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Version finale

31st Legislature, 4th Session
(March 6, 1979 au June 18, 1980)

Wednesday, June 6, 1979 - Vol. 21 N° 118

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi no 121 - Loi modifiant la Loi constituant la Société nationale de l'amiante


Journal des débats

 

Etude du projet de loi no 121

(Quinze heures seize minutes)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! Il s'agit de la reprise des travaux de la commission des richesses naturelles chargée d'étudier article par article le projet de loi no 121.

Les membres de la commission pour la présente séance sont M. Bérubé (Matane), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Brochu (Richmond), M. Forget (Saint-Laurent), M. Grégoire (Frontenac), M. Laplante (Bourassa), M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Rancourt (Saint-François) et M. Raynauld (Outremont) remplacé par M. Ciaccia (Mont-Royal).

Les intervenants sont M. Dubois (Huntingdon), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Godin (Mercier), M. Landry (Fabre); M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue) remplacé par M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys); M. Léger (Lafontaine), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. O'Gallagher (Robert Baldwin), M. Paquette (Rosemont) et M. Samson (Rouyn-Noranda).

Lorsque nous avons ajourné hier soir à 24 heures, nous étions en train de discuter sur l'amendement du député de Mont-Royal à la motion principale du député de Saint-Laurent. C'était le député de Marguerite-Bourgeoys qui, à ce moment-là, avait la parole.

M. Forget: II est retenu à l'Assemblée nationale sur le débat sur la loi 25, M. le Président, alors, je pense qu'on va devoir l'excuser pour un temps.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous informe que le député de Saint-Laurent a épuisé son temps sur l'amendement, que le député de Saint-François n'a pris qu'une minute, que le député de Marguerite-Bourgeoys a encore sept minutes et je donnerai la parole à celui qui la demandera en premier.

M. Ciaccia: M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mont-Royal.

M. Bérubé: II n'avait pas épuisé tout son droit de parole à ce que j'ai cru entendre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le député de Mont-Royal n'est pas encore intervenu, sur l'amendement. Il n'a fait que la motion.

M. Ciaccia: M. le Président, je crois que pour résumer un peu les discussions...

M. Bérubé: Vous allez résumer?

Motion pour la convocation d'experts (suite)

M. Ciaccia: Oui, résumer, essayer de convaincre le côté ministériel de la nécessité de con- voquer ou d'inviter les représentants de Kidder Peabody et de Lazard Frères à venir discuter avec nous et à être ici pour donner l'occasion, non seulement à l'Opposition officielle, mais aussi au côté ministériel de poser des questions pertinentes et d'obtenir l'information nécessaire quant aux rapports qui ont été préparés par ces deux firmes. On a parlé beaucoup sur la question de la confidentialité, M. le Président, et je crois qu'une manière de vraiment se débarrasser de cette question de confidentialité... Nous prétendons que cela joue en faveur du gouvernement et en faveur de certains aspects des rapports, en faveur de General Dynamics.

Les ministériels, même ce matin, ont lancé certaines accusations non fondées auxquelles ont très bien répondu mon collègue le député de Saint-Laurent et aussi le chef de l'Opposition. Mais, pour dissiper cette confusion, ou pour démontrer vraiment que la question de confidentialité, on va laisser ça sur les épaules de Lazard Frères ou de General Dynamics, émettons cette invitation. Alors, qu'est-ce qui pourrait arriver? Il pourrait arriver que Lazard Frères va dire: Non, je ne peux pas venir, parce que General Dynamics ne veut pas que nous rendions cette étude publique. A ce moment, ça va dégager le gouvernement de sa responsabilité, il aura démontré vraiment que ce n'est pas le gouvernement lui-même qui insiste sur la question de confidentialité ou que la confidentialité ne bénéficie pas au gouvernement. A ce moment, on sera en mesure de faire la vérité sur la question de la confidentialité. C'est un point.

Les autres points qui ont été soulevés, quant aux écarts des deux prix, affectent non seulement la question de ces écarts, mais ils affectent le projet de loi; ils affectent les mécanismes du projet de loi; ils affectent la composition du conseil d'arbitrage; ils affectent la définition de juste valeur marchande.

Le ministre, hier soir, nous a cité certaines définitions de juste valeur marchande qui étaient contenues dans d'autres projets de loi. Je crois qu'il avait cité la définition de juste valeur marchande qui avait été employée pour l'expropriation des mines de potasse en Saskatchewan. Il prétendait que cette définition était la même qui a été incluse dans le projet de loi.

M. le Président, je crois que la définition que le ministre nous a donnée hier soir n'est pas la même. Elle allait plus loin que celle qui est discutée, celle qui est contenue dans le projet de loi. On parlait de "willing buyer" et "willing seller". On voit certains éléments essentiels qui sont omis, qui sont exclus, qui ne sont pas inclus dans le projet de loi. Si nous avions l'occasion de questionner les représentants de Kidder, Peabody et de Lazard Frères sur les différents aspects de la situation pour savoir comment ils sont venus à leur conclusion, pourquoi l'un est venu à une conclusion de $42 et l'autre à une conclusion de $100, nous serions en mesure, M. le Président, de peut-être apporter des modifications, premièrement, quant à la composition du conseil d'arbitrage, deuxième-

ment, à la définition de juste valeur marchande. II a apporté certains critères, mais c'est trop vague en ce moment, on a fait le point hier que c'est trop vague. C'est donner un blanc-seing, sans savoir où nous allons. Je crois que serait de la responsabilité du gouvernement d'assurer à la population que toute l'information nécessaire nous soit fournie, afin qu'une fois que le projet de loi est adopté, il y ait certaines limites, que ce ne soit pas un blanc-seing, qu'il y ait certaines limites pour protéger le contribuable.

Si nous laissons le projet de loi tel qu'il est maintenant, si nous ne savons pas pourquoi il y a ces différences entre le montant de $42 et celui de $100, cela va agir seulement au bénéfice de General Dynamics. Qu'on arrête de nous dire qu'on travaille et qu'on a une "ligne" avec General Dynamics. Que le gouvernement le réalise ou non, le projet de loi, tel qu'il est rédigé, peut bénéficier seulement à la compagnie qui est expropriée. Il ne peut pas bénéficier à la population, il ne peut pas bénéficier au gouvernement. Vous ne mettez pas un plafond à votre expropriation, vous mettez une base. Vous dites: Nous sommes prêts à payer $42 ou environ, au moins $42. Et votre étude démontre $42. Vous mettez un minimum.

Franchement, c'est la première fois que je vois une expropriation où le gouvernement procède de cette façon. Il ne met pas un plafond, il met un minimum. Il n'existe même pas un plafond de $100, parce qu'il n'y a rien qui va nous dire — étant donné que l'étude est confidentielle — que General Dynamics ne produira pas une autre étude. Il n'y a rien qui empêche la production d'une autre étude par General Dynamics, qui pourrait démontrer que, pour le gouvernement, la valeur des biens expropriés pourrait être au-dessus de $100.

C'est une drôle de façon de procéder. On commence avec un minimum de $42, accepté par le gouvernement par son étude et accepté par les déclarations du premier ministre à l'Assemblée nationale, et on ne met pas de maximum. Et on ne nous donne pas l'occasion de voir pourquoi il y a ces différences entre $42 et $100. J'ai donné seulement un exemple hier soir, soit le coût des améliorations pour se conformer aux normes de salubrité. Il y a un écart assez considérable dans les deux études. Dans une étude, je crois que cela se chiffre à $15 millions et, dans l'autre, c'est $22 millions. Le fait que c'est inclus dans l'étude, ce n'est pas assez pour nous donner les informations. Nous devons avoir l'occasion de poser des questions et de savoir vraiment pourquoi ces études arrivent à ces deux chiffres. Et c'est un des points les plus élémentaires, les plus simples. Imaginez-vous les autres éléments de capitalisation, les autres éléments d'évaluation, les autres éléments afin de savoir pourquoi, dans l'avenir, on projette certaines ventes, on projette certains prix dans une étude et non dans l'autre? Imaginez-vous le genre d'information qui est nécessaire pour nous et qu'on pourrait obtenir si nous avions la chance de poser les questions nécessaires à ces représentants?

M. le Président, je crois que ce serait seulement une façon, pour le gouvernement, d'agir d'une façon responsable que d'envoyer cette invitation et d'accepter la motion que j'ai faite pour permettre à ces représentants de se présenter devant la commission parlementaire.

M. Forget: M. le Président, avant qu'on aille plus loin, à la fin de nos travaux, hier soir, j'avais mentionné, à la demande du ministre la liste des articles pour lesquels nous souhaiterions avoir la présence du ministre des Finances, parce que ce sont des articles qui sont clairement reliés à l'opération financière de la prise de contrôle. Le ministre a dit qu'il se ferait le porte-parole des membres de la commission pour obtenir la participation du ministre des Finances, pourvu qu'on lui indique justement les articles qui exigeaient ou appelaient sa participation. Pourrait-on avoir une indication quant au moment où le ministre des Finances pourra se joindre à nous?

M. Bérubé: Le ministre des Finances a été retenu, ce matin, comme vous le savez, par les travaux de l'Assemblée nationale...

M. Forget: Oui.

M. Bérubé:... d'une part et, par conséquent il est présentement au Conseil des ministres. Il lui apparaissait donc difficile de se joindre à nous aujourd'hui. Il m'a souligné néanmoins qu'il accepterait de venir. Il a trouvé la suggestion que nous avions faites hier fort valable, c'est-à-dire celle de s'attaquer à certains articles qui sont non litigieux et de procéder et qu'il essaierait dans les jours qui viennent de se joindre à nous pour au moins une séance de manière que nous puissions expédier peut-être les articles litigieux.

M. Forget: "Dans les jours qui viennent" ce qui veut dire que le ministre des Finances croit que cela nous prendra plusieurs jours pour regarder les articles non litigieux.

M. Grégoire: Cela va dépendre de vous autres.

M. Forget: Je comprends, mais faut-il poursuivre l'étude des articles non litigieux jusqu'à ce que le ministre des Finances annonce sa disponibilité?

M. Grégoire: Non, selon l'entente qui avait été prise hier, je crois, on procédait à l'adoption de tous les autres articles non litigieux, c'est-à-dire que ceux que vous n'avez pas mentionnés comme devant requérir la présence du ministre des Finances et, quand nous arriverons à ces huit articles pour lesquels vous avez demandé la présence du ministre des Finances, à ce moment-là, il viendra.

M. Forget: Je vois.

M. Grégoire: C'est l'entente qui a été prise hier.

M. Forget: On verra. Je voudrais faire une très brève mise au point. Le député de Frontenac nous dit qu'il y a eu une entente, il n'y a pas véritablement eu d'entente, il y a eu une suggestion faite par le député de Frontenac ou peut-être le ministre des Richesses naturelles dans le sens qu'on pourrait prendre les articles autres que ceux que j'ai mentionnés hier en premier lieu. De toute façon, on n'avait pas indiqué, je pense bien, que nous étions d'accord ou non. Cela s'est fait en dehors des séances des travaux de la commission. De façon régulière, il faudrait que, si on voulait respecter totalement le règlement, si je comprends bien, le député de Frontenac ou le ministre fasse une motion de suspension d'un certain nombre d'articles. Je sais que le député de Frontenac a eu un succès fort remarqué dans ses motions de suspension lors de l'étude du projet de loi 70, mais, s'étant fait la main une fois, il peut peut-être faire une motion formelle, mais, indépendamment de cela, on peut aussi procéder par consentement. (15 h 30)

Une Voix: Cela peut se donner par consentement.

M. Forget: Mais, ce que je voulais dire, c'est que ce n'est pas la procédure régulière. On veut bien consentir pourvu qu'on sente qu'il y a un désir véritable du ministre des Finances d'assister à nos travaux au moment où on discutera de ces articles-là.

En terminant, là-dessus, je voudrais souligner que, même si on consent, parce que, de toute façon, on n'a pas beaucoup le choix... Si on ne consent pas, de toute façon, cela veut dire qu'on n'aura pas le ministre des Finances et qu'on va étudier les articles dans l'ordre dans lequel ils se présentent. Il reste que le gouvernement, en prenant cette attitude, s'expose à une situation un peu ridicule dans le fond, où les articles les moins importants de la loi vont faire l'objet d'un débat alors que ceux qui sont le pivot de la législation sont remis à plus tard.

Je n'ai pas examiné avec cette préoccupation en tête l'ensemble des articles qui restent quand on exclut les huit en question pour savoir si c'est vraiment pratique de procéder de cette façon. Il se peut qu'à l'occasion cela soulève des problèmes où on ne puisse pas trancher sur un des autres articles. A ce moment, on se réserve le droit — je pense bien que cela va de soi de toute manière, mais j'aime mieux prendre cette précaution à ce moment pour ne pas être taxé de mauvaise foi que si on découvrait qu'un autre article est incompréhensible, à moins d'avoir pris connaissance et d'avoir participé à un débat sur les autres — de suspendre celui-là aussi.

Je ne pense pas que ce soit le cas, mais cela n'est pas du tout impossible. Encore une fois, je n'ai pas fait une étude de bénédictin de tous les articles avec ce genre de préoccupation à l'esprit.

M. Bérubé: La difficulté venait de ce qu'ayant terminé nos débats assez tard hier soir et que, ce matin, le ministre était retenu, il nous a donc été impossible d'organiser son horaire de manière qu'il puisse se joindre à nous ce matin. Cependant, son chef de cabinet est au courant et nous a souligné qu'il prendrait les moyens pour dégager une période de temps nécessaire. Ce qui veut dire que M. Parizeau pourrait donc m'aviser de la période à laquelle il pourra se joindre à nous. Il me fera plaisir, à ce moment, de vous le signaler. D'ailleurs, on pourrait peut-être, au cours de la séance, trouver un moyen de s'absenter et voir directement auprès du cabinet de M. Parizeau si on a déjà identifié une période qui serait acceptable.

M. le Président, si vous me donnez la parole trente secondes pour répondre au député de Mont-Royal, je crois que le député de Mont-Royal a malheureusement interprété un peu trop rapidement certaines paroles que j'ai dites. En effet, j'ai comparé le principe d'expropriation à la loi de la Saskatchewan où on parle de "fair market value". J'ai comparé également la présente loi 121 ou le projet de loi 121 avec la loi générale d'expropriation du Québec, où on ne parle pas de valeur marchande juste, mais où on parle au contraire de valeur juste, si je ne m'abuse, de juste valeur.

J'aimerais bien souligner que ce principe de la valeur marchande, c'est un principe qui est tout de même bien connu en termes juridiques. J'aimerais vous donner ici le texte d'un jugement entre Southdown Incorporated & McGinnis, en Colombie-Britannique, qui a porté plus spécifiquement sur cette interprétation de ce qu'on appelle "fair market value"; c'est exactement la juste valeur marchande, en anglais. "The amount of money at which property could be shares of capital stock would most probably exchange between a buyer willing to buy and a seller willing to sell, both buyer and seller being fully knowledgeable about the enterprise, but under no compulsion to buy or sell, and both buyer and seller contemplating the retention of all facilities involved at their present location for a continuation as a part of the existing business enterprise."

En d'autres termes bien juridiques, c'est exactement ce que je dis. Il fallait donc ne pas tenter d'interpréter mais peut-être se référer aux décisions de cour qui m'ont permis d'énoncer la définition de la juste valeur marchande, non pas en termes juridiques, mais en termes laïques, en essayant de comprendre un peu le fonctionnement de nos institutions juridiques. C'est donc le présent projet de loi et là nous nous engageons directement dans la discussion d'un article, ce qui m'apparaît un peu prématuré.

C'est donc assez évident que le présent projet de loi a défini clairement ce qu'était une juste valeur marchande.

M. Ciaccia: M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sur la motion d'amendement, parce qu'il va falloir la liquider à un moment donné, si vous voulez aborder d'autres sujets.

M. Ciaccia: Oui, sur la motion d'amendement. Je crois qu'il me reste encore du temps.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, il vous reste du temps.

M. Ciaccia: M. le Président, on peut définir la valeur marchande juste selon ce qu'a cité le ministre: "willing buyer and a willing seller, knowledgeable and not under constraint to sell or to buy". Cet écart entre $42 et $100 vient renforcer nos arguments pour que nous ayons l'occasion de questionner ceux qui ont produit les rapports. Le ministre vient de nous dire que le conseil d'arbitrage pourrait, en prenant la définition qu'il vient de nous donner, donner une sentence, un jugement qui fixerait l'indemnité à $280 millions. C'est ce que le ministre vient de nous dire.

Si on laisse les choses telles quelles, le risque pour le Québec, pour le contribuable, selon la définition que le ministre vient de donner, c'est que le conseil d'arbitrage — entendons-nous bien — tel qu'il est constitué maintenant, il y va avoir un représentant du gouvernement et un représentant des compagnies... Ils vont naturellement représenter les personnes qui les ont nommés et toute la responsabilité va incomber au président qui sera un juge de la Cour provinciale.

Nous avons fait le point: Votre définition de valeur marchande juste, on pourrait la laisser à un conseil d'arbitrage qui serait le juge d'une Cour provinciale, si on parlait d'un lopin de terre du nord de Montréal ou du Nord du Québec. On connaît les règles du jeu. On sait combien ça pourrait coûter aux contribuables, si vous expropriiez un terrain, soit pour une route ou pour une autre raison d'ordre public; il y a certains précédents. On sait ce qui se peut se passer et les risques maximaux qu'on peut courir.

Mais ce n 'est pas la situation ici ; ce n 'est pas une situation ordinaire. C'est une situation assez complexe. Les rapports qui ont été préparés démontrent qu'il y a des problèmes assez complexes. Concernant le risque dont vous nous parlez, vous êtes prêt à dire: Oui, je suis prêt à ce que le Québec prenne le risque que la valeur marchande soit de $280 millions et que le conseil d'arbitrage nous donne cette sentence, sans prendre aucune précaution, sans nous donner l'occasion d'essayer de réduire cet écart ou de connaître les critères importants pour lesquels il y a cette différence. Le seul but de poser des questions sur les rapports, c'est d'essayer de protéger la population en démontrant ou en essayant de faire ressortir de ces représentants pourquoi il y a ces différences et quelles sont les risques que nous prenons. Si nous connaissons les risques, on peut prévoir dans le projet de loi comment on va les contrer, les limiter.

On ne peut pas dire maintenant, comme le ministre vient de nous le dire par sa définition: Oui, on est prêt à prendre le risque que ça aille jusqu'à $280 millions. Si on voit vraiment, après examen, après avoirquestionné les représentants de Lazard Frères, que vraiment il y a ce risque et que ça se peut qu'on paie $280 000 000, deux choses vont se produireàce moment; ou on va mettre des restrictions dans le projet de loi, ou, après que toute cette information sera dévoilée, le gouvernement changera peut-être d'idée et dira: Je ne ferai pas adopter un projet de loi qui, dans deux ou trois mois ou quand le temps viendra de donner la sentence, le jugement arbitral impliquera peut-être $280 millions.

La population a le droit de le savoir maintenant et le gouvernement en a la responsabilité. D'après la direction que le ministre semble vouloir prendre, ce n'est pas un risque pour lui, c'est tout à fait normal pour lui. Cela ne l'est pas et nous avons la responsabilité de le savoir maintenant. On doit minimiser les risques. On le sait bien, on ne sait pas dans quel but faire venir ces représentants. Ce n'est pas d'établir le prix, ce n'est pas de négocier le prix, mais c'est de savoir où et dans quelle direction nous allons, quels sont les risques d'un côté ou de l'autre afin qu'on puisse prévoir les précautions à prendre et les mesures qu'il sera nécessaire d'inclure dans le projet de loi afin de réduire le risque aux contribuables, à la population.

Je crois, M. le Président, que les raisonnements et la définition que le ministre vient de nous donner de la valeur marchande renforcissent nos arguments et nous donnent encore plus de raisons pour que le gouvernement accepte notre motion et invite les représentants qui ont préparé ces deux rapports à se présenter à la commission parlementaire pour nous donner l'occasion de les questionner.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur la motion d'amendement du député de Mont-Royal?

M. Bérubé: M. le Président, le député de Mont-Royal a épuisé son temps de parole.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non, il n'a pas encore épuisé...

M. Bérubé: S'il ne l'a pas encore épuisé, dans ce cas je m'abstiendrai de parler M. le Président.

Mise aux voix de la motion

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que la motion d'amendement du député de Mont-Royal sera adoptée?

M. Grégoire: Non, M. le Président. M. Forget: Vote enregistré.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Bérubé (Matane)?

M. Bérubé: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Bordeleau (Abitibi-Est)?

M. Bordeleau: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Brochu (Richmond)? M. Forget (Saint-Laurent)?

M. Forget: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Grégoire (Frontenac)?

M. Grégoire: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Laplante (Bourassa)?

M. Laplante: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Ouellette (Beauce-Nord)? M. Rancourt (Saint-François)?

M. Rancourt: Contre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Ciaccia (Mont-Royal)?

M. Ciaccia: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors la motion d'amendement du député de Mont-Royal est rejetée. Nous revenons donc à la motion principale du député de Saint-Laurent au sujet de laquelle il avait, je pense, épuisé son droit de parole avant même de proposer la motion d'amendement.

M. Forget: Je pense que cela pourrait être argumenté, mais je ne l'argumenterai pas.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, d'accord.

M. Forget: On peut prendre le même vote.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est vrai que cela pourrait faire l'objet d'un point. Or, est-ce qu'il y a consentement pour le même vote sur la motion principale?

M. Grégoire: II y a consentement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II y a consentement, alors la motion principale du député de Saint-Laurent est rejetée. J'appelle donc l'article 1 du projet de loi 121. Je tiens pour acquis qu'il y a un consentement unanime, sans motion, pour que les articles 21, 27, 29, 31, 44, 45, 46 et 48 du projet de loi...

M. Grégoire: 44, après 44? Acquisition par voie d'expropriation

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): 44, 45, 46 et 48, que ces paragraphes de l'article 1 que je viens de mentionner sont suspendus de consentement unanime, que nous allons étudier les autres paragraphes par ordre numérique et que, par la suite, nous reprendrons l'étude de ces articles en commençant par le paragraphe 20 avec la présence du ministre des Finances. Tout le monde est d'accord avec cette interprétation?

Or, j'appelle donc le paragraphe 22 de l'article 1 et je tiens à préciser à tous les députés de cette commission que l'article 160 s'applique ici, de sorte que chaque député a un droit de parole de 20 minutes sur chacun des paragraphes, chaque paragraphe étant considéré à toute fin que de droit comme un article. Est-ce que le paragraphe 22 de l'article 1 sera adopté? M. le député de Saint-Laurent. (15 h 45)

L'expropriation

M. Forget: Nous avons des questions relativement à cet article parce qu'il contient un terme dont l'extension est un peu imprécise, surtout si on tient compte d'un certain nombre de questions qui ont été soulevées à l'Assemblée nationale par le député de Richmond qui n'est pas ici avec nous, mais qui a souvent soulevé le problème de l'usine de Nordenham et comme on sait, la société Asbestos est propriétaire non seulement des installations physiques de la mine de Thetford Mines mais de celle de Baie-Déception dans l'Ungava. Elle est également propriétaire — cela apparaît dans ses états financiers et c'est ce que je vérifiais il y a un instant — à 100% de filiales, donc trois filiales. Si je peux trouver la bonne page, je vais les mentionner. Il s'agit de Anchor Holdings Ltd. qui est constitué en vertu des lois des îles Bahamas, le 25 janvier 1962. Je pense, sans être absolument sûr, qu'il s'agit d'une société qui est utilisée comme un holding, peut-être comme un holding de certaines participations de la société Asbestos en Europe continentale. Je pense qu'ils sont propriétaires de Eternit Genoa, qui est une petite manufacture de tuyaux de béton à Gênes en Italie et d'installations de ce genre-là peut-être ailleurs, mais il s'agit d'un intérêt assez peu important, mais malgré tout je pense qu'il mérite d'être mentionné. Il y a la société Asbestos Corporation, GMBH, c'est-à-dire une société à responsabilité limitée incorporée en vertu des lois de la république fédérale de l'Allemagne et qui est propriétaire de l'usine de Nordenham qui emploie un certain nombre de travailleurs et qui surtout fournit un débouché, le seul débouché qui existe pour le minerai partiellement traité qui provient de la mine de Baie Déception. Finalement, il y a Minorex Ltd. qui est constituée en vertu des lois du Canada. Je vous avoue que je ne me souviens pas de quoi il s'agit, si je l'ai jamais su d'ailleurs. Je ne serais pas étonné que ce soit une corporation qui n'a pas d'activité.

De toute façon, ma question porte essentiellement sur le sens qu'il faut attribuer à l'article 22 que je lis; il n'a que quatre lignes: Un bien appartenant à une corporation qui est une filiale contrôlée de la société Asbestos Ltd, au sens que donne à cette expression l'article 1 de la Loi sur les impôts, est réputé appartenir à la société Asbestos Ltd aux fins des articles 23 et 29 à 54. Une filiale contrôlée, d'après la Loi sur les impôts, signifie une corporation dont plus de 50% du capital-action émis, ayant plein droit de vote en toutes circonstances, appartient à la corporation

dont elle est la filiale. La Loi des impôts contient également la définition du mot "bien". Un bien signifie un bien de toute nature, réel ou personnel, corporel ou incorporel et comprend également une action et un droit de quelque nature qu'il soit.

Donc, il semblerait, d'après l'analyse de ces textes, que le pouvoir d'expropriation s'étend également non seulement aux actifs physiques, immobiliers, les mines, les usines, le matériel roulant qui se trouve là, les camions, etc, mais cela s'étend également à des actions dans la mesure où ce sont des actions dans des sociétés qui sont des filiales contrôlées par la société Asbestos. Or, il ne fait pas de doute que dans le cas d'Asbestos Corporation, GMBH de la société allemande de l'ouest, c'est une filiale contrôlée.

Avec tout cela, on peut conclure que la loi 121 permet, semble-t-il, au gouvernement du Québec, d'exproprier les actions de la société Nordenham, et ceci je le mets d'un côté de l'argument. De l'autre côté de l'argument, il y a les réponses qui ont été faites à l'Assemblée nationale par le ministre des Finances où on a dit très clairement, à plusieurs reprises, à au moins deux reprises — il serait facile de retrouver les citations, cela date du mois de février et mars de cette année — que la question de l'usine de Nordenham c'était une autre affaire, que l'expropriation serait essentiellement l'expropriation des actifs qui sont situés au Québec et qu'on verra après s'il est opportun d'acheter, de gré à gré, de négocier l'achat de la société Nordenham ou de toute façon la société de Nordenham en Allemagne est captive, en quelque sorte, de sa source d'approvisionnement et que par conséquent on n'a pas besoin de se poser ce problème. On va laisser tomber.

Ce que je demande dans le fond au ministre, c'est de clarifier pour nous deux choses: premièrement, est-ce que la lecture que l'on peut faire de cet article permet de conclure qu'au moins théoriquement, sur le plan légal, sur un plan législatif, il existe dans la loi 121 le pouvoir de prendre le contrôle de la société allemande de l'ouest; sinon qu'il nous explique pourquoi le gouvernement en vient à une conclusion différente de celle qui semble se dégager au moins superficiellement de l'analyse de ces textes. Si la réponse à cette question est affirmative, si effectivement il y a un pouvoir d'expropriation, je demanderais au ministre de réaffirmer en quelque sorte l'attitude gouvernementale relativement à cette société. Est-ce que, oui ou non, on va utiliser ce pouvoir, s'il existe? Si on n'a pas l'intention de l'utiliser, sur quel raisonnement se base-t-on pour ne pas l'utiliser, étant donné que l'interdépendance entre la mine de Baie Déception, en Ungava, et l'usine de traitement de ce minerai en Allemagne de l'Ouest joue dans les deux directions? Cela n'est pas une route à sens unique, c'est une dépendance qui joue dans les deux directions. De la même façon qu'il n'y a pas d'autres usines, d'autres sources d'approvisionnement qui vendent du minerai seulement partiellement traité, comme le fait la mine de Deception Bay, il n'y a pas non plus d'autre usine au monde qui soit située près d'un port de mer et qui soit disponible pour la finition du traitement d'un minerai excédentaire par rapport à la production locale. Je vois mal le minerai de Baie Déception être acheminé par bateau vers Québec et transporté par camion à Thetford Mines pour être traité, même s'il était vrai qu'il existait une capacité de traitement du minerai d'amiante excédentaire, ce qui n'est pas nécessairement le cas dans les installations de la société Asbestos.

Alors, on a une interdépendance qui va dans les deux directions. Il est clair que le gouvernement va être placé dans une situation délicate si, après l'expropriation, il a une mine pour laquelle il n'est pas évident qu'il dispose d'un débouché accessible. Le ministre peut être tenté de dire: Bien oui, mais le problème se pose de la même façon pour la société General Dynamics. Si c'est sa seule réponse, on verra, parce que nous avons aussi d'autres hypothèses qu'on peut facilement formuler. Quoi qu'il en soit, je pense que je vais me limiter à ceci, sans épuiser pour autant mon droit de parole sur cet article. J'aimerais que le ministre réagisse à cette double question pour l'instant.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre.

M. Bérubé: II est indéniable que l'article, tel que rédigé, permettrait d'exproprier des actions, comme des hypothèques ou tout titre de propriété immobilière qui seraient détenus par la société Asbestos ici au Québec ou par une des filiales qu'elle contrôle. Par conséquent, dans le cas de Nordenham, c'est absolument indéniable que, si la société Asbestos avait l'amabilité de bien vouloir déposer les actions dans son coffre-fort de Thetford ou de Montréal et de les laisser là jusqu'au moment de l'expropriation pour nous permettre d'aller les récupérer, il nous serait possible d'exproprier Nordenham, c'est-à-dire d'exproprier les actions.

Cependant, il va de soi qu'un principe fondamental — un juriste qui m'accompagne m'a dit qu'il s'agit de l'application territoriale des lois, si je ne m'abuse — fait qu'un gouvernement ne peut passer des lois d'application extérieure à son territoire. Par conséquent, nous ne pourrions exproprier les actifs comme tels de Nordenham, nous ne pourrions qu'exproprier les actions détenues au Québec. Il va de soi que le simple transfert de ces actions à l'extérieur du Québec ferait en sorte que nous ne pourrions plus les obtenir.

Par conséquent, les actions...

M. Ciaccia: On écoute...

M. Bérubé: Parfait, c'est simplement que je ne voulais pas vous déranger dans votre conversation.

M. Ciaccia: Comme vous voudrez.

M. Forget: C'était une consultation légale.

M. Bérubé: Par conséquent, il va de soi que l'expropriation d'actions apparaît comme quelque

chose d'extrêmement difficile à réaliser. Il faut donc envisager davantage l'expropriation purement et simplement d'actifs, donc, d'actifs situés au Québec et à cet égard il ne serait donc pas possible d'exproprier Nordenham dans les limites que je viens de souligner.

Quant à la décision à savoir si on doit exproprier Nordenham ou non, elle peut tenir compte d'un certain nombre de facteurs. Je vous en indique un, à titre d'exemple. Présentement, l'exploitation d'Asbestos Hill fait face à un certain nombre de décisions qui doivent être prises rapidement — je l'ai d'ailleurs souligné dans mon discours de deuxième lecture — dans la mesure où l'entreprise a choisi délibérément de maintenir des angles de pentes assez aigus. Présentement, si on voulait foncer davantage la carrière en profondeur, il faudrait nécessairement élargir ou amoindrir l'angle des pentes de manière à ce que les risques d'effondrement des parois soient moins prononcés. C'est un choix que l'entreprise a. Elle a un deuxième choix, soit celui d'aller carrément en profondeur et d'aller miner du minerai souterrain. On peut donc parler quasi du développement d'une nouvelle mine, avec des investissements qui sont substantiels.

Donc, on peut se demander au moment de l'expropriation s'il vaut la peine de s'engager dans l'expropriation d'une mine à développer, littéralement parlant, ou si l'on ne doit pas se contenter, purement et simplement, de Thetford Mines. Il est donc possible, comme gouvernement, que l'on choisisse de ne pas exproprier les gisements d'Asbestos Hill et de laisser à la société Asbestos le soin de se débrouiller avec son gisement d'Asbestos Hill qu'elle devra développer et de se débrouiller à ce moment avec l'approvisionnement du moulin de Nordenham.

Il existe également une autre possibilité qui est la suivante et qui est très réelle aussi. En effet, puisque le gisement en profondeur présente des réserves — nous différons légèrement d'opinion avec la compagnie évidemment quant à la durée de ces réserves — nous supposons donc un gisement intéressant. Nous avons le choix d'aller développer l'Abitibi si nous arrivons à démontrer la rentabilité de gisements ou d'aller en profondeur et de développer le gisement d'Asbestos Hill.

Il va de soi que si nous ne possédons pas les installations de Nordenham, cela présente un inconvénient possible d'avoir à développer le gisement en profondeur d'Asbestos Hill, d'une part, et de se retrouver avec de la fibre à expédier dans la région de Thetford, dans un moulin à construire. Remarquez bien que cela permettrait de créer des emplois, qui était un de mes arguments soulevés à quelques reprises au cours du débat. C'est donc possible de construire une usine au Québec, pour traiter ce minerai ou c'est également possible pareillement de se diriger du côté du développement du gisement en Abitibi. C'est également une hypothèse tout à fait défendable.

Donc, tel que rédigé nous ne pouvons pas exproprier les actifs de Nordenham, c'est évident. Il est cependant tout à fait possible, pour la compa- gnie, qu'elle juge bon face à cette menace d'expropriation de vendre directement Nordenham. En effet, cette usine a été conçue pour finir le traitement de concentré de minerai de l'ordre de 30% à 35% en fibre, concentré qui n'existe malheureusement pas sur le marché libre.

Il est évidemment douteux que l'on puisse obtenir un tel approvisionnement à moins de développer une nouvelle mine d'amiante, parce que la vente d'un concentré qui n'est pas fini se fait à une valeur marchande beaucoup moindre et il est douteux que même les Russes soient intéressés à vendre un préconcentré de fibre à bas prix plutôt que de terminer la transformation — puisqu'ils ont de toute façon les installations pour le faire — et de vendre ce concentré à plus fort prix. (16 heures)

S'ils décidaient de vendre ce concentré grossier à la société Asbestos à Nordenham, évidemment, ils devraient le faire, à ce moment-là, à un prix proportionnellement plus élevé de manière à ne pas trop perdre de la vente de ce concentré. La conséquence en serait évidemment que la fibre de Nordenham vendue sur le marché définitif serait très coûteuse et pourrait difficilement concurrencer les autres fibres vendues sur le marché international. Donc, on se rend compte que ce n'est peut-être guère plus avantageux pour la compagnie de se retrouver avec Nordenham, et la possibilité de ne pas pouvoir exproprier Nordenham peut même servir d'instrument de pression sur la compagnie pour l'amener à négocier avec le gouvernement.

Mais dans l'article 22, si nous ne pouvons pas exproprier les actifs de Nordenham, je dois dire que ce ne sont pas véritablement ces actifs que nous visons dans cet article; ce que nous visons ce sont essentiellement des baux détenus par Hudson's Strait Bay Co. dans le nord du Québec, des baux associés à l'exploitation du gisement d'Asbestos Hill. En d'autres termes, il ne nous est donc pas permis, en vertu de cette loi essentiellement, de prendre possession de ces baux, de cette propriété minière advenant le cas où nous voudrions le faire.

M. Forget: M. le Président, il y a vraiment des affirmations très importantes que vient de faire le ministre et avec lesquelles nous devrons signifier que nous sommes loin d'être d'accord, tant sur le plan de l'analyse du texte que, ce qui est plus important encore, sur les conséquences pratiques de ce qui vient d'être dit.

Pour ce qui est du texte, la question d'extra-territorialité, l'application extra-territoriale des lois, dans ce cas-ci, c'est une interprétation, c'est une limitation qui n'est pas réelle dans l'interprétation de cet article, parce qu'il ne s'agit pas vraiment d'appliquer, de manière extra-territoriale, l'article 22. N'oublions pas que la société Asbestos dont on exproprie les biens, est une société qui a son siège social au Québec, qui est incorporée selon les lois du pays, qui est donc un sujet de droit local et qui peut faire l'objet de mesures d'expropriation quant à tous ses biens. Que les

titres de créance ou même que les titres de propriété soient situés dans une voûte à New York ou à Hong Kong n'a absolument rien à voir avec l'application de la loi, parce qu'il est bien clair que si le gouvernement du Québec décidait d'exproprier les actions que détient la société Asbestos dans la société Asbestos allemande, il pourrait, simplement, par un avis prévu par la loi, décréter une telle expropriation et si la société ne délivre pas les titres, il a des mesures d'exécution ordinairement accessibles à n'importe quel créancier d'une obligation, c'et-à-dire qu'il peut retenir paiement, mettre en demeure, utiliser tous les moyens prévus par le Code civil et le Code de procédure civile pour s'assurer que la société Asbestos livre les titres pour les actions qui ont déjà été expropriées par le simple fait de l'émission d'un avis en vertu de la loi 121. Il n'est donc absolument pas question...

La même argumentation d'extra-territorialité vaudrait pour les titres de propriété; il y a quand même des actes notariés quelconques qui existent quelque part relativement aux terrains à Thetford Mines. Est-ce qu'il suffirait que la société de Thetford Mines aille déposer cela dans une banque à Hong Kong ou à Zurich pour que tout à coup cela devienne hors d'accès, que cela échappe à l'application des lois du Québec? Absolument pas. On peut exproprier ces biens, on peut les acheter, on peut voter une loi qui dit: C'est maintenant la propriété du gouvernement du Québec et après, tout ce qu'il s'agit de faire, c'est de prendre une injonction ou faire une mise en demeure. Enfin, il y a toute une panoplie d'instruments juridiques pour s'assurer qu'on va livrer la marchandise. Il s'agit simplement, à ce moment-là, d'avoir les titres physiques, les morceaux de papier qui sont la preuve de la propriété, que la propriété aura déjà changé de mains par le simple fait qu'un avis a été émis en fonction de l'article 21 de la loi. La propriété a changé de mains et ces titres appartiendraient désormais au gouvernement du Québec. Il pourrait les réclamer comme propriétaire. C'est aussi simple que cela et l'argument ne tient absolument pas.

L'argument juridique à savoir qu'on ne peut pas exproprier des actions d'une société contrôlée, d'une filiale contrôlée, ça ne tient absolument pas. Il s'agit d'un paravent, M. le Président, pour justifier ou expliquer une décision qui semble déjà prise. Le ministre a ouvert le voile aujourd'hui plus largement qu'il ne l'a fait à aucun moment dans le passé, relativement aux intentions véritables du gouvernement, quant à l'acquisition des actifs.

Le ministre des Finances a laissé planer un doute considérable sur ce que seraient les intentions du gouvernement relativement à l'usine de Nordenham et il n'était même pas question, à ce moment, de ne pas exproprier ou de ne pas acquérir de gré à gré la mine de Baie Déception. Est-ce que c'est une retraite ou tactique stratégique du gouvernement? On dit tout à coup: Cela va vraiment coûter trop cher, on va en exproprier seulement une partie. Il y a des implications considérables, en particulier, je sais très bien qu'il n'est pas pour, parce qu'il y en a qui m'en ont parlé. Il y a des travailleurs qui sont impliqués dans les activités, les cadres, les travailleurs, ils sont environ 400 personnes qui travaillent à Deception Bay, pas tous pour la société Asbestos. Certains sont des sous-traitants; il y a tout le personnel d'entretien, de cuisine, etc., ce ne sont pas des employés de la société Asbestos, mais leur présence s'explique par la présence d'une mine. Tous ces gens se demandent bien quelles sont les intentions du gouvernement du Québec relativement à ça.

Il semble que nous venions d'apprendre que le gouvernement du Québec n'achètera probablement pas la mine de Deception Bay et n'a pas l'intention, par conséquent, de se porter acquéreur non plus de l'usine de transformation en Allemagne de l'Ouest. Les deux décisions n'en font qu'une seule, dans le fond. Ce qu'il a l'intention d'acquérir, c'est quelque chose de beaucoup plus modeste: les opérations de Thetford Mines seulement.

Quant à moi, c'est une nouvelle, M. le Président. Je n'ai jamais vu le gouvernement définir clairement son attitude là-dessus. Ce que je trouve paradoxal, M. le Président, c'est que l'Assemblée nationale est actuellement en face d'un texte qui est censé décréter l'expropriation de la société Asbestos et on apprend à 16 heures, ce 6 juin, que ce n'est pas la société Asbestos qui serait expropriée, c'est une des mines de la société Asbestos. Ce n'est pas l'ensemble des actifs impliqués dans l'extraction de...

