaient admis en continu, après ça ils ont arrêté, là ils l'ont
suspendu. Donc, on a l'impression que le gouvernement fait l'inverse de ce que
M. Fortin lui demande de faire. Des règles qui sont aussi
imprévisibles, j'aimerais que vous m'en parliez davantage, c'est quoi, l'impact
que ça fait chez vous? Quel est l'impact pour votre industrie puis pour
l'économie du Québec également? Parce que, là, je comprends que, bon, un
cuisinier titulaire d'un diplôme professionnel, ça doit quand même avoir un
assez bon salaire, puis là il est parti. Si je vous ai entendus comme il faut,
il serait dans une autre province.
• (14 h 30) •
Mme Richard (Marie-Pier) : Si
je peux me permettre, vous avez raison, c'est quand même long à planifier.
Certains restaurateurs mettent beaucoup de temps au-delà... On parle... On
parle souvent de l'argent qui est... qui est mis, mais c'est... c'est un temps
fou en démarches pour faire... pour faire venir des travailleurs étrangers, par
exemple. Donc, c'est... il y a cet investissement de temps là qui est... qui
est là pour eux, mais, au-delà de tout ça... Tu veux-tu compléter, peut-être?
M. Vézina (Martin) : Bien, je
voulais juste dire, au niveau du cas du Café Cherrier, là, je vais... je vais
aller là-dessus, effectivement, on avait un cuisinier français, donc on n'était
pas dans un enjeu de langue, là, il aurait respecté son niveau 7, là. Dans ce
cas-ci, il avait un diplôme d'études professionnelles d'un lycée français, donc
ça allait. L'enjeu, puis on le voit de plus en plus, c'est que même pour les...
des candidats à l'immigration français, aller en Ontario, aller chercher la
résidence permanente est beaucoup plus facile. Pourquoi? Bien, parce que ce
n'est pas prévisible. Là, ils orientaient... Puis là, je pense, c'était un bon
candidat du PEQ. Il y a peut-être des enjeux avec le PEQ à réfléchir. Mais là
on avait un bon candidat. Il va aller sur Entrée express du... du gouvernement
fédéral en Ontario. Possiblement, il va revenir au Québec, mais, pendant ce
temps-là, bien, on a perdu, nous... la propriétaire, elle a perdu, bien,
quelqu'un d'expérimenté, qui parlait français, puis là elle se retrouve à
trouver d'autre chose, là, elle doit trouver d'autre chose, une autre solution.
M. Malouin-Trudel
(Laurence-Olivier) : Peut-être juste pour compléter. Dans mes discussions
dans les derniers mois, dernières années avec les exploitants, au-delà des
enjeux financiers, de temps, de ressources, le...
14 h 30 (version non révisée)
M. Malouin-Trudel
(Laurence-Olivier) : ...le côté humain, c'est probablement qu'est-ce qui
est le plus poignant pour ces gens-là. On parle de gens qui doivent remercier
des employés qui travaillent chez eux de longue date, qui se sont engagés, qui
ont mis leurs promesses puis qui doivent les déchirer, ces espèces de contrats
sociaux là qu'ils ont faits puis contrats écrits, pour dire : Bien, non,
tu vas retourner, qui avaient promis quelque chose de meilleur ici, au Québec.
Puis ça, ça leur parle... puis des fois ça déchire des familles parce qu'il y
en a un des deux, puis des fois il y a un... nos restaurateurs ont des employés
qui pourraient conserver, mais la conjointe de cet employé-là est dans une
autre entreprise, qui, elle, doit absolument quitter, puis à ce moment-là,
bien, c'est la famille au complet qui part, parce que, sinon, la famille, bien,
elle est séparée en deux. Donc, au-delà de tout ça, il y a des... il y a des
petits drames humains qui se vivent, et c'est là.
Puis ce que j'entends des exploitants, c'est
qu'eux, ils ne sont plus prêts à s'engager. À cause des règles qui ont
tellement changé dans les derniers mois, dernières années, ils ne savent plus
où donner de la tête, ils ne savent plus qu'est-ce que ça va être, donc ils ont
peur de s'engager, puis de dire : Bien là, oui, je respecte le 10 %,
mais ça va-tu tomber à 0 %? Donc, ils ont des grosses craintes en ce
sens-là.
Donc, je vous dirais, donc, nos
exploitants, avant tout, c'est des gens de cœur, c'est des gens qui sont là
pour les humains, pour ces relations humaines là puis, en ce moment, bien, ils
sentent qu'ils ne peuvent pas respecter ce pour quoi ils veulent s'engager,
donc, pour ces raisons-là, ils y vont d'un gros frein. Donc, c'est sûr que ça l'a
un gros impact.
Mme Richard (Marie-Pier) : ...aussi,
on avait des restaurateurs qui nous ont dit aussi que ce changement de règles
du jeu ou le fait qu'on sache que le permis ne pourra plus être renouvelé, par
exemple, dans la région de Montréal, ça a un impact sur le travailleur
lui-même, aussi sur sa motivation à apprendre le français. Sincèrement, on lui
dit : Faites toutes ces démarches-là puis, en bout de ligne, ton permis ne
sera pas renouvelé. C'est... Essayer de maintenir la motivation à la
francisation de ces travailleurs-là, ce n'est pas nécessairement facile, alors
qu'ils ont ce désir profond là de travailler en français, d'apprendre le
français à la base. C'est sûr que, si on vous dit : Vous avez tout laissé
derrière, puis, tout d'un coup, les règles du jeu changent, comme vous l'avez
mentionné, c'est sûr que... c'est sûr que ça joue sur la motivation, bien sûr.
M. Morin : Est-ce que, par
hasard, vous savez ça faisait combien de temps que ce travailleur-là,
cuisinier-là était à Montréal?
M. Vézina (Martin) : Malheureusement,
le témoignage n'allait pas jusqu'à ce niveau-là, là.
M. Morin : OK. Mais
visiblement il était allé au lycée français, il parlait français, il était à
Montréal, il travaillait à Montréal. Le gouvernement, sans crier gare, suspend
le PEQ, qui est un programme qui permet la résidence permanente puis la
citoyenneté éventuellement, et là, pouf, on vient de perdre quelqu'un. Puis...
Bien, pour le propriétaire, j'imagine que c'est un enjeu important parce que...
Si mon souvenir est bon, Mme Richard, vous avez parlé aussi de la... toute la
paperasse, alors... je comprends que c'est aussi lourd. Ça fait que combien...
Quelqu'un qui veut faire venir quelqu'un de l'étranger, combien ça peut prendre
de temps, combien ça coûte, combien... C'est-tu bien compliqué? Expliquez-nous
donc ça un peu.
M. Vézina (Martin) : Sur le
temps, il faut commencer six mois à l'avance, définitivement, le temps d'avoir
l'étude d'impact du marché du travail avec le certificat d'acceptation du
Québec, de pouvoir faire la démarche, d'envoyer le tout au travailleur qui est
à l'international, faire sa demande de permis de travail à son ambassade,
consulat, l'entrée biométrique, tout ça, qu'il arrive sur le territoire. Nous,
ce qu'on conseille à nos membres, c'est de commencer six mois à l'avance, parce
qu'on ne s'y connaît pas, les délais... les délais peuvent varier, notamment
chez Services Canada, donc c'est difficile à faire.
Au niveau des coûts, bien, au niveau
gouvernemental, c'est 1 500 $, ça, c'est le bout simple, mais après
rajoutez des milliers parce qu'il y a des consultants... ce n'est pas un
exploitant qui va partir à Tunis pour aller faire... aller voir du recrutement,
là, il va engager un consultant qui va facturer des milliers de dollars.
M. Malouin-Trudel
(Laurence-Olivier) : Puis on parle... on parle, en moyenne, là, d'un...
Le chiffre à Restaurants Canada qu'on évoque, c'est autour de 8 500 $ par
travailleur étranger. Mais tantôt on vous disait à quel point les restaurateurs
font plus de démarches, là. Donc, il y a des restaurateurs qui nous ont dit que
ça pouvait aller jusqu'à des 20 000 $ parce qu'ils investissent eux-mêmes
pour des cours de francisation privés par exemple, ils investissent pour
trouver un logement, ils investissent du temps pour trouver un travail à la
conjointe, au conjoint, ils investissent du temps. Il y en a qui m'ont même dit :
En région, on a trouvé une voiture pour que notre travailleur étranger puisse
venir travailler parce qu'il n'y a pas de transport en commun en région
partout. Donc, l'investissement, il peut aller du 1 500 $, peut-être...
très, très minimalement parlant, à aller jusqu'à 20 000 $ peut-être.
M. Morin : Donc, c'est quand
même une somme considérable. Puis, si après il n'y a pas de prévisibilité,
comme dans votre exemple du Café Cherrier, puis que la personne parte, puis là,
bien, c'était, dans le texte, un programme québécois, ce n'est pas fédéral, là,
bien là, à ce moment-là, le propriétaire restaurateur est obligé de
recommencer, et ça prend du temps.
M. Vézina (Martin) : ...ça va
reprendre le temps plus les investissements, mais là on se retrouve avec le
fait que notre premier investissement pour le recrutement, bien, tombe à l'eau.
Donc...
M. Morin : Il tombe à l'eau...
M. Vézina (Martin) : ...il y a
un autre coût, puis qui va être associé à l'exploitant qui devra mettre encore
des dizaines de milliers de dollars pour aller chercher quelqu'un
d'additionnel.
M. Morin : Très bien. Alors,
je vous remercie. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, M. le député. Alors, on va poursuivre avec le député
de Saint-Henri—Sainte-Anne pour 3 min 18 s.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous d'être présent, présente aujourd'hui.
Ma formation politique, on a pris la position à l'effet qu'il fallait réduire
l'immigration temporaire, mais là, quand ça devient dans le qui, ou dans quoi,
ou dans comment, les choses deviennent plus difficiles après. Et là vous êtes
là à nous dire «pas nous». J'entends. Puis vous avez de très bons arguments sur
le pourquoi pas nous? Mais dans ce cas-ci, est-ce que vous avez des pistes ou
des avenues de solutions pour où ça serait possible? Parce que les universités
nous disent «surtout pas nous», les cégeps en région nous disent «surtout pas
nous», plein d'autres catégories nous disent ça. Alors, j'aimerais ça vous
entendre sur vos recommandations.
M. Vézina (Martin) : Je vais
rebondir sur votre question, parce ce qu'on dit : Oui, on parle des
travailleurs étrangers temporaires, pourquoi? Parce que les programmes
permanents pour notre secteur, puis ça, ce commentaire-là, je l'ai fait à la
dernière commission de la planification pluriannuelle puis, je pense, je l'ai
fait en 2019 aussi, nos exploitants voudraient bien aller sur des programmes
permanents, mais, à la fin, les grilles de pointage font que ça n'arrivera pas.
Donc, tu sais, je vous dirais : Est ce que c'est... Tu sais, tout ça en
dépit, dépit... locaux... On prendrait un travailleur qui est déjà en droit de
travailler ici, ça, c'est le premier. En deuxième, bien, peut-être les gens
avec l'investissement se diraient : J'irais chercher quelqu'un qui
pourrait aller chercher une résidence permanente à travers les programmes permanents,
puis là mais comme je n'ai pas accès à ces deux-là, mais je vais tomber dans le
programme de travailleurs étrangers temporaires, parce que, bien, c'est la
dernière voie de salut que j'ai pour pérenniser mon entreprise.
Donc, ce n'est pas de couper ailleurs, je
veux dire, c'est peut-être : réfléchissions à nos programmes d'immigration
permanente. On a toujours axé vers du hyper qualifié. Nous, ça fait longtemps
qu'on dit : Mais il y a aussi des métiers qui ne sont peut-être pas aussi
qualifiés que le baccalauréat, mais qu'il y a des gens qui ont des diplômes en
cuisine, en service, il peut aller là en sommellerie, puis on pourrait les
reconnaître.
M. Cliche-Rivard : Ce que
vous dites, c'est que, finalement, le permanent puis le temporaire sont très
interreliés dans votre scénario ou seraient, devraient être interreliés, puis
que, finalement, plus qu'on réduit les signes d'immigration permanente,
notamment dans l'économique, plus artificiellement on fait gonfler le bassin de
résidents temporaires. C'est ce que vous dites essentiellement.
M. Vézina (Martin) : Mais ce
n'est pas une question de cible, c'est une question de pointage. Si on
n'atteint même pas le pointage pour pouvoir atteindre à pouvoir recevoir le
certificat de sélection, vous pouvez bien laisser monter les cibles, ça
n'arrivera... on n'aura pas accès. L'enjeu, puis ce qu'on entend des
exploitants, c'est que les grilles de pointage, comme elles sont montées
présentement dans les programmes permanents, il faut être bien très qualifiés
pour y accéder.
• (14 h 40) •
M. Cliche-Rivard : Puis elles
sont autant difficiles d'accès parce que les cibles sont plus basses. SI les
cibles étaient plus hautes... Je veux dire, c'est l'oeuf avant la poule ou la
poule avant l'oeuf. Finalement, il faut une contingence avec la cible qui est
accordée, là.
M. Vézina (Martin) : Je ne
suis... Encore là, je ne crois pas nécessairement que c'est une question de
cible, c'est une question d'accès. Est-ce que oui, est-ce qu'il y ait plus de
cibles va... peut-être pas, on va peut-être prendre plus de doctorants,
doctorat, de docteurs ou d'infirmières. C'est un choix, c'est un choix
collectif.
M. Cliche-Rivard : Et donc,
pour revenir à ma question principale, vous, vous ne m'aidez pas ou vous ne
nous aidez pas dans où est-ce qu'on devrait couper, là?
M. Vézina (Martin) : Mais,
regardez, on doit être solidaires de nos collègues des autres secteurs
d'activité. Je pense que les besoins sont là. C'est une réflexion à avoir. Au
niveau des étudiants internationaux, c'est des gens qui viennent à temps
partiel, c'est une relève dans certains cas. Il y a des cégeps, cégep de
Matane, la technique de tourisme, s'il n'y a pas d'étudiants internationaux, il
n'y a pas de programmes. Donc, il y a ces questions-là
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci.
M. Cliche-Rivard : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, on poursuit avec le député
d'Arthabaska pour 3 min 18 s.
M. Boissonneault : Merci, Mme
la Présidente. Puis je vais faire un peu de pouce sur ce que disait mon
collègue le député de Saint-Henri—Sainte-Anne. Merci à vous aussi d'être là,
par ailleurs. J'aimerais ça qu'on parle d'avenir un peu puis donc du volet
temporaire, parce que j'aimerais comprendre, pour vous, ce que ça signifie,
parce que dans cette idée-là d'avoir recours à cette main-d'œuvre, il y a
l'idée du temporaire. De quelle façon c'est compris, ça, d'une part par les
personnes qui sont engagées dans la restauration puis par les restaurateurs
aussi, à savoir est-ce qu'il y a l'idée éventuellement de se sortir de ce
modèle-là de... perpétuellement dans l'utilisation d'une main-d'œuvre
étrangère?
M. Vézina (Martin) : ...absolument,
on veut se sortir de ça, il n'y a personne qui veut. L'enjeu et démographique,
hein, on se rappelle, il y a moins de jeunes travailleurs. On est toujours dans
une courbe démographique descendante. On est même dans le creux en 2025-2026.
Mais, si on suit nos courbes démographiques, selon les études qu'on avait, puis
on l'a dit dans le mémoire, en 2031, là, c'est un rapport de RCGT, de notre
comité sectoriel avec Raymond Chabot...
M. Vézina (Martin) : ...qui
disait que les jeunes travailleurs, la courbe, on va peut-être remonter d'ici
2031. On va peut-être avoir assez de jeunes travailleurs pour ne peut-être plus
avoir recours au PTET. Mais actuellement, on est dans le seuil, en bas, là. Il
faut se sortir de l'eau, un peu, là.
M. Boissonneault : Mais je
comprends, selon vos propositions, qu'on devrait enlever les restrictions pour
la région de Montréal par exemple, aussi dans le secteur de la restauration.
Pourtant, le marché de l'emploi n'est quand même pas le même à Montréal
qu'ailleurs dans d'autres... dans les régions aussi. L'immigration, d'ailleurs,
n'est pas la même à Montréal que dans certaines régions. Je reviens un peu sur
ce que disait le ministre. On a quand même noté une hausse du taux de chômage
des jeunes à 15 % en juillet. Donc, pour moi, j'ai de la difficulté quand
même à réconcilier l'idée qu'il y a... il n'y a personne de disponible avec un
taux de chômage des jeunes comme celui-là. Moi, je me souviens quand j'étais
plus jeune, travailler au restaurant, c'est ce qu'on faisait. Qu'est-ce qui
s'est passé? Est-ce que vous avez étudié le fait qu'on n'est plus en mesure
d'aller chercher les jeunes? Qu'est-ce qui fait qu'entre 2019 et 2025, on soit
devenus si dépendant de la main-d'œuvre étrangère temporaire?
M. Vézina (Martin) : Première
hypothèse, c'est qu'avec tout ce qui est arrivé à la pandémie et le fait
qu'après la pandémie il y a quand même eu une pénurie de main-d'oeuvre assez
accrue dans tous les secteurs. Je pense que les gens ont trouvé d'autres
vocations, que ce soit cols blancs, tout ça, qui ont trouvé qu'il y a des
emplois en télétravail qui peuvent être agréables, ce qu'on ne peut pas
nécessairement offrir comme cols bleus. Puis on le voit dans d'autres secteurs,
hein? Le manufacturier, la construction sont tous en pénurie aussi dans la région
de Montréal. Pourtant, comme vous le dites, il y a un chômage des jeunes. Où
vont les jeunes? C'est la question à se poser.
M. Boissonneault : Dernière
question, rapidement. Vous souhaitez augmenter le seuil des travailleurs
étrangers temporaires à 30 %. Sur le lieu de travail, est-ce que vous avez
pensé à l'impact que ça pourrait avoir sur les autres employés? Moi, je l'ai
vu, des fois, dans certains restaurants où, derrière le comptoir, ça se parle
en anglais, là. Est-ce qu'il y a un danger? Est-ce que vous mesurez? Parce que
30 %, c'est un employé sur trois qui pourrait parler, par exemple, une
autre langue que le français.
Mme Richard (Marie-Pier) : Je
suis d'accord avec vous. Mais l'impact aussi, de se dire qu'on n'a plus de
travailleurs étrangers temporaires, sur les travailleurs actuels. On le voit
dans certains endroits où il y a pénurie, ça met une pression vraiment,
vraiment très forte sur les travailleurs locaux qui restent en place, qui
doivent concilier avec des quarts de travail qu'ils n'ont pas... qu'ils n'ont
pas nécessairement envie de faire, ou tout ça. Donc, il y a ça aussi à prendre
en considération, cette pression-là qu'on met sur les travailleurs déjà en
poste, qui en ont déjà beaucoup, là.
M. Boissonneault : Mais il
n'y a pas de risque, par exemple, que les autres travailleurs, finalement,
doivent s'intégrer au fait qu'il y ait des travailleurs qui ne parlent
peut-être pas leur langue? Donc, les francophones se trouvent à parler en
anglais, éventuellement, sur le lieu de travail.
M. Vézina (Martin) : Non. On
n'a pas cette inquiétude-là. On recite ce qu'on a dit tantôt puis dans notre
mémoire, on est un des secteurs d'activité où le taux de francisation est le
plus élevé.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) :
Merci. Merci beaucoup. Alors, madame, Messieurs, c'était un plaisir de vous
recevoir à la commission. Je vous souhaite une bonne fin de journée.
Et je vais suspendre les travaux quelques
instants, le temps de recevoir le prochain groupe.
(Suspension de la séance à 14 h 45)
(Reprise à 14 h 48)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations
avec les citoyens reprend ses travaux. Donc, pour le prochain... les prochaines
45 minutes, nous recevons le Conseil de la transformation alimentaire du Québec
ainsi que l'Association des détaillants en alimentation du Québec. Madame,
Messieurs, bienvenue à la commission. Donc, vous allez bénéficier d'une période
de 10 minutes pour vous présenter ainsi que présenter l'essentiel de vos
recommandations. Par la suite, on va entamer une période de discussion avec le
ministre et les parlementaires. Alors, votre 10 minutes commence maintenant.
M. Blouin (Pierre-Alexandre) : Bonjour,
Mme la Présidente. Pierre-Alexandre Blouin, de l'ADA. Très heureux d'être
entendu dans le cadre de cette importante consultation.
Il y a plusieurs questions spécifiques qui
sont à l'étude dans le cadre de la consultation, mais je crois qu'il est très
important de vous positionner un peu notre secteur d'activité par rapport au
besoin de main-d'œuvre.
Il y a un important problème de
main-d'oeuvre dans notre secteur, qui vient par phases, qui est plus important
dans certains secteurs d'activité. Puis, dans le secteur de l'alimentation en
général, l'immigration est devenue une denrée essentielle à notre capacité de
fournir de l'alimentation à nos clients.
La culture alimentaire riche des Québécois
est aussi issue en grande partie de l'apport de l'immigration. Il y a eu les
couches successives de nouveaux Québécois qui se sont ajoutés chez nous, que ce
soient les Italiens, les Grecs, les Asiatiques, les Africains, dans les
dernières années, les Latino-Américains. Ce sont des mélanges de cultures qui sont
venues se mêler à notre terreau fertile des basses terres du Saint-Laurent pour
donner notre culture alimentaire, de laquelle on est très fiers aujourd'hui.
C'est vrai également dans nos magasins.
C'est vrai également d'un point de vue commercial et économique. Sans l'apport
de beaucoup d'investisseurs de différents pays dans nos dépanneurs depuis les
années 80, on aurait probablement beaucoup moins de services. C'est aussi la
même chose au niveau de nos boulangeries. Sans l'apport de beaucoup de gens
formés en Europe au niveau de la boulangerie, on n'aurait pas tout l'essor
qu'on a aujourd'hui dans notre secteur d'activité. Ce n'est pas des clichés,
c'est la réalité concrète sur le terrain.
• (14 h 50) •
En dehors des programmes, le détail
alimentaire est une porte d'entrée d'intégration naturelle des nouveaux
Québécois, qui sont souvent leur première expérience de travail et de
socialisation en territoire québécois. On souscrit tout à fait aux intentions
du gouvernement présentées dans cette planification de faire valoir la langue
française et la culture francophone dans un contexte où l'utilisation de
l'anglais peut être perçue comme une menace, mais également nous sommes un
vecteur d'incubation et d'intégration de ces nouveaux arrivants là. On vous a
soumis différentes demandes et requêtes dans le cadre de cette consultation-là.
Malheureusement, le temps va très vite, et nous sommes deux groupes à devoir
témoigner, donc je vais y aller directement vers ces points.
Il y a quatre principales recommandations.
La première : un prolongement de la durée des permis de travail
temporaires de trois années, puisque le temps est un facteur clé pour
l'intégration des gens dans nos magasins, puis on arrive à faire une
intégration avec ces gens-là; une clause grand-père afin de préserver les
droits existants et la qualité des processus d'immigration que permettent nos
membres dans les milieux; une réouverture du PEQ pour les travailleurs
temporaires et étudiants étrangers; un élargissement de notre secteur pour les
exemptions d'IEMT d'accès au PTET, tout en interpellant le gouvernement fédéral
dans sa méthodologie de sélection pour la hausse des seuils de chômage de 6 % à
8 %.
Je voudrais laisser un tout petit moment à
mon collègue Frédéric Vincent, qui a une expérience terrain sensible à la fois
en intégration de différents nouveaux arrivants, mais aussi au niveau du
programme de travailleurs étrangers.
M. Vincent (Frédéric) : Merci,
Pierre-Alexandre. Mme la Présidente, les députés, bonjour. Merci de m'accueillir
aujourd'hui. Je me présente, en fait, Frédéric Vincent. Je suis épicier
propriétaire. J'ai...
M. Vincent (Frédéric) : ...quatre
marchés d'alimentation, dans l'extrême sud du Québec, situés dans la région de
Valleyfield. Je suis ici pour vous témoigner de l'importance que représentent
les travailleurs étrangers temporaires dans nos opérations quotidiennes. Puis
leur présence nous assure une stabilité essentielle en nous permettant de couvrir
une partie de nos longues heures d'ouverture. Concrètement, ça se traduit par
une meilleure exécution en magasin puis, par conséquent, une meilleure
expérience client, un meilleur service à la clientèle. Puis, au-delà de
l'aspect opérationnel, ces employés apportent également des nouvelles
techniques de travail, des connaissances variées sur des produits et des
cultures culinaires distincts. Puis cette diversité constitue une véritable
richesse qui nous aide à mieux répondre aux attentes d'une clientèle québécoise
de plus en plus ouverte, diversifiée et multiethnique.
Puis il est important de rappeler, dans
les commerces de détail alimentaires, le service à la clientèle est au cœur de
nos activités. Puis, contrairement à d'autres industries, il est pratiquement
impossible de remplacer ces fonctions par l'automatisation. Ça fait que les
travailleurs étrangers temporaires jouent donc un rôle essentiel et
irremplaçable dans le maintien d'un contact humain de qualité avec nos clients.
En tant qu'employeurs, ce recours nous
impose également une grande responsabilité, puis on doit mettre en place des
critères rigoureux lors du recrutement afin de nous assurer de leurs
compétences mais surtout de leur capacité à interagir en français. Puis, pour
les accompagner, en plus de toutes les formations qu'on offre déjà à l'ensemble
de nos employés, on a même dû instaurer des cours de français donnés par des
professeurs retraités ou des clients. Ça impliquait vraiment... et c'était
important pour les travailleurs de bien s'intégrer.
