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Commission permanente des Richesses naturelles
Sujet : Etude du projet de la baie James
Séance du mercredi 19 mai 1971
(Seize heures vingt minutes)
M. OSTIGUY (Président de la commission permanente des Richesses
naturelles): A l'ordre, messieurs!
Je voudrais, en premier lieu, souhaiter la bienvenue à M. Giroux,
président de l'Hydro-Québec, ainsi qu'aux commissaires qui
l'accompagnent.
Le mandat de la commission parlementaire sera aujourd'hui de questionner
les commissaires et les membres de l'Hydro-Québec sur
l'aménagement éventuel des forces hydrauliques du versant de la
baie James et de renseigner les parlementaires sur la méthode la plus
rationnelle d'exploiter les ressources naturelles de cet immense territoire que
forme la baie James. Je demanderais au premier ministre, M. Bourassa...
M. LAURIN: M. le Président, pouvons-nous discuter sur le mandat
de la commission?
M. BOURASSA: Qu'est-ce qui ne vous satisfait pas dans le mandat?
M. LAURIN: Afin de bien renseigner les parlementaires, sommes-nous
limités à questionner ceux qui sont venus aujourd'hui ou si nous
pourrons faire valoir d'autres recommandations si jamais il s'avérait
que nous ayons besoin d'entendre d'autres personnes...
M. BOURASSA: Nous verrons à ce moment-là.
M. LAURIN: ...ou si d'autres personnes étaient
intéressées?
M. BOURASSA : Nous verrons à ce moment-là.
M. LAURIN: En tout cas, nous pouvons réserver cette discussion
pour un autre moment.
M. BOURASSA: Oui, oui. Nous allons entendre les dirigeants de
l'Hydro-Québec c'était l'objectif principal de la
rencontre de cet après-midi et si l'on voit qu'il est opportun
d'entendre d'autres personnes, nous pourrions en discuter à
l'occasion.
M. LE PRESIDENT (Ostiguy): Un instant, un à la fois.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, pourrais-je faire une
suggestion au premier ministre? Etant donné la chaleur qu'il fait,
est-ce que l'on n'aurait pas pu faire cela au grand Colisée?
M. LE PRESIDENT (Ostiguy): A l'ordre! Le député de
Beauce.
M. ROY (Beauce): Si je comprends bien, cela veut dire que le mandat de
la commission n'est pas limité.
M. BOURASSA: C'est cela. Evidemment, nous ne pouvons pas discuter de
température ou de chaleur à l'occasion de la réunion de
cet après-midi. Le mandat est limité en ce sens que nous
discutons des questions de l'Hydro-Québec et du développement
hydroélectrique.
M. ROY (Beauce): Nous sommes assez logiques, M. le premier ministre,
pour savoir que nous devons discuter des choses hydroélectriques et non
pas de la température.
M. BOURASSA: Bon, d'accord! Cela a été clairement
exprimé.
M. PAUL: M. le Président, je pense que la question du
député de Beauce est bien fondée parce que lorsque le
président nous a fait part du mandat de la commission il a, par
distraction ou volontairement, oublié la question de l'implication
économique et du financement.
M. LE PRESIDENT (Ostiguy): Cela pourra s'y rattacher.
M. PAUL: Bon, très bien.
M. LE PRESIDENT (Ostiguy): M. le premier ministre.
M. Robert Bourassa
M. BOURASSA: M. le Président, j'avais annoncé la
convocation de la commission des Richesses naturelles à la suite de
documents qui m'avaient été fournis par les dirigeants de
l'Hydro-Québec.
A la fin du mois dernier, j'avais annoncé que j'acceptais les
recommandations de l'Hydro-Québec, pour ce qui a trait au
développement de la baie James.
Je n'ai pas à dire ici tous les avantages extrêmement
importants que comporte ce développement pour l'économie de la
province et pour sa prospérité. Sans oublier, évidemment,
qu'il répond à des besoins énergétiques du
Québec qui pourront être explicités tantôt par les
dirigeants de l'Hydro-Québec.
Donc, je cède la parole au président de
l'Hydro-Québec, M. Roland Giroux, qui, je crois, a un exposé de
quelques minutes à faire. A la suite de cet exposé, les
dirigeants seront à la disposition des membres de la commission pour
répondre à toutes les questions.
M. Jean-Jacques Bertrand M. BERTRAND: M. le Président,
après les
propos du premier ministre, sur le mandat de la commission, il est
entendu d'abord qu'il y a le rapport de l'Hydro-Québec qui a
été présenté à la Chambre.
Deuxièmement, l'aménagement de la baie James sur tous ses aspects
et, en particulier, quant à moi, comme canevas de discussion du
problème de la baie James, après avoir entendu le
président, ce qui nous intéresse, c'est, premièrement,
quels sont les besoins en électricité au Québec.
Deuxièmement, quels sont les moyens de les combler? L'énergie
hydro-électrique, thermique, nucléaire. Troisièmement, le
financement l'aspect économique du problème et si
des travaux d'envergure doivent être entrepris, qui doit les
entreprendre? L'Hydro-Québec ou, comme on l'a annoncé, une
régie. Ce sont les questions au sujet de l'aménagement de la baie
James qui nous intéressent. Voilà, quant à moi, un canevas
qui peut nous servir de cadre à la discussion. Quant à moi, je
suis prêt à entendre immédiatement le président de
l'Hydro-Québec.
M. LE PRESIDENT (Ostiguy): M. le Président de
l'Hydro-Québec. M. Giroux.
M. LAURIN: M. le Président, si on a permis au chef de
l'Opposition officielle de dire quelques phrases, je ne vois pas pourquoi on ne
permettrait pas aux autres partis...
M. BERTRAND: Oui, allez-y. M. Ronald Tétrault
M. TETRAULT: M. le Président, j'aime l'intervention du leader du
Parti québécois, parce que cela commence très bien. On
ignore deux partis en commençant. Nous voudrions, pour notre part,
souhaiter la bienvenue aux dirigeants de l'Hydro-Québec et nous aurions
quelques questions à leur poser, principalement sur le financement du
grand projet de la baie James.
M. LE PRESIDENT (Ostiguy): Je m'excuse. Je pense...
M. BOURASSA: M. le Président, j'invoque le règlement. Je
n'ai pas d'objection à ce que le député exprime son point
de vue, mais pour ce qui a trait aux questions, j'ai dit tantôt que le
président de l'Hydro-Québec va exposer, durant quelques minutes,
son point de vue. Donc, avant de poser des questions ou de faire des
commentaires, il serait peut-être plus sage d'attendre ce que le
président de l'Hydro-Québec va dire.
M. TETRAULT: Je n'ai pas posé de question. J'essaie de faire un
résumé. Si on veut se donner la peine d'écouter quelques
instants, je pense qu'il va se terminer assez brièvement, avec votre
permission. Pour notre part, pour le projet de la baie James, si on se fie au
coup qui a été porté, le 29 avril dernier, peut-être
comme l'ancien premier ministre l'a déjà dit, aurait-on pu faire
ça au Colisée.
Donc, pour notre part, nous vous souhaitons la bienvenue et nous
espérons avoir toutes les réponses aux questions qu'on pourrait
vous poser afin que l'on puisse savoir, une fois pour toutes, si le projet de
la baie James va se réaliser dans les années soixante-dix ou si
c'est encore un projet dont on va être obligé de diminuer
l'ampleur parce que les positions prises par les différents groupes
divergent.
Merci, M. le Président.
M. Camille Laurin
M. LAURIN: M. le Président, je voudrais, moi aussi, situer la
perspective dans laquelle nous nous trouvons ici cet après-midi. Je
souscris aux questions que le chef de l'Opposition officielle avait dans
l'idée; je les fait miennes et je les situe justement dans le cadre
d'une dépense de $6 milliards qui a été annoncée
par le gouvernement, c'est-à-dire la dette conjuguée de
l'Hydro-Québec et du gouvernement du Québec et,
deuxièmement, dans la perspective d'un plan qui va engager l'avenir du
Québec dans un sens très déterminé pour une
quinzaine d'années, ce qui peut nous amener à négliger
d'autres avenues qui demeurent possibles.
Je voudrais simplement souligner, au début de cette commission,
qu'étant donné l'importance et le sens de cet engagement
j'espère que la permission nous sera donnée d'obtenir toutes les
informations soit de ceux qui sont ici ou d'autres qui n'y seraient pas afin
que la population du Québec puisse se faire une image réelle de
la situation et que l'on puisse faire le choix qui correspond aux meilleurs
intérêts du Québec.
M. LE PRESIDENT (Ostiguy): M. le président de
l'Hydro-Québec.
M. Roland Giroux
M. GIROUX: M. le Président, messieurs, c'est avec plaisir que
nous nous présentons à nouveau, mes collègues et moi,
devant la commission des Richesses naturelles. Même si plusieurs les
connaissent déjà, permettez-moi de vous nommer d'abord ceux qui
m'accompagnent. Je commence par les quatre membres de la commission: M. Georges
Gauvreau, M. Yvon DeGuise, M. Robert Boyd et M. Paul Dozois. Vous avez tous en
main la liste complète de tous les membres des directions
générales et des directions conjointes, qui est attachée
à votre documentation.
Si les membres de la commission me le permettent, j'aimerais vous donner
d'abord un aperçu aussi bref que possible des résultats
d'exploitation et des résultats financiers de l'Hydro-Québec pour
1970, qui ont été excellents. Les cinq premiers groupes de la
centrale
de Manic 5 ont été mis en service, pendant les six
derniers mois de l'année avec une bonne avance sur le programme, ce qui
a permis de mettre définitivement aussi en service le réservoir
de Manic 5 qui se remplit depuis 1964.
Les effets de ces mises en service ont été
considérables. Nous avons été capables d'augmenter notre
production hydraulique brute de 18 p. c. et de réaliser une
économie de près de $11 millions en réduisant la
production de la centrale thermique de Tracy et aussi nos achats
d'énergie. En plus de couvrir l'augmentation de la demande
québécoise, nous avons été en mesure de satisfaire
les demandes de soutien des réseaux voisins et d'augmenter ainsi de plus
de $7,740,000 nos exportations d'énergie excédentaire.
Ces heureuses circonstances expliquent pourquoi le revenu net de 1970
surpasse d'environ $32 millions celui de 1969. Cependant, elles tendent
à voiler le fait que le supplément de $26 millions apporté
par l'augmentation de tarifs appliquée le 15 mars 1970 a
été absorbé et en très grande partie par
l'augmentation des dépenses et des charges d'intérêt.
En ce qui concerne notre fonds d'amortissement, nous avons
réalisé une économie de $8,800,000 en continuant d'acheter
des obligations de l'Hydro-Québec sur le marché à des prix
inférieurs au pair, soit $2 millions de plus que l'année
précédente en économies.
Les fonds dégagés des opérations ont permis de
fournir plus de $65 millions au financement des immobilisations de
l'année, qui se sont élevées à $291 millions,
c'est-à-dire un peu plus de 22 p. c L'Hydro-Québec doit
absolument demeurer capable de financer une proportion au moins aussi forte de
ses immobilisations au cours des années futures si grandes
qu'elles doivent être.
Messieurs, vous me permettrez de ne pas commenter plus à fond les
résultats de 1970. Notre rapport annuel est entre vos mains et, si vous
avez des questions à poser, nous y répondrons avec plaisir.
Pour le moment, je crois qu'il serait plus utile de nous appliquer
ensemble à tirer certaines choses au clair en ce qui concerne la baie
James.
Depuis qu'elle a été créée en 1944,
l'Hydro-Québec étudie avec la plus grande attention
l'augmentation des besoins de sa clientèle. A cause du temps requis pour
choisir, concevoir et réaliser de nouveaux moyens de production,
l'Hydro-Québec et tous les autres services d'électricité
sont obligés de prévoir avec le plus de précision
possible, au moins dix ans à l'avance, quels seront les nouveaux besoins
d'année en année, dans leur territoire.
Nous sommes également obligés de prévoir quelle
sera la progression des revenus et quelle tarification sera nécessaire
pour établir un bon programme de financement.
Voyons d'abord quelle est la progression des besoins du Québec en
énergie électrique.
Depuis 27 ans, l'Hydro-Québec a mis de nombreuses
génératrices en marche à Beauharnois, sur la Bersimis,
à Carillon, sur le cours supérieur de la rivière Tracy et,
plus récemment, sur la rivière aux Outardes et sur la
rivière Manicouagan. Chacune de ces génératrices a
été mise en service à point nommé, à temps
pour répondre à des besoins urgents et réels. Il nous est
arrivé de franchir la pointe de décembre avec une certaine
inquiétude, mais il n'a pas encore été question de
rationner l'électricité au Québec. Et j'espère bien
qu'il n'en sera jamais question.
Je n'aimerais pas prendre le risque de porter avec les dirigeants
actuels de l'Hydro-Québec la responsabilité d'une disette
d'électricité apportée par un manque de
prévoyance.
Même si nous surveillons constamment la progression des besoins
d'électricité au Québec, même si nous
étudions constamment les moyens à prendre pour satisfaire ces
besoins, je pense que nous avons négligé une chose. Nous aurions
peut-être dû familiariser davantage le public avec l'ampleur de nos
chiffres. Nous avons négligé de le faire parce que, pour nous, la
progression des besoins est très normale, même si le doublement
survient en huit ou dix ans.
Si vous le voulez, nous allons jeter un coup d'oeil sur la façon
dont augmentent les besoins du Québec en énergie
électrique. Nous verrons ensuite si, après avoir satisfait
l'appétit du Québec ce qui est notre premier devoir
nous pouvons songer à vendre à nos voisins plus que des
excédents temporaires.
Au 31 décembre dernier, notre puissance installée
était de 10,600,000 kilowatts. Dans six ans, en 1977, en comptant les
derniers groupes de la centrale de Manic 5, la centrale nucléaire de
Gentilly, la puissance à venir des chutes Churchill et la centrale de
Manic 3, nous disposerons d'une puissance globale de 16,700,000 kilowatts, mais
nous aurons alors un petit surplus de 176,000 kilowatts seulement. Tout le
reste sera absorbé par notre clientèle.
Dans l'intervalle, grâce aux contrats de courte durée que
nous avons conclus l'an dernier, nous aurons vendu à nos voisins au
moins 40 milliards de kilowatt-heures, lesquels nous auront rapporté au
moins $145,000,000, ce qui est appréciable.
Mais attention! En 1978, si aucun nouveau programme de construction
n'est mis en marche, nous aurons un déficit de 1,335,000 kilowatts.
Autrement dit, l'année 1978 elle n'est pas loin exigera
à elle seule la mise en service de nouvelles génératrices
formant un total de 1,335,000 kilowatts.
Réalise-t-on vraiment ce que ce chiffre veut dire? Un exemple:
les sept centrales de la rivière Saint-Maurice ont ensemble une
puissance de 1,500,000 kilowatts et elles ont été mises en
service de 1903 à 1958, une période de 55 ans.
Un autre exemple: la centrale de Beauharnois a une puissance de
1,575,000 kilowatts et ses 36 groupes ont été mis en service de
1932 à 1961, une période de 29 ans. Désormais, ce n'est
pas à tous les 30 ou 50 ans qu'il nous faut de nouvelles puissances
semblables, c'est chaque année !
En supposant que nous ne mettions aucune centrale nouvelle en service de
1978 à 1984, nous aurons en 1984 un déficit de 12,000,000 de
kilowatts. En effet, nos prévisions indiquent que nous devrons disposer,
en 1984, d'une puissance de 30,000,000 de kilowatts pour alimenter l'industrie,
le commerce et la population du Québec. Les deux années suivantes
exigeront 5,000,000 de kilowatts de plus, ce qui porte à 17 millions de
kilowatts le déficit dont je vous parlais.
Messieurs, la baie James est nécessaire. Le Québec est un
grand consommateur d'énergie.
L'Hydro-Québec n'échappe pas à la règle
générale. Tous les réseaux électriques des pays
avancés sont devant l'obligation absolue de fournir chaque chaque
année un effort considérable pour augmenter leur puissance de
production. Aucun d'eux ne peut compter sur les autres. Tout au plus
peuvent-ils réduire le prix très élevé du
kilowatt-heure de pointe au moyen de l'assistance mutuelle, car les pointes
annuelles, saisonnières et quotidiennes surviennent à des
époques et à des heures qui sont différentes du nord au
sud et de l'est à l'ouest.
L'Hydro-Québec aura donc toujours devant elle un très gros
programme d'équipement. Cela est normal. D'année en année,
elle devra toujours financer les nouvelles constructions avec les revenus des
centrales en service et avec des emprunts. D'année en année, elle
devra toujours être capable aussi d'assurer le service de sa dette. A ce
propos, il est nécessaire de faire observer que la progression des
besoins du Québec en électricité entrafne une progression
parallèle et aussi impressionnante des ventes et des revenus de
l'Hydro-Québec.
En 1963, l'année de la nationalisation, le produit des ventes
d'électricité de l'Hydro-Québec s'élevait à
$240 millions. En 1970, c'est-à-dire l'an dernier, il s'est
élevé à $478 millions. Or, selon les projections
actuelles, sans tenir compte d'aucune augmentation des tarifs, nos ventes
produiront $677 millions en 1975, $972 millions en 1980 et $1,395 millions en
1985.
Il est évident que l'érosion de la monnaie et
l'infiltration laisseront une certaine marge à combler entre ces
chiffres et les charges financières prévues. Les autres services
d'électricité au Canada et aux Etats-Unis prévoient qu'ils
seront dans l'obligation d'augmenter leurs tarifs d'une façon
appréciable au cours des dix prochaines années, même de les
doubler.
Quant à l'Hydro-Québec, si nous utilisons le même
taux d'inflation qui a servi à nos études pour nos projets
d'aménagement, nous prévoyons augmenter nos tarifs de 4 p. c. par
année, en moyenne, au cours des prochaines années, peu importe la
méthode de production d'énergie employée.
En supposant que nos tarifs soient augmentés de cette
façon, les revenus de l'Hydro-Québec seraient de $865 millions en
1975, de $1,405 millions en 1980 et de $2,416 millions en 1985.
Une entreprise qui peut compter sur des revenus de cet ordre ne devrait
pas avoir de difficultés à financer sa croissance.
C'est pourquoi la tâche de financer les nouveaux moyens de
production dont nous aurons besoin après 1977 ne nous paraît pas
insurmontable. Il est évident qu'il faut tenir compte de la taille d'une
entreprise quand on parle des possibilités de financement.
Revenons à la baie James. Le 29 avril dernier, la commission
recommandait au premier ministre que la réalisation du projet de la baie
James soit entreprise sans délai. Cette lettre était
accompagnée de recommandations reçues de notre direction
générale du génie et de deux bureaux
d'ingénieurs-conseils: MM. Rousseau, Sauvé, Warren et
Associés et Asselin, Benoît, Boucher, Ducharme et Lapointe.
D'aucuns ont pu voir une contradiction entre cette recommandation et le
rapport annuel de l'Hydro-Québec qui vient d'être
déposé, mais qui reflétait la situation au 31
décembre 1970.
Il n'y a pas de contradiction. Depuis le début de l'année,
plusieurs séances ont eu lieu et nous avons cru devoir
accélérer nos études afin d'appuyer le gouvernement du
Québec dans ses efforts pour assurer la relance économique et
enrayer le chômage.
Comme vous le savez, la réponse apportée par les rapports
des ingénieurs est affirmative. Le projet d'aménager les cinq
principales rivières du versant québécois de la baie James
est rentable.
Le gouvernement du Québec vient d'approuver un budget
supplémentaire de $26 millions de l'Hydro-Québec. Cette somme va
permettre de poursuivre les études et de procéder à la
construction de routes d'accès, d'aéroports, de campements, en un
mot, à la mise en place de toute l'infrastructure nécessaire
à la mise en marche des travaux proprement dits et ça,
immédiatement.
Messieurs, l'Hydro-Québec n'a jamais sous-estimé
l'importance que représente pour le Québec, du point de vue
économique et social, l'ouverture d'un territoire de plus de 100,000
milles carrés dans le bassin de la baie James. Nous sommes les premiers
à reconnaître que la mise en valeur des richesses
forestières, minières et autres de cette région et que la
protection des intérêts de la population indigène locale ne
sont pas du domaine propre de l'Hydro-Québec. Nous sommes aussi les
premiers à reconnaître qu'il devra s'établir là-bas
entre tous les intéressés une très étroite et
très harmonieuse coordination de tous les efforts, une coordination
à laquelle nous nous prêterons avec tout
l'empressement possible. Je reviendrai sur ce point en terminant.
Les travaux d'aménagement des trois premières
rivières, Nottaway, Broadback et Rupert, atteindront leur pointe en
1977. Notre Direction générale de la construction me dit que les
journées de travail requises en 1977 formeront un total d'environ 20,000
hommes-années et que ce nombre pourra se maintenir pendant deux autres
années si l'aménagement des deux autres rivières est mis
en marche à cette époque.
Ce nombre surpasse de beaucoup le total des effectifs employés au
plus fort des travaux dans les chantiers des rivières Manicouagan et aux
Outardes. C'est qu'il y a un plus grand nombre et une plus grande
variété d'ouvrages à construire dans une bien plus grande
étendue de terrain.
A partir de là, je laisse aux spécialistes le soin de
calculer les effets multiplicateurs d'une telle activité
économique.
Nous espérons pouvoir continuer la politique d'achat
préférentiel de l'Hydro-Québec pour tout le programme de
construction de la baie James.
En ce qui concerne la possibilité d'exporter de l'énergie,
il serait sans doute très avantageux de parvenir à avancer
suffisamment le programme de la baie James pour que nous disposions d'un
supplément d'énergie à vendre pendant un certain temps.
Nous reconnaissons que de telles ventes pourraient faciliter le financement du
projet. C'est l'une des questions qui vont retenir notre attention au cours des
prochains mois.
De toute façon, instruite par l'expérience du
passé, la commission a insisté auprès de nos
ingénieurs pour que le plan général d'aménagement
des cinq rivières soit réalisable par tranches successives de
puissance et d'énergie, ce qui permettra d'accélérer, de
ralentir ou même de suspendre les travaux si les circonstances l'exigent.
Aucune de ces trois possibilités ne doit être
écartée. C'est d'ailleurs de cette façon que nous avons
procédé à l'aménagement des rivières
Manicouagan et aux Outardes. C'est aussi à notre avis la meilleure
façon d'échelonner d'une manière rationnelle la mise en
marche et les emprunts à contracter.
Comme vous le savez, l'augmentation des prix des hydrocarbures et la
performance décevante des centrales nucléaires sont les deux
grandes raisons qui rendent économiquement avantageuse la
réalisation du projet de la baie James.
L'Hydro-Québec continue de s'intéresser à
l'énergie nucléaire et thermique conventionnelle. Cependant,
considérant les difficultés énormes auxquelles doivent
faire face certaines entreprises canadiennes et la plupart des entreprises
américaines, nous croyons plus prudent d'avoir recours encore à
une technique bien éprouvée de production d'énergie
électrique. A ce sujet, nous vous reportons à l'opinion
émise par le Dr Lionel Boulet, directeur de notre institut de recherche,
laquelle opinion est attachée aux différents documents que nous
vous avons remis.
A la lumière de l'expérience des autres, il est
préférable de commencer le projet de la baie James,
recommandé par nos ingénieurs et les deux bureaux
d'ingénieurs-conseils dont nous avions retenu les services et qui nous
avisent que ce projet est plus économique que des installations
nucléaires ou thermiques.
Maintenant, un dernier mot. Permettez-moi de vous reporter à la
lettre que je faisais parvenir au premier ministre le 29 avril dernier pour
recommander la réalisation du projet de la baie James et pour faire part
de la position prise par la commission.
Le texte de cette lettre a été distribué aux
membres de l'Assemblée nationale et je vous fais grâce de sa
lecture.
Mais, en terminant, je tiens à réaffirmer la position
prise dans cette lettre par la commission. Je crois qu'il est de mon devoir de
la réaffirmer au nom de toute l'équipe de
l'Hydro-Québec.
Sont attachés, aux documents qui vous ont été
distribués, un communiqué sur notre rapport annuel, notre bilan,
les quelques notes du texte de l'exposé, une note pour aider à
saisir le sens des mots "puissance" et "énergie" pour bien distinguer
les "horsepower" des kilowatts, pour qu'il n'y ait pas d'erreur dans vos
calculs et notre lettre, ainsi que les prévisions des charges du
réseau provincial avec les contrats existants.
Vous verrez que ces charges en prévision se rapportent,
d'année en année, au texte qui vous a été
donné, le rapport, dans le domaine de la production de l'énergie,
de la direction de l'IREQ (qui est adressé aux commissaires).
En terminant, M. le Président, peut-être que je pourrais
vous suggérer, de faire une recommandation au ministre des Travaux
publics, à l'effet de ne pas attendre l'énergie de la baie James
pour climatiser cette pièce. On pourrait vous en fournir.
DES VOIX: Merci.
M. BOURASSA: C'est déjà fait, M. Giroux. Les
recommandations ont été données.
M. GIROUX: Ah bon!
M. LE PRESIDENT (Ostiguy): Nous vous remercions de votre exposé,
M. Giroux. L'honorable chef de l'Opposition.
M. BERTRAND: Je vous remercie, M. Giroux, de votre mémoire, et en
même temps de la documentation que vous avez distribuée ou fait
distribuer à tous les membres de la commission. Vous avez parcouru en
gros, non pas dans les détails, dans votre exposé, le canevas que
j'ai suggéré tantôt. Les besoins, les moyens de les combler
et le financement...
Quant aux besoins, premièrement, voulez-vous me dire comment ils
se sont établis et quelle est la projection de ces besoins de
l'électricité au Québec? Vous en parlez dans les
domaines industriel et domestique proprement dits. Comment sont
établis ces besoins?
M. GIROUX: Sur la base dont on se sert pour la projection...
M. BERTRAND: Oui, les projections de développement?
M. GIROUX: Voici, je crois bien que le responsable de la
planification...
M. DE GUISE: Je pense que tout le monde se rend compte ici que ce n'est
pas le résultat d'une analyse individuelle des différents
besoins. C'est une projection de l'expérience passée. Nous avons
l'accroissement des besoins de l'Hydro-Québec, d'année en
année, depuis le tout début. Nous pouvons le tracer sur une
courbe et nous voyons que l'accroissement est absolument régulier. Il y
a de petites variations, si on traverse une période de crise, mais on
voit que sur l'ensemble, la moyenne se tient très bien.
De plus, c'est également l'expérience de tous les
systèmes, comme les systèmes des provinces voisines ou dans le
nord-est américain; les courbes d'accroissement sont remarquablement
constantes. Disons que cela peut dépendre de deux choses principales. Il
y a l'accroissement de la consommation par les abonnés. Chaque
année, les abonnés prennent de plus en plus
d'électricité. Evidemment, s'ajoute à cela,
l'accroissement de la population, l'accroissement des besoins.
Mais dans les instituts, dans les congrès d'ingénieurs,
les congrès d'utilité publique, etc., on retrouve toutes ces
courbes d'une utilité à l'autre et cela se ressemble. C'est
étrange, mais c'est ainsi.
M. BERTRAND: Quand vous faites ces calculs qu'il faudra tant de
kilowatts en telle année, vous ne tenez pas compte de
l'électricité qui est exportée à l'heure
actuelle?
M. DE GUISE: Non, M. le Président.
M. BERTRAND: Vous ne faites le calcul que pour les besoins
intérieurs au Québec?
M. DE GUISE: Et nos contrats existants. Parce que nous avons
actuellement certains contrats d'exportation. Evidemment, cela est connu et
c'est dans l'accroissement des besoins. Mais au moment où ces contrats
se terminent, la charge disparaît.
M. BERTRAND: Mais par rapport au pourcentage global, quel est le
pourcentage d'exportation à l'heure actuelle?
M. DE GUISE: C'est très faible. Moins de 10 p. c.
Probablement...
M. BERTRAND: Moins de...?
M. DE GUISE: Moins de 10 p. c.
M. BERTRAND: Moins de 10 p. c.
M. LE PRESIDENT (Ostiguy): Le député de Gouin.
M. JORON: M. le Président, je voudrais également
remercier, au nom du Parti québécois, M. Giroux de
l'exposé qu'il nous a fait. Je pense que la question est bien
située quand on demande au départ: Comment satisfaire les besoins
futurs d'électricité? Et on vient de faire état de ces
besoins. Le gouvernement a déjà répondu à cette
question parce qu'il a fait un choix; il y a plusieurs façons de
produire de l'électricité et le gouvernement a fait un choix.
C'est ce choix qu'il est aujourd'hui appelé à justifier en
entendant les témoignages et en permettant qu'on pose des questions aux
gens de l'Hydro-Québec.
Ce que nous voulons savoir, nous, c'est à partir de quelles
comparaisons parce qu'un choix implique toujours un processus de
comparaisons et appuyé sur quelles études ce choix a
été fait. Le but qu'on poursuit ici, et on devrait tous je pense
éviter la partisanerie politique, c'est le même : pourvoir
à nos besoins futurs d'électricité.
Il est essentiel de savoir quels critères ont guidé les
gens qui ont fait ce choix. Moi, j'en vois quatre qu'il me semble utile de
rappeler fort brièvement. Un premier critère est l'utilisation
optimale du capital. On sait que les besoins en capitaux dans une
société qu'on dit "capital hungry" comme la nôtre sont
énormes. Il y a des tas de choses à faire, je ne veux pas
additionner les routes, les écoles, les hôpitaux, la
rénovation urbaine et tout ce que vous voulez.
L'essentiel c'est de se poser cette première question: Comment
produire de l'électricité en investissant le moins possible?
C'est un des critères qui devraient être prioritaires, à
mon avis, chez ceux qui ont un choix à faire. Le deuxième, c'est
le coût de cette électricité et surtout le prix de revient
aux consommateurs, c'est-à-dire faire de l'électricité
à meilleur marché possible. Le troisième, bien sûr,
étant donné la situation économique du Québec et le
taux de chômage qu'on connaît, c'est de maximiser les effets
d'entraînement sur l'économie. Le quatrième, il est
très important également; c'est de viser à laisser la plus
grande flexibilité possible pour pouvoir bénéficier des
changements technologiques qui peuvent survenir dans l'avenir, et on sait
qu'ils sont appelés à être très nombreux. Cela, on
le sait d'avance.
En conclusion, l'exercice, quand on a ce choix à faire, c'est de
marier les critères ou de les rendre compatibles. J'en arrive aux
questions que j'ai à poser. Je m'étonne de ne trouver, ni dans le
rapport de l'Hydro-Québec
ni dans le mandat que celle-ci confiait aux deux firmes
d'ingénieurs, ni dans le rapport de ces deux firmes, mention des
critères de base servant à leur analyse. Par exemple, ceux que
j'ai exprimés tout à l'heure, qui devaient sûrement
être présents à l'esprit des gens qui ont fait ces
études; deuxièmement, aucun tableau comparatif des
différentes formules de production de l'électricité en
fonction de ces critères, mais de trouver une conclusion de quelques
lignes, dans le cas d'un rapport, et d'un paragraphe, dans l'autre, comme si
ces comparaisons avaient été faites.
Cela amène les questions suivantes: Est-ce que ces comparaisons
ont été faites dans les rapports originaux, que nous n'avons pas,
parce que ce qui nous a été remis est daté de mai? Nous
avons un compendium, ce n'est pas un rapport original. Est-ce que ces
études ont été faites dans les rapports originaux? Si oui,
il me semble presque inutile de poursuivre nos travaux tant qu'on n'en a pas
pris connaissance. Sinon, la question qui se pose alors est: Comment les deux
firmes pouvaient-elles conclure si elles n'ont pas fait ces études
comparatives?
Il faudrait à ce moment entreprendre dès aujourd'hui les
études comparatives qui nous permettraient de bien comprendre la
question et d'entendre les témoins utiles. En conséquence, je
pose cette question à M. Giroux: Est-ce que ces études
comparatives ont été faites par l'Hydro-Québec ou avaient
été mentionnées dans le mandat que vous avez confié
aux deux firmes d'ingénieurs?
M. GIROUX: Les firmes d'ingénieurs n'ont pas eu de mandat
spécifique pour établir quel est le coût du thermique et le
coût du nucléaire parce qu'on les connaît.
L'Hydro-Québec se tient toujours à la page sur ces
coûts.
M. SAINT-PIERRE: M. Giroux, je m'excuse, c'est peut-être un point
très important. Est-ce que vous pourriez nous éclairer sur les
coûts connus? On a cité des coûts et on les connaît,
quelqu'un a parlé du nucléaire à trois mills en 1980.
C'est réaliste, c'est conforme à des études d'experts qui
se sont penchés sur cette question.
M. JORON: Bien, pas en 1980, en 1966, sur des unités d'un million
de kilowatts.
M. BOURASSA: Voyons, n'essayez-pas...
M. GIROUX: Au point de vue nucléaire, naturellement je ne suis
pas un technicien, mais depuis que je suis à l'Hydro-Québec je
reçois des ingénieurs, des promoteurs, enfin des gens qui
viennent nous vendre un système nucléaire. Alors, comme je vois
là, c'est très bien. On débute à 3 mills, 3 mills
et demi, 4 mills, 5 mills, 6 mills, 7 mills.
Il y a tous les prix. D'ailleurs dans une situation comme
celle-là savez-vous où vous allez? Bien oui, mais on va le faire.
Mais savez-vous où vous allez? Ils ne le savent pas.
Il y a deux procédés actuellement en usage: un
procédé américain et un procédé canadien.
Alors, on parle tranquillement du procédé canadien. L'Energie
atomique du Canada nous a déjà fait des offres que nous avons
considérées. Ma demande à elle est une question fort
simple. On connaît le prix d'une centrale hydraulique pour 25 ans
à venir. Je dis donc: Je veux avoir un prix de l'énergie
nucléaire pour 25 ans à venir. Mais pas votre prix vous
avez confiance aux bureaux d'ingénieurs pas votre prix
d'évaluation à vous, mais votre prix garanti par une banque ou
avec un "bond". Le type revient: je vous apporte ça. Je ne l'ai jamais
revu. Enfin, je n'ai pas tellement de temps à perdre sur cette
chose-là.
Deuxièmement, voilà des années qu'on parle d'une
chose qui doit arriver. Il y a toutes sortes de normes pour calculer ces
facteurs. On calcule une énergie et on oublie de prendre les
réserves. On calcule ceci et on ne prend pas cela. Dans les
circonstances, je ne veux pas faire une attaque ce n'est pas mon
intention du tout de parler contre l'énergie nucléaire.
J'espère qu'on va régler ses problèmes, mais j'essaie
d'être pratique avec moi-même.
L'Energie atomique du Canada a dépensé des milliards pour
développer cette chose-là. Naturellement on n'en a pas vendu en
Ontario ni chez nous; on nous l'a presque donnée, mais on n'en donne
plus par exemple. Donc, on travaille avec ça; mais ça ne
fonctionne pas ou ça travaille à des rendements. On a dit : Mais
on va voir la performance du système sur les ventes à
l'étranger. On n'a pas été capable d'en vendre. J'attends
donc qu'on ait fait certaines ventes et j'attends de voir où ça
fonctionne et où ça donne un rendement positif. Actuellement, ce
sont des rendements d'évaluation. En plus de ça, je vois
dernièrement dans les journaux qu'on demande au gouvernement
américain, à M. Nixon, de voter un montant de $3,500 millions
pour faire de la recherche, pour rendre l'énergie nucléaire
rentable selon un système de fusion etc.
Je me dis que dans les circonstances, j'ai déjà assez de
mal à trouver l'argent pour financer la baie James, que je ne vais pas
chercher $3,500 millions pour trouver le procédé du
nucléaire. Messieurs, c'est ma réponse.
M. SAINT-PIERRE: Le député de Gouin a soulevé
quelque chose d'assez intéressant en ce sens qu'il fallait retenir une
certaine flexibilité face à des progrès technologiques. Je
pense que l'argument est pertinent, mais il n'est pas nouveau. On pourrait
peut-être vous poser de nouveau la question. Prenons des centrales comme
Beauharnois qui ont été construites il y a déjà
plusieurs années. On sait qu'il y a eu beaucoup de progrès
technologique depuis 1940, 1945, 1939 même, je n'ai pas les dates
exactes. Comment se comparent aujourd'hui les
coûts de production de l'énergie hydraulique à
Beauharnois avec la plus récentes techniques en matière
d'énergie thermique ou tous les systèmes qui auraient pu
bénéficier des progrès technologiques des vingt
dernières années? Est-ce que, grosso modo, on a une
idée?
M. GIROUX: Je pense bien que M. Boyd a été là assez
longtemps. Il y a une question de dépréciation là-dedans,
mais si vous prenez la dépréciation de Beauharnois, vous payez
à peu près le prix de l'eau.
M. ROY (Beauce): Je pourrais peut-être compléter la
question que le ministre de l'Education a posée. Dans ces études,
ici, nous n'avons pas une étude des coûts comparatifs. Si on nous
disait quel est le coût du kilowatt à la Manic seulement, combien
va coûter la production du kilowatt à Churchill, et si on faisait
une étude comparative avec le nucléaire. nous avons tout
de même une centrale à Gentilly à l'heure actuelle
avec la projection qui est faite en vertu de développement du projet de
la baie James...
M. GIROUX: Ecoutez, là-dessus, je voudrais bien vous
répondre mais je ne veux pas dire une chose qui n'est pas très
claire à cette commission. Vous demandez une étude de Gentilly
qui est une usine pilote fonctionnant à 10 p. c.
Alors, il ne serait absolument pas honnête de se servir de cette
"affreuseté" de l'énergie nucléaire que nous avons au
Canada, pour comparer. Ce n'est pas honnête.
M. BERTRAND: M. Giroux, vous parlez de l'usine pilote de Gentilly.
Est-ce qu'il n'existe pas,aux Etats-Unis ou au Canada, des projets ou des
usines qui sont plus que des projets pilotes et qui vous permettraient... Je
prends bien votre parole, mais, si nous avions dans le rapport qui a
été présenté une étude comparative, avec
chiffres étalés et tout cela, je trouve, à première
vue, que cela donnerait beaucoup plus satisfaction, peut-être, à
l'opinion publique québécoise et à ceux qui, en
particulier...
M. GIROUX: Je suis très volontiers...
M. BERTRAND: ... s'intéressent de très près
à ce problème-là.
M. GIROUX: ... d'accord là-dessus, M. Bertrand, mais je tiens
à attirer votre attention : Au Canada, il n'y a pas de centrale
nucléaire qui fonctionne à plein rendement. Donc, pour
établir un prix, si vous pouvez prendre n'importe quel prix, il n'y en a
pas. Il y a un problème dans le système d'énergie
nucléaire canadien, c'est qu'on ne peut pas garantir la fourniture de
l'eau lourde. C'est une des raisons pour lesquelles les ventes à
l'étranger sont peut-être difficiles. Ce problème-là
n'est pas résolu, non plus.
Du côté américain, il y en a plusieurs qui
fonctionnent, mais avec toutes sortes de rendements et toutes sortes de
coûts de base.
M. BERTRAND: A la page 13 de votre rapport, vous parlez de "la
performance décevante des centrales nucléaires". Quand vous
faites cette déclaration, avez-vous en vue la performance
décevante des centrales nucléaires aux Etats-Unis?
M. GIROUX: Dans le monde entier.
M. BERTRAND: Dans le monde entier. Mais aux Etats-Unis, étant
donné qu'ils sont des voisins, est-ce qu'il y a des rapports
d'ingénieurs qui attestent de la performance décevante de ces
centrales nucléaires en comparaison aux centrales
hydro-électriques?
M. GIROUX: Je vais laisser à MM. Boyd et DeGuise le soin de
répondre, puisque c'est une question technique, la performance
décevante.
M. BERTRAND: D'accord.
M. BOYD: M. le Président, j'aimerais répondre d'abord
à la question de M. Saint-Pierre. C'est évident que, depuis la
construction de Beauharnois, il y a eu des progrès techniques
énormes. Par exemple, nous construisons des unités dix fois plus
grosses que dans ce temps-là. Le transport se fait à 735,000
volts, etc. Il y a des progrès techniques énormes. Avec
l'inflation et toutes ses conséquences, même avec tous ces
progrès techniques, l'énergie que nous produisons aujourd'hui
à Manic est beaucoup plus dispendieuse que le prix de revient de
l'énergie de Beauharnois, c'est évident.
M. SAINT-PIERRE: Un des avantages de l'énergie hydraulique, c'est
qu'elle est protégée contre l'inflation, puisque la
majorité des coûts se retrouvent à l'immobilisation.
M. BOYD: Les coûts de l'hydraulique sont définitivement
dans l'immobilisation. Les coûts d'exploitation sont très
minimes.
Pour répondre à l'autre question...
M. BERTRAND: Oui, M. Boyd.
M. BOYD: ... nous avons des contacts, évidemment, très
fréquents avec les entreprises canadiennes et américaines. Nous
aussi, nous avons entendu dire qu'il était question d'énergie
à quatre mills en 1964, même à 2 1/2 mills ou à 3
mills. A un moment donné, cela a failli faire arrêter le projet de
Chruchill parce qu'on avait dit que l'énergie de Churchill nous
coûterait beaucoup plus que l'énergie nucléaire.
Evidemment, c'étaient des renseignements obtenus de gens qui
n'étaient pas compétents pour juger de la chose. Aujourd'hui,
nous en avons la preuve, parce que l'énergie de Churchill, nous savons
combien elle va nous coûter. Nous savons, par
contre, que ceux qui construisent des centrales nucléaires aux
Etats-Unis vont payer le double au moins et même le triple de ce que
l'énergie de Churchill va nous coûter.
A ce moment-là, nous avons été obligés de
faire des démonstrations pour prouver cela. Maintenant, nous en avons
l'évidence. Cela aurait été deux et trois fois plus cher
que ce que Churchill va nous coûter, si nous n'avions pas réussi
à convaincre le gouvernement du temps, c'est-à-dire que nous
avons discuté de cela avec M. Daniel Johnson. Si nous considérons
la quantité d'énergie impliquée dans ce contrat-là
on parle d'un achat de $5 milliards au cours d'une période de 45
ans je dois dire que, si nous avions été forcés
d'aller à l'énergie nucléaire à la place, c'est
deux et trois fois cela que ça nous aurait coûté.
Alors, c'est quand même fantastique comme conséquence.
C'est pour le passé, mais, pour l'avenir, nous sommes au courant des
problèmes de nos confrères canadiens et américains. Ce
sont des chiffres qu'ils ne vous diront pas et qu'ils ne diront pas
publiquement, mais que nous avons. Nous savons leurs problèmes.
Dans le moment, ils voudraient tous avoir des centrales hydrauliques, au
lieu des centrales nucléaires qu'ils ont. Nous avons également de
leurs études et de leurs projections. Nous savons leurs projections pour
1975, 1980 et 1985, ce qu'ils estiment que l'énergie nucléaire
leur coûtera. C'est basés sur toutes ces connaissances que nous
sommes en mesure de dire que l'hydraulique de la baie James est beaucoup plus
économique.
M. LE PRESIDENT (Ostiguy): Le premier ministre.
M. BOURASSA: M. Boyd, vous disiez, si je vous ai bien compris, que le
gouvernement avait considéré, en 1966 ou en 1967, la
possibilité d'opter pour l'énergie nucléaire au lieu de
Churchill Falls. Y a-t-il eu considération de l'option pour
l'énergie nucléaire par le gouvernement du Québec? Je
comprends qu'elle a été rejetée. Vous dites que, si on
avait écouté ceux qui conseillaient d'aller à
l'énergie nucléaire, cela aurait coûté trois fois
plus que Churchill Falls. Mais est-ce que cette option a été
considérée en 1967 ou 1966?
M. BOYD: Oui. Elle avait d'abord été
considérée par nous. Elle est toujours considérée
par nous, chaque fois que nous prenons une décision de production.
Evidemment, il y a 20 ans, il n'était même pas question de se
poser des questions. C'était l'hydraulique. Peut-être aussi il y a
dix ans. Mais, dans les dernières années, chaque fois, les gens
de la planification, chez nous, et la commission considèrent toutes les
alternatives, que ce soit l'énergie hydraulique, nucléaire ou
thermique conventionnelle. C'est à la suite de ces considérations
que nous prenons toujours des options.
En 1966, nous avions fait cette projection, cette comparaison. Le
gouvernement s'était posé des questions pendant quelque temps.
Nous avons réussi à lui démontrer que Churchill
était beaucoup plus économique. Les faits prouvent maintenant ce
que nous avions avancé.
M. BOURASSA: On soutenait, à ce moment-là, que
l'énergie nucléaire coûterait moins cher. Du moins,
certains soutenaient cela.
M. BOYD: Evidemment, on prétendait cela. Nous savions le
contraire. Les faits maintenant nous le prouvent.
M. BOURASSA: Merci, M. Boyd.
M. LE PRESIDENT (Ostiguy): Le député de
Verchères.
M. SAINT-PIERRE: M. Boyd, il y a certaines gens je ne parle pas
uniquement des parlementaires, mais je pense à la population qui
étaient inquiets de voir, comme on le soulignait au départ, le
gouvernement prendre carrément une option vis-à-vis de
l'énergie hydraulique. On a peut-être soulevé des
inquiétudes en donnant comme prétexte et en utilisant comme
raison le fait que la province de l'Ontario et, en particulier, l'Etat de New
York, qui savent, habituellement, où ils vont, avaient rejeté
complètement l'énergie hydraulique et qu'on utilisait
plutôt l'énergie thermique et nucléaire.
UNE VOIX: Ils n'avaient pas le choix.
M. SAINT-PIERRE: La question que je voudrais soulever: Est-ce
qu'à votre connaissance, dans cette province et cet Etat parce
que cela n'avait pas été mentionné il reste des
réserves importantes d'énergie hydraulique qui pourraient
être aménagées?
M. BOYD: En Ontario et dans l'Etat de New York?
M. SAINT-PIERRE: Ainsi qu'en Nouvelle-Angleterre.
M. BOYD: Il ne leur reste absolument pas de ressources importantes, ni
en Ontario, ni dans l'Etat de New York.
M. BOURASSA: Le seul choix qu'ils avaient, c'était
l'énergie nucléaire. Alors, dire qu'ils ont fait un choix est
ridicule.
M. BOYD: Ils ont quand même un choix encore. Ils ont
l'énergie thermique conventionnelle et l'énergie
nucléaire. Dans le moment, malgré eux, dans bien des cas, ils
vont à l'énergie thermique conventionnelle bien qu'ils
préféreraient aller à l'énergie nucléaire.
Dans le
moment, la tendance est d'aller à peu près
moitié-moité, parce qu'ils ne peuvent pas prendre le risque de
mettre tous leurs oeufs dans le panier nucléaire. L'énergie
thermique, à la longue, ils savent qu'elle leur coûte plus cher et
que c'est plus polluant, mais ils en font quand même parce qu'ils ne
peuvent pas prendre le risque de se consacrer entièrement à
l'énergie nucléaire. Ils ont eu trop de mésaventures.
M. GIROUX: Messieurs, je crois que j'ai certains chiffres pour
répondre à la question que M. Bertrand posait tantôt. Ce
sont des chiffres comparatifs qui sont assez éloquents. Ces chiffres
viennent du Operating History U.S. Power Reactors, Nuclear Power Industry. Ils
donnent des facteurs de disponibilité des centrales. Celles qui sont
entrées en production en 1965, 1966, 1967, 1968 ont varié de 40
à 90 p. c. de facteur d'utilisation. En 1969, nous n'avons pas ces
chiffres. En 1970, ils ne les donnent pas non plus. Mais ce sont les quelques
usines qu'ils ont exploitées.
M. BERTRAND: Aux Etats-Unis, ils ont mis jusqu'à trois ans
à le faire.
M. GIROUX: Aux Etats-Unis. Ce sont des usines qu'ils ont
exploitées. Sans s'allonger sur un malheur qui est arrivé, le
malheur des autres ne règle pas notre cas du tout, mais un
vice-président d'une importante compagnie américaine nous a dit:
Voici ce qu'est le problème avec le nucléaire. Il y a eu un bris
ordinaire dans une centrale. Normalement, si ça avait été
thermique, on ne l'aurait jamais su; l'ingénieur aurait changé
les tuyaux, ç'aurait été terminé. Là, on a
dû faire venir la "Atomic Energy" pour savoir si c'était
contaminé. Pour faire une grande histoire courte avant d'avoir la
permission de réparer; cela a pris 62 jours.
M. BERTRAND: Ne croyez-vous pas, M. Giroux, que pour l'opinion publique
québécoise et une bonne information complète, il serait
à propos que le public obtienne des renseignements beaucoup plus
complets que ceux qui ont été donnés jusqu'à
présent dans les rapports où à l'occasion, on dit que la
performance est décevante dans les centrales nucléaires, et que
le coût est trop élevé? Ces renseignements dans les
rapports rendus publics par l'Hydro permettraient à ceux qui critiquent
à l'heure actuelle au moins de mieux comprendre quelle a pu être
la raison de la décision pour l'hydraulique.
M. GIROUX: J'aimerais bien me soumettre à votre demande, mais
vous savez que les rapports de l'Hydro-Québec, je dois les signer.
Alors, actuellement je ne peux avoir d'informations valables avec garantie,
nulle part.
M. BERTRAND: Vous ne pouvez pas.
M. GIROUX: Je ne peux pas. Des informa- tions nous sont données
par des gens mais eux-mêmes ne peuvent pas publier ces choses-là.
