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Commission permanente
des Richesses naturelles
et des Terres et Forêts
Politique forestière
Séance du mardi 20 juin 1972
(dix heures vingt minutes)
M. PILOTE (président de la commission permanente des richesses
naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!
Au début de la séance, le député de
Laviolette, M. Carpentier, sera rapporteur officiel. M. Arsenault de
Matapédia est remplacé par M. Giasson de L'Islet. Le ministre va
faire un exposé. Puis les partis d'Opposition feront leur exposé,
pour ensuite entendre les organismes qui sont ici aujourd'hui, à savoir
Murdock Lumber et la Corporation des ingénieurs forestiers de la
province de Québec.
M. BELAND: M. le Président, si vous voulez faire le changement
à l'effet que je remplace aujourd'hui M. Tétrault.
M. LE PRESIDENT: M. Béland de Lotbinière remplace M.
Tétrault d'Abitibi-Est. M. Lessard, vous êtes sur la liste. La
parole est au ministre des Terres et Forêts.
Politique forestière
M. DRUMMOND: M. le Président, je profite de l'occasion de cette
première séance de la commission parlementaire des Richesses
naturelles et des Terres et Forêts, qui étudiera le document de la
politique forestière du gouvernement, pour souhaiter que le travail de
la commission soit des plus positif et nous permette de connaître le
point de vue des principaux intéressés au milieu forestier
dont la population en général par ses représentants
élus mes collègues de cette commission.
La publication d'un document, comme "l'Exposé sur la politique
forestière", a suscité un intérêt certain à
travers le Québec. Je n'ai pour cela qu'à me
référer aux réactions qui nous sont parvenues de tous les
milieux, depuis le mois de novembre dernier. Etant donné que, pour la
première fois au Québec, un gouvernement s'attaque de front au
problème de la ressource forêt, qui occupe une place
prépondérante chez nous, un exposé, comme celui que nous
avons présenté, n'a pas manqué de soulever un tas de
questions auxquelles les séances de la commission nous permettront de
répondre, du moins, je l'espère.
En premier lieu, pour une meilleure compréhension des politiques
énoncées, je voudrais vous entretenir des raisons qui ont
motivé la préparation d'un document, comme celui que vous avez en
main.
La forêt étant une de nos principales riches- ses
naturelles alors que des centaines de nos villes et villages dépendent
de son exploitation, il est devenu nécessaire aujourd'hui d'agir de
façon plus directe sur cette ressource, à cause de l'impact
économique et social engendré par toutes les activités
reliées à son utilisation. Le territoire forestier est immense au
Québec. Ceci est bien connu. La forêt est renouvelable
c'est vrai contrairement aux mines, par exemple. Mais on ne peut pas
l'exploiter sans limite, sans contrôle, justement pour qu'elle puisse
servir à nouveau.
Depuis toujours, au Québec, on tenait pour acquis que la
forêt était abondante et inépuisable. Les gouvernements
dont une des responsabilités est de conserver le patrimoine national ont
adopté l'attitude de laisser faire. Au Québec, il y a du bois en
masse, disait le dicton. Il y a à peine vingt ans, on a commencé
à craindre que la regénération naturelle de nos
forêts et sa disponibilité soient mises en danger par l'action de
l'homme. Les limites de la forêt reculaient rapidement, on
déboisait pour faire de l'agriculture. Les compagnies forestières
en pleine expansion coupaient sans arrêt, non préoccupées
par les autres utilisateurs qui se faisaient de plus en plus nombreux. Les
forêts les plus productives sont, à toutes fins pratiques,
disparues et la matière ligneuse n'est disponible aujourd'hui, dans bien
des régions, que loin des usines de transformation.
Ajoutez à cela les besoins grandissants en espaces boisés
pour la récréation en plein air et vous verrez que "du bois
accessible" au Québec, il en reste de moins en moins.
Déjà, ce seul fait est suffisant pour justifier une action
directe de l'Etat dans l'administration des forêts.
Réaménager le territoire forestier pour accroître son
potentiel de matière ligneuse et d'espace est devenu urgent.
Par ailleurs, d'autres motifs aussi importants appellent une
intervention rapide du gouvernement dans le milieu. Certains prétendent
que les grosses compagnies, comme on dit, forcent la main du gouvernement.
J'appelle cela faire de l'électoralisme. Il est trop facile de lancer
des paroles en l'air qui peuvent avoir un fond de vérité, mais
que les adversaires politiques négligent d'expliquer à la
population.
Si nous avons préparé cette réforme, c'est que nous
avons justement tenu compte aussi des graves problèmes de l'industrie.
Mais contrairement à ceux qui veulent donner l'image d'un gouvernement
subordonné aux décisions de celle-ci, je voudrais vous faire
remarquer qu'en tant que responsable du bien-être de la population,
l'Etat doit éviter qu'un secteur important de l'économie ne
menace son équilibre.
Or, les difficultés que traverse en ce moment l'industrie
en passant, il semble que les derniers mois ont vu une reprise de
l'activité chancelante des pâtes et papier peuvent
perturber cet équilibre précaire, ce qui aura pour
conséquence malheureuse d'affecter des
milliers de nos concitoyens qui vivent de cette industrie.
C'est à cela que le gouvernement doit penser quand il vise
à corriger une situation dangereuse, peu importe qui en est responsable.
Notez que mon ministère a la responsabilité de l'administration
de la politique forestière et que, de ce fait, il peut influencer
l'industrie. Son rôle se limite toutefois aux cadres de la gestion et de
la location de la matière ligneuse quant aux besoins des
utilisateurs.
Dans la réforme proposée, nous tenons justement compte des
possibilités que le ministère des Terres et Forêts a
d'aider l'industrie en lui procurant la matière première dont
elle a besoin à un meilleur coût, afin de diminuer ses coûts
de production. Je ne vous dis pas que nous avons trouvé la solution
miracle mais les mesures que nous proposons, au niveau de l'administration des
forêts publiques et de toutes les forêts commerciales du
Québec, auront pour résultat, je crois, de réduire les
coûts afférents à l'exploitation des bois.
Au moment de la publication du second tome de notre livre blanc
intitulé "Réforme et programme d'action", les journaux ont fait
grand état de ce qu'ils ont appelé "le tronquage du tome II", se
référant à un chapitre que nous avions
préparé pour étude, concernant la croissance et le
développement de l'industrie forestière. Je crois qu'il est
important aujourd'hui de démystifier, vis-à-vis de la population,
cette affirmation qui peut avoir pour effet de laisser croire que le
gouvernement a voulu laisser de côté ce problème.
Je commencerai en expliquant à ceux qui en ont besoin que, lors
de la préparation d'un document aussi exhaustif que celui que la
commission va étudier, il est élémentaire que l'on
identifie tous les problèmes auxquels on veut apporter des
remèdes par une réforme quelconque. Comme je le soulignais
tantôt, une des raisons qui ont motivé la rédaction et
l'élaboration d'une politique forestière se rattache aux
difficultés de l'industrie au Québec.
Dans le cadre de l'administration et des responsabilités du
ministère des Terres et Forêts, il fallait tenir compte des
différents utilisateurs de cette forêt, en particulier l'industrie
forestière, qui fait vivre des milliers de Québécois et
qui participe au développement économique de la province.
Nous avons alors étudié tous les aspects de cette
industrie, en fonction de son influence sur le milieu forestier. Ayant
identifié les problèmes dans le premier tome des documents,
intitulé "Prospective et problématique", nous avons ensuite
ce qui était très logique préparé un
document, qui a été soumis au gouvernement, où l'on
proposait certaines mesures qui pourraient être prises pour aider ce
secteur. Qu'un tel document ne soit pas inclus dans le tome II sur la politique
forestière ne devrait pas surprendre ceux qui connaissent
l'administration gouvernementale.
Quant aux industries relevant du ministère de l'Industrie et du
Commerce, il est normal que ce soit ce dernier ministère qui se
préoccupe davantage des problèmes des compagnies
forestières, dans le cadre de ses responsabilités
vis-à-vis de l'ensemble de l'industrie québécoise.
Ce n'est pas parce que ce chapitre ne fait pas partie de la politique
forestière que le gouvernement est décidé de mettre de
côté les mesures qu'il pourrait prendre pour venir en aide
à l'industrie des pâtes et papier. La preuve en est que le
comité économique et interministériel se penche
déjà, depuis un certain temps, sur les mesures que nous avons
proposées.
Ceci étant dit, revenons aux considérations qui ont
amené le gouvernement à définir une politique
forestière. Sur le plan législatif, les lois existantes,
amendées sans arrêt depuis vingt ans, ont besoin d'être
repensées en fonction de l'avenir et non en regard de ce qui existait
dans le passé. La réforme, déjà amorcée
à mon ministère depuis quelques années, nous
démontre bien le besoin de mise à jour du cadre législatif
qui est devenu trop étroit pour nous permettre d'intervenir efficacement
sur les ressources. Exemple: la loi 87 adoptée en décembre
dernier et concernant les réserves cantonales qui ne servent plus
nécessairement les fins pour lesquelles elles avaient été
établies.
Quand je parle d'une amorce de réforme, je me
réfère évidemment au livre vert, préparé en
1965, à la suite des audiences publiques qu'avait
présidées le ministre d'alors. Notre politique forestière
ne tombe pas du ciel; elle est le fruit d'une longue période
d'incubation qui a, quand même, permis le déblocage de certaines
mesures, prises successivement à intervalles depuis le début des
années soixante. Les politiques désormais adoptées par le
gouvernement étaient discutées au ministère et dans tous
les secteurs d'activité forestière depuis passablement de
temps.
C'est ce qui a amené d'ailleurs la création rapide des
forêts domaniales et la mise sur pied des sociétés de
conservation par exemple.
Certaines réformes ont donc été apportées
à l'administration des forêts publiques depuis dix ans.
Aujourd'hui, nous considérons que le temps est venu de procéder
à une réforme globale et de nous doter d'instruments souples qui
nous permettront de planifier et de mieux organiser le secteur en fonction d'un
développement harmonieux de la ressource.
Dans cet ordre d'idées, la croissance très rapide des
besoins en espaces boisés pour la récréation en plein air
nous oblige à modifier sensiblement la philosophie d'utilisation qui
prévalait jusqu'à maintenant.
Comme le dit le livre blanc, "la conjugaison de phénomènes
comme l'accroissement de la population, de l'urbanisation des revenus et de la
mobilité des individus entraîne des pressions croissantes sur
l'utilisation de la forêt pour fins de récréation. "Ces
deux tendances nous permettent de
prévoir qu'il y aura dans les prochaines années une vive
concurrence dans l'utilisation des espaces boisés."
Plus loin, l'on écrit qu'il est "peu probable que la superficie
des terres boisées s'accroisse de façon appréciable dans
l'avenir, car les besoins en espace pour l'expansion des réseaux
routiers, des barrages hydro-électriques, des lignes de transport
d'énergie et des zones urbaines augmentent aux dépens des
surperficies actuellement consacrées à l'agriculture et, dans
certains cas, à même celles appartenant au domaine forestier."
Pour ces raisons, il est urgent d'aménager nos espaces en
conséquence et de prendre les mesures pour accroître la production
des superficies qui restent.
Dans "Prospective et problématique", nous constatons que les
forêts du Québec n'ont jamais été exploitées
à leur pleine capacité, c'est-à-dire que le volume de la
récolte annuelle a toujours été inférieur et de
beaucoup à la possibilité de coupe calculée pour
l'ensemble de ces forêts".
Il faut bien comprendre évidemment que certains bois ne sont pas
utilisés parce que le coût de leur extraction en est prohibitif,
pour le moment. Il y a aussi le fait que les concessions forestières
gèlent des volumes importants de matière ligneuse qui pourraient
être utilisés par d'autres entreprises ou exploitants.
Toutefois, il existe encore un écart marqué entre la
possibilité naturelle de la forêt et l'utilisation que l'on en
fait. A court terme, cet écart sera comblé à cause des
utilisations nouvelles que l'on fait de la forêt.
Ceci veut dire que les besoins que nous aurons en espaces boisés
pour la récréation feront reculer les limites de la forêt
commerciale. Raison de plus d'accélérer l'implantation de mesures
visant à accroftre la production soit par des traitements sylvicoles, le
reboisement, pour améliorer le rendement des peuplements, raccourcir le
processus de régénération et redonner à la
forêt certains espaces dénudés. Jusqu'à maintenant,
le ministère des Terres et Forêts était à peu
près seul avec quelques compagnies à faire certains efforts dans
ce domaine. Les pressions nouvelles exercées sur la forêt nous
obligent à repenser notre action et à l'orienter vers les
secteurs les plus productifs là où ce sera le plus
économiquement et socialement rentable. Ce n'est pas tout de produire,
il faut également protéger la ressource. Les méthodes
modernes de protection contre les agents destructeurs sont plus efficaces, mais
la coordination des efforts de protection est devenue nécessaire afin de
réduire les coûts et faciliter les tâches. Une meilleure
protection de nos forêts a donc été aussi un facteur
important dans l'élaboration de notre politique.
M. le Président, j'ose croire que tous les membres de cette
commission ont pris connaissance du document à l'étude. Je
m'arrêterai donc là pour ce qui est des raisons qui ont
motivé sa rédaction.
J'ai dit, lors de la publication du tome II sur les moyens de mettre en
application la politique forestière que "plusieurs mesures qui ont
été inscrites découlent de principes sur lesquels le
gouvernement a pris une position ferme". J'ajoutais également que "les
modalités d'application de ces principes pourront varier à la
lumière des discussions de la commission parlementaire".
Ces principes sont les suivants: 1) Les forêts publiques du
Québec étant la responsabilité de son gouvernement; ces
forêts étant désormais soumises à une grande
concurrence et face à la nécessité d'organiser ce
territoire au profit de l'ensemble des utilisateurs, le gouvernement doit se
doter d'instruments flexibles lui permettant d'éliminer le morcellement
que représente aujourd'hui la carte forestière du Québec
et de satisfaire à tous les besoins. 2) L'allocation du bois doit se
faire en fonction des besoins réels des utilisateurs. De plus, pour
réaliser des économies au niveau de l'exploitation des
forêts, le gouvernement doit voir à ce que toute la matière
ligneuse exploitée soit utilisée pour une transformation
optimum.
A partir de ces principes, plusieurs décisions ont
été prises et seront mises en application le plus rapidement
possible. L'abolition des concessions forestières en est une.
Pourquoi abolir les concessions?
A la lumière des changements importants survenus au Québec
depuis une dizaine d'années, le mode de tenure du type "concessions
forestières" nécessite une remise en question.
En effet, ces différents changements, tels que la demande accrue
en qualité et en quantité pour la matière ligneuse,
l'accroissement du rôle polyvalent de la forêt et des
responsabilités globales de l'Etat ont incité le gouvernement
à reprendre en main la gestion des forêts publiques.
Pour que celle-ci s'occupe de la gestion complète de sa
forêt, principe de base du livre blanc, il devient nécessaire de
procéder à l'abolition progressive des concessions
forestières.
En effet, l'abolition des concessions est un élément
clé pour la réalisation de la nouvelle politique qui consiste
surtout à modifier en profondeur les mécanismes traditionnels de
gestion et d'allocation de la matière ligneuse au Québec.
Le gouvernement du Québec a donc décidé de les
abolir dans le but d'avoir une plus grande flexibilité dans sa
façon d'administrer la forêt publique.
Si l'augmentation de la demande suit la même tendance que par le
passé, il y aura rareté de bois dans l'avenir. Pour satisfaire
à cette demande accrue, la forêt est appelée à
fournir beaucoup plus que sa production actuelle. Pour ce faire, elle doit
être aménagée de façon adéquate,
opération que les utilisateurs hésitent à effectuer en
raison des investissements considérables qui ne sont
récupérables qu'à longue échéance.
Nous savons, de plus, que l'utilisation actuelle de ces concessions ne
correspond qu'à 65 p.c. de leur possibilité. Pour remédier
à cet état de choses, le gouvernement pourra faire en sorte que
les modes d'allocation de la matière ligneuse des forêts publiques
optimalisent l'utilisation de la ressource forestière en garantissant
aux utilisateurs un approvisionnement concentré et suffisant, en
modifiant le mécanisme de fixation des redevances exigibles, en
favorisant l'exploitation intégrée de toutes les essences, en
établissant des systèmes de contrôle, de mesu-rage et
d'aide technique et finalement, en mettant au point un réseau de chemins
d'accès en forêt auquel tous les usagers de cette ressource seront
appelés à contribuer.
La garantie d'approvisionnement serait octroyée en fonction des
besoins de l'utilisateur. Tous les territoires boisés qui appartiennent
aux concessionnaires et qui ne servent pas à alimenter les usines de
ceux-ci seraient alors disponibles, afin de satisfaire â
l'approvisionnement et la finition de plusieurs usines dont celles de sciage et
de contre-plaqué.
Les territoires forestiers qui reviendront à l'Etat feront partie
des forêts domaniales dont le système d'allocation de la
matière ligneuse est beaucoup plus flexible.
Un réaménagement des approvisionnements sera alors
possible et permettra au système d'allocation alors en vigueur de mieux
correspondre à la distribution géographique des usines, car le
problème de la matière première au Québec est plus
un problème d'ordre économique (i.e. de redistribution du
territoire) qu'un problème d'ordre physique. Ce
réaménagement pourrait réduire énormément
les problèmes de concurrence que se livrent les industries pour la
matière ligneuse.
Par ailleurs, pour satisfaire des besoins accrus en espaces
boisés et en matière ligneuse, des investissements importants
devront être réalisés au cours des prochaines années
au chapitre des travaux sylvicoles. Les concessionnaires forestiers
hésitent à assumer cette responsabilité car cela
risquerait d'augmenter indûment le coût du bois.
De plus, les détenteurs de concessions affermés avant 1963
ont l'exclusivité sur tous les bois que ceux-ci peuvent aménager
et disposer à leur guise pour leur approvisionnement. Forts de cette
situation, plusieurs concessionnaires ont abusé de leur position
privilégiée vis-à-vis des utilisateurs d'essences'
secondaires.
Cette spéculation à même un bien public et la hausse
du coût d'exploitation qu'elle entraîne pour le concessionnaire ont
été vertement critiquées dans le rapport de la commission
Bélanger publié en 1965 et je cite: "Si des
sociétés concessionnaires acceptent de céder à des
tiers le droit de couper les essences qu'elles n'utilisent pas, elles leur
imposent l'obligation de payer un droit de coupe deux ou trois fois plus
élevé que le coût ordinaire du droit. Il est vrai qu'elles
doivent acquitter la prime d'affer- mage, la rente foncière annuelle, en
plus d'assumer les frais des chemins d'accès, mais pas toujours, et la
protection contre l'incendie. Mais, en pratique, ces sociétés
réalisent ainsi des gains sur des terrains boisés qu'elles
n'exploitent pas tout en contribuant à hausser le coût
d'exploitation du permissionnaire".
Un autre rapport sur la politique forestière pour le
Québec préparé par la Fédération canadienne
des travailleurs des pâtes et papier et de la forêt énonce
le problème ainsi: "Comment expliquer le gaspillage inouï des
essences secondaires sur les concessions forestières des compagnies de
pâtes et papier, alors que l'industrie du sciage est réduite
souvent à la mendicité ou la banqueroute pour obtenir du bois
quand le concessionnaire accepte de lui accorder la permission d'en couper
à un prix exorbitant? "
On est forcé d'admettre que, pour empêcher cet état
de choses, le gouvernement doit reprendre la gestion de ses forêts dans
le but de placer toutes les industries utilisatrices de matière ligneuse
à un même niveau de concurrence pour l'obtention du bois.
M. le Président, je dois souligner aussi que l'une des raisons
pour lesquelles le gouvernement a décidé de reprendre la gestion
des forêts qu'il a concédées est de libérer les
concessionnaires de plusieurs obligations onéreuses telles que par
exemple la responsabilité civile sur les réseaux de chemins
ouverts désormais au public pour fins de récréation.
Si on se réfère aux citations précédentes,
on peut se rendre compte que les privilèges considérables
accordés par l'acte d'affermage droit sur tous les arbres et sur
le terrain ne sont pas compatibles avec les aspirations légitimes
de la population et les exigences de la planification de l'usage des ressources
naturelles.
En effet, en tant que mode d'allocation des bois du domaine public, la
concession forestière accorde un droit exclusif de couper les bois
situés sur un territoire donné.
Or, les concessionnaires n'emploient pas toutes les essences disponibles
et les revendent souvent, au prix fort, à d'autres utilisateurs, les
rendant ainsi tributaires d'un intermédiaire.
Le gouvernement du Québec, en reprenant le contrôle des
ressources forestières de la province, pourra garantir, en tant
qu'unique gestionnaire des terres publiques, un approvisionnement en
quantité suffisante aux utilisateurs et cela au meilleur compte
possible, empêchant ainsi la spéculation pour l'obtention d'un
approvisionnement adéquat.
D'autre part, nous ne sommes pas sans savoir que l'industrie, qui
transforme les bois ronds, fait actuellement face à de sérieux
problèmes au point de vue concurrentiel avec les autres pays et les
autres provinces.
Pour augmenter cette capacité de concurrence, l'Etat devra
assurer, aux industries de déroulage et de placage, de meilleurs
approvisionnements en bois feuillu de qualité.
Du côté de l'industrie des pâtes et papier, la
meilleure contribution que l'Etat peut apporter est d'aider â
réduire le coût de la matière ligneuse.
Tel que déjà mentionné, le gouvernement a
l'intention d'assumer la responsabilité de la construction et de
l'entretien des chemins d'accès en forêt et d'en absorber une
partie des coûts. Par ailleurs, les frais de protection et certains
autres frais de gestion seront éventuellement partagés par un
plus grand nombre d'usagers, au lieu d'être défrayés
presque exclusivement par l'industrie forestière.
Plusieurs de ces mesures, requises pour relever le niveau financier de
l'industrie, exigent du gouvernement la prise en main de la gestion des
forêts publiques.
Bien que la qualité et la quantité de la ressource
ligneuse occupent une place prépondérante dans les objectifs que
poursuit le ministère des Terres et Forêts, ce dernier tiendra
compte de l'importance des autres ressources que recèle le milieu
forestier, en même temps qu'il reconnaît les liens
d'interdépendance qui s'établissent entre chacune de ces
ressources. En effet, la forêt, autrefois considérée
prioritairement pour la production de la matière ligneuse,
nécessite maintenant un aménagement qui tient compte de la
multiplicité des usages du milieu forestier. La planification de
l'utilisation des ressources forestières ne peut donc plus être
laissée à la discrétion d'un utilisateur unique,
préoccupé par ses seuls intérêts.
Compte tenu du fait que la population urbaine montre un
intérêt de plus en plus marqué pour les activités
récréatives en forêt, il importe de faciliter
l'accès aux aires de boisées et d'intensifier l'implantation des
facilités et des installations nécessaires aux loisirs en
forêt. Une planification globale de l'usage des ressources s'impose pour
coordonner les activités d'exploitation et de récréation,
de façon à ce que l'une n'entrave pas l'autre et vice versa. La
réalisation de cette tâche implique que le gouvernement a pleine
juridiction sur le territoire boisé. Dès lors, il sera possible
d'établir un certain zonage, afin d'assurer une intégration
consciente et soigneusement préparée des différentes
utilisations de la forêt.
D'autre part, les concessionnaires, ayant pleine juridiction sur leurs
territoires, doivent supporter seuls les coûts supplémentaires
découlant des activités récréatives en forêt,
telles que chasse, pêche, camping. L'utilisation des chemins et les
contraintes imposées aux exploitations forestières sont, de ce
fait, d'autant plus difficiles à accepter pour eux. C'est anormal que
l'entreprise privée ait à défrayer la totalité de
ces coûts.
La prise en charge entière de la gestion des forêts
permettra donc d'assurer le libre accès de la population à la
forêt.
Le gouvernement du Québec, afin de répondre aux besoins du
public, est devenu beaucoup plus interventionniste. Ses nouvelles fonctions lui
imposent d'exercer une prise plus ferme sur ses moyens d'action parmi lesquels
la forêt occupe une place importante. C'est dans ces dispositions que le
gouvernement du Québec a décidé de faire lui-même
l'administration, la gestion et certaines activités d'exploitation de la
forêt publique.
Enfin, à titre d'exemple, il convient de signaler que la
création des forêts domaniales, à la suite de transactions
foncières réalisées au cours des dix dernières
années, a permis de consolider les approvisionnements d'usines de
sciage, de faciliter l'accroissement de leur production et
élément plus important de favoriser l'implantation
d'usines à la haute capacité de production, efficaces et offrant
des emplois stables et rémunérateurs.
Les motifs que je viens d'énumérer de façon
exhaustive suffisent amplement à justifier l'abolition du système
actuel de tenure connu sous le nom de concessions forestières.
Nous savons que l'abolition coûtera plusieurs millions à
l'Etat, que ce soit de façon directe ou indirecte, mais nous estimons
que les économies d'échelle, tant au niveau des coûts fixes
de gestion, qui seront répartis sur une superficie boisée
considérable, qu'au niveau des coûts variables de gestion qui,
eux, seront répartis sur un volume élevé de matière
ligneuse, contribueront à rendre stable une telle opération.
Au moment de la préparation du livre blanc, nous avons
étudié plusieurs moyens qui nous permettraient de procéder
à cette réorganisation. Après une étude approfondie
de la question, je considère que le moyen le plus logique de
procéder à l'abolition des concessions forestières est le
suivant: 1)Abolition des concessions par voie de législation, sur une
période maximum de dix ans. 2)Octroi de garanties d'approvisionnement en
bois à moyen et long termes aux usines de transformation, ceci contre le
paiement d'une redevance unique. Par exemple, cette redevance pourrait
être ramenée uniquement à la valeur du bois sur pied,
laquelle comprendrait à la fois des frais fixes tels que des frais de
gestion et des frais variables ajustés selon les conditions du
marché, les difficultés d'exportation, etc. 3)Paiement d'une
indemnité sur la valeur non encore dépréciée des
améliorations.
Disons tout d'abord que cette abolition ne risque pas de compromettre le
fonctionnement des usines existantes, car celles-ci recevront en retour des
garanties d'approvisionnement suffisantes à leurs besoins.
Pour les détenteurs de concessions régulières
n'ayant pas d'usine, compte tenu du mode original d'acquisition et des
engagements contractés avant le 31 mai 1972, ils pourraient avoir
accès aux forêts domaniales pour couper un volume marchand
correspondant à ces droits et engagements.
Enfin, les détenteurs de concessions spécia-
les, dont l'échéance survient après 1982, devront
récolter le volume marchand résiduel sur leur concession durant
la décennie qui suivra la date de leur abolition.
Ceci couvre, je crois, tous les types de concessions.
Pourquoi, maintenant, le gouvernement est-il justifié de ne pas
rembourser directement le droit d'affermage, tel qu'il est proposé dans
la formule que je vous ai soumise?
Tout d'abord, une garantie d'approvisionnement est tout aussi bien
hypothécable pour fins de financement qu'une concession. Certains
détenteurs de concessions ont déjà d'ailleurs
réclamé à l'impôt toutes les déductions
auxquelles ils avaient droit, ce qui leur a permis de récupérer
une bonne partie de cette mise de fonds que représentent les primes
d'affermage.
De plus, étant donné le caractère même du
système de concessions dans le passé, c'est-à-dire son
exclusivité, et indépendamment du fait que le gouvernement ait
déjà remboursé la prime d'affermage en reprenant certains
territoires, nous croyons que les concessionnaires ont joui amplement de leurs
privilèges et se sont remboursés déjà par des
profits bien des fois supérieurs à ce qu'ils avaient payé
initialement. Une concession n'est pas une propriété
privée et le droit qui leur était accordé de jouir du
territoire concédé ne leur a jamais été que
loué, à toutes fins pratiques.
Pour ce qui est de l'indemnité que nous payerons sur les
améliorations non dépréciées, nous avons
étudié les coûts de cette opération basés sur
la valeur résiduelle de l'infrastructure des concessions, soit la voirie
forestière, les ponts-camps et autres améliorations.
En divisant les concessions dans quatre catégories de
superficies, nous pourrions étendre la période de remboursement
de cinq à 25 ans, selon que les unités d'aménagement sont
petites ou grandes.
Ces indemnités pourraient être remboursées par des
annuités égales et la durée de ces paiements sera en
fonction de la superficie totale du concessionnaire.
Enfin, nous proposons comme forme de remboursement l'émission de
notes de crédit déduites des redevances exigées sur le
volume de bois récolté annuellement.
Il va sans dire que chaque concessionnaire devra couper une
quantité minimum annuellement. Cette quantité sera fixée
suivant l'entente prise entre les parties suite aux négociations lors de
l'abolition de la concession. Certains critères de base seront
établis afin de faciliter les négociations, car il existe,
à l'intérieur des contrats d'affermage, différents modes
d'acquisition.
Je pense que la formule ainsi présentée peut être
satisfaisante pour tout le monde, même si certaines modalités
peuvent être discutées davantage. Qu'il suffise de vous dire que
le gouvernement veut que la forêt soit considérée comme un
bien public où les intérêts des particuliers trouveront
leur compte.
Plusieurs craignent d'ailleurs que la prise en main par l'Etat de la
gestion de ses propres forêts ne nuise plutôt aux utilisateurs
à cause de la réputation des gouvernements d'être de
mauvais gestionnaires. Cette crainte, nous la partageons et c'est pourquoi nous
avons proposé la création d'une Société de gestion
des forêts.
Il est évident que, pour améliorer une situation, en
l'occurrence l'utilisation de la ressource forêt, il est essentiel
d'examiner de quelle façon on peut influencer directement ou
indirectement cette même situation. Plusieurs plans sont
préparés, plusieurs formules sont suggérées et,
comme tout gouvernement au service d'une société, nous avons
retenu davantage ceux qui nous semblent les mieux adaptés aux besoins de
notre population. Exemple: la création d'une Société de
gestion forestière.
Cette proposition créant un organisme autonome responsable au
ministère des Terres et Forêts de la gestion de toutes les
forêts publiques du Québec, c'est-à-dire le territoire
actuel des forêts domaniales, y inclus éventuellement les
concessions forestières, cette proposition, dis-je, est une des plus
discutées actuellement dans les milieux forestiers.
Les arguments pour et contre ne manquent pas et déjà il
nous est possible de voir dans quelle direction s'orienteront les discussions
de la commission parlementaire sur le sujet.
Je répète ici que nous sommes à la recherche des
meilleurs instruments qui nous permettront de rationaliser l'utilisation de la
forêt.
La suggestion visant à créer une société
d'Etat pour administrer les forêts a justement été inscrite
au document dans ce but. Nous aurions pu tout simplement suggérer que la
gestion des forêts demeure comme elle l'a toujours été sous
la direction du ministère des Terres et Forêts. En apparence, cela
allait de soi.
Nous avons voulu aller plus loin parce que nous n'avons pas encore la
conviction que tout peut se trancher aussi facilement que cela. Devant les
difficultés inhérentes à l'administration publique par
l'entremise des ministères, et surtout je dois avouer
devant l'inefficacité, jusqu'à maintenant, de notre propre
administration des forêts domaniales, il fallait trouver une ou des
formules qui nous éviteraient justement de maintenir une situation qui
risquait de s'assombrir davantage.
Je dois expliquer toutefois que les difficultés
éprouvées par notre service des forêts domaniales sont dues
dans bien des occasions au fait que ce service est à la remorque des
nombreux autres services du ministère. Dans ce cadre, les
énergies sont inévitablement dispersées. Un organisme plus
autonome pourrait concentrer plus facilement ses efforts â
l'administration de ces tâches, croit-on.
Nous avons donc suggéré une formule: la
Société de gestion forestière. Les sociétés
d'Etat ne sont pas des panacées, loin de là dans certains cas.
Mais dans plusieurs domaines, ces
sociétés ont fait preuve d'une efficacité qui ne se
retrouve pas dans les rouages de l'administration gouvernementale
traditionnelle.
Donc, deux raisons principales: l'expérience décevante de
l'administration ministérielle des forêts domaniales et la
lourdeur de l'administration gouvernementale.
J'invoquerai, si vous me le permettez, les motifs soutenant la
création de la Société de gestion.
Une étude interne au ministère des Terres et Forêts
portant sur l'administration en régie de quelques 37,000 milles
carrés de territoires placés en forêt domaniale a mis en
évidence les points suivants: a) le sous-développement chronique
de toutes les activités de gestion réalisées par le
ministère des Terres et Forêts, particulièrement des
fonctions de conception, d'exécution et de contrôle; b) la
multiplicité des centres de décision doublée d'une
incompatibilité de fonctions au sein de plusieurs unités
organisationnelles, le ministère des Terres et Forêts ayant
à la fois la responsabilité de surveiller l'application de la
législation forestière et de s'y conformer en tant que
gestionnaire; c.) l'absence de gestion proprement dite; dans l'exercice de sa
fonction le gestionnaire, le ministère des Terres et Forêts s'est
comporté comme le moins efficace des concessionnaires en ne remplissant
pas les conditions qu'il exige de ces derniers.
Le maintien des règles strictes de la gestion du personnel, du
matériel et des finances de l'administration de l'Etat, inadapté
à la gestion d'un capital productif de plusieurs dizaines de milliers de
milles carrés, permet difficilement au ministère des Terres et
Forêts de respecter les engagements qu'il a contractés envers les
permissionnaires dans les forêts domaniales (programmes de coupe, voirie
forestière, protection, etc).
La gestion forestière constitue une activité à
caractère industriel et commercial du fait qu'elle a pour mission de
produire des arbres sur pied; la sylviculture est assimilable à
l'agriculture ou à toute autre production du genre. Au Québec, on
a pu, jusqu'ici, se contenter de récolter les arbres rendus à
maturité; l'état actuel des peuplements et l'augmentation
prévisible de la demande pour les produits ligneux nécessitent
une véritable culture de la forêt, de manière à
approvisionner aux coûts les plus bas les usines de transformation du
bois.
La consolidation de l'administration actuelle des forêts
domaniales et la nécessité d'assurer une gestion efficace aux
territoires forestiers qui seront graduellement libérés par
l'abolition des concessions forestières nous obligent aussi à
rechercher une formule permettant d'assumer cette responsabilité en
évitant les inconvénients qui gênent l'administration des
ministères.
Le recours à un organisme paragouvernemental existant, soit
Rexfor, pour assurer la gestion des forêts publiques, a été
abandonné du fait qu'elle était déjà
impliquée dans une activité tout à fait différente
de la gestion, soit l'exploitation forestière.
L'exécution par le ministère des Terres et Forêts
des actes de puissance publique (conception, animation et contrôle de la
politique forestière) et des actes de gestion (administration des
forêts appartenant à l'Etat) entrante la confusion des
rôles. L'Etat a alors tendance â négliger ses
responsabilités de propriétaire forestier.
Par ailleurs, après de longs mois d'étude et de
discussions, le gouvernement a commencé, depuis quelque temps, une
réforme administrative en profondeur qui s'imposait depuis très
longtemps, ce qui pourrait améliorer la situation actuelle.
Un gouvernement démocratique ne fonctionne
généralement pas par "diktat" et le gouvernement actuel est
soucieux au plus haut point de satisfaire les aspirations et besoins de
l'ensemble de la population et non pas de groupes particuliers. Cela explique
le pourquoi d'un livre blanc, la convocation de la commission parlementaire et
l'ouverture au dialogue sur les énoncés de politique; c'est
pourquoi aussi la suggestion d'une formule telle que la société
de gestion forestière était nécessaire pour permettre
d'examiner une modalité de réalisations et permettre sans doute
de provoquer des suggestions constructives.
Surtout n'allons pas conclure à la faiblesse de nos politiques.
Si le dialogue, la recherche de solutions logiques sont de la faiblesse, mieux
vaut alors fermer boutique immédiatement.
Le livre blanc sur la forêt en est l'exemple parfait. Nous avons
établi des principes de base sur lesquels est appuyée fermement
la réforme. Un exemple de cela est le principe d'abolition des
concessions forestières. Là-dessus, il ne fait pas de doute dans
mon esprit ou dans celui du gouvernement qu'à la base d'une meilleure
répartition de la ressource et d'une meilleure utilisation, le
gouvernement doit pouvoir effectuer, sans une infinité d'obstacles, un
réaménagement qui nécessite la disparition du
système actuel de tenure.
Nous acceptons de discuter des modalités du transfert actuel au
nouveau, mais le principe demeure.
D'autre part, certaines propositions du livre blanc, telles la
société de gestion, doivent provoquer un dialogue qui nous
permettra par la suite de prendre une décision définitive.
Au sein de mon ministère, justement, les arguments pour et contre
une telle formule ont été mis de l'avant au cours de nombreuses
séances de travail que nous avons eues. Cette formule de discussion est
à mon sens la meilleure pour en arriver à une décision qui
tiendra compte de toutes les possibilités.
On a beaucoup discuté ces derniers mois de l'abolition des
concessions forestières, de la société de gestion, mais il
est un aspect du document qui à mon sens indique davantage
jusqu'à quel point le gouvernement est prêt à
prendre les moyens pour améliorer l'utilisation de la ressource
et je veux parler de l'organisation de la forêt privée.
Comme son nom l'indique, la forêt privée ne fait pas partie
du territoire public administré par l'Etat. Mais son importance au
Québec justifie que le gouvernement intervienne de façon
indirecte dans son administration quand l'intérêt
général l'exige et quand les propriétaires forestiers
peuvent influencer l'économie forestière.
Pour ce faire, nous agirons au niveau de la mise en valeur de ce
secteur. C'est à ce chapitre que le document apporte le plus de
changement à une politique traditionnelle qui veut que l'Etat ne
s'immisce pas dans le domaine privé.
La forêt privée au Québec est la plus riche en
matière ligneuse et fournit annuellement plus du quart des
approvisionnements en bois des usines, en plus de ce qu'elle produit en biens
de consommation.
Comme l'indique le tome II, "ces terres sont les plus productives, les
plus accessibles et les mieux placées par rapport aux usines de
transformation du bois et aux agglomérations urbaines".
De plus, la main-d'oeuvre nécessaire à leur mise en valeur
est abondante et habite à proximité. "Tous ces
éléments contribuent à faire des forêts
privées un atout précieux pour la production de matière
ligneuse, pour la fourniture d'espaces boisés aux fins de la
récréation de plein air et pour la conservation de
l'environnement", lit-on dans l'introduction de ce chapitre.
La forêt privée est encore plus importante sur le plan
humain parce que, dans presque tous les coins de la province, des milliers de
personnes en vivent directement.
A mon arrivée au ministère, en 1970, le
phénomène de retour à la forêt, amorcé dans
certaines régions jusque-là considérées comme
agricoles, commençait à s'amplifier pour apparaître
aujourd'hui comme une des solutions valables au problème des paroisses
marginales et des régions défavorisées du
Québec.
Mon ministère a pris au sérieux la situation qui
prévaut dans ce secteur de la population et réalisé
pleinement la nécessité d'accroître l'action des pouvoirs
publics dans un domaine où l'Etat ne voulait pas et surtout ne pouvait
pas intervenir jusqu'à maintenant.
Les opérations Dignité, les Manneville et autres nous
rappellent de façon dramatique que cette population a le désir et
la volonté de s'organiser elle-même avec l'aide et non pas la
dictature de l'Etat. Cet Etat ayant des responsabilités collectives, il
est bien évident que ces interventions doivent prendre en
considération les facteurs inhérents et au groupe et à
l'ensemble de la société.
C'est pourquoi le tome II propose des méthodes d'intervention qui
tiendront compte des privilèges de la propriété
privée. Il s'agit de mesures institutionnelles, fiscales,
financières, techniques et législatives. Pour vous permettre de
vous situer dans ce contexte, je vais vous exposer d'abord les principes
généraux d'intervention. Après quoi, j'aimerais expliquer
davantage les propositions du tome II sur les associations régionales de
sylviculteurs et la Régie des produits forestiers, deux instruments
importants dans le développement des forêts privées.
Les principes généraux sont les suivants:
Les forêts publiques et les forêts privées doivent,
ensemble, participer à la réalisation des objectifs de production
de matière ligneuse et de maintien d'espaces boisés parce que
toutes les deux contribuent à la formation du patrimoine forestier et
à l'approvisionnement en bois des usines;
L'ingérence directe dans la gestion des forêts
privées n'est pas de la compétence juridique de la vocation
naturelle du gouvernement;
Le développement forestier ne peut être
réalisé sans la participation volontaire des propriétaires
forestiers;
La politique forestière doit laisser aux particuliers la libre
administration de leurs bois, sauf dans les forêts de protection. Elle ne
doit leur prescrire ni leur interdire aucun mode de gestion particulier;
L'Etat est justifié de prendre les moyens incitatifs
nécessaires pour stimuler le développement forestier, chaque fois
que l'intérêt général l'exige;
L'Etat doit maintenir le minimum d'obstacles institutionnels et fiscaux
au développement des forêts privées;
Et enfin, l'aide gouvernementale, pour la mise en valeur de la
forêt privée, ne peut être accordée aux
propriétaires forestiers, sans que ces derniers ne donnent, en
contrepartie, des garanties sérieuses.
A partir de ces principes, nous suggérons aux
propriétaires de boiser une structure d'organisation qui leur permettra
de généraliser les pratiques les plus efficaces
d'aménagement de protection de sylviculture et de mise en marché.
Cette structure devra posséder certaines prérogatives de
puissance publique si elle veut être efficace et remplir son
rôle.
Comme on le lit dans le document, l'organisation est nécessaire
dans ce domaine, le ministère des Terres et Forêts pouvant tout au
plus contrôler l'application de la pratique forestière et apporter
une aide quelconque aux détenteurs de massifs boisés.
Le nombre important de propriétaires forestiers, la
diversité de leurs besoins et l'intérêt majeur qu'ils
portent à la gestion de leurs biens nécessitent la mise sur pied
d'un système d'autogestion que l'on appellera les associations
régionales de sylviculteurs. L'organisation de ces associations se fera
à partir des offices et syndicats de producteurs de bois existants
à cause de l'expérience qu'ils ont déjà acquise
auprès de leurs membres. La mise en place de ce système unique de
coopération vise une meilleure rentabilité des tâches de
production.
Comme je parlais tantôt de la nécessité de doser les
interventions de l'Etat vis-à-vis du domaine privé les
offices ou syndicats de producteurs étant issus du milieu rural
ils sauront peut-être mieux que l'Etat préparer les esprits
à une rationalisation des activités de gestion
forestière.
En procédant de cette façon, le gouvernement
déléguera évidemment des pouvoirs accrus aux offices et
syndicats qui pourront se regrouper en une fédération
provinciale, laquelle constituera l'interlocuteur privilégié du
gouvernement pour toutes les questions concernant la propriété
forestière privée. Les tâches confiées à ces
organismes sont clairement définies dans le tome II.
L'exposé sur la politique forestière propose de plus
quatre moyens de financement des associations régionales: 1) paiement
par les propriétaires d'une redevance sur les bois
récoltés, mode actuel de financement des organismes
chargés de l'exécution des plans conjoints; 2) cotisation
annuelle des propriétaires qui adhéreraient volontairement
à une telle association en vue de bénéficier des services
offerts; 3)subvention gouvernementale de fonctionnement; 4)revenus
d'exploitation.
On voit ici que le gouvernement considère qu'il ne peut financer
entièrement toutes les activités de ces organismes puisqu'ils
continueront d'exercer leurs activités à caractère
syndical et pourront conserver une certaine autonomie dans leurs relations avec
le gouvernement.
La vocation traditionnelle des offices ou syndicats de producteurs de
bois, soit la mise en marché des produits forestiers continuera
d'être une préoccupation des nouvelles associations de
propriétaires. Ce rôle sera cependant exercé en vertu d'une
loi de mise en marché des produits forestiers qui contiendra des
dispositions semblables à celles de la Loi des marchés agricoles.
La régie des produits forestiers que nous entendons créer sera
appelée à contrôler l'application de plans conjoints
relatifs, tout particulièrement, à la mise en marché de la
production forestière privée des bois de
récupération, des copeaux et autres résidus.
Ces plans conjoints permettront de mettre en oeuvre une partie
importante des plans de distribution qui seront préparés par le
ministère des Terres et Forêts à partir des besoins en bois
de chaque usine de transformation. Nous savons déjà que cette
proposition ne fera pas l'unanimité et qu'elle sera même fortement
contestée autant par les producteurs que par les utilisateurs.
Les forces actuelles du marché nous obligeant trop souvent
à intervenir pour régler des cas particuliers, il nous a fallu
rechercher une solution intermédiaire qui permettrait de
régulariser l'offre et la demande, dans une optique de justice
distributrice. Vous admettrez avec moi que la présente Loi du prix du
bois à pâte vendu par des agriculteurs et des colons, soit le bill
41, n'était qu'un palliatif législatif en attendant une refonte
de nos lois forestières. Depuis deux ans, à mon ministère,
j'ai dû trop souvent avoir recours à cette loi d'exception qui ne
nous permet pas encore de régler le problème de vente du bois des
forêts privées.