M. Bérubé: Ou des mines.

M. Forget: M. le Président, l'interruption du ministre est caractéristique. On est aujourd'hui le 6 juin, on est censé passer une loi d'expropriation. Tout le monde à travers le Québec, depuis un an, est sous l'impression qu'on négocie l'achat de gré à gré de l'ensemble des actifs et certainement de l'ensemble des actifs situés au Québec et, aujourd'hui, on apprend que ce n'est plus ça. Est-ce qu'au moins au moment d'adopter cette loi, le gouvernement est prêt à indiquer clairement ses intentions? Qu'est-ce que vous avez négocié avec la société Asbestos? On ne parle même plus de prix. C'est quoi l'objet de la négociation? Est-ce que c'est l'usine de Thetford, la mine et les moulins de Thetford Mines? Est-ce que c'est l'ensemble des installations au Québec ou est-ce que c'est l'ensemble des installations minières et de transformation de finition du minerai qui sont situées non seulement au Québec, mais en Allemagne de l'Ouest? C'est quoi l'objet de la négociation et c'est quoi l'objet de l'expropriation? On est encore en train, au 6 juin 1979, de parler d'hypothèses: Peut-être qu'on va faire ça, peut-être qu'on ne le fera pas. On se pose encore des questions...

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Forget: On vous dérange?

M. Bérubé: Non, pas du tout.

M. Forget: Ah bon! Excusez-nous si on est ici. On ne voudrait pas déranger le député de Matane.

Une Voix: II mange son dessert.

M. Bérubé: C'est un député de ma formation qui me demandait un renseignement sur les actifs que nous avions l'intention d'exproprier.

Une Voix: On peut parler quand même.

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Forget: Je sais qu'on peut parler quand même, parce que, de toute façon, vous n'écoutez pas et quand vous écoutez, vous ne comprenez pas.

M. Grégoire: C'est parce que vous êtes difficile à comprendre.

M. Forget: De toute façon, on n'a pas besoin de votre permission, mais on voudrait quand même savoir des choses du ministre et non pas du député de Frontenac pour qui ces problèmes n'existent pas. Sa conscience n'est pas encore éveillée à ça. Mais, du côté du ministre, est-ce qu'on peut au moins savoir de quoi on est en train de parler dans le moment? C'est aussi bête que ça! De quoi est-on en train de parler? Est-ce qu'on est en train de parler encore de la société Asbestos ou est-ce que vous êtes en train peut-être de changer de compagnie? On ne sait jamais, peut-être que vous allez arriver au mois de juillet et dire: Ecoutez, on a bien pensé à notre affaire et ce n'est finalement pas ça qu'on va exproprier. C'est Carey ou c'est Johns-Manville. C'est aussi ridicule que ça. On est encore, après deux ans et demi de discussion, en train de se poser la question, à savoir: Cela va peut-être être ceci et ça va peut-être être ça.

Je suis sûr qu'il y a énormément de gens, et parmi les militants du parti au pouvoir, qui sont persuadés que le gouvernement va y aller largement avec cela. Maintenant, même vis-à-vis de la société Asbestos, voici qu'on laisse tomber une installation qui est vouée à Dieu sait quoi. Si on achète la mine de Baie Déception et qu'on n'achète pas l'usine de Nordenham, on semble indiquer du côté du ministre qu'on serait prêt à fermer Baie Déception. On l'achèterait pour la fermer.

M. Bérubé: M. le Président, le débat a tendance, à mon avis, à diverger, je voudrais le souligner ici. Plus loin, au cours du débat, nous allons discuter du mode de sélection des actifs à exproprier par voie de soustraction ou par voie d'addition. Or, l'article 22 nous dit tout simplement qu'un bien qui appartient à une corporation qui est une filiale de la société Asbestos est réputé appartenir à la société Asbestos. C'est tout ce que nous disons. Nous ne disons pas que nous allons exproprier tel actif ou tel autre actif, cela fait l'objet d'un autre article. Or, serait-il donc possible...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bérubé: ... de s'en tenir à la pertinence finalement de cet article qui porte sur la propriété par la société Asbestos des biens appartenant à des filiales.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! Effectivement, vous avez théoriquement raison, M. le ministre, mais, étant donné que vous-même, dans votre intervention, vous avez manifesté des propos à ce sujet, la porte était ouverte, je ne peux la fermer actuellement. Même si vous avez théoriquement raison, l'article 22 n'est qu'une définition d'un mot, en fait, qui est "un bien est réputé appartenir", sauf que vous avez émis des propos dans ce sens. Je me dois de permettre la même chose au député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci, M. le Président. Vous êtes Salomon en personne.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sauf que je dois vous dire que votre droit de parole achève.

M. Forget: Je suis heureux que le ministre signale qu'on aura l'occasion de revenir sur la question de savoir quels sont les biens qui sont inclus et exclus. Certainement qu'on va y revenir et abondamment, parce qu'il est à peu près temps que le gouvernement se mouille un peu après deux ans et demi, qu'il nous dise ce qu'il a l'intention d'acheter. C'est tragique de se rendre compte qu'il n'a même pas d'idée précise sur le prix limite qu'il est prêt à payer et à ne pas dépasser. Voici maintenant qu'on ne sait même pas ce qu'il veut acheter exactement. Vraiment, on est très loin d'une réalisation et d'actions précises. Ce n'est certainement pas l'adoption de la loi qui nous empêche de passer aux actes.

Relativement à l'argument qui se rapproche le plus du coeur de l'article 23, nous ne pouvons pas accepter l'explication du ministre que cet article ne lui donne pas le pouvoir d'acquérir les actifs situés en Allemagne de l'Ouest les actifs dont la propriété est indispensable, si l'on veut que la mine de Baie Déception ne soit pas une espèce d'éléphant blanc ou ne soit pas un actif qu'on acquiert dans le simple but de la fermer. Cette argumentation n'est pas gratuite, parce que le ministre lui-même a indiqué que, plutôt que de continuer les opérations à Baie Déception, plutôt que de s'en aller en souterrain, dans l'exploitation d'une mine souterraine à Baie Déception, il préférait probablement exploiter la mine dans la région de l'Abitibi, ce qui veut dire, dans le fond, qu'on achète un actif, non pas pour s'en servir, on achète un actif qu'on va payer un prix X stric-

tement pour mettre la clé dans la porte. C'est une indication fort intéressante, mais il serait temps que le ministre définisse ses intentions. Il ne pourra pas le faire en prenant excuse du fait que la loi ne lui donne pas le droit d'exproprier la mine en Allemagne. L'usine d'Allemagne peut être expropriée. Il n'y a aucun obstacle juridique à son expropriation.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le député de Saint-Laurent. Est-ce qu'il y a d'autres députés qui veulent intervenir sur l'article 22?

Une Voix: Adopté.

M. Ciaccia: Un instant, M. le Président!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Mont-Royal.

Une Voix: II me semblait qu'il avait tout dit, M. le député de Saint-Laurent.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: Je ne sais pas si j'ai bien compris le ministre dans son explication de la définition de "biens", telle qu'elle est incluse dans l'article 22. Est-ce que le ministre nous dit que, parce que des actifs d'une filiale sont situés hors du Québec, le gouvernement ne pourrait pas devenir propriétaire de ces actifs hors du Québec par cette loi-ci en expropriant selon les termes de cette loi. Est-ce que c'est ça qu'il nous dit? Je vais vous donner un exemple... (16 h 15)

M. Bérubé: D'accord. Je voudrais d'abord savoir du député de Mont-Royal s'il entend défendre le point de vue contraire, c'est-à-dire celui du député de Saint-Laurent, selon lequel le gouvernement du Québec devrait pouvoir exproprier des biens à l'extérieur du Québec. Est-ce un pouvoir que vous aimeriez que l'on mette dans la loi?

M. Ciaccia: Non, ce n'est pas la question d'inclure un pouvoir d'expropriation. Vous ne pouvez pas avoir un pouvoir d'exproprier des biens qui sont en dehors du Québec, à moins que vous ne le fassiez de la façon dont vous l'avez fait dans cette loi-ci. Vous me posez la question, je vais vous donner la réponse d'après votre projet de loi. Je pense que vous devez connaître votre loi. Je vais me référer à l'article 20. Malheureusement, M. le Président, on a suspendu l'étude de l'article 20, mais, brièvement, pour expliquer l'article 22, on ne peut pas éviter de faire référence à l'article 20. L'article 20 vous donne le pouvoir d'exproprier les biens de toute nature qui sont utiles à la réalisation des objets de la société et dont la Société Asbestos Ltée ou une filiale de celle-ci est propriétaire le 15 décembre 1978.

Alors, si l'Asbestos Corporation est propriétaire de trois filiales, d'après ce rapport-ci, vous avez le droit, vous vous donnez le droit, d'après l'article 20 et d'après la définition de... L'article 22 doit aussi se lire par rapport à l'article 20. Vous vous donnez le droit d'exproprier les actions de l'Asbestos Corporation. Les biens, y inclus actions. Vous pouvez exproprier le terrain, les biens, mais vous pouvez exproprier aussi les actions de la société. Parce que la définition de "biens"... Excusez. Je vais vous donner la définition de "biens" d'après la Loi sur les impôts. "Bien" signifie un bien de toute nature réelle ou personnelle, corporelle ou incorporelle et comprend également une action et un droit de quelque nature qu'il soit".

Si, d'après l'article 20, vous vous donnez le droit d'exproprier les biens de l'Asbestos Corporation, vous vous donnez le droit d'exproprier les actions, non seulement les actifs, mais les actions et si, dans les actions de l'Asbestos Corporation, il y a des filiales — elle est propriétaire de trois filiales. Les noms sont: Anchor Holdings Ltd; l'Asbestos Corporation en Allemagne et Minorex Ltd. — vous vous donnez le droit d'acquérir toutes ces filiales. Le fait que les biens sont en dehors du Québec, c'est vraiment une incidence, vous n'expropriez pas les biens tels que les biens en dehors du Québec, vous expropriez les biens de l'Asbestos Corporation qui sont les actions et, par ce moyen, vous devenez propriétaire des biens en dehors du Québec. Est-ce que c'est l'intention du gouvernement de se donner ce droit? Ce n'est pas une question de rhétorique. Il y a des questions de rhétorique...

M. Bérubé: On avait l'impression que vous faisiez un discours, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Non, mais...

M. Bérubé: Oui, mon distingué collègue de Frontenac.

M. Grégoire: M. le Président, le député de Mont-Royal croit à l'expropriation des actions.

M. Ciaccia: Je ne le crois pas, je vous lis ce que votre projet de loi...

M. Grégoire: Oui, mais le projet de loi, justement...

M. Ciaccia: ... c'est tel que décrit. M. Grégoire: ... parle des biens.

M. Forget: Selon la loi des impôts à laquelle on fait référence, les biens incluent les actions.

M. Grégoire: Oui, seulement...

M. Bérubé: ... celles qui sont au Québec...

M. Grégoire: Oui... M. le Président, le projet de loi a pour but d'exproprier les actifs, non pas les actions, parce que nous savons fort bien que

les actions de General Dynamics, compagnie américaine qui détient 54% des actions de l'Asbestos Corporation, par le fait même qu'elles sont situées en dehors du territoire du Québec, ne sont pas ex-propriables; c'est justement là qu'on n'a qu'à consulter la Loi sur la territorialité.

M. Forget: On ne parle pas des actions... M. Grégoire: Oui.

M. Forget:... dans la société Asbestos, on parle des actions détenues par la société Asbestos dans d'autres sociétés.

M. Grégoire: Par la société Asbestos, dans d'autres...

M. Forget: Cela, c'est expropriable.

M. Bérubé: Là encore, sont-elles géographi-quement...

M. Forget: Peu importe. Cela n'a pas d'importance.

M. Ciaccia: Peu importe. L'action peut être à la Banque Chase Manhattan, à New York, si c'est la propriété de l'Asbestos Corporation à Québec, vous pouvez l'exproprier, peu importe où se trouve l'action.

M. Grégoire: Non, ce ne sont pas les actions qui sont expropriées, ce sont les actifs possibles.

M. Ciaccia: Non, mais, M. le Président, je conseillerais au député de Frontenac de consulter ses juristes.

M. Bérubé: Si vous me permettez d'intervenir ici, je pense qu'il y a un quiproquo qui traduit, d'ailleurs, très fréquemment une certaine méconnaissance, de la part des libéraux, de la constitution canadienne. C'est d'ailleurs la principale raison pour laquelle ils sont ravis du statu quo; ne la comprenant pas, évidemment, ils ne veulent pas la changer.

Mais, M. le Président, je pense qu'il faut revenir, pour analyser la question du député de Mont-Royal, à deux principes. D'abord, il y a évidemment le problème de la limitation territoriale de nos lois.

L'article 92 stipule qu'une loi provinciale ne peut s'appliquer que sur le territoire de la province.

M. Forget: C'est une loi canadienne, elle ne peut pas s'appliquer en Chine! Il ne s'agit pas de ça du tout, M. le ministre.

M. Bérubé: Pardon?

M. Ciaccia: Ce n'est pas la trouvaille du siècle que vous venez de nous dire.

M. Grégoire: Oui, mais c'est ce que vous aviez oublié.

M. Bérubé: Pardon, c'est un article de la constitution qui dit qu'une loi du Québec ne peut pas avoir une portée extraterritoriale, alors qu'une loi fédérale...

M. Forget: Tout le monde sait ça!

M. Bérubé:... peut avoir une portée extraterritoriale, mais elle est difficile d'application. C'est un argument d'un tout autre ordre.

Donc, lorsqu'on parle des actions, il va de soi qu'une personne morale, comme la société Asbestos, qui détiendrait des actions de Nordenham que nous aurions décrites dans notre avis d'expropriation et que nous pourrions saisir sur le territoire du Québec, nous pourrions les exproprier.

Cependant, des actions qui seraient à l'extérieur du Québec, nous ne pourrions les exproprier ou les saisir, dans la mesure où une loi du Québec ne peut pas avoir de portée extraterritoriale. C'est essentiellement la raison en vertu même de la constitution et, pour cette raison, évidemment, on ne peut pas avoir une loi qui s'applique à l'extérieur, par exemple, dans le cas de Nordenham, d'une part.

D'autre part, l'application est impossible, c'est également le deuxième argument.

M. Ciaccia: D'après la Loi des compagnies, peu importe où se trouve l'action, si c'est une compagnie du Québec, le lieu de l'action est au Québec, parce que c'est l'Asbestos Corporation qui est propriétaire de cette action. La filiale appartient à l'Asbestos Corporation et vous vous donnez le droit, dans l'article 20, d'exproprier les biens, qui incluent les actions, et devenir propriétaire de la filiale. Si vous expropriez les actions, vous mettez... Peut-être puis-je donner un exemple, ce sera plus facile à comprendre: quand vous expropriez les actions détenues par Asbestos Corporation...

M. Bérubé: ... qui sont détenues par des Québécois.

M. Ciaccia:... qui sont la propriété de l'Asbestos Corporation, pas des actions de General Dynamics ou d'une autre, vous vous mettez juridiquement à la place d'Asbestos Corporation. Vous pourriez même garder le nom, parce que vous avez exproprié les actions.

M. Bérubé: Non, on ne peut pas.

M. Ciaccia: M. le Président, j'inviterais le ministre à inviter le ministre de la Justice. On voit ici que non seulement ils ne sont pas au courant des négociations du ministre des Finances, mais ils ne sont pas au courant des principes juridiques qui sont inclus dans ce projet de loi. Je demanderais que le ministre de la Justice soit présent.

M. Forget: Est-ce qu'on peut suspendre pour quelques minutes.

M. Bérubé: Non, on n'a pas besoin de suspension!

M. Ciaccia: Oui, mais sur les principes fondamentaux, vous nous citez la constitution. L'expropriation des actions, des biens n'a rien à voir avec la constitution.

M. Bérubé: Cela ne peut être que les biens situés au Québec, parce que le gouvernement du Québec ne peut pas adopter une loi dont l'application...

M. Ciaccia: Mais si c'est une corporation du Québec, the actions are deemed to be situated in Québec. Comprenez-vous ça?

M. Bérubé: Non, parce que la société...

M. Forget: Vous confondez le type de propriété, le support physique, le morceau de papier avec la qualité de propriétaire, et vous pouvez exproprier la société Asbestos et tout ce qu'elle possède, après, elle est débitrice d'une obligation, de vous remettre les titres.

M. Bérubé: Nous ne pouvons pas exproprier la société Asbestos, parce que, pour exproprier la société Asbestos, il faudrait exproprier les actionnaires américains de la société Asbestos, ce qui n'est pas possible, puisqu'ils ne sont pas situés sur le territoire québécois. Par conséquent...

M. Forget: Les biens de la société Asbestos. M. Bérubé: Justement.

M. Forget: Parmi ces biens, il y a des titres mobiliers.

M. Bérubé: Les biens de la société Asbestos situés au Québec, en vertu de la constitution, on voit, de toute évidence, que vous ne connaissez pas cette constitution. Mettez-vous à son étude.

M. Ciaccia: M. le Président, pourquoi le ministre des Richesses naturelles n'a-t-il pas une réponse à une question? Non, ce n'est pas simple, changez votre loi, elle est assez ambiguë. Elle vous donne des pouvoirs que vous nous dites que vous n'allez pas exercer, mais que vous avez. La population ne sait pas ce que vous allez faire, d'après ces articles. L'article 20, je répète, vous donne ce pouvoir d'exproprier les actions que l'Asbestos Corporation détient. Ici, il y a trois filiales. Par l'entremise, par le moyen de l'article 20, vous allez devenir propriétaires des trois filiales détenues par l'Asbestos Corporation. Si ce n'est pas votre intention, si vous n'allez pas le faire, je vous suggère fortement non pas d'aller changer la constitution du Canada, ce n'est pas ça qui a besoin de changement, c'est votre approche et votre projet de loi qui ont besoin d'être changés.

M. Bérubé: M. le Président, je vais essayer d'éclairer la lanterne de l'Opposition. Je vais supposer que la société Asbestos possède un bureau à New York et que je veux exproprier les biens de la société Asbestos. De toute évidence, je ne serai certainement pas capable d'éclairer la lanterne de l'Opposition... Non, le député de Mont-Royal écoute.

Je suppose un édifice situé à New York, appartenant à la société Asbestos, et je décide d'exproprier les biens de la société Asbestos. Evidemment, au Québec, je ne peux saisir l'édifice américain, il va de soi, pour la simple raison que, n'étant pas situé au Québec, l'article 92 de la constitution ne me permettant pas d'adopter une loi ayant une portée extra-territoriale, je ne peux donc pas exproprier un bâtiment situé en dehors du Québec. C'est vrai pour un bien physique. C'est donc dire que la société Asbestos n'est pas une personne physique établie au Québec, c'est une personne morale dont la propriété est répartie entre un grand nombre d'actionnaires, tant étrangers que canadiens ou québécois. Donc, si la société Asbestos possède aux Etats-Unis une chambre forte et détient des actions, je ne peux saisir ces actions à cause de la portée extra-territoriale que je voudrais conférer à la présente loi, ce qui est interdit en vertu de la constitution.

Donc, je ne peux exproprier que les biens de la société Asbestos qui sont au Québec. Il ne fait aucun doute que des biens, des créances hypothécaires, que des actions qui seraient détenues au Québec par la société, je pourrais les exproprier, c'est vrai. Nous n'en avons pas l'intention, puisque ce serait beaucoup trop compliqué, puisqu'il suffirait à la compagnie de transférer ses papiers à l'extérieur du Québec pour que je ne puisse plus mettre ma loi en application. Il va de soi que ce que nous allons exproprier, ce seront des actifs physiques, immobiles, que nous sommes en mesure de saisir, et non évidemment des bouts de papiers que nous ne pouvons absolument pas contrôler.

M. Forget: Est-ce que le ministre serait prêt à déposer un avis juridique à savoir que, d'après lui, sa loi interdit la prise de propriété, la prise de contrôle des filiales de la société Asbestos. On aime bien les interprétations légales, mais il n'appartient pas au ministre comme tel, ex cathedra, de définir le droit. Est-ce qu'au moins, un avis juridique... (16 h 30)

M. Bérubé: Un avis juridique verbal de Me Brière vous suffirait-il?

M. Forget: Nous voulons un avis écrit.

M. Lalonde: C'est sûrement mieux que l'avis du ministre.

M. Bérubé: II ne fait aucun doute que dans le domaine, sa compétence n'est plus à établir.

M. Lalonde: Dans n'importe quel domaine. M. Grégoire: Tu as fêté à midi? M. Lalonde: Non.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'article 22?

M. Lalonde: Qu'est-ce que Me Brière dit? M. Bérubé: II dit qu'il n'a pas le droit. M. Lalonde: Oui, on peut. Consentement. M. Grégoire: Consentement.

M. Bérubé: Si Me Brière ne veut pas se prononcer sur la question, il est tout à fait libre de ne pas se prononcer sur la question.

M. Lalonde: Ah! L'avocat refuse de donner un avis. Ce n'est pas rassurant.

M. Ciaccia: J'aimerais poser une autre question au ministre. Il semble qu'il y ait une certaine ambiguïté dans l'interprétation, non seulement de l'article, mais des intentions du ministre. Et je me demande... Il est en train de parler. Je vais attendre qu'il finisse son entretien avec son collègue.

Est-ce que je pourrais demander au ministre...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Allez-y. A l'ordre, s'il vous plaît! Sinon, nous allons suspendre les travaux, si personne ne veut parler.

M. Bérubé: ... M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Ou il mange une tablette de chocolat, ou il parle à quelqu'un. Qu'il essaie donc de suivre un peu les délibérations de la commission.

Serait-il possible que le ministre spécifie, dans le projet de loi, les vraies intentions du gouvernement? Est-ce que c'est son intention...

M. Bérubé: Ce n'est pas la pertinence du débat.

M. Ciaccia: Je sais que ce n'est pas pertinent. Le ministre ne considère pas pertinent d'avoir un projet de loi qui n'est pas ambigu, et qui devrait refléter les intentions que le gouvernement a, s'il a vraiment des intentions d'exproprier ou non.

M. Grégoire: Vous allez trouver cela à l'article 21.

M. Ciaccia: Si ce n'est pas l'intention du gouvernement d'exproprier les actions, même si elles sont la propriété d'Asbestos Corporation, pourquoi donner une définition de biens, tel qu'inclus à l'ar- ticle 22? Cette définition de biens inclut aussi les actions d'Asbestos Corporation.

M. Grégoire: Vous allez l'avoir à l'article 21.

M. Lalonde: II y a un problème qui n'est peut-être pas le même que celui qui a été soulevé. Je vais laisser le député de Saint-Laurent enchaîner avec le problème qu'il a soulevé avant que j'arrive.

Mais j'aimerais savoir du député de Frontenac, l'assistant du ministre, ou de la part du ministre, peut-être, lorsqu'il nous accordera son attention, ce qu'on recherche par l'article 22, à savoir qu'un bien appartenant à une filiale est considéré comme un bien de la société Asbestos, pour les fins des articles 23 et 29 à 54.

Est-ce qu'il pourrait nous dire pourquoi cet article a été inclus dans la loi? Est-ce qu'il pense qu'une filiale contrôlée par Asbestos Corporation, qui serait à l'extérieur du Québec, ou à l'extérieur du Canada, serait obligée de livrer les biens qui seraient désignés dans un avis d'expropriation, puisque son bien, donc appartenant à une corporation qui est une filiale contrôlée, est sensé, est réputé appartenir à la société Asbestos? Donc, pour les fins d'expropriation, si le bien appartient à l'Asbestos Corporation, le gouvernement pourrait l'inclure dans son avis d'expropriation, dans les biens qu'il veut acquérir...

M. Bérubé: A une condition.

M. Lalonde: Quand j'ai vu cela, je me demandais quel était le but de cet article.

M. Bérubé: Je pense que nous avons malheureusement dévié, à la suite de l'intervention du député de Saint-Laurent qui, comme à l'accoutumée, a pris une tangente qui l'a éloigné considérablement du sujet de l'article 22, ce qui, finalement, nous a entraînés dans ma réponse et également à l'extérieur du Québec. Le président estimait qu'étant donné que nous avions déjà pris la tangente, il ne pouvait pas nous ramener à l'ordre. Par conséquent, nous sommes rendus très loin du sujet de l'article 22. L'article 22 vise un objectif précis. Nous ne voulons pas, au moment de l'expropriation d'actifs de une, deux, trois, ou quatre filiales établies, avoir à négocier avec une, deux, trois ou quatre filiales, à faire appel à un, deux, trois ou quatre tribunaux d'expropriation, nous voulons n'avoir à faire qu'une seule opération.

Donc, aux fins des procédures judiciaires, de la représentation de l'exproprié, du calcul de l'indemnité, de la sentence, à ces fins juridiques, ce que nous disons, c'est qu'il n'y a qu'une seule personne morale représentant la propriété, c'est la société Asbestos. C'est tout ce que nous disons. Ceci nous permet donc de n'avoir à discuter qu'avec la société Asbestos et non avec des filiales de la société Asbestos.

L'exemple que j'ai donné, c'est celui des daims possédés par Hudson's Bay Company dans le Nord du Québec. Cette filiale est contrôlée par

la société Asbestos. Or, au moment où nous exproprions une mine, nous ne voudrions pas être obligés d'exproprier d'une part, la mine, les installations, d'autre part, les daims d'une autre filiale et de devoir à ce moment négocier également avec cette filiale. Ce que nous disons, c'est que tous les biens appartenant soit à la société mère, soit à des filiales, sont considérés comme appartenant à la société mère, ce qui nous donne un intervenant.

M. Lalonde: Je comprends le but de cette espèce de création juridique qui peut faciliter les opérations. Mais l'exemple qui a été donné par le ministre, c'est un exemple, les daims, sont des daims situés sur le territoire québécois, alors que l'article 22 ne précise pas que les mines sont situées au Québec.

Si le but est celui que le ministre vient de décrire, je n'ai pas de problème, je n'ai pas d'objection, dans l'avis d'expropriation, on va décrire un certain nombre de biens. Ou bien la loi donne le pouvoir au gouvernement d'exproprier les biens de la société Asbestos plus une description, une liste d'autres sociétés qui seraient ses filiales contrôlées, ou bien on procède de la façon décrite dans l'article 22. Cela ne crée pas de problème, l'une ou l'autre. Sauf que— il faut bien le dire — ce sont des biens situés au Québec. Si l'intention du gouvernement était de forcer les filiales contrôlées par la société Asbestos à livrer des biens qui seraient à l'extérieur du Québec, à ce moment, ce serait illusoire. Il faut le préciser, ne serait-ce qu'au nom de la rigueur, la rigueur de la rédaction.

Je m'excuse d'interrompre les sourires du ministre, mais... Bon, alors, le ministre a compris.

M. Bérubé: Oui.

M. Lalonde: II y aurait lieu de préciser que ce sont des biens situés au Québec, appartenant à une corporation qui est une filiale contrôlée. Ce n'est pas nécessaire? Bien, je vous jure qu'à la première...

M. Bérubé: L'article 21 permet, dans l'avis, de spécifier quels sont les biens que le gouvernement a l'intention d'exproprier et ceux que le gouvernement n'a pas l'intention d'exproprier.

M. Lalonde: Oui, mais il ne faut pas faire...

M. Bérubé: L'article 21 permet donc de faire cette distinction dans l'avis d'expropriation, mais je ne crois pas qu'il soit nécessaire de décrire les biens mêmes dans la loi, laissant au gouvernement le soin de le spécifier dans l'avis.

M. Lalonde: Je remercie beaucoup le député de Frontenac de son avis bien rassurant, sauf que chez lui, il y a une distinction qu'il ne fait pas entre le gouvernement et la loi. La loi, c'est l'institution démocratique par excellence. C'est notre maître à tous. Parfois on a confiance, parfois on n'a pas confiance au gouvernement. Actuellement, il y a au-dessus de 60% des gens qui n'ont pas confiance, mais ça, c'est une chose qui va être corrigée aux prochaines élections.

Ce que je veux dire, c'est que c'est la loi qui doit régler, qui doit être le but, l'intention du législateur, cela n'est pas le gouvernement. Que le gouvernement décrive ce qu'il veut, en vertu de l'article 21, c'est son problème; il fera tout simplement une autre erreur. Mais c'est la loi qu'on écrit. A l'article 22, on dit: "Un bien appartenant à une corporation qui est une filiale contrôlée de la société Asbestos Limitée est réputé appartenir à la société Asbestos aux fins de l'article 23." Je regrette, c'est faux. Ce serait vrai seulement pour les biens qui sont situés au Québec, qui sont assujettis à leur juridiction. De la façon dont on le dit, cela n'est pas vrai, cela n'est pas exact, ou enfin c'est illusoire. C'est strictement, je pense, de mauvaise rédaction et c'est pour cela que je demande au ministre de le changer. Simplement dire: Un bien situé au Québec, c'est aussi simple que cela. Si vous le préférez: Situé dans la province de Québec.

M. Bérubé: Cela n'est pas nécessaire, M. le Président. Comme je le soulignais et je vais me contenter de relire un certain nombre de choses, d'avis juridiques que nous avions à notre disposition au moment de la rédaction. Il est bien dit que la compétence juridique des provinces est fondamentalement limitée au territoire de la province. L'introduction de l'article 92 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, de même que chaque paragraphe de l'article stipule cette limite territoriale. Evidemment, le député de Marguerite-Bourgeoys, pas plus d'ailleurs que le député de Mont-Royal et peut-être le député de Saint-Laurent, cependant, ne réalisent ces implications de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

En conséquence, une loi provinciale de nature extra-territoriale serait non seulement difficile à mettre en oeuvre — c'est ce que nous disions tantôt — mais également et surtout invalide parce que relative à un objet hors des limites provinciales et en conséquence à un objet qui n'est pas attribué à la province. En d'autres termes, la constitution dit bien qu'une loi ne peut pas avoir une portée extra-territoriale.

Suivant la jurisprudence la plus constante fondée sur l'arrêt de Royal Bank of Canada versus the King, une loi provinciale aura un effet extraterritorial et sera, en conséquence, invalide lorsqu'elle prétendra nier à un individu le bénéfice de droits qui lui sont conférés hors de la province. En d'autres termes, si lors de la présentation du décret par le gouvernement, celui-ci devait spécifier des actifs qui sont situés en dehors du Québec, ces actifs pourraient être contestés en cours en vertu même de la constitution.

M. Lalonde: Donc, le gouvernement n'a pas l'intention — c'est ce que vous voulez? — par la voix de son ministre, le gouvernement déclare

ne pas avoir l'intention d'exproprier de biens qui se situent à l'extérieur du Québec.

M. Bérubé: Ce serait anticonstitutionnel, vous connaissez très bien notre respect...

M. Lalonde: Oui, mais vous avez déjà fait des choses anticonstitutionnelles.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Lalonde: Permettez-moi de ne pas être rassuré par cette déclaration.

M. Bérubé: Vous connaissez notre respect.

M. Lalonde: J'ai déjà vu un autre ministre, ici, faire des gestes, proposer des articles à la loi 101 entre autres, où l'anticonstitutionnaKté était le dernier de son problème. Donc, vous appartenez à un gouvernement qui est dangereux à ce sujet. C'est pour cela...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La loi 121, s'il vous plaît!

M. Lalonde: C'était de 101 dont je parlais. D'accord 121.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non, c'est 121.

Une Voix: Cela n'est pas loin...

M. Lalonde: Non, mais on est encore sensible, M. le Président. Vous avez sûrement eu connaissance de ces débats et des jugements de cour qui ont déclaré des chapitres complets de la loi 101 anticonstitutionnels. Cette inquiétude exprimée par le ministre sur la constitutionnalité, il faudrait lui expliquer que cela ne nous rassure pas. J'aimerais mieux une déclaration à cet effet, puisqu'il ne veut pas le mettre dans la loi. Remarquez que les déclarations du ministre ne sont pas toujours rassurantes, on en a tellement de contradictoires. Mais cela ne fait rien, on pourra toujours pour la postérité dire: Voici, le ministre a dit telle chose. Tout le monde va rire, mais cela ne fait rien, on aura au moins une déclaration quelconque.

Si je comprends bien, le ministre nous dit que le gouvernement n'a pas du tout l'intention, au contraire, d'inclure dans son avis d'expropriation des biens qui appartiendraient à des filiales ou à la société Asbestos et qui seraient situés à l'extérieur du Québec.

M. Grégoire: II y a deux choses dans votre déclaration. A la première occasion, vous avez dit: II n'est pas dans l'intention du ministre d'exproprier. Le ministre a dit non. Mais d'inclure dans l'avis, s'il y a consentement mutuel, si c'est d'un commun accord et qu'il n'y a pas de contestation, cela peut être tout aussi bien inscrit dans l'avis.

M. Lalonde: Alors, cela n'est pas une expropriation.

M. Grégoire: Cela n'est pas une expropriation.

M. Lalonde: C'est ce que je veux dire une expropriation, on parle d'expropriation ici. Vous savez, on est en train de faire un épouvantail, au cas où le député ne s'en souviendrait pas, c'est un épouvantail qu'on fait. On va montrer cela à l'Asbestos Corporation pour lui faire peur. S'ils n'ont pas peur et qu'on est obligés d'exproprier, à ce moment, c'est l'épouvantail qui va agir. Ils vont mettre des portraits dessus. Je peux vous en suggérer quelques-uns.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mont-Royal, il vous reste neuf minutes.

(16 h 45)

M. Ciaccia: J'ai seulement une question. J'aurais quelques autres commentaires sur le paragraphe 22. Est-ce que le ministre a mentionné une autre filiale de l'Asbestos Corporation? Il en a mentionné quatre, cinq.

M. Bérubé: Non, c'est essentiellement une que nous avons à l'esprit.

M. Ciaccia: J'ai cru entendre du ministre le nom d'une filiale qui n'est pas incluse dans le rapport annuel, Hudson Strait. J'ai posé une question au ministre.

M. Bérubé: II n'y a pas vraiment de question. Vous pouvez consulter le rapport financier que vous avez comme nous. Nous avons aussi le rapport financier. Vous avez des listes de filiales comme nous.

M. Forget: Le ministre a quand même cité un nom qui ne figure pas dans le rapport annuel de la compagnie, d'où notre curiosité.

M. Bérubé: Voilà, le 31 décembre 1977, Hudson Strait Asbestos Limited était une filiale qui a été réintégrée depuis à l'intérieur, mais il reste encore d'autres filiales de la société. L'entreprise est en train, semble-t-il, d'en réintégrer certaines, mais on ne peut pas prévoir quelles seront ces filiales, si elles seront toutes réintégrées à la société mère ou non et cet article-là, à ce moment-là, tient. Si on décidait la semaine prochaine d'ouvrir une nouvelle filiale et de lui vendre un certain nombre d'actifs, à ce moment-là, on serait en mesure... C'est un article de portée générale.

M. Lalonde: Réintégrées, cela veut dire que la société aurait acquis les actifs de cette filiale et fait disparaître la filiale.

M. Bérubé: Hudson Bay... Oui, il s'agit d'une société, semble-t-il, qui aurait été constituée essentiellement pour profiter de certains avantages fiscaux.

M. Lalonde: Une filiale entière. M. Bérubé: Oui.

M. Ciaccia: M. le Président, on a demandé au ministre tantôt s'il pouvait clarifier l'article 22 pour s'assurer qu'il exercerait le pouvoir d'expropriation d'une façon qui s'applique seulement aux biens qui sont situés au Québec. Sur la façon dont cet article est rédigé, souvent on s'est interrogé, à savoir si le gouvernement avait vraiment l'intention d'exproprier. Est-ce que vraiment il a l'intention de se porter acquéreur de tous ces actifs ou de tous ces biens? Cela a affaire avec la façon dont l'article 22 est rédigé. On pourrait très bien voir le scénario suivant: Vous appliquiez l'article 22 littéralement et vous exproprieriez des biens qui sont situés hors du Québec. Ceci entraînerait seulement la contestation de la part de l'exproprié. Il dirait: Vous n'avez pas le droit de le faire. A ce moment-là, encore une fois, ce serait un retard. Le député de Frontenac nous accuse toujours de retarder les choses. Ce serait un autre retard qui vous permettrait encore de faire de la démagogie, d'argumenter sur les intentions du Québec et de ne pas procéder à l'expropriation. Premièrement, pour que le projet de loi ne soit pas ambigu et, deuxièmement, qu'on ferme la porte à ce genre de contestation, il me semble que l'article 22 devrait être amendé pour clairement spécifier qu'il vous donne les pouvoirs et seulement ces pouvoirs que vous avez légalement.

M. Bérubé: C'est une question hypothétique, M. le Président, à laquelle nous n'avons pas à répondre.

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Laurent, à moins de... J'ai bien de la misère à tenir le temps puisque...

M. Forget: II me reste une minute, selon notre comptabilité très fidèle et détaillée.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II vous reste une minute selon la vôtre... Puisque mon angle est différent, je vous donne la minute.

M. Forget: Très brièvement, M. le Président, j'aimerais présenter une motion, parce qu'à notre avis, il est capital qu'on soit très clair sur la base sur laquelle on achète ou on n'achète pas l'usine qui se trouve située en Allemagne, parce que ceci a des implications considérables pour d'autres décisions qui doivent être prises relativement, par exemple, à la mine dans le Nouveau-Québec et, pour être sûr qu'il s'agit là, comme nous le prétendons, d'une décision gouvernementale et non pas d'une fatalité imposée par la constitution ou par la loi, nous tenons à ce qu'il y ait le dépôt d'un avis juridique, pour être bien sûr de notre base, qu'on ait une base commune quant à la signification de la loi, qu'un avis juridique soit déposé qui nous démontre qu'il ne s'agit pas là d'une décision du gouvernement, mais qu'il s'agit là d'une nécessité à laquelle il doit se plier sans avoir de possibilité de choix. La motion se lirait de la façon suivante: "Que cette commission invite le ministre des Richesses naturelles à distribuer aux membres de cette commission un avis juridique écrit sur le pouvoir d'exproprier les actions dans la filiale Asbestos Corporation, GmbH filiale, comme on le sait, qui est incorporée en Allemagne de l'Ouest, de la Société Asbestos Ltée, dans les plus brefs délais."

Nous prétendons, M. le Président, qu'il est possible, étant donné la définition des mots dans l'article 22, la définition des mots dans la Loi sur l'impôt, de soumettre ces actions à la loi 121, parce que la société Asbestos est un sujet de droit au Québec, qu'elle peut être rendue débitrice d'une obligation de livrer des titres de propriété, d'un bien qui serait inclus dans un avis émis en vertu de l'article 20 de la loi 121. Le ministre prétend le contraire. S'il a raison, il est bien clair qu'il s'agit là d'une nécessité, qu'on n'exproprie pas l'usine en Allemagne, il s'agit là d'une nécessité.

Si nous avons raison et qu'on n'achète toujours pas l'usine en Allemagne, il s'agit là d'une décision gouvernementale et d'un choix. Donc, cet avis juridique est extrêmement pertinent pour découvrir le sens réel qu'il faut donner à l'article 22 et le sens réel qu'il faut donner également à la façon dont le gouvernement a l'intention d'appliquer la loi. C'est la raison de la motion, M. le Président. Comme je n'ai pas plus de droit de parole, je dois me borner à ceci.

Oui, je peux la relire: "Que cette commission invite le ministre des Richesses naturelles à distribuer aux membres de cette commission un avis juridique écrit sur le pouvoir d'exproprier les actions dans la filiale Asbestos Corporation GmbH, de la société Asbestos Ltée dans les plus brefs délais."

M. Bérubé: D'accord.

Une Voix: ... pas d'objections.

M. Forget: Pas d'objections? Bon!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Or, je comprends que, ou bien la motion est adoptée, ou il y a un consentement.

M. Lalonde: Elle est adoptée.

M. Forget: Elle est adoptée unanimement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La motion du député de Saint-Laurent est adoptée?

M. Lalonde: Adoptée.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce qu'il y aurait donc consentement pour suspendre l'article 22, en toute logique?

M. Bérubé: Pourquoi suspendre l'article 22?

M. Grégoire: Pourquoi le suspendre? On va déposer...

M. Bérubé: Nous l'adoptons et...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, mais...

M. Forget: On ne peut pas l'adopter, M. le Président, sans savoir...

M. Bérubé: La motion n'a rien à voir avec...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: Oui, peut-être qu'on peut faire un amendement, M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Laplante: Ce que j'aimerais... M. Forget: A la suite de l'avis... M. Laplante: M. le Président...

M. Forget: ... il n'y a pas nécessité d'un amendement.

M. Lalonde: Le député de Bourassa réclame votre attention, M. le Président. Il veut nous éclairer.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.

M. Laplante: Je me demande actuellement — je vous pose la question — si on peut légalement adopter, à ce moment-ci, l'article 22 ou le rejeter, du fait qu'on n'a pas appelé l'article 1 et on n'a pas de suspension de l'article 1 après en avoir pris connaissance, parce que c'est le principe même du projet de loi, l'article 1. Il n'a pas été appelé. Il faut s'entendre sur cet article. On est allé de consentement...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Bourassa, l'article 1 a été appelé. L'article 1 a été dûment appelé.