Ils vont nettoyer ces problèmes-là, cela fait quatre ans qu'ils
nous le disent, ils vont finir par nettoyer ces choses-là. J'ai
confiance que, dans quelques années, avec énormément
d'argent sur la recherche, le nucléaire deviendra rentable. Mais, d'ici
ce temps-là, je ne me sens pas en possibilité de signer un
rapport qui dise qu'on pourrait avoir du nucléaire qui nous
coûterait tel prix pour tel nombre d'années. On peut le faire avec
du thermique.
M. LE PRESIDENT (Ostiguy): Le député de l'Assomption.
M. PERREAULT: M. le Président, je lisais récemment un
rapport dans la revue "Power" qui comparaît la technique nucléaire
aujourd'hui à une Ford à pédales dans l'industrie de
l'automobile. En ce sens que les réacteurs d'aujourd'hui recourent au
phénomène de fission et qu'en 1990 on connaîtra un nouveau
type de réacteur, le réacteur à fusion
contrôlée. J'ai vu dans le rapport de M. Lionel Boulet que vous
nous avez soumis tout à l'heure qu'il est dit que le directeur des
études et recherches d'E.D.F. en France, M. Dejou, mentionne que tout
service public qui en a la possibilité devrait différer la
construction de centrales nucléaires. Il mentionne aussi que
l'étape actuelle du nucléaire est intermédiaire, qu'il
faudrait attendre le développement des centrales
surgénérées, donc à fusion. On mentionnait aussi,
comme vous venez de le dire, que presque partout les facteurs d'utilisation ont
été réduits de façon draconnienne dans toutes les
centrales nucléaires.
Alors, ma question est celle-ci: Est-ce que l'Hydro-Québec,
actuellement, s'oriente vers la recherche de ces futurs réacteurs
à fusion qu'on prévoie être en service vers 1990?
M. GIROUX: M. le Président, je viens de lire, dans les journaux
naturellement M. Nixon ne m'appelle pas tous les jours qu'on lui
demande $3,500 millions pour la recherche là-dedans. Je ne pense pas que
l'Hydro-Québec soit en mesure de dépenser cette somme pour la
recherche nucléaire. On préfère laisser faire faire la
recherche aux Etats-Unis et par l'Energie atomique du Canada, qui
peut-être, elle, changera son procédé je ne le sais
pas devant les difficultés rencontrées. Le gouvernement
canadien par sa compagnie de la couronne a dépensé
énormément d'argent dans la recherche.
Si, par exemple, vous demandiez ce que nous, à l'Hydro, pouvons
mettre de côté par année pour la recherche pure en
énergie nucléaire, je peux vous répondre que nous n'avons
pas de budget qui puisse se comparer à ces géants.
Deuxièmement, nous avons déjà $50 millions d'investis dans
la recherche sur l'amélioration des systèmes électriques,
de la haute tension, etc. Je crois qu'avec le budget limité que l'on
a,
nous avons l'aide du gouvernement fédéral on
ne doit pas prendre le budget de l'Hydro pour faire de la recherche pure en
énergie nucléaire.
M. PERRAULT: En conclusion, il est préférable de prendre
ces sommes énormes, qui sont nécessaires pour la recherche, et de
les consacrer à l'investissement dans nos richesses naturelles et dans
l'énergie hydraulique.
M. GIROUX : Le centre de recherche de l'Hydro se tient au courant de
tous les développements. Nous avons des gens qui sont continuellement
en Europe et partout au courant des développements, qui
voient ce qui se passe. L'Hydro aime mieux développer des gens qui
deviendront des techniciens qualifiés en énergie
nucléaire, sans avoir besoin de faire des dépenses pour la
recherche. Je ne sais pas si cela répond à votre question.
M. SAINT-PIERRE: Question supplémentaire. La décision
d'aménager les cinq ou les trois rivières de la baie James,
même si le potentiel, tant en puissance qu'en énergie dans des.
chiffres très importants, près de cent milliards de
kilowatt-heures, cela n'implique pas nécessairement que pendant 12 ans,
nous n'allons faire aucun investissement en matière d'énergie
nucléaire et d'énergie thermique. Est-ce que les plans de l'Hydro
ne seraient pas que, pendant cette période de 12 ans, il est quand
même possible de construire certaines centrales thermiques, question de
rester à la pointe du progrès?
M. GIROUX: Nous avons toutes ces flexibilités, nous avons toutes
les autres possibilités dans nos programmes que nous tenons à
jour. Malheureusement, j'aimerais être capable de limiter tous les
investissements de l'Hydro à la baie James, mais c'est loin de
là. Le programme doit contenir de l'énergie de pointe, il doit
contenir des développements ultérieurs.
Actuellement, avec les moyens disponibles, nous allons nous appliquer,
pour les deux prochaines années, peut-être, à regarder plus
particulièrement tout ce que nous pouvons mettre sur le
développement de la baie James.
M. LE PRESIDENT (Ostiguy): Le député de Beauce. Pardon. M.
Massé.
M. MASSE (Arthabaska): Vous avez quand même, M. Giroux, une
équipe d'ingénieurs qui s'intéresse toujours au secteur
nucléaire.
M. GIROUX : Absolument. Le génie, à ce point de
vue-là continue. On n'abandonne pas du tout.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Question additionnelle, M. le
Président. M. Giroux, tout à l'heure, à une question du
chef de l'Opposition, concernant le coût de l'énergie
nucléaire par rapport à l'énergie électrique, vous
nous avez déclaré que, évidemment, vous n'aviez pas tous
les éléments, en chiffres, qui vous permettraient de dire ce que
deviendra l'énergie nucléaire par rapport à
l'énergie électrique en termes de coût. Or, vous avez
insisté, dans le document que vous nous avez lu au début de votre
intervention, sur les besoins en énergie électrique au
Québec. Par conséquent, étant donné je ne
dirai pas l'ignorance l'état incomplet de la recherche sur le
coût de l'énergie nucléaire, considérant, d'autre
part, les besoins du Québec que vous vous devez de prévoir, c'est
cela qui a motivé le choix que vous avez fait en recommandant le projet
de la baie James.
M. GIROUX: Certainement. Le projet de la baie James, à la demande
de l'Hydro, est fait en phases et il y a une phase minimum. Cette phase minimum
est un programme de moins de $2 milliards qui sera définitivement fait.
Pour entreprendre de développer ces territoires-là, il faut au
moins être capable de produire de l'électricité. Si on n'y
produit pas d'énergie, ce sera un vrai trou.
Même si, dans trois ans, se développait l'énergie
nucléaire, rien ne nous empêche de suspendre les travaux. Rien ne
nous en empêche.
Naturellement, je ne fais aucune promesse de suspension. Mais si,
à ce moment-là, quelqu'un venait et m'offrait un contrat, avec
les garanties nécessaires à un prix qui est meilleur
marché que ce que l'on paie à la baie James, je devrais
recommander au gouvernement de finir une phase, parce qu'à ce
moment-là ce serait de l'argent jeté à l'eau, et de
changer pour l'énergie nucléaire.
C'est pourquoi nous sommes flexibles.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Giroux, je vous remercie de cette
réponse qui nous éclaire. Cela, évidemment,
n'élimine pas ou n'élude pas la question qu'a posée le
chef de l'Opposition, à savoir le problème des rapports que l'on
devrait avoir et des chiffres précis que la population exigerait. Mais,
on vous a posé aussi une autre question concernant le choix que vous
avez fait, en disant: Est-ce que vous vous êtes penché sur la
question de savoir s'il était préférable pour
l'Hydro-Québec de procéder à tel et tel investissement,
quand, par ailleurs, il y a telle ou telle autre priorité?
Moi, M. le président de l'Hydro, je vous considère,
évidemment, comme un spécialiste de l'Hydro. J'estime que la
question qui vous a été posée à ce sujet-là
est une question d'ordre politique et que le choix que vous avez proposé
au gouvernement, bien, il lui appartient, à lui, de l'entériner
et de nous expliquer les raisons pour lesquelles il a
préféré cette alternative à une autre, en ce qui
concerne l'utilisation des derniers qui constitueront les grands
investissements.
M. GIROUX: Si vous me le permettez, j'ajouterais un mot: en tant que
président de l'Hydro, moi, j'ai regardé les besoins de
l'Hydro.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est ça.
M. GIROUX: Ce n'est pas ma responsabilité de regarder les autres.
Tout dépend des demandes qu'on me fait.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est ce que je voulais savoir de vous, M. le
président.
M. GIROUX: Moi, j'ai conçu que, pour l'Hydro, c'est une chose
faisable et je n'ai aucune hantise... Je ne connais pas l'avenir, comme tout le
monde. C'est normal. Mais seulement, tout se passant dans un état actuel
des finances mondiales difficile, je sais que le travail va être
énorme.
Au sujet des membres de la commission et de tout le bureau de direction
qui est en arrière, il y a une chose que je voudrais ajouter ici, c'est
que, pour la commission et pour toutes les directions en général,
il serait beaucoup plus simple, surtout pour notre directeur des finances,
qu'on aille purement et simplement à l'énergie thermique. Cela se
donne par contrat. Cela ne rapporte rien au point de vue des retombées
dans le Québec et cela nous fait la moitié moins d'ouvrage.
Alors, je me demande réellement pourquoi on insiste tellement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, M. Giroux, si je comprends bien votre
réponse et j'en suis très satisfait en votre
qualité de président de l'Hydro-Québec, avec vos
collaborateurs qui sont des spécialistes, vous avez
condiséré les besoins de l'Hydro et vous avez examiné le
projet de la baie James dans l'optique du mandat qui vous avait
été confié, à savoir quelle est sa
rentabilité, quelles sont ses possibilités, quel en sera le
coût. Vous avez fait une recommandation au gouvernement du Québec,
qui est, en fait, un choix. Par conséquent, les autres priorités,
qui ne regardent pas l'Hydro, comme vous l'avez dit, deviennent un
problème de choix politique de la part du gouvernement.
M. BOURASSA: M. le Président, si je peux répondre à
la question: Pourquoi avons-nous accepté la recommandation de l'Hydro?
Parce que...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je souligne au premier
ministre que je lui donne de bons arguments là.
M. BOURASSA: Oui, mais c'est qu'en posant la question le
député de Chicoutimi y répond, en soumettant des arguments
au sujet des alternatives. On a parlé des coûts pour
l'énergie thermique, des effets de pollution. C'est admis par tout le
monde que les coûts d'investissement dans le cas des centrales thermiques
sont inférieurs, mais les coûts d'exploitation ont
considérablement augmenté avec les années et depuis
quelques années surtout.
Donc, le gouvernement a entériné ce choix-là, parce
qu'il ne voyait pas d'autre alternative. Sauter dans l'inconnu avec le
nucléaire? On a démontré, je pense, en quelques minutes,
que cela aurait été irresponsable et de la part de l'Hydro et de
la part du gouvernement de faire ce saut dans l'inconnu, alors que nous avons
ici des richesses que nous pouvons exploiter et que l'ancien gouvernement
était sur le point également d'accepter, si mes informations sont
bonnes.
Nous n'avions pas le choix. Pourquoi retarder? Nous aurions pu retarder
d'un an, deux ans, mais nous n'avons pas été élus pour
multiplier les études et pour retarder les décisions. Nous avons
été élus précisément pour prendre les
décisions et pour faire accélérer les choses.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, M. le premier ministre, puisque
vous vous êtes adressé à moi et que vous m'avez
donné la réponse, vous me permettrez de vous poser une question
additionnelle. Vous vous trouverez ainsi à répondre à la
question qu'a posée le député de Gouin. Mettant de
côté le projet de la baie James et toutes les excellentes raisons
qu'on vient de nous donner, est-ce que vous, vous êtes en mesure de nous
dire ce que vous avez examiné l'ordre des priorités
dans le domaine des investissements et est-ce que vous êtes capable de
les justifier devant la commission?
M. BOURASSA: Certainement. J'ai rencontré les membres de la
commission à plusieurs reprises. Nous avons discuté de cela au
conseil des ministres. Il est évident qu'il y a un problème de
financement. Mais nous voyons, par exemple, à la page 9 de la
déclaration qu'a soumise M. Giroux, certains chiffres sur les revenus de
l'Hydro-Québec en 1975, 1980 et 1985. Prenons 1975 ou 1980. M. Giroux,
si vous pouvez répondre, si vous croyez que ce n'est pas contraire
à l'intérêt public, quelle est la partie du milliard et
demi qui peut être affectée à vos réserves ou bien
au réinvestissement? Est-ce 20 p. c. ou 15 p. c?
M. GIROUX: Actuellement, cela peut aller jusqu'à 30 p. c. La
réserve qui part à 18 p. c. peut se rendre à 30 p. c.
quand on est rendu à un milliard cinq cent millions.
M. BOURASSA: Si le député de Chicoutimi peut me permettre
de répondre à sa question, si vous prenez à la page
9...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je suis tout ouie.
M. BOURASSA: ... vous voyez qu'on vient de répondre que le
réinvestissement peut aller jusqu'à 30 p. c. En 1980, qui sera
l'une des années où il y aura besoin d'emprunter beaucoup, on
voit que l'Hydro-Québec peut avoir près d'un demi-milliard, ce
qui réduit pour autant, et on a posé beaucoup de questions
là-dessus...
M. JORON: M. le Premier ministre...
M. BOURASSA: Est-ce que je peux terminer ma réponse?
M. JORON: ... c'est en ayant augmenté les tarifs...
M. BOURASSA: Oui, oui, il y a quatre ans de ça. Un instant.
M. JORON: ... de 50 p. c. d'ici 1980.
M. BOURASSA: Est-ce que je peux terminer?
M. JORON: Cela fait une demi-heure que j'attends pour poser une
question.
M. BOURASSA: J'arrivais justement à ça. Je comprends que
le Parti québécois est nerveux devant notre projet de la baie
James. Je sais qu'il leur fait du tort.
UNE VOIX: Nous voulons tout de même poser nos questions cet
après-midi.
M. BOURASSA: S'il peut me laisser répondre aux questions...
M. JORON: C'est que nous savons que nous allons administrer le
Québec demain et nous ne voulons pas que vous le mettiez en faillite
avant.
M. LE PRESIDENT (Ostiguy): A l'ordre, messieurs! Pour autant que je
sache, chacun de ceux qui m'ont demandé à prendre la parole a
été noté ici et je suis...
M. JORON: C'est une question supplémentaire, suite à ma
première question...
M. LE PRESIDENT (Ostiguy): C'est le premier ministre qui avait la
parole. Je demanderais donc, même si la chaleur réchauffe vos
cordes vocales, d'attendre chacun votre tour.
UNE VOIX: Ce n'est pas la chaleur qui nous réchauffe...
M. BOURASSA: M. le Président, nous aurons l'occasion de continuer
ce soir. J'ai l'intention de siéger ce soir, même si
traditionnellement c'est congé, avec la permission...
UNE VOIX: Au Colisée...
M. BOURASSA: Bien, je vais aller faire un tour au Colisée, si
vous me le permettez, pour être capable...
M. BERTRAND: Vous savez, M. Giroux, ce qui a gâté tout
ça, c'est le Colisée.
M. BOURASSA: Ce qui compte, c'est le développement du
Québec.
M. BERTRAND: Oui, oui, c'est ça.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais vous en avez voulu faire au début
une partie de hockey.
M. BOURASSA: Cela fait mal de rallier 10,000 militants en dehors des
campagnes électorales. C'est ce qui fait mal à l'Union
Nationale.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela ne fait pas mal...
M. BERTRAND: L'annonce du premier ministre de $7 milliards vient
d'être dégonflée par le président de
l'Hydro-Québec.
M. LE PRESIDENT (Ostiguy): A l'ordre!
M. BOURASSA: Ils n'auraient pas pu réunir 500 personnes; je
comprends que ça fait mal d'en réunir 10,000.
M. le Président, donc il y a une possibilité...
M. BERTRAND: Nous allons en avoir 10,000 au congrès.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Desrochers a dû travailler pour
réunir ça.
M. BOURASSA: Avec un milliard et demi, je comprends que les
possibilités de financement sont atténuées. On suppose des
augmentations de tarif de 4 p. c. par année, ce qui est une augmentation
conforme au coût. Or, ce sera au gouvernement à décider
s'il va accepter la recommandation de l'Hydro-Québec sur l'augmentation
des tarifs. L'Hydro-Québec fait des propositions, ce sera à nous
à accepter ou à refuser ces recommandations.
Mais il y a quand même là une possibilité
d'autofinancement qui est très importante, sans compter toutes les
autres possibilités de financement. Cela va être un actif pour la
province. On sait que les projets hydro-électriques donnent des revenus
constants; cela a une vie de quarante, cinquante ans. Donc, c'est un actif par
excellence pour emprunter. C'est pourquoi, si nous examinons la question du
financement, les retombées économiques, le manque d'alternative
pour les choix et le fait des besoins d'électricité, même
seulement au Québec, ne serait-ce que pour attirer de nouvelles
industries, si nous examinons donc tous ces faits, je ne vois pas pourquoi le
gouvernement n'aurait pas décidé d'accepter ce projet qui peut
monter
à $6 ou $7 milliards, selon les étapes. Je ne vois pas en
quoi le chef de l'Opposition officielle peut dire que le projet n'a pas
été entériné par le président de
1'Hydro-Québec. Je pense qu'il n'y a rien dans ce qu'il a dit...
M. BERTRAND: Je n'ai pas dit ça du tout. Je n'ai pas dit que le
projet n'avait pas été entériné par le
président de l'Hydro-Québec. Ce serait contraire, d'ailleurs, aux
propos qu'il vient de tenir, à la lettre qu'il a envoyée, au
mémoire qu'il vient de lire. Ce n'est pas ça. J'ai tout
simplement voulu soulever à l'occasion, je n'avais pas besoin de
l'envoyer en l'air, son ballon a déjà été
envoyé...
M. BOURASSA: Bien, lequel? Quel ballon?
M. BERTRAND: Il faudrait examiner le financement. Je me rappelle une des
séances de la commission des Richesses naturelles où le premier
ministre actuel interrogeait ici le président de 1'Hydro.
Quand il s'agit de financement, il l'a dit d'ailleurs dans son
mémoire, il y a deux sources, les revenus de l'Hydro et les emprunts.
Les revenus de l'Hydro ont parfois des revenus augmentés à cause
des tarifs qui augmentent. On vient à peine d'aborder le problème
du financement, on a parlé des besoins, le rapport du président
est assez complet là-dessus. Quant aux moyens, nous fiant à son
expérience, aux études de ceux qui l'entourent, tout ça,
l'hydraulique semble préférable au nucléaire et au
thermique à moins... et le débat est ouvert. S'il y en a qui
peuvent contredire ce qui a été affirmé, ils n'ont
qu'à le faire. Nous ne sommes que des profanes et nous devons nous fier
à ceux qui ont des experts autour d'eux.
Mais quant au financement j'ai bien noté, M. Giroux, que vous
aviez déclaré que ce projet comme d'ailleurs tous les
autres projets de l'Hydro peut se réaliser par étapes et
qu'une première étape imposerait des coûts d'environ $2
milliards.
M. GIROUX: Moins que ça.
M. BERTRAND: Un peu moins de $2 milliards. Bon! Et quand vous parlez de
ce premier projet, c'est un projet qui serait réalisé, qui
débuterait en 1972, 1973...
M. GIROUX: Il doit débuter cet été.
M. BOURASSA: Cet été, $10 millions qui ont
été adoptés.
M. GIROUX: ...$26 millions mais c'est préliminaire à un
grand projet. $26 millions sur $1.8 milliard ce n'est pas un pourcentage
énorme.
M. BERTRAND: Non, non, une goutte d'eau. Et cela va s'échelonner.
Ce premier projet-là, la première étape serait
complétée il y a des tableaux dans certains rapports
vers 1978?
M. GIROUX: En 1978, si on ne peut pas faire mieux.
M. BERTRAND: Si vous ne pouvez pas faire mieux. Cela peut être
avant...
M. GIROUX: Cela peut être avant, ça peut être
beaucoup avant, ça peut être de l'excédentaire, beaucoup
avant aussi. Voyez-vous, il y a deux façons de regarder ces
choses-là. Dans le programme de l'Hydro, dans la pensée où
on analyse le financement, on prétend avoir besoin de toute cette
électricité, en total, et si malheureusement on ne peut pas faire
le reste de la baie James à cause de crises, quelles qu'elles soient, il
n'y aura pas d'électricité parce qu'on n'aura pas plus d'argent
pour faire autre chose.
Alors on est confiant qu'éventuellement on va porter le total de
ce projet à bonne fin. Seulement, il y a deux façons de regarder
l'avenir dans ces choses-là. On peut faire des ecplorations de
marché. Une des difficultés que Churchill avait eue,
ç'avait été de vendre son électricité pour
financer son projet.
M. BERTRAND: Alors si vous me permettez, immédiatement
là-dessus, pour le développement de ce projet, quant au
financement, ce n'est pas sur une vente d'électricité que vous
comptez?
M. GIROUX: Absolument pas. On ne compte pas sur une vente
d'électricité, même pour mener à bonne fin le
projet. Sauf que si une vente aidait le financement... si en
accélérant le projet on pouvait faire une vente et qu'elle nous
donnait par exemple, en bon français un "cash flow" de $200 millions
à $300 millions par année, ça vous fait ça de moins
à emprunter. Alors à ce moment-là c'est une aide au
financement.
M. BOURASSA: On n'est donc pas dépendant d'aucune façon
d'une vente...
M. GIROUX: On n'est pas dépendant du tout d'une vente. Quant
à la politique de l'Hydro actuellement, je peux déclarer qu'on
n'a fait aucune offre de montant, de possibilité de vente ferme. On
travaille depuis deux ans, à la planification de l'Hydro, tous les gens
travaillent à obtenir une interconnexion avec les Etats-Unis. Cette
interconnexion-là pourrait nous aider dans les moments où on a
des pointes à satisfaire qui ne sont pas les mêmes que les leurs.
On pourrait certainement les aider en été, ce qui nous donnerait
une aide absolument substantielle et ce réseau est basé sur
l'excédentaire seulement.
Naturellement en discutant ça, et devant la demande que les gens
ont de l'autre côté, il n'est pas question d'être maquignon,
mais
réellement j'aime mieux me rendre aux Etats-Unis et dire qu'on
aura de l'excédentaire pour satisfaire la ligne, et s'ils nous demandent
un montant ferme, à ce moment-là, on est maître du
prix.
Si nous nous amenons aux Etats-Unis et que nous disons: Il faut que vous
achetiez 2,000 mégawatts parce qu'autrement nous ne construisons pas la
ligne, on nous répond : Cela vaut 50 p. c. de moins. C'est aussi simple
que cela. Ce n'est pas un problème, à mon sens, qui nous
empêche de regarder. Naturellement, plus nous pouvons compléter ce
projet rapidement, mieux cela sera. Des mathématiques, des chiffres sont
publiés un peu partout. Si nous prenons le chiffre de six milliards de
dollars, si vous avez la chance de compléter les travaux un an avant,
à 8 p. c, cela représente 400 et quelques millions de
dollars.
M. BOURASSA: Plus nous retardons, c'est ce que je disais...
M. GIROUX: Alors, à 9 p. c. ou 10 p. c, plus c'est haut. Si nous
pouvons amener le projet total à être complété un ou
deux ans avant par une vente, mon Dieu! cela vaut la peine de faire des
investissements ailleurs. Ces investissements-là vont être
payés par ce que vous avez épargné en
intérêts. Je ne sais pas si je suis clair dans la réponse,
mais ce sont ces choses-là que le gouvernement doit considérer.
Nous lui avons fait la proposition et nous sommes convaincus de ce que nous
avançons.
M. BERTRAND: Je ne veux pas enlever la parole à d'autres
collègues, mais au sujet du financement, j'ai dit tantôt que vous
parliez des revenus et des emprunts. Dans les revenus, il y a les tarifs.
Est-ce que l'étude est faite pour savoir, si tel projet est
réalisé, que vous devrez, bien entendu, augmenter vos revenus par
une augmentation des tarifs?
M. BOURASSA: Nous verrons, M. le Président.
M. BERTRAND: Bien, je n'ai pas d'objection. Mais préparez-vous,
là-dessus, à nous donner des détails.
UNE VOIX: D'accord.
M. BOURASSA: Voici, c'est que...
M. BERTRAND: Je laisse la parole à d'autres collègues.
M. GIROUX: Sans entrer dans les détails, nous avons fait un
calcul. Quelle que soit l'énergie dont nous nous servions, nous
utilisons un coût d'inflation de 4 p. c. dans la construction ou les
dépenses de l'huile ou tout cela, selon la période de
l'année. Nous nous servons du même taux pour les tarifs. Mainte-
nant, je dois vous dire tout de suite que nous n'avons fait aucune demande au
gouvernement pour une augmentation...
M. BERTRAND: De tarifs.
M. BOURASSA: Il n'est pas question que le gouvernement je veux
être très clair là-dessus accepte, à
l'avance, les augmentations de tarifs à moins qu'elles ne soient
justifiées.
M. GIROUX: Ce sont des projections. Vous nous demandez d'établir
quels vont être les coûts. Alors, nous disons: Si nous faisons
cette chose-là, cela ne veut pas dire d'avance qu'il faudra augmenter.
Si l'inflation n'est pas contrôlée du tout et s'il y a 17 p. c.
d'inflation, avec les 4 p. c, nous allons être bons seulement pour une
semaine.
M. BOURASSA: M. le Président, ce qu'a faudrait mettre en relief,
je crois, pour l'intérêt de ceux qui sont ici, c'est
l'éventail des possibilités qui existent, pour
l'Hydro-Québec ou le gouvernement, tant dans le financement que dans la
réalisation par étapes. Je ne vois pas en quoi nous aurions pu
différer le projet, d'autant plus que, comme je le disais, plus nous
retardons, plus cela coûte cher.
M. LE PRESIDENT (Ostiguy): L'honorable député de
Beauce.
M. ROY (Beauce): Merci, M. le Président. Tout à l'heure,
j'ai posé une question et j'avais une question supplémentaire
à poser afin d'avoir des précisions et on ne me l'a pas permis.
Quand même, je vais me reprendre.
Nous parlons du financement, d'accord. Le financement, c'est une chose.
Mais avant de parler de financement, je pense que nous devrions parler de
coûts. Nous avons parlé de coûts différentiels de la
production hydroélectrique à la baie James et de la production de
l'énergie nucléaire.
Dans ma question, j'avais demandé s'il y avait des études
de faites quant au coût du mégawatt ou du kilowatt, afin de
déterminer le coût le plus précis possible pour le projet
de la baie James, et aussi si on avait fait une étude comparative avec
le coût de la production électrique à Manic ou encore aux
chutes Churchill. Je n'ai pas eu de réponse à ce
sujet-là.
M. GIROUX : Je peux vous répondre. Nous n'avons pas fait de
coûts comparatifs. Nous avons nos coûts à Manic. Mais la
centrale de Manic n'est pas terminée. Seulement, aux chutes Churchill,
si vous lisez le rapport de la dernière commission parlementaire,
à ce moment-là les contrats étant signés, nous
avons déclaré les coûts de l'énergie de Churchill
aux contrats. Actuellement, je dirais que je ne crois pas qu'il soit
d'intérêt de déclarer les coûts de la baie James
parce que, bientôt je vais vouloir
aller vendre de l'électricité. Dans le cas de Churchill
nous avons signé une lettre d'intention. Nous avons toujours dit que ce
n'était pas d'intérêt public de déclarer les
coûts.
Je n'ai aucune objection à répéter les coûts
de Churchill. C'est au président de juger.
M. ROY (Beauce): Une question supplémentaire, M. le
Président.
M. GIROUX: Il n'y a pas d'erreur, l'Hydro connaît tous les
coûts.
M. ROY (Beauce): Une question supplémentaire, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT (Ostiguy): Je dois dire au député de
Beauce que les coûts ne sont pas d'intérêt
général. Alors...
M. ROY (Beauce): M. le Président, j'avais tout simplement une
question supplémentaire. Si l'on ne nous donne pas le coût de
Churchill, pourrait-on nous donner un pourcentage approximatif entre
l'estimation des coûts à la Baie James et des coûts à
Churchill?
Si je pose cette question, c'est que je pense que c'est
extrêmement important. Tout à l'heure, nous serons appelés
à nous prononcer sur des projets d'investissement de $2 milliards. $4
milliards, $6 milliards, peut-être même $7 milliards.
M. SAINT-PIERRE: Avec intérêt, si je puis aider à
votre question.
M. ROY (Beauce): Avec intérêt, tel que maintenu avec
vigueur et conviction par le gouvernement actuel.
M. GIROUX: Si je comprends bien votre question, pour la séparer,
vous aimeriez avoir le coût en mills ou le coût comparatif. Je vous
dis que ce n'est pas d'intérêt public, si je veux faire des ventes
plus tard. Ne croyez-vous pas que ces compagnies ont assez d'ingénieurs
en main pour calculer, en dedans d'un quart d'heure, tous nos coûts,
à la minute où j'en déclare un?
M. BOURASSA: Le député a-t-il compris la
réponse?
M. ROY (Beauce): M. le Président, une question
supplémentaire. Des chiffres ont paru dans les journaux. Dans le journal
La Presse du 11 mai 1971, on donne justement des coûts comparatifs.
Est-ce que ces coûts sont réels, approximatifs ou si l'Hydro les
rejette? On parle du coût au mégawatt, pour ce qui a trait
à la baie James, de $728,000. On parle, avec le projet Churchill, de
$181,000. Alors, si la différence entre le coût de production
hydroélectrique de Churchill, tel que mentionné dans le journal
La Presse, et celui qui a paru en ce qui a trait au projet de la baie James est
près de 400 p. c. plus élevée, j'aimerais savoir si ce
sont des chiffres auxquels nous pouvons nous fier ou si ce sont des chiffres
qui sont complètement en dehors de la réalité. Je pense
qu'il est important pour nous, parlementaires, de le savoir.
M. GIROUX: Dans mon cas, n'est-ce pas, connaissant les
propriétaires du journal La Presse, cela me peine beaucoup d'avoir
à donner une opinion. Si je donnais une opinion sur ce que vous me
demandez, les gens s'en serviraient. Si je dis: Cela, c'est cela. Cela, ce
n'est pas cela, on établira nos prix facilement.
Le journal La Presse est libre, comme tous les journaux, de publier
toutes sortes de coûts. C'est son privilège. Pour autant que les
journaux rapportent, n'est-ce-pas, le résultat des courses
complètement le reste m'importe peu.
M. ROY (Beauce): M. le Président, cela ne nous satisfait pas. Je
tiens tout de même à souligner que cela ne nous donne pas
satisfaction. Aller aux courses est un jeu. Si on prend l'Hydro-Québec
comme un jeu, nous, nous ne prenons pas cela comme cela.
M. GIROUX: Je ne prends pas cela comme un jeu.
M. SAINT-PIERRE: Le député devrait comprendre.
M. BERTRAND: Le député n'a pas le sens de l'humour.
M. GIROUX: Je m'excuse. Voulez-vous compromettre le projet en
établissant les taux? C'est là qu'est le problème. Quels
que soient les taux qui sont publiés dans les journaux, ces choses sont
ordinairement faites pour qu'on les lise, qu'on les accepte, qu'on les
confirme, qu'on les commente. Et vous n'entendez jamais l'Hydro-Québec
commenter ces choses.
M. LE PRESIDENT (Ostiguy): Le député de Gouin.
M. JORON: M. le Président, j'aimerais revenir sur quelques
points. Un point, entre autres, a été soulevé par le
premier ministre, il y a un moment, quand il a apporté l'argument
cela fait plusieurs fois qu'il apporte cet argument que, si on retarde,
on augmente le coût de $250 millions par année. Il comprendra
comme moi que c'est vrai dans n'importe quel projet de travaux publics et qu'il
ne peut pas employer cet exemple uniquement pour la baie James.
M. BOURASSA: Comme c'est un gros projet, ce sont des pertes encore plus
importantes.
M. JORON: A ce compte-là, tout ce que vous voulez faire dans les
cinquante prochaines années pour les routes, pour les écoles et
les hôpitaux, faites-le tout de suite. C'est exacte-
ment le même raisonnement. Alors, ne nous répondez plus
comme cela.
M. SAINT-PIERRE: Non, non. Je m'excuse.
M. JORON: C'est vous qui êtes simpliste à l'extrême
en abordant le $250 millions de cette façon-là.
M. LE PRESIDENT (Ostiguy): A l'ordre! Nous sommes ici uniquement pour
discuter du problème de la baie James.
M. JORON: C'est justement ce dont je parlais.
M. SAINT-PIERRE: C'est le même type de malhonnêteté
que nous avons déjà eue. La différence fondamentale, c'est
que si on faisait des écoles et des routes qui ne correspondraient pas
à des besoins, là, vous auriez raison. Je pense que le
président de l'Hydro-Québec établit clairement que le
marché pour l'énergie électrique en Amérique du
Nord et en Ontario est tellement substantiel que, dès qu'on peut livrer
la marchandise, on peut récolter des profits.
M. JORON: Nous en arrivons donc à la question essentielle.
Combien de temps d'avance faut-il produire de l'énergie en surplus? Cela
amène la question justement du député de Beauce du
coût dont on disait, tout à l'heure, qu'il n'était pas
d'intérêt public de le dévoiler parce qu'on voulait vendre
de l'énergie à d'autres et qu'il ne fallait pas donner ses atouts
à l'avance. Je vais aborder cette question-là et j'aimerais
connaître l'opinion du premier ministre là-dessus. Moi, je pense
qu'au contraire il est tout à fait d'intérêt public de
savoir le coût de la baie James. Si nous devons faire des choix
alternatifs, c'est la donnée essentielle.
M. BOURASSA: Nous avons donné des explications.
M. JORON : D'autre part, je pense que l'on peut immédiatement
écarter complètement la question qu'il faut garder ça
secret parce qu'on veut exporter de l'électricité. Qu'est-ce que
ça veut dire bâtir un surplus?
M. BOURASSA: Le député de Beauce pourrait se tranquiliser
un peu là.
M. JORON: Qu'est-ce que ça veut dire exporter de
l'électricité en grande quantité? Je ne parle pas des
accommodements qui permettent d'exporter à des heures de pointe ou de
l'intégration des différentes zones. Ce n'est pas ce dont je
parle. Il s'agit d'investir précisément dans le but de produire
plus que nos besoins pour exporter de l'électricité. Disons que
l'on parle de 2 millions de kilowatts, par exemple.
M. BOURASSA: C'est, pour le moins, farfelu.
M. JORON: C'est ce que l'on mentionne. C'est l'argument que vous
apportez qu'on ne peut pas dévoiler le coût parce qu'on veut en
exporter.
M. MARCHAND: Cela peut être une possibilité; ce n'est pas
la même chose.
M. JORON: Nous allons la vider tout de suite, cette
possibilité-là, si vous voulez.
M. BOURASSA: C'est ça, nous allons régler ça, les
possibilités d'exportation.
M. JORON: Certainement, aussi rapidement que vous avez
réglé l'énergie atomique.
M. BOURASSA : Nous allons régler ça sur le coin de la
table. Ça, c'est réaliste!
M. JORON: Répondez-moi à ceci: Est-il logique d'investir
pour exporter si, par exemple, l'on se fixe comme but d'exporter 2 millions de
kilowatts, soit environ 20 p. c. de la baie James? 20 p. c. du coût, soit
$1,200 millions ou $1,500 millions selon que l'on parle de six ou de sept
milliards de dollars produit 14 milliards environ de kilowatts-heure.
M. BOURASSA: Attendez là.
M. SAINT-PIERRE: Nous allons aller chercher un tableau.
M. JORON: Deux millions de kilowatts de puissance donnent environ la
possibilité de 14 milliards de kilowatts-heure.
M. BOURASSA: Trillions peut-être.
M. JORON: Disons à $0.10 le mille pour arrondir les chiffres,
cela fait des ventes annuelles de $150 millions. Vous investissez $1,500
millions pour faire des ventes de $150 millions qui créent environ 50
emplois permanents pour ceux qui entretiendront la centrale. Alors, vous me
permettrez de vous suggérer l'exemple suivant: Le même montant de
$1,500 millions si on n'a pas besoin de cette
électricité-là tout de suite et qu'on en produit pour
l'exporter, pourrait être investi dans l'industrie manufacturière.
Si je prends un exemple que j'avoue être heureux, l'exemple de Bombardier
qui, l'année dernière, faisait des ventes de $150 millions et
qui, pour faire ces ventes-là, employait 6,000 à 8,000 hommes,
avec un capital de $40 millions. Pas $1,500 millions; $40 millions! Alors, je
me dis: Est-il logique, pour un moment, de songer...
M. BOURASSA: L'étatisation de l'électricité...
DES VOIX: Voulez-vous le laisser parler? M. BOURASSA: Oui, mais... M.
JORON: Répondez-moi.
M. LEGER: Le premier ministre est bien nerveux!
M. JORON: Est-il logique de songer è employer du capital, qui est
une denrée si rare au Québec, dans le but de faire une
exportation qui rapporte si peu et qui crée si peu d'emplois? Ne
vaudrait-il pas mieux à ce moment-là, puisqu'on n'en a pas
besoin, si c'est pour l'exportation, investir dans l'industrie
manufacturière au Québec? Comment peut-on, seulement un moment,
envisager la possibilité d'exporter de l'électricité?
M. BOURASSA: M. le Président, le député fait des
simplifications qui me paraissent tout à fait inacceptables. La question
de l'exportation de l'électricité a été
considérée comme une hypothèse pour fins de financement,
si cela s'avérait utile, si cela était avantageux pour le
Québec de le faire. Mais peut-on prendre le milliard et demi et le
transporter dans un autre secteur? Je pense que l'on pourrait appliquer le
même argument pour l'étatisation de l'électricité en
1962. A ce moment-là, c'était pire parce que l'on ne
créait pas d'emplois, on achetait des entreprises qui existaient
déjà.
Il ne faut pas oublier toutes les entreprises secondaires permanentes
qui peuvent être créées, avec le développement de la
baie James. Déjà, avec l'Hydro-Québec, on a
créé plusieurs milliers de nouveaux emplois simplement par le
fait que celle-ci avait un pouvoir d'achat qui lui permettait de créer
des entreprises au Québec. Le député ne tient pas compte
des besoins d'électricité que nous aurons au cours des toutes
prochaines années, ne tient pas compte que l'électricité
si le capital est rare, comme le dit le député est
également très rare et en grand besoin.
M. JORON: C'est justement...
M. BOURASSA: Nous pouvons en profiter pour attirer des industries ici,
sans vouloir donner trop de détails.
M. JORON: Justement, si on veut en exporter...
M.BOURASSA: L'hypothèse de l'exportation...
M. JORON: ... on est à en créer plus qu'on en a
besoin.
M. BOURASSA: Non, l'hypothèse de l'exportation cela a
été dit par le président de l'Hydro-Québec, cela a
été dit par le chef du gouvernement à plusieurs reprises
peut être un moyen, un atout pour faciliter le financement, si
cela s'avérait utile au Québec. Conclure de cette
hypothèse qu'on y met un milliard et demi alors que l'on pourrait le
mettre ailleurs, avec de meilleurs résultats, je pense que c'est
absolument faux.
M. LE PRESIDENT (Ostiguy): Le député de
Verchères.
M. JORON: Si vous permettez...
M. LE PRESIDENT (Ostiguy): Le député de Verchères
m'a demandé la parole.
M. JORON: Je regrette, mais je n'avais pas terminé ma
question.
M. LE PRESIDENT (Ostiguy): Le député de
Verchères.
M. SAINT-PIERRE: Nous allons continuer dans la même ligne, avec
les chiffres que le député de Gouin a employés. On a fait
une comparaison avec des formes d'activité humaine au Québec;
vous avez pris Bombardier et d'autres. L'exposé du premier ministre
situe très bien le problème de l'exportation de l'énergie
qui doit se placer, après avoir comblé nos besoins, dans une
perspective de rentabilité.
Je pense qu'il y a eu, au cours des dernières années, dans
le marché nord-américain, une évolution
considérable dans les coûts de production de l'énergie face
aux problèmes de pollution, aux difficultés des centrales
thermiques et des centrales nucléaires. Ne révélons aucun
coût de production ni aucun coût d'achat, mais je pense je
crois que les gens de 1'Hydro pourraient en discuter qu'il est possible
de réaliser, dans la perspective d'un marché qui n'a pas de
limite, tant en Ontario qu'aux Etats-Unis, dans la perspective d'un
marché qui est assoiffé d'énergie électrique et qui
ne peut satisfaire à ses propres demandes, en Nouvelle-Angleterre, de
réaliser dis-je pour le Québec un profit net, je dis bien de deux
mills par kilowatt-heure.
L'ensemble de la production de la baie James, le député de
Gouin réalise-t-il que ceci représente pour le Québec un
profit net de plus de $200 millions par année? Que l'on compare un tel
profit net avec d'autres secteurs de notre activité économique,
tenant compte que l'ensemble de ce profit net, une fois le financement
assuré, a été généré par les
ressources humaines du Québec et tenant compte que dans les dispositions
contractuelles on pourrait sûrement limiter l'étendue de cette
vente. La vente est exagérée, mais je veux simplement situer ce
que représente 96 milliards de kilowatt-heures dans une perspective
d'une étude de marché, tel que nous en avons pour le plan
électrique; un profit net de $200 millions par année.
Je vous dis que $200 millions, comparés à
l'ensemble de l'industrie manufacturière
québécoise, ce sont des profits fort intéressants. Il
faudrait peut-être délaisser des secteurs traditionnels pour aller
dans des secteurs où nous avons déjà fait nos preuves.
M. JORON: Mais la question est de savoir si, pour générer
les mêmes profits ou le même chiffre d'affaires, si vous voulez,
vous avez besoin d'engager tant de capital. Si cela requiert trop de capital...
Les services publics, l'hydroélectricité, par exemple, ce sont
des investissements qui requièrent énormément de capital,
le service téléphonique la même chose...
M. BOURASSA: On en a besoin.
M. JORON: On n'en exporte pas non plus. Pourquoi? Parce que le besoin
primordial est de répondre à un besoin public, à un
service public. On ne monte pas de telles entreprises dans le but de faire de
l'exportation. Dans ce temps-là, on s'en va dans l'industrie
manufacturière. Les multiplicateurs sont cent fois plus
élevés.
M. BOURASSA: M. le Président, je suis obligé de
répéter souvent pour le député de Gouin. J'ai dit
que s'attacher uniquement à la question de l'exportation et en conclure
de façon générale, je ne pense pas que ce soit une
façon honnête de procéder.
M. JORON: D'accord, on va l'abandonner.
M. BOURASSA: J'ai dit que le gouvernement du Québec accepterait
d'exporter de l'énergie dans la mesure où, dans l'ensemble des
décisions que cela comporte, y compris l'investissement, ce serait
avantageux, utile, rentable pour le Québec. Donc, son argument tombe du
même coup. Si on n'en exporte pas, parce qu'il sera plus avantageux
d'investir ailleurs, bien, on sera capable de prendre la décision
à ce moment-là.
M. JORON: Bon, souhaitons-le.
M. BOURASSA: Donc, pour le reste, l'électricité
répond à un déficit de puissance qui existe au
Québec. Et s'il y avait même un surplus, cela nous donnerait un
avantage concurrentiel considérable pour attirer des industries qui
iraient s'établir en Ontario ou aux Etats-Unis, parce que nous aurions
un coût d'énergie qui serait inférieur au leur. On parle de
projets je ne peux pas donner trop de détails d'industries
qui hésitent entre plusieurs provinces, mais si nous, nous pouvons leur
offrir l'électricité à bon marché, par rapport
à ce qu'ils peuvent obtenir dans d'autres provinces, cela va nous donner
un levier important. C'est ce que je voudrais que le député
comprenne.
Nous allons ajourner à 8 h 15, s'il n'a pas d'objection.
M. JORON: La question est reportée à plus tard...
M. LE PRESIDENT (Ostiguy): La parole est au député de
Beauce.
M. JORON: Mais je n'avais pas terminé ma question principale, si
vous me le permettez.
M. LE PRESIDENT (Ostiguy): Alors, le député de Gouin.
M. JORON: Si on veut me permettre, après cette digression, de
revenir à la question centrale, on n'a toujours pas eu de réponse
satisfaisante sur le processus qui avait présidé au choix de la
baie James.
J'avais demandé au tout début à M. Giroux sur la
base de quelles études et à partir de quelles comparaisons on en
était venu à opter pour le projet de la baie James.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il m'a répondu.
M. JORON: Il m'a répondu ceci...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il m'a donné la réponse à
moi.
M. JORON: ...que se fiant sur l'expérience malheureuse des
autres...
M. BOURASSA: Il a répondu...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il m'a répondu tout à
l'heure.
M. JORON: ...on prenait comme prérequis que cela avait
été désastreux, les exprériences nucléaires,
et qu'il valait mieux ne pas pousser les études plus loin, parce que, de
toute façon, on présume au début que c'est plein de "bugs"
cette affaire-là.
M. BOURASSA: C'est faux! J'invoque le règlement. Le
député déforme grossièrement les paroles du
président de l'Hydro-Québec.
M. JORON: Je regrette, mais il a été dit ceci, qu'il n'y
avait pas d'information valable qui pourrait constituer la base d'un rapport
suffisant.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le
règlement.
M. BOURASSA: Ce n'est pas sérieux!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'invoque le règlement.
M. LE PRESIDENT (Ostiguy): Le député de Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je crois que par souci
d'honnêteté pour le président de l'Hydro-Québec
à une question très précise que je lui ai posée, le
président a répondu en nous indiquant qu'il avait des
informations valables, qu'il n'avait toutefois pas tout un ensemble
d'éléments qui nous permettraient d'avoir un tableau complet de
cette comparaison que l'on doit faire entre l'énergie nucléaire
et l'énergie hydraulique. Je ne voudrais pas mal interpréter le
président de Ï'Hydro-Québec il me corrigera si ce
n'est pas exact il m'a dit que l'ensemble des renseignements qu'il
possédait lui avait permis de faire un choix et de le recommander au
gouvernement, compte tenu des besoins actuels en électricité et
ceux qu'il faut prévoir d'ici dix ou douze ans.
C'est bien ce que vous avez dit, M. le Président?
M. GIROUX: Versus le nucléaire.
UNE VOIX: J'aurais une question supplémentaire.
M. LE PRESIDENT (Ostiguy): La commission suspend ses travaux
jusqu'à huit heures quinze.
Reprise de la séance à 20 h 30
M. OSTIGUY (Président de la commission permanente des Richesses
naturelles): A l'ordre, messieurs!
Je pense que lorsque nous avions ajourné à six heures,
c'était le député de Gouin qui avait la parole, mais je
pense que le député de Bourget aurait quelque chose à nous
suggérer.
M. LAURIN: M. le Président, c'est encore une question de
procédure pour que la marche des travaux soit la plus claire possible.
Je pense bien qu'un des buts de cette commission est de permettre à
chacun des partis de poser toutes les questions qu'il juge pertientes et
opportunes aux spécialistes qui sont avec nous. Après en avoir
discuté entre nous, je me demande si une des meilleures façons
d'arriver à ce but ne serait pas de demander à chaque parti
d'épuiser toutes leurs questions sur chacun des sujets, tour à
tour, afin que successivement, chaque parti en soit amené à poser
aux spécialistes toutes les questions qu'il juge opportunes.
M. LE PRESIDENT: Je vais soumettre cela à l'attention des membres
de la commission. Au cours de l'après-midi, j'ai noté les minutes
que chacun a eues pour parler et c'est pas mal...
M. LAURIN: Non, ce n'est pas cela. C'est simplement un ordre; c'est une
procédure quant à l'ordre...
M. BERTRAND: M. le Président, est-ce que le leader parlementaire
du Parti québécois veut procéder de cette
manière-là?
M. LAURIN: C'est une suggestion que je faisais.
M. BERTRAND: Si le leader du Parti québécois veut poser
une série de questions, je ne vois pas d'objection, quant à
moi...
M. BOURASSA: Ce serait peut-être un peu rigide. Moi non plus je
n'ai pas d'objection mais...
M. BERTRAND: ...quoique souvent une des questions que vous pouvez poser
ou que je peux poser nous incite à poser une question additionnelle ou
même peut peut-être...
M. BOURASSA: Il peut arriver que le député de Chicoutimi
ait des questions à poser à la suite d'une question posée
par le député de Beauce ou vice-versa, alors je me demande...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est moins sûr vice, c'est plus
sûr versa.
M. LAURIN: Je suis bien prêt à me rallier à
n'importe quelle suggestion dans la mesure ou chacun des partis aura toutes les
opportunités,
toutes les occasions pour poser les questions qu'ils avaient
préparées.
M. BERTRAND: Est-ce que le leader parlementaire se plaint du traitement
qui lui est donné?
M. LAURIN: Non, pas du tout. C'était tout simplement à
titre de suggestion.
M. BERTRAND: Je n'ai pas objection.
M. BOURASSA: Il est satisfait de la liberté qu'on donne au...
M. LE PRESIDENT: Si les honorables députés...
M. BOURASSA: Merci, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Si les honorables députés veulent bien
lever la main pour que j'indique leur nom...
M. LAURIN: C'est juste au cas ou ça déborderait 10 heures
ce soir. Est-ce l'intention du président de la commission du
gouvernement de nous permettre de déborder sur...
M. BOURASSA: Il est possible que je me rende au Colisée ce soir,
non pas pour faire une autre annonce, mais les Remparts ont une partie...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous avez besoin de remparts?
M. LAURIN: C'est simplement parce qu'étant donné le nombre
de nos questions que nous connaissons on peut présumer que ça va
déborder la séance de ce soir. Je voulais juste savoir les
intentions du...
