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Version préliminaire

43rd Legislature, 2nd Session
(début : September 30, 2025)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Tuesday, October 21, 2025 - Vol. 48 N° 6

General consultation and public hearings on the consultation document entitled “Planning of Immigration to Québec for the 2026-2029 Period”


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Journal des débats

9 h 30 (version non révisée)

(Neuf heures quarante-cinq minutes)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la... de la Commission des relations avec les citoyens ouverte.

La commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le cahier de consultation intitulé La planification de l'immigration au Québec pour la période 2026-2029. M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Caron (La Pinière) remplace Mme Prass (D'Arcy-McGee); M. Fontecilla (Laurier-Dorion)  remplace M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve); et M. Boissonneault (Arthabaska) remplace M. Bérubé (Matane-Matapédia).

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, ce matin, voici l'ordre du jour. Nous allons entendre les groupes suivants : la Fédération étudiante collégiale du Québec, qui est ici même représentée par... par... Je vais vous le dire, M. Christopher Zéphir, qui en est le président, ainsi que Mme Clémentine Bergeron-Isabelle qui en est la vice-présidente.

Nous allons poursuivre avec l'Association des collèges privés du Québec ainsi que l'Association des collèges privés non subventionnés. Alors, les auditions commencent dès maintenant. Alors, bienvenue à vous deux. Vous allez comme... comme il se doit, bénéficier d'une période de 10 minutes pour présenter l'essentiel de votre mémoire, vos commentaires. Et, par la suite, nous allons entamer la période de discussion avec les parlementaires. Alors, la parole est à vous.

M. Zéphyr (Christopher) : Bonjour, tout le monde, membres de la commission, merci de nous recevoir aujourd'hui afin qu'on puisse vous exposer les positions de la FECQ quant à la planification de l'immigration au Québec pour la période 2026-2029. Je m'appelle Christopher Zéphyr, président de la Fédération étudiante collégiale du Québec et je suis accompagné par la vice-présidente, Clémentine Bergeron-Isabelle.

La FECQ représente 70 000 personnes étudiantes présentes dans 28 associations étudiantes membres et divisées dans 13 régions administratives, de l'Abitibi jusqu'en Gaspésie. Toutefois, aujourd'hui, la FECQ a la responsabilité de représenter toutes les personnes étudiantes du Réseau collégial du Québec, car, pour la première fois, la planification pluriannuelle souhaite intégrer explicitement la dimension de l'immigration temporaire, soit la population étudiante internationale.

Avant de commencer, la FECQ souhaite rappeler que l'accueil des étudiants internationaux représente un investissement précieux dans la richesse culturelle, linguistique et académique du Québec. Depuis 1990... depuis 1970, le réseau collégial a décidé d'investir dans l'internationalisation de son enseignement. La FECQ tient à le souligner clairement, les personnes étudiantes internationales ne sont pas des statistiques destinées à remplir des quotas. Elles forment une population particulièrement exposée à la précarité étudiante, car il est de la responsabilité du Québec, qui a lui-même choisi d'élargir son offre d'enseignement à l'international, de leur assurer des conditions d'accueil et des vies décentes.

On ne peut pas, d'un côté, chercher à attirer ces étudiants et de l'autre, minimiser leurs besoins ou les difficultés qu'ils rencontrent. L'augmentation marquée de la population étudiante internationale dans le réseau collégial a apporté son lot d'opportunités indéniables, mais elle s'est aussi accompagnée d'une hausse importante des besoins en matière d'accueil, d'intégration et d'adaptation des services qui ne peuvent être ignorés.

De plus, la FECQ exprime une réserve importante quant à l'utilisation de la notion de capacité d'accueil pour établir les seuils migratoires, notamment dans le réseau collégial, présentée de façon floue par le gouvernement et sans indicateurs clairs, elle risque d'être appliquée de façon arbitraire, au détriment des étudiants internationaux. Dans le réseau collégial, cette capacité ne se limite pas aux places disponibles. Elle dépend aussi des ressources pédagogiques en logement et en intégration qui varient selon les établissements et les investissements publics.

La FECQ rappelle que la capacité d'accueil est une donnée modulable liée aux choix politiques et budgétaires. Plutôt que de l'utiliser comme outil de restriction, elle devrait servir à planifier positivement, identifier les besoins du réseau, financer les ressources nécessaires et suivre leur évolution dans le temps.

Il y a moins d'un an, la FECQ était dans la même salle pour défendre les intérêts des étudiants lors des consultations du projet de loi n° 74, aujourd'hui la loi visant principalement à améliorer l'encadrement relatif aux étudiants étrangers. Lors des consultations sur le projet de loi, la FECQ avait déjà exprimé ses inquiétudes quant à cette nouvelle répartition des pouvoirs, estimant qu'elle pourrait créer des divergences d'intérêts entre le MIFI et le MS. En effet, le MIFI a pour mission de sélectionner les personnes immigrantes...

M. Zéphyr (Christopher) : ...et répondant aux besoins du Québec. Ces inquiétudes se sont avérées vraies, considérant la situation dans laquelle nous sommes aujourd'hui, puisque la planification... parce que la planification des personnes immigrantes temporaires est prise en compte aux côtés de l'immigration permanente qui suit des objectifs bien différents qui sont incompatibles avec l'internationalisation de l'enseignement au collégial.

 Un autre aspect incontournable, c'est le fait que depuis le 31 octobre 2024, le gouvernement a suspendu l'accès aux PEQ pour les diplômés, invoquant un dépassement des cibles d'immigration permanente. Pour le réseau collégial, cette suspension a des effets concrets. Le PEQ constitue un levier d'attraction et de rétention importante, notamment en région. Sans cette voie claire vers la résidence permanente, plusieurs diplômés pourraient choisir de quitter le Québec malgré leur profil généralement aligné avec les priorités gouvernementales, notamment sur leur jeunesse, leur haut niveau de scolarité, leur bonne maîtrise du français et leur présence déjà établie sur le territoire. Les résultats révèlent que la possibilité d'obtenir la résidence permanente représente un facteur déterminant dans le choix d'étudier. Au Canada. 37 % des répondants la considèrent essentielle et 30 % très importante. La FECQ rappelle que le PEQ pour les diplômés n'est pas qu'un programme d'immigration. C'est un outil stratégique pour la vitalité des cégeps et des régions. En contexte de pénurie de main-d'œuvre et de vieillissement démographique, il est essentiel de préserver un accès équitable et prévisible à ce programme en misant sur des incitatifs à la régionalisation plutôt que sur des restrictions qui nuisent à l'attractivité du Québec.

• (9 h 50) •

Mme Bergeron-Isabelle (Clémentine) : La FECQ veut d'abord réagir à l'orientation 1 du plan qui ne tient pas en compte des spécificités de la population étudiante internationale. Ces étudiants sont déjà bien intégrés au Québec, tant sur le plan linguistique, social et contribuent activement à la vitalité académique, économique et culturelle, particulièrement en région. Une réduction globale des admissions, comme celle de 13 % prévue par le programme d'étudiants étrangers pour 2026‑2029 pose un risque majeur pour la pérennité et la diversité de l'offre au collégial. Plusieurs cégeps, notamment en région, dépendent de l'APEI pour maintenir ouverts des programmes techniques essentiels. À ce jour, 37 programmes de techniques dépendent directement de cette population, dont 86 % en région. Sans ces étudiants, certains programmes pourraient être fermés, privant d'autres jeunes d'un accès à la formation souhaitée. La PEI représente aussi un apport économique important. Elle génère plus de 62,8 millions en valeur ajoutée et en soutien de plus de 667 emplois, une grande part de ces secteurs en pénurie de main-d'œuvre. En région, les retombées sont particulièrement significatives. Elles représentent 63 % des impacts économiques totaux. La FECQ insiste, toute planification migratoire doit tenir compte des réalités du réseau collégial. Des mesures uniformes sans nuances risquent d'avoir des effets disproportionnés sur les cégeps. Concernant l'orientation trois, la FECQ souligne que si l'objectif de renforcer le français est légitime, il doit être adapté à la réalité des étudiants internationaux au collégial. En 2024, selon les données gouvernementales, plus de trois quarts des titulaires de permis d'études valides déclarent parler français, ce qui signifie que la cible fixée est déjà atteinte dans ce segment. La question n'est donc pas de hausser cette proportion par des restrictions supplémentaires, mais d'assurer un accès équitable à des parcours de francisation de qualité adaptés aux profils variés des personnes étudiantes. La francisation doit être envisagée comme un processus continu qui accompagne la PEI tout au long de son parcours, de l'accueil jusqu'à l'insertion sur le marché du travail et non comme un simple critère d'admissibilité. Dans le contexte d'aujourd'hui, la diversité géographique et culturelle de la PEI constitue une recherche essentielle pour le réseau collégial et pour la société québécoise. En élargissant le recrutement à un éventail plus varié de régions dans le monde, les établissements réduisent leur dépendance à un nombre restreint de marchés, ce qui les protège contre les fluctuations politiques, économiques ou diplomatiques pouvant affecter certains pays. Il n'est donc pas souhaitable que les politiques d'immigration et de rétention créent des biais injustes selon le pays de provenance des étudiants internationaux qui déposent leur demande. De plus, la FECQ considère qu'il est plus pertinent de maintenir l'accès pour la PEI provenant de pays non francophones en leur offrant des parcours de francisation adaptés, accessibles et bien financés afin de concilier apprentissage du français et réussite académique. Offrir un soutien linguistique de qualité dès l'arrivée permet une intégration plus durable sur les plans académique, social et professionnel, tout en préservant la diversité des origines qui enrichit le réseau collégial. Pour l'orientation 4, la FECQ pense que la rétention de la population étudiante internationale ne peut se limiter à un indicateur statistique. Elle doit s'appuyer sur des conditions concrètes qui permettent aux diplômés des cégeps de s'établir durablement au Québec. Un accès clair et adapté à la résidence permanente, des services de francisation et d'employabilité bonifiés, ainsi que la reconnaissance de leurs compétences sur le marché du travail. Une stratégie efficace de rétention doit aussi soutenir la régionalisation en offrant des incitatifs aux diplômés qui s'installent en région et en appuyant les cégeps qui facilitent leur intégration locale. Pour la FECQ, l'intégration...

Mme Bergeron-Isabelle (Clémentine) : ...elle passe par l'amélioration des conditions de vie pendant les études. Cela inclut l'accès à des services linguistiques, des services de santé mentale, de logement, de soins et d'intégration sociale. Miser sur ces leviers favorise la réussite éducative et renforce l'attachement des étudiants au Québec, augmentant ainsi leurs chances qu'ils y construisent leur avenir.

M. Zéphyr (Christopher) : Enfin, le dernier commentaire de la FECQ porte sur l'orientation cinq. Bien qu'elle mise sur l'immigration économique, cette orientation ne traite pas des dérives liées à la marchandisation de la population étudiante internationale dans le réseau collégial. Le manque de balises claires, surtout dans le secteur privé non subventionné, a permis l'émergence de modèles axés sur le profit, avec un recrutement massif souvent concentré sur quelques pays d'origine et des formations de courte durée. Cette logique gagne désormais le réseau public où 37 % des collèges souhaitent ouvrir des AEC destinés aux personnes étudiantes internationales et 32 % visent à accroître leurs revenus. Or, les établissements publics ne devraient jamais avoir pour objectif principal de générer des profits. Peu importent les différences entre réseau public et privé, la qualité de l'enseignement doit primer sur toute considération économique. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup pour cette première partie. Alors, on entame la deuxième partie, c'est-à-dire les échanges avec les parlementaires. On va commencer avec le ministre pour une période de 16 minutes, 30 secondes au total. Alors, la parole est à vous.

M. Roberge : Merci, Mme la Présidente. Je salue les collègues que je retrouve, Mme la sous-ministre, les collègues qui sont présents, présentes ce matin. Et premier groupe à présenter cette semaine, La FECQ, la Fédération étudiante collégiale du Québec. Merci d'être venus, merci d'être venus en présence. J'apprécie de vous voir. On a fait trop... on a fait trop de Teams dans les dernières années, donc je suis content de vous voir là.

J'apprécie toujours d'avoir l'éclairage des étudiants collégiaux. J'ai commencé mon implication dans le mouvement étudiant, à l'époque, ce n'était pas l'UEQ, c'était la FEUQ, hein, il y avait la FECQ et la FEUQ, la fédération étudiante collégiale. Oui, je le sais, j'ai plus de 50 ans. Et avant l'UEQ, c'était la fédération étudiante universitaire. On partageait nos locaux sur l'avenue Mont-Royal, donc ensemble sur le même étage, FECQ et FEUQ mêmes... mêmes pieds carrés, même secrétariat, même logo, presque. Donc, je suis très sensible à l'éclairage que vous portez, à l'écho du terrain, puis à l'écho du mouvement étudiant, mais des étudiants aussi. Je trouve ça complémentaire, l'éclairage que vous apportez par rapport à ce qu'amènent d'autres groupes. Et à cet égard-là, je vous remercie d'avoir pris la peine de faire un mémoire puis de venir nous présenter ça.

Vous, vous n'êtes pas favorable à avoir une orientation de réduction d'environ 13 %, là, du nombre d'étudiants étrangers ou internationaux sur l'horizon de quatre ans. J'aimerais comprendre un peu plus pourquoi. Ce que je comprends, c'est qu'en ce moment, il y a eu une baisse cet automne de l'effectif des nouveaux arrivants, là, de... pour les étudiants... les nouveaux étudiants internationaux. D'après ce que je comprends, la cible que l'on met, ce ne serait plus tellement un plafond qu'un plancher. Parce que ce que je comprends, c'est que plusieurs institutions universitaires et collégiales pourraient avoir une stabilisation ou même des hausses d'effectifs étudiants pour atteindre cette cible-là. Parce qu'il me semble qu'il y a eu cette année une baisse de plus que 13 %. Donc, quelle est votre analyse de ça? Pourquoi vouloir davantage... pardon, puis davantage d'étudiants internationaux que ce qu'on a en ce moment sur le territoire québécois?

M. Zéphyr (Christopher) : Bien, c'est sûr que cette... cette richesse, que ces internationaux sont quand même très importants pour la vitalité de plusieurs cégeps, notamment plusieurs cégeps en région puis plusieurs programmes qui dépendent d'étudiants internationaux puis qui favorisent certains programmes. Puis c'est aussi à dire que ces étudiants sont quand même très impliqués dans la société québécoise, participent, travaillent, étudient et participent à la francophonie. Alors, pour nous, c'est quand même... c'est quand même très important que cette... qu'il n'y ait pas une baisse de ce niveau d'immigration. Après ça, au niveau des quotas d'immigration, on pense que c'est quand même la priorité de l'enseignement supérieur et que ces intérêts ne soient pas... comment je peux dire, ne soient pas mis à quotas ou bien ne soient pas vus comme des... comme des seuils de réussite.

Mme Bergeron-Isabelle (Clémentine) : Si je peux ajouter aussi, ce que la FECQ met de l'avant, c'est que les étudiants internationaux, surtout en région, représentent une valeur autant dans le...

Mme Bergeron-Isabelle (Clémentine) : ...du financement des établissements que dans le garantissement de l'offre de formation. Ce qu'on souhaite vraiment, c'est que, si on est amenés à avoir une baisse, il y ait un véritable plan qui soit encadré puis qu'on ne laisse pas tomber les cégeps en région dans cette baisse-là puis que des mesures concrètes aussi pour aider la vitalité des régions soient mises en place à ce niveau-là. Donc, on ne veut pas que la population étudiante internationale soit juste une coupure à faire parce qu'on veut atteindre des quotas. On veut vraiment que, dans une démarche, on... il y ait un contrôle puis il y ait un réel intérêt porté à ces étudiants-là, parce que ça reste des personnes, au fond, ce n'est pas juste des chiffres pour atteindre des statistiques et des résultats.

• (10 heures) •

M. Roberge : OK. Très bien, merci. Bien, on partage vraiment cette préoccupation-là. Ce n'est pas... Ce n'est pas juste des chiffres, effectivement, c'est des personnes, c'est des étudiants qui viennent apprendre ici, chez nous. Des fois, ça va devenir chez eux. Certains vont rester.

Vous avez parlé... je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, vous me corrigerez, vous exprimerez votre pensée, là, vous-mêmes, mais une forme de marchandisation de l'enseignement supérieur, qui, je pense, ne vous plaît pas trop. Or, on avait quand même constaté ça dans les années précédentes, on va dire, là, entre, peut-être, 2016, 2017 jusqu'à 2024. On est arrivés avec la loi 74 l'an passé. On arrive après la première année, il y aura des ajustements. Mais il y a eu cette... je vous dirais, il y a des institutions qui ont vu les étudiants étrangers comme des clientèles à qui ils étaient capables de vendre la citoyenneté québécoise avec des programmes qui étaient, parfois, je dirais, de qualités différentes, disons ça comme ça. Puis je vous ai entendus parler des attestations d'études collégiales en les traitant de différentes manières. Quelle est votre analyse? Est-ce qu'on devrait privilégier davantage les DEC techniques trois ans ou les DEC deux ans plutôt que les attestations d'études collégiales pour les étudiants étrangers? Est-ce que c'est ce que vous dites? Pouvez-vous préciser votre pensée?

M. Zéphyr (Christopher) : Bien, on remarque que ces attestations n'ont pas comme but principal de favoriser que ces personnes étudiantes soient intégrées dans la population. On remarque que c'est des programmes qui sont rapidement ouverts, d'un an, qui... d'où le côté de la marchandisation qui vient après, que, bien, ces étudiants font ce programme-là d'un an, ils sont après ça directement jetés sur le marché du travail. Alors, nous, c'est... à la FECQ, c'est quand même une orientation qu'on déplore et qu'on trouve qui n'est pas représentative et qui ne vient pas prioriser les étudiants internationaux et les mettre de l'avant. Alors, on favoriserait quand même des DEC ou des programmes complets au collégial.

Mme Bergeron-Isabelle (Clémentine) : La FECQ souhaite aussi mentionner qu'il y a... on met devant... on met les étudiants internationaux devant un choix impossible parce qu'on leur demande soit de choisir un DEC qui va durer trois ans ou de choisir un AEC qui va leur permettre rapidement d'avoir accès au marché du travail. Actuellement, surtout avec l'arrêt du PEQ, bien, on se rend compte que la personne a besoin d'une expérience de travail. Elle va aller... Donc, évidemment qu'elle... qu'elle veut avoir accès au marché du travail pour rapidement avoir sa résidence, mais, quand on passe par les AEC, on ne fait pas, justement, de cours de littérature, on ne fait pas de formation générale, qui est l'aspect principal du réseau d'enseignement collégial, qui se démarque comme ça.

Donc, vraiment, à cet aspect-là, on souhaite juste mentionner qu'il y a aussi d'autres mécanismes à mettre de l'avant dans le réseau collégial pour reconnaître les acquis et les compétences des personnes immigrantes puis peut-être plus faciliter, justement, leur intégration à la société, sans pour autant les obliger à se sous-qualifier par rapport à leurs connaissances dans leurs pays de provenance. Donc, on met vraiment de l'avant qu'il faut améliorer les mécanismes de transition entre les études et l'expérience du pays de provenance quand on arrive au Québec plutôt que de les obliger à rapidement se former dans des AEC qui sont très disparates à travers le réseau en entier.

M. Roberge : Si je comprends bien, il y a beaucoup d'étudiants étrangers qui viennent ici essentiellement pour avoir la résidence permanente, puis il faut recadrer les actions gouvernementales pour avoir réellement des étudiants internationaux qui viennent ici chercher une formation de qualité, comme on est capable de la donner dans notre réseau d'enseignement supérieur, et pas simplement une voie rapide vers la résidence permanente. Il faut aussi respecter notre capacité d'accueil puis s'assurer de prioriser, je pense, la répartition de ces étudiants-là, surtout dans les institutions en région. Ça nous permet de garder des programmes en région bien ouverts puis d'utiliser, d'une certaine manière, notre réseau des cégeps, mais des universités aussi, dans notre vision d'intégration nationale, en favorisant non pas des formations très, très courtes, mais des formations qui sont réellement qualifiantes mais qui participent à l'intégration à la nation québécoise...


 
 

10 h (version non révisée)

Mme Bergeron-Isabelle (Clémentine) : ...il y avait une question par rapport à ça.

M. Roberge : Bien, je me demandais quelle est votre analyse par rapport à ça. Vous êtes d'accord avec ça parce que vous m'avez dit, bon, les formations courtes, ça permet peut-être moins bien l'intégration.

Mme Bergeron-Isabelle (Clémentine) : Bien, mais oui. Bien, c'est partiellement ce que l'analyse de la FECQ montre et met de l'avant. Ce qu'on met aussi de l'avant, c'est qu'il faut aider les personnes à s'intégrer à la population québécoise avant d'arriver... avant d'arriver au Québec, pendant leurs études et après, sur le marché du travail. On n'a pas beaucoup de données non plus sur les étudiants internationaux, sur ce qu'est ce qui arrive d'eux. Donc, on souhaite vraiment mettre de l'avant l'importance de l'accompagnement. Peut-être dans notre mémoire on met aussi de l'avant des programmes de parrainage avec les étudiants québécois d'origine québécoise.

M. Roberge : Vous... Vous parlez de la langue française, puis, vous, vous n'êtes pas trop favorable avec la hausse des critères linguistiques sur l'admissibilité. Il me semble que, dans un contexte où les indicateurs sont au rouge en ce moment sur la langue française, là, langue parlée à la maison, langue de travail, langue de consommation de biens culturels, c'est notre responsabilité à nous tous de tout faire pour que les nouveaux arrivants et les nouveaux étudiants soient, je dirais, dans la colonne des plus, là, c'est-à-dire des gens qui viennent ici vivre en français puis nourrissent notre francophonie. Pourquoi prendre ce biais où on accorde moins d'importance à la langue française pour ce qui est des étudiants étrangers?

Mme Bergeron-Isabelle (Clémentine) : Bien, dans le fond, ce que la FECQ met de l'avant surtout, c'est que c'est important de préserver la langue française, et on est bien d'accord avec ça. Toutefois, si on regarde les dernières... bien, on voit qu'il y a eu des coupures importantes dans les centres de francisation au Québec, ce qui fait en sorte que ça ne coordonne pas, justement, avec la volonté d'aider les gens à s'établir et à parler français parce qu'il y a des coupures massives. Les cours sont de soir. Je me rappelle qu'un étudiant m'avait dit qu'il voulait avoir accès à un cours de français. Il ne l'a jamais eu par son collège. Donc, il y a... Il y a comme une contradiction à ce niveau-là. Et puis ce que la FECQ craint surtout, c'est que pour atteindre le quota, au lieu d'investir dans la francisation, on... on choisisse des pays de provenance qui ont déjà de base la langue française, au risque peut-être de se concentrer sur trois ou quatre pays spécifiques au lieu d'élargir justement notre ouverture au monde et aux différentes cultures.

M. Roberge : Je comprends. Je veux juste quand même préciser quelque chose, là. Le budget qui est consacré à la francisation est en augmentation depuis quatre ans. C'est important de le mentionner. L'an passé, 289,6 millions à 2024‑2025, presque 300 millions de dollars en francisation. On avait l'impression... 20 % par rapport au budget de 2023‑2024. 20 % d'augmentation sur une année, c'est quand même énorme. En 2024‑2025, on a francisé, on a... Il y a plus de 90 000 personnes qui ont participé au processus de Francisation Québec. En 2017, avant que notre formation politique arrive au pouvoir, c'était entre 25 000 et 30 000. Donc, on n'en a jamais autant fait en termes de nombre absolu de personnes qui sont francisées. On n'en a jamais autant fait en termes de budget investi en francisation. Et à un moment donné, je vous dirais que c'est une grande partie du sujet du débat lors de sa planification pluriannuelle, vient la question de notre capacité d'accueil... Le commissaire à langue française nous a dit : Il fallait investir, je pense, plus de 10 milliards de dollars si on voulait franciser tout le monde. À un moment donné, il y a une capacité de payer, il y a une capacité... Même si on voulait faire ça, on n'aurait pas les locaux, on n'aurait pas les profs. Donc, à un moment donné, pour que l'offre de francisation et la demande de francisation se rencontrent, on ne peut pas juste mettre l'obligation tout le temps sur le gouvernement québécois, et donc sur les contribuables, de toujours en faire plus. Il faut aussi, à un moment donné, s'assurer que la demande rencontre l'offre. Il y a plusieurs façons de faire ça, de faire venir ici des gens qui maîtrisent déjà la langue ou de diminuer aussi le nombre de personnes qui arrivent et qui sont en demande, en besoins de francisation parce que... Vous êtes au cégep. Si on dit : Bien, écoutez, pas de problème, ça coûtera ce que ça coûtera. De toute façon, on mettra ça sur la dette. Bien, c'est vous et vos membres qui allez ramasser la facture de ça. À un moment donné, la dette... Moi, je serai à la retraite, mais vous serez coincés avec ça si on continue, là. Moi, cette perspective-là, d'équité entre les générations, je l'ai vraiment beaucoup. Et c'est pour ça qu'on doit avoir une espèce de... d'équilibre entre l'accueil de talents venus de partout, de partout, pas seulement de la francophonie. Là-dessus, je vous rejoins, il faut... Il ne faut pas avoir des œillères, puis dire, là, il n'y a plus personne qui ne parle pas français qui va entrer au Québec comme étudiants internationaux. Mais il faut aussi avoir une part de réalisme...

M. Roberge : ...notre capacité à faire les choses aussi, puis là, je vais vous... parlant de réalisme, de capacité d'accueil, je vais vous parler de capacité de loger les gens. Vos membres, en ce moment, ont de la difficulté à se trouver un logement, puis, quand ils en trouvent un, ils ont peut-être de la difficulté à le payer. On peut bien dire : Mais, ce n'est pas grave, on a juste à demander plus d'aide financière au gouvernement du Québec, mais encore une fois, on va l'emprunter, mais on va l'emprunter en votre nom, cet argent-là, et c'est vous qui allez avoir la facture de la dette.

Est-ce que vous ne pensez pas qu'on devrait, dans cette perspective-là, s'assurer de préserver nos programmes, mieux sélectionner les gens, mais diminuer le nombre d'arrivées d'étudiants étrangers, pour une question de finances publiques, pour une question d'équité intergénérationnelle, pour une question aussi d'accessibilité à un logement abordable pour vos membres?

• (10 h 10) •

Mme Bergeron-Isabelle (Clémentine) : Bien, je suis d'accord avec ça. Par contre, ce qu'on remarque, c'est vraiment peut-être un manque de cohérence avec ce qu'on souhaite puis ce qui se passe actuellement. Je pense que c'est... il y a moins de quelques mois, on a ouvert un nouveau centre d'études de recrutement au Japon. On... Il y a des centres de recrutement au Sénégal, dans d'autres continents d'Afrique qui promettent aux étudiants de venir s'installer en disant : Vous allez avoir accès au logement, vous allez avoir accès à des études bien payées, ce qui fait en sorte que... pardonnez-moi, ce qui fait en sorte que si ce recrutement-là, à l'international, aussi, on ne peut pas juste demander aux compagnies d'inviter les gens à venir, mais après de dire... une fois qu'ils ont fait toutes les démarches justement pour s'en venir, bien, ils se voient les portes fermées où ils se voient montrés que leur réalité est complètement différente. On a beaucoup aussi de témoignages d'étudiants qui nous disent que la population étudiante internationale est dans une précarité, est très pauvre aussi. Donc, eux aussi, ils sont extrêmement vulnérables à cette augmentation-là du coût de la vie puis ils ne sont pas prêts quand ils se font... quand on leur vend justement ce rêve d'études là au Québec. Donc, je pense que ce qu'on souhaite aussi, c'est qu'il y ait... que ce ne soit pas une coupure directe. On veut qu'il y ait une transition équitable qui soit faite puis qu'au niveau de l'acceptation et du recrutement, il y ait une concordance faite à ce niveau-là.

M. Roberge : On veut des histoires à succès essentiellement. Donc, ce n'est pas : plus on accueille d'étudiants étrangers, dans ma perspective, je ne mets pas des mots dans votre bouche, mieux c'est. L'idée, c'est que les gens qui arrivent ici aient les moyens de vivre ici, de se loger décemment, de se nourrir sans fréquenter les banques alimentaires, parce que plusieurs banques alimentaires nous disent qu'essentiellement ils donnent des services soit aux travailleurs étrangers temporaires, soit à des étudiants internationaux. Donc, ce qu'on ne veut pas, on veut que les gens ici vivent des histoires à succès.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : En terminant.

M. Roberge : Puis je sens que c'est votre préoccupation. Merci pour votre présentation.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, cette première partie d'intervention est terminée. Je me tourne maintenant du côté de l'opposition officielle et du député de l'Acadie pour 12 min 23 s.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Bonjour, M. le ministre, collègue. Mme la sous-ministre. Merci. Merci d'être là. Merci pour votre mémoire, M. Zéphyr, Mme Bergeron-Isabelle. Merci pour votre exposé. J'ai quelques questions pour vous et je vais commencer avec la capacité d'accueil parce que M. le ministre y faisait référence. C'est un terme qu'on entend souvent : La capacité d'accueil est dépassée, il faut tenir compte de la capacité d'accueil. Mais quand on lit plusieurs mémoires, puis on en a lu évidemment avant le vôtre, on nous a dit beaucoup que c'est un concept qui était très flou et pas très scientifique. Et vous en parlez également dans votre mémoire, vous en parlez à la page 7, mais vous en parlez aussi à la page 18 de votre mémoire. J'aimerais vous entendre là-dessus, parce que c'est sûr que, quand on entend des politiciens dire : Écoutez, la capacité d'accueil est dépassée; ça frappe dans l'imaginaire, c'est certain. Mais vous semblez dire, si je vous ai bien compris au fond, que c'était un concept qui est tellement flou qu'au fond on a un peu de difficulté à définir ce que c'est. Votre idée là-dessus?

M. Zéphyr (Christopher) : C'est sûr que du... désolé. C'est sûr que du côté de la FECQ, on a un certain malaise parce que quand on parle d'accueil des étudiants internationaux, on parle des différentes problématiques reliées à celle-ci. Mais en toute définition, on n'a pas une définition claire de qu'est ce qui constitue une capacité d'accueil, puis concrètement, quand on parle, on parle de logement, on parle de ressources pédagogiques, d'intégration. Alors, venir dire qu'on a cette capacité d'accueil là...

M. Zéphyr (Christopher) : ...d'accueil là est problématique, bien, sans avoir une définition ou sans avoir des barèmes clairs de comment ce... comment cet accueil-là est fait, comment cette population étudiante peut être intégrable à la société québécoise. Nous, c'est sûr qu'on a un certain malaise à ça, surtout qu'on ne peut pas venir couper dans ces populations-là, venir couper dans des ressources qui leur sont offertes, si on n'est pas capables de définir clairement qu'est-ce qu'une capacité d'accueil et c'est quoi les retombées de celle-ci.

Mme Bergeron-Isabelle (Clémentine) : Définitivement, et la fait que quand même, une résistance à l'utilisation actuelle, parce que justement on utilise le mot capacité d'accueil pour justifier qu'il y a un trop plein dans les cégeps. On parlait d'infrastructures l'an dernier beaucoup, les infrastructures sont pleines à craquer, les établissements ne sont pas... ne sont plus capables de mettre des gens dans leur salle de classe. On va même à envisager des solutions où extendre les heures de cours jusqu'à 20 heures, ce qui franchement n'est pas super pertinent pour l'accessibilité et la réussite étudiante. Mais on met justement cette impossibilité-là sur des infrastructures en utilisant la capacité de l'accueil, en disant que c'est les étudiants internationaux qui sont la variable à faire changer cette capacité d'accueil là, alors que, dans le réseau collégial, ils représentent 4 % dans le réseau des cégeps, ce qui est... Donc, on peut... La FECQ met un point à dire qu'on ne peut pas mettre sur le dos de la population étudiante internationale les raisons et le manque de place dans les cégeps.

M. Morin : Je vous entends. Donc, en fait, ce que vous dites, c'est que le pourcentage des étudiants internationaux dans les cégeps, c'est 4 %.

Mme Bergeron-Isabelle (Clémentine) : Plus ou moins.

M. Morin : Plus ou moins, OK. Et ça, vous couvrez l'ensemble du réseau dans le cadre des analyses ou des statistiques que vous avez faites. Donc, je comprends en fait votre point de vue, et corrigez-moi si je fais erreur, c'est... au fond, c'est de dire : Écoutez, c'est 4 %, là, ça fait que, comme on dit chez nous, poussez, mais poussez égal, on ne peut pas tout leur mettre sur le dos. Est-ce que c'est un peu ce que vous nous dites?

Mme Bergeron-Isabelle (Clémentine) : Oui, en effet, ça peut bien résumer la pensée.

M. Morin : D'accord. Je vous... je vous remercie. Vous parlez aussi, à la page 9, dans votre mémoire, de... du projet de loi n° 74. J'ai siégé pour l'opposition officielle avec ma collègue, la députée de Mont-Royal—Outremont, dans le cadre de l'avancement et l'adoption de ce projet-là, on avait... on avait beaucoup de critiques à l'époque, on en a encore. Mais là maintenant, c'est une loi, on respecte ça. Maintenant, vous dites : Il y a des divergences d'intérêts entre le MIFI et le MES, et ça semble être un peu compliqué à s'y retrouver. Pouvez-vous élaborer davantage là-dessus?

Mme Bergeron-Isabelle (Clémentine) : Oui, effectivement. Mais comme on peut le regarder justement par la planification pluriannuelle, on met sur l'immigration permanente des besoins au niveau de la francisation, au niveau de l'économie et au niveau de la rétention, puis c'est des chiffres très hauts par rapport à la responsabilité de l'Enseignement supérieur sur sa population étudiante collégiale, dans le sens où son but, c'est vraiment de faciliter l'expérience étudiante, de la rendre agréable, de stimuler justement la réussite académique dans les établissements. Et cette pression-là qu'on met sur la population étudiante internationale en suivant des quotas serrés, en suivant des des chiffres et des statistiques de francisation, mais c'est là où ça vient peut être entrer en désaccord avec la mission du MES qui est vraiment de faciliter l'enseignement supérieur et de le rendre accessible aussi à toute toutes personnes qui en ont besoin.

M. Morin : Très bien, je vous remercie. À la page 10 de votre mémoire, vous avez aussi plusieurs observations en ce qui a trait à la suspension du PEQ, j'aimerais que vous en parliez davantage. Ma compréhension, c'est que le PEQ, c'est un excellent programme. Il est suspendu présentement. Quel est l'impact de la suspension, puis vos recommandations là-dessus? Est-ce qu'on devrait le leur remettre, le rouvrir? Je comprends qu'il y a un autre programme présentement au ministère qui se fait sur invitation, c'est un peu différent. Mais parlons, parlons du PEQ et de sa suspension. Quel est... quel est l'impact? Qu'est-ce que... qu'est-ce que vos membres vous disent au fond? Et est-ce qu'on devra, à un moment donné, faire en sorte qu'il soit rouvert?

M. Zéphyr (Christopher) : C'est sûr que ça fait, en ce moment, plusieurs mois que le PEQ pour les diplômés est suspendu puis ça a quand même un réel puis un gros impact sur le... sur le réseau collégial...

M. Zéphyr (Christopher) : ...nous, ce que la FECQ prône beaucoup, c'est le rétablissement du PEQ avec les recommandations qu'on met de l'avant. On ne veut pas que les critères soient... soient revus à la hausse, d'admissibilité au programme. Puis c'est aussi à noter que c'est un programme... quand même un très beau programme d'attractivité de la population étudiante internationale. C'est un programme... C'est des incitatifs qui permettent aux personnes étudiantes de venir. Puis nous, on a eu beaucoup d'échos là-dessus que, bien, grâce à cette... grâce à cette... à cause de la suspension du PEQ, ça a été, justement, un frein à plusieurs personnes étudiantes de venir étudier au Québec, ne sachant pas où leur avenir aura des débouchés. Alors, ça a quand même de grosses retombées sur cette population. Puis ce que la FECQ prône aussi une réforme du PEQ qui doit préserver un accès juste et prévisible pour les personnes étudiantes collégiales et accompagné d'incitatifs positifs à la régionalisation. Alors, on est quand même... on est pour un retour du PEQ avec certains changements, mais c'est sûr que ça a quand même un gros impact en ce moment sur la population étudiante.

• (10 h 20) •

M. Morin : Je vous remercie. J'ai retenu un mot dans vos explications, et c'est le mot «prévisible», donc «prévisibilité». Avant le... l'action gouvernementale qui a suspendu le PEQ, aviez-vous été consultés?

Mme Bergeron-Isabelle (Clémentine) : Non, on l'a vraiment appris le jour même dans les nouvelles.

M. Morin : Vous l'avez appris comme moi. Évidemment, je suis un lecteur de la Gazette officielle, ce n'est peut-être pas tout le monde, mais bref, pouf, c'est apparu. Je comprends qu'il y avait déjà des gens qui étaient ici puis que, là, ils espéraient que ça continue. Est-ce que vous avez des témoignages, parmi vos membres, de l'impact que ça a?

Mme Bergeron-Isabelle (Clémentine) : Bien, c'est sûr que le PEQ, son but, c'était de faciliter, justement, une transition entre ton permis d'études et plus tard, après. Puis nos étudiants nous mentionnent vraiment une incertitude face à qu'est-ce que je vais faire une fois que mon diplôme va être fait ou pour quelconque raison, là. Actuellement, dans le réseau collégial, il y a ce qu'on appelle des contrats de réussite, ce qui fait en sorte que, si tu échoues plus de la moitié de ton cours, tu es expulsé de ton établissement. Puis, bien, cette situation-là touche aussi la population étudiante internationale, ce qui veut dire que, dans ce contexte-là où tu te fais exclure de ton établissement, bien, ces personnes-là étudiantes internationales ne sont pas certaines de pouvoir rester au Québec puisque maintenant elles ne sont plus considérées comme études à cause de leurs contrats de réussite.

M. Zéphyr (Christopher) : Puis c'est à noter aussi qu'en ce moment le programme des travailleurs ne vient pas répondre aux... On peut facilement penser qu'à cause de l'autre programme du PEQ, ça vient répondre aux besoins de la population étudiante internationale, mais ce volet-là, PSTR, ne vient pas répondre à ce besoin-là. Nos étudiants ont vraiment besoin du volet Diplômés. Et c'est ça qui les aide, justement, à vouloir continuer leur processus au Québec, à vouloir s'épanouir et rester au Québec. Alors, le volet... le volet Travailleurs ne vient pas répondre à ce besoin en ce moment.

M. Morin : Et j'écoutais attentivement les questions de M. le ministre. C'est vrai qu'avec des étudiants étrangers, bien, souvent, la majorité vont retourner. En fait, ils viennent chercher ici un enseignement de très grande qualité, une expertise, puis souvent ils retournent. Mais il y en a qui veulent aussi rester. C'est un peu normal, c'est un très beau coin, le Québec. Moi, je les comprends très bien, très privilégié de rester ici. Et, dans plusieurs secteurs où il y a de l'enseignement collégial qui se fait, on a une pénurie de main-d'oeuvre, c'est ce qu'on nous dit également. Donc, le PEQ, au fond, répondait à ce besoin-là du Québec. Êtes-vous... Êtes-vous d'accord avec moi?

M. Zéphyr (Christopher) : Bien, effectivement, c'est sûr que le Programme de l'expérience québécoise, volet Diplômés répondait à cette pénurie de main-d'oeuvre, répondait aux besoins d'assistance dans certains programmes, de fréquentation de plusieurs programmes collégials, notamment en région, puis venir suspendre ce programme-là, ce volet-là amène plusieurs réflexions aux personnes étudiantes de rester... En fait, le fait... le fait de suspendre ce programme-là incite plus les étudiants à savoir s'ils vont rester au Québec que comme il était avant. Il y a une plus grande... Il y a une plus grande... Il y a un plus grand pourcentage d'étudiants qui sont enclins à rester au Québec puis à habiter là et à continuer leur cursus grâce au volet Diplômés qu'en ce moment s'il est suspendu.

M. Morin : Vous parlez aussi, à la page 11 de votre mémoire, de la particularité du réseau collégial. J'aimerais... et c'est ma dernière question, j'aimerais...

M. Morin : ...ça vous entendre là-dessus. Souvent, en immigration, je dis ce n'est pas juste des chiffres, c'est des personnes. Et que très souvent aussi, le mur-à-mur, ça ne donne pas de très bons résultats. Compte tenu des régions du Québec, il est préférable de faire du sur mesure. Quel est.... Qu'est ce que vous entendez de vos membres sur les cégeps en région, l'impact de ces mesures sur les cégeps en région?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Malheureusement, le temps est écoulé. Alors, cette autre ronde de discussions vient de prendre fin. On va terminer avec le député de Laurier-Dorion pour une période de 4 min 8 s. Le temps est à vous.

M. Fontecilla : Merci. Bonjour, madame, monsieur. Merci beaucoup d'être là. Écoutez, j'ai lu un article qui est apparu aujourd'hui, là, dans Le Soleil, où des recteurs des universités du Québec disent que la baisse des étudiants, et c'est le titre, la baisse des étudiants internationaux menace des programmes en région. Est-ce que c'est... Pensez-vous que cela, ça... ça peut s'appliquer aussi aux programmes collégiaux en région?

M. Zéphyr (Christopher) : C'est sûr qu'on a certains établissements, on parle notamment du cégep de Chicoutimi, du cégep de l'Abitibi-Témiscamingue ou encore le cégep de la Gaspésie, où certains programmes n'ont que ou presque des étudiants internationaux et favorisent aussi la venue d'étudiants québécois. Alors, c'est quand même vrai puis on le remarque, nos membres nous l'ont dit, nos délégués représentants de l'association étudiante nous ont mentionné justement le fait que c'est... Quand on parle justement, on va parler de la suspension du PEQ, ça les impacte directement parce que ça vient toucher la vitalité de certains programmes qui dépendent des étudiants internationaux.

Mme Bergeron-Isabelle (Clémentine) : Effectivement, c'est dans notre mémoire, on a mentionné justement que l'ouverture de 87 programmes techniques dépendent directement de la présence de la population étudiante internationale, dont 86 de ces programmes se retrouvent dans des régions. Donc oui, c'est un problème bien concret dans le réseau collégial.

M. Fontecilla : Donc, s'il y a une baisse qui est effectuée par le ministère de l'Immigration, ça va fragiliser en général les cégeps, surtout les plus excentrées, les cégeps en région, ce qui va affecter aussi la population native, là, québécoise, là.

M. Zéphyr (Christopher) : Oui, c'est certain. Puis ça, ça vient fragiliser tout ça. Ça amène certaines, peut-être, fermetures de programmes, fermetures de classes qu'on veut éviter dans le réseau collégial. Alors, ça vient mettre en péril, justement, la survie de certains programmes et de certaines programmations et certains cours au niveau collégial.

M. Fontecilla : Parlez-nous un peu de qu'est-ce que les étudiants internationaux apportent aux économies et aux communautés locales, surtout en région, là?

Mme Bergeron-Isabelle (Clémentine) : Bien, le premier aspect, c'est vraiment qu'un grand financement des cégeps provienne justement des programmes ouverts, des formations ouvertes et du nombre de personnes dans leur établissement. Donc, quand on vient réduire cette... cette population-là, qui est une population étudiante, qui peut quand même représenter jusqu'à 63 % de la population étudiante en région, bien, c'est un financement, premièrement, dans les établissements qui se retrouve grandement diminué. Et actuellement, ce n'est pas nécessairement l'enveloppe actuelle du financement de fonctionnement des cégeps qui peut couvrir une baisse dans les offres de formation, obliger des formations à fermer, etc. Ensuite, la population étudiante internationale, surtout en région, a tendance à rester, justement, dans ces régions-là. On parle vraiment que... On parlait justement de rétention. Bien, l'enseignement collégial est très niché aussi, ce qui fait en sorte que c'est peut-être un peu plus difficile d'obtenir un diplôme et de repartir, bien, dans son pays de provenance, ce qui fait en sorte que quand on obtient un diplôme au collégial, on aura tendance à rester au Québec après ça. Et puis après, c'est directement une influence sur l'économie, sur... sur tout ce qui est activité dans les centres et dans les régions, Christopher l'a bien mentionné, là. Donc, on parle de Sept-Îles, on parle de l'Abitibi, on parle de Chicoutimi, de la Gaspésie.

M. Zéphyr (Christopher) : Puis surtout pour l'aspect local, je pense que c'est important de rappeler puis de mentionner que ces étudiants contribuent à la richesse locale de certaines provinces que favorise la francophonie, participent à la vie citoyenne et aussi travailent. Alors, ces étudiants-là non seulement apportent une grande richesse à la population québécoise, et c'est important pour nous que les étudiants ne soient pas les grands perdants de cette situation.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : En terminant.

M. Fontecilla : Dans ce scénario-là, vous vous placez pour une hausse des admissions de l'immigration au Québec, un maintien ou une baisse?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : C'est ce qui met fin aux audiences pour cette partie. Madame, monsieur, je vous remercie infiniment d'avoir pris part à nos travaux. Je vais suspendre quelques instants, le temps de recevoir les prochains...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...merci.

(Suspension de la séance à 10 h 30)

(Reprise à 10 h 32)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Donc, pour pour une deuxième ronde d'auditions, nous accueillons ce matin l'Association des collèges privés du Québec, qui est représentée par M. Patrick Caron, président-directeur général du Collège André Grasset, ainsi que madame... que monsieur, pardon, Patrick Bérubé, directeur général de l'association. Messieurs, bienvenue à la commission. Alors, vous allez avoir une période de 10 minutes pour présenter l'essentiel de votre mémoire, de vos commentaires sur le cahier. Et par la suite, nous allons discuter avec les parlementaires. Alors, votre temps débute à l'instant.

M. Caron (Patrick) : Merci. Mme la Présidente, M. le ministre, Mesdames et Messieurs les députés, donc, je vous remercie de nous recevoir aujourd'hui. Je me présente, Patrick Caron, président de l'Association des collèges privés, aussi directeur général du collège André-Grasset à Montréal, ainsi que mon collègue Patrick Bérubé, directeur général de l'association.

Notre réseau regroupe 21 établissements d'enseignement collégial sans but lucratif répartis à Montréal, à Québec et dans plusieurs régions de la province. Ensemble, nous accueillons plus de 20 000 étudiants et étudiantes chaque année et nous contribuons jour après jour à la vitalité du Québec par l'accessibilité, l'excellence et l'innovation à l'intérêt... au service de l'intérêt public, désolé.

Si nous sommes ici, c'est parce que nous croyons profondément au rôle constructif que peuvent jouer les écoles privées subventionnées dans cette planification 2026-2029 et dans le recrutement d'une immigration arrimée à nos besoins sociétaux. Nous partageons l'objectif du gouvernement : mieux gérer la capacité d'accueil du Québec, assurer la réussite de la francisation et garantir une intégration durable, mais nous croyons aussi qu'il faut atteindre ces objectifs en partenariat dans la clarté et la prévisibilité. Ce que nous proposons aujourd'hui, ce ne sont pas des revendications, ce sont des solutions concrètes et pragmatiques pour y parvenir, sans briser des parcours d'étudiants...


 
 

10 h 30 (version non révisée)

M. Caron (Patrick) : ...sans fragiliser des programmes essentiels et sans assécher la relève dont le Québec a tant besoin. Le contexte, d'abord, appelle à une certaine prudence. Les changements récents apportés au permis de travail postdiplôme par le gouvernement fédéral ont transformé drastiquement la situation des étudiants internationaux et nous en mesurant encore très peu les conséquences.

Pour le Québec, cette nouvelle réalité a des effets directs sur la capacité d'attraction et de rétention des talents. Le collège qui accueille des cohortes diversifiées et motivées constate déjà un ralentissement qui est marqué. Selon nos chiffres les plus récents, le nombre total d'étudiants internationaux au sein de notre réseau a diminué de 25 % comparativement à l'année dernière. Le nombre de nouveaux étudiants internationaux est en chute libre de 50 % à 75 % plus bas que l'automne dernier. Lorsque nous verrons les pleins effets des différentes mesures en 2027-2028, les inscriptions internationales pourraient diminuer de près de 75 % dans le réseau collégial privé subventionné si rien n'est fait pour ajuster la transition et sécuriser les parcours. Ce ne sont pas des chiffres abstraits. Ce sont des programmes en santé, en éducation, en technologies de l'information, en techniques humaines qui risquent de disparaître avec des répercussions réelles sur le marché du travail, notamment en région.

Nous ne demandons pas de revenir en arrière, mais agir avec prudence. Avant d'ajouter de nouvelles restrictions, il faut mesurer les effets des décisions déjà prises et documenter les impacts sur les inscriptions, sur la francisation et la rétention. C'est la seule manière de planifier efficacement sans mettre en péril notre économie, nos services publics et nos régions.

Permettez-moi d'abord d'aborder un sujet qui nous tient profondément à cœur, qui est la francisation. Pour nous, la francisation n'est pas une simple étape dans le processus d'intégration ou une statistique, c'est notre mission qui est quotidienne. Dans nos collèges, elle se vit concrètement dans les salles de classe, dans la vie étudiante et dans des activités parascolaires. Aujourd'hui, près de 77 % des titulaires d'un permis d'études au Québec connaissent déjà le français, à cette proportion continue... et cette proportion continue d'augmenter. Dans nos établissements, nous accompagnons les étudiants jusqu'à la réussite de l'épreuve uniforme de français, une étape qui est exigeante mais fondamentale, qui assure le Québec que nos diplômés soient parmi les mieux francisés. Le taux de diplomation de nos étudiants internationaux avoisine 80 %, ce qui témoigne non seulement de leur volonté, mais aussi de la qualité du soutien que nous leur offrons.

Les collèges privés subventionnés démontrent qu'il est possible de conjuguer exigence linguistique et intégration réussie. Nous croyons à un Québec francophone et inclusif et nous contribuerons chaque jour à le bâtir. Notre proposition peut se résumer en trois mots : prévoir, mesurer et accompagner.

Prévoir, c'est de fixer des cibles pluriannuelles tout en protégeant les cohortes déjà admises. Aucune politique ne devrait s'appliquer rétroactivement. Par exemple, un jeune qui a fait le choix du Québec sur la base des règles établies doit pouvoir compléter son parcours dans les conditions annoncées.

Mesurer, c'est partir un dialogue fondé sur les faits. Nous proposons la création d'un tableau de bord public et partagé regroupant des indicateurs sur la progression linguistique, la réussite scolaire, la conversion vers la résidence permanente et la répartition régionale. Cet outil permettrait au gouvernement, aux établissements et aux partenaires du marché du travail de suivre en temps réel l'évolution du réseau et d'ajuster les politiques sur la base de données plutôt que sur des impressions.

Finalement, accompagner, c'est faire preuve d'une prudence et d'une cohérence. Nous proposons un moratoire réglementaire temporaire, suspendre toute nouvelle restriction tant que les effets combinés du permis postdiplôme, du PEQ et des plafonnements ne sont pas bien documentés. Nous avons tout à gagner à agir de manière concertée plutôt que cumulative.

Sur les chiffres, notre mémoire est clair, nous recommandons de fixer le plafond provincial des étudiants étrangers à 128 000, un seuil compatible avec les objectifs gouvernementaux, mais qui évitent de compromettre l'offre de formation dans les régions.

Nous recommandons également de ne pas imposer de limite rigide au nombre de certificats d'acceptation du Québec analysés par établissement, car les ratios entre les demandes et les admissions réelles varient considérablement selon les programmes et les pays de provenance.

Nous proposons également de renforcer la francisation par des sites, des résultats et une reddition publique...

M. Caron (Patrick) : ...transparente, cours crédités, taux de réussite, stages en milieu francophone. Il est essentiel d'éviter les perceptions trompeuses. Nos collèges sont des milieux de vie francophones où les étudiants étrangers développent leur réseau social professionnel et s'intègrent à notre culture ainsi qu'à nos valeurs.

Finalement, nous croyons qu'il est essentiel de faciliter la passerelle vers la résidence permanente pour les diplômés formés ici, déjà francisés et souvent intégrés au marché du travail. Ces jeunes adultes représentent le visage même du Québec de demain. Ils sont déjà ici. Ils parlent notre langue, ils travaillent, ils s'enracinent. Leur intégration durable est une question de cohérence économique et démographique. Il n'y a pas meilleur candidat à l'immigration permanente que l'étudiant étranger d'une institution d'enseignement francophone.

• (10 h 40) •

Au-delà des chiffres, il faut regarder la tendance de fond. À partir de 2027, le Québec entrera en accroissement naturel négatif, soit plus de décès que de naissances. Sans une immigration bien calibrée, et les étudiants étrangers en sont l'un des leviers les plus efficaces, notre capacité à soigner, à enseigner, à innover et à servir sera compromise. C'est pourquoi il faut maintenir le Québec attractif, non seulement pour attirer les talents, mais pour les retenir en leur offrant un parcours porteur d'avenir.

Les collèges privés subventionnés sont prêts à contribuer activement à cet équilibre. Nous formons des professionnels dans des domaines de... en demande, souvent dès la première année d'études. Nous soutenons la régionalisation. Nous respectons la capacité d'accueil fixée par le ministère de l'Enseignement supérieur et nous avons réitéré des engagements rigoureux en matière de qualité, de transparence et d'éthique à travers le code des meilleures pratiques à l'éducation internationale, adopté cette année par notre... par notre association. Ce code illustre notre volonté d'être partenaire de confiance du gouvernement et des acteurs responsables du développement au Québec.

En somme, nous croyons qu'il est possible de réduire l'improvisation sans réduire l'ambition, de protéger la langue française sans freiner la relève, d'intégrer mieux, sans fermer la porte, l'ACPQ et ses membres sont prêts à faire leur part avec rigueur, transparence et esprit de collaboration. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, merci beaucoup, messieurs. Alors, on débute la période d'échange avec le ministre et l'aile gouvernementale. Vous avez 16 minutes... La parole est à vous, M. le ministre.

M. Roberge : Merci bien, Mme la Présidente. Merci pour votre présentation. Donc, l'Association des collèges privés subventionnés, ce n'est pas dans votre titre, mais il y a une autre association qui va venir tout à l'heure, des collèges privés non subventionnées. C'est des réseaux qui sont distincts. Je le dis, vous le savez évidemment, pour les gens qui nous écoutent, pour bien faire la nuance entre les différents groupes qui viennent présenter. Vous dites que vous voulez de la prévisibilité. Bien d'accord. C'est tout l'objectif de la planification pluriannuelle sur quatre ans cette fois-ci. Donc, je pense qu'on va être capable de donner beaucoup de prévisibilité à l'ensemble des réseaux, des gens qui la souhaitent beaucoup. Tout le monde nous demande des résultats différents, mais tout le monde veut de la prévisibilité, ça, c'est sûr. Tout le monde veut savoir où est-ce qu'on s'en va au gouvernement du Québec, puis là il faudrait que le fédéral fasse ce même exercice. Je signale qu'au fédéral, ils ne font pas de consultations comme nous le faisons pour la planification pluriannuelle.

Vous dites... vous ne voulez pas revenir en arrière, on ne veut pas revenir en arrière. Mais vous voulez un plafond de 128 000 étudiants étrangers. En ce moment, on en a moins que ça. On en avait plus. On en a un petit peu moins. Si on revient à plus, on revient où on était, donc on revient en arrière, Comment... Comment on ferait pour accueillir ces étudiants de plus? Parce que vous... ce que vous dites essentiellement, c'est qu'il n'y a pas assez d'étudiants étrangers travail sur le territoire québécois actuel, parce que vous en voulez davantage. Comment on ferait pour les accueillir toutes ces personnes-là, considérant qu'on n'a pas suffisamment de logements pour ceux qui sont déjà sur le territoire québécois?