Puis, à titre d'exemple, encore cette
semaine j'ai échangé avec un des travailleurs qui m'a confié son souhait de
devenir gestionnaire dans notre établissement. On a donc mis en place avec lui
un parcours de formation qui lui permettra d'accéder à un poste de gestion dès
que son permis de travail sera renouvelé. Cet exemple illustre bien à quel
point ces personnes veulent vraiment contribuer activement à notre société puis
s'intégrer au Québec.
Puis j'aimerais également insister sur un
point essentiel, la nécessité dans la loi de distinguer les nouveaux
travailleurs étrangers temporaires de ceux qui renouvellent leur permis. Ces
derniers, là, sont déjà établis, connaissent nos valeurs, connaissent les
façons de faire. Ils contribuent déjà fortement à notre économie puis à notre
société. Et ça ne représente pas le même défi qu'un nouvel arrivant ou qu'un
réfugié ou un demandeur d'asile.
En somme, cette main-d'œuvre améliore non
seulement l'expérience client, mais aussi celle des employés et des employeurs.
Elle s'intègre pleinement à nos entreprises, tant par son engagement quotidien,
par sa participation à nos fêtes de Noël, nos activités d'équipe, tout au long
de l'année. Bien, voilà en partie pourquoi il est essentiel de reconnaître leur
apport et d'adapter le cadre législatif en conséquence. Je vous remercie de
m'avoir entendu. Puis il me fera plaisir de répondre à vos questions.
M. Fraeys (Dimitri) : Ça fait
que bonjour. Je vais continuer pour le Conseil de la transformation alimentaire
du Québec. Je remercie la commission de nous avoir invités. Donc, j'essaierai
de résumer en cinq minutes, mais bon, vous pourrez nous poser les questions.
Alors, je me présente, Dimitri Fraeys,
vice-président, Innovation et affaires économiques au CTAQ. Je suis en
compagnie de Gabrielle Fallu, qui s'est présentée, directrice, Relations
publiques et gouvernementales chez Exceldor coopérative.
Ce que j'aimerais quand même préciser,
c'est que la transformation alimentaire, c'est l'industrie qui permet justement
à l'ADA de pouvoir offrir des produits à ses clients. Je vous rappelle qu'on
est le premier secteur manufacturier au Québec, dont 40 milliards de
livraisons, soit 18 % des... total des livraisons. Puis aussi, l'élément
important, on est le premier employeur manufacturier avec
75 000 emplois directs, 25 000 connexes et 135 000, je
dirais, indirects.
L'industrie de la transformation
alimentaire souffre de rareté de la main-d'œuvre, principalement en région,
parce que nos usines de transformation sont situées dans des villages ou des
petites villes qui ont un bassin limité de travailleurs disponibles. Malgré des
efforts vigoureux de recrutement, d'embauche et de rétention de travailleurs
canadiens et de résidents permanents, malgré le soin que l'industrie prend à
leur offrir les meilleures conditions de travail et malgré les améliorations
technologiques constantes apportées aux installations... demeure une solution
incontournable pour atténuer le peu de main-d'oeuvre disponible sur le marché
local et régional. Puis, tantôt, Gabrielle pourra présenter des exemples.
Au niveau de l'immigration temporaire, je
dirais que l'élément... le PTET, le Programme des travailleurs étrangers
temporaires, pour nous, il est essentiel. En fait, je dirais la bonne nouvelle,
pour nous, c'est que le seuil est à 20 %. Puis on tient absolument à ce
qu'il soit maintenu à 20 % parce que la transformation permet à
l'industrie agricole de pouvoir...
M. Fraeys (Dimitri) :
...c'est un débouché pour tout ce qui est produit sur les fermes. En fait, on
achète 67 % de tout ce qui est produit au Québec, ce qui est le plus haut
taux au niveau du Canada. Dans les fermes, il n'y a pas de limite de
travailleurs étrangers temporaires. Donc, la transition alimentaire, c'est le
prolongement de la production agricole. Un abattoir, il permet aux fermes
d'élevage de libérer des espaces pour pouvoir poursuivre leur activité
agricole. Donc, une baisse de l'abattage par un manque de travailleurs, bien,
pourrait aboutir à l'obligation d'euthanasier à la ferme certains animaux, ce
qu'on ne veut absolument pas.
Je vous dirais, rapidement, un élément qui
nous a fait beaucoup de mal, c'est la hausse du salaire... ce qui n'est pas le
bon... qui est d'environ 20 %, mais ce que ça a fait, c'est qu'il y avait
des travailleurs qui auparavant étaient dans les hauts salaires, je pense
principalement à des postes comme mécanicien, cariste, électromécanicien qui,
maintenant, se retrouvent au niveau de ce qu'on appelle les bas salaires, donc en
bas de 34,62 $ de l'heure. Ce qui fait que, bien, tout ça, ça vient
ajouter à des travailleurs qui auparavant n'étaient pas dans le 20 %. Et
surtout, ça vient ajouter des coûts parce que, dans le programme des TET à bas
salaires, bien, il faut ajouter des coûts, que ce soit le logement, que ce soit
le transport, que ce soit les éléments de coûts qui ont été mentionnés
auparavant par... Donc, il y a... C'est quand même un élément important pour
nous. Et de façon à pouvoir prolonger ou maintenir ce 20 %, ce qu'on
propose, c'est de trouver des voies rapides à la résidence permanente pour ces
travailleurs temporaires afin de les conserver et de respecter ce seuil ou de
prolonger la durée des permis des travailleurs étrangers qui travaillent déjà
dans les entreprises de façon à maintenir les opérations. Comme je le
mentionne, le maintien des opérations est crucial parce qu'il faut libérer les
espaces dans les fermes. On est une chaîne. Et donc nous, on est comme... On
est entre les deux, on a... On est... On est après les producteurs, mais on est
avant les détaillants, les magasins qui offrent les produits aux consommateurs.
Au niveau de l'immigration permanente, ce
que j'aimerais mentionner, c'est que nous, ce qu'on aimerait, c'est que le
nombre de postes en immigration permanente soit de 50 000 par année, ce
qui permettrait de pouvoir faire en sorte que des immigrants temporaires
deviennent permanents. Puis je voudrais apporter une précision dans notre
secteur, il faut faire une distinction entre les travailleurs étrangers
temporaires qui travaillent dans des abattoirs sur une période annuelle et ceux
qui travaillent dans des usines de transformation de légumes qui, eux, sont
saisonniers. On pourra leur venir... vous revenir plus en détail par la suite.
Un élément qui, pour nous aussi, nous a beaucoup aidés, c'est le programme...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Je vais vous demander de faire rapidement, s'il vous plaît.
M. Fraeys (Dimitri) :
Oui, c'est terminé?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Votre temps est terminé, mais le ministre vous accorde du
temps sur le sien. Mais si vous voulez avoir des questions, il faut juste
essayer d'accélérer un petit peu, s'il vous plaît.
• (15 heures) •
M. Fraeys (Dimitri) :
Oui, une minute. Alors, ce que j'aimerais revenir, c'est qu'on bénéficié d'un
programme pilote en transformation alimentaire qui termine au 1ᵉʳ janvier.
Ce programme permet de libérer 600 places de travailleurs étrangers
veulent des programmes permanents, donc ce qui permet aux entreprises d'avoir
une prévisibilité. Et j'aimerais aussi faire mention du projet C-5, en
fait, de la loi C-5 au niveau du fédéral qui va amener une compétitivité
des programmes du Québec par rapport aux autres provinces. Je pourrais conclure
là dessus et je laisserais... Puis je vous dis que, bon, bien, on va répondre à
vos questions. Et puis l'avantage d'avoir Mme Fallu, c'est que vous avez la
possibilité de poser des questions à quelqu'un qui vit sur le terrain, en
entreprise. Tous les éléments que je viens vous mentionner. Voilà.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Parfait. Merci. Est-ce que vous voulez ajouter quelque
chose, madame? Ou on poursuit avec des questions? On y va avec les questions.
Mme Fallu (Gabrielle) : Bien,
allez-y avec les questions. Pas de problème.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Parfait. Alors, M. le ministre, il vous reste
14 min 20 s.
M. Roberge : Merci bien,
Mme la Présidente. Effectivement, on vous a laissé continuer un peu, parce que
c'est ça, on veut vous entendre. C'est le but des consultations. Je vais
commencer par quelques éléments sur lesquels je pense qu'on a des points de
convergence, sur lesquels on s'entend. Puis après ça, peut-être des points de
vue divergents ou des... ou des questions pour mieux comprendre. D'abord, je
vois que vous souhaitez que plusieurs de vos travailleurs, qui sont un moment à
statut temporaire, deviennent des permanents. Je dirais qu'avec le nouveau
Programme sélection des travailleurs qualifiés, le PSTQ, qui est divisé en
quatre volets, il y a définitivement au moins un des volets, peut-être deux
dépendamment du type de personne que vous avez dans vos entreprises, il
pourrait très, très bien vous permettre d'atteindre vos objectifs, puis leur permettre
d'atteindre leurs objectifs de vie aussi, et donc devenir des résidents
permanents, des Québécois à part entière et, bon, je vous le souhaite, rester
dans votre entreprise, contribuer à la force de travail. Je pense que,
là-dessus, il y a une voie de passage qui nous convient à tous les deux, je
pense.
Pour ce qui est des demandes au
gouvernement fédéral des réclamations, du cri du cœur que vous lancez, je vous
le dis, on est...
15 h (version non révisée)
M. Roberge : ...pour ce qui
est à l'extérieur de Montréal et à Laval, d'avoir cette clause grand-père pour
conserver les travailleurs qui sont déjà dans nos entreprises. À ce moment-ci,
on n'est pas favorable nécessairement à en ajouter encore et toujours plus
parce qu'on a des enjeux, là, de capacité d'accueil, mais on souhaite arrêter
la déperdition de la force de travail dans vos entreprises à cause de la mesure
du fédéral. Donc, je pense que, là-dessus, il y a une certaine... un certain
alignement.
Par contre, quand vous dites : Il
faudrait qu'à chaque année on se donne la cible de 50 000 résidents permanents,
en tout cas, j'ai entendu un de vous quatre mentionner ceci, vous êtes
légèrement au-dessus de la cible supérieure. Dans notre fourchette, on a
proposé 25 000, 35 000, 45 000. Bon, vous dites 50 000, encore faudrait-il
réduire le nombre de temporaires. Donc, si vous dites : Bien, on garde
tous les temporaires sur le territoire québécois, on garde tous les 400 000
temporaires qui relèvent d'Ottawa, on garde tous les TET et, par-dessus ça, on
en prend 50 000 par année permanents, mais, quand un temporaire devient
permanent, on le remplace par un autre temporaire, bien là, j'ai un petit
enjeu. Est-ce que c'est ce que vous dites ou pas? Est-ce que vous voulez, en
accueillant 50 000 permanents par année, réduire d'autant les temporaires? Vous
souhaitez avoir 50 000 permanents chaque année et garder toujours 600 000
temporaires sur le territoire québécois? Qu'est-ce... Quelle est votre
approche?
M. Fraeys (Dimitri) : Je peux
débuter. En fait, oui, c'est ça qu'on veut. Ce qu'on veut, c'est que les
temporaires puissent devenir permanents. Je veux vous rassurer, au niveau de l'industrie
de la transformation alimentaire, c'est environ 10 000 à 12 000 travailleurs
temporaires. Oui, effectivement, comme je le mentionnais tantôt, lorsqu'on peut
permettre à des travailleurs temporaires de devenir permanents, ça permet de
maintenir un bassin. Il faut comprendre qu'en modifiant... en augmentant de
20 % le salaire médian, ce qu'on fait, c'est qu'il y a certaines
entreprises qui étaient avant... qui, maintenant, se retrouvent à 25 %,
30 %, parce qu'elles avaient bien respecté le 20 % dans les règles
antérieures, avec un salaire médian qui était à 29 $, en l'augmentant à 34 $,
35 $, bien, on vient ajouter des travailleurs de plus qui étaient dans les
hauts salaires qui, maintenant, sont des bas salaires, donc ça vient dépasser
le 20 %. C'est ce changement de règle là qui fait le plus mal à notre
industrie. C'est pour ça qu'en les dirigeant vers le programme permanent ça
permet de pouvoir libérer des places et ça permet surtout aux abattoirs de
pouvoir continuer à opérer en région, parce que ces entreprises-là sont dans
des régions où le bassin de main-d'œuvre est très restrictif, puis je vais
laisser Gabrielle vous expliquer.
Mme Fallu (Gabrielle) : Oui,
effectivement. Puis, pour compléter sur ce que Dimitri est en train de
mentionner, M. Roberge, il faut... ça... Il faut que vous sachiez aussi, puis
je veux... on est déjà venus à votre bureau vous l'expliquer, vous êtes au
courant de ça, il y a beaucoup de notre force de main-d'œuvre qui, dans les
prochaines... dans les cinq prochaines années, va se diriger vers la retraite,
et on pense avoir un manque environ de 35 % de la main-d'œuvre qui nous
occupe en ce moment. 35 %, c'est énorme, surtout qu'on a déjà un 20 %
de travailleurs étrangers temporaires au sein de nos usines. Donc, c'est une
prévisibilité, je vous dirais, à... même à court terme de ce qui nous attend
dans les prochaines années dans les régions hors grands centres.
Particulièrement, chez Exceldor
coopérative, on a une usine à Chaudière-Appalaches, à Saint-Anselme, et c'est
un bassin de main-d'oeuvre avec lequel on se retrouve avec un taux de chômage
de 3,6 %. Pas besoin de vous dire qu'avec un taux de chômage aussi bas, le
bassin est à sec. On est plusieurs entreprises à s'arracher les travailleurs
disponibles, je vous dirais. Donc, nous, on est réellement devenus dépendants
des travailleurs étrangers temporaires dans cette région précise, avec la
réalité qui nous occupe. Notre usine de Saint-Anselme a environ presque 700
employés qui occupent cette usine-là. Donc, c'est évident qu'avec une aussi
grande capacité de développement, d'accueillir des travailleurs, bien, on
transforme un village aussi, mais on a besoin de renouvellement de main-d'oeuvre.
Je suis très satisfaite d'entendre le fait
que la clause grand-père, c'est quelque chose qui vous intéresse, c'est quelque
chose que vous regardez. C'est sûr que les besoins de formation... Pour nous, c'est
des coûts astronomiques aussi de toujours reformer nos employés. Et ça vient
aussi avec l'insécurité. Je vous dirais que la qualité alimentaire, c'est très
important. Il faut s'assurer que notre main-d'œuvre est très bien formée, et,
toujours être en retour d'information constant, ça n'avance pas les choses dans
notre secteur. Donc, le fait que nos travailleurs étrangers temporaires, qui
ont un taux de rétention, d'ailleurs, de 91 % chez nous, restent, mandat
après mandat, renouvellent leur permis avec nous, deviennent des
superviseurs...
Mme Fallu (Gabrielle) : ...s'intègrent
dans la communauté. Je veux dire, on a tout... on a tous les beaux critères
devant nous. Ils sont sous convention collective, ont des bons salaires. C'est
très dur à Saint-Anselme, là, de parler anglais, là, c'est... il faut parler
français. Donc, c'est ça, la beauté d'avoir des usines en région au Québec, on
finit tous par parler français. C'est ce qui nous entoure, c'est la réalité de
notre communauté.
Donc, je suis très satisfaite d'entendre
ça aujourd'hui, parce que, nous, effectivement, le fait de pouvoir maintenir
les travailleurs en place serait un énorme soulagement pour nous, tout en
s'assurant que le 20 % continue à être reconnu. On vous a déjà remercié
pour ça. Je le refais aujourd'hui. C'est un besoin essentiel pour nous. On est
en train de se dénombrer, puisque nous étions à 30 % de travailleurs
étrangers temporaires à Saint-Anselme. Donc, le renouvellement des permis
s'effiloche un petit peu pour qu'on retombe dans le 20 %. Mais voilà, un
peu, pour répondre à votre question.
M. Roberge : Bien, j'imagine
que vous le saviez déjà, mais, bon, c'est depuis le printemps dernier qu'on a
très, très clairement exprimé notre posture, envoyé toutes les lettres puis
demandé à Ottawa de ne pas traiter le Québec comme étant uniforme et homogène,
là. La disponibilité de main-d'œuvre à Montréal, Laval est beaucoup plus
grande, ne serait-ce que pour énormément... beaucoup, beaucoup de cégeps,
d'universités. Ça donne beaucoup d'étudiants aussi qui veulent travailler à
temps partiel. Il y a des centaines de milliers de gens du Programme mobilité
internationale et leurs conjoints, conjointes, plein de demandeurs d'asile, on
est au-dessus de 100 000 aussi. Donc, on a une main-d'oeuvre à Montréal,
Laval. On a des enjeux de français aussi à Montréal, Laval qu'on n'a pas
nécessairement à Saint-Anselme ou ailleurs. Puis, bon, malheureusement, en ce
moment, Ottawa regarde même la notion RMR, là, région métropolitaine de
recensement, comme si Parc-Extension, Montréal-Nord vivaient la même chose que
Saint-Jérôme, puis Saint-Jean-sur-Richelieu, puis Saint-Mathias-sur-Richelieu.
C'est des réalités qui sont très, très, très différentes. Donc, là-dessus, on
s'entend.
Je vais vous dire, en toute honnêteté, que
je n'ai pas écrit à Ottawa pour augmenter le nombre d'heures pour les permis
d'études, pour qu'ils travaillent, parce que je considère que le premier
travail d'un étudiant, que ça soit un étudiant québécois ou un étudiant
étranger temporaire, c'est d'étudier. Là, en ce moment, ils ont un permis de 20
heures. Ça relève d'Ottawa aussi. Je serais mal à l'aise de demander à Ottawa
de dire aux étudiants : Bien, devenez étudiants à temps partiel ou étudiez
plus ou moins. Ça devient des travailleurs étrangers temporaires déguisés en
étudiants. J'ai un petit peu de misère avec ça. Je comprends vos enjeux de
main-d'oeuvre, mais je pense qu'il faut faire attention au mandat principal. Lorsqu'un
étudiant étranger vient ici, c'est surtout pour étudier.
• (15 h 10) •
Par rapport à la disponibilité de
main-d'oeuvre, je sais que les réalités régionalement sont très, très
différentes, on l'a dit tantôt pour la langue, et tout ça, mais, si on regarde
sur une ligne du temps, il y a quand même une différence. Le taux de chômage
est beaucoup plus élevé maintenant qu'il ne l'était il y a deux ans. Et il y a
aussi la disponibilité de main-d'oeuvre. Il y a beaucoup de monde qui arrive à
chaque année sur le territoire québécois. La population du Québec a augmenté de
presque 150 000 personnes par année pendant trois ans. J'ai l'impression
que, quoi qu'on fasse, la pénurie de main-d'oeuvre ne se résorbe jamais. C'est
comme si c'était insatiable. Et ce n'est pas pour une question juste de
démographie, des gens qui prennent leur retraite, là. Il n'y a pas 160 000
personnes qui prennent leur retraite au Québec à chaque année, là.
Comment ça se fait qu'on augmente la
population de presque 150 000 personnes par année, depuis trois ans, à
cause des dérives d'Ottawa surtout, mais qu'il y ait encore autant de pénurie
de main-d'oeuvre? Est-ce que ce n'est pas une fuite en avant puis, si on en
fait venir un autre 200 000, il va y avoir encore une pénurie de main-d'oeuvre?
Qu'est-ce que vous en pensez?
Mme Fallu (Gabrielle) :
Bien...
Une voix : Si je peux
débuter... Oui, vas-y.
Mme Fallu (Gabrielle) : C'est
une très belle question, qui m'interpelle bien. Je vais vous répondre, ça va me
faire plaisir.
Je vous dirais, écoutez, je vais reprendre
Chaudière-Appalaches, c'est un très bon exemple, on est passés de 2,7 % à
3,6 % à peine. Donc, même si on a augmenté de presque un point au niveau
du taux de chômage, je vous confirme que c'est encore excessivement bas.
On est plusieurs entreprises dans la
région. C'est sûr que le... la première initiative chez un travailleur, ce ne
sera peut-être pas de venir travailler dans un abattoir, malgré le... l'aspect
essentiel qui revêt de... à la société d'avoir de la nourriture sur la table
trois fois par jour.
La démographie, elle est réelle aussi.
Non, ce n'est pas seulement ça, mais je vous dirais qu'il y a trois ans
j'aurais peut-être eu besoin de 35 % de travailleurs étrangers
temporaires. Et là on est en train d'essayer de s'en sortir à 20 %. OK.
Nous, dans notre réalité...
Mme Fallu (Gabrielle) : ...là.
Ce n'est pas : Je n'ai plus besoin des travailleurs ou... C'est... Il y a
peut-être une diminution avec laquelle je peux survivre et avoir des opérations
fonctionnelles à 100 %. Mais, la barre, elle est... elle est très mince,
là. Et, en sachant que dans les cinq prochaines années, de notre côté, on va
avoir environ 30 % de notre main-d'œuvre qui va être âgée de plus de 60
ans et qui va nous quitter, ça fait partie d'une réalité très prochaine qui
nous attend sur laquelle on a quelque peu d'anxiété, là. C'est la réalité des
ruralités, là.
M. Fraeys (Dimitri) : Et si
je peux renchérir. Le taux de chômage, on est bien conscients qu'il augmente,
mais ça dépend des postes. S'il y a des taux de chômage parce qu'il y a des
soudeurs ou d'autres éléments comme ça à cause des tarifs américains, ça ne va
pas faire en sorte que ces employés-là seront disponibles dans les abattoirs.
Ça, c'est le premier élément.
Deuxième élément. On sait bien qu'il y a
beaucoup de réfugiés que les abattoirs pourraient employer. Sauf que les
réfugiés sont sur l'île de Montréal, puis, les postes, ils sont à Saint-Anselme
ou bien ils sont à Rivière-du-Loup ou sont sont dans des endroits... mettons,
Sainte-Julienne, aux abattoirs d'Olymel ou Asta, ça fait qu'il faut les
déplacer. Puis, dans notre mémoire, on proposait de mettre en place un... En
fait, il y a des... il y a des programmes de régionalisation des immigrants. Il
faudra peut-être envisager d'avoir des programmes de régionalisation et des
réfugiés, justement, pour pouvoir leur permettre à ces gens-là d'avoir un
emploi en région. Donc, ça, c'est proposé dans notre mémoire.
Puis il y a un élément aussi qui est
superimportant. On a un comité sectoriel de la main-d'oeuvre et on a été en
mesure d'avoir du financement pour franciser plus de 1 000 travailleurs. Donc,
ça, pour nous, ça aussi, c'était important. On a... On a réservé ces sommes-là
pour franciser des travailleurs, donc des réfugiés, mettons, ou... parce que
les travailleurs étrangers, la majorité, sont déjà... comment je dirais, leur
niveau de français, ils progressent bien. Mais, pour les réfugiés, il y a de
l'argent qui est disponible dans les comités sectoriels pour franciser un
minimum de 1 000 employés. Ça fait qu'on vous a bien entendu, M. le ministre.
M. Blouin (Pierre-Alexandre) : Il
y a... Il y a également des situations très particulières. Saint-Anselme, c'est
un bon exemple, mais toute la région est problématique. Mais on a aussi
beaucoup de régions ressources où en est quasi mono-industriels. Et on se
retrouve avec des booms et des baisses très importantes au niveau de la
disponibilité de la main-d'oeuvre. Dès que le monde forestier ou le monde
minier a une petite baisse de régime, là, tout à coup, on a beaucoup de CV,
mais ce n'est plus là qu'on a besoin de personnel. On en avait besoin quand les
gens travaillaient à plein dans l'industrie de l'endroit. Donc malheureusement,
l'équation entre... nous, on est au bout de la chaîne, là, on a besoin d'avoir
des produits alimentaires qui nous sont livrés sur les tablettes, mais ensuite
de ça, la demande est influencée par la situation économique de la région, ce
qui rend la chose un peu plus... un peu plus fluctuante, je dirais.
M. Roberge : Bien, il nous
reste quelques secondes. Je veux... Je veux vous dire que ce que vous
mentionnez pour une remigration, c'est-à-dire que d'inciter des gens qui sont
dans les grands, grands centres, Montréal, Laval, mais pas seulement, qui sont
des demandeurs d'asile, qui ont un permis de travail, à aller s'installer en
région pour pourvoir des postes, je pense qu'il y a une voie là qui est très
intéressante, plutôt que de faire venir tout le temps des nouvelles personnes
sur le territoire.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci.
M. Roberge : Quand on parle
de métiers qui ne demandent pas de grandes, grandes qualifications...
travailler en collaboration pour qu'on fasse ça ensemble.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Merci, M. le ministre. Alors, on poursuit
la conversation avec le député d'Acadie pour 12 min 23 s.
M. Morin : Merci, Mme la
Présidente. Alors, bonjour à vous quatre. Merci pour vos mémoires. Si j'ai bien
lu, dans le mémoire du Conseil de la transformation alimentaire du Québec, vous
dites que c'est le premier secteur manufacturier en importance au Québec, tous
secteurs confondus, avec 40 milliards de livraison. J'ai bien lu?
M. Fraeys (Dimitri) : Oui, vous
avez bien lu, c'est 40 milliards.
M. Morin : C'est énorme.
M. Fraeys (Dimitri) : C'est
énorme, c'est pour... On nourrit la population du Québec et on exporte la
nourriture, oui, c'est 40 milliards exactement.
M. Morin : Merci.
M. Fraeys (Dimitri) : C'est
les données du MAPAQ, c'est les données du ministère de l'Agriculture.
M. Morin : Excellent. Je vous
remercie. Maintenant, moi, j'aimerais vous parler, parce que vous y faites
référence dans votre mémoire, au niveau de l'immigration, je pense que la
prévisibilité, c'est un élément qui est important, est-ce que vous êtes
d'accord avec moi?
Mme Fallu (Gabrielle) :
100 %.