M. BOURASSA: Alors, nous exprimons nos intentions...
M. BERTRAND: Si on me permet, M. le Président.
Le leader du Parti québécois avait demandé cet
après-midi si la procédure permettait également de faire
entendre des experts. C'est clair que le leader du Parti
québécois ou d'autres mouvements politiques ont des experts
à faire entendre. Je ne crois pas qu'on puisse, d'abord, les convoquer
pour ce soir. Il faudra nécessairement ajourner à une autre
semaine.
M. BOURASSA: Peut-être demain après-midi. On pourra en
discuter. Il se peut que les réponses satisfassent les membres de la
commission parlementaire.
M. LAURIN: Ce serait simplement le temps mathématique de poser
nos questions, aussi.
M. BOURASSA : En commençant tout de suite, on pourrait
peut-être finir ce soir.
M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce. Si vous avez
un...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): En tenant compte que nous sommes
déjà une demi-heure en retard à cause de vous, M. le
Premier ministre.
M. BOURASSA: Je suis arrivé quelques minutes en retard.
M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce.
M. ROY (Beauce): Si on me le permettait, j'aurais une question à
poser à l'honorable premier ministre. Cet après-midi, on a dit
que le développement du projet de la baie James était fait
surtout pour répondre aux besoins domestiques. Lorsque nous avons
demandé quel était le coût de production, on nous a
répondu qu'il n'était pas d'intérêt public de nous
en informer à cause de l'exportation d'électricité.
J'aimerais peut-être qu'on définisse clairement si le projet de la
baie James est prioritaire pour des besoins domestiques ou des besoins
d'exportation et dans quelle mesure ça peut être de l'exportation
ou des besoins domestiques. Je pense qu'à partir de là, ça
va certainement permettre aux membres du gouvernement de nous éclairer
pour qu'on puisse, par la suite, poser des questions aux experts qui sont
à notre disposition.
M. BOURASSA: M. le Président, j'ai déjà
répondu à la question. Mais je suis prêt, pour
éclairer le député, à répéter ce que
j'ai dit cet après-midi. L'exportation est une hypothèse dans
l'état actuel des choses. C'est une possibilité pour le
gouvernement de faciliter son financement si, pour lui, ça lui
apparaissait la meilleure façon par rapport aux autres
possibilités.
M. LE PRESIDENT: Le député de Lafontaine.
M. LEGER: Le député de Gouin avait demandé la
parole avant moi. Mais, je vais parler après lui.
M. LE PRESIDENT: Le député de Gouin.
M. LEGER: Est-ce que je pourrai parler après lui par exemple?
M. JORON: Si vous le permettez, M. le Président, je voudrais
revenir à des questions qu'on avait évoquées cet
après-midi. Je rappelle très brièvement quelle
était notre position fondamentale. Avant même de s'engager dans
une série de questions techniques et complexes,
en rapport direct avec le projet de la baie James, je voudrais si
c'est possible établir, à une étape
antérieure, à partir de quels critères on a fait le choix
en premier lieu, à partir de quelles études. Je pense que c'est
le point fondamental que nous avons à vider.
Je veux bien croire, comme le disent brièvement les rapports des
deux firmes d'ingénieurs, que la baie James est rentable comparativement
aux autres systèmes de production. On voudrait savoir à partir de
quoi.
Or, il existe en Ontario à l'heure actuelle, à Pickering,
quatre unités de 500 mégawatts ou 500,000 kilowatts en
construction dont une entre en production cette année même. Quatre
autres de 750,000 kilowatts. Il existe aux Etats-Unis, à la fois en
construction et sur les planches à dessin, un total de 79 millions de
kilowatts de production nucléaire. Environ 3 millions, dit-on, en
Suède. Tous ces gens se sont engagés dans des projets qui, au
total, font 10, 15 et 20 fois la baie James. Il existe, très
certainement, des données précises et factuelles qui nous
permettraient d'établir ce processus de comparaison dont je parle.
La détermination du coût, finalement, c'est un
critère important. Bien qu'il ne soit pas le seul, il faudra
peut-être parler, tout à l'heure, du coût en capital,
c'est-à-dire des immobilisations requises pour différents types
de production électrique. Si on parle du coût de revient, à
titre d'exemple, le réacteur no 2 d'Indian Point de la Consolidated
Edison, dans l'Etat de New York, entre en service cette année
même. Il aura une puissance d'un million de kilowatts avec un coût
de production incluant tous les facteurs, investissements et transmission, de
6.09 mills.
Cette information était obtenue directement de la Consolidated
Edison. De Rochester, Gas and Electric Company, dans l'Etat de New York,
à Ontario, New York, une puissante unité de production de 420,000
kilowatts en service maintenant, depuis peu cependant. Coût de production
5.9 mills.
Ce sont des chiffres connus et qui existent.
M. GIROUX: Je n'ai pas nié ces chiffres. Je vous ai dit que des
gens viennent me voir, tous les jours et m'offrent cela. Mais personne ne me
donne les garanties qu'ils peuvent le faire.
M. JORON: Si vous le permettez, M. Giroux, je voudrais vous
demander...
M. GIROUX: C'est là-dessus que nos études
arrêtent.
M. JORON: En ce sens, il semble que l'Hydro ait considéré
des projets de production d'unités nucléaires dans le sens d'un
"turn key job", c'est-à-dire qu'un entrepreneur vous fournit une
centrale, vous en garantit la livraison...
M. GIROUX: Pas nécessairement. Il fournit une centrale et
s'engage à ce qu'elle fonctionne, ce qui est une chose. Selon le
rendement que cela va donner, il faut qu'il nous fasse un coefficient, avec un
prix de tout.
M. JORON: Est-ce que l'Hydro envisage d'être le gérant de
ses propres travaux, comme il l'est dans l'hydraulique?
M. GIROUX: Non
M. JORON: Est-ce que l'Hydro ne devrait pas l'envisager à court
terme parce que, tôt ou tard, si ce n'est pas cette année...
M. GIROUX: Quand ce sera rentable. A ce moment-là, ce sera aussi
facile d'entrer dans cette production que dans celle de la chaussure.
M. JORON: Estimez-vous qu'un coût de 6.1 ou de 5.9 mills est
rentable?
M. GIROUX: Ce ne sont pas des coûts. Les coûts que vous
donnez sont des coûts qui ont été publiés au moment
du lancement de la construction. Vous ne pouvez pas prouver ces coûts.
Vous ne pouvez pas avancer que ce sont ces coûts-là. Et, personne
n'avance que ce sont ces coûts-là non plus. On dit: Ce sont des
estimations.
M. JORON: Il y a des centrales là-dedans qui sont
terminées et qui sont en production présentement dont on
connaît le coût actuel. Il y a celle de l'Ontario-New York, qui est
en fonction. Elle est entrée en fonction en ce moment. On le
connaît. On sait d'autre part, puisque les investissements sont
terminés, que ça coûte en moyenne entre $130 et $190 par
kilowatt installé. Ce qui est à peu près trois fois
meilleur marché que la baie James.
M. GIROUX: Si vous êtes capable d'avoir des gens qui peuvent
construire ces choses-là chez nous, je vous le répète,
envoyez-les nous, on va les acheter. Mais rendez-les responsables, par exemple.
Pas de questions: On peut... je crois... mais responsables. Et, je m'engage, si
vous avez des gens sérieux avec une garantie bancaire, à signer
un contrat et de recommander à la commission, au gouvernement de le
faire.
M. JORON: Est-ce que ce n'est pas justement la "job" de l'Hydro de les
trouver ces gens-là et de les poser ces machines-là avant...
M. GIROUX: On les a cherchés partout et on ne les trouve pas.
Alors, je n'ai pas tellement de temps à perdre.
M. JORON: On fait nos études, on pose des questions.
M. GIROUX: Je n'ai pas d'objection aux
questions. Mais seulement, il faut être sérieux dans ce
domaine-là. Et le domaine hypothétique, toutes les objections que
vous apportez là, vous n'étiez pas ici, à ce
moment-là . J'ai tout écouté cela en 1966, au moment
de la question des chutes Churchill. Les mêmes arguments, les mêmes
estimations, presque, avec certaines augmentations. Et si nous les avions
acceptés... M. Boyd vous a donné tantôt ce que cela nous
aurait coûté. C'est la raison pour laquelle je regrette de vous
dire qu'au point de vue nucléaire, l'Hydro-Québec ne croit pas
être intéressée d'aucune façon à faire une
étude dans le moment, à moins que nous ayons une offre
substantiellement bien garantie.
M. JORON: Alors, effectivement, c'est cela qui est l'essence de la
question: Les études poussées des coûts nucléaires
n'ont pas été faites et les témoignages de tous ces
gens-là, parce qu'il y a quand même une centaine de millions de
kilowatts...
M. GIROUX: Avez-vous les témoignages écrits, avec les
garanties des coûts?
M. JORON: Non, je ne les ai pas, mais ce n'est pas moi qui dirige
l'Hydro-Québec. Je veux dire: C'est à vous de répondre
à ma question.
M. GIROUX: Non, non, non! Ce n'est pas à moi de répondre
à cette question-là. Ce n'est pas à moi d'aller fouiller
dans les affaires de la Consolidated Edison.
M. JORON: C'est à vous de choisir de faire de
l'électricité le meilleur marché possible, alors, c'est
à vous de savoir ce que les autres font, pour savoir les
coûts.
M. GIROUX: C'est ce que nous faisons, quand je crois leurs chiffres, il
faut que je les aie bel et bien certifiés.
Or, lorsque vous comparez ce système américain, est-ce que
vous avez une garantie que le gouvernement canadien permettra
l'importation?
M. JORON: C'est un problème d'ordre politique.
M. GIROUX: Oui, mais c'est un problème...
M. JORON: ... et il appartient au gouvernement de le
résoudre.
M. GIROUX: Il ne s'agit pas d'être de mauvaise foi, mais, d'un
autre côté, il faut être sérieux et pratique. Si
quelqu'un essaie d'être pratique dans l'actuel, c'est nous. Alors, on ne
veut pas engager la province. C'est un programme qui, en 1985, au point de vue
de l'investissement, n'a peut-être pas une différence de plus de
10 p. c. ou 12 p. c, même au prix que vous donnez là. Vous n'avez
pas pris les réserves et vous n'avez rien pris. A ce moment, qu'est-ce
que cela nous donnera, si cela ne fonctionne pas? Il faut emprunter le
même montant d'argent. En hydraulique, nous avons des systèmes
établis. On peut se tromper, en partie dans l'évaluation. Mais
là, où on ne se trompe pas, c'est sur la retombée
économique au pays et ce que ça donne.
M. JORON: Vous dites: Si ça ne fonctionne pas, j'imagine que si
on est en train d'en mettre en chantier, dans le monde, pour une centaine de
millions de kilowatts, il devrait y avoir de ces expériences-là,
des témoignages à recueillir. Vous dites aussi: De toute
manière pour arriver à une différence dans le coût
total de 10 p. c. à 12 p. c. et avoir investi le même montant
d'argent. Ce qui n'est pas le cas. Dans le cas de la centrale de type
américain, et étant donné les recherches qui se font en
Hollande qui peut-être permettront d'arriver à un coût de 30
p. c. à 40 p. c. meilleur marché qu'avec l'uranium enrichi,
là on baissera le prix.
M. GIROUX: Votre théorie est là. Toutes les recherches qui
se font en Hollande devraient amener et ça fait cinq ans qu'on en
entend parler de ça ça devrait amener. C'est une chose que
je laisse totalement au soin du gouvernement. Si le gouvernement veut faire des
programmes avec des choses qui devraient amener le gouvernement peut
passer les lois qu'il veut je n'ai pas d'objection à ça.
Mais honnêtement, je ne peux pas recommander cette chose-là.
M. JORON: Une toute petite remarque...
M. SAINT-PIERRE: Le député de Gouin semble avoir un grand
intérêt pour l'énergie nucléaire. Il me semble que
c'est un fait relativement connu. On peut demander à des experts de
l'Hydro-Québec qui ont suivi des conférences techniques:
Qu'est-ce qui s'est dégagé au cours des dernières deux
années, touchant l'énergie nucléaire? Après un
mouvement, où en 1966 on pouvait être optimiste, on pensait que,
dans un deuxième tour, les coûts seraient substantiellement plus
bas. On s'est aperçu que dans un premier temps les compagnies avaient
tenté de se mettre le pied dans la porte vers une nouvelle forme
d'énergie, mais dans un deuxième temps ils ont voulu faire des
profits raisonnables. Les hausses substantielles qu'on a enregistrées
dans les offres, ont fait que généralement dans les
conférences techniques c'est un point qui ressort de
l'énergie nucléaire, sans la condamner à tout jamais, il
est évident qu'elle aura un jour son temps. On ne peut pas parler pour
1970 ou 1971 des prix dont vous venez de parler...
M. JORON: Mais suite à ce que vous venez de dire...
M. SAINT-PIERRE: Il y a aussi les difficultés sur le plan
technique. Vous citez Pickering. Si on avait quelqu'un ici de l'Hydro-Ontario,
on pourrait demander exactement ce qui arrive avec Pickering par rapport aux
dates de mise en service, par rapport à ce qu'on s'attend, par rapport
aux coûts. Où prenez-vous ça? Demandez à votre
service de recherches ce qui est arrivé à la commission
parlementaire en Ontario. Il va vous le dire. Ils ont témoigné il
y a trois mois. C'est de notoriété publique.
M. GIROUX: Justement, à ce sujet-là, si vous me
permettez.
M. JORON: Comme le dit M. Giroux.
M. LE PRESIDENT: Le député de Gouin a la parole.
M. JORON: Si, comme le disait M. Giroux, des gens vous proposent de vous
installer des centrales nucléaires qui certifient leur coût, ne
croyez-vous pas qu'on devrait demander qu'ils viennent témoigner pour
savoir quel coût ils peuvent nous avancer?
M. GIROUX: A tous ces gens qui sont venus me voir pendant quatre ans
à ce sujet je vous donne ma parole j'ai demandé des
garanties bancaires. Ils ne sont jamais revenus. J'ai plus de pratique que
ça dans la vie. J'ai tout vu ça, ces affaires-là. Cela
fait 35 ans que je suis dans la rue Saint-Jacques. Ce n'est pas la
première fois que je me faisais conter une menterie. En fait, c'est une
question habituelle chez nous, dans ces choses-là.
On dit qu'on a des gens qui ont suivi les choses. On a deux
ingénieurs à la commission, ici. S'ils veulent émettre
leur opinion sur ce qui se passe au sujet de l'énergie
nucléaire... Allez-y, M. Boyd.
M. LE PRESIDENT: Le député d'Abitibi-Est.
M. BOURASSA: Si vous permettez, M. Boyd pourrait éclairer des
questions justifiées du député de Gouin. M. Boyd pourrait
donner son point de vue.
M. BOYD: Premièrement, Pickering est très en retard dans
son programme. L'Hydro-Québec ne peut pas se permettre les retards que
Pickering a eus. Cette année on a fait des ventes importantes
d'énergie excédentaire qui ont fait notre affaire parce qu'on
avait de l'eau en quantité. C'est grâce au retard de Pickering
qu'on a fait cet argent. Nous ne voulons pas être dans cette
position-là. Premièrement, les prix de $160 et de $180 qu'on vous
a donnés, c'est peut-être des prix qu'on vous donne comme
ça. Nous, nous savons que c'est beaucoup, beaucoup plus que ça.
C'est basé sur des prix pour quelque chose qui devait entrer en service
il y a deux ans ou trois ans, et qui va l'être sous peu. Nous parlons de
centrales nucléaires. Vous voudriez qu'on fasse des centrales
nucléaires au lieu de la baie James qui produirait en 1978 ou en 1985.
Nous avons également des renseignements au sujet de ce que
l'Hydro-Ontario pense que le nucléaire va lui coûter en 1980.
C'est avec ça que nous faisons nos estimations.
Ce sont des chiffres qu'eux-mêmes ne donnent pas.
On ne peut pas les donner, mais on les obtient pour nos renseignements.
Les américains, vous dites qu'ils ont 79 millions de kilowatts en
construction, il faut bien les comprendre, c'est parce qu'ils n'ont pas autre
chose. Où voulez-vous qu'ils se tournent? Ils ont le thermique
conventionnel et ils ont le nucléaire. Du côté thermique
conventionnel, ils sont pris avec les Irakiens et les Iraniens et tout ce que
vous voulez, ce qui fait augmenter le coût du mazout. Il y a quelques
années, le mazout leur coûtait 30 cents le million de BTU.
Actuellement, il leur coûte $0.50, bientôt $0.60 et ils
prévoient $0.70.
C'est ça le côté thermique. Ils ont à
rencontrer des prix de mazout qui passent en moins de dix ans, de $0.30
à $0.70. Ils ont en plus tous les adversaires de la pollution. Donc,
vers où se tournent-ils? Ils se tournent vers le nucléaire, il
faut bien qu'ils en fassent. Vous parlez des "import" à 6 mills, ils
seraient les plus heureux du monde s'ils les avaient parce qu'ils sont
obligés d'avoir des barges sur la rivière Hudson pour rencontrer
leur pointe d'été qui leur coûte environ 20 mills le
kilowatt-heure.
M. JORON : Big Harris est en difficulté?
M. BOYD: Oui, ils vont avoir bien d'autres difficultés avec leur
unité d'un million de kilowatts. Si elle commence cet été,
ça leur est permis temporairement pour éviter des pannes durant
l'été. Ils n'ont pas encore leur permis pour exploitation
régulière. Où en sont-ils avec ça? Et le prix de
six est tout à fait faux en ce qui concerne les renseignements qu'on a.
N'oubliez pas non plus que quand vous avez des centrales nucléaires,
l'Hydro-Ontario et toutes les compagnies américaines qu'on rencontre,
doivent prévoir 30 p. c. et 35 p. c. de réservé. Il faut
ajouter au prix, 30 p. c. et 35 p. c, tandis que dans l'hydraulique, on peut se
contenter d'environ 5 p. c. et 10 p. c. de réserve. C'est de l'argent,
ça aussi.
M. BOURASSA: Est-ce que M. Boyd peut terminer? Je pense qu'il est bien
placé pour répondre. Tantôt M. De Guise pourra
également ajouter ses commentaires.
M. LEGER: Est-ce que le premier ministre serait rendu président
de l'assemblée?
M. BOURASSA: Non, je fais une suggestion bien
démocratiquement.
M. LEGER: Alors, je l'accepte démocratiquement.
M. LE PRESIDENT: Le président pense comme le premier
ministre.
M. BERTRAND: Il protège sa droite.
M. BOYD : Au sujet du nucléaire, on n'est pas objecteur de
conscience, mais si vous regardez les commentaires de notre Institut de
recherche, M. Boulet, M. Cloutier, sont des docteurs qui ont fait des
études assez avancées.
Ce sont des gens qui voyagent à travers le monde, constamment,
pour des rencontres, au plus haut niveau dans le domaine de la recherche. Si
vous lisez la note de M. Boulet, vous comprendrez que si on peut attendre dix
ans, il y a tout avantage, pour nous, au Québec à faire faire les
expériences par les autres et à en profiter. On ne se tient pas
à l'écart. On ne dit pas: N'y touchons pas. Ce n'est pas la chose
à faire en ce moment. Le système nucléaire, qu'il soit
canadien, américain, anglais, ou français parce que les
Français ont eu également de mauvaises expériences
que ce soit l'un des quatre ou que ce soit celui de la Suède, est un
système transitoire. Ce sont les seuls sur générateurs qui
vont remplacer cela. Ils sont censés donner de l'énergie qui sera
potable, dit-on. Mais, ce n'est pas prévu avant 1985, 1990.
M. LEGER: Est-ce que je pourrais vous poser une question, M. Boyd?
M. BOYD: Oui.
M. LE PRESIDENT: Je voudrais qu'on laisse M. Boyd terminer son
exposé.
M. LEGER: Mais c'est sur ce sujet précis.
M. LE PRESIDENT: Prenez des notes, on y reviendra ensuite. M. Boyd
complétera son exposé.
M. BOYD: Alors, on n'est pas contre les nucléaires, loin de
là. On a des ingénieurs qui ont passé plusieurs
années avec Atomic Energy. Il y en a d'autres qui exploitent
présentement la centrale de Gentilly. On sait ce qu'elle nous
coûte, la centrale de Gentilly. On croit qu'on ne peut pas se lancer dans
le nucléaire et avoir du retard lorsqu'on a besoin de rencontrer la
demande de la province. On ne peut pas se lancer dans l'aventure, non plus.
M. LE PRESIDENT: Alors, je demanderais, s'il vous plaît, à
M. De Guise maintenant et ensuite on reviendra aux questions.
M. DE GUISE: Je vais essayer d'éviter de répéter
certains des arguments avancés par M. Boyd sur lesquels je suis
entièrement d'accord. Je vais essayer de prendre un autre approche.
Je me demande si on ne pourrait pas dégrossir le problème.
Posons l'hypothèse qu'avec les renseignements que nous possédons
et avec la précision des estimations qu'on peut obtenir, qu'ayec les
deux disons c'est peut-être en dedans de la précision de
nos estimations il n'en resterait pas moins que l'énergie
hydraulique a des avantages définis. Au point de vue de la
fiabilité, par exemple, notre expérience et l'expérience
de plusieurs autres indiquent que les centrales hydro-électriques sont
de beaucoup plus fiables. Elles ont beaucoup moins d'arrêts
imprévus que les centrales thermiques ou nucléaires. Un second
point: les retombées économiques pour la province. Oh y fera
peut-être allusion davantage tout à l'heure. On peut avoir des
opinions variées sur la proportion, mais il est clair que
l'énergie hydraulique a des retombées économiques beaucoup
plus grandes au Québec.
Le troisième facteur, c'est la protection contre l'inflation. Une
fois la centrale construite, on a un coût fixe d'exploitation ou à
peu près, parce que la main-d'oeuvre, comme quelqu'un le disait tout
à l'heure, représente très peu dans l'exploitation des
centrales hydro-électriques. Par contre, le nucléaire, bien que
le coût du combustible soit relativement plus faible que celui du
thermique, n'est pas négligeable. Le combustible nucléaire
canadien coûte peut-être à peu près 1 mill et une
fraction du kilowatt-heure. Celui du procédé américain, de
2.15 à 2.25. Il n'existe pas de garantie actuellement, à savoir,
comment évoluera le coût du combustible dans l'avenir.
Alors, vous avez trois facteurs sur lesquels chacun a son
appréciation, établir une valeur. De toute évidence,
l'accumulation de ces trois facteurs donne un poids assez considérable
en faveur de l'énergie hydro-électrique. Maintenant, je voudrais
revenir sur les fameuses questions d'estimation.
Quand on obtient un chiffre ou qu'un chiffre est cité dans un
article, il faut faire bien attention à ce qu'il contient et à ce
qu'il ne contient pas. Pour vous donner certaines proportions, je vais prendre
un exemple, remarquez que pour le thermique c'est de très près la
même chose. Quand on examine, qu'on dissèque le coût d'une
centrale nucléaire, ce que les Américains voient souvent dans
leurs revues ce qu'on appelle des "base construction costs"
coûts de construction directs et indirects cela figure pour
à peu près 50 p. c. ou 55 p. c. du total.
Les frais d'escalation ou d'escalade, en français
il ne faut pas les oublier qu'on est rendu à parler d'une
période de huit ans entre la décision de construire une centrale
et la date à laquelle on la met en service qu'on peut faire
toutes sortes de suppositions sur les frais d'escalade durant cette
période-là. Si on prend quatre, cinqu ou six ans, ça fait
toute une différence. Je regarde des chiffres qui viennent des
Américains: en moyenne, on voit que
l'escalade y compte pour à peu près 24 p. c. ou 25 p. c.
du coût total. Vous avez une marge d'indécision ou
d'imprécision qui est laissée au jugement de celui qui fait
l'estimation.
Les frais d'intérêt comptent pour à peu près
15 p c. au total; encore une fois, selon certaines utilités. On a
intérêt, par exemple, à montrer un coût bas. Au lieu
de prendre le taux d'intérêt de l'argent qu'elles empruntent,
elles vont prendre le taux d'intérêt moyen de toute l'entreprise.
Cela fait une différence.
Tout ceci pour vous dire que lorsqu'on examine les coûts d'une
centrale nucléaire, il faut faire bien attention aux hypothèses
qui ont été posées à la base et c'est ce qui est
difficile à obtenir. On peut lire toutes sortes de résultats un
peu partout mais ce n'est pas si fréquent qu'on nous donne le
détail et les hypothèses de base.
S'il y avait d'autres questions, ça me ferait plaisir d'y
répondre.
M. LE PRESIDENT: Le député de Lafontaine.
M. LEGER: Il y a une question que je voulais poser probablement autant
à M. De Guise qu'à M. Boyd. Etant donné que la compagnie
Brinco a proposé dernièrement au gouvernement
fédéral, d'installer un projet de $1 milliard avec la technologie
nucléaire et que c'était quand même un partenaire de
l'Hydro l'Hydro y a des actions je pense, pour les chutes
Churchill...
M. GIROUX: Pas dans la Brinco.
M. LEGER: Pour les chutes Churchill?
M. GIROUX: Pas dans la Brinco, dans Churchill Falls.
M. LEGER: ... dans Churchill Falls. Elle est partenaire dans Churchill
Falls. Etant donné qu'ils sont prêts à se lancer dans le
domaine nucléaire et à investir près de $1 milliard,
est-ce que, si c'est bon pour Brinco, on doit rejeter du revers de la main
quelque chose qui peut être bon pour nous, si elle est prête
à investir un tel montant?
M. DE GUISE: Remarquez que le projet auquel vous faites allusion est un
projet de production d'uranium enrichi.
M. LEGER: Enrichi. C'est ça.
M. DE GUISE: Disons tout de suite que je pense qu'il ne fait pas de
doute dans l'opinion de la plus grande partie des ingénieurs ou des
techniciens, que le nucléaire est la solution éventuelle. On
viendra au nucléaire parce que nous aussi nous aurons
épuisé nos ressources hydrauliques. Dans les pays qui ont
déjà, comme les Etats-Unis, on mentionnait l'Onta- rio
à s'en servir je crois personnellement que, entre le thermique et
le nucléaire, ils vont à l'avenir favoriser le
nucléaire.
Il y a donc positivement un marché pour de l'uranium enrichi dans
les pays où l'on se sert de ce procédé. Je pense que
ça peut expliquer pourquoi la compagnie Brinco s'intéresse
à la fabrication d'uranium enrichi. Il est prévu dans le monde
je crois, que c'est autour des développements actuels que
vers 1980, les sources existantes d'uranium enrichi devront être
augmentées. Je crois que c'est ce qui intéresse la compagnie
Brinco.
M. LEGER: Maintenant, si en 1980 c'est l'énergie de l'avenir et
que l'Hydro-Québec n'aurait pas, en même temps,
amené...
M. DE GUISE: Un instant, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit.
Je dis qu'en 1980 les pays qui utilisent l'uranium enrichi, comme les
Etats-Unis ou beaucoup de pays d'Europe, auront besoin de sources
additionnelles d'uranium enrichi. Mais pour une région comme la province
de Québec où il y a des ressources hydrauliques, cette date
où il y aurait de l'intérêt pour les procédés
nucléaires est peut-être beaucoup plus reculée.
M. LEGER: A ce moment-là, si l'uranium enrichi est plus en
demande, est-ce que l'Hydro-Québec ne sera pas un peu en arrière
au niveau des processus qui seront en opération un peu partout dans le
monde?
M. DE GUISE: Remarquez que tant qu'on n'est pas dans la question des
armements, les procédés commerciaux s'apprennent assez vite. Il y
a des échanges. Si l'Hydro-Québec, à un moment
donné, décide de se lancer en nucléaire, elle n'a
qu'à envoyer des ingénieurs en stage un peu partout où il
se produit du nucléaire et où on en utilise.
C'est un argument, mais ce n'est pas un argument aussi
prépondérant. Si vous voulez, entre sacrifier peut-être des
centaines de millions de dollars en ne profitant pas de l'énergie
hydro-électrique actuellement, et dépenser quelques millions de
dollars pour entramer des ingénieurs quatre ou cinq ans avant la date
requise. Il y a une marge assez grande.
M. LE PRESIDENT: Le député de Verchères.
M. SAINT-PIERRE: Cet après-midi on a établi que
procéder au harnachement des rivières de la baie James, cela
n'exclut pas que pendant cette période de dix ou douze ans...
M. JORON: Mais non, on parle de rester à la pointe du
progrès avec une technologie et cela n'exclut pas la possibilitté
de réaliser quelques projets de type nucléaire.
M. LEGER: C'est la question qui a amené la troisième.
M. SAINT-PIERRE: La question fondamentale c'est qu'en 1971 face à
des besoins de réseaux qui ont été identifiés, il y
a une décision qui doit se prendre en 1971, compte tenu du thermique et
du nucléaire.
M. LEGER: D'accord, mais la dernière question que je voulais
poser...
M. GIROUX: Je crois qu'on a établi une position très
claire. L'Hydro-Québec n'a pas l'intention d'abandonner l'étude
du nucléaire. L'Hydro-Québec n'a pas l'intention, peut-être
dans cinq ou six ans, de recommencer la construction d'une usine
nucléaire. On n'a jamais mentionné cette chose. Seulement, dans
le moment, je ne crois pas financièrement sensé de penser
nucléaire quand on a ces possibilités à la baie James.
C'est l'opinion de la commission.
M. JORON: On n'en connaît pas le coût encore.
M. LE PRESIDENT: Le député d'Abitibi-Est.
M. GIROUX: Je pense qu'on peut affirmer que l'Hydro-Québec a
déjà fait de l'hydraulique.
M. JORON: Pouvez-vous nous dévoiler une estimation ou un "range"
seulement du coût de production de la baie James?
M. GIROUX: Je n'ai pas compris la question.
M. JORON: Un "range" de prix, un ordre de grandeur sans préciser,
sans vous engager, l'ordre de grandeur de ce que serait en mills
l'électricité qui pourrait sortir de la baie James.
M. GIROUX: En mills, on ne croit pas qu'il est d'intérêt
public de mentionner le chiffre en mills.
M. JORON: En vertu toujours de la question des
négociations...
M. GIROUX: Qu'on peut négocier.
M. JORON: ...et d'exportation. Je trouve curieux quand même quand
nous, on sait le prix que cela coûte à des étrangers, il
est peut-être un peu illusoire de penser qu'eux autres ne le savent
pas.
M. GIROUX: Qui sait le coût?
M. JORON: Un certain nombre dont je vous donnais quelques exemples tout
à l'heure.
M. GIROUX: Vous avez mentionné des rap- ports de journaux. Vous
n'avez pas donné de coûts exacts. Vous êtes loin des
coûts exacts. Vous avez mentionné des rapports de journaux, je
peux vous en donner sept ou huit pages.
M. JORON: Est-ce qu'au moment où ConEd négociait, ou si
négociations il y avait avec Brinco, Churchills Falls en 1966, ils
n'avaient pas une idée fort précise de ce que serait le
coût de revient à Brinco de l'électricité produite?
C'est la base. Il faut se placer de l'autre côté de la table.
C'est la base du gars qui s'en va négocier.
M. GIROUX: Je n'y étais pas. A ce moment-là, ce que je
peux vous dire, avant de passer la parole à M. Boyd, c'est que Brinco
pleure encore de ne pas avoir fait ce qu'elle aurait dû faire pas
Brinco Consolidated Edison. Ils sont allés dans le
nucléaire plutôt que d'obtenir de l'énergie de Churchill
Falls.
M. LE PRESIDENT: Le député d'Abitibi-Est.
M. BOURASSA: Je pense qu'il est important d'écouter les questions
d'un député de l'Abitibi qui est proche de la région de la
baie James.
M. TETRAULT: Merci, M. le Président, je vais changer
complètement le dialogue. Je vais entreprendre un autre sujet. Dans le
territoire de la baie James, est-ce que vous n'auriez pas un certain territoire
à récupérer d'autres personnes, d'autres gouvernements
pour l'aménagement du projet de la baie James?
M. GIROUX: En autant qu'on sache, je pense qu'il appartient à la
province à part la question des Indiens, les réserves
indiennes...
M. BOURASSA: Les Indiens.
M. TETRAULT: Est-ce que vous n'auriez pas une récupération
de territoires à faire?
M. BOURASSA: Avec les Indiens?
M. TETRAULT: Non. Globalement, dans tous les domaines. Pas strictement
les indiens.
M. BOURASSA: C'est territoire québécois, la baie James.
Quant aux Indiens, on va discuter avec eux, je ne crois pas que les Indiens
fassent obstacle au développement de la baie James. J'ai
rencontré M. Gros-Louis, il y a quelques mois. Le ministre des Richesses
naturelles l'a également rencontré.
M. TETRAULT: Est-ce qu'il n'y a pas eu des concessions de territoires
faites dans le projet de la baie James, où cela va être ouvert
précisément?
M. BOURASSA: Des concessions à qui?
M. TETRAULT: A d'autres parties avec qui la province de Québec
aurait fait une entente.
M. BOURASSA: Non. A quoi référez-vous exactement? Je
m'excuse; mais si vous pouviez être un peu plus précis. Il y a eu
la question des terrains qui a été... le ballon a
été facilement... Pardon?
UNE VOIX: La concession...
M. BOURASSA: Mais de quoi parle-t-on là? De quelles concessions
parle-t-on?
M. ROY (Beauce): Voici, je pourrais peut-être préciser, si
le député d'Abitibi-Est me le permet, est-ce qu'au point de vue
militaire, par exemple, à la suite de la dernière guerre, je
pense que la question... je me souviens d'avoir lu quelque chose, d'avoir
entendu dire quelque chose...
M. BOURASSA: Celle de 1940 ou celle de 1914?
M. ROY (Beauce): Ce n'est certainement pas celle de 1760.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce doit être du temps de la guerre des
Boers.
M. ROY (Beauce): Ce que je veux dire, c'est ceci. Concernant les
ententes militaires qui avaient été faites parce que... Il n'y a
pas de bases militaires ou des droits que les Américains auraient, des
caches ou quelque chose comme ça, au sujet desquelles le gouvernement
serait obligé de négocier, soit avec l'Angleterre, soit avec les
Etats-Unis pour être capable d'avoir des droits exclusifs. Il y aurait
certaines ententes pour les droits de passage ou les droits d'installation ou
autres.
M. BOURASSA: C'est la première nouvelle que j'ai que des droits
ou des contrats, des ententes ou des concessions pourraient constituer un
obstacle pour le gouvernement, dans le développement de la baie James.
Je ne sais pas si les responsables de l'Hydro ont eu vent qu'il y aurait eu des
ententes avec... Est-ce que vous parlez de la ligne Dew? De quoi parlez-vous
exactement?
M. ROY (Beauce): De tout cela en même temps.
M. BOURASSA: Vous êtes tellement vague que...
M. ROY (Beauce): Je comprends que c'est vague, mais il demeure que le
gouvernement...
M. BOURASSA: Etes-vous, pour ou contre, le projet de la baie James?
M. ROY (Beauce): On est pour le projet de la baie James, mais à
une condition. Que ce soit profitable pour les Québécois.
M. BOURASSA: Cela...
M. ROY (Beauce): On a posé une question. On pourra
peut-être nous accuser d'imprécision. Mais nous savons que le
gouvernement est très bien documenté. Le gouvernement a tout en
main, toutes les ententes qui auraient pu être signées, les
ententes qui auraient pu intervenir de part et d'autre ou des ententes verbales
ou ailleurs. S'il n'y en a pas, que le gouvernement nous dise: Il n'y en a pas.
S'il y en a, nous aimerions savoir quelle sera l'attitude du gouvernement de
quelle façon le gouvernement pourra remédier ou corriger la
situation.
M. BOURASSA: J'ai répondu au député que,
évidemment, le chef du gouvernement ne peut pas être au courant
absolument de tout ce qui se passe. Mais jamais, depuis un an et quelques
jours, la question qui vient de m'être posée, n'a
été soulevée à l'attention du chef du gouvernement.
Je ne sais pas si les responsables de l'Hydro ont eu connaissance que des
ententes pourraient nuire au développement de la baie James, des
ententes touchant des concessions militaires.
M. GIROUX: Je ne crois pas. Est-ce qu'on veut parler de quelque chose,
comme le "Dew Line"? Il peut y avoir des postes dans le territoire. A ce
moment-là, c'est un peu comme s'il y avait des propriétés.
Cela s'exproprie. Je ne connais pas de... Enfin, à l'Hydro, on ne
connaît pas d'ententes. Le fond de terrain de la province de
Québec, on prétend que cela appartient à la couronne.
M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.
M. LAURIN: Si je regarde votre rapport de l'Hydro, où on dit
qu'on produira 5.3 millions de kilowatts pour une somme de $3.5 milliards, en
faisant le calcul, on arrive à un coût d'immobilisation de $672
pour l'installation d'un kilowatt. N'est-ce pas? C'est assez juste? Ceci ne
comprend pas le coût des lignes de transmission. Donc, il faut ajouter
quelque chose pour les lignes de transmission. De quel ordre, à peu
près?
M. BOYD: $600 millions.
M. LAURIN: $680 millions?
M. BOYD: $600 millions au total du projet.
M. LAURIN: D'accord. Dans votre rapport, vous dites aussi que pour les
centrales américaines, le coût d'immobilisation, pour la
fabrication d'un kilowatt, est de $225. Même si l'on tient compte des
explications données par M. De Guise qu'il faut ajouter les frais du
combustible qui sont plus élevés dans le cas des
centrales américaines, c'est quand même une grosse
différence.
M. GIROUX: Je ne sais pas où vous prenez vos $225.
M. LAURIN: C'est dans votre rapport. M. SAINT-PIERRE: ...
comprendre.
M. LAURIN: Je sais, mais quand même, c'est une donnée de
base quand on dit que le coût d'installation...
M. SAINT-PIERRE: J'aimerais qu'on compare des oranges avec des oranges.
On parle de coût d'installation.
M. LAURIN: Je vais continuer. C'est juste une base de départ.
C'est simplement pour faire remarquer qu'au départ, il y a quand
même une grosse différence.
M. SAINT-PIERRE: On parle de coût pour quelque chose qui sera
installé en 1978. Vous citez des chiffres pour 1968.
M. LAURIN: Dans votre rapport, M. Giroux, vous dites...
M. GIROUX: De quel rapport vous servez-vous?
M. LAURIN: Le rapport brun. Le rapport intérimaire que vous avez
présentement.
M. GIROUX: A la page 25?
M. LAURIN: C'est cela. Les centrales nucléaires subissent aussi
les effets de l'inflation. Le coût des centrales américaines qui
se situe actuellement aux environs de $225 par kilowatt, peut-être
évalué à $350 par kilowatt vers 1980. Cela est une
donnée de départ, n'est-ce pas?
M. GIROUX: C'est une donnée.
M. LAURIN: Vous dites dans votre rapport que cela coûtera plus
cher, au fur et à mesure que les années passeront. Vous
connaissez probablement, M. Boyd, M. De Guise et vous, le docteur Paskievici
qui est le chef de la division du génie nucléaire de
Polytechnique.
Dans un article qu'il écrivait il y a moins de deux ans, ce
professeur disait à la page 6 que l'avènement de l'énergie
d'origine nucléaire n'est pas seulement...
M. BOURASSA: M. le Président, quelle est la
référence? Il parle d'un article...
M. LAURIN: C'est un article présenté... M. SAINT-PIERRE:
Pas contesté.
M. LAURIN: C'est une communication présentée à
l'ACFAS le 8 novembre 1969 par le Dr Paskievici, chef de la division de
génie nucléaire à Polytechnique.
M. BOURASSA: Le 8 novembre 1969, ça fait un petit moment.
M. LAURIN: Cela ne fait même pas encore deux ans!
M. BOURASSA: Cela ne fait rien, depuis ce temps, il est
arrivé...
M. LAURIN : De toute façon, je vais essayer de tempérer
mes affirmations, mais laissez-moi quand même continuer.
M. BOURASSA: Avec plaisir.
M. LAURIN: Donc, M. Giroux, vous dites que ça va coûter
plus cher en 1980. M. Paskievici dit à la page 10 que l'avènement
de l'énergie d'origine nucléaire n'est pas seulement dû
à l'épuisement progressif des ressources traditionnelles
d'énergie, mais aussi au fait qu'elle coûte moins cher et qu'elle
coûtera de moins en moins cher. Je cite un peu plus loin: "La diminution
du coût de l'énergie nucléaire est plus marquée que
celle du coût des autres sources d'énergie, de sorte que l'on
estime généralement qu'à partir de 1980 pratiquement
toutes les nouvelles centrales commandées seront du type
nucléaire. Aux USA en 1967, le coût moyen de production
d'électricité était de 8 mills, on peut donc s'attendre
à ce que ça diminue". La preuve est d'ailleurs dans les chiffres
que vous donnait le député de Gouin tout à l'heure quand
il disait que dans la plupart des centrales ainsi que j'aurai l'occasion
d'en parler tout à l'heure le coût d'immobilisation avait
tendance à diminuer.
M. GIROUX: Parlez-en donc tout de suite, donnez les chiffres.
M. LAURIN: C'est un article de M. Steigelman qui a paru dans "The
Outlook for nuclear power, station capital cost, winter 1969-70", volume 13, no
1.
M. BOURASSA: Quel mois dites-vous? Winter?
M. LAURIN: Ah bien ça!
M. BOURASSA: D'accord, winter, ça fait deux ans.
M. LAURIN: Et, dans le "unit capital cost", on donne la liste d'à
peu près une trentaine de centrales et le coût d'investissement
initial requis pour la production d'un kilowatt; tous les chiffres se situent
entre un maximum de 205 et un minimum de 130. Ce qui semblerait prouver...
M. GIROUX: Des hypothèses.
M. LAURIN: Bien, des hypothèses...
M. GIROUX: Des hypothèses de professeurs.
M. LAURIN: J'en suis, sauf qu'il n'est pas dit, dans l'article
cité ici, "Reactor Technology", que M. Steigelman soit un professeur.
C'est une pièce qu'il faut verser au dossier.
M. PICARD: Elle est définitivement au dossier.
M. JORON: C'est une centrale qui entre en exploitation entre 1971 et
1977.
M. GIROUX: Pour ce qui est de ces chiffres je suis très
respectueux de toutes ces gens, des gens qui font des estimations et qui,
malgré le coût vont entrer en construction. C'est le
système "Nuclear versus fossil fuel generation". M. De Guise est plus
familier avec ces choses-là. C'est une corporation qui fonctionne. Ce
n'est pas hypothétique, ce n'est pas une étude.
M. LAURIN: Il n'y en a pas beaucoup qui fonctionnent.
M. GIROUX: C'en est une.
M. DE GUISE: Est-ce que je peux procéder?
M. LE PRESIDENT: D'accord.
M. DE GUISE: Cela a peut-être de l'intérêt. J'ai ici
des données qui nous viennent de North East Utilities, entreprise qui
opère dans la région de Boston-Holyoke. En passant, ce sont
peut-être des clients éventuels, ce sont des gens qui
s'intéressent à l'énergie de la province de Québec.
Ils ont fait une étude pour leur propre information, en vue de leur
propre décision, entre le fossile et le nucléaire. Ce sont les
deux seules solutions qui s'offraient.
Pour montrer l'évolution: en 1965, en faisant la comparaison du
fossile et du nucléaire chez eux, ils estimaient à 4.6 mills
l'énergie thermique de l'huile qu'on appelle fossile et à 4,24
mills le nucléaire. La même compagnie continue ses estimations un
peu plus loin pour quelque chose qui arriverait en 1970. En 1970, le coût
de production passe à 6.3 pour le thermique à l'huile et à
6.01 pour le nucléaire. Dans une estimation pour 1978 c'est un
rapport qui a été fait en 1970 évalue le coût
de production à 11 mills mais il faut faire bien attention, comme
je vous le disais tout à l'heure, à ce que l'estimation contient
et cela à un facteur d'utilisation de 65 p. c.
M. JORON: Des unités de quelle grosseur? M. DE GUISE: De 1,000
mégawatts. En thermique, 11 mills; en nucléaire à 9.85. La
même compagnie projette plus loin pour 1984.
Elle évalue à 13.10 mills pour le thermique à
l'huile et à 13.70 mills pour le nucléaire. Maintenant, il y a
d'autres considérations.
M. LAURIN: Oui, ça c'est une compagnie comme je le disais tout
à l'heure. J'en ai une autre qui vient de février 1971 et qui a
paru dans le "Nuclear News". Les chiffres sont tirés de Edison Electric
Institute Report of the IIA Assesment Panel, New York. Dans ce rapport, nous
voyons que pour 1975 le coût total prévu est de 6 à 7 p. c,
pour 1980, le coût pour le LWR se situerait entre 4.7 p. c. et 5.5 p. c.
et le HTGR entre 4 et 4.8 p. c. Cela a paru dans le "Nuclear News". C'est le
coût en mills, le coût de revient. C'est l'eau naturelle ou l'eau
lourde.
M. DE GUISE: Cela revient à plus que ce que je disais tout
à l'heure. Lorsqu'on obtient des chiffres, je ne suis pas prêt
à dire que c'est la bible mais peut-être pas ce que vous avez non
plus à moins d'avoir une analyse absolument détaillée
où l'on couvre une multitude de facteurs.
M. LAURIN: M. De Guise, j'ai aussi un autre rapport qui vient d'un cours
qui est donné en polytechnique actuellement à la division de
génie nucléaire et qui essaie de rassembler les données
qui sont éparpillées ce soir. Dans ce cours, on dit que le
coût en énergie en mills par kilowatt des centrales
nucléaires actuellement se situe autour de 5.2 p. c, et de 5.9 p. c.
avec un coût de construction en kilowatts qui varie entre 150 et 250 et
le coût capital variant entre 3 et 5. L'exploitation et l'entretien
restant passablement stables entre 0.4 p. c. et 0.5 p. c, le combustible
variant entre 1.5 p. c. et 1.9 p. c.
M. DE GUISE: Si vous me permettez, tout de suite à la lecture de
ce que vous me donnez, d'abord est-ce les coûts actuels et peut-on les
comparer à la baie James?
M. LAURIN: Ce sont les coûts pour 1970 pour des tranches de mille
mégawatts.
M. DE GUISE: Vous voyez tout de suite qu'il faut ajouter au moins huit
ans d'escalation à 4 ou 5 p. c. si vous voulez vous rendre
à...
M. LAURIN: C'est évident que cela va prendre sept ans à
bâtir une centrale nucléaire comme cela va vous prendre six ou
sept ans à bâtir une centrale hydro-électrique. Je sais que
le coût varie moins pour l'hydro-électricité. Vous
remarquerez que l'on part d'un coût d'investissement au départ
beaucoup plus faible que les $672 dont je parlais tout à l'heure pour la
baie James auquel il faut ajouter également le coût des lignes de
transmission.
M. DE GUISE: Si j'en reviens à l'exemple que vous me donnez. Il y
a d'abord la correction d'escalation, huit ans à 5 p. c. plus ou moins
à intérêt composé cela fait peut-être 40 ou 45
p. c...
M. LAURIN: C'est une présomption quand même. On peut avoir
un progrès technologique dans le sens positif et pas uniquement
négatif.
M. DE GUISE: Oui, un miracle.
M. LAURIN: Il y a également un autre facteur. Quand les
médecins ont commencé à donner de la pénicilline,
c'était $40 les 250cc, maintenant c'est $0.60. C'est entendu qu'à
force de travailleur sur un sujet, le coût va diminuer.
Pourquoi prévoir que cela va toujours être pire quand il y
a tellement de chercheurs qui travaillent là-dessus?
M. BOURASSA: On a dit, cet après-midi,... M. LAURIN: Ne changez
pas de sujet.
M. BOURASSA: C'est dans le sujet, M. le Président, s'il y avait
un "break through", s'il y avait une trouée dans les...
M. LE PRESIDENT: Vous pourrez faire vos commentaires après.
M. LAURIN: J'ai une autre étude...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. le Premier ministre a quelques
mots...
M. LAURIN: S'il a un commentaire à faire, il pourra le faire
après, d'autant plus que c'est à ces messieurs que je pose la
question.
Pour 1980, pour des études faites par Laing. Laing est un nom
fameux dans le domaine, vous le connaissez autant que moi. On s'attend à
un coût de production de l'ordre de 2.5 mills par kilowatt tandis qu'en
l'an 2,000 le coût pourrait bien descendre à 1.5 mill. Justement,
ces gens prévoient que le progrès technologique peut aller vers
une diminution plutôt que vers une augmentation des coûts.
Je ne dis pas que c'est vrai. Je dis simplement que c'est une
donnée dont il faut tenir compte.
M. DE GUISE: Ce n'est pas impossible. Mais, on demeure devant la
réalité que depuis 1964 où il a commencé à y
avoir du nucléaire en quantité l'escalade des prix est
passée de $150 ou $160 le kilowatt à $300 ou $350. On parle de
$400 pour la fin de 1970. Il faut tout de même admettre que malgré
toutes les expectatives, le prix a plus que doublé et il semble que cela
va tripler d'ici à 1980, à moins qu'il y ait une
découverte un peu sensationnelle.
M. SAINT-PIERRE: C'est peut-être un des types qui a visité
M. Giroux à son bureau.
M. LAURIN: Peut-être, je ne sais pas.
M. GIROUX: Ce sont des gens qui sont venus me voir avec des
données de chez Laing. Alors, les données de chez Laing sont des
données publiques, les gens sont retournés mais ne sont jamais
revenus. Il y a une différence entre garantir un prix sur une chose qui
est hypothétique comme le nucléaire, et s'attendre à ce
que ça coûte tant. Quand vous serez engagé dans ce
programme-là, et que vous aurez dépensé $500 millions, et
qu'il n'y aura pas de jus, les autres $500 millions, vous serez bien
obligé de le dépenser.