Une formule comme la régie des produits forestiers ne plaira pas
à tout le monde mais pourrait nous permettre d'établir un
mécanisme de distribution de bois plus logique. "L'analyse des
problèmes liés à la distribution du bois", précise
le tome II, montre à l'évidence que le gouvernement doit repenser
son action et la situer dans un cadre général de planification de
cette distribution". Toutefois, cette planification ne sera possible que si un
même organisme, soit la régie proposée, est habilité
à contrôler tous les bois mis sur le marché. Ce
contrôle s'étendra à l'ensemble de la production des
forêts publiques et privées, de même qu'aux copeaux, et
s'appliquera à toutes les usines qui utilisent le bois comme
matière première. Le ministère des Terres et Forêts
surveille déjà la destination des bois récoltés
dans les forêts publiques par l'émission des permis de coupe.
Cependant, pour les bois soumis aux plans conjoints, pour ceux qui sont vendus
directement aux usines ou par l'intermédiaire de courtiers, pour ceux
que les utilisateurs récoltent sur leur propres terrains, pour les bois
importés ou exportés et enfin, pour les copeaux produits par les
scieries, le gouvernement n'exerce pratiquement aucun contrôle sur leur
utilisation. Le ministère des Terres et Forêts prendra donc
à l'avenir la responsabilité de planifier l'approvisionnement de
toutes les usines forestières.
La planification de la distribution de tous les bois en grumes et les
copeaux nécessitera la mise en place d'instruments adéquats. Ces
instruments seront principalement constitués par des plans de
distribution des bois établis par chaque usine de transformation. Ces
plans seront confectionnés par le ministère des Terres et
Forêts en collaboration avec les producteurs et les utilisateurs. Ils
tiendront compte notamment des besoins des usines, de l'offre de matière
ligneuse et des contraintes actuelles qui lui sont reliées, copeaux,
bois de récupération, bois venant des forêts privées
et publiques, etc., des sources extérieures de matière ligneuse
et enfin d'une distribution optimale des bois, eu égard à la
localisation des usines et aux moyens de transport.
Ces plans de distribution seront en général revisés
tous les cinq ans. Advenant une contraction de la demande, les utilisateurs
eux-mêmes et les producteurs privés, sauf pour les copeaux et les
bois de récupération, et ce pour des raisons évidentes
d'économie de la matière ligneuse, devront absorber cette
diminution dans une proportion équivalente à leur capacité
de production.
Précisons ici que nous avons cru bon d'exclure les copeaux et
bois de récupération d'une diminution de la production advenant
contraction, mais qu'à la lumière des discussions de la
commission parlementaire, nous pourrions réexaminer ce point
précis.
Il restera aux parties impliquées, soit les producteurs et les
utilisateurs, à conclure des accords sur les prix. Ces ententes pourront
donner lieu à des contrats entre les utilisateurs et les
différents fournisseurs.
Dans l'éventualité d'un désaccord sur les
variations de prix, des mécanismes basés sur des indices
appropriés seraient utilisés par un organisme gouvernemental de
contrôle pour fixer le prix du bois et des copeaux.
Le chapitre VI consacré à la recherche forestière
n'est pas satisfaisant aux yeux de plusieurs. Il faut bien comprendre qu'il
n'était pas dans notre intention d'établir un programme
précis de recherche pour les cinq ou dix prochaines années, mais
bien plutôt de donner une orientation permettant ensuite
l'élaboration d'un plan précis à partir de ce
schéma.
Nous avons dégagé les priorités qui sont la
production et récolte de matière ligneuse, la mise en
marché, la consommation et l'utilisation du bois et des produits
forestiers. Les programmes de recherche devront être établis en
conséquence.
M. le Président, j'ai gardé pour la fin les questions
financières, parce que les coûts de la réforme que le
gouvernement entend consacrer à la forêt sont basés
évidemment sur le montant d'argent disponible. Sans argent, on ne peut
pas vraiment réaliser les réformes, c'est bien
évident.
Pour pouvoir planifier notre programme, nous avons établi notre
action sur une base de dix ans. Déjà, une partie du budget annuel
du ministère est consacrée à des programmes qui
s'inscrivent dans la réforme proposée par le livre blanc.
Exemple, l'opération 2000, soit le programme de revalorisation sociale
et forestière qui nous permet d'effectuer des travaux sylvicoles, un des
aspects importants de notre action sur la production forestière.
Les travaux de reboisement et de restauration forestière que fait
le ministère depuis plusieurs années font aussi partie du
programme de la réforme.
La création des sociétés régionales de
conservation, presque terminée, l'opération de
régionalisation de l'administration du ministère, l'aide
technique et financière à la forêt privée sont
toutes des programmes s'inscrivant dans la politique forestière de
l'avenir que nous proposons dans notre document et qui sont déjà
en marche.
Toutes ces activités sont inscrites au budget actuel du
ministère et vous n'avez qu'à relever les crédits pour
l'année 72/73 pour constater qu'en gros $14 millions sont
consacrés à des programmes qui feront partie de la nouvelle
politique.
A l'intérieur même de notre enveloppe budgétaire, il
nous sera donc possible de procéder à la mise sur pied
d'activités prévues dans le livre blanc, sans pour cela devoir
attendre des fonds additionnels qui pourraient grever d'autres programmes
prioritaires du gouvernement.
De plus, selon les modalités qui seront retenues pour l'abolition
des concessions forestières, il sera possible d'atténuer
considérablement l'impact de déboursés massifs, surtout si
l'on retient la formule du paiement des indemnités à partir d'une
diminution des redevances.
Je ne puis vous donner aujourd'hui des détails précis sur
les coûts de cette réforme, nous avons préparé des
études à ce sujet, mais ce sont des choses à discuter avec
le Conseil du trésor et le cabinet. Je peux dire cependant qu'avec la
collaboration des intéressés et la volonté ferme du
gouvernement de mettre en application les réformes proposées,
nous parviendrons sûrement à améliorer sensiblement le
milieu forestier au Québec.
M. le Président, un dernier point avant de conclure ce long
exposé, je voudrais parler de la main-d'oeuvre forestière.
Plusieurs s'étonnent de ne pas retrouver dans notre livre blanc
un chapitre consacré à la main-d'oeuvre forestière qui
sera impliquée dans la réforme proposée.
Les travailleurs de la forêt que ce soit au niveau de
l'exploitation ou de la transformation du bois, sont sans doute
préoccupés par la réforme qui s'amorce dans ce secteur
où ils gagnent leur vie.
Remarquez tout d'abord qu'une politique forestière, comme je l'ai
expliqué au début, touche particulièrement la ressource et
les activités qui y sont reliées. Encore une fois, c'est un autre
ministère que celui des Terres et Forêts qui s'occupe de la
main-d'oeuvre au Québec, et à ce titre, il y a déjà
en préparation une étude importante sur le sujet à ce
ministère. De même, le ministère de l'Education s'occupe de
la formation de cette main-d'oeuvre et de son recyclage, ces deux organismes
travaillent en collaboration étroite avec le ministère des Terres
et Forêts.
Je puis ajouter également que l'intensification des travaux de
restauration de toutes sortes à mon ministère nous permettra
d'offrir aux travailleurs forestiers la possibilité de gagner
honorablement leur vie dans ce domaine particulier de l'activité
forestière appelé à se développer davantage dans
l'avenir.
M. le Président, nous entreprenons aujourd'hui un long processus
de discussions qui seront suivies d'ici quelques mois de la présentation
d'une loi qui nous permettra de mettre en application les mesures
énoncées dans notre document.
Je pense avoir toujours été très franc avec tous
mes collègues de l'Assemblée nationale, dont mes amis d'en face,
et j'ose espérer que le climat de confiance mutuelle que les membres de
cette commission entretiennent facilitera
davantage un dialogue positif. Après tout, M. le
Président, nous travaillons tous pour le même patron, le public
québécois. Merci.
M. LE PRESIDENT: La parole est au chef de l'Opposition officielle, le
député de Bellechasse.
Commentaires des représentants des
partis
M. LOUBIER: M. le Président, mes premiers mots seront tout
d'abord pour souhaiter la bienvenue aux délégués des
différents organismes qui sont ici ce matin, et également pour
remercier le ministre de nous avoir fourni quelques instants avant la
séance son discours. Il a pris soin de souligner que c'était un
long, très long exposé. Je vous avouerai, M. le Président,
que la longueur du discours du ministre, la litanie des voeux qui y sont
insérés, également les esquisses de solutions à
court terme on en retrouve beaucoup moins à long terme
nous donnent l'impression que le discours du ministre annonce un autre livre
blanc qui viendrait compléter ou aboucher ceux qui ont eu un enfantement
assez douloureux. On n'a qu'à se rapporter aux différents
articles des journaux, qui, à une autre époque, signalaient que
le ministre traversait une crise de conscience, quant à la
rédaction de son livre blanc, et que, selon ces mêmes rapports
je me garde de questionner le ministre qui est lié et
soudé à la solidarité ministérielle au sein
même du cabinet l'unanimité était loin d'être faite
quant à la teneur, quant aux objectifs envisagés par le livre
blanc.
Je sais que le ministre ne peut pas dire si ces rumeurs qui ont
été rapportées partout sont oui ou non fondées,
parce qu'encore une fois, il est lié par son serment d'office. Mais de
toute façon, nous avons ce matin l'occasion, tant les
députés des différentes formations politiques que le monde
des affaires intimement lié au développement de cette richesse
naturelle extraordinaire et que les corporations professionnelles, de pouvoir
essayer je dis bien essayer d'analyser les implications, les
conséquences et la philosophie qui animent le livre blanc et le discours
du ministre.
Dès 1970, le ministre des Terres et Forêts avait
annoncé qu'il "répondrait au besoin d'une planification du
développement économique des ressources forestières en
publiant un livre blanc". Ce document devait aborder tous les problèmes
qui se posent aujourd'hui dans le secteur forestier et suggérer un
certain nombre de solutions, de façon à permettre aux
intéressés et à l'opinion publique de s'exprimer.
M. le Président, je pense qu'à l'époque le ministre
avait souligné d'une façon non équivoque que ce livre
blanc permettrait de déboucher sur des solutions à court terme,
solutions extrêmement urgentes, pour essayer d'éviter le
balancement complet de cette industrie extraordinairement importante dans notre
économie. Et ce livre blanc devait également esquisser ou
profiler des structures, des mécanismes et des objectifs à
atteindre.
Or, en principe, je n'ai rien contre la technique des livres blancs
je dis bien en principe qui offrent à un gouvernement,
surtout lorsqu'il est incertain de la route à suivre ou lorsqu'il est
tiraillé par différents intérêts, l'avantage de
pouvoir sonder les réactions de la presse, du public et des parties
intéressées avant de soumettre une loi concrète.
Mais dans le cas présent, je me demande très
sérieusement, comme plusieurs collègues sans doute, si cette
technique était bien indiquée. Et je serais tenté, d'une
façon très respectueuse, de rappeler les propos tenus dans le
Nouvelliste dernièrement; j'y décelais l'observation suivante:
"Il en est des livres blancs comme des bikinis; ce qu'ils dévoilent
importe bien moins que ce qu'ils cachent".
Et je le dis sur un ton très amical, me servant de cette
citation. Mais nous avons nettement l'impression que le livre blanc officiel,
soumis à la Chambre, dans sa rédaction et dans la litanie de
toutes les mesures (cinq ans, dix ans, service de recherche, coût, par
exemple, du rachat de certaines concessions, la fameuse société
dont parle le ministre et dont le rôle est plus ou moins
nébuleusement défini, le rôle ou la destinée des
forêts privées, la régie des produits forestiers, à
la recherche forestière elle-même, le financement) et
littéralement le livre blanc, le discours du ministre de ce matin, nous
laissent avec infiniment de points d'interrogation.
Je me demande si véritablement ce livre blanc, qui était
attendu avec tellement d'impatience tant de la part des producteurs, des
corporations professionnelles et du grand public, que de la part de tous les
partis, apporte cette note sécurisante, cette lueur d'espoir, et s'il
dégage des horizons encourageants tant pour les producteurs et les
corporations professionnelles que pour le grand public du Québec.
De toute façon, M. le Président, à la faveur des
indiscrétions et des fuites, peut-être volontaires, qui ont
précédé la publication du document à
l'étude, nous avons pu nous rendre compte des hésitations, des
doutes, des flottements et même des frottements qui se sont
multipliés à ce sujet à l'intérieur même du
gouvernement. De sorte que nous sommes aujourd'hui bien obligés de nous
demander si, au lieu d'être l'amorce d'une nouvelle politique
forestière, le livre blanc du ministère des Terres et
Forêts n'a pas plutôt pour but de camoufler une lamentable absence
de politique.
Les problèmes de notre industrie forestière sont
multiples. Avec toute l'activité économique qu'elle commande,
l'industrie forestière a toujours été notre grande
industrie. Or, voici qu'elle connaît, depuis quelques années, et
surtout depuis deux ou trois ans, particulièrement dans le domaine des
pâtes et papier, une
situation plus que difficile, une situation très grave sans
être dramatiquement désespérée, mais une situation
telle qu'il est important pour les Québécois, les corporations
professionnelles, les producteurs et les politiciens, au lieu
d'intellectualiser le problème et d'essayer de faire un peu de
démagogie autour de cette situation extrêmement difficile, que les
approches soient beaucoup plus sereines, beaucoup plus objectives tenant
compte, évidemment, du problème à l'intérieur de
nos frontières québécoises mais en ne perdant jamais de
vue que nous sommes actuellement dans un tourbillon de concurrence qui pourrait
rendre absolument inopérants, inutiles et superflus différents
désirs ou voeux manifestés par le ministre des Terres et
Forêts.
Il y a de ces mythes, M. le Président, qu'il est important
d'écarter dans le Québec. On a l'impression et depuis des
années on a voulu laisser croire que le Québec était la
terre la plus riche au monde, on a voulu laisser croire également que
nous étions littéralement les seuls à posséder des
richesses forestières enviables, on a voulu laisser créer ce
mythe voulant que nous aurions ces richesses de façon éternelle
et que c'était pour les Québécois une garantie absolue de
prospérité et de bien-être. C'est faire abstraction
complète de cet internationalisme qui se développe sur tous les
plans, que ce soit sur le plan social, que ce soit sur le plan
économique, c'est faire abstraction également du fait qu'il n'y a
plus de frontières, c'est faire abstraction également du fait
que, universellement, il y a un mouvement de regroupement, il y a une mouvance
telle que, sur le plan de la compétition et de la concurrence,
même si nous avions hypothétiquement les richesses les plus vastes
au monde, même si nous avions hypothétiquement un coût de
revient assez abordable, il ne faut pas oublier que, humainement et
économiquement, du bois, ça ne se mange pas par les individus et
il faut entrer dans le jeu d'une commercialisation bien ordonnée et
surtout d'une concurrence extrêmement réaliste.
M. le Président, cette crise que nous traversons actuellement,
sans la dramatiser je l'ai dit elle est extrêmement
difficile et elle est stigmatisée entre autres par la fermeture d'usines
aux Trois-Rivières, à Mont-Laurier, au Témiscamingue et le
suspense tragique qui plane sur celles des Cantons de l'Est, du Lac-Saint-Jean,
de la Gaspésie ou d'ailleurs.
D'où l'importance d'envisager les politiques gouvernementales,
l'action des producteurs et des corporations professionnelles, non pas avec du
sentimentalisme, avec une approche électoraliste mais d'une façon
aussi sérieuse qu'est difficile la situation actuelle.
Et cet affaissement, dans un domaine aussi vital pour la
prospérité québécoise, n'est pas sans créer
de très sérieux problèmes, tant sur le plan
économique que sur le plan social. Principales victimes d'un
déclin qu'ils souhaitent de courte durée, nos milliers de
chômeurs espèrent que ce livre blanc ne servira pas de
prétexte au gouvernement pour différer un redressement urgent et
nécessaire. Ce qui frappe quand on essaie de percer le mur des
apparences et d'aller au fond des choses, c'est que la stagnation, dont
l'industrie forestière québécoise est présentement
le théâtre, lui vient en grande partie du dynamisme comme
je le disais tout à l'heure de ses concurrents à
l'étranger. En effet, 90 p.c. ou environ de notre production de
pâtes et papier est exportée. Or, le développement d'usines
modernes dans le sud des Etats-Unis et en Colombie-Britannique, l'introduction
du papier-journal de la Scandinavie sur le marché concurrentiel
européen, l'entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché
commun et les fluctuations du cours du dollar sur le marché des changes
sont autant de facteurs qui ont contribué il faut l'avouer
et peu importe je le dis en toute franchise le système
économique ou constitutionnel qui serait en place, nous avons à
faire face à des problèmes réels, concrets auxquels nous
devons nous attaquer d'une façon extrêmement audacieuse mais
rapide, en même temps, tenant compte du fait que nous vivons sur le
continent nord-américain, que le Québec ne peut pas, dans un coin
de la patinoire, jouer avec ses propres petites règles du jeu mais qu'il
doit faire équipe avec tous ceux qui sont de la partie dans ce
secteur.
Et pour regagner la faveur du marché, il nous faudra,
évidemment, dans plusieurs secteurs et dans plusieurs régions,
moderniser nos usines, éveiller notre imagination créatrice,
augmenter notre productivité. Bref, il nous faudra, sous toutes formes,
investir davantage. Il est inutile, M. le Président, d'essayer de
lécher nos plaies, de se contenter ou de se retirer dans le passé
et de faire jouer toute la gamme des fautes qui seraient imputables, parfois au
gouvernement, parfois aux producteurs, aux entreprises, parfois à
certaines corporations, parfois à différents gouvernements. Eh
bien! je pense qu'on devrait aller de l'avant et essayer, le plus rapidement
possible, de trouver des solutions concrètes. Il est bien évident
et il est reconnu, je pense, que la répartition des ressources laisse,
souventefois, à désirer.
Et pendant ce temps, chez nous au Québec, deux importantes
associations, qui groupent un nombre considérable d'industriels, ne
peuvent maintenir leur croissance et assurer leur rentabilité à
cause d'une répartition douteuse de ces ressources.
L'Association des manufacturiers de bois de sciage se plaint, avec
raison, d'être privée d'un approvisionnement assez abondant et
régulier pour permettre de stabiliser le présent et de planifier
l'avenir. Et de son côté, l'Association des fabricants de meubles
du Québec souffre d'une pénurie de bois d'oeuvre, qui gêne
très sérieusement ses efforts de modernisation et de croissance.
Or, groupées dans ces deux associations, il y a une foule d'industries,
petites et moyennes, entièrement québécoises et
canadiennes-françaises pour la plupart, situées en
milieu rural surtout, dont le maintien et l'expansion pourraient nous
aider puissamment à faire de l'aménagement régional autre
chose que des théories nébuleuses et à stimuler
l'économie de régions qui en ont un impérieux besoin.
Il y a de ces aveux du gouvernement qui sont assez
révélateurs, parce qu'on trouve dans les chiffres du gouvernement
la preuve, un jugement à l'effet que la situation est aussi
pénible, peut-être plus pénible, que celle que je viens de
décrire. On n'a qu'à se référer au dernier rapport
sur la situation économique du Québec pour l'année 1971,
publié sous la responsabilité et l'autorité du
ministère de l'Industrie et du Commerce, rapport qui confirme que dans
l'ensemble de notre secteur primaire, par suite de la situation qui existe tant
sur le plan des forêts que sur ceux des mines et de l'agriculture, la
valeur brute de notre production est à la baisse. Elle a diminué
je me réfère à ce rapport publié par le
ministère de l'Industrie et du Commerce de 4 p.c. en 1971,
comparativement à une augmentation de 3.1 p.c. en 1970. La valeur de la
production baisse parce qu'en grande partie les investissements baissent
également. Dans le domaine précis des forêts, les
immobilisations qui avaient été de $19 millions en 1967, de $14
millions en 1968, de $15 millions en 1969 sont tombées à
$9,500,000 en 1970 et à $7 millions seulement en 1971. Le rapport du
ministère de l'Industrie et du Commerce à la page 53 dit ceci et
je cite: "Les investissements relatifs à l'exploitation
forestière reflètent assez bien la situation
détériorée qui prévaut dans cette industrie. Ils
sont à la baisse pour une deuxième année
consécutive." On lit, dans le même ouvrage sur la situation
économique du Québec en 1971, que la production de bois à
pâte a subi une baisse de 17.3 p.c. en volume et de 15 p.c. en
valeur.
Voici, M. le Président, d'une façon plus précise
où se situe mon inquiétude face à ce que j'appellerais
cette opération ou cette situation d'étatisme et
d'investissements, devant la situation catastrophique de notre principale
industrie, situation due en très grande partie, dans plusieurs milieux
et dans plusieurs régions, à un manque de renouveau, à un
manque de modernisation assez rapide, à un manque de productivité
accélérée, c'est-à-dire, en dernière
analyse, à un manque d'investissements.
Que fait exactement le livre blanc devant ce fait? Est-ce qu'il
encourage les investisseurs à infuser de nouveaux capitaux dans notre
industrie forestière? Est-ce qu'il essaie de stimuler l'initiative
privée, puisque l'initiative de l'Etat conduit en ce domaine à
des déconfitures que l'on pourrait essayer de cristalliser par
l'expérience de Sogefor? Est-ce que le livre blanc nous parle d'un
certain crédit forestier? Est-ce que le livre blanc nous dit quelle sera
son attitude, et de façon articulée, à l'endroit des
investisseurs et des investissements nouveaux? Est-ce que le livre blanc donne
des garanties au moins morales que les producteurs pourront compter sur une
coordination et une collaboration non seulement verbeuses, mais
réalistes du gouvernement? Il est bien difficile, à travers ces
documents, de découvrir exactement le fond de la pensée du
ministre.
Je ne voudrais pas, évidemment, porter de jugement
définitif et c'est pourquoi je pose tout cela sous forme interrogative.
Avant d'entendre les parties intéressées, il est bien difficile
de porter un jugement définitif.
D'autre part, à première vue, je crains fort que le livre
blanc ne soit interprété, par les investisseurs éventuels,
comme une menace plus ou moins camouflée d'une étatisation plus
poussée, plus accélérée, comme la menace d'une
intervention encore plus directe et profonde de l'Etat.
A ce moment, si le gouvernement pousse à fond cet objectif
à atteindre, ne serait-ce pas une façon d'intéresser les
investisseurs à moderniser davantage, à assurer une plus grande
productivité? Qu'on le veuille ou non, peu importe le système
économique, le système constitutionnel et tout ce que vous
voudrez, des investissements de l'ordre de plusieurs centaines de millions de
dollars sont absolument essentiels pour rééquilibrer, moderniser
et relancer nos industries. Partant de là, qu'on cesse de rêver en
couleur. Il faudra comme je l'ai dit à maintes reprises
tenter, d'abord, d'intéresser les Québécois et les
Canadiens eux-mêmes dans leur propre développement
économique. Il faudra canaliser des investissements étrangers
à la condition qu'on puisse, autant que possible, conditionner et
s'assurer que le Québec puisse véritablement avoir un droit non
seulement de surveillance et encore moins de complaisance mais que le
gouvernement puisse protéger les intérêts de la
collectivité.
Sans doute un effort de planification est-il devenu nécessaire,
surtout quand il s'agit de ressources, en grande partie du domaine public. Sans
doute faut-il s'aviser des moyens à prendre pour que la population
québécoise tire un plus grand bénéfice de richesses
qui lui appartiennent en propre, non seulement à la
génération actuelle mais, avec autant plus d'importance, à
la génération et aux générations futures.
Encore faut-il se garder de faire de l'intervention de l'Etat une
panacée, un dogme, un absolu. Une administration envahissante,
paralysante, autocratique en serait le résultat le plus net.
Déjà l'administration gouvernementale s'avère un engrenage
de plus en plus compliqué, de l'aveu des ministres, des fonctionnaires,
enfin de presque tous les Québécois. On se rend compte que cette
administration est devenue extrêmement complexe et souvent de plus en
plus mal huilée, lourde et que ces centres de décision ou
d'autorité sont tellement multipliés que l'on vit dans une
demi-paralysie.
On sait par expérience et on devrait savoir que le pyramidage des
structures et les contrôles multipliés, à tous les
échelons de la hiérar-
chie, sont loin d'être des garanties absolues et même
relatives de rentabilité. Une superstructure, formée d'organismes
gouvernementaux et paragouvernementaux dans le domaine forestier, n'aurait-elle
pas pour effet de retarder, de façon indue et assez alarmante, les
décisions, de différer les réformes nécessaires et
de démanteler les responsabilités? Ce sont des questions que l'on
doit se poser d'une façon très sérieuse. Il ne faudrait
tout de même pas que le ministère des Terres et Forêts soit,
à toutes fins pratiques, amputé et paralysé au profit
d'immenses unités administratives où personne ne se retrouverait,
où les voies de communication seraient inexistantes et où les
décisions appartiendraient toujours, rituellement et mythologiquement,
aux autres. Le remède est plutôt dans une certaine concertation
que l'on doit apporter. Qu'il faille rendre notre industrie forestière
concurrentielle, tout le monde le reconnaît. Mais comment peut-on y
arriver? Il s'offre différentes formules. Mais comment peut-on y arriver
de la façon la plus rationnelle, la plus réaliste? Croit-on
abaisser les coûts de production le croit-on honnêtement
par la création de nouveaux organismes d'Etat?
Est-ce qu'on le croit véritablement? A l'étatisme
stérile, je préférerais, pour ma part, une formule
beaucoup plus souple, mais beaucoup plus réaliste, celle d'une
véritable économie de concertation où l'Etat et les
organisations professionnelles, les organisations syndicales et l'entreprise
agiraient enfin comme de véritables partenaires, définissant
ensemble les nouveaux objectifs et bâtissant d'un commun effort de
nouveaux instruments de progrès économique, qu'il y ait
véritablement entre ces différents agents de l'économie
forestière, un sentiment de si on me permet l'expression, je ne
sais pas si le ministre va me permettre ce mot anglais véritable
"partnership", comme dirait le ministre, que ces différentes forces
deviennent positives et tirent dans le même sens, à la condition
qu'il y ait véritablement concertation et qu'à cette concertation
s'ajoutent des mesures incita-trices pour encourager les investisseurs à
multiplier chez nous les entreprises de transformation et nous aurons alors un
climat vraiment plus proprice à la relance du secteur forestier.
Encore une fois, je ne voudrais pas, ce matin, porter de jugements
définitifs et c'est avec un esprit très ouvert que mes
collègues et moi écouterons toutes les suggestions qui pourront
être faites devant cette commission. Je veux bien que le gouvernement se
donne une période de réflexion et je pense qu'il a 100,000 fois
raison de vouloir se donner une période de réflexion, mais avant
de plonger à fond de train le gouvernement devrait prendre la
température véritable de l'eau. Cependant cette période de
réflexion ne doit pas se prolonger trop longtemps et créer
à notre industrie forestière de nouvelles, d'inextricables et
peut-être de fatales difficultés.
Les deux pires choses qui peuvent se présenter, ce serait que le
gouvernement continue à hésiter, que le gouvernement continue
à louvoyer, que le gouvernement donne non seulement l'impression mais la
certitude qu'il ne sait pas exactement où il va, ou qui parlotte
constamment pour se donner bonne conscience et donner l'impression de faire
quelque chose.
En second lieu, un débat public qui, d'autre part,
lâcherait contre les compagnies existantes et contre les investisseurs
éventuels, la meute de ce que j'appellerais les socialistes en redingote
ou ces révolutionnaires de salon qui tout simplement, pour essayer de
vendre d'autres marchandises pourraient profiter de ces difficultés,
pourraient profiter de l'état de fléchissement que nous
connaissons, pour essayer d'une façon plus ou moins rationnelle et
sincère, de faire un faux débat, d'intellectualiser la question
au dernier degré et tout simplement, pour tenter de soulever les
passions des Québécois, ou encore pour brandir le spectre que le
Québec devient de plus en plus sclérosé, de plus en plus
dans l'esclavage, de plus en plus colonisé.
Or, je pense, M. le Président, que la situation étant de
la gravité reconnue par les professionnels de l'industrie, par les
députés de toute formation politique, quant au livre blanc
discours blanc du ministre j'espère que la commission
parlementaire, que les interventions et les mémoires des
différents groupements nous permettront d'avoir une meilleure perception
du problème, d'envisager peut-être de nouvelles approches, mais
également, vont permettre aux gouvernants, aux députés,
à toute la population de connaître les dimensions du
problème.
En même temps, nous espérons que le ministre des Terres et
Forêts sera plus vigilant, plus diligent dans la présentation de
ses réformes qu'il ne l'a été dans la présentation
surtout du deuxième volume. Nous espérons aussi que nous aurons,
à brève échéance, des conclusions pratiques, de
nature à relancer cette économie forestière, pour faire en
sorte que cette richesse renouvelable continue à être une des
pierres d'assise de l'économie québécoise, tenant compte
des facteurs que j'ai énumérés tout à l'heure. Je
vous remercie, M. le Président, d'avoir été aussi
obligeant à mon endroit et je remercie mes collègues de m'avoir
écouté d'une façon aussi intéressée. Je
regarde du côté ministériel, on se rend compte que
certaines remarques que j'ai faites ont porté et attirent même
l'assentiment des députés ministériels. Je souhaite, M. le
Président, ne pas ressuciter des querelles à l'intérieur
du gouvernement, des membres du gouvernement et des députés, mais
je souhaite ardemment que l'on puisse aboutir aux solutions les plus
réalistes possibles dans le plus court délai possible.
M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.
M. BELAND: M. le Président, ce matin, nous entreprenons
l'étude du livre blanc des terres et
forêts. Je me permettrai, au tout début, d'oser
féliciter le ministre pour son aventure de ce matin, non pas pour ce
qu'il nous a présenté dans les deux premiers livres blancs, mais
pour ce qu'il nous a présenté d'une façon beaucoup plus
accentuée dans son discours de ce matin. Je ne sais s'il a
été inspiré par ses voyages ou ses promenades dans les
forêts de Westmount, de toute façon, c'est une nette
amélioration sur ce que nous avons vu jusqu'à maintenant dans les
deux livres blancs. Il est bien entendu que la distribution actuelle des
forêts du Québec, nous pourrions en parler d'une façon
très longue, mais je pense qu'à ce moment-ci, il s'agit de se
limiter à quelques observations. D'abord, en ce qui concerne le zonage
je crois que c'est le mot que je devrais employer ici de
territoires d'une façon complète, des forêts privées
du Québec et compte tenu des forêts publiques, il a
été plus ou moins fait ou on en a tenu compte d'une façon
plus ou moins grande dans le passé. Je crois qu'à l'avenir, il
faudra en tenir compte davantage.
En ce qui concerne l'utilisation de nos forêts, à ce jour,
je crois que je n'ai pas besoin de faire de dessin pour illustrer de quelle
façon les forêts du Québec, surtout les forêts
publiques, ont été utilisées, parfois à outrance,
à certains endroits. A d'autres endroits, on a tout simplement
laissé pourrir la forêt, alors qu'il y aurait eu
possibilité de faire des récoltes rentables, non pas par des
industries que l'on appelle "les industries papetières", mais
peut-être par d'autres petites industries qui ont ou qui ont eu, à
ce jour, une certaine difficulté à s'approvisionner de
matière ligneuse près de leurs usines.
Il est entendu qu'en vue d'une meilleure utilisation, il faut tout
repenser. Disons que certaines idées assez précises ont
été émises dans les deux livres blancs et également
dans le livre préparé par le Dr Lussier pour le compte de la
Fédération des offices et syndicats des producteurs de bois. Il y
a de ces enumérations qui sont très bonnes, valables, qui
méritent d'être regardées de près, qui
méritent que l'on s'y attarde d'une façon très nette, afin
de pouvoir aller plus avant dans ce domaine.
En ce qui concerne ce niveau de reconstitution des forêts du
Québec où il y a possibilité, d'une façon plus
nette, à l'intérieur du 52e parallèle, jusqu'à
maintenant, ç'a été plus ou moins laissé de
côté. D'ailleurs le ministre l'a dit tantôt on
était censé avoir du bois en masse, pour employer son expression;
c'était dit partout; c'était vrai qu'il y en avait beaucoup. Cela
a fait en sorte qu'il y a eu de grands territoires dénudés de la
forêt. Cela a causé des problèmes d'eau, des
problèmes d'une non-possibilité d'établissement pour
plusieurs fermiers. Cela a été néfaste pour une certaine
quantité de raisons.
Mais il ne faut pas seulement s'apitoyer sur le passé parce qu'on
n'avancerait pas. Ce qu'il faut, c'est regarder l'avenir bien en face. C'est
pour ça que, dès le début, j'ai félicité le
ministre d'avoir osé et là, probablement qu'il aura des
difficultés lui-même avec certains membres de sa
députation. Je l'encourage à continuer parce qu'il semble
être dans la bonne voie.
Au niveau de l'exploitation, les entreprises privées,
jusqu'à maintenant, n'ont pas fait fausse route, sauf de très
rares exceptions et, lorsqu'elles étaient le moindrement placées
sur un pied d'égalité avec les autres entreprises, ces
entreprises privées pouvaient aller de l'avant. C'est là qu'on
pouvait obtenir le plus de motivation et le plus d'esprit de conservation, de
reconstitution de la forêt naturelle et, en somme, une forêt
forcée ou accentuée.
En ce qui concerne ce vaste domaine public que constituaient les
terrains de la couronne, il faut tenir compte du travail
bénéfique qu'ont fait les compagnies papetières dans une
foule de sphères données. Il faut tenir compte qu'elles ont
donné et qu'elles donnent encore du travail à une grande
quantité d'hommes ou d'employés dans la province de
Québec. Lorsqu'on songe qu'il y a environ 45,000 hommes qui travaillent
dans le domaine du bois, on ne peut laisser ce phénomène de
côté. Et de ce nombre, environ 17,000 travaillent d'une
façon plus accentuée dans la forêt même.
Il faut regarder de très près, compte tenu de la situation
alarmante, dans certains cas, que nous avons constatée l'an
passé, il y a deux ans, parmi ces compagnies. Nous devons regarder de
très près, non pas avec des lunettes noires où il n'y a
pas possibilité de voir, mais compte tenu de l'ensemble des besoins
humains, sociaux de la population, dans son entier. Le devoir d'un gouvernement
responsable est justement à cet endroit précis.
Or, M. le Président, pour ce qui est maintenant du domaine
privé des entreprises papetières ou d'exploitation,
d'utilisation, de transformation, je disais tantôt que c'étaient
celles qui étaient les mieux placées. Les mieux placées
parce que c'était là que l'on voyait le plus de motivation et,
heureusement, ça existe encore aujourd'hui, la motivation dans nos
entreprises privées. C'est probablement une des causes qui ont
motivé le ministre à regarder de très près les
entreprises privées, si petites soient-elles dans certains cas.
Rexfor a apporté aussi, dans le passé, ou a joué un
rôle relativement important dans certains cas. Ce rôle aurait-il
été plus rentable pour les Québécois, s'il avait
été plus accentué? Je n'ai pas tous les chiffres ici pour
les analyser et je ne les ai effectivement pas analysés, de façon
nette.
Sur ce que j'ai analysé, Rexfor justement a joué un
rôle important dans certains cas. Par contre, dans d'autres cas, je ne
sais si ce fut à cause de placements bien spécifiques,
politiques, mais justement il y a eu des anomalies qui ont existé dans
certains cas, je pense, entre autres, à la faute ignominieuse, à
la déficience qui a existé relativement à l'entreprise
Sogefor.
Il est bien clair qu'il ne faut pas penser
seulement d'une façon pessimiste en ce qui concerne Rexfor mais
seulement il y a eu quand même cet aspect humanitaire l'an passé
relativement à l'opération 2000. Une partie de son geste a
été, dans certains cas, humanitaire, a été
éducative, a été, pour ce qui est des personnes qui ont pu
se faire recycler dans bien des domaines, très humaine, et ce rôle
qu'elle a joué à ce moment-là a été
bénéfique.
Il ne faut pas laisser sous silence non plus le rôle qu'ont
joué dans le passé, au niveau de notre forêt
québécoise, les chantiers coopératifs forestiers. Je pense
qu'ils ont apporté ou ils ont bouché le trou béant qui
existait pour resituer d'une façon meilleure les travailleurs forestiers
dans certains cas où certains je ne dirai pas tous, loin de
là employeurs abusaient du physique de nos travailleurs
forestiers.
Sur ce plan précis, le rôle des chantiers
coopératifs a été très bénéfique et
ils pourraient encore aujourd'hui jouer leur rôle dans bien des cas. Il y
a également un autre rôle que pourrait jouer dans l'avenir, s'il
était créé, un organisme réel de crédit
forestier pour les entreprises forestières à différents
paliers. Ce rôle que pourrait jouer un organisme forestier quelconque, je
ne suggérerai pas ce matin quelque chose de précis dans ce
domaine, mais cela devrait être regardé de très près
car le regard bien précis en vaut beaucoup plus que la chandelle.
Il y a eu dans le passé très peu de développement
dans les activités paraforestières, que j'appellerai ainsi
justement au sens large. Je veux dire par là les activités
fauniques, les activités récréatives qui s'appliquent en
1972 et même depuis plusieurs mois et c'est appelé à
s'accentuer. Le rôle des activités récréatives
durant quatre saisons qui doit être intégré dans une
politique globale forestière peut être à ce
moment-là attaché ou intégré comme faisant partie
du rôle ou d'une partie du rôle du ministère du Tourisme, de
la Chasse et de la Pêche.
De plus en plus, la population regarde pour se recréer du
côté des forêts publiques, y compris certaines
rivières de la province, qui ont été fermées dans
le passé au plubic et où on ne permettait pas d'aller à
cause de droits exclusifs de personnes d'outre-frontières. La population
n'avait pas droit d'aller pêcher dans les eaux du Québec, aussi
invraisemblable que cela puisse paraître. A ce moment-ci, je pense qu'il
fait bon regarder de près cette possibilité que le ministre nous
tend ce matin pour que la population puisse réellement profiter,
globalement parlant, du patrimoine forestier qui, en quelque sorte, lui
appartient.
La population québécoise, en dépit du fait qu'elle
a été dépossédée de toutes les
façons, par des impôts, taxes, des empêchements de toutes
sortes, par des personnes qui avaient des priorités, cette population en
1972 nous l'avons vu en fin de semaine à Cabano est
prête, démesurément, je devrais dire, à se saigner
encore une fois pour participer à l'élabo- ration d'une ou de
quelques usines de transformation des produits de la forêt.
Il est bien clair que le ministre des Terres et Forêts subit des
pressions très fortes. Je les vois d'ici, même s'il y a des voiles
qui nous séparent, je les vois, mais le ministre, dans la
démarche qu'il a entreprise ce matin, devra y regarder de très
près pour que la population qui veut s'aider puisse profiter de deniers
qui lui appartiennent puisqu'elle a été, dans certains cas,
dépossédée sur plusieurs plans, non seulement au plan
financier, mais également au plan social et moral et cela a
été néfaste dans certains cas.
Il vaut également la peine de regarder de près le
rôle qu'on joué divers clubs, diverses associations. Je pense aux
clubs 4-H et à d'autres clubs analogues. Je pense aux associations
forestières québécoises, à d'autres associations
qui ont essayé de s'implanter un jour, qui ont vécu un petit bout
de temps, qui ont aidé la population d'une façon éducative
mais qui, faute de fonds et d'encouragement, sont mortes. Elles auraient
pourtant pu faire beaucoup pour la population. Aujourd'hui, on pourrait faire
participer ces associations d'une façon plus accentuée au
développement éducatif de la revalorisation de nos
forêts.
C'est peut-être à cause de cette lacune bien précise
que la tentative de Sogefor n'a pas été concluante pour
l'ensemble de la collectivité québécoise.
Il s'agit aussi de regarder ce qui a pu être fait du point de vue
de l'accessibilité de la forêt par le gouvernement. Il y a eu
différentes formes d'aide dans le passé et, dans certains cas,
elles ont contribué à sortir cette matière ligneuse en vue
d'une utilisation ou d'une transformation.
Mais ceci s'est fait dans certains cas précis seulement.
Certaines organisations, certaines entreprises privées, qui
étaient globalement moins fortes, moins grandes, elles qui ne
demandaient qu'à bénéficier au même titre que les
autres, eh bien, n'ont pu bénéficier dans le passé de
possibilités d'aide gouvernementale pour une plus grande
accessibilité aux forêts limitrophes.
Il est entendu qu'en même temps que ces routes ont
été construites, il est bien clair que ç'a
été organisé, ç'a été construit pour
aider aussi à la protection. En aidant à la protection,
c'était bénéfique pour l'ensemble des
Québécois pour conserver cette richesse naturelle dont on ne
connaît pas encore l'évaluation exacte tellement elle est immense.
Par contre, toujours à l'intérieur de cette surveillance, de
cette protection de la forêt, à un moment donné la science
a voulu et ç'a été bénéfique
que l'on fasse, que l'on produise, je dirai tout simplement ces mots-là,
des pluies artificielles afin de pouvoir protéger notre forêt.
Mais seulement l'on n'a pas à ce moment-là protégé
que notre forêt, mais étant donné que ce n'était pas
dirigé, que c'était laissé à la va comme je te
pousse, que c'était laissé au bon loisir de quelques individus
qui souvent s'amusaient avec ces phénomènes,
eh bien, on a laissé détruire des champs agricoles.
C'était néfaste pour l'agriculture et ça existe encore,
même si le ministre, il y a un certain temps, pas très longtemps,
m'a dit que ça n'existait plus dans la province de Québec. C'est
faux, ça existe encore. Ces états de choses existent encore. On
peut créer de la pluie artificielle qui, n'étant pas
contrôlée d'une façon bien précise, continue
à être néfaste pour les agriculteurs et entame d'une
façon démesurée dans certains cas le budget qui va
à l'assurance-récolte.
Pour ce qui est du phénomène de l'amélioration de
la valeur de nos boisés, il est bien clair que pour améliorer la
valeur de nos boisés, on pense immédiatement aux travaux
sylvicoles. Il y a eu des recherches, des travaux de faits, peut-être
principalement dans le Bas-Saint-Laurent, des travaux qui ont été
concluants et qui méritent qu'on les regarde de très près.
Possédant moi-même une ferme forestière et pratiquant sur
ma ferme forestière depuis plusieurs années ce métier de
sylviculture, eh bien, je suis à même de dire que ce métier
ou cette possibilité d'amélioration de notre potentiel forestier
est véritablement valable. On peut non pas seulement doubler, mais
quasiment tripler dans bien des cas la possibilité de pousse annuelle de
nos forêts ou de certaines de nos essences forestières.
A ce moment-là, dans la partie de la province où il y a
une possibilité naturelle, compte tenu du climat, d'augmenter d'une
façon très sensible la pousse annuelle de notre forêt, je
pense qu'il vaut alors la peine de regarder de très près cette
possibilité. Cela aidera certainement le premier ministre même
à créer ses 100,000 emplois qu'il n'a jamais pu réaliser.
Cela permettra au ministre des Terres et Forêts de pouvoir voir de
près, de pouvoir toucher du doigt, les possibilités qu'il y a
dans ce domaine d'améliorer très sensiblement la valeur de notre
personnel forestier et, par ricochet, de la matière qu'on sort de ce
potentiel forestier.
Maintenant, j'ai remarqué que le ministre avait touché ce
matin, d'une façon très brève, le phénomène
de la recherche. Jusqu'à maintenant, il y a eu des travaux faits dans ce
sens au niveau provincial, mais je pense qu'il n'y a peut-être pas eu
suffisamment de collaboration, de montants alloués à ce domaine
précis. Parce qu'il y a tellement de possibilités dans ce domaine
que, même s'il y a eu, il y a quelque temps de ça, une couple de
mois, une énumération dans un journal de Québec à
l'effet que dans vingt ans il n'y aura plus possibilité pour le
Québec de pourvoir la population de matières ligneuses
suffisantes, c'est de la foutaise, c'est absurde. Parce que si la personne qui
a dit cela s'était basée sur la recherche telle qu'elle existe,
telle qu'elle est possible au Québec, non seulement le Québec
serait en mesure de fournir aux Québécois ce dont il a besoin
pour suffire en papier-journal et le reste toutes les
possibilités secondaires que l'on peut sortir de la forêt
mais on pourrait continuer à exporter d'une façon très
grande et très longtemps.
Il y a aussi ce phénomène de l'avancement qui fait que le
développement hydro-électrique du Québec prend un espace
de forêt de plus en plus grand dans certains coins précis de la
province où il y a possibilité d'aménagement
hydro-électrique. Et de cet aménagement, il faut lancer des
lignes électriques pour approvisionner les villes où le besoin se
fait sentir.
M. le Président, ce manque d'orientation qu'il y a eu dans le
passé est flagrant. Il a été néfaste pour les
Québécois dans plusieurs domaines. Cela va sans dire, cette
parution du livre blanc et ce complément ce matin apportent une lueur
d'espoir aux Québécois; je me plais à le dire. Lorsqu'il
est temps de féliciter un ministre pour un geste donné, je pense
que, dans le passé, nous nous sommes exécutés de cette
façon; ce n'est pas pour l'encenser outre mesure, absolument pas, car je
diffère d'opinion sur une foule de choses avec lui. Mais quand il pose
des gestes positifs, cela me fait plaisir de le lui dire.
A l'avenir, il faudra qu'il y ait des politiques forestières
pensées davantage sur le plan canadien. Il faudra des politiques
forestières pensées en matière de possibilité
québécoise de développement québécois. Au
Québec, nous n'en avons aucune présentement.
