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Version finale

29th Legislature, 2nd Session
(February 23, 1971 au December 24, 1971)

Thursday, May 20, 1971 - Vol. 11 N° 38

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de la baie James


Journal des débats

 

Commission permanente des Richesses naturelles

Sujet : Etude du projet de la baie James

Séance du mercredi 19 mai 1971

(Seize heures vingt minutes)

M. OSTIGUY (Président de la commission permanente des Richesses naturelles): A l'ordre, messieurs!

Je voudrais, en premier lieu, souhaiter la bienvenue à M. Giroux, président de l'Hydro-Québec, ainsi qu'aux commissaires qui l'accompagnent.

Le mandat de la commission parlementaire sera aujourd'hui de questionner les commissaires et les membres de l'Hydro-Québec sur l'aménagement éventuel des forces hydrauliques du versant de la baie James et de renseigner les parlementaires sur la méthode la plus rationnelle d'exploiter les ressources naturelles de cet immense territoire que forme la baie James. Je demanderais au premier ministre, M. Bourassa...

M. LAURIN: M. le Président, pouvons-nous discuter sur le mandat de la commission?

M. BOURASSA: Qu'est-ce qui ne vous satisfait pas dans le mandat?

M. LAURIN: Afin de bien renseigner les parlementaires, sommes-nous limités à questionner ceux qui sont venus aujourd'hui ou si nous pourrons faire valoir d'autres recommandations si jamais il s'avérait que nous ayons besoin d'entendre d'autres personnes...

M. BOURASSA: Nous verrons à ce moment-là.

M. LAURIN: ...ou si d'autres personnes étaient intéressées?

M. BOURASSA : Nous verrons à ce moment-là.

M. LAURIN: En tout cas, nous pouvons réserver cette discussion pour un autre moment.

M. BOURASSA: Oui, oui. Nous allons entendre les dirigeants de l'Hydro-Québec — c'était l'objectif principal de la rencontre de cet après-midi — et si l'on voit qu'il est opportun d'entendre d'autres personnes, nous pourrions en discuter à l'occasion.

M. LE PRESIDENT (Ostiguy): Un instant, un à la fois.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, pourrais-je faire une suggestion au premier ministre? Etant donné la chaleur qu'il fait, est-ce que l'on n'aurait pas pu faire cela au grand Colisée?

M. LE PRESIDENT (Ostiguy): A l'ordre! Le député de Beauce.

M. ROY (Beauce): Si je comprends bien, cela veut dire que le mandat de la commission n'est pas limité.

M. BOURASSA: C'est cela. Evidemment, nous ne pouvons pas discuter de température ou de chaleur à l'occasion de la réunion de cet après-midi. Le mandat est limité en ce sens que nous discutons des questions de l'Hydro-Québec et du développement hydroélectrique.

M. ROY (Beauce): Nous sommes assez logiques, M. le premier ministre, pour savoir que nous devons discuter des choses hydroélectriques et non pas de la température.

M. BOURASSA: Bon, d'accord! Cela a été clairement exprimé.

M. PAUL: M. le Président, je pense que la question du député de Beauce est bien fondée parce que lorsque le président nous a fait part du mandat de la commission il a, par distraction ou volontairement, oublié la question de l'implication économique et du financement.

M. LE PRESIDENT (Ostiguy): Cela pourra s'y rattacher.

M. PAUL: Bon, très bien.

M. LE PRESIDENT (Ostiguy): M. le premier ministre.

M. Robert Bourassa

M. BOURASSA: M. le Président, j'avais annoncé la convocation de la commission des Richesses naturelles à la suite de documents qui m'avaient été fournis par les dirigeants de l'Hydro-Québec.

A la fin du mois dernier, j'avais annoncé que j'acceptais les recommandations de l'Hydro-Québec, pour ce qui a trait au développement de la baie James.

Je n'ai pas à dire ici tous les avantages extrêmement importants que comporte ce développement pour l'économie de la province et pour sa prospérité. Sans oublier, évidemment, qu'il répond à des besoins énergétiques du Québec qui pourront être explicités tantôt par les dirigeants de l'Hydro-Québec.

Donc, je cède la parole au président de l'Hydro-Québec, M. Roland Giroux, qui, je crois, a un exposé de quelques minutes à faire. A la suite de cet exposé, les dirigeants seront à la disposition des membres de la commission pour répondre à toutes les questions.

M. Jean-Jacques Bertrand M. BERTRAND: M. le Président, après les

propos du premier ministre, sur le mandat de la commission, il est entendu d'abord qu'il y a le rapport de l'Hydro-Québec qui a été présenté à la Chambre. Deuxièmement, l'aménagement de la baie James sur tous ses aspects et, en particulier, quant à moi, comme canevas de discussion du problème de la baie James, après avoir entendu le président, ce qui nous intéresse, c'est, premièrement, quels sont les besoins en électricité au Québec. Deuxièmement, quels sont les moyens de les combler? L'énergie hydro-électrique, thermique, nucléaire. Troisièmement, le financement — l'aspect économique du problème — et si des travaux d'envergure doivent être entrepris, qui doit les entreprendre? L'Hydro-Québec ou, comme on l'a annoncé, une régie. Ce sont les questions au sujet de l'aménagement de la baie James qui nous intéressent. Voilà, quant à moi, un canevas qui peut nous servir de cadre à la discussion. Quant à moi, je suis prêt à entendre immédiatement le président de l'Hydro-Québec.

M. LE PRESIDENT (Ostiguy): M. le Président de l'Hydro-Québec. M. Giroux.

M. LAURIN: M. le Président, si on a permis au chef de l'Opposition officielle de dire quelques phrases, je ne vois pas pourquoi on ne permettrait pas aux autres partis...

M. BERTRAND: Oui, allez-y. M. Ronald Tétrault

M. TETRAULT: M. le Président, j'aime l'intervention du leader du Parti québécois, parce que cela commence très bien. On ignore deux partis en commençant. Nous voudrions, pour notre part, souhaiter la bienvenue aux dirigeants de l'Hydro-Québec et nous aurions quelques questions à leur poser, principalement sur le financement du grand projet de la baie James.

M. LE PRESIDENT (Ostiguy): Je m'excuse. Je pense...

M. BOURASSA: M. le Président, j'invoque le règlement. Je n'ai pas d'objection à ce que le député exprime son point de vue, mais pour ce qui a trait aux questions, j'ai dit tantôt que le président de l'Hydro-Québec va exposer, durant quelques minutes, son point de vue. Donc, avant de poser des questions ou de faire des commentaires, il serait peut-être plus sage d'attendre ce que le président de l'Hydro-Québec va dire.

M. TETRAULT: Je n'ai pas posé de question. J'essaie de faire un résumé. Si on veut se donner la peine d'écouter quelques instants, je pense qu'il va se terminer assez brièvement, avec votre permission. Pour notre part, pour le projet de la baie James, si on se fie au coup qui a été porté, le 29 avril dernier, peut-être comme l'ancien premier ministre l'a déjà dit, aurait-on pu faire ça au Colisée.

Donc, pour notre part, nous vous souhaitons la bienvenue et nous espérons avoir toutes les réponses aux questions qu'on pourrait vous poser afin que l'on puisse savoir, une fois pour toutes, si le projet de la baie James va se réaliser dans les années soixante-dix ou si c'est encore un projet dont on va être obligé de diminuer l'ampleur parce que les positions prises par les différents groupes divergent.

Merci, M. le Président.

M. Camille Laurin

M. LAURIN: M. le Président, je voudrais, moi aussi, situer la perspective dans laquelle nous nous trouvons ici cet après-midi. Je souscris aux questions que le chef de l'Opposition officielle avait dans l'idée; je les fait miennes et je les situe justement dans le cadre d'une dépense de $6 milliards qui a été annoncée par le gouvernement, c'est-à-dire la dette conjuguée de l'Hydro-Québec et du gouvernement du Québec et, deuxièmement, dans la perspective d'un plan qui va engager l'avenir du Québec dans un sens très déterminé pour une quinzaine d'années, ce qui peut nous amener à négliger d'autres avenues qui demeurent possibles.

Je voudrais simplement souligner, au début de cette commission, qu'étant donné l'importance et le sens de cet engagement j'espère que la permission nous sera donnée d'obtenir toutes les informations soit de ceux qui sont ici ou d'autres qui n'y seraient pas afin que la population du Québec puisse se faire une image réelle de la situation et que l'on puisse faire le choix qui correspond aux meilleurs intérêts du Québec.

M. LE PRESIDENT (Ostiguy): M. le président de l'Hydro-Québec.

M. Roland Giroux

M. GIROUX: M. le Président, messieurs, c'est avec plaisir que nous nous présentons à nouveau, mes collègues et moi, devant la commission des Richesses naturelles. Même si plusieurs les connaissent déjà, permettez-moi de vous nommer d'abord ceux qui m'accompagnent. Je commence par les quatre membres de la commission: M. Georges Gauvreau, M. Yvon DeGuise, M. Robert Boyd et M. Paul Dozois. Vous avez tous en main la liste complète de tous les membres des directions générales et des directions conjointes, qui est attachée à votre documentation.

Si les membres de la commission me le permettent, j'aimerais vous donner d'abord un aperçu aussi bref que possible des résultats d'exploitation et des résultats financiers de l'Hydro-Québec pour 1970, qui ont été excellents. Les cinq premiers groupes de la centrale

de Manic 5 ont été mis en service, pendant les six derniers mois de l'année avec une bonne avance sur le programme, ce qui a permis de mettre définitivement aussi en service le réservoir de Manic 5 qui se remplit depuis 1964.

Les effets de ces mises en service ont été considérables. Nous avons été capables d'augmenter notre production hydraulique brute de 18 p. c. et de réaliser une économie de près de $11 millions en réduisant la production de la centrale thermique de Tracy et aussi nos achats d'énergie. En plus de couvrir l'augmentation de la demande québécoise, nous avons été en mesure de satisfaire les demandes de soutien des réseaux voisins et d'augmenter ainsi de plus de $7,740,000 nos exportations d'énergie excédentaire.

Ces heureuses circonstances expliquent pourquoi le revenu net de 1970 surpasse d'environ $32 millions celui de 1969. Cependant, elles tendent à voiler le fait que le supplément de $26 millions apporté par l'augmentation de tarifs appliquée le 15 mars 1970 a été absorbé et en très grande partie par l'augmentation des dépenses et des charges d'intérêt.

En ce qui concerne notre fonds d'amortissement, nous avons réalisé une économie de $8,800,000 en continuant d'acheter des obligations de l'Hydro-Québec sur le marché à des prix inférieurs au pair, soit $2 millions de plus que l'année précédente en économies.

Les fonds dégagés des opérations ont permis de fournir plus de $65 millions au financement des immobilisations de l'année, qui se sont élevées à $291 millions, c'est-à-dire un peu plus de 22 p. c L'Hydro-Québec doit absolument demeurer capable de financer une proportion au moins aussi forte de ses immobilisations au cours des années futures — si grandes qu'elles doivent être.

Messieurs, vous me permettrez de ne pas commenter plus à fond les résultats de 1970. Notre rapport annuel est entre vos mains et, si vous avez des questions à poser, nous y répondrons avec plaisir.

Pour le moment, je crois qu'il serait plus utile de nous appliquer ensemble à tirer certaines choses au clair en ce qui concerne la baie James.

Depuis qu'elle a été créée en 1944, l'Hydro-Québec étudie avec la plus grande attention l'augmentation des besoins de sa clientèle. A cause du temps requis pour choisir, concevoir et réaliser de nouveaux moyens de production, l'Hydro-Québec et tous les autres services d'électricité sont obligés de prévoir avec le plus de précision possible, au moins dix ans à l'avance, quels seront les nouveaux besoins d'année en année, dans leur territoire.

Nous sommes également obligés de prévoir quelle sera la progression des revenus et quelle tarification sera nécessaire pour établir un bon programme de financement.

Voyons d'abord quelle est la progression des besoins du Québec en énergie électrique.

Depuis 27 ans, l'Hydro-Québec a mis de nombreuses génératrices en marche à Beauharnois, sur la Bersimis, à Carillon, sur le cours supérieur de la rivière Tracy et, plus récemment, sur la rivière aux Outardes et sur la rivière Manicouagan. Chacune de ces génératrices a été mise en service à point nommé, à temps pour répondre à des besoins urgents et réels. Il nous est arrivé de franchir la pointe de décembre avec une certaine inquiétude, mais il n'a pas encore été question de rationner l'électricité au Québec. Et j'espère bien qu'il n'en sera jamais question.

Je n'aimerais pas prendre le risque de porter avec les dirigeants actuels de l'Hydro-Québec la responsabilité d'une disette d'électricité apportée par un manque de prévoyance.

Même si nous surveillons constamment la progression des besoins d'électricité au Québec, même si nous étudions constamment les moyens à prendre pour satisfaire ces besoins, je pense que nous avons négligé une chose. Nous aurions peut-être dû familiariser davantage le public avec l'ampleur de nos chiffres. Nous avons négligé de le faire parce que, pour nous, la progression des besoins est très normale, même si le doublement survient en huit ou dix ans.

Si vous le voulez, nous allons jeter un coup d'oeil sur la façon dont augmentent les besoins du Québec en énergie électrique. Nous verrons ensuite si, après avoir satisfait l'appétit du Québec — ce qui est notre premier devoir — nous pouvons songer à vendre à nos voisins plus que des excédents temporaires.

Au 31 décembre dernier, notre puissance installée était de 10,600,000 kilowatts. Dans six ans, en 1977, en comptant les derniers groupes de la centrale de Manic 5, la centrale nucléaire de Gentilly, la puissance à venir des chutes Churchill et la centrale de Manic 3, nous disposerons d'une puissance globale de 16,700,000 kilowatts, mais nous aurons alors un petit surplus de 176,000 kilowatts seulement. Tout le reste sera absorbé par notre clientèle.

Dans l'intervalle, grâce aux contrats de courte durée que nous avons conclus l'an dernier, nous aurons vendu à nos voisins au moins 40 milliards de kilowatt-heures, lesquels nous auront rapporté au moins $145,000,000, ce qui est appréciable.

Mais attention! En 1978, si aucun nouveau programme de construction n'est mis en marche, nous aurons un déficit de 1,335,000 kilowatts. Autrement dit, l'année 1978 — elle n'est pas loin — exigera à elle seule la mise en service de nouvelles génératrices formant un total de 1,335,000 kilowatts.

Réalise-t-on vraiment ce que ce chiffre veut dire? Un exemple: les sept centrales de la rivière Saint-Maurice ont ensemble une puissance de 1,500,000 kilowatts et elles ont été mises en service de 1903 à 1958, une période de 55 ans.

Un autre exemple: la centrale de Beauharnois a une puissance de 1,575,000 kilowatts et ses 36 groupes ont été mis en service de 1932 à 1961, une période de 29 ans. Désormais, ce n'est pas à tous les 30 ou 50 ans qu'il nous faut de nouvelles puissances semblables, c'est chaque année !

En supposant que nous ne mettions aucune centrale nouvelle en service de 1978 à 1984, nous aurons en 1984 un déficit de 12,000,000 de kilowatts. En effet, nos prévisions indiquent que nous devrons disposer, en 1984, d'une puissance de 30,000,000 de kilowatts pour alimenter l'industrie, le commerce et la population du Québec. Les deux années suivantes exigeront 5,000,000 de kilowatts de plus, ce qui porte à 17 millions de kilowatts le déficit dont je vous parlais.

Messieurs, la baie James est nécessaire. Le Québec est un grand consommateur d'énergie.

L'Hydro-Québec n'échappe pas à la règle générale. Tous les réseaux électriques des pays avancés sont devant l'obligation absolue de fournir chaque chaque année un effort considérable pour augmenter leur puissance de production. Aucun d'eux ne peut compter sur les autres. Tout au plus peuvent-ils réduire le prix très élevé du kilowatt-heure de pointe au moyen de l'assistance mutuelle, car les pointes annuelles, saisonnières et quotidiennes surviennent à des époques et à des heures qui sont différentes du nord au sud et de l'est à l'ouest.

L'Hydro-Québec aura donc toujours devant elle un très gros programme d'équipement. Cela est normal. D'année en année, elle devra toujours financer les nouvelles constructions avec les revenus des centrales en service et avec des emprunts. D'année en année, elle devra toujours être capable aussi d'assurer le service de sa dette. A ce propos, il est nécessaire de faire observer que la progression des besoins du Québec en électricité entrafne une progression parallèle et aussi impressionnante des ventes et des revenus de l'Hydro-Québec.

En 1963, l'année de la nationalisation, le produit des ventes d'électricité de l'Hydro-Québec s'élevait à $240 millions. En 1970, c'est-à-dire l'an dernier, il s'est élevé à $478 millions. Or, selon les projections actuelles, sans tenir compte d'aucune augmentation des tarifs, nos ventes produiront $677 millions en 1975, $972 millions en 1980 et $1,395 millions en 1985.

Il est évident que l'érosion de la monnaie et l'infiltration laisseront une certaine marge à combler entre ces chiffres et les charges financières prévues. Les autres services d'électricité au Canada et aux Etats-Unis prévoient qu'ils seront dans l'obligation d'augmenter leurs tarifs d'une façon appréciable au cours des dix prochaines années, même de les doubler.

Quant à l'Hydro-Québec, si nous utilisons le même taux d'inflation qui a servi à nos études pour nos projets d'aménagement, nous prévoyons augmenter nos tarifs de 4 p. c. par année, en moyenne, au cours des prochaines années, peu importe la méthode de production d'énergie employée.

En supposant que nos tarifs soient augmentés de cette façon, les revenus de l'Hydro-Québec seraient de $865 millions en 1975, de $1,405 millions en 1980 et de $2,416 millions en 1985.

Une entreprise qui peut compter sur des revenus de cet ordre ne devrait pas avoir de difficultés à financer sa croissance.

C'est pourquoi la tâche de financer les nouveaux moyens de production dont nous aurons besoin après 1977 ne nous paraît pas insurmontable. Il est évident qu'il faut tenir compte de la taille d'une entreprise quand on parle des possibilités de financement.

Revenons à la baie James. Le 29 avril dernier, la commission recommandait au premier ministre que la réalisation du projet de la baie James soit entreprise sans délai. Cette lettre était accompagnée de recommandations reçues de notre direction générale du génie et de deux bureaux d'ingénieurs-conseils: MM. Rousseau, Sauvé, Warren et Associés et Asselin, Benoît, Boucher, Ducharme et Lapointe.

D'aucuns ont pu voir une contradiction entre cette recommandation et le rapport annuel de l'Hydro-Québec qui vient d'être déposé, mais qui reflétait la situation au 31 décembre 1970.

Il n'y a pas de contradiction. Depuis le début de l'année, plusieurs séances ont eu lieu et nous avons cru devoir accélérer nos études afin d'appuyer le gouvernement du Québec dans ses efforts pour assurer la relance économique et enrayer le chômage.

Comme vous le savez, la réponse apportée par les rapports des ingénieurs est affirmative. Le projet d'aménager les cinq principales rivières du versant québécois de la baie James est rentable.

Le gouvernement du Québec vient d'approuver un budget supplémentaire de $26 millions de l'Hydro-Québec. Cette somme va permettre de poursuivre les études et de procéder à la construction de routes d'accès, d'aéroports, de campements, en un mot, à la mise en place de toute l'infrastructure nécessaire à la mise en marche des travaux proprement dits et ça, immédiatement.

Messieurs, l'Hydro-Québec n'a jamais sous-estimé l'importance que représente pour le Québec, du point de vue économique et social, l'ouverture d'un territoire de plus de 100,000 milles carrés dans le bassin de la baie James. Nous sommes les premiers à reconnaître que la mise en valeur des richesses forestières, minières et autres de cette région et que la protection des intérêts de la population indigène locale ne sont pas du domaine propre de l'Hydro-Québec. Nous sommes aussi les premiers à reconnaître qu'il devra s'établir là-bas entre tous les intéressés une très étroite et très harmonieuse coordination de tous les efforts, une coordination à laquelle nous nous prêterons avec tout

l'empressement possible. Je reviendrai sur ce point en terminant.

Les travaux d'aménagement des trois premières rivières, Nottaway, Broadback et Rupert, atteindront leur pointe en 1977. Notre Direction générale de la construction me dit que les journées de travail requises en 1977 formeront un total d'environ 20,000 hommes-années et que ce nombre pourra se maintenir pendant deux autres années si l'aménagement des deux autres rivières est mis en marche à cette époque.

Ce nombre surpasse de beaucoup le total des effectifs employés au plus fort des travaux dans les chantiers des rivières Manicouagan et aux Outardes. C'est qu'il y a un plus grand nombre et une plus grande variété d'ouvrages à construire dans une bien plus grande étendue de terrain.

A partir de là, je laisse aux spécialistes le soin de calculer les effets multiplicateurs d'une telle activité économique.

Nous espérons pouvoir continuer la politique d'achat préférentiel de l'Hydro-Québec pour tout le programme de construction de la baie James.

En ce qui concerne la possibilité d'exporter de l'énergie, il serait sans doute très avantageux de parvenir à avancer suffisamment le programme de la baie James pour que nous disposions d'un supplément d'énergie à vendre pendant un certain temps. Nous reconnaissons que de telles ventes pourraient faciliter le financement du projet. C'est l'une des questions qui vont retenir notre attention au cours des prochains mois.

De toute façon, instruite par l'expérience du passé, la commission a insisté auprès de nos ingénieurs pour que le plan général d'aménagement des cinq rivières soit réalisable par tranches successives de puissance et d'énergie, ce qui permettra d'accélérer, de ralentir ou même de suspendre les travaux si les circonstances l'exigent. Aucune de ces trois possibilités ne doit être écartée. C'est d'ailleurs de cette façon que nous avons procédé à l'aménagement des rivières Manicouagan et aux Outardes. C'est aussi à notre avis la meilleure façon d'échelonner d'une manière rationnelle la mise en marche et les emprunts à contracter.

Comme vous le savez, l'augmentation des prix des hydrocarbures et la performance décevante des centrales nucléaires sont les deux grandes raisons qui rendent économiquement avantageuse la réalisation du projet de la baie James.

L'Hydro-Québec continue de s'intéresser à l'énergie nucléaire et thermique conventionnelle. Cependant, considérant les difficultés énormes auxquelles doivent faire face certaines entreprises canadiennes et la plupart des entreprises américaines, nous croyons plus prudent d'avoir recours encore à une technique bien éprouvée de production d'énergie électrique. A ce sujet, nous vous reportons à l'opinion émise par le Dr Lionel Boulet, directeur de notre institut de recherche, laquelle opinion est attachée aux différents documents que nous vous avons remis.

A la lumière de l'expérience des autres, il est préférable de commencer le projet de la baie James, recommandé par nos ingénieurs et les deux bureaux d'ingénieurs-conseils dont nous avions retenu les services et qui nous avisent que ce projet est plus économique que des installations nucléaires ou thermiques.

Maintenant, un dernier mot. Permettez-moi de vous reporter à la lettre que je faisais parvenir au premier ministre le 29 avril dernier pour recommander la réalisation du projet de la baie James et pour faire part de la position prise par la commission.

Le texte de cette lettre a été distribué aux membres de l'Assemblée nationale et je vous fais grâce de sa lecture.

Mais, en terminant, je tiens à réaffirmer la position prise dans cette lettre par la commission. Je crois qu'il est de mon devoir de la réaffirmer au nom de toute l'équipe de l'Hydro-Québec.

Sont attachés, aux documents qui vous ont été distribués, un communiqué sur notre rapport annuel, notre bilan, les quelques notes du texte de l'exposé, une note pour aider à saisir le sens des mots "puissance" et "énergie" pour bien distinguer les "horsepower" des kilowatts, pour qu'il n'y ait pas d'erreur dans vos calculs et notre lettre, ainsi que les prévisions des charges du réseau provincial avec les contrats existants.

Vous verrez que ces charges en prévision se rapportent, d'année en année, au texte qui vous a été donné, le rapport, dans le domaine de la production de l'énergie, de la direction de l'IREQ (qui est adressé aux commissaires).

En terminant, M. le Président, peut-être que je pourrais vous suggérer, de faire une recommandation au ministre des Travaux publics, à l'effet de ne pas attendre l'énergie de la baie James pour climatiser cette pièce. On pourrait vous en fournir.

DES VOIX: Merci.

M. BOURASSA: C'est déjà fait, M. Giroux. Les recommandations ont été données.

M. GIROUX: Ah bon!

M. LE PRESIDENT (Ostiguy): Nous vous remercions de votre exposé, M. Giroux. L'honorable chef de l'Opposition.

M. BERTRAND: Je vous remercie, M. Giroux, de votre mémoire, et en même temps de la documentation que vous avez distribuée ou fait distribuer à tous les membres de la commission. Vous avez parcouru en gros, non pas dans les détails, dans votre exposé, le canevas que j'ai suggéré tantôt. Les besoins, les moyens de les combler et le financement...

Quant aux besoins, premièrement, voulez-vous me dire comment ils se sont établis et quelle est la projection de ces besoins de l'électricité au Québec? Vous en parlez dans les

domaines industriel et domestique proprement dits. Comment sont établis ces besoins?

M. GIROUX: Sur la base dont on se sert pour la projection...

M. BERTRAND: Oui, les projections de développement?

M. GIROUX: Voici, je crois bien que le responsable de la planification...

M. DE GUISE: Je pense que tout le monde se rend compte ici que ce n'est pas le résultat d'une analyse individuelle des différents besoins. C'est une projection de l'expérience passée. Nous avons l'accroissement des besoins de l'Hydro-Québec, d'année en année, depuis le tout début. Nous pouvons le tracer sur une courbe et nous voyons que l'accroissement est absolument régulier. Il y a de petites variations, si on traverse une période de crise, mais on voit que sur l'ensemble, la moyenne se tient très bien.

De plus, c'est également l'expérience de tous les systèmes, comme les systèmes des provinces voisines ou dans le nord-est américain; les courbes d'accroissement sont remarquablement constantes. Disons que cela peut dépendre de deux choses principales. Il y a l'accroissement de la consommation par les abonnés. Chaque année, les abonnés prennent de plus en plus d'électricité. Evidemment, s'ajoute à cela, l'accroissement de la population, l'accroissement des besoins.

Mais dans les instituts, dans les congrès d'ingénieurs, les congrès d'utilité publique, etc., on retrouve toutes ces courbes d'une utilité à l'autre et cela se ressemble. C'est étrange, mais c'est ainsi.

M. BERTRAND: Quand vous faites ces calculs qu'il faudra tant de kilowatts en telle année, vous ne tenez pas compte de l'électricité qui est exportée à l'heure actuelle?

M. DE GUISE: Non, M. le Président.

M. BERTRAND: Vous ne faites le calcul que pour les besoins intérieurs au Québec?

M. DE GUISE: Et nos contrats existants. Parce que nous avons actuellement certains contrats d'exportation. Evidemment, cela est connu et c'est dans l'accroissement des besoins. Mais au moment où ces contrats se terminent, la charge disparaît.

M. BERTRAND: Mais par rapport au pourcentage global, quel est le pourcentage d'exportation à l'heure actuelle?

M. DE GUISE: C'est très faible. Moins de 10 p. c. Probablement...

M. BERTRAND: Moins de...?

M. DE GUISE: Moins de 10 p. c.

M. BERTRAND: Moins de 10 p. c.

M. LE PRESIDENT (Ostiguy): Le député de Gouin.

M. JORON: M. le Président, je voudrais également remercier, au nom du Parti québécois, M. Giroux de l'exposé qu'il nous a fait. Je pense que la question est bien située quand on demande au départ: Comment satisfaire les besoins futurs d'électricité? Et on vient de faire état de ces besoins. Le gouvernement a déjà répondu à cette question parce qu'il a fait un choix; il y a plusieurs façons de produire de l'électricité et le gouvernement a fait un choix. C'est ce choix qu'il est aujourd'hui appelé à justifier en entendant les témoignages et en permettant qu'on pose des questions aux gens de l'Hydro-Québec.

Ce que nous voulons savoir, nous, c'est à partir de quelles comparaisons — parce qu'un choix implique toujours un processus de comparaisons — et appuyé sur quelles études ce choix a été fait. Le but qu'on poursuit ici, et on devrait tous je pense éviter la partisanerie politique, c'est le même : pourvoir à nos besoins futurs d'électricité.

Il est essentiel de savoir quels critères ont guidé les gens qui ont fait ce choix. Moi, j'en vois quatre qu'il me semble utile de rappeler fort brièvement. Un premier critère est l'utilisation optimale du capital. On sait que les besoins en capitaux dans une société qu'on dit "capital hungry" comme la nôtre sont énormes. Il y a des tas de choses à faire, je ne veux pas additionner les routes, les écoles, les hôpitaux, la rénovation urbaine et tout ce que vous voulez.

L'essentiel c'est de se poser cette première question: Comment produire de l'électricité en investissant le moins possible? C'est un des critères qui devraient être prioritaires, à mon avis, chez ceux qui ont un choix à faire. Le deuxième, c'est le coût de cette électricité et surtout le prix de revient aux consommateurs, c'est-à-dire faire de l'électricité à meilleur marché possible. Le troisième, bien sûr, étant donné la situation économique du Québec et le taux de chômage qu'on connaît, c'est de maximiser les effets d'entraînement sur l'économie. Le quatrième, il est très important également; c'est de viser à laisser la plus grande flexibilité possible pour pouvoir bénéficier des changements technologiques qui peuvent survenir dans l'avenir, et on sait qu'ils sont appelés à être très nombreux. Cela, on le sait d'avance.

En conclusion, l'exercice, quand on a ce choix à faire, c'est de marier les critères ou de les rendre compatibles. J'en arrive aux questions que j'ai à poser. Je m'étonne de ne trouver, ni dans le rapport de l'Hydro-Québec

ni dans le mandat que celle-ci confiait aux deux firmes d'ingénieurs, ni dans le rapport de ces deux firmes, mention des critères de base servant à leur analyse. Par exemple, ceux que j'ai exprimés tout à l'heure, qui devaient sûrement être présents à l'esprit des gens qui ont fait ces études; deuxièmement, aucun tableau comparatif des différentes formules de production de l'électricité en fonction de ces critères, mais de trouver une conclusion de quelques lignes, dans le cas d'un rapport, et d'un paragraphe, dans l'autre, comme si ces comparaisons avaient été faites.

Cela amène les questions suivantes: Est-ce que ces comparaisons ont été faites dans les rapports originaux, que nous n'avons pas, parce que ce qui nous a été remis est daté de mai? Nous avons un compendium, ce n'est pas un rapport original. Est-ce que ces études ont été faites dans les rapports originaux? Si oui, il me semble presque inutile de poursuivre nos travaux tant qu'on n'en a pas pris connaissance. Sinon, la question qui se pose alors est: Comment les deux firmes pouvaient-elles conclure si elles n'ont pas fait ces études comparatives?

Il faudrait à ce moment entreprendre dès aujourd'hui les études comparatives qui nous permettraient de bien comprendre la question et d'entendre les témoins utiles. En conséquence, je pose cette question à M. Giroux: Est-ce que ces études comparatives ont été faites par l'Hydro-Québec ou avaient été mentionnées dans le mandat que vous avez confié aux deux firmes d'ingénieurs?

M. GIROUX: Les firmes d'ingénieurs n'ont pas eu de mandat spécifique pour établir quel est le coût du thermique et le coût du nucléaire parce qu'on les connaît. L'Hydro-Québec se tient toujours à la page sur ces coûts.

M. SAINT-PIERRE: M. Giroux, je m'excuse, c'est peut-être un point très important. Est-ce que vous pourriez nous éclairer sur les coûts connus? On a cité des coûts et on les connaît, quelqu'un a parlé du nucléaire à trois mills en 1980. C'est réaliste, c'est conforme à des études d'experts qui se sont penchés sur cette question.

M. JORON: Bien, pas en 1980, en 1966, sur des unités d'un million de kilowatts.

M. BOURASSA: Voyons, n'essayez-pas...

M. GIROUX: Au point de vue nucléaire, naturellement je ne suis pas un technicien, mais depuis que je suis à l'Hydro-Québec je reçois des ingénieurs, des promoteurs, enfin des gens qui viennent nous vendre un système nucléaire. Alors, comme je vois là, c'est très bien. On débute à 3 mills, 3 mills et demi, 4 mills, 5 mills, 6 mills, 7 mills.

Il y a tous les prix. D'ailleurs dans une situation comme celle-là savez-vous où vous allez? Bien oui, mais on va le faire. Mais savez-vous où vous allez? Ils ne le savent pas.

Il y a deux procédés actuellement en usage: un procédé américain et un procédé canadien. Alors, on parle tranquillement du procédé canadien. L'Energie atomique du Canada nous a déjà fait des offres que nous avons considérées. Ma demande à elle est une question fort simple. On connaît le prix d'une centrale hydraulique pour 25 ans à venir. Je dis donc: Je veux avoir un prix de l'énergie nucléaire pour 25 ans à venir. Mais pas votre prix — vous avez confiance aux bureaux d'ingénieurs — pas votre prix d'évaluation à vous, mais votre prix garanti par une banque ou avec un "bond". Le type revient: je vous apporte ça. Je ne l'ai jamais revu. Enfin, je n'ai pas tellement de temps à perdre sur cette chose-là.

Deuxièmement, voilà des années qu'on parle d'une chose qui doit arriver. Il y a toutes sortes de normes pour calculer ces facteurs. On calcule une énergie et on oublie de prendre les réserves. On calcule ceci et on ne prend pas cela. Dans les circonstances, je ne veux pas faire une attaque — ce n'est pas mon intention du tout — de parler contre l'énergie nucléaire. J'espère qu'on va régler ses problèmes, mais j'essaie d'être pratique avec moi-même.

L'Energie atomique du Canada a dépensé des milliards pour développer cette chose-là. Naturellement on n'en a pas vendu en Ontario ni chez nous; on nous l'a presque donnée, mais on n'en donne plus par exemple. Donc, on travaille avec ça; mais ça ne fonctionne pas ou ça travaille à des rendements. On a dit : Mais on va voir la performance du système sur les ventes à l'étranger. On n'a pas été capable d'en vendre. J'attends donc qu'on ait fait certaines ventes et j'attends de voir où ça fonctionne et où ça donne un rendement positif. Actuellement, ce sont des rendements d'évaluation. En plus de ça, je vois dernièrement dans les journaux qu'on demande au gouvernement américain, à M. Nixon, de voter un montant de $3,500 millions pour faire de la recherche, pour rendre l'énergie nucléaire rentable selon un système de fusion etc.

Je me dis que dans les circonstances, j'ai déjà assez de mal à trouver l'argent pour financer la baie James, que je ne vais pas chercher $3,500 millions pour trouver le procédé du nucléaire. Messieurs, c'est ma réponse.

M. SAINT-PIERRE: Le député de Gouin a soulevé quelque chose d'assez intéressant en ce sens qu'il fallait retenir une certaine flexibilité face à des progrès technologiques. Je pense que l'argument est pertinent, mais il n'est pas nouveau. On pourrait peut-être vous poser de nouveau la question. Prenons des centrales comme Beauharnois qui ont été construites il y a déjà plusieurs années. On sait qu'il y a eu beaucoup de progrès technologique depuis 1940, 1945, 1939 même, je n'ai pas les dates exactes. Comment se comparent aujourd'hui les

coûts de production de l'énergie hydraulique à Beauharnois avec la plus récentes techniques en matière d'énergie thermique ou tous les systèmes qui auraient pu bénéficier des progrès technologiques des vingt dernières années? Est-ce que, grosso modo, on a une idée?

M. GIROUX: Je pense bien que M. Boyd a été là assez longtemps. Il y a une question de dépréciation là-dedans, mais si vous prenez la dépréciation de Beauharnois, vous payez à peu près le prix de l'eau.

M. ROY (Beauce): Je pourrais peut-être compléter la question que le ministre de l'Education a posée. Dans ces études, ici, nous n'avons pas une étude des coûts comparatifs. Si on nous disait quel est le coût du kilowatt à la Manic seulement, combien va coûter la production du kilowatt à Churchill, et si on faisait une étude comparative avec le nucléaire. — nous avons tout de même une centrale à Gentilly à l'heure actuelle — avec la projection qui est faite en vertu de développement du projet de la baie James...

M. GIROUX: Ecoutez, là-dessus, je voudrais bien vous répondre mais je ne veux pas dire une chose qui n'est pas très claire à cette commission. Vous demandez une étude de Gentilly qui est une usine pilote fonctionnant à 10 p. c.

Alors, il ne serait absolument pas honnête de se servir de cette "affreuseté" de l'énergie nucléaire que nous avons au Canada, pour comparer. Ce n'est pas honnête.

M. BERTRAND: M. Giroux, vous parlez de l'usine pilote de Gentilly. Est-ce qu'il n'existe pas,aux Etats-Unis ou au Canada, des projets ou des usines qui sont plus que des projets pilotes et qui vous permettraient... Je prends bien votre parole, mais, si nous avions dans le rapport qui a été présenté une étude comparative, avec chiffres étalés et tout cela, je trouve, à première vue, que cela donnerait beaucoup plus satisfaction, peut-être, à l'opinion publique québécoise et à ceux qui, en particulier...

M. GIROUX: Je suis très volontiers...

M. BERTRAND: ... s'intéressent de très près à ce problème-là.

M. GIROUX: ... d'accord là-dessus, M. Bertrand, mais je tiens à attirer votre attention : Au Canada, il n'y a pas de centrale nucléaire qui fonctionne à plein rendement. Donc, pour établir un prix, si vous pouvez prendre n'importe quel prix, il n'y en a pas. Il y a un problème dans le système d'énergie nucléaire canadien, c'est qu'on ne peut pas garantir la fourniture de l'eau lourde. C'est une des raisons pour lesquelles les ventes à l'étranger sont peut-être difficiles. Ce problème-là n'est pas résolu, non plus.

Du côté américain, il y en a plusieurs qui fonctionnent, mais avec toutes sortes de rendements et toutes sortes de coûts de base.

M. BERTRAND: A la page 13 de votre rapport, vous parlez de "la performance décevante des centrales nucléaires". Quand vous faites cette déclaration, avez-vous en vue la performance décevante des centrales nucléaires aux Etats-Unis?

M. GIROUX: Dans le monde entier.

M. BERTRAND: Dans le monde entier. Mais aux Etats-Unis, étant donné qu'ils sont des voisins, est-ce qu'il y a des rapports d'ingénieurs qui attestent de la performance décevante de ces centrales nucléaires en comparaison aux centrales hydro-électriques?

M. GIROUX: Je vais laisser à MM. Boyd et DeGuise le soin de répondre, puisque c'est une question technique, la performance décevante.

M. BERTRAND: D'accord.

M. BOYD: M. le Président, j'aimerais répondre d'abord à la question de M. Saint-Pierre. C'est évident que, depuis la construction de Beauharnois, il y a eu des progrès techniques énormes. Par exemple, nous construisons des unités dix fois plus grosses que dans ce temps-là. Le transport se fait à 735,000 volts, etc. Il y a des progrès techniques énormes. Avec l'inflation et toutes ses conséquences, même avec tous ces progrès techniques, l'énergie que nous produisons aujourd'hui à Manic est beaucoup plus dispendieuse que le prix de revient de l'énergie de Beauharnois, c'est évident.

M. SAINT-PIERRE: Un des avantages de l'énergie hydraulique, c'est qu'elle est protégée contre l'inflation, puisque la majorité des coûts se retrouvent à l'immobilisation.

M. BOYD: Les coûts de l'hydraulique sont définitivement dans l'immobilisation. Les coûts d'exploitation sont très minimes.

Pour répondre à l'autre question...

M. BERTRAND: Oui, M. Boyd.

M. BOYD: ... nous avons des contacts, évidemment, très fréquents avec les entreprises canadiennes et américaines. Nous aussi, nous avons entendu dire qu'il était question d'énergie à quatre mills en 1964, même à 2 1/2 mills ou à 3 mills. A un moment donné, cela a failli faire arrêter le projet de Chruchill parce qu'on avait dit que l'énergie de Churchill nous coûterait beaucoup plus que l'énergie nucléaire. Evidemment, c'étaient des renseignements obtenus de gens qui n'étaient pas compétents pour juger de la chose. Aujourd'hui, nous en avons la preuve, parce que l'énergie de Churchill, nous savons combien elle va nous coûter. Nous savons, par

contre, que ceux qui construisent des centrales nucléaires aux Etats-Unis vont payer le double au moins et même le triple de ce que l'énergie de Churchill va nous coûter.

A ce moment-là, nous avons été obligés de faire des démonstrations pour prouver cela. Maintenant, nous en avons l'évidence. Cela aurait été deux et trois fois plus cher que ce que Churchill va nous coûter, si nous n'avions pas réussi à convaincre le gouvernement du temps, c'est-à-dire que nous avons discuté de cela avec M. Daniel Johnson. Si nous considérons la quantité d'énergie impliquée dans ce contrat-là — on parle d'un achat de $5 milliards au cours d'une période de 45 ans — je dois dire que, si nous avions été forcés d'aller à l'énergie nucléaire à la place, c'est deux et trois fois cela que ça nous aurait coûté.

Alors, c'est quand même fantastique comme conséquence. C'est pour le passé, mais, pour l'avenir, nous sommes au courant des problèmes de nos confrères canadiens et américains. Ce sont des chiffres qu'ils ne vous diront pas et qu'ils ne diront pas publiquement, mais que nous avons. Nous savons leurs problèmes.

Dans le moment, ils voudraient tous avoir des centrales hydrauliques, au lieu des centrales nucléaires qu'ils ont. Nous avons également de leurs études et de leurs projections. Nous savons leurs projections pour 1975, 1980 et 1985, ce qu'ils estiment que l'énergie nucléaire leur coûtera. C'est basés sur toutes ces connaissances que nous sommes en mesure de dire que l'hydraulique de la baie James est beaucoup plus économique.

M. LE PRESIDENT (Ostiguy): Le premier ministre.

M. BOURASSA: M. Boyd, vous disiez, si je vous ai bien compris, que le gouvernement avait considéré, en 1966 ou en 1967, la possibilité d'opter pour l'énergie nucléaire au lieu de Churchill Falls. Y a-t-il eu considération de l'option pour l'énergie nucléaire par le gouvernement du Québec? Je comprends qu'elle a été rejetée. Vous dites que, si on avait écouté ceux qui conseillaient d'aller à l'énergie nucléaire, cela aurait coûté trois fois plus que Churchill Falls. Mais est-ce que cette option a été considérée en 1967 ou 1966?

M. BOYD: Oui. Elle avait d'abord été considérée par nous. Elle est toujours considérée par nous, chaque fois que nous prenons une décision de production. Evidemment, il y a 20 ans, il n'était même pas question de se poser des questions. C'était l'hydraulique. Peut-être aussi il y a dix ans. Mais, dans les dernières années, chaque fois, les gens de la planification, chez nous, et la commission considèrent toutes les alternatives, que ce soit l'énergie hydraulique, nucléaire ou thermique conventionnelle. C'est à la suite de ces considérations que nous prenons toujours des options.

En 1966, nous avions fait cette projection, cette comparaison. Le gouvernement s'était posé des questions pendant quelque temps. Nous avons réussi à lui démontrer que Churchill était beaucoup plus économique. Les faits prouvent maintenant ce que nous avions avancé.

M. BOURASSA: On soutenait, à ce moment-là, que l'énergie nucléaire coûterait moins cher. Du moins, certains soutenaient cela.

M. BOYD: Evidemment, on prétendait cela. Nous savions le contraire. Les faits maintenant nous le prouvent.

M. BOURASSA: Merci, M. Boyd.

M. LE PRESIDENT (Ostiguy): Le député de Verchères.

M. SAINT-PIERRE: M. Boyd, il y a certaines gens — je ne parle pas uniquement des parlementaires, mais je pense à la population — qui étaient inquiets de voir, comme on le soulignait au départ, le gouvernement prendre carrément une option vis-à-vis de l'énergie hydraulique. On a peut-être soulevé des inquiétudes en donnant comme prétexte et en utilisant comme raison le fait que la province de l'Ontario et, en particulier, l'Etat de New York, qui savent, habituellement, où ils vont, avaient rejeté complètement l'énergie hydraulique et qu'on utilisait plutôt l'énergie thermique et nucléaire.

UNE VOIX: Ils n'avaient pas le choix.

M. SAINT-PIERRE: La question que je voudrais soulever: Est-ce qu'à votre connaissance, dans cette province et cet Etat — parce que cela n'avait pas été mentionné — il reste des réserves importantes d'énergie hydraulique qui pourraient être aménagées?

M. BOYD: En Ontario et dans l'Etat de New York?

M. SAINT-PIERRE: Ainsi qu'en Nouvelle-Angleterre.

M. BOYD: Il ne leur reste absolument pas de ressources importantes, ni en Ontario, ni dans l'Etat de New York.

M. BOURASSA: Le seul choix qu'ils avaient, c'était l'énergie nucléaire. Alors, dire qu'ils ont fait un choix est ridicule.

M. BOYD: Ils ont quand même un choix encore. Ils ont l'énergie thermique conventionnelle et l'énergie nucléaire. Dans le moment, malgré eux, dans bien des cas, ils vont à l'énergie thermique conventionnelle bien qu'ils préféreraient aller à l'énergie nucléaire. Dans le

moment, la tendance est d'aller à peu près moitié-moité, parce qu'ils ne peuvent pas prendre le risque de mettre tous leurs oeufs dans le panier nucléaire. L'énergie thermique, à la longue, ils savent qu'elle leur coûte plus cher et que c'est plus polluant, mais ils en font quand même parce qu'ils ne peuvent pas prendre le risque de se consacrer entièrement à l'énergie nucléaire. Ils ont eu trop de mésaventures.

M. GIROUX: Messieurs, je crois que j'ai certains chiffres pour répondre à la question que M. Bertrand posait tantôt. Ce sont des chiffres comparatifs qui sont assez éloquents. Ces chiffres viennent du Operating History U.S. Power Reactors, Nuclear Power Industry. Ils donnent des facteurs de disponibilité des centrales. Celles qui sont entrées en production en 1965, 1966, 1967, 1968 ont varié de 40 à 90 p. c. de facteur d'utilisation. En 1969, nous n'avons pas ces chiffres. En 1970, ils ne les donnent pas non plus. Mais ce sont les quelques usines qu'ils ont exploitées.

M. BERTRAND: Aux Etats-Unis, ils ont mis jusqu'à trois ans à le faire.

M. GIROUX: Aux Etats-Unis. Ce sont des usines qu'ils ont exploitées. Sans s'allonger sur un malheur qui est arrivé, le malheur des autres ne règle pas notre cas du tout, mais un vice-président d'une importante compagnie américaine nous a dit: Voici ce qu'est le problème avec le nucléaire. Il y a eu un bris ordinaire dans une centrale. Normalement, si ça avait été thermique, on ne l'aurait jamais su; l'ingénieur aurait changé les tuyaux, ç'aurait été terminé. Là, on a dû faire venir la "Atomic Energy" pour savoir si c'était contaminé. Pour faire une grande histoire courte avant d'avoir la permission de réparer; cela a pris 62 jours.

M. BERTRAND: Ne croyez-vous pas, M. Giroux, que pour l'opinion publique québécoise et une bonne information complète, il serait à propos que le public obtienne des renseignements beaucoup plus complets que ceux qui ont été donnés jusqu'à présent dans les rapports où à l'occasion, on dit que la performance est décevante dans les centrales nucléaires, et que le coût est trop élevé? Ces renseignements dans les rapports rendus publics par l'Hydro permettraient à ceux qui critiquent à l'heure actuelle au moins de mieux comprendre quelle a pu être la raison de la décision pour l'hydraulique.

M. GIROUX: J'aimerais bien me soumettre à votre demande, mais vous savez que les rapports de l'Hydro-Québec, je dois les signer. Alors, actuellement je ne peux avoir d'informations valables avec garantie, nulle part.

