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Commission permanente
des Richesses naturelles
et des Terres et Forêts
Politique forestière
Séance du mardi 22 août 1972
(Dix heures et dix minutes)
M. PILOTE (président de la commission permanente des richesses
naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!
Avant de commencer la séance, je voudrais mentionner que M.
Arsenault est remplacé par M. Marchand, de Laurier, M. Coiteux est
remplacé par M. Pelletier, M. Larivière, de Pontiac, est
remplacé par M. Dionne, de Compton, M. Loubier est remplacé par
M. Vincent, de Nicolet, M. Massé, d'Arthabaska, est remplacé par
M. Caron, de Verdun, M. Perreault, de l'Assomption, est remplacé par M.
Bacon, de Trois-Rivières, M. Tremblay, de Chicoutimi, remplace M.
Simard, de Témiscouata.
La séance ajo'urnera ses travaux à midi trente pour
recommencer à 2 h 30. La parole est à M. René Barry,
directeur général de l'Association des manufacturiers de bois de
sciage du Québec.
Association des manufacturiers de bois de sciage du
Québec
M. BARRY: M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la
commission parlementaire, notre association, ce matin, l'Association des
manufacturiers de bois de sciage du Québec, est officiellement
représentée par M. Charles Guérette, président de
l'association; il est accompagné de M. Jean-Pierre Dufresne,
vice-président de l'association, et j'ai l'honneur de l'accompagner. Je
vais laisser la parole à M. Guérette, qui va vous soumettre les
idées qui ont été préparées par notre
association et qui ont été exprimées sous forme de
mémoire afin de soumettre le point de vue de l'industrie du sciage en
général et les points de vue des membres en particulier
vis-à-vis de la réforme qui est proposée dans les tomes du
livre blanc présenté par l'honorable ministre des Terres et
Forêts.
M. GUERETTE: M. le Président, messieurs, notre association a
préparé un mémoire assez volumineux, comme vous le savez.
Etant donné les normes de votre commission, nous avons aussi
présenté un résumé. Nous croyons, nous, de
l'association, qu'il serait préférable de procéder
à la lecture complète du mémoire. Toutefois, nous nous
soumettrons à votre décision à savoir si vous
préférez qu'on lise seulement le résumé.
M. DRUMMOND: Je suis d'accord sur cela, qu'on lise le mémoire et
ensuite on aura des questions à poser des deux côtés
ici.
M. GUERETTE: Le mémoire en entier? M. LE PRESIDENT: Non, le
résumé. M. DRUMMOND: Le résumé.
M. GUERETTE: D'accord. L'Association des manufacturiers de bois de
sciage du Québec a préparé un mémoire à
l'intention de la commission parlementaire des richesses naturelles et des
terres et forêts au nom de l'industrie du sciage du Québec.
Ce mémoire comporte un aperçu historique, une mise au
point au sujet de l'industrie forestière au Québec, et cinq
chapitres traitant respectivement de l'apport économique et social de
l'industrie des sciages; l'accessibilité des ressources
forestières; les usines; la mise en marché des sciages et enfin
des responsabilités de l'Etat.
Tout au long de son mémoire, notre association amène des
considérations qui conduisent à des recommandations qui, nous
l'espérons, seront de nature à aider le gouvernement à la
préparation de la loi qui orientera la politique forestière au
Québec.
Nous présentons à titre de résumé de notre
mémoire un sommaire de chaque chapitre et nous reproduirons dans leur
entier les 45 recommandations précises contenues dans le texte
intégral de notre mémoire
L'industrie forestière au Québec: une mise au point. Dans
le tome I de l'Exposé sur la politique forestière
intitulé: "Prospective et problématique", on retrouve une
description de l'industrie forestière du Québec telle que vue
à travers de nombreux tableaux statistiques. Nous croyons que l'image
présentée n'est pas exacte et informe mal de lecteur. Nous
apportons ici quelques précisions que nous croyons primordiales.
Tout d'abord, nous affirmons qu'il n'y a qu'une industrie
forestière au Québec. Il s'agit d'une industrie primaire, il n'y
a pas de petite et de grande industrie, il n'y a pas de bonne ou de mauvaise
industrie. Il peut y avoir et effectivement il y a de petites et
de grandes entreprises, de bons ou de moins bons industriels. Nous soutenons
qu'il est faut de dire que le sciage doit être catalogué comme
petite industrie et que les pâtes et papier constituent la grande
industrie.
L'industrie forestière se divise en secteurs. Parmi ceux qui
utilisent l'arbre comme matière première, il y a trois secteurs
importants: celui du déroulage, celui du sciage et celui des
pâtes. Il en existe aussi nombre d'autres moins importants tels les
arbres de Noël, le bois de chauffage, le charbon de bois, la
clôture. Enfin, d'autres secteurs vont recueillir des produits de l'arbre
ou des parties d'arbre comme la sève, la gomme et l'écorce.
Chaque secteur de l'industrie primaire peut se rattacher à un
secteur d'une industrie secondaire. Ainsi, on connaît les pâtes et
le papier, les pâtes et le carton, les pâtes et la cellulose.
Du côté du sciage, il y a des combinaisons avec la
construction, avec la caisserie, avec les fabriques de meubles, la parqueterie,
alors qu'on associe le déroulage avec le placage et le
contre-placage.
La présentation du placage et du contre-placage à titre
d'industrie forestière est erronée puisqu'il s'agit d'une
industrie du bois au niveau secondaire. Le secteur forestier primaire
correspondant est le déroulage.
Cette mise au point nous amène à nous questionner sur les
raisons qui ont créé la confusion quasi universelle qui
règne dans le monde forestier au Québec. Nous constatons avec
déception que tout notre contexte forestier, à tort, s'identifie
trop exclusivement au secteur des pâtes et papiers. Nous nous
étonnons à juste titre que cette mentalité se retrouve au
ministère des Terres et Forêts. Peut-on accepter que des lois
accordent des traitements de faveur au secteur des pâtes et ce, au
détriment des autres secteurs de l'industrie forestière?
Le seul fait que le secteur des pâtes soit le plus important de
l'industrie forestière est-il suffisant pour qu'on néglige les
autres?
L'apport économique et social de l'industrie des sciages :
Entre 1946 et 1969, on a assisté à une restructuration de
l'industrie du sciage du Québec. Nombre d'usines non rentables ont
fermé leurs portes alors que celles qui jouissaient d'un
caractère permanent ont pu se consolider. Malgré une diminution
dans le nombre d'établissements, la production totale du Québec
en bois de sciage n'a cessé d'augmenter. Le rythme d'accroissement
aurait été meilleur si l'industrie avait pu évoluer plus
librement. Cette évolution s'est produite en dépit du fait que le
prix moyen de vente du bois n'a augmenté qu'à un taux annuel de 3
p.c.
L'industrie du sciage a amélioré son image au cours de sa
récente évolution. En quinze ans, le nombre moyen de
salariés par usine a doublé et les salaires ont presque
quadruplé, s'accroissant annuellement de 8.5 p.c. en moyenne. Pendant ce
temps, les industriels amélioraient la qualité de leurs produits
en adoptant des normes de classification.
Depuis une vingtaine d'années, l'industrie du sciage a
augmenté la gamme de ses produits par la fabrication de copeaux à
pâte. La production annuelle de cette marchandise s'élève
à quelque 1,300,000 tonnes anhydres auxquelles il faut ajouter les
centaines de mille tonnes de planures et de bran de scie qu'elle offre aux
usines de pâtes.
L'industrie du sciage du Québec veut continuer à remplir
son rôle social et économique, mais elle ne peut le faire seule.
Elle voudrait que les autorités en place lui manifestent de la
compréhension. Le ministère des Terres et Forêts
détient les solutions à plusieurs des problèmes qui
empêchent les industriels du sciage de participer plus activement
à l'essor du Québec.
L'accessibilité aux ressources forestières. L'industrie du
sciage du Québec doit son existence et son développement aux
industriels québécois qui n'ont pas hésité à
investir tout leur avoir personnel dans la construction d'usines de sciage.
Pour approvisionner leurs scieries, nos industriels peuvent compter sur sept
sources d'alimentation: les forêts domaniales, les terrains vacants de
l'Etat, les concessions des sociétés étrangères au
sciage, les concessions des industriels du sciage, les terrains privés,
l'importation et les opérations forestières des organismes
paragouvernementaux.
Les forêts domaniales. La forêt domaniale existe chez nous
depuis plus de cinquante ans, mais ce n'est que très récemment
que cette forme de tenure a pris de l'importance au Québec. Depuis 1965,
les forêts domaniales ont contribué grandement à
l'approvisionnement des usines de sciage. Il reste cependant des correctifs
à apporter aux modalités administratives adoptées afin de
répondre exactement aux besoins des scieries.
Les terrains vacants de l'Etat. Les terrains vacants de l'Etat
constituent encore une source d'alimentation des scieries, mais il semble qu'on
tende vers leur conversion en forêts domaniales.
Les concessions forestières des sociétés
étrangères au sciage. Les concessions forestières des
sociétés étrangères au sciage ont fourni de forts
volumes de bois pour approvisionner les usines de sciage. Cependant, la vente
de ce bois a donné lieu à de nombreuses récriminations et
il y aurait probablement lieu pour le gouvernement de mener une enquête
sur les transactions qui ont été conclues entre affermataires et
détenteurs de permis et sur les circonstances qui ont entouré ces
transactions.
Les concessions des industriels du sciage. Les concessions des
industriels du sciage sont tellement peu nombreuses et tellement petites qu'il
y a peu à dire à leur sujet.
Les terrains privés. Les terrains privés
représentent un fournisseur important pour les industriels du sciage.
Ces derniers désirent les garder.
L'importation. L'importation constitue la seule source d'alimentation de
plusieurs scieries situées près des frontières. La perte
de cette source de matière première serait une catastrophe pour
les municipalités qui dépendent de ces scieries.
Le bois des organismes paragouvernementaux. Le bois coupé par les
organismes paragouvernementaux peut alimenter les scieries d'une façon
avantageuse pour toutes les parties intéressées. Il faudra
cependant prendre les précautions nécessaires pour que les
programmes de ces organismes ne provoquent pas de conflits avec les projets
déjà établis par l'industrie et approuvés par le
gouvernement.
L'optimalisation de l'utilisation des ressources. Etant donné la
multiplicité des sources d'approvisionnement et la diversité des
usages du bois comme matière première, il faut chercher
l'optimalisation dans l'utilisation de la
ressource. En conformité avec les principes de l'utilisation
rationnelle, nous recommandons: 1) Que le ministère des Terres et
Forêts dirige vers les industries de déroulage les bois qui
conviennent au déroulage, vers les industries du sciage ceux qui doivent
aller au sciage et vers les usines de pâte la matière ligneuse
qu'elles peuvent utiliser.
La disponibilité des ressources. Il arrive souvent que du bois se
perde alors que des usines capables de l'utiliser sont privées de
matière première. Cette situation est vraiment condamnable
lorsqu'elle provient du fait que des forêts sont détenues par des
affermataires qui n'en tirent pas la possibilité en matière
ligneuse.
En conformité avec les principes d'une sage gestion qui met
à profit les disponibilités de la ressource, nous recommandons:
2) Que le ministère des Terres et Forêts mette
immédiatement en disponibilité les possibilités non
utilisées des concessions forestières et n'attende pas les
échéances prévues dans son programme d'abolition des
concessions.
Il faut absolument que l'Etat prenne des précautions
nécessaires pour que les usines de transformation du bois puissent
songer à prendre de l'expansion lorsque les circonstances le
permettront. Il ne faut pas que ces précautions paralysent le
développement des uns au profit des autres.
Afin d'éviter le gel inutile des territoires forestiers, nous
recommandons: 3) Que le ministère des Terres et Forêts
perçoive des industriels les droits de coupe correspondant aux
possibilités forestières qui leur sont attitrées ou
réservées.
La quantité de bois coupé en vue de l'approvisionnement
des usines varie d'une année à l'autre pour une multitude de
raisons dont plusieurs échappent au contrôle de leurs
propriétaires.
Afin de compenser pour les écarts inévitables entre la
possibilité des territoires destinés à un industrie et la
coupe qu'il y effectue, nous recommandons: 4) Que le ministère des
Terres et Forêts puisse imputer à l'année
précédente ou à l'année suivante toute
différence raisonnable entre la quantité totale allouée
à un détenteur de permis de coupe et la quantité totale
coupée.
Il faut prévoir des cas où des territoires forestiers
seront retenus en vue de l'agrandissement d'usines ou de l'implantation
d'industries nouvelles. Cependant, de tels projets ne se réalisent pas
sans des études qui peuvent durer quelques mois.
Afin de permettre la conduite d'études sérieuses
préliminaires à l'agrandissement d'usines existantes ou à
l'implantation d'usines nouvelles, nous recommandons: 5) Que le
ministère des Terres et Forêts puisse retenir les territoires
forestiers nécessaires à l'agrandissement d'usines existantes ou
à l'implantation d'usines nouvelles pendant une période
d'étude n'excédant pas trois ans sans réclamer des droits
de coupe sur la possibilité forestière du territoire.
Même si ces territoires sont ainsi retenus, il ne faut pas croire
que la forêt cesse d'offrir sa possibilité. Il faut donc
prévoir que le gouvernement puisse permettre l'utilisation du bois
disponible en accordant des approvisionnements à court terme à
d'autres entreprises qui pourraient ainsi s'alimenter d'une façon
temporaire.
Afin de permettre au gouvernement de retirer le maximum de revenu de ses
forêts et afin de créer de l'emploi en distribuant toute la
matière première disponible, nous recommandons: 6) Que le
gouvernement alloue par des contrats à court terme la possibilité
forestière des territoires retenus en vue de l'agrandissement d'usines
existantes ou de l'implantation d'usines projetées.
L'élaboration des politiques d'allocation de la matière
provenant des terrains publics ne peut venir que du gouvernement qui est aussi
responsable de leur mise en oeuvre. L'Etat doit contrôler lui-même
les sources d'approvisionnement en essences feuillues et résineuses et
émettre lui-même, sans intermédiaire, les permis
d'exploitation.
En conformité avec les responsabilités qui incombent
à l'autorité gouvernementale, nous recommandons : 7) Que le
ministère des Terres et Forêts émettre tous les permis de
coupe directement aux exploitants et perçoive lui-même les
redevances et s'assure qu'aucun intermédiaire n'impose de contraintes
indues aux utilisateurs.
Les garanties d'approvisionnement. Tous les industriels forestiers, quel
que soit le secteur auquel ils appartiennent, sont assujettis aux mêmes
lois, aux mêmes contraintes dans le financement de leurs constructions,
aux mêmes cédules de dépréciation.
Les chances d'atteindre plus ou moins rapidement le seuil de la
rentabilité peuvent varier d'un secteur industriel à l'autre,
d'une année à l'autre. Les financiers seront incités
à investir dans un domaine plutôt que dans un autre selon
l'attrait que lui présentera un secteur industriel dans son ensemble.
Aussi, nous nous opposons à ce que l'importance des sommes à
immobiliser soit le critère qui établisse la durée d'un
programme d'allocation de matière première.
Compte tenu des exigences des sociétés de financement et
compte tenu des cédules uniformes de dépréciation, nous
recommandons: 8) Que le ministère des Terres et Forêts
évite toute forme de discrimination et que les sommes à investir
ne constituent pas le critère pour fixer la durée du contrat
d'approvisionnement.
La durée de l'approvisionnement est capitale; la quantité
de bois allouée est vitale.
Afin d'assurer une continuité d'opération et une
permanence d'emploi dans toutes les usines du secteur forestier, nous
recommandons:
9) Que le ministère des Terres et Forêts accorde des
contrats d'approvisionnement correspondant à la capacité de la
machinerie installée et aux besoins des usines quel que soit le secteur
forestier auquel elles appartiennent.
La concentration des zones d'approvisionnement. La matière
première destinée à une usine doit être
située dans des zones concentrées.
Afin de permettre à l'industrie du sciage d'améliorer
l'efficacité de ses opérations forestières, nous
recommandons: 10) Que le ministère des Terres et Forêts offre aux
industriels du sciage des territoires de coupe concentrés et
délimités de façon à leur permettre de
réaliser des économies d'échelle.
Aucune industrie ne peut se permettre de changer à tout moment de
territoire. Les sommes qu'il faut investir en construction de toutes sortes
sont irrécupérables sinon en les amortissant sur un certain
volume d'affaires.
Afin de permettre aux industriels forestiers de planifier leurs
opérations forestières à long terme, nous recommandons:
11) Que le ministère des Terres et Forêts garantisse une
permanence dans la localisation des territoires de coupe qu'il réserve
à l'intention de tout industriel forestier.
Toute entreprise dans le monde de l'industrie forestière a ses
limites économiques d'accessibilité aux zones
d'approvisionnement. Le secteur du sciage n'échappe pas à la
règle et le coût de la matière première
livrée à l'usine fait foi de tout.
Afin d'équilibrer l'ensemble des charges qui établissent
le coût de la matière première livrée à
l'usine, nous recommandons: 12) Que le ministère des Terres et
Forêts tienne compte de l'éloignement et de l'accessibilité
de la matière lorsqu'il localise le parterre de coupe qu'il destine
à un industriel forestier.
Dans son "Exposé sur la politique forestière", le
ministère des Terres et Forêts annonce une révision de son
tarif des droits de coupe. Nous croyons qu'il serait juste et raisonnable
d'établir les redevances à verser à l'Etat en fonction des
essences, des diamètres, de la qualité des billes, de la
qualité des sites et des peuplements, de l'éloignement et de
l'accessibilité. Enfin, les fluctuations dans le prix du produit fini
peuvent entrer en ligne de compte.
Afin de rendre justice aux utilisateurs du bois et afin de procurer
à l'Etat le maximum de revenu de ses forêts, compte tenu des
circonstances, nous recommandons: 13) Que le ministère des Terres et
Forêts établisse les rentes qu'il réclame pour
l'attribution de la matière en tenant compte de la valeur
intrinsèque de la matière première rendue à l'usine
de transformation et des prix de vente des produits finis.
Les usines. Considérons le statut des usines existantes et le
contrôle à exercer sur l'implantation de nouvelles usines.
Le permis d'usine. Toute industrie doit posséder un
répertoire complet de ses unités de production. L'industrie du
sciage n'est pas favorisée de ce côté. Une façon
facile de dresser une liste d'établissements consiste à
émettre des permis d'exploitation d'usine et à maintenir un
registre des permis.
En vue de la préparation d'une liste complète et valable
des usines qui utilisent le bois non transformé comme matière
première et en vue d'établir un meilleur contrôle de ses
usines, nous recommandons: 14) Que le ministère des Terres et
Forêts émette un permis annuel d'exploitation d'usine indiquant la
quantité maximale de bois qui peut être transformée dans
cette usine pendant la durée de ce permis en se basant sur la
capacité installée à la date de l'émission du
permis, et que le ministère maintienne un registre public des permis
accordés afin d'établir une base de répertoire des usines
en opération.
L'émission d'un tel permis fournit une excellente occasion au
gouvernement de recueillir une foule de renseignements sur les usines qui
utilisent le bois comme matière première, puis de se servir de
ces informations pour bâtir des statistiques. En vue de la
préparation de statistiques valables couvrant le secteur du sciage, nous
recommandons: 15) Que le ministère des Terres et Forêts exige que
les industriels forestiers soient tenus de remplir annuellement un
questionnaire afin d'obtenir le permis d'exploitation d'usine, et qu'il utilise
les renseignements recueillis dans la préparation de statistiques
officielles.
Les honoraires que le gouvernement pourra exiger, lors de
l'émission de permis d'exploitation d'usines, devront être
minimes. Afin d'éviter de taxer trop lourdement les petites entreprises,
nous recommandons: 16) Que le ministère des Terres et Forêts
réduise au minimum les honoraires qu'il exigera lors de
l'émission annuelle des permis d'usines et que les sommes
demandées ne servent qu'à couvrir les frais
entrâmés.
Les usines intermittentes. L'industrie du sciage compte un certain
nombre d'usines à caractère intermittent. Quelques-unes peuvent
ternir la réputation de toute l'industrie, à cause de leur
comportement discutable. Il y a lieu d'assainir le secteur.
Afin d'éliminer les éléments indésirables du
secteur sciage, nous recommandons: 17) Que le ministère des Terres et
Forêts procède à une enquête spéciale en vue
d'exiger réponse à son questionnaire pertinent, chaque fois
qu'une demande de permis d'usine lui est présentée pour une
entreprise qui n'a pas opéré pendant une période de un an
ou plus.
A l'occasion de la redistribution de la matière, le gouvernement
devrait considérer la consolidation des entreprises viables.
Afin d'éliminer du secteur forestier, les usines qui offrent peu
d'intérêt, nous recommandons: 18) Que le ministère des
Terres et Forêts
adopte les mesures nécessaires visant à faire
disparaître les usines inopérantes qui offrent peu de chance de
réouverture et qu'il prévoit une forme de dédommagement
à l'intention de leurs propriétaires.
Pour ce qui est des usines qui présentent des chances
intéressantes de survie, grâce à un potentiel
d'alimentation, le ministère ne devrait considérer que des
contrats d'approvisionnement à long terme.
En vue de consolider les usines qui réouvriront leurs portes,
nous recommandons: 19) Que le ministère des Terres et Forêts ne
considère que la réouverture d'usines à qui il peut
accorder un contrat d'approvisionnement à long terme.
Les usines marginales. Dans tout secteur industriel, il existe des
entreprises marginales. L'expérience démontre que le gouvernement
a adopté des attitudes bien différentes afin de régler les
cas d'usines marginales selon le secteur auquel elles appartiennent.
Afin d'éviter toute forme de discrimination, nous recommandons
20) Que le gouvernement accorde le même traitement à tous les
secteurs de l'industrie forestière dans le cas d'usines marginales.
Les usines nouvelles et l'agrandissement des usines existantes.
L'industrie forestière n'a pas atteint son point de saturation. Il faut
prévoir une politique qui saura planifier l'expansion.
Afin d'accorder aux entreprises en place la préférence
à laquelle elles ont droit, nous recommandons: 21) Que le
ministère des Terres et Forêts s'assure que les usines existantes
puissent compter à long terme sur toute la matière
première dont elles ont besoin pour satisfaire à tous leurs
besoins, avant de favoriser l'implantation de nouvelles usines.
Lors de la réalisation de développements industriels, le
gouvernement doit songer aux conséquences des investissements
étrangers.
Afin de favoriser les résidents du Québec qui
désirent investir dans leur province, nous recommandons : 22) Que le
ministère des Terres et Forêts accorde préférence
aux industriels du Québec, avant d'inviter des capitaux étrangers
pour l'implantation de nouvelles usines.
Les règles de l'utilisation optimale doivent être
respectées lors de l'implantation de nouvelles usines, surtout celles
destinées à la fabrication des pâtes. En conformité
avec le programme gouvernemental d'utilisation optimale de la ressource, nous
recommandons: 23)Que le gouvernement, dans sa promotion industrielle en vue
d'encourager la construction de nouvelles usines de pâtes, recherche
celles qui utiliseront au maximum les copeaux et autres produits conjoints du
sciage, de même que les essences forestières peu
utilisées.
La mise en marché des produits des scieries.
L'industrie du sciage du Québec a évolué au point
qu'elle peut dire que 100 p.c. du bois livré à ses scieries est
usiné puis offert en vente sur les marchés. Selon les
statistiques, le Québec produit environ deux milliards de pieds mesure
de planche en bois de sciage dont la moitié est utilisée dans
notre province et le reste est exporté vers les marchés
extérieurs.
Le marché domestique. Le marché domestique est surtout
constitué des besoins pour la construction domiciliaire (unifamiliale et
multi-familiale) et ceux de la consommation industrielle.
La construction domiciliaire. Les modes de construction domiciliaire au
Québec ne procurent pas toujours la satisfaction désirée
et il arrive que l'on blâme le bois. Le malaise existe à cause du
manque de précision ou de l'absence de devis de construction. L'adoption
et l'application d'un code de bâtiment pourrait corriger cette situation.
Afin de garantir au consommateur de bois le meilleur usage qu'il peut tirer de
ce matériau, nous recommandons: 24) Que le ministère des Terres
et Forêts intervienne auprès du gouvernement pour l'adoption et
l'application obligatoire d'un code du bâtiment partout où le
ministère des Affaires municipales a juridiction.
L'utilisation industrielle. La construction de maisons
préfabriquées et de maisons mobiles est appelée à
prendre un essor important au Québec. Afin de supporter un secteur
industriel prometteur, nous recommandons: 25) Que le gouvernement fasse la
promotion de l'industrie québécoise de la maison
préfabriquée et de la maison mobile.
Les ministères du gouvernement du Québec et les organismes
paragouvernementaux devraient tous avoir le souci de l'achat chez nous. On a
connu le mot d'ordre du ministère de l'Industrie et du Commerce qui
disait "Québec sait faire".
Afin d'accentuer la politique gouvernementale d'utilisation des produits
domestiques, nous recommandons: 26)Que le gouvernement, dans ses normes et ses
politiques de construction et d'achat, favorise l'utilisation maximale des bois
du Québec.
Le marché extérieur. Le marché d'exportation prend
de plus en plus de signification aux yeux de l'industrie du sciage du
Québec. Afin de mieux connaître le potentiel que lui offrent les
marchés d'exportation, nous recommandons: 27) Que le gouvernement
entreprenne une étude globale des marchés des produits des
scieries et des perspectives d'avenir qu'ils offrent.
Il est vrai que nous devons connaître le potentiel que
représente l'exportation. Il est aussi vrai que les acheteurs
éventuels de notre marchandise sachent les qualités des produits
que nous fabriquons. Afin d'assurer de nouveaux débouchés aux
produits forestiers québécois, nous recommandons: 28) Que le
gouvernement, par l'intermédiaire de ses maisons a l'étranger et
en coopération
étroite avec les industriels du sciage, réalise un
programme intensif de promotion du bois de sciage québécois sur
les marchés d'exportation.
Les copeaux. Consciente de l'importance de récupérer la
partie des billots qui ne peut être convertie en bois d'oeuvre,
l'industrie du sciage a dépensé des dizaines de millions de
dollars pour équiper ses usines de machines capables de transformer
cette matière première en produit utilisable par les fabriques de
pâtes. A cause des prohibitions contenues dans la loi, il est
défendu de vendre hors du Québec la matière
première non usinée, de sorte que les industriels du sciage
doivent vendre leurs copeaux, planures et bran de scie aux usines de
pâtes de notre province. Ils sont ainsi dans un marché captif et
il leur est impossible de négocier la vente de cette marchandise.
Afin de sauvegarder le principe des libres transactions commerciales et
afin de faire disparaître les contraintes d'un marché captif, nous
recommandons: 29) Que le ministère des Terres et Forêts
lève toutes restrictions à l'exportation des copeaux, planures,
sciures et écorces.
Si le gouvernement réussit à démontrer qu'il est
primordial d'usiner au Québec les produits de la forêt publique
québécoise, il doit créer un organisme qui aidera les
parties en présence lors des négociations, à l'occasion de
ventes entre industries de secteurs différents.
Conscients des tensions qui existent entre les divers secteurs de
l'industrie forestière et tout en affirmant son opposition au dirigisme
et à la tutelle en supposant qu'il soit nécessaire de
créer une régie gouvernementale pour contrôler la
distribution de la matière première nous recommandons :
30) Que le gouvernement crée un organisme de coordination des sources
d'approvisionnement des industries qui utilisent le bois comme matière
première et qu'il limite ses pouvoirs à l'indication et à
l'incitation.
Des responsabilités de l'Etat :
Nous pouvons dire que foncièrement le régime administratif
de notre province relève de l'autorité des ministères et,
traditionnellement, celui des Terres et Forêts a la responsabilité
de la gestion du domaine territorial public.
Dans le but de réorienter certaines des politiques du
ministère des Terres et Forêts, le gouvernement devra amender les
lois qui régissent ce ministère.
Afin d'établir clairement l'autorité dévolue au
ministère des Terres et Forêts, nous recommandons: 31) Que le
gouvernement confie exclusivement au ministère des Terres et
Forêts la juridiction du domaine territorial public, qu'il amende
certaines lois pour arriver à cette fin et que le lieutenant-gouverneur
en conseil délègue aux organismes gouvernementaux et paragou-
vernementaux certaines responsabilités administratives lorsqu'il le
jugera opportun.
Les structures actuelles du ministère des Terres et Forêts,
de son propre aveu, contiennent des déficiences qu'il faut corriger.
Afin de rationaliser l'administration des terres publiques, nous
recommandons: 32) Que le ministère des Terres et Forêts emploie au
maximum ses effectifs actuels, qu'il s'efforce de combler les lacunes qui y
existent avant de démembrer ses structures et de créer des
sociétés avec des pouvoirs d'allure parallèle.
La conservation. Un des rôles de la conservation vise à la
production du milieu contre tous les agents destructeurs.
Afin de confier à chacun la part des responsabilités qui
lui revient, nous recommandons: 33) Que le gouvernement laisse à la
charge du fonds consolidé de la province les frais de lutte contre les
agents destructeurs, sauf le feu.
De tous les éléments destructeurs dont l'homme est
directement responsable, le feu est peut-être celui qui a les causes les
plus diverses. Il est parfois impossible de retracer les individus responsables
d'incendies forestiers, même si on peut souvent dire à quel groupe
de citoyens ils appartiennent.
En vue d'établir une juste répartition des obligations de
chacun dans le domaine de la protection de la forêt contre le feu, nous
recommandons: 34) Que le gouvernement constitue un fonds spécial par la
vente de permis de circulation en forêt pour fins
récréatives, afin de défrayer une partie du coût de
protection et de combat des incendies.
La recherche. La station forestière de Duchesnay offre un grand
potentiel dans le domaine de la recherche et la diffusion d'informations.
Cependant, son rendement est compromis par la lenteur administrative du
gouvernement.
Afin d'améliorer l'efficacité de la station
forestière de Duchesnay et la rendre plus apte à fournir les
services que l'industrie en attend dans le domaine de la recherche et de la
diffusion des renseignements, nous recommandons: 35) Que le ministère
des Terres et Forêts modifie la structure administrative de la station
forestière de Duchesnay pour en faire une corporation autonome.
La coordination dans la recherche est devenue nécessaire à
cause du nombre d'organismes qui s'y adonnent.
Afin d'activer la recherche pour la découverte de nouvelles
méthodes de travail et de nouveaux produits, nous recommandons:
Que le ministère des Terres et Forêts organise et coordonne
la recherche de produits qui pourraient être manufacturés à
partir de sciages, de copeaux, de planures, de bran de scie et
d'écorces, celle qui vise à la découverte de nouvelles
méthodes de travail et celle qui porte
sur les modes d'exploitation forestière et sur les
procédés de transformation.
La recherche scientifique doit être complétée par
des études économiques.
Afin de permettre au gouvernement de se former une opinion valable
lorsque l'industrie forestière lui soumet ses problèmes, nous
recommandons:
Que le ministère des Terres et Forêts mette sur pied un
service d'études techniques et économiques compétent et
efficace qui lui fournira les moyens d'appuyer ses décisions lorsqu'il
sera appelé à juger des situations impliquant des secteurs
forestiers ou des industriels forestiers.
Le reboisement. Le sol du Québec a très souvent une
mission forestière et l'histoire à démontré qu'on a
eu tort de déboiser d'immenses régions pour les orienter vers
l'agriculture. Il faut maintenant restituer ces sols à la
forêt.
Afin de reconstituer les aires boisées partout où la
meilleure utilisation du milieu l'exige, nous recommandons:
Que le ministère des Terres et Forêts applique des
traitements sylvicoles susceptibles de produire des arbres propres au sciage ce
qui, grâce à l'intégration, fournira également de la
matière première à l'industrie des pâtes.
Le mesurage. La science dendrométrique n'est pas statique. Pour
que les modes de mesurage donnent les résultats attendus, il faut qu'il
y ait une étroite collaboration entre toutes les parties qui y sont
intéressées.
Afin de permettre à l'industrie forestière et au
ministère des Terres et Forêts d'évoluer en harmonie dans
le domaine du mesurage des bois, nous recommandons:
Que le ministère des Terres et Forêts forme un
Comité conjoint permanent MTF-Industrie, en vue de résoudre les
problèmes relatifs au mesurage du bois et qu'il n'apporte de changement
aux modes et aux règlements du mesurage que sur recommandation du
comité.
La voirie forestière. On a démontré que le
coût du transport du bois vers les usines peut constituer un
élément très important dans l'établissement du prix
de revient de la matière première.
Afin de conserver à l'industrie forestière la latitude
dont elle a besoin dans la construction et l'usage des chemins en forêt,
nous recommandons:
Que le gouvernement consulte les industriels forestiers et tienne compte
de leurs recommandations tant pour l'établissement des normes de
construction de la voirie forestière que pour la localisation et l'usage
des chemins forestiers.
La récupération. Le développement
hydroélectrique au Québec et le programme de
récupération de certains boisés menacés de
destruction ou voués à la disparition ont été la
cause de la création d'organismes paragouvernementaux tels que la
Société de développement de la baie James et Rexfor. Ces
organismes ont parfois à entreprendre des travaux d'exploitation
forestière.
Afin d'éviter une compétition inutile entre l'industrie
forestière et les sociétés paragouvernementales, nous
recommandons:
Que le ministère des Terres et Forêts s'assure que les
opérations forestières effectuées par les organismes
paragouvernementaux n'aient jamais de caractère concurrentiel mais
supplétif.
Lorsque ces sociétés coupent du bois et le dirigent vers
des usines de transformation, il est nécessaire que les
opérations forestières soient conduites en fonction des besoins
des industries à alimenter.
Afin d'obtenir le maximum d'efficacité des opérations
d'organismes gouvernementaux, comme Rexfor, nous recommandons:
Que le ministère des Terres et Forêts tienne compte des
exigences des industries qui utilisent les bois lorsqu'il confie des
opérations forestières aux organismes gouvernementaux
chargés de l'exploitation et de la récupération
forestière.
Il ne faudrait pas pénaliser les industries qui achèteront
le bois des sociétés d'exploitation et de
récupération en leur demandant de débourser pour ce bois
plus qu'elles ne paieraient si elles conduisaient leur propre chantier sur
leurs parterres de coupe conventionnels.
Afin d'éviter de causer des préjudices aux industriels qui
collaborent avec l'Etat dans sa politique de récupération, nous
recommandons:
Que le ministère des Terres et Forêts s'assure que le bois
coupé par des organismes paragouvernementaux, tels que Rexfor et la
Société de développement de la baie James, en vertu des
programmes de récupération soit offert au prix de revient normal
des acheteurs et fasse partie intégrante de leurs plans
d'allocation.
Le bois qui provient de travaux forestiers à caractère
social ne devrait pas perturber les programmes d'allocation de la
matière.
Afin de remplir les programmes adoptés par le ministère
des Terres et Forêts en vue de l'allocation de la matière
première et de l'alimentation des usines de transformation du bois, nous
recommandons: 44) Que le ministère des Terres et Forêts s'assure
que le bois coupé par des organismes paragouvernementaux tels que
Rexfor, en dehors des programmes de récupération, fasse l'objet
d'adjudications publiques et n'affecte pas le programme d'approvisionnement de
l'acheteur.
Il est possible que des conflits d'autorité puissent
s'élever entre le ministère des Terres et Forêts et la
Société de développement de la baie James.
Afin de respecter la hiérarchie établie dans le domaine
territorial, nous recommandons: 45) Que le ministère des Terres et
Forêts adopte des politiques concernant le bois localisé dans les
parterres impliqués dans le développement hydro-électrique
de la baie James et qu'il s'assure que la Société de
développement de la baie James les suivra.
Messieurs, je vous remercie et nous sommes ici pour répondre
à vos questions, si vous en avez.
M. LE PRESIDENT: La parole est au ministre des Terres et
Forêts.
M. DRUMMOND: M. le Président, je veux tout d'abord
féliciter l'association pour la qualité de son mémoire;
cela a exigé évidemment beaucoup de réflexion et de
travail, de la part de M. Guérette, M. Baril et ses confrères. En
ce qui concerne certaines questions que nous avons à poser de notre
côté, sur le contenu du mémoire, je vais passer la parole
en ce qui concerne notre côté en tout cas au
député de Trois-Rivières.
M. BACON: A la page 8 de votre mémoire, troisième
paragraphe, vous affirmez que l'industrie de placage et contre-placage devrait
être assimilée à une industrie forestière
transformant le bois. D'un autre côté, au tableau 1, à la
page 13, vous incluez quand même le secteur industriel dans votre
tableau. Il n'y a pas une confusion un peu de ce côté-là ou
est-ce qu'on pourrait avoir des explications?
M. BARRY: Le tableau que vous trouvez à la page 13 est extrait de
Statistique Canada et ne se limite pas au secteur primaire; il donne
l'importance relative des secteurs primaire et secondaire. Il n'est pas
question ici d'amener une confusion qu'on a voulu éliminer
antérieurement.
M. BACON: Toujours dans ce même tableau, vous incluez: Autres
industries du bois, 438, je comprends que vous avez peut-être
emprunté à Statistique-Canada, mais est-ce que vous avez fait des
recherches? Si on regarde les autres industries du bois, vous arrivez presque
au tiers de votre total. Est-ce que vous voulez donner des explications sur ce
qui fait partie de ces autres industries du bois?
M. BARRY: Selon les renseignements obtenus, les autres industries du
bois comportent également des entreprises qui vont usiner le bois au
stade secondaire. Nous avons inclus là-dedans le tournage, la
fabrication d'objets de bois, des paniers, des casseaux, des choses semblables,
mais au niveau secondaire seulement. Nous répétons notre
précision, le niveau primaire ne comporte que les industries qui
prennent le bois non transformé comme matière
première.
M. BACON: La même chose, à la page 16, où vous
affirmez: Au moment où l'on préconise une plus grande
distribution industrielle dans chacune des régions... Est-ce que vous
pourriez donner plus de précisions quant aux agents qui
préconisent ceci?
M. BARRY: Pourriez-vous préciser votre question, s'il vous
plaît?
M. BACON: Vous dites à la page 16, au dernier paragraphe: Au
moment où l'on préco- nise une plus grande distribution
industrielle dans chacune des régions, il est bon de reconnaître
la remarquable contribution de l'industrie du bois de sciage à ce
chapitre. Pourriez-vous précisez un peu les agents qui
préconisent cette politique?
M. BARRY: Evidemment, toute personne qui a des prétentions en
sociologie, en économique ou en des matières connexes
préconise une déconcentration et une distribution des industries
dans tout le territoire.
Nous prétendons que l'industrie du sciage a cette
caractéristique assez importante que ses usines se retrouvent dans un
très grand nombre de municipalités du Québec. Si nous
comptons au-delà de 600 scieries dans la province, vous avez
immédiatement une image de la distribution que cela représente.
Pour établir un parallèle, bien que je déteste
établir un parallèle à ce moment-ci entre l'industrie du
sciage et l'industrie des pâtes, vous retrouvez une cinquantaine d'usines
de pâtes dans la province de Québec avec une certaine
concentration dans des régions telles que Trois-Rivières ou le
Saint-Maurice. C'est l'intention que nous avons voulu exprimer lorsque nous
parlons d'une grande distribution industrielle dans chaque région.
D'ailleurs, si vous allez à la page suivante, à la page
17, vous avez un tableau qui donne le nombre d'usines, selon les régions
économiques qui ont été tracées par le
ministère de l'Industrie et du Commerce, les régions étant
divisées de un à huit, la Côte-Nord étant la
neuvième région, vous avez selon ce tableau un nombre total de
535 usines distribuées dans les huit régions. Est-ce que cela
répond à votre question?
M. BACON: Oui. Par deux fois, dans les pages 23 et 25, vous parlez de
concessions consenties à des protégés politiques ou des
financiers spéculateurs. Si on considère un certain nombre de
petites concessions qui ont été consenties dans le passé,
est-ce que, pour le bénéfice de la commission, vous pourriez nous
citer quelques cas?
M. BARRY: Disons que la liste publiée par le ministère des
Terres et Forêts et qui donne le nom de tous les concessionnaires
forestiers fournit les renseignements que vous demandez; vous n'avez
qu'à faire la soustraction entre les industriels et les
détenteurs de concessions et le résidu, cela va être des
protégés politiques ou des financiers.
M. LESSARD: Est-ce que vous l'avez fait? M. BARRY: Pardon?
M. LESSARD: Est-ce que vous l'avez fait vous-mêmes ce calcul? Vous
avez actuellement 613 industries de sciage, combien y a-t-il de permis
d'émis par le ministère des Terres et Forêts?
M. BARRY: Vous voulez dire combien y a-t-il de détenteurs de
concessions?
M. LESSARD: Vous faites la différence. Vous dites: On veut
connaître le nombre de financiers spéculateurs ou le nombre de
protégés politiques; il s'agit de faire une différence
entre le nombre d'industries de sciage que nous avons...
M. BARRY: Non, entre le nombre de concessionnaires forestiers et le
nombre d'industriels forestiers.
M. LESSARD: Est-ce que vous l'avez fait? Combien y a-t-il de
concessionnaires forestiers et combien y a-t-il d'industriels forestiers?
M. BARRY: Disons que récemment nous n'avons pas
procédé à ce dénombrement, mais, pour votre
bénéfice, nous pourrons y procéder après
l'audition.
M. BACON: Ce sera sûrement intéressant pour les membres de
la commission. A la page 48, à la recommandation 18, j'aimerais que vous
donniez des précisions là-dessus. Je me demande si vous ne
considérez pas que cela créerait peut-être un dangereux
précédent.
M. BARRY: Non. Si vous permettez, pour le bénéfice des
gens présents, nous allons lire intégralement les commentaires
qui précèdent cette résolution.
On dit: Le gouvernement doit souvent faire face à des situations
embarrassantes lorsqu'il considère l'approvisionnement d'usines dans
certaines régions où le bois accessible se fait rare, il lui est
parfois difficile de satisfaire à toutes les demandes en bois. A
l'occasion de la redistribution de la matière, il devrait
considérer une consolidation des entreprises viables par une
série de mesures qui consisteraient à exiger que les
propriétaires d'usines inopérantes depuis trois ans ou plus
fassent un choix définitif quant à leurs intentions futures, soit
qu'ils ferment immédiatement et définitivement, s'ils n'ont pas
l'intention d'oeuvrer dans l'industrie forestière ou qu'ils passent
à l'action immédiatement et qu'ils entrent en opération
s'ils désirent demeurer dans le secteur. Le gouvernement devra
procéder à une analyse du dossier de chaque entreprise afin
d'éliminer celles qui sont marginales et qui devront envisager la
fermeture à brève échéance. Il y aurait lieu
d'adopter une formule de dédommagement pour ceux qui devront
démolir leurs usines.
Alors, l'industrie du sciage ne présente pas un cas unique. Dans
nombre de secteurs, vous trouvez des situations semblables où des
entreprises fonctionnent selon certains cycles mal définis et ces
entreprises ne sont pas typiquement représentatives du secteur où
elles oeuvrent. Alors, il y a lieu de faire un ménage dans l'industrie
du sciage comme ailleurs.
Ce n'est pas par plaisir que nous l'admettons, mais il faut quand
même être honnête et il faut l'admettre. Il est question ici
d'usines qui offrent peu de caractère de rentabilité et à
peu près aucun caractère de permanence.
M. VINCENT: M. le Président, si le député de
Trois-Rivières me le permet, à combien estimez-vous le nombre
d'usines qui sont inactives depuis plus de trois ans au Québec?
M. BARRY: Au début de notre mémoire, nous mentionnons une
carence dans les statistiques. Si on se réfère à deux
listes ou deux répertoires publiés par le gouvernement du
Québec, l'un comporte à peu près 2,000 noms d'entreprises
et l'autre en comporte 600. Nous sommes en assez mauvaise situation pour
étiqueter chaque entreprise. Lorsque nous parcourons les campagnes, nous
voyons très souvent de petites usines de sciage inexploitées
depuis nombre d'années, si on considère l'état
délabré des lieux. Il s'agit de cette série d'entreprises
dont le nombre total peut atteindre ou dépasser le millier.
M. VINCENT: Avec les nouvelles procédures du ministère du
Travail concernant la sécurité pour les employés de ces
moulins à scie, sécurité en cas d'incendie, est-ce qu'il
n'y a pas eu une élimination qui s'est faite graduellement? C'est la
raison pour laquelle quantité de ces petites usines de sciage sont
inexploitées et ne le seront jamais pour les prochaines
années.
M. BARRY: C'est cela qui est malheureux et on voudrait consolider cette
situation. Les scieries qui sont inexploitées depuis un certain temps et
n'offrent pas de possibilité de réouverture, nous voudrions
qu'elles soient éliminées une fois pour toutes. Il n'est pas
question de fermer des usines, qui, actuellement, sont en marche. Il est
question d'enlever de la carte celles qui prétendent être
qualifiées pour s'appeler usines de sciage et qui, de fait, ne le sont
pas.
M. GUERETTE: D'ailleurs, lorsque nous parlons de permis de scierie,
c'est une façon d'en arriver là, de savoir qui est
réellement un industriel et qui détient un permis de scierie
qu'on n'exploite pas.
M. BARRY: Si vous me permettez, pour illustrer la situation, nous
connaissons des endroits où des scieries n'ont même pas de moteur.
Le propriétaire de la scierie va approcher un tracteur de ferme ou une
autre machine semblable, il va placer une courroie sur la poulie de son
tracteur et il va offrir ses services comme étant le propriétaire
d'une scierie.
M. VINCENT: Vous ne trouvez pas que ce serait un principe dangereux pour
l'Etat d'aller dans ce domaine des scieries, parce que vous
pourriez avoir exactement la même chose dans le domaine des
abattoirs? Vous pouvez faire le tour de la province, il y a peut-être 200
ou 300 petits abattoirs qui sont inexploités, depuis deux, trois, quatre
ans et à cause des normes de salubrité ou de santé ne le
seront jamais. Si, à ce moment-là, le gouvernement
décidait d'entrer dans le domaine des scieries, la même chose
serait demandée par les propriétaires de petits abattoirs, la
même chose serait demandée par les propriétaires de petites
fromageries qui sont inexploitées et ainsi de suite. A ce
moment-là, ça pourrait devenir dangereux. Je pose simplement le
dilemme là.
M. BARRY: Je crois qu'il n'y a pas de honte à faire le
ménage. Il faut avoir assez de franchise et d'honnêteté
pour admettre que c'est sale quand c'est sale. S'il y a lieu de faire le
ménage, nous procéderons au ménage. Le gouvernement ne
portera aucun odieux s'il prend une telle responsabilité.
M. VINCENT: Je suis parfaitement d'accord pour faire le ménage,
mais vous parlez de compensation à ces propriétaires de petites
scieries qui sont fermées depuis trois ans et plus. A combien
estimez-vous ce montant de compensation?
M. BARRY: Le montant de compensation peut commencer à
zéro. Ce n'est pas une formule nouvelle que nous avons inventée.
Lorsque ARDA a procédé à une étude de la situation
de toute l'économie dans la Gaspésie, il a recommandé
cette procédure. Cela ne veut pas dire que tous les propriétaires
de vieil équipement recevront une compensation. Il y a un certain
jugement à appliquer et, jusqu'à preuve du contraire, nous
faisons confiance au gouvernement pour procéder de la sorte.
M. PELLETIER: Quel est le pourcentage de ces petites industries qui
nuisent aux scieries qui existent?
M. BARRY: Comme j'ai mentionné plus tôt, c'est malheureux,
les statistiques sont tellement déficientes de ce côté
qu'il est difficile de l'établir. Nous demandons que le gouvernement
dresse un répertoire. La meilleure façon de dresser un
répertoire serait d'émettre des permis d'usine. Si tous les
propriétaires de scierie qui veulent en exploiter une doivent se
procurer un permis d'usine, nous avons un départ. A partir de cette
première liste, on peut dire tous ceux qui ne sont pas inscrits ou
enregistrés n'existent plus. Alors, il y a une première
élimination sans douleur. A partir ensuite de ce jour J qu'on aura
choisi pour l'émission des permis d'usine, le gouvernement pourra
procéder au fur et à mesure des années, selon le
comportement des usines, au retrait ou au renouvellement des permis.
M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.
M. BELAND: Dans le même ordre d'idées, je pose simplement
la question parce que, globalement, je trouve votre rapport merveilleux. Mais
je me pose certaines questions à la suite de ce qui vient d'être
dit, notamment en ce qui concerne les très petites scieries.
Est-ce que vous avez la certitude que les grandes scieries, dans le
domaine rural, vont donner amplement staisfaction dans le cas et je
cite, d'une façon plus précise de personnes qui vont faire
scier 2,000, 3,000 ou 5,000 pieds de bois par année, ou même une
année, de temps en temps, seulement pour réparation de
construction? Ces gens ont leur bois, ils sortent leurs grumes de sciage de
leur propriété, et ils les acheminent vers la petite scierie afin
de pouvoir justement en retirer le produit fini.
S'il n'y a que de grandes scieries dispersées à tous les
cent milles, ou quelque chose comme ça, est-ce que ça va donner
satisfaction?
M. BARRY: Nous sommes convaincus que les grandes scieries ne peuvent pas
donner satisfaction et nous nous opposons énergiquement à la
fermeture de toutes les petites scieries. Nous demandons l'élimination
des scieries qui n'offrent pas de caractère de rentabilité ou qui
ne peuvent pas prouver qu'elles sont en mesure de rendre des services. Nous
insistons pour que les scieries de service demeurent.
M. DRUMMOND: Comment va-t-on déterminer la rentabilité
d'une telle scierie? Je trouve que, dans certains aspects de votre
mémoire, vous déplorez le dirigisme absolu de l'Etat. Je ne sais
pas si j'ai bien choisi les mots mais c'était un peu comme ça.
Ici, vous demandez le dirigisme absolu de l'Etat; c'est-à-dire faire le
choix entre une scierie qui doit être fermée et une autre, qui
n'est probablement pas tellement rentable non plus, mais qui doit rester
ouverte.
M. BARRY: Je crois, M. le ministre, que nous avons été mal
compris, si vous y voyez du dirigisme de l'Etat. Nous demandons à l'Etat
d'interpréter; chaque industriel a le fardeau de faire la preuve de la
rentabilité de son entreprise et le gouvernement ne doit
qu'apprécier la preuve faite par l'industriel.
M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Barry, vous parlez de l'élimination
des scieries dites inopérantes. Je vous pose à nouveau la
question. A votre connaissance, est-ce qu'il y en a un très grand
nombre, par le territoire du Québec, à l'heure actuelle?
M. BARRY: Comme j'ai mentionné tout à l'heure, nous nous
attendons qu'une enquête sérieuse démontre qu'il en existe
environ 1,000 entre une liste qui a été publiée par le
ministère des Terres et Forêts et qui est censée constituer
un répertoire des usines de sciage et le nombre des usines vraiment
opérantes dans la province.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Barry, partant de cette liste, à
supposer qu'elle soit exacte et qu'on puisse faire une réconciliation
des chiffres provenant d'études statistiques du gouvernement d'Ottawa ou
du gouvernement du Québec, sur quelle base vous appuyez-vous pour
déterminer la rentabilité ou la non-rentabilité de ces
scieries qui, selon vous, devraient disparaître parce qu'elles sont
considérées comme inopérantes alors que vous n'avez pas
fait la démonstration que c'est la situation?
M. BARRY: Dans nos recommandations, il y a deux points de vue. D'une
part, nous parlons de la rentabilité de l'entreprise, d'autre part, nous
parlons des possibilités pour le gouvernement d'alimenter
adéquatement et à long terme ces entreprises. Par
conséquent, chacun doit prendre ses responsabilités. L'industriel
doit démontrer, soit qu'il exploite une scierie de service ou une
scierie à caractère commercial, que son entreprise est vraiment
rentable et l'Etat doit lui-même apprécier s'il est en mesure
d'alimenter ou s'il est en mesure de constater que cette entreprise s'alimente
autrement qu'à partir des forêts publiques.
Il y a deux aspects à considérer et je ne crois pas que le
gouvernement soit le seul compétent pour établir le
caractère de rentabilité, ni de l'industrie du sciage, ni de
l'industrie des pâtes et papiers, ni de quiconque.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je laisse la parole à mon
collègue de Trois-Rivières, je reviendrai là-dessus.
M. BACON: A la page 50, M. Barry, vous faites une affirmation: "Alors
qu'on semble s'ingénier à trouver des moyens pour étouffer
les scieries, on fait des prodiges pour renflouer certaines usines de
pâtes ou de déroulage qui seraient fermées depuis longtemps
si on les avait laissées à elles-mêmes". A la suite d'une
telle affirmation, pour le bénéfice des membres de la commission,
est-ce que vous pourriez vous expliquer et donner des exemples, s'il y a lieu,
autant d'un côté comme de l'autre?
M. BARRY: Disons que du côté des pâtes, pour prendre
celui-là en premier, vu qu'il s'agit du secteur le plus important de
l'industrie forestière, tout le monde connaît les problèmes
vécus par la compagnie Saint-Raymond à ses usines de Chute-Panet
et à son usine de Desbiens. Tout le monde connaît aussi les tours
d'acrobatie que le gouvernement a faits pour les maintenir en activité
jusqu'à aujourd'hui.
Par ailleurs, j'ai eu à entreprendre de nombreuses
démarches pour le bénéfice de membres de l'association qui
quémandaient à peine 500,000 pieds ou un million de pieds de bois
pour leur permettre de vivre et de faire vivre leurs employés. Or, le
gouvernement, à son plus grand regret, dans de nombreuses circonstances,
ne pouvait répondre à nos demandes parce que le bois disponible
était concédé à des industriels forestiers qui ne
l'exploitaient pas.
C'est pourquoi nous parlons de différences de traitement, nous
parlons d'acrobatie pour sauver les gens et d'euthanasie pour éliminer
les autres.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Barry, si vous le permettez, dans le cas
des usines de la Saint-Raymond, je pense que le problème n'est pas tout
à fait le même. Il s'agit d'une entreprise qui emploie quand
même un nombre assez important de travailleurs tant à l'usine
qu'en forêt. La demande de capitaux, soit du gouvernement du
Québec ou du gouvernement d'Ottawa, est faite dans le but de transformer
les usines de la Saint-Raymond et le problème de l'approvisionnement est
déjà réglé en partie, à ma connaissance. Il
s'agit de transformer cette usine de façon que sa production devienne
concurrentielle particulièrement en ce qui concerne le blanchiment de la
pâte.
Donc, l'exemple que vous donnez ne me parait pas être un exemple
qui justifie ce que vous écrivez à la page 50 et ce qu'a
souligné tout à l'heure le député de
Trois-Rivières. J'aimerais que vous nous donniez d'autres exemples qui,
à mes yeux ou de l'avis des membres de la commission, soient plus
convaincants et plus percutants.
M. BARRY: M. le député, je crois que vous souffrez du
même mal qui affecte la grande partie de la population qui croit que
toute entreprise qui appartient à un secteur des pâtes et papiers
est importante et tout ce qui s'appelle scierie est négligeable. Je
désire mentionner que dans la région...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, si vous le permettez,
j'aimerais tout de suite relever l'affirmation de M. Barry; je ne souffre
d'aucune sorte de mal de la nature de celui que vous invoquez. Je veux tout
simplement que nous fassions ensemble une distinction: vivant dans une
région où il y a beaucoup d'entreprises de sciage, je suis le
premier à appuyer en grande partie les résolutions du
mémoire fort bien fait que vous nous avez présenté. Mais
l'exemple que vous avez choisi, l'exemple de la Saint-Raymond, est
précisément un exemple qui, à mon sens, illustre mal ce
que vous écrivez au second paragraphe de la page 50 de votre
rapport.
Que cela soit bien entendu entre nous afin que vous sachiez que vous
n'avez pas affaire ici à un adversaire, ni à quelqu'un qui a
quelque
préjugé que ce soit, mais plutôt à quelqu'un
qui est disposé à appuyer vos recommandations auprès du
gouvernement.
M. BARRY: J'apprécie beaucoup votre comportement. C'est
simplement votre préambule qui m'a amené à faire cette
mise au point lorsque vous avez mentionné que l'usine de Saint-Raymond
donnait du travail à un grand nombre d'employés. Il n'est pas
plus important dans ce domaine que les industries de la région du sciage
que vous avez mentionnées, telles que Gagnon et Frères,
Chibougamau Lumber, Mur-dock, Laberge et Laberge qui, individuellement,
procurent plus de travail que Saint-Raymond Paper. Je ne veux pas minimiser
Saint-Raymond, on m'a demandé tout à l'heure de donner des cas
précis. J'aurais pu parler du problème de Témiscamingue.
Mais pour en revenir à Saint-Raymond, le problème est absolument
commun. Il s'agit d'un problème de procédés, ils sont
désuets, ils sont vétustes dans leurs procédés et
ils éprouvent des difficultés inhérentes à cela.
Tout comme les pulperies qui s'amusent encore à défibrer le bois
avec des meules, ces usines ont des problèmes de vétusté
qui sont très graves.
Maintenant, le fait que la Saint-Raymond Paper ait un problème
à utiliser du peroxide ou du chlore pour blanchir sa pâte, c'est
un problème entre plusieurs qui peuvent se produire chez elle. On peut
dire que les industries qui ont été obligées de construire
des lignes de transmission pour alimenter les scieries à
l'électricité ont eu des problèmes et elles ont
réglé leurs problèmes.
Celles qui ont installé l'équipement pour fabriquer les
copeaux ou pour écorcer le bois ont eu des problèmes de
transformation et elles les ont envisagés et les ont
réglés, sans ameuter le public. Elles auraient eu peine à
ameuter le public parce qu'elles appartiennent à un secteur qui est
moins considéré dans le grand public, le secteur du sciage.
Or, si l'industrie papetière à certains endroits affronte
des problèmes, je ne vois pas pourquoi cela a suscité une telle
sympathie et une telle compassion, alors que l'on rigole lorsqu'une scierie a
des problèmes.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je ne pense pas, M. le Président, que
ce soit là le cas, on ne rigole pas lorsqu'une entreprise de sciage a
des problèmes. Ce qui a suscité des mouvements dans la population
en ce qui concerne Saint-Raymond ou d'autres usines analogues, c'est le fait
qu'un certain nombre de travailleurs se seraient trouvés sans emploi; ce
qui ne veut pas dire que l'on n'éprouve pas la même sympathie
à l'endroit de l'usine qui s'occupe de sciage. Je crois que le
problème est mal posé ici, le problème de la Saint-Raymond
n'est pas un problème d'approvisionnement de bois puisqu'elle a ses
concessions, ses forêts dites privées, mais c'est un
problème de rénovation de ses techniques de transformation de la
pâte et du papier. Moi, j'aimerais avoir des exemples beaucoup plus
précis de ce que vous affirmez, afin d'étoffer ce que vous
affirmez, lorsque vous dites: On semble s'ingénier à trouver des
moyens pour étouffer les scieries. On fait des prodiges pour renflouer
certaines usines de pâtes ou de déroulage. Or, je ne sache point
que les efforts que les gouvernements ont consentis en faveur de la
société Saint-Raymond aient nui de quelque façon que ce
soit aux scieries.
M. BARRY: Si on avait accepté de transférer aux usines de
sciage les bois que l'on réserve à la Saint-Raymond Paper, tous
les employés forestiers ou autres de la Saint-Raymond Paper auraient
trouvé du travail dans les scieries. Nous avons eu récemment
l'inauguration d'une scierie importante sur les routes de Chibougamau, la
Chibougamau Lumber. Cette compagnie a demandé un approvisionnement plus
grand pour donner du travail a plus de monde pour produire davantage et l'on a
répondu qu'au plus grand regret du gouvernement il n'y avait pas de bois
disponible. On a même été jusqu'à dire que
l'industrie du sciage exagérait dans ses demandes, qu'elleavait atteint
un point de saturation ou un point maximum, qu'elle ne devait pas aller au
delà de ce maximum et qu'elle devait être satisfaite de ce qu'on
lui avait donné.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je suis très heureux M. Barry, de ce
que vous dites. C'est présicément le but de la commission que de
s'enquérir de la situation actuelle et votre mémoire me fournit
des éléments extrêmenent importants mais, lorsque vous
parlez des efforts que l'on a consentis pour telle ou telle
société de pâtes et papiers, des efforts que l'on devrait
consentir pour encourager l'industrie des scieries, je crois que, à ce
moment, par la voie de la commission gouvernementale, la commission
parlementaire, vous incitez le gouvernement à procéder à
une révision, à une consolidation et à mettre en
application les principes d'un dirigisme que vous dénoncez par
ailleurs.
M. BARIL: Nous demandons tout simplement que l'on donne toutes les
mêmes chances à tous les coureurs. Lorsque vous parlez de mesures
de protection à l'endroit des industries des pâtes et papiers,
disons pour demeurer dans une région que vous connaissez très
bien, la région de Saguenay-Lac Saint-Jean, que la compagnie
Consol-Péribonka, la Consolidated Paper, détient sur la
rivière Péribonka quelque 1,500 milles carrés avec une
possibilité annuelle de 135,000 cunits. Lorsqu'il y a eu des auditions
à Saint-Joseph d'Alma pour traiter de cette question et de
l'implantation de scieries nouvelles dans la région, à ce moment
il était question d'une nouvelle scierie pour Price, scierie qui a
été réalisée d'ailleurs, les 1,500 milles
carrés de Consolidated Paper ont été mis en question,
l'industrie du sciage a demandé au
gouvernement d'étudier la possibilité de mettre ce
territoire à la disposition des scieries. Brusquement, la Consol a sorti
un rouleau de plans ou d'esquisses en disant qu'elle aussi avait un projet pour
bâtir une scierie dans la région.
Alors, on a protégé une compagnie papetiè-re, on
lui a permis de bâtir une scierie et l'on ne s'est pas
préoccupé d'accorder le bois à des compagnies comme Gagnon
et Frères de Roberval, comme Murdock, qui se lamentaient pour avoir du
bois. C'est ce que j'appelle la protection pour les uns et un traitement
différent pour les autres. Si vous voulez des précisions, je peux
vous en fournir d'autres, dans d'autres régions également, parce
que l'histoire forestière du Québec contient un tas de
trésors, mais toutes sortes d'autres choses aussi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous sommes ici, M. Barry, justement pour
avoir des renseignements; je suis tout oreille pour avoir les précisions
que vous venez d'évoquer.
M. BARRY: Nous apprécions énormément cette occasion
qui nous est offerte aujourd'hui parce qu'à notre point de vue, nous, de
l'industrie du sciage, le livre blanc et les auditions, cela signifie soit la
croisée des chemins ou le chemin des croisés.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'accord. Vous demandez au gouvernement
d'intervenir.
M. BARRY: Nous demandons au gouvernement de remplir le rôle qui
lui est dévolu.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Comme vous demandez au gouvernement
d'intervenir, vous lui demandez de faire un examen de la situation, de voir
quelles sont les industries qui peuvent être consolidées, quels
sont les changements que l'on peut opérer, que l'on peut apporter au
mode d'exploitation du potentiel forestier.
Vous demandez donc, par voie de conséquence, au gouvernement
d'exercer un dirigisme que, personnellement, je n'ai pas du tout idée de
dénoncer. Au contraire. Je suis d'avis que le gouvernement doit
intervenir et, s'il faut pratiquer une certaine forme de dirigisme, je suis
d'accord pour que le gouvernement le fasse.
M. BARRY : Remarquez bien que, lorsque nous parlons de dirigisme, il y a
toutes les nuances possibles là-dedans. Le gouvernement, de par sa
fonction, doit exercer du dirigisme et il manque à ses obligations
lorsqu'il ne le fait pas. Nous ne désirons pas qu'il exagère,
nous demandons tout simplement d'être égaux et aussi égaux
que les autres, pas les autres plus égaux que nous.
Vous demandez des cas précis. Dans la région de
Quévillon actuellement, il y a des scieries; j'ai à l'idée
la scierie de Camille Richard, qui a été inaugurée
récemment par l'honorable ministre des Terres et Forêts. Cette
scierie a demandé de l'approvisionnement et, encore une fois, on se
penche sur le problème et on semble avoir beaucoup de difficulté
à trouver une solution. Par ailleurs, il y a une rumeur qui circule
actuellement à l'effet que la compagnie Domtar bâtisse une scierie
avec une capacité de 100 millions p.m.p. à Quévillon.
Camille Richard a 15 millions p.m.p. d'approvisionnement, il aimerait en avoir
100 millions p.m.p. lui aussi.
Mais pourquoi Camille Richard n'a-t-il pas le droit d'avoir 100 millions
et pourquoi Domtar aurait-elle le droit de l'avoir?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je suis d'accord avec vous M. Barry parce que
j'ai le même problème dans ma région où des
industries de fabrication de meubles demandent depuis longtemps des
territoires, des concessions, etc. Les chantiers coopératifs de chez
nous font la même chose. J'imagine que le ministre a pris bonne note de
ces requêtes et qu'il va nous exposer quelles seront les intentions de
son gouvernement à l'endroit des grandes entreprises des pâtes et
papiers versus les entreprises de sciage.
Vous voyez, M. Barry, que vous avez un allié ici.
M. BARRY: J'espère que je n'ai que des alliés, M. le
député.
M. DRUMMOND: Je ne parle pas contre, M. le Président. Je pense
que M. Barry serait d'accord qu'il faut trouver un certain équilibre
dans l'industrie pour rester dans la province. Il nous demande de
représenter seulement le sciage aujourd'hui mais disons que toutes les
industries sont, d'une façon ou d'une autre, dans le même lit.
Si on retourne encore à la question de St-Raymond Paper, il est
prévu, si ça marche, que ce serait approvisionné, pour la
plupart, en copeaux. Alors, il faut des débouchés pour les
copeaux de l'industrie de sciage partout dans le Québec. Il faut ensuite
un mariage dans les intérêts des deux parties pour arriver
à une industrie forestière rentable à tous les points de
vue. Les choses vont bien pour le sciage aujourd'hui.
Il y a des demandes de partout pour des augmentations
d'approvisionnement. Par contre, le gouvernement doit, dans ses plans, essayer
d'en arriver à une industrie mieux équilibrée plutôt
que de donner tous les approvisionnements, lorsque les choses vont bien, au
sciage, parce qu'il faut avoir des débouchés pour les copeaux et
ce serait l'industrie des pâtes et papiers qui servirait à
ça. Et nous aurions une industrie plus saine partout dans la province si
nous tenions compte des deux points de vue.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui...
M. BARIL: M. le ministre, nous partageons
entièrement cette idée, il est question d'une
stabilisation; il n'est pas question d'exagération, pas plus du
côté du sciage que dans un autre domaine. Maintenant, vous dites
que nous devons être dans le même lit que l'industrie des
pâtes et papiers. Peut-être pas aller jusqu'à ce genre de
prostitution mais nous considérons quand même qu'il est
très important, même vital, que l'industrie des pâtes et
papiers soit prospère dans la province de Québec.
Je me permettrai ici de répéter un commentaire que je
passais un jour: L'industrie des pâtes et papiers est malade et il faut
la soigner. C'est très important qu'elle soit en santé. Mais, par
ailleurs, c'est une bête fauve qui est malade et il faut profiter du fait
qu'elle est affaiblie pour lui mettre une muselière parce que, quand
elle redeviendra en santé, elle va encore essayer de dévorer tout
ce qu'il y a autour d'elle.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le ministre, j'aimerais à ce sujet
je pense que ça va rejoindre les préoccupations de M.
Barry et de ceux qu'il représente poser une question au ministre
des Terres et Forêts. Qu'est-ce qu'il advient des territoires qui ont
été réservés pour cette éventuelle et
fantomatique société Kruger ou cette autre société
qui devait, ou devrait, s'implanter en un jour, à un moment que je ne
connais pas, dans la région de Saint-Félicien, puisqu'on a
réservé des territoires et les entreprises de sciage
réclament que ces territoires soient libérés?
M. DRUMMOND: Disons, pour le moment, que le gouvernement a
réservé ce territoire pour un projet de société de
pâte à papier. Je ne parle pas d'une société
donnée, mais de l'effort d'assainir l'équilibre de l'industrie
dans cette région.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais, M. le ministre, est-ce que vous
êtes en mesure de nous dire, sous toute réserve de la
confidentialité, si cette société qui serait actuellement
intéressée n'est pas une société américaine
du Texas et que cette société, n'étant pas une
société québécoise, viendrait enfin mettre en
péril les intérêts des sociétés
québécoises au nom desquelles l'organisme qui est devant nous
revendique, ce matin, une primauté dans le domaine de
l'approvisionnement en matière ligneuse?
M. DRUMMOND: Si je peux répondre d'une façon
générale, quant à moi, je serais l'homme le plus heureux
du monde si les gars du sciage se regroupaient pour réaliser
eux-mêmes un projet d'usine de pâte à papier et faisaient
l'intégration de cette façon-là. Cela n'est pas
arrivé jusqu'à présent en tout cas, comme cela est
arrivé en Colombie-Britannique. Cela a été le commencement
de l'industrie dans cette province. Les gens ont commencé avec du sciage
et ils ont réalisé toute une industrie de pâte à
papier. Alors, si les gars du sciage de cette région veulent
suggérer un projet, dans l'ensemble, je serai très, très
heureux de l'analyser. On vit avec ce qui arrive d'une certaine façon.
Il y a un problème ici, celui d'établir des industries
autochtones. D'accord. Mais par contre, il faut trouver des emplois pour les
gars qui sont intéressés à lancer une industrie
donnée.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le ministre, vous dites que vous seriez
l'homme le plus heureux si telle chose arrivait, mais est-ce que vous ne
pourriez pas contribuer à votre propre bonheur en indiquant quels sont
les projets du gouvernement? Et est-ce que le gouvernement a l'intention de
demander aux industries du sciage, dans cette région ou dans d'autres
régions de contribuer à votre bonheur?
M. DRUMMOND: Le gouvernement n'est pas le bon Dieu, il s'agit... On
parle d'une industrie dynamique là-bas, si les gens sont aussi
dynamiques que ça, qu'ils soumettent eux-mêmes un projet. Je ne
sais pas si le rôle du gouvernement est toujours de mener par la main.
C'est de collaborer avec les intéressés de la région
aussi. Voilà l'esprit "d'entrepreneur-ship" dont on parle.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est une conception.
M. LE PRESIDENT: La parole est au député de
Charlevoix.
M. MAILLOUX: M. le Président, à la page 18 du
résumé du mémoire, il est question des copeaux et vous
recommandez que le ministère des Terres et Forêts lève
toute restriction à l'exportation des copeaux, planures, sciures et
écorces. Vous mentionnez également à la page 66 de votre
mémoire que l'industrie de pâtes et papiers affirme qu'il lui en
coûte $39.05 les cent pieds cubes alors que le prix est de $31.97 pour
les cent pieds cubes copeaux.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Excusez-moi, M. le Président, est-ce
que le député de Charlevoix pourrait parler un peu plus fort et
utiliser son microphone? Nous avons perdu ses intéressantes
questions.
M. MAILLOUX: M. le Président, je parlais de la page 18 du
résumé du mémoire, de la recommandation 29 qui est faite
par l'association voulant que le ministère des Terres et Forêts
lève toute restriction à l'exportation des copeaux, planures,
sciures et écorces. Et à la page 66 de son rapport complet,
l'association affirme qu'il en coûte $39.05 les cent pieds cubes pour
l'exploitation des boisés, alors que les copeaux coûteraient
$31.97. Je crois comprendre que ce n'est pas le volume qui manque pour l'achat
de ces copeaux, mais que c'est la plainte que vous formulez, savoir que le prix
qui vous est payé vous tient dans un marché
très captif alors que, si les frontières étaient
ouvertes, vous auriez avantage forcément à disposer de ces
copeaux-là à un prix beaucoup plus important. Et vous avez
mentionné également que le ministère aurait avantage
à créer une régie telle la Régie des marchés
agricoles probablement pour la fixation des prix.
Est-ce que c'est effectivement la demande qui n'est pas assez forte ou
si c'est le prix qui vous est payé qui ne correspond pas aux
immobilisations faites par l'industrie du sciage?
M. BARRY: Je crois, M. le député, que, dans votre
exposé, il y a des imprécisions, pour ne pas dire des
inexactitudes.
Tout d'abord, vous dites que nous demandons une régie qui serait
similaire à la Régie des marchés agricoles et qui
s'occuperait du bois. Nous ressentons nettement qu'un jour nous en viendrons
à avoir une régie et nous déplorons le fait que les
industriels, tant du sciage que ceux des pâtes et papiers, soient si peu
avisés et se comportent de façon à obliger l'Etat à
intervenir. Normalement, ils devraient être assez adultes pour se
comporter en hommes d'affaires et régler entre eux les problèmes
qui doivent se régler entre hommes d'affaires. Mais il semble que, d'une
façon systématique, on évite de procéder de la
sorte et un jour viendra où le gouvernement devra intervenir sous forme
de régie. C'est du moins mon impression.
Maintenant, pour ce qui est de la consommation de copeaux, l'industrie
des pâtes et papiers avec les procédés modernes, peut
s'alimenter à 100 p.c. en bois sous forme de copeaux. C'est donc dire
que l'industrie du sciage du Québec, si elle était incapable de
fournir six millions de tonnes de copeaux, parviendrait à peine à
alimenter les industries de pâtes du côté de leurs besoins.
Certaines usines n'utilisent pas de copeaux actuellement ou en utilisent un
très faible pourcentage selon les procédés d'usinage
qu'elles ont. Je l'ai mentionné tout à l'heure, de nombreuses
usines sont vétustes. Si elles étaient modernisées, elles
pourraient utiliser des copeaux avec profit à 100 p.c. pour
s'approvisionner.
L'industrie de sciage, actuellement, produit environ 1,300,000 tonnes de
copeaux qui, à peu près, trouvent preneur. La question est que
nous sommes dans un marché captif. Nous sommes obligés de vendre
nos copeaux aux compagnies papetières du Québec et elles ne sont
pas obligées de les acheter. Cela les met en position de
déterminer elles-mêmes et les prix et les conditions du contrat.
Je ne connais pas de cas où les contrats de copeaux ont
été négociés. Ils ont été
imposés par les compagnies de papier qui ont dit: Prenez-les ou
refusez-les; si vous n'acceptez pas notre prix, vous brûlerez vos
copeaux, parce qu'on ne les prendra pas si vous demandez des conditions autres
que les nôtres.
J'irai jusqu'à dire que les achats de copeaux ont donné
lieu à toutes sortes de chantage les plus honteuses qu'on puisse
imaginer, de la part des compagnies de papier.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.
M. MAILLOUX: Je ne sais pas si M. Barry m'avait mal compris
tantôt, mais je n'ai pas cru qu'il ait infirmé ce que je disais,
parce que j'avais compris de son mémoire que, du marché captif
dont il parlait, qui les soumettait à des prix injustes, c'est pour
cette raison qu'on demandait que le marché soit ouvert à
l'exportation.
M. BARRY: Non, c'est sur la question de régie. Nous ne demandons
pas de régie. J'ai personnellement déjà parlé d'une
régie, mais l'industrie du sciage ne demande pas une régie, bien
qu'elle soit consciente qu'un jour il y en aura une.
M. MAILLOUX: M. Barry, partout dans la province, on lit qu'on demande
des volumes plus considérables de concessions forestières; vous
dites de votre côté que vous êtes incapable d'approvisionner
très largement par les copeaux, l'industrie des pâtes et papiers.
Je voudrais des précisions, votre point de vue.
M. BARIL: J'ai dit que l'industrie du sciage ne fabrique pas
suffisamment de copeaux pour alimenter à 100 p.c. l'industrie
papetière du Québec à son rythme actuel de production.
L'industrie des pâtes et papiers devra donc trouver un complément
ailleurs, c'est évident. Mais il n'y a pas de raison pour que 100 p.c.
de nos copeaux ne trouvent pas preneur.
M. MAILLOUX: Est-ce que ça ne rejoindrait pas un peu le voeu qui
a été exprimé tantôt par le député de
Chicoutimi à l'effet que l'industrie du sciage devrait peut-être
oeuvrer également dans le secteur des pâtes et papiers pour la
disposition d'une partie de ses copeaux?