M. JORON: Ce n'est pas que je veuille prouver que vous devriez
construire du nucléaire, c'est simplement que je veux dire qu'il y a des
études diverses qui nous donnent une idée des coûts...
M. GIROUX: Il y a des coûts...
M. JORON: ... qui ne sont peut-être pas aussi pessimistes...
M. GIROUX: Non, ce n'est peut-être pas aussi pessimiste. Mais
seulement j'en ai bien vu jusqu'à maintenant, et je suis le type le plus
ouvert pour considérer quelque proposition que ce soit. Seulement, c'est
un peu comme dans mon métier depuis 25 ou 30 ans, il y a toujours
quelqu'un qui vient, vous offrir $200 millions pour la province et c'est
toujours à 6 p. c. quand le marché est à 8 p. c.
M. LAURIN: Mais, devant ces chiffres-là...
M. GIROUX: Alors, ces choses-là, je veux les voir, je veux...
M. LAURIN: Devant ces chiffres-là, est-ce que ça ne montre
pas la nécessité d'études aussi approfondies que celles
que vous menez depuis 1964 sur le projet de la Baie James?
M. GIROUX: Je suis bien prêt à ce qu'on fasse des
études approfondies, mais je veux que les autres les fassent, que les
autres fassent les dépenses.
M. LAURIN: Mais pourquoi pas vous?
M. GIROUX: Pourquoi le dépenser, nous? On va faire des
études coûteuses, le temps va s'écouler, et si ça ne
marche pas, on n'a rien de positif là-dedans. C'est ça qu'il faut
comprendre. Si on avait quelque chose de positif, dans le fond, au Canada,
parce qu'après tout il faut parler du Canada, le seul projet qui n'a pas
eu de grandes difficultés en partant, c'est notre petite usine, notre
projet-pilote, de Gentilly.
M. LAURIN: C'est un projet-pilote.
M. JORON: Pendant que les études se font, faites la Moisie et le
Bas Saint-Maurice, ça vous donne deux ans de répit.
M. GIROUX: Ecoutez, c'est des choses qui coûtent excessivement
cher. Si l'on suivait cette politique-là avec des données comme
vous les énoncez, je crois que je retirerais carrément la
possibilité de financer toute l'affaire, parce que je ne suis plus
capable d'aller vendre un financement aussi grand que ça sur des
hypothèses.
Si on prend une compagnie comme North East qui s'en va là-dedans,
qui a tous ces gens à sa disposition, est-ce qu'elle est prête
à acheter des choses à des prix assez sensationnels parce que
c'est ces prix-là qu'ils nous ont envoyés? Vous voulez que ces
gens-là soient intéressés à acheter
l'énergie de nous à des prix qui peuvent battre leurs
données, et qui vont pouvoir faire les 1/6 mills? Voyons! Je crois que
ce sont des gens d'affaires qui sont plus sérieux que ça.
M. JORON: Pour en revenir à ce que l'on disait cet
après-midi.
M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'ai nettement
l'impression que le problème est actuellement mal posé, et qu'on
se livre à des exercices académiques, des exercices
d'école...
M. JORON: On va faire des exercices de stylistique à la
place.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): En citant des chiffres d'experts, de
prétendus experts et patati et patata. Le problème doit se
ramener à des dimensions réalistes, pratiques. Nous avons en face
de nous M. le président de l'Hydro-Québec et ses collaborateurs
qui ont quand même les pieds sur la terre, c'est le cas de le dire.
Même s'ils installent des choses en l'air, ils ont les pieds sur la
terre. Alors, la question pour nous, en tant que membres de la commission,
c'est de savoir, et je crois que M. le président de
l'Hydro-Québec y a répondu cet après-midi, c'est de savoir
si, dans l'état actuel de la recherche, il est plus avantageux pour le
Québec, selon les recommandations et rapports de l'Hydro-Québec,
de procéder à des aménagements hydro-électriques
plutôt que de se lancer dans le domaine de l'énergie
nucléaire dont on ne sait pas encore quels pourront être les
coûts, et la preuve en est, la preuve nous en est administrée
justement par l'avis très partagé des experts qu'on cite et qu'on
appelle à la barre comme des témoins infaillibles. Alors, je
répète la question que je posais cet après-midi à
M. le président de l'Hydro-Québec:
Compte tenu des hypothèses concernant les coûts dans le
domaine de l'énergie nucléaire, compte tenu des recherches qui
ont été faites en ce qui concerne les aménagements de la
baie James, compte tenu d'autre part, des besoins du Québec en
matière d'électricité d'ici 1982, est-ce que le
président de l'Hydro-Québec peut nous dire encore une fois que la
meilleure solution dans les circonstances, c'est de procéder à
des aménagements hydro-électriques, sous toutes réserves
évidemment que l'Hydro-Québec poursuive ses recherches dans le
domaine de l'énergie nucléaire en collaboration avec tous les
organismes et tous les pays qui jusqu'à présent ont poursuivi des
recherches qui ne semblent pas avoir donné les résultats dont
certains experts nous disent qu'ils sont miraculeux? Je crois que c'est ramener
le problème à ses dimensions exactes, puisque la commission ne
peut pas passer tout son temps à étudier des documents, des
communications de professeurs à des sociétés savantes
etc.. des éditoriaux de journaux, alors j'aimerais que le
président de l'Hydro-Québec nous résume cette affaire dans
les termes que j'ai posés.
M. LAURIN: M. Tremblay, est-ce que je pourrais vous poser une question
après?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, vous pouvez me poser une question.
M. LAURIN: Mais si les études sur le nucléaire avaient
été aussi fouillées, complètes et
documentées que les études sur la baie James, on n'aurait pas
été obligé de présenter ce...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, voici, M. le Président, à
la question du député de Bourget, je répondrai ceci:
Monsieur le président de l'Hydro-Québec, cet après-midi,
nous a indiqué de façon très nette qu'ils ont poursuivi
des recherches dans le domaine de l'énergie nucléaire, ils ont
examiné...
M. LAURIN : Non, je n'ai pas dit cela.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Un instant, ne vous excitez pas, vous
n'êtes pas à la télévision.
UNE VOIX: C'est une affirmation gratuite.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): On a poursuivi des recherches dans le domaine
et on a examiné les coûts comparatifs...
M. LAURIN: Les informations, pas les coûts.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ...et les conclusions auxquelles
l'Hydro-Québec en est arrivée sont dans le sens des propositions
que nous a faites cet après-midi M. Giroux, le président de
l'Hydro-Québec. Je lui demande encore une
fois de nous dire, si en toute sécurité, compte tenu de
l'état de la recherche actuelle, le Québec est mieux de s'engager
dans des aménagements hydro-électriques à la baie James
plutôt que de se lancer dans une aventure qui serait un inventaire des
possibilités de l'énergie nucléaire.
M. SAINT-PIERRE: Pareille aventure pourrait nous amener à nous
éclairer à la chandelle !
M. JORON: On pourrait sauver trois milliards...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): On abordera le problème de
l'investissement, on l'abordera d'une autre façon.
M. GIROUX: Avant d'entrer dans ce domaine, je crois qu'il y a certains
éclaircissements que M. Boyd pourrait apporter sur cette
partie-là.
M. BOYD: M. le Président, M. De Guise tout à l'heure, a
mentionné le rapport de l'étude faite par Northeast Utilities, on
a dit c'est une entreprise, je voudrais ajouter quelque chose d'assez important
sur cela. Premièrement, cette étude a été
corroborée par une autre compagnie qui s'appelle Niagara Mohawk qui
avait, elle, fait des études en coopération avec Stone &
Webster, une des plus grosses firmes aux Etats-Unis en génie conseil et
avec Jackson & Moreland Division of United Engineers & Constructors
Pour ceux qui sont dans ce domaine, on sait ce que cela veut dire
et par Bechtel Corporation et l'étude est intitulée: Trends in
the costs of Light Water Reactor Power Plants for Utilities, dated May 1970. Ce
ne sont pas les chiffres dont parlait M. De Guise tout à l'heure, ce
n'est pas l'histoire d'une entreprise, c'est l'histoire d'une étude
complète faite sur le problème aux Etats-Unis. Vous parlez de
prix de 160, de 180, de 120 et toutes sortes de choses semblables. Nous, on a
eu des offres, ici même au Québec, d'Atomic Energy qui sont loin
d'être cela. Ils ont fait des offres également qui sont connues du
public pour vendre une centrale nucléaire en Australie. Si vous voulez,
vous pouvez obtenir ce prix-là et c'est un prix établi pour une
centrale qui sera en opération dans quelques années, donc sans
exagération... après 1975...
M. LAURIN: Le système Candu qui est plus cher que le
système américain.
M. BOYD: Il est plus cher d'investissement, mais beaucoup moins cher
d'exploitation.
Pour l'uranium enrichi, vous savez, qu'il faut investir $1 milliard,
pour produire, en 1980, moins d'uranium enrichi annuellement qu'il n'en faut
actuellement. Le coût de l'uranium enrichi est très
élevé dans le coût du combustible. Donc le coût
d'exploitation est aussi élevé que celui du système
canadien. Seulement, le problème du système canadien c'est l'eau
lourde qu'on ne trouve pas. Au point de vue des investissements, j'ai toute
confiance dans cette étude qu'a mentionnée M. De Guise. Je
voulais simplement ajouter que c'était un ensemble de compagnies,
d'ingénieurs-conseils, de constructeurs et de plusieurs compagnies,
opérant aux Etats-Unis.
M. LE PRESIDENT: Le député de L'Assomption.
M. PERREAULT: M. le Président, vous êtes accompagné
du directeur général de la construction. Pourrait-on savoir, sur
le projet de la baie James, quelle serait la masse salariale qui serait
payée dans le projet ainsi que la retombée industrielle dans la
province de Québec, comparée, par exemple, à un projet
thermique?
M. LAURIN: M. le Président, j'aurais une autre question sur la
comparaison nucléaire. Je ne sais pas si vous voulez qu'on
élimine ça avant.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, si vous me
permettez...
M. GIROUX: M. le Président, je pense que c'est M. le
député de Chicoutimi, M. le député de
l'Assomption.
M. PERREAULT: D'accord, on y reviendra.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai posé une question tout à
l'heure, M. Giroux. Maintenant, j'aimerais y ajouter ceci: Vous avez dit que,
compte tenu avec ce que vous savez actuellement sur l'énergie
nucléaire, vous vous engageriez dans le projet de la baie James. Vous
avez bien dit cet après-midi, toutefois, que cela méritera
d'être reconsidéré le cas échéant.
M. GIROUX: Absolument. La commission a étudié très
sérieusement toutes les possibilités et tous les problèmes
qui existaient dans des compagnies en exploitation. Alors, on aime mieux se
fier à une compagnie en exploitation qui nous dit : Voici nos
problèmes et voici notre coût. De l'autre côté, nous
avons les études et le consensus fait par les deux plus grandes maisons
qui construisent et qui font le génie de ces choses et qui arrivent
à un prix de tant. Devant ces faits, nous recommandons au gouvernement,
nous avons recommandé au gouvernement et nous ne changerons absolument
pas d'idée, d'annoncer le programme de la baie James. Si, dans deux,
trois, quatre ou cinq ans, il se faisait une percée dans les
procédés, à ce moment, nos conseils, des maisons comme
Stone & Webster, écriraient pour dire: définitivement, nous
sommes positifs que maintenant ça se fait pour tel prix. Nous avons des
offres. Définitivement, on recommanderait au gouver-
nement de procéder. On recommanderait de terminer le premier
tronçon de la baie James, parce qu'il y a une dépense capitale
qui, automatiquement avec l'hydraulique, avec le nombre d'années,
s'amortit.
Le problème est très simple. Seulement, d'ici à ce
que ça arrive, comme les gens disent: "Let's pray".
M. LE PRESIDENT: Le député d'Abitibi-Est avait
demandé la parole.
M. TETRAULT: M. le Président, mes premières questions
s'adressent au Premier ministre. Il avait été question de former
une régie qui...
M. BOURASSA: Je ne sais pas. Je ne veux pas interrompre le
député, mais il faudrait peut-être vider la question du
nucléaire. Je ne sais pas si le député...
M. TETRAULT: Vous voulez vider le nucléaire encore?
M. BOURASSA: Combien est-ce que vous en avez des questions sur le
nucléaire?
M. LAURIN: J'en ai encore quelques unes.
M. BOURASSA: Mais, est-ce qu'il y aurait moyen de les rassembler. Il y a
le député de l'Abitibi c'est sa région , il y
a le chef de l'Opposition, le député de Chicoutimi... Si on passe
six heures.
M. BERTRAND: Je préfère, quant à moi, qu'on
épuise le sujet d'assurer l'approvisionnement en énergie.
M. LEGER: S'il y a de la pression.
M. BOURASSA: Non, il n'y a pas de pression, M. le Président. On a
accepté de siéger ce soir. On aurait pu ajourner sine die
à 6 heures si on avait voulu. C'est nous, le gouvernement.
M. LAURIN: M. Giroux et M. Boyd, vous êtes probablement au
courant, aussi, que le Baltimore Gas & Electric Company est en train de
construire dans la baie de Chasepeake, deux réacteurs de 1,750,000
kilowatts, au coût de construction de $398 millions, et où
l'estimation du coût de revient est de 6.6 mills. Il y a une autre chose
aussi...
M. GIROUX: Eux, ils ont acheté ce qu'un gars est venu nous
offrir.
M. LAURIN: Ils les construisent eux-mêmes.
M. GIROUX: Que ce soit eux-mêmes qui construisent, les
augmentations sont les mêmes. Il n'y a rien qui leur garantit qu'ils vont
le faire pour ce prix-là.
M. LAURIN: Dans le Canada Nucléaire de septembre 1970, on parlait
aussi, on donnait un rapport sur la revue des options de l'Hydro-Québec
et d'autres hydros des autres provinces et on disait en particulier en ce qui
concerne le Québec que M. De Guise admettait qu'il faudra ajouter au
réseau une production thermique, nucléaire ou classique à
raison de 1,000 mégawatts par année à compter de 1978. Je
voulais demander à M. De Guise s'il avait changé d'idée
là-dessus et quelles sont les raisons qui lui ont fait changer
d'idée, au cas où il aurait changé d'idée.
M. DE GUISE: J'aimerais vous dire qu'on ne m'a pas consulté
lorsqu'on a écrit cet article.
M. LESSARD: Cela règle la question. M. LEGER: Etes-vous d'accord
ou pas?
M. LAURIN: Dans un autre article du Nuclear Engineering International
où l'on donne brièvement la liste de tous les projets qui sont
soit en construction ou qui sont sur la planche à dessin, on disait
cela est daté de septembre 1970 qu'en septembre 1970 aux
Etats-Unis il y avait des projets pour 76 millions de kilowatts, avec 107
réacteurs. En Grande-Bretagne, 13 millions de kilowatts avec 42
réacteurs. En Union soviétique 29 réacteurs avec 8,800
mégawatts. En Allemagne aussi, au Japon, en Suède. Au Japon, on
disait dans un autre article que je pourrais vous citer, qu'à partir de
la fin du siècle, 50 p. c. de toute l'énergie sera de type
nucléaire. Je voulais vous demander comment il se fait dans ces
perspectives-là que nous, au Québec, nous soyons les seuls
à avoir le pas, c'est-à-dire que tous les autres semblent se
diriger massivement vers le nucléaire et que nous, nous semblons les
seuls à avoir raison, à ne pas nous lancer d'une façon
prudente, bien sûr, mais dynamique, quand même, dans une direction
qui semble recueillir l'adhésion de presque tous les pays
civilisés, de tous les pays à haute technologie?
M. BOURASSA: Non.
M. LAURIN: Non. J'ai cité justement M. Paskievici, tout à
l'heure, qui disait que ce n'est pas la seule raison, c'est simplement parce
que c'est la technologie de l'avenir. D'une part, on parlera des effets de
l'entraînement tout à l'heure pour le nucléaire, qui sont
aussi abondants que pour l'hydraulique, sinon plus, on verra.
M. BOURASSA: On verra!
M. LAURIN: Et, deuxièmement, parce que c'est moins cher.
Troisièmement, parce qu'on peut s'attendre à des diminutions de
coûts au fur et à mesure que les années vont venir. Comment
se fait-il que nous soyons les seuls à
négliger cette direction ou à ne pas faire tous les
efforts qu'il faudrait pour explorer à fond les possibilités dans
ce domaine?
M. GIROUX: On ne les néglige pas du tout. Je n'aime pas
l'accusation.
M. LAURIN: Ce n'est pas une accusation, c'est une constatation.
M. GIROUX: On ne les néglige pas du tout.
M. DE GUISE: Si vous me le permettez, M. le Président, en
acceptant l'hypothèse que nous voulions faire du nucléaire
immédiatement. Examinons le procédé canadien. Je pense que
tout le monde va se rallier à l'opinion qu'actuellement il n'y a aucune
expérience valable d'une part il n'y a pas d'usine qui fonctionne
autrement dit avec du nucléaire canadien et d'autre part, il n'y
a pas d'eau lourde. Les engagements des centrales de l'Hydro-Ontario et
d'ailleurs, absorbent la production d'eau lourde à venir pour des usines
qui ne sont pas en fonctionnement jusqu'à 1975 ou 1976. Je pense que
seulement avec ces deux articles, nous sommes obligés de dire qu'avec le
procédé canadien, on ne peut pas se lancer pour faire 5 millions
de kilowatts en nucléaire canadien immédiatement.
M. LAURIN: Enfin, les étapes ne seraient pas de faire tout de
suite 5 millions de kilowatts. On ferait comme les autres pays. On commencerait
par des centrales de 500 mégawatts, couplées par deux ou
couplées par quatre, puis 750, et 1,000. On suivrait la filière
comme tout le monde.
M. DE GUISE: Si on revient aux chiffres qui nous ont été
remis, il nous en faut en 1978, pour 1,300 millions garantis. Donc, 1,600 ou
1,700 millions installés.
M. LAURIN: Encore une fois, cela ne préjuge en rien de la
continuation d'une tranche du projet de la baie James comme le disait M.
Giroux.
Je n'ai jamais prétendu cela non plus.
M. BOURASSA: Est-ce que vous proposez le nucléaire à la
place de la baie James? Oui ou non.
M. LAURIN: Je le propose, et ça deviendra évident au fur
et à mesure que les séances de la commission progresseront.
M. BOURASSA: J'aimerais clarifier...
M. LAURIN : Je propose une diversification, c'est-à-dire ne pas
mettre tous nos oeufs dans le même panier.
M. BOURASSA: C'est exactement ce que l'Hydro fait. Le président a
dit que le nucléaire n'était pas éliminé.
M. LAURIN: Ce sont seulement des informations qu'on nous a
données. Il reste ouvert théoriquement.
M. BOURASSA: Non, non!
M. LAURIN: Mais il n'y a pas d'étude précise
documentée de centrales...
M.BOURASSA: Le président de l'Hydro-Québec a dit que ce
n'était pas éliminé.
M. LAURIN: M. le Premier ministre, la lettre du président de
l'IREQ est datée du 5 mai. J'aurais préféré qu'elle
soit datée de 1969 ou 1968.
M. BOURASSA: Pourquoi?
M. LAURIN: Cela montrerait que les études étaient en cours
et qu'on se préparait à mettre sur pied un autre projet pilote ou
un projet...
M. BOURASSA: Est-ce que vous contestez la bonne foi de M. Boulet?
M. LAURIN: Non, pas du tout! Est-ce qu'on peut penser que tous ces pays
que je viens de vous citer s'orientent dans la mauvaise direction?
M. BOURASSA : Ce n'est pas la question. C'est peut-être parce
qu'ils n'ont pas les ressources qu'on a ici au Québec dans plusieurs
cas.
M. LAURIN: Absolument pas. Ils le font pour les raisons que j'ai
déjà mentionnées.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le député de Bourget
me permettrait une question?
M. LAURIN: Bien sûr, bien sûr!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le député de Bourget
pourrait nous donner scientifiquement, de façon claire, nette, la
preuve...
M. LAURIN: Non! Je ne pourrais pas.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... qu'il serait plus avantageux d'aller dans
le sens du développement nucléaire.
M. LAURIN: Non! Je ne peux pas vous en donner la preuve. Simplement, ce
que je dis je ne suis pas un spécialiste c'est que sur la
base des études que nous avons été obligés de
faire, il y a une hypothèse de travail différente qui se
dégage et qui pourrait nous faire envisager une diversification de
sources de production entre l'hydroélectrique, entre le thermique et
le
nucléaire, qui aurait pu faire l'objet d'études aussi
fouillées, documentées, que le projet de la baie James qui est
à l'étude aujourd'hui. C'est simplement cette hypothèse
que j'aimerais que la commission envisage et qu'on puisse peut-être
recommander d'étudier, mais cette fois-là, d'une façon
précise sur les planches à dessin, au lieu de recueillir
simplement des renseignements comme on le fait l'Hydro le fait, nous le
faisons et qu'on lance comme cela dans la conversation. Ce n'est pas
suffisant.
M. BOURASSA: C'est plus que des renseignements. Ce sont des
résultats pratiques.
M. LAURIN: Non, non!
M. SAINT-PIERRE: C'est dans le développement, dans la recherche,
qu'on se lance.
M. LAURIN: On sait que la construction d'une usine nucléaire
prend autant de temps que le projet de la baie James et on disait dans cet
article dont je ne vous ai pas cité la fin que si on veut être
à temps, en même temps que les autres pays civilisés, il
faudrait commencer le début d'un projet, six ans ou sept ans avant, de
la même façon qu'on a fait pour la baie James. C'est tout ce que
je veux dire.
M. SAINT-PIERRE: Le président de l'Hydro...
M. LAURIN: Mais simplement, je suis obligé de constater que des
études à ce moment-ci ne nous permettent pas de le faire. La
commission n'est pas éclairée sur toutes les facettes du sujet et
c'est la raison pour laquelle j'avais mentionné l'hypothèse tout
à l'heure qu'on puisse nous, de cette commission, questionner d'autres
spécialistes qui pourraient peut-être augmenter la connaissance
que nous avons de ce sujet et nous permettrait peut-être de nous orienter
vers d'autres hypothèses de travail.
M. BOURASSA: Vous voulez répéter des hypothèses sur
d'autres hypothèses...
M. LE PRESIDENT: M. Giroux.
M. GIROUX: Je pense qu'il y a une chose qu'on a clairement
établi. Actuellement, on vient de faire démarrer le seul plan
nucléaire qui n'a pas eu de gros retard. C'est l'unique plan. C'est
gentil. Actuellement, où voulez-vous fonctionner légalement en
dehors de l'énergie atomique du Canada? Cela est un point.
M. LAURIN: Je peux vous répondre là-dessus, M. Giroux.
Bruce est fait par l'Hydro-Ontario, sans référence à
l'Atomic Energy of Canada. "Ethering" est fait sans référence
à...
M. GIROUX: Je parle d'uranium. L'uranium enrichi...
M. LAURIN: Il faudrait choisir entre...
M. GIROUX: D'accord. Actuellement, on a des problèmes qui vont
finir par se nettoyer en Ontario. Il y a des problèmes qui vont finir
par se nettoyer aux Etats-Unis. Il y a des gens qui sont engagés, parce
que il y a des compagnies, comme on vous l'a expliqué tantôt, qui
sont obligées de s'engager. Il y a des compagnies qui actuellement
s'engagent. Elles aimeraient mieux s'engager dans le thermique. Elles ne
peuvent pas avoir la permission, à cause de la pollution, de...
M. LAURIN: M. Giroux, je vais essayer de vous répondre par une
autre question. Si vous aviez fait le même raisonnement lorsque vous avez
fait Manicouagan, si vous aviez attendu que d'autres pays vous fabriquent les
lignes de transmission à 735 kilovolts, les auriez-vous aujourd'hui?
M. GIROUX: Non! Mais vous remarquerez une chose, les 735 sont venus par
nécessité. Seulement, si la ligne n'avait pas fonctionné,
les 315 auraient continué.
M. LAURIN: Pourquoi se mettre...
M. GIROUX: Ecoutez...
M. LAURIN: J'écoute, j'écoute!
M. GIROUX: On a un problème dans l'ensemble qui est un
financement très massif. Naturellement, si le gouvernement veut mettre
à notre disposition un autre milliard, on va rentrer demain matin dans
la recherche nucléaire avec plaisir et on va mettre des bureaux
d'ingénieurs à l'étude. On va développer des
ingénieurs chez nous pour faire des études. Mais tout cela repose
sur une question de budget. A un moment donné, il faut réaliser
que le budget est là. Je dois dire qu'il est grevé. C'est
très simple. On n'est pas contre le nucléaire. Actuellement, on a
devant nous, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf ou dix ans pour
permettre au nucléaire de se développer. Vous pouvez être
assuré d'une chose. La minute que le nucléaire sera
développé et sera très bien développé, on
pourra l'acheter ailleurs, on sera le premier à l'acheter. C'est
tellement le cas, qu'à la commission nucléaire de Washington, il
y a quelqu'un l'autre jour qui a émis cette opinion: "Peut-être
qu'il serait plus rentable si on allait en acheter un en Russie,
l'étudier et voir comment ça fonctionne.
Les Russes ne sont pas vendeurs, parce que, pour eux aussi, ça ne
fonctionne pas à leur goût. A chaque pas qu'on fait, on
établit une question de doute. Je ne crois pas qu'on puisse prendre
l'argent de la province de Québec, l'argent du public. On a
déjà démontré ce que ça va nous
coûter, le programme que ça prend et ce qu'il faut risquer.
Actuellement, on dit: On a une chose, on sait que c'est là et on
sait
que l'énergie de la baie James va coûter plus cher que
l'énergie qu'on faisait l'an dernier. Mais, à ce point de vue,
que faites-vous de Beauharnois? C'est le même principe.
Pourquoi ne pas laisser la percée scientifique être faite
par d'autres? Quand on regarde les programmes d'étude, qu'on parle des
programmes de recherche, le montant a été publié par la
commission de Washington; on demande $3,500,000,000. Je crois que les gens qui
pensent à des choses comme ça ont eux aussi au moins un certain
doute sur la valeur du rendement du nucléaire tel qu'on le fait
actuellement, nous aussi nous avons un doute réel.
Quand même nous discuterions pendant des heures et des heures, je
peux vous apporter 25 volumes qui vont recommander le nucléaire, ce sont
des gens intéressés à vendre le nucléaire. C'est la
même chose avec l'hydraulique. Ce n'est que de la vente. A un moment
donné, il faut prendre le côté pratique et dire: Nous avons
tant d'argent à disposer, c'est déjà assez difficile de
faire ça, je ne vois pas pourquoi nous irions risquer à ce
stade-ci.
M. BOURASSA: Est-ce qu'on doit éterniser le débat sur
cette...
M. LAURIN: M. le Président, il s'agit de $6 milliards, c'est
important.
M. BOURASSA: Cela fait vingt fois que nous entendons les mêmes
choses.
M. LAURIN: Quand même, vous avez eu des mois pour y penser, c'est
aujourd'hui la première occasion que nous avons d'en parler.
M. BOURASSA: Arrivez avec d'autres arguments.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît, messieurs.
Le député de Beauce.
M. ROY (Beauce): Je regrette, mais je pense que nous avons l'obligation,
nous, les membres de la commission parlementaire, de discuter seulement sur des
questions hypothétiques et je me demande si notre séance n'en est
pas une hypothétique. Nous avons parlé du coût de
production hydroélectrique de la baie James. On nous a répondu
et d'ailleurs il y avait peut-être des raisons valables
disons que je n'en suis pas convaincu qu'on ne pouvait pas nous donner
le coût de la production hydroélectrique à la baie James
par rapport à Churchill. Si ces questions avaient reçu des
réponses claires, je pense que toutes les interventions et toute la
discussion que nous avons à l'heure actuelle... Si nous avions des
chiffres... Nous sommes obligés de discuter en fonction
d'hypothèses. J'ai posé une question au premier ministre ce soir
la première question qui a été posée
pour voir si les besoins de l'Hydro-
Québec, en fonction des rapports qui nous ont été
soumis, si la production de la baie James, cela va être pour satisfaire
des besoins domestiques. En effet, le rapport a semblé vouloir donner
priorité et vouloir donner un peu d'exclusivité à la
production d'énergie hydroélectrique pour satisfaire les besoins
domestiques. On nous répond qu'il y a des possibilités
d'exportation d'où encore une hypothèse Il y avait
des possibilités d'exportation et qu'on pouvait peut-être en
arriver là.
M. BOURASSA: Non, ce n'est pas ce que j'ai répondu. J'ai dit au
député qu'il n'y avait aucun problème pour ce qui a trait
à l'utilisation de l'électricité à
l'intérieur des frontières du Québec, mais que si
ça pouvait s'avérer plus avantageux pour le Québec
d'exporter une partie, ça pouvait être une alternative à
considérer par le gouvernement ou par l'Hydro-Québec. Mais il n'y
avait aucun problème avec le développement de la baie James pour
l'utilisation ou la consommation de l'électricité à
l'intérieur du Québec.
M. ROY (Beauce): Je suis d'accord avec ce que le premier ministre a dit,
mais c'est justement son "si" qui est hypothétique.
M. BOURASSA: A comparer avec le nombre de "si" de l'autre
côté.
M. ROY (Beauce): J'aurais une question peut-être indiscrète
à poser au président de l'Hydro-Québec. Croyez-vous que
l'Hydro serait physiquement capable de réaliser le projet de la baie
James seule ou majoritairement? Ma question est peut-être
indiscrète, mais je pense...
M. GIROUX: Elle n'est pas indiscrète du tout, nous l'avons
déclaré par lettre.
M. BOURASSA: Le gouvernement étudie la question.
M. GIROUX: On a précisé par lettre, je ne voudrais pas la
relire...
M. ROY (Beauce): Il est bon de préciser quand même.
M. GIROUX: Il y a une précision dans la lettre, on dit qu'on
n'est pas contre la formation d'un organisme, parce que ça regarde
d'autres domaines que...
Si vous le permettez, je peux le relire: "Que cet organisme pourrait
être une corporation d'état formée de représentants
de l'Hydro-Québec ou du gouvernement ou une corporation possédant
un capital-actions souscrit par l'Hydro-Québec, le gouvernement du
Québec et le public en général ce sont des
hypothèses, on laisse la porte ouverte à tout dont la
direction devrait être dans l'un ou l'autre cas être assurée
à l'Hydro-Québec par le moyen
d'une participation majoritaire. Cette participation majoritaire devant
assurer à l'HydroQuébec la direction du projet serait obtenue en
accordant à l'Hydro-Québec un nombre majoritaire
d'administrateurs et dans le cas d'une corporation à capital-actions un
nombre majoritaitaire d'administrateurs et d'actions votantes. Cela nous
paraît essentiel pour plusieurs raisons: a) le projet dans la production
d'énergie hydroélectrique occupe une place
prépondérante; b) il est nécessaire d'assurer une parfaite
coordination entre le réseau actuel de l'Hydro-Québec et celui
qui fournira la puissance additionnelle à intégrer. Tout le monde
connaît la valeur de la stabilité sur un réseau. c) il est
très important d'établir des liens étroits et une
collaboration constante avec les ingénieurs et les techniciens de
l'Hydro-Québec qui possèdent l'expérience et la
compétence dans la conception, l'ingénierie, la construction et
l'exploitation de vastes projets hydroélectriques.
L'organisme a été mentionné. On a
répété dans le préambule cet après-midi que
nos vues n'avaient pas changé; nos vues pour simplement
concrétiser la question nos vues n'ont pas changé. Nous
recommandons au gouvernement de construire la baie James, d'aller vers
l'hydraulique et nous recommandons au gouvernement s'il veut faire une
corporation de voir à respecter notre lettre.
Maintenant, comme président de l'Hydro et comme la
Commission hydroélectrique du Québec nous ne pouvons que
faire des recommandations.
M. ROY (Beauce): Vous avez fait des recommandations mais est-ce que vous
favorisez...
M. BOURASSA: Si le député lisait les documents qui lui
sont soumis. Ce que M. Giroux vient de lire a été soumis à
tous les députés il y a deux semaines.
M. ROY (Beauce): Nous avons lu le document, mais ce que je voulais
savoir de M. Giroux aujourd'hui, c'est si lui-même il favorisait... Parce
qu'en somme, il a offert deux ou trois options au gouvernement.
M. BOURASSA: C'est lui qui a signé la lettre.
M. ROY (Beauce): Je voulais savoir s'il était convaincu que
l'Hydro était capable de réaliser le projet. C'est ma
question.
M. GIROUX: Le projet hydroélectrique comme tel si on n'inclue pas
toutes les autres choses mais il y a de grands avantages à inclure les
autres choses dans cette région. On inclut des exemptions de taxes, on
inclut ça et ça, pour travailler partout et aller chercher le
maximum possible de tout le monde pour avoir l'aide qu'il faut. C'est une des
raisons pour laquelle nous ne sommes pas contre la création d'une
corporation. On laisse les choix, au gouvernement.
Maintenant, le gouvernement peut bien dire que demain matin cela ne lui
plaît pas. C'est son privilège. Nous, nous continuons dans le
même ordre d'idée.
M. LE PRESIDENT: C'est à M. le Premier ministre à prendre
la parole.
M. BOURASSA: Je vous remercie.
M. LE PRESIDENT: Le député de Gouin.
M. JORON: M. le Président, je reviens sur le coût. C'est
assez insatisfaisant, les résultats de nos travaux ici.
M. BOURASSA: C'est l'opinion du député. Ce n'est pas la
mienne.
M. JORON: On essaie de comparer le nucléaire avec la baie James.
On avance des chiffres connus qu'on met en doute et que d'autres mettent en
doute par la suite sur le coût en mills de ce que donne certaines
centrales nucléaires ailleurs ou les estimations projetées. On
détruit ces chiffres et on dit que de toute façon 6 mills ce
n'est pas valable, cela va probablement être 10 mills ou je ne sais quoi.
D'autre part, pour pouvoir faire une comparaison, il faudrait de l'autre
côté savoir le coût de la baie James ou avoir une indication
de grandeur. Si on parle du chiffre 12 pour la baie James, à ce
moment-là, je ne vois pas pourquoi en prenant une marge de 100 p. c, une
prévision de 100 p. c, on discute. D'ailleurs, M. De Guise l'a presque
dit tout à l'heure quand il parlait des coûts. Il a dit que l'un
dans l'autre, on peut peut-être estimer que cela revient à peu
près au même.
M. SAINT-PIERRE: Ce ne sont pas les paroles de M. De Guise.
M. JORON: Avant de continuer...
M. SAINT-PIERRE: Il n'a jamais dit que c'était pareil. Il a dit
que dans l'hypothèse que ce soit pareil et examiné les
conséquences après, il y a une grande différence entre les
deux.
M. BOURASSA: Si le ministre de l'Education se choque vous pouvez
être sûr que c'est certain.
M. JORON: C'est sa qualité d'ancien associé de Vickers qui
me rend sceptique.
M. SAINT-PIERRE: Merci beaucoup.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît, messieurs! Le
député de Gouin.
M. JORON: La discussion tourne à vide tant
qu'on n'aura pas une idée de l'ordre de grandeur. Autrement,
comment choisir le coût le plus avantageux. C'est un point. Puisqu'il
semble qu'on n'arrive pas à avoir de réponse là-dessus, je
vais passer à un deuxième point. Ce ne sont pas des chiffres
hypothétiques ou s'ils sont hypothétiques, ils viennent
directement de l'Hydro, en page 25 de leur rapport. Nucléaire 1980,
estimations $375 d'investissement par kilowatt.
Baie James: $672 auxquels il faut rajouter les lignes de transmission.
Donc, $600 millions en gros, si on rapporte ça sur 10 millions de
kilowatts, ça veut dire quoi? Cela veut dire $60 de plus, ça fait
au delà de $700.
On est rendu avec un écart...
M. SAINT-PIERRE: Cela ne se compare pas parce que là, on va d'un
système à l'autre, alors que dans un système, les
coûts d'exploitation...
M. JORON: Les coûts d'exploitation.
M. SAINT-PIERRE: Mais oui, c'est des oranges et des bananes.
M. JORON: Ce n'est pas des oranges et des bananes, c'est le coût
d'investissement d'immobilisations dans les deux cas. En 1980...
M. LAURIN: C'est le seul chiffre sur lequel on peut...
M. JORON: ...pour produire un nombre équivalent de kilowatts.
M. SAINT-PIERRE: Vous n'êtes pas capable de faire une
division?
M. JORON: Cela est clair. C'est en toutes lettres dans le rapport de
l'Hydro-Québec. Nous avons une différence de $300, comme si
c'était rien...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre messieurs!
M. JORON: ...$300 sur dix millions de kilowatts. Je signale au premier
ministre que c'est seulement la modique somme de $3 milliards. Est-ce qu'on va
équilibrer ça d'un coup sec, la possibilité d'une
économie de $3 milliards?
DES VOIX: Ah! Ah!
M. BOURASSA: Ce n'est pas sérieux!
M. JORON: Il n'y a pas de ah! Contestez-vous les chiffres du rapport de
l'Hydro?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, c'est une tentative
pour justifier un article de M. Parizeau, ça n'a rien à voir au
problème.
M. BERTRAND: M. le Président, vous devez avoir des gens à
l'Hydro-Québec qui ont lu les articles de l'économiste Jacques
Parizeau. Vous devez en avoir.
M. GIROUX: Il doit y en avoir.
M. BERTRAND: J'aimerais que, pour la prochaine séance, chacun des
points qu'il soulève dans ses articles et qui l'ont été
par les membres du Parti québécois c'est leur droit
vous y répondiez d'une manière aussi détaillée que
possible. Toutes les choses que l'on vient d'apporter sont parties de cet
article. D'ici à demain, s'il y avait moyen, parce qu'on reviendra
apparemment demain à quatre heures...
M. GIROUX: M. Bertrand, il est question de répondre à des
articles de journaux?
M. BERTRAND: Non.
M. GIROUX: Est-ce que M. Parizeau peut garantir les chiffres qu'il
avance?
M. BERTRAND: Non, et d'ailleurs...
M. JORON: M. le Président, sur une question de
privilège...
M. BERTRAND: Non et d'ailleurs, je pense qu'il l'a dit
lui-même...
UNE VOIX: Il n'y a pas de question de privilège.
M. JORON: Certainement qu'il y a une question de privilège.
J'avais la parole. J'ai permis au chef de l'Opposition de faire son
intervention.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre s'il vous plaît! Je ferai remarquer au
député de Gouin que le député de Missisquoi avait
la parole...
M. JORON: Je n'ai pas compris ça...
M. LE PRESIDENT: Il n'y a pas de question de privilège à
la commission, vous le savez.
M. JORON: C'est à moi que vous aviez donné la parole. Je
n'avais pas formulé ma question.
M. LE PRESIDENT: Vous avez accepté une question...
M. JORON: Si le chef de l'Opposition a fini de poser sa question, vous
me permettez de formuler la mienne? Permettez-moi de la formuler à M.
Giroux. Les chiffres sur lesquels je fonde ma question, ne viennent pas de
l'article de Jacques Parizeau ou de qui que ce soit. Ils viennent du rapport de
l'Hydro-Québec. C'est la raison pour laquelle j'adresse la question
à M.
Giroux. Il y a une différence d'au-delà $300, tel qu'il
apparaît à la page 25. Sur dix millions de kilowatts, c'est $3
milliards. Est-ce que ce modeste facteur est entré dans les
considérations de l'Hydro-Québec pour recommander
l'aménagement de la baie James.
M. SAINT-PIERRE: Le coût de l'installation dans deux
systèmes entièrement différents.
M. JORON: Pour produire le même nombre de kilowatts? C'est la
même chose?
M. SAINT-PIERRE: Tournez la formule et dites que sur les centrales
hydrauliques, les coûts d'exploitation sont environ 5 p. c. des autres
coûts.
M. BOYD: A Manic-Outardes ç'a coûté...
M. LE PRESIDENT: M. Boyd, vous avez la parole.
M. BOYD: Les $350, c'est pour du nucléaire américain. Cela
n'inclut pas de réserves. Il faut ajouter au moins 30 p. c, et le
coût du combustible est beaucoup plus élevé. En fait, le
coût du combustible est énormément élevé,
tellement, que le coût net de production d'énergie, à
partir de ces $350, on l'a dans l'étude ici: Lorsqu'on emploie $350 le
kilowatt pour le nucléaire américain, c'est le chiffre que vous a
donné M. DeGuise, tout à l'heure, ça vous donne 14.75
mills le kilowatt-heure. C'est basé sur $355. On parle de $350, c'est
assez proche, je l'espère, c'est ça que ça vous donne.
M. SAINT-PIERRE: ...$375?
M. BOYD: C'est l'investissement que vous avez vous-même, M. Joron,
mentionné tout à l'heure, avec les différents points qu'il
fallait considérer. Vous en avez mentionné quatre.
Le capital en est un, la flexibilité en est un autre, le
coût du mill en est un autre, vous avez les retombées
économiques qui en est un autre. Alors on ne s'arrête pas au
premier. Nous avons fait les quatre et c'est en prenant les quatre, même
en utilisant ces $355 que nous faisons notre recommandation.
M. JORON: Est-ce que je peux vous demander si le poids que vous avez
accordé à ce premier facteur n'est pas trop élevé
étant donné les difficultés au Québec de ramasser
beaucoup de capital et les priorités qui peuvent exister ailleurs aussi,
il me semble que la notion de capital...
M. BOYD: Nous avons fait nos études en tenant compte de tous ces
facteurs et nous prenons également le coût du nucléaire qui
serait produit par un système semblable et le coût d'exploitation,
parce que lui compte dans notre exploitation et avec des coûts
semblables, vous n'êtes pas capables de vous autofinancer dans le sens
que disait M. Giroux plus tôt ce matin. Donc vous êtes
obligés d'aller sur le marché pour financer votre exploitation et
non plus financer votre construction. Vous n'êtes pas plus avancés
à la fin. Quand vous étudiez une chose comme cela, vous ne pouvez
pas prendre une centrale d'une sorte, une centrale d'une autre, une
troisième thermique, il faut que vous regardiez un programme basé
sur un certain nombre d'années. Quand nous faisons des programmes comme
cela, nous prenons les besoins de 1978 à 1990 et si on a la baie James
d'abord, on a d'autre chose après et tout cela entre dans le programme.
Ce qu'on a été obligé d'investir, soit en mazout, soit en
combustible nucléaire, on ne l'a pas pour nous financer. Donc, le
portrait global, c'est cela qu'il faut regarder et non pas une centrale. Le
portrait global nous donne la réponse qu'on a donnée en faisant
une recommandation. C'est que dans l'ensemble, le programme est plus
économique pour l'HydroQuébec et pour la province. Ensuite, il
faut se demander, est-ce que l'Hydro-Québec seule peut financer la baie
James? On s'est posé cette question-là et la réponse, M.
Giroux vous l'a donnée et il a dit que c'était oui. Alors, cela
n'affecte pas le...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je demanderais un
ajournement.
M. BOURASSA: Est-ce qu'on peut fixer un ordre du jour pour demain, pour
qu'on ne répète pas ce qui a été dit. Vous avez
répété pas mal durant la soirée.
M. LAURIN: C'est votre opinion, ce n'est pas la nôtre.
M. ROY (Beauce): M. le Président, pour montrer notre
collaboration au gouvernement de ce côté-là...
M. GIROUX: J'aimerais que l'on sache les choses sur lesquelles on veut
nous questionner. Si c'est sur les questions nucléaires, on a
répondu; nous, nous allons répéter la même chose
pendant 24 heures.
M. JORON: Vous permettez, que je fasse une suggestion? Est-ce qu'il y
aurait moyen de voir, entre autres, les rapports originaux des deux firmes
d'ingénieurs qui ont été remis à l'Hydro? Non pas
le Compendium qu'on nous oblige...
M. BOURASSA: Si le gouvernement et l'Hydro ont décidé de
faire un résumé, c'est parce qu'il n'était pas
d'intérêt public que les rapports originaux soient...
M. JORON: Parce que les estimations n'étaient peut-être pas
concordantes.
M. BOURASSA: Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit qu'il n'était
pas d'intérêt public. Il me semble que le député
avec son expérience dans le monde des affaires devrait savoir...
M. JORON: Il y a bien des choses qui ne sont pas d'intérêt
public, ce soir.
M. BOURASSA: ... qu'on ne peut pas, quand on a à négocier
avec des concurrents, rendre publics, tous les éléments.
M. LAURIN: Si on connaît leurs chiffres, vous ne pensez pas qu'ils
connaissent les nôtres aussi?
M. BOURASSA: Les chiffres que vous connaissez, il y a des divergences
même dans ceux que vous avez proposés.
M. LAURIN: D'après les réponses données ce soir,
les trois experts connaissaient beaucoup, en tout cas, certains chiffres des
compagnies américaines dans le nucléaire. On peut bien penser que
l'inverse est vrai aussi.
M. BOURASSA: M. le Président, nous avons jugé on
peut se tromper qu'il n'était pas d'intérêt public.
Il y a quand même eu un résumé, aussi complet que possible,
de tous les rapports. Mais donner tous les détails de ce qui a
été fait, nous avons jugé que ça pouvait nuire
à l'aménagement de la baie James d'une façon ou d'une
autre, éventuellement. Si on change d'idée, si on
s'aperçoit qu'on peut rendre publiques certaines données
additionnelles, on n'hésitera pas à le faire. On est absolument
convaincu, et d'autant plus, après ce qu'on a entendu cet
après-midi et ce soir. On est absolument convaincu et persuadé de
la rentabilité et des bénéfices considérables, pour
le Québec, du projet de la baie James.
Alors, demain à 4 heures, M. le Président.
M. JORON: Vous savez le coût en mills de la baie James?
M. LE PRESIDENT: La séance est ajournée à demain 4
heures.
(Fin de la séance: 22 h 4)
Séance du jeudi 20 mai 1971(Seize heures deux
minutes)
M. OSTIGUY (président de la commission permanente des Richesses
naturelles): A l'ordre, messieurs!
La séance est ouverte et je voudrais rappeler aux membres de la
commission que, comme hier, ils devront me signaler leur désir
d'utiliser leur droit de parole afin que tout le monde puisse avoir la chance
de s'exprimer.
M. BERTRAND: Alors, M. le Président, je vous la demande.
M. LE PRESIDENT: Le ministre des Richesses naturelles.
M. MASSE (Arthabaska): M. le Président, je voudrais simplement
ajouter un mot. Je sais que les explications qu'a données hier M. Giroux
et les commissaires qui ont eu à prendre la parole étaient
très satisfaisantes, mais j'aimerais peut-être ajouter un mot.
D'abord, nous savons tous que les besoins d'électricité en 1978
afin de répondre à la demande, commandent des investissements.
L'Hydro-Québec a prouvé la rentabilité et les avantages de
réaliser le projet de la baie James par rapport au thermique et au
nucléaire et effectivement, il fallait prendre une décision. Je
pense que la décision ne peut pas être appuyée sur des
hypothèses, ne peut pas être appuyée sur des "si" et
personnellement, j'ai tellement confiance au sérieux de
l'Hydro-Québec et en celui des firmes d'ingénieurs qui ont eu
à travailler sur ce projet pour prendre leur avis.
Maintenant, il y a peut-être une chose qui n'a pas
été dite hier et que l'Hydro-Québec pourra confirmer ou
non, c'est qu'en terme de rendement, celui des centrales
hydro-électriques est de 85 p. c. celui des centrales thermiques est de
30 p. c. à 40 p. c. , et celui des centrales nucléaires est de 30
p. c. Il y a aussi peut-être la fiabilité de
l'hydro-électricité qui est au-dessus de 95 p. c. selon les
rapports alors que le nucléaire est de 65 p. c. Personnellement, je
pense on a parlé aussi d'exportation qu'en
accélérant les travaux, il est bien sûr que si ceux-ci
peuvent être terminés avant la période du besoin
d'électricité au Québec, il sera possible d'exporter. On
sait la très grande demande d'énergie de la part des Etats-Unis
et de l'Ontario. D'ailleurs, si le nucléaire était si avantageux,
l'Hydro-Québec n'aurait pas tant de demandes d'énergie
électrique de la part des Etats-Unis et de l'Ontario.
Alors, M. le Président, c'était simplement quelques points
que je voulais souligner.
M. LE PRESIDENT: Le chef de l'Opposition.
M. BERTRAND: M. le Président, nous
avons laissé hier soir à nos collègues du Parti
québécois et à quelques autres collègues de poser
des questions.
Nous l'avions fait au début de la séance. Je voudrais,
quant à moi, faire le point en ce qui concerne le parti que j'ai
l'honneur de diriger.
D'abord, j'avais posé au début un canevas de discussions
des besoins, des moyens de production, le financement et par qui ça
devait être réalisé.
Le premier point, quant aux besoins, je crois que tous, autour de la
table, admettent qu'il a été établi. Cela nous surprend
par contre qu'on soit quasiment obligé de doubler la capacité
pour répondre à des besoins. Cela, l'Hydro-Québec a eu
l'occasion de l'expliquer ici à plusieurs séances de la
commission des Richesses naturelles depuis l'année 1968, alors que nous
avons examiné le projet de Churchill Falls et celui de la Manicouagan.