M. BERTRAND: Vous ne pouvez pas.

M. GIROUX: Je ne peux pas. Des informa- tions nous sont données par des gens mais eux-mêmes ne peuvent pas publier ces choses-là. Ils vont nettoyer ces problèmes-là, cela fait quatre ans qu'ils nous le disent, ils vont finir par nettoyer ces choses-là. J'ai confiance que, dans quelques années, avec énormément d'argent sur la recherche, le nucléaire deviendra rentable. Mais, d'ici ce temps-là, je ne me sens pas en possibilité de signer un rapport qui dise qu'on pourrait avoir du nucléaire qui nous coûterait tel prix pour tel nombre d'années. On peut le faire avec du thermique.

M. LE PRESIDENT (Ostiguy): Le député de l'Assomption.

M. PERREAULT: M. le Président, je lisais récemment un rapport dans la revue "Power" qui comparaît la technique nucléaire aujourd'hui à une Ford à pédales dans l'industrie de l'automobile. En ce sens que les réacteurs d'aujourd'hui recourent au phénomène de fission et qu'en 1990 on connaîtra un nouveau type de réacteur, le réacteur à fusion contrôlée. J'ai vu dans le rapport de M. Lionel Boulet que vous nous avez soumis tout à l'heure qu'il est dit que le directeur des études et recherches d'E.D.F. en France, M. Dejou, mentionne que tout service public qui en a la possibilité devrait différer la construction de centrales nucléaires. Il mentionne aussi que l'étape actuelle du nucléaire est intermédiaire, qu'il faudrait attendre le développement des centrales surgénérées, donc à fusion. On mentionnait aussi, comme vous venez de le dire, que presque partout les facteurs d'utilisation ont été réduits de façon draconnienne dans toutes les centrales nucléaires.

Alors, ma question est celle-ci: Est-ce que l'Hydro-Québec, actuellement, s'oriente vers la recherche de ces futurs réacteurs à fusion qu'on prévoie être en service vers 1990?

M. GIROUX: M. le Président, je viens de lire, dans les journaux — naturellement M. Nixon ne m'appelle pas tous les jours — qu'on lui demande $3,500 millions pour la recherche là-dedans. Je ne pense pas que l'Hydro-Québec soit en mesure de dépenser cette somme pour la recherche nucléaire. On préfère laisser faire faire la recherche aux Etats-Unis et par l'Energie atomique du Canada, qui peut-être, elle, changera son procédé — je ne le sais pas — devant les difficultés rencontrées. Le gouvernement canadien par sa compagnie de la couronne a dépensé énormément d'argent dans la recherche.

Si, par exemple, vous demandiez ce que nous, à l'Hydro, pouvons mettre de côté par année pour la recherche pure en énergie nucléaire, je peux vous répondre que nous n'avons pas de budget qui puisse se comparer à ces géants. Deuxièmement, nous avons déjà $50 millions d'investis dans la recherche sur l'amélioration des systèmes électriques, de la haute tension, etc. Je crois qu'avec le budget limité que l'on a,

— nous avons l'aide du gouvernement fédéral — on ne doit pas prendre le budget de l'Hydro pour faire de la recherche pure en énergie nucléaire.

M. PERRAULT: En conclusion, il est préférable de prendre ces sommes énormes, qui sont nécessaires pour la recherche, et de les consacrer à l'investissement dans nos richesses naturelles et dans l'énergie hydraulique.

M. GIROUX : Le centre de recherche de l'Hydro se tient au courant de tous les développements. Nous avons des gens qui sont continuellement — en Europe et partout — au courant des développements, qui voient ce qui se passe. L'Hydro aime mieux développer des gens qui deviendront des techniciens qualifiés en énergie nucléaire, sans avoir besoin de faire des dépenses pour la recherche. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

M. SAINT-PIERRE: Question supplémentaire. La décision d'aménager les cinq ou les trois rivières de la baie James, même si le potentiel, tant en puissance qu'en énergie dans des. chiffres très importants, près de cent milliards de kilowatt-heures, cela n'implique pas nécessairement que pendant 12 ans, nous n'allons faire aucun investissement en matière d'énergie nucléaire et d'énergie thermique. Est-ce que les plans de l'Hydro ne seraient pas que, pendant cette période de 12 ans, il est quand même possible de construire certaines centrales thermiques, question de rester à la pointe du progrès?

M. GIROUX: Nous avons toutes ces flexibilités, nous avons toutes les autres possibilités dans nos programmes que nous tenons à jour. Malheureusement, j'aimerais être capable de limiter tous les investissements de l'Hydro à la baie James, mais c'est loin de là. Le programme doit contenir de l'énergie de pointe, il doit contenir des développements ultérieurs.

Actuellement, avec les moyens disponibles, nous allons nous appliquer, pour les deux prochaines années, peut-être, à regarder plus particulièrement tout ce que nous pouvons mettre sur le développement de la baie James.

M. LE PRESIDENT (Ostiguy): Le député de Beauce. Pardon. M. Massé.

M. MASSE (Arthabaska): Vous avez quand même, M. Giroux, une équipe d'ingénieurs qui s'intéresse toujours au secteur nucléaire.

M. GIROUX : Absolument. Le génie, à ce point de vue-là continue. On n'abandonne pas du tout.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Question additionnelle, M. le Président. M. Giroux, tout à l'heure, à une question du chef de l'Opposition, concernant le coût de l'énergie nucléaire par rapport à l'énergie électrique, vous nous avez déclaré que, évidemment, vous n'aviez pas tous les éléments, en chiffres, qui vous permettraient de dire ce que deviendra l'énergie nucléaire par rapport à l'énergie électrique en termes de coût. Or, vous avez insisté, dans le document que vous nous avez lu au début de votre intervention, sur les besoins en énergie électrique au Québec. Par conséquent, étant donné — je ne dirai pas l'ignorance — l'état incomplet de la recherche sur le coût de l'énergie nucléaire, considérant, d'autre part, les besoins du Québec que vous vous devez de prévoir, c'est cela qui a motivé le choix que vous avez fait en recommandant le projet de la baie James.

M. GIROUX: Certainement. Le projet de la baie James, à la demande de l'Hydro, est fait en phases et il y a une phase minimum. Cette phase minimum est un programme de moins de $2 milliards qui sera définitivement fait. Pour entreprendre de développer ces territoires-là, il faut au moins être capable de produire de l'électricité. Si on n'y produit pas d'énergie, ce sera un vrai trou.

Même si, dans trois ans, se développait l'énergie nucléaire, rien ne nous empêche de suspendre les travaux. Rien ne nous en empêche.

Naturellement, je ne fais aucune promesse de suspension. Mais si, à ce moment-là, quelqu'un venait et m'offrait un contrat, avec les garanties nécessaires à un prix qui est meilleur marché que ce que l'on paie à la baie James, je devrais recommander au gouvernement de finir une phase, parce qu'à ce moment-là ce serait de l'argent jeté à l'eau, et de changer pour l'énergie nucléaire.

C'est pourquoi nous sommes flexibles.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Giroux, je vous remercie de cette réponse qui nous éclaire. Cela, évidemment, n'élimine pas ou n'élude pas la question qu'a posée le chef de l'Opposition, à savoir le problème des rapports que l'on devrait avoir et des chiffres précis que la population exigerait. Mais, on vous a posé aussi une autre question concernant le choix que vous avez fait, en disant: Est-ce que vous vous êtes penché sur la question de savoir s'il était préférable pour l'Hydro-Québec de procéder à tel et tel investissement, quand, par ailleurs, il y a telle ou telle autre priorité?

Moi, M. le président de l'Hydro, je vous considère, évidemment, comme un spécialiste de l'Hydro. J'estime que la question qui vous a été posée à ce sujet-là est une question d'ordre politique et que le choix que vous avez proposé au gouvernement, bien, il lui appartient, à lui, de l'entériner et de nous expliquer les raisons pour lesquelles il a préféré cette alternative à une autre, en ce qui concerne l'utilisation des derniers qui constitueront les grands investissements.

M. GIROUX: Si vous me le permettez, j'ajouterais un mot: en tant que président de l'Hydro, moi, j'ai regardé les besoins de l'Hydro.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est ça.

M. GIROUX: Ce n'est pas ma responsabilité de regarder les autres. Tout dépend des demandes qu'on me fait.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est ce que je voulais savoir de vous, M. le président.

M. GIROUX: Moi, j'ai conçu que, pour l'Hydro, c'est une chose faisable et je n'ai aucune hantise... Je ne connais pas l'avenir, comme tout le monde. C'est normal. Mais seulement, tout se passant dans un état actuel des finances mondiales difficile, je sais que le travail va être énorme.

Au sujet des membres de la commission et de tout le bureau de direction qui est en arrière, il y a une chose que je voudrais ajouter ici, c'est que, pour la commission et pour toutes les directions en général, il serait beaucoup plus simple, surtout pour notre directeur des finances, qu'on aille purement et simplement à l'énergie thermique. Cela se donne par contrat. Cela ne rapporte rien au point de vue des retombées dans le Québec et cela nous fait la moitié moins d'ouvrage. Alors, je me demande réellement pourquoi on insiste tellement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, M. Giroux, si je comprends bien votre réponse — et j'en suis très satisfait — en votre qualité de président de l'Hydro-Québec, avec vos collaborateurs qui sont des spécialistes, vous avez condiséré les besoins de l'Hydro et vous avez examiné le projet de la baie James dans l'optique du mandat qui vous avait été confié, à savoir quelle est sa rentabilité, quelles sont ses possibilités, quel en sera le coût. Vous avez fait une recommandation au gouvernement du Québec, qui est, en fait, un choix. Par conséquent, les autres priorités, qui ne regardent pas l'Hydro, comme vous l'avez dit, deviennent un problème de choix politique de la part du gouvernement.

M. BOURASSA: M. le Président, si je peux répondre à la question: Pourquoi avons-nous accepté la recommandation de l'Hydro? Parce que...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je souligne au premier ministre que je lui donne de bons arguments là.

M. BOURASSA: Oui, mais c'est qu'en posant la question le député de Chicoutimi y répond, en soumettant des arguments au sujet des alternatives. On a parlé des coûts pour l'énergie thermique, des effets de pollution. C'est admis par tout le monde que les coûts d'investissement dans le cas des centrales thermiques sont inférieurs, mais les coûts d'exploitation ont considérablement augmenté avec les années et depuis quelques années surtout.

Donc, le gouvernement a entériné ce choix-là, parce qu'il ne voyait pas d'autre alternative. Sauter dans l'inconnu avec le nucléaire? On a démontré, je pense, en quelques minutes, que cela aurait été irresponsable et de la part de l'Hydro et de la part du gouvernement de faire ce saut dans l'inconnu, alors que nous avons ici des richesses que nous pouvons exploiter et que l'ancien gouvernement était sur le point également d'accepter, si mes informations sont bonnes.

Nous n'avions pas le choix. Pourquoi retarder? Nous aurions pu retarder d'un an, deux ans, mais nous n'avons pas été élus pour multiplier les études et pour retarder les décisions. Nous avons été élus précisément pour prendre les décisions et pour faire accélérer les choses.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, M. le premier ministre, puisque vous vous êtes adressé à moi et que vous m'avez donné la réponse, vous me permettrez de vous poser une question additionnelle. Vous vous trouverez ainsi à répondre à la question qu'a posée le député de Gouin. Mettant de côté le projet de la baie James et toutes les excellentes raisons qu'on vient de nous donner, est-ce que vous, vous êtes en mesure de nous dire — ce que vous avez examiné — l'ordre des priorités dans le domaine des investissements et est-ce que vous êtes capable de les justifier devant la commission?

M. BOURASSA: Certainement. J'ai rencontré les membres de la commission à plusieurs reprises. Nous avons discuté de cela au conseil des ministres. Il est évident qu'il y a un problème de financement. Mais nous voyons, par exemple, à la page 9 de la déclaration qu'a soumise M. Giroux, certains chiffres sur les revenus de l'Hydro-Québec en 1975, 1980 et 1985. Prenons 1975 ou 1980. M. Giroux, si vous pouvez répondre, si vous croyez que ce n'est pas contraire à l'intérêt public, quelle est la partie du milliard et demi qui peut être affectée à vos réserves ou bien au réinvestissement? Est-ce 20 p. c. ou 15 p. c?

M. GIROUX: Actuellement, cela peut aller jusqu'à 30 p. c. La réserve qui part à 18 p. c. peut se rendre à 30 p. c. quand on est rendu à un milliard cinq cent millions.

M. BOURASSA: Si le député de Chicoutimi peut me permettre de répondre à sa question, si vous prenez à la page 9...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je suis tout ouie.

M. BOURASSA: ... vous voyez qu'on vient de répondre que le réinvestissement peut aller jusqu'à 30 p. c. En 1980, qui sera l'une des années où il y aura besoin d'emprunter beaucoup, on voit que l'Hydro-Québec peut avoir près d'un demi-milliard, ce qui réduit pour autant, et on a posé beaucoup de questions là-dessus...

M. JORON: M. le Premier ministre...

M. BOURASSA: Est-ce que je peux terminer ma réponse?

M. JORON: ... c'est en ayant augmenté les tarifs...

M. BOURASSA: Oui, oui, il y a quatre ans de ça. Un instant.

M. JORON: ... de 50 p. c. d'ici 1980.

M. BOURASSA: Est-ce que je peux terminer?

M. JORON: Cela fait une demi-heure que j'attends pour poser une question.

M. BOURASSA: J'arrivais justement à ça. Je comprends que le Parti québécois est nerveux devant notre projet de la baie James. Je sais qu'il leur fait du tort.

UNE VOIX: Nous voulons tout de même poser nos questions cet après-midi.

M. BOURASSA: S'il peut me laisser répondre aux questions...

M. JORON: C'est que nous savons que nous allons administrer le Québec demain et nous ne voulons pas que vous le mettiez en faillite avant.

M. LE PRESIDENT (Ostiguy): A l'ordre, messieurs! Pour autant que je sache, chacun de ceux qui m'ont demandé à prendre la parole a été noté ici et je suis...

M. JORON: C'est une question supplémentaire, suite à ma première question...

M. LE PRESIDENT (Ostiguy): C'est le premier ministre qui avait la parole. Je demanderais donc, même si la chaleur réchauffe vos cordes vocales, d'attendre chacun votre tour.

UNE VOIX: Ce n'est pas la chaleur qui nous réchauffe...

M. BOURASSA: M. le Président, nous aurons l'occasion de continuer ce soir. J'ai l'intention de siéger ce soir, même si traditionnellement c'est congé, avec la permission...

UNE VOIX: Au Colisée...

M. BOURASSA: Bien, je vais aller faire un tour au Colisée, si vous me le permettez, pour être capable...

M. BERTRAND: Vous savez, M. Giroux, ce qui a gâté tout ça, c'est le Colisée.

M. BOURASSA: Ce qui compte, c'est le développement du Québec.

M. BERTRAND: Oui, oui, c'est ça.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais vous en avez voulu faire au début une partie de hockey.

M. BOURASSA: Cela fait mal de rallier 10,000 militants en dehors des campagnes électorales. C'est ce qui fait mal à l'Union Nationale.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela ne fait pas mal...

M. BERTRAND: L'annonce du premier ministre de $7 milliards vient d'être dégonflée par le président de l'Hydro-Québec.

M. LE PRESIDENT (Ostiguy): A l'ordre!

M. BOURASSA: Ils n'auraient pas pu réunir 500 personnes; je comprends que ça fait mal d'en réunir 10,000.

M. le Président, donc il y a une possibilité...

M. BERTRAND: Nous allons en avoir 10,000 au congrès.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Desrochers a dû travailler pour réunir ça.

M. BOURASSA: Avec un milliard et demi, je comprends que les possibilités de financement sont atténuées. On suppose des augmentations de tarif de 4 p. c. par année, ce qui est une augmentation conforme au coût. Or, ce sera au gouvernement à décider s'il va accepter la recommandation de l'Hydro-Québec sur l'augmentation des tarifs. L'Hydro-Québec fait des propositions, ce sera à nous à accepter ou à refuser ces recommandations.

Mais il y a quand même là une possibilité d'autofinancement qui est très importante, sans compter toutes les autres possibilités de financement. Cela va être un actif pour la province. On sait que les projets hydro-électriques donnent des revenus constants; cela a une vie de quarante, cinquante ans. Donc, c'est un actif par excellence pour emprunter. C'est pourquoi, si nous examinons la question du financement, les retombées économiques, le manque d'alternative pour les choix et le fait des besoins d'électricité, même seulement au Québec, ne serait-ce que pour attirer de nouvelles industries, si nous examinons donc tous ces faits, je ne vois pas pourquoi le gouvernement n'aurait pas décidé d'accepter ce projet qui peut monter

à $6 ou $7 milliards, selon les étapes. Je ne vois pas en quoi le chef de l'Opposition officielle peut dire que le projet n'a pas été entériné par le président de 1'Hydro-Québec. Je pense qu'il n'y a rien dans ce qu'il a dit...

M. BERTRAND: Je n'ai pas dit ça du tout. Je n'ai pas dit que le projet n'avait pas été entériné par le président de l'Hydro-Québec. Ce serait contraire, d'ailleurs, aux propos qu'il vient de tenir, à la lettre qu'il a envoyée, au mémoire qu'il vient de lire. Ce n'est pas ça. J'ai tout simplement voulu soulever à l'occasion, je n'avais pas besoin de l'envoyer en l'air, son ballon a déjà été envoyé...

M. BOURASSA: Bien, lequel? Quel ballon?

M. BERTRAND: Il faudrait examiner le financement. Je me rappelle une des séances de la commission des Richesses naturelles où le premier ministre actuel interrogeait ici le président de 1'Hydro.

Quand il s'agit de financement, il l'a dit d'ailleurs dans son mémoire, il y a deux sources, les revenus de l'Hydro et les emprunts. Les revenus de l'Hydro ont parfois des revenus augmentés à cause des tarifs qui augmentent. On vient à peine d'aborder le problème du financement, on a parlé des besoins, le rapport du président est assez complet là-dessus. Quant aux moyens, nous fiant à son expérience, aux études de ceux qui l'entourent, tout ça, l'hydraulique semble préférable au nucléaire et au thermique à moins... et le débat est ouvert. S'il y en a qui peuvent contredire ce qui a été affirmé, ils n'ont qu'à le faire. Nous ne sommes que des profanes et nous devons nous fier à ceux qui ont des experts autour d'eux.

Mais quant au financement j'ai bien noté, M. Giroux, que vous aviez déclaré que ce projet — comme d'ailleurs tous les autres projets de l'Hydro — peut se réaliser par étapes et qu'une première étape imposerait des coûts d'environ $2 milliards.

M. GIROUX: Moins que ça.

M. BERTRAND: Un peu moins de $2 milliards. Bon! Et quand vous parlez de ce premier projet, c'est un projet qui serait réalisé, qui débuterait en 1972, 1973...

M. GIROUX: Il doit débuter cet été.

M. BOURASSA: Cet été, $10 millions qui ont été adoptés.

M. GIROUX: ...$26 millions mais c'est préliminaire à un grand projet. $26 millions sur $1.8 milliard ce n'est pas un pourcentage énorme.

M. BERTRAND: Non, non, une goutte d'eau. Et cela va s'échelonner. Ce premier projet-là, la première étape serait complétée — il y a des tableaux dans certains rapports — vers 1978?

M. GIROUX: En 1978, si on ne peut pas faire mieux.

M. BERTRAND: Si vous ne pouvez pas faire mieux. Cela peut être avant...

M. GIROUX: Cela peut être avant, ça peut être beaucoup avant, ça peut être de l'excédentaire, beaucoup avant aussi. Voyez-vous, il y a deux façons de regarder ces choses-là. Dans le programme de l'Hydro, dans la pensée où on analyse le financement, on prétend avoir besoin de toute cette électricité, en total, et si malheureusement on ne peut pas faire le reste de la baie James à cause de crises, quelles qu'elles soient, il n'y aura pas d'électricité parce qu'on n'aura pas plus d'argent pour faire autre chose.

Alors on est confiant qu'éventuellement on va porter le total de ce projet à bonne fin. Seulement, il y a deux façons de regarder l'avenir dans ces choses-là. On peut faire des ecplorations de marché. Une des difficultés que Churchill avait eue, ç'avait été de vendre son électricité pour financer son projet.

M. BERTRAND: Alors si vous me permettez, immédiatement là-dessus, pour le développement de ce projet, quant au financement, ce n'est pas sur une vente d'électricité que vous comptez?

M. GIROUX: Absolument pas. On ne compte pas sur une vente d'électricité, même pour mener à bonne fin le projet. Sauf que si une vente aidait le financement... si en accélérant le projet on pouvait faire une vente et qu'elle nous donnait par exemple, en bon français un "cash flow" de $200 millions à $300 millions par année, ça vous fait ça de moins à emprunter. Alors à ce moment-là c'est une aide au financement.

M. BOURASSA: On n'est donc pas dépendant d'aucune façon d'une vente...

M. GIROUX: On n'est pas dépendant du tout d'une vente. Quant à la politique de l'Hydro actuellement, je peux déclarer qu'on n'a fait aucune offre de montant, de possibilité de vente ferme. On travaille depuis deux ans, à la planification de l'Hydro, tous les gens travaillent à obtenir une interconnexion avec les Etats-Unis. Cette interconnexion-là pourrait nous aider dans les moments où on a des pointes à satisfaire qui ne sont pas les mêmes que les leurs. On pourrait certainement les aider en été, ce qui nous donnerait une aide absolument substantielle et ce réseau est basé sur l'excédentaire seulement.

Naturellement en discutant ça, et devant la demande que les gens ont de l'autre côté, il n'est pas question d'être maquignon, mais

réellement j'aime mieux me rendre aux Etats-Unis et dire qu'on aura de l'excédentaire pour satisfaire la ligne, et s'ils nous demandent un montant ferme, à ce moment-là, on est maître du prix.

Si nous nous amenons aux Etats-Unis et que nous disons: Il faut que vous achetiez 2,000 mégawatts parce qu'autrement nous ne construisons pas la ligne, on nous répond : Cela vaut 50 p. c. de moins. C'est aussi simple que cela. Ce n'est pas un problème, à mon sens, qui nous empêche de regarder. Naturellement, plus nous pouvons compléter ce projet rapidement, mieux cela sera. Des mathématiques, des chiffres sont publiés un peu partout. Si nous prenons le chiffre de six milliards de dollars, si vous avez la chance de compléter les travaux un an avant, à 8 p. c, cela représente 400 et quelques millions de dollars.

M. BOURASSA: Plus nous retardons, c'est ce que je disais...

M. GIROUX: Alors, à 9 p. c. ou 10 p. c, plus c'est haut. Si nous pouvons amener le projet total à être complété un ou deux ans avant par une vente, mon Dieu! cela vaut la peine de faire des investissements ailleurs. Ces investissements-là vont être payés par ce que vous avez épargné en intérêts. Je ne sais pas si je suis clair dans la réponse, mais ce sont ces choses-là que le gouvernement doit considérer. Nous lui avons fait la proposition et nous sommes convaincus de ce que nous avançons.

M. BERTRAND: Je ne veux pas enlever la parole à d'autres collègues, mais au sujet du financement, j'ai dit tantôt que vous parliez des revenus et des emprunts. Dans les revenus, il y a les tarifs. Est-ce que l'étude est faite pour savoir, si tel projet est réalisé, que vous devrez, bien entendu, augmenter vos revenus par une augmentation des tarifs?

M. BOURASSA: Nous verrons, M. le Président.

M. BERTRAND: Bien, je n'ai pas d'objection. Mais préparez-vous, là-dessus, à nous donner des détails.

UNE VOIX: D'accord.

M. BOURASSA: Voici, c'est que...

M. BERTRAND: Je laisse la parole à d'autres collègues.

M. GIROUX: Sans entrer dans les détails, nous avons fait un calcul. Quelle que soit l'énergie dont nous nous servions, nous utilisons un coût d'inflation de 4 p. c. dans la construction ou les dépenses de l'huile ou tout cela, selon la période de l'année. Nous nous servons du même taux pour les tarifs. Mainte- nant, je dois vous dire tout de suite que nous n'avons fait aucune demande au gouvernement pour une augmentation...

M. BERTRAND: De tarifs.

M. BOURASSA: Il n'est pas question que le gouvernement — je veux être très clair là-dessus — accepte, à l'avance, les augmentations de tarifs à moins qu'elles ne soient justifiées.

M. GIROUX: Ce sont des projections. Vous nous demandez d'établir quels vont être les coûts. Alors, nous disons: Si nous faisons cette chose-là, cela ne veut pas dire d'avance qu'il faudra augmenter. Si l'inflation n'est pas contrôlée du tout et s'il y a 17 p. c. d'inflation, avec les 4 p. c, nous allons être bons seulement pour une semaine.

M. BOURASSA: M. le Président, ce qu'a faudrait mettre en relief, je crois, pour l'intérêt de ceux qui sont ici, c'est l'éventail des possibilités qui existent, pour l'Hydro-Québec ou le gouvernement, tant dans le financement que dans la réalisation par étapes. Je ne vois pas en quoi nous aurions pu différer le projet, d'autant plus que, comme je le disais, plus nous retardons, plus cela coûte cher.

M. LE PRESIDENT (Ostiguy): L'honorable député de Beauce.

M. ROY (Beauce): Merci, M. le Président. Tout à l'heure, j'ai posé une question et j'avais une question supplémentaire à poser afin d'avoir des précisions et on ne me l'a pas permis. Quand même, je vais me reprendre.

Nous parlons du financement, d'accord. Le financement, c'est une chose. Mais avant de parler de financement, je pense que nous devrions parler de coûts. Nous avons parlé de coûts différentiels de la production hydroélectrique à la baie James et de la production de l'énergie nucléaire.

Dans ma question, j'avais demandé s'il y avait des études de faites quant au coût du mégawatt ou du kilowatt, afin de déterminer le coût le plus précis possible pour le projet de la baie James, et aussi si on avait fait une étude comparative avec le coût de la production électrique à Manic ou encore aux chutes Churchill. Je n'ai pas eu de réponse à ce sujet-là.

M. GIROUX : Je peux vous répondre. Nous n'avons pas fait de coûts comparatifs. Nous avons nos coûts à Manic. Mais la centrale de Manic n'est pas terminée. Seulement, aux chutes Churchill, si vous lisez le rapport de la dernière commission parlementaire, à ce moment-là les contrats étant signés, nous avons déclaré les coûts de l'énergie de Churchill aux contrats. Actuellement, je dirais que je ne crois pas qu'il soit d'intérêt de déclarer les coûts de la baie James parce que, bientôt je vais vouloir

aller vendre de l'électricité. Dans le cas de Churchill nous avons signé une lettre d'intention. Nous avons toujours dit que ce n'était pas d'intérêt public de déclarer les coûts.

Je n'ai aucune objection à répéter les coûts de Churchill. C'est au président de juger.

M. ROY (Beauce): Une question supplémentaire, M. le Président.

M. GIROUX: Il n'y a pas d'erreur, l'Hydro connaît tous les coûts.

M. ROY (Beauce): Une question supplémentaire, M. le Président.

M. LE PRESIDENT (Ostiguy): Je dois dire au député de Beauce que les coûts ne sont pas d'intérêt général. Alors...

M. ROY (Beauce): M. le Président, j'avais tout simplement une question supplémentaire. Si l'on ne nous donne pas le coût de Churchill, pourrait-on nous donner un pourcentage approximatif entre l'estimation des coûts à la Baie James et des coûts à Churchill?

Si je pose cette question, c'est que je pense que c'est extrêmement important. Tout à l'heure, nous serons appelés à nous prononcer sur des projets d'investissement de $2 milliards. $4 milliards, $6 milliards, peut-être même $7 milliards.

M. SAINT-PIERRE: Avec intérêt, si je puis aider à votre question.

M. ROY (Beauce): Avec intérêt, tel que maintenu avec vigueur et conviction par le gouvernement actuel.

M. GIROUX: Si je comprends bien votre question, pour la séparer, vous aimeriez avoir le coût en mills ou le coût comparatif. Je vous dis que ce n'est pas d'intérêt public, si je veux faire des ventes plus tard. Ne croyez-vous pas que ces compagnies ont assez d'ingénieurs en main pour calculer, en dedans d'un quart d'heure, tous nos coûts, à la minute où j'en déclare un?

M. BOURASSA: Le député a-t-il compris la réponse?

M. ROY (Beauce): M. le Président, une question supplémentaire. Des chiffres ont paru dans les journaux. Dans le journal La Presse du 11 mai 1971, on donne justement des coûts comparatifs. Est-ce que ces coûts sont réels, approximatifs ou si l'Hydro les rejette? On parle du coût au mégawatt, pour ce qui a trait à la baie James, de $728,000. On parle, avec le projet Churchill, de $181,000. Alors, si la différence entre le coût de production hydroélectrique de Churchill, tel que mentionné dans le journal La Presse, et celui qui a paru en ce qui a trait au projet de la baie James est près de 400 p. c. plus élevée, j'aimerais savoir si ce sont des chiffres auxquels nous pouvons nous fier ou si ce sont des chiffres qui sont complètement en dehors de la réalité. Je pense qu'il est important pour nous, parlementaires, de le savoir.

M. GIROUX: Dans mon cas, n'est-ce pas, connaissant les propriétaires du journal La Presse, cela me peine beaucoup d'avoir à donner une opinion. Si je donnais une opinion sur ce que vous me demandez, les gens s'en serviraient. Si je dis: Cela, c'est cela. Cela, ce n'est pas cela, on établira nos prix facilement.

Le journal La Presse est libre, comme tous les journaux, de publier toutes sortes de coûts. C'est son privilège. Pour autant que les journaux rapportent, n'est-ce-pas, le résultat des courses complètement le reste m'importe peu.

M. ROY (Beauce): M. le Président, cela ne nous satisfait pas. Je tiens tout de même à souligner que cela ne nous donne pas satisfaction. Aller aux courses est un jeu. Si on prend l'Hydro-Québec comme un jeu, nous, nous ne prenons pas cela comme cela.

M. GIROUX: Je ne prends pas cela comme un jeu.

M. SAINT-PIERRE: Le député devrait comprendre.

M. BERTRAND: Le député n'a pas le sens de l'humour.

M. GIROUX: Je m'excuse. Voulez-vous compromettre le projet en établissant les taux? C'est là qu'est le problème. Quels que soient les taux qui sont publiés dans les journaux, ces choses sont ordinairement faites pour qu'on les lise, qu'on les accepte, qu'on les confirme, qu'on les commente. Et vous n'entendez jamais l'Hydro-Québec commenter ces choses.

M. LE PRESIDENT (Ostiguy): Le député de Gouin.

M. JORON: M. le Président, j'aimerais revenir sur quelques points. Un point, entre autres, a été soulevé par le premier ministre, il y a un moment, quand il a apporté l'argument — cela fait plusieurs fois qu'il apporte cet argument — que, si on retarde, on augmente le coût de $250 millions par année. Il comprendra comme moi que c'est vrai dans n'importe quel projet de travaux publics et qu'il ne peut pas employer cet exemple uniquement pour la baie James.

M. BOURASSA: Comme c'est un gros projet, ce sont des pertes encore plus importantes.

M. JORON: A ce compte-là, tout ce que vous voulez faire dans les cinquante prochaines années pour les routes, pour les écoles et les hôpitaux, faites-le tout de suite. C'est exacte-

ment le même raisonnement. Alors, ne nous répondez plus comme cela.

M. SAINT-PIERRE: Non, non. Je m'excuse.

M. JORON: C'est vous qui êtes simpliste à l'extrême en abordant le $250 millions de cette façon-là.

M. LE PRESIDENT (Ostiguy): A l'ordre! Nous sommes ici uniquement pour discuter du problème de la baie James.

M. JORON: C'est justement ce dont je parlais.

M. SAINT-PIERRE: C'est le même type de malhonnêteté que nous avons déjà eue. La différence fondamentale, c'est que si on faisait des écoles et des routes qui ne correspondraient pas à des besoins, là, vous auriez raison. Je pense que le président de l'Hydro-Québec établit clairement que le marché pour l'énergie électrique en Amérique du Nord et en Ontario est tellement substantiel que, dès qu'on peut livrer la marchandise, on peut récolter des profits.

M. JORON: Nous en arrivons donc à la question essentielle. Combien de temps d'avance faut-il produire de l'énergie en surplus? Cela amène la question justement du député de Beauce du coût dont on disait, tout à l'heure, qu'il n'était pas d'intérêt public de le dévoiler parce qu'on voulait vendre de l'énergie à d'autres et qu'il ne fallait pas donner ses atouts à l'avance. Je vais aborder cette question-là et j'aimerais connaître l'opinion du premier ministre là-dessus. Moi, je pense qu'au contraire il est tout à fait d'intérêt public de savoir le coût de la baie James. Si nous devons faire des choix alternatifs, c'est la donnée essentielle.

M. BOURASSA: Nous avons donné des explications.

M. JORON : D'autre part, je pense que l'on peut immédiatement écarter complètement la question qu'il faut garder ça secret parce qu'on veut exporter de l'électricité. Qu'est-ce que ça veut dire bâtir un surplus?

M. BOURASSA: Le député de Beauce pourrait se tranquiliser un peu là.

M. JORON: Qu'est-ce que ça veut dire exporter de l'électricité en grande quantité? Je ne parle pas des accommodements qui permettent d'exporter à des heures de pointe ou de l'intégration des différentes zones. Ce n'est pas ce dont je parle. Il s'agit d'investir précisément dans le but de produire plus que nos besoins pour exporter de l'électricité. Disons que l'on parle de 2 millions de kilowatts, par exemple.

M. BOURASSA: C'est, pour le moins, farfelu.

M. JORON: C'est ce que l'on mentionne. C'est l'argument que vous apportez qu'on ne peut pas dévoiler le coût parce qu'on veut en exporter.

M. MARCHAND: Cela peut être une possibilité; ce n'est pas la même chose.

M. JORON: Nous allons la vider tout de suite, cette possibilité-là, si vous voulez.

M. BOURASSA: C'est ça, nous allons régler ça, les possibilités d'exportation.

M. JORON: Certainement, aussi rapidement que vous avez réglé l'énergie atomique.

M. BOURASSA : Nous allons régler ça sur le coin de la table. Ça, c'est réaliste!

M. JORON: Répondez-moi à ceci: Est-il logique d'investir pour exporter si, par exemple, l'on se fixe comme but d'exporter 2 millions de kilowatts, soit environ 20 p. c. de la baie James? 20 p. c. du coût, soit $1,200 millions ou $1,500 millions selon que l'on parle de six ou de sept milliards de dollars produit 14 milliards environ de kilowatts-heure.

M. BOURASSA: Attendez là.

M. SAINT-PIERRE: Nous allons aller chercher un tableau.

M. JORON: Deux millions de kilowatts de puissance donnent environ la possibilité de 14 milliards de kilowatts-heure.

M. BOURASSA: Trillions peut-être.

M. JORON: Disons à $0.10 le mille pour arrondir les chiffres, cela fait des ventes annuelles de $150 millions. Vous investissez $1,500 millions pour faire des ventes de $150 millions qui créent environ 50 emplois permanents pour ceux qui entretiendront la centrale. Alors, vous me permettrez de vous suggérer l'exemple suivant: Le même montant de $1,500 millions si on n'a pas besoin de cette électricité-là tout de suite et qu'on en produit pour l'exporter, pourrait être investi dans l'industrie manufacturière. Si je prends un exemple que j'avoue être heureux, l'exemple de Bombardier qui, l'année dernière, faisait des ventes de $150 millions et qui, pour faire ces ventes-là, employait 6,000 à 8,000 hommes, avec un capital de $40 millions. Pas $1,500 millions; $40 millions! Alors, je me dis: Est-il logique, pour un moment, de songer...

M. BOURASSA: L'étatisation de l'électricité...

DES VOIX: Voulez-vous le laisser parler? M. BOURASSA: Oui, mais... M. JORON: Répondez-moi.

M. LEGER: Le premier ministre est bien nerveux!

M. JORON: Est-il logique de songer è employer du capital, qui est une denrée si rare au Québec, dans le but de faire une exportation qui rapporte si peu et qui crée si peu d'emplois? Ne vaudrait-il pas mieux à ce moment-là, puisqu'on n'en a pas besoin, si c'est pour l'exportation, investir dans l'industrie manufacturière au Québec? Comment peut-on, seulement un moment, envisager la possibilité d'exporter de l'électricité?

M. BOURASSA: M. le Président, le député fait des simplifications qui me paraissent tout à fait inacceptables. La question de l'exportation de l'électricité a été considérée comme une hypothèse pour fins de financement, si cela s'avérait utile, si cela était avantageux pour le Québec de le faire. Mais peut-on prendre le milliard et demi et le transporter dans un autre secteur? Je pense que l'on pourrait appliquer le même argument pour l'étatisation de l'électricité en 1962. A ce moment-là, c'était pire parce que l'on ne créait pas d'emplois, on achetait des entreprises qui existaient déjà.

Il ne faut pas oublier toutes les entreprises secondaires permanentes qui peuvent être créées, avec le développement de la baie James. Déjà, avec l'Hydro-Québec, on a créé plusieurs milliers de nouveaux emplois simplement par le fait que celle-ci avait un pouvoir d'achat qui lui permettait de créer des entreprises au Québec. Le député ne tient pas compte des besoins d'électricité que nous aurons au cours des toutes prochaines années, ne tient pas compte que l'électricité — si le capital est rare, comme le dit le député — est également très rare et en grand besoin.

M. JORON: C'est justement...

M. BOURASSA: Nous pouvons en profiter pour attirer des industries ici, sans vouloir donner trop de détails.

M. JORON: Justement, si on veut en exporter...

M.BOURASSA: L'hypothèse de l'exportation...

M. JORON: ... on est à en créer plus qu'on en a besoin.

M. BOURASSA: Non, l'hypothèse de l'exportation — cela a été dit par le président de l'Hydro-Québec, cela a été dit par le chef du gouvernement à plusieurs reprises — peut être un moyen, un atout pour faciliter le financement, si cela s'avérait utile au Québec. Conclure de cette hypothèse qu'on y met un milliard et demi alors que l'on pourrait le mettre ailleurs, avec de meilleurs résultats, je pense que c'est absolument faux.

M. LE PRESIDENT (Ostiguy): Le député de Verchères.

M. JORON: Si vous permettez...

M. LE PRESIDENT (Ostiguy): Le député de Verchères m'a demandé la parole.

M. JORON: Je regrette, mais je n'avais pas terminé ma question.

M. LE PRESIDENT (Ostiguy): Le député de Verchères.

M. SAINT-PIERRE: Nous allons continuer dans la même ligne, avec les chiffres que le député de Gouin a employés. On a fait une comparaison avec des formes d'activité humaine au Québec; vous avez pris Bombardier et d'autres. L'exposé du premier ministre situe très bien le problème de l'exportation de l'énergie qui doit se placer, après avoir comblé nos besoins, dans une perspective de rentabilité.

Je pense qu'il y a eu, au cours des dernières années, dans le marché nord-américain, une évolution considérable dans les coûts de production de l'énergie face aux problèmes de pollution, aux difficultés des centrales thermiques et des centrales nucléaires. Ne révélons aucun coût de production ni aucun coût d'achat, mais je pense — je crois que les gens de 1'Hydro pourraient en discuter — qu'il est possible de réaliser, dans la perspective d'un marché qui n'a pas de limite, tant en Ontario qu'aux Etats-Unis, dans la perspective d'un marché qui est assoiffé d'énergie électrique et qui ne peut satisfaire à ses propres demandes, en Nouvelle-Angleterre, de réaliser dis-je pour le Québec un profit net, je dis bien de deux mills par kilowatt-heure.

L'ensemble de la production de la baie James, le député de Gouin réalise-t-il que ceci représente pour le Québec un profit net de plus de $200 millions par année? Que l'on compare un tel profit net avec d'autres secteurs de notre activité économique, tenant compte que l'ensemble de ce profit net, une fois le financement assuré, a été généré par les ressources humaines du Québec et tenant compte que dans les dispositions contractuelles on pourrait sûrement limiter l'étendue de cette vente. La vente est exagérée, mais je veux simplement situer ce que représente 96 milliards de kilowatt-heures dans une perspective d'une étude de marché, tel que nous en avons pour le plan électrique; un profit net de $200 millions par année.

Je vous dis que $200 millions, comparés à

l'ensemble de l'industrie manufacturière québécoise, ce sont des profits fort intéressants. Il faudrait peut-être délaisser des secteurs traditionnels pour aller dans des secteurs où nous avons déjà fait nos preuves.

M. JORON: Mais la question est de savoir si, pour générer les mêmes profits ou le même chiffre d'affaires, si vous voulez, vous avez besoin d'engager tant de capital. Si cela requiert trop de capital... Les services publics, l'hydroélectricité, par exemple, ce sont des investissements qui requièrent énormément de capital, le service téléphonique la même chose...

M. BOURASSA: On en a besoin.

M. JORON: On n'en exporte pas non plus. Pourquoi? Parce que le besoin primordial est de répondre à un besoin public, à un service public. On ne monte pas de telles entreprises dans le but de faire de l'exportation. Dans ce temps-là, on s'en va dans l'industrie manufacturière. Les multiplicateurs sont cent fois plus élevés.

M. BOURASSA: M. le Président, je suis obligé de répéter souvent pour le député de Gouin. J'ai dit que s'attacher uniquement à la question de l'exportation et en conclure de façon générale, je ne pense pas que ce soit une façon honnête de procéder.

M. JORON: D'accord, on va l'abandonner.

M. BOURASSA: J'ai dit que le gouvernement du Québec accepterait d'exporter de l'énergie dans la mesure où, dans l'ensemble des décisions que cela comporte, y compris l'investissement, ce serait avantageux, utile, rentable pour le Québec. Donc, son argument tombe du même coup. Si on n'en exporte pas, parce qu'il sera plus avantageux d'investir ailleurs, bien, on sera capable de prendre la décision à ce moment-là.

M. JORON: Bon, souhaitons-le.

M. BOURASSA: Donc, pour le reste, l'électricité répond à un déficit de puissance qui existe au Québec. Et s'il y avait même un surplus, cela nous donnerait un avantage concurrentiel considérable pour attirer des industries qui iraient s'établir en Ontario ou aux Etats-Unis, parce que nous aurions un coût d'énergie qui serait inférieur au leur. On parle de projets — je ne peux pas donner trop de détails — d'industries qui hésitent entre plusieurs provinces, mais si nous, nous pouvons leur offrir l'électricité à bon marché, par rapport à ce qu'ils peuvent obtenir dans d'autres provinces, cela va nous donner un levier important. C'est ce que je voudrais que le député comprenne.

Nous allons ajourner à 8 h 15, s'il n'a pas d'objection.

M. JORON: La question est reportée à plus tard...

M. LE PRESIDENT (Ostiguy): La parole est au député de Beauce.

M. JORON: Mais je n'avais pas terminé ma question principale, si vous me le permettez.

M. LE PRESIDENT (Ostiguy): Alors, le député de Gouin.

M. JORON: Si on veut me permettre, après cette digression, de revenir à la question centrale, on n'a toujours pas eu de réponse satisfaisante sur le processus qui avait présidé au choix de la baie James.

J'avais demandé au tout début à M. Giroux sur la base de quelles études et à partir de quelles comparaisons on en était venu à opter pour le projet de la baie James.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il m'a répondu.

M. JORON: Il m'a répondu ceci...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il m'a donné la réponse à moi.

M. JORON: ...que se fiant sur l'expérience malheureuse des autres...

M. BOURASSA: Il a répondu...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il m'a répondu tout à l'heure.

M. JORON: ...on prenait comme prérequis que cela avait été désastreux, les exprériences nucléaires, et qu'il valait mieux ne pas pousser les études plus loin, parce que, de toute façon, on présume au début que c'est plein de "bugs" cette affaire-là.

M. BOURASSA: C'est faux! J'invoque le règlement. Le député déforme grossièrement les paroles du président de l'Hydro-Québec.

M. JORON: Je regrette, mais il a été dit ceci, qu'il n'y avait pas d'information valable qui pourrait constituer la base d'un rapport suffisant.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le règlement.

M. BOURASSA: Ce n'est pas sérieux!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'invoque le règlement.

M. LE PRESIDENT (Ostiguy): Le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je crois que par souci d'honnêteté pour le président de l'Hydro-Québec à une question très précise que je lui ai posée, le président a répondu en nous indiquant qu'il avait des informations valables, qu'il n'avait toutefois pas tout un ensemble d'éléments qui nous permettraient d'avoir un tableau complet de cette comparaison que l'on doit faire entre l'énergie nucléaire et l'énergie hydraulique. Je ne voudrais pas mal interpréter le président de Ï'Hydro-Québec — il me corrigera si ce n'est pas exact — il m'a dit que l'ensemble des renseignements qu'il possédait lui avait permis de faire un choix et de le recommander au gouvernement, compte tenu des besoins actuels en électricité et ceux qu'il faut prévoir d'ici dix ou douze ans.

C'est bien ce que vous avez dit, M. le Président?

M. GIROUX: Versus le nucléaire.

UNE VOIX: J'aurais une question supplémentaire.

M. LE PRESIDENT (Ostiguy): La commission suspend ses travaux jusqu'à huit heures quinze.

Reprise de la séance à 20 h 30

M. OSTIGUY (Président de la commission permanente des Richesses naturelles): A l'ordre, messieurs!

Je pense que lorsque nous avions ajourné à six heures, c'était le député de Gouin qui avait la parole, mais je pense que le député de Bourget aurait quelque chose à nous suggérer.

M. LAURIN: M. le Président, c'est encore une question de procédure pour que la marche des travaux soit la plus claire possible. Je pense bien qu'un des buts de cette commission est de permettre à chacun des partis de poser toutes les questions qu'il juge pertientes et opportunes aux spécialistes qui sont avec nous. Après en avoir discuté entre nous, je me demande si une des meilleures façons d'arriver à ce but ne serait pas de demander à chaque parti d'épuiser toutes leurs questions sur chacun des sujets, tour à tour, afin que successivement, chaque parti en soit amené à poser aux spécialistes toutes les questions qu'il juge opportunes.

M. LE PRESIDENT: Je vais soumettre cela à l'attention des membres de la commission. Au cours de l'après-midi, j'ai noté les minutes que chacun a eues pour parler et c'est pas mal...

M. LAURIN: Non, ce n'est pas cela. C'est simplement un ordre; c'est une procédure quant à l'ordre...

M. BERTRAND: M. le Président, est-ce que le leader parlementaire du Parti québécois veut procéder de cette manière-là?

M. LAURIN: C'est une suggestion que je faisais.

M. BERTRAND: Si le leader du Parti québécois veut poser une série de questions, je ne vois pas d'objection, quant à moi...

M. BOURASSA: Ce serait peut-être un peu rigide. Moi non plus je n'ai pas d'objection mais...

M. BERTRAND: ...quoique souvent une des questions que vous pouvez poser ou que je peux poser nous incite à poser une question additionnelle ou même peut peut-être...

M. BOURASSA: Il peut arriver que le député de Chicoutimi ait des questions à poser à la suite d'une question posée par le député de Beauce ou vice-versa, alors je me demande...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est moins sûr vice, c'est plus sûr versa.

M. LAURIN: Je suis bien prêt à me rallier à n'importe quelle suggestion dans la mesure ou chacun des partis aura toutes les opportunités,

toutes les occasions pour poser les questions qu'ils avaient préparées.

M. BERTRAND: Est-ce que le leader parlementaire se plaint du traitement qui lui est donné?

M. LAURIN: Non, pas du tout. C'était tout simplement à titre de suggestion.

M. BERTRAND: Je n'ai pas objection.

M. BOURASSA: Il est satisfait de la liberté qu'on donne au...

M. LE PRESIDENT: Si les honorables députés...

M. BOURASSA: Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Si les honorables députés veulent bien lever la main pour que j'indique leur nom...

M. LAURIN: C'est juste au cas ou ça déborderait 10 heures ce soir. Est-ce l'intention du président de la commission du gouvernement de nous permettre de déborder sur...

M. BOURASSA: Il est possible que je me rende au Colisée ce soir, non pas pour faire une autre annonce, mais les Remparts ont une partie...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous avez besoin de remparts?