M. BARRY: Nous y avons déjà songé. Actuellement, il
y a un ballon-sonde qui nous intéresse beaucoup, c'est le cas de Cabano.
Il semble que c'est assez difficile de rentrer dans le club des producteurs de
pâtes et papiers. Nous attendons des résultats de Cabano et
peut-être que, si c'est concluant, l'industrie du sciage pourra y penser
sérieusement.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.
M. LESSARD: M. le Président, j'avais voulu, tout à
l'heure, poser certaines questions concernant l'affirmation à la page 50
pour préciser. Mais comme nous avons déterminé, ce matin,
une certaine approche, c'est-à-dire que le parti ministériel
soulève des questions, qu'ensuite nous allons probablement passer au
parti de
l'Unité-Québec et au Ralliement créditiste, j'aime
autant attendre, M. le Président, puisqu'on a déjà
passé cette question-là, pour poser l'ensemble de mes questions.
Je reviendrai donc.
M. LE PRESIDENT: Le député de Trois-Rivières. Le
député de Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'avais simplement une question additionnelle
à poser à M. Barry au sujet de la recommandation 29, qui se
trouve à la page 18 du résumé du mémoire. "Que le
ministère des Terres et Forêts lève toutes restrictions
à l'exportation des copeaux, planures, sciures et écorces". Vous
avez parlé de l'attitude des industries de pâtes et papiers au
sujet de ce genre de matériaux d'alimentation. Est-ce que vous avez
votre association ou d'autres associations fait des études
sur des possibilités de marchés dans ce domaine et quel serait le
rapport en comparaison avec ce qui se passe à l'heure actuelle,
étant donné, comme vous venez de le dire et comme vous l'affirmez
dans le mémoire, que vous devez nécessairement vendre aux
industries de pâtes et papiers ce qui s'appelle planures, sciures,
copeaux, écorces?
M. BARRY: Il nous a été impossible de négocier avec
des acheteurs de l'extérieur puisque la Loi des Terres et Forêts
est spécifique et que nous n'avons pas le droit d'expédier en
dehors de la province, sauf si l'on obtient un permis spécial de la part
du ministère. Il s'est produit quelques cas, très limités
et pour des petites quantités de bois, où il nous a
été possible d'exporter. Mais nous ne pouvons pas négocier
avec des sociétés françaises ou norvégiennes par
exemple, comme il y en a deux actuellement qui manifestent de
l'intérêt, même que deux délégations doivent
venir au Québec dans les prochaines semaines pour tenter d'acheter des
copeaux ici. Alors, à regret, nous sommes obligés de dire
à ces gens: Le gouvernement ne nous le permet pas, nous ne pouvons pas
vous les vendre. Alors, nous sommes maintenus dans un marché captif,
puisque nous sommes obligés d'éloigner les acheteurs qui seraient
les concurrent de nos papeteries québécoises. Personnellement,
remarquez, à titre de citoyen du Québec, que je
préfère voir une tonne de bois usinée chez nous
plutôt qu'à l'extérieur, mais, en homme d'affaires, je suis
obligé de chercher des marchés pour obtenir le meilleur prix pour
ma marchandise et c'est en ayant une quantité plus grande d'acheteurs
que je suis en mesure de négocier. Cela n'existe pas actuellement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, M. Barry, indépendamment de
toutes ces contraintes que nous connaissons, vous n'avez pas
négocié, vous nous dites qu'il y a des sociétés
étrangères qui seraient intéressées à
négocier, est-ce que vous avez une idée de ce que cela pourrait
vous rapporter de plus que ce que vous obtenez actuellement des industries de
pâtes et papiers avec lesquelles vous traitez?
M. BARRY: Je crois, M. le député, que c'est impossible de
répondre à cette question, parce que nous demandons que la vente
des copeaux soit assujettie à la négociation, tout comme on
négocie un contrat de travail, sans savoir si on va gagner ou perdre
davantage en négociant, mais le monde ouvrier a obtenu de s'assoir
à la table de la négociation et de discuter, de faire valoir ses
points et d'en venir à une entente. Il n'est pas question
d'exagérer, je suis autant opposé à l'abus du
côté des scieries que je suis opposé à l'abus du
côté des pulperies. Alors, je ne peux pas aujourd'hui vous dire
que les négociations vont nous apporter $1, $2, $5, ou des normes
différentes de classification, mais une chose est certaine, c'est que
cela nous apporterait une certaine satisfaction d'être
considérés comme des êtres humains avec qui on peut
s'entendre en parlant.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y aurait possibilité je
m'adresse aux membres de la commission, sans dirigisme de suivre les
pages du mémoire et de poser des questions de façon à ne
pas passer de la page 5 à la page 30 et de la page 30 à la page 5
et ainsi de suite?
M. LESSARD: Je serais bien d'accord, M. le Président, sur cette
approche; cependant, à ce moment-là, il faudrait fonctionner par
chapitre. Personnellement, je devrai revenir en arrière parce qu'il y a
des questions qui ont été posées et d'autres qui ne l'ont
pas été. Je devrai revenir à des pages antérieures.
Je pense que l'approche qu'on a suivie ce matin, c'était de permettre au
parti ministériel de poser toutes les questions qu'il pouvait poser et
qu'il voulait poser sur le mémoire. Par la suite, probablement que le
parti Unité-Québec a aussi une série de questions. Je ne
vois pas pourquoi on ne devrait pas continuer. Cependant cela n'empêche
pas un membre de la commission de poser une question supplémentaire
à la suite d'un membre d'un autre parti.
M. LE PRESIDENT: La parole est au député de
Trois-Rivières.
M. BACON: Une dernière question pour terminer. Votre
recommandation 26 est à l'effet que le gouvernement dans ses normes et
ses politiques de construction et d'achat favorise l'utilisation maximale des
bois du Québec. Est-ce qu'il y aurait moyen de savoir quels sont les
efforts que vous faites en tant qu'association dans ce même domaine?
M. BARRY: Pour inciter le gouvernement à utiliser les bois du
Québec ou pour faire quoi?
M. BACON: Vous dites: Que le gouvernement, dans ses politiques de
construction et
d'achat, favorise l'utilisation... Est-ce que vous faites des
politiques? Est-ce que vous avez une politique de promotion ou de stimulation
des ventes vis-à-vis de vos produits?
M. BARRY: L'industrie, par la voie de son association, s'est
préoccupée d'assurer la qualité du produit. Nous avons
préparé des normes. Nous avons un service de contrôle de la
qualité. Nous offrons une marchandise qui n'est pas quelconque, une
marchandise qui est préparée de façon uniforme et bien
définie. Par conséquent, nous offrons une marchandise que
l'utilisateur peut acheter à profit.
M. BACON : Est-ce que vous faites campagne pour stimuler vos ventes,
pour vos membres? Ils font de bons produits, mais est-ce que vous le dites?
M. BARRY : Nous avons tout récemment participé à la
rédaction et à la planification d'une brochure qui parle de
l'épinette qui décrit l'épinette, le sapin, le pin gris,
nos essences produites en plus grande quantité. C'est une certaine
documentation c'est une forme de promotion. Nous entreprenons des
démarches auprès d'organismes tels que le gouvernement, par
exemple, pour les inciter, lorsqu'ils utilisent du bois dans leurs propres
constructions, à utiliser du bois du Québec plutôt que
d'acheter du bois de la Colombie. Nous préconisons l'achat chez nous,
à ce moment-là. Je crois que c'est assez
élémentaire. Le cultivateur qui récolte des pommes de
terre n'a pas besoin de se promener en criant partout: J'ai
récolté des pommes de terre. J'en avais semé, j'en ai
récolté... Mais, il s'attend à ce que le consommateur du
Québec accorde une préférence aux pommes de terre du
Québec plutôt que de prendre celles de l'extérieur,
à qualité égale et à caractéristiques
égales, bien entendu.
M. BACON: J'aurais une dernière question, pour autant que je suis
concerné. Vous parlez de l'école de Duchesnay, pour une
corporation autonome, alors qu'en page 73 vous semblez dénoncer ce que
vous appelez le pouvoir d'allure parallèle. Est-ce que vous voudriez
nous donner des précisions à ce sujet?
M. BARRY: Une corporation autonome sous la juridiction du ministre des
Terres et Forêts. Actuellement, Duchesnay souffre de lenteur
administrative. L'école est obligée de passer par le service des
achats pour acheter un appareil dont elle a besoin; elle doit passer par la
fonction publique pour engager un employé temporaire dont elle a besoin.
Lorsque les permissions sont accordées, le problème est
réglé par défaut. Nous le voyons peut-être plus
à Duchesnay qu'ailleurs, parce que nous avons affaire à
Duchesnay.
Sans doute ces caractéristiques se retrouvent-elles partout dans
le gouvernement. Mais, si elles se retrouvent ailleurs, ce n'est pas une raison
pour en souffrir à Duchesnay! Alors, si vous avez une formule existante
meilleure et qui assurerait l'efficacité de Duchesnay, nous nous
rallierons à votre formule, mais, à défaut d'autre chose,
nous suggérons de donner une certaine autonomie à Duchesnay.
M. BACON : Votre recommandation sur la corporation visait surtout
l'efficacité administrative.
M. BARRY: Disons oui. C'est ce qui nous intéresse. La formule est
de moindre importance, c'est le résultat qui nous intéresse.
M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Nicolet.
M. VINCENT: M. le Président, j'aimerais poser quelques questions
à M. Barry. D'abord, comme on peut le constater, le deuxième tome
du livre blanc nous parle de l'abolition des concessions forestières sur
une période de dix ans. Est-ce que, sans restriction, vous êtes
favorables à ce principe d'abolition?
M. BARRY : Si vous avez remarqué en lisant le mémoire,
nous ne nous sommes pas prononcés sur l'abolition des limites comme
telles. Nous nous sommes prononcés sur le traitement qu'on doit donner
aux forêts du Québec. Que le gouvernement maintienne ou abolisse
les concessions forestières, cela peut avoir beaucoup de signification,
surtout pour ceux qui en détiennent. Pour nous, c'est presque de moindre
importance. Ce ne sont pas des concessions que nous désirons, c'est du
bois!
M. VINCENT: Tout de même, dans la page 10 de votre mémoire,
dans le résumé, vous dites, à la recommandation 11, que le
ministère des Terres et Forêts garantisse une permanence dans la
localisation des territoires de coupe. C'est pour cela que je vous posais la
question. Cela ne revient pas à une formule de concession.
M. BARRY: Non, non, non. La formule de concession, c'est une tenure. La
forêt domaniale en est une autre. Le terrain vacant en est une autre.
Dans les trois cas vous pouvez donner une assurance et une permanence de
localisation.
M. VINCENT: Une permanence de localisation.
M. BARRY: Oui, dans une forêt domaniale, aussi drôle que
dans une concession.
M. VINCENT: Maintenant, pour l'industrie du sciage, il a
été question, à plusieurs occasions, d'approvisionnement
sur une période de cinq ans. Je ne l'ai pas lu dans votre
résumé.
Je pense que je ne l'ai pas lu dans votre résumé
vous exigez, dans votre recommandation no 11, une permanence.
Mais quel serait le minimum en années, pour vous, de telle
allocation?
M. BARRY: Le mot "permanence", si on le prend à la lettre,
évidemment...
M. VINCENT: Vingt ans?
M. BARRY: ... cela veut dire ad infinitum, ce qui n'est l'intention ni
des gouvernements ni des industriels. Mais une période de vingt ans a
été jugée adéquate pour l'industrie des pâtes
et papier et devrait être aussi jugée adéquate et
nécessaire pour l'industrie du sciage. Les mêmes termes pour tous
les secteurs industriels.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.
M. LESSARD: M. le Président, concernant les concessions
forestières, puisque ce problème vient d'être posé,
l'Association des manufacturiers du bois de sciage ne semble pas vouloir
prendre position alors qu'il s'agit, je crois, de la réforme
fondamentale que nous trouvons dans le livre blanc.
Dans le tome II du livre blanc, nous constatons que l'abolition de ces
concessions forestières se ferait sur une période de dix ans. Par
contre, vous nous avez très bien démontré ce matin que
l'industrie du sciage n'avait pas l'alimentation nécessaire en bois pour
pouvoir se développer. Et tout ça provient
particulièrement du fait que certaines compagnies papetières
possèdent des réservoirs extrêmement vastes qu'elles
n'utilisent pas.
Alors parce qu'on constate que l'industrie du sciage semble vivre
actuellement un dynamisme assez développé est-ce que
l'abolition des concessions forestières sur une période de dix
ans va permettre la correction des problèmes que vous vivez
actuellement? Ou est-ce qu'il ne faudrait pas, d'ici une période de deux
à trois ans, abolir immédiatement les concessions
forestières et faire une redistribution des aires de coupe tel que vous
le demandez dans votre mémoire?
M. BARRY: M. le député, il y a plusieurs façons
d'arriver à ces fins; il y a plusieurs manières de tuer un chat
comme on le dit souvent. Que le gouvernement rapatrie ces territoires, c'est
une formule et elle peut s'avérer la bonne. Par ailleurs, nous
préconisons d'autres méthodes. Entre autres choses, à la
page 30 du mémoire, si vous allez à la recommandation 2, on dit
que le ministère des Terres et Forêts mette immédiatement
en disponibilité les possibilités non utilisées des
concessions forestières et n'attende pas les échéances
prévues dans son programme d'abolition des concessions.
Vous parliez de dix ans pour le programme d'abolition des concessions,
d'autres ont parlé d'autres échéances; c'est trop long.
C'est immédiatement qu'il faut prendre le problème.
Immédiatement, si le gouvernement met en disponibilité le bois
qui est contenu dans les concessions forestières et qui n'est pas
utilisé par les concessionnaires, nous prétendons qu'il va
régler une partie du problème; il va du moins contourner le
problème.
Nous avons suggéré ailleurs que le gouvernement charge aux
compagnies, aux concessionnaires, aux affermataires on le retrouve
à la page 31, la recommandation no 3 que le ministère des
Terres et Forêts perçoive des industriels les droits de coupe
correspondant aux possibilités forestières qui sont
attitrées ou réservées.
Nous disons également que le ministère doit charger aux
concessionnaires la totalité du bois offerte par la concession, qu'ils
l'utilisent ou non. Cela sera probablement une forme très efficace
d'encourager les industriels à retourner les concessions
forestières et peut-être, à ce moment-là, que le
ministère n'aura pas à faire les déboursés qu'il
s'attend à faire.
Il y en a qui vont les rétrocéder gratuitement, qui vont
demander au gouvernement de les prendre le plus tôt possible.
M. LESSARD: M. le Président, justement, concernant le fait
d'exiger des droits de coupe sur les possibilités forestières;
c'est un moyen. Je me demande si c'est un moyen suffisant parce que,
actuellement, lorsqu'on regarde une carte de redistribution des aires de coupe
parmi les différentes compagnies forestières, on constate que les
compagnies papetières ont été passablement
favorisées, ont du moins obtenu les meilleurs territoires de coupe.
Le ministre nous disait tout à l'heure qu'il veut établir
un certain équilibre. Du fait que certaines compagnies
forestières possèdent les meilleurs territoires de coupe, si on
ne fait pas une véritable redistribution à partir du jour
zéro, si on ne fait pas une véritable redistribution pour
rétablir cet équilibre-là, est-ce que, en exigeant
seulement des droits de coupe sur les possibilités forestières,
on ne continue pas, encore là, à permettre aux compagnies
papetières de conserver les meilleurs territoires qu'on leur a
accordés? Ces compagnies-là remettront, tout simplement, des
territoires qui seront probablement plus éloignés des grands
centres et ça ne réglera pas du tout, pour certaines compagnies
en tout cas, le fait que le coût de transport est très
élevé, étant donné qu'on a quand même
certaines compagnies qui ont des territoires très éloignés
de leurs usines.
Il y a la qualité aussi des territoires forestiers qui est
importante pour l'usine.
M. BARRY: La question de la location de la matière et des
territoires forestiers n'est pas aussi simple qu'on voudrait que ce le soit.
Nous
nous opposons à certaines formes de transactions, par exemple,
des compagnies papetières qui n'utilisent pas de feuillus et qui
détiennent d'immenses territoires feuillus pour en faire un commerce
très lucratif. Nous nous disons: Pourquoi interposer cet
intermédiaire entre l'Etat et l'utilisateur? Le concessionnaire n'a pas
sa raison d'être à ce moment-là, il devrait simplement
disparaître de l'image. C'est un cas assez facile que de régler le
problème. Par ailleurs, il y a des concessions qui ont été
attribuées ou accordées à des sociétés
papetières pour répondre aux besoins des usines et il faut
prendre toutes les précautions nécessaires, être absolument
sûr qu'on ne causera pas de préjudice, parce qu'il n'est pas
question de les léser dans leurs droits. Des compagnies qui exploitent
normalement des concessions doivent pouvoir continuer d'exploiter les
mêmes territoires, que ce soit sous forme de concessions ou sous forme de
forêts domaniales ou autrement. Il n'est pas question d'expulser, ni plus
ni moins, les compagnies papetières sous le simple prétexte
qu'elles ont été favorisées de concessions pendant un
nombre d'années. Ce n'est pas la situation, c'est l'abus que nous
voulons voir disparaître.
Maintenant, il y a des compagnies papetières qui coupent des
arbres qui sont définitivement destinés au sciage pour en faire
des rondins à pâte de quatre pieds de long parfois plus gros en
diamètre qu'en longueur. C'est absolument inacceptable cette politique.
Je me suis fait dire avec presque de l'insolence par des gens de compagnies
papetières qu'il n'y avait pas de problème parce qu'aux usines il
y avait d'immenses coins hydrauliques pour fendre ces bois-là en petits
quartiers pour les mettre dans les machines, alors que, dans l'industrie du
sciage, on scie des arbres presque de la grosseur de branches. C'est cette
situation qu'il faut faire disparaître et non pas mettre les compagnies
papetières dans une situation dangereuse pour elles. Les compagnies
papetières demandent de réduire les primes d'affermage, de
réduire les droits de coupe. Elles veulent simplement continuer à
manger ce qu'elles ont trouvé bon. Elles peuvent continuer à
demander ce qu'elles veulent, mais pas au détriment des autres.
M. LESSARD: J'aurais encore une question technique sur ce
problème, étant donné que vous l'avez un peu
touchée. Vous parlez de certaines compagnies forestières qui ont
des concessions à l'intérieur desquelles il y a du feuillu qui
serait utilisable par l'industrie du sciage ou autres industries. Est-ce que,
d'après les connaissances techniques que vous avez ou les connaissances
pratiques, il pourrait être rentable à l'industrie du sciage
d'utiliser le feuillu qui reste après l'exploitation par une compagnie
forestière du résineux?
M. BARRY: Malheureusement, il n'y a pas de formule unique
là-dedans.
M. LESSARD: En se basant sur la façon dont les compagnies
utilisent les concessions forestières?
M. BARRY: Disons que la forêt présente toute la gamme des
mélanges, à partir d'une forêt pure feuillue jusqu'à
une forêt pure résineuse. Vous avez les forêts
mélangées à 50 -50 comme intermédiaire, à
mi-chemin, mais vous avez toute la gamme. Dans certains cas, ce serait
absolument ruineux d'aller faire une coupe de bois franc sur les parterres
délaissés après les coupes de résineux, parce qu'il
reste un arbre ici et là, les arbres ont été brisés
par les exploitations forestières. A ce moment-là, des coupes
intégrées seraient probablement la formule indiquée. Dans
d'autres cas, il ne peut pas être question d'aller sortir un arbre
résineux ici et là à travers une forêt feuillue.
Encore là, l'exploitant ou l'utilisateur du bois feuillu devrait
procéder à l'exploitation ou en venir à une entente avec
un entrepreneur et récupérer en bois à pâte ce qui
est propre pour les usines de pâtes, mais premièrement extraire ce
qui est propre pour le déroulage et le diriger au déroulage;
deuxièmement, envoyer vers les scieries les grumes qui sont propres au
sciage et, troisièmement, livrer aux papeteries les bois aptes à
être utilisés dans les procédés de papeterie, les
arbres et les essences.
Il n'y a pas de formule magique. On ne peut pas dire que l'exploitant
des scieries va faire les chantiers partout ou que l'exploitant des papeteries
va faire chantier partout. Il y a des compromis nécessaires à
certains endroits.
M. LESSARD: Il y a déjà eu des...
M. VINCENT: M. le Président, si vous me le permettez, je pensais
tout à l'heure que le député de Saguenay voulait
insérer une question.
M. LESSARD: Je m'excuse, non. C'est parce que vous aviez parlé de
l'abolition des concessions forestières.
M. VINCENT: D'accord.
M. LESSARD: Et comme j'avais aussi certaines questions...
M. VINCENT: D'accord.
M. LESSARD: Je vous remets la parole.
M. VINCENT: M. le Président, tout à l'heure nous avons
parlé de concessions forestières. L'association elle-même
ne s'est pas prononcée de façon directe ou l'industrie du sciage
au Québec ne s'est pas prononcée de façon directe sur cet
important sujet dont il est question dans le tome II. Nous aimerions que M.
Barry précise davantage sa pensée là-dessus. Surtout, je
pense que ce qui est important pour l'industrie du sciage au Québec,
c'est que revenons à la page
60, je pense que vous avez le tome II, aux pages 60, 61, 62 et 63, l'on
parle de l'allocation de type contractuel. Tout à l'heure, quand j'ai
posé ma question à M. Barry, on a parlé de 20 ans. Je
voudrais que M. Barry nous expose son idée surtout en ce qui concerne le
contrat d'approvisionnement à long terme dont il est question ici, 20
ans pour les pâtes et papiers. Quant on va un peu plus loin, on parle de
contrats d'approvisionnement à moyen terme pour les industries du sciage
et, un peu plus loin, on nous parle de permis d'usage annuel. Je pense que
c'est une des questions primordiales pour l'industrie du sciage. Est-ce que
nous pourrions avoir plus de commentaires sur ces trois pages du volume II?
M. BARRY: M. le député, notre industrie s'oppose avec
toute l'énergie dont elle peut disposer à cette forme de
discrimination. Dans notre mémoire, nous disons que les capitaux
à investir ne doivent pas être le critère qui va
déterminer la durée du contrat d'approvisionnement. Les capitaux
investis vont donner la taille de l'usine et la taille de l'usine va donner la
nécessité en quantité ou en volume d'approvisionnement.
Pour ce qui est de la durée, les échéances sont les
mêmes pour tous les industriels, qu'ils soient dans le secteur du sciage
ou dans le secteur des pâtes et papiers. Si vous devez suivre une
cédule de dépréciation vis-à-vis des services
d'impôt dans les divers gouvernements, les cédules de
dépréciation sont exactement les mêmes. Une bâtisse
en béton qui contient une meule pour défibrer du bois ou une
bâtisse en béton qui contient une machine pour scier se
déprécie au même rythme; par conséquent la
durée de l'approvisionnement doit être strictement la même,
quel que soit le secteur industriel auquel appartient l'industrie en
question.
M. VINCENT: Est-ce que vous pourriez faire un parallèle, dans
l'industrie du sciage, entre un investissement de X millions avec le nombre
d'emplois créés et un investissement de X millions dans
l'industrie des pâtes et papiers avec le nombre d'emplois
créés? Je pense que vous avez ces chiffres-là et cela
pourrait être intéressant pour les membres de la commission.
M. BARRY: Si vous le permettez, je présume qu'il y aura un
ajournement pour le dfner bientôt, je me procurerai des chiffres pour
répondre à cette occasion. Malheureusement, je ne dispose pas de
ceci.
M. VINCENT: Donc, à la page 61 du deuxième tome, en ce qui
concerne le contrat d'approvisionnement à long terme, au paragraphe du
bas de la page, vous demandez les mêmes contrats pour l'industrie du
sciage que pour l'industrie des pâtes et papiers, soit une durée
minimale du contrat de 20 ans et peut-être 40 ans dans certains cas.
M. BARRY: Disons que nous souscrivons à la formule qui est
mentionnée dans le bas de la page 20 où l'on parle d'un contrat
d'approvisionnement de 20 ans avec une probabilité de renouvellement
pour une deuxième période de 20 ans pas la suite. Nous demandons
exactement ce traitement-là.
M. VINCENT: Et en ce qui concerne les contrats d'approvisonnement
à moyen terme?
M. BARRY: Cela n'existe pas. S'il est question de contrats
d'approvisionnement à moyen terme, il faudrait que ce soit une mesure
temporaire. Nous avons traité de cette question dans une de nos
recommandations où un territoire serait retenu temporairement,
peut-être pour une période pouvant aller jusqu'à trois ans,
afin de permettre des études pour l'implantation d'une industrie
donnée, définie. Entre-temps, la possibilité de la
forêt devrait être mise à profit et non pas perdue et,
à ce moment-là, on pourrait parler d'un contrat à court
terme, ce qui n'aurait qu'un caractère purement temporaire. On
évite de parler de ce genre de contrat.
M. VINCENT: Maintenant, à l'intérieur de ces contrats
d'approvisionnement à long terme, pour les contrat d'approvisionnement
à moyen terme pour une période de trois ans en attendant que tout
le système soit rodé, quelle utilité aurait le permis
d'usinage annuel pour l'industrie du sciage?
M. BARRY: C'est un permis d'usine. C'est un permis pour exploiter
l'usine, cela sert de contrôle tout simplement.
M. VINCENT: Non, pas le permis d'usine mais celui dont il est question
à la page 63 du tome II, le permis d'usage à l'intérieur
de grands bassins forestiers. On parle du permis d'usage sur une période
d'un an, donné à certaines usines.
Quels sont les commentaires de l'industrie du sciage sur la façon
dont le ministère se propose d'émettre ces permis d'usage?
M. BARRY: Si vous me permettez, pour être en mesure de
répondre adéquatement à votre question, j'aimerais que M.
le ministre fournisse des éclaircissements sur l'intention du
ministère dans ces permis d'usage; s'il s'agit simplement de permis pour
régler immédiatement une situation à court terme ou si
c'est une formule permanente.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Avant que le ministre ne réponde,
est-ce que le ministre pourrait nous expliquer de façon plus
précise ce que comporte le contrat d'approvisionnement à long
terme, particulièrement en ce qui concerne les espèces ou les
essences de bois? Je prends un exemple; supposons que vous accordiez un
contrat d'approvisionnement à long terme pour une industrie qui
s'appellerait Price ou une autre. Est-ce que, dans ce contrat, seront
spécifiées les espèces ou les essences de bois que cette
société pourra utiliser? Ou comme si...
M. DRUMMOND: C'est bien évident, ça va être la
disparition des concessions forestières et tout devient forêts
domaniales. C'est vrai qu'on va déterminer les besoins de l'industrie
donnée selon les essences où les forêts sont
mélangées. On va évidemment faire la distribution des
feuillus aux autres qui en ont besoin, ce qu'on ne peut pas faire directement
aujourd'hui.
M. Barry sourit parce que nous l'avons discutée à
plusieurs reprises avant et j'ai toujours dit qu'il ne s'agissait pas de
discrimination du tout. Nous sommes ici pour essayer d'avoir le meilleur
système d'approvisionnement possible en tenant compte de certaines
exigences. Lorsqu'on parle de questions de financement, ça entre
là-dedans parce que, dans l'industrie des pâtes et papiers, le
gouvernement fédéral par exemple, s'il s'agit d'une subvention,
demande une garantie de plus long terme qu'il n'en demande pour l'industrie de
sciage, en ce qui concerne l'approvisionnement, la durée du contrat.
En ce qui concerne le sciage, je pense que M. Barry serait bien d'accord
avec nous que nous avons fait énormément de progrès dans
les dernières années en ce qui concerne la régularisation
des contrats d'approvisionnement des scieries. Effectivement, nous progressons
d'une certaine façon pour donner les garanties nécessaires pour
la survie des scieries. On parle des garanties d'approvisionnement de dix ans
avec un renouvellement de dix autres années dans beaucoup de cas. Et
lorsqu'on parle d'un contrat à moyen terme, notre idée est
surtout d'avoir une certaine souplesse. Ce n'est pas de dire qu'à la fin
d'une période donnée, on ferme la boutique; ce n'est pas
ça du tout. Parce que les choses changent, il y a certaines scieries qui
ferment leurs portes, il y a des changements dans les besoins de certaines
industries. Si une industrie donnée de pâtes et papiers
s'approvisionne d'ici quelques années entièrement en copeaux, on
veut avoir la souplesse de changer le système d'allocation. C'est
surtout ça.
M. BARRY: M. le ministre, si j'ai souri, c'est parce que vous savez que
je partage votre opinion, qu'il faut enlever la discrimination. D'ailleurs, ce
sont les gestes que vous avez posés, vous et vos
prédécesseurs, au ministère, au cours des dernières
années, qui nous donnent ce genre d'assurance qu'on se met en route vers
une amélioration de la situation.
Cependant, il persiste dans certaines opinions une tendance vers une
plus grande confiance dans l'industrie des pâtes et papiers que dans
l'industrie du sciage et nous voulons voir disparaître cette croyance qui
a déjà été populaire et qui, heureusement,
disparaît. Je ne vois aucune raison pour que, étant donné
qu'une entreprise est plus considérable qu'une autre, elle mérite
un approvisionnement à plus long terme.
On parle de vingt ans pour l'industrie de la pâte et papiers, on
parle de dix ans pour l'industrie du sciage avec la quasi certitude que cette
période de dix ans sera renouvelée par la suite.
J'admets aussi qu'il faut avoir une certaine souplesse, mais tout en
conservant la souplesse, vous dites que l'industrie de la pâte et papiera
besoin d'un approvisionnement de vingt ans et que si, entre-temps, elle modifie
ses structures, s'approvisionne en copeaux ou autrement, on pourra disposer
autrement du territoire.
La même chose s'applique pour le sciage, sauf que nous ne pouvons
pas nous approvisionner ailleurs que dans des arbres complets parce qu'il est
difficile de scier des copeaux pour faire de la planche.
L'industrie du sciage fait partie de la grande famille forestière
et elle revendique le traitement de ceux que nous avons appelés les
afnés, qui sont, en fait, des cadets puisqu'ils sont venus au monde
après nous.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'aimerais ici
interroger le ministre. Toujours à la page 61 du tome 2, de son livre
blanc qui est vert, on dit ceci: Le contrat à l'approvisionnement
à long terme ne sera accessible qu'aux industriels des pâtes et
papiers à cause de l'imposant volume de capitaux que ceux-ci
investissent. Et, plus loin, lorsqu'on parle du contrat d'approvisionnement
à moyen terme, on dit: Ce contrat d'approvisionnement à moyen
terme constituera une forme d'allocation des bois appropriée aux
exigences de la petite et de la moyenne entreprise de transformation. En
règle générale, les investissements effectués par
les petits industriels du bois ne dépassent guère quelques
millions de dollars et ces montants peuvent être amortis plus rapidement
que dans le secteur des pâtes et papiers.
Alors, il semble que cette question d'investissement de départ
soit la base que vous avez déterminée pour l'allocation des
ressources en matière ligneuse. Or, il me paraît justement que ce
principe est faux; quel que soit le montant d'investissement au départ,
il reste que si l'on veut rentabiliser, si l'on veut consolider et assurer la
permanence à une industrie, il importe que le gouvernement traite l'une
et l'autre industrie de la même façon et il me parait y avoir ici
ce que l'industrie des scieries qualifie de discrimination.
M. DRUMMOND: Ce n'est pas une discrimination. On vit avec les faits tels
qu'ils existent aujourd'hui. Il n'est pas question de discrimination. On ne va
pas faire disparaître les scieries d'ici dix ans. Comme je l'ai dit, il
faut une certaine souplesse là-dedans. Je dois avouer aussi que d'une
façon générale le taux de
rendement de l'investissement des scieries est plus élevé
que dans l'industrie des pâtes et papiers, ce qui est une autre raison
pour les exigences des bailleurs de fonds. Cela entre dedans. Quant au principe
de garantie, évidemment, on ne peut pas le faire à l'infini,
comme il l'a dit. Il faut garder une souplesse pour rajuster à la fin
d'une certaine période le parterre de coupes, les allocations, etc. Je
pense que ce n'est pas faux comme principe. C'est ce dont ils ont besoin pour
faire marcher leurs usines d'une façon rentable. C'est dix ans
renouvelable. Cela me semble logique.
Si c'est impossible de monter une usine de pâtes et papiers avec
un tel contrat à cause des exigences du marché financier, alors,
il faut aller plus loin.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Voici ce que je voudrais faire comprendre au
ministre, c'est qu'il est évident que lorsqu'il s'agit d'une industrie
de pâtes et papiers, l'investissement de départ est beaucoup plus
grand. L'industrie de pâtes et papiers va assurer des emplois à X
centaines ou X milliers de personnes.
Lorsqu'il s'agit d'une industrie de sciage, l'investissement de
départ peut être beaucoup moins important mais si l'on en parle en
terme d'emplois, de rentabilité, de sécurité, je ne crois
pas que le ministère doive accepter ce principe de détermination
des périodes d'allocation des territoires en fonction de
l'investissement de départ, puisque l'objectif que recherche le
gouvernement, c'est la mise en marche et la création du plus grand
nombre possible d'industries de quelque nature qu'elles soient, et leur
permanence en même temps.
Lorsque les représentants de l'industrie, qui sont devant nous,
parlent de discrimination et disent qu'il n'y a pas de petits et de grands
industriels, je crois qu'ils ont raison, alors que dans le livre du ministre on
consacre cette distinction qui, à mon sens, est fausse entre un petit et
un grand industriel qui, de ce fait, serait mieux traité s'il est grand
que s'il est petit.
M. DRUMMOND: Il faut admettre aussi que l'industrie de sciage est dans
une période d'évolution totale. Il y a de plus en plus de grandes
unités; alors c'est toute une période de fluctuation dans la
grandeur des entreprises données qui préconisent un meilleur
contrat que le précédent et, par contre, qui préconisent
aussi, d'une autre façon, la disparition de très petits
industriels.
M. BARRY: Non, nous n'avons pas préconisé la disparition
de petits industriels. Nous avons préconisé la disparition
d'usines qui présentent des caractères peu intéressants,
nonobstant leur taille...
M. DRUMMOND: Le propriétaire est un petit industriel en ce
moment.
M. BARRY: Nous parlons de petits industriels qui prétendent
l'être mais qui en fait, ne le sont pas, M. le ministre. Nous parlons de
scieries inopérantes, nous parlons de scieries qui ne peuvent
s'approvisionner. Nous parlons de scieries qui ne rendent aucun service, nous
n'avons pas parlé de taille. J'ai plus de respect pour un petit
industriel du sciage qui fait bien que pour un gros qui fait mal.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le ministre parle de fluctuation dans le
domaine de l'industrie du sciage. Le ministre admettra qu'il y a beaucoup de
fluctuation à l'heure actuelle dans le domaine des pâtes et
papiers; par conséquent, dans la détermination de la longueur, de
la durée des baux, en ce qui concerne l'allocation des ressources
forestières, je pense que le ministre aura du mal a nous convaincre que
les principes qui sont sous-jacents à la politique qu'il a
énoncée puissent être acceptés sans examen. Alors
j'aimerais bien que le ministre nous dise un peu de quelle façon il
prévoit...
M. DRUMMOND: Nous sommes ici pour entendre les gars du sciage, pour
tenir compte de ce qu'ils disent. A la fin de ces sessions, après avoir
entendu les autres secteurs de l'industrie, nous devrions arriver avec les
règlements nécessaires et une loi nécessaire.
Evidemment, ils insistent de leur côté. Nous allons
analyser ce qu'ils disent. Et, en fin de compte, après en avoir
discuté, nous allons rédiger et présenter une loi
précise. A ce moment-là, nous allons en discuter. Mais ce que je
veux dire, c'est que, dans notre esprit, nous voulons avoir de la
souplesse.
C'est pour ça qu'on a mis ça là-dedans. Il n'est
pas question de fermer la boutique de qui que ce soit mais de donner aux
gestionnaires la possibilité de changer les allocations lorsqu'il le
faut, parce qu'il y a énormément de changements dans l'industrie
de sciage.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je suis d'accord avec le ministre que nous
sommes ici pour entendre les représentants des sociétés
qui sont devant nous. Justement, le mémoire qu'ils ont
préparé, ils l'ont préparé en fonction de
l'exposé de la politique que le ministre nous a présentée.
C'est pour ça que j'interroge le ministre afin de mieux comprendre la
portée des revendications qui sont faites par les industries de sciage.
C'est pour ça que je demandais au ministre de nous expliquer le sens, ce
que signifiait la détermination de la durée des contrats
d'allocation, le long terme, le moyen terme, le permis d'usage et voir
exactement dans quel sens va s'infléchir la politique du gouvernement.
Je n'entends pas que le ministre se commette de façon
irrévocable, ce matin, mais j'aimerais qu'il nous fournisse de plus
amples renseignements.
M. DRUMMOND: C'est tout simplement d'arriver à une formule qui va
permettre aux industries données d'ériger une entreprise
rentable. Je dois dire que même s'ils viennent ici avec cette plainte
il y a un certain fondement dans leur argument je dois dire
qu'avec un système moins ou plus exigeant que ça, on a quand
même lancé des entreprises très rentables dans le monde du
sciage, qui font de l'argent, qui sont modernes et efficaces avec l'ancien
système. On veut l'améliorer et on va l'améliorer. Tout ce
que nous faisons, nous voulons avoir la souplesse qu'ils ont. Quant à la
disparition des concessions forestières, par exemple, il s'agit de nous
donner la souplesse nécessaire pour vraiment aider toute l'industrie
forestière. Je suis d'accord avec ceux qui disent que dans certains cas
c'est un gel de territoires qu'il faut supprimer. C'est la même chose
ici, on dit: S'il faut dix ans, s'il faut douze ans, je ne sais pas. Cela
dépend du cas. Nous sommes ici pour donner les garanties
nécessaires, pour lancer des entreprises rentables. Je pense que
même avec l'ancien système, on l'a fait.
M. BARRY: M. le ministre, M. le député, j'aimerais
préciser un peu notre comportement. Il ne s'agit pas ici d'une
accusation à l'endroit du gouvernement. Nous interprétons les
pages 61 et suivantes comme l'énoncé d'une formule quitte pour le
gouvernement à recevoir des contrepropositions et nous tirons profit de
cette occasion pour dire: Nous nous opposons à cette formule et nous
suggérons une formule de rechange qui consisterait à donner
à toutes les entreprises un traitement identique, soit un
approvisionnement de même durée. Il n'est pas question ici de
susciter ou de soulever une guerre de mots ou une guerre de principes. Il est
question de prendre les moyens nécessaires, les moyens qui seront
jugés nécessaires pour assurer la survie des industries. Si on
trouve une formule différente ou si on nous démontre que cette
formule va nous assurer la survie dont nous avons besoin, nous serons
pleinement satisfaits. Il n'est pas question de s'attacher au chiffre 20 ou au
chiffre 10, là-dedans. J'espère qu'on nous comprend dans ce
sens-là.
Me permettez-vous une couple de points de vue encore? M. le ministre a
parlé de la rentabilité, de la récupération
à brève échéance des investissements du
côté du sciage.
Il ne faudrait pas, actuellement, généraliser à
partir d'une situation qui est favorable à l'industrie du sciage. Nous
connaissons également nos vaches maigres.
Actuellement, si les conjonctures économiques donnent une
certaine bonne santé à l'industrie du sciage, nous nous en
réjouissons, mais il ne faut pas s'endormir dans une douce turpitude.
L'industrie des pâtes et papiers a également connu sa
prospérité et elle connaît actuellement des malaises que
j'espère de courte durée, qu'elle exploite avec beaucoup
d'habilité pour attirer la sympathie.
Mais il ne faudrait pas que notre prospérité occasionnelle
nous attire de l'animosité ou de l'antipathie. Je mentionnerai
également que les investissements consentis par les industriels du
sciage et nous le disons au début de notre mémoire
constituent dans 99. 9 p.c. des cas 100 p.c. de leur avoir et 100 p.c. de leur
dette. Ce n'est pas l'argent investi par des tiers qu'ils administrent, c'est
leur propre sort qui est entre leurs mains.
Ces gens-là ont un double souci, celui de mener à bien
leur entreprise et celui de survivre eux-mêmes. Autrement dit, il ne faut
pas sauter aux conclusions à partir d'une situation immédiate et
temporaire.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Barry, je vous remercie de ces explications
additionnelles que vous nous fournissez. Tout à l'heure, mon
collègue, le député de Nicolet, vous a demandé si
vous étiez d'accord sur le principe de l'abolition des concessions
forestières. Vous avez dit que, dans votre mémoire, vous ne vous
prononciez pas sur ce principe globalement. Mais là, vous venez de nous
dire que vous n'êtes pas nécessairement d'accord, quitte à
chercher une formule de rechange, sur ce que le ministère expose aux
pages 62, 63 et les autres, en ce qui concerne les contrats d'allocation.
Est-ce que vous avez des propositions qui seraient des formules de
rechange?
M. BARRY: Nous demandons un contrat d'allocation approprié ou
sécuritaire d'une durée suffisamment longue pour nous permettre
un caractère de permanence et nous ne nous attachons pas à la
tenure de la forêt. Si le gouvernement croit approprié de
concéder 100 p.c. du territoire public sous forme de concessions
forestières avec une formule qui serait certainement différente
de celle que nous connaissons aujourd'hui, cela peut être une formule
d'administration, quoi !
Si le gouvernement croit plutôt qu'il doit reprendre le
contrôle à 100 p.c du territoire public, de faire
disparaître les concessions comme telles de transformer les forêts
en forêts domaniales ou en forêts vacantes, c'est encore une forme
de tenure. Il peut y avoir des réserves. Autrefois on a connu les
réserves cantonales, les réserves ci, les réserves
ça; c'est encore une forme de tenure. La formule de la tenue est de
moindre importance à nos yeux. Ce qui nous intéresse, c'est
d'avoir la matière première dont nous avons besoin lorsque nous
en avons besoin.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors...
M. BARRY: Evidemment il faut qu'elle soit accessible dans des
données économiques. Il n'est pas question de nous approvisionner
avec du bois qu'on pourrait trouver sur la Terre de Baffin. Ce serait un peu
loin.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, M. Barry, en résumé
vous me direz si je vous interprète mal ce n'est pas
tellement la question de la nature, de la tenure et des permis d'allocation,
etc., qui vous préoccupent; ce qui vous préoccupe, c'est une
question d'équité. D'abord qu'il y ait un partage
équitable, qu'il y ait aussi un partage qui assure stabilité,
rentabilité des entreprises, permanence et tout cela dans le cadre d'une
formule très souple qui tienne compte de réalités
pratiques, de données concrètes, basées sur les
statistiques des industries auxquelles vous appartenez, des industries
connexes. Donc le principe comme tel, ce n'est pas tellement ce qui vous
préoccupe; ce qui vous préoccupe, c'est un partage
équitable en vue de la rentabilité et de la stabilité des
industries, la vôtre comme les autres.
M. BARRY: Vous exprimez très bien notre opinion, je désire
aller plus loin en disant qu'il ne faut pas interpréter nos propos comme
étant des accusations à l'effet qu'il n'y a que de
l'iniquité. Parce que la formule que nous avons connue dans le
passé n'a pas eu que des mauvais côtés, mais nous trouvons
inacceptable que d'immenses territoires et que bon nombre d'arbres, à
cause de leurs essences, aient été gelés, ou
immobilisés, ou inaccessibles à ceux qui en avaient besoin pour
le simple plaisir de ceux qui avaient réussi à contrôler le
territoire.
M. VINCENT: Maintenant, M. le Président, juste avant
d'ajourner...
M. LE PRESIDENT (Giasson): Une dernière question.
M. VINCENT: ... pour permettre à M. Barry de pouvoir
répondre en revenant à 2 h 30. Je voudrais que M. Barry nous
fasse le parallèle entre ce qui est dit à la page 163 du tome II,
en ce qui concerne les permis déjà émis par le
ministère des Terres et Forêts en vertu de l'article 86, chapitre
92 et les recommandations que vous faites dans votre mémoire concernant
l'émission de permis. Je voudrais que vous puissiez nous dire ce qu'il
faut changer de ce qui existe déjà au ministère des Terres
et Forêts, en ce qui concerne l'émission de tels permis.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il est midi trente, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: La commission suspend ses travaux jusqu'à 2 h
30.
(Suspension de la séance à 12 h 28)
Reprise de la séance à 14 h 35
M. PILOTE (président de la commission permanente des richesses
naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!
Vu qu'on a passé au-delà de deux heures ce matin sur le
mémoire de l'Association du bois de sciage, si on veut passer d'autres
mémoires cet après-midi, il faudrait limiter les questions le
plus possible et s'entendre de façon à passer ce qui était
prévu pour aujourd'hui à l'ordre du jour.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous ajournons, nos travaux M. le
Président, à cinq heures?
M. LE PRESIDENT: A cinq heures trente.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous nous sommes entendus pour cinq heures, je
pense, parce que nous avons pris un engagement â cinq heures.
M. LE PRESIDENT: Nous ajournons à cinq heures?
M. DRUMMOND: Vraiment, il y avait une entente pour cinq heures, mais je
pense que, si on peut finir les mémoires, on pourrait quand même
continuer jusqu'à cinq heures et quart.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Tout dépend de la nature de
l'engagement.
M. DRUMMOND: C'est toujours comme ça, mais lorsqu'on a
parlé de souplesse ce matin, je ne parlais pas seulement de souplesse de
la part du gouvernement, mais aussi de tous les intéressés ici
cet après-midi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, je veux bien. Il y a des bois flexibles,
mais il y en a qui le sont moins. Alors, M. le Président, je veux bien
que nous procédions avec célérité, étant
donné l'importance du mémoire qui est devant nous et des
associations représentées. Nous allons procéder avec
célérité, mais avec une célérité
calculée, afin d'avoir tous les renseignements qui nous sont utiles
d'autant plus qu'un bon nombre de nos collègues n'ont pas eu encore
l'occasion de poser des questions.
M. LE PRESIDENT: La parole est au député de
Lotbinière.
M. VINCENT: Il y avait deux réponses là, M. le
Président, avant. Je pense que M. Barry avait deux réponses.
M. LE PRESIDENT: ...deux réponses à donner. M. Barry,
est-ce que vous êtes prêt?
M. BARRY : Avant de nous séparer pour l'heure du lunch, M.
Vincent avait posé deux
questions. La première question était relative au
paragraphe 2.2 que l'on retrouve à la page 163 du tome II de
l'exposé préparé par le ministère des Terres et
Forêts. Ce paragraphe traite de l'article 86 du chapitre 92 de la Loi des
Terres et Forêts au sujet des permis qu'il faut se procurer à
l'occasion d'implantation d'usines nouvelles ou de modifications à des
usines déjà existantes. De mémoire, l'article 86 dit que
nul ne peut bâtir ou modifier une usine qui utilise le bois comme
matière première sans, au préalable, se procurer un permis
qui est émis par le ministère des Terres et Forêts. Dans
notre mémoire, nous parlons d'un permis d'usine et non pas d'un permis
de modification ou d'un permis de construction. Le permis d'usine que nous
suggérons va beaucoup plus loin que celui qui est suggéré
dans la loi actuelle des Terres et Forêts.
Nous demandons que ce permis soit émis annuellement et non pas
seulement à l'occasion d'une construction ou d'une modification.
L'émission de ce permis annuel pourrait répondre aux deux fins.
Il y a celle qui est déjà prévue pour l'article 86 de la
Loi des terres et forêts qui est de contrôler l'implantation des
usines et ne pas réaliser tout à coup qu'on a bâti une
usine sans que l'autorité en ait été informée ou
avisée. Malheureusement, ce contrôle n'est pas tellement efficace
et il semble que le gouvernement soit négligent à certains
moments et ne s'assure pas que les gens qui bâtissent des scieries se
soient procuré ledit permis.
La deuxième possibilité que représente le permis
que nous avons suggéré, en plus de permettre un registre à
jour des industries opérantes, permettrait au gouvernement très
facilement d'apprécier dans quel état se trouvent les usines, au
point de vue du rendement, de l'utilisation de la matière
première, dans quel étant elles se trouvent au point de vue de la
sécurité des ouvriers qui y travaillent, dans quel état
elles se trouvent au point de vue de la conservation de l'environnement.
Actuellement, la loi n'exige pas un permis d'usine de sorte que, lorsqu'une
manufacture, une usine, une scierie est bâtie, les faits et gestes
posés par la suite sont à peu près ignorés du
gouvernement.
M. Vincent est-ce que ça répond à votre
première question?
La deuxième question était relative aux sommes investies
et aux emplois créés. Malheureusement, même si on a pu
bénéficier d'une couple d'heures pour le lunch, la table a
accaparé la plus grande partie de ce temps et je n'ai pas pu fouiller
dans les statistiques d'une façon satisfaisante. Personnellement,
j'avancerais qu'il faut investir cinq fois plus pour bâtir une
manufacture de pâtes que pour bâtir une scierie pour créer
le même nombres d'emplois. Disons qu'un investissement de l'ordre de $4
millions dans une scierie va procurer du travail à 200 personnes, mais
il sera sans doute nécessaire d'investir quelque $20 millions dans
l'indus- trie de pâtes, pour créer le même nombre
d'emplois.
M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Barry, j'aurais une question à vous
poser au sujet de la recommandation 34. J'aimerais avoir des explications,
parce que vous demandez que le gouvernement constitue un fonds spécial
pour la vente de permis de circulation en forêt pour fins
récréatives, afin de défrayer une partie du coût de
protection et de combat des incendies. Est-ce que vous pourriez nous expliquer
ce que vous désirez obtenir par cela? Vente de permis de circulation en
forêt pour fins récréatives?
M. BARRY: Actuellement la forêt sert à plusieurs fins.
Limitons-nous pour le moment à la fin récréative, soit la
pêche, la chasse, le campisme, la récréation pure et simple
ou la promenade, ce qui amène une très forte population dans les
forêts.
Or, cette population, je regrette de le dire, n'est pas
éduquée, en grande partie, à utiliser la forêt avec
toutes les précautions nécessaires. Il s'ensuit que la
forêt est non seulement exposée mais souvent détruite par
des incendies qui ont été allumés à cause de la
négligence et de l'ignorance de ces gens. La meilleure façon
d'impliquer les gens et de les intéresser à quelque chose, c'est
de leur faire verser une somme, si minime soit-elle.
D'une part, celui qui devrait se procurer un permis d'usage ou de
circulation en forêt aurait conscience qu'il s'est procuré un
permis parce qu'il aurait défrayé quelques sous ou quelques
dollars pour se le procurer; par le fait même, il porterait beaucoup plus
d'attention à ses faits et gestes, et les sommes ainsi recueillies
pourraient, en partie, défrayer les dommages qu'il cause à la
forêt.
Actuellement, le gouvernement a enlevé le contrôle qu'il
exerçait autrefois sur l'usage de la forêt et, c'est regrettable
de le dire, je le répète, on devrait utiliser l'expression vox
populi vox minorum, il arrive souvent que la population ne soit pas
préparée à bénéficier des privilèges
qu'elle réclame. Cela explique la recommandation no 34 de notre
mémoire.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.
M. BELAND: M. le Président, j'aurais également quelques
questions à poser. Si on se réfère au chapitre I, on nous
dit: Le rythme d'accroissement aurait été meilleur si l'industrie
avait pu évoluer plus librement. Il est bien clair vous en avez
parlé ce matin, que certaines contraintes ont affecté très
largement l'industrie du sciage au Québec.
Si on va un peu plus loin, à la page 7, concernant les droits de
coupe, vous laissez supposer qu'il y aurait peut-être possibilité
de corriger cet angle-là. Est-ce que vous avez pensé à une
échelle de base au droit de coupe, compte tenu du peuplement par
exemple, du peuplement, de l'éloignement, de la densité, de la
facilité d'accès, etc?
M. BARRY : Nous n'avons pas suggéré dans notre
mémoire de tarifs ou de cédules des charges. Nous avons cependant
mentionné que le gouvernement devrait tenir compte de la qualité
des sites, de la qualité du bois, des essences, de
l'accessibilité, d'un tas de facteurs; également, le gouvernement
pourrait tenir compte de la fluctuation sur le marché dans la vente des
produits finis.
Je vais emprunter l'expression d'un haut fonctionnaire du
ministère des Terres et Forêts qui a dit un jour que la charge
pourrait être même une prime qui serait versée à
l'exploitant forestier qui mettrait en valeur des peuplements qui autrement
seraient économiquement inaccessibles. Alors, sans aller jusqu'à
réclamer la prime à ce moment-ci, c'est vous dire que les
fluctuations sont possibles dans ce domaine. Et puis, nous sommes à la
disposition du gouvernement, s'il croit que nous pouvons l'aider à
préparer une liste officielle des taux selon les circonstances.
M. BELAND: Ensuite, si l'on va plus loin, dans le rapport principal
à la page 93, au niveau des recommandations, on parle d'adjudication
publique, voudriez-vous préciser à ce moment-ci? Parce que vous
laissez supposer que ce serait automatiquement par l'intermédiaire de
Rexfor seulement qu'il y aurait possibilité d'une adjudication publique.
Voudriez-vous préciser davantage quelque peu?
M. BARRY: Antérieurement, dans notre mémoire, nous parlons
de l'allocation ou de l'approvisionnement des usines. Cela veut dire qu'il
s'agit d'un programme défini pour un terme relativement long, enfin,
à caractère de permanence. En plus des exploitations
prévues par ces plans d'allocation, il peut arriver que le gouvernement
juge à propos de procéder à des coupes, soit pour procurer
du travail à une main-d'oeuvre en chômage, soit pour
récupérer des peuplements qui, subitement, deviennent en
perdition. Il s'agit alors de bois qui arrive sur le marché en surplus
des allocations déjà prévues et, pour éviter des
privilèges ou de l'iniquité, nous suggérons que le bois,
que ces surplus ainsi créés soient offerts aux utilisateurs par
adjudication publique.
M. BELAND: Bon. Je présume que, dans votre idée, ce soit
justement offert, mais à un prix concurrentiel, non pas à un prix
préférentiel à Rexfor, mettant d'une façon
nettement sur un pied inférieur les autres utilisateurs ou
transformateurs. Par exemple, je vais aller plus loin, s'il existe toujours la
Fédération des producteurs de bois du Québec, qui en somme
est le porte-parole des producteurs sur terrains privés, est-ce que ce
serait un organisme consulté? En l'occurence, ou en somme, quelle est
votre façon, comment voyez-vous le problème?
M. BARRY: Tout d'abord, nous avons précisé que ces bois
coupés n'affectaient pas le programme d'approvisionnement
régulier des acheteurs. C'est du bois coupé en sus de
l'approvisionnement régulier. Dans l'approvisionnement régulier,
nous comprenons, s'il s'agit d'une industrie de pâtes par exemple, qu'il
y aura des copeaux qui proviennent des scieries, qu'il y aura des bois à
pâte qui proviennent des terrains privés, qu'il y aura du bois qui
provient des terres publiques ou des terres du gouvernement et, à ce
moment-là, nous tenons pour acquis que les entreprises ont obtenu
l'allocation ou l'approvisionnement dont elles ont besoin.
Les bois qui sont ainsi coupés par une société
telle que Rexfor arrivent comme des surplus sur le marché. Quand on
parle d'adjudications publiques, on présuppose le principe du dernier et
plus haut enchérisseur. Il peut arriver que cet acheteur paie moins que
les prix courants, qu'il paie moins que ses propres prix à lui, comme il
peut arriver qu'il paie plus. Tout dépendra à ce moment-là
des conditions du marché.
Si une usine de sciage a une capacité, selon une machinerie
installée, de 20 millions de pieds, qu'elle a un approvisionnement total
de 15 millions, si les conditions du marché sont favorables, elle aura
certainement recours à de la surenchère pour obtenir ce bois
additionnel. Par ailleurs, si son voisin a un approvisionnement qui correspond
à sa capacité de machinerie, et si, dans d'autres circonstances,
le marché est moins bon, il y aura peut-être peu ou pas de preneur
pour ces surplus de bois. A ce moment-là, le gouvernement donnera
peut-être purement et simplement le bois à ceux qui voudront bien
le transformer.
M. BELAND: A l'intérieur de tout ce contexte-là, de quelle
façon envisagez-vous un correctif quelconque, y avez-vous pensé,
concernant ce qui existe présentement, à savoir des
Américains, ou d'autres personnes d'outre-frontières qui viennent
acheter de grandes étendues de terrain chez nous? Peut-être
avez-vous pensé à un moyen pour que ce fait n'affecte pas les
possibilités d'accès à la forêt de nos industries du
sciage.
M. BARRY: Si vous voulez me fournir des précisions additionnelles
quand vous parlez de gens étrangers au Québec qui achètent
des terrains ici; est-ce que vous voulez dire qu'ils achètent des
terrains boisés ou des terrains vagues?
M. BELAND: Des terrains boisés.
M. BARRY: A ma connaissance, si de telles personnes achètent des
terrains boisés, elles les achètent de propriétaires
privés. Actuellement, c'est un transfert de propriété d'un
résidant à un non-résidant et je crois que c'est un peu en
dehors de la compétence de notre association de prétendre faire
des recommandations valables dans ce domaine.
M. BELAND: Bon, d'accord.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.
M. LESSARD: Merci, M. le Président. J'aimerais d'abord avoir
certaines informations concernant votre association. A la page 6 de votre
mémoire, vous dites que l'Association des manufacturiers de bois de
sciage représente 80 p.c. de la production.
Cela représente combien d'entreprises sur les 613 dont vous
parlez?
M. BARRY: En nombre, 155.
M. LESSARD: Alors, 155 entreprises qui sont membres de votre association
seulement.
M. BARRY: C'est cela.
M. LESSARD: Est-ce que vous pourriez me donner certaines indications
concernant le contrôle québécois à
l'intérieur de ces entreprises?
M. BARRY: Disons que les industries qui composent notre association sont
dans une très grande majorité je dirais d'un ordre de
grandeur d'au-delà de 90 p.c. ou 95 p.c. la
propriété d'éléments de la province, des Canadiens
français en majeure partie. Quelques usines de fort volume
n'appartiennent pas à notre association, il s'agit de cas d'exception.
La plupart des usines importantes appartiennent à notre associaiton.
Parmi les grandes usines qui n'appartiennent pas à notre
association, la plupart sont la propriété de compagnies
papetières, quoique des compagnies papetières exploitant des
scieries appartiennent également à notre association. Notre
association est un groupe de bonne foi, accessible volontairement, sans
contrainte, aux industriels. Il n'y a pas de formule Rand, il n'y a pas
d'adhésion obligatoire ou quoi que ce soit, sauf pour avoir accès
aux services que nous offrons dans le cas de certains services particuliers
tels que la classification et le contrôle de qualité du bois. A ce
moment-là, tout en prétendant offrir ce contrôle de
qualité et ces services aux non-membres, le prix que nous chargeons
lorsqu'il s'agit de non-membres est d'une fois et demie ce que nous chargeons
aux membres, ce qui incite les gens à appartenir à l'association
pour obtenir des services à un prix le plus bas possible. En dehors de
cela, il n'y a aucune contrainte ni aucune pression d'exercée sur les
industriels pour qu'ils entrent dans notre association. Il existe d'autres
associations ayant leur siège social en dehors de la province de
Québec qui ont certaines activités dans notre province et la
plupart des grandes scieries qui n'appartiennent pas à notre groupement
appartiennent à ces groupements de l'extérieur, groupements
étrangers.
Si de petites scieries ou de grandes scieries ont jugé bon de ne
pas entrer dans l'association, c'est leur droit et nous n'avons pas l'intention
de le contester de quelque façon que ce soit.
M. LESSARD: A la page 21 et à la page 22 de votre mémoire,
vous faites le procès des forêts domaniales; vous affirmez :
Toutefois ces forêts domaniales résultent très souvent du
regroupement de territoires forestiers en partie épuisés,
quelquefois écrémés des approvisionnements les plus
recherchés du point de vue de la qualité, de la dimension des
grumes ou formés de peuplements difficiles d'accès.
Est-ce que vous ne croyez pas que, du fait qu'on retarde l'application
ou la décision concernant l'abolition des concessions
forestières, il y a danger que les industries de pâtes et papiers
continuent d'écrémer les meilleurs territoires, quitte à
se ramasser, dans dix ans, avec des territoires presque complètement
épuisés?
M. BARRY: Evidemment, je ne puis pas prêter d'intention, mais si
j'étais à leur place, je le ferais. Alors, je peux
présumer qu'elles le feront.
M. LESSARD: A la page 26, vous parlez des forêts privées et
vous semblez passablement satisfaits des services ou de l'approvisionnement que
vous fournissent les forêts privées. Par contre, certains
industriels de la forêt n'affirment pas du tout la même chose.
Est-ce que, de l'avis de l'association, actuellement, les prix, les coûts
du bois provenant des forêts privées sont concurrentiels par
rapport à votre propre prix?
M. BARRY: Les bois qui proviennent des terrains privés sont
assujettis dans certains territoires du moins, sinon dans la plupart, au
contrôle des plans conjoints. Dans certaines régions, nous avons
eu à négocier avec les plans conjoints, ailleurs, les ventes ont
été effectuées directement des producteurs aux usagers du
bois, aux scieries. Il semble qu'il y a toujours de la place et pour la
critique et pour de l'amélioration, mais, dans l'ensemble, je crois que
les deux parties se sont trouvé satisfaites des relations qui ont
existé dans le passé. C'est pourquoi nous disons que nous nous
proposons de continuer à nous approvisionner à même les
bois qui proviennent des terrains privés et qui nous sont offerts.
M. LESSARD: A venir jusqu'ici, vous êtes
donc satisfaits du respect des ententes qui ont été prises
par le système des plans conjoints, entre les producteurs privés
et votre association? Les ententes ont été respectées?
M. BARRY: D'une part, les quantités ne sont pas tellement
énormes, mais, d'autre part, nous sommes heureux de pouvoir nous
procurer ce bois et nous espérons que ça va se continuer.
M. LESSARD: A la page 69, l'association recommande que le gouvernement
crée un organisme de coordination des approvisionnements. Pourriez-vous
détailler un peu les modalités d'organisation ou d'administration
de cet organisme? Est-ce que cet organisme devrait être un organisme
gouvernemental? Est-ce que ça ne devrait pas plutôt être un
organisme X où tous les intérêts forestiers pourraient
être représentés, soit les représentants des
forêts privées, les industriels des pâtes et papiers, les
industriels du bois de sciage, le ministère des Terres et Forêts,
Rexfor ou est-ce que ça doit être exclusivement un organisme
gouvernemental?
M. BARRY: Tout d'abord, dans le préambule, nous parlons d'un
organisme qui serait plus actif dans l'indication et dans l'incitation; on
parle d'une régie gouvernementale à ce moment-là. Alors,
par sa définition, si elle est gouvernementale elle va relever de
l'autorité du gouvernement et en l'occurence du ministre des Terres et
Forêts. Je crois que c'est normal que le plus grand fournisseur devienne
le principal intéressé dans une telle régie.
Le gouvernement, par son administration des forêts publiques, est
le plus gros fournisseur de matières premières aux industries
forestières. Il est logique qu'il soit non seulement présent,
mais qu'il soit dominant. Nous croyons que le gouvernement aurait avantage et
intérêt à obtenir la participation des parties
concernées. Les parties concernées comptent évidemment
tout autre producteur, fournisseur de bois et également les utilisateurs
du bois.
C'est donc dire que je conçois que les propriétaires de
terrains privés aient un représentant sur cet organisme, tout
comme les utilisateurs des différents secteurs de l'industrie
forestière. Je crois qu'il serait préférable d'avoir une
régie paragouvernementale plutôt qu'une direction
générale d'un ministère, parce que, dans une direction
générale, c'est plus difficile d'avoir l'apport de
l'extérieur alors que, dans une société
paragouvernementale, vous pouvez, tout en gardant le contrôle, avoir une
participation de l'extérieur.
M. LESSARD: A plusieurs reprises, dans votre mémoire, du moins
implicitement, vous parlez du rôle de Rexfor et vous dites que Rexfor ne
devrait pas venir directement en concurrence avec l'entreprise privée.
Est-ce que vous pourriez préciser un peu la façon dont
l'association voit le rôle de Rexfor dans une transformation
complète de l'administration forestière?
M. BARRY: Rexfor a un rôle bien défini à remplir. Il
s'agit pour elle d'exploiter du bois là où, normalement,
l'industrie ne peut pas ou ne doit pas aller. Alors, il peut s'agir, comme je
l'ai mentionné plus tôt, de coupes qui ont été
décidées en vue de procurer du travail à des sans-emploi.
Il peut s'agir de programmes de récupération de bois compromis
soit par des épidémies d'insectes, du feu ou par des construction
de travaux de génie.
H s'agit de travaux qui sont en dehors des programmes normaux
prévus par le gouvernement et par l'industrie. C'est un rôle
supplétif à ce moment-là et non pas un rôle
concurrentiel que Rexfor doit remplir. D'ailleurs, Rexfor, si on analyse
l'etymologie du mot, ça veut dire récupération et
exploitation:Re pour récupération, en premier lieu.
M. LESSARD: Pour l'association, Rexfor devrait rester ce qu'elle est,
c'est-à-dire un organisme paragouvernemental mais qui va toujours
fonctionner comme supplément à l'entreprise privée et qui
sera nécessairement une entreprise déficitaire.
M. BARRY: C'est notre opinion à moins qu'on nous prouve que
l'industrie est incompétente et incapable de procéder
elle-même à ses opérations forestières.
M. LESSARD: Merci, M. le Président. En terminant, pour ma part,
je dois féliciter l'Association du bois de sciage du Québec, qui
nous a présenté l'un des mémoires les plus positifs que
nous ayons entendus jusqu'ici et qui accepte la réforme que le
ministère semble vouloir nous apporter.
M. BARRY: Merci, monsieur.
M. LE PRESIDENT: Je remercie M. Barry et M. Guérette de la
façon qu'ils ont présenté leur mémoire. Je les
félicite particulièrement au nom de la commission et soyez
assurés que nous allons prendre bonne note de vos recommandations.
M. BARRY: Merci, M. le Président, merci, M. le ministre, merci,
messieurs.
M. LE PRESIDENT: J'inviterais à présent à la barre
le Comité canadien pour le Programme biologique international; son
représentant, M. Gilles Lemieux, en est le président
conjoint.
Comité canadien pour le programme biologique
international PBI/CT
M. LEMIEUX: M. le Président, MM. les membres de la commission,
nous représentons le Programme biologique international; mon
collègue, le Dr Maldague, est à ma gauche ainsi que Me
Lorne Giroux à ma droite. Ce Programme biologique international a pris
naissance en 1967 et a été accepté par le Canada; 60 pays
en font partie et au Canada c'est le Conseil national des recherches qui a
financé l'opération, qui doit se terminer en 1973-1974.
Le but de ce programme était surtout d'analyser la
productivité des communautés biologiques aussi bien marines que
terrestres et également de voir à la protection d'un certain
nombre de biotopes, c'est-à-dire d'entités biologiques,
représentatives de l'ensemble du Canada.
Pour ce faire, le Canada a été divisé en dix
régions qui correspondent à toutes les provinces plus les
Territoires du Nord-Ouest et le Québec est une de ces
régions.
Au Québec, nous nous sommes constitués en groupes à
partir des représentants de toutes les universités
québécoises, y compris l'Université McGill,
Montréal, toutes les constituantes de l'Université du
Québec, Laval, Sir George Williams, Sherbrooke, ainsi de suite.
Le mémoire que nous présentons n'est pas tellement
volumineux, il est relativement concis et c'est à dessein que nous
l'avons mis de cette façon de sorte qu'il soit relativement facile
à comprendre.
Les communautés biologiques ont, à notre avis, trois
grandes valeurs. La première est une valeur esthétique et
celle-ci est bien traitée dans le tome II du livre blanc du ministre des
Terres et Forêts. La deuxième, qui est non moins importante,
peut-être même plus importante que la première, est la
valeur culturelle, c'est-à-dire que les communautés biologiques
font partie du patrimoine national. Je pense que tout le monde est d'accord
qu'à l'heure actuelle, à cause de la technologie assez
avancée, on a et on peut très rapidement et on a
déjà détruit un assez bon nombre de ces communautés
biologiques, de telle sorte qu'étant donné que ceci fait partie
du patrimoine national d'un peuple depuis fort longtemps, je ne crois pas que
nous ayons le droit ni le devoir et que personne nous ait conseillé de
détruire complètement ce qui appartient à la nation.
Finalement, une autre de ces grandes valeurs biologiques est la valeur
scientifique, c'est-à-dire que ces communautés biologiques sont
composées d'un grand nombre d'organismes qui ont des interrogations
complexes et finalement sont la base de toute la vie aussi bien animale
qu'humaine sur terre.
Pour protéger la majeure partie des exemplaires de nos
communautés biologiques, nous proposons l'instauration d'une
série de réserves dites réserves écologiques.
Ces réserves écologiques sont souvent de dimensions
restreintes et comprennent un exemplaire de ce qu'on appelle un
écosystème, notamment un exemplaire de l'érablière
d'où nous pourrions tirer quelques centaines d'acres qui seraient mises
en réserve complète, c'est-à- dire sans accès au
public à l'intérieur, mais où le public pourrait avoir
accès pour des fins éducatives à la
périphérie.
Au Canada, on a déjà fait des pressions pour obtenir de
telles réserves et, comme vous pouvez le voir à l'appendice en
annexe au mémoire, un succès a été obtenu en
Colombie-Britannique où on a déjà voté l'Ecological
Reserve Act en 1971. Cependant, comme le Canada est, je ne dirai pas
hétérogène, mais peu homogène au point de vue
biologique, la situation est un peu différente d'une région
à l'autre. Par exemple, dans les Prairies, on ne parle pas de
réserve ou d'un écosystème, mais bien de "landscape",
c'est-à-dire de paysage, d'ensemble de paysages, qui est à peu
près l'équivalent d'un parc. Au Québec cependant, nous
avons un certain nombre d'affinités avec la Colombie-Britannique, en ce
sens que nous possédons un grand nombre de ces communautés
biologiques. Celles du sud de la région de Montréal sont typiques
du centre américain, celles de l'est et du nord sont
caractéristiques des grandes formations forestières du nord et de
toute l'Amérique, et finalement la toundra se trouve encore beaucoup
plus loin et, fait un peu particulier, nous sommes la seule des provinces du
Canada à posséder de tels territoires ou de telles entités
biologiques.
Le Nouveau-Québec justement à ce propos pose un peu de
difficulté. Peu de choses y ont été faites jusqu'à
maintenant, mais on commence, avec le projet de la baie James, à y faire
de nombreux travaux. Une information qui nous parvenait tout récemment
du ministère des Richesses naturelles nous laisse savoir qu'une
décision est en voie d'être prise pour que la route de la baie
James soit prolongée jusqu'au lac Guillaume-Delisle sur la baie d'Hudson
d'ici 1975. Nous nous inquiétons, non pas que nous ne sommes pas
contents que la civilisation monte aussi loin, mais nous sommes quand
même relativement inquiets de ce qui pourrait se produire dans un pays
aussi fragile, où nos travaux nous laissent à penser que la
révolution de la végétation est d'environ mille ans,
c'est-à-dire que, lorsqu'on détruira cette
végétation relativement fragile, on peut escompter entre 500 et
1,000 années avant qu'elle se rétablisse. Ceci fait partie de nos
préoccupations à l'heure actuelle.
Le but des réserves écologiques est assez varié, en
ce sens que non seulement nous voulons protéger des
écosystèmes ou de grands écosystèmes, mais nous
voulons également donner par le fait même un certain nombre de
places où on pourrait avoir accès, pour des fins
éducatives. On a parlé dans le mémoire
précédent de la difficulté de l'accès en
forêt, à cause d'un manque d'éducation populaire. Je pense
que c'est un peu vrai, mais on ne peut jeter la pierre à personne et,
dans le contexte urbain dans lequel nous vivons, ce phénomène de
méconnaissance du milieu forestier ne fait que s'amplifier. C'est une
des raisons qui nous
portent à penser que le fait d'avoir des réserves
écologiques à accès limité, tout au moins pour les
écoles et les universités, serait d'un grand bienfait puisque les
populations urbaines seraient, pour la première fois, souvent, à
même d'entrer en contact avec une végétation et un milieu
non perturbés.
Une autre raison qui nous pousse à demander des réserves
écologiques est ce qu'on appelle la diversité
génétique. En effet, une population aussi bien d'animaux que
d'arbres a un bagage génétique défini pour une
région particulière, c'est-à-dire que les
équilibres se sont faits de telle sorte que, dans les dix, vingt ou
trente milliers d'années qui ont précédé, s'est
établi un équilibre. Si on prend, à titre d'exemple, les
vallées de la Gaspésie, les érablières, qui y sont
sont le résultat de plusieurs milliers d'années, sont
concentrées, il n'en reste presque plus. Un homme est en mesure de
détruire complètement ce bagage génétique. Pourquoi
faut-il conserver ce bagage génétique jusqu'à un certain
point?
Je pense qu'il est facile de voir que, dans les années qui
viennent, on devra procéder à des reboisements de plus en plus
complexes et fréquents. Où prendra-t-on le matériel? Il
faudra le prendre dans des endroits qui auront été
protégés et conservés pour cette fin. Enfin, le but de ces
réserves écologiques, un autre de ses buts, est la recherche
scientifique. Comme je vous ai dit préalablement, chacune de ces
communautés biologiques est extrêmement complexe, aussi complexe
que le corps humain peut l'être. Naturellement c'est tout à
fait normal on a concédé des sommes énormes depuis
plus de cent ans à la connaissance du corps humain. Le problème
de l'environnement qui nous confronte actuellement est en bonne partie
celui-ci. C'est qu'on ne connaît pas ces communautés auxquelles on
a affaire. Très peu d'argent leur a été consacré.
Je suis d'avis qu'il a été difficile, jusqu'à maintenant,
de le faire, mais je pense qu'on en arrive à un stade où ceci
devrait être fait. Ces communautés biologiques appartenant au
Canada, aux provinces, il se pose déjà un petit dilemme en ce
sens que probablement l'argent pourrait venir de source fédérale,
mais il faudrait que ces communautés biologiques soient assurées
d'une protection par l'Etat provincial.
Une autre des utilités de ces réserves écologiques
est l'installation de stations de contrôle pour la mesure des
paramètres de l'environnement. C'est-à-dire que pour la mesure de
la pollution atmosphérique, la pollution de l'eau, la pollution du sol,
ces stations de contrôle s'établissent, en règle
générale, dans des milieux parfaitement protégés et
à l'abri de contingences du milieu environnant. C'est-à-dire que
ces milieux doivent être représentatifs de l'ensemble du
territoire et non pas être à proximité d'industries.
Enfin, une autre des utilisations possibles de ces réserves
écologiques est l'utilisation de celles-ci pour l'installation de
stations de météo. La météorologie, à
l'heure actuelle, a des stations qui sont placées un peu partout,
souvent sur des terrains privés ou des terrains de la couronne et, pour
toutes sortes de raisons on doit les déplacer, soit à cause de la
croissance urbaine ou la construction de routes ainsi de suite. Je ne pense
pas, que je sache, qu'il n'y ait de lois qui assurent la permanence de ces
stations de météo. Nous avons, à l'heure actuelle,
l'assurance de la coopération du ministère de l'Environnement
fédéral qui serait intéressé, avec l'aide du
ministère des Richesses naturelles, à avoir de telles stations
dans les endroits bien protégés législativement.
Enfin, la gestion de ces réserves pose une difficulté, un
petit problème. Ces réserves pourraient être soit à
la charge de l'Etat au complet, par l'intermédiaire de l'un de ses
ministères, ou encore être régies par un groupe de gestion
qui serait composé à la fois de représentants
universitaires, de représentants du gouvernement et de
représentants d'institutions privées, soit de
préférence de l'industrie, quoique jusqu'à maintenant
l'industrie n'ait pas montré beaucoup d'intérêt pour ce
domaine.