M. Morin : Et à la page...
bien, en fait, à la page 8/11, vous avez fait une référence à la
suspension du Programme de l'expérience québécois, le PEQ — ça, c'est
un programme vraiment québécois, pas de fédéral là-dedans — et donc
ça a été suspendu. Est-ce qu'on vous avait avisé à l'avance? Est-ce qu'il y a
eu des négociations avec vous ou si vous avez... comme bien d'autres, vous vous
êtes rendu compte de la suspension du programme quand le décret a été publié?
M. Fraeys (Dimitri) : On s'en
est rendu compte... je pense qu'on a eu 24 heures pour réagir.
M. Morin : Oui, c'est ça,
donc, la prévisibilité n'était pas tout à fait là.
M. Fraeys (Dimitri) : ...
Mme Fallu (Gabrielle) : Je
dirais que, dans les années, en termes...
Mme Fallu (Gabrielle) : ...en
termes d'immigration, surtout en ce qui concerne le Programme des travailleurs
étrangers temporaires, la prévisibilité est une claque au visage pour les
entreprises qui se servent du programme, elle est inexistante, quasi. C'est des
choses qu'on a déjà mentionnées au ministre et à son cabinet, très au courant
de ça. Ça n'aide pas les entreprises dans le secteur à aller de l'avant,
investir, assurément, en sachant qu'on pourra se fier sur la main-d'œuvre qu'on
met en place.
M. Morin : Parce que, tu
sais, je me mets... j'essaie de me mettre à votre place puis de comprendre votre
réalité, puis là je pense que c'est important, parce qu'on parle... de
planification, d'immigration. Puis là, bien, ce que je comprends, c'est que
l'État fait exactement l'inverse. Si une entreprise... Puis, tu sais, on
parlait là, vous l'avez dit, 40 milliards, vous avez des entreprises qui
veulent investir. Donc, évidemment, s'ils veulent investir, il faut qu'il y ait
du monde. Si ce n'est pas possible d'avoir des prévisions, comment vous faites?
Mme Fallu (Gabrielle) : On
fait des représentations pour essayer de faire valoir notre position. Puis
j'aime votre question, puis je pense que ça nous amène aussi sur un autre
aspect qui est : Est-ce qu'on est conscient à quel point la chaîne
alimentaire au Québec, là, est dépendante de l'immigration de A à Z? Je ne
crois pas que le citoyen québécois et même que le politique est au courant à
quel point on a besoin de la chaîne alimentaire et de l'immigration. Que ça
soit à la ferme ou en épicerie, vous avez, devant vous, la fin de la chaîne.
Tous les segments de la chaîne d'approvisionnement sont devenus dépendants de
l'immigration. C'est notre réalité avec laquelle on fait face aujourd'hui.
M. Morin : Et est ce que j'ai
raison si je vous dis également qu'elle est économique? Donc, c'est un
impact...
Mme Fallu (Gabrielle) :
100 %.
M. Morin : ...économique
important...
Mme Fallu (Gabrielle) :
Majeur.
M. Morin : ...puis qu'en plus
c'est dans les régions.
Mme Fallu (Gabrielle) : Oui...
M. Fraeys (Dimitri) : Bien, c'est
non seulement... C'est parce que c'est non seulement économique, mais c'est
sociétal, ça permet à la province du Québec d'avoir son autonomie alimentaire.
M. Morin : Et ça, on
s'entend, c'est fondamental. On ne voudrait surtout pas dépendre trop des
autres pour notre alimentation, on est d'accord?
• (15 h 20) •
Mme Fallu (Gabrielle) : Bien,
on est d'accord que c'est là-dessus qu'on s'enligne, la souveraineté
alimentaire du Québec, et même on va à la souveraineté alimentaire du Canada.
Avec ce qui se passe dans le contexte américain, on veut de plus en plus être
capable de nourrir nos concitoyens avec les entreprises qui sont déjà sur notre
territoire. Pour nous... coopérative, c'est facile de mentionner qu'on est sous
gestion de l'offre, donc, non seulement j'ai des obligations en lien avec le
système de la gestion de l'offre et de la chaîne d'approvisionnement, oui, moi
j'ai une convention de mise en marché qui fait en sorte que je n'ai pas le
choix d'abattre la volaille qui est élevée sur le territoire québécois dans nos
usines au Québec.
Donc, je ne pourrais même pas dire demain
matin, je transfère ma production à... en Ontario, il n'y a pas de problème de
main-d'œuvre. Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne. Notre système n'est pas
basé comme ça. On est tous très fiers du système de la gestion de l'offre, ça
fait notre fierté. C'est un choix qu'on a décidé de garder au Québec, au
Canada. Cependant, il faut savoir que ça vient avec, bien, des grandes usines
en région pour être plus proche des fermes, pour être plus proches des élevages
et des défis de main-d'oeuvre, évidemment.
M. Morin : Un autre élément
que j'aimerais aborder, parce qu'on l'entend, bon, il y a des gens qui
disent : Écoutez, les entreprises se nourrissent avec des travailleurs
temporaires étrangers. Ils devraient plutôt se robotiser, ça augmenterait la
productivité. Est-ce que c'est quelque chose à laquelle vous avez songé? Il y a
une partie de votre mémoire qui en parle, mais j'aimerais que vous puissiez
nous en parler davantage.
Mme Fallu (Gabrielle) : Bien,
non seulement c'est quelque chose à laquelle on a songé, j'ai déjà invité le
ministre Roberge, je vous invite personnellement, tous les membres de la
commission, si vous voulez venir visiter un abattoir au Québec, pour comprendre
puis visuellement voir à quel point on est automatisé, on fait partie de
l'industrie... des industries les plus automatisées au Canada. C'est très
facile à dire. Cependant, on a des tâches qui ne peuvent pas être automatisées.
Il y a des tâches que ça prend des mains humaines. Quand on parle de désosser,
d'enlever le gras sur des poitrines de poulet, c'est très, très, très... des
tâches très fines qui prennent la dextérité humaine encore à ce jour. Et la
main-d'œuvre ne s'en ira pas du jour au lendemain avec l'innovation dans notre
secteur.
M. Blouin (Pierre-Alexandre) :
Et n'oublions pas que, dans l'ensemble des secteurs d'activité, il y a des
petits, des plus gros joueurs. Dans notre secteur à nous, c'est difficile
d'automatiser les tâches, parce qu'on est un secteur de service de préparation
finalisée, et il y a aussi des plus petits joueurs dans l'industrie qui n'ont
souvent pas accès au capital. Il y a très peu de programmes pour soutenir ces
entreprises-là à faire cette conversion vers un système plus automatisé. Donc,
c'est la combinaison des deux, soit on aide les entreprises à s'automatiser
avec...
M. Blouin (Pierre-Alexandre) : ...davantage
de programmes, soit au moins on leur fournit plus d'employés pour pouvoir
arriver à fonctionner.
M. Morin : Mais je comprends
que, cet exercice-là de robotisation ou d'automatisation, vous y avez songé,
vous avez déjà réalisé une partie, donc les travailleurs dont vous avez besoin,
bien, c'est après... c'est l'exercice que vous avez fait finalement.
M. Fraeys (Dimitri) : Oui...
Au niveau de robotisation, c'est tellement, tellement... Maintenant,
tellement... les entreprises sont tellement conscientes que... Lorsque ministre
de l'Agriculture a ouvert le programme... le PTA, le programme en transfo
alimentaire qui permet de robotiser, eh bien, le programme de 40 millions
a été plein en même pas six semaines. Il va falloir attendre l'année prochaine.
C'était la même chose l'année dernière, en 2024, ça a pris huit semaines, cette
année, ça a pris six semaines. Donc, les entreprises sont tellement conscientes
de se robotiser qu'elles sont prêtes à déposer des projets, de le faire. Je
l'ai démontré, les investissements ont doublé. Mais, comme disait Gabrielle,
des choses qu'on ne peut pas robotiser, que ce soit dans le secteur des viandes
ou dans le secteur des légumes, il y aura toujours besoin de la dextérité de
l'être humain et de son œil pour pouvoir faire des tâches qu'un robot ne pourra
jamais fait.
M. Morin : Merci. Ma
compréhension, c'est que, présentement, le programme PEQ est toujours suspendu.
Par contre, vous suggérez, et ça, c'est dans le mémoire de l'Association des
détaillants en alimentation du Québec, à la page cinq... vous suggérez une
réouverture du PEQ à plus large échelle afin de faciliter les objectifs.
Pouvez-vous m'expliquer un peu plus ce que vous avez en tête? Ça vous aiderait
comment?
M. Blouin (Pierre-Alexandre) : Bien,
en fait, on... Actuellement, là, je vous dirais, l'objectif, c'est... ce n'est
pas tant le chemin, c'est la solution à la fin. Donc, si on a des employés ou
des gens qui ont une expérience sur le territoire du Québec, pourquoi ne pas
capitaliser là-dessus, tu sais, en plus des gens qui vont avoir acquis des
connaissances linguistiques, des compétences au niveau de dextérité ou de
différentes tâches dans nos entreprises? Ça devrait les qualifier pour avoir
accès à des permis sur une plus longue durée ou encore de pouvoir rester au
pays avec nous, rester dans nos entreprises, se développer. L'exemple dont
faisait... auquel faisait référence Frédéric plus tôt, un employé qui veut se
développer dans l'entreprise, bien, il doit avoir le permis pour pouvoir le
faire, et actuellement, bien, on est...
M. Morin : On est en train de
parler de planification. Il y a un document du gouvernement. On est ici, à
l'Assemblée. Bon, ça semble être pas mal centralisé, l'affaire. Vous êtes en
région et vous faites travailler des gens dans les régions du Québec. Comment
vous receviez ça si, par hasard, on développait éventuellement des sommets
régionaux pour mieux planifier l'économie et l'immigration? Un partenariat, par
exemple, avec un milieu municipal, les MRC, est-ce que c'est quelque chose qui
serait adapté à votre réalité?
Mme Fallu (Gabrielle) : Je
vous... Pour ma part, je vous dirais que j'aimerais que la compréhension de la
différenciation régionale parte du provincial, j'aimerais que le provincial
comprenne sincèrement les besoins dans différentes... dans les différentes
régions. On a déjà tellement de misère à faire la part des choses entre le
fédéral et le provincial au Québec. C'est vraiment compliqué, l'immigration. On
fait nos représentations au fédéral, on arrive au provincial, on se fait parler
du fédéral, le fédéral nous parle du provincial. Si, en plus, on ajoute le
municipal dans tout ça, honnêtement, on va être à bout de souffle. Donc, moi,
j'aspirais à ce que les deux paliers gouvernementaux actuellement impliqués
puissent travailler mieux ensemble et plus efficacement avant qu'on implique un
autre palier.
M. Morin : Très bien, je vous
remercie.
M. Fraeys (Dimitri) : ...
M. Morin : Oui, allez-y.
M. Fraeys (Dimitri) : Non,
mais c'est ça, parce que... Bien, ce que je voulais dire, c'est qu'exactement
il faut que le provincial Québec et le fédéral se parlent, et une meilleure
compréhension commune, je pense, ça va beaucoup faire avancer les choses. Mais
il y a un nouveau gouvernement fédéral, on va espérer qu'il y ait une plus
grande ouverture et qu'il y ait une meilleure écoute et que les... que, je
dirais, les choses avancent plus vite.
M. Morin : Merci. Tout à
l'heure, il y a un de vous qui a parlé au niveau, si j'ai bien compris, de
l'immigration permanente d'une cible ou d'un seuil d'à peu près 50 000. Est-ce
que je me trompe?
M. Fraeys (Dimitri) : Non,
c'est ce que j'ai mentionné tantôt, oui.
M. Morin : Parfait. Vous
arrivez comment au chiffre de 50 000? Comment vous le calculez, vous vous basez
sur quoi?
M. Fraeys (Dimitri) : Le
chiffre de 50 000, c'est parce qu'il y avait... il y avait là aussi... La
raison pour laquelle j'ai mis 50 000, c'était pour m'assurer... Parce que, là,
on parlait de 25, 35, 45, et je voulais m'assurer qu'il y ait au moins un 5 000
qui nous permette de transférer des postes temporaires vers des postes
permanents. C'est ce qu'on vous a expliqué tantôt, là. Pour nous, c'est... La
façon de pouvoir libérer des pourcentages de postes temporaires, c'est de les
envoyer vers le permanent. On a perdu le programme pilote, puis là, bien, on a
perdu le PEQ, ça fait que c'est de s'assurer que les travailleurs temporaires
puissent aller au permanent. Voilà.
M. Morin : Et est-ce que je
me trompe, si vous souhaitez que le PEQ revienne et qu'il soit même étendu?
M. Fraeys (Dimitri) : En
fait, ce qu'on veut, nous, c'est un programme qui permet de la prévisibilité,
que ce soit...
M. Fraeys (Dimitri) : ...ou
un autre, là. Nous, ce qu'on... Pour nous, ce qui est... Pour les entreprises,
ce qui est superimportant, c'est de pouvoir planifier et d'avoir une
prévisibilité à long terme. C'est ça, en fait. Le nom du programme n'est pas
important.
M. Blouin (Pierre-Alexandre) :
...
M. Fraeys (Dimitri) : Pardon?
M. Blouin (Pierre-Alexandre) : On
fonctionne avec les programmes existants. Actuellement, il s'appelle le PEQ. Il
pourrait avoir un autre nom. Ce n'est pas la coquille qui est importante, c'est
le résultat à la fin. Puis, comme vous le disiez très bien, l'objectif,
puis c'est la... c'est l'objectif de la plupart des gens qui viennent ici sous
un permis temporaire, c'est de s'établir, c'est d'apprendre le français, c'est
de participer à la société puis de contribuer. C'est ce qu'on voit dans les
exemples de gens avec lesquels on travaille. Ça a une moins grande proportion
dans notre secteur d'activité, mais on comprend l'impact que ça peut avoir sur
toute la chaîne de valeur alimentaire, puis c'est pour ça qu'on supporte nos
collègues par rapport à leurs demandes.
M. Morin : Donc,
prévisibilité...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci.
M. Morin : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Merci, M. le député. Alors, on va terminer
cette ronde de discussion avec le député de Saint-Henri—Sainte-Anne pour quatre
minutes huit secondes.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup. D'abord, merci de votre présentation.
Je regardais, là, pendant que vous
mentionniez, là, la question du transfert des temporaires aux permanents. Il y
a un article du Devoir au mois d'août qui nous disait qu'il y avait plus
de 142 000 personnes déjà avec un certificat de sélection du Québec qui
attendaient dans nos listes d'attente pour la résidence permanente. Donc, je
pense que ça fait directement écho à ce que vous dites. Ces temporaires-là sont
des temporaires, des semi-temporaires, des gens en voie d'obtenir la résidence
permanente, en tout cas pour la très grande majorité. Donc, je voulais faire
écho à ce que vous avez mentionné.
Vous nous parliez tantôt du PSTQ,
imprévisible et coûteux pour l'entreprise. Je suis allé voir. Il y a eu,
effectivement, une ronde d'invitations dans le volet deux au mois de juillet,
comme vous le mentionnez dans votre mémoire. 273 invitations qui ont été
envoyées à travers le Québec. Est-ce que vous êtes en mesure de nous dire
combien de vos candidats ont été retenus ou à peu près? Est-ce que c'est des
gens que vous connaissez qui ont reçu des invitations?
M. Fraeys (Dimitri) : Moi, je
n'ai pas ce chiffre-là, mais vous comprendrez que 276 pour une... si on prend
les ratios, là, 75 000 emplois, 20 %, on aurait besoin d'à peu
près... donc c'est 15 000. Puis là on en aurait juste 276 qui pourraient
être permanents. Dans le programme pilote, c'était 600. Ça fait que, vous
voyez, les chiffres, ils ne tiennent pas.
M. Cliche-Rivard : Qui
pourraient être permanents, vrai, mais qui vont s'ajouter à la liste des
142 000, par ailleurs, là, donc, qui seront peut-être permanents un jour,
là. Ça, c'est l'autre... Ça, c'est l'autre volet. Donc, ça fait quand même du
pouce sur ce que vous dites, évidemment.
M. Fraeys (Dimitri) : Les
142 000 seront un jour permanents, mais on ne sait pas dans combien de temps.
M. Cliche-Rivard : Une
question. Là, le programme, évidemment... Vous parlez de la suspension du PEQ,
vous parlez des programmes pilotes. On l'a vu notamment dans le programme
pilote des préposés aux bénéficiaires, là, qui lui aussi s'est rempli d'un
coup, sans information ou sans préavis. Qu'en est-il de votre côté?
• (15 h 30) •
Mme Fallu (Gabrielle) : De
mémoire, il est complet. Il est déjà complet. On avait jusqu'en janvier pour
appliquer dessus. On a reçu une notice que le programme a été... a été
complété. Je vous dirais qu'amicalement, entre entreprises qui pouvaient
appliquer dessus, on a fait une course... une course aux travailleurs étrangers
temporaires à inscrire. C'est... C'est pathétique un peu, mais c'est la réalité
avec laquelle on fait face. Donc, il fallait remplir les profils le plus
rapidement possible pour avoir une chance d'en avoir le plus... plus que notre
compétiteur. C'est la vérité.
M. Cliche-Rivard : Donc, si
je vous comprends bien, le programme pilote est fermé, le PEQ travailleur est
suspendu, puis le PSTQ, pour 15 000 personnes, il y avait 273 invitations,
c'est ça? Ça résume bien...
Mme Fallu (Gabrielle) : Et
nos besoins... Et nos besoins sont toujours présents, oui.
M. Cliche-Rivard : Quand
même. Je pense que n'importe qui qui entend ça comprend les conclusions.
Je voulais vous poser une autre question
sur la question du permis de travail fermé, du permis de travail sectoriel,
c'est des débats qu'on a eus, là, par régions, par secteurs d'activité. Est-ce
que vous avez une position là-dessus?
Mme Fallu (Gabrielle) : Écoutez,
je... moi personnellement, je comprends, je comprends les débats. Les débats
sont sains à avoir. Nous, dans notre milieu, un travailleur arrive, il est
syndiqué sous convention collective avec les mêmes droits que les autres
travailleurs, logé, tout ça. On n'a pas connu de cas qui ont nécessité de
changer notre façon de fonctionner ou de lever... de lever le drapeau sur le
fait que permis fermé... discriminatoire, peu importe. De notre côté, ça
fonctionne bien. La... Le taux de rétention est à 91 %. Donc, je crois
que, si on voulait renouveler son permis parce qu'on n'était plus heureux, on
ne le ferait pas dans notre secteur. Donc, de notre côté, ça fonctionne bien
avec les permis fermés pour nous.
Et puis peut-être que je pourrais ajouter
que, pour nous, un travailleur nous coûte 10 000 $ à faire venir.
Donc, si on avait le choix, on prendrait d'autres sortes de moyens pour avoir
des travailleurs dans nos usines. Nos travailleurs étrangers sont très
importants, et on y tient, dans des belles conditions...
15 h 30 (version non révisée)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...en terminant.
M. Vincent (Frédéric) : On
a... On a, M.... on a la même réalité en épicerie. Puis, nous aussi, un milieu
syndiqué. Puis d'ailleurs, même le syndicat, je n'en ai pas parlé tantôt, mais offrait
des cours de français aux travailleurs étrangers. C'est une offre qu'ils font,
mais on est quand même dans une position très semblable, similaire.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Alors, le temps est écoulé. Mme, Messieurs, merci d'être
passés nous voir de façon virtuelle à la commission. Nous apprécions beaucoup
votre apport à nos travaux.
Et, pour les collègues, je vais suspendre
quelques instants, le temps d'accueillir notre prochain groupe.
(Suspension de la séance à 15 h 33)
(Reprise à 15 h 36)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses
travaux. Donc, pour les prochaines minutes, nous recevons les porte-parole de l'Association
Hôtellerie du Québec. Alors, Mesdames et M., bienvenue à la commission. Donc,
vous allez avoir une période de 10 minutes pour vous présenter et donner l'essentiel
de vos recommandations face à la planification. Par la suite, nous allons avoir
des discussions avec les parlementaires. Alors, le micro est à vous.
Mme Tremblay (Véronyque) : Merci
beaucoup. Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. le ministre, chers
parlementaires de tous les partis, merci de nous accueillir aujourd'hui dans le
cadre de cette consultation publique sur la planification de l'immigration au
Québec...
Mme Tremblay (Véronyque) :
...un dossier qui a une importance capitale pour toute l'industrie hôtelière.
Je me présente, Véronique Tremblay, PDG de l'Association Hôtellerie du Québec.
Je suis accompagnée de mes collègues, Alupa Clarke, PDG de l'Association
hôtelière de la région de Québec, Dominique Villeneuve, PDG de l'Association
hôtelière du Grand Montréal, et Joanna Lortie, copropriétaire de l'Hôtel
universel de Rivière-du-Loup, qui sont tous membres de l'AHQ. Que ce soit à
Québec, à Montréal ou en région, le Québec s'est forgé au fil des décennies une
réputation d'excellence en matière d'accueil et d'hospitalité. Nos hôtels ne
sont pas de simples lieux de passage, ils sont la vitrine vivante de notre
culture, de notre savoir-faire, de notre gastronomie, de notre vitalité
économique, et nous en sommes fiers. Pourtant, la capacité d'accueil du secteur
est aujourd'hui grandement fragilisée par des décisions politiques. En
cherchant à réduire rapidement et massivement le nombre de travailleurs
étrangers temporaires et permanents, ces décisions politiques risquent de
mettre à mal plusieurs secteurs de l'économie québécoise, d'affaiblir la
croissance économique, de dégrader l'expérience offerte aux visiteurs et de
mettre en péril des entreprises qui sont déjà sous tension.
L'industrie hôtelière au Québec, c'est un
réel moteur économique. Elle génère plus de 3,3 milliards de dollars et
soutient plus de 33 000 emplois. Les taux d'occupation de nos hôtels
ont atteint 61,4 % en 2023, 62,9 % en 2024 et c'est parmi les plus
élevés depuis 1996. Cette performance est d'autant plus remarquable qu'elle se
fait dans un contexte de pénurie chronique de main-d'œuvre. Nous avons
d'ailleurs réalisé une étude conjointe avec le Conseil québécois des ressources
humaines en tourisme, pas plus tard qu'en juillet, qui confirme l'ampleur de
cette problématique. Quatre établissements sur cinq jugent difficile ou
extrêmement difficile de recruter localement. Plus d'un tiers des hôtels ont
déjà subi un impact important ou majeur depuis le resserrement des paramètres
du Programme des travailleurs étrangers temporaires en septembre 2024, comme
une baisse de la qualité de service ou la réduction de certaines offres, la
réduction des heures ou des jours d'ouvertures des restaurants à l'intérieur de
nos hôtels, des annulations de réservations. Dans certains cas, des projets
d'investissement ont été reportés et même des fermetures temporaires
d'établissement.
• (15 h 40) •
Les prochains mois s'annoncent encore plus
critiques. Une forte majorité des hôteliers, soit trois sur quatre, anticipent
des conséquences graves dans les six à 12 prochains mois. On peut penser à
une désorganisation des équipes trop de postes à combler, un manque de
compétences, une hausse du stress chez les employés, chez les propriétaires, ce
qui affecte directement l'expérience client. Les hôtels de plus grande taille
et ceux qui offrent des services de restauration sont les plus vulnérables. Les
conséquences économiques de telles décisions se font déjà sentir auprès de nos
membres et ont inévitablement un impact majeur sur les revenus et la
rentabilité. Sans surprise, près de 60 % ont dû augmenter leur budget de
recrutement. Plus de 50 % ont haussé drastiquement les salaires pour
retenir leur personnel, et malgré cela, les postes demeurent difficiles à
combler. 37 % font état d'une perte de revenus directs. Mais au-delà des
pertes de revenus et des coûts de recrutement qui explosent, c'est toute une
chaîne qui se fragilise, la qualité de l'accueil, la disponibilité des
chambres, l'attractivité touristique des régions et même la réputation du
Québec comme destination et des investissements dans nos régions qui ne verront
pas le jour. Le resserrement touche principalement les postes d'exécution comme
l'entretien ménager, l'accueil, les postes en cuisine, le service à la
clientèle les soirs et le week-end qui sont essentiels au bon fonctionnement
des établissements hôteliers. Le rôle de préposés à l'entretien ménager demeure
de loin le plus affecté. 85 % des répondants signalent des difficultés de
recrutement pour ce poste. Dites-vous une chose, si c'était possible d'embaucher
uniquement au Québec, les hôteliers le feraient. Ce serait beaucoup plus
simple. Mais des postes essentiels comme cuisinier, aide-cuisinier, préposé à
l'entretien ménager et à la réception les soirs et les week-ends, ça n'attire
plus les travailleurs québécois, ou du moins très peu. Le métier a un urgent
besoin d'être revalorisé.
Évidemment, nous avons besoin... nous
avons des solutions à vous proposer. La plus urgente et la plus facile à mettre
en œuvre est claire, renouveler pour 24 mois les permis des travailleurs
étrangers temporaires déjà présents au Québec et y inclure une voie accélérée
de traitement des dossiers pour éviter toute rupture de service sans avoir à
faire une nouvelle étude de l'EIMT...
Mme Tremblay (Véronyque) : ...ces
travailleurs sont déjà intégrés dans nos équipes, formés, compétents,
appréciés. Ils payent leurs impôts et contribuent directement à l'économie de
nos régions. Leur départ forcé entraîne des pertes d'expertise, un
déséquilibre, une pression supplémentaire sur les équipes et des coûts de
recrutement additionnels inutiles. Cette mesure ne nécessite pas l'accueil de
nouveaux travailleurs étrangers, mais préserve les acquis et évite de
déshabiller inutilement les équipes.
Autres solutions applicables rapidement.