M. Bérubé (Patrick) : En fait, c'est une excellente question, M. le ministre, pour y répondre, en fait, ce que nous, on propose, le 128 000, est un lien avec le cahier de consultation. On s'inscrit dans les... Dans l'intervalle proposé par le gouvernement dans le cadre de la consultation. Donc, on est... on se rapproche de la borne supérieure, on en convient, mais on reste dans les... dans les... dans l'ordre de grandeur du gouvernement. Et ça, ça voudrait dire, pour notre réseau des collèges privés subventionnés, de préserver environ 6 000 étudiants. Donc, 6 000 étudiants dans notre réseau, ce qui revient en fait à 2023-2024 parce que lorsqu'on nous a annoncé les premières indications de mesures de contrôle sur le nombre d'étudiants internationaux en août dernier, on parlait surtout de plafonnement, en particulier dans les programmes de DEC. Donc, cette mesure-là...

M. Bérubé (Patrick) : ...cette procédure-là ferait en sorte que, pour nous, on serait capable de les accueillir sans aucun problème. Et, pour aller plus en détail, comment on pourrait les accueillir concrètement, c'est que nos collèges privés subventionnés, étant des OBNL, mais aussi, lorsqu'ils ont des excédents, vont pouvoir les réinvestir. Et c'est le cas, par exemple, d'un collège comme le Collège Ellis, qui vient d'investir 8 millions dernièrement, pour construire une nouvelle résidence étudiante, essentiellement, pour aider tant les étudiants québécois, que les étudiants internationaux.

Donc, c'est un exemple de mesures concrètes de nos collèges pour pouvoir permettre d'augmenter la capacité de logements étudiants en région, notamment.

M. Roberge : Mais dire que vous voulez stabiliser l'effectif d'étudiants étrangers dans votre réseau, c'est une chose, dire que vous voulez augmenter le nombre d'étudiants étrangers sur le territoire du Québec, c'en est une autre. Donc là, quand vous nous dites : Nous autres, on veut stabiliser ceux qu'on a, je vous entends bien, mais quand vous dites : Je veux augmenter à 128 000 le nombre total, c'est une hausse. Donc là, vous proposez des hausses dans des réseaux autres que le vôtre. 

M. Bérubé (Patrick) : Ça pourrait arriver, mais ce qu'on constate surtout, c'est que l'ensemble des mesures mises en place par le fédéral, donc, sur le permis de travail postdiplôme, par le gouvernement provincial dans le cadre du projet de loi n° 74 et autres, ont déjà des effets dans les différents réseaux. Donc, on note déjà les universités, on a annoncé des baisses importantes d'étudiants internationaux. Dans notre réseau, pour cette année, on constate déjà une baisse de 25 % du nombre des internationaux. Donc, on est d'avis que, même en fixant un cadre général assez large, qui donnerait une marge de manœuvre au Québec, les mesures qui sont déjà en place ont eu un impact et on risque de voir une baisse quand même du nombre d'étudiants réels inscrits et dans les collèges.

M. Roberge : Il faut dire que la situation actuelle est une situation un peu anormale, parce qu'écoutez il y a... attends, je vais trouver le chiffre. Oui, c'est ça, le nombre de CAQ délivrés pour les établissements privés subventionnés au collégial a plus que quintuplé en 2020-2024. Donc, une augmentation de 500 % en quatre ans, cinq ans. Là, vous me dites : Bien, il faudrait maintenir ça, bien, on peut le faire, mais ce n'est pas la situation normale. On est dans une espèce d'anomalie statistique ou démographique. Là, on dit : Écoutez, il ne faudrait pas brasser du système, il faudrait rester là. Mais ce n'est pas la norme en ce moment, on est dans une espèce de bulle, il ne faut pas s'attendre à ce que les bulles restent toujours comme ça. On est dans une situation hors norme.

Donc, je comprends qu'il peut y avoir un souhait de garder ça pour votre réseau, mais il reste que ça ne fait pas 20 ans que c'est comme ça, ça fait comme deux, trois ans. Ce n'est pas normal de souhaiter d'être hors norme pour la vie.

M. Bérubé (Patrick) : Bien, en fait, ce qu'on souhaite davantage, c'est, tout déjà, on est d'avis que le le nombre de CAQ n'est vraiment pas le meilleur indicateur pour prévoir le nombre d'étudiants qui seront assis à l'automne dans un collège. Par exemple, lorsqu'on prend des étudiants provenant de la France, le taux d'obtention d'un permis d'étude du gouvernement fédéral qui est pratiquement au bout de la chaîne de recrutement est d'environ 95 %, alors que, du côté des étudiants qui proviennent de l'Afrique de l'Ouest, par exemple, le taux d'acceptation est de 5 %. Donc, pour avoir 95 étudiants... français dans un collège, on n'a besoin que de 100 CAQ. Mais, avec les 100 mêmes CAQ, on n'aura que cinq étudiants africains.

Donc, vous voyez qu'il y a vraiment une différence. Ce qu'on a appelé, dans le cadre du projet de loi n° 74, cet effet d'entonnoir là, qui varie beaucoup selon les pays de provenance. Donc, c'est dans ce sens-là qu'on voit que ce n'est pas une question hors norme. C'est de bien comprendre que la mécanique des CAQ varie beaucoup en fonction des pays de provenance.

M. Roberge : Perspective très intéressante, vous avez raison de le souligner. La FECQ qui est passée juste avant vous, la Fédération étudiante collégiale, les étudiants ont été assez critiques sur ce qu'on a appelé la marchandisation des étudiants étrangers, puis ils ont ciblé une forme de diplomation courte, des programmes très courts, des attestations d'études collégiales comme étant une espèce de voie d'accès utilisée par plusieurs établissements où on crée des programmes, on attire des étudiants en ne leur vendant pas tellement la grande formation, l'intégration à la nation, mais en leur vendant la citoyenneté, tu sais, c'est une forme... On devient des... des institutions d'enseignement supérieur. Quelle est votre analyse de ça, d'attirer des étudiants, pour des attestations d'études collégiales, formation très courte versus des programmes plus...

M. Roberge : ...comment vous voyez ça?

M. Bérubé (Patrick) : Bien, dans notre réseau, la plus grande partie des étudiants internationaux sont inscrits dans des programmes de diplômes d'études collégiales, donc c'est le premier. Puis pour nous, on croit que c'est une voie, une des voies les plus intéressantes pour ces étudiants-là parce que ça leur permet de participer à ce tronc commun là qu'est la formation générale où ils auront des cours de philosophie, d'éducation physique, mais aussi de langue et littérature française. Donc, à cet égard-là, les cours de langue et littérature française sont d'un niveau beaucoup plus difficile. On ne parle plus maintenant de francisation, mais de capacité de lire des textes complexes de littérature et de pouvoir y répondre par la suite. Donc, ces étudiants-là, par le biais de la formation générale, vont se familiariser à la culture québécoise, vont y participer aussi beaucoup dans le cadre des activités parascolaires dans nos collèges qui sont organisées et donc vont faire en sorte qu'ils vont non seulement être francisés, mais être aussi intégrés à la culture québécoise, avoir des... vont avoir des référentiels communs aussi qui sont comparables à ceux des étudiants québécois.

• (10 h 50) •

M. Caron (Patrick) : Pour complémenter mon collègue, M. le ministre, il faut se rappeler aussi que, parmi les priorités du ministère de l'Enseignement supérieur, le volet emploi était très important et le recrutement international. Donc, on a appris, au mois d'août 2024, le changement d'orientation par rapport au recrutement d'étudiants internationaux. Donc, vous le savez, en éducation, c'est des cycles minimums d'une année. Donc, les changements qu'il y a eu au fédéral depuis deux ans, au provincial, on va mesurer le plein impact en 2027‑2028 uniquement. Mais présentement, les conséquences de tous ces changements-là, nouvelle réglementation ont un impact concret, et on va le vivre vraiment dans les deux prochaines années.

M. Roberge : Sur du moyen terme et du long terme.

M. Caron (Patrick) : Moyen terme, on parle de deux ans, là.

M. Roberge : Oui, la notion de... la notion de cohorte qui est très...

M. Caron (Patrick) : Oui. Mais oui, déjà cette année on est en baisse importante.

M. Roberge : La notion de cohorte qui est très pertinente dans le réseau de l'enseignement supérieur. Merci.

Une petite question parce que vous avez parlé de la baisse des effectifs d'étudiants étrangers, des nouveaux, en fait des nouvelles inscriptions pour cet automne. Vous avez sorti des chiffres qui sont assez, assez forts. Mais quel est l'effectif dans votre réseau à vous, là, des collèges privés subventionnés, total? Est-ce que vous... est-ce que vous savez quelle est la fluctuation? Vous m'avez parlé, là, des étudiants étrangers en disant : Pas tous les étrangers. Mais disons, combien vous aviez d'étudiants au total en septembre 2024, incluant tout le monde? Combien vous en avez au total en septembre 2025, en comptant tout le monde, les Canadiens, les Québécois, les étrangers?

M. Bérubé (Patrick) : Donc, le nombre d'étudiants total dans notre réseau avoisine le 20 000 étudiants, donc étudiants totaux, québécois, canadiens, étrangers.

M. Roberge : Et l'an... Donc, vous en avez autour de 20 000 au moment où on se parle.

M. Bérubé (Patrick) : Oui.

M. Roberge : Puis l'an passé à pareille date?

M. Bérubé (Patrick) : Donc, l'an dernier, à pareille date, on devait être environ... Bien, je vous dirais, 20 000, c'est les chiffres de l'année dernière. Donc, cette année, on doit être en baisse un petit peu, un petit peu davantage. Là, on doit tourner autour de 19 000, 18 000 environ.

M. Roberge : OK. Donc, il n'y a pas eu de remplacement parce que vous me dites vous avez eu essentiellement des baisses. Puis je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, je vous l'expliquerai, là. Il y a eu des baisses d'étudiants étrangers pour les nouveaux inscrits. Ceux qui étaient déjà là l'an passé sur un programme long poursuivent leur formation, mais il n'y a personne qui s'est fait briser sa formation, mais il y a eu moins de nouveaux étudiants étrangers. Si vous avez une baisse d'effectif total, c'est parce que vous avez moins de nouveaux étudiants étrangers, mais vous n'avez pas pu remplacer ces gens-là par des Québécois ou des Canadiens, est-ce que je me trompe?

M. Bérubé (Patrick) : Possiblement pas entièrement, effectivement, là, puis malgré le fait que nos collèges se retournent de plus en plus vers la clientèle locale mais, comme vous le savez, pour l'étudiant québécois, donc, les frais de scolarité peuvent devenir un frein pour s'inscrire dans un collège privé subventionné, même si la subvention est un bon vecteur pour améliorer cette dite accessibilité-là.

M. Roberge : Vous avez parlé du programme PEQ, le Programme d'expérience québécoise, volet diplômé. Il me reste quelques minutes? Oui. OK. On a suspendu le PEQ pour l'instant, mais on a lancé le PSTQ, le Programme de sélection des travailleurs qualifiés. On est au début de ça. Mais il faut dire que la première ronde en ce moment, 100 % des individus invités dans le volet 1, parce qu'il y a quatre volets, du nouveau PSTQ ont été des diplômés du Québec. Est-ce que vous avez eu le temps de prendre conscience parce que c'est nouveau quand même, le PSTQ, de ces volets-là avec des critères? Justement, le volet 1, qui est le volet diplômé du Québec, avec des critères comme... comme la langue française ou comme tout ça. Est-ce que vous avez pris conscience de ça et quelle est votre analyse de ce programme-là bien qu'on soit au début et au lancement initial de ce programme-là?

M. Bérubé (Patrick) : On en a effectivement pris conscience ce programme-là...

M. Bérubé (Patrick) : ...et on continue de croire que le PEQ comme tel est vraiment la voie idéale pour les étudiants internationaux, puis on l'explique. En fait, nous, on la voit comme la voie royale. Puis on va prendre un étudiant, par exemple, qui serait au DEC, qui va faire plusieurs stages au cours de son... ses trois ans d'études, disons, dans un programme de technique d'éducation spécialisée. À la fin, cet étudiant-là va avoir un stage final qui va se faire dans un milieu... par exemple, ça pourrait être dans un établissement de santé ou dans un CPE, où l'étudiant va être en compagnie de personnes québécoises, intégré aussi dans un milieu de travail québécois. Donc, on est d'avis que c'est la voie royale parce que, cette expérience-là de stage... on ne devrait pas venir exiger, comme on le voit dans d'autres programmes, une expérience de travail supplémentaire, alors que l'expérience de stage de longue durée, là, qu'ils vont faire au cours d'un DEC devrait être suffisante. Et c'est pour cette raison-là qu'on croit que le PEQ est vraiment la voie royale. Sans vouloir rien enlever aux autres voies qui pourraient exister, on croit quand même que ça demeure la meilleure voie pour les étudiants.

M. Roberge : Mais vous liez le programme PEQ suspendu à la réussite d'un stage, mais il n'y a aucun critère de stage dans le PEQ.

M. Bérubé (Patrick) : Non, non, on ne lie pas les deux ensemble.

M. Roberge : OK.

M. Bérubé (Patrick) : Tout ce qu'on dit, c'est qu'il y a un stage... les étudiants font des stages dans le cadre de leurs études et, via le PEQ, au final, vont pouvoir obtenir le... avoir accès à la résidence permanente, alors qu'il y a d'autres programmes qui vont demander une expérience de travail supplémentaire.

M. Roberge : Mais est-ce que ce n'est pas normal de s'assurer, de vouloir s'assurer, pour l'État, que la personne, bien, travaille et vient... oui, elle est diplômée du Québec mais est diplômée dans un domaine où on est en pénurie de main-d'œuvre et que cette personne-là est capable d'être employée, d'être employable et veut travailler, veut contribuer? Je comprends que les gens sont diplômés d'une institution québécoise, c'est déjà un très, très bon critère, là, je le reconnais d'emblée, c'est sûr, mais il me semble que ce n'est pas trop exiger, de s'assurer que cette personne-là est capable de se trouver un emploi et que, donc, elle s'était formée dans un domaine dont on a besoin. On a des secteurs qui sont en pénurie. Il me semble que ça serait particulier de ne pas combler des secteurs qui sont en pénurie tout en faisant entrer des gens qui ne sont pas capables de se trouver un emploi.

M. Bérubé (Patrick) : Nous, ce qu'on constate dans notre réseau, au cours des dernières années, à l'initiative du gouvernement du Québec et de plusieurs ministères qui ont décidé de mettre l'accent sur le recrutement d'étudiants internationaux, dans plusieurs pays francophones et dans des domaines priorisés par l'Opération main-d'œuvre, par l'OPMO... donc, ce qu'on voit, c'est que ces étudiants-là ont été recrutés au cours des dernières années, sont présentement en études ou viennent de terminer et sont... ont été recrutés dans des domaines où le Québec a reconnu qu'il y a pénurie de main-d'œuvre. Donc, on croit que c'est tout à fait logique que ces étudiants-là puissent passer par la suite à la résidence permanente parce qu'ils ont... ils ont suivi un processus et ils sont déjà dans des programmes qui ont été priorisés par le gouvernement.

M. Roberge : Mais, si on... Bien, je comprends qu'il y en a plusieurs qui sont dans l'OPMO, l'Opération main-d'oeuvre... bien, on parle en code, mais je dis ça pour les gens qui nous écoutent, je comprends qu'il y en a plusieurs qui le sont, mais ce n'est pas 100 %. Il pourrait y avoir, si j'ouvrais le PEQ demain matin, des étudiants qui ne sont pas dans des secteurs prioritaires, qui ne sont pas dans l'OPMO, qui n'ont pas fait de stage, qui n'ont pas décroché d'emploi et qui auraient, comme vous dites, la voie royale vers la résidence permanente mais qui seraient... qui n'auraient pas fait de stage, qui n'auraient pas travaillé, qui ne seraient pas dans les secteurs prioritaires et qui, grâce à la voie royale, obtiendraient la résidence permanente. Si j'ouvrais le PEQ demain matin, c'est ça qui arriverait.

M. Caron (Patrick) : Mais c'est une responsabilité, M. le ministre, institutionnelle. L'année dernière, à l'Institut Grasset, j'ai fermé plusieurs programmes parce qu'il n'y avait plus d'emploi. On pense aux jeux vidéo, l'animation 3D, télé. Je veux dire, l'emploi était très, très faible actuellement. Donc, on n'a aucun intérêt comme institution à poursuivre avec des offres de formations ou de programmes quand il n'y a pas d'emploi en bout de ligne. Donc, ça, c'est une responsabilité qui est vraiment institutionnelle, qui est associée aux collèges, là.

M. Roberge : Merci beaucoup pour cet échange. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, M. le ministre. Alors, on poursuit la période d'échange avec la députée de La Pinière, cette fois-ci, pour une période de 16 minutes 30 secondes.

Mme Caron : Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour. Merci pour votre mémoire et pour votre présentation.

Je reviendrais sur le nombre de 128 000 que vous... 128 000 étudiants, pour ce qui est du plafonnement des étudiants étrangers, que vous recommandez, conformément à l'un des scénarios, là, qu'on voit dans le document en page 69. Est-ce que j'ai bien compris que, sur les... sur ces 128 000 là, c'était 6 000 ou est-ce que j'ai mal entendu le chiffre que vous vouliez?

M. Caron (Patrick) : Exactement. Pour notre réseau, on parle de 6 000 internationaux.

Mme Caron : D'accord. Donc, si, par exemple...

Mme Caron : ...le scénario était baissé à 110 000, mais votre demande, j'imagine, serait toujours d'avoir les 6 000 pour votre réseau?

M. Caron (Patrick) : Idéalement.

Mme Caron : C'est ça. D'accord. Maintenant, vous mentionnez à la page 11 de votre mémoire que l'apport des étudiants internationaux dans le système de santé, bien, passe aussi par... par votre réseau, notamment vous parlez de préposés aux bénéficiaires. Donc, comme porte-parole de l'opposition officielle pour les aînés, c'est un point qui m'intéresse vivement. Alors, combien... Est-ce que vous avez une idée du nombre d'étudiants qui sont passés par votre réseau et qui travaillent maintenant ou qui ont décroché un poste comme préposés aux bénéficiaires à la fin de leurs études?

M. Caron (Patrick) : Je ne sais pas. Si c'est notre mémoire, là, on ne parle pas de préposés aux bénéficiaires dans notre...

Mme Caron : Bien, en page 11, je lis... C'est bien l'ACPQ collégial privé?

Une voix : Oui.

• (11 heures) •

Mme Caron : D'ailleurs... En deuxième paragraphe : «D'ailleurs, avant même la fin de leurs études, notamment dans des programmes en santé (ex : soins infirmiers et inhalothérapie), l'étudiant peut déjà travailler dans le réseau après la première année comme préposé aux bénéficiaires». Donc, sa formation est en inhalothérapie. Donc, ce que je comprends, la différence, c'est que ce n'est pas une formation de préposé aux bénéficiaires, mais il peut travailler comme préposé aux bénéficiaires.

M. Bérubé (Patrick) : Exactement. Puis ça, ça leur est demandé, comme aux étudiants québécois. Puis ça démontre bien la contribution des étudiants internationaux, parce que, souvent, on parle qu'ils vont venir utiliser les ressources du Québec, venir amener un poids supplémentaire à la capacité d'accueil, mais souvent... on oublie souvent de parler de leurs contributions. Et ça, c'est un bel exemple, c'est les étudiants qui étudient dans les programmes de santé. Donc, on leur demande aussi de prêter main forte au réseau de la santé, de faire... de travailler à titre de préposé aux bénéficiaires pendant leurs études en inhalothérapie ou autre. Et puis je pourrais même vous dire qu'en termes d'accessibilité à des programmes il y a des étudiants aussi en techniques d'éducation spécialisée qui... étudiants internationaux dans la région de Drummondville qui étaient au collège Ellis, et il y avait un camp de jour pour des élèves, cet été, avec des besoins particuliers qui manquait cruellement d'animateurs, et, sans l'apport de ces étudiants internationaux là, ils étaient en formation en éducation spécialisée, le camp de jour n'aurait pas pu offrir la même... la même étendue de services à un aussi grand nombre qu'il a été possible de l'offrir. Donc, ça montre très bien que ces étudiants-là, pendant leur parcours, ne viennent pas juste prendre les ressources en étudiants, mais redonnent beaucoup aussi à la société québécoise.

Mme Caron : Avant même d'être diplômés, donc, de vois...

M. Bérubé (Patrick) : Effectivement.

Mme Caron : D'accord. Vous donnez... Bon, vous venez de parler du... de Drummondville. Est-ce que... Est-ce que le moratoire de l'an dernier a eu des conséquences sur vos étudiants? Est-ce qu'ils ont senti qu'il y avait une promesse d'un parcours qui a été brisé à mi-parcours? Est-ce que ça a eu une incidence importante?

M. Bérubé (Patrick) : Vous parlez d'un moratoire sur le... sur le PEQ?

Mme Caron : Oui.

M. Bérubé (Patrick) : Oui. Bien, en fait, pour plusieurs, il y avait beaucoup d'incompréhension, là, quand on... l'étudiant vient ici au Québec pour étudier et que les règles changent en cours de route. C'est quelque chose qui est vraiment... vraiment malheureux. Et puis, à l'instar aussi de ce qui s'est passé avec le gouvernement de travail... fédéral avec le permis de travail pas postdiplôme... En fait, ces changements-là en cours de route ont même causé des désinscriptions de certains étudiants parce qu'ils ne voyaient plus d'avenir possible au Canada. Donc, on voit que ça a un impact vraiment réel sur... et beaucoup de stress, ça génère beaucoup de stress sur les étudiants qui se demandent comment ils vont pouvoir poursuivre leur parcours au Québec.

Mme Caron : Effectivement, parce qu'ils sont... ils ne veulent pas... C'est des coûts que ça représente, des coûts importants pour eux parce qu'ils paient plus cher de droits de scolarité, j'imagine, pour... que les étudiants québécois. Est-ce que c'est le cas aussi dans le collégial ou...

M. Caron (Patrick) : Ce sont les mêmes frais de scolarité, à l'exception des étudiants français.

Mme Caron : D'accord. Alors... Mais c'est quand même des coûts de venir s'établir au Québec et...

M. Caron (Patrick) : out à fait.

Mme Caron :  ...plutôt que de rester dans leur pays d'origine, peut-être chez leurs parents, et tout ça. Alors, s'ils ne voient pas la possibilité de terminer leurs études et de contribuer, de pouvoir... d'avoir une chance de s'établir ici, de contribuer à la société québécoise, bien, ils préfèrent aller ailleurs, où ils seront... seront accueillis sans que des règles, quel que soit le niveau... le palier de gouvernement, sans que les règles changent en cours de route. Est-ce que... Vous avez parlé de recrutement international d'étudiants à l'international, notamment en cohérence avec les programmes qui étaient mis de l'avant par le MIFI. Est-ce que vous avez vu qu'il y avait une diminution de l'attrait du... des établissements collégiaux au Québec après... après ces changements-là qui sont survenus en cours de route?

M. Bérubé (Patrick) : Oui. En fait, on a vu au cours des dernières années que l'ensemble des.


 
 

11 h (version non révisée)

M. Bérubé (Patrick) : ...mesures, tant fédérales que les dernières mesures provinciales en lien avec le projet de loi n° 74, avec la fin du PEQ aussi, ont eu un impact majeur sur les demandes d'admission, là, des étudiants internationaux qui sont en baisse majeure. Et puis là, ce qu'on constate, comme on le mentionnait tout à l'heure, c'est que c'est baisses-là de demandes d'intérêt pour le... pour... pour le Québec, pour le Canada aussi en général se matérialisent par des baisses d'inscriptions aussi, là.

Mme Caron : Alors, baisse d'inscriptions pourrait... pourrait vouloir dire d'une part réduction du nombre d'immigrants, qui est peut-être recherchée, puis là, en même temps, des personnes qui pourraient contribuer parce qu'on sait qu'il y a un problème... une pression sur le logement. Mais en même temps, on a besoin des personnes pour nous aider à en construire, des logements ou pour nous aider à prendre soin des gens dans le réseau de la santé. Donc, c'est un peu l'oeuf ou la poule, là. Alors, on...

M. Bérubé (Patrick) : Effectivement, comme ont mentionnait d'entrée de jeu, le Québec va avoir un accroissement naturel négatif à partir de 2027, plus de décès que de naissance. Donc, pour nous, les étudiants internationaux, bien qu'ils soient des immigrants temporaires aujourd'hui, sont vraiment les citoyens québécois de demain et les candidats idéauz pour devenir de futurs citoyens parce qu'ils auront vécu, pris racine ici, s'enraciner dans la culture québécoise, auront des diplômes d'ici. Donc, on serait bien malheureux de voir ces étudiants-là qu'on a formés déménager en Ontario ou en Alberta alors qu'ils sont francisés, francophiles, francophones et qu'ils ont un diplôme québécois.

Mme Caron : Oui. Puis vous avez mentionné un point intéressant dans la francisation, c'est quoi? Vous ne faites pas que de la francisation. C'est important, la francisation. Je ne le dis pas en voulant dénigrer la francisation, mais vous faites plus dans le sens que oui, les cours collégiaux en français, on sait que c'est d'un niveau... Il faut... Il faut déjà pouvoir parler français couramment pour pouvoir suivre ces cours-là. Et vous avez des activités qui permettent... qui vont favoriser l'intégration au sein de la culture québécoise.

M. Caron (Patrick) : Bien, nos collèges, ce sont des milieux de vie. Au-delà des cours, on y vit, on y participe. C'est ça, un collège. C'est ça qu'on veut quand on accueille nos étudiants. Oui, c'est beau de parler d'épreuves uniformes de français, mais ça, c'est surtout qu'ils vivent leur vie d'étudiant comme on doit s'en attendre, qu'on soit international ou local.

Mme Caron : En page 7, il y a... Vous avez mis une citation intéressante du premier ministre, une citation de juin 2004 où le premier ministre reconnaissait l'importance des étudiants internationaux. Est-ce que vous voulez nous en dire un petit peu plus là-dessus?

M. Bérubé (Patrick) : Bien, moi, je peux vous dire qu'on est tout à fait d'accord avec cette citation-là du premier ministre. Comme on le mentionnait tout à l'heure, ces étudiants-là sont jeunes, ils vont être bien formés. Le premier ministre parle souvent aussi d'emplois payants. Ils vont être dans des domaines d'avenir, souvent priorisés par le gouvernement du Québec. Donc, on est tout à fait en accord avec sa citation pour dire qu'il en veut davantage d'étudiants, de jeunes étudiants internationaux, parce qu'ils vont vraiment pouvoir contribuer à la société québécoise.

Mme Caron : Et vous avez parlé aussi de moratoire réglementaire, donc de, si j'ai bien compris, de cesser de faire de nouveaux règlements pour vous permettre de vous ajuster, ou est-ce que vous pouvez nous en dire un petit peu plus sur ça?

M. Caron (Patrick) : Tout à fait. Il y a tout un aspect de la réputation à l'international du Canada, du Québec. Plus qu'on change de réglementation, souvent, bien, plus que ça met des filtres, ça met des couches de difficulté. Donc, si on peut au moins stabiliser ces éléments-là, bien, ça va nous permettre de mesurer l'impact de tous les changements qu'il y a eu. Puis ça, c'est important. Je l'ai dit tout à l'heure, ce sont des cycles d'une année dans les collèges, dans les universités. Donc, il faut nous laisser du temps de nous adapter en fonction de ça.

Mme Caron : Et est ce que ce serait aidant, par exemple, s'il y a un... s'il y avait des... de nouveaux règlements qui étaient adoptés, donc, sans que le gouvernement réponde à votre demande de moratoire. Mais que ce soit fait en fonction des cycles non seulement des années scolaires, mais des cycles d'inscription, d'admission au collège et suffisamment à l'avance pour vous permettre de planifier le nombre pour permettre à vos institutions membres de planifier.

M. Caron (Patrick) : Tout à fait. Surtout le recrutement à l'international, souvent, c'est des cycles. Ça part deux ans à trois ans. C'est recruter un étudiant qui va s'investir, qui va mettre les moyens financiers pour se loger, se nourrir, payer ses frais de scolarité. Souvent, c'est un projet de famille. Donc, ça ne se décide pas en trois mois avant. Donc, tout ce processus-là d'avoir...

M. Caron (Patrick) : ...une constance dans nos façons de faire. Elle est vraiment importante.

Mme Caron : Et est-ce que... dans les programmes qui sont ciblés comme étant en pénurie de main-d'œuvre, est-ce que les étudiants qui sont inscrits à ces programmes-là sont uniquement des étudiants de l'étranger ou si... il y a aussi des étudiants québécois qui s'inscrivent à ces programmes?

M. Bérubé (Patrick) : Il y a effectivement beaucoup d'étudiants québécois. La part des étudiants internationaux va être complémentaire souvent, en particulier dans les collèges en région, ils vont venir compléter les cohortes, pour s'assurer que l'accord puisse démarrer et que l'offre de formation puisse rester vivante aussi pour les étudiants québécois.

Mme Caron : Est-ce que ça veut dire que les étudiants étrangers qui veulent étudier dans un certain domaine vont être, je dirais, dirigés vers une région où ce programme-là existe, plutôt que... plutôt que de laisser à l'étudiant le choix du collège où il veut étudier?

• (11 h 10) •

M. Bérubé (Patrick) :  Bien, au moment actuel, l'association, les collèges ne dirigent pas le choix des étudiants. Donc, c'est vraiment un choix individuel des étudiants. Mais évidemment, ces derniers-là sont à l'affût des mesures gouvernementales. On a parlé tout à l'heure de l'opération Main-d'œuvre et des régions. Et il y avait des incitatifs à l'époque qui existent encore à un certain niveau de bourses et d'exemptions pour ces étudiants internationaux là, pour aller étudier dans un collège de région, dans un programme sous l'opération main-d'œuvre. Donc, on peut voir que ces initiatives gouvernementales là vont favoriser l'inscription dans des collèges qui offrent lesdits programmes.

Mme Caron : D'accord. Et tout à l'heure vous avez parlé de programmes, par exemple, en vidéo ou tout ça qui n'existent presque plus, ou en tout cas peut-être qui existent, mais où les perspectives d'emploi sont... ont chuté quand même assez rapidement, j'imagine, question de crédits d'impôt à ces... aux entreprises de l'industrie vidéo, question aussi d'intelligence artificielle. Alors, est-ce que vos collègues ont une agilité... je ne sais pas, à combien vous évalueriez l'agilité de vos différents collèges à dire : Oh! là, on ne peut plus... on devrait plus offrir ce programme-là parce qu'on voit que sur le marché... le marché de l'emploi dans ce domaine-là se rétrécit. Donc, c'est peut-être... on ne va peut-être pas se rendre service, on ne va peut-être pas atteindre l'objectif d'aller chercher des étudiants qui vont combler des emplois pour pallier à la pénurie de services ou d'emplois dans ces domaines-là. Est-ce que... comment vous évalueriez l'agilité que vous avez à vous adresser à vous adapter à ça?

M. Caron (Patrick) : C'est la raison d'être de notre réseau. Cette agilité-là, elle est vraiment importante parce qu'il y a un risque réputationnel. L'étudiant qui va payer x milliers de dollars pour venir étudier dans un programme technique, c'est pour être en emploi en bout de ligne. Donc, ça, c'est fondamental. Donc, si d'un volet réputationnel on forme des étudiants puis qu'en bout de ligne, il n'y a pas d'emploi, ce n'est pas bon, ce n'est pas bon pour personne.

M. Bérubé (Patrick) : Et concrètement, nos collèges sont très agiles pour s'adapter. La preuve en est, lorsqu'il y a eu des... un accent où il y a eu un appel du gouvernement via l'opération main-d'œuvre, à mettre l'accent sur certains programmes en pénurie d'emploi, nos collèges ont répondu présents. Ils ont déployé les programmes qu'ils avaient dans ces domaines-là pour répondre à l'appel gouvernemental. Et certains autres même sont allés obtenir des autorisations de nouveaux programmes en lien avec ces pénuries de main-d'œuvre là. Donc, on l'a vu dans des domaines à l'international, mais on l'a vu aussi il y a quelques années dans un programme dans le domaine des technologies de l'information avec Emploi-Québec, où nos collèges aussi ont répondu présents, ont offert autant de formations en nombre d'heures que l'ensemble des universités du Québec, par exemple.

Mme Caron : D'accord. Puis j'ai trouvé très intéressant tout à l'heure, dans une de vos réponses, quand vous avez dit que les collèges sont des OBNL, donc, et c'est possible pour eux, s'ils ont des... bon, s'ils font des profits, évidemment, de les réinvestir et y compris dans la construction de résidences pour les étudiants, ce qui vient atténuer le fait qu'on manque de logements pour ces étudiants-là. Est-ce qu'il y a plusieurs collèges qui sont en mesure de faire ça?

M. Caron (Patrick) : On essaie d'être débrouillard, si je parle pour le collège André-Grasset. On est en collaboration. On est en partenariat, c'est-à-dire avec le cégep d'Ahunstic pour... qui ont des résidences. Nous, on loue quelques résidences avec eux, on l'envisage avec l'École nationale du cirque. Même chose pour le collège Laflèche, donc qui ont des partenariats, donc c'est tous ces éléments-là qu'on essaie de mettre en place. Et surtout, c'est en amont, pour les étudiants qui sont en... qui recherchent des loyers. C'est tout le volet admissibilité. Pour nous, c'est un élément clé parce qu'un étudiant qui ne se loge pas ou qui a de la difficulté à payer ses fins de mois, on le met en situation à risque dans sa réussite scolaire. Donc, on n'a aucun avantage d'arriver avec des étudiants...

M. Caron (Patrick) : ...avec un manque de financement. Donc, c'est un critère qui est vraiment prioritaire pour l'ensemble du réseau, là.

M. Bérubé (Patrick) : Et ça démontre bien aussi le rôle complémentaire du réseau collégial privé subventionné à celui des cégeps. Donc, c'est un rôle complémentaire. Et, ici, c'est un bel exemple où en construisant des résidences sans fonds publics, donc avec des fonds privés, on vient atténuer cet impact-là, là, de manque de logements pour les étudiants tant québécois qu'internationaux.

Mme Caron : Donc, vous travaillez non seulement sur la francisation et l'intégration à la culture québécoise, mais vous êtes... vous vous assurez...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : En terminant.

Mme Caron : ...que les étudiants étrangers sont logés puis ont toutes les conditions de réussite.

M. Caron (Patrick) : Dans la mesure du possible, mais ça reste toujours un défi.

Mme Caron : Merci. Est-ce qu'il...

17949    La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) :Merci beaucoup. Alors, le temps est écoulé. Messieurs, je vous remercie au nom des parlementaires pour votre présence en commission. Je vous souhaite une bonne fin de journée et je vais suspendre quelques instants, le temps de recevoir les prochains invités.

(Suspension de la séance à 11 h 16)

(Reprise à 11 h 17)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux. Donc, pour nos derniers intervenants, cet avant-midi, nous recevons l'Association des collèges privés non subventionnés qui... L'association est représentée par Mme Gilberte... Ginette, pardon, Gervais, présidente et consultante en éducation, ainsi que M. Sylvain Lalande, trésorier et directeur des études du Collège Canada inc. Alors, mesdames messieurs, bienvenue à la commission. Donc, vous allez bénéficier d'une période de 10 minutes pour l'essentiel de votre... votre message, les propos de votre mémoire. Et par la suite, on va échanger avec les parlementaires. Alors le temps est à vous.

Mme Gervais (Ginette) : Merci. Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, merci de nous recevoir et de nous donner la parole. Depuis plus de 30 ans, les collèges privés non subventionnés, puis vous faites bien la distinction ici, là, le «non» est important, là, non subventionnés, au nombre de 45, autorisés par le MEQ et le MESS, jouent un rôle déterminant dans l'accueil, la formation et l'intégration d'étudiants internationaux au Québec. Contrairement à certaines perceptions, ils n'accueillent qu'une proportion limitée du nombre total d'étudiants internationaux. Ils forment des personnes qui s'intègrent, travaillent, participent activement à la vitalité du Québec.

Le contexte impose d'aller droit aux faits. Au cours des dernières années, le Québec a connu une croissance démographique marquée, largement portée par l'immigration. Cette transformation rapide a modifié la composition de la population, accru la pression sur les services et accentué les besoins de main-d'œuvre qualifiée. Pourtant, une part importante des nouveaux arrivants demeure sous-employée. Beaucoup sont surqualifiés pour les postes qu'ils occupent et peinent à faire reconnaître leurs compétences. C'est pourquoi la clé d'une intégration réussie, économique et linguistique, c'est de former localement en français, dans des programmes alignés sur les besoins réels du marché du travail. C'est précisément ce que font les programmes d'attestation d'études collégiales et les diplômes d'études... de formation professionnelle qui sont offerts dans nos collèges. Mais cette mission essentielle s'exerce dans un contexte de forte...

Mme Gervais (Ginette) : ...concurrence. Nos établissements sont souvent confondus avec les collèges privés subventionnés, alors que nos réalités sont très différentes. Nous ne recevons aucune subvention publique, nos revenus proviennent exclusivement des droits de scolarité. Autrement dit, l'accueil d'étudiants étrangers se fait à coût nul pour la société québécoise tout en générant des retombées économiques concrètes, consommation locale, maintien d'emplois et surtout formation d'une main-d'oeuvre qualifiée francophone et essentielle au développement du Québec.

Nos formations sont axées sur l'emploi et la requalification professionnelle, en lien direct avec les secteurs où la pénurie est la plus critique, la santé, les technologies, les métiers techniques, la comptabilité, la petite enfance, l'administration, services sociaux, etc. Nos programmes d'études... d'attestation d'études collégiales offrent la même rigueur technique que les DEC, mais sont plus ciblés, ils forment rapidement des professionnels prêts à intégrer le marché du travail. Notre orientation vers l'international n'est pas opportuniste, elle découle d'une évolution naturelle. L'intégration des AEC dans les cégeps a restreint le recrutement local. Dans ce contexte, les collèges privés non subventionnés sont devenus un complément agile et nécessaire, capables de répondre rapidement à la demande croissante de main-d'œuvre qualifiée ici même au Québec.

• (11 h 20) •

Pourtant, notre réseau demeure mal compris. On le juge souvent à travers des cas isolés, ce qui alimente des préjugés et ternit la réputation d'établissement rigoureux et conforme aux exigences ministérielles. Et, contrairement à certaines idées reçues, les frais de scolarité exigés des étudiants étrangers sont comparables à ceux des autres réseaux, et sans qu'un seul dollar public ne soit versé.

Sur le plan de la qualité, l'encadrement est strict. Ces AEC doivent être approuvées par le ministère de L'enseignement supérieur. À chaque renouvellement de permis, un collège doit démontrer la solidité de ses ressources financières, matérielles, humaines et pédagogiques ainsi que la conformité de ses pratiques. On ajoute à cela les évaluations indépendantes de la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial qui garantissent la qualité des formations. Le ministère dispose enfin de tous les pouvoirs légaux pour corriger ou fermer un établissement fautif. Ce réseau est donc pleinement encadré et imputable. Mais allons droit au cœur du problème.

Depuis que le permis de travail postdiplôme, le PTPD, n'est plus accessible aux diplômés internationaux de nos collèges pour les programmes commencés après le 1er septembre 2023, l'équilibre du modèle québécois d'immigration étudiante s'est effondré. Ce permis n'était pas un privilège, mais le pont entre la formation et l'intégration, entre l'école et l'emploi, entre le Québec d'aujourd'hui et celui que nous voulons bâtir. Grâce à lui, un diplômé formé ici pouvait acquérir une première expérience de travail, prouver sa valeur et s'enraciner durablement. Depuis le retrait du permis de travail postdiplôme, les conséquences sont lourdes, une chute de plus de 60 % des inscriptions internationales, des fermetures imminentes d'établissements, des pertes d'emplois et une réputation internationale ternie. Concrètement, nous formons des talents ici et nous les voyons partir ailleurs. C'est une perte nette pour le marché du travail, pour la francophonie, pour nos régions.

Voilà pourquoi notre recommandation centrale est limpide : rétablir le permis de travail postdiplôme pour les diplômés des collèges privés non subventionnés maîtrisant le français dans des secteurs en forte demande en favorisant particulièrement les emplois en région tout en ne négligeant pas les besoins criants de main-d'œuvre à Montréal. Ce permis de travail ciblé francophone soutient la voie à la fois la régionalisation et la francisation. (Interruption) Pardon. Comme la majorité des collèges privés... (Interruption) ...pardon, sont situés à Montréal, ils deviennent l'outil décisif pour déployer la main-d'œuvre formée ici vers les régions.

Nos collèges contribuent déjà directement à l'essor du français. Plusieurs offrent des cours de francisation intégrés, cours intensifs, tutorat, accompagnement personnalisé, parrainage, famille d'accueil... d'accueil et immersion culturelle. Par contre, depuis 2023, aucun diplôme d'AEC en anglais ne peut être délivré sans preuve de compétence en français. Au-delà du...

Mme Gervais (Ginette) : ...certains ajustements sont nécessaires pour donner de la prévisibilité et reconnaître ce qui fonctionne. Nous demandons que les programmes DEP, ASP et AEC offerts par les collèges privés non subventionnés, alignés sur les besoins du marché, soient protégés de toute politique de réduction du programme d'études pour étudiants étrangers.

L'expérience récente a démontré que la méthodologie d'attribution des quotas soulève des enjeux majeurs. La planification de février 2025 a mis en lumière plusieurs incohérences ayant causé des préjudices importants aux établissements et aux étudiants. Le mode de calcul appliqué par décret a été déployé sans consultation, sans transparence et sans préavis suffisant. Nous proposons que soit réformée en profondeur la mécanique d'attribution des quotas afin qu'elle repose sur des critères clairs, objectifs et vérifiables, fondés entre autres, sur la capacité d'accueil des établissements, la conformité réglementaire et les inscriptions confirmées.

Nous recommandons aussi d'exclure du calcul les renouvellements... les renouvellements des CAQ et les demandes liées à des refus de permis du fédéral et de fixer les quotas pour une période minimale de deux ans afin de respecter les cycles réels du recrutement international.

Enfin, toute modification réglementaire devrait être annoncée avec un préavis minimal de 12 mois après consultation formelle du réseau, et que les pratiques soient harmonisées entre le MESS, le MEQ et le MIFI. Enfin, pour l'immigration permanente, nous appuyons le scénario du MIFI prévoyant une hausse progressive... pardon, et modérée des seuils. Cela complète logiquement la séquence : formation, emploi, établissement, résidence, avec un PEQ volet diplômé qui reconnaîtrait les AEC... cours admissibles.

Mme la Présidente, M. le ministre, mesdames et Messieurs, le Québec fait face à trois défis majeurs, démographique, économique et linguistique. Pour les relever, il ne suffit pas d'accueillir, il faut retenir, intégrer et valoriser. Les collèges privés sont... non subventionnés sont prêts à jouer ce rôle, flexibles, ancrés dans l'emploi et la francisation. Ils constituent un levier essentiel du modèle québécois. Mais pour que ce modèle fonctionne, il faut lui redonner son outil central, le permis de travail post-diplômé. Réintégrer pleinement les collèges privés non subventionnés dans la stratégie québécoise de formation internationale, c'est miser sur une immigration qualifiée francophone et durable et donc sur l'avenir même du Québec. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme Gervais. Vous allez pouvoir prendre une petite gorgée d'eau, reprendre votre souffle.

Des voix : ...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Oui, c'est ça, On le sentait descendre. Les propos y étaient tout de même. Alors, on va Engager maintenant la période de discussion avec, dans un premier temps, M. le ministre, pour une période de 16 minutes 30 secondes.

M. Roberge : Merci bien. Merci pour votre présentation. Dans votre mémoire, vous nommez très clairement la notion de capacité d'accueil, vous appuyez le gouvernement pour la réduction du nombre de résidents permanents à chaque année, vous appuyez le scénario 2c. je vais citer... moi, vous dites : «Afin de tenir compte à la fois des besoins économiques, pénurie de main-d'œuvre, secteurs prioritaires, besoins régionaux et de la capacité réelle d'accueil des services publics, ce scénario se situe entre le statu quo et une hausse importante des seuils, offrant un équilibre entre une intégration réussie et les besoins du marché du travail.» Comment on fait pour vous suivre jusqu'au bout et trouver cet équilibre entre l'intégration réussie, la... le respect de la capacité d'accueil et l'intégration au marché du travail, Je vais même dire l'intégration à la nation québécoise.

M. Lalande (Sylvain) : En fait, c'est... Bonjour, Mme la Présidente, bonjour, M. le ministre, bonjour, Les membres de la commission. donc, en fait l'adéquation est que cet... il ne faut pas voir ça avec des œillères, là, il faut vraiment... nous, Nos collèges ont toujours été orientés vers le marché du travail, vers les besoins du marché du travail. Donc, c'est sûr que c'est un point de départ à notre recommandation. On croit bien que les étudiants peuvent s'intégrer à la société québécoise. On a des particularités pour les étudiants étrangers. On parle de logement. Oui, ils ne font pas partie du problème entier. On s'entend bien que les personnes qui vivent seules, les personnes séparées, les banlieusards qui reviennent en ville, le manque de logements sociaux, ça fait aussi partie du problème. Donc, je pense qu'on peut les accueillir. Ce qu'on... ce que nous, on veut, c'est participer, participer à la discussion. On veut s'entendre sur ce qui est des quotas, qui semblent... raisonnables. Donc, on pense que c'est possible, nous qui... que notre réseau est assez agile pour permettre de s'adapter et de contribuer à cet effort.

M. Roberge : Merci...

M. Roberge : ...la notion du permis de travail postdiplôme fait partie de vos préoccupations. Vous l'avez mentionné à plusieurs reprises. Pendant un certain temps, ils l'avaient ici, c'était le seul endroit au Canada, où les collèges privés non subventionnés avaient le permis de travail postdiplôme.       Je vais citer le Commissaire à la langue française qui s'est intéressé beaucoup à cette question-là, puis j'aimerais entendre votre réaction à ce qu'il a affirmé. Donc, je le cite, à partir de maintenant : «De 2017, 2018 à 2020-2021, le nombre d'étudiants à l'enseignement collégial a explosé, passant de 7 063 à 28 189 en, seulement, trois ans. Cette augmentation subite est presque entièrement due au recrutement massif, par une dizaine de collèges privés non subventionnés et par un cégep, d'étudiants indiens dans des programmes cours, sanctionnés par une attestation d'études collégiales. Proposés en anglais, ces programmes offraient un accès rapide au marché du travail canadien grâce au permis de travail postdiplôme. En 2021, à l'enseignement collégial, 71 % des étudiants internationaux venaient d'Inde et 51 % étudiaient en anglais.»

Donc ça, c'est, en fait, c'est l'analyse, mais c'est des faits exposés par le Commissaire à la langue française. Si vous me demandez de rétablir ce qui n'est plus actuellement accessible, est-ce que vous ne pensez pas qu'on va retourner à cette situation-là, décriée par le commissaire?

• (11 h 30) •

M. Lalande (Sylvain) : Pas du tout. En fait, premièrement, on parle vraiment du passé. On ne parle plus d'une situation qui est présente. Présentement, tous les changements, par rapport à la langue, entre autres... Dans notre réseau, il n'y a plus d'étudiant anglophone, présentement, donc...

M. Roberge : Il n'y a plus de?

M. Lalande (Sylvain) : ...d'étudiant anglophone, présentement, qui est dans notre réseau. Donc, c'est parce qu'évidemment il n'y a plus... d'attractivité, excusez-moi. Et puis, comme on l'a mentionné tout à l'heure dans notre... dans l'exposé, ces étudiants-là ne peuvent plus être diplômés, si elles n'ont pas une connaissance suffisante du français. Donc, en fait... Et, à notre avis, c'est deux choses séparées, si on veut... On pourrait diplômer ces étudiants-là qui retournent chez eux. Puis, si on les accueille ici, on est tout à fait d'accord que ça prend un effort de francisation. Donc, si vous parlez vraiment de ça, c'est deux choses séparées.

Donc, présentement, il y a très peu de chances que cette situation-là se reproduise, et, d'après nous, le rétablissement du permis postdiplôme, premièrement, va permettre à ces étudiants étrangers là qui, avant, voyaient une suite à leurs études, pouvoir le faire, sinon, ils doivent tous retourner chez eux, donc. Et on n'est pas contre le fait qu'il y ait des critères relativement au permis postdiplôme de francisation, d'emploi relativement... l'opération main-d'oeuvre régionale. Donc, ça pourrait être une partie de la solution. Mais vous comprenez qu'il y a des étudiants qui font toutes leurs études ici et qui n'ont pas la chance d'avoir une expérience de travail, même si, dans beaucoup de nos formations, il y a des stages, ils ne peuvent pas avoir l'année nécessaire de travail qui nécessite le nouveau programme, qui remplace le PEQ. Donc, il faut leur donner la chance de pouvoir le faire et pouvoir s'intégrer dans la société. Ce deux ou trois ans-là va leur permettre de s'intégrer à la société. Donc, si... On est tout à fait d'accord à... Tu sais, c'est un balancier, hein, on est allé là, on s'en retourne, on est allé là. Maintenant, nous, on espère bien qu'on va pouvoir retourner au centre. On dirait que j'abaisse la courbe comme monsieur... J'ai des retours de COVID.

Donc, d'après nous, c'est bien important de bien cibler, on est d'accord avec ça. On est d'accord avec le fait qu'il faut s'asseoir et discuter qu'est-ce qui est possible pour ne pas avoir certains excès qu'on a vus, des excès qui ont été, comme vous l'avez dit, qui ont été initiés par un cégep, juste pour la petite histoire. Donc, ce n'est pas ce n'est pas notre réseau qui a forcé ça, ça a été le cégep des Îles, avec la bénédiction du ministère, qui a commencé cette manœuvre-là.

Donc, c'était possible, c'était faisable. On pensait qu'on réussirait à les franciser suffisamment. Et là, présentement, bien, on retourne à ce que la société... ce qu'on décide comme société. Donc, on est d'accord à s'adapter à cette vision-là. Donc, il faut juste être consulté, le prévoir et le planifier.

Mme Gervais (Ginette) : Je voulais juste à ajouter. Vous avez déjà mis en place le système de quotas qui peut gérer, justement, cette hausse phénoménale d'étudiants étrangers qu'on pourrait accueillir. Donc, oui, il y a des façons de limiter cette...


 
 

11 h 30 (version non révisée)

Mme Gervais (Ginette) : ...cet engouement pour les étudiants étrangers. Je voulais juste préciser qu'il n'y a rien non plus dans les règlements, dans les lois qui interdisaient ce genre de développement d'affaires là. Oui, il a été fait de façon rapide et un peu exponentielle, mais il y avait un marché qui était là, et que... et comme les étudiants locaux sont maintenant... bien, à cette époque, étaient maintenant redirigés vers les cégeps. Parce qu'il faut comprendre qu'il y a entre 15 et 18 ans les attestations d'études collégiales, c'était un créneau que seuls les collèges privés non subventionnés offraient, donc on était comme des spécialistes des AEC. Et tranquillement, les cégeps ont commencé à envahir ce marché-là, alors naturellement, la clientèle locale s'est tranquillement déplacée vers les cégeps. Naturellement, les coûts de... les frais de scolarité étant naturellement beaucoup moins élevés. Alors, nous, on s'est retrouvés avec des déficits de recrutement locaux, donc on est obligé de recréer... en tout cas, être très créatifs pour développer, pour maintenir nos écoles. On s'est développés, on s'est dirigés vers un développement international qui faisait sens et qui n'était pas contre... contre aucune règle.

M. Lalande (Sylvain) : Et qui était pour combler une pénurie de main-d'oeuvre aussi.

Mme Gervais (Ginette) : Aussi, c'est ça.

M. Lalande (Sylvain) : Parce que nos programmes sont très orientés vers... vers la main... vers la main-d'œuvre.

Mme Gervais (Ginette) : Directement.

M. Lalande (Sylvain) : C'est la caractéristique.

J'aimerais juste un commentaire si vous me permettez, par rapport aux AEC. J'aimerais bien qu'on... qu'on enlève ce préjugé que l'AEC n'est pas une formation... Elle est courte et elle semble inadéquate. La plupart des AEC découlent des compétences de DEC de référence. Souvent, les AEC sont programmes qui sont des programmes techniques, oui, sans la formation générale, mais qui sont tout aussi valides. Bon. Il y a des ateliers... des attestations de spécialisation, là. Mais si on parle... je parle, je ne sais pas, de... de Technique d'éducation à l'enfance, c'est exactement le même programme qui est donné, donc sans les... sans les cours généraux. Donc, il faut faire attention quand on parle d'AEC courts parce que, bon, on propage le préjugé de programmes qui ne sont pas adéquats. Donc, ils sont directement liés au marché du travail et des besoins de la société québécoise si je ne me trompe pas.

Mme Gervais (Ginette) : Les AEC courtes sont la plupart du temps des spécialisations, donc ça prend déjà une formation dans ce domaine-là, puis on vient spécialiser. Sinon, quand on écrit ou on demande l'autorisation d'une nouvelle AEC, elle doit découler absolument du DEC. Donc, il faut prendre quand même la majorité des compétences du DEC, et elles sont approuvées. Donc, si une formation courte dans un domaine n'était pas pertinente, bien, c'est aux autorités à dire que cette AEC-là n'est pas bonne, parce que nous, on doit, contrairement à d'autres réseaux, on doit les faire approuver, et le processus est très long.

Juste une dernière petite précision si je peux? Lors de l'enquête des 11 collèges, vous avez raison, à l'époque on m'avait bien confirmé que le seul dénominateur commun de ces 11 entités-là, c'était qu'ils avaient une clientèle indienne et que leur croissance avait été exponentielle. Par contre, une fois que l'enquête a été terminée, il n'y a aucun blâme qui n'a été donné à aucun de ces collèges-là. La... je dirais le tir jamais été rectifié publiquement, mais dans le rapport qui en a découlé, il n'y a aucun blâme qui a été donné, puis ces collèges-là ont continué à faire ce qu'ils faisaient. Et en même temps, comme je vous l'ai dit dans la présentation, les ministères concernés ont tous les moyens pour fermer, pour corriger, pour exiger des... des corrections à un collège qui serait en défaut.

M. Roberge : Merci pour ces présentations-là. Je pense que c'était intéressant de vous laisser la parole pour mettre des choses en perspective par rapport à ce qui a été dit. Bien, il y a eu des moyens qui ont été pris, notamment avec l'adoption de la loi n° 74 il y a à peu près un an l'an passé, et d'autres moyens qui ont été pris aussi avec la position gouvernementale de dire : Maintenant, pour être immigrant économique, il faut maîtriser la langue française. Ma question, c'est : Est-ce que c'est à ça que vous faisiez référence tout à l'heure dans votre intervention? Vous dites : Il y a plus d'attractivité pour des programmes qui seraient uniquement en anglais. Est-ce que c'est parce que le gouvernement a pris une posture pour dire : Maintenant, l'immigration économique doit impliquer une maîtrise de la langue...

M. Roberge : ...j'aimerais ça vous entendre. Pourquoi vous dites : Ce n'est plus attractif? Est-ce que...

M. Lalande (Sylvain) : Bien, en fait, je pense qu'à ce moment-là je parlais vraiment du permis post-diplôme, donc c'était plutôt orienté vers ça. Mais je peux... je peux vraiment commenter ce que vous venez de dire là, parce qu'évidemment un étudiant qui viendrait étudier en anglais au Québec présentement dans nos AEC ne peut pas être diplômé si... à moins qu'il ait une connaissance suffisante du français. Donc, c'est par le fait même, si... parce qu'on en a, des étudiants étrangers anglophones qui viennent étudier... qui sont venus étudier en anglais ici, et qui se sont francisés, et qui ont réussi. Donc, ça se fait très bien, mais quelqu'un qui a le désir de rester sans franciser ne sera pas... ne viendra pas, donc. Donc, cette mesure-là, pour la francisation, si c'était votre but, a fonctionné, mais ces étudiants-là se retrouvent avec un problème majeur, ils ne sont pas diplômés après avoir suivi une formation adéquate. Ça, c'est un gros problème.