Enfin, je désire attirer votre attention sur les recommandations
qui font suite à la conclusion à la page 18.
Nous recommandons que le gouvernement du Québec mette sur pied un
réseau de réserves écologiques.
Nous recommandons également que l'Assemblée nationale
adopte une loi dite des réserves écologiques comme celle de la
Colombie-Britannique.
Nous recommandons également qu'une loi permette la
création de réserves écologiques intégrales ou
dirigées pertinentes et dédiées à la conservation,
à la recherche scientifique et à l'éducation.
Nous recommandons qu'une telle loi permette au ministre responsable
d'acquérir, de louer ou de conclure des ententes avec des individus ou
des groupes permettant l'érection de réserves écologiques
sur des terres autres que les terres publiques. Parce qu'ici j'attire votre
attention sur le fait que les communautés biologiques ne sont pas
uniquement sur des terres de la couronne, elles sont fréquemment sur des
terrains publics, surtout dans les régions à forte densité
comme la région montréalaise.
Nous recommandons que des règlements relatifs à la
création et à la gestion de réserves écologiques
soient inclus dans la loi pour: a) l'élaboration d'un plan
d'aménagement spécifique à chaque réserve; b)le
contrôle des activités de circulation ou de recherche à
l'intérieur des réserves écologiques; c) définir
les fonctions du conseil consultatif des réserves écologiques
dont j'ai parlé un peu plus tôt.
Nous recommandons la création d'un conseil consultatif des
réserves écologiques chargé de la
gestion et du règlement des conflits d'utilisation des
réserves.
Nous recommandons que les lois actuelles des terres et forêts,
mines, régime des eaux, conservation de la faune et toute autre loi
jugée nécessaire, ne soient appliquées à
l'intérieur du territoire désigné comme réserve
écologique.
Nous recommandons que le règlement interne dit des "secteurs
expérimentaux" se voie érigé en loi.
Alors, voilà dans l'ensemble les recommandations et les
considérations que nous tenons à porter à votre attention
à propos de la protection de l'ensemble du territoire sous la forme de
réserve écologique.
M. PELLETIER: M. le Président, j'ai remarqué, à la
page 3, que vous parliez de 116 sites. Pourriez-vous préciser? Pourquoi
116 sites et pourquoi 18 seulement ont été reconnus?
M. LEMIEUX: Ces 116 sites sont le résultat de quatre
années de travail, c'est-à-dire que nous travaillons tous
bénévolement. Ceci est le fait de l'expérience de chacun.
Ces expériences sont colligées et nous avons, à la suite
de très nombreuses réunions, choisi parmi un grand nombre encore
116 sites qui comportaient des communautés biologiques
caractéristiques qui méritaient d'être
protégées. A l'heure actuelle, à cause des fonds qui nous
sont alloués par le gouvernement fédéral, et à
cause des coûts énormes surtout au Québec, nous n'avons pu
décrire correctement et convenablement que 18 de ces sites. La
majorité a été visitée mais n'a pas
été décrite encore. Nous savons ce qu'il y a dedans mais
la compilation n'est pas faite.
M. PELLETIER: D'après vos recommandations, est-ce que vous avez
fait une évaluation de ce que serait le coût, pour le
ministère des Terres et Forêts, de toutes vos recommandations
à la page 18?
M. LEMIEUX: La question de coût a été
envisagée à plusieurs reprises. Nous n'avons pas à l'heure
actuelle les moyens de nous payer une expertise. Cependant, nous avons
tâté le terrain à gauche et à droite. Dans un cas,
dans la région montréalaise, une des réserves
coûterait à peu près $2,000 d'achat. Dans le cas des
îles de Mingan, des contacts menés avec la Compagnie de la baie
d'Hudson nous permettent de croire que ces îles pourraient être
cédées pour la somme nominale de $1, nous pensons.
Cependant, dans le cas de la réserve de Stoneham 76, nous
estimons le coût à l'heure actuelle, la valeur marchande des
terrains, à environ $20,000. Or, vous voyez, c'est assez
hétérogène et, à l'heure actuelle, on n'a pas de
données d'ensemble pour savoir ce qui en coûterait pour l'ensemble
du territoire québécois.
M. DRUMMOND: Est-ce qu'on est en train de préparer une telle
liste pour arriver à un chiffre global de l'ampleur du programme?
M. LEMIEUX: C'est exact. On est en train de le faire mais cela nous
prendra encore au moins une année, peut-être un peu plus.
M. DRUMMOND: Est-ce que je peux vous poser une autre question, à
savoir quel pays du monde est le plus avancé dans l'installation des
réserves écologiques?
M. LEMIEUX: A l'heure actuelle, naturellement, ce sont toujours les pays
Scandinaves qui mènent le bal mais, si notre information est bonne, nous
sommes à peu près deuxième ou troisième. Nous
sommes parmi les plus avancés.
M. DRUMMOND: Est-ce que ça devient une question
d'éducation, d'une certaine façon, pour populariser l'idée
de telles réserves envers le grand public ou si, dans les pays
Scandinaves, par exemple, c'est le gouvernement qui a décidé,
sans la pression d'en bas, d'établir de telles réserves?
M. LEMIEUX: Je pense qu'en Suède, la pression vient en bonne
partie de la population. C'est une prise de conscience qui a frappé tous
les pays du nord, y compris l'Angleterre, il y a près d'un
siècle. C'est venu plus tard en Amérique et c'est beaucoup moins
vivace dans le pourtour de la Méditerranée. C'est un drôle
de phénomène, c'est un phénomène social.
M. DRUMMOND: C'est censé être une réserve
intégrale pour protéger la nature. Si un feu se développe
à l'intérieur d'une telle réserve, doit-on envoyer des
avions-citernes pour l'éteindre?
M. LEMIEUX: Oui. A ce sujet, il y a plusieurs aspects. Le premier aspect
veut qu'on élabore un plan d'aménagement pour chacune des
réserves, c'est-à-dire qu'elles doivent avoir un but. Si, dans le
plan d'aménagement qui aurait été accepté par tout
le monde, il a été décidé qu'on devra y laisser
passer le feu, on ne devrait pas s'en occuper. C'est-à-dire qu'on
devrait laisser courir un incendie forestier.
Je tiens à vous souligner le cas du parc de Yellowstone aux
Etats-Unis où, après cent ans de contrôle des incendies
forestiers, on est obligé de les ignorer et même de les allumer
parce qu'il y a, à l'intérieur, une population biologique
beaucoup trop vieille. Les arbres sont trop vieux, ils engendrent trop
d'insectes ou de maladies.
Le feu, souvent, fait partie d'un équilibre naturel, mais des
décisions de gestion sont à prendre dans chacun des cas. Je pense
que, dans certains cas, il faudrait le laisser faire. On dit ceci ou cela, mais
au point de vue scientifique, je ne connais pas beaucoup de mesures
réelles qui ont été faites sur une très longue
période,
qui nous disent quoi faire, quand et comment. Alors, c'est un des
principaux buts de ces réserves, savoir où on va, comment et
quand.
M. DRUMMOND: Est-ce qu'une telle raison doit être liée
à un système de centre écologique plus populaire? Ceci est
surtout scientifique et nous sommes en train de développer des centres
écologiques pour l'instruction du grand public. Est-ce que les deux
réseaux doivent être développés ensemble, ou non,
dans votre esprit?
M. LEMIEUX: Je pense que oui. Si vous regardez bien la structure d'un
centre écologique, il faut absolument que vous ayez un espace central
complètement réservé. Sinon, vous aboutissez rapidement
à l'appauvrissement de la faune et de la flore, ce qui fait que votre
centre écologique n'a presque plus d'intérêt. Donc, je
pense que, presque obligatoirement, il faudrait qu'il y ait une bonne
cohésion entre les deux, sinon...
M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je pense que le
mémoire qui vient de nous être présenté est un
mémoire extrêmement important parce qu'il est de nature à
sensibiliser les parlementaires et les citoyens à un problème qui
a très peu, jusqu'à présent, retenu leur attention.
Nous avons eu l'occasion de discuter à plusieurs reprises, soit
en Chambre, soit en commission parlementaire, de cette question et voici que ce
mémoire pose le problème des réserves écologiques,
la nécessité de leur création, même l'urgence de les
faire. M. Lemieux a bien défini les fonctions et nous a aussi
indiqué de quelle façon pourraient être administrées
ces réserves écologiques.
Il y a un ensemble de recommandations que personne d'entre nous ne
pourrait refuser sous toute réserve, bien entendu, de l'examen des
implications budgétaires que cela comporte. Mais nous savons, d'autre
part, que le ministère des Terres et Forêts a déjà,
dans les documents qu'il nous a soumis et qui constituent son exposé sur
la politique forestière, indiqué sa volonté de
procéder à la création de semblables réserves
écologiques.
M. Lemieux, tout à l'heure, nous a défini des fonctions,
et je crois que le gouvernement, en plus de s'occuper de créer ces
réserves écologiques, devrait dès maintenant sensibiliser
le public par tous les moyens modernes des communications à cette
urgence de créer ces réserves, afin que l'on ne considère
pas cette décision gouvernementale qui viendra, nous n'en doutons pas,
comme quelque chose de superflu, comme cette sorte de luxe que peut se
permettre une société très riche. Les projections à
court et à long termes qu'évoquait tout à l'heure le Dr
Lemieux sont des réalités de notre vie physique, de notre vie
sociale, il est donc très important que nous tenions compte de ce
mémoire hautement scientifique qui nous a été
présenté, mais qui, en même temps, a été
présenté d'une façon très pratique, très
réaliste, et, comme l'a dit le Dr Lemieux avec j'imagine un peu
d'ironie, de façon que nous comprenions tous le sens de ce
mémoire.
M. LEMIEUX: Si vous me permettez, j'aimerais que Me Giroux fasse un
court exposé des problèmes législatifs qui entourent
justement la création de ces réserves.
M. GIROUX: La raison pour laquelle le PBI demande l'adoption d'une loi
spéciale pour assurer la protection des réserves, c'est que la
législation actuelle ne permet pas de façon adéquate de
protéger un territoire qui aurait été mis de
côté pour fins purement scientifique. Nous nous expliquons: On
peut trouver dans les directives émises par le service de la recherche
du ministère des Terres et Forêts un règlement ou une
directive purement interne qui permette de réserver des étendues
de terrain d'une superficie maximale de 1,000 acres pour fins de recherche.
Mais il est évident qu'une telle réserve faite par le
ministère ne lie aucunement un autre ministère, comme par exemple
le ministère des Richesses naturelles, qui peut émettre des
permis de recherche pour le pétrole, le gravier ou le gaz naturel. De la
même façon, même si on se sert de la procédure de
soustraction au jalonnement que l'on retrouve dans la Loi des mines, il n'en
reste pas moins que tout un système de concessions pour fins
pétrolifères ou gazifères échappe
complètement au jalonnement, de telle sorte que, même si on
soustrait au jalonnement, il reste encore la possibilité de prospection
par voie sismique, par exemple, qui serait très dangereuse pour la
protection d'une réserve. C'est pour cela que, de la même
façon que le groupe du PBI de la Colombie-Britannique en est venu
à la conclusion que ça prenait nécessairement une loi
spéciale pour assurer une véritable protection à ces
territoires, de la même façon, après étude de notre
loi, nous en sommes venus à la conclusion qu'une protection efficace ne
peut se faire que par voie législative.
M. DRUMMOND: Dans votre optique, quel ministère doit être
responsable pour l'administration et la protection de ces réserves
écologiques?
M. GIROUX: Nous estimons à l'heure actuelle qu'il revient au
ministère des Terres et Forêts de prendre les décisions en
tant que gestionnaire des terres publiques du Québec, pour la
soustraction d'une partie de territoire devant être réserve
écologique. Cependant, nous croyons que, pour le plan
d'aménagement de chacune des réserves, il devrait y avoir un
comité consultatif des réserves composé de
scientifiques et des représentants des différents
ministères, et qu'également lorsqu'une partie du territoire du
Québec a acquis le statut de réserve, on ne puisse ensuite lui
faire perdre ce statut qu'à la suite d'auditions publiques et de
consultations avec le conseil consultatif, pour s'assurer que les
différents intérêts qui peuvent être en conflit, soit
pour conserver au territoire son statut de réserve, soit pour le
remettre dans le domaine public pour fins d'exploitation, puissent se faire
entendre et qu'une décision éclairée puisse être
prise.
M. DRUMMOND : C'est un peu lourd comme système.
M. GIROUX: C'est peut-être lourd. Actuellement le groupe canadien
du PBI estime que c'est véritablement le seul moyen d'assurer une
protection à long terme, parce que l'on peut comprendre que les
recherches scientifiques sur un territoire qu'on veut vierge ne puissent se
faire que suivant une évolution à très long terme. Dans la
mesure ou une réserve peut perdre son statut dans l'espace d'une ou deux
années, l'intérêt de réserver ce territoire pour
fins de recherches scientifiques est considérablement diminué.
Nous estimons qu'un système plus lourd sera en définitive plus
efficace pour nos fins qu'une possibilité disons beaucoup plus facile de
faire perdre à une réserve son statut.
M. LESSARD: En Colombie-Britannique, est-ce qu'on n'a pas confié
ça à l'office de planification?
M. GIROUX: Non. En Colombie-Britannique, si vous regardez le projet de
loi qui est en annexe, c'est le lieutenant-gouverneur en conseil qui prend la
décision, mais je pense que c'est le ministre des Terres et Forêts
qui est responsable de l'administration de la loi. La raison pour laquelle on a
déterminé que ça devrait être le
lieutenant-gouverneur en conseil qui prenne la décision, c'est pour
s'assurer que la décision se prenne à un niveau où tous
les ministres susceptibles d'avoir des intérêts sur le territoire
en question puissent faire valoir leurs intérêts et que la
décision soit le résultat d'un compromis entre tous les
intéressés.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est administré par le ministre?
M. GIROUX: Oui.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est le lieutenant-gouverneur en conseil qui
détermine...
M. GIROUX: Oui, mais c'est le ministre qui...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... mais la responsabilité revient au
ministre des Terres et Forêts.
M. GIROUX: Oui, en tant que gestionnaire des terres publiques.
M. LE PRESIDENT: Le ministre.
M. DRUMMOND: J'ai seulement une question. Vous suggérez que ce
soit le ministre des Terres et Forêts qui soit responsable de ça,
mais, quand même, à la page 18, vous dites: Nous désirons
également souligner la faiblesse et l'argumentation du ministre en
faveur de la recherche scientifique et nous osons espérer que ce dernier
favorisera la recherche à long terme, non destructive, sur les
réserves écologiques. Est-ce que vous pouvez préciser un
peu votre pensée à ce sujet?
M. LEMIEUX: Oui, nous pensons que le livre blanc à ce niveau est
un peu faible en ce sens qu'il y a une énumération d'intentions
sans aller plus loin. Je reprends ce que j'ai dit tout à l'heure
à savoir que ces communautés biologiques doivent faire l'objet,
dans les années qui viennent, de travaux très intenses. Ceci est
une condition de vie d'ici les 50 prochaines années. Nous avons
estimé que votre argumentation en faveur de la recherche scientifique,
dans votre livre, aurait pu manifester des intentions plus solides, plus
étayées et qui auraient mieux satisfait nos buts.
M. DRUMMOND: D'accord.
M. LESSARD: Monsieur, est-ce que vous pourriez me dire si, actuellement,
certaines communautés biologiques sont en voie de disparition ou est-ce
qu'il y a un danger urgent que ça se produise d'ici quelque temps, parce
qu'en fait, ce que vous proposez, c'est que de même qu'on protège
la faune, il faut aussi protéger la forêt ou même certains
territoires topographiques ou géographiques. Vos réserves
écologiques, ça s'étend plus qu'au niveau forestier,
ça va plus loin que cela?
M. LEMIEUX: Oui, c'est un fait. D'ailleurs le problème du
Québec, comme je l'ai souligné tout à l'heure, est un peu
particulier, en ce sens que nous sommes la seule province à
posséder de grands territoires autres que des territoires forestiers,
mais qui sont notre propriété et qui sont notre patrimoine
national. Je pense à un seul cas, le cas du Bic, qui possède un
grand nombre de plantes endémiques. Vous me direz que les plantes
endémiques sont des plantes qui ne sont pas fréquentes, on n'en
mange pas, mais je reviens à mon argument de tout à l'heure, ceci
est notre patrimoine national et nous n'avons pas le droit de nous en
défaire. Or, le Bic, depuis cinq ou six ans, est soumis à
l'assaut des chalets d'été. Donc, depuis cinq ans surtout, le
milieu disparaît très rapidement. Sur les îles de Mingan,
pour des raisons analogues, mais pas tout à fait, en ce sens que le
territoire est propriété privée, mais comme la compagnie
ne
s'en occupe pas, il y a énormément de squatters; donc, sur
les îles de Mingan, la même chose est en train de se produire. On a
des feux, on y a de la chasse non contrôlée, vous y avez tout ce
que vous voulez là-dessus sans aucun contrôle. C'est cela qu'on
nous prend et qui doit forcer l'Etat, un jour ou l'autre c'est
peut-être la première fois qu'on en parle à agir;
avant longtemps, on devra forcer l'Etat à prendre des mesures assez
draconiennes pour limiter les dégâts.
Si on fait une autre comparaison, la route 20, qui va de Montréal
à Québec ou de Québec à Montréal, comme vous
voulez, était il y a 50 ou 75 ans, une très belle
érablière.
Maintenant, nous nous sommes habitués, mais tout ce que l'on
voit, ce sont de petits arbres plus ou moins défaits, tout le long de la
route. C'est un spectacle assez navrant.
Naturellement, on s'habitue à des spectacles navrants, mais
c'était un pays qui était beau et qui ne l'est plus. On s'est
habitué à ce qu'il ne soit plus beau. C'est dans ce sens
là qu'il y a des mesures à prendre au moins, si on ne peut pas
protéger l'ensemble du territoire, pour conserver quelques lambeaux
d'érablières quelque part.
L'érablière s'en va très rapidement. Il en reste de
moins en moins. On l'a surexploitée de toutes les façons mais il
faudrait qu'on conserve quelques centaines d'acres. On en est rendu là
où quelques centaines d'acres feraient déjà notre
affaire.
Avec nos possibilités techniques, dans vingt ans, on se
contentera de quelques acres et dans trente ans ou quarante ans il n'y en aura
plus. C'est dans ce sens que nous nous demandons si c'est notre devoir, si nous
avons le droit, en tant qu'individus vivant en 1972, de tout démolir,
alors que ceci fait partie du patrimoine national, depuis les débuts du
Québec, et devrait continuer à l'être.
M. LE PRESIDENT: D'autres questions?
M. BELAND: Une seule question. Est-ce que, par l'agencement ou par le
contrôle de tout ce qui comprend l'écologie, peut aider à
contrôler la qualité de l'environnement?
M. LEMIEUX: Je demanderais au Dr Maldague de répondre à
cette question.
M. MALDAGUE: Je crois que nous nous trouvons ici dans un contexte
où, comme on y a fait déjà allusion, l'environnement est
de plus en plus menacé. L'environnement est surtout menacé aux
environs des villes, mais l'environnement se trouve menacé
également dans les espaces non urbains, par toute une série
d'exploitations: exploitation minière, exploitation forestière,
installation d'infrastructures techniques, corridors routiers parfois
relativement mal planifiés. Autrement dit, vous avez à l'heure
actuelle, et on le sait, par suite du développe- ment relativement
souvent insuffisamment planifié des ressources, des dégâts
et de la dégradation au milieu.
Alors, il est tout à fait évident que l'instauration d'un
réseau de réserves écologiques tel qu'on le propose et qui
est en fait urgent pour toutes les raisons qui viennent d'être
exposées, est un palliatif et un frein, si vous voulez, à la
dégradation de l'environnement. C'est en fait quelque chose de
très précieux parce que, admettons même qu'on laisse aller
les dégradations que l'on connaît actuellement, si on avait de
côté les endroits les plus représentatifs du milieu
biologique et écologique québécois, on sauverait un
véritable potentiel.
Je pense qu'on se trouve ici devant une question qui touche
réellement à l'éthique, au droit lui-même de
l'environnement. M. Lemieux l'a très bien dit: A-t-on le droit de
laisser disparaître des choses qui font réellement partie du
patrimoine du pays? Personnellement, je suis convaincu que nous devons faire
l'inverse et je suis très heureux de l'occasion que nous avons
actuellement de nous entretenir avec les députés ou les
représentants de la nation et je vous rappellerai que cela tombe
particulièrement bien. Nous sommes actuellement dans l'année qui
a été décrétée par le congrès des
Etats-Unis l'année des parcs nationaux. D'ici une quinzaine de jours va
s'ouvrir la deuxième conférence mondiale des parcs nationaux. Or,
quelle était l'idée de base des parcs nationaux
créés le 1er mars 1872 par le président Grant des
Etats-Unis? Cette idée était une idée purement
éthique, mettre de côté des espaces qui ne seront
utilisés d'aucune façon à l'exploitation d'aucune
espèce de ressource naturelle.
Cette idée a fait son chemin. Vous connaissez très bien le
réseau des parcs nationaux mondiaux. Les réserves sont tout
à fait apparentées aux parcs nationaux. La seule
différence entre les deux c'est que, dans les réserves, au sens
où on l'entend, le public lui-même ne peut normalement pas
pénétrer, c'est beaucoup plus strict comme protection. On peut
évidemment combiner des réserves intégrales avec des
réserves ouvertes au public en périphérie. Ce serait une
forme excellente d'aboutir à réaliser quelque chose,
réserves éconogiques que le ministère des Terres et
Forêts ouvre déjà et crée et met à la
disposition du public.
Donc, on arriverait certainement avec un réseau pareil à
satisfaire à la fois à cette question de sauvegarde scientifique
d'écosystème, à l'amélioration de l'environnement
et également à combiner cela avec des formes d'éducation.
Je pense que, dans un certain sens, les exigences, si on peut dire, au point de
vue quantitatif, sont minimes.
M. Lemieux a indiqué, dans le mémoire, que ça
représentait 0.5 p.c. de la superficie du Québec dont une grande
partie dans des endroits où l'exploitation commerciale n'existe pas,
notamment dans le domaine de la forêt.
M. LE PRESIDENT: Au nom de la commission et en mon nom personnel je
remercie M. Lemieux ainsi que ses compagnons pour le mémoire qu'ils nous
ont présenté. Soyez assurés que nous allons prendre ce
mémoire en considération.
J'inviterais à présent M. Lorrain, premier
vice-président et directeur canadien de la Fraternité
internationale des travailleurs de l'industrie des pâtes et papiers, CTC
et FTQ. M. Lorrain.
Fraternité internationale des travailleurs de
l'industrie des pâtes et papiers
M. de CARUFEL: M. le Président, M. Lorrain est malheureusement
absent aujourd'hui et il m'a demandé de le remplacer. Mon nom est
Jean-Louis de Carufel, mes deux collègues sont MM. Dunberry et Lord de
notre fraternité.
Je dois dire d'abord, M. le Président, que nous sommes
très heureux de l'occasion qui nous est donnée de paraître
devant cette commission parlementaire et de présenter ce qui, nous
croyons, représente les problèmes qui doivent être
réglés, en particulier, les problèmes dont nous avons eu
à faire face surtout dans l'industrie des pâtes et papiers.
Il est évident, depuis quelques années, que l'avenir des
industries transformatrices de la matière ligneuse repose sur
l'application d'une politique forestière rationnelle qui fournit
à l'Etat un moyen d'élaborer une planification des ressources
disponibles.
L'industrie des pâtes et papiers qu'alimentaient 77 p.c. de la
production forestière en 1969 exigera 83 p.c. de cette production en
1985. La croissance de l'industrie papetière sera donc relativement plus
élevée que celle des industries de bois d'oeuvre.
Si les prévisions actuelles sont valables, les peuplements
forestiers du Québec se valoriseront par suite du déficit
croissant en matière ligneuse que l'on anticipe d'ici 1985,
particulièrement en Europe occidentale. Les pénuries seront plus
marquées pour l'industrie des pâtes et papiers que pour les autres
industries transformatrices de la ressource forestière. L'effet des
pénuries croissantes sera d'augmenter l'accessibilité
économique de la ressource forestière.
L'industrie québécoise des pâtes et papier est
orientée vers les marchés extérieurs. C'est 70 p.c. de sa
production globale qui est écoulée à l'extérieur du
Canada, dont 56 p.c. aux Etats-Unis seulement.
Cette industrie est appelée à subir une transformation
profonde dans l'avenir, tant au point de vue technoloqique qu'à celui
des marchés desservis et des produits fabriqués.
D est probable que si le marché américain, à cause
de sa dimension même, demeure le principal débouché pour
l'industrie québécoise, il est également probable que le
marché européen acquerra une importance croissante, ce qui
incitera les papeteries européennes à s'installer au Canada, afin
de s'assurer une source de matière première stable et
abondante.
L'Europe occidentale était une exportatrice nette de pâte
de bois en 1950. Depuis, la situation s'est renversée graduellement, de
telle sorte que cette région est devenue une importatrice nette, surtout
depuis 1960. Le déficit de l'Europe occidentale ira en s'accroissant et
c'est un développement qui ne manquera pas d'avoir des
répercussions majeures au point de vue de l'évolution
industrielle. L'industrie Scandinave a fait le point de la situation en
accordant pour l'avenir sa préférence à l'expansion de la
production des papiers plutôt qu'à celle de la production des
pâtes en vue de consolider sa position sur le marché
européen.
Il est un phénomène dont on ne signale pas assez
l'importance et qui est pourtant lourd de conséquences pour l'avenir des
industries forestière et papetière du Québec. C'est la
tendance à la concentration de la consolidation des entreprises que l'on
constate depuis quelques années en Europe, surtout depuis la formation
du Marché commun.
La rareté de la matière ligneuse ne pourra qu'accentuer la
tendance à la concentration dans l'industrie papetière
européenne. En conséquence, les grandes entreprises qui se
constitueront viseront graduellement à s'assurer des approvisionnements
en matières premières qui soient abondantes pour leurs besoins
futurs et stables pour leurs opérations.
Les forêts canadiennes s'avèrent un tel réservoir.
Son potentiel est présentement le plus accessible et demeure
sous-exploité.
L'évolution de la situation posera pour le Québec un
important problème de stratégie industrielle. L'Etat
québécois se propose de prendre en main la gestion des
forêts publiques, ce qui lui imposera une responsabilité
particulière quant à leur utilisation. Il ne suffira pas
d'associer des capitaux européens à la tranformation de la
matière ligneuse, mais il faudra régler les conditions de
l'association. La possibilité pour l'Etat d'acquérir une
participation minoritaire dans les nouvelles entreprises devra être
étudiée sérieusement. Si l'Etat assume à bon droit
la gestion des forêts publiques, la formule d'association pourrait bien
lui fournir un instrument valable pour imprimer la direction
désirée â la production des pâtes et papier.
Le Québec est peu engagé dans la fabrication de produits
dont les perspectives sont excellentes. Il y a bien une évolution sous
ce rapport depuis quelques années, mais la structure de l'industrie des
pâtes et papier demeure guère inchangée dans l'ensemble,
continuant de reposer en large partie sur la fabrication de papier-journal. La
meilleure politique forestière sera celle qui, tant au point de vue de
la gestion qu'à celui de la distribution, permettra d'exercer une
influence décisive sur l'orientation des industries transformatrices de
la matière ligneuse.
Or, la mesure la plus importante proposée
par le gouvernement provincial consiste en l'abolition graduelle du
système des concessions forestières. Dans l'ensemble, les
concessionnaires produisent environ la moitié du bois en grumes
récolté annuellement au Québec; ce sont les cinq
septièmes si l'on ne tient compte que des forêts publiques. On
connaît les lacunes du système: sous-exploitation, nombre trop
élevé des concessionnaires, gel de certaines essences. La grande
faille du système est sa trop grande rigidité. Si c'est un
système démodé alors qu'il existe abondance de
matière ligneuse, il sera d'autant plus inadapté dans l'avenir
alors qu'une récolte croissante s'approchera du cap des
possibilités.
A cause de la vocation principalement industrielle de la forêt, la
seule politique forestière rationnelle ne peut être que celle qui
exercera une action déterminante sur l'orientation des industries
transformatrices en particulier l'industrie des pâtes et papiers dont
l'importance relative augmentera d'ici 1985.
En premier lieu, la politique forestière doit viser au
développement d'une industrie de produits forestiers bien
équilibrée. Ce n'est pas le cas actuellement. Notons simplement
que l'économie forestière de l'Ontario a atteint un niveau de
maturité qui est supérieur à celui de l'économie
forestière du Québec.
Deuxièmement, en rapport avec la stabilité des
approvisionnements en bois, le livre blanc du ministère des Terres et
Forêts a proposé que les entreprises de pâtes et papiers
soient assurées de contrats à long ternie, vu le fort volume de
leurs investissements. Ce n'est pas le principe d'une telle garantie que l'on
doit mettre en question mais seulement son application qui ne serait pas
accompagnée de conditions strictes quant à l'exploitation des
entreprises. L'Etat ne saurait s'engager à sens unique sans que
l'opération ne comporte, pour les fabricants des pâtes et papiers
l'obligation sévère de moderniser, renouveler ou rénover
leurs moyens de production. Cela suppose une intervention plus qu'abstraite de
l'Etat.
Les erreurs du passé justifient une intervention gouvernementale
qui soit permanente et continue. Une politique forestière ne tournerait
à rien si elle n'était qu'axée sur une industrie
papetière à son déclin. L'évolution récente
de l'industrie québécoise des pâtes et papiers a
indiqué assez clairement que les industriels canadiens ont fait preuve
d'imprévoyance et d'inertie dans le passé. Les industriels
américains et Scandinaves ont compris après la Seconde Guerre
mondiale qu'il leur fallait renouveler rapidement les moyens de
productions.
Il y a trop d'usines âgées, désuètes, au
Québec. Durant les années soixante, certains facteurs favorables
jouèrent pour masquer les déficiences des producteurs et leur
donner un répit vis-à-vis de la concurrence croissante. Le
problème du vieillissement des usines semble avoir été
sous-estimé dans l'examen des difficul- tés actuelles de
l'industrie des pâtes et papiers.
Les malaises actuels de l'industrie québécoise des
pâtes et papiers risquent de s'aggraver à moins que le
gouvernement provincial n'intervienne résolument pour permettre à
l'industrie des pâteset papiers de consolider sa place
dansl'économie québécoise. En particulier, le gouvernement
doit exercer toute la pression nécessaire sur les fabricants afin que
ceux-ci procèdent à la modernisation, la rénovation ou la
reconversion de leurs moyens de production dans les entreprises où la
chose s'avère indispensable. Une telle incitation gouvernementale
pourrait être accompagnée d'une formule d'intéressement,
soit l'offre de prêts à long terme ou de subventions qui
proviendraient d'une société d'Etat. Cependant, toute subvention
importante en deniers publics ne serait accordée qu'en échange
d'un droit de propriété équivalent qui reviendrait
à l'Etat dans les entreprises qui reçoivent de l'assistance.
On doit critiquer ici la présente loi fédérale qui
empêche d'une façon générale que des subventions du
ministère fédéral de l'Expansion économique
régionale soient accordées à des entreprises de
pâtes et papiers déjà en existence. Les usines de
pâtes et de papiers à journal sont explicitement exclues de telles
subventions au développement industriel. Soulignons qu'un emploi
nouvellement créé en subventionnant une nouvelle entreprise ne
vaut pas plus pour l'économie qu'une autre qu'on réussi à
sauvegarder.
Notre but est de protéger tous les emplois en existence,
plutôt que d'en créer de nouveaux. Assurer cette protection est
une forme de création d'emplois. Car si on laisse des usines
disparaître, il s'ensuit une perte sociale et économique nette
pour la communauté. Cependant, si on ne permet pas que la chose se
produise, le gain sera réel dans la mesure où les nouveaux
équipements ne feront que remplacer ceux qui étaient
destinés à disparaître. En somme, une nouvelle usine ne
doit être aménagée que s'il n'est guère possible de
moderniser une usine qui fonctionne. Dans un tel cas, l'usine nouvelle doit
être située aussi près que possible de l'exploitation dont
on projette la fermeture.
Il est à espérer que le gouvernement porte une attention
croissante dans l'avenir aux problèmes de la commercialisation, de la
vente et de la distribution des produits de l'industrie des pâtes et
papiers. Curieusement, cet aspect a été négligé
d'une façon continue par le gouvernement et l'industrie concernée
elle-même.
M. LE PRESIDENT: Le ministre des Terres et Forêts.
M. DRUMMOND: M. le Président, je veux remercier M. de Carufel
pour son exposé très intéressant et j'aurais certaines
questions à poser pour commencer. On parle d'une formule
d'intéressement qui serait associée à une ou à des
subventions pour le renouvellement, la
modernisation et la conversion des usines existantes. Est-ce que vous
pourriez me dire d'une façon plus précise la sorte de formule
qu'on pourrait employer si on entreprend une telle démarche?
M. de CARUFEL: M. le ministre, je sais que vous êtes
personnellement au courant de certains problèmes que nous avons
discutés tout au cours de l'année; nous croyons, comme nous le
disons dans notre mémoire, que quand on parle de subventionner
l'industrie ou les usines présentement en exploitation, ça vaut
autant pour autant que nous sommes concernés que de
créer ou de bâtir de nouvelles usines ou de créer de
nouveaux emplois, car, après tout, ces usines-là sont
déjà en marche, il s'agit de les moderniser. Malheureusement,
comme on l'a mentionné dans notre mémoire, et on s'est
aperçu de tout ceci, spécialement dans les deux dernières
années, on s'est aperçu que nos représentants au niveau
gouvernemental étaient pas mal dans la noirceur quant à savoir ce
qui se passait dans l'industrie des pâtes et papiers. C'est malheureux
parce qu'après tout c'est la première industrie dans le
Québec. Or, nous croyons, comme nous le disons dans notre
mémoire, que nous devons trouver les moyens nécessaires; nous
n'allons pas dans les détails, M. le ministre, à ce
sujet-là, nous indiquons simplement ce que nous croyons qu'il devrait
être fait vis-à-vis de certaines subventions; mais nous disons
aussi que si nos gouvernements doivent être impliqués ou que si
notre gouvernement ici dans le Québec doit être impliqué,
il doit y avoir aussi droit d'association, il faut voir à ce que les
choses sont menées à bonne fin.
M. DRUMMOND: Je ne parle pas de principe en soi, comme vous le savez
bien, on cherche des moyens. Alors, c'est seulement une question que je veux
poser, si vous avez des suggestions, pour savoir quelles exigences le
gouvernement doit poser s'il désire contribuer à un fonds de
modernisation pour une usine donnée?
M. de CARUFEL: C'est assez difficile, M. le ministre, de répondre
à cette question.
M. DRUMMOND: Je sais bien, c'est pourquoi j'ai posé la
question.
M. de CARUFEL: Oui, C'est très difficile de répondre
à cause des informations nécessaires et qui ne sont pas
disponibles, bien qu'on pose et qu'on ait posé les questions des
dizaines de fois surtout aux grandes compagnies papetières dans le
Québec, pour savoir exactement à quoi s'en tenir.
Malheureusement, on n'a pas de réponse concrète. Mais on sait une
chose, on sait que ces grandes compagnies papetières dans le
Québec n'ont pas prévu ce qui arrive présentement dans
l'industrie des pâtes et papiers.
On dit que nos représentants, au niveau gouvernemental, ça
doit faire partie de leurs responsabilités et ils devraient le savoir.
Mais nous, nous n'avons pas réussi à le savoir.
M. GIASSON: Quand vous dites que les grandes compagnies
papetières n'ont pas prévu la situation qui prévaut
présentement, selon ce que vous connaissiez du monde des pâtes et
papier, elles n'ont pas prévu quoi exactement?
M. de CARUFEL: Elles n'ont pas prévu ou disons qu'elles l'ont
probablement prévu mais n'ont rien fait, comme on le dit dans notre
mémoire, ce qui s'est passé après la deuxième
guerre mondiale.
M. GIASSON: Qu'est-ce qu'elles auraient dû faire exactement face
au marché possible existant sur le continent nord-américain ou
sur des marchés éventuels vers l'Europe ou là
où...
M. de CARUFEL: On aurait dû moderniser les usines pour avoir des
usines à point parce qu'on doit faire face à la concurrence. En
Scandinavie, on l'a fait. Aux Etats-Unis, si vous regardez l'expansion qui a
suivi la deuxième grande guerre, surtout dans le sud des Etats-Unis, il
y a eu une expansion terrible d'usines à haute capacité, à
grande capacité, et tout de même ici au Québec je
veux parler strictement du Québec on a tenu le pas, mais quand il
est surgi des problèmes comme il en est surgi depuis deux ans, tout d'un
coup, on s'est aperçu qu'on était loin en arrière de la
parade et qu'il était pratiquement impossible de soutenir cette
concurrence.
M. DRUMMOND: Naturellement, ce n'est pas seulement une question de
manque de modernisation des usines. Je suis au courant que plusieurs ont
beaucoup investi pour améliorer et moderniser les usines. Il y a tout un
tas d'autres facteurs qui militent contre la position concurrentielle de
l'industrie des pâtes et papiers. Ce n'est pas seulement une question de
modernisation. Il y a certains facteurs qui échappent à notre
contrôle.
M. de CARUFEL: Je suis d'accord avec vous, M. le ministre, il y a
plusieurs autres facteurs qui sont entrés en ligne de compte, dont l'un
est primordial et qui a été la réévaluation du
dollar canadien. Tout de même, quand une industrie en est rendue à
se fier à la différence de valeur dans le dollar pour
déterminer son profit d'exploitation, je pense qu'on a manqué le
bateau, quand on est rendu à ce point-là. C'est un peu ce qui est
arrivé dans l'industrie des pâtes et papiers. Evidemment, il y a
eu toute la concurrence dont j'ai parlé, surtout du sud des Etats-Unis,
c'est bien évident. Si on regarde la baisse des marchés
américains et surtout pour nous du Québec
dans le papier à journal, c'est un peu fantastique ce qui est
arrivé depuis quinze ans. Cela continue et ça va continuer.
M. DRUMMOND: D'accord, mais on ne peut interdire aux Américains
d'installer des usines dans leur propre pays pour concurrencer le Québec
où, évidemment, il y a des coûts de transport plus
élevés pour aller d'abord sur le marché et,
deuxièmement, lorsqu'il s'agit d'approvisionnement pour une usine
donnée, étant donné la densité et
l'éloignement de la forêt pour arriver à l'usine. Il y a
des coûts probablement plus élevés ici pour
l'approvisionnement en bois des usines.
M. de CARUFEL: C'est vrai qu'on a ce facteur, M. le ministre. Tout de
même, je peux vous assurer qu'on a des doutes sérieux dans notre
esprit de ce côté, quand on regarde certains chiffres assez
confidentiels que j'ai eu l'occasion moi-même de vérifier. Tout de
même, le point principal que nous voulons faire valoir ici, c'est que,
tout au cours des années, où toutes ces choses-là se sont
faites et on va s'en tenir au continent nord-américain, vous, comme nos
représentants au niveau du Québec, vous saviez ou du moins vous
auriez dû savoir ce qui se passait de l'autre côté de la
frontière. Vous avez les chiffres, vous avez les rapports annuels et
vous voyez que le marché est décroissant.
Il est bien évident que, à un certain moment, on doit
faire face à un problème sérieux. En plus de ça,
les usines; très bien.
On a rafistolé ici et là, on a mis certains
investissements, il y a eu quelques usines nouvelles dans le Québec:
Quévillon, Portage-du-Fort qui sont des usines flambant neuves. Mais on
peut tout de même dire que 25 p.c. des autres usines sont
désuètes aujourd'hui. Les 25 p.c. des usines du Québec
sont désuètes et nous disons: Messieurs, il va falloir faire
quelque chose ! Et nous croyons que c'est au niveau gouvernemental que ces
responsabilités doivent être acceptées et les pressions
nécessaires appliquées.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. de Carufel, est-ce que je pourrais vous
poser une question? Vous parlez de l'attitude des industries de pâtes et
papier; je ne suis pas ici pour défendre les papeteries ou qui que ce
soit. Mais est-ce que vous pourriez nous donner des exemples concrets d'ordre
technique qui permettraient aux membres de la commission d'accepter ce que vous
venez de dire?
Dans le cas des industries de pâtes et papier, quand vous parlez
de Price par exemple, de Domtar, de CIP, de Consolidated Bathurst, etc.,
qu'est-ce que ces usines n'ont pas fait qu'elles auraient dû faire en vue
de palier les difficultés que nous rencontrons à l'heure
actuelle?
On a énuméré tout à l'heure une série
de facteurs généraux que tout le monde connaît; vous nous
avez dit, d'autre part, qu'au niveau gouvernemental, nous devrions être
informés de ce qui se passait. Ayant été membre d'un
gouvernement, je puis vous dire que nous avons envoyé mission sur
mission dans les pays où on s'occupe de production de pâtes et
papiers ou de production de bois et j'aimerais savoir de vous, qui semblez
être un spécialiste de la question, quelles sont, sur le plan
technique, les défaillances des principales industries de pâtes et
papiers du Québec.
M. de CARUFEL: Il y en a plusieurs, M. le député. Alors,
je vais commencer par la première. Au niveau technique, il est
arrivé plusieurs choses. J'ai mentionné tantôt les
coûts de la matière première qui est le bois.
Deuxième coût très important, le transport du bois et tous
les problèmes qu'il implique. Troisièmement, les standards
auxquels l'industrie des pâtes et papiers doit se soumettre pour essayer
de prendre soin du problème de la pollution des eaux et de l'air, mais
surtout des eaux.
Je pense qu'on peut prendre comme un exemple typique d'une situation
semblable la fermeture de l'usine de Témiscamingue la compagnie CIP
où, pour ma part je suis convaincu, sans en connaître les
coûts, qu'il en coûterait plus pour corriger le problème de
la pollution des eaux que la valeur de l'usine entière
présentement.
Alors, en plus de ça, comme je l'ai dit tantôt, il y a eu
la question de modernisation. Nous avons nombre d'usines dans le Québec
avec des machines de 40 et 50 ans où on a réussi, tant bien que
mal, à en augmenter la vitesse et la productivité. Mais ce ne
sont pas des machines qui peuvent concurrencer avec les nouvelles usines telles
qu'on a vu en Colombie-Britannique et telles qu'on voit dans le sud des
Etats-Unis. Loin de là.
On se pose énormément de questions. Pourquoi ces
mêmes compagnies qui, souvent, oeuvrent des deux côtés de la
frontière n'ont pas fait la même chose ici, au Québec,
qu'ailleurs?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous affirmez, M. de Carufel, des choses. Je
ne suis toutefois pas encore convaincu remarquez que je ne vous fais pas
de procès mais pour ma gouverne personnelle, je souhaiterais que
vos exemples soient très explicites, que vous me disiez, par exemple, ce
qu'en Mauricie on a oublié de faire, ce que dans la région du
Saguenay-Lac-Saint-Jean on a oublié de faire, etc. Parce que je suis
quand même passablement informé de ce qui se passe chez nous et de
ce qui se passe ailleurs, ayant des contacts j'oserais dire
hebdomadaires avec les entreprises de pâtes et papiers.
Quelles sont les usines types qui, à votre avis, n'ont pas fait
les efforts nécessaires en vue de faire face à la situation qui
est la leur actuellement?
M. de CARUFEL: Pour votre information, il y a des usines à
Trois-Rivières. Nous avons vécu l'expérience de Domtar
à Trois-Rivières. Nous n'avons qu'à regarder l'usine de la
CIP à Trois-Rivières. On peut regarder les usines de la
Consolidated-Bathurst dans la Mauricie et on peut regarder certaines usines
dans l'ouest du Québec. On s'aperçoit, comme je l'ai dit
tantôt, qu'on a modernisé un peu, on a augmenté les
vitesses, mais on n'a pas investi les montants d'argent qu'on aurait dû
investir dans ces usines-là.
M. MARCHAND: M. de Carufel, est-ce que, par exemple à
Trois-Rivières, on n'a pas installé, il y a trois ou quatre ans,
la machine la plus rapide au monde, la machine verticale, qui a
été achetée ensuite par le Japon à cinq exemplaires
c'est lui qui en a acheté le plus et par l'Angleterre,
à deux exemplaires, et qui, aujourd'hui, est la machine qui produit le
plus au monde?
M. de CARUFEL: Evidemment, ce n'est pas une machine qu'on a
installée à Trois-Rivières, pas plus qu'ailleurs. C'est un
nouveau procédé qui a été découvert avec une
toile verticale plutôt qu'horizontale, qui a permis d'augmenter les
vitesses.
M. MARCHAND: Est-ce que la production n'était pas quand
même assez phénoménale, à comparer avec ce qui se
faisait auparavant?
M. de CARUFEL: Oui, cela a été une grande
amélioration sur ce qui se faisait auparavant.
M. MARCHAND: Au point de vue de la proportion, est-ce que ce n'est pas
quand même deux fois ce que deux machines produisaient?
M. de CARUFEL: Non, je ne crois pas. Cela a probablement augmenté
la vitesse d'environ 400 pieds l'heure à 2,200 pieds l'heure, mais quand
on regarde aujourd'hui des machines nouvelles, on regarde des machines à
plus de 3,000 pieds l'heure, et à environ trois fois la grosseur de la
machine dont vous parlez à Trois-Rivières.
M. MARCHAND: A Trois-Rivières, cela a quand même
été un début qui a été fait dans le monde
entier.
M. de CARUFEL: Disons que cela a été une
découverte, cette toile.
M. MARCHAND: Qui a permis au monde entier, dans le domaine des
pâtes et papiers, de marquer progrès.
M. de CARUFEL: Je suis d'accord, mais, à Trois-Rivières,
puisque vous parlez de Trois-Rivières, combien y a-t-il de machines qui
ont cette toile? Sur huit machines, il y en a une.
M. MARCHAND: D'accord.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.
M. LESSARD: M. le Président, vous affirmez, dans votre
mémoire, que la meilleure politique forestière sera celle qui,
tant au point de vue de la gestion qu'à celui de la distribution,
permettra d'exercer une influence décisive sur l'orientation des
industries transformatrices de la matière ligneuse. Je pense qu'il n'y a
pas un membre de la commission, à cette table, qui n'est pas d'accord
sur ce principe. Mais ce qu'on cherche surtout, c'est de savoir quelles seront
les modalités, quelles seront les différentes façons que
nous allons utiliser pour faire en sorte que l'industrie forestière
puisse sortir de la situation assez déplorable dans laquelle elle vit
actuellement.
Lorsque vous faites la critique du tome II du livre blanc, vous touchez
assez peu, en tout cas, l'abolition des concessions forestières. Vous
semblez d'accord, en principe, sur l'abolition graduelle du système des
concessions forestières. Est-ce que vous pourriez préciser votre
pensée un peu sur cela? Est-ce que vous êtes d'accord, par
exemple, sur l'abolition immédiate des concessions forestières?
Est-ce que vous êtes d'accord sur l'abolition des concessions
forestières sur une période de cinq ans? En donnant les avantages
de l'abolition immédiate et de l'abolition sur une période de
cinq ans, est-ce que vous êtes d'accord sur la proposition du
ministère des Terres et Forêts concernant l'abolition graduelle
sur une période de dix ans? Tout à l'heure, vous avez
parlé des coûts de transport. Si vous regardez la situation
actuelle des concessions forestières du territoire
québécois, vous allez constater que c'est absolument illogique et
irrationnel de voir autant de concessions et de voir autant de
disparités dans les concessions.
Il faut mettre de l'ordre dans ce système-là et le tome II
du livre blanc propose une solution à cette fin. J'aimerais bien que
vous donniez, parce que... Malheureusement, je dois le dire, je suis un peu
surpris du rapport de la Fraternité internationale des travailleurs de
l'industrie des pâtes et papiers du Québec. J'aurais voulu que
l'exposé que vous nous présentiez aujourd'hui soit beaucoup plus
concret, qu'il explique beaucoup plus les problèmes de l'industrie
forestière et qu'il essaie d'y trouver des solutions. Je constate
malheureusement qu'il est rempli d'idées générales. Vous
dites: Le patient est malade, mais on ne trouve pas de remède, c'est un
peu à vous, le gouvernement, de trouver le remède.
Justement nous cherchons le remède. Nous sommes ici, en
commission, pour trouver le remède. Vous êtes directement
impliqués, vous, de la Fraternité internationale des travailleurs
de l'industrie des pâtes et papiers du Québec, dans ce
problème. Parce que, quand une indus-
trie ferme, c'est d'abord le syndiqué qui en souffre. Etant
directement impliqués, vous devez, autant que les grosses entreprises
forestières, sinon plus faire valoir dans quel sens vous voulez cette
réforme. C'est la première question: Est-ce que, concernant
l'abolition des concessions forestières, par exemple, vous êtes
d'accord sur la politique du ministère?
Tout à l'heure, j'ai l'intention de revenir sur le contrôle
de l'Etat dont vous parlez un peu, et au sujet duquel le ministre vous a
posé une question. Vous semblez dire encore au gouvernement: Ecoutez,
c'est votre problème, débrouillez-vous avez ça! Mais si,
par exemple, nous présentons une politique et une loi mal faite, alors
on va nous tomber sur la tête.
Maintenant, vous avez la chance, vous, de venir nous dire vous
êtes censés être des spécialistes là-dedans
dans quel sens nous devons nous diriger. Il me semble qu'on manque de
précisions.
M. de CARUFEL: M. le député, je suis d'accord avec vous.
Nous ne disons peut-être pas clairement si nous sommes entièrement
d'accord sur la politique du livre blanc. Mais je puis vous dire que oui, nous
sommes d'accord sur toute nouvelle politique qui va s'intéresser aux
problèmes auxquels nous faisons face dans le moment. Nous sommes
d'accord aussi pour dire que ça ne peut pas se faire du jour au
lendemain et qu'une période de dix ans est une période
raisonnable à considérer.
Mais, nous croyons que, dans cette gestion, le gouvernement doit avoir
son mot à dire aux industriels de l'industrie des pâtes et papiers
et il doit être présent à cause employons le mot
"concession" bien, dit-on, qu'il disparaîtrait tout de même
des droits de coupe, des ententes qu'il y aura entre le gouvernement et les
intéressés. Nous disons que le gouvernement doit en faire partie,
il doit être associé à cause de la gestion
forestière dans l'industrie des pâtes et papiers. A ce
moment-là, en y étant, à l'intérieur, nous croyons
qu'il sera beaucoup plus facile pour le gouvernement de voir et de savoir ce
qui se passe et de voir et de savoir quel remède apporter pour
guérir les bobos.
M. LESSARD: Comment doit-il être présent, de quelle
façon?
A la première question, vous dites: Sur une période de dix
ans, nous sommes d'accord sur l'abolition des concessions
forestières.
Pensez-vous vraiment que l'abolition des concessions forestières,
sur une période de dix ans, va nous permettre de régler le
problème que nous vivons actuellement? Si nous laissons encore le
système tel qu'il est actuellement, pendant une période de dix
ans, ne pensez-vous pas que les compagnies forestières vont continuer
d'écrémer les meilleurs territoires qu'elles ont actuellement et
qu'elles contrôlent? Est-ce qu'on ne devrait pas, d'ici deux ou trois
ans, dire: Voici le jour J, nous faisons une redistri- bution du territoire
entre les compagnies forestières. Ou bien : Nous attendons encore dix
ans. Parce que le problème, on l'a.
Alors, vous vous êtes d'accord qu'on prenne une période de
dix ans pour résoudre le problème. Je suis d'accord pour dire que
cela ne se règle pas du jour au lendemain mais il va falloir prendre une
décision un jour ou l'autre, je pense.
M. de CARUFEL: Je suis entièrement d'accord sur ce que vous
dites; mais tout de même, j'écoutais ce matin un mémoire
présenté par l'Association des scieries et on retrouve à
maintes occasions les mêmes propriétaires dont on parle dans
l'industrie des pâtes et papiers.
Nous sommes entièrement d'accord pour dire que ce qui existe dans
le moment est beaucoup trop rigide.
Nous avons vécu une expérience à Maniwaki il y a
environ un an avec une usine de déroulage et nous avons vu combien c'est
rigide, cette affaire-là. Alors, nous disons qu'il y a des choses qui
peuvent être faites à court terme. S'il y en a, nous sommes
d'accord pour les faire immédiatement mais nous... Pardon?
M. LESSARD: Lesquelles?
M. de CARUFEL: Lesquelles? C'est un exemple, la question du
déroulage. Nous représentons aussi des travailleurs dans ce
secteur-là et nous connaissons aussi les problèmes qu'il y a
là-dedans, à cause de la rigidité.
M. LESSARD: Pour la question du déroulage, comment peut-on
régler le problème, selon vous? Par quelle solution
précise, concrète, peut-on résoudre le problème du
déroulage, le problème qu'on a vécu par exemple...
M. de CARUFEL: Nous sommes d'opinion qu'il va falloir qu'on puisse
fournir la matière première à ceux qui oeuvrent dans le
domaine du déroulage. C'est ça qu'il va falloir faire et cela
veut dire que la. rigidité qui existe présentement, il faudra
qu'elle puisse disparaître ou qu'elle soit amendée.
M. LESSARD: Par quelle méthode proposez-vous de faire
disparaître cette rigidité? A court terme, par exemple, si vous
pensez que vous êtes d'accord sur une solution à long terme pour
une période de dix ans pour l'abolition des concessions
forestières; mais à court terme? Ce matin, par exemple,
l'Association du bois de sciage du Québec nous a proposé une
méthode de taxation différente, c'est-à-dire sur la
possibilité d'un territoire plutôt que sur le bois coupé.
Est-ce que vous pensez que cette solution-là serait suffisante à
court terme pour obliger des compagnies, comme la CIP, par exemple, qui a
25,000 milles carrés de concessions forestières à
délaisser ces territoires?
M. de CARUFEL: Je dois admettre que je ne suis pas familier avec les
documents légaux qui concernent les concessions forestières. Au
départ, je dois admettre ça. Tout de même, sans parler de
taxation ou quoi que ce soit, je crois qu'il y a un problème auquel il
faut faire face, qu'il faut régler. Il s'agit de changer ces
ententes-là ou de les amender afin que la matière première
soit fournie à ces industries de déroulage.
M. LESSARD: Bon! Vous parlez, à la page 6 du
résumé, du principe de la garantie d'approvisionnement pour la
grande entreprise et vous dites que ce n'est pas le principe d'une telle
garantie que l'on doit mettre en question, mais seulement son application qui
ne serait pas accompagnée de conditions strictes quant à
l'exploitation des entreprises. L'Etat ne saurait s'engager à sens
unique sans que l'opération ne comporte, pour les fabricants de
pâtes et papiers, l'obligation sévère de moderniser,
renouveler ou rénover leurs moyens de production.
Cela suppose une intervention plus qu'abstraite de l'Etat. Le ministre
des Terres et Forêts vous a posé une question tout à
l'heure et, personnellement, je ne suis pas satisfait de la réponse. Je
voudrais savoir, comme représentant des ouvriers des pâtes et
papier du Québec, comment l'Etat va avoir une intervention plus
qu'abstraite?
Est-ce que, par exemple, c'est par une régie d'Etat qui
permettrait de subventionner l'entreprise, quitte à acheter par la suite
des actions qui permettraient de contrôler l'entreprise, ou est-ce que
ceci permettrait d'avoir à la fois un contrôle sur les actions et
â la fois un certain contrôle sur les décisions de
l'entreprise concernant la modernisation?
Comment voyez-vous ça, l'intervention plus qu'abstraite de
l'Etat?
M. de CARUFEL: Je vais demander à mon collègue...
M. LESSARD: Justement, votre mémoire, de ce
côté-là, est passablement abstrait. Moi, je voudrais savoir
concrètement ce que vous pensez que l'Etat devrait faire? Par exemple,
est-ce que vous êtes entièrement d'accord pour verser une
subvention comme on l'a fait à l'ITT, une subvention de $40 millions,
pratiquement gratuitement, sans aucun contrôle?
Ou est-ce que vous avez à suggérer d'autres formes d'aide
à l'industrie, formes d'aide qui permettraient à l'Etat d'avoir
un certain contrôle sur les décisions de l'entreprise, les actions
de l'entreprise, sur la participation aux profits de l'entreprise?
M. de CARUFEL: Je demanderais à mon collègue, M. Dunberry,
de faire des commentaires là-dessus.
M. DUNBERRY: Je ne suis pas tellement sûr de la question que vous
posez actuellement. Si on pose seulement le principe, on laisse entrevoir une
réponse, que se soit sous une forme de régie industrielle qui
permettrait à l'Etat d'avoir une politique forestière qui
pourrait obliger dans l'avenir telle ou telle entreprise à moderniser ou
à reviser ses moyens de production parce que le marché le
voudrait. Je me demande exactement quelle sorte de réponse vous
voulez.
M. LESSARD: Nous sommes ici pour tenter d'étudier des solutions
concrètes aux problèmes que vivent actuellement les industries du
bois. Le ministère des Terres et Forêts a proposé un
certain nombre de solutions. Du côté des travailleurs, vous venez
de présenter un mémoire. Vous nous dites que tout ce que l'Etat
pourra faire pour tenter de résoudre le problème des industries
papetières et des industries du bois de sciage, ce sera bien. D'accord,
nous aussi, à cette table, nous sommes tous d'accord sur cela. Qu'est-ce
que l'Etat peut faire? Cependant, lorsque nous aurons, le gouvernement,
à élaborer une loi concernant le problème forestier, nous
devrons y aller beaucoup plus en profondeur que cela. Nous devrons nous poser
des questions: Qu'est-il mieux de faire dans tel cas plutôt que dans tel
autre? Si nous faisons siéger la commission parlementaire, c'est
justement pour entendre les parties qui viendront nous éclairer nous,
parlementaires, sur ces points.
Comme vous vivez particulièrement dans l'industrie
forestière, vous êtes des représentants de la
Fraternité des travailleurs de l'industrie forestière du
Québec, il me semble que, comme d'autres entreprises l'on fait ce matin,
par exemple, et que d'autres le feront dans l'avenir, vous devriez nous
présenter des solutions concrètes. Cela ne veut pas dire que ce
seront des solutions idéales mais nous n'avons actuellement qu'une
série de voeux pieux et cela me surprend de la part de votre
fraternité. Parce que le jour où nous aurons à faire une
loi, et si la loi ne vous satisfait pas, je suis assuré que vous allez
rebondir et que vous allez dire: Cela ne fonctionne pas. Alors, si on veut
avoir les idées de toutes les parties, il me semble que ce n'est pas
tout de dire que cela suppose une intervention plus qu'abstraite de l'Etat. Il
faut préciser un peu quel genre d'interventions l'Etat devrait faire,
mais, jusqu'ici, je n'ai pas eu de réponse.
M. DUNBERRY: Vous aviez dans le passé une politique
forestière qui était quasi inexistante. Tout ce qu'on vous dit
actuellement, c'est que si vous avez une politique...
M. LESSARD: ... mais quel sera l'avenir?
M. DUNBERRY: On vous dit simplement qu'une politique forestière,
à cause des erreurs qui ont été commises dans le
passé, cela suppose que l'Etat ait des moyens d'agir sous
forme d'une régie industrielle qui puisse à un moment
donné, forcer une entreprise à agir à cause des droits de
coupe qu'elle peut avoir sur certains territoires forestiers. C'est tout.
M. GIASSON: Dans votre mémoire, à la page 6, vous affirmez
que l'économie forestière de l'Ontario aurait atteint un
degré de maturité nettement supérieur à celui que
connaîtrait l'économie forestière du Québec. Pour
faire une telle affirmation, quels sont les motifs que vous invoquez? Est-ce
que, dans votre esprit, l'Etat ontarien aurait une meilleure politique
forestière? Est-ce que l'Etat ontarien participerait davantage non
seulement à la gestion de ses forêts, mais est-ce que l'Etat comme
tel ferait des interventions dans l'exploitation et dans l'administration des
usines de pâtes et papier par une participation financière ou par
un contrôle au niveau de ses représentants? Ou est-ce qu'on peut
présumer, suite à votre affirmation, que l'Etat d'Ontario aurait
de meilleures politiques pour l'attribution d'allocations du bois entre les
différents secteurs de l'industrie forestière, je pense au
déroulage, aux pâtes et papier, au sciage, etc.? Ou est-ce que
cette maturité que l'Ontario aurait atteinte dans le domaine forestier
découlerait du fait qu'il n'y a pas de concession forestière de
consentie aux compagnies de pâtes et papier? Sur quoi repose, somme
toute, l'affirmation assez formelle que vous faites sur l'avance qu'aurait
l'Ontario par rapport au Québec?
M. DUNBERRY: Je crois qu'il y a deux ou trois points.
Premièrement, il est vrai que la politique forestière ontarienne
a tout de même été quelque peu supérieure à
celle du Québec.
M. GIASSON: Oui, mais où est exactement cette originalité
qu'on n'aurait pas au Québec?
M. DUNBERRY: Les concessions n'existent pas en Ontario. Cela se fait
sous forme de contrats, de droit de coupe...
M. GIASSON: Mais des garanties d'approvisionnement
déterminées...
M. DUNBERRY: ... ce qui a permis des garanties d'approvisionnement et
une meilleure allocation des ressources entre l'industrie du sciage et celle
des pâtes et papier. Evidemment, il y a des facteurs économiques
qui ont joué indépendemment de cela qui ont pu aider un
degré de modernisation plus grand...
M. GIASSON: Mais, êtes-vous d'avis que les usines de pâtes
et papier de l'Ontario se sont modernisées beaucoup plus rapidement que
celles du Québec? Parce que l'état du marché mondial dans
les pâtes et papier est le même pour le vendeur de l'Ontario que
pour le vendeur du Québec. Les vendeurs doivent aller écouler la
majeure partie de leur production vers des marchés
extérieurs.
M. DUNBERRY: Mais lorsqu'on parle de degrés de maturité,
on parle...
M. MARCHAND: Des mêmes compagnies
M. DUNBERRY: ... d'une rentabilité économique plus grande
que celle de l'industrie forestière, grâce à l'industrie de
sciage ou de déroulage, l'industrie de portes et châssis, etc.,
qui constituent ce qu'on appelle l'industrie des produits forestiers en
gros...
M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.
M. BELAND: Si je comprends bien l'ensemble des principes qui se
dégage de votre exposé, dans le rapport complet, en page 12,
article 19, avec référence peut-être à la page 4 de
votre résumé, vous parlez de la possibilité pour l'Etat
d'acquérir une participation minoritaire dans les nouvelles entreprises
qui devrait être étudiée sérieusement et vous
continuez à peu près dans le même sens: "Si l'Etat assume
à bon droit la gestion des forêts publiques, etc.." Cela laisse
supposer même si tantôt vous avez laissé
sous-entendre que vous regrettiez les choses désastreuses qui se sont
produites, entre autres à Mont-Laurier dans l'affaire Sogefor,
Lac-des-Iles, Dupan, etc., etc., que même en dépit de tout
cela, même en dépit des faillites magistrales, dans certains cas
par la SGF, vous voulez encore que l'Etat devienne en partie
propriétaire de toutes les entreprises où il y aura des
travailleurs.
Je vais encore plus loin et ma question est la suivante: A la suite de
ce qui es.t dit: "Le Québec est peu engagé dans la fabrication de
produits dont les perspectives sont excellentes", est-ce que vous pourriez
donner des exemples précis où justement le Québec est
très peu ou pas engagé dans la fabrication de produits que nous
devrions produire et quels seraient ces produits dans lesquels le Québec
devrait s'engager plus intensément?
M. DUNBERRY: Tout le monde sait que l'industrie québécoise
a été pas mal cantonnée dans l'industrie du
papier-journal, de là une de ses grandes difficultés actuelles.
L'industrie de la pâte "kraft" ou l'industrie du papier-carton, je ne
parle pas de l'industrie moderne de papier-carton, ce sont des choses qui se
sont produites, qui se sont effectuées seulement depuis quelques
années. Le Québec arrive après le Nouveau-Brunswick et
l'Ontario. Quant aux possibilités d'expansion des exportations vers
l'Europe en ce qui concerne la pâte "kraft", en fait le Québec
exporte très peu de pâte "kraft" par rapport au Nouveau-Brunswick,
par exemple. Quant au papier-carton, c'est la même chose. Pourquoi? Parce
que l'industrie s'était cantonnée dans la fabrication du
papier-journal qui était une industrie déclinante, si je peux
m'exprimer ainsi, ou dont les possibilités d'expansion étaient
plutôt limitées durant les dix ou quinze dernières
années.
M. BELAND: En bref, vous faites certaines affirmations, certaines
énumérations, mais vous laissez le champ libre aux chercheurs de
trouver la solution. Vous n'en proposez pas.
M. LE PRESIDENT: La parole est au député de
Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je voudrais poser une
question à M. de Carufel ou à son confrère. A la page 8,
on dit ceci: "Cependant, toute subvention importante en deniers publics ne
serait accordée qu'en échange d'un droit de
propriété équivalent qui reviendrait à l'Etat dans
les entreprises qui reçoivent de l'assistance."
Je pense que cela rejoint les préoccupations du
député de Saguenay qui vous a interrogé tout à
l'heure. Quelles sont, selon vous, les modalités d'association ici qui
pourraient être exigées par le gouvernement en retour d'une
subvention importante? Vous parlez d'un droit de propriété
équivalent. Est-ce qu'il s'agit de la propriété de
l'usine, de ses revenus, d'une cogestion, etc.? Qu'est-ce que vous nous
suggérez par là? C'est à la page 8 du résumé
de votre mémoire. Supposons que l'Etat décide d'accorder une
subvention à une industrie de pâtes et papiers. Vous dites que
l'Etat devrait avoir en retour un droit de propriété
équivalent. Qu'est-ce que c'est ce droit de propriété que
vous revendiquez?
M. DUNBERRY: Equivalent aux sommes, aux deniers publics qu'elle aura
versés à l'entreprise, c'est tout.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, mais quel type de droit de
propriété? Est-ce que ça veut dire qu'ils vont avoir le
garage de l'usine ou bien l'usine ou enfin le...?
M. DUNBERRY: Non, non, si c'est une compagnie de parts-actions, elle
aurait un droit équivalant aux sommes qui seraient versées dans
l'entreprise, c'est tout.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Un droit de propriété, comme
dans une association.
M. DUNBERRY: Je ne vois pas pourquoi l'Etat verserait $20 millions
à une entreprise de pâtes et papiers simplement parce qu'il avait
plus ou moins la croyance que, tôt ou tard, l'entreprise se remettrait
sur pied.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Bien ça, on pourrait être
d'accord avec vous là-dessus, mais il y a quand même un principe
ici en cause. Il s'agit de savoir si, en retour d'une subvention, l'Etat va
exiger la cogestion, pas seulement la propriété, comme vous
dites, un droit de propriété équivalent, mais que l'Etat
sera un partenaire égal dans l'entreprise, avec les travailleurs. Est-ce
que c'est ça que vous voulez?
M. DUNBERRY: Si elle verse une subvention qui est égale à
50 p.c. de l'actif, ce serait une association à titre égal.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais pas plus que ça? Parce que
là, imaginez, si cela se produisait, vous introduisez toute une nouvelle
formule d'exploitation des richesses naturelles du Québec. Alors,
à partir du moment où on admet le principe que, l'Etat
subventionnant, l'Etat devient cogestionnaire et copropriétaire, il nous
faudra appliquer le même principe dans l'ensemble des industries que nous
subventionnons. Alors, nous voudrions savoir de vous si c'est dans ce sens que
vous voudriez voir la politique du gouvernement s'infléchir dans le
domaine général de l'exploitation des richesses naturelles. Nous
sommes des législateurs, nous autres, nous vous entendons comme nous
entendons des centaines d'autres associations et nous voudrions savoir quelle
est l'opinion des gens au nom desquels vous parlez, car vous représentez
quand même un nombre très important de travailleurs.
Au fait, combien de travailleurs représentez-vous dans votre
fraternité ici?
M. de CARUFEL: Nous représentons dans le Québec environ
23,000 travailleurs.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Bon, c'est extrêmement important, 23,000
travailleurs. Alors, est-ce que vous acceptez le principe ou est-ce que vous
proposez le principe que ces travailleurs soient avec l'Etat les
propriétaires et les cogestionnaires de l'entreprise qui serait
subventionnée à même les deniers des travailleurs et de
tous les autres citoyens du Québec?
M. DUNBERRY: Nous ne proposons pas ici que les travailleurs soient
cogestionnaires. Nous proposons simplement que l'Etat, s'il subventionne une
entreprise, acquière un droit de propriété sous forme de
capital-actions dans le fonctionnement de cette entreprise.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais il ne faut pas oublier que l'Etat, c'est
chacun de nous.
M. DUNBERRY: Remarquez bien que ce n'est pas parce qu'il s'agit du sort
de l'exploitation des richesses naturelles, dans l'industrie de fabrication,
c'est peut-être autre chose, mais parce qu'il s'agit du domaine de
l'exploitation des richesses naturelles; il nous semble, vu que ces ressources
appartiennent à l'Etat, que si l'Etat doit subventionner sous une forme
ou sous une autre une entreprise de pâtes et papiers, qu'il importe qu'il
acquière un droit de propriété, que ce soit sous forme de
capital-actions ou sous une autre forme.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, reprenons le problème dans
l'ensemble et globale-
ment. Vous nous avez dit que, tout compte fait, les industries des
pâtes et papiers n'ont pas agi comme elles auraient dû le faire et
que nous sommes en présence d'un problème sérieux. Tout le
monde le constate.
Vous nous dites que l'Etat devrait prendre des mesures qui soient plus
qu'abstraites et là, je vous pose la question, pour le cas particulier
de l'utilisation des bois dans le domaine des pâtes et papiers, est-ce
que vous suggérez, est-ce que vous favorisez une politique de cogestion
et d'association des travailleurs du Québec à l'entreprise de
pâtes et papiers?
M. DUNBERRY: Nous n'avons pas parlé de ça.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous ne proposez pas cela? Mais, par ailleurs,
vous réclamez pour l'Etat, qui subventionnerait, un droit de
propriété équivalant à ce que l'Etat donnerait.
M. DUNBERRY: C'est en plein ça.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, c'est au fond mettre le
mécanisme en marche parce que l'Etat, ce n'est pas autre chose que vous
et moi.
M. DUNBERRY: Je n'ai pas dit...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, est-ce que je peux conclure de cela que
vous voudriez voir le gouvernement s'orienter vers une forme de participation
qui serait au fond une socialisation progressive des entreprises d'exploitation
des richesses naturelles du Québec?
M. DUNBERRY: Evidemment, si la chose s'avère indispensable,
oui.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est ça que vous proposez?
M. DUNBERRY: Oui, oui.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Bon, alors nous en prenons note.
M. DUNBERRY: Nous n'avons parlé de cogestion nulle part dans le
mémoire.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous prenons acte de ça, M. de Carufel
et M. Dunberry, et nous aurions souhaité que votre mémoire
fût à cet égard beaucoup plus explicite et qu'il nous
orientât sur les intentions de l'association de travailleurs que vous
représentez, au nom desquels vous avez parlé aujourd'hui.
M. LE PRESIDENT: La parole est au député de
Trois-Rivières.
M. BACON: A la suite du ministre des Terres et Forêts et du
député de Saguenay, M. de Carufel, je m'adresse à vous.
Dans un cas précis, celui de l'usine Domtar de Trois-Rivières.
Qu'est-ce que Domtar aurait dû faire pour ne pas avoir, en 1972, à
fermer son usine? Et je voudrais savoir aussi quelle a été votre
action, disons depuis les années soixante, par exemple, pour forcer la
compagnie à se moderniser, comme vous avez mentionné, en fait,
vous qui vivez dans le problème un peu quotidiennement?
M. de CARUFEL: Premièrement, les actions que nous avons prises,
nous les avons prises...
M. BACON: Ma première question, c'est surtout: Qu'est-ce que la
Domtar aurait dû faire, selon vous, si je regarde un peu votre
mémoire, pour éviter le licenciement massif qu'elle a
été obligée de faire? Et quelle a été votre
action? Mais j'aimerais mieux entendre votre action en deuxième,
plutôt qu'en premier.
M. de CARUFEL: Très bien. Alors, en ce qui concerne la compagnie
Domtar, et d'autres compagnies semblables qui sont dans le même
pétrin ou qui vont l'être, eh bien! Je crois, au départ,
que la compagnie Domtar aurait dû faire part des problèmes
auxquels elle avait à faire face. La même chose pour la compagnie
CIP. Elle aurait dû en faire part aux autorités, pour commencer.
Elle aurait dû en faire part aux travailleurs. Et cela ne date pas, vous
savez, de tellement longtemps, nous étions en négociation en
1970. Alors, il y a quoi? Un peu plus de deux ans. Et, à ce
moment-là, pas un mot des problèmes auxquels elle avait à
faire face. Alors, je crois que la compagnie Domtar aurait dû prendre les
moyens pour remédier aux problèmes qu'elle a affrontés
l'an dernier et au mois de mars cette année.
M. BACON: C'est justement ce que je voudrais savoir, quels sont les
moyens qu'elle aurait dû prendre. Vous parlez de modernisation et de
réorganisation, de choses comme ça il semble que dans
votre mémoire vous dites qu'on devrait forcer les usines à se
moderniser mais qu'est-ce qu'elle aurait dû faire dans ce cas
précis? S'il semble qu'en vous demandant la situation
générale, il y a trop de généralités, mais
dans le cas précis?
M. de CARUFEL: Ce qu'elle aurait dû faire? Ecoutez, il y a une
série de choses qu'elle aurait pu faire...
M. BACON: Informer les gens, ça n'aurait probablement pas
apporté...
M. de CARUFEL: Non, mais je vous ai mentionné qu'elle aurait pu
rencontrer les autorités gouvernementales la compagnie Domtar
avait des problèmes sérieux de coûts élevés
de la matière première, en premier lieu
et essayer d'avoir certaines considérations vis-à-vis du
coût de la matière première. On a parlé aussi du
transport et de la modernisation de l'usine. Vous savez, c'était une
usine de papier-journal et la fermeture a eu lieu.
M. BACON: Je m'excuse, mais quand vous parlez des problèmes de la
matière première, que voulez-vous dire exactement?
M. de CARUFEL: Le bois.
M. BACON: Oui, j'imagine, mais quel est le problème du bois?
M. de CARUFEL: Son coût très élevé.
M. LESSARD: Parce que la concession est trop éloignée?
M. de CARUFEL: C'est ça. C'est un peu le problème de
toutes les compagnies, peu importe que ce soient Domtar, Consol, ou CIP. Les
concessions forestières sont très éloignées, dans
la grande majorité des cas, et le coût du transport par bateau sur
le Saint-Laurent, comme pour Domtar, à Trois-Rivières, devenait
dispendieux. Maintenant, quelle démarche avons-nous faite? Qu'avons-nous
fait?
M. BACON: Vers 1960 à peu près.
M. de CARUFEL: Moi, je n'irai pas en 1960, parce que ces choses, nous
les avons apprises dans les deux dernières années. Cela a
été un secret des dieux. Mais, en 1970, nous avons écrit
au premier ministre de la province au sujet des malaises dans l'industrie des
pâtes et papiers. Cela a pris deux mois pour avoir un accusé de
réception, et cela a été fait par le
secrétaire.
M. MARCHAND: Il n'y avait pas avant cela de malaises?
M. de CARUFEL: S'il n'y en avait pas, on a écrit parce que l'on
voyait venir les malaises.
M. MARCHAND: Comme cela, il n'y en avait pas. Vous n'avez pas
écrit pour les malaises passés, juste pour les malaises
futurs.
M. de CARUFEL: Les malaises n'étaient pas passés, les
malaises étaient à venir, et l'on venait de faire une
étude dans l'industrie, après quoi...
