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Version préliminaire

43rd Legislature, 2nd Session
(début : September 30, 2025)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Thursday, October 9, 2025 - Vol. 48 N° 5

General consultation and public hearings on the consultation document entitled “Planning of Immigration to Québec for the 2026-2029 Period”


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Journal des débats

12 h (version non révisée)

(Douze heures vingt et une minutes)

La Présidente (Mme Poulet) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte.

La commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le cahier de consultation intitulé La planification de l'immigration au Québec pour la période 2026-2029.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Picard (Soulanges) est remplacée par M. Lemieux (Saint-Jean); M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve) par M. Cliche-Rivard (Saint-Henri—Sainte-Anne); et M. Bérubé (Matane-Matapédia) par M. Boissonneault (Arthabaska).

La Présidente (Mme Poulet) : Compte tenu de l'heure, nous avons débuté plus tard que prévu, est-ce qu'il y a consentement pour terminer à 15... 13 h 15? Parfait. Alors, nous entendrons ce matin les personnes et groupes suivants : l'Institut du Québec et Mme Anne Michèle Meggs. Alors, bonjour à vous trois. Je vous souhaite la bienvenue. Alors, vous disposez de 10 minutes. Je vous...

La Présidente (Mme Poulet) : ...je vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé.

Mme Braham (Emna) : Bonjour à tous, Emna Braham, je suis la présidente-directrice générale de l'Institut du Québec. Je suis accompagnée de mes collègues Jean-Baptiste Vallantin-Dulac et Simon Savard. À l'Institut du Québec, on a comme mission d'analyser les enjeux du Québec à travers nos lunettes d'économiste pour éclairer le débat public. On s'intéresse tout particulièrement aux enjeux du marché du travail, de finances publiques et de développement économique.

Au cours des dernières années, le Québec a connu un nombre record d'immigrants temporaires, soit des travailleurs, des étudiants, des demandeurs d'asile. Ça a permis de combler des postes à un moment où le Québec manquait cruellement de travailleurs. Mais depuis 2023, l'économie du Québec tourne plus lentement et les employeurs sont beaucoup plus frileux à faire de nouvelles embauches. Résultat, le taux de chômage a augmenté, surtout pour ceux qui cherchent un emploi pour la première fois. Les jeunes et les immigrants eux-mêmes. Le consensus est maintenant clair, il faut revenir à un rythme plus soutenable de l'immigration et surtout miser sur une gestion plus prévisible.

Votre cahier de consultation reflète bien cette volonté de changer de cap. Mais on reconnaît que ce virement va être extrêmement complexe. D'abord, parce que vous jonglez avec une multitude de programmes, parfois gérés par Ottawa, parfois gérés par Québec, avec différents seuils, différents critères. Ensuite, réduire l'immigration, ça va nécessairement dire prioriser certains programmes au détriment de d'autres. Parce qu'aucune politique, on en convient, ne va régler tous les enjeux, revitaliser les régions, créer de la richesse, combler toutes les pénuries de main-d'œuvre. Et enfin, tout virage va bouleverser des projets. Qu'il s'agisse d'immigrants venus dans l'espoir de s'établir, d'entreprises qui comptaient sur cette main-d'œuvre ou d'établissements d'enseignement qui comptaient sur ces étudiants.

Face à cette complexité, on propose quelques pistes de réflexion qui nous semblent alignées avec les objectifs économiques du Québec, donc principalement d'accroître le niveau de vie de ses habitants. Notre principale recommandation, c'est qu'il faudrait augmenter plutôt que de réduire les seuils d'immigration permanente. Et cette proposition, elle ne vise pas à augmenter le nombre de travailleurs pour combler des pénuries, elle vise plutôt à gérer la transition pour stabiliser l'immigration temporaire.

Je m'explique. Vous le notez dans votre cahier de consultation, c'est la hausse de l'immigration temporaire et non permanente qui a fait croître la population du Québec aussi rapidement et qui a créé... et qui explique certaines des conséquences que vous déplorez : Coût... le logement, l'inflation. Donc, nous sommes d'accord pour réduire l'admission des immigrants temporaires. On parlera des priorités plus tard. Mais diminuer les seuils d'immigration permanente, comme vous le proposez, alors qu'il y a aujourd'hui 562 000 immigrants temporaires sur le territoire, ne fera que créer des goulots d'étranglement.

Notre conclusion... nos conclusions reposent sur le fait que plusieurs immigrants temporaires repartiront comme prévu, mais d'autres ont toutes les qualifications pour accéder à la résidence permanente. Si on prend par exemple les 40 000 détenteurs de permis postdiplômes, on voit que beaucoup vont correspondre parfaitement aux critères prioritaires du Québec. Donc, jeunes, hautement qualifiés, avec un diplôme québécois ou canadien. Avec des seuils économiques réduits à... entre 15 000 et 27 000 admissions, seule une minorité va pouvoir bénéficier de cet accès. Or, préserver le passage des talents qualifiés venus de manière temporaire pour étudier vers la résidence permanente vient directement répondre à l'objectif du gouvernement d'accroître le PIB par habitant. On le voit dans les données, les immigrants économiques qui ont déjà étudié au pays ou travaillé au pays gagnent en moyenne 2,3 fois plus que ceux qui viennent directement de l'étranger.

Maintenant, en ce qui a trait à l'immigration temporaire, le cahier propose de réduire de moitié le nombre de titulaires de permis temporaires régis par Ottawa d'ici 2029. C'est une requête, on pense, qui pourrait être mieux définie. D'abord, en termes de données, l'estimation de 416 000 titulaires de permis délivrés par Ottawa correspond à une catégorie qu'on ne retrouve pas dans la documentation du fédéral. Elle semble plutôt calculée indirectement en soustrayant le nombre de travailleurs étrangers temporaires et d'étudiants, d'IRCC, d'une estimation démographique de Statistique Canada, surtout que ces données viennent d'être mises à jour. Ensuite, la requête ne précise pas comment cet effort de réduction devrait être réparti entre les différents programmes fédéraux, alors que ces programmes amalgament des réalités complètement différentes, des demandeurs d'asile avec des enjeux humanitaires à des permis de travail avec un objectif davantage économique.

Le risque, c'est qu'Ottawa, pour atteindre ces cibles, réduise des programmes qui sont essentiels pour le Québec, comme les permis postdiplôme qu'on mentionnait tout à l'heure. Maintenant, concernant le programme des...

Mme Braham (Emna) : ...travailleurs étrangers temporaires. Au cours des dernières années, ce programme a surtout répondu aux besoins les plus urgents des employeurs, mais ces besoins ne sont pas toujours alignés avec les besoins... les objectifs à long terme du Québec.

D'abord, même s'ils ont permis à plusieurs régions de revoir à nouveau leur population croître, le séjour des travailleurs étrangers temporaires est par définition temporaire. Et seule une... une minime partie accède à la résidence permanente. Le système est donc contraint à constamment faire venir des travailleurs pour ces postes et à les remplacer.

Ensuite, le programme a surtout permis de combler des postes peu qualifiés. En fait, 80 % des permis concernaient des emplois qui requéraient au plus un secondaire cinq, ce qui tend à diminuer le PIB par habitant en raison des revenus plus faibles et peut ralentir les transformations nécessaires dans les entreprises pour rehausser la productivité.

Donc, dans votre réduction proposée du nombre de TET, nous suggérons de prioriser les emplois où les pénuries de main-d'œuvre sont les plus tenaces. Et, ce qu'on veut dire par «tenace», c'est vraiment les emplois où le système d'éducation ne suffit pas à la demande, qui sont fortement réglementés, donc difficiles d'accès, et qui prennent beaucoup de temps pour requalifier des travailleurs pour y accéder.

Ensuite, concernant le Programme des étudiants internationaux, le plus important, c'est de préserver l'attractivité de notre système d'enseignement supérieur. Au cours des dernières années, il y a eu une forte croissance dans les programmes courts, des programmes secondaires de formation professionnelle ou d'attestation d'études collégiales, ce qui ne correspondait pas tout à fait aux objectifs d'éducation internationale du Québec. Il y a tout intérêt à limiter ce type d'accès.

Par contre, la capacité des universités québécoises à attirer les meilleurs étudiants, les meilleurs chercheurs, est essentielle pour préserver l'excellence de nos institutions mais aussi stimuler l'innovation pour rehausser la productivité.

L'exercice que vous entreprenez est extrêmement complexe. Mais votre vrai défi aujourd'hui ne sera pas nécessairement de trouver le bon seuil mais vraiment de rétablir la confiance dans notre système d'immigration. Et, pour ça, il faudra nécessairement davantage de stabilité réglementaire.

Un enjeu qu'on voit, c'est que les cibles pour l'immigration temporaire ont été établies en termes du nombre de détenteurs de permis en 2029, plutôt que selon un nombre de permis à émettre chaque année. Le danger, c'est que Québec et Ottawa soient contraints de changer les règles du jeu en cours de route pour respecter la trajectoire.

Pour conclure, rappelons que notre système d'immigration a historiquement donné d'excellents résultats économiques, et il est possible de renouer aujourd'hui avec les conditions qui ont fait son succès. Merci.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci beaucoup. Alors, on va procéder aux échanges. On va commencer avec M. le ministre pour une période de huit minutes.

• (12 h 30) •

M. Roberge : Huit minutes. Très bien. Merci. Merci pour votre patience. Les travaux parlementaires ont été plus longs que d'habitude ce matin. Mais sachez qu'on a vraiment bien pris connaissance de votre mémoire puis on vous écoute attentivement.

Il y a plusieurs éléments sur lesquels on s'entend. Je suis content de voir que vous souhaitez qu'il y ait une préservation, une stabilisation de l'effectif d'étudiants étrangers, grosso modo, dans le réseau universitaire, mais que vous ne voyez pas toutes les formations sur un même pied d'égalité. Vous parlez... peut-être de réduire l'accès à des programmes courts et d'y aller, je vous dirais, de manière précise. C'est l'intention avec la loi 74 adoptée il y a un peu plus d'un an.

Vous parlez du Programme Mobilité internationale, recommandez de prioriser l'accès au PMI pour les étudiants étrangers diplômés, la famille des diplômés. Mais est-ce qu'il y a des catégories de travailleurs du PMI qui devraient, selon vous, être réduites?

Mme Braham (Emna) : Un des défis, avec le PMI, c'est effectivement qu'on a assez peu de visibilité sur toutes les différentes catégories. On comprend qu'il y a certaines catégories où il y a peu de marge de manœuvre lorsqu'elles sont liées à des accords internationaux par exemple, mais certainement il y a moyen de restreindre, probablement, qu'on parle par exemple des conjoints, puis ça a déjà été fait dans les dernières... dans les derniers mois, les conjoints des travailleurs les plus qualifiés, les étudiants du deuxième, du troisième cycle qui ont besoin d'avoir... qui viennent vraiment s'installer pour une plus longue période, pour que leur conjoint puisse venir avec eux. Mais, par contre, peut-être pas élargir ce programme-là à l'ensemble... à l'ensemble des travailleurs ou des étudiants qui viennent de manière vraiment ponctuelle, par définition, au Québec. Donc, ces restrictions...


 
 

12 h 30 (version non révisée)

Mme Braham (Emna) : ...vont... pourraient être mises en place.

M. Roberge : Est-ce que je me trompe ou vous êtes d'accord pour un resserrement du PMI, mais ciblé, mesuré, en prenant garde à des travailleurs qualifiés puis à des étudiants universitaires?

Mme Braham (Emna) : Tout à fait. Puis le défi, c'est vraiment de mieux définir, parce que, dans le cahier de consultation, il y avait peu de description sur qu'est-ce qu'on demande exactement à Ottawa de faire, et donc je pense qu'on... le Québec a tout intérêt à clarifier ses demandes à ce niveau-là pour s'assurer que les programmes qui sont les plus porteurs et qui sont aussi peut-être en lien avec des programmes que lui-même gère... Donc, par exemple, quand on parle des permis postdiplômes, c'est Québec qui gère l'admission des étudiants internationaux. Donc, il veut peut-être s'assurer que ces étudiants restent par la suite. Donc, davantage clarifier les demandes auprès d'Ottawa sur cette réduction.

M. Roberge : Pour le programme des travailleurs étrangers temporaires, vous nous parlez aussi de prioriser certains secteurs stratégiques. Vous avez dit : Travailleurs étrangers temporaires, bien, ils sont temporaires, ils ne vont pas tous rester. C'est différent de ce que j'ai entendu de plusieurs autres intervenants, où plusieurs disaient avant vous : Bien, écoutez, ils sont ici. Ceux qui sont ici, ils travaillent. S'ils travaillent, donc ils paient des impôts. Donc, si tu es sur le territoire québécois, que tu travailles, que tu paies des impôts, tu devrais avoir droit à la citoyenneté. J'ai senti que vous ayez... vous avez un peu plus de nuance. Donc, il faudrait... Faudrait-il... Faudrait-il donner la citoyenneté à tous les TET? Faudrait-il mieux cibler les TET en fonction des régions et des secteurs?

Mme Braham (Emna) : Alors, il y a deux éléments. Pour le passage entre TET et résidence permanente avant la citoyenneté, ce que les données nous montrent, c'est que ce n'est... c'est un... c'est un groupe qui ne va pas avoir les meilleurs résultats par la suite. C'est-à-dire que le passage entre résident temporaire et résident permanent est particulièrement positif. Puis, quand je dis positif, c'est en termes de : ils vont avoir des revenus au-dessus de la moyenne québécoise assez rapidement après leur accès à la résidence permanente. Bien, ce bénéfice-là, on le voit surtout pour les travailleurs les plus qualifiés. Or, actuellement, les PTET, on l'a mentionné, 80 % sont dans des emplois qui requièrent au plus un secondaire cinq. Donc, ce qu'on voit, c'est que ces travailleurs-là, après avoir accédé à la résidence permanente, vont continuer à avoir des revenus qui sont en dessous de la moyenne québécoise. Et donc on ne préconise pas de systématiser l'accès à la résidence permanente pour tous les travailleurs étrangers temporaires.

M. Roberge : Vous nous avez suggéré une hausse du nombre de permanents, donc de gens qui resteraient ici, mais je comprends que c'est assorti avec une réduction des temporaires dans votre réflexion, que ce soient certains étudiants étrangers, pas tous, en ciblant des programmes. Même chose pour des TET, même chose pour des PMI. Est-ce que vous incluez aussi des réductions de nombre ou d'arrivées de demandeurs asile, donc, si on atteint tout ceci, alors nous pourrions hausser les permanents? Est-ce que c'est votre analyse?

Mme Braham (Emna) : Alors, ce qu'on voit, c'est... le défi aujourd'hui, c'est le nombre de personnes qui sont actuelles sur le territoire. De ce nombre-là, il y a une partie que le Québec a tout intérêt à garder parce qu'ils répondent, dans les faits, aux critères que le Québec s'est donnés pour la résidence permanente. Donc, c'est pour ça, les travailleurs les plus qualifiés, les diplômés d'établissements québécois sont tous des personnes qui sont actuellement sur le territoire et, avec des seuils réduits, vont tout simplement quitter, aller... retourner chez eux ou aller dans un autre pays, alors que le Québec aurait intérêt à les maintenir, d'où la recommandation d'avoir des seuils un peu plus élevés, le temps de garder au moins ceux qui sont déjà sur le territoire et qui correspondent à nos critères.

Il y a un deuxième cas de figure, qui est plutôt d'ordre humanitaire, qui sont les demandeurs d'asile, qui sont en grand nombre aujourd'hui au Québec. Dans les faits, ce sont des personnes qui peuvent difficilement se déplacer et qu'il va falloir régulariser. Donc, le défi, là, il est plutôt d'ordre humanitaire, où des seuils d'immigration permanente plus réduits vont simplement allonger les délais pour régulariser ces personnes qui sont sur le territoire.

M. Roberge : Ils pourraient aussi régulariser ou devenir des permanents mais ailleurs au Canada. Ils arrivent... On a... On fait comme s'il y avait des frontières autour du Québec, là, mais ce n'est pas le cas, là. Ils arrivent au Canada pour demander l'asile, pas nécessairement au Québec. Ils pourraient aussi être mieux répartis selon le poids démographique du Québec à l'intérieur du Canada. Ce n'est pas normal qu'on aille 30 %, 40 %, 50 % des demandeurs d'asile du Canada.

Mme Braham (Emna) : Tout à fait. Le Québec a accueilli une part plus importante des demandeurs d'asile au cours des dernières années. Il reste à savoir aujourd'hui, dans les prochaines années, est-ce que c'est possible de passer à la résidence permanente dans une autre province. Dans les faits, c'est des personnes qui sont ici aujourd'hui. Historiquement, à peu près 80 % des demandeurs d'asile se voient attribuer le statut de réfugié. Et donc, dans les faits...

Mme Braham (Emna) : ...il va falloir qu'il passe dans des seuils, que ce soit au Québec ou ailleurs au Canada.

M. Roberge : Et pour ce qui est de la question des travailleurs étrangers, vous parlez de secteurs stratégiques, donc peut-être les gens les plus qualifiés. Mais est-ce qu'il n'y a pas aussi la répartition géographique? C'est-à-dire que, par exemple, à Montréal, en ce moment, le taux de chômage est très élevé, le taux de chômage chez les jeunes est très élevé. Il y a un bassin de main-d'œuvre très important, notamment dans le pays, des demandeurs d'asile. Est-ce qu'on peut avoir cette approche-là? C'est l'approche gouvernementale en ce moment, mais qu'est ce que vous pensez aussi d'y aller en fonction de critères régionaux associés au taux de chômage puis à la vitalité de la langue française aussi?

Mme Braham (Emna) : Pour moi, ça, c'est pour le programme des travailleurs étrangers temporaires?

M. Roberge : Oui, c'est ça.

Mme Braham (Emna) : Oui, tout à fait. Dans les faits, 80 % des PTET, actuellement, sont à l'extérieur de l'île de Montréal parce qu'ils sont venus justement combler des pénuries qui étaient plus aiguës à l'extérieur de Montréal qu'à Montréal. Donc, c'est... Dans les faits, c'est ce qu'il se passe aujourd'hui pour dans la volonté de réduire les PTET. On peut y aller de manière régionale.

La Présidente (Mme Poulet) : Désolée de vous interrompre. On va poursuivre les discussions avec le député de l'Acadie pour une période de six minutes.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup. Désolé pour notre retard. Je vais y aller directement. J'ai lu avec beaucoup d'attention votre mémoire, je vous en remercie, mais j'aimerais commencer par la page 4 de votre mémoire, parce qu'à la page 4 vous soulevez la divergence dans la comptabilisation des titulaires de permis du PMI. Et ça, j'ai trouvé ça fort intéressant parce que, tu sais, normalement, les chiffres, c'est des chiffres, on devrait arriver sensiblement aux mêmes chiffres. Alors, vous soulignez que le MIFI recense 299 185 personnes, donc presque 300 000. Ça le MIFI, c'est Québec dans le PMI. Donc, Québec compte les permis fédéraux et il arrive à 300 000. Mais le fédéral, lui, qui les émet, donc, on présume qu'il sait ce qu'il fait, arrive à 125 540 selon sa propre définition. Donc il y a un écart qui est très grand. Mais il y a un autre élément sur lequel j'aimerais attirer votre attention, c'est parce que je veux... je veux comprendre. Puis vous, vous êtes des spécialistes là-dedans, je veux comprendre qu'est-ce qu'il se passe. Dans le document que le gouvernement du Québec a produit dans les consultations en 2023, ça ne fait pas si longtemps que ça, là, quand on regarde selon les sources du gouvernement du Québec, en 2023, pour le PMI, en 2021, il y en avait 64 120. Mais dans le document du gouvernement du Québec, 2025, si on va voir l'année 2021, bien là, le PMI, il n'y en a plus 64 000, il y en a 131 540. Puis là je compare la même année, là. Normalement, ça devrait être semblable. Puis quand, après ça, on va en 2022, dans le document de 2023, c'était 73 000 PMI. Là, c'est 160 060. Comment? Comment est-ce qu'on peut expliquer un écart qui est si grand? Et je vous soumets une hypothèse. Est-ce que le gouvernement du Québec pour appuyer son narratif que c'est toujours le fédéral, gonfle des chiffres?

• (12 h 40) •

Mme Braham (Emna) : Bien, peut-être, sur le 300 000, puis on a on a souligné la même chose dans notre avis, ce qu'on comprend, c'est que donc, dans le cahier de consultation, on fait référence aux PMI, mais dans le fond, on amalgame dans cette catégorie à la fois ce que les IRPP, donc le fédéral considère comme des programmes de mobilité internationale, des PMI, mais également d'autres types de permis qui sont émis par le fédéral mais qui ne sont pas considérés comme des PMI par le fédéral, qui seraient principalement des permis de personnes qui ont été acceptées à la résidence permanente et qui sont en attente de leur carte et ainsi que des permis d'étudiants qui ont besoin d'un permis de travail pour refaire un stage, par exemple. Donc d'autres catégories qui sont régies par le fédéral mais qui ne sont pas nécessairement de la catégorie. Et on y ajoute également des permis d'ordre humanitaire, des permis de travail d'ordre humanitaire qui sont émis par le fédéral, mais, encore une fois, qui ne sont pas dans la même catégorie permis d'immigration, réfugiés Citoyenneté Canada.

M. Morin : OK. Mais est-ce que ça veut dire, par exemple, qu'une personne sur le territoire pourrait se ramasser avec un ou deux permis émis par le fédéral dans le PMI?

Mme Braham (Emna) : Il y a des différences, d'importantes différences qui...

Mme Braham (Emna) : ...qui... entre les estimations démographiques, donc les estimations du nombre de personnes qui sont effectivement sur les territoires qui sont faits par Statistique Canada, qui nous donne une bonne estimation du nombre de personnes qui sont vraiment là, mais qui ne nous donne pas le détail de quelle catégorie de permis ou de visa ils ont, et on a d'autres données qui ne sont pas tout à fait compatibles d'IRCC, qui sont vraiment sur le nombre de permis émis ou le nombre de permis valide... Et, à ce moment-là, effectivement, il peut y avoir un certain dédoublement parce qu'une personne peut avoir plusieurs permis, le permis peut être échu ou des choses comme ça.

M. Morin : Parce qu'évidemment on se comprend, si, pour les fins du PMI, je ne sais pas, moi, une personne que... vous venez de le souligner, elle peut avoir un, ou deux, ou trois permis, bien, évidemment, ça augmente le nombre de permis, mais ça n'augmente pas le nombre de personnes, c'est la même personne qui a différents permis. Donc, au niveau des services, au niveau du logement, c'est autre chose, là, mais je vous... Pardon?

Une voix : ...

M. Morin : OK. Merci. Autre chose. Dans les... là, on se ramasse... Ma compréhension, c'est qu'on se ramasse avec à peu près 142 000 personnes qui sont en attente de résidence permanente au Québec, donc qui ne sont pas encore des permanents, ils sont sur la voie de, ils ont probablement eu un CSQ. Si vous regardez le nombre de personnes qui sont en attente et que vous analysez des scénarios du gouvernement, 25 000, 35 000, ça va prendre combien de temps pour que ces personnes, finalement, deviennent des résidents permanents? Puis, si le gouvernement adopte, par exemple, le scénario a, 25 000, ça va faire quoi pour l'économie québécoise?

Mme Braham (Emna) : C'est justement le principal défi qu'on voit avec des seuils d'immigration permanente plus restreints que ce qu'on a actuellement, c'est justement ces personnes qui sont ou dans une situation d'attente d'accéder à la résidence permanente ou qui répondent aux critères de l'immigration permanente et qui sont déjà sur le territoire et qu'on risque de voir partir. Donc, le défi, c'est à la fois voir les meilleurs talents quitter, parce que les meilleurs talents sont très mobiles, et, de l'autre côté, juste simplement allonger les délais d'obtention de la résidence permanente.

M. Morin : ...sur le regroupement familial? On a des familles qui sont séparées depuis déjà trop longtemps. Ça va juste accroître les délais?

Mme Braham (Emna) : Tout à fait. C'est le risque de voir les délais pour toutes les catégories, que ce soit les immigrants économiques...

La Présidente (Mme Poulet) : Désolée encore de vous interrompre, mais on va poursuivre les discussions avec le député de Saint-Henri Sainte-Anne pour une période de deux minutes.

M. Cliche-Rivard : Merci, Mme la Présidente. Je poursuis dans la lignée de mon collègue quand même. Puis vous le dites, là, les mises en garde sont importantes sur les chiffres. Il y a par ailleurs un article de Radio-Canada aujourd'hui, Immigration : Québec gonfle les chiffres «artificiellement», dénoncent les avocats. Donc, c'est sûr que, quand on veut partir un débat, il faut le partir sur des vraies statistiques, des bons chiffres. Et là vous soulevez, vous aussi, plusieurs drapeaux rouges, puis les experts du terrain nous en soulèvent aussi. Donc, c'est quand même très important. Là où j'ai bondi, là, quand même, c'est à la page six, «54 ans», vous mentionnez ça dans votre mémoire, jusqu'à 54 ans. Avec personne qui ne se rajoute, ça serait 54 ans d'attente pour régulariser la résidence permanente pour un réfugié reconnu.

Mme Braham (Emna) : Si on suppose que toutes les personnes sont demandeurs d'asile qui sont au Québec vont faire la demande au Québec et que 80 % vont être admis, comme ce qu'on a vu historiquement, bien, effectivement, avec les seuils qui sont prévus, là, d'immigration permanente dans la catégorie immigrant humanitaire déjà... sélectionné déjà sur le territoire, bien, ce seraient ces délais-là qu'il faudrait pour simplement régulariser les personnes qui sont déjà sur le territoire.

M. Cliche-Rivard : Et ça, vous le faites, la corrélation, aussi dans les autres programmes? Est-ce que vous avez estimé la réunification familiale combien ça serait, le délai?

Mme Braham (Emna) : Non, on n'a pas fait exactement ce calcul-là. Puis, pour le regroupement familial, c'est plus difficile parce qu'il y a comme un effet de vases communicants entre les programmes. Donc, selon le nombre de personnes qu'on accepte à l'immigration... dans les catégories économiques, bien, on va avoir aussi, quelques années plus tard, une hausse des demandes de regroupement familial. Donc, c'est plus difficile à estimer exactement, mais ce qui est certain, c'est qu'aujourd'hui, on l'a vu au cours des dernières années, il y a eu des délais pour l'obtention de certains de ces permis-là et donc, avec des seuils d'immigration encore plus restreints, bien, on vient allonger ces délais tout simplement pour les personnes qui n'ont pas le choix que d'attendre.

M. Cliche-Rivard : ...artificiellement, le «backlog», comme vous l'avez dit, 144 000 personnes, 142 000 personnes déjà sélectionnées qui attendent la résidence permanente.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci beaucoup de votre contribution à nos travaux.

Alors, on va suspendre quelques minutes, le temps que le prochain groupe s'installe.

(Suspension de la séance à 12 h 47)

(Reprise à 12 h 49)

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, on reprend nos travaux. Bonjour, Mme! Bienvenue parmi nous. Alors, je vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé d'une durée de 10 minutes. Et, par la suite, on va procéder à une période d'échange. Alors, la parole est à vous.

Mme Meggs (Anne Michèle) : Merci, Mme la Présidente. Merci à tous les membres de la commission. Et j'ajoute un grand merci à toute l'équipe du ministère, qui travaille fort, je sais sur cet exercice depuis près d'un an maintenant.

Souvent, on tient pour acquises certaines pratiques qui durent depuis quelque temps. On est tellement habitués qu'on oublie parfois leur unicité ou, dans d'autres cas, on oublie que les choses ont déjà été faites autrement. Deux exemples. Récemment, une chercheuse du Canada anglais m'a consultée sur notre processus de planification. Son équipe avait de la misère à obtenir des informations sur les consultations du fédéral qui se tiennent derrière les portes closes. En lui décrivant notre façon de faire, je me suis rendu compte à quel point elle est remarquable. Depuis 40 ans, le gouvernement du Québec présente, tous les deux, ou trois, ou quatre ans, ses orientations en immigration à l'Assemblée nationale et invite des commentaires, même critiques. Toutes les parties prenantes peuvent participer, par écrit, plusieurs en personnes, et même le public, par le questionnaire en ligne, d'un processus constructif et civil et unique au monde, à ma connaissance, qui illustre bien l'originalité québécoise.

Ceci étant dit, dans mon mémoire, je propose quelques suggestions d'amélioration. Les règles qui forcent des réponses complètes à vos questions dans une minute 14 secondes ne sont pas toujours optimales. Il faut toujours aussi garder en tête que tous les volets de la politique d'immigration touchent profondément les vies des êtres humains au moment où ils prennent la décision la plus importante de leur vie. Il s'agit d'un domaine aussi humain et aussi polarisant que l'aide médicale à mourir, ils méritent la même approche transpartisane pour arriver à un consensus social.

Une autre pratique qu'on semble tenir pour acquise est le système d'immigration en deux étapes. Quelqu'un arrive avec un permis temporaire et obtient la résidence permanente plus tard. Mais cette façon de faire est relativement récente. Jusqu'au début des années 2000, toutes les personnes qui souhaitaient s'établir au Québec ou au Canada devaient présenter leur demande à partir de l'étranger. Mais, à peu près 20 ans, cette exigence a été éliminée, ouvrant la porte à une immigration en deux étapes.

Il a commencé avec... surtout avec des permis d'études et la fausse bonne idée qu'un projet éducatif, en devenant plutôt un projet d'immigration, aurait des effets économiques extraordinaires, tant sur le plan commercial que sur le PIB. Les provinces ont embarqué parce que les étudiants étrangers devenaient une façon de financer l'éducation post-secondaire et une source de main-d'œuvre captive à bas salaires.

Avec le temps, les permis de travail temporaires se sont ajoutés au mix. En même temps, avant l'arrivée de système Arrima, le traitement des demandes d'immigration permanente était souvent très long parce qu'il... on traitait chacune des demandes reçues en ordre chronologique. Une demande de permis d'étude ou de travail, dans le temps, pouvait être plus rapide parce que la grille de sélection...

Mme Meggs (Anne Michèle) : ...des conditions linguistiques et des critères de capital humain ne s'appliquent pas à ces permis, ce qui est problématique tant sur le plan économique que linguistique. De plus, beaucoup d'efforts ont été mis en place pour encourager l'immigration temporaire. Le Québec... au Québec, le recrutement à l'étranger a tourné vers l'immigration temporaire, à tous les niveaux au gouvernement, le MIFI, le ministère de la Santé, mais aussi les agences de recrutement privées, les établissements postsecondaires, les employeurs eux-mêmes font tous du recrutement, d'immigration temporaire pour ne pas mentionner les filières criminelles, les passeurs et les faux consultants et avocats. Et l'appât est toujours la même : La résidence permanente est à votre portée.

En 2009, on a rouvert des bureaux régionaux du MIFI, mais plutôt que d'offrir des services d'accueil et d'intégration, on aide les entreprises à naviguer le labyrinthe, des EIMT, des permis de travail temporaires. Les deux gouvernements ont lancé les programmes accélérés vers la résidence permanente pour les temporaires, comme l'expérience canadienne... québécoise. Le fédéral a créé des permis de travail postdiplômes pour faciliter le chemin des étudiants étrangers vers la résidence permanente, ainsi que les permis de travail pour les conjoints des étudiants et des travailleurs spécialisés. On a ouvert les portes à des familles entières sur la base d'une personne avec un permis de travail avec une date d'expiration.

Plusieurs permis sont renouvelables. Tous les signaux envoyés étaient dans le sens que si tu arrivais au Québec ou au Canada avec un permis temporaire, ce n'était qu'une question de temps que tu obtiendrais la résidence permanente. Et tous ces efforts ont été mis en place avec aucun plafond sur le nombre de permis ou, dans le cas du Québec, de CEQ qui seraient délivrés. Les besoins des établissements d'enseignement et des employeurs dictaient le nombre sans qu'on les oblige à s'assurer qu'il y aurait du logement ou des services de base disponibles. Dans les deux programmes temporaires où le Québec... le gouvernement du Québec intervient, les hausses ont été aussi exagérées qu'ailleurs au Canada. Le programme où le Québec n'intervient pas, le PMI, est devenu un fourre-tout de plus de 113 différents permis, dont un très grand nombre sont ad hoc, créés sans aucune consultation, par décret ministériel, souvent appelés des politiques d'intérêt public.

Le résultat? Une catastrophe. Des centaines de milliers de personnes, au Québec, vivant dans la précarité et la vulnérabilité, peut-être autant... vivant même dans l'inégalité, espérant une chance à la résidence permanente. Et même près de 150 000, je ne dirais pas 142 000, ça, c'était au mois de juin, 150 000... personnes, déjà sélectionnées par le Québec, qui attendent ce statut dont ils ont droit. La deuxième étape se fait attendre longtemps, des données incomplètes qui nous empêchent de bien soutenir des personnes qui arrivent ou même de compter correctement combien sont sur les territoires du Québec. Un cafouillis dans les services d'intégration et de francisation, parce qu'on ne sait pas qui ni combien vont rester, des organismes communautaires au lieu d'offrir des services d'intégration aux résidents permanents récemment arrivés où on leur apprend l'histoire du Québec, les valeurs de notre charte des droits et libertés, et l'application de ces valeurs dans la vie quotidienne des droits des travailleurs, passent leur temps à aider les travailleurs temporaires avec un employeur abusif et à répondre à des questions sur les limites et les renouvellements des permis et des visas. Trop de personnes sont arrivées trop vite. L'effet économique a été plus négatif que positif. Le parc de logements locatifs par les communautés et les services de garde et santé sont mis à l'épreuve.

La manière de reprendre le contrôle est de mettre en place un processus de transition efficace et compatissant de retour à une immigration en une étape, rétablir la règle que les demandes d'immigration soient présentées à partir de l'étranger. Temporaire, ça signifierait, en effet, temporaire et ce serait clair pour tout le monde. Le système Arrima a été conçu dans le but d'optimiser la sélection avec plus de flexibilité, en respectant la grille de sélection et son seuil minimal de points. Le délai de traitement moyen, aujourd'hui, d'une demande d'immigration permanente est de 64 jours, selon le rapport annuel de gestion. On n'a jamais vraiment donné une chance à ce système. Dès sa mise en place en 2018, le virage vers l'immigration temporaire avait déjà pris racine.

Il y a trois conditions à la réussite de cette transition, un, que le Québec donne son consentement sur tous les permis de travail du Québec, incluant le PMI; deux, qu'on réduise au minimum le nombre de résidents non permanents et non documentés au Québec et de personnes en attente de la résidence permanente, regroupement familial et... Pour les RNP et les non...

Mme Meggs (Anne Michèle) : ...qui veulent rester, il y aurait un programme de pérennisation simple pour ceux venant de pays stables ne répondant pas aux critères. On les accompagnerait dans leur départ, en les invitant à soumettre une déclaration d'intérêt en bonne et due forme dans Arrima, des points additionnels seraient accordés, comme toujours, pour les séjours, diplômes et expériences de travail au Québec; et, trois, qu'on soit honnête avec la population en expliquant que c'est déjà le cas, le nombre de résidents permanents ne représente pas le nombre de personnes arrivées et que les régularisations ne représenteraient aucunement une augmentation de la population.