Je n'y reviens donc pas. Les documents ont été produits, des
mémoires ont été également soumis à la
commission. Nous avons eu l'occasion de les lire, de les analyser pour nous
former l'opinion définitive qu'il fallait réaliser de nouveaux
projets hydroélectriques au Québec pour répondre et
j'insiste là-dessus d'abord et avant tout aux besoins domestiques
du Québec, tant dans le domaine industriel que dans les autres. Je tiens
pour acquis que ce premier point-là est très bien
établi.
J'ai devant moi un document sur les moyens de production, qui est fort
succinct mais qui comporte énormément de substance, celui de
Lionel Boulet, le directeur de l'Institut de recherches de
l'Hydro-Québec. Ce document vient compléter les informations que
nous avons déjà obtenues à la commission, en particulier
à cette séance, hier, en réponse à des questions
des membres du Parti québécois, du parti de l'Union nationale et
du parti du Ralliement créditiste. Il y a trois moyens. Je les
résume, ils sont devant moi dans ce rapport: l'hydraulique, le thermique
et le nucléaire.
Si on veut connaître les avantages et les désavantages
actuels de ces trois moyens de production établis par un directeur d'un
institut de recherche, appuyé par des ingénieurs, MM. Boyd et De
Guise, qui ont exprimé des points de vue hier, confirmés par les
propos du président de l'Hydro-Québec, je crois qu'on n'a
qu'à le lire, que je n'ai pas besoin de les reprendre.
Il s'avère que les connaissances actuelles incitent le
président de l'Hydro-Québec à nous recommander d'utiliser
encore l'hydraulique en tenant compte et j'appuie là-dessus
que les recherches, dans le domaine nucléaire en particulier,
soient surveillées de très près.
Deuxièmement que l'Hydro-Québec doive augmenter, s'il y a
lieu, et je crois qu'il y a lieu son budget de recherche dans ce
domaine. Mais étant donné et c'est là, je crois qu'on a
bien établi hier, que ceux qui possèdent des ressources
hydrauliques, comme le Québec en possède, les utilisent encore
à l'heure actuelle.
Je crois que ce fait-là semble bien établi.
On donne l'exemple de certaines autres provinces, certains autres Etats
américains, mais de l'aveu de tous, c'est que, dans l'Ontario entre
autres, c'est bien établi, les ressources hydrauliques sont pauvres. De
là, l'appel que l'on fait davantage au nucléaire. Je n'ai aucun
doute que les relations qui existent entre l'Hydro-Ontario et
l'Hydro-Québec permettent aux officiers, aux ingénieurs, aux
techniciens de l'Hydro-Québec d'établir des points de comparaison
quant aux coûts, même si on ne peut pas les rendre publics
étant donné qu'il y a et j'en ai eu l'expérience
des chiffres, parfois, qui ne doivent pas être soumis au public
justement pour sauvegarder l'intérêt public.
M. le Président, de tout cela, des documents que j'ai eu
l'occasion, avec mon collègue le député de Chicoutimi, de
lire, d'analyser, j'en viens à la conclusion que cette richesse
naturelle, à l'heure actuelle, compte tenu des connaissances
relativement à l'énergie thermique, nucléaire, nous devons
encore l'utiliser.
Je pose immédiatement le problème et j'en ferai
tantôt une recommandation. On nous dit que le projet de la baie James
et j'appuie là-dessus peut se réaliser par
étapes. Quant à nous, nous recommandons que la première
phase seulement soit entreprise et qu'elle soit réalisée par
l'Hydro-Québec. Un problème politique se posera peut-être
si le gouvernement veut la faire réaliser par une régie d'Etat.
Pourquoi dis-je seulement la première phase? C'est justement pour tenir
compte du développement possible de l'énergie nucléaire,
des recherches qui peuvent s'avérer bonnes et fructueuses et qui, durant
la réalisation de cette première étape, nous permettrons
de voir plus clair. Donc, première étape dont le coût a
été estimé par le président de
l'Hydro-Québec à environ $1.8 milliard. Et pourquoi dis-je par
l'Hydro-Québec? M. le Président, nous avons déjà eu
ici... D'ailleurs, la preuve n'a pas besoin d'être faite de la
capacité de l'Hydro-Québec de réaliser ce projet. Des
témoignages éloquents existent: Manic, tout le
développement hydroélectrique qui a été accompli
depuis quelques années. D'ailleurs, je me souviens du débat que
nous avons eu à cette commission sur le développement de Manic 3,
débat qui a eu lieu lors de la session de 1969 et dont les
collègues pourront retrouver le compte rendu au journal des
Débats du lundi 15 décembre 1969. Il s'était alors
posé un problème, étant donné des bruits, des
rumeurs qui circulaient que le projet devait être confié à
l'entreprise privée. Nous avons eu un débat là-dessus. Le
chef du parti au pouvoir à ce moment-là et ses coéquipiers
nous ont interrogés là-dessus, ils ont interrogé le
président de l'Hydro.
Nous avons alors émis l'opinion, nous-mêmes, faisant fi des
rumeurs et des rapports qui avaient paru dans les journaux que ce
développement hydro-électrique devrait être fait par
l'Hydro-Québec.
Le président de l'Hydro-Québec pourra me
répondre à ce sujet. Mais, je pense avoir
déjà obtenu sa réponse à l'occasion d'une question
que je lui ai posée après la lecture de son mémoire.
Est-ce que l'Hydro-Québec peut financer ce projet? Il a dit: Oui, avec
les revenus et deuxièmement avec des emprunts. Et quand quelqu'un lui a
posé la question, pour savoir s'il y aurait une augmentation du tarif,
il a déclaré il pourra me corriger là-dessus
que l'augmentation normale de 4 p. c. annuellement était une
augmentation qu'il pouvait envisager, mais qu'il considérait
normale.
A tout événement, il pourra préciser, quant au
financement. Donc, première étape seulement par
l'Hydro-Québec. J'espère que je n'ai pas besoin de reprendre les
arguments que nous avons énoncés, à l'occasion du
débat du mois de décembre 1969, et les arguments,
énoncés également, par le chef du Parti libéral
à l'époque, M. Jean Lesage. Il exigeait et avec raison,
nous l'avons non seulement appuyé, mais nous avons dit que les rumeurs
étaient mal fondées, à l'effet que l'entreprise
privée devait être chargée de la réalisation du
projet de Manic-3.
Donc, l'expérience l'Hydro-Québec, ses réussites...
A ce moment-là, l'Hydro-Québec s'en occupe. Durant ce temps,
accélérer la recherche dans le domaine de l'énergie
nucléaire, envisager la possibilité on en a parlé
à certains moments de suppléer à l'énergie
hydraulique. Je suis un profane dans le domaine de l'énergie. Est-ce
qu'on ne pourrait pas envisager la construction ou le développement
d'une usine comme celle de Gentilly dans ce domaine? J'invite l'Hydro à
y penser et sérieusement.
Dans tout cela j'englobe, bien entendu, si on veut être à
même de réussir dans ce domaine, la formation d'experts, de
techniciens, d'ingénieurs.
Je sais qu'à l'heure actuelle, des ingénieurs de
l'Hydro-Québec vont dans d'autres pays pour augmenter leur connaissance
dans ce domaine.
Donc, M. le Président, il me reste à ajouter ceci. On a
parlé d'une régie d'Etat pour le grand développement.
Etant donné qu'on n'entreprendrait que la première phase, je
pense qu'il faut être prudent dans ce domaine. Qui trop embrasse mal
étreint! Surtout à un moment où de l'aveu de M.
Boulet et de certains ingénieurs l'énergie
nucléaire est certainement l'énergie de l'avenir. On dira qu'il
va s'agir de développer un immense territoire: admis! Mais il existe un
gouvernement à Québec, il y a des ministères. Nous avons
mis sur pied des instruments comme Soquem, Rexfor, Soquip. Pourquoi les
avons-nous mis sur pied? Justement, pour s'occuper de tous ces
différents problèmes de la forêt, des mines, pour que
l'Etat soit appelé à y jouer un rôle plus direct. Sans
faire un long discours, M. le Président, je vous le dis
immédiatement, je ne vois pas du tout la nécessité d'une
régie additionnelle. Ce qu'il faut, c'est utiliser ce qu'on a. Nous en
avons des outils. Cessons de les multiplier. Nous ne saurons plus lequel
utiliser.
Donc, je ne veux pas prolonger indûment mon argumentation:
L'Hydro-Québec, le gouvernement, bien entendu par l'action de ses
ministères. C'est tellement vrai, M. le Président, que l'on vient
d'autoriser l'Hydro à dépenser $26 millions pour effectuer tous
ces travaux-là. Je tiens à corriger une nouvelle qui paraît
dans les journaux. Ce n'est pas un budget qui va être soumis au
gouvernement. C'est le budget de l'Hydro qui va être soumis au Parlement.
On fait dire au ministre des Finances que cela va être soumis au
Parlement. Ce n'est pas ça. On approuve le budget de l'hydraulique comme
tous les gouvernements le font annuellement et l'Hydro-Québec insiste
pour avoir $26 millions.
Le gouvernement les lui donne et avec raison, je l'en félicite
comme je le féliciterai...
M. BOURASSA: Merci.
M. BERTRAND: ... et M. Giroux, je vous invite à le faire,
présentez un budget pour augmenter votre recherche dans le domaine du
nucléaire.
M. BOURASSA: Mais là, les Etats-Unis...
M. BERTRAND: Mais là, j'apporte la nuance suivante. Je vous ai
entendu nous donner des chiffres mirobolants, extraordinaires. Aux Etats- Unis,
dans le nucléaire, on demande à M. Nixon $3.5 milliards. Je ne
demande pas à M. Giroux de vous présenter le même budget,
je comprends cela.
M. BOURASSA: On va les laisser travailler un peu, on va voir ce que
ça donne.
M. BERTRAND: Alors, laissez-les et ne les dérangez pas.
Laissez-les travailler d'une manière objective...
M. BOURASSA: Est-ce qu'on...
M. BERTRAND: Comme ils ont toujours fait, et comme ils ont toujours
voulu le faire. M. le Président, je conclus donc ce résumé
à vol d'oiseau. Quant à moi, il me restera à obtenir un
peu plus de renseignements sur le problème du financement. Je vous
invite à le faire. On peut peut-être revenir sur les tarifs, mais
je tiens pour acquis que l'Hydro-Québec est capable, son génie
est capable, il l'a prouvé. S'occuper de la baie James, et même
envisager, entre-temps, le nucléaire pour les autres étapes. Si,
à ce moment-là, les recherches faites ailleurs,
vérifiées par vous, vous permettent d'entreprendre, à la
suite de cette première étape, du nucléaire plutôt
que de l'hydraulique, si ça s'avère plus économique et
meilleur, en tenant compte toujours, et je ne parle pas d'ici d'exportations,
parce que je tiens pour acquis que, d'abord et avant tout, il faut
répondre aux besoins du
Québec, et que ce n'est que le surplus qui peut être
exporté.
M. le Président, voilà en résumé les
remarques que j'avais à faire au début de cette séance et
je remercie l'Hydro-Québec des renseignements et des rapports qu'elle
nous a transmis.
M. BOURASSA: Juste une question, M. le Président, au chef de
l'Opposition. Quand il dit que l'Hydro-Québec devrait augmenter son
budget de recherches pour l'énergie nucléaire, il a dit ça
tantôt, et à la fin, il a dit que l'Hydro-Québec devrait,
avant d'envisager la seconde étape, en fait c'est ce que
l'Hydro-Québec et le gouvernement ont dit que, comme ça peut se
faire par étapes, ça nous permet une flexibilité pour les
alternatives, est-ce qu'il veut dire que l'orientation de la recherche de
l'Hydro-Québec devrait se faire surtout pour vérifier les
progrès qui se font ailleurs? C'est ce qu'il a dit en terminant.
M. BERTRAND: Je ne crois pas, à première vue, étant
donné tout ce que j'ai entendu, que le gouvernement du Québec pas
plus que l'Hydro-Québec puisse investir $1 milliard dans la
recherche.
M. BOURASSA: Quand on parle de recherches à
l'Hydro-Québec, ce serait surtout souscrire aux recherches...
M. BERTRAND: Je parle de recherches. A l'heure actuelle, nous avons la
centrale pilote de Gentilly. Au Canada également il y a du
nucléaire. En Ontario, des expériences sont conduites. C'est bien
entendu, je laisse cela aux ingénieurs de l'Hydro-Québec,
à la direction de l'Hydro-Québec en qui j'ai confiance. C'est
à eux de nous répondre là-dessus. Ce sont eux qui savent
ce qui peut être fait et de quel budget on peut avoir besoin.
M. LE PRESIDENT: M. le Président de l'Hydro-Québec.
M. GIROUX: M. le Président, je remercie M. Bertrand de la
confiance qu'il témoigne envers l'Hydro-Québec. Au sujet du
programme de la baie James, je ne peux que répéter que nous avons
étudié la question à fond avec le meilleur jugement. On a
établi trois phases pour la baie James. La première phase est une
phase, qui, simplement dit avec la plus grande prudence possible nous en
sommes convaincus est réalisable. Nous n'avons aucune objection
à nous attaquer aux autres phases. C'est une phase minimum.
Je ne crois pas qu'on devrait entrer dans certains détails des
budgets, qu'on doive mettre de côté le nucléaire. Au sujet
du nucléaire, on ne cesse pas d'étudier, on ne cesse pas d'avoir
des gens dans ce champ d'action et on ne cesse même pas de continuer des
négociations avec l'Energie atomique du Canada. A midi au dîner,
quelqu'un a attiré mon attention pour me dire que Lorne Gray avait
déclaré qu'il y avait une poussée terrible vers le
développement du nucléaire. J'ai regardé l'article dans le
journal. M. Gray a été convoqué lui aussi devant une
commission gouvernementale c'est ce genre de coincidence . Il a
alors répondu à la commission qu'il s'était
développé un intérêt dans l'énergie atomique
dernièrement, vu la hausse des prix dans le thermique ordinaire, alors
que le Japon et l'Italie avaient montré plus d'intérêt, et
je cite: "more interest in nuclear power", pour le programme nucléaire.
J'ai appelé cet après-midi M. Gray pour avoir certaines
explications, pour savoir quel était son point de vue et ce qu'il avait
déclaré à la commission. Alors, voici ce que M. Gray a
déclaré à la commission, en entier:
Il a déclaré qu'il croyait sincèrement qu'il y
avait aujourd'hui une possibilité d'avoir un rendement meilleur avec du
nucléaire contre du thermique conventionnel vu l'augmentation des taux.
On lui a aussi posé la question: Si un grand développement
hydraulique pouvait avoir lieu, qu'en pensez-vous? Il a dit, sans avoir vu les
chiffres, qu'il était convaincu que le développement hydraulique
de la baie James serait meilleur marché à Montréal, mais
qu'il ne pouvait pas se prononcer pour New York parce qu'il n'avait pas vu les
chiffres. Il a dit que définitivement, s'il y avait un
développement hydraulique à faire partout au pays, il devrait
être fait avant de faire du nucléaire, à moins que ce soit
impensable au point de vue du coût.
C'est l'opinion de M. Gray, donnée cet après-midi. M.
Lorne Gray est le président de l'Energie atomique du Canada.
A certaines questions qui m'ont été posées,
quelqu'un demandait à notre secrétaire, le dépôt du
contrat de Churchill. L'Hydro-Québec ne distribue pas de copie du
contrat de Churchill. Pour une raison bien simple: cela a été
fait comme un genre d'addendum à un prospectus. Il s'agit d'un placement
privé aux Etats-Unis qui n'a pas été enregistré.
Seulement, ce contrat est déposé au gouvernement, ici. Le
gouvernement peut le mettre à la disposition de toute personne qui en
fait la demande pour le voir, sur place. Je ne sais pas si ça
répond à la demande exprimée.
Une autre question, aussi, m'a été posée ce midi.
Je voudrais simplement profiter de cette occasion pour faire une mise au point.
On me dit : Hier, vous avez parlé beaucoup de votre système
d'achat préférentiel et vous en faites état. Il serait
peut-être important, si vous me permettez, M. le Président, de
parler un peu de notre politique d'achat. L'Hydro-Québec a, par sa
politique d'achat au Québec, encouragé l'expansion d'industries
existantes et l'implantation de nouvelles industries.
En 1970, par exemple, la direction des achats et contrats du
siège social, a donné des commandes se chiffrant à $250.7
millions, répartis comme suit: fournisseurs québécois,
$208 millions ou 83.2 p. c; compagnies canadiennes avec succursale ou
usine dans le Québec, $32.6 millions ou 13 p. c; compagnies canadiennes
sans succursale ou usine au Québec, $8.5 millions ou 3.4 p. c;
compagnies non-canadiennes, $1 million ou 0.4 p. c.
Et cela, en plus, des commandes locales très diversifiées
totalisant $25.4 millions émises dans des régions. Cette
politique préférentielle, en vigueur depuis quelques
années, a permis l'implantation et l'expansion de plusieurs entreprises.
Si vous me permettez de les nommer: Marine Industries de Sorel, pour les
turbines et les génératrices; Ségélec Canada,
Ségélec Entreprises, pour les isolateurs, les sectionneurs, les
disjoncteurs et les barres omnibus; Reynolds Cables de La Malbaie, pour les
câbles d'aluminium; Canadian General Electric de Montréal, pour
les compteurs, turbines et génératrices; Sicard, pour les camions
de grande puissance; Lockwell & Forge, pour les pylônes; Dynamic
Industries, pour les pylônes; General Manufacturing, pour les
pylônes; Formex, pour les pylônes; ACA, pour les transformateurs,
réactances et autres produits; Les Transformateurs du Québec,
pour les transformateurs; ITE Circuit Breakers Canada de Drummondville, pour
les transformateurs et autres produits; Central Dynamics de Pointe-Claire, pour
les télécommandes; Philips Cable de Rimouski, pour les
câbles; Les Câbles Industriels de Québec, pour les
câbles, aussi; Dominion Bridge de Montréal, pour les turbines et
les génératrices; Les Industries Forest Steel de Lachine, pour
les pilônes en acier; Lacal Industrie de Lachine, pour les accessoires;
Canadian Ohio Brass de Pointe-Claire, pour les accessoires.
Maintenant, on dit souvent qu'on ne répartit pas et qu'on fait
des préférences au point de vue de génie-conseil. Voici,
durant l'année 1970, un extrait des bureaux d'ingénieurs-conseils
qui ont eu des honoraires de plus de $50,000: Asselin, Benoît, Boucher,
Ducharme et Lapointe; Bourgeois et Boulianne; Brosseau, R.B. et
associés; Dagenais, Dupras, Gauthier et Gendron; Georges Demers
Incorporé; Lalonde, Girouard, Letendre; Lalonde, Valois et Lamarre;
Letendre, Monti, Lavoie et Nadon; Martineau, Vallée et associés;
Gracey, Mc Callum et Buteau; Rousseau, Sauvé et Warren;
Société d'Ingénierie Shawinigan; Surveyer, Menninger,
Chênevert.
Plusieurs autres qui ont eu des commandes de moindre importance.
M. BERTRAND: M. le Président, je voudrais, étant
donné qu'on vient de référer au problème de
Churchill Falls, au contrat, inviter mes collègues qui n'étaient
pas ici, à lire la séance de la commission des Richesses
naturelles du 20 mai 1969. Ce problème a été abordé
par tous les partis. L'Hydro-Québec, également était
présente, cela répondra aux questions des membres de la
commission.
M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je ne veux pas
reprendre ce qu'a dit le chef de l'Opposition. Je suis, en tous points d'accord
sur les propositions qu'il a faites. Je voudrais signaler, à l'intention
de la commission, réunie pour étudier ce problème, que
nous pourrions nous éterniser longuement, en questionnant les
spécialistes de 1'Hydro, sur des problèmes scientifiques.
La question du développement de la baie James, telle qu'elle se
présente à nous, a deux aspects bien spécifiques. Il y a
d'abord un aspect technique et scientifique qui est de la responsabilité
de l'Hydro.
Hier, nous avons eu l'occasion d'interroger les représentants de
l'Hydro-Québec. Ils ont répondu aux questions légitimes
que nous étions en droit de leur poser, sur les possibilités des
installations hydro-électriques à la baie James, sur leur
rentabilité et sur leur financement.
Je crois, pour ma part, et compte tenu des documents qui nous ont
été remis, que l'on a répondu à notre satisfaction
à ces questions. Bien qu'il reste, et c'est normal, des zones grises,
elles se dissiperont au fur et à mesure que l'on nous fournira les
renseignements que nous demanderons, ultérieurement.
Le second aspect est un aspect politique. En effet,
l'Hydro-Québec a reçu mandat de faire des études, des
recherches et de proposer au gouvernement une action à entreprendre.
L'Hydro-Québec a fait connaître son attitude. Elle a effectivement
proposé au gouvernement de prendre action dans le sens que nous
connaissons.
Donc, la seconde partie de la question est d'ordre politique. Il s'agit
évidemment des coûts, des priorités du gouvernement, des
investissements, des retombées économiques, des
répercussions sur l'embauche. Ce sont là, des questions
politiques. Nous aurons l'occasion de les examiner à loisir lorsque le
gouvernement prendra des décisions, qu'il en informera la Chambre.
En ce qui concerne cet aspect politique, M. le Président, je
poserai d'abord une question à M. Giroux. Je lui demanderai d'y
répondre à la fin de mon intervention.
Je voudrais savoir de l'Hydro-Québec si le développement
de la baie James retardera ou empêchera d'autres développements
dont nous avions parlé l'an dernier à cette commission des
Richesses naturelles, soit la Saint-Maurice, la Péribonka, la Moisie,
etc. Mais je reviens au problème politique en indiquant que ce qui a pu
troubler la population et ce qui nous a inquiétés nous aussi,
c'est que l'annonce de cet immense projet a été faite dans un
contexte dont le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il avait
une certaine coloration politique et je n'insiste pas là-dessus.
Le premier ministre se justifiera.
M. BOURASSA: Une certaine coloration politique...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'autre part, lorsqu'on examine ce
problème politique et ce problème scientifique, il nous
apparaît, compte tenu de tout ce qui a été écrit,
qu'il y a des divergences de vues entre des théoriciens de
l'économique et des spécialistes du domaine scientifique. Il
serait extrêmement périlleux et je pense impossible d'essayer de
réconcilier les théoriciens de l'économique et les
scientifiques en une matière aussi difficile et qui demande une approche
concrète et positive du problème, comme celle qu'a adoptée
l'Hydro-Québec. Je voudrais donc, M. le Président, en terminant,
poser deux questions à M. Giroux. La première, que je lui
répète: Est-ce que le développement de la baie James
empêchera ou annulera les développements dont nous avions
parlé l'an dernier, à savoir la Moisie, la Péribonka, le
Bas Saint-Maurice ou d'autres que nous avions évoqués? Sous forme
un peu humoristique et justement pour protéger le premier ministre
lui-même et pour évidemment satisfaire les esprits
soupçonneux, je voudrais demander à M. Giroux s'il est en mesure
de nous expliquer cette coincidence de la publication de certaines lettres de
M. Giroux lui-même, de M. Cahill, de M. Warren et de M. Sauvé,
lettres qui ont toutes été adressées le 29 avril 1971, la
veille d'un grand déploiement qui s'est tenu là où
ordinairement se font valoir les athlètes au sens propre du terme, et
non pas les athlètes politiques du genre du premier ministre. Ce sont
les deux questions que je voudrais poser à M. Giroux.
M. GIROUX: C'est très facile pour moi de répondre à
cette question. Au mois de février, lors d'entretiens fréquents
au sujet de la baie James et des progrès des études faites
à ce sujet, avec le premier ministre, j'ai reçu une demande de ce
dernier, qui voulait savoir si on serait en mesure de lui donner une
réponse positive ou négative à la fin d'avril, sans qu'il
y ait mention de date. Je lui ai dit qu'on était très
avancé dans l'étude de ce problème. Avant le départ
du premier ministre pour New-York, au moment d'une tournée, à
laquelle je n'étais pas présent parce que j'étais en
vacances, la même question m'a été posée. Je
n'étais pas en mesure d'y répondre. Mais plusieurs
assemblées ont eu lieu à l'Hydro-Québec durant mon absence
et des études ont été faites. A ce moment-là,
à mon retour de vacances, on avait la position suivante. On était
convaincu qu'on devrait aviser le gouvernement, à ce moment-là,
que l'Hydro-Québec penchait très fortement pour la baie James,
mais on n'était pas encore en mesure de fournir une recommandation
écrite. Le premier ministre est très tenace. En débarquant
à Londres, à l'occasion d'un diner, il m'a deman- dé si je
pouvais donner une réponse pour le 30 avril. Naturellement, moi, le 30
avril, ça ne m'a pas frappé plus que cela. Si ça avait
été le 1er avril, j'y aurais pensé. Le 30, je n'ai pas
porté plus d'attention à cette chose-là, mais je lui ai
dit qu'on était très avancé à l'Hydro et j'ai
répondu: Je crois que oui. A ce moment-là, il s'agissait de
rencontrer deux personnes, deux industriels très importants. Je crois
que je peux les mentionner ici: Sir Val Duncan et Sir Mark Turner et M. William
D. Mulholland de Churchill qui étaient les plus importantes
personnalités dans le domaine minier, par l'entremise de Rio Tinto Zinc,
Brinco, etc. Malheureusement, en ce qui concerne ces messieurs, un était
en Australie lorsqu'on était à Londres et l'autre était en
Espagne.
Ils nous ont télégraphié tous les deux et leur
secrétaire nous a demandé si on pouvait organiser une rencontre.
A ce moment-là, le premier ministre les a invités à
dîner le 29, à Québec. Moi, je suis rentré à
Montréal, le premier ministre est allé à New York et nous,
nous avons passé la semaine là-dessus.
Lors d'un téléphone, j'ai promis au premier ministre de
lui apporter la réponse, quelle qu'elle soit, le 29 en venant
dîner ici. Je suis venu. Nous avons eu la réception du premier
ministre. Je lui ai remis la réponse de l'Hydro-Québec.
Naturellement, je présume qu'il s'est servi de ma lettre je
n'étais pas invité le 30 .
Pour ce qui est des réponses sur les autres projets, je
demanderais à M. Boyd ou à M. De Guise s'ils veulent
répondre à cette question des autres projets. Il y en a qui sont
retardés, d'autres reportés, je ne crois pas qu'on les ait mis en
oubliette, mais le degré d'importance d'un projet est tel que les deux
autres, vous pouvez me corriger, doivent être...
M. BOURASSA: M. le Président, je pourrais juste ajouter que ce
que dit M. Giroux est exact. J'ai eu plusieurs rencontres avec lui. Nous en
avons discuté à Londres. Nous avons même fait des
téléphones de Londres ici à Montréal et le point
que je voudrais mettre en relief, c'est que je n'ai pas insisté sur la
teneur de la réponse comme l'a dit M. Giroux que la
réponse soit négative ou positive, c'était la
responsabilité de l'Hydro-Québec. C'est évident que le
gouvernement dans un investissement aussi important, à moins
d'être totalement et indécemment irresponsable, ne pouvait pas
forcer l'Hydro-Québec à prendre une décision dans une
direction ou dans une autre.
C'est elle qui avait fait les recherches. L'Hydro-Québec avait
demandé à deux firmes privées, au mois de novembre, par
mesure de précaution, deux firmes différentes, de faire
également des recommandations. J'ai demandé à M. Giroux
étant donné qu'on faisait des recherches et des
études depuis plusieurs années, pour pouvoir
accélérer, si la réponse était positive de pouvoir
profiter au maximum pour la raison que je mentionnais hier, c'est que plus
nous retardions, plus ça coûtait cher s'il n'y avait
pas possibilité d'avancer la réponse devait être
prévue pour juillet de quelques mois. Il n'y a pas seulement la
question du 30 avril, mais ça permettait de faire démarrer les
travaux et que, dès cet été et cet automne, nous pouvions
créer 2,000 à 2,500 nouveaux emplois pour une région qui
en a tellement besoin.
On sait qu'il y a des fermetures de mines en très grand nombre
dans la région de l'Abitibi. Ce sont des mines qui ne sont pas
rentables. Donc, le gouvernement ne peut pas tellement faire quelque chose.
L'alternative pour cette région le député ici peut
le confirmer une des rares alternatives, c'était
précisément outre l'investissement de Noranda pour lequel
nous avons fortement insisté de commencer ce projet par le budget
que nous avons voté hier.
Il y aurait la question d'un chômage rapidement accru dans cette
région, la possibilité d'amorcer une relance économique
avec un budget de l'Hydro-Québec, indépendamment de la question
de la réunion du 30 avril. Je pense que c'était relativement
secondaire dans tout cela, la date pouvait intéresser le Parti
libéral, mais ce qui était important c'est que les emplois
pouvaient commencer à être créés à
l'été et à l'automne et pour ça, il nous fallait
une décision négative ou positive, au printemps.
M. LE PRESIDENT: Le ministre de l'Education.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Un instant. J'attends une réponse de M.
De Guise au sujet des problèmes du Bas Saint-Maurice, de la
Péribonka, de la Moisie, qui eux pourraient créer
m'assure-t-on des emplois immédiats. Est-ce que cela est mis de
côté en raison des développements de la baie James?
M. DE GUISE: Si vous le permettez, M. le Président, je vais faire
appel pour un instant aux notions de puissance et d'énergie au sujet
desquelles il y avait une petite note dans les documents qui nous ont
été remis.
Le réseau de l'Hydro-Québec en général
requiert que les installations fonctionnent environ 70 p. c. du temps.
Autrement dit, notre facteur d'utilisation, si nous avons une charge d'un
million de kilowatts à rencontrer, il faut au cours de l'année
produire l'équivalent de 700,000 kilowatts sur une moyenne.
Ceci règle tout de suite le problème du bas Saint-Maurice.
Il y a le bas et le haut, je vais les prendre séparément.
Les installations prévues pour le bas Saint-Maurice qui
étaient de l'ordre de 300 mégawatts seulement à cause de
l'eau disponible, ne pourraient fonctionner plus que 10 p. c. du temps à
moins de faire tout un chambardement dans le régime de la rivière
et de créer des réserves. Il n'est pas question d'un substitut.
L'énergie de la baie James qui est prévue à 80 p. c. du
facteur d'utilisation ne peut certainement pas être remplacée par
quelque chose qui ne peut fonctionner à cause de l'eau disponible que 10
p. c. du temps.
Si on va au haut Saint-Maurice où il y a d'autres
possibilités, on trouve un peu le même problème
légèrement amélioré. Les installations avec l'eau
disponible dans les projets qui ont été conçus ne
pourraient pas fonctionner plus que 25 p. c. du temps. Encore une fois, on ne
pourrait pas substituer ce qui est requis à 70 p. c. ou à 80 p.
c. à quelque chose qui fonctionne à 25 p. c. du temps.
Ces installations pourraient tout de même avoir leur
utilité un peu plus tard. Voici pourquoi: l'énergie des chutes
Churchill nous arrive avec une disponibilité ou un facteur d'utilisation
d'environ 80 p. c, c'est-à-dire que nous aurons plus d'énergie
qu'il y a de pointe par rapport aux besoins du réseau. Ce serait
peut-être un peu la même chose avec la baie James. Il est possible,
dans le cours des événements, qu'on doive combler un
excédent ou que l'on doive suppléer à un excédent
d'énergie par une installation de pointe.
Que ce soit le bas Saint-Maurice ou une partie du haut Saint-Maurice, il
y a aussi la fameuse centrale de Saint-Joachim. Tout de suite on doit vous dire
que suivant les coûts que nous connaissons, il serait beaucoup plus
économique de procéder avec la centrale de Saint-Joachim qui a
une possibilité de 3,600 mégawatts comparativement à 300
dans le bas Saint-Maurice. Les problèmes d'échelle, la hauteur
des chutes, qui est de 1,000 pieds à la baie James au lieu de quelque
chose aux environs de 100 pieds dans le bas Saint-Maurice, font que les
indications que nous avons nous laissent croire qu'il y a probablement lieu
d'attaquer Saint-Joachim avant.
En ce qui concerne la Péribonka, on réalise aussi que l'on
parle d'installations beaucoup plus faibles que celles de la baie James. Sur la
Péribonka, il y a peut-être 500,000 ou 600,000 kilowatts
disponibles, j'entends économiquement. C'est peut-être la
moitié de l'augmentation normale d'une année. De toute
façon, un budget est voté et approuvé. Nous poursuivons
nos recherches sur la Péribonka et plus particulièrement sur la
rivière Chamouchouane.
J'insiste pour vous dire que si on parle des trois rivières de la
baie James, avec un potentiel de 5 millions ou 5.5 millions de kilowatts, en
mettant même la première étape à 1.5 millions de
kilowatts, il y a quand même une différence d'échelle assez
grande quand on parle de 400,000, 500,000, 600,000 kilowatts disponibles dans
le Saguenay. Nos études ne sont pas assez avancées. Je ne dis pas
que ces projets-là sont au rancart mais je crois qu'étant
donné les projets de 1'Hydro pour 1978, même si nous
accélérions les études et si nous décidions de nous
engager sur la Péribonka, il faurait encore faire autre chose pour
rencontrer la demande.
En ce qui concerne la rivière Moisie, là aussi
nous avons un budget appréciable pour étudier plusieurs
rivières de la Côté-Nord. La Moisie est une d'entre elles,
l'autre est la rivière Petit Mécatina.
Il y a là une puissance un peu plus considérable:
probablement au-delà d'un million de kilowatts. Ce qui nous fait
hésiter, c'est une question de lignes de transport. Si on voulait se
servir de l'énergie de ces rivières pour la charge du
réseau de l'Hydro-Québec en général, il faudrait
amener cette énergie à Québec ou même à
Montréal.
Les lignes de transport représenteraient une partie très
élevée du coût de l'électricité. Avec les
développements qui s'annoncent, les développements prévus
sur la Côte-Nord, disons que la rivière Moisie serait un site
idéal pour une industrie locale s'il y avait moyen d'éviter
d'avoir à transporter cette énergie. Probablement que, dans le
temps, on s'apercevra que la croissance normale du Québec dans cette
région permettra de consommer sur place d'une manière beaucoup
plus économique l'énergie d'une rivière comme la
rivière Moisie.
Disons que c'est un peu en prévoyant que, dans un avenir assez
prochain, il y aura une consommation locale importante qu'on continue
d'étudier cette rivière-là mais on la réserve
plutôt que la transporter vers Montréal ou Québec.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. De Guise, une dernière question
à ce sujet-là. Au sujet du bas Saint-Maurice, je vous ai
posé la question parce que je vous donne ça sous toute
réserve des gens m'ont dit que si on aménageait le bas
Saint-Maurice, on pourrait immédiatement cela rejoint les
préoccupations du premier ministre récupérer
là, 1,400 emplois dans l'immédiat. C'est la raison pour laquelle
je vous ai posé la question. Je tiens compte de ce que vous venez de me
dire sur le problème de l'énergie comme telle ou de la puissance
comme telle.
Dans l'optique de l'embauche, les observations qu'on m'avait faites
m'incitaient à vous demander si l'Hydro-Québec abandonnait des
projets de cette nature-là qui permettraient, m'assure-t-on, et je vous
le dis sous toute réserve, de procurer de l'emploi dans
l'immédiat à environ 1,400 personnes.
M. DE GUISE: Mais, là, c'est dans un autre contexte. Nous jugeons
strictement sur le prix de revient pour l'Hydro-Québec. On peut
introduire un autre contexte évidemment.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci, M. De Guise.
M. LE PRESIDENT: M. le ministre de l'Education.
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, quelques brefs commentaires. Je
pense que l'am- pleur du projet, les chiffres qu'on nous a cités, tant
sur le plan du coût que sur le plan de la production d'énergie,
justifient que la commission parlementaire des Richesses naturelles
s'intéresse à ce projet. Je sais que l'échelle est
complètement différente, mais il ne faudrait pas oublier non
plus, avec un peu de recul, en regardant le passé et en pensant ainsi
aux années 1944, quelques années en arrière où sur
le plan de la production de l'énergie, nous n'étions pas sur la
même échelle. A cette époque-là, il aurait
semblé impensable à plusieurs que le budget de la province en
1971 aurait pu être près de $4 milliards, ce budget qui
était à peine de $100 millions en 1944.
Tout ça pour dire que l'échelle est modifiée
constamment, et comme le faisait remarquer le président de
l'Hydro-Québec, ce qui autrefois pouvait être entrepris une fois
tous les 23 ans, dans le monde de demain, il faudra l'entreprendre à
tous les trois ans. Il faudra surtout avoir le courage de prendre les
décisions nécessaires pour aller de l'avant, sans cela, il faudra
payer dans un deuxième temps la cause de cette hésitation.
Je pense que les réponses que nous avons eues du président
de l'Hydro-Québec établissent très clairement les besoins
réels du réseau d'électricité du Québec,
qui, dès 1978, indiquent un déficit assez substantiel qui
dépasse 1,000 mégawatts, et qui doit être comblé. Ce
déficit, progressivement, dès les années 1982 atteint des
sommes qui sont dans les mêmes ordres d'échelle que l'ensemble de
l'harnachement de la baie James.
On nous a aussi évoqué les immenses possibilités
d'un marché électrique dans l'ensemble de l'Amérique du
Nord, qui place le Québec dans une position très avantageuse
il faudrait le rappeler qui est totalement différente de
celle qui prévalait lors des premières négociations pour
la vente possible de l'énergie des chutes Churchill à la
Consolidated Edison ou à l'Etat de New York dans les années 1962,
où le marché n'était pas aussi favorable
qu'aujourd'hui.
Ce marché d'aujourd'hui est d'une part causé, comme le
mentionnait le président, par les problèmes de pollution,
causé par l'énergie thermique surtout mais également par
l'énergie nucléaire. On sait les exigences très fortes de
la plupart des Etats touchant l'énergie thermique. Qu'il me soit permis
de signaler à cette commission la récente décision de
l'Etat du Michigan qui impose comme critère de pollution thermique une
différentielle maximum de 1 degré Fahrenheit entre l'eau qui est
expulsée des centrales et les bassins des réservoirs.
Ceci implique évidemment des coûts substantiels de
capitalisation qui nécessitent des bassins de décantation pour
permettre un refroidissement de l'eau. Je pense que le président de
l'Hydro-Québec nous a établi clairement que les recommandations
formulées au gouvernement ne l'ont pas été à la
légère. Il faut se
rappeler que déjà depuis douze ans, le projet est
étudié sous différentes formes, que déjà
près de $12 millions ont été dépensés. Il
serait peut-être prématuré de dire que toutes les
études sont terminées, et d'ailleurs, les rapports de
l'Hydro-Québec indiquent qu'on veut poursuivre des études
d'optimalisation. Mais on sent que nous avons suffisamment de données
pour poser un jugement certain sur l'ensemble du projet.
Le Président de l'Hydro-Québec a aussi, avec
différentes lettres à l'appui, évoqué qu'on a
étudié avec sérieux toutes les autres formes possibles
d'énergie pour satisfaire ce déficit prévu en 1978,
déficit qui implique que dès maintenant il faut prendre des
décisions et qu'on ne peut pas spéculer sur ce que peuvent
être les changements. Nous avons également vu que face à
des changements technologiques qui peuvent survenir, il n'en reste pas moins
que le taux, que les possibilités, que la rentabilité de la baie
James n'est pas mise en cause, particulièrement avec cette
possibilité de procéder par phases dans l'évolution des
travaux.
Je ne crois pas qu'il revient à la commission parlementaire des
Richesses naturelles de se poser en expert technique sur les recommandations
qui ont pu être formulées par l'Hydro-Québec. Les questions
pertinentes ou non que nous avons pu soulever étaient justes. La
question fondamentale est : Avons-nous ou non confiance aux membres de la
commission assistés de leur personnel technique, dans la validité
des recommandations que ceux-ci peuvent nous faire?
On peut soulever des questions. Mais, fondamentalement, il faut se poser
la question: Avons-nous, oui ou non, confiance en des gens qui nous disent
à la suite d'un rapport: Nous vous recommandons l'énergie
hydro-électrique, nous vous recommandons, davantage, le
développement de l'ensemble de la baie James?
Si on veut mettre en doute cette compétence, la commission
parlementaire n'est pas l'endroit requis. Il y a d'autres procédures
dans nos lois qui le permettent. Le gouvernement, ne veut sûrement pas
mettre en doute cette compétence. Se basant sur ce jugement qu'on nous
donne, on veut passer immédiatement à l'action. Les avantages du
développement de la baie James, de l'ensemble de ce projet de la baie
James, m'apparaissent substantiels. D'une part, le critère du prix de
revient, pour combler des besoins essentiels du marché local en
énergie, m'apparaît un facteur prédominant. D'autres
facteurs doivent également être considérés. Mais
celui-là demeure prédominant.
J'ai peine à comprendre cette hésitation exprimée
hier soir par les représentants du Parti québecois touchant le
prix en mills de l'énergie des chutes Churchill...
M. LAURIN: Ce ne sont pas les chutes Churchill.
M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse, non pas
Churchill, mais du bassin de la baie James. Il s'agit, somme toute,
d'une simple division. On aurait pensé qu'avec l'assistance de certains
économistes on aurait pu, au moins, faire ceci: à même le
rapport de l'Hydro-Québec, on peut établir qu'à ce
stade-ci, le coût, tenant compte de l'inflation, tenant compte des frais
d'intérêts intercalaires, ajouter, à ceci,
également, le coût des routes d'accès principales, le
coût des aéroports, le coût de construction des villages, se
situe, pour la production d'énergie, à moins de dix mills.C'est
une simple division qu'on peut faire à partir de l'énergie
produite et des estimations indiquées ici par l'Hydro-Québec. De
plus, le rapport de l'Hydro-Québec indique en page 21, que les
études subséquentes permettront d'optimaliser le complexe et,
peut-être, d'en réduire le coût total.
Prenant à profit, pour moi-même, l'expérience de
Beauharnois avec des coûts ridiculement bas actuellement, il faut se
rendre compte que c'est une forme d'énergie avec un minimum de
main-d'oeuvre. Elle est, d'elle-même, protégée de
l'inflation, par une hausse substantielle qui pourrait survenir, soit dans le
combustible, soit dans la main-d'oeuvre et qui affecterait
énormément l'autre projet.
Or, par des statistiques très sérieuses, par des
recherches qui avaient été publiées par la Northeast
Utilities, d'autres groupes, l'ensemble des groupes de consultants
américains de grand renom qui avaient fait une étude pour
l'évolution des prix sur les différentes formes d'énergie,
on a vu, hier, un taux de croissance assez constant pour l'énergie
nucléaire, passant d'à peu près six mills, actuellement,
à environ 13.80 et à 15 mills dans les années 1983. On
peut supposer, compte tenu de l'importance de la main-d'oeuvre, compte tenu de
l'importance du combustible, que dans l'énergie nucléaire, ces
coûts, probablement, continueront à accélérer.
Il n'en reste pas moins que pour la même raison, la chose a
été évoquée pour d'autres pays. Cela surviendra un
jour et l'Hydro-Québec n'aura pas ce choix qu'elle a actuellement: trois
sources d'énergie. Alors, ayant épuisé nos ressources
hydrauliques, il faudra, comme les autres, se poser la question: Choisit-on du
thermique ou choisit-on du nucléaire pour faire face aux besoins du
marché? Egalement, le projet de la baie James implique des avantages
marqués sur le plan des retombées économiques. Le
président de l'Hydro-Québec, tantôt, mentionnait quelques
industries du Québec qui bénéficieront directement du
projet de la baie James. C'est donc dire que les $7 milliards, les $6
milliards, peu importe le chiffre que nous retenons pour le projet, lorsque les
études d'optimalisation seront terminées, se répartissent,
dans l'ensemble, dans la plupart des industries manufacturières, des
industries de construction, dans la plupart des industries du
Québec.
On ne pourrait en dire autant d'autres
formes d'énergie. La structure de l'industrie secondaire au
Québec est telle que dans d'autres formes d'énergie, on ne peut
sûrement pas atteindre le même pourcentage. Ceci était
corroboré par les réflexions de M. Giroux.
Nous avons aussi évoqué la possibilité de profit
dans une vente à court terme, suivant des conditions qui favorisent, en
tenant compte des besoins du Québec, une possibilité de profits
réels, de profits financiers fort intéressants pour une province
qui recherche, justement, un capital pour d'autres vocations. Là, on
peut donner toute la gamme des immenses besoins du Québec. Ce serait un
profit réel pour la vente à court terme, suivant les
impératifs du Québec, ses objectifs, soit de l'énergie,
soit de la puissance compte tenu, qu'en général la puissance
maximale au Québec... que l'énergie de pointe ne correspond
pas... que les périodes de pointe ne correspondent pas
nécessairement à celles des Etats de la Nouvelle-Angleterre. Nous
pourrions, alors, avoir des échanges intéressants qui pourraient
nous rapporter de l'argent. Il est inutile de rappeler les sommes qui ont
été mentionnées.
Egalement la nature de l'ouvrage, la nature de l'entreprise, s'inscrit
dans un prolongement, dans un champ d'action où les
Québécois ont acquis une certaine compétence.
Ce champ d'action n'est pas uniquement un besoin sécuritaire,
mais un besoin qui nous donne dans un contexte ce que nous recherchons : une
certaine vitalité sur le plan économique, qui nous offre des
garanties que d'autres engagements ne pourraient pas nous donner.
Il est intéressant de noter que, dans plusieurs de nos secteurs
manufacturiers, le problème financier ne soit pas le seul
problème qui touche les Québécois. Des discussions
publiques et privées que j'ai eues même avec certains membres du
Parti québécois m'ont appris que souvent nous avons un
problème de gestion ou de "know how" dans certains secteurs de
l'industrie manufacturière. Le cas de Bombardier est un cas fort
intéressant. J'aimerais moi-même et je suis certain que le
Parti québécois serait d'accord le multiplier par mille.
Mais, dans la réalité des choses, il faut être prudent.
Nous constatons que la multiplication n'est pas aussi facile dans ces
cas-là et que, dans nombre d'entreprises, nous avons des
problèmes de gestion, des problèmes de "know how". Ce sont des
problèmes que nous tentons de surmonter. Les mesures et je ne
voudrais pas sauter de commission annoncées par le
ministère de l'Education, des bourses de $8,000 à 40
Québécois pour des études de m.b.a. correspondaient
justement à un certain consensus puisque tous les groupes que nous avons
consultés ont établi comme première priorité, pour
les études de deuxième cycle au Québec, les études
d'administration. Donc, ces 40 qui sont un modeste départ qui se
poursuivra, nous per- mettront, sur le plan de la gestion, de nous
améliorer.
Mais quant au projet de la baie James, la nature même du projet,
je pense que les Québécois ont établi leurs
compétences tant sur l'aspect de la conception de l'ouvrage, que sur
l'aspect de la gestion de l'ouvrage, que sur l'aspect de l'exploitation de la
construction et l'exploitation des centrales et la fourniture de tout le
matériel relié à ce projet. On ne pourrait pas, il me
semble, en dire autant dans d'autres formes d'industrie manufacturière.
Reprenons la question: Pourquoi ne pas investir le même montant dans
d'autres secteurs d'activité? Et on voit qu'avec des lois, comme le
projet de loi 21 et d'autres lois mises de l'avant par le gouvernement, on nous
reproche justement que les Québécois ne sont pas ceux qui en
profitent, que ce sont d'autres qui, ayant la gestion, ayant le "know how"
prennent peut-être les avantages qu'on leur offre pour créer de
l'emploi, pour apporter un stimulant économique ici dans la
province.
Il est évident que, dans un deuxième temps, se posera le
problème de l'organisation responsable de l'exécution de
l'ouvrage. Et je suis certain qu'au moment opportun, le gouvernement
établira ses politiques. Comme le disait le député de
Chicoutimi, le problème se déplacera d'un problème
d'évaluation de concept technique à un problème plus
politique à savoir comment pouvoir atteindre, avec le maximum de
sécurité, les objectifs que nous nous fixons, non seulement pour
la production de l'énergie électrique, mais aussi pour le
développement intégré d'un territoire qui, il ne faudrait
pas l'oublier, représente quand même la moitié de la
superficie de la France.
Or, je pense qu'il y a une note prédominante qui demeure, peu
importent les formes d'organisations sur lesquelles le gouvernement
s'arrêtera. Il y a un impératif dans tout ceci, c'est de mobiliser
au maximum toutes nos ressources humaines possibles et nos ressources humaines,
sur le plan de la conception, sur le plan de la construction des ouvrages. Il
est évident que, sur le plan québécois, plusieurs de ces
ressources se retrouvent à l'Hydro-Québec et ce serait, il me
semble, inconcevable que le gouvernement songe à ne pas mobiliser au
maximum ces ressources humaines disponibles à l'Hydro-Québec.
D'ailleurs, dès qu'on regarde quelque peu le projet, l'ampleur
même du projet, on se rend compte que non seulement nous pourrons
mobiliser les ressources humaines de l'Hydro-Québec, mais nous pourrons
mobiliser, nous devrons mobiliser l'ensemble des ressources à la fois du
secteur privé et du secteur public que possèdent les
Québécois puisqu'on n'a qu'à simplement comparer que le
projet, il faut s'en rappeler, représente quand même, sur le plan
des investissements, de six à sept fois le projet
de Churchill Falls: projet qui nécessitait, dans sa
période de pointe, quand même à peu près 8,000
à 9,000 hommes sur le chantier. On n'a qu'à faire les
multiplications et se rendre compte que nous ne sommes plus maintenant dans
l'ère ou la décennie de Manic-Outardes, mais dans une
décennie où les projets ont beaucoup plus d'envergure.