M. BACON: Vous avez dit tantôt que, dans ces
années-là, les compagnies ont spéculé sur le taux
de change, il y avait donc des problèmes quand même à ce
moment, en 1968, en 1969?
M. de CARUFEL: Il y a plusieurs facteurs, on les a déjà
énumérés.
M. BACON: Vous dites qu'en 1970, vous avez découvert subitement
qu'il y avait des problèmes, mais vous avez dit auparavant, dans votre
exposé, que les compagnies avaient spéculé sur le taux de
change de 8 p.c. Donc, logiquement, on pourrait conclure qu'en 1970 il reste
que les problèmes dataient déjà de quelques années,
mais qu'ils pouvaient être, excusez-moi l'expression, peut-être
"fardochés" par certaines choses. Mais vous les voyiez quand même
à ce moment, si je prends le début de votre exposé.
M. de CARUFEL: Absolument, on les voyait.
M. BACON: Mais la lettre au premier ministre en 1970 était
peut-être arrivée un peu tard.
M. de CARUFEL: Ecoutez, je vais en venir à un autre
problème où vous avez été directement
impliqué, vous. C'est la situation de Domtar à
Trois-Rivières.
M. BACON: C'est de cela que je parle.
M. de CARUFEL: C'est à cela que je veux en venir. Alors, on a
fait des démarches à ce moment-là auprès du
gouvernement, on en a fait auprès du ministre, M. Cournoyer, et,
à ce moment-là on a voulu établir des comités
d'action. Mais qu'est-il arrivé de toutes ces affaires? Cela a
tourné en queue de poisson et l'on a eu d'autres rencontres assez
récentes à Montréal avec des représentants du
gouvernement, en vue d'établir une commission sérieuse pour faire
enquête sur toute l'industrie des pâtes et papiers dans le
Québec. Jusqu'à ce jour, c'est encore une queue de poisson cette
affaire. Alors, messieurs...
M. BACON: Dans les années antérieures, en 1967, 1968,
1969, vous ne voulez pas que je reprenne les années soixante. Qu'est-ce
que vous avez fait pour donner l'alerte peut-être à
l'intérieur de la compagnie? Quels ont été vos moyens
d'action pour essayer de parer aux coups que vous voyiez venir? Vous avez dit
que vous viviez quotidiennement le problème.
M. de CARUFEL: Les seuls moyens d'action à notre disposition
comme syndicat étaient la table de la négociation, et de faire
remarquer d'une façon très sérieuse aux employeurs avec
qui nous faisons affaires ce qui se passait dans l'industrie. Que faites-vous
chez vous, messieurs? C'est le seul moyen que nous avions à notre
disposition à ce moment-là. Mais quand les problèmes sont
arrivés, quand les problèmes sérieux sont arrivés
et que nous avons eu recours aux bons offices gouvernementaux, nous nous sommes
aperçus qu'au niveau gouvernemental on n'en connaissait pas plus long
que nous n'en connaissions et qu'au niveau gouvernemental il n'y avait aucune
solution possible.
M. BACON : Dans un dernier temps, c'est
juste pour éclaircir un point à la page 9, du
résumé de votre mémoire vous dites, en somme, au premier
paragraphe, à la fin : En somme, une nouvelle usine ne doit être
aménagée que s'il est impossible de moderniser une usine qui
fonctionne. Dans un tel cas, l'usine nouvelle doit être située
aussi près que possible de l'exploitation dont on projette la fermeture.
Ce serait bien l'idéal, mais on voudrait parler des difficultés
de la matière première, c'est pour cela qu'on voulait vous faire
préciser tantôt. Quand vous dites que les concessions sont trop
éloignées, quand vous me parlez de coût de transport, il
peut y avoir, à un moment donné, des problèmes de
transport sur le marché. Pourriez-vous préciser ce que vous dites
dans le mémoire et ce que vous m'avez dit par la suite sur les...
M. de CARUFEL: On dit, au niveau du principe: Si on doit accorder des
subsides à quelque compagnie que ce soit, pour construire une usine et
créer de nouveaux emplois, pourquoi ne pas accorder des subsides
semblables afin de moderniser et de maintenir en exploitation des usines
existantes parce que, par le fait même, on crée des emplois, parce
qu'on garde les employés qui sont au travail présentement?
Alors, si on a construit une nouvelle...
M. BACON: Qu'est-ce que vous voulez dire? Voulez-vous dire moderniser
nos usines avant d'en avoir de nouvelles?
M. de CARUFEL: Absolument. M. BACON: Bien.
M. GIASSON: A la fin de votre mémoire, vous faites allusion
à un conseil de production et de la main-d'oeuvre. Le mémoire
comme tel ne semble pas tellement définir quel serait le rôle
précis de ce conseil de production et de la main-d'oeuvre. Dans votre
esprit, est-ce qu'il s'agit d'un organisme de recherche qui, formé des
représentants du gouvernement, des employés, des industries
concernées, maintiendrait une recherche assez constante et où
chacun des paliers représentés au sein de l'organisme pourrait
souscrire les montants d'argent nécessaires à maintenir et
à faire progresser cette recherche constante?
M. BACON: C'est exactement ce que vous dites.
M. GIASSON: Ou, dans votre esprit, s'agit-il tout simplement d'un
organisme consultatif où il y a des rencontres et où on constate
qu'il y a des faiblesses ici et là et que cela se limite à peu
près à ces activités?
M. de CARUFEL: Non. Nous voulions avoir quelque chose de bien concret,
un organisme dont tous les intéressés feraient partie, avec un
mandat bien déterminé et bien clair. C'est ce que nous avons
essayé de faire conjointement, représentants gouvernementaux,
représentants patronaux et représentants syndicaux.
Nous nous sommes rencontrés, il n'y a pas tellement longtemps, il
y a quelques mois, et il a été impossible à ce
moment-là de définir et de s'entendre sur le mandat d'une telle
commission ou d'un tel comité. Nous n'en avons pas entendu parler
depuis.
M. LE PRESIDENT: Le député de Charlevoix et ensuite le
député de Saguenay.
M. MAILLOUX: M. le Président, comme il y a chez nous plusieurs
centaines de travailleurs qui sont représentés par les gens de la
Fraternité internationale des travailleurs des pâtes et papiers,
je voudrais qu'on donne une idée à un profane. Vous parlez dans
votre mémoire, ainsi que dans tous les mémoires qui sont
présentés à la commission, de modernisation des usines en
place, de mécanisation, afin de soutenir la concurrence faite par
l'Ontario ou ailleurs. Un peu plus tard, tous les gens seront surpris
évidemment de ce que donne la mécanisation ou la modernisation.
Je vous donne un exemple bien précis. La compagnie Donohue, chez nous,
qui aurait depuis assez longtemps trois machines assez désuètes,
employait 350 travailleurs. Le volume complet des concessions
forestières servait à faire travailler ces gens. Il y a eu
effectivement modernisation et mécanisation avancée d'une machine
qui peut produire le même volume que les trois qui emploient 350
hommes.
S'il y a réduction de la vente du papier, il peut se produire que
la compagnie, qui regarde à ses profits d'abord ferme les trois vieilles
machines et mette à pied 350 personnes pour continuer avec les 125 qui
sont dans l'optique de la modernisation et de la mécanisation.
Quel est le point de vue des travailleurs devant un tel contexte, parce
que cela peut arriver un jour? Quand même on me dirait que la compagnie
s'occupe d'autres produits à transformer sur place, le même volume
que peuvent offrir les forêts de la région serait pleinement
employé par les 125 personnes.
Avez-vous des palliatif s à cela ou des conclusions à
apporter? Quand on pousse tellement sur la modernisation qui, je pense, est
importante, cela amène quand même des problèmes de mise
à pied qui ne sont pas faciles à résoudre, pas plus aux
yeux de la compagnie qu'aux yeux des travailleurs, du jour au lendemain.
M. de CARUFEL: Nous avons vécu, M. le député, ces
problèmes dans toute la province au cours des deux dernières
années.
Bien que ça ne soit pas agréable, on ne peut pas dire:
Nous voulons avoir des usines modernes, et dire, dans la même phrase,
à ce moment-là: Il faut absolument que tout le
personnel, sans exception, demeure dans l'usine. On ne peut pas
être contre le progrès. C'est à cela que nous avons
à faire face dans la concurrence, c'est le progrès de machines
semblables à celle à laquelle vous avez fait allusion, une
machine de haute productivité.
Cela nous amène dans un autre domaine, le domaine des
marchés. Et tenant compte des différentes juridictions, vous le
savez, nous faisons allusion aux marchés dans notre mémoire, il
faut s'occuper des marchés. Nous disons, dans notre mémoire: Qui
s'est occupé de nos marchés? C'est une bonne question à
laquelle il faut répondre. Qui s'occupe des marchés dans
l'industrie des pâtes et papier? Qui s'en occupe, présentement?
Peut-être que je vous apprendrai une nouvelle en vous disant que,
à Washington, il y a un comité, soit au niveau sénatorial
ou au niveau du congrès, qui étudie présentement la
façon d'appliquer des tarifs sur le papier-journal et la pâte. Qui
fait des représentations, à quel niveau? Je ne le sais pas. Mais
je peux vous dire que nous en faisons. Nous avons des gens qui font du lobbying
à Washington continuellement depuis trois mois contre ces mesures. Tous
les membres de notre fraternité, y compris les Américains
nous sommes 350,000 au total nous avons fait des représentations
contre toute considération de tarif. Quand on parle de marché, on
se pose des questions. L'industrie n'a-t-elle pas été
laissée à elle-même pour déterminer tous ces
problèmes du marché? Evidemment, le marché du
papier-journal est un marché mondial, ce qui amène l'autre
problème. Vous savez, quand les coûts de revient sont très
élevés, on doit considérer aussi la possibilité
d'augmenter le prix de vente de la matière qu'on produit. A ce
moment-là, on fait face à un problème mondial, quand on
veut hausser les prix. Si le Canada veut hausser les prix pour vendre son
papier aux Etats-Unis et que les pays Scandinaves disent: Nous ne haussons pas
les nôtres, où en sommes-nous dans toute cette affaire? Tout de
même, nous nous posons de sérieuses questions. Qu'est-ce que nos
gouvernements font vis-à-vis d'un marché, surtout pour le
Québec, qui est le marché numéro un du papier-journal?
M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.
M. LESSARD: Peut-être que je suis dans l'erreur, mais est-ce que
c'est la Fraternité internationale des travailleurs de pâtes et
papiers du Québec qui représente les employés de Domtar de
Trois-Rivières?
M. de CARUFEL: Oui.
M. LESSARD: Est-ce que vous avez eu, comme association, ou comme
représentant de ces ouvriers, accès aux dossiers financiers ou
à la comptabilité de la compagnie pour vérifier si
réellement cette entreprise était dans une situa- tion assez
déplorable et qui l'obligeait à fermer ses portes?
M. de CARUFEL: Je n'ai pas été directement impliqué
dans cette affaire, mais M. Lord l'a été et cela n'a pas
été possible.
M. LESSARD: Est-ce possible, pour le gouvernement, dans ces
cas-là, d'avoir accès aux dossiers ou à la
comptabilité de la compagnie, pour vérifier si, par exemple, au
cours des dix dernières années, la compagnie a fait des profits?
Pour vérifier si réellement le problème est exact, si
réellement il y a, actuellement, du côté de l'industrie
papetière, un véritable problème financier? Je vais
compléter. Nous assistons un peu à une réaction à
la chaîne. Il ne s'agit pas de cacher le problème forestier du
Québec. Nous assistons à une réaction à la
chaîne qui provient surtout de l'industrie des pâtes et papier,
mais qui provient en particulier du fait que, depuis quelques années, le
gouvernement, tant fédéral que provincial, accorde des
subventions à une nouvelle entreprise qui vient s'installer chez
nous.
Comme la vieille entreprise s'est installée sans subvention, elle
se dit, peut-être avec raison: Pourquoi, moi aussi, n'aurais-je pas de
subvention? Est-ce que le gouvernement, dans le cas de la Saint-Raymond, de
Desbiens, par exemple, se préoccupe de savoir si réellement il y
a un problème financier dans cette entreprise?
Est-ce qu'il se préoccupe de savoir où sont allés
les revenus de ces entreprises-là, parce que ces entreprises ont fait
des revenus dans le passé, alors, où sont-ils allés?
Est-ce que c'est justifié, de la part du gouvernement, de subventionner
une entreprise à partir des chiffres, ou si on subventionne à
l'aveuglette sans savoir exactement s'il y a un problème?
M. DRUMMOND: Oui, c'est possible et on l'a fait dans plusieurs cas.
M. BACON: M. le Président, seulement une précision sur ce
que le député de Saguenay mentionnait. Je pense quand même
que dans des cas en fait c'était St. Lawrence Paper à ce
moment-là qui s'est établie et Domtar s'est portée
acquéreur si on retourne aux sources il y a eu, dans le contexte
où ces usines-là se sont établies, soit des vacances au
point de vue taxes municipales, il y a eu certaines primes, si on peut appeler
cela primes aujourd'hui. Il y avait des choses qui existaient dans ce
temps-là pour l'établissement de nouvelles industries. Il reste
que je ne veux pas dire que celles-là n'en ont pas eu, mais avec les
moyens du temps, elles ont eu proportionnellement ce qu'on peut donner
aujourd'hui.
M. LESSARD: Justement, ces entreprises-là ont fait quand
même dans le passé des profits assez considérables.
M. BACON: D'accord.
M. LESSARD: On peut se demander où sont allés ces
profits-là aujourd'hui et de quelle façon ces profits ont-ils
été utilisés. C'est simplement une question que je me
posais qui est un peu en dehors de la question mais dont, je crois, la
Fraternité internationale des pâtes et papier devrait
particulièrement se préoccuper.
M. de CARUFEL: Pour certaines compagnies, il est possible de
connaître, d'une façon assez spécifique, globalement, les
profits qu'elles ont faits au Canada mais, pour les compagnies ayant leur
siège social aux Etats-Unis, ce n'est pas possible parce qu'elles ne
publient pas ces rapports financiers. Elles publient un rapport financier
global de toute l'entreprise, alors c'est extrêmement difficile de
vouloir disséquer, de savoir exactement ce qui arrive.
M. DRUMMOND: Lorsqu'il s'agit d'un cas spécifique, on peut
toujours entrer et faire l'analyse des chiffres pour une usine donnée de
telle compagnie. Cela s'est fait dans le passé.
M. de CARUFEL: Oui. Je sais que vous l'avez fait, M. Drummond, avec CIP
pour l'usine du Témiscamingue récemment, tout de
même...
M. BACON : De quelle façon y avait-il eu une demande à
Domtar à Trois-Rivières? Est-ce que c'était une demande
verbale ou... sur les chiffres de la compagnie de l'usine de
Trois-Rivières? Vous dites qu'on a refusé l'accès aux
livres. De quelle façon la demande avait-elle été faite?
Avez-vous un refus écrit de la compagnie?
M. de CARUFEL: Non. Normalement on fait les choses verbalement quand on
discute au sein d'un comité.
M. BACON: Ah, oui? Pas moi.
M. LESSARD: Je voudrais savoir les profits réels.
M. MARCHAND: Il y a quand même des rapports aux divers paliers de
gouvernement.
M. de CARUFEL: Oui, c'est global pour la compagnie.
M. MARCHAND: Oui, mais ce n'est pas global à l'échelle
mondiale.
M. de CARUFEL: Non.
M. MARCHAND: Si une compagnie a des ramifications mondiales, elle fait
rapport aux divers paliers de gouvernement au Canada.
M. de CARUFEL: Oui, d'accord.
M. MARCHAND: Alors?
M. de CARUFEL: Avez-vous essayé d'avoir ces
chiffres-là?
M. MARCHAND: Je peux les avoir.
M. LESSARD: C'est-à-dire qu'on a les chiffres...
M. MARCHAND: Il n'y a jamais eu de recherche de faite.
M. LESSARD: ... officieux, on n'a pas les chiffres officiels.
Alors, d'accord, M. le Président, c'est simplement une question
incidente que je posais et qui peut amener certaines réflexions.
M. LE PRESIDENT (M. Giasson): Le député du
Lac-Saint-Jean?
Est-ce que cela clôt les questions des députés?
Je remercie, au nom de la commission, M. de Carufel et ses
collègues de s'être prêtés si aimablement aux
nombreuses questions venant de chaque côté de la table.
J'invite immédiatement les représentants de l'Association
forestière québécoise à s'approcher de la
barre.
Association forestière
québécoise
M. BEAUDOIN: M. le Président, je vous remercie d'avoir
été aussi patient, nous sommes les quatrièmes aujourd'hui.
Il reste quand même une très bonne assistance et on vous en
remercie. Comme consolation, je peux vous assurer que notre mémoire sera
plutôt bref. On ne savait pas qu'on passerait en quatrième lieu,
mais ça adonne comme ça. Il me fait plaisir de vous
présenter mes collègues, M. Lucien Morais, vice-président
de l'Association forestière, mon nom est Jean-Paul Beaudoin,
président de l'association, et à ma droite, M. Michel Grondin,
directeur général, auquel je demanderais de présenter le
mémoire à votre intention.
M. GRONDIN: M. le Président, MM. les membres de la commission, je
vais essayer de vous lire assez rapidement notre mémoire, qui est
relativement court, afin de situer tout le monde.
L'utilisation polyvalente de la forêt s'intensifiant avec
l'accroissement de la population, avec l'augmentation des heures de loisir et
les contraintes de la vie moderne, ne peut être réalisée
raisonnablement sans la participation intelligente de toute la population.
La planification la plus lucide et la législation la plus
éclairée ne peuvent prévenir ni corriger
adéquatement les situations préjudiciables à la
forêt sans avoir recours à l'éducation pour en modifier la
cause: l'homme lui-même.
Dans l'introduction du tome II de l'exposé sur la politique
forestière, en page 12, on parle de la nécessité d'une
"révision profonde de nos façons de penser et d'agir".
L'Association forestière québécoise est également
convaincue qu'il faut transformer l'homme afin qu'il puisse mettre à
contribution sa capacité créatrice pour harmoniser ses besoins
avec ceux de ses partenaires de la nature et ainsi assurer à ses
contemporains et aux générations futures un environnement sain et
équilibré.
Seule une éducation appropriée en conservation,
particulièrement du milieu forestier, peut atteindre ce but puisque la
forêt occupe une place prépondérante sur le territoire
québécois et qu'elle y joue un rôle essentiel dans
l'équilibre écologique, sociologique et économique du
milieu.
L'Association forestière québécoise Inc. est un
organisme privé à but non lucratif, incorporé le 21
janvier 1939 en vertu de la troisième partie de la Loi des compagnies,
et fondé à la recommandation de l'Association des
ingénieurs forestiers. Depuis 1959, l'Association forestière
québécoise est l'une des huit associations forestières
provinciales constituant l'Association forestière canadienne : une
fédération nationale de conservation.
L'objectif de l'Association forestière québécoise
est de promouvoir la conservation de l'arbre, du milieu forestier et de
l'environnement, par une éducation forestière populaire.
Ses moyens d'action sont les suivants: onze filiales régionales
groupant 7,000 membres; la revue mensuelle Forêt-Conservation, organe
officiel de l'Association forestière québécoise, les clubs
4-H : mouvement de jeunesse centré sur la conservation des arbres et de
toutes les ressources naturelles; 400 clubs actifs, 14,000 membres, 200,000
Québécois ont profité de la formation 4-H; 15 millions
d'arbres plantés par les clubs 4-H depuis 1942; les opérations CP
(conservation et protection), campagnes intensives de publicité
forestière; la semaine de l'arbre et de la forêt; les Fermes
forestières (Tree Farms), initiative de l'Association forestière
québécoise pour encourager l'aménagement des
boisés: 694 certificats émis, superficie de 225,865 acres; les
rallyes-forêt: journées éducatives en milieu forestier pour
jeunes citadins 12,000 jeunes ont profité des rallyes-forêt
en 1971 et nous prévoyons en 1972 près de 20,000 jeunes; les
concours de terres à bois, d'érablières, d'affiches de
protection, etc.; les publications: distribution et rédaction de
feuillets et bulletins de vulgarisation forestière; les media de
publicité: radio, télévision, journaux; publicité
gratuite concernant la protection et la conservation du milieu forestier
(valeur estimée à $200,000 en 1971).
Le financement. Le budget 1971 : $402,000 dont $281,000 pour le bureau
central et $121,000 pour les associations régionales. Un montant de
$52,400 a été octroyé par le ministère des Terres
et Forêts, soit 13 p.c. du budget 1971. Et je dois ici apporter une
rectification pour le budget 1972, qui a été sensiblement
augmenté par une participation accrue du ministère des Terres et
Forêts. Ce montant sera cette année approximativement de $125,000,
soit environ 24 p.c. du budget de l'année présente. Ce montant
additionnel est dû à des projets estivaux de conservation qui sont
réalisés en collaboration avec le ministère des Terres et
Forêts, la direction générale de la conservation; c'est un
contrat de gérance qui a été passé entre le
ministère et l'Association forestière québécoise,
contrat de gérance qui facilite drôlement l'administration et la
marche de nos projets.
Les autres sources de financement: les ministères de l'Education,
des Richesses naturelles, l'industrie forestière, les autres industries
et compagnies, le public.
Pour chaque dollar investi par le ministère des Terres et
Forêts, l'Association forestière québécoise va
chercher $8 (et il faudrait corriger pour cette année,
c'est-à-dire $4 ailleurs) sans compter la valeur de publicité
obtenue gratuitement, la collaboration bénévole de nombreux
individus et organismes, et sans compter les quelque $200,000 que les clubs 4-H
locaux recueillent chez le public. Nous estimons qu'il en coûterait plus
d'un million de dollars au ministère des Terres et Forêts pour
réaliser en régie le travail de l'Association forestière
québécoise.
Même si cela était, pourrait-il, comme l'Association
forestière québécoise, susciter avec autant de bonheur
l'enthousiasme du bénévolat qui motive un engagement dynamique et
fécond? Le personnel de l'Association forestière
québécoise au bureau central: Trois animateurs permanents, le
directeur général, le directeur général adjoint, la
monitrice provinciale 4-H. Dans les régions, quelque 60 animateurs
semi-permanents, agents de liaison et onze gérants régionaux de
l'Association forestière, dont deux seulement sont permanents. Il faut
ajouter à notre personnel des milliers de bénévoles.
L'Association forestière québécoise a contribué
à faire mûrir dans l'esprit des individus et des autorités
la nécessité d'agir face à la détérioration
de notre capital forestier et de nos richesses naturelles en propageant le
culte de l'arbre, de la forêt, en faisant appel au civisme des
Québécois et en mettant en lumière les bienfaits du milieu
forestier. L'Association forestière québécoise fut le
premier organisme privé à oeuvrer dans le domaine de
l'éducation populaire en conservation forestière au Québec
et demeure certes le plus important, par l'ampleur et la diversité de
ses activités, par son organisation bien structurée, dans toute
la province, par la collaboration bénévole qu'elle obtient de la
part de milliers d'individus et de nombreux organismes, par la
neutralité de sa position qui offre à tous les
intéressés à la forêt, professionnels, ouvriers,
cultivateurs, hommes d'affaires, une tribune pour exprimer librement leurs
points de
vue, un carrefour d'opinions et un terrain d'entente pour coordonner
leurs efforts en vue d'une meilleure utilisation de la forêt.
Les officiers du ministère des Terres et Forêts ont
profité régulièrement des occasions offertes par
l'Association forestière québécoise pour dialoguer avec
les utilisateurs de la forêt et elle est fière de leur rendre un
tel service. L'Association forestière a toujours obtenu l'appui moral et
financier du ministère des Terres et Forêts qui
réitère d'ailleurs, dans son exposé sur la politique
forestière, son intention d'aider les organismes privés qui,
comme le nôtre, oeuvrent dans le domaine de l'éducation en
conservation. Nous nous réjouissons de cette attitude positive du
ministère et nous l'assurons de notre plus entière collaboration,
espérant qu'elle s'intensifiera pour nous permettre de mieux atteindre
nos objectifs communs.
L'Association forestière québécoise déplore
cependant que le livre blanc sur la politique forestière ne fasse aucune
mention explicite de la contribution majeure qu'elle a fournie depuis un tiers
de siècle dans le domaine de l'éducation en conservation au
Québec. Tout au plus, y est-il fait mention du club des 4-H, mouvement
de jeunesse créé et patronné par l'Association
forestière québécoise et ce, au même rang que
d'autres organismes qui, tout en faisant oeuvre valable, ne sont pas, comme le
mouvement 4-H, entièrement consacrés à la conservation de
l'arbre et des richesses naturelles. La réputation des clubs 4-H n'est
plus à faire et elle dépasse largement les frontières du
Québec. Il eût été souhaitable que le livre blanc
souligne davantage le caractère distinctif de ce mouvement de jeunesse,
l'un des plus dynamiques au Québec.
Les recommandations. La première, la création d'un
comité provincial d'éducation en conservation forestière.
L'ampleur de la tâche inhérente à l'éducation en
conservation forestière implique plusieurs ministères et
organismes, et nous croyons qu'il devrait exister un tel comité afin
d'orienter et de planifier les initiatives nombreuses dans ce domaine,
initiatives souvent disparates et mal inspirées qui risquent d'induire
le public en erreur, de fausser les opinions et de causer des actes
préjudiciables au milieu forestier. Il revient à l'Etat, plus
particulièrement au ministère des Terres et Forêts, de
former cet organisme.
Sa composition: représentants des divers ministères
impliqués dans l'aménagement du milieu forestier ainsi que du
ministère de l'Education et autant de représentants des
principaux organismes privés oeuvrant en conservation des ressources
forestières. Scientistes et vulgarisateurs devraient être
équitablement représentés à ce comité.
Son statut: comité consultatif auprès des
ministères et des organismes concernés par l'éducation en
conservation forestière.
Son mandat: établir une philosophie commune de l'éducation
en conservation forestière, bâtir les normes garantissant la
qualité de l'éducation en conservation forestière
diffusée par les organismes publics et privés, analyser les
priorités de l'éducation en conservation forestière et
recommander les mesures à prendre.
Le ministère des Terres et Forêts, direction
générale de la conservation, partagera les programmes
d'éducation populaire en conservation forestière entre les
différents organismes privés oeuvrant dans ce domaine et il en
assurera la coordination et la supervision.
Les priorités: incorporer des notions de conservation à
tous les programmes scolaires, de la maternelle à l'université,
en passant par la formation des maîtres sans oublier l'éducation
permanente des adultes.
Déjà l'Association forestière
québécoise et la Corporation des ingénieurs forestiers du
Québec ont amorcé des démarches dans ce sens auprès
du ministère de l'Education.
D'autres organismes s'intéressent à l'enseignement de la
conservation. Il y aurait lieu, pour le Comité provincial
d'éducation en conservation forestière, de favoriser une mise en
commun des efforts.
Deuxième recommandation: une assistance technique adéquate
auprès des propriétaires de boisés.
L'Association forestière québécoise a toujours
déploré les déficiences de l'assistance technique
auprès des propriétaires de boisés, non pas en
qualité mais en quantité. Il est évident que le
ministère des Terres et Forêts n'a pas disposé,
jusqu'à ce jour, d'un personnel suffisant pour répondre aux
nombreuses demandes d'aide de la part des propriétaires de boisés
et du grand public.
L'Association forestière québécoise a rendu des
services remarquables dans ce domaine en facilitant le travail des
ingénieurs forestiers du ministère qui y étaient
affectés; par ses campagnes d'information sur l'aménagement
forestier auprès des cultivateurs; par la publicité et par son
mouvement des Fermes forestières, destiné à promouvoir la
sylviculture et le reboisement. Divers concours, érablières et
terres à bois, relèvent également de son initiative.
L'Association forestière québécoise joue le
rôle important d'intermédiaire entre le public et le
ministère des Terres et Forêts et en maintes occasions, entre
autres dans la région des Cantons de l'Est, elle a pallié
elle-même le manque de personnel disponible au ministère en
fournissant les services requis par un bon nombre de propriétaires de
boisés.
Son action désintéressée constitue un atout
important dans la motivation essentielle à la réalisation d'un
sage aménagement forestier. Aussi, serait-il souhaitable que les
associations régionales de sylviculteurs, dont la création est
préconisée dans le livre blanc du ministère, recourent
à la collaboration de l'Association forestière
québécoise.
Même si les futures associations régionales de
sylviculteurs doivent éventuellement jouer un rôle important dans
la gestion des boisés privés,
il ne faudra pas laisser pour compte les propriétaires de
boisés qui, pour certaines raisons, n'adhéreront pas à ces
organismes, ni les citadins qui, eux aussi, ont droit à une assistance
technique sur le plan forestier. Il y aurait lieu de disposer peut-être,
au ministère des Terres et Forêts, d'un personnel
spécialement affecté à cette tâche.
L'Association forestière québécoise peut
certainement continuer à rendre de précieux services aux
propriétaires de boisés et au grand public, par
l'intermédiaire de l'information et de la vulgarisation
forestière.
Troisième recommandation: une impulsion accrue à la
politique de reboisement. Aucun territoire offrant des possibilités de
croissance forestière ne devrait demeurer improductif,
particulièrement les plus accessibles dont l'aménagement
polyvalent s'avère des plus rentables, écologiquement et
économiquement.
Les besoins en reforestation dépassent la capacité
actuelle de production des pépinières du gouvernement et nous
croyons que le ministère des Terres et Forêts devrait intensifier
davantage ses efforts dans le but de produire plus de plants de
reboisement.
La région des Cantons de l'Est en particulier, souffre d'une
pénurie de plants de reboisement et le développement d'une
pépinière d'envergure s'impose dans cette région.
Les recherches sur la culture des plants en récipients devraient
se poursuivre.
Le service de la recherche devrait entreprendre des recherches pratiques
sur le reboisement à l'aide d'essences feuillues pour pallier une lacune
de bois de qualité dans cette catégorie.
Un nombre suffisant d'ingénieurs et de techniciens forestiers
devrait assurer le contrôle et l'inspection périodique des travaux
de reboisement afin de prévenir et de minimiser les pertes dues aux
insectes, aux maladies et à divers facteurs physiques.
Des souhaits. L'Association forestière québécoise
souhaite la reconnaissance de ses états de service. Depuis 33 ans,
l'Association forestière québécoise oeuvre sans
relâche à la conservation du milieu forestier par le biais de
l'éducation populaire.
Son influence a été et demeure déterminante dans la
prise de conscience du public et des autorités face à la
détérioration de notre environnement.
Elle croit légitime de réclamer la reconnaissance de son
existence et de ses services dans les documents futurs du ministère des
Terres et Forêts traitant de l'éducation en conservation
forestière.
Le maintien de la collaboration établie avec le ministère
des Terres et Forêts.
L'Association forestière québécoise se
réjouit du fait que le ministère des Terres et Forêts
fournira une aide technique et financière aux organismes oeuvrant
à l'éducation en conservation. Nous croyons logique d'assurer
d'abord cette aide aux organismes privés à but non lucratif ayant
déjà fait la preuve du sérieux et de l'efficacité
de leur action.
L'Association forestière québécoise prétend
être de ceux-là. Déjà l'Association
forestière québécoise profite d'une très bonne
collaboration de la part du ministère des Terres et Forêts et elle
espère que ce dernier lui maintiendra son aide financière et
l'augmentera au besoin. Un budget plus substantiel permettrait à
l'Association forestière québécoise d'intensifier son
action particulièrement en augmentant son personnel permanent
spécialistes en éducation forestière pour mieux
répondre aux nombreuses sollicitations dont elle est l'objet entre
autres de la part des commissions scolaires et des services de loisirs, et pour
mettre de l'avant des projets d'éducation forestière à
l'intention des adultes.
Je vous remercie.
M. LE PRESIDENT (Pilote): La parole est au ministre des Terres et
Forêts.
M. DRUMMOND: Je veux remercier M. Grondin de son exposé.
Même si on déplore l'absence de trop de commentaires dans le livre
blanc sur l'Association forestière québécoise, je pense
que cette lacune s'est réglée aujourd'hui avec votre
exposé et aussi par le fait que nous avons accru nos budgets en ce qui
concerne notre appui à l'Association forestière
québécoise et peut-être plus particulièrement pour
le travail des jeunes 4-H, et je peux vous assurer de notre appui dans l'avenir
comme par le passé.
Maintenant, nous avons quelques questions à poser et je passe la
parole au député de Stanstead.
M. VAILLANCOURT: M. Grondin, votre document fait longuement valoir les
mérites de l'Association forestière québécoise. Il
est toujours intéressant d'apprendre à mieux connaître des
organismes tels que le votre. A titre d'information, pourriez-vous nous dire si
vous avez déjà évalué les répercussions de
vos activités sur la population, non en termes quantitatifs mais
qualitatifs.
M. GRONDIN: En éducation, il est toujours difficile
d'évaluer les résultats mais je crois que nous pouvons être
fiers quand même. Nous croyons que le travail effectué dans le
passé a pu influencer le comportement des Québécois. Si on
ne prend que notre mouvement des clubs 4-H qui a vu passer dans ses rangs
200,000 Québécois, ces jeunes-là, qui sont devenus des
adultes et j'en suis sont vraiment conscients de l'importance de
la forêt et des ressources naturelles et je suis certain qu'ils
connaissent leurs responsabilités vis-à-vis de ces
ressources.
M. VAILLANCOURT: Alors, c'est l'analyse que vous faites de la
répercussion que votre association peut avoir auprès de la
population.
M. GRONDIN: Evidemment, on parle des clubs 4-H, qui sont le moyen
d'action le plus spectaculaire actuellement, mais il reste que les nombreux
messages publicitaires par exemple à la radio et à la
télévision sont de nature à influencer le public, comme
les concours d'affiches, etc., et tous les petits détails qui entrent
dans cette mission d'éduquer la population en matière de
conservation forestière.
M. VAILLANCOURT: Une autre question. Est-ce que votre organisme a su
profiter de l'intérêt accru manifesté par la population
à l'égard de l'environnement? Dans cette optique, quels sont les
nouveaux projets que vous avez lancés depuis que les gens sont plus
attentifs à la conservation des ressources naturelles?
M. GRONDIN: Evidemment, s'occuper de la conservation de l'arbre et du
milieu forestier, c'est s'occuper de la conservation de l'environnement.
Comment pouvons-nous dire que nous nous occupons seulement de la conservation
de l'arbre et du milieu forestier, puisque l'arbre et la forêt au
Québec occupent une place prépondérante? S'occuper de
l'arbre, c'est s'occuper de l'environnement. Nos clubs 4-H, dans leur
programme, s'intéressent de plus en plus au nettoyage, aux campagnes
antipollution, etc. Nous avons depuis quatre ans des projets qui s'appellent
les projets Rallye-forêt, qui nous permettent de rejoindre plus
facilement les jeunes de la ville. Durant les mois d'été et de
printemps, on va chercher les jeunes dans les écoles et sur les terrains
de jeux pour les amener en forêt et les familiariser avec le milieu
forestier, avec leur environnement. Il s'agit de réconcilier les jeunes
et le public en général avec la nature. Le fait de planter des
arbres est une contribution extraordinaire à l'assainissement du milieu
et nous en avons planté des milliers et des milliers depuis les
débuts de l'association.
M. VAILLANCOURT: Une autre question. Pouvez-vous nous indiquer quelle a
été la contribution financière des ministères de
l'Education et des Richesses naturelles dans votre budget de 1971? Le
Haut-Commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports vous
accorde-t-il, lui aussi, des subventions annuelles?
M. GRONDIN: Oui. La contribution du haut-commissariat s'est accrue en
1971. Elle représente à peu près, je dirais, 15 p.c. du
budget.
M. LESSARD: Quel est votre budget?
M.VAILLANCOURT: De votre budget total?
M. GRONDIN: Le budget de l'an dernier se chiffrait à environ
$400,000.
M. VAILLANCOURT: Vous dites que c'est 15 p.c. de votre budget total. Ces
contributions venaient des ministères de l'Education et des Richesses
naturelles ainsi que du haut-commissariat.
M. GRONDIN: La contribution du gouvernement provincial
représentait 33 p.c. du budget de 1971.
M. VAILLANCOURT: Dans votre budget? M. GRONDIN: Oui.
M.VAILLANCOURT: Sur un budget de $400,000?
M. GRONDIN: Environ.
M.VAILLANCOURT: Et à quel endroit prenez-vous vos autres sources
de revenus?
M. GRONDIN: Il y a 25 p.c. qui proviennent de l'industrie
forestière, soit 15 p.c. des pâtes et papiers et 10 p.c. des
autres industries. Il y a 22 p.c. qui proviennent d'autres industries que les
industries forestières, les grandes compagnies, et à peu
près 20 p.c. du public.
M. VAILLANCOURT: Les contributions des cartes de membres?
M. GRONDIN: Oui, les cartes de membres.
M. VAILLANCOURT: Quel pourcentage de votre budget environ
représentent les cartes de membres?
M. GRONDIN: Cela ne pèse pas lourd. C'est $5.
M. LESSARD : Combien avez-vous de membres?
M. GRONDIN: Environ 7,000. Nous avons les filiales régionales qui
gardent une partie de la contribution et nous envoient le reste, parce qu'il
faut faire vivre les filiales régionales. Nous avons quand même
une collaboration du gouvernement qui est excellente, et si cette collaboration
financière augmentait, elle nous permettrait d'engager des
spécialistes en permanence dans toutes les régions et d'augmenter
ainsi sensiblement notre travail.
M. VAILLANCOURT: Combien avez-vous de membres dans votre association?
Vous avez dit 7,000?
M. GRONDIN: Environ.
M. VAILLANCOURT: Est-ce que cela comprend toute la province?
M. GRONDIN: Oui.
M. VAILLANCOURT: Est-ce que l'Association forestière des Cantons
de l'Est qui est à Sherbrooke est avec la vôtre?
M. GRONDIN: Oui. C'est une filiale régionale.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous avez terminé? Le
député de Lotbinière.
M. VAILLANCOURT: J'ai d'autres questions à poser. A la page 7,
vous dites que le succès de votre groupement dépend largement du
bénévolat des membres. Avez-vous déjà
évalué quelle est la proportion de ce bénévolat qui
est dispensée par des fonctionnaires travaillant pour l'Association
forestière québécoise sur le temps payé par le
gouvernement, comme pour la préparation de conférences,
l'organisation de congrès, les services de secrétariat, etc.?
M. GRONDIN: Nous ne l'avons pas évalué. Nous croyons que
tout citoyen, qu'il travaille au gouvernement ou ailleurs, doit apporter sa
participation à un organisme comme le nôtre qui travaille à
l'éducation du public.
M. VAILLANCOURT: Maintenant, à la page 6, votre mémoire
mentionne que le ministère des Terres et Forêts a octroyé,
en 1971, un montant de $52,400 à votre association et que cela
représente 13 p.c. de son budget total. Ce chiffre inclut-il la somme de
$46,000 que le ministère a payée pour les projets de
l'association concernant les étudiants?
M. GRONDIN: Non. L'an dernier, les projets estivaux étaient
administrés par le ministère des Terres et Forêts. Nous
avions charge d'organiser et de superviser les activités. C'était
un contrat de gérance. Cet argent a été mis sur des
projets spécifiques. Nous en sommes très heureux. Cette
année, nous avons eu l'administration. Je dois dire que nous avons
évité une lenteur administrative, ce qui nous a permis de payer
plus rapidement nos employés qui sont des étudiants. Cela a fait
le bonheur de tout le monde. Cela a accéléré,
intensifié et bonifié le travail.
M. VAILLANCOURT: Cela n'est pas inclus dans vos $400,000? C'est en
plus.
M. GRONDIN: L'an dernier?
M. VAILLANCOURT: Oui. La somme de $46,000 est en plus de votre budget de
$400,000?
M. GRONDIN: Oui.
M. LESSARD: C'était remboursé. C'était payé
à des étudiants.
M. GRONDIN: C'était payé directement. On n'en retirait
rien. On engageait des gens et on supervisait le travail.
M. VAILLANCOURT: Cela ne passait pas par votre association.
M. GRONDIN: Non, ce n'était pas administré chez nous. Cela
n'entrait pas dans nos livres.
M. VAILLANCOURT: Maintenant, le comité provincial
d'éducation, dont vous recommandez la création, devrait-il avoir
des pouvoirs de décision et devrait-il être capable d'imposer ses
décisions aux organismes impliqués, tant publics que
privés?
M. GRONDIN: Tout d'abord, c'est un comité consultatif, qui donne
des conseils. Nous sommes tout de même dans un pays démocratique.
J'imagine qu'un conseil comme celui-là pourrait intéresser tous
les organismes sérieux qui s'occupent de la conservation. Il y aurait
beaucoup d'avantages à se regrouper et à profiter les uns les
autres de l'expérience acquise, et aussi de profiter des services que le
ministère des Terres et Forêts met à notre disposition, par
sa direction générale de la conservation et plus
particulièrement par son service de l'éducation qui, nous le
croyons, devrait être encouragé davantage.
M. VAILLANCOURT: Ce serait seulement un comité qui ferait des
recommandations ou des suggestions?
M. GRONDIN: Oui.
M. VAILLANCOURT: Ce ne serait pas un comité de décision,
ce que vous suggérez.
M. GRONDIN: Non. C'est un comité consultatif.
M. VAILLANCOURT: C'est un comité consultatif seulement.
M. GRONDIN: Oui.
M. VAILLANCOURT: A part l'Association forestière
québécoise, qui serait vraisemblablement le premier organisme
invité à siéger à un tel comité, quels sont
les autres groupements privés d'éducation dont vous voyez la
représentation auprès du comité consultatif?
M. GRONDIN: J'en vois quelques-uns. Quand on parle de milieu forestier,
on parle des arbres et de tous les autres éléments: la faune, par
exemple. Il y a la Fédération québécoise de la
faune, les CJN certainement, et d'autres organismes dont je n'ai pas les noms.
On sait qu'il y a un tas d'organismes qui s'occupent ou veulent s'occuper de
conservation, qui ne sont peut-être pas d'envergure provinciale.
Là encore, l'inventaire de tous ces mouvements qui
existent pourrait être fait et ce pourrait être une
tâche de ce comité. Là, tout le monde veut faire de la
conservation, tout le monde essaie d'en faire et souvent en fait au petit
bonheur aussi.
M. VAILLANCOURT: Vous n'avez pas l'inventaire de ces organismes?
M. GRONDIN: Malheureusement non. C'est le temps qui manque, le personnel
et le nerf de la guerre.
M. VAILLANCOURT: Le temps et l'argent. M. GRONDIN: C'est exact.
M. VAILLANCOURT: Maintenant, pour le bénéfice des membres
de la commission, pourriez-vous résumer les résultats des
premières démarches entreprises auprès du ministère
de l'Education par votre association et la Corporation des ingénieurs
forestiers, concernant l'incorporation des notions de conservation à
tous les programmes scolaires?
M. GRONDIN: C'est simplement un début d'amorce. Il y a eu deux ou
trois rencontres avec les responsables de l'éducation des adultes, avec
la possibilité d'un cours pour adultes, cours du soir, mais c'est
simplement une amorce. Tout le monde sent le besoin d'avoir une
éducation à la conservation qui soit faite à tous les
niveaux scolaires. Il se fait des choses formidables mais je pense qu'il
pourrait s'en faire beaucoup plus encore.
M. VINCENT: A cet effet, M. le Président, si le
député de Stanstead me le permet, justement, je voulais poser une
question dans ce domaine particulier, est-ce qu'il y a eu des rencontres avec
le ministère de l'Education, surtout en ce qui concerne les programmes
scolaires? Pour faire de l'éducation comme vous le suggérez, de
la maternelle à l'université, est-ce qu'il y a eu des rencontres
avec le personnel du ministère de l'Education?
M. GRONDIN: Non, pas de la part de notre organisme. Il y a eu des
résolutions qui ont été envoyées au
ministère de l'Education, mais cela n'a pas été suivi de
rencontres. Peut-être que le ministre des Terres et Forêts peut
m'éclairer, est-ce qu'il n'existe pas, actuellement, une commission
à laquelle siègent des représentants du ministère
des Terres et Forêts quant aux cours se donnant aux différents
niveaux scolaires? Les cours de conservation, par exemple?
M. DRUMMOND: Vous parlez du niveau primaire?
M. GRONDIN: Oui, du niveau primaire et du niveau secondaire.
M. DRUMMOND: En ce qui concerne tous les aspects forestiers, il y a un
tel comité.
M. GRONDIN: Oui.
M. DRUMMOND: Je pense que cela ne descend pas au niveau primaire dans
l'aspect dont vous parlez dans le document.
M. VINCENT: Est-ce que l'association a eu l'occasion de faire un
inventaire? Par exemple allez-vous dans une école régionale,
pouvez-vous faire l'inventaire de la première année jusqu'au
niveau secondaire V, faire un inventaire de ce qui se donne dans les cours du
ministère de l'Education dans nos écoles? Est-ce qu'on a fait cet
inventaire-là?
M. GRONDIN: Non. Cet inventaire-là n'est pas fait comme je le
disais tout à l'heure. C'est un manque de personnel, de temps, et
d'argent, c'est évident. Mais on sait qu'il y a des initiatives qui se
prennent depuis quelques années et c'est attribuable à des
commissions scolaires mais surtout à des professeurs qui vont, par
exemple, organiser des classes vertes, ou des classes de neige. On en voit de
plus en plus, mais ce qui est malheureux, c'est que, dans la plupart de ces
classes de neige et de ces classes vertes, on emmène les jeunes en
forêt, on fait une demi-journée de cours et une
demi-journée d'excursion ou de sport en plein air et que l'on
néglige de faire découvrir le milieu aux jeunes qui participent
à ces classes.
M. VINCENT: Vous parlez d'un manque d'argent; comme l'on sait, il y a eu
beaucoup de programmes de Perspectives-Jeunesse au cours des deux
dernières années, de bons programmes, des programmes
médiocres, des programmes pas bons du tout, en cherchant les origines de
telles expressions. Est-ce que l'Association forestière a
patronné ou encore a fait des démarches pour faire faire
justement des recherches en vertu de ces programmes de Perspectives-Jeunesse,
au cours de la période d'été, par des
étudiants?
M. GRONDIN: Non. Je regrette de le dire, c'est non. Disons qu'on a
été accaparé par les projets que nous avions en
collaboration avec le ministère des Terres et Forêts
jusqu'à maintenant.
M. VINCENT: Maintenant, on ne veut pas...
M. GRONDIN: Dans l'avenir et l'an prochain, les autres années, si
Perspectives-Jeunesse se poursuit, on a l'intention, justement, de patronner
des groupes d'étudiants pour faire des recherches comme
celles-là.
M. VINCENT: Maintenant, je ne voudrais pas que les membres de la
commission parle-
mentaire deviennent des conseillers de l'association, mais je pense
qu'il y a là un point qu'il faut exploiter.
M. GRONDIN: Toutes les suggestions sont bonnes.
M. VINCENT: Je pense qu'il y a là une avenue qu'il faut
exploiter, surtout par vos associations et, deuxièmement, j'ai
simplement une petite suggestion à faire après avoir
rencontré de jeunes retraités, ingénieurs forestiers ou
personnes responsables qui ont travaillé pour des compagnies, pour des
ministères et qui sont à leur retraite présentement. Ils
seraient prêts à donner leur temps à des associations comme
la vôtre pour faire de l'éducation populaire. Or, je crois que,
jusqu'à présent, on a oublié d'aller puiser dans ce
réservoir très important de compétences qui sont là
à se tourner les pouces parce qu'ils reçoivent une pension soit
de l'Etat, ou une pension d'un autre régime de rentes. Je pense qu'il y
a là deux avenues : les programmes offerts soit par le gouvernement
fédéral ou d'autres paliers de gouvernement, et également
aller chercher, puiser dans le réservoir de ces compétences de
jeunes retraités qui seraient prêts à rendre des services,
pas seulement à votre niveau des forêts ou de la conservation,
mais à d'autres niveaux également. Ce sont simplement deux
suggestions que je fais.
M. GRONDIN: Je vous remercie.
M. VAILLANCOURT: M. Grondin, à la page 12 de votre
mémoire, vous mentionnez une assistance technique adéquate
auprès des propriétaires de boisés, quel genre de
collaboration l'association forestière pourrait-elle offrir aux
associations régionales de sylviculteurs dont la formation est
préconisée par le ministère des Terres et
Forêts?
M. GRONDIN: Je crois que ce sont des choses qui peuvent être
discutées à une table avec les gens de l'association
régionale de sylviculteurs. Il y a peut-être moyen de s'entendre
avec eux et il faut dire que, jusqu'à maintenant, dans plusieurs
régions, les associations forestières ont eu des contacts assez
étroits avec les propriétaires de boisés. Ils sont
habitués aux gens de l'association forestière, et je pense que
c'est un atout à ne pas négliger, pour les associations
régionales de sylviculteurs.
M. VAILLANCOURT: Vous n'avez aucune suggestion précise?
M. GRONDIN: Non, pas précise, peut-être au niveau de
l'information et de la vulgarisation forestière, comme je le mentionne
en bas de la page 12.
M. VAILLANCOURT: Maintenant, à la page 13, croyez-vous que
l'objectif du ministère des
Terres et Forêts visant à produire 60 millions de plants
par année serait suffisant pour satisfaire les besoins de
reforestration?
M. GRONDIN: Permettez-moi de vous référer à un
article de l'ancien directeur du service de la restauration, qui parlait d'une
production de 500 millions de plants par année et je pense que 60
millions, c'est bien et que le ministère fait des efforts pour y
parvenir.
Mais on aura toujours besoin d'un très grand nombre de plants de
boisement et j'espère que le jour où l'on pourra répondre
à toutes les demandes, arrivera bientôt.
M. GIASSON: Si le député de Stanstead le permet, nous
avons touché la partie du mémoire qui fait allusion au
reboisement ou à une politique de reboisement au Québec. Dans
l'esprit de l'association et de ceux qui la représentent, lorsqu'on
parle de reboisement, est-ce que vous avez à l'idée un
reboisement qui serait fait en fonction de l'ornementation, de la protection du
milieu, c'est-à-dire tenter de combattre l'érosion sur certains
terrains par des plantations? Ou a priori, cette politique de reboisement
vise-t-elle à redonner à la forêt de vastes territoires qui
sont parmi les plus productifs au Québec parce que situés
près des zones populeuses et avantageux au point de vue du climat, en
vue de récupérer ce qui avait été conçu
comme un terrain à vocation agricole et récupéré
à la forêt, parce que assurément sa vocation est
forestière? Est-ce que cette politique de reboisement peut s'appliquer
dans des parcelles où il y a eu exploitation forestière,
parcelles dans lesquelles on pourrait croire qu'un reboisement serait plus
rapide et donnerait plus de résultats qu'un reboisement naturel?
M. GRONDIN: Il ne s'agit pas de se prononcer pour une politique
quelconque, parce qu'on n'est pas un organisme pour se prononcer pour une
politique quelconque, mais on croit que le ministère a beaucoup de pain
sur la planche au sujet du reboisement. Je vais vous répondre par un
exemple: nous avons une filiale qui s'appelle l'Association de la vallée
de la Rouge et qui justement travaille à reboiser les terrains qui sont
devenus incultes à la suite de l'agriculture dans le nord de
Montréal; à ce jour, elle a fait planter au-delà de dix
millions d'arbres et ce reboisement doit évidemment s'effectuer sur les
terrains qui sont les plus productifs, les plus accessibles, les plus
près des usines et des centres habités. Quant à savoir
s'il faut reboiser les terrains forestiers, je crois qu'il y a probablement
lieu dans certains cas de le faire mais c'est au ministère, je crois, de
le décider.
M. GIASSON: Mais vous n'avez pas de principe particulier sur lequel vous
avez fait une étude plus poussée de ce
côté-là?
M. GRONDIN: Non, nous sommes...
M. GIASSON: Une politique de reboisement à telles fins ou
à telles autres fins?
M. GRONDENT: Non. Nous sommes un organisme d'éducation populaire.
Nous constatons les choses et nous faisons des commentaires.
M. GIASSON: Comme cela, vous n'avez pas fait de recherche non plus sur
les expériences de coupes sélectives qui se sont faites à
certains endroits au Québec?
M. GRONDIN: Non, ce n'est pas du ressort de notre association.
M. VAILLANCOURT: M. Grondin, pensez-vous qu'on devrait envisager une loi
coercitive en matière de reboisement dans le but de pallier les besoins
en bois et en espaces boisés dans certaines régions?
M. GRONDIN: Voulez-vous répéter, s'il vous
plaît?
M. VAILLANCOURT: Est-ce qu'on devrait envisager une loi coercitive en
matière de reboisement dans le but de pallier les besoins en bois et en
espaces boisés de certaines régions?
M. GRONDIN: Vous me demandez de dicter au gouvernement ce qu'il faut
faire?
M. VAILLANCOURT: Je demande votre opinion. Ce sont des
suggestions...
M. GRONDIN: Non, il faut toujours commencer par des mesures
incitatrices. Quand à décider si c'est pour le bien commun,
là je laisse au ministère le soin de le déterminer
lui-même.
M. VAILLANCOURT: Quelle est l'opinion de votre association
là-dessus? Croyez-vous que le gouvernement devrait avoir une loi ou que
ce soit laissé à la discrétion de tout le monde?
M. LESSARD: J'aurais une question peut-être plus
générale, si vous le permettez. Pourquoi semblez-vous, depuis le
début, vous refuser à donner certaines politiques au
ministère? Vous avez très peu parlé, par exemple, dans
votre mémoire, du tome II du livre blanc, vous avez très peu
parlé de la réforme administrative dans laquelle s'engage
actuellement le gouvernement et là on vous pose des questions.
Je comprends que vous êtes strictement un organisme
d'éducation populaire, mais, comme organisme d'éducation
populaire, vous devez avoir quand même certaines politiques
précises concernant la conservation de la forêt, concernant
l'exploitation de la forêt? Encore là, je trouve cela assez
regrettable, l'Association forestière québécoise semble
refuser de préciser des politiques. Est-ce que c'est parce que votre
budget gouvernemental est trop fort?
M. GRONDIN: Il n'en est pas question. Nous croyons que, pour faire de
l'éducation populaire comme nous le faisons, nous devons éviter
de faire de la politique. Ce n'est pas un terrain facile. C'est la ligne neutre
et c'est la plus difficile à suivre. Mais je crois que pour le bien
général de la population et pour les objectifs que nous
poursuivons, nous n'avons pas à nous prononcer pour une façon ou
une autre d'exploiter la forêt comme telle, à moins que la
conservation du milieu forestier soit vraiment mise en danger. Là, il
faudrait peut-être faire des jugements d'intention ou des jugements de
valeur qui sont hors de notre ressort.
M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.
M. BELAND: A moins que l'honorable député n'ait encore
d'autres questions à poser...
M. VAILLANCOURT: Oui, j'en ai encore, à la page 14.
M. BELAND: Je vais le laisser finir.
M. VAILLANCOURT: M. Grondin, ne croyez-vous pas que la reconnaissance
par le ministère des Terres et Forêts des états de service
de votre association est implicite, de par l'intérêt que lui
portent le ministre, par sa participation à vos congrès, le
ministère, par son assistance financière, technique et
matérielle, et surtout les fonctionnaires, par leur dévouement
soutenu?
M. GRONDIN: Oui, c'est implicite. J'approuve la précision que
vous apportez. Nous avons toujours exprimé au ministre et à ses
collaborateurs le plaisir que nous avions de travailler avec eux au
bien-être de la population. Toutefois, quant à l'importance du
livre blanc, qui marque une étape importante dans les politiques que le
gouvernement veut prendre, je pense que nous avions droit d'être
offusqués que le nom de l'association forestière ne soit pas
mentionné, même si ce lapsus est involontaire. Nous devions
signaler que nous existions, que nous avons rendu des services, que nous en
rendons et que nous sommes prêts à continuer à en rendre.
On nous a reproché de ne pas nous prononcer sur des politiques, tout
à l'heure. Je pense que vous conviendrez, messieurs, que
l'éducation est très importante et même primordiale et que,
dans les tomes I et II, on a parlé un peu d'éducation, pas assez
à notre goût, c'est peut-être pourquoi notre intervention
arrive comme elle arrive.
M. VAILLANCOURT: Mais vous êtes d'accord qu'au ministère
que ce soit le ministère, le ministre ou les fonctionnaires
on a été assez gentil à l'égard de votre
association?
M. GRONDIN: Oui, je le souligne d'ailleurs.
Nous avons eu une très bonne collaboration de la part du
ministère des Terres et Forêts et je le répète, je
le réitère, même une excellente collaboration.
M. VAILLANCOURT: La seule chose que vous avez à reprocher,
probablement, c'est que vous n'avez pas été mentionnés
dans le livre blanc.
M. GRONDIN: Peut-être et aussi de ne pas insister davantage sur
l'éducation forestière populaire. Nous nous sommes réjouis
de la création d'une direction générale de la conservation
et d'un service de l'éducation. Nous avons travaillé avec les
gens qui sont affectés au service de l'éducation. Il y a
énormément de travail à faire. Nous ne serons jamais assez
nombreux, au gouvernement et dans les organismes privés, pour faire de
l'éducation populaire. Nous croyons que les gens qui travaillent au
service de l'éducation présentement sont débordés
par des problèmes de cuisine, si vous voulez, et qu'ils n'ont
peut-être pas assez de temps, peut-être parce qu'ils ne sont pas
assez nombreux et que, là aussi, les budgets sont limités, pour
penser un plan d'ensemble pour l'éducation forestière. Nous
serions les premiers à nous réjouir de la création d'un
comité provincial de l'éducation en conservation
forestière, dont l'initiative serait prise par la direction
générale de la conservation au ministère des Terres et
Forêts.
M. VAILLANCOURT: Mais sous quelle forme aimeriez-vous voir le
ministère des Terres et Forêts accroître la collaboration
qu'il accorde aux organismes oeuvrant dans le secteur de l'éducation en
conservation?
M. GRONDIN: Je pense que ce qui est écrit dans le tome II
je crois que c'est à la page 106, on parle d'une banque d'information,
etc., et d'aide pécuniaire et autre déjà c'est tout
un programme et je souhaite que le ministère puisse continuer à
le réaliser et à l'intensifier. Tout est là! Il faut
donner aussi les moyens au service de l'éducation de remplir la mission
pour laquelle il a été créé.
M. VAILLANCOURT: Quelle est la nature des projets d'éducation
forestière que vous songez mettre de l'avant à l'intention des
adultes?
M. GRONDIN: C'est toujours plus difficile de ce côté. Nous
avons présentement un projet d'émission à la
télévision communautaire à Québec et à
Montréal, une série de 13 émissions. Nous pensons aussi
à une façon de rejoindre les gens sur les terrains de camping. De
quelle façon? Il s'agit de la déterminer. Ce sont des projets qui
sont dans l'air. Mais chose certaine, c'est qu'il faut aller rejoindre les gens
des villes, de toutes les façons, par la radio, par la
télévision, par des concours. Ce sont ces gens qui, disons
à 80 p.c. peut-être 85 p.c, habitent Montréal et
Québec et les grands centres, et vont se détendre et parfois,
hélas, se défouler en forêt. Ce sont ces gens qu'il faut
rejoindre et éduquer. Et ensemble, avec le ministère des Terres
et Forêts et avec un comité comme celui-là, on pourrait
penser les projets et les partager entre les organismes.
Telle sorte d'activité serait du ressort du ministère et
telle autre de l'Association forestière québécoise, telle
autre de la Fédération québécoise de la faune, etc.
On sent le besoin de mettre de l'ordre dans tout cela et d'essayer de prendre
un bon départ, d'essayer de pallier toutes les déficiences qui
existent dans le domaine de l'éducation en conservation.
M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.
M. BELAND: Je pense qu'en premier lieu il convient de féliciter
l'Association forestière québécoise pour le magnifique
travail qu'elle a fait depuis plusieurs années, entre autres dans le
domaine rural. Comme propriétaire d'une ferme sylvicole, cela m'a
stimulé, à certains moments, d'avoir la possibilité de
discuter avec des personnes qui étaient sous votre autorité, pour
améliorer les travaux sylvicoles, en somme, l'arbre, en quelque
sorte.
Vous avez mentionné tantôt qu'une forte partie de la
population va en forêt pour se défouler. C'est un peu cela et
grâce au travail magnifique fait par l'intermédiaire des clubs 4-H
et leurs dirigeants, je pense que l'on change complètement la
mentalité des jeunes aujourd'hui en ce qui concerne la forêt,
parce que, quand on parle de forêt, on parle d'êtres
végétaux avec qui on peut dialoguer, si vous me permettez de
m'exprimer d'une telle façon.
En somme, j'en arrive à une question bien précise. Je
comprends que vous ne voulez pas vous mouiller les pieds en ce qui concerne les
politiques à préconiser au ministère, mais est-ce qu'il
serait souhaitable qu'il y ait un territoire de X milles carrés qui
serait à votre disposition pleine et entière, terrain sur lequel
pourraient travailler d'une façon ordonnée les 4-H; travail
d'enseignement, d'éducation, travail pour l'amélioration de
certains secteurs à titre expérimental et qui constituerait
quelque chose qui manque aux adultes pour leur prouver qu'à un moment
donné il y a possibilité de récupérer
peut-être le double, peut-être le triple de ce qu'ils
récupèrent dans leur boisé privé?
Est-ce qu'il serait souhaitable qu'il y ait un territoire donné
comme tel et qui serait mis à votre disposition pour X années, je
ne sais trop, que vous seriez chargés d'administrer et par lequel vous
pourriez enseigner d'une façon complète le culte de la
forêt sous tous ses angles et à plusieurs niveaux
d'éducation?
M. GRONDIN: Oui. Je dois dire que plu-
sieurs de nos clubs 4-H ont des terrains actuellement. Avec le service
des terres, ils ont pu obtenir deux ou trois acres pour y travailler et y faire
des camps. Maintenant, il faut dire que c'est de l'éducation populaire
et que nos jeunes qui ont de 10 ans à 20 ans la moyenne
d'âge est de 14 ans peuvent faire certains travaux sylvicoles,
mais il y a des travaux sylvicoles qui les dépassent grandement. Je
crois que le service de la forêt rurale donne des journées de
démonstration actuellement pour les propriétaires de lots
boisés. Ils ont, eux, les spécialistes de travaux sylvicoles.
Nous faisons de l'animation, de l'éducation. On collabore à ces
journées-là. On a même organisé les associations
forestières, mais toujours en collaboration avec les officiers du
service de renseignements forestiers, autrefois; maintenant, c'est le service
de la forêt rurale.
M. BELAND: Merci.
M. BEAUDOIN: Je pourrais ajouter que nous avons également une
demande de la région de l'Outaouais, justement pour obtenir un terrain
pour faire le genre d'expérimentations dont vous parlez.
M. GRONDIN: Il est certain que l'Association forestière
québécoise ou une de ses filiales pourrait patronner un projet
comme celui-là, je le pense.
M. LE PRESIDENT: Le député de Laviolette.
M. CARPENTIER: Considérant la collaboration très
étroite que vous avez toujours donnée aux compagnies et à
tous les détenteurs de boisés et également les services
que ces derniers ont pu vous rendre à différents paliers en
fournissant des montants pour l'administration de votre société
et ainsi de suite, est-ce que, dans le livre blanc, lorsque vous entendez
parler de l'abolition des concessions forestières, ça vous fait
peur un peu?
M. GRONDIN: Je vais m'abstenir de commentaires. J'en aurais
personnellement, mais, au nom de l'association, je préfère
m'abstenir de commentaires.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.
M. LESSARD: M. le Président...
M. GRONDIN: Il semble que ce soit une obsession parmi les membres de la
commission.
M. LESSARD: ... nous sommes quand même à étudier
l'une des réformes fondamentales, peut-être l'une des grandes
réformes qui est en train de se faire dans la forêt depuis
passablement longtemps. On a commencé, en 1965, à étudier
le problème forestier et là, enfin, on a décidé de
faire une commission parlementaire pour étudier ce
problème-là. Pour ma part, je juge qu'une association comme la
vôtre une association d'éducation parce que l'exploitation
forestière a des implications concernant la conservation qui est
censée être neutre aurait dû je crois, en tout cas,
je peux me tromper, même si c'est une association d'éducation
présenter au moins certaines suggestions à la commission
parlementaire des terres et forêts. Cependant, je voudrais au moins, sur
quelque chose que vous devez connaître puisque vous avez
prôné les fermes forestières, savoir si vous avez
prôné le développement de ces fermes
forestières-là à partir d'études de
rentabilité économique. Est-ce que vous avez fait des
études?
M. GRONDIN: On a toujours travaillé en collaboration avec les
ingénieurs forestiers du service de la forêt rurale qui, eux,
fournissaient justement les études de rentabilité. Nous avons
été un peu les intermédiaires ou les publicistes
auprès des propriétaires de boisés, mais aucune ferme
forestière n'est reconnue sans l'approbation d'un ingénieur
forestier du ministère des Terres et Forêts.
M. LESSARD: Est-ce que vous croyez que l'exploitation de telles fermes
forestières peut être rentable?
M. GRONDIN: A long terme.
M. LESSARD: Une autre chose, est-ce que vous avez pris connaissance du
rapport de l'UCC qui a été préparé par le Dr
Lussier concernant le programme de réorganisation d'activités
forestières rurales?
M. GRONDIN: Nous l'avons lu en diagonale. M. LESSARD: Puis vous n'en
pensez rien?
M. GRONDIN: Ecoutez, est-ce que cela a rapport avec l'éducation
forestière populaire?
M. LESSARD: Bien, l'exploitation de la forêt, parce que vous
êtes un organisme qui se préoccupe de la conservation et
l'exploitation de la forêt, à mon sens, a énormément
d'implications en ce qui concerne la conservation. J'accepte quand même
vos réticences, mais un peu comme je le disais tout à l'heure
à la Fraternité internationale du papier du Québec, j'aime
bien, à un moment donné, que toute association ait l'occasion,
dans un pays démocratique, d'exprimer son opinion sur une réforme
qui est aussi importante que celle-là. Mais, malheureusement, au moins
dans deux rapports que nous avons reçus ce matin, il semble qu'on tourne
en rond, que les gens ne semblent pas vouloir, en tout cas, prendre conscience
que c'est important, cette réforme-là, puis vouloir exprimer
véritalement leurs opinions sur cette réforme-là.
Alors, j'accepte vos réticences.
M. GRONDIN: Nous croyons qu'il y a d'au-
très organismes comme le nôtre qui doivent se prononcer
là-dessus et qui sont en mesure de le faire, mais il y en a combien qui
se sont prononcés, qui ont parlé d'éducation
forestière populaire?
M. LESSARD: Je suis bien d'accord avec vous.
M. GRONDIN: Il fallait qu'il y ait au moins une association qui en parle
et nous sommes fiers de l'avoir fait.
M. LE PRESIDENT: Je remercie M. Beaudoin ainsi que M. Grondin de leur
mémoire, et surtout de la façon qu'ils l'ont
présenté et ont répondu à presque toutes les
questions. Au nom de la commission, je les félicite de leur excellent
travail auprès des jeunes et au point de vue éducatif.
La séance ajourne ses travaux à demain dix heures.
(Fin de la séance à 18 h 1)
Séance du mercredi 23 août 1972 (Dix
heures treize minutes)
M. PILOTE (président de la commission permanente des richesses
naturelles et des terres et forêts): A l'ordre!
Ce matin, nous devions entendre, en premier lieu, le Conseil des
producteurs de pâtes et papiers du Québec,
représenté par M. Lachance; en deuxième lieu,
l'Association forestière des Cantons de l'Est Inc.,
représentée par M. Bédard et, en troisième lieu, la
Confédération des syndicats nationaux, représentée
par M. Jean Thibeault.
A la suite d'une demande de M. Pepin, qui est à la table de
négociations, pour passer ce matin puisqu'il y avait des
négociations cet après-midi, les deux autres groupes ont bien
voulu accepter que la CSN passe ce matin.
Je cède la parole à M. Pepin.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président...
M. LE PRESIDENT: Oui.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... nous avons reçu, de la
Confédération des syndicats nationaux, un mémoire
daté du 20 juillet. Il y a un autre mémoire qui est du 23
août 1972. Est-ce celui-ci que nous allons, ce matin, entendre?
M. LE PRESIDENT: C'est celui du 23 août.
Confédération des syndicats
nationaux
M. PEPIN: Oui, M. le Président. La base même, c'est celui
du mois de juillet. Nous avons profité du temps entre le
dépôt et la présentation pour faire des corrections de
texte et des révisions. Mais, dans le fond même, il n'y a rien de
substantiellement changé entre celui que vous avez reçu et celui
que nous vous remettons ce matin comme étant une version
révisée. Une recommandation est ajoutée: c'est une
recommandation pour former une régie de mise en marché. Je pense
que vous retrouverez à peu près exactement la même chose,
quant au fond; il y a peut-être des corrections qui ont été
apportées.
Alors, je pense que les députés, qui ont eu l'occasion de
lire le mémoire, n'auront pas besoin de lire celui-ci au complet pour
faire leur travail et pour poser les questions qu'ils auront à
poser.
M. LE PRESIDENT: La parole est à M. Pepin. Si vous voulez vous
placer au centre, s'il vous plaît. Avant que ne débutent les
travaux, je voudrais mentionner que le député de Beauce remplace
le député d'Abitibi-Est.
M. PEPIN: M. le Président, M. le ministre, MM. les
députés. Je voudrais d'abord remercier
les deux autres associations qui ont accepté que nous puissions
présenter notre mémoire avant elles, en raison des circonstances
que le président a expliquées. Il est exact que, cet
après-midi, je devrai être à la table de
négociations des secteurs public et parapublic. Comme ces
négociations trament depuis déjà assez longtemps, je pense
que, plus nous pouvons accélérer les débats, mieux cela
est pour les salariés et aussi pour l'ensemble de la province.
Comme je l'ai indiqué précédemment, la version
revisée de notre mémoire, substantiellement, est de même
portée et de même allure que ce que nous avions
déposé au mois de juillet dernier. Nous y avons ajouté
certaines références plus explicites pour que les
députés puissent faire leur travail dans ce sens.
Je voudrais aussi adresser une requête aux membres de la
commission et au président. Au lieu de lire intégralement le
mémoire, comme nous l'avons d'ailleurs fait dans d'autres circonstances,
nous demandons que le mémoire soit annexé au journal des
Débats sans que nous ayons à en donner une lecture
complète. De cette façon, tout le monde saura ce que nous avions
à dire et ce que, effectivement, nous aurons dit devant la commission,
puisque le journal des Débats reproduira textuellement le
mémoire. C'est la requête que je voulais adresser au
président.
M. le Président, c'est une requête que je formule pour que
le texte du mémoire soit inscrit au journal des Débats sans que
nous ayons à le lire, pour ne pas faire perdre de temps aux membres de
la commission. Nous avons procédé ainsi dans plusieurs autres
circonstances, devant les commissions parlementaires. Lorsque nous avions un
mémoire assez volumineux, au lieu de le lire au complet, nous demandions
qu'il soit inscrit au journal des Débats. Tout le monde peut alors en
prendre connaissance. Si vous préférez que nous le lisions, nous
le lirons.
M. LE PRESIDENT: Y aurait-il possibilité d'avoir un
résumé de ce mémoire, quitte ensuite à le faire
inscrire au journal des Débats?
M. PEPIN: Oui, oui. S'il n'est pas au journal des Débats comme
tel, je serai quasiment obligé de le lire. Si vous acceptez qu'il soit
au journal des Débats, je n'en ferai pas la lecture. J'en ferai un
résumé et vous donnerai le sens profond de nos requêtes et
de nos demandes.
M. LE PRESIDENT: D'accord. M. PEPIN: D'accord? Merci.
M. BELAND: M. le Président, dans ce cas, y aura-t-il lecture des
recommandations?
M. PEPIN: Les recommandations seront aussi au journal des Débats.
Elles sont à la fin du mémoire. Il y en a onze. Même si
c'est marqué qu'il n'y en avait seulement dix, nous avons apporté
cette correction. Si vous désirez que je fasse la lecture des
recommandations, je pourrai la faire.
M. LE PRESIDENT: Les gens qui sont passés hier avaient un
résumé. C'est uniquement le résumé qui a
été inscrit au journal des Débats. Nous ne voudrions pas
ici, disons, créer des précédents. Vu que vous-même
vous allez faire un résumé verbal, ce résumé sera
implicitement dans le journal des Débats. A cause du coût que cela
représente pour le gouvernement, le fait de mettre 60 pages
supplémentaires dans le journal des Débats, je vous demanderais,
dans votre exposé, de faire un résumé assez complet et ce
sera dans le journal des Débats.
M. VINCENT: M. le Président, avant de procéder à la
lecture de ce mémoire ou à la lecture d'un résumé,
je voudrais, pour mon information personnelle et également l'information
des membres de la commission, savoir si d'autres mémoires que celui
qu'on va nous lire ont été reçus après le 1er
juillet?
Si on se souvient bien, à la dernière séance de la
commission des terres et forêts, le 20 juin, nous avions mentionné
que la date limite était le 1er juillet 1972. Et en ce qui nous
concerne, nous n'avions pas reçu le mémoire de la CSN daté
du 20 juillet. Nous avions reçu tous les autres mémoires
datés avant le 1er juillet, mais nous n'avions pas reçu
celui-là qui est entré d'après ce que je vois
le 20 juillet.
M. DRUMMOND: Nous avons reçu une demande de la CSN avant le 1er
juillet, disant qu'elle serait un peu en retard avec le dépôt de
son document à cause de certains problèmes internes. Nous avons
accepté.
M. VINCENT: Le ministre lui-même et d'autres membres de la
commission avaient arrêté cette date au 1er juillet. Je voulais
savoir si d'autres mémoires viendront s'ajouter aux mémoires que
nous avions reçus avant le 1er juillet.
M. DRUMMOND: Je pense que nous les avons tous reçus à ce
jour. Il y en a peut-être un ou deux qui sont entrés en retard,
mais nous en avons été avertis avant le 1er juillet. Le choix
était d'entendre ces mémoires ou non. Le choix a
été fait. Nous avions été avertis, même si le
mémoire n'était pas reçu, et il y avait assez de temps
avant la reprise de la commission. Cela semblait la meilleure chose à
faire.
M. VINCENT: Est-ce que nous pourrions avoir les autres mémoires
qui sont arrivés après le 1er juillet?
M. DRUMMOND: Je pense que nous les avons.
M. VINCENT: Je ne pense pas que les membres de la commission les aient
encore.
M. DRUMMOND: Tous les mémoires ont été
reçus.
M. VINCENT: A la commission ici, mais les membres ne les ont pas
eus.
M. LE PRESIDENT: Le secrétaire me mentionne ici qu'on a eu des
problèmes avec la poste, que des mémoires sont arrivés en
retard. Les mémoires étaient envoyés au gouvernement du
Québec, mais on ne connaissait pas le nom de Jacques Pouliot à la
poste, c'est pourquoi il y a eu des retards.
M. VINCENT: D'accord, s'il n'y a pas d'autres mémoires. C'est
simplement pour...
M. LE PRESIDENT: La parole est à M. Pepin.
M. PEPIN: Merci. Je voudrais aussi signaler qu'assistent à la
présentation de ce mémoire plusieurs membres de notre
organisation, incluant le vice-président qui est aussi président
de la Fédération des pâtes et papiers, mon confrère
Victor Dahl, qui est à mes côtés.
Je voudrais aussi dire à la commission que si des questions sont
posées sur des points donnés, j'essaierai bien sûr d'y
donner une réponse, mais dans certains cas ceux qui sont avec moi, ayant
préparé d'une manière plus précise ce
mémoire, pourront donner aussi les réponses que les
députés s'attendent de recevoir.
M. le Président, MM. les membres de cette commission. Je crois
que la thèse de fond que nous développons dans ce cas-ci pourrait
être taxée par certains comme étant une thèse
idéologique et on aura alors tendance à la rejeter pour cette
raison.