Si on veut éviter de reproduire les mêmes problèmes dans 10 ans, je ne vois pas d'autre solution. Il y aura toujours des permis temporaires pour le travail saisonnier ou pour l'étude, mais le solde net des RNP reviendrait à zéro. Le gouvernement assumerait sa responsabilité de gestion et de la sélection de l'ensemble des personnes immigrantes plutôt que d'abdiquer au secteur privé et éducatif. Si un employeur a des postes permanents à combler, qu'on rend plus efficace le portail employeur dans Arrima, et invite des personnes immigrantes au Québec qui correspondent, tant aux besoins de l'employeur, qu'aux besoins du Québec. Merci de votre attention.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci, madame. Alors, on va débuter la période d'échange avec M. le ministre. La parole est à vous.

M. Roberge : Merci, Mme la Présidente. Merci pour votre présentation. Vous arrivez avec une perspective différente, une expérience aussi des questions migratoires qui est très intéressante. J'aime beaucoup la pluralité des points de vue en commission comme ça. Vous dénoncez l'espèce de système qui s'est implanté à deux volets. Bon, vous dites pour les saisonniers, les gens qui peuvent ramasser des fruits, on peut comprendre, le temporaire, pour les gens qui viennent étudier, parce que, par défaut, l'étude, ça peut durer deux ans, trois ans, quatre ans, mais ça commence... un diplôme, ça, vous êtes d'accord? Mais, pour le reste, le programme PMI d'Ottawa, le programme de travailleurs étrangers temporaires, en réalité, vous dites : Si ces gens souhaitent venir au Québec, bien, ils devraient soumettre une demande de résidence permanente pour devenir des immigrants permanents. Est-ce que je vous suis bien?

Mme Meggs (Anne Michèle) : C'est à peu près ça, oui. 

M. Roberge : OK, mais là on est dans une situation où il y a eu vraiment une explosion des temporaires dans les dernières années. Vous avez dit... Vous comparez 2025 au début des années 2000, mais réelle explosion du programme PMI puis du programme des demandeurs d'asile. C'est réellement dans les trois dernières années, où là on est passé du simple au double, là, vraiment, ça a pas été graduel, sur un graphique, on voit qu'il y a vraiment une flambée. Plusieurs personnes sont arrivées ici sur un permis temporaire ou, des fois, on dit résidents non permanents. Plusieurs personnes sont venues nous dire, comme groupes, nous dire : Bien, ils sont ici. S'il sont ici, bien, ils occupent un logement. S'ils occupent un logement, ils n'ont pas d'impact sur la crise du logement. S'ils sont ici, paient des impôts, s'ils paient des impôts, ils contribuent. Et donc, s'ils occupent un logement puis ils paient des impôts, il faudrait leur donner la résidence permanente à tous. Qu'est-ce que vous pensez de cette assertion que plusieurs nous ont servie dans les derniers jours?

• (13 heures) •

Mme Meggs (Anne Michèle) : Moi, je dirais qu'il faut ramener les choses dans l'ordre. Et, si on veut diminuer le nombre de résidents non permanents, une des façons, c'est de... mettre en place un programme, effectivement, un peu comme... de transition, avec des critères qui correspondent aux besoins du Québec, qui permettraient le plus possible à rester avec un statut régulier. C'est ça que je dis... Et la même chose, et je sais très bien ce que ça veut dire, point de vue de... C'est pour ça que je dis : Il faut être clair, ça ne change rien sur le terrain. Ce que ça change, c'est la paix pour les personnes qui sont ici avec une... dans une situation précaire. C'est ça que ça change, ça ne change rien d'autre. Et... s'ils ne correspondent aux critères que le gouvernement établit, bien, on les aide à sortir puis on les invite à faire leur demande de l'extérieur.

M. Roberge : L'orientation de... qu'on propose, ça ressemble, je pense, à ce que vous dites, là, accroître la part des personnes immigrantes permanentes déjà présentes au Québec, afin qu'elles représentent le plus possible, on dit minimum 63, 66 % des admissions. Dans le fond, c'est de piger d'abord sur les gens qui sont déjà sur le territoire québécois. Vous dites : Ça ne change rien, cette personne est déjà là, elle change de statut et elle devient permanente...


 
 

13 h (version non révisée)

M. Roberge : ...mais pensez-vous qu'on a l'espèce d'obligation morale de renouveler les permis temporaires à l'infini? Une personne qui est ici, qui a un permis temporaire, est-ce qu'on devrait par défaut, si elle demande de rester, dire : Bon, bien, si t'es ici, on doit renouveler ton permis encore et encore. On a comme deux choix, soit je te renouvelle temporaire, soit t'obtiens la résidence permanente, mais on ne peut pas dire : Je ne renouvelle pas ton permis temporaire, tu dois quitter.

Mme Meggs (Anne Michèle) : Mais, oui, on peut dire ça, mais c'est... on a... L'obligation morale vient dans le fait qu'on a invité tout ce monde-là ici et avec... que le gouvernement le veuille ou non, bien, il y a des pages encore, à Internet, aux étudiants étrangers, rester... comment rester au Québec. Ça fait que c'est... le message est envoyé et on... leur permis... ils passent d'un permis à l'autre, là, d'une sorte. Ça fait que moi, je pense qu'on a une obligation morale, mais ça ne veut pas dire que... tout le monde. On établit des critères. S'ils sont dans les postes en trop à bas salaires, tu sais, ça... On sait que ce n'est pas nécessairement... ce n'est pas nécessairement positif ni pour eux autres ni pour le Québec. Ça fait qu'il y a des critères établis. Mais je dis qu'il faut... Il faut reconnaître et il faut... oui, c'est ça que... Oui, je vais arrêter là, M., plutôt que radoter.

M. Roberge : Ça va. On a... On instaure la notion que, justement, des gens qui sont sous un permis temporaire, par exemple les travailleurs étrangers temporaires, mais qui sont ici suffisamment longtemps, qui sont ici pendant trois ans et qui veulent renouveler encore pour être ici une quatrième, cinquième, sixième, septième année, il faudrait au minimum qu'ils aient un niveau d'exigence de français. Certains nous disent : C'est trop, c'est trop exigeant d'exiger un niveau quatre après trois ans. C'est quoi, votre analyse?

Mme Meggs (Anne Michèle) : Moi, je dis que les conditions linguistiques doivent être sur le premier permis. Si quelqu'un, après trois ans... On peut dire que ce n'est pas un emploi temporaire. On renouvelle après trois ans. Ce n'est pas un emploi temporaire dans ma tête. Ça fait que de dire... Et, en plus, c'est facile pour l'employeur de juste laisser le gars partir et faire venir un autre avec un premier permis qui n'a pas de condition linguistique. Donc, je ne vois pas la pertinence de ce geste-là, personnellement.

M. Roberge : Bien, je suis d'accord qu'après plus de trois ans c'est un... Ça peut être un statut qui est temporaire, parce que la personne renouvelle pour un an, bien, on le sait très bien, que ça va terminer, par exemple, mais la personne est ici, en tout cas, de manière durable... je ne dirais pas de manière permanente, parce qu'on peut être ici neuf ans et repartir, ce n'est pas permanent, mais c'est quand même durable. L'idée, par contre, de dire qu'au minimum, si tu veux rester ici une quatrième année, une cinquième année, une sixième année, tu dois apprendre le français au moins jusqu'au niveau quatre, je pense qu'il y a là, quand même, un facteur incitatif assez grand sur le marché des employeurs, parce que, jusqu'à aujourd'hui... et ils nous disent : Ça coûte plus que 10 000 $ faire venir ce travailleur-là, on veut le garder, nous disent-ils, on veut le garder. Puis, plus ça fait d'années qu'il est ici, plus il est compétent, meilleur c'est un employé, on veut vraiment le garder. Ne pensez-vous pas que, si on dit aux employeurs : Vous dépensez 10 000 $, 12 000 $, 15 000 $ pour faire venir quelqu'un, vous investissez dans la formation, il va être ici trois ans, vous ne voulez pas perdre votre mise autant en capital humain qu'en dollars, vous avez tout intérêt à aider sa francisation plutôt que de repartir à zéro, repayer pour faire venir une personne nouvelle, autant financièrement qu'en temps? Il me semble que les employeurs vont être grandement incités à participer à cette francisation-là pour ne pas perdre leur mise.

Mme Meggs (Anne Michèle) : Moi, je pense que, si les employeurs veulent franciser leurs employés, ils peuvent le faire, et je pense que, si quelqu'un veut venir, il devrait avoir une condition linguistique avant de venir, et je pense que le prochain poste temporaire devrait être temporaire. Ça fait qu'accorder des renouvellements et des renouvellements, ça va à l'encontre même du sens du PTET qui est censé d'être un dernier recours pour des postes à période déterminée.

Le Président (M. Gagnon) : Merci beaucoup. Nous allons poursuivre l'échange avec l'opposition officielle, le député d'Acadie.

M. Morin : Merci, M. le Président. Mme Meggs, Bonjour. Merci pour votre témoignage, votre expérience, votre mémoire. J'aimerais aborder une question avec vous. Vous venez d'y faire référence, vous avez parlé d'une obligation morale, et, dans votre mémoire, à la page cinq, en haut, vous dites : Il est critique que les règles...

M. Morin : ...là, on parle de règles d'immigration, bien sûr, soit claires, transparentes, simples et équitables. Moi, dans les dernières semaines, j'ai reçu beaucoup d'appels dans mon bureau de circonscription, des gens qui sont arrivés ici, qui se sont engagés dans le processus du PEQ, qui amène vers la résidence permanente et qui, là, sont découragés parce que le PEQ a été suspendu. Je comprends qu'il n'y a pas eu de consultation avant la suspension. Je l'ai lu dans le décret le matin où c'est arrivé. Là, les gens ne savent plus quoi faire. Pourtant, quand ils sont venus ici, on leur avait dit : Écoutez, vous pourrez avoir accès à la résidence permanente éventuellement. Il y a des programmes pour ça. Est-ce que le gouvernement de la CAQ a rompu son obligation morale avec des gens qui sont ici?

Mme Meggs (Anne Michèle) : Moi, je trouve que si on met une carotte fraîche devant les gens, que ce soit, comme je l'ai dit dans ma présentation, c'était... ce n'est pas que le gouvernement. Le PEQ est un exemple de comment on a laissé entendre à des gens qui venaient avec un permis temporaire qu'ils pourraient rester. Il y aurait un chemin vers la permanence. Et le fédéral fait la même affaire avec l'expérience canadienne. Ça fait que c'est... Et pourtant, on n'est pas nécessairement transparent avec les gens, que ce soient des agences de recrutement, que ce soient des employeurs, que ce soit même les... qu'on n'est pas transparent, dire : Ce n'est pas tout le monde qui va pouvoir. Il va y avoir des conditions linguistiques, il va y avoir le... tu sais, il faut ci, il faut ça. Il faut être clair dès le début. La transparence, c'est critique pour la population du Québec autant que pour les gens qui arrivent.

M. Morin : Je vous remercie. On parle des temporaires, puis on voit dans les différents nombres d'admissions que ça augmente, que ça augmente. On parle beaucoup du PMI, mais le gouvernement de la CAQ n'a pas contribué à faire venir beaucoup de temporaires sur notre territoire? Est-ce que c'est juste le fédéral?

Mme Meggs (Anne Michèle) : Absolument. Non, non, absolument. Il n'y avait... il n'y avait pas... il n'y a pas jamais eu de plafond sur le nombre de CAQ qui seraient accordés.

M. Morin : Ça, c'est vraiment du Québec. Ça fait qu'après, quand le gouvernement...

Mme Meggs (Anne Michèle) : Oui, donc le PTET puis les études.

M. Morin : Oui, c'est ça. Ça fait qu'après, quand le gouvernement du Québec nous dit : Il y en a trop, bien, les CAQ, ils ne les comptent pas, quand ils les émettent?

Mme Meggs (Anne Michèle) : Excusez-moi?

M. Morin : Bien, c'est-à-dire que s'il y en a trop. Des CAQ, là, le gouvernement, il ne compte pas, ça fait qu'à un moment donné ils se disent : Oh! Oh! Oh! Où on s'en va? il y en a trop, on en émet, on en émet, on n'arrête pas. Après ça, les gens viennent ici, puis là ils se font dire : Ah! mais là, il y en a beaucoup trop. Bien, écoutez, obligation morale à nouveau. Ces pauvres gens là sont venus ici. Ce n'est pas de leur faute, là.

Mme Meggs (Anne Michèle) : Le fédéral ne peut pas donner un permis de travail si, au Québec... dans le PTET, s'il n'y a pas de CAQ.

M. Morin : Bien, voilà.

Mme Meggs (Anne Michèle) : Même chose pour le permis d'études. Mais il y a beaucoup de permis d'études, des gens qui ont un CAQ d'études qui sont refusés. C'est... Donc, on est généreux avec les... On a été généreux avec les CAQ.

M. Morin : Merci. Vous avez parlé aussi du PMI, de le récupérer. En fait, moi, j'ai pris une position publique pour l'opposition officielle il y a plus d'un an, dire : Écoutez, le gouvernement, vous voulez contrôler votre immigration temporaire, bien, récupérez le permis, mais ils ne font pas. Est-ce qu'il y a une raison? Pourquoi est-ce qu'on ne pourrait pas le récupérer en vertu de l'entente Québec-Canada? Il me semble, c'est possible.

• (13 h 10) •

Mme Meggs (Anne Michèle) : Moi, je pense que le Québec peut être assez courageux d'ajouter le permis dans la liste des permis qui exigent le consentement, en ajoutant dans... l'article 12, quelque chose, là, tu sais, qui... des exemptions. Tu sais, on n'a pas peut-être besoin de donner un... consentement sur un permis qui fait partie d'un accord international.

M. Morin : Donc, soyons courageux. Puis s'il y en a qui manquent de courage, bien, il y en a d'autres qui devront reprendre le bâton du pèlerin. Je vous remercie, Madame. Merci beaucoup. Je n'ai pas d'autre question.

Le Président (M. Gagnon) : Vous êtes vraiment dans le temps, M. le député de l'Acadie. On poursuit avec le député de Saint-Henri—Sainte-Anne, deuxième groupe d'opposition. La parole est à vous.

M. Cliche-Rivard : Merci, Mme Meggs, merci aussi de nous partager votre grande expérience, au ministère directement? Je note pour la commission votre livre que j'ai lu avec attention, là, L'immigration au Québec : comment peut-on faire mieux? Très intéressant bouquin. Vous étiez au MIFI longtemps. Là, avec le scénario à 25 000, il y aurait 5000 places pour la réunification familiale, 5000 places avec un backlog de 40 000 au minimum. Ça fait huit ans, huit ans de délai avant l'obtention de la résidence permanente. Du temps que vous étiez au MIFI, avez-vous déjà vu ça, un programme de réunification familiale qui prend huit ans à donner la résidence permanente?

Mme Meggs (Anne Michèle) : Pour être honnête, on ne savait pas vraiment à quel...

Mme Meggs (Anne Michèle) : ...à quel moment les gens recevaient leur résidence permanente. C'est un autre problème, là, parce qu'on ne contrôle pas tout, mais c'est... Et il est évident que si on continue à comme signer des ententes de parrainage, c'est ce qu'on fait, et on donne les CSQ puis... mais on n'augmente pas les seuils de cette catégorie en conséquence, il va y avoir un problème. Et c'est ça qu'on dit.

M. Cliche-Rivard : Le groupe avant vous nous disait 57 ans pour les réfugiés reconnus. Avez-vous déjà vu ça, vous?

Mme Meggs (Anne Michèle) : Mais c'est... On a parlé beaucoup ce matin d'obligation morale puis... Et moi j'aurais voulu voir peut-être des seuils hors quota, comme on dit, pour... comme on a fait avec les investisseurs, là. C'est des riches. Là, on l'a permis, mais pour les familles, je ne... je ne comprends pas tellement. Et je l'ai déjà écrit, ce n'est rien de nouveau ici.

M. Cliche-Rivard : Merci, Mme Meggs, pour votre contribution. Merci beaucoup.

Le Président (M. Gagnon) : Merci beaucoup. On poursuit avec le député d'Arthabaska.

M. Boissonneault : Merci, M. le Président. Merci pour votre présentation. J'aurais une question pour vous sur la recommandation 10. Vous dites examiner la pertinence de délivrer un permis de travail du Québec. Qu'est-ce qui nous empêche actuellement au Québec de donner ce permis de travail là?

Mme Meggs (Anne Michèle) : D'après des experts avec qui j'ai parlé, ce qu'il manque, c'est la législation québécoise pour le faire parce que... au niveau réglementaire. C'est... Ce serait lié au permis de séjour du fédéral. Mais ça... Il n'y a rien qui empêche une province d'émettre un permis de travail.

M. Boissonneault : Donc, le gouvernement pourrait unilatéralement offrir un permis de travail pour s'assurer que les gens qui attendent, là, puissent quand même contribuer.

Mme Meggs (Anne Michèle) : Oui. Je ne suis pas sûre que c'est un gros problème en ce moment, mais c'est... Dans le temps, on attendait longtemps pour les demandeurs d'asile. On s'est dit, bien, tu sais, qu'on... Ce serait enlever un peu de chevauchements avec le fédéral aussi.

M. Boissonneault : Ça serait une suggestion qu'on pourrait faire au gouvernement du Québec actuel. Bien, merci beaucoup.

Le Président (M. Gagnon) : Merci beaucoup, M. le député. Alors, je vous remercie pour votre contribution aux travaux. La commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 14)


 
 

13 h 30 (version non révisée)

(Reprise à 14 h 01)

La Présidente (Mme Poulet) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous allons poursuivre les travaux, les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le cahier de consultation intitulé La planification de l'immigration au Québec pour la période 2026-2029.

Alors, cet après-midi, nous entendrons les organismes suivants : la Fédération des cégeps, l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration, la Fédération des chambres de commerce du Québec, le Regroupement des groupes de parrainage et organismes au Québec et le Centre de réfugiés.

Alors, bienvenue! Je vous invite à vous présenter, et vous avez 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, ça va être une période d'échange. Alors, allez-y, la période est à vous... la parole est à vous.

Mme Montpetit (Marie) : La période et la parole. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, M. le ministre. Mmes, MM. les députés, ainsi que vos équipes qui vous accompagnent, je vous remercie de nous donner l'occasion aujourd'hui de participer à ces consultations.

Je représente donc aujourd'hui la Fédération des cégeps, qui regroupe les 48 établissements publics d'enseignement collégial du Québec. Je suis accompagné de Manon Couturier, directrice générale du cégep de Baie-Comeau, et d'Annie-Claude Laflamme, présidente du comité des affaires internationales de la Fédération des cégeps et directrice adjointe des études et de la vie étudiante du cégep de Jonquière.

Donc, depuis près de 60 ans, les cégeps incarnent un modèle...


 
 

14 h (version non révisée)

Mme Montpetit (Marie) : ...de réussite, présents dans toutes les régions du Québec, qui transmettent le savoir, la culture, la langue française. Ils sont des lieux d'apprentissage, mais aussi des ancrages régionaux essentiels. Les cégeps jouent ainsi un rôle central dans l'accueil, dans la francisation et dans la rétention des personnes immigrantes. Le Commissaire à la langue française, M. Dubreuil, l'a d'ailleurs reconnu hier lors du dépôt de son rapport, les cégeps se distinguent par l'intégrité et la rigueur de leur processus d'accueil et de sélection. Il a salué la qualité de leurs pratiques qui s'appuient sur des critères clairs et éthiques. C'est une reconnaissance importante, parce qu'elle confirme ce que nous disons depuis des mois : Le recrutement international, dans les cégeps, est maîtrisé, transparent et responsable.

Donc, pour qu'ils continuent à jouer leur rôle stratégique d'intégration et de transmission de notre culture, les politiques d'immigration doivent s'appuyer sur des règles claires, prévisibles et cohérentes. Les nombreux ajustements des derniers mois aux règles d'accueil des étudiants internationaux ont envoyé un message ambigu et ont fragilisé notre positionnement à l'international. Corriger la mauvaise presse du Québec à l'international devient aujourd'hui un défi majeur. Déjà, nous voyons les effets d'une perception qui s'étiole, confusion dans les réseaux partenaires, perte d'intérêt de la part des étudiants internationaux, alors même que la concurrence à l'international s'intensifie. Je porte à votre attention qu'une étude de Moody's, publiée en juillet dernier, souligne d'ailleurs que le Québec est désormais la province la plus restrictive au pays pour les étudiants internationaux. Avec les demandes d'admission dans nos cégeps qui ont chuté de 53 % pour l'automne 2025, c'est un enjeu de plus qui s'ajoute dans un réseau déjà sous pression, avec notamment un gel du recrutement et des coupes de 151 millions de dollars.

Nous comprenons les objectifs du gouvernement : assurer la vitalité du français, renforcer l'identité québécoise et maintenir un équilibre démographique durable. Mais certaines mesures appliquées mur à mur risquent d'affaiblir et de nous éloigner de ces mêmes objectifs. C'est pourquoi nous voyons dans cet exercice de planification de l'immigration une occasion précieuse de corriger le tir. Aujourd'hui, nous formulons donc trois recommandations pour garantir que les cégeps puissent continuer à jouer leur rôle stratégique pour le Québec. La fédération recommande d'exempter les 48 cégeps de l'application des quotas de CAQ pour études, de rétablir l'admissibilité au permis de travail potsdiplôme de tous les programmes offerts dans le réseau collégial public et finalement de ramener le Programme de l'expérience québécoise, le fameux PEQ, volet Diplômés sans modification dans les conditions d'admissibilité.

Mme la Présidente, les cégeps recrutent à l'international de façon responsable, contrôlée et éthique. Cette démarche a été reconnue, appuyée et même, je vous dirais, sollicitée par le gouvernement du Québec. Les cégeps ne cherchent pas à accroître le nombre d'étudiants internationaux de façon importante, ils priorisent les étudiants québécois et un recrutement modéré et équilibré qui enrichit les milieux d'apprentissage tout en assurant une mixité et des conditions d'intégration favorables. Ce recrutement ciblé assure la vitalité de programmes essentiels, notamment en région, des programmes souvent menacés faute d'une masse critique d'étudiants québécois. Il répond aussi aux besoins du marché du travail dans des secteurs, dont plusieurs sont en pénurie, en formant une main-d'œuvre francophone qualifiée et bien intégrée. Cette année, nous estimons que les étudiants internationaux représentent moins de 4,5 % de la population étudiante à temps plein du réseau. Pourtant, les quotas de CAQ pénalisent les cégeps, alors qu'ils visaient des dérives observées ailleurs.

Je tiens à le rappeler, les étudiants internationaux que nous accueillons dans les cégeps ne permettent pas de jouir d'un gain financier. Leur contribution est culturelle, sociale, économique, linguistique. Ils sont francophones et francophiles et pour diplômés de la formation régulière doivent réussir l'épreuve uniforme de français, prouvant ainsi leur maîtrise de notre langue. Ces étudiants sont tout ce que M. le ministre a déjà qualifié de personnes immigrantes idéales. Imposer des quotas aux cégeps, c'est se tromper de cible, c'est nuire à un réseau allié du gouvernement, d'autant plus que la répartition actuelle est inéquitable, un tiers des quotas a été accordé au réseau public et deux tiers au réseau privé. Trois collèges privés à eux seuls reçoivent plus de places que l'ensemble des 48 cégeps. Et, en formation continue, l'écart est encore plus flagrant :11 % pour le réseau public et 89 % pour le réseau privé.

Comme je vous l'ai dit, ces quotas menacent directement des programmes essentiels qui permettent de répondre aux besoins urgents du marché du travail. Au cégep de Thetford, des programmes comme informatique et soins infirmiers sont fragilisés. Au cégep de Baie-Comeau... une dizaine d'étudiants français, technologies forestières ne démarrent pas. Au cégep de Matane, les quotas menacent 25 ans de rayonnement international, et ce ne sont que quelques exemples. Ailleurs, les impacts se traduisent en perte de programme, en atteinte...

Mme Montpetit (Marie) : ...atteinte à la réputation, en lourde charge administrative et humaine. Notre demande d'exemption n'est donc pas un privilège, mais une reconnaissance du rôle particulier des cégeps pour l'identité québécoise et le développement régional.

En second lieu, la Fédération des cégeps recommande de rétablir l'admissibilité au permis de travail postdiplôme pour tous les programmes du réseau collégial public. Ici encore, les cégeps sont mêlés à un problème d'intégrité des programmes d'immigration dont ils ne sont pas responsables. Dans ce cas-ci, ces problèmes ont été détectés par le gouvernement fédéral dans des établissements majoritairement situés en Ontario et non pas dans nos cégeps. La liste des programmes d'études maintenant admissibles au permis de travail postdiplôme découle d'analyses au fédéral fondées sur des besoins fédéraux, mais qui ne répondent pas au contexte québécois ni à celui des régions.

Concrètement, ça signifie que le gouvernement fédéral décide lesquels de nos étudiants auront le droit de rester travailler au Québec après leurs études. Résultats, plus de 55 programmes techniques sur 112 pourraient ne pas être admissibles au permis de travail postdiplôme, alors que le Québec manque de main-d'œuvre dans plusieurs de ces secteurs. Pourtant, près de 90 % des diplômés internationaux des cégeps occupent un emploi trois ans après leurs études, un taux supérieur à la moyenne canadienne. Ces jeunes formés, je le répète, en français, intégrés à nos communautés et prêts à contribuer au Québec, nous les perdons pour des raisons purement administratives.

Le permis de travail postdiplôme fait partie du Programme de mobilité internationale pour lequel Québec envisage de demander une réduction de 50 % au fédéral. Nous recommandons ici au gouvernement d'adopter une approche prudente et fondée sur des données sectorielles et régionales avant toute réduction afin d'éviter des effets indésirables.

Enfin, nous recommandons le maintien du Programme de l'expérience québécoise, volet Diplômés. Le PEQ est un... volet Diplômés, est un outil stratégique. Il est simple, il est efficace. Il fait l'unanimité en l'enseignement supérieur. Il contribue surtout, directement, à l'établissement durable de jeunes francophones formés au Québec. Chaque modification récente a semé la confusion et freiné l'attractivité du Québec. Suspendre ce programme serait une erreur. Le PEQ doit demeurer tel qu'il est, une voie claire, crédible et prévisible vers la résidence permanente pour ceux et celles qui ont prouvé leur attachement au Québec en y étudiant en français et en y vivant plusieurs années.

Chers membres de la commission, les défis sont nombreux et la baisse des étudiants et des étudiantes internationaux s'ajoute à une série de décisions qui fragilisaient déjà le réseau des cégeps. Accueillir des étudiants venus d'ailleurs et favoriser la mobilité des nôtres, c'est élargir nos réseaux, stimuler notre économie et renforcer le rayonnement et l'identité francophone du Québec. Les cégeps sont au cœur de cette dynamique. Miser sur eux, c'est investir dans l'intégration réussie et dans un rayonnement durable. Le Québec doit demeurer un territoire qui attire, qui forme et qui retient, un territoire prévisible et cohérent en matière d'immigration. La Fédération des cégeps est prête à contribuer à des politiques publiques équilibrées, prévisibles et durables. Voilà pourquoi nous vous invitons à considérer nos recommandations. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci beaucoup. Alors, on va procéder aux périodes d'échange. M. le ministre, la parole est à vous pour une période de 16 minutes 30 secondes.

• (14 h 10) •

M. Roberge : Merci bien. Merci pour votre présentation, très étoffée. Merci aux cégeps de participer à l'effort de francisation, comme vous le faites aussi comme partenaires privilégiés de Francisation Québec, on apprécie beaucoup votre collaboration puis l'effort que vous faites, notamment dans ce secteur-là, mais pas seulement. Pour ce qui est des étudiants étrangers, vous voulez une approche prudente, vous voulez, je vous dirais, poursuivre ce que vous faites ou ce que vous faisiez avant la loi n° 74, mais je sens une nuance entre les cégeps puis les cégeps privés ou les collèges privés. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi?

Mme Montpetit (Marie) : Tout d'abord, vous me permettrez de souligner que tous les cégeps sont.. sont publics, les 48 cégeps sont publics. Je ne le mentionne pas pour vous reprendre, évidemment, mais parce que c'est une faute commune qu'on entend souvent, donc ça me permet de corriger pour les gens qui... qui nous entendent. Bien, je vous dirais... Écoutez, je ne veux pas faire le procès de qui que ce soit, mais nous avons eu des échanges dans le cadre du projet de loi n° 74, effectivement, en amont de ce projet-là, à l'automne dernier, puis on a eu plusieurs... on a eu l'occasion d'avoir quelques échanges aussi entre temps, la situation n'est pas... n'est pas la même au niveau du recrutement qui a été fait. Vous serez à même de constater plusieurs données qui sont dans le mémoire, qu'on vous invite, évidemment, à consulter si ce n'est pas déjà fait, qui démontrent la progression qu'il y a eu aussi au niveau des cégeps, où le recrutement international s'est fait particulièrement pour répondre notamment à des appels du gouvernement, pour des réponses, par exemple, à des programmes de main-d'œuvre très, très spécifiques. Donc, c'est pour ça qu'on...

Mme Montpetit (Marie) : ...nomme le fait que c'est un recrutement qui est... qui est très contrôlé, qui est très responsable aussi, tant au niveau de l'accueil qu'au niveau de l'intégration de ces... de ces étudiants, très contrôlé aussi. Donc, c'est la raison pour laquelle on était sous l'impression, effectivement, dans les échanges qu'on avait eus et dans les déclarations qui avaient été faites publiquement par... tant par vous que par le premier ministre, que les cégeps ne seraient pas touchés par les quotas, ne seraient pas touchés par les... le projet de loi n° 74, ce qui, finalement, n'a pas été le cas... ce qui, finalement, a été le cas, je devrais dire. Mais malheureusement ça crée une situation qui est très difficile pour... pour plusieurs cégeps, d'avoir une restriction au niveau du recrutement à l'international. Et je quand même souligne que Benoit Dubreuil, le Commissaire à la langue française, hier, a été quand même assez éloquent. Il est allé visiter directement sur le terrain plusieurs cégeps, un peu plus d'une dizaine de cégeps. Et ses recommandations, hier, étaient quand même assez limpides au niveau des quotas, à savoir que, minimalement, il fallait les augmenter par rapport au nombre actuel.

Donc je vous dirais que, premièrement, la démonstration a été faite qu'il n'y a pas eu d'abus, il n'y a pas eu du recrutement massif, que c'est très chirurgical, la façon dont le recrutement est fait dans les cégeps. Mais non seulement, effectivement, ça nous restreint au niveau de recrutement-là, avec toutes sortes de difficultés, je me permets de les nommer, où, par exemple, les renouvellements, je ne veux pas être trop technique, mais vous le savez, les renouvellements de ceux acquis doivent être... doivent être intégrés dans ces nombres-là, alors que ça vient créer un enjeu au niveau de la prévisibilité, parce qu'on ne sait pas nécessairement quand un qui est acquis devra ou ne devra pas être renouvelé, le nombre qu'on doit garder. Donc, ça amène toutes sortes de difficultés pour... pour permettre justement ce recrutement.

M. Roberge : Merci. Vous nous parlez du programme du PEQ diplomé, le programme expérience québécoise. Vous semblez le privilégier par rapport au PSTQ, le nouveau programme de sélection des travailleurs qualifiés qui, lui, peut donner beaucoup de points pour les diplômes du Québec, pour la connaissance du français, pour les études réalisées en région et qui implique une expérience de travail. Je comprends, puis vous me l'expliquerez, que l'idée de donner la résidence à la diplomation est un incitatif important pour attirer des étudiants. Est-ce que ce n'est pas normal pour un état de dire : Bien, je veux m'assurer que la personne occupe un emploi puis d'attendre un peu, de lui donner ce permis de travail postdiplôme, de lui permettre de voir, là, si elle s'intègre au marché du travail puis, après ça, de dire : Parfait. Tu as des points pour la diplomation, tu as des points pour la régionalisation et tu as une expérience de travail. Et donc voici, on régularise, là, cet immigrant, ou plutôt on lui donne la permanence. Qu'est-ce que vous pensez de l'idée d'avoir l'expérience de travail? Est-ce que ce n'est pas normal pour un état de vouloir ça?

Mme Montpetit (Marie) : Bien, c'est une question fort pertinente que vous posez. Nous, notre point de vue, c'est que le fait qui valide qu'on est est justement un outil qui fonctionne bien en termes de... de que ce soit en termes d'attractivité, c'est une voie qui est claire, qui est limpide, qui permet justement d'avoir un effet d'attractivité, je pense notamment à nos étudiants qui sont par exemple dans des techniques ou... Donc, c'est une dynamique qui est quand même assez différente aussi de peut être d'autres réseaux. Dans notre cas, la démonstration elle est faite que ça, que ça fonctionne bien. Et donc c'est la raison pour laquelle on plaide pour le maintien justement du PEQ dans sa forme actuelle.

Mme Laflamme (Annie-Claude) : Et si je peux ajouter quelque chose, on a aussi le programme de sélection en fait, qui reste un programme de sélection. Donc, les étudiants vont être invités à déposer ou pas une demande de sélection par la suite. Ce qui nous plaît du PEQ, c'est que c'est une voie directe vers... vers le CSQ, et on vient cibler une clientèle qui est directement celle qui est encouragée, donc une immigration, comme le disait Mme Montpetit, qui... qui veut être francophone, formée, compétente aussi et qui va être déjà intégrée dans la société québécoise. Suite à trois ans de DEC technique dans nos... dans nos cégeps, les étudiants et les travailleurs, les nouveaux travailleurs, savent comment nos entreprises fonctionnent. Ont déjà, suite à leurs stages, souvent des... des demandes et des propositions d'emploi. Et le PSQ, aussi, ensuite, s'ils ne peuvent pas travailler parce qu'ils n'ont pas, par exemple, de permis de travail, postdiplôme, ils ne pourront jamais prouver qu'ils ont travaillé et ensuite avoir accès à ce... à ce permis de travail. Donc, c'est la distinction qu'on voulait faire.

M. Roberge : Je comprends que vous, vous appréciez le fait que ce soit automatique, comme on l'avait avant. Juste une petite nuance, avant de céder la parole, parce que j'ai des collègues qui veulent poursuivre avec vous, pour les cégeps, et c'est un... je comprends que... cégeps publics. Les cégeps sont publics. Vous avez bien raison...

M. Roberge : ...l'a souligné. La baisse des CAQ, des quotas est essentiellement attribuable aux programmes très courts, les attestations d'études collégiales. Ce que je comprends, c'est qu'on n'a pas fait ça. Ces quotas-là, ces baisses-là ou cette reprise de contrôle là dans les préuniversitaires ou les techniques particulièrement en région, mais les attestations d'études collégiales, on a voulu se questionner parce que, ce qu'on comprend ces textes, c'était que... c'est des études qui sont très, très courtes pour donner ensuite la résidence à des personnes.

Mais je suis ouvert à continuer à en discuter. Puis je vais permettre à mes collègues de poursuivre les échanges avec vous. Je vous remercie. Mais vous pouvez dire un mot, mais je vais laisser mes collègues poursuivre.

La Présidente (Mme Poulet) : Oui, Mme la députée de Vimont, la parole est à vous.

Mme Montpetit (Marie) : Ah, si vous me permettez, Mme la Présidente, peut-être que ma collègue avait quelque chose à ajouter sur les CAQ, peut-être pour l'imager... sur le terrain. Merci. Pardon.