La politique qui a existé dans le passé c'est
malheureux de le dire, on ne devrait même pas être obligé de
le dire cela a été, dans plusieurs cas, des politiques de
récompense, selon la grosseur du porte-monnaie qui versait à la
caisse électorale. Cette façon de procéder est
révolue. Il faut penser tout autrement. Non pas en fonction de besoins
immédiats ou de besoins dans un an, six mois ou deux mois, rendement
politique, mais il faut penser pour l'ensemble des Québécois ou
pour les générations futures.
M. le Président, notre patrimoine forestier, à qui
appartient-il? Au sortir de cet exposé, notre patrimoine forestier
appartient aux Québécois. Nous ne devons penser qu'en fonction
des besoins des Québécois, ensuite des possibilités
d'exportation, de transformation que l'on peut faire avec nos produits du
Québec. Les politiques de marchandage, qui ont existé dans le
passé, politiques au profit de quelques individus ont été
néfastes pour les Québécois. Eh bien! dans l'avenir, il
faut laisser cela de côté et penser en fonction de l'ensemble de
la collectivité.
Tout le principe d'allocation de limites forestières, il va sans
dire, est mis en cause. Le ministre les met en cause et je le félicite.
Il les met en cause mais il ne faut pas que ce soit n'importe comment. Il faut
que ce soit bien pensé, bien réfléchi. Et je crois que
nous nous permettrons, en temps et lieu, de suggérer des choses assez
précises au ministère des Terres et Forêts de façon
que notre opinion soit bien nette à ce sujet. Il ne faut pas oublier non
plus et je le disais au début, j'en faisais une
petite énumération si on regarde les statistiques,
au point de vue des possibilités dans le passé,
d'approvisionnement en papier-journal, lorsque l'on songe aux dix millions de
tonnes de papier-journal consommées en Amérique du Nord, que,
dans cette quantité très grande, on voit que le Québec a
fourni 2,900,000 tonnes environ, cela laisse à réfléchir
et très fortement.
Il faut penser aussi, si on continue troujours à bâtons
rompus, à la coupe de 12 millions de cordes de bois de papier au
Québec, approximativement, en 1970. Il faut penser aussi aux 1,800,000
cordes environ, tout près de 2 millions de cordes, qui ont
été coupées par les petits producteurs de bois, 33,500
à 34,000 producteurs de bois, le boisés privés. Lorsque
l'on pense à cela, on ne peut que chercher, d'une façon
précise à encourager les intérêts privés dans
ce domaine, à stimuler les possibilités de développement
privé dans ce domaine.
M. le Président, lorsque l'on regarde globalement, avec quelques
petits chiffres à l'appui, l'industrie québécoise des
pâtes et papier en 1970 et sa production de 6,800,000 tonnes de papier,
de carton, il faut penser à tout cela, essayer d'agir en
conséquence, de façon précise et aller plus loin que le
ministre n'a osé aller ce matin. C'est entendu que le ministre ne
pouvait peut-être pas aller plus loin ce matin, il n'a fait qu'aborder le
sujet mais c'est déjà un départ. Lorsqu'on part pour
quelque part, c'est déjà une nette avance sur le fait de dire :
Nous allons partir sans effectivement partir jamais. Le ministre est parti, le
ministre a osé faire quelques pas en avant. Ira-t-il plus loin? Je
l'espère pour la collectivité québécoise. De plus
en plus, il y a possibilité avec le bois, de diverses façons, par
toutes sortes de transformations, de créer une infinité de
produits nouveaux. Le Québec le pourrait, grâce à
l'immensité de son territoire, grâce à l'immensité
de son potentiel forestier. Mais, est-ce que le ministre osera aller plus loin?
J'espère qu'il osera. J'espère qu'il ne placera pas, qu'il ne
continuera pas de placer ou ne laissera pas dans certains cas, dans la
mendicité les industries de sciage, les industries de déroulage,
d'autres industries analogues ou complémentaires. J'espère qu'il
ne les laissera pas dans la mendicité à côté des
compagnies papetières qui jouissent de droits bien spécifiques
acquis il y a quantité d'années.
C'est à cause de ces droits que ces petites industries, il y a
cinq ou dix ans, ont prôné ou suggéré au
ministère des Terres et Forêts de se fusionner. Qu'est-ce que la
fusion a amené dans certains cas, sinon une faillite plus grande,
à cause de l'impossibilité d'accès à nos
forêts? Cela laisse à réfléchir
également.
M. le Président, est-ce qu'on ajourne à 12h 30?
M. LE PRESIDENT: Oui.
M. LOUBIER: On va aller y réfléchir à la salle
à manger.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous en avez encore pour longtemps?
M. BELAND: J'en aurais encore pour cinq minutes environ.
M. LE PRESIDENT: Cinq minutes. Est-ce que les membres seraient d'accord
pour qu'on termine le rapport du député?
M. LOUBIER: Est-ce que cela finira avec la Banque du Canada?
M. BELAND: M. le Président, je n'ai pas de permission ou de
commentaire à recevoir du chef de l'Unité-Québec, car je
sais où je vais.
M. LOUBIER: Vous êtes parti.
M. BELAND: Le gouvernement doit intervenir lorsque
l'intérêt général d'une partie de la population est
placé sur un pied nettement inférieur à l'ensemble de la
collectivité ou l'ensemble des situations qui existent dans un domaine
précis. Cela vaut pour la forêt. Je l'ai brièvement dit
autrement tantôt, mais je me permets de l'accentuer ici.
Il y a un autre rôle où le ministre ose s'embarquer, dans
lequel le ministre ose faire un pas en avant, c'est la suggestion qu'il y ait
des associations régionales de sylviculteurs. Il va sans dire que les
offices et syndicats de producteurs de bois ont apporté un correctif
nécessaire, un correctif qui s'est avéré
bénéfique dans plusieurs cas.
En ce qui concerne les associations régionales de sylviculteurs,
il faudra quand même commencer par faire des sylviculteurs, parce qu'il
n'en existe encore que très peu dans la province et ils sont très
peu reconnus. On ne les a regardés que très peu jusqu'à
maintenant, on ne leur a donné que très peu la possibilité
de s'extérioriser ou la possibilité de se développer par
des crédits suffisants.
Or, à ce moment-là, lorsqu'on a parlé de la
possibilité de crédits forestiers ou d'un organisme quelconque
dans ce domaine, je pensais à ce domaine précis des
sylviculteurs, parce que c'est un métier qui connaîtra une
quantité de plus en plus grande d'adeptes dans l'avenir.
Cela va de soi car c'est de cette façon, dans bien des cas, qu'il
y aura possibilité d'améliorer notre potentiel forestier et
fournir, à ce moment-là, à toutes nos industries, peu
importe quel genre d'industrie, il y aura possibilité de la part des
sylviculteurs de fournir en qualité et en quantité plusieurs
produits et plusieurs matériels ligneux.
Un peu plus, ce matin, et je dirais que le ministre avait envie de
dénoncer le gouvernement sur ses activités passées. Je
pense qu'il a fait ce pas en avant. Le ministre a osé, comme je l'ai dit
tantôt et on est d'accord, préconiser que l'Etat contrôle
d'une façon entière les activités forestières mais
les contrôles non pas à la suite de pressions de quelques
individus mais
dans le but d'un plus grand respect de l'ensemble des citoyens.
Lorsqu'il parle de gestion des forêts publiques, des terres
publiques, de gestion des forêts privées, là j'irais avec
beaucoup plus d'attention. Par contre, lorsqu'il parle de contrôle des
forêts publiques par l'Etat, disons que cela dépend où il
va, cela dépend dans quelle direction il va. A ce moment-là, en
ce qui nous concerne, nous du Ralliement créditiste, nous regarderons de
près cette possibilité qu'il a émise ce matin.
Pour ce qui est de l'achat à coût peut-être abusif de
la part du gouvernement des territoires qui ont été
concédés dans le passé aux compagnies papetières ou
à diverses compagnies, à ce moment-là je suis nettement
contre le fait qu'il y ait achat à coût abusif. C'est bien net.
Disons qu'il est entendu qu'à cause des possibilités
spéciales, des réductions spéciales de divers coûts,
que ce soient taxes, impôts, ou possibilité de subventions bien
spécifiques pour accès à ces territoires de la couronne ou
pour diverses autres raisons, cela doit être regardé de
très près.
Je suis nettement contre le fait que les Québécois,
après s'être privés de ces territoires sur plusieurs
paliers aussi bien au point de vue faunique qu'à divers autres points de
vue dans le passé, à cause de ces raisons bien
spécifiques, je suis absolument contre le fait qu'il y ait
rétribution d'une façon abusive de remboursement, à cause
de cette reprise par le gouvernement de ces territoires concédés
dans le passé.
M. le Président, nos petits producteurs forestiers, nos
chômeurs, nos travailleurs forestiers désirent que la situation
change et il est temps. Ils désirent faire bénéficier leur
famille de l'argent dont ils n'ont pu bénéficier dans le
passé à cause de trop grandes restrictions, parce qu'ils
n'avaient pas leur place dans la société, ils n'avaient pas
accès d'une façon égale aux autres secteurs, aux autres
professions. Eh bien, ces petits producteurs, ces chômeurs, ces
travailleurs forestiers, il leur faut leur place présentement. Et le
ministre doit regarder, de façon très nette, au
développement des entreprises forestières, des entreprises
privées, ou autres entreprises, pour que les droits de ces personnes
soient sauvegardés beaucoup plus dans l'avenir qu'ils ne l'ont
été dans le passé.
Je termine là-dessus étant donné l'heure. Je me
permettrai de revenir lorsque le moment sera opportun, lorsque nous irons plus
avant, lors de l'étude du livre blanc de la forêt.
M. LE PRESIDENT: La séance suspend ses travaux jusqu'à 4
heures. Le député de Saguenay aura la parole à ce moment.
La séance est ajournée.
(Suspension de la séance à 12 h 37)
Reprise de la séance à 16 h 3
M. PILOTE (président de la commission permanente des richesses
naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!
La parole est au député de Saguenay.
M. LESSARD: M. le Président, ce matin le ministre nous a
exposé un discours qui m'apparaît assez intéressant et qui
vient préciser certains points d'interrogation du tome II du livre
blanc. Malheureusement, je ne peux dire la même chose pour les
exposés du chef de l'Unité-Québec et du Ralliement
créditiste. J'aimerais bien que le chef de l'Unité-Québec
soit ici, et ce n'est certes pas parce qu'il est absent que je dis ces paroles,
au contraire, même si le chef de l'Unité-Québec
était ici, je ferais exactement le même exposé.
M. le Président, nous avons pu constater ce matin que, pour
l'Unité-Québec, la politique forestière est aussi
ambiguë que sa politique constitutionnelle. Ce parti ne sait plus
où aller. Aucune politique sérieuse. Partout, dans tous les
domaines, c'est le patinage de fantaisie. Nous avons eu cette
démonstration ce matin.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Je voudrais demander au
député de Saguenay de s'en tenir à la critique du livre
blanc et de ne pas faire une guerre de partis. Aussi souvent qu'il s'attaquera
à un parti, je le rappelerai à l'ordre.
M. VINCENT: Sur le même point d'ordre, M. le Président, que
le député de Saguenay fasse exactement la même chose que
toutes les autres formations politiques ont voulu faire ce matin, sans faire de
petite politique partisane comme les Péquistes ont l'habitude d'en faire
depuis quelques mois. Personne n'a mentionné le PQ ce matin et Dieu sait
qu'on aurait eu raison de le faire.
M. LESSARD: Je crois, M. le Président, qu'en faisant ces
remarques je traite exactement de ce dont nous avons à traiter
aujourd'hui, c'est-à-dire du livre blanc. Il y a eu certaines remarques
qui ont été faites ce matin concernant le livre blanc et j'ai
l'intention de reprendre très brièvement certaines de ces
remarques.
M. VINCENT: M. le Président, je demande une directive. A ce
moment-là, cela signifierait que nous pourrions revenir et faire des
remarques sur les commentaires que va tenir le député de
Saguenay. Je ne pense pas que ce soit l'intention des membres de la commission
de faire un tour de table et d'en refaire un autre par la suite. Ce matin, la
décision qui a été prise même avant que le
député de Saguenay n'arrive il était en retard
comme d'habitude a été que chaque formation
politique...
M. LESSARD: Cela vous fatigue de vous faire dire vos
vérités.
M. VINCENT: ... faisait un exposé. Par la suite, nous entendions
les représentants, les corps intermédiaires, les
représentants des professionnels ou des compagnies qui sont ici devant
nous. Je ne pense pas que ce soit le moment de faire de la petite politique
comme veut en faire le député de Saguenay. Autrement, nous allons
avoir l'obligation de revenir chacun à tour de rôle et
réfuter des arguments parce qu'on aura répondu à d'autres
arguments qu'une formation politique aurait conclu faire ce matin.
M. LESSARD: M. le Président, j'ai l'intention et ce n'est pas
parce que cela fatigue l'Unité-Québec...
M. VINCENT: Sur une question de règlement.
M. LESSARD: M. le Président, j'ai la parole. M. LE PRESIDENT: A
l'ordre!
M. LESSARD: Il a soulevé sa question de règlement tout
à l'heure.
M. LE PRESIDENT: Il y a une autre question de règlement et la
parole est au député de Nicolet.
M. VINCENT: Ce n'est pas une question de fatiguer qui que ce soit. C'est
une question de bonne marche de nos travaux. Si le député de
Saguenay a l'intention de réfuter ce qui a été dit par un
tel ce matin, réfuter ce qui a été dit par le
représentant du Ralliement créditiste, réfuter toutes les
affirmations qui ont été faites, nous nous verrons alors dans
l'obligation de revenir et de réfuter également ce que le
député de Saguenay va dire cet après-midi. Nous allons
faire alors de la petite politique pendant que des messieurs attendent
d'être entendus devant la commission parlementaire. Qu'il s'en tienne
également dans la même sphère où nous nous en sommes
tenus ce matin sans attaque partisane.
M. LESSARD: De toute façon, M. le Président...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! J'inviterais le député de
Saguenay à s'en tenir aux discussions sur le livre blanc et de ne pas
faire de politique avec la commission. Ce matin, je ne pense pas qu'il y ait de
parti qui ait fait de la politique, du moins on n'a nommé aucun parti ce
matin. Si vous pensez qu'il y a eu des insinuations...
M. LESSARD: M. le Président, j'ai l'intention d'apporter
certaines critiques au livre blanc du ministère des Terres et
Forêts et il m'apparaît que c'est à juste titre que je peux
apporter certaines critiques concernant les vues générales qui
ont été exposées ce matin, en particulier; le principe
même du livre blanc a été mis en cause ce matin sous
prétexte que ce n'était probablement pas opportun
d'élaborer ou de publier ce livre blanc parce qu'on apporte une certaine
crainte chez les investisseurs.
M. le Président, je crois que c'est justement l'absence de
politique actuelle dans le ministère des Terres et Forêts qui
devient un danger pour les investisseurs. Il est absolument important qu'on
puisse se brancher en ce qui concerne le domaine forestier et qu'on puisse se
brancher, non pas en colportant des chimères qui sont le rêve de
quelques partis politiques et qui sont devenus leur marque de commerce.
Le livre blanc, M. le Président, nous a permis, au moins à
ce ministère, de faire l'élaboration d'une politique
générale. Le ministère doit être l'agent moteur,
l'agent pilote pour le développement des ressources forestières.
En publiant le livre blanc, je crois que c'est exactement ce que le ministre
actuel a pensé et, pour cela, je suis complètement d'accord avec
lui. Je ne peux pas être d'accord avec ceux qui pensent que le livre
blanc est l'oeuvre d'intellectualisme.
M. le Président, avant d'aborder les problèmes et les
solutions, il faut conceptualiser, identifier ces problèmes. Par la
suite, il faut élaborer une certaine politique globale. Le livre blanc,
même s'il m'apparaît incomplet, me semble, du moins, être un
effort considérable dans ce domaine. Ceux qui ne veulent pas, dans ce
niveau comme dans d'autres, atteindre une certaine vue générale
des problèmes, c'est parce qu'ils voudraient, encore une fois, nous
administrer à la petite mitaine, à la petite semaine, comme on
l'a vu dans le passé. Ou encore, ce sont ceux qui ne veulent
peut-être pas de politique, parce qu'ils veulent tout simplement
être à la remorque des autres, se contenter de suivre le courant
et d'essayer de se tenir difficilement en surface. En tout cas, j'aime mieux
une politique non encore complète ou une politique imprécise
qu'une absence de politique.
Il faut, M. le Président, en ce qui concerne le domaine
forestier, trouver autre chose que le moyen des subventions, pour sortir l'une
des industries fondamentales du Québec de la situation déplorable
dans laquelle elle est actuellement. De plus, M. le Président, les
séances de cette commission parlementaire vont nous permettre de
pouvoir, au moins, sentir le pouls de la population en ce qui concerne le
développement forestier. Non seulement le pouls de ceux qui utilisent la
forêt mais de ceux, par exemple, qui vivent, aussi, indirectement de la
forêt, par le travail que cette industrie donne. M. le Président,
il importe et il est nécessaire, pour une fois, que cette population
soit sonsultée. Pour ma part, j'espère que les séances de
cette commission nous permettront, non seulement d'entendre les
représentants des compagnies forestières mais également
les représentants de
la population, des coopératives, des différents milieux
forestiers et ainsi, savoir véritablement ce qu'on pense et ce qu'on
veut comme élaboration de la future politique forestière. Il est
certain que ces solutions à long terme ne doivent pas nous faire oublier
qu'il faut aussi apporter des solutions à court terme, parce
qu'actuellement cette industrie vit dans une situation assez difficile.
M. le Président, c'est justement ce que j'ai l'intention de
discuter. Je n'ai pas l'intention de discuter strictement de la maladie, parce
que je pense que le tome I et d'autres études de la
Confédération des syndicats nationaux ainsi que l'étude du
Dr Lussier ont déjà traité des problèmes
forestiers. Pour ma part, je veux particulièrement me limiter au tome
II, qui apporte certaines solutions au problème forestier et qui demande
cependant certaines précisions. C'est surtout dans ce sens que je veux
maintenant faire les remarques suivantes.
Il est certain qu'une véritable réforme de la politique
forestière s'impose depuis longtemps au Québec.
Déjà, on le sait, en 1965, la commission Bélanger
s'intéressait à ce problème. En 1965 aussi, l'Union
nationale a publié le livre vert, malheureusement, à la suite de
quelques séances de la commission parlementaire, ce livre vert, qui a
apporté certaines solutions, dont les forêts domaniales, n'a
cependant apporté aucune solution globale. C'est peut-être parce
que nous sommes passablement en retard qu'il importe aujourd'hui, dans le plus
bref délai possible, d'apporter des solutions radicales, mais des
solutions globales, aux problèmes forestiers.
Les difficultés que connaît actuellement l'industrie
forestière ne font qu'accentuer le caractère impérieux
d'un tel changement en profondeur. Déjà, quelques milliers de
travailleurs liés au développement de l'industrie de la
forêt et de ses produits dérivés ont perdu leur emploi.
Sans vouloir dramatiser la situation ou jouer au prophète de malheur, on
ne peut écarter l'hypothèse que non seulement l'emploi risque
d'être stagnant dans les industries de la foresterie, du bois, des
papiers et autres produits connexes, mais que d'autres Québécois
oeuvrant dans ce secteur connaissent à brève
échéance un sort identique.
Voilà pourtant une chance unique pour le gouvernement actuel de
concrétiser ses idéaux de relance économique. C'est en
effet dans une industrie comme celle de l'exploitation et de la transformation
des produits de la forêt que l'Etat, en tant que grand gestionnaire des
richesses naturelles, possède ses moyens d'intervention les plus
importants. C'est là également un domaine où l'Etat
dispose d'un atout considérable, celui de pouvoir faire épauler
ses efforts par un groupe de citoyens et d'entreprises qui, depuis plus d'un
siècle, a fait preuve d'une compétence et d'un "know how"
mondialement reconnus. Enfin, c'est un domaine où les richesses
naturelles présentement sous- exploitées peuvent faire l'objet
d'une exploitation économiquement rentable, si elle est bien
dirigée.
Sur la base de tels éléments, il nous faut élaborer
une politique forestière qui comporte plus que des amendements au
régime actuel. La réforme devra être globale et
nécessairement radicale. Elle devra viser deux objectifs essentiels;
d'abord, celui de relancer l'industrie du bois et des produits de la
forêt afin que celle-ci devienne véritablement concurrentielle sur
son seul marché naturel, le marché mondial.
Ensuite, nous ne devons pas perdre de vue un objectif tout aussi vital,
objectif dont, malheureusement, on fait peu mention dans le livre blanc du
ministère, soit celui de redonner aux Québécois le
contrôle de leurs richesses naturelles pour qu'enfin ils participent aux
bénéfices découlant de leur exploitation.
Pour atteindre ce double objectif, nul doute qu'il faut aller plus loin
et plus vite que ce que le gouvernement actuel nous propose comme
réforme et programme d'action. Nul doute qu'il faut tempérer
l'absolu crédo libéral en l'entreprise privée; nul doute
qu'il faut impliquer tous ceux qui peuvent faire preuve d'imagination, aussi
bien l'Etat que les sociétés, que les groupes de travailleurs
capables d'une action collective efficace. Nul doute qu'il faut éviter
le défaitisme traditionnel que l'on entend trop souvent: La conjoncture
nord-américaine n'est pas favorable, il n'y a rien à faire. Ou
encore: L'industriel étranger viendra bien nous sortir du trou.
Il nous faut également éviter le danger des changements de
vocabulaire tenant lieu de changements de politiques, tout autant que celui de
l'inflation verbale du type: reprise en main par l'Etat de la gestion de nos
forêts, ou du type: un rôle accru à Rexfor en tant qu'agent
moteur pour le développement des ressources forestières, sans que
cela ne se traduise dans les faits par un rôle vraiment dynamique et
nouveau de l'Etat.
Dans son projet de réforme, le ministre nous propose, comme point
de départ, de délimiter clairement la partie du domaine public
qui sera prioritairement affectée à la production
forestière. L'objectif visé n'est pas sans intérêt.
D'une part, avant d'entreprendre une réforme majeure, il est important
de connaître son champ d'application. D'autre part, il faut le faire en
intégrant les usages multiples que présente l'utilisation du
domaine public: récréation, chasse et pêche, coupe de bois
pour l'industrie de transformation, sylviculture, sans oublier la
nécessité d'intégrer cette partie du territoire
constituée en propriétés privées sur laquelle il
nous faut agir, afin de lutter contre la spéculation et de conserver un
bassin à l'agriculture.
L'instrument que nous propose le tome II pour mener à terme cette
opération est celui du zonage. Cet instrument, sans être mauvais
en soi, risque toutefois d'être inefficace dans le contexte
proposé. Le zonage conçu de façon
sectorielle pèche au départ contre l'objet même de
son application.
Comment imaginer qu'un zonage forestier puisse être efficace si on
n'a pas pris soin de prévoir dès le départ les besoins des
secteurs concurrents? Seul un office de planification véritablement
efficace serait en mesure d'intégrer les divers besoins de
récréation, de réserve écologique, d'agriculture et
ceux de tous les autres utilisateurs.
A défaut d'un tel organisme, le ministre nous parle de
consultation avec les autres utilisateurs intéressés. Il ne
faudrait pas se faire d'illusion quant au résultat d'un tel
procédé car une planification à long terme de l'allocation
du territoire public nécessite la confrontation de perspectives
sectorielles sur une base de quinze à vingt ans.
Ce n'est pas par de simples consultations qu'on pourra déterminer
la part de territoire nécessaire à la récréation en
1990. Un tel zonage sectoriel est donc voué à l'échec, la
perspective étant faussée au départ. Le fait de ne pas
intégrer les alternatives concurrentes rend inévitable que le
plan original soit remis en question à la première occasion.
Dans ce cas, le zonage perd toute sa portée et, par le fait
même, tout son intérêt. En ce qui concerne le zonage, le
ministre nous a fait part, lors de la discussion des crédits du
ministère, qu'en collaboration avec le gouvernement
fédéral, soit dans le programme de l'inventaire des terres, ce
zonage était presque actuellement complété.
D'ailleurs, le ministère lui-même ne semble pas avoir trop
confiance en cette planification puisqu'il parle, à la page 19 du livre
blanc, de mobiliser au départ les forêts nécessaires
à la production de matières ligneuses. Ce genre de
démarche va à l'encontre de l'objectif visé par la
planification territoriale. C'est-à-dire celui d'une allocation optimale
de l'espace disponible.
Il ne s'agit pas de protéger la forêt pour protéger
la forêt mais bien de voir comment il est possible de concilier
différents usages de l'espace de façon à en tirer le
maximum de bénéfices pour la société. C'est en ce
sens qu'on comprend assez mal comment le ministre peut en venir à une
telle démarche sectorielle après avoir affirmé dans le
tome I la nécessité d'intégrer les usages alternatifs du
sol québécois.
Il n'est plus possible aujourd'hui de définir des objectifs de
production ligneuse ou de mobiliser à cette fin les espaces
boisés, écrit-on dans le tome I du livre blanc, sans se
préoccuper de l'influence des pressions sociales qui pourraient faire
que la forêt serait plus utile sans qu'on y conduise des exploitations
plutôt que d'y faire des coupes intensives.
C'est pourquoi il importe de mesurer l'importance des pressions diverses
s'exerçant sur le milieu forestier et de déterminer en quoi
l'utilisation de la forêt à d'autres fins que la production de
bois affecte cette dernière activité.
La mise en valeur des bassins hydrographiques, la conservation des sols,
l'aménagement de la faune, le développement de la
récréation et l'expansion de la trame urbaine constituent les
principaux facteurs qui influent, en définitive, sur le volume et la
qualité de matière ligneuse disponible pour la consommation.
En un mot, nous devons conclure que l'exercice de planification quant
à l'utilisation du domaine public que nous propose le ministre risque
d'être stérile faute de pouvoir s'appuyer sur une démarche
sérieuse. La mort lente provoquée et acceptée par l'actuel
gouvernement de l'office de planification prohibe toute ambition
sérieuse du genre de celle que nous propose le ministère des
Terres et Forêts. Tout au plus engage-t-on timidement l'office de
planification à conseiller, au jour le jour, le gouvernement lorsqu'il y
aura conflit entre les usagers. Rien de très nouveau, ni de très
prometteur.
L'abolition des concessions. Le tome I de l'exposé du
ministère sur la politique forestière faisait largement
état du caractère désuet de l'allocation des forêts
publiques. En page 185, on décrivait ainsi les problèmes
liés aux concessions en tant que principal mode d'allocation: "Une
utilisation incomplète de la possibilité de coupes, une multitude
de petites concessions et une trop grande rigidité du système de
concession lui-même."
Il aurait peut-être fallu ajouter également qu'un tel mode
de tenure allait contre le principe du contrôle par la
collectivité des richesses naturelles qui lui appartiennent. Il aurait
fallu également appuyer le projet d'abolition des concessions
forestières d'une analyse économique portant à la fois sur
les coûts d'exploitation aussi bien que sur des économies
réalisables par une meilleure répartition des aires de coupe.
Cependant, M. le Président, le ministre nous a assurés ce
matin dans son exposé que cette étude avait été
faite et qu'il était malheureusement impossible pour le moment de la
rendre publique. Et je pense qu'avant d'entreprendre une réforme il est
important d'en connaître le coût.
Les seules données disponibles sur ce sujet sont celles que nous
livre l'Association canadienne des pâtes et papier dans son
mémoire à la commission. Suite à une étude, il a
été évalué que la distance moyenne sur laquelle le
bois de toute provenance doit être transporté au Québec est
de 156 milles, près de deux fois plus que dans l'Ouest du Canada et
près de trois fois plus que dans le sud des Etats-Unis. Si l'on tient
compte de l'approvisionnement auprès des offices de producteurs, nul
doute que la distance que doit parcourir le bois en provenance des territoires
en concession est supérieure à cette moyenne de 156 milles. Il
est certain qu'on peut attribuer une partie de ces coûts
élevés de transport â une faible densité des
forêts québécoises.
Toutefois, il n'en demeure pas moins qu'une redistribution des aires de
coupe aurait pour effet de réduire les distances entre les lieux de
coupe et les entreprises utilisatrices et, par le fait même, une partie
appréciable des coûts d'approvisionnement en bois.
A titre d'exemple, on peut se demander combien coûte à la
compagnie Domtar le transport de quelque 60,000 unités de 100 pieds
cubes de Quévillon à son usine de Donnacona ou les quelque
260,000 unités de 100 pieds cubes voyageant entre Sault-au-Cochon et
l'usine de l'Anglo Canadian Pulp à Québec. Les distances à
parcourir sont supérieures à 350 milles, dans le premier cas, et
à plus de 200 milles, dans le second.
Outre le fait d'entraîner des coûts élevés de
transport, et partant de coûts moyens du bois à l'usine plus
élevés, un tel régime a pour effet de créer un
vaste système de privilèges et nuit grandement à
l'équilibre de l'industrie. Que le ministère n'ait pas
véritablement réussi au cours des dernières années
à susciter des échanges de territoires entre entreprises n'est
pas étonnant: les entreprises les plus favorisées, la CIP. par
exemple, ne sont nullement intéressées à ce genre de
rationalisation puisque leurs privilèges acquis sont la meilleure
garantie qu'elles pourront concurrencer les entreprises rivales sans pour
autant être plus efficaces.
Sans prétendre résoudre ainsi tous les problèmes du
même coup, il semble donc que l'abolition des concessions
forestières constitue un élément essentiel de toute
réforme de la politique forestière visant à relancer
l'industrie secondaire, â ouvrir la porte à une reprise par la
collectivité du contrôle de ces richesses naturelles, aussi bien
qu'à faire disparaître certains privilèges qui nuisent
à l'industrie dans son ensemble. Certains diront qu'il est inutile de
revenir sur ces questions puisque l'abolition des concessions est à
toutes fins pratiques décidée et acceptée par le
gouvernement actuel. Toutefois, il nous apparaît important d'exprimer un
certain nombre de réserves quant à la façon, d'une part,
dont on entend opérer ce changement de régime de tenure et,
d'autre part, quant aux chances de réalisation de ce changement. Ces
réserves sont de deux ordres.
En premier lieu, une réforme aussi importante aurait dû
être présentée avec beaucoup plus de précision.
Comment peut-on parler sérieusement de prise en main par l'Etat de la
gestion des forêts publiques en se référant vaguement
à un échéancier qui devrait conduire à l'abolition
progressive des concessions, mais que l'on ne retrouve nulle part dans le texte
de l'exposé.
Il y a là aussi, M. le Président, dans ce texte, une
certaine absence de précision en ce qui concerne le mode d'indemnisation
prévu. Cependant, ce matin, le ministre nous a exposé assez
clairement le mode d'indemnisation et, en grande partie, pour le moment du
moins, nous sommes d'accord.
En second lieu, l'hypothèse retenue de l'abolition progressive
des concessions sur une pério- de de dix ans est carrément
inacceptable car, en agissant de la sorte, on rend pratiquement impossible
l'atteinte de l'objectif principal de la réforme, soit celui de
procéder à une redistribution des aires de coupe. Comment
pourrait-on, en effet, redistribuer de façon logique les aires de coupe
sans avoir au préalable repris en main le contrôle de l'ensemble
du territoire? H nous faudra donc attendre au moins dix ans, peut-être
quinze ou vingt, avant d'en arriver à ce que le ministre appelle
prudemment "une éventuelle redistribution". Il nous faudra attendre fort
longtemps avant d'en arriver à une allocation optimale qui permette
d'améliorer véritablement les rendements de l'exploitation
forestière. A ce sujet, il est intéressant de rappeler certaines
affirmations contenues dans le premier tome, à la page 130 : "La
production de matière ligneuse tend à ne plus dépendre
exclusivement des seules limites de la nature, mais d'une structure qui
s'avère de jour en jour plus déficiente. En effet,
l'amélioration de la productivité forestière se heurte
à de très nombreux obstacles. Au premier rang, il convient de
mentionner l'inadaptation des unités de production qui empêche de
réaliser un aménagement rationnel de la forêt et de
bénéficier d'économies d'échelle au niveau de
l'exploitation."
On concluait à la page suivante: "L'examen de la mosaïque du
territoire forestier laisse apparaître de nombreuses lacunes telles la
variété des régimes de propriété et de
gestion, la multiplicité, la dispersion et l'exiguité des
unités d'aménagement et enfin, l'existence d'enclaves et
d'unités de forme irrationnelle." Il s'agit de voir la carte de 1970
pour le constater. "La correction de ces éléments constitue un
prérequis indispensable pour organiser, sur une base efficace, la
production forestière québécoise."
Comment peut-on alors justifier, en invoquant de simples contraintes
administratives et budgétaires, un délai aussi long pour
l'établissement de ce prérequis à l'amélioration de
la productivité de l'industrie?
C'est au cours des années présentes que la situation
concurrentielle de l'industrie des pâtes et papier est
particulièrement mauvaise. Plus nous allons retarder c'est un
commentaire plus cela va coûter cher au gouvernement. Il nous
semble évident que c'est par un réaménagement
immédiat des modes de tenure qu'il est possible à l'Etat du
Québec d'agir efficacement pour réduire les coûts de
production et améliorer la position de l'industrie sur. les
marchés internationaux; c'est par l'amélioration immédiate
des conditions d'exploitation et de coupe qu'il nous est possible de
réduire substantiellement les coûts d'approvisionnement des
entreprises de pâtes et papier.
Le tome I est fort révélateur à ce sujet. Il nous
apprend que les coûts de la matière première sont de $7
plus élevés par tonne de papier produite au Québec que
dans le sud des Etats-Unis et sur la côte du Pacifique; cet
écart
de $7 représente plus des deux tiers de l'écart
estimé sur le prix de revient total d'une tonne de papier par rapport au
sud américain et près de la moitié de l'écart entre
les coûts de production au Québec et ceux de la côte du
Pacifique.
C'est probablement sur ces coûts qu'il est le plus facile et le
plus urgent d'agir; contrairement à toute action visant à
réduire les coûts de transformation et de transport du produit
fini. C'est pourquoi nous ne saurions trop insister pour que cette
réforme s'applique le plus tôt possible. Au lieu de l'abolition
progressive des concessions sur une période de dix ans, suivie d'une
"éventuelle" redistribution dans douze ou quinze ans, il est
nécessaire de prévoir un jour prochain où toutes les
concessions seraient abolies et où serait instaurée une nouvelle
carte des territoires forestiers. Ce jour devrait être prévu d'ici
1975.
Sinon, on risque que cette réforme acceptée en principe ne
se traduise jamais dans les faits ou survienne trop tardivement, alors que les
dommages seront faits. A moins, évidemment, que les forces du statu quo
qui s'exercent déjà les déclarations du ministre
des Finances en témoignent aient déjà réussi
à faire avorter avant terme la réforme. 3. La gestion des
forêts publiques. La création des grandes unités
d'aménagement d'environ 1,000 milles carrés dont l'essentiel de
la gestion doit relever de l'Etat constitue certes un des principes les plus
positifs du tome II de l'exposé sur la politique forestière.
Toutefois, la portée pratique du principe est largement compromise tant
on y introduit de nuances et d'éléments de dilution et de
confusion.
Après avoir affirmé, à la page 32, qu'"il est tout
à fait naturel que l'Etat veuille aujourd'hui assumer lui-même la
gestion des forêts qui lui appartiennent", on s'empresse d'affirmer que
"toutes les terres forestières qui ne seront pas soumises à la
gestion publique seront considérées pour fin d'aménagement
comme des forêts privées et incorporées dans des
unités de gestion de plus faible superficie, c'est-à-dire
soumises en pratique au régime mixte de gestion". Quelle serait
l'étendue de ces territoires exclus de la gestion publique? Cette
gestion mixte pourra-t-elle s'appliquer à des territoires autres que
ceux qui appartiennent à la zone habitée? Ce type de gestion
mixte s'adresse-t-il à des partenaires autres que des
coopératives de travailleurs forestiers et agriculteurs? Ces territoires
seront-ils cédés à long terme ou s'agira-t-il d'allocation
de droits de coupe sur une base annuelle? Autant de questions qui
mériteraient des éclaircissements.
Un second point, soulevé au chapitre de la gestion des
forêts, risque également de restreindre la portée du
principe original de la reprise en main par l'Etat de l'ensemble de la
politique forestière. Cette seconde entorse, vient du désir,
légitime en soi, de se servir des cadres compétents en gestion
forestière, relevant actuelle- ment de l'entreprise privée. Dans
la mesure où l'Etat assumera désormais les fonctions de
conceptualisation des plans d'aménagement, d'exploitation et
d'inventaire, il nous semble tout à fait normal de faire appel à
ceux qui ont acquis de l'expérience, pendant toute la période
où ce genre d'activité relevait de l'entreprise privée.
Mais pourquoi procéder de façon contractuelle et continuer
à traiter avec ces travailleurs comme employés de l'entreprise
puisque l'essentiel des fonctions qui leur ont été
attribuées relèveront désormais de l'Etat? Ces
travailleurs, en bonne partie des ingénieurs forestiers, ne
devraient-ils pas relever, pour des raisons évidentes
d'efficacité et d'impartialité, d'une seule et même
structure administrative chargée de la gestion de l'ensemble du
territoire forestier? Cette question est d'autant plus vitale, pour sauvegarder
le principe de la reprise en main par l'Etat de la gestion, qu'il ne s'agit pas
d'une délégation de pouvoirs qui serait marginale, comme voudrait
le laisser entendre le ministre lorsqu'il parle de limiter l'étendue de
la. délégation de pouvoirs en raison de son caractère
dérogatoire. En fait, le ministre parle de restreindre la portée
du geste, en réservant cette possibilité à la seule
catégorie des utilisateurs bénéficiant d'approvisionnement
à long terme. Il faut toutefois se rendre compte que ce pouvoir
dérogatoire pourrait s'appliquer à tous les industriels de
pâtes et papier et, par le fait même, à la presque
totalité des utilisateurs actuels des forêts publiques en
concession. A la limite, la majorité des territoires, actuellement en
concession, continuerait à être gérée par les
employés d'entreprises de pâtes et papier; ceci nous semble aller
directement à l'encontre de l'objectif visé, soit celui de
remettre la gestion du domaine public entre les mains d'un organisme public
impartial où les notions de gestion et d'exploitation sont
considérées séparément.
D'autre part, même si l'allocation des bois, sous forme de droits
de coupe, nous semble plus respectueuse de l'intégrité du domaine
public que l'allocation d'un fonds de terrain comme cela se faisait dans
le passé il n'en demeure pas moins que le nouveau régime
proposé, soit celui des contrats d'approvisionnement, reprend de
nombreux éléments du système de concessions. C'est ainsi
qu'en page 61 on trouve le paragraphe suivant : "Le contrat d'approvisionnement
à long terme ne sera accessible qu'aux industriels des pâtes et
papier à cause de l'imposant volume de capitaux que ceux-ci
investissent. Il accordera à son détenteur le droit de
récolter annuellement un volume donné de bois d'une nature
déterminée, sur une superficie particulière et ce, pour
une période donnée".
Sans doute indique-t-on, à la page suivante, que le droit de
récolte n'accordera pas un droit d'usage exclusif du territoire
décrit. Mais cela peut fort bien s'interpréter comme étant
une autorisation donnée aux utilisateurs d'essences de bois, qui ne
servent pas aux fabricants de
pâtes et papier, de venir couper sur les superficies
particulières accordées à ces derniers. En somme, des
superficies particulières sont accordées, pour au moins vingt
ans, aux compagnies de pâtes et papier qui, d'autre part, pourront
être chargées d'opérations spécifiques de gestion
sur les mêmes superficies. Le moins que l'on puisse demander au
gouvernement, c'est de faire la preuve qu'en vertu de ces dispositions il ne
recrée pas de concessions forestières après avoir
annoncé qu'il les abolissait. Cette question est d'autant plus
importante qu'en introduisant ainsi la notion de superficie
particulière, on risque de compromettre toute chance d'atteindre
à une utilisation optimale du domaine public.
En un sens, la concession d'une zone réservée de 27,000
milles carrés sur la Côte-Nord à ITT, à même
la forêt domaniale, ne peut que nous inciter à insister sur
l'importance d'introduire un système d'allocation plus souple. L'exemple
de ITT introduit de nombreux éléments qui ont conduit le ministre
à recommander l'abolition des concessions forestières:
région fermée à toute nouvelle implantation industrielle
importante, impossibilité de réaménager les aires de
coupes dans le sens d'un rendement optimal advenant de nouveux utilisateurs,
rigidité de toute sorte et surtout une sous-utilisation du potentiel de
nos forêts; sous-utilisation qui pourrait avoir pour effet de rapprocher
cette échéance prévue pour 1985 d'un déficit de la
capacité naturelle de production des forêts
québécoises par rapport au volume de coupe commandé par
les besoins.
La planification de la production. La planification de la production de
bois constitue peut-être le thème le plus important de la
réforme; c'est également cette partie de l'opération qui
s'avère la plus délicate et la plus complexe. La plus
délicate en ce sens que le mode d'approvisionnement se répercute
directement sur la structure économique de l'industrie,
particulièrement sur cette partie (près de la moitié) des
coûts de production de l'industrie des pâtes et papier que
représentent les approvisionnements. C'est aussi la partie la plus
importante dans la mesure où elle touche à des degrés
divers, mais quand même directement, plus de 30,000 travailleurs qui
tirent une partie ou la totalité de leurs revenus de l'exploitation
forestière sur des terres privées; d'autant plus délicate
également que la majorité de ces travailleurs vivent dans des
régions où les options de travail sont les plus limitées
et où le niveau moyen de revenu est particulièrement bas.
L'expérience des dernières années est fort
révélatrice quant à la difficulté de planifier la
production. En effet, la conciliation des intérêts de l'entreprise
intégrée de transformation des produits forestiers avec ceux des
propriétaires des boisés privés s'est toujours
révélée pénible et rarement fructueuse, et il en
est souvent résulté des pertes de production
élevées. La raison d'un tel insuccès ne saurait toutefois
être difficile à identifier; c'est qu'on n'a jamais
véritablement tenté d'intégrer l'apport respectif des
forêts publiques et des forêts privées. Le plus surprenant,
c'est que la nouvelle politique forestière n'apporte à ce sujet
aucune nouvelle solution. On se contente plutôt de tenter
d'améliorer une formule qui n'a jamais vraiment fonctionné. Je le
dis, même si le ministre ce matin a tenté d'apporter certaines
précisions.
Pourtant, nul doute que bon nombre de forêts privées
pourraient, à condition d'être exploitées rationnellement,
approvisionner l'industrie à des coûts comparables à la
matière première exploitée par l'entreprise
intégrée sur le domaine public. Comment en conclure autrement
alors que les prix du bois récolté sur les boisés
privés s'approchent de ceux de ses concurrents sans qu'il y ait eu de
tentative réelle d'exploitation rationnelle? A ce sujet, M. le
Président, le mémoire du Conseil des producteurs de pâtes
et papier du Québec donne $30 pour le coût du bois par les
entreprises et $33.50 par les producteurs privés.
Nul doute également que les territoires du domaine privé
présentent déjà et pourront présenter dans l'avenir
des avantages croissants aussi bien en termes de proximité des centres
de transformation qu'en termes de conditions climatiques et pédologiques
propres à la sylviculture. Quant aux avantages socio-économiques
qu'en retireraient les populations rurales, ils sont non seulement
évidents, mais importants.
Dans l'élaboration de sa politique, le ministre a reconnu qu'il
est urgent de repenser complètement les mécanismes de
distribution des bois.
A la page 53 de l'exposé, on peut lire: "Les modes actuels de
distribution de la matière ligneuse ne favorisent pas la pleine
utilisation des forêts et ne permettent pas non plus de répartir
la production forestière de façon optimale entre les divers
usagers. C'est pourquoi le gouvernement entend corriger la situation en
planifiant l'approvisionnement des usines utilisant le bois comme
matière première".
La solution avancée au chapitre 2 de l'exposé du
ministère repose sur le contrôle, par le ministère des
Terres et Forêts, de tous les bois mis sur le marché: les bois
extraits des forêts publiques, les bois en provenance des forêts
privées via le réseau des plans conjoints ou des courtiers, les
copeaux et aussi les bois importés.
La planification ultime de la production serait réalisée
par le ministère des Terres et Forêts qui surveillerait
l'exécution de "plans de distribution" des bois à chaque usine de
transformation. Ces plans seraient confectionnés par le ministère
en collaboration avec les utilisateurs et producteurs. Quant aux prix, ils
feraient l'objet d'accord entre les parties impliquées et les
utilisateurs. En cas de désaccord, un organisme gouvernemental portant
le nom de Régie des produits forestiers fixerait le prix suite à
un arbitrage.
Nous ne croyons pas qu'une telle solution
soit plus efficace que la formule qui existe à l'heure actuelle
et qui force l'entreprise à s'approvisionner hors de ses concessions.
Essentiellement, ce genre de formule, améliorée ou pas, peut
difficilement réussir parce qu'on attribue ainsi au ministère des
Terres et Forêts des fonctions de conciliation et d'intégration
incompatibles avec ses pouvoirs et sa constitution.