• (11 h 40) •

Mme Gervais (Ginette) : Et juste préciser...

M. Roberge : Mais excusez-moi, expliquez-moi, ils ne sont pas diplômés, les gens qui ont une attestation en études collégiales...

M. Lalande (Sylvain) : On n'a pas... on n'a pas le droit de les diplômer.

Mme Gervais (Ginette) : Ce n'est pas un diplôme.

M. Roberge : OK, ce n'est pas un diplôme, mais ils ont une attestation.

M. Lalande (Sylvain) : Ils n'ont... si vous voulez.

Mme Gervais (Ginette) : Ils n'ont rien.

Des voix : ...

M. Lalande (Sylvain) : Mais ils n'ont pas d'attestation d'études collégiales.

Mme Gervais (Ginette) : On peut leur reconnaître, qu'ils ont fait les unités, qu'ils ont suivi les cours, mais on ne peut pas les diplômer officiellement.

M. Lalande (Sylvain) : Parce qu'ils doivent avoir...

Mme Gervais (Ginette) : Puis la réalité d'un étudiant anglophone... vient étudier au Québec, veut avoir un diplôme, va étudier en anglais, en parallèle à sa formation technique d'attestation d'études collégiales, doit apprendre le français, en même temps, OK, parce qu'on parle de programme d'un an à deux ans, selon les horaires, doit apprendre le français pour obtenir sa diplomation, donc pouvoir... bien, pour avoir un diplôme en main. Et, le lendemain, il doit prendre l'avion puis s'en aller chez eux parce qu'il n'a pas le droit de travailler ici. Il ne peut pas appliquer pour un permis de travail. Alors, notre activité, elle est passée de oui à 0. Qui va venir ici faire un... apprendre un métier, apprendre la langue puis être obligé de repartir les mains vides après.

M. Lalande (Sylvain) : Sans diplôme.

M. Roberge : Excusez-moi, mais là, je veux quand même une précision. C'est comme si vous précisiez... si votre prémisse de base, c'est que les gens qui viennent étudier ici veulent tous immigrer ici.

Mme Gervais (Ginette) : Non, non.

M. Lalande (Sylvain) : Non, non.

M. Roberge : On pourrait très bien vouloir venir étudier ici, en français ou en anglais...

Mme Gervais (Ginette) : Non, mais ils ne peuvent pas repartir.

M. Lalande (Sylvain) : Non, M. Roberge, ils ne sont pas diplômés.

M. Roberge : ...et donc repartir mais avec une qualification quand même.

M. Lalande (Sylvain) : Pas sans... non, sans qualification, ils ne sont pas diplômés, ils ont réussi les cours, mais ils ne sont pas diplômés. Mais on déborde du sujet.

Mme Gervais (Ginette) : Je veux dire, tout ce qu'on... Je veux dire, nous, on est favorable à leur enseigner le français, il n'y a pas de problème. Mais vous comprenez l'effort d'un étudiant qui vient ici avec l'intention de retourner chez lui sans problème avec une attestation entre les mains, mais parce qu'il n'apprend pas... n'apprendrait pas le le français, il ne pourra jamais repartir avec une attestation sanctionnée entre les mains parce qu'il n'aura pas appris le français. Qui, au-delà de, je ne sais pas moi, si je viens de partout, là, de Suède, je parle anglais, je retourne, j'ai besoin quand même d'un diplôme pour prouver que j'ai étudié. 

M. Roberge : Mais c'est un choix aussi de venir dans la seule nation francophone d'Amérique du Nord...

M. Lalande (Sylvain) : Tout à fait.

M. Roberge : Puis dire : Bien, moi je veux aller là, je veux être diplômé, mais pas en...

M. Lalande (Sylvain) : Bien, c'est...

M. Roberge : À un moment donné, il faut qu'on fasse des choix. Le Québec est extrêmement attractif pour plein de raisons.

M. Lalande (Sylvain) : On est d'accord avec ça, M. Roberge.

Mme Gervais (Ginette) : Oui, mais ce n'est pas des gens qui vont rester.

M. Lalande (Sylvain) : C'est juste qu'on vous on vous mentionnait qu'ils ne peuvent pas être diplômés. Je ne pense pas que...

Mme Gervais (Ginette) : Ils ne peuvent pas rester, ils doivent retourner.

M. Roberge : C'est ça, c'est ça, je comprends. Ce n'est pas 100 % des étudiants qui veulent migrer ici à temps plein, et ce n'est pas 100 % des étudiants qui, même s'ils le voulaient, pourraient être accueillis. Vous avez commencé, de toute façon, en parlant de la capacité d'accueil.

Mme Gervais (Ginette) : Oui.

M. Roberge : Mais il me reste-tu un peu de temps, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Il reste 28 secondes.

M. Roberge : Le temps de poser une question. Vous avez dit tous nos programmes sont en français. Il me semble que vous avez des membres qui... qui donnent des cours en... puis ce n'est pas un reproche que je vous fais, mais juste démêler quelque chose, qui donnent des cours en anglais.

Mme Gervais (Ginette) : Non, non, qui donnaient.

M. Lalande (Sylvain) : Qui donnaient.

Mme Gervais (Ginette) : Qui donnaient, ils se sont...

M. Roberge : Vous n'avez plus aucun membre qui donne des formations en anglais.

M. Lalande (Sylvain) : Nos établissements ont les permis pour donner les cours en français ou en anglais, mais la plupart présentement ne les donnent pas pour ces raisons-là.

Mme Gervais (Ginette) : Parce qu'il n'y a pas d'attrait. Donc, on se concentre sur les formations en français, une clientèle française... francophone.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Merci beaucoup. Le temps est terminé.

Je veux juste vous attirer votre attention. Vous avez des micros. Ça s'enregistre également, donc faites juste attention pour ne pas parler un par-dessus l'autre pour... lorsque le texte va être rédigé, le... le Journal des débats. Merci beaucoup. Alors, ça va être plus difficile pour la personne qui va... qui va faire cet... cet exercice-là.

Alors, on poursuit avec la députée de La Pinière, pour 16 min 30 s.

Mme Caron : Merci, Mme la Présidente...

Mme Caron : ...Alors, bonjour. Merci pour votre mémoire et votre présentation. Alors, juste pour me démêler un petit peu de la conversation qu'on vient d'avoir, si je comprends bien, les... les collèges privés non subventionnés ont des programmes en français. Ils ont eu ou ont toujours des programmes en anglais? Ils ont toujours des programmes en anglais. Est-ce qu'ils ont des programmes dans d'autres langues que l'anglais ou le français? Non. Donc il peut y avoir des étudiants francophones québécois ou de la francophonie autre que le Québec. Il peut y avoir des étudiants anglophones. Il peut y avoir des étudiants allophones qui parlent anglais ou français qui vont suivre vos programmes. Et par contre, ceux qui ne parleraient pas français doivent apprendre le français. S'ils sont dans un programme en anglais, ils doivent apprendre le français en parallèle pour avoir, au bout du cycle d'études, leur AEC, sinon ils n'ont pas le diplôme AEC. Qu'ils restent au Québec ou qu'ils retournent dans leur pays d'origine ou qu'ils aillent ailleurs, ils n'ont pas de diplôme. Donc, ils ne pourraient pas se faire reconnaître la formation qu'ils ont suivie ici. C'est bien ça?

M. Lalande (Sylvain) : Tant qu'ils n'ont pas une preuve de... d'un certain niveau de français.

Mme Caron : C'est ça, tant qu'ils n'ont pas une preuve de maîtrise du français adéquate. Est-ce que vous avez des étudiants qui... qui suivent ce parcours-là, donc, d'un programme en anglais avec la francisation en parallèle et qui veulent rester au Québec, mais qui ne réussissent pas, qui n'ont pas la maîtrise du français recherchée au bout du cycle d'études, ils doivent continuer, je ne sais pas, pendant quelques mois ou une année de plus? Est-ce que vous en avez?

Mme Gervais (Ginette) : Oui. Et je pense qu'ils voudraient... En tout cas, plusieurs voudraient rester au Québec. Ils ne peuvent pas parce qu'ils n'ont pas le droit au permis de travail et donc pas le droit à demander une résidence, à moins d'un permis de travail fermé. Mais là, c'est très, très, très rare. Donc, ils n'ont pas la possibilité de rester après leurs études pour poursuivre des études en français, à moins d'être ici sur un permis... j'imagine. Mais dans leur enveloppe de permis d'études, ils ne peuvent pas demeurer au Québec. Donc, ils doivent repartir.

Mme Caron : Même s'ils... si c'est pour poursuivre les études en français pour obtenir leur... Donc, c'est un peu tout ou rien.

Mme Gervais (Ginette) : Oui.

Mme Caron : Ou bien ils réussissent leur programme d'études, que ce soit en anglais ou en français, ils réussissent la francisation à un certain niveau en même temps, pour avoir l'attestation d'études. OK. Maintenant c'est clair, c'est clair pour moi. Vous avez demandé dans votre première recommandation, que les DEP et AEC offerts par vos collèges privés non subventionnés qui sont directement alignés sur les visées d'emploi de la politique d'immigration, qu'ils soient protégés dans les politiques de réduction du programme d'études pour étudiants étrangers. Tout à l'heure, on avait le groupe des collèges privés subventionnés qui recommandaient d'aller avec le scénario du cahier d'études de 128 000 personnes, 128 000 étudiants, avec 6 000 réservés pour le réseau. Quand vous demandez de protéger les étudiants, tel que défini là, est-ce que vous avez un nombre en tête pour votre réseau?

M. Lalande (Sylvain) : Bien, pas vraiment. En fait, c'est que dans ... Si vous avez bien lu de mémoire, en fait, ce qu'on demande, nous, c'est être entendu et être intégré. Donc... Donc, on veut que nos... nos écoles puissent contribuer à l'effort. Et selon la restriction qui sera mise en place ou qui est mise en place, on va s'adapter au nombre. C'est certain qu'on... On est d'accord que les normes recommandées sont, si on fonctionne par pourcentage, je veux dire, vont représenter... pour nous. Donc, c'est sûr qu'on veut une croissance progressive, là, pour... pour pouvoir continuer évidemment à bonifier nos écoles. Mais des chiffres précis, non, on ne pourrait pas vous... Parce que présentement, toutes les retombées de ce qui arrive, si on est passé peut-être de 15 000 étudiants dans notre réseau en 2020, à peut-être 3 000 ou 4 000 présentement, même pas. Donc, on est encore à évaluer les conséquences, mais nous, c'est ce qui ne va pas.

Mme Caron : Donc, c'est difficile de dire un nombre idéal pour votre réseau.

Mme Gervais (Ginette) : Et pour que si c'est trois niveaux de diplomation là soient intégrés, bien, naturellement, il faut commencer par réintégrer le permis de travail...

Mme Gervais (Ginette) : ...sinon, même... Mais, en tout cas, c'est un peu la poule et l'oeuf, comme vous avez dit, là.

M. Lalande (Sylvain) : Et que les AEC soient reconnues au PEQ, là, en fait, ou ce qui sera le PEQ éventuellement, donc...

Mme Caron : D'accord. Dans vos... Dans votre deuxième recommandation, sur la méthodologie d'attribution des quotas, pour qu'elle soit prévisible, constante et transparente, vous... dans un premier point, vous dites de baser les quotas sur des critères mesurables, vérifiables et audités. Vous donnez comme exemple le taux d'inscriptions confirmées, la conformité réglementaire. Est-ce que vous avez déjà en tête d'autres... d'autres critères qui répondent...

• (11 h 50) •

M. Lalande (Sylvain) : C'est parce que c'est un processus. Tout à l'heure... nos collègues qui nous ont précédés ont mentionné, c'est un... c'est un cheminement, hein? Du moment où nous, on émet une lettre d'admission au... jusqu'à tant que les étudiants sont assis en classe, il y a comme un... il y a comme un monde entre les deux. Donc, oui, on demande à ce que, possiblement, il y ait des moments où on puisse valider. Par exemple, au fédéral, on peut valider nos lettres d'admission. Donc, on reçoit... quand ils sont rendus à la demande de permis d'études, on reçoit... on demande à ce que nos... les lettres d'admission soient validées, qui est d'après nous un processus très rigoureux qui nous permet de valider les lettres... les lettres d'admission puis qui nous permet de savoir à peu près qu'on... où est-ce qu'on est rendus.

Donc, on pourrait avoir un même procédé au CAQ, par exemple, qui nous permettrait de vérifier et de savoir le nombre... entre le nombre de... Il y a un gros... un gros changement entre le nombre de lettres d'admission et le nombre de CAQ émis, et le nombre de permis émis et les étudiants qui sont en classe. Donc, il faut qu'à ces étapes-là il y ait un échange afin qu'on puisse valider et qu'on puisse dire : Bien, si, par exemple, un étudiant, à la fin, n'a pas son permis d'études, bien, s'il a pris le quota du CAQ, bien là, on se ramasse avec des étudiants qui sont... ce n'est pas accessible. Donc, on n'atteindra même pas les quotas si, au bout de la chaîne... Tu sais, le fédéral, il considère beaucoup la capacité financière, par exemple. Donc, ça bloque souvent à cet endroit-là. Donc, les quotas qui ont été attribués pour le CAQ sont perdus, si vous voulez, parce qu'ils n'arriveront jamais en classe, parce qu'aux permis d'études ils ne sont pas validés.

Mme Caron : Qu'est-ce que vous voulez dire par une lettre d'admission validée? Est-ce que c'est les lettres d'admission que les collèges émettent?

M. Lalande (Sylvain) : Émettent, oui, tout à fait.

Mme Caron :  Alors, comment... comment le fédéral peut valider une telle lettre? Qu'est-ce que ça implique?

M. Lalande (Sylvain) : C'est-à-dire qu'ils nous envoient... c'est un fichier Excel, ce n'est pas plus compliqué que ça. Donc, ils nous envoient un fichier Excel avec les étudiants, les lettres qu'on doit valider, puis on approuve... on approuve ou pas cette lettre-là. Donc, ils disent : Cet étudiant-là a fait une demande d'admission chez vous, on est rendus à lui donner un permis d'études. Est-ce que cette lettre-là est valide? Est-ce que son admission est encore valide? Puis, à ce moment-là, ça nous permet, nous, de savoir, bien, il a passé le stade du CAQ, il a passé le stade... il est rendu au stade du permis d'études. Et théoriquement il va atterrir chez nous éventuellement.

Mme Caron : OK. Merci. Je comprends. Puis, tout à l'heure, le ministre l'a... y a fait référence aussi : limiter les quotas à la capacité d'accueil réelle des établissements. Alors, pour vous, est-ce que c'est le nombre d'admissions possibles dans un programme x, y, z dans tel établissement et...

M. Lalande (Sylvain) : C'est parce qu'on a vu...

Mme Gervais (Ginette) : ...

M. Lalande (Sylvain) : ...on a vu... excuse, on a vu, en fait, des disparités. Donc, quand on parle de transparence, d'attribution de quotas, du décret qui a été... qui a été émis, pour nous, par exemple, on a vu des établissements qui ont eu des quotas quatre fois supérieurs à leur capacité d'accueil. Donc, c'est... d'après nous, ça crée une disparité. Ces quotas-là auraient pu être redistribués, d'ailleurs, dans le réseau. Ça fait qu'on demande que ce soit prévisible, transparent, que ça respecte les capacités d'accueil. Tu sais, ce n'est pas parce que tu as émis 12 lettres d'admission... 12 000 lettres d'admission que tu peux accueillir 9 000 étudiants, là. Il y a une capacité d'accueil réelle sur nos permis, d'ailleurs...

Mme Caron : OK. Et, madame, vous vouliez ajouter quelque chose?

Mme Gervais (Ginette) : ...je voulais juste préciser que la capacité d'accueil de laquelle on discute, c'est celle qui est émise par le ministère selon la superficie de local versus des horaires. Donc, c'est une capacité physique d'accueil. On a vu des quotas attribués où la capacité physique était moindre que le nombre de CAQ. Donc, c'est pour ça qu'on veut... C'est minimalement un critère qui devrait être établi.

Mme Caron : Donc, je comprends que le ministère va décréter un quota en fonction de la superficie des locaux d'un établissement?

Mme Gervais (Ginette) : Bien... Non, le quota va être... en ce moment, est déterminé selon le nombre de... un pourcentage du nombre de demandes de CAQ...

Mme Gervais (Ginette) : ...CAQ qui a été fait dans l'année précédente, qui équivalait à environ... pour la majorité des réseaux, à 75 %. Dans notre réseau, on a été capables de démontrer qu'on est loin du 75 %. On a demandé beaucoup d'explications sur les chiffres qu'on a reçus, les quotas qu'on a reçus, qui sont basés normalement sur les demandes, mais ça ne correspond pas; on n'a jamais été capables d'avoir de réponse, de démonstration du calcul. C'est pour ça qu'on... entre autres, on demande que ce soit transparent et que le calcul se fasse pour tout... de la même façon pour tout le monde.

Mme Caron : D'accord. Donc, je comprends pourquoi vous... vous souhaitez être consultés. En fait, vous souhaitez qu'il y ait une communication dans les deux sens où... au moment de déterminer, de fixer les quotas. Les décideurs sauront que, dans tel collège, bien, il y a de la place pour, admettons, je dis n'importe quel chiffre, là, 150 étudiants dans tel programme et, dans un autre, 500. Donc, on ne donnera pas à ce collège-là 2 000... un quota de 2 000 alors que...

Mme Gervais (Ginette) : Physiquement, il ne peut pas les accueillir.

Mme Caron : C'est ça, étant... Et, vous disiez tantôt, c'est des gens qui ont perdu parce qu'entre le 2 000 puis le 150, bien, il y a tous ces gens-là que vous auriez... Vous avez le droit de les accueillir, mais l'impossibilité de les accueillir, donc on les perd.

Mme Gervais (Ginette) : Voilà.

M. Lalande (Sylvain) : Puis on aimerait aussi avoir une possibilité de contestation ou de discussion, là, sur la façon...

Mme Caron : À défaut... à défaut d'être consultés en amont, de pouvoir réagir par la suite pour ne pas que les places soient perdues. Parce que l'objectif... Je pense que l'objectif de tout le monde, je n'ai pas été dans toutes les consultations depuis le début, mais je pense que l'objectif de tout le monde, c'est de vraiment s'assurer qu'on puisse accueillir des étudiants qui vont faire des programmes selon l'expertise qu'on a, dans les régions qu'on a pour... et qui vont, s'ils ne parlent pas déjà français, qui vont être francisés à un niveau qui va leur permettre de travailler. Mais là c'est ça, il y a... il y a l'enjeu de leur permettre de travailler. Donc, c'est les moyens d'y arriver et quels sont les obstacles qui font que certaines règles empêchent d'atteindre cet objectif-là, qui est un objectif collectif quand même. Est-ce que... Est-ce qu'il me reste encore du temps?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Il vous reste quatre minutes.

Mme Caron : Ah! Quatre minutes. Merci. Pardon, OK, vous aviez aussi un point intéressant, d'exclure du calcul, donc du calcul des quotas, je comprends, les renouvellements de CAQ ainsi que les CAQ liés à un permis d'études refusé. Donc, est-ce que je comprends qu'une personne qui a un CAQ qui va être renouvelé est comme comptée deux fois?

Mme Gervais (Ginette) : Oui, même s'il change d'année.

Mme Caron : S'il change de?

Mme Gervais (Ginette) : S'il change d'année, c'est-à-dire il doit... si dans son année ou les dates qu'il a reçu son CAQ, il doit excéder pour x raison et qu'il redemande un CAQ, il est compté dans le quota quand c'est un étudiant qui est déjà actif.

M. Lalande (Sylvain) : Juste vous préciser, en fait, il est compté présentement au... en enseignement supérieur puis il n'est pas compté au... à l'éducation. Donc, déjà, il y a une disparité. Donc, c'est pour ça qu'on demande aussi à ce que ça... on ait une cohérence dans les différentes façons d'attribuer, parce que présentement, on a des histoires tragiques, là, des gens qui ont pour quelconque raison... étaient malades, et ne peuvent plus... arrivent pour renouveler le CAQ et il n'y a plus de quota. Donc, ces gens-là ne peuvent pas terminer leurs études. On a... on est dans une espèce de code moral ici, là. On aimerait bien que ce soit exclu de ces quotas.

Mme Caron : Donc, c'est ce que vous demandez dans l'harmonisation des règles entre le ministère de l'Enseignement supérieur et le ministère de l'Éducation, que les quotas soient comptés, soient calculés de la même manière.

M. Lalande (Sylvain) : Exactement, de la même façon.

Mme Caron : Ce qui est... ce qui serait logique pour une cohérence d'action gouvernementale. Ensuite, vous parlez de fixer les... bien, toujours sur les quotas, de les fixer pour une période minimale de deux ans, afin de refléter les délais réels du recrutement international. Donc, ce sont les quotas pour quand les gens arrivent.

Mme Gervais (Ginette) : Bien, pour le nombre de personnes qu'on peut admettre, comme nous, on l'a dit, nos... voyons, le CPQ l'a dit aussi, le processus de recrutement d'un étranger se fait sur 2 ans, 3 ans. Donc, si on fait toute cette démarche-là, on recrute, on... le candidat potentiel arrive, il est prêt à prendre ds décision. Et ah! non, ça ne marche plus parce que le quota de cette année-là ne... est déjà dépassé ou ne permet plus. Donc, au niveau de la prévisibilité, on n'est pas capable de se projeter parce que là, les quotas en ce moment sont donnés d'année en année sans qu'on ait aucun indice.

Mme Caron : Et les programmes...

Mme Caron : ...sont d'une durée moyenne de combien?

Mme Gervais (Ginette) : Une moyenne de, je dirais, de 12, 15, 16 mois en continu.

Mme Caron : Alors, si un étudiant fait un programme de 16 mois, disons, ou 14 mois, si les CAQ sont attribués annuellement, est-ce qu'il y a un risque qu'ils n'aient pas le CAQ pour sa... pour la période excédant 12 mois?

M. Lalande (Sylvain) : Les CAQ sont attribués normalement pour la durée, les études. C'est pour des raisons autres. Tu sais... Je vais vous donner un exemple. Par exemple, un CAQ aurait été attribué et il y aurait un délai à l'émission du permis d'étude et il y avait un délai à l'arrivée de l'étudiant. Donc, l'étudiant va se retrouver dans une situation que son CAQ ne couvrira pas sa période d'études. Donc il doit renouveler et prolonger pour couvrir la... Donc, à ce moment-là, il est soumis aux quotas puis il se retrouve dans une situation difficile. Ou quand... Quand il fait la demande, bien, il faut que ça couvre cette période-là. Donc, il faut qu'on soit capable de prévoir, quand ils ont donné une lettre d'admission, que cet étudiant-là va pouvoir demander un CAQ.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : En terminant.

Mme Caron : Oui. Donc, finalement, un étudiant qui changerait de collège pour une raison autre et qui pourrait devoir faire quelques mois de plus, à ce moment-là, pourrait ne pas le faire parce qu'il ne pourrait pas faire...

M. Lalande (Sylvain) : Bien, je peux... Je peux vous spécifier, mais quand ce n'est pas possible, il faut qu'il redemande un CAQ et qu'il redemande un avis d'admission.

Mme Caron : Avant.

M. Lalande (Sylvain) : Avant.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Merci beaucoup. Alors, c'est ce qui termine notre avant-midi. Madame, monsieur, merci de votre apport à nos travaux. La commission suspend donc ses travaux jusqu'après le prononcé des avis touchant les travaux des commissions. Alors, bon dîner à tous et à toutes.

(Suspension de la séance à 12 h 01)


 
 

16 h (version non révisée)

(Reprise à 16 h 01)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux pour cet après-midi. Nous allons donc poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le cahier de consultation intitulé La planification de l'immigration au Québec pour la période 2026-2029.

Donc, cet après-midi, nous allons entendre les organismes suivants : l'Université du Québec, le Bureau de coopération interuniversitaire, l'Université Laval ainsi que l'École de technologie supérieure, conjointement avec Polytechnique Montréal.

Mais, pour les prochaines minutes, nous recevons donc l'Université du... du Québec, pardon. Madame, Messieurs, bienvenue à la commission. Je vais vous demander de vous présenter dans un premier temps, et vous allez avoir une période de 10 minutes pour exposer vos commentaires sur le cahier, et nous allons par la suite discuter avec les parlementaires. Alors, la parole est à vous.

M. Cloutier (Alexandre) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Salutations aux membres de la commission. Salutations aussi à nos collègues... pas parlementaires, mais universitaires qui sont derrière nous qui passeront juste après nous. Je suis accompagné de Réal Daigneault, qui est vice-recteur à la recherche, ainsi que Mme Céline Poncelin de Raucourt, qui est la vice-présidente académique au sein de l'organisation.

Mme la Présidente, je représente l'Université du Québec. Comme vous le savez, l'Université du Québec est déployée sur l'ensemble du territoire québécois, dans près de 40 municipalités. Nous avons la chance de recevoir, là, année après année, près de 100 000 étudiants. Toujours au moment où on se parle, nous avons un étudiant sur deux qui est un étudiant de première génération, donc dont les parents ne sont pas... n'ont pas fréquenté l'université. Après un peu plus de 50 ans d'existence, plus de 850 000 diplômes ont été émis, avec un budget annuel de plus de 2 milliards.

Depuis la déréglementation de 2018, plusieurs mesures ont raffermi l'aide gouvernementale. Les universités francophones ont d'ailleurs été en mesure de combler une partie de leur retard historique en matière d'internationalisation. La nouvelle politique québécoise de financement des universités, adoptée au printemps 2024 par le gouvernement du Québec, a établi une forme de redistribution des revenus générés par les étudiants internationaux entre les universités. Avec cette mesure, le gouvernement souhaitait, et je cite, «renforcer le rayonnement des établissements universitaires francophones en soutenant le recrutement, l'accueil et l'intégration des étudiants internationaux». Concrètement, en intégrant les étudiants internationaux dans les règles budgétaires des universités, le gouvernement a, du même souffle, lié leurs fonds de fonctionnement à la présence même de ces étudiants internationaux. Au même moment, le gouvernement fédéral annonçait vouloir réduire le nombre d'étudiants internationaux au Canada, et le gouvernement du Québec faisait de même.

On a assisté, au cours des dernières années, à plusieurs initiatives qui n'allaient pas nécessairement toutes dans la même direction : une première réforme du PEQ pour favoriser les universités francophones, la mise en place de plafonds pancanadiens, l'adoption de la loi 74 relative à l'encadrement des étudiants internationaux, l'imposition de quotas de CAQ à l'échelle du Québec, la modification du CAQ et du permis d'études pour les rendre exclusifs à un établissement et les suspensions consécutives du PEQ qui favorisait les universités francophones et une immigration d'étudiants diplômés d'institutions québécoises.

Bien que certaines modifications étaient bienvenues, leur accumulation a généré beaucoup d'inquiétude et d'incertitude pour les étudiants eux-mêmes. Plusieurs ne savaient pas s'ils allaient pouvoir obtenir leur renouvellement de permis, d'autres craignaient devoir retourner à la maison, d'autres ont été refoulés aux frontières. Les professeurs ne savaient pas s'ils allaient avoir des étudiants en nombre suffisant dans leurs laboratoires pour poursuivre...

M. Cloutier (Alexandre) : ...leurs recherches. Et pour les équipes des établissements, ça aussi est une période pour le moins complexe. Donc, faire du... comment faire du recrutement à l'international dans un tel contexte, et comment respecter nos obligations auprès de nos étudiants et de nos partenaires?

Plusieurs autres enjeux ont émergé. Les budgets des établissements ont dû être revus, l'angoisse chez nos étudiants a augmenté, les partenaires internationaux étaient incrédules devant tous ces changements. Tout ceci fait partie de la réalité du milieu universitaire actuellement, et l'incertitude a été accentuée par la couverture médiatique internationale. L'impact a donc été amplifié. C'est notamment pour ces raisons qu'il y a eu une baisse de 33 % des nouvelles inscriptions d'étudiants internationaux à l'automne 2025, dans les établissements de l'Université du Québec. Ce dont nous avons besoin actuellement, c'est de la prévisibilité pour les prochaines années, et c'est de redorer l'image du Québec à l'international quant à la pérennité des mesures et la capacité de planification à long terme des étudiants internationaux.

Il ne faut toutefois pas nier que la croissance des dernières années a généré des difficultés, voire même des abus. On sait qu'il y a eu des cas où des agences ont utilisé des permis d'études pour faciliter l'accès à la demande d'asile et qu'il y a eu cas de fraudes, voire même des groupes criminels organisés. Il faut toutefois rappeler que les universités évaluent des candidatures non pas sur la base de la sécurité, mais bien sur la base académique. Les établissements peuvent certainement mettre en place des mesures pour s'assurer du sérieux du projet d'études. Je pense à des dépôts financiers pour l'analyse des candidatures, par exemple. Mais la responsabilité de l'analyse sécuritaire appartient aux gouvernements, et particulièrement au gouvernement fédéral. C'est au gouvernement fédéral de s'assurer que les gens qui rentrent sur notre territoire ne sont pas des criminels. Les établissements universitaires n'ont ni la responsabilité ni la capacité de faire cela.

Mme Poncelin de Raucourt (Céline) : Les étudiants internationaux sont également, malheureusement, trop souvent associés à la question du financement de nos universités. Rappelons, cependant, que, pendant la durée de leurs études, ils vivent et s'impliquent dans nos communautés. D'un point de vue strictement économique, ils assument différentes dépenses, sans compter qu'ils occupent bien souvent un emploi. Selon un modèle de l'Institut de la statistique du Québec, en 2022, les étudiants internationaux de l'UQ ont produit, en termes de valeur ajoutée au PIB, plus de 157 millions de dollars. À elles seules, les dépenses se sont traduites par la création de milliers d'emplois, et, en nos murs, ces étudiants contribuent à l'animation des campus, en s'impliquant dans différentes activités, ou encore, en contribuant à en développer de nouvelles. Bref, leur présence participe à la vitalité économique, sociale et culturelle de nos régions, de Montréal et du Québec dans son ensemble. Il ne faut d'ailleurs pas négliger leur apport pour la vitalité de la langue française. 96 % des étudiants internationaux de l'Université du Québec parlent français. Leur accueil contribue ainsi au plan pour la langue française, récemment adopté, à Montréal comme en région.

M. Daigneault (Réal) : Nous allons maintenant mettre l'emphase sur les étudiants de deuxième et troisième cycles en recherche. Ils ne suivent pas la même logique, ces étudiants, que ceux du premier cycle. D'abord, sur le plan des stratégies de recrutement, les chercheurs responsables vont sélectionner les meilleurs, avec, parfois, des... parfois même, des entretiens. Ensuite, leur contribution et leur impact dans les travaux de recherche et d'innovation des chercheurs sont significatifs, voire essentiels pour le Québec et pour ses régions.

Au sein de l'UQ, c'est 52 % des étudiants internationaux qui sont inscrits aux cycles supérieurs, et qui sont ainsi au cœur du développement des connaissances et de l'innovation. Une réduction de la présence aux cycles supérieurs nuirait donc directement aux capacités de recherche et d'innovation du Québec et des régions du Québec. C'est d'autant plus vrai que des financements des organismes subventionnaires québécois et fédéraux imposent que les travaux de recherche des membres du corps professoral contribuent à la formation de la relève. Il arrive parfois même que les chercheurs n'arrivent pas à lancer des projets de recherche en raison de la difficulté à recruter des étudiants ou des étudiantes.

En fonction des différents éléments évoqués plus haut, on recommande les éléments suivants : que le gouvernement cesse de diminuer les quotas établis, à défaut qu'il exclue les facteurs... et les renouvellements de CAQ, afin de faciliter le processus d'admission pour les universités, qu'il exclue des quotas les étudiants internationaux inscrits aux cycles supérieurs, et qu'il assure une prévisibilité aux universités afin de réduire les incertitudes pour...

M. Daigneault (Réal) : ...les étudiants internationaux eux-mêmes et pour les équipes des établissements.

M. Cloutier (Alexandre) : Voilà ce qui complète notre présentation, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Bien, merci beaucoup. Alors, on va tout de suite entamer la période de discussion avec les parlementaires. Chers collègues, je vais juste vous donner les temps d'ici la suspension de 18 h 30 : 12 min 30 s pour le gouvernement; 9 min 22 s pour l'opposition officielle; 3 min 7 s pour la deuxième opposition. Le temps est à vous, M. le ministre.

• (16 h 10) •

M. Roberge : Merci bien. Merci pour votre présentation. Toujours intéressant d'entendre le point de vue du réseau UQ. On a eu déjà quelques présentations des institutions du réseau universitaire, donc il n'y a pas de — particulièrement du réseau UQ, mais pas seulement — il n'y a pas de surprise. Aujourd'hui, on a beaucoup d'institutions d'enseignement supérieur qui viennent nous parler.

Vous avez mentionné, dans votre présentation initiale, les baisses d'effectifs, en fait effectifs étudiants étrangers des nouveaux inscrits à cette... à cette session. Et je pense qu'en fait vous êtes en deçà des cibles qui étaient établies précédemment suite à l'adoption de la loi n°74. Donc, ce n'est pas la loi qui vous a empêché d'accueillir des nouveaux... des nouveaux étudiants, mais c'est peut-être tout le bruit qui a été généré. Dans les dernières années, plusieurs modifications ont été apportées. Je vous dirais qu'une partie de nos intentions avec la planification pluriannuelle, c'est de donner une direction claire, une orientation claire de la prévisibilité à tous dans le monde économique, mais pas seulement, au monde de l'éducation et de l'enseignement supérieur aussi.

Par contre, j'entends beaucoup de dirigeants d'institutions faire une corrélation, là, de cause à effet entre, par exemple, la loi n°74 et la baisse inscriptions, là, pour cet automne en l'enseignement supérieur au Québec. Ce que je constate, c'est que, dans le reste du Canada aussi, il y a des baisses à l'inscription. Il y a un article du Globe and Mail qui disait que, par exemple, pour les provinces maritimes, le Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse, Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve, c'est 28 % moins d'inscriptions pour les étudiants étrangers pour la session d'automne. Donc, je pense que le message du gouvernement canadien aussi, qui a dit on, baisse de 50 % en baisse de 35 %, ça a rayonné, même si ça ne nous a pas touchés au Québec. Les gens qui viennent ici, moi, j'aime bien dire qu'ils viennent au Québec, ou ils viennent accessoirement au Canada, mais ils viennent aussi, surtout chez nous, au Québec, dis-je en fier, nationaliste. Mais les gens de l'étranger, eux, ont probablement entendu le discours du gouvernement fédéral, et je pense que, combiné avec d'autres facteurs, ça a malheureusement nui à des inscriptions parce que moi, je déplore le fait que le maximum n'a pas été atteint cette année. Est-ce que vous avez espoir que, en clarifiant les choses avec une planification plus annuelle plus claire, avec une intention plus affirmée, vous allez remonter et donc atteindre ces quotas, ces niveaux pour la session de l'automne 2026?

M. Cloutier (Alexandre) : Peut-être partagez d'abord votre lecture de l'environnement. Les... les motifs qui expliquent la baisse auquel on est confrontés est assurément multifacteur et c'est tout à fait juste de noter qu'il y a une baisse, là, pour l'ensemble du Canada. Maintenant, je pense que le Québec a, lui, une succession aussi de mesures qui a amené son lot, je pense, de confusion, mais globalement, ce qu'on constate effectivement, c'est une baisse des inscriptions.

Maintenant, notre capacité à atteindre les quotas ou pas pour la suite des choses, ça va dépendre des quotas eux-mêmes. Dans les propositions qui vous sont faites, comme vous le savez, on vous demande de retirer deuxième, troisième cycles, on vous demande de nous donner des orientations pour les prochaines années. Alors, à ce moment-ci, si on... si la question c'est : En maintenant le statu quo, est-ce qu'on sera en mesure d'atteindre les quotas tels qu'ils existent au moment où on se parle? Honnêtement, en ce qui me concerne, c'est assurément un gros point d'interrogation. Je ne suis pas sûr que je suis capable de répondre à cette question-là. Peut-être que c'est quelque chose qu'on serait capable d'atteindre sur plusieurs années. À très brève échéance. Honnêtement, je ne pense pas qu'on serait en mesure de répondre précisément à cette question-là considérant le flou existant et, tant et aussi longtemps, j'imagine, qu'on n'aura pas les nouvelles orientations, bien, ce flou-là va persister.

M. Roberge : Et vous aurez ces nouvelles orientations le plus rapidement possible dans les prochaines semaines à la suite des consultations.

J'ai demandé des chiffres à mon équipe, on m'a envoyé des... des données. Parlons de l'Université du Québec puisque c'est vous qui présentez en ce moment. On me dit que l'effectif de...

M. Roberge : ...l'UQ dans son entièreté cette année est pratiquement stabilisation ou en légère augmentation par rapport à l'année passée. Donc, si vous avez moins d'étudiants étrangers cette année... enfin, souvent ils sont pour un parcours de plusieurs années, là, ceux qui étaient en cours l'an passé le sont encore, mais vous avez moins de nouveaux inscrits et vous maintenez, même vous augmentez votre effectif étudiant total, est-ce à dire que dans les admissions de cet automne, toutes proportions gardées, il y a davantage de Québécois et Canadiens que dans les années passées.

M. Cloutier (Alexandre) : Absolument... sans doute une excellente nouvelle. Il y a plusieurs raisons, sans doute, qui viennent justifier ça. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a une croissance, hein, des étudiants au postsecondaire, particulièrement dans les cégeps, qui est quand même importante. On envisage une croissance dans les prochaines années également des effectifs québécois.

Ceci étant dit, il y a sans doute des efforts importants de chacun des établissements pour la promotion, l'accueil, le développement de nouveaux programmes qui est, en soit, attractif, mais je pense qu'on doit se réjouir comme société lorsqu'on voit qu'il y a une croissance des effectifs québécois qui s'inscrit dans nos universités, ça, en soit, c'est assurément une bonne nouvelle. On n'est pas au maximum de notre historique dans le sens que vous faites référence à une légère croissance, on a déjà eu un nombre encore plus élevé d'étudiants, et vous aurez compris que nous, on souhaite toujours s'améliorer et augmenter notre nombre d'étudiants. J'aime bien rappeler qu'il y a près d'étudiants inscrits à l'Université du Québec, on y est... on y est presque. J'aime bien aussi rappeler que c'est plus que l'Université de Toronto. Alors, si je veux continuer à être en mesure de prononcer cette phrase devant vous, M. le ministre, vous aurez compris que je souhaite continuer de voir cette hausse se poursuivre.

M. Roberge : Excellent. Donc, l'Université du Québec qui dépasse l'Université de Toronto, on est contents de ça, en effectif. Bon, je n'ai aucun complexe non plus pour ce qui est de la qualité de l'éducation que vous fournissez. Je suis content qu'on en parle parce que c'est les mauvaises nouvelles qui sont diffusées, repartagées. Et quand il y a une institution qui voit son nombre d'inscriptions d'étudiants étrangers à la diminution, il y a un communiqué puis ça fait les grands titres. Quand il y a une hausse de l'effectif québécois, personne n'en parle. Je suis sûr qu'il y a des gens qui nous écoutent aussi puis même des députés... disent : Bon, je ne savais pas ça qu'on avait plus d'étudiants cette année que l'an passé, qu'on avait plus de Québécois. Le sentiment qu'on a, c'est : Mon Dieu! nos universités sont en déperdition, il y a de moins en moins d'étudiants. Or, ce qu'on voit, c'est que les places ont été occupées par d'autres étudiants qui sont venus prendre la place. Donc, ça, je pense, c'est important de le dire parce que ça remet les choses définitivement en perspective.

Vous parlez du... maintenant, de ce qui peut arriver après la diplomation. C'est que des étudiants deviennent des Québécois à part entière pour la vie, des résidents permanents. Et vous privilégiez le programme du PEQ, là, qui est actuellement suspendu, Programme expérience québécoise. En ce moment, il est suspendu, et on a remplacé le PRTQ par le PSTQ, le Programme de sélection des travailleurs qualifiés, avec différents volets, dont le volet un qui est le volet sur la haute qualification, qui vise les étudiants diplômés. D'ailleurs, pour le lancement de ce volet là, de ce programme-là, 100 % des nouvelles candidatures de CT étaient des diplômés d'institutions québécoises. Il me semble qu'il y a quelque chose d'intéressant. Tantôt, quelqu'un parlait de la voie royale avec le PEQ diplômé. C'est la voie royale. Moi, je m'inquiète quand c'est comme trop facile. Je n'aime pas ça, trop, quand c'est... quand c'est trop facile. Il y a un danger à vendre nos... nos parcours d'enseignement supérieur comme des voies d'exception faciles à la résidence permanente. Plutôt que de vendre la diplomation, plutôt que de vendre la qualification, ça devient juste un moyen pour accéder à la résidence permanente. Alors qu'avec le Programme de sélection des travailleurs qualifiés, on dit : Bien, écoutez, vous avez... vous êtes sur le traitement prioritaire, vous êtes diplômé du Québec, vous parlez français, vous êtes dans un... vous travaillez, on va vous sélectionner, le PS, on va vous sélectionner puisque vous cochez toutes les cases, comme on dit en bon québécois. Est-ce qu'il n'y a pas quelque chose d'un point de vue macro plus intéressant à sélectionner des gens qui sont diplômés, qualifiés, parlent français et travaillent plutôt que de dire : Tu as ton diplôme, c'est automatique, c'est la voie royale, on te donne la résidence permanente?

(panne de son)

M. Roberge : On ne vous entend plus...

Une voix : Moi, je vous entends...

Des voix : ...

M. Cloutier (Alexandre) : Donc, je suis désolé. Ce sont nos collègues de l'UQO qui nous hébergent aujourd'hui. Alors, on n'a pas nos systèmes habituels. J'espère que la qualité du son sera bonne pour la suite des choses. Ce que je mentionnais, c'est que la liste que vous avez énumérée, qualifié, compétence francophone, connaissance du Québec, nos étudiants cochent toutes ces cases-là lorsqu'ils viennent étudier chez nous à l'Université du Québec. Je vous rappelle qu'on enseigne en français dans près de 40 municipalités. Ce sont des programmes qui comptent, où les gens atteignent des compétences et qui, bien sûr, ont tout ce qu'il faut ensuite pour intégrer la société québécoise. On a toujours perçu ces étudiants-là comme étant idéal comme candidats à l'immigration au Québec par le passé, et c'est pour ces raisons-là, d'ailleurs, qu'on s'était vus nous-mêmes en commission parlementaire lorsque vous avez modifié PEQ et vous l'avez rétabli pour les universités francophones. On était entièrement en appui à ces mesures-là pour... pour les mêmes motifs, je pense, que vous venez d'énumérer. Alors, je ne suis pas sûr que je voie nécessairement une distinction, là, à ce que vous apportez.

• (16 h 20) •

M. Roberge : C'est parce que, dans PSTQ, il y a t, travailleur. Il faut avoir travaillé, il faut avoir l'équivalent d'un an d'avoir une expérience de travail. Et quand on sait qu'il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de gens à l'étranger qui veulent venir vivre ici grâce à ceux qui nous ont précédés, qui ont créé une société égalitaire. En tout cas, on n'est peut-être pas les meilleurs au monde, mais on n'est pas loin. Je pense qu'on a une responsabilité de léguer, et encore mieux, au moins de préserver ça pour nos enfants. Mais bref, le Québec est extrêmement attractif. On ne peut pas accueillir tout le monde qui veut venir vivre ici. Ça fait que ce n'est pas possible. Il y a des millions de personnes qui vous choisiraient le Québec à chaque année. Donc, on doit sélectionner ces gens-là, bien, sélectionner parmi des étudiants diplômés ici, je pense que c'est vraiment quelque chose d'extraordinaire, mais même là, on en a plus qu'on pourrait en accueillir, la notion de capacité d'accueil est là, et je le dis, bien, ajoutons le concept de travailleur, des gens qui décroche un emploi et, en plus, dans un secteur en pénurie. Parce que ce n'est pas tous les secteurs du Québec qui sont en pénurie et ce n'est pas tous les étudiants qui ont une expérience de travail. Donc, oui, qualifiés, oui, diplômés, oui, francophones, mais pourquoi, puisqu'on peut le faire, pourquoi ne pas ajouter la notion de secteur où on est en pénurie et la notion d'expérience de travail pour montrer que cette personne-là non seulement est qualifiée mais qu'en plus elle décroche un emploi. Pourquoi on se priverait d'ajouter des critères quand... quand, pour supposons 20 places, on a 100 candidats? Sélectionnons le mieux possible.

Une voix : ...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : On n'entend pas bien. On ne vous entend plus.

Une voix : ...c'est malheureux.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Ah! OK. Peut-être vous rapprocher du micro à ce moment-là. Je vais vous laisser finir votre phrase, puis après ça, je passe à l'opposition.

M. Cloutier (Alexandre) : J'aimerais beaucoup me rapprocher du micro, mais pour ce faire, le micro est collé sur la télé. Alors, on va devoir... Vous nous direz si vous vous entendez. Je peux simplement dire que c'est une réponse qui appartient au gouvernement... Et puis je vais résumer aussi en vous disant que pour le milieu universitaire, le programme du PEQ a assurément montré ses avantages et aidé dans le recrutement des étudiants internationaux. Ce sera mon commentaire.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Merci beaucoup, M. le ministre. Mais alors, je me... Alors, je me tourne du côté de l'opposition pour, je vous rappelle, 9 min 22 s. Allez-y.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Cloutier, M. Daigneault, Mme Poncelin de Raucourt, bonjour. Merci d'être avec nous. Merci pour votre... votre mémoire. Je l'ai lu avec attention et j'aimerais que vous puissiez confirmer, si j'ai bien compris en partie ce que vous avancez. À la page 4 de votre mémoire, vous parlez d'une action gouvernementale en faveur de l'internationalisation de 2028‑2024. C'est comme si, corrigez-moi si je fais erreur, comme si le gouvernement avait, dans un élan fort et assumé, ouvert les portes à l'internationalisation des étudiants. Et donc ça fait en sorte que les universités en ont bénéficié. Je comprends que vous avez eu vous-mêmes une augmentation importante. À la page 6, vous parlez de...

M. Morin : ...31 % en 10 ans. Donc, ça, c'est des gens qui ont fait des demandes d'admission, ce n'est pas nécessairement des gens qui ont été admis, mais les demandes que vous avez reçues. Et donc vous les avez gérées, il y en a qui ont été admis, je comprends aussi que vous, vous avez agi conformément aux politiques gouvernementales et les étudiants que vous avez admis puis qui ont accepté, je comprends que le gouvernement du Québec leur a délivré un certificat CAQ, vous avez fonctionné avec ça, et là, maintenant, est-ce que je fais erreur si je dis, sans avertissement, sans crier gare : Maintenant, le gouvernement du Québec ferme les vannes, et vous, bien, vous êtes pris avec la situation? Avez-vous été consulté? Est-ce qu'on vous a parlé avant ce changement de cap, qui, à la lecture de votre mémoire, me semble être assez radical de la part du gouvernement? Est-ce que j'ai bien compris?

M. Cloutier (Alexandre) : Il y a assurément une... il y a assurément le changement pas de trajectoire qui a été opérée entre 2016 et aujourd'hui. Il y avait, je pense, un certain consensus à l'effet que les universités francophones avaient un retard important à rattraper en termes de pourcentage d'étudiants inscrits internationaux dans les établissements.

Vous avez fait référence à une importante croissance au sein de l'Université du Québec, ce qui est tout à fait vrai, mais il faut savoir aussi que l'Université du Québec partait de loin. Et le gouvernement du Québec, en 2018, lorsqu'il y a eu une première déréglementation, a, en échange, offert aux universités du financement important pour soutenir leurs activités de recrutement à l'international. On a demandé, particulièrement l'Université du Québec, de se structurer au... et augmenter de manière significative le nombre d'étudiants internationaux pour qu'il s'apparente davantage à la moyenne canadienne. La bonne nouvelle : C'est exactement ça qui est arrivé. On a atteint nos objectifs. Écoutez, je me souviens même qu'à un moment donné j'avais été convoqué par le ministère parce qu'il me demandait d'atteindre certains objectifs précis de croissance. Donc, non seulement on le mentionnait, mais on faisait des suivis sur des objectifs.

Donc, clairement, il y avait une orientation qui était donnée pour augmenter la présence des étudiants internationaux, et c'est comme ça que nos institutions se sont structurées avec des équipes puis il y a eu des embauches importantes où chaque institution s'est dotée de la structure nécessaire pour faire les missions de recrutement et on a vu le nombre augmenter de manière très, très significative, ce qui fait en sorte qu'au moment où on se parle, on est alentour de 16 000 étudiants internationaux, un peu moins, en fait, là, 15 300, là, sur un chiffre de... au total, d'à peu près 93 000, 94 000 étudiants au sein des universités du Québec. Donc...

M. Morin : Et est-ce que vous vous rappelez des années où le gouvernement vous a fixé des cibles, et donc vous avez travaillé pour les atteindre?

M. Cloutier (Alexandre) : Bien sûr que je me souviens bien de ça et je me souviens même quelle époque ces fameuses cibles là étaient, elles aussi, fluctuantes dans le temps et qu'en cours de route on les a même vues disparaître, ces cibles-là. Par contre, les orientations et la vision... qui, elle, est demeurée, était celle d'augmenter la présence des étudiants internationaux. On nous avait même menacés à l'époque de réduire le financement des universités pour ce volet international là si les cibles n'étaient pas atteintes. Alors, j'ai un souvenir très clair de ça parce que j'étais responsable du secteur de l'international à l'Université du Québec à Chicoutimi à ce moment-là et je me souviens aussi du moment où ces cibles-là sont disparues.

Ça fait que tout ça pour vous dire que la tendance de fond était assurément vers une croissance constante puis la présence des étudiants internationaux, de sorte qu'aujourd'hui on dit assez avec fierté qu'on a près de 16 % qui sont des étudiants internationaux et qui proviennent de plus de 100 pays. C'est une source de fierté pour nous.

M. Morin : Ce que vous vous rappelez, c'était en quelle année et qui était votre ministre de l'Enseignement supérieur?

M. Cloutier (Alexandre) : Ah! c'est cette bonne question. Il faudrait que je revisite mes notes, là, je n'ai pas ça précisément devant moi, mais c'était probablement un gouvernement libéral. Mais il faudrait que je revoie. Ces cibles-là, je suis pas mal certain que c'était sous un gouvernement libéral, mais il faut prendre ça avec des pincettes, à ce moment-ci, là.

• (16 h 30) •

M. Morin : Très bien. Si jamais vous pouvez obtenir l'information et la fournir à la commission, ce serait apprécié.

Maintenant, là, je comprends que vous vivez le phénomène inverse, c'est-à-dire que, là, on restreint. Je ne me souviens pas si vous m'avez dit que vous aviez été consulté par le gouvernement puis quel allait être l'impact des mesures gouvernementales. Et parce que vous...


 
 

16 h 30 (version non révisée)

M. Morin : ...vous représentez l'ensemble du réseau des universités du Québec. Est-ce qu'il y a des universités où ça se fait plus sentir qu'à d'autres endroits?

M. Cloutier (Alexandre) : Bien sûr. Vous avez sans doute vu, là, comme moi, le détail, là, on l'a par tableau. Il y a l'ENAP, par exemple, l'École nationale d'administration publique, qui est clairement l'institution la plus touchée par les baisses actuelles, là, de mémoire, aux alentours de 40 % de baisse. Il y a clairement des institutions qui sont plus touchées que d'autres, mais, globalement, l'ensemble de l'Université du Québec est touchée par ces baisses.

Pour ce qui est de la consultation ou des intentions, écoutez, on a toujours... on est toujours très proche du ou de la ministre de l'Enseignement supérieur. En ce qui me concerne, sur une base régulière, j'ai la chance de rencontrer la sous-ministre. Alors, on nous partage les intentions du gouvernement.

Maintenant, il n'y a pas eu de consultation officielle, comme telle, mais on nous partage les intentions et il y a aussi des déclarations de nature politique, comme vous le savez, très claires quant à la volonté du gouvernement du Québec de réduire le nombre... l'immigration temporaire, en fait, au Québec. Donc, je vous dirais que les signaux sont pas mal jaune et jaune orange depuis plusieurs mois, voire même quelques années, là. Alors, ça dépend si vous me demandez s'il y a eu une consultation formelle ou pas, mais assurément de manière informelle, oui.

M. Morin : Quand on parlait tout à l'heure du programme PEQ qui a été suspendu, ça, je comprends que vous l'avez appris comme tout le monde, quand ça a été suspendu.

M. Cloutier (Alexandre) : Oui, pour ce qui est du programme PEQ, assurément, tout comme on était en commission parlementaire lors de la modification précédente, pour les universités francophones, où on s'était montrés favorables, à ce moment-là, pour le retour du PEQ.

M. Morin : Exact. Et est-ce que votre positionnement a changé? Parce que, quand on regarde votre mémoire, je pense que c'est une de vos recommandations, donc, la recommandation numéro quatre. C'est exact?

M. Cloutier (Alexandre) : C'est tout à fait juste, on a... on maintient la même cohérence, là, sur notre position concernant le PEQ.

M. Morin : Et la suspension du PEQ... Est-ce que vous avez présentement des étudiants qui ont... ou étudiantes qui ont commencé leur parcours universitaire alors que c'était disponible pour eux puis que, maintenant, ça ne l'est plus, et comment vous gérez ça avec les étudiants?

Mme Poncelin de Raucourt (Céline) : En effet, à partir du moment où il y a des étudiants qui se sont engagés dans des parcours d'études de plusieurs années, assurément, on se retrouve avec des personnes qui ont commencé ou qui ont même pensé leur projet d'études dans un cadre qui n'existe plus à l'heure actuelle.

Et la gestion de ça, malheureusement, c'est vraiment... comme on le mentionnait tout à l'heure, il y a des personnes qui sont dans des situations d'anxiété importantes parce qu'ils voient un projet de vie s'écrouler. On a une grande partie des étudiants qui viennent au Québec avec le projet de pouvoir y demeurer, et ce projet-là s'écroule d'un seul coup. Ils doivent repartir dans leurs pays. Ils n'ont pas nécessairement la possibilité d'acquérir l'année de travail...

M. Morin : Exact. Ils n'ont peut-être pas... Est-ce qu'ils ont fini leur diplôme? Est-ce qu'ils ont au moins eu leur diplôme?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Rapidement.

Mme Poncelin de Raucourt (Céline) : C'est sûr que nous, c'est un projet d'éducation internationale, ça ne remet pas en cause leur diplomation, mais vraiment plus leurs projets de vie et de suite des études.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Merci beaucoup. On termine donc cette ronde de discussion avec le député du deuxième groupe d'opposition. 3min 7 s. Le temps est à vous.

M. Fontecilla : Merci beaucoup. Bonjour, M. Cloutier. Je salue également vos collègues. J'aimerais revenir sur cette augmentation qui est venue compenser, en quelque... compensation du nombre d'étudiants et étudiantes qui est venu compenser, en quelque sorte, la baisse d'étudiants internationaux. Donc, ça correspond à un phénomène démographique. Est-ce que vous avez fait des projections? Est-ce que ça va se maintenir dans le temps? Est-ce que ça va continuer à grandir? Est-ce que ça va se réabsorber? Quelles sont vos projections dans ce domaine-là?