Je voudrais vous dire que, dans un cas comme celui-ci, je n'ai pas
besoin de faire appel à un caractère idéologique, pas du
tout. Je pense que plusieurs autres raisons militent en faveur du fait que le
Parlement reçoive des recommandations que nous formulons avec sympathie.
Nous aurions pu entrer dans le sillon ordinaire et dire que nous appuyons les
compagnies qui réclament, la plupart du temps, une aide
supplémentaire, des subventions plus généreuses, des
allégements fiscaux ou encore d'autres formes d'aide
pécuniaire.
Cela aurait pu être aussi sous le couvert apparent d'aider
davantage les travailleurs, de procéder ainsi. Telle n'est pas, quant
à nous, la pensée que nous avons. Nous croyons que, dans
l'état actuel des choses, si nous continuons à réclamer et
à obtenir uniquement des abattements fiscaux d'une nature ou de l'autre,
ce sera sans fond. Je pense que le gouvernement qui accepterait qu'il en soit
ainsi rendrait un très mauvais service aux compagnies, aux travailleurs
et, bien sûr, à la collectivité.
Je crois donc que, lorsque nous examinons ce problème, il faut le
prendre d'une manière un peu particulière. Les
députés peuvent, bien sûr, se dire: Nous n'avons pas
été élus pour changer tout un système forestier.
Les députés peuvent se dire: La situation qui prévaut
depuis des années et des années, au-delà de 50 à 75
ans, mérite tout simplement d'être corrigée de temps
à autre, mais le fond même de la situation devrait rester tel
qu'il est là.
Je pense au contraire qu'à l'heure actuelle la situation est
tellement grave dans cette industrie que les députés doivent
accepter d'en faire un examen très en profondeur. Ils doivent apporter
des changements radicaux et non pas uniquement des cataplasmes face à
une situation aussi malcommode que celle que nous avons
présentement.
Voilà pourquoi il me semble aussi que même les compagnies,
à moins qu'elles n'acceptent de dire qu'il y aura une conjoncture
économique extrêmement favorable et pour très longtemps ne
pourraient s'en tirer sur une plus longue période avec la situation
présente.
Pour elles, constamment demander des avantages pécuniaires de la
part du gouvernement pour que ça puisse arriver et que leurs dollars
puissent être rentables, constamment venir devant le gouvernement pour
procéder ainsi, à long terme, il est clair que cela ne pourra pas
tenir. Le gouvernement ne peut pas être toujours de plus en plus
généreux pour cette industrie, uniquement pour favoriser un
certain nombre de propriétaires.
Au contraire, à mon avis, il doit s'organiser pour exploiter
lui-même, comme Etat, comme nation québécoise, les
forêts, qui sont la propriété de l'ensemble de la
population. Réclamer non pas qu'il y ait nationalisation parce
que dans un cas comme celui-là on ne peut tout de même pas
nationaliser ce qui nous appartient mais réclamer que ce soit
l'Etat qui exploite, qui gère tout le domaine forestier, je ne pense pas
que ce soit révolutionnaire mais c'est vraiment être uniquement
réaliste dans les circonstances.
Est-il raisonnable ou déraisonnable que nos forêts
appartiennent à l'Etat et que ce soit l'Etat qui gère et exploite
ses forêts? Plutôt, on perpétue la situation actuelle, on
laisse certaines compagnies vider les forêts, sans trop s'en
préoccuper, même si vous pouvez y mettre certaines
barrières pour que les choses aillent un peu mieux qu'elles vont
présentement. Est-il raisonnable d'assister impuissants à la
joute que se livrent les grands producteurs de papier? Je pense bien qu'il faut
appeler les choses par leur nom; il y a là un cartel je ne dis
pas un monopole il y a certain nombre de grandes corporations qui
contrôlent le marché, qui fixent, à mon avis, les prix. On
peut me demander de le prouver et je ne le pourrai pas; il y a eu tellement de
commissions d'enquêtes de ce côté-là qui l'ont
démontré, en tout cas, pour des situations du passé. Je
crois que cela
est au désavantage du public; autrement, la loi des cartels ne
serait pas là pour empêcher qu'il en soit ainsi.
Les forêts c'est notre thèse de fond doivent
donc être en notre possession. Il y a plusieurs raisons qui militent en
faveur de cette thèse. Je pense qu'il n'est pas superflu de constater
que non seulement les compagnies forestières ont réussi, dans
bien des cas, à vider les forêts mais, aussi, elles n'ont pas pu
se tenir à jour par paresse ou par incurie, peu importent les motifs.
Même les documents déposés par le gouvernement nous
démontrent très bien que les compagnies, parce qu'elles ont joui
pendant longtemps, un certain temps à tout le moins, d'un taux de change
favorable du dollar, n'ont pas vu à moderniser les usines, à
faire en sorte que les usines soient toujours à l'avant-garde du
progrès. De cette façon-là, les compagnies peuvent arriver
aujourd'hui et nous demander, à l'ensemble de la collectivité, de
payer plus, de leur donner d'autres avantages fiscaux.
Il semble qu'il soit bien démontré aussi que les
investissements des compagnies, pour ce qui est du Québec, ont
été beaucoup plus faibles ici que dans d'autres parties du Canada
et particulièrement de l'Ouest canadien.
Et je ne pense pas que nous puissions dire qu'elles sont à
blâmer dans le système actuel pour de tels investissements
puisqu'elles trouvaient un avantage plus grand ailleurs,
particulièrement dans l'Ouest ou dans d'autres parties du monde.
M. le Président, MM. les membres de cette commission, c'est la
thèse de fond que nous tentons de développer tout au cours de ce
mémoire et nous essayons aussi d'attirer votre attention sur le point
suivant: comme le gouvernement a fait une concession que nous appelons
très généreuse à ITT Rayonier, nous ne voudrions
pas que les privilèges qui ont été accordés
à ITT soient de nouveaux modèles que le gouvernement utilise dans
sa politique forestière. Je pense que, au chapitre I, nous essayons de
décrire les principaux problèmes de l'industrie
forestière, que ce soit au primaire ou au secondaire. Je crois qu'il
faut surtout retenir, de toutes ces grandes difficultés, qu'il y a des
choses pour lesquelles on ne peut rien faire, comme la question du climat. Je
pense que le Parlement ne peut pas changer le climat, même s'il a
beaucoup de pouvoir. C'est un pouvoir qu'il ne peut pas exercer. Il arrive que
le point central, c'est que le coût du bois est plus élevé
ici qu'il ne l'est ailleurs. Et je ne crois pas que l'on puisse dire je
ne pense pas même que les compangies soutiennent que c'est une question
salariale s'il en est ainsi. Mais le coût du bois est en relation directe
avec le problème des concessions forestières et je crois
qu'alors, si nous portons une attention plus particulière à ce
problème des concessions et si nous faisons une exploitation beaucoup
plus rationnelle dans les mains de l'Etat, nous aurons ainsi une meilleure
chance de rendre les usines plus rentables et de développer
l'industrie.
Vous noterez à la page II du mémoire je parle du
mémoire révisé au tableau IV la source est
le livre blanc que vous avez entre les mains le bois à pâte
ici au Québec coûte $30.84, $22.73 en Alabama et $21.12 en
Colombie-Britannique. Je crois que c'est là le point central du
problème. Vous avez d'autres tableaux ici qui en font la même
démonstration le tableau V de la page 12. Et je crois qu'il nous
faut faire allusion aux accords du Kennedy Round. Les accords ayant
été sensiblement modifiés, cela a eu un impact très
sérieux sur l'industrie, particulièrement l'industrie dans l'est
du Canada, donc le Québec.
La question de rechercher de plus en plus à diversifier les
produits de même que rechercher les marchés nouveaux devient un
peu plus difficile pour nous et sans doute pour vous à moins d'avoir une
autre optique en raison de la concentration qu'il y a dans cette industrie.
La gestion de la forêt, nous y attachons une très grande
importance, comme vous le voyez aux pages 21 et suivantes où nous
donnons les explications qui nous apparaissent les plus convenables. Nous
attirons l'attention sur le fait que même si on a encore pas mal de bois
à la page 25 du mémoire dans certains cas, nous
sommes obligés d'aller à l'extérieur du Québec pour
nous approvisionner. Il y a aussi le problème des scieries dont le
nombre diminue très rapidement. D'ailleurs, vous connaissez sans doute
bien les chiffres.
Finalement, nous avons nos propositions en regard des ressources
forestières, ce que nous préconisons quant au zonage et aux
autres points. Je vais donner uniquement lecture, puisque tel était le
désir des membres de la commission, des recommandations que nous faisons
pour que tout ce problème puisse être réglé une fois
pour toutes. Je lis à partir de la page 48.
Face à la situation de l'industrie forestière dans son
ensemble et compte tenu de l'importance de cette industrie pour le
bien-être économique et social de l'ensemble de la population du
Québec, la CSN propose une nouvelle politique forestière visant
à redonner au gouvernement du Québec le plein contrôle sur
les ressources forestières de la province et sur leur utilisation pour
des fins polyvalentes profitables à l'ensemble de la population,
privée jusqu'à maintenant de la jouissance de ces ressources
pour des fins récréatives, par exemple dont elle
est pourtant le propriétaire. Ces ressources forestières ne
devront plus être au service exclusif d'une minorité de compagnies
étrangères et d'autochtones privilégiés.
Cette nouvelle politique forestière implique que l'Etat du
Québec garantisse, en tant qu'unique exploiteur forestier sur les terres
publiques, aux usines de transformation de matière ligneuse, un
approvisionnement en quantité et en qualité suffisante et au
meilleur compte possible. L'Etat du Québec assumera, en raison de cette
nouvelle politique, l'aménagement fores-
tier sur les forêts publiques et l'orientation de
l'aménagement des forêts privées, dans l'optique du
rendement optimum, soutenu en cela par des unités d'aménagement
régionales et sous-régionales.
Au niveau des forêts privées, ce leadership devrait
être axé sur une incitation à la coopération pour
déterminer des unités d'aménagement et d'exploitation de
dimension se prêtant à un aménagement intensif et à
une exploitation, économiquement rentable, par une politique de
regroupement systématique des boisés privés.
La nouvelle politique forestière implique aussi, en raison de son
caractère nécessairement intégré, que l'Etat du
Québec joue un rôle moteur au niveau de la transformation des
ressources forestières, par la prise en charge de certaines firmes, par
la création de nouvelles publiques ou mixtes et par des
politiques visant à résoudre des problèmes des firmes
existantes et susceptibles de contribuer à leur expansion.
Cette dernière implication comporte une sous-implication
importante à souligner: la suppression des généreuses
subventions inconditionnelles qui ne seraient pas inscrites dans un plan bien
précis de financement des programmes de reconversion, de
restructuration, de modernisation et d'intégration des industries de
transformation du bois.
Elle implique enfin que l'Etat contribue à pousser la
mécanisation dans l'exploitation forestière au degré
exigé par les conditions de la concurrence, en tenant compte des
conséquences sociales sur la main-d'oeuvre forestière, et
provoque, à longue échéance, selon des étapes et
des choix bien précis et compte tenu des conséquences sur la
main-d'oeuvre et sur l'avenir économique de certaines petites
localités, la disparition de certaines usines de transformation du bois
qui ne répondent visiblement plus aux exigences de la production
forestière, papetière, du sciage, de contreplaqués,
d'ameublement, etc.
En résumé, au niveau de la propriété de la
ressource, la nouvelle politique forestière redonnerait le
contrôle exclusif à l'Etat du Québec des forêts
publiques. La propriété privée serait sauvegardée,
mais assujettie à certaines normes et contraintes d'aménagement
et d'exploitation. Au niveau de l'exploitation, elle ferait de l'Etat,
l'exploitant forestier unique sur les terres publiques, un leader pour les
exploitants privés soumis à certaines normes, en particulier pour
ce qui est de l'utilisation de techniques d'exploitation forestière
hautement mécanisée. Dans le secteur manufacturier, un rôle
moteur serait dévolu à l'Etat, en raison de la nouvelle
politique: création d'entreprises publiques et/ou mixte, aide
financière dont l'utilisation serait étroitement
supervisée par l'Etat et conforme à des programmes d'expansion ou
de modernisation et d'intégration approuvés par lui, sans exclure
la disparition à long terme de certaines usines marginales. Sur le front
de l'emploi, l'Etat du Québec devrait utiliser les travaux sylvicoles,
d'amélioration et de restauration forestières comme sources
alternatives d'emploi dans le secteur forestier pour la main-d'oeuvre
déplacée par la mécanisation. Ces travaux contribueraient
à leur tour à augmenter à long terme le degré de
rentabilité de l'exploitation forestière au Québec,
améliorant d'autant la capacité concurrentielle des industries
utilisatrices du bois.
Cette politique affecterait aussi bien les forêts privées
et ouvrirait les facilités récréatives des forêts
publiques à l'ensemble de la population.
Consciente des exigences de la politique forestière qu'elle
préconise, la CSN croit toutefois qu'elle répond
proportionnellement au tragique de la situation actuelle. Cette situation
commande non pas une amélioration superficielle de la législation
forestière au Québec, mais une nouvelle philosophie de
l'aménagement forestier adaptée aux exigences des industries de
transformation de la matière ligneuse et à l'éclosion de
besoins nouveaux. De cette nouvelle philosophie découlent la
nécessité d'une législation nouvelle, traduction des
nouvelles orientations et des nouveaux objectifs, et la nécessité
de mettre en place de nouveaux instruments de gestion de la ressource.
Au lieu de lire "les dix recommandations", il faudrait lire "les onze
recommandations". La première : Abolition des concessions
forestières. La CSN réclame la révocation de toutes les
concessions forestières et le remaniement de la carte forestière
de la province en fonction de la création de forêts domaniales
à même ces concessions. Ces forêts domaniales devront
être de dimension compatible avec les exigences d'un sain
aménagement, de l'approvisionnement des usines de transformation
existantes et futures et de la satisfaction des besoins
socio-récréatifs de la population. L'abolition des concessions
forestières et l'implantation du nouveau régime devront
s'effectuer graduellement sur une période de cinq ans.
Deuxième recommandation: Création d'une
société d'exploitation forestière. L'Etat du
Québec, en tant qu'unique propriétaire des forêts
domaniales et à titre de plus gros propriétaire forestier au
Québec, devrait prendre les dispositions nécessaires pour que,
dans un délai de cinq ans, il devienne l'unique exploitant forestier des
forêts domaniales, en confiant la responsabilité de l'exploitation
de ces forêts à une société d'exploitation
forestière qui serait créée pour cette fin.
Cette société aurait les mêmes statuts et les
mêmes attributions qu'une société de la couronne. Elle
devra, dans sa gestion, jouir d'une indépendance totale vis-à-vis
du gouvernement. A l'Assemblée nationale, le ministre des Terres et
Forêts en sera responsable. Sa gestion devra se conformer aux exigences
d'une saine administration financière et à la livraison de
matière ligneuse au meilleur prix possible aux usines de
transformation.
La société ainsi créée devra intégrer
les
diverses utilisations de la forêt dont elle a la
responsabilité de gestion, d'aménagement et d'exploitation. Cette
préoccupation devra se refléter dans ses structures
administratives et dans ses activités. Elle devra être tenue, de
par sa charte constitutive même, de mettre à la disposition du
public des facilités de récréation en forêt et
ouvrir toutes les parties des forêts domaniales à vocation
récréative au grand public. L'exécution des programmes de
conservation de la faune sera de son ressort.
De plus, la charte de cette société devra
reconnaître le droit de tout Québécois de séjourner
et de circuler en forêt dans les limites de certaines normes et
restrictions, à condition de n'y causer aucun dégât.
Toutefois, l'obligation imposée à cette société en
matière de récréation en forêt doit être
compatible avec la nécessité d'une saine administration
financière. Si cette charge découlant d'une responsabilité
sociale devait mettre en cause l'exploitation rentable des forêts
publiques, l'Etat devrait en défrayer le coût.
La création de SOQUEF pourrait être inspirée de
l'esprit de la Loi de la Société de récupération et
d'exploitation du Québec (REXFOR). Cette corporation publique est un
mandataire du gouvernement "pour récupérer et exploiter toute
agglomération considérable de bois menacée de perdition
sur les terrains du domaine public du Québec". Cependant, ces
dispositions devraient être élargies pour faire de SOQUEF
l'exploitant unique de toutes les forêts publiques et non exclusivement
de celles menacées de perdition.
Au niveau de ses opérations, cette société devra
établir des plans d'aménagement en consultation avec les
utilisateurs et des exploitations programmées à long terme qui
encadreront les coupes annuelles déterminées selon les besoins
exprimés par les usines de transformation. L'élaboration de plans
d'aménagement et d'exploitation se traduira dans des contrats
négociés par la division commerciale de la société
avec les compagnies clientes et sera comblée par des programmes de coupe
assignés à différents districts. Ces derniers devront
jouir d'une indépendance relative par rapport à l'administration
centrale au niveau de l'exécution des plans d'aménagement de
leurs districts respectifs. Leur opinion, sans être
prépondérante, devra avoir un certain poids dans
l'élaboration des plans d'aménagement et dans leur concertation
et harmonisation.
Il faut préciser enfin que la responsabilité de la
gestion, de l'aménagement et de l'exploitation des forêts
domaniales dévolue à SOQUEF n'est pas incompatible avec certaines
pratiques de vente d'arbres sur pied par appel d'offres ou de
l'exécution de certains travaux sur une base contractuelle ou même
l'octroi de permis de coupe à certains utilisateurs de matière
ligneuse au cours d'une période transitoire. Les forêts
domaniales, comme il a été précisé plus haut, sont
exploitées actuellement en régie, à l'entre- prise ou par
une convention avec une compagnie. Sans être exclusive, la SOQUEF doit
favoriser la formule d'exploitation en régie, c'est-à-dire
qu'elle doit prendre toutes les dispositions nécessaires pour devenir le
plus autoopérationnelle possible dans le délai le plus bref et
exécuter elle-même les opérations en forêt.
La société établira un réseau de centres de
distribution des bois dans les diverses régions où les industries
papetières, de sciage et de déroulage concentrent leurs
activités.
La charte de cette société devra formellement lui
interdire de vendre du bois sous une forme ou sous une autre à une
personne ou une entreprise qui n'opère aucune usine de transformation ou
d'utilisation du bois en vue d'une revente éventuelle.
La CSN se prononce catégoriquement pour la disparition des
intermédiaires dans la mise en marché du bois.
A bref délai, la création de cette société
suppose la disparition de tout intermédiaire entre elle et les
compagnies utilisatrices.
Un des rôles importants que SOQUEF devra assumer se rapporte
à la promotion des recherches en matière d'opérations
forestières, conjointement avec les universités du
gouvernement.
En résumé, SOQUEF doit répondre aux exigences d'une
saine rentabilité conforme à une politique d'aménagement
soutenue et d'utilisation des forêts domaniales pour des fins autres que
la production de matière ligneuse.
Troisième recommandation: création d'une régie
forestière du Québec.
Ce n'est pas, malgré son rôle déterminant dans
l'exploitation et l'aménagement des forêts publiques du
Québec, à la Société d'exploitation
forestière du Québec que la politique forestière de la CSN
accordera les pouvoirs les plus étendus en matière
forestière, mais plutôt à un organisme chargé de
veiller à l'application de la législation forestière
votée par le gouvernement. C'est le rôle de la régie
forestière du Québec.
Sa création traduira la volonté du gouvernement du
Québec de soustraire la question forestière au Québec
à l'influence de puissants "lobbies", en se déchargeant des
fonctions exécutives, c'est-à-dire celles se rapportant à
l'application de la politique forestière.
Cette régie forestière du Québec sera
essentiellement un organisme de supervision et de contrôle chargé
de faire valoir et de mettre en application la législation
forestière au Québec inspirée de la philosophie du
rendement soutenu maximum et de l'utilisation polyvalente des ressources
forestières. Cette nouvelle philosophie amènera la RFQ à
intervenir dans la distribution de la matière ligneuse, dans la
réservation de certaines terres boisées à des fins autres
que la production de matière ligneuse, à promouvoir le
reboisement, la conservation et le remembrement des terres pour créer
des unités d'exploitation forestière plus rentables,
par un regroupement opérationnel des boisés
privés.
Cette fonction de surveillance et de contrôle en fera un organisme
de dernière instance quant aux fins pour lesquelles telle parcelle de
terre boisée devra être utilisée. Le parachèvement
de l'inventaire des terres fournira à la RFQ un instrument de
première nécessité pour vaquer aux activités
reliées à l'utilisation des terres selon leur vocation.
Plus spécifiquement, la régie forestière du
Québec sera chargée d'exécuter la politique de
conservation des forêts au Québec tant sur les terres
privées que sur les terres de la couronne, de même que la
rationalisation de la distribution de la matière ligneuse par les
responsabilités qu'elle assumera dans la mise en marché du bois
venant des boisés privés. Elle sera pourvue de moyens
nécessaires pour jouer un rôle déterminant dans
l'amélioration des forêts privées et publiques, même
si des dispositions pertinentes sont prévues à la charte de
SOQUEF. A ce compte, cette dernière sera assujettie, elle aussi, aux
normes et directives de la régie forestière du Québec.
En certaines circonstances, cet organisme servira d'arbitre en
dernière instance dans des conflits impliquant différents agents
intervenant en milieu forestier. Ce dernier rôle de la régie
forestière du Québec sera une soupape importante contre les
risques de certains comportements de quasi-monopole de la Société
d'exploitation forestière, qui pourraient écraser les petits
propriétaires privés.
Sur le plan de l'approvisionnement, la régie sera un
élément de conciliation ou de concertation entre les
intérêts des usines de transformation, ceux de SOQUEF et ceux des
propriétaires privés. Mais il faut anticiper que le champ
d'activité de la régie sera dans une grande mesure la forêt
privée, du moins en matière de conservation et
d'aménagement.
Par ses interventions et activités en matière de
conservation, d'aménagement, de sylviculture, d'amélioration et
de restauration des forêts aussi bien publiques que privées, la
régie sera une source de création d'emplois en forêt si
nécessaires pour absorber le surplus de main-d'oeuvre
déplacée par la mécanisation qu'elle encouragera à
cause des impératifs de la concurrence.
La législation dont la régie veillera à
l'application sera elle-même axée sur l'aménagement en vue
d'un rendement maximum et soutenu de la forêt et sur son utilisation
polyvalente. Cette régie aura par le fait même un rôle
déterminant à jouer dans la politique de conservation, dans la
promotion des travaux sylvicoles sur les boisés privés, dans
l'éducation des propriétaires forestiers. Elle fournira toute
l'assistance financière, technique et matérielle
nécessaire aux propriétaires privés et sera chargée
de l'éducation forestière à tout niveau inférieur
au niveau universitaire.
Cependant, cette assistance financière, tech- nique et
matérielle fournie par la régie aux propriétaires
privés obligera ces derniers à se soumettre à certaines
contraintes: la soumission des plans d'aménagement de leurs
boisés, l'obligation de soumettre annuellement leur plan de coupe et la
poursuite des directives de la régie, coopération en
matière de sylviculture et d'aménagement forestier.
Le financement de la régie s'effectuera à même une
partie des redevances qu'effectuent les producteurs forestiers du
Québec.
Quatrième recommandation: création d'un régime de
mise en marché. Une telle régie aurait pour principale fonction
d'assister les producteurs dans la vente et la diversification de leurs
produits de façon à viser une utilisation rationnelle et optimale
de la forêt. La régie sera dotée d'une organisation
indépendante et formée de commissaires nommés par le
gouvernement. Elle travaillera en étroite collaboration avec les
différents organismes publics du secteur forestier et tous les
producteurs intéressés.
Cette régie établira des plans de vente à
l'étranger et contrôlera l'accès du bois au Québec.
Elle assistera les producteurs afin de rationnaliser leur production et
accroître leur capacité de commerce. Elle soumettra chaque
année les précisions conjoncturales qui se rattachent à
tout le secteur de la forêt.
Cinquième recommandation: création d'unités
coopératives d'exploitation forestière. Le fait est bien connu
qu'à l'heure actuelle, laissés à leur propre merci,
très peu de propriétaires forestiers privés sont en mesure
d'utiliser des travailleurs forestiers à plein temps pour prendre soin
de leurs boisés et encore moins de recourir à des experts pour
établir et exécuter des plans d'aménagement.
L'un des rôles importants de la régie sera de promouvoir la
coopération des propriétaires forestiers privés dans
l'exploitation et l'aménagement de leurs boisés, en utilisant des
techniques mieux adaptées à de grandes unités
d'exploitation. La régie aura alors à promouvoir des
unités d'exploitation et d'aménagement forestiers
appropriées et impliquant un grand nombre de propriétaires
à la fois, par un regroupement approprié des bois
privés.
L'exploitation et l'aménagement de ces unités pourront se
faire sur une base coopérative. Ces dernières se prêtent
mieux aux techniques mécanisées et atteignent mieux l'objectif du
rendement soutenu de la régie. L'exploitation et l'aménagement de
ces unités pourront être effectués sous la supervision
d'experts engagés par les propriétaires coopérants ou
fournis par la régie elle-même. Rien n'interdira à SOQUEF
d'exécuter certains de ces plans sur une base contractuelle.
Les Office de producteurs qui jouent déjà un rôle de
premier plan, surtout depuis l'adoption du bill 41, dans la mise en
marché du bois, devront avoir une nouvelle vocation dans l'optique de
cette politique pour les forêts privées. Ils seront appelés
à mettre sur pied et à exécuter
des plans conjoints d'exploitation et d'aménagement forestiers.
Ces plans s'appliqueront aux unités coopératives d'exploitation
et d'aménagement forestiers établies par la régie de
concert avec les Offices de producteurs de bois.
Tous les plans d'exploitation et d'aménagement forestiers pour
chacune des régions administratives du Québec s'inscrivent dans
le cadre du plan provincial.
Sixième recommandation: proclamation du droit de tous les
citoyens du Québec de séjourner en forêt. Cette proposition
est une implication en même temps qu'une conséquence de la
dimension polyvalente de la politique forestière que nous soumettons. La
nouvelle politique forestière devra reconnaître, en raison
même de l'abolition des concessions forestières, le droit de tout
Québécois de séjourner en forêt pourvu qu'il n'y
cause aucun dégât. Cela devra amener le
démantèlement des clubs privés de chasse et de pêche
sur les terrains de la couronne et la définition d'une politique globale
de récréation en forêt axée sur la
démocratisation de l'accès à l'eau et aux
possibilités récréatives offertes par la forêt. La
régie forestière du Québec verra elle-même à
réserver certains terrains forestiers privés à vocation
récréative à l'usage du grand public.
Septième recommandation: institution d'un crédit
forestier. Afin de mettre en oeuvre le regroupement forestier des petites
forêts privées et leur exploitation sur une base rentable, le
gouvernement du Québec devra instituer un crédit forestier
administré par la régie. Ce crédit forestier sera mis
à la disposition des petits propriétaires privés pour
restaurer et améliorer le rendement de leur patrimoine forestier. Il
servira aussi au financement de la politique de remembrement des forêts
privées. Les offices de producteurs regroupés sur les
unités coopératives d'exploitation et d'aménagement
forestiers auront accès à ces facilités de crédit
pour financer l'achat d'équipement et de machinerie nécessaires
à l'exploitation de ces unités.
Huitième recommandation: création de conseils de
conservation et d'aménagement forestiers. La régie pourra
s'adjoindre des conseils de conservation et d'aménagement forestiers,
organismes consultatifs animés par les représentants de la
régie au niveau régional. Ces organismes visant exclusivement
à promouvoir l'aménagement et la conservation des forêts au
niveau des régions administratives du Québec pourront être
soit indépendantes des CRD ou y être intégrées,
à condition que ces derniers fonctionnent et soient effectivement
utilisés par le gouvernement comme interlocuteurs.
Neuvième recommandation: création d'un institut de
recherches forestières. Cet institut pourra entreprendre des projets de
recherches fondamentales et appliquées. Ses activités devront
être axées prioritairement sur l'économie forestière
et les nouvelles possibilités d'utilisation du bois. Nous croyons que la
recherche forestière au Québec devra être mieux
appuyée financièrement.
Le budget du ministère doit pouvoir assurer la promotion de la
recherche forestière au Québec.
Dixième recommandation: création d'un complexe forestier
étatisé au niveau secondaire. La politique forestière sera
certes amputée d'un maillon important si l'Etat du Québec, unique
exploitant des forêts domaniales et le plus gros exploitant forestier du
Québec, demeure absent au niveau de la transformation du bois. La
présence active et déterminante de l'Etat au niveau de
l'exploitation forestière commande son intervention au secondaire en vue
non seulement d'assurer partiellement un certain débouché pour
les produits mis en marché par Soquef mais pour accélérer
l'intégration de certaines entreprises s'adonnant à la
transformation du bois.
A long terme, l'objectif sera de prendre le contrôle des
industries utilisatrices du bois au Québec en créant des
entreprises publiques au lieu de subventionner des entreprises privées.
La nécessité d'une étude en profondeur des industries
forestières à tous les niveaux prend ici toute son importance.
C'est sur des données fiables et établies à partir de
cette étude que pourront être prises des décisions visant
à créer à long terme ce complexe forestier avec des
ramifications dans toutes les branches de l'industrie forestière. Cette
société sera une entité tout à fait distincte de
Soquef et jouira de l'autonomie totale par rapport à celle-ci. Il ne
saurait être question de favoriser Soquef d'aucune façon,
c'est-à-dire cette société, pour approvisionner ses
diverses usines de pâtes et papiers, de sciage, de contreplaqué en
activité à divers endroits sur le territoire du Québec, ne
sera pas tenue d'acheter du bois de Soquef chaque fois qu'elle aura avantage
à s'approvisionner ailleurs.
Les dispositions de la loi portant sur la création de la
Société de développement industriel faciliteront
énormément la création d'un tel complexe forestier. Sans
doute, somme toute la SDI deviendra l'instrument tout indiqué pour
exécuter la politique forestière au niveau secondaire. Comme elle
n'est pas autorisée par la loi à gérer elle-même ses
usines, elle doit les confier à cette société. En ce qui
regarde les opérations de la SGF dans les secteurs industriels de la
forêt, il faudra transférer ces firmes à la nouvelle
société, ce qui n'interdira pas à la SGF de participer au
financement de certaines opérations visant à étendre ou
à consolider l'intégration du nouveau complexe. Ces
interrelations entre ces différentes entreprises pourront être
davantage précisées par la définition d'une politique pour
les entreprises publiques.
Ce complexe forestier intégré aura un rôle de
premier plan à jouer au niveau de la recherche de nouvelles
possibilités d'utilisation du bois. Il apportera en ce sens une
contribution de première importance à l'Institut de recherche
forestière. Il faut rappeler à ce sujet qu'une bonne partie des
problèmes de l'industrie du
bois au Québec découle de la vive concurrence des produits
substituts: aluminium, plastique etc.
Par exemple, l'industrie du bois de sciage fait face, depuis dix ans,
à une diminution inquiétante de la consommation per capita du
bois de sciage due à l'utilisation de produits substituts dans la
construction. Pour une province à vocation forestière, il
paraît préoccupant que la recherche forestière ne soit pas
encouragée un peu plus. La CSN réclame donc la définition
claire et précise d'une politique pour les entreprises publiques du
Québec, précisant leur place et leur rôle dans
l'économie du Québec.
Onzième et dernière recommandation: recyclage et
sécurité d'emploi des travailleurs dans l'industrie
forestière. Il est important de souligner que tout le processus
proposé à l'heure actuelle par la CSN commande une
mécanisation, une accentuation de la concentration des entreprises du
secteur forestier. Un tel processus aura pour effet la disparition d'un certain
nombre d'emplois, un surplus de main-d'oeuvre surtout dans les scieries. Aussi,
la régie assurera, par l'intermédiaire de cours de recyclage en
collaboration avec le ministère du Travail, la Commission
d'assurance-chômage s'il y a lieu, la formation des travailleurs
libérés pour vaquer à de nouvelles fonctions en
forêt.
D'autre part, l'ancienneté des travailleurs mis à pied
devra être reconnue et devra leur garantir une priorité d'emploi
dans leur secteur industriel, celui plus large de l'industrie forestière
ensuite. Elle s'appliquera en premier lieu dans la région et puis dans
le reste de la province.
Voilà, M. le Président et messieurs les
députés, le mémoire que nous avions à
présenter. Comme vous pouvez le constater, il s'agit de quelque chose
d'assez global et il nous paraît difficile de prendre ces
problèmes uniquement par morceaux. Je vous remercie.
M. LE PRESIDENT: La parole est au ministre des Terres et
Forêts.
M. DRUMMOND: Je veux d'abord remercier M. Pepin de la CSN d'être
venu ici présenter un mémoire, un travail sérieux, qui
préconise des implications assez graves comme la disparition à
toutes fins pratiques du ministère des Terres et Forêts, si j'ai
bien lu toutes les recommandations. Je veux dire pour commencer que
quelques-unes des recommandations manquent d'un certain réalisme dans ce
qu'on pourrait faire. Je me demande sérieusement si on a tenu compte de
tous les problèmes d'efficacité et des coûts financiers des
recommandations apportées.
Du côté gouvernemental, nous avons certaines questions
à poser sur tous ces sujets et je cède la parole au
député de Laviolette.
M. CARPENTIER: M. le Président, M. le ministre, MM. les
représentants de la CSN, MM. les membres de la commission, messieurs, je
dois, à mon tour; remercier la CSN pour son mémoire
sérieux et positif qui aborde la question forestière dans son
ensemble. Il démontre qu'un réel effort de réflexion a
été consenti par ses auteurs pour comprendre les documents du
ministère des Terres et Forêts. Cependant, il comporte certaines
imprécisions quant à l'action du ministère des Terres et
Forêts et des concessionnaires, à l'interprétation des
politiques gouvernementales et même à quelques statistiques. Il
reprend, à mon sens, sans raison valable autre peut-être que celle
de démontrer que les recherchistes de la CSN savent lire, une bonne
partie des textes et des tableaux qui apparaissent aux tomes I et II. Ces
reprises alourdissent indûment les autres propos formulés.
Les propositions manquent, à mon sens, à certains moments,
de réalisme. Elles ne tiennent pas compte des conséquences,
c'est-à-dire efficacité et coûts, qui pourraient
résulter de telles remarques.
Je voudrais vous poser une première question sur votre
introduction. Est-ce que vous pourriez, M. Pepin, nous expliquer
l'énoncé que nous retrouvons à la page 2 de votre
mémoire à l'effet que le tome II de l'exposé sur la
politique forestière ne rend pas l'orientation générale de
la réforme suggérée dans le tome I?
M. PEPIN: Je voudrais vous présenter M. Kemal Wassef qui a
été un des auteurs du mémoire et qui répondra
à votre question.
M. WASSEF: En fait, ce que nous retrouvons dans le tome I, c'est la
suite des problèmes de toute l'industrie forestière au
Québec. Dans le tome II là, je pose un jugement de valeur,
naturellement on propose des solutions. Au niveau de ces
solutions-là, on ne touche pas du tout la structure même de
l'industrie comme telle, c'est-à-dire qu'on abolit le système de
concession forestière, mais on le dote de contrats d'approvisionnement
qui ont à peu près les mêmes valeurs, en fait. Si nous
regardons les différentes réformes proposées, elles
n'affectent en rien, à l'heure actuelle, les structures mêmes de
l'industrie, qui sont la principale cause des problèmes de cette
industrie. C'est ce que nous tentons d'expliquer dans ce paragraphe. Nous nous
sommes peut-être mal exprimés, mais c'est, en
général, l'idée que nous voulions faire ressortir.
M. CARPENTIER: C'est de là que provient la différence
entre vos deux explications sur le tome I et le tome II?
M. WASSEF: Oui, c'est bien cela.
M. CARPENTIER: A partir d'une problématique à peu
près identique à celle que le gouvernement a publiée dans
le tome I de l'exposé sur la politique forestière, votre
mémoire en arrive à des conclusions passablement
différentes. Pouvez-vous nous livrer les princi-
pes de base qui vous ont conduits à suggérer, notamment,
la prise en charge de toute l'exploitation par l'Etat et la quasi-disparition
du ministère des Terres et Forêts, lequel serait remplacé
par deux sociétés d'Etat?
M. PEPIN: Je commencerai par la notion de prise en charge. Quant
à la disparition du ministère comme tel, j'en dis quelques mots.
D'abord, le ministre peut être rassuré. Si le ministère
n'existe plus à l'avenir, le ministre continuera à exister,
peut-être pas au même endroit.
M. DRUMMOND: Merci.
M. PEPIN: II ne s'agit pas pour nous de faire disparaître le
député Drummond.
M. VINCENT: II devient un ministre d'Etat.
M. PEPIN: J'ai essayé d'expliquer au point de départ la
thèse de fond, avant de donner lecture du mémoire. Nous croyons
vraiment que ces forêts, étant la propriété de
l'ensemble de la nation québécoise, devraient être
exploitées par la nation québécoise et non pas
données à contrat à des compagnies qui, elles, s'en
serviront pour leurs fins, d'abord, avant les fins générales de
la nation. Partant de ce principe, on peut conclure que c'est telle structure
plutôt que telle autre structure qui est plus impérieuse ou qui
pourrait être mise de l'avant. Nous ne prétendons pas, avec les
diverses sociétés que nous proposons de créer, avoir une
vérité absolue là-dedans.
Il est bien possible que ce soient d'autres structures auxquelles vous
pensiez, mais nous avons pensé que si nous faisions une requête
pour que les forêts soient administrées par l'Etat, vous nous
demanderiez immédiatement, à nous, par quels moyens, avec quelles
structures. Ce que nous faisons sur ce point précis, quant aux
structures, c'est évidemment une suggestion concrète et pratique.
Quant à nous, en tout cas. Vous pourrez dire que c'est
irréaliste, que ce n'est pas faisable, que c'est impossible, mais au
moins c'est un effort pour vous démontrer qu'il y a un moyen, nous
semble-t-il, pour que l'Etat lui-même, la nation québécoise
contrôle toutes les forêts domaniales. La situation présente
nous apparaît pas mal aberrante. Dans plusieurs publications, il me
semble que c'est dans le rapport de la commission Bélanger, on pourrait
retrouver ça. Le premier ministre, M. Bourassa, était
secrétaire de la commission. On y a décrit la situation comme
étant inacceptable par rapport au plan de la taxation uniquement. On
préconisait alors qu'il devait y avoir des réformes.
Présentement, c'est le coût du bois qui est trop
élevé. Le coût du bois pourra-t-il diminuer s'il n'y a pas
plus de rationalisation qu'il y en a à l'heure actuelle?
Comme cette situation est tellement détério- rée et
qu'elle va tendre à se détériorer, il ne nous semble pas
que ce soit uniquement par le truchement d'allégements fiscaux que les
compagnies pourront passer à travers. Il nous semble que c'est l'Etat
qui doit en prendre toute la responsabilité par le truchement de
certains mécanismes. Si vous voulez que ce soit le ministère
lui-même qui soit le responsable de tout cela, je n'ai aucune
espèce d'objection a priori là-dessus. Mais on a essayé
quand même d'avoir un schéma à vous présenter pour
vous dire que ce n'est pas uniquement le principe qu'on met de l'avant. On a
une formule concrète d'application et vous, si vous êtes d'accord
sur le principe, vous pouvez trouver d'autres structures à mettre en
application.
M. DRUMMOND: II y a quand même, M. Pepin, une différence
entre l'administration, le contrôle et l'exploitation en soi. Ce n'est
pas une solution miracle que la prise en main de l'exploitation des
forêts par l'Etat. De mon point de vue, c'est une question de
contrôle, peut-être.
M. PEPIN: Tout dépend comment on veut le faire. Cela
dépend aussi, bien sûr, de la conception que l'on a. Il y a
également le fait qu'on soit propriétaire, que l'on puisse en
confier l'exploitation à d'autres. Vous pouvez décider que c'est
mieux que ce soient les entreprises privées qui, sous un certain
contrôle, continuent à exploiter les forêts, c'est une
possibilité. On sait cependant ce que cela a donné jusqu'à
maintenant. J'espère que le contrôle, si c'est là votre
orientation, sera meilleur à l'avenir. On peut aussi prévoir que
l'Etat lui-même va exploiter. Il n'y a rien d'aberrant à
suggérer que l'Etat exploite les forêts et que le bois qui sortira
de là soit vendu aux entreprises de transformation qui existent et qui
auront une bonne source d'approvisionnement.
M. CARPENTIER: Vous avez mentionné, au début de votre
exposé, un moyen possible pour régler tous ces problèmes.
Est-ce que vous pourriez nous suggérer clairement quel sera ce moyen,
d'après vous, pour régler les problèmes de cette
nature?
M. PEPIN: Vous savez, tout le mémoire tente d'imaginer les moyens
possibles pour les régler mais non d'une façon miraculeuse, parce
qu'on ne vient pas ici pour vous présenter des miracles. On est
allé à Sainte-Anne-de-Beaupré le 26 juillet et on est
revenu sans miracle pour régler tout le problème de la
forêt. Il reste, cependant, qu'il faut avoir une autre orientation pour
traiter le problème de la forêt. Voilà pourquoi on vous
présente, dans tout ce mémoire, des moyens qui tentent de
corriger la situation. Pour les travailleurs, la situation actuelle est
sûrement très dramatique et vous en conviendrez avec moi. Est-ce
que notre moyen est exclusif? Est-ce que c'est le seul qui peut
donner de bons résultats? Je ne pense pas qu'on puisse soutenir
cela devant vous. On peut dire cependant que c'est une politique qui nous
apparaît articulée. Vous allez me dire qu'elle est
irréaliste pour vous parce qu'on a pas essayé ces moyens et que
l'on connaît une situation passée. Pour nous, ça pourrait
être tenté avec une nouvelle conception, une nouvelle
orientation.
M. CARPENTIER: Est-ce que vous croyez vraiment que l'implication de tous
les coûts au point de vue exploitation est un problème
sérieux à l'égard de toutes ces solutions qu'on peut
apporter? Il y a une question de coût et d'efficacité.
M. BACON: Est-ce que vous avez fait une évaluation des
coûts de mise en oeuvre de vos recommandations?
M. PEPIN: Non.
M. BACON: C'est un détail.
M. PEPIN: Ce n'est pas un détail. Je sais que c'est important.
Mais pensez-vous que c'est possible pour nous autres...
M. BACON: Approximativement.
M. PEPIN: Même pas approximativement. Mais nous nous fions bien
à vous et vous allez le faire, nous en sommes bien sûrs, tous et
chacun des députés. Nous, nous présentons beaucoup plus un
schéma théorique. Nous sommes ici pour vous le présenter.
Si vous me demandez, pour chacune des recommandations, quel coût cela
représente, je pourrais vous demander, moi aussi, qu'est-ce que cela
coûte au Québec la situation présente. Est-ce qu'on a fait
une évaluation?
M. LESSARD: Ils ne le savent pas non plus.
M. PEPIN: Je ne le sais pas moi non plus mais cela doit coûter
cher. Il y a du gaspillage, à l'heure actuelle. Il y a des choses qui
ont été tolérées pendant longtemps et qui n'ont pas
été réparées. Alors, si vous me demandez
d'apprécier combien cela peut coûter, puisque vous soulevez la
question, sans doute que vous devez avoir une certaine idée, je vous
avoue que je ne sais pas exactement le prix que cela pourra coûter pour
mettre tout cela en application.
Maintenant, si on regarde uniquement les coûts de ce
côté, il faut bien s'imaginer qu'il y a, à l'heure
actuelle, des coûts qui sont existants. Ces coûts pourraient
disparaître et être remplacés par des coûts
peut-être plus élevés et où nous visons à ce
qu'il y ait un rendement optimum dans l'exploitation de la forêt.
M. CARPENTIER: Il est bien évident qu'à la suite de
certaines remarques de certains députés que nous pourrions
commencer un débat politique sur tout ça. Mais passons outre. Une
deuxième question: La politique forestière formulée par le
gouvernement se veut une proposition réaliste, reflétant à
la fois une cohérence technique et un souci d'efficacité que tout
Etat moderne recherche. En élaborant vos recommandations, avez-vous
évalué le coût approximatif qu'impliquerait leur mise en
oeuvre? Si oui, vos résolutions seraient-elles plus économiques
et plus efficaces que celles soumises par le gouvernement?
M. PEPIN: Je pense que j'ai répondu il y a quelques moments
à cette question en disant qu'il n'y a pas eu d'évaluation des
coûts de notre part. Je ne sais pas si vous avez fait l'évaluation
des coûts quant à vos propositions. Mais en ce qui nous concerne,
il n'y a pas d'évaluation de coûts.
M. CARPENTIER: Aucune évaluation jusqu'à
présent.
M. PEPIN: Jusqu'à présent. Je ne pense pas d'avoir le
temps de faire cela aujourd'hui non plus!
M. CARPENTIER: Vous mentionnez à la page 47 de votre
mémoire que la politique forestière du gouvernement du
Québec est une intervention de l'Etat qui s'exerce pour assumer
l'organisation des travaux improductifs. Pouvez-vous préciser ce que
vous entendez en général par "travaux improductifs"? Par exemple,
selon votre conception, le travail qu'exécute un ingénieur
forestier pour réaliser l'inventaire d'une forêt peut-il
être classifié comme productif? Sinon, pourquoi?
M. WASSEF: Cela se réfère beaucoup plus
particulièrement aux interventions que l'Etat en général
entreprend de plus en plus. C'est-à-dire, on intervient au niveau de
l'infrastructure. On va faire des routes. On va établir un
système de concessions. On va alléger le fardeau fiscal. En
général, les profits de telles opérations vont rejaillir
au niveau seulement de certaines compagnies, seulement au niveau de certains
individus alors que l'intervention de l'Etat, ce que l'on souhaite, pour
être productive, devrait rejaillir sur la collectivité
québécoise comme telle, d'abord. C'est ce sur quoi, à la
page 47, on fait le point.
M. CARPENTIER: Mais croyez-vous que les profits qui sont
réalisés présentement par des entrepreneurs forestiers, ou
les compagnies de papier ou les usines de bois de sciage, ne sont pas valables
pour la collectivité de la province de Québec?
M. PEPIN: Cela dépend où les profits sont
réinvestis. Vous nous dites qu'ils sont valables. C'est bien possible
qu'ils soient valables. Cela
dépend où ils sont réinvestis. Si c'est valable
lorsqu'ils font des profits, si vous vous en faites comme exploitant de l'Etat,
cela va être valable aussi pour la collectivité.
M. CARPENTIER: Est-ce que vous croyez vraiment que ce serait plus
rentable que ce soit exploité par l'Etat que par certains individus qui
font partie de la communauté des Québécois?
M. PEPIN: Bien sûr, c'est tout le débat de fond. Vous avez
sans doute raison de le soulever. Il arrive souvent que chaque fois que l'Etat
se mêle de quelque chose, même les députés se disent
: Cela ne pourra pas être aussi rentable. On n'est pas aussi fin pour
administrer que l'entreprise privée. Il arrive souvent qu'on a ce
réflexe. J'estime qu'on devrait s'enlever cette crainte que nous avons.
Je ne pense pas que l'Hydro-Québec soit une organisation moins rentable
parce que c'est une organisation de l'Etat, parce que c'est une commission qui
l'administre et qu'elle dépend de l'Etat. Je pense que nous pourrions en
arriver à ce que l'Etat puisse aussi, dans d'autres domaines, dans
d'autres sphères d'activité, exploiter lui-même au profit
de l'ensemble de la communauté et non pas au profit seulement d'un
nombre restreint de personnes.
M. CARPENTIER: La SGF.
M. PEPIN: A la SGF, oui, il y a eu des erreurs, mais il y a eu tellement
d'entreprises privées qui ont fait faillite, au Québec, que si
c'est parce qu'il y a une faillite quelque part qu'il faut dire que le
régime n'est pas bon, même le régime de l'entreprise
privée doit être aboli.
M. CARPENTIER: Alors, en définitive, êtes-vous pour
l'étatisation ou la nationalisation de toutes les industries
forestières au Québec?
M. PEPIN: A long terme, je pense que c'est assez bien dit dans le
mémoire je ne me souviens pas à quelle page l'Etat
ne doit pas être là uniquement pour les choses improductives.
L'Etat peut aussi intervenir dans les choses productives. Nous vous proposons
la création d'une entreprise d'Etat qui verra aussi à produire du
secondaire, à ne pas être uniquement au primaire et il est
possible qu'à long terme, l'Etat puisse avoir en main tout le secteur
forestier et l'exploitation aussi.
M. CARPENTIER: Dans un autre ordre d'idées, dans votre
mémoire, vous mettez en doute le rôle de la planification
forestière sectorielle qu'entend instaurer le ministère des
Terres et Forêts. Croyez-vous qu'il soit réaliste d'attendre
l'instauration, au Québec, de l'aménagement global du territoire,
alors qu'il est urgent de rationaliser la gestion des forêts?
M. WASSEF: Vous faites allusion, je suppose, au zonage?
M. CARPENTIER: Oui, précisément.
M. WASSEF: Dans ce cas, si nous ne sommes pas du même avis que le
ministère des Terres et Forêts, c'est que nous croyons que ce
serait relativement facile de zoner rapidement le territoire et de le confier
à une seule autorité. Dans ce cas, le ministère des Terres
et Forêts on l'avait fait disparaître dans le
mémoire, mais là, il reparaît...
UNE VOIX: Le ministre va être content! M. WASSEF: Il y aura une
tache là-dessus!
M. CARPENTIER: Supposons qu'une compagnie qui possède certaines
concessions présentement se voie enlever une certaine partie de ses
concessions pour en alimenter une autre qui est plus proche, quelle est votre
vision d'ensemble de tout ce problème?
M. WASSEF: La vision, en ce moment, est une vision d'ensemble. Il faut
replacer les choses dans leur contexte et prendre le mémoire comme il
est. En ce moment, vous faites référence à un point
particulier. Mais si on abolissait toutes les concessions et s'il y avait juste
l'Etat qui avait en charge toutes les forêts publiques et les
forêts domaniales, aujourd'hui la question du zonage ne se poserait pas
comme telle. Il s'agirait d'avoir une seule intervention, une seule
autorité en place qui pourrait alors prendre soin de tous les autres
petits programmes sectoriels a côté, entre autres la
récréation, entre autres les routes, entre autres tout. Je ne
sais pas si je me fais comprendre.
M. CARPENTIER: Ne croyez-vous pas que des compagnies aussi importantes,
disons, que celles que nous connaissons sur le territoire
québécois présentement se doivent d'avoir un certain
approvisionnement à long terme pour pouvoir fonctionner d'une
façon normale? Comment pouvez-vous, à court terme, donner un
certain territoire à une compagnie ou à un exploitant, à
l'intérieur de tout ce secteur et changer cela graduellement? Comment
pouvez-vous voir cela, dans ce contexte?
M. WASSEF: Si on a un plan d'aménagement qui est bien fait et qui
est effectué avec les producteurs, je ne pense pas que ce
problème puisse se poser.
M. CARPENTIER: C'est un peu cela qui est fait présentement. Vous
semblez vouloir dire que ce qui est fait présentement n'est pas tout
à fait correct ou, du moins, ce que l'on propose. Avez-vous une
solution?
M. WASSEF: Sur ce point plus particulière-
ment, nous ne disons pas que nous ne sommes pas d'accord avec le
ministère, mais il faut le mettre dans tout le contexte de ce
mémoire. Sur ce point, nous sommes d'accord, mais sur les autres
points!
M. CARPENTIER: Alors, vous commencez à reconnaître
l'importance du ministère des Terres et Forêts?
M. WASSEF: De tous les ministères.
M. CARPENTIER: Dans un autre ordre d'idées, la création
d'une société d'exploitation forestière semble être
l'une de vos principales recommandations. Existe-t-il des arguments d'ordre
économique pour étendre l'action de cette société
à l'ensemble du Québec? Avant d'entendre votre réponse, je
désire vous rappeler que la politique forestière du
ministère des Terres et Forêts prévoit déjà
que Rexfor pourra effectuer des exploitations commerciales quand il y aura des
économies d'échelle appréciables à réaliser.
D'autre part, votre autre mémoire sur le sujet soumis au gouvernement
l'automne dernier ne comportait pas une proposition aussi catégorique au
chapitre de l'exploitation.
M. PEPIN: Votre question précise? M. CARPENTIER: Je vous
relis...
M. BACON: En fait, pourquoi proposez-vous la création d'une
société d'exploitation forestière, alors que
déjà Rexfor existe et qu'on pourrait peut-être
élargir ses activités?
M. PEPIN: Si Rexfor peut être modifiée dans le sens que
nous le réclamons pour Soquef, je pense qu'il n'y aura pas beaucoup
d'ennuis. Ce n'est pas la question d'appellation qui est importante. Je pense
que la création d'une telle société d'exploitation va
être importante si c'est vraiment l'Etat qui possède toutes les
terres publiques ou les boisés publics, les forêts domaniales.
Cela va prendre quelqu'un pour administrer. Cela pourrait être le
ministère, si vous préférez que ce soit lui. Mais il me
semble que, dans un cas comme celui-là, on ferait l'analogie avec le
domaine de l'électricité, où il y a une commission
hydro-électrique pour administrer tout le réseau; ici il y aurait
une société qui y verrait.
Si vous voulez que ce soit Rexfor parce que vous pensez que la
vocation de Rexfor irait jusque-là je pense bien qu'il n'y a pas
de principe là-dedans. Mais, comme structure, il est mieux d'avoir une
société distincte pour administrer toute l'exploitation
forestière.
Je pense qu'au plan administratif à tout le moins il serait de
beaucoup préférable pour un gouvernement s'il s'en allait
dans cette direction de créer une régie
complètement séparée pour voir à l'exploitation
forestière au complet.
M. CARPENTIER: Est-ce que le fait, par votre organisation, de proposer
un autre organisme comme celui-là contrairement à ce que
vous aviez fait l'an passé est dû à des
études que vous auriez faites au cours de l'année ou quelque
chose du genre?
M. PEPIN: Nous sommes toujours et vous autres aussi, j'imagine
en évolution. Nous essayons de raisonner et de
réfléchir sur tous les problèmes. Nous avons cru et
ça a été une décision prise au cours d'un
congrès de la Fédération des travailleurs des pâtes
et papiers que créer une telle société,
c'était absolument important, pour autant qu'on assume comme base que
c'est l'Etat qui va exploiter la forêt. Nous pensons qu'on ne peut pas le
faire au cabinet des ministres à toutes les semaines et que ça
prend une commission séparée pour voir à l'administration
de tout cela.
Depuis un an, si nous avons réussi à penser à autre
chose, vous ne pouvez pas tellement nous en vouloir de ce
côté-là. Nous essayons de soumettre des propositions
adaptées aux circonstances.
M. CARPENTIER: Pas nécessairement, mais Rexfor existait
déjà. Qu'est-ce q'ui vous a amené à suggérer
un autre organisme qui pourrait prendre charge à peu près de tous
les domaines?
M. PEPIN: Ou je me trompe, M. le député, ou il me semble
que la vocation de Rexfor ne va pas aussi loin que celle de la
société que nous proposons de créer. Rexfor a
été mise au monde dans un tout autre contexte que celui que nous
proposons dans notre mémoire. Rexfor n'existe pas, alors que toutes les
forêts appartiennent et sont exploitées par l'Etat ou par le
Québec lui-même. Rexfor existe comme quelque chose qui est un peu
une suppléance lorsque ça ne peut pas fonctionner. Et c'est aussi
pour ramener le bois dont on n'avait plus besoin et qu'il nous fallait
détruire.
A ce moment, il me semble que Soquef est un autre instrument qui a une
vocation beaucoup plus grande que Rexfor à l'origine. Si vous me dites
que c'est Rexfor, quant à vous, qui doit avoir cette vocation, nous
changerons les mots et nous dirons que c'est Rexfor. Pour autant que ça
respecte tout.
M. DRUMMOND: Mais, M. Pepin, le tome II a préconisé un
rôle accru pour Rexfor en ce qui concerne l'exploitation
forestière dans des endroits où ce serait nécessaire et
économiquement rentable.
M. CARPENTIER: Par la formation de ce nouvel organisme, est-ce qu'encore
là vous voudriez la disparition du ministère des Terres et
Forêts?
M. PEPIN: Si c'est vraiment ça qui est le point chatouillant de
tout le débat, si c'est parce que le rôle du ministère se
trouverait
réduit, j'espère que nous allons pouvoir bien nous
comprendre. Un ministère ou une société, ce sont vraiment
des structures. Et, si cette structure correspond mieux aux besoins, nous
allons la maintenir.
Mais s'il y en a une autre qui fonctionne mieux, il ne faut pas
hésiter, pour que les situations économiques se
développent bien, à mettre de côté des structures
qui ne seraient pas valables. Mais il y aura toujours un ministère des
Terres et Forêts. Il y aura toujours un ministre qui répondra des
diverses sociétés qui seraient créées si vous
acceptez notre plan. A ce moment-là, il y a quelqu'un qui doit
répondre en Chambre de ce qui se passe dans ces diverses
sociétés.
Si je comprends bien, le ministre des Richesses naturelles répond
en Chambre de ce qui se passe à la Commission hydro-électrique;
je pense que c'est ainsi qu'on procède et ça prendra sans doute
toujours un ministère. Le ministre aura à répondre en
Chambre de ce qui se passe dans les diverses sociétés. Mais
probablement que vous tendez à minimiser le rôle que nous
voudrions donner au ministère. J'ai bien l'impression que M. Drummond se
trouvera sans doute, s'il est encore ministre de ce portefeuille, bien des
choses à faire parce que quand cela aura à être
appliqué, le ministre aura beaucoup de choses à surveiller pour
que ça s'applique d'une manière convenable.
M. CARPENTIER: En somme, vous voulez sécuriser le ministre ou le
ministère.
M. PEPIN : Je ne veux pas lui nuire.
M. CARPENTIER: Quels avantages effectifs la collectivité et les
utilisateurs pourraient-ils retirer du fait que l'Etat deviendrait l'exploitant
unique des forêts publiques, et comment les industriels du bois
pourraient-ils être assurés que leur principale matière
première ne leur coûterait pas plus cher?
M. PEPIN: Est-ce que ça va leur coûter plus cher ou moins
cher? J'espère bien que ça ne leur coûtera pas plus cher,
que ça va leur coûter meilleur marché parce que, pour moi,
il pourrait y avoir une rationalisation plus grande. Maintenant, ce n'est
peut-être pas dans vos vues. Moi, je pense qu'il y a moyen de
rationaliser le territoire différemment de celui qu'on connaît
présentement. Regardez les coûts que vous avez publiés
vous-mêmes, vous nous faisiez un reproche gentil, au point de
départ, d'avoir reproduit certaines parties du livre blanc du
ministère. Mais c'était justement pour démontrer quelle
était la situation.
Quand on voit le coût du bois tel qu'il est, on présume que
si les concessions forestières données comme elles le sont
présentement, que si une compagnie exploite, a une concession et qu'elle
doit transporter son bois à des centaines de milles alors qu'une autre
compagnie, là-bas, utilise le bois et le retransporte dans l'autre sens,
on pense que s'il y a un contrat qui est signé entre ceux qui font de la
transformation, donc du secondaire, avec Soquef ça peut
être des contrats à long terme par lesquels la
société s'engage à fournir du bois de telle qualité
et de telle quantité à chacune des années je crois
que les compagnies, de cette façon-là, n'auraient pas à
craindre de manquer d'approvisionnements.
M. GIASSON: Dans la vision d'une forme globale de tout le secteur
forestier au Québec, est-ce que vous concevez que l'Etat serait
maître d'oeuvre au point de vue de la récupération et de
l'exploitation en forêt, quitte, de cette façon, à
alimenter les usines qui sont l'entreprise privée dans le moment? Ou si
votre concept global voit l'Etat maître d'oeuvre au niveau de toute
l'opération forestière au Québec?
M. PEPIN: Premièrement...
M. GIASSON: C'est-à-dire l'Etat, propriétaire des usines,
qui prend la matière première là où elle se trouve
et qui la rend aussi loin qu'on peut la rendre en fonction d'une conception
globale du problème.
M. PEPIN: Le fond actuel de notre thèse, c'est que l'Etat doit
exploiter lui-même les forêts. Nous avons donné dans le
mémoire, je ne me souviens plus à quelle page, je l'ai lu
tantôt, une indication que l'Etat doit aussi avoir une compagnie ou une
entreprise pour faire de la transformation, donc du secondaire. Et nous
indiquons là-dedans qu'il est possible qu'à plus long terme ce
soit l'Etat qui soit le maître d'oeuvre de tout. Mais l'étape que
nous suggérons à l'heure actuelle, c'est que l'Etat soit le
maître d'oeuvre de la forêt d'abord, qu'il y ait une
société de la couronne pour les fins de transformation pour le
secondaire et, éventuellement, il pourrait arriver que l'Etat
québécois devienne le maître d'oeuvre de tout le domaine
forestier.
Je ne verrais pas beaucoup de mal là-dedans. S'il se
réalise des profits, ce sera pour tout le monde et non pas pour
quelques-uns seulement.
M. GIASSON: Mais on n'a pas l'impression qu'au Québec, en ce qui
touche le domaine forestier, on a poussé à fond des
expériences d'exploitation sur la base coopérative.
M. PEPIN: On le recommande aussi là-dedans.
M. GIASSON: Mais concevez-vous que l'exploitation forestière
comme telle, la première phase de l'opération, pourrait
être structurée de façon à permettre une utilisation
maximale de la formule coopérative? Tout à l'heure, vous avez
énoncé l'idée qu'on devait tendre à ce que
les profits à retirer de cette ressource servent d'abord la
collectivité dans son ensemble. L'utilisation à fond de train de
la formule coopérative permettrait, à l'intérieur de cette
collectivité, à des groupes assez imposants dans certains cas, de
participer de façon directe et d'être maîtres d'oeuvre dans
les gains à réaliser pour la collectivité.
M. PEPIN: La cinquième recommandation que nous faisons touche le
point que vous soulevez à juste titre. Maintenant, c'est peut-être
un peu trop restrictif, ce qui est marqué comme cinquième
recommandation, parce qu'il s'agit de coopératives surtout pour des
travailleurs forestiers qui n'ont pas un très grand boisé, qui
n'ont pas énormément de territoire, mais aussi pour lesquels ce
n'est pas tellement rentable à l'heure actuelle, semble-t-il. Le fait de
développer les unités coopératives d'exploitation
forestière, cela fait partie aussi de nos recommandations de ce
côté-là.
Si vous élargissez le débat et le prenez tel qu'il est,
présentement il y a sûrement des choses qui ne vont pas puisque le
coût du bois est aussi élevé. Il y a des raisons de climat,
il peut y avoir aussi une série de facteurs étrangers et
extérieurs à nous sur lesquels on ne peut rien faire. Mais il y a
sûrement des choses qui peuvent être rationalisées davantage
quant aux concessions accordées et qui sont là depuis des
générations, peut-être. Des concessions sont
accordées à des compagnies et même si c'est renouvelable
à tous les ans, en principe, effectivement il y a un renouvellement
quasi automatique, j'imagine. Si c'est l'Etat qui contrôle toute
l'exploitation, si les petites unités parce que c'est surtout
pour les petites unités, à l'heure actuelle, que les
problèmes sont énormes relativement aux propriétaires
forestiers vivent sur une base de coopérative, l'Etat, exploitant
lui-même le plus gros total des forêts publiques, des forêts
domaniales, pourra mieux rationaliser que dix ou quinze compagnies.
Une compagnie peut rationaliser pour elle, elle ne peut pas rationaliser
pour le voisin ou la voisine. L'Etat peut y pourvoir plus facilement s'il y a
un contrôle sur l'ensemble et vendre le résultat, le bois aux
producteurs, à ceux qui font de la transformation. Leur métier,
à ces gens qui font de la pâte, du papier-journal, du carton ou
d'autres produits, c'est d'abord et avant tout de livrer du papier-journal. Si
on leur fournit la matière première, leur usine va être
utilisée comme à l'heure actuelle, avec la technique qu'ils ont.
A ce moment-là, ils ne perdraient rien de ce côté.
Il arrive aussi c'est mentionné dans le mémoire et
je pense que c'est difficilement contestable que les compagnies, parce
qu'elles ont eu certains avantages particulièrement, le Kennedy
Round a été un avantage, deuxièmement, le cours du dollar
pendant cette période où le cours du dollar était
plus favorable pour les compagnies en raison du commerce extérieur,
n'ont pas fait tout l'effort nécessaire pour rajeunir leurs usines parce
qu'elles n'avaient pas besoin tellement de cette incitation puisqu'il y avait
un autre moyen pour elles de réaliser des dollars. A ce
moment-là, il y a eu une certaine incurie et je pense que la plupart des
gens qui sont dans cette industrie vont le reconnaître. La taille et le
vieillissement des usines sont importants. Regardez les investissements qui se
sont faits ici au Québec. C'est le ministère lui-même qui
les a donnés, je pense qu'ils sont dans le livre blanc. Les
investissements, au Québec, sont peut-être 10 p.c. à peu
près des investissements qui se sont faits ailleurs et
particulièrement dans l'Ouest canadien. Il y a sans doute de bonnes
raisons d'en faire plus là-bas qu'ici, mais quant à moi, il y a
eu une certaine paresse, une certaine incurie de la part de la plupart des
compagnies pour que les usines restent ce qu'elles sont. Elles sont vieilles
dans beaucoup de cas, elles ne sont pas rajeunies et cela a un impact
très important et très sérieux au niveau de la
main-d'oeuvre.
Si l'Etat a le contrôle de l'exploitation forestière, bien
sûr que dans ses tractations avec ses clients, qui seront ces
compagnies-là, il pourra y avoir des échanges beaucoup plus
sérieux et on pourra leur dire: Ecoutez, si vous voulez avoir telle
quantité de bois, arrangez-vous donc pour rationaliser votre usine pour
que cela aille un peu mieux parce qu'autrement il y aura perte de
marché. Nous insistons aussi beaucoup sur l'ouverture de marchés
nouveaux. Est-ce qu'il y a moyen? Est-ce réaliste? Peut-être me
direz-vous que cela ne peut pas se faire par le truchement d'un organisme
d'Etat mais il me semble que ce n'est pas, en théorie à tout le
moins, irrationnel de croire qu'on pourrait mettre au monde une telle
régie pour que les marchés nouveaux soient trouvés par
l'intermédiaire de cette régie.
M. CARPENTIER: D'après vous, selon votre exposé, quel
serait le coût comparatif entre un organisme d'Etat et un organisme
privé comme les détenteurs de permis ou les compagnies
forestières actuelles que l'on connaît dans la province?
M. PEPIN: Je n'ai pas de réponse, je présume que cela
coûterait meilleur marché.
M. CARPENTIER: Vous le présumez seulement.
M. PEPIN: Je le présume.
M. CARPENTIER: Vous le présumez.
M. PEPIN: Là-dessus, je vous l'ai dit à quelques reprises,
il n'y a pas eu d'évaluation des coûts et je ne pense pas
c'est intéressant pour tout le monde que ce pouvait être
l'objet de notre travail de rechercher quel coût supplémentaire
cela va représenter ou quel coût moindre cela va
représenter.
On sait, cependant, que lorsqu'on réclame l'abolition de tous les
intermédiaires, il est possible qu'il y ait de l'épargne quelque
part. Ce n'est pas à exclure comme épargne éventuelle.
Mais de combien, en millions de dollars ou autrement, je ne le sais pas.
M. DRUMMOND: M. Pepin, vous semblez suggérer un système de
chantage dans cette régie-ci. Est-ce que j'ai raison de dire cela?
M. PEPIN: Ce ne serait certainement pas le gouvernement qui
chanterait.
M. DRUMMOND: Un instant. Dans votre optique, on s'adresse à une
compagnie donnée et on dit: Nous contrôlons le bois et, si vous
voulez du bois, il faut que vous dépensiez $10 millions pour moderniser
votre usine. Est-ce que c'est l'idée?
M. PEPIN: Dans tout le problème des subventions qui sont
accordées à l'heure actuelle, cela me semble être cette
forme de chantage qui existe. Si vous voulez avoir de l'argent, vous allez
être obligés de créer quinze emplois. Bien sûr que,
l'an prochain, vous pourrez en perdre, mais, à l'heure actuelle, c'est
ce qui se passe quand l'Etat intervient. Si vous intervenez pour leur donner
des avantages, leur accorder des privilèges, mêmes si c'est un
privilège inscrit dans une loi, à ce moment-là, vous avez
aussi le droit d'intervenir pour leur dire? Vous allez faire aussi autre chose.
Dans les relations d'affaires, quand on va sur le marché des valeurs,
quand un courtier accepte d'émettre des actions, on lui pose des
conditions aussi. Autrement...
M. DRUMMOND: Pourquoi un chantage absolu où on a le
contrôle de tout le bois et où l'on peut arrêter tout de
suite l'approvisionnement en bois si la compagnie ne fait pas quelque
chose?
M. PEPIN: Il y a tellement d'autres facteurs qui entreront en ligne de
compte, Je ne cherche pas un chantage absolu, ni un chantage relatif. Je dis
cependant qu'il y a des situations données. Vous savez bien que vous
n'êtes pas pour couper une entreprise, que ce soit Domtar ou une autre,
de l'approvisionnement, parce qu'il y a un gros problème social qui en
découlerait. Il y a énormément aussi de main-d'oeuvre qui
serait impliquée et il y a les conséquences économiques de
ce fait. Mais je pense que, dans les relations d'affaires, vous pouvez
facilement leur parler.
M. CARPENTIER: Ne croyez-vous pas que les capitaux de risque qui ont
été investis tant par l'entreprise privée que par les
détenteurs de permis ou quelqu'un d'autre n'ont pas été
valables à un certain moment? Si personne n'avait risqué des
capitaux à un certain mo- ment... Est-ce que vous pouvez suggérer
quelque chose de plus avantageux que ce système qui a été
accepté et qui a fait ses preuves dans la province?
M. PEPIN: Tout dépend, encore une fois, de la conception
première que vous avez. Si vous dites: Les forêts sont à
nous. Nous allons leur en donner quand même, ils risquent quelques
dollars parce qu'ils paient des redevances ou autre chose. Si vous croyez que
c'est cela qu'il faut faire à tout prix, c'est votre décision. Je
pense qu'il y a une autre façon de voir le problème,
particulièrement dans la forêt. Vous ne devez pas aimer la
situation actuelle plus que je l'aime. Alors, il y a sûrement quelque
chose qui ne fonctionne pas quelque part. Vous proposez certaines
réformes. Vous n'allez pas jusqu'au problème des structures, me
semble-t-il.
Quant à nous, nous avons une vision plus globale de l'ensemble du
phénomène pour essayer de régler ces problèmes. Si
vous me dites: Ce qui est mieux dans la société, c'est quand il y
a quelqu'un qui risque des dollars quelque part et que c'est un
véritable risque, à ce moment-là, comme il risque des
dollars, il faut lui permettre de faire des profits, quels que soient ces
profits. Si c'est cela qui est la conception que l'on doit retenir et la
conception unique... Il peut y en avoir une autre, surtout quand c'est une
richesse naturelle. Si vous acceptez que cette richesse naturelle soit
contrôlée par quelques-uns seulement, c'est une conception. Ce
n'est pas celle que nous avons à l'heure actuelle.
M. CARPENTIER: D'un autre côté, vous dites que des
entreprises n'ont pas fait d'efforts de modernisation pendant certaines
années, lorsque l'on sait très bien que, dans certaines
régions, certaines compagnies que je ne nommerai pas ont fait des
efforts extraordinaires pour améliorer leurs usines. Si toutes ces
usines avaient fonctionné à pleine capacité et
appliqué toutes ces améliorations modernes, un nombre de
travailleurs considérable que vous représentez auraient
été mis à pied. L'entreprise privée, à ce
moment-là, a décidé ou accepté de faire marcher
certaines de ses machines à un taux réduit pour permettre
à un plus grand nombre de travailleurs de garder leur emploi. Est-ce que
vous êtes pour ou contre une telle politique?
M. PEPIN: Est-ce une hypothèse que vous formulez ou est-ce
appuyé sur des faits? Au niveau des investissements, je vous
réfère à la page 7 du mémoire que nous avons. Vous
verrez combien on a investi au Québec et combien au Canada.Vous verrez
le pourcentage Québec-Canada.
Vous voyez qu'en 1971 il y a eu des dépenses réelles
provisoires cependant de $50 millions au Québec sur $508
millions dans l'ensemble du Canada pour l'industrie des pâtes
et papiers, ce qui représente 10 p.c. de l'ensemble du Canada. En
1970, ç'a été 16 p.c. En 1969, c'était 29 p.c. On a
l'impression que ça tend constamment à diminuer. Je ne sais pas
où vous pouvez prendre les faits pour appuyer votre hypothèse.
Vous dites que les compagnies vont investir beaucoup, que ça va donner
beaucoup de travail. Regardez les investissements, comment ils sont faits au
Québec.
M. CARPENTIER: Je comprends très bien. Dans certains secteurs
donnés, il faut admettre qu'il y a eu de l'amélioration. Quelles
auraient été d'après vous les implications vous concernant
directement et quelles suggestions auriez-vous pu apporter pour changer cette
optique?
M. PEPIN: Voulez-vous préciser votre question? Je ne pense pas
bien la comprendre.
M. CARPENTIER: Disons que dans certaines régions vous avez eu de
la modernisation, de l'amélioration. Si on prend ça dans tout le
Canada ou dans un secteur donné, je pense que c'est pas mal
différent. Si on regarde uniquement dans la province de Québec,
plusieurs secteurs ont connu...
M. PEPIN: Entre autres les pâtes et papiers?
M. CARPENTIER: Oui... de bonnes améliorations. Si toutes ces
améliorations avaient été accentuées et
réalisées et qu'un grand nombre de travailleurs auraient
été mis à pied à cause de ces améliorations,
quelle aurait été votre position à ce moment?
M. PEPIN: Pourquoi y aurait-il eu des mises à pied à cause
des améliorations? Cela ne conduit pas nécessairement à
des mises à pied lorsqu'il y a des techniques nouvelles, vous savez, pas
nécessairement. A part ça, il y a tout le problème du
recyclage de la main-d'oeuvre. Cela fait partie d'un certain plan qu'on peut
avoir. Si on prévoit qu'en investissant davantage, en faisant de la
modernisation, il y aura tant de centaines de travailleurs qui vont perdre leur
emploi, ça peut être prévu. Cependant, ça oblige
l'État à prévoir l'ouverture d'autres entreprises, que ce
soit dans le même secteur ou dans un secteur connexe, pour absorber la
main-d'oeuvre qui s'en va. Je pense que vous ne pouvez sûrement pas
être contre la mécanisation ou la modernisation. En tout cas, je
ne suis pas opposé à cela. Je pense qu'il sera nécessaire
d'en avoir si on veut rester concurrentiel. Quel que soit le système
dans lequel vous viviez, il vous faut être concurrentiel quelque part.
Quand vous me dites qu'ils n'ont pas investi pour protéger les
travailleurs, ce n'est pas ainsi que je vois le problème.
M. CARPENTIER: Vous répondez partiellement à la question,
il ne faut pas...
M. PEPIN: S'il y a une partie à laquelle je n'ai pas
répondu, allez-y.
M. CARPENTIER: Il ne faut pas bloquer le progrès mais il faut
admettre que dans certains secteurs il y a eu des améliorations
marquées de modernisation de nos usines.
M. PEPIN: Je n'ai pas d'objection à ça.
M. CARPENTIER: C'est ce que vous sembliez dire tantôt, qu'il n'y
avait pas eu d'améliorations.
M. PEPIN: Il y en a eu très peu, c'est ce que je dis. Par rapport
aux données officielles, il y en a eu très peu. Par rapport
à l'âge des usines, vous le savez, je pense que c'est un fait bien
connu du ministère, du ministre et de vous sans doute, les usines sont
généralement vieilles. A ce moment-là, c'est moins
productif quand on n'a pas changé la machinerie.
M. CARPENTIER: C'est précisément ce que je veux vous dire.
Dans certains secteurs de la province de Québec, il y a eu des
améliorations marquées du côté de la
modernisation.