Relever le plafond des travailleurs étrangers temporaires de 10 à 20 %
pour les postes les plus critiques de l'hôtellerie. Ajouter le secteur hôtelier
aux exceptions de la suspension temporaire de traitement des demandes d'études
d'impact sur le marché du travail pour les postes à bas salaires. Assouplir la
règle des 6 % de chômage pour le secteur touristique et accueillir plus
d'étudiants étrangers en hôtellerie. Même si une région où le taux de chômage
est de plus de 6 %, il est beaucoup plus bas en hôtellerie, alors il faut
en prendre compte.
Et d'autres solutions applicables à partir
de 2026. Mettre en place un parcours intégré emploi, francisation,
qualification, financé et flexible pour accélérer l'intégration linguistique et
professionnelle. Créer des passerelles vers la résidence permanente pour les
travailleurs qui occupent des postes essentiels pour l'hôtellerie que nous
sommes incapables de combler au Québec et consulter les industries et groupes
sectoriels avant de prendre des décisions unilatérales qui impactent
négativement l'économie québécoise.
En terminant, deux voies s'offrent à
nous : maintenir ou renforcer notre réputation d'excellence en adaptant
nos politiques ou voir notre position se dégrader au profit de destinations qui
sauront aligner immigration et besoins économiques. Disons que le choix nous
semble facile à faire.
Nous invitons le gouvernement à agir
rapidement en reconnaissant que préserver les travailleurs déjà présents est la
solution la plus simple, la plus rapide et la plus rentable pour protéger notre
industrie et les retombées qu'elle génère pour l'ensemble du Québec. J'invite
maintenant ma collègue de l'AHQM à poursuivre.
Mme Villeneuve (Dominique) : Merci
Véronyque. Donc, un des enjeux est le gel des demandes d'études d'impact pour
le marché du travail, qui vise essentiellement Montréal et Laval. Donc, en
fait, la réception et le traitement des études d'impact sur le marché du
travail pour les postes à faible salaire situés sur l'île de Montréal,
notamment ceux qui payent moins de 27,47 $ de l'heure. Donc, évidemment,
ça a été prolongé, ce gel-là. Et donc, pour Montréal, il faut lui verser un
minimum de salaire de 70 000 $ par an pour conserver les postes.
Alors, évidemment, c'est beaucoup trop pour la capacité de payer de nos
hôteliers actuellement.
Donc, comme je vois le temps qui y va, je
vais y aller avec la proposition déjà. Donc, il faut absolument régler cette
situation-là et inclure Montréal et Laval dans la solution. Donc, on propose
d'ajouter le secteur hôtelier aux exceptions de la suspension temporaire de la
réception et du traitement des demandes d'études d'impact sur le marché du
travail et donc d'inclure comme le secteur de la santé, d'éducation, de la
transformation alimentaire, et de l'agriculture, et de la construction. Donc,
d'ajouter des postes qui proviennent de notre secteur, donc les préposés à
l'entretien ménager et aux chambres, préposés à la buanderie, aides-cuisiniers
et préposés à la réception. Puis on pourra poursuivre la discussion dans les
questions.
Mme Lortie (Joanna) : Bonjour!
Alors, l'Hôtel universel de Rivière-du-Loup participe chaque jour à la vitalité
économique du Bas-Saint-Laurent. Notre entreprise de services accueille des
clients de partout dans le monde et fait rayonner notre belle région. Nous
aimerions vous rappeler quand même que nous faisons appel à des travailleurs
temporaires faute de main-d'œuvre sur le territoire, parce que je ne vous
cacherai pas que ce serait beaucoup plus facile de recruter directement chez
nous. Nous avons annoncé un agrandissement majeur, nous aurons donc besoin de
cette main-d'œuvre.
Dans les impacts, évidemment,
investissements compromis, donc sans main-d'œuvre pour soutenir notre projet de
croissance, investir pour accroître notre capacité d'accueil n'est tout
simplement pas viable. Notre entreprise est pourtant prête à investir
18 millions prochainement. Alors ça, c'est un des impacts.
L'autre impact, des quarts de travail qui
sont compromis. Donc, sans main-d'œuvre pour combler l'écart de soir, de nuit
ou de fin de semaine, notre entreprise ne peut subvenir aux besoins de sa
clientèle, doit refuser des contrats.
Les métiers compromis. Les postes de
cuisinier sont inexistants dans notre région. Sans travailleurs temporaires,
nous fermons nos restaurants. Actuellement, seulement deux employés sur 20
viennent du Québec dans ce domaine chez nous, sans compter les plongeurs,
préposés aux chambres, auditeurs de nuit, préposés à la buanderie, préposés aux
bassins, massothérapeutes.
Donc, ce que nous demandons : clause
de droit acquis pour les travailleurs étrangers qui sont déjà intégrés dans
notre entreprise, adapter le programme des travailleurs temporaires aux
réalités régionales et revoir...
Mme Lortie (Joanna) : ...la
liste des professions admissibles au traitement simplifié afin d'y prioriser
les métiers avec un déficit comme c'était le cas auparavant.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Je sais que c'est court, 10 minutes, mais on va
entamer la période de discussion avec les parlementaires. Vous allez pouvoir
étoffer dans les réponses aux questions de nos parlementaires. On va commencer
avec le ministre pour 16 minutes 30 secondes.
M. Roberge : Merci bien.
Merci pour votre présentation. Il n'y a pas à dire, vous vivez des enjeux en
main-d'œuvre, on le reconnaît. On l'entend au fil d'un groupe et de l'autre.
Vous nous dites : Il faudrait renouveler les permis de travail pour les
travailleurs étrangers temporaires pour 24 mois. Vous êtes conscients que
c'est Ottawa qui nous empêche de le faire à ce moment-ci pour l'extérieur de
Montréal, Laval. Donc, vous le dites ici. Ça résonne. Il y a des gens qui
écoutent. Vous savez qu'on a porté cette voix-là pour extérieur, Montréal,
Laval. Donc, je pense que vous souhaiteriez peut-être à la grandeur du Québec,
mais pour extérieur, Montréal et Laval, on a porté ce message-là.
Mais j'ai de la misère à réconcilier deux
choses que vous dites. Vous dites : Adoptez une approche régionalisée,
mais j'ai l'impression que vous voulez renouveler tous les permis partout.
Alors, quelle serait votre approche régionalisée? En quoi vous voulez une
approche régionalisée?
Mme Tremblay (Véronyque) : La
première approche, c'est de renouveler les permis qui sont déjà ici, peu
importe la région. C'est que si les gens ont... veulent les renouveler, c'est
parce qu'ils ont encore des besoins et qu'ils ont déjà tenté de voir s'il y
avait des gens pour occuper ces postes-là au Québec. S'ils veulent les
renouveler, c'est parce que c'est difficile à combler, ces postes-là. Ça fait
que, la première chose, c'est ça.
Là où on dit : Régionalisez, c'est
pour l'embauche de nouveaux travailleurs étrangers temporaires. Bien, on
dit : Assoyons-nous ensemble et regardons là où sont les besoins les plus
criants. On est conscients qu'il y a eu une amélioration depuis quelques années
à la sortie de la pandémie. Mais, pour les postes qu'on vous a mentionnés, il
n'y en a pas, d'amélioration. Ça demeure vraiment difficile. Actuellement, si
on réussit à bien s'en sortir, c'est parce qu'on les a avec nous, ces
travailleurs étrangers temporaires là. Mais, comme je vous mentionne, c'est
critique parce que plusieurs permis viennent à échéance dans les prochains
mois, 6 à 12 prochains mois. Là, ça va vraiment être critique. Et, si
on... et comme la majorité des hôteliers dépassent le 10 % de travailleurs
étrangers temporaires, ils ne pourront pas les renouveler. Ils vont devoir les
laisser quitter.
Peut-être poursuivre avec Alupa.
• (15 h 50) •
M. Clarke (Alupa) : Non, non,
mais vous avez tout à fait raison, Véronyque. Moi, j'avais quelques témoignages
que je pourrais aisément envoyer à la Commission. Mais, à Québec, voyez-vous,
depuis quatre ans, on est en remontée post-pandémique. On a encore des grands
enjeux de pénurie de main-d'oeuvre, endettement post-pandémique, manque de
financement dans les hôtels, le parc hôtelier qui est vieillissant. Puis on
fait face à une compétition internationale féroce.
Donc, dans le fond, tout ce qu'on demande,
nous, c'est de ne pas avoir des bâtons dans les roues pour le développement
qu'on crée pour la Capitale-Nationale. Le tourisme, à Québec, c'est
2.5 milliards de dollars par année, 35 000 emplois. On
parle souvent de filière batterie, mais il faudrait penser à la filière hôtelière.
Et, nous, ce qu'on demande, c'est d'avoir un coup de pouce du gouvernement. On
ne se plaint pas, nous, même à l'association hôtelière, on a mis en place un
projet depuis un an et demi qui s'appelle Ressources humaines innovation. On
s'occupe de l'ensemble des problématiques de gestion de ressources humaines
dans toutes les 4 000 entreprises touristiques de la région de
Québec. On fait notre part. Donc, tout ce qu'on demande, c'est que le
gouvernement cesse de... On comprend que ça vient surtout du fédéral, mais on a
besoin de l'appui du palier gouvernemental pour... provincial, pardon, pour se
faire entendre. Essentiellement, là, dans le monde entier, il y a une immense
compétition pour s'accaparer les touristes post-pandémiques. Et, à Québec, il
ne faut pas se leurrer, on est une destination internationale prisée de par le
monde. Et on est loin d'être sortis, encore une fois, de tous nos grands enjeux
post-pandémiques, donc, à ce stade-ci. Puis on comprend tous les enjeux au
niveau de la perception des citoyens du Canada au niveau de l'immigration. Ce
n'est pas facile pour vous, on le comprend. Mais, nous, on devrait absolument
faire partie des exceptions, comme les agriculteurs, pour pouvoir garder nos
travailleurs étrangers.
M. Roberge : Je ne perçois
pas de changement entre ce que vous disiez il y a un an, deux ans, trois ans,
quatre ans, et ce que vous dites aujourd'hui : Ah! la situation a changé,
le taux de chômage est en hausse importante, particulièrement chez les jeunes.
En 2022, il y avait 0,8 chômeur par poste vacant, donc très peu de
chômeurs par postes vacants. Maintenant, il y a 2,6 chômeurs par poste
vacant. La situation a complètement reviré. On a le plus bas nombre de chômeurs
par postes vacants depuis sept ans. Donc, il n'y a jamais eu autant de
personnes pour les postes disponibles, depuis 2018. Et, dans cette
situation-là, je comprends que, région par région... Ça, c'est... c'est un taux
national, ça ne tient pas compte de ce qui se passe à... nécessairement à
Rivière-du-Loup ou ce qui se passe en...
M. Roberge : ...en Estrie ou
dans certaines régions très touristiques, mais reste que, même quand on regarde
région par région, il y a quand même eu des changements. On ne peut pas avoir
exactement la même demande car il y a plein de gens qui sont au chômage puis
quand il n'y a personne qui est au chômage.
Mme Tremblay (Véronyque) : Mais
vous avez totalement raison. Mais justement, tout à l'heure, quand j'ai
mentionné qu'il faut cesser de faire du mur-à-mur, c'est justement ça que je
voulais mentionner. Le taux de chômage en hôtellerie se situait en mois d'août,
c'est le nouveau rapport que j'ai reçu ce matin, baromètre RH mensuel, que
j'envoie à tous les mois à nos membres et qu'on vient de recevoir... le taux de
chômage en hôtellerie est à 3,4 %. C'est un niveau bien inférieur à la
moyenne au Québec, qui est de 6,6 %, et du tourisme, qui est à 4,2 %.
Je pense, c'est un signal de tension extrême sur le marché du travail qui
confirme que la rareté de main-d'œuvre demeure l'une des principales
contraintes à laquelle fait face notre secteur, et c'est un frein structurel
pour notre croissance. Alors, si vous nous dites que notre discours n'a pas
changé, c'est tout simplement parce qu'on est toujours aussi affectés pour ces
types de postes qu'on n'est pas capables de combler. Vous le voyez très bien,
le taux de chômage dans notre industrie est faible.
M. Roberge : Est-ce que vous
avez posé des gestes spécifiques pour aller puiser dans un bassin de
main-d'oeuvre, qui augmente à chaque année, les demandeurs d'asile? Cette
année, là, par-dessus les quelques 180 000 demandeurs d'asile qu'on avait
déjà, il en arrive 40 000 de plus, là, cette année, là, il y en a déjà plus de
20 000 d'arrivés, là, et, plus que ça continue, là, il y a comme 200 par jour,
là. Il y a de ces personnes-là qui obtiennent un permis de travail en quelques
mois qui pourraient sans doute occuper des postes dans votre secteur, soit
parce qu'ils sont près de chez vous, s'ils sont dans... vraiment dans le
secteur métropolitain, ou qui pourraient se déplacer pour décrocher un emploi.
Est-ce que vous avez des initiatives, des méthodes, des stratégies pour
utiliser cette main-d'œuvre par dizaine de milliers?
Mme Tremblay (Véronyque) : Oh!
je pense que tous mes collègues vont pouvoir s'exprimer sur le sujet.
M. Clarke (Alupa) : M. le
ministre, oui, absolument. Puis d'ailleurs vous n'êtes pas sans le savoir parce
que c'est votre gouvernement qui a mis en place une initiative très
structurante il y a un an et demi avec le Conseil québécois de ressources
humaines en tourisme... la ministre de l'Emploi à l'époque, un programme qui
visait à mettre 1 000 demandeurs d'asile par année au travail, puis
le programme n'a pas fonctionné parce que les demandeurs d'asile ne voulaient
pas sortir de Montréal. Et, comme on a une charte des droits et libertés, on ne
peut pas les forcer de le faire, bien, le programme n'a pas fonctionné. Après
un an, à peine 50 demandeurs d'asile avaient été placés dans des emplois à
travers le Québec, y compris Montréal.
Donc, on est d'accord avec vous, c'est un
bassin important, mais il faudrait avoir des législations qui nous aident de
faire en sorte que ces gens-là vont effectivement au travail en dehors de l'île
de Montréal. Il y a des questions aussi d'acceptabilité sociale, de contexte
sociodémographique. Ce n'est pas... C'est compliqué. Mais vous-même, vous avez
fait l'expérience puis vous n'avez pas réussi en tant que gouvernement, avec
l'aide de notre domaine d'industrie. C'est très complexe.
M. Roberge : Non, mais je ne
pense pas qu'il faut renoncer quand même.
M. Clarke (Alupa) : Bien, je
suis d'accord.
Mme Lortie (Joanna) : Je veux
juste aussi renchérir sur quelque chose, c'est que les demandeurs d'asile, pour
faire des chambres, ça va, mais cuisinier, on oublie ça, massothérapeute, ça
prend des cours spécifiques, ça prend de la... une expérience, une expertise
que, malheureusement, ils n'ont pas. Souvent, ils sont... ils ont des
problématiques déjà très criantes. Donc, je... Puis je vous le dis, j'en ai
plein, de demandeurs d'asile chez moi. Ce n'est pas ça, le problème. On veut
les avoir puis on fait ce qu'il faut pour les avoir, mais encore faut-il qu'ils
soient dans un domaine où est-ce qu'on a vraiment besoin aussi.
M. Clarke (Alupa) : Puis je
rajouterais peut-être... bien, Domique...
Une voix : ...
M. Clarke (Alupa) : Non,
mais, très rapidement, aussi, c'est une question d'infuser aussi le sens du
devoir chez notre jeunesse. Je sors un peu du sujet, mais c'est-à-dire que
beaucoup, beaucoup des gens qui sont au chômage ne vont pas faire ce type
d'emploi là. C'est très problématique. Vous avez raison de le dire, mais il
faudrait des immenses campagnes de valorisation de nos métiers dans
l'hôtellerie, comme en va pour d'autres secteurs, les... les orienteurs,
pardon, dans les écoles secondaires ne vont jamais promouvoir les emplois
d'hôtellerie, alors que c'est des grandes carrières, des grandes possibilités.
Donc, ça prendrait des grandes initiatives. Ça fait deux ans que je le demande.
Juste à Québec, nos quatre écoles hôtelières sont en train de mourir. Ils sont
passés de cohortes de 250 étudiants par année à 25. Et ça, c'est un grand
succès quand vous avez 25 étudiants.
Donc, tout ce qu'on demande, c'est justement
de mettre en place une panoplie de mesures qui vont au-delà du bassin des
travailleurs étrangers. Mais, puisqu'il n'y a pas ce type d'initiative là, on
doit se rattacher aux travailleurs étrangers, et là, maintenant, bien, on a des
restrictions qui font en sorte que, même ce bassin-là, il devient difficile
d'être accessible. Dominique.
Mme Villeneuve (Dominique) : Bien,
je veux ajouter... en fait, j'abonde dans le même sens que mes collègues. Et on
en a... On a travaillé très, très fort avec le CQRHT. Quand ils avaient le
lancement du programme, on a fait des présentations, on a travaillé avec les
hôteliers. Tous ceux qui ont réussi à les recruter, ils les ont conservés.
Donc, il y a eu des très beaux succès, mais il y a eu aussi beaucoup de difficultés
terrain...
Mme Villeneuve (Dominique) :
...donc, je vous le dis encore, ça va finir par se répéter, mais si on
pouvait... Les offres d'emploi sont en perpétuelle publication, donc, si on
avait des bassins de CV, on ne serait probablement pas ici à venir vous
demander des solutions supplémentaires. Mais ce qu'on a sur le terrain, c'est
des enjeux puis aussi des départs. Donc, tu sais, moi, ce matin, un hôtelier
qui m'a appelée en disant : Mais là je perds mon maître d'hôtel, il quitte
en novembre, son permis est terminé. Mais qu'est-ce qui va arriver? Bien, il
n'y a pas d'autre maître d'hôtel à Montréal disponible. J'ai affiché le poste
ça fait un mois. Je n'ai reçu aucun CV qualifié. Bien, il va mettre un chasseur
de têtes puis ils vont essayer d'aller se voler, entre les hôtels, les mêmes
postes. Donc, qu'est-ce que ça va faire? Ça va faire un trou dans un autre
hôtel.
Ça fait qu'ultimement on a besoin de
garder... Puis c'est pour ça que la première demande, c'est de conserver ceux
qui sont déjà en poste, ils sont déjà formés. Il y a déjà de l'investissement
de la part des hôteliers pour former ces gens-là. Ils sont déjà aussi habitués
à la vie culturelle du Québec. Donc, c'est pour ça qu'on a cette demande-là
aussi pour la région de Montréal.
Mme Tremblay (Véronyque) : Et
le gouvernement du Québec est à même de constater, c'est difficile de combler
les postes, par exemple, d'entretien ménager, au sein même des hôpitaux.
D'ailleurs, il y a une exception, pour le ministère de la Santé, vous pouvez
continuer à aller embaucher au niveau des travailleurs étrangers temporaires.
Il n'y a pas de plafond de 10 % ni de plafond lié au taux de chômage,
mais, dans l'hôtellerie, oui.
Mme Lortie (Joanna) : Juste
pour rajouter, s'il vous plaît, c'est que ces gens-là, c'est des personnes,
c'est des personnes humaines qu'on a fait venir. Oui, ça nous a coûté cher,
mais c'est des gens qu'on tient, c'est des gens avec qui on travaille fort,
puis, quand on les voit partir, ça nous donne mal au cœur. Merci.
M. Roberge : Juste un mot
avant de laisser...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...
M. Roberge : ...je suis très
conscient de ça.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, M. le ministre. On va poursuivre la discussion avec
la députée de Vimont. Il reste encore 4 min 53 s.
Mme Schmaltz : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour à vous quatre. Merci de votre présence aujourd'hui. C'est
intéressant parce qu'en fait je vous écoutais parler tantôt, en lien avec les
postes à pourvoir au sein de l'hôtellerie, et tout ça, il y avait les postes de
cuisinier. On parle de travail de nuit aussi, entre autres, buanderie, services
ménagers. Je comprends que l'automatisation, on ne peut pas la rentrer
là-dedans, il y a quand même... il y a sa part que l'automatisation peut faire
puis, oui, effectivement, il y a une part aussi que l'humain doit continuer.
Tantôt, vous disiez, les offres d'emploi, elles roulent, elles roulent puis,
malheureusement, il n'y a pas de CV qui est envoyé. M. le ministre précise que,
bon, pourtant, au nombre de gens qui viennent, comment se fait-il... Comment ça
fonctionne justement tout... les offres d'emploi, elles vont où? De quelle
façon vous allez rejoindre justement les gens? Est ce que vous avez des
organismes... Vous avez des radios communautaires? Parce que la plupart des
gens qui arrivent n'ont pas nécessairement accès, des fois, à un ordinateur, ou
simplement ils ne savent même pas où aller pour regarder les offres d'emploi.
Est-ce que les offres sont publiées, j'imagine, dans les organismes?
• (16 heures) •
Mme Lortie (Joanna) : Bien, si
je peux répondre, je veux dire, oui au niveau informatique, là, on a... sur
toutes les plateformes, là, nommez-les, les... Job Illico...
Mme Schmaltz : Mais ça, ce
n'est pas facile... et tout ça.
Mme Lortie (Joanna) : Non,
non, attendez, attendez-moi un petit peu. Parce que ça, c'est la norme, OK,
mais il reste qu'on va... Sur les babillards des cégeps, sur les babillards du
secondaire, on fait partie d'une... bien, parce que vous parlez d'étudiants
tantôt, on va partout dans les écoles, on fait partie... Nous, à Rivière-du-Loup,
il y a un regroupement de gens d'affaires, on nous appelle les employeurs
conciliants. Donc, on s'assure aussi qu'il ne manque pas d'école puis que, tu
sais, on n'est pas trop exigeants versus ce qu'ils ont à faire comme travail.
Ça fait que, là-dessus, ça, c'est une autre façon. Mais, au-delà de ça, il y a
des organismes qui sont à Montréal qu'on connaît bien, avec qui on travaille,
le CQRHT a été nommé... qu'on connaît très bien. Je vous dis, je ne sais pas
qu'est-ce que je peux faire de plus?
Mme Schmaltz : Est-ce que les
postes à temps plein versus les postes à temps partiel, est-ce que ça, ça joue
aussi dans l'intérêt ou est-ce que c'est quelque chose qui peut soit freiner,
ouvrir la porte dans le sens que, peut-être temps partiel, ça peut être bien
pour une certaine clientèle, temps complet, c'est d'autres choses. Est-ce que
vous avez déjà vérifié là-dessus? Quand vous affichez un poste à temps plein
puis qu'il n'y a pas de CV, est-ce, peut-être, de penser... partiel, ça peut-tu
être une autre solution?
Mme Lortie (Joanna) : On
pitche partout, madame. Je vais être honnête avec vous, quand on affiche un
poste, si ça ne marche pas...
16 h (version non révisée)
Mme Lortie (Joanna) : On
change le type. Si ça ne marche pas, deux temps, deux temps partiel pour faire
un temps plein. Si ça ne marche pas, les personnes âgées. On pitche partout.
Mme Schmaltz : Qu'est ce
que les organismes vous disent quand, j'imagine, vous faites un suivi. Quand
vous envoyez des postes à pourvoir, j'imagine que vous faites le suivi après
avec l'organisme. Et qu'est ce qu'on vous répond? C'est la qualification? C'est
quoi? C'est les gens?
Mme Lortie (Joanna) : Bien,
honnêtement, c'est tout simplement il n'y a pas de candidat.
Mme Tremblay (Véronyque) :
C'est pour ça que je vous dis, le taux de chômage, là, on le comprend, mais en
hôtellerie, il est très bas.
Mme Schmaltz : Même...
Mme Villeneuve (Dominique) :
Même sur les plateformes en ligne, pardon madame, mais aussi toutes les salons
de carrière, formations en emploi, la Chambre de commerce de Québec. Aujourd'hui,
j'ai une équipe, l'Université Laval pour la rentrée. On est partout, sur tous
les forums, à la fois en ligne et physique.
Mme Schmaltz : Ouais.
Mme Villeneuve (Dominique) :
Puis comme je vous dis, au-delà de l'immigration, c'est qu'au Québec... Si vous
allez en France, par exemple, ils valorisent les métiers de l'hôtellerie et de
la restauration. Travailler en restauration en France, c'est un grand honneur.
Au Québec, c'est un sous-métier. Malheureusement, moi, je n'y crois pas, mais
je le dis, c'est la perception du grand public. Et malheureusement à la fois
les parents, les écoles et nos institutions publiques ne font pas la promotion
de nos grands restaurants et autres.
Mme Schmaltz : Oui, mais
est-ce que vous ne pensez pas que c'est aussi à... peut-être aux gens, aux
propriétaires de valoriser ça par eux-mêmes?
Mme Villeneuve (Dominique) :
Oui. Bien, on le... Je comprends.
Mme Schmaltz : Puis on ne
peut pas entendre tout le temps que le gouvernement fasse quelque chose.
Mme Villeneuve (Dominique) :
Bien, on le fait.
Mme Schmaltz : Il faut
que ça vienne de l'intérieur aussi. C'est important, là. Je pense qu'il faut
que ça soit donnant donnant, là.
Mme Lortie (Joanna) :
...de culture?
Mme Schmaltz : Pardon?
Mme Lortie (Joanna) : Est-ce
que vous êtes en train de parler de culture?
Mme Schmaltz : De
culture?
Mme Lortie (Joanna) : Oui,
de culture d'entreprise.
Mme Schmaltz : Oui, il en
faut. Oui, oui, oui, tout à fait.
Mme Lortie (Joanna) :
Bien, venez chez nous. Vous allez tout comprendre. Je fais juste vous dire ça.
Mme Schmaltz : Non, mais
je parle même en règle générale d'avoir un regard un peu différent aussi de
votre part aussi pour valoriser votre propre profession.