M. Cloutier (Alexandre) : La réponse, c'est oui, 5000 étudiants de plus, au moment où on se parle, dans nos cégeps. Comme vous le savez, l'Université du Québec, elle est répartie sur l'ensemble du territoire et a une proximité avec les cégeps de partout à travers le Québec. On prévoit effectivement le maintien d'une certaine croissance du nombre d'étudiants universitaires pour les prochaines années.

M. Fontecilla : Ça se manifeste surtout, si je comprends bien, vous allez me corriger, au niveau... pour les universités, au niveau du baccalauréat. Et j'ai entendu également que presque la moitié, 52 %, là, des étudiants aux deuxième et troisième cycles proviennent de l'international. Est-ce que c'est une...

M. Fontecilla : ...qui va se maintenir dans le long terme?

Mme Poncelin de Raucourt (Céline) : Mais malheureusement, de ce côté-là, effectivement, on note que les étudiants, étudiantes, québécois, québécoises sont moins attirés souvent par les carrières de recherche, ce qui explique qu'une plus grande proportion de nos étudiants aux cycles supérieurs vienne de l'international. On notait que 52 % de nos... de nos étudiants internationaux sont aux cycles supérieurs, dont 60 % dans des programmes de recherche, mais ces 60 %-là représentent plus de 40 % des étudiants dans les programmes de recherche. Donc, ça veut dire que, sans les étudiants internationaux, ces programmes-là perdent énormément en vitalité. On peut espérer investir dans les nouveaux étudiants québécois qui arrivent et leur donner le goût de faire de la recherche, mais il y a aussi la prise en compte d'un environnement d'éducation qu'on veut avec une saveur internationale. Donc, nos étudiants québécois et québécoises, on veut qu'ils arrivent dans un univers dans lequel ils vont croiser des gens de partout sur la planète. Ça fait partie de ce qu'on va chercher comme éducation à l'université. Et dans les milieux de recherche, ça a aussi une importance particulière.

M. Fontecilla : Donc, vous avez mentionné l'importance de croiser d'autres profils, je vais m'exprimer ainsi, qui viennent de l'international et une perte de vitalité. Moi, j'aimerais bien comprendre quelles sont les conséquences d'une diminution des étudiants internationaux sur les programmes des deuxième et troisième cycles à moyen et long terme.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Rapidement.

Mme Poncelin de Raucourt (Céline) : Bien, des conséquences, c'est qu'il y a des programmes qui peuvent ne pas ouvrir parce que le nombre d'étudiants est insuffisant pour pouvoir offrir le programme. Et la deuxième conséquence, on le mentionnait, c'est l'absence de personnes dans les laboratoires pour travailler avec les chercheurs et des projets qui n'existent pas parce qu'ils n'ont pas le personnel dont... sur lequel ils doivent compter pour pouvoir avoir des subventions et mener leurs projets.

M. Daigneault (Réal) : ...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup.

M. Daigneault (Réal) : ...dont on parle, l'impact de la recherche et de l'innovation. C'est de ça qu'on parle.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Parfait! Merci beaucoup. Madame, Messieurs, merci pour cette présence en commission parlementaire. Nous allons suspendre quelques instants, le temps de recevoir le prochain groupe, et je vous salue et vous dis à la prochaine! Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 37)

(Reprise à 16 h 39)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Alors, nous recevons le Bureau de coopération interuniversitaire avec ses représentants, M. Christian Blanchette, président du conseil d'administration et recteur de l'Université du Québec à Trois-Rivières, Mme Sophie D'Amours, rectrice de l'Université de Laval, M. Sébastien Lebel Grenier, principal et vice-chancelier de l'Université Bishop's ainsi que M. Vincent Rouchon... Rousson, pardon, recteur de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. Madame et Messieurs, bienvenue à la Commission des relations avec les citoyens.

Donc, vous êtes des habitués, vous savez que vous avez une période de 10 minutes pour... pour vos commentaires sur le cahier. Et, par la suite, nous allons discuter avec les parlementaires. Alors, le temps...

M. Blanchette (Christian) : ...merci beaucoup, Mme la Présidente. M. le ministre, Mmes, MM. les députés, très heureux que vous nous accueilliez. Vous avez reçu, depuis le début de ces audiences publiques, quelques-uns de nos collègues. Aujourd'hui, d'autres s'exprimeront. Nous partageons toutes et tous une même lecture des... sur les enjeux liés aux résultats de cet exercice de planification de l'immigration pour lequel, M. le ministre, vous nous consultez.

Le BCI regroupe l'ensemble des établissements universitaires québécois. Dans la lettre que nous vous avons transmise, nous avons souhaité collectivement mettre en exergue quelques constats et défis communs. Cette lettre visait à résumer ceux-ci à grands traits. À cette lettre se sont rajoutés, dans le respect de l'autonomie et de la diversité de nos réalités respectives, une quinzaine de mémoires provenant des établissements universitaires et mettant en lumière leurs spécificités.

Les mesures restrictives des dernières années mises en place par le Canada et par le gouvernement du Québec ont eu des effets préoccupants, tant sur le plan académique que celui de l'intégration et de l'employabilité au Québec, de nos diplômés internationaux, du développement, de la recherche et de l'innovation et enfin de la réputation du Québec sur la scène internationale.

Rappelons les recommandations du BCI portées par l'ensemble des établissements universitaires : maintenir le nombre actuel de CAQ octroyés, préserver le PEQ, volet diplômé sans restriction; mettre fin sans autre renouvellement au décret 155-2025 dans sa mouture actuelle; simplifier les procédures d'obtention et de renouvellement des CAQ; renforcer les négociations avec le fédéral afin de mieux arrimer les règles relatives aux permis d'études et aux CAQ. Enfin, nous invitons le gouvernement du Québec à investir des efforts particuliers à court terme pour bonifier la réputation du Québec sur la scène internationale. Voilà l'essentiel des demandes des universités.

Nous pourrons y revenir, si vous le voulez, mais rappelons quelques chiffres clés pour bien contextualiser la situation actuelle des universités québécoises au Canada et au Québec en matière d'immigration. Ces données permettent de relativiser un discours ambiant sur les désavantages et les impacts de l'immigration de diplômés et de l'arrivée d'étudiants internationaux au Québec. Rappelons que le poids démographique du Québec dans le Canada diminue depuis une douzaine d'années, passant de 27 % à moins de 22 %, en partie lié à des flux migratoires plus faibles au Québec et aussi au taux de natalité en présence. La population des étudiants universitaires internationaux est un atout pour le Québec dans ce contexte.

Autre élément, le pourcentage d'étudiantes et étudiants internationaux inscrits dans les universités du Québec a atteint, en 2022-2023, 17,5 %. Les années qui précédaient, il variait autour de 14 %, 15 %. Par ailleurs, au Canada, en 2023, c'était 17 % des étudiants en enseignement supérieur qui étaient des internationaux. À titre comparatif, pour l'Australie, c'était 21 %, le Royaume-Uni, 20 %, la Suisse, 19 %, la Nouvelle-Zélande, 18 %, l'Autriche, 15 % et la France 11 %. Globalement, cette année, nous devrions être autour de 14 %, donc nous perdons du terrain.

Le taux d'approbation des permis d'études émis par le Canada pour le Québec est de l'ordre de 30 %, alors que pour l'Ontario, on parle de 50 % et de 65 % pour la Colombie-Britannique et pour l'Alberta. En date du 8 octobre 2025, les seuils d'utilisation des quotas de CAQ des établissements universitaires québécois oscillent entre 76 % et 15 %, alors que la moyenne des pourcentages d'atteinte des seuils est de 45 % et la médiane 43 %, donc beaucoup moins de demandes d'admission.

Le Québec se situe en queue de peloton sur la question de l'obtention des permis d'entrée des étudiants internationaux au Canada. Rappelons que nous comptons collectivement sur ces derniers pour soutenir le développement de la recherche et de l'innovation et, jusqu'à récemment, pour répondre à la pénurie de main-d'œuvre dans certains domaines. D'ailleurs, l'une des questions récurrentes est celle de la difficile compatibilité entre les objectifs du PEQ, volet diplôme, que nous endossons, et ceux qui sont associés à des priorités gouvernementales en matière d'emploi. Cette difficile compatibilité n'est pas attribuable à des obstacles structurels ou organisationnels dans nos universités, mais plutôt à une prémisse selon laquelle les universités devraient orienter leur stratégie de recrutement et de formation prioritairement sur des domaines disciplinaires particuliers...

M. Blanchette (Christian) : ...selon les aléas du marché de l'emploi. Cette prémisse du marché ne peut prévaloir sur celle de l'ouverture des universités depuis des millénaires à tous les champs du savoir et de la connaissance, socle de nos démocraties. À cet égard, rappelons que plus de 60 % des étudiantes et étudiants inscrits au doctorat sont d'origine étrangère. Sans elles et eux, le développement de la recherche universitaire serait fragilisé de manière importante, quand on sait que plus de 75 % de la R&D canadienne se fait dans les universités. Sans elle, beaucoup d'entreprises au Québec, comme ailleurs au Canada, enregistreraient un retard important et une capacité d'innovation déficiente. Selon l'OCDE, le Québec se situe au troisième rang mondial en R&D issue du réseau universitaire, derrière le Danemark et la Suisse, et ce, pour le pourcentage du PIB produit. C'est un objectif, d'ailleurs, de conserver ce rang, c'est un objectif de la Stratégie québécoise de recherche et d'investissement en innovation, la SQRI2.

Suivant les mesures restrictives du gouvernement canadien, le législateur ontarien a choisi un chemin différent de celui du Québec pour la gestion des inscriptions des étudiants internationaux dans ses universités. L'Ontario a spécifiquement travaillé avec les établissements fautifs pour corriger le tir. Le législateur québécois pourrait faire le même choix, tout en balisant les conditions d'accueil et d'intégration de ces étudiantes et étudiants, avec la collaboration active des universités. Le volet étudiant de l'immigration temporaire ne peut être abordé comme les autres en matière de politiques publiques, car il constitue un réel investissement et une avenue incontournable pour assurer des avancées en R&D et pour le développement socioéconomique du Québec. Sans ces personnes, nos universités n'arriveront pas à répondre à leurs plans de développement ni même aux objectifs fixés par le gouvernement qui s'incarnent dans ses orientations, ses priorités d'action et ses politiques publiques, comme la SQRI2. Majoritaires dans certains programmes de deuxième et de troisième cycles, le recrutement ciblé de ces étudiantes et étudiants internationaux, nos actions pour les accueillir doivent mener à leur diplomation et à leur intégration dans nos communautés, dans nos zones d'innovation, dans nos PME et nos grandes entreprises et parfois même dans nos universités, comme professeurs.

L'immigration de nos étudiants internationaux au moment de leur diplomation est un choix politique. Par le passé, quand le Québec et le Canada ont fait ce choix, la présence de ces étudiants a permis de combler des carences importantes pour la création de la richesse. Entre 2010 et 2021, le nombre d'étudiants internationaux diplômés en... au Canada ont quintuplé, atteignant 25 000 étudiants. Ils sont alors passés de 11 % à 28 % des diplômés en... En 2021, 46 % des diplômés de baccalauréat en... qui étaient résidentes et résidents permanents travaillaient dans leur secteur... dans un secteur directement lié à leurs études. Et, M. le ministre, ceux qui n'avaient pas étudié au Canada, c'était 31 % qui travaillaient dans leur domaine d'étude, et les diplômés nés au Canada, c'était 38 %. Donc, nos étudiants internationaux travaillent encore plus, quand ils restent chez nous, dans leur domaine.

Au Québec, Montréal comme pôle majeur où on retrouve plus du quart des diplômés internationaux en...trois ans après l'obtention de leur diplôme, il y avait près de 70 % de ces diplômés, ingénieurs et en informatique... d'ingénierie et d'informatique toujours actifs sur le marché du travail québécois. Leur contribution est directement... est directe, en termes de frais de scolarité, de consommation, mais aussi en termes d'innovation et de recherche. Cette contribution se chiffre en milliards de dollars chaque année pour le Québec.

• (16 h 50) •

En somme, face aux défis démographiques, économiques et scientifiques du Québec et du Canada, la présence et la rétention des étudiantes et étudiants internationaux sont une nécessité stratégique. Les données démontrent que ces diplômés comblent efficacement les pénuries de main-d'œuvre hautement qualifiée et dynamisent l'innovation, particulièrement dans les secteurs prioritaires pour notre avenir collectif. Pour que le Québec demeure compétitif et attractif sur la scène internationale, il est impératif d'adopter une politique d'immigration universitaire post-diplôme ambitieuse et cohérente. En misant résolument sur l'apport des étudiantes et des étudiants internationaux, nous nous donnons les moyens de répondre aux besoins du marché du travail en personnes hautement qualifiées, de soutenir la recherche et l'innovation et d'assurer la vitalité de nos établissements universitaires pour bâtir une société plus prospère, inclusive, tournée vers l'avenir. Notre objectif collectif : créer la richesse au Québec. C'est aussi une contribution des diplômés...

M. Blanchette (Christian) : ...universitaire qu'on convainc de rester chez lui. Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup pour cette présentation. Alors, je me tourne du côté du gouvernement, avec le ministre, pour une période de 12 min 30 s. Allez-y.

M. Roberge : Merci. Merci pour votre présentation. On a plusieurs institutions d'enseignement supérieur qui viennent nous rencontrer en commission. C'est intéressant d'avoir une pluralité de points de vue, mais là on a le BCI, qui représente l'ensemble du réseau universitaire. Je pense qu'on a une bonne nouvelle à partager, quand même, c'est que cette année, malgré une baisse d'inscriptions d'étudiants internationaux, il y a eu une hausse des effectifs étudiants universitaires de l'ordre d'à peu près 1,4 %, donc 4 000 étudiants ou à peu près. Donc, ça veut dire que même si, cette année, pour l'automne, il y a eu moins d'inscriptions d'étudiants étrangers, il y a eu davantage d'étudiants québécois et canadiens que cette réduction-là. Est-ce que vous savez si c'est surtout des Québécois ou des Canadiens qui sont venus combler ce manque à gagner dans l'effectif étudiant qui a même permis la hausse?

M. Blanchette (Christian) : ...surtout les Québécois, mais ce qu'il faut se rendre compte, c'est que l'image, aux deuxième et troisième cycles dans les programmes de recherche est toute autre. C'est que puisque plus de la moitié des étudiants qui comblent les besoins en recherche viennent de l'international, toute diminution de la nature qu'on a pu voir dans les nouvelles inscriptions d'étudiants internationaux est majeure. Et donc ce n'est pas simplement le volume total des étudiants qu'on retrouve dans nos universités qui est important mais c'est aussi la présence des étudiants internationaux.

M. Roberge : C'est les deux, mais ce que je comprends, c'est que, dans le fond, vous avez davantage d'étudiants québécois et davantage d'étudiants en premier cycle. Moins d'étudiants... en fait, de nouveaux étudiants internationaux et donc moins aux deuxième et troisième cycles. Je dirais que c'est le net-net. Et je vais vous dire, sincèrement, je ne déplore pas qu'il y ait davantage de Québécois, mais je vais déplorer qu'il y ait moins d'étudiants étrangers parce que les gens pensent qu'on n'en veut plus, qu'on n'en veut pas, c'est archifaux. La loi qu'on a adoptée, 74, l'an passé, nous donnait des leviers qu'on n'avait pas avant pour éviter des abus, même tout à l'heure, le président de l'UQ a parlé d'abus ou de dérapage, je ne veux pas mettre des mots dans sa bouche, mais quelque chose comme ça, mais ce qu'on souhaitait, c'était une stabilisation pour cette année.

Et là on est... on est dans une baisse. Ce n'était pas du tout ce qu'on souhaitait. On le déplore. Je pense que la planification pluriannuelle, la clarification de notre objectif de faire venir des cerveaux de partout, des cibles sur du moyen, long terme... je pense, je souhaite que tout ça va rétablir une meilleure attractivité puis permettre à nos institutions universitaires d'aller rechercher ces étudiants-là. Je pense que Mme D'Amours voulait commenter.

Mme D'Amours (Sophie) : Oui. Oui, bien, je pense que l'argument que vous faites, il est très pertinent, hein, la question se pose : Est-ce que, du point de vue économie, de l'économie, du modèle économique de l'université... est-ce que la hausse des étudiants québécois nous aide? En partie, hein, de toute évidence, parce qu'on voit des étudiants premier cycle, les cégépiens plus nombreux arriver à l'université.

Si on s'intéresse à la recherche puis à notre capacité de recherche, la perte est importante, puis notre capacité de recherche, elle est impactée, actuellement. Puis, si on s'intéresse à l'opportunité qu'on peut offrir à tous nos étudiants sur un campus universitaire... Dans un campus universitaire, dans une université, c'est, pour certains, le seul endroit où ils auront l'occasion de travailler avec une personne qui vient d'ailleurs, dans des travaux de classe, dans leurs recherches, dans leurs activités, et c'est important d'offrir cette expérience-là à des professionnels, nos futurs professionnels du Québec. Alors, je ne dis pas que c'est la seule pour tout le monde, mais, dans bien des cas, c'est certainement la première puis, pour certains, c'est la seule. C'est l'occasion qu'ils auront eue de s'ouvrir sur une différence dans le milieu, dans l'exercice de leur travail, tu sais, scolaire.

Donc, il y a une valeur économique. Vous l'avez bien dit, mais il y a clairement une valeur universitaire, académique d'accueillir un certain nombre, un nombre, quand même, qui doit être perceptible d'étudiants au baccalauréat, à la maîtrise, au doctorat pour offrir cette expérience académique là.

M. Roberge : Et ce très grand nombre d'étudiants étrangers, on ne l'avait pas dans nos universités il y a une dizaine d'années. Il y a eu une augmentation très forte dans les dernières années...

M. Roberge : ...qui ont servi certainement la capacité de recherche puis la capacité d'innovation au Québec qui a permis de développer, même, des secteurs de force. Puis il ne faut pas le nier puis je ne pense pas qu'il faut démanteler ce qu'on a bâti ensemble. L'objectif gouvernemental, c'est d'assurer, je vous dirais, l'intérêt supérieur du Québec, l'occupation du territoire, la recherche particulièrement en français, puis la vitalité de nos régions, puis l'ensemble du réseau, en tenant compte de notre capacité d'accueil, qui a quand même été dépassée selon plusieurs interlocuteurs qui sont venus avant vous. C'est ça qui est intéressant, hein, en planification comme on le fait, c'est que ceux qui sont venus avant vous, on regarde ce que vous nous dites, on met en relation. Vous nous dites des choses aussi, ça va nous permettre de regarder avec une lunette différente ce que d'autres vont dire après vous, mais ça fait partie, je vous dirais, de l'exercice.

Une autre formation politique que la nôtre propose une réduction, eux, de 60 % de l'effectif étranger. Le Parti québécois dit : Nous autres, c'est 50 000 étudiants étrangers qu'on devrait avoir au Québec, réduction de 60 %. Ce serait quoi, l'impact sur le réseau universitaire si, d'aventure, le Parti québécois accédait aux affaires puis imposait une réduction de 60 % de l'effectif étudiant étranger?

M. Blanchette (Christian) : Ce serait, je dois vous dire, catastrophique. Quand on regarde les baisses qu'on a pu voir depuis deux ans dans les inscriptions des étudiants internationaux, ça met en péril certains programmes dans certaines universités, vous l'avez entendu. Mais clairement, pour nous, la proportion d'étudiants internationaux dans les universités québécoises est parmi les plus faibles au Canada, plus faible que la moyenne canadienne, que ce qu'on voit dans les provinces maritimes, que ce qu'on voit en Ontario, que, quand on se compare aux autres pays, comme on vous a partagé les données, on est beaucoup plus bas en termes de proportion. Ça, c'est notre capacité... la capacité du système universitaire québécois à performer en recherche qui est affectée. Donc, qu'on aille plus bas déjà que ce que nous avons, c'est périlleux.

Présentement, on est sur une trajectoire descendante. Si on a eu une autre année comme celle que nous avons, nous nous retrouvons, dans certaines universités, dans une situation qu'on a vécue il y a une dizaine d'années en termes de pourcentage d'étudiants internationaux dans nos programmes. C'est quand même un retour en arrière qui n'est pas souhaitable par n'importe quelle université et, je pense, pour n'importe quel réseau universitaire et pour n'importe quelle province.

M. Roberge : Je vous signale, ce n'est pas notre intention. Je l'ai dit tantôt, je déplore la situation actuelle. On voulait une stabilisation, ce n'est pas ce qui s'est passé cette année. On ne veut pas une trajectoire descendante, ce n'est pas du tout l'objectif gouvernemental, puis je pense qu'on va être capable de s'entraider là-dedans pour nous aider à atteindre nos objectifs qui, la plupart du temps, sont des objectifs communs. Ça nous dépasse, c'est plus grand que nous.

Justement, je disais tout à l'heure que c'est intéressant, c'est d'écouter les échanges puis de regarder les perceptions à la lumière de ce que d'autres nous ont dit avant. Donc, je vais vous interpeler avec une intervention du Commissaire à la langue française qui dit... qui dit que le français est fortement sous-représenté parmi les étudiants diplômés internationaux. «Un nombre important d'étudiants qui fréquentent ces établissements anglophones participent au recul du français, notamment à Montréal». Le commissaire continue en disant : «Nous considérons que des décrets visant à limiter le nombre de CAQ délivrés pour les études sont une bonne chose», mais il fait surtout référence à la répartition des étudiants étrangers à l'extérieur de Montréal. Quand il est venu... Là, je l'ai cité au texte, mais quand il est venu nous présenter ce qui... lors de sa réflexion, ce qu'il nous disait essentiellement, c'était que, pour une intégration réussie, pour les gens qui vont rester ici, il faut éviter d'être soit dans la région de Gatineau, soit dans la région de Montréal, parce que c'est difficile de s'intégrer quand il y a une plus faible proportion de Québécois. Quelle est votre perspective par rapport à cette intervention-là du commissaire?

M. Blanchette (Christian) : M. Rousson.

M. Roberge : Pardon?

M. Rousson (Vincent) : Oui, en fait, je trouve la question... Bien, en fait, je vais me permettre...

M. Roberge : Oui, OK, excusez. Bonjour à vous.

• (17 heures) •

M. Rousson (Vincent) : Merci. Bien, bonjour. L'Abitibi-Témiscamingue vous salue, en passant. En fait, c'est une question qui est très, très intéressante, mais on regarde peut-être le mauvais côté du prisme. Notre président du BCI nous faisait remarquer récemment que Montréal constitue la deuxième plus grande ville universitaire en Amérique du Nord, tout juste derrière Boston. Donc, on a une capacité d'attraction énorme au Québec. Le gouvernement du Québec, la société québécoise bénéficie énormément de la présence de ces étudiants étrangers là dans la métropole...


 
 

17 h (version non révisée)

M. Rousson (Vincent) : ...et bénéficie... fait bénéficier également les régions du Québec. Donc, est-ce qu'il y a trop d'étudiants étrangers à Montréal? Je ne pense pas. En fait, si on veut rester des leaders en innovation, si on veut rester des leaders au niveau international, en termes de recherche, en termes d'innovation, on se doit de tirer les meilleurs. Et parce qu'il y a une plus grande concentration d'universités à Montréal, bien, automatiquement il y a plus d'étudiants étrangers à Montréal. Donc, de limiter ça, ça viendrait accélérer, je dirais, une forme de déclin d'innovation au Québec. Ce n'est pas nécessairement ça qu'on veut. En fait, on veut augmenter notre taux d'innovation, on veut aider les entreprises à innover ici et ailleurs. Et on parlait, là, d'arrimage entre les étudiants étrangers au bénéfice des étudiants québécois, mais comme M. Blanchette le mentionnait, en fait, nos étudiants s'inscrivent... les étudiants étrangers s'inscrivent majoritairement dans les programmes de deuxième et troisième cycles qui ont un impact direct sur la R&D des entreprises du Québec, donc une baisse d'étudiants étrangers a automatiquement un effet collatéral sur tout le travail que l'on fait en partenariat, parce que ce n'est pas vrai de penser qu'à l'université on ne fait que pelleter des nuages, en fait, le transfert technologique est énorme entre nos universités et les entreprises. Donc, de venir ralentir le nombre d'étudiants étrangers au Québec vient automatiquement ralentir le développement de l'innovation des entreprises québécoises, de leur positionnement sur la scène internationale. Et on sait très bien qu'à ce moment-ci, au niveau économique, avec un voisin du Sud un peu plus complexe à gérer, bien, la qualité d'innovation et l'exportation de notre savoir ailleurs dans le monde est extrêmement importante.

Donc, Montréal constitue une plaque tournante fort importante pour le développement du Québec. Donc, de limiter le nombre d'étudiants à Montréal aurait un impact vraiment... vraiment négatif, là, je vous dirais, là.

M. Blanchette (Christian) : ...si je peux me permettre.

M. Roberge : Bien, je me permettre parce qu'il me reste quelques secondes, vous allez pouvoir poursuivre, on va vous écouter. Mais c'est vraiment très intéressant de mettre en relation ce que... a dit, parce que, si j'écoute le Commissaire à la langue française, le statu quo actuellement amène une grande anglicisation. C'est un enjeu. Si je vous écoute, bien, suivre la recommandation du Commissaire à la langue française, c'est s'attaquer à la capacité de recherche du Québec. Si j'écoute le patronat, il faudrait délaisser, je vous dirais, la... de donner la résidence permanente aux étudiants pour plutôt le donner aux gens qui sont en formation professionnelle et qui occupent, en ce moment, là, un emploi dans une manufacture. Donc, il va falloir faire des arbitrages dans tout ça...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : En terminant.

M. Roberge : ...puis trouver l'intérêt supérieur, considérant qu'on ne peut pas accepter tout ce beau monde-là. Puis je vous remercie pour votre contribution aux travaux.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, M. le ministre. On poursuit la discussion avec le député de l'opposition pour 9 min 22 s.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Alors, bon après-midi, tout le monde. Merci. Merci d'être là.

Dans le document que vous avez déposé, à la première page, vous faites état de la baisse marquée, 45,9 % des demandes d'admission en provenance de l'international. Vous anticipez une baisse sur les inscriptions de l'automne 2025. Est-ce que vous avez été en mesure de chiffrer l'impact financier de ces baisses? Combien... combien on perd d'argent avec ces mesures gouvernementales?

M. Blanchette (Christian) : Les revenus attendus des inscriptions que nous aurions eues s'il n'y avait pas eu de baisse ont été évalués autant l'année dernière que cette année à 94 millions par année. Donc, 180... 186 millions de dollars qui n'ont pas été obtenus par les universités.

M. Morin : 186 millions?

M. Blanchette (Christian) : ...de dollars. C'est des revenus que nous n'avons pas eu. Là, les universités, comme il a été indiqué, il y a une certaine hausse des inscriptions domestiques mais il y a aussi eu beaucoup de travail en rétention d'étudiants pour... qui ont fait en sorte que les baisses d'inscriptions n'ont pas été aussi... d'inscriptions totales n'ont pas été aussi importantes. Mais ce qui importe beaucoup dans la trajectoire universitaire, c'est la baisse des nouvelles inscriptions. Donc, si nous avions eu autant de nouvelles inscriptions que nous avions d'habitude, nous aurions eu dans le système universitaire québécois près de 190 millions de plus.

M. Morin : Et je comprends que ces baisses-là sont dues à cause de l'action gouvernementale. Est-ce que le gouvernement va vous rembourser?

M. Blanchette (Christian) : On pose la question comme vous.

M. Morin : Puis comment vous allez faire?

M. Blanchette (Christian) : Bien, écoutez, je pense que l'élément aussi... là, ce qu'il faut se rendre compte aussi, c'est que les bases d'inscriptions de nouveaux étudiants sont vécues...

M. Blanchette (Christian) : ...pour les baccalauréats sur cinq ans, pour les Ph. D. sur deux ans, trois ans pour les maîtrises. Donc, cet effet cumulatif va continuer dans le temps, à moins qu'on redresse la barre, qu'on travaille à redorer l'image du Québec à l'international pour s'assurer d'atteindre les quotas que nous avons et de maximiser le nombre d'étudiants internationaux qui viennent chez nous pour que leur proportion augmente et retrouve leur niveau de santé qu'elles avaient avant les mesures mises en place.

M. Morin : Dans l'échange que vous avez eu il y a quelques minutes avec M. le ministre, j'écoutais M. le ministre et, en fait, si je fais erreur dans la citation, M. le ministre pourra me corriger, mais M. le ministre disait : On ne veut pas une trajectoire descendante. Mais c'est pourtant ça qui arrive. Évidemment, on ne fait pas un doctorat en deux ans ou en un an. Ça va prendre trois, quatre, cinq, parfois six ans. Donc, c'est autant de revenus que vous n'aurez pas pendant toutes ces années-là. Est-ce que je comprends?

M. Blanchette (Christian) : Tout à fait. Non, vous ne vous trompez pas. Tout à fait. C'est l'effet cumulatif d'une baisse dans les inscriptions de nouveaux étudiants une année. Elle se répercute sur la durée du diplôme des étudiants.

M. Morin : Et je comprends que le pourcentage d'étudiants internationaux, il est particulièrement élevé dans la catégorie des études supérieures, c'est-à-dire deuxième cycle, troisième cycle. Donc, évidemment, ces gens-là devraient rester ici plus longtemps que pour un bac. Donc, l'impact va se faire sentir pendant plusieurs années.

M. Blanchette (Christian) : Tout à fait. L'impact financier va se faire sentir pendant plusieurs années. Par ailleurs, le potentiel que le Québec a de les convaincre de rester au Québec pour contribuer au développement économique du Québec. Bien, il reste pour ceux qui sont là. Et ça, c'est une décision d'immigration de voir si nos étudiants internationaux, qu'ils soient du premier cycle, deuxième ou troisième cycle, au moment de leur diplomation, est-ce qu'ils sont ceux et celles qu'on veut conserver au Québec? Est-ce que PEQ diplômé nous permettrait de faciliter leur venue au Québec au lieu de les voir aller dans une autre province ou un autre pays? Bien ça, c'est, pour moi, la vraie décision de planification de l'immigration, de déterminer comment on peut convaincre les personnes qu'on veut qu'elles restent ici, qu'elles restent.

M. Morin : Mais là, on se comprend, vous faites référence au programme PEQ, mais là, présentant le programme PEQ est suspendu.

M. Blanchette (Christian) : Oui, tout à fait.

M. Morin : Donc, à l'international, ils ne viendront pas, là.

M. Blanchette (Christian) : Bien, en fait, la proportion d'étudiants qui avaient un double projet, projet d'étude, projet combiné à un projet d'immigration, c'est eux qui sont affectés, et qui vont prendre la décision, et qui ont très certainement pris la décision d'aller ailleurs cette année dans des lieux où ils pouvaient combiner ces deux... ces deux projets. Tout changement aux mesures d'immigration que nous mettons en place, qui sont... qui se font sur des cycles d'à peu près trois ans, bien, c'est un cycle qui est beaucoup plus court que le cycle de décision d'aller étudier, le cycle d'étudier. Et donc le projet d'études, le projet d'immigration de certains de ces étudiants-là ne pourrait pas être envisagé si le Québec, constamment, change ses cibles et ses priorités d'emploi à privilégier.

M. Morin : Dans votre mémoire, à la page 3, vous faites référence à la stratégie québécoise de recherche et d'investissement en innovation. C'est censé positionner clairement le Québec comme un leader scientifique sur la recherche. Ça va générer une richesse collective. Mais il me semble que les décisions gouvernementales actuelles ne sont pas cohérentes avec cette stratégie québécoise. Comment vous expliquez ça et quel est l'impact sur la stratégie québécoise de recherche?

• (17 h 10) •

Mme D'Amours (Sophie) : Je pense que... que le recteur, le chef d'établissement, Vincent Rousseau, qui est là, Rousson, qu'il a... qu'il a quand même bien répondu à cette question précédemment en faisant le lien avec la force et la capacité de contribuer à l'innovation dans les entreprises, pas que dans les entreprises, aussi dans le service public, là, il y a beaucoup de contribution au secteur de la santé et autres. Il faut voir dans le... dans le projet des étudiants et leur capacité de contribuer, le... ça contribue à faire en sorte que le Québec a un poids dans le domaine de la...

Mme D'Amours (Sophie) : ...création de connaissance aussi mondiale qui est beaucoup plus importante que son poids démographique. On produit à peu près 0,8 % de la connaissance mondiale, mais disons qu'on fait un chiffre rond, là, 1 %, là, c'est bien au-delà de notre poids dégraphique. On doit être content de ça. Mais ces étudiants internationaux, ainsi que nos étudiants qui viennent du Québec et qui sont inscrits dans le cycle supérieur, sont la voie d'entrée de 99 % de la connaissance qui est produite à l'étranger. Il faut savoir que la connaissance qui est développée dans les universités, dans les phases de recherche, de développement ne sont pas connues de la population en général. Ça se produit avant même que ces connaissances se retrouvent dans des procédés, dans des technologies, etc. Donc, lorsqu'on réduit notre capacité de recherche, on réduit le nombre d'étudiants de doctorat et de maîtrise en recherche, on réduit cette capacité-là. Il est important d'aller et d'être en réseau avec toutes les institutions de recherche dans le monde, de toutes les langues, de tous les pays, pour être capables de ramener cette force-là, cette connaissance-là au Québec, puis d'offrir à nos concitoyens la valeur globale de cette cette grande démarche qui est le développement de la connaissance. Ensuite, tout l'effort de transfert, il se fait majoritairement par le transfert d'une personne, d'un laboratoire ou un diplômé universitaire vers une entreprise, un ministère, un service public parce que cette personne-là apporte avec elle un bagage nouveau, puis des outils nouveaux en général, puis c'est là qu'on va voir en grande partie l'effet de cette... de toute cette opération de recherche et développement.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : En terminant.

Mme D'Amours (Sophie) : C'est ce qu'on a appuyé dans la SQRI2. C'est ça le cœur de cette stratégie-là.

M. Morin : Je vous remercie.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, on termine avec le député de la deux... du deuxième groupe d'opposition pour 3 min 7 s.

M. Fontecilla : Bonjour, mesdames, messieurs. Merci d'être là. Évidemment, j'aimerais bien continuer sur la lancée de la... du transfert des connaissances, la productivité qui est un thème important quand même au Québec, beaucoup de gens le disent. Mais je vais revenir à des thèmes, disons, plus prosaïques que... toute cette politique-là, toute cette question-là se résume à la question de... mais se résume, enfin on nous le dit souvent, là, la capacité de... la capacité d'accueil. Vous l'avez sans doute...

Vous, vous prenez en quelque sorte deux... deux volets des cibles, cibles pour les universités secteur éducatif et un autre volet plus, plus, plus général. D'accord. Mais une personne qui est au Québec, qu'elle soit... peu importe qui il soit, là, il va consommer du logement, etc. on nous le dit assez souvent qu'on n'a plus la capacité d'accueil. J'aimerais vous entendre sur cette fameuse capacité d'accueil. Est-ce que vous l'avez ou pas? Est-ce que, selon les universités, on l'a au Québec, la capacité d'accueillir... en tout cas cette masse étudiante?

M. Lebel-Grenier (Sébastien) : Peut-être qu'on peut découper la question. En fait, la capacité d'accueil, vous avez parlé du logement. Les universités et les étudiants internationaux n'ont pas inventé la crise du logement. Donc, si on regarde les chiffres globaux en termes de fréquentation d'étudiants aux universités, en 2018, on avait 314 000 étudiants approximativement qui fréquentaient les universités, en 2025, 318 000. Donc, le nombre global d'étudiants qui fréquentent les universités n'a pas bougé de façon sensible. La crise du logement, et ça a été confirmé dans l'étude qui a été produite, une des études qui a été produite au soutien du travail de la commission ici, est le fruit d'un contexte multifactoriel auquel les universités ne sont pas un contributeur significatif. Les universités ont constaté les difficultés de leurs étudiants qui sont des victimes de la crise du logement et ont pris des mesures proactives pour adresser ces enjeux-là. Donc, il y a tout un ensemble de constructions de résidences sur campus, hors campus qui sont en cours, avec l'appui du gouvernement dans bien des cas, qui visent à répondre à cet enjeu-là. Donc, il n'y a pas de lien entre la crise du logement et la pression qu'exerceraient des étudiants internationaux.

Maintenant, sur les capacités d'accueil, je vous dirais que l'université, le lieu idéal pour recevoir des étudiants internationaux. Essentiellement ce que ces étudiants-là viennent faire, c'est un stage d'immersion au Québec qui va durer deux, trois, quatre, cinq, six ans. Et pendant cette période-là, ils vont pouvoir, d'une part, s'intégrer à la société québécoise, acquérir les compétences linguistiques dont ils ont besoin, être formés dans un contexte québécois, donc un contexte qui répond aux besoins du milieu du travail au Québec. Et ils vont pouvoir déterminer si, oui ou non, un...

M. Lebel-Grenier (Sébastien) : ...d'immigration est un objectif qui est valable pour eux, qui répond à leurs aspirations. Ensuite, le gouvernement a tous les pouvoirs nécessaires pour s'assurer que les candidats qui vont être sélectionnés sont ceux qui peuvent répondre aux besoins du Québec. Mais il faut comprendre que ces étudiants-là, c'est une aubaine pour notre société...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : En terminant.

M. Lebel-Grenier (Sébastien) : Voilà, donc, je peux m'arrêter ici.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Voilà. Alors, c'est ce qui met fin à cette audience. Merci beaucoup pour votre présence et l'apport à nos travaux.

Je vais suspendre quelques instants, le temps de recevoir le prochain groupe.

(Suspension de la séance à 17 h 16)

(Reprise à 17 h 17)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux.      Alors, nous recevons, cette fois-ci, l'Université Laval, représentée, à nouveau, par Sophie D'Amours, rectrice; M. André Darveau, vice-recteur exécutif et vice-recteur aux ressources humaines et aux finances; M. François Gélineau, vice-recteur aux affaires internationales et au développement durable; ainsi que M. Jean-Benoît Tremblay, registraire.

Alors, mesdames et messieurs, bienvenue à la Commission des relations des citoyens. Vous allez avoir 10 minutes pour présenter vos commentaires sur le cahier des seuils d'immigration et, par la suite, on va entamer des discussions avec les parlementaires. Alors, le temps est à vous.

Mme D'Amours (Sophie) : Alors, merci. Bonjour. Je remercie les membres de la commission pour leur accueil et votre présence aujourd'hui. Écoutez, l'Université Laval croit fermement que l'immigration par la formation et la recherche universitaire est un levier puissant pour relever les défis démographiques, économiques, sociaux et culturels du Québec. Nous souhaitons offrir une expérience universitaire riche et inclusive où les personnes étudiantes de l'international et celles du Québec peuvent mettre en commun leurs savoirs et leurs perspectives. À l'Université Laval, les personnes étudiantes de l'international représentent jusqu'à 70 % des effectifs dans certains programmes de cycle supérieur. Leur présence est essentielle au fonctionnement des laboratoires, à la production scientifique et à l'innovation. Leur contribution dépasse le cadre académique. Elle stimule l'économie par le transfert de connaissances, la création de partenariats et le développement de solutions locales à des enjeux globaux. Leur apport est indispensable dans un contexte de pénurie de main-d'œuvre dans des secteurs stratégiques identifiés par le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale, comme la santé, l'éducation, le génie et les technologies de l'information.

• (17 h 20) •

Les Chambres de commerce de Québec et du Grand Lévis rappelaient, au printemps, que les personnes étudiantes de l'international constituent un bassin précieux de ressources humaines, alors que 13 000 postes étaient vacants dans ces régions. Elles permettent au Québec de déployer pleinement son potentiel d'innovation, de diversifier ses marchés et d'accroître ses exportations de produits à valeur ajoutée. Or, les décisions gouvernementales, en matière de politique migratoire et les règles entourant l'émission et le renouvellement des certificats d'acceptation du Québec, freinent nos efforts pour contribuer à la prospérité du Québec. Elles ont créé une insécurité chez les personnes étudiantes de l'international...

Mme D'Amours (Sophie) :...l'Université Laval a enregistré une baisse de 41 % des nouvelles inscriptions internationales depuis 2023. En nombre réel, elles sont passées de 1740, en 2023, à 1024 à l'automne 2025. Vous comprendrez que cette baisse compromet notre capacité à maintenir nos standards de recherche et à répondre aux besoins du marché en matière de talents hautement qualifiés.

Les exemples sont nombreux au sein de notre institution. Je vous en partage quelques-uns. La professeure titulaire d'une chaire de recherche... a attendu un an et demi un candidat international au doctorat à la suite de trois refus de visas. La professeure... doit retarder un projet de recherche en attente d'une étudiante qui n'a toujours pas obtenu son visa. La professeure Sylvie Daniel a revu son recrutement après un an et demi d'attente infructueuse pour accueillir une étudiante internationale. Elle a perdu deux ans dans le démarrage de son projet et limite maintenant ses recrutements aux personnes présentes au Canada, ce qui réduit le bassin de candidatures dans son domaine.

Les dommages réputationnels causés aux universités se font pleinement sentir. En un an, notre université constate une baisse de 60 % des demandes d'admission de l'international. Ce déclin affecte à la fois notre mission et notre rayonnement dans la francophonie. La perte d'attractivité du Québec comme destination d'études universitaires, à notre sens, représente une menace pour la compétitivité de nos établissements et pour l'économie québécoise plus largement. L'Université Laval était en voie d'atteindre la cible de 15 % d'étudiants de l'international. Les politiques actuelles nous ont tirés vers le bas et nous rapprochent maintenant d'une cible de 10 %. Vous avez entendu plusieurs personnes parler, pour une université de notre taille, c'est bien peu.        Nous perdons aussi du terrain face aux autres provinces en matière d'attractivité post-diplôme. Certaines juridictions facilitent l'accès au permis de travail et à la résidence permanente, alors que le Québec impose des démarches supplémentaires comme la certification de sélection du Québec, qui, pour nos diplômés, sont souvent perçues comme un obstacle. Autre exemple, le programme de sélection des travailleurs qualifiés comme solution de rechange temporaire à la suspension du Programme de l'expérience québécoise cause de l'incertitude. Nos diplômés nous disent que l'absence de prévisibilité dans les critères d'invitation empêche... les empêche de pouvoir être sélectionnés, qu'une fois qu'elles auront... Excusez, je suis mêlée dans ce que je dis. Je reprends. L'absence de prévisibilité dans les critères d'invitation empêche de garantir aux personnes sélectionnées qu'elles seront acceptées au terme du processus. Il devient difficile de planifier un projet d'étude et d'immigration dans ce contexte. Ça, on en a parlé précédemment.

Pour ces raisons, nous faisons les recommandations suivantes : d'exclure les étudiants et étudiantes des programmes de recherche aux deuxième et troisième cycles de toute forme de quota, d'adapter les seuils d'immigration permanente aux besoins du marché du travail, de relancer le Programme de l'expérience québécoise volet diplômés, de soutenir la francisation par l'enseignement supérieur et de continuer à favoriser une régionalisation équitable de l'immigration.

Si le gouvernement choisit de maintenir ses quotas, il doit mieux outiller les universités pour assurer un suivi individuel adéquat. L'université n'est pas une agence de contrôle migratoire. On a peu d'outils pour suivre nos étudiants qui sont hors université. Il est donc essentiel de clarifier les rôles. Les universités doivent être reconnues comme des partenaires de confiance et de développement. Le gouvernement devrait instaurer des mécanismes interinstitutionnels pour suivre les parcours post-diplômes sans alourdir les responsabilités des établissements.

Pour rétablir la confiance et la notoriété, il faut adopter une approche cohérente et prévisible, des politiques migratoires...

Mme D'Amours (Sophie) : stable, des communications claires et un engagement renouvelé envers l'internationalisation de l'enseignement supérieur. Il faut également mettre en valeur la contribution des étudiants de l'international dans les discours publics et les stratégies de développement. Pour accroître la réactivité des établissements québécois, le gouvernement devrait tenir compte des politiques en vigueur dans le reste du Canada qui font compétition aux universités québécoises, telles que le projet pilote pour les étudiants dans les communautés francophones en situation minoritaire, qui offre une voie directe, d'accès direct à la résidence permanente immédiatement après la diplomatie.

Le recrutement international est devenu un défi majeur. Quotas, délais administratifs et affaiblissement de l'image du Québec compliquent nos efforts. La réduction aussi des moyens de la représentation du Québec à l'étranger limite notre capacité à rayonner. Les missions de terrain, les partenariats locaux et les campagnes ciblées sont essentielles. Mais sans appui institutionnel, ces initiatives restent fragmentées. Nous suggérons de bonifier les ressources des représentations du Québec à l'étranger ainsi que celle des universités pour soutenir le recrutement des meilleurs candidats de l'international. En ce sens, je vous assure que l'Université Laval multiplie ses efforts pour attirer les meilleurs talents dans ses programmes. Merci.

La Présidente (Mme Lecours Les Plaines) : Merci beaucoup pour cette présentation. On entame donc avec la partie gouvernementale. M. le ministre, vous bénéficiez de 12 min 30 s.

M. Roberge : Merci. Merci pour votre présentation. Vous avez parlé de la baisse cette année, là, d'étudiants, de nouveaux étudiants étrangers. Quand même, je relativise avec le fait que vous avez, je pense, vous aussi, comme tantôt, je parle d'inter... l'échange précédent, on parlait de l'ensemble du réseau. Et je pense que l'Université Laval, vous avez au total plus d'étudiants cette année que l'an passé.

M. Darveau (André) : Légèrement plus. Effectivement, on a une légère hausse pour... Donc, la baisse d'étudiants internationaux a été compensée par les étudiants qui proviennent des cégeps, là. On a une augmentation de l'ordre de 5 %. Mais malgré tout, comme l'effet composé des étudiants de l'international va se faire sentir au cours des prochaines années, l'année prochaine, on prévoit une baisse globale. Donc, c'est... La démographie, autrement dit, des étudiants qui proviennent des cégeps ne suffira pas à compenser le départ des étudiants à l'international.

M. Roberge : OK. Et au troisième cycle... Bien, en fait, je vais reformuler ma question autrement. Vous avez mentionné que le BCO, avant... le BCI avant vous, ici, a mentionné que la présence d'étudiants internationaux se fait sentir et est appréciée de manière significative, peut-être encore plus significative au deuxième et troisième cycle. Pouvez-vous me dire, parmi tous vos étudiants internationaux, quelles proportions sont au premier cycle, au deuxième cycle, au troisième cycle pour l'Université Laval?

Mme D'Amours (Sophie) : Je vais demander à Jean-Benoît de vous répondre.

M. Tremblay (Jean-Benoît) : Oui. Bonjour. Comme registraire, on est un peu, disons, sur la ligne de front de tous ces processus d'admission. Effectivement, nos étudiants internationaux, présentement, il faudrait que j'aille chercher les chiffres exacts pour les avoir devant les yeux, mais si on regarde... Si vous me laissez un petit instant, là, au premier cycle...

Mme D'Amours (Sophie) : On a ça dans le...

M. Tremblay (Jean-Benoît) : Oui. Bien, allez-y. Au complet, oui.

Mme D'Amours (Sophie) : ...je vais y aller. En nombre de personnes, 2025‑2026, ça représentait 5,1 % au baccalauréat, à la maîtrise, 14,6 % et au doctorat, 50,6 %.

M. Tremblay (Jean-Benoît) : Et si je peux ajouter un complément d'information, je pense que la question était pour la répartition des étudiants internationaux entre les trois cycles. Si on regarde au premier cycle, on a 1 747 étudiants internationaux, au deuxième cycle, 1 534, et au troisième cycle, 1 534 également. Donc, c'est vraiment réparti de façon presque équitable entre les trois cycles.

• (17 h 30) •

M. Roberge : Intéressant. Merci pour ces chiffres-là, de les avoir autant en pourcentages qu'on avait obtenus. Donc, je fais des chiffres ronds, mais il y a à peu près le même nombre d'étudiants internationaux au bac, en maîtrise, au doctorat. Par contre, considérant le... en nombre absolu, le nombre d'étudiants dans chacun de ces niveaux-là, la proportion d'étudiants internationaux augmente en fonction de maîtrise et doctorat. Donc...


 
 

17 h 30 (version non révisée)

M. Roberge : ...50,6 % de vos étudiants au doc sont des étudiants étrangers. C'est ce que je comprends.

Mme D'Amours (Sophie) : En moyenne, parce qu'on a des secteurs pour lesquels ils sont beaucoup plus présents, notamment tout ce qui concerne le génie, génie des... la métallurgie, les matériaux, les... tout ce secteur-là, la médecine aussi.

M. Gélineau (François) :En neurosciences. En neurosciences, par exemple, dans un programme de doctorat qui est assez grand, avec 85 étudiants, 84 % sont internationaux. En médecine moléculaire, sur 96 étudiants, 74 sont internationaux. Donc, ce sont des domaines de pointe où on retrouve une très grande majorité d'étudiants internationaux.

M. Roberge : Une très grande majorité. Très bien, merci. Est-ce que vous savez dans quelle proportion ces gens, finalement, décident de rester au Québec et deviennent des résidents permanents?

M. Tremblay (Jean-Benoît) : Non, on ne peut pas avoir ces informations-là. Nous, on suit les étudiants tout au long de leur parcours à l'université. Une fois qu'on leur remet un diplôme, ils nous échappent un peu. Ce serait davantage du côté, soit du MIFI ou d'IRCC que les recoupements entre l'émission des permis d'études puis les démarches d'immigration pourraient se faire. Ce qu'on réussit à obtenir de notre côté, parfois, ce sont des statistiques à l'aide de sondages, mais ça reste très, très, très peu fiable pour donner des chiffres exacts. Et dans tous les cas, ce sont des données qui ne sont pas nominatives, donc on ne sait pas qui reste effectivement sur le territoire après la fin de leurs études.

M. Gélineau (François) :Ce que l'on sait par ailleurs, ce que l'on sait par ailleurs lorsqu'on rencontre les candidats à l'étranger, le fait d'avoir l'option de pouvoir immigrer suite à leur programme est un facteur d'attraction important. Là, je vous le dis de façon anecdotique, mais on l'entend beaucoup dans les foires de recrutement. Et un étudiant qui va avoir à choisir entre une université dans un pays où il peut transformer son plan d'études en plan d'immigration va favoriser ce choix-là plutôt qu'un choix où il y a une incertitude par rapport aux pas de diplôme.

M. Roberge : Et dans le reste du Canada, bon, là, il y a eu des baisses importantes imposées par le gouvernement fédéral pour les étudiants étrangers, mais, quand même, somme toute, toute proportion gardée, il y a davantage d'étudiants étrangers que dans les universités québécoises. Je me trompe?

Mme D'Amours (Sophie) : Je pense que vous avez raison, oui.

M. Roberge : OK.

Mme D'Amours (Sophie) : Bien, en tout cas, certainement, les universités de notre taille, clairement.

M. Roberge : Ont davantage d'étudiants étrangers. Et d'après vous, ça... peut-être, ça les favorise pour ce qui est de l'enseignement supérieur, doctorat, maîtrise, peut-être, pour obtenir des fameuses bourses du gouvernement canadien.

Mme D'Amours (Sophie) : Bien, je pense que je... c'est... En fait, il faut s'intéresser au processus de recrutement et aux défis que l'on a dans ce recrutement-là. Si ma mémoire est bonne, en 2016-2017, on a décidé de se... de développer une stratégie d'internationalisation à l'Université Laval. On avait à peu près 8 % d'étudiants internationaux. On a réussi à se rendre à 11,7 % en 2024, donc à peu près huit années de travail sur le terrain, avec des collègues de différentes universités, des partenariats, de la visibilité, du travail avec les délégations pour faire valoir l'Université Laval comme lieu d'étude pour poursuivre leurs études universitaires. Ce n'est pas un travail qui se fait rapidement. Ce n'est pas parce qu'on annonce des ouvertures, des bourses qu'on aura des candidats de qualité qu'on voudra garder. On a déjà reçu 60 000 applications à l'Université Laval puis on n'a pas... on ne retient pas tout le monde, là, on retient une faible proportion de ces candidats et candidates parce qu'elles répondent aux exigences des programmes ou elles répondent aux exigences de la recherche.

Donc, c'est un processus qui prend du temps, en tout cas pour nous. En tout cas, peut-être qu'on est moins bon que les autres, là, je ne sais pas, mais avec tout le travail qu'on a mis, la qualité et les efforts qu'on a mis puis avec aussi une région qui est très attractive, on a travaillé fort pendant huit ans pour se rendre là. Puis là on a descendu. En deux ans, on est... on va être...

Mme D'Amours (Sophie) : ...on est à 10 %. Puis, si toutes choses demeurent égales, là, à ce qu'on vient de vivre, bien, dans deux autres années, on va être en dessous. On va rattraper le point de départ. Alors, c'est sûr qu'on veut travailler avec vous. C'est sûr qu'on veut travailler avec le gouvernement. On veut trouver des façons de rencontrer des objectifs qui vont nous permettre... Nous, comme universités, grandes universités de recherche francophone, 90 % de nos étudiants internationaux parlent français. Et dans une région qui a tellement de besoins, qui demande ces étudiants-là... Donc, on veut les trouver, les façons. Mais ce qu'on vous dit, c'est que c'est... ça prendre du temps développer des bassins de qualité de recrutement étudiants. C'est un long processus.

M. Roberge : Est-ce que ça passe aussi par des échanges, des ententes de partenariat entre professeurs, ou est-ce que c'est simplement du recrutement d'étudiants, ou il y a aussi du partenariat entre universités puisque ce sont parfois des... pas des enseignants, mais des professeurs des cycles supérieurs qui voient des gens qui ont du talent, qui vont ensuite aller maîtrise, doc?

M. Gélineau (François) :Vous avez 100 % raison. C'est une question de réseau. Mais pour pouvoir attirer des champions au niveau des professeurs, mais on a besoin d'un bassin d'étudiants internationaux. On vous l'a dit, là. En matière de recherche, dans nos programmes de recherche, ce sont principalement des étudiants internationaux. Donc, il y a un cercle vertueux à installer.

Mais je vous dirais aussi, si je peux me permettre, le rôle du gouvernement est très important aussi. Votre gouvernement en 2022 a fait des annonces pour attirer les étudiants internationaux à travers un programme du ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale. Le ministre Boulet avait annoncé des bourses pour les étudiants internationaux. L'effet d'annonce a été très positif sur l'attractivité des universités, on a été littéralement inondé en demandes d'admission cette année-là. Donc, les... c'est-à-dire les messages positifs donnent des résultats extraordinaires, mais il faut être sensible aux messages qui sont... l'ambiguïté, comme on disait un petit peu tôt, puis les messages un peu plus négatifs résonnent très rapidement auprès de la clientèle étudiante. Ce qu'on souhaite, c'est avoir... c'est rétablir l'attractivité, puis on veut travailler avec vous pour le faire.

M. Roberge : Excellent! Maintenant, quand on regarde les profils des étudiants, est-ce qu'ils sont répartis dans toutes vos facultés, dans tous vos domaines, les étudiants étrangers, ou est-ce qu'ils sont surtout dans les fameuses STIM, là, excusez-moi le terme, ou alors plus en éducation...

Une voix : ...

M. Roberge : Oui, les STIM. C'est bien ça. C'est bon. Je ne voulais pas sortir le mauvais terme... Plus en éducation, plus en administration? Je pense,  l'UQTR, ils sont beaucoup en administration. Pour vous, le profil des étudiants va dans quels secteurs?