La Présidente (Mme Poulet) : Bien sûr. Merci.

Mme Couturier (Manon) : Bien, en fait, la reprise de contrôle, puis j'ai le goût... malgré le respect, là, j'ai le goût de la remettre en question, en ce sens qu'il n'y avait pas eu de perte de contrôle au niveau du recrutement dans les cégeps publics. Donc, cette baisse-là, elle vient un peu de rendre plus difficile un recrutement qui n'était déjà pas facile. On s'entend, pour convaincre quelqu'un de venir étudier à Baie-Comeau ça prend toute... ça prend une grande qualité d'intervention de notre côté. Et il y a un message qui vient d'au-dessus de notre tête, qui vient un peu dire : Bien, cette grande qualité-là d'intervention, elle n'a pas... elle n'a pas eu de poids. Donc, cet impact-là, il est notable. C'est l'imprévisibilité aussi, c'est plus dans l'imprévisible que ça rend les choses difficiles.

Et même... même pour les AEC, lorsqu'on a des gens issus de l'international qui viennent travailler chez nous, qui sont des travailleurs et qui ont besoin de se former, mais les AEC pourraient venir contribuer justement à faciliter leur intégration au Québec, ce qu'on ne peut pas faire parce qu'on n'a pas un nombre d'AEC suffisant, parce qu'on s'est fié au passé. Mais, en tout cas, à partir... depuis que je suis gestionnaire, le passé n'est pas toujours garant de l'avenir, ça fait qu'il y a un danger de se baser sur des données passées pour prévoir l'avenir. Donc, puis dans un milieu où les gens sont peu scolarisés, là, on ne se le cachera pas, la Côte-Nord, là, c'est un milieu qui est en dévitalisation puis qui est plus scolarisé, mais de favoriser... qu'il y ait plus de gens scolarisés, que les études supérieures soient un peu avantagées dans un processus d'immigration, mais je crois que c'est quelque chose qu'il faudrait prendre en considération.

M. Roberge : Merci. C'est un intéressant complément d'information.

La Présidente (Mme Poulet) : Mme la députée Dumont.

Mme Schmaltz : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames. Merci d'être présentes. C'est bien toujours d'avoir en présentiel aussi des gens, c'est plus vivant, disons.

Je voudrais revenir si vous... Il me reste combien de temps?

La Présidente (Mme Poulet) : Il reste 7 min 11 s.

Mme Schmaltz : Parfait. Excellent. OK. Francisation. En page 10 et 11, vous mentionnez l'importance de maintenir accroître la place des cégeps dans l'écosystème, la francisation. Francisation Québec a instauré des lieux avec... des lieux de concertation avec ses partenaires. Niveau service aux individus, c'est une vingtaine de cégeps qui collaborent aussi, dont plusieurs en régions, donc j'imagine que vous faites partie des... des régions, comme on l'a mentionné. On parle... en 2024-2025, c'est quand même une donnée intéressante, les cégeps ont accueilli près de 17 % de la clientèle de Francisation Québec, soit 15 000, environ 15 000 personnes. C'est quand même un chiffre intéressant. Il y a eu des contrats de service aussi. De quelle façon vous aimeriez que ce soit encore plus davantage exploité, disons, le... votre demande, de quelle façon? Parce que vous semblez vouloir un peu plus de... peut-être de services. Ou c'est quoi exactement ce que vous aimeriez... aimeriez avoir de plus pour... pour vous... pour vous aider?

Mme Montpetit (Marie) : Mais c'est sûr que je vous dirais que dans le... dans le mémoire, l'aspect francisation auquel on faisait référence, c'était surtout pour, justement, les... dans le cadre des étudiants internationaux, du fait qu'il y a un... puis je répondrai à votre question également plus largement, mais sur le fait que le réseau collégial, les cégeps comme tels permettent d'avoir un socle de culture qui est... qui est commun aussi au niveau de la formation générale, permettent d'avoir des cours de français, il y a l'épreuve uniforme de français, c'est en ce sens là qu'on parlait du rôle important que jouent les cégeps, en fait, pour accueillir des étudiants internationaux, les former, les diplômer aussi dans un contexte où la francisation, le français est mis de l'avant.

Au niveau plus largement de la contribution à la francisation. Effectivement, il y a de nombreux cégeps qui collaborent. On a travaillé avec M. le ministre, d'ailleurs, à... même de travailler encore davantage pour que le réseau collégial puisse contribuer. Puis ça, on est très fiers de le faire, ça se fait dans... dans toutes les régions, là, aussi dans les grands centres urbains et semi-urbains. C'est sûr qu'il y a certaines complexités, je vous dirais, au niveau... c'est plutôt administratif par exemple.

Mais un des enjeux qu'on a, qui va... qui nous rattrape très rapidement, vous nous avez certainement entendus aussi à la rentrée collégiale, il y a quelques...

Mme Montpetit (Marie) : ...sur les... le fait qu'à l'heure actuelle on est dans l'année, en près de 60 ans d'existence, où il n'y aurait jamais eu autant d'étudiants dans le réseau collégial, donc près de 195 000 étudiants. Donc, ça amène une certaine pression aussi sur les espaces, sur nos infrastructures, sur la disponibilité des locaux. Donc, c'est sûr qu'au niveau de la francisation ça demeure un défi. À chaque fois qu'on souhaite ajouter, que ce soit au niveau de la formation continue, au niveau de la requalification des travailleurs, par exemple, bien, au niveau de la francisation, le défi demeure l'utilisation des espaces qui sont disponibles. Donc, vous nous... Tu sais, vous nous avez entendus dans nos représentations sur les besoins qu'on a d'ajout d'espaces, de nouvelles infrastructures, de maintien aussi de nos... de nos infrastructures actuelles. Ça fait partie des défis que l'on a là, au niveau de la francisation notamment, là.

Mme Schmaltz : Vous franciser aussi des travailleurs, des travailleuses en entreprise, des gens qui viennent suivre des cours de francisation à temps partiel. Est-ce que ça fait partie aussi de votre... de ce que vous offrez au niveau de la francisation? Est-ce que vous l'offrez?

Mme Montpetit (Marie) : Bien, il y a toutes sortes de cours, effectivement...

Mme Schmaltz : Non, mais je parle des étudiants étrangers, mais ceux qui sont déjà là, qui ont besoin de se franciser, qui sont en entreprise. Est-ce qu'il y a ce volet aussi que vous... que vous offrez?

Mme Montpetit (Marie) : Bien, la francisation peut prendre différentes formes, effectivement, ça peut être fait en collaboration avec des travailleurs dans certaines entreprises.

Mme Schmaltz : Est-ce que vous avez bénéficié... Je pense, l'année dernière, la ministre de la Famille, qui était Suzanne, Suzanne Roy, avait instauré un projet pilote dans les cégeps pour accompagner souvent les les parents de jeunes enfants, donc des services de garderie, etc., pour les soutenir parce que l'enjeu était souvent de... d'avoir de la difficulté à suivre une formation parce que les enfants étaient jeunes. Est-ce que vous avez bénéficié de ce service-là?

• (14 h 20) •

Mme Laflamme (Annie-Claude) : En fait, les services de francisation sont généralement offerts dans les centres de services scolaires. Les cégeps, nous, on peut donner un appui de par nos formations continues. Certains cégeps ont aussi, par exemple, des centres... des centres de formation en langues. Au Cégep de Jonquière, par exemple, on a un centre linguistique qui va offrir des services sur mesure en francisation pour les entreprises. Mais la francisation, en tant que telle, est offerte, là, chez nous par les centres de services scolaires. Quand on parle de francisation, en fait, on veut parler davantage d'un allié pour le développement puis la conservation de la langue française au Québec. Parce qu'au cégep, comme le disait d'entrée de jeu Mme Montpetit, il y a quatre... quatre cours de français qui sont obligatoires pour tous nos étudiants et, ensuite, il y a l'épreuve uniforme de français qui doit être passé en fin de cursus scolaire. Il y a aussi un niveau minimum d'entrée de français, donc tous les étudiants internationaux qui arrivent dans nos... dans nos cégeps doivent avoir un niveau minimal de français, donc B2 ou C1. Donc, on n'a pas de francisation en tant que telle à faire à nos étudiants parce qu'ils arrivent déjà avec un niveau minimal, sinon ils ne peuvent pas avoir accès, là, aux études, aux programmes de... programmes réguliers, en fait, dans nos cégeps.

Mme Schmaltz : Outre la francisation, quels sont les services aussi que vous offrez aux étudiants étrangers? J'imagine qu'il y a plusieurs... plusieurs offres... vos paniers de services.

Mme Laflamme (Annie-Claude) : Oui, je peux... Effectivement, c'est... En fait, ça fait plus de 20 ans qu'on reçoit des étudiants internationaux dans nos cégeps de région. Je peux parler particulièrement pour ce que je connais, les cégeps hors des grands centres urbains. On a mis sur place toute une stratégie d'accueil, d'inclusion qui passe à la fois par la formation de nos enseignants sur la pédagogie interculturelle, par des conseillers à la vie étudiante qui vont les accueillir jusqu'à l'aéroport, les intégrer chez nous, travailler aussi sur nos jeunes Québécois pour l'ouverture, l'interculturel. Donc, nos cégeps investissent énormément pour faire de cette expérience d'études là une expérience de vie et pour former aussi des jeunes Québécois à une ouverture interculturelle par la venue de nos étudiants internationaux qui viennent étudier dans nos... dans nos établissements.

Mme Schmaltz : OK. Est-ce que vous pouvez peut-être davantage expliquer les autres services autour de l'étudiant? Parce que, là, si je comprends, vous avez... vous allez les chercher à l'aéroport, c'est ça? Oui?

Mme Laflamme (Annie-Claude) : Oui.

Mme Schmaltz : Il y a une prise en main, finalement, de l'étudiant. OK.

Mme Laflamme (Annie-Claude) : Oui, il y a une prise en charge complète et totale, donc on les... on les amène jusqu'à chez nous. Il y a une programmation d'accueil qui leur est offerte pendant une... pendant une semaine, jusqu'à deux semaines, où on leur... on leur apprend à apprendre au Québec aussi, parce qu'on change de milieu d'éducation, de pédagogie, de façon de faire. Donc, on les... on les prépare à intégrer, là, les études, les études au Québec, on leur offre aussi...

La Présidente (Mme Poulet) : Merci beaucoup.

Mme Laflamme (Annie-Claude) : Merci.

La Présidente (Mme Poulet) : On va poursuivre les échanges avec le député de l'Acadie pour une période de 12 minutes 23 secondes.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente...

M. Morin : ...bon après-midi. Merci d'être là. Merci également pour le mémoire que vous avez produit à la commission. C'est très apprécié. J'ai quelques questions pour vous. Dans votre mémoire, à la page 18, vous parlez des quotas de CAQ — évidemment, pour les gens qui nous écoutent ici, ce n'est pas la CAQ, c'est des quotas de CAQ, dont des certificats d'acceptation Québec, c'est autre chose — et vous dites : «La mise en place de quotas par cégep et par type de programme est une ingérence dans l'autonomie des cégeps pour l'établissement de leurs priorités en matière de gestion et de leur offre éducative et d'attraction d'étudiants et d'étudiants internationaux.»

Donc, ce que j'aimerais que vous puissiez nous expliquer davantage, d'abord, avez-vous été consultés avant que ce soit... ça rentre en place? Parce que je vous ai écouté attentivement, vous nous avez dit que la prévisibilité, c'est un élément effectivement très important dans le domaine de l'immigration. Est-ce que vous en avez assez de quotas? Et quel est l'impact de ça? Est-ce que ça pourrait, par exemple, mettre en péril une offre éducative dans certaines régions ou dans certains cégeps?

Mme Montpetit (Marie) : Merci pour votre question, M. le député. Bien, les quotas de CAQ, quand ils ont été... quand ils ont commencé à être nommés, je dirais, par le gouvernement, l'objectif qui a été nommé publiquement, autant publiquement, que dans les échanges qu'on a eus avec eux, c'était pour corriger des abus qu'on avait vus dans certains réseaux et qui ne sont pas... qui n'est pas celui des cégeps, parce que vous avez toutes les données en main dans le mémoire, qui démontrent à quel point, justement, c'est un... c'est des recrutements au niveau des étudiants internationaux qui ont été faits dans les cégeps, qui sont très, très, très ciblés. Il y a un premier décret, en effet, qui a été rendu public au mois de février, si ma mémoire est bonne, qui a dû être corrigé justement parce qu'il y avait certaines hérésies, certaines erreurs. Parce qu'il n'y avait pas eu de consultation, justement, du réseau, il y a un deuxième décret qui a été émis par la suite. Mais c'est sûr que, nous, on a toujours travaillé comme des partenaires avec le gouvernement en termes de recrutement d'étudiants internationaux, justement, comme je le nommais un peu plus tôt pour répondre à des opérations main-d'œuvre, pour répondre vraiment à des besoins régionaux. Et c'est dans cette optique-là que, nous, on veut... on souhaite continuer de travailler.

• (14 h 30) •

Et quand vous faites référence à la question de l'autonomie, je nommais d'entrée de jeu, tout à l'heure, dans mon allocution de départ, que les 48 cégeps ont été mis en place dans une perspective d'accessibilité à l'enseignement supérieur, mais aussi de développement... de développement économique, d'occupation du territoire. Ils ont cet ancrage-là régional qui est très, très fort, que ce soit avec les entreprises locales notamment, et donc le développement des programmes... lien est une réponse aussi justement à la fluctuation d'un marché qui peut changer, on le sait très bien, on en parle souvent à quel point la transition dans le marché du travail évolue, évolue rapidement. Donc, on souhaite conserver une autonomie puis une agilité aussi d'aller recruter dans certains programmes par rapport à d'autres. D'une année à l'autre, ça va changer. Et les quotas amènent des restrictions par rapport à cette agilité et à cette autonomie de répondre justement à des besoins... besoins locaux.

rai    Je laisse ma collègue, je suis certaine, qui peut aussi compléter aussi cette réponse-là avec une réalité bien propre à Baie-Comeau, dans son cas.

Mme Couturier (Manon) : Bien, en fait, j'aurais le goût de donner des chiffres pour essayer d'imager un peu les impacts que ça peut avoir. Là, je vais utiliser Sept-Îles. À Sept-Îles, ils ont eu 65 CAQ. Avec 65 CAQ, ils ont recruté 23, 25... 23 nouveaux plus 12 renouvellements. Présentement, aujourd'hui, là ils sont à 35, ça a l'air de bien aller. Mais là on ne sait pas combien il va y avoir de gens qui vont demander des renouvellements entre maintenant et février 2026. Donc là, il faut se garder dans une boule de cristal pour dire : Combien je vais avoir de renouvellements? Historiquement, on en a autour de six, puis là le MIFI a demandé : Bien, peut-être qu'on aurait un sept autres à ajouter, puis il y a même un potentiel de 14 à ajouter. Donc, on est rendus avec 15 CAQ en recrutement. Mais on se rappelle qu'on en a recruté 23 l'année passée. Donc, Sept-Îles part avec un recrutement, avec un manque à gagner de CAQ.

Là, qu'est-ce qu'il faut qu'ils fassent? Est-ce qu'ils disent à leurs étudiants qui ont besoin d'un renouvellement : Attends un peu, demande-le juste après février 2026, demande-le juste en janvier pour qu'on puisse... Vous comprenez que cette gymnastique-là, d'essayer de prévoir l'imprévisible, ça demande à des gens de faire du travail qu'ils feraient... ils seraient beaucoup plus utiles à faire autre chose, nos registraires, que d'essayer de nous aider à deviner combien on va avoir de renouvellement. Donc, concrètement, c'est ça que ça veut dire, c'est qu'on essaie de deviner combien on va avoir besoin de gens pour renouveler et on part recruter avec on ne le sait pas trop. Puis là les données qu'on retrouve sur le site, ce n'est pas exactement les données qu'on trouve dans notre registraire. Donc, c'est même très difficile de savoir exactement le portrait de nos CAQ restants. Donc, on est dans de l'administratif que je trouve un peu inutile...


 
 

14 h 30 (version non révisée)

Mme Couturier (Manon) : ...quand on regarde la vraie mission des cégeps, hein, la vraie mission des cégeps, c'est de favoriser l'apprentissage, favoriser l'apprentissage de la langue française. L'intégration au Québec, quand on parle d'immigration. Et là on met beaucoup de temps pour quelque chose qui est... qui est imprévisible puis qui... si on avait une certaine latitude, on serait capable de tout simplement mettre nos registraires sur des tâches beaucoup plus utiles pour l'ensemble de notre cégep.

M. Morin : Je vous remercie beaucoup pour cet exemple qui est très, très concret puis qui explique bien, quant à moi, les défis que vous devez relever. Bien, si je vous ai bien compris, alors là, c'est difficile d'évaluer le nombre exact. Donc, vous avez dit... Vous ne savez pas si vous allez demander, par exemple, à des étudiants d'attendre ou de demander un renouvellement tout de suite, mais je me mets à la place de l'étudiant, lui, qui reçoit cette nouvelle-là, il... ça doit être assez stressant. Qu'est-ce qu'il fait?

Mme Couturier (Manon) : Bien, clairement que tout ce qu'on dit là, c'est un niveau de stress de nos étudiants, puis on le sait que les cerveaux humains n'apprennent pas très bien sous stress. On regarde en neurosciences sur les données qu'on a, le stress, ça n'aide pas l'apprentissage. Ça fait que c'est ça qu'on rajoute au niveau de stress, on les accompagne, là, il faut... Il faut dire qu'on les connaît tous par leur prénom, là. Nos équipes les connaissent, les accompagnent. Et je n'ai pas de contrôle sur le fait que l'étudiant ferait la demande quand même ou pas. Donc, on peut recommander des choses, mais on s'entend que souvent ce sont des adultes qui vont faire leurs démarches eux-mêmes parce qu'ils vont sur le site et ils font leur demande. Donc, on a très peu de contrôle là-dessus.

Donc, il se pourrait qu'on ait des étudiants qui essaient... Puis là, encore une fois, là, on crée des ententes avec des lycées, on crée des partenariats de confiance, on a des jeunes qui pourraient arriver pour faire une demande de CAQ, pour venir étudier chez nous, qui se ferait... la réponse : Bien, il n'y a plus de place à Baie-Comeau. Ah! tiens, je vais aller voir. Ah! par Lasalle, il en reste tout plein. Je vais aller à Lasalle. Donc, ce qui serait malheureux, c'est de finir par dire à des étudiants : Bien, attends un peu plus tard, en février, tu pourras faire ta demande. On s'entend qu'à 17, 18 ans, la patience, ce n'est pas notre grande qualité. Donc, on risque d'avoir des jeunes qui font des choix d'aller ailleurs que dans nos régions pour étudier. Puis c'est ça qui nous inquiète beaucoup depuis le début de ces... de ces quotas-là qui ont été nommés.

Mme Montpetit (Marie) : J'aurais envie de...

M. Morin : Oui, allez-y.

Mme Montpetit (Marie) : Si vous permettez, M. le député, d'ajouter... l'enjeu fondamental, c'est qu'une politique aussi doit répondre à un problème. Puis ce qui a été, je pense, convenu par tous, c'est que le problème, il n'est pas dans les cégeps, puis je réfère encore au commissaire à la langue française, hier, qui a été très élogieux du Réseau des cégeps, sur l'intégrité, justement, de nos processus de recrutement, de nos processus d'accueil, de nos processus d'accompagnement, sur le fait qu'on devrait même avoir une marge de manœuvre supplémentaire pour recruter des étudiants internationaux, parce que, justement, on les forme dans des contextes de mixité, dans des contextes francophones.

Le fait de mettre des quotas dans un réseau, justement, qui assure une occupation du territoire, un développement économique régional, c'est un frein en ce sens-là. Donc, on s'éloigne même des objectifs primaires qui sont recherchés par ces... par ces politiques. Donc, le mur-à-mur, une mesure paramétrique pour l'ensemble des réseaux, dans ce cas-ci, elle vient freiner certaines régions qui sont en dévitalisation ou à risque de dévitalisation de recruter.

Et la réponse qu'on entend à l'heure actuelle, c'est : Oui, mais les quotas de certains cégeps, par exemple, n'ont pas été complétés, n'ont pas été remplis. Et ça, dans le... puis je ne veux pas rentrer nécessairement dans les... dans la technicalité, mais il y a toutes sortes de raisons. Un, il y a... Il y a le fait que la réputation du Québec a été mise à mal. On le voit très bien, nous, dans nos échanges avec les partenaires, de voir qu'il y a une diminution, je vous le nommais, là, 53 % de moins de demandes d'admission en un an. Bien, le projet de loi n° 74 n'est pas... Ce n'est pas juste les réformes du Québec, là, celles du fédéral ont aussi nui à la réputation de l'accueil du Canada et du Québec. Bien, c'est sûr que la question du projet de loi n° 74 est venue aussi causer problème, la suspension du PEQ notamment aussi, mais aussi toute la façon dont ça a été appliqué au niveau du calendrier. Le calcul a débuté alors que les quotas de CAQ, on les avait déjà... on les avait déjà... certains avaient déjà été donnés. Donc, le chiffre n'est pas nécessairement juste de ce qui est disponible. Donc, c'est pour ça que M. Dubreuil, hier, quand il réitérait le fait qu'il faut donner une marge de manœuvre supplémentaire aux cégeps, on ne peut que convenir qu'il a vu juste sur ce qui se passe sur le terrain et sur les besoins qui sont présents.

M. Morin : Parce que ma compréhension, c'est que quand les mesures sont arrivées, vous aviez... vous, vous êtes toujours en mouvement, vous travaillez tout le temps. Il y a toujours des étudiants qui arrivent, qui partent, vous aviez déjà des CAQ. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi qu'un minimum de prévisibilité, d'avertissement, de consultations aurait rendu la tâche plus facile pour tout le monde?

Mme Montpetit (Marie) : Bien, c'est que les décrets... vous le savez, nous, les admissions se font autour du mois de... autour du mois de mars. Donc, on était déjà en plein processus, en fait, quand le décret est tombé. Puis pour quelqu'un qui est dans un processus d'immigration, ça peut prendre jusqu'à 18 mois. Entre les démarches qu'on veut faire... un cégep va faire, qu'un étudiant veut faire, qu'on veut faire comme fédération. On parlait tout à l'heure des mesures d'accueil, mais parfois on va les rencontrer en amont pour leur expliquer un peu le contexte, mais ça peut prendre 12, 18 mois d'entamer ce...

Mme Montpetit (Marie) : ...genre de démarches là aussi pour venir au Québec. Donc, d'où l'importance de mettre effectivement des conditions qui sont... qui sont prévisibles. Et, un décret qui arrive dans un calendrier où les admissions sont en cours, c'est sûr que ça complique drôlement la vie.

M. Morin : Je comprends.

Mme Laflamme (Annie-Claude) : Si vous me permettez.

M. Morin : Oui, oui, bien sûr. Allez-y.

Mme Laflamme (Annie-Claude) : Oui. Nos équipes, en fait, en recrutement international sont sur le terrain à partir du début septembre, donc ils sont déjà en train d'aller rencontrer nos partenaires, les lycées en France, certaines IUT, pour venir présenter nos programmes d'études au Québec, venir leur dire, en fait, que le Québec est ouvert et heureux d'accueillir des étudiants internationaux. Et, ce qui s'est passé, en fait, c'est que l'an dernier, à partir du 26 février, on nous a imposé ce quota-là qui faisait en sorte, en fait, qu'on doit planifier notre quota sur deux ans. Parce qu'on a, oui, les efforts de recrutement qui se font en début d'année, ceux qui, à partir du 26 février, déposent une demande pour rentrer à l'automne prochain, et ceux aussi qui planifient venir. Nous, on commence à recevoir des admissions d'étudiants à partir du 1er octobre. Donc, à partir du 1er octobre, nous, ce n'est pas notre rentrée présente, mais vraiment celle de 2026 qu'on commence à combler, donc, ces quotas-là, sur... qu'on doit, en fait, planifier sur deux ans sur notre recrutement et en plus sur nos renouvellements. Et, comme on le disait d'entrée de jeu, un renouvellement de CAQ, ce n'est pas prévisible. C'est un étudiant qui va avoir eu des embûches dans son parcours scolaire et qui devra demander une année de plus.

M. Morin : Vous avez fait référence à la France. La France, c'est un... c'est un partenaire privilégié du Québec. On connaît l'importance du français, notre langue commune. Ces mesures-là, est-ce que ça a eu un impact sur la réputation du Québec en France?

Mme Montpetit (Marie) : Oui, oui, absolument. On a eu des échanges, que ce soit avec, tu sais, le délégué du Québec à Paris, avec nos partenaires, avec l'Île de La Réunion, avec le délégué du Québec à Bruxelles aussi. C'est tous des gens qui pourront témoigner à quel point la réputation du Québec est mise à mal. On l'a vu au niveau des admissions, comme je le nommais, qui sont... qui sont en baisse de façon dramatique. Et il y aura un travail. Tu sais, ça prend... il y a la classique phrase qui dit : Ça prend 20 ans, construire une réputation, puis cinq minutes pour la détruire. Je...

La Présidente (Mme Poulet) : Merci. Alors, je m'excuse de vous interrompre.

Mme Montpetit (Marie) : Il n'y a pas de souci.

M. Morin : Merci. Merci...

La Présidente (Mme Poulet) : On va poursuivre les discussions avec le député de Saint-Henri-Sainte-Anne. Vous avez quatre minutes huit secondes.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. D'ailleurs, merci encore une fois de votre belle présentation. On se souvient justement qu'on s'était vu au projet de loi n° 74. Puis là, tout ça est très intrinsèquement relié, là, les quotas, les CAQ, etc.

Je regarde votre recommandation sept, parce que le député de l'Acadie et moi, on avait passé quand même beaucoup de temps en consultations à essayer de nous assurer que le réseau, vous, vous alliez être consulté sur les prochains... les prochaines cibles, les prochains quotas. Et le ministre avait été, en fait, très rassurant, en disant : Oui, oui, oui, on consulte notre réseau, notre réseau est au cœur de nos discussions, votre amendement, là, on n'a pas besoin de le voter parce que c'est intrinsèque, évidemment qu'on consulte. Et là, je vois votre recommandation sept, pour établir un processus de consultation obligatoire et structuré. J'ai l'impression que, finalement, ce n'est pas ça qui s'est passé. J'aimerais ça vous entendre.

• (14 h 40) •

Mme Montpetit (Marie) : Je vous dirais que, dans le... en amont du... des deux premiers décrets dont je vous parle, au mois de février, effectivement, il n'y avait pas eu de consultations. À l'heure actuelle, il y a des échanges parce que... parce qu'il y a un nouveau décret. De ce qu'on comprend, il y a une intention de produire un nouveau décret, donc la collaboration, je vous dirais, est remise à l'ordre du jour. Et on l'a mise comme recommandation, parce que, justement, on veut éviter ce qui s'est passé au mois de février puis au mois de mars, qui a demandé au gouvernement de réémettre un deuxième décret, qui a compliqué la vie à tout le monde, qui a causé beaucoup de stress aux étudiants aussi dans la... dans la situation.

Cela dit, je me permets quand même de le rementionner, on est un partenaire. On l'a démontré à plusieurs reprises. On continue de croire et de penser et d'avoir la certitude que mettre des quotas de CAQ dans les cégeps à l'heure actuelle, ce n'est pas nécessaire. C'est une contrainte. C'est une entrave justement au développement de programmes. C'est une entrave même à l'étude pour des étudiants du Québec parce que ça permet justement d'offrir des programmes pour des étudiants d'ici. Donc, la démonstration, elle a été faite, et elle a été faite à plusieurs reprises, et soulignée, même, qu'il n'y a pas eu d'enjeux au niveau des cégeps, et que c'est bien fait. Donc, la confiance passerait par ne pas en mettre et nous exempter de cette mesure.

M. Cliche-Rivard : Je vais vous souhaiter que la troisième fois soit la bonne. J'aurais préféré que vous l'ayez eue du premier coup en consultations. Recommandation 11, ça m'a surpris, le choix des mots, «maintenir» le PEQ diplômé...

M. Cliche-Rivard : ...comme si on n'était pas certains que c'était maintenu, comme s'il y avait un doute que le programme par excellence au Québec, celui qui régularise ces diplômés puis leur offre la résidence permanente pourrait ne pas être maintenu. Le ministre nous parle beaucoup du PSTQ dans les consultations, mais rarement, là, on voit le PEQ au centre de ses interventions. Est-ce que vous avez peur que le PEQ disparaisse?

Mme Montpetit (Marie) : Bien, je n'ai pas de boule de cristal, mais ce que l'on... Ce que l'on souligne, c'est que c'est un programme qui... que l'on apprécie, qui fonctionne bien, qui est un facteur attractif, et on souhaite, effectivement, qu'il soit maintenu sans modification, sans changement dans sa forme actuelle. C'est... C'est vraiment un programme qui fonctionne bien, qui fonctionne très bien, donc d'où la raison de venir le souligner, parce qu'il a quand même été suspendu. Donc, on se questionnait sur la suite, dans le fond, de ce programme et on souhaiterait qu'il soit maintenu.

M. Cliche-Rivard : Vous nous parlez aussi de l'impact que ça, ça l'a, ces instabilités-là puis ces changements-là, sur votre clientèle étudiante. Il y a eu peut-être quoi... vous êtes là depuis un certain temps, là, mais cinq, six, sept réformes du PEQ en autant d'années. Qu'est-ce que ça l'a comme impact, ça, sur vos étudiants?

Mme Montpetit (Marie) : Bien, c'est l'ensemble des... l'ensemble des réformes, hein? C'est près d'une dizaine de réformes dans les... autant au provincial qu'au fédéral, là, je vais inclure les deux, que ce soit au niveau du PEQ, que ce soit le projet de loi n° 74 avec... avec, justement, les quotas. Ces réformes-là, dans le fond, elles viennent amener une incertitude et un désintérêt, je vous dirais, d'étudiants qui peuvent s'investir pendant près de 18 mois pour préparer, justement, une installation au Québec. Il y a des... il y de l'argent qui est en jeu, nécessairement. On a vu aussi des visas de... des permis d'études, justement, qui ont été émis avec retard au niveau du fédéral. Donc, tous ces éléments-là viennent certainement mettre à mal des projets d'études. Et le monde... le monde est vaste et large et il y a une compétition, donc on voit bien qu'il y a des étudiants qui font d'autres choix que venir ici, là, on le constate dans les données, dans les chiffres, et ça, c'est très malheureux.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci beaucoup. Merci à vous trois pour votre contribution à nos travaux.

Alors, je suspends quelques instants les travaux afin de permettre au prochain groupe de s'installer.

(Suspension de la séance à 14 h 44)

(Reprise à 14 h 48)

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, bonjour. On reprend nos travaux. Nous accueillons l'Association québécoise des avocats et des avocates en droit de l'immigration. Alors, je vous... Je vais vous demander de vous présenter et vous avez 10 minutes pour votre exposé. Alors, la parole est à vous.

Mme Thiboutot (Gabrielle) : Merci beaucoup. Donc, Me Gabrielle Thiboutot avec Me Valois, Me Laurence Trempe et Me Yves Martineau, pour l'AQAADI. Nous représentons plus de 500 juristes, avocats et avocates en droit de l'immigration. Notre intérêt est celui d'un système juste, prévisible et respectueux des individus concernés. Nous sommes avant tout, tous et toutes, des officiers de justice. Bien sûr, nous sommes rémunérés par nos clients, qu'il s'agisse de nouveaux... de nouveaux arrivants, d'employeurs ou de citoyens voulant être réunis avec leurs proches, mais notre rôle dépasse largement celui de simple prestataire de service. Nous sommes membres d'un ordre professionnel. Nous sommes soumis à un code de déontologie, l'indépendance, la loyauté, la rigueur et l'honnêteté. Un système inefficace mine la confiance du public, fragilise l'état de droit et nuit à nos clients, comme à la société québécoise. Il alourdit aussi le travail des députés, inondés de demandes d'émigration de leurs électeurs, tant au niveau fédéral que provincial. Or, l'immigration est l'un des domaines les plus complexes du droit public canadien. Deux paliers de gouvernement se partagent les compétences avec des règles et objectifs parfois contradictoires. Si naviguer dans ce labyrinthe et ardu pour des juristes, imaginez pour le simple public. C'est simplement là que notre rôle prend son sens, veiller au respect des droits et à l'application équitable des règles. Nous sommes un maillon essentiel de l'équilibre entre l'État et les individus au service du bien commun.

Mme Trempe (Laurence) : Notre message est clair, les seuils et quotas actuels sont problématiques et juridiquement contestables. Les délais de traitement sont devenus intenables. En juin 2025, plus de 142 000 personnes attendent la résidence permanente au Québec, parfois depuis des années. Familles séparées, travailleurs coincés dans la précarité de renouveler de statut en statut, confiance ébranlée. La situation est insoutenable. Nous avons calculé plus de 100 000 personnes sur le territoire québécois en attente de la résidence permanente sous des statuts divers, normalement, le permis de travail dans le programme de mobilité internationale. Dès 2023, l'AQAADI a rappelé que le Québec ne peut imposer de plafond aux catégories relevant des droits fondamentaux, réunification familiale, motifs humanitaires, asile. Ces dossiers relèvent du fédéral et de l'Accord Canada-Québec. Fixer des limites arbitraires ne fait qu'allonger les délais de traitement. Concernant les résidents temporaires, le Québec a compétence dans le programme des travailleurs étrangers temporaires et les permis d'études. Mais la perte de l'exemption du 10 % dans la liste de traitement simplifié a directement fragilisé les employeurs. Le nombre record de chambres de commerce présentes ici illustre l'ampleur du problème.

• (14 h 50) •

S'agissant du programme de mobilité internationale, la compétence appartient complètement au fédéral. Les permis transitoires, les travailleurs vulnérables ou les demandeurs d'asile ne peuvent être contingentés par le Québec. Ces personnes sont sous des statuts temporaires en sol québécois. Plus les délais de résidence permanente s'allongent, plus le bassin du programme de mobilité internationale va gonfler, forçant les gens à renouveler leur statut d'année en année, alors que des nouvelles demandes sont soumises.

Le PMI, le Programme de mobilité internationale, est rempli de faux temporaires, soit des gens sur le chemin transitoire de la résidence permanente, déjà sélectionnés par le Québec, par ce gouvernement, mais qui sont pris dans le goulot d'étranglement des délais en raison des seuils trop bas. En résumé, les seuils trop bas génèrent des arriérés massifs et des délais inutiles et disproportionnés, surtout comparés aux autres provinces. Le Québec ne peut juridiquement plafonner les catégories relevant des droits fondamentaux et les discussions portant sur le nombre de temporaires doivent prendre en compte les faux temporaires, ceux qui sont sélectionnés par Québec et attendent sous des permis de travail dans le programme de mobilité internationale. Nous encourageons une planification...

Mme Trempe (Laurence) : ...plutôt que des plafonds rigides, afin de protéger l'intégrité du système, respecter les droits et offrir une prévisibilité aux familles et aux employeurs.