M. Lalonde: II a été appelé hier.

M. Laplante: Non, il n'a pas été appelé hier. Hier et ce matin...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Laplante: Aujourd'hui, on a parlé seulement sur le préambule du projet de loi.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît, M. le député de Bourassa! Ou bien vous étiez absent, ou bien vous étiez... Mais je me rappelle fort bien — le journal des Débats est là — d'avoir appelé l'article 1, d'avoir suspendu, de consentement unanime, certains articles, et d'avoir appelé le paragraphe, parce que l'article 1 est composé de plusieurs paragraphes. Donc, j'ai appelé l'article 1. J'ai suspendu, de consentement unanime, certains paragraphes de l'article 1 et nous en sommes à étudier le paragraphe 22 de l'article 1.

M. Laplante: Je m'en excuse, M. le Président. Je devais être sorti à ce moment-là.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Probablement.

M. Laplante: C'est au moment où je suis sorti.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Or, je tiens pour acquis que la motion du député de Saint-Laurent est adoptée.

Maintenant, à moins d'un consentement pour la suspension, ce que la présidence ne peut imposer, je remets la discussion sur l'article 22. M. le député de Richmond.

M. Brochu: Sur l'article 22, M. le Président, vous me permettrez de revenir sur un point que j'ai eu l'occasion de soulever en deuxième lecture et sur les questions que j'ai posées. Pour des motifs indépendants de ma volonté, je n'ai pu assister aux premiers moments de la commission parlementaire. Il en a peut-être été question. J'avais demandé au ministre d'indiquer à l'Assemblée nationale quelles étaient les intentions précises du gouvernement en ce qui concerne les mines de l'Ungava, en ce qui concerne Baie Déception, puisque le gouvernement avait indiqué son intention d'exproprier l'ensemble des actifs de l'Asbestos Corporation, incluant évidemment le secteur de l'Ungava.

Maintenant, il semble qu'il y ait une porte qui s'entrouve pour laisser tomber en cours de route les actifs d'Asbestos Corporation en ce qui concerne plus précisément la mine de Baie Déception.

J'aimerais entendre de la bouche du ministre quelles sont les intentions du gouvernement ou de son ministère en ce qui concerne cette mine. On sait que cela a certaines implications un peu particulières puisque la production de cette mine va, comme cela a été souligné, vers les usines de Nordenham en Allemagne à cause de la nature même de la fibre qu'on extrait du sous-sol du Nord-Ouest québécois en matière d'amiante. Donc, la mine de l'Ungava et l'usine de General Dynamics en Allemagne sont directement reliées à cause de la nature même de la fibre et de l'installation des usines de Nordenham. Cette question est tout à fait importante puisque, au point de départ, le gouvernement voulait faire un tout de son projet, incluant les mines de l'Ungava. Main-

tenant, on semble vouloir laisser tomber ou, tout au moins, ouvrir la porte à laisser tomber l'Ungava.

J'avais posé cette première question: Est-il exact que le gouvernement a l'intention de laisser tomber ce secteur de son projet et, si c'est exact, y a-t-il eu, d'une certaine façon, une évaluation du coût en ce qui concerne ce qu'on pourrait appeler, entre guillemets, la rentabilité de tout le projet, puisque ça représente quand même un volume assez important d'exportation vers les marchés européens? Cela implique également la porte d'entrée de nos produits d'amiante en ce qui concerne le territoire européen, compte tenu surtout, et je l'ai souligné à différentes reprises, de l'entente intereuropéenne qui existe entre l'Europe des neuf, qui devient maintenant l'Europe des dix, pour protéger les produits qui sont manufacturés ou ouvrés dans le territoire de l'un des pays membres de la Communauté économique européenne.

Je rappelle les paramètres de la discussion pour bien situer ma question et bien en souligner l'importance également, puisque, si on est prêt maintenant du côté du gouvernement à atrophier le projet original de cette partie aussi importante qui s'appelle la mine de l'Ungava qui alimente le marché européen par le biais de l'usine de Nordenham, il doit y avoir des raisons majeures de le faire. Si vraiment on s'apprête à laisser tomber cette production minière du nord du Québec, je voudrais savoir pourquoi et je voudrais connaître les impacts sur la rentabilité de tout le projet, comme je voudrais connaître également les impacts au niveau de l'emploi, puisque, d'un autre côté, si jamais on exproprie ou on s'approprie les actifs de cette mine du Nord-Ouest québécois et qu'en même temps on perde le marché européen de Nordenham, il faudra reconstruire une autre usine ayant un outillage spécial pour être capable de traiter cette fibre, ce qui a été évalué, je pense, à environ $70 millions, si on veut conserver les 500 emplois qui sont tributaires de ces installations minières du nord du Québec.

D'un côté comme de l'autre, on voit qu'il y a des implications assez importantes, assez considérables dans cette question de la mine de l'Ungava. Je résume donc en reposant mes questions au ministre.

Je termine là-dessus, M. le Président, je n'ai pas l'intention de prendre le temps de la commission. Est-ce exact que le gouvernement a l'intention de laisser tomber la question des mines de l'Ungava? Si oui, y a-t-il eu une étude d'impact par rapport à son projet réel et, s'il a l'intention de laisser tomber, a-t-il évalué ce que ça pourrait créer en termes de diminution d'emplois? S'il a l'intention d'acquérir la mine mais qu'il n'est pas sûr du marché en ce qui concerne l'Allemagne, qu'est-ce que ça peut avoir comme impact sur l'emploi qui en est tributaire? J'aimerais avoir des éclaircissements là-dessus.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Richmond, je vais vous donner le même droit que j'ai donné au député de Saint-

Laurent, mais je continue à dire et à maintenir que, théoriquement, la pertinence du débat relativement à l'article 22 me semble lointaine. Etant donné que le ministre avait déjà parlé de ces propos, que le député de Saint-Laurent en a lui aussi parlé, je vous donne rétroactivement ce droit et je demande au ministre de répondre au député de Richmond. (17 heures)

M. Bérubé: Le drame, M. le Président, c'est que, de fait, si on ne répond pas aux questions de l'Opposition, l'Opposition s'empresse aussitôt de nous accuser d'arrogance. Cependant, si nous répondons aux questions de l'Opposition, on pourrait nous accuser d'impertinence. C'est à vouloir osciller entre l'impertinence et l'arrogance qu'on finit par se demander s'il est préférable de choisir l'impertinence ou l'arrogance.

Silence!

De fait, M. le président, c'est à l'article 21 qu'on indique: "Si les biens du propriétaire ne sont expropriés qu'en partie, l'avis d'expropriation contient soit la description des biens qui ne sont pas expropriés, soit la description de ceux qui le sont." C'est donc lorsque nous aborderons l'article 21 que nous pourrons vraiment discuter du sens de cet article, de l'intérêt d'exproprier certains biens, en totalité ou en partie, situés au Québec. Cependant, je reviens à l'article 22; il s'agit simplement de considérer qu'une filiale de l'As-bestos Corporation, ayant des actifs au Québec, est considérée comme une seule et même personne morale, c'est-à-dire comme la société Asbestos.

Il n'y a pas d'autres éléments dans cet article 22 que cet élément que je viens de décrire. En d'autres termes, ce que l'on dit, c'est que la filiale, si nous avons à exproprier certains biens ou la totalité de ces biens situés au Québec, cède sa place à Asbestos pour la défense de ses intérêts. C'est ce que nous venons de dire. Par conséquent, cela ne s'applique pas comme tel aux installations d'Asbestos Hill, si ce n'est par le biais de Hudson's Strait Bay Company qui, en 1977, était une filiale détenant des baux exploités par la société Asbestos à Asbestos Hill. Cependant, cette filiale était en voie d'être réabsorbée par Asbestos et, effectivement, il me semble qu'en 1978, ou du moins d'après le bilan financier publié par la compagnie, cette société aurait été absorbée par Asbestos. En d'autres termes, la question ne se poserait plus puisque, maintenant, il s'agirait bel et bien d'une seule et même personne morale.

Il existe quand même d'autres filiales et, comme on ne peut pas présumer de l'intention de la société Asbestos qui pourrait créer demain 25 filiales au Québec, par conséquent, l'article en question fait simplement prévoir de telles circonstances. C'est tout. Ce serait vraiment vagabonder très loin du thème que de vouloir attaquer tout de suite l'article 21, alors que nous avons convenu que la présence du ministre des Finances nous permettrait d'aborder cet article en détail.

M. Brochu: M. le President, j'en conviens, je pourrai revenir à ma question lorsqu'on arrivera à l'article 21.

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, M. le député de Mont-Royal.

Est-ce que vous avez terminé, M. le député de Richmond?

M. Brochu: II y aurait peut-être une autre petite question.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord, allez-y.

M. Brochu: Dans la question soulevée tout à l'heure par le député de Saint-Laurent en ce qui concerne l'expropriation, c'est-à-dire, plus spécifiquement, au niveau des actions et des difficultés que ça peut créer, parce qu'il y a certains actionnaires qui sont à l'extérieur du Québec et ainsi de suite... Est-ce qu'il n'y a pas eu certains précédents qui ont été créés dans ce domaine? Quand le problème s'est posé au niveau de la potasse, en Saskatchewan, est-ce qu'il n'y a pas eu un problème similaire qui s'est posé à ce moment-là dans le domaine? D'après les informations que j'ai pu avoir, il pourrait y avoir une certaine similitude entre la situation présente et celle de la potasse, où il y avait des actionnaires qui étaient de l'extérieur. Evidemment, je n'ai pas la proportion ou le pourcentage, mais, si un problème similaire a pu être vécu à l'extérieur, en Saskatchewan, ces gens vivent à l'intérieur du même chapeau de la Confédération canadienne, avec les mêmes dispositions législatives; ils sont aux prises avec les mêmes exigences. A ce moment-là, cela pourrait peut-être être une avenue nous conduisant un peu au corridor dans lequel on va se retrouver pour manoeuvrer avec cette question. Est-ce que le ministre aurait certaines indications à nous donner là-dessus?

M. Bérubé: L'indication que je pourrais vous donner en ce sens est que la Saskatchewan n'a eu à exproprier aucune des compagnies. Il y a eu règlement hors cour dans tous les cas. En effet, il est peu intéressant, sur le plan fiscal, pour une entreprise de se laisser exproprier et lorsqu'on lui donne le choix entre l'expropriation et la négociation de gré à gré, elle préfère généralement négocier de gré à gré. Ceci explique pourquoi la Saskatchewan n'a jamais eu à faire appel à sa loi d'expropriation, sa loi générale d'expropriation, dans le cas des mines de potasse et, en conséquence, nous ne pouvons pas savoir ce qu'il serait advenu d'une décision gouvernementale d'exproprier des actions appartenant à une filiale.

Mais je dois dire qu'en général ces mines étaient plutôt des divisions de sociétés américaines. Je pense à International Mineral, en particulier. Il s'agissait de divisions et non de filiales et, par conséquent, je pense que le probème ne se posait même pas.

M. Brochu: Ceci voudrait dire en d'autres termes que, si on pouvait en arriver à une entente de gré à gré avec l'entreprise, tout ce problème juridique tomberait en désuétude automatiquement et, par le fait même, on se retrouverait dans la même situation que la Saskatchewan s'est retrouvée à ce moment-là: la voie est ouverte.

Je voulais dire tout simplement qu'à toutes fins utiles, s'il pouvait y avoir une entente de gré à gré, on éviterait tout ce chaos légal dans lequel on se trouverait autrement, s'il devait y avoir non-entente entre les parties, d'un côté comme de l'autre, d'ailleurs, et pour l'entreprise, et pour le gouvernement.

M. Bérubé: Cela ne fait aucun doute. Et c'est pour cela que la passation de cette loi rapidement nous permettrait sans doute d'atteindre très rapidement une entente avec General Dynamics.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, le député de Saint-Laurent a fait une motion à savoir que le ministre dépose un avis juridique sur l'article...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Invite le ministre.

M. Ciaccia: Invite le ministre à déposer un avis juridique sur l'article 22.

Une Voix: C'est un jeu.

M. Ciaccia: C'est plus qu'un jeu à ce moment-ci, parce que cela a été accepté.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est cela.

M. Bérubé: C'est un voeu pieux compte tenu de la nouvelle mentalité qui prévaut dans le Parti libéral.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Lalonde: C'est un voeu pieux du ministre, à son égard. J'espère que sa piété sera respectée.

M. Grégoire: La main de Dieu...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je crois, M. le Président, qu'on ne peut pas se prononcer vraiment sur le fond de l'article 22, avant qu'on ait la possibilité d'examiner cet avis juridique. Je ferais motion pour suspendre l'étude de l'article 22, à moins que ce soit déjà décidé de suspendre. Je demande formellement que cette commission suspende l'étude du paragraphe 22 de l'article 1 et procède immédiatement à l'étude du paragraphe 23 de l'article 1.

M. Bérubé: Pour la gouverne du député de Mont-Royal, l'avis juridique n'aura vraiment de poids que lors de la discussion de l'article 20 portant sur l'expropriation comme telle. L'article 22, comme je me tue à vous l'expliquer...

M. Lalonde: Vous avez la mort lente.

M. Bérubé: Vous n'avez pas allumé vos lumières aujourd'hui, malheureusement. Je me tue à vous l'expliquer, cet article porte effectivement sur le fait qu'une filiale de la société Asbestos...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vu que c'est un argument de fond, je déclare d'abord recevable la motion. Discutez-en si vous n'êtes pas d'accord. M. le ministre.

M. Ciaccia: Est-ce que je peux demander si le ministre accepte cette motion?

M. Bérubé: On ne peut pas l'accepter puisque l'article 22 n'a rien à voir avec l'avis juridique que vous allez recevoir. L'avis juridique va être d'importance pour la discussion de l'article 20, mais il n'a rien à voir avec l'article 22, puisque l'article 22 se contente uniquement de dire qu'une filiale de la société Asbestos, contrôlée par la société Asbestos, est assimilable à la société Asbestos, aux fins de la présente loi. C'est tout ce qu'il dit.

Par conséquent, cela ne dit absolument rien concernant la localisation des biens, cela ne dit absolument rien concernant le caractère de territorialité attaché à cette loi, cela ne dit absolument rien de cela. Ce sont les articles 20 et 21 qui vont déterminer ces conditions.

Nous aurons le temps de déposer cet avis juridique qui va être prêt rapidement. On pourra, à ce moment, l'appliquer à cette question. Vous pourriez appliquer l'avis juridique en question à n'importe quel article qui n'a rien à voir avec l'avis juridique que vous allez recevoir. Je demande simplement un peu de cohérence.

M. Ciaccia: Je me demandais pourquoi le ministre avait consenti à déposer l'avis juridique sur l'article 22, sans aucune discussion. Je vois maintenant pourquoi il l'a fait, parce qu'il vient de nous dire que l'avis juridique, qu'il va déposer, ne sera pas un avis juridique sur l'article 22. Cela va dire très peu et cela va porter sur l'article 20, je ne sais pas quelle sorte de raisonnement vous nous faites.

M. Bérubé: Nous allons bientôt retourner...

M. Ciaccia: Je crois que c'est important pour nous d'examiner cet avis juridique, parce que nous avons une certaine interprétation de l'article 22 qui n'est peut-être par partagée par le ministre. Si l'article 22, tel que nous le lisons, donne le droit au gouvernement d'exproprier un bien qui n'est pas nécessairement situé au Québec, mais qui peut être situé hors du Québec, tel que l'article 22 se lit littéralement, à ce moment, même si le gouvernement nous dit que ce n'est pas son intention, nous ne sommes pas prêts à accepter les déclarations d'intention du gouvernement. Nous voudrions être très spécifiques quant à la définition du mot "bien". On va nous dire que ce n'est pas l'article 22 qui donne le droit à l'expropriation, mais l'article 22 définit le mot "bien": C'est un bien appartenant à une corporation qui est une filiale contrôlée de la société Asbestos Limitée, au sens que donne à cette expression l'article 1 de la Loi sur les impôts, réputé appartenir à la société Asbestos. Alors, l'implication claire, c'est que dans les acquisitions des biens de la société Asbestos Limitée, on peut inclure un bien qui n'est pas situé au Québec. Le bien peut être une action ou un actif. Si c'est l'intention du gouvernement de se prévaloir de cette définition et d'exproprier les biens qui ne sont pas nécessairement au Québec, là, on va entrer dans toutes sortes de contestations, de divergences d'opinions. Cela ouvre la porte à l'illégalité. Nous voulons fermer la porte à l'illégalité. Si l'avis juridique sur l'article 22 nous dit clairement que la définition de "bien" est limitée seulement à ce qui se trouve au Québec, que ce soit par voie d'actions, que ce soit par voie d'actifs, nous agirons en conséquence.

Premièrement, nous avons besoin de préciser l'article 22. On ne peut pas ouvrir la porte à la contestation. C'est bien beau pour le ministre de nous citer la constitution, mais je me souviens, relativement à d'autres projets de loi, on l'a citée et on est alléà l'encontre de la constitution. Cela n'a pas eu l'air d'ennuyer le ministre concerné à ce moment. Je ne pense pas qu'on puisse se fier aux intentions du gouvernement. On peut se fier au fait que le gouvernement va interpréter l'article 22 en accord avec la constitution, mais selon l'option du gouvernement, il ne croit pas à cette constitution. D'une façon, il nous dit: Ecoutez, on veut renégocier 1867. Le ministre au développement culturel dit: C'est le peuple qui va décider de la constitution. Ici, on entend le ministre des Richesses naturelles nous citer la constitution. Je ne pense pas qu'on soit satisfait.

M. le Président, pour ces motifs, on devrait suspendre toute autre discussion sur l'article 22 jusqu'à ce qu'on puisse avoir l'occasion de prendre connaissance de l'avis juridique. Je ne comprends pas pourquoi le ministre refuse notre motion, parce que c'est lui-même qui a accepté de nous faire part de cet avis juridique. Pour ces raisons, je crois qu'on devrait suspendre l'étude du paragraphe 22 et procéder à l'étude du paragraphe 23 de l'article 1.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que la motion du député de Mont-Royal sera adoptée?

M. Ciaccia: Non, M. le Président. J'aimerais intervenir...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Un instant, M. le député de Frontenac, sur la motion de suspension.

M. Grégoire: M. le Président, il est évident que cette motion, telle qu'elle est présentée à l'heure actuelle, est faite simplement dans le but de retarder. On nous demande de suspendre l'article 22 jusqu'à ce que le ministre des Richesses naturelles ait déposé un avis juridique écrit, sur le pouvoir d'exproprier les actions dans la filiale Asbestos Corporation. Tout ça va être traité à l'article 20 et non pas l'article 22. Le ministre l'a très bien expliqué tout à l'heure, et je dis que la motion pour suspendre l'article 22 n'est faite que pour retarder le débat. L'Opposition officielle, à l'heure actuelle, sert très bien ses maîtres, les marchands de canons américains. Cela explique très bien la déclaration du chef de l'Opposition officielle, qui disait ce matin: On nous fait confiance à General Dynamics sur la politique de la tape sur l'épaule; entre bons amis, on s'entend; deux larrons en foire, quoi, l'acoquinage des marchands de canons avec la caisse libérale.

M. le Président, je vais vous dire que c'est — il faut tout de même le dire, faire la jonction — que c'est précisément une telle compagnie, on s'en souvient, qui avait donné des pots de vin, je ne porte pas d'accusation, mais je voudrais tout de même rappeler les pots de vin remis par cette compagnie, lorsqu'il s'agissait de vendre des avions de guerre aux quatre pays: le Danemark, la Belgique, le Luxembourg et la Hollande, que c'est même allé jusque sur les marches du trône de la Hollande et c'est la même compagnie, aujourd'hui, qui traite d'ami à ami, avec la confiance — on se fait confiance; la tape sur l'épaule, comme je le disais tout à l'heure — larrons en foire. C'est la même compagnie, aujourd'hui, qui fait de l'acoquinage, qui traite avec le Parti libéral, et quand j'ai parlé d'acoquinage, j'ai mentionné caisse électorale, parce que ça me rappelle un peu ce qui s'est produit en Europe, justement, dans ces quatre pays qui ont eu à acheter des avions de guerre de General Dynamics, où General Dynamics soumissionnait pour des contrats afin de vendre des avions de guerre. Cela se rapproche.

Quand je vois le Parti libéral nous arriver avec des motions dilatoires aussi flagrantes que celles que nous avons présentement, il y a des choses qui me passent par le cerveau, M. le Président, je ne vous le cacherai pas. Oui, c'est déjà "pas pire".

M. Lalonde: ... c'est peut-être une nouveauté...

M. Grégoire: On dit: c'est déjà "pas pire". Quand le député de Marguerite-Bourgeoys dit: c'est déjà pire, on pourrait rappeler alors d'autres événements encore plus présents. Il n'y a pas tellement longtemps, on voyait — c'est drôle, ce sont toujours des firmes d'ingénieurs, de techniciens ou des gros entrepreneurs ou des grosses compagnies comme celles-là, intéressées à...

Cela a été déclaré devant les tribunaux: les souscriptions, les subventions de $500 000 et de $250 000 qui sont tombées tout d'un coup, flop! dans la caisse électorale.

C'est justement la pertinence. Je relie la pertinence à ceci: c'est que cette motion dilatoire devient trop flagrante et met en lumière, tout à coup, cet acoquinage dont je parlais, des marchands de canons avec les caisses électorales. Merci M. le Président.

Une Voix: C'est tout?

M. Grégoire: Je pense que vous avez dû comprendre.

Une Voix: Ce n'est pas plus que ça?

M. Grégoire: Vous êtes allés témoigner pour ça devant la commission Malouf.

Une Voix: Alors, c'est un représentant de la filiale de General Dynamics qui va nous adresser la parole.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Forget: M. le Président, on pourrait faire abondamment des points de règlements au sujet du style d'intervention du député de Frontenac, des allusions du député de Bourassa et de l'encouragement manifeste du ministre, vis-à-vis une certaine façon de conduire un débat sur un sujet d'intérêt public. On peut peut-être s'imaginer de l'autre côté que ce genre de discussion, je ne sais pas, on essaie de nous intimider peut-être, on essaie de couper court au débat, en rendant l'atmosphère très désagréable. Est-ce qu'on pense sérieusement qu'on va se laisser intimider par des attaques grossières qui n'ont absolument aucune justification et qui n'ont pour but que de faire dévier le débat vers des engueulades ou des styles de débat qui ne sont pas susceptibles d'éclairer la population? Dieu sait que la population a besoin d'être éclairée, parce que le gouvernement, dans cette histoire, est loin d'être au-dessus de tout reproche.

J'espère que les insinuations que fait le député de Frontenac ne se retourneront pas un jour contre le gouvernement qui, dans toute cette affaire, a procédé de façon très négligente. Je n'ai pas l'intention de me livrer aux mêmes exercices de mauvais goût que ceux du député de Frontenac.

Il reste que, si le gouvernement était si pressé — il nous dit depuis deux ans et demi qu'il est pressé — n'est-ce pas remarquable qu'un gouvernement, qui n'est pas un gouvernement minoritaire quant au nombre de ses députés, prenne deux ans et demi pour réaliser une action aussi simple que l'achat d'une mine? Comment se fait-il, quand ils ont présenté le projet de loi 70, qu'ils n'ont pas inclus un droit d'expropriation qui est l'enfance de l'art pour un gouvernement qui dit que,de toute façon, de gré à gré ou par expropriation, il va acquérir des actifs qu'il a désignés d'avance dès le 22 janvier 1977? Comment se fait-il qu'ils n'ont pas pensé qu'il fallait inclure un droit d'expropriation dans la loi 70 qui a été débattue il y a un an? Il ne faut quand même pas être absolument aveugle à

ses propres égarements. Si on ne l'a pas fait, c'est qu'on voulait perdre du temps. Le gouvernement, à de nombreuses reprises depuis deux ans et demi, a pris tous les moyens possibles pour allonger les délais. A l'heure actuelle, on est aujourd'hui, en commission parlementaire, dans une situation assez paradoxale, où on pressent déjà, d'après les déclarations du ministre, un nouveau recul. Jusqu'à maintenant, on a misé sur le calendrier, allongé les délais, pris le plus de temps possible, suscité des débats qui n'avaient pas besoin d'être soulevés.

Lorsque le ministre des Finances a soulevé toutes sortes d'objections pour empêcher le déroulement normal des négociations avec General Dynamics, cela faisait son affaire. C'était pour ne pas avoir à vivre avec les conséquences d'une décision partisane et politique qui a été faite aux Etats-Unis par le premier ministre, dans l'euphorie qui a suivi la victoire de 1976, une décision qui n'avait aucune espèce de base, aucune espèce de justification. On a plongé dans le vide et après, on s'est donné le plus long temps possible pour essayer de retomber sur ses pieds. En octobre, il a refait une annonce, cette fois à Thetford Mines, mais il n'y avait pas plus, à ce moment, de justification. Il n'y avait pas plus de base. Il n'avait pas encore d'évaluation entre les mains pour savoir combien lui coûterait cette aventure. Il a donc multiplié les délais. Il a fait des évaluations beaucoup plus élaborées qu'il n'était strictement nécessaire de le faire. Il s'est ainsi placé sur le terrain de ses adversaires, de façon délibérée, mais, de toute façon, cela avait un avantage formidable, cela prolongeait les échéances.

Le ministre des Finances, la dernière chose qu'il veut faire, c'est d'acheter l'Asbestos Corporation. En fait, c'est probablement la dernière chose qu'il va faire avant de quitter le pouvoir, si la Providence peut lui venir en aide de ce côté.

On se rend compte, par les déclarations du ministre des Richesses naturelles, qu'on essaie de trouver une porte de sortie. On se rend compte que, pour les échéances, finalement, on est rendu un peu au bout du rouleau. On ne peut plus prolonger tellement longtemps, on est rendu à la deuxième loi sur le même sujet. Cela commence à être gênant, après un an, deux ou trois déclarations, des conférences de presse, etc. A un moment donné, il va falloir accoucher. Le ministre des Richesses naturelles commence à entrouvrir le voile d'une deuxième stratégie de retraite. Bien sûr, on va acheter l'Asbestos Corporation. Si elle avait un chalet d'été quelque part, je pense bien qu'on se contenterait peut-être d'exproprier ce chalet. On dirait: On ne l'a pas acheté cher.

M. Bérubé: On voulait se limiter à la bicyclette du président!

M. Forget: On se réfugie derrière la loi ou une interprétation fantaisiste de la loi pour dire: Vous savez, les actifs en Allemagne, on ne peut pas les acheter. C'est hautement subjectif, hautement fantaisiste. De toute façon, même de gré à gré, on n'est pas sûr si on a négocié pour les acheter ou non. Même si le gouvernement, jusqu'à maintenant, après un an de soi-disant négociations, ne s'est même pas compromis pour dire s'il essayait de les acheter ou non. Il a essayé de créer de la confusion là-dedans. Là, il essaie de créer de la confusion en disant: C'est la loi qui nous empêche. La constitution nous empêche d'acheter les actifs en Allemagne. C'est une très belle excuse, parce qu'après cela, une fois qu'on n'aura pas acheté les actifs en Allemagne, l'usine de transformation, on dira: Comme on n'a pas l'usine pour transformer le minerai, on n'achètera pas la mine dans le Nouveau-Québec non plus, parce qu'on ne peut pas avoir la mine si on n'a pas l'usine. On n'est pas intéressé à faire des investissements nouveaux. Ce qu'on ne dit pas, c'est justement que les investissements nouveaux qui sont nécessaires à Baie Déception sont de l'ordre d'à peu près $50 millions. C'est $50 millions dont le ministre des Finances voudrait bien faire l'économie. La meilleure façon, c'est de ne pas acheter à Baie Déception. Au plus, si on l'achète, on va mettre la clé dans la porte. On va dire: On l'a acheté, maintenant, on est sûr qu'on a fait une acquisition, mais, au moins, on n'aura pas de concurrents entre les jambes. On n'est pas prêt à mettre $50 millions là-dedans, on va plutôt développer une mine, un jour, quand le marché sera approprié en Abitibi. C'est une opération de retrait, mais ce qui est plus probable, bien sûr, c'est qu'on n'achète pas du tout la mine dans le Nouveau-Québec et qu'on se serve de ça pour dire: Voyez! Ce n'est pas vrai ce que l'Opposition a dit qu'il fallait payer $280 millions pour les actifs de la société Asbestos. On va peut-être les avoir pour $75 millions, encore une fois, si on réussit à enlever assez de morceaux, si on réussit à acheter seulement le moulin ou seulement une des deux mines qu'il y a Thetford Mines. Il est possible, évidemment, qu'on épargne de l'argent et qu'on handicape encore plus de libertés pour éliminer un certain nombre de choses. On pourrait dire, après tout: Le gouvernement, à strictement parler, n'a besoin que d'une des quatre mines de Thetford Mines, parce que pour son approvisionnement des usines de transformation, une mine sur quatre, c'est suffisant.

Je pense que c'est une autre opération de retrait de la part du gouvernement. On ne veut pas admettre qu'on s'est fourvoyé il y a deux ans et demi. Evidemment, un gouvernement trouve toujours difficile l'admission d'une erreur. On ne veut pas admettre qu'on s'est fourvoyé. Alors, on est en train de nous annoncer en douce que l'opération est sur une échelle moindre. Elle est à l'échelle réduite. Cela, c'est une décision, c'est une réorientation que les contribuables ont le droit de savoir, parce qu'ils ont le droit de savoir aussi que si on leur arrive avec un chiffre, finalement, qui va avoir l'air raisonnable pour l'achat, ce n'est pas parce qu'on aura négocié de façon intelligente. Ce n'est pas parce que la loi donne des garanties que le coût ne sera pas excessif. C'est attribuable au fait qu'on n'achètera pas la même chose qu'on avait promis d'acheter au départ. Cela, c'est une décision

du gouvernement. C'est une décision qui devrait être transparente. C'est une décision sur laquelle on devrait pouvoir avoir, au mois de juin 1979. deux ans et quatre mois après l'annonce initiale du premier ministre, de la part du ministre, des indications fermes. C'est curieux. Ce gouvernement-là ne semble pas savoir où il s'en va du côté de l'amiante. Il ne peut pas nous dire quels sont les actifs qu'il veut acheter ou qu'il veut exproprier, il ne veut pas nous dire, de façon ferme et définitive, s'il va acheter ou non. Même si la négociation de gré à gré, soi-disant qu'elle n'est pas terminée, malgré qu'on adopte une loi sur l'expropriation, la négociation de gré à gré n'est pas terminée, est-ce que la négociation porte sur l'acquisition des actifs en Allemagne? Sinon, est-ce qu'on va, malgré tout, acheter la mine dans le Nouveau-Québec? Là-dessus, on a eu des "peut-être", on achète ou on n'achète pas, alors, des scénarios différents, aucune espèce d'indication précise.

Il est bien évident que tant qu'on n'aura pas cet avis, M. le Président, tant qu'on n'aura pas un avis pour savoir si, oui ou non, l'excuse qu'invoque le ministre est basée sur une interprétation de la loi et de la constitution et tout ce que vous voudrez, tant qu'on n'aura pas une interprétation ferme, on ne peut pas savoir s'il s'agit d'une décision gouvernementale ou d'une fatalité. Nous, encore une fois, on a l'impression très ferme qu'il s'agit d'une décision gouvernementale.

On est en train d'essayer de se sortir du pétrin et n'importe quel argument va faire l'affaire, n'importe quel argument. Cela a à peu près la même valeur que ce qu'a dit le ministre au cours des débats sur la loi 70, alors qu'il disait: Mon dieu! vous savez, l'emplacement du siège social de la société de l'amiante, on en a parlé ici, pendant probablement plusieurs heures et on s'est fait dire: Ecoutez, on ne mettra pas ça dans la loi. Ce n'est pas une décision politique cela. C'est une décision qui doit être prise par le conseil d'administration. Le conseil d'administration va prendre une décision d'affaires, en toute objectivité, dans le meilleur intérêt de la compagnie.

Qu'est-ce qui est arrivé? La décision a été prise le même jour par le Conseil des ministres. On a nommé les membres du conseil d'administration et, le même jour, le Conseil des ministres a désigné Thetford Mines comme siège social. Cela, c'est le genre de vérité, c'est le genre d'honnêteté auquel on peut s'attendre de la part du ministre des Richesses naturelles. Il nous avait affirmé dur comme fer que ce serait une décision du conseil d'administration. Quelques mois après, il faisait exactement le contraire; c'était une décision politique. C'était une décision prise par le Conseil des ministres. On n'a rien contre Thetford Mines. On avait même suggéré un amendement qui voulait que Thetford Mines soit le siège social. Il reste que le ministre nous a menti. Il n'y a pas d'autre mot. Il nous a menti. Il nous a dit: Non, ce sera une décision prise par le conseil d'administration et on sait très bien, en vertu des documents déposés à l'Assemblée nationale, que ça n'a pas été une décision du conseil d'administration.

Il y a un nom pour ça, M. le Président. Il s'agit de voir dans n'importe quel dictionnaire, c'est une affirmation contraire aux faits. Ce n'était pas n'importe quelle affirmation. C'était l'affirmation d'un ministre qui, devant le Parlement, dit: Voici comment ça sera fait et, deux ou trois mois après, il le fait exactement de façon contraire. (17 h 30)

Quand il nous dit: C'est la loi qui nous empêche d'acheter les actifs en Allemagne, on n'a pas de raison de le prendre au sérieux, on n'a pas raison de prêter un caractère d'infaillibilité à ses remarques, on a vu ce que ça valait. Il devient évident que le gouvernement cherche à limiter les pertes, cherche à limiter les enjeux. Une des façons, c'est d'acheter le moins possible de l'As-bestos Corporation. Encore une fois, si celle-ci avait un chalet d'été dans la région de l'amiante, on se résoudrait peut-être à dire... Je vais faire une suggestion; elle a un club social pour les cadres, un club de golf. Achetez donc le club de golf, ça ne vous coûtera pas cher...

M. Lalonde: II y a beaucoup de drapeaux là, il y a au moins 18 drapeaux que vous pourrez mettre là!

M. Forget: Vous pourriez en faire le siège social du Parti québécois, dans la région de l'amiante, avoir des réceptions, etc. Cela, franchement, ce serait peut-être le meilleur investissement que vous pourriez faire pour les contribuables, parce que les pertes ne sont quand même pas énormes là-dessus. Même si c'est financé par le gouvernement, ça ne pourra pas coûter des millions, alors que, le reste, on n'en sait rien.

M. Bérubé: On pourrait le remettre aux travailleurs, c'est le club privé des libéraux qui disparaîtrait.

M. Forget: On n'en sait rien, ce que ça va coûter, mais c'est un peu le genre de raisonnement auquel on semble se livrer du côté gouvernemental. Qu'est-ce qu'on pourrait enlever dans les actifs de la société Asbestos, qu'est-ce qu'on pourrait ne pas acheter, de manière à avoir un prix raisonnable en fin de compte de façon à pouvoir regarder l'Opposition officielle en face, quand elle nous dit qu'on va payer n'importe quelle somme, on va lui démontrer que ça ne coûte pas cher? Si le golf n'est pas assez convaincant, on va quand même limiter ça aux mines de la région de Thetford Mines. Pour ce qui est des inquiétudes exprimées par les travailleurs qui vont dans la région de Baie Déception et pour ce qui est des possibilités d'expansion de ce côté, comme on n'achète pas des mines d'amiante, la société Asbestos va continuer ses activités au Québec et va continuer à vendre sa fibre en Allemagne. C'est peut-être une façon de s'entendre, c'est peut-être un "gentlemen's agreement" que, finalement, le gouvernement va pouvoir définir avec la société General Dynamics; on va en acheter seulement la moitié, garder l'autre et, de cette façon, on a la possibilité de faire bonne figure, on tient nos

engagements politiques, dirait le gouvernement et ça ne coûtera pas cher, alors, on est protégé contre toutes les critiques.

Si c'est ça qu'on est en train de faire, M. le Président, on est en droit de savoir que, au moins, ce n'est pas parce que la loi empêche le gouvernement d'aller plus loin, c'est parce qu'il avait fait une erreur.

Déjà, on commence à voir l'aveu de l'erreur, par une stratégie comme celle-là. C'est la raison pour laquelle on ne s'y attendait pas et, en toute bonne foi, on a dit: Les articles 20, 21, etc., c'est ceux qu'on devrait discuter avec le ministre des Finances. Mais là, il ne s'agit pas seulement d'une transaction financière, il s'agit de la conception même de l'objectif.

Qu'est-ce que le ministre des Richesses naturelles veut faire avec les actifs miniers et autres de la société Asbestos? Indépendamment du prix qu'il veut payer, qu'est-il en train de négocier, qu'est-il en train d'acheter exactement? Qu'il ne nous dise pas qu'il est en train d'acheter seulement ce que la loi lui permet d'acheter. Quelles sont les véritables décisions du gouvernement, quant à l'étendue des actifs qu'il veut acheter? C'est ce qu'on veut savoir et je pense qu'il est temps qu'on le sache. On n'essaie pas de faire ici l'argumentation qui sera faite devant le comité d'arbitrage sur le prix; peu importe le prix. Pour l'instant, pour le bénéfice de l'étude de cet article, peu importe le prix, mais dites-nous ce que vous voulez acheter, ce que vous voulez exproprier.

Encore une fois, si vous achetez moins que la totalité, jusqu'à quel point cette décision vous est-elle imposée par la loi? A notre avis, elle ne vous est pas du tout imposée par la loi. La loi est formulée en termes très généraux. La société Asbestos est une société qui est incorporée selon une loi canadienne, elle a son siège social au Québec, elle est un sujet de droit au Québec. Une loi du Québec peut lui imposer des obligations, elle peut dire que les biens dont elle est propriétaire, elle n'en est plus propriétaire. Elle est propriétaire de ces biens au Québec, parce que son siège social est au Québec, elle n'est pas propriétaire de ces biens aux Etats-Unis ou en Allemagne, elle est propriétaire des actions, ici, parce que c'est ici qu'elle a son siège social. On peut donc la forcer à céder, par une loi d'expropriation, son droit de propriété.

Pour ce qui est d'exécuter une telle loi, si les titres ne sont pas ici, le ministre sait très bien qu'il y a toutes sortes de possibilités, sans même recourir à l'exécution forcée en territoire étranger. Il ne s'agit pas du tout de ça; il n'est pas du tout nécessaire de faire ça. Il est clair qu'une mise en demeure serait probablement suffisante, jointe au fait de l'exécution partielle des autres obligations qui incombent au gouvernement, c'est-à-dire le paiement d'une indemnité, on peut dire: On paiera une indemnité complète au moment où le débiteur des obligations, l'autre partie dans cette affaire-là, la société Asbestos, aura exécuté elle-même ses obligations et, parmi ses obligations, il y a celle de livrer les titres immobiliers, celle de livrer les titres mobiliers, il y a toute sorte de choses. Mais il ne s'agit pas d'envoyer un huissier dans une banque new-yorkaise, il n'est pas du tout nécessaire de procéder de cette façon-là. Tant qu'on procède par des moyens qui se situent à l'intérieur du territoire québécois, qui s'adressent à un sujet de droit qui est présent au Québec et qui est incorporé en vertu des lois canadiennes, il n'est pas question d'extra-territorialité. Nous ne voyons pas pourquoi le gouvernement se crée des limites artificielles. S'il ne veut pas aller aussi loin que ça, c'est une décision qu'il prend, qui est l'aveu de son erreur initiale au moment où il a annoncé sa décision.

Justement, c'est pour faire ressortir cette décision et cette erreur que nous insistons sur le rapport, sur cet avis juridique, avant de procéder à l'étude de l'article 22. J'avais prévenu le ministre en toute bonne foi qu'il pouvait y avoir d'autres articles où il deviendrait apparent qu'un report serait nécessaire. Il a accepté sans difficulté le report des articles 20 et 21. Tout ce qu'on lui dit, c'est: Faisons la même chose pour 22, puisqu'il semble que cela suscite une question fondamentale. Je ne pense pas que le même problème — j'en suis même sûr— sera soulevé dans l'article 23. Il s'agit là d'un délai de signification, etc. Il est bien clair que, pourvu que ce soit régulier, c'est un article qui peut être adopté facilement.

On se trouve ici devant quelque chose de beaucoup plus fondamental. Il n'y a pas de raison de ne pas accepter notre motion de report, M. le Président. C'est sûr que c'est dilatoire, il ne faut pas être un phoenix pour trouver ça. N'importe quoi qui cherche à reporter à plus tard une action ou une délibération, c'est dilatoire, c'est le dictionnaire qui le dit. Le problème n'est pas de savoir comment ça s'appelle, c'est de savoir si c'est justifié ou pas. Et c'est justifié parce qu'il nous manque un élément essentiel, élément que le ministre a accepté de nous donner. Dans le fond, implicitement, le ministre est d'accord avec le fait que c'est un élément pertinent à la compréhension de cet article-là.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci.