Pour terminer, M. le Président, sur le plan du financement, les
propos de l'Hydro-Québec et d'autres informations, sûrement que le
gouvernement, en temps approprié, donnera, indiquera que sur ce
plan-là, compte tenu des possibilités du marché, compte
tenu de la rentabilité du projet, que le financement qui devait se faire
de toute façon pour combler des besoins soit au Québec, soit
à l'étranger, sera disponible et ne causera pas de
problème. Le gouvernement, je pense, a déjà
préalablement indiqué que, sur le plan du capital-action de cette
entreprise, peu importent ses responsabilités, nous ferons appel
directement aux Québécois.
Je pense que nous pourrons peut-être rejoindre une des
préoccupations des jeunes qui se plaignent que nous vivons dans une
société de consommation. Peut-être que dans ce projet
collectif, ce projet qui demeure de très grande importance, on pourra
trouver des formules qui pourront faire appel à chacun des
Québécois pour contribuer quotidiennement à une partie de
ces revenus, pour assurer le succès de ce projet compte tenu des
disponibilités que peuvent offrir les particuliers au Québec.
Dans un dernier temps, M. le Président, j'aimerais souligner
évidemment, peut-être pour le bénéfice de mon
collègue de l'Abitibi, que ce projet comparativement à d'autres
permet d'ouvrir toute une région. Ce projet dans sa rentabilité
offre et nous donnera une infrastructure qui permettra sûrement sur le
plan des industries minières, sur le plan des industries
forestières, sur le plan récréatif, d'ouvrir toute une
région qui, autrement, ne pourra peut-être jamais traverser le
seuil de la rentabilité. Plusieurs des projets miniers, plusieurs des
projets forestiers importants au départ... Il s'agit d'analyser certains
des projets d'expansion de certaines industries impliquées dans ce
secteur, l'industrie minière et l'industrie forestière. Une part
assez substantielle des dépenses est causée par toutes les
dépenses nécessaires d'immobilisation et d'infrastructure: routes
principales, routes secondaires, bases d'approvisionnement, villages et tout
ceci. Le projet de la baie James nous donne cette infrastructure qui permettra
d'en faciliter l'exploitation par SOQUEM, de découvrir peut-être
certains gisements miniers et de permettre l'ouverture dans un territoire plus
au nord que celui de l'Abitibi conventionnelle, de permettre un
développement rentable d'une industrie minière.
Pour toutes ces raisons, il me semble, M. le Président, que nous
ne sommes pas en face d'un ballon politique. Nous sommes en face d'une
décision d'un gouvernement qui voit là une occasion et qui n'a
pas peur de prendre, compte tenu que les échelles sont
différentes, des décisions et, puisant à même les
recommandations des experts que nous avons au gouvernement par l'organisme que
constitue l'Hydro-Québec, d'aller de l'avant dans un projet qui pourrait
assurer la relance économique et contribuer substantiellement à
améliorer une région, non pas une seule région, mais
l'ensemble de notre activité manufacturière, l'ensemble de notre
activité économique au Québec.
M. LE PRESIDENT: Le député d'Abitibi-Est.
M. TETRAULT: M. le Président, nous voulons aussi féliciter
l'Hydro-Québec pour toutes les informations qu'elle nous a
données même si on n'a pas pu avoir toutes les informations comme
le coût du projet en entier. Nous de la région de l'Abitibi nous
sommes en faveur de ce projet qui nous favorise énormément comme
l'a dit le ministre de l'Education. Finalement le Nord-Ouest
québécois va être sur la carte de la province de
Québec.
La peur qui existe, dans notre région, avec le
développement de la baie James, est que le sud aide le nord pour mieux
servir le sud. M. le Président, après tout ce qui a
été dit, même de l'Opposition officielle et du
gouvernement, une question reste encore soulevée. Est-ce que ça
va être la régie ou l'Hydro-Québec qui va avoir le
contrôle du projet de la baie James? Nous ne mettons pas en doute les
capacités de l'Hydro-Québec. Nous voyons par les
expériences passées que l'Hydro-Québec a su se
débrouiller assez bien, et même avec gloire, dans les projets
qu'elle a entrepris. Mais selon les informations que nous avons du gouvernement
ou dans les coulisses parlementaires, il semble qu'une régie sera
formée. Pour le bien de tous, nous aimerions savoir si c'est la
régie afin que nous puissions poser les questions nécessaires
à la régie et si c'est simplement l'Hydro-Québec, on
posera nos questions à l'Hydro-Québec et elle pourra nous
répondre avec autorité.
Sur ces recommandations que l'Hydro fait, qui couvrent un très
grand territoire, le territoire du bassin de la baie James, on parle de faire
l'aménagement de la baie James par sections, par secteurs, afin que, si
l'énergie nucléaire pouvait devenir plus rentable
éventuellement, on se lance dans l'énergie nucléaire.
Nous sommes complètement d'accord que le gouvernement, la
province de Québec ou l'Hydro-Québec emploie les meilleurs
procédés afin de se tenir à l'avant dans la
technologie.
Nous croyons sincèrement, comme l'a proposé le chef de
l'Opposition, qu'il faut faire le projet de la baie James par secteurs parce
que d'autres secteurs de production hydro-électrique pourraient
être plus favorables à l'avenir.
M. LE PRESIDENT: Le député de Gouin.
M. JORON: Je voudrais d'abord resituer à nouveau l'optique dans
laquelle nous abordons le travail que nous faisons dans cette commission. C'est
l'intervention du député de Chicoutimi qui m'a fait rappeler le
besoin de préciser. Je suis d'accord avec lui et avec le ministre de
l'Education qui disait également qu'il ne nous appartient pas de faire
nous-mêmes, à titre de parlementaires, les études
techniques à la place de l'Hydro-Québec. Cela est évident.
Ce domaine appartient à l'Hydro-Québec. D'autre part, il est
évident aussi qu'il ne nous appartient pas de prendre une
décision politique. C'est le privilège d'un gouvernement de
prendre une décision politique. Mais la raison pour laquelle nous
siégons ici, la raison pour laquelle l'Opposition existe, c'est
d'essayer de savoir en fait pourquoi cette décision-là a
été prise et à la suite de quel éclairage et
à partir de quel autre choix. C'est non seulement l'Opposition qui veut
savoir cela, mais bien entendu, toute l'opinion publique. C'est dans cette
optique que nous abordons les travaux de cette commission, non pas pour prouver
que la baie James n'est pas bonne et qu'on devrait faire autre chose, mais on
veut savoir pourquoi et si les réponses apportées autour de cette
table sont satisfaisantes, tant mieux, faisons-la et au plus tôt !
Je voudrais tout d'abord revenir sur quelques points. On aborde
plusieurs choses à la fois et on a parfois l'impression qu'on est en
train de perdre le nord. Toutes sortes de questions sont lancées, sont
introduites dans la discussion qui sont des questions accessoires souvent. Je
voudrais essayer de ramener la discussion sur les points essentiels. En guise
d'introduction, je voudrais en deux mots expliciter davantage notre position
sur deux aspects qu'ont mentionnés MM. Massé et Bourassa. On
apporte comme argument au fait que l'on doit accélérer les
travaux de la baie James et pour insister sur l'urgence de faire ces
travaux-là, que plus on les fait rapidement, on aura peut-être en
réserve des surplus d'électricité à ce
moment-là qui nous permettraient de les exporter. Est-ce que le motif de
vouloir exporter de l'électricité est une considération
valable pour accélérer les travaux? A notre avis, ça ne
l'est pas, principalement pour la raison suivante. En faisant cela, on se
trouve à engager des sommes énormes de capitaux qui ne rapportent
pas les profits extraordinaires dont faisait mention tout à l'heure le
ministre de l'Education. Voyons un peu les chiffres. Si nous exportions 20 p.
c. du total du projet tel qu'annoncé par M. Bourassa le 30 avril, soit
environ 15 milliards de kilowatts heures c'est à peu près
20 p. c. du total de la baie James et que le profit sur cette
exportation-là était de un mill ou deux, par exemple, parce que
notre marge de profit, évidemment, va être limitée. Elle
est conditionnée par le prix de revient auquel la Consolidated Edison,
pour prendre cet exemple-là, peut produire de
l'électricité. Il est évident qu'on ne peut pas rajouter
10 mills comme ça par-dessus notre coût. Eux aussi,
évidemment, tiennent compte des coûts. Il me semble que dans
l'hypothèse la plus favorable, on peut envisager faire un profit de un
mill ou peut-être deux au maximum, ce qui serait peut-être 10 p. c.
en gros, au-delà de notre coût de revient, de notre coût de
production. Or, sur 15 milliards de kilowatts, ça veut dire quoi? C'est
un profit de $15 millions par année, de $15 ou $20 millions par
année. Est-ce qu'il est censé, est-ce qu'il est logique
d'investir environ $1,200 millions, soit 20 p. c. des $6 milliards, pour faire
un profit net de $15 ou $20 millions, c'est-à-dire un taux de profit de
1 p. c. ou 2 p. c?
M. MASSE (Arthabaska): Est-ce que c'est une question?
M. JORON: Cela m'apparaît... Non! C'est un exposé que je
fais. J'explique pourquoi cet argument m'apparaît insensé. D'autre
part, on a avancé hier l'idée que cela pourrait faciliter le
financement dans le sens que ça augmente la possibilité
d'autofinancement.
D'autre part, les commissaires de l'Hydro-Québec en
témoignant hier nous disaient que le taux d'autofinancement dans les
ventes de l'Hydro-Québec peut être de l'ordre de 20 p. c. à
30 p. c, peut-être 25 p. c. en moyenne. S'il s'agit de trouver une forme
d'investissement par laquelle l'autofinancement procure beaucoup de capital,
à ce moment-là il serait beaucoup plus indiqué de s'en
aller dans l'industrie manufacturière, où on connaît le
taux général d'autofinancement en Amérique du Nord qui est
de l'ordre de 75 p. c.
Si on veut trouver par ça un moyen d'autofinancement, c'est
à peu près le plus piètre moyen qu'on puisse trouver.
Cela, c'est pour les arguments avancés autour de la
nécessité d'exportation. Et là-dessus nous rejoignons
pleinement les propos du chef de l'Opposition...
M. BERTRAND: Le député de Gouin me permettra justement ce
que je voulais faire clarifier. A ce moment-ci toutes ces remarques se font
dans le sens d'un développement global.
M. JORON: C'est ça.
M. BERTRAND: Mais non pas d'une première phase, à cause du
problème de l'énergie...
M. JORON: Il ne serait pas question d'exportation si on ne
faisait...
M. BERTRAND: De répondre d'abord à nos besoins, mettant de
côté l'exportation.
M. JORON: D'accord.
M. BERTRAND: Et deuxièmement, pour permettre à
l'Hydro-Québec de suivre ce dont vous avez parlé
abondamment hier, avec le
député de Bourget le développement de
l'énergie nucléaire.
M. JORON: A ce moment-là, nos positions se rejoignent
pleinement.
M. LAURIN: Un tout petit mot. D'ailleurs il n'est pas question
d'exportation, puisque dans le rapport du président de l'Hydro, on lit:
En 1978, si aucun nouveau programme de construction n'est mis en marche, nous
aurons un déficit de 1,335,000 kilowatts et si c'est la même chose
chaque année multiplié par trois, c'est 5 millions de kilowatts
et c'est exactement la contenance totale du complexe NBR, 5,300,000. Ce ne
pourrait être que pour une année ou deux qu'on pourrait exporter
de l'énergie, puisque dès 1980, même avec NBR, nous en
manquerions.
M. PICARD: Alors toute la documentation que vient de nous donner le
député de Gouin est absolument inutile.
M. JORON: Non, mais je dis...
M. LAURIN: De toute façon.
M. LESSARD: Attendez donc un peu!
M. JORON: C'est la raison pour laquelle...
M. BERTRAND: ... le député de Gouin que le ministre de
l'Education, de même que le ministre des Richesses naturelles mettent
trop l'accent sur l'exportation. Je l'admets.
M. JORON: C'est le point que je voulais faire valoir. C'est pourquoi je
pense qu'il serait utile d'écarter ce "red-herring" qu'on introduit
à tout moment dans nos discussions et qui finalement est futile.
M. MASSE (Arthabaska): Si vous permettez une question. Est-ce que vous
êtes d'accord que, s'il y a accélération du projet, il y a
accélération de la production d'électricité
si la production d'électricité de la baie James avant le
déficit du Québec en 1978 pour dire qu'en réalisant
des profits avec la vente à l'étranger de cette
électricité, ça réduit d'autant les investissements
que nous avons à faire quand même?
M. JORON: C'est vrai pour n'importe quelle forme de travaux publics.
M. MASSE (Arthabaska): Vous êtes d'accord.
M. JORON: L'argument c'est que ce n'est justement pas dans cette
situation-là qu'il faut se placer.
M. MASSE (Arthabaska): Au contraire.
M. JORON: Le truc là-dedans c'est d'arriver, toujours en
investissant le minimum, à répondre à la demande, à
temps, de ne pas créer des surplus qui constituent pendant le temps
qu'il dure du capital inutilisé. C'est ça l'argument.
C'est pourquoi les travaux ne devraient pas être
accélérés beaucoup au-delà de nos demandes. On dit:
A ce moment-là, le capital épargné pourrait servir
à d'autres fins. C'est ça la base de l'argumentation.
Vous me permettrez d'enchafner sur un autre point, pour
économiser le temps, qui est l'autre argument avancé par M.
Bourassa, argument en faveur de l'accélération des travaux,
lorsqu'il introduit les considérations de chômage et de relance
économique. C'est un effet indirect, c'est bien sûr, la
création d'emplois de la construction de la baie James, qu'on ne peut
pas minimiser, tant mieux. Mais si seulement ça devait être
là l'effet principal recherché, si, en d'autres mots ce que nous
sommes en train de faire, c'est non pas essayer dé pourvoir à nos
besoins électriques, mais créer des emplois pour répondre
immédiatement au problème du chômage, on emploie là
une bien mauvaise solution.
Comment peut-on considérer ça un programme d'urgence pour
répondre au chômage, alors que le maximum d'emplois ne sera
dégagé qu'en 1977? On ne fait pas des programmes d'urgence six
ans à l'avance. Un programme d'urgence c'est une question de six mois et
non une question de six ans. Et d'ailleurs en 1977, au plus fort des travaux
je ne veux pas m'embarquer dans tous les effets multiplicateurs dont on
a d'ailleurs trop fait état et dont on s'est servi à toutes les
sauces depuis un certain temps les emplois directs sur le chantier, qui
seront des emplois temporaires, atteindront le nombre maximum d'environ
20,000.
Si ce sont des emplois temporaires rapidement qu'on veut créer,
à ce moment-là qu'on prenne les $6 milliards divisés en
dix ans: $600 millions et qu'on lance ça dans des programmes de
construction domiciliaire où on sait que par tranche de $100 millions
investis cela crée 17,000 emplois, selon les chiffres du ministre
fédéral Andras.
Cela veut dire que pour le même programme, si c'est une question
de créer des emplois temporaires, cela serait 100,000 emplois par
année pendant 10 ans qu'on aurait et non pas 20,000 en 1977. L'argument
des emplois me semble également devoir être écarté.
Ce qui nous ramène aux considérations essentielles et ce sont
celles-là qu'on est trop souvent en train d'oublier.
Comment doit-on considérer ce problème-là, ce
choix-là? C'est en raison des facteurs d'investissement, de coût
de production et de prix aux consommateurs. J'aurai des questions à
poser aux messieurs de l'Hydro-Québec sur la question du coût de
production d'une part et sur le prix aux consommateurs d'autre part. En
commençant par les coûts de production. Se-
riez-vous en mesure de nous les dire, sur la base des calculs que le
ministre de l'Education nous invitait à faire tout à l'heure?
Nous avons fait ces calculs-là, nous les connaissions hier. La raison
pour laquelle nous ne les avons pas mis sur la table, c'est que nous
souhaitions les faire dire par les experts de l'Hydro-Québec. Ce qui n'a
pas été fait, à cause de considérations à
l'effet que ce n'est pas dans l'intérêt public, en vue des
exportations. Puisqu'il me semble qu'on peut écarter la question des
exportations, cet argument-là devrait tomber. Peut-être que
maintenant, on pourrait savoir le coût, sur la base de la partie NBR, la
première phase, les trois rivières.
On sait que le coût est estimé à $4.1 milliards et
que cela va produire 37 milliards de kilowatts-heures. C'est simple, si on
prend un taux d'intérêt: et on sait que dans l'hydraulique la
charge financière c'est-à-dire la considération des
répercussions des taux d'intérêt est de loin la principale
constituante du prix de revient dans un ordre d'à peu près 80 p.
c. ou 90 p. c. L'essentiel du prix est là-dedans. Il est dans ce seul
facteur-là. Si on prend comme base le taux d'intérêt de 10
p. c. sur $410 millions, 10 p. c. de 4.1 milliards, divisés par 37
milliards de kilowatts-heures c'est 11 mills du kilowatt comme coût de
production, auquel il faut ajouter...
M. MASSE (Arthabaska): Ce sont vos affirmations.
M. JORON: ... l'administration, etc. La question que je veux poser aux
messieurs de l'Hydro est d'une part: Est-ce que cette estimation que je viens
de faire de 12 mills du kilowatt pour l'ensemble du projet NBR est
réaliste à titre d'ordre de grandeur? D'autre part, que devient
ce coût si l'on n'a fait que la première phase du NBR
c'est-à-dire une seule rivière, la première phase qui
consiste à faire 1.5 million de kilowatts seulement et comment je
ne veux pas ouvrir le débat d'hier soir d'après ce que
vous en savez, ces chiffres se comparent-ils aux centrales nucléaires
les plus connues en fonction aux Etats-Unis? C'est sur la question des
coûts. J'aimerais vous signaler tout de suite que j'aurais d'autres
questions à poser quand on aura vidé ces trois petites
questions-là. Elles sont petites mais elles ont des conséquences
assez formidables. J'aurais quelques questions à poser par rapport aux
prix aux consommateurs de l'électricité.
M. LE PRESIDENT: Il est possible que d'autres membres de la commission
veuillent parler aussi.
M. JORON: Ce n'est pas facile de les séparer, l'une
découle de l'autre.
M. LE PRESIDENT: M. Giroux.
M. GIROUX: Nous allons prendre la ques- tion des coûts et des
applications. Je tiens à attirer votre attention sur une chose. L'Hydro
a recommandé le projet hydraulique. Elle l'a recommandé pour un
facteur: c'est que dans l'ensemble, il y a plus d'emplois qui peuvent
être générés en hydraulique que dans d'autres modes.
Il y a plus de fabricants québécois mais le facteur pour
l'Hydro-Québec, il faut bien comprendre, si on peut aider au
développement économique, on y va. Mais, seulement ce n'est pas
pour nous une préoccupation principale. C'est la préoccupation de
tout québécois de créer de l'embauche, dans un projet
comme ça. Il faut bien prendre les choses et s'en tenir à nos
déclarations, si vous permettez cette mise au point. Nous, nous en
tenons à ça.
Maintenant, tout ce qu'on pourra développer on le fera. Je pense
que les autres réponses vont nous être données par les
techniciens.
M. BOYD: M. le Président, on s'est basé sur les chiffres
de 4.1 milliards, sur lesquels les deux groupes d'ingénieurs conseils et
les ingénieurs de l'Hydro se sont entendus en prenant certaines
hypothèses qui avaient été fixées d'avance pour
essayer d'en arriver à un chiffre commun. Les trois ont signé ce
rapport, mais, à ce rapport, chacun a attaché une lettre de
commentaires.
Les trois disaient des choses différentes. Evidemment, les
ingénieurs de l'Hydro-Québec disaient: Ce coût
d'investissement peut être amélioré par l'optimalisation,
chose que l'Hydro-Québec va s'employer à faire cet
été et l'année prochaine. Entre autres, l'hypothèse
prévoyait dix centrales sur la rivières Rupert. On pense qu'il
peut y avoir moins de centrales et ceci entraînerait des coûts bien
inférieurs.
Si on sait que les dix centrales représentent la moitié
des coûts directs, si vous réduisez le nombre de centrales, vous
avez réduit les coûts directs d'une façon
appréciable et de la même façon, les coûts indirects,
l'inflation et tout le reste. C'est le point de vue des ingénieurs de
l'Hydro-Québec que les 4.1 milliards peuvent être
améliorés. Les ingénieurs de l'Hydro-Québec disent
également qu'un réservoir qui avait été
prévu antérieurement peut être éliminé. Un
autre réservoir pourra probablement être éliminé; il
y a là encore également des possibilités
d'amélioration.
C'est le contenu des qualifications que faisaient les ingénieurs
de l'Hydro-Québec à cette estimation. Un autre bureau...
M. JORON: Est-ce que ces espoirs tiennent compte aussi des
difficultés qui peuvent être encourues? C'est déjà
entré dans les estimations. Je pense au problème de la glaise des
rivières, c'est déjà inclus dans l'estimation de 4.1
milliards, avec réserve suffisante.
M. BOYD: Oui. Les estimations prévoient des chiffres très
conservateurs pour les coûts directs, et en plus de ça un
imprévu important de 12 p. c, ce qui est considérable, si vous
vous
imaginez les millions impliqués. Un autre bureau
d'ingénieurs dit: Ce rapport que nous avons signé pour les fins
de discussion peut être amélioré considérablement,
et il donne certaines raisons. Il dit que les coûts doivent être de
plus zéro et de moins 20 p. c. Ce qui fait encore une grosse
différence.
Le troisième groupe ou le deuxième bureau
d'ingénieurs-conseils dit: Nous continuons de maintenir que le projet
pourrait être modifié, pour divertir une partie de la
rivière Eastman dans la rivière Rupert, et de ce fait même,
augmenter considérablement la production en kilowatts-heures sur la
rivière Rupert, le projet Nottaway-Broadback, et réduire les
coûts. Cela pourrait représenter une réduction de 25 p. c.
à 30 p. c.
Alors, quand vous parlez de $4.1 milliards, il faut toujours vous
rappeler ces quatre choses très importantes qui sont les lettres de
commentaires de nos ingénieurs-conseils.
M. PICARD: J'aurais une question, M. Boyd. Pour résumer ce que
vous venez de dire, si je comprends bien, dans l'estimation de $4.1 milliards,
dans votre rapport, vous dites que ça peut être affecté
à plus zéro ou possiblement moins 20 p. c. Est-ce que ça
voudrait dire que les $4.1 milliards représentent un coût maximum
imaginable?
M. BOYD: C'est ce qu'on vous dit, oui.
M. PICARD: Alors, il n'y aurait pas possibilité que ça
coûte plus cher que ça, mais il y aurait possibilité que le
coût puisse descendre jusqu'à $3.28 milliards.
M. BOYD: C'est l'opinion exprimée par ce bureau
d'ingénieurs-conseils...
M. PICARD: Ce qui fait une différence énorme.
M. BOYD: C'est évident.
D'ailleurs, les ingénieurs de l'Hydro-Québec y vont d'une
façon plus conservatrice, si vous voulez, mais eux aussi disent qu'il y
a possibilité d'optimaliser, d'améliorer le projet, de
réduire le nombre des centrales, d'éliminer un réservoir,
peut-être deux, tout cela va produire, comme je le disais tout à
l'heure, des réductions importantes dans les coûts.
M. PICARD: Sans réduire le volume de production?
M. BOYD: Sans réduire le volume de production.
M. JORON: Est-ce que ce taux comprend l'escalade aussi, ce que les
anglais appellent "escalation"?
M. BOYD: Oui, oui, les escalades sont inclu- ses à 4 p. c. Je
prévois votre question, M. Joron, j'imagine que vous voulez dire: 4 p.
c, est-ce suffisant? 4 p. c. est un taux d'escalade composé où la
main-d'oeuvre représente plus que 4 p. c, permettez-moi de ne pas
l'indiquer ici, parce qu'on a quand même des conventions collectives
à négocier. L'équipement est un facteur inférieur
à 4 p. c. et les matériaux de construction, c'est
également inférieur à 4 p. c. C'est le résultat
net, à la suite d'études poussées par notre
département de recherches économiques, qui a fixé ce taux
d'escalade de 4 p. c. sur l'ensemble et c'est ce qui a été
utilisé par la suite par les ingénieurs-conseil et
PHydro-Qué-bec.
Alors, vous avez donc à partir de 4.1 milliards des
possibilités d'amélioration, à partir d'un rapport
très conservateur. Maintenant, vous avez fait des calculs. Le ministre
de l'Education disait 10, vous dites 12, vous pouvez faire des calculs; nous,
on dit que ça va être moins de 4.1 milliards. Que sera la
réponse définitive? On le saura un peu plus tard.
M. JORON: Ce serait plus haut que le député de
Verchères et le député de Gouin?
M. BOYD: Non, je dirais peut-être un peu plus bas même que
le député de Verchères, M. Saint-Pierre. Si les
études d'optimalisation sont poursuivies rapidement une chose
qu'on peut faire il y a moyen d'améliorer le projet d'une
façon importante.
Sur le nucléaire, nous avons donné des chiffres hier, qui
pourraient même aller jusqu'à treize mills pour le
nucléaire américain; pour le nucléaire canadien, ce serait
encore davantage.
M. JORON: Alors, en gros, 30 p. c. plus cher?
M. BOYD: Oui, je dirais que par ordre de grandeur, ce serait un chiffre
qu'on pourrait mentionner.
M. JORON: Maintenant, quel est l'effet sur le coût de production
si on ne fait que la toute première tranche? J'imagine évidemment
qu'on perd un certain nombre d'économies d'échelle à ce
moment et que le coût en mills devrait augmenter. Pourriez-vous nous dire
en pourcentage, de combien cela peut augmenter si on ne fait que la
première tranche de 1,300,000 . ou de 1,500,000, de kilowatts, je ne me
souviens plus par rapport à l'ensemble du complexe NBR qui est de 5.3 ou
5.4?
UNE VOIX: C'est 1,356,000...
M. BOYD: Nous ne l'avons pas calculé, mais c'est facile à
calculer si on voulait. Ce n'est pas notre façon de regarder le
problème, si vous permettez, nous on recommande de faire
Nottaway-Broadback au complet.
M. JORON: Au complet?
M. BOYD: Bien qu'en l'attaquant par une phase d'abord, mais avec
l'intention de faire les trois rivières au complet.
M. JORON: C'est cela, si on veut arriver au dix mills...
M. BOYD: Notre raisonnement est le suivant; Il s'agirait d'une
catastrophe économique, par exemple, qui ne permettrait pas d'emprunter
au-delà d'une phase; ou il s'agirait d'un revirement complet dans la
demande de l'énergie, que tout le monde cesserait d'employer
l'électricité et que la demande n'augmenterait pas aussi vite
qu'on le prévoit; ce qui pour nous serait une catastrophe aussi; ou bien
d'une découverte extraordinaire dans le nucléaire, par exemple,
chose qu'on ne prévoit pas pour les années 1978/79/80 et vous
réalisez que les trois rivières seront absorbées par notre
réseau dans les années 1978/79/80. En 1981, ce sera un autre
problème, il s'agira de savoir si on doit aller aux deux autres
rivières; même, il faudra décider cela avant, pour
être juste, il faudra décider quelques années d'avance pour
être en mesure de produire en 1981, 1982, 1983, 1984 de l'énergie
venant des deux autres rivières.
M. JORON: Comment se fait-il..?
M. BOYD: Alors, il faudra d'ici ce temps-là, continuer nos
études sur les deux autres rivières qui n'ont pas
été étudiées autant que les trois premières,
continuer nos études, nos recherches sur le nucléaire et voir si,
en 1981, c'est autre chose que les deux autres rivières qu'il faudra.
Cela nous donne de la flexibilité mais, pour répondre à
votre question, nous envisageons que c'est les trois rivières qu'il faut
faire. C'est une catastrophe économique qui nous empêcherait de le
faire, c'est une disette ou un recul dans la demande, ou une découverte
extraordinaire en nucléaire, qui n'est pas du tout prévue pour
ces trois années-là.
M. JORON: En termes de coût de production, comment cela se
compare-t-il maintenant aux autres sites hydrauliques qui, additionnés
ensemble, peuvent former à peu près un total de 5 millions de
kilowatts également? Je pense au Lower-Falls Churchill, au bas
Saint-Maurice, le haut Saint-Maurice, Saint-Joachim, les stations de pompage,
la rivière Moisie; l'ensemble de tout cela fait un total d'environ 5
millions de kilowatts. Alors, c'est à peu près la même
chose que NBR. En terme de mills, de coût de production, comme cela se
compare-t-il?
M. BOYD: C'est très difficile de comparer, si vous revenez
à l'explication que vous a donnée M. De Guise. On parle de trois
rivières qui vont nous produire un facteur de production de 80 p. c.
Donc, une quantité énorme de kilo- watts-heures. Quand vous
parlez du bas Saint-Maurice et du haut Saint-Maurice, on a dit que pour le bas
c'était 10 ou 15 p. c. et pour le haut, 25 p. c; Saint-Joachim c'est
fait seulement pour des pointes; Churchill, évidemment, c'est autre
chose. Et ce qui reste à faire ne vous donnerait que de l'énergie
de pointe. Il faudrait combler de toute façon par de l'énergie de
base. Alors, au coût de Saint-Joachim, au coût de Saint-Maurice,
bas et haut, il faudrait ajouter des centrales thermiques ou des centrales
nucléaires pour combler la différence, chose qu'on n'a pas faite,
pour vous donner la réponse à votre question.
M. LAURIN: Mais si Saint-Joachim atteignait 3,600,000 est-ce que
ça ne pourrait pas devenir, jusqu'à un certain point, de
l'énergie de base?
M. BOYD: Pas du tout. De l'énergie de pointe plutôt.
M. LAURIN: Mais si c'est 3,600,000... cela nous permet d'épargner
pour le reste.
M. BOYD: Les 3,600,000 de Saint-Joachim c'est une réserve
pompée. C'est quand même différent. On prend l'eau du
fleuve Saint-Laurent et avec de l'énergie dont on dispose la nuit, on
pompe l'eau dans un immense réservoir et on la conserve. Pour faire face
à la demande de pointe qui, disons, arrive entre 5 et 7 heures le soir,
on laisse descendre l'eau. Après cela, il n'y a plus d'eau. Donc,
ça ne peut pas répondre à la demande de 6 heures du matin
ni à la demande du métro à 8 heures ni à la demande
de madame qui fait son dîner ou son souper. Donc, ce n'est pas comparable
du tout. Ce sont deux choses tout à fait différentes. Ce sont
deux choses qui se complètent mais qui sont tout à fait
différentes.
M. JORON: M. le Président, si vous permettez, brièvement,
il y a une autre question que j'avais prévue...
M. BOURASSA: Dépêchez-vous, il faut terminer. C'est parce
que je ne peux pas...
M. JORON: En deux minutes, si vous permettez.
M. BOURASSA: On va pouvoir terminer à 6 heures?
M. LAURIN: On a d'autres questions sur d'autres aspects.
M. BOURASSA: Si je peux me permettre de répondre au
député. J'écoutais à mon bureau quelques gentils
sophismes sur ce que j'avais dit sur les emplois.
Je n'ai jamais dit que la principale ou l'unique raison était de
créer des emplois. J'ai
dit qu'on avait un problème de chômage aigu dans la
région de l'Abitibi et quant à prendre la décision au mois
de juillet ou au mois de septembre, si on peut la prendre avec la même
certitude au mois d'avril, ça nous permet de créer des
emplois.
Quant aux chiffres, j'ai dit à dix reprises, en citant à
l'Assemblée nationale les rapports de l'Hydro-Québec, c'est
26,000 dans l'année de pointe sur le chantier et 32,000 dans les
entreprises qui vont fabriquer des turbines ou l'appareillage électrique
et les alternateurs, l'acier de charpente. C'est quand même des emplois
également directs sans compter les autres emplois. Et ça c'est
sur trois rivières par rapport à cinq.
Je voulais faire cette mise au point-là parce que le
député ne semblait pas avoir compris.
M. JORON: M. le Président...
M. LE PRESIDENT: Le député de Gouin me permettra. Je vais
lui permettre une dernière question parce que le député de
Beauce voudrait poser des questions.
M. JORON: La dernière question a trait à une distinction
à introduire entre le coût de production et le prix au
consommateur.
On entendait, hier, le président de l'Hydro-Québec nous
dire qu'en augmentant le prix au consommateur, les tarifs de
l'électricité de 4 p. c. annuellement, c'est-à-dire ce qui
fait un total de 50 p. c. d'augmentation des tarifs vers 1980, cela permettait
de dégager par autofinancement environ 30 p. c. des fonds
nécessaires pour l'investissement total. Mais si, d'autre part, une
autre formule nécessitant des investissements moindres, donc, ne
nécessitant pas d'augmentation de tarif, permettait de ne pas augmenter
les tarifs, on arriverait à la considération suivante: Le
coût de production, à ce moment-là, est-ce qu'on doit, en
d'autres mots, considérer uniquement le coût de production comme
base de notre décision ou si on doit introduire la notion de prix au
consommateur?
Le coût de production, pourrait être plus
élevé de 50 p. c. dans un certain cas, nécessitant alors,
exactement la même hausse de tarif que l'exposé qui nous a
été fait hier. Dans la mesure, cependant, où le coût
de production est moindre que 50 p. c, on commence à gagner en avantage.
Je rapproche cela du chiffre que M. Boyd nous citait il y a un moment. Il
estimait le coût du nucléaire supérieur à 30 p. c.
Si c'est sur 30 p. c, il y a nettement une économie au consommateur.
M. GIROUX: Si vous prenez la déclaration que nous avons faite,
elle est fort simple. Il faut quand on prend un coût de 30 p. c. des
choses comme celles-là, on prend un coût en investissement. La
position étudiée par 1'Hydro-Québec nous apporte les
résultats suivants: quel que soit le mode d'énergie dont on se
sert, ce qu'on sauve en investissement, on le paie en exploitation. Donc, quels
que soient les modes dont on se sert, les modes connus, on estime qu'on aura
à augmenter les tarifs en moyenne de 4 p. c. pour une période
donnée.
M. JORON: Je suis d'accord avec vous que ce qu'on sauve en
investissement, on le recharge plus tard au consommateur parce que
l'opération est plus chère. On a quand même une marge
d'à peu près 50 p. c. pour comparer aux augmentations de tarifs
que vous prévoyez...
M. GIROUX: Absolument pas! Parce qu'à ce moment-là, votre
charge devient tellement plus grosse dans les autres années que, sur la
moyenne, au lieu d'augmenter de 4 p. c. à ce moment-là, vous
augmentez de 17 p. c. ou 18 p. c.
M. JORON: Pas à ce point là, mais ce qui arrive,
l'avantage...
M. GIROUX: Calculez-le et vous allez voir!
Il faut prendre le calcul sur une base de moyenne. Je ne peux pas vous
dire exactement ce qu'elle sera parce que le taux d'inflation, j'aimerais le
connaître exactement. On a de très bons économistes, ils
prennent toutes les bases, mais ce sont toujours des moyennes. Si les taux dont
nous nous sommes servis quel que soit le mode dont on se sert pour faire
l'électricité, en moyenne on aura augmenté de 4 p. c.
C'est le rapport que nous avons. Vous me dites: "Est-ce qu'une année,
vous allez augmenter de 4 p. c? " Non. Ce n'est pas comme cela. C'est qu'en
moyenne, il y aura 4 p. c. quel que soit le mode dont on se sert, s'il n'y a
pas d'augmentation plus grande dans le nucléaire ou dans l'autre. Au
point de vue exploitation.
M. JORON: On se donne déjà une marge, mais l'avantage de
le faire payer plus tard par les consommateurs, c'est l'économie
immédiate de capital. Je comprends que ce n'est pas votre
décision. C'est une décision d'ordre politique. Si le
gouvernement juge qu'il vaut mieux économiser le capital
immédiatement pour l'employer à d'autres fins que ce soit pour
poursuivre des fins sociales, etc.
Mais il y a une formule qui permettrait...
M. GIROUX: Il faut toujours se rapporter à la recommandation de
l'Hydro qui n'est pas le gouvernement.
M. JORON: D'accord.
M. GIROUX: Tout ce qui est politique, on le passe à
l'Assemblée nationale et avec plaisir.
M. BERTRAND: On s'en occupera. M. LE PRESIDENT: Le député
d'Olier.
M. PICARD: Je voudrais mettre en doute la façon de calculer de
notre économiste, ici. Franchement, je ne sais pas s'il nous prend pour
des enfants d'école. On n'a pas de machine à calculer, d'accord.
Je vais reprendre l'argument, qu'il nous a donné, tout à l'heure,
et la confirmation que j'ai fait donner par M. Boyd, à savoir que le
coût du projet serait, au maximum, de $4.1 milliards. Il y avait une
possibilité d'une réduction de l'ordre de 20 p. c. et aucune
possibilité d'augmentation.
M. JORON: J'ai compris cela.
M. PICARD: Je vais en venir à votre calcul de tout à
l'heure. Cette possibilité de réduction de 20 p. c. pourrait
réduire le coût du projet à $3.28 milliards. M. Boyd, tout
à l'heure a dit que c'était pour la même production de 37
milliards de kilowatts. Lorsque vous avez fait votre calcul, tantôt, vous
avez fait la division de 4.1 milliards par 37 milliards de kilowatts pour
arriver à 11 mills.
M. JORON: Non.
M. LAURIN: M. le député, ce n'est pas 9.1 milliards.
M. PICARD: Vous avez parlé, tantôt, et vous avez dit en
partant de... Vous avez calculé 10 mills plus 1 mill pour le
financement. A partir de vos 10 mills, vous avez demandé à M.
Boyd combien coûtera le nucléaire. La seule réponse qu'il
vous a donnée a été celle-ci et vous pourrez toujours
vérifier dans le journal des Débats. M. Boyd vous a dit que
c'était 13 mills, au nucléaire, aux Etats-Unis et plus au Canada,
sans vous donner de chiffre.
M. JORON: Selon la filière américaine, il y aurait
possibilité de...
M. PICARD: Mais au Canada, il ne vous a pas donné de chiffre. A
partir de votre coût de 10 mills, vous avez dit: 13 mills aux Etats-Unis,
un coût au Canada, plus l'autre aux Etats-Unis, donc, 30 p. c. A partir
de votre 30 p. c. vous commencez à essayer de faire votre calcul du
coût au consommateur. Votre base est fausse.
M. JORON : Je ne vois pas pourquoi. Si on a le choix entre 10 mills pour
la baie James ou 13 mills nucléaires selon la forme américaine,
on arrive...
M. PICARD: Aux Etats-Unis. Il vous a dit que c'était plus que
cela au Canada.
M. JORON: Selon la filière canadienne. Ce n'est pas la même
chose.
M. P.ICARD: Il ne vous a pas dit combien. M. JORON: Mais on a la
possibilité, peut- être, surtout si Rio Tinto vient s'installer
à Sept-Iles pour faire une usine d'uranium enrichi, d'utiliser, à
ce moment-là, la filière américaine au Canada.
M. LAURIN: Avec la permission du fédéral.
M. JORON: Avec la permission du fédéral. Ce sera une bonne
occasion de tester le fédéralisme rentable, à ce
moment-là.
M. PICARD: Vous avez décrété, tantôt,
arbitrairement que 30 p. c. est la base...
M. JORON: Je n'ai pas décrété. M. Boyd l'a dit.
M. PICARD: Vous avez pris votre 10 mills et le 13 mills aux
Etats-Unis...
M. JORON: C'est cela.
M. PICARD: ... qui établissait cela à 30 p. c. Votre 10
mills, je viens de vous le prouver, tantôt, il est faux.
M. JORON: Comment ça, il est faux?
M. PICARD: Il pourrait être 9 mills au lieu de 10.
M. JORON: Il pourrait!
M. PICARD: Vous prenez tous les maximums pour que cela fasse votre
affaire.
M. JORON: Je vous concède le 10 mills. On a
déjà...
M. BERTRAND: Nous ne sommes pas ici pour entendre un
contre-interrogatoire entre membres de la commission. Cela deviendra
fastidieux. Il y a des experts à interroger, derrière la barre.
Si on continuait cela... Cela fait déjà plusieurs heures qu'on
discute de cela. C'est un problème important. Nous aurons l'occasion d'y
revenir. Tout le débat politique sera en haut, beaucoup plus qu'ici.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): On mobilise l'Hydro-Québec et on
retarde le projet.
M. BERTRAND: On mobilise l'Hydro-Québec.
Il y aura sans aucun doute, à première vue, je fais cette
remarque, c'est que l'Hydro entreprend cet été des travaux
d'envergure dans ce coin-là pour obtenir encore plus de précision
et j'ai bien conscience que il n'est pas impossible, quant à moi, je
m'en réserve le droit comme parlementaire, de reconvoquer l'Hydro
à l'automne.
Nous n'aurons certainement pas le temps à l'occasion de cette
série-ci d'examiner le rapport de l'Hydro et les gens de l'Hydro se
sont
toujours prêtés à venir devant la commission. A tout
événement, si nous pouvions procéder à des
questions plutôt qu'à des...
M. BOURASSA: On m'informe du côté de l'Hydro qu'on
préférerait à moins que les membres croient que ce
serait impossible continuer jusqu'à sept heures si
ça devait se terminer à sept heures plutôt que de
reprendre à huit heures et quart, jsuqu'à dix heures. De notre
côté nous accepterions que ça se termine à sept
heures. Est-ce que...
M. BERTRAND: Nous n'avons pas d'objection.
M. BOURASSA: Si vous avez trop de questions, dites-le, il ne s'agit pas
d'empêcher...
M. LAURIN: Nous avons d'autres questions, nous
préférerions ajourner à six heures, revenir ce soir et
probablement que ce serait la dernière séance.
M. BOURASSA: Cela se terminerait ce soir?
M. BERTRAND: Si nous pouvions nous entendre au moins pour terminer ce
soir, parce que j'ai bien l'impression que ce projet-là, à cause
de l'aspect politique je reviens là-dessus qu'on lui a
donné depuis le début, va être débattu encore
beaucoup en Chambre et ailleurs et que peut-être, au point de vue
technique, tout ça, nous aurons besoin à l'automne de revoir les
gens de l'Hydro.
M. LAURIN: Je pense bien que nous pourrions, pour notre part,
libérer l'Hydro ce soir.
M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce.
M. ROY (Beauce): Je vous remercie, M. le Président. J'aurais une
question extrêmement simple parce que je ne veux pas prolonger le
débat à poser au président, M. Giroux, relativement
au coût une question que j'ai posée hier. Je sais la
réponse qu'il nous a faite à ce moment-là, mais j'aimerais
tout de même éclaircir une chose. Dans le rapport que nous a remis
l'Hydro, on a mentionné qu'on avait tenu compte d'une augmentation
annuelle de 4 p. c, représentant le taux de l'inflation ou environ dans
les prix de l'électricité, pour déterminer les revenus que
pourraient avoir l'Hydro en deux, trois, quatre, cinq et même dix
ans.
Or, est-ce à partir de ces revenus que l'Hydro pourra obtenir,
suite à l'augmentation annuelle de 4 p. c. que vous avez basé
votre opinion pour dire que le projet était rentable?
M. GIROUX: Le projet n'est pas basé sur cette
rentabilité-là. Il est basé sur une demande
d'électricité qui existe. Nous avons comme projets sans
vouloir dramatiser un problème devant nous dont on vous a
donné l'échelle, qui dit qu'en telle année, il va manquer
tant et tant d'énergie. Le gouvernement est libre de dire: Ne faites
aucun travaux, et nous aurons à ce moment-là une rareté
d'électricité; nous y serions exposés. Donc il y a un
besoin qui est là. Notre recommandation débute par un besoin
réel qui a été exprimé.
Dans ce besoin, on fait des calculs et on nous dit que nous allons avoir
des dépenses annuelles de tant. Nous prenons le projet total, tel qu'il
a été proposé. A ce moment-là, on calcule aussi
quelles vont être les exigences de l'état financier pour arriver
avec des emprunts annuels de tant par année, où ça vous
prend des revenus de tant, annuellement. L'Hydro a toujours réussi dans
ses marchés financiers en maintenant ce qu'on appelle des "ratios" qui
sont tel pourcentage d'autofinancement et un recours aux emprunts.
A la base de tout ça, en calculant l'augmentation de
l'échelle, si on prenait toute cette demande d'énergie dont on a
besoin, si on pouvait l'établir à un prix de 1971 et qu'il n'y
aurait pas de changement dans l'exploitation, on pourrait dire qu'on pourrait
le faire sans augmentation, parce que les revenus seraient tels. Actuellement,
il faut répartir le tout sur une période d'années. En le
répartissant sur une période d'années, il faut
nécessairement y ajouter le revenu que cette charge va nous
occasionner.
L'augmentation n'est pas faite pour faire la baie James, faire ci ou
faire ça, mais pour donner l'électricité, tel que
prévu, tel que la demande le prévoit dans la province de
Québec. Malheureusement, on prévoit que l'inflation ne
disparaîtra pas demain matin et qu'il faudra augmenter les taux en
moyenne de 4 p. c. Ces choses-là sont des moyennes, comme on
l'expliquait tantôt. Il y a peut-être une année où ce
serait plus avantageux d'investir moins mais, au bout de dix ans, vous arrivez
au même résultat. C'est pour cela qu'on dit en moyenne. On ne peut
rien vous garantir.
M. ROY (Beauce): Ceci veut dire que l'Hydro a tenu compte quand
même de l'augmentation de 4 p. c. pour pouvoir rencontrer ses
obligations.
M. GIROUX: Absolument.
M. ROY (Beauce): Ses obligations de remboursement de capital, des
coûts de capitaux, des dépréciations, des immobilisations,
des coûts de l'administration et des dépenses
générales.
M. GIROUX: Les dépenses générales et les
dépenses ordinaires sont surtout calculées avec notre
augmentation ordinaire. Quand notre charge augmente de 7.5 p. c, nos revenus
doivent aussi augmenter en proportion. C'est l'excédentaire qui nous
force toujours à faire un calcul d'augmentations.
M. ROY (Beauce): Si l'Hydro-Québec d'ailleurs, vous nous
aviez dit hier et je me base sur votre déclaration que 1'Hydro
était capable de réaliser ce projet si, dis-je, à
la suite d'ententes qui pourraient intervenir relativement à
l'exportation d'électricité, de contrats très avantageux,
est-ce que ce serait plus avantageux, pour l'Hydro, de pouvoir le
réaliser globalement, d'une façon beaucoup plus rapide, que de le
réaliser, par étape, comme le mentionnait tout à l'heure
l'honorable chef de l'Opposition?
M. GIROUX: Oui. Si on réussissait à faire des choses, il y
a un problème qui devrait être étudié, à ce
moment-là. Si vous prenez un projet, quel qu'il soit, pour s'approcher
de n'importe quoi, prenez un projet de $10 milliards, figurez-nous comme ils
ont émis tantôt, 10 p. c. d'intérêt ce qu'on a
déjà eu à payer . C'est $1 milliard par
année. Si vous réussissez à obtenir de l'aide et à
le réduire à neuf ans, il y a un milliard de moins.
Ce sont des prouesses. On peut arriver à améliorer
certaines choses. Bâtir un réseau comme celui-là,
strictement avec le but d'exporter, ce n'est pas dans la pensée de
l'Hydro-Québec.
M. ROY (Beauce): Vous tenez compte d'une certaine
possibilité.
M. GIROUX: On tient compte d'une certaine possibilité,
naturellement; vous voyez dans nos bilans cette année qu'heureusement,
on avait des réserves qui nous ont permis de faire certaines ventes qui
sont absolument excédentaires à nos revenus normaux. Ces
choses-là, c'est en administration que vous devez les rechercher et
essayer de les obtenir.
M. LAURIN: Incidemment, est-ce que c'est de l'énergie primaire
que vous avez vendue ou secondaire?
M. GIROUX: Excédentaire.
M. LAURIN: Primaire ou secondaire.
M. GIROUX: C'est du secondaire.
M. ROY (Beauce): Cela répond à ma question, je vous
remercie, M. Giroux.
M. LE PRESIDENT: Le député d'Abitibi-Ouest.
M. AUDET: M. le Président, à la lumière des calculs
des experts, M. Giroux et ses experts, je ne m'attarderai pas davantage sur les
pourcentages de revenu, de diminution et ces choses-là. De toute
façon, je crois qu'il a mentionné, entre autres, qu'il se basait
beaucoup plus sur les besoins qu'avait le Québec en
électricité que sur la création d'emplois dont nous avons
aussi besoin. Je crois que le gouvernement regarde plutôt, un peu trop de
ce côté-là. Je crois aussi qu'on met tellement d'ampleur
sur le besoin de création d'emplois qu'on s'engage peut-être dans
des problèmes d'envergure qui coûteront réellement beaucoup
d'argent.
De toute façon, si l'Hydro-Québec s'en tient à ses
besoins, ce serait beaucoup plus logique de marcher en question de besoins
plutôt que de marcher en fonction des emplois à créer.
Maintenant, pour ajouter à cette question, nous savons qu'une fois les
barrages de ces rivières créés, l'emploi demeurant sera
assez minime, si on tient compte des années 1970 qui nous apportent la
cybernétique et 1'automation.
Vous savez probablement que ces centrales électriques seront
contrôlées électroniquement, avec un minimum d'emplois.
Parce que, même au Japon aujourd'hui, nous voyons de grandes
aciéries qui ont été construites à même la
mer et qui n'occupent pratiquement pas de personnel.
De toute façon même si on croit que les retombées
économiques dans la province de Québec au point de vue industriel
créeront des emplois, avec l'automatisation, nous voyons encore
là un minimum d'emplois à créer. Donc, je crois que ce
serait illusoire de poursuivre la question de l'emploi en créant ces
barrages.