Des voix : ...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : En terminant.
M. Clarke (Alupa) : En
terminant, bien, nous on a un événement le 16 octobre qui s'appelle Les
leaders de demain. Donc, on va recevoir plus de 100 étudiants. Donc c'est
la relève avec nos gestionnaires étudiants. C'est la deuxième édition. Donc, il
y a tellement d'initiatives qu'on fait pour se rapprocher, pour valoriser le
métier...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Merci, pour cette première ronde d'échanges. On
poursuit avec le député d'Acadie pour 12 min 23 s.
M. Morin : Merci, Mme la
Présidente. Alors, bonne après-midi. Bonjour. Merci d'être là. C'est très
intéressant. Tout à l'heure, je pense que vous avez mentionné que l'hôtellerie
ou c'est peut-être juste la restauration, en fait, vous allez préciser, c'est
des revenus de 2,5 milliards à Québec.
Mme Villeneuve (Dominique) :
Québec, oui.
M. Morin : Québec. Ça, c'est
hôtellerie et restauration.
Mme Villeneuve (Dominique) :
C'est le tourisme.
M. Morin : Le tourisme.
Mme Villeneuve (Dominique) :
Puis dans tout le Québec, 16 milliards.
M. Morin : 16 milliards.
Mme Villeneuve (Dominique) :
Oui. Dont... entrée d'argent neuf au Québec.
M. Morin : Et donc,
quand vous parlez, quand vous venez nous rencontrer, au fond, les gens que vous
représentez, là, si on regarde l'apport économique au Québec, c'est 16 milliards.
Mme Villeneuve (Dominique) :
16 milliards. Oui.
Mme Tremblay (Véronyque) :
Pour tout le tourisme.
Mme Villeneuve (Dominique) :
Pour tout le tourisme, oui.
Mme Tremblay (Véronyque) :
Mais pour l'industrie hôtelière, 3,3 milliards de dollars.
M. Morin : Alors, on
parle quand même de milliards. Donc, c'est un... C'est un moteur.
Mme Tremblay (Véronyque) :
C'est majeur.
M. Morin : C'est un
moteur économique important.
Mme Tremblay (Véronyque) :
Quatrième produit d'exportation au Québec. Et l'hôtellerie, c'est la colonne
vertébrale de l'industrie touristique.
M. Morin : Et vous êtes
dans toutes les régions.
Mme Tremblay (Véronyque) :
Partout.
M. Morin : Très bien.
Avez-vous l'impression que le gouvernement vous écoute quand vous parlez?
Mme Villeneuve (Dominique) :
Bien, ce que je peux vous dire, c'est que ce n'est pas une question d'un
gouvernement spécifique. Très sincèrement, là, c'est que traditionnellement,
comme je l'expliquais d'un point de vue sociologique, politique, historique, «name
it», là, l'hôtellerie, la restauration n'est pas valorisée dans notre société
ici au Québec ni au Canada, par ailleurs, dans l'ensemble du pays,
contrairement en Europe. Donc, ça, c'est très difficile à démarcher. Quand vous
allez à Ottawa également, vous êtes ministre du Tourisme, bon, vous êtes la
risée du cabinet. Donc, tout ça, ça a un impact sur notre industrie. Mais essentiellement,
c'est pour ça, je vous dis qu'une des... une des options intéressantes, ce
serait de démarrer vraiment des initiatives structurantes de valorisation. Puis
madame posait une bonne question, est-ce que vous, les propriétaires, vous
investissez de l'argent? Bien, écoutez, juste à Québec, la taxe sur l'hébergement
amène 25 millions de dollars par année qu'on utilise pour faire le
marketing à l'international et faire venir des millions de touristes, 35 millions
de dollars en taxes municipales à Québec cette année, en 2024 l'année passée,
250 millions de dollars en impôts, provincial et fédéral. Donc, peut-être
que nous, personnellement, on ne met pas de l'argent sur la table pour
valoriser notre métier, on le fait quand même, là, mais pas à hauteur de
dizaines de millions de dollars, mais le gouvernement a les moyens que, nous,
on lui donne pour le faire. Ça serait une option.
M. Morin : C'est ça. Donc,
je comprends. En fait, vous, là, au fond, vous amenez de l'eau au moulin, si je
peux m'exprimer ainsi.
Mme Villeneuve (Dominique) :
Oui, tout à fait. Donc, compte tenu de votre secteur d'activité, il y a
effectivement des taxes, etc., qui sont perçues et donc qui sont redonnées dans
la collectivité. Et je comprends que vous êtes dans toutes les régions du
Québec. Donc, vous êtes un moteur économique pour l'ensemble du Québec.
Mme Tremblay (Véronyque) :
Oui.
M. Morin : Parfait. Est-ce
que c'est difficile d'aller recruter à l'étranger? Est-ce que c'est coûteux?
Est-ce que c'est long, compliqué?
Mme Lortie (Joanna) : Bien,
ça doit coûter à peu près 10 000 $ par personne qu'on fait venir.
Donc...
Mme Lortie (Joanna) : ...il
faut... il faut y croire. Donc, si... Je l'ai dit d'emblée, au départ, si on
avait la possibilité de le faire au Québec, ce serait fait. On n'est pas...
C'est... C'est complexe. Puis, moi, les premiers cuisiniers qui sont... qui
sont venus, on ne connaissait rien là-dedans, les... Puis, tu sais, les
dossiers, là, c'est complexe, c'est long. Ça a pris un an et demi avant qu'on
voie le premier cuisinier arriver. Je vais vous dire de quoi : Hourra!,
là, tu sais, c'était comme... Mais là, trois ans plus tard, on lui dit :
Bien là, ça se peut que tu sois obligé de partir. C'est ordinaire.
M. Morin : Puis... Oui. Non.
Allez-y, allez-y, je vous écoute.
M. Clarke (Alupa) : Bien, je
voulais juste rajouter. Qu'est-ce qui... pour de nombreux sujets, le Canada et
le Québec, on est en retard. On ne suit pas la parade. Donc, au niveau des
travailleurs étrangers par exemple, chaque pays va l'un après l'autre. Le
dernier pays qui était un des plus grands fournisseurs de travailleurs dans le
monde récemment, c'était la Tunisie. Mais c'est déjà terminé. Tout le monde est
parti en Espagne puis en France. Il n'y en a plus, de Tunisiens, donc. C'est...
C'est un phénomène extrêmement rapide. Et, comme dans bien d'autres cas, comme
vient de le dire, le Québec est à la remorque, ne suit pas la parade. Et la
compétition internationale est beaucoup plus rapide que nous.
Mme Tremblay (Véronyque) : Et
ensuite, maintenant, on envoie un message qu'on ne les veut plus ici aussi.
M. Clarke (Alupa) : En plus.
Mme Tremblay (Véronyque) : Alors,
ça va être de plus en plus difficile, en recruter des nouveaux, mais même
garder ceux qu'on a, il y en a peut-être qui ne voudront pas renouveler, en se
disant : Bien, de toute façon, c'est quoi mon avenir ici, on ne veut plus
de moi.
Mme Lortie (Joanna) : ...j'ai
des exemples.
Mme Villeneuve (Dominique) : Oui.
Puis j'ajouterais aussi.
M. Morin : Bien oui. Allez-y.
Mme Villeneuve (Dominique) : On
l'a... On l'a peu mentionnée, mais toute la question des étudiants étrangers,
pour Montréal, qui est une des capitales universitaires, pour nous, cette
année, on voit vraiment l'impact direct pour l'automne. C'étaient des
travailleurs qui venaient travailler en hôtellerie. Là, il y a une baisse
directe d'étudiants étrangers, qui, eux, valorisent ce travail-là à temps
partiel, évidemment. Et donc, là, les hôteliers mentionnent, en disant :
Bien, on le voit, là, tu sais, dans les postes à... dans les postes à pourvoir
pour l'automne, bien évidemment, on avait un bassin plus accessible, puis là,
bien, avec la baise des étudiants étrangers, on le voit comme un impact direct
aussi pour les hôtels. Donc, l'impact est sur différents éléments.
Puis, oui, sur le discours, pour nous, ça
a un impact aussi sur l'ensemble de la réputation, tu sais. Il y a des gens qui
sont juste repartis au-delà... ils avaient un permis, mais en disant : Ah!
ça va tellement être compliqué de le renouveler, bien, peut-être que je suis
mieux de partir maintenant, même s'il me reste un an, je vais retourner en
Europe. Donc, on voit aussi ces départs-là, qui sont évidemment non voulus de
notre côté parce qu'on veut les garder. Donc, je dirais que c'est un... c'est
une drôle d'ambiance actuellement pour les employés actuels. Et ça met de la
pression sur les employés qui sont là aussi, parce que, de perdre un employé
par mois, bien, c'est un membre de son équipe. Donc, vous avez vu l'émotion par
Joanna, mais c'est comme ça dans tous les hôtels, parce que c'est des membres
de... c'est des membres d'équipes, de familles, puis c'est des gens qui... avec
qui ils passent beaucoup de temps. Donc, c'est ce qui est vécu quotidiennement
par l'ensemble des hôteliers, évidemment à Montréal et l'ensemble des régions.
• (16 h 10) •
M. Morin : Puis je comprends
que, quand le gouvernement change les règles... puis là, il y a aussi le
fédéral, mais, à tout bout de champ, puis que vous ne le savez pas, bien, une
entreprise investit, vous avez parlé de 10 000 $, bien là, c'est une perte
sèche. Vous le perdez, là. Et vous aviez... Et vous aviez d'autres... d'autres
exemples, peut-être, à donner. Vous avez levé la main, alors allez-y.
Mme Lortie (Joanna) : Oui.
Bien, en fait, ce qui serait intéressant aussi, c'est que c'est... c'est de
favoriser... en fait, que les différents dossiers de gens qui veulent avoir la
résidence permanente, si au moins on était... on avait l'option de les virer
vers la résidence permanente, on pourrait les garder de cette façon-là. Ils ne
feraient plus partie du ratio. Ça fait que ce serait déjà une option
superintéressante. Mais là tout est bloqué. On ne peut plus rien faire.
M. Morin : Oui. Je comprends
que le gouvernement du Québec a suspendu le PEQ, qui était un véhicule
québécois, un programme pour amener à la résidence permanente. Pas eu
prévisibilité. Pouf! C'est arrivé, un décret, bonsoir. Et donc là, vous êtes
pris, et vos travailleurs, en plus, temporaires ont de la misère à... bien, ils
ne peuvent pas aller dans ce programme-là, ont de la misère à renouveler leur
permis. C'est... C'est très compliqué. Avant vous, il y a... il y a un autre
groupe qui nous disait justement qu'ils avaient perdu un cuisinier au café
Cherrier parce qu'ils sont allés travailler ailleurs parce que le PEQ était
suspendu. Allez-y.
M. Clarke (Alupa) : Non. Je
tiens juste à préciser. Je pense que c'est important que ce soit dans les bleus
du comité, là. C'est-à-dire que les hôteliers, c'est des bons citoyens
corporatifs puis qui vivent dans notre société. Ils sont très au fait des
problématiques et de la pression sur le filet social, le manque de logements,
etc. Ils sont tout à fait conscients de ça. Et puis M. le ministre a parlé ce
matin à travers les médias d'une clause grand-père. Nous, on n'est pas ici pour
demander des exceptions... en fait, oui, une exception, mais on ne demande pas
des choses exceptionnelles. On demande d'avoir... de pouvoir garder ceux qui
sont déjà ici, qu'on a payés pour les faire venir, qu'on les a formés depuis
deux ans, qui ont fait venir leur famille, qui ont des amis, qui parlent le
français, qui apprennent notre culture, qui s'intègrent de manière
extraordinaire.
Puis j'ai une panoplie de témoignages ici
que je ne vais pas vous lire puis...
M. Clarke (Alupa) : ...mais,
à chaque fin des témoignages, mes hôteliers, qui sont 205 à Québec, ont pris la
peine de dire : Nous comprenons les impératifs politiques, l'État d'esprit
des Canadiens par rapport à l'immigration puis la pression sociale sur nos
services, on demande juste de garder notre monde, dans lequel on investit du
temps et de l'argent.
M. Morin : Je pense que vous
vouliez ajouter quelque chose, madame. Oui? Non, ça va?
Une voix : ...
M. Morin : C'est bon? OK. On
va... On va continuer. Il semblerait... Vous l'avez très bien décrit, là, vous
essayez de recruter ici et vous y... vous n'y arrivez pas. Vous avez parlé du
manque de publicité aussi, du manque d'encouragement. Est-ce qu'on a assez
d'instituts d'hôtellerie au Québec? Est-ce qu'on a assez d'élèves qui y vont?
Est-ce que c'est quelque chose qui, dans les maisons d'enseignement, est
valorisé? Parce qu'évidemment ça serait une façon de palier à la main-d'oeuvre
étrangère, là, si on avait suffisamment de gens formés.
Mme Villeneuve (Dominique) : ...l'Institut
du tourisme et de l'hôtellerie du Québec est à Montréal, qui est une excellente
école, je dirais la meilleure au Canada, qui forme et qui... c'est... je veux
dire, c'est le lien direct pour Montréal pour le recrutement, mais tous les
étudiants sont placés à la fin de leurs programmes, là. Donc, il n'y a aucun
taux de chômage pour ces étudiants-là. On les voit le 16 octobre, comme je vous
disais, on a un événement avec eux, mais ils ont des opportunités de carrière
dans nos hôtels, assurément. Donc, pour moi... oui. Est-ce qu'on peut
encourager davantage l'ITHQ? Bien, pour moi, ça revient au même avec les étudiants
étrangers. Ils se sont fait couper les ratios, même pour l'ITHQ, pour aller
recruter, alors que, quand je parle de pâtissiers, de chefs cuisiniers,
c'est... on a besoin de Français, on a besoin d'Européens qui viennent se
former ici. Puis c'est ce mix de culture là aussi qui fait notre renommée
internationale. Donc, pour moi, on peut l'encourager davantage, puis là je
parle de l'ITHQ parce que c'est celle qui est en sol montréalais, mais
assurément on peut les encourager davantage. Mais ce que je peux vous dire,
c'est qu'on va directement recruter avec l'ITHQ, avec l'UQAM, avec le collège
LaSalle également, on va recruter partout où on peut aller. Là, on s'est
évidemment concentrés sur certains enjeux d'immigration plus spécifiques pour
les employés, mais, quand on parle de notre relève, on y tient, puis on
s'implique énormément dans les institutions académiques pour que la formation
demeure la meilleure en ville. Elle l'est déjà. Et on les recrute, ces
étudiants-là.
M. Clarke (Alupa) : Puis, si
on prend encore l'exemple de la Tunisie, ils ont des immenses écoles hôtelières
avec des formations qualifiées incroyables, puis c'est ces gens-là qu'on
recrute, justement. Quand on vous parle de problème de pénurie de main-d'œuvre
qualifiée, bien, c'est : ces travailleurs étrangers là arrivent ici
qualifiés, justement.
Si on prend l'exemple de Québec, Mérici,
l'école Limoilou, Fierbourg puis l'École hôtelière de la Capitale, comme je
l'ai dit précédemment, on est passés de cohortes de 250 étudiants il y a 15
ans, à chaque session, à 25 étudiants. Donc, c'est famélique. Et il ne faut pas
se leurrer, tu sais, ce n'est pas une industrie qui va pouvoir payer des
campagnes publicitaires de centaines de millions de dollars. Ça doit provenir
de certaines initiatives gouvernementales. On s'entend qu'on n'est pas
Bombardier, on n'est pas la filière, non plus, des jeux, des vidéos, etc., à
Montréal, mais, comme vous avez même vous-même spécifié, on est le quatrième
produit exportation du Québec, on est une grande contribution. C'est
400 000 emplois au Québec, 45 000 entreprises pour le tourisme. Et
donc je pense...
Puis surtout postpandémique, avec la
compétition qu'on vit, et toutes les études le démontrent, le Canada, d'ici
2050, et plus particulièrement Québec et le Québec, pourrait devenir une des
plus grandes destinations touristiques du monde. Et, contrairement à nos a
priori, c'est un futur économique fort important sur tout le domaine
touristique. On l'a vu cet été, que ce soit le tourisme intracanadien, l'Europe,
une augmentation de 21 % de touristes de la France. Nous, ici, au Canada,
on n'a pas d'enjeux géopolitiques criants. Et, au niveau des changements
climatiques, on a quatre saisons tempérées. L'Europe, il fait extrêmement
chaud. Donc, il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de critères et de facteurs qui
fait en sorte qu'on a un grand futur, puis c'est maintenant qu'il faut investir
dans notre industrie.
M. Morin : Très bien. Donc,
gros potentiel. Je comprends que c'est difficile, très difficile pour vous. En
plus, difficile pour l'ITHQ, qui est une maison d'enseignement. Là aussi, il y
a des enjeux. J'ai siégé pour l'opposition dans le projet de loi n° 74...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : En terminant.
M. Morin : ...je peux vous en
parler. Donc, vous vivez une tempête parfaite. J'espère que M. le ministre vous
a entendus. Merci. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, M. le député. Alors, on va terminer la ronde de
discussion avec le député de Saint-Henri—Sainte-Anne pour quatre minutes huit
secondes.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous pour votre présentation, votre
mémoire, très intéressant.
Je voudrais m'attarder à la question de
la passerelle, là, du temporaire au permanent. Vous en parlez dans vos
recommandations. On note, là, par ailleurs, un article du Devoir qui
nous parlait du fait qu'il y avait, quoi, 144 000 résidents... ou, en
fait, temporaires choisis avec un CSQ dans la file d'arriéré. Ça fait que,
quand même, ça, c'est des temporaires, pour la plupart, qui sont...
M. Cliche-Rivard : ...juste
sur le territoire qui devraient pouvoir accéder à la résidence permanente et
pérenniser leur statut. Et donc finalement qu'ils ont... ils sont
particulièrement quoi? Des semi-temporaires ,là, ou essentiellement ils ne sont
pas vraiment dans ceux qu'on devrait calculer comme les vrais temporaires parce
qu'ils visent à être pérennisés. Je me demandais à part ça, vous, est-ce que vous
privilégiez... c'était le PEQ, ça reste le PEQ, c'est le programme régulier
avec le volet 2. Comment vous entrevoyez ce passage-là? Puis c'est quoi
que vous demandez finalement sur la passerelle du temporaire vers le permanent?
Mme Tremblay (Véronyque) : Mais
je vous dirais que dans le court terme, ce qu'on dit, c'est permettez-nous de
renouveler nos travailleurs étrangers temporaires qui sont chez nous. Ça, c'est
la première des choses, parce qu'en ce moment on ne peut pas les renouveler dès
qu'on a plus de 10 %. Et ensuite voyons voir, dans le fond, selon les
régions, selon les besoins, mais c'est certain qu'on a encore besoin de gens.
Puis il faut continuer à avoir un discours positif envers l'immigration parce
qu'on a besoin de cette main-d'œuvre-là.
Et oui, quand vous parlez de la
passerelle, peu importe de quel programme, quand ils sont chez nous ces
travailleurs-là et qu'ils sont appréciés, qu'on veut les garder, bien, ils sont
une force vive. Souvent, ils sont arrivés ici avec leur conjointe qui travaille
peut-être avec un permis ouvert. Leurs enfants qui sont arrivés ici. Je vais
vous donner un bel exemple. Hôtel Le Francis à New Richmond, en Gaspésie. Cet
hôtel-là, 38 chambres, restaurant, spa, piscine, tourisme d'affaires. Bref,
quand arrive la mi-août, là, tous ces étudiants quittent pour Québec, Montréal
pour aller aux études, cégep université. Donc, il perd son bassin de
main-d'œuvre. Alors, il est très heureux en ce moment de pouvoir compter sur
ces Mexicains et ces Tunisiens qui sont chez lui et qui lui permettent de
pouvoir continuer à opérer à son hôtel. Alors, évidemment, il aimerait que ces
travailleurs étrangers temporaires là puissent devenir des travailleurs
permanents, qu'ils puissent rester chez nous.
En plus, dans plusieurs villages, villes
plus éloignées des centres-ville, la population vieillissante. Il y a ce manque
de bassin de main-d'œuvre là. Vous savez, demain matin, on a beaucoup de tous
faire des bébés, ça va prendre 20 ans avant que les gens puissent commencer à
travailler en hôtellerie. On a besoin de..
Une voix : ...
Mme Tremblay (Véronyque) :
Oui, mais, en tout cas, ça dépend quel type de poste, mais une vingtaine
d'années, mettons, avant qu'ils puissent occuper nos emplois, majoritairement
dans nos hôtels. Alors, cette main-d'œuvre-là, elle est indispensable, et on
veut qu'ils restent chez nous, pas qu'ils demeurent toujours des temporaires.
Ils veulent se faire une vie ici, pouvoir investir, acheter une maison, c'est
leur rêve de rester ici.
M. Cliche-Rivard : Exact. Je
comprends que, dans l'urgence, vous dites : Renouvelons le permis de
travail, puis on verra après. Par contre, si on faisait juste accorder la
résidence permanente, on n'aurait pas à faire tous ces renouvellements de
permis.
Mme Tremblay (Véronyque) : Bien,
totalement, totalement. Mais peu importe le programme, là, c'est ça.
• (16 h 20) •
M. Cliche-Rivard : Écoutez,
je vous laisse sur une dernière question. Bon, la discussion sur la réduction
de l'immigration temporaire, elle est dans les parages depuis un certain
moment, mais là à tous les groupes qu'on rencontre, ils nous font un plaidoyer
quand même assez fort pour que ce ne soit pas leur secteur. Est-ce que vous
avez des indications pour nous? Est-ce que, dans votre approche, dans votre
logique, à quelque part que ce serait possible de couper? Parce que là on voit
groupe après groupe, puis ça semble être déterminant pour la survie de chacune
des économies.
Mme Tremblay (Véronyque) : Bien,
déjà, je vous dirais qu'il y a eu quand même une diminution. Pour certains
hôtels qui étaient à 30 % à la sortie de la pandémie, ils ont pu réduire à
20 %, mais ça dépend de la réalité de tout le monde. À La Tuque, à
Matawin, bien là, la réalité, honnêtement, ils ont besoin d'avoir un taux plus
élevé. Alors, je pense qu'il faut faire confiance aussi aux hôteliers. Plus il
y a des cohortes qui vont sortir de nos... des jeunes au niveau de nos écoles,
bien, plus on va embaucher ici, au Québec, bien sûr.
M. Clarke (Alupa) : ...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : C'est ce qui met fin...
M. Clarke (Alupa) : ...protéger
l'image du Québec, on reçoit le monde entier chez nous.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, je vous souhaite un bon retour et je
vous dis surtout merci pour l'apport à nos travaux.
Pour le reste, je vais suspendre quelques
instants, le temps de recevoir le prochain groupe.
(Suspension de la séance à 16 h 21)
(Reprise à 16 h 27)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations
avec les citoyens reprend ses travaux. Donc, pour les prochaines minutes...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...nous serons en compagnie de M. Adel El Zaïm,
vice-recteur à la recherche, à la création, au partenariat et à
l'internationalisation pour l'Université du Québec en Outaouais. M., bienvenue
à la commission. Donc, vous allez avoir une dizaine de minutes... 10 minutes,
pour être plus précise, pour présenter les grandes lignes de votre mémoire,
donc de vos recommandations, et par la suite nous allons en discuter avec les
parlementaires. Alors, le micro est à vous.
M. El Zaïm (Adel) : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, monsieur et madame. Merci, d'abord, de m'accueillir
à votre commission pour représenter l'Université de Québec en Outaouais. Vous
vous en doutez sûrement bien, à l'Université du Québec en Outaouais, nous nous
sentons directement interpelés par la planification pluriannuelle de
l'immigration 2026-2029, et je devrais même dire que nous sommes interpelés par
toutes les mesures récemment en place en matière d'immigration. L'UQO tient à
rappeler que la présence d'étudiantes et d'étudiants internationaux constitue
un levier essentiel pour contrer le recul du français, pour répondre aux
pénuries de main-d'œuvre et renforcer la recherche et l'innovation dans tous
les domaines, dont surtout les domaines et les disciplines scientifiques et la
recherche en technologie, en environnement, en génie, toutes des disciplines
dont on a grandement besoin au Québec. L'UQO joue un rôle clé dans la
protection et la promotion de la langue française et contribue ainsi à la
vitalité de la langue, mais aussi et surtout de la société francophone dans notre
région transfrontalière, je parle de l'Outaouais, bien sûr.
L'alignement des politiques d'immigration
sur les besoins réels du marché du travail et sur les besoins du Québec en
général est fondamental. Je ne répéterai pas des chiffres dont... plusieurs
acteurs de l'économie québécoise ont répété, mais les retombées économiques de
l'immigration étudiante sont majeures. En 2022, les étudiantes et les étudiants
internationaux ont généré 3,8 milliards de dollars au PIB québécois, en
plus de soutenir 47 762 emplois. Pour le réseau de l'Université du Québec, avec
les 10 établissements que nous sommes, les retombées économiques s'élevaient à
157 millions de dollars en 2022, mais comme vous savez, les retombées
réelles ne sont pas seulement économiques. Je ne voudrais sûrement pas imaginer
une université québécoise qui perd. Par exemple, tous ses professeurs qui sont
d'origine étrangère qui sont arrivés ici comme étudiants ou comme immigrants.
• (16 h 30) •
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : On vous entend. Est-ce que ça va?
M. El Zaïm (Adel) : Désolé,
on dirait que j'avais perdu la connexion.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : On vous entend bien.
M. El Zaïm (Adel) : Je
continue? Vous m'entendez maintenant?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Oui, on vous entend.