M. Laplante: M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Si je comprends bien, le ministre a dit qu'il donnerait l'avis, mais sur l'article 20. Tout de même le député de Saint-Laurent disait tout à l'heure que le député de Frontenac n'était pas sérieux dans ce qu'il disait. Je ne crois pas non plus qu'il ait fait ses remarques de façon tout à fait sérieuse tout au long de l'exposé qu'il vient de faire.

Il fait une comparaison, il dit que cela a pris du temps entre la loi 70 et la loi 121. C'est vrai, que cela a pris du temps. Il est vrai aussi qu'en gouvernement démocrate, on a voulu donner la

chance aux deux groupes de se parler, General Dynamics et le gouvernement, pour qu'ils s'entendent sur une formule d'achat de l'Asbestos Corporation.

Il y a aussi un phénomène qu'il ne faut pas oublier dans tout ça, pour expliquer le temps que cela a pris, c'est qu'au moment où la compagnie s'est formée, où on a exprimé le désir d'acheter de General Dynamics une compagnie d'amiante, tout de suite, il y a eu une déclaration de la compagnie selon laquelle elle ne vendrait jamais. Elle n'était pas à vendre. Tout de suite, on partait sur un pied négatif.

Par contre, lorsque le député de Saint-Laurent...

M. Lalonde: ...

M. Laplante: ... mais il y avait des études à faire. On a eu la chance chacun de son côté de faire une étude pour enfin dire: On va s'asseoir. Mais on arrive avec une proposition tellement négative que c'est une fin de non-recevoir actuellement vis-à-vis du gouvernement. Si, lors de l'étude de la loi 70, on avait suivi le conseil du député de Saint-Laurent qui nous disait: Pourquoi n'avez-vous pas mis justement des articles de loi pour exproprier ou acheter General Dynamics, connaissant le langage intellectuel du député de Saint-Laurent, tout de suite, on se serait fait comparer à l'Ouganda. On aurait dit: Ce sont des communistes, des socialistes, des fascistes.

M. Forget: II n'y a pas d'amiante là.

M. Laplante: C'est ce que vous auriez tout de suite commencé à crier. Même lors de la loi 70, déjà, il y avait des mots semblables qui étaient prononcés dans les discours que vous faisiez.

M. Forget: Citez-les précisément.

M. Laplante: On s'en allait vers le socialisme.

M. Lalonde: Ah oui!

M. Ciaccia: Vous l'admettez?

M. Laplante: Vous avez même écrit dans un certain journal, où vous avez eu des réponses peu flatteuses. Sur...

M. Forget: Article 96, M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Seulement à la fin de l'intervention, à moins du consentement du député. D'ailleurs... à l'ordre.

M. Forget: Est-ce que le député consent... M. Laplante: C'est un peu l'habitude... M. Lalonde: Cela prend la majorité... M. Laplante: C'est un peu l'habitude du député de Saint-Laurent, sur tout ce qui ne fait pas son affaire face au gouvernement...

M. Lalonde: Cela prend le pouvoir de décider pour consentir.

M. Laplante: ... de traiter à peu près de tous les mots de la terre qui peuvent passer. Pour nous autres...

M. Forget: Vous avez dit que vous aviez changé d'idée.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Laplante: Pour nous autres, notre lit est fait...

M. Forget: Preuve d'intelligence. M. Laplante: ... dans le... non...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Laplante:... on va coucher dedans et on va coucher volontiers. On sera bien couché, parce que c'est là la volonté du peuple québécois de vouloir prendre...

M. Lalonde: Vous allez vous endormir pour longtemps.

M. Laplante: ... pour une fois ses choses en main. Vous parlez depuis 70 ans au moins des menaces libérales, à partir du gouvernement de Taschereau, si vous ne voulez pas retourner 70 ans en arrière, la promesse était faite, les menaces étaient là chaque fois. Les seuls qui aurait eu l'occasion de s'emparer de ces mines, ç'aurait justement été vous autres, de 1970 à 1976, lors des actifs que General Dynamics voulait écouler, lorsqu'ils ont vendu...

M. Forget: C'est faux cette affirmation.

M. Laplante: ... Canadair.

M. Forget: C'est faut, prouvez-le, c'est faux.

M. Laplante: Ces actifs, ils les ont offerts au gouvernement Bourassa à ce moment-là.

M. Grégoire: L'enfer.

M. Forget: Non, c'est faux.

M. Laplante: Pourquoi est-ce qu'ils n'ont pas voulu, à ce moment-là, c'est la première fois...

M. Forget: C'est faux, c'est absolument faux.

M. Laplante: ... qu'on reçoit un démenti là-dessus.

M. Forget: C'est absolument faux.

M. Laplante: C'est la première fois qu'on reçoit un démenti là-dessus.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Laplante: On vous le dit, ça fait à peu près vingt fois qu'on vous le dit.

M. Forget: Vous parlez à travers votre chapeau, c'est faux.

M. Laplante: Je ne sais pas où vous allez prendre la négation de ça, mais pour nous autres, ça fait encore une vérité.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Grégoire: M. le Président, sur une question de règlement. Je pense bien que pour le député de Saint-Laurent tout à l'heure, on a été poli et on l'a laissé parler. Lui et le député de Mont-Royal hurlent, crient, clament, jappent à travers leurs micros; je me demande s'ils ne pourraient pas être polis.

M. Forget: Vous ne pouvez pas attribuer des gestes ou des paroles que vous n'avez pas faits; on nous dit que le précédent gouvernement a reçu une offre de vente, c'est absolument faux.

M. Grégoire: M. le Président, j'étais sur une question de règlement.

M. Forget: C'est absolument faux. M. Ciaccia: ...

M. Forget: C'est une pure fabrication. M. Grégoire: Qui a la parole?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous laissais faire, ç'a l'air que la présidence n'existait plus.

M. Lalonde: On ne veut pas vous...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Bourassa, à vous la parole.

M. Laplante: II n'y a jamais personne qui a démenti que le gouvernement Bourassa a été sensibilisé à l'acquisition de General Dynamics, au moment où General Dynamics a vendu Canadair.

M. Forget: Si on niait toutes les rumeurs fausses, on ne ferait que ça.

M. Laplante: J'aimerais aussi, je ne sais pas si on peut nous le dire, connaître la façon dont SIDBEC s'est achetée. On peut comparer avantageusement l'achat de General Dynamics aujour- d'hui, à SIDBEC. A ce moment-là, on achetait de DOSCO une usine désuète, un tas de ferrailles, qui était tout à reprendre, mais j'aurais aimé avoir à ce moment-là, les débats faits à l'Assemblée nationale, j'aurais dû aller les chercher pour voir le Parti libéral du temps, ce qu'il disait de ça.

M. Forget: On n'était pas favorable à ça, ç'a été l'Union Nationale qui a fait ça.

M. Laplante: Je n'ai rien vu là-dedans qu'aujourd'hui, vous contesteriez. Lorsqu'il avait pris le pouvoir tout de suite après, vous avez recontinué à mettre de l'argent dedans, à essayer de faire un complexe intégré.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous êtes en train de me faire regretter de ne pas être assez strict sur la pertinence du débat.

M. Laplante: M. le Président, si...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'un côté comme de l'autre, d'un côté comme de l'autre, je tiens à le dire.

M. Laplante: Si vous avez été tolérant pour l'Opposition...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vais l'être pour vous, M. le député de Bourassa également.

M. Laplante: J'apprécierais beaucoup que la même tolérance... Une Voix: Laissez-le aller. M. Laplante: ... puisse...

M. Forget: On n'a pas parlé de Taschereau, nous.

M. Laplante: ... s'étendre au député de Bourassa et aux membres du gouvernement.

M. Forget: Je ne suis pas son héritier.

M. Lalonde: Ce n'est pas de la tolérance, c'est de la magnanimité.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Laplante: Je me demande un peu si dans l'Opposition on a pu parler, divaguer, souventefois, en vingt minutes sur des motions dilatoires auxquelles ils ne croyaient pas eux-mêmes, pourquoi...

M. Lalonde: Vous avez le droit de divaguer, allez-y.

M. Laplante: ... est-ce qu'on n'essaierait pas d'éclaircir justement ce que l'Opposition ne semble pas avoir compris jusqu'à ce jour.

Peut-être qu'ils sont un peu jaloux de ne pas l'avoir fait entre 1970 et 1976. C'était une de vos ambitions de le faire aussi, peut-être. Mais il n'y avait pas assez d'accord au Conseil des ministres — j'en sais quelque chose — entre les membres du Conseil des ministres à ce moment-là...

M. Forget: Comment j'en sais quelque chose... quand même, quand même...

M. Lalonde: ...

M. Laplante: ... sur différents projets.

M. Forget: Qu'est-ce qu'il en sait? Qu'est-ce que sait le député de Bourassa sur ce qui s'est passé au Conseil des ministres entre 1970 et 1976.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Laplante: A l'ordre, M. le Président. Ils ne sont même pas capables de respecter... quand un autre parle.

M. Lalonde: Lavez-vous "buggé " le Conseil des ministres?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Vous aimez ça?

M. Laplante: J'en ai connu. (17 h 45)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre! Allez-y.

M. Laplante: A ce moment-là, ils n'étaient même pas capables de s'entendre sur les pouvoirs qu'ils avaient en main. Je pourrais vous nommer un ministre, qui, pour les garderies... le député de Saint-Laurent était là comme ministre, il sait très bien ce que je veux dire.

M. Forget: Non, pas du tout.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Bourassa. Je comprends que je suis large, mais...

M. Lalonde: Ne faites pas un filibuster, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le député de Saint-Laurent, effectivement, s'est éloigné du sujet, mais a au moins toujours parlé d'amiante.

M. Laplante: II nous a parlé des terrains de golf, à un moment donné, M. le Président.

M. Ciaccia: Oui, mais il y a de l'amiante alentour.

M. Laplante: Ils sont allés sur les terrains de golf pour poser de petits drapeaux.

M. Forget: Propriété de la société Asbestos.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mais il n'a joué qu'un trou.

M. Forget: C'est une suggestion de votre collègue d'ailleurs.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Laplante: Vu que l'Opposition a encore des choses à dire sur sa motion, on va lui donner la chance d'en dire encore un peu plus. J'avais envie de prendre 20 minutes moi-même pour voir l'effet que cela fait de prendre 20 minutes pour entendre parler de n'importe quoi. Ce n'est qu'un exemple que je leur donne actuellement. Ce qu'ils ressentent actuellement, cela fait longtemps qu'on le ressent ici, et on l'a ressenti tout au long de la loi 101, de la loi 70. Il a fallu entendre leurs conne-ries tout ce temps-là, sans en arriver à des choses concrètes. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, le député de Bourassa m'a fait regretter bien des choses.

M. Laplante: J'avais un petit bout pour vous, M. le député de Marguerite-Bourgeoys et je ne l'ai pas donné.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! Sur la motion de suspension, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Si cela a été aussi douloureux pour les députés ministériels de nous entendre, que cela vient de l'être pour nous d'entendre le député de Bourassa, je regrette bien des choses, M. le Président. Si c'était possible de refaire le passé.

C'est une motion dilatoire, comme le député de Saint-Laurent l'a dit...

M. Grégoire: C'est ce que General Dynamics a demandé.

M. Lalonde: Mais savez-vous une chose, M. le Président? Si la motion dilatoire avait été acceptée au départ, on aurait déjà fait avancer le débat. On aurait déjà l'article 23 d'adopté, possiblement, peut-être 24.

M. Grégoire: Oh oui.

M. Lalonde: On aurait pu adopter les articles qui sont susceptibles d'être adoptés rapidement.

M. Grégoire: Toute la loi serait adoptée.

M. Lalonde: Et l'entêtement du gouvernement fait qu'on est, une heure après la présentation de la motion du député de Mont-Royal, encore à discuter de la sagesse de la commission parlementaire d'adopter cette motion. Ce qui est dilatoire a été l'entêtement du gouvernement de nous imposer l'étude de l'article 22 actuellement, alors qu'il nous a promis d'emblée, et avec un geste tout à fait généreux, enthousiaste, quasiment joyeux...

M. Grégoire: Magnanime.

M. Lalonde: ... de nous donner une opinion qui va nous éclairer, éclairer la commission, sur la portée de l'article 22. La cohérence, je ne la vois pas. Le gouvernement va nous donner un avis juridique qui va nous donner une idée plus juste sur la portée de l'article 22, mais il veut qu'on l'adopte avant d'avoir l'avis. Est-ce que le gouvernement craint le contenu de l'avis? Est-ce que, au contraire, il accorde un mépris universel et souverain à l'avis de ses avocats qui vont nous le donner, à la commission parlementaire, à savoir que cela ne vaudra même pas le papier sur lequel il va être écrit?

M. le Président, cette incohérence est absolument incroyable. Et pourtant l'avis qu'on attend, que le gouvernement a accepté de donner, a une portée fondamentale sur la décision que nous allons prendre, nous, comme députés de cette commission, de voter en faveur ou non de l'article 22. L'article 22 contient des obscurités. J'en ai déjà soulevé une, à savoir si un bien appartenant à une corporation, qui est une filiale contrôlée de la société Asbestos Limitée, inclut les biens qui sont à l'extérieur. Est-ce que la loi, une fois adoptée, telle qu'elle est, dans tout l'appareil législatif de la province, permettrait au gouvernement d'exproprier les actions de la filiale allemande?

C'est une décision importante, parce que si on ne peut pas acquérir la filiale allemande alors, qu'est-ce qu'on fait avec la mine de l'Ungava? Est-ce qu'il va falloir construire une usine ici? A quel prix? Ou est-ce qu'on va fermer simplement la mine? Est-ce qu'on va créer du chômage? Est-ce que l'acquisition par le gouvernement de la société Asbestos ou de ses actifs va commencer par se solder au début par la mise à pied des travailleurs à cette mine? Ce sont toutes des questions qui vont tenir à la portée de l'article 22. Je voudrais que le gouvernement nous dise actuellement, avant qu'on n'adopte l'article 22, quelle est son intention là-dessus. C'est important. Naturellement, je ne ferai pas toute l'histoire que le député de Bourassa a résumée assez rapidement en disant qu'ayant voulu donner le loisir aux deux parties de se parler — il voulait expliquer les délais de deux ans et demi depuis l'annonce — la société General Dynamics, tout de suite, a dit: On ne veut pas vendre. Il me semble que logiquement le gouvernement aurait dû dire immédiatement: On exproprie puisque justement on dit: On aimerait mieux acheter qu'exproprier. Parfaitement. Une fois qu'on a décidé de l'acquérir — on n'est pas d'accord sur cela — mais une fois que la décision est prise, je suis parfaitement d'accord avec le gouvernement que c'est mieux de l'acheter que de l'exproprier. Quand on exproprie, il y a un tas de tracasseries, de problèmes. On ne sait pas quel prix, on va le savoir seulement à la fin. C'est parfait.

M. Laplante: J'aurais une question à poser au député. Une question sérieuse.

M. Lalonde: Cela va faire changement. Allez-y donc.

M. Laplante: Sur le coup de la colère, est-ce qu'il vous arrive de dire des choses qui dépassent votre pensée?

M. Lalonde: Sûrement.

M. Laplante: C'est la même chose pour General Dynamics. Sur le coup de la colère, cela a dépassé sa pensée.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! La question a été posée, la réponse a été donnée.

M. Lalonde: M. le Président, le député de Bourassa vient de changer sa déclaration...

Une Voix: ... son état d'âme.

M. Lalonde: ... ce n'était pas un refus, M. le Président, c'était un refus coléreux. A moins que le député de Bourassa fasse partie de cette catégorie de gens exceptionnels, une colère c'est temporaire. Je n'ai jamais vu quelqu'un qui est en colère deux ans et demi sans arrêt. Alors, si la colère de General Dynamics continue après deux ans et demi et est la seule inspiration de son refus, à ce moment-là, M. le Président, je pense que le député de Bourassa devrait retourner à ses classes, il devrait retourner à ses livres et demander au ministre ce qu'il y a au juste dans le fond de l'affaire.

M. Laplante: Je suis un cours, encore, deux soirs par semaine.

M. Lalonde: Non, je parle de ce dossier-là. M. Laplante: Ah! sur ce dossier.

M. Lalonde: Non, je ne voulais pas mettre en doute la scolarité du député, qui d'ailleurs a été dans le domaine scolaire comme commissaire à la Commission des écoles catholiques de Montréal.

M. Laplante: Je ne regrette pas le passage, pas du tout.

M. Lalonde: Vous, sûrement pas.

M. Laplante: On n'est pas tous intellectuels de la même façon ni arrogants de la même façon, mais cela se complète.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: M. le Président, on vient de m'in-sulter. On m'a dit que j'étais intellectuel. Sérieusement, M. le Président, pourquoi la société Asbestos a-t-elle dit non à la demande de négociation? Ce sont ses affaires, c'est son affaire. Il me semble que, dans un régime de libre entreprise, on doit quand même reconnaître le droit du propriétaire d'une entreprise de vouloir la garder. A moins que de ce côté-là de la table on n'admette pas cela. A ce moment-là, ce n'est plus du socialisme, c'est pire, et je ne parlerai pas de l'Ouganda. Je vais parler du Québec et de certains Québécois.

M. Laplante: Cela doit vous tenter.

M. Lalonde: II y a des exemples qui sont plus proches et qui ne sont pas plus beaux, M. le Président. Pourquoi elle a dit non? Parce qu'elle ne veut pas vendre, mais là où c'est inexplicable, c'est que pendant deux ans et demi le gouvernement s'est installé les bras croisés devant General Dynamics qui a dit non et qui a attendu. Il a voté une loi, il a fait des déclarations, des "parties" à Thetford-Mines, des conférences de presse, des étendards, des processions...

M. Grégoire: Trois industries nouvelles.

M. Lalonde: Oui, des industries nouvelles de transformation, M. le Président, là on est d'accord avec le gouvernement: Faites-en, bravo! On n'a pas besoin d'exproprier, vous avez cela avant l'acquisition, avant l'expropriation.

M. Bérubé: On pourrait vous présenter le président qui est à l'origine de tous ces nouveaux projets et qui en a de nouveaux chaque semaine; il m'accompagne justement.

M. Forget: N'exagérons rien, il y a 52 semaines dans l'année.

M. Lalonde: Chaque semaine de travail.

M. Bérubé: J'ai parlé de projets. M. Forget: II y en a un par trimestre.

M. Lalonde: J'espère que ce n'est pas chaque semaine de travail, parce que je suis sûr que le président travaille plus longtemps que cela.

M. Grégoire: C'est mieux que vous autres, vous n'en avez pas construit une.

M. Lalonde: Plus sérieusement, M. le Président, le gouvernement s'entête actuellement à vouloir imposer à la commission l'étude de l'article 22 alors qu'on attend un avis juridique sur la portée de l'article 22. C'est aussi simple que cela. S'il avait dit oui tout de suite, comme il avait dit oui pour 20 et 21, à ce moment-là on serait déjà à 23, 24, peut-être qu'on serait rendu à 25 et 26. C'est à lui-même, à son entêtement, à son incurie, à sa négligence que le gouvernement doit l'heure perdue que nous venons de passer à débattre une motion qui n'est pas dilatoire, qui n'est que de suspendre l'article 22, pour passer immédiatement. Au contraire, non seulement ce n'est pas dilatoire, mais c'est pour accélérer les travaux. On suspend l'article 22 pour passer immédiatement à l'article 23 où peut-être qu'il n'y a pas de problème. On verra à l'article 23. Il est fort possible qu'il n'y ait aucun problème. Je l'ai lu rapidement et je serais antiréglementaire si j'en discutais, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît.

M. Grégoire: Est-ce qu'il y a des problèmes à l'article 23? Je donne mon consentement. Est-ce qu'il y a des problèmes à l'article 23?

M. Lalonde: Vous voulez passer à l'article 23? M. Grégoire: Non.

M. Lalonde: Là, M. le Président, qu'il fasse son lit. Ou on suspend l'article 22 ou on ne le suspend pas. Si vous voulez qu'on suspende on va aller à 23 et on va vous le dire tout de suite. Vous voulez le savoir? Vous ne voulez pas savoir s'il y a des problèmes à l'article 23. On va rester à l'article 22.

M. Grégoire: Je sais que vous êtes capable de parler pendant une heure pour me dire rien en fait.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Lalonde: M. le Président, c'est décourageant. Cela fait un quart d'heure que j'essaie de persuader le député de Frontenac en particulier qui avait démontré, lors de l'étude du projet de loi 70, une certaine bonne volonté au départ et qui avait accepté d'emblée une de nos motions d'entendre justement les parties et les organismes intéressés. Je me demande ce qui l'a fait changer d'idée. Est-ce que ce sont les retards dans l'acquisition, dans l'expropriation? Je sais qu'il pose des questions en Chambre des fois au ministre des Finances. Quand est-ce que vous allez exproprier? Cela fait deux ans et demi que le pauvre député de Frontenac promet ce drapeau. Il veut le planter le 24 juin. Le 24 juin s'en vient, on est rendu le 6.

M. Laplante: Ils vous l'ont vu à la télévision. M. Bérubé: C'est un 18 trous d'ailleurs.

M. Lalonde: Si le député de Frontenac avait accepté tout de suite de suspendre l'article 22, on aurait adopté ce projet de loi avant le 24 juin. Cela va lui permettre de planter tous les drapeaux qu'il va vouloir. Le député de Bourassa, je reviens à lui, parce que c'est assez rare qu'on l'entende...

M. Bérubé: II y a le député de Saint-Laurent qui bâille, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Le député de Saint-Laurent bâille. Peut-être que vous devriez être plus intéressant, plus animé, plus stimulant. Je le vois presque totalement endormi.

M. Lalonde: Si j'étais assis à sa place, voir ce que je vois devant moi, je ne bâillerais pas, je dormirais.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Forget: Je me voilerais la face, parfois, pour ne pas voir.

M. Grégoire: Etre à votre place, je la voilerais aussi.

M. Lalonde: M. le Président, on est rendu dans des considérations très basses. Mais le député de Bourassa, tantôt, a quand même... parce que c'est la première fois que je le vois intervenir si souvent et si vaillamment dans une commission parlementaire.

M. Laplante: Je commence.

M. Lalonde: Je ne sais pas si ce sont ses nouvelles fonctions qui l'ont inspiré, mais je ne peux pas dire que j'ai été impressionné par...

M. Forget: II est mieux nourri maintenant.

M. Lalonde: M. le Président, il reste une chose, c'est que si on ne peut pas acheter la filiale d'Allemagne, qu'est-ce qu'on fait avec la mine de l'Ungava? Est-ce que le député peut me le dire? Le ministre n'était pas intéressé, mais du député de Frontenac, est-ce que son intérêt pour l'amiante dépasse les frontières de Thetford Mines.

M. Bérubé: On achète la mine et on construit une usine à Matane.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: La réponse du ministre est qu'il achète la mine et construit une usine à Matane. C'est cela. C'est une décision gouvernementale, M. le Président? C'est combien pour l'usine, est-ce que le ministre pourrait nous le dire?

M. Bérubé: Cela crée des emplois nouveaux au Québec.

M. Lalonde: Oui, bravo!

M. Bérubé: C'est ce que vous nous dites, vous nous dites de créer des emplois nouveaux au Québec. Vous dites: L'inconvénient d'acheter une mine c'est que cela ne crée pas d'emplois. Dans le cas présent c'est exactement ce qu'on fait: on crée des emplois.

M. Lalonde: Est-ce qu'il y a une évaluation de cette mine? De cette installation que le ministre vient de nous annoncer à Matane, est-ce que le gouvernement a fait une évaluation ou la Société nationale de l'amiante?

M. Bérubé: Mais comme filiale de General Dynamics, le Parti libéral peut certainement avoir toute l'information nécessaire.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre! Les travaux de la commission sont suspendus jusqu'à 20 heures.

Suspension de la séance à 18 heures

Reprise de la séance à 20 h 18

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

C'est la continuation de la même séance que cet après-midi. Les travaux de la commission sont recommencés. C'est le député de Marguerite-Bourgeoys qui... Je ne sais pas s'il avait terminé. Il vous restait...

M. Lalonde: M. le Président, je n'ai pas l'intention de prendre tout mon temps. J'ai tenté de convaincre le ministre qui est en conciliabule actuellement. S'il ne nous écoute pas, c'est assez difficile...

M. Forget: Après cela, il va nous accuser d'agir dans son dos.

M. Lalonde: A sa place, je ferais attention.

M. Bérubé: Oui, et avec le député de Saint-Laurent, il ne faudrait surtout pas lui tourner le dos.

M. Lalonde: Vous ne sentez pas une petite douleur?

M. le Président, j'ai donc tenté de convaincre le gouvernement de la sagesse de suspendre l'article 22 en attendant l'opinion qui nous a été promise, mais c'est peine perdue. C'est encore de l'entêtement systématique de la part du gouvernement. Je vais garder pour d'autres débats les contributions que je pourrais faire.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que la motion de suspension sera adoptée?

M. Bérubé: Quelle motion de suspension? Une Voix: Adopté.

M. Bérubé: Absolument pas, M. le Président. Je dois intervenir.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les travaux de la commission sont suspendus.

Suspension de la séance à 20 h 20

Reprise de la séance à 20 h 21

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

Tout à l'heure, on n'avait pas quorum, mais j'avais présumé que le député de Marguerite-Bourgeoys était membre. De toute façon, on présume qu'il y a quorum au début d'une séance après une suspension et, tant que l'absence de quorum n'est pas soulevée...

M. Lalonde: On pourrait commencer.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous pouvez commencer. Est-ce que la motion de suspension du député de Mont-Royal serait adoptée?

M. Forget: Oui, adopté.

M. Bérubé: Rejeté, M. le Président. On pourrait peut-être demander...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La motion de suspension est rejetée.

M. Forget: Sur division.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sur division. Nous retournons à l'article 22, du projet de loi. Est-ce que l'article 22 serait adopté?

M. Forget: Sur division.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): L'article 22 est adopté sur division. J'appelle donc le paragraphe 23 de l'article 1. M. le ministre, est-ce que vous avez quelque chose à dire sur cet article?

M. Bérubé: Je pense que l'article est suffisamment explicite. En effet, sur avis d'expropriation, décidé par le gouvernement, la Société nationale de l'amiante doit, dans les 30 jours suivant la signification, offrir une indemnité en compensation de la prise de possession des biens en question. Nous accordons un délai très court à la société pour transmettre ce montant d'indemnité envisagé, d'une part. Il faut cependant souligner qu'il est important de laisser un certain délai dans la mesure où certaines pièces d'actifs, certaines modifications à l'ensemble des biens et équipements de l'entreprise peuvent être survenues entre le moment où la décision a été prise et le moment où la possession est effective et, par conséquent, il peut s'avérer nécessaire d'effectuer une vérification pour cette raison-là. Il nous paraît normal d'assurer au moins un délai de 30 jours.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je n'ai pas de question particulière, M. le Président, quant à moi du moins.

M. Lalonde: J'avais une question. On retrouve — cela n'a pas été expliqué naturellement, parce qu'on n'a pas vu l'article 20, ni 21, mais on doit . présumer qu'on les connaît. C'est le gouvernement qui exproprie pour le compte de la SNA, mais c'est le gouvernement d'après l'article 20. A l'article 21, on ne dit pas qui envoie l'avis, par exemple. On dit: L'expropriation s'effectue par la signification à un propriétaire d'un avis, soit le gouvernement, soit la SNA. On arrive à l'article 23 et à ce moment-là c'est la Société nationale de l'amiante qui offre l'indemnité. Quelle est la raison de cette ambiguïté, de ce passage de l'un à l'autre. Pourquoi est-ce que ce n'est pas la Société nationale de l'amiante qui exproprie, qui envoie l'avis et qui offre l'indemnité, ou pourquoi le gouvernement ne fait-il pas les trois?

M. Bérubé: Pour plusieurs raisons, mais peut-être que la véritable raison c'est que, comme nous le verrons plus loin, au moment de l'expropriation, la Société nationale de l'amiante prend automatiquement possession des actifs et effectue les installations d'usine. La Société nationale de l'amiante a donc, à ce moment, en main, tous les éléments pour pouvoir évaluer le prix à offrir, l'indemnité à offrir, alors que le gouvernement lui-même... Evidemment, on aurait quand même pu dire: La Société nationale de l'amiante, ayant l'information, la transmettrait au gouvernement qui, lui, ferait une proposition.

Cependant, une façon peut-être plus rapide, plus élégante, est encore de faire en sorte que la Société nationale de l'amiante, qui à ce moment-là gérera l'entreprise, pourra émettre elle-même l'avis, compte tenu de l'information qu'elle aura. Cela peut limiter les délais. C'est ce que je peux avoir comme raison. En fait, si vous voulez, c'est le gouvernement qui prend la décision d'expropriation. C'est assez évident, ce n'est pas une société qui décide. Cependant, dès que la Société nationale de l'amiante a pris possession des actifs et qu'elle exploite l'usine, c'est elle qui, à ce moment-là, devient la partie devant le tribunal d'arbitrage, qui gère l'entreprise, qui fait l'offre. En d'autres termes, dès ce moment où le gouvernement a envoyé l'avis d'expropriation, c'est la Société nationale de l'amiante qui prend la relève.

M. Lalonde: II y a une certaine anomalie, M. le Président, et une espèce d'incohérence dans la politique du gouvernement là-dessus. Le gouvernement a cru bon créer la Société nationale de l'amiante — et je ne veux pas revenir sur le débat qui a duré quand même plus d'une cinquantaine

d'heures, je pense, sur le projet de loi 70 — on a posé des questions qui trouvent leur écho ici. Pourquoi une Société nationale de l'amiante? On avait dit: Si c'est pour acheter Asbestos, vous pourriez la faire acheter par le Société générale de financement. On a un tas de mécanismes qui existent au gouvernement. Non, on a voulu bien identifier un organisme, créer un instrument d'action en matière d'amiante au Québec, soit l'extraction, la transformation, la planification et tout ce que vous voulez. On a créé un conseil d'administration et, tout à coup, le gouvernement, qui est le seul actionnaire, naturellement, le propriétaire de la Société nationale de l'amiante, l'actionnaire, dit: II serait bon que ma société devienne propriétaire de tels actifs, et il lui donne les pouvoirs de procéder par expropriation. C'est ce qui est assez exceptionnel, j'en conviens. Mais pourquoi ne pas laisser la décision à la société nationale, puisqu'on a pris la peine de la créer, parce qu'il y a certaines sociétés, régies d'Etat qui ont le pouvoir d'exproprier. Ce n'est pas extraordinaire. L'Hydro-Québec exproprie proprio motu, ne demande pas la permission au gouvernement chaque fois. Est-ce que l'Hydro-Québec n'a pas le pouvoir d'exproprier? Elle a le droit d'exproprier. Ce n'est pas une décision gouvernementale à chaque bout de terrain qu'elle exproprie.

M. Bérubé: Oui, elle a besoin de l'autorisation. Dans le cas d'Inter-Port, par exemple, cette société a le droit d'exproprier, cependant, c'est le lieutenant-gouverneur en conseil qui doit l'autoriser.

M. Lalonde: Admettons, étant donné les implications, surtout du point de vue financier et les risques, que le gouvernement soit impliqué dans l'autorisation, mais pourquoi est-ce le gouvernement, dans ce cas-ci, à l'article 20 qui donne l'avis d'expropriation, qui doit donc, j'imagine, décider quels actifs, ensuite... C'est-à-dire qu'il donne l'avis, non, qui a le pouvoir d'exproprier. Ensuite on ne sait pas qui donne l'avis, à l'article 21, mais on verra quand on y arrivera. J'espère qu'il y aura une clarification, que l'avis est envoyé soit par le gouvernement, soit par la Société nationale de l'amiante, parce qu'il faut qu'il y en ait une si le gouvernement veut faire une transaction opération propre. Même si on est en principe contre l'expropriation ou l'acquisition par le gouvernement de cette histoire-là, on ne veut pas que cela traîne devant les tribunaux pendant dix ans. Il faut que la loi soit claire, que cela ne puisse pas être contesté simplement sur une formalité comme cela. L'avis est envoyé par le gouvernement. Tout à coup, on pourrait contester cela de la part de General Dynamics ou le propriétaire ou un autre intéressé, un créancier et dire: Non, cet avis n'a pas été envoyé conformément à la loi. Il faut que ce soit clarifié. J'espère qu'à l'article 21 on va le faire. Mais pourquoi est-ce que l'on passe du gouvernement à la société nationale? Je pensais qu'il y avait un plan là-dedans, bien cohérent. Il semble qu'on ne se soit pas posé la question. (20 h 30)

M. Bérubé: De toute façon, quelle que soit la loi de l'expropriation, le gouvernement doit autoriser l'expropriation. Que ce soit le gouvernement qui, ayant autorisé l'expropriation, envoie un avis directement à la société expropriée ou que ce soit la Société nationale de l'amiante qui, suite à l'approbation par le Conseil des ministres, envoie cet avis, je pense que c'est un peu bonnet blanc, blanc bonnet. La différence première, cependant, dans ce cas-ci, c'est que le gouvernement prenant la décision, et comme il s'agit là d'un acte politique — je pense que c'est une des conséquences de la politique de l'amiante — il est important, peut-être, de faire en sorte que le gouvernement assume ses responsabilités, sa responsabilité politique de la prise de décision. C'est lui qui a décidé de prendre le contrôle de la société Asbestos, ce n'est pas la Société nationale de l'amiante. La Société nationale de l'amiante a été constituée en vertu d'un pouvoir de l'exécutif mandaté par l'Assemblée nationale. Donc, la Société nationale de l'amiante n'a pas été créée comme telle pour exproprier les entreprises; c'est une société commerciale. C'est le gouvernement qui a décidé d'exproprier la société Asbestos. Cependant, dès que ses actifs deviennent la propriété du gouvernement, il va de soi que notre mandataire c'est la Société nationale de l'amiante, ce qui explique pourquoi la Société nationale de l'amiante prend possession de ces actifs, ce qui n'est pas indiqué à cet article, mais qui apparaîtra plus loin, et à l'article 23, ce qu'on indique c'est que désormais la Société nationale de l'amiante prend la relève en ce qui a trait à la gestion de l'entreprise.

M. Lalonde: Ce n'est pas la gestion, c'est l'indemnité, parce que là il y a une incohérence. Le ministre vient de faire son lit, il dit: C'est le gouvernement qui va décider d'exproprier. J'accepte cela comme prémisse. C'est le gouvernement qui va décider, la société n'est pas habilitée à exproprier, d'accord. On peut prendre cela au point de départ. Alors, pourquoi n'est-ce par le gouvernement qui détermine l'indemnité à ce moment-là? Il me semble qu'une des grandes responsabilités, un des éléments importants dans l'expropriation comme dans l'acquisition, c'est de payer, c'est de déterminer ce que cela vaut. C'est l'offre. La façon dont c'est fait, le gouvernement décide d'exproprier, il y a un avis qui est envoyé par les anges et là c'est la société nationale qui décide combien on va payer. Il me semble qu'il y a une incohérence là-dedans. Je ne veux pas en faire un cas. Il me semble que la préparation de ces trois articles, en tout cas, m'apparaît un peu illusoire. Il me semble que le gouvernement n'a pas démontré qu'il a réellement réfléchi sur tout le mécanisme, le mécanisme qui va être utilisé pour procéder à l'expropriation. D'un côté, c'est le gouvernement qui décide d'exproprier. Si c'est cela la décision du gouvernement parfait.

On aurait pu aussi donner le pouvoir à la Société nationale de l'amiante d'exproprier une entreprise, pas généralement, je suis d'accord — il faut être prudent, pour ne pas qu'ils se mettent à

exproprier n'importe qui — mais on a choisi que ce soit le gouvernement qui décide, parfaitement, mais l'avis cela va être quelqu'un qui va l'envoyer, on ne sait pas qui. Il faudrait corriger cela. C'est une question de technique, de libellé d'article. C'est la société nationale qui n'a pas le pouvoir d'exproprier qui, elle, va déterminer l'indemnité. Cela m'apparaît incohérent. J'espère que le projet de loi n'est pas truffé d'incohérences comme cela. J'espère qu'on s'est appliqué à le rédiger de façon beaucoup plus rigoureuse. Déjà, cela laisse à désirer.

Je pose la question au ministre. Pourquoi est-ce la société nationale qui va engager les fonds? C'est la société nationale qui va engager les fonds des Québécois parce que c'est la société nationale, d'après l'article 23, qui est devant nous, actuellement, qui va déterminer combien on paie alors que c'est le gouvernement qui décide d'exproprier. Est-ce que la société nationale a besoin de l'autorisation du gouvernement? Cela n'apparaît pas ici. Est-ce que le gouvernement veut démissionner? Il a déjà démissionné de sa responsabilité de déterminer le prix en recourant à un arbitre, à un tribunal d'arbitrage, et là, il va même démissionner de sa responsabilité de faire l'offre. Il va donner cela à un conseil d'administration qui n'est pas élu par la population. Cela ne m'apparaît pas tout à fait cohérent.

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que quelqu'un d'autre a quelque chose à ajouter? M. le ministre.

M. Bérubé: M. le Président, il faut indiquer qu'à cet article 23 il s'agit d'un avis de la Société nationale de l'amiante, concernant le montant de l'indemnité que la société est prête à payer. Il va de soi qu'il pourrait s'agir d'un montant symbolique de $1 puisque de toute façon la loi prévoit un mécanisme pour la détermination du prix basé essentiellement sur un arbitrage. Par conséquent, c'est tout simplement un point de départ à la discussion qui tient compte à la fois de l'analyse que le gouvernement a faite de la valeur de l'entreprise et de changements qui auraient pu subvenir dans les actifs de cette entreprise, entre le moment où le gouvernement a fait son évaluation et le moment où la Société nationale de l'amiante prend possession desdits actifs.

Par conséquent, il s'agit d'une première position qui peut servir de base à la discussion en arbitrage. De toute évidence, ce n'est pas le gouvernement comme tel qui sera équipé de toute façon pour aller faire la vérification dans les usines en question afin de savoir s'il y a eu une variation importante des actifs. C'est la Société nationale de l'amiante; par conséquent, c'est un point de départ. Cela se défend très bien.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Marguerite-Bourgeoys;

M. Lalonde: M. le Président, c'est absolument incroyable. Le ministre au nom du gouvernement vient de donner un avis au tribunal d'arbitrage que l'offre en vertu de l'article 23 n'est pas sérieuse, c'est un point de départ. C'est seulement pour ouvrir les discussions.

M. Ciaccia: Cela peut être $1.

M. Lalonde: II me semble selon la loi d'expropriation jusqu'à maintenant que le législateur devrait traiter une telle question avec beaucoup plus de sérieux que cela. La loi de l'expropriation prévoit que l'expropriant ou l'expropriante des organismes, des sociétés d'Etat ou des régies, offre une indemnité, mais c'est censé être sérieux, censé être fondé sur le montant qu'il est prêt à payer sur une valeur qu'il a déterminée et non pas simplement des arrhes. Ce n'est pas un "down payment", comme on dit dans le langage de Shakespeare. J'espère que c'est plus sérieux que cela. Si c'est censé être sérieux, si c'est censé être la valeur qui est établie par la société nationale, il me semble qu'à ce moment-là le gouvernement devrait continuer à se mouiller. C'est lui, au fond, qui va être appelé à payer. Ce n'est quand même pas la société nationale seule avec son crédit qui va pouvoir financer ces acquisitions à moins que le ministre, au nom du gouvernement, ne s'engage à ce que les fonds publics ne soient pas du tout, mais pas du tout engagés dans cette transaction, c'est-à-dire que le gouvernement n'offrira pas sa garantie, ne sera pas appelé à garantir les emprunts que la Société nationale de l'amiante devra faire pour payer les actifs qu'elle achètera.

Si le ministre nous dit: Non, c'est entendu, jamais le gouvernement ne va être impliqué financièrement, à ce moment-là on va dire: C'est correct. On est moins concernés. La société nationale va financer cette acquisition comme toute autre société qui achète des actifs, va trouver un banquier accueillant et sympathique et va faire les emprunts nécessaires, lequel banquier va espérer être remboursé à même les profits que les actifs vont engendrer au cours des années. Si le ministre est prêt à nous dire que jamais le gouvernement ne va accepter de garantir les emprunts de la Société nationale de l'amiante, d'accord, à ce moment-là, M. le Président, on va fermer tout de suite l'article 24 et malgré ces incohérences, avec l'article 21, à ce moment-là on va passer à autre chose. Mais est-ce que le ministre est prêt à prendre cet engagement-là?