M. LAURIN: C'est simplement parce qu'étant donné le nombre de nos questions que nous connaissons on peut présumer que ça va déborder la séance de ce soir. Je voulais juste savoir les intentions du...

M. BOURASSA: Alors, nous exprimons nos intentions...

M. BERTRAND: Si on me permet, M. le Président.

Le leader du Parti québécois avait demandé cet après-midi si la procédure permettait également de faire entendre des experts. C'est clair que le leader du Parti québécois ou d'autres mouvements politiques ont des experts à faire entendre. Je ne crois pas qu'on puisse, d'abord, les convoquer pour ce soir. Il faudra nécessairement ajourner à une autre semaine.

M. BOURASSA: Peut-être demain après-midi. On pourra en discuter. Il se peut que les réponses satisfassent les membres de la commission parlementaire.

M. LAURIN: Ce serait simplement le temps mathématique de poser nos questions, aussi.

M. BOURASSA : En commençant tout de suite, on pourrait peut-être finir ce soir.

M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce. Si vous avez un...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): En tenant compte que nous sommes déjà une demi-heure en retard à cause de vous, M. le Premier ministre.

M. BOURASSA: Je suis arrivé quelques minutes en retard.

M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce.

M. ROY (Beauce): Si on me le permettait, j'aurais une question à poser à l'honorable premier ministre. Cet après-midi, on a dit que le développement du projet de la baie James était fait surtout pour répondre aux besoins domestiques. Lorsque nous avons demandé quel était le coût de production, on nous a répondu qu'il n'était pas d'intérêt public de nous en informer à cause de l'exportation d'électricité. J'aimerais peut-être qu'on définisse clairement si le projet de la baie James est prioritaire pour des besoins domestiques ou des besoins d'exportation et dans quelle mesure ça peut être de l'exportation ou des besoins domestiques. Je pense qu'à partir de là, ça va certainement permettre aux membres du gouvernement de nous éclairer pour qu'on puisse, par la suite, poser des questions aux experts qui sont à notre disposition.

M. BOURASSA: M. le Président, j'ai déjà répondu à la question. Mais je suis prêt, pour éclairer le député, à répéter ce que j'ai dit cet après-midi. L'exportation est une hypothèse dans l'état actuel des choses. C'est une possibilité pour le gouvernement de faciliter son financement si, pour lui, ça lui apparaissait la meilleure façon par rapport aux autres possibilités.

M. LE PRESIDENT: Le député de Lafontaine.

M. LEGER: Le député de Gouin avait demandé la parole avant moi. Mais, je vais parler après lui.

M. LE PRESIDENT: Le député de Gouin.

M. LEGER: Est-ce que je pourrai parler après lui par exemple?

M. JORON: Si vous le permettez, M. le Président, je voudrais revenir à des questions qu'on avait évoquées cet après-midi. Je rappelle très brièvement quelle était notre position fondamentale. Avant même de s'engager dans une série de questions techniques et complexes,

en rapport direct avec le projet de la baie James, je voudrais — si c'est possible — établir, à une étape antérieure, à partir de quels critères on a fait le choix en premier lieu, à partir de quelles études. Je pense que c'est le point fondamental que nous avons à vider.

Je veux bien croire, comme le disent brièvement les rapports des deux firmes d'ingénieurs, que la baie James est rentable comparativement aux autres systèmes de production. On voudrait savoir à partir de quoi.

Or, il existe en Ontario à l'heure actuelle, à Pickering, quatre unités de 500 mégawatts ou 500,000 kilowatts en construction dont une entre en production cette année même. Quatre autres de 750,000 kilowatts. Il existe aux Etats-Unis, à la fois en construction et sur les planches à dessin, un total de 79 millions de kilowatts de production nucléaire. Environ 3 millions, dit-on, en Suède. Tous ces gens se sont engagés dans des projets qui, au total, font 10, 15 et 20 fois la baie James. Il existe, très certainement, des données précises et factuelles qui nous permettraient d'établir ce processus de comparaison dont je parle.

La détermination du coût, finalement, c'est un critère important. Bien qu'il ne soit pas le seul, il faudra peut-être parler, tout à l'heure, du coût en capital, c'est-à-dire des immobilisations requises pour différents types de production électrique. Si on parle du coût de revient, à titre d'exemple, le réacteur no 2 d'Indian Point de la Consolidated Edison, dans l'Etat de New York, entre en service cette année même. Il aura une puissance d'un million de kilowatts avec un coût de production incluant tous les facteurs, investissements et transmission, de 6.09 mills.

Cette information était obtenue directement de la Consolidated Edison. De Rochester, Gas and Electric Company, dans l'Etat de New York, à Ontario, New York, une puissante unité de production de 420,000 kilowatts en service maintenant, depuis peu cependant. Coût de production 5.9 mills.

Ce sont des chiffres connus et qui existent.

M. GIROUX: Je n'ai pas nié ces chiffres. Je vous ai dit que des gens viennent me voir, tous les jours et m'offrent cela. Mais personne ne me donne les garanties qu'ils peuvent le faire.

M. JORON: Si vous le permettez, M. Giroux, je voudrais vous demander...

M. GIROUX: C'est là-dessus que nos études arrêtent.

M. JORON: En ce sens, il semble que l'Hydro ait considéré des projets de production d'unités nucléaires dans le sens d'un "turn key job", c'est-à-dire qu'un entrepreneur vous fournit une centrale, vous en garantit la livraison...

M. GIROUX: Pas nécessairement. Il fournit une centrale et s'engage à ce qu'elle fonctionne, ce qui est une chose. Selon le rendement que cela va donner, il faut qu'il nous fasse un coefficient, avec un prix de tout.

M. JORON: Est-ce que l'Hydro envisage d'être le gérant de ses propres travaux, comme il l'est dans l'hydraulique?

M. GIROUX: Non

M. JORON: Est-ce que l'Hydro ne devrait pas l'envisager à court terme parce que, tôt ou tard, si ce n'est pas cette année...

M. GIROUX: Quand ce sera rentable. A ce moment-là, ce sera aussi facile d'entrer dans cette production que dans celle de la chaussure.

M. JORON: Estimez-vous qu'un coût de 6.1 ou de 5.9 mills est rentable?

M. GIROUX: Ce ne sont pas des coûts. Les coûts que vous donnez sont des coûts qui ont été publiés au moment du lancement de la construction. Vous ne pouvez pas prouver ces coûts. Vous ne pouvez pas avancer que ce sont ces coûts-là. Et, personne n'avance que ce sont ces coûts-là non plus. On dit: Ce sont des estimations.

M. JORON: Il y a des centrales là-dedans qui sont terminées et qui sont en production présentement dont on connaît le coût actuel. Il y a celle de l'Ontario-New York, qui est en fonction. Elle est entrée en fonction en ce moment. On le connaît. On sait d'autre part, puisque les investissements sont terminés, que ça coûte en moyenne entre $130 et $190 par kilowatt installé. Ce qui est à peu près trois fois meilleur marché que la baie James.

M. GIROUX: Si vous êtes capable d'avoir des gens qui peuvent construire ces choses-là chez nous, je vous le répète, envoyez-les nous, on va les acheter. Mais rendez-les responsables, par exemple. Pas de questions: On peut... je crois... mais responsables. Et, je m'engage, si vous avez des gens sérieux avec une garantie bancaire, à signer un contrat et de recommander à la commission, au gouvernement de le faire.

M. JORON: Est-ce que ce n'est pas justement la "job" de l'Hydro de les trouver ces gens-là et de les poser ces machines-là avant...

M. GIROUX: On les a cherchés partout et on ne les trouve pas. Alors, je n'ai pas tellement de temps à perdre.

M. JORON: On fait nos études, on pose des questions.

M. GIROUX: Je n'ai pas d'objection aux

questions. Mais seulement, il faut être sérieux dans ce domaine-là. Et le domaine hypothétique, toutes les objections que vous apportez là, — vous n'étiez pas ici, à ce moment-là —. J'ai tout écouté cela en 1966, au moment de la question des chutes Churchill. Les mêmes arguments, les mêmes estimations, presque, avec certaines augmentations. Et si nous les avions acceptés... M. Boyd vous a donné tantôt ce que cela nous aurait coûté. C'est la raison pour laquelle je regrette de vous dire qu'au point de vue nucléaire, l'Hydro-Québec ne croit pas être intéressée d'aucune façon à faire une étude dans le moment, à moins que nous ayons une offre substantiellement bien garantie.

M. JORON: Alors, effectivement, c'est cela qui est l'essence de la question: Les études poussées des coûts nucléaires n'ont pas été faites et les témoignages de tous ces gens-là, parce qu'il y a quand même une centaine de millions de kilowatts...

M. GIROUX: Avez-vous les témoignages écrits, avec les garanties des coûts?

M. JORON: Non, je ne les ai pas, mais ce n'est pas moi qui dirige l'Hydro-Québec. Je veux dire: C'est à vous de répondre à ma question.

M. GIROUX: Non, non, non! Ce n'est pas à moi de répondre à cette question-là. Ce n'est pas à moi d'aller fouiller dans les affaires de la Consolidated Edison.

M. JORON: C'est à vous de choisir de faire de l'électricité le meilleur marché possible, alors, c'est à vous de savoir ce que les autres font, pour savoir les coûts.

M. GIROUX: C'est ce que nous faisons, quand je crois leurs chiffres, il faut que je les aie bel et bien certifiés.

Or, lorsque vous comparez ce système américain, est-ce que vous avez une garantie que le gouvernement canadien permettra l'importation?

M. JORON: C'est un problème d'ordre politique.

M. GIROUX: Oui, mais c'est un problème...

M. JORON: ... et il appartient au gouvernement de le résoudre.

M. GIROUX: Il ne s'agit pas d'être de mauvaise foi, mais, d'un autre côté, il faut être sérieux et pratique. Si quelqu'un essaie d'être pratique dans l'actuel, c'est nous. Alors, on ne veut pas engager la province. C'est un programme qui, en 1985, au point de vue de l'investissement, n'a peut-être pas une différence de plus de 10 p. c. ou 12 p. c, même au prix que vous donnez là. Vous n'avez pas pris les réserves et vous n'avez rien pris. A ce moment, qu'est-ce que cela nous donnera, si cela ne fonctionne pas? Il faut emprunter le même montant d'argent. En hydraulique, nous avons des systèmes établis. On peut se tromper, en partie dans l'évaluation. Mais là, où on ne se trompe pas, c'est sur la retombée économique au pays et ce que ça donne.

M. JORON: Vous dites: Si ça ne fonctionne pas, j'imagine que si on est en train d'en mettre en chantier, dans le monde, pour une centaine de millions de kilowatts, il devrait y avoir de ces expériences-là, des témoignages à recueillir. Vous dites aussi: De toute manière pour arriver à une différence dans le coût total de 10 p. c. à 12 p. c. et avoir investi le même montant d'argent. Ce qui n'est pas le cas. Dans le cas de la centrale de type américain, et étant donné les recherches qui se font en Hollande qui peut-être permettront d'arriver à un coût de 30 p. c. à 40 p. c. meilleur marché qu'avec l'uranium enrichi, là on baissera le prix.

M. GIROUX: Votre théorie est là. Toutes les recherches qui se font en Hollande devraient amener — et ça fait cinq ans qu'on en entend parler de ça — ça devrait amener. C'est une chose que je laisse totalement au soin du gouvernement. Si le gouvernement veut faire des programmes avec des choses qui devraient amener — le gouvernement peut passer les lois qu'il veut — je n'ai pas d'objection à ça. Mais honnêtement, je ne peux pas recommander cette chose-là.

M. JORON: Une toute petite remarque...

M. SAINT-PIERRE: Le député de Gouin semble avoir un grand intérêt pour l'énergie nucléaire. Il me semble que c'est un fait relativement connu. On peut demander à des experts de l'Hydro-Québec qui ont suivi des conférences techniques: Qu'est-ce qui s'est dégagé au cours des dernières deux années, touchant l'énergie nucléaire? Après un mouvement, où en 1966 on pouvait être optimiste, on pensait que, dans un deuxième tour, les coûts seraient substantiellement plus bas. On s'est aperçu que dans un premier temps les compagnies avaient tenté de se mettre le pied dans la porte vers une nouvelle forme d'énergie, mais dans un deuxième temps ils ont voulu faire des profits raisonnables. Les hausses substantielles qu'on a enregistrées dans les offres, ont fait que généralement dans les conférences techniques — c'est un point qui ressort — de l'énergie nucléaire, sans la condamner à tout jamais, il est évident qu'elle aura un jour son temps. On ne peut pas parler pour 1970 ou 1971 des prix dont vous venez de parler...

M. JORON: Mais suite à ce que vous venez de dire...

M. SAINT-PIERRE: Il y a aussi les difficultés sur le plan technique. Vous citez Pickering. Si on avait quelqu'un ici de l'Hydro-Ontario, on pourrait demander exactement ce qui arrive avec Pickering par rapport aux dates de mise en service, par rapport à ce qu'on s'attend, par rapport aux coûts. Où prenez-vous ça? Demandez à votre service de recherches ce qui est arrivé à la commission parlementaire en Ontario. Il va vous le dire. Ils ont témoigné il y a trois mois. C'est de notoriété publique.

M. GIROUX: Justement, à ce sujet-là, si vous me permettez.

M. JORON: Comme le dit M. Giroux.

M. LE PRESIDENT: Le député de Gouin a la parole.

M. JORON: Si, comme le disait M. Giroux, des gens vous proposent de vous installer des centrales nucléaires qui certifient leur coût, ne croyez-vous pas qu'on devrait demander qu'ils viennent témoigner pour savoir quel coût ils peuvent nous avancer?

M. GIROUX: A tous ces gens qui sont venus me voir pendant quatre ans à ce sujet — je vous donne ma parole — j'ai demandé des garanties bancaires. Ils ne sont jamais revenus. J'ai plus de pratique que ça dans la vie. J'ai tout vu ça, ces affaires-là. Cela fait 35 ans que je suis dans la rue Saint-Jacques. Ce n'est pas la première fois que je me faisais conter une menterie. En fait, c'est une question habituelle chez nous, dans ces choses-là.

On dit qu'on a des gens qui ont suivi les choses. On a deux ingénieurs à la commission, ici. S'ils veulent émettre leur opinion sur ce qui se passe au sujet de l'énergie nucléaire... Allez-y, M. Boyd.

M. LE PRESIDENT: Le député d'Abitibi-Est.

M. BOURASSA: Si vous permettez, M. Boyd pourrait éclairer des questions justifiées du député de Gouin. M. Boyd pourrait donner son point de vue.

M. BOYD: Premièrement, Pickering est très en retard dans son programme. L'Hydro-Québec ne peut pas se permettre les retards que Pickering a eus. Cette année on a fait des ventes importantes d'énergie excédentaire qui ont fait notre affaire parce qu'on avait de l'eau en quantité. C'est grâce au retard de Pickering qu'on a fait cet argent. Nous ne voulons pas être dans cette position-là. Premièrement, les prix de $160 et de $180 qu'on vous a donnés, c'est peut-être des prix qu'on vous donne comme ça. Nous, nous savons que c'est beaucoup, beaucoup plus que ça. C'est basé sur des prix pour quelque chose qui devait entrer en service il y a deux ans ou trois ans, et qui va l'être sous peu. Nous parlons de centrales nucléaires. Vous voudriez qu'on fasse des centrales nucléaires au lieu de la baie James qui produirait en 1978 ou en 1985. Nous avons également des renseignements au sujet de ce que l'Hydro-Ontario pense que le nucléaire va lui coûter en 1980. C'est avec ça que nous faisons nos estimations.

Ce sont des chiffres qu'eux-mêmes ne donnent pas.

On ne peut pas les donner, mais on les obtient pour nos renseignements. Les américains, vous dites qu'ils ont 79 millions de kilowatts en construction, il faut bien les comprendre, c'est parce qu'ils n'ont pas autre chose. Où voulez-vous qu'ils se tournent? Ils ont le thermique conventionnel et ils ont le nucléaire. Du côté thermique conventionnel, ils sont pris avec les Irakiens et les Iraniens et tout ce que vous voulez, ce qui fait augmenter le coût du mazout. Il y a quelques années, le mazout leur coûtait 30 cents le million de BTU. Actuellement, il leur coûte $0.50, bientôt $0.60 et ils prévoient $0.70.

C'est ça le côté thermique. Ils ont à rencontrer des prix de mazout qui passent en moins de dix ans, de $0.30 à $0.70. Ils ont en plus tous les adversaires de la pollution. Donc, vers où se tournent-ils? Ils se tournent vers le nucléaire, il faut bien qu'ils en fassent. Vous parlez des "import" à 6 mills, ils seraient les plus heureux du monde s'ils les avaient parce qu'ils sont obligés d'avoir des barges sur la rivière Hudson pour rencontrer leur pointe d'été qui leur coûte environ 20 mills le kilowatt-heure.

M. JORON : Big Harris est en difficulté?

M. BOYD: Oui, ils vont avoir bien d'autres difficultés avec leur unité d'un million de kilowatts. Si elle commence cet été, ça leur est permis temporairement pour éviter des pannes durant l'été. Ils n'ont pas encore leur permis pour exploitation régulière. Où en sont-ils avec ça? Et le prix de six est tout à fait faux en ce qui concerne les renseignements qu'on a. N'oubliez pas non plus que quand vous avez des centrales nucléaires, l'Hydro-Ontario et toutes les compagnies américaines qu'on rencontre, doivent prévoir 30 p. c. et 35 p. c. de réservé. Il faut ajouter au prix, 30 p. c. et 35 p. c, tandis que dans l'hydraulique, on peut se contenter d'environ 5 p. c. et 10 p. c. de réserve. C'est de l'argent, ça aussi.

M. BOURASSA: Est-ce que M. Boyd peut terminer? Je pense qu'il est bien placé pour répondre. Tantôt M. De Guise pourra également ajouter ses commentaires.

M. LEGER: Est-ce que le premier ministre serait rendu président de l'assemblée?

M. BOURASSA: Non, je fais une suggestion bien démocratiquement.

M. LEGER: Alors, je l'accepte démocratiquement.

M. LE PRESIDENT: Le président pense comme le premier ministre.

M. BERTRAND: Il protège sa droite.

M. BOYD : Au sujet du nucléaire, on n'est pas objecteur de conscience, mais si vous regardez les commentaires de notre Institut de recherche, M. Boulet, M. Cloutier, sont des docteurs qui ont fait des études assez avancées.

Ce sont des gens qui voyagent à travers le monde, constamment, pour des rencontres, au plus haut niveau dans le domaine de la recherche. Si vous lisez la note de M. Boulet, vous comprendrez que si on peut attendre dix ans, il y a tout avantage, pour nous, au Québec à faire faire les expériences par les autres et à en profiter. On ne se tient pas à l'écart. On ne dit pas: N'y touchons pas. Ce n'est pas la chose à faire en ce moment. Le système nucléaire, qu'il soit canadien, américain, anglais, ou français — parce que les Français ont eu également de mauvaises expériences — que ce soit l'un des quatre ou que ce soit celui de la Suède, est un système transitoire. Ce sont les seuls sur générateurs qui vont remplacer cela. Ils sont censés donner de l'énergie qui sera potable, dit-on. Mais, ce n'est pas prévu avant 1985, 1990.

M. LEGER: Est-ce que je pourrais vous poser une question, M. Boyd?

M. BOYD: Oui.

M. LE PRESIDENT: Je voudrais qu'on laisse M. Boyd terminer son exposé.

M. LEGER: Mais c'est sur ce sujet précis.

M. LE PRESIDENT: Prenez des notes, on y reviendra ensuite. M. Boyd complétera son exposé.

M. BOYD: Alors, on n'est pas contre les nucléaires, loin de là. On a des ingénieurs qui ont passé plusieurs années avec Atomic Energy. Il y en a d'autres qui exploitent présentement la centrale de Gentilly. On sait ce qu'elle nous coûte, la centrale de Gentilly. On croit qu'on ne peut pas se lancer dans le nucléaire et avoir du retard lorsqu'on a besoin de rencontrer la demande de la province. On ne peut pas se lancer dans l'aventure, non plus.

M. LE PRESIDENT: Alors, je demanderais, s'il vous plaît, à M. De Guise maintenant et ensuite on reviendra aux questions.

M. DE GUISE: Je vais essayer d'éviter de répéter certains des arguments avancés par M. Boyd sur lesquels je suis entièrement d'accord. Je vais essayer de prendre un autre approche.

Je me demande si on ne pourrait pas dégrossir le problème. Posons l'hypothèse qu'avec les renseignements que nous possédons et avec la précision des estimations qu'on peut obtenir, qu'ayec les deux — disons c'est peut-être en dedans de la précision de nos estimations — il n'en resterait pas moins que l'énergie hydraulique a des avantages définis. Au point de vue de la fiabilité, par exemple, notre expérience et l'expérience de plusieurs autres indiquent que les centrales hydro-électriques sont de beaucoup plus fiables. Elles ont beaucoup moins d'arrêts imprévus que les centrales thermiques ou nucléaires. Un second point: les retombées économiques pour la province. Oh y fera peut-être allusion davantage tout à l'heure. On peut avoir des opinions variées sur la proportion, mais il est clair que l'énergie hydraulique a des retombées économiques beaucoup plus grandes au Québec.

Le troisième facteur, c'est la protection contre l'inflation. Une fois la centrale construite, on a un coût fixe d'exploitation ou à peu près, parce que la main-d'oeuvre, comme quelqu'un le disait tout à l'heure, représente très peu dans l'exploitation des centrales hydro-électriques. Par contre, le nucléaire, bien que le coût du combustible soit relativement plus faible que celui du thermique, n'est pas négligeable. Le combustible nucléaire canadien coûte peut-être à peu près 1 mill et une fraction du kilowatt-heure. Celui du procédé américain, de 2.15 à 2.25. Il n'existe pas de garantie actuellement, à savoir, comment évoluera le coût du combustible dans l'avenir.

Alors, vous avez trois facteurs sur lesquels chacun a son appréciation, établir une valeur. De toute évidence, l'accumulation de ces trois facteurs donne un poids assez considérable en faveur de l'énergie hydro-électrique. Maintenant, je voudrais revenir sur les fameuses questions d'estimation.

Quand on obtient un chiffre ou qu'un chiffre est cité dans un article, il faut faire bien attention à ce qu'il contient et à ce qu'il ne contient pas. Pour vous donner certaines proportions, je vais prendre un exemple, remarquez que pour le thermique c'est de très près la même chose. Quand on examine, qu'on dissèque le coût d'une centrale nucléaire, ce que les Américains voient souvent dans leurs revues — ce qu'on appelle des "base construction costs" — coûts de construction directs et indirects — cela figure pour à peu près 50 p. c. ou 55 p. c. du total.

Les frais d'escalation — ou d'escalade, en français — il ne faut pas les oublier — qu'on est rendu à parler d'une période de huit ans entre la décision de construire une centrale et la date à laquelle on la met en service — qu'on peut faire toutes sortes de suppositions sur les frais d'escalade durant cette période-là. Si on prend quatre, cinqu ou six ans, ça fait toute une différence. Je regarde des chiffres qui viennent des Américains: en moyenne, on voit que

l'escalade y compte pour à peu près 24 p. c. ou 25 p. c. du coût total. Vous avez une marge d'indécision ou d'imprécision qui est laissée au jugement de celui qui fait l'estimation.

Les frais d'intérêt comptent pour à peu près 15 p c. au total; encore une fois, selon certaines utilités. On a intérêt, par exemple, à montrer un coût bas. Au lieu de prendre le taux d'intérêt de l'argent qu'elles empruntent, elles vont prendre le taux d'intérêt moyen de toute l'entreprise. Cela fait une différence.

Tout ceci pour vous dire que lorsqu'on examine les coûts d'une centrale nucléaire, il faut faire bien attention aux hypothèses qui ont été posées à la base et c'est ce qui est difficile à obtenir. On peut lire toutes sortes de résultats un peu partout mais ce n'est pas si fréquent qu'on nous donne le détail et les hypothèses de base.

S'il y avait d'autres questions, ça me ferait plaisir d'y répondre.

M. LE PRESIDENT: Le député de Lafontaine.

M. LEGER: Il y a une question que je voulais poser probablement autant à M. De Guise qu'à M. Boyd. Etant donné que la compagnie Brinco a proposé dernièrement au gouvernement fédéral, d'installer un projet de $1 milliard avec la technologie nucléaire et que c'était quand même un partenaire de l'Hydro — l'Hydro y a des actions — je pense, pour les chutes Churchill...

M. GIROUX: Pas dans la Brinco.

M. LEGER: Pour les chutes Churchill?

M. GIROUX: Pas dans la Brinco, dans Churchill Falls.

M. LEGER: ... dans Churchill Falls. Elle est partenaire dans Churchill Falls. Etant donné qu'ils sont prêts à se lancer dans le domaine nucléaire et à investir près de $1 milliard, est-ce que, si c'est bon pour Brinco, on doit rejeter du revers de la main quelque chose qui peut être bon pour nous, si elle est prête à investir un tel montant?

M. DE GUISE: Remarquez que le projet auquel vous faites allusion est un projet de production d'uranium enrichi.

M. LEGER: Enrichi. C'est ça.

M. DE GUISE: Disons tout de suite que je pense qu'il ne fait pas de doute dans l'opinion de la plus grande partie des ingénieurs ou des techniciens, que le nucléaire est la solution éventuelle. On viendra au nucléaire parce que nous aussi nous aurons épuisé nos ressources hydrauliques. Dans les pays qui ont déjà, comme les Etats-Unis, — on mentionnait l'Onta- rio — à s'en servir je crois personnellement que, entre le thermique et le nucléaire, ils vont à l'avenir favoriser le nucléaire.

Il y a donc positivement un marché pour de l'uranium enrichi dans les pays où l'on se sert de ce procédé. Je pense que ça peut expliquer pourquoi la compagnie Brinco s'intéresse à la fabrication d'uranium enrichi. Il est prévu dans le monde — je crois, que c'est autour des développements actuels — que vers 1980, les sources existantes d'uranium enrichi devront être augmentées. Je crois que c'est ce qui intéresse la compagnie Brinco.

M. LEGER: Maintenant, si en 1980 c'est l'énergie de l'avenir et que l'Hydro-Québec n'aurait pas, en même temps, amené...

M. DE GUISE: Un instant, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Je dis qu'en 1980 les pays qui utilisent l'uranium enrichi, comme les Etats-Unis ou beaucoup de pays d'Europe, auront besoin de sources additionnelles d'uranium enrichi. Mais pour une région comme la province de Québec où il y a des ressources hydrauliques, cette date où il y aurait de l'intérêt pour les procédés nucléaires est peut-être beaucoup plus reculée.

M. LEGER: A ce moment-là, si l'uranium enrichi est plus en demande, est-ce que l'Hydro-Québec ne sera pas un peu en arrière au niveau des processus qui seront en opération un peu partout dans le monde?

M. DE GUISE: Remarquez que tant qu'on n'est pas dans la question des armements, les procédés commerciaux s'apprennent assez vite. Il y a des échanges. Si l'Hydro-Québec, à un moment donné, décide de se lancer en nucléaire, elle n'a qu'à envoyer des ingénieurs en stage un peu partout où il se produit du nucléaire et où on en utilise.

C'est un argument, mais ce n'est pas un argument aussi prépondérant. Si vous voulez, entre sacrifier peut-être des centaines de millions de dollars en ne profitant pas de l'énergie hydro-électrique actuellement, et dépenser quelques millions de dollars pour entramer des ingénieurs quatre ou cinq ans avant la date requise. Il y a une marge assez grande.

M. LE PRESIDENT: Le député de Verchères.

M. SAINT-PIERRE: Cet après-midi on a établi que procéder au harnachement des rivières de la baie James, cela n'exclut pas que pendant cette période de dix ou douze ans...

M. JORON: Mais non, on parle de rester à la pointe du progrès avec une technologie et cela n'exclut pas la possibilitté de réaliser quelques projets de type nucléaire.

M. LEGER: C'est la question qui a amené la troisième.

M. SAINT-PIERRE: La question fondamentale c'est qu'en 1971 face à des besoins de réseaux qui ont été identifiés, il y a une décision qui doit se prendre en 1971, compte tenu du thermique et du nucléaire.

M. LEGER: D'accord, mais la dernière question que je voulais poser...

M. GIROUX: Je crois qu'on a établi une position très claire. L'Hydro-Québec n'a pas l'intention d'abandonner l'étude du nucléaire. L'Hydro-Québec n'a pas l'intention, peut-être dans cinq ou six ans, de recommencer la construction d'une usine nucléaire. On n'a jamais mentionné cette chose. Seulement, dans le moment, je ne crois pas financièrement sensé de penser nucléaire quand on a ces possibilités à la baie James. C'est l'opinion de la commission.

M. JORON: On n'en connaît pas le coût encore.

M. LE PRESIDENT: Le député d'Abitibi-Est.

M. GIROUX: Je pense qu'on peut affirmer que l'Hydro-Québec a déjà fait de l'hydraulique.

M. JORON: Pouvez-vous nous dévoiler une estimation ou un "range" seulement du coût de production de la baie James?

M. GIROUX: Je n'ai pas compris la question.

M. JORON: Un "range" de prix, un ordre de grandeur sans préciser, sans vous engager, l'ordre de grandeur de ce que serait en mills l'électricité qui pourrait sortir de la baie James.

M. GIROUX: En mills, on ne croit pas qu'il est d'intérêt public de mentionner le chiffre en mills.

M. JORON: En vertu toujours de la question des négociations...

M. GIROUX: Qu'on peut négocier.

M. JORON: ...et d'exportation. Je trouve curieux quand même quand nous, on sait le prix que cela coûte à des étrangers, il est peut-être un peu illusoire de penser qu'eux autres ne le savent pas.

M. GIROUX: Qui sait le coût?

M. JORON: Un certain nombre dont je vous donnais quelques exemples tout à l'heure.

M. GIROUX: Vous avez mentionné des rap- ports de journaux. Vous n'avez pas donné de coûts exacts. Vous êtes loin des coûts exacts. Vous avez mentionné des rapports de journaux, je peux vous en donner sept ou huit pages.

M. JORON: Est-ce qu'au moment où ConEd négociait, ou si négociations il y avait avec Brinco, Churchills Falls en 1966, ils n'avaient pas une idée fort précise de ce que serait le coût de revient à Brinco de l'électricité produite? C'est la base. Il faut se placer de l'autre côté de la table. C'est la base du gars qui s'en va négocier.

M. GIROUX: Je n'y étais pas. A ce moment-là, ce que je peux vous dire, avant de passer la parole à M. Boyd, c'est que Brinco pleure encore de ne pas avoir fait ce qu'elle aurait dû faire — pas Brinco — Consolidated Edison. Ils sont allés dans le nucléaire plutôt que d'obtenir de l'énergie de Churchill Falls.

M. LE PRESIDENT: Le député d'Abitibi-Est.

M. BOURASSA: Je pense qu'il est important d'écouter les questions d'un député de l'Abitibi qui est proche de la région de la baie James.

M. TETRAULT: Merci, M. le Président, je vais changer complètement le dialogue. Je vais entreprendre un autre sujet. Dans le territoire de la baie James, est-ce que vous n'auriez pas un certain territoire à récupérer d'autres personnes, d'autres gouvernements pour l'aménagement du projet de la baie James?

M. GIROUX: En autant qu'on sache, je pense qu'il appartient à la province à part la question des Indiens, les réserves indiennes...

M. BOURASSA: Les Indiens.

M. TETRAULT: Est-ce que vous n'auriez pas une récupération de territoires à faire?

M. BOURASSA: Avec les Indiens?

M. TETRAULT: Non. Globalement, dans tous les domaines. Pas strictement les indiens.

M. BOURASSA: C'est territoire québécois, la baie James. Quant aux Indiens, on va discuter avec eux, je ne crois pas que les Indiens fassent obstacle au développement de la baie James. J'ai rencontré M. Gros-Louis, il y a quelques mois. Le ministre des Richesses naturelles l'a également rencontré.

M. TETRAULT: Est-ce qu'il n'y a pas eu des concessions de territoires faites dans le projet de la baie James, où cela va être ouvert précisément?

M. BOURASSA: Des concessions à qui?

M. TETRAULT: A d'autres parties avec qui la province de Québec aurait fait une entente.

M. BOURASSA: Non. A quoi référez-vous exactement? Je m'excuse; mais si vous pouviez être un peu plus précis. Il y a eu la question des terrains qui a été... le ballon a été facilement... Pardon?

UNE VOIX: La concession...

M. BOURASSA: Mais de quoi parle-t-on là? De quelles concessions parle-t-on?

M. ROY (Beauce): Voici, je pourrais peut-être préciser, si le député d'Abitibi-Est me le permet, est-ce qu'au point de vue militaire, par exemple, à la suite de la dernière guerre, je pense que la question... je me souviens d'avoir lu quelque chose, d'avoir entendu dire quelque chose...

M. BOURASSA: Celle de 1940 ou celle de 1914?

M. ROY (Beauce): Ce n'est certainement pas celle de 1760.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce doit être du temps de la guerre des Boers.

M. ROY (Beauce): Ce que je veux dire, c'est ceci. Concernant les ententes militaires qui avaient été faites parce que... Il n'y a pas de bases militaires ou des droits que les Américains auraient, des caches ou quelque chose comme ça, au sujet desquelles le gouvernement serait obligé de négocier, soit avec l'Angleterre, soit avec les Etats-Unis pour être capable d'avoir des droits exclusifs. Il y aurait certaines ententes pour les droits de passage ou les droits d'installation ou autres.

M. BOURASSA: C'est la première nouvelle que j'ai que des droits ou des contrats, des ententes ou des concessions pourraient constituer un obstacle pour le gouvernement, dans le développement de la baie James. Je ne sais pas si les responsables de l'Hydro ont eu vent qu'il y aurait eu des ententes avec... Est-ce que vous parlez de la ligne Dew? De quoi parlez-vous exactement?

M. ROY (Beauce): De tout cela en même temps.

M. BOURASSA: Vous êtes tellement vague que...

M. ROY (Beauce): Je comprends que c'est vague, mais il demeure que le gouvernement...

M. BOURASSA: Etes-vous, pour ou contre, le projet de la baie James?

M. ROY (Beauce): On est pour le projet de la baie James, mais à une condition. Que ce soit profitable pour les Québécois.

M. BOURASSA: Cela...

M. ROY (Beauce): On a posé une question. On pourra peut-être nous accuser d'imprécision. Mais nous savons que le gouvernement est très bien documenté. Le gouvernement a tout en main, toutes les ententes qui auraient pu être signées, les ententes qui auraient pu intervenir de part et d'autre ou des ententes verbales ou ailleurs. S'il n'y en a pas, que le gouvernement nous dise: Il n'y en a pas. S'il y en a, nous aimerions savoir quelle sera l'attitude du gouvernement de quelle façon le gouvernement pourra remédier ou corriger la situation.

M. BOURASSA: J'ai répondu au député que, évidemment, le chef du gouvernement ne peut pas être au courant absolument de tout ce qui se passe. Mais jamais, depuis un an et quelques jours, la question qui vient de m'être posée, n'a été soulevée à l'attention du chef du gouvernement. Je ne sais pas si les responsables de l'Hydro ont eu connaissance que des ententes pourraient nuire au développement de la baie James, des ententes touchant des concessions militaires.

M. GIROUX: Je ne crois pas. Est-ce qu'on veut parler de quelque chose, comme le "Dew Line"? Il peut y avoir des postes dans le territoire. A ce moment-là, c'est un peu comme s'il y avait des propriétés. Cela s'exproprie. Je ne connais pas de... Enfin, à l'Hydro, on ne connaît pas d'ententes. Le fond de terrain de la province de Québec, on prétend que cela appartient à la couronne.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.

M. LAURIN: Si je regarde votre rapport de l'Hydro, où on dit qu'on produira 5.3 millions de kilowatts pour une somme de $3.5 milliards, en faisant le calcul, on arrive à un coût d'immobilisation de $672 pour l'installation d'un kilowatt. N'est-ce pas? C'est assez juste? Ceci ne comprend pas le coût des lignes de transmission. Donc, il faut ajouter quelque chose pour les lignes de transmission. De quel ordre, à peu près?

M. BOYD: $600 millions.

M. LAURIN: $680 millions?

M. BOYD: $600 millions au total du projet.

M. LAURIN: D'accord. Dans votre rapport, vous dites aussi que pour les centrales américaines, le coût d'immobilisation, pour la fabrication d'un kilowatt, est de $225. Même si l'on tient compte des explications données par M. De Guise qu'il faut ajouter les frais du combustible qui sont plus élevés dans le cas des

centrales américaines, c'est quand même une grosse différence.

M. GIROUX: Je ne sais pas où vous prenez vos $225.

M. LAURIN: C'est dans votre rapport. M. SAINT-PIERRE: ... comprendre.

M. LAURIN: Je sais, mais quand même, c'est une donnée de base quand on dit que le coût d'installation...

M. SAINT-PIERRE: J'aimerais qu'on compare des oranges avec des oranges. On parle de coût d'installation.

M. LAURIN: Je vais continuer. C'est juste une base de départ. C'est simplement pour faire remarquer qu'au départ, il y a quand même une grosse différence.

M. SAINT-PIERRE: On parle de coût pour quelque chose qui sera installé en 1978. Vous citez des chiffres pour 1968.

M. LAURIN: Dans votre rapport, M. Giroux, vous dites...

M. GIROUX: De quel rapport vous servez-vous?

M. LAURIN: Le rapport brun. Le rapport intérimaire que vous avez présentement.

M. GIROUX: A la page 25?

M. LAURIN: C'est cela. Les centrales nucléaires subissent aussi les effets de l'inflation. Le coût des centrales américaines qui se situe actuellement aux environs de $225 par kilowatt, peut-être évalué à $350 par kilowatt vers 1980. Cela est une donnée de départ, n'est-ce pas?

M. GIROUX: C'est une donnée.

M. LAURIN: Vous dites dans votre rapport que cela coûtera plus cher, au fur et à mesure que les années passeront. Vous connaissez probablement, M. Boyd, M. De Guise et vous, le docteur Paskievici qui est le chef de la division du génie nucléaire de Polytechnique.

Dans un article qu'il écrivait il y a moins de deux ans, ce professeur disait à la page 6 que l'avènement de l'énergie d'origine nucléaire n'est pas seulement...

M. BOURASSA: M. le Président, quelle est la référence? Il parle d'un article...

M. LAURIN: C'est un article présenté... M. SAINT-PIERRE: Pas contesté.

M. LAURIN: C'est une communication présentée à l'ACFAS le 8 novembre 1969 par le Dr Paskievici, chef de la division de génie nucléaire à Polytechnique.

M. BOURASSA: Le 8 novembre 1969, ça fait un petit moment.

M. LAURIN: Cela ne fait même pas encore deux ans!

M. BOURASSA: Cela ne fait rien, depuis ce temps, il est arrivé...

M. LAURIN : De toute façon, je vais essayer de tempérer mes affirmations, mais laissez-moi quand même continuer.

M. BOURASSA: Avec plaisir.

M. LAURIN: Donc, M. Giroux, vous dites que ça va coûter plus cher en 1980. M. Paskievici dit à la page 10 que l'avènement de l'énergie d'origine nucléaire n'est pas seulement dû à l'épuisement progressif des ressources traditionnelles d'énergie, mais aussi au fait qu'elle coûte moins cher et qu'elle coûtera de moins en moins cher. Je cite un peu plus loin: "La diminution du coût de l'énergie nucléaire est plus marquée que celle du coût des autres sources d'énergie, de sorte que l'on estime généralement qu'à partir de 1980 pratiquement toutes les nouvelles centrales commandées seront du type nucléaire. Aux USA en 1967, le coût moyen de production d'électricité était de 8 mills, on peut donc s'attendre à ce que ça diminue". La preuve est d'ailleurs dans les chiffres que vous donnait le député de Gouin tout à l'heure quand il disait que dans la plupart des centrales — ainsi que j'aurai l'occasion d'en parler tout à l'heure — le coût d'immobilisation avait tendance à diminuer.

M. GIROUX: Parlez-en donc tout de suite, donnez les chiffres.

M. LAURIN: C'est un article de M. Steigelman qui a paru dans "The Outlook for nuclear power, station capital cost, winter 1969-70", volume 13, no 1.

M. BOURASSA: Quel mois dites-vous? Winter?

M. LAURIN: Ah bien ça!

M. BOURASSA: D'accord, winter, ça fait deux ans.

M. LAURIN: Et, dans le "unit capital cost", on donne la liste d'à peu près une trentaine de centrales et le coût d'investissement initial requis pour la production d'un kilowatt; tous les chiffres se situent entre un maximum de 205 et un minimum de 130. Ce qui semblerait prouver...

M. GIROUX: Des hypothèses.

M. LAURIN: Bien, des hypothèses...

M. GIROUX: Des hypothèses de professeurs.

M. LAURIN: J'en suis, sauf qu'il n'est pas dit, dans l'article cité ici, "Reactor Technology", que M. Steigelman soit un professeur. C'est une pièce qu'il faut verser au dossier.

M. PICARD: Elle est définitivement au dossier.

M. JORON: C'est une centrale qui entre en exploitation entre 1971 et 1977.

M. GIROUX: Pour ce qui est de ces chiffres je suis très respectueux de toutes ces gens, des gens qui font des estimations et qui, malgré le coût vont entrer en construction. C'est le système "Nuclear versus fossil fuel generation". M. De Guise est plus familier avec ces choses-là. C'est une corporation qui fonctionne. Ce n'est pas hypothétique, ce n'est pas une étude.

M. LAURIN: Il n'y en a pas beaucoup qui fonctionnent.

M. GIROUX: C'en est une.

M. DE GUISE: Est-ce que je peux procéder?

M. LE PRESIDENT: D'accord.

M. DE GUISE: Cela a peut-être de l'intérêt. J'ai ici des données qui nous viennent de North East Utilities, entreprise qui opère dans la région de Boston-Holyoke. En passant, ce sont peut-être des clients éventuels, ce sont des gens qui s'intéressent à l'énergie de la province de Québec. Ils ont fait une étude pour leur propre information, en vue de leur propre décision, entre le fossile et le nucléaire. Ce sont les deux seules solutions qui s'offraient.

Pour montrer l'évolution: en 1965, en faisant la comparaison du fossile et du nucléaire chez eux, ils estimaient à 4.6 mills l'énergie thermique de l'huile qu'on appelle fossile et à 4,24 mills le nucléaire. La même compagnie continue ses estimations un peu plus loin pour quelque chose qui arriverait en 1970. En 1970, le coût de production passe à 6.3 pour le thermique à l'huile et à 6.01 pour le nucléaire. Dans une estimation pour 1978 — c'est un rapport qui a été fait en 1970 — évalue le coût de production à 11 mills — mais il faut faire bien attention, comme je vous le disais tout à l'heure, à ce que l'estimation contient — et cela à un facteur d'utilisation de 65 p. c.

M. JORON: Des unités de quelle grosseur? M. DE GUISE: De 1,000 mégawatts. En thermique, 11 mills; en nucléaire à 9.85. La même compagnie projette plus loin pour 1984.

Elle évalue à 13.10 mills pour le thermique à l'huile et à 13.70 mills pour le nucléaire. Maintenant, il y a d'autres considérations.

M. LAURIN: Oui, ça c'est une compagnie comme je le disais tout à l'heure. J'en ai une autre qui vient de février 1971 et qui a paru dans le "Nuclear News". Les chiffres sont tirés de Edison Electric Institute Report of the IIA Assesment Panel, New York. Dans ce rapport, nous voyons que pour 1975 le coût total prévu est de 6 à 7 p. c, pour 1980, le coût pour le LWR se situerait entre 4.7 p. c. et 5.5 p. c. et le HTGR entre 4 et 4.8 p. c. Cela a paru dans le "Nuclear News". C'est le coût en mills, le coût de revient. C'est l'eau naturelle ou l'eau lourde.

M. DE GUISE: Cela revient à plus que ce que je disais tout à l'heure. Lorsqu'on obtient des chiffres, je ne suis pas prêt à dire que c'est la bible mais peut-être pas ce que vous avez non plus à moins d'avoir une analyse absolument détaillée où l'on couvre une multitude de facteurs.

M. LAURIN: M. De Guise, j'ai aussi un autre rapport qui vient d'un cours qui est donné en polytechnique actuellement à la division de génie nucléaire et qui essaie de rassembler les données qui sont éparpillées ce soir. Dans ce cours, on dit que le coût en énergie en mills par kilowatt des centrales nucléaires actuellement se situe autour de 5.2 p. c, et de 5.9 p. c. avec un coût de construction en kilowatts qui varie entre 150 et 250 et le coût capital variant entre 3 et 5. L'exploitation et l'entretien restant passablement stables entre 0.4 p. c. et 0.5 p. c, le combustible variant entre 1.5 p. c. et 1.9 p. c.

M. DE GUISE: Si vous me permettez, tout de suite à la lecture de ce que vous me donnez, d'abord est-ce les coûts actuels et peut-on les comparer à la baie James?

M. LAURIN: Ce sont les coûts pour 1970 pour des tranches de mille mégawatts.

M. DE GUISE: Vous voyez tout de suite qu'il faut ajouter au moins huit ans d'escalation à 4 ou 5 p. c. si vous voulez vous rendre à...

M. LAURIN: C'est évident que cela va prendre sept ans à bâtir une centrale nucléaire comme cela va vous prendre six ou sept ans à bâtir une centrale hydro-électrique. Je sais que le coût varie moins pour l'hydro-électricité. Vous remarquerez que l'on part d'un coût d'investissement au départ beaucoup plus faible que les $672 dont je parlais tout à l'heure pour la baie James auquel il faut ajouter également le coût des lignes de transmission.

M. DE GUISE: Si j'en reviens à l'exemple que vous me donnez. Il y a d'abord la correction d'escalation, huit ans à 5 p. c. plus ou moins à intérêt composé cela fait peut-être 40 ou 45 p. c...

M. LAURIN: C'est une présomption quand même. On peut avoir un progrès technologique dans le sens positif et pas uniquement négatif.

M. DE GUISE: Oui, un miracle.

M. LAURIN: Il y a également un autre facteur. Quand les médecins ont commencé à donner de la pénicilline, c'était $40 les 250cc, maintenant c'est $0.60. C'est entendu qu'à force de travailleur sur un sujet, le coût va diminuer.

Pourquoi prévoir que cela va toujours être pire quand il y a tellement de chercheurs qui travaillent là-dessus?

M. BOURASSA: On a dit, cet après-midi,... M. LAURIN: Ne changez pas de sujet.

M. BOURASSA: C'est dans le sujet, M. le Président, s'il y avait un "break through", s'il y avait une trouée dans les...

M. LE PRESIDENT: Vous pourrez faire vos commentaires après.

M. LAURIN: J'ai une autre étude...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. le Premier ministre a quelques mots...

M. LAURIN: S'il a un commentaire à faire, il pourra le faire après, d'autant plus que c'est à ces messieurs que je pose la question.

Pour 1980, pour des études faites par Laing. Laing est un nom fameux dans le domaine, vous le connaissez autant que moi. On s'attend à un coût de production de l'ordre de 2.5 mills par kilowatt tandis qu'en l'an 2,000 le coût pourrait bien descendre à 1.5 mill. Justement, ces gens prévoient que le progrès technologique peut aller vers une diminution plutôt que vers une augmentation des coûts.

Je ne dis pas que c'est vrai. Je dis simplement que c'est une donnée dont il faut tenir compte.

M. DE GUISE: Ce n'est pas impossible. Mais, on demeure devant la réalité que depuis 1964 où il a commencé à y avoir du nucléaire en quantité l'escalade des prix est passée de $150 ou $160 le kilowatt à $300 ou $350. On parle de $400 pour la fin de 1970. Il faut tout de même admettre que malgré toutes les expectatives, le prix a plus que doublé et il semble que cela va tripler d'ici à 1980, à moins qu'il y ait une découverte un peu sensationnelle.