M. Tremblay (Jean-Benoît) : Il y a des étudiants étrangers dans tous les secteurs. On parlait il y a quelques instants des effets d'annonces qu'il y a eu à la suite des annonces du ministre Boulet en 2023 qui visaient certains domaines quand même spécialisés, notamment en sciences et génie, en informatique, dans le domaine des services sociaux, soins infirmiers, les sciences de la santé. Ces domaines-là seront ceux qui ont connu une explosion au chapitre des demandes d'admission, sauf que les étudiants internationaux étant aussi informés qu'ils le peuvent, il y a eu des effets collatéraux dans tous les programmes. Et on a vu des augmentations dans les programmes d'administration et d'autres programmes aussi qui n'étaient pas directement visés par ces annonces-là.

Donc, aujourd'hui, les internationaux se retrouvent un peu partout. Comme on l'a dit, si on veut vraiment chercher où ils se concentrent, mais c'est dans les cycles supérieurs avec recherche où il faut regarder. Et dans les cycles supérieurs avec recherche, mais on en a nommé quelques-uns tout à l'heure, des programmes où ils représentent... on a parlé de 70 % dans le texte, mais on peut voir a près de 90 % dans certains programmes.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : En terminant.

M. Roberge : Mais je vous remercie beaucoup pour votre présentation.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. On poursuit la discussion avec le député de l'opposition pour 9 min 22 s.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Alors, si vous permettez, on va... Merci d'être là. On va continuer un peu... un peu dans la même veine. Vous avez dit, si je vous ai bien compris, au troisième cycle, donc au doctorat, vous avez 1 534 étudiants en provenance de l'étranger. Exact. Vous avez combien d'étudiants à l'Université Laval?

Mme D'Amours (Sophie) : Bien, cet automne... Vas-y.

M. Tremblay (Jean-Benoît) : Entre 47 000 et 48 000, là. Je n'ai pas le chiffre exact, là, mais près de 48 000 étudiants.

• (17 h 40) •

M. Morin : OK. Donc, c'est 1 534 sur 48 000. OK. Vous nous avez parlé aussi de votre attractivité. Vous avez mentionné la neuroscience, la médecine moléculaire. J'aimerais que...

M. Morin : ...vous en parliez un peu, est-ce que ce sont des secteurs de pointe qui vous permettent de rayonner partout dans le monde?

Mme D'Amours (Sophie) : Je vais laisser André répondre, oui.

M. Darveau (André) : Oui, clairement, ce sont des domaines de pointe. En neurosciences, on a une force, et il faut comprendre que c'est tout un écosystème dans des domaines spécifiques, là. Donc, pour attirer des professeurs de haute qualité, on a besoin d'équipement, on a besoin d'un environnement adéquat, mais on a aussi besoin de personnel hautement qualifié, qui sont des bons étudiants, en d'autres mots, là. Donc, quand ça se met à débalancer, bien là, c'est une perte globale qui arrive.

Donc, pour un domaine comme neurosciences, là, l'apport des étudiants internationaux de qualité est très important, puis on a toute une série de mesures, on a des écoles d'été pour attirer des étudiants de l' qui vont, qui vont s'inscrire, après ça, dans nos programmes. Donc, clairement, c'est vraiment une force. Puis vous avez parlé de médecine moléculaire, également. Donc, en médecine moléculaire, on a 96 étudiants, au total, 71 proviennent de l'international. Et c'est sûr que ce sont des écosystèmes qu'il faut préserver.

Mme D'Amours (Sophie) : ...il faut être clair, là : Les secteurs où on a beaucoup d'étudiants internationaux, c'est des secteurs très attractifs, où on a des chercheurs de très haut niveau, là, qui rayonnent de partout dans le monde. Là, on n'en est pas dans... on n'est pas dans des voies faciles d'accès au doctorat, là, c'est très difficile pour ces personnes-là d'être choisies, et sélectionnées, et intégrées aux équipes qu'André a nommées, là. On parle du centre CERVO, ici, à Québec, là, qui a une réputation internationale, qui fait de la recherche sur la douleur, les liens avec le cerveau, le fonctionnement du cerveau, les technologies pour lire le cerveau, etc. Donc, c'est une grande force. Donc, je pense que c'est dans tous ces secteurs-là.

Puis on a beaucoup parlé... un peu, je dirais, en utilisant les chiffres puis en essayant de comprendre, est-ce que c'est mauvais d'avoir plus d'étudiants internationaux, ou plus de Québécois, ou pas assez de Québécois. Dans la recherche, dans les domaines de pointe, dans les grandes équipes, il y a beaucoup de Québécois qui vont choisir d'aller faire leur doctorat à l'étranger. On en a qui vont rester ici parce qu'ils vont vouloir rester ici, parce qu'il y a des bonnes équipes ici, clairement, mais il y en a qui vont vouloir aller ailleurs puis qui vont souhaiter vouloir revenir par après. Ils ne reviendront peut-être pas tout de suite, peut-être quelques années plus tard, mais il y a... ce n'est pas anormal, une mobilité internationale.

Puis la raison pour laquelle on demande que les deuxième et troisième cycles soient exclus des quotas, c'est parce que vous les voyez, les chiffres, ce ne sont pas des gros chiffres, ce n'est pas... ce n'est pas un dérèglement, une explosion, au niveau des chiffres de la maîtrise et du doctorat à la recherche, puis c'est des recrutements qu'on doit pouvoir... faire en tout temps, dans l'année, en tout temps, donc, avec beaucoup de flexibilité.

M. Morin : Et quand on revient à la médecine moléculaire, qui , en fait, un domaine de recherche excessivement précis, je comprends que ces étudiants-là, ces chercheurs que vous êtes capables d'inviter de l'étranger, ça va éventuellement servir à l'ensemble des gens sur le territoire québécois. C'est vous qui allez bénéficier de la recherche et des retombées, non?

M. Darveau (André) : En fait, c'est l'ensemble du Québec, hein? Je parle... on parle ici de chercheurs de pointe comme Jacques Simard, qui est impliqué au niveau de la recherche sur le cancer du sein, qui a découvert... qui a identifié des gènes très spécifiques. Donc, c'est vraiment... ça passe vraiment par la médecine moléculaire, et ça, ça se fait avec l'aide des étudiants de son laboratoire. Il y a également des transferts qui se font dans des entreprises. Michel Bergeron, qui est également en partie en médecine moléculaire, a établi des partenariats avec des entreprises comme BD, qui sont établis à Québec, et il y a beaucoup de ses étudiants du laboratoire qui ont transféré par la suite en entreprise. Donc, tout ça, comme je le mentionnais, c'est un écosystème qui se tient, donc c'est quand même très important, là.

M. Morin : Et je comprends que, dans ces laboratoires-là, il y a la présence d'étudiants venant de l'étranger.

M. Darveau (André) : Tout à fait. Tout à fait.

M. Morin : Et c'est pour ça que je voulais bien comprendre le nombre, là, 1 534. Là, on ne parle pas de 300 000, on ne parle pas de 200 000, et ça vous permet de faire fonctionner ces secteurs-là, de haut niveau. Si...

M. Morin : ...vous n'êtes plus capables de les attirer, aussi à cause de politiques gouvernementales, ça continue à diminuer. Est-ce que ça pourrait mettre en péril l'existence même de ces centres de recherche?

Mme D'Amours (Sophie) : Mais ça vient affecter les carrières. Les trois personnes... les trois exemples que je vous ai présentés, tous ces professeurs qui ont eu des délais de deux ans pour le démarrage de leurs projets de recherche n'auront pas publié les résultats de la recherche dans les temps prévus. Puis, vous savez, en recherche, la reconnaissance, l'avancement en recherche, les subventions qu'on obtient, ce n'est pas automatique. Ce n'est pas parce qu'on est professeur d'université qu'on a une subvention, c'est parce que nos projets de recherche sont exécutés dans les temps, avec les bonnes personnes, le bon talent, etc. Donc ces personnes-là, ces professeurs-là auront un décalage par rapport à l'avancement de leurs projets de recherche, leurs publications et tout ce qui vient avec. Donc c'est important.

Puis, en lien avec les professeurs, une des questions que je dois répondre le plus souvent, puis je pense que ce n'est pas quelque chose de difficile à régler, mais c'est que je dois répondre... la question à laquelle je dois répondre le plus souvent, c'est : Si je viens enseigner, je prends un poste à Laval, est-ce que je vais pouvoir recruter les étudiants dans mon laboratoire au cycle supérieur? Et là on leur dit oui, mais leurs collègues leur disent non, pour toutes sortes de raisons différentes, parce qu'ils ont vécu ce que je vous raconte là. Donc, moi, je réitère l'importance de sortir des quotas, les étudiants de maîtrise et doctorat à la recherche.

M. Morin : Donc, parce qu'on est justement en train de travailler sur cette planification de l'immigration, votre souhait... en tout cas, sûrement... peut- être pas le plus important, mais très important, c'est exactement ce que vous venez de dire, c'est-à-dire, s'il vous plaît, sortez-moi ça des quotas pour que vous puissiez continuer à faire bénéficier l'ensemble du Québec de vos retombées en recherche fondamentale. Je vous ai bien compris?

Mme D'Amours (Sophie) : Oui.

M. Morin : Parfait. Je vous remercie. Je n'ai pas d'autre question, Mme la Présidente. 

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, on va terminer avec le député du deuxième groupe d'opposition pour 3 min 7 s.

M. Fontecilla : Merci. Bonjour, madame, messieurs. Merci beaucoup d'être là. Écoutez, je vais aller avec deux questions. La première, vous ne l'avez pas nommée, mais ça m'intrigue. Est-ce que, dans l'attractivité et la rétention des talents des chercheurs, etc., la question de la réunification familiale, ça joue, ça a un rôle, oui ou non?

Mme D'Amours (Sophie) : Bien, je n'ai pas la réponse spécifique à cette question-là. Mais ce que je peux vous dire, lorsqu'on est... Quand les étudiants sont plus âgés, ils ont souvent un conjoint ou une conjointe, des fois, elle est locale, ils vont rencontrer un Québécois, une Québécoise. D'autres... Dans d'autres cas, elle sera aussi une personne internationale. Quand on fait le recrutement des professeurs, c'est un défi important, parce que les deux personnes doivent rencontrer, évidemment, les conditions du Québec. Et ce qu'on a déployé comme... Et ça vient avec beaucoup, beaucoup d'anxiété, parce que, quand on recrute un professeur, on s'attend à pouvoir faire carrière à l'université où on est recruté. Mais là le recrutement de professeurs vient avec, quand même, des exigences temporaires avant de pouvoir accéder à la résidence permanente. Ça crée de l'anxiété, et les conjoints, souvent, pas tout le temps... pas tout le temps, mais c'est souvent la question du conjoint qui va faire que les personnes vont quitter trop tôt les institutions.

Et, pour éviter ça, nous... on offre les cours de français aux deux personnes en privé. On prend les conjoints et l'employé, le professeur qu'on a recruté, et on leur offre des cours privés de français à tous les deux pour éviter de se retrouver dans une situation où cette condition serait la condition qui ferait que la personne n'aurait pas accès à la résidence et ne pourrait pas rester avec son conjoint.

• (17 h 50) •

M. Fontecilla : Je change de thématique. La deuxième question, vous en faites mention, c'est la question du recrutement des professeurs...

M. Fontecilla : ...des recherches de l'international. En particulier, vous mentionnez les États-Unis. On connaît le contexte de ce qu'il se passe là-bas. Ma question est : Est-ce que vous pensez que le contexte actuel de nos politiques, nos débats favorise de profiter de la manne, on... je vais l'appeler comme ça, des profs disponibles aux États-Unis?

M. Gélineau (François) :On aimerait vous dire que oui, mais tout ce qu'on vous décrit comme comme perte d'attractivité, ça s'applique à l'ensemble du système. Donc, comme le disait la rectrice, si un professeur va s'établir à Québec et que ses collègues lui disent : C'est difficile de recruter des étudiants internationaux. Bien, cette personne-là va peut-être se tourner vers une autre option dans un contexte où il y a moins de contraintes alors. Donc...

M. Fontecilla : Donc, un professeur des États-Unis qui voudrait partir au Canada et il a le choix, disons qu'il va aller ailleurs qu'au Québec, là, si je comprends bien.

M. Gélineau (François) :Bien, je ne peux pas... C'est difficile, répondre précisément à cette question-là.

Mme D'Amours (Sophie) : Mais la question qu'il va nous poser, parce qu'on vit cette situation-là actuellement : Est-ce que les étudiants que j'ai dans mon laboratoire vont pouvoir venir étudier et venir être recrutés au Québec? Est-ce qu'on va pouvoir les accueillir au Québec? Alors, il y a des... il y a des géographies pour lesquelles c'est plus facile que d'autres, les États-Unis, possiblement, en est une, mais tout ça est à voir, et puis en même temps, les gens... Le monde de la recherche, et c'est intéressant parce qu'on parle des Américains, mais quand on recrute aux États-Unis, plus souvent qu'autrement on ne recrute pas un Américain. Vous comprenez? C'est ça, la réalité de la... de la recherche et du monde de la recherche.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : C'est ce qui termine cette ronde de discussions. Madame, Messieurs, merci beaucoup d'être venus nous rencontrer à la Commission des relations avec les citoyens. Je suspends quelques instants, le temps de recevoir le prochain groupe.

(Suspension de la séance à 17 h 52)

(Reprise à 17 h 55)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Donc, pour les prochains intervenants, nous avons l'École de technologie supérieure, qui est représentée par Mme Kathy Baig, directrice générale et cheffe de la direction, ainsi que par Mme Annie Bouthillette, directrice exécutive des relations institutionnelles, mais nous avons également en collaboration la Polytechnique Montréal, représentée par Mme Maud Cohen, directrice générale, ainsi que par M. Fred-William Mireault, conseiller en relations intergouvernementales. Alors, M., Mesdames, vous avez une dizaine de minutes pour présenter l'essentiel ensemble, là, l'essentiel de vos commentaires sur le cahier, et, par la suite, nous allons discuter avec les parlementaires. Alors, le temps débute pour vous.

Mme Baig (Kathy) : Merci beaucoup. Donc, bonjour, mesdames, messieurs les membres de la commission. M. le ministre, bonjour et merci de nous recevoir aujourd'hui. Je suis Kathy Baig, directrice générale et cheffe de la direction de l'ETS, École de technologie supérieure. Nous faisons partie du réseau de l'Université du Québec et avons une mission claire : former des ingénieurs pour répondre aux grands défis économiques et technologiques. Avec Polytechnique, nous formons la moitié des ingénieurs du Québec.

L'ETS, c'est quoi? C'est plus de 11 000 étudiants et étudiantes. Nous avons un modèle basé sur la pratique avec des stages. Qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire qu'on a un écosystème de plus de 5000 entreprises et une recherche qui se fait à 70 %, 70 %, en collaboration avec l'industrie québécoise, ce qui permet ainsi de promouvoir l'innovation, la productivité et aussi le français comme langue de travail.

Mme Cohen (Maud) : À mon tour de me présenter. Maud Cohen, directrice générale de Polytechnique Montréal, et accompagnée par Fred-William Mireault, conseiller aux relations gouvernementales.

Polytechnique est fondée en 1873 et est l'un des plus importants établissements d'enseignement et de recherche en génie au Canada. Polytechnique accueille chaque année plus de 10 500 étudiants et se distingue par ses pôles d'excellence aux cycles supérieurs de calibre international qui témoignent de la vitalité de ses départements en génie.

Depuis plus d'une décennie, entre 25 et 29 % de nos étudiants proviennent de l'international, une proportion qui est restée relativement stable. Cependant, de nombreux changements dans les politiques d'immigration des gouvernements du Québec et du Canada ont résulté en une baisse de 15,5 % des effectifs totaux des étudiants internationaux à Polytechnique Montréal dans la dernière année. Plusieurs talents se tournent maintenant vers d'autres provinces ou pays, et le bassin de recrutement local ne suffit pas à combler cette diminution, particulièrement aux cycles supérieurs. Nos deux établissements sont aujourd'hui ensemble afin de sensibiliser les parlementaires à la réalité propre au génie et l'impact des orientations gouvernementales sur la capacité d'innovation et l'amélioration de la productivité du Québec. Nous allons donc échanger sur l'importance de retenir les talents formés ici, de protéger les cycles supérieurs et du besoin de prévisibilité pour nos établissements.

Mme Baig (Kathy) : Nos établissements, ils le démontrent, une immigration étudiante qualifiée francophone est un levier direct de productivité, d'innovation et de vitalité linguistique. À l'ETS, 37 % de notre communauté étudiante est internationale, et aux cycles supérieurs, ce chiffre monte à 70 %. La grande majorité vient de pays francophones, l'environnement d'étude étant en français. Dans le réseau de l'Université du Québec dans lequel on appartient, ce sont 96 % des étudiantes et étudiants internationaux qui utilisent le français comme langue d'usage. Il est donc important de savoir que nos programmes aussi intègrent trois stages en entreprise, à l'ETS, obligatoires au... excusez-moi, au baccalauréat, ce qui accélère l'insertion professionnelle. Le résultat, c'est quoi? C'est, en 2024, la majorité de nos diplômés internationaux de premier cycle sont restés au Québec dans des secteurs technologiques prioritaires.

• (18 heures) •

Former en français, insérer tôt en entreprise, c'est bien, mais la vraie clé, c'est de leur donner envie et la possibilité de bâtir leur avenir ici. C'est quoi... C'est pourquoi nous recommandons de prioriser la rétention des talents formés ici. Ça passe d'abord par un parcours clair, continu et prévisible vers la résidence permanente. Le programme de...


 
 

18 h (version non révisée)

Mme Baig (Kathy) : ...sélection des travailleurs qualifiés, le PTSQ devrait aider en priorité les titulaires d'un diplôme québécois de premier, deuxième ou troisième cycle à déposer une demande de certificat de sélection. Ce geste simple aligne la décision avec l'investissement déjà consenti par le Québec et par les personnes étudiantes. Ensuite, bien, il faut aussi reconnaître pleinement l'expérience acquise pendant les études. À l'ETS, comme je le disais il y a quelques secondes, chaque personne étudiante au baccalauréat effectue trois stages. Ça représente, en tout, près d'une année d'expérience professionnelle. Pourtant, le PTSQ ne reconnaît aujourd'hui qu'un maximum de trois mois. Nous proposons donc de considérer l'intégralité des stages obligatoires comme expérience admissible. Cette cohérence... Cette reconnaissance, cohérente avec la réalité du génie renforcerait l'employabilité immédiate et la rétention à long terme.

Enfin, la francisation doit être soutenue là où elle se joue, c'est-à-dire sur les campus et dans les laboratoires. L'implantation de cellules de francisation au sein des établissements, particulièrement à vocation technologique et industrielle, offrirait une francisation professionnelle et académique adaptée, avec des ressources dédiées. La maîtrise du français dans le contexte du travail est un facteur d'intégration durable, on le sait. Il faut l'organiser au plus près des besoins. Cette intégration réussie est tout autant nécessaire dans nos laboratoires et dans nos projets de recherche parce que c'est aussi là que la contribution des étudiants et étudiantes internationaux est essentielle.

Mme Cohen (Maud) : Oui, on le sait, les étudiants et les étudiantes, chercheurs internationaux sont essentiels à la force d'innovation et de productivité de nos partenaires industriels avec qui nous avons à Polytechnique plus de 400 contrats de recherche. À l'automne 2025, les étudiants internationaux à Polytechnique représentaient 53 % des inscriptions à la maîtrise recherche et 70 % au doctorat. Toutefois, pour les cycles supérieurs, nous constatons depuis deux ans une baisse importante du nombre total d'étudiants internationaux, soit de 18,1 %. Au doctorat, plus spécifiquement, on note une chute de 30 % dans les nouvelles admissions d'étudiants internationaux sur la même période de deux ans. Les gouvernements du Québec et du Canada ont investi massivement dans des secteurs stratégiques comme la défense, l'intelligence artificielle, l'aérospatiale, les infrastructures, notamment de transport et j'en passe. Les écoles de génie doivent donc bénéficier d'une marge de manœuvre pour aider nos entreprises à répondre à leurs besoins de main-d'œuvre et pour protéger notre souveraineté scientifique au Québec.

Nous proposons donc d'exclure les cycles supérieurs du plafonnement des admissions de Certification d'acceptation du Québec afin de préserver notre capacité d'innovation et de répondre aux priorités économiques du gouvernement. Cela va de pair avec l'importance de faciliter l'attraction et la rétention des professeurs issus de l'international qui maintiennent l'excellence de l'enseignement supérieur et soutiennent la compétitivité du Québec.

Mme Baig (Kathy) : Oui. Pour que notre capacité porte ses fruits, il faut que le cadre reste prévisible et stable. Je ne vous apprendrai rien si je vous dis que les décisions soudaines comme réduction des admissions, changement de critères, suspension du bac, fragilisent l'attractivité du Québec. Elles compliquent le recrutement international en créant de l'incertitude pour des étudiants et étudiantes qui planifient un projet d'études de vie en français. Nous proposons donc une gestion différenciée et prévisible des admissions internationales pour les établissements à mission technologique ou économique d'intérêt public. Nous demandons aussi d'exclure du plafonnement les renouvellements de CAQ pour les personnes qui poursuivent leur programme à temps plein dans le même établissement. La stabilité du parcours académique est un indicateur fort de l'intention réelle d'étudier et potentiellement de s'établir. Et ça, il faut le reconnaître. Former, attirer et retenir, c'est la force du réseau universitaire québécois et c'est aussi ce qui doit guider les choix du Québec pour les prochaines années.

Mme Cohen (Maud) : Nos propositions s'inscrivent directement dans les priorités gouvernementales afin d'accroître la résilience du Québec dans des secteurs stratégiques, tant le besoin... les besoins en formation de génie sont importants. Selon l'Ordre des ingénieurs du Québec, près de 52 000 postes seront à pourvoir d'ici 2033. Nos étudiants ne sont pas isolés du marché du travail. Ils y sont déjà intégrés par des stages obligatoires, par la recherche appliquée menée en...

Mme Cohen (Maud) : ...en collaboration avec plusieurs entreprises québécoises. Les écoles de génie sont bien positionnées au Québec pour aider à répondre aux défis économiques de demain, car elles sont des partenaires et elles ont l'expertise et les résultats pour y parvenir. Le gouvernement doit donc assurer des règles stables, des seuils prévisibles et un parcours vers la résidence permanente qui valorisent la rétention de ces talents ici. Nous invitons donc le gouvernement à adopter une politique d'immigration responsable, stable et alignée sur les besoins futurs du Québec. Investir dans ces talents, c'est d'investir directement dans la capacité du Québec à innover, à bâtir et à se développer durablement. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : C'est moi qui vous remercie pour cette présentation. On commence donc les discussions avec M. le ministre. Vous connaissez votre temps de 12 min 30 s.

M. Roberge : Merci beaucoup. Merci à nos superécoles de génie pour cette présentation conjointe. C'était assez remarquable de voir la synergie que vous aviez avec votre présentation conjointe, paragraphe par paragraphe. C'est une superbe complémentarité. Vous avez dit beaucoup de choses, beaucoup, beaucoup de choses en peu de temps. C'était très dense. Vous avez parlé d'une politique d'immigration responsable, stable, orientée vers les besoins futurs du Québec en matière de main-d'oeuvre. J'en suis, responsable, il faut l'être, stable, je pense qu'on devrait l'être de plus en plus. On a passé une période de turbulences avec la COVID, avec la guerre tarifaire. Elle n'est pas derrière nous, mais on commence à savoir quelles sont les règles de ce nouvel écosystème. Puis on est vraiment engagés dans une planification pluriannuelle sur quatre ans pour donner, je vous dirais, un nouvel élan, une nouvelle stabilité, une nouvelle prévisibilité à tous nos partenaires, puis nos partenaires privilégiés, c'est vous aussi en enseignement supérieur.

Donc, une politique qui est orientée sur les besoins futurs du Québec, je pense que c'est extrêmement, extrêmement important. Ils sont variés, ils sont à Montréal, mais ils sont aussi ailleurs... Ma question, c'est : Comment faire pour, avec deux établissements phares, mais installés à Montréal, comment faire pour assurer une régionalisation de nos talents, de nos ingénieurs, pour vous parler directement? Si on les attire à Montréal, est-ce qu'ils accepteront ensuite d'en sortir?

Mme Baig (Kathy) : Je peux peut-être commencer, Maud. Sur la question de la régionalisation, c'est une très, très bonne question. Je l'ai mentionné, nous, on donne trois stages par année... excusez-moi, pendant le baccalauréat, et 10 % de nos stages sont en région. Donc, on sait que, quand les gens vont travailler là, souvent, ils vont devenir des employés. Ça fait que, déjà, en partant, on a 10 % de nos stages et on a une stratégie de régionalisation pour les stages. On a un objectif d'augmenter à 15 %, d'ici deux ans environ, le nombre de stages en région. Ça fait que pense que c'est une façon, entre autres, qui pourrait permettre de contribuer à avoir l'immigration dans les régions via les stages, en tout cas, nous, c'est une mécanique pour laquelle on pense qu'on pourrait contribuer comme ça.

Mme Cohen (Maud) : Oui, puis cette question-là, pour compléter, elle s'adresse aussi à nos finissants. Puis j'entends ce que vous dites. Une fois cela dit, nos universités, à travers les stages, mais aussi à travers des efforts d'employabilité, travaillent avec les différentes régions du Québec, oui, Montréal, mais, bien sûr, Laval, Longueuil, la couronne nord, la couronne sud, les différentes régions du Québec, les Laurentides, Lanaudière, etc., et donc se retrouvent à être vraiment des universités depuis toujours, hein? D'ailleurs, l'ETS a 50 ans, nous, c'est 150 ans. Depuis toujours, nos deux universités ont servi vraiment de tremplin pour un bassin d'ingénieurs et d'étudiants en maîtrise ou en doctorat pour l'ensemble du Québec. C'est pour ça qu'on a été créé à la base. Et sauf votre respect, les mesures actuelles viennent vraiment compromettre non seulement notre capacité de fournir une main-d'oeuvre de qualité au baccalauréat, mais notre capacité à appuyer l'innovation et le développement économique du Québec avec la recherche que l'on fait avec l'ensemble des partenaires du Québec. Et ça, honnêtement, ça va frapper de plein fouet, puis ce sont nos universités qui ont une réputation internationale, qui sont frappées de plein fouet à l'heure actuelle.

• (18 h 10) •

M. Roberge : Il reste que, malgré tout, cette année, s'il y a eu effectivement une baisse, alors qu'on souhaitait une stabilisation dans le réseau d'enseignement supérieur, s'il y a eu une baisse d'étudiants étrangers, il y a quand même eu d'autres étudiants...

M. Roberge : ...ils sont arrivés Québécois, Canadiens, là, je vois qu'à Polytechnique et l'ÉTS, dans les deux cas... Ah! l'ÉTS, il y a une légère baisse, 0,2 %, et à Poly on est à plus 1,1 %, on a eu presque une stabilisation, c'est-à-dire qu'il y a des étudiants québécois qui sont arrivés, ou Canadiens, surtout plus au bac d'après ce que je comprends...

Mme Cohen (Maud) : Oui.

M. Roberge : ...moins en maîtrise et doctorat, là. D'autres institutions sont passées avant vous pour nous en parler. Ma question, c'est ces nouveaux étudiants-là qui sont venus combler en nombre absolu, pas... pas en maîtrise ou au doc, mais en nombre absolu d'étudiants, est-ce que ce sont surtout des Québécois ou des Canadiens de l'extérieur du Québec?

Mme Cohen (Maud) : Bien, on a eu une légère hausse d'étudiants canadiens, mais ce n'est vraiment pas significatif. Ce sont effectivement des étudiants qui nous proviennent des cégeps. Mais je vais quand même rappeler qu'on a un certain baby-boom, là, qui a eu lieu dans les années 2000, qui se répercute dans nos universités à l'heure actuelle. Ça se répercute au baccalauréat surtout tout et — pardon, il y a un bruit de fond, là — mais ça se répercute au baccalauréat surtout et pas du tout, mais pas du tout aux cycles supérieurs en recherche, de maîtrise recherches et doctorat qui sont frappés de plein fouet.

Puis je vais... je vais quand même noter aussi que la propension des étudiants internationaux, à tout le moins à Polytechnique, là, a été relativement stable depuis plus de 10 ans. La... l'université a été bâtie sur... depuis au moins une trentaine d'années, sur une réflexion par rapport à l'internationalisation qui a été responsable, et l'ensemble de nos recrutements qui était fait était fait vraiment toujours dans une perspective pour appuyer le Québec dans son développement économique. On n'a pas... on n'a jamais cherché à avoir des... une arrivée massive d'étudiants internationaux. Ce qui se produit à l'heure actuelle, c'est qu'au contraire, on a une baisse de notre proportion d'internationaux, et donc oui, effectivement, au bac, on a compensé par la population qui sort des cégeps. Mais ça va être d'une durée vraiment courte, le baby-boom des années 2000, il n'a pas... il n'a pas duré 10 ou 15 ans comme celui qu'on a vécu dans les années 60, là.

Mme Baig (Kathy) : Donc, le... de l'ÉTS... c'est beaucoup des étudiants de — il y a un bruit de fond hein — c'est beaucoup des étudiants locaux, la hausse au baccalauréat, donc on dit la même chose.

J'aimerais en profiter par contre pour mentionner qu'au niveau de la maîtrise et le doctorat, il y a moins d'étudiants internationaux. Et moi, quand je rencontre les professeurs, c'est une préoccupation. Ils ont plus de difficulté à recruter en ce moment. Ils s'inquiètent à savoir s'ils vont avoir suffisamment d'étudiants pour tous les projets d'innovation qu'ils veulent faire. Et la grande question, c'est : Comment cette diminution-là va continuer? Là, nous, on a un moins 22 % international. Ça, c'est les derniers chiffres qu'on a sortis. Et si, l'année prochaine, ça diminue encore et si, l'autre année suivante diminue encore, qui est-ce qu'on va faire donc? Donc, déjà là, il y a un défi. Et si la tendance se maintient, ça va être encore plus difficile. Donc, j'aurais envie de demander... en même temps de dire : Bien, oui, il y a les quotas, il y a ci, il y a ça, mais au-delà de toutes ces mesures-là, je pense qu'il y a une question à se demander : Qu'est-ce qu'on peut faire pour positionner éventuellement le Québec pour un redevenir attractif, puis minimalement atteindre nos quotas puis capables de faire nos projets en recherche à la maîtrise et au doctorat? Parce qu'il y a une forte préoccupation en ce moment de la part de... du corps professoral, en tout cas à l'ÉTS.

M. Roberge : Merci pour votre... pour votre contribution, mais j'ai des collègues qui veulent poursuivre les échanges avec vous. Donc, on y va.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Bien entendu. Alors, le député de Jonquière.

M. Gagnon : Oui, combien de temps?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Il vous reste encore 4 min 40 s.

M. Gagnon : Vous avez dit?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : 4 min 40 s.

M. Gagnon : Ah! quatre minutes. C'est un plaisir... c'est un plaisir d'être avec vous ce soir. Quand même, quand on lit le rapport, ça ne montrait quand même toute l'importance, là, puis on l'oublie quand même, Polytechnique, université d'ingénierie francophone depuis 1873. Je voyais dans le mémoire là quand même, en 2023, 10 000 étudiants, 29 % des étudiants internationaux. Bref, une belle fierté sur notre territoire. C'est un plaisir de vous avoir avec nous ce soir.

Tout à l'heure, Mme la Présidente l'a mentionné, je suis un député de région, alors c'est sûr que, quand j'entends l'effort que vous faites que je souligne, de dire de 10 % un de nos stages en région avec une vision qui peut aller jusqu'à 15 %, j'ai le goût de féliciter cette belle... cette belle vision-là également. On entend beaucoup dans votre message, dans votre rapport, toute la belle ouverture à la collaboration avec les entreprises.

J'aurais le goût de détailler un petit peu quand on parle de collaboration, est-ce que vous pouvez nous donner des exemples précis de partenariat qui peut s'installer avec les entreprises? Puis si je me permets d'y aller un petit peu plus laser aussi, principalement dans quels secteurs? Et à la fois on peut prendre sur l'île de Montréal, mais aussi, si je peux me permettre...

M. Gagnon : ...quand ce 10 % de ces futurs ingénieurs là viennent en région?

Mme Cohen (Maud) : Kathy, je te laisse peut-être y aller en premier puis...

Mme Baig (Kathy) : Oui, il n'y a pas de problème. Donc, merci de souligner les efforts qui sont faits pas... pour les stages en région à l'ETS puis ailleurs. L'équipe va être contente d'entendre ça, l'équipe de stage travaille très fort pour augmenter ce pourcentage-là, de passer de 10 % à 15 %.

Donc, les secteurs dans lesquels on est très proche de l'industrie, l'ETS, il y en a vraiment plein, le génie est vraiment partout. Ça peut être en IA, en robotisation, en santé, dans le domaine de la construction, écoutez, il y en a vraiment, vraiment beaucoup. Les différents partenaires avec qui on travaille, c'est autant de la petite, la moyenne et la grande entreprise. On peut penser à Pratt, on peut penser à Bombardier, on peut penser à vraiment... dans l'aérospatiale aussi, on a un nouveau campus avec notre nouveau génie d'aérospatiale. Donc, honnêtement, moi, j'ai l'avant pas ça fait à peine un an et quelque, ça passe vite et je suis dans le processus de faire le tour de tous les laboratoires. Et je ne pourrais pas tout vous nommer les entreprises, on l'a dit, on a plus de 5 000 partenaires industriels, mais c'est des projets très concrets, très pratiques, d'à peu près tous les domaines que vous pouvez imaginer pour l'ETS, puis je suis pas mal certaine que c'est la même chose pour Polytechnique, ça doit se ressembler beaucoup.

Mme Cohen (Maud) : Oui, tout à fait. Puis je vais peut-être rajouter aussi qu'on a énormément de partenariats avec nos sociétés d'État, comme Hydro-Québec, les municipalités du Québec qui font affaire avec nos différents... nos équipes de recherche, professeurs et étudiants, parce que la recherche en général, c'est souvent sous-estimé, mais ça se fait avec les étudiants, la recherche en entreprise. S'il n'y a pas d'étudiant, il n'y a pas de recherche. Il n'y a pas juste un professeur, il y a une équipe de recherche qui se bâtit. Et donc on est vraiment établi sur l'ensemble et dans les domaines que Kathy soulignait. J'ai récemment parlé d'un contrat avec une grande société québécoise qui est en recherche et innovation sur... en aérospatiale. Bien, cette société-là, quand les projets se font, ils se font en collaboration avec les professeurs, les étudiants, mais, souvent, ils vont venir recruter nos étudiants pour... au cycle supérieur aussi. Ce n'est pas juste les étudiants du baccalauréat, là, qui fournissent le marché du travail, ce sont des scientifiques chercheurs qui vont nourrir l'écosystème d'innovation après du Québec dans l'ensemble de ces organisations-là.

M. Gagnon : Merci. Il reste encore un petit peu de temps?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Oui, une minute.

M. Gagnon : Alors, en quelques secondes. La semaine dernière, on rencontrait beaucoup les représentants de l'industrie, les chambres de commerce, les fédérations, puis on abordait quand même avec eux tout le volet, un peu, là, du bien-être, du prendre soin quand on accueillait cette clientèle-là. Dans votre cas, les élèves internationaux. J'aimerais vous entendre sur la réalité terrain, que ce soit l'alimentation, que ce soit les vêtements, mais que ce soit particulièrement le logement. Comment ça se vit chez vous, cette obligation-là ou, du moins, cette bienveillance-là envers l'accueil?

Mme Baig (Kathy) : Si je comprends bien la question, c'est : Comment la réalité terrain se vit quand ils arrivent ici par rapport au Québec? Nous, dans notre cas... en tout cas, pour les... je peux peut-être parler au niveau des résidences, dans notre cas, on a quand même 1 100 places de résidence à l'ETS. Je pense que dans les universités, on est une des seules par rapport au nombre d'étudiants qui en avons quand même beaucoup. Il y a une partie... j'ai validé, là, il y a quand même une partie des étudiants internationaux qui ont accès aux résidences. Et autre chose aussi que je voudrais mentionner, c'est qu'on a deux autres projets de résidences qui s'en viennent où est-ce qu'on veut augmenter un autre 1 500 lits pour les accueillir. Et, après ça...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Je dois vous arrêter. Je dois vous arrêter, le temps imparti au gouvernement est terminé, mais on va poursuivre la discussion avec le député de l'opposition officielle pour 12 min 30 s.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour à vous quatre. Bonne fin d'après-midi. On est en train de parler de logement et c'est des questions qu'on a posées à d'autres responsables dirigeants d'universités. Pour l'ETS, je comprends que vous avez une capacité qui vous permet de loger les étudiants et incluant ceux qui viennent de l'étranger. Est-ce que je me trompe?

Mme Baig (Kathy) : On a une capacité... on a 1 100 lits, puis la vérité, c'est que ce n'est pas suffisant pour répondre à toute la demande, je ne vous mentirai pas, mais, quand même, on a quand même une capacité de 1 100 lits. On va... On est en train d'en planifier 1 500 autres et une partie de nos internationaux internationaux ont accès à ces résidences-là. Maud, je ne sais pas si tu as... tu veux rajouter...

• (18 h 20) •

Mme Cohen (Maud) : Bien, en fait, dans notre cas, on travaille avec le campus de l'Université de Montréal et HEC où on a certaines résidences, mais on a aussi des équipes dédiées au soutien à la recherche de logements. Il y a différents projets que les associations étudiantes mènent aussi. On offre aussi un soutien...

Mme Cohen (Maud) : ...et puis, depuis quelques années, on demande un dépôt quand même assez significatif aux étudiants internationaux pour s'assurer qu'ils ont les moyens aussi de... lorsqu'ils viennent localement au Québec, ils sont en mesure de soutenir leur... l'ensemble de leur parcours d'études avec nous.

M. Morin : Donc, si je vous comprends bien, vous vous assurez qu'ils auront, finalement, les fonds nécessaires pour...

Mme Cohen (Maud) : Tout à fait.

M. Morin : ...bien, dans la mesure du possible, compléter leur parcours et évidemment avoir les fonds pour pouvoir fonctionner sans nécessairement être une charge supplémentaire pour l'État. C'est... Je vous comprends bien?

Mme Cohen (Maud) : Oui, effectivement.

M. Morin : Merci. Si je vous ai bien comprises, à l'ETS, avec les annonces et les mesures gouvernementales, vous avez une réduction de 22 % de vos étudiants. Est-ce que je vous ai bien saisies?

Mme Baig (Kathy) : ...les chiffres, c'est compliqué, hein, il faut vraiment les garder comme il faut. Au niveau du global des internationaux, donc global internationaux, c'est moins 22 %, les derniers chiffres que j'ai eus, le rapport de la semaine dernière...

M. Morin : Et, au niveau des études supérieures, maîtrise, doctorat postdoctorat, est-ce que vous avez le pourcentage de diminution?

Mme Baig (Kathy) : Oui.

M. Morin : Et c'est combien?

Mme Baig (Kathy) : Donc, maîtrise... maîtrise au niveau de l'international, c'est moins 36 %. Le doctorat, je ne l'ai pas à portée de main, mais c'est... c'est quand même significatif.

M. Morin : Et je comprends que, pour la Polytechnique, les étudiants internationaux... les étudiants, donc, c'est 60 % des effectifs à la maîtrise et 70 % au doctorat. C'est ce que vous écrivez à la page 9 de votre mémoire.

Mme Cohen (Maud) : Oui, exact.

M. Morin : Quelle est... Quelle est la diminution pour les cycles supérieurs?

Mme Cohen (Maud) : Bien, au doctorat seulement, là, puis ça, c'est une baisse qu'on observe depuis 2023, là, ça fait deux ans, depuis que le discours ambiant a changé, c'est moins 30 % au doctorat seulement, pour nous. C'est vraiment... Lorsque... Kathy parlait des professeurs qui se tournent vers nous. Je vous dirais que nous, on se pose des questions non seulement au niveau du corps professoral, mais on se pose des questions aussi sur notre capacité d'appuyer... de continuer d'appuyer des grands projets de société en recherche et développement. C'est une grosse baisse, c'est énorme pour nous, là. Ça vient frapper directement le cœur de notre mission puis le cœur de ce que bâtit Polytechnique. Quand on parlait de fierté tout à l'heure, là, c'est vraiment très grand. Au niveau de la maîtrise, on le sent moins, mais, au niveau du doctorat, on le sent de façon vraiment importante.

M. Morin : Et je comprends... et vous me corrigerez, là, si je fais erreur, mais, au niveau du doctorat, évidemment, on parle souvent d'équipes de recherche, donc avec un professeur, qui, lui ou elle, va être en contact avec d'autres professeurs à l'étranger. Ils vont être capables d'attirer ou non des étudiants, puis ça vous permet, effectivement, vous, de faire progresser Polytechnique, c'est probablement la même chose à l'ETS, et donc de développer des secteurs de pointe. Est-ce que j'ai... j'ai raison ou...

Mme Cohen (Maud) : Bien, tout à fait, tout à fait. Puis c'est la même chose au niveau des professeurs. Notre recrutement de professeurs a été affecté, là, récemment. Mais, pour pouvoir être en mesure d'aller chercher, souvent, des connaissances spécifiques, quand on regarde ce qui se fait, par exemple, au niveau de l'Allemagne, au niveau de la France, au niveau de certains pays, il faut qu'on aille chercher cette expertise-là ici puis qu'on soit en mesure de développer notre expertise. Puis une université internationale comme Polytechnique, qui a 70 % de ses doctorats qui viennent de l'international, c'est ce qui fait en sorte qu'on est en mesure d'amener un... d'influencer l'écosystème d'innovation. Photonique quantique, intelligence artificielle, aérospatial, évidemment, matériaux innovants, tous ces sujets-là sont sujets à l'innovation. Puis, dans les relations internationales, il y a beaucoup de contamination croisée, là, entre les équipes de recherche, au fur et à mesure, avec la mobilité étudiante et professorale.

M. Morin : Et je comprends que...

Mme Baig (Kathy) : ...

M. Morin : Oui, allez-y, je vous en prie.

Mme Baig (Kathy) : ...c'est un peu la même chose à l'ETS. Dans le quantique, on a fait un appel de candidatures, puis c'est à l'international qu'on a été... on a été chercher cette expertise-là. Ça fait que, des fois, on se nourrit vraiment d'experts ailleurs qui peuvent venir chez nous, qui vont nous aider à développer le savoir ici, là. Donc, cette expertise-là, elle est essentielle, là.

M. Morin : Et là je comprends que, bon, le projet de loi n° 74 d'abord, après ça les changements avec les différents décrets, l'absence de prévisibilité, ça vous place dans une situation où c'est difficile pour vous, finalement, de remplir ce mandat d'excellence que vous avez?

Mme Baig (Kathy) : Tout à fait. Puis notre rôle...

Mme Baig (Kathy) : ...ce n'est pas de contredire les orientations du gouvernement en termes d'immigration. Puis s'il y a des enjeux, on comprend qu'ils veulent les adresser, mais qu'on... peut-être plus de difficulté à comprendre, puis je le dis très humblement, c'est pourquoi on n'exclut pas les étudiants de deuxième et de troisième cycle de ça. C'est une... En tout cas, surtout pour les écoles de génie. C'est des étudiants qui sont qualifiés, qui vont faire des stages, qui parlent le français, qui la plupart vont rester ici et, en plus, qui contribuent à l'innovation, à la productivité, à la recherche, qui amènent des connaissances, du savoir. Et même ceux qui décident de quitter, ils deviennent des ambassadeurs quand ils vont dans leur autre pays. Puis après ça, il y a des partenariats qui sont faits.

Donc, tu sais, nous, notre rôle, ce n'est pas nécessairement de questionner toute la politique d'immigration, mais de questionner la partie pourquoi ces gens-là, on ne les exclut pas de donner de... des quotas et des stratégies qui sont faites par le gouvernement.

Mme Cohen (Maud) : Puis je vais me permettre de juste renforcer sur quelque chose que Sophie D'Amours a dit précédemment. Quand on regarde le nombre d'étudiants qui sont concernés par les cycles supérieurs, ce sont vraiment des petites proportions par rapport à l'ensemble des autres cycles. Au baccalauréat, c'est beaucoup plus important, nos chiffres. Et alors... Alors que ça affecte vraiment la recherche, la productivité, l'innovation du Québec. Donc, c'est pour ça que je pense que ces recommandations-là, que Kathy souligne, sont importantes pour nous.

M. Morin : Tout à l'heure, vous avez parlé de partenariats. Je regardais sur le... sur les sites, entre autres d'Hydro-Québec, et ça paraît énorme, mais je voyais qu'Hydro-Québec, pour notre capacité énergétique, veut investir 200 milliards. J'ai bien lu, là, 200 milliards d'ici 2035. J'imagine qu'ils vont avoir besoin d'ingénieurs, hommes et femmes, de haut niveau. Alors, comment... comment pouvez-vous aider le gouvernement et Hydro-Québec à remplir cette mission-là?

Mme Baig (Kathy) : Je commence, Maud? C'est correct.

Mme Cohen (Maud) : Ah, vas-y. Vas-y

Mme Baig (Kathy) : Mais, tu sais, on est deux anciennes présidentes de l'Ordre des ingénieurs du Québec, en passant. Puis moi, à l'époque, quand j'étais là, j'ai fait l'étude sur les besoins de main-d'œuvre en ingénierie pour le Québec, celle dont Maud... le 52 000. Ce qui est important de savoir, c'est quand ils ont fait cette étude-là, la dernière qui a été mise à jour, c'était avec les prémisses où est-ce que les bourses perspective existaient, les politiques migratoires, elles existaient, elles étaient favorables à le recrutement à l'international. Donc, avec toutes les variables qui viennent de changer, c'est certain que la... les prévisions vont être plus élevées sur les besoins qu'on va avoir, parce qu'on ne sera probablement pas capables de combler, puis il n'y avait pas ces nouveaux projets-là à l'époque. Ça fait que comment nous, on peut contribuer, c'est, entre autres, en ayant les étudiants internationaux qui deviennent une main-d'œuvre qualifiée via nos stages puis via leur expérience, ils deviennent facilement intégrés dans le système québécois puis dans l'économie québécoise. J'ai essayé de parler vite pour te laisser du temps, Maud.

Mme Cohen (Maud) : Non, mais j'ai exactement le même message. Puis je vais le dire, là, le programme d'expérience québécoise pour nous, pour nos universités de génie, où les stages sont directement en entreprise, où les gens... était un programme qui était quand même très attractif. Puis je pense que c'est ça qui nous a le plus affecté dans les deux dernières années par rapport... même par rapport aux quotas, ultimement, parce qu'on le voit, là, c'est le message en blanc, c'est le discours au Canada et au Québec, plus le programme d'expérience québécoise qui nous ont vraiment beaucoup rentré dedans, comme on dit en bon Québécois.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Merci beaucoup. On termine avec le député du deuxième groupe d'opposition pour 3 min 7 s.

M. Fontecilla : Merci. Bonjour, mesdames, monsieur. Merci beaucoup d'être... nous éclairer. Écoutez, vous avez utilisé un concept qui a attiré mon attention, là, la souveraineté scientifique. Tout d'abord, je voudrais que vous nous expliquiez davantage ce que c'est et dans quelle mesure, comment dire, une bonne politique d'immigration peut contribuer à assurer cette souveraineté scientifique.

• (18 h 30) •

Mme Cohen (Maud) : Bien, en fait, je vais me permettre, puis Kathy pourra compléter, mais à l'heure actuelle, le terme de souveraineté est un thème qui est très actuel avec le contexte géopolitique. Nos gouvernements investissent maintenant en défense alors qu'il y a quelques mois à peine, ce n'était pas nécessairement un terme à la mode.

Ici, à Polytechnique, on a un projet qui a été financé pour rendre au Québec la production de vaccins un peu plus... en cas de prochaine pandémie. Donc, comment le Québec peut avoir une certaine souveraineté avec une expertise? Et pour ça, mais ça veut dire une expertise qu'on a perdue au fil du temps ou qu'on n'a pas. Pour ça, ça veut dire qu'il faut qu'on aille chercher des experts internationaux puis qu'on collabore avec d'autres universités internationales mais aussi des entreprises internationales. Et pour pouvoir aller chercher cette expertise-là et, à tout le moins, que le Québec soit autonome sur certains sujets critiques pour...


 
 

18 h 30 (version non révisée)

Mme Cohen (Maud) : ...survie, pour sa résilience, pour sa pérennité. C'est ça, la souveraineté scientifique, c'est d'aller chercher les connaissances requises pour être capables de bâtir cette résilience-là ici, au Québec. Et, sincèrement, ça, ce qui est essentiel, c'est d'être capables d'aller chercher l'expertise là où elle se situe à l'heure actuelle, et, honnêtement, parfois, elle est ici. Donc, parfois, on a un flux migratoire négatif, parce que certains de nos experts vont se rendre dans d'autres pays, mais sur certains sujets... la défense en est une... en est un, la question de la production de vaccins en est un deuxième... sur certains sujets, il faut qu'on aille chercher l'expérience à l'extérieur pour venir nourrir nos capacités scientifiques.

Mme Baig (Kathy) : La réponse est très complète, de Maud, mais moi, j'ai envie de donner la parole, peut-être, à Annie, qui nous parle souvent de souveraineté technologique lorsqu'on est à l'ETS. Est-ce que tu veux élaborer un peu sur ce que c'est pour nous?

Mme Bouthillette (Annie) : Effectivement. Donc on parle de souveraineté, aussi, économique, technologique. C'est important, on l'entend partout, et, je pense que Maud le disait, il faut aller chercher l'expertise là où elle se trouve. Mais on a des enjeux, aussi, de société. Je pense aux hôpitaux, par exemple. Donc, on a des enjeux de comment ça fonctionne dans les hôpitaux, de chaîne de production dans nos entreprises. Donc, on doit devenir plus intelligents, on doit adopter des nouvelles technologies, et aider les professionnels qui utilisent ces technologies-là, aussi, à les adopter. Je pense aux médecins, je pense aux infirmières. Donc, cette souveraineté technologique là ne passe pas seulement par la mise en place de mesures, ou quoi que ce soit, mais il faut aller chercher ces expertises-là qui existent ailleurs...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : En terminant.

Mme Bouthillette (Annie) : ...parce qu'il y a des bonnes pratiques dans le milieu de la santé, ailleurs, et donc les amener chez nous pour mieux régler nos problèmes à l'interne.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, mesdames, monsieur, cette présentation est terminée. Je vous souhaite une bonne soirée.

Et, pour vous, chers collègues, je suspends jusqu'à 19 h 15. Merci.

(Suspension de la séance à 18 h 32)


 
 

19 h (version non révisée)

(Reprise à 19 h 15)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens reprend donc ses travaux.

Nous poursuivons les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le cahier de consultation intitulé La planification...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...La planification de l'immigration au Québec pour la période 2026-2029. Alors, ce soir, nous entendrons les organismes suivants : l'Université Bishop's, MCM Solutions Justes, la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes et, pour terminer, le HautCommissariat des Nations Unies pour les réfugiés.

Alors, pour le prochain 45 minutes... les prochaines 45 minutes, nous recevons l'Université Bishop's, représentée par M. Sébastien Lebel-Grenier, principal et vice-chancelier, ainsi que Mme Geneviève Gagné, secrétaire générale. Donc, Mme, M., vous avez une période de 10 minutes pour nous offrir vos commentaires sur le cahier, donc les grandes lignes de votre mémoire, et par la suite on va entamer les discussions avec les parlementaires. Alors, le temps est à vous.

M. Lebel-Grenier (Sébastien) : Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, Mmes et MM. les députés, membres de la commission, donc, je me nomme Lebel-Grenier, je suis principal et vice-chancelier de l'Université Bishop's, et Gagné m'accompagne, qui est secrétaire générale et responsable des relations gouvernementales à l'université.

Nous allons nous concentrer sur des éléments qui... bien, vous avez entendu, là, plus tôt ce matin... plus tôt cet après-midi. Évidemment, nous sommes d'accord avec les représentations qui ont été faites par le BCI. Nous adhérons à ses représentations, nous partageons les mêmes préoccupations, mais je vais... nous allons nous concentrer dans notre présentation ce soir sur des enjeux relatifs aux restrictions à l'accueil des étudiantes et étudiants internationaux qui permettent de mettre en lumière des caractéristiques uniques de l'Université Bishop's, en d'autres termes, des impacts spécifiques à notre université.

Donner quelques éléments de contexte relativement à l'université. Donc, l'Université Bishop's a été fondée en 1843. C'est la troisième plus ancienne université québécoise. C'est la seule université anglophone en région qui continue, d'ailleurs, de se distinguer au Québec par une offre de formation qui se déploie principalement au premier cycle. En fait, plus de 90 % de nos étudiants sont inscrits au premier cycle et plus de 90 % de nos étudiants vivent sur le campus ou sont à moins de 15 minutes de marche du campus.

Nous avons présentement 2 600 étudiants approximativement. Ça demeure une petite université, mais qui est vraiment caractérisée par une vie de campus dynamique qui favorise l'interaction dans des contextes structurés et informels.

L'enseignement est principalement offert en anglais. Par contre, le campus est un campus bilingue et c'est un contexte sécurisant et habilitant qui encourage le développement des compétences linguistiques en français et en anglais pour les étudiants non québécois et, de manière importante, une intégration harmonieuse à la société québécoise.

Donc, certaines caractéristiques. Premièrement, je voudrais vous parler de l'apport des étudiantes et étudiants internationaux au modèle éducatif de l'Université Bishop's. Donc, leur présence est un fait historique. On parle d'environ 15 %, dans le passé, en termes de notre population étudiante. C'est un pourcentage qui a été délibérément recherché en raison de l'apport positif à l'ensemble de notre communauté étudiante parce que l'université favorise une éducation qui est généraliste, qui décourage le confinement disciplinaire et qui mise sur la curiosité intellectuelle, le développement de la pensée critique, l'engagement et l'ouverture sur le monde. La présence d'étudiantes et d'étudiants internationaux dans un milieu qui est caractérisé par des interactions soutenues et diversifiées nous assure que l'ensemble de nos étudiants puissent grandir au contact de collègues qui ont des expériences de vie différentes. La richesse de ces interactions permet à l'ensemble de nos étudiantes et étudiants de dépasser les limites de leurs expériences antérieures, de développer leur ouverture à l'altérité, de remettre en question des certitudes. Donc, c'est essentiel dans note modèle académique.

Vous verrez dans le mémoire, on a expliqué l'accueil des étudiants internationaux. Ça a toujours été un accueil qui était très personnalisé, qui s'assure vraiment d'une prise en charge complète et surtout, de manière importante, une intégration à la société québécoise. Donc, ils auront un apprentissage de la réalité de la société québécoise.

J'aimerais souligner aussi que les étudiants qui viennent chez nous ne viennent pas tous, loin de là, avec le dessein de devenir des immigrants au Québec. Donc, c'est un projet d'études qui les caractérise. Ce ne sont pas des immigrants. Certains vont devenir des immigrants plus tard, des candidats à l'immigration, mais tous vont être des ambassadeurs exceptionnels pour le Québec, et ça, c'est particulièrement important. Je crois que ce n'est pas assez souligné dans un contexte où la guerre commerciale en cours avec notre principal partenaire économique met en exergue l'importance de diversifier nos relations à l'international, et les étudiants internationaux jouent un rôle essentiel à cet égard.

• (19 h 20) •

J'aimerais parler un instant de la francisation...

M. Lebel-Grenier (Sébastien) : ...c'est un enjeu important. Ce n'est pas quelque chose que l'Université Bishop's a découvert il y a deux ans, lorsqu'on a connu une autre crise, avec la proposition de... les mesures qui visaient finalement les étudiants du reste du Canada. L'Université Bishop's s'était engagée depuis très longtemps dans les efforts de francisation afin de permettre à l'ensemble de ses étudiants non... non francophones d'acquérir des compétences linguistiques en français.