M. Bérubé: On vérifie un point de la loi 70.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: En attendant, j'aimerais attirer l'attention des membres de la commission sur le sens qu'on peut peut-être donner à l'article 23 qui dépasse de beaucoup, dans le fond, ce qui est apparent à première vue. Dans l'article 23, on parle de l'offre initiale, dans le fond, de l'indemnité offerte initialement. Quand on lit l'article 30, on se rend compte que l'offre initiale peut

amener deux conclusions. Elle peut nous amener dans le cas d'absence d'entente à un arbitrage et à ce moment-là l'explication que vient de donner le ministre à savoir que dans le fond cela n'a aucune importance quel montant est offert et que c'est finalement un juge de la Cour provinciale qui va décider combien cela va coûter. C'est un peu académique de se demander si c'est la société qui décide ou le gouvernement. De toute manière, c'est un tiers qui va déterminer en toute liberté. Alors, on peut offrir $1, on peut offrir $10 millions, $50 millions, $100 millions, il reste que la décision n'appartient pas à la société ni au gouvernement. Mais, il y a une autre circonstance possible, qui est envisagée par l'article 30. On dit: L'indemnité que doit payer la société est celle dont conviennent la société et le propriétaire antérieur. C'est seulement à défaut d'entente que l'indemnité est déterminée par un conseil d'arbitrage. Ce qui veut dire que la façon d'amorcer la négociation, c'est qu'il y a eu là une négociation entre le gouvernement et General Dynamics.

A un moment donné, le gouvernement dit: Nous, on arrête de négocier avec General Dynamics et on invoque la Loi d'expropriation, sauf que la Loi d'expropriation, comme telle, peut amener à une deuxième négociation. La deuxième négociation se déroule non pas entre le gouvernement et General Dynamics, mais entre la Société nationale de l'amiante et General Dynamics. A ce moment-là, évidemment, le gouvernement aurait bien pu dire qu'il ne paiera pas plus que $40 ou $42. Il peut avoir raison. Il peut sauver les apparences et dire: Ecoutez, finalement, on a payé $70, mais ce n'est pas nous qui avons payé $70. Cela, c'est une négociation à laquelle est partie la Société nationale de l'amiante. C'est une décision d'hommes d'affaires. C'est un peu comme l'implantation du siège social. Cela n'a rien à voir avec le Conseil des ministres. C'est une décision technique prise selon des critères purement de rentabilité et, effectivement, il a été décidé qu'il fallait payer $70.

Alors, s'ils ne sont pas présents au moment de l'offre, évidemment, ils ne peuvent pas continuer. Alors, l'article 23, si je comprends bien, ouvre la porte à une deuxième négociation qui pourrait produire n'importe quel résultat et dont le gouvernement pourra se laver les mains en disant: Ecoutez, là, c'est maintenant le conseil d'administration de la Société nationale de l'amiante qui décide. Il a jugé bon que l'offre gouvernementale n'était pas suffisante et que, pour obtenir un accord, il fallait l'accroître.

A ce moment-là, je comprends. Je pense que c'est une réaction limpide qui nous permet de voir qu'il y a autre chose là-dedans que simplement faire une offre qui déclenche un arbitrage. Il y a aussi le fait de faire une offre initiale dans une nouvelle négociation.

M. Lalonde: M. le député de Saint-Laurent, si vous permettez, M. le Président, j'ai justement une question...

Le Président (M. Bordeleau): Un instant, s'il vous plaît! M. le ministre m'avait demandé la parole, à moins que ce soit...

M. Lalonde: Vous ne pouvez pas répondre à ma question? Parce que je voulais poser la question au député de Saint-Laurent...

M. Forget: II reste encore du temps...

M. Lalonde: ... est-ce qu'il n'est pas d'accord que si le gouvernement s'engage à ne pas garantir les dettes de la Société nationale de l'amiante, à ce moment-là, l'intérêt devient moins grand pour nous autres...

M. Forget: Sans doute. Je suis tout à fait d'accord, mais...

M. Lalonde: C'est-à-dire qu'à ce moment-là, le risque du gouvernement sera simplement les montants investis comme capital-actions.

M. Forget: L'ennui, c'est que la Loi de l'amiante prévoit que c'est un agent de la couronne.

M. Bérubé: J'espère que vous avez tous le droit de parole, messieurs, je croyais que le président m'avait accordé le droit de parole.

M. Lalonde: On était en conciliabule. M. Forget: Oui, c'est ça.

Le Président (M. Bordeleau): En effet, j'avais reconnu M. le ministre, si vous permettez.

M. Bérubé: S'il n'y avait pas d'objection. Excusez-moi de déranger cet intéressant duo, d'ailleurs...

M. Forget: Nous, au moins, on a des réponses. Quand on se pose des questions l'un à l'autre, on se répond.

M. Bérubé: Deux violons, d'ailleurs, mal accordés, chacun évidemment formant des accords faux...

M. Lalonde: On attend le trombone.

M. Bérubé: ... dissonants et assez désagréables à l'oreille. Enfin, après cet exercice de style assez vide de sens, je pense que...

M. Forget: Oui, c'est vrai, vous le reconnaissez.

M. Bérubé: ... je vais vous ramener tout simplement à la loi 70, c'est-à-dire au projet de loi no 70, qui est la Loi constituant la Société nationale de l'amiante, et vous référer à l'article 16 de ladite loi, qui dit que la société ne peut, sans l'autorisation du gouvernement, sous réserve des exceptions et conditions prévues par règlements du gouvernement, acquérir des entreprises poursui-

vant les mêmes fins ou des fins similaires ou des actions formant le fonds social de pareilles entreprises.

En d'autres termes...

M. Ciaccia: ... le gouvernement...

M. Bérubé: ... si vous me permettez, M. le député de Mont-Royal-Mi. Ciaccia: Non... M. Bérubé: En d'autres termes...

Le Président (M. Bordeleau): Vous avez la parole, M. le ministre.

M. Bérubé: Oui. En d'autres termes, M. le Président, aucune proposition pouvant être faite par la Société nationale de l'amiante ne peut être faite évidemment sans l'autorisation du gouvernement, tel que le prévoit la loi constitutive de la Société nationale de l'amiante, ce qui fait que toute cette gymnastique sur une corde raide n'a finalement entraîné qu'un petit cassage de gueules de la part de l'Opposition puisque, à nouveau, on n'a finalement que peu fait évoluer le dossier.

M. Forget: Non, parce qu'il y a une différence...

M. Lalonde: Cela ne répond pas à ma question. Autoriser la société...

Le Président (M. Bordeleau): A l'ordre!

M. Lalonde: ... à acheter, c'est une chose. Mais garantir les dettes, c'est une autre chose.

M. Grégoire: Soyez donc polis!

M. Lalonde: Non...

M. Forget: On est très poli.

M. Grégoire: Laissez donc le droit de parole à ceux qui l'ont.

M. Bérubé: Donc, M. le Président, essentiellement, ce qu'il faut dire...

M. Lalonde: II ne nous provoque pas, au moins.

M. Bérubé: ... c'est que le gouvernement prend la décision d'exproprier dès l'avis d'expropriation. La Société nationale de l'amiante prend le contrôle des opérations de la société Asbestos et doit, dans les 30 jours, signifier un avis d'indemnisation à la société Asbestos.

M. Forget: Et peut ensuite négocier.

M. Bérubé: A une condition, c'est que le gouvernement l'y autorise, aux conditions qu'il jugera bon.

M. Forget: Elle est autorisée par la loi. Est-ce qu'elle n'est pas autorisée de façon permanente par la loi à négocier? Qu'est-ce qui l'en empêche? (20 h 45)

M. Bérubé: C'est qu'elle ne peut, sans l'autorisation du gouvernement, acquérir des entreprises poursuivant les mêmes fins.

M. Forget: Oui, mais ça, c'est à la fin de la négociation. Le gouvernement intervient pour ratifier un fait accompli, une négociation qui s'est déroulée, mais elle n'a pas besoin d'une autorisation préalable.

M. Brochu: C'est dans les prévisions de la loi 70.

M. Forget: La loi 70 ne dit pas qu'elle doit préalablement recevoir un mandat de négociation, elle dit que doit être approuvée une acquisition. L'acquisition se fait à la fin de la négociation, une fois que tout est réglé, on signe les actes de vente.

M. Bérubé: M. le Président, l'Opposition patine sur de la glace épouvantablement mince et je préfère ne pas la suivre. D'ailleurs elle va être conseillée...

M. Lalonde: Vous allez voir, il va nous répondre!

M. Bérubé: ... d'ailleurs par le député de Laval.

M. Lavoie: Ce serait superflu!

M. Bérubé: Je pense qu'elle en a désespérément besoin, elle est effectivement à court d'arguments, on cherche présentement la punaise avec un microscope qui devrait grossir au moins 1000 fois. Par conséquent, j'ai énormément de difficulté à suivre la punaise suivie par les libéraux.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors...

M. Forget: La punaise, c'est la possibilité, pour la société, de s'engager dans une deuxième négociation, une fois que le gouvernement aura décidé qu'il n'y a pas de négociation possible et qu'il faut exproprier.

Malgré tout, votre loi permet de s'engager dans une deuxième négociation, après ce constat d'échec. Expliquez-nous ça; c'est une punaise d'une moyenne grandeur? A l'article 30, on dit qu'il y a une adjudication par le tribunal, seulement si les parties ne s'entendent pas. Or, les parties dont il est question n'existent qu'à partir du moment où il y a un avis d'expropriation, parce que la société n'est nulle part, actuellement, dans la négociation, sauf à titre de conseiller, mais, légalement, elle n'est nulle part, elle ne devient partie à la négociation qu'après l'avis d'expropriation, il y a donc une deuxième négociation qui est envisagée. Si le ministre nous donne l'assurance qu'il n'y en aura pas, tant mieux.

M. Grégoire: Pas à l'article 23, M. le Président, à l'article 30.

Le Président (M. Laplante): A l'ordre, M. le député de Frontenac!

M. Forget: A l'article 23, c'est là qu'on amorce une deuxième négociation. Je demande au ministre de nous donner l'assurance qu'il n'y aura pas une deuxième négociation, c'est tout.

M. Bérubé: M. le Président, je crois que le député de Saint-Laurent a raison, c'est une punaise, c'est une punaise dite libérale d'ailleurs, en termes bien connus, c'est une punaise dite "de sacristie".

M. Forget: Pourquoi, M. le ministre, vous acharnez-vous à faire durer un débat? Dites-nous, oui ou non, qu'il y aura une deuxième négociation et on va passer à autre chose. Qu'est-ce que c'est que cette cachette?

M. Lalonde: Oui, au lieu de faire des blagues; c'est sérieux ça.

M. Forget: Est-ce que vous savez au moins la réponse à la question?

M. Bérubé: L'article de loi est absolument explicite. Il indique clairement que la Société nationale de l'amiante va faire une proposition d'indemnisation, dans la mesure où tous les actifs qui ont fait l'objet de la négociation, jusqu'à maintenant, entre le gouvernement et General Dynamics, ne seront pas nécessairement inclus à l'intérieur de la négociation qui peut avoir lieu, c'est bien évident, d'ailleurs, l'article de loi est absolument explicite, vous vous êtes vous-même référé à l'article 30, c'est clair depuis le début que l'indemnité que doit payer la société à l'article 30 est celle dont conviennent la société et le propriétaire antérieur, à défaut d'entente, l'indemnité est déterminée par un conseil d'arbitrage.

Il va de soi que s'il manque un camion dans l'ensemble de l'opération minière et qu'on décide de soustraire $30 000 du prix, ça peut se négocier et, à ce moment-là, la Société nationale de l'amiante, qui a en main les actifs, peut faire une proposition, seulement, elle ne peut pas le faire sans l'autorisation du gouvernement. C'est tout.

M. Forget: Ce que vous nous dites est important, ce n'est pas une punaise. Vous nous dites que l'offre que fera la Société nationale de l'amiante, dans le contexte de l'article 23, sera, dans le fond, identique à la meilleure offre ou à l'offre finale qu'aura faite le gouvernement dans ses propres négociations, qu'elle ne reprendra pas, autrement dit, la négociation dans un autre contexte en disant: On recommence, on est prêt à faire une autre offre soit sur les mêmes biens qui sont l'objet de la négociation — on ne sait pas encore lesquels, remarquez, M. le Président, parce que le ministre n'a pas précisé ça non plus — ou en disant: Ecoutez, le gouvernement a négocié avec vous pour l'achat à la fois de Thetford Mines et du Nouveau-Québec, de l'Ungava, nous, on va négocier seulement pour Thetford Mines et on vous fait une offre d'indemnité basée seulement sur l'objet réduit. C'est ce qu'on veut savoir. Est-ce qu'on s'engage dans un nouveau processus de négociation, avec peut-être un objet différent et donc une indemnité différente, ou s'il s'agit, pour la Société nationale de l'amiante, de reproduire la dernière offre gouvernementale et d'attendre pour voir si la société General Dynamics a changé d'idée dans l'intérim? C'est quand même d'intérêt public de poser cette question, parce que si vous répondez oui à la question et qu'on recommence le processus, peut-être avec un nouvel objet défini différemment, ce n'est pas en juin ou en juillet de cette année que va avoir lieu l'expropriation pour vrai, elle peut avoir très bien lieu en juin et juillet 1980. Je pense que vous êtes conscients de cela.

M. Grégoire: M. le Président, je me demande si le député de Saint-Laurent est au courant des affaires courantes, des affaires qui se mènent, mais je vais donner un exemple au député de Saint-Laurent. On offre d'acheter de gré à gré l'Asbestos Corporation. Au moment où on fait l'offre, il y a un "cash flow" de X. Voilà qu'entre le moment où l'offre de gré à gré d'achat a été faite au mois d'octobre 1977, après coup, une compagnie d'assurances verse $21 millions à l'Asbestos Corporation pour un incendie qui avait eu lieu en 1975 à l'usine de la King Beaver. Est-ce que les $21 millions sont encore dans le "cash flow"? Est-ce qu'il est toujours prévu? M. le Président, est-ce que j'ai interrompu le député de Saint-Laurent? Bon, laissez-moi finir.

M. Forget: Est-ce que vous me posez une question?

M. Grégoire: Non.

M. Forget: Ah bon! Je pensais que vous me posiez une question, je suis désolé. Cela avait l'air d'une question.

M. Grégoire: Je pose la question de la façon qu'on doit se la poser. On se pose la question, alors. Est-ce que les $21 millions auront été distribués entre les actionnaires, tel que cela a pu être mentionné? Et, tel que cela a été mentionné, ou est-ce qu'ils seraient encore dans le "cash flow"? Est-ce qu'il y aura eu des terrains vendus depuis ce temps-là, entre autres les terrains situés dans le canton de Bécancour, comme on dit qu'ils ont été vendus? Et, à ce moment-là, évidemment que les négociations recommencent sur les actifs, le "cash flow", et les choses de l'Asbestos Corporation au moment où l'avis d'expropriation est donné. C'est parfaitement normal, et si le député de Saint-Laurent ne comprend pas ça...

M. Lalonde: Est-ce que le député pense que vous allez exproprier un "cash flow"? N'oubliez

pas que si vous n'achetez pas les actions, vous allez acheter les actifs, les "fixed assets" qu'on appelle...

M. Grégoire: Non, mais ça doit faire longtemps que le député de Notre-Dame-de-Grâce, pardon de Marguerite-Bourgeoys, n'a pas été dans ça...

Le Président (M. Bordeleau): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre!

M. Lalonde: J'ai été là beaucoup plus longtemps que vous.

M. Grégoire: ... quand vous expropriez, au moment où vous donnez l'avis, ce n'est pas nécessairement...

M. Lalonde: ...

M. Grégoire: ... le "cash flow" que vous expropriez, vous expropriez les actifs, mais dans les actifs, il y a le "cash flow".

M. Lalonde: Bien non.

M. Grégoire: Si le député de Marguerite-Bourgeoys ne comprend pas ça...

M. Lalonde: Voyons donc! M. Grégoire: Comment?

M. Lalonde: Vous ne pouvez pas exproprier un compte de banque quand même.

M. Forget: Vous allez changer quatre pièces de $0.25 pour $1, comme dit votre collègue.

M. Grégoire: Quand vous expropriez les actifs, ce qui est contenu dans les entrepôts ne fait pas partie des actifs que vous expropriez.

M. Forget: Vous n'allez pas faire une offre pour le compte de banque?

M. Lalonde: Oui, l'entrepôt, mais pas le compte de banque.

M. Bérubé: M. le Président. M. Grégoire: Voyons donc! M. Bérubé: ... j'ai écouté...

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que M. le député de Frontenac a terminé? Oui?

M. Bérubé: ... soigneusement le député de Saint-Laurent. Je pense que la réponse à la question qu'il a posée, c'est oui.

M. Forget: II y a une autre négociation?

M. Bérubé: Je n'ai pas dit qu'il y avait une autre négociation, mais...

M. Forget: Ah bon! C'est oui ou c'est non.

M. Bérubé: ... la loi telle que rédigée permet une autre négociation.

Une Voix: M. le Président...

M. Forget: Ce n'est pas ma question. Je n'ai pas demandé si la loi telle que rédigée en permet une. Je le sais, je suis capable de lire le français moi aussi.

M. Bérubé: Bon, parlez-moi de ça, parce que...

M. Forget: Le ministre est membre du gouvernement, j'imagine qu'il passe au Conseil des ministres de temps à autre, il prend des décisions. C'est vraiment incroyable, on dirait qu'il vient de Sirius. Est-ce que, comme ministre du gouvernement qui se prépare à exproprier ces actifs, il peut nous dire si, oui ou non, il envisage que la société va recommencer la négociation à son propre compte, tel qu'elle pourrait le faire en faisant une autre offre, un offre différente? Il m'a parlé d'un camion qui manquerait, et l'autre d'un terrain au coin d'une rue. Ce n'est pas vraiment ça. Si la société General Dynamics refuse une offre de $110 millions, ce n'est pas parce qu'il manque un camion que la négociation va reprendre. Substantiellement, est-ce qu'on envisage de repenser une espèce de novation de tout le processus de négociation, peut-être en le faisant porter sur un autre objet ou, alors, c'est un secret d'Etat. Je m'excuse de le demander, c'est un secret d'Etat. On va passer une loi, mais il ne faut surtout pas poser de question, parce que c'est un grand secret, on ne peut pas savoir si la négociation va recommencer. Est-ce que ce sera exproprié en juillet prochain ou en juillet de quelle année? Si vous commencez une autre négociation, il y en a une qui n'est pas finie et qui a duré un an. Si vous en commencez une deuxième, ça va encore durer un an présumément.

M. Grégoire: On l'aura à ce moment-là. M. Forget: Ah bon! c'est un secret d'Etat.

M. Bérubé: Non.

M. Grégoire: C'est la question qui n'a pas de bon sens.

M. Ciaccia: M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): A l'ordre s'il vous plaît! J'ai reconnu M. le député de Mont-Royal.

M. Grégoire: C'est la question qui n'a pas de bon sens, c'est bien évident.

M. Ciaccia: M. le Président. M. Lalonde: C'est épouvantable.

M. Grégoire: Le député de Saint-Laurent devrait retourner faire ses études.

Le Président (M. Bordeleau): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Frontenac, s'il vous plaît!

M. Forget: Le fer dans la plaie...

M. Lalonde: II tourne le fer dans la plaie...

M. Grégoire: Je comprends pourquoi le peuple l'a battu à la dernière élection.

M. Forget: Non, mon cher, il ne m'a pas battu, la preuve c'est que je suis ici.

M. Grégoire: Cela a été la cause principale de la défaite de son gouvernement à part ça, et il le sait.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Frontenac, s'il vous plaît! M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président...

M. Bérubé: On oscille entre l'impertinence et l'arrogance, d'après ce que je peux voir.

M. Ciaccia: ... le ministre vient de nous montrer par un autre exemple comment un article de ce projet de loi peut être interprété et sera sûrement interprété par les avocats de General Dynamics en faveur de General Dynamics. Dans l'explication qu'il a donnée au début — quand le député de Marguerite-Bourgeoys le lui a demandé — la société va transmettre une déclaration indiquant le montant de l'indemnité, l'explication que le ministre a donnée, ça peut être une indemnité de $1, ça peut être n'importe quel montant.

M. Lalonde: Un point de départ.

M. Ciaccia: C'est un point de départ. Non seulement un point de départ, mais c'est contraire à toute procédure d'expropriation quand l'offre initiale d'expropriation est une offre sérieuse. Alors, quand elle n'est pas acceptée par l'autre partie, vous allez devant un conseil d'arbitrage, vous faites face à une offre sérieuse et l'autre partie ne peut pas accuser le gouvernement de dire: Ecoutez, on va mettre de côté totalement cette offre du gouvernement, elle n'est pas sérieuse. Mais c'est exactement comme cela que ça peut être interprété. On va faire sortir le journal des Débats pour trouver les paroles du ministre et n'importe quelle offre que la société va donner, la réponse de General Dynamics va être: Ecoutez, le ministre, le 6 juin 1979, a dit telle ou telle chose.

M. Lalonde: C'est un point de départ.

M. Ciaccia: II faut totalement mettre ça de côté. Ce n'est pas une offre sérieuse. C'est un point de départ, ce n'est même pas quelque chose qui est près de la valeur que le gouvernement considère pour ça. C'est ce qu'il vient de nous dire.

M. Lalonde: C'est un point de départ.

M. Ciaccia: Ecoutez, quand le ministre parle...

M. Grégoire: Vous n'avez rien compris.

M. Ciaccia: Ces gens de l'autre côté ne semblent pas réaliser que, quand ils font des déclarations, c'est enregistré...

M. Grégoire: Je vous sens plutôt les avocats de General Dynamics. Je vous sens prendre le parti de General Dynamics.

M. Ciaccia: Est-ce que j'ai le droit de parole, M. le Président?

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le député de Mont-Royal, vous avez la parole.

M. Lalonde: N'interrompez pas.

M. Ciaccia: Je ne dirais pas même...

M. Bérubé: Vous avez la parole, vous pouvez la garder.

M. Ciaccia: ... que c'est l'interprétation du député de Frontenac, sans manquer de respect au député de Frontenac, ce n'est pas le ministre. Ce serait difficile pour l'avocat de General Dynamics de dire... mais il va citer un ministre de la couronne, un ministre du gouvernement, qui a donné son interprétation à savoir comment ça peut se dérouler. Et ça va être utilisé par General Dynamics, sûrement, contre les intérêts du gouvernement, contre les intérêts du Québec.

M. Grégoire: Cela fait votre affaire, ça.

M. Ciaccia: On essaie de vous montrer comment... Non, ça ne fait pas notre affaire. M. le Président...

M. Grégoire: Oui, la caisse va grossir.

M. Ciaccia: ... je suis écoeuré de ces accusations, on travaille, chaque fois qu'on essaie de bonifier quelque chose, on fait des suggestions, ils nous accusent... Ce sont eux qui travaillent pour General Dynamics.

M. Grégoire: C'est vous qui le laissez entendre, vous travaillez pour General Dynamics.

M. Ciaccia: On vous dit comment spécifier, comment bonifier le projet de loi...

M. Grégoire: Votre chef nous l'a dit cet après-midi.

M. Ciaccia: Vous nous accusez d'être impolis, M. le député de Frontenac, franchement... vous êtes non seulement impoli, mais insultant.

M. Lalonde: Vous nous imputez des motifs qui ne sont pas acceptables. Je pense que le règlement ne le permet pas.

M. Grégoire: La vérité choque.

M. Lalonde: Quand même, M. le Président...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Pour revenir au point que je voulais faire, M. le Président, c'est que, si l'article 23 est laissé tel quel, ça va travailler, ça va oeuvrer, ça va être interprété en faveur de General Dynamics et ça peut seulement mal servir les intérêts du gouvernement qui va vouloir exproprier. C'est simple comme ça.

Le Président (M. Bordeleau): Pas d'autre demande de droit de parole? Est-ce qu'on peut adopter l'article 23?

M. Lalonde: M. le Président, simplement une autre question, parce que j'essaie de trouver des cohérences.

Le Président (M. Bordeleau): Le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: On parle, à l'article 21, du fait que les biens d'une filiale contrôlée sont réputés appartenir à la société Asbestos. On fait l'offre à tout le monde. Est-ce qu'on peut nous expliquer, parce qu'on parle du propriétaire antérieur, ça veut donc dire qu'il peut y en avoir plusieurs, d'ailleurs, avec les filiales, il n'y a aucun doute que non seulement des actifs de société Asbestos, mais aussi des actifs de filiales contrôlées de la société Asbestos pourront être inclus dans la description des biens expropriés. Chaque point d'actif va porter un prix, j'imagine, va être évalué, mais c'est étrange, que d'une part, on dise que c'est une construction de l'esprit, je l'admets, pour les fins de la loi, tous les biens des filiales contrôlées sont censés appartenir à la société Asbestos. (21 heures)

Mais, d'un autre côté, on fait l'offre d'indemnité aux propriétaires antérieurs. Cela peut donc être plusieurs propriétaires. Est-ce qu'on peut m'expliquer la cohérence là-dedans?

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que vous avez terminé, M. le député de Marguerite-Bourgeoys? M. le ministre.

M. Bérubé: Oui. C'est vrai que tous les biens appartenant tant à la société Asbestos qu'à ses filiales sont réputés n'appartenir qu'à la société Asbestos, mais en autant que certains articles de la loi sont concernés. En d'autres termes, si nous revenons à l'article précédent, c'est aux fins des articles 23, et 29 à 54.

M. Lalonde: Nous sommes à l'article 23.

M. Bérubé: Aux fins de l'article 23, cela signifie que la société transmet à la société Asbestos qui se trouve à agir comme propriétaire, en l'occurrence, de tous les biens des filiales qu'elle contrôle, aux fins de l'article 23.

M. Lalonde: Pour être bien sûr d'avoir compris le ministre, il vient de dire que la Société nationale de l'amiante transmet à la société Asbestos la déclaration indiquant le montant d'indemnité. C'est ce que vient de dire le ministre?

M. Bérubé: Ses biens à elle et les biens de ses filiales.

M. Lalonde: C'est vrai? C'est ce que vous venez de dire.

M. Bérubé: Oui.

M. Lalonde: Vous n'allez pas vous dédire tout à l'heure? Voulez-vous relire maintenant l'article 23? "La société transmet aux propriétaires en place..." Pourquoi ne pas dire à la société Asbestos, à ce moment-là? Si vous n'employez pas la société Asbestos, cela veut dire que la Société nationale de l'amiante devra transmettre à chacun des propriétaires antérieurs une déclaration indiquant le montant d'indemnité, dans chaque cas.

M. Bérubé: On pourrait, puisque l'article 22 disait qu'un bien appartenant à une corporation quelconque est réputé appartenir à la société Asbestos. A partir du moment où un bien...

M. Lalonde: Cela va éviter toutes les ambiguïtés que vous allez laisser dans la loi. Vous le savez, quand quelqu'un ne veut pas se faire acheter, il peut recourir aux tribunaux pour faire annuler votre avis, pour faire annuler votre déclaration, tout cela. Mettez-le donc et faites donc une loi qui a du bon sens.

M. Bérubé: Le projet de loi est clair. Je ne vois pas l'intérêt.

M. Lalonde: Vous vous souviendrez de cela. C'est écrit, ce que vous dites. Je vous enverrai une copie de vos propres déclarations si jamais il y a des contestations en cour, là-dessus.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'article 23?

M. Forget: Sur division.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Adopté sur division. J'appelle le paragraphe 24 de

l'article 1. M. le ministre, est-ce que vous avez quelque chose à dire sur le paragraphe 24?

M. Bérubé: Non. Le paragraphe 24 fait simplement indiquer que dès la signification de l'avis d'expropriation, c'est la Société nationale de l'amiante qui devient propriétaire des biens. Et on m'indique qu'à ce moment-là, ces propriétés doivent être enregistrées au bureau d'enregistrement, tant pour les propriétés immobilières que pour les propriétés minières.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: II y a premièrement une règle qui s'applique en cas d'expropriation. Etant donné qu'il y a une prise de possession immédiate, cela se retrouve, de façon générale, dans la Loi d'expropriation. Il y a prise de possession immédiate, sauf une possibilité d'exception prévue un peu plus loin, où la société pourrait dire qu'il y aurait un dommage irréparable qui serait fait s'il y avait une prise de possession immédiate — on pourrait revenir à cela tout à l'heure — mais supposons que cette objection ne soit pas faite ou qu'elle ne soit pas retenue par la cour, il y a prise de possession immédiate. Ceci veut dire que le lendemain de l'avis, à toutes fins pratiques, la Société nationale de l'amiante devient administratrice de la mine de Thetford Mines, par exemple. Les employés de la société Asbestos, au moins ceux qui sont affectés directement à la production de fibres, deviennent les employés de la Société nationale de l'amiante.

Dans un contexte comme celui-là, il serait normal que, pour démontrer le sérieux de l'offre d'indemnité, pour démontrer qu'elle n'est pas faite seulement pour lancer un autre processus de négociation, pour donner de la crédibilité à l'offre qui est faite de manière à augmenter son poids devant le tribunal d'arbitrage que la même règle qui s'applique normalement en cas d'expropriation, s'applique dans ce cas, c'est-à-dire que la société qui devient propriétaire fait un dépôt judiciaire d'une certaine proportion de la somme offerte comme indemnité, et si celui qui est exproprié accepte le montant de l'indemnité, il peut immédiatement toucher cette partie.

Ceci serait approprié, non seulement parce que ça pourrait donner du poids et un peu plus de crédibilité à l'offre d'indemnité, mais cela pourrait peut-être favoriser, dans le fond, l'argumentation gouvernementale devant le conseil d'arbitrage qui penserait alors: Voici quelque chose qui n'a pas été fait à la légère. C'est une véritable offre sérieuse...

M. Lalonde: ... y a-t-il moyen d'écouter. Il y a quelque chose...

M. Forget: ... et on a déjà fait un dépôt judiciaire qui démontre que nous sommes prêts à nous exécuter. De toute manière, comme il y a un avantage immédiat, c'est-à-dire la prise de posses- sion immédiate, qu'il y ait un paiement immédiat au moins d'une partie, pas nécessairement de la totalité, parce qu'il peut y avoir intérêt à retenir une certaine partie de la somme pour s'assurer que l'autre partie, l'exproprié accomplit toutes ses obligations, délivre les titres, fournit les preuves de droits de propriété, etc., livre l'inventaire complet de l'équipement, etc. Donc, il peut y avoir intérêt à retenir une partie de la somme de manière à ce qu'on puisse faire un état complet de la situation.

Mais il me semble que ce serait plus normal et, sur le plan de la réputation du Québec, il reste quand même un fait, c'est qu'une fois qu'on s'est assuré qu'on paie le moins cher possible — c'est certainement l'intérêt primordial du Québec de payer le moins cher possible — il faut également s'assurer que dans tout ceci, le Québec n'ait pas l'allure, ne donne pas à sa démarche une allure inutilement agressive. Cela pourrait préjudicier les intérêts du Québec dans d'autres opérations, les opérations de financement à l'étranger, etc., et les milieux financiers, normalement, considéreraient normal d'assortir la prise de possession immédiate avec un dépôt judiciaire, par exemple, de 70% de l'indemnité. C'est la règle normale dans notre droit, de toute façon.

Dans la loi de l'expropriation, si le ministère de la Voirie, ou enfin, des Transports maintenant, exproprie des terres pour les fins d'une route, il va faire une offre, il va s'emparer de la terre, il va commencer sa construction le lendemain, s'il le veut, mais il va faire un dépôt judiciaire. Il va y avoir un certain quiproquo.

M. le Président, je vous distribue le texte d'un amendement à cet effet: que le premier alinéa du paragraphe 24, l'article 1, soit modifié, en remplaçant dans la première ligne les mots "dès" par le mot "après" et en ajoutant dans la deuxième ligne, après le mot "expropriation", les mots "et dès que la société a versé à l'exproprié ou pour le compte de celui-ci au greffe de la Cour supérieure, une indemnité provisionnelle dont le montant doit être au moins égal à 70% de l'offre de l'expropriant, prévu à l'article 23.

Alors l'alinéa amendé se lirait comme suit: "La société devient propriétaire des biens après la signification de l'avis de l'expropriation et dès que la société a versé à l'exproprié pour le compte de celui-ci, au greffe de la Cour supérieure, une indemnité provisionnelle dont le montant doit être au moins égal à 70% de l'offre de l'expropriant, tel que prévu à l'article 23."

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je déclare la motion recevable.

M. Lalonde: Lisez l'article 48 de la Loi de l'expropriation. Cela se trouve là-dedans, l'évaluation municipale; mais il y a des actifs qui ne sont pas évalués municipalement, je veux dire l'inventaire et tout ça.

M. Forget: Cela peut être un montant, dans le fond, plus faible que l'évaluation municipale. Cela dépend du sérieux de l'offre.

M. Lalonde: Mais, de toute manière, on ne veut pas revenir à un argument circulaire. On a présenté cet argument plus tôt. Mais si l'offre est sérieuse, le paiement, le versement d'une...

M. Grégoire: Une question de règlement, M. le Président. J'admets que vous avez déclaré la motion recevable, mais est-ce que je peux vous faire remarquer une chose: dès qu'il s'agit de verser de l'argent ou de payer, que l'Opposition ne peut jamais présenter une motion impliquant des versements d'argent; même pas un député du côté du pouvoir n'est autorisé à présenter une motion impliquant des paiements ou des versements; seul un ministre ou le ministre des Finances peut le faire.

M. Forget: Sur ce point de règlement, j'aurais une intervention.

M. Grégoire: Oui, c'est un règlement reconnu, une norme reconnue par tous, dès que cela implique un versement ou un paiement d'argent. Je ne sais pas trop quel article du règlement, mais si vous regardez, vous allez le trouver.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, je connais l'article. Je l'ai déjà invoqué comme membre d'une commission, avec insuccès d'ailleurs. M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, je reconnais... M. Bérubé: Oui, mais la présidence varie. M. Lalonde: Insuccès ou un certain succès?

M. Forget: Je reconnais le principe en vertu duquel seuls les membres du Conseil des ministres peuvent présenter des motions qui ont pour effet de susciter des dépenses publiques, effectivement, parce que le contrôle du budget revient à l'exécutif et que les membres de l'Assemblée nationale comme telle, même s'ils sont du côté ministériel, pourvu qu'ils ne soient pas ministres, ne sont pas en mesure de proposer des dépenses nouvelles. La loi prévoit déjà le paiement d'une indemnité. Ce n'est rien de nouveau. C'est déjà dans la loi. C'est comme si la loi disait: Les paiements doivent être faits un mercredi, et qu'on faisait un amendement pour proposer qu'ils devraient être faits un jeudi. Je pense qu'il n'y aurait rien là qui pourrait susciter une objection de forme quant à la recevabilité. C'est à peu près la même chose. Si le gouvernement offre une indemnité, c'est sûr qu'elle va être payée un jour. Le seul problème est de savoir quand.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Laurent, je pense que j'allais justement soulever l'argument que vous avez vous-même soulevé. Effectivement, dans l'article 23, on admet déjà le paiement d'une indemnité. Tout ce que vient ajouter l'article en question, c'est de faire, au moment de l'offre, un paiement qui est déjà prévu à l'article 23, un simple dépôt, un versement, un acompte. C'est recevable, et précisément, en vertu de ce qui a été invoqué par le député de Saint-Laurent que je m'apprêtais à invoquer avant même qu'il ne le fasse, je m'en fais le témoin et je demande donc la discussion sur la motion d'amendement.

M. Bérubé: Evidemment, ce sera non. Maintenant, il faut trouver des bonnes raisons. J'ai au moins deux raisons que je pourrais invoquer.

M. Lalonde: Apparemment, vous ne voulez pas, vous n'êtes pas d'accord.

M. Bérubé: La première raison est effectivement juste. La deuxième, c'est que je ne suis pas d'accord pour au moins deux raisons. On m'en suggère une troisième... Enfin, elle est possible.

La première raison, c'est que dans le cas présent le gouvernement ou la Société nationale de l'amiante assume les dettes de l'entreprise. En effet, une bonne partie des actifs de toute entreprise en exploitation est financée par le biais d'une dette importante. En prenant ces actifs, le gouvernement assume les dettes, les créances qui y sont reliées. De ce fait, il devient donc dangereux de verser à l'entreprise un montant sans tenir compte des dettes qui y seraient reliées. Donc, première difficulté: On ne peut donc pas, a priori, dire que l'on doit payer 75%, 80% ou 50% de la valeur des actifs, compte tenu que la valeur des créances n'est pas connue, d'autant plus que cet aspect de dette à long terme peut évidemment varier continuellement, puisque l'entreprise demeure en pleine possession de ses usines, mais elle peut modifier son rapport dette-équité continuellement, et par conséquent, il nous faudra prendre possession d'une entreprise à un moment déterminé avec un niveau de dette sur lequel nous n'avons pas de contrôle. (21 h 15)

Donc, premier problème, c'est la prise en charge des créances par le gouvernement ou par la Société nationale de l'amiante, qui nous oblige à tenir compte des dettes pour le paiement à la société. Deuxièmement, dans un autre article, on verra que le gouvernement paie rétroactivement, à la date de prise de possession, l'intérêt sur les sommes ainsi dues à l'entreprise. Par conséquent, que l'on paie en un seul montant ou que l'on paie une rente associée à la valeur capitalisée des actifs, cela m'apparaît être exactement une seule et même chose et, par conséquent, cela montre la bonne foi du gouvernement et indique en même temps qu'il est un bon payeur. On me souligne un troisième argument qui est relié, cette fois-ci, à une mauvaise rédaction de l'amendement proposé par l'Opposition libérale. Je n'en blâme pas le député de Saint-Laurent, je pense qu'il pourra toujours gronder son recherchiste ce soir ou demain matin, mais il est indiqué dans cet amendement que la société devient propriétaire des biens après la signification de l'avis d'expropriation, et elle devient propriétaire dès que la société

a versé à l'exproprié ou pour le compte de celui-ci au greffe de la Cour supérieure. Comme notre société prend possession immédiatement des biens, mais qu'elle a 30 jours pour indiquer au moins un montant d'indemnité, cela voudrait donc dire que la société deviendrait propriétaire deux fois. Peut-être que les députés de l'Opposition pourraient arriver à démêler cet incongruité et tenter d'expliquer ce qui se passe.

M. Forget: II n'y a pas d'incongruité, après la signification, et dès le paiement, c'est assez clair. M. le Président, relativement aux arguments utilisés par le ministre, il y a deux remarques qui me viennent immédiatement à l'esprit, c'est que, premièrement il dit: II n'y a pas besoin de verser une avance sur l'indemnité parce qu'on prend charge de toutes les dettes. Je pense qu'il se rendra compte, quand on sera en présence du ministre des Finances, à cet article, que nous avons un certain nombre de reproches à lui faire quant à la façon extrêmement vague, généreuse, et même assez peu prudente avec laquelle il prend charge de toutes les dettes. Ce n'est certainement pas la façon dont on procéderait. On aura des amendements spécifiques là-dessus. Quoi qu'il en soit, pour ce qui est des dettes, il demeure qu'à sa face même, et même tenant compte du caractère très vague que le gouvernement entend prendre vis-à-vis des dettes et de l'engagement, encore une fois, qu'on juge imprudent, il demeure une question: Qu'est-ce que cela veut dire, concrètement, que d'assumer les dettes à court terme? Dans le court terme, la Société nationale de l'amiante prend une mine qui fonctionne; elle assume donc des dettes à long terme, bien sûr, dettes qui ne sont pas dues avant l'expiration de douze mois. Donc, cela ne veut strictement rien dire. On a des dettes qui seront exigibles, mais qui ne sont pas exigibles dans l'immédiat et qui, d'ailleurs, sont remarquablement faibles par rapport à la valeur totale des actifs, dans le cas de la société Asbestos. C'est un ratio de dettes à acquitter qui est remarquablement bas, je pense que c'est explicable pour des raisons historiques, etc., mais il reste que c'est un fait. Donc, les dettes à long terme sont très modestes et ne constituent pas une obligation que le gouvernement doit rencontrer rapidement. D'ailleurs, je regarde, dans les états financiers, à la note 6, pour ce qui est des dettes à long terme, et on se rend compte que $13 millions de la dette à long terme ne sont dus qu'en 1990.

M. Grégoire: Mais ils sont dus.

M. Forget: Oui, mais en 1990. Alors, vous avez le temps de régler l'arbitrage d'ici ce temps-là avec un peu de chance. Cela va peut-être vous prendre cela, mais avec un peu de chance, en 1990, cela devrait être liquidé de part et d'autre.

M. Bérubé: On n'est pas pressé.

M. Forget: II reste donc les dettes à court terme. Les dettes à court terme ne sont pas prises isolément. Ce n'est pas un cadeau que la Société nationale de l'amiante fait à la société Asbestos en prenant les dettes à court terme, parce que quand on parle des dettes à court terme, il faut aussi regarder les actifs à court terme. Quand on regarde la balance des actifs à court terme et des dettes à court terme, on se rend compte que ce n'est pas du tout le prépaiement d'une indemnité dont il est question.