M. PEPIN: Tant mieux, on n'est pas contre. M. CARPENTIER: Vous
l'admettez.
M. PEPIN: Bien sûr, si on ne s'était jamais
amélioré, où est-ce qu'on serait? On serait encore au XlVe
siècle alors que les autres seraient au XXe. Il faut bien
s'améliorer de temps en temps un peu.
M. CARPENTIER: D'accord, ça s'en vient.
M. GIASSON: Vous n'êtes pas d'opinion que le climat actuel qui
prévaut au Québec n'incite pas les compagnies à faire des
investissements massifs? Vous savez, on n'a rien à se cacher, il y a
toutes sortes de courants de pensée qui sillonnent la communauté
québécoise. J'ai l'impression que si j'étais un financier
ou un industriel et que j'avais des capitaux à investir, quitte à
me procurer ce qui manquerait, je regarderais d'abord vers l'avenir pour savoir
si l'ensemble du contexte à l'intérieur duquel je veux
évoluer me donne une certaine garantie sur l'investissement que je dois
consentir. Vous avez donné des chiffres comparatifs des investissements
qu'a connus le Québec par rapport à l'ensemble du Canada. On
constate une réduction d'investissements ici au Québec, les
pourcentages diminuent d'année en année. Il y a peut-être
je ne sais pas, je n'ai pas discuté avec ceux qui peuvent
investir dans le domaine forestier au Québec des
hésitations de la part de ces gens. Ils se disent : Où le
Québec va-t-il? Le Québec de demain serait quoi?
M. PEPIN: C'est une question un peu plus philosophique. Mais votre
question me...
M. GIASSON: Je n'ai pas de philosophie pour le gars qui veut
investir.
M. PEPIN: Votre question ne suggère évidemment pas qu'il y
a la préparation d'un autre coup de la Brink's, je mets ça de
côté.
M. GIASSON: Laissons faire ça, c'est de la dentelle.
M. PEPIN: C'est du passé, quoiqu'hier les nouvelles nous
annonçaient certaines choses qui ressemblaient un peu à
ça. J'ai écouté le bulletin de nouvelles, on disait que
deux sièges sociaux de banques importantes s'en allaient. Une autre
compagnie...
M. GIASSON : Disons qu'on laisse ça aux naifs et qu'on revient
à ses problèmes.
M. PEPIN: Il me semble que si...
M. LE PRESIDENT: Je voudrais qu'on s'en tienne au mémoire, s'il
vous plaît.
M. PEPIN: J'essaie bien! Il me semble que, lorsque M. Rockefeller est
venu rencontrer le premier ministre, une déclaration a été
attribuée à M. Rockefeller. Si vous parlez au niveau des
problèmes d'indépendance Québec-Canada, je crois que M.
Rockefeller aurait dit, je n'ai pas la coupure ici, que, pour lui, ce n'est pas
ce qui l'intéressait. C'était de voir s'il était capable
de réaliser des profits.
M. GIASSON: Mais là, je ne pense pas tellement à
l'indépendance.
M. PEPIN: D'accord. Vous pensez...
M. GIASSON: Je pense à...
M. PEPIN: ... la réorganisation sociale.
M. GIASSON: .. une structure nouvelle de la société
québécoise où il n'y aurait plus de place pour
l'entreprise privée.
M. PEPIN: Où il y aurait moins de place.
M. GIASSON: Disons dans le contexte forestier. Oublions les autres
activités.
M. PEPIN: Si c'était une crainte de la part des producteurs ou
des investisseurs, peut-être que l'Etat aurait à intervenir encore
plus massivement. Mais je ne sais pas si c'est en raison de ça qu'il y a
eu une diminution réelle, non pas uniquement en termes relatifs mais en
chiffres absolus, des investissements au Québec. Est-ce en raison de
ça? La décision d'un entrepreneur ou d'un investisseur ou les
motifs de sa déci- sion, je pense que c'est bien difficile à
évaluer. Vous pouvez vous dire que c'est parce qu'ils craignent qu'il y
ait un Etat socialiste ou encore parce qu'ils pensent qu'ils vont faire plus
d'argent ailleurs, et à court terme, et à moyen terme, et
à long terme. Je ne crois pas que je puisse répondre d'une
manière satisfaisante à votre question, non pas parce que je ne
le voudrais pas, mais je pense qu'il n'est pas possible d'intervenir et
d'essayer d'apprécier les motifs qui vont forcer, demain ou dans un an,
les investisseurs à investir ou à ne pas investir. Leur
décision est bien conditionnée par une série de facteurs,
je présume. Est-ce qu'un des facteurs est celui-là? Possiblement.
Comme je ne suis pas un investisseur, je ne peux pas donner une réponse
à votre question.
M. CARPENTIER: M. Pepin, quelle serait, d'après vous, l'urgence
de procéder à la création d'un complexe forestier
étatisé au niveau secondaire, comme le voudrait votre
neuvième recommandation?
M. PEPIN: M. Wassef.
M. WASSEF: De plus en plus, on va parler de domination
étrangère. Mais disons qu'il y a plusieurs companies
étrangères. Elles importent massivement leur technologie, elles
importent également leurs recherches, celles qui les favorisent le plus
souvent. Je ne vais pas vous parler des compagnies étrangères.
Vous devez savoir à peu près ce qu'elles sont.
Le mémoire pense que le Québec a des préoccupations
qui lui sont propres et que seuls les Québécois peuvent
résoudre avec leurs propres intérêts. De là, une
intervention dans le secteur secondaire par l'Etat pourrait nous amener
à développer, pour nos propres besoins, des techniques qui nous
soient propres et une recherche appliquée qui nous soit propre au
Québec, au lieu de les importer. Ce serait également une
connaissance québécoise des modes de production
forestière. Je ne sais pas si cela en dit long.
M. CARPENTIER: Non, pas tellement. Parce que globalement, est-ce que les
autres pays, comparativement à cela, sur le plan national ou sur le plan
international, n'acceptent pas les recherches d'autres pays? Qu'est-ce que vous
en pensez pour la province de Québec? Est-ce que la province de
Québec est si à part du reste du monde?
M. WASSEF: Parce que c'est caractérisé, comme nous l'avons
au Québec, dans tous les secteurs économiques, je pense qu'on
peut commencer par celui-là.
M. CARPENTIER: Est-ce que vous pourriez nous nommer certaines
caractéristiques?
M. WASSEF: Certaines?
M. CARPENTIER: Caractéristiques.
M. WASSEF: Je vous les ai citées tout à l'heure en vous
parlant de toute notre technologie, en vous parlant de la recherche
appliquée comme telle. On en a parlé à ce niveau. Ce sont
les caractéristiques que nous connaissons au Québec. Il y a de
grandes lacunes.
M. CARPENTIER: Vous croyez vraiment que la province est si à part
des autres.
M. WASSEF: Je le crois.
M. CARPENTIER: Il y a dix provinces au Canada. Est-ce que Québec
fait si exception que ça?
M. WASSEF: Pour l'instant, nous parlions du Québec. Si vous
voulez parler du Canada, cela va peut-être se poser dans les mêmes
termes.
M. CARPENTIER: Vous avez parlé de recherches sur le plan national
ou international?
M. WASSEF: National pour l'instant, si vous voulez, mais nous parlions
de la province.
M. CARPENTIER: Oui, mais province versus national, versus Canada ou
quoi?
M. WASSEF: Je veux vous dire que c'est un faux problème.
M. CARPENTIER: Une autre question. Votre mémoire traite assez
timidement des problèmes de la main-d'oeuvre forestière.
Même si cette question n'est pas de la compétence directe du
ministère des Terres et Forêts, croyez-vous que ce dernier
pourrait quand même jouer un rôle pour assurer le recyclage des
travailleurs mis à pied ou pour leur garantir une certaine
sécurité d'emploi?
M. PEPIN: Il est vrai que nous avons ajouté une recommandation,
sachant bien que cela ne relevait pas directement du ministère comme
tel. Nous nous sommes longuement interrogés, à savoir: Est-ce que
cela vaut la peine de soulever, à ce moment-ci, tout le problème
de la main-d'oeuvre ou s'il faut le soulever à un autre forum? Nous
avons décidé de le soulever ici, de ne pas prévoir une
extention très grande à notre demande. Mais je dois
déjà vous informer, si vous ne le savez pas, qu'il y a
déjà une commission de la main-d'oeuvre qui est formée, au
niveau du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, où nous
sommes représentés, les autres groupements de travailleurs aussi
de même que les compagnies. Je pense que le ministère des Terres
et Forêts doit avoir un représentant au sein de cette
commission.
Il est clair que, dans la mesure où vous prévoyez des
changements, sans doute majeurs, au niveau de la composition de la
main-d'oeuvre, vous devez avoir tout un programme qui vous permettra de tenir
compte des effets sociaux, des conséquences sociales des
décisions qui sont prises, donc les programmes de recyclage, les
programmes pour que les gens puissent se rebâtir une vie, s'ils doivent
sortir de ce marché. Parce que cela ne comprend pas uniquement les.
bûcherons ou ceux qui travaillent dans la forêt. Cela comprend
aussi les travailleurs d'usines. Vous avez des graves problèmes dans les
scieries. On voit la diminution du nombre de scieries. Il y a peut-être
aussi une concentration, de ce côté, qui pourrait permettre de
maintenir un certain volume de main-d'oeuvre au même point.
Il reste que vous pouvez tenir pour acquis que si cette onzième
recommandation est là, même si elle est brièvement
exposée, c'est uniquement parce que nous nous sommes demandé s'il
était de la compétence de cette commission de traiter de ce point
ou s'il fallait le faire ailleurs. Mais sachez que nous sommes actifs
là-dessus et que nous essayons d'y pourvoir.
M. CARPENTIER: Est-ce que votre organisme a déjà fait
certaines études concernant ce problème?
M. PEPIN: Le problème de la main-d'oeuvre?
M. CARPENTIER: Oui.
M. PEPIN: Oui, il y a pas mal d'études qui ont été
faites, à peu près dans toutes les industries. On peut dire
qu'à l'heure présente, au ministère, il y a
peut-être quatre ou cinq commissions de même type qui
siègent pour tenir compte de l'évolution des entreprises ou de
l'industrie et des conséquences que cela aura pour les travailleurs.
Là-dessus, je ne sais pas à quelle étude
particulière vous pourriez vous référer, mais vous savez
que c'est un problème qui n'est pas, cette fois-ci, purement national,
dans le sens québécois du terme. Il est à la grandeur et
du pays et même de l'Amérique. Je pense cependant que c'est une
question de joindre tout cela au développement économique. Si
vous fermez des usines et si vous diminuez le nombre d'emplois, vous avez beau
recycler du monde, si vous les recyclez dans le vide, alors qu'il n'y aura pas
de possibilité d'emploi pour eux, cela ne donne pas grand-chose aux
individus et aux travailleurs, sauf de l'aide financière pendant le
temps où ils se font recycler. Mais si le recyclage n'a pas un but bien
arrêté, c'est rarement bon de procéder ainsi parce que
c'est de nature à décourager les travailleurs qui acceptent
d'être recyclés et qui, en fin de course, n'ont pas de
travail.
M. CARPENTIER: D'après vos études, pou-
vez-vous déterminer que vous avez une augmentation ou une
diminution de la main-d'oeuvre dans les exploitations forestières, par
exemple?
M. PEPIN: Je ne sais pas si Jean-Guy Morin pourrait répondre
â cela. Jean-Guy Morin, qui est le directeur professionnel de la
fédération, est membre du comité auquel j'ai
référé. Peut-être qu'il pourrait venir
répondre à cette question.
M. MORIN: Oui, nous avons siégé au comité de la
main-d'oeuvre forestière. Il y a la firme Acres qui a fait une analyse,
pendant trois ans, des besoins en main-d'oeuvre dans le secteur forestier. Il y
a diminution du nombre d'emplois dans le secteur forestier qui est
prévisible, même avec l'automatisation et la mécanisation,
qui deviendront de plus en plus poussées. Mais en même temps,
à ce comité, des recommandations ont été faites en
vue de créer des emplois dans le secteur forestier, en tout ce qui
concerne la sylviculture, par exemple. Déjà, vous avez eu des
déclarations de personnes du ministère des Terres et
Forêts, disant qu'on pourrait créer les 100,000 emplois seulement
dans le secteur forestier. Mais il faut prendre les moyens pour les
créer.
M. DRUMMOND: Il n'est plus avec le ministère!
M. CARPENTIER: Uniquement du côté forestier, pouvez-vous
offrir certaines suggestions pour régler le problème?
M. MORIN: De la main-d'oeuvre? Pour créer des emplois?
M. CARPENTIER: Est-ce que, d'après vos études, vous en
êtes venus à la conclusion de suggestions valables?
M. MORIN: Oui, le comité de la main-d'oeuvre forestière,
actuellement, fonctionne encore; on travaille encore à ce comité.
On a peut-être certains problèmes de juridiction entre le
comité de la main-d'oeuvre forestière et le comité de la
main-d'oeuvre de l'industrie des pâtes et papiers. Nous attendons encore
des réponses des représentants du patronat pour savoir s'ils
veulent assister à ce conseil supérieur qui chapeauterait les
deux comités. Nos conclusions ont été les suivantes:
même si on trouvait des moyens de recycler la main-d'oeuvre, si on ne
crée pas des emplois... Et, pour créer des emplois, il faut
toucher à tout le problème économique, au problème
de la concurrence.
Nous sommes pris entre les deux. Les suggestions peuvent être
bonnes. Pour autant que le gouvernement prendra les moyens nécessaires
pour créer un climat économique, il y aura une augmentation des
emplois. S'il y a seulement des diminutions d'emplois, s'il n'y a pas d'autres
moyens, nous n'avons pas de solutions.
M. CARPENTIER: Je vous remercie, messieurs, et je vais céder la
parole aux membres des autres partis.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci, M. le Président. En lisant, non
seulement le mémoire, mais les communiqués qui ont
été distribués ce matin aux media d'information,
j'aimerais au départ faire quelques brèves observations d'ordre
général. Ce mémoire qui nous est présenté ce
matin par la CSN devrait s'intituler: "Pour une politique socialiste
appliquée dans un domaine, le secteur forestier", parce qu'il ne faut
pas que tout ce que nous disons ici, ce que nous faisons, soit
interprété en porte à faux par les citoyens du
Québec.
Je ne me prononce pas sur la valeur de la thèse que défend
la CSN, mais il est très net, il apparaît clairement qu'il s'agit
d'une thèse socialiste que l'on voudrait voir appliquée dans le
domaine de l'exploitation, de l'utilisation de la forêt. Cela
paraît dès le départ dans le premier communiqué
où il est question du rôle de l'Etat, rôle de moteur, et,
ensuite, de l'Etat exploitant unique.
C'est là une conception. Je n'ai pas l'intention d'en discuter.
Il s'agit d'une philosophie de base. J'imagine que le mémoire qui
l'appuie et qui est présenté ce matin par la CSN a reçu
l'approbation par voie démocratique de tous les syndicats membres de la
CSN et de tous les travailleurs syndiqués qui appartiennent à ces
diverses parties constituantes de la Confédération des syndicats
nationaux.
Partant de là, je voudrais poser quelques questions à M.
Pepin ou à ses camarades afin de dégager exactement le substrat
idéologique de ce qui nous est proposé comme formule
d'exploitation de la forêt au Québec, formule au sujet de
laquelle, je le répète, je ne me prononce pas pour l'instant,
mais au sujet de laquelle cependant je voudrais avoir des explications.
M. Pepin, est-ce que vous pouvez me dire si la philosophie qui sous-tend
le mémoire que vous présentez est une philosophie nettement
socialiste qui tend à l'instauration d'un dirigisme total dans le
domaine de l'exploitation forestière?
M. PEPIN: Dès le point de départ, M. Tremblay, j'ai dit
que je n'avais même pas besoin, me semblait-il, d'une assise
idéologique pour défendre ce que nous avons à
défendre, parce que nous avons un domaine qui se détériore
constamment.
Nous avons déjà, comme Etat, la propriété de
toutes ces terres, de tous ces biens. Comme le système va très
mal dans ce coin-là, ce n'est pas au nom d'une idéologie que l'on
vient soumettre cette proposition, mais uniquement sur une base très
concrète et très pratique.
Le système a failli jusqu'à maintenant et on
essaye d'en instaurer un autre dans le domaine forestier, parce que vous
avez bien limité vous-même votre question. Vous me dites: Est-ce
vraiment une thèse socialiste dans le sens que c'est l'Etat qui va
être le propriétaire de tout? Au point de départ, l'Etat
est encore propriétaire des forêts, comme il l'est
présentement, mais c'est lui qui va en faire l'exploitation.
Plus tard, s'il n'y a pas moyen, si les choses ne s'ajustent pas
différemment, il est possible que l'Etat devienne aussi le
propriétaire de toutes les entreprises de production, donc, du
secondaire. Je ne viens pas ici pour me demander si ça, c'est du
socialisme, quel genre de socialisme et avec quelles nuances. On prévoit
une série de mécanismes où il y aura des
possibilités de participation. On prévoit des créations de
coopératives, comme on l'a indiqué dans la cinquième
recommandation. Ce n'est pas au nom d'une idéologie que je viens
défendre une telle thèse; c'est dans les termes les plus concrets
possible parce qu'il y a une situation qui s'aggrave constamment. On pense que,
si l'Etat continue à laisser uniquement à l'entreprise
privée le soin d'administrer à peu près toutes ces terres
domaniales ou les terres publiques, la situation va continuer à
s'aggraver et on essaye d'arrêter l'hémorragie.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, M. Pepin, il est assez clair dans mon
esprit, même en tenant compte de votre approche pseudo-pratique, que vous
préconisez un contrôle de l'Etat dans le domaine de l'exploitation
forestière.
M. PEPIN: Là-dessus, M. le député, je peux dire
oui. Catégoriquement, c'est indiqué dans le mémoire.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Bon, c'est ce que je voulais savoir. C'est
déjà dans le mémoire, mais je voulais que cela fût
consigné au journal des Débats. Je ne dis pas cela parce que j'ai
derrière la tête un préjugé ou quelque chose comme
ça. S'il s'agit d'une philosophie, libre à chacun de
l'apprécier à sa valeur.
Puisqu'on a parlé d'approche réaliste, il faudrait
maintenant examiner les conséquences des recommandations pratiques que
vous soumettez à l'attention des membres de cette commission. Vous
parlez de l'abolition des concessions forestières. Vous avez
parlé, à propos de tout cela, du coût du bois, des salaires
et ainsi de suite. Est-ce que vous pouvez nous dire cette question vous
a sans doute été posée tout à l'heure, mais j'y
reviens si l'abolition des concessions forestières va
entraîner une diminution du coût du bois? Sur quelles études
vous appuyez-vous pour dire oui ou non?
M. PEPIN: A ce moment-là, je n'ai pas d'étude personnelle
sur laquelle m'appuyer, mais j'essaye de regarder les faits tels qu'ils se
présentent à l'heure actuelle. Il me semble que, si c'est l'Etat
qui peut distribuer et vendre le bois aux divers producteurs, ce sera plus
facile d'en arriver à un meilleur coût. En effet, à l'heure
actuelle, les compagnies sont obligées d'aller chercher leur bois dans
des régions éloignées de leur entreprise, alors que, plus
près d'elles, d'autres compagnies possèdent les boisés et
font le chemin inverse.
Si vous demandez, dans les termes les plus concrets, combien de millions
de dollars on va épargner ou encore, par rapport aux $30 que le bois
coûte présentement, d'après les statistiques, si ça
va diminuer à $25 ou $26, j'ai lieu de croire qu'avec une meilleure
rationalisation le coût du bois diminuerait. Je n'ai pas de
données statistiques à vous offrir.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, partant de cette présomption, M.
le Président, je voudrais poser une autre question à M. Pepin au
sujet de la création d'une société d'exploitation
forestière. Est-ce que vous avez étudié la question afin
de savoir ce qu'il en coûterait pour la mise sur pied de cette
société d'exploitation forestière? Dans le cas où
serait créée cette société, qu'adviendrait-il des
sociétés actuellement existantes?
M. PEPIN: Les sociétés existantes... Vous voulez dire les
sociétés privées?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pâtes et pe-piers, tout ce qui existe
à l'heure actuelle et qui s'occupe d'exploitation, de transformation du
bois, etc.
M. PEPIN: Est-ce que vous vous référez aux
sociétés privées actuelles, Domtar, CIP?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Tout ce qui s'appelle sociétés;
scieries, etc.
M. PEPIN: Alors, pour ces sociétés, elles ont une
vocation, à l'heure actuelle, si je comprends, c'est de transformer
surtout le bois en papier-journal ou en planches si ce sont des scieries.
Ces sociétés continueront à exister si elles
veulent garder leur principale vocation. Mais, pour ce qui est de la
transformation ou de l'exploitation même de la forêt, les
sociétés ne seront plus dans ce territoire et leur vocation sera
exclusivement au plan du secondaire comme tel.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Qu'est-ce que cela veut dire, M. Pepin?
Pourriez-vous préciser?
M. PEPIN: Je vais essayer.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je vais vous donner un exemple précis.
Prenons les cas de Domtar, de Consol, de CIP, de Price, etc.; que
vont devenir ces sociétés, quels seront leurs rôles
dans le monde socio-économique québécois â partir du
moment où existerait cette Société d'exploitation
forestière? Seraient-elles de simples agents au service du gouvernement
ou continueraient-elles d'exploiter la forêt comme elles le font
actuellement?
M. PEPIN: Elles n'exploiteraient pas la forêt comme elles le font
actuellement. Domtar a des usines à papier, Consol aussi, ça leur
prend du bois pour le transformer en papier. A ce moment-là, la
matière première serait achetée principalement par elles
à la Société d'exploitation forestière. Elles
continueraient à faire la transformation. Mais leur matière
première, elles l'achèteraient plutôt que
d'elles-mêmes aller la chercher en forêt. C'est la
Société d'exploitation forestière qui le ferait, qui leur
livrerait le bois qu'elles pourraient transformer par la suite.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Par mode de comparaison, quels pourraient
être les coûts de ce genre d'exploitation nouvelle des
sociétés qui existent à l'heure actuelle, selon le mode
que vous préconisez? Quels bénéfices en retireraient les
exploitants, d'une part, et les citoyens, d'autre part?
M. PEPIN : Si ma première réponse par rapport au
problème des concessions était vraie, s'il y avait diminution du
coût comme je l'ai présumé sans que je puisse vous fournir
desstatistiques, la deuxième réponse s'ensuivrait. A ce
moment-là, s'il y a amélioration du coût du bois par
rapport à la situation présente, les compagnies en retireraient
aussi des avantages puisque ça leur coûterait meilleur
marché pour acheter le bois.
M. GIASSON: Je ne conçois pas qu'il puisse y avoir
amélioration du coût. Si, à l'intérieur du retrait
des concessions forestières...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, il me semble
que...
M. GIASSON: ... les usines existantes ou à créer, s'il y
en a à créer, avaient une garantie d'approvisionnement
véritablement planifiée, c'est-à-dire si les bassins ou
les aires de coupe étaient réservés en vue de diminuer le
transport, etc., je ne vois pas une économie réelle à ce
que l'Etat fasse l'exploitation forestière comme telle par rapport
à l'entreprise privée. Il le ferait à compétence
égale.
Sans avoir fait de chiffres, les marges seraient absolument minimes.
C'est sûr que, s'il n'y a pas de réaménagement dans les
bassins d'approvisionnement, vous allez retrouver une différence. Mais,
si c'est planifié au départ, je ne vois pas de différences
énormes entre les deux genres d'exploitation.
M. LE PRESIDENT (Lafrance): L'honorable député de
Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je reviens, M. Pepin, à la question que
je vous posais tout à l'heure. Où et comment, de quelle
façon pourrions-nous en arriver à diminuer les coûts du
bois, supposant qu'on applique votre recommandation, si on veut demeurer dans
un domaine concret?
M. PEPIN: Oui, je suis dans un domaine concret. Si l'hypothèse
est vérifiée à l'effet que présentement certaines
anarchies existent, que les compagnies ont leurs bassins d'approvisionnement
entrecroisés bien souvent, si cette thèse est vraie et si l'Etat
intervient pour lui-même faire de l'exploitation et prendre le bois le
plus près d'une usine peu importe le nom de la compagnie
pour en faire la livraison, l'hypothèse devrait se vérifier, me
semble-t-il à tout le moins en théorie. Les coûts seraient
diminués. Maintenant, je n'ai pas appliqué le système et,
tant et aussi longtemps qu'il ne sera pas appliqué, il sera difficile
d'être très précis, même dans des estimations.
Si le Parlement décide un jour d'accepter cette conception, les
experts gouvernementaux vont sûrement se mettre â l'oeuvre pour en
vérifier chacun des coûts. A la base de tout, il y a une question
de conception, c'est clair.
Dans ce cas-là, il me semble que je n'ai pas besoin d'avoir une
conception socialiste des choses pour en arriver à une telle conclusion.
Mais si le Parlement accepte cette conception, fatalement, il y a des gens qui
devront se mettre à l'oeuvre pour vérifier, savoir exactement ce
que cela représentera comme déboursés
supplémentaires ou déboursés en moins, ce qui serait le
postulat de base de ce document.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, M. Pepin, je comprends qu'il y a
un postulat de base. Vous venez nous présenter un mémoire qui
comporte, au fond, une thèse. L'on se serait attendu que vous nous
donniez, nous fournissiez des chiffres sur la valeur, sur ce qui pourrait
donner du poids à votre postulat, nous permettre de vérifier.
Vous nous dites que vous n'en avez pas. Je ne vous en fait pas reproche, mais
je vais vous poser une question. Supposons que l'Etat, d'ici X mois ou X
années, disons plutôt X années, décide d'appliquer
la politique que vous préconisez, à court terme, qu'advient-il?
Qu'est-ce qu'on fait en attendant pour pallier les inconvénients du
système actuel que vous avez décrits comme tragiques?
M. PEPIN: Je pense, M. le député, que nous avons
prévu, même dans la création de la Société
d'exploitation forestière, qu'il y a des étapes à
franchir, qu'on devrait prendre les dispositions nécessaires afin que,
au terme de cinq ans... Nous prévoyons de le faire par étapes
parce que vous ne pouvez pas faire un changement brusque du jour au
lendemain. Dans chacune des lois, il y a des périodes transitoires qui
sont prévues. Et si vous acceptez cette conception, je crois que vous
devrez aussi prévoir des termes ou des moments où des
applications arrivent, mais à des dates différentes suivant tout
le plan que vous avez imaginé. A un certain moment, vous pourrez mettre
au monde cette société. A un autre moment, vous pourrez donner un
pouvoir supplémentaire, mais l'échéancier peut être
prévu dans la loi. Nous avons déjà imaginé qu'il y
aurait une période de cinq ans de transition avant que la
Société d'exploitation forestière puisse agir à
plein rendement et avec tout sa vocation.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Entre-temps, les sociétés
actuelles qui exploitent la forêt continueront d'investir et de se
développer. Au moment où le plan général que vous
préconisez sera appliqué, qu'adviendra-t-il de ces
sociétés? Qu'est-ce qu'on en fera? Comment pourrons-nous les
intégrer dans le système que vous proposez?
M. PEPIN: Ses intentions étant fort bien connues si le Parlement
décide d'agir dans ce sens-là, sans doute qu'il y aura des
ententes à conclure entre le gouvernement, le ministère et les
diverses compagnies pour dire: Quand on va finir l'opération, on va
tenir compte des investissements que vous aurez faits. Il pourra y avoir un
contrôle, aussi, qui s'exercera de la part du gouvernement dans la
période intermédiaire pour qu'il n'y ait pas une politique
établie par le gouvernement qui puisse être contrecarrée
dans la période transitoire par des décisions unilatérales
de compagnies. Je ne sais pas si je me fais bien comprendre.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, mais à la fin de ce terme, M.
Pepin, il faudra quand même imaginer des modes de compensation. D'autre
part, en attendant d'en arriver au terme, on ne pourra quand même pas
paralyser le développement des industries. Alors, quelles
modalités suggérez-vous?
M. PEPIN: Je pense que, lorsque la nationalisation de
l'électricité s'est faite, cela ne s'est pas fait du jour au
lendemain. D'abord, il y a eu un vote provincial. Par la suite, toutes les
compagnies savaient que la nationalisation s'en venait. Cela ne les a sans
doute pas arrêtées d'investir lorsque c'était
nécessaire. Elles ont dû prévoir, avec le ministère
concerné, le cheminement requis et tenir compte s'il y avait de nouveaux
investissements nécessaires, que dans la transaction finale, on devrait
fatalement tenir compte de ces investissements qui se feraient.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Dans le cas de la nationalisation de
l'électricité, l'exemple n'est peut-être pas le mieux
choisi, ça n'a pas pris cinq ans, d'abord, il ne faut pas oublier que le
gouvernement a drôlement payé pour racheter les compagnies, pour
les dédommager. Je pense que, dans le plan que vous préconisez
pour la forêt, il faudrait procéder de la même
façon.
M. PEPIN: Pardon, M. le député, si le gouvernement a trop
payé dans le cas de l'Hydro-Québec, je n'ai pas de jugement de
valeur à porter ce matin là-dessus. Si vraiment, il avait trop
payé, il n'est pas obligé de répéter...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non.
M. PEPIN: ... la même erreur dans d'autres cas.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais nous imaginons bien qu'ayant
préparé le mémoire que vous nous soumettez, vous avez
déjà une idée de ce qu'il nous faudrait payer pour acheter
les compagnies qui seront remplacées par la société
d'exploitation forestière?
M. PEPIN: Je n'ai pas d'idées, M. le député.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est dommage. Alors, revenons-en à la
recommandation 3: création d'une régie forestière du
Québec. Vous avez décrit dans votre mémoire le rôle
de cette régie forestière du Québec. Il s'agit d'un
organisme gouvernemental avec la société d'exploitation
forestière, il y aura deux organismes gouvernementaux, deux
régies indépendantes. Vous avez vous-même, tout à
l'heure, non pas admis mais vous avez parlé de ce que coûtent les
régies gouvernementales. Est-ce que vous pensez que la mise en marche de
ces deux régies seront faciles? Est-ce que cette mise en marche sera
facile et est-ce que vous avez estimé les coûts de la mise en
marche de ces deux sociétés d'Etat?
M. PEPIN: Vous allez trouver ça dommage encore, je n'ai pas
estimé les coûts.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je retrouve ça redommage. Maintenant,
M. Pepin, vous parlez de la création d'une régie de mise en
marché, c'est une chose qui s'entend fort bien à
l'intérieur de quelque système que ce soit. Vous parlez aussi de
création d'unités coopératives d'exploitation
forestière. Est-ce que vous pourriez nous donner des explications
additionnelles au sujet de ces coopératives?
M. PEPIN: Je vais demander à M. Wassef.
M. WASSEF: Si vous pouvez préciser davantage votre question, je
tenterai d'y répondre.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je crois, M. Wassef, qu'elle est assez
explicite. Je vous demande de me dire quelle conception vous
vous faites de ces unités coopératives d'exploitation
forestière.
M. WASSEF: Au niveau des petites forêts, des petits
propriétaires, vous avez là un nombre assez élevé
de petits propriétaires. Afin de rendre...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Qui sont-ils ces petits propriétaires?
Où se trouvent-ils? Quelle est leur importance relative? Quels sont les
boisés qu'ils exploitent? Avez-vouâ une idée de ce que
ça représente globalement ou par unité, par
région?
M. WASSEF: Je ne veux pas être indélicat mais si vous aviez
lu le tome I du livre blanc, vous auriez fort probablement trouvé toutes
ces explications. Je vais passer par-dessus.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est précisément parce que je
l'ai lu que je vous pose la question et que je vous demande comment vous les
concevez ces unités coopératives d'exploitation
forestière?
Prenez le cas des chantiers coopératifs, par exemple. Vous
connaissez le problème très bien. Vous êtes venu dans ma
région. Il y en a. Qu'est-ce qui se passerait?
M. WASSEF: C'est-à-dire que, dans la proposition que nous
formulons, en termes d'exploitation de leurs forêts, nous imaginons que
ce serait une formule coopérative qui permettrait de résoudre
passablement les problèmes que pose la superficie de leurs
boisés. C'est juste par la formule coopérative. Le
ministère a fait, à cet égard, pas mal de recommandations
que nous estimons être d'importance.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Wassef, vous avez travaillé,
j'imagine, dans le domaine de la recherche au sujet des chantiers
coopératifs. Quelle est votre opinion là-dessus? Vous êtes
d'une région du Québec déterminée, j'imagine?
M. WASSEF: Oui.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous avez sans doute vu en exploitation des
chantiers coopératifs. Quelle opinion avez-vous de ces chantiers
coopératifs? En regard des propositions que vous faites, comment
pourriez-vous les intégrer dans votre système?
M. WASSEF: La grande lacune actuelle des chantiers coopératifs,
c'est qu'ils ne disposent pas de moyens financiers suffisants. D'autre part,
ils ne disposent pas d'une infrastructure technique, si vous voulez. Ils ne
disposent pas de toute la technicité que comporte l'usage rationnel,
dans le cas des boisés, de l'exploitation de leurs boisés. Alors,
avec les recommandations qu'a faites le MTF et les recommanda- tions que nous
formulons également dans notre mémoire, nous tentons de leur
donner, à l'aide d'un crédit forestier et à l'aide,
naturellement, de certaines structures régionales, la possibilité
d'influer sur la production, disons, du boisé ou de cordes de bois.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est clair comme la nuit! Alors, M. le
Président, j'aimerais poser une question à M. Pepin au sujet de
l'institution d'un crédit forestier. Est-ce que vous pouvez nous dire,
M. Pepin, de quel montant devra disposer progressivement le gouvernement, enfin
les citoyens, afin d'instituer ce crédit forestier?
M. PEPIN: Là-dessus non plus, je n'ai pas de montant. Cela va
être rereredommage! Il reste que je ne pense pas que, lorsque vous avez
commencé, en 1936, à avoir des crédits ruraux, vous saviez
à l'avance quel montant serait affecté. Au point de
départ, vous avez voté un montant de $10 millions ou de $15
millions. D'année en année, vous avez toujours changé la
loi pour augmenter les montants. Vous avez calculé les pertes possibles.
Il n'y avait presque pas de pertes. Alors, vous ajoutiez des montants. Si vous
prévoyez un crédit, au point de départ dans la loi, vous
allez marquer un montant, estimant que, pour la première période
de fonctionnement, cela pourrait aller et, suivant les expériences, vous
allez augmenter les montants graduellement si l'expérience est
valable.
Sur ce problème, même s'il n'y a pas de montants
prédéterminés et dits par moi, comme il s'agit d'un
crédit, ce n'est pas la même chose qu'un investissement direct. Il
y a un retour après. Alors, je pense que vous n'avez pas autant besoin
là-dessus d'une somme précise que vous sembliez en avoir besoin
sur d'autres sujets.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je pense qu'il ne faudrait pas errer ici. On a
parlé de la situation difficile des exploitants de la forêt, enfin
des petits exploitants. On parle d'un crédit forestier. Alors,
j'imaginais que vous aviez des statistiques, que vos recherchistes avaient une
idée exacte du besoin en argent.
C'est pour cela que je vous posais la question, M. Pepin, parce que je
sais, par-devers moi, quel pourrait être le montant nécessaire,
simplement dans la région de chez nous, pour l'institution d'un
crédit forestier.
Maintenant, M. Pepin, je voudrais vous poser une question au sujet de ce
rôle de l'Etat. Vous parlez de l'Etat qui doit assumer le rôle de
moteur, qui doit être, en somme, l'exploitant de la forêt.
Qu'advient-il de l'apport de l'investissement étranger dans ce programme
général d'exploitation par l'Etat?
M. PEPIN: Pour ce qui est de l'investissement étranger en ce qui
concerne l'exploitation
de la forêt, comme nous préconisons que ce soit l'Etat
lui-même qui l'exploite, il est possible qu'il puisse aller sur les
marchés étrangers, au Japon ou ailleurs, pour avoir des
ressources, mais les compagnies comme telles n'auraient pas à investir
de l'argent pour l'exploitation de la forêt, puisque c'est l'Etat
lui-même qui le ferait. L'apport de l'argent étranger, quant aux
compagnies étrangères, si elles continuent à produire,
à transformer, donc à être dans le secondaire, elles ont,
à l'heure actuelle, des investissements. Elles pourront les conserver.
Elles pourront continuer à réinvestir pour améliorer leurs
usines, leur production. De ce côté, cela ne change pas. Si l'Etat
ne s'occupe d'abord que de l'exploitation forestière, cela ne touche pas
au secondaire comme tel. Les compagnies qui existent continuent à
exister, continuent, si elles le désirent, à réinvestir
leurs profits ou de l'argent nouveau dans ces compagnies; mais pour ce qui est
de l'exploitation de la forêt, les compagnies étrangères ou
même nationales n'auraient plus à y être, puisque ce serait
l'Etat lui-même qui exploiterait la forêt.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): L'Etat lui-même exploiterait la
forêt mais où l'Etat prendrait-il l'argent?
M. PEPIN: L'Etat peut aussi réaliser des profits, en exploitant
la forêt.
UNE VOIX: Et s'il n'en réalise pas?
M. PEPIN: S'il n'en réalise pas, il fera comme d'autres
compagnies qui ne réalisent pas de profits. Mais nous
présumerons, quand même, que l'Etat peut réaliser des
profits en ce faisant. Je présume bien que l'Hydro-Québec
réalise des profits et pour son développement, quand même,
l'Hydro-Québec a besoin d'aller sur les marchés, soit nationaux,
soit internationaux. Il est possible que dans ce cas aussi, l'Etat, pour les
fins d'investissement, ait besoin de recourir au marché financier. Mais
on présumera, je l'espère bien, que l'Etat pourra réaliser
aussi des profits. Ces profits peuvent être réinvestis,
requérant moins de marchés financiers auxquels recourir lorsque
de tels profits sont réalisés.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Pepin, à la page 62 de votre
mémoire le mémoire du 23 août je voudrais
vous poser une question. Vous parlez de la création d'un complexe
forestier étatisé au niveau secondaire. Vous dites notamment
ceci, à la page 62, en' haut de la page: "Il faut rappeler, à ce
sujet, qu'une bonne partie des problèmes de l'industrie du bois, au
Québec, découle de la vive concurrence des produits substituts,
aluminium, plastique, etc." Comment voyez-vous l'avenir, dans cette
perspective?
Parce qu'il s'agit quand même d'industries nouvelles qui emploient
du monde et des industries qui, évidemment, ont demandé beau-
coup de recherches avant de s'installer. Elles sont en voie de
développement. Il y a évidemment une concurrence qui se produit.
Comment envisagez-vous la normalisation des rapports de rentabilité
entre ces industries qui sont les industries du bois et les industries des
produits nouveaux?
M. PEPIN: Il est bien difficile de prévoir toute la technologie
nouvelle et tous les autres produits qui pourraient remplacer dans certains cas
l'utilisation d'une partie du bois. Mais à tout le moins, si on avait
une conscience plus certaine que le Québec peut avoir une vocation du
côté du bois, on pourrait faire beaucoup plus, dans le domaine du
meuble en particulier. Ce serait une recherche importante.
Le meuble, au Québec, subit des aléas assez
extraordinaires. Si on pouvait réussir à développer une
industrie du meuble beaucoup mieux encore que celle qu'on a
développée jusqu'à maintenant je ne dis pas qu'on
n'a rien fait si on avait notre propre industrie du meuble, cela
pourrait aussi aider à l'industrie du bois. Je ne peux pas effacer
l'histoire et je ne peux pas prévoir qu'il n'y aura pas d'autres
substituts au bois. Mais il faut l'utiliser au maximum, en tenant compte que
d'autres produits vont être découverts qui, dans certains cas,
vont remplacer le bois. Et peut-être que si on fait une recherche
sérieuse de ce côté-là, le bois prendra aussi plus
d'espace dans d'autres sphères d'activités.
Si nous le disons, c'est que nous sommes bien conscients qu'il y a un
problème réel, mais nous n'avons pas de formule miraculeuse pour
dire que le bois va prendre une place plus grande dans les années
futures. Il est très difficile de spéculer sur le futur dans ce
domaine.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Enfin, M. Pepin, je ne vais pas vous
interroger plus que de raison. Votre mémoire a des intentions
extrêmement généreuses. Il est appuyé sur une
philosophie qu'il nous faudra examiner. Il reste cependant dans notre esprit
beaucoup de zones assez obscures, et, si je puis me permettre bien amicalement
de vous faire un reproche, c'est de voir extraits de votre mémoire,
à des fins de communication à la presse, ses aspects les plus
percutants, sans être capable ce matin d'appuyer sur des données
factuelles, des données économiques sérieuses les
propositions que vous nous faites.
C'est un reproche très amical, puisque nous aurons l'occasion
d'examiner en profondeur votre mémoire, de l'étudier.
A l'aide des techniciens et des spécialistes qui sont à
notre service, nous pourrons demander au gouvernement de considérer la
possibilité d'appliquer certaines des recommandations que vous
faites.
Il reste cependant que, si l'on prend l'ensemble de votre
mémoire, les propositions se
résument à une prise en charge par l'Etat de la
forêt, de l'exploitation forestière et, en termes de philosophie
socio-économique, ça s'appelle tout simplement de
l'étatisme ou du socialisme. Alors, libre à chaque membre de ce
Parlement de formuler son jugement sur cette conception de la
société.
M. LE PRESIDENT: La parole est au député de
Lotbinière.
M. BELAND: M. le Président, j'aurais également quelques
questions à poser à M. Pepin et peut-être même
à ses collègues. Pour commencer, je veux savoir s'il y a
possibilité d'avoir les mémoires. Non seulement
possibilité mais j'exige que d'ici 2 h cet après-midi, si la
séance reprend à 2 h, ou 2 h 30, si elle reprend à 2 h 30,
nous ayons les documents des autres associations ou groupements qui ont des
mémoires à présenter, car je ne les ai pas. Je tiens
à les avoir à l'ouverture de la séance de cet
après-midi.
Pour faire suite à cette observation, si j'avais eu une copie
plus tôt de ce mémoire assez volumineux, qui a été
préparé par la CSN, il m'aurait été possible de
poser une certaine quantité de questions supplémentaires, mais
j'irai au hasard.
Cela laisse supposer au début que l'Etat reprenne possession,
d'une façon ou d'une autre, de toutes ses forêts publiques. M.
Pepin, est-ce que, dans votre optique, vous voulez que l'Etat achète les
forêts qui ont été concédées jusqu'à
maintenant aux différentes compagnies ou si vous désirez tout
simplement que l'Etat en reprenne possession sans achat?
M. PEPIN: Une reprise en main de la part de l'Etat. Il y aurait
compensation s'il y a eu des investissements faits pour construire des camps
etc., s'il y a de l'équipement qui a été acheté par
les compagnies, pour autant qu'on ne le paiera pas deux fois. Si on leur a
donné des subventions pour construire ça, ce sera une autre
affaire. Mais je n'ai pas à payer la forêt qui est là, qui
appartient à l'Etat. L'équipement peut être
considéré d'une manière différente.
M. BELAND: Si je vais un peu plus loin dans votre exposé, vous
dites, entre autres, qu'en tant qu'unique propriétaire des forêts
domaniales et à titre de plus gros propriétaire forestier au
Québec, l'Etat devrait prendre les dispositions nécessaires afin
qu'au terme de cinq ans il devienne l'unique exploitant forestier des
forêts domaniales.
Plus loin, vous dites également que l'objectif sera de prendre le
contrôle des industries utilisatrices du bois en créant des
entreprises publiques plutôt que de subventionner les entreprises
privées. Il est bien clair que dans le passé il y a eu des
anomalies flagrantes et même parfois odieuses que l'Etat a laissé
faire ou que peut-être même, dans certains cas, que l'Etat a
encouragées. Dans votre idée, l'Etat devenant exploitant par
cette nouvelle société qui s'appellerait Soquef, avez-vous pris
à titre d'expérience des exemples qui ont été
vécus ou qui sont vécus présentement ailleurs, dans
d'autres pays avant d'apporter cette suggestion?
M. PEPIN: Je pense que cette recommandation n'est pas basée sur
des expériences extérieures au Québec; je pense qu'on a
fait, à deux reprises dans le mémoire, une analogie avec ce qui
s'est passé dans le cas de l'Hydro-Québec. On sait bien que c'est
une analogie alors ce n'est pas exactement semblable. Ce n'est pas parce que
cela existe ou n'existe pas ailleurs; nous avons pensé que telle devait
être la situation ici puisque le bois ici, c'est une de nos richesses
naturelles les plus précieuses et elle pourrait être
exploitée par la nation elle-même, par l'Etat lui-même.
M. LE PRESIDENT (Carpentier): Il est midi trente et avant de suspendre
la séance, je voudrais rappeler au député de
Lotbinière que chaque membre de la commission a reçu les
mémoires qui ont été présentés. Le
député d'Abitibi-Est, qui représente votre parti, a
reçu ces mémoires et vous auriez dû vous adresser à
lui pour en prendre connaissance.
Deuxièmement, le député de Beauce est aujourd'hui
membre de la commission et non pas le député de
Lotbinière. Je voulais mettre les choses au point.
M. ROY (Beauce): Un instant. Je m'excuse, M. le Président, mais
je voudrais rectifier que durant l'intersession le Ralliement créditiste
a droit à deux représentants comme membre de la commission.
M. LE PRESIDENT: Deux représentants mais un membre seulement qui
peut venir ici et dialoguer à la commission.
M. ROY (Beauce): A ce moment-là, j'aimerais qu'on indique le
député de Lotbinière comme membre de la commission
parlementaire à place du député d'Abitibi-Est, M.
Tétrault.
M. LE PRESIDENT: Ce matin, vous m'avez demandé de remplacer M.
Tétrault.
M. ROY (Beauce): Je m'étais basé sur l'année
dernière; disons que j'ai en quelque sorte oublié nos nouveaux
règlements.
C'est que, durant l'intersession, pour les séances des
commissions parlementaires, il y avait été clairement entendu que
notre groupement politique aurait droit à deux membres, au lieu d'un.
C'est en partant de ce principe, ce matin, que j'ai demandé, vu que
j'étais convaincu que le député de Lotbinière
était considéré comme membre de la commission, de me faire
inscrire comme membre étant donné l'absence du
député d'Abitibi-Est, de façon que nous
soyons deux représentants à la table de la commission,
comme Unité-Québec en a quatre et comme la représentation
du parti ministériel est doublée, je pense, de sept à
quatorze.
M. LE PRESIDENT: Je voudrais rappeler que le député
d'Abitibi-Est a reçu les mémoires pendant les vacances et je ne
voudrais pas qu'on accuse le secrétaire des commissions qui se charge de
les faire parvenir. La séance suspend ses travaux jusqu'à 14
heures 30.
M. PEPIN: M. le Président, je voudrais m'excuser auprès
des députés qui ont encore des questions à me poser. Mes
collègues seront ici, mais, comme je l'ai dit à l'ouverture ce
matin, cet après-midi, je participe à une séance de
négociations. Malheureusement, je ne serai pas ici, mais mes
collègues seront ici.
M. LE PRESIDENT: La séance suspend ses travaux jusqu'à 14
heures 30.
(Suspension de la séance à 12 h 32)
Reprise de la séance à 14 h 40
M. PILOTE (président de la commission permanente des richesses
naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!
La parole est au député de Lotbinière.
M. BELAND: M. le Président, comme nous avons à continuer
ce qui avait été abordé ce matin en ce qui concerne une
question posée sur le mémoire présenté par la CSN,
pour nous replacer dans le contexte et pour comprendre le texte même, je
vais lire deux ou trois lignes, ce qui m'amènera à poser une
question précise. En page 49, au troisième paragraphe, c'est
écrit: "En résumé, au niveau de la propriété
de la ressource, la nouvelle politique forestière redonnerait le
contrôle exclusif à l'Etat du Québec des forêts
publiques. La forêt privée serait sauvegardée, mais
assujettie à certaines normes et contraintes d'aménagement et
d'exploitation". Ma question est celle-ci, à ce niveau-là: Dans
quelle mesure y aurait-il contrainte d'aménagement et d'exploitation?
Dans quelle avenue serait-ce dirigé et le reste? Pourriez-vous expliquer
davantage ce point-là?
M. WASSEF: On le retrouve assez clairement dans la politique
présentée par le MTF où on dit que, dans la mesure
où les propriétaires privés se conformeraient à
certaines règles d'aménagement, ils auraient droit à
certains bénéfices, surtout au niveau de l'aménagement, du
reboisement, de la coupe de leurs boisés. Il y aurait également
des aides possibles à ces petites propriétés. On le
retrouve généralement dans le MTF, ce n'est rien de nouveau.
M. BELAND : Selon votre optique, sur les forêts privées,
les domaines privés, est-ce que vous iriez jusqu'à
prétendre que ce serait Soquef parce que ce serait Soquef qui
serait la principale entreprise au niveau des terres et forêts qui
dirait, telle année à tel propriétaire: Toi, c'est 50
cordes que tu peux couper cette année, point?
M. WASSEF: Cela pourrait aller jusque-là.
M. BELAND: Même en dépit de n'importe quelles raisons qui
peuvent être parfois des raisons extraordinaires, très locales? En
dépit de ça, si Soquef décide telle chose, c'est
ça, point?
M. WASSEF: Bien, écoutez, vous dites des raisons
spéciales; je n'en sais rien, moi. Quelles sortes de raisons
spéciales est-ce que ça peut être? Avez-vous une
idée en tête quand vous dites des raisons spéciales?
M. BELAND: Justement, dans votre optique, quelles sont les normes
exactes que Soquef dicterait aux entreprises privées ou aux
propriétaires de lots privés?
M. WASSEF: Disons que pour se conformer à une utilisation
optimale de nos forêts, il y a certains besoins qui vont être
formulés. Dans ce temps-là, il faudrait que les petites
propriétés privées et les autres puissent également
se conformer à ces divers plans. Alors, on pourrait, dans la mesure
où l'Etat leur propose certains allégements ou une certaine aide,
les amener à se conformer aux principes que l'on pourrait édicter
au niveau d'un plan provincial d'aménagement forestier. Ce serait
l'idée générale à en retirer. Ce n'est pas un
traquenard. On ne cherche à brimer personne. Il s'agit simplement
d'aller chercher une utilisation optimale de ces forêts. C'est tout.
M. BELAND: Alors, dans ce cas-là, quel serait le rendement
optimal dans le sens que vous donnez? Pourriez-vous préciser cela
quelque peu?
M. WASSEF: On pourrait dire, à partir de là, qu'afin
d'atteindre une utilisation optimum de nos forêts, des plans seraient
élaborés en même temps avec le ministère des Terres
et Forêts, les producteurs et, qui voulez-vous encore, tous les agents,
en fait, de l'activité économique forestière.
M. BELAND: Plaçons-nous exactement dans le contexte. Supposons,
par exemple comme il est dit un peu plus loin, on le retrouvera tout
à l'heure que dorénavant ce serait cette entreprise de la
couronne qui aurait tout pouvoir de décision quant à ce qui
concerne l'exploitation ou l'aménagement forestier. Or, il est
prouvé que dans un secteur de la couronne, il y a un coin où il y
a perdition de forêt, où la forêt est rendue à
maturité, etc. Par contre, dans le même temps, la même
année, il y a, dans des forêts privées, à peu
près le même phénomène qui se produit dans certains
secteurs. Comme il est dit dans votre mémoire que Soquef va
décider en tout et partout, je ne me rappelle pas des mots exacts, il y
aura prédominance sur les propriétés de la couronne avant
tout autre endroit.
A ce moment-là, est-ce que le bois en perdition dans les
forêts serait tout simplement laissé de côté cette
année-là alors qu'on travaillerait pour récolter le bois
sur les terrains de la couronne en tout premier lieu? Est-ce bien ce que vous
voulez dire?
M. WASSEF: Je ne dirais pas que c'est cela. Tout ce que l'on tente de
faire, c'est d'obtenir une utilisation optimale. Alors là, optimale,
vous pouvez mettre des petits points noirs comme celui-là, par exemple.
Il peut arriver une mauvaise gestion, à un moment donné. Mais si
on tente d'obtenir une utilisation optimale de cette forêt, il ne devrait
pas y avoir des lacunes comme celle-là. C'est tout.
UNE VOIX: Elle existe présentement.
M. ROY (Beauce): Supposons que la lacune existe. Ce que le
député de Lotbinière veut savoir, c'est dans quel secteur
de la forêt privée ou de la forêt publique vous allez
accorder la priorité au point de vue de l'exploitation, advenant le cas
de restrictions de toutes sortes qui entraîneraient, en quelque sorte,
une diminution de la production forestière alors que des secteurs de la
forêt privée comme de la forêt publique seraient en
perdition, à cause de phénomènes de la nature, par
exemple, soit à cause d'insectes ou de la température?
M. WASSEF: Dans les propriétés privées,
l'exploitation sera laissée aux propriétaires comme tels. Tout ce
qu'on peut faire, c'est planifier, plus ou moins, leur coupe, en fait, leur
sylviculture si c'est possible.
M. GIASSON: Tentons de prendre des cas précis. Supposons un
élément de la nature. Il y a des dommages de causés
à la forêt publique par une maladie ou la tordeuse du bourgeon
d'épinette ou tout ce qu'on peut imaginer. On suppose que Soquef
décide qu'il y a urgence de faire des coupes dans des endroits qui sont
affectés de cette manière, pour laisser moins gaspiller de
matière. Elle fait porter l'effort de ce côté. Il reste
qu'au Québec, tout de même, il faut reconnaître qu'on a des
dizaines et des dizaines de milliers de petits propriétaires qui font
des opérations forestières, qui mettent chaque année des
centaines de milliers de cordes de bois sur le marché. La question du
député de Lotbinière, si je l'ai bien saisie, est â
savoir si, dans votre optique, Soquef devra donner une priorité absolue
au domaine public, quitte à laisser de côté toute la
production des petits propriétaires, parce qu'il y a urgence du
côté du secteur public. Est-ce bien l'idée du
député?
M. BELAND: Exactement.
M. ROY (Beauce): C'est la question que nous posons.
M. LESSARD: Ce n'est pas ainsi que cela se décide.
UNE VOIX: Vous poserez vos questions après.
M. LESSARD: Justement, si je peux avoir la chance de les poser.
M. BELAND: Pour l'instant, ce n'est pas le député de
Saguenay qui a posé la question. Ce n'est pas à lui de
répondre non plus, c'est au représentant de la CSN parce que,
justement, c'est dans son document.
M. WASSEF: En réalité, Soquef a d'abord un rôle au
niveau des forêts domaniales, des forêts publiques, si vous voulez.
A partir de là,
s'il existe un cas comme celui que vous mentionnez, il s'agira de
l'examiner et de voir si Soquef peut le faire. Si elle peut le faire, je ne
vois pas pourquoi elle ne le ferait pas. Si les propriétaires
privés sont d'accord.
Il ne faut pas laisser de côté, pour votre information le
fait qu'il existe quand même chaque année une mise en
marché d'environ 1,900,000 cordes de bois qui proviennent de terrains
privés, de petits propriétaires.
M. WASSEF: Je suis d'accord sur ça.
M. BELAND: Alors, il existe de très vastes territoires, où
justement tout le monde le sait, il n'y a pas de cachette dans les
territoires de la couronne le bois est en perdition. Cela existe. Mais,
dans votre mémoire, vous y avez certainement pensé assez
profondément pour élaborer des choses comme ça. C'est pour
ça que je vous posais la question, tout simplement.
M. WASSEF : Je vous ai répondu de cette façon, en vous
disant que Soquef a d'abord une vocation publique, les forêts publiques.
Ensuite si des cas se présentent, comme vous les entendez, je ne vois
pas pourquoi on arrêterait ça là. On pourrait aussi
exploiter des propriétés privées pour autant que les
propriétaires le veulent.
M. BELAND: Allons un peu plus loin. Cela m'amène à vous
poser une autre question. Pour ce qui est de Soquef, vous dites en page 51:
"Cette société aurait les mêmes statuts et les mêmes
attributions qu'une société de la couronne. Elle devra dans sa
gestion jouir d'une indépendance totale vis-à-vis du
gouvernement." Est-ce que vous croyez cela possible?
M. WASSEF: On a des exemples de régie des entreprises publiques.
Vous avez l'Hydro-Québec, qui est une régie.
M. BELAND: Est-ce que Sogefor était complètement
indépendante du gouvernement?
M. WASSEF: Je ne peux pas vous répondre, je n'étais pas
là.
M. BELAND: Vous ne voulez pas vous mouiller les pieds? Très
bien.
M. GIASSON: Ce n'est pas que je n'accepte pas qu'on compare toujours la
société de la couronne à l'Hydro-Québec...
M. LESSARD: M. le Président, j'invoque le règlement. Ce
matin nous avons donné toutes les chances possibles aux
députés ministériels de poser des questions. Le parti de
l'Opposition officielle, l'Unité-Québec, a eu l'occasion de poser
aussi ses questions. Nous sommes rendus à trois heures moins cinq. Je
suis d'accord qu'on puisse entre-temps intervenir et poser des questions.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous n'avons posé que quelques
questions. Nous en avons d'autres. Parce que, moi, la première que
j'aurai à poser c'est qui est le recherchiste...
M. LESSARD: Point de règlement, M. le Président. Je
demanderais que le Ralliement créditiste continue de poser ses
questions. S'il y a d'autres intervenants, de grâce qu'on laisse le
Ralliement créditiste poser ses questions et, par la suite, le Parti
québécois pourra lui aussi poser un certain nombre de
questions.
Là, je trouve que depuis le début de cette séance,
malheureusement, le dernier parti, même celui qui a le plus grand nombre
de voix, 24 p.c. des votes par exemple, n'a jamais l'avantage de poser toutes
les questions puisque l'autre jour, on nous a dit: Lessard, il te reste une
demi-heure pour poser des questions.
Ce n'est pas comme ça que ça doit fonctionner. Autant que
possible, on doit donner l'occasion à chacun des partis de poser ses
questions.
M. LE PRESIDENT: Je prends bonne note de vos recommandations. La parole
est au député de Lotbinière.
M. BELAND: Je continue mes questions. A la page 53 de votre document,
concernant la disparition des intermédiaires, courtiers, marchands de
bois à pâte, dans la mise en marché du bois, vous
précisez quelque peu, mais est-ce que, compte tenu de cette
énumération vous incluez les plans conjoints de producteurs de
bois qui, aujourd'hui, prennent quand même une place très
importante dans la mise en marché et qui constituent en quelque sorte un
intermédiaire? Ce sont les producteurs qui ont mandaté quelqu'un
parmi eux pour négocier le bois qu'ils avaient à mettre en
vente.
Si je devine bien, vous préconisez la disparition
également de tout mandataire quelconque des producteurs de bois,
forêts privées, pour la vente ou la mise en marché du
bois.
M. JACQUES: J'aimerais souligner un fait. D'une part, dans les
forêts publiques, avec le système de concessions
forestières que nous connaissons depuis X années, on se rend
compte que les forêts publiques sont sous-utilisées à
environ 35 p.c. D'autre part, les petites forêts privées sont
surexploitées. Nous, de la CSN, nous n'avons pas l'intention de dicter
une politique aux propriétaires privés, nous sommes plus ou moins
concernés. Mais nous émettons une possibilité de solution
ou de moyen de fonctionnement qui serait, non pas le
démantèlement mais le regroupement des propriétaires
privés comme tels, afin d'avoir une certaine adéquation de
l'offre et de la demande des produits, c'est-à-dire du bois sur le
marché.
Pour que la régie d'Etat soit le seul vendeur, il
achèterait le bois des propriétaires privés et le mettrait
sur le marché ensuite. Cela éliminerait des intermédiaires
financiers, des spéculateurs,
en fin de compte des intermédiaires qui, d'une certaine
façon, font hausser le prix de revient du bois aux différents
manufacturiers.
M. BELAND: En d'autres mots, vous préconisez subtilement la
disparition des plans conjoints de bois. Compte tenu du contexte actuel ou de
la valeur à mettre en marché qui périt présentement
sur les terrains de la couronne, en somme, c'est un peu cela que vous avancez
subtilement.
M. JACQUES: Non, je pense que c'est une continuation des plans
conjoints, au contraire. Dans la planification que la régie va faire en
collaboration avec les producteurs privés, je ne vois aucunement
l'idée d'éliminer les plans conjoints, mais simplement d'avoir
une certaine adéquation de l'offre à la demande et
d'éliminer justement la surexploitation des forêts
privées.
M. BELAND: Pour ce qui est de la surexploitation, pourriez-vous me dire
je pense qu'il serait intéressant pour tout le monde de savoir
cela qui, selon vous, surexploite les boisés?
M. JACQUES: Si vous voulez regarder la page 21 de notre mémoire,
vous avez un tableau comparatif entre les coupes de bois pour l'année
1968 et les possibilités de coupes. Si on regarde du côté
des résineux et surtout du côté des pâtes, on a une
possibilité de 585,000 unités de cent pieds cubes de bois. Du
côté de la coupe, on a 883,700. On se demande comment il se fait
que les producteurs de pâtes et papiers, qui détiennent des
concessions forestières immenses et qui exploitent leurs forêts
à seulement 65 p.c, surexploitent les petites forêts
privées.
Dans quelle mesure cela a-t-il une incidence sur le coût du bois?
Comme on le sait, la moyenne est de 50 à 60 acres pour une petite
forêt privée, ce qui n'est pas propice à la présence
d'économie d'échelle comme telle.
M. BELAND: Je me demande réellement où vous avez pris vos
chiffres. A tout événement, disons que c'est votre optique.
M. JACQUES: La source est indiquée en bas.
M. BELAND: Je l'accepte, c'est votre optique.
M. JACQUES: Oui.
M. BELAND: Je ne ferai pas davantage de commentaires malgré que
je pourrais être assez long là-dessus. En ce qui concerne les
propriétés privées, la moyenne est certainement plus haute
que 50 acres.
M. JACQUES: Dans le tome I du livre blanc, on dit bien de 50 à 60
acres. Je me fie au renseignement du livre blanc.
M. BELAND: Mais la surexploitation ne provient pas dans ce cas de la
moyenne des forêts privées, de la moyenne, je dis bien, des gars
qui possèdent à peu près 50 acres. La surexploitation ne
provient pas de là, mais elle provient d'acheteurs bien
spécifiques...
M. JACQUES: D'accord.
M. BELAND: ... qui achètent un lot, trois lots ou cinq lots et,
les pillent à blanc. Cela reste nu pour plusieurs années et ce
n'est même pas replanté. Disons qu'il faut démêler
les choux de siam et les carottes.
M. JACQUES: Je suis entièrement d'accord. C'est pour cela que
nous disons qu'en fin de compte, la politique forestière devrait
favoriser un regroupement des propriétaires forestiers afin de
connaître et d'établir des normes de coupe, et en même temps
favoriser des travaux de reboisement et de sylviculture.
M. BELAND: Je suis d'accord sur cette énumération.
Très bien. Il est bon qu'il y ait justement un genre d'éducation
qui se fasse en forêt. Je vais maintenant un peu plus loin. En ce qui
concerne ce que vous dites à la page 54 sur la création d'une
régie forestière du Québec, je suis appelé à
me poser une question. L'Etat serait-il appelé à faire de
l'exploitation forestière dans les agglomérations de
boisés privés, puisque vous préconisez dans une grande
partie de votre mémoire que ce soit principalement l'Etat qui exploite
les boisés? Cela présuppose que l'Etat, indirectement, à
un certain moment, soit appelé à jouer ce rôle, à
exploiter également le boisé privé.
M. JACQUES: Vous avez une drôle de façon de voir les
problèmes. C'est-à-dire que la politique forestière
proposée par la CSN n'est pas de diviser les individus mais bien de les
regrouper. C'est-à-dire qu'il n'y a pas simplement une régie
d'Etat et des producteurs privés. Au contraire. Nous avons bien dit que
le rôle de Rexfor continuera et même s'amplifiera. Et dans la
mesure du possible, lorsqu'il sera économiquement rentable d'exploiter
des boisés qui, à cause de leur exiguïté, de leur
localisation, de toutes sortes de critères économiques ne peuvent
l'être par le petit exploitant lui-même, Rexfor lui viendra en
aide.
M. BELAND: Je me pose des questions...
M. JACQUES: C'est-à-dire que Rexfor comme telle n'existe plus,
c'est Soquef.
M. BELAND: En allant un peu plus loin, à la page 55, ce dernier
rôle de la régie forestière du Québec sera une
soupape importante contre les risques de certains comportements de quasi
monopole de la société d'exploitation forestière qui
pourrait écraser les petits propriétaires
privés. Est-ce qu'un monopole ne serait bon que lorsqu'il serait
entre vos mains?
M. JACQUES: Non. La question n'est pas là. Qu'est-ce qui vous a
amené à dire ça? Simplement, il ne faut pas qu'il y ait
deux antagonistes. Au contraire, il faut qu'il y ait deux collaborateurs. Dans
la mesure du possible, les deux collaborateurs doivent avoir un poids relatif
assez similaire afin qu'il n'y ait pas de tendances malicieuses qui fassent
qu'un groupe quelconque se sente frustré comme il l'a été
depuis x années.
M. BELAND: Remarquez que j'essaie tout simplement de comprendre votre
document. Dans le passé, on sait que lorsqu'un petit propriétaire
ou un petit entrepreneur, un petit commerçant, un individu en
particulier vient essayer de lutter ou même dialoguer avec l'Etat ou des
représentants de l'Etat, dans le sens compagnie de la couronne, sa voix
ne porte pas haut, je vous le dis.
M. JACQUES: Je vous ferais remarquer que, de notre côté,
les petits propriétaires privés, depuis x années,
négocient justement avec les producteurs de pâtes et papiers et ce
ne sont pas eux qui fixent le prix de leur bois. Etant donné que les
producteurs forestiers sous-exploitent leurs forêts, ils ont un moyen de
chantage assez puissant. C'est-à-dire qu'ils disent au petit
propriétaire privé: Soit qu'on prenne ton bois ou qu'on aille
exploiter nos forêts à pleine capacité.
J'ai l'impression que cela élimine des problèmes
plutôt que d'en créer.
M. BELAND: Dans ce cas-là, au point de vue de l'exploitation de
la forêt, puisque nous irions d'une façon très
prononcée dans l'exploitation de la forêt par Soquef, est-ce que
vous prétendez que le coût en serait sensiblement diminué
comparativement à ce que les entreprises privées peuvent
faire?
M. JACQUES: Vous parlez des forêts publiques?
M. BELAND: Oui mais je suis forcé d'inclure les forêts
privées parce que vous laissez sous-entendre qu'il y aurait
peut-être exploitation à un moment donné.
M. JACQUES: Oui, j'ai dit qu'il y aurait aide de la régie de
Soquef aux propriétaires privés pourvu que ce soit
économiquement rentable. Du côté du secteur des
forêts publiques, a priori, il n'y a pas d'études faites
cela a été dit ce matin ni par le ministère des
Terres et Forêts, ni par aucun autre organisme, sur le coût de
revient du bois à l'avenir, s'il va baisser ou augmenter.
D'un autre côté, si on regarde la structure comme telle, on
a des problèmes de prix de revient du bois qui sont liés à
des concessions forestières, c'est-à-dire à des facteurs
géographiques, à des facteurs d'ordre strictement
économique. C'est-à-dire qu'il y a des concessionnaires qui ne
font pas de l'exploitation forestière comme telle. Ils
délèguent l'abattage, l'extraction si l'on veut, à un
"jobber", comme on dit, ou à un camp de compagnie. Ce qui se produit,
c'est qu'habituellement les aires de coupe sont assez limitées. Le
sous-entrepreneur, habituellement, dispose, lui aussi, d'un certain montant
d'argent assez limité. Il a accès aux sources de financement mais
c'est limité.
Cela me semble, à mes yeux, a priori, sans étude, comme je
vous le disais, aller directement à l'encontre du principe des
économies d'échelle. Si on regroupait, au point de vue
régional, ou si on déléguait à la seule
régie l'abattage, l'extraction de la matière ligneuse et qu'elle
répartirait la qualité des billes selon le secteur de
transformation, il me semble qu'elle pourrait exploiter sur une plus grande
échelle, être plus hautement mécanisée et, par le
fait même, cela influerait sur le prix de revient du bois.
Faisons l'hypothèse qu'il n'y a pas abolition des concessions
forestières. Si on fait simplement un changement géographique,
selon la localisation des entreprises, et qu'on alloue des aires de coupe selon
la qualité et la quantité des bois qui vont à chaque
entreprise et la proximité de la localisation des aires de coupe selon
l'entreprise, j'ai cru voir dans le livre blanc, le tome I, que le prix du bois
serait sensiblement diminué, c'est-à-dire allant jusqu'à
$2 les 1,000 pieds cubes de bois.
M. BELAND: Ce que vous énumérez là, c'est entendu
que c'est une hypothèse.
M. JACQUES: C'est une hypothèse qui a été faite par
les scientifiques du ministère des Terres et Forêts.
M. BELAND: Est-ce que vous avez pensé à la
possibilité d'étendre davantage les chantiers coopératifs
au lieu que ce soit une entreprise de la couronne qui exploite la
forêt?
M. JACQUES: Je me demande pourquoi on décuplerait les
tâches. Il me semble que lorsqu'on peut intégrer un secteur,
régionalement parlant, ce serait aller à l'encontre des
bénéfices que la société pourrait en retirer au
point de vue de l'emploi, au point de vue du prix du bois et au point de vue de
la progression de l'industrie forestière en général. Il me
semble qu'il ne sert à rien de décupler les tâches et de
couper les rendements à l'échelle qu'on pourrait avoir.
M. BELAND: C'est votre optique que vous élaborez.
Un autre point, parce que vous y avez touché quelque peu, c'est
celui qui concerne le
regroupement des boisés privés. Comment le voyez-vous? De
quelle façon? Qui va être éliminé? Qui va être
acheté? Au profit de qui? Comment?
M. JACQUES: J'ai lu une étude faite par le Dr Louis-Jean Lussier.
Elle avait été commandée par l'UCC. Le Dr Lussier fait des
suggestions. Lui-même n'est pas arrivé, disons, à une
formule stricte. Il mise beaucoup sur la localisation des boisés. Il
essaie de faire un partage entre les terres qui seraient destinées
à l'agriculture et les autres qui seraient destinées à
l'exploitation forestière. Si c'est économiquement rentable pour
les propriétaires de se regrouper, d'avoir des boisés qui
auraient des limites physiques exploitables, c'est-à-dire que le
bonhomme n'aurait plus besoin de faire de l'agriculture et de la coupe de bois,
l'hiver, pour survivre, je suis entièrement d'accord.
M. BELAND: Faisant suite à ce que vous venez
d'énumérer, en page 58, à peu près au milieu de la
page, on lit: "Ils seront appelés à mettre sur pied et à
exécuter des plans conjoints d'exploitation et d'aménagement
forestier". Laissons l'aménagement forestier de côté et
parlons des plans conjoints d'exploitation.
M. JACQUES: Oui.
M. BELAND: Est-ce que cela pourrait être une façon plus
économique de procéder?
M. JACQUES: Il me semble que, dans tout principe de planification quel
qu'il soit, on fait toujours des plans, c'est-à-dire qu'on planifie une
production, on planifie une allocation, on planifie une distribution. Faire une
planification sans plans quinquennaux, je ne sais pas, c'est se mettre les
orteils dans la boue.
M. BELAND: Assurément, je suis d'accord avec vous.
M. JACQUES: Je ne vois pas pourquoi vous demandez qu'on élimine,
justement, les plans conjoints, alors que nous parlons de l'intégration
de la planification.
M. BELAND: Nous ne demandons pas l'élimination des plans
conjoints. Ce n'est pas ce que nous demandons. J'essaie de vous faire
préciser un certain nombre d'allées dans ce domaine, c'est
tout.
M. JACQUES: D'accord.
M. BELAND: Compte tenu de tout ce que vous avez dit, je suis
appelé à donner une idée. Selon le contexte, il semble que
vous désirez que nous ayons un Etat propriétaire de tout ce qui
concerne la forêt, un Etat employeur et un Etat employé. Qui sera
acheteur?
M. JACQUES: Qu'entendez-vous, justement, par propriétaire de tout
ce qui concerne la forêt? Il me semble qu'on a fait une distinction entre
les forêts publiques et les propriétaires privés. On
planifie, disons, une production, on planifie des travaux de sylviculture et de
reboisement. On planifie une offre et on fait une prévision de la
demande.
M. BELAND: Lorsque vous parlez de contraintes.
M. JACQUES: Une contrainte, c'est quoi? C'est une planification. Lorsque
vous imposez une planification à un producteur, c'est une
contrainte.
M. ROY (Beauce): Pas nécessairement.
M. JACQUES: Qu'est-ce qu'une contrainte, alors?
M. ROY (Beauce): Ce n'est pas une contrainte. Une planification, c'est
un plan ordonné. Cela peut être une contrainte, mais ce n'est pas
nécessairement une contrainte, une planification, voyons!
M. JACQUES: Je pense qu'on joue sur les mots. Je pense que vous avez
saisi, en général, l'idée que je voulais donner.
M. BELAND: Lorsque l'on parle de planification, on peut préciser
sous plusieurs angles différents. Tout dépend de quoi on parle et
vers quelle idéologie on tend.
M. JACQUES: D'accord.
M. BELAND: A tout événement, je vous remercie pour les
explications que vous avez données. Je vais laisser mon collègue
continuer avec quelques questions qu'il a agencées.
M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce.
M. ROY (Beauce): M. le Président, je vous remercie. Dans le
mémoire que vous avez présenté, tout semble tourner autour
d'un objectif principal. Disons que je ferai abstraction de l'idéologie,
je ne dis pas qui semble animer votre mémoire, mais plutôt qui
l'anime, pour regarder un peu le côté pratique de l'affaire et
surtout le côté des résultats, dans l'intérêt
de l'économie québécoise et du consommateur
québécois.
Si j'en juge par l'ensemble, vous en venez, en quelque sorte, à
la création d'un superorganisme, d'un grand organisme central que vous
appelez Soquef. Je vous demande si cet organisme, pour vous, constitue un
absolu, en ce sens qu'il faut que la politique forestière soit
organisée, créée sans faute par Soquef, même s'il
était démontré que cette entreprise d'Etat serait
plus onéreuse, coûterait plus cher d'exploitation,
autrement dit que le prix de revient serait plus élevé qu'un
réaménagement et qu'une restructuration en utilisant au maximum
l'entreprise privée ou encore les coopératives ou autres. Je veux
savoir si Soquef, pour vous, est un absolu qu'il faut accepter, dans votre
mémoire, comme une chose à peu près indiscutable. On peut
la discuter ici, mais quelle est la position de la CSN?
M. JACQUES: Si vous avez lu le livre blanc, on a bien souligné
les problèmes qui existaient depuis environ 50 ans, au Québec,
dans l'industrie forestière. Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on entend des
hauts cris, surtout par l'industrie du sciage et du déroulage.
L'industrie des pâtes et papiers a connu en 71/72 quelques
problèmes, mais les problèmes semblent un peu surmontés,
si on regarde les rapports intérimaires.
D'un autre côté, la CSN a fait une proposition qui nous
semble la meilleure, face à la logique des choses. On a regardé,
on a constaté les faits, le fonctionnement de l'ancien système.
On s'est aperçu que ce n'étaient pas seulement les
modalités qu'il fallait changer, mais la structure. Mais pour changer
une structure, il faut aller au fond des choses, nous y sommes allés et
nous avons fait des propositions. Il nous semble que Soquef est la logique
même, et l'absolu pour la CSN.
Si jamais il y avait des propositions qui allaient dans la même
logique des choses... Parce qu'en ce qui nous concernait, c'était le
sort des travailleurs dans l'industrie et le sort de l'industrie
elle-même. Si on veut créer des emplois, il faut que l'industrie
progresse. Nous n'avons pas fait ça pour jeter l'industrie à
terre, au contraire, nous voulons éliminer les vices de structure qui
existent dans l'industrie comme telle.