Mme Valois (Stéphanie) : Derrière les chiffres, il y a des vies. Prenons la réunification familiale. En juin dernier, le Québec a suspendu la réception des demandes de CSQ après avoir fixé un quota arbitraire de 13 000 sur deux ans. Or, nous recevons historiquement de 10 000 à 12 000 demandes par année. En coupant la poire en deux, on a créé artificiellement une année zéro. Résultat : dès juin 2026, le quota 2026-2028 sera atteint en quelques heures, et les familles devront attendre encore plus longtemps.

Ces choix pèsent lourdement. Pensons à ces femmes en relation amoureuse avec un ou une Québécois ou Québécoise et qui veulent fonder une famille. Certaines doivent payer des frais médicaux exorbitants ou prendre des décisions douloureuses quant à leur projet familial. Cela impacte également les Québécois et les Québécoises en relation avec des immigrants, qui doivent faire des choix difficiles parce qu'elles ne peuvent envisager d'élever leurs enfants sans la présence de leur... du père.

Ces décisions administratives ne sont donc pas neutres. Elles créent des inégalités et fragilisent inutilement des familles déjà établies ici. Les Québécois et les Québécoises ne s'opposent pas à la réunification familiale. C'est un... une immigration largement acceptée et enracinée dans nos valeurs, et chacun connaît une famille dans cette situation. Les délais sont inacceptables.

En matière d'asile, la situation est aussi préoccupante. Plus de 51 000 réfugiés reconnus sont en attente, pour une cible annuelle de seulement 3 650 à 6 650. Concrètement, la décision que vous prenez représente des délais de 4 à 6 ans avant la résidence permanente. Pendant tout ce temps, leurs enfants et conjoints à l'étranger demeurent séparés d'eux. Leur intégration au Québec, y compris l'apprentissage du français, est ralentie, et ne profite à personne, et génère beaucoup de désespoir.

M. Martineau (Yves) : L'immigration n'est pas qu'une affaire de chiffres, c'est une affaire de droits, de familles, de projets de vie, de confiance envers nos institutions. Plusieurs exemples qui ont affecté la confiance des parties prenantes : la suspension brutale du PEQ travailleur, en octobre 2024, la suspension brutale du PEQ diplômé et du PRTQ, la suspension de la réception des demandes de CSQ dans la réunification familiale, les changements soudains dans la liste des professions admissibles au processus simplifié pour les travailleurs étrangers temporaires.

Donc, nous invitons le gouvernement à revoir son approche, remplacer les plafonds rigides par des prévisions réalistes, respecter les compétences fédérales en matière des droits fondamentaux et bâtir un projet d'immigration humain, prévisible et porteur pour le Québec et pour le bien commun. Merci de votre écoute.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci beaucoup. Alors, on va commencer la période d'échange avec M. le ministre. La parole est à vous.

M. Roberge : Merci bien. Merci pour votre présentation. Je suis interpelé par votre vision de l'Accord Canada-Québec. J'ai l'impression que, dans... selon votre lecture, c'est le gouvernement canadien qui fixe les seuils, parce que ce que vous dites, en réalité, c'est que, écoutez, le Québec... les seuils fixés par le Québec devraient être compris comme des seuils minimaux et comme... non comme des plafonds. Ça fait que le Québec aurait le devoir de maintenir un niveau d'immigration au moins équivalent à son seuil démographique. Ça fait que, si le Canada... Donc, cette année, ils ont quelque chose comme 395 000 permanents. Donc, nous, à 22,5 %, il faudrait qu'on soit à 89 000 permanents. Est-ce que c'est votre interprétation?

Mme Valois (Stéphanie) : Bien, en fait, il y a deux... il y a deux points sur l'Accord Canada-Québec, qui est vraiment très facile à lire et très simple. L'Accord Canada-Québec, c'est ce qui donne la compétence au Québec pour sélectionner les immigrants, parce que l'admission va toujours se faire par le fédéral. On reçoit la résidence permanente du fédéral. Donc, au niveau de la sélection, le Québec n'a aucune capacité de sélectionner ni les réfugiés, ni la... les considérations humanitaires, ni le regroupement familial. Le regroupement familial, la compétence du Québec se limite au parrainage. Et donc on... nous, ce qu'on soumet, c'est que le Québec n'a pas la capacité et donc ne devrait pas mettre des seuils sur ces catégories-là, parce que c'est contraire à l'Accord Canada-Québec et ça dépasse largement les compétences du Québec.

Au niveau économique... Est-ce que tu veux y aller?

M. Martineau (Yves) : Oui. Bien, on va se référer à l'article 2 de l'accord, qui nous dit que l'accord vise, entre autres, à préserver le poids démographique du Québec au sein du Canada. Puis, si on regarde le poids démographique du Québec en 1951, il correspondait à 28,94 %...

M. Martineau (Yves) : ...28,14 % de la population canadienne, au moment de l'accord, c'était de 25,22 %, et, aujourd'hui, le poids démographique du Québec au sein du Canada est de 21,75 %. C'est-à-dire qu'en 75 ans le poids démographique du Québec a diminué de 7 %, ce qui affecte le pouvoir politique du Québec au Canada. Ça affecte les décisions qui se prennent au Québec pour la... toutes les questions qui touchent le Québec. Donc, oui, effectivement, on est d'avis que les seuils d'immigration devraient tenir compte des seuils fédéraux en vertu de... notamment l'article 2 de l'accord de Canada-Québec.

M. Roberge : Si je le lis au texte, j'ouvre les guillemets, «l'accord permet au Québec de fixer ses niveaux maximums d'immigration permanente équivalant à son poids démographique, «permet», pas «oblige». Comme législateurs, j'ai fait beaucoup d'article par article. Des fois, il y a «peut», il y a «doit», qui est très, très différent. Quand on met «peut» ou quand on met «doit» ou quand on met «et» ou on met «ou», des fois, il y a... il y a des mots qui sont très importants. Et j'ai l'impression que, si je suivais votre logique, on perdrait une grande capacité sur notre avenir. Je reconnais que le poids du Québec en termes de démographie a diminué à l'intérieur du Canada, ça a été un choix de plusieurs gouvernements, mais encore faut-il que le Québec soit le Québec aussi et que... Écoutez, si on acceptait 1 million de personnes sur le territoire québécois dans les 10 prochaines années, on serait à 19 millions. C'est formidable, on aurait une grande, grande place, probablement qu'on aurait plein de comtés de plus. Pas sûr qu'on parlera encore français. Je ne suis pas sûr qu'on préserverait la culture québécoise, je ne suis pas sûr qu'on préserverait la nation québécoise. On serait nombreux, je ne sais pas qu'est-ce qu'on serait, mais on serait nombreux.

Mme Trempe (Laurence) : Ce qu'on dit, c'est, en fait, quand vous faite de la planification... parce que le langage est très... ça porte beaucoup à confusion entre planification, admission par le fédéral, sélection par le Québec, il y a les arriérés. On parle de prévision, nous autres, pour les catégories des droits fondamentaux. Parce que, s'il y a une chose que le gouvernement, quand bien même que vous voulez contrôler, c'est... On ne peut pas savoir combien de Québécois vont parrainer un époux, une épouse, un conjoint de fait ou vont faire des enfants à l'étranger qui n'auront pas accès à la citoyenneté canadienne, donc ils vont devoir être parrainés. On n'a pas le contrôle sur les crises migratoires non plus, pensons à l'accueil Syriens, les Ukrainiens, et les motifs humanitaires non plus. Donc, on peut se baser dans la planification à faire... baser sur des prévisions des années précédentes pour faire votre planification de l'immigration, et là vous avez le contrôle de limiter, c'est dans l'immigration économique, où, évidemment, vous... on met des critères, on met un programme en place, le programme de sélection des travailleurs temporaires, Programme d'expérience québécoise, et on choisit le nombre de personnes dans ces programmes-là qui vont être accueillis au Québec. Mais mettre un seuil maximal, exemple, en réunification familiale alors qu'on n'a pas le contrôle sur combien de Québécois, Québécoises vont se marier, tomber en amour ou fonder une famille, c'est comme bloquer les familles. Et là, présentement, ce qu'on voit dans les chiffres, il y a vraiment un enjeu où on a des délais quatre fois plus longs à l'heure actuelle que dans une autre province. Je fais beaucoup de dossiers de réunification familiale, ils sont réglés en moins d'un an, et j'ai des familles au Québec qui sont séparées avec des enfants pendant... là, je suis rendue à des dossiers de quatre ans. Et, si on regarde avec la suspension des CSQ actuelles, là, en réunification familiale, les délais ne vont qu'augmenter. Et ça, c'est complètement inacceptable d'avoir des Québécois, des Québécois qui sont séparés de leurs conjoints, époux, épouses et des fois de leur famille, et c'est la même chose en humanitaire.

• (15 heures) •

M. Martineau (Yves) : ...M. le ministre...

M. Roberge : Allez-y, allez-y...

M. Martineau (Yves) : En matière d'immigration économique, on est avec vous, on est avec tout le Québec, on souhaite de l'immigration francophone. Et, quand on parle justement du PEQ — Travailleurs et du PEQ — Diplômés, ce sont des personnes... Si on parle des PEQ — Travailleurs, ce sont des personnes qui ont au moins deux années d'expérience de travail qualifié au Québec et qui parlent français. Ce sont des personnes à qui on a coupé l'herbe sous le pied du jour au lendemain, alors que ce sont des personnes talentueuses qui paient des impôts, qui contribuent au Québec français, alors qu'on a des besoins économiques, sociaux, culturels, démographiques.

M. Roberge : Au moment ou on a suspendu le PEQ il y a un... proche d'un an, à l'automne 2024, c'est parce qu'on voyait arriver, pour l'automne... pour l'année 2025, des seuils d'immigration qui dépassaient largement nos cibles. Si on n'appliquait pas le frein d'urgence, on aurait atteint cette année, en 2025, probablement autour de 70 000 immigrants permanents. Donc, je pense qu'à ce moment-là, quand on fait une planification, qu'on se donne des cibles, il faut prendre comme États les moyens aussi de tenir compte de l'acceptabilité sociale, la perception des gens, mais aussi du point de vue économique, mais du point de vue de la capacité d'accueil, capacité à loger, capacité à soigner, capacité à éduquer. Il y a des gens qui sont venus...


 
 

15 h (version non révisée)

M. Roberge : ...voir ici, qui nous ont dit que le nombre de classes d'accueil a tellement, tellement augmenté qu'on met, devant ces classes-là, des gens qui n'ont pas la formation initiale, la qualification. Puis, après ça, il arrive tellement de nouvelles personnes qu'on sort, dans le réseau scolaire, les élèves de ces classes d'accueil pour les envoyer en classe régulière parce qu'il arrive d'autres personnes dans la classe d'accueil et que, dans la classe régulière, on a un paquet d'élèves qui ne maîtrisent pas la langue, ce qui fait que l'enseignant, si tant est qu'il est formé, lui, ne peut pas enseigner le programme de formation de l'école québécoise, coupe dans les autres matières, parce qu'il doit faire la francisation, parce qu'il y a trop de nouvelles personnes qui en... Et j'ai donné juste l'exemple du réseau scolaire.

Donc, je pense qu'on doit tenir compte de notre capacité aussi à accueillir, former toutes ces personnes-là, les loger, etc., etc. Là, je vous ai parlé de l'éducation, j'aurais pu parler du marché du travail avec un taux de chômage qui augmente beaucoup. Donc, moi, je pense qu'on va continuer d'accueillir des gens dans toutes les catégories, des économiques des familles de réunification. Mais c'est juste qu'on doit aussi, je pense, tenir compte de notre capacité à continuer d'amener les services aux Québécois qui étaient là, mais aussi aux nouveaux Québécois qui viennent enrichir le tissu social.

Vous allez répondre Je vois que vous voulez répondre, c'est très, très bien. Je veux juste dire que, par la suite, c'est mes collègues qui poursuivront l'échange avec vous, parce qu'ils ont beaucoup de choses à dire. Je vois qu'ils veulent intervenir. Merci, Mme la Présidente. Merci à vous.  

Mme Trempe (Laurence) : Merci beaucoup. Je vais passer la parole après à ma consœur. L'enjeu, c'est vraiment au niveau... on peut penser des faux temporaires, parce que vous avez des gens, vous parlez de capacité d'accueil, ils sont déjà ici, ils sont à l'emploi. Vous les avez sélectionnés vous-mêmes en leur émettant un certificat de sélection du Québec. Ils paient leurs impôts, ils contribuent, les enfants sont à l'école. Et là il y a une conjecture en immigration qui s'est produite avec le fédéral qui a fait des changements de règle, je sais qu'il y a beaucoup de... Les syndicats sont venus, les chambres de commerce, les employeurs, en parler, donc, ne peuvent pas renouveler leurs travailleurs étrangers temporaires dans le Programme des travailleurs étrangers temporaires à cause de la limite du 10 %, un très beau privilège qu'on avait dans le traitement simplifié.

Et, en même temps, ces gens-là, la solution, c'est de passer dans le Programme de mobilité internationale. Il faut avoir le fameux certificat de sélection du Québec pour ça, pour pouvoir être conservé, rester à l'emploi, que les employeurs puissent les garder. Et là, présentement, ce n'est pas possible, en ayant suspendu le Programme de l'expérience québécoise. Donc, il y a cette conjoncture là qui arrive, mais les faux temporaires, c'est ceux que... Ils sont en transition de la résidence permanente, on les a choisis, ils sont ici au Québec. Et, présentement, on leur dit : Vous allez attendre des années, et ça ne va qu'augmenter à cause du goulot d'étranglement au fédéral, à cause de seuils trop bas. Cette discussion-là, sur ces gens-là, il faut l'avoir dans votre planification. Je passe à...

Mme Thiboutot (Gabrielle) : C'est vraiment ce que vous illustrez, M. le ministre, à nos yeux, c'est une lacune ou des problématiques, en ce moment, au système de l'éducation, et non seulement pas nécessairement en relation avec l'immigration. Et blâmer les nouveaux arrivants en immigration sur ce qui se passe au niveau de l'éducation, les classes de francisation, pour nous... Nous, on est ici vraiment pour vous parler de l'immigration et non de ce qui peut se passer au niveau de l'éducation.

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, je pense que le député de Saint-Jean voulait...

M. Lemieux : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Poulet) : OK. Alors, il vous reste 6 min 20 s.

M. Lemieux : C'est en plein ce que je voyais sur ma montre. Merci, Mme la Présidente. Mesdames, monsieur, maîtres — avec un s — un petit recensement vite fait d'un résumé de votre mémoire. En regardant les recommandations ou les attentes, j'ai fait une petite liste, là : un, augmenter les seuils dans toutes les catégories; deux, traiter plus rapidement l'arriéré existant; trois, faciliter les transitions de temporaires à permanents; quatre, rouvrir le PEQ; cinq, assurer la stabilité des programmes. J'ai juste fait une espèce de résumé. Un chausson avec ça?

Mme Trempe (Laurence) : ...d'augmenter les seuils.

M. Lemieux : Vous n'avez pas quoi?

Mme Trempe (Laurence) : Non, on n'écrit pas d'augmenter les seuils.

M. Lemieux : Alors, j'ai compris...

Mme Trempe (Laurence) : C'est ça. C'est qu'on dit que, dans les catégories des droits fondamentaux, on ne peut pas plafonner cela comme la réunification familiale...

M. Lemieux : Oui, ça, j'ai compris.

Mme Trempe (Laurence) : ...ce qui est quand même une nuance importante. La réouverture du Programme de l'expérience québécoise, on l'a abordée, je pense qu'on n'est pas les seuls à avoir parlé. C'est un d'ailleurs un bijou, un programme qui a été copié par le fédéral en 2015, parce qu'il y a eu une transition dans l'immigration. Avant, les gens arrivaient ici, n'avaient jamais mis le pied au Québec — moi, je fais de l'immigration économique depuis très longtemps — ils n'avaient jamais mis le pied au Québec. Ils arrivaient ici après plusieurs années, et souvent ça ne marchait pas, ils se ramassaient à avoir des emplois dérisoires. On a tous connu cette situation-là. Et, aujourd'hui, ce qui est bien, c'est que l'immigration économique, c'est des gens qui sont arrivés ici, qui ont... le Québec — j'aime utiliser cette expression-là. Ils sont venus avec un emploi. Ils sont venus faire des études ici, ils sont intégrés. Il faut être francisés dans le Programme de l'expérience québécoise. Ils contribuent à la société. Et c'est ces gens-là qu'on dit : Bien, on ne veut pas qu'ils attendent des années sous des statuts temporaires. Donc, c'est un très, très beau...

M. Lemieux : ...on va s'entendre, donc, sur l'augmentation du nombre de personnes au final. Sans parler du seuil, parce que c'est ce que ça veut dire ce que vous êtes en train de me dire.

Mais je voulais revenir à la capacité d'accueil dont le ministre a parlé. Et vous avez répondu, madame, en parlant de l'éducation, en disant : Bien, votre problème, c'est peut-être l'éducation. C'est peut-être le système d'éducation, pas nécessairement la demande supplémentaire de. On aurait pris la santé. D'ailleurs, le ministre le suggérait. Vous m'auriez probablement dit : Bien, oui, la santé, tout le monde sait ça. C'est un gros problème. Alors, ce n'est pas ça qui va... Au final, vous en pensez quoi de... du concept des capacités d'accueil? Est-ce que vous êtes de ceux, et on en a entendu, qui disent : Non, non. Ça, c'est... C'est de la théorie, c'est inventé, ça n'existe pas, là. Vous êtes où par rapport à nos capacités d'accueil? Parce que moi, je peux vous parler de capacité de payer aussi, là, tu sais, même pas d'accueil. Ça, c'est juste... Parce que tantôt, quand j'ai fait votre résumé, je me disais : Ouais, mais logistiquement c'est-tu possible? Dans le contexte où, au Québec, le taux de résidents temporaires est plus haut que jamais de son histoire. Avec tout ce qu'on connaît, comme... Je ne veux pas appeler ça des problèmes parce que c'est du vocabulaire qu'il ne faut pas utiliser, donc, comme difficulté à servir tout le monde avec les mêmes niveaux de qualité. C'est vrai, vous l'avez dit, en éducation, on a des problèmes, on en a en santé, on en a dans plusieurs prestations de services. Donc, vous êtes où avec la capacité d'accueil?

M. Martineau (Yves) : C'est en...

Mme Valois (Stéphanie) : Bien, en fait, pour nous, le calcul... Le calcul que vous devez faire, là, ça doit prendre en considération plusieurs facteurs. Donc, il y a une nécessité démographique réelle, on s'entend là-dessus. Il y a une diminution de la population active, c'est-à-dire des gens pour travailler dans nos services. Il y a aussi le financement des services publics. Parce qu'on sait que la population vieillit, et il va falloir que quelqu'un paie pour nos services publics. Et ça, c'est avec l'immigration qu'on va pouvoir avoir des gens qui travaillent et qui financent les services publics, dont on aura besoin.

Il y a des impératifs économiques, mais il y a aussi des impératifs de respect de nos obligations internationales et des lois. Donc, au niveau de la capacité d'accueil, nous pensons que ça a été en partie instrumentalisé pour alimenter la perception d'une crise et détourner l'attention quant aux difficultés des services publics. Les immigrants ne sont pas responsables de toutes les difficultés des services sociaux. On a beaucoup parlé des demandeurs d'asile, des difficultés qui criaient dans le système. Vous savez quoi? Les demandeurs d'asile et les réfugiés forment moins de 1 % de la population du Québec. C'est impossible qu'ils soient responsables de la crise du logement, des problèmes en éducation, des problèmes dans les services sociaux.

M. Lemieux : Donc on exagère ça, la crise du logement.

Mme Valois (Stéphanie) : On ne l'exagère pas, pas du tout.

M. Lemieux : OK, on en a une.

Mme Valois (Stéphanie) : Mais ce n'est pas uniquement dû à l'immigration, c'est... C'est dû à un manque de planification. Par exemple, au cégep, là, on a beaucoup d'étudiants, mais on le savait, il y a 16 ans, qu'il n'y avait plus de naissances au Québec. Mais ça n'a pas rapport nécessairement avec l'immigration. Alors, la position de l'AQAADI depuis longtemps, ça a été de dire que l'immigration, ça doit être planifié, ça doit être fait par un comité d'experts, par des démographes, et ça doit être fait plus que deux ans à l'avance. Ça doit être fait 10 ans à l'avance avec des experts.

• (15 h 10) •

M. Lemieux : Là, c'est que tout le monde savait qu'on prendrait notre retraite à 65 ans puis que tout le monde savait que le taux de natalité était en baisse. Alors, on n'avait pas besoin d'une carte géographique pour savoir qu'on s'en allait vers une diminution. Et vous partez du point de vue qu'il faut essayer de... Il faut aussi soutenir ça pour des raisons économiques que vous avez dites tout à l'heure, puis je peux comprendre aussi la théorie, sauf qu'on a au Québec, en ce moment, on a des problèmes de livraison services et forcément, à un moment donné, ce n'est pas juste la qualité ou la quantité, c'est la... Je reviens à ce que je disais tout à l'heure. Je le sais, Mme la Présidente, qu'il me reste moins d'une minute puis je veux qu'ils répondent. C'est la capacité de payer. Puis qu'on dise qu'on a un problème de système, qu'on a un problème de livraison de services, qu'on a un problème de rareté de main-d'œuvre pour créer plus vite les gens qu'on a besoin en garderie, les gens qu'on a besoin d'aller dans les écoles, les gens qu'on a besoin dans les hôpitaux. Et c'est vrai, j'en suis là, je le comprends. Mais à un moment donné, il faut payer aussi.

M. Martineau (Yves) : Bien, c'est interrelié. Parce que quand on dit un immigrant, c'est aussi le travailleur de la santé, c'est aussi l'éducateur, l'éducatrice à la petite enfance. C'est aussi la personne qui apporte ces soins aux Québécoises et aux Québécois quand on a besoin. Donc, on ne peut pas avoir une vision. Vous demandez : Êtes-vous vous de tel côté ou de tel côté? On n'est pas d'un côté ou d'un autre? On est du côté d'une planification qui tient compte des besoins, mais aussi des vies. Là, vous nous disiez au début : Vous voulez ci, ça et ça. Voulez-vous un chausson avec ça? Mais si vous me demandez : Voulez-vous de la stabilité? Bien sûr qu'on veut de la stabilité.

M. Lemieux : J'aimerais ça aussi de la stabilité, parce que les 200 000...

La Présidente (Mme Poulet) : Je vous remercie. Alors, on poursuit les discussions avec le député de l'Acadie. La parole est à vous.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Alors, bon après-midi, confrère, consœurs. Toujours heureux de pouvoir échanger avec vous, d'autant plus que je ne peux pas oublier le nom de votre association parce que, phonétiquement, ça se prononce comme le...

M. Morin : ...nom de ma circonscription : Acadie. Alors, vous voyez, on... je ne peux pas vous oublier. Mais j'avoue cependant que ce matin, vous avez particulièrement attiré mon attention, parce que je pense que c'est votre association, n'est-ce pas, où il y avait un article dans Le Devoir qui disait... ou dans Le Devoir ou dans un autre journal : Immigration Québec gonfle les chiffres artificiellement, dénonce des avocats. On parle de votre association puis on parle du nombre, particulièrement dans le PMI, puis le PMI, c'est fédéral. Alors, j'aimerais ça que vous me parliez un peu de ça, ça m'a... wo! ça a attiré mon attention, d'autant plus que si vous regardez le document de planification du gouvernement 2025, je suis à la page 25, titulaire d'un permis valide au 31 décembre de chaque année selon le programme d'immigration Québec, quand vous regardez en 2022, le PMI, c'est 160 060. Et ce qui est étonnant, c'est que quand vous regardez le document du gouvernement du Québec sur la consultation en 2023 et que vous regardez le nombre de PMI en 2022, moi, je m'attendais à avoir le même chiffre, mais dans le document de 2023, c'est 73 195. Ça semble vous donner raison. Il semble y avoir un gonflement dans le document actuel. Est-ce que c'est une erreur? Est-ce que... J'aimerais ça comprendre, d'autant plus qu'il y a un groupe un peu plus tôt aujourd'hui, l'Institut du Québec, qui constatait aussi que les chiffres ne concordent pas. Dans le PMI, là, quand Québec compte, il y en a beaucoup, beaucoup, beaucoup, mais quand le fédéral compte, il y en a moins. Pourtant, en mathématiques, des chiffres, c'est des chiffres, ça... ça devrait se ressembler. Ça fait que si vous pouviez m'éclairer là-dessus, j'apprécierais grandement.

Mme Trempe (Laurence) : Dans des notes de crédits sur l'année 2024, on avait vu les chiffres, donc le... des chiffres du gouvernement du Québec dans le programme de mobilité internationale d'à peu près... je vais arrondir, là, 117 000, dont à peu près 61 000 étaient titulaires d'un permis de travail ouvert. Puis, dans le programme des travailleurs étrangers temporaires, on parlait d'à peu près, je vais arrondir le chiffre également, 57 000.

Le programme de mobilité internationale est très méconnu. Il y a vraiment des temporaires temporaires dans le PMI, c'est-à-dire les tournages, coproductions de films, réparations urgentes, les intermittents avec des multinationales, c'est des gens qui n'ont aucune intention permanente. Ils viennent pour des raisons... on appelle ça intérêts canadiens économiques, rendre un service, et ils repartent. Pas d'intentions permanentes. Mais dans le programme de mobilité internationale...

M. Morin : ...si vous me permettez. On... je vous suis très bien. Ma compréhension du PMI par exemple, vous avez une compagnie internationale, société internationale, pour ne pas nommer personne, mais dans le domaine de l'aviation par exemple, et ils ont besoin de faire venir, je ne sais pas, moi, des ingénieurs spécialisés pour un projet pendant trois, quatre mois, mais je comprends que ces gens-là vont venir ici, vont travailler, mais eux vont avoir un PMI.

Mme Trempe (Laurence) : Oui, ils vont être dans le programme.

M. Morin : Après, après quatre, cinq mois, ils repartent.

Mme Trempe (Laurence) : Ils retournent, exactement. Il y a donc beaucoup de temporaires.

M. Morin : Tu sais, des gens qui vont venir faire un tournage de film. À Montréal ou à Québec — Québec, c'est magnifique — ils vont avoir un PMI, ils vont être ici quatre, cinq mois puis ils s'en vont.

Mme Trempe (Laurence) : Oui.

M. Morin : OK. On se comprend.

Mme Trempe (Laurence) : Plus des accords de libre-échange, il y en a énormément, donc on a... on a signé ces ententes-là et ça donne les mêmes bénéfices aux Québécois d'aller travailler à l'international. On pense à l'expérience internationale canadienne aussi. Mais dans le programme de mobilité internationale, il y a tout ça en attente de la résidence permanente. Vous êtes dans une situation de parrainage, vous êtes... vous avez réussi à venir ici avec un visa visiteur, il faut l'obtenir du fédéral, vous allez être sur un permis de travail ouvert dans le PMI. Vous êtes un demandeur d'asile, vous avez maintenant en trois semaines, c'est bien, ils peuvent travailler plus vite, vous avez un permis de travail ouvert. Vous êtes un étudiant diplômé, de post-diplômé, le permis de travail, vous êtes aussi dans le PMI. Vous êtes quelqu'un qui a obtenu son CSQ dans la catégorie économique, vous êtes ici, vous êtes dans le programme de mobilité internationale aussi. C'est énormément de gens. Nous, on a calculé, en fait, c'est plus de 100 000 personnes qui sont en attente de la résidence permanente. On les a choisis, le gouvernement les a choisis, mais ils sont pris dans un goulot d'étranglement à renouveler leur statut temporaire d'année en année, avec toute la paperasse que ça comprend et, évidemment, avec des enjeux, des fois avec la RAMQ ou autre. Et ces gens-là, c'est des futurs résidents permanents, c'est des futures personnes qui vont avoir les mêmes droits qu'un citoyen canadien, sauf le droit de vote et le passeport. Et ces gens-là vont être nos futurs citoyens aussi, nos concitoyens au Québec. Donc, ça fait beaucoup de gens qui sont en transition en attendant la résidence permanente, qui sont coincés dans le pays, et ça gonfle les...

Mme Trempe (Laurence) : ...parce qu'évidemment tu renouvelles d'année en année en attendant ta résidence permanente et les demandes continuent aussi à rentrer dans les autres catégories. Donc, c'est un programme qui est très beau, le programme de mobilité internationale, mais il y a plus de 50 sous-catégories et il y a vraiment la différence entre ceux qui sont en attente de la résidence permanente et ceux qui sont vraiment juste temporaires.

M. Morin : Et, ça, je le comprends très bien. Mais, les catégories dans le PMI, est-ce qu'il y en a beaucoup plus depuis un an ou deux ou si c'est comme ça depuis un bout de temps?

Mme Trempe (Laurence) : C'est très similaire, le PMI, depuis...

M. Morin : Depuis un bout de temps.

Mme Trempe (Laurence) : Sauf quand on signe un nouvel accord de libre-échange. Ça se peut qu'on ne renouvelle pas un accord de libre-échange en Amérique du Nord. Ça va peut-être être un autre accord signé, on pense Canada-Mexique. Donc, les accords de libre-échange, c'est souvent là où on voit des changements, comme quand il y a eu la signature du transpacifique.

M. Morin : Donc, comment, dans les chiffres du gouvernement du Québec, en 2022, on peut avoir 73 195 PMI puis, dans les chiffres du gouvernement du Québec, soudainement, en 2022, on en a 160 000? C'est la même année. Comment ça peut marcher? Si on me dit : Ah oui, 2024, oh! ah! là, il y a eu une explosion, bien, je comprends. Mais on parle de la même année. Ça fait que c'est quoi? C'est... C'est ça, le gonflement artificiel, dans le cahier de cette année ou... C'est quoi? Avez-vous une idée ou...

Mme Trempe (Laurence) : Non, ça, on n'a pas la réponse à cette question.

M. Morin : OK. Parce que... OK. Bien, très bien. Bien, je vous remercie. Parce que, quand j'ai lu l'article, je pensais que le gonflement venait de là, mais peut-être pas. Alors, on va continuer à... on va continuer à chercher. Je vous remercie.

J'ai... J'ai d'autres questions pour vous. Parce que j'ai toujours pensé que ce qui est important avec l'immigration, puis vous y avez fait référence, les travailleurs, les gens qui viennent ici, ce n'est pas juste des chiffres. C'est des gens. Il y a du... Il y a du vrai monde attaché à ça. Puis, ça, il ne faut jamais l'oublier. J'ai toujours pensé que dans l'immigration, planifier puis la prévisibilité, c'était important. Puis ce que je constate du gouvernement actuel, c'est qu'ils font tout sauf ça. J'aimerais vous entendre là-dessus, c'est quoi l'impact que ça fait sur le terrain. Tu sais, on parlait du PEQ, tout à l'heure, là, ça a été suspendu du jour au lendemain. Moi, j'ai plein de gens qui m'appellent puis qui sont en détresse. Vous, dans votre pratique, vous voyez quoi avec vos... les gens que vous consultez et que vous conseillez?

• (15 h 20) •

M. Martineau (Yves) : On voit beaucoup d'angoisse. On voit beaucoup d'angoisse, beaucoup d'impression de... justement, d'attentes qui sont déçues. On sait que l'immigration, c'est un vieux principe de jurisprudence depuis 1906, que l'immigration, c'est un privilège. Ce n'est pas un droit. On est très conscients de ça. En même temps, ce n'est pas un pouvoir qui est absolu pour le gouvernement. C'est... C'est-à-dire, il y a quand même des... d'autres principes juridiques qui s'appliquent. Entre autres, il y a la Loi sur la justice administrative qui commande, à l'article quatre, le gouvernement, le ministère de l'Immigration et tous les ministères de l'Administration publique à des processus de... avec une certaine diligence. Mais là, l'impact humain, dans tout ça, c'est qu'il y a des personnes qui avaient l'attente, qui avaient eu la promesse, il y a des personnes qui ont été recrutées à l'étranger avec du financement public. En ce moment même, il y a des missions de recrutement au Brésil, il y en a en Europe, financées par le gouvernement pour attirer des travailleurs étrangers. Et, dans les discours de promotion, en voulant... en disant aux personnes, aux ingénieurs à l'étranger : Venez au Québec travailler, vous aurez la possibilité d'obtenir la résidence permanente, donc on sait qu'il n'y a pas de garantie. D'ailleurs, l'article 200 de la... du Règlement sur l'immigration dit que pour obtenir un permis de travail, il faut démontrer qu'on va quitter le Canada à la fin du séjour. On est très conscients de ça. Mais, en même temps, il y a un discours de... qu'on dit d'ouverture, d'accès à la résidence permanente, un discours de contribution, un discours qui commande aux candidats à l'immigration d'apprendre le français, de faire des gros efforts. On voit, chez nos clients, là, des familles avec des enfants qui se lèvent à 5 h du matin pour faire ce qu'ils ont à faire, aller au travail, prendre leurs cours de français, puis ils font ça constamment, là, pendant un an, deux ans, trois ans, puis après ça, on leur coupe l'herbe sous les pieds. Bien, ça a un... ça a un impact psychologique énorme. Si on s'imagine, on... Non. Vas-y. Pardon.

Mme Valois (Stéphanie) : J'aimerais aussi parler, en fait, de l'impact sur les réfugiés. Je sais qu'on a beaucoup parlé des demandeurs d'asile. Mais ils changent. Quand ils sont acceptés, c'est-à-dire qu'on a reconnu qu'ils avaient une crainte raisonnable de persécution dans leur pays, ça devient des réfugiés. Ils doivent obtenir la résidence permanente. Ces personnes-là n'ont... n'ont pas de plan B, ne peuvent pas s'en aller. Leur pays leur n'est pas ouvert. Mais j'ai des gens, moi, dans mon bureau, qui attendent, qui ont quitté leur pays en catastrophe parce qu'ils étaient en danger, par exemple des gens d'Haïti, on peut comprendre, qui ont laissé leurs enfants en Haïti, et là, ça fait quatre ans qu'ils les attendent. Je ne sais pas quoi leur dire, à part leur dire d'aller voir leur député. Mais c'est clairement à cause des quotas. Puis comment on peut comprendre ça?...

Mme Valois (Stéphanie) :  ...les enfants vont finir par arriver au Québec, ils vont venir parce qu'ils vont avoir la résidence permanente. Ils n'ont pas de casier judiciaire, là. Alors, pourquoi on les fait attendre quatre ans puis on retarde leur intégration, on retarde leur francisation? Puis ça rend des Québécois, parce que c'est des gens qui travaillent, extrêmement angoissés et stressés.

M. Morin : Et l'aspect que vous soulevez est important parce qu'effectivement, quand ils arrivent, ils font une demande pour obtenir l'asile, mais, une fois qu'on a... le tribunal a statué, ce sont des réfugiés. Il y a des conventions internationales auxquelles le Canada, le Québec sont parties, puis on s'entend qu'il faut respecter nos obligations internationales.

Mme Valois (Stéphanie) : Exactement. Puis on sait... en fait, on a beaucoup parlé des faux réfugiés. J'aimerais vous rappeler que le taux d'acceptation à la CISR est maintenant entre 75 % et 80 %. Donc, les faux réfugiés, on ne les voit pas.