Regardons encore une fois le bilan financier au 31 décembre 1978. On se rend compte que les actifs à court terme se chiffrent à $116 millions. Il y a là-dessus des comptes en banque pour un peu plus de $1 million, il y a des comptes à recevoir pour presque $49 millions, il y a des inventaires, c'est-à-dire des stocks de fibre, des stocks de minerai en différents stades de traitement, et il y a des impôts payés d'avance, etc. Tout ceci se chiffre à $116 millions. Donc, on prend tout ça en même temps que les actifs physiques parce que les inventaires, les comptes à recevoir, ça se suit, cela suit la propriété des actifs physiques. On prend, bien sûr, des dettes à court terme. Mais des dettes à court terme, au total, y compris un emprunt à la banque, y compris des comptes payables et des comptes qui sont accrus, mais non pas exigibles immédiatement, il y en a pour $27 millions, au total, il y a $47 millions de passif, à court terme. $47 millions de passif à court terme, et on met la main sur $116 millions d'actif à court terme. L'opération est loin d'être déficitaire, à l'intérieur d'une année, la soi-disant avance sur l'indemnité, c'est en fait un profit net, seulement sur une base de court terme, de $116 millions, moins $47 millions, si je sais compter, c'est un surplus de $70 millions. On met la main sur $70 millions et le ministre dit: Vous voyez, on n'a pas besoin de payer une avance sur l'indemnité, on assume leurs dettes.

D'accord, qu'est-ce que vous voulez, on ne calcule pas tous de la même façon, j'imagine, mais enfin, on peut vouloir rouler les gens, je comprends, je suis assez vieux pour comprendre ça, au moins, il faut appeler un chat un chat. Dans ce cas-ci, le chat en question, c'est qu'on appelle une avance sur un paiement, effectivement, faire main basse, sur $70 millions. A ce rythme, je promets au ministre un avenir financier très intéressant, parce que, quand il s'imagine payer des dettes, effectivement, il récupère $70 millions. Mais ce n'est pas ça, la réponse à notre amendement et, encore une fois, le ministre peut s'amuser là-dessus. Je ne sais pas s'il est prudent, s'il est sage. Etant donné la réputation du Québec qui est en jeu là-dedans, c'est une opération financière quand même importante, ce n'est pas la fin du monde, on n'achète pas le canal de Suez, je suis bien d'accord, mais c'est quand même une opération financière importante.

Quand un gouvernement décide d'exproprier, décide de faire une offre d'indemnité, dont il a la plus entière discrétion de déterminer que ce sera $1 ou $125 millions, est-ce qu'il ne serait pas normal que, s'inspirant des lois générales relatives

à l'indemnisation, étant donné qu'il prend contrôle immédiatement, dès qu'il décide que c'est le moment de le faire, il dise: Je vais donner 70% de cette somme, je vais les déposer à la Cour supérieure et, si General Dynamics décide d'accepter mon offre, elle se paiera tout de suite de 70%? De toute façon, comme je le dis, sur une base de court terme, en regardant simplement le bilan, je pense bien que n'importe quelle banque pourrait avancer au ministre des Richesses naturelles quelque chose comme $50 millions pour l'aider à faire ce premier paiement.

Il y a là un surplus de $70 millions et toutes ces choses exigibles ou payables en dedans d'un an. Alors, ce n'est pas malin tout ça. Il s'agit seulement de savoir lire. Encore une fois, il ne s'agit pas de dépenser plus d'argent, d'offrir plus, il s'agit de rendre crédible, plus crédible, plus sérieuse la position du gouvernement, qui va peut-être s'en aller en arbitrage. Il me semble qu'il pouvait le faire en disant: Ecoutez, non seulement on a fait une offre sérieuse, on a fait un dépôt judiciaire, c'est la règle générale, on est au-dessus de tout reproche, alors, on demande d'être considéré devant l'arbitrage, j'imagine que ce sera un juge qui a une certaine expérience de ce genre de question, on demande d'être considéré devant l'arbitrage comme ayant fait une proposition sérieuse et responsable, pas d'avoir seulement mis le pied dans la porte.

M. le Président, je n'ai pas l'intention de plaider plus longtemps, il est transparent que les explications données par le ministre n'en sont pas du tout.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Richmond, est-ce que vous voulez intervenir?

M. Brochu: Non, merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Frontenac. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Grégoire: M. le Président, j'ai écouté le député de Saint-Laurent et je trouve cette motion tout à fait inacceptable. Je vais donner un premier exemple au député de Saint-Laurent qui nous dit: Oui, mais il y a $70 millions d'équité ou d'actifs de surplus.

Dans le rapport de l'année 1978, qu'il nous a cité, il y a $63 millions comme stocks. Moi, je reçois régulièrement des rapports d'employés, de mineurs, de contremaîtres et de cadres de l'Asbestos Corporation qui me disent que, à l'heure actuelle, les stocks sont baissés à zéro, qu'ils ont vidé les entrepôts, que la compagnie fait tout transporter ailleurs et que le stock de fibre est rendu pratiquement nul. Donc, il y a $63 millions que le député de Saint-Laurent calculait dans les valeurs de l'Asbestos Corporation et qui sont pratiquement éliminés. C'est un élément. Malgré ça, le député de Saint-Laurent, jugeant d'après un rapport fait il y a six mois, ne sachant pas que les stocks sont écoulés, ne sachant pas — et ça le député de Saint-Laurent ne le sait pas — qu'il y a encore des effets à recevoir ou des débiteurs pour un montant de $48 millions, en plus des $63 millions, le député de Saint-Laurent ne le sait pas, le député de Saint-Laurent ne sait pas si le passif ou la dette à court terme ou la dette bancaire est toujours à $14 millions; il ne le sait pas, ça fait six mois. Mais, malgré tout, il arrive et il dit: Déposez 70% de l'offre que vous faites. Un homme d'affaires qui ferait ça, un administrateur de compagnie qui voudrait faire une telle chose, je pense qu'il ne recevrait pas longtemps la confiance de ses patrons.

Si vous agissiez comme ça, lorsque vous étiez ministre, je comprends que vous n'ayez pas eu longtemps la confiance de vos patrons, parce que vous voulez arriver et dire... Je vais prendre un exemple personnel; j'ai acheté un immeuble dernièrement...

M. Lalonde: Un autre?

M. Grégoire: Oui, j'ai acheté un immeuble dernièrement — je vais donner un exemple frappant — ...

M. Lalonde: Cela paie?

M. Grégoire: Oui, ce sont mes affaires, je suis content de les faire, au moins, je suis capable de les faire.

J'ai payé $120 000, ce n'est pas un gros immeuble, c'est un petit. Si j'avais versé, en faisant mon offre d'achat, 70%, ça veut dire entre $75 000 ou $80 000 comptant, je me serais ramassé sur le derrière, parce qu'il y avait $115 000 d'hypothèques et, moi, j'aurais été verser $75 000 comptant pour acheter un immeuble $120 000, quand il y a $115 000 d'hypothèques? C'est ça que vous demandez au gouvernement de faire. Là, vous avez oublié de regarder plus loin que votre nez. Vous avez dit: Oui, mais il y a $63 millions de stocks de fibre; il n'y en a plus, la compagnie a tout écoulé.

Vous pourriez me dire: II y a des actifs, le club de golf; elle vient de l'offrir à la ville de Thetford pour $1 et c'était dans ses actifs pour au-delà de $2 millions. Où avez-vous regardé avant de dire: On dépose 70%?

M. le député de Saint-Laurent, demandez les conseils d'un avocat, vous en avez un à côté de vous; demandez des conseils à d'autres, mais n'allez pas offrir 70%.

M. Laplante: II a déjà fait un trou de $700 000...

M. Grégoire: Je vais comprendre certaines choses, mais je pense bien que le député de Richmond va comprendre comme moi que, lui aussi, s'il va acheter une maison de $30 000, il n'ira pas donner 70% comptant, s'il y a une hypothèque. Il se ferait avoir et le député de Richmond ne se ferait pas avoir de la sorte.

Mais, là, vous nous dites: C'est bon, l'Asbes-tos, il y a $63 millions de stocks.

M. Bérubé: C'est quand même l'argent des Québécois.

M. Grégoire: M. le député de Saint-Laurent, je sais — ce sont des cadres de l'Asbestos Corporation qui nous l'ont dit — qu'il n'y a plus de stocks, qu'on écoule tout.

M. Forget: C'est pas pourri, cette affaire-là, n'est-ce pas?

M. Grégoire: Je vais dire comme vous, votre amendement est pourri, bien fort!

Une Voix: ...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Grégoire: Quand le député de Matane disait: On assume les dettes...

M. Forget: N'achetez pas ça, si ça ne vaut rien!

M. Grégoire: C'est vrai; mais ne vous fiez pas à ce qu'il y a là. Quand on dit qu'on peut l'acheter, vous savez que, dans j'achète un immeuble de $120 000 sur lequel il y a $115 000 d'hypothèques, je ne vais pas verser $75 000, je verse l'autre tranche de $5000, parce que j'assume une hypothèque de $115 000 sur un immeuble qui vaut $120 000; j'ai bien payé, j'ai bien acheté, j'ai fait une bonne affaire. Mais si j'ai donné $75 000 comptant et que j'assume une hypothèque de $115 000, pour un immeuble qui en vaut $120 000, là je me suis fait "fourrer". Là, vous voudriez que le gouvernement se fasse "fourrer" avec cela. (21 h 30)

C'est dans la ligne de pensée de tout ce qui se produit depuis qu'on étudie cette loi. Quelle est la ligne directe qui existe entre les fabricants de canons et la caisse électorale où on a vu tomber, il n'y a pas tellement longtemps, un autre montant de quelque $700 000? C'est encore dans la ligne. Vous voulez essayez de "fourrer" le gouvernement, mais vous ne réussirez pas. Soyez avec vos petits amis, vos petits "chums", parlez-leur, qu'ils vous montrent leurs livres, qu'ils fassent tout ce qu'ils voudront, mais on ne marchera pas dans ce jeu. C'est garanti.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, il faut de temps en temps laisser le député de Frontenac...

M. Grégoire: Dire la vérité! M. Forget: Vider sa bile!

M. Lalonde: ... vider sa bile, et, naturellement...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: ... il n'y a aucun doute que la commission a profité de l'expérience de notre propriétaire foncier. Je le remercie beaucoup de nous avoir instruits sur ses expériences en affaires. Il n'y a aucun doute...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: ... que la motion d'amendement du député de Saint-Laurent s'inscrit strictement dans la loi — ce que les péquistes aiment beaucoup, je vais leur dire — normale. C'est normal. Ils aiment cela, les normaux.

M. Grégoire: Non, monsieur.

M. Lalonde: C'est normal que 70%, parce que c'est prévu dans notre loi d'expropriation, à l'article 48, soit déposé comme mesure de bonne foi. A part cela, c'est pour ne pas lier inutilement une personne qui perd le bénéfice de ses actifs et dont l'indemnité va être déterminée peut-être un an, deux ans, trois ans après. C'est tout à fait naturel, désirable. La question ici, c'est que ce n'est pas une histoire ordinaire. On exproprie des actifs qui ne sont pas nécessairement habituels. Lorsque le ministre dit qu'il faut tenir compte des dettes, il a entièrement raison. Lorsque le député de Frontenac dit qu'il faut tenir comptes des dettes, il a entièrement raison!

M. Grégoire: J'espère!

M. Lalonde: Lorsque le député de Saint-Laurent prend comme exemple les états financiers vérifiés — c'est un vérificateur, naturellement, j'imagine...

Une Voix: Six mois.

M. Lalonde: Oui, je sais. Six mois, ce n'est pas très vieux. Admettons qu'il a pu se passer tous les changements que le député de Frontenac a décrits, c'est fort possible, ce sont des actifs très mobiles.

M. Grégoire: Ou stock de fibre.

M. Lalonde: On voit d'ailleurs, à l'intérieur de douze mois, des stocks qui peuvent baisser presque à zéro et monter, selon les saisons ou les marchés, les dates de livraison et tout cela. C'est parfaitement normal, comme disent les péquistes. Lorsque le député de Saint-Laurent donnait les chiffres du bilan, c'était pour illustrer jusqu'à quel point la proposition ne crée pas de problème. Je suis parfaitement d'accord que l'indemnité et que

la proposition du député de Saint-Laurent ne créent pas de problème non plus là-dessus, que l'indemnité ou les 70% d'indemnité soit l'excédent des actifs sur les passifs qui sont reliés à ces actifs, de sorte que, dans le cas du bilan, en assumant que ce serait la situation au moment où la prise de possession est faite, une prise de possession au moment de l'avis, il y a trente jours, ce n'est pas très long pour étudier, mais j'imagine que vous connaissez un peu la compagnie. Vous envoyez tout de suite vos vérificateurs et des experts évaluer des stocks, faire les vérifications nécessaires pour arriver à des chiffres. Là, vous allez arriver peut-être à une situation comme cela, peut-être pas, mais peut-être.

Dans le cas où il y aurait un excédent des actifs à court terme sur les passifs, un excédent même des actifs immobiliers, non pas seulement les actifs à court terme, s'il y a des immobilisations, par exemple, évaluées — ne prenons pas les évaluations du bilan, vous allez avoir vos évalua-teurs — à $50 millions, pour les fins de la discussion et qu'il y a $20 millions de dettes — les dettes sont encore plus faciles à relier, parce que ce sont des hypothèques sur les immeubles — à ce moment, si vous avez un excédent de $30 millions et que vous avez établi cela à $50 millions... La compagnie a dit: Non, ce n'est pas $50 millions, on dit que c'est $200 millions. Vous dites que c'est $50 millions, qu'il y a $20 millions de dette. Il y a déjà $30 millions d'excédent, d'après votre propre évaluation. Qu'est-ce qui vous empêcherait de déposer 70% de cet excédent? Vous assumez la dette ou vous calculez 70% de toute la valeur moins la dette et vous déposez la différence. Il y a bien des façons de faire le calcul.

Est-ce que le député de Frontenac comprend ce que je veux dire?

M. Grégoire: Oui, mais c'est justement...

M. Lalonde: Les dettes, il faut en tenir compte.

M. Grégoire: ... oui, mais, M. le Président, je prends son argument sérieusement, si vous voulez, juste un mot...

M. Lalonde: Laissez-moi terminer. Oui.

M. Grégoire: Vous avez raison, si la société nationale prend le temps d'aller examiner les livres, l'actif, le passif, l'"équité" et veut verser 70%. Mais là où vous n'y êtes peut-être pas, c'est que cet article dit que la société devient propriétaire dès la signification de l'avis d'expropriation. A la signification de l'avis d'expropriation, elle le prend tout de suite. Donc, elle n'a pas encore eu le temps de faire l'analyse et elle n'a pas encore eu les trente jours pour faire l'analyse de l'actif, du passif, en résumant I'"équité". Donc, elle ne peut pas verser 70%.

M. Lalonde: Ce n'est pas à ce moment-là, c'est au moment de l'indemnité.

M. Grégoire: Ce que vous...

M. Lalonde: II faut quand même déterminer l'indemnité pour calculer 70%.

M. Grégoire: ... là où on en est, c'est sur l'article 24 qui dit: La société devient propriétaire dès la signification de l'avis d'expropriation. Ce que je dis, c'est qu'à la signification de l'avis d'expropriation, la société n'a pas eu le temps de faire l'analyse de l'actif, du passif et de résumer I'"équité". Elle devient propriétaire en faisant l'avis de signification, elle ne peut donc pas verser 70%.

M. Lalonde: Non, naturellement.

M. Grégoire: Plus tard... C'est ce que votre amendement veut dire. Vous dites: Non, c'est évident...

M. Forget: Voulez-vous suggérer un sous-amendement?

M. Grégoire: Regardez bien, relisons votre amendement.

M. Lalonde: Non, écoutez.

M. Grégoire: Relisons votre amendement, il dit: "La société devient propriétaire des biens après la signification de l'avis d'expropriation et dès que la société a versé à l'exproprié"... A l'exproprié, on ne dit pas en dépôt, parce que la Loi générale de l'expropriation ne dit pas de verser à celui qu'on exproprie, mais de verser un dépôt. Dans le cas de la voirie que vous avez invoqué, le dépôt doit rester au greffe pendant six mois. Vous dites: "Dès que la société a versé à l'exproprié" alors que la Loi générale de l'expropriation dit: "a déposé au greffe et ce pour six mois" — j'entends la nouvelle loi — "ou pour le compte de celui-ci au greffe de la Cour supérieure." Vous donnez donc le choix, une indemnité provisionnelle; donc, dans ce que vous suggérez, la société ne deviendrait pas propriétaire dès l'avis de l'expropriation. Elle deviendrait propriétaire dès l'avis d'expropriation, mais aussi après que... Comme elle n'est pas propriétaire à l'avis d'expropriation, mais qu'il y a un délai pour qu'elle puisse analyser, pendant qu'elle fait l'analyse, rien n'empêche l'exproprié de faire des changements à son actif et à son passif, de telle sorte que le résumé de l'"équité" ne soit plus du tout le même.

A ce moment-là, je dis que votre amendement n'est plus bon parce que vous voulez que deux choses arrivent en même temps, devenir propriétaire en donnant l'avis et verser en même temps. Vous empêchez la Société nationale d'amiante d'avoir le pouvoir et la possibilité d'analyser l'actif, le passif et de résumer I1 "équité". Cela, on ne peut pas l'admettre.

M. Lalonde: M. le Président, j'avais le droit de parole et j'ai été interrompu, mais je l'ai laissé terminer.

M. Grégoire: On ne peut pas admettre que vous admettiez ça.

M. Lalonde: Naturellement, quel que soit le libellé de l'amendement...

M. Grégoire: II est mauvais.

M. Lalonde: ... le principe...

M. Grégoire: II faut admettre qu'il est mauvais.

M. Lalonde: ... l'amendement a tenté de...

M. Grégoire: On ne vous en veut pas, mais il est mauvais.

M. Lalonde: ... reproduire le mécanisme que l'on retrouve à l'article 48 où l'expropriant ne prend possession qu'au moment où il verse les 70%, s'il a versé à l'exproprié 70%.

Dans ce cas-ci, je n'aurais pas de problème à ce que la prise de possession se fasse au moment de l'avis et qu'à ce moment-là, l'évaluation... Si vous donnez trente jours pour envoyer la déclaration d'indemnité, c'est que vous croyez que vous êtes en mesure, dans trente jours, d'évaluer les actifs que vous avez expropriés. Sans ça, on ne peut pas présumer votre mauvaise foi. Sans ça, vous seriez de mauvaise foi si, d'avance, vous disiez: Non, trente jours, on n'en a pas assez pour évaluer.

Donc, je présume que c'est vous qui avez choisi, c'est le gouvernement qui a choisi le délai de trente jours pour envoyer la déclaration d'indemnité; alors, j'accepte cela. Dans trente jours, vous déterminez la valeur qui vous permet de faire l'offre que je dois présumer être une offre sérieuse, même si le ministre dit que c'est un point de départ et, à ce moment-là, vous connaissez donc la valeur des actifs, la valeur des dettes — le montant des dettes — ... Bien oui, puisque vous faites une offre. J'espère qu'au moment où vous allez faire l'offre, vous allez connaître les dettes. J'espère que dans 30 jours vous serez assez rapides pour envoyer vos vérificateurs évaluer tous les stocks...

M. Grégoire: Oh non, non, non.

M. Lalonde: ... les immeubles et prendre connaissance des...

M. Grégoire: ...

M. Forget: II faut que vous fassiez rapidement, parce que vous faites une offre sur la base de la valeur de la société quand vous en prenez possession...

M. Grégoire: Oh! Oh!

M. Forget: ... pas huit ans après.

M. Grégoire: Attendez un peu...

M. Lalonde: Je n'ai pas terminé, M. le Président.

M. Grégoire:... parce que vous ne voulez pas avoir d'explication sur le cours normal des affaires, mais vous êtes complètement en dehors du cours normal des affaires.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Frontenac, il vous reste onze minutes, vous pourrez revenir tout à l'heure.

M. Forget: Oui, c'est une expropriation...

M. Lalonde: Je n'ai pas terminé, M. le Président.

M. Forget: Ce n'était peut-être pas dans le cours des affaires.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Une fois que l'indemnité est déterminée, on est censé connaître ça. Je présume que le gouvernement est de bonne foi et qu'il connaît la valeur des actifs pour faire l'offre...

M. Grégoire: Mais pas des passifs.

M. Lalonde: Comment? Alors là vous allez être...

M. Forget:... vous ne connaissez pas le passif.

M. Lalonde: ... comme vous disiez tantôt, sur le derrière. Parce que si vous offrez $100 millions et que tout à coup vous vous apercevez qu'il y a $200 millions de dettes attachées à ça, vous allez faire exactement ce que vous, comme propriétaire foncier, avez eu la sagesse de ne pas faire. C'est-à-dire vous allez...

M. Grégoire: Je vais vous répondre.

M. Lalonde: ... offrir plus que ce qui est dû. Donc, je présume — et il faut présumer — qu'au moment où le gouvernement ou la Société nationale de l'amiante va faire sa déclaration d'indemnité, elle va être au courant de la valeur nette, donc, la valeur, moins les dettes attachées aux actifs expropriés. Quant au calcul de 70%, un enfant d'école peut le faire. Soit que ce soit 70% de l'excédent, soit que ce soit 70% de la valeur totale, moins les dettes et s'il y a 70% de dettes, il n'y a plus de dépôt d'indemnité de 70%, parce qu'il est mangé par les dettes. Autrement dit, ça devient strictement de la technique et je ne pense pas que ça devrait faire beaucoup de difficultés ici.

M. Grégoire: Est-ce que je pourrais me permettre de répondre... Le député de Notre-Dame-de-Grâce dit: Au bout de 30 jours, vous connaissez 70% de l'excédent...

M. Forget: Ce n'est pas le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Lalonde: Ce n'est pas grave.

M. Grégoire: De Marguerite-Bourgeoys, excusez-moi.

M. Bérubé: On ne voit vraiment pas la différence.

M. Lalonde: Merci, cela m'honore.

M. Grégoire: J'avais la tête dans son raisonnement.

Vous dites qu'au bout de 30 jours la société va connaître l'excédent et pourra verser 70% de l'excédent. Je dis ceci: Dans le cours normal des affaires, alors que certaines dettes peuvent être connues et d'autres non, ce qui compte, ce n'est pas le fait qu'il y a $200 millions de dettes et $100 millions d'actifs. On sait que ce n'est pas le cas dans une compagnie comme celle-là. Ce qu'on ne sait pas, par exemple, en 30 jours, parce qu'il peut se produire en 30 jours... il peut y avoir des comptes, des endettements qui ne sont connus qu'en 90 jours et 120 jours, c'est la raison d'ailleurs pour laquelle plusieurs compagnies qui sont achetées sans... vont devenir, par exemple, les produits Dragon 1977 et étant achetée, la compagnie s'appelle les produits Dragon 1979 parce qu'il y a une autre incorporation qui vient éliminer les dettes précédentes pour les mettre sur le dos du créancier précédent personnellement et non pas sur le dos de l'acquéreur. Vous ne pouvez pas réaliser en 30 jours quel est l'excédent de l'actif et du passif et verser 70% de toute la valeur sans savoir quel est l'excédent de l'actif et du passif. Je dis que c'est d'une imprudence inqualifiable que d'aller verser 70% de l'actif sans savoir quel est l'excédent et vous ne pouvez pas le savoir en 30 jours. Cela peut prendre trois mois, quatre mois, mais vous ne pouvez pas le savoir en 30 jours, à moins que vous ne changiez l'incorporation de la compagnie et que vous laissiez le propriétaire antérieur complètement responsable des dettes non déclarées, je dis que c'est d'une imprudence inqualifiable que d'aller verser 70% de l'actif sans connaître l'excédent et vous ne pouvez pas le savoir en 30 jours.

M. Lalonde: L'imprudence inqualifiable, sa-vez-vous où elle est? Elle est dans la loi.

M. Grégoire: Elle est dans votre raisonnement.

M. Lalonde: Laissez-moi terminer. Elle est dans la loi, je vais vous dire pourquoi. Elle est dans la loi parce que vous venez de m'éclairer. J'espère que vous avez tort, en fait, je vais continuer à discuter de ce projet de loi en assumant que vous êtes complètement dans les patates, parce que si vous faites une offre d'indemnité avant de connaître les dettes, vous pou- vez acheter une compagnie en faillite, parce que dans un autre article de la loi on dit que la société assume les dettes reliées aux actifs. Si vous faites une offre sans même connaître cette dette, vous pouvez — et vous êtes déjà devenu propriétaire... (21 h 45)

M. Grégoire: Vous changez le sens de mon intervention.

M. Lalonde: C'est le projet de loi.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: C'est moi qui parle. Vous avez déjà déterminé les actifs dans votre avis. Ces actifs, vous les connaissez. Vous les évaluez, vous faites une offre. Vous dites qu'au moment de faire l'offre, trente jours après, vous ne reconnaîtrez pas les dettes, mais, étant donné que la loi force la Société nationale de l'amiante à assumer les dettes relatives à ces actifs, si vous ne les connaissez pas au moment de l'indemnité, c'est le monde à l'envers! C'est un gouvernement absolument irresponsable qu'on a! Cela veut dire qu'avant même de savoir...

M. Grégoire: Ce n'est pas ce que j'ai dit. M. Lalonde: C'est dans la loi!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Vous n'avez pas dit cela, mais j'en conclus que...

M. Grégoire: C'est mal conclure.

M. Lalonde: Ce que vous avez dit — et je vous donne la chance de tout recommencer — c'est qu'au moment de la déclaration de l'indemnité, trente jours après la prise de possession, vous ne connaîtrez pas les dettes, c'est ce que vous avez dit.

M. Grégoire: Non, j'ai dit l'excédent de l'actif sur le passif.

M. Lalonde: Est-ce que vous allez connaître le passif?

M. Grégoire: Ecoutez, 20% de marge, c'est important quand vous arrivez avec 70%.

M. Lalonde: Je ne vous parle plus, parce que je vais êtreà l'encontre du règlement.

M. Grégoire: 20% d'écart quand vous versez 70% à l'avance, c'est très grave.

M. Lalonde: Je vais êtreà l'encontre du règlement, M. le Président, mais je vais m'adresser à vous, comme le règlement l'exige. Si je connais, trente jours après la prise de possession, la valeur

des actifs et si je connais la valeur du passif relativement aux actifs, je pense que je peux demander à mon petit garçon de 14 ans de faire la différence.

M. Grégoire: C'est fou, votre affaire!

M. Lalonde: Si je connais la différence, à ce moment, je sais si c'est...

M. Bérubé: Question de règlement! J'ai demandé la parole depuis longtemps. On se passe la parole, sans aucun respect des priorités.

M. Lalonde: Lorsque j'aurai terminé.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ce n'est pas tellement cela, sauf que je m'apprêtais à vous donner votre droit de parole tout à l'heure, mais vous l'avez cédé, peut-être pas verbalement, mais par un geste, à votre collègue de Frontenac qui voulait répondre aussitôt au député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Grégoire: Je l'ai pris malgré...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II l'a pris, avec votre consentement exprès ou tacite.

M. Grégoire: Non, je l'ai pris sans son consentement.

M. Lalonde: Je ne serai pas long, je vais terminer là-dessus. Je vais passer la parole au ministre qui va nous éclairer, j'en suis sûr, à sa façon objective. Quand la Société nationale de l'amiante va faire la déclaration d'indemnité, je présume qu'elle va être satisfaite, à ce moment, qu'elle connaît la valeur marchande des actifs et qu'elle connaît plus que l'étendue des dettes, mais spécifiquement chacune des dettes et le montant des dettes relatives à chacun de ces actifs.

M. Grégoire: Trente jours après la prise de possession.

M. Lalonde: C'est trente jours après la prise de possession. Si la Société nationale de l'amiante connaît cela, elle connaît l'excédent, s'il y en a un. Si c'est $100 millions d'actifs et $100 millions de dettes, à ce moment, elle dit: Je vous offre $100 millions, mais j'assume les dettes, donc vous n'avez pas une piastre. Si c'est $200 millions d'actifs et $100 millions de dettes, elle est capable de dire: Je vous offre $200 millions, j'assume $100 millions de dettes, il reste $100 millions et je vous donne 70% de cela. Il n'y a pas de risques de pris, parce qu'elle connaît les dettes. Ce qui m'a inquiété tout à l'heure — et je vais laisser le député de Frontenac, après le ministre, rectifier ses propos — c'est quand il a dit qu'au moment de la déclaration de l'indemnité, la Société nationale de l'amiante ne connaîtrait pas les dettes. J'espère que la Société nationale de l'amiante va être aussi prudente que le député de Frontenac lorsqu'il a acheté sa maison, parce que je suis sûr que lorsqu'il a acheté sa maison, il est allé voir au bureau d'enregistrement pour savoir quel était le montant de l'hypothèque qui était due sur la maison.

M. Grégoire: Question de règlement, à l'article 96.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Très brièvement, M. le député de Frontenac, à l'article 96. Le ministre attend la parole.

M. Grégoire: Sur l'article 96, le député de Marguerite-Bourgeoys a tout contrefait mes paroles.

M. Lalonde: Excusez-moi!

M. Grégoire: L'avis d'expropriation, le député de Marguerite-Bourgeoys voudrait que le gouvernement verse 70% lors de l'avis d'expropriation de la prise de possession.

M. Lalonde: Non, lors de l'indemnité, trente jours après.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Grégoire: Ce n'est pas son amendement. M. Lalonde: Ce n'est pas mon amendement.

M. Grégoire: Votre amendement ne dit pas cela du tout. Vous reniez l'amendement?

M. Lalonde: Non.

M. Grégoire: Vous reniez l'amendement? C'est tout.

M. Lalonde: N'essayez donc pas de distraire...

M. Grégoire: Si vous le reniez, c'est d'accord. Vous dites que ce n'est pas le vôtre, que vous ne l'acceptez pas, qu'il est mauvais, c'est d'accord.

M. Lalonde: Je comprends que vous vouliez faire oublier vos propos de tout à l'heure.

M. Grégoire: Si l'amendement est mauvais, c'est d'accord, on vous admet.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre.

M. Bérubé: Merci, M. le Président. Effectivement, le député de Frontenac a parfaitement raison. C'est un amendement mal foutu, dans un état pitoyable. Comme je le suggérais au député de Saint-Laurent, il pourrait voir à gronder son recherchiste ultérieurement, à temps perdu, ou peut-être changer de recherchiste. Ce ne serait peut-être pas mauvais.

Néanmoins, soyons généreux, soyons généreux, je pense qu'il a fait son métier, mais je dois avouer qu'il n'est pas très bien encadré et je pense que c'est ce qui explique pourquoi ces amendements mal foutus, mal structurés, incohérents, illogiques, nous sont soumis à cette table.

J'aimerais cependant m'attaquer à certains aspects de cet amendement. Je me demande pourquoi il vaut la peine de s'acharner dessus, puisque, effectivement, on a tous convenu, y compris...

M. Grégoire: II l'a renié!

M. Bérubé: II l'avait renié, n'est-ce pas? Il a souligné à quel point il était mauvais. Mais on pourrait peut-être finir de l'enfoncer un peu plus creux, alors, amusons-nous quelques instants.

D'une part, pour une filiale de General Dynamics, je suis surpris que vous preniez si peu les intérêts de cette société et que vous vous engagiez dans une opération fort coûteuse au demeurant.

En effet, vous nous indiquez que nous pourrions verser, pour le compte de la société Asbestos, au greffe de la Cour supérieure, donc au fonds consolidé de la province, en d'autres termes, vous nous suggérez de prendre le montant et de le verser au fonds consolidé de la province et d'attendre, tant et aussi longtemps que nécessaire, que tout soit réglé avant que le montant soit versé à l'entreprise, mais sans intérêt.

M. Lalonde: C'est épouvantable.

M. Bérubé: Autrement dit, pendant toute cette période, la société General Dynamics va perdre des intérêts importants qui devraient normalement lui être versés de ce versement de 70% que vous avez prévu dans votre amendement.

Contrairement à l'approche suivie par le gouvernement, qui propose une indemnité, ce qui est un point de départ, subséquemment, nous avons tout le temps nécessaire pour évaluer les dettes et — l'article 48 du projet de loi est très explicite à cet égard — à ce moment-là, dans le règlement final, on déduit les dettes de la proposition d'indemnité.

Il est donc très clair, pour autant que le gouvernement est concerné, qu'on a tout le temps voulu pour bien soupeser l'importance du passif et en tenir compte avant le versement final. Mais, pour ne pas pénaliser l'entreprise, nous versons le montant...

M. Laplante: ... directement...

M. Bérubé: Non pas directement à la remise...

M. Lalonde: Le député de Bourassa a un amendement à proposer!

M. Bérubé: ... symboliquement et nous nous mettons à comptabiliser les intérêts, d'ailleurs à un taux prévu dans la loi, ce que l'amendement, mal foutu, ne prévoit pas.

En d'autres termes, cette pauvre société multinationale, ce marchand de canons qui a financé à ce point le Parti libéral, se voit totalement débouté, voit ses intérêts mal défendus par cette filiale de General Dynamics.

Non, M. le Président, je pense qu'il nous faut rejeter cet amendement. Je pense d'ailleurs que le député de Marguerite-Bourgeoys l'a dit, il va voter contre, alors, il va rester le député de Saint-Laurent qui, je pense par solidarité pour son recherchiste, voudra le soutenir jusqu'au bout. C'est une détestable habitude d'ailleurs de toujours soutenir ses recherchistes, quand ils font un mauvais travail — mais il faut...

M. Lalonde: Vous devez avoir cette habitude, vous en avez d'autres détestables aussi!

M. Forget: II en sait quelque chose.

M. Bérubé: J'aimerais d'ailleurs... Je ne voudrais pas enfoncer un peu plus l'amendement sous terre, parce que j'ai l'impression que, bientôt, il va falloir creuser un puits pour aller le chercher.

Je voudrais souligner, d'abord, que l'évaluation des stocks — comme on le disait tantôt — est très aléatoire, même si le député de Saint-Laurent nous a fait un brillant exposé, disant que les actifs à court terme dépassaient de beaucoup les passifs à court terme et que, par conséquent, l'Etat ferait des affaires d'or lors de la transaction. Le député de Saint-Laurent, évidemment, n'a peut-être pas regardé un ensemble de rapports financiers. En 1975, je trouvais dans les inventaires: $34 millions; en 1976: $36 millions; en 1977, je trouve $57 millions et en 1978: — d'ailleurs vous deviez nous citer un chiffre — $63 millions. Donc, cela varie d'une année à l'autre.

Deuxièmement, il s'agit ici d'inventaires au 31 décembre. Or, comme on sait, la mine d'Asbestos Hill ne peut pas produire l'hiver, il est donc nécessaire d'accumuler des stocks importants à Nordenham pour permettre à cette usine allemande de fonctionner durant la période d'arrêt des opérations à Asbestos Hill.

Fort généreusement, le député de Saint-Laurent nous offre de payer 70% des inventaires accumulés en Allemagne, sachant pertinemment — de la discussion que nous avons eue antérieurement — que, de toute façon, nous ne pouvons pas les exproprier. Par conséquent, nous payons pour des stocks dont nous ne pouvons même pas prendre possession. Alors, là, je concède que, d'une part, il a été très imprudent en défendant l'entreprise, mais que, d'autre part, il s'y est admirablement repris en s'organisant pour fourvoyer le gouvernement dans une impasse détestable. Vous gronderez votre recherchiste, je pense qu'il est bon pour la douche!

M. Lalonde: C'est facile de s'attaquer à quelqu'un qui ne peut pas se défendre!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que la motion d'amendement sera...

M. Forget: M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je remarque que le ministre recourt à ses plaisanteries habituelles, pour éviter de répondre au fond du problème. Sa prétention voulant qu'il soit impossible — parce que ça doit rimer à ça, tout son cinéma de tout à l'heure — de verser une partie de l'indemnité, que ce soit non seulement impossible, pour des raisons d'ailleurs non expliquées, mais que ce soit peu souhaitable, parce que ça défavoriserait la société General Dynamics, ce n'est pas très convaincant. Il me semble qu'il y a des arguments qui pourraient être invoqués et qui sont plus sérieux que ceux-là.

M. Bérubé: Vous en avez trouvé d'autres pour détruire votre propre résolution!

M. Forget: Je m'étonne, M. le Président, que le ministre ne considère pas avec suffisamment de sérieux le problème du versement d'une partie d'indemnité et qu'il voie comme un avantage le fait de garantir le paiement d'un intérêt sur l'indemnité, à partir du moment de l'avis jusqu'au moment du règlement final.

Je ne sais pas s'il s'est interrogé sur l'effet de tout ce système, sur les possibilités de faire durer, peut-être, de manière excessive, les obstacles juridiques des difficultés avec la société. Autrement dit, il dit à la société General Dynamics: C'est un placement, cette négociation. Je ne vois pas en quoi il protège en cela les intérêts du gouvernement du Québec et les intérêts des contribuables. Il me semble qu'il y a un intérêt, de la part du gouvernement, dans une procédure d'expropriation, de donner des raisons pour une conclusion expéditive.

Dans le fond, je n'ai pas fait la théorie de nos lois sur l'expropriation, mais j'ai un peu le sentiment qu'il y a un ensemble de dispositions, dans ces lois, qui cherche à donner des raisons aux expropriés de hâter le règlement, parce qu'autrement, on peut faire des poursuites, on peut faire des procès pendant des années et, finalement, ça gêne le processus et ce n'est certainement pas l'objectif du ministre d'encourager les procès. Ou peut-être est-ce l'objectif du gouvernement, sait-on jamais?

La théorie que j'ai développée plus tôt. Voulant que le gouvernement cherche des délais, pourrait peut-être faire son affaire d'une situation où, finalement, la société General Dynamics, pratiquement aux frais du gouvernement, s'engage dans un long processus, une longue guerre de procédure, de procès, ou Dieu sait quoi, sur les imperfections de la loi, étant assurée qu'elle va... C'est comme de l'argent en banque, puisque tout ça est placé à un taux, dans le fond, convenable et c'est payé à partir du moment où le gouvernement a décidé d'agir.

Est-ce qu'il n'y a pas un mécanisme qui va hâter le règlement? Est-ce que le ministre ne craint pas qu'en s'engageant dans un processus comme celui-là, contre un adversaire qui est quand même de taille, il ne prend pas suffisamment de précautions? S'il est satisfait de faire ça comme ça et s'il est satisfait de la protection qu'il s'est vanté d'accorder à General Dynamics tout à l'heure... Il nous a fait reproche de ne pas défendre suffisamment bien General Dynamics, alors je pense bien que c'est lui qui va assumer ce rôle désormais.

C'est une façon assez paradoxale de traiter les choses. Ce n'est pas impossible qu'il y ait des difficultés, mais il me semble que le ministre est très satisfait de la situation. S'il est satisfait, M. le Président, nous, on faisait une suggestion — peut-être que, sur le plan du libellé... Il est fort possible, on ne bénéficie pas de cinq ou six conseillers payés aux frais des contribuables pour raffiner les textes de loi; lui en bénéficie — dont le sens était d'aller dans la direction de l'intérêt du gouvernement de deux façons: premièrement, de créer un contexte qui soit propice à un règlement rapide, qui n'incite pas General Dynamics à prolonger l'agonie, en quelque sorte et, deuxièmement, d'une façon de procéder qui soit en accord avec les règles générales d'expropriation, et qui permette au gouvernement du Québec de dire... Surtout que les ministres du gouvernement font des visites aux Etats-Unis; ils en font à un rythme vraiment sans précédent dans l'histoire du Québec. (22 heures)

II n'y a jamais eu autant de ministres du gouvernement qui font des pèlerinages aux Etats-Unis. Le premier ministre lui-même y va une fois ou deux par année; plusieurs des ministres font des pèlerinages réguliers, ils vont partout. Ils vont avoir à répondre à des questions sur la façon dont ils se comportent dans ce mécanisme d'expropriation. Il est peut-être plus facile, pour leurs nombreuses négociations sur d'autres plans — je ne sais pas exactement ce qu'ils vont négocier, mais ils doivent aller là pour quelque chose et non seulement comme touristes — il serait peut-être plus facile de leur dire: Ecoutez, nous avons suivi relativement la procédure d'expropriation, l'esprit qui nous anime dans nos procédures générales d'expropriation. On veut créer un régime d'exception? Ce sera au ministre de le défendre et il le défendra. En créant un régime d'exception, je pense qu'on donne toutes sortes de raisons à la société General Dynamics de prolonger la période de temps pendant laquelle on va être dans une situation d'impasse ou de litige quelconque.

Si le ministre veut se contenter de ça, tant mieux; il a montré ses couleurs, pour lui, c'est le régime idéal. C'est sa loi, qu'il l'adopte comme il l'entend, M. le Président, mais je pense qu'il se fourvoie, je suis même convaincu qu'il se fourvoie là-dedans, comme il se fourvoie dans un certain nombre d'autres mesures de cette loi qui est beaucoup trop lâche, beaucoup trop généreuse, quand il s'agit d'assumer des obligations et qui manque énormément de rigueur. Dans un domaine comme celui-là, il pourrait avec avantage s'aligner sur un

régime plus général plutôt que de chercher à faire des règles spéciales, simplement parce qu'il s'agit d'une mine.