M. ROY (Beauce): Je pense à ce moment...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Pour être juste envers chacun des
partis, je pense que ce matin le parti au pouvoir avait un représentant,
et l'Unité-Québec avait un représentant, et il y avait un
représentant du parti du Ralliement créditiste. Disons que je
céderais la parole plutôt... Vous poserez vos questions
après que le député de Saguenay...
M. ROY (Beauce): Simplement une petite précision. J'ai bien
remarqué ce matin je ne veux pas avoir un privilège, je ne
veux empêcher personne de parler, au contraire qu'il y a quatre
députés ministériels qui ont parlé avant qu'un seul
de l'Unité-Québec puisse poser une question.
M. LE PRESIDENT: C'est vrai.
M. ROY (Beauce): Il faudrait que le député du Parti
québécois parle. Je pourrai revenir tout à l'heure, je
n'ai aucune objection à cela. C'était à notre tour de
poser des questions, et mes questions étaient complémentaires
à celles du député de Lotbinière, il faut tout de
même que la discussion se tienne aussi... La décision vous
appartient, mais je n'en aurai pas pour tellement longtemps.
M. LE PRESIDENT: D'accord, mais pour être juste envers tout le
monde, j'aimerais à ce que le député de Beauce soit plus
conçis dans ses questions.
M. ROY (Beauce): Je vais être plus conçis, mais je tiens
quand même à bien comprendre les motifs qui ont incité la
CSN, après l'étude qu'elle a faite, et selon la proposition
qu'elle fait aux membres de la commission, à préconiser une
société comme Soquef comme étant un absolu qui pourrait
régler de la meilleure façon possible tous les problèmes
qu'on a mentionnés depuis 50 ans dans le Québec.
Mais s'il s'avérait que d'autres formules pourraient être
plus efficaces encore que celles que vous préconisez, est-ce que la CSN
continuerait quand même à défendre ce principe de
Soquef?
M. JACQUES: Il ne faut pas croire que la CSN a les yeux bandés.
C'est un organisme qui, au contraire, s'est penché sur les
problèmes et a essayé de trouver une solution, qui ne pense pas
que c'est un absolu comme tel. Si un autre organisme propose une solution qui
est économiquement rentable pour la société et pour les
travailleurs du Québec, elle va l'analyser et prendre ce qui est
bon.
M. ROY (Beauce): Lorsqu'on lit votre mémoire, il est
évident qu'il est basé uniquement sur une idéologie et
qu'on a organisé une structure en disant: L'Etat c'est tout, l'Etat va
tout faire, l'Etat peut tout faire.
M. JACQUES: Ce n'était pas une idéologie dans laquelle
nous étions concernés, mais bien les travailleurs.
M. ROY (Beauce): Vous avez parlé de jouer sur les mots tout
à l'heure, je pense qu'on joue justement sur les mots à ce
moment.
Dans le domaine forestier, il y a un état de fait qui veut que la
grosse compagnie productrice, la grosse usine de papier soit en même
temps l'exploitant forestier et soit en même temps le concessionnaire le
quasi-propriétaire de toute une étendue forestière. Si
l'Etat fait le réaménagement que nous souhaitons nous en
avons demandé un et je pense que tout le monde le désire parce
que la situation actuelle ne peut pas durer longtemps il faut tout de
même comprendre qu'il y a différents secteurs. Vous avez la
concession forestière et vous avez quand même des entreprises qui
se spécialisent dans la
coupe et le transport du bois pour le livrer à l'usine. Et vous
avez l'usine elle-même.
Au niveau de la coupe, de l'exploitation forestière vous avez
parlé des coopératives, mais des coopératives sur les
terrains privés. La question vous a été posée par
d'autres députés qui ont pris la parole avant moi, mais
j'aimerais savoir quelle est votre attitude vis-à-vis de l'exploitation
des coopératives forestières qui couperaient sur les terres de la
couronne pour livrer le bois soit à des compagnies papetières,
soit à des usines de bois de sciage ou encore à d'autres
industries qui sont spécialisées dans la transformation du bois.
Quelle serait la position de la CSN?
M. JACQUES: Il est bien certain que, dans la politique forestière
de la CSN, il n'y a aucune entreprise privée qui irait couper du bois
sur les terres publiques.
M. ROY (Beauce): Cela est clair, c'est un absolu chez vous.
M. JACQUES: C'est un absolu.
M. ROY (Beauce): C'est ce que je voulais savoir. Maintenant, si vous
dites que c'est l'Etat, vous le considérez comme exploitant forestier,
mais par contre...
M. JACQUES: ... absolu quand même.
M. ROY (Beauce): ... l'Etat comme tel n'exploite rien. Il exploite par
l'entremise des structures, il utilise les hommes. Quand on sait que dans
toutes les entreprises d'Etat, à l'heure actuelle, tout le monde a des
responsabilités, mais que personne n'a de pouvoir, on voit quel
résultat ça donne. Mais si, dans l'intervalle, vous pouviez avoir
la preuve qu'un exploitant de l'entreprise privée pourrait exploiter une
concession forestière, parce que vous avez fait grand état du
fait qu'il fallait abaisser le coût de production pour permettre aux
usines de s'alimenter à meilleur prix pour faire face à la
concurrence, s'il était prouvé et démontré,
chiffres à l'appui, que les entreprises privées de coupe et
d'exploitation forestière seraient en mesure de faire une exploitation
rationnelle, une exploitation ordonnée, une bonne exploitation, mais
à un coût inférieur à celui de l'entreprise d'Etat,
est-ce que vous maintiendriez votre absolu à l'effet que seul l'Etat
aurait le droit de faire de l'exploitation?
M. JACQUES: Je doute fortement qu'une entreprise privée ait les
critères économiques et sociaux qu'une entreprise d'Etat pourrait
avoir.
M. ROY (Beauce): Je vais vous poser une question.
M. JACQUES: Peut-être que, économiquement parlant, elle
pourrait rivaliser et même supplanter une entreprise d'Etat. Mais je
doute qu'une entreprise privée favorise des mesures pour combattre le
chômage, employer des étudiants, employer des chômeurs,
employer des assistés sociaux périodiquement.
M. ROY (Beauce): Je trouve que vous ne répondez pas directement
à la question. Si vous faites une entreprise d'assistance sociale de
l'exploitation forestière, c'est une autre affaire.
M. JACQUES: Il ne s'agit pas d'en faire une entreprise d'assistance
sociale. C'est justement...
M. ROY (Beauce): On parle d'une exploitation rationnelle,
ordonnée, parce que, si vous avez des coûts, si vous employez les
personnes dont vous parliez tout à l'heure, si vous en faites un
critère hautement social je ne dis pas qu'on ne doive pas tenir
compte du facteur social dans une entreprise si, en utilisant ces
critères et en voulant poursuivre les objectifs que vous venez de
mentionner il en résulte que le bois livré à l'usine
atteint un coût supérieur à celui de l'entreprise
privée, est-ce que l'entreprise de transformation sera obligée de
payer plus cher pour son produit? Et comment va-t-elle pouvoir répondre
aux exigences du marché lorsqu'il s'agira d'écouler son produit
par la suite?
M. JACQUES: Je vais faire une rectification. Tout à l'heure, j'ai
dit que l'entreprise d'Etat pouvait rivaliser au point de vue économique
avec l'entreprise privée. D'autre part, j'ai dit que je doutais
fortement que l'entreprise privée ait un caractère social comme
une entreprise d'Etat. Maintenant...
M. ROY (Beauce): Pourquoi pas?
M. JACQUES: Si on regarde le passé, je doute fort qu'on ait une
telle situation.
M. ROY (Beauce): On va prendre un exemple dans l'exploitation
forestière où vous avez un entrepreneur qui travaille avec des
membres de sa famille. Cela existe en quantité énorme dans la
province, il emploie des gens du milieu...
M. JACQUES: Oui, d'autre part, si vous regardez...
M. ROY (Beauce): Il y a une convention collective, il respecte les
normes de la convention collective. Les gens qui travaillent pour lui sont
satisfaits, sont rémunérés, etc. Je ne veux pas dire que
ces critères sont absolus de ce côté-là, mais quand
même, il y a des nuances à apporter de part et d'autre.
M. JACQUES: Oui, est-ce que vous avez vu...
M. ROY (Beauce): Mais il ne faudrait pas dire que l'entreprise d'Etat
est bénéfique sans
aucune considération et que l'entreprise privée est
maléfique sans aucune considération. Je pense quand même
que dans les deux extrêmes il y a des nuances à apporter.
M. JACQUES: Non, je ne suis pas allé jusque là.
M. ROY (Beauce): Mais c'est un peu l'impression que j'ai eue.
M. JACQUES: Je ne voudrais pas que vous me prêtiez des paroles que
je n'ai pas dites et des pensées que je n'ai pas pensées.
M. ROY (Beauce): La dernière question que j'aimerais vous
poser...
M. JACQUES: Pour répondre en partie à votre question je
vous demanderais, premièrement, si vous avez lu l'étude du
comité sur la main-d'oeuvre forestière qui parle justement du
travail en forêt, de la période de travail, de la longueur du
travajl, des conditions de travail, de ce qui se passe en forêt?
M. ROY (Beauce): Mon cher monsieur, je pourrais vous dire que non
seulement j'ai lu ces rapports, non seulement j'en ai pris connaissance mais
j'ai vécu l'expérience forestière moi-même pendant
de nombreuses années. Je peux vous dire que, pour le travail en
forêt dans les mois de mars et d'avril dans la province de Québec,
on a des conditions climatiques autres que celles de la Californie.
Si vous voulez faire une comparaison avec l'usine de pâtes et
papiers elle-même qui est située en ville, il est évident
que le travailleur de la forêt n'a pas les mêmes conditions de
travail que le travailleur de l'usine; il ne peut pas travailler sur une
période aussi longue à cause des conditions climatiques et
géographiques du Québec.
J'aimerais vous poser une question et ce serait la dernière parce
que je constate qu'on n'avance pas tellement. On nous a dit que c'était
M. Wassef qui avait l'honneur d'en être en quelque sorte l'auteur du
mémoire que vous avez préparé. J'aimerais demander
à l'auteur du mémoire si, avant de le préparer, il a fait
une étude ailleurs que dans les mémoires et différents
dossiers et documents du ministère des Terres et Forêts ou encore
de la CSN. Etes-vous allé directement sur place, dans des concessions
forestières, pour faire certaines enquêtes sur des exploitations
forestières, visiter le domaine forestier au Québec et rencontrer
les propriétaires, les exploitants, les entrepreneurs etc.? Est-ce que
vous avez fait une étude assez élaborée sur place afin de
constater les problèmes?
M. JACQUES: Je pense que c'est une question assez tendancieuse qui
porterait préjudice à la valeur que vous accorderez au
mémoire comme tel.
M. ROY (Beauce): Je vous ai posé une question précise.
M. JACQUES: C'est la seule réponse que j'ai.
M. ROY (Beauce): Est-ce que vous êtes allé sur place?
Avez-vous examiné la situation? Avez-vous rencontré des
entrepreneurs, des industriels forestiers? Etes-vous allé dans des
usines, en forêt? Vous êtes-vous rendu compte du travail
particulier effectué? Quand on fait une étude, avant de
préparer un mémoire, j'estime qu'il faut quand même avoir
les données les plus exactes possible, il faut avoir une vue d'ensemble,
une vue réaliste de la situation. C'est ce que j'aimerais savoir.
Après avoir travaillé moi-même en forêt
pendant de nombreuses années, dans le domaine des chantiers
coopératifs, quand je regarde votre mémoire je me demande
réellement s'il a été préparé dans la
province de Québec. C'est ma conclusion.
M. JACQUES: Si vous permettez, je vais laisser répondre M.
Jean-Guy Morin.
M. MORIN: Disons que cela faisait longtemps que je voulais intervenir.
Je ne suis pas un économiste, je ne suis pas un théoricien mais
j'ai travaillé dans l'industrie des pâtes et papiers et j'ai
été continuellement en contact avec les travailleurs. Je suis
même allé à Quévillon la semaine dernière
avec les travailleurs forestiers. Ils ont des problèmes, ces
gens-là, et ils nous les ont précisés. Ils ont le
problème de la sécurité d'emploi c'est le plus
fondamental dans le secteur pâtes et papiers. Il y a la
matière première dans le secteur forestier, dans la fabrication
et dans la transformation.
D'ailleurs, on a eu dans une région donnée, dans l'Estrie,
l'obligation de faire une grève assez longue chez un employeur afin
d'éviter la fermeture des usines. L'argument majeur était qu'il
n'y avait pas assez de bois dans la région, que le coût du bois
était trop élevé. Par la suite, partout où l'on
négociait, on avait aussi des menaces de fermeture totale d'usines
toujours à peu près pour les mêmes raisons. On a le cas de
Desbiens, ç'en est un; il y a le cas de Trois-Rivières. Si vous
êtes capable de me dire que l'entreprise privée a
réglé ces problèmes, je vais adhérer à votre
formule.
On part d'une situation donnée où des gars sont mis
à pied, où des gars ne travaillent pas. Même si on accorde
toutes sortes de bénéfices sociaux, on ne respecte pas leur droit
au travail, à ce moment-là. On sait, par toutes les analyses qui
ont été faites, vous pouvez fouiller dans tout ce que vous avez
ici au gouvernement, plus que je ne puis fouiller et plus que n'importe quel
travailleur peut fouiller.
Vous avez toutes ces données et les statistiques qui ont
été demandées ce matin. Le travailleur, lui, à
l'autre bout, voit seulement les résultats. Nous ne pouvons pas avoir
toutes les données. Autant au niveau de l'association
patronale des pâtes et papiers, de l'industrie, des scieries,
qu'à celui du gouvernement et des commissions qui ont
siégé, tout le monde arrive à peu près aux
mêmes conclusions. On dit: Le coût du bois par tonne de papier
produite est trop élevé au Québec. Quelles en sont les
raisons? L'endroit où les concessions forestières où sont
situées, la façon dont elles ont été
exploitées, les coupes à blanc, par exemple. Pourquoi aujourd'hui
y a-t-il des compagnies qui sont obligées d'aller courir le bois
à 300 ou 400 milles de chez elles? C'est l'entreprise privée qui
a fait cela.
Le coût du transport est élevé. Parce que le
coût du transport est élevé, le coût de production et
le coût du bois par tonne de papier produite, est le facteur le plus
élevé. Si je me souviens, c'est 40 p.c. Il faudrait tirer des
chiffres des statistiques. Je dis cela de mémoire. J'espère qu'on
ne me le reprochera pas, mais j'essaie d'expliquer ce que nos gars pensent. Les
décisions ont été prises par les gars à l'occasion
de congrès et par des grèves qu'ils ont été
obligés de faire contre ce qui existait. Ils veulent continuer à
travailler et ils savent comment l'exploitation d'un travailleur forestier se
fait. Ils nous disent quelles sont les dépenses inutiles qui se font
là-dedans. Quand les gars voient comment leurs forêts sont
détruites, ils disent: Il faudrait qu'il se fasse quelque chose.
Je n'ai rien contre l'entreprise privée. Je connais ces gars, je
les rencontre et je suis bien ami avec eux. Ce sont des êtres humains
comme tout le monde. Ils ont un travail à faire. Pour eux, c'est le
maximum de profits. Ils sont pour cela et ils font le travail. Ils sont
compétents pour le faire. Mais cela ne règle pas le
problème des travailleurs et cela ne règle pas le problème
de la société québécoise.
On dit qu'ici au Québec, avec tout ce que nous avons comme
sociétés, nous dépendons des autres. Nous avons beaucoup
de chômage. Notre plus grande richesse naturelle est polyvalente,
à part cela. N'oubliez pas que notre étude a été
faite en fonction de la polyvalence de la forêt, ce qui avait
été fait aussi au ministère des Terres et Forêts.
Nous nous apercevons qu'il y a des petites parties qui ont été
enlevées. Il aurait été bien essentiel qu'elles demeurent
là-dedans. Mais, si on veut faire l'utilisation polyvalente de la
forêt, cela coûtera certainement plus cher qu'une corde de bois
coupée pour l'industrie privée.
Les compagnies n'ont pas pensé, quand elles ont coupé le
bois près des usines, ce que cela était pour donner à ceux
qui travaillent aujourd'hui. Et elles ne pensent pas à ce que cela
donnera dans 100 ans. Mais le gouvernement est là pour cela. C'est notre
richesse. Ce sont les intérêts de tout le monde, autant des
travailleurs et de l'industrie. Si elles avaient pensé, dans le temps,
à ne pas aller chercher l'optimum de profits à un certain
moment, c'était le maximum; maintenant, c'est l'optimum le bois serait
encore près des usines et nous n'aurions pas les problèmes que
nous avons actuellement.
Je connais des compagnies qui sont obligées d'aller le chercher
en Abitibi. Je ne peux pas comprendre comment une entreprise privée peut
devenir rentable dans cette position. L'argent qu'elles dépensent pour
cela, elles ne peuvent pas l'utiliser, non plus, pour faire des
réinvestissements. Alors, on dit: Il y a une situation
particulière, il y a des cultivateurs, il y a des gens qui vivent de la
forêt actuellement dans le secteur privé. Nous ne toucherons pas
à cela. Nous trouverons des formules coopératives de
réaménagement. Qu'on leur donne le nom qu'on voudra, des
pouvoirs, tout cela, il s'agit de s'ajuster après.
Mais, en ce qui concerne ce qui nous appartient, à tout le monde,
que ce soit le gouvernement, parce que cela nous appartient, qui prenne le
contrôle et qu'il l'exploite. Lorsqu'il s'agit de l'aménagement et
de la protection de la forêt, quand il s'agit d'établir des
réseaux routiers pour permettre à l'exploitant forestier et, en
même temps, à tout le monde d'utiliser la forêt, il y a un
coût social qui va se payer au bout de cela. Mais l'entreprise
privée ne fera pas cela. Ce n'est pas son rôle. Ce sont les seules
raisons pour lesquelles nous disons que c'est un absolu, dans le sens qu'on n'a
pas trouvé d'autre formule et qu'on n'a pas d'autre formule actuellement
que la formule existante. Même les employeurs l'ont dit: C'est une
formule qui est inacceptable. Alors, nous voulons un changement et un
changement de fond, non seulement de surface.
M. ROY: Je vous remercie de la façon dont vous avez
répondu aux questions. Je pense que vous avez touché
réellement au problème, c'est-à-dire à
l'inquiétude qu'il y a auprès des travailleurs de tout ce secteur
de notre économie, à l'heure actuelle, à
l'inquiétude due au fait que les citoyens du Québec n'ont pas
retiré les bénéfices qu'ils auraient dû retirer de
leur immense richesse qu'est la forêt. Nous le déplorons comme
vous.
Votre mémoire est basé sur deux arguments de fond qui
veulent diminuer le coût de production de la corde de bois pour pouvoir
permettre à l'usine de mieux affronter la concurrence sur le
marché international de façon à pouvoir fonctionner plus
rationnellement et donner plus de sécurité d'emploi à vos
travailleurs. Sur cet objectif, nous sommes entièrement d'accord. J'ai
tout simplement voulu démontrer je fais cette mise au point pour
mettre fin à la série de questions que j'avais à poser
que je ne prétends pas que ce soit un critère absolu, le
fait que l'Etat exploite lui-même les réserves forestières,
qu'il procède à des entreprises de coupe de bois, pour que vous
puissiez atteindre des objectifs que vous voulez obtenir pour le
bien-être de vos travailleurs. C'est sur ce point et je tenais à
faire cette distinction. A l'heure actuelle, nous avons eu
des entreprises d'Etat au Québec. Ce que je trouve malheureux,
c'est qu'on a pas encore assez évolué au Québec pour
être désireux de donner des pouvoirs à ceux qui ont des
responsabilités dans le domaine gouvernemental. Tout le monde a des
responsabilités mais personne n'a de pouvoir de décision, on le
sait, c'est partout.
En face de ce fait, il en résulte que les décisions ne se
prennent pas et que les entreprises gouvernementales coûtent
extrêmement cher d'administration et cela n'a pas été
prouvé jusqu'à ce jour que les coûts étaient
inférieurs et qu'on avait obtenu les résultats
espérés.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.
M. LESSARD: M. le Président, vous me permettrez de faire quelques
remarques générales comme on l'a fait en matinée. Ce
mémoire qui nous est soumis provient d'une étude de la CSN, la
Confédération des syndicats nationaux, qui est parue il y a deux
ans. Il s'agit d'une des premières études sérieuses
publiées sur le problème forestier et qui a amené d'autres
études. Ce matin, on semblait dire qu'on avait copié les chiffres
ailleurs. Il est certain qu'on est allé chercher des chiffres un peu
partout, cependant, les chiffres que j'ai vus dans le tome II du livre blanc
avaient déjà paru dans le mémoire de la
Confédération des syndicats nationaux.
Il s'agit donc d'une étude qui m'apparaît très
sérieuse. Hier, j'ai eu l'occasion de dire à la Fraternité
internationale des travailleurs du Québec que leur étude
m'apparaissait fort superficielle; j'ai aussi le devoir de dire cette
après-midi à la Confédération des syndicats
nationaux qu'elle nous a soumis une étude très sérieuse
qui m'apparaît aussi valable qu'une étude qui pourrait nous
être soumise par ceux qui continuent d'avoir une foi aveugle au
capitalisme, même en grande partie subventionné par l'Etat. Il
s'agit là d'une avenue possible parce que nous sommes ici pour essayer
d'étudier les problèmes de la forêt et si nous sommes
réunis ici, c'est parce que nous vivons actuellement un problème
forestier. Nous vivons un problème forestier qui n'a pas
été résolu par le ministère des Terres et
Forêts, qui a, dans le passé, en grande partie ou
complètement, délaissé ses responsabilités au
profit des grandes entreprises et qui n'a pas été
solutionné par les grandes entreprises. Ce n'est pas, je crois, en
continuant d'avoir une foi aveugle en l'entreprise privée, même si
nous la subventionnons considérablement c'est redevenu du
socialisme pour le capitalisme que nous allons résoudre les
problèmes forestiers. Au contraire nous aurons à entendre
le mémoire tout à l'heure je dis que l'entreprise
privée a failli à sa tâche actuellement et il nous faut
étudier d'autres avenues.
Il est certain que les coûts du mémoire que vous nous
soumettez ne peuvent être estimés.
De même que les coûts des réformes que nous propose
le ministère des Terres et Forêts dans le tome II ne peuvent pas
non plus être estimés.
Cependant, nous ne pouvons pas non plus estimer ce que nous a
coûté, à nous du Québec, l'exploitation de nos
forêts par l'entreprise privée, que ce soient des coûts
sociaux, que ce soient des coûts sous formes d'exemptions de taxes ou
sous formes de subventions qui sont devenues scandaleuses. Actuellement l'Etat
se voue au pire libéralisme. C'est même rendu pire que le
libéralisme du XIXème siècle.
Mais, M. le Président, avant de tomber...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le
règlement, pour savoir...
M. CARPENTIER (président): A l'ordre, messieurs !
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... si le mémoire du
député de Saguenay a été déposé.
M. LE PRESIDENT: J'invite les membres de la commission à s'en
tenir strictement au mémoire.
M. LESSARD: Je m'en tiens, M. le Président, au mémoire et
je m'en tiens au mandat de la commission parlementaire des richesses
naturelles, qui a pour but d'étudier le problème forestier.
C'est à ce moment-ci que je vais poser des questions à la
Confédération des syndicats nationaux. Nous avons peut-être
vécu, dans le passé, dans un cul-de-sac. C'est-à-dire que
nous avons, dans le passé, délaissé complètement
nos responsabilités d'exploitation au profit de l'entreprise
privée. Cependant, même si nous avons à subir des
conséquences énormes, actuellement, il ne faudrait pas, à
mon sens, tomber dans un autre absolu et je rejoins même, à ce
sujet, un peu les questions que posait le député de Beauce. Nous
ne connaissons pas les coûts que cela pourrait apporter à l'Etat
si celui-ci prenait complètement le contrôle de l'exploitation et
de la transformation de la forêt.
Alors, est-ce que l'on doit partir, par exemple, d'un capitalisme pur et
aller directement à un socialisme pur? Pour ma part, en tout cas, je
n'aime pas les idéologies et je n'aime pas ce qui est
nécessairement en "isme". Pour ma part, je pense que gouverner c'est un
peu voir des coûts comparatifs. Actuellement, il nous est
extrêmement difficile de connaître les coûts d'exploitation
forestière. Pourquoi? Parce qu'essentiellement cette
responsabilité a été laissée à l'entreprise
privée. Il est certain, on nous soumettra un mémoire tout
à l'heure, que l'entreprise va nous donner ses chiffres. Mais il serait
bon, comme on l'a du côté de Soquem, du côté de
Soquip, d'avoir une entreprise d'Etat sur cela, je suis
complètement d'accord avec vous comme Soquef, qui nous
permettrait de connaître ces coûts et de concurrencer un peu
l'entreprise privée. Nous pourrions savoir si les chiffres qui
nous seront présentés par le conseil des producteurs des
pâtes et papiers du Québec sont exacts. Jusqu'ici, je pense qu'ils
sont exacts parce qu'on ne peut pas les contester. Mais il me semble que votre
mémoire n'a pas été biaisé; s'il l'a
été, c'est un peu à la suite de la discussion mais c'est
peut-être aussi du fait de vos réponses. Dans votre
mémoire, on parle, par exemple, d'un complexe forestier
étatisé; il me semble que les réponses que l'on a
données aux questions tout à l'heure sont allées beaucoup
plus loin que le mémoire. Il y a la dixième recommandation:
création d'un complexe forestier étatisé au niveau
secondaire. On dit: A long terme, l'objectif sera de prendre le contrôle
des industries utilisatrices du bois au Québec en créant des
entreprises publiques au lieu de subventionner des entreprises privées.
On dit: Au lieu de subventionner des entreprises privées. Alors, ce que
je pense et je reviens un peu à la question du député de
Beauce: Est-ce que Soquef serait, sur une longue période, l'exploitant
secondaire exclusif? Ou au lieu de donner des subventions comme actuellement,
à tort et à travers, sans faire d'étude, Soquef pourrait
-elle comme c'est le cas actuellement, devant le fait que la Domtar,
à Trois-Rivières, n'est pas capable de remplir ses engagements
sociaux ou ses obligations, ne fait pas de profit, cesse ses activités
vérifier si cela peut être rentable pour la CIP à
Trois-Rivières, s'emparer ou prendre le contrôle d'industries
comme celle-là?
Est-ce que vous désirez, selon votre rapport, qu'à longue
échéance Soquef devienne l'exploitant exclusif en ce qui concerne
l'industrie de transformation?
M. MORIN: Soquef, en premier, on la voit comme étant l'unique
exploitant au niveau du secteur forestier. En ce qui concerne l'industrie de
transformation, on dit qu'actuellement, avec toutes les subventions qui peuvent
être données c'est notre argent à nous qui est donné
à l'entreprise privée pour maintenir des usines où il y a
eu de la mauvaise administration. Nous venons, par nos impôts, par les
subventions qui sont données, subventionner ces industries qui ne nous
appartiennent pas. Les profits qui seront retirés s'en iront encore
ailleurs. D'après une étude que nous sommes à terminer,
nous nous apercevons que cela ne reste pas tellement au Canada et au
Québec surtout.
Nous disons donc qu'un des moyens serait de venir à
posséder notre économie, qui est à nous autres et que nous
payons. Nous devrions aussi être propriétaires. Quel serait le
moyen et le temps de le faire? Nous pouvons être ouverts
là-dessus. Il n'y a pas de formule définitive et absolue. Mais
nous disons que, si cela continue, dans le système tel qu'il existe,
où c'est nous autres, réellement, soit à même nos
épargnes qui viennent de nos banques, des emprunts, de nos fonds de
retraitre et de tout cela, qui finançons les entreprises, nous devrions
être partie de ces entreprises.
M. LESSARD: Ce que vous voulez dire, c'est que, si, par exemple, le
gouvernement du Québec donne une subvention de $40 millions sur un
capital-actions de X, il devrait devenir, par l'entremise de Soquef,
actionnaire selon le même montant qui est fourni par le gouvernement du
Québec et par Soquef.
M. MORIN: Ce serait Soquef ou un autre.
M. LESSARD: Les termes sont sans importance.
M. MORIN: Cela pourrait être cela.
M. LESSARD: Une autre chose concernant le rôle de Soquef et le
rôle de Rexfor. On sait qu'actuellement on parle beaucoup de l'entreprise
d'Etat. Mais, à l'entreprise d'Etat, on a donné à peu
près tout ce qui était non rentable. On a ramassé les pots
cassés que les compagnies avaient laissés, en particulier en ce
qui concerne Rexfor. C'est certain qu'on a une mauvaise expérience,
actuellement, de l'entreprise publique, que ce soit Sogefor, par exemple.
Sogefor n'a rien prouvé. On sait quels problèmes on a
vécus là-dedans et tout le patronage politique même qui a
existé. Alors on pourrait avoir, par exemple, une société
qui a des incidences sociales, c'est-à-dire une société
comme Rexfor, qui fera des travaux qui ne sont peut-être pas rentables,
mais qui sont bénéfiques du côté social. On pourrait
avoir cette société, qui serait Rexfor. Mais, pour ma part, je
pense que Soquef devrait être je ne sais pas si c'est votre point
de vue une entreprise qui pourrait concurrencer les entreprises
privées, mais qui aurait essentiellement des intérêts
économiques pour prouver, justement, qu'on est capable de faire quelque
chose.
M. MORIN: L'optique dans laquelle l'étude a été
faite n'a pas été dans ce sens.
M. LESSARD: Mais il pourrait, à l'intérieur de Soquef, y
avoir Rexfor, par exemple.
M. MORIN: Il y a une autre étape. On a la régie
forestière qui, elle, devra voir à l'application des politiques
établies par le ministère des Terres et Forêts, qui
deviendra, pour nous, un ministère beaucoup plus important qu'il ne
l'est actuellement, dans notre concept. Le ministère des Richesses
naturelles est devenu beaucoup plus important depuis que l'Hydro-Québec
a été étatisée. C'est dans le même sens que
nous avons perçu la chose. Ce que nous percevons de Soquef, c'est qu'on
a fait l'étude à partir d'une utilisation rationnelle et
polyvalente de la forêt. Il ne faut pas oublier cela. Nous avons dit,
nous autres: L'économie du Québec devrait être
structurée autour de notre plus grande richesse
naturelle, qui est renouvelable, à part cela.
Dans le cas des mines, quand la mine est finie, c'est fini, tandis qu'en
forêt on peut faire du reboisement et de la sylviculture. Prenez toutes
les études qui ont été faites par des spécialistes
au niveau de la forêt. Même au niveau du nombre d'années que
cela prend au bois pour pousser ce qui est un inconvénient pour
le Québec, par rapport à d'autres parties du Canada ou des
Etats-Unis ils en viennent à la conclusion qu'il devrait y avoir
réellement une politique forestière incluant toutes ces choses,
pas seulement l'exploitation pour dire: On coupe une corde de bois. Va-t-elle
nous rapporter de l'argent, celle-là, immédiatement, à
court terme? Il s'agit de savoir si, à long terme, toutes les industries
utilisatrices du bois pourront continuer à progresser comme elles l'ont
fait dans le passé.
Et est-ce qu'ils pourront aussi avoir une matière
première, en quantité et en qualité, à un
coût comparable à ceux de l'extérieur? Si on ajoute
à cela des politiques qui vont servir à d'autres
ministères, qui peuvent venir d'autres ministères et, dont on ne
calcule pas le coût actuellement, comme au niveau de la chasse et de la
pêche, c'est entendu que, si on veut utiliser la forêt pour
l'ensemble de la population, il va y avoir un coût à
côté. Alors, le chemin qui va être fait, il va être
entrepris par l'Etat. Mais avant, il y avait 3 ou 4 ministères qui
pouvaient s'occuper de ça. Si c'est seulement le ministère des
Terres et Forêts qui en a la responsabilité, c'est entendu que le
coût va augmenter, parce que ce chemin ne sera pas utilisé
seulement pour aller chercher une corde de bois.
M. LESSARD: J'accepte que dans certaines entreprises, en particulier des
entreprises de services publics, il y ait monopole de l'Etat. Mais est-ce que,
dans une entreprise comme celle-là, une entreprise forestière,
par exemple, dans une exploitation qui demande énormément de
machinerie, etc., le monopole de l'Etat serait meilleur que le monopole que
nous avons actuellement?
M. MORIN: Oui, parce que l'Etat doit avoir comme objectif le bien commun
de la société. Tandis que l'entreprise privée, avec sa
machinerie, a comme objectif de retirer le maximum de profits. Peu importent
les conséquences que ça peut avoir à long terme et
ça peut occasionner d'autres problèmes à d'autres choses
dans la vie sociale ce n'est pas sa préoccupation
première. Elle va le faire indirectement, bien des fois, mais
directement ce n'est pas leur préoccupation.
Le seul qui peut réellement prendre les problèmes de ce
secteur et dire: Nous le faisons en fonction de ceux qui possèdent ce
secteur, c'est l'Etat.
M. LESSARD: Si nous continuons dans vo- tre argumentation, nous allons
devoir faire la même chose concernant le secteur minier.
M. MORIN: Cela se peut aussi. On aurait pu se retrouver à un
niveau d'un ministère de planification économique et toucher tous
les secteurs industriels. Mais étant donné que nous, nous sommes
surtout dans les pâtes et papiers, nous avons fait des
représentations à ce niveau. Je pense que même dans le
secteur forestier, il ne peut pas logiquement y avoir une politique
forestière sans penser qu'il peut y avoir des mines aussi, et qu'il
serait peut-être utile d'avoir des prospections, des chemins qui seraient
faits pour aller aux mines mais qui seraient payés pour les deux en
même temps.
Mais on a vu comme je vous l'ai dit que quand la politique
du ministère actuel des Terres et Forêts a paru dans les journaux,
il y a certaines choses qui ont été coupées, qui pouvaient
toucher à d'autres problèmes que l'exploitation forestière
exclusivement.
M. LESSARD: Vous proposez, dans votre mémoire, l'abolition des
concessions forestières sur une période de cinq ans, alors que le
ministère propose l'abolition des concessions forestières sur une
période de dix ans. A court terme, entre la période de cinq ans
et de dix ans, comme pour vous autres la période de cinq ans
quelles seraient les mesures que le gouvernement devrait prendre pour
mettre de l'ordre là-dedans? On sait que certaines compagnies
forestières ont des territoires extrêmement vastes et qui ne sont
pas fonction de leurs besoins, que ça soit l'industrie du bois de sciage
ou d'autres industries de pâtes et papiers. Parce qu'on sait que la
distance moyenne et ça c'est une étude du ministère
des Terres et Forêts qui provient de la bibliothèque pour
le transport du bois est de 156 milles.
Si on attend cinq ans avant d'abolir des concessions forestières,
on va continuer encore dans le fouillis. Les entreprises forestières
vont continuer d'exploiter à des coûts non concurrentiels.
Entre-temps il faut faire quelque chose, peut-être une redistribution des
concessions forestières. A court terme, qu'est-ce que la CSN
proposerait?
M. MORIN: Je crois qu'une des solutions que nous avons
déjà envisagées était justement une redistribution,
le plus rapidement possible, des concessions forestières le plus
près possible des usines. Il se peut que, dans certains cas, les plus
proches soient à 150 milles ou 156 milles.
J'ai lu une étude, dans les journaux, de l'économiste du
Conseil du patronat qui suggérait de redécouper au niveau du
fédéral, au niveau du transport par chemin de fer afin de pouvoir
trouver un moyen de transporter le bois continuellement à l'usine et
avec un système de chargement et de déchargement assez rapide et
que seulement cette façon-là pouvait réduire de $4 la
tonne le coût du bois
de pâtes produites et que cela était suffisant pour mettre
les gens en concurrence sur le marché international.
Etant donné que nous ne sommes pas tous des spécialistes
dans ces détails techniques, nous avons suggéré un conseil
supérieur qui regrouperait les deux conseils existant actuellement, le
Conseil de la main-d'oeuvre forestière et le Conseil de la main-d'oeuvre
de l'industrie des pâtes et papiers, qui étudierait tous les
mémoires qui ont été présentés, lesquels
mémoires redécoupent et situent les vrais problèmes de ces
secteurs afin de voir, avec tout le monde intéressé à y
participer, et analyser ces détails techniques, à savoir quelles
seraient les meilleures solutions quand on dit que c'est le coût du
transport du bois qui est peut-être le problème majeur dans le
coût total d'une corde de bois. Si c'est là le problème, on
va en analyser les raisons.
Nous le savons; nous disons c'est loin, le millage, et tout ça.
Est-ce que le réseau routier est suffisant, etc.? Avec des
spécialistes, on s'assoira et on analysera les raisons pour lesquelles
c'est comme ça et quelles seraient les meilleures solutions à
suggérer au gouvernement pour qu'il intervienne. On ne peut pas dire que
ce ne sera pas un système de subventions, ou des choses comme ça,
parce que les subventions ne réduiront pas le coût du transport.
Peut-être que pour l'entreprise, dans son bilan financier, ça va
peut-être paraître moindre. Mais le coût du transport va
encore demeurer élevé.
M. LESSARD: Si on tenait pour acquis que la commission parlementaire qui
étudie le problème des forêts n'accepte pas les
propositions de la CSN de façon absolue, vous savez que dans le tome II
du livre blanc et j'aimerais avoir votre idée à ce sujet
on veut remplacer les concessions forestières par l'allocation
contractuelle à long terme, est-ce que vous avez tenté de
comparer la différence entre l'allocation contractuelle à long
terme et la différence entre une concession forestière telle que
nous l'avions auparavant?
Est-ce que vous pourriez préciser un peu et donner votre opinion
sur l'allocation à long terme, comme le voudrait actuellement le
gouvernement?
M. MORIN: L'analyse que nous avons faite nous a amenés à
une conclusion qui n'est pas tellement longue. La proposition actuelle du livre
blanc donnait plus aux employeurs que ce qu'ils avaient auparavant. Cela ne
réglera certainement pas le problème.
M. LESSARD: Merci. C'est tout quant à moi, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions? Le
député de Chicoutimi
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'aimerais po- ser une question à M.
Morin au sujet de ce qu'il vient de dire concernant les propositions que l'on
trouve dans le livre blanc au sujet de ces concessions contractuelles. Vous
avez dit que vous avez fait une analyse et qu'il vous semble que ça
donnerait plus aux employeurs que ce qu'ils ont actuellement. Est-ce que vous
avez les documents? Est-ce qu'on pourrait avoir les chiffres de cette
analyse?
M. MORIN: Nous n'avons pas écrit de mémoire
là-dessus, nous n'avons pas de texte. Mais sachant ce qui existait
avant, regardant la proposition qui était faite, la conclusion de ceux
qui ont travaillé à préparer nos études est la
suivante: auparavant, dans le système qui existait, les contrats
étaient au moins renouvelables à tous les ans.
M. DRUMMOND: Ce serait votre opinion que les producteurs de pâtes
et papiers seraient bien d'accord sur la formule suggérée par le
ministère des Terres et Forêts en ce qui concerne la garantie
d'approvisionnement?
M. MORIN: Certains sont d'accord. Je sais aussi qu'il y a d'autres
producteurs de pâtes et papiers qui seraient d'accord sur notre
formule.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant...
M. MORIN: Je n'ai pas d'écrits là-dessus, je ne peux pas
vous donner de statistiques à ce sujet.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Morin, est-ce que, dans les études
que vous avez faites, vous avez fait un examen des marchés actuels du
Québec et du Canada dans le domaine des pâtes et papiers, par
exemple?
M. MORIN: Si on a tenu compte...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si vous avez tenu compte, dans vos
études, de la fluctuation du marché dans le domaine des
pâtes et papiers à l'heure actuelle.
M. MORIN: Oui, ça, c'est pas mal économique.
M. WASSEF: Oui, on a tenu compte généralement de la
situation mais si vous voulez vous référer à quelque chose
de plus spécifique...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, le marché commun
européen.
M. WASSEF: A quel égard?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Quelle est l'incidence de la diminution sur
l'exportation de notre bois depuis l'existence du marché commun?
M. WASSEF: Disons qu'on a surtout regardé quels étaient
les taux d'accroissement de la consommation du papier-journal, d'autres papiers
et des cartons en Europe et ailleurs, le marché commun inclus. On est
arrivé à la conclusion qu'on avait été trop
spécialisé dans le papier-journal au Québec et qu'il n'y
avait pas eu suffisamment de tentatives de faites au niveau du carton et des
autres papiers.
D'ailleurs, à cet égard on a également
examiné ce qui s'est passé après les conclusions des
accords du Kennedy Round. Nous en sommes venus au fait que nos industries
n'avaient pas pris avantage de ces accords, surtout pour les autres papiers et
les cartons. Je ne parle pas du papier-journal. En général, on
pensait que c'était un échec de ce
côté-là.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, vous avez pensé cela.
M. WASSEF: En général.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que vous avez des chiffres
statistiques?
M. WASSEF: Des chiffres statistiques, il y en a plein. Qu'est-ce que
vous voulez que je vous dise?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, il va falloir finir
par perdre patience. Depuis le matin nous interrogeons les spécialistes
de la CSN; nous avons eu des réponses pertinentes de MM. Pepin et Morin.
Vous êtes un spécialiste et vous êtes, semble-t-il, un
économiste. Nous vous demandons des documents et vous nous dites que
vous les avez tous. Il me semble que votre mémoire doit être
fondé sur des statistiques qui soient un tant soit peu originales ou
tout au moins sur des statistiques que tout le monde peut trouver mais qui ont
été revues, révisées, analysées,
scrutées par vous.
Je vous demande quelles sont les répercussions éventuelles
de la création du marché commun dans le domaine de nos
exportations. Vous me dites que cela a des répercussions mais lesquelles
à court, à moyen et à long termes? Avez-vous des
projections de la nature de celles que l'on retrouve, par exemple, dans le
document présenté par le Conseil des producteurs de pâtes
et papiers du Québec?
M. WASSEF: On a utilisé les mêmes statistiques que le
Conseil des producteurs de pâtes et papiers.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ah! Vous n'arrivez pas aux mêmes
conclusions. Maintenant, dans le domaine de l'emploi vous avez utilisé
les mêmes statistiques que les producteurs?
M. WASSEF: Oui, généralement les mêmes statistiques,
les statistiques de source gouverne- mentale, les statistiques du Conseil des
producteurs de pâtes et papiers.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Dans le domaine de l'emploi, à supposer
que l'on crée cette société, Soquef, quelles sont les
projections qui nous permettraient de croire que cela sera
générateur d'emploi?
M. WASSEF: Dans l'industrie des pâtes et papiers, l'industrie du
bois de sciage et du contre-plaqué, avec les formules que l'on
préconise, l'intégration que l'on préconise des industries
de sciage, on suppose que l'emploi dans ces secteurs pourraient être
appelé à diminuer. Si on tente des travaux de sylviculture, des
travaux de reboisement, des travaux de protection de la forêt qui
n'ont pas été entrepris jusqu'à présent et c'est
pour une bonne part, une raison du gaspillage de nos forêts on
pense que le taux d'emploi pourrait être stabilisé. C'est dans le
domaine de l'hypothèse, c'est évident.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pour une période de combien de mois
dans le domaine de la sylviculture, par exemple, parce qu'on ne fait pas de
sylviculture l'hiver, que je sache?
M. WASSEF: Vous les avez durant les mois d'été.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela emploierait combien de personnes, selon
vos projections, pour compenser la perte dont vous parlez?
M. WASSEF: J'aimerais bien avoir les projections du ministère des
Terres et Forêts là-dessus.
M. DRUMMOND: Ici, nous parlons d'une nouvelle société qui
créera ces emplois. Ce n'est pas au ministère des Terres et
Forêts de donner ces informations. C'est à vous. Je peux
souligner, quand même, que le gouvernement a déjà
commencé à améliorer son programme de restauration
forestière et de reboisement. Nous ne sommes pas en désaccord sur
l'idée de remplacer la main-d'oeuvre perdue par du travail accru dans le
domaine de la restauration forestière, loin de là. Notre
politique le prouve. Nous avons déjà commencé le
nécessaire. Mais je pense que la question de mon collègue de
Chicoutimi était: Qu'est-ce que vous prévoyez dans ce
domaine?
M. LESSARD: Est-ce que le député de Chicoutimi veut que la
réponse soit aussi juste que les 100,000 emplois que nous avons eus?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le député de Chicoutimi veut
savoir simplement une chose, sans aucune sorte de préjugé. Le
député de Saguenay s'est fait, tout à l'heure, le
défenseur du mémoire de la CSN. C'est son droit. Je ne
suis pas défenseur et je ne plaide pas, non plus, contre le
mémoire de la CSN. Seulement, j'ai déploré ce matin que ce
mémoire ne fût pas appuyé de statistiques. Il s'agit de
projections et il s'agit, au fond, de la manifestation d'une thèse que
je n'approuve ni ne condamne. Je ne porte aucun jugement sur cette
thèse. Mais il me parait que cette thèse, pour devenir
convaincante, devra s'appuyer sur des données de fait. Alors, ce sont
ces données de fait que nous vous demandons afin que nous, qui sommes
appelés à légiférer, puissions dire au
gouvernement: Le mémoire de la CSN est quelque chose de sérieux
et il faut tenir compte de telle ou telle recommandation. Il faut changer la
formule d'exploitation de la forêt, tel que vous le recommandez ou,
enfin, accepter, en les modifiant, les propositions qui nous seront faites de
part et d'autre. Le but que nous poursuivons est de nous renseigner et de
savoir sur quoi vous vous basez.
Dans l'abstrait, vous savez, on peut dire n'importe quoi. Il est facile
de se porter à la défense d'une thèse qui peut être
séduisante de prime abord. Mais, dans le concret des choses, nous qui
vivons dans des régions déterminées où il y a des
problèmes de pâtes et papiers, d'exploitation du bois, de
concessions forestières, etc., nous serions heureux d'avoir de vous les
renseignements qui nous permettraient d'adopter une démarche
différente de celle que nous avons suivie jusqu'à
présent.
M. MORIN: En ce qui concerne la main-d'oeuvre forestière, je vous
ai informé ce matin je le répète
qu'actuellement nous siégeons à un comité de la
main-d'oeuvre forestière qui, lui, a passé trois ans c'est
la firme Acres qui a fait l'étude pour voir les besoins de la
main-d'oeuvre forestière dans les années à venir, ce qui
existe actuellement et ce qu'on devrait faire. On a fait plusieurs suggestions
sur ce qu'on devrait faire à l'avenir, même en poussant la
mécanisation dans le secteur forestier. Il y avait l'élimination
de X mille emplois; je ne suis pas capable de vous donner les chiffres exacts.
Ils sont contenus dans ces volumes. Les différents ministères du
gouvernement participent à ces travaux et tous ces documents sont
à leur portée.
Nous croyons que c'est à ce niveau, avec ce comité, que
nous réglerons, connaissant les autres études que nous avons
faites, les problèmes de la main-d'oeuvre forestière. Des
projections ont été faites pour savoir ce qui devrait être
fait pour replacer ces gens. Est-ce qu'on peut créer des emplois dans le
secteur forestier? Combien d'emplois peut-on créer? Nous avons tout cela
à ce comité. Nous n'avons pas cru bon de revenir ici et
d'apporter toutes ces études pour en discuter ici, étant
donné que nous participions déjà à un autre
comité où, intensément, nous travaillons
là-dessus.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je vous re- mercie, M. Morin. C'est une
réponse qui me satisfait.
M. MORIN: M. Jacques aurait quelque chose à ajouter.
M. JACQUES: M. Tremblay, j'aimerais vous informer que, dans une
étude qui a été publiée à la CSN, il y a
deux ans, on a estimé un multiplicateur d'emplois de l'ordre de 3.83
pour l'industrie forestière en Ontario. On a posé, par
hypothèse, que cela était à peu près un
multiplicateur d'emplois similaire au Québec. Advenant le cas où
il y a une intégration qui se fait, comme on le propose le
ministre Drummond lui-même a proposé hier aux manufacturiers de
bois de sciage d'essayer de se fusionner avec les pâtes et papiers
il y aura certainement, disons, une perte d'emplois.
D'un autre côté, les études faites par l'ONU, la FAO
ont prouvé que, d'ici 1985, la demande qu'il va y avoir dans le secteur
de l'industrie forestière va égaler la possibilité de
coupe au Québec. Je dis bien de coupe. On sait bien qu'au Québec
actuellement on exploite nos forêts à 65 p.c. Ce qui veut dire
que, d'ici 1985, il va falloir créer de nouvelles usines et les
agrandir. En créant de nouvelles usines, en devenant concurrentiel et en
augmentant notre part de marché qu'on a perdu depuis huit ans on
a perdu 8 p.c. aux Etats-Unis dans les pâtes et papiers je pense
qu'avec un multiplicateur de 3.83 on peut créer pas mal d'emplois
directement et indirectement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Reste à savoir si, selon la formule que
vous préconisez, ce multiplicateur d'emplois pourra devenir le
coefficient de production que vous anticipez. C'est là toute la
question. Je ne vous demande pas de répondre à ça.
Moi-même, je ne suis pas capable d'y répondre. Seulement dans
l'examen de votre mémoire, il va falloir tenir compte de ce que vous
venez de nous dire encore. Ce n'est pas un reproche que je vous fais.
M. le Président, en ce qui me concerne, j'ai terminé.
M. JACQUES: M. le Président, si vous me le permettez, on a fait
une digression en passant. On a parlé de contrats d'approvisionnement.
Je voudrais demander au ministre Drummond si, dans les contrats
d'approvisionnement proposés par le ministère des Terres et
Forêts, on va garantir qu'il n'y aura plus de sous-exploitation comme il
y en a eu avec les concessions forestières.
M. DRUMMOND: C'est clair et net que chaque garantie d'approvisionnement
serait faite selon les besoins de l'industrie. Il n'est donc pas question de
geler un territoire donné pour des siècles afin de
protéger une compagnie donnée. Ce serait fait selon les
besoins.
M. JACQUES: Je suppose que vous avez fait des prévisions de la
demande, donc de l'emploi dans le secteur.
M. DRUMMOND: Pouvez-vous répéter la question?
M. JACQUES: Je disais que je supposais que le ministère des
Terres et Forêts avait fait une prévision de la demande des
produits du bois, donc partant de l'emploi ou du taux de croissance de l'emploi
ou du taux de diminution dans le secteur?
M. DRUMMOND: Lorsque nous ferons nos garanties d'approvisionnement, ce
sera basé d'abord sur la capacité de production d'aujourd'hui
aussi bien que sur les prévisions, assez précises, de ces
compagnies pour un avenir assez rapproché. Evidemment lorsqu'on fera
cela, on va tenir compte de la main-d'oeuvre employée et de tous ces
facteurs. On va tenir compte de ça par industrie, soit de sciage ou de
pâtes et papiers.
M. JACQUES: D'un autre côté, vous parlez de
prévisions à court terme.
M. DRUMMOND: Je pense que nous aurons les propositions du
ministère plus tard. Entre nous, nous sommes ici pour écouter
votre mémoire et pour le discuter avec vous. En temps et lieu, nous
allons arriver avec une loi donnée et on discutera de tous ces aspects.
Pour aujourd'hui, je pense que c'est à vous à répondre aux
questions, pas à moi.
M. JACQUES: Je vous remercie, c'était seulement un
renseignement.
M. LE PRESIDENT: La parole est au député de
Laviolette.
M. CARPENTIER: M. le Président, au cours des exposés de la
partie CSN, on a constamment mentionné à différentes
reprises que le système actuel a souvent failli à la tâche
dans l'organisation de tous les services forestiers. Est-ce que vous avez
soumis des suggestions ou est-ce que vous en auriez à soumettre pour
régler le problème d'une façon définitive
actuellement?
M. MORIN: Je ne vous saisis pas, vous voulez...
M. CARPENTIER: J'essaie d'être le plus clair possible. Vous avez
mentionné que le système actuel de la distribution des
territoires forestiers a constamment failli à la tâche. Est-ce que
vous avez déjà fait des suggestions valables dans ce sens ou
est-ce que vous en avez à suggérer présentement?
M. MORIN: Seulement au niveau de la redistribution des concessions
forestières?
M. CARPENTIER: A différents niveaux: redistribution et
administration de tout le système forestier.
M. MORIN: C'est ça. C'est que...
M. CARPENTIER: Vous mentionnez, généralement, que le
système a failli à la tâche.
M. MORIN: Ce n'est pas seulement nous qui le disons. Cela a
été dit aussi par les producteurs de pâtes et papiers, par
le ministère des Terres et Forêts et par des commissions où
notre premier ministre a siégé comme secrétaire. Je pense
bien que vous êtes au courant.
M. CARPENTIER: On a posé la question aux autres personnes, aux
autres organismes concernés. Je pose la question à vous,
maintenant.
M. MORIN: Nous, c'est ce que nous proposons. On a dit: Après
avoir étudié tout ça, il y a des gens compétents
autant que nous qui ont travaillé là-dedans, nos membres, quand
on les rencontre...
M. CARPENTIER: Aux questiqns que tous les membres de la commission ont
bien voulu vous poser, ce matin, vous n'avez pas fourni de statistiques, vous
n'avez pas fourni de chiffres.
M. MORIN: Je pense bien que cela n'est pas notre rôle. Notre
rôle, c'est de situer où sont les problèmes. On a dit:
Devant la situation où les gens sont placés, il existe une
situation...
M. CARPENTIER: Précisément, comme le mentionnait
tantôt le député de Chicoutimi, M. Tremblay, c'est facile
de proposer des choses, mais il faut également trouver des solutions.
C'est ce que nous voulons, des solutions de votre part, des propositions.
M. MORIN: Alors, ce qu'on a déjà suggéré
mais il est peut-être un peu tard, cela fait déjà
quelques années c'est qu'on puisse avoir au niveau de l'Office de
planification économique un comité qui se serait assis, qui
aurait pris chacun des problèmes et qui aurait évalué les
coûts. On ne peut pas, a priori, comme ça, vous faire une
comparaison en ce qui existe et ce qui va être présenté,
parce que ce n'est pas la même optique du tout. Je vous ai dit, tout
à l'heure, que selon l'optique actuelle, c'est d'aller chercher le
maximum de profits. Alors, il y a un système d'opération, il y a
un système de gestion. Cela représente un coût. Mais si on
inclut là-dedans d'autres facteurs, on ne comparera pas les mêmes
choses quand on va arriver au niveau des coûts. La meilleure façon
de pouvoir procéder là-dedans parce que tout le
système forestier est complexe ainsi que tout le système
d'investissements que l'on peut avoir à l'intérieur des
entreprises, parce que cela a des
conséquences, si on investit ou si on n'investit pas et à
quelles conditions est la suivante: On va trouver l'organisme qui,
normalement, devrait s'occuper de faire les analyses en détail de tous
ces coûts. Nous, d'après ce que nous connaissons, ce que nous
savons, sans avoir les chiffres, connaissant nos gars, les gens que nous
représentons, l'amélioration que nous proposons devrait
coûter moins cher quand on prend l'ensemble des coûts que lorsqu'on
prend seulement un coût.
M. CARPENTIER: Maintenant que vous le savez d'une façon aussi
authentique que celle que vous semblez démontrer présentement,
pourquoi ne mettez-vous pas des statistiques, des chiffres à l'appui des
avancés que vous faites présentement? C'est ça que nous
voulons savoir.
M. MORIN: C'est vous autres...
M. CARPENTIER: Vous venez de déclarer que vous avez des chiffres
à l'appui, vous avez des études de faites.
M. MORIN: Ce que l'on dit, c'est qu'on sait, par exemple, qu'aller
chercher du bois à 450 milles...
M. CARPENTIER: Cela n'est pas montré.
M. MORIN: ... coûte plus cher que d'aller le chercher à 150
milles ou à 50 milles. Cela est clair.
M. CARPENTIER: Tout le monde sait ça.
M. MORIN: Bon! Qu'est-ce que vous avez besoin de plus? C'est ça
qui se fait actuellement. On sait qu'il y a des usines qui ferment.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): A l'ordre! A l'ordre!
M. MORIN: Il y a eu déclarations sur déclarations par des
gens qui sont dans l'entreprise. Ils ont les coûts de fonctionnement. Ils
ne nous les donnent pas à la table de négociation. Ils les ont
dans leurs mémoires. Vous les avez eus dans les mémoires
indiquant que le coût du bois, par tonne de papier, est trop
élevé.
M. CARPENTIER: Je voudrais faire remarquer...
M. MORIN: On peut répéter mais...
M. CARPENTIER: ... au type qui parle, de bien différencier que
nous ne discutons pas des autres mémoires qui ont été
présentés mais bien de celui de la CSN.
M. MORIN: Je le comprends.
M. CARPENTIER: Nous aimerions connaître votre position
précise à cet égard, pas la position de M. X ou de M. Z,
mais bien la position de la CSN en regard de ces problèmes.
M. MORIN: Nous avons dit qu'au niveau des coûts, ce n'est qu'une
question d'évaluer. Tout d'abord, il faut savoir si les gens sont
d'accord sur l'orientation générale, à savoir que le
gouvernement a une responsabilité plus grande que l'entreprise
privée vis-à-vis de nos richesses naturelles. Une fois que cela
est établi et admis de la part du gouvernement, après cela on
sera d'accord pour s'asseoir à des tables et voir si les formules
pratiques et techniques qu'on propose sont réalisables. A cet
égard, on avait suggéré différents comités.
Il y en a plusieurs dans lesquels on voulait siéger. Mais ces
comités deviennent inopérants parce qu'il y a des gens qui ne
veulent pas participer. Mais c'est comme cela qu'on voyait la solution comme
solution pratique. Dès que vous analysez un ensemble, s'il y a un
facteur qui change, vous changez toutes vos données.
M. LE PRESIDENT: Deux dernières questions avant...
M. CARPENTIER: Seulement une question.
M. MORIN: Je sais qu'il y a des usines qui ferment.
M. CARPENTIER: Dans un communiqué de presse que vous avez fait
parvenir ce matin, préparé par M. Michel Rioux, vous mentionnez
à un endroit: "Il y a 25 ans, le Québec fournissait 40 p.c. du
papier-journal utilisé aux Etats-Unis. Aujourd'hui, cette proportion
n'est plus que de 30 p.c. Les suggestions que vous semblez préconiser
aujourd'hui, un système socialiste ou peu importe la thèse que
vous préconisez, est-ce que vous croyez que cela peut empêcher les
Américains de bâtir certaines usines pour concurrencer le Canada
ou la province de Québec précisément?
M. MORIN: Cela dépendra de nos politiques à nous, au
niveau des investissements. Si ce sont les Etats-Unis qui possèdent nos
industries, ici, je comprends que cela peut avoir beaucoup plus de
répercussions. Mais pour répondre à votre question, c'est
l'avenir qui dira si ça va les empêcher.
M. CARPENTIER: Ce n'est pas, je crois, la...
M. MORIN: Dès que nous serons concurrentiels, que nous serons
capables de fournir un produit de qualité on est reconnu, au
Québec, comme étant capable de produire du papier de plus haute
qualité que n'importe où dans le monde, nous avons une tradition
papetière si nous sommes capables de fournir un papier à
un coût comparable, les gens voudront venir investir ici.
M. CARPENTIER: Je ne voudrais pas qu'on détourne la question dans
ce sens. Je vous ai posé la question à savoir si on pouvait, par
les politiques que vous préconisez présentement, empêcher
les Américains ou d'autres pays de bâtir des usines, d'exploiter
leurs forêts à eux et de nous faire concurrence ici? Il ne faut
pas changer le problème de place.
M. MORIN: Nous ne pouvons pas les empêcher de faire cela mais nous
pouvons, nous autres, prendre notre place. Si, réellement, nous sommes
capables de travailler à être concurrentiels, nous exporterons et
ils accepteront nos produits.
M. CARPENTIER: Cela revient précisément à la
question que j'ai posée ce matin. Etes-vous capables de
réglementer nos facteurs de coût en regard de la question que je
viens de vous poser?
M. MORIN: On sait qu'on en a des coûts: Il y a le coût du
transport du bois. On sait que le bois, c'est 40 p.c, par rapport à la
production d'une tonne. Si on est capable de réduire ce coût de 20
p.c, on est capable d'aller sur le marché de l'exportation. Cabano est
peut-être un exemple qui nous prouve qu'on est capable d'aller sur les
marchés d'exportation.
M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.
M. BELAND: M. Morin, j'aurais une question à vous poser. Vous
avez dit, tout à l'heure, que vous préfériez
évidemment un monopole d'Etat à un monopole par des entreprises
privées. Il est bien clair que nous sommes contre le monopole par des
entreprises privées mais de là à accepter le monopole
d'Etat! Préférez-vous un monopole d'Etat à un gouvernement
qui administre de façon à sauvegarder les droits de tous les
individus, tout en mettant au pas les individus ou entreprises qui outrepassent
leurs droits?
M.MORIN: C'est une question d'opinion. Pour nous, il ne s'agit pas
d'avoir un monopole d'Etat. Ce n'est pas un objectif comme tel. On a dit : Il y
a un problème. Le problème se situe à un certain niveau.
Nous avons cherché la solution préférable parmi celles que
nous avons analysées et celles qui ont déjà existé.
Avant, l'Etat pouvait intervenir et empêcher les entreprises
privées de faire ce qu'elles ont fait. Cela ne s'est pas
réalisé puisqu'il y a un problème majeur. Nous disons
donc: Une des solutions, celle que nous pensons la meilleure, actuellement,
dans la situation présente, vu que c'est une richesse naturelle, c'est
que l'Etat en prenne le contrôle. On a dit: La forêt n'a pas
simplement pour but de fournir une corde de bois pour faire du papier. Elle a
d'autres fonctions. Cela, ce n'est pas une entreprise qui a des objectifs bien
précis et bien déterminés, qui accomplit son rôle,
qui va penser aux autres rôles de la forêt. Ce n'est pas
l'entreprise privée qui va penser à cela mais c'est l'Etat. C'est
le rôle de l'Etat, à moins que nous soyons dans l'erreur, que le
rôle de l'Etat ne soit pas cela.
M. BELAND: Dans ce cas, vous basez votre texte, tout votre travail, non
pas sur des causes mais principalement sur des conséquences depuis X
années.
M. MORIN: Les effets que nous vivons actuellement: les fermetures
d'usines, les mises à pied, le manque de travail et tout cela.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.
M. LESSARD: M. le Président, j'aimerais poser une question au
député de Laviolette. Le député pourrait-il me dire
sur quels chiffres le ministère des Terres et Forêts se base pour
proposer une réforme, tel qu'on le fait dans le tome II? Est-ce qu'on a
des chiffres précis? Est-ce qu'on peut dire quel sera le coût
exact des propositions du tome II? Si on les a, qu'on les sorte!
Je dis que c'est basé sur des hypothèses. On pense que
ça va être comme ça.
M. CARPENTIER: Je vais répondre au député de
Saguenay. Nous demandons, selon le texte qui a été
présenté par la CSN, des propositions de leur part. Quand viendra
le temps de réglementer une loi, je pense que le ministre et l'ensemble
des députés pourront prendre des décisions valables
à la lumière des exposés qui nous ont été
faits, en regard des textes qui ont été proposés par
n'importe quelle association, ici à la commission parlementaire.
M. LESSARD: Je suis bien d'accord avec le député.
Cependant, tel qu'on devait le faire cela a été
changé par la suite nous n'avons pas eu l'occasion comme
députés de poser les mêmes questions au ministre des Terres
et Forêts concernant le tome II, pour avoir les informations
nécessaires, puisque nous avons commencé immédiatement
à entendre les mémoires. Ces questions, nous aurions dû
avoir la possibilité de les poser aussi.
M. CARPENTIER: Je pense que c'est absolument légal, de ce
côté-là.
M. LE PRESIDENT: Je remercie M. Morin et les représentants de la
CSN pour leur mémoire. Soyez assurés que nous allons en prendre
bonne note.
M. DAHL: Je vous remercie, M. le Président, ainsi que les
parlementaires au nom de la CSN et au nom des travailleurs des pâtes et
papiers qui se sont penchés sur le problème social des
travailleurs depuis déjà l'automne dernier et qui ont
préparé ce mémoire. Nous croyons qu'il y a quelque chose
à faire et c'est le rôle de l'Etat, je pense, de faire quelque
chose et celui des parlementaires de légiférer en
conséquence. Merci.
M. LE PRESIDENT: Nous vous remercions.
J'inviterais, à présent, M. Paul Lachance,
président du Conseil des producteurs de pâtes et papiers du
Québec. Je demanderais à M. Lachance d'identifier les personnes
qui l'accompagnent et de présenter son mémoire.
Conseil des producteurs de pâtes et papiers du
Québec
M. LACHANCE: J'ai ici, à ma droite, M. Côté, qui est
président de l'Association des industries forestières du
Québec. Il y a aussi plusieurs vice-présidents de compagnie, dont
M. Labrecque. Il y a aussi M. Tittemore qui est au bout. De ce
côté-ci, il y a M. Macleod, M. Bastin et il y en a d'autres
à l'arrière aussi. Ce n'est pas nécessaire, je pense bien,
de les mentionner tous.
Le Conseil des producteurs de pâtes et papiers du Québec et
les 14 compagnies qui en font partie vous remercient de l'occasion que vous
leur avez donnée de venir présenter leurs vues devant cette
commission. Il y a plus d'un an, à la demande du gouvernement, nous
avons amorcé une étude de la situation de l'industrie des
pâtes et papiers du Québec, après qu'on nous eut
laissé entendre que tous les problèmes de notre industrie
seraient étudiés par une commission parlementaire.
C'est pourquoi nous apprécions que le mandat de la commission
n'ait pas été restreint à la seule question d'une
politique forestière nouvelle pour le Québec.
Il nous aurait semblé difficile, sinon impossible pour vous, de
n'étudier qu'une réforme de politique forestière et d'en
arriver à des recommandations avantageuses pour le Québec sans
tenir compte, en même temps, de nombreux autres facteurs qui expliquent
les difficultés que rencontre l'industrie des pâtes et papiers qui
utilise 70 p.c. de tous le bois coupé tant dans la forêt publique
que dans la forêt privée.
C'est dans cette optique que notre industrie a préparé une
étude beaucoup plus vaste qui touche non seulement la forêt, mais
qui traite des difficultés qui découlent de son utilisation
principale, soit la transformation de l'arbre en pâtes à papier.
Comme vous le savez, à cause de conditions économiques
très difficiles, nous avons été forcés, au
début de février, de présenter au premier ministre du
Québec, en présence de M. Drummond, le mémoire que nous
vous soumettons aujourd'hui sur la capacité de concurrence de
l'industrie des pâtes et papiers.
Depuis quelques mois, les conditions du marché se sont
améliorées, de même que la position financière de
nos sociétés. Mais celle-ci est loin d'être satisfaisante
quand on constate que, dans les six premiers mois de l'année, les
compagnies papetières n'ont réalisé sur les ventes qu'un
revenu net d'environ 2.3 p.c. A un taux semblable de revenus, il est
très difficile pour l'industrie d'investir davantage et de moderniser
son équipement.
N'oublions pas, non plus, que, pour chaque hausse de .01 du dollar
canadien par rapport au dollar américain, notre industrie perd $1.30 la
tonne exportée. C'est pourquoi nous tenons à vous mettre en garde
contre un faux optimisme qui vous porterait à croire que les
problèmes fondamentaux exposés dans notre mémoire sont
choses du passé.
La situation de l'industrie des pâtes et papiers du Québec
demeurera grave tant et aussi longtemps que nous n'aurons pas réussi
à abaisser le prix de revient élevé de nos produits, ce
qui diminue l'aptitude de nos usines à concurrencer les producteurs
étrangers. Ce désavantage résulte en partie de forces
naturelles, comme les conditions climatiques et la situation
géographique.
Il réside aussi, pour une large part, dans des obstacles
d'institutions, taxes et impôts dont la lourdeur est peu réaliste
dans le contexte de la concurrence internationale d'aujourd'hui. Le
présent mémoire a pour but d'attirer l'attention sur certains
problèmes que doit affronter l'industrie des pâtes et papiers du
Québec. Il signale les mesures que cette industrie a prises et formule
celles qu'à son avis le gouvernement devrait prendre pour
accroître la capacité de concurrence des usines de pâtes et
papiers du Québec sur les marchés mondiaux.
Notre mémoire, je le répète, dépasse de
beaucoup la seule étude d'une nouvelle politique forestière telle
que traitée dans le livre blanc du ministère des Terres et
Forêts. Il contient des recommandations dont quelques-unes s'adressent
directement au ministère des Terres et Forêts et d'autres, au
gouvernement du Québec.
En ce qui a trait à la réduction du coût du bois,
voici des mesures que le Conseil des producteurs de pâtes et papiers du
Québec propose au ministère des Terres et Forêts:
A. Allégement ou suppression d'une partie des nombreux
impôts, redevances, droits et règlements gouvernementaux qui
ajoutent considérablement au coût de l'approvisionnement en bois
dans la province de Québec et notamment: a)réduction à
$0.50 par cunit du droit de coupe de l'épinette et du sapin baumier, qui
est présentement de $2.94 par cunit, et réduction proportionnelle
pour les autres essences; b)réduction du taux annuel de la rente
foncière de $20 à $5 du mille carré; c)réduction
des frais de protection contre les incendies de $0.60 environ à $0.10
par cunit de bois coupé.
B.Mesures propres à assurer en tout temps la fixation, par la
Régie des marchés agricoles, de
prix de vente compétitifs par rapport au coût du bois
provenant d'autres sources et sans que les compagnies de pâtes et papiers
soient obligées d'acheter du bois aux termes des plans conjoints des
producteurs lorsqu'il n'est pas dans l'intérêt de ces compagnies
de le faire.
C. Suppression des taxes sur les carburants utilisés en
forêt par l'équipement motorisé sur les routes non
publiques et abolition des frais d'immatriculation imposés à cet
équipement, ce qui permettrait à l'industrie de
bénéficier davantage de la mécanisation et diminuerait
d'autant le coût du bois.
D. Adoption d'une politique en vertu de laquelle le gouvernement
paierait le coût de construction des chemins d'accès dans les
régions forestières, comme il l'a fait en Abitibi et se propose
de le faire pour le développement de la région de Port-Cartier,
afin que ce facteur de la capacité de concurrence des producteurs de
pâtes et papiers soit plus conforme, au Québec, â ce qu'il
est dans d'autres régions.
Quant aux mesures que nous proposons en vue de la réduction des
autres frais encourus par l'industrie des pâtes et papiers, nous
suggérons l'abolition de la taxe de vente sur les matériaux
employés dans la fabrication des pâtes et papiers ainsi que sur
l'équipement et les matériaux antipollution; nous
suggérons également un coût compétitif de
l'énergie électrique vendue à notre industrie au
Québec ainsi que l'allégement du fardeau fiscal croissant
supporté par notre industrie par suite de l'augmentation rapide des
taxes municipales et scolaires.
Notre mémoire recommande aussi la mise en application de
procédures assurant la coordination de toutes les politiques ayant un
effet quelconque sur la position concurrentielle de notre industrie;
l'obtention de tarifs de transport plus compétitifs pour
l'expédition des produits ainsi que la réduction du fardeau de
l'impôt sur le revenu des sociétés papetières.
Nous n'avons pas l'intention de vous exposer avec plus de détails
tous les sujets traités dans notre mémoire. Nous espérons
toutefois que dans vos recommandations vous tiendrez compte de son contenu et
de l'avantage qu'il y a pour le Québec de conserver la place
d'importance que l'industrie des pâtes et papiers occupe dans notre
économie.
L'Association des industries forestières du Québec vous
présentera ses vues sur les réformes proposées dans le
livre blanc. Souscrivant entièrement aux prises de position de
l'association, le Conseil des producteurs de pâtes et papiers du
Québec ne croit pas, à ce stade-ci des audiences, qu'il doive les
traiter avec détails. Ceci sera évidemment fait par M. Anatole
Côté, le président de l'association, qui, si je ne m'abuse,
doit soumettre demain ses commentaires à cette commission.
Je crois toutefois très opportun de répéter que le
conseil est loin d'approuver toutes les propositions de réforme
formulées dans le livre blanc car certaines de ces propositions, si
elles étaient appliquées, auraient pour effet de
désorganiser le bon fonctionnement des marchés de ressources
forestières et de soumettre les approvisionnements de bois au pur
arbitraire de la fonction publique.
Je n'en dis pas plus long sur le sujet, ne voulant pas anticiper sur ce
que M. Côté vous dira demain, sinon que le livre blanc ne vise
à nulle autre chose que le contrôle étatique de toutes les
ressources forestières du Québec.
Dans l'étude que nous vous avons remise, le chapitre VI, pages 9
et 10, traite brièvement de la politique forestière et de la
tenure.
Nous disons à ce sujet que l'industrie des pâtes et papiers
n'est pas immuablement opposée à d'autres formes de tenure,
pourvu qu'elles remplissent une condition essentielle, c'est-à-dire que
les changements décidés amènent nettement une
réduction considérable du coût de cette importante
ressource naturelle qu'est le bois. Sous cette réserve, l'industrie des
pâtes et papiers est disposée à étudier d'autres
formes de tenure, tenant compte des principes suivants: Garantie
d'approvisionnements à longue échéance, d'une valeur au
moins égale à celle disponible dans les concessions
forestières et qui soient rattachés à des superficies
déterminées en fonction d'un plan d'aménagement;
Droit aux compagnies de faire elles-mêmes leur exploitation
forestière; Juste prise en considération de la valeur
intrinsèque du bail comme actif des compagnies du Québec.
Il est regrettable que l'exposé préparé par le
ministère des Terres et Forêts et présenté dans les
tomes I et II, ne montre pas plus d'objectivité dans l'étude d'un
problème dont dépend l'avenir d'une industrie comme la
nôtre, qui fournit du travail à quelque 100,000 travailleurs et
qui, bon an mal an, apporte au gouvernement des revenus appréciables.
Nous croyons qu'en 60 ans, même s'il n'en est pas fait mention dans
l'exposé du ministère, l'industrie des pâtes et papiers a
largement contribué au développement du territoire du
Québec, à la protection de la forêt, à en augmenter
le capital ligneux et à permettre à l'ensemble de la population
d'atteindre un plus haut niveau de vie.
Aujourd'hui, on veut tout chambarder sans faire au préalable un
examen sérieux des avantages du régime forestier actuel. Nous
avons l'impression que le ministère des Terres et Forêts a perdu
de vue le rôle que joue notre industrie dans l'économie du
Québec.
Nous croyons qu'il lui faudrait plutôt l'aider à
réaliser des profits raisonnables qui lui permettraient de se
développer davantage.
Le livre blanc nous fait part des intentions du ministère de
créer des organismes paragouvernementaux qui seront une nouvelle source
de dépenses pour le ministère et, ce qui nous inquiète
particulièrement, c'est cette remarque qu'on note à plusieurs
reprises dans le tome II du livre blanc, à savoir que le coût des
services additionnels sera à la charge des utilisateurs de
la forêt. Nous ne voyons pas là une perspective de
réduction du coût du bois, des impôts et des autres charges,
mais plutôt la menace de dépenses additionnelles.
Nous n'avons pas besoin d'une intervention accrue du gouvernement mais
plutôt d'un allégement du fardeau qu'il nous impose.
Nous avons la conviction que l'industrie peut couper le bois et le
transformer en pâtes et papiers d'une manière efficace et
économique à condition que le gouvernement enlève une
partie des taxes et redevances que nous lui versons en droits de coupe,
protection contre le feu, rente foncière, etc., et accepte la
responsabilité qui se rattache à l'accès à la
forêt pour des fins économiques et récréatives.
Nous réitérons au ministère notre désir de
coopérer dans la mesure du possible à la mise en application de
nouvelles procédures et politiques à l'avantage de tous. Mais
nous sommes d'avis que la plupart des problèmes qui touchent la
forêt peuvent être résolus dans les cadres de l'organisation
actuelle du ministère à condition qu'on mette le temps voulu
à améliorer son efficacité et qu'on travaille tous
ensemble dans un climat de confiance mutuelle.