On est particulièrement fiers de l'accroissement constant de notre offre à cet égard-là. On a lancé, le 17 septembre, un programme qui s'appelle Oui, O-u-i, Experience. Donc, on s'amuse un peu avec les déclinaisons, mais l'idée est d'accroître les opportunités. Ces opportunités-là ne sont pas simplement au niveau des cours qui sont offerts à nos étudiants, mais, de façon assez importante, des activités d'intégration culturelle, des stages d'apprentissage en milieu francophone et d'autres activités... apprentissages expérientiels qui visent à donner une confiance en nos étudiants non francophones, dans leur capacité de s'intégrer et de parler, de participer en français au Québec. Donc, c'est quelque chose qui est très important pour l'université.

Je veux vous parler d'une autre particularité de l'Université Bishop's. Je vous ai dit que notre formation se déploie surtout au premier cycle. Les étudiants internationaux, pour nous, sont exceptionnellement importants dans le modèle académique qu'on a mis en place pour nos... pour l'ensemble de nos étudiants. Donc, on veut vraiment qu'il y ait ce contact avec une diversité d'expériences, donc que les étudiants internationaux apportent d'autres perspectives, qui permet à l'ensemble de nos étudiants de déployer leur ouverture sur le monde. Bien sûr, ça s'applique également aux étudiants internationaux qui font le cheminement, qui viennent jusque chez nous, mais c'est quelque chose qui est essentiel au modèle académique. Donc, toutes les mesures qui viennent limiter notre capacité d'attirer des étudiants internationaux ont un impact sur la nature même du modèle académique que nous privilégions.

Évidemment, les étudiants internationaux ont un rôle important aux cycles supérieurs. Les cycles supérieurs sont plus petits chez nous. Mais les étudiants internationaux, ils représentent 62 % des étudiants inscrits. Et donc nous avons des programmes qui ne pourraient être offerts de façon viable sans la présence des étudiants internationaux, particulièrement, dans notre cas, en sciences informatiques. Et donc ce sont des domaines où il y a un besoin important d'expertise. Et la capacité de livrer ces programmes-là pour l'ensemble des étudiants québécois est compromise si les étudiants internationaux ne sont pas présents.

Évidemment, pour nos laboratoires de recherche, c'est la même réalité. Notamment, on a des laboratoires de recherche de pointe en astrophysique. Ces laboratoires-là dépendent des... de la présence des étudiants internationaux.

Le... Le document de préparation pour la Commission nous demandait dans quelle mesure les étudiants internationaux participent à la régionalisation de l'immigration. Je crois qu'il est important de le souligner, pour ce qui est de la région de l'Estrie et de la région de Sherbrooke, évidemment, la venue d'étudiants internationaux qui sont intégrés à la région signifie qu'une plus grande part d'entre eux peuvent demeurer sur place et que... l'expertise et le talent de haut niveau que nous recherchons, qui est nécessaire pour développer nos capacités, notre compétitivité à l'international, bien, elle a plus de chances de demeurer en région. Donc, pour nous, c'est une réalité qui est particulièrement importante.

J'avais noté que je voulais vous parler rapidement du PEQ. Je veux souligner... Évidemment, le PEQ n'est plus en vigueur, présentement. Mais je veux souligner qu'avant sa suspension il excluait les étudiants qui avaient fait leurs études dans des universités anglophones, alors que les étudiants... nos étudiants, qui démontrent les capacités linguistiques, qui ont donc les niveaux linguistiques qui étaient exigés des étudiants des autres candidats au PEQ, étaient exclus de cette possibilité-là. C'est un problème. En fait, si l'enjeu qu'on cherche à attaquer est la question des compétences linguistiques des diplômés qui choisissent de tenter de s'établir au Québec, il y a... il y a une parfaite légitimité pour le gouvernement de tester les compétences linguistiques, mais d'exclure d'emblée certains candidats parce qu'ils ont... ils ont fait leurs études en anglais dans un milieu bilingue est problématique.

J'aimerais souligner également que l'apport économique des étudiants internationaux est évidemment important pour l'Université Bishop's. Il a été très, très important pour la région de Sherbrooke et les Cantons-de-l'Est. Il est important pour le gouvernement aussi puisque la majorité de nos étudiants internationaux, la vaste majorité sont au premier cycle et, en raison de la... l'introduction de la règle budgétaire 3.5, il y a un an et demi, pour chaque étudiant international qui vient à l'Université Bishop's, en raison de la récupération d'une partie des frais de scolarité, c'est 8 500 $ qui est envoyé au gouvernement. Donc, c'est une perte nette pour le gouvernement lorsque ces étudiants-là ne se présentent pas...

M. Lebel-Grenier (Sébastien) : ...Bon, j'aimerais conclure en parlant de la chute. La chute du nombre d'étudiants internationaux est absolument dramatique. Donc, les nouveaux étudiants internationaux, les nouveaux inscrits, ont chuté de 51,6 % en deux ans. Et pour ce qui est de l'ensemble de la population étudiante, on parle d'une chute de 38 % en deux ans. Donc, c'est un impact qui est absolument catastrophique pour nous et c'est un impact démultiplié en raison de la manière dont les quotas de CAQ sont calculés. Pour faire très, très court, on a mis dans le même quota les CAQ qui sont demandés initialement et les renouvellements de CAQ. C'est quelque chose qui est ingérable pour nous et qui vient limiter d'autant le nombre d'étudiants internationaux...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : En terminant.

M. Lebel-Grenier (Sébastien) : ...qu'on peut recevoir à l'université.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Voilà. Merci beaucoup. Alors, on commence les discussions avec la partie gouvernementale. Et on revient au... au temps que vous aviez auparavant, 16 min 30 s, pour votre temps, M. le ministre.

M. Roberge : Merci beaucoup. Merci pour votre présentation. Vous nous avez parlé à la fin de votre intervention des effectifs internationaux actuels. Il y a eu une réduction pour les nouveaux admis, là, pour la session d'automne. Si on regarde ça dans une perspective plus grande, combien vous en avez en nombre absolu? Par exemple, il y a une dizaine d'années, autour de 2015, quel a été votre maximum? Puis là vous dites qu'il y a une réduction. Je ne sais pas si vous avez des chiffres sur un horizon de 10 ans, là.

M. Lebel-Grenier (Sébastien) : ...Non, ce n'est pas ceux-là. Attendez un petit peu. Je peux vous fournir des chiffres, M. le ministre, là. Je ne veux pas vous faire perdre du temps à les rechercher, mais je pense que...

M. Roberge : Je peux vous poser une autre question pendant que... Je pense que les chiffres sont à côté. On pourrait me les fournir.

M. Lebel-Grenier (Sébastien) : Oui.

M. Roberge : C'est parce que j'aimerais ça la... la voir, si on est capable. Vous affirmez contribuer à la régionalisation de l'immigration, notamment en Estrie. Est-ce que vous savez combien de ces personnes restent ensuite en Estrie?

M. Lebel-Grenier (Sébastien) : Bien, vous voyez, nous, on reçoit des étudiants qui viennent étudier chez nous. Donc, on n'a pas de visibilité ni d'autorité sur le processus d'immigration de ces étudiants-là. En fait, c'est des données que votre ministère a. C'est des données que le gouvernement fédéral a. Et c'est des données que nous demandons. Nous aimerions savoir quel nombre exactement demeure chez nous. Nous avons beaucoup de données anecdotiques de la part d'étudiants avec qui nous gardons contact et qui demeurent chez nous. Nous avons beaucoup d'exemples d'intégration très réussis, des étudiants américains qui ont... qui sont devenus parfaitement bilingues et qui sont complètement intégrés dans des milieux de travail francophones, par exemple. Mais nous n'avons pas les données fiables puisque nous n'avons aucune visibilité sur cette partie-là de leur parcours.

M. Roberge : Mais sur... Parce que quand vous dites que vous contribuez à la régionalisation, c'est plus comme une intuition que quelque chose qui est mesuré. Mais je l'ai fait déjà à d'autres universités qui sont venues avant nous... vous. Puis ils ont... Ils nous ont suggéré la même chose. J'ai eu le goût de dire que ça serait bien qu'un prof d'université, quelque part, fasse une étude longitudinale et obtienne ces données. On ne les a pas ici. On essaie de les avoir du gouvernement canadien, mais si c'était peut-être un chercheur, peut-être avec un fonds de recherche Canada, je ne sais pas, mais qui faisait cette étude-là pour savoir combien, en nombre absolu et en pourcentage, les étudiants qui étudient à Bishop ou qui étudient à l'Université de Sherbrooke, étudient à l'UQAC, finalement, restent et sont là deux ans après, trois ans après, 10 ans après. C'est sûr qu'il y a moyen d'obtenir ces informations-là. Après ça, on pourrait réellement savoir dans quelle mesure les étudiants, quels étudiants réellement restent là. Et puis on pourrait même savoir, par profil des étudiants, est ce que c'est dans tel secteur, tel secteur? Ça peut être associé à une région. Si je vais étudier les mines en Abitibi, j'ai des chances peut-être de m'installer en Abitibi, pas venir en Estrie. Si je vais étudier l'océanographie à Rimouski, probablement que ça va être plus intéressant de rester là qu'à aller à Gatineau. Mais au-delà de ça, ça serait vraiment intéressant de creuser la question. Mais je me demande, avez-vous la réponse à ma première question. Donc, dans le fond, je la répète, là, c'était de savoir si vous aviez...

M. Lebel-Grenier (Sébastien) : Oui, oui, c'était de savoir les pourcentages. Nous avons...

M. Roberge : Oui, c'est ça. Combien d'étudiants étrangers vous aviez il y a une dizaine d'années? Ça a monté à combien? Puis là, on a réduit de combien votre effectif total d'étudiants étrangers? Parce que vous savez, des fois, on compare tout le temps avec il y a un an, il y a deux ans, mais...

M. Lebel-Grenier (Sébastien) : Oui, oui, oui. On a ces données-là, M. le ministre. Ça va nous faire plaisir de vous les renvoyer. Là, je ne les retrouve pas à l'instant, mais on a des données détaillées sur le nombre d'étudiants internationaux depuis très longtemps.

• (19 h 30) •

M. Roberge : Et vous avez parlé du fait que les étudiants...


 
 

19 h 30 (version non révisée)

M. Roberge : ...souvent restent soit sur le campus ou aux alentours. Pouvez-vous nous parler un peu du logement étudiant, est-ce que... combien vous avez de résidences, combien d'étudiants habitent dans ces résidences, etc.?

M. Lebel-Grenier (Sébastien) : Oui. Globalement, on a environ 700 lits pour une population de 2 600 étudiants. Ce sont surtout en première année que les étudiants demeurent en résidence. Nous sommes présentement en construction de 63 lits additionnels, donc, pour répondre à la demande, mais c'est un marché équilibré, le nombre d'étudiants... global d'étudiants n'a pas augmenté dans la région. On est stable à environ 2 600 étudiants, mais pour ce qui est des étudiants internationaux, avec le déclin qu'on a connu dans ces dernières années, il est clair qu'ils ne contribuent pas, d'aucune manière, à une crise du logement, qu'on ne voit pas, là. Nous, c'est le marché de Lennoxville, le marché est vraiment un marché équilibré. Il n'y a pas d'enjeu en termes d'impact de la population étudiante.

M. Roberge : Parce qu'à Sherbrooke le taux d'inoccupation est autour de 1.4 %, là, donc, mais vos dites que ce n'est pas ça à Lennoxville, là.

M. Lebel-Grenier (Sébastien) : Oui, mais on ne peut pas prétendre que l'université a un impact négatif là-dessus, donc, le nombre total d'étudiants est demeuré stable, même si on souhaite augmenter ce nombre d'étudiants là, et le nombre d'étudiants internationaux est en chute libre. Donc, on ne peut pas prétendre que ces étudiants-là contribuent à une certaine crise du logement. Ce sont d'autres facteurs qui expliquent le resserrement du marché locatif dans la région.

M. Roberge : Et, quand on regarde l'effectif total, le chiffre que j'ai, vous pouvez me confirmer, vous avez une légère stabilisation. Enfin, je vois une hausse de 1,1 % du nombre total d'étudiants à Bishop entre l'an passé et cette année.

M. Lebel-Grenier (Sébastien) : Oui. Ce sont des données préliminaires, hein, ce n'est pas des données qui sont complétées. Donc, on s'attend à ce que le nombre soit à peu près neutre. On voit une légère augmentation d'étudiants québécois, on voit une perte significative d'étudiants internationaux et on accuse encore un retard relativement aux étudiants du reste du Canada, un retard d'environ 10 % sur ce qu'ils étaient il y a deux ans.

M. Roberge : Mais si vous avez un effectif stable par rapport à l'an passé, ça veut dire que cette diminution d'étudiants internationaux a été compensée, essentiellement, par les étudiants québécois?

M. Lebel-Grenier (Sébastien) : En partie. Ça n'a pas été compensé en même proportion que l'augmentation du nombre d'étudiants qui fréquentent les cégeps, mais oui, il y a eu une augmentation.

Par contre, là, j'aimerais souligner, puis c'est particulièrement important, c'est qu'on parle de pommes et d'oranges, là. Donc, les étudiants internationaux qui viennent pour nous, comme je l'ai expliqué, sont vraiment au cœur du modèle académique qu'on vise. Le modèle académique compte sur une population d'étudiants internationaux d'environ 15 %. La population d'étudiants internationaux est en voie de chuter à 7 % ou 8 %. Aux cycles supérieurs, on est extrêmement dépendants sur les étudiants internationaux pour maintenir des programmes de pointe au niveau de la maîtrise. On a seulement qu'un programme de doctorat, c'est le doctorat en psychologie, et ça, c'est entièrement des étudiants qui sont Québécois ou Canadiens. Et, pour nos... nos laboratoires de recherche aussi, les laboratoires de recherche de pointe. Donc, ce n'est pas vrai qu'il y a une compensation de ces étudiants-là par des étudiants québécois. On demeure avec les mêmes vulnérabilités.

M. Roberge : Pas aux cycles supérieurs, mais on reprend la même discussion...

M. Lebel-Grenier (Sébastien) : Au premier cycle aussi. Le premier cycle... Les étudiants internationaux sont au cœur de notre modèle pédagogique au premier cycle, et s'ils ne sont plus présents, nous ne pourrons plus accomplir certains des objectifs pédagogiques qui sont au cœur de notre modèle depuis les débuts de l'université, là. On est là depuis 181 années. Donc là, les changements qui ont été induits viennent chambarder complètement notre modèle pédagogique, alors que la présence des étudiants internationaux n'a jamais été perçue comme un enjeu dans notre région, au contraire, ça a été perçu comme un atout extraordinaire pour la région.

M. Roberge : Non, bien, je ne prétends pas le contraire. Je fais juste regarder les impacts, parce qu'on me dit ce qui s'est passé en termes d'effectifs étudiants, ça fait que, quand on parle d'effectifs étudiants, on regarde les chiffres. Après ça, on peut parler de la proportion des gens qui sont en enseignement supérieur, on peut parler de la capacité de recherche, on peut parler de l'importance d'avoir une pluralité de points de vue, du choc des cultures. C'est autre chose et c'est pertinent, on a besoin de ça, on a besoin d'une ouverture sur le monde, mais quand on parle de chiffres, je veux juste apporter les bons chiffres.

M. Lebel-Grenier (Sébastien) : Oui, puis, M. le ministre, c'est important, moi, ma présentation se concentre sur le rôle et l'impact de la décroissance des étudiants internationaux. Donc, pour ceux-là, on ne peut pas les remplacer par d'autres types d'étudiants. Nous sommes heureux d'avoir un accroissement des étudiants québécois, nous aimerions récupérer les étudiants du reste du Canada qui ont été perdus, mais les étudiants internationaux, c'est une chute qui est vraiment dramatique pour nous et qui a un impact assez fondamental.

M. Roberge : Bishop est une université de langue anglaise, puis vous avez parlé dans votre présentation de l'apprentissage du français. Pouvez-vous nous parler du profil des étudiants, de leur capacité à s'exprimer ou à... leur niveau de français?

M. Lebel-Grenier (Sébastien) : Lorsqu'ils...

M. Lebel-Grenier (Sébastien) : ...lorsqu'ils arrivent, les étudiants, c'est assez variable. En fait, on a des étudiants, par exemple, internationaux qui proviennent de la France, évidemment, ceux-là parlent bien français, et ensuite on a des étudiants qui sont francophiles ou qui viennent de pays où le français est présent. Par exemple, pour les étudiants du reste du Canada, il y en a beaucoup qui viennent au Québec par intérêt pour la langue française et veulent venir dans un milieu sécuritaire où est-ce qu'ils peuvent avoir une confiance dans leur capacité de réussir et d'exceller d'un point de vue académique, mais aussi d'avoir l'opportunité sur le terrain d'améliorer leurs compétences linguistiques. Donc, on offre un milieu qui est assez particulier, assez unique au Québec à cet égard-là, un milieu où ils peuvent déployer leurs compétences linguistiques. Maintenant, comme je vous dis, c'est relativement variable, il y a des étudiants qui n'ont aucune compétence en français puis il y en a qui sont à un niveau débutant, intermédiaire.

M. Roberge : Parce que c'est une question qu'on a au ministère de l'Immigration, mais qui est aussi le ministère de la Francisation et de l'Intégration, c'est le MIFI, le bilinguisme, l'idée d'avoir une connaissance du français même si on a une autre langue, en anglais. C'est une chose, ça nous permet d'interagir en français lorsque... en français, mais, sur... pour ce qui est de la vitalité de la langue, ça pose des enjeux qui sont différents. Puis ce n'est pas la... ce n'est pas la faute à Bishop's ou à ses profs, etc., mais les données un peu plus fines nous montrent que les gens qui diplôment, dont le dernier diplôme est en anglais, ont de beaucoup plus fortes chances de travailler en anglais, même s'ils connaissent la langue française, même s'ils ont fait leur primaire, leur secondaire en français, ils ont tendance... parce qu'ils vivent les dernières années de leur scolarité en anglais puis ils apprennent... ils apprennent ensuite le vocabulaire professionnel en anglais, vous savez, ont tendance à utiliser cette langue-là. Comme par exemple, les chiffres, c'est tiré du... un rapport du Commissaire à la langue française qui dit, par exemple, l'Université Bishop's, bien, il y a à peu près 33 % des gens qui, après être diplômés à l'Université Bishop's, vont utiliser le français au travail. Puis Bishop, c'est 33 %, McGill, c'est 27 %, Concordia, c'est 25 %. Donc, on est entre 25 % et 33 % pour nos trois universités anglophones puis après ça, pour les universités francophones de HEC à l'Université Laval, on est entre 72 % et 91 %. Pourtant, il y a plus que 33 % des gens qui sont capables de parler français à Bishop's, donc les gens qui sont soit francophones ou soit anglophones étant capables de s'exprimer en français, mais reste qu'ensuite, une fois sur le marché du travail, bien, ils vont surtout travailler en anglais, utiliser la langue anglaise au travail. Et ça ne fait pas de Bishop's un problème, mais ça fait, aux yeux du ministre de l'Immigration, et de la Francisation, et de l'Intégration, aux yeux du ministre de la Langue française aussi, je veux dirais, un questionnement, pour dire : Bon, bien là... Si le français se portait mieux aujourd'hui qu'en l'an 2000 puis qu'en 1980, je dirais, bien, c'est tel que tel, mais, comme il y a un déclin de la langue, notamment au travail, on se dit : Bon, bien, d'abord... On va garder nos universités anglophones, il n'est pas question de... de s'attaquer à ça. On va garder nos institutions. Maintenant, comment on fait pour améliorer ça, pour que des étudiants qui diplôment de ces institutions-là non seulement soient capables de se débrouiller en français, mais l'utilisent et ne soient pas des moteurs d'anglicisation d'un milieu de travail? Est-ce que ça passe par davantage de cours de français, plus d'intégration? Comment vous réagissez à ça? Qu'est-ce qu'on pourrait faire pour améliorer les choses pour... au-delà de connaître le français, mais l'aimer et l'utiliser?

• (19 h 40) •

M. Lebel-Grenier (Sébastien) : Oui. Bien, il y a plusieurs dimensions à votre question. Donc, j'imagine que ce que vous posez, ce n'est pas l'argument que Bishop's contribue à l'anglicisation des Cantons de l'Est, là. Donc, je crois que ce n'est pas... ce n'est pas un enjeu dans notre région et ce n'est pas connu... ce n'est certainement pas d'une position qui est soutenue dans la région. Il est important de remettre les choses en perspective. Vous savez, l'Université Bishop's a un rôle historique envers la communauté anglophone du Québec. Donc, nous, on reçoit à l'Université Bishop's principalement des gens qui proviennent des régions du Québec, donc les anglophones qui proviennent des régions du Québec, mais aussi des anglophones de Montréal. Ces gens-là vont avoir plus tendance à fonctionner d'un point de vue professionnel, surtout si c'est dans les entreprises qui sont plus petites, en anglais. Donc, ça, je crois que c'est... on ne devrait pas être surpris de ces statistiques-là...

M. Lebel-Grenier (Sébastien) : ...ce qui est important, c'est leur capacité de fonctionner, de s'exprimer, d'interagir en français, et ça, cette capacité est présente. Pour ce qui est de ceux qui viennent à Bishop's et qui font leurs études chez nous, ce qui est important, c'est de s'assurer qu'ils acquièrent les compétences linguistiques en français et, après ça, c'est au gouvernement, dans son processus qui mène à l'immigration, de s'assurer que ces candidats-là ont les compétences linguistiques. Donc, par exemple, au niveau du PEQ, qu'on vise... qu'on mesure les compétences linguistiques et non pas l'université de provenance.

Ensuite, qu'est-ce qu'on peut faire, nous? Bien, on est très, très actifs dans ce domaine-là. Donc, je parlais du OUI Experience qu'on a lancé le 17 septembre dernier, bien, c'est un programme qui vise à accroître les expériences authentiques, dans notre vocabulaire, dans le jargon, on appelle ça, les expériences authentiques, donc, l'apprentissage expérientiel, ce qui veut dire d'aller dans des milieux de travail francophones, d'avoir des expériences d'intégration en milieu francophone pour donner la confiance en soi à nos étudiants. Donc, vous savez que, lorsqu'on apprend une deuxième langue ou une troisième langue, ça peut être particulièrement difficile, et on peut avoir un déficit de confiance en soi qui va restreindre la capacité de ces étudiants-là de se lancer dans l'expérience du français.

Donc on croit vraiment nous dans la carotte...donner les opportunités à nos étudiants, à les encourager, à faciliter l'expérience et à les intégrer à la culture québécoise. On croit que c'est la façon de s'assurer que ces personnes-là vont ensuite avoir la capacité de s'intégrer dans la société québécoise, de pleinement fonctionner en français. Ce qui ne veut pas dire qu'ils vont abandonner leurs autres compétences linguistiques qui vont demeurer un atout considérable pour le Québec dans sa compétitivité internationale. Donc, il faut avoir un juste équilibre des choses. Et l'Université Bishop's, c'est notre prétention, contribue à l'acquisition des compétences linguistiques en français, est un allié du gouvernement.

M. Roberge : Je vous remercie pour votre contribution aux travaux. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. le ministre. On poursuit avec le député d'Acadie pour 12 min 23 s.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Bonsoir. Merci. Merci d'être là. Merci pour votre mémoire et vos explications. À la page six de votre mémoire en haut, et vous y avez fait référence en termes d'étudiants aux cycles supérieurs. Je pense que vous avez dit que c'était exceptionnellement important et que même sans eux, la viabilité de certains programmes serait compromise. J'aimerais que vous puissiez élaborer davantage là-dessus, parce que, dans le cadre de la planification... en fait, je l'ai dit à plusieurs reprises, l'immigration, ça se planifie, mais il faut avoir de la prévisibilité pour que les gens puissent savoir ce qu'ils doivent faire. Et dans cette planification-là, l'idée, ce n'est pas de faire en sorte... en tout cas pour moi, là, de faire en sorte que le Québec soit moins un pôle d'attraction dans... sur la scène internationale, qu'on sera moins capable d'attirer des cerveaux pour faire en sorte qu'on puisse faire progresser la recherche et les universités, qui sont un endroit privilégié pour faire de la recherche fondamentale, ce qui est fondamental aussi pour notre société. Donc, ce que... ce que vous dites, c'est... c'est très fort et vous parlez également de l'astrophysique, donc de la physique quantique. Donc, c'est une spécialité que vous avez chez vous. Et quel est... quel est véritablement l'impact sur ces différents programmes de recherche depuis les multiples décisions du gouvernement qui font en sorte que ça a un impact?

M. Lebel-Grenier (Sébastien) : Oui. Et puis je soulignerais que dans les précédentes auditions, j'ai bien entendu que M. le ministre Roberge parlait de stabilisation, que l'intention du gouvernement était la stabilisation du nombre d'étudiants. Malheureusement, notre réalité, c'est qu'en deux ans, on a perdu 51,6 % en termes de demandes... d'inscriptions de nouveaux étudiants. Donc, il y a une chute vraiment dramatique. De manière spécifique, pour répondre à votre question, en astrophysique, nous avons deux chaires de recherche d'excellence du Canada. Nous sommes des leaders en matière de recherche sur les ondes gravitationnelles et de recherche sur les exoplanètes. Ce type de spécialisation là, c'est des étudiants de troisième cycle qui viennent étudier avec nos professeurs... ce type de spécialisation là, ça ne court pas les rues. Donc, il y a un bassin d'étudiants québécois qui est insuffisant pour répondre à la demande. Et sans...

M. Lebel-Grenier (Sébastien) : ...à ces étudiants, surtout au doctorat, mais, également, à la maîtrise. Nos professeurs sont compromis dans leur capacité de poursuivre leurs recherches de haut niveau, et donc de maintenir le leadership... leur leadership, mais, également, le leadership du Québec dans ces recherches-là et dans la participation des grands ensembles de recherche. Par exemple, nos professeurs sont des membres à part entière de grands observatoires européens, du grand télescope européen au Chili.

Donc, toute cette capacité d'avoir accès à des outils de recherche de haut niveau dépend sur la capacité de continuer à publier, ce qui ne peut se faire qu'avec un bassin d'étudiants suffisant. Évidemment, ils cherchent à recruter les étudiants localement, au Québec, mais la réalité, c'est que le bassin n'est pas suffisant. Et la réalité aussi, c'est que les étudiants québécois veulent aller étudier à l'étranger eux aussi, parce que c'est quelque chose qui est important, dans une carrière de recherche, d'être exposé à cette expérience internationale là. Donc, il n'est pas surprenant que plusieurs étudiants internationaux cherchent à venir au Québec, pour les mêmes raisons. Donc, ça a un impact, vraiment, assez fondamental.

Je vous dirais que la... avec les mesures... Et je reconnais, là, que ce n'est pas uniquement le fait du Québec. Le gouvernement fédéral a introduit des mesures également, mais le Québec en a rajouté, à plusieurs niveaux, a induit de l'incertitude. Le message qui a été reçu à l'étranger, c'est que le Québec n'est plus une destination de choix pour les études, particulièrement pour les études supérieures. Et ce dont on a besoin, c'est, oui, de la stabilité, évidemment, pour avoir de la prévisibilité, mais une prévisibilité sur au-delà d'un cycle de trois ans. Et, surtout, on a besoin de travailler en partenariat avec le gouvernement pour redorer l'image du Québec à titre de destination privilégiée pour les étudiants internationaux, donc pour attirer ce talent-là, sans lequel on va perdre, en termes... on va être désengagés des réseaux de recherche internationaux et on va limiter notre compétitivité à long terme.

M. Morin : Et est-ce que ça pourrait faire en sorte qu'éventuellement des chercheurs de votre université pourraient perdre leurs chaires de recherche?

M. Lebel-Grenier (Sébastien) : Oui, ils pourraient perdre leurs chaires de recherche. Ils pourraient aussi décider de quitter pour d'autres cieux, donc ils pourraient décider d'aller ailleurs, au Canada ou à l'international, s'ils perdent l'accès à ce bassin d'étudiants, qui est essentiel à leur poursuite de... à la poursuite de leurs programmes de recherche.

M. Morin : Et je comprends également qu'évidemment, et vous l'avez... vous l'avez mentionné, ces chercheurs-là qui sont en contact avec l'Europe, avec le Chili, bien, j'imagine qu'ils ont un réseau, et les talents qu'ils peuvent attirer, bien, évidemment il y en a qui vont venir de l'étranger, tout comme, ici, quelqu'un qui veut entreprendre des études supérieures... bien, corrigez-moi si je fais erreur, mais ce n'est peut-être pas une mauvaise chose d'aller dans différentes universités pour cumuler des expériences, que ce soit au niveau de la recherche, de la pédagogie, se développer un réseau, et puis, souvent, pour un doctorat, aller à l'étranger, évidemment, revenir. Donc, c'est une espèce de microcosme, au fond?

M. Lebel-Grenier (Sébastien) : Bien, en fait, la recherche de pointe repose sur les collaborations internationales, et il faut avoir cette toile d'araignée de collaborations. Souvent, c'est des étudiants qui ont étudié, par exemple, au deuxième cycle, dans un laboratoire partenaire, qui vont venir chez nous pour leurs études de troisième cycle, ainsi de suite. Donc, ce réseautage-là est essentiel, est essentiel dans plusieurs domaines où les infrastructures de recherche sont particulièrement lourdes, et où la connaissance avance très rapidement.

M. Morin : Et là je comprends, pour reprendre votre image, que la toile est mise à mal un peu, là, c'est compliqué.

M. Lebel-Grenier (Sébastien) : Puisque la réputation du Québec a été affectée, ça rend le recrutement beaucoup plus difficile, et ça compromet, par ricochet, ces recherches.

M. Morin : Toujours à la page 6 de votre mémoire, vous soulignez que la venue d'étudiantes et étudiants internationaux, c'est un vecteur essentiel d'attraction du talent dans l'arrondissement, mais que ça a, par ailleurs, un impact économique majeur sur Lennoxville. Est-ce que vous avez fait des recherches? Est-ce que vous avez le montant? Est-ce que vous savez c'est quoi, l'impact économique, en termes de montant? L'avez-vous calculé?

M. Lebel-Grenier (Sébastien) : Oui. On n'a pas une étude spécifique sur les étudiants internationaux, mais on avait fait le calcul pour les étudiants du reste du Canada, qui sont... qui étaient, historiquement, deux à trois fois plus nombreux, et on parlait d'un impact économique de 26 millions de dollars par année.

• (19 h 50) •

M. Morin : D'accord, je vous remercie. Toujours à la même page, et vous y avez fait référence, donc, je comprends que le programme de...

M. Morin : ...expérience québécoise n'est pas accessible à un étudiant ou une étudiante d'une université anglophone, même si cet étudiant-là est parfait bilingue ou a un niveau huit, neuf en termes de français.

M. Lebel-Grenier (Sébastien) : C'est exact. Évidemment, le programme n'est plus accessible à personne parce qu'il a été suspendu...

M. Morin : Oui, bien sûr.

M. Lebel-Grenier (Sébastien) : ...mais, avant sa suspension, il n'était pas accessible aux étudiants qui passaient par des universités anglophones, malgré qu'ils répondent à l'exigence de l'atteinte du niveau sept en termes de compétences linguistiques en français ou même si ça avait été à un niveau supérieur. Donc, ils étaient écartés d'emblée.

M. Morin : Donc, est-ce que je comprends qu'un étudiant de la France, donc, qui est... qui parle français mais, parce qu'il s'intéresse à l'astrophysique, s'en va chez vous, parce que vous avez un pôle de recherche, ne pouvait pas bénéficier du PEQ avant sa suspension parce qu'il était diplômé d'une université anglophone?

M. Lebel-Grenier (Sébastien) : C'est notre compréhension. Et puis, je vous dirais, l'ironie là-dedans, c'est que les étudiants français viennent pour plusieurs à l'Université Bishop's parce qu'ils veulent accroître leurs compétences linguistiques en anglais, mais le faire dans un milieu bilingue où ils peuvent fonctionner en français, en vue d'accroître leurs compétences pour leurs futures carrières, donc en termes d'internationalisation et de capacité de travailler, par exemple, dans des laboratoires de recherche à l'échelle du monde.

M. Morin : Bien. Et donc c'est la raison pour laquelle, dans vos recommandations, vous demandez de réintroduire le PEQ mais pour l'ensemble des candidats, parce qu'évidemment, là, ils n'ont pas accès.

M. Lebel-Grenier (Sébastien) : C'est ça, c'est exactement ça. Et c'est la position du BCI également.

M. Morin : Je comprends. Bon, le PEQ est suspendu, mais il y a un autre programme qui s'appelle le PSTQ. Est-ce que c'est un programme qui vous aide? Est-ce que des gens qui font des stages, qui seraient des stages rémunérés, pourraient... chez vous pourraient compter pour éventuellement être capables d'être des candidats dans le programme ou si ça pose un problème?

M. Lebel-Grenier (Sébastien) : Bien, ça pose un problème. En fait, ce n'est pas les mêmes conditions. Donc, il faut avoir une année d'expérience de travail. Les étudiants qui viennent étudier chez nous ne vont pas nécessairement se qualifier pour accumuler ce temps-là d'expérience de travail. Donc, ça rend les choses beaucoup plus compliquées.

Puis j'aimerais souligner le fait que les étudiants qui viennent chez nous ont... en général, de... selon le programme d'études, de 2 à 5 ans pour s'intégrer à la société québécoise. Donc, c'est des étudiants qui ont eu l'occasion d'apprendre et d'obtenir des compétences linguistiques, d'avoir une connaissance pointue de la société québécoise. Ils sont prêts à être intégrés. Donc, le programme, en exigeant en plus qu'il y ait une année d'expérience de travail, ne répond pas à la réalité de ces étudiants-là, qui ont démontré leur capacité de s'intégrer à la société québécoise.

M. Morin : Et est-ce que vous pensez que ce serait un élément important que le... il y ait des volets, en tout cas, du PSTQ qui pourraient être changés ou modifiés pour faire en sorte que des étudiants ou étudiantes qui font un stage, mais pas pendant une année, pourraient éventuellement avoir accès au programme?

M. Lebel-Grenier (Sébastien) : Oui. Si les règles étaient assouplies, évidemment, ça pourrait aider. Je vous dirais qu'en bout de ligne, ce qui est important pour nous, c'est qu'on puisse travailler de façon constructive avec le gouvernement pour redorer le blason du Québec, pour redorer la réputation du Québec à l'international, pour que les étudiants n'aient pas cette perception qu'ils ne sont pas les bienvenus au Québec, et puis qu'on retrouve les niveaux d'inscriptions qu'on connaissait il y a deux ans. Donc, nous, c'est vraiment de limiter la chute, de travailler ensemble à renverser la vapeur, parce que, manifestement, les mesures a eu un impact beaucoup plus important que ce qui était souhaité.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : En terminant.

M. Lebel-Grenier (Sébastien) : Donc, ce qu'on souhaitait, c'était une stabilisation. On a une chute catastrophique. Donc, il y a un enjeu, et il faut adresser cet enjeu-là.

M. Morin : Je vous remercie. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, on termine cette ronde de discussion avec le député de Laurier-Dorion pour quatre minutes huit secondes.

M. Fontecilla : Merci. Bonjour, madame, monsieur. Écoutez, je retire de votre présentation ainsi que de votre mémoire un certain sentiment d'urgence, voire de détresse. Est-ce que la situation actuelle, les politiques qui sont mises de l'avant constituent une menace... je ne veux pas... une menace, tout court, pour...

M. Fontecilla : ...Université Bishop's

M. Lebel-Grenier (Sébastien) : Bah! écoutez, on a... On a joué dans ce film-là il y a... il y a deux ans, là. Donc, les choses se sont stabilisées un peu. On est... Ça nous met en position difficile. Je ne crois pas que ça menace l'existence de l'université. On n'est pas au même niveau, mais évidemment ça nous met dans une position difficile. Donc, cette année, nous anticipons un déficit d'opération de 1,4 million sur un budget de 80 millions, ce qui est extrêmement significatif pour nous. Et on anticipe que la situation va continuer de se détériorer parce que les impacts, par exemple, sur le recrutement étudiant, découlent de facteurs que nous ne contrôlons pas. On se bat contre des perceptions en d'autres termes présentement. Donc, est-ce que ça menace l'existence de notre université? Non. Est-ce que ça menace l'intégrité du modèle académique qui nous caractérise? Oui. Est-ce que ça a des conséquences très graves sur l'opération. Oui, je dois répondre oui.

M. Fontecilla : Question qui me taraude. Vous avez mentionné qu'il y a une baisse aussi, puis je vous... corrigez-moi au besoin, là, d'une inscription d'étudiants du reste du Canada. Est-ce que c'est...

M. Lebel-Grenier (Sébastien) : Oui.

M. Fontecilla : À quoi c'est attribuable, cette baisse-là?

M. Lebel-Grenier (Sébastien) : Bien, c'est le même type de dynamique, c'est-à-dire qu'il y a deux ans le gouvernement avait introduit des mesures qui visaient essentiellement à doubler les frais de scolarité pour les étudiants du reste du Canada. Ça a été revu par la suite. Et puis on a eu quand même des dialogues très constructifs avec le gouvernement qui ont résulté en des exemptions pour Bishop's qui reconnaissaient sa situation particulière. Malgré tout, ça a eu un impact réputationnel. Donc, le message a été entendu ailleurs au Canada, ce qui fait en sorte qu'il y a une méfiance. Il y a une crainte de la part d'étudiants potentiels à savoir s'ils vont être les bienvenus au Québec. Évidemment, quand ils viennent chez nous, il n'y a pas d'enjeu. Ils sont accueillis avec la même, la même expérience qu'ils ont toujours... dont ils ont toujours bénéficié. Mais on se bat contre des perceptions. Et malgré qu'on ait déployé beaucoup, beaucoup d'énergie pour limiter cette atteinte à... cette atteinte à la réputation du Québec, si on veut, on voit encore une chute d'environ 10 % lorsqu'on compare le nombre de nouveaux étudiants aux chiffres d'il y a deux ans, d'avant l'annonce de ces mesures-là.

M. Fontecilla : Merci beaucoup.

M. Lebel-Grenier (Sébastien) : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, c'est ce qui met fin à cette présentation. Je vous remercie pour l'apport à nos travaux, et je vais suspendre quelques instants, le temps de recevoir le prochain groupe.

(Suspension de la séance à 19 h 58)


 
 

20 h (version non révisée)

(Reprise à 20 h 01)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Donc, nous allons recevoir pour les prochaines 45 minutes le groupe MCM, Solutions justes. Par contre, avant d'entamer les discussions et la présentation de votre mémoire, j'ai besoin du consentement pour la présence du député de Saint-Henri—Sainte-Anne, qui va remplacer le député de Laurier-Dorion. Est-ce que j'ai votre consentement?

Des voix : ...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Consentement. D'accord. Alors, nous allons donc, députés... députés, députés, on va... on est tous des députés. Nous allons donc débuter, par contre, cette présentation. Mesdames, monsieur, vous allez avoir une période de 10 minutes pour vous présenter ainsi que présenter l'essentiel de vos recommandations. Par la suite, vous le savez, nous allons discuter avec les parlementaires. Alors, les 10 prochaines minutes sont à vous.

M. Rouget (Anthony) : Merci beaucoup. Bonsoir, tout le monde. Bonsoir, donc Mme la Présidente, M. le ministre, Mesdames et Messieurs les députés et les collaborateurs et collaboratrices. Donc, merci de nous accueillir. Donc, avant de nous présenter, j'aimerais juste dire un mot sur le fait que je ne sais pas si vous l'avez vu, mais la salle a l'air remplie, ce qui est assez rare en commission. Donc, je remercie tout le monde d'être présent, et ça montre que les enjeux qu'on va discuter ce soir et que vous avez discutés déjà avant touchent directement la vie de beaucoup et que ça les intéresse et les inquiète. Donc, c'est toujours un plaisir et un honneur de participer au processus démocratique, en espérant que ce processus ait réellement un impact dans les décisions qui s'ensuivront. Donc, pour nous présenter, nous travaillons pour la clinique juridique Solutions justes, c'est un programme de la MCM. La MCM, c'est un organisme communautaire qui intervient et vient en aide aux personnes immigrantes depuis 1910. Elle organise à travers différents programmes, dont Solutions Justes, un éventail d'activités pour intégrer et briser l'isolement des personnes immigrantes et réfugiées. Elle est reconnue pour sa quête de promotion de la justice sociale, de défense des droits de la personne et le respect de la dignité humaine.

La clinique juridique Solutions Justes offre de l'information, de l'accompagnement et de la représentation juridique et administrative gratuite aux personnes migrantes sans statut et à statut précaire. La majorité de nos clients et clients cumule beaucoup de facteurs de vulnérabilité. Donc, on parle de problématique de santé mentale, de santé physique, des problématiques d'itinérance, de violence conjugale, ce genre de problématiques. Donc, la clinique offre des services juridiques pour les informer, les outils et leur permettre de faire face à certaines barrières systémiques et régulariser leur situation. Du coup, grâce à notre vaste expérience dans ce domaine-là depuis donc maintenant plus de 20 ans, nos... de nombreuses... de nouveaux... de nombreux organismes, notamment des organismes publics comme des hôpitaux, des CLSC ou des CIUSSS, nous réfèrent des personnes ayant besoin d'aide dans leur parcours migratoire et se trouvant dans des situations complexes et en grande situation de vulnérabilité.

Du fait de notre implication de longue date, nous avons également bâti un réseau important de partenaires. C'est dans ce cadre-là que nous recommandons d'apporter davantage de soutien aux organismes qui luttent dans un accès à la justice en droit à l'immigration humanitaire, car, en effet, vous avez pu le lire dans le mémoire, l'accès à la justice est fondamental pour la suite du parcours migratoire dans toutes les sphères de la vie. Depuis les dernières consultations, nous avons pu constater un recul dans la protection de ces personnes-là, que ce soit dans les mesures gouvernementales telles que celles qui ont été annoncées récemment, bien, par vous même mais également dans le financement des organismes gouvernementaux ou communautaires de première ligne.

Nous allons donc concentrer notre intervention sur deux points qui nous paraissent prioritaires : l'importance du soutien juridique et particulièrement de la représentation, avec en tête l'idée que le statut d'immigration est la racine de nombreuses problématiques et l'importance du financement des organismes juridiques, particulièrement en matière de représentation juridique, comme une clé, en fait, pour la suite du parcours des personnes.

Et je passe la parole à ma collègue Elizabeth.

Mme Collin-Paré (Elizabeth) : Donc, le 2 juin 2025, la MCM Solutions Justes a publié un rapport de recherche en partenariat avec l'Université de Concordia, l'Université de Montréal, l'Université d'Ottawa, l'Université Laval sur les expériences d'accès aux services et à l'accompagnement juridique des personnes migrantes à statut précaire et sans statut au Québec. Les constats de notre recherche...

Mme Collin-Paré (Elizabeth) : ...combiné à notre expertise juridique, révèle que les politiques actuelles et celles dans le cahier de consultation tendent à renforcer les logiques de précarisation et compromettent l'inclusion réelle des personnes immigrantes et réfugiées. Ces politiques reposent sur une multiplication des statuts temporaires, des délais de traitement excessifs et un désengagement structurel envers l'accès à la justice.

Cette recherche met aussi en lumière l'importance cruciale de l'accès des... l'accès à des services juridiques de qualité puisqu'ils influencent directement la réussite du parcours d'intégration des personnes. En effet, nous vivons dans un État de droit qui... qui place l'ordre, la justice, et donc l'accès au droit, au cœur de notre raison d'exister collectivement.

Le statut d'immigration est essentiel à l'intégration à la société. Ainsi, le renforcement de l'accès aux services juridiques doit devenir une priorité car il constitue la base d'une intégration véritablement réussie.

Et paradoxalement, bien que l'accès aux droits et aux services juridiques de représentation constitue une clé fondamentale, le gouvernement a choisi de réduire ce qui représente pourtant la base même du vivre-ensemble, le droit et la justice.

Cela survient alors que cet accès aux droits était déjà insuffisant. La fermeture du Bureau d'aide juridique en immigration, dans la ville de Québec, ainsi que la récente annonce de coupures budgétaires au Bureau d'aide juridique de Montréal entraînent des répercussions dramatiques.

Comme mentionné dans le cahier de consultation à la page 50, afin de continuer à respecter ses engagements humanitaires tout en tenant compte du nombre important des personnes réfugiées ou en situation semblable déjà présentes sur son territoire et des délais auxquels elles sont confrontées dans l'obtention... dans l'obtention de la résidence permanente, le Québec pourrait privilégier l'admission des personnes appartenant à la catégorie de l'immigration humanitaire se trouvant déjà sur son territoire.

En ce sens, il serait souhaitable que le Québec accorde la priorité à ces personnes. Cependant, encore faut-il qu'elles aient accès à l'information et à la représentation juridique pour connaître leurs droits et leurs... et les options qui s'offrent à elles.

Une intégration réussie passe d'abord par la... la régularisation de leur statut ou de leur situation juridique. À cet égard, l'aide juridique et les cliniques communautaires telles que la nôtre ou encore la Clinique pour la justice migrante constituent des ressources inestimables pour des personnes souvent en situation de grande précarité et de grande vulnérabilité.

Par ailleurs, la décentralisation de l'immigration ne peut réussir que si les ressources suivent. Les régions qui accueillent des personnes immigrantes et réfugiées doivent pouvoir s'appuyer sur des ressources gouvernementales, communautaires et juridiques pour faciliter leur intégration. Nous recevons d'ailleurs des demandes provenant de toutes les régions du Québec. À titre d'exemple, la fermeture du Bureau d'aide juridique à Québec, le seul bureau spécialisé en immigration en dehors de Montréal, compromet sérieusement le projet de... régionalisation de l'immigration.

De plus, même si les organismes communautaires jouent un rôle essentiel dans l'accès à la justice, ils ne peuvent compenser le manque d'investissement dans l'aide juridique en immigration. Les personnes immigrantes et réfugiées ne nécessitent pas seulement de l'information juridique, mais un accès à la représentation juridique. Notre travail va bien au-delà de la transmission d'informations. Nous accompagnons et représentons ces personnes, mais les besoins dépassent largement nos capacités actuelles.

Je passe maintenant la parole à ma collègue Catherine.

Mme Blais-Delisle (Catherine) : Les organismes communautaires jouent un rôle crucial dans l'accompagnement des personnes vulnérables et marginalisées, incluant les personnes migrantes à statut précaire ou sans statut. Il s'agit donc d'aller plus loin dans la reconnaissance de leur rôle, en commençant par des politiques de financement.

La planification actuelle fait état de la pression sur les services publics. Ce serait naïf, voire erroné, de dire autrement. À force de limiter l'accès à la résidence permanente et de couper dans les ressources d'aide juridique, de plus en plus de personnes se retrouvent en situation de précarité. Oui, les organismes communautaires sont surchargés, mais la solution est pourtant simple. Si on facilite l'accès aux services juridiques pour les personnes migrantes à statut précaire ou sans statut qui vivent au Québec, on répond au problème à sa source, la précarité, une précarité qui est directement liée à leur statut d'immigration.

Les personnes qui viennent à notre clinique veulent travailler. Plusieurs d'entre elles travaillent déjà dans des conditions extrêmement difficiles, sans aucun filet de sécurité sociale. Ces personnes contribuent à notre société. Certaines d'entre elles vivent et travaillent au Québec depuis plus d'une trentaine d'années.

• (20 h 10) •

Plusieurs entreprises privées témoignent du rôle crucial que jouent les personnes migrantes face à la pénurie de main-d'œuvre au Québec. Un point qui a été soulevé par des associations professionnelles lors de ces consultations. Les personnes migrantes ne sont pas un fléau pour la société. Elles contribuent à notre économie et à la vitalité de nos régions éloignées. Si on suit une logique purement économique, leur apport à la société est réel et bénéficie à l'ensemble de la société québécoise, que ce soient des préposés aux bénéficiaires qui s'occupent de nos personnes âgées, que des chercheurs qui contribuent au développement et l'innovation, qu'aux éducatrices à la petite enfance qui veillent au...

Mme Blais-Delisle (Catherine) : ...bien-être de nos tout-petits. Elles vivent parmi nous, et si on ne finance pas les organismes qui les soutiennent et qu'on les maintient dans une situation de précarité en limitant leur accès aux services juridiques et en leur refusant l'accès à la résidence permanente, les organismes communautaires continueront à être surchargés.

Notre travail consiste à informer ces personnes de leurs droits. Mais sans financement durable, notre capacité à les représenter reste extrêmement limitée. Sans représentation juridique, ces personnes n'ont pas les moyens pour régulariser leur statut, stabiliser leur situation et désengorger les services publics et les organismes communautaires. Investir dans les organismes communautaires et les cliniques juridiques qui soutiennent ces personnes, c'est investir dans notre société, c'est travailler en prévention. C'est de leur permettre de travailler légalement, de se loger, de se nourrir. C'est réduire le nombre de personnes en situation de précarité.

C'est pourquoi on recommande d'assurer un accès équitable aux services en priorisant les services juridiques, de soutenir et de financer les organismes communautaires dont la mission est de faciliter l'accès à la justice pour les personnes immigrantes. Merci de votre attention.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, on va entamer la période des discussions avec les parlementaires. Je me tourne du côté de la banquette gouvernementale avec M. le ministre, pour une période totale de 16 min de 30 s.

M. Roberge : Merci bien. Merci pour votre présentation. Salut aux gens qui sont ici à l'Assemblée nationale. Bienvenue! Merci d'être présentes et présents. Merci aussi à vous pour ce qui se passe au quotidien dans vos bureaux, et relations d'aide, sans doute dans des conditions difficiles et des gens qui éprouvent des fois de la détresse. Donc ça, c'est sûr que c'est extrêmement apprécié.

Au Canada. Au Québec, on a un enjeu important par rapport aux demandeurs d'asile, c'est... il y en a plusieurs, mais il y en a un notamment, je pense, qui nourrit la précarité des personnes, c'est le traitement des demandes qui est très très long. Les derniers chiffres que j'ai, on me dit que le temps d'attente prévu pour les nouvelles... demandeurs... les demandes d'asile déférées à la Commission de l'immigration et du statut de réfugiés, c'est autour de 37 mois, peut-être un peu plus que ça, puis c'est un peu gênant parce qu'en Allemagne c'est un peu moins de neuf mois, en France, c'est quatre mois et demi à peu près, en Italie, 6 à 12 mois, puis au Canada, plus de... plus de trois ans, et c'est... c'est du temps d'attente qui est... qui est probablement très angoissant pour les gens et qui donne aussi parfois de faux espoirs, parce que ces personnes-là, pendant ce temps-là, heureusement, ont un permis de travail plus vite qu'avant, donc je vais le saluer quand même, ça, ça s'améliore. Mais par contre parfois s'installent en souhaitant que ce soit de manière durable, et la décision finale n'est pas toujours positive à la fin, et je pense qu'on aurait tout le monde intérêt à être beaucoup plus rapide, même encore plus rapide pour le pour les permis de travail et certainement au moins dans la moyenne pour la décision finale.

Il y a quelque chose qui m'a interpellé dans votre mémoire, par contre, c'est qu'est-ce qui arrive au bout de cette décision-là qui relève du gouvernement canadien, pas du nôtre? Mais bon, ce sont les mêmes personnes, peu importe quelle décision soit prise par Ottawa ou Québec, une personne, c'est une personne puis elle subit cette décision-là ou elle la reçoit. Mais bon, je suis à la page 11 de votre mémoire : «Dans l'esprit des lois actuelles, après qu'une demande d'asile ait été refusée, que son appel ait également été rejeté, de même que l'appel à la Cour fédérale, donc deux appels, le ou la personne refusée se voit notifier par l'Agence des services frontaliers du Canada d'une procédure de renvoi à la rencontre, le départ est organisé avec les agents.» Ensuite, vous dites : «S'il ne présente pas à ce rendez-vous de l'ASFC — l'agence fédérale — un mandat d'arrêt est émis à leur encontre des personnes se retrouvant sans statut d'immigration, cela entraîne l'absence de droits au niveau de la santé, du logement, de tout autre droit de subsistance.» Mais c'est trop long, là. Je l'ai déjà dit, mais une fois qu'il y a eu une première décision qui est négative, un premier appel, un second appel, est-ce que c'est pas normal d'un état de droit, comme vous le dites, que la personne quitte le territoire parce que c'est une demande d'asile qui a été refusée puis même après les appels? Est-ce que ce n'est pas normal que cette personne-là doive quitter le territoire?

M. Rouget (Anthony) : Du coup, votre question, c'est de savoir si nous on pense que c'est normal ou pas?

M. Roberge : Oui, ça, c'est ma question.

M. Rouget (Anthony) : OK. Bien, en fait, nous, on ne se pose pas la question. Nous, en fait on est des juristes, on applique des choses, et en fait il y a des procédures ensuite qui s'appliquent. C'est ce qu'on va appeler la demande de résidence permanente pour considérations d'ordre humanitaire. Si jamais les personnes...

M. Rouget (Anthony) : ...utilise cette méthode-là, c'est bien qu'il existe une possibilité qu'elle reste ici, sur le territoire. Vous avez vous-même dit que les traitements étaient extrêmement longs. Je ne sais pas vous, mais en tout ce temps-là, moi, je me suis implanté sur un territoire, je me sens chez moi, je me sens... Et la demande d'asile, c'est une demande qui a des critères très particuliers. C'est d'ailleurs pour ça qu'elle est complétée par d'autres types de demandes. Du coup, pour nous, ça nous paraît peut-être plus normal d'équilibrer ces demandes-là de... que, par exemple, les demandes d'asile... les demandes de résidence permanente pour considérations d'ordre humanitaire, mais je sais que, de toute façon, c'est des compétences au fédéral, là, mais c'est pour répondre à votre question, soit suspensives, des mesures de renvoi, par exemple, ou... Parce que c'est d'autres critères, en fait, où on va beaucoup accentuer sur, justement... et c'est là où c'est intéressant pour le Québec, c'est l'implantation ici, dans tout ce temps-là, c'est... j'ai créé mes amis, j'ai créé ma famille, j'ai... mon enfant est à l'école. Donc, c'est tout ce processus-là, avec les problématiques de santé.

Donc, pour nous, non, dans la mesure où il existe ces règles-là. Elles n'existeraient pas, bien, déjà, nous, on ne travaillerait pas, parce qu'on ne fait pas les demandes d'asile, on fait justement tout ce qu'il y a après. Donc, en l'espèce, non. Si jamais ça devait changer, bien, on n'existerait pas et vous ne pourriez même pas nous poser la question, donc...

M. Roberge : OK. Je comprends. En réalité, vous utilisez les recours qui existent et puis les lois fédérales à cet égard-là pour aller en appel ou trouver une autre voie pour que la personne qui s'est vu une demande d'asile refuser puisse exercer d'autres recours ou utiliser d'autres... d'autres chemins. Je comprends mieux votre perspective.

Vous parlez, à la page 15, de revoir les conditions qui accompagnent la régionalisation, vous parlez de la régionalisation. Qu'est-ce que vous proposez pour améliorer, je vous dirais...

Une voix : ...

M. Roberge : ...non, non, ça va, ça va, pour améliorer la régionalisation et donc, à la fin, l'intégration des personnes à la société québécoise. Plus facile de s'intégrer lorsqu'on sort des grands centres que lorsqu'on y reste.

M. Rouget (Anthony) : En fait, on part du principe que le statut d'immigration, c'est primordial dans l'intégration. C'est-à-dire que, par exemple, on multiplie les statuts temporaires. En fait, je sais... je vais parler pour moi, je ne vais pas parler pour vous parce que je ne sais pas, mais, quand je vais dans un pays sur un temps limité, je ne me sens pas de ce pays-là et je ne vais pas faire d'efforts, ou quoi, ça s'appelle des vacances. Je vais aller là-bas, je ne vais pas me sentir mexicain parce que je vais en vacances cet hiver à Cancún.