Alors, on peut procéder au vote.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que la motion d'amendement du député de Saint-Laurent sera adoptée?

Des Voix: Rejeté.

M. Forget: Sur division encore une fois.

M. Grégoire: M. le Président, je demanderais le vote enregistré là-dessus.

M. Lalonde: Vous voulez voir comment je vais voter?

M. Grégoire: Oui, j'aimerais ça.

M. Lalonde: Je suis intervenant!

M. Grégoire: C'est de valeur, M. le Présidentl

M. Lalonde: Mais si j'avais le droit de vote, M. le Président, je voterais pourl

M. Grégoire: Ah! si le député de Marguerite-Bourgeoys pouvait voter!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que vous maintenez votre demande de vote enregistré?

M. Grégoire: Dans les circonstances, non. J'aurais voulu réellement, après que le député de Marguerite-Bourgeoys nous eut dit qu'il reniait cette motion, le voir voter pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La motion d'amendement de M. le député de Saint-Laurent est rejetée sur division.

M. Lalonde: J'aurais une question à poser sur cet article seulement. Est-ce que le ministre peut nous dire s'il prévoit qu'il y aura des actions de sociétés qui feront partie des actifs expropriés? Dans les filiales, par exemple.

M. Bérubé: Non. De fait, si on me demande ce que nous prévoyons pour l'instant, non. En effet, il est assez difficile, comme notre débat de cet après-midi l'a démontré, d'identifier clairement le situs d'une action. Le danger c'est que les actions que nous avions envisagé exproprier puissent être transférées à l'extérieur; par conséquent, ce serait beaucoup trop compliqué.

Donc, notre intention n'est, en fait, que d'exproprier les actifs physiques, des stocks, des immeubles, des propriétés.

M. Lalonde: Naturellement, la question devient moins importante quoique, par prudence, il y aurait peut-être lieu, étant donné que le lieu de l'action — là, il y a une question d'opinion — pourrait être dans la juridiction du siège social de la société qui a émis ces actions.

Dans le cas des filiales dont le siège social est au Québec, pour permettre la prise de possession des actions sans devoir procéder à toutes sortes de procédures, il aurait peut-être été possible d'inclure dans la loi que non seulement le registra-teur des immeubles ou le registraire en chef des "daims", mais que le secrétaire des sociétés dont les actions seraient expropriées soit aussi obligé d'inscrire le nom de la Société nationale de l'amiante dans le registre, de sorte que le papier lui-même, le certificat d'actions n'a plus d'importance.

C'est une proposition que je fais pour que ce soit plus clair. Le gouvernement n'est alors pas obligé de courir après les certificats d'actions qui sont peut-être quelque part à New-York. D'après la Loi des compagnies, le secrétaire est obligé d'inscrire dans le registre le propriétaire de l'action. Alors, ce serait peut-être une suggestion pour bonifier la loi et rendre plus claire l'action du gouvernement, l'expropriation.

Maintenant s'il n'y a pas d'actions d'une société incorporée au Québec ou ayant son siège social au Québec, même si elle est incorporée au fédéral, ça devient plus académique.

M. Grégoire: Tout dépend de la localisation des actifs, si l'actif est à l'extérieur du Québec.

M. Lalonde: Non, cela n'a rien à voir avec les actifs.

M. Bérubé: II semble, d'après les états financiers, qu'il n'y en a pas actuellement.

M. Lalonde: D'accord.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que le paragraphe 24 sera adopté?

M. Grégoire: Adopté. M. Forget: Sur division.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Paragraphe 24 adopté sur division. Paragraphe 25.

Une Voix: Est-ce que le paragraphe 24 est adopté?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre, est-ce que vous avez quelque chose à dire sur le paragraphe 25?

M. Bérubé: M. le Président, je pense que cet article est explicite. En effet, dans la mesure où la Société nationale de l'amiante prend possession d'une entreprise et qu'elle doit continuer les opérations, évidemment les plans et devis et tous les documents qui servent à l'exploitation d'une entreprise, doivent rester entre les mains du nouveau propriétaire, dans la mesure où leur

reconstitution pourrait représenter des délais et des pertes importantes. Par conséquent, cet article de loi prévoit que tous les documents nécessaires à la gestion de l'entreprise, tels que livres comptables, doivent rester entre les mains du nouveau propriétaire.

M. Forget: M. le Président, je demanderais au ministre, étant donné qu'il nous a parlé beaucoup d'extra-territorialité cet après-midi, qu'est-ce qui arrive si ces livres, documents, titres et registres se trouvent à l'extérieur du Québec?

M. Bérubé: On ne peut pas les saisir. Il s'ensuit donc des pertes résultant, par exemple, de l'absence de tels documents et de telles pertes pourraient être soustraites de l'indemnité à verser.

M. Forget: Donc, c'est le même raisonnement qui est fait dans le cas des actions. Même les titres immobiliers, les titres de propriété, s'ils sont dans une voûte d'une banque new yorkaise, vous ne pourrez pas les récupérer.

M. Bérubé: ... l'entreprise, le propriétaire antérieur doit fournir ses livres comptables, donc il doit les faire venir de New York, s'ils y sont. S'il ne les fait pas venir, il ne respecte pas l'article de la loi et il peut être poursuivi et condamné pour dommages et intérêts.

M. Forget: Pourquoi les règles de droit sont-elles différentes dans le cas de ces documents que pour les autres documents dont nous parlions cet après-midi?

M. Grégoire: C'est-à-dire qu'il y a une distinction à faire. Si le siège social...

M. Forget: S'il vous plaît, je pose la question à quelqu'un de responsable, je ne demande pas l'avis du député. Je demande une question au ministre.

M. Grégoire: Non, mais... M. le Président, il y a tout de même une distinction légale à faire.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A moins que le ministre n'y consente.

M. Grégoire: Si le député de Saint-Laurent ne veut pas avoir de réponse...

M. Forget: Non, je veux avoir une réponse que je peux croire.

M. Grégoire: ... question...

M. Bérubé: Je pense que l'interprétation la plus rigoureuse obligerait à retourner à un article... Où est-ce le "growing concern" — excusez-moi l'expression anglaise...

Oui... 44... L'indemnité est calculée par le conseil selon la juste valeur marchande des biens établie en fonction de l'exploitation continue au moment où la société en est devenue propriétaire. Or, si l'on veut continuer d'exploiter une entreprise, il va de soi que les documents techniques de quelque nature que ce soit doivent être disponibles. Par exemple, plans et devis pour l'exploitation minière.

Advenant leur non-livraison par la société Asbestos qui pourrait les avoir mis à l'étranger, il ne fait aucun doute que l'on ne peut pas faire exécuter le jugement d'une cour qui les réclamerait.

Cependant, c'est au niveau de l'indemnité qu'il nous serait possible de déduire les pertes résultant de la non-livraison de ces biens.

M. le Président, je profite du fait que j'ai la parole pour dire ceci. On a sans doute remarqué l'arrivée parmi nous du ministre des Finances, qui, effectivement, m'avait souligné antérieurement — mais je ne voulais pas l'annoncer, étant donné qu'on n'était pas absolument certain de l'heure et de fait, c'est peut-être un peu plus tard — qu'il était disponible de 23 heures à 7 heures demain matin et nous avons pensé faire appel à ses services pour peut-être discuter de certains articles qui intéressent plus précisément l'Opposition qui attendait sa venue.

Je dois peut-être proposer, puisque j'ai mon droit de parole, de suspendre l'étude de l'article 25 pour que nous puissions y revenir, à moins que l'Opposition juge bon de l'adopter immédiatement.

M. Forget: On va le suspendre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): De consentement unanime, suspension de l'article 25 pour revenir à l'étude de l'article 20. Je présume qu'il y a consentement unanime pour que le député de L'Assomption et ministre des Finances devienne...

M. Grégoire: M. le Président, je propose que le ministre des Finances soit nommé membre intervenant pour avoir droit de parole à la place de Bernard Landry.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il y a consentement unanime, effectivement le ministre des Finances pourra devenir intervenant à la place de Bernard Landry, député de Fabre.

M. Forget: Je ne vois pas d'objection.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord. M. le député de L'Assomption et ministre des Finances intervenant à la place du député de Fabre.

J'appelle donc l'article 20. A moins que le ministre des Finances n'ait quelque chose à dire sur l'article 20 en guise d'introduction, je céderai la parole au député de Saint-Laurent. M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: L'article 20 me paraît clair, M. le Président, je n'ai pas de présentation particulière.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: II nous paraît clair aussi, M. le Président, ce qui ne veut pas dire que la conclusion s'ensuit quant à son adoption.

Effectivement, on se souviendra que lors du débat qui a précédé l'étude article par article, nous avons soulevé un voeu qui a été rejeté par le porte-parole du gouvernement, qui était d'entendre les experts, qui, pour les deux parties en présence, ont procédé à l'évaluation, de manière que les doutes, les zones grises qui surgissent immédiatement à l'esprit de l'analyse comparative des deux documents, puissent faire l'objet de questions et presque de contre-interrogatoire, si c'était possible d'aller jusque-là, de manière à éclairer les membres de la commission et le public sur la zone d'incertitude qui demeure quant à la détermination du prix éventuel des actifs qu'on veut exproprier.

M. Parizeau: M. le Président, est-ce que je pourrais demander une directive, si le député de Saint-Laurent me le permet?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Allez-y.

M. Parizeau: Je me pose la question simplement quant à la pertinence du débat. Le rapport des deux consultants porte sur le prix des actions, c'est-à-dire que je ne vois pas vraiment quel rapport il y a entre ce que le député de Saint-Laurent vient de dire et la portée de l'article 20, qui, elle, s'applique à des actifs.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est toute une directive que vous demandez là. Sauf que je peux dire qu'à l'article 1, paragraphe 20, nous retrouvons, je pense, ce qui est le principe du projet de loi 121 qui est le pouvoir d'expropriation. Evidemment que la discussion que les parlementaires doivent avoir doit être à l'intérieur, justement... d'abord ne doit pas contester ce principe de pouvoir d'expropriation qui a été adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture mais peut, par contre, amener les parlementaires à discuter des modalités prévues à l'article 20, non pas sur le pouvoir d'expropriation, mais comment se fait l'expropriation, etc. (22 h 15)

M. Parizeau: Est-ce que je peux argumenter...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.

M. Parizeau:... sur la question avant que vous preniez une décision?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord.

M. Parizeau: II est absolument interdit, sur un plan constitutionnel — là, entendons-nous bien, c'est une interdiction légale — pour le gouvernement du Québec, d'exproprier les actions de I'Asbestos. Il n'y a aucun moyen par lequel nous pouvons exproprier des actions de cette compagnie. Nous ne pouvons exproprier que des actifs physiques. Donc, quand le député de Saint-Laurent veut faire intervenir les rapports des deux consultants qui ne portent que sur les actions, à l'occasion de l'article 20, je prétends respectueusement qu'il nous demande de procéder à une opération qui est à la fois illégale et anticonstitutionnelle. Il n'y a aucun moyen par lequel nous pouvons exproprier des actions, aucun moyen.

M. Forget: Sur cette question de règlement, je n'entrerai pas sur le terrain sur lequel veut nous entraîner le ministre des Finances, quant à savoir si la constitution permet d'exproprier telle ou telle catégorie de biens et non pas telle ou telle autre catégorie de biens. Il demeure que là n'est pas la question. Cette loi parle d'expropriation, on va exproprier des actifs physiques et même des biens qui n'ont pas cette qualité. Je ne reviendrai pas non plus sur la discussion que nous avons eue cet après-midi.

Pour ce qui est de l'évaluation, il est faux de prétendre que l'évaluation à laquelle ont procédé des experts pour chacune des parties jusqu'à maintenant n'a rien à voir avec la valeur des actifs en cause. La valeur des actions, justement, découle de la valeur des actifs; elle ne découle pas des marées ou des mouvements de la lune, elle découle directement de la valeur des actifs. Si on exproprie les actifs plutôt que les actions qui sont des titres de propriété dans ces actifs, c'est bonnet blanc et blanc bonnet, à moins que le ministre ne nous dise que les biens qu'on veut exproprier n'ont rien à voir avec la société Asbestos, qu'il s'agit d'exproprier une autre société. Comme le nom de la société est mentionné dans l'article 20, je pense que c'est un argument qu'il pourra difficilement présenter. Donc, il s'agit bien de la même société, il s'agit des mêmes biens; qu'on les exproprie directement plutôt que d'exproprier des titres de propriété sur ces biens, c'est une question de technicité. Finalement, on devra déboucher sur une valeur, une évaluation. Est-ce que cette évaluation est pertinente à la loi? C'est peut-être la seule question véritablement importante dans l'étude de ces lois, savoir combien ça coûte. Comme des études ont été faites pour déterminer combien ça coûtera, il est clair que l'examen de ces études, l'examen de ces expertises serait pertinent à l'étude de la loi.

De plus, M. le Président — je terminerai là-dessus — parmi les méthodes de calcul de la valeur des actions qui sont utilisées par les deux groupes d'experts, il y a, bien sûr, des méthodes qui sont basées strictement sur la valeur des actions, les ratios financiers observés entre le prix de vente des actions et leur rendement, etc. Là-dessus, l'argument du ministre pourrait avoir une validité limitée quant à la méthode de calcul. Il y a aussi d'autres méthodes de calcul utilisées dans ces études qui dépendent d'une analyse du fonc-

tionnement de l'entreprise en question, indépendamment du prix des actions sur les marchés boursiers.

Dans le fond, c'est à ces évaluations qu'on doit se référer lorsqu'il s'agit d'expropriation puisqu'il s'agit, directement, d'évaluer les actifs soit, encore une fois, en évaluant les rendements financiers de l'entreprise, ses coûts, les projections de coûts, de revenus, pendant une certaine période de temps, soit en évaluant ce qu'il faudrait dépenser aujourd'hui pour remplacer ces actifs physiques, réels, ces actifs de production, acquérir une nouvelle mine, construire de nouveaux moulins; alors, il s'agit essentiellement du sujet dont traite ce projet de loi et ce n'est rien d'autre. C'est essentiellement pertinent.

M. Ciaccia: M. le Président, est-ce que je pourrais seulement porter à votre attention que dans le paragraphe 20 on ne parle pas d'actifs, on parle de biens. Dans le paragraphe 22 on donne une définition de ce bien; on le réfère à la Loi sur les impôts. La définition de bien dans la Loi sur les impôts signifie un bien de toute nature, réel ou personnel, corporel ou incorporel et comprend également une action et un droit de quelque nature qu'il soit. Alors, le projet de loi lui-même ne parle pas des actifs, il parle des biens et les biens incluent les actions.

M. Parizeau: M. le Président, je vous rappellerai ici que, sur un plan strictement juridique, nous n'avons pas le droit d'exproprier les actions. A cet égard, s'il faut fournir des avis juridiques, on fournira tous les avis juridiques possibles et imaginables. Vous noterez dans l'article 20, M. le Président, qu'il n'est même pas question d'exproprier tous les actifs de l'Asbestos. On les choisit. Je vous signalerai que ni dans le rapport Lazard, ni dans le rapport Kidder, Peabody, on établirait de distinction spécifique entre une expropriation qui porterait sur Thetford Mines seulement, sur Thetford Mines plus l'Ungava, étant bien entendu qu'en tout état de cause nous n'avons aucun moyen d'exproprier l'usine allemande. C'est là qu'on se rend compte à quel point on ne peut pas toucher aux actions. Il n'y a aucun moyen — d'ailleurs, le député de Richmond l'a déjà fait remarquer en Chambre — pour nous d'exproprier l'usine allemande d'Asbestos.

Vous noterez, M. le Président — et moi, à l'occasion de passablement de discussions que j'ai pu avoir avec General Dynamics, je sais bien — que chaque fois que l'on discute avec eux de l'expropriation ou de l'évaluation d'actifs physiques qui ne sont pas la totalité de la compagnie, il faut reprendre les études, il faut reprendre les évaluations parce que les évaluations des deux rapports sont des évaluations d'actions.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors, merci tout le monde. D'abord, je voudrais vous dire que la présidence n'est pas la Cour suprême du Canada et n'a pas à décider si une chose ou un sujet de discussion est constitution- nel ou non. Il est certes déjà arrivé dans cette glorieuse enceinte que des parlementaires discutent de choses qui aient pu, à l'occasion, être anticonstitutionnelles ou ultra vires de la constitution et soyez assurés que celui qui préside cette commission n'a pas la prétention de vouloir porter un jugement à cet effet. D'ailleurs, ce n'est pas mon devoir.

Mon devoir est de regarder si, en vertu des règlements de l'Assemblée nationale, les discussions qui ont cours ici vontà l'encontre de ce règlement ou de ces règlements. Or, un article qui doit nous guider plus particulièrement, surtout après la deuxième lecture, c'est l'article qui dit que les parlementaires ne peuvent pas revenir dans la discussion sur le principe du projet de loi. Dans certains projets de loi il y a un principe; dans certains autres il y a plusieurs principes.

Il apparaît clair à la présidence, du moins dans ce cas-ci, que l'un des principes, s'il y en a plusieurs, est définitivement le pouvoir d'expropriation qui est accordé. Bien sûr, je défendrai toute discussion à savoir s'il est bon ou non d'exproprier parce que cela iraità l'encontre du principe. D'autre part, à part cet article qui est l'article 154, je pense, les discussions peuvent avoir cours et permettre aux parlementaires de cette assemblée de proposer des amendements à l'article 20, amendements qui seront recevables à partir du moment où ils n'écartent pas la motion principale qui est le pouvoir d'expropriation.

D'autre part, la présidence ne peut ignorer que... D'abord, je dois dire que la présidence n'a pas pris connaissance de ces deux fameux rapports dont elle entend parler depuis plusieurs semaines, mais la présidence, d'autre part, étant tenue par un avocat, connaît la définition du mot "bien". Le mot "bien" n'est pas limitatif à un actif physique. Ce peut être un droit. Ce peut être une créance et ce peut être bien d'autres choses comme, d'ailleurs, le Code civil le définit. Ce peut être une action également.

Donc, pour toutes ces raisons et uniquement en vertu de nos règlements, sans vouloir porter de jugement en matière constitutionnelle, je permets donc qu'une discussion s'engage sur l'article 20 conformément à notre règlement, pour autant que personne ne remette en question, dans ces discussions, le pouvoir d'expropriation qui a été adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture. Le tout respectueusement soumis à votre attention avec l'espoir qu'il n'y aura pas d'appel de ma décision.

M. Parizeau: M. le Président, j'accepte votre décision volontiers. Je voudrais simplement, cependant, rappeler l'article 21 qui dit: "Si les biens du propriétaire ne sont expropriés qu'en partie. " J'aimerais qu'on m'explique comment des biens expropriés en partie peuvent être des actions.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord. En terminant, j'aimerais redire une autre fois que toutes les décisions qu'a à prendre la présidence doivent l'être en vertu de notre règle-

ment. Le seul grand principe qui doit nous guider en deuxième lecture ou le plus important principe qui doit nous guider après la deuxième lecture, lors de l'étude article par article, c'est de ne pas permettre de discussions qui aillentà l'encontre du principe du projet de loi. Mais notre règlement est traditionnellement très souple, non seulement la lettre, mais son esprit. En conséquence, je pense que je dois permettre une discussion sur l'article 20, du moment qu'on ne touche pas au principe du projet de loi.

M. Forget: Avant cette interruption, j'avais le droit de parole, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: J'aimerais bien le reprendre. J'ai écouté avec un certain étonnement cette espèce de plaidoyer de non-recevabilité vis-à-vis d'une motion qui n'était même pas exprimée. Quelles que soient les conclusions auxquelles on a pu arriver grâce à votre aide, M. le Président, je me demande encore de quoi on parlait puisque, encore une fois, je ne faisais que le rappel d'une discussion qui est survenue cet après-midi. Justement pour faire une distinction entre la discussion que nous avons eue cet après-midi et celle que je me propose de commencer ce soir en présence du ministre des Finances, c'est relativement à l'article 20 cette fois-ci.

Fort heureusement, cependant, le ministre des Finances, dans son intervention, m'a démontré que la motion que je me propose de faire est encore plus nécessaire qu'il n'était apparent à première vue puisqu'il a déclaré que, dans le fond, quel qu'ait été l'objet de sa négociation et des évaluations qui ont été faites jusqu'à maintenant, la question de l'expropriation repose de novo, en quelque sorte, tout le problème est de savoir quels biens sont visés par l'expropriation et quelle valeur doit s'attacher à ces biens. Si je comprends ces remarques, comme il s'agit d'exproprier une partie des biens de la société Asbestos, qu'il s'agisse de le faire dans un contexte différent de celui qui a entouré la première série de négociations qui est à son terme, si je comprends bien maintenant, il va falloir reprendre l'exercice, faire une nouvelle évaluation de manière à savoir où on s'en va puisqu'il s'agit maintenant d'actifs partiellement expropriés plutôt que de l'acquisition de gré à gré de l'ensemble des actions.

Ce sont deux problèmes distincts, différents, d'envergure complètement différente. D'ailleurs, je suis heureux que le ministre des Finances nous en dise autant parce que, depuis des heures, nous essayons de faire avouer au ministre des Richesses naturelles que l'objet de l'expropriation, les biens visés par l'expropriation ne sont pas nécessairement tous les biens de la société Asbestos, même pas tous les biens au Québec de la société Asbestos. Le ministre des Finances vient de nous annoncer qu'effectivement il faut s'attendre à une restriction du champ visé. (22 h 30)

Si cela est vrai, M. le Président, je pense qu'il est évident que nous devons avoir un peu plus d'éclairage sur cette valeur, sur la valeur que le gouvernement va attacher à des biens qu'il veut exproprier et que cette valeur doit être connue avant que la décision d'exproprier ne soit prise de façon irrévocable parce qu'on sait que cette décision, une fois prise, entraîne une prise de possession immédiate, déclenche un processus qui est essentiellement irréversible puisqu'une fois que ce serait administré par la Société nationale de l'amiante, ne serait-ce que pendant deux mois, l'ensemble ou une partie des opérations de la société Asbestos, il est fort à parier que la société Asbestos ne voudra pas simplement se faire restituer dans sa situation de propriétaire original; au contraire, elle voudra pousser la filière de la compensation et même des dédommagements jusqu'à sa logique ultime.

Donc, avant de poser un tel geste irréversible, il est normal, puisqu'il s'agit d'un geste qui n'a plus de commune mesure, d'après le ministre des Finances, avec l'exercice de négociation et d'acquisition de gré à gré des actions, il s'agit d'avoir, une bonne fois, une évaluation de ce qu'il en coûtera au gouvernement du Québec, au moins de façon estimative, en tenant compte qu'il s'agit de l'évaluation du gouvernement, mais, malgré tout, d'une évaluation dont on doit disposer pour savoir quelle est l'envergure des coûts envisagés, quels sont les objets envisagés de cette expropriation.

Dans ce sens, M. le Président, je pense savoir que c'est une pratique qui n'est pas sans précédent. Je pense que dans la province de Saskatchewan — le ministre des Finances est très bien documenté là-dessus et voudra peut-être nous informer davantage ou me corriger si je fais erreur — avant que la décision ne soit formellement prise, il y a eu un tel effort pour éclairer l'opinion publique quant au coût de l'opération et quant à ses dimensions. Le ministre des Finances ne peut pas tabler désormais sur le rapport qu'il a publié de Kidder, Peabody puisqu'il vient de nous dire qu'il s'agit de l'évaluation d'actions et de l'ensemble des actifs de la société Asbestos et que l'expropriation, nécessairement, ne vise pas l'ensemble de cela puisqu'il a dit, soit parce qu'il ne le peut pas, en droit, soit parce qu'il a choisi de ne pas l'exercer, qu'il n'avait pas l'intention d'exproprier les actifs situés en Allemagne de l'Ouest. Donc, il s'agit d'une autre évaluation, il s'agit d'une autre étude, il s'agit de quelque chose d'entièrement différent, et nous sommes d'accord.

Donc, il va falloir que cette évaluation soit faite. Nous exigerions qu'elle soit publiée et qu'elle soit déposée à l'Assemblée nationale avant que le gouvernement ne franchisse le Rubicon que constitue l'avis donné d'exproprier certains biens désignés dans l'avis, avec toutes les conséquences que j'ai soulignées tout à l'heure.

Dans cet esprit, nous avons préparé un amendement qui nous permet d'ajouter des mots dans l'article 20 spécifiant justement des obligations nouvelles pour le gouvernement préalablement à l'exercice de son droit d'expropriation. L'amendement se lirait comme suit: Que le paragraphe 20

de l'article 1 soit modifié en ajoutant dans la première ligne du premier alinéa, après le mot "peut", les mots "après avoir créé un conseil d'évaluation dont les résultats auront été communiqués à l'Assemblée nationale, et", et en ajoutant après le premier alinéa, l'alinéa suivant: "Ce conseil, composé de trois experts, doit examiner les méthodes et les hypothèses utilisées par les parties dans le calcul de la valeur marchande des biens expropriés — on pourrait peut-être dire plus justement, je précède peut-être les remarques du député de Frontenac qui est fort soucieux de la forme des biens à être expropriés ou devant être expropriés, mais de toute façon, je pense qu'on se comprend — et exprimer ses commentaires quant à la nature des divergences observées, leur importance dans l'explication de l'écart dans les évaluations faites par chacune des parties ainsi que ses propres conclusions quant à ces divers éléments." Autrement dit, lui donner un tableau basé sur ce qui peut déjà exister comme élément d'évaluation, de l'ordre de grandeur, le "ball park figures" si on veut, dans lequel devrait se situer le coût d'acquisition des biens que le gouvernement s'apprête à exproprier.

Comme je l'ai dit au début de mes remarques, nous avions cherché à introduire, d'inviter l'Assemblée nationale, la commission des richesses naturelles à recevoir, en quelque sorte, un contre-témoignage des experts. J'admets que l'évaluation portait sur les actions et qu'on s'intéresse maintenant aux actifs, mais comme je l'ai indiqué dans mes remarques sur la recevabilité d'une motion, d'ailleurs, qui était inconnue, à ce moment, il demeure qu'il y a énormément d'éléments communs dans tout cela. On n'a pas évalué les actions par rapport, encore une fois, à des événements sur la lune, mais par rapport à une entreprise dont les différentes composantes sont connues, les différentes composantes aux ventes, aux profits, aux coûts, etc., sont connues et ont dû être prises en cause par les évaluateurs.

Quoi qu'il en soit, si l'Assemblée nationale n'est pas jugée suffisamment digne d'une telle responsabilité par le gouvernement, si le gouvernement veut se réserver le soin de faire l'évaluation, au moins, que lui la fasse et qu'il la rende publique avant de procéder à un geste qui va allier tout le monde jusqu'à la fin des temps, parce qu'il semble bien qu'une fois ces décisions prises, il y a bien des difficultés à les réviser, même par des gouvernements subséquents. Quoi qu'il en soit, qu'il fasse cette étude par des experts qu'il désigne, qu'il la publie et qu'il dise: Bien voici, nous nous proposons de nationaliser, d'exproprier tels et tels biens, nous les avons désignés nous-mêmes, nous avons demandé à ce conseil d'évaluation, ces experts, ce "task force" si vous voulez, peu importe son nom, de faire une évaluation la plus sérieuse possible, tenant compte des écarts observés, comme il s'agit de documents qui sont accessibles au ministère des Finances, au ministre des Finances, ils sont donc accessibles à des experts qu'il nomme, de manière que les deux points de vue soient pris en considération quant aux perspectives d'avenir sur le plan des ventes, au taux d'escompte, aux méthodes de calcul, enfin, tout ce qu'on voudra, et qu'on en vienne à un rapport qui ferait ressortir ces hypothèses quant à l'avenir, quant aux différentes méthodes de calcul et qui conclut que selon ces experts, voici la valeur des biens qu'on se prépare à exproprier. Muni de cette information, le gouvernement décidera ou non d'agir. S'il décide d'agir, il présente d'abord à l'Assemblée nationale le fruit de ce travail et c'est dans un contexte de pleine connaissance des faits que s'amorce une décision légitime d'un gouvernement d'aller à l'expropriation. Mais, encore faut-il un minimum d'information.

Actuellement, le ministre nous dit: Nous avons le rapport Kidder, Peabody, mais il nous avoue dans le même souffle qu'il n'est plus pertinent, parce qu'il se rapporte au prix d'action qu'on n'a pas l'intention d'exproprier.

M. Laplante: M. le Président, j'invoque une question de règlement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.

M. Laplante: On ne s'est pas encore prononcé sur la recevabilité et il fait un discours comme s'il était recevable.

Je préférerais qu'on se prononce sur la recevabilité. Après cela, il fera ses remarques. Je serais prêt à me prononcer là-dessus.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'attends que vous me guidiez, M. le député de Bourassa, j'attends vos propos.

M. Laplante: Non, je croyais qu'il allait arrêter avant cela, mais il était parti dans une envolée habituelle.

M. Forget: J'ai présumé de la recevabilité, étant donné la discussion qu'on a eue tantôt par anticipation.

M. Laplante: C'est bien cela. C'est drôle, je ne la jugerais pas recevable. Pour moi, elle n'est pas recevable parce qu'elle change en somme l'effet de l'article 20 tel qu'il est présentement. L'article 20, tel qu'il est, réfère selon les règles prévues à une section spéciale qui traite de la façon d'exproprier. En plus d'ajouter un paragraphe, on change ici le sens de l'article 20 en constituant un conseil additionnel qui est, en somme, on pourrait dire, une dépense additionnelle qu'on ferait faire au gouvernement par son engagement d'experts, ce qui fait que l'article 20, tel que le projet de loi l'entendait aux règles prévues dans un chapitre spécial, ne contient pas, est défait par les amendements du député de Saint-Laurent.

Pour ces raisons, M. le Président, à mon avis, ce n'est pas recevable.

M. Grégoire: ...

M. Laplante: Des délais additionnels, il y a tout cela, c'est sûr.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Allez-y, M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: M. le Président, je voudrais reprendre un peu les termes. L'article 64 du règlement dit justement: "Une motion ne peut être présentée que par un représentant du gouvernement après recommandation du lieutenant-gouverneur en conseil lorsqu'elle a pour objet direct l'allocation de subventions, l'engagement des experts, la création de ce conseil d'experts et, troisièmement, l'imposition d'une charge additionnelle sur les revenus publics ou sur les contribuables."

Je crois que, justement, engager une série d'experts, faire faire une évaluation, faire faire ces commentaires et toutes ces dépenses, constituera justement une dépense publique additionnelle, ce qui ne peut être fait comme motion que par un représentant du gouvernement, après recommandation du lieutenant-gouverneur en conseil.

Je dis également que l'amendement vient en contradiction avec l'article 20 et en change complètement le sens. L'article 20 donne le pouvoir — c'est un pouvoir donné directement au gouvernement — d'exproprier, tandis que l'article 20 dit ceci: Peut exproprier, mais après, et laisse entre les mains des trois experts le soin de déterminer les modalités et les clauses de l'expropriation.

Une Voix: Et le temps.

M. Grégoire: Et le temps, ce qui change complètement le sens de l'article 20. En vertu de la loi, présentement, dès l'adoption de la loi, il ne suffira que d'un avis d'expropriation donné par le gouvernement à la société Asbestos pour que, immédiatement, les biens d'Asbestos Corporation tombent entre les mains de la Société nationale de l'amiante.

En vertu de cet amendement, il faut maintenant non plus attendre la décision du gouvernement, mais attendre les rapports des experts et mettre le facteur temps entre les mains de ce comité d'experts. Pour ces deux raisons, M. le Président, je crois que c'est nettement irrecevable, si jamais...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A moins que les experts soient prêts à travailler gratuitement.

M. le député de Saint-Laurent, très brièvement sur la recevabilité.

M. Forget: Ce sont des objections qui sont manifestement superficielles et sans substance parce que le député de Frontenac lit dans l'amendement des choses qui ne s'y trouvent pas. Nous ne suggérons pas dans cet amendement l'engagement de qui que ce soit. Il y a, je pense, quelque chose comme 55 000 ou 60 000 fonctionnaires à l'emploi du gouvernement du Québec. Il est plau- sible de supposer qu'au ministère des Finances, au Conseil du trésor ou au ministère des Richesses naturelles, il existe au moins trois personnes qui seraient capables d'analyser la situation de la société Asbestos, ses actifs, son fonctionnement. Il ne s'agit pas d'une étude de trois ou quatre ans, il s'agit de savoir ce que cela vaut. Je ne peux m'imaginer que le gouvernement s'apprête à dépenser $100 millions, $200 millions sans avoir, parmi ses 55 000 fonctionnaires, ne serait-ce que trois personnes qui ne puissent même lire le rapport d'experts, de l'extérieur. C'est évident que si on nous dit qu'il n'y a pas, parmi ces 55 000 fonctionnaires, trois personnes qui puissent agir comme experts, on s'en remet pieds et poings liés aux experts qu'on engagera de l'extérieur. De toute façon, on n'a pas besoin, à l'Assemblée nationale, de discuter de cela. Nous ne demandons pas l'engagement de qui que ce soit, nous disons tout simplement: Que le ministre désigne un comité d'experts; on pourrait dire parmi ses fonctionnaires, mais cela va de soi. Etant donné que la motion vient de l'Opposition, on n'a pas le droit de demander autre chose. Cela va de soi, il n'y a pas de changement dans l'application du paragraphe 20, c'est une modalité et cela ne met en péril aucun délai parce que l'article 20 ne pourra être invoqué qu'en 1990, si le gouvernement décide d'attendre jusque-là. Il n'y a absolument aucune limite de temps. Alors, cela ne change rien, c'est une modalité additionnelle.

On aurait pu prévoir que l'avis en question doit être envoyé par lettre recommandée ou Dieu sait quoi, cela n'aurait rien changé au principe de l'article. Ce serait, de la même façon que notre amendement, un amendement recevable.

M. Parizeau: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Un instant. M. le député de Mont-Royal...

M. Parizeau: ... sur une question de règlement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sur une question de règlement, oui.

M. Parizeau: Si je comprends bien...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non pas sur la recevabilité, mais sur une question de règlement. Si c'est sur la recevabilité, je vais permettre au député de Mont-Royal de s'exprimer.

M. Parizeau: Je vais vous demander une directive parce que ce peut être l'un ou l'autre. Si je comprends bien, il s'agit d'un conseil, tel que l'a expliqué le député de Saint-Laurent, qui est maintenant, pour ne pas engager de dépenses publiques, composé de trois fonctionnaires qui feraient rapport à l'Assemblée nationale et non pas à leur ministre. Cela me paraît tout à fait contraire à la fois à nos lois et au fonctionnement des ministères.

M. Forget: Cela non plus ne se trouve pas dans l'amendement.

M. Parizeau: Je ne sache pas que des fonctionnaires fassent rapport à l'Assemblée nationale, sauf ceux qui sont nommés par l'Assemblée nationale, c'est-à-dire le Vérificateur général, le président des élections, etc.

Est-ce une question de règlement ou une question de recevabilité?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'était une question de recevabilité, je pense.

M. le député de Mont-Royal, très brièvement. (22 h 45)

M. Ciaccia: Brièvement, sur l'interprétation de l'article 64. Si le but principal de l'amendement était d'apporter des dépenses additionnelles, mais c'est seulement le résultat ancillaire, parce que beaucoup d'amendements peuvent avoir comme effet ancillaire de produire certaines dépenses. Le but principal de la motion d'amendement de mon collègue, le député de Saint-Laurent, n'a pas pour but de faire une dépense, mais seulement de créer ce conseil.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je suis sûr que vous ne m'en voudrez pas si je vous permets de dialoguer ensemble pendant quelques minutes sans que ce soit enregistré. Je suspends la séance pendant cinq minutes.

Suspension à 22 h 46

Reprise à 22 h 56

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Etant donné que deux arguments principaux ont été soulevés, j'aimerais répondre à chacun de ceux-ci. Je commencerai tout d'abord par le député de Bourassa qui a parlé, je pense, en premier sur la recevabilité. Comme je l'ai déjà dit, il m'apparaît très clair que le principe du projet de loi — regardons simplement l'article 20 — que la motion principale — puisqu'un article ou un paragraphe est, en vertu de notre règlement, une motion principale — que le paragraphe 20 en tant que tel est une motion principale et que la motion d'amendement qui est présentée par le député de Saint-Laurent n'a pas pour but d'écarter le principe de cette motion principale qui est de donner au gouvernement la possibilité ou le pouvoir d'expropriation. D'ailleurs, l'article 70 de notre règlement dit qu'un amendement doit se rapporter directement au sujet de la motion proposée et il ne peut avoir que les objets suivants: retrancher, ajouter des mots ou les remplacer par d'autres. Il est irrecevable si son effet est d'écarter la motion principale ou la question principale. La question principale étant la possibilité d'expropriation, je constate que l'amendement n'a pas pour but d'enlever cette possibilité d'expropriation, mais tout simplement de prévoir une étape préalable à l'exercice de ce pouvoir ou de cette possibilité d'expropriation. Donc, l'amendement ne vient pas à l'encontre de la motion principale, ne l'écarte pas, ne va pasà l'encontre du principe de l'article 20 ou du projet de loi. Par conséquent, je rejette, pour ce seul motif, l'argument invoqué par le député de Bourassa.

M. le député de L'Assomption et ministre des Finances a invoqué, quant à lui, l'argument que des experts n'ont pas à rendre compte à l'Assemblée nationale. Après avoir lu attentivement l'amendement proposé par le député de Saint-Laurent, je constate que, sinon sa lettre, du moins son esprit est de faire en sorte que le gouvernement, après avoir reçu ce rapport, ferait rapport à l'Assemblée nationale. Par conséquent, je me dois bien respectueusement de rejeter également cet argument.

Si j'ai suspendu les travaux, même si mes décisions étaient prises avant même de les suspendre, c'était pour donner une réponse à un argument qui a été employé à deux reprises ce soir, que j'ai déjà moi-même employé comme membre de commission: c'est l'argument du député de Frontenac sur l'article 66. Dans notre règlement, c'est l'article 64 et je vous fais grâce de la lecture de l'article 64. L'article 64, dans son sens et dans son esprit, c'est de défendre à un député quel qu'il soit, du parti ministériel ou de l'Opposition, de présenter une motion ou un projet de loi qui a pour but direct la dépense des deniers qui créerait des charges additionnelles pour l'Etat. Donc, un député, un simple député ne pourrait pas, à l'Assemblée nationale, proposer un projet de loi privé qui amènerait des charges additionnelles qui taxeraient le contribuable québécois. C'est le sens de l'article 64 de notre règlement.

Il est bien sûr que si la motion était adoptée elle aurait peut-être pour conséquence, en créant un conseil d'évaluation, d'amener une charge additionnelle à l'Etat. Mais je pense que tel n'est pas le fondement principal de la motion du député de Saint-Laurent. Son fondement principal, je pense, est de prévoir une étape préalable à l'exercice de la possibilité d'expropriation. (23 heures)

Son but fondamental n'est pas d'amener une dépense à l'Etat, n'est pas de taxer encore davantage le contribuable, mais bien de prévoir une modalité qui n'était pas prévue à l'article 20 — qui pourrait être adoptée, ou pourrait être rejetée. Mais en ce qui concerne la recevabilité, je pense que l'article 64, aux paragraphes 1, 2, 3, 4, 5, 6 et suivants, ne s'applique pas puisque l'essence de cette motion d'amendement n'est pas de taxer, mais de créer un conseil qui aura peut-être comme conséquence d'amener des dépenses supplémentaires, mais l'esprit de la motion d'amendement et son sens n'est pas de créer des dépenses additionnelles à l'Etat, mais au contraire, dans son esprit, de prévoir un conseil d'évaluation.

Donc, pour toutes ces raisons, et en vous demandant encore une fois votre collaboration... Si j'ai tenu à suspendre les travaux, c'est que je voulais éclaircir une fois pour toutes l'article 64 de notre règlement afin que cet article... Je voudrais vous donner un exemple que j'ai moi-même vécu à l'assurance-automobile. Je ne voudrais pas trop m'avancer là-dessus, mais qu'on pourrait voir dans d'autres... Un gouvernement propose que pour la fracture d'une jambe, on donne $10 000 d'indemnité. Est-ce que l'article 64 empêcherait un quelconque député de l'Assemblée nationale, en commission parlementaire, de prévoir que l'indemnité soit de $12 500? Je pense que tel n'est pas l'esprit de l'article 64, quoique cet argument soit employé de façon subsidiaire.

Je pense que le député de Saint-Laurent a présenté sa motion d'amendement. Alors, je cède la parole au ministre des Richesses naturelles.