M. El Zaïm (Adel) : D'accord.
Donc, en Outaouais, comme dans d'autres... Très bien. Donc, je disais que les
retombées réelles ne sont pas que des retombées économiques parce que je ne
voudrais surtout pas imaginer une université québécoise qui perd tous ses
profs, par exemple, qui sont d'origine étrangère et qui sont arrivés au pays
comme étudiants ou comme chercheurs postdoctorants.
L'UQO formule, dans ce contexte, six
recommandations que je voudrais citer ici, et je voudrais y ajouter une autre
venant de l'UQ. Première recommandation serait d'exclure les étudiants
internationaux des seuils d'immigration temporaire. Deuxièmement, maintenir et
consolider le Programme de l'expérience québécoise. Troisièmement, soutenir la
francisation dans une perspective inclusive. Quatrièmement, rehausser l'appui
aux initiatives de recrutement international francophone. Cinquième
recommandation, retirer l'obligation d'obtenir un permis d'études et un certificat
d'acceptation du Québec pour les étudiantes et étudiants inscrits dans un
programme de bidiplomation avec des partenaires, donc, étrangers dont le séjour
est de courte durée, moins de six mois. Et dernière recommandation de l'UQO, ne
pas assujettir aux quotas les demandes de renouvellement de certificats
d'acceptation du Québec soumises pour un programme d'études de niveau
universitaire. Je me permets aussi d'ajouter la recommandation qui a été
formulée dans une... dans le mémoire de l'Université du Québec. On a recommandé
que le gouvernement n'assujettisse pas les demandes...
16 h 30 (version non révisée)
M. El Zaïm (Adel) : ...des
demandes de CAQ soumises pour un programme d'études aux cycles supérieurs au
quota. Ces mesures permettraient de préserver la mission des universités et de
répondre efficacement aux défis démographiques, linguistiques et économiques du
Québec. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, si vous avez terminé, vous aviez
encore quelques minutes. Ça vous va?
M. El Zaïm (Adel) : Ça me va.
J'ai terminé.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Parfait. Alors, on entame la période de discussion avec les
parlementaires. On va commencer avec M. le ministre, et la banquette
gouvernementale, vous bénéficiez de 16 min 30 s.
M. Roberge : Bonjour. Merci
pour votre présentation. Merci pour votre participation aux travaux aujourd'hui.
Je dois dire que j'ai été surpris par votre demande d'exclure tout simplement
tous les établissements d'enseignement supérieur des seuils d'immigration
temporaire. À ce moment-ci, en 2025, avec tout ce qui s'est vu, ce qui s'est
dit, ce qui s'est écrit dans les dernières années, de dire : Écoutez,
laissez les universités et les cégeps décider de la politique migratoire, il n'y
a pas de limite. Si on peut en faire venir 120 000, c'est 120 000. Si on peut
en faire venir, 200 000, c'est 200 000. Si on peut en faire venir 250 000, c'est
250 000. Tout ce que les universités peuvent attirer ou retenir, c'est bon.
Donc, est-ce que j'ai bien compris, vous voulez qu'il n'y ait aucune limite? Le
gouvernement ne se mêle pas des admissions internationales, ce sont les universités
qui décident. C'est bien ça?
M. El Zaïm (Adel) : Nous ne
disons pas que le gouvernement, M. le ministre, ne se mêle pas ou que les
universités décident seules. Il y a des seuils naturels, il y a des... des
seuils naturels, donc, que nous avons dans toutes les universités, et, que ce
soit en termes de capacité d'accueil, en termes de capacité de formation, il n'y
a pas une université qui est équipée, par exemple, pour 10 000 étudiants
qui va accueillir 100 000. Donc, il y a des capacités que nous savons, que nous
gérons depuis toujours. Et d'ailleurs, même cette idée de considérer l'étudiant
comme immigrant, il faudrait vraiment penser qu'est-ce que ça veut dire, ça, un
étudiant qui vient ici pour étudier, puis qu'on le considère comme immigrant et
qu'on le mette au même titre que n'importe quel autre travailleur.
M. Roberge : Bien,
«immigrant», en fait, on dit des fois «immigrant temporaire», des fois on dit
«RNP», résident non permanent, ce sont des gens qui arrivent de l'extérieur,
qui séjournent ici, on dit... on les qualifie de temporaires. Certains veulent
permanents, d'autres repartent. Mais, si chaque fois qu'il y en part un, il en
arrive un, bien, il y a, de manière permanente, quelqu'un, dans les étudiants.
Comme, en ce moment, on est autour de 120 000 étudiants étrangers. On peut bien
les qualifier de résidents non permanents ou d'immigrants temporaires, on est
autour de 120 000. Si, à chaque fois qu'il en part un, il en arrive un, il beau
être là de manière permanente, l'occupation du territoire... pardon,
temporaire, est permanente.
Donc, on avait bien compris. Vous
souhaitez sous une espèce de libres marchés, ce serait les universités...
autant qu'ils peuvent en admettre. Vous dites : Bien, faites-vous-en pas,
il y a une espèce de respect naturel de la capacité d'accueil. Je vais vous
soumettre que, dans les 10 dernières années, on est passé de 50 000 à 120
000 étudiants étrangers avec cette espèce de libre marché, et en même
temps cégeps et universités remplissent leurs classes et disent au gouvernement :
Ah! on a besoin d'argent au PQI, on a besoin de plus de locaux, on a besoin d'agrandir
nos installations, on a besoin de nouvelles classes. Donc, j'ai comme l'impression
que la machine s'emballe. S'il n'y a pas de couvercle sur la marmite, les
universités vont en démarcher, vont en faire venir, vont nous dire que leurs
classes sont pleines, vont demander au gouvernement des sommes, des millions,
des milliards pour agrandir, pour après ça en faire venir davantage. On a joué
dans ce film-là depuis 10 ans, M..
M. El Zaïm (Adel) : Oui, M..
Vous avez tout à fait raison, M. le ministre, ça a doublé. Et ça, c'est surtout
grâce à la réussite de stratégies gouvernementales qui recrutaient grandement
et qui nous invitaient à les recruter. Donc, je ne voudrais pas blâmer le
ministère des Affaires internationales ou les autres organismes gouvernementaux
qui nous amenaient dans les délégations du Québec et dans d'autres pays pour
nous dire : Venez recruter dans tel pays partenaire ou dans tel pays
partenaire. C'était la politique du Canada, la stratégie d'internationalisation
du Canada qui a commencé en 2014 et même la stratégie de Québec. Moi-même, j'ai
participé il n'y a pas longtemps... bien, en fait, oui, il y a peut-être
maintenant un an, à une activité...
M. El Zaïm (Adel) : ...ici
même, à Québec, où le ministère nous demandait comment recruter plus
d'étudiants. Donc, ce que je dis, c'est que nous ne pouvons pas recruter plus
que notre capacité. Mais de nous imposer déjà, par exemple, un quota puis,
après, de retarder tout ce qui est obtention de... au niveau du Canada,
l'obtention du permis, aujourd'hui, on ne remplit même pas le quota.
M. Roberge : Bien, ne pas
remplir le quota, ne pas réussir à attirer les étudiants en fonction de cibles
nationales établies après débat, c'est un enjeu. Je vous l'accorde. Par contre,
dire qu'il n'y a aucune limite, là, je vous le dis, l'orientation
gouvernementale est de trouver une cible qui est raisonnable, qui nous permet
d'attirer des talents internationaux, qui nous permet de maintenir une capacité
de recherche. Ça, on en est. Mais, de dire qu'il n'y a pas de limites, je vous
le dis, on n'est pas là. Trouvons ensemble la meilleure... le meilleur
équilibre. D'autant plus que, je pense, même dans votre mémoire, vous
reconnaissez que le taux d'inoccupation en Outaouais est très, très bas.
Gatineau, taux d'inoccupation des logements, 0,5 % pour les logements
abordables, donc inférieurs à 1 200 $ par mois. C'est quand même
drôle de dire qu'inférieur à 1 200 $ par mois, c'est abordable, hein?
On... En tout cas, il n'y a pas si longtemps, on aurait trouvé que c'était très
élevé. Le seuil serait 3 %. On est à 0.5 %. Puis vous nous dites
qu'il faudrait peut-être en recevoir davantage. Mais vous ne pensez pas qu'il y
a un enjeu avec des gens qui sont ici, sur le territoire québécois, et qui ont
de la misère à se loger à prix abordable?
M. El Zaïm (Adel) : Ça dépend
qu'est-ce qu'on définit par «abordable». Et ça dépend aussi des besoins en termes...
Vous savez, il a été prouvé, dans certaines études, que la pression sur le
logement n'est pas nécessairement due aux étudiants internationaux, surtout
quand on parle de logement justement à un prix plus élevé. Les étudiants
internationaux cherchent souvent à se loger en résidences universitaires ou à
partager des appartements. Ce n'est pas moi qui le dis. Ça a été... Ça a été
prouvé. C'est des jeunes qui n'ont pas besoin nécessairement de soins de santé
comme un vieux comme moi.
• (16 h 40) •
M. Roberge : Oui. Vous
amenez... Vous amenez sur la santé. C'est un autre dossier. Loin de moi dire
que la pénurie de logements en Outaouais ou ailleurs reposerait seulement sur
des immigrants temporaires ou permanents ou des étudiants étrangers, là. Attention,
là, il y a des Québécois aussi qui utilisent des logements, là. On va être
d'accord, là. C'est simplement que lorsqu'on est en situation de pénurie, il
faut se demander est-ce qu'on peut faire venir des dizaines de milliers de
personnes de plus. C'est très différent que de dire : La pénurie est
causée par des étudiants internationaux. Je n'irais pas là. Il faut faire
attention, là. Mais, quand même, quand on est en situation de pénurie, de dire,
comme on dit en anglais, le ciel est la limite, hein, je fais exprès pour le
dire en français, je vous dirais que je pense qu'il faut faire attention.
Il y a eu aussi des personnes qui ont usé
de subterfuges dans les dernières années, qui sont arrivées sur le territoire,
se faisant passer pour des étudiants étrangers internationaux, avec, au fond,
non pas le dessein d'étudier, mais le dessein de demander l'asile. Et il y en a
eu à l'UQO comme ailleurs, pas seulement chez vous, mais quand même, vous avez
eu votre part. Qu'est-ce qu'on peut faire pour se prémunir contre ça? Qu'est-ce
que vous faites pour vous prémunir contre ça?
M. El Zaïm (Adel) : Oui.
Bien, c'est... c'est un point, M. le ministre, qui est très important.
Permettez-moi de commencer par une petite anecdote qui est réelle quand même.
Il y a 30 ans, je suis arrivé au Québec et j'étais stagiaire postdoc à
l'UQAM. Et je me souviens qu'une secrétaire se plaignait du fait que certains
étudiants annulaient leurs cours avant la période d'abandon et ils
disparaissaient dans la nature. Ce que je veux dire, c'est que ce phénomène,
malheureusement, il date de plusieurs décennies. C'est bien qu'on s'y adresse
maintenant.
À l'Université du Québec en Outaouais, en
fait, comme toute autre université, nous n'avons pas... l'étudiant quand il
arrive au pays. Nous le voyons quand il se présente chez nous. Et c'est...
c'est... vous le savez, comment ça arrive au Canada...
M. El Zaïm (Adel) : ...ils ont
le papier. Nous, nous contrôlons l'admission, la lettre d'admission. Nous
collaborons avec IRCC, donc le ministère de l'Immigration du Canada, pour
vérifier ou valider la lettre d'admission. Et nous remercions beaucoup le
gouvernement du Québec maintenant, parce que la lettre d'admission mentionne
une université, un établissement, puis je pense qu'on était parmi les
précurseurs d'avoir ce genre de lettre. Mais quand la personne arrive à
l'aéroport, nous ne le voyons pas. Et la personne peut arriver effectivement à
l'aéroport, obtenir son entrée et disparaître dans la nature, malheureusement.
Donc, c'est une question, je pense, qui fait partie de l'immigration illégale
internationale sur laquelle l'université n'a pas de contrôle, que ce soit l'UQO
ou n'importe quelle autre université.
M. Roberge : Et est-ce que
vous pouvez nous dire, en ce moment, dans vos chiffres, chez vous, à l'UQO,
parmi tous les étudiants étrangers, combien sont au baccalauréat, à la maîtrise
et au doctorat?
M. El Zaïm (Adel) : M. le
ministre, votre dernière question a coupé, malheureusement.
M. Roberge : Ah, je vais reprendre.
M. El Zaïm (Adel) : Je pense
avoir compris que...
M. Roberge : Je vais
reprendre, si vous permettez, pour être certain. Oui, je me demandais le
portrait à l'UQO, dans votre institution, vous avez des étudiants étrangers,
bien sûr, en ce moment, je me demande, soit en nombre absolu ou en proportion,
combien de vos étudiants étrangers sont au premier cycle, deuxième cycle ou
troisième cycle?
M. El Zaïm (Adel) : Oui,
maintenant, j'ai bien compris. Je suis désolé, je n'ai pas les chiffres actuellement,
mais, bien sûr, le plus grand pourcentage, c'est les étudiants de premier
cycle.
M. Roberge : Mais c'est une
question que...
M. El Zaïm (Adel) : Le nombre
d'étudiants...
M. Roberge : Allez-y,
excusez-moi, je ne veux pas vous couper.
M. El Zaïm (Adel) : Les
étudiants de troisième cycle, les étudiants du troisième cycle, de doctorants
sont aux alentours de 200, mais je peux, bien sûr, vous fournir les détails
ultérieurement.
M. Roberge : D'accord. Mais
je serais preneur si vous êtes capable de les envoyer à la commission. Il nous
reste combien de temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Il reste 4 min 50 s.
M. Roberge : Très bien. Je
pose la question parce qu'en ce moment on a ouvert un nouveau programme,
programme Sélection des travailleurs québécois, qui nous permet de sélectionner
puis d'inviter des diplômés. Parmi les quatre volets du PSTQ, le nouveau
programme, il y a un volet diplômé du Québec qui nous permet d'éviter des gens.
Et donc il y a beaucoup de diplômés québécois qui, en ce moment, ne passent
plus par le PEQ diplômé qui est suspendu, mais par le PSTQ. Des gens
disent : Il faut rouvrir le PEQ diplômé. Je veux faire la consultation,
mais il y a quand même une voie qui est ouverte en ce moment.
Je vous posais la question parce que, dans
l'argumentaire de plusieurs dirigeants d'universités, on nous dit : On a
absolument besoin de beaucoup, beaucoup, beaucoup d'étudiants étrangers parce
qu'ils sont essentiels pour la recherche fondamentale au Québec. Et ce que je
vois, c'est que, depuis... de 2020 à 2025, seulement 3 % des gens du PEQ
diplômés sont des gens qui étaient de niveau doctorat. Donc, il y en a, bien
sûr, on est à quoi sur... un, deux, trois, quatre, cinq, sur six ans, on a à
peu près 1 000 personnes dans les 18 universités qui sont allées
dans le PEQ diplômé, qui étaient de niveau doctorat. Et c'est très bien, c'est
juste que... en proportion, on était à 3 %, donc ce n'était pas, là, la...
une grande majorité des gens qui étaient... Je me demandais si ça se reflétait
à l'UQO, on n'a pas le chiffre, mais on le recevra plus tard si vous êtes
capable d'envoyer ça à la commission.
Maintenant, est-ce que votre situation,
vous êtes tout près de la rivière des Outaouais, près de l'Université d'Ottawa
et d'autres universités canadiennes, est-ce que ça vous permet de tirer notre
épingle du jeu en termes de recrutement international quand on regarde, là, la
compétition géographique qui est juste l'autre côté de la rivière, pour vous?
M. El Zaïm (Adel) : Actuellement,
en fait, c'est une question très pertinente, parce que l'écho depuis deux,
trois ans est vraiment... est très, très réellement dans une période de
développement important. L'UQO connaît un développement important et un progrès
très important, aussi bien dans le nombre d'étudiants internationaux,
d'étudiants canadiens et québécois surtout, et bien sûr dans, aussi, la
recherche et le développement de la recherche, le développement de nouveaux
programmes. Est-ce que nous tirons...
M. El Zaïm (Adel) : ...du
jeu. On était dans un... dans une hausse très marquée. Maintenant, bon, on...
il y a des mesures qui font que, comme on disait, on n'atteint pas le quota en
termes d'étudiants internationaux.
La localisation géographique ou la
position géographique fait, effectivement, qu'on peut être attrayants pour les
francophones. D'ailleurs, notre stratégie actuelle vise justement la
francophonie ontarienne. J'avoue quand même que la compétition est très, très dure.
Je ne pensais pas en parler, mais personnellement j'ai été quatre ans à
l'Université d'Ottawa avant d'aller à Gatineau et je peux vous dire que
l'Université d'Ottawa pose une compétition, pas seulement pour l'UQO, mais pour
toutes les universités québécoises avec leurs programmes de bourses. Par
exemple, quand j'étais là-bas, ils ont développé un programme de bourses qui
était destiné aux étudiantes des cégeps, québécoises, mais surtout de
l'Outaouais. C'est un programme de bourses pour les intégrer dans le programme
de droit... de droit civil, donc la section francophone. C'étaient des bourses
que nous, on ne peut pas donner. Donc, la compétition est très forte, et pas
seulement pour l'UQO.
M. Roberge : Heureusement,
depuis ce temps, je pense que vous avez développé, à l'UQO, une réelle faculté
de droit, parce que c'était quand même particulier de forcer les Québécois à
traverser la rivière des Outaouais puis à apprendre la common law, pour après
ça revenir pratiquer au Québec, où c'était le Code civil. Il y avait quelque
chose de particulier, là. Moi, je peux vous dire que j'étais très, très fier de
voir l'UQO déployer ses ailes en droit, puis maintenant avec la faculté de
médecine aussi, avec McGill, mais en français, on a tenu l'autre bout là-dessus.
Donc, on est bien contents.
Je ne sais pas s'il nous reste du temps,
Mme la Présidente, ou...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : En terminant.
M. Roberge : En terminant, je
vous remercie pour votre participation aux travaux.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci.
M. El Zaïm (Adel) : Merci
beaucoup, M. le ministre.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, M. le ministre. Alors, nous allons poursuivre, cette
fois-ci, avec l'opposition officielle et son porte-parole, le député d'Acadie,
pour 12 minutes 23 secondes.
M. Morin : Merci, Mme la
Présidente. Alors, bonjour, M. le vice-recteur. Merci pour votre exposé.
J'ai quelques questions en lien avec votre
mémoire, particulièrement à la page 3. Il est écrit : «Il semble que
l'attractivité du Québec à l'égard des talents internationaux a été fragilisée
par les politiques récentes qui visent à limiter leur présence sur le
territoire.» Vous suggérez la réouverture, évidemment, du PEQ. M. le ministre
parlait du PSTQ. Pouvez-vous nous en dire davantage là-dessus, sur l'impact
réputationnel pour le Québec et votre université?
• (16 h 50) •
M. El Zaïm (Adel) : Merci
beaucoup, monsieur. Oui, effectivement, vous savez, la réputation, ça se
construit pendant des années, sinon des décennies, et malheureusement elle peut
être affectée très, très rapidement. Nous remarquons, si je parle de l'UQO,
une diminution du nombre de demandes d'admission qui est quand même
significative. Nous remarquons aussi, bien sûr, une diminution du taux de
conversion. Donc, une fois qu'on a fait une lettre d'offre d'admission, bien,
tout le monde ne vient pas nécessairement.
Cette... Malheureusement, disons, cette
atteinte, je mets ça entre guillemets, à la réputation... ou impact, plutôt,
sur la réputation est observé aujourd'hui sur tout le Canada. Le Bureau
canadien pour l'éducation internationale parle beaucoup actuellement de...
d'atteinte à la réputation. Et il y a eu une journée de travail, le mois
dernier, sur ce sujet-là. C'est les mesures, parce que, malheureusement, ce qui
sort, c'est que le Canada, et le Québec, mais le Canada, ne veut plus
d'étudiants internationaux, ne veut plus accueillir d'étudiants internationaux.
Vous savez, il y a eu une mesure récemment
qui visait, je pense, au niveau canadien, à accélérer l'obtention des permis
d'études et qui a été mal perçue parce qu'elle a visé les pays du G7 parce
qu'ils n'ont pas besoin de visa. Donc, probablement, un employé quelque part à
Ottawa, il a dit : Bien, je vais donner le permis d'études à ceux qui
n'ont pas besoin de visa, comme ça j'accélère et j'enlève une étape. Mais ça a
été vu comme étant, malheureusement, comment on dit ça, discriminatoire.
Donc, nous, l'impact réel qu'on a vu,
c'est la diminution du nombre de demandes d'admission, et ça réduit d'autant le
bassin d'étudiants éventuels.
M. Morin : Et comment...
comment faites-vous pour concilier...
M. Morin : ...parce qu'en fait
le gouvernement nous dit qu'on veut réduire, on veut réduire et il y a trop
d'étudiants internationaux, alors qu'au même moment le même gouvernement, dans
les plans stratégiques du ministère des Relations internationales et du ministère
de l'Enseignement supérieur... dans son plan 2023-2027, dit qu'ils vont
intensifier les efforts pour aller chercher des étudiants à l'international.
Ces plans sont toujours en ligne.
Donc, vous êtes un étudiant à
l'étranger... bien, vous-même, vous êtes un gestionnaire d'université, vous
dites : Oh wow! Ils vont développer des efforts, c'est bien, et puis,
après ça, vous vous faites dire Non. Comment vous faites pour concilier tout
ça?
M. El Zaïm (Adel) : C'est
très difficile. C'est exactement à ça que je faisais allusion tout à l'heure
quand je disais que, si on avait réussi à doubler le nombre d'étudiants
internationaux au Québec et, de surcroît, au Canada, c'était grâce, justement,
aux campagnes de recrutement que le gouvernement menait. Et je pense que le
ministère va avoir à revoir ses plans pour aller clarifier. Malheureusement, ce
n'est pas mon travail, mais, vous savez, on a toujours été vu comme un pays
invitant et accueillant. Je pense que le Québec est toujours un pays invitant
et accueillant. Le Québec accueille toujours aussi bien les étudiants que les
travailleurs, que les immigrants sous toutes leurs formes, mais il demeure
qu'on a l'impression, comme université et comme gestionnaire universitaire, que
la contradiction a besoin d'être réglée. Et c'est pour ça qu'on participe aux
travaux, et aux réflexions, et aux groupes de travail sur le sujet. Nous avons
un rôle constructif ici pour contribuer et amener peut-être l'heure juste sur
ces enjeux-là.
M. Morin : Et quand vous
parlez, M. le vice-recteur, du Québec comme terre d'accueil, si j'ai bien
compris votre parcours, vous en êtes un exemple frappant.
M. El Zaïm (Adel) : Je suis
un exemple frappant. Je suis né au Liban, j'ai obtenu une bourse d'études
supérieures pour faire un doctorat à Paris, qui était offert par le...
gouvernement... qui était offerte par le gouvernement français. Un jour, j'ai
participé à un colloque à Québec dans le cadre de mes études. J'ai été invité à
travailler avec des chercheurs canadiens et... québécois, plutôt, à Québec
même. Je suis retourné en France, j'ai eu l'occasion d'avoir une bourse de
l'AUR, de l'Agence universitaire de la Francophonie. Donc je suis aussi un
enfant de la francophonie, comme je le dis. Et quand je suis venu pour faire
mes recherches postdoctorales à l'UQAM, avec l'intention de retourner en France
et au Liban, bien, à l'UQAM, j'ai eu un contrat d'un an, et après 18 mois, plus
que 18 mois de travail ici, je suis retourné un jour à Paris, je suis allé à la
délégation du Québec pour me renseigner sur l'immigration. Et l'agente qui
était sur place, après une demi-heure de discussion, elle m'a dit :
Félicitations, M. le Zaïm! Vous êtes accepté au... Et deux jours ou trois jours
plus tard, j'Ai reçu mon certificat d'acceptation par le courrier à mon
appartement de Paris. Donc, c'était dans les années 90, début des années 90, le
monde a changé depuis, mais ce que je peux vous dire, c'est que...
M. Morin : Oui, on peut dire
que le monde a bien changé.
M. El Zaïm (Adel) : Le monde
a changé, «bien changé», je ne sais pas. Le monde a changé, effectivement, a
drastiquement changé, je dirais.
M. Morin : Oui. «Bien changé»
dans le sens de changé beaucoup, parce qu'on n'est plus dans la même réalité du
tout, du tout, du tout.
M. El Zaïm (Adel) : Exactement.
M. Morin : Alors, bien,
voilà. Donc, je vous remercie. Alors, c'est ça, donc, impacts, impacts
importants, c'est ce que j'entends de vous.
À la page 6 de votre mémoire, vous
soulignez l'impact direct sur la recherche universitaire. On sait comment la
recherche universitaire, c'est important, particulièrement au deuxième et au
troisième cycles. Vous écrivez... et vous citez Le Devoir, mais vous
écrivez : «Il devient pratiquement impossible pour les universités de
maintenir l'intensité de leurs activités de recherche. Il n'y a pas assez
d'étudiants québécois qui poursuivent des études avancées en sciences. Ce
déséquilibre est d'autant plus préoccupant dans un contexte de compétition
mondiale marquée notamment par une guerre tarifaire et scientifique avec les
États-Unis.» Donc, est-ce que vous avez peur que les restrictions...
M. Morin : ...qui vise, entre
autres les étudiants étrangers, particulièrement en deuxième et troisième
cycle, a un impact sur notre capacité, au Québec, d'innovation et de recherche.
M. El Zaïm (Adel) :
Affirmatif, je dirais, c'est clair. La recherche se fait avec les étudiants
tout en formant les étudiants à être spécialistes dans leur spécialité, mais
aussi chercheurs. Donc, la recherche se fait avec les étudiants et parfois par
des étudiants. Et la collaboration étudiants, professeurs est une réalité qu'on
doit vraiment respecter et admirer.