Donc, de la même manière, en fait, l'accès à un statut pérenne et régulier et l'accès aux droits, pour nous, c'est fondamental dans cette intégration-là. Donc, en fait, ça nous paraît très compliqué de parler, justement, de projet de décentraliser l'immigration, de régionalisation quand on n'y met pas les services nécessaires, et notamment l'accompagnement juridique. Donc, fermer, par exemple, le Bureau d'aide juridique à Québec, tu sais, c'est oxymoral avec le fait de dire : Bien, on veut décentraliser l'immigration, on veut régionaliser l'immigration, mais tous les services qui étaient déjà insuffisants, on va leur... on va les couper. Bien, en fait, du coup, de la même manière, on ne va pas se plaindre que l'intégration, elle n'est pas réussie, parce qu'en fait on a coupé des services qui sont essentiels pour cette intégration-là. Donc, il faut vraiment voir ce statut d'immigration et le droit comme vraiment la racine de tout ça.

M. Roberge : Bien, on a quand même amélioré les choses, dans les cinq dernières années, je pense qu'on est passé d'à peu près 19 % d'immigrants qui vivaient à l'extérieur de la région de Montréal à presque 34 %. En pourcentage, c'est une hausse qui est quand même très importante, là, 19 à 34 %.

Pour ce que vous dites en particulier, ça m'intéresse parce que... ce qui s'est passé à Québec, là, j'ai des petites notes ici, là, en 2023, il y avait une équipe temporaire qui avait été mise en place par la Commission des services juridiques, la CSJ, au sein du Bureau d'aide juridique de Québec, pour répondre à une augmentation, qui était importante du nombre de demandes d'aide juridique à ce moment-là. Mais il y a eu une diminution de 30 % des demandes au bureau à l'intérieur de la même année. Finalement, la commission a décidé de revenir à sa pratique originale puisque ça répondait aux besoins, parce qu'à un moment donné, l'offre de services excédait les besoins. Donc, on se disait : On va réajuster, peut-être, répartir là où il y a davantage de besoins.

• (20 h 20) •

Puis l'idée, c'est d'être capable de traiter... peut être qu'ils ne sont pas tous traités, vous dites, ils arrivent chez vous, mais je vous dirais, d'un point de vue d'administration, c'est suite à une demande de services qui était accrue...

M. Roberge : ...on a ajusté puis après ça, quand la demande a baissé, on a réajusté. Si jamais ça change encore, nous, on est prêts à répondre aux demandes. On ne veut pas laisser personne de côté. Je vous rassure, ce n'est pas... Ce n'est pas l'intention, mais les données nous montraient qu'on... qu'il y avait une réponse aux besoins.

M. Rouget (Anthony) : Bien, c'est à voir comment est-ce qu'on prend les données. Je ne vais pas parler au nom de Me Côté ou Me Morin puisque c'étaient eux les deux avocats de ce projet pilote ou de ce bureau temporaire. En fait, c'est juste qu'on a pris... Bien, j'ai dit que je ne vais pas parler en leur nom, mais je vais quand même expliquer un petit peu ce que... ce que... ma compréhension de tout ça. C'est que, oui, ils avaient des nombres de dossiers qui étaient moins importants que le nombre de dossiers qui sont présentement au bureau d'aide juridique de Montréal. En fait, il faut savoir qu'au bureau de l'aide juridique de Québec, les avocats, donc les deux avocats, faisaient beaucoup de demandes et de types de demandes qui sont différents. Et ces demandes-là, on ne peut pas les évaluer en disant : Une demande égale, je ne sais pas, 10 heures. Si toutes les demandes étaient pareilles, bien là, on pourrait se fier à des chiffres, à dire : Ah! OK, vous avez tel nombre. Donc, c'est tel nombre d'heures. Donc, c'est ça.

Le bureau d'aide juridique à Québec faisait beaucoup de demandes comme les demandes de résidence permanente pour considérations humanitaires, par exemple. Et tout ça, c'est des demandes qui prennent beaucoup, beaucoup plus de temps. Et la deuxième partie, c'est que la chance qu'a le bureau d'être juridique à Montréal, c'est d'être à Montréal. C'est-à-dire qu'il y a un grand tissu de réseaux communautaires qui peuvent aider ces personnes-là, qui peuvent les aiguiller, qui peuvent les assister. Pas Québec. Beaucoup moins. Et là, on parle de Québec, ville, mais le nombre de dossiers, ils avaient des dossiers à Rimouski, des dossiers à Saguenay et tout ça. Il faut les orienter. Et donc, en fait, même si effectivement ce n'est peut-être pas écrit qu'un avocat doit orienter et aider une personne, il doit faire du droit. Voilà, il fait sa demande et c'est tout. Heureusement qu'on a des avocats et des juristes, par exemple, Elizabeth, juste à mes côtés, qui pensent que le droit, c'est plus que ça, qui pensent que le droit c'est un accompagnement vraiment de la personne, qui pensent que le droit, c'est peut-être prendre du temps avec une personne qui est victime de violences conjugales.

Je suis l'image parfaite du système qui a été... qui leur a mis des barrières. Blanc, occidental. J'ai besoin de plus de temps, moi, pour travailler avec ces personnes-là, pour leur donner confiance dans notre système, dans notre société qui les a rejetés, tous, tout le temps, à chaque étape de leur parcours. Et ça a commencé avant d'arriver ici. Donc, c'est pour ça que c'est compliqué de parler de chiffres, de parler de différence entre le bureau de Montréal et le bureau de Québec, parce que le bureau de Québec faisait beaucoup plus que ça. Et nous, on en a vu vraiment les répercussions, de cette fermeture-là, en fait. On a ouvert très récemment un nouveau bureau de la clinique juridique à Québec. On l'avait créé avec le bureau d'aide juridique pour venir en complément, parce que c'était déjà insuffisant, parce qu'on avait déjà ces avocats-là qui venaient nous dire : Est-ce que tu peux nous aider? On travaille déjà en collaboration avec eux. Et aujourd'hui, sans eux, bien, je ne sais même pas si on va pouvoir rester, en fait, et garder cette seule clinique juridique dans la ville de Québec. Parce qu'en fait on a une pression qui devient de plus en plus importante et qu'on avait prévu de travailler avec le bureau d'aide juridique. Donc, c'est pour ça que je... Au niveau de vos chiffres, je n'irai pas contre. Je... Par contre, au niveau de leur interprétation, c'est là où peut-être qu'on diffère un petit peu.

M. Roberge : Parce que ce qu'on me dit, c'est que la Commission des services juridiques, ce qu'ils font, c'est qu'ils réfèrent à des avocats en pratique privée qui acceptent des dossiers d'aide juridique pour prendre en charge les personnes puis leur donner les services juridiques les plus adaptés. Je vous amène sur un autre sujet. Il me reste deux minutes, je pense, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Quatre minutes.

M. Roberge : Quatre minutes? Ah! Tant mieux. Pour ce qui est des... Si je reviens plus au cahier de consultation pour la planification pluriannuelle, il y a différents scénarios. Pour le nombre d'immigrants permanents, on soumet 25 000, 35 000 puis 45 000. Dans votre mémoire, vous voulez rajouter tous les trois. Vous dites que ce n'est pas... ce n'est pas... ce n'est pas suffisant. Ça ne va pas dans le sens de ce que vous souhaitez. Qu'est-ce que vous proposez?

M. Rouget (Anthony) : Bien, en fait, ce n'est pas qu'on rejette les seuils ou quoi, c'est que, pour nous, ça n'a aucun sens dans la mesure où notre clientèle, les gens qu'on dessert sont déjà là. Tu sais, je ne dis pas que ça n'a pas de sens, mais en fait c'est juste que je ne m'y suis même pas intéressé parce qu'en fait, moi, ce qui m'intéresse en tant que coordinateur de la clinique, c'est les gens qu'on dessert. Et les gens qu'on dessert, sur ces chiffres-là, sur cette notion de capacité d'accueil et tout ça, ils sont déjà ici. Donc, en fait, c'est pour ça que ces seuils-là, est-ce que ça nous touche réellement quand on parle de gens qui sont sans statut et qui sont déjà là? Je ne sais pas trop. Donc, c'est en fait... C'est là qu'on voulait aller, en fait, en disant : Bien, en fait, c'est trois scénarios...

M. Rouget (Anthony) : ...pour nous ça n'a pas d'intérêt. Et ça va avec le sens de privilégier justement l'immigration humanitaire qui est déjà sur place, que vous, vous écrivez aussi. Donc, c'était juste ça, de clarifier quelque chose comme ça, en fait, de dire : Bien, en fait, ce sont des gens déjà présents.

M. Roberge : Donc, la notion de privilégier, pour les immigrants permanents, les gens qui sont sur le territoire, plutôt que de faire venir de nouvelles personnes, ça, vous y adhérez. Par contre... Oui? Je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche. La notion de sélectionner parmi les gens qui sont sur place?

M. Rouget (Anthony) : Bien, pas de sélectionner, du coup, les gens qui sont déjà sur place. Mais les gens sont déjà sur place. Du coup, là, l'idée, c'est de juste régulariser ces personnes-là.

M. Roberge : OK. Pour vous, si quelqu'un débarque sur le territoire québécois, il ne peut plus repartir. Ça y est, il va... il va rester ici.

M. Rouget (Anthony) : Ça m'arrangerait. Je suis aussi en permis de... en permis temporaire.

M. Roberge : Non. Mais c'est ça. Vous êtes d'accord avec ça. Mais ce que... ce que je comprends, c'est que quelqu'un qui arrive ici et qui veut rester doit pouvoir rester.

M. Rouget (Anthony) : En l'espèce, oui.

M. Roberge : Mais, comme on ne contrôle pas le fait que... le nombre de personnes qui arrivent sur le territoire, on ne peut plus planifier. Si d'emblée tout le monde qui met le pied au Québec et veut rester aurait, si je vous suis, d'emblée le droit de rester au Québec, il y a... il n'y a plus de politique migratoire, là. C'est tous ceux qui veulent venir viennent et tous ceux qui arrivent ont le droit de rester.

M. Rouget (Anthony) : Je dirais peut-être...

M. Roberge : Et il y a... il n'y a plus d'évaluation. On n'a plus besoin de faire l'évaluation, là, rendus là.

M. Rouget (Anthony) : Je ne dirais peut-être pas «d'emblée», parce que justement, en fait, sinon, nous non plus, on n'existerait pas. On ne travaillerait pas, là. C'est juste qu'on doit permettre à ces personnes-là de pouvoir déposer des certains types de demandes, de pouvoir sécuriser ces demandes-là, le temps des... le temps des traitements.

Je ne sais pas si vous avez vu le temps de traitement d'une demande de résidence permanente pour considérations d'ordre humanitaire, qui, du coup, ne suspend pas les mesures de renvoi, qui, du coup, n'accorde pas justement de permis de travail. C'est plus de 10 ans. Donc, pour nous, c'est... cette clientèle qu'on dessert là, c'est qu'il faut qu'on travaille autour de ces questions-là. C'est que notre taux d'acceptation sur les demandes justement qu'on appelle ces demandes... est quasiment de 100 %. Donc, c'est... la problématique, ce n'est pas qu'ils soient acceptés ou pas, en tout cas pas pour nous. Parce qu'en fait ils le sont en bout de ligne. La problématique, c'est qu'en fait le temps de faire ce travail-là, bien, on a des personnes qui sont détruites, on a des personnes qui sont en situation d'itinérance, on a des personnes qui, du coup, avec tous ces problèmes-là, qui sont inhérents, là, aux situations d'itinérance...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : En terminant.

M. Roberge : Et c'est là où on doit prendre soin des gens qui sont ici. Là-dessus, je vous rejoins. Merci pour l'éclairage que vous apportez à la commission. Vous apportez quelque chose de différent des intervenants précédents. C'est apprécié. Merci.

M. Rouget (Anthony) : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, M. le ministre. Merci beaucoup. On poursuit avec le député d'Acadie pour 12 minutes 23 secondes.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Alors, bonsoir. Et bonsoir à tous les gens qui... qui vous accompagnent. Ça me fait plaisir que vous soyez là, bien sûr, et puis qu'on puisse échanger avec vous. Merci pour... pour votre mémoire.

À la page 15 de votre mémoire, dans vos recommandations, vous écrivez que vous voyez des délais de traitement excessifs et un désengagement structurel envers l'accès à la justice. Vous proposez certaines formules. Mais, sur le terrain, concrètement, qu'est-ce que vous vivez? Quelle est votre expérience avec des éléments qui touchent, là, un désengagement structurel envers l'accès à la justice?

Mme Blais-Delisle (Catherine) : Ce qu'on voit, c'est qu'il y a un manque d'avocats en droit de l'immigration humanitaire. Tout le monde nous le dit sur le terrain. Essayez de trouver une personne à qui référer un avocat en immigration, malheureusement, il n'y en a pas suffisamment.

Avec la fermeture du Bureau d'aide juridique de Québec, on a coupé les deux avocats en immigration qui travaillaient là, donc encore plus difficile pour les personnes en région. On est une clinique juridique, on est un organisme à but non lucratif, donc nous, vraiment, des... les gens nous... nous contactent parce que nos services sont gratuits, mais malheureusement, notre capacité à les représenter est extrêmement limitée, comme d'autres cliniques juridiques qui travaillent en droit de l'immigration humanitaire. Puis il n'y en a pas beaucoup au Québec.

• (20 h 30) •

Donc, ces personnes-là, quand on veut se chercher un avocat pour défendre nos droits, pour plaider notre cause, justement, pour démontrer les raisons pour lesquelles on ne peut pas retourner dans notre pays... Puis il y a beaucoup, beaucoup de personnes qui se retrouvent dans des situations très difficiles. Je pense, c'est important de le mentionner. On parle de personnes qui vivent... justement, on l'a mentionné un peu plus tôt, au niveau de notre clientèle, des personnes qui ont des problèmes de santé physique ou mentale graves...


 
 

20 h 30 (version non révisée)

Mme Blais-Delisle (Catherine) : ...personnes qui ont vécu de la persécution. On parle de personnes qui vivent la violence conjugale, sexuelle ou sur le genre. Donc, ça, c'est les gens qu'on côtoie au jour le jour pour donner un peu un profil de ces personnes-là. Donc, lorsqu'on veut être représenté... Parce que, on s'entend, le droit à l'immigration humanitaire, c'est un droit qui est très complexe, c'est un droit d'exception, donc, pour quelqu'un qui ne connaît pas le système, qui parfois ne parle pas la langue, imaginez essayer de naviguer ce système-là. C'est déjà difficile pour les personnes au Québec d'essayer de comprendre le système d'immigration. Donc, c'est un peu ça qu'on veut dire par ça. Je ne suis pas certaine si ça répond à votre question.

M. Morin : Ça répond... ça répond à ma question. Est-ce que vous avez accès ou est-ce que vous...  Parfois, vous pouvez référer à des avocats ou des avocates de pratique privée, mais qui peuvent prendre des mandats d'aide juridique. Parce que, là, je comprends qu'au niveau des permanents de l'aide juridique, c'est... c'est compliqué, plusieurs sont débordés. Est-ce que c'est... Est-ce que c'est une voie à laquelle vous avez accès?

Mme Blais-Delisle (Catherine) : Oui. Donc, évidemment... Bien, je vais peut-être passer la parole à ma collègue qui est une avocate, donc elle va pouvoir...

Mme Collin-Paré (Elizabeth) : Oui, merci pour la question. Mais, en fait, pour référer des avocats qui prennent des mandats d'aide juridique, en fait, il n'y en a quasiment pas qui prennent des mandats d'aide juridique, donc... et, surtout pour les demandes pour considération humanitaire, là, les demandes CH dont on parlait tout à l'heure, il n'y a pas... à notre connaissance, il n'y a pas d'avocats qui prennent ce genre de demandes de façon pro bono, ou gratuite, ou sous-mandat d'aide juridique. Donc, c'est... Donc, il y en a, des avocats qui pratiquent en droit de l'immigration humanitaire, il n'y en a pas beaucoup, ils sont majoritairement à Montréal. Et ceux qui... qui sont là, ils prennent peu ou pas de mandats d'aide juridique, donc... oui.

M. Morin : Et vous expliquez ça comment? Parce que c'est parce que les tarifs ne sont pas assez élevés? Est-ce que c'est trop long pour avoir des mandats? Qu'est-ce qui fait que ça ne fonctionne pas?

Mme Collin-Paré (Elizabeth) : Bien, c'est une bonne question, mais, en fait, je crois que la réalité du... de... la réalité du... des bureaux privés, en fait, ne correspond pas à la réalité du terrain, c'est-à-dire que les personnes qui vont... qui ont besoin de conseil en droit de l'immigration humanitaire ont besoin d'avocats... bien, ont besoin des services juridiques adaptés à leurs besoins, mais aussi ont besoin de... Ils sont en grande précarité financière, souvent ils n'ont pas beaucoup de moyens. Donc, souvent ça va coûter des sommes considérables, par exemple, pour une demande pour considération humanitaire, ça peut être autour de 5 000 $. Donc, c'est des sommes quand même considérables, donc. Puis je crois que la pratique privée, la réalité de la pratique privée, c'est qu'on facture les heures, donc après... je pense que les avocats aussi n'arrivent pas dans leur argent, etc. Donc, je crois que c'est la réalité du terrain confrontée à la réalité de la pratique privée en droit, en fait, qui arrive... Puis donc c'est pour ça que l'aide juridique est vraiment essentielle. Et aussi il y a des... des cliniques juridiques comme la nôtre qui auraient besoin davantage de financement.

M. Morin : Quand quelqu'un a un mandat d'aide juridique, à moins que je me trompe, mais normalement, pour le client, il ne devrait pas y avoir véritablement d'argent à débourser.

M. Rouget (Anthony) : ...en fait, c'est une échelle... en fait... encore une fois, je ne suis pas spécialiste, vous en avez un juste à côté de vous, là, mais... En fait, c'est une échelle, c'est un barème, et parfois je vais payer mes... une certaine... une certaine somme, pas la somme entière, ou ce genre de chose là, donc... donc, en fait, c'est ça.

Et, oui, pour revenir à votre précédente question, les barèmes sont bien, bien trop peu élevés pour les avocats, en fait. C'est juste une terme... en termes de rentabilité. Malheureusement, ce n'est pas rentable de faire du droit à l'immigration, ce n'est pas rentable de faire du droit d'immigration humanitaire. Donc, oui, c'est rentable sur... quand on fait de l'immigration économique. Mais, malheureusement, ça ne l'est pas. Et c'est très difficile, c'est très difficile aussi comme métier. C'est très difficile de côtoyer au quotidien tous les jours des situations qui sont dramatiques, des situations qui sont très, très, très compliquées, des situations où parfois on récupère des dossiers et, malheureusement, les délais sont tellement longs du traitement et en même temps tellement court pour déposer les demandes qu'en fait des gens se représentent tout seuls. Donc, en fait, c'est pour ça que les taux d'acceptation, ce genre de chose là, on ne peut pas vraiment les prendre en considération parce qu'en fait les personnes n'ont pas été représentées dès le début. Donc, en fait, on a beaucoup de travail après pour refaire ce travail-là. Donc, c'est très compliqué. Le droit de l'immigration, c'est vraiment très, très compliqué...

M. Morin : ...je vous remercie. On a parlé... vous.... je ne crois pas que vous l'abordez dans votre mémoire, mais toute la question du regroupement familial, c'est un dossier qui m'intéresse particulièrement. Les délais sont trop longs au Québec. Est-ce que, dans votre pratique, dans votre quotidien, vous accompagnez des gens qui vivent cette situation-là? Donc, ils attendent qu'un conjoint, une conjointe viennent les rejoindre? Est-ce que ça fait partie des mandats ou des services que vous offrez?

M. Rouget (Anthony) : Oui, oui. On va représenter certaines personnes dans des cas justement de réunification familiale ou de parrainage, mais dans des cas qui vont être très complexes ou... je ne sais pas comment l'expliquer, mais c'est des cas qui vont être très difficiles. Par exemple, une fois qu'on a terminé le dossier de demande CH, donc de demande de résidence permanente pour considérations d'ordre humanitaires, c'est des dossiers qui sont très lourds, qui sont très difficiles, bien, une fois que la personne a la résidence permanente, on va pouvoir engager ces processus-là. Donc, on est à 10 ans actuellement de demande CH. Ensuite, on a encore des années et des années de réunification familiale. Oui, c'est très difficile d'accompagner ces personnes-là.

On est des juristes, on applique le droit, donc on dit ce genre de choses là. Et ce n'est pas une critique, hein, mais vous n'y faites pas face à ces gens-là. Nous, on y fait face et on applique vos lois, vos règlements. Et ça, ça, c'est très difficile pour nous de faire face à ça tous les jours, tous les jours, de devoir regarder quelqu'un dans les yeux et de devoir lui dire : Je sais que tu es amoureux, je sais que ta fille, elle te manque, ça va t'attendre à 15 ans. Elle sera grande, en plus, elle pourra parler, ce sera beaucoup mieux. C'est ça, nous, notre réalité. Donc, oui, on y fait face, oui, on travaille pour faire ces dossiers-là parce qu'il faut que ces personnes-là soient représentées pour que les demandes soient au moins acceptées malgré les délais de traitement très élevés. C'est notre réalité sur ces dossiers.

M. Morin : Ma compréhension, c'est que présentement, pour le regroupement familial en général, dans les autres provinces du Canada, les délais sont d'à peu près 13, 14, 15 mois. Au Québec, on est à 36, 37, 38 mois, ce qui est énorme. Quand on regarde les... Puis là, bien, présentement, là, les quotas, c'est à peu près 10 000. Quand on regarde les différents scénarios, scénario 2-A, qui est à la page 71 du cahier de consultation, dans le regroupement familial, on en aurait 5 800 par année. Le 2-B, c'est 8 100, puis le 2-C, bien, c'est 10 400, ce qui est à peu près le cas. Si jamais le scénario 2-A était retenu par le gouvernement avec 5 800 par année pour le regroupement familial, les gens attendraient huit ans, neuf ans, 10 ans? Est-ce que mon calcul est bon?

M. Rouget (Anthony) : Je ne suis pas mathématicien, donc je suppose que oui, là, mais je n'ai pas fait le calcul de tête comme ça.

M. Morin : D'accord. Dans votre mémoire, page 14, vous parlez des personnes victimes survivantes de violence conjugale et, bon, vous dites que c'est votre responsabilité de soutenir ces personnes. Il y a une hausse de demandes dans le cas de violence domestique. Vous avez besoin évidemment d'argent. Est-ce que vous avez des nouvelles du projet que vous avez soumis pour obtenir un financement pour aider ces gens-là?

M. Rouget (Anthony) : Non, on n'a pas de nouvelles de ce financement-là. Après, bon, là, pour essayer d'être un peu gentil, je sais que les délais sont très longs pour les demandes de financement et qu'on aura toujours une réponse, qu'elle soit négative ou positive. Donc, bien là, pour l'instant, je suppose qu'elle est encore en cours de traitement. Donc, on attend ça. Mais oui, on attend cette demande-là, on l'a fait relever ici au provincial, parce que les maisons d'hébergement sont là, mais aussi au fédéral, qui finance un projet de plaidoyer autour de ces questions-là et autour de ces enjeux-là. Et on a fait remonter le fait que, bien, la réalité terrain, c'est celle-là. La réalité terrain, c'est qu'encore une fois il faut de la représentation juridique. C'est très compliqué, même dans des situations comme ça, c'est très compliqué de faire ce qu'on appelle les permis de séjour temporaire pour victimes de violence familiale. C'est très compliqué et on manque de ressources juridiques, on manque de gens pour les représenter.

M. Morin : Ça fait combien de temps que vous avez déposé votre demande?

• (20 h 40) •

M. Rouget (Anthony) : Ça doit faire bien six, hui mois...

M. Rouget (Anthony) : ...six, huit mois.

M. Morin : Vous n'avez pas de nouvelles?

M. Rouget (Anthony) : Donc, pas de nouvelles.

M. Morin : D'accord.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : En terminant.

M. Morin : Oui, à la toute fin, page 16 : «Renforcer des mécanismes de protection pour les personnes immigrantes survivantes de violences conjugales.» Vous voulez augmenter et soutenir les initiatives, avez-vous des suggestions, des initiatives?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : M. le député.

M. Morin : Je vous remercie.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Le temps est terminé. On va donc poursuivre cette... cette conversation avec le député de... j'allais dire de Laurier-Dorion, de Saint-Henri—Sainte-Anne. Vous avez 4 min 8 s.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous. Merci à Solutions Justes. Merci à tous les gens qui sont avec nous, très contents de vous recevoir. Solutions Justes, vous avez une très belle réputation, une très grande réputation historique de travail extraordinaire dans le domaine, donc merci d'être avec nous.

Je réfère directement au point 3, recommandation 3 à la page 16 sur la question des seuils puis des délais. J'entendais le ministre, tout à l'heure, nous dire 37 mois, là, ça n'a donc bien pas de bon sens. Effectivement, ça n'a pas de bon sens 37 mois, je suis d'accord avec lui. Mais quand on regarde de l'autre côté les délais en vertu des seuils — puis il y a un article du Devoir qui est sorti il y a quelques minutes, ou en tout cas quelques heures de Lisa-Marie Gervais — qui nous parle des délais en fait imposés par les seuils d'immigration du gouvernement. Et là, on nous dit pour la résidence permanente, pour un réfugié reconnu fait qu'après les 37 mois de traitement, 18 ans de délai de traitement. Donc, on peut bien d'un côté se choquer de 37 mois, ça me semble un petit peu spécial quand, de l'autre côté, nos propres délais imposent 18 mois d'attente et... imposeront 18 mois d'attente, puis de l'autre côté, elle nous parle de 50 ans de délai, Lisa-Marie Gervais, selon le mémoire de la TCRI pour une demande humanitaire. Donc là, je veux bien, moi, m'époumoner, moi aussi, comme le ministre de l'Immigration sur des délais, mais pour vous, ça a-tu sens 50 ans de délai? On dirait qu'il n'a même pas d'avocat qui pratique 50 ans. C'est comme on déposerait des demandes...

M. Rouget (Anthony) : Et que notre petit fils pourrait finir la demande. Ah! non, ça n'a pas de... ça n'a pas de bon sens. Et vous faites bien de poser la question parce que souvent on va avoir de réponse des agents ou des personnes qui dictent ce genre de chose : Ce n'est pas grave, il est déjà sur le territoire et il n'est plus menacé d'être expulsé. Ce n'est pas vrai, ce n'est pas vrai.

Un exemple, c'est que... malheureusement, c'est le crime le plus commun et celui qui fait le plus de morts au Canada, c'est l'alcool au volant. Quelqu'un comme vous qui malheureusement vous avez bu une bière de trop, vous fait arrêter. Vous passez à la cour criminelle, vous avez une amende minimale qui est de 2 000 $, une interdiction de conduire de 12 mois. Fin. Moi j'ai fait la même chose, donc j'ai ça et puis je suis renvoyé chez moi, et ça durant les 50 ans de traitement. Donc en fait, non seulement ça a vraiment des conséquences sur les personnes, ça a vraiment des conséquences juridiques, mais ça a aussi des conséquences psychologiques. Je ne suis toujours pas accepté après 50 ans, je ne suis toujours pas accepté dans la société où je vis, où vraisemblablement j'ai eu des enfants, je me suis marié, mais je ne suis toujours pas chez moi.

M. Cliche-Rivard : Parce que 50 ans finalement, ce n'est pas un traitement, là. Ça n'entraîne pas 50 ans de demande. Finalement, il est mis sur la table, sur la glace, à côté. Les vies sont mises de côté pendant 50 ans, puis à un moment donné, peut-être dans 50 ans, on va dépoussiérer votre dossier s'il existe encore, puis on va le traiter si vous êtes toujours vivant par ailleurs. Parce que si vous faites votre demande, puis vous avez 40 ans, bonne chance, là. Donc quand même, c'est quelque chose qui est particulièrement dramatique.

Vous parlez aussi dans votre mémoire de suspendre les mesures de renvoi prises à l'encontre de personnes qui déposent une demande humanitaire, parce que finalement, l'intérêt supérieur des enfants notamment, ne sera jamais évalué dans le cadre de la demande d'asile, jamais. Et là, ce que vous dites, vous, c'est comment ça se fait qu'on est capable d'exécuter une mesure de renvoi si jamais on a été capable d'évaluer si l'intérêt de l'enfant était en question.

M. Rouget (Anthony) : Oui, c'est ça. Et en fait, c'est pour ça qu'on parlait de demande qui... on cristallise beaucoup sur la demande d'asile, qui sont des critères très particuliers. Il y a des demandes, des soumissions qu'on peut faire avec d'autres critères justement.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : En terminant.

M. Rouget (Anthony) : Et c'est très important pour nous d'avoir le même traitement sur ces demandes-là, qui ont des... qui ne sont pas des demandes d'asile justement, mais qui ont des spécificités très propres à ces demandes-là.

M. Cliche-Rivard : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, mesdames, messieurs, merci de votre présence en commission, c'est très apprécié, et à tous ceux qui sont derrière vous également...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...merci beaucoup d'être venus en soutien, évidemment.

Alors je vais suspendre quelques instants, le temps de recevoir le prochain groupe.

(Suspension de la séance à 20 h 45)

(Reprise à 20 h 49)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît? La commission reprend ses travaux. Donc, nous allons recevoir, pour les prochaines minutes, les gens de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes, qui sont représentés en visioconférence par M. Stephan Reichhold, directeur général, Mme Natacha Battisti, membre du conseil d'administration et directrice générale du Centre multi-ethnique de Québec, M. Harrold Babon, membre du Conseil d'administration et organisateur communautaire de la Clinique de justice migrante, ainsi que Mme Élise Bouchard, membre de l'équipe de... et coordonnatrice du volet emploi.

Alors, mesdames, messieurs, bienvenue à la commission. Vous allez avoir une période de 10 minutes pour présenter l'essentiel de vos recommandations, de votre mémoire, et, par la suite, on va discuter avec les parlementaires. Alors, le micro est à vous.

M. Reichhold (Stephan) :Oui. Bonsoir. Merci beaucoup de nous recevoir. Je suis Stephan Reichhold, directeur général de la table de concertation...

M. Reichhold (Stephan) :...des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes. Désolé, je ne peux pas être présent, là, j'avais des contraintes familiales.

Donc, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, chers membres et collègues venus assister à la représentation aussi, bienvenue. Alors, merci à la commission pour cette invitation. On est des habitués. Rappelons que la TCRI a participé, je pense, sans exception, à toutes les consultations sur les niveaux d'immigration depuis 1992. Je ne pourrais pas vous dire combien, mais si cela a eu de... ou si ça a eu de l'effet. Alors, je suis accompagné par trois collègues : Natacha Battisti, au conseil d'administration de la TCRI, et directrice générale du Centre multiethnique de Québec, Harrold Babon, du conseil d'administration aussi, et de la Clinique justice migrante, et Émilie Bouchard, responsable du volet emploi à la TCRI.

Alors, la TCRI a été créée en 1979, lors de l'arrivée des boat-people, représente le réseau des organismes communautaires en immigration, pour ainsi dire, la colonne vertébrale de l'accueil et de l'intégration des nouveaux arrivants au Québec, et ce, depuis 45 ans. Il s'agit de 157 organismes, dans toutes les régions du Québec, qui œuvrent quotidiennement auprès des personnes réfugiées, immigrantes et sans statut. Pour les services financiers, dans le cadre du PASI, par le MIFI, selon les données du ministère, cela représente, pour l'année 2024-2025, de... ça correspond à 111 478 personnes qui ont bénéficié d'un ou de plusieurs services par les organismes. À ça se rajoutent les 20 000 à 30 000 personnes non admissibles au PASI, par exemple, les demandeurs d'asile ou les personnes sans statut, qui fréquentent aussi les organismes.

On observe une augmentation de 10 % à 20 % par année du taux de fréquentation des organismes. Malheureusement, les budgets ne suivent pas. Cette année encore, les budgets pour l'intégration des nouveaux arrivants ont été gelés. Soulignons quand même que le Québec, selon les comptes publics de 2024-2025, a encaissé un transfert récurrent de 1 550 000 000 $ du fédéral en guise de compensation pour financer les services d'accueil, d'intégration et de francisation pour les nouveaux arrivants, ainsi que les dépenses pour les demandeurs d'asile. On ne peut donc pas dire qu'il n'y a pas d'argent.

Face aux orientations gouvernementales et à l'absence de consensus sur les seuils, la TCRI propose une perspective différente, fondée sur l'expérience terrain et le respect des droits. Notre approche privilégie la concertation, l'inclusion et la reconnaissance de la diversité des parcours et des besoins des personnes réfugiées et immigrantes. Notre mémoire se veut refléter cette réalité, exposant les défis auxquels font face les personnes n'ayant pas un plein accès aux services gouvernementaux. De plus, notre mémoire documente la réalité terrain vécue quotidiennement par les organismes membres de notre réseau, que nous avons d'ailleurs consultés pour ce présent exercice. Or, dans le cahier de consultation, la mention du rôle et de l'apport des organismes communautaires est quasiment inexistante, et nous déplorons particulièrement que leur contribution, bien qu'essentielle, ne soit pas reconnue à sa juste valeur.

Mes collègues et moi souhaitons attirer votre attention sur plusieurs éléments, dont l'importance de l'immigration humanitaire, un pan de l'immigration qui a été durement touché, ces derniers mois, par différentes mesures gouvernementales. Avant de passer la parole à mes collègues, je tiens à souligner qu'une de nos recommandations centrales serait de permettre au fédéral d'octroyer la résidence permanente à l'arriéré de 150 000 personnes en attente à Ottawa, déjà sélectionnées par le Québec. D'ailleurs, ça réduirait d'un seul coup 30 % du nombre de résidents temporaires au Québec. Il nous semble...

M. Reichhold (Stephan) :...M. le ministre, que c'est dans vos objectifs prioritaires de baisser drastiquement le nombre de résidents temporaires au Québec. Alors, merci. Et je passe donc la parole à ma collègue Émilie.

Mme Bouchard (Émilie) : Merci, Stephan. Et bonjour à tous et toutes. Donc, d'abord, la TCRI tient à faire remarquer que le cahier de consultation omet entièrement l'approche intersectionnelle puis aussi l'analyse différenciée selon les sexes plus, que je vais appeler l'ADS plus pour l'avenir. On trouve ça particulièrement préoccupant. L'absence de ces cadres, ça rend invisibles les discriminations croisées vécues par les personnes immigrantes, notamment en lien avec le genre, la race, la classe sociale, le statut migratoire, l'orientation sexuelle, religieuse ou encore le handicap. On sait que le gouvernement s'est engagé en matière d'égalité, de diversité et de lutte contre les discriminations, donc on considère qu'il devrait être cohérent avec ses engagements.

L'intégration de l'approche intersectionnelle puis de l'ADS plus ça ne constitue pas un ajout accessoire, mais vraiment une condition essentielle pour bâtir une politique migratoire juste, cohérente et respectueuse des droits fondamentaux. Il faut aussi tenir compte de la diversité des parcours des personnes immigrantes, de leurs besoins et des obstacles systémiques auxquels elles font face.

Aussi, dans le cahier de consultation, on a remarqué que le ministère n'a pas formulé d'orientations spécifiques quant à la régionalisation de l'immigration ou aux défis de l'immigration en région. Et on sait qu'il y a beaucoup de personnes immigrantes dans les régions. On trouve que c'est un recul par rapport à la précédente planification qui identifiait clairement la régionalisation comme une priorité dans la planification de l'immigration au Québec. À travers les organismes membres de la TCRI, il y a un réseau en régionalisation qui est impliqué depuis des décennies dans la régionalisation de l'immigration, puis on constate que la vitalité des régions, ça dépend vraiment de cet apport en régionalisation. Et les organismes travaillent à son succès tous les jours.

Puis aussi, dans un autre ordre d'idée, la TCRI ne peut pas passer sous silence, là, les récentes mesures mises en place pour... limiter l'immigration temporaire. Donc, on considère qu'il devrait y avoir des mesures transitoires pour les personnes travailleuses déjà sur place. Et donc, comme on n'a pas beaucoup de temps, je vais céder la parole à ma collègue Natacha.

Mme Battisti (Natacha) : Bonsoir, tout le monde. Merci de nous accueillir ce soir. Le Québec a une longue tradition d'accueil de réfugiés, ce qui a permis aux organismes mandatés par les gouvernements de se mobiliser et d'avoir une expertise. Justement, la mobilisation des acteurs autour des défis d'accompagnement à l'intégration des réfugiés a permis de mettre en œuvre des initiatives et de développer des pratiques innovantes pour servir... pour servir et se servir de modèles de soutien à l'intégration pour l'ensemble de la population immigrante sur le territoire du Québec. Par exemple, l'ajout d'intervenants en soutien à la protection de la jeunesse contribue à améliorer les compétences parentales et fournir un soutien intensif à la famille lors de situations complexes. De telles nouvelles pratiques collectives en appui à l'accueil requièrent un esprit d'équipe entre les services. Nous constatons la mise en valeur des champs d'expertise de l'ensemble des partenaires appelés à contribuer aux opérations. Ainsi, tous les partenaires... tous les partenaires enrichissent leur expertise car la co-intervention assure un transfert de compétences entre les personnes immigrantes et les intervenants accompagnateurs. Cette action concertée et les intervenants... concertée ont permis un continuum de services et a contribué à favoriser la transversalité. À ce jour, l'élaboration des plans d'action issus de nos organisations amène une coopération et une collaboration future.

Nous demandons à poursuivre l'engagement humanitaire au Québec, et il est nécessaire de maintenir une masse critique pour les RCPE et aussi pour les demandeurs d'asile pour que ce soit proportionnel aux régions dans leur capacité d'accueil. Donc, c'est la demande qu'on fait, entre autres. Et je pense la parole à Harrold.

• (21 heures) •

M. Babon (Harrold) : Merci. Bien le bonsoir à tout le monde. Je vais aborder un segment qui a été discuté déjà tout à l'heure par le ministre et les précédents intervenants, il s'agit des personnes en demande d'asile.

Le cahier de consultation propose de réduire de moitié le nombre de résidents non permanents en y incluant les personnes en demande d'asile. Or, cette assimilation est une erreur de perspective, les demandeurs d'asile ne viennent pas temporairement, ils viennent chercher protection et, dans près de 80 % des cas, ils l'obtiennent. Ces personnes s'enracinent, travaillent, élèvent leurs enfants ici, elles deviennent très concrètement des Québécoises et des Québécois d'avenir. Réduire leur nombre ou restreindre les voies d'accès reviendrait à tourner le dos à notre...


 
 

21 h (version non révisée)

M. Babon (Harrold) : ...propre humanité. Nous savons tous que, derrière chaque dossier, il y a une histoire, une fuite, une peur ou une espérance.

Oui, il faut réduire les délais d'examen des demandes, mais sans sacrifier l'équité des procédures. La rapidité ne doit jamais remplacer la justice. Et, oui, il faut répartir les responsabilités entre les provinces, mais jamais en déplaçant de force des personnes qui ont commencé à se construire ici. On ne répare pas une blessure par un nouveau déracinement.

Enfin, nous appelons le gouvernement à la cohérence. On ne peut pas, d'un côté, recevoir des compensations fédérales pour l'accueil des demandeurs d'asile et, de l'autre, réclamer davantage de restrictions à leurs droits fondamentaux. Le Québec a toujours su conjuguer rigueur et humanité. C'est cette tradition que nous vous invitons aujourd'hui à préserver.

Et permettez-moi, en guise d'épilogue, d'ajouter ceci. Nombre de situations de précarité humanitaire qui pousse les personnes à fuir leur pays trouvent directement ou indirectement leurs racines dans des décisions ou des inactions des gouvernements. Le Québec, par son influence et ses partenaires, pourrait jouer un rôle plus affirmé dans la prévention de ces crises.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : En terminant.

M. Babon (Harrold) : Contribuer à l'endiguement des causes de déplacements forcés, c'est aussi une façon profonde de... de réduire en amont le besoin de se réfugier. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. On va commencer la période d'échange avec les parlementaires. M. le ministre a pris un peu de son temps pour vous laisser terminer. Il vous reste donc, M. le ministre, 14 minutes 37 secondes.

M. Roberge : Très bien. Merci. Je ne voulais surtout pas couper votre élan puis la fin de votre présentation. Après tout, lors des séances comme ça, c'est vous qu'on veut entendre. Ce n'est pas nous-mêmes. C'est plutôt vos réponses ou vos préoccupations. Il a été... Bien, d'abord, je salue aussi, de ce côté-là, M. Reichhold, qui est présent de manière virtuelle, effectivement. On est capables de faire bien les choses avec la technologie.

On a mentionné à au moins deux reprises la question de l'argent qui vient d'Ottawa pour nous aider dans nos... dans nos mandats en immigration. C'est beaucoup d'argent, évidemment, mais, je le précise, c'est bien insuffisant pour répondre à l'ensemble des services que l'on offre. Les montants considérables qui nous viennent d'Ottawa servent à l'intégration et l'accueil des personnes permanentes, donc, au fil des dernières années, là, entre 45 000, 50 000, cette année, plus que 60 000. L'argent du fédéral sert à ça. Mais, quand on a quelque chose comme 560 000 ou 600 000 personnes ayant un statut temporaire, que ce soient les demandeurs d'asile, programme PMI du fédéral, étudiants étrangers, travailleurs étrangers temporaires, ce n'est pas couvert par le fédéral, par les sommes qui sont transmises de manière régulière. C'est pourquoi il a fallu qu'on négocie presque deux ans pour recevoir 750 millions du milliard que ça nous avait coûté. Donc, il y a eu 250 millions qu'on a dû absorber lors de la dernière négo, discussion avec Ottawa. Clairement, on n'a pas pu être remboursés à la hauteur des dépenses, malgré l'argent qui arrive. Je ne nie pas qu'il arrive beaucoup d'argent. Mais je vous montre simplement qu'il en... il en manque beaucoup. Pour l'année 2024, juste l'année 2024, on a à peu près l'équivalent des dépenses des trois années précédentes en une seule année. Parce qu'il y a, je vous dirais, une... une accumulation de personnes qui arrivent, et qui arrivent, qui arrivent parmi les résidents temporaires ou enfin les gens qui sont en attente de statut régulier, dans certains cas, d'autres qui souhaitent de toute façon être ici de manière temporaire. Ça... Ça pose d'importants enjeux en matière de capacité d'accueil.

Puis j'ai vu que dans votre mémoire que vous aviez des enjeux avec cette notion de capacité d'accueil. Mais pourtant, que ce soit en dollars, on pourrait dire, bien, c'est des dollars, bon, on peut toujours en trouver quelque part, mais des fois, il y a la disponibilité aussi des services, ne serait-ce qu'en éducation. On peut bien avoir des dollars, on peut même emprunter, on peut faire des déficits, emprunter pour payer des salaires des enseignants, mais encore faut-il avoir des enseignants. C'est là, à un moment donné, où... où ça ne fonctionne plus.

Même chose pour l'aide au logement. On peut bien débloquer des sommes pour donner de l'argent aux gens pour qu'ils puissent se loger, mais encore faut-il que le logement existe. Et c'est là où on arrive, là, à...

M. Roberge : ...étirer l'élastique jusqu'à... jusqu'à ce qu'il éclate. Et je comprends que votre organisme sur le terrain voit les visages des personnes. Puis on veut toujours... En fait, c'est notre rôle, c'est le vôtre aussi de s'arranger pour que ça fonctionne, mais je pense qu'on arrive à un moment où la capacité est dépassée. Au moment où on planifie l'immigration, on dit : Très bien, il y a des gens sur le territoire en ce moment, mais, pour les années à venir, comment on fait pour revenir à une situation qui est plus normale puis qui nous permet de mieux accueillir les gens pour les prochaines années? Et c'est là où je vous demande : Bien, très bien, ça devrait être quoi, nos cibles, ça devrait être quoi, nos cibles en termes de nombre? Je sais que, derrière les nombres, il y a des personnes, évidemment, c'est sûr, mais, pour être capable de mieux faire en 2027, 2028, 2029, 2030, pour les personnes justement qui sont là, il faut aujourd'hui regarder les choses de manière macro, de manière démographique. Et je vous dis : Bien, ce serait quoi pour vous, la capacité d'accueil, soit pour les travailleurs étrangers temporaires, soit pour, par exemple, les résidents permanents? Je ne sais pas qui peut prendre ma question. Elle n'est pas facile, mais l'exercice auquel on se prête tous, il n'est pas facile.

M. Reichhold (Stephan) :Bien, oui, moi, je peux essayer de répondre. Nous, ce qui... où on est un peu... où on se questionne beaucoup, c'est quand vous parlez du transfert du fédéral. Là, on parle quand même, l'année dernière, de 1 550 000 000, ce qui est énorme. C'est le ministère de l'Immigration et le ministère qui génère le plus de revenus après le ministère du Revenu, avec les impôts, là, et, dans la colonne des dépenses, je veux dire, on ne voit pas ces dépenses-là si on regarde les rapports financiers du gouvernement, donc... et on... du point de vue des organismes, du financement des organismes non plus, on ne voit pas d'impact, les augmentations de l'indexation de 20 %, 30 % par année du transfert ne se reflètent pas sur le terrain. C'est ça qui nous... qui nous rend un peu... où on a beaucoup de questions.

Au niveau de la capacité... capacité d'accueil, je pense qu'il y a eu beaucoup d'interventions, là, durant les consultations, c'est... ce n'est pas un concept très scientifique. C'est une volonté politique et une volonté de mettre des ressources à la disposition des... notamment des organismes. Donc, c'est ça qui pose problème actuellement, c'est des... des personnes sont ici, dont... je parlais tout à l'heure des 150 000 personnes qui attendent la résidence permanente dans les arriérés du fédéral, qui sont majoritairement des... de la catégorie familiale, réfugiés reconnus sur place, tout ça, qui sont bloqués parce que les niveaux de... que vous proposez ne sont pas adéquats. Donc, il faudrait... Si on régularise toutes ces personnes qui sont déjà ici, qui habitent dans les... qui sont dans des logements, tout ça, je veux dire, réglerait une bonne partie du problème, là.

Une voix : ...

M. Roberge : Bien sûr, allez-y.

Mme Battisti (Natacha) : Je veux répondre à votre question de capacité et où on se limite. Le centre multiethnique est là depuis plusieurs années. Et on a fait les Syriens en 2015-2016. On a eu des capacités d'accueil au-delà de notre... de notre possibilité. Mais les organismes, pour accueillir humainement et avec possibilité, on va se... on va faire partie d'un chaînon, d'une chaîne de travail. Quand on a fait ça en 2016 avec les Syriens, on a tous sorti de notre mandat, mais pourquoi, pour pouvoir accueillir humainement les personnes qui en avaient besoin. Moi, je ne veux pas qu'on limite à 25 000, ou à 45 000, ou à 60 000, mais ça fait plusieurs années qu'on est à 60 000, toutes catégories confondues. Et je ne sens pas notre organisation être limitée à vouloir chercher des solutions. Alors, au contraire, moi, je pense qu'il ne faut pas se limiter à une capacité d'accueil juste financière ou juste au niveau du nombre, il faut s'asseoir...

Mme Battisti (Natacha) : ...pour voir autrement le financement que vous avez entre les mains et comment nous, on peut ensemble s'asseoir. Vous avez eu Solutions Justes, quand je peux m'appuyer avec un partenaire, comme Solutions Justes, comme le CAI, comme la TCRI et tous les autres partenaires, avec Harrold à Montréal, c'est comme ça qu'on crée la chaîne de continuité. Et je n'ai peut-être pas nécessairement besoin de millions dans mes poches, mais j'ai besoin d'avoir des partenaires qui me soutiennent dans cet accueil-là. Alors, ce n'est plus une capacité d'accueil par personne, c'est de dire comment je vais développer mes services pour améliorer.

• (21 h 10) •

Les dernières années, on a eu une baisse des réfugiés, par exemple, mais j'ai développé mes services autrement, demandeurs d'asile et autres, mais j'ai cherché des hébergements, j'ai cherché des logements. Moi, je ne suis pas en situation de logement de crise à Québec, là, on est plutôt en développement de... Au contraire, aujourd'hui, j'ai eu un appel de 24 logements, là, quelqu'un m'offre 24 logements. Donc, au contraire, c'est... on est dans une possibilité et il faut l'écouter, cette possibilité-là, qui est là dans les régions et sur le terrain actuellement.

Mme Bouchard (Émilie) : Et ce que je pourrais aussi ajouter par rapport à la capacité d'accueil, c'est sûr qu'on parle beaucoup de poids financier des personnes immigrantes, mais on oublie de parler aussi de l'argent que ces personnes-là génèrent parce qu'elles travaillent, elles paient des impôts. La RAMQ, le RQAP, donc c'est aussi les fonds de pension pour nos citoyens québécois. Donc, il faut aussi faire attention quand on dit toujours que la capacité d'accueil est dépassée parce que ça met du poids sur les personnes immigrantes qui se sentent exclues, qui disent que je suis de trop, on me fait venir pour travailler, par exemple pour les travailleurs temporaires. Donc, avoir ce discours-là, ça peut aussi amener des tensions sur le terrain puis dans les organismes, peut être, Natacha puis Harrold vont pouvoir en parler, où les personnes immigrantes se sentent exclues, se sentent, comme je vous disais, de trop. Donc, il faut faire attention avec cette capacité d'accueil là qui n'a pas été scientifiquement reconnue.

Donc, d'ailleurs, vous avez lancé un appel à projets pour une étude sur la capacité d'accueil, mais on n'a pas eu de candidatures. Donc pour le moment on attend toujours d'avoir une étude scientifique sur la capacité d'accueil pour se prononcer sur un nombre soit de temporaires ou de permanents.

M. Babon (Harrold) : Je veux peut-être aussi terminer rapidement avec... Vous avez signalé la complexité de la question à la suite de votre développement, donc quand vous avez terminé de poser la question. Peut-être aussi un autre sujet de réflexion qui serait connexe. Quand il y a... quand il n'y a plus de capacité d'accueil dans les écoles pour les enfants, disons, à l'école primaire, qu'est-ce qu'il faut faire? Est-ce qu'il faut empêcher aux autres enfants, au surplus, de rentrer dans les classes ou est-ce qu'il faut trouver des solutions pérennes, durables, concertées, réfléchies pour mieux accueillir les enfants qui dépasseraient le nombre d'enfants que la classe pourrait accueillir? Donc, c'est une question de réflexion comme ça qui pourrait mieux alimenter la concertation entre le secteur public et le secteur des organismes communautaires. Merci.

M. Roberge : Merci. Bien, il y a beaucoup de... beaucoup de choses qu'on discute en même temps, parce que, quand on parle de la capacité d'accueil, quand on parle de l'argent qu'on investit, l'argent qui vient d'Ottawa, on touche tous les domaines, vous avez parlé de l'éducation, etc. Je veux revenir encore sur les dollars. Ce n'est pas juste une question de dollars, mais ça en fait partie. Puis on nous dit : Bien, écoutez, c'est beaucoup d'argent, là, qui nous arrive d'Ottawa. Effectivement, je répète que l'argent d'Ottawa ne va pas à 100 % dans le budget du MIFI, du ministère de l'Immigration. Quand des gens, par contre, par exemple, vont à l'école, vous venez de parler de l'éducation, bien, il y a une partie de l'argent d'Ottawa qui va dans le réseau scolaire. Donc, il ne faut pas juste regarder le budget du MIFI pour dire : Ah! bien, le budget du MIFI, quand je regarde ça, je ne vois pas tout l'argent destiné à l'immigration. Oui, c'est très bien, mais ils se font soigner, donc il y a une partie de l'argent qui va en santé et il y a une partie de l'argent qui va en éducation. Et c'est là où on en arrive à quelque chose.

Puis on a, en décembre 2024, 62 351 élèves qui font partie des résidents non permanents. 62 351 élèves, c'est beaucoup de monde et c'est 18 000 de plus qu'il y a 18 mois. On n'est pas capable d'accueillir 1 000 élèves de plus par mois dans notre réseau scolaire quand on n'est pas capable de construire suffisamment d'écoles puis qu'on est obligé d'installer des classes modulaires dans les cours de récré, réduisant d'autant l'espace pour la cour de récré. Je comprends que vous nous dites : Bien, écoutez, quand il arrive des élèves, on ne les laisse pas sur le trottoir. On ne les laisse pas sur le trottoir, on ne laisse aucun enfant sur le trottoir en disant : Tu ne seras pas scolarisé...

M. Roberge : ...mais quand, à un moment donné, tu prends ton argent pour mettre des classes modulaires, réduire la cour d'école parce que ça arrive plus vite que tu es capable de construire, ça arrive plus vite, les gens arrivent plus rapidement que tu es capable de diplômer des enseignants, donc finalement, on dit : On va mettre un adulte dans chaque classe, mais il ne sera pas légalement qualifié, il n'aura pas fait sa formation d'enseignant, mais, bon, il va être là. À un moment donné, on peut bien dire que la capacité d'accueil n'est pas scientifiquement prouvée, quand tu mets devant la classe des personnes qui n'ont pas la qualification au départ, parce qu'il arrive trop d'élèves pour ce que tu es capable de diplômer, c'est un enjeu. C'est un enjeu. Il faut le nommer. Après ça, on peut dire : Bien, il faut que le Québec... il faut que le Québec fasse sa part. Bien, j'en suis, il faut... il faut absolument faire notre part. On va continuer d'accueillir, hein? La planification pluriannuelle, ce n'est pas est-ce qu'on veut accueillir des immigrants ou on ne veut pas en accueillir. C'est sûr qu'on va continuer d'en accueillir. On va en accueillir, des... des travailleurs, on va accueillir des réfugiés, on va accueillir des... des gens qui font des demandes humanitaires, on va accueillir des étudiants étrangers, on va continuer d'accueillir des gens de partout. La question, c'est combien et comment, pour avoir des histoires à succès puis pour ne pas, je voudrais, nourrir un sentiment...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : En terminant.

M. Roberge : ...qui serait négatif. Il faut que la... Il faut que la société d'accueil dise : Wow! J'embarque! Je veux...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci.

M. Roberge : ...on veut encore davantage s'avancer dans cette direction. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, M. le ministre. Merci beaucoup. On poursuit avec le député de l'opposition officielle pour 12 minutes 23 secondes.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Alors, bonsoir. Et bonsoir, M. Reichhold, en visio. Merci pour votre mémoire. J'ai... J'ai quelques questions pour vous. On en a discuté avec le groupe précédent, mais vous le mentionnez également à la page six de votre mémoire : discours entre autres du gouvernement qui s'accompagne de mesures concrètes, coupures de services d'aide juridique dédiés aux personnes immigrantes dans l'est du Québec, 6 mars 2025, suppression du programme de régionalisation des demandeurs d'asile dans la région de la Capitale-Nationale, avril 2025, abolition de l'aide sociale aux personnes en demande d'asile, 3 juillet 2025. La coupure du service d'aide juridique dédié aux personnes immigrantes dans l'est du Québec, pouvez-vous m'en parler davantage et nous expliquer sur le terrain qu'est-ce que ça a fait?

Mme Battisti (Natacha) : Vous parlez du projet qui a été coupé, de régionalisation de demandeurs d'asile, là, dans la ville de Québec?