M. Morin : Et de ça, évidemment, parce que vous y avez fait référence, il y a, après ça, bien, la demande pour faire venir les enfants, puis j'aimerais qu'on puisse parler un peu du regroupement familial dans son ensemble. C'est un dossier qui, moi, m'interpelle, m'inquiète au plus haut point, parce que présentement, au Canada en général, puis, dans votre pratique, vous pourrez me corriger si je fais erreur, le délai est d'à peu près 13, 14 mois, là, ça... grosso modo. Au Québec, on est rendus presque à quatre ans. Si on regarde les scénarios du gouvernement du Québec qui nous sont proposés, et le scénario, par exemple, 2A, dans le cahier de consultation... Présentement, le quota, là, pour le regroupement familial, c'est à peu près 10 000, 10 400. On a une attente d'à peu près trois, quatre ans. Dans le scénario 2A, ça serait 5 800. Donc, on va attendre combien de temps? Huit ans? Neuf ans?

Mme Trempe (Laurence) : Trop longtemps.

M. Morin : Dix ans?

Mme Trempe (Laurence) : Trop longtemps. Parce que les... on pense aux femmes, entre autres, qui ont des projets de fonder une famille, attendre huit ans pour fonder ta famille, c'est parfois hors de question et impossible. Il y en a d'autres qu'on en... on en a parlé en présentation, on a des clients qui ont dû prendre des décisions difficiles, parce que c'était hors de question d'élever leurs enfants tout seuls, ils voulaient que l'autre parent soit présent, et ça, c'est catastrophique pour les projets familiaux de gens qui sont avec des Québécois et des Québécoises. Ça l'est autant pour la Québécoise ou le Québécois qui attend le conjoint à l'étranger que pour la personne migrante qui a des enjeux parce qu'elle n'a pas son certificat de sélection du Québec, qui a des enjeux avec la RAMQ pour fonder une famille. Donc, c'est trop long.

Je pense que... Pour tous ceux qui ont des enfants, tous ceux qui sont parents, imaginez être séparé de votre bébé de six mois, comme le cas de la dame haïtienne, de la voir laisser son enfant de six mois en arrière et d'attendre pendant quatre ans, tu ne vois pas ton enfant grandir. Il faut... Ça... S'il y a un... peut-être un message... on en a beaucoup, mais un message à retenir aujourd'hui, ça serait vraiment la réunification familiale, parce que, présentement, les dommages sont énormes pour les familles au Québec.

M. Morin : Je vous entends, je vous entends très bien. J'avais proposé au gouvernement qu'il mette en place une procédure accélérée pour au moins vider les listes d'attente, pour ne pas augmenter. Bon, je n'ai pas eu de réponse encore. Ça viendra peut-être un jour, je l'espère, parce que, pour moi, c'est totalement inhumain. Mais là la situation risque de s'aggraver davantage. C'est ce que j'entends de vous.

Mme Valois (Stéphanie) : Bien oui, parce que ce qu'on a vu dans la planification, c'est qu'actuellement il y a 42 000 personnes qui ont une demande en... de résidence permanente. Donc, on est déjà avec un arriéré de 42 000 personnes. Ça fait que, si on accepte 5 000 personnes par année, bien, je veux dire, ça n'a aucun sens.

Mme Trempe (Laurence) : Et les gens continuent à se marier entre-temps, à être en relation de conjoints de fait et à faire des enfants. Donc, les couples ne vont pas arrêter de se former pour autant et les familles, se créer. Donc, vous allez continuer à voir, comme basé dans les dernières années, entre 10 000 et 12 000 nouveaux couples, familles, demandes déposées et vous avez l'arriéré, en plus, de 42 000. Donc, c'est... les délais vont continuer à augmenter. Et la suspension des demandes de certificat de sélection du Québec actuellement, on attend encore après Immigration Canada pour comment ils vont traiter ces dossiers-là. Est-ce que nos dossiers tombent dans des statuts... un limbe jusqu'à nouvel ordre? On n'a aucune idée. Donc, c'est très, très difficile à vivre pour les familles.

M. Morin : L'autre... L'autre question que j'ai pour vous, il y aurait présentement 142 000 personnes au Québec qui sont en attente d'une résidence permanente, donc ils ont obtenu un CSQ, ils sont peut-être arrivés d'une façon temporaire, c'était peut-être des travailleurs temporaires, ils ont fait des demandes, ils ont eu le CSQ, là ils sont dans la voie pour obtenir la résidence...

M. Morin : ...permanente et la citoyenneté. Avec les scénarios qui sont proposés, là, 2a, 2b, 2C, là, c'est 25 000, 35 000, 45 000. Comment on va y arriver avec ces gens-là? Qu'est-ce qui va arriver? Je dis : à un moment donné, ça va être des temporaires hyperpermanents, mais ils n'auront jamais la résidence? Le gouvernement va faire quoi? Il va les renvoyer? Je veux dire, ils ne peuvent pas. Ils ont un certificat. Ça fait que comment... Comment on va... Comment on va gérer ça? Parce que ça me semble aussi problématique comme situation.

Mme Trempe (Laurence) : Les chiffres dans le programme de mobilité internationale vont continuer à augmenter, augmenter, mais c'est difficile après dire que c'est la faute du fédéral, parce que la raison c'est qu'on a... nos seuils et nos quotas sont trop bas et le nombre va continuer à augmenter dans le programme de mobilité internationale. Parce que dans le 142 000, la plupart sont déjà ici. Il faut être ici pour... réfugiés, motifs humanitaires, l'éligibilité aux programmes de l'expérience québécoise, il faut être ici. Donc, tous ces critères-là mis ensemble, c'est des gens qui sont ici en territoire québécois, donc ils vont être sous des statuts temporaires, ils vont devoir renouveler. Et là je ne sais pas si vous avez vu, mais récemment même le renouvellement pour les détenteurs de certificat de sélection du Québec, dans le programme de mobilité international, les critères ont été restreints. Donc, il y a des gens qui ne peuvent même pas les renouveler, mais on les a choisis au Québec pour être résidents permanents. Méchant paradoxe.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci beaucoup à vous quatre pour votre contribution à nos travaux. Alors, je suspends les travaux quelques instants, le temps que l'autre groupe se prépare. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 29)


 
 

15 h 30 (version non révisée)

(Reprise à 15 h 33)

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, on reprend nos travaux. Nous accueillons la Fédération des chambres de commerce du Québec. Alors, bienvenue à vous deux. Je vais vous demander de vous présenter. Vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, on va procéder à une période d'échange. Alors, la parole est à vous.

(Visioconférence)

Mme Proulx (Véronique) :Excellent! Bonjour. Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, bonjour. Mon nom est Véronique Proulx. Je suis présidente-directrice générale de la Fédération des chambres de commerce du Québec et je suis accompagnée par Alexandre Gagnon, qui est vice-président, Affaires publiques, main-d'oeuvre et dynamisme régional. Alors, nous vous remercions de nous accueillir aujourd'hui afin d'échanger sur la planification pluriannuelle de l'immigration au Québec.

Tout d'abord, la Fédération des chambres de commerce du Québec, c'est le réseau d'affaires le plus influent au Québec. Alors, on regroupe à la fois les 120 chambres de commerce, de celle de Montréal à celle de Matane, et on représente au total plus de 40 000 entreprises dans toutes les régions, dans tous les secteurs d'activité.

Depuis 115 ans, la Fédération, c'est la voix des entreprises et de l'économie québécoise. À travers nos 16... nos 16 comités de travail, nous travaillons à faire avancer les priorités de nos différentes industries auprès du gouvernement provincial et fédéral. Et nous avons quatre grandes priorités qui sont celles de nos membres que je présente brièvement. Donc, la première, c'est la compétitivité de nos entreprises et de notre économie. Donc, je fais allusion à la fiscalité et également à la réglementation et à l'accès aux marchés, donc accès aux marchés internationaux, mais également à nos contrats publics. Donc, les gouvernements sont des très grands donneurs d'ordres qui sont importants pour nos membres. Le troisième, le dynamisme économique de nos différentes régions, qui ont des réalités qui leur sont propres, alors, certaines, plus forestières, d'autres plus minières, d'autres dans le secteur manufacturier. Et finalement, et non la moindre, celle qui nous occupe aujourd'hui, c'est la main-d'œuvre.

Rapidement, quelques données sur la main-d'oeuvre et l'immigration, puisque c'est le sujet. Alors, le taux de chômage est à 6 %, comme vous le savez, 7.1 % pour le Canada, avec un taux de chômage un peu plus élevé chez les jeunes. Nombre de postes vacants, 123 000 à travers le Québec. Et les quatre secteurs où on retrouve le plus grand nombre de postes vacants, ce sont les soins de santé et services... assistance sociale, qui est un secteur névralgique, fabrication, commerce de détail et services d'hébergement et de restauration. Les quatre grandes régions où on retrouve davantage de postes vacants, et on parle beaucoup de régions, mais dans les faits, c'est Montréal qui a le plus grand nombre de postes vacants, suivie de la Montérégie, la Capitale-Nationale et les Laurentides. On compte au Québec plus de 72 000 postes vacants.

Alors, moi, je suis à la FCCQ depuis près d'un an maintenant. J'ai fait le tour du Québec. J'ai rencontré des entreprises aux quatre coins du Québec. Et, l'enjeu numéro un dont on me parle chez les PME, bien avant les tarifs et la crise tarifaire, c'est la rareté de main-d'oeuvre. Alors, la rareté de main-d'oeuvre touche toutes les entreprises, de Proco au Saguenay-Lac-Saint-Jean, qui fabrique des poutres pour le ministère des Transports du Québec, à Lepage Millwork, qui est dans le secteur de la construction dans le Bas-Saint-Laurent, qui exporte aux États-Unis, jusqu'aux hôtels du Grand Montréal.

Encore hier, j'étais à Granby pour la Journée économique de l'Estrie, qui est organisée par la Chambre de commerce de la Haute-Yamaska. Et là, c'est... là aussi, c'était le sujet numéro un auprès de toutes les PME qui étaient présentes. Alors, dans le contexte actuel, dans le contexte économique actuel, avec les défis que connaissent nos régions, on ne peut pas se passer d'immigration si on veut maintenir nos régions ouvertes et si on veut maintenir la vitalité économique actuelle. Alors, dans ce contexte, la Fédération a consulté les régions via son réseau de chambres de commerce et il y en aura d'ailleurs quatre qui seront en commissions parlementaires dans les prochains jours, Montréal, Québec, Lévis et également Saguenay... Saguenay, le Fjord. Nous avons également consulté nos entreprises partout à travers le Québec via nos 16 comités de travail afin de vous présenter aujourd'hui un mémoire qui comporte 32 recommandations.

Alors, je ne vous présenterai pas les 32 présentement, mais il nous fera plaisir, bien sûr, de répondre à vos questions par la suite. Pour les prochaines minutes, je vais vous en présenter sept qui sont dans quatre catégories. Alors, la première catégorie, ça touche le nombre d'immigrants au Québec ou le nombre de travailleurs immigrants...

Mme Proulx (Véronique) :...Alors, la fédération demande d'établir l'objectif des 106 000 nouveaux travailleurs immigrants sur le territoire du Québec dès 2026 et d'ajuster annuellement conséquemment à l'analyse des besoins économiques.

La deuxième catégorie, c'est les travailleurs étrangers temporaires. Alors, en collaboration avec le gouvernement fédéral, on demande au gouvernement du Québec de maintenir sur le territoire les travailleurs étrangers temporaires à l'emploi au Québec, soit par le renouvellement de leur permis de travail ou le passage à la résidence permanente. C'est la recommandation n° 3 dans le mémoire. On demande également de renoncer à la réduction de 10 % des travailleurs étrangers temporaires qui sont en emploi au Québec et d'établir, conjointement avec le gouvernement fédéral, un moratoire sur les restrictions imposées au programme des TET depuis septembre 2024. On en a beaucoup parlé, et vous le savez, ces restrictions-là font très, très mal à nos entreprises partout à travers le Québec. C'est la recommandation 16 dans le mémoire.

Troisième catégorie de recommandation. Ça touche la capacité d'accueil. Alors, on parle depuis des années de la capacité d'accueil de nos régions. On demande de définir, mesurer, chiffrer la capacité d'accueil par région, c'est la recommandation 4, et également d'adapter notre capacité d'accueil aux besoins économiques de l'immigration, c'est la recommandation 7. Donc, il faut partir des besoins économiques et ensuite travailler avec les régions pour être capable d'adapter notre capacité d'accueil.

Puis d'ailleurs, le 5 septembre dernier, nous avons organisé une conférence de presse avec plusieurs associations patronales nationales mais étaient présents aussi les représentants l'UMQ et la FQM. Et ces derniers ont mentionné que la vaste majorité des localités, notamment en région, n'avaient aucun enjeu à accueillir davantage d'immigration.

Quatrième catégorie, la dernière, on vous parle d'allègement et de simplification des processus liés à la reconnaissance des diplômes. Alors, dans un premier temps, la FCCQ demande d'établir la reconnaissance des diplômes et des acquis puis d'accélérer le processus d'accréditation afférent à l'octroi de permis de travail. On peut penser à... par exemple, à quelqu'un qui a un diplôme d'ingénierie qui vient d'un pays... qui vient d'un autre pays, les délais sont excessivement longs pour obtenir la reconnaissance des diplômes alors qu'on a besoin d'ingénieurs au Québec. C'est la recommandation 31.

Ensuite on demande de poursuivre la simplification de la reconnaissance des compétences des travailleurs étrangers et de mieux communiquer les outils disponibles auprès des employeurs pour faciliter la reconnaissance des acquis des travailleurs. C'est la recommandation 32.

Alors, toute la question de la simplification puis l'allègement réglementaire, c'est une demande qui nous vient de toutes nos entreprises, dans tous les secteurs d'activité. Et le gouvernement s'est d'ailleurs doté d'une politique gouvernementale sur l'allègement réglementaire et administratif. Il y a clairement un tour des roues à donner important en immigration pour simplifier les processus bureaucratiques liés aux différents processus.

• (15 h 40) •

Maintenant, je vais vous parler d'une recommandation en particulier, où j'aimerais vous donner davantage de contexte, et c'est celle du nombre des seuils d'immigration dont on a parlé. Alors, il vient d'où, notre 106 000 nouveaux travailleurs par année, bien, on s'est basé sur les données du ministère de l'Emploi. En effet, le Québec aura besoin en moyenne de près de 106 000 nouveaux travailleurs immigrants par année afin de répondre principalement aux besoins des entreprises suite aux départs massifs à la retraite. Volontairement, nous ne faisons pas la distinction entre l'immigration permanente ou temporaire, nous parlons de travailleurs. Un immigrant temporaire qui passe à l'immigration permanente, c'est un succès puis c'est le bienvenu afin de nous assurer davantage de prévisibilité, mais il faut éviter de déclarer qu'il s'agit d'un nouveau travailleur puisqu'il était déjà à l'emploi au Québec. En comparaison, nous estimons que 112 000 nouveaux travailleurs venant de l'immigration ont intégré les entreprises québécoises en 2024. Pourtant, la proposition la plus généreuse sur la table actuellement de la part du gouvernement, en présumant que le fédéral ne répondra pas positive à sa demande de réduire... d'immigrants temporaires, bien, ça nous permettrait d'accueillir au mieux 16 500... 650 nouveaux travailleurs immigrants par année par le programme d'immigration permanente. Alors, le meilleur des scénarios qui est sur la table, il est nettement insuffisant et il engendrerait des défis titanesques pour nos... pour notre économie. Ce serait une catastrophe pour nos régions, pour les entreprises.

Alors, en conclusion, bien que nous ayons de nombreuses autres recommandations dans le mémoire, ce que les employeurs demandent le plus, c'est de la prévisibilité. Les entreprises qui ont des projets d'investissement pour automatiser, pour robotiser, les entreprises qui pensent investir à l'étranger, les entreprises qui prévoient diversifier leurs marchés d'exportation, ils ont besoin de savoir s'ils auront les travailleurs en quantité puis en qualité au cours des 5 à 10 prochaines années. Puis quand je parle de qualité, mais c'est des gens qui auront les compétences, les diplômes qui sont nécessaires pour répondre aux besoins du marché du travail.

Nous avons bien entendu le discours du premier ministre la semaine dernière, le discours d'ouverture où il mentionne la volonté... d'accélérer la réalisation de grands projets énergétiques et d'infrastructures. Et c'est bien accueilli, bien sûr, de...

Mme Proulx (Véronique) : ...d'avoir cette volonté-là. Mais pour réaliser des grands projets comme ceux-là, surtout qu'on veut accélérer, bien, ça va nous prendre des travailleurs et ça va nous prendre davantage d'immigration. Alors, on ne peut pas remplacer un installateur de pylônes électriques par un robot, un diplômé en chimie de l'Université de Montréal n'ira pas occuper un poste de soudeur à Baie-Comeau. Nous ne réclamons pas 106 000 travailleurs immigrants par année par idéologie, mais par nécessité économique. Il est plus que temps de passer à l'action dans ce dossier. Alors, je vous remercie pour votre écoute et ça me fera plaisir d'échanger avec vous.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci beaucoup. Alors, M. le ministre, la parole est à vous.

M. Roberge : Merci. Merci pour votre présentation. Je vais m'attarder sur votre cible de 106 000 nouveaux travailleurs par année sur le territoire québécois. Est-ce que vous comptez les demandeurs d'asile qui arrivent? En moyenne, il arrive à peu près 45 000 demandeurs d'asile à chaque année, Plus de 60 % resteront ici et ne quitteront pas. Est-ce que vous les comptez?

Mme Proulx (Véronique) : Alors, nous, on fait vraiment référence à 106 000 travailleurs économiques... immigrants économiques, pardon, tant temporaires que permanents, ça exclut le 200 000... le 200 000. Je regarde mon collègue Alexandre.

M. Gagnon (Alexandre) : Bien oui, effectivement, on... s'ils ont des permis de travail, qu'ils sont en emploi, qui ont... qui sont... qu'ils sont capables d'intégrer un milieu de travail, ça va compter dans notre 106 000. Donc, oui, effectivement, on parle de travailleurs qui répondent aux besoins d'une entreprise, si ce l'est, oui, effectivement, ça va y répondre. On... C'est un nombre total et global de travailleurs.

M. Roberge : OK, donc 106 000 nouveaux travailleurs par année, qu'ils soient permanents ou temporaires, qu'ils soient demandeur d'asile, ce n'est pas ça votre préoccupation. 106 000, je vais regarder ça, là. C'est pas mal de monde. La... Repentigny, 80 000 de population. Brossard, 97 000. Saint-Jean-sur-Richelieu, 100 000. Trois-Rivières, 120 000. Ça fait que c'est à peu près l'équivalent d'ajouter Trois-Rivières à chaque année au Québec. Ça a pris 391 ans pour passer de zéro citoyen à 120 000 citoyens à Trois-Rivières. Mais nous, il faudrait qu'on en... qu'on rajoute l'équivalent presque de Trois-Rivières à chaque année. Un nouveau Trois-Rivières de plus à chaque année, avec les infrastructures puis tout ça, là.

Mais là, vous me dites 106 000 travailleurs, travailleurs, soyons sérieux et rigoureux. Tous les adultes qui arrivent ne travaillent pas. Selon l'Institut de la statistique du Québec, le taux d'activité des adultes, c'est 69,4 %. Donc, pour avoir 106 000 adultes qui travaillent, il faut ajouter 47 000 adultes de plus, il faut avoir 153 000 adultes pour avoir 106 000 adultes qui travaillent. Mais ce n'est pas tout, parce que, quand on fait venir 153 000 adultes... si on fait venir 153 000 personnes, bien, ça vient avec des enfants parce qu'il y a 23 % d'enfants dans nos immigrants lorsqu'ils arrivent. Donc, si je fais... je veux 106 000 travailleurs, il faut que je fasse venir 153 000 adultes. Quand je fais venir 153 000 nouveaux, nouvelles adultes sur le territoire, bien, ça veut dire que je rajoute 35 000 enfants. Donc là, 106 000 plus... On arrive à 188 000 nouvelles personnes sur le territoire par année, comptant les adultes qui ne travaillent pas. Parce que, vous l'avez dit, pour les demandeurs d'asile, bien, on compte ceux qui travaillent, là, ceux qui ne travaillent pas, on ne le compte pas notre 106 000. Puis les enfants, ils ne travaillent pas.

Donc là, vous nous proposez d'ajouter pas Trois-Rivières, finalement, Sherbrooke, c'est 184 000. Ça fait qu'il faut ajouter la ville de Sherbrooke au complet l'an prochain sur le territoire du Québec. Rien que ça. On va-tu être capables de construire l'équivalent de la ville de Sherbrooke quelque part entre le 31 décembre 2025 puis le 31 décembre 2026? Permettez-moi d'en douter. Si vous n'êtes pas d'accord avec les chiffres qu'on vient de se dire, c'est le temps de le dire, mais vous m'avez préalablement dit que ce sont réellement des travailleurs. On ne compte pas ceux qui ne travaillent pas.

Mme Proulx (Véronique) : Oui. Alors, c'est... dans un premier temps, encore une fois, les 106 000 travailleurs, c'est pour répondre aux besoins des entreprises et des régions dans le secteur de la santé, fabrication, commerce de détail, tourisme. Ça fait que notre priorité à nous, c'est dire : Si on veut maintenir l'activité économique en région, voici les besoins des entreprises au cours des prochaines années, si on veut maintenir une croissance économique. Maintenant, dans le mémoire, on a mis plusieurs recommandations liées à la capacité d'accueil. Je vais laisser mon collègue Alexandre peut-être y faire référence.

M. Gagnon (Alexandre) : Bien, on a quand même un constat où on est dans une situation démographique assez inquiétante, là, où, oui, effectivement, c'est beaucoup de gens puis on demande d'intégrer le marché du travail pour une simple et bonne raison qu'il y a beaucoup de gens aussi qui vont quitter le marché du travail dans les prochaines années. Et pour soutenir toutes ces personnes-là...

M. Gagnon (Alexandre) :...qui vont arriver à la retraite, on aura besoin de beaucoup de personnes qui vont intégrer le marché du travail. On n'aurait jamais eu, dans l'histoire, autant peu de travailleurs pour soutenir le nombre de personnes qui ont quitté le marché du travail. Donc, nécessairement, on aura besoin de nouveaux travailleurs.

Maintenant, si on prend la répartition actuelle du nombre... de comment on sélectionne nos immigrants, évidemment vos chiffres seraient bons, mais, évidemment, nous, on recommande qu'on... de rehausser quand même le niveau de travailleurs économiques qui sont en plus bas âge, qui ont un taux d'activité pratiquement, à toutes fins pratiques, de 100 % pour les personnes qui sont en âge de travailler. Donc, ce n'est pas nécessairement les mêmes profils. Il ne faut pas mettre l'ensemble des types d'immigration sous le même... sur le même niveau, donc ce qui permet de réduire votre chiffre de façon assez importante.

Maintenant, effectivement, ça aura des impacts sur notre capacité d'intégration. On l'a bien mentionné, la capacité d'intégration, on est d'accord avec vous, elle n'est pas illimitée, certainement, mais ça serait bien de la quantifier. Ce n'est pas égal partout dans l'ensemble des régions, ce n'est pas égal partout dans tous les secteurs d'activité non plus. Il y a toute importance de dire : Si on prive le marché du travail, les entreprises de dizaines de milliers de travailleurs, dites-nous l'impact réel, économique, qu'aura à se priver le milieu de... les milieux de travail de ce... de ces travailleurs-là, et prenons action sur quels sont les enjeux réels, quels sont les enjeux précis sur lesquels on doit corriger afin d'augmenter notre capacité d'intégration. Donc, quand on veut définir, lorsqu'on veut le chiffrer, c'est pour savoir où seront mieux investis nos chiffres, nos... sont mieux investis les deniers publics ou quelles seront les bonnes actions à prendre en lien avec les mesures... les politiques publiques dans le cadre de l'intégration. Vous avez investi des dizaines de millions de dollars, dans les dernières années, pour augmenter la capacité d'intégration des régions. On vous félicite de l'avoir fait, c'était une bonne chose à faire. Maintenant, ce n'est pas vrai que ça n'a eu aucun impact. Ça nous a aidés à rehausser notre capacité, mais on ne l'a pas quantifié, ce rehaussement-là de capacité. Donc, tant qu'on ne l'a pas...

Une voix : ...

M. Gagnon (Alexandre) : Les impacts économiques, effectivement. Donc, c'est... il va falloir faire ce calcul-là.

M. Roberge : Bon. Je pensais qu'on s'était mal compris, mais finalement je vous avais compris. Pour avoir 106 000 nouveaux travailleurs migrants, vous ne comptez pas un travailleur étranger temporaire qui deviendrait permanent, parce que ça, ce n'est pas un nouveau travailleur, il faut qu'il arrive au Québec. 188 000. Là, vous dites : Il faut tenir compte de la capacité d'accueil. Sérieusement, le... nous sommes déjà en situation de crise du logement. Je ne prétends pas d'aucune manière que la crise du logement est causée par les nouveaux arrivants, mais, quand on ajoute 188 000 personnes, ou même 50 000 ou 70 000 personnes dans un marché où il y a une crise du logement, il me semble qu'on ne tient pas compte de la capacité d'accueil.

• (15 h 50) •

Mme Proulx (Véronique) :Alors, si je peux me permettre, quand on parle de capacité d'accueil, ça fait des années que les employeurs, particulièrement les grands employeurs qui accueillent des travailleurs étrangers temporaires, ils lèvent la main puis ils disent : Nous, on veut faire partie de la solution. On construit, on achète, on rénove, on veut travailler avec les acteurs régionaux, on veut travailler avec les différents représentants du ministère. Cette concertation-là, régionale, n'a pas eu lieu. Puis ça, les employeurs, ils sont là. Ils veulent faire partie de la solution. Ça fait que ça, je vous lance... je vous lance l'invitation. On est là puis on veut trouver des solutions dans chacune des régions qui soient adaptées.

Maintenant, dans le contexte économique actuel, les entreprises nous disent : Quelles sont mes options? Est-ce que je reste en région ou je ferme puis je me déplace aux États-Unis parce que je n'en ai pas, de travailleurs? Et souvent ce sont des grands piliers industriels qui assurent le développement économique régional puis qui font vivre toute une communauté d'affaires autour d'eux.

Alors, je reviens encore une fois, soit on a davantage d'immigration pour permettre à nos entreprises de rester en activité en région, soit ils réduisent leur niveau d'opération ou ils déménagent de l'autre côté de la frontière, où c'est attirant. Ça fait que l'enjeu... J'entends votre capacité d'accueil, mais nous avons besoin davantage d'immigration si on veut maintenir notre vitalité économique. Bien sûr que la productivité, c'est important, c'est hyperimportant, il faut en faire plus, mais il n'en demeure pas moins qu'on a besoin de bras, qu'on a besoin de cerveaux si on veut être capables de faire fonctionner nos différentes entreprises.

M. Roberge : Oui. Mais cette préoccupation de l'économie régionale, là, on l'a en commun, absolument. Vous m'avez entendu, c'est certain, interpeler le gouvernement fédéral sur les mesures mur à mur qu'il applique. Il ne tient absolument pas compte du logement ou des réalités économiques. Pour lui, Montréal, Québec, Baie-Comeau, Val-d'Or, Magog, même combat. Ils ne font aucune nuance. Nous, on dit : Écoutez, là...

M. Roberge : ...Montréal, Laval, c'est une chose. Il faut réduire absolument Montréal, Laval, avec, bien sûr, je le répète, une sensibilité particulière pour éducation, santé, construction, agriculture. On permet des renouvellements et des arrivées de travailleurs étrangers à Montréal, Laval, mais seulement pour ces catégories-là. Pour le reste, il faut réduire. Puis ce qu'on demande, c'est la clause grand-père, qu'Ottawa arrête d'arracher des travailleurs étrangers temporaires qui font fonctionner nos manufactures, qui font... qui gardent ouvert le dernier restaurant ou l'épicerie du coin, là. C'est un non-sens. Puis je l'ai dit, je pense, assez... assez fortement. Mais ça, on parle, là, d'un maintien, on ne parle pas d'une explosion, du côté du gouvernement, de nouveaux travailleurs étrangers temporaires. On pense qu'il faudrait une clause grand-père dans les régions à l'extérieur de Montréal, Laval.

Mais c'est quand même tout un changement, parce que M. Milliard, qui était à la tête de la Fédération des chambres de commerce il n'y a pas si longtemps, nous disait : Ce qui nous préoccupe, c'est la capacité d'accueil. Toutes les entreprises aimeraient avoir davantage de monde, mais il n'y a pas de logements disponibles. Ça, c'était Charles Milliard. Là, il n'y a pas plus de logements disponibles, mais il faudrait rajouter, l'an prochain, l'équivalent de la ville de... je ne sais pas, quelque part entre Saint-Jean-sur-Richelieu puis Trois-Rivières. Qu'est-ce qui s'est passé depuis que Charles Milliard a fait cette déclaration?

Mme Proulx (Véronique) :Bien, il y a eu une crise... il y a une crise économique sans précédent. Nos entreprises, depuis janvier dernier, sont secouées, et c'est venu changer complètement la donne au niveau de nos perspectives et de nos possibilités. Ça fait que la première des choses que l'on dit, c'est que nos entreprises qui ne sont pas affectées par la guerre tarifaire, il faut leur permettre de faire rouler l'économie régionale, il faut leur donner accès aux travailleurs étrangers temporaires, aux travailleurs qu'ils ont besoin.

Puis un exemple... je reprends l'exemple de Proco, qui est au Saguenay, ils font des poutres pour le pont... les ponts pour le ministère des Transports du Québec. On parle de chantiers importants dans le secteur des infrastructures, on parle d'Hydro-Québec, etc. C'est un fournisseur important. Plus de 50 % de ses travailleurs sont issus de l'immigration, sont des travailleurs étrangers temporaires. Alors, cette entreprise-là n'est pas affectée par la guerre tarifaire, capable de faire fonctionner l'économie régionale. Est-ce que quelqu'un qui est à Montréal ou à un baccalauréat en sciences de l'Université de Sherbrooke va aller travailler comme soudeur au Saguenay-Lac-Saint-Jean? La réponse, c'est non. C'est la première des choses.

Ça fait qu'il y a quelque chose qui s'est passé, au niveau de l'économie, de majeur, qui veut secouer nos entreprises, et on a très peu de contrôle sur ce que le président Trump va faire, mais je le martèle depuis janvier, depuis le début de la crise, nos gouvernements doivent regarder les leviers sur lesquels ils ont du contrôle pour donner de l'air à nos entreprises puis stimuler l'investissement. Puis les travailleurs étrangers temporaires et l'immigration, c'est un des principaux leviers et c'est tout ce dont nous parlent nos entreprises, puis c'est particulièrement vrai depuis l'automne dernier, où les gouvernements ont mis en place des restrictions, qui avaient été saluées de part et d'autre. Alors, ça, pour nous, là, c'est un enjeu important.

Maintenant, depuis janvier, on travaille de très près avec la FQM et l'UMQ pour voir quelles sont les solutions. Ils ont... Le message a été très clair : Laissez-nous établir notre capacité d'accueil puis développer cette capacité d'accueil là.

Puis je termine avec mes entreprises, des entreprises qu'on représente. Je peux vous donner l'exemple de Premier Tech à Rivière-du-Loup, je peux vous des exemples d'entreprises au Saguenay. Lorsqu'ils reçoivent des gens, qu'ils soient permanents ou temporaires, issus de l'immigration, ils font tout en leur pouvoir pour les franciser, les accompagner puis s'assurer que ces gens-là s'intègrent dans les régions. Ils veulent garder leurs travailleurs. Et, si on veut maintenir, encore une fois, le niveau d'activité économique, on ne peut pas réduire l'immigration. On va réduire, on va réduire notre niveau économique puis la création de richesse pour le Québec.

M. Roberge : Mais je suis d'accord avec vous. En fait, c'est indéniable, depuis 2023, depuis la déclaration de M. Milliard, qui dit : Bien oui, tout le monde veut plus de monde, mais il n'y a pas de logement. Vous... Vous avez dit : Les choses ont changé, Donald Trump est arrivé, la crise tarifaire est là, il faut en tenir compte, effectivement, c'est certain. Il faut aussi tenir compte du fait que le taux de chômage a augmenté, le taux de chômage est plus élevé maintenant qu'en 2023. Donc, il y a plus de jeunes, en ce moment, qui cherchent un emploi. Et, oui, c'est plus grave à Montréal, mais, quand je regarde, même d'un point de vue régional, dans la Capitale-Nationale, le taux de chômage 2023 était 2,7 %, maintenant il est 4,1 %. Je peux y aller, tiens, dans Lanaudière, il était 3,7 %, maintenant il est 4,6 %. En Mauricie, il était 4 %, maintenant il est 5,4 %. Donc, le taux de chômage, pas seulement à Montréal, a augmenté dans presque toutes les régions du Québec.

Donc, oui, il y a eu la crise tarifaire, mais il y a aussi une main-d'oeuvre, en ce moment, qui cherche un emploi, surtout les jeunes, qui ont été plus durement frappés que les autres. Je sais que le taux de chômage chez les jeunes est tout le temps plus élevé que chez les plus âgés, mais là ils ont payé plus cher que les autres encore. Et donc il y a des gens qui cherchent un endroit. Vous nous dites... Donc, moi, je parle taux de chômage, je parle des logements. Vous nous dites : Mais les employeurs sont à la recherche de solutions. C'est vrai, j'ai...

M. Roberge : ...parlé à beaucoup d'entrepreneurs qui disent : Bien, moi, j'ai... j'ai acheté deux six plex pour loger mes travailleurs étrangers temporaires, donc j'ai... je n'ai vraiment aucun impact sur le marché locatif. Bien là, c'est parce que ça fait 12 logements qui sont sortis du marché, donc ils sont... ils ne sont plus là, là. Ils ne sont plus disponibles pour les Québécois. Il y a des... qui disent : Bien, moi, j'en ai fait construire. Bien, c'est... c'est formidable, là. Je veux dire, ils ne sont pas là à attendre que les logements sortent de terre, ils bâtissent des logements. Très bien, mais on est en pénurie de main-d'oeuvre pour bâtir des logements. Pendant qu'on a bâti ces logements-là, bien, on n'a pas bâti d'autres logements. Et ces entrepreneurs-là, qui sont en mode solution pour le logement, je le reconnais, c'est vraiment un sens de l'initiative, mais ils ne bâtissent pas une école aussi, là. Or, on a de la misère à agrandir nos écoles assez vite pour l'arrivée de tous les élèves résidents non permanents, 18 000 en 18 mois... capables, bâtir, acheter assez de modulaires. Donc, mon avis, c'est qu'il faut avoir une lecture très, très différente entre Montréal, Laval et le reste du Québec. Il ne faut pas avoir une approche mur à mur. Il faut regarder les besoins économiques régionaux. Il faut être capables d'appliquer une clause Grand-Père quand on en a besoin d'une. Il faut tenir compte de la langue française. Mais penser qu'on peut accueillir, quoi, 188 000 personnes l'an prochain, d'un seul coup, des nouveaux Québécois, là, pas... pas des étudiants qui deviennent des permanents ou des TET qui deviennent des permanents, non, 188 000 nouveaux Québécois, par-dessus tout le reste, honnêtement, je pense que ça répond à des besoins très, très ciblés de vos membres, mais que c'est contraire à l'intérêt national du Québec.