M. SAINT-PIERRE: C'est peut-être un des types qui a visité M. Giroux à son bureau.

M. LAURIN: Peut-être, je ne sais pas.

M. GIROUX: Ce sont des gens qui sont venus me voir avec des données de chez Laing. Alors, les données de chez Laing sont des données publiques, les gens sont retournés mais ne sont jamais revenus. Il y a une différence entre garantir un prix sur une chose qui est hypothétique comme le nucléaire, et s'attendre à ce que ça coûte tant. Quand vous serez engagé dans ce programme-là, et que vous aurez dépensé $500 millions, et qu'il n'y aura pas de jus, les autres $500 millions, vous serez bien obligé de le dépenser.

M. JORON: Ce n'est pas que je veuille prouver que vous devriez construire du nucléaire, c'est simplement que je veux dire qu'il y a des études diverses qui nous donnent une idée des coûts...

M. GIROUX: Il y a des coûts...

M. JORON: ... qui ne sont peut-être pas aussi pessimistes...

M. GIROUX: Non, ce n'est peut-être pas aussi pessimiste. Mais seulement j'en ai bien vu jusqu'à maintenant, et je suis le type le plus ouvert pour considérer quelque proposition que ce soit. Seulement, c'est un peu comme dans mon métier depuis 25 ou 30 ans, il y a toujours quelqu'un qui vient, vous offrir $200 millions pour la province et c'est toujours à 6 p. c. quand le marché est à 8 p. c.

M. LAURIN: Mais, devant ces chiffres-là...

M. GIROUX: Alors, ces choses-là, je veux les voir, je veux...

M. LAURIN: Devant ces chiffres-là, est-ce que ça ne montre pas la nécessité d'études aussi approfondies que celles que vous menez depuis 1964 sur le projet de la Baie James?

M. GIROUX: Je suis bien prêt à ce qu'on fasse des études approfondies, mais je veux que les autres les fassent, que les autres fassent les dépenses.

M. LAURIN: Mais pourquoi pas vous?

M. GIROUX: Pourquoi le dépenser, nous? On va faire des études coûteuses, le temps va s'écouler, et si ça ne marche pas, on n'a rien de positif là-dedans. C'est ça qu'il faut comprendre. Si on avait quelque chose de positif, dans le fond, au Canada, parce qu'après tout il faut parler du Canada, le seul projet qui n'a pas eu de grandes difficultés en partant, c'est notre petite usine, notre projet-pilote, de Gentilly.

M. LAURIN: C'est un projet-pilote.

M. JORON: Pendant que les études se font, faites la Moisie et le Bas Saint-Maurice, ça vous donne deux ans de répit.

M. GIROUX: Ecoutez, c'est des choses qui coûtent excessivement cher. Si l'on suivait cette politique-là avec des données comme vous les énoncez, je crois que je retirerais carrément la possibilité de financer toute l'affaire, parce que je ne suis plus capable d'aller vendre un financement aussi grand que ça sur des hypothèses.

Si on prend une compagnie comme North East qui s'en va là-dedans, qui a tous ces gens à sa disposition, est-ce qu'elle est prête à acheter des choses à des prix assez sensationnels parce que c'est ces prix-là qu'ils nous ont envoyés? Vous voulez que ces gens-là soient intéressés à acheter l'énergie de nous à des prix qui peuvent battre leurs données, et qui vont pouvoir faire les 1/6 mills? Voyons! Je crois que ce sont des gens d'affaires qui sont plus sérieux que ça.

M. JORON: Pour en revenir à ce que l'on disait cet après-midi.

M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'ai nettement l'impression que le problème est actuellement mal posé, et qu'on se livre à des exercices académiques, des exercices d'école...

M. JORON: On va faire des exercices de stylistique à la place.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): En citant des chiffres d'experts, de prétendus experts et patati et patata. Le problème doit se ramener à des dimensions réalistes, pratiques. Nous avons en face de nous M. le président de l'Hydro-Québec et ses collaborateurs qui ont quand même les pieds sur la terre, c'est le cas de le dire. Même s'ils installent des choses en l'air, ils ont les pieds sur la terre. Alors, la question pour nous, en tant que membres de la commission, c'est de savoir, et je crois que M. le président de l'Hydro-Québec y a répondu cet après-midi, c'est de savoir si, dans l'état actuel de la recherche, il est plus avantageux pour le Québec, selon les recommandations et rapports de l'Hydro-Québec, de procéder à des aménagements hydro-électriques plutôt que de se lancer dans le domaine de l'énergie nucléaire dont on ne sait pas encore quels pourront être les coûts, et la preuve en est, la preuve nous en est administrée justement par l'avis très partagé des experts qu'on cite et qu'on appelle à la barre comme des témoins infaillibles. Alors, je répète la question que je posais cet après-midi à M. le président de l'Hydro-Québec:

Compte tenu des hypothèses concernant les coûts dans le domaine de l'énergie nucléaire, compte tenu des recherches qui ont été faites en ce qui concerne les aménagements de la baie James, compte tenu d'autre part, des besoins du Québec en matière d'électricité d'ici 1982, est-ce que le président de l'Hydro-Québec peut nous dire encore une fois que la meilleure solution dans les circonstances, c'est de procéder à des aménagements hydro-électriques, sous toutes réserves évidemment que l'Hydro-Québec poursuive ses recherches dans le domaine de l'énergie nucléaire en collaboration avec tous les organismes et tous les pays qui jusqu'à présent ont poursuivi des recherches qui ne semblent pas avoir donné les résultats dont certains experts nous disent qu'ils sont miraculeux? Je crois que c'est ramener le problème à ses dimensions exactes, puisque la commission ne peut pas passer tout son temps à étudier des documents, des communications de professeurs à des sociétés savantes etc.. des éditoriaux de journaux, alors j'aimerais que le président de l'Hydro-Québec nous résume cette affaire dans les termes que j'ai posés.

M. LAURIN: M. Tremblay, est-ce que je pourrais vous poser une question après?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, vous pouvez me poser une question.

M. LAURIN: Mais si les études sur le nucléaire avaient été aussi fouillées, complètes et documentées que les études sur la baie James, on n'aurait pas été obligé de présenter ce...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, voici, M. le Président, à la question du député de Bourget, je répondrai ceci: Monsieur le président de l'Hydro-Québec, cet après-midi, nous a indiqué de façon très nette qu'ils ont poursuivi des recherches dans le domaine de l'énergie nucléaire, ils ont examiné...

M. LAURIN : Non, je n'ai pas dit cela.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Un instant, ne vous excitez pas, vous n'êtes pas à la télévision.

UNE VOIX: C'est une affirmation gratuite.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On a poursuivi des recherches dans le domaine et on a examiné les coûts comparatifs...

M. LAURIN: Les informations, pas les coûts.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ...et les conclusions auxquelles l'Hydro-Québec en est arrivée sont dans le sens des propositions que nous a faites cet après-midi M. Giroux, le président de l'Hydro-Québec. Je lui demande encore une

fois de nous dire, si en toute sécurité, compte tenu de l'état de la recherche actuelle, le Québec est mieux de s'engager dans des aménagements hydro-électriques à la baie James plutôt que de se lancer dans une aventure qui serait un inventaire des possibilités de l'énergie nucléaire.

M. SAINT-PIERRE: Pareille aventure pourrait nous amener à nous éclairer à la chandelle !

M. JORON: On pourrait sauver trois milliards...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On abordera le problème de l'investissement, on l'abordera d'une autre façon.

M. GIROUX: Avant d'entrer dans ce domaine, je crois qu'il y a certains éclaircissements que M. Boyd pourrait apporter sur cette partie-là.

M. BOYD: M. le Président, M. De Guise tout à l'heure, a mentionné le rapport de l'étude faite par Northeast Utilities, on a dit c'est une entreprise, je voudrais ajouter quelque chose d'assez important sur cela. Premièrement, cette étude a été corroborée par une autre compagnie qui s'appelle Niagara Mohawk qui avait, elle, fait des études en coopération avec Stone & Webster, une des plus grosses firmes aux Etats-Unis en génie conseil et avec Jackson & Moreland Division of United Engineers & Constructors — Pour ceux qui sont dans ce domaine, on sait ce que cela veut dire — et par Bechtel Corporation et l'étude est intitulée: Trends in the costs of Light Water Reactor Power Plants for Utilities, dated May 1970. Ce ne sont pas les chiffres dont parlait M. De Guise tout à l'heure, ce n'est pas l'histoire d'une entreprise, c'est l'histoire d'une étude complète faite sur le problème aux Etats-Unis. Vous parlez de prix de 160, de 180, de 120 et toutes sortes de choses semblables. Nous, on a eu des offres, ici même au Québec, d'Atomic Energy qui sont loin d'être cela. Ils ont fait des offres également qui sont connues du public pour vendre une centrale nucléaire en Australie. Si vous voulez, vous pouvez obtenir ce prix-là et c'est un prix établi pour une centrale qui sera en opération dans quelques années, donc sans exagération... après 1975...

M. LAURIN: Le système Candu qui est plus cher que le système américain.

M. BOYD: Il est plus cher d'investissement, mais beaucoup moins cher d'exploitation.

Pour l'uranium enrichi, vous savez, qu'il faut investir $1 milliard, pour produire, en 1980, moins d'uranium enrichi annuellement qu'il n'en faut actuellement. Le coût de l'uranium enrichi est très élevé dans le coût du combustible. Donc le coût d'exploitation est aussi élevé que celui du système canadien. Seulement, le problème du système canadien c'est l'eau lourde qu'on ne trouve pas. Au point de vue des investissements, j'ai toute confiance dans cette étude qu'a mentionnée M. De Guise. Je voulais simplement ajouter que c'était un ensemble de compagnies, d'ingénieurs-conseils, de constructeurs et de plusieurs compagnies, opérant aux Etats-Unis.

M. LE PRESIDENT: Le député de L'Assomption.

M. PERREAULT: M. le Président, vous êtes accompagné du directeur général de la construction. Pourrait-on savoir, sur le projet de la baie James, quelle serait la masse salariale qui serait payée dans le projet ainsi que la retombée industrielle dans la province de Québec, comparée, par exemple, à un projet thermique?

M. LAURIN: M. le Président, j'aurais une autre question sur la comparaison nucléaire. Je ne sais pas si vous voulez qu'on élimine ça avant.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, si vous me permettez...

M. GIROUX: M. le Président, je pense que c'est M. le député de Chicoutimi, M. le député de l'Assomption.

M. PERREAULT: D'accord, on y reviendra.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai posé une question tout à l'heure, M. Giroux. Maintenant, j'aimerais y ajouter ceci: Vous avez dit que, compte tenu avec ce que vous savez actuellement sur l'énergie nucléaire, vous vous engageriez dans le projet de la baie James. Vous avez bien dit cet après-midi, toutefois, que cela méritera d'être reconsidéré le cas échéant.

M. GIROUX: Absolument. La commission a étudié très sérieusement toutes les possibilités et tous les problèmes qui existaient dans des compagnies en exploitation. Alors, on aime mieux se fier à une compagnie en exploitation qui nous dit : Voici nos problèmes et voici notre coût. De l'autre côté, nous avons les études et le consensus fait par les deux plus grandes maisons qui construisent et qui font le génie de ces choses et qui arrivent à un prix de tant. Devant ces faits, nous recommandons au gouvernement, nous avons recommandé au gouvernement et nous ne changerons absolument pas d'idée, d'annoncer le programme de la baie James. Si, dans deux, trois, quatre ou cinq ans, il se faisait une percée dans les procédés, à ce moment, nos conseils, des maisons comme Stone & Webster, écriraient pour dire: définitivement, nous sommes positifs que maintenant ça se fait pour tel prix. Nous avons des offres. Définitivement, on recommanderait au gouver-

nement de procéder. On recommanderait de terminer le premier tronçon de la baie James, parce qu'il y a une dépense capitale qui, automatiquement avec l'hydraulique, avec le nombre d'années, s'amortit.

Le problème est très simple. Seulement, d'ici à ce que ça arrive, comme les gens disent: "Let's pray".

M. LE PRESIDENT: Le député d'Abitibi-Est avait demandé la parole.

M. TETRAULT: M. le Président, mes premières questions s'adressent au Premier ministre. Il avait été question de former une régie qui...

M. BOURASSA: Je ne sais pas. Je ne veux pas interrompre le député, mais il faudrait peut-être vider la question du nucléaire. Je ne sais pas si le député...

M. TETRAULT: Vous voulez vider le nucléaire encore?

M. BOURASSA: Combien est-ce que vous en avez des questions sur le nucléaire?

M. LAURIN: J'en ai encore quelques unes.

M. BOURASSA: Mais, est-ce qu'il y aurait moyen de les rassembler. Il y a le député de l'Abitibi — c'est sa région —, il y a le chef de l'Opposition, le député de Chicoutimi... Si on passe six heures.

M. BERTRAND: Je préfère, quant à moi, qu'on épuise le sujet d'assurer l'approvisionnement en énergie.

M. LEGER: S'il y a de la pression.

M. BOURASSA: Non, il n'y a pas de pression, M. le Président. On a accepté de siéger ce soir. On aurait pu ajourner sine die à 6 heures si on avait voulu. C'est nous, le gouvernement.

M. LAURIN: M. Giroux et M. Boyd, vous êtes probablement au courant, aussi, que le Baltimore Gas & Electric Company est en train de construire dans la baie de Chasepeake, deux réacteurs de 1,750,000 kilowatts, au coût de construction de $398 millions, et où l'estimation du coût de revient est de 6.6 mills. Il y a une autre chose aussi...

M. GIROUX: Eux, ils ont acheté ce qu'un gars est venu nous offrir.

M. LAURIN: Ils les construisent eux-mêmes.

M. GIROUX: Que ce soit eux-mêmes qui construisent, les augmentations sont les mêmes. Il n'y a rien qui leur garantit qu'ils vont le faire pour ce prix-là.

M. LAURIN: Dans le Canada Nucléaire de septembre 1970, on parlait aussi, on donnait un rapport sur la revue des options de l'Hydro-Québec et d'autres hydros des autres provinces et on disait en particulier en ce qui concerne le Québec que M. De Guise admettait qu'il faudra ajouter au réseau une production thermique, nucléaire ou classique à raison de 1,000 mégawatts par année à compter de 1978. Je voulais demander à M. De Guise s'il avait changé d'idée là-dessus et quelles sont les raisons qui lui ont fait changer d'idée, au cas où il aurait changé d'idée.

M. DE GUISE: J'aimerais vous dire qu'on ne m'a pas consulté lorsqu'on a écrit cet article.

M. LESSARD: Cela règle la question. M. LEGER: Etes-vous d'accord ou pas?

M. LAURIN: Dans un autre article du Nuclear Engineering International où l'on donne brièvement la liste de tous les projets qui sont soit en construction ou qui sont sur la planche à dessin, on disait — cela est daté de septembre 1970 — qu'en septembre 1970 aux Etats-Unis il y avait des projets pour 76 millions de kilowatts, avec 107 réacteurs. En Grande-Bretagne, 13 millions de kilowatts avec 42 réacteurs. En Union soviétique 29 réacteurs avec 8,800 mégawatts. En Allemagne aussi, au Japon, en Suède. Au Japon, on disait dans un autre article que je pourrais vous citer, qu'à partir de la fin du siècle, 50 p. c. de toute l'énergie sera de type nucléaire. Je voulais vous demander comment il se fait dans ces perspectives-là que nous, au Québec, nous soyons les seuls à avoir le pas, c'est-à-dire que tous les autres semblent se diriger massivement vers le nucléaire et que nous, nous semblons les seuls à avoir raison, à ne pas nous lancer d'une façon prudente, bien sûr, mais dynamique, quand même, dans une direction qui semble recueillir l'adhésion de presque tous les pays civilisés, de tous les pays à haute technologie?

M. BOURASSA: Non.

M. LAURIN: Non. J'ai cité justement M. Paskievici, tout à l'heure, qui disait que ce n'est pas la seule raison, c'est simplement parce que c'est la technologie de l'avenir. D'une part, on parlera des effets de l'entraînement tout à l'heure pour le nucléaire, qui sont aussi abondants que pour l'hydraulique, sinon plus, on verra.

M. BOURASSA: On verra!

M. LAURIN: Et, deuxièmement, parce que c'est moins cher. Troisièmement, parce qu'on peut s'attendre à des diminutions de coûts au fur et à mesure que les années vont venir. Comment se fait-il que nous soyons les seuls à

négliger cette direction ou à ne pas faire tous les efforts qu'il faudrait pour explorer à fond les possibilités dans ce domaine?

M. GIROUX: On ne les néglige pas du tout. Je n'aime pas l'accusation.

M. LAURIN: Ce n'est pas une accusation, c'est une constatation.

M. GIROUX: On ne les néglige pas du tout.

M. DE GUISE: Si vous me le permettez, M. le Président, en acceptant l'hypothèse que nous voulions faire du nucléaire immédiatement. Examinons le procédé canadien. Je pense que tout le monde va se rallier à l'opinion qu'actuellement il n'y a aucune expérience valable d'une part — il n'y a pas d'usine qui fonctionne autrement dit avec du nucléaire canadien — et d'autre part, il n'y a pas d'eau lourde. Les engagements des centrales de l'Hydro-Ontario et d'ailleurs, absorbent la production d'eau lourde à venir pour des usines qui ne sont pas en fonctionnement jusqu'à 1975 ou 1976. Je pense que seulement avec ces deux articles, nous sommes obligés de dire qu'avec le procédé canadien, on ne peut pas se lancer pour faire 5 millions de kilowatts en nucléaire canadien immédiatement.

M. LAURIN: Enfin, les étapes ne seraient pas de faire tout de suite 5 millions de kilowatts. On ferait comme les autres pays. On commencerait par des centrales de 500 mégawatts, couplées par deux ou couplées par quatre, puis 750, et 1,000. On suivrait la filière comme tout le monde.

M. DE GUISE: Si on revient aux chiffres qui nous ont été remis, il nous en faut en 1978, pour 1,300 millions garantis. Donc, 1,600 ou 1,700 millions installés.

M. LAURIN: Encore une fois, cela ne préjuge en rien de la continuation d'une tranche du projet de la baie James comme le disait M. Giroux.

Je n'ai jamais prétendu cela non plus.

M. BOURASSA: Est-ce que vous proposez le nucléaire à la place de la baie James? Oui ou non.

M. LAURIN: Je le propose, et ça deviendra évident au fur et à mesure que les séances de la commission progresseront.

M. BOURASSA: J'aimerais clarifier...

M. LAURIN : Je propose une diversification, c'est-à-dire ne pas mettre tous nos oeufs dans le même panier.

M. BOURASSA: C'est exactement ce que l'Hydro fait. Le président a dit que le nucléaire n'était pas éliminé.

M. LAURIN: Ce sont seulement des informations qu'on nous a données. Il reste ouvert théoriquement.

M. BOURASSA: Non, non!

M. LAURIN: Mais il n'y a pas d'étude précise documentée de centrales...

M.BOURASSA: Le président de l'Hydro-Québec a dit que ce n'était pas éliminé.

M. LAURIN: M. le Premier ministre, la lettre du président de l'IREQ est datée du 5 mai. J'aurais préféré qu'elle soit datée de 1969 ou 1968.

M. BOURASSA: Pourquoi?

M. LAURIN: Cela montrerait que les études étaient en cours et qu'on se préparait à mettre sur pied un autre projet pilote ou un projet...

M. BOURASSA: Est-ce que vous contestez la bonne foi de M. Boulet?

M. LAURIN: Non, pas du tout! Est-ce qu'on peut penser que tous ces pays que je viens de vous citer s'orientent dans la mauvaise direction?

M. BOURASSA : Ce n'est pas la question. C'est peut-être parce qu'ils n'ont pas les ressources qu'on a ici au Québec dans plusieurs cas.

M. LAURIN: Absolument pas. Ils le font pour les raisons que j'ai déjà mentionnées.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le député de Bourget me permettrait une question?

M. LAURIN: Bien sûr, bien sûr!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le député de Bourget pourrait nous donner scientifiquement, de façon claire, nette, la preuve...

M. LAURIN: Non! Je ne pourrais pas.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... qu'il serait plus avantageux d'aller dans le sens du développement nucléaire.

M. LAURIN: Non! Je ne peux pas vous en donner la preuve. Simplement, ce que je dis — je ne suis pas un spécialiste — c'est que sur la base des études que nous avons été obligés de faire, il y a une hypothèse de travail différente qui se dégage et qui pourrait nous faire envisager une diversification de sources de production entre l'hydroélectrique, entre le thermique et le

nucléaire, qui aurait pu faire l'objet d'études aussi fouillées, documentées, que le projet de la baie James qui est à l'étude aujourd'hui. C'est simplement cette hypothèse que j'aimerais que la commission envisage et qu'on puisse peut-être recommander d'étudier, mais cette fois-là, d'une façon précise sur les planches à dessin, au lieu de recueillir simplement des renseignements comme on le fait — l'Hydro le fait, nous le faisons — et qu'on lance comme cela dans la conversation. Ce n'est pas suffisant.

M. BOURASSA: C'est plus que des renseignements. Ce sont des résultats pratiques.

M. LAURIN: Non, non!

M. SAINT-PIERRE: C'est dans le développement, dans la recherche, qu'on se lance.

M. LAURIN: On sait que la construction d'une usine nucléaire prend autant de temps que le projet de la baie James et on disait dans cet article dont je ne vous ai pas cité la fin que si on veut être à temps, en même temps que les autres pays civilisés, il faudrait commencer le début d'un projet, six ans ou sept ans avant, de la même façon qu'on a fait pour la baie James. C'est tout ce que je veux dire.

M. SAINT-PIERRE: Le président de l'Hydro...

M. LAURIN: Mais simplement, je suis obligé de constater que des études à ce moment-ci ne nous permettent pas de le faire. La commission n'est pas éclairée sur toutes les facettes du sujet et c'est la raison pour laquelle j'avais mentionné l'hypothèse tout à l'heure qu'on puisse nous, de cette commission, questionner d'autres spécialistes qui pourraient peut-être augmenter la connaissance que nous avons de ce sujet et nous permettrait peut-être de nous orienter vers d'autres hypothèses de travail.

M. BOURASSA: Vous voulez répéter des hypothèses sur d'autres hypothèses...

M. LE PRESIDENT: M. Giroux.

M. GIROUX: Je pense qu'il y a une chose qu'on a clairement établi. Actuellement, on vient de faire démarrer le seul plan nucléaire qui n'a pas eu de gros retard. C'est l'unique plan. C'est gentil. Actuellement, où voulez-vous fonctionner légalement en dehors de l'énergie atomique du Canada? Cela est un point.

M. LAURIN: Je peux vous répondre là-dessus, M. Giroux. Bruce est fait par l'Hydro-Ontario, sans référence à l'Atomic Energy of Canada. "Ethering" est fait sans référence à...

M. GIROUX: Je parle d'uranium. L'uranium enrichi...

M. LAURIN: Il faudrait choisir entre...

M. GIROUX: D'accord. Actuellement, on a des problèmes qui vont finir par se nettoyer en Ontario. Il y a des problèmes qui vont finir par se nettoyer aux Etats-Unis. Il y a des gens qui sont engagés, parce que il y a des compagnies, comme on vous l'a expliqué tantôt, qui sont obligées de s'engager. Il y a des compagnies qui actuellement s'engagent. Elles aimeraient mieux s'engager dans le thermique. Elles ne peuvent pas avoir la permission, à cause de la pollution, de...

M. LAURIN: M. Giroux, je vais essayer de vous répondre par une autre question. Si vous aviez fait le même raisonnement lorsque vous avez fait Manicouagan, si vous aviez attendu que d'autres pays vous fabriquent les lignes de transmission à 735 kilovolts, les auriez-vous aujourd'hui?

M. GIROUX: Non! Mais vous remarquerez une chose, les 735 sont venus par nécessité. Seulement, si la ligne n'avait pas fonctionné, les 315 auraient continué.

M. LAURIN: Pourquoi se mettre...

M. GIROUX: Ecoutez...

M. LAURIN: J'écoute, j'écoute!

M. GIROUX: On a un problème dans l'ensemble qui est un financement très massif. Naturellement, si le gouvernement veut mettre à notre disposition un autre milliard, on va rentrer demain matin dans la recherche nucléaire avec plaisir et on va mettre des bureaux d'ingénieurs à l'étude. On va développer des ingénieurs chez nous pour faire des études. Mais tout cela repose sur une question de budget. A un moment donné, il faut réaliser que le budget est là. Je dois dire qu'il est grevé. C'est très simple. On n'est pas contre le nucléaire. Actuellement, on a devant nous, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf ou dix ans pour permettre au nucléaire de se développer. Vous pouvez être assuré d'une chose. La minute que le nucléaire sera développé et sera très bien développé, on pourra l'acheter ailleurs, on sera le premier à l'acheter. C'est tellement le cas, qu'à la commission nucléaire de Washington, il y a quelqu'un l'autre jour qui a émis cette opinion: "Peut-être qu'il serait plus rentable si on allait en acheter un en Russie, l'étudier et voir comment ça fonctionne.

Les Russes ne sont pas vendeurs, parce que, pour eux aussi, ça ne fonctionne pas à leur goût. A chaque pas qu'on fait, on établit une question de doute. Je ne crois pas qu'on puisse prendre l'argent de la province de Québec, l'argent du public. On a déjà démontré ce que ça va nous coûter, le programme que ça prend et ce qu'il faut risquer. Actuellement, on dit: On a une chose, on sait que c'est là et on sait

que l'énergie de la baie James va coûter plus cher que l'énergie qu'on faisait l'an dernier. Mais, à ce point de vue, que faites-vous de Beauharnois? C'est le même principe.

Pourquoi ne pas laisser la percée scientifique être faite par d'autres? Quand on regarde les programmes d'étude, qu'on parle des programmes de recherche, le montant a été publié par la commission de Washington; on demande $3,500,000,000. Je crois que les gens qui pensent à des choses comme ça ont eux aussi au moins un certain doute sur la valeur du rendement du nucléaire tel qu'on le fait actuellement, nous aussi nous avons un doute réel.

Quand même nous discuterions pendant des heures et des heures, je peux vous apporter 25 volumes qui vont recommander le nucléaire, ce sont des gens intéressés à vendre le nucléaire. C'est la même chose avec l'hydraulique. Ce n'est que de la vente. A un moment donné, il faut prendre le côté pratique et dire: Nous avons tant d'argent à disposer, c'est déjà assez difficile de faire ça, je ne vois pas pourquoi nous irions risquer à ce stade-ci.

M. BOURASSA: Est-ce qu'on doit éterniser le débat sur cette...

M. LAURIN: M. le Président, il s'agit de $6 milliards, c'est important.

M. BOURASSA: Cela fait vingt fois que nous entendons les mêmes choses.

M. LAURIN: Quand même, vous avez eu des mois pour y penser, c'est aujourd'hui la première occasion que nous avons d'en parler.

M. BOURASSA: Arrivez avec d'autres arguments.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît, messieurs.

Le député de Beauce.

M. ROY (Beauce): Je regrette, mais je pense que nous avons l'obligation, nous, les membres de la commission parlementaire, de discuter seulement sur des questions hypothétiques et je me demande si notre séance n'en est pas une hypothétique. Nous avons parlé du coût de production hydroélectrique de la baie James. On nous a répondu — et d'ailleurs il y avait peut-être des raisons valables — disons que je n'en suis pas convaincu — qu'on ne pouvait pas nous donner le coût de la production hydroélectrique à la baie James par rapport à Churchill. Si ces questions avaient reçu des réponses claires, je pense que toutes les interventions et toute la discussion que nous avons à l'heure actuelle... Si nous avions des chiffres... Nous sommes obligés de discuter en fonction d'hypothèses. J'ai posé une question au premier ministre ce soir — la première question qui a été posée — pour voir si les besoins de l'Hydro-

Québec, en fonction des rapports qui nous ont été soumis, si la production de la baie James, cela va être pour satisfaire des besoins domestiques. En effet, le rapport a semblé vouloir donner priorité et vouloir donner un peu d'exclusivité à la production d'énergie hydroélectrique pour satisfaire les besoins domestiques. On nous répond qu'il y a des possibilités d'exportation — d'où encore une hypothèse — Il y avait des possibilités d'exportation et qu'on pouvait peut-être en arriver là.

M. BOURASSA: Non, ce n'est pas ce que j'ai répondu. J'ai dit au député qu'il n'y avait aucun problème pour ce qui a trait à l'utilisation de l'électricité à l'intérieur des frontières du Québec, mais que si ça pouvait s'avérer plus avantageux pour le Québec d'exporter une partie, ça pouvait être une alternative à considérer par le gouvernement ou par l'Hydro-Québec. Mais il n'y avait aucun problème avec le développement de la baie James pour l'utilisation ou la consommation de l'électricité à l'intérieur du Québec.

M. ROY (Beauce): Je suis d'accord avec ce que le premier ministre a dit, mais c'est justement son "si" qui est hypothétique.

M. BOURASSA: A comparer avec le nombre de "si" de l'autre côté.

M. ROY (Beauce): J'aurais une question peut-être indiscrète à poser au président de l'Hydro-Québec. Croyez-vous que l'Hydro serait physiquement capable de réaliser le projet de la baie James seule ou majoritairement? Ma question est peut-être indiscrète, mais je pense...

M. GIROUX: Elle n'est pas indiscrète du tout, nous l'avons déclaré par lettre.

M. BOURASSA: Le gouvernement étudie la question.

M. GIROUX: On a précisé par lettre, je ne voudrais pas la relire...

M. ROY (Beauce): Il est bon de préciser quand même.

M. GIROUX: Il y a une précision dans la lettre, on dit qu'on n'est pas contre la formation d'un organisme, parce que ça regarde d'autres domaines que...

Si vous le permettez, je peux le relire: "Que cet organisme pourrait être une corporation d'état formée de représentants de l'Hydro-Québec ou du gouvernement ou une corporation possédant un capital-actions souscrit par l'Hydro-Québec, le gouvernement du Québec et le public en général — ce sont des hypothèses, on laisse la porte ouverte à tout — dont la direction devrait être dans l'un ou l'autre cas être assurée à l'Hydro-Québec par le moyen

d'une participation majoritaire. Cette participation majoritaire devant assurer à l'HydroQuébec la direction du projet serait obtenue en accordant à l'Hydro-Québec un nombre majoritaire d'administrateurs et dans le cas d'une corporation à capital-actions un nombre majoritaitaire d'administrateurs et d'actions votantes. Cela nous paraît essentiel pour plusieurs raisons: a) le projet dans la production d'énergie hydroélectrique occupe une place prépondérante; b) il est nécessaire d'assurer une parfaite coordination entre le réseau actuel de l'Hydro-Québec et celui qui fournira la puissance additionnelle à intégrer. Tout le monde connaît la valeur de la stabilité sur un réseau. c) il est très important d'établir des liens étroits et une collaboration constante avec les ingénieurs et les techniciens de l'Hydro-Québec qui possèdent l'expérience et la compétence dans la conception, l'ingénierie, la construction et l'exploitation de vastes projets hydroélectriques.

L'organisme a été mentionné. On a répété dans le préambule cet après-midi que nos vues n'avaient pas changé; nos vues — pour simplement concrétiser la question — nos vues n'ont pas changé. Nous recommandons au gouvernement de construire la baie James, d'aller vers l'hydraulique et nous recommandons au gouvernement s'il veut faire une corporation de voir à respecter notre lettre.

Maintenant, comme président de l'Hydro — et comme la Commission hydroélectrique du Québec — nous ne pouvons que faire des recommandations.

M. ROY (Beauce): Vous avez fait des recommandations mais est-ce que vous favorisez...

M. BOURASSA: Si le député lisait les documents qui lui sont soumis. Ce que M. Giroux vient de lire a été soumis à tous les députés il y a deux semaines.

M. ROY (Beauce): Nous avons lu le document, mais ce que je voulais savoir de M. Giroux aujourd'hui, c'est si lui-même il favorisait... Parce qu'en somme, il a offert deux ou trois options au gouvernement.

M. BOURASSA: C'est lui qui a signé la lettre.

M. ROY (Beauce): Je voulais savoir s'il était convaincu que l'Hydro était capable de réaliser le projet. C'est ma question.

M. GIROUX: Le projet hydroélectrique comme tel si on n'inclue pas toutes les autres choses mais il y a de grands avantages à inclure les autres choses dans cette région. On inclut des exemptions de taxes, on inclut ça et ça, pour travailler partout et aller chercher le maximum possible de tout le monde pour avoir l'aide qu'il faut. C'est une des raisons pour laquelle nous ne sommes pas contre la création d'une corporation. On laisse les choix, au gouvernement.

Maintenant, le gouvernement peut bien dire que demain matin cela ne lui plaît pas. C'est son privilège. Nous, nous continuons dans le même ordre d'idée.

M. LE PRESIDENT: C'est à M. le Premier ministre à prendre la parole.

M. BOURASSA: Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: Le député de Gouin.

M. JORON: M. le Président, je reviens sur le coût. C'est assez insatisfaisant, les résultats de nos travaux ici.

M. BOURASSA: C'est l'opinion du député. Ce n'est pas la mienne.

M. JORON: On essaie de comparer le nucléaire avec la baie James. On avance des chiffres connus qu'on met en doute et que d'autres mettent en doute par la suite sur le coût en mills de ce que donne certaines centrales nucléaires ailleurs ou les estimations projetées. On détruit ces chiffres et on dit que de toute façon 6 mills ce n'est pas valable, cela va probablement être 10 mills ou je ne sais quoi. D'autre part, pour pouvoir faire une comparaison, il faudrait de l'autre côté savoir le coût de la baie James ou avoir une indication de grandeur. Si on parle du chiffre 12 pour la baie James, à ce moment-là, je ne vois pas pourquoi en prenant une marge de 100 p. c, une prévision de 100 p. c, on discute. D'ailleurs, M. De Guise l'a presque dit tout à l'heure quand il parlait des coûts. Il a dit que l'un dans l'autre, on peut peut-être estimer que cela revient à peu près au même.

M. SAINT-PIERRE: Ce ne sont pas les paroles de M. De Guise.

M. JORON: Avant de continuer...

M. SAINT-PIERRE: Il n'a jamais dit que c'était pareil. Il a dit que dans l'hypothèse que ce soit pareil et examiné les conséquences après, il y a une grande différence entre les deux.

M. BOURASSA: Si le ministre de l'Education se choque vous pouvez être sûr que c'est certain.

M. JORON: C'est sa qualité d'ancien associé de Vickers qui me rend sceptique.

M. SAINT-PIERRE: Merci beaucoup.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît, messieurs! Le député de Gouin.

M. JORON: La discussion tourne à vide tant

qu'on n'aura pas une idée de l'ordre de grandeur. Autrement, comment choisir le coût le plus avantageux. C'est un point. Puisqu'il semble qu'on n'arrive pas à avoir de réponse là-dessus, je vais passer à un deuxième point. Ce ne sont pas des chiffres hypothétiques ou s'ils sont hypothétiques, ils viennent directement de l'Hydro, en page 25 de leur rapport. Nucléaire 1980, estimations $375 d'investissement par kilowatt.

Baie James: $672 auxquels il faut rajouter les lignes de transmission. Donc, $600 millions en gros, si on rapporte ça sur 10 millions de kilowatts, ça veut dire quoi? Cela veut dire $60 de plus, ça fait au delà de $700.

On est rendu avec un écart...

M. SAINT-PIERRE: Cela ne se compare pas parce que là, on va d'un système à l'autre, alors que dans un système, les coûts d'exploitation...

M. JORON: Les coûts d'exploitation.

M. SAINT-PIERRE: Mais oui, c'est des oranges et des bananes.

M. JORON: Ce n'est pas des oranges et des bananes, c'est le coût d'investissement d'immobilisations dans les deux cas. En 1980...

M. LAURIN: C'est le seul chiffre sur lequel on peut...

M. JORON: ...pour produire un nombre équivalent de kilowatts.

M. SAINT-PIERRE: Vous n'êtes pas capable de faire une division?

M. JORON: Cela est clair. C'est en toutes lettres dans le rapport de l'Hydro-Québec. Nous avons une différence de $300, comme si c'était rien...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre messieurs!

M. JORON: ...$300 sur dix millions de kilowatts. Je signale au premier ministre que c'est seulement la modique somme de $3 milliards. Est-ce qu'on va équilibrer ça d'un coup sec, la possibilité d'une économie de $3 milliards?

DES VOIX: Ah! Ah!

M. BOURASSA: Ce n'est pas sérieux!

M. JORON: Il n'y a pas de ah! Contestez-vous les chiffres du rapport de l'Hydro?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, c'est une tentative pour justifier un article de M. Parizeau, ça n'a rien à voir au problème.

M. BERTRAND: M. le Président, vous devez avoir des gens à l'Hydro-Québec qui ont lu les articles de l'économiste Jacques Parizeau. Vous devez en avoir.

M. GIROUX: Il doit y en avoir.

M. BERTRAND: J'aimerais que, pour la prochaine séance, chacun des points qu'il soulève dans ses articles et qui l'ont été par les membres du Parti québécois — c'est leur droit — vous y répondiez d'une manière aussi détaillée que possible. Toutes les choses que l'on vient d'apporter sont parties de cet article. D'ici à demain, s'il y avait moyen, parce qu'on reviendra apparemment demain à quatre heures...

M. GIROUX: M. Bertrand, il est question de répondre à des articles de journaux?

M. BERTRAND: Non.

M. GIROUX: Est-ce que M. Parizeau peut garantir les chiffres qu'il avance?

M. BERTRAND: Non, et d'ailleurs...

M. JORON: M. le Président, sur une question de privilège...

M. BERTRAND: Non et d'ailleurs, je pense qu'il l'a dit lui-même...

UNE VOIX: Il n'y a pas de question de privilège.

M. JORON: Certainement qu'il y a une question de privilège. J'avais la parole. J'ai permis au chef de l'Opposition de faire son intervention.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre s'il vous plaît! Je ferai remarquer au député de Gouin que le député de Missisquoi avait la parole...

M. JORON: Je n'ai pas compris ça...

M. LE PRESIDENT: Il n'y a pas de question de privilège à la commission, vous le savez.

M. JORON: C'est à moi que vous aviez donné la parole. Je n'avais pas formulé ma question.

M. LE PRESIDENT: Vous avez accepté une question...

M. JORON: Si le chef de l'Opposition a fini de poser sa question, vous me permettez de formuler la mienne? Permettez-moi de la formuler à M. Giroux. Les chiffres sur lesquels je fonde ma question, ne viennent pas de l'article de Jacques Parizeau ou de qui que ce soit. Ils viennent du rapport de l'Hydro-Québec. C'est la raison pour laquelle j'adresse la question à M.

Giroux. Il y a une différence d'au-delà $300, tel qu'il apparaît à la page 25. Sur dix millions de kilowatts, c'est $3 milliards. Est-ce que ce modeste facteur est entré dans les considérations de l'Hydro-Québec pour recommander l'aménagement de la baie James.

M. SAINT-PIERRE: Le coût de l'installation dans deux systèmes entièrement différents.

M. JORON: Pour produire le même nombre de kilowatts? C'est la même chose?

M. SAINT-PIERRE: Tournez la formule et dites que sur les centrales hydrauliques, les coûts d'exploitation sont environ 5 p. c. des autres coûts.

M. BOYD: A Manic-Outardes ç'a coûté...

M. LE PRESIDENT: M. Boyd, vous avez la parole.

M. BOYD: Les $350, c'est pour du nucléaire américain. Cela n'inclut pas de réserves. Il faut ajouter au moins 30 p. c, et le coût du combustible est beaucoup plus élevé. En fait, le coût du combustible est énormément élevé, tellement, que le coût net de production d'énergie, à partir de ces $350, on l'a dans l'étude ici: Lorsqu'on emploie $350 le kilowatt pour le nucléaire américain, c'est le chiffre que vous a donné M. DeGuise, tout à l'heure, ça vous donne 14.75 mills le kilowatt-heure. C'est basé sur $355. On parle de $350, c'est assez proche, je l'espère, c'est ça que ça vous donne.

M. SAINT-PIERRE: ...$375?

M. BOYD: C'est l'investissement que vous avez vous-même, M. Joron, mentionné tout à l'heure, avec les différents points qu'il fallait considérer. Vous en avez mentionné quatre.

Le capital en est un, la flexibilité en est un autre, le coût du mill en est un autre, vous avez les retombées économiques qui en est un autre. Alors on ne s'arrête pas au premier. Nous avons fait les quatre et c'est en prenant les quatre, même en utilisant ces $355 que nous faisons notre recommandation.

M. JORON: Est-ce que je peux vous demander si le poids que vous avez accordé à ce premier facteur n'est pas trop élevé étant donné les difficultés au Québec de ramasser beaucoup de capital et les priorités qui peuvent exister ailleurs aussi, il me semble que la notion de capital...

M. BOYD: Nous avons fait nos études en tenant compte de tous ces facteurs et nous prenons également le coût du nucléaire qui serait produit par un système semblable et le coût d'exploitation, parce que lui compte dans notre exploitation et avec des coûts semblables, vous n'êtes pas capables de vous autofinancer dans le sens que disait M. Giroux plus tôt ce matin. Donc vous êtes obligés d'aller sur le marché pour financer votre exploitation et non plus financer votre construction. Vous n'êtes pas plus avancés à la fin. Quand vous étudiez une chose comme cela, vous ne pouvez pas prendre une centrale d'une sorte, une centrale d'une autre, une troisième thermique, il faut que vous regardiez un programme basé sur un certain nombre d'années. Quand nous faisons des programmes comme cela, nous prenons les besoins de 1978 à 1990 et si on a la baie James d'abord, on a d'autre chose après et tout cela entre dans le programme. Ce qu'on a été obligé d'investir, soit en mazout, soit en combustible nucléaire, on ne l'a pas pour nous financer. Donc, le portrait global, c'est cela qu'il faut regarder et non pas une centrale. Le portrait global nous donne la réponse qu'on a donnée en faisant une recommandation. C'est que dans l'ensemble, le programme est plus économique pour l'HydroQuébec et pour la province. Ensuite, il faut se demander, est-ce que l'Hydro-Québec seule peut financer la baie James? On s'est posé cette question-là et la réponse, M. Giroux vous l'a donnée et il a dit que c'était oui. Alors, cela n'affecte pas le...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je demanderais un ajournement.

M. BOURASSA: Est-ce qu'on peut fixer un ordre du jour pour demain, pour qu'on ne répète pas ce qui a été dit. Vous avez répété pas mal durant la soirée.

M. LAURIN: C'est votre opinion, ce n'est pas la nôtre.

M. ROY (Beauce): M. le Président, pour montrer notre collaboration au gouvernement de ce côté-là...

M. GIROUX: J'aimerais que l'on sache les choses sur lesquelles on veut nous questionner. Si c'est sur les questions nucléaires, on a répondu; nous, nous allons répéter la même chose pendant 24 heures.

M. JORON: Vous permettez, que je fasse une suggestion? Est-ce qu'il y aurait moyen de voir, entre autres, les rapports originaux des deux firmes d'ingénieurs qui ont été remis à l'Hydro? Non pas le Compendium qu'on nous oblige...

M. BOURASSA: Si le gouvernement et l'Hydro ont décidé de faire un résumé, c'est parce qu'il n'était pas d'intérêt public que les rapports originaux soient...

M. JORON: Parce que les estimations n'étaient peut-être pas concordantes.

M. BOURASSA: Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit qu'il n'était pas d'intérêt public. Il me semble que le député avec son expérience dans le monde des affaires devrait savoir...

M. JORON: Il y a bien des choses qui ne sont pas d'intérêt public, ce soir.

M. BOURASSA: ... qu'on ne peut pas, quand on a à négocier avec des concurrents, rendre publics, tous les éléments.

M. LAURIN: Si on connaît leurs chiffres, vous ne pensez pas qu'ils connaissent les nôtres aussi?

M. BOURASSA: Les chiffres que vous connaissez, il y a des divergences même dans ceux que vous avez proposés.

M. LAURIN: D'après les réponses données ce soir, les trois experts connaissaient beaucoup, en tout cas, certains chiffres des compagnies américaines dans le nucléaire. On peut bien penser que l'inverse est vrai aussi.

M. BOURASSA: M. le Président, nous avons jugé — on peut se tromper — qu'il n'était pas d'intérêt public. Il y a quand même eu un résumé, aussi complet que possible, de tous les rapports. Mais donner tous les détails de ce qui a été fait, nous avons jugé que ça pouvait nuire à l'aménagement de la baie James d'une façon ou d'une autre, éventuellement. Si on change d'idée, si on s'aperçoit qu'on peut rendre publiques certaines données additionnelles, on n'hésitera pas à le faire. On est absolument convaincu, et d'autant plus, après ce qu'on a entendu cet après-midi et ce soir. On est absolument convaincu et persuadé de la rentabilité et des bénéfices considérables, pour le Québec, du projet de la baie James.

Alors, demain à 4 heures, M. le Président.

M. JORON: Vous savez le coût en mills de la baie James?

M. LE PRESIDENT: La séance est ajournée à demain 4 heures.

(Fin de la séance: 22 h 4)

Séance du jeudi 20 mai 1971(Seize heures deux minutes)

M. OSTIGUY (président de la commission permanente des Richesses naturelles): A l'ordre, messieurs!

La séance est ouverte et je voudrais rappeler aux membres de la commission que, comme hier, ils devront me signaler leur désir d'utiliser leur droit de parole afin que tout le monde puisse avoir la chance de s'exprimer.

M. BERTRAND: Alors, M. le Président, je vous la demande.

M. LE PRESIDENT: Le ministre des Richesses naturelles.

M. MASSE (Arthabaska): M. le Président, je voudrais simplement ajouter un mot. Je sais que les explications qu'a données hier M. Giroux et les commissaires qui ont eu à prendre la parole étaient très satisfaisantes, mais j'aimerais peut-être ajouter un mot. D'abord, nous savons tous que les besoins d'électricité en 1978 afin de répondre à la demande, commandent des investissements. L'Hydro-Québec a prouvé la rentabilité et les avantages de réaliser le projet de la baie James par rapport au thermique et au nucléaire et effectivement, il fallait prendre une décision. Je pense que la décision ne peut pas être appuyée sur des hypothèses, ne peut pas être appuyée sur des "si" et personnellement, j'ai tellement confiance au sérieux de l'Hydro-Québec et en celui des firmes d'ingénieurs qui ont eu à travailler sur ce projet pour prendre leur avis.

Maintenant, il y a peut-être une chose qui n'a pas été dite hier et que l'Hydro-Québec pourra confirmer ou non, c'est qu'en terme de rendement, celui des centrales hydro-électriques est de 85 p. c. celui des centrales thermiques est de 30 p. c. à 40 p. c. , et celui des centrales nucléaires est de 30 p. c. Il y a aussi peut-être la fiabilité de l'hydro-électricité qui est au-dessus de 95 p. c. selon les rapports alors que le nucléaire est de 65 p. c. Personnellement, je pense — on a parlé aussi d'exportation — qu'en accélérant les travaux, il est bien sûr que si ceux-ci peuvent être terminés avant la période du besoin d'électricité au Québec, il sera possible d'exporter. On sait la très grande demande d'énergie de la part des Etats-Unis et de l'Ontario. D'ailleurs, si le nucléaire était si avantageux, l'Hydro-Québec n'aurait pas tant de demandes d'énergie électrique de la part des Etats-Unis et de l'Ontario.

Alors, M. le Président, c'était simplement quelques points que je voulais souligner.

M. LE PRESIDENT: Le chef de l'Opposition.

M. BERTRAND: M. le Président, nous

avons laissé hier soir à nos collègues du Parti québécois et à quelques autres collègues de poser des questions.

Nous l'avions fait au début de la séance. Je voudrais, quant à moi, faire le point en ce qui concerne le parti que j'ai l'honneur de diriger.

D'abord, j'avais posé au début un canevas de discussions des besoins, des moyens de production, le financement et par qui ça devait être réalisé.