Nous croyons plutôt que cette fonction d'intégrer
globalement l'exploitation des forêts du domaine public et privé
devrait plutôt relever d'un organisme mixte composé certes
majoritairement de représentants gouvernementaux, mais également
de représentants de l'entreprise de transformation réalisant ses
propres coupes, de représentants de sociétés sylvicoles
établies sur les forêts privées, ainsi que de
représentants de la société d'exploitation publique.
Un tel organisme mixte serait le seul véritablement
habilité de par sa composition à réaliser cette
conciliation a priori des intérêts des producteurs et des
utilisateurs. Sinon, on risque de mettre sur pied un mécanisme
inefficace où le ministère doit, à la fois, administrer
les forêts publiques, stimuler l'industrie et obliger l'entreprise
à s'approvisionner auprès des producteurs propriétaires de
boisés privés avec, comme résultat, que ni l'utilisateur,
ni le producteur n'y trouve véritablement intérêt.
Il faudra également que les contrats d'approvisionnement
accordés à l'entreprise de transformation sur le domaine public
soient suffisamment souples et laissent place à des possibilités
d'approvisionnement en provenance d'autres sources. Il nous semble illusoire de
croire, et l'expérience passée le prouve, qu'il est possible, par
un simple mécanisme de fixation des prix, d'écouler les bois en
provenance du secteur privé, sans qu'on ait tenu compte, dès le
départ, de ce que devra et pourra fournir le domaine public.
Il importe donc pour réaliser une exploitation optimale des
forêts d'établir, au moins à moyen terme, l'apport qu'on
attend des différents types de producteurs. Cela ne sert à rien,
M. le Président, de produire du bois, simplement pour le plaisir d'en
produire et que ce bois reste dans les cours.
C'est seulement dans la mesure où un organisme mixte, qu'on
pourrait appeler "Régie des approvisionnements", serait en mesure
d'élaborer de véritables ententes contractuelles en
matière d'approvisionnement qu'il sera possible d'utiliser, de
façon optimale, le potentiel de nos ressources forestières.
Déjà, des organismes établis, tels les plans
conjoints, sont en mesure de conclure des engagements fermes en termes de
quantité et de prix. Dans la mesure où il serait possible de les
négocier dans le cadre d'un plan global et, dans la mesure où
l'écoulement de leur production ne se ferait pas de façon
résiduelle, c'est-à-dire simplement pour combler les vides des
approvi- sionnements en provenance du secteur public, mais qu'il s'agirait
plutôt de marchés d'écoulement garantis, il serait possible
à ces organismes de développer des unités de production
efficaces et concurrentielles sur le marché des bois primaires.
Tant qu'on ne prévoira pas pour les exploitants des forêts
privées les mêmes conditions de continuité et de garantie
de marché que celles dont jouissent les grandes entreprises de
transformation, il est impensable qu'on puisse mettre sur pied des
unités de production regroupées, mécanisées et
dotées d'une main-d'oeuvre spécialisée.
Ce raisonnement vaut d'autant plus dans la mesure où le
territoire privé recevrait éventuellement une vocation sylvicole
nécessitant des investissements productifs à long terme.
A ce titre, encore faudrait-il souligner le silence
incompréhensible du livre blanc quant à la rentabilité et
à l'opportunité d'ajouter au potentiel des terres privées
par une sylviculture intensive. Sans plus de prévision, il est pour le
moins difficile d'avoir une perspective sérieuse de ce que pourrait
être la participation du secteur des boisés privés au cours
des prochaines années.
En un mot, autant nous reconnaissons la nécessité pour
l'entreprise de transformation de planifier à long terme ses
activités, autant nous estimons qu'il est nécessaire de
prévoir des mécanismes permettant à tout le domaine
coopératif ou collectivisé du territoire privé de profiter
des mêmes conditions de développement. L'industrie
forestière primaire aussi bien que secondaire ne pourra qu'en
bénéficier.
Le rôle ambigu de l'Etat comme exploitant forestier: Il aurait
été important de lever l'ambiguité qui a toujours
existé quant à la vocation réelle de la
Société de récupération et d'exploitation
forestière. Cette société s'est occupée
alternativement au cours des dernières années à faire
prioritairement, tantôt la récupération en forêt
rendue à maturité, tantôt de l'exploitation pour
exportation, parfois de la revalorisation et, récemment, surtout de
l'exploitation de bois exporté sur les marchés européens
à l'état brut, tout en dirigeant des programmes sociaux en
période de chômage.
L'exposé du ministre des Terres et Forêts n'est
guère plus précis quant au rôle futur de l'Etat en tant
qu'exploitant forestier. M. le Président, j'entendais ce matin une
remarque concernant la déconfiture de Sogefor qui nous amènerait
à être extrêmement pessimistes en ce qui concerne la
possibilité d'une industrie forestière de l'Etat. Je ne pense pas
que l'expérience de Sogefor soit véritablement concluante
à ce sujet. Il s'agit de voir un peu l'histoire de Sogefor et les
différentes erreurs techniques et aussi les erreurs du ministère
en ce qui concerne les approvisionnements pour constater qu'il ne s'agit
aucunement d'un effort qui peut se terminer là. Je crois au contraire
que l'expérience de Donohue nous permet de parler de ce
point et de construire un véritable complexe forestier qui
appartiendrait à l'Etat. On parle d'un rôle accru de Rexfor, d'un
agent moteur pour le développement des ressources forestières,
pour aussitôt affirmer qu'en aucun cas cette société ne
devra se substituer à l'entreprise privée, mais bien plutôt
lui servir de collaborateur particulièrement là où les
activités de l'entreprise privée seront
génératrices de dégâts sociaux
instabilité de l'emploi en forêt et économiques
absence de coupe intégrée .
Pourtant, il aurait été souhaitable, à l'occasion
de la réforme, de dépasser le simple niveau de la gestion des
forêts publiques et de tracer une nouvelle vocation à l'entreprise
publique dans le domaine de l'exploitation forestière. Il aurait
été souhaitable d'étudier diverses avenues possibles; il
aurait été important d'évaluer les avantages, en termes
d'économie réelle, d'exploitation intégrée et de
recherche appliquée, d'un rôle joué par l'Etat en tant que
véritable exploitant forestier. Il aurait été tout aussi
important de tracer une voie à d'autres formules telles que celle des
sociétés coopératives mieux articulées que celles
qui existent actuellement. On a malheureusement l'impression qu'en ce domaine
l'imagination manque et qu'on refuse au départ toute formule qui
remettrait en cause le credo absolu du gouvernement dans l'entreprise
privée et la loi bien établie de l'entreprise
intégrée verticalement.
L'industrie secondaire. On comprend assez difficilement le peu
d'intérêt que semble attacher le ministre au développement
de l'industrie de transformation des produits de la forêt. On comprend
d'autant plus mal qu'il s'agit justement d'une industrie hautement
intégrée où les remèdes apportés au niveau
primaire risquent de demeurer sans effet dans la mesure où on ne fait
pas participer le secteur secondaire à ces transformations. Aussi, toute
politique visant à améliorer les rendements au niveau primaire
demeurera toujours limitée dans la mesure où l'industrie
secondaire ne pourra les transposer en termes d'accroissement de production,
d'exportation et d'emploi. On a l'impression de vouloir traiter un cancer
généralisé en ne soignant que les jambes.
Certes, certaines mesures annoncées dans l'exposé du
ministre auront des effets positifs sur la situation de l'industrie secondaire;
certes, elles auront pour effet de réduire les coûts
d'approvisionnement; les changements apportés aux modes de gestion et de
tenure, le début de rationalisation des approvisionnements, la
planification des infrastructures routières, la simplification des
redevances constituent autant d'éléments en faveur de la relance
de l'industrie de transformation.
Mais que fait-on du coeur du problème? De la modernisation des
entreprises, de la nécessité de consolider celles-ci, de former
des complexes intégrés? Qu'entend-on faire pour corriger ces
vices de structures dont on a parlé si longuement au cours du premier
tome? Qu'entend-on faire pour promouvoir de nouveaux marchés, pour
faciliter la commercialisation et réduire les coûts de transport
des produits finis? Pour donner aux Québécois la place qui leur
revient dans cette industrie?
Ces réponses auraient dû être apportées dans
le cadre de ce projet de réforme de la politique forestière; il
aurait été particulièrement intéressant d'associer
les questions relatives à l'abolition des concessions forestières
et au redécoupage des unités de gestion de la forêt
publique à l'objectif de modernisation de la structure industrielle. Il
aurait été important, entre autres, de créer des
mécanismes en vue de canaliser les sommes qui seront
éventuellement versées à titre d'indemnisation aux
entreprises dans le sens de la modernisation de leurs installations.
Et à ce sujet, M. le Président, je crois que le ministre
de l'Industrie et du Commerce a fait dernièrement un discours qui
confirme l'affirmation que je viens de faire, concernant la
nécessité de moderniser les entreprises forestières du
Québec.
Il aurait été aussi important de discuter de
l'opportunité, pour l'Etat, de créer son propre complexe
intégré; à l'exemple des réalisations du secteur
public dans l'industrie sidérurgique, ne serait-il pas souhaitable qu'on
crée l'équivalent dans l'industrie forestière où la
coupe du bois, aussi bien que sa transformation en pâtes, papier, bois de
sciage et contreplaqué, serait réalisée par une entreprise
gouvernementale? Déjà, le Québec ne possède-t-il
pas avec Rexfor et l'entreprise Donohue, contrôlée par la
Société générale de financement à 51 p.c,
certaines pièces composantes de cet éventuel complexe
intégré?
Sans cette intégration des éléments d'un tout, sans
ce souci de rompre avec l'étanchéité traditionnelle et le
cloisonnement artificiel des structures gouvernementales, on aboutit encore une
fois à une réforme incomplète et mal articulée
parce que confinée à un seul secteur.
La réforme de la politique forestière que nous propose le
ministère repose certes sur des éléments fort valables. Le
diagnostic du tome I portant sur la gestion des forêts, la situation de
l'industrie primaire et secondaire, ses difficultés et contraintes quant
à la production et à la mise en marché des produits, aussi
bien que l'identification des prérequis essentiels, telles l'abolition
des concessions et la planification de l'usage du territoire forestier,
constituent autant de prémisses nécessaires à toute
démarché sérieuse pour relancer le secteur forestier au
Québec.
Et à ce sujet, nous sommes extrêmement heureux que le
ministre ait proposé son livre blanc.
Malheureusement, sur de nombreux points, on ne retrouve guère
dans le programme d'action que nous présente le ministre de prolongement
logique à ces éléments: le zonage tel que conçu
dans le second tome de l'exposé n'est
certes pas le moyen idéal d'atteindre à une utilisation
optimale du territoire; les délais prévus pour la redistribution
des territoires de coupe contribueront à maintenir pour encore longtemps
le chaos et l'inefficacité de l'exploitation forestière sur les
territoires concédés; la dilution du principe de la reprise en
main par l'Etat de la gestion des forêts publiques par la
délégation à l'entreprise privée d'une partie
importante de ces pouvoirs limite sérieusement la portée de la
réforme; l'attribution de "superficies particulières", pour des
périodes de 20 à 40 ans soulève l'hypothèse d'un
nouveau système de concessions. Finalement, on ne peut que
déplorer le manque de perspective quant à l'intégration du
secteur privé; on est encore loin d'une solution qui nous permettrait
d'associer les propriétaires de boisés privés au
développement de l'industrie forestière; de même
sommes-nous encore loin de ce que le ministre appelait, en page 7, une
"nouvelle stratégie industrielle" où l'entreprise privée
ou publique de transformation serait intégrée dans une politique
globale de relance de l'industrie forestière.
Cependant, M. le Président, même si nous sommes encore loin
de cette réforme, il est extrêmement important que le débat
qui s'ouvre aujourd'hui suscite l'inquiétude, certaines interrogations
et surtout l'intérêt de la population, comme je le soulignais
précédemment, ainsi que des utilisateurs. Et je sais que le livre
blanc du ministre est d'abord, essentiellement, un livre à discussion.
Je sais que c'est quand même l'élaboration d'une politique globale
qui provient du ministère, c'est l'élaboration des lignes
centrales où se dirige le ministère. Mais à la
lumière des différents exposés que nous pourrons avoir, je
sais que le ministre sera capable d'accepter certaines réformes,
d'accepter que son livre blanc aille plus loin s'il s'avère
nécessaire de le faire.
En ce secteur, pour ma part, je suis particulièrement heureux
qu'enfin on puisse discuter de façon démocratique de
façon que la population soit impliquée dans cette discussion
du problème d'une des industries fondamentales du Québec,
l'industrie forestière. Merci.
M. LE PRESIDENT: La parole est au ministre des Terres et
Forêts.
M. DRUMMOND: M. le Président, je pense qu'au lieu de faire une
réplique à tous les commentaires faits aujourd'hui par les partis
de l'Opposition, tel que convenu ce matin, il serait mieux de procéder
à la présentation des mémoires étant donné
qu'il y a certains groupes ici présents à cette commission,
étant donné aussi qu'après avoir entendu les
exposés faits par les représentants des divers groupements nous
aurons l'occasion de discuter ensemble à la lumière des
exposés faits tant par les membres de l'Opposition que par ceux du
gouvernement.
Au lieu de discuter davantage, il serait préférable de
commencer tout de suite à entendre les exposés des groupes
intéressés qui, heureusement, sont ici avec nous cet après
midi.
M. LE PRESIDENT: J'inviterais M. Paul Murdock de Murdock Lumber Inc.,
à venir présenter son mémoire.
Murdock Lumber
M. MURDOCK: M. le Président, messieurs, vous voudrez bien me
permettre un court préambule pour vous expliquer un peu la façon
dont nous avons fait notre mémoire. Il a été
préparé en coopération avec M. Maurice Gérin,
ingénieur forestier. Je me permettrai de lui demander de répondre
à certaines questions s'il y a lieu.
Nous n'avons touché que la tenure forestière ou à
peu près, question que nous considérons la plus importante. Nous
suggérons une alternative au présent système. J'aimerais
ajouter que cette alternative s'applique à notre industrie, qu'elle nous
appartienne ou qu'elle appartienne au gouvernement.
Nous avons des opinions, naturellement, sur d'autres points du livre
blanc. Il nous fera plaisir de les émettre s'il y a lieu.
Je me suis permis de faire un mémoire. Peut-être y a-t-il
avantage de vous présenter un cas particulier? Je peux vous dire que
c'est la deuxième génération chez nous qui fait de
l'exploitation forestière. Ceux qui ont connu mon père peuvent
dire que c'était un des pionniers. Si vous voulez, je vais lire ce
mémoire qui n'est pas très long.
Murdock Lumber Inc. est une entreprise privée qui s'inscrit dans
l'industrie du sciage. Dans la région administrative
Saguenay-Lac-Saint-Jean, elle est une des plus importantes des 59 unités
qui fonctionnaient en 1971. Elle compte une main-d'oeuvre d'environ 600
employés, une capacité de production annuelle de 75 millions de
pmp, une masse salariale de $3 millions et une valeur d'expédition de
$6,200,000. De plus, sa fabrication de copeaux s'est élevée
jusqu'à 60,000 tonnes et sa production de bois à pâte a
varié jusqu'à 10,000 et 20,000 cordes. A la fin de 1971 les
immobilisations s'établissaient à $5,500,000 et les
investissements au cours des trois dernières années se sont
élevés à un peu plus de $1,500,000, soit une moyenne
annuelle de $500,000, ce que nous devrons continuer encore pour certainement
deux ou trois ans.
L'entreprise comporte deux complexes manufacturiers: un à
Girardville et Dolbeau, l'autre à Saint-Fulgence. Le complexe de
Girardville et celui de Dolbeau sont alimentés en matière
ligneuse provenant des concessions forestières régulières
et spéciales dans les bassins hydraugraphiques de la Mikoasas et de la
Ouasiemska.
Les concessions forestières régulières forment une
étendue de 220 milles carrés et les
spéciales, une étendue de 227 milles carrés. Quant
au complexe de Saint-Fulgence, il est alimenté par une concession
forestière de 240 milles carrés, localisée dans le bassin
de la rivière Sainte-Marguerite et par une source d'approvisionnement
garantie par contrat à même la forêt domaniale du
Saguenay.
Le caractère particulier des marchés de l'entreprise
l'incite à destiner à l'exportation près de 50 p.c. de sa
production annuelle en sciage et de ce fait à maximaliser l'utilisation
des grumes d'oeuvre transformées à ces usines. L'évolution
constante des marchés amène l'entreprise à effectuer des
réaménagements importants à ses dispositifs manufacturiers
et forestiers au point que le rythme des investissements annuels devra
être maintenu encore sur une période d'au moins quatre ans.
Là où se situent les complexes manufacturiers,
l'entreprise joue un rôle de taille sur le plan communautaire.
L'économie de ces milieux est fortement touchée par ses
activités industrielles et même forestières.
Inconstestablement, cette économie dépend du maintien de ses
activités et de son accroissement.
Pour ce faire, l'entreprise doit pouvoir compter sur des sources
convenables et suffisantes d'approvisionnement en matière ligneuse le
plus à proximité possible de ses complexes.
Sources d'approvisionnement en matière ligneuse. Vu sous l'angle
réel de l'aménagement forestier, les sources actuelles
d'approvisionnement en matière ligneuse de l'entreprise, officiellement
concédées, sont insuffisantes. Pour assurer la permanence de ses
activités manufacturières, l'entreprise doit être capable
de compter sur un rendement soutenu de forêts qui puissent s'identifier
clairement et s'intégrer d'une façon ou d'une autre aux complexes
industriels existants. Ainsi, au complexe de Girardville et de Dolbeau, un bloc
forestier de 1,000 milles carrés doit être juxtaposé et
à celui de Saint-Fulgence un bloc de 800 milles carrés. Ceci en
tenant compte de tous les facteurs naturels limitant la production de la
matière ligneuse.
La permanence de l'entreprise est étroitement liée au
concept de pérennité du bloc qui doit l'alimenter en
matière ligneuse. Le rendement soutenu de ce bloc est le but premier de
l'aménagement, tout comme la production continue est une partie
intégrante du concept de toute entreprise.
Pour ce qui est des propos tenus dans le livre blanc sur la
possibilité annuelle, ils sont discutables. S'ils étaient suivis,
il faut dire qu'ils contiennent en germe un élément susceptible
de conduire à des résultats diamétralement opposés
à ceux anticipés.
Le concept du rendement soutenu découle de celui de la
forêt normale dans une unité d'aménagement donné.
Or, comme il n'existe pas de forêt normale à l'échelle de
la province, le problème que pose une forêt anormale à
l'aménagement, c'est sa normalisation dans le plus court temps possible,
du moins au cours d'une première révolution. La normalisation
d'une telle forêt impose forcément des contraintes et des
libérations essentielles tout le long de son développement pour
atteindre éventuellement un capital forestier minimum et
équilibré capable de fournir un rendement soutenu maximal.
Dans cette optique, quelle que soit l'étendue de l'unité
d'aménagement, la forêt qui s'y trouve doit être avant tout
normalisée et cela dans le plus bref délai possible. Il en
résulte qu'optimaliser l'utilisation de la ressource dépend
surtout de la solution apportée à la normalisation des
forêts à vocation nettement commerciale.
Allocations et gestions. De toute évidence, les faits
précités soulèvent la question des modes d'allocation dans
les forêts publiques et celle de l'intention manifeste de l'Etat
d'exproprier éventuellement l'entreprise privée pour
transférer à la collectivité la conduite des affaires.
Sur le premier point, l'entreprise reconnaît aisément que
les faits ont été plus vite que les idées et que les
institutions sont en retard sur les pratiques. Que les modes d'allocation de
matière ligneuse dans les forêts publiques soient
inadéquats et même dépassés, elle veut bien en
convenir. Cependant, elle soutient que les solutions apportées à
ce problème éviteront plus sûrement l'abstraction et
l'imprécision si elles sont construites à partir de l'entreprise,
cellule de l'économie concrète, microcosme social.
Partant de cette considération et compte tenu des critères
fondamentaux de l'aménagement forestier, il est possible de modifier le
régime des allocations de matière ligneuse aux entreprises dans
les forêts publiques en faisant jouer à l'Etat son
véritable rôle de régisseur dans le sens d'instigateur de
directives et de contrôleur des intérêts régis et
gérés.
La prétendue aliénation de forêts par l'entreprise
est un mythe détestable servi par les tenants en mal de socialisation,
de nationalisation ou d'étatisation.
En somme, le reproche que l'on fait aux concessionnaires, c'est d'avoir
affermé des blocs de forêt à long terme sans pour cela en
être les propriétaires. En fait, ces concessionnaires ne sont que
des locataires assumant non seulement quelques privilèges ainsi que des
obligations parfois très lourdes imposées par l'administration.
Jusqu'ici, on ne peut pas dire qu'ils ne se sont pas acquittés de ces
charges avec efficacité.
De toute façon, il n'y a aucune objection à ce que l'on
propose conséquemment le rachat des concessions forestières
régulières sur la base des montants originaux versés en
primes d'affermage et qu'en retour on offre des baux renouvelables annuellement
pour une période indéfinie pourvu qu'ils se rapportent à
des réserves forestières bien identifiées,
juxtaposées aux complexes industriels existants et proportionnées
aux besoins de l'entreprise. Ces baux
pourraient être sujets à une révision
décennale et être susceptibles d'annulation, advenant que
l'entreprise soit inopérante pour une période de trois
années. Ces nouveaux locataires pourraient, par exemple, avoir à
payer un loyer annuel de $75 par mille carré pour toute unité
forestière sous location.
Ces blocs forestiers ne devront jamais être exploités
au-delà de leur croissance. Bâtir une industrie crée un
engagement social à long terme. Il faut la permanence de la
localité, de l'industrie concernée et conséquemment de la
forêt qui fournit l'approvisionnement. Agir contre ces principes est un
crime envers les générations futures. Ceci nous semble de la plus
grande évidence.
Outre cette obligation première, les locataires devraient
être assujettis à des droits de coupe n'excédant pas au
départ $1.50 par 100 pieds cubes. Ils devraient assumer la moitié
des frais de protection et le quart des frais d'extinction des incendies. Ces
dernières proportions sont ainsi conçues en vue de mieux partager
ces coûts, selon les différents usagers possibles de la
forêt.
Sur le second point, l'entreprise reconnaît difficilement à
l'Etat de pouvoir jouer efficacement le rôle de gestionnaire. Le
contrôle bien conçu n'est pas la substitution du contrôleur
au contrôlé; c'est la vérification faite des intervalles de
temps suffisamment grands, du droit de diriger, puis l'appréciation
sanctionnée des actes accomplis plutôt que le visa
préalable et le veto suspensif. Le bon contrôleur est une
conscience et non un touche-à-tout.
L'idée de la planification et de la prospective provient du
dirigisme. Elle a, certes, son importance pour la définition des grandes
orientations. Par contre, s'occuper en détail des petites choses, sous
prétexte qu'on ne peut pas s'occuper des grandes, conduit à une
complication administrative qui risque d'entraîner la
déchéance de nos sociétés.
Quoi qu'on dise, l'entreprise est l'antidote des défauts de la
société, de son empoisonnement par sa complication, par sa
déshumanisation. On parle toujours de l'autorégulation de
l'entreprise sur le plan économique. On oublie de dire que, sur le plan
humain, elle peut porter ce même mécanisme de régulation,
qui permette d'éviter de grands affrontements. Le tout respectueusement
soumis à Québec.
M. LE PRESIDENT (Giasson): Merci, M. Murdock. Maintenant, nous pourrions
passer aux questions que les parlementaires voudront bien vous adresser ou
à votre collègue qui vous accompagne. J'ai retenu la
première demande de droit de parole du côté de la table,
soit le député de Laviolette.
M. CARPENTIER: M. le Président, à la suite de
l'exposé du mémoire que vient de nous faire M. Murdock, seulement
quelques questions. Vous affirmez, au dernier paragraphe de la page 3 de votre
mémoire, que les propos tenus dans le livre blanc sur la
possibilité annuelle, s'ils étaient suivis, contiennent un germe,
un élément susceptible de conduire à des résultats
diamétralement opposés à ceux anticipés.
Pour-riez-vous expliquer votre pensée et nous indiquer, dans
l'exposé sur la politique forestière, les propos tenus qui
contiennent un germe, un élément susceptible de compromettre la
possibilité annuelle?
M. MURDOCK: On dit ici que des contrats de cinq, dix, vingt et
même 40 ans ne sont pas réalistes. Dans les plantations
forestières de 75 ans, il n'est pas question de faire de contrats de
moins que la récolte. C'est pourquoi je propose plutôt des
contrats sans date limite, c'est-à-dire qui se renouvellent
automatiquement tant et aussi longtemps que l'industrie en question rend son
rôle socio-économique. Si l'industrie ne fonctionne pas
normalement ou selon les besoins, il s'agit tout simplement, pour le
gouvernement, de reprendre ces forêts et de les distribuer à
d'autres industries. Est-ce que cela vous semble raisonnable? Est-ce que je
peux demander à M. Gérin s'il a quelque chose à
ajouter?
M. GERIN : Si on se place au point de vue de l'aménagement
forestier, encore là ces conditions qui seraient imposées des
contrats à court et à long termes, il me semble que ça
cadre mal avec les critères fondamentaux de l'aménagement
proprement dit. On voit très mal qu'une unité
d'aménagement, si on en a une conception le moindrement, qu'on puisse
modifier constamment à des intervalles plus ou moins longs les cadres de
cette unité d'aménagement. Si on a déploré dans le
passé sur ce rapport des difficultés d'approvisionnement pour
certaines industries, c'est que les supposées unités
d'aménagement qui devaient répondre à des besoins
très spécifiques, les limites de ces unités
d'aménagement ont été constamment modifiées. Je ne
crois pas qu'on puisse penser à faire de l'aménagement, si on ne
respecte pas, une fois une unité bien établie,
déterminée, ses limites. Il y a quelque chose qui me semble assez
difficile à saisir quand on parle de contrats à dix ans
d'approvisionnement ou de garanties d'approvisionnement à court terme,
à dix ans, vingt ans, trente ans ou quarante ans. Il me semble que c'est
contradictoire avec le principe même de l'aménagement
forestier.
M. LE PRESIDENT (Giasson): Le député de Nicolet.
M. CARPENTIER: Un instant, s'il vous plaît.
M. LE PRESIDENT: Une question supplémentaire?
M. CARPENTIER: Plusieurs autres, avez-vous une objection?
M. LE PRESIDENT: Je n'ai pas d'objection, d'ailleurs, il semble y avoir
consensus de l'autre côté de la table à l'effet que vous
alliez au bout de vos questions, quitte à remettre la parole à un
autre député lorsque vous aurez terminé.
M. CARPENTIER: A la page 6 de votre mémoire, vous proposez le
rachat des concessions forestières régulières sur la base
des montants originaux versés en primes d'affermage. Pourquoi l'Etat
devrait-il rembourser ces montants, s'il offre en contrepartie une garantie
d'approvisionnement, à moyen ou long terme à l'entreprise de
transformation?
M. MURDOCK: Je considérais ces montants plutôt comme un
dépôt qui a été versé à la province.
Si réellement cela avait été un achat, vous pourriez dire
que ça vaut beaucoup plus cher que ça valait dans ce
temps-là; moi, du moins, je considérais ça comme un
dépôt et qu'il reviendrait à l'industrie qui l'a fait
auprès du gouvernement. Naturellement, le gouvernement peut bien
reprendre ses forêts sans rien donner, mais je pense que ce serait bien
normal que nous recevions les dépôts qu'on a faits et qu'on
reçoive en même temps je ne propose pas qu'on
rachète les chemins et qu'on nous remette des intérêts
depuis 40 ans ou depuis qu'on a acheté ces forêts
simplement leur dépôt tel qu'il était et qu'on nous donne
des baux sans espace de temps qui sont basés sur le besoin de
l'industrie, sur un plan d'aménagement tel que M. Gérin vient
d'expliquer. A ce moment-là, je proposais de diviser les redevances plus
sur une base de loyer et de droit de coupe afin que celui qui a une
réserve pour son industrie qu'elle soit au gouvernement, qu'elle soit
à n'importe qui, ne soit pas intéressé à en avoir
plus grand que les besoins de l'industrie. Il en a besoin d'assez grand pour la
possibilité de l'usine. Par exemple, si ça me prend 10 millions
de pieds cubes pour l'industrie de Girardville, ça nous prend mille
milles carrés, c'es bien dommage mais c'est ce qu'il faut. Il faut que
je planifie pour 75 ans d'avance. Je ne serai pas ici quand ce sera le temps de
recouper la forêt, mais quand même, c'est de cette
façon-là que je pense. J'ai été habitué
comme ça depuis mon enfance et je ne changerai pas d'idée.
M. CARPENTIER: Est-ce que certains montants payés ne sont pas
amortis au cours des activités d'une certaine période?
M. MURDOCK: Non, c'était du capital et aucun amortissement n'a
été fait, excepté ceux qui avaient un terme. Disons que
j'avais un terme de trente ans, je pouvais l'amortir sur trente ans. Mais pour
ceux qui ont des limites indéfinies, il n'y a pas eu
d'amortissement.
M. CARPENTIER: Aux pages 5 et 7, deuxième paragraphe, vous
proposez que l'Etat limite son rôle à celui d'instigateur de
directives, bon contrôleur comme conscience et non touche-à-tout.
A titre de propriétaire forestier et producteur de bois debout, l'Etat
ne doit-il pas gérer sa forêt pour mettre ses bois à la
disposition des transformateurs?
M. GERIN: Je n'invente rien. Nous sommes dans le concept de l'entreprise
privée. On pense que le rôle de l'Etat est un rôle de
contrôleur et non de gestionnaire. On donne plusieurs
interprétations au mot "gestionnaire", ici. Ce qu'on pense, c'est que,
quand il voudrait s'attribuer ce rôle, c'est se substituer à
l'entreprise privée. C'est-à-dire qu'on veut faire l'exploitation
qu'actuellement l'entreprise privée effectue. Dans notre esprit, nous ne
croyons pas que l'Etat soit plus efficace que l'entreprise privée. C'est
notre opinion.
Maintenant, on n'a pas encore prouvé, jusqu'ici, que l'Etat
était réellement plus efficace que l'entreprise privée.
Qu'on cite des exemples. L'exception ne va que confirmer la règle. Mais
on pense que ça irait beaucoup mieux, que ces grandes lignes de
nouvelles politiques c'est parfait et qu'on contrôle les actes
posés par l'entreprise privée, d'accord. Jusqu'à
maintenant, l'entreprise privée, tant dans le secteur des pâtes et
papier que dans l'industrie de sciage, s'est conformée à toutes
ces normes nouvelles et, je dirais même, à ces tracasseries. Elles
se multiplient au rythme de quatre et cinq par jour mais tout de même, on
passe à travers. Mais tant que l'État reste à ce niveau,
il y a moyen de s'entendre.
M. CARPENTIER: Une autre question. Au troisième paragraphe de
votre page 6, vous proposez un loyer annuel de $75 par mille carré pour
toute unité forestière sur location. Est-ce que vous incluez,
dans ce montant, les frais d'inventaire forestier, d'aménagement, de
programmation des coupes, d'infrastructure, chemins d'accès, entretien
et le reste?
M. MURDOCK: Ce ne sont que des suggestions. Il y a naturellement
quelques détails qu'il faudrait ajouter. Pour ma part, je pensais que
$75 faisaient, à peu près, le même montant que nous donnons
de redevances actuellement. Nous faisons nos routes et nous continuerons
à faire nos routes. Il est question que l'Etat fasse certaines routes
principales; je n'ai aucune objection; ça fait seulement notre affaire.
Nous continuerons de faire nos routes comme avant. Pour ajouter à ce que
M. Gérin vient de dire au sujet de l'Etat qui s'ingère, les
intérêts de l'Etat et les intérêts que nous avons
pour la perpétuité, la conservation de la forêt, sont les
mêmes. Nous sommes, aussi, entrêmement motivés, lorsque nous
avons une forêt à perpétuité, à ce qu'elle
demeure à perpétuité.
La preuve est que nous avons des forêts où nous essayons de
distribuer du bois proche, éloigné, enfin une distribution, une
planification ce qui est impossible à faire sur un contrat
de dix ans, vingt ans ou de quarante ans. Si vous me donnez un contrat
de dix ans et que je garde l'industrie, je vais couper le plus proche et je
dirai: Au diable ce qui arrivera après moi.
Ce n'est pas notre idée; lorsque nous avons des concessions,
appelons ça réserves forestières ou comme vous voudrez,
nous avons des intérêts très poussés à la
conservation.
M. CARPENTIER: Au début de la page 7, vous proposez des droits de
coupe qui n'excéderont pas, au départ, $1.50 les cent pieds
cubes. Est-ce que ce montant résulte de calculs basés sur une
valeur équitable du bois rond mis en marché
présentement?
M. GERIN: C'est tout simplement une suggestion. Actuellement, nous
payons dans les concessions $4.50; je crois que j'avais calculé à
peu près $6 distribués entre le loyer et le droit de coupe. Mais
ce sont tout simplement des suggestions qui peuvent être changées
et qui peuvent être diminuées ou augmentées selon l'endroit
et la qualité de la forêt.
M. CARPENTIER: A la page 7, au dernier paragraphe, vous affirmez que
l'idée de la planification est de la prospective au régime du
dirigisme. Ce sont pourtant là deux techniques administratives qu'on
retrouve sous toutes les formes de gouvernement; totalitaire,
démocratique, libéraliste ou socialiste. Qu'est-ce qui vous fait
dire que la planification est une prospective au régime du
dirigisme?
M. GERIN: C'est ce à quoi ça mène, de toute
façon. La prospective n'est pas au régime du dirigisme, mais
ça mène à ça de toute façon. La
planification vous amène à diriger.
M. LESSARD: Pour l'entreprise privée... M. Murdock a parlé
de planifier sur une période de 75 ans. Vous n'en faites pas de
planification, vous?
M. GERIN: Je ne comprends pas votre question.
M. LESSARD: M. Murdock, tout à l'heure, a parlé de la
nécessité pour l'entreprise de planifier sur une période
de 75 ans.
M. GERIN: Oui.
M. LESSARD: Alors, est-ce que l'entreprise privée ne fait pas de
planification? Si l'entreprise privée en fait, pourquoi l'Etat ne
devrait-il pas en faire?
M. GERIN : Nous ne lui reprochons pas de faire de la planification, ce
n'est pas ce que nous lui reprochons. On émet simplement l'opinion ici
que l'idée de planification est â l'origine du dirigisme. Si c'est
poussé plus loin, ça devient du dirigisme d'Etat tout simplement
et qui peut prendre plusieurs formes, comme on le connaît dans bien des
pays.
M. CARPENTIER: M. le Président...
M. MURDOCK: Peut-être que nous voulons dire par la planification
que nous prétendons que l'Etat pourrait établir les objectifs et
non pas nous diriger par la main. C'est un peu, je pense, dans ce sens qu'on a
voulu appuyer sur le mot planification; ce n'est pas un mauvais mot, au
contraire, nous en faisons continuellement et c'est essentiel. Nous avons
peut-être employé des mots un peu inexacts; nous voulons
simplement dire que nous ne voulons pas que l'Etat vienne nous mener par la
main. Il peut nous diriger, nous donner les objectifs et nous contrôler,
mais pas venir nous donner l'ordre du jour.
M. BELAND: En d'autres mots, M. Murdock, vous voulez justement accepter
que l'Etat regarde si vous n'outrepassez pas vos droits; mais dans le sens du
respect de vos droits, vous tenez à demeurer dans cette
sphère.
M. MURDOCK: Oui.
M. BELAND: A l'intérieur de cette sphère. Disons que nous
sommes pas besoin d'en faire l'image des tenants de l'entreprise
privée. Vous avez certaines choses à l'intérieur que
j'aime énormément. J'y reviendrai plus tard.
M. CARPENTIER: Seulement une autre question, M. Murdock. Qu'est-ce qui
vous fait croire que, par sa nouvelle politique forestière, l'Etat a
l'intention d'exproprier éventuellement l'entreprise privée pour
transférer à la collectivité la conduite de toutes ses
affaires?
M. MURDOCK: J'exagère peut-être, mais si je voyais Rexfor
décider de faire la coupe dans notre bois et nous le livrer à la
scierie, je lui dirais tout simplement : Prenez donc mon usine et finissez.
Parce que c'est un tout ça, la coupe du bois, la transformation, la mise
en marché. Et lorsqu'on n'est pas capable d'en faire un succès,
c'est un autre qui va le prendre. Mais ça ne se divise pas en trois ou
en dix parties.
M. DRUMMOND: Est-ce qu'il n'y a pas une grande différence, M.
Murdock, entre l'utilisation des forêts qui appartiennent à l'Etat
et l'usine qui appartient à un individu, au propriétaire ou
l'entrepreneur? C'est cela qui pose des problèmes, je pense. On parle de
dirigisme, mais je pense que l'Etat a un mot à dire en ce qui concerne
l'exploitation de ses propres forêts, n'est-ce pas?
M. MURDOCK: Oui, mais les ingénieurs au ministère sont les
mêmes ingénieurs forestiers qui travaillent pour l'entreprise
privée. Ils ont les mêmes lois et...
M. DRUMMOND: Nous n'avons pas les mêmes actionnaires.
M. MURDOCK: Je crois qu'ils ont les mêmes buts,
j'espère.
M.DRUMMOND: Grosso modo, probablement, mais peut-être pas dans
tous les cas.
M. MURDOCK: Si l'Etat nous donne un territoire nous le
prête après cela, c'est à nous de le faire
fructifier le plus possible sur une récolte indéfinie. C'est
à l'Etat de surveiller si, réellement, nous faisons notre travail
comme il se doit; si nous ne le faisons pas ou si l'industrie ne fonctionne
pas, l'Etat doit reprendre sa forêt. Il n'est pas question que la
forêt n'appartienne pas à l'Etat.
M. CARPENTIER : En un mot, vous voyez un manque de concordance du fait
que l'Etat et l'industrie privée sont dans un même genre
d'exploitation.
M. MURDOCK: Oui. Je dis que, si l'Etat veut prendre notre usine, je n'ai
pas d'objection mais les mêmes problèmes que j'ai existeront. Le
gérant dira: Cela me prend un territoire à exploiter.
M. LESSARD: A quel endroit du tome II avez-vous vu que l'Etat voulait
s'emparer de votre usine? Y a-t-il un endroit du tome II où il est dit
que l'Etat s'emparera de votre usine?
M. MURDOCK: Oui. Il prétend qu'il faudrait que ce soient des
compagnies d'Etat qui exploitent la forêt, qui coupent le bois.
M.LESSARD: Il y a des plans d'aménagement...
M. DRUMMOND: M. Murdock, s'il vous plaît.
M. VINCENT: Le député de Saguenay dit dans son discours
que l'entreprise gouvernementale qui réaliserait la coupe de bois et la
transformation de ce bois, etc... C'est le discours du député de
Saguenay, ce n'est pas le livre blanc.
M. LESSARD: Je regrette, M. le Président. Le discours du
député de Saguenay parle de la possibilité d'un complexe
secondaire. Je n'ai pas parlé de la nationalisation de toutes les
entreprises québécoises. J'ai dit qu'il serait important, comme
c'est le cas actuellement dans le pétrole, comme c'est le cas
actuellement en ce qui concerne les mines, comme aussi c'est le cas en ce qui
concerne Sidbec-métallurgie, que l'Etat ait son complexe forestier
intégré. Mais jamais, dans l'intervention du député
de Saguenay, il n'y a eu mention d'une espèce de nationalisation
complète des entreprises québé- coises. Si je posais la
question à M. Murdock tout à l'heure, c'est que je n'ai pas vu,
non plus, dans le livre blanc, cette espèce d'étatisme à
l'état pur que semble craindre M. Paul Murdock.
M. LE PRESIDENT: Autrement dit, vous avez été
conservateur. Le député de Laviolette.
M. CARPENTIER : Je veux remercier bien sincèrement M. Murdock et
son ingénieur pour les réponses qu'ils ont bien voulu fournir
à nos questions. Je cède la parole au député de
Nicolet.
M. VINCENT: M. le Président, une question préliminaire. M.
Murdock nous dit en page 1 de son mémoire que son industrie compte
actuellement environ 600 employés pour une moyenne de salaires d'environ
$3 millions. Est-ce qu'au cours des années passées, votre
industrie, Murdock Lumber Incorporated, a déjà compté plus
d'employés et a payé plus de salaires?
M. MURDOCK: Peut-être pas plus de salaires mais il y a
sûrement eu plus d'employés, parce que en forêt, nous avons
200 employés. Or, nous en avons déjà eu 400 et 600. Le
nombre des employés forestiers, depuis cinq ou six ans, a certainement
diminué du tiers au moins.
M. VINCENT: Est-ce à cause de la mécanisation ou parce que
depuis quelques années vous achetez également des forêts
privées?
M. MURDOCK: Non, c'est tout simplement la mécanisation.
M. VINCENT: Mais est-ce que présentement la compagnie
achète du bois d'exploitants de forêts privées?
M. MURDOCK: Nous achetons quelque peu des coopératives à
Saint-Fulgence et Sainte-Rose, une partie assez infime; l'an passé, nous
avons acheté du bois de Rexfor. Cela a fait mon affaire, mais, si vous
me permettez, je peux vous dire qu'on a coupé dans le bassin, à
quinze milles de notre usine, bassin qui vient chez nous. Cela m'a déplu
énormément, naturellement. C'est un bassin que je demandais
depuis longtemps et que nous voulions rationaliser à un montant de coupe
indéfini pour aider à la rentabilité de notre usine. Or,
Rexfor a décidé d'aller couper là et a
décidé de tout couper dans une prériode de je ne
sais pas quinze ou vingt ans et il n'y aura plus de coupe dans ce
temps-là, c'est tout. Or, on l'aurait fait à un prix raisonnable,
qui aurait été facilement raisonnable pour nous aussi.
Je critique cette coupe commerciale que je ne vois pas utile pour nous.
C'est un à-côté, je vous le dis; je ne dis pas que Rexfor
n'est pas utile ailleurs, mais je ne voyais pas l'utilité ici. Je
verrais l'utilité de Rexfor dans la sylviculture
exclusivement et dans la plantation. Si vous voulez employer là
des gens du service social, c'est très utile. Vous n'emploierez jamais
de gens du service social dans l'exploitation forestière
mécanisée telle qu'elle est aujourd'hui. Cela prend des fameux
bons hommes pour exploiter la forêt actuellement. Je ne dis pas que les
gens du service social sont des mauvais gars, mais ils n'ont simplement pas la
capacité physique, il y a aussi d'autres raisons.
M. VINCENT: M. Murdock, si je retourne à la page 6 de votre
mémoire, je comprends qu'en principe vous n'êtes pas opposé
â l'élimination des concessions forestières ou au rachat
des concessions forestières, c'est sur les modalités que vous
posez des questions. De quelle façon le gouvernement va-t-il compenser
en allocations pour l'avenir des bois que vous possédez
présentement à l'intérieur de ces concessions
forestières? Donc, le principe de l'élimination des concessions
forestières, vous l'acceptez pour autant que les modalités qui
suivront viendront vous fournir un approvisionnement adéquat pour les
prochaines années. Cette abolition des concessions forestières
est visée sur une période évaluée à dix ans.
Est-ce que vous croyez que, pour autant que les modalités vous
conviennent, ça pourrait se faire dans cinq ans? Est-ce que vous auriez
objection à ce que ça se fasse sur une période de cinq ans
au lieu de dix ans?
M. MURDOCK: Je n'ai aucune objection. Je peux vous dire que je parle
juste pour moi-même, je ne voudrais pas du tout impliquer d'autres
industries. Pour ma part, ça peut se faire demain, ça n'a aucune
importance.
M. VINCENT: Pour autant qu'on vous fournira de la matière
première d'une autre façon?
M. MURDOCK: De la matière première pour fonctionner d'une
autre façon, mais qu'elle soit bien définie. Tant que l'industrie
va fonctionner, qu'elle m'appartienne ou qu'elle ne m'appartienne pas, c'est un
besoin. Si vous voulez que cette localité vive et que cette industrie
vive, il faut que les forêts contiguës soient
réservées et assez grandes pour qu'on ne dépasse pas la
possibilité de la coupe.
M. VINCENT: La proposition du livre blanc, c'est une loi qui, au
maximum, donnera au gouvernement dix ans pour l'abolition totale des
concessions forestières. C'est la proposition du livre blanc.
M. MURDOCK: Oui, mais les solutions qu'on apporte ne me blessent pas du
tout.
M. VINCENT: Quant au coût de rachat vous parlez du
coût de rachat, le député de Laviolette en a parlé
également je pense que c'est la philosophie du livre blanc de
compenser, quand on reprendra les concessions forestiè- res, les
coûts aux compagnies de ces dites concessions en leur donnant des bons
pour pouvoir, pour les années à venir, s'approvisionner sur des
coupes qui leur seront dévolues. C'est la philosophie du livre
blanc.
M. DRUMMOND: Il y a possibilité de payer pour des
améliorations non dépréciées.
M. VINCENT: Ne pas payer comptant.
M. DRUMMOND: Non; note de crédit, grosso modo. Si je peux poser
une question dans la même ligne à M. Murdock. M. Murdock, admet-
triez-vous qu'un contrat à long terme soit monnayable et
hypothécable?