Mme Proulx (Véronique) :Alors, ce n'est pas nécessairement nos membres, ce sont les entreprises du Québec. Et si on veut pouvoir offrir davantage de programmes sociaux, créer de la richesse, ça va passer par la croissance puis la pérennité de nos entreprises. Alors, je vous entends très bien sur la capacité d'accueil et les défis. Moi, j'ai envie de vous dire : Il faut partir des besoins économiques puis il faut travailler que les acteurs. Il y a beaucoup d'entrepreneurs dans le secteur de la construction qui ont beaucoup de solutions à proposer au gouvernement pour... faciliter, accélérer la construction de logements abordables également. Si on prive... Si on revient aux scénarios qui sont proposés, qui sont de 25 000 à 45 000, on est en train de dire à des entreprises qu'elles vont devoir réduire la production, réduire les services. Puis ultimement ce sont nos régions qui vont fermer.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci. Je m'excuse...

Mme Proulx (Véronique) : Alors, je pense qu'il faut le remettre dans la balance également.

La Présidente (Mme Poulet) : Je m'excuse de vous interrompre. On va poursuivre les discussions avec le député de l'Acadie.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Alors, bon après-midi. Bonjour. Merci pour votre mémoire. Merci d'être là.

• (16 heures) •

J'ai écouté M. le ministre vous poser des questions, et ce n'est pas toujours facile à suivre. Parce que récemment, il y avait un article qui a été publié dans La Presse par Mme Fanny Lévesque, la journaliste qui disait, et je cite : «Québec a complètement changé d'approche depuis que des commerçants et des entrepreneurs aux quatre coins de la province menacent de fermer boutique si Ottawa ne fait pas marche arrière.» Donc, le gouvernement du Québec demandait au fédéral de serrer la vis parce qu'il y avait trop de monde. Puis là, une fois que le fédéral serre la vis, le gouvernement du Québec dit : Non, non, non, ils n'ont pas serré la vis comme il faut, ils l'ont trop serrée. Ce n'est pas facile à suivre venant d'un même gouvernement qui fait des demandes à gauche, à droite, en haut, en bas. Enfin, bref, on ne s'y retrouve plus. Moi, j'aimerais vous entendre un peu sur l'importance en immigration de bien planifier et de la prévisibilité.

Mme Proulx (Véronique) :Absolument. Alors, la prévisibilité, vous le savez, c'est clé quand on est en affaires. Quand on est dans le secteur privé, on a besoin de prévisibilité pour planifier au prochain investissement, pour planifier nos projets de développement. Et la plupart des entreprises que je croise ont des... ont des ambitions. Quand on est entrepreneur, généralement, là, on veut faire croître notre entreprise, on veut être capable de prendre plus de parts de marché, que ce soit local ou international, on veut créer de la richesse, on veut employer des gens. Et, pour ce faire, bien, on a besoin de savoir si on aura accès à... aux talents en quantité puis en qualité. Puis la qualité, j'y reviens encore une fois, c'est vraiment de savoir si je planifie, je suis un Proco, puis je planifie augmenter ma capacité de production, j'ai besoin de davantage de soudeurs, bien, au Québec, là, il n'y en a pas beaucoup, de diplômés en soudure. Donc nécessairement ça va venir de l'immigration. Est-ce que je vais avoir la capacité d'en attirer davantage? Est-ce que les règles vont être les mêmes ou ça va changer dans six mois, dans un an ou dans deux ans? Puis c'est clair que le manque de prévisibilité, tant au niveau du gouvernement provincial que fédéral, il y a eu un vent et... un va-et-vient constant au cours des dernières années au niveau des deux paliers. Puis je vous dirais que depuis des années, là, ça fait longtemps que je suis dans l'associatif, que je représente des entreprises puis je parle des enjeux de main-d'oeuvre, et ça fait des années que le fédéral et le provincial se lancent la balle sur la...


 
 

16 h (version non révisée)

Mme Proulx (Véronique) : ...question d'immigration. Et ça s'est fait au détriment de nos entreprises, puis j'y reviens, au détriment de notre économie. Une entreprise, Lepage Millwork, l'a dit publiquement... un investissement important, là, plusieurs millions de dollars pour agrandir son usine. Il le fait-tu ou il il ne fait pas? parce qu'il ne sait pas s'il va avoir les travailleurs nécessaires. Les travailleurs, ce n'est pas juste des postes d'entrée, là, c'est des postes spécialisés avec des qualifications précises. On demande aux entreprises d'investir en automatisation, en robotisation, en intelligence artificielle. Mais ça prend les bonnes compétences, ça prend les gens qui ont ces talents-là.

Alors, la prévisibilité, elle est clé. Le ministre faisait référence tout à l'heure au taux de chômage chez les jeunes, qui est plus élevé, il est à 11 %. C'est vrai que c'est préoccupant. Le problème, c'est qu'il n'y a pas d'adéquation entre nos diplômés ou les chercheurs d'emploi de façon générale et les postes qui sont disponibles. Alors, je le dis souvent, un diplômé de sciences... de biochimie de l'Université Sherbrooke, il ne va pas aller travailler chez Proco en soudure, puis il ne va pas aller travailler sur la Côte-Nord comme préposé aux bénéficiaires. Il y a une inadéquation entre nos diplômés, nos chômeurs et les postes. Et ça, ça fait des années qu'on en parle et ça fait des années que c'est pelleté par en avant comme problème. Et c'est ce qui fait qu'on va se retourner vers l'immigration, qu'elle soit temporaire ou permanente. Donc, la prévisibilité, encore une fois, c'est clé dans le contexte économique actuel où on a zéro prévisibilité du côté américain. Il faut s'assurer que nos gouvernements, provincial puis fédéral, nous donnent plus de prévisibilité sur les leviers avec lesquels ils ont du contrôle, dont l'immigration.

M. Morin : Je vous remercie. J'aimerais... j'aimerais aussi vous entendre parce que je comprends qu'avec la Fédération vous représentez des entreprises dans l'ensemble du Québec, dans toutes les régions et dans le... Dans le cahier de consultation du gouvernement, il y a trois scénarios, 2 ABC. Dans le scénario de 2A, pour l'immigration, en fait, permanente en 2026, on parle de 25 000 personnes. Si c'est le scénario qui est retenu, on sait par ailleurs qu'il y a 142 000 personnes en attente de résidence permanente au Québec qui ont des CSQ, là. Ça va être quoi, l'impact chez les gens, chez les entreprises que vous représentez?

Mme Proulx (Véronique) : Bien, dans un premier temps, c'est les petites et moyennes entreprises qui vont être affectées parce que souvent les grands employeurs ont plus de moyens, que les employeurs soient dans le secteur public ou privé, là, ça fait que c'est davantage nos PME en région, où les taux de chômage sont très faibles, qui vont être affectées. On parle d'entreprises qui vont, dans le secteur manufacturier, par exemple, fermer des lignes de production, donc des quarts de travail, qui vont être contraints de cesser la production de certains produits. Dans le secteur agroalimentaire, qui est un secteur essentiel au Québec, là, si on n'a pas d'immigration, on va se le dire dans nos abattoirs, dans nos usines de transformation, je pense à Aliments... justement, Rivière-du-Loup. Bien, on parle encore une fois de fermetures, de réductions de la production, de fermetures de certaines usines. Dans le secteur du commerce de détail, les épiceries, on l'a vu pendant la pandémie, là, des entreprises, des Tim Hortons, des restaurants qui n'étaient plus ouverts. On n'avait pas d'endroit où s'arrêter quand on se déplaçait en région. Puis c'est ce qui risque de se produire. Pourquoi? Parce qu'il y a plus de gens qui quittent le marché du travail que des gens qui arrivent sur le marché du travail. Donc, 25 000, c'est insuffisant pour maintenir le niveau d'activité économique. Et ce n'est pas vrai que l'automatisation, la robotisation puis la numérisation, ça va tout régler. On va encore avoir besoin de gens dans l'ensemble des secteurs d'activité.

M. Morin : Donc, je comprends que ça aurait un impact très significatif sur l'économie du Québec, mais surtout sur les PME et surtout sur les régions. Est-ce qu'on s'entend?

Mme Proulx (Véronique) :Exactement. Nos PME en région, ce seront les premières touchées. Puis par la suite viendront les grandes entreprises. Alors, pour l'instant, ce n'est pas une urgence pour eux parce qu'ils arrivent à s'en sortir dans le contexte actuel, mais quand je parle avec les grands employeurs, ils nous disent : Quand on regarde les départs à la retraite au cours des trois ou cinq, 10 prochaines années, on est excessivement préoccupés parce qu'on ne sait pas où on va réussir à aller chercher ces travailleurs-là. Alors, c'est un enjeu qui est criant pour les PME. Aujourd'hui puis qui, à moyen long, terme, préoccupe beaucoup les grands employeurs en région.

M. Morin : Je vous remercie. On a écouté... plus tôt cette semaine, on a eu des représentants du secteur agroalimentaire, de l'alimentation en général. Il y en a qui nous ont parlé, évidemment, des abattoirs. Souvent, on entend : Oui, mais les PME devraient se robotiser, donc ça réglerait le problème. J'imagine que c'est quelque chose avec laquelle vous parlez aux différentes entreprises. Est-ce que toutes les entreprises peuvent entièrement être automatisées, robotisées? Dans les abattoirs, il y a une partie de robotisation qui existe. Mais à un moment donné, j'imagine qu'il va falloir des travailleurs aussi. Puis est-ce qu'on s'entend pour dire que la souveraineté alimentaire du Québec, c'est fondamental? Est-ce que ça pourrait avoir un impact là-dessus?

Mme Proulx (Véronique) :La souveraineté alimentaire du Québec, elle est fondamentale, on l'a vu pendant la pandémie, il y a des secteurs qui sont névralgiques pour notre économie, pour assurer notre souveraineté. L'agroalimentaire en fait partie...

Mme Proulx (Véronique) : ...et vous avez raison de dire que, dans les abattoirs, notamment, la technologie pour la découpe, elle n'existe pas. Moi, je parle à des chefs d'entreprise qui ont fait le tour du monde, qui participent à l'effort commercial, qui vont voir la concurrence pour voir qu'est-ce qui se fait, qu'est-ce qui se développe. La technologie n'est pas au rendez-vous. Ça, c'est la première des choses. Quand je regarde l'ensemble... Si je regarde le secteur manufacturier pour beaucoup de PME, ce n'est pas nécessairement... on ne peut pas juste mettre un robot en place, puis ça va tout régler, parce qu'on a beaucoup de PME qui fabriquent, qui font du sur-mesure. Donc, ils ne font pas de la production de masse. On parle de production de masse, on parle... on pense au secteur automobile en Ontario, on peut investir, on va avoir un retour sur l'investissement, la technologie existe.

Dans nos PME, la situation puis la réalité est très différente. Puis j'ai envie de vous dire, si la solution était technologique, ça ferait longtemps qu'il y en aurait plusieurs qui ont investi là, parce que c'est tellement difficile, au Québec, depuis des années, de trouver des travailleurs qualifiés, ça ferait longtemps qu'ils auraient investi. Souvent, c'est qu'on n'a pas d'autre option, on n'a pas d'alternative.

M. Morin : Une des autres options qui est suggérée...c'est un seuil de 35 000, c'est aussi ce que le Parti québécois publiait dans son document sur l'immigration. Bon, c'est un peu mieux que 35 000, mais j'imagine que ce ne serait pas suffisant non plus puis que ça aurait un impact sur les PME et les régions du Québec.

Mme Proulx (Véronique) : Bien, je dirais... puis je vais laisser mon collègue compléter, mais le 106 000, c'est ce qu'on a besoin pour maintenir le niveau d'activité économique et pour compenser pour les départs à la retraite. Ce sont les chiffres de ministère de l'Emploi, ce sont des données réelles, ce sont les données sur lesquelles on s'appuie. Alexandre.

M. Gagnon (Alexandre) : Et puis vous avez parlé de productivité, vous avez parlé d'automatisation, on a essayé de regarder l'écart entre les besoins qui ont été identifiés et les propositions qui sont sur la table, on parle... c'est l'équivalent d'une productivité pour compenser cet écart-là de 2 % par année. Donc, vous demandez, depuis les 40 dernières années, on a une moyenne à 1 % d'augmentation de productivité au Québec, on nous demande de doubler cette productivité-là uniquement pour compenser la diminution du nombre de travailleurs qui vont partir sur le marché du travail, puis on ne... grâce à l'immigration. Donc, c'est un phénomène, évidemment, impossible à régler et qui nous demande, oui, de révolutionner, mais qui ne trouvera pas de solution à court terme.

• (16 h 10) •

M. Morin : ...les régions, c'est fondamental, l'économie aussi, on en parle souvent d'ailleurs. Qu'est ce que vous pensez de forums régionaux pour mieux planifier les besoins des différentes régions du Québec? Parce que, quand je regarde tout ça, il me semble qu'une formule mur à mur n'est pas la meilleure option, c'est mieux de faire du sur-mesure, je l'ai dit dans le passé. Mais j'aimerais avoir votre... en fait, votre expertise là-dedans, compte tenu que vous parlez à l'ensemble des régions puis que ce serait quelque chose qui serait bénéfique pour qu'à la fin le gouvernement prenne des décisions qui soient réalistes puis qui ne nuisent pas aux régions.

Mme Proulx (Véronique) : Bien, absolument, moi, je pense que ce soit un forum, un autre véhicule, l'important, c'est de pouvoir réunir nos chambres de commerce régionales, parce qu'elles ont vraiment le pouls du terrain, avec les représentants de la FQM et de l'UMQ, selon les régions, puis mettre les acteurs économiques autour d'une table, ça fait des années qu'on parle de ça, pour être capable de définir la capacité d'accueil et de voir concrètement qui fait quoi, comment on le fait. En région, on a aussi les CRMDT, les commissions et les...

M. Gagnon (Alexandre) : Les conseils régionaux du marché du travail...

Mme Proulx (Véronique) : ...exactement, qui est un bras du ministère de l'Emploi en région, où on a des employeurs, des représentants syndicaux et également le gouvernement. Ça pourrait être le porteur de ballon, si vous voulez, de cette réflexion-là, en région, du moins, l'impliquer. Donc, ça prend des discussions régionales. On est tout à fait d'accord qu'on doit être...  doit impliquer les régions, puis ça ne peut pas être du mur-à-mur, les besoins, puis la réalité, elle est très différente d'une région à l'autre.

M. Morin : Présentement, le programme de l'expérience Québec, le PEQ, est suspendu. Aviez-vous été avisés à l'avance? Est-ce qu'il y a eu des consultations avec votre organisme avant la suspension?

M. Gagnon (Alexandre) : Non, il n'y a malheureusement pas eu de consultation, et c'est dommage puisque le Programme de l'expérience québécoise était celui qui assurait le plus de prévisibilité à l'ensemble des acteurs. Donc, on savait que, lorsqu'on avait un travailleur issu de l'immigration, qui correspondait à certains critères, il aurait automatiquement accès à un certificat de sélection, éventuellement, à la résidence permanente. C'est ce qui permettait d'investir dans nos travailleurs, d'investir dans nos chaînes de montage à long terme, sachant qu'on pourrait bénéficier de... à plus long terme.

Donc, lorsqu'on parlait de l'importance de la prévisibilité, le Programme de l'expérience québécoise est le modèle idéal pour assurer cette priorité-là et assurer qu'on pourra faire des plans à long terme.

M. Morin : Et là je comprends que, dans vos membres, vous allez probablement...

M. Morin : ...des gens chez qui ils ont des travailleurs qui sont arrivés ici, voulant se prévaloir éventuellement du PEQ. Ils s'en sont prévalus, ils ont obtenu un CSQ, puis là c'est suspendu, ça fait qu'ils ne peuvent pas rien faire.

M. Gagnon (Alexandre) : En fait, une fois qu'ils ont eu leur... ou une fois qu'ils ont eu leur PEQ, ils ont eu leur certificat de sélection. Ce qui les bloque, rendu là, c'est les seuils d'immigration qui sont donnés par le Québec à Ottawa afin de donner ces résidences permanentes là. Donc, c'est là toute l'importance d'avoir des seuils, au niveau de la... de l'immigration permanente, beaucoup plus élevés, afin de permettre de passer ces personnes-là qui sont dans une... quand même une certaine précarité, et l'employeur, également, hein, qui ne sait pas s'il va pouvoir continuer à bénéficier de ce travailleur-là, en raison des seuils qui sont trop bas par rapport aux travailleurs qu'on a de besoin.

Mme Proulx (Véronique) : Puis, si je peux me permettre...

M. Morin : Oui. Oui, allez-y.

Mme Proulx (Véronique) : ...sur la question PEQ puis la question de l'immigration, là, c'est notre propre gouvernement qui est en train de créer une crise auprès des entreprises. On a déjà la crise tarifaire et tout ce qui se passe au niveau géopolitique, mondial. Et là pourquoi je dis nos gouvernements? Provincial, fédéral c'est un levier sur lequel ils ont du contrôle, ils pourraient nous aider, ils pourraient aider nos entreprises. Et je reçois constamment des messages d'employeurs dans tous les secteurs d'activité qui disent : On ne comprend pas. On ne comprend pas pourquoi le gouvernement ne nous laisse pas garder nos travailleurs étrangers temporaires puis faciliter la résidence permanente, alors qu'ils sont en région, qu'ils sont francisés, qu'ils sont intégrés dans leurs communautés. Et on ne comprend pas pourquoi nos gouvernements ne nous permettent pas d'accueillir davantage d'immigrants pour nous permettre de jouer notre rôle, à nous. Nous, notre business, là, ce n'est pas de faire venir l'immigration, c'est de faire fonctionner nos entreprises, d'offrir des services, de développer des produits, d'innover. Alors, je vous dirais que j'y reviens, là, il y a une incompréhension puis une frustration de la part des employeurs partout à travers le Québec.

M. Morin : Et M. le ministre parlait précédemment avec d'autres groupes du programme, du nouveau programme, en fait, le PSTQ, mais je comprends... bon, il y a différents volets, là, différents niveaux, mais c'est sur invitation. Donc, pour les entreprises, est-ce que ça permet moins de prévisibilité que le PEQ?

M. Gagnon (Alexandre) :Effectivement... Et c'est un bon programme, là, sur le fond, là, le PSTQ, les critères et tout ce qu'il y a autour de ça, c'est... on l'avait supporté à l'époque, mais le fait de ne pas savoir qui est-ce qui va être invité, quels seront les profils qui seront invités à déposer leur demande, évidemment, ça amène un contexte complètement instable et de questionnement, d'imprévisibilité.

Donc, il va falloir trouver une méthode à ce que les incitations faites par le PSTQ soient davantage prévisibles et qu'on puisse davantage savoir quelle serait la durée de ce passage temporaire là avant de bénéficier d'une résidence permanente.

M. Morin : Et dernièrement, dernière question, un dossier qui m'intéresse au plus haut point, c'est toute la question du regroupement familial. On sait que les délais sont très, très longs, au Québec. Est-ce que les entreprises dans votre organisation vous en parlent? Est-ce que c'est un enjeu particulier? Est-ce que ça pose des problèmes pour certains? Est-ce qu'il y a des travailleurs qui ne viendront pas parce que les délais sont trop longs ou qui vont aller ailleurs au Canada?

Mme Proulx (Véronique) :Ou qui vont repartir s'ils n'arrivent pas à faire venir leur famille, tu sais. Je vous dirais que, là, on est vraiment dans les drames humains. Parce que, oui, les employeurs ont besoin de travailleurs pour répondre à leurs objectifs puis à leur volonté de croître, mais il y a aussi tous les humains qu'ils accompagnent via une immigration temporaire, et permanente, en fait, j'ai envie de vous dire. Alors, ça, on en entend beaucoup parler. Malheureusement, on a très peu de contrôle sur ces situations-là, mais la résultante, pour l'employeur, c'est quelqu'un qui va choisir justement d'aller dans une autre province, on l'a souvent attendu, en Ontario, les provinces atlantiques, surtout pour les travailleurs étrangers temporaires qui sont anglophones ou issus des Philippines, par exemple, mais également pour les gens qui viennent dans l'espoir de faire venir leur famille et qui n'ont pas de visibilité, malheureusement, avec cette mesure-là.

M. Morin : Donc, si je vous ai bien compris, là, cahier de consultation, scénario 2-A, 2-B, 25 000, 35 000 : on a des PME au Québec, dans les régions, qui vont disparaître.

Mme Proulx (Véronique) :Bien, le message qu'on envoie à nos entreprises...

La Présidente (Mme Poulet) : Merci. Alors, je m'excuse de vous interrompre, c'est tout le temps que nous avons. Alors, je vous remercie tous les deux pour votre contribution à nos travaux.

Je suspends les travaux le temps qu'un autre autre s'installe. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 17)

(Reprise à 16 h 21)

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, on reprend nos travaux. Nous accueillons le regroupement des... des groupes de parrainage et organismes...

Des voix : ...

La Présidente (Mme Poulet) : Silence, s'il vous plaît, dans la salle! Merci. On reprend nos travaux, on reprend nos travaux. Alors, regroupement des groupes de parrainage et organismes au Québec. Bienvenue à vous deux. Alors, je vais vous demander de vous présenter. Vous avez 10 minutes pour votre exposé, et par la suite on va procéder à une période d'échange. Alors, la parole est à vous.

Mme Colon (Sandra) : Bonjour, Mme la Présidente. Donc, au nom du Regroupement des organismes et groupes de parrainage de réfugiés au Québec, je vous remercie d'avoir accepté de nous entendre. Je me présente, Sandra Colon, coordonnatrice du volet parrainage à la TCRI, et mon collègue Hugo Ducharme, coordonnateur du parrainage au Service Jésuite des Réfugiés.

Donc, le ROGPRAQ qui est un regroupement d'organismes et de groupes de parrainage au Québec, nous représentons ces groupes et organismes et notre mission est de promouvoir et soutenir le programme de parrainage collectif des personnes réfugiées. Pourquoi? Parce que ce programme représente, pour les personnes réfugiées, l'espoir...

Mme Colon (Sandra) : ...l'espoir de pouvoir vivre dans la dignité et la sécurité au Québec. Et, pour les Québécoises et Québécois, c'est une façon concrète d'exprimer nos valeurs humaines, ce faisant, solidaires des personnes réfugiées à travers le monde. Donc, notre regroupement se concentre, comme le nom l'indique, sur le parrainage collectif, donc le parrainage privé de réfugiés qui sont sélectionnés à l'étranger. Il y a également, comme vous le savez, les réfugiés pris en charge par l'État qui sont également sélectionnés à l'étranger et les demandeurs d'asile qui sont reconnus sur place. Le ROGPRAQ a le souci du bien-être de tous ces individus, mais se concentre davantage sur le programme de parrainage collectif. Donc, je vais maintenant passer la parole à mon collègue Hugo.

M. Ducharme (Hugo) : Bonjour. Donc, je vais d'abord faire un petit rappel historique du parrainage et de la réinstallation au Québec pour montrer l'importance du programme au niveau historique. À la fin des années 70, le ministre de l'Immigration de l'époque, M. Jacques Couture, a déposé une motion à l'Assemblée nationale du Québec. Cette motion est venue dans un contexte particulier, c'est-à-dire qu'il y avait un bateau de réfugiés... au large et, pour pouvoir accoster sur une île, les autorités de ce pays-là demandaient que des pays occidentaux acceptent d'accueillir des réfugiés de la mer. Les différents gouvernements dont celui du Canada tergiversaient : On les accueille, on ne les accueille pas? On les accueille, on ne les accueille pas? Le ministre Couture a fait : Nous, au Québec, on est prêts à en accueillir, on est prêts à en accueillir tant. Il a présenté une motion à l'Assemblée nationale qui a été adoptée à l'unanimité et cette motion a poussé le gouvernement du Canada à eux-mêmes dire : Bien, si le Québec est prêt à en recevoir, nous, comme pays, on va en recevoir aussi et l'ensemble du pays va en recevoir, ce qui fait que le Québec est à la fois le pionnier du parrainage collectif et de la réinstallation de réfugiés partout dans le monde.

C'est grâce à nous si ces programmes-là existent, et c'est un fleuron du Québec que... le programme de parrainage de réfugiés. Il incarne deux des valeurs québécoises qui nous sont chères. Le peuple québécois a toujours été historiquement un peuple d'accueil, un peuple ouvert et un peuple qui exprime des valeurs de solidarité. La solidarité s'exprimait même dans notre mobilier. On avait un banc du quêteux dans nos entrées de maison pour donner de... pour aider les gens, donc... Et on a toujours été touchés par ce... par les crises humanitaires. Et le programme de parrainage est justement un des outils qui permet à la société québécoise, aux gens de la société civile d'avoir un impact sur des crises internationales qui les touchent. Et c'est un des points qui fait que c'est... qui souligne l'importance de ce programme-là et qui fait que ça nous chagrine beaucoup de voir qu'en ce moment les admissions aux programmes sont suspendues et pour une longue période.

Il faut savoir aussi que le programme de parrainage des réfugiés, c'est un espoir pour les personnes réfugiées qui vont être ici et un espoir de pouvoir faire venir leurs frères, leurs soeurs qui sont, eux-mêmes, des personnes réfugiées et qui attendent ailleurs. Et le fait de ne pas pouvoir les faire venir, ça fait aussi que ça laisse une partie d'eux qui n'est pas vraiment ici et c'est un frein à leur intégration. Donc, on... C'est vraiment un programme qui apporte de l'espoir aux gens, et ça, c'est quelque chose qu'il est vraiment important de souligner. Et, pour nous aussi, c'est important que d'avoir un programme de parrainage qui est solide, pérenne. C'est pour ça que le ROGPRAQ demande le retour des ententes-cadres pour les organismes de parrainage expérimentés afin de mieux planifier l'arrivée des personnes réfugiées parrainée et d'être capable de voir les choses venir...

M. Ducharme (Hugo) : ...avantages des programmes comme le programme de parrainage des réfugiés puis des prises en charge par l'État, c'est justement parce que ça permet de planifier l'arrivée des réfugiés, contrairement à d'autres programmes humanitaires, et c'est quelque chose qui est important. Donc, je vais passer la parole à ma collègue pour la suite.

Mme Colon (Sandra) : Donc, comme mon collègue l'a mentionné, on peut, dans le cahier de consultation, remarquer différents scénarios avec une baisse drastique des cibles pour l'immigration humanitaire. On parle, dans les meilleurs scénarios, pour les réfugiés sélectionnés à l'étranger, un maximum de 850, combinés, par année. Donc, ce qu'on aimerait... ce qu'on aimerait souligner, c'est... ces réductions sont faites au profit, si je peux me permettre... ou pour permettre aux réfugiés reconnus sur place d'avoir un nombre d'admissions plus élevé. Donc, ce que le ROGPRAQ demande, c'est de ne pas opposer artificiellement ces différents groupes de réfugiés. Ce sont des voies parallèles et complémentaires mais qui suivent des processus administratifs tout à fait différents.

On aimerait aussi souligner que, dans l'entente-cadre, dans l'entente... dans l'accord Canada-Québec, pardon, que des fonds du... fédéraux sont destinés pour les services d'accueil des résidents permanents, et cela inclut les résidents permanents, donc les réfugiés pris en charge par l'État et les réfugiés parrainés. Avec une baisse drastique des cibles, on demande une transparence sur la distribution et la gestion de ces fonds, et considérant, encore une fois, le nombre de cibles... le nombre d'admissions plus élevé, une transparence sur la gestion des fonds et de ne pas confondre les demandeurs d'asile et les réfugiés sélectionnés pris en charge... les réfugiés sélectionnés à l'étranger dans la gestion de ces fonds.

• (16 h 30) •

M. Ducharme (Hugo) : Et on voulait aussi parler un peu de capacité d'accueil. La capacité d'accueil, c'est quelque chose qui se construit, qui se développe. Pour nous, l'immigration, ce n'est pas la cause des problèmes qu'on a présentement dans les services publics, mais plutôt le révélateur... où sont les problèmes? Les problèmes ont des causes beaucoup plus profondes, des désinvestissements massifs pendant des décennies, des choses du genre, et ça nous permet de voir justement les secteurs qu'on a oubliés, les secteurs mal aimés. Et quand on développe la capacité d'accueil, tout le monde est gagnant parce que c'est la population en général qui voient leurs services pérennisés. Donc, pour nous, c'est comme un point important à souligner. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci à vous deux. Alors, on va commencer la période d'échange avec M. le ministre. La parole est à vous.

M. Roberge : Merci bien, Mme la Présidente. Merci pour votre présentation. Merci pour ce que vous faites pour ces personnes vulnérables qui veulent améliorer leur sort ou parfois fuir carrément la misère en venant ici bâtir une nouvelle vie. Je pense qu'on est tous très sensibles à ça.

La planification pluriannuelle, c'est une occasion de réflexion transpartisane avec des parlementaires de toutes les formations politiques, une occasion d'entendre vraiment une pluralité de points de vue. C'est intéressant de vous entendre aussi, parce que c'est extrêmement complexe, en immigration, il y a, justement, beaucoup de programmes. Certains relèvent exclusivement du Québec, d'autres exclusivement du gouvernement fédéral, plusieurs se sont partagés. Et puis c'est sûr qu'à la fin on a une préoccupation pour la langue française, on aune préoccupation pour la régionalisation, on a une préoccupation pour l'économie, mais on a aussi des obligations internationales, puis, je vous dirais, un devoir moral de faire notre part. Et là toute la question est : Mais quelle est notre part considérant notre situation puis où est-ce qu'on est rendu au Québec? Puis c'est ça qu'on essaie de débroussailler ensemble, de se projeter quatre ans...


 
 

16 h 30 (version non révisée)

M. Roberge : ...à la page 11 de votre mémoire, vous recommandez que le gouvernement, puis là je vous cite : «...augmente de manière considérable les seuils annuels d'immigration à travers les catégories d'immigration et s'engage à maintenir un seuil d'admission d'au moins 15 % pour les réfugiés sélectionnés à l'étranger». Comment on peut se permettre d'augmenter la proportion de personnes sélectionnées à l'étranger dans un contexte d'accroissement important de demandeurs d'asile sur notre territoire puis en considérant aussi la longue liste d'attente de personnes qui sont en attente de résidence permanente? Comment on réconcilie tout ça?

M. Ducharme (Hugo) : Tout d'abord, il me fait. Les réfugiés reconnus à l'étranger, ça permet une façon planifiée de faire venir des personnes réfugiées. On peut voir le nombre, on peut déterminer le nombre, etc. Et ce 15 % là, on l'a... il n'est pas tombé des nues. C'est quelque chose qui est discuté dans les milieux de parrainage, etc. depuis quelques années. C'est un consensus qu'on partage, entre autres, avec le Conseil canadien pour les réfugiés et avec l'Association des signataires d'ententes de parrainage. Donc, c'est un chiffre qui est assez... qui fait consensus au sein de la communauté de parrainage au Québec. Il faut comprendre aussi que les personnes réfugiées, parrainées et les personnes prises en charge par l'État, c'est des gens qui vont aussi contribuer à la société québécoise. C'est aussi des gens qui vont occuper des emplois. Ce ne sont pas... Il y a une partie de cette population et c'est très varié, les réfugiés. Il y en a qui sont des pharmaciens, des docteurs, des infirmières, tout ça. Donc, à leur manière, ils viennent contribuer. Au niveau de la langue française, parmi ceux qui ne parlent pas le français, les réfugiés sont parmi ceux qui apprennent le plus le français parce que, justement, quand ils arrivent, ils n'ont... ils ont... ils ne se fient pas sur la possibilité de retourner après. Donc, ils ont une volonté d'intégration beaucoup plus grande, et c'est gagnant-gagnant pour tout le monde en bout de ligne. Est-ce que tu veux compléter?

Mme Colon (Sandra) : Oui. J'aimerais aussi souligner que dans le cadre du programme de parrainage collectif, les... l'accueil est fait entièrement par le privé, donc par des groupes de citoyens privés, par des organismes qui se... qui se chargent de cet accueil-là? Donc, ça ne retombe pas sur l'entièreté de la société. C'est vraiment un désir des citoyens et citoyennes, Québécois et Québécoises, d'utiliser leur plateforme, leur temps, et vraiment d'accueillir ces personnes réfugiées là, les parrainer.

M. Roberge : Et vous avez raison de souligner ça, cet apport-là. L'État ne peut pas tout faire. Puis on parle d'ailleurs souvent de société d'accueil. Donc, sans doute que cette implication citoyenne là est très importante, aide l'État dans sa mission, puis aide les gens dans leur intégration aussi. Parce qu'on ne veut pas être accueilli par des programmes, on veut être accueilli par des personnes. Donc ça, je vous remercie, vous et tous ceux qui participent à ça. À la page 14, vous recommandez la création d'une voie de traitement urgente pour les réfugiés particulièrement vulnérables. Comment on peut définir ça? Parce que les réfugiés, par défaut, en fait, ceux qui sont reconnus, les demandeurs d'asile qui sont reconnus, les réfugiés, sont par défaut vulnérables. Ils fuient une situation habituellement intolérable. Ils ont subi des persécutions. Alors, comment on fait pour classifier ça puis dire ce groupe-là plus qu'un autre? Comment on ferait ça?

M. Ducharme (Hugo) : Souvent, c'est que ces personnes plus vulnérables ont des facteurs... Ils ne sont pas plus vulnérables dans le pays qu'ils ont fui, mais aussi dans leur pays d'accueil? Prenons par exemple les personnes LGBTQ+. Le pays voisin peut être tout aussi dangereux que le pays qu'ils ont fui pour elles. Donc ça, c'est un ensemble de facteurs de vulnérabilité particulier, des réfugiés qui sont... Et c'est...

M. Ducharme (Hugo) : ...pour avoir plus cette flexibilité pour répondre à des crises humanitaires ponctuelles. Un nouveau conflit éclate et, parfois, on peut vouloir accueillir des gens. On le fait, entre autres, avec les Ukrainiens. On a accueilli beaucoup d'Ukrainiens à bras ouverts, mais c'est un peu ça. Donc, c'est soit pour avoir une flexibilité pour des crises ponctuelles urgentes ou pour permettre à des réfugiés qui sont coincés dans des situations particulières, parce que leur vie est en danger dans le pays d'accueil ou en danger de déportation, parce qu'il y a ça aussi dans certains pays. Par exemple, en ce moment, au Pakistan, on pousse les réfugiés hors du Pakistan et on les retourne en Afghanistan. Donc, c'est un autre... C'est ce genre de facteur là, il faudrait...En ayant une flexibilité dans le programme, on permettrait de prendre en charge plus rapidement ces gens-là et de leur permettre justement d'être en sécurité plus rapidement.

M. Roberge : Je comprends votre intention, mais je vois la difficulté de l'opérationnalité de ça, parce qu'entre quelqu'un qui fuit la guerre, quelqu'un qui fuit la famine, quelqu'un qui fuit la persécution, quelqu'un qui avait trouvé refuge dans un pays, mais qui doit le quitter, c'est dur de hiérarchiser tout ça, puis de dire : Bien, tel groupe devrait peut-être passer devant la file. Ouf! Mais, en même temps, je comprends, mais je trouve ça particulièrement délicat, délicat.

M. Ducharme (Hugo) : Et le... accompagné le gouvernement pour aider à avoir des critères objectifs pour déterminer qu'est-ce qu'une situation d'urgence, quelle population pourrait rencontrer un niveau de précarité supplémentaire qui justifierait le passage par la voie d'urgence. Je le sais qu'au fédéral, dans le programme équivalent au fédéral, il y a des choses qui permettent des traitements accélérés, entre autres, les personnes LGBTQ+ ont quelque chose à ce niveau-là, mais il y a d'autres populations qui permettent les voies accélérées. On peut s'inspirer de qu'est-ce qui se fait ailleurs.