Le premier point, quant aux besoins, je crois que tous, autour de la table, admettent qu'il a été établi. Cela nous surprend par contre qu'on soit quasiment obligé de doubler la capacité pour répondre à des besoins. Cela, l'Hydro-Québec a eu l'occasion de l'expliquer ici à plusieurs séances de la commission des Richesses naturelles depuis l'année 1968, alors que nous avons examiné le projet de Churchill Falls et celui de la Manicouagan. Je n'y reviens donc pas. Les documents ont été produits, des mémoires ont été également soumis à la commission. Nous avons eu l'occasion de les lire, de les analyser pour nous former l'opinion définitive qu'il fallait réaliser de nouveaux projets hydroélectriques au Québec pour répondre — et j'insiste là-dessus — d'abord et avant tout aux besoins domestiques du Québec, tant dans le domaine industriel que dans les autres. Je tiens pour acquis que ce premier point-là est très bien établi.

J'ai devant moi un document sur les moyens de production, qui est fort succinct mais qui comporte énormément de substance, celui de Lionel Boulet, le directeur de l'Institut de recherches de l'Hydro-Québec. Ce document vient compléter les informations que nous avons déjà obtenues à la commission, en particulier à cette séance, hier, en réponse à des questions des membres du Parti québécois, du parti de l'Union nationale et du parti du Ralliement créditiste. Il y a trois moyens. Je les résume, ils sont devant moi dans ce rapport: l'hydraulique, le thermique et le nucléaire.

Si on veut connaître les avantages et les désavantages actuels de ces trois moyens de production établis par un directeur d'un institut de recherche, appuyé par des ingénieurs, MM. Boyd et De Guise, qui ont exprimé des points de vue hier, confirmés par les propos du président de l'Hydro-Québec, je crois qu'on n'a qu'à le lire, que je n'ai pas besoin de les reprendre.

Il s'avère que les connaissances actuelles incitent le président de l'Hydro-Québec à nous recommander d'utiliser encore l'hydraulique en tenant compte — et j'appuie là-dessus — que les recherches, dans le domaine nucléaire en particulier, soient surveillées de très près.

Deuxièmement que l'Hydro-Québec doive augmenter, s'il y a lieu, — et je crois qu'il y a lieu — son budget de recherche dans ce domaine. Mais étant donné et c'est là, je crois qu'on a bien établi hier, que ceux qui possèdent des ressources hydrauliques, comme le Québec en possède, les utilisent encore à l'heure actuelle.

Je crois que ce fait-là semble bien établi.

On donne l'exemple de certaines autres provinces, certains autres Etats américains, mais de l'aveu de tous, c'est que, dans l'Ontario entre autres, c'est bien établi, les ressources hydrauliques sont pauvres. De là, l'appel que l'on fait davantage au nucléaire. Je n'ai aucun doute que les relations qui existent entre l'Hydro-Ontario et l'Hydro-Québec permettent aux officiers, aux ingénieurs, aux techniciens de l'Hydro-Québec d'établir des points de comparaison quant aux coûts, même si on ne peut pas les rendre publics étant donné qu'il y a — et j'en ai eu l'expérience — des chiffres, parfois, qui ne doivent pas être soumis au public justement pour sauvegarder l'intérêt public.

M. le Président, de tout cela, des documents que j'ai eu l'occasion, avec mon collègue le député de Chicoutimi, de lire, d'analyser, j'en viens à la conclusion que cette richesse naturelle, à l'heure actuelle, compte tenu des connaissances relativement à l'énergie thermique, nucléaire, nous devons encore l'utiliser.

Je pose immédiatement le problème et j'en ferai tantôt une recommandation. On nous dit que le projet de la baie James — et j'appuie là-dessus — peut se réaliser par étapes. Quant à nous, nous recommandons que la première phase seulement soit entreprise et qu'elle soit réalisée par l'Hydro-Québec. Un problème politique se posera peut-être si le gouvernement veut la faire réaliser par une régie d'Etat. Pourquoi dis-je seulement la première phase? C'est justement pour tenir compte du développement possible de l'énergie nucléaire, des recherches qui peuvent s'avérer bonnes et fructueuses et qui, durant la réalisation de cette première étape, nous permettrons de voir plus clair. Donc, première étape dont le coût a été estimé par le président de l'Hydro-Québec à environ $1.8 milliard. Et pourquoi dis-je par l'Hydro-Québec? M. le Président, nous avons déjà eu ici... D'ailleurs, la preuve n'a pas besoin d'être faite de la capacité de l'Hydro-Québec de réaliser ce projet. Des témoignages éloquents existent: Manic, tout le développement hydroélectrique qui a été accompli depuis quelques années. D'ailleurs, je me souviens du débat que nous avons eu à cette commission sur le développement de Manic 3, débat qui a eu lieu lors de la session de 1969 et dont les collègues pourront retrouver le compte rendu au journal des Débats du lundi 15 décembre 1969. Il s'était alors posé un problème, étant donné des bruits, des rumeurs qui circulaient que le projet devait être confié à l'entreprise privée. Nous avons eu un débat là-dessus. Le chef du parti au pouvoir à ce moment-là et ses coéquipiers nous ont interrogés là-dessus, ils ont interrogé le président de l'Hydro.

Nous avons alors émis l'opinion, nous-mêmes, faisant fi des rumeurs et des rapports qui avaient paru dans les journaux que ce développement hydro-électrique devrait être fait par l'Hydro-Québec.

Le président de l'Hydro-Québec pourra me

répondre à ce sujet. Mais, je pense avoir déjà obtenu sa réponse à l'occasion d'une question que je lui ai posée après la lecture de son mémoire. Est-ce que l'Hydro-Québec peut financer ce projet? Il a dit: Oui, avec les revenus et deuxièmement avec des emprunts. Et quand quelqu'un lui a posé la question, pour savoir s'il y aurait une augmentation du tarif, il a déclaré —il pourra me corriger là-dessus — que l'augmentation normale de 4 p. c. annuellement était une augmentation qu'il pouvait envisager, mais qu'il considérait normale.

A tout événement, il pourra préciser, quant au financement. Donc, première étape seulement par l'Hydro-Québec. J'espère que je n'ai pas besoin de reprendre les arguments que nous avons énoncés, à l'occasion du débat du mois de décembre 1969, et les arguments, énoncés également, par le chef du Parti libéral à l'époque, M. Jean Lesage. Il exigeait — et avec raison, nous l'avons non seulement appuyé, mais nous avons dit que les rumeurs étaient mal fondées, à l'effet que l'entreprise privée devait être chargée de la réalisation du projet de Manic-3.

Donc, l'expérience l'Hydro-Québec, ses réussites... A ce moment-là, l'Hydro-Québec s'en occupe. Durant ce temps, accélérer la recherche dans le domaine de l'énergie nucléaire, envisager la possibilité — on en a parlé à certains moments — de suppléer à l'énergie hydraulique. Je suis un profane dans le domaine de l'énergie. Est-ce qu'on ne pourrait pas envisager la construction ou le développement d'une usine comme celle de Gentilly dans ce domaine? J'invite l'Hydro à y penser et sérieusement.

Dans tout cela j'englobe, bien entendu, si on veut être à même de réussir dans ce domaine, la formation d'experts, de techniciens, d'ingénieurs.

Je sais qu'à l'heure actuelle, des ingénieurs de l'Hydro-Québec vont dans d'autres pays pour augmenter leur connaissance dans ce domaine.

Donc, M. le Président, il me reste à ajouter ceci. On a parlé d'une régie d'Etat pour le grand développement. Etant donné qu'on n'entreprendrait que la première phase, je pense qu'il faut être prudent dans ce domaine. Qui trop embrasse mal étreint! Surtout à un moment où — de l'aveu de M. Boulet et de certains ingénieurs — l'énergie nucléaire est certainement l'énergie de l'avenir. On dira qu'il va s'agir de développer un immense territoire: admis! Mais il existe un gouvernement à Québec, il y a des ministères. Nous avons mis sur pied des instruments comme Soquem, Rexfor, Soquip. Pourquoi les avons-nous mis sur pied? Justement, pour s'occuper de tous ces différents problèmes de la forêt, des mines, pour que l'Etat soit appelé à y jouer un rôle plus direct. Sans faire un long discours, M. le Président, je vous le dis immédiatement, je ne vois pas du tout la nécessité d'une régie additionnelle. Ce qu'il faut, c'est utiliser ce qu'on a. Nous en avons des outils. Cessons de les multiplier. Nous ne saurons plus lequel utiliser.

Donc, je ne veux pas prolonger indûment mon argumentation: L'Hydro-Québec, le gouvernement, bien entendu par l'action de ses ministères. C'est tellement vrai, M. le Président, que l'on vient d'autoriser l'Hydro à dépenser $26 millions pour effectuer tous ces travaux-là. Je tiens à corriger une nouvelle qui paraît dans les journaux. Ce n'est pas un budget qui va être soumis au gouvernement. C'est le budget de l'Hydro qui va être soumis au Parlement. On fait dire au ministre des Finances que cela va être soumis au Parlement. Ce n'est pas ça. On approuve le budget de l'hydraulique comme tous les gouvernements le font annuellement et l'Hydro-Québec insiste pour avoir $26 millions.

Le gouvernement les lui donne et avec raison, je l'en félicite comme je le féliciterai...

M. BOURASSA: Merci.

M. BERTRAND: ... et M. Giroux, je vous invite à le faire, présentez un budget pour augmenter votre recherche dans le domaine du nucléaire.

M. BOURASSA: Mais là, les Etats-Unis...

M. BERTRAND: Mais là, j'apporte la nuance suivante. Je vous ai entendu nous donner des chiffres mirobolants, extraordinaires. Aux Etats- Unis, dans le nucléaire, on demande à M. Nixon $3.5 milliards. Je ne demande pas à M. Giroux de vous présenter le même budget, je comprends cela.

M. BOURASSA: On va les laisser travailler un peu, on va voir ce que ça donne.

M. BERTRAND: Alors, laissez-les et ne les dérangez pas. Laissez-les travailler d'une manière objective...

M. BOURASSA: Est-ce qu'on...

M. BERTRAND: Comme ils ont toujours fait, et comme ils ont toujours voulu le faire. M. le Président, je conclus donc ce résumé à vol d'oiseau. Quant à moi, il me restera à obtenir un peu plus de renseignements sur le problème du financement. Je vous invite à le faire. On peut peut-être revenir sur les tarifs, mais je tiens pour acquis que l'Hydro-Québec est capable, son génie est capable, il l'a prouvé. S'occuper de la baie James, et même envisager, entre-temps, le nucléaire pour les autres étapes. Si, à ce moment-là, les recherches faites ailleurs, vérifiées par vous, vous permettent d'entreprendre, à la suite de cette première étape, du nucléaire plutôt que de l'hydraulique, si ça s'avère plus économique et meilleur, en tenant compte toujours, et je ne parle pas d'ici d'exportations, parce que je tiens pour acquis que, d'abord et avant tout, il faut répondre aux besoins du

Québec, et que ce n'est que le surplus qui peut être exporté.

M. le Président, voilà en résumé les remarques que j'avais à faire au début de cette séance et je remercie l'Hydro-Québec des renseignements et des rapports qu'elle nous a transmis.

M. BOURASSA: Juste une question, M. le Président, au chef de l'Opposition. Quand il dit que l'Hydro-Québec devrait augmenter son budget de recherches pour l'énergie nucléaire, il a dit ça tantôt, et à la fin, il a dit que l'Hydro-Québec devrait, avant d'envisager la seconde étape, en fait c'est ce que l'Hydro-Québec et le gouvernement ont dit que, comme ça peut se faire par étapes, ça nous permet une flexibilité pour les alternatives, est-ce qu'il veut dire que l'orientation de la recherche de l'Hydro-Québec devrait se faire surtout pour vérifier les progrès qui se font ailleurs? C'est ce qu'il a dit en terminant.

M. BERTRAND: Je ne crois pas, à première vue, étant donné tout ce que j'ai entendu, que le gouvernement du Québec pas plus que l'Hydro-Québec puisse investir $1 milliard dans la recherche.

M. BOURASSA: Quand on parle de recherches à l'Hydro-Québec, ce serait surtout souscrire aux recherches...

M. BERTRAND: Je parle de recherches. A l'heure actuelle, nous avons la centrale pilote de Gentilly. Au Canada également il y a du nucléaire. En Ontario, des expériences sont conduites. C'est bien entendu, je laisse cela aux ingénieurs de l'Hydro-Québec, à la direction de l'Hydro-Québec en qui j'ai confiance. C'est à eux de nous répondre là-dessus. Ce sont eux qui savent ce qui peut être fait et de quel budget on peut avoir besoin.

M. LE PRESIDENT: M. le Président de l'Hydro-Québec.

M. GIROUX: M. le Président, je remercie M. Bertrand de la confiance qu'il témoigne envers l'Hydro-Québec. Au sujet du programme de la baie James, je ne peux que répéter que nous avons étudié la question à fond avec le meilleur jugement. On a établi trois phases pour la baie James. La première phase est une phase, qui, simplement dit avec la plus grande prudence possible — nous en sommes convaincus — est réalisable. Nous n'avons aucune objection à nous attaquer aux autres phases. C'est une phase minimum.

Je ne crois pas qu'on devrait entrer dans certains détails des budgets, qu'on doive mettre de côté le nucléaire. Au sujet du nucléaire, on ne cesse pas d'étudier, on ne cesse pas d'avoir des gens dans ce champ d'action et on ne cesse même pas de continuer des négociations avec l'Energie atomique du Canada. A midi au dîner, quelqu'un a attiré mon attention pour me dire que Lorne Gray avait déclaré qu'il y avait une poussée terrible vers le développement du nucléaire. J'ai regardé l'article dans le journal. M. Gray a été convoqué lui aussi devant une commission gouvernementale — c'est ce genre de coincidence —. Il a alors répondu à la commission qu'il s'était développé un intérêt dans l'énergie atomique dernièrement, vu la hausse des prix dans le thermique ordinaire, alors que le Japon et l'Italie avaient montré plus d'intérêt, et je cite: "more interest in nuclear power", pour le programme nucléaire. J'ai appelé cet après-midi M. Gray pour avoir certaines explications, pour savoir quel était son point de vue et ce qu'il avait déclaré à la commission. Alors, voici ce que M. Gray a déclaré à la commission, en entier:

Il a déclaré qu'il croyait sincèrement qu'il y avait aujourd'hui une possibilité d'avoir un rendement meilleur avec du nucléaire contre du thermique conventionnel vu l'augmentation des taux. On lui a aussi posé la question: Si un grand développement hydraulique pouvait avoir lieu, qu'en pensez-vous? Il a dit, sans avoir vu les chiffres, qu'il était convaincu que le développement hydraulique de la baie James serait meilleur marché à Montréal, mais qu'il ne pouvait pas se prononcer pour New York parce qu'il n'avait pas vu les chiffres. Il a dit que définitivement, s'il y avait un développement hydraulique à faire partout au pays, il devrait être fait avant de faire du nucléaire, à moins que ce soit impensable au point de vue du coût.

C'est l'opinion de M. Gray, donnée cet après-midi. M. Lorne Gray est le président de l'Energie atomique du Canada.

A certaines questions qui m'ont été posées, quelqu'un demandait à notre secrétaire, le dépôt du contrat de Churchill. L'Hydro-Québec ne distribue pas de copie du contrat de Churchill. Pour une raison bien simple: cela a été fait comme un genre d'addendum à un prospectus. Il s'agit d'un placement privé aux Etats-Unis qui n'a pas été enregistré. Seulement, ce contrat est déposé au gouvernement, ici. Le gouvernement peut le mettre à la disposition de toute personne qui en fait la demande pour le voir, sur place. Je ne sais pas si ça répond à la demande exprimée.

Une autre question, aussi, m'a été posée ce midi. Je voudrais simplement profiter de cette occasion pour faire une mise au point. On me dit : Hier, vous avez parlé beaucoup de votre système d'achat préférentiel et vous en faites état. Il serait peut-être important, si vous me permettez, M. le Président, de parler un peu de notre politique d'achat. L'Hydro-Québec a, par sa politique d'achat au Québec, encouragé l'expansion d'industries existantes et l'implantation de nouvelles industries.

En 1970, par exemple, la direction des achats et contrats du siège social, a donné des commandes se chiffrant à $250.7 millions, répartis comme suit: fournisseurs québécois,

$208 millions ou 83.2 p. c; compagnies canadiennes avec succursale ou usine dans le Québec, $32.6 millions ou 13 p. c; compagnies canadiennes sans succursale ou usine au Québec, $8.5 millions ou 3.4 p. c; compagnies non-canadiennes, $1 million ou 0.4 p. c.

Et cela, en plus, des commandes locales très diversifiées totalisant $25.4 millions émises dans des régions. Cette politique préférentielle, en vigueur depuis quelques années, a permis l'implantation et l'expansion de plusieurs entreprises. Si vous me permettez de les nommer: Marine Industries de Sorel, pour les turbines et les génératrices; Ségélec Canada, Ségélec Entreprises, pour les isolateurs, les sectionneurs, les disjoncteurs et les barres omnibus; Reynolds Cables de La Malbaie, pour les câbles d'aluminium; Canadian General Electric de Montréal, pour les compteurs, turbines et génératrices; Sicard, pour les camions de grande puissance; Lockwell & Forge, pour les pylônes; Dynamic Industries, pour les pylônes; General Manufacturing, pour les pylônes; Formex, pour les pylônes; ACA, pour les transformateurs, réactances et autres produits; Les Transformateurs du Québec, pour les transformateurs; ITE Circuit Breakers Canada de Drummondville, pour les transformateurs et autres produits; Central Dynamics de Pointe-Claire, pour les télécommandes; Philips Cable de Rimouski, pour les câbles; Les Câbles Industriels de Québec, pour les câbles, aussi; Dominion Bridge de Montréal, pour les turbines et les génératrices; Les Industries Forest Steel de Lachine, pour les pilônes en acier; Lacal Industrie de Lachine, pour les accessoires; Canadian Ohio Brass de Pointe-Claire, pour les accessoires.

Maintenant, on dit souvent qu'on ne répartit pas et qu'on fait des préférences au point de vue de génie-conseil. Voici, durant l'année 1970, un extrait des bureaux d'ingénieurs-conseils qui ont eu des honoraires de plus de $50,000: Asselin, Benoît, Boucher, Ducharme et Lapointe; Bourgeois et Boulianne; Brosseau, R.B. et associés; Dagenais, Dupras, Gauthier et Gendron; Georges Demers Incorporé; Lalonde, Girouard, Letendre; Lalonde, Valois et Lamarre; Letendre, Monti, Lavoie et Nadon; Martineau, Vallée et associés; Gracey, Mc Callum et Buteau; Rousseau, Sauvé et Warren; Société d'Ingénierie Shawinigan; Surveyer, Menninger, Chênevert.

Plusieurs autres qui ont eu des commandes de moindre importance.

M. BERTRAND: M. le Président, je voudrais, étant donné qu'on vient de référer au problème de Churchill Falls, au contrat, inviter mes collègues qui n'étaient pas ici, à lire la séance de la commission des Richesses naturelles du 20 mai 1969. Ce problème a été abordé par tous les partis. L'Hydro-Québec, également était présente, cela répondra aux questions des membres de la commission.

M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je ne veux pas reprendre ce qu'a dit le chef de l'Opposition. Je suis, en tous points d'accord sur les propositions qu'il a faites. Je voudrais signaler, à l'intention de la commission, réunie pour étudier ce problème, que nous pourrions nous éterniser longuement, en questionnant les spécialistes de 1'Hydro, sur des problèmes scientifiques.

La question du développement de la baie James, telle qu'elle se présente à nous, a deux aspects bien spécifiques. Il y a d'abord un aspect technique et scientifique qui est de la responsabilité de l'Hydro.

Hier, nous avons eu l'occasion d'interroger les représentants de l'Hydro-Québec. Ils ont répondu aux questions légitimes que nous étions en droit de leur poser, sur les possibilités des installations hydro-électriques à la baie James, sur leur rentabilité et sur leur financement.

Je crois, pour ma part, et compte tenu des documents qui nous ont été remis, que l'on a répondu à notre satisfaction à ces questions. Bien qu'il reste, et c'est normal, des zones grises, elles se dissiperont au fur et à mesure que l'on nous fournira les renseignements que nous demanderons, ultérieurement.

Le second aspect est un aspect politique. En effet, l'Hydro-Québec a reçu mandat de faire des études, des recherches et de proposer au gouvernement une action à entreprendre. L'Hydro-Québec a fait connaître son attitude. Elle a effectivement proposé au gouvernement de prendre action dans le sens que nous connaissons.

Donc, la seconde partie de la question est d'ordre politique. Il s'agit évidemment des coûts, des priorités du gouvernement, des investissements, des retombées économiques, des répercussions sur l'embauche. Ce sont là, des questions politiques. Nous aurons l'occasion de les examiner à loisir lorsque le gouvernement prendra des décisions, qu'il en informera la Chambre.

En ce qui concerne cet aspect politique, M. le Président, je poserai d'abord une question à M. Giroux. Je lui demanderai d'y répondre à la fin de mon intervention.

Je voudrais savoir de l'Hydro-Québec si le développement de la baie James retardera ou empêchera d'autres développements dont nous avions parlé l'an dernier à cette commission des Richesses naturelles, soit la Saint-Maurice, la Péribonka, la Moisie, etc. Mais je reviens au problème politique en indiquant que ce qui a pu troubler la population et ce qui nous a inquiétés nous aussi, c'est que l'annonce de cet immense projet a été faite dans un contexte dont le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il avait

une certaine coloration politique et je n'insiste pas là-dessus. Le premier ministre se justifiera.

M. BOURASSA: Une certaine coloration politique...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'autre part, lorsqu'on examine ce problème politique et ce problème scientifique, il nous apparaît, compte tenu de tout ce qui a été écrit, qu'il y a des divergences de vues entre des théoriciens de l'économique et des spécialistes du domaine scientifique. Il serait extrêmement périlleux et je pense impossible d'essayer de réconcilier les théoriciens de l'économique et les scientifiques en une matière aussi difficile et qui demande une approche concrète et positive du problème, comme celle qu'a adoptée l'Hydro-Québec. Je voudrais donc, M. le Président, en terminant, poser deux questions à M. Giroux. La première, que je lui répète: Est-ce que le développement de la baie James empêchera ou annulera les développements dont nous avions parlé l'an dernier, à savoir la Moisie, la Péribonka, le Bas Saint-Maurice ou d'autres que nous avions évoqués? Sous forme un peu humoristique et justement pour protéger le premier ministre lui-même et pour évidemment satisfaire les esprits soupçonneux, je voudrais demander à M. Giroux s'il est en mesure de nous expliquer cette coincidence de la publication de certaines lettres de M. Giroux lui-même, de M. Cahill, de M. Warren et de M. Sauvé, lettres qui ont toutes été adressées le 29 avril 1971, la veille d'un grand déploiement qui s'est tenu là où ordinairement se font valoir les athlètes au sens propre du terme, et non pas les athlètes politiques du genre du premier ministre. Ce sont les deux questions que je voudrais poser à M. Giroux.

M. GIROUX: C'est très facile pour moi de répondre à cette question. Au mois de février, lors d'entretiens fréquents au sujet de la baie James et des progrès des études faites à ce sujet, avec le premier ministre, j'ai reçu une demande de ce dernier, qui voulait savoir si on serait en mesure de lui donner une réponse positive ou négative à la fin d'avril, sans qu'il y ait mention de date. Je lui ai dit qu'on était très avancé dans l'étude de ce problème. Avant le départ du premier ministre pour New-York, au moment d'une tournée, à laquelle je n'étais pas présent parce que j'étais en vacances, la même question m'a été posée. Je n'étais pas en mesure d'y répondre. Mais plusieurs assemblées ont eu lieu à l'Hydro-Québec durant mon absence et des études ont été faites. A ce moment-là, à mon retour de vacances, on avait la position suivante. On était convaincu qu'on devrait aviser le gouvernement, à ce moment-là, que l'Hydro-Québec penchait très fortement pour la baie James, mais on n'était pas encore en mesure de fournir une recommandation écrite. Le premier ministre est très tenace. En débarquant à Londres, à l'occasion d'un diner, il m'a deman- dé si je pouvais donner une réponse pour le 30 avril. Naturellement, moi, le 30 avril, ça ne m'a pas frappé plus que cela. Si ça avait été le 1er avril, j'y aurais pensé. Le 30, je n'ai pas porté plus d'attention à cette chose-là, mais je lui ai dit qu'on était très avancé à l'Hydro et j'ai répondu: Je crois que oui. A ce moment-là, il s'agissait de rencontrer deux personnes, deux industriels très importants. Je crois que je peux les mentionner ici: Sir Val Duncan et Sir Mark Turner et M. William D. Mulholland de Churchill qui étaient les plus importantes personnalités dans le domaine minier, par l'entremise de Rio Tinto Zinc, Brinco, etc. Malheureusement, en ce qui concerne ces messieurs, un était en Australie lorsqu'on était à Londres et l'autre était en Espagne.

Ils nous ont télégraphié tous les deux et leur secrétaire nous a demandé si on pouvait organiser une rencontre. A ce moment-là, le premier ministre les a invités à dîner le 29, à Québec. Moi, je suis rentré à Montréal, le premier ministre est allé à New York et nous, nous avons passé la semaine là-dessus.

Lors d'un téléphone, j'ai promis au premier ministre de lui apporter la réponse, quelle qu'elle soit, le 29 en venant dîner ici. Je suis venu. Nous avons eu la réception du premier ministre. Je lui ai remis la réponse de l'Hydro-Québec. Naturellement, je présume qu'il s'est servi de ma lettre — je n'étais pas invité le 30 —.

Pour ce qui est des réponses sur les autres projets, je demanderais à M. Boyd ou à M. De Guise s'ils veulent répondre à cette question des autres projets. Il y en a qui sont retardés, d'autres reportés, je ne crois pas qu'on les ait mis en oubliette, mais le degré d'importance d'un projet est tel que les deux autres, vous pouvez me corriger, doivent être...

M. BOURASSA: M. le Président, je pourrais juste ajouter que ce que dit M. Giroux est exact. J'ai eu plusieurs rencontres avec lui. Nous en avons discuté à Londres. Nous avons même fait des téléphones de Londres ici à Montréal et le point que je voudrais mettre en relief, c'est que je n'ai pas insisté sur la teneur de la réponse — comme l'a dit M. Giroux — que la réponse soit négative ou positive, c'était la responsabilité de l'Hydro-Québec. C'est évident que le gouvernement dans un investissement aussi important, à moins d'être totalement et indécemment irresponsable, ne pouvait pas forcer l'Hydro-Québec à prendre une décision dans une direction ou dans une autre.

C'est elle qui avait fait les recherches. L'Hydro-Québec avait demandé à deux firmes privées, au mois de novembre, par mesure de précaution, deux firmes différentes, de faire également des recommandations. J'ai demandé à M. Giroux — étant donné qu'on faisait des recherches et des études depuis plusieurs années, pour pouvoir accélérer, si la réponse était positive de pouvoir profiter au maximum pour la raison que je mentionnais hier, c'est que plus

nous retardions, plus ça coûtait cher — s'il n'y avait pas possibilité d'avancer — la réponse devait être prévue pour juillet — de quelques mois. Il n'y a pas seulement la question du 30 avril, mais ça permettait de faire démarrer les travaux et que, dès cet été et cet automne, nous pouvions créer 2,000 à 2,500 nouveaux emplois pour une région qui en a tellement besoin.

On sait qu'il y a des fermetures de mines en très grand nombre dans la région de l'Abitibi. Ce sont des mines qui ne sont pas rentables. Donc, le gouvernement ne peut pas tellement faire quelque chose. L'alternative pour cette région — le député ici peut le confirmer — une des rares alternatives, c'était précisément — outre l'investissement de Noranda pour lequel nous avons fortement insisté — de commencer ce projet par le budget que nous avons voté hier.

Il y aurait la question d'un chômage rapidement accru dans cette région, la possibilité d'amorcer une relance économique avec un budget de l'Hydro-Québec, indépendamment de la question de la réunion du 30 avril. Je pense que c'était relativement secondaire dans tout cela, la date pouvait intéresser le Parti libéral, mais ce qui était important c'est que les emplois pouvaient commencer à être créés à l'été et à l'automne et pour ça, il nous fallait une décision négative ou positive, au printemps.

M. LE PRESIDENT: Le ministre de l'Education.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Un instant. J'attends une réponse de M. De Guise au sujet des problèmes du Bas Saint-Maurice, de la Péribonka, de la Moisie, qui eux pourraient créer — m'assure-t-on — des emplois immédiats. Est-ce que cela est mis de côté en raison des développements de la baie James?

M. DE GUISE: Si vous le permettez, M. le Président, je vais faire appel pour un instant aux notions de puissance et d'énergie au sujet desquelles il y avait une petite note dans les documents qui nous ont été remis.

Le réseau de l'Hydro-Québec en général requiert que les installations fonctionnent environ 70 p. c. du temps. Autrement dit, notre facteur d'utilisation, si nous avons une charge d'un million de kilowatts à rencontrer, il faut au cours de l'année produire l'équivalent de 700,000 kilowatts sur une moyenne.

Ceci règle tout de suite le problème du bas Saint-Maurice. Il y a le bas et le haut, je vais les prendre séparément.

Les installations prévues pour le bas Saint-Maurice qui étaient de l'ordre de 300 mégawatts seulement à cause de l'eau disponible, ne pourraient fonctionner plus que 10 p. c. du temps à moins de faire tout un chambardement dans le régime de la rivière et de créer des réserves. Il n'est pas question d'un substitut. L'énergie de la baie James qui est prévue à 80 p. c. du facteur d'utilisation ne peut certainement pas être remplacée par quelque chose qui ne peut fonctionner à cause de l'eau disponible que 10 p. c. du temps.

Si on va au haut Saint-Maurice où il y a d'autres possibilités, on trouve un peu le même problème légèrement amélioré. Les installations avec l'eau disponible dans les projets qui ont été conçus ne pourraient pas fonctionner plus que 25 p. c. du temps. Encore une fois, on ne pourrait pas substituer ce qui est requis à 70 p. c. ou à 80 p. c. à quelque chose qui fonctionne à 25 p. c. du temps.

Ces installations pourraient tout de même avoir leur utilité un peu plus tard. Voici pourquoi: l'énergie des chutes Churchill nous arrive avec une disponibilité ou un facteur d'utilisation d'environ 80 p. c, c'est-à-dire que nous aurons plus d'énergie qu'il y a de pointe par rapport aux besoins du réseau. Ce serait peut-être un peu la même chose avec la baie James. Il est possible, dans le cours des événements, qu'on doive combler un excédent ou que l'on doive suppléer à un excédent d'énergie par une installation de pointe.

Que ce soit le bas Saint-Maurice ou une partie du haut Saint-Maurice, il y a aussi la fameuse centrale de Saint-Joachim. Tout de suite on doit vous dire que suivant les coûts que nous connaissons, il serait beaucoup plus économique de procéder avec la centrale de Saint-Joachim qui a une possibilité de 3,600 mégawatts comparativement à 300 dans le bas Saint-Maurice. Les problèmes d'échelle, la hauteur des chutes, qui est de 1,000 pieds à la baie James au lieu de quelque chose aux environs de 100 pieds dans le bas Saint-Maurice, font que les indications que nous avons nous laissent croire qu'il y a probablement lieu d'attaquer Saint-Joachim avant.

En ce qui concerne la Péribonka, on réalise aussi que l'on parle d'installations beaucoup plus faibles que celles de la baie James. Sur la Péribonka, il y a peut-être 500,000 ou 600,000 kilowatts disponibles, j'entends économiquement. C'est peut-être la moitié de l'augmentation normale d'une année. De toute façon, un budget est voté et approuvé. Nous poursuivons nos recherches sur la Péribonka et plus particulièrement sur la rivière Chamouchouane.

J'insiste pour vous dire que si on parle des trois rivières de la baie James, avec un potentiel de 5 millions ou 5.5 millions de kilowatts, en mettant même la première étape à 1.5 millions de kilowatts, il y a quand même une différence d'échelle assez grande quand on parle de 400,000, 500,000, 600,000 kilowatts disponibles dans le Saguenay. Nos études ne sont pas assez avancées. Je ne dis pas que ces projets-là sont au rancart mais je crois qu'étant donné les projets de 1'Hydro pour 1978, même si nous accélérions les études et si nous décidions de nous engager sur la Péribonka, il faurait encore faire autre chose pour rencontrer la demande.

En ce qui concerne la rivière Moisie, là aussi

nous avons un budget appréciable pour étudier plusieurs rivières de la Côté-Nord. La Moisie est une d'entre elles, l'autre est la rivière Petit Mécatina.

Il y a là une puissance un peu plus considérable: probablement au-delà d'un million de kilowatts. Ce qui nous fait hésiter, c'est une question de lignes de transport. Si on voulait se servir de l'énergie de ces rivières pour la charge du réseau de l'Hydro-Québec en général, il faudrait amener cette énergie à Québec ou même à Montréal.

Les lignes de transport représenteraient une partie très élevée du coût de l'électricité. Avec les développements qui s'annoncent, les développements prévus sur la Côte-Nord, disons que la rivière Moisie serait un site idéal pour une industrie locale s'il y avait moyen d'éviter d'avoir à transporter cette énergie. Probablement que, dans le temps, on s'apercevra que la croissance normale du Québec dans cette région permettra de consommer sur place d'une manière beaucoup plus économique l'énergie d'une rivière comme la rivière Moisie.

Disons que c'est un peu en prévoyant que, dans un avenir assez prochain, il y aura une consommation locale importante qu'on continue d'étudier cette rivière-là mais on la réserve plutôt que la transporter vers Montréal ou Québec.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. De Guise, une dernière question à ce sujet-là. Au sujet du bas Saint-Maurice, je vous ai posé la question parce que — je vous donne ça sous toute réserve — des gens m'ont dit que si on aménageait le bas Saint-Maurice, on pourrait immédiatement — cela rejoint les préoccupations du premier ministre — récupérer là, 1,400 emplois dans l'immédiat. C'est la raison pour laquelle je vous ai posé la question. Je tiens compte de ce que vous venez de me dire sur le problème de l'énergie comme telle ou de la puissance comme telle.

Dans l'optique de l'embauche, les observations qu'on m'avait faites m'incitaient à vous demander si l'Hydro-Québec abandonnait des projets de cette nature-là qui permettraient, m'assure-t-on, et je vous le dis sous toute réserve, de procurer de l'emploi dans l'immédiat à environ 1,400 personnes.

M. DE GUISE: Mais, là, c'est dans un autre contexte. Nous jugeons strictement sur le prix de revient pour l'Hydro-Québec. On peut introduire un autre contexte évidemment.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci, M. De Guise.

M. LE PRESIDENT: M. le ministre de l'Education.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, quelques brefs commentaires. Je pense que l'am- pleur du projet, les chiffres qu'on nous a cités, tant sur le plan du coût que sur le plan de la production d'énergie, justifient que la commission parlementaire des Richesses naturelles s'intéresse à ce projet. Je sais que l'échelle est complètement différente, mais il ne faudrait pas oublier non plus, avec un peu de recul, en regardant le passé et en pensant ainsi aux années 1944, quelques années en arrière où sur le plan de la production de l'énergie, nous n'étions pas sur la même échelle. A cette époque-là, il aurait semblé impensable à plusieurs que le budget de la province en 1971 aurait pu être près de $4 milliards, ce budget qui était à peine de $100 millions en 1944.

Tout ça pour dire que l'échelle est modifiée constamment, et comme le faisait remarquer le président de l'Hydro-Québec, ce qui autrefois pouvait être entrepris une fois tous les 23 ans, dans le monde de demain, il faudra l'entreprendre à tous les trois ans. Il faudra surtout avoir le courage de prendre les décisions nécessaires pour aller de l'avant, sans cela, il faudra payer dans un deuxième temps la cause de cette hésitation.

Je pense que les réponses que nous avons eues du président de l'Hydro-Québec établissent très clairement les besoins réels du réseau d'électricité du Québec, qui, dès 1978, indiquent un déficit assez substantiel qui dépasse 1,000 mégawatts, et qui doit être comblé. Ce déficit, progressivement, dès les années 1982 atteint des sommes qui sont dans les mêmes ordres d'échelle que l'ensemble de l'harnachement de la baie James.

On nous a aussi évoqué les immenses possibilités d'un marché électrique dans l'ensemble de l'Amérique du Nord, qui place le Québec dans une position très avantageuse — il faudrait le rappeler — qui est totalement différente de celle qui prévalait lors des premières négociations pour la vente possible de l'énergie des chutes Churchill à la Consolidated Edison ou à l'Etat de New York dans les années 1962, où le marché n'était pas aussi favorable qu'aujourd'hui.

Ce marché d'aujourd'hui est d'une part causé, comme le mentionnait le président, par les problèmes de pollution, causé par l'énergie thermique surtout mais également par l'énergie nucléaire. On sait les exigences très fortes de la plupart des Etats touchant l'énergie thermique. Qu'il me soit permis de signaler à cette commission la récente décision de l'Etat du Michigan qui impose comme critère de pollution thermique une différentielle maximum de 1 degré Fahrenheit entre l'eau qui est expulsée des centrales et les bassins des réservoirs.

Ceci implique évidemment des coûts substantiels de capitalisation qui nécessitent des bassins de décantation pour permettre un refroidissement de l'eau. Je pense que le président de l'Hydro-Québec nous a établi clairement que les recommandations formulées au gouvernement ne l'ont pas été à la légère. Il faut se

rappeler que déjà depuis douze ans, le projet est étudié sous différentes formes, que déjà près de $12 millions ont été dépensés. Il serait peut-être prématuré de dire que toutes les études sont terminées, et d'ailleurs, les rapports de l'Hydro-Québec indiquent qu'on veut poursuivre des études d'optimalisation. Mais on sent que nous avons suffisamment de données pour poser un jugement certain sur l'ensemble du projet.

Le Président de l'Hydro-Québec a aussi, avec différentes lettres à l'appui, évoqué qu'on a étudié avec sérieux toutes les autres formes possibles d'énergie pour satisfaire ce déficit prévu en 1978, déficit qui implique que dès maintenant il faut prendre des décisions et qu'on ne peut pas spéculer sur ce que peuvent être les changements. Nous avons également vu que face à des changements technologiques qui peuvent survenir, il n'en reste pas moins que le taux, que les possibilités, que la rentabilité de la baie James n'est pas mise en cause, particulièrement avec cette possibilité de procéder par phases dans l'évolution des travaux.

Je ne crois pas qu'il revient à la commission parlementaire des Richesses naturelles de se poser en expert technique sur les recommandations qui ont pu être formulées par l'Hydro-Québec. Les questions pertinentes ou non que nous avons pu soulever étaient justes. La question fondamentale est : Avons-nous ou non confiance aux membres de la commission assistés de leur personnel technique, dans la validité des recommandations que ceux-ci peuvent nous faire?

On peut soulever des questions. Mais, fondamentalement, il faut se poser la question: Avons-nous, oui ou non, confiance en des gens qui nous disent à la suite d'un rapport: Nous vous recommandons l'énergie hydro-électrique, nous vous recommandons, davantage, le développement de l'ensemble de la baie James?

Si on veut mettre en doute cette compétence, la commission parlementaire n'est pas l'endroit requis. Il y a d'autres procédures dans nos lois qui le permettent. Le gouvernement, ne veut sûrement pas mettre en doute cette compétence. Se basant sur ce jugement qu'on nous donne, on veut passer immédiatement à l'action. Les avantages du développement de la baie James, de l'ensemble de ce projet de la baie James, m'apparaissent substantiels. D'une part, le critère du prix de revient, pour combler des besoins essentiels du marché local en énergie, m'apparaît un facteur prédominant. D'autres facteurs doivent également être considérés. Mais celui-là demeure prédominant.

J'ai peine à comprendre cette hésitation exprimée hier soir par les représentants du Parti québecois touchant le prix en mills de l'énergie des chutes Churchill...

M. LAURIN: Ce ne sont pas les chutes Churchill.

M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse, non pas

Churchill, mais du bassin de la baie James. Il s'agit, somme toute, d'une simple division. On aurait pensé qu'avec l'assistance de certains économistes on aurait pu, au moins, faire ceci: à même le rapport de l'Hydro-Québec, on peut établir qu'à ce stade-ci, le coût, tenant compte de l'inflation, tenant compte des frais d'intérêts intercalaires, ajouter, à ceci, également, le coût des routes d'accès principales, le coût des aéroports, le coût de construction des villages, se situe, pour la production d'énergie, à moins de dix mills.C'est une simple division qu'on peut faire à partir de l'énergie produite et des estimations indiquées ici par l'Hydro-Québec. De plus, le rapport de l'Hydro-Québec indique en page 21, que les études subséquentes permettront d'optimaliser le complexe et, peut-être, d'en réduire le coût total.

Prenant à profit, pour moi-même, l'expérience de Beauharnois avec des coûts ridiculement bas actuellement, il faut se rendre compte que c'est une forme d'énergie avec un minimum de main-d'oeuvre. Elle est, d'elle-même, protégée de l'inflation, par une hausse substantielle qui pourrait survenir, soit dans le combustible, soit dans la main-d'oeuvre et qui affecterait énormément l'autre projet.

Or, par des statistiques très sérieuses, par des recherches qui avaient été publiées par la Northeast Utilities, d'autres groupes, l'ensemble des groupes de consultants américains de grand renom qui avaient fait une étude pour l'évolution des prix sur les différentes formes d'énergie, on a vu, hier, un taux de croissance assez constant pour l'énergie nucléaire, passant d'à peu près six mills, actuellement, à environ 13.80 et à 15 mills dans les années 1983. On peut supposer, compte tenu de l'importance de la main-d'oeuvre, compte tenu de l'importance du combustible, que dans l'énergie nucléaire, ces coûts, probablement, continueront à accélérer.

Il n'en reste pas moins que pour la même raison, la chose a été évoquée pour d'autres pays. Cela surviendra un jour et l'Hydro-Québec n'aura pas ce choix qu'elle a actuellement: trois sources d'énergie. Alors, ayant épuisé nos ressources hydrauliques, il faudra, comme les autres, se poser la question: Choisit-on du thermique ou choisit-on du nucléaire pour faire face aux besoins du marché? Egalement, le projet de la baie James implique des avantages marqués sur le plan des retombées économiques. Le président de l'Hydro-Québec, tantôt, mentionnait quelques industries du Québec qui bénéficieront directement du projet de la baie James. C'est donc dire que les $7 milliards, les $6 milliards, peu importe le chiffre que nous retenons pour le projet, lorsque les études d'optimalisation seront terminées, se répartissent, dans l'ensemble, dans la plupart des industries manufacturières, des industries de construction, dans la plupart des industries du Québec.

On ne pourrait en dire autant d'autres

formes d'énergie. La structure de l'industrie secondaire au Québec est telle que dans d'autres formes d'énergie, on ne peut sûrement pas atteindre le même pourcentage. Ceci était corroboré par les réflexions de M. Giroux.

Nous avons aussi évoqué la possibilité de profit dans une vente à court terme, suivant des conditions qui favorisent, en tenant compte des besoins du Québec, une possibilité de profits réels, de profits financiers fort intéressants pour une province qui recherche, justement, un capital pour d'autres vocations. Là, on peut donner toute la gamme des immenses besoins du Québec. Ce serait un profit réel pour la vente à court terme, suivant les impératifs du Québec, ses objectifs, soit de l'énergie, soit de la puissance compte tenu, qu'en général la puissance maximale au Québec... que l'énergie de pointe ne correspond pas... que les périodes de pointe ne correspondent pas nécessairement à celles des Etats de la Nouvelle-Angleterre. Nous pourrions, alors, avoir des échanges intéressants qui pourraient nous rapporter de l'argent. Il est inutile de rappeler les sommes qui ont été mentionnées.

Egalement la nature de l'ouvrage, la nature de l'entreprise, s'inscrit dans un prolongement, dans un champ d'action où les Québécois ont acquis une certaine compétence.

Ce champ d'action n'est pas uniquement un besoin sécuritaire, mais un besoin qui nous donne dans un contexte ce que nous recherchons : une certaine vitalité sur le plan économique, qui nous offre des garanties que d'autres engagements ne pourraient pas nous donner.

Il est intéressant de noter que, dans plusieurs de nos secteurs manufacturiers, le problème financier ne soit pas le seul problème qui touche les Québécois. Des discussions publiques et privées que j'ai eues même avec certains membres du Parti québécois m'ont appris que souvent nous avons un problème de gestion ou de "know how" dans certains secteurs de l'industrie manufacturière. Le cas de Bombardier est un cas fort intéressant. J'aimerais moi-même — et je suis certain que le Parti québécois serait d'accord — le multiplier par mille. Mais, dans la réalité des choses, il faut être prudent. Nous constatons que la multiplication n'est pas aussi facile dans ces cas-là et que, dans nombre d'entreprises, nous avons des problèmes de gestion, des problèmes de "know how". Ce sont des problèmes que nous tentons de surmonter. Les mesures — et je ne voudrais pas sauter de commission — annoncées par le ministère de l'Education, des bourses de $8,000 à 40 Québécois pour des études de m.b.a. correspondaient justement à un certain consensus puisque tous les groupes que nous avons consultés ont établi comme première priorité, pour les études de deuxième cycle au Québec, les études d'administration. Donc, ces 40 qui sont un modeste départ qui se poursuivra, nous per- mettront, sur le plan de la gestion, de nous améliorer.

Mais quant au projet de la baie James, la nature même du projet, je pense que les Québécois ont établi leurs compétences tant sur l'aspect de la conception de l'ouvrage, que sur l'aspect de la gestion de l'ouvrage, que sur l'aspect de l'exploitation de la construction et l'exploitation des centrales et la fourniture de tout le matériel relié à ce projet. On ne pourrait pas, il me semble, en dire autant dans d'autres formes d'industrie manufacturière. Reprenons la question: Pourquoi ne pas investir le même montant dans d'autres secteurs d'activité? Et on voit qu'avec des lois, comme le projet de loi 21 et d'autres lois mises de l'avant par le gouvernement, on nous reproche justement que les Québécois ne sont pas ceux qui en profitent, que ce sont d'autres qui, ayant la gestion, ayant le "know how" prennent peut-être les avantages qu'on leur offre pour créer de l'emploi, pour apporter un stimulant économique ici dans la province.

Il est évident que, dans un deuxième temps, se posera le problème de l'organisation responsable de l'exécution de l'ouvrage. Et je suis certain qu'au moment opportun, le gouvernement établira ses politiques. Comme le disait le député de Chicoutimi, le problème se déplacera d'un problème d'évaluation de concept technique à un problème plus politique à savoir comment pouvoir atteindre, avec le maximum de sécurité, les objectifs que nous nous fixons, non seulement pour la production de l'énergie électrique, mais aussi pour le développement intégré d'un territoire qui, il ne faudrait pas l'oublier, représente quand même la moitié de la superficie de la France.

Or, je pense qu'il y a une note prédominante qui demeure, peu importent les formes d'organisations sur lesquelles le gouvernement s'arrêtera. Il y a un impératif dans tout ceci, c'est de mobiliser au maximum toutes nos ressources humaines possibles et nos ressources humaines, sur le plan de la conception, sur le plan de la construction des ouvrages. Il est évident que, sur le plan québécois, plusieurs de ces ressources se retrouvent à l'Hydro-Québec et ce serait, il me semble, inconcevable que le gouvernement songe à ne pas mobiliser au maximum ces ressources humaines disponibles à l'Hydro-Québec.

D'ailleurs, dès qu'on regarde quelque peu le projet, l'ampleur même du projet, on se rend compte que non seulement nous pourrons mobiliser les ressources humaines de l'Hydro-Québec, mais nous pourrons mobiliser, nous devrons mobiliser l'ensemble des ressources à la fois du secteur privé et du secteur public que possèdent les Québécois puisqu'on n'a qu'à simplement comparer que le projet, il faut s'en rappeler, représente quand même, sur le plan des investissements, de six à sept fois le projet

de Churchill Falls: projet qui nécessitait, dans sa période de pointe, quand même à peu près 8,000 à 9,000 hommes sur le chantier. On n'a qu'à faire les multiplications et se rendre compte que nous ne sommes plus maintenant dans l'ère ou la décennie de Manic-Outardes, mais dans une décennie où les projets ont beaucoup plus d'envergure.