M. MURDOCK: Je ne crois même pas qu'on devrait hypothéquer
la forêt.
M. DRUMMOND: Je ne parle pas d'hypothéquer les ressources de la
forêt. Je demande seulement si, à votre avis, une garantie
à long terme, au point de vue de la compagnie, est monnayable,
c'est-à-dire avec une telle garantie que vous pourriez emprunter d'une
banque ou de n'importe quel autre bailleur de fonds.
M. MURDOCK: Sûrement que la banque avec laquelle je ferai
affaires, à qui je demanderai de m'avancer des fonds, la première
chose qu'elle va me demander, c'est: Est-ce que tu as des ressources
forestières? Que ce soit un contrat annuel tant que l'usine va
fonctionner, je crois qu'elle va être bien satisfaite. Je ne crois pas
être obligé de déposer mon contrat avec le gouvernement. Je
pense que c'était autrefois un défaut d'engager indirectement le
gouvernement dans une entreprise. Peut-être que ce n'est pas tout
à fait acceptable. Pour autant que la banque est au courant que j'ai une
entente avec le gouvernement, j'aurai mon bois tant que l'usine va fonctionner.
Elle va être assez satisfaite pour m'avancer les fonds de roulement dont
j'ai besoin.
M. DRUMMOND: Merci.
M. VINCENT: M. Murdock, vous avez mentionné tout à l'heure
que vous achetiez quelque peu de producteurs ou de propriétaires de
forêts privées. Ce qui provient de la forêt privée
peut représenter quel pourcentage de l'utilisation de la matière
première?
M. MURDOCK: A peu près 10 p.c.
M. VINCENT: Et jusqu'à maintenant, il n'y a pas eu de
problème dans votre région avec les propriétaires de
boisés privés.
M. MURDOCK: Ce n'est pas nécessairement privé; ce sont
plutôt des syndicats qui sont dans les forêts domaniales.
M. VINCENT: Ils sont quand même régis par la Régie
des marchés agricoles.
M. MURDOCK: Nous n'avons pas de problème actuellement. Ils sont
libres d'aller ailleurs s'ils peuvent avoir plus cher. Je ne les oblige
certainement pas à me vendre. Je me base passablement sur nos propres
coûts pour leur offrir les prix nécessaires.
M. VINCENT: Est-ce que ce serait indiscret de vous demander quel a
été le montant d'argent que votre compagnie a consacré
à la recherche en foresterie?
M. MURDOCK: En recherche pure, je pourrais vous dire : Rien. Nous
essayons de rester à l'avant-garde. Est-ce que vous voulez dire
forestière dans le sens de la botanique?
M. VINCENT: Oui. Et après ça, il faudrait peut-être
ajouter...
M. MURDOCK: Non, ce qu'on fait, c'est dans l'industrie de la
transformation, la coupe et tout ça. Nous n'avons pas fait de plantation
sous ce rapport. Si le gouvernement nous obligeait à faire certains
travaux là-dedans, nous participerions. Mais nous n'en avons pas
fait.
M. GERIN: C'est surtout dans la recherche opérationnelle et non
pas dans la recherche de base. Ce que vous entendez, si je comprends bien,
c'est sur le plan de la forêt, si on a fait des recherches ou si on a
dépensé des sommes d'argent dans ce domaine. Non, pas du
tout.
M. VINCENT : Mais, est-ce que la compagnie s'est adonnée au cours
des dernières années à du reboisement ou des travaux de
sylviculture.
M. GERIN: Dans notre cas, cela ne s'est pas avéré
nécessaire.
M. DRUMMOND: Pourquoi?
M. GERIN: Là où l'on coupe, dans nos territoires
boisés, je ne crois pas qu'actuellement à ce stade-ci on soit
dans l'obligation, ou que ce soit nécessaire, d'aller au reboisement. Le
reboisement se fait naturellement. On est dans des forêts à
maturité et même dépassées la maturité,
là où se situent ces forêts, je ne vois pas qu'on doive
actuellement pratiquer du reboisement intensif.
M. VINCENT: Vous pratiquez la coupe sélective dans ces
concessions ou si c'est une coupe...
M. MURDOCK: Une coupe à blanc.
M. COITEUX: Qu'est-ce qui se produit dans la superficie derrière
Notre-Dame-de-la-Dorée où il y a eu un feu assez intense? Est-ce
la régénération de ce territoire qui fait partie de vos
concession depuis dix ou onze ans?
M. GERIN : Nous ne sommes pas touchés par cette partie.
M. COITEUX: Vous n'êtes plus touchés par cette partie.
M. GERIN: Non, Notre-Dame-de-la-Dorée est...
M. COITEUX: Quand M. Murdock faisait du bois pour Price Brothers,
j'allais mesurer moi-même dans les concessions qu'il échangeait
avec Price Brothers à la rivière à Mars.
M. GERIN: Du côté ouest?
M. COITEUX: Cela a brûlé. Comment était la
régénération là-dedans?
M. GERIN: La partie du feu de 1921 sur la Mikoasas est très bien
reprise. D'ailleurs il y a des repeuplements qui ont...
M. COITEUX: C'était vers 1946 ou 1947.
M. MURDOCK: La pousse est excellente. Maintenant, il y a certainement
des endroits où il y aurait lieu d'y faire de la plantation mais je
pense que ce serait là l'oeuvre d'un organisme comme...
M. COITEUX: Rexfor ou un autre.
M. MURDOCK: ... qui pourrait le faire; je crois que nous, comme
entreprise privée, n'avons pas de profits assez fantastiques pour les
investir dans la plantation. De toute façon ce sont toutes des
forêts vierges, c'est-à-dire que c'est la première coupe
et, comme on l'a dit tout à l'heure, la normalisation va se faire
après, quand on viendra dans la deuxième coupe, on n'y sera pas
mais c'est seulement à ce moment-là qu'on pourrait dire que la
forêt est normalisée complètement.
M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.
M. BELAND: Est-ce que vous avez fait des essais de coupe
sélective à l'intérieur de votre bloc forestier quelque
part? Est-ce que vous avez fait des essais dans ce sens-là? Vous avez
dit tantôt que c'était principalement la coupe à blanc mais
est-ce que vous avez tenté quelque chose d'autre?
M. MURDOCK: Au Lac-Saint-Jean, la forêt est toute du même
âge. Il n'est pas question de forêt, de coupe sélective. Il
y a eu de grands feux il y a quelques années et la forêt est
à peu près toute du même âge. Mais sur les monts
Sainte-Marguerite, nous avons tenté certaines
coupes sélectives mais les règlements des Terres et
Forêts, actuellement, sont passablement pour la coupe à blanc.
Sur les monts, je pourrais vous dire que, parfois, il y a des touffes de
jeune bois que nous pouvons laisser et qui, certainement dans quelques
années, vont normaliser la forêt, dans le sens qu'il va y avoir
des âges différents.
M. BELAND: Vous parlez d'un point auquel je n'aurais peut-être pas
pensé. Vous laissez des parties qui, présentement, sont encore
intéressantes à laisser pousser en vue de les récolter
dans trois ans, dix ans. Si le tout appartenait véritablement à
l'Etat et si c'était l'Etat qui décidait du moment où vous
couperiez, où vous auriez à couper, où d'autres pourraient
les couper, est-ce que vous les laisseriez quand même là ou si
vous les couperiez ou les récolteriez immédiatement?
M. MURDOCK: En fait, c'est l'Etat. Les surveillants du gouvernement nous
disent ce qu'on peut faire ou ne pas faire. Nous faisons notre plan de coupe,
mais il faut qu'il soit accepté au ministère. Nous faisons un
plan de coupe annuel de dix ans ou de cinq ans et celui-ci est accepté
par le ministère qui fait son inventaire et qui peut nous dire, à
ce moment: Il ne faut pas aller couper là; il faut faire ça.
Alors si on ne le suivait pas naturellement nous voulons les suivre
nous aurions des amendes.
M. BELAND: Si le tout, la coupe elle-même, était
géré par l'Etat, est-ce que vous y verriez immédiatement
une différence ou une diminution dans la possibilité. Sur le
même territoire, d'avoir le bois coupé exactement comme vous
voulez l'avoir pour votre usine?
M. MURDOCK: Il n'y aurait aucun changement; je ne crois pas. Je ne crois
pas que les gens qui travaillent pour le ministère auraient la
même motivation, au point de vue du coût, que l'on a. Pour
atteindre les mêmes buts, il y a certainement une question de coût.
Est-ce qu'il pourrait nous subventionner? A ce moment si l'Etat me subventionne
jusqu'à ce point, je ne vois pas mon utilité dans
l'industrie.
M. BELAND: Puisque vous parlez d'une différence de coût,
est-ce que vous avez déjà pensé à une
différence exacte, disons par exemple $2 les mille pieds ou je ne sais
trop? Est-ce que vous avez pensé à une différence
approximative, compte tenu de ce qui se fait ailleurs, dans d'autres pays?
M. MURDOCK: Il y aurait une différence qui pourrait être
minime la première année, mais qui viendrait s'accentuer, qui
deviendrait prohibitive, à moins que l'Etat ne nous subventionne
énormément. Cela deviendrait du dirigisme, de
l'étatisme... Je n'ai plus alors ma raison d'être comme
industriel.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.
M. LESSARD: M. Murdock, dans le livre blanc, aux pages 162 et 163, le
ministère des Terres et Forêts fait une analyse des
problèmes de l'industrie du sciage. Dans cette analyse, on dit que
l'industrie du sciage affronte, en particulier, deux problèmes. D'abord
la difficulté de s'approvisionner de certaines espèces.
M. LE PRESIDENT: M. le député de Saguenay, pourriez-vous
approcher votre microphone pour l'enregistrement des débats?
M. LESSARD: Je m'excuse, M. le Président. D'ailleurs, cette
difficulté, vous l'avez soulignée à la page 3 de votre
mémoire. Le deuxième problème, c'est le morcellement des
entreprises inefficaces. Est-ce que vous pouvez faire certains commentaires
concernant ces deux problèmes qu'affronte actuellement l'industrie du
sciage? D'abord, la nécessité de l'approvisionnement.
M. MURDOCK: Je crois qu'à ce moment-là...
M. LESSARD: La difficulté, dis-je.
M. MURDOCK: J'ai malheureusement le droit de ne parler ici que de mon
industrie, puisque vous aurez un mémoire de l'industrie du sciage. Dans
mon cas, du moins, je n'ai pas le problème en ce moment de ne pas avoir
assez de matière première. Ce dont je me plains à la page
3, c'est que ces territoires sont seulement officieusement
réservés et j'aimerais bien qu'ils le soient officiellement,
d'une façon ou d'une autre, j'aimerais qu'ils soient
réservés afin que nous puissions faire de la planification.
M. LESSARD: En un sens, vous n'êtes pas assuré d'avoir, sur
une période de cinq ou dix ans, un approvisionnement suffisant, parce
que l'Etat peut toujours vous retirer ce territoire?
M. MURDOCK: Que l'Etat puisse toujours le retirer, je n'y suis pas
opposé du tout. Je voudrais simplement que ce qui est fait
officieusement soit tout simplement ratifié officiellement. Il y a
certainement des industries de sciage pour qui c'est encore pire que pour moi,
où il y a des contrats de cinq ou dix ans. Mais, comme je vous le dis,
je ne voudrais pas parler pour une autre industrie que la mienne.
M. LESSARD: Non. Vous, dans le moment, vous n'avez aucun problème
d'approvisionnement; vous avez un assez grand territoire pour vous
approvisionner.
M. MURDOCK: Exactement.
M. LESSARD : Cependant, vous voudriez que cette possibilité
d'approvisionnement vous
soit assurée pour une période qui vous permette de
planifier votre production.
M. MURDOCK: Exact.
M. LESSARD: Vous parlez de baux au lieu de contrats d'approvisionnement
et vous semblez un peu craindre les contrats d'approvisionnement. Quelle serait
la différence, pour vous, entre un contrat d'approvisionnement et les
baux dont vous parlez à la page 6?
M. MURDOCK: Un contrat d'approvisionnement sans terrain, pour moi, c'est
un chèque en blanc, cela ne veut rien dire pour moi. Cela veut dire que
cette année, tu peux aller là, l'autre année, aller
là. Cela ne veut rien dire, si vous n'avez pas le territoire
destiné.
M. LESSARD : Il est certain que si nous avons comme objectif la
diminution des coûts de production et des coûts de transport, il va
falloir que ces territoires d'approvisionnement soient redistribués, de
façon que ce soit le plus près des usines.
Je pense que l'Etat n'agit pas de façon irrationnelle à ce
point que l'accord des contrats d'approvisionnement soit fait à des
compagnies situées sur des territoires très
éloignés de leur entreprise de transformation.
M. MURDOCK: Je suis pleinement d'accord avec vous là-dessus, mais
ça implique qu'il y ait un territoire réservé. J'ai trop
vu de forêts domaniales où une usine sciait du bois là et
où une autre usine sciait du bois ici.
C'était un méli-mélo inacceptable. En tout cas,
c'est mon point de vue.
M. LESSARD : Est-ce que ce méli-mélo ne provient pas du
fait que les concessions forestières ont été abusivement
accordées, par exemple, à certaines compagnies qui se
réservent exclusivement la coupe de leur bois sur ce territoire? Si on
prend CIP, par exemple, qui a un territoire de 25,000 milles carrés,
ceci ne laisse rien pour des entreprises comme la vôtre ou très
peu.
M. MURDOCK: Notre proposition dit que la carte des réserves doit
être refaite. Si le gouvernement achète un territoire et en
redonne une partie, naturellement, il va donner la superficie nécessaire
pour l'usine en question.
M. LESSARD: Vous êtes d'accord que la carte du territoire soit
refaite? Est-ce que vous pensez que le temps que se donne le ministère,
la période de dix ans, peut vous permettre à vous, comme
industrie de sciage ou à l'entreprise forestière parce que
vous êtes quand même dans le domaine et vous connaissez ça
dans les circonstances actuelles d'en arriver à une diminution
des coûts de transport? Je me place sur une période de dix
ans.
M. MURDOCK: Sûrement cela va forcer certaines industries à
fermer leurs portes malheureusement. Il y a une question. Si vous voulez
comme on veut d'ailleurs que les usines qui ont des forêts
à distance raisonnable soient protégées, il y en a qui
n'auront plus leur raison d'être. Et ça va être un
malheur.
M. LESSARD: Mais la redistribution des concessions forestières a
justement pour but de rapprocher la source de l'entreprise de transformation.
On sait actuellement, par exemple, que la moyenne de transport c'est
plutôt dans l'industrie des pâtes et papier est de 156
milles, ce qui apporte des coûts de transport assez
considérables.
Est-ce que vous pensez que le temps qu'on se donne, une période
de dix ans, va permettre véritablement de pouvoir utiliser les
forêts plus rationnellement pour l'industrie du sciage, par exemple?
M. MURDOCK: Quand vous dites au-dessus de 156 milles, je pense que vous
parlez des endroits surtout où il y a du transport par bateau. C'est un
autre problème.
M. LESSARD : La moyenne.
M. MURDOCK: Il y a un problème aussi pour les endroits où
il y a du flottage. A ce moment-là, les distances sont
aléatoires.
M. LESSARD: Je parle d'une moyenne de 156 milles. De toute façon,
à la page 5, vous dites que "les modes d'allocation de matière
ligneuse dans les forêts publiques sont inadéquats et même
dépassés". Pourriez-vous expliquer dans quel sens ces modes
d'allocation sont dépassés?
M. MURDOCK: C'est justement ce que vous venez dire. Il y a des
forêts qui ont été allouées à 1,000 milles
d'une usine ou 500 milles. Il y a certainement un découpage à
refaire de toute la...
M. COITEUX: J'aurais une question, M. Murdock.
M. MURDOCK: Oui.
M. COITEUX: Je constatais votre réticence à un contrat
d'approvisionnement. Si à ce contrat on attachait une description
territoriale dans laquelle l'inventaire serait compris vous assurant que, dans
un territoire donné qui possède par les inventaires forestiers
tant de bois qui couvrirait votre possibilité avec un facteur de
sécurité, pour prévenir les insectes ou les feux de
forêts de 10 p.c., à 15 p.c, à ce contrat que le
gouvernement vous donnerait comme garantie et ajouterait cela, quelle serait
votre réaction?
M. GERIN: Qu'on décrive pour une usine donnée...
M. COITEUX: C'est cela.
M. GERIN: ... pour un complexe donné...
M. COITEUX: C'est la raison pour laquelle je pose la question.
M. GERIN: ... créant des possibilités d'expansion. Il est
absolument essentiel que cette descrition du territoire, du globe forestier qui
l'alimentera, soit faite.
M. COITEUX: C'est cela,
M. GERIN: Et qu'on ne fasse pas des accrocs et que, par la suite, tous
les cinq ans et tous les dix ans, l'on dise: Il faut espacer ici et il faut
espacer là.
M. COITEUX: Est-ce que vous visez l'accroc de Rexfor dans le territoire
que...
M. GERIN: Oui, c'est un accroc. On parlait tout à l'heure de
redistribution. On n'a pas parlé pour tout le monde. Il faut une
redistribution de la forêt. Nous sommes d'accord. Comment doit-elle se
faire? Là, nous sommes dans un cas particulier. Mais cela me fait penser
à l'image qui dit ceci dans certains secteurs, cette distribution
sera difficile à faire parce que le fromage est trop petit pour
les rats qu'il y a.
M. LESSARD: Je suis bien d'accord. Dans certains coins. Mais, par
contre, vous avez d'autres territoires qui sont actuellement sous concession et
qui sont sous-exploités parce que les compagnies les conservent comme
réserve. Je suis d'accord avec vous que tant qu'il n'y aura pas de
redistribution du territoire, le fromage sera trop petit pour les rats qu'il y
a. A la page 5, vous dites ceci: "La prétendue aliénation de
forêts par l'entreprise est un mythe détestable servi par les
tenants en mal de socialisation, de nationalisation et d'étatisation".
En somme, le reproche que l'on fait aux concessionnaires, c'est d'avoir
affermé des blocs de forêts à long terme sans pour tout
cela en être les propriétaires.
En fait, ces concessionnaires, ajoutez-vous, ne sont que des locataires
assumant non seulement quelques privilèges, mais aussi des obligations
parfois très lourdes imposées par l'administration. Donc, dans ce
texte, vous semblez favoriser encore le système de concessions. Non?
M. GERIN: Ce que nous voulons dire est qu'on semble mal poser le
problème. On semble dire et répandre dans l'opinion publique que
les concessionnaires forestiers se sont accaparés du patrimoine
québécois. C'est ce qu'on veut dire. Mais en fait, ce n'est pas
ça. Qu'on dise donc honnêtement que les concessionnaires
forestiers ne sont purement que des locataires.
M. LESSARD: Justement vous parlez que, ce qu'on reproche actuellement,
c'est d'avoir affermé des blocs de forêts sans être
propriétaires et que ce serait pour ça qu'on ferait
semble-t-il, je conclus peut-être vite. disparaître les
concessions. Ne pensez-vous pas que si le gouvernement tente ou, en tout cas,
s'attaque en partie aux concessions, c'est justement pour éviter
certains abus que vous avez vécus, vous autres, l'industrie du sciage,
par suite du fait que vous aviez de la difficulté à vous
alimenter parce que les concessions forestières appartenaient à
d'autres compagnies.
M. LE PRESIDENT: Si le député de Saguenay me permet, on
fait remarquer à la présidence qu'il est six heures. Puis-je lui
demander s'il a encore beaucoup de questions?
M. LESSARD: Non.
M. LE PRESIDENT : Nous pourrions terminer avec Murdock Lumber.
M. LESSARD: M. le Président, je pense bien qu'il ne faudrait pas
faire revenir M. Murdock ce soir, uniquement pour quelques questions. Je ne
sais pas si vous êtes prêt à répondre à ma
question. Vous semblez...
M. MURDOCK: On semble blâmer beaucoup les industries pour leur
passé. A ce moment, c'était probablement une bonne idée ou
du moins une façon de le faire le plus adéquatement. Je ne
voudrais pas qu'on blâme ce qui a été fait dans le
passé. A une autre page, nous disons que cette façon est
dépassée. Nous suggérons des améliorations. Nous
sommes d'accord avec vous qu'il faut faire un nouveau découpage des
concessions.
M. LESSARD: Vous n'avez aucune opposition à la disparition des
concessions pour autant que vous pourrez avoir un contrat d'approvisionnement
sur un territoire donné et non pas éparpillé dans tout le
Québec.
M. MURDOCK: Exact!
M. LESSARD: Vous parlez beaucoup d'étatisation. Cela semble
très dangereux pour vous, peut-être dans l'optique du livre blanc
tel que vous le voyez. Moi, je ne le vois pas de cette façon. Vous
parlez d'entreprises, d'engagement social et de responsabilité envers
les générations futures. Le fait que l'entreprise crée un
engagement social et qu'elle a des responsabilités envers la
génération future, n'est-ce pas d'autant plus vrai du
gouvernement qui, lui, est responsable de tout le domaine public et de
l'aménagement du domaine public?
On parlait tout à l'heure d'objectifs. Vous semblez douter de la
nécessité pour l'Etat de gérer l'administration des
forêts. Est-ce que ce ne serait pas plus nécessaire pour l'Etat de
gérer l'administration de ces forêts, puisque, lui, il a
une responsabilité envers les générations futures?
Non seulement envers la génération de vos employés
à vous, mais envers les générations futures de tout le
Québec.
M. MURDOCK: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Mais je pense
que les activités commerciales et tout ça sont peut-être
mieux et plus efficaces dans l'entreprise privée. Cela n'empêche
pas la gérance de l'Etat sur nos activités.
M. LESSARD: Quand vous parlez d'exploitation commerciale, vous parlez
probablement de coupe de bois, de transformation, mais vous ne parlez pas de la
nécessité pour l'Etat de faire des plans d'aménagement
pour la forêt, de faire de la sylviculture. Vous avez dit tout à
l'heure que cela devrait relever de Rexfor parce que cela coûte trop cher
et qu'on ne fait pas assez d'argent. Est-ce que l'entreprise n'a pas une
certaine responsabilité dans ce domaine, puisque si on lui cède
un territoire, elle doit s'assurer de pouvoir faire renouveler ce territoire?
Si vous l'épuisez en l'espace de quinze ou vingt ans, on ne sera
peut-être pas capable de vous en donner un autre plus tard, tout
près de vous. En collaboration avec l'Etat, est-ce que vous n'avez pas
une responsabilité de ce côté?
M. MURDOCK: Je connais une compagnie américaine qui plante un
arbre ou deux par arbre qu'elle coupe. Peut-être qu'elle est d'une
profitabilité beaucoup plus forte. Elle détient le fonds de la
forêt probablement.
M. LESSARD: Pour vous, tout ce qui est de plan d'aménagement, de
coupe sélective, de reboisement, de sylviculture, cela devrait
être donné à une société qui serait une
société d'Etat?
M. MURDOCK: Pas nécessairement; peut-être pas à la
société d'Etat. Le gouvernement a déjà en place des
ministères qui sont très adéquats pour remplir cette
fonction.
M. LESSARD: Cela doit revenir au gouvernement?
M. MURDOCK: Certainement.
M. LESSARD: De ce côté, vous n'avez pas peur du
socialisme?
M. MURDOCK: Non. M. LESSARD: Merci.
M. LE PRESIDENT: MM. Murdock et Gérin, nous vous remercions
d'avoir voulu apporter vos commentaires à l'intérieur du projet
de réforme dans le monde forestier; merci également d'avoir
répondu avec autant d'obligeance aux questions qui vous ont
été posées de chaque côté de la table.
La commission suspend ses travaux jusqu'à huit heures et quinze
ce soir.
(Suspension de la séance à 18 h 5)
Reprise de la séance à 20 h 25
M. GIASSON (président de la commission permanente des richesses
naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!
Tel que convenu lors de la suspension de nos travaux pour le souper,
nous continuons. Je pense que le deuxième groupe à être
entendu ici est la Corporation des ingénieurs forestiers, sauf erreur.
J'inviterais donc les représentants de ladite corporation à
s'avancer près de la barre et à nous soumettre le message de la
corporation.
Avant d'intervenir, nous vous invitons à vous identifier.
Corporation des ingénieurs forestiers
M.MERCIER: Mon nom est Jean-Claude Mercier. Je suis président de
la Corporation des ingénieurs forestiers de la province de
Québec. A ma gauche, M. Hervé Lizotte, secrétaire de la
corporation; à ma droite, M. Jean-Paul Nadeau, vice-président de
la corporation, et, à mon extrême droite, M. Gilbert Paillé
qui a dirigé le comité qui a préparé le
mémoire que nous vous présentons et qui a dirigé l'analyse
des tomes I et II de l'exposé sur la politique forestière.
La Corporation des ingénieurs forestiers de la province de
Québec est heureuse de l'occasion qui lui est offerte d'exprimer ses
voeux sur la politique forestière du Québec. Les
ingénieurs forestiers sont particulièrement heureux, puisque
enfin, après six ans de gestation, un document exprimant une politique
forestière acceptée du gouvernement est présenté au
public. Pendant les dernières années, les ingénieurs
forestiers ont indirectement subi les pressions nouvelles et
intensifiées pour l'utilisation des forêts. Ils furent souvent
blâmés de leur manque de vision, alors qu'ils devaient
continuellement se débattre dans un fouillis de lois et
règlements faits pour le temps des calèches et de la coupe au
godendard.
Le livre blanc est un exposé des politiques. Une nouvelle loi
sera la bienvenue car c'est en fait, bien plus que le livre blanc, l'outil
manquant qui nous permettra d'assurer une saine utilisation des forêts au
Québec.
M. COITEUX: Pardon, M. le Président, est-ce que le
président de l'Association des ingénieurs forestiers a
préparé un autre mémoire que celui qu'il nous a
donné, parce que je ne me retrouve pas du tout dans la patente? Est-ce
que c'est un sommaire?
M. MERCIER: Ce n'est pas un sommaire, mais une présentation de
notre mémoire. Je peux m'en tenir, tel que vous le désirez, au
mémoire que je vous ai présenté.
M. COITEUX: Non.
M. LESSARD: Vous avez droit à des préliminaires.
M. MERCIER : Alors, ce sont des préliminaires au cas où
quelqu'un ne l'aurait pas remarqué.
M. LESSARD: Extrêmement intéressants, d'ailleurs.
M. MERCIER: Il est quasi impossible de ne pas être d'accord sur
les objectifs détectables parmi les longs textes de l'exposé du
gouvernement. Sur les moyens, nous ne sommes pas toujours d'accord et la
plupart de nos interventions sont en ce sens. Nous devons rappeler à
cette commission que notre mémoire ne présente pas, sur tous les
points, une unanimité de pensée parmi les ingénieurs
forestiers.
Plusieurs de nos membres sont radicalement pour ou contre les moyens
envisagés par le gouvernement pour réaliser la réforme de
ces lois concernant les terres et forêts. Notre approche à
l'analyse du texte nous permet cependant de dire que les opinions émises
sont celles de la majorité de nos membres.
Le but de nos interventions est de présenter un point de vue
simple, réaliste, qui permettra au gouvernement et aux
spécialistes de la question forestière que sont nos membres, de
travailler ensemble, rapidement, à la réalisation de l'objectif
principal de cette réforme qui est la plus grande contribution possible
du secteur de la forêt au bien-être de tous les
Québécois.
Je passe maintenant à la lecture du document. Le présent
document résume la philosophie de la Corporation des ingénieurs
forestiers de la province de Québec face à la réforme et
au programme d'action proposés dans le livre blanc du ministère
des Terres et Forêts.
Il est bon de rappeler que chaque fois que ce fut utile ou
nécessaire, la corporation, dans un grand souci du bien public, s'est
prononcée et a présenté des rapports exposant ses opinions
sur la fiscalité, l'expropriation et l'évaluation
forestières, l'aménagement polyvalent, la recherche et la
politique forestières.
Gestion des forêts. Le zonage de l'utilisation des terres
forestières.
Le zonage territorial s'impose afin de permettre une planification
intégrée de l'utilisation des terres; le zonage sectoriel
facilite l'allocation, la gestion et l'aménagement des ressources d'un
secteur.
La corporation encourage le gouvernement et le ministère à
procéder à de tels zonages. Cette phase serait grandement
facilitée si un ministère des Ressources naturelles était
créé et définissait une politique globale de
l'aménagement du territoire québécois, telle que
proposée par la corporation en mai 1967 et en avril 1971.
La corporation favorise le zonage du territoire forestier, mais elle
suggère: que les critères de zonage soient clairement
définis en fonction de variables économiques, écologiques
et sociales et qu'ils ne viennent pas à l'encontre des principes de
l'aménagement polyvalent; qu'on n'identifie pas de "zones non
aménagées" à
l'intérieur des zones forestières de production,
La corporation estime que le concept de zonage des forêts
publiques proposé au niveau sectoriel, en forêts de protection et
en forêts de récréation, peut entrer en conflit avec les
concepts de parcs et réserves analogues.
Ceux-ci constituent des unités territoriales qui poursuivent
déjà des objectifs de protection du milieu naturel, paysages, ou
d'éléments de ce milieu, faune, flore, géologie, ainsi que
les objectifs de loisirs de plein air. En effet, les motions de parcs et
réserves analogues ne sont pas en soi liées à la
présence de la forêt bien que celle-ci constitue un biome
important au Québec. Leur établissement doit être
envisagé au niveau d'un zonage étendu à l'ensemble du
territoire dont la forêt ne constitue qu'un type de milieu.
Il y aurait donc lieu que le gouvernement, par une loi-cadre des parcs
et réserves analogues, définisse d'abord les différents
types de parcs et réserves qu'il désire établir au
Québec. Il devra préciser clairement, pour chaque type, la
nature, le degré de protection envisagé et le genre d'utilisation
récréative qui sera poursuivi.
Les modes de gestion: La corporation encourage le ministère
à ne retenir que deux modes de gestion des forêts publiques, soit
la gestion publique, soit la gestion mixte, et à favoriser les modes de
gestion de la forêt privée les plus susceptibles de hâter
son développement et sa mise en valeur.
Gestion publique. Le régime de gestion. La corporation appuie, en
principe, la proposition de réorganisation foncière du
ministère. Elle voit d'un bon oeil la création de grandes
unités d'aménagement dont les contours coïncideraient avec
ceux des bassins hydrographiques, je devrais ajouter ici les
sous-bassins également et la disparition progressive des
réserves cantonales et spéciales. Cependant, elle s'oppose
à la disparition systématique de toutes les concessions
forestières. En effet, il n'apparaît pas nécessaire
d'abolir toutes les concessions pour améliorer la gestion, l'allocation,
l'accessibilité, l'utilisation et pour diminuer les coûts
d'administration.
Elle suggère que d'abord les réserves cantonales et
spéciales soient intégrées aux forêts domaniales ou
associées aux terrains privés avoisinants et soumises au
régime de gestion mixte. De plus, elle propose que les concessions
forestières de faible superficie soient intégrées à
d'autres concessions, ou abolies en suivant les normes précises et un
échéancier connu à l'avance des intéressés
pour que ceux-ci ne restent pas dans l'incertitude durant toute la
période nécessaire à ce remaniement.
Si la superficie minimale des unités d'aménagement
était de 500 milles carrés au lieu de 1,000 milles carrés,
seuls les concessionnaires utilisant environ 50,000 cunits de bois par an ou 20
millions de p.m;p. seraient retenus. La disparition ou le regroupement des
petites concessions pourraient alors se faire en deux phases: d'abord celles
d'une superficie inférieure à 50 milles carrés,
représentant 43 p.c. du nombre actuel, et ensuite celles de superficie
inférieure à 500 milles carrés, 33 p.c. du nombre actuel.
Ce changement n'affecterait il y a une correction à apporter au
mémoire ici que 12 p.c. de la superficie présentement
concédée et réduisant le nombre de concessions à
une cinquantaine au lieu de 176.
Toutes les concessions devraient être assujetties aux dispositions
adoptées par le ministère depuis 1963.
La responsabilité de la gestion. Cette proposition de ne
conserver que les concessions de 500 milles carrés et plus
coûterait moins d'argent au gouvernement que leur abolition totale. Elle
aurait pour effet de faire porter par les industriels une partie des
responsabilités de la gestion des forêts publiques du
Québec. Ceux-ci pourront d'autant mieux remplir cette tâche
et j'insiste que les contrôles gouvernementaux seront
meilleurs.
L'autre part des responsabilités de la gestion devrait être
portée par les unités régionales du ministère
lui-même et non par une société paragouvernementale de
gestion forestière.
L'action du gouvernement semble entravée par les lois et les
règlements qu'il s'est lui-même donnés et la
société de gestion est proposée pour contourner les
contraintes administratives actuelles. De l'avis de la corporation, il serait
plus logique et plus efficace que le ministère corrige une fois pour
toutes la situation en enlevant ces contraintes plutôt que de tenter de
les contourner par la mise en place de la société de gestion.
Vraisemblablement, celle-ci ne ferait qu'augmenter les coûts
d'administration, sans présenter de garantie quant à son
efficacité et à sa rentabilité.
Gestion mixte. La corporation s'oppose à l'élimination
totale des concessions et elle recommande que les grandes concessions
forestières soient administrées sous un régime de gestion
mixte. Il serait souhaitable que cette gestion soit confiée à un
groupe formé d'ingénieurs forestiers au service du gouvernement
et du concessionnaire. De cette façon, le ministère des Terres et
Forêts se donnerait une structure lui permettant de mieux remplir ses
obligations sans se ruiner à rembourser des sommes qui n'auraient pour
tout effet pratique que l'élimination du mot "concession
forestière" et son remplacement par "contrat d'approvisionnement
à long terme".
Gestion des forêts privées. La corporation approuve sans
réserve le ministère de vouloir poser des gestes concrets pour
favoriser la gestion des forêts privées. Elle voit aussi d'un bon
oeil l'utilisation des forces en place pour faciliter cette action. Toutefois,
elle souhaite que le gouvernement prenne les dispositions nécessaires
pour affranchir les offices de producteurs de bois de toute influence, avant de
leur confier les responsabilités de gestion prévues dans le livre
blanc. Elle souhaiterait aussi
une meilleure définition des pouvoirs des associations
régionales de sylviculteurs; elle approuve l'opinion que de telles
associations ne devraient pas avoir de capacité judiciaire.
Elle recommande que ces associations fassent davantage appel à la
compétence des ingénieurs forestiers.
Dans le même domaine, la corporation félicite le
gouvernement de vouloir instituer un crédit forestier pour aider
financièrement les petits propriétaires à mieux
gérer et aménager leur propriété forestière.
Elle ne s'oppose pas à ce qu'un organisme gouvernemental intègre
les crédits dépensés en milieu rural à un
régime d'assistance. Cependant, elle recommande que ce crédit
forestier soit clairement dissocié du crédit agricole et qu'il
comporte des attaches susceptibles d'en assurer une utilisation rationnelle
à long terme.
L'allocation de la matière ligneuse. Des changements s'imposent
dans les modes d'allocation de la matière ligneuse, mais la corporation
s'interroge sur l'efficacité de plusieurs méthodes
proposées pour effectuer ces changements.
Les principes d'allocation. Les six principes d'allocation
énoncés par le ministère sont acceptables, sauf en ce qui
concerne la dissociation de la gestion et de l'exploitation qui n'est
concevable que si une société gouvernementale gère toutes
les terres publiques. L'expérience vécue dans ce domaine, par
certains concessionnaires forestiers actuels, indique qu'il serait
préférable d'associer ces deux phases du développement
forestier.
Quant aux autres principes, ils pourraient être respectés
sans nécessairement enlever à l'entreprise privée toute
initiative de gestion. Seule une modification des ententes contractuelles
serait nécessaire en suivant la pratique adoptée pour les
concessions accordées depuis 1963.
Plans de production et de distribution des bois. La corporation croit
que la planification provinciale de la production forestière est
nécessaire, mais qu'elle est rendue difficile tant que le premier cycle
du programme décennal d'inventaire en cours n'aura pas été
complété. Le ministère devrait se donner les moyens
nécessaires pour: 1.ne pas remodifier continuellement la limite des
unités d'aménagement; 2.faire confectionner des plans
d'aménagement fonctionnels; 3.en contrôler efficacement
l'application. Ces plans devraient prévoir l'utilisation des bois
importés, des bois coupés en régie et des bois en
provenance des terrains privés.
Types d'allocation. En pratique, les trois types d'allocation
suggérés ne diffèrent pas beaucoup des méthodes
actuelles, sauf pour ce qui est de la durée officielle de l'allocation
contractuelle. Si les concessions n'étaient pas abolies, ce premier type
pourrait prendre la forme d'un contrat d'affermage et d'un contrat
d'approvisionnement dont le terme serait fonction de la structure de
l'industrie, de l'investissement et du caractère cyclique de la demande
pour les produits manufacturés par celle-ci. La corporation émet
l'opinion qu'une période de 40 ans est trop longue. Elle suggère
un maximum de 20 ans pour l'industrie des pâtes et de 10 ans pour les
autres. Il serait aussi concevable que les autres soient justifiées pour
plus de 10 ans.
Quant au permis d'usage annuel demandé par les petits
utilisateurs, la corporation considère qu'il ouvre la porte aux
influences politiques; il pourrait être remplacé par une autre
forme de contrat à court terme. Les quantités globales
allouées en vertu de ces permis devraient être strictement
limitées et contrôlées.
Redevances. Le système intégré de redevances n'est
pas assez bien défini pour que la corporation puisse se prononcer sur sa
validité. Toutefois, afin de rendre ce système équitable
pour tous les utilisateurs de matière première, elle favorise la
mise en vigueur d'un mode de redevances variables basé sur la valeur des
bois sur pied.
Accès à la forêt. La corporation considère
comme souhaitable que le gouvernement se propose de créer un
réseau de chemins principaux d'accès en forêt, de
confectionner des plans pour leur développement et leur entretien et
d'en faire supporter le fardeau financier par tous les usagers. Cependant, elle
souhaiterait que le ministère fournisse plus de détails sur la
définition des chemins principaux, sur son mode de compensation pour
l'usage des chemins existants, sur la proportion qui continuera d'être
défrayée par les utilisateurs de la matière ligneuse.
Régie des produits forestiers. La corporation est favorable
à la création d'une telle régie, mais elle souhaiterait
que ses attributions soient précisées et son fonctionnement mieux
défini avant de l'endosser.
Rexfor. La corporation s'interroge sur la fonction première de
cet organisme qui est "d'exploiter les forêts de l'Etat rendues à
maturité et ne faisant l'objet d'aucune exploitation, mais qui devraient
quand même être récupérées". L'impact social
d'une telle forme de récupération, sa nécessité et
sa rentabilité financière devraient être
considérées plus rigoureusement. De même, le gouvernement
devrait tenir compte de la concurrence créée par cet organisme au
niveau de la main-d'oeuvre forestière et de l'approvisionnement.
Les effets de la réforme sur l'aménagement des territoires
forestiers. Compte tenu des remarques faites précédemment, la
corporation considère que la réforme proposée est
nécessaire et urgente. Le fait que le gouvernement se propose
d'intensifier son action en matière d'aménagement des terrains
publics et privés est très valable. Cependant, il aurait
été plus facile à la corporation d'étudier
techniquement ces propositions si, parallèlement aux mesures pro-
posées, on avait donné une indication des modifications
probables de la Loi des terres et forêts, si on avait indiqué un
ordre de grandeur des coûts et bénéfices qu'une telle
réforme occasionnera. Cette dernière remarque s'applique
spécialement à l'abolition des concessions, à la
création d'une société de gestion, aux mesures de
protection, aux travaux d'intensification de l'aménagement, à
l'accès du public en forêt, à l'aide aux
propriétaires des forêts privées.
La corporation déplore aussi le manque de propositions
concrètes du gouvernement concernant le problème de la
main-d'oeuvre forestière. Par ailleurs, la corporation trouve
regrettable le fait que le ministère semble vouloir décliner ses
responsabilités en matière d'aménagement et d'exploitation
des ressources autres que la matière ligneuse. Cette attitude risque
fort d'entraver l'aménagement intégré des ressources de
territoires forestiers et de placer les ingénieurs forestiers
derrière les autres professionnels qui se préparent à
assumer cette tâche.
Sur l'industrie. La corporation souhaiterait grandement que le
gouvernement adopte, à court terme, une série de mesures visant
à aider l'industrie forestière en difficulté. Celle-ci a
déjà informé le gouvernement des diverses mesures
susceptibles d'atteindre cet objectif; les plus importantes visent à
abaisser sensiblement le coût du bois.
La corporation souhaiterait également que le gouvernement
établisse une politique dynamique de prospection des marchés
étrangers, de promotion et de protection tarifaire des produits
québécois.
Elle considère, de plus, que le fait de restreindre
l'intérêt aux industries de pâtes et papier, de sciage, de
déroulage et de contre-plaqués constitue une vision
limitée dans la conception de l'industrie des produits forestiers.
Du côté de l'industrie du sciage, la corporation
considère que la réalisation d'économies d'échelle
devrait se faire moins par regroupement obligatoire que par mort naturelle, en
accélérant le processus par des incitations appropriées.
Elle déplore que cette notion ne soit ni quantifiée, ni
qualifiée dans le livre blanc.
Sur la recherche. Avant de pouvoir établir les priorités
en recherche appliquée et en innovations technologiques, le gouvernement
devrait établir une stratégie de développement industriel;
par la suite, il pourrait s'efforcer de faire le partage des
responsabilités concernant les champs de recherche à confier aux
divers organismes impliqués.
La corporation considère que les priorités que se donne le
ministère en matière de recherche englobent des champs d'action
trop vastes pour ses moyens.
Sur l'administration du ministère des Terres et Forêts. La
corporation incite le ministère à accélérer son
mouvement de régionalisation afin de lui permettre de contrôler
plus efficacement l'application de la politique forestière en
matière d'allocation, de gestion, de transformation et de mise en
marché.
Qu'elles soient celles d'un ministère des Ressources naturelles
ou du ministère des Terres et Forêts, ces unités
régionales devraient être conçues de façon qu'elles
puissent assumer les fonctions prévues pour les unités
déconcentrées de la Société de gestion
forestière.
Conclusions et recommandations. Dans le but de maintenir une saine
concurrence dans l'utilisation des ressources, la corporation suggère
qu'une partie de la gestion des forêts publiques du Québec reste
confiée à l'entreprise privée et incite le gouvernement
à se donner une structure appropriée pour continuer à
diriger l'aménagement des territoires forestiers et à en
contrôler plus efficacement l'application. En conséquence, la
corporation recommande que:
Le zonage territorial soit fait par un ministère des Ressources
naturelles ou par une structure gouvernementale équivalente;
Le zonage du secteur forestier soit poursuivi en tenant compte de
variables économiques, écologiques et sociales et en respectant
les principes de l'aménagement polyvalent;
Le gouvernement définisse par une loi-cadre les différents
types de parcs et réserves analogues en précisant la nature, le
degré de protection souhaitable et le genre d'utilisation
récréative envisagé;
Les concessions forestières de 500 milles carrés et plus
soient conservées et que les autres soient éliminées en
suivant un échéancier précis, connu des
intéressés;
La gestion mixte des grandes concessions forestières soit
confiée à un groupe d'ingénieurs forestiers choisis par le
gouvernement et par le concessionnaire;
La responsabilité de la gestion des terrains forestiers publics
soit portée par les unités régionalisées d'un
ministère des Ressources naturelles ou du ministère des Terres et
Forêts;
Les offices de producteurs de bois soient affranchis de toute influence
avant leur conversion en associations régionales de sylviculteurs et
qu'alors ils utilisent les services d'ingénieurs forestiers;
Le crédit forestier soit dissocié du Crédit
agricole;
Les plans d'aménagement de chaque unité de gestion soient
conçus et contrôlés de façon à prévoir
l'utilisation rationnelle des bois de toute provenance;
Les contrats d'approvisionnement soient émis pour une
période ne dépassant pas vingt ans;
Les permis d'usage annuel prévus pour les petits utilisateurs
soient remplacés par des contrats d'approvisionnement à court
terme;
Le système intégré de redevances soit basé
sur la valeur des bois sur pied ;
Le ministère des Terres et Forêts soit plus
explicite sur le mode de compensation pour l'usage des chemins
forestiers existants et établisse la proportion des coûts de
construction et d'entretien qui sera défrayée par l'industrie
forestière et les autres utilisateurs;
Le ministère des Terres et Forêts précise les
attributions et définisse le fonctionnement de la Régie des
produits forestiers;
Le rôle de Rexfor soit réévalué;
Des mesures à court terme soient préconisées pour
rendre l'industrie forestière plus concurrentielle;
Le gouvernement établisse une stratégie de
développement industriel et une politique dynamique de prospection des
marchés étrangers et de promotion des produits forestiers du
Québec;
Le ministère des Terres et Forêts indique un ordre de
grandeur des coûts et bénéfices impliqués dans la
réforme proposée;
Le ministère des Terres et Forêts amplifie ses efforts en
recherche appliquée tout en définissant plus rigoureusement les
priorités.