M. LE PRESIDENT: Le député d'Abitibi-Ouest me permettra de
lui faire remarquer qu'il est six heures. Nous allons ajourner jusqu'à
huit heures quinze.
Reprise de la séance à 20 h 36
M. OSTIGUY: (président de la commission parlementaire des
Richesses naturelles): A l'ordre, messieurs!
De mémoire, lorsque nous avons ajourné, c'était le
député d'Abitibi-Ouest qui avait la parole.
M. DUMONT: M. le Président, j'avais noté cet
après-midi dans les remarques du chef de l'Opposition officielle qu'une
nouvelle société ne serait pas nécessaire pour faire le
développement du bassin de la baie James. C'est vrai que cette
société devrait exploiter l'électricité, les
ressources forestières, les richesses de l'industrie minière, le
tourisme, la chasse et la pêche.
Je crois et je suis sûr que l'Hydro-Québec, avec tous ses
spécialistes, comme nous les connaissons, pourra développer
efficacement le secteur de l'électricité. Maintenant, je crois
que nous avons des ministères: un ministère des Terres et
Forêts, un ministère des Richesses naturelles, un ministère
du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche. Pourquoi ces secteurs ne
seraient-ils pas développés par les ministères que nous
avons déjà, que nous payons et qui sont là pour cela?
Pourquoi avoir j'appuie M. Bertrand en ce sens une autre
société lorsque nous avons tous les organismes voulus pour
développer ces richesses-là?
Je crois que ces trois ministères par la voie normale de
l'entreprise privée pourraient s'acquitter de ces tâches, faire
l'exploitation de ces richesses naturelles en même temps que
l'Hydro-Québec s'occupe de l'électricité.
Ici, j'aimerais faire remarquer une fois de plus au ministère des
Richesses naturelles ainsi qu'aux autres ministères concernés, de
faire un peu plus de cas de la population du Nord-Ouest qui a commencé
cette ouverture du grand territoire du bassin de la baie James, par le chemin
Villebois-baie James. Je crois que le ministre des Richesses naturelles est au
courant. Il a rencontré, d'ailleurs, une délégation du
Nord-Ouest. Cette dernière a rencontré aussi le Premier ministre,
lui-même, l'automne dernier et lui a fait part de toutes les nombreuses
démarches, et évidemment du grand travail effectué pour ce
chemin. Ici, je veux renouveler cette demande de toute la population du
Nord-Ouest, d'avoir un peu plus de reconnaissance envers ces gens qui ont
peiné pendant trois hivers pour faire cette première
trouée vers la baie James. Je suis sûr, que si on veut faire un
développement efficace de ce territoire, une partie de ce chemin de
Villebois-baie James, servira efficacement pour ce développement.
Je crois que si on veut faire l'exploitation des terres et forêts
probablement qu'on voudra faire l'exploitation forestière
cela serait un chemin d'accès qui servira certainement pour faire
l'exploitation forestière et aussi l'exploitation minière de ces
territoires.
Je serais tenté ici de suggérer aussi un mode de
financement efficace pour ces grandes réalisations qui deviendraient la
propriété des Québécois, par la suite. Je crains
que le gouvernement ne soit encore assez mûr pour une aussi saine
administration.
M. MARCHAND: La Banque du Canada. Vous allez former la Banque du
Québec peut-être.
M. LE PRESIDENT: Le député de Laurier.
M. MARCHAND: M. le Président, j'aurais quelques questions
à poser à M. Giroux. J'ai une petite remarque à faire,
auparavant. Cela serait pour ajouter aux paroles du ministre de l'Education cet
après-midi. Permettez-moi, M. le Président, de dire que les
conseils que le conseiller financier du Parti québécois donne au
sujet du complexe de la baie James sont aussi erratiques, je pense, que les
conseils qu'il donnait à l'occasion de la création du complexe
Churchill, alors qu'il combattait cette réalisation. Le complexe
Churchill s'est révélé un succès et une
nécessité pour le Québec.
En 1962, lorsqu'on a créé la Manicouagan, encore une fois,
le même problème s'est posé, c'est-à-dire qu'on a
parlé d'énergie nucléaire. On disait qu'on faisait la
Manicouagan et que cela n'était pas nécessaire parce que
ça prenait trop de capitalisation.
M. BERTRAND: M. le Président, le député me
permettra peut-être une rectification. Je ne crois pas qu'il serait
juste, étant donné que je suis passablement au courant, de dire
vous ne l'avez pas nommé, je le nommerai que le conseiller
du Parti québécois en matière économique, M.
Parizeau, à l'époque s'est opposé au développement
des chutes Churchill. Je crois que c'est injuste de faire une
déclaration comme celle-là alors qu'elle n'est pas fondée.
Je ne voudrais pas entrer dans les détails...
M. MARCHAND: Je m'excuse, mais...
M. LAURIN: Je voudrais ajouter une phrase de rectification
également.
M. MARCHAND: Je m'excuse, mais j'avais la parole.
M. LAURIN: M. Parizeau, étant conseiller économique du
gouvernement à ce moment-là, a signé la recommandation qui
comportait quatre autres noms, recommandant au gouvernement la signature du
contrat avec Churchill.
M. BERTRAND: Il ne faudrait toujours pas lancer des choses en l'air.
M. MARCHAND: Je ne crois pas. Je pense qu'à ce
moment-là...
M. BERTRAND: De là à dire que personnel-
lement, j'approuve ses propos actuels, il y a une marge. M. Parizeau est
non seulement, à l'heure actuelle, un économiste, mais il est
également un homme politique. C'est pourquoi, il y a, à travers
tout ce débat, un aspect politique que je ne discuterai pas ici, pour le
moment, étant donné que je veux être objectif avec
l'Hydro-Québec qui est elle-même objective.
M. MARCHAND: M. le député de Missisquoi, je prends vos
paroles. Mais j'ai su, de source assez évidente, que M. Parizeau avait
effectivement lutté contre le complexe Churchill.
M. LAURIN: Vous parlez...
M. MARCHAND: Vous êtes souvent mal informé et on vous
entend souvent parler. Vous allez me laisser finir mes remarques. En même
temps, lorsqu'on a créé la Manicouagan, il est arrivé
exactement le même problème qui se produit, aujourd'hui, avec le
complexe de la baie James.
M. JORON: Juste une petite question.
M. MARCHAND: Je vais finir et vous aurez le temps... Vous avez
parlé tout l'après-midi et toute la veillée, hier.
M. JORON: Non, juste une petite question. Est-ce que je peux lui poser
une petite question?
M. MARCHAND: Vous poserez votre question après.
M. JORON: Je voulais vous demander s'il était conseiller en 1962.
Etait-il conseiller du gouvernement en 1962?
M. MARCHAND: En 1962? Je pense qu'à ce moment-là, il
n'était pas, tout à fait, dans le même parti.
M. JORON: Il a été nommé en septembre 1965.
Alros...
M. MARCHAND: A ce moment-là, il faisait partie d'une autre
organisation politique, je pense.
M. LESSARD: Il n'a jamais été dans un parti politique.
M. MARCHAND: Cela fait un, deux, trois. Les trois partis politiques
aujourd'hui, moins un. Il reste...
M. LESSARD: Il y a une différence entre un conseiller
économique du gouvernement...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESSARD: ... et un gars qui est membre d'un parti.
M. BERTRAND: Je ne veux pas dire que M. Parizeau a été un
partisan politique de l'Union Nationale.
M. MARCHAND: Il a été conseiller.
M. BERTRAND: Il était conseiller. Dans un gouvernement...
M. MARCHAND: On me pose des questions, M. le député de
Missisquoi. Je regrette infiniment.
M. BERTRAND: Je ne veux pas que la discussion s'engage dans un domaine
strictement politique. J'ai fait la distinction. M. Parizeau est un
économiste, doublé d'un homme politique, à l'heure
actuelle.
M. MARCHAND: Si vous voulez...
M. LAURIN: Un, deux, trois, "strike out"!
M. MARCHAND: C'est cela. Mais il manque le quatrième but pour
faire un "home run". Si, comme le dit le député de Missisquoi,
c'est un économiste doublé d'un homme politique, on
s'aperçoit aujourd'hui que la politique l'emporte. Je veux revenir
à mes remarques. Au sujet de la Manicouagan, lorsqu'on l'a
créée, le même problème est arrivé. On a dit
qu'on n'avait aucune raison de créer la Manicouagan parce que ça
demandait trop d'investissements et que l'énergie nucléaire en
1972 c'est exactement les termes qu'on a employés, année
pour année serait une chose officielle au Canada et aux
Etats-Unis et que la Manic était de trop. Pourtant, depuis ce temps on a
créé Churchill et aujourd'hui, on veut faire la baie James.
Maintenant, je vais poser mes quesitons à M. Giroux.
J'en ai quelques-unes, connexes. Si vous voulez, vous répondrez
à toutes à la fois. D'accord?
On me dit que le service génie de l'Hydro-Québec serait
logé à la Tour de la bourse à la place Victoria. C'est une
réalité.
M. GIROUX: C'est officiel.
M. MARCHAND: Je voudrais savoir, combien il y a d'ingénieurs
logés à cet endroit. Quel genre de travail ils effectuent?
Combien de rapports technique ont-ils présenté à la
commission hydro-électrique au cours de la dernière année?
Et depuis combien de temps l'Hydro-Québec a commencé la
préparation des travaux d'aménagement de la baie James?
M. GIROUX: Le directeur général du génie est ici.
Nous avons notre département de génie, plus le département
de construction qui comprend des ingénieurs aussi, dont la majeure
partie est logée à la Tour de la bourse.
Pour la deuxième question vous voulez savoir combien de...
M. BERTRAND: Combien de rapports? M. MARCHAND: Quel genre de
travail.
M. GIROUX: Autant que possible de l'ingénierie, en ce qui me
concerne.
M. MARCHAND: Est-ce que dans l'ingénierie, il y en a seulement
une sorte ou si ce sont...
M. GIROUX: Il y a toute sorte d'ingénierie, il y a tous les
travaux... Ces gens ne font pas exclusivement des études sur les
barrages. Il y a des spécialistes dans ce domaine, des
spécialistes dans tous les domaines. Spécialement sur cette
question, notre directeur général du génie peut vous
répondre beaucoup mieux que moi.
Avant de lui passer la parole, je peux peut-être répondre
à vos autres questions.
M. MARCHAND: Combien de rapports technique vous ont été
présentés?
M. GIROUX: De rapports techniques?
M. MARCHAND: En regard de la baie James.
M. GIROUX: En regard de la baie James...
M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous pourriez vous identifier pour les fins
du journal des Débats?
M. CAHILL: Lionel Cahill, directeur général du
génie.
Au génie, à la Tour de la bourse, il y a environ 700
personnes dont 225 ingénieurs.
Les personnes font des études de planification, de projets
d'équipement de production, de postes de transformation, de lignes de
transport et de télécommunications. Durant le cours d'une
année nous produisons environ 125 rapports techniques. Cela comprend
tous les projets que je vous ai mentionnés tout à l'heure. Sur la
baie James, nous avons réaccéléré les études
depuis le mois de juin 1970 et nous avons présenté quelques
rapports à la commission.
M. MARCHAND: Ces rapports traitent de quoi, à peu
près?
M. CAHILL: Tout dépend... Des rapports géologiques, par
exemple, nous en avons une quarantaine qui comprennent chacun trois volumes,
donc 120 rapports; mais des rapports sur la rentabilité du complexe de
la baie James, nous en avons présenté deux à la
commission.
M. MARCHAND: Je vous remercie.
M. LE PRESIDENT: Le ministre des Richesses naturelles.
M. MASSE (Arthabaska): Je voulais tout simplement relever je n'ai
pas voulu l'interrompre tout à l'heure les remarques du
député d'Abitibi-Ouest en ce qui concerne les
préoccupations du ministère des Richesses naturelles au sujet de
la région de l'Abitibi. Je pense que depuis un an que le gouvernement
est au pouvoir, il a démontré qu'il avait la préoccupation
de faire des efforts pour le relèvement économique du Nord-Ouest
québécois. Bien sûr, le député
d'Abitibi-Ouest fait allusion à une route qui part de Villebois et va
à la baie James. Dans les circonstances, vous avez eu des questions
à poser. Je pense que l'Hydro-Québec aurait pu... Si, au
départ, la route qui doit monter à la baie James n'est pas celle
de Villebois, c'est dû davantage à des questions techniques
qu'à autre chose. C'est-à-dire qu'il ne s'agit pas d'un manque de
préoccupations du gouvernement.
Je comprends difficilement la remarque du député quand il
parle de propriétés du Québec qui pourraient être
aliénées à d'autres gens de l'extérieur du
Québec. Je comprends difficilement cette remarque. Je ne pensais pas que
le député d'Abitibi-Ouest ferait une remarque qui, quand
même, pourrait faire état d'un manque de responsabilité du
gouvernement.
M. AUDET: Pourrais-je répondre à cette question-là,
s'il vous plaît? Au sujet du chemin Villebois-baie James, je comprends
très bien que l'Hydro-Québec a de très bonnes raisons de
ne pas passer là, quoique nous croyons, vu l'esquerre, le sable qui
longe les nombreux lacs où cette route passe, qu'il aurait même
été avantageux de passer là.
De toute façon, c'est classé, on n'y pense plus.
Mais, pour l'exploitation des richesses naturelles, comme le projet qui
concerne la forêt et les mines, il y aurait peut-être lieu de se
servir de cette route dont le tracé est maintenant
défriché jusqu'à la baie James.
M. MASSE (Arthabaska): Ce qui arrive, on parle du projet de la baie
James, en termes hydro-électriques, actuellement.
M. AUDET: Mais, vous avez aussi parlé du développement
complet. Vous vouliez justement créer une société
spéciale pour que cette même société puisse
s'occuper...
M. MASSE (Arthabaska): Remarquez bien, M. le député
d'Abitibi-Ouest, que nous savons très bien les efforts que la population
a faits dans cette région pour construire cette route. S'il y a moyen
d'accélérer ou d'aider au développement, par une route
semblable, le gouvernement n'y manquera pas.
M. AUDET: Certainement.
M. LE PRESIDENT: Le député...
M. AUDET: Au sujet, M. le Président, de mon inquiétude
à ce que le projet de la baie James pourrait ne pas être, à
l'avenir, la propriété des Québécois, je pense,
comme M. le premier ministre disait cet après-midi qu'on invitera
probablement les Québécois à investir dans le projet de la
baie James, mais avec un minimum. On sait que les Québécois
n'investissent pas beaucoup dans ces choses, on n'a pas d'argent. Ce sera de
l'argent américain qui sera investi là-dedans. Alors, vu que les
profits et l'électricité vendus, participeront à payer
probablement l'intérêt à payer sur ces sommes, j'imagine
que le capital... on devra passer l'hypothèque des barrages, assez
longtemps aux Américains, pour rembourser le capital, ou garantir des
capitaux. Je me demande qui sera propriétaire de la baie James dans ce
temps-là.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Laurent, vous aviez
demandé la parole tantôt.
M. PEARSON: J'aurais deux courtes questions à poser. La
première question est probablement une répétition,
étant donné qu'on a écouté la même chose,
mais on n'a pas entendu la même chose. Pendant l'heure du souper, nous
avons discuté et nous ne nous sommes pas entendus sur le sens des
déclarations que vous avez faites. Voici: En autant que j'ai compris, le
minimum des travaux à faire, autrement dit, la décision qui a
été prise est le harnachement, au moins, des trois
premières rivières. C'est-à-dire, avant que ces trois
premières rivières soient harnachées et
complétées, il ne pourrait pas y avoir d'arrêt. Ce n'est
qu'aux deux autres rivières suivantes que la décision n'est pas
prise pour le moment. Est-ce que j'ai bien compris?
M. GIROUX: Non. Je crois que ce que le plan de l'Hydro-Québec va
donner, ce que M. Boyd a expliqué tantôt, c'est que notre plan
général des trois rivières est un plan d'ensemble. Nous
espérons faire les trois rivières comme base. Nous avons des
phases dans ce travail et il faut y avoir des protections. Or, l'une des
protections est la suivante : s'il nous arrivait une impossibilité,
quelle qu'elle soit, financière ou autre, on essaierait d'avoir une
première phase qui nous permettrait d'avoir de l'énergie de la
baie James avec un minimum de coût. C'est la première phase.
Naturellement, ce n'est pas l'idéal. Des questions ont été
posées. Cela coûterait plus cher? Oui. Il y a tout ce
domaine-là. Le programme de l'Hydro-Québec est de
développer les trois rivières. Mais, il y a une première
phase qui est un plan de base, un plan principal sur lequel on dit: Cette base,
c'est un minimum, et à partir de ce minimum, nous croyons que
l'Hydro-Québec devrait commencer le programme de la baie James. Cette
phase, c'est comme dans n'importe lequel organisme. On dit: Si on engage tant
de millions de dollars, à quel point a-t-on une porte de sortie? La
porte de sortie ou, si vous voulez, de protection, est à la
première phase. Il y a une conception qui doit être donnée
avec les travaux qui vont monter sur les autres et qui est sur cette
première phase.
M. PEARSON: Cela veut dire, en somme, qu'une fois les travaux
commencés, vous ne pouvez pas vous arrêter tant que cette
première phase ne sera pas complétée; autrement, ce serait
un gaspillage d'argent. Supposons qu'il arriverait une découverte
sensationnelle...
M. GIROUX: S'il arrive une découverte sensationnelle, par
exemple, en nucléaire, on complétera la première phase,
sachant très bien que cette électricité sera plus
dispendieuse, mais en principe, c'est comme n'importe quoi, au lieu de prendre
30 ans pour l'amortir, il faudra prendre 60 ans.
M. PEARSON: D'accord.
M. GIROUX: On croit que c'est une mesure de sécurité dans
un programme de cette ampleur, tout en conservant le but de développer
la baie James. Je ne sais pas si cela répond à votre
question.
M. PEARSON: Oui, cela répond à ma question.
M. LE PRESIDENT: Le député de l'Assomption.
M. PEARSON: Deuxième question, M. Giroux, vous avez
insisté hier, ou peut-être aujourd'hui, je ne me souviens pas, sur
votre désir que l'Hydro-Québec soit majoritaire au sein de la
nouvelle corporation. C'est une question peut-être hypothétique ou
peut-être un peu indiscrète.
Est-ce que vous vous attendez à être majoritaire dans cette
nouvelle corporation et si vous ne l'êtes pas, quelle sera votre
attitude?
M. GIROUX : Je crois que notre lettre est très claire. Notre
recommandation au gouvernement est de faire ce projet. On dit dans la lettre,
c'est de mémoire: Il y a possibilité qu'une autre corporation
soit créée. Comme la majeure partie de ce programme est
hydraulique, notre recommandation tient du fait qu'on dit au gouvernement, nous
devrons être majoritaire parce que la majorité du programme est
hydraulique.
Maintenant, si le gouvernement ne retient pas notre recommandation, que
voulez-vous que je vous dise !
M. BERTRAND: M. Giroux, sur le même sujet, exactement. Vous dites
que c'est une
possibilité qu'il y ait une corporation de créée.
Je vous demande, moi, et ça fait écho aux propos que je tenais
cet après-midi: est-ce une nécessité, si vous ne
réalisez que la première phase, au sujet de laquelle vous m'avez
déclaré, au début, après la lecture de votre
mémoire, que l'Hydro-Québec pouvait entreprendre cela seul?
M. GIROUX: Nous sommes convaincus que nous pouvons le faire.
M. BERTRAND: Alors, ce n'est pas une nécessité...
M. GIROUX: Ce n'est pas une nécessité. M. BERTRAND:
...c'est une possibilité.
M. GIROUX: C'est une possibilité. Si on se réfère
toujours à notre lettre, et on tient à cette lettre-là, on
y voit certains avantages pour développer le territoire. Mais notre
recommandation repose sur la majorité d'ailleurs qu'on a bien
décrite, n'est-ce-pas, qui est une majorité réelle. Si
c'est une régie, par le nombre de directeurs nommés par l'Hydro
ou si c'est par souscription de capital, c'est par l'Hydro-Québec.
Enfin, c'est la recommandation de la commission et sur ça, messieurs les
commissaires sont ici et cette décision est unanime. Est-ce que les
commissaires auraient à...
M. LE PRESIDENT: Le député de L'Assomption.
M. ROY(Beauce): M. le Président, sur le même sujet. S'il
devenait nécessaire à l'Hydro-Québec de réaliser la
deuxième phase du développement de la baie James, est-ce que
l'Hydro-Québec pourrait continuer à oeuvrer en tant qu'organisme
responsable ou si la corporation deviendrait nécessaire à ce
moment-là?
M. GIROUX: Au point de vue hydraulique, on est très positif. On
dit si tout est absolument et seulement hydraulique, l'Hydro peut le faire
seul. Si on ouvre un territoire, on voit des avantages à une
régie. C'est une formule. On ne recommande pas qu'il y ait une
corporation de formée, et on ne s'y oppose pas; mais on dit que si elle
est formée, on devrait... c'est notre recommandation. Je crois qu'on a
été très clair dans la lettre et on a été
très clair dans le document qu'on vous a remis tantôt.
M. LE PRESIDENT: Le député de L'Assomption.
M. PERREAULT: M. le Président, j'ai lu dans le rapport annuel que
le maximum de la pointe est arrivée cette année, le 22
décembre 1970, avec une pointe de 8,881,000 kilowatts. Je vais demander
quelle est la pointe d'été et à quelle date elle arrive.
Deuxième question, est-ce que le rapport des pointes dans les
réseaux voisins est sensiblement le même?
M. GIROUX: Voici, on va demander au directeur général,
Production et Transport, M. Villeneuve.
M. VILLENEUVE: Jean Villeneuve, directeur général,
production et transport. La pointe d'été, c'est-à-dire la
pointe où la charge est la moins forte; la pointe la moins
élevée de l'année survient en juillet. Elle est en
général de 13 p. c. environ de moins que la pointe de l'hiver
précédent. Si vous faites le calcul sur 8,800, vous arrivez
à peu près à 7,800 mégawatts environ.
M. PERRAULT: Une autre question. Est-ce que vous croyez que la pointe
dans les réseaux voisins de l'état de New York est
inversée au point de vue du temps?
M. VILLENEUVE: La pointe de l'état de New York a lieu en
été. Pendant un certain temps, on avait une pointe d'hiver qui
dépassait la pointe de l'été précédent et
une pointe d'été qui dépassait celle de l'hiver
précédent. Maintenant, la pointe de l'été est
nettement une pointe annuelle pour le réseau, en tout cas pour
Consolidated Edison. Elle arrive normalement durant les plus grandes chaleurs
de l'été.
M. LAURIN: L'air climatisé.
M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.
M. LAURIN: M. le Président, durant l'heure du repas, j'avais
groupé toutes mes questions ensemble, étant donné
l'indication que nous avions donnée de libérer l'Hydro ce soir,
mais je pensais que la séance commencerait à 20 h 15. Nous avons
commencé à 20 h 35. Je ne pensais pas que d'autres avaient autant
de questions à poser. Je ne suis plus sûr maintenant que je
terminerai pour 22 hres, si vous terminez à 22 hres, parce que j'ai
quand même groupé une dizaine de questions.
M. BOURASSA: Dans la mesure où le député pourrait
permettre à l'Hydro...
M. LAURIN: Il est possible que ça retarde un peu. Il faut
admettre que... En autant que nous sortions d'ici avec des réponses aux
questions que nous avons en tête.
M. LE PRESIDENT: S'il y a moins de répétitions qu'hier, il
y a des chances.
M. LAURIN: Cela est un commentaire partisan.
Dans les questions que je veux poser, il y en a quelques-unes que je
reprendrai pour avoir quelques précisions additionnelles. Il y en a
d'autres qui n'ont pas été posées. La première
question sur laquelle j'aimerais avoir des précisions
additionnelles est le coût du complexe NBR. On a dit cet
après-midi que le coût serait de $4.1 milliards, plus
l'intérêt qui pouvait être optimalisé à 3.28,
ce qui donne un coût en mills, pour le total du complexe, aux alentours
de 10 mills. En ce qui concerne la première phase vous me
reprendrez si je fais des erreurs, si ce n'est pas exactement ce que vous avez
dit si elle était construite seule, nous pouvons penser que le
coût en mills serait du double. C'est à peu près ce que
vous venez de dire tout à l'heure en réponse à une
question. Est-ce que c'est exact?
M. GIROUX: Pardon?
M. LAURIN: Est-il exact que ce serait autour du double si la
première phase était faite seule?
M. GIROUX: Je n'ai pas mentionné de double. J'ai dit que
ça serait augmenté.
M. JORON: Si vous permettez, pour illustrer que les amortissements
pourraient être portés de 30 à 60 ans et comme la partie
capitale est l'essentiel du coût en mills, à ce moment-là,
ça présume qu'en mills ça revient à peu près
à doubler.
M. GIROUX: Non. Si j'ai donné cette impression-là
je le donnais comme un exemple d'une chose qui coûte plus cher.
M. LAURIN: Le coût serait peut-être porté alors
à 16 ou 17.
M. GIROUX: Il n'a pas été calculé. M. LAURIN: Mais
on peut calculer...
M. GIROUX: On peut calculer que c'est un coût très
dispendieux. Disons, comme un exemple frappant, qu'il y a deux lignes par
mesure de sécurité quand vous n'en avez besoin que d'une. Mais
l'illustration était au point de vue amortissement d'une maison qui a un
rendement plus faible. Alors, ça prend plus de temps pour
l'amortissement.
M. LAURIN: Bien sûr, il s'agit là d'estimations et on ne
sait pas jusqu'à quel point cela va correspondre au coût
réel, malgré les facteurs d'optimalisation dont vous parliez cet
après-midi. Il y a déjà eu des estimations faites pour les
anciens complexes, en particulier pour le complexe Manic-Outardes, pour
lesquels vous aviez aussi déposé à des réunions, de
la commission parlementaire des Richesses naturelles des estimations,
j'aimerais demander à mon collègue du comté de Saguenay de
citer ces estimations pour que je reprenne ensuite ma question.
M. MARCHAND: Le député de Bourget a donné la
parole?
M. LAURIN: C'est-à-dire qu'au lieu de simplement citer ces
chiffres, je les ai fait compiler.
M. CHOQUETTE: C'est votre agent parlementaire?
M. JORON: C'est cela.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.
M. LESSARD: M. le Président, j'avais demandé la parole
avant le souper. Mes questions s'adresseront à M. Boyd. Vous avez bien
dit cet après-midi que le coût maximum du projet pouvait
être de $4.1 milliards et qu'à ce prix-là, ça
reviendrait à environ 10 mills à 12 mills du kilowatt-heure.
M. BOYD: C'est ce qu'on a calculé.
M. LESSARD: Vous avez dit aussi que ce montant ne pouvait pas être
dépassé et qu'au contraire, ce montant pouvait être
diminué jusqu'à 20 p. c. M. le Président, comment M. Boyd
peut-il être aussi absolu dans ses affirmations, lorsque nous savons que
lors de la réunion de la commission des Richesses naturelles du 15
décembre 1969, nous avons pu, par exemple, obtenir les estimations de
différents projets: Rapides-des-Iles a été estimé
à $24.5 millions, et le coût réel a été de
$40,765,000; Manic 5 a été estimé à $237 millions
et le coût réel en a été de $374 millions; Outardes,
estimation: $150 millions, coût réel: $187 millions; Outardes 3,
estimation: $83 millions, coût réel: $128 millions. Total de ces
quatre projets: $494,500,000 en estimations; coût réel:
$729,725,000. Ce qui veut dire que les coûts réels ont
dépassé les estimations sur ces quatre projets de 47 p. c.
Comment, aujourd'hui, pouvez-vous être aussi catégorique dans
l'affirmation que le coût complet du projet de la baie James sera de $4.1
milliards?
M. BOYD: M. le Président, à cette assemblée de la
commission parlementaire, je pense que j'avais passé passablement de
temps à expliquer les augmentations de ces coûts. Entre autres,
les principales raisons, c'est que nous étions dans une période
où le coût de l'intérêt était passé de
5 p. c. à 10 p. c. Le projet de Manie-Outardes a été
annoncé en 1959-1960. A ce moment-là, si je ne me trompe le
coût de l'intérêt était d'environ 5 p. c. Lors de la
dernière phase, Manic 3, on a été jusqu'à 10 p. c.
d'intérêt. Vous pouvez vous imaginer l'influence de ce facteur.
Dans le cas de la baie James, nous avons fait des calculs à 8 p. c, 9 p.
c. et 10 p. c. d'intérêt. Nous employons 10 p. c.
d'intérêt. Il y a une autre chose qui est très importante,
dans les...
M. LAURIN: Une seconde. Les chiffres que
vient de citer le député de Saguenay sont pour les
coûts d'immobilisation.
M. JORON: Je ne vois pas très bien le rapport avec les taux
d'immobilisation.
M. LESSARD: C'est le coût de la construction.
M. BOYD: Oui, mais c'est capital, les coûts de
l'intérêt.
Prenez à Manic 5 le barrage qui s'appelle Daniel-Johnson,
à partir du moment de sa construction, de la première
pelletée de terre qui se fait, jusqu'à sa mise en exploitation,
tout l'argent que vous investissez, l'intérêt de ça est
capitalisé. C'est évident. C'est une des premières choses
qu'il faut apprendre lorsqu'on fait de la capitalisation,
l'intérêt est énorme dans une construction qui dure... Dans
le cas du barrage Daniel-Johnson, les travaux ont débuté et se
sont poursuivis sur une période de neuf ans avant qu'on ne charge le
coût de la construction à l'exploitation, les
intérêts imputés au barrage à l'exploitation.
Il y a une somme considérable qui grève le coût de
la construction, qui vient de la différence de 5 p. c.
M. JORON: Cela, ce sont des frais intercalaires.
Quelle est la charge de ces frais-là dans le total du coût
d'immobilisation d'un projet semblable, pour en mesurer la portée? Ce
n'est pas uniquement ces frais intercalaires-là qui sont responsables de
toute la différence.
M. BOYD: Je n'ai pas dit que c'était tout. Mais en même
temps je vous donne un des facteurs les plus importants, si j'avais
malheureusement je n'ai pas mon autre serviette de ce matin
M. LESSARD: Il y a une différence de 47 p. c.
M. BOYD: J'avais le compte rendu du débat où j'ai tout
expliqué ça, en détail, si on pouvait le retrouver, je
vous le répéterais. En plus de l'intérêt, on
était dans une période où les salaires ont augmenté
d'une façon vertigineuse. De 1960 à 69/70, les salaires ont
monté en flèche.
Une troisième chose, c'est que les estimations qui avaient
été faites au départ ne prévoyaient pas des
imprévus et d'escalades. C'était la méthode de faire les
estimations autrefois, quand les salaires étaient à peu
près fixes, quand les coûts d'intérêt étaient
à peu près stables, cela n'entrait pas dans les estimations.
Aujourd'hui, on vous l'a expliqué, on prévoit 4 p. c.
d'inflation par année sur nos projets, on prévoit 12 p. c.
d'imprévus dans le cas de la baie James. Ces choses-là nous les
prévoyons. Quand vous nous demandez pourquoi nous sommes si sûrs,
c'est que dans les cas de problèmes géologiques que nous avons
là-bas, nos gens ont pris, en plus des prévisions
d'imprévus, des marges sécuritaires, ils en ont mis plus qu'il ne
fallait.
Vous avez dans la construction ici de 1959 à 1963, le salaire
horaire moyen pour l'ensemble des chantiers était de $2,32. En 1969, il
était de $4.50. C'était imprévisible je pense bien,
à ce moment-là, des escalades semblables. Les gens de
Manic-Outardes ont eu les mêmes salaires que les gens de la construction
de Montréal.
Maintenant nous prévoyons ces choses-là beaucoup mieux que
dans le temps, l'expérience de ces escalades à Manie-Outardes
nous a permis de faire de meilleures estimations.
M. LESSARD: Comment se fait-il que là vous dites que c'est
assuré, que le montant maximum sera de tant, alors que ces
différents projets se sont quand même échelonnés sur
un certain nombre d'années et que là vous n'avez pas pensé
à prévoir ces différences-là, à corriger les
différents montants, la différence, par exemple, entre les
estimations et les coûts réels, alors que vous nous dites, que
pour une différence de 47 p. c. dans la construction des projets, vous
êtes assurés que ça ne dépassera pas $4.1
milliards.
Est-ce que vous en êtes vraiment sûrs que maintenant tout a
été corrigé, que le taux d'intérêt sera le
même, que l'augmentation des salaires est comprise dans l'étude de
votre projet, etc.
Si, par exemple, on arrivait avec une différence, même de
10 p. c. ou de 15 p. c, je pense que le coût au mill changerait assez
considérablement.
M. BOYD: Je vous ai expliqué que, dans le taux d'escalade de 4 p.
c, nous prévoyions des augmentations de salaire très
importantes.
On prévoyait des escalades de matériel et
d'équipement qui sont réalistes. On a donc prévu dans
l'escalade un montant de 4 p. c.
M. LAURIN: M. Boyd, je voulais simplement poser la question pour montrer
que les imprévisibles sont peut-être moins prévisibles
qu'on peut le prévoir.
M. BOURASSA: Ce sont des hypothèses sur d'autres
hypothèses.
M. BOYD: Monsieur Laurin, vous devez comprendre quand même la
situation. Nos estimations faites par les gens qui étaient là en
1960 et celles qui ont été faites par ceux qui estiment
aujourd'hui, ont été comparées et vérifiées.
Quand on vous dit qu'on a prévu l'escalade, qu'on a prévu 12 p.
c. sur les sommes qu'on mentionne, c'est énormément d'argent.
Quand on vous dit que pour les galeries de dérivation, pour les berges
de béton, etc. on est
allé du côté sécuritaire. Quand on vous dit
que les trois bureaux, le nôtre et les deux autres assurent qu'il y a
trop de centrales sur la rivière Rupert, que dans ces $4,100,000,000, il
y a un réservoir de trop et qu'il y en aurait peut-être un
deuxième qu'on pourrait enlever. Que voulez-vous qu'on vous dise de
plus? Je ne peux pas vous donner une garantie avec un bon, et que cela ne
dépassera pas $4,100,000,000. Avec toutes les précautions que
nous avons prises, avec l'expérience que nous avons maintenant, on peut
vous dire que c'est un maximum, qu'on est très raisonnablement certain
de pouvoir diminuer.
M. LAURIN: Je souhaite que vous ayez raison.
M. BOURASSA: Vous avez prévu 12 p. c. d'imprévus. Dans les
autres cas antérieurs, quel était votre pourcentage?
M. BOYD: Il n'y en avait pas.
M. BOURASSA: on doit quand même tenir compte pour
éclairer le débat que les taux d'intérêt ne
peuvent pas tellement monter plus qu'à 9 ou 10 p. c.
M. BOYD: Souhaitons-le.
M. BOURASSA: Mais quand même!
M. LAURIN: Ma deuxième question...
M. BOURASSA: Si le député cessait de poser des questions
sur des hypothèses, ça pourrait peut-être aller un peu plus
vite.
M. JORON: Certaines hypothèses sont basées sur
l'expérience passée.
M. MARCHAND: Les prévisions qui sont faites, c'est parce qu'il y
a eu des expériences passées, l'escalade a été
calculée. La dernière fois, elle ne l'avait pas
été. Vous auriez dû comprendre ça. Cela fait dix
fois qu'on le dit.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Le député de
l'Assomption a une question à poser.
M. PERREAULT: une question additionnelle sur le même sujet. Quel
est le coût du projet NBR sans considérer les imprévus que
vous avez fixés à 12 p. c, sans considérer
l'intérêt capitalisé et sans considérer les frais
d'escalade?
M. LAURIN: Sans le barrage aussi!
M. BOYD: Si je comprends bien la question, on nous demande les
coûts directs et indirects. Les coûts directs et indirects forment
un total de $1,788,000,000 auquel on ajoute $214,000,000 pour imprévus,
$160,000,000 pour l'ingénierie de surveillance, pour les frais de nos
gens de construction et du siège social, vous avez $2,249,000,000 plus
$551,000,000 pour l'inflation et $832,000,000 pour les intérêts
intercalaires. Ce qui vous donne $3,632,000,000 plus $600,000,000 pour les
lignes et les postes, ce qui fait $4,200,000,000 si on prend 10 p. c.
d'intérêt.
M. LAURIN: Ma deuxième question porte sur le coût
d'immobilisation des autres rivières. Est-ce que vous avez
préparé des estimations pour le coût d'immobilisation d'une
centrale au lac Saint-Joachim? La même chose pour la rivière
Moisie, pour la rivière Péribonka, pour la Saint-Maurice et pour
Lower Churchill?
M. BOYD: Lower Churchill premièrement...
M. GIROUX: Je n'ai pas de réponse à vous donner pour Lower
Churchill, je m'excuse.
M. LAURIN: Vous avez peut-être une petite idée.
M. GIROUX: Mais, seulement, ce serait dévoiler ce qu'on sait
comme directeurs de Churchill. On ne l'a pas eu officiellement. Cela leur
causerait des ennuis pour rien.
M. MARCHAND: Il y a le petit ruisseau Rimbeau.
M. BOYD: Pour la réserve pompée de Saint-Joachim,
actuellement, nous avons des estimations préliminaires. Le chiffre est
d'environ $125, le kilowatt. Il faut bien réaliser ce que je vous ai
expliqué ce matin. C'est de l'énergie de pointe qui sort quelques
heures par jour seulement. Pour le bas Saint-Maurice, c'est également,
encore, de l'énergie de pointe. Les estimations sont d'environ $300, le
kilowatt. Pour la Moisie, nous sommes au stage des études très
préliminaires et nous n'avons pas de coût encore.
M. LAURIN: Pour Péribonka?
M. BOYD: Pour Péribonka, M. De Guise a expliqué cet
après-midi que nous n'étions qu'au stade
avant-préliminaire. Nous n'avons pas de renseignements suffisants pour
avoir l'estimation.
M. LAURIN: Ma troisième question porterait sur le coût du
nucléaire. Vous avez mentionné, cet après-midi, le chiffre
de 13 mills. J'imagine que vous vouliez parler du procédé
américain, la filière américaine. Pourriez-vous nous dire
de quelle source vous avez ces chiffres, deuxièmement pour quelle
année?
M. BOURASSA: La réponse n'a-t-elle pas été
donnée hier?
M. LAURIN: Non, il a dit ça cet après-midi. Vous
n'étiez pas là.
M. MASSE (Arthabaska): Cela a paru dans le Soleil.
M. LAURIN: Pardon?
M. MASSE (Arthabaska): Les 13 mills, ça a paru dans le
Soleil.
M. LAURIN: Cela n'a paru nulle part. C'est le 13 mills
américain.
M. BOYD : Excusez-moi, mais on a tellement de documents. Un des chiffres
qu'on a ici, est celui dont on vous a parlé hier. C'est le rapport de
Northeast Utilities qui, lui, était basé sur un ensemble de
rapports qui était de 13.70, en 1984. C'est la filiale
américaine.
M. LAURIN: Donc en 1984. Ce qui voudrait dire que, ramené
à 1978, ce qui serait l'année de l'entrée en fonctions de
la première phase du projet NBR, on pourrait dire que le taux en mills,
avec la correction, serait aux alentours de 10 mills, 10.30 mills, ou 10.40,
quelque chose comme ça.
M. BOYD: J'ai un autre chiffre ici, en 1978. On a souvent 9.85 auquel il
faut ajouter 35 p. c. de réserve. Alors, c'est 9.85 plus le tiers, si
vous voulez, parce que la réserve n'y est pas incluse.
M. JORON: C'est-à-dire que 9.85, c'est un taux d'utilisation de
100 p. c?
M. BOYD: Non, 80 p. c.
M. JORON: Sur un taux d'utilisation de 80 p. c, pourquoi la
réserve additionnelle?
M. BOYD: C'est à cause de la non-fiabilité. Même
avec l'hydraulique qui nous donne une fiabilité de 97 p. c, dans
l'ensemble du réseau pour l'hydraulique, on prévoit une
réserve qui varie entre 5 p. c. et 10 p. c. Dans le nucléaire,
jusqu'à dernièrement, on prévoyait 20 p. c, 25 p. c,
maintenant, les utilités canadiennes et américaines
prévoient 30 p. c. et 35 p. c. de réserve pour le
nucléaire à cause des interruptions, de la non-fiabilité
et des taux de pannes et d'entretien. Les derniers renseignements que nous
avons nous viennent de Atomic Energy Commission, qui ont fait préparer
l'étude par United Engeneers Corporation, une des plus grosses
entreprises d'ingénieurs-conseil aux Etats-Unis et dans le monde. Ils
ont fait un relevé de tout ce qui se passe dans toutes les compagnies
américaines qui ont du nucléaire.
Le rapport à la Atomic Energy Commission des Etats-Unis n'est que
pour des unités de 1000 mégawatts nucléaires. A l'avenir,
il faudra prévoir 50 p. c. de réserve. Alors, quand vous
bâtirez une unité de 1000 mégawatts, il faudra à
côté en bâtir une de 500 mégawatts.
M. JORON: Dans le cas de Northeast Utilities, le chiffre qui nous est
présenté ici, ce sont des unités de quelle grosseur? A un
million également?
M. BOYD: C'est de 1000 mégawatts. M. JORON: Mais, c'est...
M. BOYD: Moi, je vous dis que si à 988, vous ajoutez le tiers
c'est ce qui est sur la base de ce que je viens de vous dire, ce
ne sera pas suffisant.
M. JORON: En conjuguant cela avec le fait que déjà le taux
d'utilisation est prévu à 80 p. c. il arrive finalement que
et vous ajoutez un tiers globalement, le taux d'utilisation
final, c'est 50 p. c. à peu près en gros. Je m'étonne que
l'on puisse concevoir que des gens continuent à mettre en construction
des centrales nucléaires en prévoyant des taux aussi
considérables. Est-ce que c'est réaliste de penser que cela va
durer longtemps à ces taux-là? Autrement, j'imagine qu'il ne s'en
construirait plus. On arrêterait d'en construire.
M. PICARD: C'est facile à comprendre.
M. JORON: Ils font du thermique à ce moment-là.
UNE VOIX: Ils n'ont pas le choix.
M. LAURIN: J'aime mieux la réponse de M. De Guise.
M. DE GUISE: Une précision. Je pense que l'on est porté
à confondre certains termes. Lorsque l'on parle d'un taux d'utilisation
de 80 p. c. par exemple, pour fins de calculs, on suppose qu'une centrale d'un
million de kilowatts 1000 mégawatts va produire en moyenne
80 p. c. de sa capacité normale. Disons que, dans un régime, dans
une société comme la nôtre, on va s'attendre à ce
qu'en hiver la centrale fonctionne très bien, presque à pleine
puissance. Même aux heures de pointe, il est absolument indispensable que
cela fonctionne. Là, intervient un autre facteur, celui de la
non-disponibilité ou de la réserve de 30 p. c.
M. JORON: C'est à prévoir.
M. DE GUISE: ... quand on a une charge d'un million de kilowatts
à envisager, un soir, à 5 heures, si l'unité ne fonctionne
pas ou a pris l'habitude de ne pas fonctionner, c'est là qu'il faut
cette réserve disponible de 30 p. c. mais cela n'affecte pas
nécessairement sa production moyenne annuelle de 80 p. c. Je ne sais pas
si...
M. LAURIN: D'accord. Ma dernière question sur le sujet, M. Boyd,
porte sur le coût d'immobilisation par kilowatt installé pour le
nucléaire en 1970, en 1980, en 1990?
M. BOYD: Pour une centrale nucléaire? Mais je ne l'ai pas pour
1990.
M. LAURIN: En 1970?
M. BOYD: En 1970, M. De Guise...
M. DE GUISE: En mai 1970...
M. BOYD: La même référence de Northeast Utilities
s'applique. En 1970, pour du nucléaire, le coût capital
étant évalué à $200 le kilowatt, à ce
moment-là, le coût de production est évalué à
6.01 mills le kilowatt-heure.
M. LAURIN: $170?
M. DE GUISE: C'est $200 le kilowatt-heure. M. LAURIN: C'est $200 le
kilowatt-heure. M. DE GUISE: Et c'est pour l'année 1970. M. LAURIN: Et
en 1977?
M. DE GUISE: J'ai 1978, ce que je viens de donner tout à l'heure.
Le coût de capital est à $330 le kilowatt et le coût du
kilowatt- heure, sans réserve, est à 9.85.
M. LAURIN: Et en 1990?
M. DE GUISE: En 1984.
M. LAURIN: En 1984, d'accord.
M. DE GUISE: $550 le kilowatt de coût capital et 13.7 mills pour
le prix du kilowattheure, sans réserve.
M. LAURIN: D'accord. Ma quatrième question porte sur le nombre
des emplois dans la lettre, juste avant de laisser le sujet à M. Boyd. A
la commission parlementaire, le 10 décembre, vous disiez, M. Boyd, que
le coût à la centrale de Gentilly, c'est entre six ou sept mills.
En 1980, entre 9 1/2 et 10 1/2 mills.C'était à la commission des
Richesses naturelles, le 10 décembre. Est-ce que vous avez revisé
vos chiffres depuis? C'est le dossier canadien évidemment. Est-ce qu'il
y a une différence?
M. BOYD: Il y a peut-être une erreur.
M. DE GUISE: Il y a deux concepts, si l'on parle de Gentilly. Il y a un
prix qui serait le prix réel correspondant au coût de construction
et il y a peut-être aussi le prix que l'Hydro-Québec aura à
payer un jour, parce qu'il est prévu que lorsque nous achèterons
Gentilly, nous paierons l'équivalent d'une centrale thermique,
d'après les deux concepts.
M. BOYD: C'est la moitié du prix à peu près.
M. DE GUISE: M. Laurin, j'aimerais ajouter une précision.
La vie utile d'une centrale nucléaire, dans les centrales
canadiennes et américaines varie entre 20 et 30 ans d'après les
estimations actuelles et d'après certains troubles que les utilisateurs
ont déjà depuis les quelques années que c'est en
opération, certains pensent à réduire la vie utile encore
en bas de 20 ans. C'est un facteur énorme. Cela veut dire qu'au bout de
20 ou 25 ans, il faut une nouvelle centrale parce qu'elle est hors d'usage.
C'est comme ceux qui annoncent des autos qui vont durer onze ans et d'autres
qui vont durer deux ans.
Tandis que dans les données, nous avons des centrales qui
fonctionnent d'une façon merveilleuse, comme Beauharnois, depuis 42 ans.
Et on a l'impression que dans 42 ans elle sera aussi bonne qu'elle est
là et encore davantage. C'est un facteur qu'il faut
considérer.
M. JORON: A ce sujet, M. Boyd, c'est dire en somme que la
dépréciation est passablement plus rapide. En conséquence,
elle est incluse dans le coût en mills de production. Ce
facteur-là est compris dans le coût en mills.
M. BOYD: Dans les calculs qui sont faits actuellement, la
dépréciation du nucléaire est basée sur 30 ans.
M. JORON: Comme dans le cas de North-East, par exemple?
M. BOYD: C'est basé sur 30 ans tandis que nous, dans nos
centrales hydrauliques, on emploie 50 ans. Je vous dis que le jour où on
aura dépassé le 50 ans de vie réelle, il faudra
peut-être reviser j'espère que M. Lemieux sera d'accord
nos taux de dépréciation, pour dépasser les 50
ans.
M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.
M. BOURASSA: M. Bertrand a une question.
M. BERTRAND: Non, pas dans le moment.
M. LAURIN: Je vais continuer, comme ça, en posant ma
quatrième question.
M. BERTRAND: Je laisse le député de Bourget se vider !
M. LAURIN: Ma quatrième question porte sur le nombre d'emplois
sur le chantier. Dans votre lettre, M. le président, vous parlez de
20,000 hommes/année, à partir de 1977 ou
pour l'ensemble du projet. Calculée d'une autre façon,
pourriez-vous nous dire la progression du nombre des employés sur le
chantier à partir de 1971.
M. GIROUX: Je vais demander à M. Monty, qui est directeur de la
construction, de répondre à votre question.
M. LAURIN: D'accord.
M. MONTY: Mon nom est Guy Monty. Si on part de 1971, sur la même
base d'hommes/année, on retrouve en 1971, 500 employés; en 1972,
1550; en 1973, 4150; en 1974, 7,200...
M. LAURIN: Excusez-moi, ce n'est pas exactement les hommes/années
que j'ai demandés, c'est le nombre d'employés sur le chantier et
pendant combien de temps. Est-ce que c'est seulement durant la période
d'été ou aussi durant la période d'hiver?
M. MONTY: Cela part de 20,000 hommes... ça peut être, par
exemple, 30,000 hommes pendant huit mois et 4,000 pendant quatre mois.
M. LAURIN: Justement, j'aimerais que vous puissiez faire...
M. MONTY: On ne peut pas, à cette date-ci, évaluer cela
d'aussi près. On vous donne le nombre d'hommes /année, c'est
à peu près le nombre le plus juste qu'on peut donner
actuellement. Cela peut être facilement 30,000 hommes pendant huit mois
en 1977.
M. LAURIN: Est-ce que ça veut dire, M. Monty, que pendant la
période d'hiver les travaux seraient considérablement au ralenti,
par exemple?
M. MONTY: Pas nécessairement.
M. LAURIN: Quelle serait la différence d'après vos
expériences sur d'autres chantiers entre le nombre d'employés
présents sur le chantier l'été et le nombre
d'employés présents sur le chantier durant l'hiver?