Pour terminer, M. le Président, sur le plan du financement, les propos de l'Hydro-Québec et d'autres informations, sûrement que le gouvernement, en temps approprié, donnera, indiquera que sur ce plan-là, compte tenu des possibilités du marché, compte tenu de la rentabilité du projet, que le financement qui devait se faire de toute façon pour combler des besoins soit au Québec, soit à l'étranger, sera disponible et ne causera pas de problème. Le gouvernement, je pense, a déjà préalablement indiqué que, sur le plan du capital-action de cette entreprise, peu importent ses responsabilités, nous ferons appel directement aux Québécois.

Je pense que nous pourrons peut-être rejoindre une des préoccupations des jeunes qui se plaignent que nous vivons dans une société de consommation. Peut-être que dans ce projet collectif, ce projet qui demeure de très grande importance, on pourra trouver des formules qui pourront faire appel à chacun des Québécois pour contribuer quotidiennement à une partie de ces revenus, pour assurer le succès de ce projet compte tenu des disponibilités que peuvent offrir les particuliers au Québec.

Dans un dernier temps, M. le Président, j'aimerais souligner évidemment, peut-être pour le bénéfice de mon collègue de l'Abitibi, que ce projet comparativement à d'autres permet d'ouvrir toute une région. Ce projet dans sa rentabilité offre et nous donnera une infrastructure qui permettra sûrement sur le plan des industries minières, sur le plan des industries forestières, sur le plan récréatif, d'ouvrir toute une région qui, autrement, ne pourra peut-être jamais traverser le seuil de la rentabilité. Plusieurs des projets miniers, plusieurs des projets forestiers importants au départ... Il s'agit d'analyser certains des projets d'expansion de certaines industries impliquées dans ce secteur, l'industrie minière et l'industrie forestière. Une part assez substantielle des dépenses est causée par toutes les dépenses nécessaires d'immobilisation et d'infrastructure: routes principales, routes secondaires, bases d'approvisionnement, villages et tout ceci. Le projet de la baie James nous donne cette infrastructure qui permettra d'en faciliter l'exploitation par SOQUEM, de découvrir peut-être certains gisements miniers et de permettre l'ouverture dans un territoire plus au nord que celui de l'Abitibi conventionnelle, de permettre un développement rentable d'une industrie minière.

Pour toutes ces raisons, il me semble, M. le Président, que nous ne sommes pas en face d'un ballon politique. Nous sommes en face d'une décision d'un gouvernement qui voit là une occasion et qui n'a pas peur de prendre, compte tenu que les échelles sont différentes, des décisions et, puisant à même les recommandations des experts que nous avons au gouvernement par l'organisme que constitue l'Hydro-Québec, d'aller de l'avant dans un projet qui pourrait assurer la relance économique et contribuer substantiellement à améliorer une région, non pas une seule région, mais l'ensemble de notre activité manufacturière, l'ensemble de notre activité économique au Québec.

M. LE PRESIDENT: Le député d'Abitibi-Est.

M. TETRAULT: M. le Président, nous voulons aussi féliciter l'Hydro-Québec pour toutes les informations qu'elle nous a données même si on n'a pas pu avoir toutes les informations comme le coût du projet en entier. Nous de la région de l'Abitibi nous sommes en faveur de ce projet qui nous favorise énormément comme l'a dit le ministre de l'Education. Finalement le Nord-Ouest québécois va être sur la carte de la province de Québec.

La peur qui existe, dans notre région, avec le développement de la baie James, est que le sud aide le nord pour mieux servir le sud. M. le Président, après tout ce qui a été dit, même de l'Opposition officielle et du gouvernement, une question reste encore soulevée. Est-ce que ça va être la régie ou l'Hydro-Québec qui va avoir le contrôle du projet de la baie James? Nous ne mettons pas en doute les capacités de l'Hydro-Québec. Nous voyons par les expériences passées que l'Hydro-Québec a su se débrouiller assez bien, et même avec gloire, dans les projets qu'elle a entrepris. Mais selon les informations que nous avons du gouvernement ou dans les coulisses parlementaires, il semble qu'une régie sera formée. Pour le bien de tous, nous aimerions savoir si c'est la régie afin que nous puissions poser les questions nécessaires à la régie et si c'est simplement l'Hydro-Québec, on posera nos questions à l'Hydro-Québec et elle pourra nous répondre avec autorité.

Sur ces recommandations que l'Hydro fait, qui couvrent un très grand territoire, le territoire du bassin de la baie James, on parle de faire l'aménagement de la baie James par sections, par secteurs, afin que, si l'énergie nucléaire pouvait devenir plus rentable éventuellement, on se lance dans l'énergie nucléaire.

Nous sommes complètement d'accord que le gouvernement, la province de Québec ou l'Hydro-Québec emploie les meilleurs procédés afin de se tenir à l'avant dans la technologie.

Nous croyons sincèrement, comme l'a proposé le chef de l'Opposition, qu'il faut faire le projet de la baie James par secteurs parce que d'autres secteurs de production hydro-électrique pourraient être plus favorables à l'avenir.

M. LE PRESIDENT: Le député de Gouin.

M. JORON: Je voudrais d'abord resituer à nouveau l'optique dans laquelle nous abordons le travail que nous faisons dans cette commission. C'est l'intervention du député de Chicoutimi qui m'a fait rappeler le besoin de préciser. Je suis d'accord avec lui et avec le ministre de l'Education qui disait également qu'il ne nous appartient pas de faire nous-mêmes, à titre de parlementaires, les études techniques à la place de l'Hydro-Québec. Cela est évident. Ce domaine appartient à l'Hydro-Québec. D'autre part, il est évident aussi qu'il ne nous appartient pas de prendre une décision politique. C'est le privilège d'un gouvernement de prendre une décision politique. Mais la raison pour laquelle nous siégons ici, la raison pour laquelle l'Opposition existe, c'est d'essayer de savoir en fait pourquoi cette décision-là a été prise et à la suite de quel éclairage et à partir de quel autre choix. C'est non seulement l'Opposition qui veut savoir cela, mais bien entendu, toute l'opinion publique. C'est dans cette optique que nous abordons les travaux de cette commission, non pas pour prouver que la baie James n'est pas bonne et qu'on devrait faire autre chose, mais on veut savoir pourquoi et si les réponses apportées autour de cette table sont satisfaisantes, tant mieux, faisons-la et au plus tôt !

Je voudrais tout d'abord revenir sur quelques points. On aborde plusieurs choses à la fois et on a parfois l'impression qu'on est en train de perdre le nord. Toutes sortes de questions sont lancées, sont introduites dans la discussion qui sont des questions accessoires souvent. Je voudrais essayer de ramener la discussion sur les points essentiels. En guise d'introduction, je voudrais en deux mots expliciter davantage notre position sur deux aspects qu'ont mentionnés MM. Massé et Bourassa. On apporte comme argument au fait que l'on doit accélérer les travaux de la baie James et pour insister sur l'urgence de faire ces travaux-là, que plus on les fait rapidement, on aura peut-être en réserve des surplus d'électricité à ce moment-là qui nous permettraient de les exporter. Est-ce que le motif de vouloir exporter de l'électricité est une considération valable pour accélérer les travaux? A notre avis, ça ne l'est pas, principalement pour la raison suivante. En faisant cela, on se trouve à engager des sommes énormes de capitaux qui ne rapportent pas les profits extraordinaires dont faisait mention tout à l'heure le ministre de l'Education. Voyons un peu les chiffres. Si nous exportions 20 p. c. du total du projet tel qu'annoncé par M. Bourassa le 30 avril, soit environ 15 milliards de kilowatts heures — c'est à peu près 20 p. c. du total de la baie James — et que le profit sur cette exportation-là était de un mill ou deux, par exemple, parce que notre marge de profit, évidemment, va être limitée. Elle est conditionnée par le prix de revient auquel la Consolidated Edison, pour prendre cet exemple-là, peut produire de l'électricité. Il est évident qu'on ne peut pas rajouter 10 mills comme ça par-dessus notre coût. Eux aussi, évidemment, tiennent compte des coûts. Il me semble que dans l'hypothèse la plus favorable, on peut envisager faire un profit de un mill ou peut-être deux au maximum, ce qui serait peut-être 10 p. c. en gros, au-delà de notre coût de revient, de notre coût de production. Or, sur 15 milliards de kilowatts, ça veut dire quoi? C'est un profit de $15 millions par année, de $15 ou $20 millions par année. Est-ce qu'il est censé, est-ce qu'il est logique d'investir environ $1,200 millions, soit 20 p. c. des $6 milliards, pour faire un profit net de $15 ou $20 millions, c'est-à-dire un taux de profit de 1 p. c. ou 2 p. c?

M. MASSE (Arthabaska): Est-ce que c'est une question?

M. JORON: Cela m'apparaît... Non! C'est un exposé que je fais. J'explique pourquoi cet argument m'apparaît insensé. D'autre part, on a avancé hier l'idée que cela pourrait faciliter le financement dans le sens que ça augmente la possibilité d'autofinancement.

D'autre part, les commissaires de l'Hydro-Québec en témoignant hier nous disaient que le taux d'autofinancement dans les ventes de l'Hydro-Québec peut être de l'ordre de 20 p. c. à 30 p. c, peut-être 25 p. c. en moyenne. S'il s'agit de trouver une forme d'investissement par laquelle l'autofinancement procure beaucoup de capital, à ce moment-là il serait beaucoup plus indiqué de s'en aller dans l'industrie manufacturière, où on connaît le taux général d'autofinancement en Amérique du Nord qui est de l'ordre de 75 p. c.

Si on veut trouver par ça un moyen d'autofinancement, c'est à peu près le plus piètre moyen qu'on puisse trouver. Cela, c'est pour les arguments avancés autour de la nécessité d'exportation. Et là-dessus nous rejoignons pleinement les propos du chef de l'Opposition...

M. BERTRAND: Le député de Gouin me permettra justement ce que je voulais faire clarifier. A ce moment-ci toutes ces remarques se font dans le sens d'un développement global.

M. JORON: C'est ça.

M. BERTRAND: Mais non pas d'une première phase, à cause du problème de l'énergie...

M. JORON: Il ne serait pas question d'exportation si on ne faisait...

M. BERTRAND: De répondre d'abord à nos besoins, mettant de côté l'exportation.

M. JORON: D'accord.

M. BERTRAND: Et deuxièmement, pour permettre à l'Hydro-Québec de suivre — ce dont vous avez parlé abondamment hier, avec le

député de Bourget — le développement de l'énergie nucléaire.

M. JORON: A ce moment-là, nos positions se rejoignent pleinement.

M. LAURIN: Un tout petit mot. D'ailleurs il n'est pas question d'exportation, puisque dans le rapport du président de l'Hydro, on lit: En 1978, si aucun nouveau programme de construction n'est mis en marche, nous aurons un déficit de 1,335,000 kilowatts et si c'est la même chose chaque année multiplié par trois, c'est 5 millions de kilowatts et c'est exactement la contenance totale du complexe NBR, 5,300,000. Ce ne pourrait être que pour une année ou deux qu'on pourrait exporter de l'énergie, puisque dès 1980, même avec NBR, nous en manquerions.

M. PICARD: Alors toute la documentation que vient de nous donner le député de Gouin est absolument inutile.

M. JORON: Non, mais je dis...

M. LAURIN: De toute façon.

M. LESSARD: Attendez donc un peu!

M. JORON: C'est la raison pour laquelle...

M. BERTRAND: ... le député de Gouin que le ministre de l'Education, de même que le ministre des Richesses naturelles mettent trop l'accent sur l'exportation. Je l'admets.

M. JORON: C'est le point que je voulais faire valoir. C'est pourquoi je pense qu'il serait utile d'écarter ce "red-herring" qu'on introduit à tout moment dans nos discussions et qui finalement est futile.

M. MASSE (Arthabaska): Si vous permettez une question. Est-ce que vous êtes d'accord que, s'il y a accélération du projet, il y a accélération de la production d'électricité — si la production d'électricité de la baie James avant le déficit du Québec en 1978 — pour dire qu'en réalisant des profits avec la vente à l'étranger de cette électricité, ça réduit d'autant les investissements que nous avons à faire quand même?

M. JORON: C'est vrai pour n'importe quelle forme de travaux publics.

M. MASSE (Arthabaska): Vous êtes d'accord.

M. JORON: L'argument c'est que ce n'est justement pas dans cette situation-là qu'il faut se placer.

M. MASSE (Arthabaska): Au contraire.

M. JORON: Le truc là-dedans c'est d'arriver, toujours en investissant le minimum, à répondre à la demande, à temps, de ne pas créer des surplus qui constituent pendant le temps qu'il dure du capital inutilisé. C'est ça l'argument.

C'est pourquoi les travaux ne devraient pas être accélérés beaucoup au-delà de nos demandes. On dit: A ce moment-là, le capital épargné pourrait servir à d'autres fins. C'est ça la base de l'argumentation.

Vous me permettrez d'enchafner sur un autre point, pour économiser le temps, qui est l'autre argument avancé par M. Bourassa, argument en faveur de l'accélération des travaux, lorsqu'il introduit les considérations de chômage et de relance économique. C'est un effet indirect, c'est bien sûr, la création d'emplois de la construction de la baie James, qu'on ne peut pas minimiser, tant mieux. Mais si seulement ça devait être là l'effet principal recherché, si, en d'autres mots ce que nous sommes en train de faire, c'est non pas essayer dé pourvoir à nos besoins électriques, mais créer des emplois pour répondre immédiatement au problème du chômage, on emploie là une bien mauvaise solution.

Comment peut-on considérer ça un programme d'urgence pour répondre au chômage, alors que le maximum d'emplois ne sera dégagé qu'en 1977? On ne fait pas des programmes d'urgence six ans à l'avance. Un programme d'urgence c'est une question de six mois et non une question de six ans. Et d'ailleurs en 1977, au plus fort des travaux — je ne veux pas m'embarquer dans tous les effets multiplicateurs dont on a d'ailleurs trop fait état et dont on s'est servi à toutes les sauces depuis un certain temps — les emplois directs sur le chantier, qui seront des emplois temporaires, atteindront le nombre maximum d'environ 20,000.

Si ce sont des emplois temporaires rapidement qu'on veut créer, à ce moment-là qu'on prenne les $6 milliards divisés en dix ans: $600 millions et qu'on lance ça dans des programmes de construction domiciliaire où on sait que par tranche de $100 millions investis cela crée 17,000 emplois, selon les chiffres du ministre fédéral Andras.

Cela veut dire que pour le même programme, si c'est une question de créer des emplois temporaires, cela serait 100,000 emplois par année pendant 10 ans qu'on aurait et non pas 20,000 en 1977. L'argument des emplois me semble également devoir être écarté. Ce qui nous ramène aux considérations essentielles et ce sont celles-là qu'on est trop souvent en train d'oublier.

Comment doit-on considérer ce problème-là, ce choix-là? C'est en raison des facteurs d'investissement, de coût de production et de prix aux consommateurs. J'aurai des questions à poser aux messieurs de l'Hydro-Québec sur la question du coût de production d'une part et sur le prix aux consommateurs d'autre part. En commençant par les coûts de production. Se-

riez-vous en mesure de nous les dire, sur la base des calculs que le ministre de l'Education nous invitait à faire tout à l'heure? Nous avons fait ces calculs-là, nous les connaissions hier. La raison pour laquelle nous ne les avons pas mis sur la table, c'est que nous souhaitions les faire dire par les experts de l'Hydro-Québec. Ce qui n'a pas été fait, à cause de considérations à l'effet que ce n'est pas dans l'intérêt public, en vue des exportations. Puisqu'il me semble qu'on peut écarter la question des exportations, cet argument-là devrait tomber. Peut-être que maintenant, on pourrait savoir le coût, sur la base de la partie NBR, la première phase, les trois rivières.

On sait que le coût est estimé à $4.1 milliards et que cela va produire 37 milliards de kilowatts-heures. C'est simple, si on prend un taux d'intérêt: et on sait que dans l'hydraulique la charge financière c'est-à-dire la considération des répercussions des taux d'intérêt est de loin la principale constituante du prix de revient dans un ordre d'à peu près 80 p. c. ou 90 p. c. L'essentiel du prix est là-dedans. Il est dans ce seul facteur-là. Si on prend comme base le taux d'intérêt de 10 p. c. sur $410 millions, 10 p. c. de 4.1 milliards, divisés par 37 milliards de kilowatts-heures c'est 11 mills du kilowatt comme coût de production, auquel il faut ajouter...

M. MASSE (Arthabaska): Ce sont vos affirmations.

M. JORON: ... l'administration, etc. La question que je veux poser aux messieurs de l'Hydro est d'une part: Est-ce que cette estimation que je viens de faire de 12 mills du kilowatt pour l'ensemble du projet NBR est réaliste à titre d'ordre de grandeur? D'autre part, que devient ce coût si l'on n'a fait que la première phase du NBR c'est-à-dire une seule rivière, la première phase qui consiste à faire 1.5 million de kilowatts seulement et comment — je ne veux pas ouvrir le débat d'hier soir — d'après ce que vous en savez, ces chiffres se comparent-ils aux centrales nucléaires les plus connues en fonction aux Etats-Unis? C'est sur la question des coûts. J'aimerais vous signaler tout de suite que j'aurais d'autres questions à poser quand on aura vidé ces trois petites questions-là. Elles sont petites mais elles ont des conséquences assez formidables. J'aurais quelques questions à poser par rapport aux prix aux consommateurs de l'électricité.

M. LE PRESIDENT: Il est possible que d'autres membres de la commission veuillent parler aussi.

M. JORON: Ce n'est pas facile de les séparer, l'une découle de l'autre.

M. LE PRESIDENT: M. Giroux.

M. GIROUX: Nous allons prendre la ques- tion des coûts et des applications. Je tiens à attirer votre attention sur une chose. L'Hydro a recommandé le projet hydraulique. Elle l'a recommandé pour un facteur: c'est que dans l'ensemble, il y a plus d'emplois qui peuvent être générés en hydraulique que dans d'autres modes. Il y a plus de fabricants québécois mais le facteur pour l'Hydro-Québec, il faut bien comprendre, si on peut aider au développement économique, on y va. Mais, seulement ce n'est pas pour nous une préoccupation principale. C'est la préoccupation de tout québécois de créer de l'embauche, dans un projet comme ça. Il faut bien prendre les choses et s'en tenir à nos déclarations, si vous permettez cette mise au point. Nous, nous en tenons à ça.

Maintenant, tout ce qu'on pourra développer on le fera. Je pense que les autres réponses vont nous être données par les techniciens.

M. BOYD: M. le Président, on s'est basé sur les chiffres de 4.1 milliards, sur lesquels les deux groupes d'ingénieurs conseils et les ingénieurs de l'Hydro se sont entendus en prenant certaines hypothèses qui avaient été fixées d'avance pour essayer d'en arriver à un chiffre commun. Les trois ont signé ce rapport, mais, à ce rapport, chacun a attaché une lettre de commentaires.

Les trois disaient des choses différentes. Evidemment, les ingénieurs de l'Hydro-Québec disaient: Ce coût d'investissement peut être amélioré par l'optimalisation, chose que l'Hydro-Québec va s'employer à faire cet été et l'année prochaine. Entre autres, l'hypothèse prévoyait dix centrales sur la rivières Rupert. On pense qu'il peut y avoir moins de centrales et ceci entraînerait des coûts bien inférieurs.

Si on sait que les dix centrales représentent la moitié des coûts directs, si vous réduisez le nombre de centrales, vous avez réduit les coûts directs d'une façon appréciable et de la même façon, les coûts indirects, l'inflation et tout le reste. C'est le point de vue des ingénieurs de l'Hydro-Québec que les 4.1 milliards peuvent être améliorés. Les ingénieurs de l'Hydro-Québec disent également qu'un réservoir qui avait été prévu antérieurement peut être éliminé. Un autre réservoir pourra probablement être éliminé; il y a là encore également des possibilités d'amélioration.

C'est le contenu des qualifications que faisaient les ingénieurs de l'Hydro-Québec à cette estimation. Un autre bureau...

M. JORON: Est-ce que ces espoirs tiennent compte aussi des difficultés qui peuvent être encourues? C'est déjà entré dans les estimations. Je pense au problème de la glaise des rivières, c'est déjà inclus dans l'estimation de 4.1 milliards, avec réserve suffisante.

M. BOYD: Oui. Les estimations prévoient des chiffres très conservateurs pour les coûts directs, et en plus de ça un imprévu important de 12 p. c, ce qui est considérable, si vous vous

imaginez les millions impliqués. Un autre bureau d'ingénieurs dit: Ce rapport que nous avons signé pour les fins de discussion peut être amélioré considérablement, et il donne certaines raisons. Il dit que les coûts doivent être de plus zéro et de moins 20 p. c. Ce qui fait encore une grosse différence.

Le troisième groupe ou le deuxième bureau d'ingénieurs-conseils dit: Nous continuons de maintenir que le projet pourrait être modifié, pour divertir une partie de la rivière Eastman dans la rivière Rupert, et de ce fait même, augmenter considérablement la production en kilowatts-heures sur la rivière Rupert, le projet Nottaway-Broadback, et réduire les coûts. Cela pourrait représenter une réduction de 25 p. c. à 30 p. c.

Alors, quand vous parlez de $4.1 milliards, il faut toujours vous rappeler ces quatre choses très importantes qui sont les lettres de commentaires de nos ingénieurs-conseils.

M. PICARD: J'aurais une question, M. Boyd. Pour résumer ce que vous venez de dire, si je comprends bien, dans l'estimation de $4.1 milliards, dans votre rapport, vous dites que ça peut être affecté à plus zéro ou possiblement moins 20 p. c. Est-ce que ça voudrait dire que les $4.1 milliards représentent un coût maximum imaginable?

M. BOYD: C'est ce qu'on vous dit, oui.

M. PICARD: Alors, il n'y aurait pas possibilité que ça coûte plus cher que ça, mais il y aurait possibilité que le coût puisse descendre jusqu'à $3.28 milliards.

M. BOYD: C'est l'opinion exprimée par ce bureau d'ingénieurs-conseils...

M. PICARD: Ce qui fait une différence énorme.

M. BOYD: C'est évident.

D'ailleurs, les ingénieurs de l'Hydro-Québec y vont d'une façon plus conservatrice, si vous voulez, mais eux aussi disent qu'il y a possibilité d'optimaliser, d'améliorer le projet, de réduire le nombre des centrales, d'éliminer un réservoir, peut-être deux, tout cela va produire, comme je le disais tout à l'heure, des réductions importantes dans les coûts.

M. PICARD: Sans réduire le volume de production?

M. BOYD: Sans réduire le volume de production.

M. JORON: Est-ce que ce taux comprend l'escalade aussi, ce que les anglais appellent "escalation"?

M. BOYD: Oui, oui, les escalades sont inclu- ses à 4 p. c. Je prévois votre question, M. Joron, j'imagine que vous voulez dire: 4 p. c, est-ce suffisant? 4 p. c. est un taux d'escalade composé où la main-d'oeuvre représente plus que 4 p. c, permettez-moi de ne pas l'indiquer ici, parce qu'on a quand même des conventions collectives à négocier. L'équipement est un facteur inférieur à 4 p. c. et les matériaux de construction, c'est également inférieur à 4 p. c. C'est le résultat net, à la suite d'études poussées par notre département de recherches économiques, qui a fixé ce taux d'escalade de 4 p. c. sur l'ensemble et c'est ce qui a été utilisé par la suite par les ingénieurs-conseil et PHydro-Qué-bec.

Alors, vous avez donc à partir de 4.1 milliards des possibilités d'amélioration, à partir d'un rapport très conservateur. Maintenant, vous avez fait des calculs. Le ministre de l'Education disait 10, vous dites 12, vous pouvez faire des calculs; nous, on dit que ça va être moins de 4.1 milliards. Que sera la réponse définitive? On le saura un peu plus tard.

M. JORON: Ce serait plus haut que le député de Verchères et le député de Gouin?

M. BOYD: Non, je dirais peut-être un peu plus bas même que le député de Verchères, M. Saint-Pierre. Si les études d'optimalisation sont poursuivies rapidement — une chose qu'on peut faire — il y a moyen d'améliorer le projet d'une façon importante.

Sur le nucléaire, nous avons donné des chiffres hier, qui pourraient même aller jusqu'à treize mills pour le nucléaire américain; pour le nucléaire canadien, ce serait encore davantage.

M. JORON: Alors, en gros, 30 p. c. plus cher?

M. BOYD: Oui, je dirais que par ordre de grandeur, ce serait un chiffre qu'on pourrait mentionner.

M. JORON: Maintenant, quel est l'effet sur le coût de production si on ne fait que la toute première tranche? J'imagine évidemment qu'on perd un certain nombre d'économies d'échelle à ce moment et que le coût en mills devrait augmenter. Pourriez-vous nous dire en pourcentage, de combien cela peut augmenter si on ne fait que la première tranche de 1,300,000 . ou de 1,500,000, de kilowatts, je ne me souviens plus par rapport à l'ensemble du complexe NBR qui est de 5.3 ou 5.4?

UNE VOIX: C'est 1,356,000...

M. BOYD: Nous ne l'avons pas calculé, mais c'est facile à calculer si on voulait. Ce n'est pas notre façon de regarder le problème, si vous permettez, nous on recommande de faire Nottaway-Broadback au complet.

M. JORON: Au complet?

M. BOYD: Bien qu'en l'attaquant par une phase d'abord, mais avec l'intention de faire les trois rivières au complet.

M. JORON: C'est cela, si on veut arriver au dix mills...

M. BOYD: Notre raisonnement est le suivant; Il s'agirait d'une catastrophe économique, par exemple, qui ne permettrait pas d'emprunter au-delà d'une phase; ou il s'agirait d'un revirement complet dans la demande de l'énergie, que tout le monde cesserait d'employer l'électricité et que la demande n'augmenterait pas aussi vite qu'on le prévoit; ce qui pour nous serait une catastrophe aussi; ou bien d'une découverte extraordinaire dans le nucléaire, par exemple, chose qu'on ne prévoit pas pour les années 1978/79/80 et vous réalisez que les trois rivières seront absorbées par notre réseau dans les années 1978/79/80. En 1981, ce sera un autre problème, il s'agira de savoir si on doit aller aux deux autres rivières; même, il faudra décider cela avant, pour être juste, il faudra décider quelques années d'avance pour être en mesure de produire en 1981, 1982, 1983, 1984 de l'énergie venant des deux autres rivières.

M. JORON: Comment se fait-il..?

M. BOYD: Alors, il faudra d'ici ce temps-là, continuer nos études sur les deux autres rivières qui n'ont pas été étudiées autant que les trois premières, continuer nos études, nos recherches sur le nucléaire et voir si, en 1981, c'est autre chose que les deux autres rivières qu'il faudra. Cela nous donne de la flexibilité mais, pour répondre à votre question, nous envisageons que c'est les trois rivières qu'il faut faire. C'est une catastrophe économique qui nous empêcherait de le faire, c'est une disette ou un recul dans la demande, ou une découverte extraordinaire en nucléaire, qui n'est pas du tout prévue pour ces trois années-là.

M. JORON: En termes de coût de production, comment cela se compare-t-il maintenant aux autres sites hydrauliques qui, additionnés ensemble, peuvent former à peu près un total de 5 millions de kilowatts également? Je pense au Lower-Falls Churchill, au bas Saint-Maurice, le haut Saint-Maurice, Saint-Joachim, les stations de pompage, la rivière Moisie; l'ensemble de tout cela fait un total d'environ 5 millions de kilowatts. Alors, c'est à peu près la même chose que NBR. En terme de mills, de coût de production, comme cela se compare-t-il?

M. BOYD: C'est très difficile de comparer, si vous revenez à l'explication que vous a donnée M. De Guise. On parle de trois rivières qui vont nous produire un facteur de production de 80 p. c. Donc, une quantité énorme de kilo- watts-heures. Quand vous parlez du bas Saint-Maurice et du haut Saint-Maurice, on a dit que pour le bas c'était 10 ou 15 p. c. et pour le haut, 25 p. c; Saint-Joachim c'est fait seulement pour des pointes; Churchill, évidemment, c'est autre chose. Et ce qui reste à faire ne vous donnerait que de l'énergie de pointe. Il faudrait combler de toute façon par de l'énergie de base. Alors, au coût de Saint-Joachim, au coût de Saint-Maurice, bas et haut, il faudrait ajouter des centrales thermiques ou des centrales nucléaires pour combler la différence, chose qu'on n'a pas faite, pour vous donner la réponse à votre question.

M. LAURIN: Mais si Saint-Joachim atteignait 3,600,000 est-ce que ça ne pourrait pas devenir, jusqu'à un certain point, de l'énergie de base?

M. BOYD: Pas du tout. De l'énergie de pointe plutôt.

M. LAURIN: Mais si c'est 3,600,000... cela nous permet d'épargner pour le reste.

M. BOYD: Les 3,600,000 de Saint-Joachim c'est une réserve pompée. C'est quand même différent. On prend l'eau du fleuve Saint-Laurent et avec de l'énergie dont on dispose la nuit, on pompe l'eau dans un immense réservoir et on la conserve. Pour faire face à la demande de pointe qui, disons, arrive entre 5 et 7 heures le soir, on laisse descendre l'eau. Après cela, il n'y a plus d'eau. Donc, ça ne peut pas répondre à la demande de 6 heures du matin ni à la demande du métro à 8 heures ni à la demande de madame qui fait son dîner ou son souper. Donc, ce n'est pas comparable du tout. Ce sont deux choses tout à fait différentes. Ce sont deux choses qui se complètent mais qui sont tout à fait différentes.

M. JORON: M. le Président, si vous permettez, brièvement, il y a une autre question que j'avais prévue...

M. BOURASSA: Dépêchez-vous, il faut terminer. C'est parce que je ne peux pas...

M. JORON: En deux minutes, si vous permettez.

M. BOURASSA: On va pouvoir terminer à 6 heures?

M. LAURIN: On a d'autres questions sur d'autres aspects.

M. BOURASSA: Si je peux me permettre de répondre au député. J'écoutais à mon bureau quelques gentils sophismes sur ce que j'avais dit sur les emplois.

Je n'ai jamais dit que la principale ou l'unique raison était de créer des emplois. J'ai

dit qu'on avait un problème de chômage aigu dans la région de l'Abitibi et quant à prendre la décision au mois de juillet ou au mois de septembre, si on peut la prendre avec la même certitude au mois d'avril, ça nous permet de créer des emplois.

Quant aux chiffres, j'ai dit à dix reprises, en citant à l'Assemblée nationale les rapports de l'Hydro-Québec, c'est 26,000 dans l'année de pointe sur le chantier et 32,000 dans les entreprises qui vont fabriquer des turbines ou l'appareillage électrique et les alternateurs, l'acier de charpente. C'est quand même des emplois également directs sans compter les autres emplois. Et ça c'est sur trois rivières par rapport à cinq.

Je voulais faire cette mise au point-là parce que le député ne semblait pas avoir compris.

M. JORON: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Le député de Gouin me permettra. Je vais lui permettre une dernière question parce que le député de Beauce voudrait poser des questions.

M. JORON: La dernière question a trait à une distinction à introduire entre le coût de production et le prix au consommateur.

On entendait, hier, le président de l'Hydro-Québec nous dire qu'en augmentant le prix au consommateur, les tarifs de l'électricité de 4 p. c. annuellement, c'est-à-dire ce qui fait un total de 50 p. c. d'augmentation des tarifs vers 1980, cela permettait de dégager par autofinancement environ 30 p. c. des fonds nécessaires pour l'investissement total. Mais si, d'autre part, une autre formule nécessitant des investissements moindres, donc, ne nécessitant pas d'augmentation de tarif, permettait de ne pas augmenter les tarifs, on arriverait à la considération suivante: Le coût de production, à ce moment-là, est-ce qu'on doit, en d'autres mots, considérer uniquement le coût de production comme base de notre décision ou si on doit introduire la notion de prix au consommateur?

Le coût de production, pourrait être plus élevé de 50 p. c. dans un certain cas, nécessitant alors, exactement la même hausse de tarif que l'exposé qui nous a été fait hier. Dans la mesure, cependant, où le coût de production est moindre que 50 p. c, on commence à gagner en avantage. Je rapproche cela du chiffre que M. Boyd nous citait il y a un moment. Il estimait le coût du nucléaire supérieur à 30 p. c. Si c'est sur 30 p. c, il y a nettement une économie au consommateur.

M. GIROUX: Si vous prenez la déclaration que nous avons faite, elle est fort simple. Il faut quand on prend un coût de 30 p. c. des choses comme celles-là, on prend un coût en investissement. La position étudiée par 1'Hydro-Québec nous apporte les résultats suivants: quel que soit le mode d'énergie dont on se sert, ce qu'on sauve en investissement, on le paie en exploitation. Donc, quels que soient les modes dont on se sert, les modes connus, on estime qu'on aura à augmenter les tarifs en moyenne de 4 p. c. pour une période donnée.

M. JORON: Je suis d'accord avec vous que ce qu'on sauve en investissement, on le recharge plus tard au consommateur parce que l'opération est plus chère. On a quand même une marge d'à peu près 50 p. c. pour comparer aux augmentations de tarifs que vous prévoyez...

M. GIROUX: Absolument pas! Parce qu'à ce moment-là, votre charge devient tellement plus grosse dans les autres années que, sur la moyenne, au lieu d'augmenter de 4 p. c. à ce moment-là, vous augmentez de 17 p. c. ou 18 p. c.

M. JORON: Pas à ce point là, mais ce qui arrive, l'avantage...

M. GIROUX: Calculez-le et vous allez voir!

Il faut prendre le calcul sur une base de moyenne. Je ne peux pas vous dire exactement ce qu'elle sera parce que le taux d'inflation, j'aimerais le connaître exactement. On a de très bons économistes, ils prennent toutes les bases, mais ce sont toujours des moyennes. Si les taux dont nous nous sommes servis quel que soit le mode dont on se sert pour faire l'électricité, en moyenne on aura augmenté de 4 p. c. C'est le rapport que nous avons. Vous me dites: "Est-ce qu'une année, vous allez augmenter de 4 p. c? " Non. Ce n'est pas comme cela. C'est qu'en moyenne, il y aura 4 p. c. quel que soit le mode dont on se sert, s'il n'y a pas d'augmentation plus grande dans le nucléaire ou dans l'autre. Au point de vue exploitation.

M. JORON: On se donne déjà une marge, mais l'avantage de le faire payer plus tard par les consommateurs, c'est l'économie immédiate de capital. Je comprends que ce n'est pas votre décision. C'est une décision d'ordre politique. Si le gouvernement juge qu'il vaut mieux économiser le capital immédiatement pour l'employer à d'autres fins que ce soit pour poursuivre des fins sociales, etc.

Mais il y a une formule qui permettrait...

M. GIROUX: Il faut toujours se rapporter à la recommandation de l'Hydro qui n'est pas le gouvernement.

M. JORON: D'accord.

M. GIROUX: Tout ce qui est politique, on le passe à l'Assemblée nationale et avec plaisir.

M. BERTRAND: On s'en occupera. M. LE PRESIDENT: Le député d'Olier.

M. PICARD: Je voudrais mettre en doute la façon de calculer de notre économiste, ici. Franchement, je ne sais pas s'il nous prend pour des enfants d'école. On n'a pas de machine à calculer, d'accord. Je vais reprendre l'argument, qu'il nous a donné, tout à l'heure, et la confirmation que j'ai fait donner par M. Boyd, à savoir que le coût du projet serait, au maximum, de $4.1 milliards. Il y avait une possibilité d'une réduction de l'ordre de 20 p. c. et aucune possibilité d'augmentation.

M. JORON: J'ai compris cela.

M. PICARD: Je vais en venir à votre calcul de tout à l'heure. Cette possibilité de réduction de 20 p. c. pourrait réduire le coût du projet à $3.28 milliards. M. Boyd, tout à l'heure a dit que c'était pour la même production de 37 milliards de kilowatts. Lorsque vous avez fait votre calcul, tantôt, vous avez fait la division de 4.1 milliards par 37 milliards de kilowatts pour arriver à 11 mills.

M. JORON: Non.

M. LAURIN: M. le député, ce n'est pas 9.1 milliards.

M. PICARD: Vous avez parlé, tantôt, et vous avez dit en partant de... Vous avez calculé 10 mills plus 1 mill pour le financement. A partir de vos 10 mills, vous avez demandé à M. Boyd combien coûtera le nucléaire. La seule réponse qu'il vous a donnée a été celle-ci et vous pourrez toujours vérifier dans le journal des Débats. M. Boyd vous a dit que c'était 13 mills, au nucléaire, aux Etats-Unis et plus au Canada, sans vous donner de chiffre.

M. JORON: Selon la filière américaine, il y aurait possibilité de...

M. PICARD: Mais au Canada, il ne vous a pas donné de chiffre. A partir de votre coût de 10 mills, vous avez dit: 13 mills aux Etats-Unis, un coût au Canada, plus l'autre aux Etats-Unis, donc, 30 p. c. A partir de votre 30 p. c. vous commencez à essayer de faire votre calcul du coût au consommateur. Votre base est fausse.

M. JORON : Je ne vois pas pourquoi. Si on a le choix entre 10 mills pour la baie James ou 13 mills nucléaires selon la forme américaine, on arrive...

M. PICARD: Aux Etats-Unis. Il vous a dit que c'était plus que cela au Canada.

M. JORON: Selon la filière canadienne. Ce n'est pas la même chose.

M. P.ICARD: Il ne vous a pas dit combien. M. JORON: Mais on a la possibilité, peut- être, surtout si Rio Tinto vient s'installer à Sept-Iles pour faire une usine d'uranium enrichi, d'utiliser, à ce moment-là, la filière américaine au Canada.

M. LAURIN: Avec la permission du fédéral.

M. JORON: Avec la permission du fédéral. Ce sera une bonne occasion de tester le fédéralisme rentable, à ce moment-là.

M. PICARD: Vous avez décrété, tantôt, arbitrairement que 30 p. c. est la base...

M. JORON: Je n'ai pas décrété. M. Boyd l'a dit.

M. PICARD: Vous avez pris votre 10 mills et le 13 mills aux Etats-Unis...

M. JORON: C'est cela.

M. PICARD: ... qui établissait cela à 30 p. c. Votre 10 mills, je viens de vous le prouver, tantôt, il est faux.

M. JORON: Comment ça, il est faux?

M. PICARD: Il pourrait être 9 mills au lieu de 10.

M. JORON: Il pourrait!

M. PICARD: Vous prenez tous les maximums pour que cela fasse votre affaire.

M. JORON: Je vous concède le 10 mills. On a déjà...

M. BERTRAND: Nous ne sommes pas ici pour entendre un contre-interrogatoire entre membres de la commission. Cela deviendra fastidieux. Il y a des experts à interroger, derrière la barre. Si on continuait cela... Cela fait déjà plusieurs heures qu'on discute de cela. C'est un problème important. Nous aurons l'occasion d'y revenir. Tout le débat politique sera en haut, beaucoup plus qu'ici.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On mobilise l'Hydro-Québec et on retarde le projet.

M. BERTRAND: On mobilise l'Hydro-Québec.

Il y aura sans aucun doute, à première vue, je fais cette remarque, c'est que l'Hydro entreprend cet été des travaux d'envergure dans ce coin-là pour obtenir encore plus de précision et j'ai bien conscience que il n'est pas impossible, quant à moi, je m'en réserve le droit comme parlementaire, de reconvoquer l'Hydro à l'automne.

Nous n'aurons certainement pas le temps à l'occasion de cette série-ci d'examiner le rapport de l'Hydro et les gens de l'Hydro se sont

toujours prêtés à venir devant la commission. A tout événement, si nous pouvions procéder à des questions plutôt qu'à des...

M. BOURASSA: On m'informe du côté de l'Hydro qu'on préférerait — à moins que les membres croient que ce serait impossible — continuer jusqu'à sept heures — si ça devait se terminer à sept heures — plutôt que de reprendre à huit heures et quart, jsuqu'à dix heures. De notre côté nous accepterions que ça se termine à sept heures. Est-ce que...

M. BERTRAND: Nous n'avons pas d'objection.

M. BOURASSA: Si vous avez trop de questions, dites-le, il ne s'agit pas d'empêcher...

M. LAURIN: Nous avons d'autres questions, nous préférerions ajourner à six heures, revenir ce soir et probablement que ce serait la dernière séance.

M. BOURASSA: Cela se terminerait ce soir?

M. BERTRAND: Si nous pouvions nous entendre au moins pour terminer ce soir, parce que j'ai bien l'impression que ce projet-là, à cause de l'aspect politique — je reviens là-dessus — qu'on lui a donné depuis le début, va être débattu encore beaucoup en Chambre et ailleurs et que peut-être, au point de vue technique, tout ça, nous aurons besoin à l'automne de revoir les gens de l'Hydro.

M. LAURIN: Je pense bien que nous pourrions, pour notre part, libérer l'Hydro ce soir.

M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce.

M. ROY (Beauce): Je vous remercie, M. le Président. J'aurais une question extrêmement simple — parce que je ne veux pas prolonger le débat — à poser au président, M. Giroux, relativement au coût — une question que j'ai posée hier. Je sais la réponse qu'il nous a faite à ce moment-là, mais j'aimerais tout de même éclaircir une chose. Dans le rapport que nous a remis l'Hydro, on a mentionné qu'on avait tenu compte d'une augmentation annuelle de 4 p. c, représentant le taux de l'inflation ou environ dans les prix de l'électricité, pour déterminer les revenus que pourraient avoir l'Hydro en deux, trois, quatre, cinq et même dix ans.

Or, est-ce à partir de ces revenus que l'Hydro pourra obtenir, suite à l'augmentation annuelle de 4 p. c. que vous avez basé votre opinion pour dire que le projet était rentable?

M. GIROUX: Le projet n'est pas basé sur cette rentabilité-là. Il est basé sur une demande d'électricité qui existe. Nous avons comme projets — sans vouloir dramatiser — un problème devant nous dont on vous a donné l'échelle, qui dit qu'en telle année, il va manquer tant et tant d'énergie. Le gouvernement est libre de dire: Ne faites aucun travaux, et nous aurons à ce moment-là une rareté d'électricité; nous y serions exposés. Donc il y a un besoin qui est là. Notre recommandation débute par un besoin réel qui a été exprimé.

Dans ce besoin, on fait des calculs et on nous dit que nous allons avoir des dépenses annuelles de tant. Nous prenons le projet total, tel qu'il a été proposé. A ce moment-là, on calcule aussi quelles vont être les exigences de l'état financier pour arriver avec des emprunts annuels de tant par année, où ça vous prend des revenus de tant, annuellement. L'Hydro a toujours réussi dans ses marchés financiers en maintenant ce qu'on appelle des "ratios" qui sont tel pourcentage d'autofinancement et un recours aux emprunts.

A la base de tout ça, en calculant l'augmentation de l'échelle, si on prenait toute cette demande d'énergie dont on a besoin, si on pouvait l'établir à un prix de 1971 et qu'il n'y aurait pas de changement dans l'exploitation, on pourrait dire qu'on pourrait le faire sans augmentation, parce que les revenus seraient tels. Actuellement, il faut répartir le tout sur une période d'années. En le répartissant sur une période d'années, il faut nécessairement y ajouter le revenu que cette charge va nous occasionner.

L'augmentation n'est pas faite pour faire la baie James, faire ci ou faire ça, mais pour donner l'électricité, tel que prévu, tel que la demande le prévoit dans la province de Québec. Malheureusement, on prévoit que l'inflation ne disparaîtra pas demain matin et qu'il faudra augmenter les taux en moyenne de 4 p. c. Ces choses-là sont des moyennes, comme on l'expliquait tantôt. Il y a peut-être une année où ce serait plus avantageux d'investir moins mais, au bout de dix ans, vous arrivez au même résultat. C'est pour cela qu'on dit en moyenne. On ne peut rien vous garantir.

M. ROY (Beauce): Ceci veut dire que l'Hydro a tenu compte quand même de l'augmentation de 4 p. c. pour pouvoir rencontrer ses obligations.

M. GIROUX: Absolument.

M. ROY (Beauce): Ses obligations de remboursement de capital, des coûts de capitaux, des dépréciations, des immobilisations, des coûts de l'administration et des dépenses générales.

M. GIROUX: Les dépenses générales et les dépenses ordinaires sont surtout calculées avec notre augmentation ordinaire. Quand notre charge augmente de 7.5 p. c, nos revenus doivent aussi augmenter en proportion. C'est l'excédentaire qui nous force toujours à faire un calcul d'augmentations.

M. ROY (Beauce): Si l'Hydro-Québec — d'ailleurs, vous nous aviez dit hier et je me base sur votre déclaration que 1'Hydro était capable de réaliser ce projet — si, dis-je, à la suite d'ententes qui pourraient intervenir relativement à l'exportation d'électricité, de contrats très avantageux, est-ce que ce serait plus avantageux, pour l'Hydro, de pouvoir le réaliser globalement, d'une façon beaucoup plus rapide, que de le réaliser, par étape, comme le mentionnait tout à l'heure l'honorable chef de l'Opposition?

M. GIROUX: Oui. Si on réussissait à faire des choses, il y a un problème qui devrait être étudié, à ce moment-là. Si vous prenez un projet, quel qu'il soit, pour s'approcher de n'importe quoi, prenez un projet de $10 milliards, figurez-nous comme ils ont émis tantôt, 10 p. c. d'intérêt — ce qu'on a déjà eu à payer —. C'est $1 milliard par année. Si vous réussissez à obtenir de l'aide et à le réduire à neuf ans, il y a un milliard de moins.

Ce sont des prouesses. On peut arriver à améliorer certaines choses. Bâtir un réseau comme celui-là, strictement avec le but d'exporter, ce n'est pas dans la pensée de l'Hydro-Québec.

M. ROY (Beauce): Vous tenez compte d'une certaine possibilité.

M. GIROUX: On tient compte d'une certaine possibilité, naturellement; vous voyez dans nos bilans cette année qu'heureusement, on avait des réserves qui nous ont permis de faire certaines ventes qui sont absolument excédentaires à nos revenus normaux. Ces choses-là, c'est en administration que vous devez les rechercher et essayer de les obtenir.

M. LAURIN: Incidemment, est-ce que c'est de l'énergie primaire que vous avez vendue ou secondaire?

M. GIROUX: Excédentaire.

M. LAURIN: Primaire ou secondaire.

M. GIROUX: C'est du secondaire.

M. ROY (Beauce): Cela répond à ma question, je vous remercie, M. Giroux.

M. LE PRESIDENT: Le député d'Abitibi-Ouest.

M. AUDET: M. le Président, à la lumière des calculs des experts, M. Giroux et ses experts, je ne m'attarderai pas davantage sur les pourcentages de revenu, de diminution et ces choses-là. De toute façon, je crois qu'il a mentionné, entre autres, qu'il se basait beaucoup plus sur les besoins qu'avait le Québec en électricité que sur la création d'emplois dont nous avons aussi besoin. Je crois que le gouvernement regarde plutôt, un peu trop de ce côté-là. Je crois aussi qu'on met tellement d'ampleur sur le besoin de création d'emplois qu'on s'engage peut-être dans des problèmes d'envergure qui coûteront réellement beaucoup d'argent.

De toute façon, si l'Hydro-Québec s'en tient à ses besoins, ce serait beaucoup plus logique de marcher en question de besoins plutôt que de marcher en fonction des emplois à créer. Maintenant, pour ajouter à cette question, nous savons qu'une fois les barrages de ces rivières créés, l'emploi demeurant sera assez minime, si on tient compte des années 1970 qui nous apportent la cybernétique et 1'automation.

Vous savez probablement que ces centrales électriques seront contrôlées électroniquement, avec un minimum d'emplois. Parce que, même au Japon aujourd'hui, nous voyons de grandes aciéries qui ont été construites à même la mer et qui n'occupent pratiquement pas de personnel.

De toute façon même si on croit que les retombées économiques dans la province de Québec au point de vue industriel créeront des emplois, avec l'automatisation, nous voyons encore là un minimum d'emplois à créer. Donc, je crois que ce serait illusoire de poursuivre la question de l'emploi en créant ces barrages.