M. Morin : Oui. Bien, en fait, c'est ce que vous mentionnez à la page six de votre mémoire.

Mme Battisti (Natacha) : Oui. C'est un projet qui a été mis en place en 2023 dans la ville de Québec pour développer justement la régionalisation. Le but était de développer une continuité de service. Le Centre multiethnique a été un partenaire associé avec le ministère. Qu'est-ce qu'on voulait, c'est que le... l'équipe du ministère puisse être un peu le porteur du projet d'installation. Parce que ça fait plusieurs années qu'on avait des demandeurs d'asile sur Québec, mais qu'il n'y avait pas de soutien, entre autres juridique, mais pas seulement pour les demandeurs d'asile, mais pour tout autre cas complexe que... demandes humanitaires que l'équipe Solutions Justes ont parlé auparavant, violence conjugale, lorsqu'il arrive des situations, là, pour des familles. Et... Donc le projet de demandeurs d'asile 2023. Et on a mis en place toute une continuité de services avec le ministère. Bien, c'est ça qu'on cherche et qu'on veut... on veut concerter le ministère. Et qu'il soit aussi l'organisateur et le porte-étendard d'une organisation sur le terrain. Ça veut dire d'avoir un soutien d'aide juridique puis d'avoir un soutien d'hébergement, d'avoir un soutien d'équipe aussi avec des partenaires associés, même avec la ville. Donc, on était... Même, il y a eu aussi l'employabilité qui a été mise en place avec le gîte sur place. Tout le travail qu'il y a eu aussi sur les projets de l'hôtellerie pour trouver des travailleurs, qu'il y avait sur le projet, et en... et en santé aussi. Donc, il y a eu vraiment des beaux partenariats, et même l'équipe... les équipes-écoles pour faire l'inscription à l'école des enfants, entre autres.

Alors, on avait vraiment un beau projet entre les mains en... qu'on a resigné l'entente en novembre 2024 jusqu'en mars 2026, mais qui a pris fin à partir de l'annonce de février, avec l'aide juridique. Et les autres annonces ont été, dont la clinique santé, des demandeurs d'asile aussi. Alors, ça a eu un impact direct sur... sur le soutien des demandeurs d'asile parce qu'on a dû transformer l'offre. Tous les partenaires associés ne... ont gardé une alliance, je vais le dire comme ça. On voulait préserver notre alliance. Ça veut dire de garder des contacts. Mais, par exemple, nous, le centre multiethnique, on ne pouvait pas servir de la même façon...

Mme Battisti (Natacha) : ...les demandeurs d'asile. Donc, on est revenus à notre offre initiale de 2020, qui veut dire chercher du logement et... chercher du logement et faire les séances... les séances de premières démarches d'installation.

• (21 h 20) •

Alors, quand on faisait, dans le fond, tout le soutien à l'accueil, il y avait un autobus qui arrivait sur Québec, qui avait des demandeurs d'asile. C'est un peu ça, tout à l'heure, que M. Roberge nommait, que, quand l'aide juridique a nommé qu'il y avait eu une baisse de 30 % à l'équipe de Québec c'est parce qu'il y a eu moins de monde qui arrivaient de Montréal. Cependant, j'aurais aimé, moi, à ce moment-là, que le ministre s'assoie avec nous, de dire quelles pistes de solutions avons-nous devant nous pour pouvoir assurer une continuité, mais peut-être pas juste sur la ville de Québec, parce que le projet initial a voulu se faire avec Chaudière-Appalaches et Québec, et là on aurait peut-être pu ouvrir davantage le projet pilote pour garder l'expertise sur Québec, dont l'aide juridique, la clinique santé des... la clinique santé des demandeurs, et tous les autres soutiens d'employabilité. Mais là tout s'est tout effrité parce que, par la suite, Services Québec ont enlevé les services, aussi, de soutien, alors il y a eu plein, plein de pertes sur Québec.

Mais l'équipe reste mobilisée, les alliances demeurent, on se parle entre nous. Mais ça devient de plus en plus difficile, parce que l'incertitude de planification d'immigration sur les prochaines années nous crée cette incertitude-là.

M. Morin : Et je vous remercie. Maintenant, à la page 8, dans votre mémoire, vous mentionnez l'approche intersectionnelle et l'ADS+. Effectivement, c'est une méthode d'analyse qui permet de voir, tout dépendant des groupes auxquels on applique la méthode d'analyse... voir s'il y a plus de discrimination ou s'ils sont plus défavorisés que d'autres. Je comprends qu'il y a une politique gouvernementale du Conseil du trésor, la stratégie gouvernementale pour l'égalité entre les femmes et les hommes, vous le mentionnez. Quand on va voir la politique, je comprends que le MIFI est mentionné comme étant un ministère visé par la politique. Pourtant, dans le mémoire, bien, enfin, la portion publique du mémoire qui a été présenté au Conseil des ministres sur le... la planification, on n'en fait pas mention. Vous ne trouvez pas ça un peu incohérent?

Mme Bouchard (Émilie) : Oui, effectivement, mais c'est pour ça que, d'entrée de jeu, dans mon discours, bien, j'en ai parlé. C'est sûr que le MIFI... M. le ministre a, en fait, beaucoup parlé... l'égalité hommes-femmes, c'est quelque chose de très important pour lui. C'est quelque chose de très important pour nous aussi. C'est pour ça qu'on a soulevé que les femmes immigrantes... les femmes immigrantes racisées n'ont pas les mêmes parcours de migration, n'ont pas, par exemple, les mêmes opportunités d'emploi. Il y a beaucoup de sous-emploi, par exemple, parmi les femmes immigrantes racisées. Donc, c'était sûr que nous, on allait le faire ressortir dans notre mémoire, parce qu'on croit que c'est important que les politiques en immigration et les politiques publiques, en général, au sein du... dans la province du Québec soient aidées par l'approche intersectionnelle puis l'ADS+, justement, pour mieux répondre au parcours des femmes puis des femmes immigrantes racisées.

M. Morin : Et donc, normalement, il devrait y avoir quelque part, ou bien dans le cahier de consultation ou, à tout le moins, dans la partie publique du mémoire qui a été présenté au Conseil des ministres, un paragraphe, une page qui dit qu'ils ont procédé à l'analyse et que ça donne tel ou tel ou tel résultat, puis essaient de le corriger. Normalement, c'est comme ça que ça devrait fonctionner.

M. Reichhold (Stephan) :Et, effectivement, c'est très troublant, là, qu'il n'y ait aucune mention, mais zéro mention par rapport à cet enjeu-là là. C'est comme si ça n'existait plus, là.

M. Morin : Bien. Je vous remercie. Maintenant, j'aimerais qu'on puisse parler de la question du regroupement familial parce que les délais, au Québec, sont particulièrement longs, beaucoup plus longs qu'ailleurs au Canada. Tout dépendant des scénarios qui sont proposés, les délais risquent d'augmenter. Est-ce que c'est quelque chose sur lequel vous avez réfléchi? Est-ce que c'est une situation que vous dénoncez? Et est-ce que vous avez des propositions pour nous qui feraient en sorte qu'on pourrait à tout le moins, au Québec, réduire les délais?

Mme Battisti (Natacha) : Stéphane, tu veux-tu y aller?

M. Reichhold (Stephan) : Bien, oui, je peux... Bien, je... j'en ai fait mention dans mes commentaires au début. Je pense qu'on réglerait un grand nombre de ces problèmes si on donnait la résidence permanente aux 150 000 personnes qui sont sélectionnées par le Québec, dans lesquelles il y a énormément de personnes issues de la catégorie de la réunification familiale, et qui réduirait...

M. Reichhold (Stephan) :...du jour au lendemain, 30 % de... des personnes temporaires, des immigrants temporaires au Québec, qui est, semble-t-il, une volonté du gouvernement de réduire ces personnes-là. Donc, c'est... c'est tout simple. Le fédéral a d'ailleurs dit : Allez-y, là, on va... on va régulariser ces personnes. Mais, le problème, c'est qu'il n'y a pas de places dans les... dans les cibles.

Mme Battisti (Natacha) : ...une petite... une intervention. On a fait le projet aussi des IDHC, là, des infirmières reconnues hors Québec, là. Et un enjeu qu'on voyait dans ce projet-là, qui a été nommé sur plusieurs, c'est quand on fait l'intégration de ces... ces personnes-là, qui rentraient comme étudiants et par la suite travailleurs, avec un permis d'études, un permis de travail, par manque de... j'allais dire de logement, ou quoi que ce soit, on nommait aux étudiants de ne pas venir avec leur famille. Et c'est un enjeu majeur. Parce qu'on va les chercher à l'international... Puis je ne veux pas dire qu'il y avait une mauvaise intention. Je veux juste nommer que ça devient comme une trajectoire avec justement le double discours où on va vous chercher, mais ne venez pas tout de suite avec vos enfants puis votre famille puis votre conjoint. Et il y a eu des complications à différents niveaux aussi à cause des changements au niveau du fédéral, qui s'est réajusté. Le... Le MIFI a fait des bonnes pressions. Mais on ne peut pas aller chercher des gens à l'international, de dire : Vous laissez vos gens chez vous, vivez l'intégration, vous seul, puis tout ça, puis on va les faire venir dans un an ou dans 10 ans. Ça ne... ça ne peut pas être un objectif d'intégration réussie si je dois laisser des gens derrière.

Et un des... un des éléments du projet, du... a été nommé, ça a été un des enjeux, parce qu'il y avait ce double discours. Et quand les femmes... il y avait beaucoup de femmes monoparentales qui arrivaient, ont vécu des défis, mais qui ont réussi. Et ce que vous nommiez tout à l'heure, M. Roberge, ça, c'est quand même une belle... une belle expérience, de nouveaux projets, mais qui... oui, qu'il ne faut pas... qu'il faut peaufiner, mais ça fait quand même une belle intégration sur les différents... pour les personnes qui viennent des autres pays, pour faire l'intégration, et aussi, d'offrir leur contribution à la société québécoise de pouvoir travailler comme infirmières au Québec. Alors, je pense qu'il y a des... il faut apprendre de ces projets-là, et il faut juste... de prendre les bons éléments, puis ça peut être un élément intéressant.

Puis l'autre élément que tu parlais tout à l'heure, l'iniquité, nous, on le voit. Quand on fait l'arrivée des réfugiés, par exemple, c'est souvent sous l'égide du mari, et quand on y arrive, ça veut dire que le permis d'entrée pour les réfugiés, que ce soit une famille qui arrive, ça va être souvent sous le nom du... bien, du mari de la famille. S'il arrive une situation de violence conjugale, c'est là que vient la complexité, que je dois refaire une demande à la femme, et avec tous les enfants, après, quand que le... j'allais dire, le permis d'entrer a passé par le mari. Ça fait qu'il faut voir l'égalité aussi, au niveau des différents statuts hommes-femmes lors de la demande d'immigration, parce qu'on met dans des situations déjà, à l'arrivée... des femmes en situation de précarité dès l'arrivée, à cause de la violence conjugale.

M. Morin : Et, pour reprendre l'exemple que vous venez de donner, évidemment, si le permis est au nom du mari uniquement, donc là vous êtes obligés de recommencer, il doit y avoir des délais.

Mme Battisti (Natacha) : Et là c'est là qu'on appelle, la solution juste.

M. Morin : Exact.

Mme Battisti (Natacha) : Alors, c'est là qu'on se retrouve...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : En terminant.

Mme Battisti (Natacha) : ...dans des partenaires associés. Puis, oui, ça retrouve des situations financières précaires et on retrouve des situations... Puis là vous comprenez, là, il y a tout un réseau qu'on vient briser, là, pour la...

M. Morin : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, merci beaucoup. On termine avec le député de Saint-Henri—Sainte-Anne, pour une période de 4 min 8 s.

• (21 h 30) •

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup, Mme la Présidente. D'abord, un énorme merci, M. Reichhold, et aux collègues, la TCRI, pour votre belle présentation, votre documentation aussi, très intéressante. Écoutez, la question des délais, c'est celle qui m'intéresse particulièrement dans le présent exercice, parce que derrière les chiffres, bien, il y a des vies. On les voit derrière vous, ces vies-là. Salutations à vous, par ailleurs. On voit même que, derrière ces chiffres-là, il y a des vies, il y a des enfants. C'est ce qu'on réalise aussi. Puis il y a vraiment des rêves, puis il y a de l'anxiété, il y a de la détresse. C'est un article de Lisa-Marie Gervais du Devoir, tout à l'heure, j'en parlais, là, qui parle des délais, puis votre mémoire...


 
 

21 h 30 (version non révisée)

M. Cliche-Rivard : ...fait mention, 50 ans de délai de traitement ou, en tout cas, pour l'obtention de la résidence permanente, après l'approbation de la demande humanitaire. 18 ans dans le refuge, on sait que ça peut monter à huit ans aussi... mon collègue parlait de la réunification familiale, ça pourrait monter à huit ans pour la catégorie du regroupement familial, quand même.

Ma question est pour M. Reichhold. Vous avez été là... vous êtes là depuis longtemps, vous mais aussi la TCRI. Avez-vous déjà vu ça, un programme d'immigration qui prend 50 ans à accorder la résidence permanente. Avant aujourd'hui, aviez-vous déjà vu ça?

M. Reichhold (Stephan) :Bien sûr que non, là, c'est comme inimaginable, je veux dire, ça n'a comme aucun, aucun sens, là, je veux dire. On est vraiment dans le délire, là. C'est, humainement, et puis aussi socialement, et démographiquement... je veux dire, ça n'a pas de sens, là. On n'a pas de réponse à ça, là, je veux dire, on espère qu'à un moment donné ça va se régler, je veux dire quelqu'un qui doit attendre 50 ans pour avoir sa résidence permanente, ça... c'est... Je perds mes mots, là, je veux dire, c'est... Et comment le gouvernement actuel est capable d'assumer ça, c'est notre grande question. Il le voit, il voit les statistiques, il voit les... ce qui s'en vient. Est-ce que ça va prendre un changement de gouvernement, l'indépendance du Québec ou "whatever" pour régler ça? Je n'en sais rien, mais ça... on est dans le délire, là.

M. Cliche-Rivard : Merci de votre franchise, M. Reihhold, je... Oui, allez-y, bien sûr. On est là pour vous entendre.

M. Babon (Harrold) : Alors, je travaille à la clinique... à Justice migrante. On a des avocates qui font ce type de représentation des personnes qui sont en attente de traitement de leur demande humanitaire. Et je vous assure, vous n'aimeriez pas voir la détresse en ces personnes. Si on prône les valeurs d'humanisme, de défense de droit, eh bien, parler de 50 ans pour une... pour l'aboutissement d'une démarche d'immigration, c'est tout simplement méphistophélique. J'emprunte peut-être un mot compliqué pour faire le lien avec la complexité de cela, parce qu'en français, facile, ça n'existe pas, de trouver un mot pour dire que 50 ans d'attente pour une personne est normal.

J'aimerais aussi dire que c'est vraiment... Ça dépend de la volonté d'accueil. On va encore peut-être passer dans le débat de tout à l'heure entre capacité d'accueil et volonté. Ça relève d'une volonté politique. Voyez-vous, il y a quelques années, j'avais posé la question au collègue fédéral de... un ancien collègue fédéral de M. le ministre Roberge, c'était Matt Miller, de savoir comment est-ce qu'on a fait pour bien accueillir les personnes venant d'Ukraine. Vous voyez que c'est... Il y a un déploiement, il y a une organisation...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : En terminant.

M. Babon (Harrold) : ...et ça se passe très bien quand on planifie tout cela pour bien accueillir. Donc, on ne peut pas faire un... double standard, sinon on tombe directement dans l'incohérence et, malheureusement, c'est ce qu'on observe depuis quelque temps. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, c'est ce qui met fin à cette séance. Je vous remercie pour l'apport à nos travaux.

Je vais suspendre quelques instants, le temps de recevoir notre dernier intervenant de la soirée. Merci.

(Suspension de la séance à 21 h 34)

(Reprise à 21 h 37)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Donc, pour notre dernière séance de travail de la soirée, nous recevons le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, qui est représenté par son chef de bureau à Montréal, Me Joey Hanna. Me Hanna, bonjour. Alors, bienvenue à la Commission des relations avec les citoyens. Vous allez avoir une période de 10 minutes pour nous exposer vos commentaires et vos recommandations et par la suite, nous allons échanger avec les parlementaires. Alors, votre 10 minutes commence maintenant.

M. Hanna (Joey) : Mme la Présidente, M. le ministre, membres de la commission, d'abord merci pour l'invitation et merci de veiller tard avec moi. Je tiens également à saluer les nombreux intervenants qui ont pris la parole avant moi et qui ont contribué à enrichir ce débat avec rigueur, sensibilité et diversité de point de vue. Mon nom est Joeu Hanna et je suis le chef de bureau à Montréal du HCR, l'Agence des Nations unies pour les réfugiés.

Le HCR, c'est une organisation internationale dont le mandat est de sauver des vies, de protéger des droits et de construire un avenir meilleur pour des personnes... pour les personnes déplacées de force. Ce terme «personnes déplacées de force» englobe les réfugiés, les personnes demandeuses d'asile, les personnes déplacées à l'interne, ainsi que les apatrides. Il s'agit d'hommes, de femmes et d'enfants qui ont été contraints de fuir leur foyer, leur pays et parfois leur identité pour échapper à la guerre, aux persécutions ou à des violations graves des droits humains. Depuis 75 ans, le HCR agit aux côtés des États pour protéger ces personnes dans le respect du droit international et des principes humanitaires.

Le monde compte aujourd'hui 122 millions de personnes déplacées de force. C'est deux fois plus qu'il y a 10 ans. 40 % de ces 122 millions de personnes, ce sont des enfants. Cette hausse reflète l'ampleur des crises humanitaires qui ont marqué la dernière décennie. Syrie, Afghanistan, Soudan, Myanmar, République démocratique du Congo, Ukraine, Gaza, et j'en passe. En Amérique latine, des dynamiques complexes de déplacement touchent les Vénézuéliens, les Haïtiens et les Nicaraguayens. Et dans la Corne de l'Afrique et au Sahel, les effets conjugués des conflits et des changements climatiques aggravent les déplacements prolongés. Ce qui est encore plus préoccupant, c'est que plus les crises se multiplient et plus les solutions se font rares. En effet, les guerres s'enlisent, les retours volontaires vers le pays d'origine sont peu nombreux et les possibilités de réinstallation ou d'intégration locale restent limitées.

• (21 h 40) •

Pour un petit nombre de réfugiés, la réinstallation est la seule option viable lorsque leur sécurité est gravement menacée dans le premier pays d'asile. à l'échelle mondiale, près de 43 millions de personnes sont actuellement reconnues réfugiées par le HCR, dont environ 2,5 millions de personnes identifiées comme ayant un besoin de réinstallation. En 2024, le HCR avait soumis 203 000 dossiers de réinstallation aux pays partenaires, dont le Canada. En 2025, ce nombre pourrait chuter seulement à 30 000 en raison d'une réduction significative des places offertes par les États. La réinstallation...

M. Hanna (Joey) : ...véritable bouée de sauvetage pour les réfugiés les plus vulnérables est aujourd'hui gravement menacée à l'échelle mondiale. Face à ce recul, le HCR a lancé un appel au Canada, et je le fais ce soir par extension au Québec afin de maintenir, voire d'augmenter les niveaux actuels de réinstallation. Dans un contexte mondial de plus en plus difficile, le Québec est appelé à continuer à jouer un rôle distinctif et essentiel en complémentarité avec les efforts internationaux de protection des réfugiés. Il faut le dire, depuis des décennies, la province a généreusement démontré sa volonté d'offrir un refuge sûr à celles et ceux qui fuyaient la persécution et les conflits. Selon le PIQ, la politique internationale du Québec, l'accueil des personnes réfugiées constitue, et je cite, l'une des illustrations concrètes de l'engagement international du Québec en matière de respect des droits de la personne. C'est un engagement, il s'est concrétisé par différents programmes, on les connaît, le programme des RCPE et, par ailleurs, le programme de parrainage collectif qui permet à des groupes de citoyens de s'impliquer activement dans l'accueil et l'intégration des personnes réfugiées. Ce modèle illustre, par ailleurs, l'engagement qu'a la société civile de s'impliquer et de faire partie intégrante de la réponse humanitaire. Puis je termine mon propos sur la... sur la réinstallation en réitérant notre reconnaissance pour le rôle que le Québec a joué depuis des décennies dans le domaine et j'invite la province à poursuivre dans cette voie.

Permettez-moi maintenant de dire quelques mots sur le droit d'asile. Demander l'asile est un droit humain. Ce n'est pas une commodité ni un privilège. Ce droit fondamental permet à toute personne fuyant les persécutions, les conflits ou les violations graves des droits humains de solliciter une protection dans un autre pays. L'asile, vous le savez, est consacré par différents instruments internationaux ratifiés ou adoptés par le Canada, tels que la Déclaration universelle des droits de l'homme, la Convention 51 sur le statut de réfugié et le Protocole de 1967.

L'asile repose sur un principe fondamental, celui du non-refoulement qui interdit de renvoyer une personne vers un pays où sa vie ou sa liberté seraient menacées. Le droit d'asile, il est inaliénable. Il ne saurait être subordonné à la seule capacité d'accueil d'un État. Il incarne une obligation légale de solidarité envers les personnes les plus vulnérables. Pourtant, au cours des dernières années, l'espace de protection pour les personnes en quête d'asile s'est... s'est considérablement rétréci à l'échelle mondiale. Les politiques migratoires se durcissent, les discours se polarisent et un rejet croissant, voire souvent instrumentalisé, s'installe à l'égard des personnes demandeuses d'asile et réfugiées. Alors que, partout sur la planète, on fait face à des défis semblables et complexes, logement, santé, éducation et inflation, des récits tristement simplistes et réducteurs émergent, imputant aux réfugiés et aux personnes demandeuses d'asile l'entière responsabilité d'enjeux dits structurels, des personnes qui, rappelons-le, sont souvent invisibles dans la conversation publique en raison de la fragilité de leur sort et qui subissent, tout comme moi, tout comme vous et moi, dis-je, les difficultés et les défis que j'ai nommés.

Dans ce contexte, il m'apparaît essentiel de... de réaffirmer les principes fondamentaux qui sous-tendent le droit d'asile. Même en période de pression sur les ressources publiques, les États ont la responsabilité de garantir ce droit fondamental. Ce droit ne signifie pas pour autant une ouverture indiscriminée des frontières. Les États ont pleinement le droit et le devoir de gérer leurs frontières, mais ils ont aussi une responsabilité partagée de protéger celles et ceux qui fuient pour sauver leur vie. Par ailleurs, le HCR reconnaît pleinement l'importance pour les États de maintenir des services publics de qualité en santé, en éducation, en matière de logement pour l'ensemble de la population, y compris pour les personnes demandeuses d'asile et réfugiées. Ces services sont essentiels pour favoriser l'inclusion et la cohésion sociale.

Cela étant dit, 75 ans d'expérience sur le terrain nous démontrent que les mouvements de personnes demandeuses d'asile sont souvent imprévisibles. Ils sont provoqués par des conflits soudains, par des flambées violences ou des bouleversements politiques inattendus qui contraignent des millions de personnes à fuir en quête de... en quête de sécurité. Cette réalité exige des gouvernements des réponses flexibles, coordonnées et humaines qui garantissent le respect des engagements internationaux tout en soutenant les communautés d'accueil.

Enfin, je me dois de... de rappeler une autre réalité. La majorité des personnes réfugiées dans le monde ne sont pas en Amérique du Nord. En fait, je me permets de faire un retour en arrière et de ramener le concept des 122 millions, les personnes déplacées de force. La majorité de ces personnes sont déplacées à l'intérieur même de leur propre pays. 70 % pour être exact. Elles n'ont jamais franchi une frontière internationale en quête de protection ou d'asile. Maintenant, pour celles et ceux qui ont la chance de le faire, de trouver refuge dans un autre pays que leur pays d'origine...

M. Hanna (Joey) : ...les trois quarts vivent dans un pays à revenus faibles ou à revenus intermédiaires, souvent limitrophes aux zones de conflit. C'est donc dire que les pays du sud global assument une part disproportionnée de la responsabilité mondiale.

Enfin, permettez-moi de conclure sur une note d'espoir. Les réfugiés ne font pas que survivre, ils contribuent à faire prospérer les sociétés qui les accueillent. Ils apportent des compétences, des idées et une résilience remarquable. Ils deviennent enseignants, entrepreneurs, artistes, soignants. Ils enrichissent notre tissu social, culturel et économique. Je le sais, je les côtoie. Le Québec en est un exemple vivant. Il a su, à travers des décennies, conjuguer humanité et pragmatisme. On connaît tous des personnes réfugiées qui, par leur parcours, ont profondément marqué notre société, hein, Kim Thúy, Dany Laferrière, Caroline Dawson, Corneille, tous les quatre réfugiés qui sont les ambassadeurs de notre culture, de notre langue et de nos valeurs humanistes.

Mais derrière ces personnalités connues, il est impératif de rappeler, de souligner l'apport des milliers de personnes demandeuses d'asile qui contribuent à la vitalité économique du Québec, en soutenant des entreprises locales, en ayant été aux premières lignes pendant la COVID 19, et qui participent aujourd'hui au dynamisme des secteurs clés comme l'industrie touristique en région. Leur contribution, souvent discrète, mérite d'être reconnue au même titre que celle des... personnalités publiques publiques précitées. Tous ces parcours ne sont pas des exceptions. Ils sont le reflet de ce que l'accueil peut produire lorsque l'on mise sur l'inclusion, la dignité et le potentiel humain. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup pour cette présentation. On entame donc la ronde de discussion, d'abord, avec le ministre, la banquette gouvernementale, pour 16 min 30 s. M. le ministre.

M. Roberge : Merci beaucoup. Merci pour votre présentation. Vous avez soulevé des enjeux extrêmement préoccupants de ce qui se passe sur la planète, qui nous donne, je vous dirais, des obligations. Le Québec a toujours levé la main, accueilli des gens de partout qui voulaient, dans certains cas, améliorer leur sort, d'autres fois, sauver leur vie. Ils fuyaient pour sauver leur vie, vous l'avez mentionné. Puis vous avez mentionné la politique de non-refoulement, mais qui ne s'applique pas à quelqu'un qui quitterait, par exemple, je ne sais pas, la France pour venir au Québec, au Canada, mais plutôt quelqu'un qui fuirait la guerre pour arriver ici.

Quels sont les critères, les barèmes pour décider que telle ou telle personne, ce n'est pas simple un immigrant économique ou quelqu'un qui veut améliorer son sort, mais c'est bien quelqu'un à qui s'applique ce principe-là et qui doit donc être sauvé, non refoulé, pour protéger sa vie, son intégrité.

M. Hanna (Joey) : Alors, le principe de non-refoulement, il est prévu à la convention de 1951 sur le statut de réfugié. C'est un principe aujourd'hui qu'on dit de jus cogens, hein, c'est un principe impératif en droit international public. Il s'applique à tous les États, même les États qui seraient potentiellement non signataires de la convention de 1951. Maintenant, la convention de 1951, qu'est-ce qu'elle apporte? Qu'est-ce qu'elle nous donne? C'est la définition de personnes réfugiées, définition qui a été reprise, par ailleurs, au Canada dans la Loi sur l'immigration à l'article 96. Un réfugié au sens de la convention, c'est une personne qui se trouve hors de son pays, du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou qui ne veut pas se réclamer de la protection de ce pays-là, car elle a une crainte raisonnable, car elle craint, avec raison, d'être persécutée du fait des cinq motifs qui sont prévus à la convention : la race, la religion, la nationalité, l'appartenance à un groupe social ou les opinions politiques.

Donc, c'est la convention de 1951. C'est cette définition de réfugié qui nous permet de dire si une personne qui fait une demande d'asile rencontre ce seuil qui est quand même exigeant pour un individu, et qui se qualifie, donc, qui est reconnu, à qui on attribue donc le statut de réfugié.

M. Roberge : Puis, à votre connaissance, est-ce que le Canada et la majorité des pays européens ont une même lecture de ces critères-là?

M. Hanna (Joey) : Des critères de la convention de 1951?

M. Roberge : Oui. Donc, M. X ou Mme Y qui arriveraient, s'ils sont acceptés au Canada, ils seraient acceptés en France, en Angleterre, en Italie. S'ils sont refusés, excusez-moi-le terme, mais si on juge que leurs demandes ne se qualifient pas, bien, ils seraient... ils recevraient cette même réponse négative de l'ensemble des pays, ou, s'il y a des pays qui sont un peu plus, je ne sais pas trop, là, différents dans leur manière de lire les critères, qui sont plus sélectifs, plus durs, ou alors qui sont plus ouverts et qui laissent des personnes qui sont peut-être moins menacées entrer, est-ce qu'il y a des différences d'interprétation...

• (21 h 50) •

M. Hanna (Joey) : C'est une très bonne question, mais qui nous place dans une drôle de posture...

M. Hanna (Joey) : ...en ce sens que le HCR arrive ou fait parfois ce qu'on appelle la détermination du statut de réfugié lorsque les États sont incapables de le faire ou les systèmes en place ne le font pas. Au Canada, ce n'est pas le cas. Il y a une commission qui est indépendante, qui joue ce rôle-là. Et dans les pays du Nord global, il y a des institutions judiciaires, quasi judiciaires qui jouent ce rôle-là. Malheureusement, je ne peux pas me mettre dans les souliers de tous les décideurs qui analysent chacun des dossiers, comment ils appliquent la convention. Ce que je peux vous dire, qui est universel, par contre, c'est la convention en tant que telle. Le texte de la convention, il est partagé par tous les pays signataires. C'est la même définition. Et au Canada, par ailleurs, on va même au-delà de la définition avec le concept de personne protégée, là, qui est prévu, là, à l'article 97 de la loi sur l'immigration. Mais là, je ne m'embarquerai pas là-dedans. Non, Pour... pour faire ça bref, là, la convention, c'est la même, la définition, c'est la même à travers le monde. Le principe de non-refoulement, il s'applique partout de la même manière. Et pour le reste, comment est-ce que les pays, les décideurs interprètent ça? Bien, ça, ça leur appartient. Ce n'est pas de mon ressort.

M. Roberge : D'accord, mais l'état qui prend la décision, en ce qui me concerne, c'est l'État canadien, c'est le gouvernement fédéral. Les gens arrivent, peuvent traverser la frontière ou atterrir quelque part, un aéroport ou même arriver par bateau, quelque part au Québec, dans les Maritimes, à Terre-Neuve, en Comlombie-Britannique, à Toronto, peu importe. Ils demandent refuge au Canada.

M. Hanna (Joey) : Oui.

M. Roberge : Et il appert que, dans les dernières années, très nombreux sont ceux qui ont fait cette première demande-là sur le territoire québécois. Ça a été presque 45 % pendant plusieurs années. Là, on est autour de 35 %, un petit peu plus que 35 % pour la dernière année. Il reste que c'est plus que notre part à l'intérieur du Canada, mais ils ne font pas une demande d'asile à l'État québécois, ils font une demande d'asile à l'État canadien. Est-ce que c'est légitime pour le Québec de dire : Écoutez, nous, là, on a fait notre part et un petit peu plus, ils demandent asile au Canada, très bien, ils arrivent ici, mais il faudrait qu'ils soient accueillis, hébergés, francisés, ou anglicisés s'ils ne parlent pas l'anglais, dans une autre province que la nôtre?

M. Hanna (Joey) : Écoutez, il n'appartient pas au HCR de répondre à cette question-là, quant à la part du Québec, ou la part des autres provinces, ou la manière dont le Canada devrait répartir ou décider où vont les personnes demandeuses d'asile. Ce n'est pas le rôle du HCR que d'établir ces mécanismes-là où de décider qui joue sa part ou quelle est la juste part dans l'ensemble de la Fédération canadienne. Ça, c'est la prérogative du gouvernement, des gouvernements.

Ce qui nous appartient, de notre côté ou, du moins, l'invitation qu'on vous lance quand vous avez ces conversations-là, à savoir sur la gestion du système d'asile qui est nationale, bien, c'est d'avoir d'abord en tête les vies humaines, les vies individuelles des personnes qui sollicitent la sécurité chez nous, l'asile chez nous, mais, par ailleurs, d'avoir en tête des grands principes que sont ceux de la solidarité, de la coopération, de la collaboration. Et, pour le reste, bien, je m'en remets aux gouvernements, qui sont souverains et qui ont la prérogative de décider ensemble qu'est-ce qu'ils veulent faire de ce système d'asile là.

Et je me permets juste un petit commentaire. En début d'intervention, M. le ministre, là, ce n'est pas pour vous corriger, mais vous avez dit que c'est le gouvernement canadien qui entend les demandes d'asile, mais je le réitère, là, juste pour les fins de clarté, c'est la commission de l'immigration, ce n'est pas le gouvernement canadien. C'est une commission indépendante, c'est un tribunal indépendant qui entend au cas par cas, au mérite, les demandes d'asile des personnes qui les déposent au Canada.

M. Roberge : C'est très bien que vous fassiez ces corrections-là. Je ne suis pas un expert dans tous ces domaines, et vous l'êtes, c'est pour ça qu'on est si contents de vous avoir avec nous ce soir.

M. Hanna (Joey) : Je suis heureux d'échanger avec vous, M. le ministre.

M. Roberge : C'est une très bonne chose. C'est assez remarquable. Puis, au Québec, on a ce processus-là de commission avec toutes les formations politiques rassemblées à l'Assemblée nationale, avec plusieurs intervenants, qui vient avec une pluralité de points de vue, des expertises différentes des membres. Parfois, c'est des espèces de fédérations différentes, puis on amène... des fois, je vous dirais, c'est des points de vue différents, des fois c'est des expertises. Vous arrivez avec quelque chose de particulier, avec le...

M. Roberge : ...commissariat, on va continuer d'accueillir des gens, c'est certain. D'autres en font des choix plus discutables au sud de la frontière. Puis on ne veut pas se coller sur eux, là. Il arrive ce qu'il se passe, mais ce n'est pas notre modèle, ce qu'il se passe aux États-Unis, on va le dire très clairement. Mais qu'en est-il des autres États qui reçoivent comme nous des gens qui sont dans des déplacements forcés, disons-le? Comment ça se passe ailleurs ces dernières années?

M. Hanna (Joey) : Bien, écoutez, je l'ai abordé brièvement dans le cadre de mon allocution en vous donnant des statistiques sur l'absence ou, du moins, sur la part extraordinaire que pèse sur les pays du Sud global qui accueillent en grande majorité les personnes déplacées de force. Les deux tiers des personnes déplacées de force se trouvent dans un pays limitrophe aux leurs, dans un pays qui est souvent, là, limitrophe à une zone de conflits. Où ont été les Syriens historiquement? Ils ont été en Turquie, ils ont été au Liban. Où ont été les Afghans? Ils ont été en Iran principalement. Les gens de la RDC, ils ont été en Ouganda, les Vénézuéliens en Colombie. Bref, ce n'est pas dans le Nord global. Quand je regarde le tableau des 10 plus grands pays hôtes de personnes réfugiés, outre l'Allemagne qui, dans un geste historique, au plus fort de la crise syrienne, a accueilli plus de 1 million de réfugiés syriens. Autrement, ce sont les pays du Sud global qui assument de façon disproportionnée la responsabilité, là, des déplacements forcés et de l'accueil des personnes déplacées de force à travers le monde.

Donc c'est comme ça que ça se passe à l'heure actuelle. Maintenant, au niveau de la géopolitique internationale, je l'ai également abordée d'entrée de jeu, la dernière décennie a été catastrophique sur le plan du respect des droits humains et a mené à ce qu'on voit aujourd'hui. Donc, de 2015 à 2025, on a plus que doublé le nombre de personnes déplacées de force. Pourquoi? Parce que les pays et les États sont incapables de faire la paix. Donc, le message que, nous, on lance à cette commission, qu'on lance à tous les États, c'est d'inviter les États à justement renouer avec le multilatéralisme, avec la collaboration, avec la coopération et de mettre nos espoirs dans la paix afin qu'on puisse trouver des solutions durables qui sont bénéfiques autant pour les États hôtes, pour le monde en entier, que pour les personnes réfugiées qui, au premier chef, n'auraient pas voulu quitter leurs maisons, leurs foyers.

M. Roberge : C'est tellement intéressant parce que ces personnes qui fuient la guerre ou... ou le racisme, ou, je vous dirais la persécution, essentiellement, fuient une situation qui a dégénéré. Puis, oui, on a une responsabilité d'accueillir notre part de personnes qui fuient puis qui ont... qui ont besoin d'être protégées.

M. Hanna (Joey) : Oui.

M. Roberge : Mais on a probablement aussi une très, très grande responsabilité, un peu comme on le faisait auparavant avec les Casques bleus de l'ONU, là, mais de... de pacifier, de faire de la médiation, de faire de l'aide internationale économique parce que, souvent, de... de la pauvreté économique arrive des conflits. Ces grands mouvements-là et ces grands déplacements-là sont causés peut-être des fois par un manque de soutien en amont de tout ça. Et sans doute qu'au-delà de diminuer les flots d'arrivées de personnes, on aurait une solution qui serait plus durable, donc, dans le fond, avec... avec le rôle que devrait jouer l'ONU correctement et plus, mais aussi tout le soutien international, notamment les missions éducatives, etc.

M. Hanna (Joey) : Tout à fait. Je... Est-ce qu'il y avait une question sous-jacente là-dedans?

M. Roberge : Je discute avec vous, là. C'est... Je n'avais pas...

M. Hanna (Joey) : Très bien. Très bien. Très bien.

M. Roberge : Oui. Bien, en fait, ils partagent nos réflexions.

• (22 heures) •

M. Hanna (Joey) : Ah! bien, je vous entends. Je suis d'accord. Le monde humanitaire, là, vous le savez, là, est en crise. Plus que jamais, les besoins existent. On doit trouver des solutions. Et les Nations Unies demeurent le forum international le plus important et au sein duquel on peut parvenir à des solutions. Je comprends que ce n'est pas ce soir qu'on va régler l'ensemble des conflits, là, à travers le monde, mais il n'en reste pas moins que de réinvestir, que de remettre notre espoir dans la paix, dans la... dans le règlement pacifique des conflits, bien, c'est sûr que...


 
 

22 h (version non révisée)

M. Hanna (Joey) : ...là, on va amoindrir les conséquences sur les individus, les États hôtes et la communauté internationale de façon générale. Ça, il n'y a aucun doute là-dessus.

M. Roberge : Bien, vous dites : Ce n'est pas ce soir qu'on va tout régler. Non, malheureusement, mais il ne faut pas sous-estimer le pouvoir des discussions puis des réflexions qu'on peut faire dans des forums comme on a, démocratiques, justement.

M. Hanna (Joey) : Vous avez raison.

M. Roberge : S'il y avait plus de ces forums comme on a ici, des commissions parlementaires ouvertes avec des parlementaires qui sont, oui, dans des partis politiques différents mais avec qui on partage des valeurs et on s'entend sur 95 % des affaires... bien, on s'obstine sur 5 %, mais on s'entend sur la grande, grande majorité des choses. À l'Assemblée nationale, plus de 80 % des projets de loi sont adoptés à l'unanimité, au bout du compte, hein, il faut se le dire. Et juste de faire vivre la démocratie, de faire vivre le moment qu'on vit là, là, de questionner, de chercher, des fois, de trouver ce sur quoi on ne s'entend pas, de surtout savoir pourquoi on ne s'entend pas puis de se rendre compte que, finalement, l'autre en face avait peut-être raison, puis je retourne chez moi en continuant d'y penser, juste ça, ça peut servir de modèle, parce qu'il y a des gens qui nous écoutent aussi.

M. Hanna (Joey) : Vous avez raison.

M. Roberge : ...et qui repartent et qui peuvent tirer des leçons, pas de ce que je dis, mais du forum qui existe ici. Donc, non, on ne réglera pas tous les conflits ce soir, mais j'aime penser que juste notre manière de les aborder, c'est déjà quelque chose de grand puis doit on doit chérir le forum qu'on a ici parce que c'est ces forums-là qui empêchent des déplacements forcés puis qui aident à trouver des consensus. Ce n'est pas l'unanimité, mais c'est le consensus. Je vous remercie pour l'éclairage que vous avez apporté puis pour les réflexions qui vont se poursuivre après que les lumières se seront fermées ici ce soir.

M. Hanna (Joey) : Merci à vous, M. le ministre.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Puis moi aussi, j'aimerais ça, régler tous les maux, les maux de l'univers ce soir, mais on va poursuivre les discussions, parce que c'est ça qui est important, pour l'heure, cette fois-ci avec l'opposition officielle pour 12 min 23 s.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Alors, bonsoir, Me Hanna. Merci d'être là. Merci pour le mémoire que vous avez déposé à la commission. J'aimerais, si vous le permettez, clarifier quelque chose avec vous. Je comprends que, dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui est un document phare de l'ONU adopté peu après la Deuxième Guerre mondiale, à la convention de 1951 et le protocole de 1967... Le Canada y est partie, y a adhéré.

M. Hanna (Joey) : Tout à fait.

M. Morin : Et ça, ça inclut le Québec.

M. Hanna (Joey) : Oui. C'est-à-dire, le Canada est signataire de la convention de 1951. On l'a ratifiée et on a incorporé par ailleurs les obligations internationales dans une loi nationale, qui est la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, la LIPR, et c'est une loi qui est fédérale, qui s'applique à l'ensemble des provinces, là.

M. Morin : Et donc ça fait partie de nos obligations et de nos responsabilités que de s'assurer que les gens vont pouvoir demander l'asile.

M. Hanna (Joey) : Tout à fait.

M. Morin : Et ma compréhension, c'est que c'est un droit, ce n'est pas un privilège.

M. Hanna (Joey) : Effectivement, tel qu'il est consacré dans les instruments internationaux et dans notre loi canadienne, le droit d'asile, c'est un droit.

M. Morin : Très bien, je vous remercie. Vous soulignez également la tradition de solidarité du Québec dans votre document, c'est à la page 3, et vous parlez de la politique internationale du Québec sur l'accueil des personnes réfugiées, et vous écrivez que c'est l'une des illustrations concrètes de l'engagement international du Québec envers le respect des droits de la personne. Ça s'est concrétisé à travers des programmes structurés. Donc, je comprends que cette politique internationale du Québec tire sa source dans, notamment, la Déclaration universelle des droits de l'homme, la convention de 1951 et le protocole de 1967, pour que ce soit cohérent.

M. Hanna (Joey) : J'ose espérer. Je ne suis pas, vous comprendrez, le rédacteur de la politique, mais j'ose croire que l'inspiration, elle est là.

M. Morin : Très bien. Dans le cadre de votre travail, parce qu'on parle également dans votre mémoire du programme de parrainage collectif, et ça, c'est l'engagement de la société civile, est-ce que vous évaluez comment ces programmes-là fonctionnent...

M. Morin : ...ou vous laissez ça à l'État, qui a adopté des lois ou des politiques, de faire sa propre évaluation aussi? Vous, dans votre travail au sein du haut commissariat, vous faites des évaluations et des recommandations de ces politiques-là des États?

M. Hanna (Joey) : C'est une excellente question, et je vous remercie pour la question. D'emblée, en amont, on n'est pas là pour évaluer les programmes. Si les gouvernements, si les États nous demandent d'en faire une évaluation ou nous demandent d'avoir un éclairage technique sur un programme ou sur une question donnée, à ce moment-là, le HCR peut jouer ce rôle-là, et joue ce rôle-là, de façon générale, à travers le monde. Mais, de façon générale, on laisse à l'État, et, en l'occurrence, ici, c'est à l'État canadien, à l'État québécois... gérer ses propres programmes. Le HCR ne joue pas de rôle prépondérant dans l'administration de ces programmes-là, outre que de souligner leur importance, outre que de souligner que le programme des RPCE, bien, ça sauve des vies, que le programme de parrainage collectif, bien, c'est un programme qui est gagnant-gagnant, autant pour les personnes réfugiées qui sont réinstallées ici, mais pour la société qui les accueille.

Et moi, je me suis rendu à Joliette, à Mont-Saint-Bruno, en banlieue de Montréal, et j'ai rencontré des groupes de parrains, et j'ai vu à quel point l'engagement citoyen est au rendez-vous, et j'ai vu à quel point les réfugiés, qui ont reçu beaucoup de leurs communautés d'accueil, ont fini par par redonner, par rendre. Donc, on est vraiment dans une espèce de complétion du cercle, là, c'est la roue qui tourne, et c'est ça, la beauté de ces programmes-là, quand on amène le communautaire, quand on amène la communauté.

M. Morin : Bien. Donc, quand, par exemple, un État ou une partie d'un État fédéré, comme le Québec... et qu'on y voit et qu'on y entend que certains programmes par exemple, vont être coupés, ou qu'il y aura l'abolition d'une allocation d'aide sociale destinée aux personnes en demande d'asile, ce qui va engendrer une certaine précarité, je comprends que ça ce n'est pas quelque chose que vous évaluez ou que vous commentez. Est-ce que je me trompe?

M. Hanna (Joey) : Bien, écoutez, si vous me posez la question formellement, je vais y répondre. Mais, de façon générale, le HCR, c'est une organisation apolitique, c'est une organisation humanitaire, une organisation qui a une vocation dite sociale. On n'est pas une organisation qui milite, qui sort dans la rue pour manifester. Il y a des organisations qui font ça, c'est leur rôle. Nous, on est à la limite entre les États et le monde communautaire, on est quelque part au milieu, on a un rôle très spécifique, donc on ne commente pas publiquement. Mais si on est appelés à répondre à des questions, bien, on va le faire.

M. Morin : Alors, je vais vous la poser, la question. Le Canada a des obligations internationales, les réfugiés ont des droits, on a une politique internationale au Québec. Alors, par exemple, vouloir leur couper l'aide sociale ou des coupures de services d'aide juridique, qui va les lancer dans la précarité, vous réagissez comment à ça?

M. Hanna (Joey) : Bien, je réagis, d'abord, en reconnaissant que le gouvernement du Québec, les gouvernements à travers le monde subissent des pressions, là, sont confrontés à divers... à divers défis, notamment en lien avec l'augmentation des personnes demandeuses d'asile, et toutes sortes de défis, par ailleurs, à travers le monde. Cela dit, restreindre l'accès à des services de base, que ce soit l'aide juridique, que ce soit l'aide sociale, que ce soit des allocations aux enfants, bien, ça ne réduira pas les arrivées, si c'est ça, au bout du compte, l'objectif. Ça va plutôt créer des situations d'exclusion, de marginalisation et de précarité, hein? Lorsqu'on réduit des individus... lorsqu'on les prive de leurs droits fondamentaux, de leurs moyens de subsistance, de leur capacité à devenir autonomes, bien, on les prive, et on se prive, par ailleurs, comme société, d'une intégration pleine et entière. Donc, c'est de cette manière-là que je réagirais.

Alors, moi, j'inviterais respectueusement le Québec à reconsidérer cette réduction-là du panier de services pour les personnes demandeuses d'asile, le tout soumis, là, avec beaucoup de respect et beaucoup de déférence, en ma qualité de représentant d'une organisation internationale.

• (22 h 10) •

M. Morin : Je vous... je vous comprends, et vous le faites très bien. Mais je comprends que réduire ces services-là pourrait marginaliser davantage des...

M. Morin : ...demandeur d'asile. Et puis, comme vous l'avez souligné, compte tenu des obligations internationales et des politiques du Québec, s'ils arrivent à la frontière, on doit s'en occuper. C'est ma compréhension. Est-ce que je me trompe?

M. Hanna (Joey) : Absolument. Absolument. Pousser des gens vers des situations de dénuement, ça ne ferait que créer davantage de problèmes. On pousserait le problème par en avant, là, au lieu de pouvoir offrir aux gens un soutien. Et je me permets de préciser ou, du moins, d'amener une saveur un peu pragmatique, là. Dans Le Devoir, la semaine dernière, on nous disait qu'il y a une réduction de 60 % des demandes d'aide sociale dans la clientèle demandeuses d'asile. Donc, c'est pour vous dire que... Et ce que l'article disait par ailleurs, c'est que les gens en grande majorité vont se chercher très rapidement un permis de travail, un permis d'emploi. On parle d'un délai entre quelques semaines et deux mois au maximum. Il fut un moment, là, et j'ai travaillé sur cette question-là, où on avait des délais de six, sept, huit mois, mais l'appareil fédéral a trouvé des solutions pour amoindrir, pour réduire ces délais-là.

Alors, la grande majorité des personnes demandeuses d'asile, lorsqu'elles vont chercher de l'aide sociale, c'est de façon extrêmement temporaire, c'est pour les quelques premiers mois avant de pouvoir aller chercher un permis de travail et de le contribuer positivement et pouvoir acquérir une forme d'autonomie financière et veiller à leur intégration dans la société québécoise.

M. Morin : Vous l'avez mentionné, ce permis de travail, c'est le gouvernement fédéral qui le décerne, qui le donne. Cependant, je comprends aussi de votre témoignage que les demandeurs d'asile cherchent de l'emploi et, dans bien des cas, en trouve.

M. Hanna (Joey) : Oui.

M. Morin : Et j'aimerais aussi que vous puissiez nous parler... Parce que, dans votre mémoire, à la page 3, vous faites référence à de l'accompagnement adapté dans des grands centres urbains, et vous parlez des villes désignées pour la réinstallation, il y en a plusieurs : Québec, Sherbrooke, Rimouski, Trois-Rivières. Comment ça fonctionne? C'est un succès. On les aide... Bon, d'abord, ils s'en vont en région, on les aide à trouver de l'emploi. C'est positif comme façon de faire?

M. Hanna (Joey) : Alors, vous faites référence ici aux 14 villes d'accueil au Québec...

M. Morin : Oui, exact.

M. Hanna (Joey) : ...le programme de régionalisation de l'immigration, je ne pense pas à être le meilleur intervenant pour vous éclairer sur ce programme-là. Je pense qu'il y a des gens de l'autre côté de la salle qui sont potentiellement mieux placés que moi pour vous en parler, pour détailler ce programme-là. Ce que je peux vous dire, au HCR, c'est qu'on a soutenu ce programme-là. On a toujours été favorable à ce programme de régionalisation, et on en voit des succès. Et ce que, moi, je vois sur le terrain en me déplaçant à Trois-Rivières, en me déplaçant à Sherbrooke, en me déplaçant dans ces villes de destination, c'est qu'on a développé au Québec une expertise. Il y a tout un écosystème dans le domaine de la santé, dans le domaine municipal, dans le domaine économique, dans le domaine manufacturier, dans le domaine de l'accompagnement psychosocial, qui est riche, au Québec, et qui est présent.

Et pour faire du chemin sur ce que je disais dans le cadre de mon témoignage tantôt, réduire les seuils de réinstallation au Québec, bien, je pense qu'il faut prendre en considération que, bien, on risque de perdre cette expertise-là où elle risque de s'étioler. Donc, j'invite les gens, autour de la table, quand ils vont réfléchir aux orientations, à la planification pluriannuelle sur les niveaux d'immigration, à prendre cet élément-là comme élément dans la réflexion, là, l'expertise qu'on risque de perdre de façon générale au Québec, dans l'accompagnement des personnes demandeuses d'asile et des personnes réfugiées.

M. Morin : Et je comprends que ce que vous nous dites présentement dans votre témoignage, c'est en lien avec ce que vous avez écrit, à savoir : Vous lancez un appel au Canada, par extension au Québec, afin de maintenir, voire augmenter des niveaux de réinstallation. Et donc vous invitez le Québec à jouer un rôle distinctif...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : En terminant.

M. Morin : ...essentiel, en complémentarité avec ces efforts pour la protection des réfugiés. Je vous comprends bien?

M. Hanna (Joey) : C'est exact. Le Québec joue déjà ce rôle-là et, nous, on invite le Québec à continuer à le jouer.

M. Morin : Je vous remercie.

M. Hanna (Joey) : Merci à vous.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, nous allons terminer avec le député représentant le deuxième groupe d'opposition pour 4 min 8 s.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci beaucoup de la présentation du HCR, très intéressante. Il y a à peu près un an, le premier ministre, en voyage en France, avait fait une déclaration...

M. Cliche-Rivard : ...sur le transfert obligatoire, là, forcé des demandeurs d'asile du Québec vers d'autres provinces. C'est quoi la position du HCR sur une telle... une telle proposition?

M. Hanna (Joey) : Merci pour votre question. Le partage des responsabilités entre les régions, entre les provinces, là, d'un pays d'accueil, ça peut être un outil pratique pour réduire la pression sur certaines provinces, à condition que le mécanisme qu'on met en place, le mécanisme de répartition ou de relocalisation, bien, il faut que ce mécanisme-là respecte certaines conditions, respecte la dignité inhérente des personnes demandeuses d'asile.      Nous, HCR, ce qu'on encourage ce sont bien entendu des mécanismes dits volontaires qui reposent sur le volontariat parce que ça favorise des meilleurs résultats en matière d'établissement et d'intégration. Il existe, là, à travers le monde toutes sortes de bonnes pratiques, de «case studies», si vous me permettez, là, d'études de cas, l'expression anglaise, où ces systèmes-là fonctionnent, et j'ai en tête, dans les Amériques, le Mexique et le Brésil qui ont un système interne de partage des responsabilités, de relocalisation des personnes demandeuses d'asile. Au Mexique, c'est le PIL, Programa de Integración Local, essentiellement 14 villes partenaires, 600 entreprises. 40 000 réfugiés ont été relocalisés depuis 2016 grâce à ce programme-là. Et c'est un effort concerté. Essentiellement, ce qu'on fait, c'est du maillage. Ce sont des gens qui sont à la recherche d'opportunités d'emploi. Il y a des entreprises, il y a des communautés qui lèvent la main, qui disent : Nous, on est prêts à offrir de la formation, on est prêts à assumer certains services, à payer certains frais, à offrir un emploi. Et c'est comme ça que le mécanisme fonctionne.

M. Cliche-Rivard : Corrigez-moi si je me trompe, mais le caractère volontaire de la participation est nécessaire, on ne peut pas contraindre quelqu'un ou l'amener de force dans une autre province.

M. Hanna (Joey) : Alors, c'est des considérations... En fait, nous, ce qu'on encourage, c'est le caractère volontaire, mais ce que je peux vous dire par expérience sur le terrain, c'est qu'il y a des systèmes à travers le monde qui ont mis en place des... des systèmes de relocalisation obligatoires.

M. Cliche-Rivard : Je comprends. La TCRI est venue nous parler de délais de traitement et de délais avant l'obtention de la résidence permanente. L'article du Devoir parle de 50 ans de délai de traitement, 50 ans avant que soit émise la résidence permanente pour un réfugié reconnu. C'est quoi la position du HCR sur un délai d'un demi-siècle?

M. Hanna (Joey) : Écoutez, poser la question, c'est y répondre, là, je pense, notamment lorsqu'on parle de 50 ans, quoique le HCR, de façon générale, vous allez voir, là, dans toutes nos procédures, nos lignes directrices, on n'émet jamais, on ne statue jamais sur un délai x. Ce n'est pas notre rôle de le faire. Il appartient aux autorités gouvernementales, aux autorités publiques de veiller à ce que les délais soient les plus courts, les plus expéditifs possibles, parce que la pratique nous démontre que plus on raccourci les délais, bien, plus on favorise l'intégration des personnes. Donc, je ne peux pas vous donner de position officielle, ou vous dire, ou vous trancher : Voici un bon délai, voici un mauvais délai, malheureusement, ce n'est pas la prérogative ni le rôle ni le mandat du HCR de le faire. Je ne peux qu'encourager les gouvernements, les États à veiller à des procédures efficaces, efficientes, justes, accessibles et rapides.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. Merci pour votre temps. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. le député. Alors, Me Hanna, je vous remercie infiniment pour votre apport à nos travaux. Vos réflexions ont nourri les nôtres ce soir.

Alors, pour le restant, la commission ajourne ses travaux au mercredi 22 octobre, après les avis touchant les travaux des commissions. Bonne soirée à tous.

(Fin de la séance à 22 h 19)


 
 

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