D'ailleurs, c'est une pratique qui nous
distingue aussi de certains pays. L'étudiant participe chez nous, l'étudiant de
maîtrise, et même la recherche au premier cycle se développe, et on développe
les compétences de recherche. Ce n'est pas des chercheurs, mais donc aux
deuxième et troisième cycles, effectivement, il y a une menace réelle. Il y a
des profs qui nous disent carrément qu'ils ne réussissent plus à recruter des
étudiants, surtout dans des doctorats, dans ce cas-là. Et des étudiants, nous,
on a fait des offres à des étudiants de doctorat qui n'ont pas réussi à venir
au pays ou qui vont arriver en retard, qui vont peut-être arriver l'année
prochaine s'ils ne sont pas accueillis par d'autres pays.
J'attire votre attention aussi et notre
attention, tous, aux stratégies d'autres pays, alors que, nous, on a... on est
maintenant en train de débattre : Est-ce qu'on veut plus ou moins
d'étudiants? Bien, la France est en train de recruter des étudiants et des
jeunes chercheurs. Il y a un objectif de presque un demi-million d'étudiants en
France. La Belgique est en train de recruter et les étudiants africains qui
viennent chez nous, l'Europe, pour eux, est plus proche. Donc, c'est une
réalité et pas seulement vis-à-vis les États-Unis. Mais, je veux dire, nos
compétiteurs ne sont pas seulement au sud de la frontière ou les autres provinces,
et les autres provinces, c'est au sud de la frontière, mais c'est aussi les
autres pays francophones.
Il y a un «shift» qui s'organise
aujourd'hui ou un glissement de cette internationalisation-là. Il y a des pays
qui sont en train de devenir des fournisseurs d'éducation à l'international et
de formation à la recherche avec des bourses.
M. Morin : Et est-ce que vous
avez l'impression qu'au Québec on est en train de manquer le bateau
présentement?
M. El Zaïm (Adel) : Je pense
qu'on risque de manquer le bateau.
M. Morin : Je vous remercie.
Toujours dans votre mémoire, à la page 7, vous parlez d'une politique
d'internationalisation fondée sur la valorisation de la francophonie, et
évidemment c'est très important. On travaille dans un univers francophone, on y
tient, c'est clair. Pouvez-vous nous en dire davantage sur votre valorisation,
votre politique fondée sur la valorisation de la francophonie?
• (17 heures) •
M. El Zaïm (Adel) : Oui, la
francophonie, pour nous, c'est quelque chose de, bien sûr, naturel,
intrinsèque, mais qui ne va pas de soi en termes de développement étant donné
notre position géographique, évidemment, mais aussi les changements qu'on voit
dans le monde. Donc, nous avons des partenariats, et nous en avons de plus en
plus de partenariats en France, en Belgique et dans d'autres pays, comme le
Maroc, où on travaille avec les établissements, avec les universités. Donc, les
étudiants peuvent venir en groupe, en cohorte, peuvent venir pour des stages.
Et on valorise cet aspect francophone, parce qu'il y a encore des étudiants qui
veulent étudier en français, qui veulent faire leur recherche en français.
Donc, c'est dans le sens de promouvoir le
français, de promouvoir le fait français, de promouvoir le fait de pouvoir
faire la science en français. C'est tous ces éléments-là que nous mettons, mais
c'est surtout aussi en ciblant des pays francophones avec lesquels nous
essayons de signer des partenariats.
M. Morin : Si je reviens à
l'impact sur la recherche universitaire, notamment dans... au cycle des études
supérieures, est-ce que l'impact, jusqu'à maintenant, s'est fait sentir au
point où vous avez dû fermer les programmes ou vous n'avez pas été en mesure
d'embaucher des enseignants ou des chercheurs parce que le nombre d'étudiants
est en baisse?
M. El Zaïm (Adel) : Nous n'en
sommes pas encore là, heureusement. Comme je le disais tout à l'heure, l'UQO,
depuis quelques années, connaît un développement et une progression très, très
importante. Donc, cette année, on a encore plus 9 % d'étudiants
internationaux. C'est des...
17 h (version non révisée)
M. El Zaïm (Adel) : ...c'est
majoritairement des réinscriptions, donc des étudiants qui continuent leurs
études. On a une centaine de nouveaux étudiants seulement. Vous conviendrez que
c'est un... c'est un petit chiffre, mais je parle de 100 étudiants sur 1 200
qui sont nouveaux. Ce qui me fait dire que l'impact n'est pas encore apparu
cette année. Mais on attend l'année prochaine et peut être les années
suivantes. Donc, on vit encore sur, je dirais, la vague de développement qu'on
a fait, tous les efforts qu'on a faits depuis quelques années. On a reçu un
petit choc cette année. On espère que, l'année prochaine, il ne sera pas plus
grand. Mais, très sincèrement, on le craint.
M. Morin : Et, quant au
renouvellement des permis puis de la période aussi où des gens obtiennent un
permis, vous en avez parlé... évidemment, quand on est aux études doctorales,
il est quand même excessivement rare qu'on termine un doctorat en un an ou deux
ans, n'est-ce pas, on s'entend, est-ce que ça crée un stress? Parce qu'habituellement
ça prend trois, quatre, cinq ans. Est-ce que ça crée le stress chez vos
étudiants, la complexité maintenant ou les délais pour obtenir des
renouvellements?
M. El Zaïm (Adel) : M., je
peux vous dire qu'être étudiant étranger dans un pays, c'est du stress. Je le
connais, je l'ai vu, je l'ai vécu. C'est du stress, tellement que parfois,
certaines familles envoient la mère ou la sœur pour aider l'étudiant ou l'étudiante.
Maintenant, le délai, ça crée
effectivement un stress sur l'étudiant qui doit s'occuper de son dossier. Ça
crée aussi un stress sur l'institution, sur l'établissement. Nous avons chez
nous un conseiller en immigration, un CRIC, qu'on appelle dans le langage d'immigration,
donc... en immigration au Canada. Et, cette année, le nombre de dossiers qu'il
a traités a quintuplé presque. C'est des gens qui viennent lui dire :
Patrice, est-ce que tu... avec ça, est-ce que tu peux m'aider avec ça? On a
fait beaucoup, beaucoup d'appels aux différents ministères pour accélérer
certains dossiers. Donc, la réponse : oui, ça ajoute au stress qu'un
étudiant étranger vit dans un pays qui n'est pas le sien.
M. Morin : Très bien. Je vous
remercie. Maintenant, si on regarde, en terminant, vos recommandations. Donc,
vous souhaitez, entre autres, maintenir et consolider le Programme de l'expérience
québécoise, le PEQ, pour le volet Diplômés. Donc, vous voulez le consolider,
vous voulez l'ouvrir et l'élargir. Je vous comprends bien?
M. El Zaïm (Adel) : Oui,
consolider et effectivement, bien sûr, l'élargir, si possible.
M. Morin : Parfait. Et vous
recommandez aussi que les politiques de francisation soient renforcées dans une
optique inclusive. Est-ce que vous pouvez nous en dire davantage là-dessus? Qu'est-ce
que vous avez en tête quand vous parlez d'une perspective inclusive pour
soutenir la francisation?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Rapidement. En 30 secondes.
M. El Zaïm (Adel) : Que...
bien, très rapidement, que les programmes de francisation soient développés
davantage et qu'ils soient accessibles à tous, je dirais.
M. Morin : Merci beaucoup, M..
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, M. le député. M. El Zaïm, je vous remercie, au nom
des parlementaires, pour cette présentation et d'avoir répondu à toutes les
questions. Je vous souhaite une bonne fin de journée.
Et, pour les collègues, je vais suspendre
quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 06)
(Reprise à 17 h 16)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses
travaux. Alors, pour notre dernière dernière ronde d'audition de la journée,
nous recevons les représentants de l'Institut de recherche sur le Québec, qui
est représenté par le directeur de la recherche, M. Guillaume Rousseau, ainsi
que le vice-président, M. Vincent Vallée.
Alors, messieurs, bienvenue à la
commission. Comme de coutume, vous bénéficiez d'une période de 10 minutes
pour votre exposé, et par la suite on va échanger avec les parlementaires.
Alors, le temps est à vous.
M. Vallée (Vincent) : Donc,
merci de nous recevoir. Bonjour. Dans le fond, comme vous l'avez déjà présenté,
on représente l'Institut de recherche sur le Québec. Moi, je vais commencer,
dans le fond, avec une partie un petit peu plus théorique, puis Guillaume
Rousseau, lui, va continuer sur nos hypothèses de recherche...
M. Vallée (Vincent) : ...recherche,
par la suite.
Peut-être un ou deux mots sur l'Institut
de recherche sur le Québec. En fait, c'est un institut qui a pour mission
l'étude de la question nationale québécoise et, plus largement, l'analyse des
intérêts du Québec et de son identité. L'IRQ, comme on l'appelle, regroupe des
chercheurs et des intellectuels de différentes tendances qui ont l'intérêt
national du Québec à cœur.
Donc, Choisir et non subir : Pour
une politique migratoire fondée sur l'intérêt national du Québec, c'est le
mémoire qu'on a déposé. En fait, ça se veut une réflexion sur la notion de
capacité d'accueil, hein, on le sait, une notion qui est souvent abordée. Et
dont on a peut-être parfois peu d'assises pour la réfléchir. Donc, on s'est
posé cette question-là, on s'est demandé : Qu'est-ce que c'est, la capacité
d'accueil? Et on a commencé par éplucher un peu la recherche qu'il y a qui
concerne l'immigration. D'abord, la recherche au Québec. On réalise qu'au
Québec il n'y a pas tant que ça de recherches qui portent sur l'immigration,
puis celle qui a été faite est beaucoup axée sur le discours sur l'immigration
et moins sur la réalité matérielle, donc les effets positifs et négatifs de
l'immigration. Donc, on souligne cette lacune-là. Il y a quand même certaines
recherches qui ont été faites, surtout sur des questions économiques. Puis ici
notre rapport... notre mémoire, il vient souligner le fait que, oui, il y a des
enjeux économiques qui sont liés à l'immigration, mais ce n'est pas l'enjeu
fondamental ou névralgique, la question de l'immigration, c'est davantage,
selon nous, une question de démographie. Et, oui, il y a d'autres effets, mais
le premier effet principal de l'immigration, c'est la démographie. Donc, s'il y
a une chose qu'on veut que vous reteniez aujourd'hui en particulier, c'est
cette question-là.
Ensuite, on parle un petit peu de
l'histoire dans le mémoire, donc on dit quelques lignes. On sait qu'il y a des
différences entre l'histoire du Québec et du reste du Canada. D'abord, en
Nouvelle-France, on le sait, la Nouvelle-France n'a pas été fondée
particulièrement sur une immigration importante, même s'il y en a eu un petit
peu, mais c'est surtout lorsqu'on la compare avec les Britanniques, qui, dans
les 13 colonies, avaient beaucoup plus d'immigration. Donc, c'est déjà une
différence importante. Une fois qu'on est tombé suite à la conquête, eh bien,
le rapport à l'immigration a un peu changé. Et on va donner tout simplement
l'exemple de la colonisation, hein, dans l'Ouest, où le Canada faisait face ou
l'Empire britannique au Canada faisait face à des menaces d'annexion des
États-Unis, donc à des menaces qui sont externes, et il répondait à ça par
l'immigration notamment, c'est pour cette raison qu'il y a eu beaucoup
d'immigration, notamment dans l'Ouest du Canada, mais aussi il faisait face... L'immigration
était utilisée comme un outil, notamment pour cette raison-là, mais aussi pour
des menaces jugées à l'interne ou des défis, on pourrait dire des défis
démographiques, notamment francophones et autochtones.
• (17 h 20) •
Évidemment, aujourd'hui, on est dans un
autre contexte. Il y a des événements particuliers qui nous touchent, notamment
la question de la natalité, hein? Lorsqu'on pense à la démographie, la question
de la natalité, c'est très fondamental et structurant, notamment en Occident,
mais pas seulement. Il y a aussi la question de la mondialisation, où on a une
révolution au niveau des transports, au niveau des communications, donc il y a
plus de déplacements à travers le monde, mais il y a aussi l'arrivée des
conflits qui influencent la question de l'immigration.
On va parler un petit peu du Canada ici,
où le Canada réfléchit son intérêt général. Ici, je fais la différence entre
l'intérêt général et l'intérêt national, puisqu'on se fonde un peu sur la façon
que le Canada se conçoit lui-même, qui est un État postnational et pas une
nation, et donc on va le distinguer de l'intérêt national, fin de la
parenthèse. L'intérêt général du Canada est fondé notamment sur la question du
poids démographique face aux États-Unis. Là, on le réalise davantage depuis les
derniers mois, même depuis la dernière année, mais c'était le cas déjà
auparavant, et c'est pourquoi le Canada avait fondé... bien, mis sur place son
comité consultatif en matière de croissance économique, où il avait mis sur son
comité des personnes qui travaillaient à un lobby qui s'appelle L'initiative du
siècle, hein? Ça, je pense qu'on le connaît. C'est un lobby qui voulait
augmenter la population du Canada à 100 millions d'habitants d'ici 2100,
et c'est des gens qui sont toujours dans l'entourage du gouvernement canadien.
Maintenant, on va parler des spécificités
du Québec. La première question qu'on se pose, c'est : Si l'intérêt
national du Québec correspond toujours à l'intérêt général du Canada, est-ce
qu'on doit assujettir l'intérêt national du Québec à l'intérêt général du
Canada? Bien, nous, à l'Institut de recherche sur le Québec, on définit
l'intérêt national du Québec comme la pérennité et la vitalité de notre
existence nationale et la capacité à réaliser nos aspirations. Évidemment, il y
a des différences entre le Québec et le Canada, on a publié une recherche à ce
sujet-là. Puis notamment, au niveau de l'immigration, eh bien, le... au niveau
linguistique, pour commencer, évidemment, il y a des différences, à commencer
par la langue, mais également l'approche en matière linguistique, où le reste
du Canada est davantage fondé sur un libre choix, ce qu'on appelle l'approche
personnaliste ou de la personnalité linguistique, alors qu'au Québec la langue
n'est plus perçue comme un bien commun. Et, dans le fond... donc c'est une
approche territoriale qu'on appelle.
Il y a aussi la question d'où proviennent
les immigrants. Au...
M. Vallée (Vincent) :
...au Québec, les immigrants sont davantage de la francophonie, alors que dans
le reste du Canada de l'anglophonie. Ça, ça nous appelle à demander à ce que
l'immigration soit fondée sur l'intérêt national du Québec. Et c'est pourquoi
on dit l'immigration doit être choisie par le Québec et non subie. Donc, on
développe ici, et c'est peut-être là qu'il y a un caractère un peu innovateur,
mais c'est beaucoup au niveau réflexif, la notion de capacité d'accueil. Donc,
la capacité d'accueil, on la... on la définit de deux manières. Donc, la
capacité d'accueil matérielle, donc ce qu'on appelle les paires de jambes ou le
nombre de personnes qui viennent. Et ça, on le décline de plusieurs façons,
notamment au niveau national, où ça va vraiment être la question des budgets
qui vont influencer le gouvernement du Québec. Mais c'est difficile de mesurer
à quel point la capacité d'accueil au Québec, est-ce qu'elle est égale à
Québec, dans les régions, etc. Donc, on va essayer de... de spécialiser au
niveau des localités. Et d'ailleurs on a entendu, là, qu'il y aurait peut-être
un changement au niveau du discours qu'on salue à ce niveau-là, parce que ce
n'est pas la même réalité, notamment à Montréal ou dans certaines régions.
L'autre élément qu'on amène au niveau de
la capacité d'accueil, c'est la question de la capacité d'accueil sociale, ce qu'on
appelle parfois la capacité d'intégration. On le sait, ça n'a pas juste... Ce
n'est pas juste des paires de jambes, c'est des êtres humains qu'on reçoit. Et
l'intégration, ça a aussi des coûts, ça a aussi... On a beaucoup entendu parler
des classes de francisation. Ça, ça en fait partie. Et c'est ce qui est dans...
C'est lié également à la question du contrat social, qu'est ce qu'on s'attend
des nouveaux arrivants, mais également qu'est-ce que l'État du Québec s'engage.
C'est quoi ses engagements envers les nouveaux arrivants? Maintenant, je vais
laisser la parole à M. Rousseau.
M. Rousseau (Guillaume) :
Oui. Bonjour. Donc, les considérations mentionnées par Vincent nous amènent à
vous présenter certaines hypothèses. Donc, nous vous soumettons l'hypothèse que
les taux actuels d'immigration permanents, temporaires, combinés dépassent la
capacité d'accueil puis particulièrement la capacité du parc de logements. On
le voit avec le taux d'inoccupation qui est très peu élevé. Une fois qu'on a
dit ça, on vous suggère que l'éventuelle réduction des seuils d'immigration
devrait... devait viser... devrait viser prioritairement les personnes qui ne
sont pas encore arrivées sur le territoire. Donc, il faut éviter autant que
possible des mesures assimilables à un renvoi ou à une rupture d'engagement,
sauf exception. Donc, il s'agirait moins de diminuer la population présente, le
nombre total de personnes que de diminuer le rythme de la croissance. Parce
qu'après tout, les gens qui sont déjà sur place occupent déjà un logement.
Donc, c'est vraiment les nouvelles arrivées qui risquent d'empirer la situation
au niveau de la crise du logement.
Deuxième hypothèse, nous vous soumettons
que la composition actuelle des flux migratoires ne contribue pas pleinement au
renforcement du français. Donc, on n'a pas tout à fait le même pourcentage de
francophones dans les immigrants que dans la population d'accueil. Donc,
mathématiquement, l'immigration ne va pas renforcer le français si on
n'accentue pas les exigences en matière de français dans l'immigration. Et à ce
sujet, on vous suggère d'avoir une priorisation dans l'immigration selon des
cercles concentriques, avec des exigences linguistiques, donc, où on commence
par prioriser les immigrants Français, ensuite d'autres immigrants
francophones. Mais on attire vraiment votre attention sur l'importance de
l'immigration française, qui est souvent composée de personnes très éduquées,
qui ont fait une partie souvent de leur éducation ici même au Québec, c'est des
étudiants Français qui viennent au Québec et ensuite souhaitent y rester. Donc,
il faut une cohérence entre notre politique de frais de scolarité bas pour les
Français et notre politique d'immigration. Ensuite, on sait que la France,
parmi tous les pays d'où nous viennent des immigrants, la France est notre
principal partenaire économique, notamment grâce aux immigrants Français
présents au Québec.
Et enfin, on attire votre attention sur le
fait que dans toutes les relations internationales du Québec, celle avec la
France est hyper stratégique. Et si jamais la politique de réduction de
l'immigration au Québec devait affecter négativement les Français, ça pourrait
nuire à la relation France-Québec et plus largement aux relations
internationales du Québec. Donc, on va vraiment vous alerter là-dessus.
Sur un autre point, on pense que la
question de l'immigration doit être réfléchie plus largement comme étant un
enjeu de démographie. Et donc il faut peut-être penser à réfléchir immigration
et natalité en même temps pour réfléchir plus largement à la démographie. Il
n'y a pas de ministère de la démographie, mais on sait, par exemple, que le
commissaire à la langue pourrait... Il y a toute une équipe très, très forte en
matière quantitative et tout qui pourrait peut-être soit interpréter plus
largement son mandat, soit voir son mandat élargi à la question plus large de
la démographie, incluant la natalité.
Donc, en conclusion, la capacité
d'accueil, c'est vraiment un outil politique qui permet d'arrimer l'immigration
à des objectifs démographiques, sociaux, culturels qui sont choisis
démocratiquement. Et cette vision pourrait même être complétée par d'autres
mesures, dont une politique de natalité qui soutienne les familles et aide les
femmes et les couples à concevoir autant d'enfants qu'ils le souhaitent. C'est
vraiment ça l'enjeu. Donc, l'objectif démographique global qui doit guider
cette...
M. Rousseau (Guillaume) : ...politique,
c'est d'assurer la pérennité de la nation québécoise, sa vitalité culturelle et
sa capacité d'action politique. Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup pour cette présentation. Alors, on commence
la période d'échange. On va commencer avec...
(Interruption) ...pardon, le ministre pour
une période de 16 minutes 30 secondes.
M. Roberge : Merci, Mme la
Présidente.
Merci pour votre présentation. Vous
touchez quelque chose qui est dans l'espace public depuis plusieurs années, la
fameuse capacité d'accueil. C'est intéressant d'avoir des intellectuels, des
profs d'université qui creusent spécifiquement cette question. Vous séparez ça
en deux, capacité matérielle ou physique, capacité sociale collective. Pour la
capacité matérielle, bon, c'est assez clair, là : «Nous soumettons
l'hypothèse que les taux actuels d'immigration dépasseraient dès à présent, à
court terme, la capacité d'accueil du parc de logements.» Bon. La capacité
physique, d'après vous, est dépassée. Capacité sociale, c'est moins clair quand
je lis. Donc, capacité à accueillir, intégrer, franciser, je vous dirais,
intégrer au sens culturel, d'après vous, en ce moment, est-ce que les nombres
actuels, les permanents et les temporaires, rencontrent notre capacité
d'accueil ou pas? Je n'ai pas trouvé la réponse précise pour cette deuxième
question.
M. Vallée (Vincent) : Un mot
là-dessus. En fait, le mémoire se voulait un peu des pistes de réflexion pour
encourager la recherche dans ce sens-là. On le sait, on manque de chiffres, on
manque de recherche. Et, comme on l'a dit, ou c'était dans le mémoire, il faudrait
encourager d'abord la recherche qui se fait dans l'intérêt national du Québec,
c'est-à-dire davantage sur les indicateurs qui sont au niveau matériel, là,
donc qu'est-ce... qu'est-ce qui se produit, etc.
Ce qu'on dit par rapport à la capacité d'intégration,
et mon collègue pourra compléter, c'est qu'il y a... dans le fond, comment...
comment on l'a catégorise, c'est qu'il y a plusieurs types d'immigration.
L'immigration ne se fait pas toute de la même façon, dépendamment d'où ils
viennent. Et on fait également la différence entre les gens qui viennent de
différents endroits, de différents pays, hein? L'Égypte, ce n'est pas connu
pour être un pays francophone, mais il existe des populations francophones en
Égypte. Donc, on propose de... c'est pour ça qu'on propose d'orienter vers
certaines populations, comme la population française ou des populations
francophones par exemple. Donc, c'est davantage là-dessus qu'on a porté cette
réflexion-là. Mais effectivement, la réflexion, la recherche devrait poursuivre
pour avoir plus de richesse au niveau des données.
• (17 h 30) •
M. Roberge : Merci.
Précédemment aujourd'hui on a eu le Commissaire à la langue française, qui,
lui, nous disait que, bon, à ce moment-ci, on n'était pas capables d'accueillir.
Puis il parlait de la langue française, mais pas seulement, il faisait
référence à notre nouveau modèle d'intégration nationale, notre modèle propre.
Puis il disait essentiellement qu'il fallait changer la donne puis qu'il y
avait en ce moment trop de personnes, qu'il fallait réduire des personnes pour
avoir la capacité à franciser et à accueillir, intégrer. Je trouvais ça
intéressant de le mentionner puisque vous avez suggéré de donner un mandat
nouveau à cette nouvelle institution.
Ensuite, bon, vous parlez de capacité
matérielle physique, capacité sociale collective. La capacité économique,
c'est-à-dire, est-ce que vous la rentrez dans matériel et physique?
C'est-à-dire capacité de loger quelqu'un, mais est-ce que vous considérez aussi
là-dedans la capacité économique, c'est-à-dire de donner un emploi, et non pas
nécessairement un emploi au bas de l'échelle, un emploi que les Québécois ne
voudraient pas occuper, mais donner un emploi à la hauteur des capacités, des
habiletés, des diplômes, des personnes? À mon sens, je le considérerais. Ça ne
veut pas juste dire : Je t'accueille, je te donne un salaire tel que tu ne
meurs pas de faim, mais je t'accueille, je te permets de t'épanouir. Est-ce que
vous... pour vous, c'est un troisième volet, peut-être, à creuser, ou ce serait
dans la capacité matérielle et physique?
M. Vallée (Vincent) : C'est
une excellente question. En fait, comme on l'a mentionné dans le texte, ce
n'est pas deux notions qui sont complètement déconnectées l'une de l'autre. Au
contraire, elles sont directement liées, ces deux notions là. Puis, de la
manière dont vous l'expliquez, j'aurais l'impression effectivement qu'elles
chevauchent un petit peu les deux, en réalité, plutôt que d'ajouter une
troisième catégorie, puisque, bien, ça prend des emplois disponibles pour ces
personnes-là. Mais il y a également la question de l'intégration dans l'emploi
qui rentre en considération. Donc, a priori, on verrait peut-être un petit peu
des deux. Je ne sais pas si...
M. Rousseau (Guillaume) : Oui.
Je compléterais là-dessus. En fait, je pense que ça va répondre, au moins en
partie, à votre question. En fait, le risque des hauts taux d'immigration,
c'est... c'est sûr qu'un moment donné, il y a un risque que, s'il y a un
ralentissement économique, bien là, on se retrouve avec du chômage. Donc, c'est
tout à fait possible que si, à un moment où ça va mieux, l'économie, on fait
venir beaucoup de temporaires, ils peuvent rapidement... on sait comment ça va
vite, la conjoncture économique, ça change rapidement, notamment avec...