M. LE PRESIDENT: Le député d'Abitibi-Ouest me permettra de lui faire remarquer qu'il est six heures. Nous allons ajourner jusqu'à huit heures quinze.

Reprise de la séance à 20 h 36

M. OSTIGUY: (président de la commission parlementaire des Richesses naturelles): A l'ordre, messieurs!

De mémoire, lorsque nous avons ajourné, c'était le député d'Abitibi-Ouest qui avait la parole.

M. DUMONT: M. le Président, j'avais noté cet après-midi dans les remarques du chef de l'Opposition officielle qu'une nouvelle société ne serait pas nécessaire pour faire le développement du bassin de la baie James. C'est vrai que cette société devrait exploiter l'électricité, les ressources forestières, les richesses de l'industrie minière, le tourisme, la chasse et la pêche.

Je crois et je suis sûr que l'Hydro-Québec, avec tous ses spécialistes, comme nous les connaissons, pourra développer efficacement le secteur de l'électricité. Maintenant, je crois que nous avons des ministères: un ministère des Terres et Forêts, un ministère des Richesses naturelles, un ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche. Pourquoi ces secteurs ne seraient-ils pas développés par les ministères que nous avons déjà, que nous payons et qui sont là pour cela? Pourquoi avoir — j'appuie M. Bertrand en ce sens — une autre société lorsque nous avons tous les organismes voulus pour développer ces richesses-là?

Je crois que ces trois ministères par la voie normale de l'entreprise privée pourraient s'acquitter de ces tâches, faire l'exploitation de ces richesses naturelles en même temps que l'Hydro-Québec s'occupe de l'électricité.

Ici, j'aimerais faire remarquer une fois de plus au ministère des Richesses naturelles ainsi qu'aux autres ministères concernés, de faire un peu plus de cas de la population du Nord-Ouest qui a commencé cette ouverture du grand territoire du bassin de la baie James, par le chemin Villebois-baie James. Je crois que le ministre des Richesses naturelles est au courant. Il a rencontré, d'ailleurs, une délégation du Nord-Ouest. Cette dernière a rencontré aussi le Premier ministre, lui-même, l'automne dernier et lui a fait part de toutes les nombreuses démarches, et évidemment du grand travail effectué pour ce chemin. Ici, je veux renouveler cette demande de toute la population du Nord-Ouest, d'avoir un peu plus de reconnaissance envers ces gens qui ont peiné pendant trois hivers pour faire cette première trouée vers la baie James. Je suis sûr, que si on veut faire un développement efficace de ce territoire, une partie de ce chemin de Villebois-baie James, servira efficacement pour ce développement.

Je crois que si on veut faire l'exploitation des terres et forêts — probablement qu'on voudra faire l'exploitation forestière — cela serait un chemin d'accès qui servira certainement pour faire l'exploitation forestière et aussi l'exploitation minière de ces territoires.

Je serais tenté ici de suggérer aussi un mode de financement efficace pour ces grandes réalisations qui deviendraient la propriété des Québécois, par la suite. Je crains que le gouvernement ne soit encore assez mûr pour une aussi saine administration.

M. MARCHAND: La Banque du Canada. Vous allez former la Banque du Québec peut-être.

M. LE PRESIDENT: Le député de Laurier.

M. MARCHAND: M. le Président, j'aurais quelques questions à poser à M. Giroux. J'ai une petite remarque à faire, auparavant. Cela serait pour ajouter aux paroles du ministre de l'Education cet après-midi. Permettez-moi, M. le Président, de dire que les conseils que le conseiller financier du Parti québécois donne au sujet du complexe de la baie James sont aussi erratiques, je pense, que les conseils qu'il donnait à l'occasion de la création du complexe Churchill, alors qu'il combattait cette réalisation. Le complexe Churchill s'est révélé un succès et une nécessité pour le Québec.

En 1962, lorsqu'on a créé la Manicouagan, encore une fois, le même problème s'est posé, c'est-à-dire qu'on a parlé d'énergie nucléaire. On disait qu'on faisait la Manicouagan et que cela n'était pas nécessaire parce que ça prenait trop de capitalisation.

M. BERTRAND: M. le Président, le député me permettra peut-être une rectification. Je ne crois pas qu'il serait juste, étant donné que je suis passablement au courant, de dire — vous ne l'avez pas nommé, je le nommerai — que le conseiller du Parti québécois en matière économique, M. Parizeau, à l'époque s'est opposé au développement des chutes Churchill. Je crois que c'est injuste de faire une déclaration comme celle-là alors qu'elle n'est pas fondée. Je ne voudrais pas entrer dans les détails...

M. MARCHAND: Je m'excuse, mais...

M. LAURIN: Je voudrais ajouter une phrase de rectification également.

M. MARCHAND: Je m'excuse, mais j'avais la parole.

M. LAURIN: M. Parizeau, étant conseiller économique du gouvernement à ce moment-là, a signé la recommandation qui comportait quatre autres noms, recommandant au gouvernement la signature du contrat avec Churchill.

M. BERTRAND: Il ne faudrait toujours pas lancer des choses en l'air.

M. MARCHAND: Je ne crois pas. Je pense qu'à ce moment-là...

M. BERTRAND: De là à dire que personnel-

lement, j'approuve ses propos actuels, il y a une marge. M. Parizeau est non seulement, à l'heure actuelle, un économiste, mais il est également un homme politique. C'est pourquoi, il y a, à travers tout ce débat, un aspect politique que je ne discuterai pas ici, pour le moment, étant donné que je veux être objectif avec l'Hydro-Québec qui est elle-même objective.

M. MARCHAND: M. le député de Missisquoi, je prends vos paroles. Mais j'ai su, de source assez évidente, que M. Parizeau avait effectivement lutté contre le complexe Churchill.

M. LAURIN: Vous parlez...

M. MARCHAND: Vous êtes souvent mal informé et on vous entend souvent parler. Vous allez me laisser finir mes remarques. En même temps, lorsqu'on a créé la Manicouagan, il est arrivé exactement le même problème qui se produit, aujourd'hui, avec le complexe de la baie James.

M. JORON: Juste une petite question.

M. MARCHAND: Je vais finir et vous aurez le temps... Vous avez parlé tout l'après-midi et toute la veillée, hier.

M. JORON: Non, juste une petite question. Est-ce que je peux lui poser une petite question?

M. MARCHAND: Vous poserez votre question après.

M. JORON: Je voulais vous demander s'il était conseiller en 1962. Etait-il conseiller du gouvernement en 1962?

M. MARCHAND: En 1962? Je pense qu'à ce moment-là, il n'était pas, tout à fait, dans le même parti.

M. JORON: Il a été nommé en septembre 1965. Alros...

M. MARCHAND: A ce moment-là, il faisait partie d'une autre organisation politique, je pense.

M. LESSARD: Il n'a jamais été dans un parti politique.

M. MARCHAND: Cela fait un, deux, trois. Les trois partis politiques aujourd'hui, moins un. Il reste...

M. LESSARD: Il y a une différence entre un conseiller économique du gouvernement...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESSARD: ... et un gars qui est membre d'un parti.

M. BERTRAND: Je ne veux pas dire que M. Parizeau a été un partisan politique de l'Union Nationale.

M. MARCHAND: Il a été conseiller.

M. BERTRAND: Il était conseiller. Dans un gouvernement...

M. MARCHAND: On me pose des questions, M. le député de Missisquoi. Je regrette infiniment.

M. BERTRAND: Je ne veux pas que la discussion s'engage dans un domaine strictement politique. J'ai fait la distinction. M. Parizeau est un économiste, doublé d'un homme politique, à l'heure actuelle.

M. MARCHAND: Si vous voulez...

M. LAURIN: Un, deux, trois, "strike out"!

M. MARCHAND: C'est cela. Mais il manque le quatrième but pour faire un "home run". Si, comme le dit le député de Missisquoi, c'est un économiste doublé d'un homme politique, on s'aperçoit aujourd'hui que la politique l'emporte. Je veux revenir à mes remarques. Au sujet de la Manicouagan, lorsqu'on l'a créée, le même problème est arrivé. On a dit qu'on n'avait aucune raison de créer la Manicouagan parce que ça demandait trop d'investissements et que l'énergie nucléaire en 1972 — c'est exactement les termes qu'on a employés, année pour année — serait une chose officielle au Canada et aux Etats-Unis et que la Manic était de trop. Pourtant, depuis ce temps on a créé Churchill et aujourd'hui, on veut faire la baie James. Maintenant, je vais poser mes quesitons à M. Giroux.

J'en ai quelques-unes, connexes. Si vous voulez, vous répondrez à toutes à la fois. D'accord?

On me dit que le service génie de l'Hydro-Québec serait logé à la Tour de la bourse à la place Victoria. C'est une réalité.

M. GIROUX: C'est officiel.

M. MARCHAND: Je voudrais savoir, combien il y a d'ingénieurs logés à cet endroit. Quel genre de travail ils effectuent? Combien de rapports technique ont-ils présenté à la commission hydro-électrique au cours de la dernière année? Et depuis combien de temps l'Hydro-Québec a commencé la préparation des travaux d'aménagement de la baie James?

M. GIROUX: Le directeur général du génie est ici. Nous avons notre département de génie, plus le département de construction qui comprend des ingénieurs aussi, dont la majeure

partie est logée à la Tour de la bourse.

Pour la deuxième question vous voulez savoir combien de...

M. BERTRAND: Combien de rapports? M. MARCHAND: Quel genre de travail.

M. GIROUX: Autant que possible de l'ingénierie, en ce qui me concerne.

M. MARCHAND: Est-ce que dans l'ingénierie, il y en a seulement une sorte ou si ce sont...

M. GIROUX: Il y a toute sorte d'ingénierie, il y a tous les travaux... Ces gens ne font pas exclusivement des études sur les barrages. Il y a des spécialistes dans ce domaine, des spécialistes dans tous les domaines. Spécialement sur cette question, notre directeur général du génie peut vous répondre beaucoup mieux que moi.

Avant de lui passer la parole, je peux peut-être répondre à vos autres questions.

M. MARCHAND: Combien de rapports technique vous ont été présentés?

M. GIROUX: De rapports techniques?

M. MARCHAND: En regard de la baie James.

M. GIROUX: En regard de la baie James...

M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous pourriez vous identifier pour les fins du journal des Débats?

M. CAHILL: Lionel Cahill, directeur général du génie.

Au génie, à la Tour de la bourse, il y a environ 700 personnes dont 225 ingénieurs.

Les personnes font des études de planification, de projets d'équipement de production, de postes de transformation, de lignes de transport et de télécommunications. Durant le cours d'une année nous produisons environ 125 rapports techniques. Cela comprend tous les projets que je vous ai mentionnés tout à l'heure. Sur la baie James, nous avons réaccéléré les études depuis le mois de juin 1970 et nous avons présenté quelques rapports à la commission.

M. MARCHAND: Ces rapports traitent de quoi, à peu près?

M. CAHILL: Tout dépend... Des rapports géologiques, par exemple, nous en avons une quarantaine qui comprennent chacun trois volumes, donc 120 rapports; mais des rapports sur la rentabilité du complexe de la baie James, nous en avons présenté deux à la commission.

M. MARCHAND: Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: Le ministre des Richesses naturelles.

M. MASSE (Arthabaska): Je voulais tout simplement relever —je n'ai pas voulu l'interrompre tout à l'heure — les remarques du député d'Abitibi-Ouest en ce qui concerne les préoccupations du ministère des Richesses naturelles au sujet de la région de l'Abitibi. Je pense que depuis un an que le gouvernement est au pouvoir, il a démontré qu'il avait la préoccupation de faire des efforts pour le relèvement économique du Nord-Ouest québécois. Bien sûr, le député d'Abitibi-Ouest fait allusion à une route qui part de Villebois et va à la baie James. Dans les circonstances, vous avez eu des questions à poser. Je pense que l'Hydro-Québec aurait pu... Si, au départ, la route qui doit monter à la baie James n'est pas celle de Villebois, c'est dû davantage à des questions techniques qu'à autre chose. C'est-à-dire qu'il ne s'agit pas d'un manque de préoccupations du gouvernement.

Je comprends difficilement la remarque du député quand il parle de propriétés du Québec qui pourraient être aliénées à d'autres gens de l'extérieur du Québec. Je comprends difficilement cette remarque. Je ne pensais pas que le député d'Abitibi-Ouest ferait une remarque qui, quand même, pourrait faire état d'un manque de responsabilité du gouvernement.

M. AUDET: Pourrais-je répondre à cette question-là, s'il vous plaît? Au sujet du chemin Villebois-baie James, je comprends très bien que l'Hydro-Québec a de très bonnes raisons de ne pas passer là, quoique nous croyons, vu l'esquerre, le sable qui longe les nombreux lacs où cette route passe, qu'il aurait même été avantageux de passer là.

De toute façon, c'est classé, on n'y pense plus.

Mais, pour l'exploitation des richesses naturelles, comme le projet qui concerne la forêt et les mines, il y aurait peut-être lieu de se servir de cette route dont le tracé est maintenant défriché jusqu'à la baie James.

M. MASSE (Arthabaska): Ce qui arrive, on parle du projet de la baie James, en termes hydro-électriques, actuellement.

M. AUDET: Mais, vous avez aussi parlé du développement complet. Vous vouliez justement créer une société spéciale pour que cette même société puisse s'occuper...

M. MASSE (Arthabaska): Remarquez bien, M. le député d'Abitibi-Ouest, que nous savons très bien les efforts que la population a faits dans cette région pour construire cette route. S'il y a moyen d'accélérer ou d'aider au développement, par une route semblable, le gouvernement n'y manquera pas.

M. AUDET: Certainement.

M. LE PRESIDENT: Le député...

M. AUDET: Au sujet, M. le Président, de mon inquiétude à ce que le projet de la baie James pourrait ne pas être, à l'avenir, la propriété des Québécois, je pense, comme M. le premier ministre disait cet après-midi qu'on invitera probablement les Québécois à investir dans le projet de la baie James, mais avec un minimum. On sait que les Québécois n'investissent pas beaucoup dans ces choses, on n'a pas d'argent. Ce sera de l'argent américain qui sera investi là-dedans. Alors, vu que les profits et l'électricité vendus, participeront à payer probablement l'intérêt à payer sur ces sommes, j'imagine que le capital... on devra passer l'hypothèque des barrages, assez longtemps aux Américains, pour rembourser le capital, ou garantir des capitaux. Je me demande qui sera propriétaire de la baie James dans ce temps-là.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Laurent, vous aviez demandé la parole tantôt.

M. PEARSON: J'aurais deux courtes questions à poser. La première question est probablement une répétition, étant donné qu'on a écouté la même chose, mais on n'a pas entendu la même chose. Pendant l'heure du souper, nous avons discuté et nous ne nous sommes pas entendus sur le sens des déclarations que vous avez faites. Voici: En autant que j'ai compris, le minimum des travaux à faire, autrement dit, la décision qui a été prise est le harnachement, au moins, des trois premières rivières. C'est-à-dire, avant que ces trois premières rivières soient harnachées et complétées, il ne pourrait pas y avoir d'arrêt. Ce n'est qu'aux deux autres rivières suivantes que la décision n'est pas prise pour le moment. Est-ce que j'ai bien compris?

M. GIROUX: Non. Je crois que ce que le plan de l'Hydro-Québec va donner, ce que M. Boyd a expliqué tantôt, c'est que notre plan général des trois rivières est un plan d'ensemble. Nous espérons faire les trois rivières comme base. Nous avons des phases dans ce travail et il faut y avoir des protections. Or, l'une des protections est la suivante : s'il nous arrivait une impossibilité, quelle qu'elle soit, financière ou autre, on essaierait d'avoir une première phase qui nous permettrait d'avoir de l'énergie de la baie James avec un minimum de coût. C'est la première phase. Naturellement, ce n'est pas l'idéal. Des questions ont été posées. Cela coûterait plus cher? Oui. Il y a tout ce domaine-là. Le programme de l'Hydro-Québec est de développer les trois rivières. Mais, il y a une première phase qui est un plan de base, un plan principal sur lequel on dit: Cette base, c'est un minimum, et à partir de ce minimum, nous croyons que l'Hydro-Québec devrait commencer le programme de la baie James. Cette phase, c'est comme dans n'importe lequel organisme. On dit: Si on engage tant de millions de dollars, à quel point a-t-on une porte de sortie? La porte de sortie ou, si vous voulez, de protection, est à la première phase. Il y a une conception qui doit être donnée avec les travaux qui vont monter sur les autres et qui est sur cette première phase.

M. PEARSON: Cela veut dire, en somme, qu'une fois les travaux commencés, vous ne pouvez pas vous arrêter tant que cette première phase ne sera pas complétée; autrement, ce serait un gaspillage d'argent. Supposons qu'il arriverait une découverte sensationnelle...

M. GIROUX: S'il arrive une découverte sensationnelle, par exemple, en nucléaire, on complétera la première phase, sachant très bien que cette électricité sera plus dispendieuse, mais en principe, c'est comme n'importe quoi, au lieu de prendre 30 ans pour l'amortir, il faudra prendre 60 ans.

M. PEARSON: D'accord.

M. GIROUX: On croit que c'est une mesure de sécurité dans un programme de cette ampleur, tout en conservant le but de développer la baie James. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

M. PEARSON: Oui, cela répond à ma question.

M. LE PRESIDENT: Le député de l'Assomption.

M. PEARSON: Deuxième question, M. Giroux, vous avez insisté hier, ou peut-être aujourd'hui, je ne me souviens pas, sur votre désir que l'Hydro-Québec soit majoritaire au sein de la nouvelle corporation. C'est une question peut-être hypothétique ou peut-être un peu indiscrète.

Est-ce que vous vous attendez à être majoritaire dans cette nouvelle corporation et si vous ne l'êtes pas, quelle sera votre attitude?

M. GIROUX : Je crois que notre lettre est très claire. Notre recommandation au gouvernement est de faire ce projet. On dit dans la lettre, c'est de mémoire: Il y a possibilité qu'une autre corporation soit créée. Comme la majeure partie de ce programme est hydraulique, notre recommandation tient du fait qu'on dit au gouvernement, nous devrons être majoritaire parce que la majorité du programme est hydraulique.

Maintenant, si le gouvernement ne retient pas notre recommandation, que voulez-vous que je vous dise !

M. BERTRAND: M. Giroux, sur le même sujet, exactement. Vous dites que c'est une

possibilité qu'il y ait une corporation de créée. Je vous demande, moi, et ça fait écho aux propos que je tenais cet après-midi: est-ce une nécessité, si vous ne réalisez que la première phase, au sujet de laquelle vous m'avez déclaré, au début, après la lecture de votre mémoire, que l'Hydro-Québec pouvait entreprendre cela seul?

M. GIROUX: Nous sommes convaincus que nous pouvons le faire.

M. BERTRAND: Alors, ce n'est pas une nécessité...

M. GIROUX: Ce n'est pas une nécessité. M. BERTRAND: ...c'est une possibilité.

M. GIROUX: C'est une possibilité. Si on se réfère toujours à notre lettre, et on tient à cette lettre-là, on y voit certains avantages pour développer le territoire. Mais notre recommandation repose sur la majorité d'ailleurs qu'on a bien décrite, n'est-ce-pas, qui est une majorité réelle. Si c'est une régie, par le nombre de directeurs nommés par l'Hydro ou si c'est par souscription de capital, c'est par l'Hydro-Québec. Enfin, c'est la recommandation de la commission et sur ça, messieurs les commissaires sont ici et cette décision est unanime. Est-ce que les commissaires auraient à...

M. LE PRESIDENT: Le député de L'Assomption.

M. ROY(Beauce): M. le Président, sur le même sujet. S'il devenait nécessaire à l'Hydro-Québec de réaliser la deuxième phase du développement de la baie James, est-ce que l'Hydro-Québec pourrait continuer à oeuvrer en tant qu'organisme responsable ou si la corporation deviendrait nécessaire à ce moment-là?

M. GIROUX: Au point de vue hydraulique, on est très positif. On dit si tout est absolument et seulement hydraulique, l'Hydro peut le faire seul. Si on ouvre un territoire, on voit des avantages à une régie. C'est une formule. On ne recommande pas qu'il y ait une corporation de formée, et on ne s'y oppose pas; mais on dit que si elle est formée, on devrait... c'est notre recommandation. Je crois qu'on a été très clair dans la lettre et on a été très clair dans le document qu'on vous a remis tantôt.

M. LE PRESIDENT: Le député de L'Assomption.

M. PERREAULT: M. le Président, j'ai lu dans le rapport annuel que le maximum de la pointe est arrivée cette année, le 22 décembre 1970, avec une pointe de 8,881,000 kilowatts. Je vais demander quelle est la pointe d'été et à quelle date elle arrive. Deuxième question, est-ce que le rapport des pointes dans les réseaux voisins est sensiblement le même?

M. GIROUX: Voici, on va demander au directeur général, Production et Transport, M. Villeneuve.

M. VILLENEUVE: Jean Villeneuve, directeur général, production et transport. La pointe d'été, c'est-à-dire la pointe où la charge est la moins forte; la pointe la moins élevée de l'année survient en juillet. Elle est en général de 13 p. c. environ de moins que la pointe de l'hiver précédent. Si vous faites le calcul sur 8,800, vous arrivez à peu près à 7,800 mégawatts environ.

M. PERRAULT: Une autre question. Est-ce que vous croyez que la pointe dans les réseaux voisins de l'état de New York est inversée au point de vue du temps?

M. VILLENEUVE: La pointe de l'état de New York a lieu en été. Pendant un certain temps, on avait une pointe d'hiver qui dépassait la pointe de l'été précédent et une pointe d'été qui dépassait celle de l'hiver précédent. Maintenant, la pointe de l'été est nettement une pointe annuelle pour le réseau, en tout cas pour Consolidated Edison. Elle arrive normalement durant les plus grandes chaleurs de l'été.

M. LAURIN: L'air climatisé.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.

M. LAURIN: M. le Président, durant l'heure du repas, j'avais groupé toutes mes questions ensemble, étant donné l'indication que nous avions donnée de libérer l'Hydro ce soir, mais je pensais que la séance commencerait à 20 h 15. Nous avons commencé à 20 h 35. Je ne pensais pas que d'autres avaient autant de questions à poser. Je ne suis plus sûr maintenant que je terminerai pour 22 hres, si vous terminez à 22 hres, parce que j'ai quand même groupé une dizaine de questions.

M. BOURASSA: Dans la mesure où le député pourrait permettre à l'Hydro...

M. LAURIN: Il est possible que ça retarde un peu. Il faut admettre que... En autant que nous sortions d'ici avec des réponses aux questions que nous avons en tête.

M. LE PRESIDENT: S'il y a moins de répétitions qu'hier, il y a des chances.

M. LAURIN: Cela est un commentaire partisan.

Dans les questions que je veux poser, il y en a quelques-unes que je reprendrai pour avoir quelques précisions additionnelles. Il y en a d'autres qui n'ont pas été posées. La première

question sur laquelle j'aimerais avoir des précisions additionnelles est le coût du complexe NBR. On a dit cet après-midi que le coût serait de $4.1 milliards, plus l'intérêt qui pouvait être optimalisé à 3.28, ce qui donne un coût en mills, pour le total du complexe, aux alentours de 10 mills. En ce qui concerne la première phase — vous me reprendrez si je fais des erreurs, si ce n'est pas exactement ce que vous avez dit — si elle était construite seule, nous pouvons penser que le coût en mills serait du double. C'est à peu près ce que vous venez de dire tout à l'heure en réponse à une question. Est-ce que c'est exact?

M. GIROUX: Pardon?

M. LAURIN: Est-il exact que ce serait autour du double si la première phase était faite seule?

M. GIROUX: Je n'ai pas mentionné de double. J'ai dit que ça serait augmenté.

M. JORON: Si vous permettez, pour illustrer que les amortissements pourraient être portés de 30 à 60 ans et comme la partie capitale est l'essentiel du coût en mills, à ce moment-là, ça présume qu'en mills ça revient à peu près à doubler.

M. GIROUX: Non. Si j'ai donné cette impression-là — je le donnais comme un exemple d'une chose qui coûte plus cher.

M. LAURIN: Le coût serait peut-être porté alors à 16 ou 17.

M. GIROUX: Il n'a pas été calculé. M. LAURIN: Mais on peut calculer...

M. GIROUX: On peut calculer que c'est un coût très dispendieux. Disons, comme un exemple frappant, qu'il y a deux lignes par mesure de sécurité quand vous n'en avez besoin que d'une. Mais l'illustration était au point de vue amortissement d'une maison qui a un rendement plus faible. Alors, ça prend plus de temps pour l'amortissement.

M. LAURIN: Bien sûr, il s'agit là d'estimations et on ne sait pas jusqu'à quel point cela va correspondre au coût réel, malgré les facteurs d'optimalisation dont vous parliez cet après-midi. Il y a déjà eu des estimations faites pour les anciens complexes, en particulier pour le complexe Manic-Outardes, pour lesquels vous aviez aussi déposé à des réunions, de la commission parlementaire des Richesses naturelles des estimations, j'aimerais demander à mon collègue du comté de Saguenay de citer ces estimations pour que je reprenne ensuite ma question.

M. MARCHAND: Le député de Bourget a donné la parole?

M. LAURIN: C'est-à-dire qu'au lieu de simplement citer ces chiffres, je les ai fait compiler.

M. CHOQUETTE: C'est votre agent parlementaire?

M. JORON: C'est cela.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président, j'avais demandé la parole avant le souper. Mes questions s'adresseront à M. Boyd. Vous avez bien dit cet après-midi que le coût maximum du projet pouvait être de $4.1 milliards et qu'à ce prix-là, ça reviendrait à environ 10 mills à 12 mills du kilowatt-heure.

M. BOYD: C'est ce qu'on a calculé.

M. LESSARD: Vous avez dit aussi que ce montant ne pouvait pas être dépassé et qu'au contraire, ce montant pouvait être diminué jusqu'à 20 p. c. M. le Président, comment M. Boyd peut-il être aussi absolu dans ses affirmations, lorsque nous savons que lors de la réunion de la commission des Richesses naturelles du 15 décembre 1969, nous avons pu, par exemple, obtenir les estimations de différents projets: Rapides-des-Iles a été estimé à $24.5 millions, et le coût réel a été de $40,765,000; Manic 5 a été estimé à $237 millions et le coût réel en a été de $374 millions; Outardes, estimation: $150 millions, coût réel: $187 millions; Outardes 3, estimation: $83 millions, coût réel: $128 millions. Total de ces quatre projets: $494,500,000 en estimations; coût réel: $729,725,000. Ce qui veut dire que les coûts réels ont dépassé les estimations sur ces quatre projets de 47 p. c. Comment, aujourd'hui, pouvez-vous être aussi catégorique dans l'affirmation que le coût complet du projet de la baie James sera de $4.1 milliards?

M. BOYD: M. le Président, à cette assemblée de la commission parlementaire, je pense que j'avais passé passablement de temps à expliquer les augmentations de ces coûts. Entre autres, les principales raisons, c'est que nous étions dans une période où le coût de l'intérêt était passé de 5 p. c. à 10 p. c. Le projet de Manie-Outardes a été annoncé en 1959-1960. A ce moment-là, si je ne me trompe le coût de l'intérêt était d'environ 5 p. c. Lors de la dernière phase, Manic 3, on a été jusqu'à 10 p. c. d'intérêt. Vous pouvez vous imaginer l'influence de ce facteur. Dans le cas de la baie James, nous avons fait des calculs à 8 p. c, 9 p. c. et 10 p. c. d'intérêt. Nous employons 10 p. c. d'intérêt. Il y a une autre chose qui est très importante, dans les...

M. LAURIN: Une seconde. Les chiffres que

vient de citer le député de Saguenay sont pour les coûts d'immobilisation.

M. JORON: Je ne vois pas très bien le rapport avec les taux d'immobilisation.

M. LESSARD: C'est le coût de la construction.

M. BOYD: Oui, mais c'est capital, les coûts de l'intérêt.

Prenez à Manic 5 le barrage qui s'appelle Daniel-Johnson, à partir du moment de sa construction, de la première pelletée de terre qui se fait, jusqu'à sa mise en exploitation, tout l'argent que vous investissez, l'intérêt de ça est capitalisé. C'est évident. C'est une des premières choses qu'il faut apprendre lorsqu'on fait de la capitalisation, l'intérêt est énorme dans une construction qui dure... Dans le cas du barrage Daniel-Johnson, les travaux ont débuté et se sont poursuivis sur une période de neuf ans avant qu'on ne charge le coût de la construction à l'exploitation, les intérêts imputés au barrage à l'exploitation.

Il y a une somme considérable qui grève le coût de la construction, qui vient de la différence de 5 p. c.

M. JORON: Cela, ce sont des frais intercalaires.

Quelle est la charge de ces frais-là dans le total du coût d'immobilisation d'un projet semblable, pour en mesurer la portée? Ce n'est pas uniquement ces frais intercalaires-là qui sont responsables de toute la différence.

M. BOYD: Je n'ai pas dit que c'était tout. Mais en même temps je vous donne un des facteurs les plus importants, si j'avais — malheureusement je n'ai pas mon autre serviette de ce matin —

M. LESSARD: Il y a une différence de 47 p. c.

M. BOYD: J'avais le compte rendu du débat où j'ai tout expliqué ça, en détail, si on pouvait le retrouver, je vous le répéterais. En plus de l'intérêt, on était dans une période où les salaires ont augmenté d'une façon vertigineuse. De 1960 à 69/70, les salaires ont monté en flèche.

Une troisième chose, c'est que les estimations qui avaient été faites au départ ne prévoyaient pas des imprévus et d'escalades. C'était la méthode de faire les estimations autrefois, quand les salaires étaient à peu près fixes, quand les coûts d'intérêt étaient à peu près stables, cela n'entrait pas dans les estimations.

Aujourd'hui, on vous l'a expliqué, on prévoit 4 p. c. d'inflation par année sur nos projets, on prévoit 12 p. c. d'imprévus dans le cas de la baie James. Ces choses-là nous les prévoyons. Quand vous nous demandez pourquoi nous sommes si sûrs, c'est que dans les cas de problèmes géologiques que nous avons là-bas, nos gens ont pris, en plus des prévisions d'imprévus, des marges sécuritaires, ils en ont mis plus qu'il ne fallait.

Vous avez dans la construction ici de 1959 à 1963, le salaire horaire moyen pour l'ensemble des chantiers était de $2,32. En 1969, il était de $4.50. C'était imprévisible je pense bien, à ce moment-là, des escalades semblables. Les gens de Manic-Outardes ont eu les mêmes salaires que les gens de la construction de Montréal.

Maintenant nous prévoyons ces choses-là beaucoup mieux que dans le temps, l'expérience de ces escalades à Manie-Outardes nous a permis de faire de meilleures estimations.

M. LESSARD: Comment se fait-il que là vous dites que c'est assuré, que le montant maximum sera de tant, alors que ces différents projets se sont quand même échelonnés sur un certain nombre d'années et que là vous n'avez pas pensé à prévoir ces différences-là, à corriger les différents montants, la différence, par exemple, entre les estimations et les coûts réels, alors que vous nous dites, que pour une différence de 47 p. c. dans la construction des projets, vous êtes assurés que ça ne dépassera pas $4.1 milliards.

Est-ce que vous en êtes vraiment sûrs que maintenant tout a été corrigé, que le taux d'intérêt sera le même, que l'augmentation des salaires est comprise dans l'étude de votre projet, etc.

Si, par exemple, on arrivait avec une différence, même de 10 p. c. ou de 15 p. c, je pense que le coût au mill changerait assez considérablement.

M. BOYD: Je vous ai expliqué que, dans le taux d'escalade de 4 p. c, nous prévoyions des augmentations de salaire très importantes.

On prévoyait des escalades de matériel et d'équipement qui sont réalistes. On a donc prévu dans l'escalade un montant de 4 p. c.

M. LAURIN: M. Boyd, je voulais simplement poser la question pour montrer que les imprévisibles sont peut-être moins prévisibles qu'on peut le prévoir.

M. BOURASSA: Ce sont des hypothèses sur d'autres hypothèses.

M. BOYD: Monsieur Laurin, vous devez comprendre quand même la situation. Nos estimations faites par les gens qui étaient là en 1960 et celles qui ont été faites par ceux qui estiment aujourd'hui, ont été comparées et vérifiées. Quand on vous dit qu'on a prévu l'escalade, qu'on a prévu 12 p. c. sur les sommes qu'on mentionne, c'est énormément d'argent. Quand on vous dit que pour les galeries de dérivation, pour les berges de béton, etc. on est

allé du côté sécuritaire. Quand on vous dit que les trois bureaux, le nôtre et les deux autres assurent qu'il y a trop de centrales sur la rivière Rupert, que dans ces $4,100,000,000, il y a un réservoir de trop et qu'il y en aurait peut-être un deuxième qu'on pourrait enlever. Que voulez-vous qu'on vous dise de plus? Je ne peux pas vous donner une garantie avec un bon, et que cela ne dépassera pas $4,100,000,000. Avec toutes les précautions que nous avons prises, avec l'expérience que nous avons maintenant, on peut vous dire que c'est un maximum, qu'on est très raisonnablement certain de pouvoir diminuer.

M. LAURIN: Je souhaite que vous ayez raison.

M. BOURASSA: Vous avez prévu 12 p. c. d'imprévus. Dans les autres cas antérieurs, quel était votre pourcentage?

M. BOYD: Il n'y en avait pas.

M. BOURASSA: on doit quand même tenir compte — pour éclairer le débat — que les taux d'intérêt ne peuvent pas tellement monter plus qu'à 9 ou 10 p. c.

M. BOYD: Souhaitons-le.

M. BOURASSA: Mais quand même!

M. LAURIN: Ma deuxième question...

M. BOURASSA: Si le député cessait de poser des questions sur des hypothèses, ça pourrait peut-être aller un peu plus vite.

M. JORON: Certaines hypothèses sont basées sur l'expérience passée.

M. MARCHAND: Les prévisions qui sont faites, c'est parce qu'il y a eu des expériences passées, l'escalade a été calculée. La dernière fois, elle ne l'avait pas été. Vous auriez dû comprendre ça. Cela fait dix fois qu'on le dit.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Le député de l'Assomption a une question à poser.

M. PERREAULT: une question additionnelle sur le même sujet. Quel est le coût du projet NBR sans considérer les imprévus que vous avez fixés à 12 p. c, sans considérer l'intérêt capitalisé et sans considérer les frais d'escalade?

M. LAURIN: Sans le barrage aussi!

M. BOYD: Si je comprends bien la question, on nous demande les coûts directs et indirects. Les coûts directs et indirects forment un total de $1,788,000,000 auquel on ajoute $214,000,000 pour imprévus, $160,000,000 pour l'ingénierie de surveillance, pour les frais de nos gens de construction et du siège social, vous avez $2,249,000,000 plus $551,000,000 pour l'inflation et $832,000,000 pour les intérêts intercalaires. Ce qui vous donne $3,632,000,000 plus $600,000,000 pour les lignes et les postes, ce qui fait $4,200,000,000 si on prend 10 p. c. d'intérêt.

M. LAURIN: Ma deuxième question porte sur le coût d'immobilisation des autres rivières. Est-ce que vous avez préparé des estimations pour le coût d'immobilisation d'une centrale au lac Saint-Joachim? La même chose pour la rivière Moisie, pour la rivière Péribonka, pour la Saint-Maurice et pour Lower Churchill?

M. BOYD: Lower Churchill premièrement...

M. GIROUX: Je n'ai pas de réponse à vous donner pour Lower Churchill, je m'excuse.

M. LAURIN: Vous avez peut-être une petite idée.

M. GIROUX: Mais, seulement, ce serait dévoiler ce qu'on sait comme directeurs de Churchill. On ne l'a pas eu officiellement. Cela leur causerait des ennuis pour rien.

M. MARCHAND: Il y a le petit ruisseau Rimbeau.

M. BOYD: Pour la réserve pompée de Saint-Joachim, actuellement, nous avons des estimations préliminaires. Le chiffre est d'environ $125, le kilowatt. Il faut bien réaliser ce que je vous ai expliqué ce matin. C'est de l'énergie de pointe qui sort quelques heures par jour seulement. Pour le bas Saint-Maurice, c'est également, encore, de l'énergie de pointe. Les estimations sont d'environ $300, le kilowatt. Pour la Moisie, nous sommes au stage des études très préliminaires et nous n'avons pas de coût encore.

M. LAURIN: Pour Péribonka?

M. BOYD: Pour Péribonka, M. De Guise a expliqué cet après-midi que nous n'étions qu'au stade avant-préliminaire. Nous n'avons pas de renseignements suffisants pour avoir l'estimation.

M. LAURIN: Ma troisième question porterait sur le coût du nucléaire. Vous avez mentionné, cet après-midi, le chiffre de 13 mills. J'imagine que vous vouliez parler du procédé américain, la filière américaine. Pourriez-vous nous dire de quelle source vous avez ces chiffres, deuxièmement pour quelle année?

M. BOURASSA: La réponse n'a-t-elle pas été donnée hier?

M. LAURIN: Non, il a dit ça cet après-midi. Vous n'étiez pas là.

M. MASSE (Arthabaska): Cela a paru dans le Soleil.

M. LAURIN: Pardon?

M. MASSE (Arthabaska): Les 13 mills, ça a paru dans le Soleil.

M. LAURIN: Cela n'a paru nulle part. C'est le 13 mills américain.

M. BOYD : Excusez-moi, mais on a tellement de documents. Un des chiffres qu'on a ici, est celui dont on vous a parlé hier. C'est le rapport de Northeast Utilities qui, lui, était basé sur un ensemble de rapports qui était de 13.70, en 1984. C'est la filiale américaine.

M. LAURIN: Donc en 1984. Ce qui voudrait dire que, ramené à 1978, ce qui serait l'année de l'entrée en fonctions de la première phase du projet NBR, on pourrait dire que le taux en mills, avec la correction, serait aux alentours de 10 mills, 10.30 mills, ou 10.40, quelque chose comme ça.

M. BOYD: J'ai un autre chiffre ici, en 1978. On a souvent 9.85 auquel il faut ajouter 35 p. c. de réserve. Alors, c'est 9.85 plus le tiers, si vous voulez, parce que la réserve n'y est pas incluse.

M. JORON: C'est-à-dire que 9.85, c'est un taux d'utilisation de 100 p. c?

M. BOYD: Non, 80 p. c.

M. JORON: Sur un taux d'utilisation de 80 p. c, pourquoi la réserve additionnelle?

M. BOYD: C'est à cause de la non-fiabilité. Même avec l'hydraulique qui nous donne une fiabilité de 97 p. c, dans l'ensemble du réseau pour l'hydraulique, on prévoit une réserve qui varie entre 5 p. c. et 10 p. c. Dans le nucléaire, jusqu'à dernièrement, on prévoyait 20 p. c, 25 p. c, maintenant, les utilités canadiennes et américaines prévoient 30 p. c. et 35 p. c. de réserve pour le nucléaire à cause des interruptions, de la non-fiabilité et des taux de pannes et d'entretien. Les derniers renseignements que nous avons nous viennent de Atomic Energy Commission, qui ont fait préparer l'étude par United Engeneers Corporation, une des plus grosses entreprises d'ingénieurs-conseil aux Etats-Unis et dans le monde. Ils ont fait un relevé de tout ce qui se passe dans toutes les compagnies américaines qui ont du nucléaire.

Le rapport à la Atomic Energy Commission des Etats-Unis n'est que pour des unités de 1000 mégawatts nucléaires. A l'avenir, il faudra prévoir 50 p. c. de réserve. Alors, quand vous bâtirez une unité de 1000 mégawatts, il faudra à côté en bâtir une de 500 mégawatts.

M. JORON: Dans le cas de Northeast Utilities, le chiffre qui nous est présenté ici, ce sont des unités de quelle grosseur? A un million également?

M. BOYD: C'est de 1000 mégawatts. M. JORON: Mais, c'est...

M. BOYD: Moi, je vous dis que si à 988, vous ajoutez le tiers — c'est ce qui est sur la base de ce que je viens de vous dire, — ce ne sera pas suffisant.

M. JORON: En conjuguant cela avec le fait que déjà le taux d'utilisation est prévu à 80 p. c. il arrive finalement que — et vous ajoutez un tiers — globalement, le taux d'utilisation final, c'est 50 p. c. à peu près en gros. Je m'étonne que l'on puisse concevoir que des gens continuent à mettre en construction des centrales nucléaires en prévoyant des taux aussi considérables. Est-ce que c'est réaliste de penser que cela va durer longtemps à ces taux-là? Autrement, j'imagine qu'il ne s'en construirait plus. On arrêterait d'en construire.

M. PICARD: C'est facile à comprendre.

M. JORON: Ils font du thermique à ce moment-là.

UNE VOIX: Ils n'ont pas le choix.

M. LAURIN: J'aime mieux la réponse de M. De Guise.

M. DE GUISE: Une précision. Je pense que l'on est porté à confondre certains termes. Lorsque l'on parle d'un taux d'utilisation de 80 p. c. par exemple, pour fins de calculs, on suppose qu'une centrale d'un million de kilowatts — 1000 mégawatts — va produire en moyenne 80 p. c. de sa capacité normale. Disons que, dans un régime, dans une société comme la nôtre, on va s'attendre à ce qu'en hiver la centrale fonctionne très bien, presque à pleine puissance. Même aux heures de pointe, il est absolument indispensable que cela fonctionne. Là, intervient un autre facteur, celui de la non-disponibilité ou de la réserve de 30 p. c.

M. JORON: C'est à prévoir.

M. DE GUISE: ... quand on a une charge d'un million de kilowatts à envisager, un soir, à 5 heures, si l'unité ne fonctionne pas ou a pris l'habitude de ne pas fonctionner, c'est là qu'il faut cette réserve disponible de 30 p. c. mais cela n'affecte pas nécessairement sa production moyenne annuelle de 80 p. c. Je ne sais pas si...

M. LAURIN: D'accord. Ma dernière question sur le sujet, M. Boyd, porte sur le coût d'immobilisation par kilowatt installé pour le nucléaire en 1970, en 1980, en 1990?

M. BOYD: Pour une centrale nucléaire? Mais je ne l'ai pas pour 1990.

M. LAURIN: En 1970?

M. BOYD: En 1970, M. De Guise...

M. DE GUISE: En mai 1970...

M. BOYD: La même référence de Northeast Utilities s'applique. En 1970, pour du nucléaire, le coût capital étant évalué à $200 le kilowatt, à ce moment-là, le coût de production est évalué à 6.01 mills le kilowatt-heure.

M. LAURIN: $170?

M. DE GUISE: C'est $200 le kilowatt-heure. M. LAURIN: C'est $200 le kilowatt-heure. M. DE GUISE: Et c'est pour l'année 1970. M. LAURIN: Et en 1977?

M. DE GUISE: J'ai 1978, ce que je viens de donner tout à l'heure. Le coût de capital est à $330 le kilowatt et le coût du kilowatt- heure, sans réserve, est à 9.85.

M. LAURIN: Et en 1990?

M. DE GUISE: En 1984.

M. LAURIN: En 1984, d'accord.

M. DE GUISE: $550 le kilowatt de coût capital et 13.7 mills pour le prix du kilowattheure, sans réserve.

M. LAURIN: D'accord. Ma quatrième question porte sur le nombre des emplois dans la lettre, juste avant de laisser le sujet à M. Boyd. A la commission parlementaire, le 10 décembre, vous disiez, M. Boyd, que le coût à la centrale de Gentilly, c'est entre six ou sept mills. En 1980, entre 9 1/2 et 10 1/2 mills.C'était à la commission des Richesses naturelles, le 10 décembre. Est-ce que vous avez revisé vos chiffres depuis? C'est le dossier canadien évidemment. Est-ce qu'il y a une différence?

M. BOYD: Il y a peut-être une erreur.

M. DE GUISE: Il y a deux concepts, si l'on parle de Gentilly. Il y a un prix qui serait le prix réel correspondant au coût de construction et il y a peut-être aussi le prix que l'Hydro-Québec aura à payer un jour, parce qu'il est prévu que lorsque nous achèterons Gentilly, nous paierons l'équivalent d'une centrale thermique, d'après les deux concepts.

M. BOYD: C'est la moitié du prix à peu près.

M. DE GUISE: M. Laurin, j'aimerais ajouter une précision.

La vie utile d'une centrale nucléaire, dans les centrales canadiennes et américaines varie entre 20 et 30 ans d'après les estimations actuelles et d'après certains troubles que les utilisateurs ont déjà depuis les quelques années que c'est en opération, certains pensent à réduire la vie utile encore en bas de 20 ans. C'est un facteur énorme. Cela veut dire qu'au bout de 20 ou 25 ans, il faut une nouvelle centrale parce qu'elle est hors d'usage. C'est comme ceux qui annoncent des autos qui vont durer onze ans et d'autres qui vont durer deux ans.

Tandis que dans les données, nous avons des centrales qui fonctionnent d'une façon merveilleuse, comme Beauharnois, depuis 42 ans. Et on a l'impression que dans 42 ans elle sera aussi bonne qu'elle est là et encore davantage. C'est un facteur qu'il faut considérer.

M. JORON: A ce sujet, M. Boyd, c'est dire en somme que la dépréciation est passablement plus rapide. En conséquence, elle est incluse dans le coût en mills de production. Ce facteur-là est compris dans le coût en mills.

M. BOYD: Dans les calculs qui sont faits actuellement, la dépréciation du nucléaire est basée sur 30 ans.

M. JORON: Comme dans le cas de North-East, par exemple?

M. BOYD: C'est basé sur 30 ans tandis que nous, dans nos centrales hydrauliques, on emploie 50 ans. Je vous dis que le jour où on aura dépassé le 50 ans de vie réelle, il faudra peut-être reviser — j'espère que M. Lemieux sera d'accord — nos taux de dépréciation, pour dépasser les 50 ans.

M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.

M. BOURASSA: M. Bertrand a une question.

M. BERTRAND: Non, pas dans le moment.

M. LAURIN: Je vais continuer, comme ça, en posant ma quatrième question.

M. BERTRAND: Je laisse le député de Bourget se vider !

M. LAURIN: Ma quatrième question porte sur le nombre d'emplois sur le chantier. Dans votre lettre, M. le président, vous parlez de 20,000 hommes/année, à partir de 1977 ou

pour l'ensemble du projet. Calculée d'une autre façon, pourriez-vous nous dire la progression du nombre des employés sur le chantier à partir de 1971.

M. GIROUX: Je vais demander à M. Monty, qui est directeur de la construction, de répondre à votre question.

M. LAURIN: D'accord.

M. MONTY: Mon nom est Guy Monty. Si on part de 1971, sur la même base d'hommes/année, on retrouve en 1971, 500 employés; en 1972, 1550; en 1973, 4150; en 1974, 7,200...

M. LAURIN: Excusez-moi, ce n'est pas exactement les hommes/années que j'ai demandés, c'est le nombre d'employés sur le chantier et pendant combien de temps. Est-ce que c'est seulement durant la période d'été ou aussi durant la période d'hiver?

M. MONTY: Cela part de 20,000 hommes... ça peut être, par exemple, 30,000 hommes pendant huit mois et 4,000 pendant quatre mois.

M. LAURIN: Justement, j'aimerais que vous puissiez faire...

M. MONTY: On ne peut pas, à cette date-ci, évaluer cela d'aussi près. On vous donne le nombre d'hommes /année, c'est à peu près le nombre le plus juste qu'on peut donner actuellement. Cela peut être facilement 30,000 hommes pendant huit mois en 1977.

M. LAURIN: Est-ce que ça veut dire, M. Monty, que pendant la période d'hiver les travaux seraient considérablement au ralenti, par exemple?

M. MONTY: Pas nécessairement.

M. LAURIN: Quelle serait la différence d'après vos expériences sur d'autres chantiers entre le nombre d'employés présents sur le chantier l'été et le nombre d'employés présents sur le chantier durant l'hiver?