La Corporation des ingénieurs forestiers remercie le ministre des
Terres et Forêts de son invitation à participer à la mise
en oeuvre des politiques visant à améliorer l'utilisation de la
ressource forêt.
Elle assure le gouvernement de sa présence active chaque fois que
l'intérêt public, les besoins de la forêt, ou le plus grand
bien de ses membres l'exigeront. Son action ne s'arrêtera pas avec la
remise du présent mémoire.
Elle souhaite être toujours en première place dans
l'étude des problèmes forestiers.
Merci de votre attention.
M. LE PRESIDENT: Merci, messieurs. Le député de
Duplessis.
M. COITEUX: Voici, à titre d'adjoint parlementaire du ministre et
d'ingénieur forestier, je suis très heureux de la
présentation de ce mémoire par la Corporation des
ingénieurs forestiers, dont je fais partie. J'attache
énormément d'importance à la présentation des
membres de la corporation car, quelle que soit la teneur finale d'une loi
éventuelle, il y a une chose certaine, c'est que les ingénieurs
forestiers seront appelés dans différents domaines à faire
de cette loi, de cette révision de la loi un succès s'ils sont
convaincus du bien-fondé de la nécessité d'une
révision de la loi forestière ou en feront une faillite, si on
part, tout d'abord, avec une idée préconçue qu'on
s'achemine vers un insuccès. Je puis aviser d'avance les gens de la
corporation que mes questions seront assez nombreuses. Elles sont surtout
axées non pas tellement dans un esprit de critique du mémoire,
mais plutôt dans un esprit d'information pour que dans certains points
précis on ait un éventail plus détaillé de ce que
pense réellement la Corporation des ingénieurs forestiers qui
elle, aura la responsabilité plus tard en très grande partie
et je me répète de faire de cette loi un
succès ou une faillite.
Ma première question est la suivante: J'aimerais savoir de la
part du président de la corporation, le nombre de membres qui, je crois,
actuellement est d'environ 800, si l'information qu'on m'a fournie à
midi est exacte.
J'aimerais savoir, par une parole honnête et franche du
président, quelle proportion des ingénieurs forestiers ont
été mis au fait et ont donné leur assentiment à ce
mémoire. C'est ma première question.
M. MERCIER: Dans la dernière livraison de la Chronique, qui est
le bulletin périodique de la Corporation des ingénieurs
forestiers, tous les ingénieurs forestiers ont été
informés d'une étude préparée par le comité
du livre blanc de la corporation sur les tomes I et II et en ont pris
connaissance.
M. COITEUX: Combien vous ont fait parvenir leurs commentaires?
M. MERCIER: Nous avons reçu très peu de commentaires, il
faut bien l'avouer.
M. COITEUX: Alors, en ce moment, je pense qu'il serait un peu
préconçu d'oser dire que cela représente la
mentalité existant actuellement au sein de la majorité de la
corporation.
M. MERCIER : J'ai prétendu que ce mémoire
représentait les vues de la majorité de la corporation et je
maintiens cette affirmation. S'il faut aller à quelque chose comme un
vote, nous l'obtiendrons.
M. COITEUX: Non, ce n'est pas ça du tout. C'est parce qu'il
fallait tout de même établir, d'une façon bien
complète, que ce n'était pas une affaire de cuisine, que
c'était complet et que ça représentait du moins une grande
majorité des ingénieurs. Mais je prends votre parole, M. le
Président.
On va d'abord prendre votre mémoire paragraphe par paragraphe.
Question de zonage, vous mentionnez dans votre mémoire que le zonage
serait grandement facilité si un ministère des Ressources
naturelles était créé et définissait une politique
globale de l'aménagement du territoire québécois.
Croyez-vous, M. le Président de la corporation, que les modalités
de zonage préconisées dans l'exposé sur la politique
forestière pourraient quand même conduire à des
résultats acceptables si on ne réalisait pas la
réorganisation de l'administration que vous suggérez?
Nous voulons des réponses, parce que nous voulons être
éclairés et nous voulons faire une loi qui va emballer les
ingénieurs forestiers, parce que le succès dépend
d'eux.
M. MERCIER: Nous avons soumis, dans notre mémoire, que les
critères de zonage que nous souhaitons voir utiliser par le
ministère des Terres et Forêts ou par le ministère des
Ressources naturelles que nous avons réclamé l'an
dernier soient de nature économique, écologique et
sociale. Les variables économiques sont, par exemple, la valeur des
ressources; les variables écologiques sont les faits de la nature qu'il
faut accepter en partant et, parmi les valeurs sociales, je dirais qu'on peut
parler de pressions de la population, des besoins des industries existantes ou
à venir et de la présence de régions
défavorisées.
Si le gouvernement, dans son livre vert, a cité ces variables, ce
que nous n'avons pas retrouvé, nous sommes parfaitement d'accord sur les
propositions du ministère.
M. LOUBIER: Avec la permission du député de Duplessis,
vous soulignez ce membre de phrase au dernier paragraphe de la page 7 : "Cette
phase serait grandement facilitée si un ministère des Ressources
naturelles était créé et définissait une politique
etc." Pour vous, dans votre esprit, quels ministères ou quelles
juridictions appartenant à quels ministères un ministère
des Ressources naturelles regrouperait-il?
M. MERCIER: L'an dernier, nous avons soumis un mémoire à
ce sujet-là.
M. LOUBIER: Oui.
M. MERCIER : J'ai le mémoire en main. Alors, si vous voulez que
je le cite?
M. LOUBIER : Non, je vous demande tout simplement...
M. MERCIER : Assurément, le ministère du Tourisme, de la
Chasse et de la Pêche...
M. LOUBIER: Oui.
M.MERCIER: ... il y a le ministère des Terres et Forêts,
évidemment; celui des Richesses naturelles.
M. LOUBIER: Oui.
M. MERCIER: Et nous avions osé mentionner le ministère de
l'Agriculture et de la Colonisation.
M. LOUBIER: Et lorsque vous dites ça, vous souriez.
M. MERCIER: Oui. M. LOUBIER: Ah bon!
M. VINCENT: Est-ce que c'est à cause de la colonisation ou
à cause de l'agriculture?
M. LOUBIER: Ni plus ni moins, c'est une proposition de
superministère que vous préconisez et vous croyez que cette
superstructure comporterait des avantages, à ce moment-là, dans
l'optique d'un développement plus rationnel de toutes les richesses
naturelles.
D'autre part, vous prétendez que le mémoire rejoint
plutôt une préoccupation économique pour le
développement plus dynamique des richesses forestières.
M. MERCIER: Il est évident que, dans la situation actuelle, peu
importe que ce soient les ambitions d'un ministère ou d'un autre, il
reste que lorsqu'on veut parler du développement intégré
de toutes les ressources forestières du Québec, on a
confié à un ministère le rôle de développer
le secteur du bois et à un autre, le rôle de développer les
ressources comme les créations, faune, paysage. Alors qu'un zonage
sectoriel, c'est-à-dire un travail sectoriel à l'intérieur
d'un ministère intégré permettrait, à ce
moment-là, à une équipe de se concentrer sur une approche
globale de l'utilisation de toutes les ressources d'un même
territoire.
M. LE PRESIDENT: Sur le même sujet.
M. COITEUX: J'ai trois autres questions sur le zonage et, quand j'aurai
fini le zonage, je pourrai peut-être si je n'ai pas couvert par mes
questions...
M. LESSARD: D'accord.
M. COITEUX: J'ai quatre questions à poser sur le zonage et quand
j'aurai fini le zonage, si je n'ai pas touché le sujet qui vous
concerne...
M. LESSARD: C'est-à-dire que le député de
Duplessis...
M. COITEUX: Ma deuxième question. Vous savez qu'il faut
nécessairement s'acheminer vers un aménagement polyvalent auquel
vous faites allusion. Est-ce que ces principes d'aménagement polyvalent,
dans votre esprit, peuvent être appliqués à un territoire
aussi vaste que celui du Québec ou ne devraient-ils pas être
limités à des superficies très restreintes?
M. MERCIER: D'après nous, M. Coiteux, c'est justement au niveau
de l'ensemble du territoire québécois que doit s'appliquer cet
aménagement polyvalent. Dans les superficies limitées, lorsqu'on
va parler, par exemple, d'une utilisation récréative d'un
territoire, on ne parle pas d'un aménagement polyvalent. C'est dans les
zones où l'utilisation récréative est un peu plus
extensive qu'il devient très important d'appliquer les principes de
l'aménagement polyvalent.
M. COITEUX: Suivant la même ligne de raisonnement, vous
suggérez que l'on ne devrait pas identifier de zones non
aménagées à l'intérieur des zones
forestières de production. Comment devrait-on classifier les terres
forestières dont la vocation ne prévoit pas d'utilisation
spécifique pour un avenir rapproché? Par exemple, parlons des
forêts dans mon comté, en haut de la 52e parallèle. Vous
parlez d'un aménagement dans toute la province.
M. MERCIER : Dans une vision à très court terme, il est
évident que des territoires du Québec ne sont pas
utilisés. Le simple fait qu'on les protège de façon
extensive signifie que quelqu'un a assez de vision pour dire: Dans quelques
années ou dans quelques décennies, ces territoires deviendront
importants pour la province de Québec. Simplement le fait qu'on dise que
sur ces terrains éloignés on va protéger la ressource,
pour nous ça correspond à une forme d'aménagement.
L'utilisation, au lieu d'être immédiate, est potentielle.
M. COITEUX: Une dernière question sur le zonage. Votre
mémoire évoque la possibilité de conflit entre certaines
catégories de zonage sectoriel et les concepts de parcs et de
réserves. On ne nie pas ça; on doit reconnaître
qu'effectivement ces notions ne sont pas tellement bien définies
à l'heure actuelle. A votre avis, est-il nécessaire que le zonage
forestier se confonde exactement avec celui du ministère du Tourisme, de
la Chasse et de la Pêche? Lui, il pourrait établir, par
lui-même, ses propres besoins.
M. MERCIER: Que le zonage se confonde ou non entre les deux
ministères, je ne pourrais répondre directement à cette
question. Il reste que, si le zonage préconisé par le
ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche ou un autre
ministère diffère de celui proposé par le ministère
des Terres et Forêts, on retombe encore dans la situation actuelle
où les deux ministères sont continuellement en conflit.
M. COITEUX: Je n'ai plus de question sur le zonage. On pourrait
peut-être...
M. LESSARD: M. le Président, au sujet du zonage, j'aimerais
savoir de la Corporation des ingénieurs si, actuellement, selon les
connaissances que vous avez concernant l'aménagement forestier et les
autres ressources, il est possible de faire un zonage â longue
période et un zonage très déterminé, très
spécifique, qui devra pas la suite être respecté.
Est-ce que c'est possible de faire une délimitation du territoire
de telle façon que nous ayons un zonage qui soit respecté tant
par le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la pêche, tant
par le ministère des Terres et Forêts ou encore par
l'Hydro-Québec, étant donné qu'une certaine partie du
territoire sera utilisée pour l'aménagement de lignes de
transmission? Est-ce que c'est possible actuellement de faire ce zonage?
M. MERCIER: Est-ce que nous parlons ici en termes de cinq ans, dix ans
ou quinze ans?
M. LESSARD: Je pense bien que l'on ne doit pas faire un zonage sur une
période de cinq ans. Il faut prévoir ce que seront les exigences,
les pressions sociales en ce qui concerne l'accessibilité du territoire.
Je pense qu'actuellement, il faut quand même parler du zonage au moins
sur une période de dix ans. Est-ce que c'est possible?
M. MERCIER: M. Paillé vous répondra.
M. PAILLE: Je pense que c'est la raison pour laquelle, dans les deux
premiers paragraphes qui traitent du zonage, nous suggérons d'abord une
distinction dans les formes de zonage et, ensuite, nous préconisons la
création d'un ministère qui intégrerait tous ceux qui
touchent de près ou de loin aux ressources renouvelables du territoire
pour, d'une part, effectuer un zonage territorial qui, lui, à mon sens,
peut être permanent ou avoir une permanence relativement forte et,
ensuite, un zonage sectoriel à l'intérieur pour l'usage de
chacune des ressources. Ce que le ministère propose actuellement dans
son livre blanc, essentiellement, c'est un zonage sectoriel du secteur
conservé ou réservé aux forêts, en priorité,
ou à usage partagé avec d'autres ressources.
A mon avis, il y a moyen d'avoir un zonage qui soit permanent au niveau
du territoire et un zonage sectoriel qui, lui, n'est pas nécessairement
permanent, mais qui est beaucoup plus spécifique dans l'utilisation des
différentes ressources.
M. LESSARD: Concernant le ministère des Richesses naturelles, je
suis complètement d'accord avec vous. D'ailleurs, c'est l'objet d'un
article du programme du Parti québécois. Sur cela, je suis
complètement d'accord avec vous qu'il faudrait absolument associer un
certain nombre de ministères qui comprennent l'aménagement du
territoire et l'utilisation de nos richesses naturelles, mais, sans une
politique globale, est-ce qu'il est possible qu'un zonage sectoriel soit
efficace, tel que proposé actuellement par le ministère des
Terres et Forêts?
M. MERCIER: Je pense qu'il y a certainement une réponse à
donner à votre question. C'est que le zonage qui résisterait aux
changements pendant dix ans, dans la situation actuelle de la province de
Québec, l'augmentation des pressions sur l'utilisation de toutes les
ressources, si jamais quelqu'un réussit à le faire, je lui
donnerai une bonne poignée de main pour lui dire: Vous avez
réussi quelque chose d'extraordinaire.
M. LESSARD: Donc, si je comprends bien, si on se limite exclusivement au
zonage sectoriel, on ne peut pas véritablement parler
d'aménagement polyvalent du territoire en ce qui concerne soit
l'aménagement des terres et forêts, soit l'aménagement du
tourisme, de la chasse et de la pêche. Il est, à tout le moins,
très difficile de parler d'aménagement du territoire si on n'a
pas un zonage territorial.
M. MERCIER: En fait, le zonage sectoriel
proposé dit bien qu'une utilisation sera prioritaire et les
autres lui seront subordonnées. Dans certains cas, l'aménagement
polyvalent s'accommode de cette définition. Mais, dans plusieurs cas,
l'utilisation prioritaire change rapidement avec les années. Alors, si
on a un zonage qui utilise vraiment les principes de l'aménagement
polyvalent, l'aménagement n'est pas subordonné à une
ressource principale mais, autant que possible, à l'ensemble de toutes
les ressources qui proviennent de ces territoires. Je pense que, dans ce cas,
on aurait plus de chances...
M. LESSARD: Est-ce que le programme d'inventaire des terres, qui a
été fait en collaboration avec le ministère des Terres et
Forêts du Québec et le gouvernement fédéral, n'a pas
fait un zonage, non seulement sectoriel, mais un zonage territorial?
M. MERCIER: Cet inventaire ne fait pas de zonage, mais présente
les capacités ou la possibilité, le potentiel d'un territoire
pour chacune des ressources principales à retirer de la forêt.
A ce moment-là, on doit considérer autant la
récréation, la faune...
M. LESSARD: Ce serait quand même une étude qui pourrait
être efficace pour le ministère des Terres et Forêts en ce
qui concerne le zonage territorial?
M. MERCIER: Absolument. D'ailleurs, dans le livre blanc, on dit qu'on va
se servir de l'inventaire des terres du Canada.
M. LESSARD: Etant donné que nous n'avons pas de ministère
des Richesses naturelles actuellement, selon vous...
M. COITEUX: Nous avons un ministère des Richesses naturelles.
M. LESSARD : C'est-à-dire le ministère des Richesses
naturelles qui comprendrait ou qui engloberait le ministère du Tourisme,
de la Chasse et de la Pêche et le ministère des Terres et
Forêts.
M. DRUMMOND: Et le ministère de l'Agriculture.
M. LESSARD : Le ministère de l'Agriculture et de la Colonisation
de la colonisation on n'en a plus, très peu en tout cas, pas dans
mon comté qui devrait, normalement, être actuellement
responsable du zonage? Dans les circonstances, écoutez, nous sommes aux
prises avec un problème, nous n'avons pas ce ministère que vous
prônez depuis 1967, dit-on dans votre mémoire. Nous ne l'avons
pas. Alors, qui devrait, au moins, être responsable de la coordination
des différents ministères pour établir un zonage
territorial à l'intérieur duquel pourrait s'intégrer le
zonage sectoriel?
M. MERCIER: Tel qu'on se promet de le faire, par un groupement au moins
qui va être formé de tous les ministres que nous, nous voudrions
inclure dans un ministère de ressources naturelles.
M. LESSARD: Est-ce que l'Office de planification et de
développement économique ne pourrait pas faire ce travail?
M. MERCIER : Il pourrait servir de chapeau à ce
moment-là.
M. LESSARD: D'accord, M. le Président. M. LE PRESIDENT: M.
Loubier.
M. LOUBIER : Je ne ferai pas de réclame pour les articles au
programme de notre parti politique.
M. LESSARD: Vous n'en avez pas!
M. LOUBIER : Non, nous n'avons rien, nous, dans les nuages. Nous
essayons d'être bien réalistes.
M. LESSARD: Vous n'avez rien dans les nuages, vous suivez le
courant!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LOUBIER: M. le Président, j'espère que ceux qui sont
présents...
M. LESSARD: On l'a vu ce matin!
M. LOUBIER: ... vont réaliser jusqu'à quel point les gens
du Parti québécois sont dépolitisés et veulent
discuter sérieusement de la question. Mais, de toute façon, j'ai
bien aimé, M. le Président de la corporation, votre
réponse tout à l'heure. On parlait d'un zonage de dix ans
idéalisé et vous avez répondu de façon très
spontanée que vous lèveriez votre chapeau si c'était
réalisable de le faire de cette façon pour une période de
dix ans. Lorsque vous prônez la création d'un ministère des
Ressources naturelles, il y a évidemment l'Office de planification qui,
non seulement pourrait, mais, à mon sens, devrait, comme vous l'avez
dit, chapeauter toute cette coordination. Mais est-ce qu'il n'y a pas et est-ce
qu'on ne devrait pas donner plus d'importance au comité
interministériel qui éviterait, à mon sens, d'avoir une
structure extrêmement lourde par le rapatriement, sous la seule
juridiction d'un ministère donné, des ministères du
Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, des Richesses naturelles, de
l'Agriculture et de la Colonisation? Est-ce que vous ne prévoyez pas
qu'en deux mouvements on pourrait réaliser les objectifs que vous
poursuivez par, d'abord, un comité interministériel avec un
pouvoir de décision beaucoup plus grand et par des réunions
peut-être beaucoup plus positives
que celles qui ont cours depuis de nombreuses années? Car, vous
l'avez souligné avec raison, dans les ministères du Tourisme, de
la Chasse et de la Pêche, des Terres et Forêts et des Richesses
naturelles, il y a une mentalité de fief qui se développe et,
à l'intérieur de chaque unité de fonctionnaires, on
défend jalousement et de bonne foi, mais d'une façon assez
rétrécie, tel ou tel fief ou telle ou telle juridiction. Est-ce
que vous ne croyez pas que si on en arrivait à la création d'un
comité ministériel valable et efficace, avec un pouvoir et des
structures bien articulés et que, deuxièmement, il y ait
référence du tout à cet office de planification, ça
pourrait répondre dans le même sens que le voeu que vous avez
exprimé par la création d'un ministère des Richesses
naturelles?
M. MERCIER : On fait une recommandation. Si on n'a pas un
ministère des Ressources naturelles, on mentionne que toute autre
structure gouvernementale équivalente devrait être
organisée pour faire ce zonage. Je ne crois pas être en mesure de
dire exactement au gouvernement quelle structure il doit mettre en place pour
ça.
Ce qui compte, c'est que, dans cette structure-là ou dans ce
groupement de personnes, au moins tous les ministères
intéressés à l'utilisation ou à la gestion d'une
des ressources provenant de la forêt soient présents à
l'élaboration des programmes et du zonage. La structure ou le nom nous
importe peu. On laisse ça aux parlementaires qui sont assez bien
organisés pour mettre en place ces structures.
M. LOUBIER: Si je vous comprends bien, chaque ministère
donné, Tourisme, Terres et forêts, Richesses naturelles, pourrait
favoriser et dresser des zonages sectoriels en fonction d'un zonage territorial
qui serait établi par cette structure que vous mentionnez et que le tout
soit coordonné. Est-ce que c'est le sens de ce que vous avez dit?
M. MERCIER: C'est qu'au moins, à la tête de cet organisme,
il y ait un élément qui ait assez de puissance pour coordonner
l'action de tous les ministères.
M. LOUBIER: Je pense que le ministre pourrait tenir compte de cette
suggestion.
M. DRUMMOND: Disons qu'on a longuement discuté de toute cette
question avec la corporation l'année dernière et, dans mon
optique, on est pour une coordination, mais je ne vois vraiment pas le
bien-fondé d'un autre superministère dans ce champ-là.
M. LOUBIER: Non, ce n'est pas...
M. DRUMMOND: Je suis d'accord avec...
M. LOUBIER: Ce n'est pas le sens de la proposition que nous avons
littéralement rédigé ensemble. C'est qu'il y ait une
structure gouvernementale telle que, sur le plan sectoriel, les
ministères intéressés puissent avoir une certaine latitude
de confection de ce zonage, mais qu'il y ait, par la suite,
référence à cette structure gouvernementale qui
intégrerait ces zonages sectoriels en fonction du zonage territorial qui
avait été établi.
M. DRUMMOND: Disons que c'est ce qui a été
suggéré dans le livre blanc du ministère; c'est d'avoir
une coordination en collaboration avec les ministères impliqués.
On a fait mention de l'IPDQ pour le chapeauter si c'est l'expression
afin d'arriver à un système de zonage efficace.
M. LOUBIER: D'autre part, le ministre sait fort bien que des
comités interministériels je l'ai mentionné tout
à l'heure tels qu'ils fonctionnent depuis très longtemps
n'ont pas d'efficacité et demeurent souvent sans lendemain dans les
décisions de coordination. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de
l'articuler davantage pour le rendre véritablement efficace?
M. DRUMMOND: Les choses s'améliorent ces jours-ci.
M. LOUBIER: J'espère.
M. LESSARD: M. le Président, actuellement, dans le livre blanc,
vous parlez plus particulièrement d'un zonage sectoriel. Est-ce que vous
avez quand même l'intention, en collaboration avec d'autres
ministères, soit le comité interministériel ou ce que vous
voudrez, de vous pencher sur le problème du zonage territorial? Vous
avez actuellement il ne faudrait pas multiplier le travail un
travail qui a été assez bien fait en collaboration avec le
gouvernement provincial et le gouvernement fédéral concernant
l'inventaire des terres. Est-ce que vous avez l'intention d'utiliser ce travail
pour faire, non seulement un zonage sectoriel qui donnerait d'abord
priorité aux ressources forestières, mais un zonage territorial
à l'intérieur duquel l'aménagement forestier ne serait
qu'un élément parmi d'autres facteurs ou d'autres
éléments qui sont l'accessibilité à la forêt?
Parce qu'il faut bien se dire une chose, M. le ministre, c'est que...
M. DRUMMOND: Evidemment, c'est l'intention du gouvernement de
procéder plus rapidement à ce sujet-là.
M. LESSARD: Vous le faites, mais à chaque fois qu'il y a une
discussion ou qu'il y a une demande, par exemple pour obtenir une concession
forestière ou autre, si c'est dans une zone qui est reconnue comme zone
récréative ou zone agricole, vous modifiez votre zonage et vous
dites: On va le donner.
M. COITEUX: Il n'y a plus de concessions forestières. On n'en
accorde plus.
M. LESSARD: On verra à ça tout à l'heure.
M. COITEUX: Non, on va venir à ça.
M. VINCENT: M. le Président, j'aurais une question
supplémentaire à poser au ministre.
M. DRUMMOND: Nous sommes ici pour entendre les gens qui sont venus
discuter ces sujets et c'était convenu ce matin, entre nous, qu'en ce
qui concerne le livre blanc en soi, nous allions le discuter ensemble à
la lumière des suggestions faites par eux. Nous sommes arrivés au
zonage, nous avons tout un schéma des travaux à faire pour
arriver aux objectifs donnés. Je pense que, c'est le moment propice pour
questionner le ministre à ce sujet.
M. LESSARD: D'accord. Mais voici, M. le Président, je croyais,
à la suite d'une discussion que j'avais eue avec le ministre des Terres
et Forêts, que la première séance de la commission
parlementaire se faisait presque exclusivement avec les membres de la
commission. Cela nous aurait permis de défricher passablement le terrain
et de savoir quelles étaient les vues du ministère concernant des
problèmes particuliers. De toute façon je me plie à la
décision du ministre.
M. DRUMMOND: Je suis d'accord avec le député de Saguenay;
c'était un peu dans mon optique aussi de procéder de cette
façon, mais après discussion ce matin, on avait
décidé d'entendre les groupes qui se sont présentés
ici et de retourner à cela plus tard.
M. COITEUX: Je suis d'accord avec le ministre, parce que ces gens qui
sont ici ont présenté des mémoires constructifs. Et je
pense que l'aération que nous sommes en train de faire devant les
représentations de la Corporation des ingénieurs forestiers sera
de nature, dans les discussions qui suivront, à éclairer,
peut-être sur certains angles, nos lanternes et que nous aurons
peut-être une autre optique à la lumière des informations
que les gens qui viennent... Le but principal, c'est de nous éclairer
d'abord, avant de discuter d'un processus légal.
M. LESSARD: M. le Président, il ne s'agit pas de m'opposer
à ce que certaines personnes viennent présenter des
mémoires ici; du tout. Cependant, quand ce matin j'ai constaté,
à la suite de l'information du ministre, qu'il y avait deux groupes qui
venaient présenter un mémoire, je me suis plié à la
décision. Mais à la suite de la discussion que nous avions eue
auparavant avec le ministre, nous devions d'abord avoir une session concernant
le livre blanc pour les parlementaires, parce qu'il y a quand même
certains points d'interrogation dans ce livre blanc qui nous laissent assez
perplexes. De toute façon, M. le Président, il ne s'agit pas, ce
soir, de bloquer certaines personnes qui viennent présenter un
mémoire. Au contraire, comme je l'ai dit ce matin, la commission des
terres et forêts doit d'abord étudier les mémoires qui nous
sont présentés, mais j'aurais aimé quand même avoir
une discussion où nous aurions pu défricher le livre blanc.
M. VINCENT: J'aurais une mise au point à faire. Le
député de Saguenay vient de nous dire, dans, sa formule
habituelle, que nous nous sommes entendus au préalable. Si je me
souviens bien, ce matin, avant de débuter les travaux de la commission
parlementaire, nous nous sommes consultés, les membres de la commission
et ce que le ministre vient de dire, cela a été l'attitude que
nous avons adoptée. Je ne crois pas qu'à 21 h 15 ce soir nous
devions changer cette attitude.
M. LESSARD: Je n'ai pas l'intention de la changer.
M. VINCENT: La décision a été prise ce matin; nous
nous sommes entendus ce matin avant le début des travaux de la
commission parlementaire. Ce n'est pas notre faute si le député
de Saguenay n'était pas présent.
Il y avait tout de même deux personnes qui étaient...
M. LESSARD: Comment? Le député de Saguenay était
présent lors de l'ouverture de la commission parlementaire.
M. VINCENT: Dans les discussions préalables à
l'ouverture.
M. LESSARD: Ecoutez préalables à l'ouverture
j'étais présent à l'ouverture; je n'étais pas
présent aux discussions préalables à l'ouverture, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre' Je suis prêt à rendre ma
décision. Ce matin, nous nous étions entendus pour écouter
les organismes qui venaient nous présenter des rapports et nous allons
nous en tenir à ce que nous avons décidé ce matin.
M. COITEUX: Est-ce qu'il y a d'autres questions sur le zonage?
M. LE PRESIDENT: Le député de Duplessis.
M. BELAND: Sur le zonage, non; tantôt, sur d'autres sujets.
M. COITEUX: Alors, on va passer immédiatement aux modes de
gestion. J'ai une question très courte et très précise; je
demanderai à la Corporation des ingénieurs forestiers quelles
sont les raisons qui motivent son opposition à l'abolition
systématique de toutes les concessions forestières.
M.MERCIER: Dans le livre blanc, tome II qui est celui que nous avions
pour travailler en arrivant à cette commission parlementaire, on
suggère que l'abolition des concessions forestières soit rendue
nécessaire, même essentielle, pour améliorer la gestion, la
location, l'accessibilité, l'utilisation pour diminuer les coûts
d'administration. Alors, nous ne voyons pas tellement bien comment une action
comme celle-là peut changer quoi que ce soit à presque tous les
articles qui sont mentionnés ici. La première raison pour
s'opposer, bien entendu, en principe, c'est que nous ne croyons pas que le
gouvernement devra encourir des dépenses extraordinaires pour remplacer
les mots "concession forestière" par "contrat d'approvisionnement
à long terme". Pour nous, ces deux expressions semblaient à peu
près les mêmes et, pour passer de l'une à l'autre, nous ne
croyons pas nécessaire qu'on parle d'abolition de concessions
forestières. On devrait tout simplement assujettir les concessions
forestières actuelles à de nouvelles modalités. Quant aux
éléments qui ont été présentés dans
le livre blanc concernant la dimension de certaines concessions ou leur
dispersion, nous sommes d'accord que ces concessions devraient être
éliminées.
M. COITEUX: En respectant votre suggestion, M. le Président de la
corporation, de quelle façon pourrons-nous corriger les
inconvénients qui résultent de la sous-utilisation des
concessions forestières actuelles ainsi que de la distribution
irrationnelle des aires d'exploitation? Vous prenez par exemple, une compagnie
comme CIP, je suis bien d'accord que cette compagnie-là a besoin de bois
et on veut lui en donner. Maintenant, la CIP est un exemple concret que je
connais très bien; elle est notre voisine à Pentecôte. Elle
veut garder ce qui lui appartient. Jusqu'à un certain point, elle est
obligée d'utiliser 4,000 à 5,000 cordes et elle a un potentiel de
60,000 cunits par année. Si cette compagnie, a besoin de cette
concession, elle ne l'a pas prouvé jusqu'à ce jour, mais elle
peut en avoir besoin dans dix ans. Si elle nous le prouve, je suis d'accord
qu'on lui en remette. Si on abolit les concessions à même son
approvisionnement tout près de son usine, on n'épargnera pas sur
le transport le prix de revient de la matière ligneuse qu'on devra aller
chercher, pour Pentecôte, à 400 ou 500 milles de l'usine. C'est
ça le but. Si on n'abolit pas toutes les concessions forestières
on n'aura pas de jeu, on sera pris encore avec ces étaux. J'ai
assisté aux discussions assez intenses en vue de la préparation
de cette chose-là. On n'a l'intention de priver aucune industrie
forestière privée, pâtes et papier ou bois de sciage, de sa
vitalité et de son expansion future. Ce qu'on veut, c'est se donner un
instrument qui fournira une certaine liberté d'action pour
réduire les coûts et non pas faire les âneries qu'on fait
là, de l'entrecroisement avec le transport du bois comme cela se fait
actuellement à des coûts considérables.
Quand je vois la CIP je pourrais citer beaucoup d'autres cas
on ne veut pas qu'elle manque de bois, jamais. Mais, par exemple, les
endroits où on sait que les exploitants en ont trop, qu'ils ne
l'utiliseront jamais, qu'ils gardent ça en réserve. On va se
garder une certaine latitude pour pouvoir fonctionner et créer une
politique d'ensemble valable. Si on exclut les grosses concessions
forestières, comme vous dites, je pense qu'on les paralyse
définitivement et on ne pourra pas faire un plan d'ensemble qui va se
tenir. Si vous avez quelque chose à répondre à cela.
Ne prenez pas mes remarques, encore une fois, M. le Président,
comme quelque chose de destructif. Ce qu'on veut de vous qui serez
appelés à administrer cette loi-là, c'est de savoir
l'éventail complet de vos opinions, afin que l'on puisse arriver avec un
projet de loi qui va se tenir et que vous pourrez défendre en conscience
professionnelle.
M. MERCIER: Voici la situation. On se présente ici en tant
qu'ingénieurs forestiers, on n'a rien à faire au sujet des
concessionnaires forestiers, s'ils ont envie ou non de garder leurs
concessions, vous pouvez être assurés qu'ils vont venir vous le
dire. Nous, nous soutenons que l'abolition des concessions, si elle est trop
dispendieuse à faire, ne devrait pas être entreprise par le
ministère des Terres et Forêts. Parler d'un exemple comme CIP
à Pentecôte, je suis bien d'accord que c'est peut-être un
exemple que vous considérez et connaissez très bien et
peut-être avez-vous raison de suggérer son abolition. A notre
avis, il n'est pas nécessaire d'abolir toutes les concessions
forestières du Québec parce qu'un, deux ou trois concessionnaires
forestiers n'utilisent pas leurs concessions. Il y aurait un moyen bien plus
simple qui serait d'abolir ces concessions-là.
M. COITEUX: Lequel?
M. MERCIER: De tout simplement abolir particulièrement cette
concession.
M. COITEUX: Ecoutez! Ce n'est pas non plus dans notre esprit d'abolir
toutes les concessions. En fait, on change le système d'allocation,
c'est-à-dire qu'on a un contrat d'approvisionnement. Je suis convaincu
qu'une compagnie qui a des concessions tout près ne se les verra pas
enlever. En fait, ça va encore rester son terrain d'exploitation. Ce
qu'on veut corriger, ce sont les anomalies. Si la CIP a besoin de la
quantité... Je parle de CIP, parce que je connais très bien
l'endroit, mais, avec les années que j'ai passées à la
Price Brothers et ces choses-là, je sais que ça se
répète à plusieurs autres exemplaires.
Nous ne voulons pas priver les gens de leurs droits. Je suis convaincu
que la majeure partie des grosses industries forestières vont continuer
leur exploitation dans le secteur où elles le font
actuellement. C'est pour corriger la situation dans les endroits
où ça ne marche pas, la patente.
M. MERCIER: Mais quand même...
M. COITEUX: Pour en arriver à une meilleure distribution.
M. MERCIER: Dans la Loi actuelle des terres et forêts, je crois
qu'il y a une clause qui dit que, même si un terrain privé, dans
certains comtés, qui se révèle une nuisance au
développement de ce comté-là le gouvernement a pleine
autorité pour faire une entente avec le propriétaire et lui
enlever ses droits. Et on va même jusqu'aux droits du propriétaire
privé. La Loi des terres et forêts contient cette clause.
M. COITEUX: Je ne veux pas éterniser les questions. Disons, comme
conclusion, que vous connaissez exactement l'article visé dans cette
mesure. Maintenant, une dernière question sur le sujet des gestions; sur
quels critères vous êtes-vous basé pour fixer la superficie
minimale des unités d'aménagement à 500 milles
carrés au lieu de 1,000 milles carrés? Combien y a-t-il de
concessions forestières entre 500 milles carrés et 1,000 milles
carrés?
M. MERCIER: Dans notre mémoire, il est clairement établi
que 43 p.c. des concessions...
M. COITEUX: Cela, je l'ai lu tantôt, je l'ai compris. Je vous
demande combien il y a de concessions forestières au Québec entre
500 milles carrés et 1,000 milles carrés.
M. PAILLE: Il y en a quatorze, monsieur le député.
M. COITEUX: Il y en a quatre. Alors, je ne vois pas pourquoi on ferait
une distinction aussi brutale entre 500 et 1,000 milles carrés et qu'on
reproche au ministère de se baser sur 1,000 lorsqu'on a quatre
concessions forestières.
M. PAILLE: Vous m'excuserez. Si l'information du livre blanc, tome I,
est exacte, à la page 145, il y a une différence de quatorze
concessionnaires entre ceux qui possèdent 500 milles carrés et
ceux qui en possèdent 1,000. La superficie des concessions
forestières de moins de 500 milles carrés représente 12
p.c. du territoire des concessions et la superficie des concessions de 1,000
milles carrés représente 24 p.c, donc le double.
Alors, si on va à 1,000 milles carrés, en gros sous,
ça coûte deux fois plus cher à abolir que si l'on va
à 500 milles carrés.
M. COITEUX: Nos sources d'information ne sont peut-être pas
identiques mais au ministère des Terres et Forêts, on nous donne,
pour le maximum de 900 milles carrés, quatre concessions. Alors,
ça fait 3,600 milles carrés. De toute façon, ce n'est pas
majeur, mais pour la distinction que vous voulez faire en voulant
réduire les concessions de 1,000 à 500 milles carrés, je
ne vois pas le critère. Je voudrais avoir des éclaircissements
là-dessus. Peut-être que vous avez raison, c'est pour ça
qu'on vous pose des questions.
M. MERCIER: En fait, la valeur employée ici est une valeur
moyenne. Dans notre texte, il est également dit que ces concessionnaires
utilisent 50,000 cunits de bois ou 20 millions de PMP. Ce sont ceux que nous
suggérons de retenir. Nous croyons qu'un individu, un groupement ou une
compagnie qui utilise 50,000 cunits de bois a intérêt à
participer à la gestion du territoire où il s'approvisionne.
M. COITEUX: Je remercie M. le Président, c'est tout
enregistré. A la lumière de vos explications, nous pourrons
certainement avoir des discussions très constructives à cette
commission. Je n'ai pas d'autre question à poser sur la gestion.
M. LE PRESIDENT: La parole est au député de
Lotbinière.
M. BELAND: M. le Président, j'aurais également une
question à poser au président de la corporation. Nous avons ici,
dans votre mémoire, à la page 11, à l'article 2.22: "Que
les grandes concessions forestières soient administrées sous un
régime de gestion mixte. Il serait souhaitable que cette question soit
confiée à un groupe formé d'ingénieurs forestiers
au service du gouvernement et du concessionnaire."
M. COITEUX: Excusez-moi; on a dit qu'on prenait le mémoire
paragraphe par paragraphe. Nous sommes aux modes de gestion et nous posons des
questions sur les modes de gestion.
M. BELAND: Oui, mais la question que je veux poser se rapporte justement
à ça. Enfin, vous allez voir!
Suite à cette énumération, je ne voudrais rien
insinuer, mais je pose la question quand même. On est ici en somme pour
poser des questions. Ma question est celle-ci: Au début, vous avez
donné le nom de la personne qui était en charge du comité
qui a préparé le mémoire. Les personnes qui ont
préparé le mémoire, celui-ci, est-ce qu'elles travaillent
de façon régulière pour des entreprises papetières
ou des compagnies papetières? Est-ce leur profession habituelle, ou si
ce sont des ingénieurs...
M. MERCIER: Je pourrais répondre à votre question et vous
dire quelle est l'occupation de chacun des membres du comité dans la vie
courante mais, lorsque nous les avons appelés pour étudier
l'analyse des tomes I et II, nous
leur avons demandé de se présenter comme ingénieurs
forestiers et non influencés par leur occupation actuelle.
M. BELAND: Je m'excuse, mais ça ne répond pas à ma
question. J'aimerais savoir...
M. MERCIER: Je peux vous donner la liste des membres du
comité.
M. BELAND: S'il vous plaît, avec la compagnie ou l'entreprise pour
qui ils travaillent ou elles travaillent.
M. MERCIER: Je vais donner la liste des membres du comité. S'il y
a une correction, Gilbert, tu l'apporteras, d'accord? D'abord Gilbert
Paillé, professeur à l'université Laval; Jacques Carette,
membre du comité et qui fait partie de l'Association des manufacturiers
de bois de sciage; Pierre Dorion, au service de la recherche du
ministère des Terres et Forêts; Adrien Dubé, pour la
compagnie Consolidated Paper; Jacques Ethier, au séminaire de
Québec; Gérard Lortie est venu représenter le Conseil des
producteurs de pâtes et papier, c'est-à-dire qu'il travaille pour
eux, il n'est pas venu les représenter, nous n'aurions pas
accepté ses vues qui sont fonction de son emploi, comme celles de tous
les autres d'ailleurs; François Matte, de la compagnie Domtar Morin, de
Price; André McNeil, actuellement au service du ministère des
Terres et Forêts; Jean-Paul Nadeau est également au service du
ministère des Terres et Forêts; Jean Poliquin est professeur
à l'université Laval; Jean-Félicien Rivard est à la
CIP et Guy Veer est dans la pratique privée; Laurent Boulianne est au
ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche et il y a un
dénommé Bourgault... C'est à peu près la liste de
ceux qui ont composé le comité.
Le comité a fait rapport à l'exécutif de la
corporation qui a présenté le rapport, version finale.
M. BELAND : Et la corporation a accepté majoritairement le
rapport tel que présenté.
M. MERCIER: Oui, avec quelques modifications.
M.LESSARD: Sur ça, tout à l'heure, le député
de Duplessis posait une question qui m'apparaît assez importante. Vous
êtes 800 membres de la profession; vous avez fait une information par
suite d'un journal que vous possédez. Le député de
Duplessis a demandé, sans trop insister, quel était le nombre de
réponses que vous aviez reçues concernant ce questionnaire.
J'aimerais avoir un chiffre précis. Quel est le nombre de
réponses que vous avez reçues parmi les 800 ingénieurs
forestiers du Québec?
M. MERCIER : Il est assez difficile de préci- ser ce nombre parce
que la consultation s'est faite par des individus dans les différentes
régions de la province de Québec. Les personnes qui nous ont fait
rapport ont consulté combien de membres au moment de nous envoyer leur
impression? C'est difficile à établir.
M. LOUBIER: Sur un point de règlement, M. le
Président...
M. MERCIER: A ce moment-là, je crois aussi qu'on entre dans les
détails de la préparation du rapport.
M. LOUBIER: ... je pense qu'il est plus ou moins disgracieux de vouloir
juger de la crédibilité du président de la corporation et
de ceux qui ont travaillé à ce mémoire. Il est malvenu
pour nous, en tout cas, de préjuger de la mauvaise foi de ces gens ou de
certaines relations qu'ils pourraient avoir professionnellement avec
différentes compagnies. Je pense que c'est complètement hors
d'ordre et que les gens qui présentent ce mémoire le font,
à mon sens, d'une façon très objective, d'une façon
professionnelle et il est malvenu de mettre en doute, par le biais de toutes
sortes de questions, la crédibilité ou la valeur du document
soumis et de faire abstraction de la bonne foi et de la compétence des
gens qui ont préparé le mémoire. C'est pour ça que
je dis, M. le Président, que c'est une question hors d'ordre.
M. LESSARD: M. le Président, sur le point du règlement,
c'est qu'il ne s'agit pas de mettre en doute la bonne foi du président
de l'Association des ingénieurs du Québec. Il s'agit de savoir
quelle est la représentativité de cette association, ce qui est
normal, d'ailleurs, je pense, lorsque nous avons à étudier un
mémoire comme celui-là.
Je trouve quand même curieux, M. le Président, que le chef
d'Unité-Québec pose une question de règlement sur ce point
parce qu'à maintes reprises, lors d'autres commissions parlementaires,
en ce qui concerne particulièrement certains projets de loi relatifs au
syndicalisme, le chef d'Unité-Québec ou encore ses
représentants ont soulevé de telles questions. Je pense qu'il est
normal que nous sachions de quel bois on se chauffe ici à cette
commission parlementaire.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, le député de Saguenay! Je
considère que cette question...
M. BELAND: C'est moi qui ai soulevé cette question. J'ai le droit
de dire un mot suite aux paroles qui ont été dites par le chef
d'Unité-Québec. Quand j'ai soulevé la question, ce
n'était pas pour mettre en doute les membres de la corporation, mais
lorsque nous, nous nous faisons poser des questions, j'ai vu, par la
réponse qu'il a donnée, que les personnes qui ont fait partie du
comité provenaient d'un
éventail de champs d'activité. Or, à ce
moment-là, cela me satisfaisait. Je n'ai rien insinué et je n'ai
pas voulu que quelqu'un ose insinuer que je voulais penser, par exemple, telle
ou telle chose, comme le chef d'Unité-Québec a osé
prétendre de moi. Je tenais à faire cette clarification,
M. LESSARD: Sur l'abolition des concessions forestières, M. le
Président, tel qu'avait commencé le député de
Duplessis, j'aimerais savoir de la part de la Corporation des ingénieurs
du Québec non pas pourquoi elle s'oppose à l'abolition des
concessions forestières, parce que le député de Duplessis
a posé la question tout à l'heure, mais si le fait du maintien
d'exclusivité du territoire n'empêche pas une allocation souple et
optimale des ressources. Tout à l'heure, le président de la
corporation nous a dit que nous n'avions pas besoin d'abolir
complètement toutes les concessions forestières pour faire une
redistribution des ressources afin qu'elles soient plus rationnelles. Je suis
d'accord en grande partie avec lui mais, cependant, je pense que le
système des concessions, actuellement, par le maintien
d'exclusivité du territoire, empêche justement cette
optimalisation des ressources du territoire. On lui a posé la question
tout à l'heure. Quel système propose-t-il pour permettre une
meilleure redistribution? Parce qu'actuellement il s'agit de regarder une carte
et je suis assuré que le président de la Corporation des
ingénieurs du Québec l'a regardée des distributions
des concessions forestières, pour constater que c'est absolument
anormal. Quand on constate, par exemple, que la moyenne de transport est de 156
milles entre la source d'approvisionnement et l'entreprise, il y a quelque
chose qui ne fonctionne pas dans cette affaire et pourquoi cela ne
fonctionne-t-il pas? Parce qu'actuellement la source d'approvisionnement est
trop loin de l'usine. Et en tout cas, pour moi, comme je l'ai dit cet
après-midi, la seule façon, véritablement de faire une
meilleure allocation des ressources qui amène une diminution du
coût de transport, c'est d'abord de penser à une abolition des
concessions forestières qui se ferait, par exemple, le jour "J" mais qui
amènerait une meilleure distribution et en même temps, une
utilisation optimale des ressources.