M. Roberge : Sur un tout autre sujet, depuis quelques années, le Québec qui fait bien plus que sa part par rapport à tout le reste du Canada pour l'accueil de réfugiés demandeurs d'asile, on est quelque chose, là, entre 37, 38, et puis il y a eu des années où... presque à 50 % de tous les demandeurs d'asile pour tout le Canada. Quelle est votre perspective en cette inéquité-là? Les Québécois ont un grand cœur, mais ça pose des enjeux. Puis, en même temps, je veux dire, je pense que les Albertains aussi ont un grand cœur, puis les... les Néo-Écossais aussi, là, je veux dire. Comment vous voyez ça, cette iniquité-là? Comment on ferait pour, je ne sais pas, s'assurer que ce soit de manière plus juste que les demandeurs d'asile, les réfugiés soient installés, puis accueillis, puis pris en charge dans tout le reste du Canada?

• (16 h 40) •

M. Ducharme (Hugo) : Une des choses, à ce niveau-là, premièrement, pour moi, les demandeurs d'asile puis les réfugiés reconnus à l'étranger, c'est deux choses différentes. Ils ont leur propre processus. Il est extrêmement difficile de contrôler la partie des demandeurs d'asile parce que des gens qui se présentent sur place.

Cependant, pour... le fait d'avoir des programmes de réinstallation, que ce soit par le gouvernement ou par le privé, ça diminue la pression sur les demandes d'asile, parce que ça donne une voix régulière et planifiée d'immigration des réfugiés et ça permet aux gens d'avoir un espoir. Quand on ferme complètement les programmes de réinstallation, on augmente la pression sur les demandeurs d'asile parce que les gens, n'ayant pas d'autre voie, vont essayer de se rendre sur place pour demander l'asile. Donc, pour moi, au contraire, le fait de diminuer l'immigration permanente de réfugiés a un impact, augmente la pression au niveau des demandeurs d'asile.

M. Roberge : Je vous remercie. J'ai des collègues qui veulent poursuivre l'échange avec vous. Merci.

La Présidente (Mme Poulet) : Oui, Mme la députée de Vimont, la parole est à vous.

Mme Schmaltz : Merci, Mme la Présidente. Merci à vous deux d'être présents pour nos travaux, toujours apprécié...

Mme Schmaltz : ...vous mentionnez que les délais d'attente pour avoir accès aux cours de francisation ont atteint des niveaux stratosphériques et que vous recommandez naturellement que le temps d'attente pour commencer un cours de français soit réduit à un maximum de trois mois. Peut-être, je vais vous ramener une petite nuance là-dessus, ou même pas une nuance. En fait, un fait, là, plutôt. C'est que notre liste d'attente a énormément diminué, les derniers mois. Juste pour vous donner un chiffre, là, un peu vous situer, on compte en septembre moins de 14 000 personnes en attente de commencer en cours comparativement à 34 000 à la même période... même période, pardon, en 2024.

Vous comprendrez que le... cette diminution fait en sorte que tout se raccourcit dans le bon sens. Donc, à ce moment-là, il y a quand même une... il y a un espoir. Si jamais vous n'en voyez pas, je vous l'annonce, il y a quand même un espoir. Ma question en lien avec ça, si vous... si vous nous demandez, si vous vous posez la question ou en fait si vous recommandez d'avoir... d'avoir moins de délais d'attente, est-ce que c'est parce que, sur le terrain, vous avez des échos de francisation? Est-ce que vous sentez, là, qu'il y a un bassin, là, qui sont prêts, là, qui attendent, là, qui sont sur les charbons ardents pour être francisés?

M. Ducharme (Hugo) : Moi-même, je travaille dans un organisme de parrainage de réfugiés au quotidien. Dans les réfugiés que j'ai accueillis durant la dernière année... dans les deux dernières années, j'ai vu des cas de gens attendre plus d'un an pour avoir accès à la francisation. Et c'est un frein majeur à l'intégration dans la société québécoise. Ce n'est pas parce qu'ils ne veulent pas, ils veulent réellement avoir accès à la francisation. Et c'est pour ça qu'on a amené une telle recommandation. Je salue le fait que vous... l'annonce que vous me faites, qu'il y a eu des réductions majeures dans les délais d'attente, et je suis content, mais ça reste qu'en ayant un objectif clair, ça nous aide justement à voir : OK, à... qu'est-ce qu'on a encore à faire? Qu'est-ce qui est... Qu'est-ce qui a été fait? S'il n'y a pas d'objectif, c'est difficile d'évaluer la performance de cette réduction-là.

Mme Schmaltz : Tout à fait. Puis le but, c'est justement de ne plus avoir de listes d'attente. Là, c'est un grand but, là, on va s'entendre, là, mais c'est sûr que plus qu'on s'améliore, mieux c'est, en fait, c'est ce qu'on souhaite. Puis d'avoir aussi un peu de l'écho de votre côté, de savoir : Bon, il y a quand même une forte demande. Vous êtes sur le terrain, donc vous êtes un peu les yeux, les oreilles, hein, pour nous. Et puis... oui, c'est ça, c'est qu'en lien aussi avec ça, on a quand même aussi un budget de prévisibilité aussi qu'on... qui est là. Donc, tout ça fait en sorte que la vision, elle est là. On est aussi dans cette orientation d'augmenter la francisation à 75 %. selon vous, c'est quelque chose qui est... qui est... je ne veux pas dire acceptable, là, mais qui est envisageable?

M. Ducharme (Hugo) : En fait, je vous dirais que les réfugiés parrainés et les réfugiés pris en charge par l'État vont être parmi les populations de réfugiés qui vont atteindre le plus facilement ce pourcentage de francisation là, parce qu'ils ont ce désir-là justement d'apprendre le français, ce désir de s'intégrer et de contribuer à la société d'accueil. Donc, c'est un objectif qui est très, très, très faisable si on s'y donne les moyens, bien sûr, si on bâtit la capacité de la faire.

Mme Schmaltz : ...combien de temps encore, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Poulet) : Une minute, 10.

Mme Schmaltz : OK, parfait. Par curiosité, vous en rencontrez combien par... Je ne veux pas dire par jour. Je n'ose pas, là, mais environ là vous en rencontrez combien de gens, là, de réfugiés que vous accueillez ou peu importe, là?

Mme Colon (Sandra) : En fait, ça prend... Comme on est un regroupement, ça peut varier d'organisme à organisme. Évidemment, avec la suspension des programmes... du programme, il y a une baisse de soumissions, de demandes et donc d'admissions. Mais mon collègue Hugo qui est sur le terrain, est-ce que tu as un chiffre approximatif?

M. Ducharme (Hugo) : Là, c'est difficile parce que d'année en année, nos nombres diminuent, mais tu sais, à l'époque, des Syriens, on en accueillait beaucoup. On... notre organisme a accueilli beaucoup... au-dessus de 1 000 Syriens, Syriennes. En ce moment, on est entre les 150, 100 personnes...

M. Ducharme (Hugo) : ...100 personnes réfugiées parrainées de beaucoup de nationalités différentes et de tout âge, donc.

Mme Schmaltz : OK. Donc, on parle d'entre...

La Présidente (Mme Poulet) : C'est tout le temps que nous avons, Mme la députée.

Mme Schmaltz : Bon. Merci.

La Présidente (Mme Poulet) : Je transmets maintenant... Bien, M. le député de l'Acadie, la parole est maintenant à vous.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour, bon après-midi. Merci d'être là, de l'échange que vous avez avec la commission. Merci également pour votre mémoire et le travail que vous faites auprès de populations souvent vulnérables. Alors, c'est tout à votre honneur, je vous remercie. J'ai quelques questions pour vous en lien avec votre mémoire.

À la page 16, vous parlez de la pérennisation du programme et vous suggérez que «le programme de parrainage collectif doit être consolidé et inscrit dans une vision à long terme». Et là, évidemment, vous faites aussi référence d'ententes-cadres avec des organismes de parrainage dits expérimentés. Donc, est-ce que ça fonctionne toujours? Est-ce que ça fonctionne bien? Est-ce que vous avez des enjeux à ce niveau-là? Parce qu'à la note 13 vous écrivez : «Depuis la mise en place du tirage au sort dans le programme de parrainage collectif pour les organismes, le nombre est fixé à zéro.»

M. Ducharme (Hugo) : En fait, maintenant, les organismes n'ont plus de minimum de dossiers à déposer par année. C'est ça, la norme de zéro. Pourquoi qu'on parle beaucoup de la pérennisation, c'est qu'il y a eu beaucoup de changements dans les dernières années dans le programme, des changements qui fragilisent le fonctionnement même du programme de parrainage. Entre autres, depuis les tout débuts, depuis les années 80, le parrainage de réfugiés fonctionne, un organisme parraine, il y a des co-parrains sur le terrain qui aident à l'intégration... sociale des réfugiés et qui aident... qui aident aussi financièrement au niveau du parrainage lui-même. Ce fonctionnement avec nos parrains est pancanadien. Tous les groupes, les... tous les signataires d'ententes de parrainage dans le reste du Canada fonctionnent avec des co-parrains.

• (16 h 50) •

Avec les modifications réglementaires qu'il y a eues dans les dernières années, le principe des co-parrains au Québec a été beaucoup fragilisé sans vraiment consulter les organismes à ce niveau-là, d'ailleurs, et sans vraiment l'expliquer, jusqu'à suspendre des organismes de parrainage qui font bien leur travail, qui ont un travail reconnu en disant : Vous fraudez le programme parce que vous n'êtes pas les vrais parrains, les vrais, c'est les co-parrains. Et, avant 2024, il n'y avait eu aucun document papier qui nous le disait clairement, mais, depuis 2024, c'est rendu clair de la part du MIFI, ce qui fait que ça met en péril beaucoup d'organismes de parrainage qui travaillent depuis 35 ans, 40 ans dans le milieu du parrainage. On parle d'organismes comme le diocèse de Montréal, Action Réfugiés Montréal. C'est des gens qui n'ont jamais fraudé les réfugiés. C'est des gens qui n'ont jamais eu des comportements problématiques à ce niveau-là et qui se font mettent au banc des accusés au lieu de discuter avec les groupes de parrainage et d'essayer de voir comment pouvons-nous avoir un fonctionnement qui permet de continuer avec le co-parrainage, qui est la façon la plus... une façon saine de gérer le programme tout en ayant un encadrement qui permet de ne pas faire n'importe quoi.

Et nous, on a des propositions, mais on se fait refuser d'être écoutés par les fonctionnaires parce qu'ils nous considèrent en conflit d'intérêts.

M. Morin : OK. Attendez, je veux bien... je veux bien comprendre. Quand vous parlez de co-parrain, par exemple, donc, ça pourrait être un organisme qui aide un autre organisme, par exemple, qui accueille des réfugiés, qui l'aide d'une façon financière ou... est-ce que ça peut être ça, ou encore qui fait en sorte qu'ils ont une capacité, par exemple, je ne sais pas, moi, pour procurer des vêtements ou des biens de première nécessité? Est-ce que ça pourrait être des situations comme ça puis là, bien, ça fait en sorte que, si, admettons, le co-parrain à une capacité financière que le parrain n'a pas? Bien, à ce moment-là, le système ne fonctionnera plus. Est-ce que...

M. Morin : ...Est-ce que je comprends bien? Avez-vous des exemples précis à donner?

M. Ducharme (Hugo) : En fait, un coparrain est plus souvent des gens de la population civile? C'est rarement... C'est... Dans le reste du Canada, c'est possible, des coparrainages d'organismes. Au Québec, ça n'a pas été la façon de faire jusqu'à présent. C'était un organisme avec des individus, des personnes physiques, donc une personne morale qui garantit le parrainage auprès du gouvernement et qui est responsable auprès du gouvernement et des personnes du terrain qui deviennent les yeux, les mains pour l'organisme et qui travaillent à l'intégration de ces personnes-là au jour le jour avec l'accompagnement des organismes.

M. Morin : Donc là je comprends que, si je vous ai bien compris, ça, maintenant, ce n'est plus possible ou c'est très difficile?

M. Ducharme (Hugo) : C'est... Ce n'est plus... Ce n'est... Ce n'est techniquement plus possible.

Mme Colon (Sandra) : En fait, ce n'est légalement plus possible. Le MIFI, le ministère de l'Immigration a partagé... là, les organismes en... 24.

M. Ducharme (Hugo) : Oui.

Mme Colon (Sandra) : Décrivant noir sur blanc que cette manière de procéder, qui est une manière historique pour les organismes de parrainage, donc, que ce n'est plus admissible.

M. Morin : Et est-ce que... Bon, parce qu'évidemment on s'entend, s'il y a des fraudes, on ne veut pas ça. Puis là, bien, l'État doit agir. Mais est ce qu'avec l'expérience que vous avez du milieu, est ce qu'il y avait beaucoup de fraudes? Est-ce que ça correspondait à un enjeu particulier? Et savez-vous pourquoi le ministère a pris cette décision-là? Est-ce qu'on vous l'a expliqué?

M. Ducharme (Hugo) : Bien là, c'est sûr qu'en 2016, quand il y a eu la grande ouverture du programme et qu'il y a eu certains organismes qui ont été pris et qui ont été punis, tous ces organismes qui ont fait des choses qui étaient répréhensibles. On en est d'accord que... Et le ménage a été fait à ce moment-là. C'est... Et nous, qu'est ce qu'on dit? C'est que, nous, on est prêts à travailler avec le ministère pour diminuer au maximum le risque de fraude et afin que justement... Parce qu'on a le même but, c'est-à-dire on ne peut qu'accueillir les personnes réfugiées dans la dignité. Et ça... Et c'est juste qu'on veut pouvoir... Et c'est pour ça qu'un programme ou qu'on est pleinement partenaires et qu'on a réfléchi ensemble au niveau tant dans le cadre, etc., nous aiderait à... nous aiderait à, justement, à diminuer ce risque de fraude. Et les... Et pour moi, tu sais, je comprends les préoccupations, mais j'ai eu l'impression qu'on a jeté le bébé avec l'eau du bain.

M. Morin : Parce que, bon, clairement, puis je le mentionnais précédemment, des fraudes, on n'en veut pas. Il faut prendre tous les moyens nécessaires pour les détecter et lutter contre ça. D'autant plus qu'avec les réfugiés, souvent, ce sont des gens qui vivent dans des situations... qui sont fragilisés. Donc, en plus on ne veut surtout pas, et surtout pas qu'ils soient... qu'ils soient exploités, là, on se comprend. Mais je comprends aussi qu'il n'y avait pas eu de... Il n'y a pas eu de consultation avec les organismes sur le terrain avant ces changements de processus, finalement.

M. Ducharme (Hugo) : Non... ils ont discuté des changements avec la CCRI, mais c'était des discussions dans... qui n'étaient pas des consultations. Puis les organismes n'ont pas été directement informés avant 2024. Pourtant, les changements ont été appliqués avant ça et des organismes ont été condamnés en fonction de ces changements-là.

M. Morin : OK. Je vous remercie. J'aimerais maintenant qu'on parle du regroupement familial. On en a parlé plus tôt aujourd'hui. Il y a... Il y a un organisme qui est venu aussi nous parler — en fait, c'est un cabinet d'avocats — des enjeux, de la longueur. Moi, j'aimerais... En fait, c'est l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration. C'est un dossier qui me préoccupe beaucoup. Qu'est-ce que? Qu'est-ce que vous vivez? Ça se passe...

M. Morin : ...comment sur le terrain... Quels sont les délais auxquels vous êtes confrontés et... et des enjeux que vous rencontrez?

M. Ducharme (Hugo) : En fait, nous, les organismes de parrainage, au niveau de la réunification on a une voie particulière qui s'appelle le délai prescrit d'un an. Le délai prescrit est un an, ça ne veut pas dire que la personne arrive dans un an. Ça veut dire qu'une personne réinstallée a un an pour déposer un dossier pour faire venir les dépendants qui n'ont pas pu voyager avec lui. Et les délais de ce programme sont tout aussi, sinon plus... sont tout aussi longs que le programme de réunification familiale et fonctionne... d'ailleurs ont des principes de... de vérification similaire tout ce ça. Donc, oui, on est confronté aux mêmes délais. Et quelque chose qu'on voit aussi, c'est qu'il y a une disparité de délais selon le pays dans lequel la personne est, mais ça c'est plus des problématiques propres au fédéral à ce niveau-là. Mais on constate aussi que dans les délais prescrits d'un an, il y a aussi des délais inacceptables, surtout dans le cas de mineurs non accompagnés...

M. Morin : Oui, exact.

M. Ducharme (Hugo) : ...parce que... c'est-à-dire que je ne comprends pas que, quand des personnes mineures essaient de faire venir leurs parents ou que des parents essaient de faire venir un enfant qui est de côté n'ait pas de voie express pour faire venir ses enfants qui sont séparés de leur autorité parentale ou des parents de ses enfants séparés de leur autorité parentale. Quand on sait qu'au fédéral, il y a une fois express. Il y a des façons de demander à IRCC d'accélérer le traitement pour ces enfants-là, puis il n'y a pas ça en ce moment au Québec.

M. Morin : C'est ça, on a... on n'a pas ça. Mais, écoutez, je vous le dis de mémoire, mais le Canada, et donc le Québec, a adhéré à la Convention internationale des droits des enfants. Comment... comment on réconcilie ça? On parle d'enfants, là, vous parlez d'enfants mineurs, et ils n'ont pas de parents de les faire venir puis il n'y a pas de voie accélérée au Québec. Alors, parlez-moi de ça un peu. Puis ça semble... En tout cas, ça ne semble pas être conforme à la convention internationale. Alors, j'aimerais ça vous entendre là-dessus.

Mme Colon (Sandra) : C'est sûr que pour nous, c'est... les enfants mineurs non accompagnés c'est... c'est très important que le Québec puisse faire sa part dans ce... dans le processus, et que ce soit en passant... et en établissant des normes de services claires ou tout autre moyen législatif, mais que, dans le contexte de regroupement et de réunification familiale pour personnes réfugiées ou pour d'autres catégories d'immigrants, que ce soit fait dans le temps, dans le respect, dans l'humanité, puis dans le respect des droits de l'enfant.

• (17 heures) • 19253   M. Morin : À la page 13 de votre mémoire, la recommandation huit et vous en avez ou vous venez d'y faire référence? Vous parlez des normes de traitement de 12 mois pour le programme de parrainage de personnes réfugiées à l'étranger. Mais vous écrivez : «Lorsque nous regardons le nombre de personnes réfugiées accueillies par le Québec en 2024 par rapport aux cibles, nous constatons un écart très important. En effet, la province en a accueilli seulement 992 personnes réfugiées dans le programme de parrainage collectif lorsque son objectif était de l'ordre de 3 650 personnes. C'est plus de 2 600 vies qui attendent encore d'être sauvés. Mais nous constatons sur le terrain que divers processus administratifs au MIFI prennent plus de temps qu'autrefois.» Et à la fin du paragraphe à la page 14, vous écrivez : «Ces délais obligent parfois même des personnes réfugiées à refaire l'examen médical.» Alors, est-ce que vous pouvez nous en parler davantage? C'est quoi les processus administratifs qui prennent plus de temps? Et l'accès aux services de santé est un enjeu au Québec, donc ça ne doit pas être facile.

M. Ducharme (Hugo) : En fait, quand on parle de l'examen médical ici, c'est l'examen médical préarrivée. Donc, quand IRCC a approuvé la candidature, la personne passe un examen médical donc qui est valide pour un an. Il y arrive parce que les ententes... les engagements qu'on prend avec Québec ont une durée de vie limitée, si le traitement du dossier a pris plus de...


 
 

17 h (version non révisée)

M. Ducharme (Hugo) : ...que tant que la durée de vie de l'attente, de l'engagement, on doit renouveler l'engagement. Autrefois, quand moi, j'ai commencé à travailler dans le parrainage, ça fait neuf ans que je travaille dans le parrainage collectif, une entente en renouvellement d'engagement pour un organisme expérimenté, c'était un mois, maximum trois mois. Maintenant, j'ai... postpandémie, j'ai vu des délais atteindre facilement un an, pas toujours, mais j'ai vu des renouvellements d'engagement prendre un an. Et le renouvellement d'engagement retarde la délivrance du CSQ. Si le CSQ n'est pas délivré... après ça pour transférer le dossier à l'Organisation internationale pour la migration pour faire la réinstallation de la personne. Et si le processus renouvellement d'engagement, émission du CSQ prend trop de temps et que le délai d'un an est passé, toute la famille doit repasser l'examen médical avant de prendre l'avion, donc, à ce moment-là, c'est un délai supplémentaire.

M. Morin : OK. Très bien. Je vous remercie. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci. Merci à vous deux de votre contribution à nos travaux.

Alors, on suspend quelques instants, le temps que le prochain groupe s'installe. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 04)

(Reprise à 17 h 06)

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, on reprend nos travaux. Nous accueillons le Centre de Réfugiés. Alors, je vais vous demander de vous présenter. Vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé. Par la suite, on va procéder à une période d'échange. Alors, la parole est à vous.

Mme Fournel (Camille) : Parfait. Merci beaucoup. Bonjour, Mme la Présidente. Bonjour aux membres de la commission. Donc, merci de nous accueillir aujourd'hui, c'est un plaisir pour nous de pouvoir contribuer directement à la réflexion collective qui porte sur les orientations futures du Québec en matière d'immigration.

Donc, on va d'abord se présenter. À ma droite, on a Me Pierre-Luc Bouchard, qui est avocat et droit du travail depuis 10 ans, il pratique principalement en immigration humanitaire et en droit du travail, c'est lui qui est à l'origine de la clinique juridique du Centre de Réfugiés, qui est aujourd'hui active autant à Montréal qu'à Québec. À ma gauche, on a Jessica Ranger, qui est agente aux affaires juridiques à la clinique juridique Centre des Raéfugiés. Et finalement moi-même, Camille Fournel, directrice de l'engagement et des communications au centre. Donc, sans surprise, on est ici en tant que représentant du Centre de Réfugiés, qui est un organisme communautaire au centre-ville de Montréal, qui va célébrer d'ailleurs ses 10 ans d'existence cette année. Depuis sa création, le centre s'est imposé comme un acteur de première ligne dans l'accompagnement des personnes réfugiées en demande d'asile...

Mme Fournel (Camille) : ...on offre une gamme de services qui est ancrée dans les réalités du terrain, qui couvre notamment les besoins juridiques, sociaux, économiques, académiques, les besoins de logement, mais aussi les besoins de santé. Notre rôle ne se limite pas simplement à répondre aux besoins de base des personnes en demande d'asile, mais également à encourager les décideurs politiques des différents paliers de gouvernement à promouvoir des politiques d'immigration qui permettent aux nouveaux arrivants de participer pleinement à la vie québécoise.

Chaque année, on reçoit et on soutient des milliers de nouveaux arrivants, ce qui nous permet de constater directement les défis qu'ils rencontrent, mais aussi de constater leur contribution au Québec. De l'accueil des réfugiés syriens, en 2015, à l'augmentation des passages au chemin Roxham à partir de 2017, on a vu comment chaque changement administratif ou décision politique, qu'il s'agisse d'un nouveau portail en ligne ou d'une modification de programme, ça a des effets directs sur les parcours d'intégration puis ça se répercute directement sur la vie des gens. À chaque fois, ce sont les organismes de première ligne comme le nôtre qui doivent s'adapter rapidement pour aider, accompagner et pallier au manque. On a été heureux d'entendre, dans les remarques préliminaires que plusieurs membres de la Commission ont rappelé que l'immigration ne se résume pas à des chiffres, mais à des personnes et à des parcours de vie. Ce rappel est d'autant plus important dans un contexte où le discours public devient souvent polarisé et où les demandeurs d'asile deviennent trop souvent les boucs émissaires de problèmes qui dépassent largement leur situation. C'est le narratif qui présente les personnes migrantes comme un fardeau... nourrissent la marginalisation à laquelle ils font déjà face... et il alimente la méfiance qu'on peut avoir envers cette population.

Mme Ranger (Jessica) : Notre mémoire sur l'immigration à caractère humanitaire et plus particulièrement sur la situation des personnes en demande d'asile. On a concentré notre analyse et nos recommandations sur l'engagement humanitaire du Québec et sur les conditions d'accueil qui sont offertes à cette population. Notre message principal est simple : il faut dépasser la vision strictement utilitariste reflétée dans les orientations actuelles afin d'être en accord avec nos engagements humanitaires, notamment d'accueillir ceux et celles qui fuient la persécution en quête de protection. Nous soutenons que la pression sur le système québécois ne peut justifier un recul des garanties de protection. Ces engagements s'inscrivent d'ailleurs dans la continuité du rôle historique que le Québec a joué en matière d'accueil humanitaire. Depuis plusieurs décennies, le Québec a montré sa capacité à mobiliser non seulement ses institutions, mais sa société civile pour offrir refuge à ceux et celles qui fuient les crises. Pensons notamment à l'arrivée des «boat people», à la fin des années 70, et à la crise syrienne de 2015, entre autres. Présentement, nous faisons face à un niveau de déplacement forcé sans précédent à l'échelle mondiale, une tendance qui ne montre aucun signe de ralentissement. Dans ce contexte, le Québec a depuis longtemps démontré sa volonté d'accueillir les personnes réfugiées avec dignité et humanité et doit continuer d'anticiper les défis et éviter les entraves au processus d'intégration à la société québécoise. Il ne s'agit pas uniquement de respecter nos obligations internationales, mais aussi de continuer d'incarner les valeurs de solidarité et d'humanité qui définissent le Québec.

• (17 h 10) •

Pour y parvenir, nous recommandons d'abord d'admettre en continu les personnes reconnues réfugiées sur place et celles admises pour considération humanitaire sans les intégrer dans les cibles. Aujourd'hui, ces personnes représentent une minorité des admissions et font face à des délais de traitement très longs allant de 45 à 50 mois, ce qui est bien au-delà de la moyenne canadienne. Ces retards limitent leur intégration, la réunification familiale et l'accès à certains services essentiels. Ce sont des personnes qui sont déjà sur le territoire et qui sont prêtes à contribuer pleinement à la collectivité.

Toutefois, ceci ne doit pas se faire au détriment des autres catégories humanitaires. Nous recommandons donc aussi de garantir la continuité des programmes humanitaires et éviter toute suspension ou réduction motivée par l'augmentation de d'autres catégories.

De plus, dans notre mémoire, nous abordons également certaines des demandes adressées au gouvernement fédéral. Dans ce contexte, nous recommandons de retirer les demandeurs d'asile du calcul des cibles de résidents non permanents et de maintenir leur accès au territoire et au processus d'asile en conformité avec nos obligations internationales. Il s'agit d'une catégorie distincte à finalité humanitaire. Et demander au gouvernement fédéral de limiter leur accès au territoire ou encore de diminuer leur nombre affaiblit le système de protection internationale. Le HCR souligne d'ailleurs que ces mesures sont incompatibles avec le droit international des réfugiés, car elles peuvent exposer ces personnes à des risques de refoulement ou de mauvais traitements.

Mme Fournel (Camille) : On adresse aussi la demande faite au fédéral quant à la mise en place d'un mécanisme de répartition équitable des personnes en demande d'asile entre les provinces qui serait proportionnelle au poids démographique de chacune. On soutient qu'une telle demande doit être précisée, notamment pour que ce genre de mécanisme là repose sur la participation volontaire des personnes puis qu'elles soient soutenues par des investissements qui sont durables, ce qui permettrait de garantir dans chaque province un accueil qui est... un accueil qui est digne puis une intégration qui est adaptée aux besoins spécifiques des personnes qui sont concernées. On l'a vu avec l'expérience de 2023, là, qui a été marquée par l'arrivée des... l'augmentation des arrivées via le chemin Roxham. Ça a montré les limites, en fait, d'une répartition qui est mal encadrée. Donc, il y a eu des transferts...

Mme Fournel (Camille) : ...qui sont sans consentement, manque d'information pour les personnes qui sont concernées, il y a un accueil dans des provinces sans infrastructures adaptées puis il y a eu aussi un accès restreint des services essentiels, comme l'aide juridique.

En parallèle de ses engagements, le Québec a su démontrer sa volonté d'assurer une structure d'accueil qui est solide pour les personnes en demande d'asile. Grâce au PRAIDA, on a mis en place un modèle qui est reconnu à travers le Canada, qui offre hébergement temporaire, des soins de santé, soutien psychosocial puis une orientation vers les ressources communautaires dès l'arrivée, dès le début, quand les personnes mettent les pieds sur le territoire québécois. Par contre, cet engagement historique n'est pas pleinement reflété dans les orientations actuelles, ce qui laisse un vide pour les services à long terme. Il est nécessaire de miser non seulement sur les conditions d'accueil dès l'arrivée, comme avec le PRAIDA, mais aussi d'avoir des services continus et, à long terme, capables de répondre aux besoins évolutifs des personnes. Ça implique des investissements soutenus dans les services d'intégration, de logement, de francisation, d'employabilité, de santé et d'aide juridique afin de créer une structure d'accueil qui soit digne et durable. Ne pas investir tout au long du parcours des personnes en demande d'asile, ça a des conséquences concrètes et durables. L'absence de services d'accueil et d'intégration dès les premières démarches et tout au long de leur parcours fragilise leur autonomie, retarde leur insertion sociale et professionnelle et augmente la vulnérabilité face à l'isolement, l'itinérance et même à l'exploitation. À long terme, ces manques compromettent non seulement la réussite individuelle des personnes, mais aussi leur contribution à la société québécoise et le développement économique et social des communautés d'accueil.

Sur le terrain, on constate quotidiennement ces impacts, des personnes qui restent bloquées dans des démarches administratives complexes, des familles qui vivent dans l'incertitude et la précarité, beaucoup de demandeurs d'asile aussi qui dépendent largement du soutien des organismes communautaires pour subvenir à leurs besoins essentiels. Ces observations nous démontrent que l'investissement initial et continu dans un accueil des services adaptés constitue également un levier indispensable pour permettre à ces personnes de s'intégrer pleinement et de participer activement à la société québécoise.

M. Bouchard (Pierre-Luc) : Sur ce, bien, nos recommandations sont résumées au début de notre rapport que vous... on vous a soumis, là, pour faciliter justement, là, la compréhension et les échanges. Vous constaterez qu'on les a divisés en 10 catégories, dans laquelle vous pouvez voir chaque conclusion, recommandation subsidiaire. Nous, bien, on est un organisme communautaire, comme on l'a dit, qui... un aide de proximité avec les gens. Donc, nous, notre témoignage qu'on vous livre, nos constatations, c'est ce qu'on a vu à travers nos 12 000 personnes en 2024 qui ont utilisé nos services, et, aujourd'hui, bien, c'est ça qu'on aimerait vous partager, bien sûr, à travers les questions que vous poserez par rapport à nos recommandations. On voudrait vous sensibiliser aux éléments que nous constatons directement dans le cadre du support qu'on donne à ces gens-là issus de l'immigration. Nous, c'est humanitaire, là, principalement, là, demandes d'asile, demandes de résidence permanente pour motifs humanitaires, permis de séjour temporaire pour raisons humanitaires, mais aussi personnes victimes de violence conjugale, et on est dans ce jeu-là, là, comme je vous dis. C'est pour ça que nos recommandations sont listées comme ça, puis c'est les témoignages qu'on peut vous fournir aujourd'hui pour vous éclairer dans votre prise de décision. On vous écoute.

La Présidente (Mme Poulet) : Parfait, merci. Alors, M. le ministre, la parole est à vous.

M. Roberge : Merci beaucoup. Merci pour votre présentation. Merci pour ce que vous faites au quotidien, pour ces groupes de personnes vulnérables qui arrivent puis qui ont besoin d'être épaulés dans tout. Ça appartient au gouvernement, mais pas seulement puis je pense que vous faites la différence, sans doute, dans plusieurs vies à chaque année. Donc merci pour ça.

Vous avez parlé, dans votre mémoire, d'un programme, je pense, au Nouveau-Brunswick, Au-delà de la grande ville. C'est un programme de... je ne sais pas si on l'utilise de réinstallation ou quelle est la meilleure façon de le nommer. Pouvez-vous nous parler de ce programme-là? Ça impliquait quoi? Combien de personnes?

Mme Fournel (Camille) : Oui, absolument. En fait, c'est un programme... un projet pilote, là, qu'on a lancé, en fait, partant du principe où est-ce qu'on se disait... de l'hypothèse que, quand on réinstalle quelqu'un vers une autre ville, il faut lui donner tous les outils nécessaires puis les incitatifs pour qu'il puisse s'installer, s'épanouir puis vraiment rester dans cette communauté-là. Aussi, c'est parti un peu de la réflexion que les gens qu'on reçoit au centre de réfugiés, ce n'est pas tout le monde qui veulent rester dans des grandes villes, dans des milieux urbains puis qui sont habitués non plus à habiter dans des milieux urbains comme Montréal, par exemple. Donc, il y avait cette volonté-là d'aller dans des plus petites villes, des plus petites ruralités, des plus petites municipalités puis de s'épanouir dans ces villes-là. Donc, partant de ce principe-là, on a approché une fondation privée pour voir si on ne pouvait pas voir si...

Mme Fournel (Camille) : ...cette hypothèse-là que si on donne tous les outils nécessaires pour se réinstaller, si les gens vont rester, s'épanouir et contribuer en fait à leur nouvelle communauté. Comme je le disais, c'est un projet pilote. On... C'était un test, en fait, on a réussi à réinstaller six personnes, puis les gens sont restés sur place. Comment ça fonctionne, un peu, le projet, quand on l'a testé? C'est qu'on les aide à trouver un logement dans la municipalité, on les aide à trouver un emploi, puis on paie pour les trois premiers mois de logement du moment qu'ils vont être réinstallés. Donc, le temps qu'ils s'installent, qu'ils commencent leur nouvel emploi, qu'ils apprennent à connaître un peu la municipalité puis la collectivité dans laquelle ils sont, ça leur donne un peu de temps pour s'adapter.

Puis en même temps, on a créé des partenariats avec les organismes communautaires qui étaient présents dans la municipalité pour qu'ils aient vraiment un encadrement puis un soutien continu. Parce que nous, on n'est pas présent sur place. On aide vers la relocalisation au Nouveau-Brunswick, mais ensuite les acteurs qui sont déjà dans le milieu, qui connaissent bien le milieu aussi... tu sais, on ne va pas réinventer la roue, on n'est pas présents sur place, on ne connaît pas toutes les dynamiques sur place puis tous les services qu'il y a d'offerts. Donc, d'avoir ce pont-là avec des organismes locaux, où est-ce qu'on peut partager notre expertise de... nous, on est habitué de recevoir cette population-là, de les supporter dans leurs démarches d'immigration. Donc, on est là pour vous soutenir, mais vous, vous connaissez beaucoup mieux les réalités du terrain. Donc, c'est comme ça qu'on a fonctionné. Puis les personnes qu'on a réussi à... qu'on a réinstallées avec le petit budget qu'on avait, puis, ils sont restés dans ces... dans ces localités-là. Donc, voilà.