M. MONTY: Si on se base sur les chantiers de Manicouagan-Outardes, on peut dire que la moyenne demeure presque la même, en hiver ou en été. Tout dépend de la cédule des travaux qu'on a à exécuter.

M. LAURIN: Bon, je ne vous interromps plus.

M. MONTY: Je vais continuer. Alors, en 1975, 11,400; en 1976, 16,800; en 1977, 21,100; en 1978, 14,100; en 1979, 8,500 et 1980, 6,980. C'est seulement le projet NBR.

M. LAURIN: Sur le chantier? M. MONTY: Oui.

M. BOURASSA: Dans les tableaux qu'on m'avait remis, vous aviez les chiffres sur le chantier et également les employés ou les travailleurs dans les entreprises comme celle qui fabrique les turbines.

M. LAURIN: J'ai d'ailleurs une question là-dessus, sur la fabrication d'outillage.

M. BOURASSA: Vous n'avez pas des copies de vos questions, ça pourrait peut-être nous aider?

M. LAURIN: Mon autre question porte sur un sujet dont il a été question à quelques reprises cet après-midi, ici: les projets de la compagnie Brinco en ce qui concerne une usine d'uranium enrichi. Si j'ai bien compris vos témoignages, est-ce qu'il est exact d'affirmer qu'il y a une possibilité d'installation de cette usine d'uranium enrichi au Québec, par les contacts que vous avez eus avec les autorités de Brinco?

M. GIROUX : Il y a toujours une possibilité d'intéresser les gens. J'ai fait des démarches pour démontrer à ces gens qu'ils devraient regarder la province de Québec et voir nos disponibilités. Les représentants de la compagnie Brinco sont venus ici et ont rencontré le premier ministre. Ils ont déclaré qu'ils étaient intéressés à grossir leurs investissements dans le Québec. Ils n'ont fait aucune déclaration sur la localisation de cette usine. D'ailleurs, ils n'ont jamais pris de décision formelle de la construire jusqu'à présent. Il y a tout un problème, toute une filière à passer. Quelles sont les réactions d'Ottawa, juisqu'ici, sur cette chose-là? C'est leur problème.

M. JORON: Vous pourrez peut-être nous éclairer là-dessus.

M. GIROUX: Dans les circonstances, voyant qu'il y avait une possibilité d'intéresser ces gens à venir au Québec, j'ai cru de mon devoir de les rencontrer et de leur demander de se rendre à Québec et de regarder les possibilités; si vous voulez, au point de vue de la rencontre — je ne sais pas si le premier ministre est d'accord — ils ont dit qu'ils étaient intéressés, qu'ils n'étaient pas du tout énervés devant la situation québécoise, que cela ne les dérangeait pas du tout.

Leur programme est loin d'être une question de dire qu'ils vont construire un plan l'an prochain. Je suis convaincu qu'ils n'ont peut-être pas encore pris la décision de construire une usine. On l'examine beaucoup. Je crois, à première vue, qu'on parle d'une usine qui coûte quelque chose comme $1 milliard 250 millions ou quelque chose du genre.

M. JORON: Ils consomment combien d'électricité par année?

M. GIROUX: Cela doit être énorme.

M. LAURIN: Est-ce que ça serait de l'ordre de 1,500,000 kilowatts?

M. GIROUX: Je crois que c'est même dépassé cela.

M. DE GUISE: Pour le projet dont il a été question c'est l'ordre de grandeur. Peut-être un peu plus que cela même.

M. BOYD : 1 million à 2 millions.

M. LAURIN: Etant donné, M. le Président, que c'est Brinco qui développe Upper Churchill Falls et qui est appelé, bien sûr, à développer Lower Churchill Falls qui va développer à peu près cela 2 millions de kilowatts, est-ce qu'il est interdit de penser que la région de Sept-Iles serait une région idéale pour l'implantation de cette usine étant donné qu'ils pourraient se nourrir à même leur propre courant, qu'ils développeraient à Lower Churchill et qu'ils pourraient compter également sur les projets que l'Hydro a développés à Manic 5, par exemple.

M. BOURASSA: Pour ce dont le député parle, il n'est pas interdit de penser. Je comprends la question du député. Est-ce qu'il est interdit de penser? Non, il n'est pas interdit de penser cela.

M. LAURIN: Il n'est pas interdit de penser cela! Alors, est-ce qu'il serait logique de penser alors que cela serait rentable pour eux de faire cela?

M. GIROUX: Pour tous les points qui peuvent intéresser Brinco, fiez-vous sur nous, on va essayer de les convaincre de cette chose-là. On agit... il faut regarder les choses telles qu'elles sont. On n'a eu aucune discussion avec eux sur ce projet. Je savais qu'ils étaient approchés par d'autres provinces. Ils étaient approchés par d'autres pays. J'ai cru de mon devoir de leur demander de venir rencontrer le premier ministre de la province de Québec. Qu'on ait au moins la même opportunité que les autres provinces. En dehors de ce domaine-là, je ne peux pas répondre là-dessus.

M. LAURIN: A supposer, M. Giroux, que Brinco vienne s'installer ici avec son usine d'uranium — non, c'est tout à fait relié — est-ce qu'il n'y aurait pas une possibilité plus grande pour nous de nous lancer dans un projet de centrale nucléaire de type américain, si, bien sûr, Brinco avait la permission de 1'Atomic Energy of Canada de nous vendre de l'uranium enrichi.

M. GIROUX: On a tout intérêt à les amener chez-nous. Je pense bien que, simplement pour être constant avec notre politique d'achat au Québec, on se forcerait pour acheter de l'uranium qui serait fabriqué au Québec. C'est incontestable!

M. LAURIN: Est-ce qu'il faudrait pour cela une permission de l'Atomic Energy of Canada?

M. GIROUX: Il faudrait auparavant que Brinco obtienne la permission de fabriquer de l'uranium enrichi. Vous savez de l'uranium, c'est un métal qui est plutôt contrôlé.

M. LAURIN: Est-ce qu'il faudrait demander la permission au gouvernement canadien?

M. GIROUX: Il faudrait que Brinco obtienne la permission du gouvernement canadien d'abord de produire à partir de l'uranium canadien. Probablement que Brinco a ses propres sources d'uranium parce que Rio Algom a tous ces problèmes-là. Le problème naturellement en est un avec le gouvernement canadien, au tout début.

En ce qui concerne la province de Québec, comme je le disais tantôt, nous avons cru de notre devoir au tout début de montrer les possibilités qui existaient dans le Québec. Ce programme-là, on ne peut même pas discuter...

M. LAURIN: Mais au cas où il se réaliserait, il faudrait que Brinco obtienne la permission du...

M. GIROUX: ... gouvernement fédéral.

M. LAURIN: ... gouvernement fédéral de nous vendre de l'uranium enrichi.

M. GIROUX: Il faudrait qu'ils obtiennent la permission, pour commencer, d'en fabriquer. Deuxièmement, nous...

M. LAURIN: ... d'en fabriquer et nous, d'en vendre.

M. GIROUX: ... d'en acheter.

M. LAURIN: Et il faudrait que nous obtenions la permission de changer de la filiale canadienne à la filiale américaine.

M. GIROUX: A ce moment-là, je crois que la loi là-dessus n'est pas très claire. Probablement qu'on pourrait se servir de n'importe quelle filiale. Si l'Hydro-Québec, en principe, fabriquait de l'uranium enrichi et avait une mine d'uranium, si vous voulez faire des hypothèses, si on en trouve dans la baie James et qu'on l'enrichit là-bas. On pourra s'en servir là-bas.

M. LAURIN: Ma question...

M. BOYD: Permettez que je complète. Il se

peut qu'avant longtemps, ce ne soit plus un problème. L'Atomic Energy of Canada a beaucoup de difficulté à vendre son produit en dehors du pays et même au Canada. On entend dire qu'elle jette un coup d'oeil vers d'autres formes de production nucléaire. L'autre forme qui serait plus avantageuse, ce serait la formule américaine. Ce n'est pas officiel, mais c'est une chose qui peut se faire.

M. LAURIN: Ma sixième question porte sur les emplois indirects dont parlait le premier ministre tout à l'heure...

M. BOURASSA: Indirects...

M. LAURIN: ... pour la fabrication d'outillage.

M. BOYD: En dehors du chantier. M. LAURIN: En dehors du chantier.

M. BOURASSA: En dehors du chantier, mais directs si on peut dire, parce que les emplois indirects...

M. LAURIN: On ne se chicanera pas sur les épithètes. Vous avez mentionné cet après-midi qu'il y aurait beaucoup de retombées en ce domaine-là étant donné que, depuis que 1'Hydro existe en tant que société de la couronne, elle a fait beaucoup d'efforts pour favoriser l'implantation d'usines qui pourraient fabriquer des transformateurs, des isolants, des alternateurs et ainsi de suite. Le pourcentage de fabrication de ce matériel, de cet outillage, a beaucoup augmenté depuis quelques années. Est-ce que vous pensez que, le jour où le Québec fera des centrales nucléaires, une bonne proportion de ce matériel fabriqué actuellement au Québec pourra être utilisée aussi, de la même façon, pour les centrales nucléaires?

M. GIROUX: C'est assez difficile de se prononcer exactement sur ce que sera l'avenir dans ce domaine. Mais en partant du principe que l'Hydro maintiendra cette politique d'achat, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas réussir autant à intéresser des gens à produire à ce moment-là, peut-être pas la première usine, mais éventuellement en appliquant les mêmes principes, en appliquant les mêmes approches, les mêmes démarches, on devrait être capable d'obtenir le même résultat. Le seul petit point que je voudrais corriger — je regrette si j'ai créé cette impression en disant "pourrait créer" ou "créerait" — c'est que ce qu'on vous a donné ce midi, c'est ce qui est fait dans le Québec, actuellement, ce qu'on a réussi à faire faire au Québec.

M. LAURIN: On peut donc penser que le jour où vous construirez des centrales nucléaires, votre politique d'achat et d'implanta- tion favorisera la création au Québec d'un nombre d'industries qui s'occuperaient aussi bien de matériaux dont on a besoin pour n'importe quel type de centrale que pour du matériel nouveau qui s'applique d'une façon plus spécifique aux centrales nucléaires.

M. GIROUX: En étant aussi agressif vers la politique de convaincre les gens de s'implanter au Québec...

M. JORON: Une petite question additionnelle à ce sujet. Plusieurs de ces usines, installées au Québec, grâce à la politique d'achat de l'Hydro-Québec, ont depuis quelques années effectivement exporté vers l'étranger. Dans la mesure où justement le développement hydraulique est à peu près arrêté, en grande partie, à l'étranger, et qu'on s'en va vers le nucléaire, est-ce que nos possibilités d'exportation de matériel ne serait pas plus grande, si, très tôt, nous nous en allions dans la fabrication nucléaire?

M. GIROUX: Là, nous entrons dans un problème, très technique où il faudrait avoir une consultation avec des spécialistes en appareillage. Sommairement, quand vous considérez en hydraulique, il se fait beaucoup moins d'alternateurs, dans certaines choses, mais d'un autre côté, il se fabrique d'autres choses.

Actuellement nous avons, dans toutes ces lignes, la production d'isolateurs. Ce ne sont peut-être pas des isolateurs totalement pour des lignes à grande puissance. Lorsqu'on se sert de nucléaire, on doit se servir d'isolateurs quelque part, parce que le gars ne peut pas mettre son doigt à tout coup.

Toute la quincaillerie peut facilement se convertir. Maintenant, au point de vue d'exportation, disons que nos manufacturiers québécois, actuellement, n'ont pas eu tellement de chance dans ce domaine. Ce n'était pas dû au fait qu'on ne construit pas tellement de centrales hydrauliques par le monde que le fait qu'ils manquaient d'expérience. C'est assez récent.

Avec l'avènement d'AECA, vous avez des Suédois qui s'en viennent ici. Us installent des transformateurs. Eux, vont certainement exporter.

M. LAURIN: Est-il exact d'affirmer, M. Giroux, qu'au contraire d'un barrage, un réacteur nucléaire ne fait pas que produire de l'électricité. Il produit aussi divers radios-éléments qui, notamment, servent à radiographier des pièces de métal, fabriquer des isotopes, vérifier des soudures de précision, déterminer l'âge des objets qui entrent dans le processus de fabrication de plusieurs sous-dérivés pétroliers, etc.?

M. GIROUX: Il se peut fort bien, mais c'est tellement technique.

M. LAURIN: Est-ce que ceci ne veut pas dire que lorsque nous créerons — à cause de la politique de construction de centrales nucléaires — ces divers éléments, on peut s'attendre à la création de nombreuses industries, satellites?

M. GIROUX: Il peut se créer des industries satellites. Dans l'endroit où il s'en construit tellement, aux Etats-Unis, cet effet ne s'est pas fait réellement sentir, à date. Les problèmes à nettoyer sont peut-être trop grands encore. Tout est peut-être encore trop en recherche pour pouvoir réellement appliqué les possibilités au domaine secondaire. C'est normal parce que dans un plan comme ça, le type s'occupe de produire au début et non pas après.

M. LAURIN: Est-il, à votre connaissance, que la multiplication des projets en Ontario a précisément contribué à la formation ou à la consolidation d'un certain nombre de ces entreprises dans le domaine électronique, donnant ainsi à l'Ontario une forte avance sur le Québec?

M. GIROUX: Dans le domaine électronique?

M. LAURIN: Des emplois permanents.

M. GIROUX: Plusieurs de notre domaine électronique à nous est fait dans le Québec.

Une des firmes qui fait pour presque tout pour le Canada est Canadian Aviation Electronics qui est de la province de Québec. Il peut y en avoir en Ontario. De l'électronique, il y en a dans toutes les provinces. Je ne crois pas que, par suite du développement du nucléaire jusqu'à maintenant, cela ait produit des résultats dans ce domaine.

M. LAURIN: Est-il permis de penser qu'étant donné les multiples utilisations et les interconnections entre le domaine du nucléaire, de l'informatique, de l'électronique, on peut penser à des effets d'entraînements multiples dans ce domaine?

M. GIROUX: En autant que le développement industriel de la province va en s'accen-tuant, vous pouvez penser à tous les développements. A mon sens, je pense qu'on va chercher un peu trop haut le fait que ça viendrait du nucléaire. Il s'agit pour nous de nous servir de tout ce qu'on a pour le développer. Probablement qu'on peut arriver aux mêmes effets, que l'on fasse du nucléaire, du thermique, de l'hydraulique. Je pense qu'il y a un effort qui doit être concentré. Je reviens toujours, peut-être, sur une vieille marotte, mais la politique d'achats de l'Hydro-Québec devrait être appliquée à travers la province et dans tous les domaines.

M. LAURIN: Tout en reconnaissant que la construction des centrales hydro-électriques a eu de multiples effets d'entraînement pour l'industrie manufacturière, on peut penser aussi que le nucléaire aurait des effets d'entraînement multiples.

M. GIROUX: Absolument. Il s'agit de s'y mettre. Comme je vous dis, c'est dans tous les domaines. Je ne voudrais pas dire que le fait qu'on va faire du nucléaire, va produire de tels résultats. Si on le fait comme on le faisait autrefois, non. Que ce soit dans n'importe quoi, si on s'applique à convaincre les gens de venir s'installer chez nous, à les convaincre des avantages qu'on peut leur donner, à leur donner des taux préférentiels pour s'installer, on arrivera à ce qui a été accompli à l'Hydro-Québec. Remarquez bien que ce n'est pas moi. Cela date d'avant mon arrivée à l'Hydro-Québec. Ces choses apportent une source de développement naturel dans la province de Québec.

M. LAURIN: Mon autre question porte sur la régie. Est-ce que je peux vous demander si c'est la régie qui a demandé au gouvernement la constitution d'une régie...? Est-ce que c'est 1'Hydro qui a demandé au gouvernement la constitution d'une régie?

M. BOURASSA: M. le Président, voilà l'exemple d'une question inutile...

M. LAURIN: C'est une question.

M. BOURASSA: Non, mais les documents ont été rendus publics. Cela était clairement exprimé dans la lettre que j'ai déposée à l'Assemblée nationale. Il y a un document qui est déposé à l'Assemblée nationale, à la page 2.

M. LAURIN: Vous pensez bien que je lis tous les documents.

M. BOURASSA: Cela n'en a pas l'air d'après la question que le député vient de poser.

M. LAURIN: M. Giroux, dans sa lettre a commenté, semble-t-il, une décision qui a été prise on ne sait où.

M. BOURASSA: Il donne les raisons pour justifier la régie.

M. LESSARD: Laissez répondre M. Giroux!

M. LAURIN: M. Giroux, ma question est celle-ci: est-ce que c'est à la demande de l'Hydro qu'il a été question d'une régie pour développer le complexe NBR?

M. GIROUX: Je peux répondre aux deux en même temps. On dit dans ma lettre que l'idée a été avancée. Je ne suis pas un linguiste. Le député de Chicoutimi n'est pas là: il pourrait peut-être m'éclairer.

M. LAURIN: C'est bien la phrase que j'avais retenue.

M. BERTRAND: Je vous ai demandé tantôt si c'était une nécessité, vous avez dit non. Vous avez dit que c'était une possibilité. C'est là que je rejoins...

M. GIROUX: Le point est celui-ci: Nous avons recommandé au gouvernement que le projet d'aménagement des ressources hydrauliques de la baie James soit entrepris sans délais. On recommande, à ce moment-là. Probablement que la commission se serait servi de la même phrase si elle avait recommandé... On dit: l'idée a été avancée.

M. LAURIN: Par qui?

M. GIROUX: Par le gouvernement, par des représentants du gouvernement.

UNE VOIX: Pas par l'Hydro.

M. GIROUX: Pas par l'Hydro.

M. LAURIN: C'est ce que je voulais savoir.

M. BERTRAND: Nous nous comprenons très bien.

M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce a une question à poser.

M. LAURIN: J'en ai deux autres seulement.

M. LE PRESIDENT: Deux autres seulement, d'accord.

M. LAURIN: Quelles sont les prévisions d'emprunt...

M. PICARD: ... des lignes de transmission...

M. LAURIN: Quelles sont les prévisions d'emprunt de l'Hydro-Québec d'ici 1978?

M. GIROUX: D'ici...

M. LAURIN: D'ici 1978?

M. GIROUX: Comme prévisions d'emprunt dans le programme d'équipement, comprenant le tout, il y a plusieurs phases, il y a plusieurs possibilités. Naturellement, quant aux prévisions d'emprunt, c'est assez difficile d'aller très loin dans une prévision globale à ce stade-ci, parce qu'il y a des facteurs de tarifs... Disons qu'on peut dire qu'en 1971, nos prévisions, incluant le programme d'équipement de la NBR, de la Eatmain et de La Grande, ça c'est bien compliqué, mais basons-nous sur les premières qui iraient par exemple jusqu'à 1976. On parle de $228 millions la première année, on a une année de débalancée; mais j'aimerais que vous preniez ces chiffres-là simplement comme des estimations, parce que si on peut avancer une année, puis reculer au point de vue financement, je ne voudrais pas être tenu à ce régime. On parle de $224 millions, de $333 millions en 1973, de $316 en 1974, de $421 en 1975, de $590 en 1976, et de $800 millions en 1977.

Ces montants-là constituent le financement complet. Là-dessus, on a des possibilités, il y a toutes sortes de choses qui sont incluses dans ce calcul. Il peut arriver des facteurs qui peuvent changer énormément d'une année à l'autre, et il y a des montants d'emprunt qui peuvent varier beaucoup.

M. JORON: Cela en incluant NBR, les trois rivières?

M. GIROUX: En incluant le programme que je vous donne jusqu'en 1978, selon une programmation faite par l'Hydro-Québec et incluant ces choses-là et en calculant toujours le coût maximum. Ce n'est pas optimalisé et c'est calculé au maximum.

M. LAURIN: Toujours pour le complexe NBR?

M. JORON: Cela couvre tout NBR. Mais est-ce que c'est en tenant compte de l'augmentation annuelle des tarifs de 4 p. c?

M. GIROUX: Pardon?

M. JORON: En tenant compte de l'augmentation annuelle des tarifs de 4 p. c.

M. GIROUX: En tenant compte de l'inflation et des tarifs.

M. LAURIN: J'ai une dernière question M. le Président. Sur la relation du coût et du prix, mais c'est mon collègue qui va la poser, le député de Gouin.

M. PICARD: C'est une bonne façon de lui laisser la parole.

M. GIROUX: J'aimerais simplement ajouter que dans ces chiffres-là, il y a de l'argent pour la Eastmain et La Grande, des projets qui ne sont pas encore étudiés à fond.

M. JORON: M. le Président, la question est la suivante. Est-ce que l'Hydro-Québec doit se poser comme objectif d'atteindre le meilleur coût de production possible?

Est-ce que c'est cela qui doit être le facteur déterminant pour lui faire faire un choix ou si l'objectif est aussi de fournir à la population de l'électricité au meilleur marché possible? Il peut y avoir une différence entre les deux. Peut-être que l'on...

M. GIROUX: Disons que, dans notre juge-

ment, c'est une combinaison des deux. On se sert des deux facteurs, pour être toujours dans la moyenne, parce qu'il y a un élément de sécurité à considérer. C'est pourquoi on donne toujours des chiffres qui sont pour une moyenne d'à peu près dix ans, où l'on recouvre le coût d'installation, en regard du meilleur marché dont on pourrait se servir. D'un autre côté, si on le prend sur une base annuelle, on pourrait prouver toute une théorie différente, mais dans les calculs de base que nous avons faits, nous avons essayé de faire une compensation des deux, de regarder quel serait à peu près le coût moyen. Si on voulait faire des calculs et essayer de vendre quelque chose, on n'aurait qu'à ne pas considérer les tarifs.

M. JORON: A titre, justement, d'ancien financier, je sais que vous êtes bien sensible aux problèmes financiers de 1'Hydro-Québec, aux problèmes d'emprunts et ces choses-là. Je suppose que le choix vous est donné entre deux programmes, en ne comparant pas les bonnes techniques de l'un ni de l'autre, de ces deux programmes qui en gros coûtent le même prix en mills, dont le coût de production est à peu près le même. Je suppose aussi que l'un des deux offre la possibilité d'être financé à la moitié du coût, les immobilisations à la moitié moins, ce qui permettrait à ce moment-là, de ne pas augmenter les tarifs. Vous pourriez avoir le même coût...

M. GIROUX: Non. Cela ne permettrait pas d'augmenter les tarifs pour une période très courte.

M. JORON: Pour le temps, jusqu'à ce que cela entre en production. Vous retardez l'échéance de l'augmentation des tarifs.

M. GIROUX: Nous retardons l'échéance de l'augmentation des tarifs... si vous faites des calculs exacts, peut-être pour les deux premières années. Après cela, il faudrait entrer...

M. JORON: Jusqu'au moment où elle entre...

M. GIROUX: Il faut tout de même qu'il y ait des dépenses capitales.

M. JORON: Mais elle n'entre pas en production avant 1978, si elle part tout de suite. Cela donne donc un délai de sept ans. Vous n'avez plus besoin d'une provision aussi grande d'autofinancement à ce moment-là et vous n'avez qu'à faire le même appel aux marchés financiers. Puisque vous n'avez pas besoin de monter votre réserve d'autofinancement, vous pouvez vous permettre de ne pas modifier les tarifs.

M. GIROUX: Pour une courte période, je suis d'accord avec vous, mais pas pour une longue période. Naturellement, je n'ai pas fait les calculs exacts, mais si nous allons à la solution facile, ce serait actuellement d'aller en thermique. Nous savons ce que cela représente.

M. JORON: Cela exige plus de capital.

M. GIROUX: Cela demande plus de capital et cela demande moins d'emprunt. Mais, cela nous rejoint tantôt.

M. JORON: Vous reportez à plus tard...

M. GIROUX: Nous reportons à plus tard une échéance; nous reportons une échéance. Mais simplement pour illustrer, je ne voudrais pas que l'on se serve de cette chose-là comme base même: prenez quelqu'un qui se serait servi de cette théorie en 1966 ou 1967. Il n'aurait pas augmenté ses tarifs, disons jusqu'en 1971 et il lancerait une usine thermique actuellement. Et au lieu d'augmenter ses tarifs peut-être de 15 p. c. ou 20 p. c, s'il n'avait que cette chose à faire, il serait obligé de les augmenter de 35 p. c, le coût de son combustible étant augmenté de 35 p. c. C'est un cas extrême, mais ces choses-là sont des hypothèses...

M. BOURASSA: On ne l'a pas encore.

M. GIROUX: ...valables pour s'asseoir, valables à étudier. Je suis parfaitement d'accord avec vous. Seulement, il reste toujours un point d'interrogation. Dans un cas, dans l'hydraulique, qui est la grande patente dispendieuse — si vous me permettez cette expression — dès que votre usine fonctionne, l'eau ne coût plus rien.

M. JORON: Après cela, ça va.

M. GIROUX: Tandis que l'autre, il reste toujours un point d'interrogation. Remarquez bien, je ne veux pas entrer du tout dans la discussion de base de nos économistes. Je leur fais confiance. Je me sers, avec eux, du taux de 4 p. c. Seulement, j'espère qu'il se maintiendra là. Mais, peut- être que si on regarde cette situation du côté, juste un peu, pessimiste, on commence à se demander, par exemple, comment ce sera l'an prochain. Le taux est plutôt porté à aller plus haut que cela. Maintenant, on est d'accord. On prend un taux et il faut prendre un taux sur une chose. Alors, naturellement, on aurait pu décrire toute cette chose sans parler de l'augmentation des tarifs. Mais, ce n'est pas la politique de l'Hydro de ne pas renseigner totalement sur une chose que l'on sait éventuelle et que, malheureusement, on ne voit pas comment on pourrait l'éviter, sur une période donnée. C'est pourquoi on parle de moyenne.

M. JORON: M. Giroux, je vous remercie de la réponse. Je voulais juste préciser la raison pour laquelle...

M. LE PRESIDENT: Cela fait une grande question.

M. JORON: Simplement pour satisfaire la curiosité du Premier ministre. Il verra très bien que c'est dans un...

M. BOURASSA: On connaît vos vraies raisons.

M. JORON: ... esprit de grande coopération que nous faisons cette suggestion.

M. MARCHAND: Nous avons monsieur le prieur.

M. JORON: Suggestion qui nous semble utile, à économiser — c'est très simple, ça va prendre juste une phrase, quinze secondes — pendant un certain nombre d'années, quitte à faire reporter plus tard, sur d'autres générations si vous voulez, un prix qu'il faudra rencontrer éventuellement...

M. BOURASSA: Le Président vient de dégonfler votre affaire.

M. JORON: ... à économiser pendant un certain nombre d'années le capital, de façon à faire immédiatement, dans une optique de relance économique, le plus grand nombre de choses possible, immédiatement, à la fois.

M. BOURASSA: M. le Président,..

M. JORON: C'est ça... on aurait pensé que ça vous aurait intéressé, vous qui êtes si soucieux de la relance économique.

M. BOURASSA: Cela m'aurait intéressé, si le président de l'Hydro-Québec n'avait pas dégonflé complètement ce que vous avez dit.

M. LAURIN: Tout ce qu'on a compris, c'est que l'augmentation des tarifs finance le projet de la baie James.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs. Le député de Beauce a la parole.

M. ROY (Beauce): Une nouvelle question, M. le Président. J'ai crû comprendre hier soir, des déclarations faites par les représentants de 1'Hydro qu'on avait estimé le coût du capital, par rapport aux revenus globaux, à 15 p. c. Est-ce que c'est exact?

M. GIROUX: Votre question n'est pas très claire.

M. ROY (Beauce): Je veux dire, les frais d'intérêt du capital investi, par rapport aux revenus de l'Hydro, dans le projet du développement. Hier, on a mentionné un chiffre, ici, de 15 p. c. Cela représenterait à peu près 15 p. c.

M. GIROUX: Les frais d'intérêt?

M. ROY (Beauce): Les frais d'intérêt, les frais du coût du capital. Le coût du capital ou les frais d'intérêt, c'est la même chose.

M. GIROUX: Ce sont peut-être les frais intercalaires. J'espère que les frais d'intérêt, ne se rendront pas à 15 p. c. parce que nos calculs seront légèrement déviés.

M. ROY (Beauce): Je ne parle pas de 15 p. c. annuellement sur les investissements. J'ai parlé de 15,p. c. par rapport aux revenus de vente d'électricité, aux revenus de l'Hydro.

M. GIROUX: Notre réinvestissement, notre auto-financement.

M. ROY (Beauce): Pas au sujet de l'autofinancement. Ce que j'ai voulu dire, c'est ceci: Dans les dépenses générales, vous avez un article qu'on appelle dans vos états de revenus et dépenses, états consolidés, intérêt sur dette à long terme, intérêt sur la dette bancaire et billets à payer.

Ces choses-là, dans l'estimation que vous avez faite concernant la rentabilité du projet de la baie James...

M. GIROUX: Cela ne va pas dans cette chose-là. Voyez-vous quand on prend, dans notre bilan, l'ensemble de nos intérêts à payer, c'est l'ensemble de nos intérêts à payer qui est un pourcentage de et non pas le programme spécifique de la baie James.

M. ROY (Beauce): Dans l'ensemble, c'est estimé à combien? Vous n'avez pas fait d'estimation spécifique?

M. GIROUX: Non. Non. Nous n'avons pas calculé le coût spécifique d'intérêt de la baie James. Seulement en calculant notre coût, on l'a calculé sur trois bases qui sont des facteurs connus actuellement et il est possible que le taux d'intérêt soit, par exemple, 8 p.c, 9 p. c. ou 10 p. c. C'est l'expérience qu'on a vécue.

M. ROY (Beauce): Le taux des emprunts, c'est une chose, mais le coût global de l'intérêt à l'intérieur des dépenses consolidées de l'année face aux revenus consolidés. C'est dans ce sens-là que je parlais de mon terme de pourcentage. Si je prends le bilan que vous nous avez remis,'l'état consolidé des revenus et dépenses, pour l'année financière, au 31 décembre 1970, le coût des intérêts a représenté 34 p. c. des revenus d'exploitation.

M. GIROUX: Oui.

M. ROY (Beauce): Il est passé de 34 à 36 p. c. au cours de l'année 1970. Je remarque un peu plus loin, à la page 45, que vous avez

250 millions d'obligations qui vont devenir échues au cours des sept prochaines années et dont le taux d'intérêt s'échelonne entre 3 et 5 p. c. — se situe, c'est-à-dire, entre 3 et 5 p. c. Il va y avoir nécessairement un refinancement de ce côté-là. Ce refinancement-là entre 3 et 5 va nécessairement monter à 8 p. c. 7 p. c. ou 8 p. c. Cela veut dire qu'il va y avoir entre 5 p. c. et 3 p. c. d'augmentation sur 250 millions d'investissement.

M. GIROUX: Probablement.

M. ROY (Beauce): En dehors des investissements nouveaux qui seront faits.

M. GIROUX: Oui. C'est pourquoi nous avons calculé notre coût pour la baie James à des taux hypothétique de 8 p. c, 9 p. c. et 10 p. c. Maintenant, nous avons subi des augmentations dans les taux d'intérêt dernièrement, c'est pourquoi on déclarait à la commission parlementaire, il y a quelques années, je voyais cela tantôt, que les intérêts étaient partis d'une moyenne de 3.40 et étaient montés à 8. et quelque chose. A cette séance-là, je crois qu'on avait donné les taux un peu comme ceci...

M. ROY (Beauce): Vous pouvez laisser faire, M. le Président.

M. GIROUX: ... cela partait de 4.17 en 1952; en 1962 c'est 5.46 — je passe — en 1969, on va toucher 8.99 d'intérêt moyen payé par l'Hydro. Cela vous donne une idée de l'escalade.

M. ROY (Beauce): On n'a pas abordé évidemment le problème de financement et je n'ai pas l'intention de l'aborder ici. J'ai une autre question à vous poser. Si le gouvernement vous offrait des sources de financement à meilleur marché — la Banque du Canada ou d'autres possibilités que nous avons l'intention de suggérer au gouvernement — est-ce que le président de l'Hydro aurait des objections?

M. GIROUX: Aucune.

M. ROY (Beauce): Vous n'auriez aucune objection! J'en prends le premier ministre à témoin.

M. GIROUX: Aucune et même si vous avez des sources d'argent à très bon marché, on peut commencer tout de suite.

M. ROY (Beauce): C'est parfait!

M. BOURASSA: M. le Président, s'il n'y a pas d'autres questions, je pense qu'on peut mettre un terme. On avait dit 22 h., il est 22 h et quelques minutes. Vous avez des questions?

M. LAURIN: Oui, j'aurais une dernière déclaration à faire en ce qui concerne l'Hydro.

Nous n'avons plus de questions à poser, mais comme on s'en souvient bien on nous a remis deux autres rapports de firmes d'ingénieurs conseils ABBDL et Rousseau, Warren, Sauvé. D'ailleurs, un bon nombre des conclusions de l'Hydro, contenues dans le rapport de l'Hydro, s'appuient sur les opinions des deux firmes d'ingénieurs conseils. Nous avons omis d'y faire allusion durant les travaux de cette commission étant donné que ce sont les gens de l'Hydro qui étaient ici.

Mais comme l'Hydro a demandé à ces deux firmes d'ingénieurs-conseils de vérifier ces hypothèses, comme il est difficile de séparer le rapport de l'Hydro du rapport des deux firmes d'ingénieurs-conseils, nous aimerions beaucoup, pour notre part, que la commission se réunisse à nouveau pour que nous puissions poser des questions aux représentants des deux firmes d'ingénieurs-conseils. De la même façon, nous pourrions profiter de l'occasion pour émettre le voeu également que nous puissions entendre d'autres personnes. J'entendais cet après-midi le président de l'Hydro qui parlait d'un témoignage du président de l'Atomic Energy of Canada, M. Gray, selon lequel le rendement serait meilleur avec l'hydraulique que le nucléaire ou le thermique dans les circonstances actuelles, même si, en théorie, le rendement est meilleur avec le nucléaire qu'avec le thermique. C'est une autre raison pour laquelle nous voudrions que la commission se réunisse de nouveau pour que nous puissions poser des questions également à ce grand spécialiste sur l'autorité duquel on s'est appuyé cet après-midi. C'est la raison pour laquelle, M. le Président, je demanderais que cette commission siège de nouveau, surtout pour que nous entendions et que nous puissions poser des questions aux représentants des deux firmes qui nous ont remis des rapports. Nous avons beaucoup de questions à leur poser. Nous avons omis d'y faire même allusion durant les travaux de cette commission et j'espère qu'on permettra aux élus du peuple de poser les questions qui nous permettront de faire encore plus de lumière sur le sujet. Ceci ne retardera pas les travaux, puisque nous avons fini de poser des questions au maître-d'oeuvre qui est et qui doit demeurer l'Hydro.

M. BOURASSA: On verra, M. le Président.

M. LAURIN: C'est une question que je pose au président de la commission, mais j'aimerais bien que le premier ministre, étant donné qu'il est ici, reconnaisse aux élus du peuple le droit de s'informer pleinement et d'avoir toutes les réponses dont ils ont besoin pour éclairer leur lanterne d'abord et surtout pour éclairer la population.

M. BOURASSA: M. le Président, je crois que je l'ai reconnu puisque nous avons siégé deux jours sans interruption. Il y a des réunions la semaine prochaine du comité de la constitution.

M. LAURIN: Pas demain, M. le premier ministre. Elle pourrait siéger la semaine prochaine. Je n'entends pas évidemment vous demander que la commission siège demain, mais il me semble que ce serait dans l'optique de la démocratie que nous puissions continuer de faire la lumière sur ce très important projet. Je rappelle au premier ministre que quand il y a eu une grève à la Régie des alcools, la commission qui s'occupait de ce problème a siégé sans interruption durant près de deux semaines. Elle faisait le point en même temps que les négociations se déroulaient et ça pressait.

M. BOURASSA: C'était un peu plus épineux que ça l'a été depuis deux jours.

M. LAURIN: Il s'agit là d'une somme de $6 milliards qui engage l'avenir du Québec d'une façon très importante.

M. BERTRAND: M. le Président, considérant les dernières remarques qui ont été prononcées par le député de Bourget à l'effet que d'une manière ou de l'autre, le maître-d'oeuvre est l'Hydro et qui, je l'espère, va le demeurer, et va commencer tous ses travaux. Il y a deux problèmes; il y a peut-être celui-là, et il n'y a pas de doute que personne ne doit craindre que la lumière soit faite au complet. Il y a d'abord le rapport de l'Hydro-Québec sur lequel nous n'avons pas posé de questions. Il y a, deuxièmement, les rapports au sujet desquels vous avez indiqué que vous auriez peut-être aussi des questions à poser. Il faut tenir compte toutefois du fait que nous avons certains travaux dans lesquels nous sommes engagés. Est-ce qu'on ne pourrait pas s'entendre sur ceci: si on peut, dans les semaines qui viendront on se réunira; la semaine qui vient, je crois est totalement engagée, ne soyons pas aveugles. Il y a deux possibilités que je soumets. L'une, que nous puissions le faire avant l'ajournement de juin ou la fin de juin...

M. BOURASSA: Juillet.

M. BERTRAND: ... au début de juillet ou au début de l'automne. J'ai une question à poser quant à moi au premier ministre au sujet de la régie dont il est fait mention et dont l'idée est venue du gouvernement. Est-ce l'intention du gouvernement de présenter ce projet de loi avant l'ajournement de l'été?

M. BOURASSA: Nous examinons la question présentement.

M. BERTRAND: Si c'est l'intention du gouvernement de présenter tel projet de loi avant l'ajournement de l'été, j'insisterai, avec mon collègue du Parti québécois, pour que la séance de la commission ait lieu avant l'ajournement de l'été.

M. LAURIN: Je me permets d'intervenir à nouveau. Non seulement il y a les deux firmes sur lesquelles nous n'avons pas encore posé de questions, mais il y a tous les aspects forestiers et miniers dont il n'a même pas été question.

M. BERTRAND: C'est pour ça que je parle de l'ajournement.

M. LAURIN: Et en ce qui concerne les aspects forestiers en particulier, il y a 10 millions de cordes de bois...

M. BOURASSA: S'il y a une loi, M. le Président...

M. LAURIN: Et on sait les difficultés qu'on a eues à la Manicouagan quand il s'est agi de disposer de cette quantité énorme de bois. On risque de jeter dans des difficultés extraordinaires les offices de producteurs de bois par l'accumulation de ce stock nouveau et il y aurait lieu de questionner ici les représentants du ministère des Terres et Forêts...

M. BERTRAND: Il existe à l'heure actuelle — le député de Bourget verra pourquoi j'en ai fait mention — d'abord Rexfor, dont c'est la tâche immédiate...

M. LAURIN: Justement, il y a des questions...

M. BERTRAND: C'est clair, si le premier ministre entend déposer un projet de loi, que tous ces problèmes-là — et ça devient là un débat politique — comme le notait le député de Bourget.

M. LAURIN: Il y a aussi des questions techniques.

M. BERTRAND: Des questions techniques aussi. C'est sûr que le dépôt d'un tel projet de loi à ce moment-ci va certainement entramer la convocation de la commission avant l'ajournement de l'été.

M. BOURASSA: S'il y avait dépôt d'un projet de loi — et nous examinons ça aussi actuellement — il pourrait être étudié en commission, et nous pourrons à ce moment-là inviter...

M. LAURIN: Je veux bien croire...

M. BOURASSA: Nous faisons confiance à l'Hydro-Québec, je pense qu'elle a démontré que nous avions raison d'avoir confiance en elle depuis hier.

M. LAURIN: Mais nous nous sommes quand même abstenus de poser des questions sur les rapports des deux firmes d'ingénieurs...

M. BOURASSA: Mais ce sont des rapports qui avaient été demandés par l'Hydro-Québec.

M. LAURIN: Oui, mais sur la foi de la déclaration du premier ministre, qui nous a dit en Chambre que nous aurions tout le loisir de poser des questions aux auteurs des trois rapports.

M. BOURASSA: Je ne pensais pas à...

M. LAURIN: Et c'est sur la bonne foi du premier ministre que nous nous sommes abstenus de faire le moindrement allusion aux rapports de ces deux firmes.

M. BOURASSA: Je vais considérer la suggestion du...

M. LAURIN: Et pendant que nous y sommes, nous voudrions continuer les séances de cette commission dans deux semaines, si ce n'est pas possible la semaine prochaine.

M. BOURASSA: C'est parce que j'ai la conférence de Victoria, je n'ai pas qu'un seul problème.

M. LAURIN: Mais si vous n'êtes pas là, nous pouvons quand même poser des questions.

M. BOURASSA: Sur ce projet-là, je préfère être présent.

M. LE PRESIDENT: Messieurs, le député de Beauce.

M. ROY (Beauce): C'est pour préciser une chose au nom de notre groupe.

Nous avons en main une ébauche de ce que pourrait être un programme global de développement de la baie James. Nous avons eu à questionner, au cours des deux journées, l'Hydro-Québec en ce qui a trait à la tâche qui lui a été confiée et celle qui pourrait lui être confiée. En ce qui nous concerne, nous aurions eu énormément plus de questions à poser au gouvernement.

Comme le gouvernement n'a pas précisé sa politique et que le projet de loi n'est pas déposé, je me demande s'il serait pratique de convoquer la commission parlementaire et de questionner d'autres experts, tant et aussi longtemps que le gouvernement n'aura pas pris une position définitive. On ne sait pas, à l'heure actuelle, si le gouvernement décidera que ce sera 1'Hydro qui en aura l'exclusivité. On ne sait si cela sera une corporation dans laquelle l'Hydro aura une participation majoritaire ou une autre régie. En ce qui a trait au développement des autres ressources, c'est la même chose. Cela nous intéresse également au plus haut point. Pour être capable d'avancer réellement dans quelque chose de constructif, nous devrions attendre que le gouvernement présente quelque chose de positif, de clair et de net. A ce moment-là, on pourra poser des questions.

M. BERTRAND: Quant à moi, je me réserve, je le dis publiquement, le droit de demander la convocation de cette commission, à nouveau, à la lumière des gestes que le gouvernement posera.

M. LAURIN: Je me permets quand même de vous rappeler qu'il y a plusieurs aspects techniques contenus dans les rapports des deux firmes sur lesquels nous n'avons pas eu l'occasion de poser des questions. Ces aspects techniques ne peuvent être éclairés que par les deux firmes qui ont soumis les rapports. En conséquence, nous serions obligés de conclure que le gouvernement ne tient pas à ce que toute la lumière soit faite sur le sujet.

M. BOURASSA: Vous ne pouvez pas conclure ça aujourd'hui.

M. LAURIN: Non, pas aujourd'hui. M. BOURASSA: Merci.

M. LAURIN: Pas aujourd'hui, avant que votre décision soit connue. Nous serions obligés de conclure que vous voulez masquer les faits, si vous vous refusez à faire siéger, une autre fois, dans deux semaines, cette commission.

M. BOURASSA: Vous n'êtes pas gentil pour l'Hydro-Québec.

M. LAURIN: Pas pour l'Hydro-Québec, pour que nous puissions poser des questions aux firmes d'ingénieurs-conseils qui ont soumis un rapport, qui sont assez compétentes pour qu'on leur ait demandé de vérifier les hypothèses de l'Hydro.

M. BOURASSA: Est-ce que les représentants des firmes sont ici?

M. BERTRAND: Quant à moi, j'ai pris pour acquis que depuis le début ils étaient ici. Suivant peut-être la coutume que nous avions appliquée, nous posions des questions au président qui, lui, les dirigeait vers des officiers qui ont bien répondu. Il n'y a aucun doute. Je ne voudrais pas que, des propos du député de Bourget, on puisse penser...

M. LAURIN: Ce n'est pas du tout l'endroit de l'Hydro, au contraire, j'aurais apprécié...

M. BERTRAND: ... que du côté de l'Opposition, on ne voulait pas être aussi renseigné que lui. D'autre part, je prends pour acquis que ce sont des ingénieurs-conseils qui ont confirmé dans la plupart des cas, du moins d'après leur rapport, à peu près à 90 p. c. ou 100 p. c. des études...

M. LAURIN: Mais, M. Bertrand, nous avons quand même des lettres de ces firmes d'ingénieurs-conseils, nous avons des rapports, et il y a eu quand même des modifications d'un rapport à l'autre...

M. BERTRAND: D'autre part, le député de Bourget va me permettre de lui dire ceci, c'est qu'hier soir, ils ont eu toute la latitude de poser toutes les questions, on n'a pas bronché...

M. LAURIN : Nous en avons encore.

M. BERTRAND: On aurait pu en adresser aux gens...

M. LAURIN: Faire une polémique avec ça?

Non, nous ne voulions pas retenir l'Hydro-Québec trop longtemps ici, c'est la raison pour laquelle nous leur avons adressé toutes nos questions; d'ailleurs nous les remercions pour leur diligence à nous fournir tous les renseignements que nous avons demandés. Nous les remercions d'avoir répondu avec franchise à toutes les questions que nous leur avons posées, mais il reste que nous avions d'autres questions à poser aux firmes d'ingénieurs-conseils et il me semble que ce ne serait pas un gros sacrifice de demander au gouvernement que de consentir à ce que cette commission siège une autre fois dans deux semaine ou trois semaines.

M. LE PRESIDENT: Nous verrons.

M. BOURASSA: M. le Président, je veux remercier les dirigeants de l'Hydro-Québec, je pense que, comme vient de le signaler le député de Bourget, ils ont accompli leur tâche avec grande diligence et intégrité et intelligence, et je crois que, quant à nous du gouvernement, ils ont complètement répondu aux questions que nous pouvions avoir, quant à moi et le conseil des ministres, nous en étions convaincus. Je pense que les députés du côté ministériel, ainsi que plusieurs députés de l'Opposition ont été très satisfaits des réponses qui ont été données sur un projet important, un projet spectaculaire, qui, on l'a dit, va contribuer à la relance économique d'une façon réelle et dynamique. S'il y a lieu de les convoquer à nouveau, que ce soit à l'occasion de la discussion du projet de loi en commission ou autrement, le gouvernement avisera.

M. BERTRAND: Il me fait plaisir de joindre mes propos à ceux du premier ministre pour vous remercier, tous les gens de l'Hydro-Québec, les officiers, des renseignements que vous nous avez fournis, et du sens d'objectivité dont vous avez fait preuve. Quant à nous, de l'Opposition, nous vous laissons le projet et le spectacle nous le laissons au premier ministre.

M. BOURASSA: ... ajouter un mot.

M. GIROUX: M. le Président, si vous le permettez, je voudrais simplement adresser au premier ministre et aux différents chefs de l'Opposition nos remerciements; et nous comprenons très bien les problèmes que suscite un projet de cette envergure. Nous espérons avoir répondu avec la franchise que vous vouliez; enfin, on a répondu au meilleur de notre connaissance. Certains problèmes suscitent peut-être la venue des solutions comme la présentation d'une loi.

En ce qui concerne la commission hydraulique du Québec, nous allons nous abstenir de tout commentaire, de toute entrevue et de toute conversation avec qui que ce soit au sujet de ce projet, tant et aussi longtemps que les lois requises pour le mener à bonne fin ne seront pas déposées. Actuellement, vous comprenez que, devant l'ampleur de ce projet, nous avons une autorisation en main de faire des travaux d'une très grande urgence qui permettront, à l'automne, d'être plus en mesure de faire la lumière en réponse à certaines questions qui ont été posées; le gouvernement nous a autorisés à dépenser $26 millions. A moins qu'on ait des objections à cette séance, nous allons en dépenser une partie afin de pouvoir vous mieux renseigner à l'automne. Mais d'ici à l'automne, en ce qui concerne l'Hydro-Québec, je ne crois pas que nous ayons tellement de choses à ajouter concernant nos chiffres. Le gros problème, c'est qu'il faut avoir une optimalisation et procéder aux travaux sur le terrain. Si le gouvernement est d'accord, nous nous exécuterons au meilleur de notre connaissance. Enfin, qu'une loi soit déposée ou amendée ou une décision prise, nous attendrons avant de faire aucun commentaire. Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: C'est ajourné, sine die. M. BOURASSA : Très bien mon président.

(Fin de la séance 22 h 23)

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