Alors, est-ce que pour vous, le problème des concessions
forestières amène un coût de transport, tel qu'il existe
actuellement, plus élevé que dans d'autres régions du
Canada? Est-ce que cela a une influence sur le coût de transport? Est-ce
qu'on constate que le coût de tansport ici actuellement, est de $7
supérieur à ce qu'on voit aux Etats-Unis ou ailleurs?
M. MERCIER: Dans les 156 milles que vous proposez comme distance moyenne
du coût de transport...
M. LESSARD: C'est actuellement le cas.
M. MERCIER: Oui. Je dis que si j'avais à administrer une
unité d'aménagement qui serait située à 156 milles
de mon moulin et que les moyens de transport qui me seront offerts seraient,
par exemple, la drave, je les préférerais de façon logique
à un transport par camion de 40 milles.
M. LESSARD: Ce n'est pas ça, M. le Président, ce n'est pas
ça du tout; je me suis probablement mal expliqué. Est-ce que
l'abolition des concessions forestières ne permettrait pas de diminuer
ce nombre moyen de milles que nous avons concernant la distance entre la source
d'approvisionnement et l'industrie forestière? Par exemple, j'ai
donné cet après-midi l'exemple suivant concernant Domtar à
Donnacona qui va chercher ses sources forestières de bois à
Lebel-sur-Quévillon, ce qui donne une distance, je crois, de 250 milles.
Alors, est-ce que, par l'abolition des concessions forestières, une
meilleure distribution entre les utilisateurs qui leur permettrait d'avoir du
bois tout près de leur usine, ne permettrait pas de diminuer le
coût du transport?
M. MERCIER : Monsieur, si l'on parlait d'une usine, je
répondrais, d'une façon très facile, oui à votre
question. Si on donne à une usine une concession forestière
à 50 milles de son territoire, on améliore probablement ses
coûts de transport. Mais s'il s'agit de quatre ou cinq usines
concentrées dans un secteur de la province, ça devient
très différent. Les compagnies qui s'approvisionnent ont leur
source d'approvisionnement depuis quelques années bien établie.
Alors, elles ont rodé elles-mêmes des systèmes qui leur
permettent de s'approvisionner aux meilleurs coûts possibles. Il est
possible qu'une redistribution diminue ces coûts, mais pour l'ensemble,
laissez-moi en douter.
M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.
M. LESSARD : Non; M. le Président, vous croyez qu'actuellement
et je veux avoir un oui ou un non les concessions
forestières ne posent aucun problème en ce qui concerne le
coût de transport pour l'industrie des pâtes et papier du
Québec?
M. MERCIER: Un seul mot: Non, je ne crois pas ça.
M. LESSARD: Vous ne croyez pas ça? M. MERCIER: Non.
M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.
M. BELAND: Alors, suite à la question que j'ai posée tout
à l'heure et compte tenu de ce qui vient d'être dit, est-ce que
votre corporation
irait jusqu'à proposer, peut-être à certaines
compagnies papetières, une relocalisation de leur usine de
transformation plus près des sources d'approvisionnement ou à
l'intérieur des sources d'approvisionnement, étant donné
le transport démesuré dans certains cas et le reste? Est-ce que
vous iriez jusqu'à suggérer cela?
M. MERCIER: Je ne crois pas que, d'abord, je puisse prétendre
donner une réponse à cette question ce soir, sans avoir
analysé un problème d'une compagnie ou d'une industrie
établie quelque part. De plus, je dois vous faire remarquer que la
localisation de l'usine n'est pas fonction seulement de ses sources
d'approvisionnement, mais également de ses marchés. Alors, c'est
la somme des deux considérations qui doit décider de la
localisation de l'usine et, de plus, une troisième considération
doit entrer en ligne de compte, c'est qu'une usine est établie à
un endroit donné et c'est généralement plus
économique de la laisser là que de la transporter.
M. LE PRESIDENT: J'inviterais les membres de la commission à s'en
tenir au chapitre, à savoir la responsabilité de la gestion.
M. LESSARD: M. le Président, on est actuellement aux concessions
forestières, au mode de gestion, tenure.
M. LE PRESIDENT: Le mode de gestion; j'ai eu une mauvaise
information.
M. LESSARD: Je suis d'accord. Tout à l'heure le
député de Duplessis d'ailleurs a soulevé une question de
règlement concernant la question du député de
Lotbinière; alors probablement que bientôt on viendra à la
gestion.
M. VINCENT: M. le Président, quand même, si le
député de Saguenay, le député de Lotbinière,
le député de Duplessis et les autres membres de la commission,
pouvaient s'entendre pour qu'on pose seulement des questions très
courtes, probablement que nous allons terminer notre travail ce soir, à
minuit. Par la suite, nous ajournerons pour revenir en commission parlementaire
seulement dans un mois peut-être. On va ajourner sine die. Alors, si nous
pouvions entendre le plus de mémoires possible ce soir, poser des
questions pour avoir des réponses pour clarifier certaines
données à l'intérieur des mémoires et, par la
suite, nous pourrons les analyser et faire nos commentaires à
l'intérieur de la commission parlementaire. C'est simplement une
suggestion. Si c'était acceptable par le député de
Saguenay, le député de Lotbinière et les autres membres de
la commission...
M. COITEUX: Je n'ai pas fait de commentaire sur les réponses
qu'on m'a données.
M. VINCENT: Une fois! Si on pouvait se restreindre, tous et chacun de
nous, à ne pas faire de commentaires, à simplement, poser des
questions, on pourrait entendre plus de mémoires ce soir et, par la
suite, à une commission parlementaire, faire des commentaires.
M. COITEUX: On est prêt à passer à la
responsabilité de la gestion?
M. LE PRESIDENT: La responsabilité de la gestion.
M. COITEUX: La responsabilité de la gestion est à la page
10 et couvre aussi une partie de la page 11. J'ai deux questions à
poser. MM. les membres de la corporation, croyez-vous que l'Etat devrait
continuer à confier la responsabilité de gérer les
forêts publiques à l'entreprise privée uniquement, alors
qu'on sait que celle-ci ne montre pas tellement d'intérêt à
assumer toutes les obligations qu'impose et qu'imposera à l'avenir
l'aménagement polyvalent intensif des forêts? D'ailleurs, on a eu
cet après-midi un mémoire qui prouvait à l'évidence
les derniers avancés que je viens de faire, que les compagnies n'ont pas
financièrement la possibilité de le faire. J'aimerais que vous
expliquiez brièvement ce que vous pensez de ça. Devrait-on
continuer la gestion des forêts publiques même si les compagnies
négligent certaines de leurs obligations, pour des raisons
économiques qui sont justifiables dans la plupart des cas, vu la
grosseur de l'entreprise? Devant la demande d'usage polyvalent de la
forêt, si on continue à confier ça uniquement à
l'entreprise privée, est-ce que vous seriez d'avis qu'on donne des
directives plus précises à l'industrie privée pour
ça?
M. MERCIER: Voici la question, en fait: Est-ce que l'entreprise
privée, selon nous, est capable d'appliquer la gestion ou d'aider
à la gestion de l'aménagement polyvalent?
M. COITEUX: C'est ça.
M. MERCIER: Ma réponse est oui.
M. COITEUX: Est-ce que vous pouvez baser votre réponse sur ce qui
s'est produit dans le passé?
M. MERCIER: Je pense qu'on peut en dire autant des concessionnaires que
des gérants des forêts domaniales.
M. COITEUX: Parfait. Deuxième question, vous exprimez votre
désaccord avec le gouvernement concernant la création d'une
société paragouvernementale de gestion forestière. Dans
votre optique, est-ce que vous ne croyez pas qu'il vaille la peine de prendre
les moyens nécessaires pour doter les forêts publiques d'une
gestion de haute qualité, tout en écartant
les risques que l'Etat législateur soit trop complaisant
vis-à-vis de l'Etat propriétaire? Est-ce que vous pourriez
préciser ou suggérer une formule par laquelle on pourrait se
sortir du bois?
M. MERCIER: Il faut admettre que vous amenez ici un argument dont nous
n'avons pris connaissance que ce matin à la lecture d'un document que
j'appellerais le tome III du ministre des Terres et Forêts et que cet
argument-là était essentiellement nouveau.
M. DRUMMOND: Parlons des précisions au lieu du troisième
tome.
M. LESSARD: Il a négocié par la suite, mais en tout cas...
C'était vraiment le tome III.
M. COITEUX: Ne prêtez pas d'intention. Je n'ai pas d'autre
question à poser sur la responsabilité de la gestion.
M. LESSARD : M. le Président, concernant la gestion, est-ce que
le fait que vous vous opposiez à la société de gestion
proviendrait du fait que vous avez une certaine peur du patronage ou encore du
fait que le ministère des Terres et Forêts est en train de
délaisser complètement toutes ses responsabilités?
M. MERCIER : Nous avons mentionné les raisons qui, nous le
croyons, forcent le ministère des Terres et Forêts à
proposer une société de gestion. Ces raisons, nous les donnons,
comme le gouvernement lui-même s'est entravé par ses lois, ses
règlements, ses contrôles administratifs actuels. Nous demandons
au gouvernement parce qu'à ce moment-là on ne peut pas
s'adresser au ministère de se débarrasser une fois pour
toutes de ces structures et je pense que nous avons plus confiance
nous-mêmes dans le ministère des Terres et Forêts et dans
ses capacités de gestion que la direction même du
ministère.
M. LESSARD: Vous demandez, à la page 11, que les grandes
concessions forestières soient administrées sous un régime
de gestion mixte. Pourquoi?
M. MERCIER: Nous croyons je pense que c'est très facile
à prouver que l'Etat n'a pas joué tout le rôle que
la législation actuelle lui confiait dans le domaine de la gestion.
Limitons-nous aux concessions forestières, si vous voulez. On a
confié le rôle de gérant au concessionnaire et on avait
inséré dans la loi un article qui disait: On va surveiller tout
ça.
Si le gouvernement prend une position plus ferme et maintenant s'occupe
de surveiller ou de participer en accord avec le concessionnaire à la
gestion de ses forêts, on va avoir une structure qui va permettre au
ministère des Terres et Forêts de participer de façon beau-
coup directe à la gestion de ses forêts sans aller pour cela
à la faire lui-même au complet.
M. LESSARD: Quand vous parlez de collaboration avec les
concessionnaires, cela veut dire que le ministère des Terres et
Forêts peut accorder à certains concessionnaires
l'aménagement de leur territoire. Vous êtes d'accord sur cela.
M. MERCIER: Oui. Mais pas à 100 p.c, il doit participer à
cet aménagement et en exercer le contrôle, surtout cet
élément-là.
M. LESSARD: Cela se fait depuis pas mal de temps.
M. LE PRESIDENT: Paragraphe 3.
M. COITEUX: Seulement une question, parce que le député de
Saguenay a touché la question mixte. Croyez-vous que les
concessionnaires forestiers constituent les gestionnaires idéals
à qui l'Etat devrait confier la mise en valeur complète d'une
ressource publique dont le caractère multifonctionnel qui a
été démontré avec la pratique d'une forêt...
Est-ce que vous pensez qu'en donnant cela uniquement à des
concessionnaires forestiers on va pouvoir assez facilement atteindre les buts
visés que commande une organisation polyvalente de la forêt?
M. MERCIER: J'ai donné la réponse à cette question
dans la réponse précédente. Je considère qu'on ne
doit pas laisser complètement la gestion mais que l'Etat devrait
participer à la gestion. C'est le minimum qu'il peut faire. Mais si un
concessionnaire était meilleur gestionnaire de la forêt publique
que le gouvernement lui-même, je n'hésiterais pas à vous
répondre: Oui, laissons-le au concessionnaire.
M. COITEUX: Dans mon esprit, le gouvernement ne veut pas s'immiscer dans
les programmes de coupe et dans l'administration des chemins et, la
façon de procéder pour couper le bois, ce n'est pas ce qu'on
entend ici par gestion. Ce qu'on entend, c'est une idée
générale, une planification générale de
l'organisation polyvalente de la forêt et loin dans notre esprit
d'arriver et de dire à Quebec North Shore Paper ou à n'importe
quelle compagnie. Vous allez couper de telle façon! Non, un droit de
surveillance là-dessus, d'accord. La gestion, dans notre esprit, ne
comprend pas et je veux que ce soit très clair le fait
d'aller s'immiscer dans le bureau d'exploitation forestière d'une
compagnie et lui dire comment procéder parce qu'en général
elles sont beaucoup plus habiles que nous.
M. LOUBIER: Le président veut sans doute signifier par là
du moins c'est la compréhension que j'en ai qu'il
désirerait qu'il y ait une concertation entre l'entreprise
privée, les con-
cessionnaires et l'Etat, une forme de cogestion tant dans l'exploitation
que dans l'aménagement et que cela se fasse de concert avec le
concessionnaire et l'Etat. C'est là l'explication qu'il donne de sa
gestion mixte, si je comprends bien.
M. MERCIER: C'est bien cela.
M. LESSARD: C'est bien cela, à la suite de la question
posée par le chef d'Unité-Québec, mais est-ce que vous ne
pensez pas quand même qu'en consultation, d'accord avec les
concessionnaires, en coordination et tout ce que vous voudrez, il appartient
d'abord, en priorité, à l'Etat d'être le gestionnaire de
nos forêts. Peut-être que ce n'est qu'une querelle de mots quand on
parle de gestion mixte, il est certain que le ministère des Terres et
Forêts, en tout cas, dans ma pensée, lorsqu'il fera un plan
d'aménagement global du territoire, devra consulter les utilisateurs de
la forêt. Mais je pense et je vous pose la question qu'il
appartient d'abord au ministère des Terres et Forêts, par la
société de gestion, si on l'accepte actuellement, de faire les
plans d'aménagement globaux du territoire forestier, qu'il y ait
concertation, il n'y a pas de problème. Lorsque vous parlez
d'association mixte, est-ce que vous voulez dire l'Etat, d'égal à
égal avec les concessionnaires, ou s'il appartiendra aux
concessionnaires de faire les plans d'aménagement, après que
l'Etat aura établi une politique globale?
M. MERCIER: Ici, on doit se placer au niveau où notre
représentation est faite ici. On parle bien au niveau de la gestion
d'une concession forestière ou d'une unité d'aménagement,
on ne parle pas au niveau de l'aménagement global. J'admets que l'Etat
doit être le premier à jouer ce rôle-là. En fait il
doit être le seul avec consultation pour bien intégrer tous les
utilisateurs.
M. LESSARD: Mais vous ne pensez pas que, lorsque l'Etat fait
l'aménagement global par la société de gestion, il
contribuera à faire l'aménagement des territoires de chacun des
concessionnaires parce que ça va se reproduire sur chacun des
concessionnaires?
M. MERCIER: Le rôle de l'ingénieur représentant
l'Etat dans l'aménagement du territoire qui sera désigné
au concessionnaire devient celui aussi de voir à ce que les plans
d'aménagement régionaux globaux soient respectés par le
concessionnaire.
M. LE PRESIDENT: Paragraphe 3, l'allocation de la matière
ligneuse.
UNE VOIX: Cela ne rentre pas dans la responsabilité de
gestion?
M. COITEUX: Non. Il y a une petite chose.
On a traité un peu de patronage tantôt, je voudrais savoir
des ingénieurs forestiers où ils ont pris l'information, je
voudrais savoir à quel type d'influences les offices de producteurs de
bois seraient soumis, selon votre mémoire? Si c'est du patronage,
dites-le carrément.
M. MERCIER: On parlait de l'office des producteurs. On sait que, dans la
législation actuelle, les plans conjoints de producteurs de bois peuvent
être gérés soit par un office, soit par un syndicat de
producteurs. Les syndicats de producteurs sont généralement
administrés par des représentants de l'UCC ou de, maintenant,
l'UPA. Assurément, les producteurs de bois ne sont pas exclusivement des
agriculteurs et, si les offices de producteurs ne sont pas
dégagés de l'influence différente ou quelque influence que
puisse avoir un organisme comme l'UCC c'est un exemple que j'ai choisi,
remarquez bien qu'il peut y en avoir d'autres il y aura un risque de
favoritisme au moment de la mise en marché.
M. COITEUX: Quelle disposition suggérez-vous? C'est que l'office
des producteurs soit affranchi de cette influence que vous mentionnez.
M. MERCIER: Je pense qu'au minimum on devrait exiger que les
administrateurs des plans conjoints ne soient pas également des
représentants d'autres syndicats de producteurs d'autres
matières.
M. GIASSON: A toutes fins utiles, qu'est-ce que ça fait que ce
soient des gars qui ont des contacts avec l'UCC ou l'UPA ou qui soient
dégagés du côté syndical que peut constituer
l'UPA?
M. MERCIER: L'UPA représente l'idée d'agriculteur. C'est
bien ce que leur nom définit. Alors, des producteurs de bois ont-ils
intérêt à être membres d'un syndicat de producteurs
agricoles, s'ils n'ont même pas de terre pour cultiver des betteraves ou
des pommes de terre?
M. BELAND: En incluant la forêt à l'économie rurale,
je pense que ce problème-là serait à être
discuté par les personnes en cause, à savoir les producteurs
typiquement agricoles et qui sont en même temps, dans la plupart des cas,
aussi des producteurs forestiers. C'est à eux de défendre leur
point de vue à ce sujet. Je m'excuse mais je ne crois pas qu'il
appartienne aux ingénieurs forestiers de définir, de
prévoir quoi que ce soit dans ce domaine-là, parce qu'en ce qui
concerne les plans conjoints ou offices de producteurs, de bois ou syndicats de
producteurs de bois, disons que ce sont des représentants des
propriétaires de terrains boisés. Ce peut être un
agriculteur comme ce peut être un membre de votre corporation qui a
une
terre, qui a 1000 acres de terre à "Saint-En-Arrière",
quelque part. Il peut être mandaté par les producteurs pour faire
partie du bureau de direction. Disons que je pense qu'on s'éloigne.
M. LE PRESIDENT: Je crois qu'ils sont quand même venus ici pour
donner leur opinion et il ne faudrait pas discuter de leur opinion, à ce
moment-ci. On les questionne.
M. LESSARD: En ce qui concerne la forêt privée, j'aurais
deux questions qui... Excusez, M. Coiteux.
M. COITEUX: C'est une question qui touche la profession. Vous semblez
déplorer que l'office des producteurs ne fasse pas plus usage des
ingénieurs forestiers. Je suis d'accord sur ça.
Cependant, il y a une chose certaine. Est-ce que notre groupe
professionnel s'est donné la peine d'essayer de s'imposer dans ce
domaine? Cela semble de plus en plus rare, un ingénieur forestier qui
veut aller dans le bois, surtout parmi la jeune génération. Pour
nous, les croulants, il n'y a pas de problème.
Je suis bien d'accord que vous fassiez cette recommandation, mais il
faudrait tout de même aussi qu'il y ait de l'information de la part du
secrétaire de votre corporation auprès des ingénieurs pour
leur dire qu'il y a des domaines possibles. Je suis bien d'accord que vous
preniez la place, mais que les gars s'imposent; qu'on n'impose pas ça
par une loi.
M. MERCIER : Je ne vois, dans notre mémoire, aucune remarque
disant que ça devrait être imposé par notre loi; mais je
pense qu'il était de mise de suggérer que les offices de
protecteurs utilisent plus d'ingénieurs forestiers parce que, selon nos
chiffres, ils en ont actuellement deux qui leur sont fournis...
M. COITEUX: Je suis d'accord sur ça, mais est-ce que c'est
réellement la faute de l'Office des producteurs, question salariale
peut-être, ou la faute de notre corporation si les membres s'orientent
plutôt dans des professions, dans des activités de génie
forestier où on peut rester à l'université ou sur la rue
Saint-Jean?
On déplore énormément dans les compagnies
forestières, que des ingénieurs forestiers ne veuillent plus
aller dans le bois. Je pense qu'on a mal choisi le métier.
M. MERCIER : Les principaux contacts que les membres de la Corporation
des ingénieurs forestiers avaient avec des agriculteurs et des
producteurs de bois étaient via le Service de la forêt rurale
lorsque celle-ci possédait des unités
décentralisées qui allaient dans les régions conseiller
les propriétaires forestiers.
M. COITEUX: J'ai seulement une autre petite question à poser et
je vais être assez vite. Quel degré d'autonomie pensez-vous qu'on
de- vrait accorder au crédit forestier par rapport au crédit
agricole?
M. MERCIER : Absolument indépendant, tout simplement.
M. LE PRESIDENT: Le député de Nicolet.
M. VINCENT: M. le Président, quand le président de la
corporation parle de la disponibilité des ingénieurs forestiers,
en ce qui concerne les offices de producteurs, est-ce qu'il y a,
présentement, à l'intérieur de la Régie des
marchés agricoles, une section où on retrouve des
ingénieurs forestiers qui s'occupent plus spécifiquement des
offices de producteurs de bois?
M. MERCIER: Il y a un seul ingénieur forestier à la
Régie des marchés agricoles. La Régie des marchés
agricoles, si je suis bien renseigné, ne fait pas de promotion
auprès des cultivateurs ou des producteurs de bois.
M. VINCENT: C'est seulement pour la fixation des prix et
l'élaboration du plan conjoint et le reste.
M. MERCIER: C'est ça. Elle a strictement un rôle
administratif et législatif.
M. VINCENT: Maintenant, comme le député de Duplessis a
soulevé la question du crédit forestier... Remarquez qu'au
début de votre mémoire, c'est-à-dire dans les conclusions
et recommandations, vous parlez d'un ministère des Ressources naturelles
ou d'une structure gouvernementale équivalente qui regrouperait tous les
services en ce qui concerne l'aménagement ou le zonage territorial.
A un moment donné, vous parlez de dissocier complètement
le crédit agricole et le crédit forestier. Vous ne croyez pas
qu'à l'intérieur d'une formule de crédit ou de financement
agricole et forestier, avec une section bien spécifique pour le
crédit forestier, l'Office du crédit agricole pourrait remplir ce
rôle, au lieu de créer un autre office, un autre organisme de
crédit? Ne pensez-vous pas qu'en apportant les modifications à la
Loi du crédit agricole, en y ajoutant une section pour le crédit
forestier et en incluant à l'intérieur de cet organisme du
gouvernement la profession pour faire le travail, ça pourrait atteindre
le même but ou les mêmes objectifs que vous proposez par la
création d'un organisme complètement indépendant?
M. MERCIER : Dans les propositions du livre blanc, on suggère la
création d'une Régie des produits forestiers qui est un organisme
différent de la Régie des marchés agricoles.
M. VINCENT: D'accord, mais en ce qui concerne le crédit forestier
lui-même, vous dites: "... le crédit forestier soit
dissocié du crédit agricole."
M. MERCIER: C'est ça.
M. VINCENT: Bon, c'est bien entendu qu'à l'heure actuelle
l'Office du crédit agricole n'est pas en mesure de mettre sur pied ou
d'administrer un programme de crédit forestier. Mais si, à
l'intérieur de l'Office du crédit agricole, avec un amendement,
on ajoutait une section pour le crédit forestier, avec le personnel
professionnel nécessaire, est-ce que cet organisme de crédit
agricole et de crédit forestier pourrait jouer le même rôle
qu'un organisme indépendant du crédit agricole? Est-ce que vous
croyez qu'en greffant les deux ensemble, avec des professionnels, au lieu de
créer un autre organisme, ça pourrait jouer le même
rôle?
M. MERCIER: Dans notre mémoire, il est bien clairement dit que
l'on ne s'oppose pas à ce qu'un organisme gouvernemental intègre
les crédits dépensés en milieu rural.
M. VINCENT: Bon, d'accord.
M. MERCIER: Mais l'on demande que le crédit forestier et le
crédit agricole soient séparés. Cela ne veut pas dire
qu'ils doivent être dans deux offices complètement
différents.
M. VINCENT: Vous acceptez que ce soit à l'intérieur d'un
même office, mais avec deux sections différentes, avec des
sections différentes.
M. MERCIER: Si c'est ce qui est le plus efficace, oui.
M. VINCENT: Parfait.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.
M. LESSARD: M. le Président, à la page 11, la corporation
approuve sans réserve le ministère de vouloir poser des gestes
concrets pour favoriser la gestion des forêts privées. J'aimerais
savoir à ce sujet, étant donné qu'il y a
déjà une étude, le rapport Lussier, qui a
été accepté par l'UCC, quelle est l'opinion de la
corporation sur la politique suggérée par le rapport Lussier qui
est déjà accepté par l'Union des cultivateurs
catholiques.
M. MERCIER: Je pense que, de façon générale, les
membres de la corporation ont très bien reçu le rapport Lussier.
A un moment donné, par exemple, on présente une
rentabilité au niveau de l'individu, au niveau de l'Etat; cette
rentabilité, assez souvent, est très forte au niveau de l'Etat et
on parle de sommes très importantes additionnelles au revenu, à
l'Etat, amenées par l'addition d'une unité de protection
injectée dans l'économie du Québec.
Il faut quand même, pour nous, rester sur la réserve et
dire: Ce n'est pas la seule façon connue d'injecter une corde ou
unité additionnelle de production dans l'économie
québécoise.
M. LESSARD: Excepté quand même que le domaine privé
participe au développement forestier.
M. MERCIER: Oui.
M. LESSARD: Pourriez-vous dire comment vous prévoyez
établir les mécanismes d'intégration, par exemple, des
producteurs privés au domaine public? On sait qu'actuellement les
producteurs privés peuvent produire tant de milliers de cordes par
année; par contre, les utilisateurs publics peuvent en produire tant.
Comment intégrer dans le marché québécois ou le
marché international la production des producteurs privés et la
production des utilisateurs du territoire public?
M. MERCIER: Nous acceptons en réalité le principe de la
gestion mixte. L'idée de toute l'approche de la production
forestière en terrain privé que le gouvernement semble
préconiser est que les producteurs privés ont les objectifs et
les façons de remplir leurs objectifs qui sont rationnelles pour eux et
irrationnelles pour l'ensemble ou la collectivité.
Par des moyens appropriés d'incitation, qu'ils soient financiers
ou techniques, le gouvernement peut transformer les objectifs du
propriétaire privé, les rendre un peu semblables à ceux de
l'Etat. C'est dans ce domaine que nous approuvons l'attitude
gouvernementale.
M. LESSARD: Vous approuvez donc le développement des territoires
privés et l'intégration ou le regroupement des territoires
privés. Maintenant, on sait que, par exemple, le rapport Lussier nous
dit, selon l'étude qu'il a faite, après une certaine
période de temps, soit 25 ans, que les producteurs privés dans
une région de vingt milles des régions habitées, pourront
produire autant soit 11 millions de cunits que ce qui se produit
actuellement dans les territoires publics.
Cela veut dire qu'il faut intégrer la production des territoires
privés avec celle des territoires publics. Parce que, comme on le
disait, il ne s'agit pas de produire du bois pour le simple plaisir de produire
du bois, de telle façon que le bois que les cultivateurs et les
producteurs privés, par exemple, produiront, demeure sur leur terrain
parce qu'ils ne sont pas capables de le vendre.
Dans ce marché-là, étant donné la
possibilité du développement du secteur privé, comment
pensez-vous intégrer la production des producteurs privés et la
production des utilisateurs publics tant sur le marché
québécois que sur le marché extérieur? Parce qu'il
faut quand même établir des quotas. Alors, comment pensez-vous
intégrer cette production?
M. MERCIER : De par ses fonctions actuelles, je pense que mon
confrère Gilbert Paillé serait très bien placé pour
vous répondre.
M. PAILLE: Je pense que la Régie des produits forestiers,
préconisée dans le livre blanc, répond partiellement
à votre question, pour régler la question de mise en
marché du bois des forêts privées. D'autre part, le livre
blanc préconise aussi un regroupement des territoires ou des morceaux de
territoire publics enclavés en forêt privée, et
préconise aussi l'utilisation de diverses formules de gestion, ferme
forestière, groupement forestier et autres pour harmoniser la gestion
des territoires privés. Alors, gestion, mise en marché
étant réglées, je pense que le problème que vous
soulevez est automatiquement réglé par les suggestions qui sont
faites dans le livre blanc actuellement.
M. LESSARD: Je pense que la Régie des produits forestiers,
actuellement, change très peu la situation telle qu'elle existe par
l'association des producteurs. Et on sait que vous avez la loi 41 par laquelle
le ministère peut obliger une compagnie à acheter du bois
provenant du secteur privé. Mais il reste qu'actuellement on a quand
même certaines revendications provenant du secteur privé qui nous
disent que les gens ne sont pas capables de vendre leur bois, de telle
façon qu'on fait de la production de bois qui reste tout simplement dans
les terres. Je me demande si la corporation des ingénieurs a
prévu un système d'intégration des différents
utilisateurs de la forêt, soit, les coopératives
forestières, parce que de plus en plus, je pense que ce secteur se
développera, soit les producteurs privés qui sont actuellement,
par l'UCC, en train de se regrouper pour revaloriser le territoire leur
appartenant. Et en même temps, par suite de reboisement, par suite de
politiques du ministère des Terres et Forêts, il pourra arriver
que les utilisateurs du domaine public produisent encore plus de bois qu'ils
n'en produisent actuellement. Alors, il faudra établir un genre de quota
entre ces différents utilisateurs. De quelle façon quant à
vous, cela devrait-il être établi? Par la Régie des
produits forestiers?
M. MERCIER: Oui.
M. LESSARD: D'accord.
UNE VOIX: Il n'y en a pas.
M.DRUMMOND: M. le Président, étant donné que nous
avons déjà discuté avec la corporation pendant deux
heures, est-ce que je peux faire une suggestion, si le président de la
corporation est d'accord, ainsi que tout le monde ici? Nous pourrions
peut-être arrêter ici et soumettre nos questions par écrit
à la corporation. Lorsque nous aurons reçu ses réponses,
nous pourrions les discuter en com- mission plus tard, parce que je sais
très bien que, de notre côté, nous avons toute une gamme de
questions à poser mais par contre, il y a d'autres mémoires
à entendre. Si tout le monde est d'accord sur cette façon de
procéder, je pense que cela pourrait aller plus vite et nous pourrions
obtenir les mêmes résultats que nous en attendons.
M. LESSARD: Simplement une remarque. Pour ma part, je considère
que le problème que nous attaquons aujourd'hui est un problème
véritablement important et que les membres de la Corporation des
ingénieurs forestiers du Québec m'apparaissent des
spécialistes de la question. Il est important que nous puissions les
interroger de façon complète. Encore une fois, je n'étais
pas aux discussions préalables. J'avais été
convoqué à la commission à 10 heures ce matin...
M. DRUMMOND: Il n'est pas question de description.
M. LESSARD: ... et on m'avait dit qu'il y avait deux mémoires qui
devaient être déposés et étudiés ce soir. Je
pense que, pour moi, en tout cas, il y a certaines limites qui doivent exister
à l'intérieur de cette commission parce qu'il faut en arriver
à des solutions pratiques, mais il est quand même important de
pouvoir contre-interroger tous ceux qui présentent des mémoires
de façon exhaustive. Il est certain que, si vous avons à
soumettre les questions par écrit, nous allons passer à
l'étude d'autres mémoires plutôt que de présenter
des questions écrites à ceux qui viennent nous présenter
un mémoire.
M. COITEUX: Je comprends l'argumentation du député de
Saguenay. J'ai moi-même toute une série de questions. Je suis
rendu à la 19e question que j'ai à poser et nous en avons, au
ministère des Terres et Forêts, jusqu'à 37. Avec le
consentement des membres de la commission, mon intention est de soumettre
d'abord les questions que je veux poser sur chaque article. Je ferai parvenir
une copie de la réponse aux différents intéressés.
Si, à ce moment-là c'est une suggestion que je fais
il y a des questions supplémentaires à poser à la
corporation sur certains articles, quand nous recommencerons nos séances
au mois d'août, nous pourrons les convoquer de nouveau.
M. LESSARD: Est-ce qu'on a. l'intention d'étudier...
M. VINCENT: En ce qui me concerne, M. le Président, je pense
qu'il serait très mauvais remarquez bien, je ne veux pas du tout
retarder les travaux de la commission d'adopter une
procédure...
M. COITEUX: Non, non.
M. VINCENT: ... semblable, parce qu'à l'avenir, les corporations
pourraient dire: Envoyez-nous vos questions par écrit, on vous
répondra par écrit et, après ça, vous nous
contre-interro-gerez...
M. DRUMMOND: C'était seulement une suggestion, M. le
Président.
M. COITEUX: D'accord!
M. VINCENT: Je pense que ce serait préférable que nous
prenions le temps qu'il faut pour questionner ces messieurs, parce qu'il y a
toujours une chose qui est certaine, c'est que la loi ne viendra pas avant le
mois, d'octobre. A ce moment-là, je pense qu'il faudrait prendre plus de
jours au cours du mois d'août, la deuxième période du mois
d'août, quitte à faire revenir les membres de la corporation au
moins pour que ces gens aient la conviction qu'on veut, en définitive,
terminer la discussion avec la corporation; et même, peut-être,
faudra-t-il revenir, au cours de l'été. Je pense donc qu'on
serait mieux de terminer ce travail.
M. DRUMMOND: M. le Président, continuons.
M. LE PRESIDENT: J'inviterais les membres de la commission à
poser leurs questions.
M. COITEUX: Nous sommes rendus au principe...
M. LE PRESIDENT: Ainsi que les réponses.
M. COITEUX: ... d'allocation de la matière ligneuse, pages 12 et
13. J'ai deux questions. Comment pouvez-vous, messieurs les membres de la
corporation, vous opposer au principe de la dissociation de la gestion et de
l'exploitation, alors que vous appuyez, dans une autre partie de votre
mémoire, celui de la gestion publique? Cela voudrait-il dire que la
prise en main par l'Etat de la gestion de toutes les forêts publiques ne
serait valable que si elle s'étendait uniquement à l'exploitation
forestière?
M. MERCIER: La question est pour le moins, si on peut dire,
légèrement chargée. Je dois quand même vous citer la
phrase où l'on dit que l'expérience vécue dans ce domaine
par certains concessionnaires forestiers actuels indique qu'il serait
préférable d'associer ces deux phases du développement
forestier. L'endroit où il y a le plus de difficulté entre
l'organisme qui s'occupe de la gestion du potentiel forêt et des
concessions forestières, c'est où il y a le plus de dissociation
entre un département dit forestier et un département dit
d'exploitation. C'est à peu près tout ce que je peux ajouter sur
cette question. Si vous voulez continuer dans l'autre sens, c'est-à-dire
si l'Etat devrait faire la gestion et l'exploitation au complet, on est rendu
un peu plus loin.
M. COITEUX: Ce n'est pas le sens de ma question. A un endroit, vous
dites que vous approuvez la gestion publique et vous semblez vous opposer au
principe de la dissociation de la gestion et de l'exploitation, c'est aux pages
12 et 13. La réponse à la question est peut-être un peu
compliquée. Dans mon esprit, je pourrais faire lecture de votre
mémoire, mais pour compléter, peut-être pourriez-vous nous
expliquer les raisons que soutiennent les concessionnaires forestiers pour que
l'on continue dans l'avenir, comme vous le suggérez, à associer
les phases de gestion et d'exploitation et surtout de confier la
responsabilité de la gestion à l'entreprise privée
uniquement.
Je pense que cela donne un peu l'éventail de l'idée de ma
question. Après cette réponse, je n'aurais plus d'autres
questions à poser sur le principe d'allocation de la matière
ligneuse.
M. MERCIER: Je m'excuse mais je n'ai pas saisi la question.
M. COITEUX: Pouvez-vous expliquer les raisons que soutiennent les
concessionnaires forestiers pour que l'on continue d'associer les phases de
gestion et d'exploitation et surtout de confier la responsabilité de
gestion uniquement à l'entreprise privée? C'est ce que vous
préconisez dans le règlement.
M. MERCIER : Si vous me demandez de répondre pour les
concessionnaires forestiers, je ne suis pas autorisé ni
intéressé à le faire.
M. COITEUX: En définitive, vous invoquez des raisons, dans votre
mémoire, qui laissent sous-entendre que les concessionnaires forestiers
sont opposés à ça. Je voudrais savoir pourquoi.
M. LESSARD: Ce serait préférable d'associer la gestion et
l'exploitation. A la page 13, vous dites ceci: "L'expérience
vécue dans ce domaine par certains concessionnaires forestiers actuels
indique qu'il serait préférable d'associer ces deux phases du
développement forestier".
M. MERCIER: Oui.
M. LESSARD: En fait, c'est l'argumentation lorsque vous parlez de la
nécessité d'associer gestion et exploitation. Le seul argument
que vous nous donnez, c'est que l'expérience nous l'a prouvé. Non
seulement l'expérience l'a prouvé mais vous dites que les
concessionnaires ont dit que c'était mieux d'associer gestion et
exploitation. Le député de Duplessis demande quelles sont les
raisons que vous ont apportées les concessionnaires forestiers pour
associer gestion et exploitation.
M. MERCIER: Dans les éléments de gestion, certaines
fonctions sont, actuellement dans l'industrie forestière,
déléguées à un service qu'on appelle le service
forestier. Il voit à la
préparation des plans d'aménagement, des inventaires
d'exploitation et des plans d'exploitation. A l'autre extrême, dans
certains cas, il y a un service dont le but unique est de récolter la
matière ligneuse du secteur qui a été
désigné par le service s'occupant de la gestion. Lorsqu'il n'y a
pas d'entente ou de rencontre entre les deux, même à
l'intérieur d'une seule compagnie, les difficultés surgissent. On
considère que, même l'Etat, dans ces forêts domaniales,
aurait avantage à associer gestion et exploitation du bois. C'est
légèrement différent de ce que...
M. LESSARD: C'est-à-dire d'accorder la gestion aux
concessionnaires?
M. MERCIER: On a demandé dans notre mémoire que, pour
certains concessionnaires, la gestion soit encore laissée aux
concessionnaires.
M. LESSARD: Quelles sont les objections à ce que l'Etat assure
lui-même la gestion de l'ensemble du territoire, parce que nous avons vu
le député de Duplessis soulevait tout à l'heure le
problème cet après-midi, par la déposition d'un
mémoire, que les objectifs des entreprises privées
n'étaient pas du tout les mêmes que ceux de l'Etat et je les
comprends. C'est tout à fait normal. Je pense que personne autour de la
table ici refuse de croire que les objectifs des entreprises privées
sont d'abord essentiellement de faire des profits. Mais pour l'Etat, c'est
autre chose. C'est que les objectifs d'aménagement du territoire sont
autre chose. Quelles sont les objections que vous apportez à ce que
l'Etat lui-même fasse l'aménagement global du territoire et
ensuite que les corporations privées devront exploiter la forêt en
coordination avec ces plans d'aménagement qui ont été
préparés par l'Etat selon les bases, selon les critères,
selon les normes des plans d'aménagement qui ont été faits
par l'Etat?
M. MERCIER: Encore ici, on se retrouve à deux niveaux
d'aménagement. Vous parlez d'aménagement régional...
M. LESSARD: Je voudrais que vous le définissiez.
M. MERCIER: ... là-dessus, je vous affirmais tout à
l'heure que l'Etat devrait en prendre l'entière responsabilité.
Si l'on parle d'une grande région du Québec, c'est l'Etat qui
doit définir les modes d'aménagement. Si on parle au niveau de la
gestion d'une unité d'aménagement, notre proposition est un peu
différente.
M. LESSARD: Est-ce que des unités régionales
d'aménagement ne seraient pas vulnérables par exemple, par
rapport aux aménagements régionaux?
Est-ce que ce ne serait pas moins apte à établir une
politique globale de l'aménagement du domaine forestier? Vous dites: En
ce qui concerne l'aménagement du territoire, l'aménagement
global, c'est l'Etat qui doit s'en préoccuper. En ce qui concerne
l'aménagement régional, on est mieux de laisser cela à
l'entreprise privée. Comment concilier ces deux choses?
M. MERCIER: Le mot ce n'est pas "régional", c'est une
unité d'aménagement qui aurait, selon ce que le ministère
propose, 1,000 milles carrés. A ce niveau-là, je pense que l'Etat
et le concessionnaire, ou toute autre formule que vous voulez donner, ont
intérêt à travailler, à gérer en commun cette
unité mais, pour ce qui est de définir les grandes utilisations
d'un territoire, sauf une participation, ce n'est pas le rôle du
concessionnaire ou de la personne qui reçoit un contrat
d'approvisionnement.
M. LESSARD: Ce que vous voulez dire, c'est qu'en ce qui concerne
l'aménagement global du territoire, cela revient à l'Etat. En ce
qui concerne l'aménagement d'une unité d'aménagement, cela
revient en fait à l'entreprise privée et à l'Etat, en
collaboration; mais ce n'est pas nécessairement l'entreprise
privée qui devra le faire, dans votre optique, quand vous parlez de
collaboration.
M. MERCIER: Si l'entreprise privée veut s'en dégager
complètement.
M. LESSARD: Si l'entreprise privée est plus efficace, elle le
fera.
M. COITEUX: J'ai une autre question sur ce sujet. J'en ai seulement une
au plan de la production et de la distribution des bois. Nous aimerions
connaître votre pensée et avoir aussi un exposé de ce que
vous croyez. Ma question se formulerait comme ceci: Serait-il
nécessaire, dans l'avenir, de repenser, en profondeur, toutes les
modalités traditionnelles de l'aménagement forestier, afin de
mieux planifier la production forestière? Et si oui, quel genre de
formule pourriez-vous nous suggérer?
M. MERCIER: De repenser les modalités de l'aménagement
forestier?
M. COITEUX: Oui. La modalité traditionnelle, c'est-à-dire
faire un arrangement forestier. On procède de la même façon
depuis des années. Est-ce que cela a donné les résultats
attendus?
M. MERCIER: Si on veut agir rapidement dans l'avenir, on ne doit pas
nécessairement repenser ces modalités. Je pense qu'elles sont
correctes. Il s'agit maintenant de donner des suites à ces propositions
d'aménagement, c'est-à-dire qu'il faut absolument avoir un
contrôle en place, très bien structuré et des objectifs
clairement définis au niveau des grandes régions.
M. COITEUX: D'accord.
M. LESSARD: M. le Président, j'aurais deux autres questions. A la
page 14, vous dites: "Les trois types d'allocations suggérés dans
le livre blanc ne diffèrent pas beaucoup des méthodes actuelles."
Pourriez-vous expliquer en quoi les trois types d'allocations
suggérés ne diffèrent pas beaucoup des méthodes
actuelles?
M. MERCIER: D'accord. Comparons, si vous voulez, concession
forestière et contrat d'approvisionnement à long terme. Il est
défini que pour une concession forestière, le concessionnaire a
le droit de récolter, depuis 1963 en particulier, les essences qu'il
utilise spécifiquement pour son usine. On lui laisse encore certaines
responsabilités sur les chemins forestiers, mais je pense qu'on peut
difficilement appliquer de façon rigide les affirmations qui disent que
le public n'a pas accès aux terrains forestiers du Québec.
S'engager avec une compagnie forestière, quelle qu'elle soit,
pour quarante ans, dans un contrat d'approvisionnement à long terme,
avec un endroit bien spécifique, selon nous, c'est presque la même
chose et c'est peut-être même un peu plus rigide que de continuer
le régime actuel des concessions. Bien entendu les concessions accordent
peut-être trop de droits aux concessionnaires, mais elles sont aussi
très exigeantes envers les concessionnaires. Si on demandait au
concessionnaire ce à quoi il s'est engagé exactement en obtenant
la concession, on aurait des surprises et probablement des demandes assez
importantes de la part des concessionnaires pour laisser aller leurs
concessions.
M. LESSARD: Vous pensez que la définition de l'allocation,
à long terme, ressemble énormément aux concessions
forestières telles qu'elles existaient auparavant, par suite du fait
qu'on parle de superficie particulière, et c'est un peu la concession du
droit de terrain, tel qu'on le faisait auparavant dans les concessions.
M. MERCIER: C'est cela. On pourrait arriver à la même fin,
c'est-à-dire à présenter le même genre de contrat
d'approvisionnement à long terme, en modifiant légèrement
la loi concernant les concessions forestières.
M. COITEUX: Sur le même sujet, pour faire pendant un peu à
la réponse du président, je crois qu'il y a réellement un
changement majeur entre le contrat d'approvisionnement, de la façon que
nous interprétons, nous, les contrats d'approvisionnement et le
système des concessions forestières actuel. D'abord, l'allocation
porte sur une nature de bois spécifique. Comme on le sait actuellement,
les concessionnaires utilisent le sapin, l'épinette. Ce sont des
producteurs de pâtes et on a exposé à quel point les autres
usagers de la forêt en réserve étaient en quelque sorte
pris dans un étau devant les exigences très souvent exorbitantes
des conces- sionnaires pour l'usage et l'utilisation des autres essences,
quelles qu'elles soient. Si on laisse les concessions forestières,
d'après la loi actuelle, on va rester avec le même système.