M. MONTY: Si on se base sur les chantiers de Manicouagan-Outardes, on
peut dire que la moyenne demeure presque la même, en hiver ou en
été. Tout dépend de la cédule des travaux qu'on a
à exécuter.
M. LAURIN: Bon, je ne vous interromps plus.
M. MONTY: Je vais continuer. Alors, en 1975, 11,400; en 1976, 16,800; en
1977, 21,100; en 1978, 14,100; en 1979, 8,500 et 1980, 6,980. C'est seulement
le projet NBR.
M. LAURIN: Sur le chantier? M. MONTY: Oui.
M. BOURASSA: Dans les tableaux qu'on m'avait remis, vous aviez les
chiffres sur le chantier et également les employés ou les
travailleurs dans les entreprises comme celle qui fabrique les turbines.
M. LAURIN: J'ai d'ailleurs une question là-dessus, sur la
fabrication d'outillage.
M. BOURASSA: Vous n'avez pas des copies de vos questions, ça
pourrait peut-être nous aider?
M. LAURIN: Mon autre question porte sur un sujet dont il a
été question à quelques reprises cet après-midi,
ici: les projets de la compagnie Brinco en ce qui concerne une usine d'uranium
enrichi. Si j'ai bien compris vos témoignages, est-ce qu'il est exact
d'affirmer qu'il y a une possibilité d'installation de cette usine
d'uranium enrichi au Québec, par les contacts que vous avez eus avec les
autorités de Brinco?
M. GIROUX : Il y a toujours une possibilité d'intéresser
les gens. J'ai fait des démarches pour démontrer à ces
gens qu'ils devraient regarder la province de Québec et voir nos
disponibilités. Les représentants de la compagnie Brinco sont
venus ici et ont rencontré le premier ministre. Ils ont
déclaré qu'ils étaient intéressés à
grossir leurs investissements dans le Québec. Ils n'ont fait aucune
déclaration sur la localisation de cette usine. D'ailleurs, ils n'ont
jamais pris de décision formelle de la construire jusqu'à
présent. Il y a tout un problème, toute une filière
à passer. Quelles sont les réactions d'Ottawa, juisqu'ici, sur
cette chose-là? C'est leur problème.
M. JORON: Vous pourrez peut-être nous éclairer
là-dessus.
M. GIROUX: Dans les circonstances, voyant qu'il y avait une
possibilité d'intéresser ces gens à venir au
Québec, j'ai cru de mon devoir de les rencontrer et de leur demander de
se rendre à Québec et de regarder les possibilités; si
vous voulez, au point de vue de la rencontre je ne sais pas si le
premier ministre est d'accord ils ont dit qu'ils étaient
intéressés, qu'ils n'étaient pas du tout
énervés devant la situation québécoise, que cela ne
les dérangeait pas du tout.
Leur programme est loin d'être une question de dire qu'ils vont
construire un plan l'an prochain. Je suis convaincu qu'ils n'ont
peut-être pas encore pris la décision de construire une usine. On
l'examine beaucoup. Je crois, à première vue, qu'on parle d'une
usine qui coûte quelque chose comme $1 milliard 250 millions ou quelque
chose du genre.
M. JORON: Ils consomment combien d'électricité par
année?
M. GIROUX: Cela doit être énorme.
M. LAURIN: Est-ce que ça serait de l'ordre de 1,500,000
kilowatts?
M. GIROUX: Je crois que c'est même dépassé cela.
M. DE GUISE: Pour le projet dont il a été question c'est
l'ordre de grandeur. Peut-être un peu plus que cela même.
M. BOYD : 1 million à 2 millions.
M. LAURIN: Etant donné, M. le Président, que c'est Brinco
qui développe Upper Churchill Falls et qui est appelé, bien
sûr, à développer Lower Churchill Falls qui va
développer à peu près cela 2 millions de kilowatts, est-ce
qu'il est interdit de penser que la région de Sept-Iles serait une
région idéale pour l'implantation de cette usine étant
donné qu'ils pourraient se nourrir à même leur propre
courant, qu'ils développeraient à Lower Churchill et qu'ils
pourraient compter également sur les projets que l'Hydro a
développés à Manic 5, par exemple.
M. BOURASSA: Pour ce dont le député parle, il n'est pas
interdit de penser. Je comprends la question du député. Est-ce
qu'il est interdit de penser? Non, il n'est pas interdit de penser cela.
M. LAURIN: Il n'est pas interdit de penser cela! Alors, est-ce qu'il
serait logique de penser alors que cela serait rentable pour eux de faire
cela?
M. GIROUX: Pour tous les points qui peuvent intéresser Brinco,
fiez-vous sur nous, on va essayer de les convaincre de cette chose-là.
On agit... il faut regarder les choses telles qu'elles sont. On n'a eu aucune
discussion avec eux sur ce projet. Je savais qu'ils étaient
approchés par d'autres provinces. Ils étaient approchés
par d'autres pays. J'ai cru de mon devoir de leur demander de venir rencontrer
le premier ministre de la province de Québec. Qu'on ait au moins la
même opportunité que les autres provinces. En dehors de ce
domaine-là, je ne peux pas répondre là-dessus.
M. LAURIN: A supposer, M. Giroux, que Brinco vienne s'installer ici avec
son usine d'uranium non, c'est tout à fait relié
est-ce qu'il n'y aurait pas une possibilité plus grande pour nous de
nous lancer dans un projet de centrale nucléaire de type
américain, si, bien sûr, Brinco avait la permission de 1'Atomic
Energy of Canada de nous vendre de l'uranium enrichi.
M. GIROUX: On a tout intérêt à les amener chez-nous.
Je pense bien que, simplement pour être constant avec notre politique
d'achat au Québec, on se forcerait pour acheter de l'uranium qui serait
fabriqué au Québec. C'est incontestable!
M. LAURIN: Est-ce qu'il faudrait pour cela une permission de l'Atomic
Energy of Canada?
M. GIROUX: Il faudrait auparavant que Brinco obtienne la permission de
fabriquer de l'uranium enrichi. Vous savez de l'uranium, c'est un métal
qui est plutôt contrôlé.
M. LAURIN: Est-ce qu'il faudrait demander la permission au gouvernement
canadien?
M. GIROUX: Il faudrait que Brinco obtienne la permission du gouvernement
canadien d'abord de produire à partir de l'uranium canadien.
Probablement que Brinco a ses propres sources d'uranium parce que Rio Algom a
tous ces problèmes-là. Le problème naturellement en est un
avec le gouvernement canadien, au tout début.
En ce qui concerne la province de Québec, comme je le disais
tantôt, nous avons cru de notre devoir au tout début de montrer
les possibilités qui existaient dans le Québec. Ce
programme-là, on ne peut même pas discuter...
M. LAURIN: Mais au cas où il se réaliserait, il faudrait
que Brinco obtienne la permission du...
M. GIROUX: ... gouvernement fédéral.
M. LAURIN: ... gouvernement fédéral de nous vendre de
l'uranium enrichi.
M. GIROUX: Il faudrait qu'ils obtiennent la permission, pour commencer,
d'en fabriquer. Deuxièmement, nous...
M. LAURIN: ... d'en fabriquer et nous, d'en vendre.
M. GIROUX: ... d'en acheter.
M. LAURIN: Et il faudrait que nous obtenions la permission de changer de
la filiale canadienne à la filiale américaine.
M. GIROUX: A ce moment-là, je crois que la loi là-dessus
n'est pas très claire. Probablement qu'on pourrait se servir de
n'importe quelle filiale. Si l'Hydro-Québec, en principe, fabriquait de
l'uranium enrichi et avait une mine d'uranium, si vous voulez faire des
hypothèses, si on en trouve dans la baie James et qu'on l'enrichit
là-bas. On pourra s'en servir là-bas.
M. LAURIN: Ma question...
M. BOYD: Permettez que je complète. Il se
peut qu'avant longtemps, ce ne soit plus un problème. L'Atomic
Energy of Canada a beaucoup de difficulté à vendre son produit en
dehors du pays et même au Canada. On entend dire qu'elle jette un coup
d'oeil vers d'autres formes de production nucléaire. L'autre forme qui
serait plus avantageuse, ce serait la formule américaine. Ce n'est pas
officiel, mais c'est une chose qui peut se faire.
M. LAURIN: Ma sixième question porte sur les emplois indirects
dont parlait le premier ministre tout à l'heure...
M. BOURASSA: Indirects...
M. LAURIN: ... pour la fabrication d'outillage.
M. BOYD: En dehors du chantier. M. LAURIN: En dehors du chantier.
M. BOURASSA: En dehors du chantier, mais directs si on peut dire, parce
que les emplois indirects...
M. LAURIN: On ne se chicanera pas sur les épithètes. Vous
avez mentionné cet après-midi qu'il y aurait beaucoup de
retombées en ce domaine-là étant donné que, depuis
que 1'Hydro existe en tant que société de la couronne, elle a
fait beaucoup d'efforts pour favoriser l'implantation d'usines qui pourraient
fabriquer des transformateurs, des isolants, des alternateurs et ainsi de
suite. Le pourcentage de fabrication de ce matériel, de cet outillage, a
beaucoup augmenté depuis quelques années. Est-ce que vous pensez
que, le jour où le Québec fera des centrales nucléaires,
une bonne proportion de ce matériel fabriqué actuellement au
Québec pourra être utilisée aussi, de la même
façon, pour les centrales nucléaires?
M. GIROUX: C'est assez difficile de se prononcer exactement sur ce que
sera l'avenir dans ce domaine. Mais en partant du principe que l'Hydro
maintiendra cette politique d'achat, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas
réussir autant à intéresser des gens à produire
à ce moment-là, peut-être pas la première usine,
mais éventuellement en appliquant les mêmes principes, en
appliquant les mêmes approches, les mêmes démarches, on
devrait être capable d'obtenir le même résultat. Le seul
petit point que je voudrais corriger je regrette si j'ai
créé cette impression en disant "pourrait créer" ou
"créerait" c'est que ce qu'on vous a donné ce midi, c'est
ce qui est fait dans le Québec, actuellement, ce qu'on a réussi
à faire faire au Québec.
M. LAURIN: On peut donc penser que le jour où vous construirez
des centrales nucléaires, votre politique d'achat et d'implanta- tion
favorisera la création au Québec d'un nombre d'industries qui
s'occuperaient aussi bien de matériaux dont on a besoin pour n'importe
quel type de centrale que pour du matériel nouveau qui s'applique d'une
façon plus spécifique aux centrales nucléaires.
M. GIROUX: En étant aussi agressif vers la politique de
convaincre les gens de s'implanter au Québec...
M. JORON: Une petite question additionnelle à ce sujet. Plusieurs
de ces usines, installées au Québec, grâce à la
politique d'achat de l'Hydro-Québec, ont depuis quelques années
effectivement exporté vers l'étranger. Dans la mesure où
justement le développement hydraulique est à peu près
arrêté, en grande partie, à l'étranger, et qu'on
s'en va vers le nucléaire, est-ce que nos possibilités
d'exportation de matériel ne serait pas plus grande, si, très
tôt, nous nous en allions dans la fabrication nucléaire?
M. GIROUX: Là, nous entrons dans un problème, très
technique où il faudrait avoir une consultation avec des
spécialistes en appareillage. Sommairement, quand vous considérez
en hydraulique, il se fait beaucoup moins d'alternateurs, dans certaines
choses, mais d'un autre côté, il se fabrique d'autres choses.
Actuellement nous avons, dans toutes ces lignes, la production
d'isolateurs. Ce ne sont peut-être pas des isolateurs totalement pour des
lignes à grande puissance. Lorsqu'on se sert de nucléaire, on
doit se servir d'isolateurs quelque part, parce que le gars ne peut pas mettre
son doigt à tout coup.
Toute la quincaillerie peut facilement se convertir. Maintenant, au
point de vue d'exportation, disons que nos manufacturiers
québécois, actuellement, n'ont pas eu tellement de chance dans ce
domaine. Ce n'était pas dû au fait qu'on ne construit pas
tellement de centrales hydrauliques par le monde que le fait qu'ils manquaient
d'expérience. C'est assez récent.
Avec l'avènement d'AECA, vous avez des Suédois qui s'en
viennent ici. Us installent des transformateurs. Eux, vont certainement
exporter.
M. LAURIN: Est-il exact d'affirmer, M. Giroux, qu'au contraire d'un
barrage, un réacteur nucléaire ne fait pas que produire de
l'électricité. Il produit aussi divers
radios-éléments qui, notamment, servent à radiographier
des pièces de métal, fabriquer des isotopes, vérifier des
soudures de précision, déterminer l'âge des objets qui
entrent dans le processus de fabrication de plusieurs
sous-dérivés pétroliers, etc.?
M. GIROUX: Il se peut fort bien, mais c'est tellement technique.
M. LAURIN: Est-ce que ceci ne veut pas dire que lorsque nous
créerons à cause de la politique de construction de
centrales nucléaires ces divers éléments, on peut
s'attendre à la création de nombreuses industries,
satellites?
M. GIROUX: Il peut se créer des industries satellites. Dans
l'endroit où il s'en construit tellement, aux Etats-Unis, cet effet ne
s'est pas fait réellement sentir, à date. Les problèmes
à nettoyer sont peut-être trop grands encore. Tout est
peut-être encore trop en recherche pour pouvoir réellement
appliqué les possibilités au domaine secondaire. C'est normal
parce que dans un plan comme ça, le type s'occupe de produire au
début et non pas après.
M. LAURIN: Est-il, à votre connaissance, que la multiplication
des projets en Ontario a précisément contribué à la
formation ou à la consolidation d'un certain nombre de ces entreprises
dans le domaine électronique, donnant ainsi à l'Ontario une forte
avance sur le Québec?
M. GIROUX: Dans le domaine électronique?
M. LAURIN: Des emplois permanents.
M. GIROUX: Plusieurs de notre domaine électronique à nous
est fait dans le Québec.
Une des firmes qui fait pour presque tout pour le Canada est Canadian
Aviation Electronics qui est de la province de Québec. Il peut y en
avoir en Ontario. De l'électronique, il y en a dans toutes les
provinces. Je ne crois pas que, par suite du développement du
nucléaire jusqu'à maintenant, cela ait produit des
résultats dans ce domaine.
M. LAURIN: Est-il permis de penser qu'étant donné les
multiples utilisations et les interconnections entre le domaine du
nucléaire, de l'informatique, de l'électronique, on peut penser
à des effets d'entraînements multiples dans ce domaine?
M. GIROUX: En autant que le développement industriel de la
province va en s'accen-tuant, vous pouvez penser à tous les
développements. A mon sens, je pense qu'on va chercher un peu trop haut
le fait que ça viendrait du nucléaire. Il s'agit pour nous de
nous servir de tout ce qu'on a pour le développer. Probablement qu'on
peut arriver aux mêmes effets, que l'on fasse du nucléaire, du
thermique, de l'hydraulique. Je pense qu'il y a un effort qui doit être
concentré. Je reviens toujours, peut-être, sur une vieille
marotte, mais la politique d'achats de l'Hydro-Québec devrait être
appliquée à travers la province et dans tous les domaines.
M. LAURIN: Tout en reconnaissant que la construction des centrales
hydro-électriques a eu de multiples effets d'entraînement pour
l'industrie manufacturière, on peut penser aussi que le nucléaire
aurait des effets d'entraînement multiples.
M. GIROUX: Absolument. Il s'agit de s'y mettre. Comme je vous dis, c'est
dans tous les domaines. Je ne voudrais pas dire que le fait qu'on va faire du
nucléaire, va produire de tels résultats. Si on le fait comme on
le faisait autrefois, non. Que ce soit dans n'importe quoi, si on s'applique
à convaincre les gens de venir s'installer chez nous, à les
convaincre des avantages qu'on peut leur donner, à leur donner des taux
préférentiels pour s'installer, on arrivera à ce qui a
été accompli à l'Hydro-Québec. Remarquez bien que
ce n'est pas moi. Cela date d'avant mon arrivée à
l'Hydro-Québec. Ces choses apportent une source de développement
naturel dans la province de Québec.
M. LAURIN: Mon autre question porte sur la régie. Est-ce que je
peux vous demander si c'est la régie qui a demandé au
gouvernement la constitution d'une régie...? Est-ce que c'est 1'Hydro
qui a demandé au gouvernement la constitution d'une régie?
M. BOURASSA: M. le Président, voilà l'exemple d'une
question inutile...
M. LAURIN: C'est une question.
M. BOURASSA: Non, mais les documents ont été rendus
publics. Cela était clairement exprimé dans la lettre que j'ai
déposée à l'Assemblée nationale. Il y a un document
qui est déposé à l'Assemblée nationale, à la
page 2.
M. LAURIN: Vous pensez bien que je lis tous les documents.
M. BOURASSA: Cela n'en a pas l'air d'après la question que le
député vient de poser.
M. LAURIN: M. Giroux, dans sa lettre a commenté, semble-t-il, une
décision qui a été prise on ne sait où.
M. BOURASSA: Il donne les raisons pour justifier la régie.
M. LESSARD: Laissez répondre M. Giroux!
M. LAURIN: M. Giroux, ma question est celle-ci: est-ce que c'est
à la demande de l'Hydro qu'il a été question d'une
régie pour développer le complexe NBR?
M. GIROUX: Je peux répondre aux deux en même temps. On dit
dans ma lettre que l'idée a été avancée. Je ne suis
pas un linguiste. Le député de Chicoutimi n'est pas là: il
pourrait peut-être m'éclairer.
M. LAURIN: C'est bien la phrase que j'avais retenue.
M. BERTRAND: Je vous ai demandé tantôt si c'était
une nécessité, vous avez dit non. Vous avez dit que
c'était une possibilité. C'est là que je rejoins...
M. GIROUX: Le point est celui-ci: Nous avons recommandé au
gouvernement que le projet d'aménagement des ressources hydrauliques de
la baie James soit entrepris sans délais. On recommande, à ce
moment-là. Probablement que la commission se serait servi de la
même phrase si elle avait recommandé... On dit: l'idée a
été avancée.
M. LAURIN: Par qui?
M. GIROUX: Par le gouvernement, par des représentants du
gouvernement.
UNE VOIX: Pas par l'Hydro.
M. GIROUX: Pas par l'Hydro.
M. LAURIN: C'est ce que je voulais savoir.
M. BERTRAND: Nous nous comprenons très bien.
M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce a une question
à poser.
M. LAURIN: J'en ai deux autres seulement.
M. LE PRESIDENT: Deux autres seulement, d'accord.
M. LAURIN: Quelles sont les prévisions d'emprunt...
M. PICARD: ... des lignes de transmission...
M. LAURIN: Quelles sont les prévisions d'emprunt de
l'Hydro-Québec d'ici 1978?
M. GIROUX: D'ici...
M. LAURIN: D'ici 1978?
M. GIROUX: Comme prévisions d'emprunt dans le programme
d'équipement, comprenant le tout, il y a plusieurs phases, il y a
plusieurs possibilités. Naturellement, quant aux prévisions
d'emprunt, c'est assez difficile d'aller très loin dans une
prévision globale à ce stade-ci, parce qu'il y a des facteurs de
tarifs... Disons qu'on peut dire qu'en 1971, nos prévisions, incluant le
programme d'équipement de la NBR, de la Eatmain et de La Grande,
ça c'est bien compliqué, mais basons-nous sur les
premières qui iraient par exemple jusqu'à 1976. On parle de $228
millions la première année, on a une année de
débalancée; mais j'aimerais que vous preniez ces
chiffres-là simplement comme des estimations, parce que si on peut
avancer une année, puis reculer au point de vue financement, je ne
voudrais pas être tenu à ce régime. On parle de $224
millions, de $333 millions en 1973, de $316 en 1974, de $421 en 1975, de $590
en 1976, et de $800 millions en 1977.
Ces montants-là constituent le financement complet.
Là-dessus, on a des possibilités, il y a toutes sortes de choses
qui sont incluses dans ce calcul. Il peut arriver des facteurs qui peuvent
changer énormément d'une année à l'autre, et il y a
des montants d'emprunt qui peuvent varier beaucoup.
M. JORON: Cela en incluant NBR, les trois rivières?
M. GIROUX: En incluant le programme que je vous donne jusqu'en 1978,
selon une programmation faite par l'Hydro-Québec et incluant ces
choses-là et en calculant toujours le coût maximum. Ce n'est pas
optimalisé et c'est calculé au maximum.
M. LAURIN: Toujours pour le complexe NBR?
M. JORON: Cela couvre tout NBR. Mais est-ce que c'est en tenant compte
de l'augmentation annuelle des tarifs de 4 p. c?
M. GIROUX: Pardon?
M. JORON: En tenant compte de l'augmentation annuelle des tarifs de 4 p.
c.
M. GIROUX: En tenant compte de l'inflation et des tarifs.
M. LAURIN: J'ai une dernière question M. le Président. Sur
la relation du coût et du prix, mais c'est mon collègue qui va la
poser, le député de Gouin.
M. PICARD: C'est une bonne façon de lui laisser la parole.
M. GIROUX: J'aimerais simplement ajouter que dans ces
chiffres-là, il y a de l'argent pour la Eastmain et La Grande, des
projets qui ne sont pas encore étudiés à fond.
M. JORON: M. le Président, la question est la suivante. Est-ce
que l'Hydro-Québec doit se poser comme objectif d'atteindre le meilleur
coût de production possible?
Est-ce que c'est cela qui doit être le facteur déterminant
pour lui faire faire un choix ou si l'objectif est aussi de fournir à la
population de l'électricité au meilleur marché possible?
Il peut y avoir une différence entre les deux. Peut-être que
l'on...
M. GIROUX: Disons que, dans notre juge-
ment, c'est une combinaison des deux. On se sert des deux facteurs, pour
être toujours dans la moyenne, parce qu'il y a un élément
de sécurité à considérer. C'est pourquoi on donne
toujours des chiffres qui sont pour une moyenne d'à peu près dix
ans, où l'on recouvre le coût d'installation, en regard du
meilleur marché dont on pourrait se servir. D'un autre
côté, si on le prend sur une base annuelle, on pourrait prouver
toute une théorie différente, mais dans les calculs de base que
nous avons faits, nous avons essayé de faire une compensation des deux,
de regarder quel serait à peu près le coût moyen. Si on
voulait faire des calculs et essayer de vendre quelque chose, on n'aurait
qu'à ne pas considérer les tarifs.
M. JORON: A titre, justement, d'ancien financier, je sais que vous
êtes bien sensible aux problèmes financiers de
1'Hydro-Québec, aux problèmes d'emprunts et ces choses-là.
Je suppose que le choix vous est donné entre deux programmes, en ne
comparant pas les bonnes techniques de l'un ni de l'autre, de ces deux
programmes qui en gros coûtent le même prix en mills, dont le
coût de production est à peu près le même. Je suppose
aussi que l'un des deux offre la possibilité d'être financé
à la moitié du coût, les immobilisations à la
moitié moins, ce qui permettrait à ce moment-là, de ne pas
augmenter les tarifs. Vous pourriez avoir le même coût...
M. GIROUX: Non. Cela ne permettrait pas d'augmenter les tarifs pour une
période très courte.
M. JORON: Pour le temps, jusqu'à ce que cela entre en production.
Vous retardez l'échéance de l'augmentation des tarifs.
M. GIROUX: Nous retardons l'échéance de l'augmentation des
tarifs... si vous faites des calculs exacts, peut-être pour les deux
premières années. Après cela, il faudrait entrer...
M. JORON: Jusqu'au moment où elle entre...
M. GIROUX: Il faut tout de même qu'il y ait des dépenses
capitales.
M. JORON: Mais elle n'entre pas en production avant 1978, si elle part
tout de suite. Cela donne donc un délai de sept ans. Vous n'avez plus
besoin d'une provision aussi grande d'autofinancement à ce
moment-là et vous n'avez qu'à faire le même appel aux
marchés financiers. Puisque vous n'avez pas besoin de monter votre
réserve d'autofinancement, vous pouvez vous permettre de ne pas modifier
les tarifs.
M. GIROUX: Pour une courte période, je suis d'accord avec vous,
mais pas pour une longue période. Naturellement, je n'ai pas fait les
calculs exacts, mais si nous allons à la solution facile, ce serait
actuellement d'aller en thermique. Nous savons ce que cela
représente.
M. JORON: Cela exige plus de capital.
M. GIROUX: Cela demande plus de capital et cela demande moins d'emprunt.
Mais, cela nous rejoint tantôt.
M. JORON: Vous reportez à plus tard...
M. GIROUX: Nous reportons à plus tard une échéance;
nous reportons une échéance. Mais simplement pour illustrer, je
ne voudrais pas que l'on se serve de cette chose-là comme base
même: prenez quelqu'un qui se serait servi de cette théorie en
1966 ou 1967. Il n'aurait pas augmenté ses tarifs, disons jusqu'en 1971
et il lancerait une usine thermique actuellement. Et au lieu d'augmenter ses
tarifs peut-être de 15 p. c. ou 20 p. c, s'il n'avait que cette chose
à faire, il serait obligé de les augmenter de 35 p. c, le
coût de son combustible étant augmenté de 35 p. c. C'est un
cas extrême, mais ces choses-là sont des hypothèses...
M. BOURASSA: On ne l'a pas encore.
M. GIROUX: ...valables pour s'asseoir, valables à étudier.
Je suis parfaitement d'accord avec vous. Seulement, il reste toujours un point
d'interrogation. Dans un cas, dans l'hydraulique, qui est la grande patente
dispendieuse si vous me permettez cette expression dès que
votre usine fonctionne, l'eau ne coût plus rien.
M. JORON: Après cela, ça va.
M. GIROUX: Tandis que l'autre, il reste toujours un point
d'interrogation. Remarquez bien, je ne veux pas entrer du tout dans la
discussion de base de nos économistes. Je leur fais confiance. Je me
sers, avec eux, du taux de 4 p. c. Seulement, j'espère qu'il se
maintiendra là. Mais, peut- être que si on regarde cette situation
du côté, juste un peu, pessimiste, on commence à se
demander, par exemple, comment ce sera l'an prochain. Le taux est plutôt
porté à aller plus haut que cela. Maintenant, on est d'accord. On
prend un taux et il faut prendre un taux sur une chose. Alors, naturellement,
on aurait pu décrire toute cette chose sans parler de l'augmentation des
tarifs. Mais, ce n'est pas la politique de l'Hydro de ne pas renseigner
totalement sur une chose que l'on sait éventuelle et que,
malheureusement, on ne voit pas comment on pourrait l'éviter, sur une
période donnée. C'est pourquoi on parle de moyenne.
M. JORON: M. Giroux, je vous remercie de la réponse. Je voulais
juste préciser la raison pour laquelle...
M. LE PRESIDENT: Cela fait une grande question.
M. JORON: Simplement pour satisfaire la curiosité du Premier
ministre. Il verra très bien que c'est dans un...
M. BOURASSA: On connaît vos vraies raisons.
M. JORON: ... esprit de grande coopération que nous faisons cette
suggestion.
M. MARCHAND: Nous avons monsieur le prieur.
M. JORON: Suggestion qui nous semble utile, à économiser
c'est très simple, ça va prendre juste une phrase, quinze
secondes pendant un certain nombre d'années, quitte à
faire reporter plus tard, sur d'autres générations si vous
voulez, un prix qu'il faudra rencontrer éventuellement...
M. BOURASSA: Le Président vient de dégonfler votre
affaire.
M. JORON: ... à économiser pendant un certain nombre
d'années le capital, de façon à faire
immédiatement, dans une optique de relance économique, le plus
grand nombre de choses possible, immédiatement, à la fois.
M. BOURASSA: M. le Président,..
M. JORON: C'est ça... on aurait pensé que ça vous
aurait intéressé, vous qui êtes si soucieux de la relance
économique.
M. BOURASSA: Cela m'aurait intéressé, si le
président de l'Hydro-Québec n'avait pas dégonflé
complètement ce que vous avez dit.
M. LAURIN: Tout ce qu'on a compris, c'est que l'augmentation des tarifs
finance le projet de la baie James.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs. Le député de Beauce
a la parole.
M. ROY (Beauce): Une nouvelle question, M. le Président. J'ai
crû comprendre hier soir, des déclarations faites par les
représentants de 1'Hydro qu'on avait estimé le coût du
capital, par rapport aux revenus globaux, à 15 p. c. Est-ce que c'est
exact?
M. GIROUX: Votre question n'est pas très claire.
M. ROY (Beauce): Je veux dire, les frais d'intérêt du
capital investi, par rapport aux revenus de l'Hydro, dans le projet du
développement. Hier, on a mentionné un chiffre, ici, de 15 p. c.
Cela représenterait à peu près 15 p. c.
M. GIROUX: Les frais d'intérêt?
M. ROY (Beauce): Les frais d'intérêt, les frais du
coût du capital. Le coût du capital ou les frais
d'intérêt, c'est la même chose.
M. GIROUX: Ce sont peut-être les frais intercalaires.
J'espère que les frais d'intérêt, ne se rendront pas
à 15 p. c. parce que nos calculs seront légèrement
déviés.
M. ROY (Beauce): Je ne parle pas de 15 p. c. annuellement sur les
investissements. J'ai parlé de 15,p. c. par rapport aux revenus de vente
d'électricité, aux revenus de l'Hydro.
M. GIROUX: Notre réinvestissement, notre auto-financement.
M. ROY (Beauce): Pas au sujet de l'autofinancement. Ce que j'ai voulu
dire, c'est ceci: Dans les dépenses générales, vous avez
un article qu'on appelle dans vos états de revenus et dépenses,
états consolidés, intérêt sur dette à long
terme, intérêt sur la dette bancaire et billets à
payer.
Ces choses-là, dans l'estimation que vous avez faite concernant
la rentabilité du projet de la baie James...
M. GIROUX: Cela ne va pas dans cette chose-là. Voyez-vous quand
on prend, dans notre bilan, l'ensemble de nos intérêts à
payer, c'est l'ensemble de nos intérêts à payer qui est un
pourcentage de et non pas le programme spécifique de la baie James.
M. ROY (Beauce): Dans l'ensemble, c'est estimé à combien?
Vous n'avez pas fait d'estimation spécifique?
M. GIROUX: Non. Non. Nous n'avons pas calculé le coût
spécifique d'intérêt de la baie James. Seulement en
calculant notre coût, on l'a calculé sur trois bases qui sont des
facteurs connus actuellement et il est possible que le taux
d'intérêt soit, par exemple, 8 p.c, 9 p. c. ou 10 p. c. C'est
l'expérience qu'on a vécue.
M. ROY (Beauce): Le taux des emprunts, c'est une chose, mais le
coût global de l'intérêt à l'intérieur des
dépenses consolidées de l'année face aux revenus
consolidés. C'est dans ce sens-là que je parlais de mon terme de
pourcentage. Si je prends le bilan que vous nous avez remis,'l'état
consolidé des revenus et dépenses, pour l'année
financière, au 31 décembre 1970, le coût des
intérêts a représenté 34 p. c. des revenus
d'exploitation.
M. GIROUX: Oui.
M. ROY (Beauce): Il est passé de 34 à 36 p. c. au cours de
l'année 1970. Je remarque un peu plus loin, à la page 45, que
vous avez
250 millions d'obligations qui vont devenir échues au cours des
sept prochaines années et dont le taux d'intérêt
s'échelonne entre 3 et 5 p. c. se situe, c'est-à-dire,
entre 3 et 5 p. c. Il va y avoir nécessairement un refinancement de ce
côté-là. Ce refinancement-là entre 3 et 5 va
nécessairement monter à 8 p. c. 7 p. c. ou 8 p. c. Cela veut dire
qu'il va y avoir entre 5 p. c. et 3 p. c. d'augmentation sur 250 millions
d'investissement.
M. GIROUX: Probablement.
M. ROY (Beauce): En dehors des investissements nouveaux qui seront
faits.
M. GIROUX: Oui. C'est pourquoi nous avons calculé notre
coût pour la baie James à des taux hypothétique de 8 p. c,
9 p. c. et 10 p. c. Maintenant, nous avons subi des augmentations dans les taux
d'intérêt dernièrement, c'est pourquoi on déclarait
à la commission parlementaire, il y a quelques années, je voyais
cela tantôt, que les intérêts étaient partis d'une
moyenne de 3.40 et étaient montés à 8. et quelque chose. A
cette séance-là, je crois qu'on avait donné les taux un
peu comme ceci...
M. ROY (Beauce): Vous pouvez laisser faire, M. le Président.
M. GIROUX: ... cela partait de 4.17 en 1952; en 1962 c'est 5.46
je passe en 1969, on va toucher 8.99 d'intérêt moyen
payé par l'Hydro. Cela vous donne une idée de l'escalade.
M. ROY (Beauce): On n'a pas abordé évidemment le
problème de financement et je n'ai pas l'intention de l'aborder ici.
J'ai une autre question à vous poser. Si le gouvernement vous offrait
des sources de financement à meilleur marché la Banque du
Canada ou d'autres possibilités que nous avons l'intention de
suggérer au gouvernement est-ce que le président de
l'Hydro aurait des objections?
M. GIROUX: Aucune.
M. ROY (Beauce): Vous n'auriez aucune objection! J'en prends le premier
ministre à témoin.
M. GIROUX: Aucune et même si vous avez des sources d'argent
à très bon marché, on peut commencer tout de suite.
M. ROY (Beauce): C'est parfait!
M. BOURASSA: M. le Président, s'il n'y a pas d'autres questions,
je pense qu'on peut mettre un terme. On avait dit 22 h., il est 22 h et
quelques minutes. Vous avez des questions?
M. LAURIN: Oui, j'aurais une dernière déclaration à
faire en ce qui concerne l'Hydro.
Nous n'avons plus de questions à poser, mais comme on s'en
souvient bien on nous a remis deux autres rapports de firmes
d'ingénieurs conseils ABBDL et Rousseau, Warren, Sauvé.
D'ailleurs, un bon nombre des conclusions de l'Hydro, contenues dans le rapport
de l'Hydro, s'appuient sur les opinions des deux firmes d'ingénieurs
conseils. Nous avons omis d'y faire allusion durant les travaux de cette
commission étant donné que ce sont les gens de l'Hydro qui
étaient ici.
Mais comme l'Hydro a demandé à ces deux firmes
d'ingénieurs-conseils de vérifier ces hypothèses, comme il
est difficile de séparer le rapport de l'Hydro du rapport des deux
firmes d'ingénieurs-conseils, nous aimerions beaucoup, pour notre part,
que la commission se réunisse à nouveau pour que nous puissions
poser des questions aux représentants des deux firmes
d'ingénieurs-conseils. De la même façon, nous pourrions
profiter de l'occasion pour émettre le voeu également que nous
puissions entendre d'autres personnes. J'entendais cet après-midi le
président de l'Hydro qui parlait d'un témoignage du
président de l'Atomic Energy of Canada, M. Gray, selon lequel le
rendement serait meilleur avec l'hydraulique que le nucléaire ou le
thermique dans les circonstances actuelles, même si, en théorie,
le rendement est meilleur avec le nucléaire qu'avec le thermique. C'est
une autre raison pour laquelle nous voudrions que la commission se
réunisse de nouveau pour que nous puissions poser des questions
également à ce grand spécialiste sur l'autorité
duquel on s'est appuyé cet après-midi. C'est la raison pour
laquelle, M. le Président, je demanderais que cette commission
siège de nouveau, surtout pour que nous entendions et que nous puissions
poser des questions aux représentants des deux firmes qui nous ont remis
des rapports. Nous avons beaucoup de questions à leur poser. Nous avons
omis d'y faire même allusion durant les travaux de cette commission et
j'espère qu'on permettra aux élus du peuple de poser les
questions qui nous permettront de faire encore plus de lumière sur le
sujet. Ceci ne retardera pas les travaux, puisque nous avons fini de poser des
questions au maître-d'oeuvre qui est et qui doit demeurer l'Hydro.
M. BOURASSA: On verra, M. le Président.
M. LAURIN: C'est une question que je pose au président de la
commission, mais j'aimerais bien que le premier ministre, étant
donné qu'il est ici, reconnaisse aux élus du peuple le droit de
s'informer pleinement et d'avoir toutes les réponses dont ils ont besoin
pour éclairer leur lanterne d'abord et surtout pour éclairer la
population.
M. BOURASSA: M. le Président, je crois que je l'ai reconnu
puisque nous avons siégé deux jours sans interruption. Il y a des
réunions la semaine prochaine du comité de la constitution.
M. LAURIN: Pas demain, M. le premier ministre. Elle pourrait
siéger la semaine prochaine. Je n'entends pas évidemment vous
demander que la commission siège demain, mais il me semble que ce serait
dans l'optique de la démocratie que nous puissions continuer de faire la
lumière sur ce très important projet. Je rappelle au premier
ministre que quand il y a eu une grève à la Régie des
alcools, la commission qui s'occupait de ce problème a
siégé sans interruption durant près de deux semaines. Elle
faisait le point en même temps que les négociations se
déroulaient et ça pressait.
M. BOURASSA: C'était un peu plus épineux que ça l'a
été depuis deux jours.
M. LAURIN: Il s'agit là d'une somme de $6 milliards qui engage
l'avenir du Québec d'une façon très importante.
M. BERTRAND: M. le Président, considérant les
dernières remarques qui ont été prononcées par le
député de Bourget à l'effet que d'une manière ou de
l'autre, le maître-d'oeuvre est l'Hydro et qui, je l'espère, va le
demeurer, et va commencer tous ses travaux. Il y a deux problèmes; il y
a peut-être celui-là, et il n'y a pas de doute que personne ne
doit craindre que la lumière soit faite au complet. Il y a d'abord le
rapport de l'Hydro-Québec sur lequel nous n'avons pas posé de
questions. Il y a, deuxièmement, les rapports au sujet desquels vous
avez indiqué que vous auriez peut-être aussi des questions
à poser. Il faut tenir compte toutefois du fait que nous avons certains
travaux dans lesquels nous sommes engagés. Est-ce qu'on ne pourrait pas
s'entendre sur ceci: si on peut, dans les semaines qui viendront on se
réunira; la semaine qui vient, je crois est totalement engagée,
ne soyons pas aveugles. Il y a deux possibilités que je soumets. L'une,
que nous puissions le faire avant l'ajournement de juin ou la fin de
juin...
M. BOURASSA: Juillet.
M. BERTRAND: ... au début de juillet ou au début de
l'automne. J'ai une question à poser quant à moi au premier
ministre au sujet de la régie dont il est fait mention et dont
l'idée est venue du gouvernement. Est-ce l'intention du gouvernement de
présenter ce projet de loi avant l'ajournement de
l'été?
M. BOURASSA: Nous examinons la question présentement.
M. BERTRAND: Si c'est l'intention du gouvernement de présenter
tel projet de loi avant l'ajournement de l'été, j'insisterai,
avec mon collègue du Parti québécois, pour que la
séance de la commission ait lieu avant l'ajournement de
l'été.
M. LAURIN: Je me permets d'intervenir à nouveau. Non seulement il
y a les deux firmes sur lesquelles nous n'avons pas encore posé de
questions, mais il y a tous les aspects forestiers et miniers dont il n'a
même pas été question.
M. BERTRAND: C'est pour ça que je parle de l'ajournement.
M. LAURIN: Et en ce qui concerne les aspects forestiers en particulier,
il y a 10 millions de cordes de bois...
M. BOURASSA: S'il y a une loi, M. le Président...
M. LAURIN: Et on sait les difficultés qu'on a eues à la
Manicouagan quand il s'est agi de disposer de cette quantité
énorme de bois. On risque de jeter dans des difficultés
extraordinaires les offices de producteurs de bois par l'accumulation de ce
stock nouveau et il y aurait lieu de questionner ici les représentants
du ministère des Terres et Forêts...
M. BERTRAND: Il existe à l'heure actuelle le
député de Bourget verra pourquoi j'en ai fait mention
d'abord Rexfor, dont c'est la tâche immédiate...
M. LAURIN: Justement, il y a des questions...
M. BERTRAND: C'est clair, si le premier ministre entend déposer
un projet de loi, que tous ces problèmes-là et ça
devient là un débat politique comme le notait le
député de Bourget.
M. LAURIN: Il y a aussi des questions techniques.
M. BERTRAND: Des questions techniques aussi. C'est sûr que le
dépôt d'un tel projet de loi à ce moment-ci va certainement
entramer la convocation de la commission avant l'ajournement de
l'été.
M. BOURASSA: S'il y avait dépôt d'un projet de loi
et nous examinons ça aussi actuellement il pourrait être
étudié en commission, et nous pourrons à ce
moment-là inviter...
M. LAURIN: Je veux bien croire...
M. BOURASSA: Nous faisons confiance à l'Hydro-Québec, je
pense qu'elle a démontré que nous avions raison d'avoir confiance
en elle depuis hier.
M. LAURIN: Mais nous nous sommes quand même abstenus de poser des
questions sur les rapports des deux firmes d'ingénieurs...
M. BOURASSA: Mais ce sont des rapports qui avaient été
demandés par l'Hydro-Québec.
M. LAURIN: Oui, mais sur la foi de la déclaration du premier
ministre, qui nous a dit en Chambre que nous aurions tout le loisir de poser
des questions aux auteurs des trois rapports.
M. BOURASSA: Je ne pensais pas à...
M. LAURIN: Et c'est sur la bonne foi du premier ministre que nous nous
sommes abstenus de faire le moindrement allusion aux rapports de ces deux
firmes.
M. BOURASSA: Je vais considérer la suggestion du...
M. LAURIN: Et pendant que nous y sommes, nous voudrions continuer les
séances de cette commission dans deux semaines, si ce n'est pas possible
la semaine prochaine.
M. BOURASSA: C'est parce que j'ai la conférence de Victoria, je
n'ai pas qu'un seul problème.
M. LAURIN: Mais si vous n'êtes pas là, nous pouvons quand
même poser des questions.
M. BOURASSA: Sur ce projet-là, je préfère
être présent.
M. LE PRESIDENT: Messieurs, le député de Beauce.
M. ROY (Beauce): C'est pour préciser une chose au nom de notre
groupe.
Nous avons en main une ébauche de ce que pourrait être un
programme global de développement de la baie James. Nous avons eu
à questionner, au cours des deux journées, l'Hydro-Québec
en ce qui a trait à la tâche qui lui a été
confiée et celle qui pourrait lui être confiée. En ce qui
nous concerne, nous aurions eu énormément plus de questions
à poser au gouvernement.
Comme le gouvernement n'a pas précisé sa politique et que
le projet de loi n'est pas déposé, je me demande s'il serait
pratique de convoquer la commission parlementaire et de questionner d'autres
experts, tant et aussi longtemps que le gouvernement n'aura pas pris une
position définitive. On ne sait pas, à l'heure actuelle, si le
gouvernement décidera que ce sera 1'Hydro qui en aura
l'exclusivité. On ne sait si cela sera une corporation dans laquelle
l'Hydro aura une participation majoritaire ou une autre régie. En ce qui
a trait au développement des autres ressources, c'est la même
chose. Cela nous intéresse également au plus haut point. Pour
être capable d'avancer réellement dans quelque chose de
constructif, nous devrions attendre que le gouvernement présente quelque
chose de positif, de clair et de net. A ce moment-là, on pourra poser
des questions.
M. BERTRAND: Quant à moi, je me réserve, je le dis
publiquement, le droit de demander la convocation de cette commission, à
nouveau, à la lumière des gestes que le gouvernement posera.
M. LAURIN: Je me permets quand même de vous rappeler qu'il y a
plusieurs aspects techniques contenus dans les rapports des deux firmes sur
lesquels nous n'avons pas eu l'occasion de poser des questions. Ces aspects
techniques ne peuvent être éclairés que par les deux firmes
qui ont soumis les rapports. En conséquence, nous serions obligés
de conclure que le gouvernement ne tient pas à ce que toute la
lumière soit faite sur le sujet.
M. BOURASSA: Vous ne pouvez pas conclure ça aujourd'hui.
M. LAURIN: Non, pas aujourd'hui. M. BOURASSA: Merci.
M. LAURIN: Pas aujourd'hui, avant que votre décision soit connue.
Nous serions obligés de conclure que vous voulez masquer les faits, si
vous vous refusez à faire siéger, une autre fois, dans deux
semaines, cette commission.
M. BOURASSA: Vous n'êtes pas gentil pour
l'Hydro-Québec.
M. LAURIN: Pas pour l'Hydro-Québec, pour que nous puissions poser
des questions aux firmes d'ingénieurs-conseils qui ont soumis un
rapport, qui sont assez compétentes pour qu'on leur ait demandé
de vérifier les hypothèses de l'Hydro.
M. BOURASSA: Est-ce que les représentants des firmes sont
ici?
M. BERTRAND: Quant à moi, j'ai pris pour acquis que depuis le
début ils étaient ici. Suivant peut-être la coutume que
nous avions appliquée, nous posions des questions au président
qui, lui, les dirigeait vers des officiers qui ont bien répondu. Il n'y
a aucun doute. Je ne voudrais pas que, des propos du député de
Bourget, on puisse penser...
M. LAURIN: Ce n'est pas du tout l'endroit de l'Hydro, au contraire,
j'aurais apprécié...
M. BERTRAND: ... que du côté de l'Opposition, on ne voulait
pas être aussi renseigné que lui. D'autre part, je prends pour
acquis que ce sont des ingénieurs-conseils qui ont confirmé dans
la plupart des cas, du moins d'après leur rapport, à peu
près à 90 p. c. ou 100 p. c. des études...
M. LAURIN: Mais, M. Bertrand, nous avons quand même des lettres de
ces firmes d'ingénieurs-conseils, nous avons des rapports, et il y a eu
quand même des modifications d'un rapport à l'autre...
M. BERTRAND: D'autre part, le député de Bourget va me
permettre de lui dire ceci, c'est qu'hier soir, ils ont eu toute la latitude de
poser toutes les questions, on n'a pas bronché...
M. LAURIN : Nous en avons encore.
M. BERTRAND: On aurait pu en adresser aux gens...
M. LAURIN: Faire une polémique avec ça?
Non, nous ne voulions pas retenir l'Hydro-Québec trop longtemps
ici, c'est la raison pour laquelle nous leur avons adressé toutes nos
questions; d'ailleurs nous les remercions pour leur diligence à nous
fournir tous les renseignements que nous avons demandés. Nous les
remercions d'avoir répondu avec franchise à toutes les questions
que nous leur avons posées, mais il reste que nous avions d'autres
questions à poser aux firmes d'ingénieurs-conseils et il me
semble que ce ne serait pas un gros sacrifice de demander au gouvernement que
de consentir à ce que cette commission siège une autre fois dans
deux semaine ou trois semaines.
M. LE PRESIDENT: Nous verrons.
M. BOURASSA: M. le Président, je veux remercier les dirigeants de
l'Hydro-Québec, je pense que, comme vient de le signaler le
député de Bourget, ils ont accompli leur tâche avec grande
diligence et intégrité et intelligence, et je crois que, quant
à nous du gouvernement, ils ont complètement répondu aux
questions que nous pouvions avoir, quant à moi et le conseil des
ministres, nous en étions convaincus. Je pense que les
députés du côté ministériel, ainsi que
plusieurs députés de l'Opposition ont été
très satisfaits des réponses qui ont été
données sur un projet important, un projet spectaculaire, qui, on l'a
dit, va contribuer à la relance économique d'une façon
réelle et dynamique. S'il y a lieu de les convoquer à nouveau,
que ce soit à l'occasion de la discussion du projet de loi en commission
ou autrement, le gouvernement avisera.
M. BERTRAND: Il me fait plaisir de joindre mes propos à ceux du
premier ministre pour vous remercier, tous les gens de l'Hydro-Québec,
les officiers, des renseignements que vous nous avez fournis, et du sens
d'objectivité dont vous avez fait preuve. Quant à nous, de
l'Opposition, nous vous laissons le projet et le spectacle nous le laissons au
premier ministre.
M. BOURASSA: ... ajouter un mot.
M. GIROUX: M. le Président, si vous le permettez, je voudrais
simplement adresser au premier ministre et aux différents chefs de
l'Opposition nos remerciements; et nous comprenons très bien les
problèmes que suscite un projet de cette envergure. Nous espérons
avoir répondu avec la franchise que vous vouliez; enfin, on a
répondu au meilleur de notre connaissance. Certains problèmes
suscitent peut-être la venue des solutions comme la présentation
d'une loi.
En ce qui concerne la commission hydraulique du Québec, nous
allons nous abstenir de tout commentaire, de toute entrevue et de toute
conversation avec qui que ce soit au sujet de ce projet, tant et aussi
longtemps que les lois requises pour le mener à bonne fin ne seront pas
déposées. Actuellement, vous comprenez que, devant l'ampleur de
ce projet, nous avons une autorisation en main de faire des travaux d'une
très grande urgence qui permettront, à l'automne, d'être
plus en mesure de faire la lumière en réponse à certaines
questions qui ont été posées; le gouvernement nous a
autorisés à dépenser $26 millions. A moins qu'on ait des
objections à cette séance, nous allons en dépenser une
partie afin de pouvoir vous mieux renseigner à l'automne. Mais d'ici
à l'automne, en ce qui concerne l'Hydro-Québec, je ne crois pas
que nous ayons tellement de choses à ajouter concernant nos chiffres. Le
gros problème, c'est qu'il faut avoir une optimalisation et
procéder aux travaux sur le terrain. Si le gouvernement est d'accord,
nous nous exécuterons au meilleur de notre connaissance. Enfin, qu'une
loi soit déposée ou amendée ou une décision prise,
nous attendrons avant de faire aucun commentaire. Je vous remercie.
M. LE PRESIDENT: C'est ajourné, sine die. M. BOURASSA :
Très bien mon président.
(Fin de la séance 22 h 23)