M. Laplante: M. le Président, je ne voudrais dire que quelques mots. En fait, je voudrais que vous le voyiez dans un sens constructif parce que je ne voudrais pas contester d'aucune façon la décision que vous venez de rendre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'espère. Je suis sûr que telle n'est pas votre intention.

M. Laplante: Si, dans l'argumentation que vous venez de donner, il y avait une intention de retarder la mise en vigueur du projet de loi — disons que l'Assemblée nationale termine ses travaux aujourd'hui, sachant très bien qu'elle ne reprendrait pas ses travaux avant octobre — qu'est-ce qui pourrait arriver à ce moment-là? C'est ce vide, actuellement, que je ne comprends pas, de par l'article 20, parce qu'on donne...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Bourassa, je vais vous répondre très directement. Il n'est pas de la tâche de la présidence de juger pour quelle raison une motion est présentée. La présidence n'a qu'à constater si elle est recevable ou non en vertu de notre règlement. Les arguments que vous invoquez, si vous les croyez, vous pourrez les employer à défaire la motion, si vous le jugez à propos.

M. le ministre des Richesses naturelles.

M. Bérubé: M. le Président, étant donné que le ministre des Finances est avec nous ce soir et que, évidemment, il ne passera pas deux semaines avec nous, j'éviterai d'intervenir longuement sur ces motions de manière à permettre au ministre des Finances de dire ce qu'il a à dire sur chacune d'entre elles. Je voudrais simplement rappeler que sa présence parmi nous ne sera pas de trop longue durée et que, par conséquent, il aurait peut-être été intéressant de mettre l'accent sur les questions qui venaient à l'esprit des députés de l'Opposition et qui auraient pu impliquer le ministre des Finances dans sa négociation.

Pour cette raison, il me semble approprié qu'on mette l'accent sur de tels genres de discus- sions, sinon, évidemment, on devra reprendre la discussion des autres articles sans avoir eu l'occasion d'entendre les réponses du ministre des Finances aux questions que vous lui aurez posées. Aussi, je pense que pour le bien des travaux de notre commission, compte tenu que nous avons tout de même un certain effort de conciliation, il serait peut-être important d'essayer de mettre l'accent sur ce type d'intervention. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Une question est posée, et je pense que c'est à l'Opposition d'y répondre. La présidence est là, et lorsqu'il y a des consensus, elle va les constater.

M. Lalonde: M. le Président, c'est le leader du gouvernement qui nous a demandé de siéger ici, ce soir. Ce n'est pas nous qui forçons le ministre des Finances à venir discuter.

M. Grégoire: ... que vous avez faite et à laquelle le ministre des Finances a consenti, mais c'est vous qui l'avez demandée. On sait que si on passe sur cet amendement — nous avons trois députés de l'Opposition ici, ils seront intéressés à parler 20 minutes, évidemment, ou à peu près, ils y ont droit — nous serons rendus à minuit et il n'y aura peut-être pas eu d'autres interventions, sauf sur cet amendement.

Comme vous nous avez demandé de suspendre huit articles, étant donné que vous avez peut-être des questions sur ces huit articles, nous consentirions à vous laisser parler et poser vos questions sur les huit articles pour le reste de la soirée. On suspendrait la motion, on aurait les commentaires du ministre sur la motion et on vous laisserait poser des questions sur les huit articles, quel que soit celui que vous vouliez, pour vous permettre de poser toutes les questions que vous voulez au ministre des Finances. Si vous êtes prêts à accepter cela, on suspend le règlement pour vous permettre d'y aller sur huit articles en même temps.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, je me rends compte que tout le monde intervient de l'autre côté, soi-disant qu'on est pressé. Je me bornerai à dire tout simplement qu'il appartient à l'Opposition de déterminer quelle motion elle va présenter et on ne pense pas que ce soit impertinent de poser au ministre des Finances la question, à savoir est-ce qu'avant de prendre sa décision, il va dire à la population combien cela va coûter. Je pense qu'il est peut-être celui qui est le mieux placé pour répondre à cela. J'ai encore le temps, je pense bien, sur la motion, je ne l'épuise pas, il ne s'agit pas d'en parler jusqu'à minuit. Au contraire, mes collègues et moi, on serait enchanté de se taire et de savoir si le ministre des Finances est capable de s'engager.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Forget: Si le ministre des Finances est capable de s'engager et de nous dire: Cela ne va pas coûter plus de tant. Il y a un plafond, ou alors on va dire à la population combien cela va coûter avant de le faire. C'est cela qu'on cherche.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Voici. Je comprends qu'il y a une proposition qui est faite par le parti ministériel selon laquelle en vertu du règlement on est tenu d'étudier les articles les uns après les autres, mais est-ce qu'il y a un consensus ou pas pour... C'est ce que la présidence doit constater tout simplement.

M. Forget: II faut bien prendre les sujets les uns après les autres. On a l'article 20 et l'article 21 qui ont été suspendus. Je pense qu'on pourra en faire la discussion ce soir. Maintenant, nous demander de discuter en l'espace d'une heure, des huit articles qui ont été suspendus, c'est assez transparent du côté gouvernemental. On aimerait bien dire à minuit ce soir: C'est fini, c'est dans le sac, l'affaire est réglée. On soupçonne les amendements qu'on a à proposer relativement à l'article 27, et à l'article 44 en particulier. Si on voulait seulement commencer à réfléchir là-dessus, ils sont suffisamment difficiles pour nécessiter une autre séance avec le ministre des Finances.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Nous revenons au débat sur l'amendement. M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, ce qu'on nous propose, à toutes fins utiles, c'est l'une ou l'autre des deux choses, si j'ai bien compris à la fois la lettre et l'esprit de l'amendement: ou bien un certain nombre de fonctionnaires du ministère des Finances et du Conseil du trésor qui seraient constitués en une sorte de conseil qui ferait rapport sur les évaluations des coûts. Je prends cela en un certain sens comme une sorte de proposition un peu injurieuse. D'abord, il y a beaucoup plus de trois fonctionnaires qui travaillent là-dessus. D'autre part, le type d'évaluation qu'on a à faire, soit selon l'achat de gré à gré des actions, soit sous forme d'expropriation des actifs, a été étudié depuis fort longtemps. S'il s'agit de cela, je ne peux prendre la proposition que comme une mesure dilatoire.

S'il s'agit au contraire de faire un conseil composé de trois experts de l'extérieur du gouvernement, je pense simplement qu'à toutes fins utiles on veut une sorte de préarbitrage. J'imagine que, pour que trois experts nommés à l'extérieur du gouvernement soient crédibles, l'un devrait être nommé par le gouvernement, l'autre par la compagnie et le troisième ou bien de gré à gré ou alors par les tribunaux, ce qui est exactement ce que nous suggérons plus loin dans le projet de loi. On ne va pas se taper un double arbitrage, un avant et un après. Si c'est cela qu'on nous propose, là encore c'est une mesure essentiellement dilatoire qui consiste à faire en sorte que l'expropriation ne puisse pas se produire avant des délais plus ou moins longs.

Qu'il s'agisse de la première hypothèse ou qu'il s'agisse de la seconde, je ne vois pas de quelle façon le gouvernement peut accepter ce conseil. C'est tout ce que j'ai à dire sur cet amendement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Cela a été assez court, non seulement en termes de temps mais en termes de contenu aussi. Prétextant que la procédure ne lui convient pas, le ministre des Finances nous dit dans le fond: Décidons d'abord à l'Assemblée nationale qu'on va exproprier, c'est un pouvoir d'exception.

On demande au public d'appuyer une mesure comme celle-là et, de toute façon, cela ne regarde que le gouvernement de savoir combien ça va coûter. Vous le saurez bien le moment venu, au moment où il sera temps de payer. Quand l'arbitrage sera fini, dans un an, dans quinze mois ou dans dix-huit mois, on saura bien combien ça va coûter. Pourquoi se donner le mal de le savoir d'avance? J'espère que le ministre des Finances ne se livre pas à ce genre de manoeuvres impulsives de façon générale comme président du Conseil du trésor. J'imagine qu'il veut savoir d'avance combien ça coûte. Ce que nous lui demandons, étant donné qu'il s'agit d'une loi et qu'il ne s'agit pas d'un arrêté en conseil, c'est de le dire en public.

Le ministre des Finances peut me corriger là-dessus, mais je pense savoir que lorsque la Saskatchewan a exproprié ou a adopté cette loi sur le développement des ressources de potasse, ils ont fait une espèce de préarbitrage, ils ont créé une espèce de panel qui a eu pour mission d'évaluer quel était approximativement, selon le gouvernement, l'ordre de grandeur de ce qui attendait le gouvernement de la Saskatchewan dans cette histoire. Après, bien sûr, il y a eu des négociations, il y a eu un résultat. Je pense que c'est quelque chose dans ce genre qui s'est produit. De toute manière, comment refuser de fournir au public une évaluation alors que le ministre des Finances a avoué tout à l'heure que, quelle qu'ait été l'évaluation, la valeur de l'évaluation qu'il a déposée à l'Assemblée nationale relativement aux actions, cela n'avait aucune espèce de rapport, à son avis, avec le coût éventuel de l'expropriation puisqu'il s'agit d'une partie des biens, puisqu'il s'agit d'un contexte différent et qu'il faut donc recommencer. S'il faut recommencer, il va falloir aussi recommencer à le dire; il ne faudra pas seulement recommencer à le faire pour le seul bénéfice du ministre des Finances et peut-être, s'il est ainsi gratifié de sa bienveillance, de son collègue des Richesses naturelles.

Il faudrait peut-être le dire publiquement aussi. Il faudrait peut-être également dire publiquement ce qu'on veut exproprier. C'est un mystère complet! Le collègue du ministre des Finances nous a alimentés d'hypothèses cet après-midi. Il a dit: Peut-être qu'on va exproprier tous les actifs au Québec, peut-être qu'on ne les expropriera pas tous. De toute façon, cela aussi fait partie des

secrets d'Etat. Pourquoi? Au nom de quoi cette information est-elle secrète? En quoi les intérêts du Québec sont-ils menacés par la divulgation des intentions gouvernementales et de l'estimation du coût selon l'évaluation du gouvernement?

M. Parizeau: Question de règlement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre des Finances, sur une question de règlement.

M. Parizeau: Je ne comprends pas...

M. Forget: Quel article du règlement le ministre des Finances invoque-t-il maintenant?

M. Grégoire: Question de règlement. M. Parizeau: La pertinence.

M. Forget: La pertinence? La pertinence de quoi? On parle de l'amendement qui est relatif à la divulgation des coûts.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre! A l'ordre!

M. Grégoire: Attendez d'entendre la question de règlement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre! A l'ordre!

M. Bérubé: On ne parle pas de votre impertinence personnelle, mais de l'impertinence de vos propos!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît, à l'ordre!

M. Forget: Vous n'avez pas demandé la parole, M. le ministre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La parole est au ministre des Finances sur une question de règlement.

M. Parizeau: Les questions que posent le député de Saint-Laurent n'ont, à mon sens, rien à voir avec le conseil...

M. Forget: Ce n'est pas une question de règlement, le ministre des Finances essaie d'argumenter. En vertu de l'article 96 il pourra, à la fin de mes remarques, donner les réponses qu'il voudra.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je pense qu'il est également de mon devoir, avec tout le respect que j'ai pour les membres de l'Assemblée nationale, avant de juger si c'est une question de règlement ou non, de l'entendre à tout le moins.

M. Parizeau: Je soumets que de déterminer quelle partie des actifs serait expropriée ou non n'a rien à voir avec la composition ou la création d'un conseil.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je suis prêt à rendre une décision. Il est toujours difficile de dire ce qui est pertinent et ce qui ne l'est pas. Effectivement, en ce qui concerne les biens à être ou à ne pas être expropriés, cela concerne l'article 21. On y verra à ce moment-là. Le but de l'amendement vise la composition du conseil. J'invite les membres de la commission à parler pour ou contre la création d'un conseil et pour quelles raisons.

M. Forget: On a soulevé une question de règlement, M. le Président, et vous avez tranché très rapidement. J'attirerais votre attention sur le deuxième paragraphe de l'amendement qui mentionne très bien qu'il ne s'agit pas seulement de créer un conseil; il a aussi un mandat, ce conseil. Le mandat du conseil est d'examiner les méthodes et les hypothèses utilisées par les parties. On a des parties en présence et j'imagine qu'on n'a pas besoin de les décrire. Les parties sont, d'une part, General Dynamics et, d'autre part, le gouvernement. Dans le calcul de la valeur marchande des biens expropriés, les biens expropriés, il faudrait savoir lesquels ils sont. Cela fait partie du mandat. (23 h 15)

C'est quoi le mandat de ce conseil? C'est de donner la valeur des biens expropriés. Il s'agit, je pense, d'un élément essentiel dans cette motion d'amendement. Le ministre nous dit que les biens expropriés ne seront pas la totalité des biens. Donc, il s'agit de faire un rapport sur la non totalité des biens. Il faudra bien que le conseil, justement, dans son mandat sur les instructions gouvernementales, dise: Nous avons évalué les biens que le gouvernement s'apprête à exproprier. Cela fait partie de son mandat. Alors, je ne vois pas en quoi la discussion actuelle est non pertinente.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, je ne relève pas tout ce que le député de Saint-Laurent me met dans la bouche à l'heure actuelle, j'aurai l'occasion de le faire quand il aura fini son intervention. Mais, nulle part dans cet amendement, on indique que le conseil doit déterminer quels biens doivent être expropriés. Donc, je maintiens encore une fois mon opposition à l'intervention du député de Saint-Laurent.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous me rendez tous la tâche difficile parce que là, j'en suis rendu à regarder quel est, dans l'amendement, ce qui est essentiel et ce qui... Je pense que vous me demandez beaucoup.

M. Lalonde: M. le Président, sur cette question de règlement. Je comprends que le ministre des Finances est un homme important et que son temps est précieux. Il est venu ici ce soir, on

essaie de faire rapidement, mais cela fait cinq minutes qu'on passe sur une question de règlement. Mais vous souvenez-vous que depuis le début de cette commission, vous avez interprété de façon très large la pertinence? S'il avait fallu adopter la ligne de pensée du ministre des Finances depuis le début des travaux, on ne serait pas rendu au début de la première motion.

M. Parizeau: M. le Président, puisqu'il y a eu une intervention de ce genre qui n'a rien à voir avec la question de règlement, je dis simplement que je suis ici ce soir, j'y reviendrai, j'y retournerai. Je ne vois pas pourquoi l'Opposition devrait se sentir bousculée ou pressée de quelque façon que ce soit.

M. Lalonde: Maintenant, soyons larges dans l'interprétation.

M. Parizeau: Non, M. le Président. Je ne vois pas en quoi l'un découle de l'autre.

M. Lalonde: C'était la conclusion de ma question de règlement.

M. Parizeau: Comme coq-à-l'âne, c'est parfait.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, j'ai posé ma question; j'ai dit essentiellement au-delà de toutes ces questions de procédure et de formalisme derrière lesquelles on dirait que le ministre des Finances cherche à se réfugier, en quoi est-il contre l'intérêt public qu'un groupe d'évaluateurs experts qu'il désignera lui-même, et auquel il dira: Voici les biens qu'on a l'intention d'exproprier, donnez-nous-en une évaluation la plus objective possible que nous publierons après par son dépôt à l'Assemblée nationale, en quoi cela est-il si gênant? Qu'est-ce qui empêche le ministre des Finances de dire: Oui, nous allons dire, effectivement, avant d'agir: Voici ce que nous voulons faire et voici ce que cela va coûter. Quel est l'obstacle? Je ne le décèle pas, et chaque fois que j'arrive à cette question, dans un sursaut d'énergie, le ministre des Finances soulève un point de règlement, et voici qu'on va appeler un vote ou Dieu sait quoi, cela va encore lui permettre de dire: On y répondra plus tard. En quoi consiste essentiellement son objection sur le fond?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'ai envoyé quelqu'un vérifier si c'était un vote ou un quorum. M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: L'intervention du député de Saint-Laurent est terminée, si je comprends bien?

M. Forget: Pour l'instant, oui.

M. Parizeau: Bon. Alors, j'aimerais seulement rectifier un certain nombre de choses, M. le Président. D'abord, je n'ai pas dit qu'on rationaliserait ou qu'on exproprierait des morceaux de l'Asbestos Corporation; j'ai dit que c'était possible. On peut tout exproprier au Québec ou on peut en exproprier une partie. Qu'on ne me fasse pas dire ce que je n'ai pas dit. Deuxièmement, pour ce qui a trait à l'évaluation des coûts, tout dépend, évidemment, de ce qu'on exproprie; le prix va varier. Nous avons un certain nombre d'estimations à ce sujet. Troisièmement, M. le Président, il ne faut pas être grand clerc pour savoir que si on expropriait — si, je répète, si; on ne peut quand même pas dire que j'affirme que c'est un morceau — un morceau, le coût serait sûrement inférieur à l'évaluation de Kidder Pea-body, c'est-à-dire $40 à $42 multipliés par le nombre des actions. Il arrive fort fréquemment, M. le Président, que nous créons des sociétés d'Etat, que nous lançons des programmes en disant: Le gouvernement pourra dépenser jusqu'à un montant de... Il est évident que si on expropriait un morceau, cela coûterait moins cher que le tout. Je suis certain que je viens de dire quelque chose de profondément original, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): On va suspendre les travaux jusqu'à la prise du vote.

Suspension à 23 h 20

Reprise à 23 h 35

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les travaux de la commission parlementaire recommencent. M. le ministre.

M. Bérubé: M. le ministre des Finances me fait dire qu'il a eu un appel téléphonique et qu'il allait descendre immédiatement après pour se joindre à nous...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord.

M. Bérubé: ... pour continuer les travaux. Une Voix: Alors, si vous voulez y aller. M. Bérubé: On peut y aller, pas de problème. M. Forget: On va attendre si...

M. Bérubé: Non. Il ne faut pas attendre. Bon! allons.

M. Forget: M. le Président, le ministre des Finances nous avait instruits sur le tout et la somme des parties. Il est fort intéressant de voir cela confirmé par le ministre des Finances parce que, parfois à voir les impôts et la façon dont ils sont dépensés, on se prend à douter des plus

élémentaires règles de l'arithmétique. Mais ceci étant dit, on peut renouveler la question.

On n'a pas prétendu que le ministre s'était engagé à exproprier seulement la partie ou seulement le tout. Le grand problème, M. le Président, c'est que le ministre ne s'est engagé à rien. Il n'a rien dit de substantiel quant aux intentions gouvernementales. C'est cela le grand problème. On ne demande pas qu'il le fasse immédiatement parce qu'on se rend bien compte qu'il est incapable de le faire. Il n'a pas pris toutes les décisions qui s'imposent. Il serait dans un embarras considérable de nous dire quelles sont ses véritables intentions.

Ce que l'on demande, cependant, par cette motion, c'est qu'il prenne le soin, avant de poser le geste irréversible de l'expropriation, avant de s'engager dans cet engrenage, de s'engager d'avance à le dire à ce moment-là de façon très claire à dire, grâce à un travail, à une évaluation experte attribuable au labeur de gens qu'il aurait lui-même désignés, selon le mandat qu'il leur aurait précisé quant aux biens qu'il a l'intention d'exproprier à ce moment-là, combien cela va coûter, aussi simplement que cela. Est-ce qu'il est prêt à s'engager à le faire avant d'exproprier?

On aimerait, bien sûr, qu'il nous le dise ce soir, mais c'est assez évident qu'il ne le fera pas. Il se défend d'avoir même suggéré qu'il pourrait faire une chose ou l'autre. On prend note de cela, on est tout à fait d'accord avec lui. Il n'a rien dit qui nous permettrait de deviner ses intentions, ni de près ni de loin. On ne sait absolument rien de ses intentions. On ne sait absolument pas ce qu'il va faire, ni quand, ni pourquoi, ni comment, ni combien. On l'accepte. Ce qui fait qu'on ne sait rien. On est dans le noir le plus total et on sait qu'on va rester dans le noir le plus total. Tout ce qu'on demande au ministre, c'est ceci: Juste au moment d'agir, est-ce qu'il va au moins, là, dire tout ce qu'il est important de savoir et, en particulier, combien cela va-t-il coûter?

M. Parizeau: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: ... le député de Saint-Laurent...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que je pourrais rappeler les députés à l'ordre, s'il vous plaît, des deux côtés, au bout particulièrement?

M. Parizeau:... a un sens — je vais utiliser un mot que je n'utilise pas très souvent, mais enfin, c'est mon premier filibuster; je trouve cela fort amusant — du bobard absolument extraordinaire. Il dit: On ne sait rien des intentions du ministre des Finances. Comment, on ne sait rien des intentions du ministre des Finances? J'ai répété à l'Assemblée nationale, autant comme autant, avant que le projet de loi d'expropriation soit présenté en première lecture, après qu'il a été présenté en première lecture, après qu'on ait abordé la deuxième lecture, que mon objectif était d'en arriver à une entente de gré à gré et que j'étais disposé à laisser toute espèce de porte ouverte parce que, à mon sens, si on peut en arriver à une entente de gré à gré, c'est infiniment préférable à n'importe quelle autre solution. Je l'avais suffisamment assez affirmé et on me dit: II n'a jamais rien dit sur ses intentions. Oui, c'est très clair, j'ai toujours dit cela. Je continue de répéter la même chose. Mais on se trouve en face d'une compagnie, M. le Président, qui a besoin qu'on l'incite à discuter un peu. Alors, nous l'incitons, M. le Président, nous l'incitons fortement.

D'autre part, quant au coût que cela pourrait représenter, aux estimations qu'on puisse faire... Comment, on n'a pas fait faire d'estimés? Mais on a rendu public le rapport de Kidder Peabody sur l'objectif que nous avons en tête, c'est-à-dire d'acheter les actions si c'est possible. On a déposé cela en Chambre. Il y a longtemps d'ailleurs. Dans un certain sens, qu'est-ce que le député de Saint-Laurent veut de plus? Une déclaration d'intentions? Oui, si on peut acheter de gré à gré, on va acheter de gré à gré.

M. Forget: Quoi?

M. Parizeau: Acheter de gré à gré les actions. C'est clair?

M. Forget: Mais on parle d'expropriation.

M. Lalonde: M. le Président, je ne veux pas interrompre le ministre, mais tantôt il a invoqué le règlementà l'encontre des propos du député de Saint-Laurent. Pouvez-vous rappeler au ministre des Finances que nous, pauvres députés de cette commission, membres ou intervenants, ne sommes pas appelés à étudier un projet de loi pour l'achat de gré à gré mais pour exproprier? Or, l'expropriation, d'après le ministre lui-même, ce sont des actifs, non pas des actions.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je vous rappellerai votre argument de tout à l'heure: la présidence a toujours été souple et elle continuera de l'être. M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, ai-je dit, il y a quelques instants, qu'il fallait inciter fortement la compagnie? Il me semblait que, justement, l'objet de ce projet de loi, c'était d'inciter la compagnie. Le fait est que depuis que c'est déposé en première lecture, on a eu l'étude Lazard. Nos amis de l'Opposition ont réussi à l'avoir aussi par la suite, c'est un à-côté. Je ne sais pas si le chef du Parti libéral, à l'heure actuelle, a une copie entre les mains ou a pu en consulter une, mais c'est justement parce que le projet de loi a été mis sur la table en première lecture... avant cela personne ne l'avait, sauf General Dynamics.

Donc, les évaluations quant à une transaction de gré à gré — qui reste notre objectif si c'est

faisable — les évaluations sont faites. Les évaluations quant aux actifs ont été assez longuement examinées au ministère des Finances. Il est évident, cependant, que, si on ne peut pas le faire de gré à gré, on doit fixer la valeur des actifs qu'on veut exproprier et l'autre partie ne sera pas nécessairement d'accord. On ouvre alors un tribunal d'arbitrage. C'est la formule normale de fonctionnement.

Est-ce qu'on n'a jamais vu le ministère des Transports ou le ministère des Travaux publics dire avant d'exproprier quelque chose: Je vais organiser un conseil d'évaluation? On exproprie et, dans la mesure où l'exproprié n'est pas d'accord, cela va au tribunal d'expropriation.

Le projet de loi que nous avons ici, puisqu'il ne porte pas sur des immeubles à des fins d'administration publique, est une loi différente, distincte des pouvoirs d'expropriation normaux du gouvernement, mais qui suit exactement le même genre de démarche de toute forme d'expropriation par un corps public: premièrement, on se donne le pouvoir d'exproprier, deuxièmement, on fixe la valeur qu'on croit devoir établir et, troisièmement, un tribunal est prévu pour trancher le débat s'il y a lieu. Dans ce sens, le conseil me paraît totalement superfétatoire.

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je comprends que, lorsqu'on exproprie un terrain pour construire une route, on ne déclare pas à l'Assemblée nationale quel est le prix que le gouvernement entend payer pour le terrain. Quand on construit des routes, on donne un budget pour la construction de la route, et cela comprend le prix qu'on va payer pour les terrains.

Le problème ici, c'est qu'on n'exproprie pas les actifs de la société Asbestos camion par camion et morceau de mine par morceau de mine, c'est l'équivalent d'exproprier toute l'emprise de la route et on voudrait savoir quel est le budget de la route au moment où le gouvernement décidera d'utiliser son pouvoir d'expropriation. Le ministre dit: Quelles sont nos intentions? C'est facile, nos intentions sont d'acheter toutes les actions de la société Asbestos de gré à gré.

Encore une fois, le député de Marguerite-Bourgeoys l'a dit, ce n'est pas une loi pour faciliter la négociation qu'on approuve actuellement, c'est une loi d'expropriation. Si le ministre des Finances veut vraiment donner des raisons à General Dynamics pour négocier de gré à gré, encore faut-il que son intention d'exproprier aille au-delà des simples mots utilisés dans la loi, il faut que ce soit une intention qui semble au moins sérieuse. D'où la question à laquelle je reviens: Lorsque le gouvernement décidera que le moment est venu d'exproprier — il faut bien considérer cette hypothèse, autrement on parle pour rien, on n'a pas besoin du texte de loi. Il faut donc supposer que ce moment peut venir... Ce que nous demandons au ministre des Finances, c'est de s'engager, à ce moment-là, à dire d'avance quel est le budget de la route, c'est-à-dire quelle est la somme qu'il envisage devoir débourser pour cette acquisition. (23 h 45)

II ne s'agit pas simplement acheter le magasin du coin, c'est un achat important et nous voulons être sûrs que l'opinion publique soit bien renseignée sur les implications financières de cette décision. Pas six mois après qu'elle aura été prise, au moment où elle va être prise, quelques jours avant qu'elle ne soit prise, on veut que l'opinion publique soit saisie de cette évaluation. Encore une fois, qu'est-ce qui fait de cette question un secret d'Etat? Relativement à l'intention éventuelle d'exproprier, je répète encore une fois, en dépit des dénégations du ministre des Finances et en mettant de côté son affirmation que tout ce qu'il veut, c'est négocier de gré à gré l'acquisition des actions, qui, si on en vient à l'expropriation, on ne sait pas aujourd'hui ce que le gouvernement a l'intention d'exproprier s'il en vient là, quel délai il se donne, comment il va procéder et quel prix il pense devoir offrir pour ce qu'il veut exproprier.

Nous sommes dans l'obscurité la plus totale. On sait très bien qu'il y a le rapport Kidder, Peabody. En arrivant ici, le ministre des Finances a dit: Ecoutez, c'est non pertinent. Il en a même fait une question de règlement. Il a dit: Le rapport Kidder, Peabody, la valeur des actions, c'est impertinent. Cela ne nous aide pas à connaître la valeur des actifs, parce qu'on peut très bien n'exproprier qu'une partie des actifs. Il ne faudrait pas qu'il utilise le contraire de l'argumentation de tout à l'heure pour nous dire qu'on sait tout. Il nous a dit qu'on ne savait rien. Il nous a dit qu'on ne savait rien de pertinent relativement à la valeur des actifs. Qu'il s'engage à le dire un jour. Au moins, s'il ne veut pas le faire ce soir, qu'il le fasse au moment et avant, si possible, le moment où il va exproprier. Ce n'est pas un secret d'Etat.

M. Parizeau: M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Le contraire de pertinent, ce n'est pas impertinent. Je n'ai pas dit que quoi que ce soit était impertinent. Il y a une chose évidente, c'est que dans l'hypothèse où nous exproprierions tous les actifs situés au Québec de I'Asbestos Corporation, nous ne paierions pas autant que ce que nous paierions pour les actions de la compagnie. Cela va de soi, puisqu'il y a des actifs qui sont à l'extérieur du Québec et auxquels on ne peut pas toucher.

Donc, le montant dont parle le député de Saint-Laurent sera inférieur inévitablement à ce qui serait offert par le gouvernement. Quant au tribunal d'arbitrage, c'est une autre paire de manches, mais quant à ce qui serait offert par le gouvernement, cela ne pourrait pas être ce qu'il serait disposé à payer pour les actions de la société. Cela va de soi.

Je reviens encore sur ce que je disais tout à l'heure. Nous adoptons une foule de lois où nous fixons des sortes de maximums. Tout ce que je dis à l'égard de la valeur des actifs, c'est que manifestement les actifs c'est différent des actions, mais si on exproprie seulement les actifs au Québec, cela ne va pas représenter la même valeur que les actions totales de la compagnie.

M. Forget: Le malheur, M. le Président...

M. Parizeau: Je m'excuse, je n'ai pas terminé, M. le Président.

D'autre part, l'article 23 donne la réponse à une question que soulevait le député de Saint-Laurent: Dans les 30 jours de la signification de l'avis d'expropriation, la société transmet au propriétaire antérieur une déclaration indiquant le montant de l'indemnité. Si je comprends bien le député de Saint-Laurent, ce qu'il me demanderait de faire, c'est qu'au lieu de laisser courir 30 jours avant de déclarer le montant, je le fasse au moment où l'avis d'expropriation serait signifié. Remarquez que je prends ici les 30 jours comme étant 30 jours au maximum. Si cela sort au bout de 18 jours ou de quinze jours, j'allais dire tant mieux pour tout le monde, mais je prends ici le sens de l'article 23 comme étant 30 jours au maximum.

M. Forget: Le malheur de l'explication du ministre, son analogie avec les lois qui permettent une dépense maximale, c'est que cette loi, tout ce qu'elle permet, c'est une dépense minimale. Dans le contexte des évaluations gouvernementales, tout ce qu'on sait, c'est que le conseil d'arbitrage qui va éventuellement décider de ce que cela va vraiment coûter n'ira certainement pas plus bas que l'offre faite par le gouvernement. Dans l'hypothèse où ce serait la totalité, ce qui est une hypothèse, bien sûr, qui n'est pas totalement applicable, étant donné les intentions présumées du gouvernement de ne pas tout acheter, ce serait $42 l'action. On est sûr que cela ne coûtera pas moins cher que cela, multiplié par le nombre d'actions. Mais on n'est absolument pas sûr du maximum. Il n'y en a pas de maximum dans ce projet de loi. C'est "open ended". On sait qu'on va payer au moins $42 l'action ou au prorata si on en achète moins que la totalité, mais on peut payer à peu près n'importe quel prix au-delà de cela. Donc, l'analogie n'est pas applicable.

Pour ce qui est de la référence à l'article 23, si le ministre des Finances avait été ici au moment où son collègue le ministre des Richesses naturelles s'est prononcé sur l'article 23, il nous a très bien dit que l'indemnité qui serait offerte dans les 30 jours suivant l'avis prévu par l'article 20, ça pouvait être n'importe quoi. C'était un pied dans la porte, c'était une façon d'amorcer une deuxième négociation et, si c'est une façon d'amorcer une deuxième négociation, ça peut être $1 nous a-t-il dit, ça peut être n'importe quelle somme dans le fond. Il s'agit simplement de se conformer à la lettre de la loi qui dit que le gouvernement doit dire: Je vous offre $100, une valeur symbolique. Il a d'ailleurs utilisé cette expression-là, ça peut être un montant symbolique, ça n'a pas besoin d'être une véritable évaluation. Ce qui veut dire que si le ministre des Finances reste sur sa position de traiter toute cette question comme n'étant pas d'intérêt public, comme étant son domaine privé et comme si c'était son argent propre plutôt que l'argent des contribuables, on ne saura pas avant 18 mois après la décision du gouvernement combien cette aventure-là va coûter aux contribuables québécois.

Il ne le dira pas avant. Le chiffre qu'il va donner comme indemnité en vertu de l'article 23 est un chiffre fictif et choisi au hasard qui n'a aucune ressemblance nécessaire avec la réalité, et c'est seulement quand l'arbitre et essentiellement le juge de la Cour provinciale — Dieu ait son âme — qui aura à se prononcer en définitive entre les parties, qu'on saura enfin quel est l'ordre de grandeur de l'obligation qu'on contracte en adoptant cette loi-ci. Si c'est là le fin mot de l'explication du gouvernement, on est bien prêt à prendre acte de ça. Tout ce qu'on peut faire c'est de constater qu'ils n'ont rien à nous dire quant à leurs intentions véritables et qu'ils ne sont pas prêts à prendre d'engagement ni sur le quoi, ni sur le combien, ni sur le quand, ni sur le comment.

Le public jugera du sérieux d'un gouvernement qui procède de cette façon-là, non pas pour acheter un bout de route, non pas pour acheter un terrain, mais pour acheter toute une industrie, toute une entreprise qui vaut quand même certainement $100 millions dans son état actuel — c'est le moins qu'on puisse dire puisque c'est le minimum de l'évaluation — ou n'importe quel chiffre au-delà de celui-là. C'est une attitude qui n'est pas sérieuse, qui n'est pas responsable. Une fois qu'on l'a constaté, M. le Président — je n'ai pas l'intention de passer trois semaines sur le sujet — il reste que c'est assez paradoxal de se faire dire par le ministre des Finances: Ecoutez, dans le fond, non pas en toutes lettres, mais par implication, attendez, ce n'est pas le moment de poser des questions embarrassantes au gouvernement. D'ailleurs, peut-être le gouvernement ne sait-il pas lui-même où il s'en va. D'après les réponses qu'on reçoit, on est porté à croire que finalement cette imprécision-là est non seulement acceptée comme un bienfait, mais qu'elle est voulue, qu'elle est recherchée. On cherche probablement à noyer le poisson parce que cette obligation d'acheter la société Asbestos — j'en suis de plus en plus persuadé — c'est une opération politique manquée du gouvernement actuel. C'est une opération où on cherchait à recréer l'euphorie de la nationalisation de l'Hydro-Québec et l'euphorie ne s'est pas manifestée. Alors on est pris maintenant simplement avec la douloureuse nécessité de liquider une opération électorale manquée.

Pour ce qui est du ministre des Finances qui a d'autres soucis — et Dieu sait que je sympathise avec lui dans les circonstances actuelles — plus ça va prendre de temps, mieux c'est, moins on s'engage, mieux c'est, parce que moins on s'en-

gage, moins on aura l'embarras éventuellement d'avoir l'air de manquer à ses obligations. Plus on ouvre de portes à une perpétuation de l'espèce d'état de fluctuations, d'incertitude ou de négociations interminables, mieux c'est, dans le fond, parce que les échéances reculent d'autant.

On a appris tout à l'heure qu'une autre négociation va s'ouvrir. Une fois cette loi adoptée ce n'est plus le ministre des Finances qui va négocier, ce sera officiellement la société nationale, parce que la société nationale, en tout temps, a le droit de convenir avec General Dynamics d'un prix quelconque pour l'acquisition d'une partie ou de la totalité des actifs. Alors il faudra bien laisser la chance aux coureurs, comme on dit. Si cela a pris une année pour faire une quasi-négociation, ça va bien prendre une bonne année pour en faire une vraie. A ce moment-là, on ne peut que constater, devant le silence du ministre des Finances, devant même son extrême réticence à aborder le sujet, — Dieu sait le nombre de questions de règlement qu'il a faites, d'argumentations pour dire que rien n'était recevable de ce qui était pertinent dans le fond à ce qui est central à ce projet de loi, combien cela va coûter — ça nous force à conclure que ce n'est pas parce qu'on ne veut pas répondre qu'on ne donne pas de réponse, c'est parce qu'il n'y en a pas de réponses.

On ne le sait pas où on s'en va du côté gouvernemental. Mais ce qu'on souhaite, c'est qu'on aille le moins loin possible et le plus lentement possible. Si c'est cela, on n'est pas fondamentalement en désaccord avec le gouvernement. On souhaiterait même les encourager dans cette voie de prudence extrême. C'est quand même assez paradoxal, M. le Président, qu'on se donne le mal de passer deux projets de loi en l'espace de deux ans, de faire des simagrées, de dépenser probablement près de $1 million pour avoir l'air de faire l'acquisition de la société Asbestos et de se retrouver, deux ans et demi après la déclaration initiale du premier ministre, Gros-Jean comme devant, pas plus avancés qu'on ne l'était, dans une incertitude aussi complète, peut-être même plus complète, parce que le 23 janvier 1977, en regardant nos journaux, on avait quand même l'impression qu'un jour, le gouvernement du Québec serait propriétaire de la société Asbestos, telle qu'on la connaît.

Maintenant, on n'a même plus cette certitude. Le gouvernement du Québec sera peut-être un jour propriétaire de quelque chose qui se rapporte de près ou de loin aux activités actuelles de la société Asbestos. C'est déjà une réussite que d'avoir réussi à dégonfler le ballon comme cela, pour le gouvernement. C'est un ballon dont il ne veut manifestement pas.

Quant à moi, M. le Président, je ne peux que constater que ce n'est pas une objection que j'ai avec le ministre des Finances, je ne peux que constater l'absence d'orientation, l'absence de précision, l'absence probablement de politique, dans le fond.

M. Parizeau: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Je voudrais simplement signaler, avant qu'il ne soit minuit, deux choses. Si je comprends bien le député de Saint-Laurent, il voudrait que j'émette des directives — c'est la seule conclusion que je peux en tirer — au tribunal d'arbitrage, pour que je puisse lui dire combien cela va coûter finalement, il faudrait qu'on dise dans la loi: Voici comment, et à partir de quelles directives, le tribunal d'arbitrage va fonctionner.

Cela, soit dit en passant, arrive dans d'autres pays. C'est vrai. Cela a un petit air de république de bananes de premier ordre, c'est vrai. Mais il est évident qu'on ne va pas fonctionner comme cela et qu'on ne va pas dire au tribunal d'arbitrage: Vous n'arbitrerez pas au-delà de tel montant.

Quand le député de Saint-Laurent dit: Vous ne savez pas combien va coûter l'expropriation, finalement, c'est vrai. Cela dépend du tribunal d'arbitrage, M. le Président.

Deuxièmement, il dit: Vous n'êtes pas pressés. Là, je ne vois vraiment pas ce qu'on fait ici. Le gouvernement a décidé qu'il ferait passer cette loi avant la fin de la session. J'imagine que d'ici la fin de la session, on va avoir beaucoup de séances comme celle de ce soir, qui consiste à tourner autour du pot. Mais l'intention du gouvernement est suffisamment claire. On veut faire en sorte que cette loi soit passée le plus rapidement possible, parce qu'on se rend compte qu'à l'égard de la compagnie qui contrôle l'Asbestos Corporation, c'est-à-dire General Dynamics, eux, ne sont pas pressés. On a fait, je pense, des efforts louables, pour s'entendre avec eux, mais on arrive à un point où il Taut passer à la Loi d'expropriation, pour faire en sorte que cela déboule un peu de leur côté.

Le député de Saint-Laurent disait: Une nouvelle négociation va s'engager. J'ai eu l'occasion de dire à l'Assemblée nationale, M. le Président, que déjà, de nouvelles avenues ont été explorées depuis quelque temps, justement parce que nous sommes passés en deuxième lecture. La première lecture aura contribué à leur faire sortir leurs papiers. La deuxième lecture les aura amenés à commencer à discuter sérieusement. Cela va très bien. Cela vient très gentiment, M. le Président.

L'important, cependant, c'est que la loi aboutisse à un moment donné. Quant à ouvrir une nouvelle négociation après la loi, on est dans les négociations à l'heure actuelle. C'est extraordinaire de voir à quel point, d'ailleurs, un projet de loi comme celui-là incite à toute espèce d'ouverture d'esprit.

Dans ce sens, je ne comprends pas l'argument du député de Saint-Laurent qui dit que le gouvernement veut retarder. Il ne veut pas retarder du tout. Le gouvernement ne veut pas retarder, il veut que cela aboutisse. Mais l'Opposition est en train de nous faire un joyeux filibuster pour faire en sorte que cela passe le plus tard possible.

Dans ce sens, il ne faut pas se faire d'illusion. L'Opposition et General Dynamics ont exactement

le même genre d'attitude. S'il faut que cela vienne, Seigneur, le plus tard possible. Le gouvernement, lui, dit: Cela a assez duré, cette histoire, il faut que cela aboutisse. M. le Président, j'entends la cloche de minuit.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'ajourne les travaux sine die.

Fin de la séance à minuit

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