17 h 30 (version non révisée)
M. Rousseau (Guillaume) : ...la
question des relations avec les États-Unis. Donc, rapidement... s'il survient
un ralentissement économique, bien là, ça peut assez rapidement augmenter le
chômage et là ça peut devenir une difficulté. On le voit chez les jeunes. Il y
a quand même des taux relativement élevés, là, on est autour de 7 % de
chômage chez les jeunes dans certaines régions. Et ce qui est déjà au-dessus du
plein emploi, ce n'est pas la catastrophe, loin de là, mais on est déjà
au-dessus du plein emploi, donc ce n'est pas tout à fait le plein emploi chez
les jeunes. Et, si jamais il y a cette difficulté économique, cette hausse du
chômage, causée par toutes sortes de causes mais liée entre autres à des hauts
niveaux d'immigration, bien, les premiers à en souffrir, oui, il y a les
jeunes, on le voit présentement, mais ce sera les immigrants. Donc, ils seront
les premiers à avoir des difficultés, puis probablement effectivement que
certains plus qualifiés n'auront pas des emplois à la hauteur de leurs qualifications.
Donc, le point que vous soulevez, il me semble extrêmement important dans ce
contexte-là.
M. Roberge : Et puis les
statistiques vous donnent raison. Effectivement, il y a eu une hausse du taux
de chômage assez importante dans la dernière année, et les deux catégories
catégorie qui paient le prix, ce sont les jeunes Québécois, mais aussi les
nouveaux arrivants, qui, eux aussi, ont de la difficulté, se font concurrence
entre eux et avec les jeunes, et eux aussi peinent à s'intégrer socialement et
donc économiquement.
Précédemment, je faisais référence au
Commissaire à la langue française, qui a parlé aujourd'hui, qui a parlé, lui,
de l'intégration, je dirais, culturelle et évidemment linguistique, mais on a
eu un professeur émérite en économie, M. Pierre Fortin, qui, lui, a dit que la
situation actuelle, avec le dérapage complet du gouvernement fédéral, c'était,
je le cite : Une catastrophe économique et sociale. Et lui, il y est...
les deux en ce moment. Donc, il appelle à un redressement important, pas juste
pour une question économique, pour une question sociale, puisque les deux,
souvent, sont liés, parce que difficultés économiques veut dire pauvreté,
pauvreté veut dire problèmes sociaux.
Donc c'est intéressant de voir qu'on peut
segmenter les éléments de la capacité d'accueil pour mieux la comprendre, mais,
à la fin, c'est une seule et même personne qui occupe un logement, occupe un
emploi, apprend la langue, adhère à la culture, devient un Québécois. Tout ça
est interrelié.
Vous écrivez, page 10 : L'intérêt
national du Québec en matière d'immigration diffère de l'intérêt général du
Canada. Vous avez dit : Oui, au Canada, l'intérêt général,
essentiellement, c'est d'être plus nombreux par rapport aux États-Unis, mais, d'après
vous, c'est quoi, l'intérêt général du Québec en immigration? Pourquoi vous
dites que c'est différent?
M. Vallée (Vincent) : Bien,
en fait, on le fonde notamment sur les différences québécoises, puis il y a
plusieurs éléments qui nous amènent à... Bien, tout d'abord, le Québec a un
intérêt national. Le Québec est une nation, on le répète, bien, vous,
notamment, dans la bouche des élus, et puis, bien, l'intérêt national du
Québec, c'est la pérennité de sa nation, c'est la pérennité de sa vitalité
culturelle dans le reste du Canada.
Je ne veux pas trop parler pour eux non
plus, mais on voit que lorsqu'ils portent leurs réflexions, c'est moins
davantage fondé sur les intérêts de la nation que sur les intérêts de ce qu'on
appelle l'intérêt général du Canada ou les intérêts supérieurs du Canada, qu'ils
ne sont pas nécessairement connectés à ceux de leur population. C'est pour ça,
notamment, qu'eux, leurs commissions, ils les font davantage au niveau des
commissions économiques, ils ne font pas nécessairement des commissions
parlementaires comme ça, où ils vont inviter la population à commenter, etc.
M. Roberge : Peut-être une
dernière question avant de laisser un collègue poursuivre l'échange avec vous.
J'ai été un peu surpris quand vous avez dit : Écoutez, il ne faut pas
faire de rupture d'engagement, c'est-à-dire que les gens qui sont ici doivent
rester ici, faire attention avant d'inviter des nouvelles personnes, respecter
notre capacité d'accueil. Mais, quand on parle de rupture d'engagement, quand on
dit à quelqu'un : Bien, viens le temps de tes études ou viens pour un
permis de trois ans et qu'arrive la fin de trois ans, c'est un permis
temporaire qui commence telle date, qui finit telle date. À la fin du permis,
on peut le renouveler ou pas. Pour moi, ce n'est pas une rupture d'engagement.
La personne peut avoir demandé un permis temporaire en ayant dans sa tête l'idée
de rester ici pour la vie, mais reste qu'elle a demandé un permis temporaire et
qu'elle s'est fait remettre un permis temporaire.
Est-ce que vous pouvez extrapoler un petit
peu? Est-ce que le Québec a l'obligation de rendre permanentes les 600 000
personnes temporaires sur le territoire du Québec? Ça me semble excessif et j'ai
de la misère à penser que c'est votre interprétation de la chose.
M. Rousseau (Guillaume) : Oui.
Peut-être deux choses. Effectivement, sur le plan légal, technique, l'engagement
ici dont on parle, il est de trois ans. Donc, si jamais il y avait une
politique de réduction qui souhaitait demander à la personne de quitter avant
le terme de son permis... mais je vois que vous ne voulez pas aller là, donc, à
ce moment-là, vous voulez aller dans...
M. Rousseau (Guillaume) : ...dans
notre recommandation. Maintenant, la nuance est de voir : Est-ce qu'il n'y
a pas parfois des gens qui vont recruter à l'étranger puis qui laissent croire
que, oui, vous pourriez venir sur un permis temporaire, mais il y a de fortes
chances que vous ayez un renouvellement ou que vous ayez accès à tel ou tel
programme. Il peut y avoir de ça. Il y a des... Je pense qu'il y a des
fonctionnaires de l'État québécois qui font du recrutement, donc, je ne suis
pas au courant du détail de leur discours, mais il faudrait peut-être regarder,
de ce côté-là, s'il n'y a pas un engagement, disons, peut-être un peu plus
flou, mais qui irait dans ce sens-là. Puis je pense qu'il faut en tenir compte.
Il y a peut-être des attentes raisonnables de la part de certains nouveaux
arrivants. Puis, sinon, il n'y a pas que l'État québécois, au sens le plus strict,
qui fait du recrutement à l'étranger. Les universités en font beaucoup. C'est
pour des étudiants internationaux qui, la plupart, ne sont pas destinés à
rester.
Mais ça démontre, donc, il y a beaucoup de
Québécois qui vont recruter à l'étranger. Donc, c'est quoi, le discours qu'ils
ont? Est ce qu'il n'y a pas certains d'entre eux qui laissent miroiter des
possibilités de rester plus longtemps, auquel cas, légalement, il n'y a pas
d'engagement de l'État québécois, mais, moralement, il y a quand même une
question qui peut se poser dans certains cas?
M. Roberge : Merci pour cet
éclaircissement. Si vous permettez, je laisserais le collègue poursuivre.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, M. le ministre. Alors, je pense que la discussion a
suscité des questions chez Mme la députée de Vimont. Il vous reste encore
5 min 28 s.
Mme Schmaltz : Parfait. Merci,
Mme la Présidente... la Présidente Bonjour, messieurs. Vous proposez la
création d'un observatoire démographique dans votre mémoire. J'aimerais que
vous développiez un petit peu son rôle. Quel rôle pourrait jouer cet
observatoire dans, justement, dans tout ce qui a trait à la planification de
l'immigration? C'est quoi, exactement?
Des voix : ...
M. Vallée (Vincent) : Bien,
en fait, nous, ce qu'on remarque, c'est qu'on parle beaucoup d'immigration, on
a des ministères sur l'immigration et que, bien, en fait, ce qu'on pense, c'est
que, justement, au niveau de l'intérêt national, c'est plus intéressant de le
fonder sur la question de la démographie. Et il n'y a pas, au Québec,
d'institut pour étudier la question de la démographie, notamment la natalité de
l'immigration, etc. Donc, on pense que ça pourrait nous permettre de regarder, de
permettre de faire des meilleures planifications, de réfléchir en fonction de
plusieurs indicateurs comme ça. Donc, ça, c'est une partie, puis peut-être
Guillaume...
• (17 h 40) •
M. Rousseau (Guillaume) :
Donc, c'est ça, c'est vraiment de dire qu'il faut réfléchir plus largement à la
question de la démographie. Donc, natalité et immigration, ça va ensemble,
alors habituellement, au Québec, on réfléchit les deux de manière séparée,
parce que la natalité, c'est assez peu réfléchi et assez peu débattu comme un
sous-thème du thème plus vaste la politique familiale. Et, d'autre part, il y a
la politique d'immigration, rarement on met les deux ensemble. Or, je pense
qu'on est rendu là comme société, à faire ce lien-là, parce que — encore
là, c'est une hypothèse — mais certains pensent que la crise du
logement qui est liée à plusieurs choses, mais notamment des hauts taux
d'immigration, ça peut nuire au taux de natalité. Évidemment, quand on est un
jeune couple puis qu'on a la misère à se loger, on peut repousser à plus tard
le premier enfant puis, au bout du compte, avoir moins d'enfants que prévu.
Donc, il y a des liens entre natalité et immigration, mais c'est une espèce...
des politiques québécoises.
Alors, si on avait un observatoire, par
exemple de la démographie, on pourrait vraiment penser ces deux enjeux-là qui
sont liés, de manière justement liée, pour avoir des meilleures politiques
publiques. Là, on est conscient que le contexte budgétaire n'est peut-être pas
propice à la création de nouveaux observatoires ou autres, d'où l'autre idée
qui serait d'interpréter le mandat du commissaire à la langue comme pouvant lui
permettre de se pencher sur la question de la natalité en lien avec
l'immigration et la langue.
Mme Schmaltz : Merci. Je vais
laisser... Je pense qu'il y a un collègue aussi qui voulait...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Le député de Jonquière, il reste encore
trois minutes.
M. Gagnon : C'est vraiment
intéressant. Bienvenue à notre institut de recherche. J'ai bien aimé, puis je
vais en profiter de manière un peu plus transparente, c'est-à-dire un peu un
peu crue en fin de journée. Dans votre mémoire à la page 4, 5, c'est
intéressant ce que vous dites, vous dites que le Canada comme un mouvement
mondial et pas unique, c'est un peu une immigration comme levier à la
démographie puis à l'économie. C'est un peu ça qu'on mentionne. Puis je viens
d'une région, vous comprendrez, Saguenay—Lac-Saint-Jean, où est ce que la
démographie, en économie aussi, en immigration, dans le domaine manufacturier,
ça nous touche. Quand vous parlez des deux, ça m'atteint énormément, puis j'ai
le goût de vous entendre.
Puis vous parlez aussi, avec ce
mouvement-là mondial, dans lequel fait référence le Canada, sur quoi on
s'appuie, bien, si on n'y va pas vers une évaluation rigoureuse, que ça peut
avoir des effets à long terme. Et, quand je parle, là, que, dans mes dernières
questions, un peu plus transparent, un petit peu plus cru... transparent,
qu'est-ce que vous voulez dire par effet à long terme?
M. Vallée (Vincent) : Bien,
c'est que l'immigration d'abord, c'est... il faut... c'est une personne qui
arrive là, ce n'est pas du matériel, c'est vraiment des gens. Puis ces gens-là
vont arriver, ils vont s'établir, ils vont avoir des familles, ils vont
fréquenter des écoles, donc...
M. Vallée (Vincent) : ...l'immigration,
en fait, ça touche tous les domaines de la société, hein? Ça, je pense que vous
êtes au courant. Et généralement on va en parler beaucoup, en tout cas dans la
discussion, sur les questions qui touchent l'économie. Puis, oui, ça va avoir
des effets économiques à long terme. Mais il va y avoir des effets sur
plusieurs... sur à peu près tous les domaines de notre société. Et, ce qu'on
voit, c'est qu'on évalue souvent l'immigration sur du terme assez court, alors
que l'immigration, c'est quelque chose qui dure sur du temps long.
M. Gagnon : Je vais faire du
pouce. Quand vous mentionnez, vous en parlez un petit peu plus tard dans votre
rapport, la capacité d'accueil matérielle qui peut être un impact aussi sur le
long terme, j'imagine, évaluer cette capacité d'accueil matérielle là, est-ce
qu'on... est-ce que vous avez des pistes de solutions avec des indicateurs
précis, on pourrait dire?
M. Vallée (Vincent) : Bien,
on avait noté les écoles, entre autres, bien, les infrastructures en santé, les
infrastructures... les garderies, les transports, si on doit donner quelques
exemples à ce niveau-là. Oui.
M. Rousseau (Guillaume) : C'est
sûr, ici, il faut regarder... C'est sûr qu'on peut toujours plaider pour une
augmentation de cette capacité. Donc, on peut toujours dire : Bon, il
manque des écoles, on a juste à construire des écoles, il manque des logements,
on a juste à construire. Et évidemment, il y a un peu de vrai là-dedans, parce
que la crise du logement, c'est le déséquilibre entre offre et demande, donc il
faut jouer sur les deux. Mais aussi, il ne faut pas perdre l'aspect qualitatif.
Tu sais, par exemple, à l'heure actuelle, pour différentes raisons, mais
notamment en raison des classes de francisation, on construit des classes, des
nouveaux pavillons dans des écoles en matériaux préfabriqués, puis souvent,
c'est à même la cour de récréation. C'est le cas à Sherbrooke, entre autres. Donc,
il faut... il faut calculer, donc, effectivement le nombre d'écoles, et tout.
Mais là, ensuite, quelle qualité dans les nouvelles écoles? Est-ce qu'on est
capables de... Est-ce qu'on est capables de le faire avec des nouvelles écoles
qui sont belles, et tout, en prenant le temps qu'il faut pour bien le faire ou
est-ce qu'on fait ça en matériaux préfabriqués en prenant la moitié de la cour
de récré puis en diminuant la qualité de vie des élèves pendant leur
récréation? Donc, il faut aussi garder le côté qualitatif, je pense, et pas
être seulement sur le quantitatif, même si le quantitatif est à la base de la
réflexion.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. On va poursuivre la discussion avec le
député d'Acadie pour 16 minutes 30 secondes.
M. Morin : Merci, Mme la
Présidente.
Alors, M. Vallée, Dr Rousseau, bonjour.
Merci d'être là avec nous en cette fin de journée. Merci pour votre mémoire.
Question large au départ. Votre institut de recherche, parce que je vois, Docteur
Rousseau, que vous êtes professeur titulaire à l'Université de Sherbrooke,
est-ce que c'est affilié à l'université? Ça fonctionne comment? Ou c'est un
truc totalement indépendant?
M. Rousseau (Guillaume) : Non.
C'est vraiment un institut de recherche privé, donc indépendant. À l'origine,
c'était associé au Mouvement national des Québécois. Mais maintenant on est en
phase d'autonomisation, donc on... Voilà.
M. Morin : Parfait. Merci.
Deuxième question. Parce qu'en fait vous le soulevez dans votre... dans votre
mémoire, à la page trois, ça a piqué ma curiosité. Vous parlez de la
Nouvelle-France. Vous dites que l'immigration y est donc demeurée limitée.
Est-ce que vous avez analysé l'impact de l'édit de Fontainebleau sur
l'immigration en Nouvelle-France?
M. Vallée (Vincent) : Pas
personnellement. En fait, j'ai consulté des historiens pour faire cette
partie-là. Mais, ça, je ne l'ai pas... Non.
M. Rousseau (Guillaume) : Mais
on le note parce que vous avez deux férus d'histoire ici, deux amateurs
d'histoire, donc on note ça. C'est... C'est vraiment... C'est intéressant. Ça
pique notre curiosité, je pense.
M. Morin : Parfait.
Excellent! Merci. On continue, page 17, les sommets régionaux. Est-ce que vous
pensez qu'on... Parce qu'on essaie, là, de contrôler, planifier, là,
l'immigration. Est-ce que vous pensez que des sommets régionaux, par exemple
avec les acteurs socioéconomiques, feraient en sorte qu'on pourrait avoir une
meilleure idée finalement des gens qu'on pourrait inviter, où ils pourraient
s'installer? Est-ce que c'est ce que vous avez en tête quand vous parlez
d'états généraux? Moi, j'ai la régionalisation, j'ai les régions à cœur. Est-ce
que c'est de ça dont vous faites référence?
M. Vallée (Vincent) : Bien,
c'est une excellente question. Merci d'attirer l'attention sur cette
question-là. On avait eu une réflexion justement sur le fait qu'en fait on...
La question des états généraux, ça vient vraiment d'une préoccupation du fait
que, lorsqu'on discute de la question de l'immigration, c'est explosif, hein,
cette question-là, puis on a de la difficulté à aller dans la précision,
d'aller rechercher de l'information. Et on sait que, dans l'histoire du Québec,
le Québec s'est développé sur beaucoup de sommets, hein, des sommets en éducation,
des grands sommets sur la langue française, sur la nation, etc., des états
généraux. Donc, ce qu'on propose, c'est l'idée d'avoir des états généraux.
Évidemment, le monde économique serait invité, mais également le milieu
communautaire, les différents instituts de recherche, donc la société civile,
qu'ils puissent discuter, qu'on puisse en discuter de manière posée, des
citoyens également qui puissent parler, faire part de leurs préoccupations,
même si, des fois, on le sait que ça peut devenir chaud, comme... des fois,
comme débat, mais, des fois, c'est important que les gens puissent s'exprimer
pour qu'ils puissent exprimer leurs inquiétudes et qu'on puisse les entendre.
Donc, ce serait vraiment dans...
M. Vallée (Vincent) :
...dans une optique démocratique qu'on ferait ces états généraux là.
M. Morin : Parfait.
Maintenant, toute la question des travailleurs temporaires, ça a alimenté
beaucoup le débat et plusieurs articles dans des journaux. Il y a le Québec, en
vertu de l'Entente Québec Canada a une compétence d'ailleurs. Le Québec émet un
grand nombre de certificats, mais le fédéral a aussi un programme qu'on appelle
le PMI, qui est indépendant. Est-ce que vous pensez que ce serait bien de
rapatrier le PMI, compte tenu de l'entente qu'on a avec le fédéral pour que le
Québec soit capable de contrôler l'ensemble des temporaires?
M. Rousseau (Guillaume) :
Oui. Et là vous posez une question à deux personnes qui enseignent le droit
constitutionnel. Donc, vous... Vous nous voyez ravis de...
M. Morin : C'est pour ça
que je vous pose la question.
M. Rousseau (Guillaume) :
Absolument. Et ça me permet d'attirer votre attention sur quelque chose qui est
assez peu connu. Ce qui est connu, c'est que la compétence en matière
d'immigration, elle est partagée avec une prépondérance fédérale. Donc ça,
c'est connu. Mais si vous lisez le détail de l'article, et c'est 95, là, si je
ne me trompe pas, si vous lisez le détail de l'article 95 de la Loi constitutionnelle
de 1867, vous allez remarquer qu'on parle de... Quand on parle de la compétence
de la législature... des législatures provinciales... En fait, je vais vous la
lire parce que ça vaut vraiment la peine. Donc, c'est bien ça. Article 95
de la Constitution de 1867 : «Dans chaque province, la législature pourra
faire des lois relatives à l'agriculture et à l'immigration dans cette
province. Il est par la présente déclaré que le Parlement du Canada pourra
faire de temps à autre des lois relatives à l'agriculture et à l'immigration.»
Donc, vous voyez, dans le libellé de 95,
c'est comme si la compétence fédérale, en fait, c'est une compétence
d'exception, alors que généralement... Puis là, plus loin, si je continuais de
lire l'article, on verrait qu'elle a une prépondérance fédérale. Ça fait que,
souvent, on a eu le réflexe de dire que c'est une compétence partagée avec
prépondérance fédérale, donc comme si c'est le fédéral qui a le gros bout du
bâton. Mais ce serait plus juste de dire, si on se fie au texte, puis il n'y a
pas une tonne de jurisprudence, puis c'est, si je ne vous dis pas que je vous
donne un argument, puis vous partez avec ça, puis vous êtes sûr de gagner, mais
il y a vraiment quelque chose là. C'est en fait une compétence de principe
provincial, une compétence d'exception fédérale avec prépondérance fédérale a
cette compétence d'exception. Donc, c'est plus subtil. Donc, moi, je pense
vraiment que les mots, de temps à autre, à l'article 95, donnent au Québec
la possibilité, à un moment donné, si le fédéral en mène trop large, de faire
du «push back» constitutionnel avec du «hard ball» constitutionnel, si vous me
permettez les anglicismes. Mais évidemment, le plan A, c'est toujours de
négocier, de bonifier l'entente et tout. Donc, je pense que, par la voie
administrative, ce que le Québec a fait, c'est vraiment des gains intéressants,
mais je voulais attirer votre attention sur le fait que, juridiquement, à mon
avis, bien plaider dans une bonne cause, les mots «de temps à autre» ici
pourraient amener les tribunaux à reconnaître que la compétence fédérale en
matière d'immigration et accessoirement l'agriculture, elle est d'exception,
bien qu'elle soit prépondérante.
• (17 h 50) •
M. Morin : Donc, ce
serait possible.
M. Rousseau (Guillaume) :
Je pense que oui. Et ce serait souhaitable. Et pour répondre encore plus
directement à votre question, mais je me suis permis de mettre un tout petit
peu à côté, mais oui, effectivement, le rapatriement des compétences en matière
d'immigration, et je fais un lien avec ce que vous disiez plus tôt au niveau de
la régionalisation. En fait, moi, j'ai fait une thèse dans laquelle j'essayais
de démontrer que la logique de répartition des compétences, et ça vaut pour
fédéral-Québec, Québec-municipalités, la logique, là, c'est que ce qui relève
de l'identité nationale, ça doit être l'État national du Québec qui s'en
occupe. La langue, ça doit être l'État québécois. Personne n'imagine qu'on
décentralise, puis qu'on laisse les municipalités décider de la langue de
l'affichage commercial. Personne n'imagine ça, alors que ça se fait dans
d'autres provinces parce qu'au Québec, ce qui relève de l'identité nationale,
c'est le Québec. Ce qui ne relève pas de l'identité nationale et qui permet
d'avoir un grand marché canadien, le fédéral peut s'en occuper. Ce qui ne
relève pas de l'identité nationale et qui est relatif à des services
quotidiens, les municipalités doivent s'en occuper. Mais tout ce qui est de
l'identité nationale, l'État québécois, de manière centralisée, a toute la
légitimité pour s'en saisir. Donc, oui, il peut y avoir de la régionalisation,
oui, il peut y avoir des partenariats avec les municipalités. Oui, le fédéral
peut avoir un rôle à jouer pour une libre circulation itou pour le grand marché
canadien, mais c'est d'abord et avant tout l'État québécois qui doit être
maître d'oeuvre. Et il y a vraiment des bons arguments en termes de
subsidiarité identitaire à faire valoir pour ça.
M. Morin : Je vous
remercie. Finalement, c'est plus un commentaire. Je crois que vous avez souligné
que vous voulez favoriser l'immigration française. C'est ce que j'ai compris,
française, pas francophone, française, donc de la France.
M. Rousseau (Guillaume) :
Bien, en fait, on a... L'expression qu'on utilise, c'est cercles concentriques,
c'est-à-dire qu'on devrait d'abord prioriser l'immigration française. Puis là,
ensuite, ça pourrait être suisse-francophone, francophone belge, ensuite la
francophonie du monde entier. Mais si on est dans un contexte de réduction,
bien là, possiblement qu'effectivement c'est l'immigration française qui est la
priorité des priorités. Puis si, une année, on est dans un contexte
d'expansion, qu'on en a un peu plus, alors là, effectivement, on pourrait
élargir les bassins. Mais là, là, ce que je comprends, c'est qu'on peut être
dans un... On est un petit peu plus dans un contexte de réduction, tout en
respectant ceux qui sont déjà là. Alors, c'est dans ce contexte-là que
l'immigration française nous semble devoir être priorisée. On le voit entre
autres dans nos universités. Moi, je dirige un programme universitaire, puis je
pense que s'il n'y avait pas d'étudiants français, il ne serait peut-être pas
rentable, mon programme universitaire. Donc, c'est un exemple parmi d'autres.
Et les étudiants français réussissent bien...
M. Rousseau (Guillaume) : ...au
marché du travail. Et comme je vous dis, la relation internationale avec la
France est tellement stratégique qu'il faut faire attention à la question des
immigrants français, qui me semble plus délicate encore, plus stratégique que
celle des autres immigrants, même si évidemment tous les immigrants sont
importants.
M. Morin : Et si je vous ai
bien compris, vous avez dit qu'il ne faudrait pas que ça affecte la relation
que l'on a avec la France. Et désolé de terminer sur une note un peu négative,
mais moi, je peux vous dire que, dans mon bureau de comté, j'ai plusieurs
Français qui sont venus me voir. La suspension du PEQ et la suspension des
programmes, ils sont désespérés, ils vont retourner chez eux.
M. Rousseau (Guillaume) :
Bien, c'est exactement... Vous confirmez ce que... les informations qu'on a
eues aussi. Donc, il faut vraiment faire attention à ça. Pour toutes sortes de
bonnes raisons, il y a probablement une réduction des seuils à faire, mais il y
a une attention particulière à avoir pour nos... j'allais dire nos
compatriotes, tout à fait, nos cousins, donc, immigrants français.
M. Morin : Merci. Merci, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Alors, c'est tout. Messieurs, merci beaucoup d'avoir pris
part à nos travaux. Vous avez enrichi nos travaux, assurément. Alors, pour les
collègues, je vous remercie donc tous et toutes.
Et la commission ajourne ses travaux au
mardi 7 octobre 2025, à 9 h 45. Merci.
(Fin de la séance à 17 h 53)