M. Roberge : C'est une initiative qui est intéressante parce que, lorsque de nouvelles personnes arrivent, demandeurs d'asile, réfugiés ou autres, ils peuvent bien s'installer, mais ils ne peuvent pas s'intégrer s'ils sont dans un lieu où il y a à très forte majorité des gens qui sont dans la même situation qu'eux, c'est-à-dire des gens en installation, des gens qui sont nouveaux dans le pays, à la recherche de repères. Il y a de fortes chances qu'ils se tournent vers leur communauté d'origine. Puis ça crée une espèce de repli communautaire très multiculturaliste au sens canadien du terme. Ce n'est rien de méchant là-dedans, mais ça permet peu l'enracinement dans la société québécoise, ou néo-brunswickoise ou ontarienne ou albertaine, peu importe. Donc, il y a quelque chose d'intéressant.

Il y a quelques initiatives qui existent. Dernièrement, on a vu, Le Devoir a suivi plusieurs... je pense, c'est... le groupe qui l'a fait. On voyait l'image de l'autobus, là, mais ce n'était pas de la déportation, c'était une manière d'aller voir... Après une première prise de contact, ce n'était pas juste : On va en autobus, puis on passe la journée, puis on revient. Il y avait... avant l'autobus, il y avait quelque chose, puis après l'autobus, puis on voyait qu'il y a quelque chose qui a fonctionné. Parce que oui, il y a l'attrait de la grande ville au départ, mais avant de dire : Je veux aller dans une grande ville canadienne ou québécoise, ils veulent surtout quitter un endroit qui n'est pas sain pour eux. Une fois rendu ici, tu sais, Montréal, Québec, Saint-Jérôme, Magog, Baie-Comeau, Calgary, Saskatoon, c'est toutes des bonnes options, là, par rapport à l'endroit fui au départ, mais il faut que... je pense, comme... comme société d'accueil, leur montrer ces options-là pour réussir à ce qu'ils se sentent ici, chez eux, mais ça, ça veut dire... ça veut dire bâtir des ponts.

• (17 h 20) •

Et c'est très difficile à faire avec les grands volumes qu'on a en ce moment, vous le savez, là. On a peut-être pour les... Pour les dernières années, on a reçu au Québec à peu près 40 % de demandeurs d'asile de tout le Canada, même si on avait reçu 22 % de tous les demandeurs d'asile du Canada, ça aurait été tout un défi, parce que ce n'est pas 22 % d'un volume habituel, c'est 22 % de 100 000, ce n'est pas si pire, mais 22 % de 10 millions, c'est 2 millions. C'est trop, là, donc... mais là c'est... c'est 40 %, donc un pourcentage trop élevé d'un nombre jamais vu, donc d'un nombre très élevé. C'est difficile. Vous le savez, vous êtes.... Je ne dirai pas au front, mais vous êtes directement sur le terrain.

Vous voyez arriver ça, vous voyez les défis, mais vous dites : Attention! il faut que les réinstallations soient volontaires, volontaires pour les personnes, je veux bien, mais il me semble que les autres provinces devraient être fortement incitées. Après ça, bon, pour la personne, c'est une chose, mais que les autres... qui arrivent au Canada, ils n'arrivent pas nécessairement à Montréal-Nord ou à Parc-Extension.

Qu'est-ce que vous pensez de cette responsabilisation pancanadienne interprovinciale? Il me semble, on parle beaucoup de solidarité, mais la solidarité, ce n'est pas juste Québécois, c'est... ce serait Canadien...

M. Roberge : ...qu'est-ce que vous pensez de ce principe-là?

M. Bouchard (Pierre-Luc) : Je vais y... je vais juste... juste dans les considérants. Bien, l'Ontario a accueilli plus de réfugiés récemment, là... bien, demandeurs d'asile que le Québec. Pour une répartition... Bien, tu sais, nous, c'est parce qu'on dit qu'on est volontaire. Je vais vous donner un exemple concret qu'on a vu au centre des réfugiés à l'époque où les autobus ont été mis en place pour relocaliser en Ontario déjà au Québec. On recevait des appels qui nous disaient : Bonjour, je suis forcé de monter dans l'autobus, mais j'ai déjà fait mes procédures ici, qu'est-ce que je fais? On lui disait : Bien, tu n'as comme pas le... parce qu'il... De la manière qu'il nous décrivait l'autobus, c'est qu'il n'avait comme pas le choix d'embarquer dedans. Puis ça, je veux dire, au Québec, c'est spécial un peu, là. Il embarque dedans, il y va, mais il dit... il arrive en Ontario, puis là, lui, c'est parce qu'il s'est déjà installé à Montréal, à Québec, «whatever», et là il dit : Bien, c'est parce que moi, j'ai tout là, je suis là-bas, on m'a mis là, là, mais il a pris l'autobus pour revenir ici. Est-ce que, justement... Ça, c'est dans ce qu'on avait, là. Mais ce que je veux dire par là, c'est que, si l'Ontario, comme, dans des circonstances qu'on le... on essaie de le forcer pancanadien. Sur le terrain, ce que moi, je vous témoigne, M. le ministre, c'est que vous allez n'avoir qui vont embarquer, la statistique va être là, mais il va revenir ici parce que tout est installé, il est installé déjà.

Nous, ce que... pour les... on... Pour le côté interprovincial, de «coast to coast», je vous dirais, c'est qu'il faut avoir une approche peut-être différente à sa base dans l'acceptation des demandeurs d'asile réfugiés. Ce que je veux dire, c'est que c'est une population de travailleurs, essentiellement, à bas salaires dans leur majorité, qui comblent des emplois, dans une grande partie, qui sont moins sollicités par des gens ici, au Québec. Si on prend seulement dans un objectif de statistique d'une répartition égale de la ressource, ça se peut que, là, ce soit plus difficile puisqu'on évacue un élément important, je vous dirais, de la personne elle-même.

Je comprends que, quand on regarde nos politiques, les budgets, puis tout ça, on dit : OK, je comprends. Mais nous, de ce qu'on va vous témoigner, essentiellement, c'est que la personne, une fois qu'elle... elle est attachée ou elle est installée aux portes... par la porte d'entrée, là, c'est plus dur de la répartir avant que ce soit, entre guillemets, réglé. Ce que je veux régler, c'est que vous n'êtes pas sans savoir que le demandeur d'asile doit compléter un processus bureaucratique juste pour déposer la demande qui prend un certain temps, comme vous le savez, ce qui fait en sorte que, pour lui, là, ça devient difficile de se déplacer, comme dire : Oui, oui, je vais aller en Ontario, si mon dossier est au Québec, ah, je vais le faire transférer, mais j'ai-tu un avocat en Ontario, j'ai-tu un avocat au Nouveau-Brunswick? C'est ça qui est difficile à étayer. Puis Montréal, c'est un port d'entrée, Toronto, c'est un port d'entrée, Vancouver, c'est un port d'entrée, par l'avion généralement, par la terre, parce qu'on est collés aux États-Unis, puis, dans une proportion définitivement moindre, les bateaux, mais ça, c'est très rare, là, c'est principalement par avion. Puis, comme vous le savez, bien, par terrestre, c'est pratiquement... là, c'est beaucoup plus rare. Il y a eu plus de gens de l'Haïti récemment à cause de la... qui pouvaient passer, là, à cause des ententes, là, mais, essentiellement, comprenez qu'ils vont arriver par avion, par un porte d'entrée à Montréal, ça va, donc c'est plus dur faire la répartition à l'entrée.

Moi... Ce qu'on vous recommanderait, c'est plus d'envisager... OK. On a-tu de l'ouvrage, on n'a pas d'ouvrage? On peut dire : On... Avez-vous... On a des travailleurs potentiels ici, on a intégré, on... leur dossier est parti. Il faudrait commencer par une approche, je vous dirais, plus... plus... un peu plus tard dans le processus, parce que, nous, les initiatives qu'on a, la personne est rendue plus loin, là, on peut envisager un futur, là. C'est quand la personne vient de débarquer, là, on est dans la pyramide de Maslow, là, on est dans le bas, là. Ça fait que c'est pour ça que, je vous dis, la répartition interprovinciale est difficilement envisageable à partir de... au jour de l'entrée. On... le... dans vos... Je vous recommanderais d'envisager peut-être ça une fois dans une négociation avec le fédéral, une fois le processus plus entamé, là, par rapport aux demandeurs d'asile, spécifiquement, là, pour cette catégorie-là, à tout le moins, là.

Mme Fournel (Camille) : Bien, j'ajouterais peut-être, là, pour revenir avec, tu sais, notre expérience avec le projet pilote, là, qu'on a mené. Tu sais, nous, c'est le Nouveau-Brunswick, en fait, qui nous a approchés puis qui était prêt à travailler, puis, tu sais, c'était en 2023, là, donc, c'était au «peak» un peu, là, des entrées via le chemin Roxham. Puis la province était prête à les accueillir, mais il y avait besoin de l'expertise qu'on a au Québec vu que... bien, pas historiquement, mais, dans les dernières années, on a vu beaucoup de personnes en demande d'asile, puis il y a une expertise qui s'est développée au Québec, à Montréal, aussi en Ontario...

Mme Fournel (Camille) : ...ce partage de bonnes pratiques là aussi entre provinces, bien, c'est un bon incitatif aussi pour que les provinces embarquent dans le projet. Ça fait que, tu sais, de proposer justement... être un peu un leader dans cette discussion-là, on l'est déjà pas mal, mais de montrer comment on a l'expertise au Québec puis comment on est prêt aussi à faire un partage des bonnes pratiques avec les autres provinces, puis ça amène beaucoup d'ouverture. Donc, de notre expérience personnelle, ça a amené l'ouverture à travers le Canada.

M. Roberge : Merci beaucoup. J'ai des collègues qui veulent poursuivre l'échange avec vous. Je vais les laisser continuer. Merci.

La Présidente (Mme Poulet) : M. le député de Saint-Jean, la parole est à vous.

M. Lemieux : Quatre minutes et des poussières...

La Présidente (Mme Poulet) : 28...

M. Lemieux : ...poussières, on va dire 22, rendu là. Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Moi, ça fait sept ans que je suis député puis ancien journaliste, je trouve toujours l'exercice intéressant de la part des gens qui viennent. Vous avez plusieurs cases à cocher, d'abord, vous exprimer, dire ce que vous attendez, ce que vous voulez, ce que vous pensez. Mais il y a une certaine pédagogie à faire aussi, pas seulement auprès des députés de la commission, mais du public. Et il y a un choc de la réalité aussi, c'est-à-dire que vous êtes en train de parler et de plaider, entre guillemets — mais lui est déjà avocat — plaider, entre guillemets, pour des choses que vous voudriez, en sachant très bien, parce que le ministre a l'occasion, l'opportunité et le devoir de parler à tous les jours aux journalistes du sujet, en sachant très bien d'où il part, il y a souvent beaucoup de chemin avant de le rattraper.

Si je vous dis tout ça, c'est que j'aimerais ça que vous me parliez pendant une minute ou deux. Il n'y a pas un problème de sémantique ou grand public, parce que ça fait longtemps qu'on ne parle plus d'illégaux, là, mais réfugiés, demandeurs d'asile, vous utilisez ça de façon synonyme maintenant. Mais c'est vrai qu'on na pas eu... Il y a eu une partie ukrainienne à un moment donné, mais il n'y a pas eu de vague majeure de réfugiés depuis...

M. Bouchard (Pierre-Luc) : Bien, il y a Gaza qui pourrait en être un, mais ça, écoutez... À la base, là, OK, juste pour faire la distinction, si ce n'est pas clair. Demandeur d'asile, la personne n'a pas été reconnue réfugiée au sens de la convention. La plupart des programmes du gouvernement du Québec s'appliquent seulement lorsque la personne est reconnue à titre de réfugié, la plupart des programmes. Nous, Le Centre de Réfugiés, nous venons en aide à l'étape avant, qui est la demande d'asile, qui est celle qui prend du temps, mais on aide avec les autres demandes de type humanitaire, car il n'y a pas seulement que les demandeurs d'asile, donc...

• (17 h 30) •

M. Lemieux : ...la précision, mais là où je voulais aller, c'est que le réfugié classique, là, ceux qu'on connaît, si on remonte... Vietnamiens, depuis ce temps-là, ils sont sélectionnés là-bas par les gouvernements qui les font venir, ou ils sont, en tout cas, organisés, entre guillemets, pour aboutir ici, alors que le demandeur d'asile, il nous arrive comme un cheveu sur la soupe.

M. Bouchard (Pierre-Luc) : Bien, je veux dire, moi, le demandeur d'asile, pour moi, il est classique, parce que j'ai grandi dans le temps du hockey, là, où les Russes «jumpaient» le mur puis ils venaient... Je me sauve, je suis persécuté.

Une voix : ...

M. Bouchard (Pierre-Luc) : C'est ça, tu sais, moi, c'est les plus classiques des réfugiés, ces trois frères-là, mais sans déborder là-dessus. Non, c'est que vous avez des réfugiés sélectionnés à l'étranger par le HCAR, OK, qui sont dans certains pays comme la Jordanie, où il y a le... le... n'est pas dans tous les pays limitrophes des zones de conflit, le Haut-Commissariat des réfugiés, M. le ministre.

Une voix : ...

M. Bouchard (Pierre-Luc) : Mais c'est l'ONU ça, c'est simple, OK, ils sont reconnus comme ça. Puis là, eux, ils disent : Toi, tu as le papier pour être réfugié, ça fait que là, il y avait les privés, comme vous avez vu tantôt, qui font du parrainage privé. Mais il y a aussi le gouvernement du Québec qui, à cause de l'entente que vous avez signée jadis, naguère, avec le fédéral...

M. Lemieux : Et là, avec la minute qu'il me reste, j'aimerais qu'on aboutisse à ce qu'on a vécu et entendu ici, que, dans plusieurs cégeps, dans les universités, on débarque avec un permis d'études, puis finalement on demande l'asile en arrivant ou on demande l'asile en comprenant que ça n'a plus de maudit bon sens, ce n'était pas pantoute pour ça qu'on est arrivé. Là, ça devient aussi, entre guillemets, des demandeurs d'asile, mais là, ça complique... pour, vous autres, ça doit être un beau fouillis. 

M. Bouchard (Pierre-Luc) : Non, ce n'est vraiment compliqué, monsieur, je vais vous expliquer pourquoi. C'est que la loi étant ce qu'elle est, c'est que, lorsque vous venez ici avec un statut dit régulier, visiteur, travailleur ou étudiant, et que vous dites : Là, je veux devenir demandeur d'asile, je suis en danger dans mon pays. Ce que vous venez de dire à l'État canadien, c'est que vous n'êtes plus admissible aux conditions qui étaient initialement...

M. Lemieux : OK. On recommence.

M. Bouchard (Pierre-Luc) : Pire que ça, vous signez un ordre de déportation, une mesure d'exclusion conditionnelle à la réussite du processus demandeur d'asile, ce qui fait en sorte que, si vous échouez le processus de demandeur d'asile, nous vous renvoyons dans...


 
 

17 h 30 (version non révisée)

M. Bouchard (Pierre-Luc) : ...pays d'origine, si cela est possible.

M. Lemieux : Merci beaucoup. Ça aide à la compréhension, au final, parce que ça tourne beaucoup depuis quelques jours. Merci.

M. Bouchard (Pierre-Luc) : Ça me fait plaisir d'avoir du temps extra pour vous en parler, là, du...

La Présidente (Mme Poulet) : Merci beaucoup.

M. Bouchard (Pierre-Luc) : On a jusqu'à 17 h 50, selon ce qui est écrit dans l'horaire, alors, vu que c'est le Parlement, j'imagine que c'est vrai, là?

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, merci. M. le député de l'Acadie, la parole est à vous.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour, bon après-midi. Merci d'être là. Merci pour le mémoire que vous avez déposé, et le travail que vous faites au quotidien, parce qu'en lisant votre mémoire... vous écrivez, entre autres... vous accompagnez majoritairement des personnes en demande d'asile, ce, sans financement du PASI, vous répondez à des besoins urgents et concrets, et que des programmes publics ne prennent pas en charge. Donc, c'est tout à fait louable et important, ce que vous faites pour notre société, compte tenu des gens avec qui vous travaillez, et que vous aidez. Je vous en remercie.

Je vais vous poser une question que j'ai posée à plusieurs autres groupes aujourd'hui. Moi, la question du regroupement familial, ça m'intéresse, ça m'interpelle au plus haut point. Les délais sont très longs. Dans votre réalité, qu'est-ce que vous vivez? Qu'est-ce que ces familles-là vivent? Je peux comprendre qu'il y a même des fois, chez des demandeurs d'asile... il y a des enfants qui arrivent, en fait, des mineurs, pas de parents, que c'est aussi très long. Alors, pouvez-vous nous éclairer un peu sur la réalité que vous vivez, puis l'aide que vous pouvez apporter?

M. Bouchard (Pierre-Luc) : Veux-tu que... veux-tu commencer...

Mme Ranger (Jessica) : Bien, oui, si je peux commencer...

M. Bouchard (Pierre-Luc) : Oui, vas-y, vas-y, puis je vais compléter.

Mme Ranger (Jessica) : Oui, bien, en fait, dans notre travail, on fait moins de regroupement familial, donc on ne fait pas de demandes de parrainage comme telles, mais c'est sûr qu'on voit les enjeux des réunifications familiales par rapport aux demandeurs d'asile et aux personnes protégées au moment où ils font leur demande de résidence permanente. Et donc, comme vous l'avez déjà souligné — et c'était dans le cahier de consultation aussi — les délais de traitement pour une demande d'asile, c'est de 37 mois environ, puis, ensuite, pour la résidence permanente, c'est à 45 mois au Québec. Donc, on en voit, dans notre pratique, des individus qui sont venus sans leurs enfants, par exemple, parce qu'ils ne pouvaient pas les apporter au moment où ils ont quitté, qu'ils doivent attendre ensuite des années de temps pour faire venir leurs enfants après, donc c'est sûr que ça a un grand impact juste sur la santé psychologique de ces individus-là, et c'est sûr que ça rajoute à la détresse aussi.

M. Bouchard (Pierre-Luc) : Bien, nous, c'est souvent le mineur lui-même qu'on aide quand il vient, parce que nous, la population qu'on dessert, ces mineurs non accompagnés, généralement ils arrivent avec un petit bagage, puis ceux qui arrivent au centre, souvent, ils ont la carte du douanier dans les mains, qui nous demande de l'appeler pour qu'il nous explique qu'est-ce qui s'est passé à la frontière elle-même. Et là, bien, s'ensuit un processus de régularisation, qui, lui-même, peut prendre des années. Et on... là, il y a un nouveau programme pour ça.

Mais nous, ce qu'on demande quasiment à chaque fois qu'on est venus ici c'est, d'abord, que la DPJ ait quelqu'un d'assigné avec le MIFI pour nous aider lorsqu'arrive le moment où on doit demander le CSQ, certificat de sélection du Québec, qui est émis, là, par le MIFI. Donc, ça, souvent... Parce que la DPJ n'a pas... Mettons qu'il y a un mineur non accompagné ou la déchéance de l'autorité parentale, que là, la DPJ... le DPJ se ramasse avec l'enfant, bien, ils n'ont pas nécessairement de ressources juridiques, ça fait qu'ils viennent nous voir et nous disent : Bonjour, pouvons-nous régulariser le statut de l'enfant, parce qu'on ne peut pas le mettre en adoption, à cause qu'il n'est pas résident permanent ou citoyen? Ça, c'est notre problème numéro un, je vous dirais, souvent.

Pour le mineur lui-même, là, ça dépend, parce que, souvent, il va arriver... son père est à quelque part, il ne le sait pas, sa mère est ailleurs, ce n'est pas clair, il a 16 ans, ça prend un jugement de l'autorité... Là, on embarque, mais tout ça vient nous chercher des ressources, là... c'est important. Ça fait que nous, quand il est rendu à l'étape de dire : Je peux-tu... ma mère, je l'ai retrouvée, elle est à telle place, elle a besoin d'un visa pour venir, est-ce que je peux la faire venir?, bien, on... moi, je peux lui dire : Malheureusement, c'est pratiquement impossible, là. Parce que, souvent, ils viennent de pays qu'avoir un visa ce n'est vraiment pas facile. Sachant qu'ils viennent rejoindre un enfant... parce qu'il faut le dire, ça, au fédéral, là, qu'ils viennent visiter pour voir un enfant qui, lui, avait un... ils vont voir qu'il avait un statut précaire. Ça fait que, déjà là, il y a un élément supplémentaire.

Sans compter que, bien, quand c'est un jeune, il n'a pas d'argent, ça fait que ce n'est pas comme s'il pouvait aller voir un gros cabinet...

M. Bouchard (Pierre-Luc) : ...puis dire : Je vous donne 10 000 $ pour que vous m'aidiez à trouver une solution à ce problème-là. Ça fait qu'on a... Ça aussi, ce n'est pas couvert par l'aide juridique. Donc, je vous dis, c'est à peu près nul, les chances pour un mineur d'obtenir un regroupement réunification... bien, nous, c'est plus une réunification familiale, dans cette situation-là, je vous dirais. La nuance, c'est juste que ce n'est pas comme un parrainage où est-ce que... dans le regroupement, où est-ce que M., Mme parrainent les gens qui ont... qui ne sont pas canadiens. Ça fait que c'est ça. Bien, nous, c'est plus... on est à l'étape avant, dans notre vie de tous les jours. On voit les débats en cours, mais on a... Nous, notre mandat, on n'a pas de position sur le regroupement familial, là. On... Il y a plusieurs organismes qui vont pouvoir mieux vous aiguiller que nous, là. Nous, on est à l'étape des... du mineur non accompagné, qui est juste... qui a... c'est quand il débarque, il est à Windsor, là, par exemple, puis il n'a pas de parents, puis ils n'ont pas de ressources, ils viennent, ils se ramassent chez nous par l'entremise d'un travailleur social qui sait ce qu'on fait à PRAIDA, à la DPJ ou «whatever». Puis là, ils nous disent : OK, tu peux-tu nous aider? Parce qu'on ne sait pas trop comment on va régulariser le statut de la personne. Ça fait que c'est ça. Ça fait que nous... c'est ma réponse, malheureusement, à votre question.

M. Morin : Écoutez, ça... sincèrement, ça... Je vous remercie. Ça ne me rassure pas beaucoup, pas pantoute, en fait, pour vous dire la vérité. Puis vous dites, dans votre mémoire, les délais à la Commission d'immigration et du statut de réfugié, puis ça, c'est fédéral, bien, c'est beaucoup trop long. Personnellement, ça... Écoutez, là, vous dites : Ça prend, je ne sais pas combien, 30 quelques mois, 37 mois.

M. Bouchard (Pierre-Luc) : Bien, ça, c'est pour juste avoir l'audience. Parce qu'après ça, une fois que tu as l'audience, puis, mettons, on est dans le... positif que, sa décision, le jour de l'audience, parce qu'il avait un bon dossier... embarque le... il a le statut de réfugié, mais ça ne lui... ça lui confère la plupart des droits comme travailler, étudier, et voilà. Mais, sinon, lui, la personne, ce qu'elle souhaite, c'est avoir la reconnaissance de... la résidence permanente. Ça, c'est... c'est... Dans les seuils que vous décidez, ils sont affectés à cette étape-là aussi. Et là, les délais de 45 mois, à peu près, ont un impact plus personnel, je vous dirais, pour la personne. Ce que ça a comme effet, pour nous, ce que nous, on constate, c'est qu'une personne acceptée par exemple en 2022 à titre de réfugié, qui a fait sa demande en 2022, qui, en 2025, attend toujours, va comme... Là, on parle de quelqu'un que, là, il est intégré, il a fini ses cours de français, là. On est rendu plus loin dans le processus. Bien là, il dit : Là, OK, c'est quoi que je fais, là, pour avoir ma résidence permanente, parce que là, c'est long, là? Il va aller voir un avocat qui va lui dire : Pas de problème, tu vas faire une procédure de mandamus, qui, en ce moment, a inondé la Cour fédérale. Et, je pense, avoir des audiences là-dedans, tu sais, c'est... mettons qu'on met des chiffres, on dit ça prend... on allonge les délais, bien, ils vont... tu vas en... tu vas créer... Tu sais, c'est un effet boule de neige qu'on vous témoigne aujourd'hui là-dessus, là.

• (17 h 40) •

C'est que, je comprends, il y a des enjeux au-dessus de nous qui dictent ça. La conséquence est la suivante. C'est que, si on freine à une étape, bien, les gens vont essayer de trouver un autre moyen pour forcer l'exécution de la loi pour obtenir le statut qu'ils cherchent puisqu'on... comme on explique, on... M. le ministre, tantôt... on cherche une certaine délivrance, là. Puis, ces papiers-là, pour eux, que nous, on n'a jamais eus... on est nés ici, on s'en... on n'a jamais eu à se pencher là-dessus, bien, eux, pour eux, c'est... c'est le Graal, là. Donc, c'est dans ce... c'est un élément très psychologique, là, là-dessus, là. C'est... Je ne peux pas vous le qualifier ou le schématiser, là, mais en gros, c'est qu'ils sont tellement désespérés personnellement pour l'obtenir qu'ils vont aller chercher des juristes pour forcer l'exécution et obtenir le statut de résident permanent en question. Donc, ça, c'est... c'est une des réalités, là, que les délais causent principalement au... à tout le moins au système juridique, là, que moi, je peux vous confirmer que c'est ça. Et, bien, dans le fond, tu sais, c'est qu'on... c'est... c'est des traitements de... pour le juridique, c'est vraiment, là... on va en cour puis on plaide. Mais comme il était... Ça s'inscrit dans un contexte que, des fois, le fédéral va... va permettre la demande sans qu'il y aille de plaidoirie de faite.

Puis, sinon, bien, ce que c'est, la demande de résidence permanente, pour un demandeur d'asile... parce que, comme pour la pédagogie que votre collègue disait, là, ce qu'on fait, une demande d'asile, et que nous sommes acceptés comme réfugiés, ce qu'on...

M. Bouchard (Pierre-Luc) :  ...on fait juridiquement, c'est qu'on a une autorisation de faire une demande de résidence permanente sans respecter les critères économiques qui sont ceux qu'on a habituellement. Ça te donne l'opportunité de juste remplir un formulaire qui dit : Je suis réfugié, j'ai fait la... j'ai rempli les formulaires, je vous la soumets, j'attends ma résidence permanente. C'est ça, la... que ça offre. C'est pour ça que c'est tant prisé, là.

M. Morin : Puis là je comprends qu'une fois que la commission a statué, ça, ce n'est plus... ce n'est plus un demandeur d'asile, il est réfugié.

M. Bouchard (Pierre-Luc) : Exact.

M. Morin : Donc là, il a le droit d'être... il est protégé.

M. Bouchard (Pierre-Luc) : Il est protégé.

M. Morin : Là, il ne peut pas... il ne peut pas repartir, là, il est ici, là, et là...

M. Bouchard (Pierre-Luc) : Il peut repartir, mais pas dans son pays.

M. Morin : S'il veut, mais pas dans son pays, parce que, là, le tribunal le protège, donc il est ici. Il veut rester au Québec, donc il veut travailler. Alors, éventuellement, il va pouvoir obtenir la résidence permanente, donc il va demander un CSQ. Puis là on en a 142 000 en attente.

M. Bouchard (Pierre-Luc) : Le CSQ, il n'a pas de problème à être émis. Généralement, ça, on... on écrit le formulaire puis on le reçoit. C'est le fédéral qui émet la résidence permanente qui... c'est ça qu'on attend. 142 000, c'est le fédéral qui traite ça, là, mais eux, de ce qu'ils disent, ils peuvent le faire demain matin s'ils ont le mandat, là. C'est ça j'ai compris quand ils nous ont dit.

M. Morin : OK. Je vous remercie.

M. Bouchard (Pierre-Luc) : C'est ce qu'ils m'ont dit...

M. Morin : Pour revenir... Pour revenir au... à l'adolescent... Donc, il n'y a pas... Là, il arrive, là. Donc, la DPJ ne s'en occupe pas?

M. Bouchard (Pierre-Luc) : Non, ils s'en occupent, mais c'est qu'ils...

M. Morin : Ils s'en occupent, OK.

M. Bouchard (Pierre-Luc) : ...mettons, pour tous les jours. Mais c'est que l'enfant... l'adolescent va dire : OK, bien, moi, je veux aller au cégep, je peux-tu? Moi, j'aimerais ça... Je suis pris ici, qu'est-ce que je fais...

Je vais donner un exemple simple, là. Regardez, nous ce qu'on a... quelqu'un qui vient de la... du Congo, là... excusez-moi, il y en a un qu'on ne déporte pas, là, qu'on ne peut pas déporter la personne. Ça fait que l'agent, il voit l'enfant arriver, la personne, elle vient, mettons, par avion, ou «whatever», là, mais l'important, c'est que l'agent lui dit : OK, tu peux faire une demande d'asile, voici la procédure, parce qu'il voit lui-même, il constate la situation. Puis souvent, comme je vous dis, c'est... il y a quelque chose qui s'est passé, là. Nous, un mineur qui débarque tout seul, il... le douanier, il voit bien... il fait : OK, qu'est-ce qui se passe, là?, surtout s'il y a des chicanes aux douanes, des affaires de même. Ça, là, il est... ils sont là. Puis ça, c'est quand ils viennent par les douanes. Puis là c'est là que l'enfant va arriver. Mais, avec la carte, le douanier va nous expliquer la situation, dire : J'ai fait faire une demande d'asile, je n'ai pas le choix. S'il échoue la demande d'asile, l'adolescent, il n'est pas déporté parce qu'on ne peut pas le déporter, il y a une suspension sur les déportations dans ce pays-là, OK? Donc, il est ici, entre guillemets, il est dans la... il est dans notre... dans notre cour, là. Ça fait que, là, il faut... là, c'est là que... bon, bien, c'est un mineur, là, on ne peut pas le laisser comme ça. Donc là, il y a des programmes à Montréal, là, qui viennent en aide, là. Mais c'est que le travailleur social, à un moment donné, il fait : Il faut qu'on régularise le statut de l'enfant, sinon il n'aura pas accès aux services du Québec qui, là, sont un petit peu nécessaires. Et, bien, c'est ça, ça fait que, dans le fond, là, il va demander... avec nous autres, on essaie les régulariser, puis avec tout ce que ça implique, là, d'efforts, je vous dirais, là, dont beaucoup n'est pas couvert par l'aide juridique, en passant.

M. Morin : Et, si vous permettez, donc, un demandeur d'asile peut éventuellement obtenir un permis de travail...

M. Bouchard (Pierre-Luc) : Absolument.

M. Morin : ...mais ça prend du temps. Donc, entre-temps, est-ce qu'ils ont accès à l'aide sociale?

M. Bouchard (Pierre-Luc) : Ils ont... Ils ont accès à l'aide sociale entre-temps, oui. Ça a souvent été problématique, ça, parce que la plupart veulent travailler en partant, parce que, vous le savez, l'aide sociale, c'est le minimum minimum, là, avec les prix d'aujourd'hui, tout ça. Donc, oui, ils vont avoir tendance à vouloir travailler tout de suite, et les délais ont créé beaucoup de maux de tête à tout le monde.

M. Morin : Puis, si le gouvernement leur enlève l'aide sociale avant qu'ils aient un permis de travail, qu'est-ce qui va arriver?

M. Bouchard (Pierre-Luc) : Bien, vous allez avoir beaucoup de salariés au noir, si vous permettez l'expression, demain matin, là, parce que vous mélangez ça à une pénurie de main-d'oeuvre dans beaucoup d'industries où les employeurs, des fois, ne sont pas enclins à investir dans la régularisation. Ça fait que c'est ça qu'on devrait retrouver, là. Nous, c'est ça qu'on... Dès que ça touche des restrictions de cette nature-là, nous, ce qu'on constate, c'est que nos réfugiés commencent à... on reçoit des demandes de... de demandeurs d'asile, là, qui commencent à travailler à des endroits qu'on n'avait jamais entendu parler avant, qu'on ne sait pas c'est qui. C'est ça, là. Ça fait que ça crée un autre... une autre affaire, là, oui.

M. Morin : Ça les pousserait, finalement, à agir dans l'illégalité.

M. Bouchard (Pierre-Luc) : Bien, je vous renvoie la question : Qu'est-ce que vous feriez, vous, si on ne vous donnait rien...

M. Morin : Ah! écoutez...

M. Bouchard (Pierre-Luc) : ...puis vous êtes là, dans une situation où est-ce que vous essayez de juste compenser vos besoins de base? Un humain est un...

M. Bouchard (Pierre-Luc) : ...l'être humain, là, quelque soit son origine, là, là-dessus, là, on va avoir tendance à aller chercher ce qui est plus facile à trouver comme employabilité.

M. Morin : Donc, ce ne serait pas une bonne idée que le gouvernement leur enlève l'aide sociale?

M. Bouchard (Pierre-Luc) : Bien, bonne idée ou pas, moi, ce que je vous dis, voici les conséquences, là, on témoigne sur ce qu'on peut vous... ce qu'on peut... ce que l'on sait, ce qu'on a vu. Et moi, ce que je vous dis, c'est que, si demain matin, c'est coupé, bien, premièrement, il va y... il pourrait y avoir des questions par rapport... bien, c'est parce qu'ils vont tous se, entre guillemets, quand il va faire ça, tout le monde va se garrocher ce qu'on appelle le pouvoir discrétionnaire de l'agent. À tous les six mois, admettons, l'agent d'aide sociale peut dire : Votre... Ah, vous, votre situation, elle est particulière, je vous accorde de l'aide pour six mois. C'est que là, ce que ça va faire, c'est qu'ils vont s'enligner chez nous puis ils vont dire : Pouvez-vous m'aider à obtenir l'aide sociale par la voie discrétionnaire? Puis là ça va lancer le débat potentiellement sur un autre élément, parce que ce n'est pas que les demandeurs d'asile qui sont en situation de précarité qui vont avoir recours à un tel service, OK, comme il y a des gens qui sont ici, qui ont été un peu oubliés d'un système, qui n'ont pas de statut régulier, mais ça fait 30 ans qu'ils sont ici, OK, ça fait 30 ans qu'ils sont ici, puis là vous... «mais comment qu'on s'en rend compte?» C'est parce qu'ils n'ont pas besoin de leur statut jusqu'à un certain point où on leur demande des soins de santé, quelque chose comme ça, là. Et là l'agent va dire : OK, on ne peut pas te déporter parce que tu es dans un... on ne pas te déporter dans le pays, ça fait qu'on va te demander de régulariser ton statut, puis si tu régularises ton statut, on va... qu'on a une preuve que c'est en cours, tu peux rédiger une lettre qui nous confirme le tout, et nous allons te donner l'aide sociale pour une période de six mois, qui... ce qu'on appelle le discrétionnaire. Ça fait que, comme je vous dis, c'est quand on... vous bougez un élément, les... tout a un... il y a un enchaînement qui se crée, mais qui va toujours être dans une espèce d'entonnoir vers une autre possibilité d'obtenir un service comme ça, mais nous, ce qu'on vous plaide, notre recommandation, c'est...

La Présidente (Mme Poulet) : Merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avons. Alors, merci beaucoup de votre contribution à nos travaux. Alors, je vous remercie à tous pour votre contribution, oui, à nos travaux.

La commission ajourne ses travaux au mardi 21 octobre à 9 h 45.

(Fin de la séance à 17 h 50)


 
 

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