Si on a un contrat d'approvisionnement garanti, à ce moment-là,
on pourra spécifier dans le contrat d'aménagement garanti s'ils
veulent des essences spécifiques, c'est le but visé. Les autres,
le bouleau, le sapin, le cèdre ou toutes sortes d'autres essences,
à ce moment-là, le contrat d'approvisionnement n'en garantira pas
l'usage exclusif et on évitera de cette façon l'exploitation
éhontée qu'ont faite dans certains cas les compagnies en
chargeant quatre droits de coupe sur des essences qui ne servent pas. C'est une
différence majeure, je pense, dans le principe du contrat
d'approvisionnement et de la concession forestière.
M. MERCIER: M. Coiteux, dans notre mémoire, il y a
peut-être quelque chose qui a échappé à l'ensemble
ici, c'est que, quand même, nous disons que les concessions
forestières peuvent rester, mais il faut qu'elles soient assujetties aux
prescriptions qui existent depuis 1963, c'est-à-dire l'allocation, une
concession forestière. Le concessionnaire qui désire garder sa
concession devra quand même accepter que sa concession est pour les
essences qu'il utilise.
M. LESSARD: Une dernière question.
M. COITEUX: Cela me suffit. J'en ai une autre à poser
là-dessus. Qu'est-ce qui vous fait dire qu'une période de 40 ans
est trop longue? Vous avez touché le sujet un peu tantôt. Sur quoi
basez-vous votre suggestion d'établir un maximum de vingt ans? Voici
pourquoi je pose cette question. Vous prenez par exemple un investisseur dans
le genre de Lebel-sur-Qué-villon, qui suit actuellement un
système de forêts domaniales avec une garantie
d'approvisionnement. Quant aux investissements que ces gens font, je pense
qu'il y aurait peut-être hésitation de la part des prêteurs
à ces compagnies, si on disait seulement vingt ans. Je pense que la
période de vingt ans est courte pour une dépréciation
aussi globale et aussi majeure que celle que fait une grosse compagnie dans un
investissement d'installation d'usine. On a le cas d'abord de Rayonier
Québec, qui va investir éventuellement dans trois usines, sur une
période de dix ans, de quinze ans. Si on lui donne seulement vingt ans,
je pense qu'elle aura une certaine difficulté à convaincre les
actionnaires d'investir les montants proposés.
M. MERCIER: Si on regarde le fond de la loi actuelle, on remarquera que
les concessionnaires forestiers ont légalement droit à
l'utilisation du terrain pour une période d'un an. Pourtant, la
confiance s'est bâtie dans cette période très courte. Je
pense qu'une période de vingt ans est raisonnable. Le sens de notre
proposition n'est pas de spécifier vingt ans exactement, mais on
croit que 40 ans, même pour une usine de pâtes et papier
coûtant $150 millions, c'est très long pour attendre un profit. Je
pense que l'usine aura été rentable avant ça et que je ne
vois pas que le gouvernement soit justifié de s'engager pour plus
longtemps que 20 ou 25 ans.
M. COITEUX: Merci de votre réponse.
M. LESSARD: M. le Président, une dernière question. La
Corporation des ingénieurs forestiers du Québec, à la page
15, s'interroge sur la fonction première de Rexfor. Elle fait une
définition selon la loi du rôle de Rexfor et nous dit: "L'impact
social d'une telle réforme de récupération, sa
nécessité et sa rentabilité financière devraient
être considérées plus rigoureusement." D'une part, je
voudrais que le président explique ça un peu. D'autre part, je
désirerais que le président explique la deuxième partie:
"De même, le gouvernement devrait tenir compte de la concurrence
créée par cet organisme au niveau de la main-d'oeuvre
forestière et de l'approvisionnement." Donc, je désirerais que le
président de la Corporation des ingénieurs forestiers du
Québec, précise un peu, à partir du texte du
mémoire, le rôle qu'il entrevoit en ce qui concerne la
Régie d'exploitation forestière du Québec.
M. MERCIER: Le texte, entre guillemets, est tiré directement du
livre blanc.
M. LESSARD: D'accord.
M. MERCIER: Ici, on laisse supposer que des forêts rendues
à maturité doivent nécessairement être
exploitées. Il faut quand même admettre qu'il tombe plus de bois
sans aucune intervention du Québec qu'il n'en tombe sous le coup de la
hache ou de la scie mécanique des industries forestières.
Personne ne songerait à se préoccuper de ramasser tout
ça, parce que ces arbres ont atteint la maturité. C'est un fait
biologique que ces arbres tombent et sont remplacés; c'est parfaitement
normal.
M. LESSARD: Mais vous ne pensez pas que cette dépense qui fait
que plus de bois tombe du fait de la maturité que parce qu'il est
coupé... Est-ce que vous ne pensez pas que l'Etat doit quand même
se préoccuper de récupérer ce bois, si c'est rentable
économiquement?
M. MERCIER: Vous avez dit la phrase qui est importante: Si c'est
rentable économiquement. Nous sommes d'accord et nous demandons que les
critères de rentabilité soient rigoureusement
appliqués.
M. LESSARD: Alors, vous ne demandez pas de récupérer
n'importe lequel bois; vous demandez de récupérer le bois qui est
rentable.
M. MERCIER: C'est ça.
M. LESSARD: J'aurais envie de vous demander la baie James, mais en tout
cas... Deuxième partie de ma question: Le gouvernement devrait tenir
compte de la concurrence...
M. MERCIER: Absolument. Un organisme produisant du bois qui n'a pas une
utilisation interne à cette production créera certainement un
impact social lorsqu'il se présentera sur le marché. Et, de
façon générale, Rexfor va faire tout en son possible pour
éviter qu'il y ait des perturbations de marchés à cause de
la production additionnelle en matière ligneuse.
M. LESSARD: Maintenant, est-ce que vous pensez que Rexfor peut avoir un
rôle malgré les remarques que vous faites à ce sujet?
M. MERCIER: Je pense que Rexfor a assurément un rôle et
ici, nous ne nous opposons pas à Rexfor au contraire. Mais il reste que
ces critères, les genres de peuplement ou les endroits où ils
doivent récupérer, les résultats à son action, les
implications, les conséquences de ces actions devraient être
analysés sur des bases très rigoureusement
économiques.
M. LESSARD: Si je vous comprends bien, vous pensez que cette
société d'Etat devrait être strictement une
société rentable, c'est-à-dire qu'elle devrait s'occuper
de la rentabilité de son exploitation, peut-être contrairement
à ce qu'elle fait actuellement.
M. MERCIER: Oui, mais il ne faudrait quand même pas que vous
interprétiez mes paroles comme une rentabilité telle qu'une
industrie forestière devrait avoir. J'admets qu'il y a un aspect social
qui peut être très important et nous l'encourageons de
façon certaine. Mais cette rentabilité sociale peut être
mesurée et elle doit faire partie des critères
considérés comme rentables.
M. BELAND: Maintenant, il y aurait peut-être une question
supplémentaire, toujours en ce qui concerne Rexfor. Pour ce qui est de
la partie exploitation, vous venez de donner votre opinion quant à ce
qui concerne la possibilité de rentabilité économique par
une société comme Rexfor et peut-être, d'autre part, une
entreprise privée qui prend à contrat une certaine superficie. A
ce moment-là, est-ce que vous avez sorti des chiffres quelconques quant
à la différence de rentabilité des deux façons de
procéder; d'une part de Rexfor toujours au niveau de l'exploitation
seulement et, d'autre part, de l'entreprise privée? Est-ce que vous avez
des chiffres pour établir qu'il y a une différence de x piastres
ou x cents; la corde, le cunit ou...
M. MERCIER: Ma réponse est très courte, c'est non.
M. BELAND: Ah bon! D'accord.
M. COITEUX: M. le Président, on a parlé de Rexfor qui
était à la page 15; je voudrais revenir brièvement avec
trois questions. Une sur les redevances, une sur l'accès à la
forêt et une autre sur la Régie des produits forestiers. On est
tombé à Rexfor et je n'ai pas de question à poser
là-dessus.
Au point de vue des redevances, de quelle façon
suggéreriez-vous au gouvernement de fixer la valeur des bois sur pied,
lors du calcul des redevances exigibles des utilisateurs de matière
ligneuse?
M. MERCIER: Je pense qu'il faudrait que le gouvernement travaille avec
une équation très simple; d'ailleurs, nous sommes informés
qu'il est déjà parti dans cette direction. Que le prix de vente
de bois sur pied est une résultante du prix de vente du produit
transformé moins les frais de transformation, moins une charge de profit
qui sera jugée exacte par le gouvernement et la valeur résiduelle
devrait représenter la valeur du bois sur pied.
Cela semble très simple sous forme d'équation et nous
savons très bien que techniquement c'est très difficile
d'application. Il y a quand même assez d'économistes et
d'ingénieurs présents pour réussir ça.
M. COITEUX: J'aime votre dernière explication. L'accès
à la forêt: A votre avis, quel critère devrait servir pour
établir la valeur des chemins d'accès, le mode de compensation
pour l'usage des chemins qui ont été construits par les
compagnies? C'est à la page 15 du mémoire.
M. MERCIER: Lors d'une réunion précédente à
laquelle nous avions invité le ministre à présenter son
deuxième tome devant un groupe d'ingénieurs forestiers, je
m'attendais un peu que cette question soit soulevée parce que je lui
avais posé la même, à ce moment-là. Du ministre, je
n'ai pas eu de réponse et... la corporation doit faire la
réponse. A l'heure actuelle, nous n'avons pas de critère
précis mais il reste que chaque utilisateur, c'est-à-dire, on
parle de mode de compensation... Un chemin forestier actuel, qui a
déjà été construit, implique
généralement pour les concessionnaires qui l'ont fait certaines
responsabilités civiles concernant les accidents. Je pense que, si le
gouvernement, par une attitude positive, dégage les concessionnaires de
cette responsabilité, ça va faire une partie assez importante de
la compensation qui est exigée.
Maintenant, les modes de compensation et les montants de compensation
seront établis selon ce que des concessionnaires, actuellement, ont
reçu en compensation pour l'achat de leurs chemins forestiers. On
partira de précédents qui sont déjà
établis.
M. COITEUX: Justement, quant au précé- dent, je ne suis
pas d'accord sur la raison. Il va falloir en venir à une entente
là-dessus. Théoriquement, disons qu'on arrive à enlever
les concessions forestières; il y a la question de négociations
entre les anciens usagers. Lorsque je préparais, travaillant pour les
industries forestières, un prix de contrat sur un bassin donné,
il était bien compris qu'on avait tant d'amélioration à
faire, dont les chemins. A ce moment-là, sur notre prix de revient, il
fallait tenir compte, si on travaillait là pour trois, quatre ou cinq
ans, du coût de notre chemin.
A ce moment-là, il était absorbé dans ce programme.
Et je ne vois pas, à part le critère que vous avez invoqué
au point de vue de la responsabilité publique, pourquoi l'on devrait
payer un chemin qui a déjà été
déprécié, pour lequel la compagnie n'a pas payé de
taxes, qui est entré dans son programme normal si l'ancien usager n'en
fait plus usage. Qu'on s'en serve pour des fins récréatives ou
pour aller chercher du bouleau, pour aller chercher d'autres essences, à
ce moment-là, je ne verrais pas pourquoi, si le concessionnaire ne s'en
sert plus, étant donné qu'il a été
déprécié, qu'il y a déjà eu une restriction
de taxes là-dessus, à cause de son amélioration, c'est
fait d'ailleurs... il n'y a pas une compagnie qui n'inclut pas son coût
de construction de chemin ou d'autres améliorations dans le coût
de revient de ses exploitations.
Je pense que pour les chemins qui servent, naturellement, c'est
matière à négociation selon le pourcentage d'usage de
chacun des utilisateurs possibles. Mais est-ce que vous seriez d'accord que si
le chemin ne sert plus et, en enlevant la responsabilité publique,
réellement, théoriquement, on n'est pas en conscience de donner
quoi que ce soit parce qu'ils ont déjà été
payés dans leur comptabilité de dépréciation?
M. MERCIER: Je suppose qu'à ce moment-là vous devez
proposer votre mode de compensation au concessionnaire intéressé
et, lui, vous dira s'il est ou non d'accord. Il reste que je peux ici,
théoriquement, vous donner toute une approche technique au mode de
compensation, il y aurait peut-être cinq ou six choix, et je ne crois pas
que ça avancerait notre discussion à l'heure actuelle.
M. COITEUX: C'est justement pour faire éclairer nos lanternes que
vous êtes ici ce soir.
M. MERCIER: Je pense, M. Coiteux, que les personnes qui vont le mieux
éclairer la lanterne du gouvernement, lors de l'action précise de
parler de compensation pour un chemin, ce sera celui qui l'a construit.
M. COITEUX: D'accord. La régie des produits forestiers, à
la page 15, préconisée par le gouvernement, devrait-elle
étendre son autorité à l'ensemble des produits ligneux
exploités et transformés au Québec?
M. MERCIER: M. Coiteux, je m'excuse. Je ne peux pas trouver de
référence dans le rapport. Probablement que...
M. COITEUX: La Régie des produits forestiers, page 15.
M. MERCIER: Oui, nous avons trois lignes sur cette question. Nous
considérons que, dans le livre blanc, il n'y a pas assez de
précision concernant le rôle de la Régie des produits
forestiers. Nous sommes d'accord pour qu'il y ait une régie quelconque
ou un organisme quelconque qui régisse la vente, la mise en
marché, la fabrication de produits forestiers, mais aller plus loin ou
l'appuyer, c'est impossible avec la présentation très courte ou
peu détaillée qui est faite dans le livre blanc.
M. COITEUX: Nous ne faisons pas de reproche au sujet de la concision de
votre mémoire sur cette question, mais nous voudrions tout de même
savoir si vous êtes d'avis que son autorité doit s'étendre
à l'ensemble des produits forestiers. Il ne faut pas que vous preniez
cela dans le sens péjoratif.
M. MERCIER: Très bien.
M. COITEUX: C'est que nous voulons essayer de trouver une formule par
laquelle... C'est pour cela que vous êtes ici.
M. MERCIER: La façon dont nous l'avons analysée en
comité, c'est que nous l'avons considérée comme
Régie des produits forestiers, comme servant d'approvisionnement aux
usines de transformation. Est-ce que, oui ou non, nous pouvons aller plus loin
dans d'autres domaines, c'est-à-dire que la régie s'occupe aussi
des produits transformés? Cela, nous ne l'avons pas analysé parce
qu'il n'y avait pas de proposition extrêmement concrète
là-dessus dans le livre, sauf dans la section amputée.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que nous pouvons passer à l'article
Rexfor?
M. COITEUX: Je pense que nous avons discuté de cette question. Je
n'ai pas de question.
M. LE PRESIDENT: Chapitre 4: Les effets de la réforme sur
l'aménagement des territoires forestiers.
M. COITEUX: J'aurais trois questions à poser. M. le
Président, vous déplorez le manque de propositions
concrètes du gouvernement concernant le problème de la
main-d'oeuvre forestière. Pouvez-vous préciser la nature et
l'ampleur des problèmes auxquels votre mémoire fait allusion?
M. MERCIER: Disons que ces chiffres ne viennent pas du livre vert, mais
nous avons quand même une idée assez précise. D'abord, tout
le monde sait que le nombre de personnes employées dans la production de
matières ligneuses diminue continuellement en raison d'une augmentation
continuelle de la productivité des opérations. Alors, nous
considérons que le moins que le gouvernement aurait pu faire dans ce
domaine n'aurait pas été de dire: C'est un fait qu'il faut
accepter, mais peut-être de proposer des programmes précis de
relocalisation de la main-d'oeuvre déplacée. Il pourrait aussi
concevoir le problème de la main-d'oeuvre forestière dans un
contexte régional, c'est-à-dire, si on parle de
déplacement de main-d'oeuvre, il y a peut-être moyen de se
déplacer entre les régions ou simplement de concentrer la
main-d'oeuvre déplacée dans cette région. Je ne sais pas
si c'est du ressort du ministère des Terres et Forêts.
M. COITEUX: Je comprends mal. En pratique, c'est le contraire qui se
produit. Nous avons des compagnies forestières, l'Anglo Canadian Pulp
& Paper Ltd., Quebec North Shore Paper, et on a énormément de
difficultés à se trouver du personnel forestier.
M. MERCIER: Oui.
M. COITEUX: Et c'est ce qui a amené une mécanisation. Et
alors aujourd'hui, on semble vouloir faire le reproche au ministère des
Terres et Forêts qu'il y a un problème de main-d'oeuvre qui est
dû à ce ministère. Je pense que l'expérience
vécue je ne parle pas au palier de la province sur la
Côte-Nord, on manque de personnel et on a énormément de
difficultés à remplir nos quotas de production de produits
ligneux.
M. MERCIER: Ici, dans notre mémoire, vous dites qu'on reproche au
ministère...
M. COITEUX: Vous dites que nous n'avons pas de politique de
main-d'oeuvre.
M. MERCIER: Est-ce que vous prétendez en avoir une?
M. COITEUX: Non, mais je comprends. En définitive, la politique
de main-d'oeuvre, c'est qu'il y a l'offre et la demande. Mais on n'a pas
d'offre. Qu'est-ce que le gouvernement peut faire pour cela? Prendre des gars
par le cou et les envoyer dans le bois?
M. MERCIER: C'est un problème régional. On sait
très bien que la Côte-Nord a de la difficulté à
recruter sa main-d'oeuvre actuellement et même elle ne réussit pas
à intensifier sa mécanisation assez rapidement pour compenser. La
première suggestion qui nous est venue à l'idée, c'est un
programme de relocalisation qui serait à considérer. Mais on ne
demande pas à une personne qui travaille dans le comté de L'Islet
d'aller vivre pendant trois mois sur la
Côte-Nord sans, au moins, compenser pour ses dépenses
ou...
M. VINCENT: M. le Président, est-ce que, dans le cadre de la
politique de mobilité de la main-d'oeuvre, on a fait l'expérience
dans le secteur forestier de cette politique de mobilité de la
main-d'oeuvre qui avait été mise sur pied il y a quelques
années par le gouvernement fédéral?
M. MERCIER: Je ne saurais répondre à cette question.
M. COITEUX: Je pense que j'ai posé la question et vous m'avez
répondu 'avec satisfaction parce que ce n'est pas un problème
forestier. C'est un problème du ministère de la
Main-d'Oeuvre.
M. LESSARD: Simplement une définition. Lorsque vous parlez des
problèmes de main-d'oeuvre forestière, vous parlez plus
particulièrement d'une main-d'oeuvre technique et non pas d'une
main-d'oeuvre non spécialisée: journalier, bûcheron.
Actuellement, les différentes compagnies forestières ont de la
difficulté à obtenir une main-d'oeuvre non
spécialisée parce que les gens ne veulent plus aller en
forêt. Mais, en ce qui concerne la main-d'oeuvre technique, là
aussi ça devient difficile parce que je pense que, de ce
côté-là peut-être que c'est ça que vous
déplorez on ne s'est pas préoccupé de former
véritablement une main-d'oeuvre technique qui s'adapte à la
mécanisation actuelle dans des exploitations forestières.
M. MERCIER: Je pense que le but de la collaboration a moins d'envergure
que ça. Il y a une affirmation à l'effet que la main-d'oeuvre
forestière, de façon générale, est appelée
à diminuer. On présente ce fait-là dans le tome I et dans
le tome II.
M. LESSARD: Ah! je comprends. En fait, vous blâmez le
ministère...
UNE VOIX: Non, non, il ne le blâme pas.
M. MERCIER: Je ne le blâme pas parce qu'il n'est pas responsable
de ça.
M. LESSARD: ... du fait qu'actuellement la main-d'oeuvre, dans
l'industrie forestière, est en train de diminuer et qu'on n'a pas de
cours de récupération pour cette main-d'oeuvre-là.
M. MERCIER: A peu près ça. Oui. M. LESSARD: D'accord.
M. LE PRESIDENT: Le député de Charlevoix.
M. MAILLOUX: M. le Président, on constate que, dans les
régions où il y a des problèmes forestiers, il y a un
manque évident de main-d'oeuvre journalière partout. Est-ce, que
vous me diriez quelle est la différence entre le coût de
production d'une corde de bois par les moyens mécanisés et le
coût de production faite par un bûcheron, avec les prix que
l'ensemble des compagnies versent actuellement?
M. MERCIER: Voici la façon dont s'établit la
rémunération, qu'elle soit journalière ou qu'elle soit
à la pièce dans l'industrie forestière actuellement. Les
négociations entre les syndicats et les compagnies, je pense, partent
d'un certain salaire minimum journalier, que doit gagner la main-d'oeuvre
forestière. On fixe une sorte d'entente. L'année passée,
on visait un salaire moyen pour nos ouvriers de $32 par jour, alors, cette
année, il faut obtenir ça. Certaines compagnies extrêmement
mécanisées peuvent réussir facilement à procurer ce
salaire-là à leurs personnes. S'il n'y avait pas de
mécanisation, la production journalière réussissant
à permettre à un individu de gagner $32 est peut-être
quelque chose comme quatre cordes par jour ou cinq cordes par jour. Disons que
je m'aventure dans des chemins où je ne suis pas tellement certain. Mais
si la main-d'oeuvre n'avait pas d'outil, si on ne lui procurait pas de moyens
techniques de devenir très, très productive, pensez à une
production complètement manuelle, deux cordes par jour pour un salaire
moyen de $32, ça voudrait dire qu'il faudrait payer $16 pour permettre
de garder cette main-d'oeuvre forestière en place.
M. MAILLOUX: Il y a quand même un problème qui se pose.
Evidemment, on demeure dans des régions marginales de la
collectivité québécoise. Je vois ici M. Ethier du
Séminaire de Québec. C'est une des entreprises qui se cherchent
de la main-d'oeuvre, et l'on constate qu'à quelques pieds de ces
exploitations forestières, la main-d'oeuvre est abondante, elle est
accoutumée d'aller en forêt. Est-ce que les compagnies
prétendent que les gens ont complètement
démissionné? Ils se lancent dans les travaux de voirie à
$20 et $22 par jour et, à quelque mille pieds plus loin, ils refusent
$32, $34 et $36 par jour pour une journée semblable. Est-ce à
dire que, quelles que soient les mesures que prendra le gouvernement, en aucune
façon, malgré le chômage qui sévit, il est possible
de retourner vers la forêt des gens qui n'ont d'autre métier que
celui de bûcherons?
M. MERCIER: Je pense que si je partais d'un concept personnel, il est
bien possible que, dans certains cas, je préfère avoir un salaire
moindre et travailler dans des conditions préférables. Cela,
c'est la liberté de l'individu de choisir entre les deux. Mais il reste
que les capacités de gagner de gros salaires existent et, si ces
gens-là choisissent de travailler pour le ministère de la Voirie,
c'est un choix qui leur est propre.
M. MAILLOUX: Cela veut dire que, pour la voirie, il n'y a pas de
mouches, et vous autres, il y a des mouches.
M. MERCIER: C'est probable. C'est un élément, mais ce
n'est pas le seul.
M. LESSARD: C'est un élément très important.
M. COITEUX: J'aurais une question à poser sur
l'aménagement des territoires forestiers. Ce sont peut-être des
remarques. Il est assez surprenant de voir la Corporation des ingénieurs
forestiers insinuer, dans son mémoire, que le ministère des
Terres et Forêts veut décliner ses responsabilités en
matière d'aménagement et d'exploitation des ressources autres que
la matière ligneuse, alors qu'elle sait fort bien que les
compétences relatives à la mise en valeur des ressources
naturelles du Québec sont distribuées entre divers
ministères. Vous ne pensez pas que les propositions dans notre tome
concernant le zonage sectoriel, la gestion des forêts à vocation
particulière, la production d'espaces boisés, l'accès
à la forêt et bien d'autres de cette nature ne démontrent
pas, hors de tout doute, que l'aménagement intégré des
ressources du territoire forestier constitue une préoccupation majeure
du ministère des Terres et Forêts? Je sais qu'il en reste à
faire, mais je digère mal l'insinuation faite par la corporation
à l'effet qu'on décline nos responsabilités lorsqu'on a
fait ce bout de chemin-là.
M. MERCIER: Si vous voulez notre opinion sur le fait que le
ministère des Terres et Forêts décline ses
responsabilités dans l'aménagement de ressources autres que les
ressources du bois, elles sont évidentes dans le tome II en pages 25,
26, 40 et 43. Est-ce que c'est décliner ses responsabilités que
de faire du zonage? J'ose soumettre que c'est possible. On fait un zonage et on
s'occupe de l'aménagement des zones où il n'y a pas d'autre
utilisation que celle de la forêt. A ce moment-là, je crois que
c'est un déclin de responsabilités.
M. COITEUX: Il faut tout de même que vous admettiez qu'il y a une
amorce très sérieuse, à mon sens, depuis quelques mois
vers une prise entière de responsabilités du ministère. On
n'est pas ici pour porter des jugements sur les ministères des Terres et
Forêts antérieurs. Mais je pense qu'on est peut-être quelque
peu injuste, en raison des gestes concrets qu'on pose actuellement, dont on a
discuté précédemment, de dire qu'on peut facilement venir
à la conclusion que le ministère des Terres et Forêts
décline ses responsabilités.
Cela explique peut-être ce reproche pour passer à votre
autre chose. Vous semblez craindre que les ingénieurs forestiers se
retrouvent derrière les autres professionnels pour réaliser
l'aménagement intégré des ressources. Cela vient comme
complément à votre remarque, à votre insinuation. Cette
tâche ne devrait-elle pas être confiée à des
équipes disciplinaires, étant donné que l'ingénieur
forestier, au point de vue de la faune, a certainement de très bonnes
notions de ça. Je pense qu'on devrait considérer non pas l'usage
unique, pour un aménagement polyvalent efficace, des services des
professionnels, des ingénieurs forestiers. J'en suis un et je ne pense
pas que je sois capable d'aménager comme architecte paysagiste le tour
d'un lac. Je pense qu'une équipe multidisciplinaire à
l'intérieur desquelles vous avez certainement votre place, les
ingénieurs forestiers, pourrait s'imposer par ses connaissances et
surtout son expérience de la forêt. Je crois que cette conclusion
est un préambule, lorsque vous faites des reproches au ministère,
parce que vous prévoyez que, si on s'occupe seulement de la
matière ligneuse, les ingénieurs forestiers vont passer à
côté d'un domaine. C'est votre crainte, est-ce que je vous
interprète bien?
M. MERCIER: Voici ce qui se passe. Dans l'aménagement d'un
territoire, pour une utilisation récréative, il y a deux
éléments, deux types de spécialistes complètement
différents qui doivent contribuer. Un est celui qui va fournir la
structure ou l'infrastructure nécessaire à cette
récréation. L'ingénieur forestier, par sa formation, est
capable d'élaborer cette infrastructure et est également capable
de faire l'aménagement ou la manipulation des peuplements forestiers qui
vont aider à satisfaire les besoins de récréation. En ce
qui concerne la définition des besoins de récréation, la
mentalité ou l'étude de la mentalité des gens qui veulent
avoir la récréation ou la définition du type de
récréation qu'ils désirent avoir, peut-être un
sociologue aurait-il plus d'importance dans ça. Si, heureusement ou
malheureusement, les ingénieurs forestiers se concentrent dans la
fonction publique au ministère des Terres et Forêts, si le
ministère des Terres et Forêts décline complètement
cette responsabilité-là ou refuse de participer ou décide
de ne pas participer, il peut avoir raison de le faire, les ingénieurs
forestiers n'auront alors plus un mot à dire sur la préparation
d'un...
M. COITEUX: Vous pouvez difficilement conclure qu'on ne veut pas
participer par les amorces de suggestions qu'on fait, loin de là. Nous
préconisons un comité multidisciplinaire où vous avez
grandement votre place parce que, je pense, d'ailleurs vous venez de l'avouer
vous-même, que cela va prendre d'autres disciplines. Je pense que
l'intérêt que l'actuel ministre des Terres et Forêts apporte
à tous ces sujets, est évident, parce que cela ne fait pas
tellement d'années qu'on est arrivé dans le domaine forestier
avec l'implication de l'usage polyvalent. Naturellement cela va
énormément plus vite, les demandes se font de plus en plus
pressantes, et cela va continuer à augmen-
ter, à cause de la civilisation des loisirs qu'on va
connaître avec 24 heures de travail par semaine d'ici dix ans.
Je pense que le ministère est loin de décliner ses
responsabilités. Vos suggestions, je pense, sont très
constructives et encourageront de façon pertinente le ministère
à continuer dans ce domaine afin que votre crainte soit dissipée
et que les ingénieurs forestiers trouvent leur place dans l'organisation
de l'usage polyvalent de la forêt.
M. LESSARD: J'ai l'impression qu'ils seront d'autant plus utiles
à ce moment-là parce qu'ils s'intégreront certainement
à l'intérieur de la société de gestion. Je ne vois
pas que le programme actuellement proposé par le ministère des
Terres et Forêts enlève la nécessité d'utiliser
l'ingénieur forestier. Au contraire, on se préoccupe beaucoup
plus maintenant de l'aménagement forestier, et ceci nous amènera
à avoir des besoins bien plus considérables de main-d'oeuvre dans
le secteur forestier et en ce qui concerne les ingénieurs.
M. VEZINA: M. le Président, si vous permettez, j'aurais une
question à poser au président de la corporation. Est-ce que je
dois conclure de vos propos que le ministère des Terres et Forêts
est le principal débouché des diplômés en
génie forestier?
M. MERCIER: A l'heure actuelle, si l'on parle des récents
diplômés, oui.
M. VEZINA: Est-ce que vous considérez comme souhaitable ou normal
que ce soit ainsi?
M. MERCIER: Je ne crois pas que l'on doive considérer que le seul
débouché qui nous soit offert soit aux Terres et Forêts. Il
serait parfaitement normal qu'on ait des débouchés dans d'autres
domaines. Il reste que, pour quelqu'un qui dirait que ce serait normal qu'on
ait des débouchés aux Terres et Forêts et qui vient d'un
secteur comme la sociologie, il va avoir les mêmes problèmes parce
qu'à l'intérieur des Terres et Forêts il y a des
ingénieurs forestiers. C'est parfaitement clair qu'ils vont favoriser
les leurs parce qu'ils les connaissent mieux; ils savent de quoi ils sont
capables et ils ont des utilisations pour eux. Quand le candidat se
présente au ministère du Tourisme, de la Chasse et de la
Pêche, si la majorité est constituée de biologistes ou de
spécialistes de la faune, c'est parfaitement normal aussi qu'on utilise
un minimum d'ingénieurs forestiers.
Alors, il y en a quand même dans les autres ministères,
mais si on fait la proportion, c'est extrêmement faible.
M. VEZINA: M. le Président, j'ai un peu l'impression, selon les
propos que vous tenez, je le dis sans méchanceté parce que je
suis moi-même un fils d'ingénieur forestier, que vous faites
jusqu'à un certain point une sollicitation d'emploi pour les membres de
votre corporation. Si la corporation comme telle, par ses membres et par
l'organisme, n'a pas réussi à imposer la nécessité,
la qualité du service qu'elle peut offrir, je me demande si aujourd'hui
on doit conclure que c'est une faiblesse d'un gouvernement ou d'un
ministère ou de certains ministères qu'il n'y ait pas assez ou
qu'il y ait des ingénieurs forestiers mal utilisés. Je me demande
si cela ne relève pas plutôt de la corporation
elle-même.
M. MERCIER: Il est possible que la corporation ait à prendre une
partie des reproches que l'on fait ici, mais nous n'avons pas voulu passer cela
comme un plaidoyer en faveur de l'emploi d'ingénieurs forestiers mais
plutôt dans un autre sens. Il serait difficile, malgré les
affirmations de M. Coiteux, de retrouver dans le livre blanc que le
ministère des Terres et Forêts n'a pas décidé de
prendre une position précise au sujet de l'utilisation des ressources
autres que celles qu'on appelle bois. Il y a quand même quatre citations
dans le texte qui disent: Cela, on ne s'en occupe pas, c'est en dehors de notre
secteur. A ce moment-là, assurément, s'il s'agit de manipulation
de peuplement forestier, que ce soit pour fins récréatives ou
pour fins de production en matière ligneuse, il va être
très difficile d'avoir une entrée quelconque dans
l'administration de ces domaines.
On concevrait mal, par exemple, que, par force d'habitude ou force de
profession installée dans un domaine ou un ministère, à un
moment donné, les sociologues se mettent à faire de la
manipulation en peuplement forestier afin de faciliter ou donner une
infrastructure pour la récréation forestière. Il est
possible que ça arrive à cause du cloisonnement, encore une fois,
entre les différents ministères.
M. COITEUX: J'aurais une dernière question à poser, sur le
mémoire, une question assez brève, concernant encore un petit
reproche qu'on fait au ministère. Je voudrais vous demander
jusqu'où s'étend votre conception de l'industrie des produits
forestiers, puisque vous dénoncez la vision limitée du
gouvernement et particulièrement celle du ministère des Terres et
Forêts. Donnez-moi des explications à ça.
M. MERCIER: Les trois industries qui ont été citées
dans le livre blanc sont celles des pâtes et papier, du sciage, du
déroulage et des contre-plaqués. Ce sont des industries qui, pour
la plupart, font subir à une matière première, qui est le
bois, une transformation secondaire. On part de la bille et on finit avec un
produit qui est utilisé encore par d'autres industries. Il y aurait une
façon de les classer comme deuxièmes utilisateurs. Je pense
qu'une politique dynamique de prospection des marchés, de promotion,
devrait tenir compte des deuxièmes
utilisateurs comme la construction, l'industrie du meuble, les portes et
chassis et autres catégories qui sont trop nombreuses pour être
énumérées. Dans celles à peu près
équivalentes à celle du contre-plaqué et qui sont à
tenir en ligne de compte, il y a les compagnies de fabrication de panneaux de
particules, des bardeaux de cèdre, des bois de tournage, et je pourrais
en nommer une autre série. Il est évident que peut-être le
ministère des Terres et Forêts ne pouvait pas prendre position ou
offrir quelque chose à chacune. On voulait simplement rappeler qu'il y a
plus que les quatre industries mentionnées.
M. COITEUX: Une question sur la recherche. En quoi la stratégie
de développement industriel est-elle reliée à
l'établissement des priorités en recherche forestière?
M. MERCIER: Si, dans le contexte du Québec, par exemple, on
décidait que l'utilisation primordiale de la forêt porterait vers
des utilisations autres que la production provenant de matière ligneuse,
c'est un exemple que je tire des nuages, quelle serait la raison du
ministère des Terres et Forêts de faire des recherches pour
augmenter la productivité, les peuplements, ou la grosseur des arbres ou
bien la disponibilité d'essences qui ne seront pas utilisées?
Alors, il faudrait qu'une fois pour toutes, ce n'est pas le rôle
essentiel du ministère des Terres et Forêts, le gouvernement dise:
Dans l'industrie du bois, on a tel but, il y a telle chose qu'on veut
favoriser. Notre recherche la plus urgente doit être orientée vers
la solution de problèmes qu'on peut avoir dans ces domaines.
M. LESSARD: M. le Président, j'aurais une dernière
question concernant l'industrie. A la page 17, la Corporation des
ingénieurs forestiers du Québec regrette que le gouvernement
n'ait pas prévu, à court terme, une série de mesures
visant à aider l'industrie forestière en difficulté. On
ajoute ceci: Celle-ci a déjà informé le gouvernement des
diverses mesures susceptibles d'atteindre cet objectif. Les plus importantes
visent à abaisser sensiblement le coût du bois. J'aimerais savoir,
M. le Président, si, lorsqu'on parle de celle-ci, il s'agit du Conseil
des producteurs de pâtes et papier du Québec qui soumettait, en
janvier 1972, un mémoire au premier ministre Bourassa, mémoire
qui devait normalement être soumis à la commission parlementaire
des terres et forêts. S'il s'agit de ce mémoire, est-ce que la
Corporation des ingénieurs forestiers du Québec appuie totalement
ce mémoire?
M. MERCIER: La Corporation des ingénieurs forestiers ne prend pas
parti dans la question du mémoire soumis par les industries
forestières, mais nous sommes portés à croire que ces gens
ont préparé un mémoire dans lequel ils disent quelles
seraient les mesures qui leur seraient favorables. A ce moment-là, c'est
au gouvernement de juger si, oui ou non, ces mesures sont exactes. Ensuite, je
voudrais spécifier ceci. Nous avons déjà eu une remarque
qui nous a été faite par les associations de manufacturiers de
bois de sciage. Il est possible que notre paragraphe ait donné lieu
à des interprétations différentes. Mais, par celle-ci,
nous ne référons pas à un mémoire qui a
été déposé, mais à l'ensemble des
mémoires qui ont pu être déposés dans les
dernières années par l'ensemble des industries.
Nous croyons qu'il faut aussi bien tenir compte des revendications d'une
usine comme Maki que de l'ensemble des usines de pâtes et papier.
M. LESSARD: Vous reprochez au gouvernement de ne pas prévoir de
mesures à court terme pour aider l'entreprise. Je vous pose la question:
Est-ce que ça veut dire que vous appuyez le mémoire du Conseil
des producteurs de pâtes et papier qui a soumis un mémoire,
très bien préparé d'ailleurs, et dans lequel ces
entreprises exigent des subventions gouvernementales? Et vous me dites: Voici,
il ne s'agit pas de prendre position sur le mémoire du Conseil des
producteurs de pâtes et papier du Québec.
Mais j'aimerais bien, étant donné que vous reprochez au
ministère de ne pas prendre de mesures à court terme pour aider
l'entreprise, que vous expliquiez un peu, quant à vous, ce qu'est l'aide
à l'entreprise privée. Est-ce que c'est sous forme de subventions
inconditionnelles comme ç'a été le cas dans le
passé, ou est-ce que c'est sous forme de subventions indirectes, tel que
demandé par le mémoire du Conseil des producteurs de pâtes
et papier du Québec? C'est ça qu'on essaie de vous faire
préciser.
Vous faites passablement d'affirmations dans votre mémoire, mais
il faut quand même prouver et expliquer un peu ces
affirmations-là. Je termine en disant: Quelles sont les mesures
concrètes que vous, comme membre de la Corporation des ingénieurs
forestiers du Québec, proposez pour aider l'industrie forestière
à court terme?
M. MERCIER: D'accord. D'abord, on ne fait pas un reproche au
gouvernement...
M. VEZINA: Le député a noté.
M. LESSARD : Vous ne faites pas un reproche mais...
M. MERCIER : Nous lui demandons de prendre des mesures à court
terme.
M. LESSARD: ... vous souhaiteriez.
M. MERCIER: C'est ça. Nous souhaitons qu'il en prenne des mesures
à court terme. Et dans le type d'interventions, s'il est jugé
néces-
saire par le gouvernement d'accorder des subventions à
l'industrie des pâtes et papier, nous sommes d'accord pour qu'il le
fasse. Il doit y avoir une attache. C'est-à-dire que ces mesures doivent
assurer que l'industrie des pâtes et papier demeurera établie pour
une période plus ou moins longue, selon les barèmes que le
gouvernement désire faire passer.
M. LESSARD: Vous êtes d'accord sur tout ce que propose le
gouvernement, pour autant que c'est proposé par le gouvernement. Vous
dites: Nous sommes d'accord, à un moment donné, sur cette
politique-là, si le gouvernement juge que c'est bon d'apporter ces
mesures-là. Vous me dites: A une certaine limite, à certaines
conditions auxquelles l'entreprise devra s'assujettir, mais pas plus que
ça.
M. MERCIER: C'est justement la condition importante dans l'intervention
que je viens de faire. Il faut que ça assure une continuité
à cette industrie. Par exemple, subventionner pour voir une usine
disparaître deux ans plus tard; aucun intérêt.
M. LE PRESIDENT: Messieurs, dois-je comprendre qu'il n'y a pas d'autres
questions qui s'adressent au président de la corporation? Sur ce, je
remercie la Corporation des ingénieurs forestiers et son
président de l'apport très valable qu'ils ont apporté
à l'étude de la réforme forestière et je les
remercie également de s'être prêtés de façon
aussi aimable aux nombreuses questions qui sont venues de la table.
Je puis voir là la qualité du document que ces gens ont
déposé, l'intérêt manifeste qui est venu dudit
document. La commission ajourne ses travaux sine die; il n'y a pas de date
déterminée. Les gens seront avisés, convoqués en
temps et lieu.
M. VINCENT: Avant d'ajourner, M. le Président, est-ce qu'on
ajourne sine die ou à une date qui sera fixée
éventuellement par le gouvernement?
M. DRUMMOND: Il y aura une date fixée éventuellement.
M. VINCENT: Bon. Est-ce que la commission a reçu d'autres
mémoires de corporations ou d'organismes? Est-ce qu'on a
présentement ces mémoires en main?
M. DRUMMOND: Nous avons reçu à peu près une
douzaine de mémoires jusqu'à maintenant.
M. VINCENT: Est-ce qu'on pourrait obtenir du ministre que chaque membre
de la commission ait copie de ces mémoires?
M. DRUMMOND: On peut obtenir ça du secrétaire de la
commission, on peut les envoyer à tous les membres de la commission.
M. VINCENT: Bon, d'accord. Nous exprimons le voeu que le
secrétaire de la commission nous fasse parvenir à l'avance copie
des mémoires qu'il a reçus ou qu'il recevra d'ici la prochaine
séance.
M. BELAND: Il serait peut-être bon de savoir aussi, par exemple,
jusqu'à quelle date il y a possibilité pour une association
donnée ou un organisme donné d'être accepté dans la
présentation d'un mémoire.
M. DRUMMOND: A la prochaine séance, je pense que ce serait bon de
commencer avec l'Association des manufacturiers de bois de sciage qui est ici
aujourd'hui et on peut confectionner la liste plus tard. Nous allons essayer
d'obtenir une autre date avant la fin de la session; sinon il faudrait
recommencer nos travaux au mois d'août.
M. VINCENT: Vers le 15 ou le 20 août?
M. DRUMMOND: Disons une trentaine de jours après la fin de la
première partie de la session.
M. LOUBIER: Comme le demandait le député de
Lotbinière, quelle est la date limite pour la présentation de
mémoires avec assurance que ces mémoires seront
présentés et étudiés à la commission?
M. DRUMMOND: D'une façon officielle, c'est aujourd'hui, mais si
quelques-uns entrent d'ici quelques jours, je pense que tout le monde sera
d'accord pour entendre ces mémoires.
M. LOUBIER: Quelle est la date limite? Hypothétiquement,
c'était aujourd'hui, d'après ce que je peux voir, mais...
M. DRUMMOND: C'est officiellement aujourd'hui.
M. LOUBIER: Officiellement aujourd'hui, mais alors, quelle date limite
le ministre accorde-t-il pour les organismes qui n'ont pas encore soumis de
mémoire? Parce qu'on ne peut pas non plus attendre éternellement
les mémoires?
M. DRUMMOND: D'accord, s'il faut se rencontrer au mois d'août, ce
n'est pas grave, si quelqu'un envoie un mémoire d'ici une quinzaine de
jours.
M. VINCENT: Est-ce qu'on pourrait déterminer dès
aujourd'hui que, le 1er juillet, tous les mémoires devront être
entrés? A ce moment-là, on établira la procédure de
travail.
M. DRUMMOND: Je suis d'accord sur cela.
M. LEDUC: Si on me permet; cependant, pour la question du 1er
juillet...
M. LE PRESIDENT: Un instant, monsieur le député de
Taillon. J'avais réservé le droit de parole au
député de Saguenay.
M. LESSARD: M. le Président, j'aimerais savoir, de la part du
ministre combien il y a de mémoires à ce jour.
M. DRUMMOND: Il y en a douze.
M. LESSARD: Est-ce que nous pouvons espérer que le Conseil des
producteurs de pâtes et papier du Québec qui a
présenté son mémoire au premier ministre pourra venir
présenter son mémoire à la commission parlementaire afin
que nous puissions l'interroger? Je considère, M. le Président,
qu'il s'agit de treize compagnies fort importantes au Québec.
M. VINCENT: Il l'a déposé officiellement.
M. LESSARD: Est-ce qu'il viendra, ici à la commission, pour que
nous puissions l'interroger?
M. DRUMMOND: Il viendra.
M. LESSARD: Merci beaucoup.
M. LE PRESIDENT: Le député de Taillon.
M. LEDUC: J'aurais un commentaire, M. le Président. Si nous
retardons la date pour la réception du mémoire la
commission est toujours maîtresse de ses décisions il
faudrait bien que nous nous entendions comme quoi c'est quand même une
exception à la procédure normale, pour ne pas créer
inutilement de précédent. Et si la commission décide de
donner une extension jusqu'au 1er juillet, d'accord. Mais il y a quand
même une procédure qui doit être suivie par nos
règlements et il faudrait que cela soit considéré comme
étant une exception et non pas un précédent que nous
créons pour d'autres commissions auxquelles nous ne pourrions pas
permettre, à certains moments, d'ajouter des jours pour recevoir des
mémoires.
M. LE PRESIDENT: Merci, messieurs.
(Fin de la séance à 23 h 19)
ANNEXE Référer à la version PDF page B-3787
À PAGE B-3793