Le développement graduel de la forêt domaniale,
régime de tenure qui connaît encore des douleurs de croissance,
est une preuve suffisante du besoin de procéder avec prudence et de ne
pas créer le chaos dans l'administration des richesses naturelles, ce
qui serait de nature à freiner leur développement et à
empêcher l'implantation de nouvelles industries.
Le Conseil des producteurs de pâtes et papiers du Québec
espère que ces assises n'auront pas été convoquées
inutilement. Nous souhaitons qu'à la lumière de notre
étude et des exposés qui vous seront soumis vous saurez faire au
gouvernement de meilleures recommandations dans l'intérêt, non
seulement des travailleurs de notre industrie, de tout ceux qui en retirent une
partie de leurs revenus, mais du Québec tout entier.
Comme je le disais au cours de mon exposé, ce n'est pas du tout
dans l'intention de ne pas me soumettre à vos questions en ce qui touche
le livre blanc. Mais je pense que l'étude que nous avons faite, qui
touche l'industrie elle-même, est suffisamment importante. Avec votre
permission, je pourrais répondre aux questions que vous pourriez poser
sur l'étude que nous vous avons soumise et répondre demain, si la
chose est nécessaire, aux questions qui pourront être
débattues et soumises par M. Côté.
Si je propose cela, ce n'est pas du tout pour m'exempter de
répondre aujourd'hui mais pour ne pas vous faire perdre de temps
inutilement, étant donné que c'est le même point de vue
qu'on exprime.
M. VINCENT: Si vous le permettez, M. le Président, vu que M.
Côté va prendre la parole demain matin, comme représentant
de l'Association des industries forestières, nous retiendrons le
mémoire et nous réserverons nos questions afin que nous puissions
passer les deux mémoires ensemble devant la commission dès
l'ouverture demain matin. Si c'est là le désir du ministre.
M. LACHANCE: Parfaitement d'accord là-dessus.
M. DRUMMOND: Cela semble logique.
M. LACHANCE: Je pense que nous gagnerions tous du temps.
M. DRUMMOND: D'accord.
M. VINCENT: Cela nous permettra ce soude regarder les deux autres
mémoires que nous avons.
M. LACHANCE: Sans doute. Parce que vous avez notre mémoire depuis
déjà très longtemps.
M. LESSARD: Le gouvernement du Québec l'a depuis très
longtemps.
M. VINCENT: Le gouvernement l'a depuis le mois de février. Il a
eu le temps de prendre position et même d'annoncer des nouvelles
demain.
M. DRUMMOND: Merci.
M. LE PRESIDENT: Je remercie M. Lachance de son exposé et, suite
à la suggestion de l'ensemble des membres de la commission, les travaux
sont ajournés à demain matin, dix heures.
(Fin de la séance à 16 h 50)
Séance du jeudi 24 août 1972
(Dix heures cinq minutes)
M. PILOTE (président de la commission permanente des richesses
naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!
Je demanderais à l'assistance, s'il vous plaît, de faire
silence.
Après entente entre les parties, l'Association des pâtes et
papiers a bien voulu céder sa place ce matin à M. Bédard,
gérant, représentant de l'Association forestière des
Cantons de l'Est. La parole est à M. Bédard, s'il veut bien
identifier ceux qui l'accompagnent.
Association forestière des Cantons de
l'Est
M. BEDARD: M. le Président, MM. les membres de la commission,
messieurs. Nous ne sommes pas nombreux, je suis avec un de mes anciens
présidents et j'ai pensé que pour les Cantons de l'Est le plus
grand nombre de sympathisants était parmi ceux qui sont devant moi ce
matin.
Messieurs, dans les Cantons de l'Est, les propriétaires de lots
boisés s'interrogent sur les conséquences de la nouvelle
politique forestière exprimée dans le livre blanc du
ministère des Terres et Forêts et s'interrogent également
sur le rôle que devrait jouer l'Association forestière des Cantons
de l'Est dans la mise en application de cette nouvelle loi. Cette double
interrogation est d'autant plus justifiée que le livre blanc fait
l'énoncé d'une série de mesures relativement à la
forêt privée. Cette forêt privée, dans notre
région des Cantons de l'Est, constitue 95 p.c. de la superficie
boisée et, lorsque la nouvelle politique forestière deviendra
loi, aura à notre sens une très large influence sur
l'économie des Cantons de l'Est.
Les Cantons de l'Est comptent une association forestière qui est
organisée sur une base permanente et qui, à longueur
d'année, poursuit son travail dans les 17 comtés suivants:
Arthabaska, Beauce, Bagot, Brome, Compton, Dorchester, Drummond, Frontenac,
Mégantic, Missisquoi, Nicolet, Richmond, Shefford, Sherbrooke,
Stanstead, Wolfe, Yamaska, et j'ajouterais que ce sont les plus beaux
comtés de la province.
M. BACON: Vous n'avez pas vu les nôtres encore.
M. BEDARD: Messieurs, l'Association forestière des Cantons de
l'Est, financée par l'entreprise privée, qui travaille depuis
plus d'un quart de siècle avec les propriétaires de lots
boisés, qu'ils soient "gentlemen farmers", commerçants de bois,
cultivateurs, et auprès des industriels, des corps publics, des hommes
d'affaires et le reste, a toujours été dans la région
à l'avant-garde pour promouvoir la conservation des lots boisés
et la cause de l'éducation forestière. Nous avons eu des
résultats dont nous sommes fiers.
A la lecture du livre blanc, notre attention a été
attirée par un des objectifs qui est la mise en valeur de la forêt
privée et on fait mention de la nécessité d'une structure
d'organisation de la forêt privée en faisant appel aux syndicats
des producteurs de bois qui seraient nommés selon le livre blanc: les
associations régionales de sylviculteurs,
A ce stade-ci, l'Association forestière des Cantons de l'Est se
doit d'offrir sa collaboration, d'autant plus qu'elle croit être
l'organisme tout désigné auquel le ministère des Terres et
Forêts devrait faire appel pour l'exécution de cette nouvelle
politique forestière.
Une foule de raisons justifient, à notre sens, les
autorités du ministère des Terres et Forêts de ne pas
créer un autre organisme, d'autres associations, mais de faire
plutôt appel à la compétence de l'Association
forestière des Cantons de l'Est. Depuis quelques années, nous
avons vu, dans notre région comme ailleurs, naître des organismes
avec la prétention d'être les défenseurs, les promoteurs de
la conservation de nos forêts. Nous avons vu également
naître des organismes qui ont tenté de poursuivre des buts
parallèles à ceux que nous poursuivons nous-mêmes depuis 26
ans. Pourquoi ne pas exploiter dans notre région les ressources, le
potentiel de l'Association forestière des Cantons de l'Est, qui compte
dans sa direction des hommes compétents, certains députés
et qui est prête à collaborer à 100 p.c. à la mise
en application de la politique forestière?
Pourquoi choisir l'Association forestière des Cantons de l'Est?
D'abord, premièrement, pour les buts qu'elle poursuit; pour son
caractère d'association privée; pour son dynamisme reconnu, pour
sa renommée, ses nombreuses réalisations, etc. pour ses contacts
soutenus avec des représentants de différentes classes de notre
société; pour son immense champ d'activité; pour ses
congrès régionaux, qui réunissent de 500 à 600
personnes, propriétaires de lots boisés, industriels,
cultivateurs, etc.
Nous offrons des services. Dans les Cantons de l'Est, notre association
est responsable de la reconnaissance officielle des fermes forestières
et nous en comptons dans chacun des dix-sept comtés qui sont sous notre
juridiction. Sa revue, le progrès forestier, est au service de ses
membres et pourrait être encore un plus grand médium d'information
et d'éducation. Tous savent que l'association forestière fournit
à ses membres dans les Cantons de l'Est un service de conseils
techniques qui est extrêmement apprécié et, l'an dernier,
plus de 206 propriétaires de lots boisés ont
bénéficié de conseils sylvicoles et de directives en
aménagement de lots boisés.
Vous n'ignorez sûrement pas qu'en 1971 nous avons, au cours d'une
enquête sur les propriétaires de lots boisés du
comté de Richmond, constaté en particulier les faits
suivants:
Que, de plus en plus, la forêt n'est plus le lot du cultivateur
mais qu'elle est possédée et le sera davantage par l'aviculteur,
le mineur, le rentier, le journalier, le menuisier, le laitier, et même
le député.
Le lot boisé, à l'avenir, ne servira plus seulement et
uniquement à approvisionner les usines, les industries de meubles, les
scieries.
Le lot boisé sera de plus en plus utilisé pour les
loisirs, pour fins de récréation en plein air, pour le
"outdoors".
Il y avait moins d'hésitation à répondre à
un questionnaire de l'Association forestière des Cantons de l'Est
qu'à un questionnaire des syndicats de bois à pâte de
l'Estrie.
L'Association forestière des Cantons de l'Est, et nous l'avons
constaté, était très bien connue et la population
reconnaissait ses services, sa nécessité. Cette même
population a reconnu aussi que l'Association forestière des Cantons de
l'Est pourrait donner davantage si on lui facilitait les moyens financiers et
si elle pouvait disposer d'un personnel plus considérable.
Actuellement, dans le comté de Compton, nous poursuivons une
enquête similaire et nous offrons les services techniques
d'aménagement des lots boisés aux propriétaires
intéressés, à nos membres.
Messieurs, comme conclusion, nous croyons bien humblement que vous avez
dans les Cantons de l'Est l'organisme tout désigné, bien
structuré, pour remplir le rôle de l'organisation professionnelle
que le ministère des Terres et Forêts se propose d'établir.
Nous sommes déjà en place depuis 26 ans et nos
réalisations, notre structure, justifient, à notre sens, notre
désir d'apporter notre collaboration. L'assistance aux producteurs
privés, aux propriétaires de lots boisés désireux
de faire produire davantage leur forêt, nous l'avons et nous pouvons
l'améliorer. Nous sommes intéressés à donner une
nouvelle dimension à notre organisme.
Messieurs, nous offrons nos services, nous offrons notre collaboration,
si vous jugez que notre association est en mesure de répondre aux
exigences de la nouvelle politique forestière. Sûrement que nos
membres, que la population, que les amis de la forêt seront orgueilleux
et fiers que le ministère des Terres et Forêts reconnaisse ainsi
le rôle de l'Association forestière des Cantons de l'Est. Je vous
remercie.
M. LE PRESIDENT: Avant de donner la parole au ministre des Terres et
Forêts, je voudrais mentionner que le député de Roberval,
M. Lamontagne, remplace le député de l'Assomption, M. Perreault.
Le ministre des Terres et Forêts.
M. DRUMMOND: Je veux tout d'abord féliciter M. Bédard pour
le travail qu'il a fait dans le passé aussi bien que pour sa venue ici,
ce matin, pour présenter son mémoire. J'ai quelques questions
à poser. Pourquoi vous inquié- tez-vous, disons, de la
création des associations régionales de sylviculteurs, qui auront
comme base les offices de producteurs?
M. BEDARD: Actuellement, nous faisons un travail qui va être
similaire en une certaine partie à leur travail, Alors, question de
reboisement, nous donnons la formation concernant le reboisement, il
paraît que ce sera une de leurs prérogatives; question de donner
des conseils techniques en aménagement forestier, il parait que ce sera
une autre de leurs prérogatives; alors pourquoi ne pas utiliser une
association comme la nôtre et nous aider à nous étendre?
Nous pouvons nous organiser aussi bien avec les moyens financiers. D'ailleurs
nous avons dans les Cantons de l'Est, le don de multiplier les organismes. Nous
avons des conseils économiques qui ont voulu s'occuper de
problèmes similaires aux nôtres. Nous avons les Syndicats de bois
à pâte de l'Estrie, les chambres de commerce, pourquoi vouloir
créer tant d'organismes et ne pas vous poser la question suivante:
L'Association forestière ne pourrait-elle pas remplir cette
tâche?
M. DRUMMOND: Une des tâches principales, c'est vraiment la mise en
marché de bois. Est-ce que votre association serait en mesure de
s'occuper de ça?
M. BEDARD: Nous le serions certainement. Quant aux modalités,
nous pourrions les étudier, mais certainement que nous serions en mesure
de le faire. Pas à l'heure actuelle toutefois; mais c'est comme lorsque
le gouvernement a organisé son ministère de l'impôt, il y a
quelques années, il n'y avait rien de fait, mais il s'est
organisé. Nous trouvons le personnel et nous pouvons être aussi
qualifiés que l'Office des producteurs ou les associations
régionales de sylviculteurs. Nous sommes tellement en contact avec les
propriétaires de lots boisés, d'ailleurs, nous, dans les Cantons
de l'Est, contrairement à d'autres régions, c'est le milieu
où nous avons essayé de travailler davantage, le contact avec le
cultivateur et le propriétaire de lots boisés.
M. DRUMMOND: Pensez-vous que les autres associations forestières
dans la province seraient prêtes à en faire autant?
M. BEDARD: Je suis tellement habitué à penser sur une base
régionale que j'aurais préféré que l'Association
forestière québécoise eût pensé, avant moi,
à vous soumettre un mémoire dans ce sens-là. Il y a
certainement moyen pour elle de s'organiser. Enfin, moi, je pense sur une base
régionale. Vous savez qu'il y a onze associations régionales dans
la province, mais il y en a seulement deux qui sont permanentes. Pour les neuf
autres, ceux qui remplissent la tâche de gérant le font comme
à-côté. Tandis que dans les Cantons de l'Est,
nous sommes une association qui ne peut pas se comparer aux autres,
parce que nous ne travaillons pas sur la même base et nous n'avons pas le
même potentiel d'activités que les autres peuvent avoir. Est-ce
que ça répond à votre question?
M. DRUMMOND: Certainement. Je me demande si le député de
Pontiac aurait des questions à poser?
M. LARIVIERE: Vous dites à la page 4: Nous offrons
déjà des services. C'est ce qui nous amène à
annoncer qu'au cours d'une enquête chez les propriétaires de lots
boisés, du comté de Richmond, il y avait moins
d'hésitation à répondre â un questionnaire de l'AFCE
qu'à un questionnaire du Syndicat des bois à pâte?
M. BEDARD: C'est un fait et ceci peut peut-être s'expliquer par
une raison spéciale, c'est que le syndicat des producteurs de bois de
l'Estrie, des Cantons de l'Est, a été un syndicat pilote pour
essayer de mettre en application les fameux règlements no 3 et no 5,
relativement à la vente du bois en commun et à
l'exclusivité de la vente du bois. Il est question de contrôle de
la coupe.
Alors, sur 206 propriétaires que nous avons vus, même,
souvent, on ne s'identifiait pas, on a constaté qu'il y en a qui
étaient en faveur de ces règlements mais que plusieurs disaient:
"Si vous représentez le syndicat, on ne veut pas vous voir ici. On aime
mieux que ce soit vous, de l'association, que le syndicat". Cela a
été prouvé, nous avons des noms. Maintenant, nous ne
disons pas qu'il n'y en a pas qui n'étaient pas en faveur du syndicat.
Mais la majorité semblait intéressée à donner des
renseignements à un organisme complètement en dehors du syndicat,
ce qui s'est passé dans Richmond et, cette année, à la
suite de l'enquête que nous poursuivons actuellement, nous avons à
70 p.c. la même impression, que les gens ne veulent pas être
contrôlés et ne veulent pas donner des informations â ceux
qui peuvent s'en servir pour des fins qui joueraient contre eux. C'est leur
opinion.
M. LARIVIERE: Vous dites, à la page 4 de votre mémoire,
que vous fournissez un service de conseils techniques. Pourriez-vous nous
indiquer de quel effectif votre organisation dispose dans le domaine de la
vulgarisation?
M. BEDARD: A notre association régionale, durant
l'été, du mois de mai au mois d'octobre, nous sommes quatre: le
gérant, nous engageons un ingénieur forestier, et deux jeunes
filles. Nos conseils techniques sont répartis sur la période de
mai à septembre. L'ingénieur forestier que nous engageons pour la
période estivale consacre son temps à visiter les
propriétaires et à distribuer des conseils techniques. C'est
justement là une déficience de notre organisation; si nous avions
des fonds, et nous ne venons pas ici pour vous demander de l'argent, pour
engager du personnel, nous pourrions avoir un service qui diffuserait des
conseils à longueur d'année. Mais nous n'avons pas le personnel
et nous n'avons pas l'argent pour le faire.
M. LE PRESIDENT: Le député de Brôme.
M. BROWN: M. le Président, it gives a great deal of pleasure to
be sitting here when Mr. Bedard is making a report because I know of his work
in the Eastern Townships and particularly in those counties that are close to
me: Stanstead, Brome, Missisquoi and Shefford.
As a matter of fact, I remember his walking into my shop in 1946 in
Cowansville and we organized the first 4-H Club in the area at the time. Later,
together with Howard Wilson, who was the professional in the group at that
time, in charge part-a-day of a tree planting for a park in Knowlton, I think
it is one of the first parks laid aside for forestry in the Eastern Townships.
Beside this, in a modern plan there are courses in the original school at
Massey-Vanier in Cowansville that have been prepared largely through the
initiative of our friend, Mr. Bédard, and we feel that the work of this
association has meant literally millions of dollars in our area because of
their work during the last 26 and 30 years.
We hear a great deal today of the trees that are cut down, but, in our
area, a tree standing means more revenue and more interest to the population
than a tree that is cut down. For instance, in our maple sugar industry, we
still maintain a good putting in maple sugar. As a matter of fact, a man from
Brome, Heverett Jewitt, is the provincial and national champion of Canada with
maple syrup and he is also one of the people that has been advised by Mr.
Bédard. Another thing that is most important in this classification of
trees in private forests in the area is the use of water and the source of
water. Without the farsighted work of Mr. Bédard and his group, I am
sure that a great many stands of timber would be down today and we would be
lacking water in many of the places in the Eastern Townships, like Lake
Memphremagog and the three Yamaskas which are a great source of water for the
whole area.
So, I am looking at this thing from a point of view of private industry
and they are worth to the farmer and to the owner and to the area as a whole.
It is hard to evaluate exactly what these people have done in our interest and
I congratulate them and I hope that they keep on working the same as they did
before.
M. LE PRESIDENT: La parole est au député de
Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je voudrais remercier M. Bédard du
mémoire qu'il nous a
présenté et lui dire que nous nous interrogeons, nous
aussi, sur le sort réservé par le ministère des Terres et
Forêts aux associations forestières, aux organismes privés
qui ont oeuvré dans ce domaine depuis bon nombre d'années.
Vos préoccupations rejoignent d'ailleurs celles qui ont
été exprimées par l'Association forestière
québécoise, qui a demandé que non seulement l'on
reconnaisse ses états de service, mais que l'on fasse appel à
nouveau à l'équipe que constitue cette association. Il est un
fait que, dans l'ensemble des régions, indépendamment de la
volonté du gouvernement et souvent sans son aide et la plupart du temps
sans son aide, se sont créées des associations forestières
qui ont oeuvré dans diverses régions et ont rendu des services
très importants.
Le gouvernement a énoncé dans son livre blanc une nouvelle
politique forestière. Cette politique forestière qui est
exprimée dans les deux tomes du document qui nous a été
remis n'est pas nécessairement une politique arrêtée. C'est
un effort de pensée, de réflexion sur l'orientation que prendra
la politique forestière du gouvernement.
Le gouvernement devra faire un choix. Ou il assumera la
responsabilité de l'exploitation de la forêt en partageant des
responsabilités avec des associations qu'il créera, qu'il
constituera, ou il acceptera d'intégrer dans les divers organismes qu'il
entend créer les associations déjà existantes. Je ne sais
pas quelle est l'intention réelle du gouvernement à ce sujet,
mais je pense que les propositions que vous nous avez soumises ce matin
révèlent l'inquiétude normale qui est la vôtre et
qui a été exprimée déjà par l'Association
forestière québécoise et qui sera sans doute
exprimée par d'autres associations.
J'aimerais, M. Bédard, vous poser l'une ou l'autre question.
Lorsque vous parlez, par exemple, de l'aide, de l'assistance, à la page
5 de votre mémoire, vous dites ceci: "Cette population a reconnu aussi
que l'Association forestière des Cantons de l'Est pourrait donner
davantage si on lui facilitait les moyens financiers et si elle pouvait
disposer d'un personnel plus considérable." Quel est le sens de cette
requête discrète que vous adressez au gouvernement?
M. BEDARD: Dans le livre blanc, on mentionne, relativement aux
associations régionales de sylviculteurs, que si elles étaient
financées, ce serait de deux manières: par les contributions des
membres, je ne sais pas si on veut dire les $0.35 la corde à tout
événement on paie actuellement $0.35 la corde au syndicat
et on mentionne également que le gouvernement, le ministère des
Terrres et Forêts, pourrait venir en aide à un organisme
semblable.
Actuellement, comment sommes-nous financés dans les Cantons de
l'Est? Nous avons un budget de $50,000 qui vient de membres à $5 chacun,
nous comptons près de 1,500 cultivateurs qui paient $5 chacun. Nous
avons des compagnies forestières, Kruger et Domtar, qui font largement
leur part, et le reste du budget provient d'une foule d'industries: banques,
marchands de bois, industries de meubles et compagnies de textiles. En un mot,
nous avons créé chez nous un "goodwill" qui fait que les gens ont
confiance en notre association et sont prêts à souscrire, mais on
ne peut pas dépasser un certain montant. Nous sommes rendus en quelque
sorte à un sommet et si nous voulons atteindre un autre sommet
nous avons cette ambition-là il faut évidemment que nos
moyens financiers soient augmentés.
De la part de l'entreprise privée, accumuler un budget de $15,000
ou $20,000 pour nous permettre d'engager à longueur d'année un ou
deux membres de plus dans notre personnel, ce n'est pas facile. Alors, puisque
le gouvernement est prêt à aider financièrement les
associations régionales de sylviculteurs, si elles viennent à
voir le jour, pourquoi ne pas rencontrer une association comme la nôtre,
qui selon l'opinion de plusieurs est une association extrêmement active,
et dire: Nous allons vous aider et étudier ensemble les
modalités. Nous sommes prêts à changer notre structure;
quant à notre potentiel financier, il existe, mais il est très
limité.
Est-ce que cela répond à votre question, M. Tremblay?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, M. Bédard, cela répond
à ma question. Maintenant, j'aimerais vous faire part d'une observation
que j'ai entendue, une opinion qui a été exprimée souvent
et que je ne partage pas, remarquez bien. L'on nous dit quelquefois que les
associations forestières sont en quelque façon des complices
si l'on me permet le mot des grandes entreprises capitalistes et
que, pour cette raison, il n'est pas nécessaire qu'elles existent mais
qu'au contraire, dans sa politique de réaménagement, le
gouvernement devrait faire disparaître ces associations qui travaillent
de concert avec ce qu'on appelle les intermédiaires, au sujet desquels,
ces jours derniers, nous avons entendu des propos forts peu amènes. Quel
est votre sentiment à ce sujet-là?
M. BEDARD: Je n'hésite pas à nier cette opinion qui a pu
vous être transmise. Dans les Cantons de l'Est, nous ne subissons aucune
influence et je vais les nommer des deux grandes compagnies
Kruger et Domtar. Elles nous aident financièrement et jamais ces
compagnies ne nous ont donné une orientation ou nous ont
influencé dans notre politique et dans notre travail. Elles nous donnent
le montant d'argent tous les ans, sans exercer d'influence sur nous. Je ne
crois pas que dans les Cantons de l'Est, je parle toujours de ma région,
la population ait l'impression que nous subissons l'influence de ces deux
compagnies, parce que le plus fort pourcentage de notre
budget vient d'autres industries, celles des meubles, des mines... Le
pourcentage des industries que nous avons chez nous, les deux grosses
industries de pâtes et papiers, est très faible comparativement
à ce que nous recevons d'une foule, d'une variété d'autres
industries.
Alors, chez nous le cas ne se pose pas et il s'explique ainsi:
Notre région des Cantons de l'Est est une région où
95 p.c. de la superficie boisée appartient au petit propriétaire.
Il y a environ dans les dix-sept comtés de la région dans
laquelle nous travaillons à peu près 180 ou 200 milles
carrés de concessions forestières. Si nous avions des grosses
compagnies qui détiendraient des centaines de milles carrés
peut-être que là on subirait une influence, mais chez nous, ce
n'est aucunement le cas, 95 p.c. de la forêt privée appartiennent
aux individus et je dois rendre hommage aux deux compagnies de ma
région. Elles ne nous ont jamais influencés. Il n'en a jamais
été question. C'est ce qui a fait d'ailleurs notre force. Lorsque
nous avons commencé, il y a 26 ans, dans les Cantons de l'Est, plusieurs
n'avaient pas confiance que notre association subsisterait, parce que nous
commencions à travailler dans une région où il n'y avait
pas de forêt. Notre cheval de bataille a été le
reboisement. Aujourd'hui, nous avons créé dans les dix-sept
comtés un courant, une mentalité forestière à tel
point que nous avons des réunions groupant 500 ou 600 personnes
représentant toutes les classes de la société. Il n'y a
pas de région dans la province qui à ce point de vue obtient les
succès que nous obtenons.
C'est ce qui caractérise notre région. Evidemment,
j'aimerais mieux que ce soit dit par d'autres parce que je vais passer pour
quelqu'un qui veut s'attribuer des compliments. Il faut l'admettre, nous avons
travaillé dans un milieu difficile, nous avons surmonté des
difficultés, même à la grande surprise de plusieurs, et
nous sommes chez nous des gens qui veulent aller de l'avant. C'est pour cela
que nous offrons notre collaboration. Si le gouvernement doit refuser, nous
allons continuer également notre travail.
D'ailleurs, s'il y a lieu de changer notre structure, permettez-moi de
citer le témoignage d'un fondateur de l'Association forestière
qui m'écrivait en 1967, je pense que cela va en intéresser
plusieurs, je passe un bout de la lettre: "Je suis tout à fait de ton
avis quant à la nécessité de modifier la structure non
seulement de ton association mais celle de toutes les régionales et
aussi de la centrale. Dans une communication que j'ai soumise c'est le
signataire de la lettre qui dit cela le 14 décembre 1965, lors du
grand colloque organisé par le gouvernement de la province, j'ai
exprimé brièvement mon point de vue à ce sujet, en
m'inspirant des études faites de l'organisation forestière dans
les pays Scandinaves, notamment la Suède, la Finlande, la
Norvège." Et en passant, notre association régionale organise
pour octobre un voyage en Scandinavie, nous avons un groupe de 20 personnes
pour aller étudier également le problème forestier
présumant qu'un jour le ministère des Terres et Forêts fera
appel à notre association. Le signataire continue donc ainsi: "Il va
sans dire que la plupart sont membres des associations étant
donné les nombreux privilèges qu'elles accordent tant au point de
vue financier que matériel. Les gouvernements en Scandinavie leur
accordent d'importants subsides et il appartient aux associations de les
administrer et de les distribuer. Grâce à ce système, la
population acquiert une mentalité forestière et de consommation,
etc. etc.." et il continue ainsi: "Etant donné la mentalité de
notre peuple et surtout celle de nos gouvernants, dont le règne est
éphémère ce n'est pas pour Québec cela
nous ne sommes peut-être pas prêts d'imiter ces pays
civilisés avant bien longtemps, et si jamais nous y parvenons de loin,
ce sera dû aux efforts soutenus de l'Association forestière."
Alors, je vous apporte un témoignage ici, vous démontrant que ce
que nous vous avons proposé dans notre mémoire, notre
collaboration, cela a déjà été pensé et
discuté il y a quelques années par un des fondateurs de
l'Association forestière, dont le nom est M. Orner Lussier, et il
m'écrivait cela en 1967.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Bédard, votre mémoire n'en
parle pas explicitement, mais j'aimerais avoir votre opinion, en votre
qualité de président de cette Association forestière des
Cantons de l'Est sur la politique énoncée par le gouvernement en
ce qui concerne les concessions forestières. Est-ce que vous êtes
d'avis que le gouvernement doit abolir les concessions forestières selon
l'échéancier qu'il a déterminé dans le tome II de
son livre blanc?
M. BEDARD: Lorsque j'ai reçu les deux volumes du livre blanc et
que j'ai vu qu'il était question de concessions forestières et
aussi de politiques forestières pour le lot boisé privé,
j'ai dit: Je vais commencer par lire le chapitre qui intéresse le lot
boisé et je n'ai pas eu le temps de lire le premier chapitre sur les
concessions forestières.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Bédard, cela me fait penser à
certains de mes étudiants que j'interrogeais en examen oral et qui me
disaient: Monsieur, vous nous posez la question justement sur la partie de la
matière imposée et que nous n'avons pas encore lue.
Mais vous avez quand même une idée du problème et
j'imagine que vous êtes capable de me répondre.
M. BEDARD: J'ai une idée mais je suis comme un professeur, quand
mon cours n'est pas bien préparé, je ne le donne pas.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous ne connaissez pas tous les professeurs.
M. Bédard, très sérieusement, je reviens à ma
question, vous êtes libre d'y répondre ou de n'y pas
répondre. Votre association comme telle a-t-elle une opinion sur cette
politique quand même extrêmement importante énoncée
par le gouvernement dans son livre blanc ou si vous préférez ne
pas exprimer d'opinion au nom de l'association que vous représentez?
M. BEDARD: Sincèrement, en tant que mouvement, nous n'avons pas
d'opinion et il n'en a pas été question. Je ne peux pas vous
donner une réponse qui pourrait vous faire plaisir mais si je ne
réponds pas, je ne veux pas vous déplaire non plus, parce que je
ne suis pas préparé. J'essaye de me soustraire à cette
obligation de donner une opinion. J'aimerais vous voir privément.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci.
M. LE PRESIDENT: La parole est au député de
Lotbinière.
M. BELAND: J'aurais quelques questions à poser à M.
Bédard, d'autant plus que c'est un ex-citoyen de mon comté. J'ai
une chose au début à vous adresser, ce sont mes
félicitations pour le dynamisme que vous manifestez. Il reste que je
crois que vous seriez davantage politicien que moi. Parmi ces questions que je
voudrais vous poser, étant donné que l'Association
forestière des Cantons de l'Est couvre les comtés limitrophes au
mien, exception faite de Lévis, en fait le territoire s'arrête
exactement aux frontières de mon comté, à ce
moment-là disons que je suis moins familier avec votre champ
d'activité, pourriez-vous nous dire, approximativement, grosso modo,
dans quelles allées vous fournissez des conseils techniques à la
population forestière?
M. BEDARD: Vous demandez quel genre de conseils techniques nous
donnons?
M. BELAND: Oui, justement. Est-ce que c'est strictement au niveau de
l'éducation? Est-ce que c'est également à d'autres
niveaux? Voudriez-vous me brosser un petit tableau?
M. BEDARD: Un des buts premiers de l'Association des Cantons de l'Est
est de promouvoir l'éducation forestière, la conservation.
Evidemment, cela fait de nombreuses années que nous parlons
d'éducation, que nous parlons de conservation. Nous avons depuis des
années essayé d'orienter notre travail d'une manière un
peu plus pratique. C'est là que nous avons abordé le champ des
conseils techniques. Nous donnons des conseils techniques semblables à
ceux qui étaient donnés autrefois lorsque les bureaux de la
forêt rurale étaient en activité sur une vaste
échelle. Nous visitons les propriétaires
d'érablières, les propriétaires de lots boisés, en
particulier; les villes également font appel à notre association
pour certains conseils au point de vue de travaux d'embellissement. Nous les
encourageons parce que nous sommes subventionnés également par
plusieurs villes de la région des Cantons de l'Est.
Certains nous demandent même des conseils techniques sur
l'aménagement de forêts municipales; nous en avons quatre dans les
Cantons de l'Est, c'est de notre domaine. D'ailleurs, notre charte nous
autorise à travailler dans ce champ d'activité
également.
M. BELAND: Dans ce cas, vous vous limitez principalement au niveau de
l'éducation, que ce soit à n'importe quel palier municipal,
enfin, les individus, privément, enfin le reste et le reste, même
probablement les 4-H.
M. BEDARD: Oui. Les 4-H. C'est l'association forestière pour
l'éducation des adultes et pour faire l'éducation des jeunes, ce
sont les 4-H.
M. BELAND: J'ai à vous féliciter encore pour ce travail
d'éducation, parce que notre population en a besoin, mais est-ce que
vous avez été un peu plus loin et que vous vous êtes rendus
dans le domaine de la mise en marché, au point de vue de
l'éducation?
M. BEDARD: Du tout, aucunement.
M. BELAND: Est-ce que vous avez contribué de quelque façon
ou aidé à améliorer? Parce que vous disiez tantôt
que les forêts des Cantons de l'Est se constituent à environ 95
p.c. de forêts privées. A un moment donné, il faut
absolument penser au producteur qui essaie d'avoir un prix convenable pour son
produit, au moment où il le vend. Est-ce que vous avez effectué
un travail quelconque pour améliorer les prix aux producteurs, au moment
de la vente de leurs produits, peu importe lequel?
M. BEDARD: Du tout. Jusqu'à ce jour, nous ne sommes pas
entrés dans ce champ d'activité, parce qu'il y a dans la
région les syndicats de bois à pâtes et l'Office des
producteurs de bois; nous ne sommes pas entrés dans ce domaine, du
tout.
Peut-être qu'un jour si on fait appel à notre association,
si on en change la structure, nous pouvons étudier les modalités,
peut-être que nous pouvons venir à nous y intéresser, mais
actuellement, rien.
M. BELAND: Tantôt, vous en avez parlé et c'est bien dit
dans votre mémoire, vous avez comme une dent contre l'association ou le
syndicat des bois à pâtes des Cantons de l'Est. Est-ce que vous
pourriez, à un moment donné, les remplacer? Parce qu'enfin,
j'essaie simple-
ment de digérer votre document. A ce moment-là,
automatiquement, à la page 5, article d), ça se dessine quelque
peu. Alors, est-ce que vous seriez en mesure de remplacer, un jour, le Syndicat
des bois à pâtes des Cantons de l'Est?
M. BEDARD: Le jour où ça deviendra une loi...
Actuellement, ce n'est pas loi. Le syndicat a ses règlements no 3, no 5
et no 6. Actuellement, il y a des membres de notre association qui sont pour et
qui sont contre. Chacun a droit à son opinion. Mais le jour où
ça deviendra loi et que le ministère aura à faire appel
à un organisme, nous aurons certainement la possibilité de
travailler dans ce champ d'activité. Le jour où le gouvernement
aura à choisir un organisme entre les associations régionales de
sylviculteurs autrefois les syndicats forestiers ou les associations
forestières nous sommes prêts à offrir notre
collaboration. C'est le but de notre présence ici, aujourd'hui. Il n'est
pas question de discuter de la politique forestière, parce qu'au point
de vue de lots boisés privés, il y a du très bon
là-dedans, c'est ce que nous prêchons depuis 25 ans. Mais quand
ça deviendra loi, qu'on fasse appel à notre association et nous
sommes prêts à entrer dedans à 100 p.c.
M. BELAND: Est-ce que d'autres associations régionales comme la
vôtre se sont occupées, à ce jour, de ce domaine de la mise
en marché?
M. BEDARD: Du tout.
M. BELAND: Maintenant, là on parlait du bois à pâte,
mais est-ce que cela prévaut également pour les autres
catégories de bois? On parle de grumes de sciage, de déroulage,
et le reste.
M. BEDARD: Tous les produits forestiers. Le jour où cela
s'établira, nous sommes prêts à mettre à
exécution, à collaborer à la mise en pratique de cette
politique forestière.
M. BELAND: Pour résumer, enfin je ne sais pas ce que l'avenir
réserve parce que tout dépend ce que le gouvernement
décidera, si, par exemple, à un moment donné, vous
étiez appelés à collaborer étroitement avec les
offices et syndicats de producteurs de bois pour vous occuper d'un domaine
précis, peut-être la continuation du travail dans le domaine
éducatif, est-ce que vous seriez prêts à collaborer?
M. BEDARD: A 100 p.c. Pour nous, l'éducation, c'est de
l'intouchable, les résultats ne peuvent pas s'évaluer en cents et
en dollars, et nous sommes prêts à y coller une activité
pratique, de plus en plus pratique. C'est ce qui a fait la force de notre
organisme dans les Cantons de l'Est. Nous avons essayé de faire de plus
en plus de pratique; l'éducation, la conser- vation, c'est de
l'intouchable, on ne peut pas les évaluer en dollars.
Les membres souscripteurs nous donnent $200 et on ne leur donne rien en
retour de concret. Mais on essaie de trouver la formule pour satisfaire celui
qui nous donne $200, un propriétaire, un gentleman farmer, M. Orner
Dionne, supposons, n'importe qui, pour qu'il puisse dire: L'association
forestière m'a rendu service en même temps.
Actuellement, à notre association, nous travaillons pour le
bénéfice des générations futures, pour la
population en général. Il n'y a aucun intérêt
personnel pour ceux qui sont membres de notre association. Ils travaillent pour
la conservation, pour les générations futures. Mais nous
aimerions mettre un peu plus de pratique, comme nous l'avons d'ailleurs fait
depuis quelques années, en établissant notre service de conseils
techniques qui dure du mois de mai au mois d'octobre. Il n'y a rien
d'impossible pour nous dans les Cantons de l'Est.
M. BELAND: Pour en arriver à des chiffres assez précis,
étant donné que vous avez travaillé sur le plan
éducatif d'une façon assez prononcée, prenons le cas des
fermes sylvicoles. Vous avez dit tantôt, c'était même
marqué dans votre mémoire, que dans chacun des comtés, il
y a des fermes forestières. Est-ce que vous avez fait une étude
d'amélioration? Par exemple, combien la situation a-t-elle pu
s'améliorer en quantité de cordes ou de piastres et cents,
jusqu'à maintenant, depuis que votre association est en mouvement et
fait de l'éducation dans ce sens-là?
M. BEDARD: En piastres et cents, je ne peux pas vous dire. Mais ce que
nous avons fait, c'est que nous avions 130 ou 135 fermes forestières
reconnues officiellement dans notre région. Depuis cinq ou six ans, nous
n'avions pas revisité les propriétaires de ces fermes-là.
Il y a deux ans, durant toute la saison, nous avons réinspecté
ces fermes forestières pour voir si, réellement, le
propriétaire avait continué à mettre en pratique les
règlements qu'il s'était imposés en acceptant le
certificat. C'est surprenant, nous en avons disqualifié une dizaine et
toutes les autres avaient amélioré leur lot boisé soit par
des travaux de coupe de nettoyage, soit par du reboisement.
Maintenant, en cents et piastres, je ne l'ai pas évalué.
Je peux affirmer, sans crainte d'être contredit, que la situation du lot
boisé s'est de beaucoup améliorée. Comme preuve, on a dit
longtemps que, dans les Cantons de l'Est, il n'y avait pas de bois. Cela fait
25 ans qu'on dit que dans les Cantons de l'Est il n'y a pas de bois mais,
actuellement, il y a du bois. Et s'il y a du bois aujourd'hui, c'est à
cause des conseils techniques qui ont été donnés depuis 20
ou 25 ans par certains représentants du ministère des Terres et
Forêts, à cause du travail de notre association
forestière.
Brièvement, pour répondre à votre question; oui,
nous avons aidé à revaloriser les lots boisés dans la
région. Sans vous donner de chiffres, je n'en ai pas, mais
peut-être que le ministère en a, je ne crains pas d'affirmer que
nous avons aidé à la revalorisation, à la conservation.
Lorsque nous avons commencé, beaucoup d'érablières se
coupaient. Aujourd'hui, il s'en coupe beaucoup moins, à cause du travail
de propagande et de promotion que nous avons fait.
M. BELAND: Il est entendu que'c'est assez difficile de mesurer d'une
façon exacte combien on peut améliorer un boisé.
Possédant une ferme forestière moi-même, je sais que c'est
assez difficile et notamment, chez les feuillus, c'est très difficile.
En ce qui concerne les résineux, est-ce que vous avez quelques fermes
forestières dont vous avez aidé à éduquer le
propriétaire, et dont le rendement a doublé? Est-ce que vous en
avez quelques-unes?
M. BEDARD: Plusieurs. Si vous voulez, je n'ai pas les noms ici, je peux
vous les envoyer de Sherbrooke. Ils sont très nombreux ceux qui ont
augmenté la valeur de leur lot boisé.
M. BELAND: Je vous félicite pour ce fait et je vous remercie en
même temps pour les réponses que vous m'avez données.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.
M. LESSARD: M. le Président, en continuant sur les fermes
forestières, vous avez parlé tout à l'heure de
règlements. Est-ce que vous pourriez préciser un peu ce point?
Qu'est-ce que c'est, pour l'association forestière, une ferme
forestière? Est-ce que c'est agro-forestier ou si c'est exclusivement
forestier?
M. BEDARD: D'abord, il se distribue des certificats de fermes
forestières. Dans chaque région, c'est l'Association
forestière régionale qui s'en occupe. Nous entendons par ferme
forestière une superficie boisée de trois acres et plus que le
type s'engage, premièrement, à ne pas couper à blanc.
Deuxièmement, si les moyens financiers le lui permettent, il doit y
organiser un système de protection. Troisièmement, il doit faire
des chemins dans son lot boisé. Quatrièmement, il doit s'engager
à ne pas vendre le lot boisé pour lequel nous lui avons
donné un certificat, l'année suivante ou quelques années
plus tard.
Autrement dit, le certificat est une motivation pour dire au gars: Bien,
on t'a reconnu comme fermier forestier, on est prêt à t'aider, on
voudrait que tu conserves ton lot, que tu l'aménages. Et s'il nous dit
qu'il est pour le vendre un an plus tard c'est pour ça que nous en avons
disqualifié il y a quelques années. Les règlements sont
très larges.
M. LESSARD: Est-ce que, dans l'ensemble, par exemple, les revenus de ces
propriétaires de ferme forestière proviennent
particulièrement de l'exploitation de leur forêt en
général, ou plutôt faudrait-il qu'ils retirent d'autres
revenus d'autres sources? Je vous dis franchement où je veux en venir,
c'est l'essentiel de ma question: Est-ce qu'il est possible que l'exploitation
de petits territoires boisés puisse faire vivre quelqu'un? Est-ce qu'on
peut en arriver à avoir des fermes forestières qui soient
rentables?
M. BEDARD: Pas beaucoup, très, très peu à l'heure
actuelle. Dans les Cantons de l'Est, je n'en connais pas qui peuvent vivre
uniquement des revenus de leurs lots boisés dans la région.
Peut-être un à la La Patrie qui a 400 ou 500 acres, mais en
général je n'y crois pas. Non, c'est impossible.
M. LESSARD: Vous parlez de 400 à 500 acres vous avez dit
tout à l'heure que vous n'aviez pas fait d'étude précise,
mais le ministère a des propositions à cet égard
est-ce qu'il y a un territoire minimal de superficie, soit une superficie
minimale qui permettrait à un petit propriétaire privé de
pouvoir vivre, en grande partie, en tout cas, de la forêt?
M. BEDARD: Je risquerais bien le chiffre de 500 à 600 acres.
Maintenant, là encore, selon le marché.
M. LESSARD: Vous avez dit tout à l'heure qu'une des exigences de
l'Association forestière, pour reconnaître une ferme
forestière, est que le propriétaire ne devrait pas faire de coupe
à blanc. Pourriez-vous me donner l'idée ou l'opinion de
l'Association forestière concernant les coupes à blanc et
pourquoi exigez-vous du petit propriétaire qu'il ne fasse pas de coupe
à blanc?
M. BEDARD: En tant qu'association forestière, ce n'est pas un
domaine qui relève de notre juridiction. Personnellement, je pourrais
bien vous donner mon opinion, mais puisque je parle au nom de l'Association
forestière, pour ce qui est des coupes à blanc, il y en a qui
croient que c'est très utile, d'autres croient que c'est
désavantageux. Je ne veux pas vous donner mon opinion
là-dessus.
M. LESSARD: Mais vous exigez de la part du petit propriétaire
qu'il ne fasse pas de coupe à blanc. C'est probablement parce que
l'Association forestière a une idée très précise
à ce sujet.
M. BEDARD: La coupe à blanc d'un petit lot boisé et la
coupe à blanc sur une vaste étendue de concession, ce sont deux
choses extrêmement différentes. Maintenant, nous tenons à
ce que les petits propriétaires de lots
boisés puissent retirer une récolte annuelle. C'est ce que
nous avons dans notre esprit lorsque nous parlons de cela, leur permettre de
retirer une récolte annuelle. Et, par exemple, sur les 206
propriétaires, M. le député, que nous avons
rencontrés l'an dernier, c'est incroyable, mais un très fort
pourcentage, 65 p.c, ne gagnent pas leur vie sur la ferme. Ils sont
propriétaires mais ils travaillent dans les usines, soit à
Asbestos, dans les mines, dans d'autres industries, etc. De plus en plus, le
propriétaire retire ses revenus en dehors de sa ferme. Il est content
d'avoir un lot boisé. Il ne l'exploite pratiquement pas. L'an dernier,
à l'occasion de notre enquête, plusieurs nous disaient: Il en
coûte trop cher pour exploiter notre lot boisé, on le laisse
là. Alors, nous, de l'association, avons essayé de trouver un
système, avec le gouvernement, pour essayer de faire produire davantage
ces lots boisés. Le bois est là, il faut bien l'admettre.
M. LESSARD: Vous avez parlé tout à l'heure, je crois, de
135 fermes forestières que vous aviez dans les Cantons de l'Est. Est-ce
que ces gens-là aussi vont travailler à l'extérieur et
exploitent leur ferme forestière plutôt à temps partiel,
pour le plaisir, en amateur?
M. BEDARD: Sur les 135, je crois que nous avons à peu près
90 p.c. qui sont des gentlemen-farmers, des gens qui demeurent à
Montréal ou dans d'autres centres et qui viennent en fin de semaine
à Brome, Missisquoi, Shefford.
M. LESSARD: Pour eux, c'est un loisir.
M. BEDARD: C'est un hobby, un "sauve impôts."
M. LESSARD: Ne le dites pas trop fort. Vous n'avez pas, avez-vous dit
tout à l'heure, eu l'occasion d'étudier les conséquences
de l'abolition des concessions forestières. Je ne sais pas si c'est un
mot d'ordre que l'association s'est donné mais j'ai eu l'occasion de
poser la même question à votre association provinciale et sans
avoir la même réponse, c'était à peu près
semblable. Mais je ne veux pas vous engager. Je reconnais vos réticences
et je les accepte. Vous avez dit, par exemple, que vous aviez eu l'occasion
d'étudier les propositions du tome II du livre blanc sur la politique
forestière concernant l'aménagement des petits boisés. En
relation avec cela et dans les propositions, le ministère semble
accepter toute proposition qui soit valable. Mais il y a un mémoire qui
a été demandé par l'Union des producteurs agricoles et qui
a été préparé par le Dr Lussier concernant
l'aménagement des petits boisés dans les environs de vingt milles
des régions habitées. Est-ce que votre association a eu
l'occasion, comme intéressée au développement des petits
boisés, d'étudier ce mémoire? Est-ce que vous pourriez
préciser quelque peu vos opinions concernant ces propositions?
M. BEDARD: J'ai lu un peu plus intensément que le tome I sur les
concessions forestières ce travail fait par le Dr Lussier. En principe,
je crois que c'est très, très bien. Il y a une foule de
très bonnes suggestions. Maintenant, je ne l'ai pas étudié
aussi bien que la deuxième partie concernant les lots boisés
privés du ministère des Terres et Forêts.
M. LESSARD: Alors, concernant les propositions du ministère des
Terres et Forêts, est-ce que vous pourriez nous dire quels sont pour vous
les avantages, les désavantages et de quelle façon le
développement de ces petits lots privés pourrait
s'intégrer à l'intérieur d'une politique de marché
des produits forestiers? On dit dans le rapport Lussier qu'on peut en arriver
sur une période de 25 ans à exploiter 11 millions de cunits,
c'est-à-dire à peu près autant que ce qu'on exploite
actuellement, globalement, pour l'ensemble des producteurs forestiers. Est-ce
que cette politique de développement de territoire de nos petits lots
boisés pourrait s'intégrer et comment pourrait-elle
s'intégrer à l'intérieur d'une politique de marché?
Parce que c'est bien beau de développer des produits forestiers mais il
faut trouver preneur. Je voudrais que vous précisiez vos idées
à ce sujet.
M. BEDARD: Au point de vue de la politique forestière qu'on
trouve dans le tome II sur les lots boisés, je trouve que c'est
merveilleux. Je n'ai pas peur de le dire. C'est ce que nous prêchons
depuis de nombreuses années et nous n'avions pas les facilités
pour les mettre en exécution. Quant au mode d'exécution, c'est
merveilleux. C'est une politique forestière qui aidera
énormément, du moins dans nos régions je parle au
point de vue des Cantons de l'Est à maintenir l'approvisionnement
et à intéresser un plus grand nombre de personnes à
s'intéresser aux petits lots boisés.
Au point de vue du marché, vous savez que le producteur est
toujours fonction des conditions du marché, fonction des acheteurs. Il y
a des courtiers, des marchands de bois. Je ne veux pas entrer dans les
détails. Vous savez comment cela fonctionne. Je n'ai pas de politique
à faire ou de suggestion à faire dans ce domaine. Ce n'est pas
toujours facile. Le commerçant de bois, bien souvent qui a son lot
boisé, qui a 2,000 ou 3,000 acres de boisé, préfère
passer ses quelques milliers de cordes de bois avant de passer celui qui
appartient à monsieur X ou monsieur Y. Je ne veux pas aller trop loin.
Mais à tout événement, la politique sur les lots
boisés, est merveilleuse. Je le reconnais à 100 p.c. Il y a
peut-être de petites lacunes mais, à tout événement,
c'est merveilleux, et c'est ce que nous prêchons depuis de nombreuses
années. Nous ne réussissions pas. Je félicite
sincèrement ceux qui, au ministère, ont pensé à
établir cette nouvelle politique.
M. LESSARD: Actuellement, les compagnies forestières
évaluent le prix de la corde qui est
coupée sur les lots boisés à environ $33 alors que
leur coût de production serait environ de $30 la corde. Est-ce que vous
croyez qu'avec un aménagement plus rationnel tel que le propose le
ministère des Terres et Forêts et plus particulièrement
élaboré dans le rapport de l'UPA, il serait possible de faire en
sorte que le bois coupé sur les petites propriétés
privées devienne véritablement concurrentiel?
M. BEDARD: C'est une question... C'est la deuxième ou la
première...
M. LESSARD: Il y a un peu de subjectivité dans la
réponse.
M. BEDARD: Je vous demanderais plutôt de poser cette question au
Conseil des producteurs qui va probablement, après moi... Je ne connais
pas M. Lachance, mais je suis certain qu'il est plus qualifié que
moi.
M. LESSARD: M. Bédard, j'aime mieux avoir votre réponse
que lu sienne, parce que tout en me fiant'...
M. BEDARD: Un élève attend toujours la réponse d'un
professeur et monsieur a plus d'expérience que moi; je suis donc un
élève de M. Lachance. Je vous suggérerais de lui poser la
question.
M. LESSARD: D'accord.
M. LE PRESIDENT: La parole est au député de
Charlevoix.
M. MAILLOUX: M. Bédard, vous avez dit tantôt que votre
association oeuvre dans les Cantons de l'Est depuis bientôt une trentaine
d'années. Je lis deux paragraphes d'un mémoire
présenté hier par la Confédération des syndicats
nationaux, à la page 26. Les termes concernent cette région:
"Dans la région des Bois Francs...
M. LE PRESIDENT: Voulez-vous approcher votre micro.
M. MAILLOUX: ... une grosse usine de contreplaqués de Lac
Mégantic (400 ouvriers) est obligée d'importer du bois franc de
l'Outaouais, de l'Abitibi et du Nouveau-Brunswick. Une étude faite dans
la région des Cantons de l'Est tient les grandes compagnies de papiers
responsables de cette situation. "Quand les compagnies de pâtes et
papiers se plaignent d'un coût supérieur à celui de leurs
concurrents en approvisionnement en bois, à cause entre autres du
transport, ceci laisse deviner qu'elles ont rasé la forêt, comme
on exploite un gisement minier. Dans les mines, on enlève avec le filon
tout le roc autour pour trier ensuite le minerai. C'est ainsi que les
compagnies papetières doivent aller quérir leur bois de plus en
plus loin sur leurs concessions, ce qui en augmente d'autant le
coût."
Est-ce que vous auriez des observations à faire sur cette
déclaration des Syndicats nationaux qui a été faite hier,
devant la commission?
M. BEDARD: Je n'ai pas l'autorité de parler au nom des
compagnies.
C'est un fait que dans les Cantons de l'Est, nous n'avons pas de
concessions forestières. Qu'on les ait gaspillées ou non,
autrefois, j'étais trop jeune dans ce temps-là pour m'en rendre
compte. Mais ce qu'il y a de vrai cependant, c'est que, comme à Woburn,
dans le comté de Compton, on scie 55 ou 65 millions de pieds de bois par
année, et il y a trois ou quatre usines. Sur 60 millions par
année, il en vient 59,990,000 des Etats-Unis, c'est dire qu'ils ne
s'approvisionnent aucunement du côté québécois.
M. MAILLOUX: Tantôt vous avez dit que votre association, depuis
trente ans, s'occupait de la protection de la forêt, de la sylviculture.
Mais quand on lit le mémoire de la CSN...
M. BEDARD: Je ne suis pas un membre de la CSN.
M. MAILLOUX: Non, je suis d'accord. Je ne suis pas un membre de la CSN
non plus. Vous parlez de la région des Cantons de l'Est, et la CSN
semble en contradiction avec l'effort louable qui semblerait avoir
été fait par votre association, depuis trente ans dans cette
même région, si on se fie qu'un très haut pourcentage du
bois dont se servent vos industries vient des Etats voisins.
M. BEDARD: Est-ce que cela veut dire que ce que dit la CSN est
exact?
M. MAILLOUX: Je vous ai demandé vos commentaires.
M. BEDARD: Il faudrait que je vérifie aux sources.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.
M. LESSARD: M. Bédard, en rapport avec la question que vous
posait le député de Charlevoix, vous dites que sur 60 millions de
cordes, je crois...
M. BEDARD: De pieds.
M. LESSARD: ... de pieds de bois, 59 millions de pieds de bois
proviennent de l'extérieur, est-ce que cela veut dire qu'il n'y a plus
de bois dans les Cantons de l'Est, puisque vous nous avez dit tout à
l'heure qu'on disait que depuis 25 ans il n'y en avait plus de bois dans les
Cantons de l'Est? Et là, vous nous dites: Oui, il y en a du bois dans
les Cantons de l'Est mais on constate qu'à partir du rapport de la
CSN et de votre déclaration, on importe massivement du bois,
presque à 99 p.c, qui est coupé, à partir de l'exemple que
vous nous donnez. Pourriez-vous nous donner des explications? Est-ce que la
réponse que vous nous donnez confirme un peu les deux paragraphes de la
CSN.
M. BEDARD: A Woburn, certains ne sont pas intéressés
à aller voir un cultivateur et à acheter 2,000 pieds ou 3,000
pieds de bois et faire un montant global de 55 millions alors qu'ils savent
qu'aux Etats-Unis il peuvent acheter cela d'un montant global de plusieurs
millions du coup.
Alors, c'est cela l'affaire. Maintenant, dans les Cantons de l'Est il
reste du bois mais, dans cette partie des Cantons de l'Est il y a des
détenteurs, il y a deux compagnies: il y a Megantic Pulp, il y a
Megantic Manufacturing, qui ont besoin de leurs matières
premières pour s'approvisionner. Or, les usines de Woburn sont
collées sur la frontière et il serait beaucoup plus dispendieux
pour elles d'aller chercher leur approvisionnement loin, parce qu'elles l'ont
tout près d'eux. Mais ce que je veux faire ressortir, c'est qu'il y en a
qui vont dans certaines parties des Cantons de l'Est, comme Woburn, et ils
disent: Dans les Cantons de l'Est il y en a. On passe à Woburn, puis on
voit des piles de billots et il y a du bois.
Quand on leur dit que cela vient des Etats-Unis, ils sont tous confus.
Ils croient que cela vient du cultivateur. Mais pour Woburn, ce n'est pas
avantageux d'aller à Saint-Ferdinand-d'Halifax ou à Cookshire,
alors que tout près, à quelques milles de la frontière,
ils peuvent s'approvisionner à un prix moindre.
M. LESSARD: S'il y avait un regroupement, pour permettre à
l'ensemble des cultivateurs de pouvoir vendre globalement leur bois aux
compagnies, est-ce que les compagnies seraient intéressées?
M. BEDARD: Le regroupement est une idée merveilleuse, et il faut
en venir à cela. D'ailleurs, je crois que c'est déjà
commencé dans Dorchester, c'est une idée merveilleuse que nous de
l'association appuyons à 100 p.c.
M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.
M. BELAND: Justement, cela m'amène à poser d'autres
questions parce que, M. Bédard, suite à certaines réponses
que vous avez données, je regrette de vous le dire, je suis nettement
déçu. A certains paliers, vous ne voulez pas vous aventurer trop
loin. Entre autres, vous dites que l'Association forestière des Cantons
de l'Est a essayé d'être à la page d'une façon
continue pour représenter ou pour défendre les
intérêts, sur le plan éducatif de l'ensemble des
producteurs de lots boisés privés.
Mais vous avez laissé il y a quelques instants sous-entendre que,
dans la vente de ces produits que ces petits producteurs avaient à
mettre en marché, vous ne saviez pas si vous laisseriez continuer
à piller une certaine quantité de lots de façon
complète et par de grosses entreprises et que, d'autre part, vous ne
saviez pas non plus s'il y avait possibilité réellement de
trouver un agencement bien précis pour faire en sorte que tous les
petits producteurs de bois puissent mettre en marché leur bois. Cela
peut être non seulement la pâte mais également dans les
autres formes de vente de bois. Alors, à ce palier bien précis,
compte tenu du fait que Soquef, tel que stipulé dans le tome II,
préconise qu'il y aurait contrainte et possiblement coupe de bois par
cette société, après regroupement, qu'est-ce que vous
pensez de tout cela? Admettons, par exemple que vous voyez dans les Cantons de
l'Est, Soquef, à un moment donné, après un regroupement,
s'occuper de la coupe de bois.
M. DRUMMOND: Cela ne veut pas nécessairement dire que Soquef est
une création de la CSN et non pas du ministère des Terres et
Forêts.
M. BELAND: M. le ministre, je ne me souviens pas dans quelle page on
peut retrouver cela, mais il y a un endroit où l'on laisse sous-entendre
qu'il y aurait nécessairement regroupement de lots boisés et que,
à ce moment...
M. DRUMMOND: Pour les plans d'exploitation, on a prévu un
rôle plus accru pour Rexfor.
M. BELAND: Oui, mais, en somme, tout cela veut dire sensiblement la
même chose, que cela s'appelle Rexfor ou Soquef.
M. DRUMMOND: Ce n'est pas la même chose, parce que la philosophie
n'est pas la même dans les deux cas.
M. BELAND: Alors, prenons exactement dans vos mots, soit Rexfor, et je
retourne la question à M. Bédard. Que pensez-vous du fait, M.
Bédard, qu'il y aurait justement des coupes de bois à un moment
donné, après regroupement par la société
Rexfor?
M. BEDARD: Je suis pratiquement dans l'obligation de ne pas vous
répondre à cause de l'intervention du ministre Drummond, qui
lui-même a fait une distinction. C'est une suggestion de la CSN et non du
ministère.
M. BELAND: La CSN pour Soquem que le ministre a dit... Je me rappelle
bien, c'est hier; mais pour ce qui est de Rexfor, cela existe quand même
dans le moment, Société de récupération
"forestière du Québec pour les bois qui auraient tendance
à dépérir, enfin, pour une
possibilité de récupération. A venir jusqu'à
maintenant, Rexfor s'est limitée, presque exclusivement, à cette
allée. Dans l'avenir, après remembrement ou unification en vue de
coupe, dans le domaine des lots boisés privés, est-ce que Rexfor,
selon vous, pourrait y mettre le pied?
M. BEDARD: Je le crois, car le jour où la nouvelle loi sera mise
en pratique, le gouvernement va mettre le pied plus ou moins, long sur les lots
boisés privés. Je ne vois pas pour quelle raison Rexfor ne
jouerait pas son rôle même sur les lots boisés
privés.
M. BELAND: Dans ce cas, si Jean-Baptiste Latrémouille, dans le
rang 7, à Saint quelque chose, dans les Cantons de l'Est, supposons, une
année donnée, selon Rexfor, dans ce coin, ne coupe pas. Il n'y a
pas possibilité de mettre le bois en marché. Que ferez-vous si ce
M. X doit couper à cause d'une raison extraordinaire?
M. BEDARD: Nous verrons en temps et lieu, je ne le sais pas. C'est une
possibilité. Il y a des cas difficiles qui doivent être
réglés. J'aime bien la planification mais de là à
aller aussi loin que cela! D'ailleurs j'aime mieux laisser cela dans les vues
du ministères des Terres et Forêts que vous donner mon opinion
dans des cas aussi difficiles.
Que Rexfor intervienne dans certaines circonstances sur les lots
boisés privés, nous n'avons pas d'objection.
M. BELAND: De toute façon, vous donnez votre opinion. Justement,
je rattache cela à ce que vous disiez tantôt, savoir que dans
l'ensemble, vous acceptez et même vous souhaiteriez que l'Association
forestière des Cantons de l'Est s'occupe également de tout le
processus et même de la mise en marché. Alors c'est une phase de
la mise en marché.
M. BEDARD: Mais attendons-nous à des difficultés, à
des problèmes, à des situations uniques qui se
présenteront. Nous les résoudrons en temps et lieu. Si vous
étiez à ma place, vous répondriez la même chose.
M. BELAND: Je souhaiterais que ce soit plus précis parce qu'il
faut prévoir ces choses. Parce que, dans le passé, les petits
producteurs ont été très souvent relégués au
dernier coin. On les oubliait constamment. Alors, c'est pour cela qu'il faut
prévoir ces choses autant que possible.
M. BEDARD: Là encore, étant donné que vous avez des
représentants des compagnies qui sont acheteurs, M. Lachance pourrait
peut-être mieux répondre tout à l'heure.
M. BELAND: D'accord.
M. LE PRESIDENT: Je vous remercie, M.
Bédard, du mémoire que vous nous avez
présenté et d'avoir bien voulu vous prêter aux questions
des membres de la commission. Au nom de ces derniers et en mon nom personnel,
je tiens à vous féliciter de ce rapport.
M. BEDARD: Messieurs, je vous remercie infiniment et je ne croyais pas
que vous donneriez autant d'importance à une association
régionale qu'à un organisme provincial, CSN ou autre. Je vous
remercie et je ne regretterai jamais d'être venu vous voir. Merci.
Association des industries forestières du
Québec
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! J'inviterais M. Anatole
Côté, président de l'Association des industries
forestières du Québec limitée, à présenter
son mémoire. Les questions seront posées en même temps
à cet organisme ainsi qu'au Conseil de producteurs de pâtes et
papiers du Québec. M. Anatole Côté, si vous voulez vous
placer au centre.
M. COTE: M. le Président, MM. les membres de la commission, nous
apprécions l'occasion qui nous est donnée de vous soumettre nos
commentaires sur le livre blanc.
J'aimerais, avant de commencer, vous présenter certains
représentants de l'industrie qui n'étaient pas ici à la
fermeture, hier soir. A ma droite, M. Ken Greeves et M. Bill Johnson. A
l'extrême gauche M. Lucien Morais, M. Félicien Rivard et M. Roland
Royer. Les autres, je crois, vous ont été
présentés.
Je n'ai pas l'intention, messieurs, de vous lire notre mémoire,
mais plutôt de vous soumettre ce court document qui servira de
présentation et de sommaire à notre mémoire.
Nous sommes d'accord en principe sur les objectifs de la politique
forestière énoncée dans le livre blanc du ministre des
Terres et Forêts. Ce livre blanc démontre un souci réel
pour les problèmes de l'industrie forestière, mais il contient
peu de suggestions qui permettront d'améliorer la situation.
Nous regrettons d'avoir à enregistrer une opposition formelle
à certains aspects de ce document conçu dans une tour d'ivoire et
qui, s'ils étaient mis en vigueur, causeraient un tort
irréparable au secteur des pâtes et papiers.
Nous sommes contre la création de structures nouvelles dont les
seuls frais d'administration et d'exploitation tendront à augmenter le
coût du bois.
Nous ne pouvons accepter la coercition totale dans les sources
d'approvisionnement des usines et nous nous élevons contre la
confiscation du droit des concessionnaires.
Nous devons vous signaler également que nous doutons très
sérieusement que les mesures proposées dans le livre blanc,
visant à réduire le coût de la matière
première, pourront avoir un tel effet. Nous croyons plutôt
qu'elles auront l'effet contraire.
Nous sommes d'avis que l'énoncé d'une politique
forestière mise à jour est bon pour la province, mais qu'une
entreprise de ce genre doit être réalisée avec la
collaboration des principaux intéressés. Nous croyons que
l'expérience et les connaissances de l'industrie peuvent être
mises à profit sur ce rapport. L'industrie a des contacts quotidiens
avec le ministère, en ce qui concerne l'administration et l'exploitation
des forêts publiques. Nous aimerions voir cette collaboration couvrir la
formulation d'un? politique forestière.
Nous avons trouvé extrêmement difficile de commenter
adéquatement le livre blanc sans tenter d'en isoler les aspects qui se
retrouvent généralement dans un document qui se veut un
énoncé de politique forestière. Ce faisant, nous avons
exprimé nos buts sur certains faits saillants de l'exposé, dont
les quelques points suivants:
L'abolition des concessions. Nos membres ne sont pas
catégoriquement opposés à un nouveau genre de tenure qui
aurait pour effet de réduire le coût du bois à leurs
usines. Ils seraient prêts à étudier un nouveau
système à certaines conditions énumérées
dans le mémoire du Conseil des producteurs de pâtes et papiers du
Québec. Toutefois, ils s'opposent fermement à la confiscation de
leurs droits suggérée par le ministre des Terres et Forêts
et à toute autre formule qui réduirait indûment ce qu'ils
croient être un approvisionnement adéquat et stable de bois en
provenance des forêts présentement sous licence pour alimenter
leurs usines.
Ceci serait préjudiciable aux industries tant au point de vue de
leurs clients que de leurs investisseurs. Les premiers croiraient que leurs
fournisseurs du Québec ne sont plus des sources fiables
d'approvisionnement en produits papetiers et les seconds jugeraient que les
approvisionnements adéquats et aussi rentables que possible ne sont pas
suffisamment assurés pour justifier les investissements
nécessaires à l'amélioration et à l'expansion des
usines.
Nous ne croyons pas que le système de concessions devrait
être rejeté sans une analyse de ces différents
éléments. S'il comporte un certain aspect qui ne cadre plus avec
les temps présents, il est fort possible que celui-ci peut être
changé sans chambarder tout le système. Nous faisons allusion
à l'occupation exclusive du territoire.
En pratique, ce droit est partagé. Le problème n'est
peut-être pas aussi difficile à résoudre qu'il ne semble
l'être et une nouvelle formule pourrait sans doute être
trouvée, en collaboration avec les intéressés.
Possibilité annuelle. L'exposé sur la politique
forestière déclare que seulement 65 p.c. de la possibilité
annuelle de coupe est utilisée par les concessionnaires. Nous
présumons que le livre blanc se réfère aux résineux
seulement. Une déclaration générale de cette nature porte
à confusion, comme le démontrent les statistiques suivantes qui
couvrent dix sociétés respon- sables d'environ 97 p.c. de la
production papetière au Québec.
Je vous fais grâce, messieurs, de tout le tableau et je vous
indique seulement, si vous prenez l'année 1971, que le pourcentage
d'utilisation des concessions était de 68.9 p.c, ce qui ressemble
d'assez près au 65 p.c. du ministère. Mais par contre, si les
usines avaient été utilisées à leur pleine
capacité, ce pourcentage se serait élevé à 86.6
p.c.
Il est à remarquer que la capacité des usines de
résineux a augmenté de 700,000 cunits en six ans. Avec un pareil
taux d'augmentation, moins de huit années s'écouleraient avant
que la totalité de la possibilité des concessions soit requise
pour alimenter les usines. Il y a peu de résineux disponibles d'autres
sources. La production de résineux dépasse la possibilité
des lots privés, selon une étude de M. Michel Pleau, du
ministère des Terres et Forêts.
Les volumes de bois rond achetés ailleurs n'ont pas varié
durant les six années en cours. En 1971, près d'un million de
cunits de copeaux et résidus furent achetés de l'industrie du
sciage, doublant presque le volume ainsi utilisé en 1966. Ces
circonstances indiquent que l'exploitation des usines à leur
capacité maximale dépendra surtout des bois provenant des
concessions.
Nous en venons à la conclusion que, de façon globale, il
est faux et irréaliste de parler de volumes gelés sur les
concessions, surtout si l'on tient compte de l'inaccessibilité
économique d'une partie de la possibilité de coupe, des pertes
possibles par le feu, les insectes, les pathogènes et autres facteurs
que souligne le livre blanc comme la récréation, la protection de
l'environnement, le zonage, les restrictions à la coupe, etc.
Nous serions de piètres administrateurs si nous n'avions pas une
marge d'au moins 13 p.c. pour parer à ces éventualités.
L'exploitation des usines à pleine capacité est un but dans la
poursuite duquel l'industrie dépense des sommes très
considérables. C'est une situation économique idéale que
le Québec ne peut se permettre de laisser passer à cause d'une
pénurie de bois découlant des changements de tenure et
d'allocation en marge de la politique forestière proposée dans le
livre blanc.
L'allocation coercitive des sources d'approvisionnement. Même si
on dore la pilule, le système proposé de planification,
d'allocation et de distribution du bois se résume à la
détermination coercitive des sources d'approvisionnement des usines par
des employés gouvernementaux. C'est là un système
d'ingérence socialiste dans les forces économiques qui n'a pas de
parallèle dans le monde libre et il est complètement inacceptable
à l'entreprise privée.
Les fonctionnaires n'ont aucune responsabilité directe dans
l'administration d'entreprises privées et ne peuvent se substituer
à la direction d'une entreprise particulière dans ses
décisions
d'une grande portée économique concernant ses sources
d'approvisionnement.
L'approvisionnement d'une usine en bois doit être une entreprise
flexible, mise sur pied dans le but de fournir un approvisionnement à la
fois soutenu et variable aux usines. Les fonctionnaires ne peuvent remplacer
dans cette tâche le grand nombre d'employés d'expérience
dont les efforts constants sont nécessaires pour obtenir les
résultats désirés.
Mesures affectant le coût du bois. Le coût du bois est
déjà trop élevé au Québec en rapport avec
celui des régions concurrentielles. Malgré de bonnes intentions,
nous voyons peu de choses dans le livre blanc qui aideront à
réduire le coût du bois pour les industries forestières de
la province, particulièrement pour le secteur des pâtes et papiers
qui en a le plus besoin. Nous doutons fortement qu'un système de
redevances qui incluera les frais d'une société de gestion, le
coût de l'aménagement intensifié, la protection des
forêts contre le feu et les insectes, la mise sur pied d'une régie
des produits forestiers contribuera à réduire le coût du
bois. A ces frais de gestion s'ajouteront une rente variable dont l'ampleur
n'est pas connue, ainsi que des dépenses additionnelles pour l'industrie
résultant de mesures proposées pour contrôler les dommages
que l'exploitation mécanisée peut causer, pour
l'intégration des exploitations, pour l'élimination des
déchets de coupe, pour la réduction de la coupe à blanc et
pour les méthodes de coupes imposées pour des traitements
commerciaux.
De plus, le gouvernement construira des routes d'accès et se
remboursera par une charge aux usagers. Quelle sera la part de l'industrie?
Nous l'ignorons. Une chose est certaine, à moins que l'industrie soit
libre d'utiliser l'équipement le plus économique qu'elle est en
mesure de se procurer pour transporter sa matière première sur
ces routes, il en résultera des frais additionnels qui excéderont
les avantages que cette mesure pourrait donner.
La perte de flexibilité dans les sources d'approvisionnement
comme conséquence de plans d'allocation et de distribution coercitive du
bois par les fonctionnaires contribuera sûrement aussi à hausser
le coût du bois en poussant l'industrie vers un état de
stagnation.
Dans la conclusion de notre mémoire, nous répétons
nos fermes objections à un système qui fera du secteur des
pâtes et papiers le client forcé des autres secteurs sur une base
prioritaire. Nous insistons sur le fait que c'est là une drôle de
façon d'assurer la vitalité et même la survivance du
secteur le plus important de notre industrie forestière.
Merci, messieurs.
M. LE PRESIDENT (Lamontagne): Merci beaucoup. Le ministre des Terres et
Forêts.
M. DRUMMOND: Je pense que la procédure, c'est qu'on va commenter
les deux mémoires ensemble. Alors, je commence de cette
façon-là. Je veux tout simplement commencer en disant que,
contrairement à ce qu'a dit l'association, la politique
forestière n'a pas été préparée dans une
tour d'ivoire, tel que vous le préconisez. Nous sommes ici pour discuter
la politique forestière telle qu'énoncée dans les tomes I
et II et élaborer une politique forestière qui sera le
résultat de cette commission ici où on essaie de trouver le
meilleur moyen de servir la communauté de la province et pas un groupe
d'intérêts donné. Alors, le fait que vous êtes ici
est la preuve de notre désir de collaborer avec tous les
intéressés, pas seulement l'industrie des pâtes et papiers,
mais les autres utilisateurs de cette richesse naturelle.
Si je peux faire des commentaires sur le mémoire maintenant
présenté par le conseil, je dois dire que ça indique un
manque d'imagination comme je n'en ai jamais vu lorsqu'on cherche des solutions
valables et fondamentales en ce qui concerne la politique forestière. En
suggérant seulement une réduction de certains frais
inhérents aux privilèges d'exploiter nos forêts et une
réduction ou un gel des taxes générales, ce qu'on peut
considérer vraiment comme contribution à la collectivité,
et, de plus, lorsqu'on suggère d'une façon gratuite la suspension
des nouveaux programmes sociaux par le gouvernement, je pense que franchement
ça indique un manque de désir de vraiment analyser le
problème au fond.
Je remarque là-dedans qu'il n'y a pas une grande indication,
disons, de ce que pourrait faire l'industrie en travaillant ensemble pour
essayer de trouver d'autres moyens. Ce n'est pas seulement le gouvernement qui
va régler la situation. Je ne dirai pas que le gouvernement a
créé la situation, c'est l'industrie qui en est en partie
responsable. Admettons-le. Alors, est-ce que l'industrie, ensemble, a vraiment
étudié les problèmes de base? Est-ce qu'on a
examiné à fond la question d'utiliser les "pool trains", disons,
pour aller au marché avec les produits? Si oui, où se trouvent
ces études? La question des "marketing boards" a été
soulevée comme une solution possible. Qu'est-ce qu'on a fait avec
ça au niveau de l'industrie, ou est-ce que l'industrie ne peut pas
s'entendre sur des choses de base et, lorsqu'on arrive à cela, vous
êtes forcés de venir ici avec une liste d'achat.
Je n'ai pas fini encore. En ce qui concerne le deuxième
mémoire, celui de l'association, je dois dire que j'ai été
particulièrement déçu en prenant connaissance du contenu
de ce mémoire. Aucun des seize autres mémoires
présentés ici n'est aussi réactionnaire que le
vôtre.
Le lecteur peu averti pourrait avoir l'impression que pour
l'association, le statu quo est l'avenir d'une politique forestière.
Toutes les autres représentations, les autres intéressés
semblent démontrer que le redressement de l'activité
forestière exige, avant tout, des modifications appréciables de
nos façons traditionnelles de penser et d'agir.
Et aussi tout le long du mémoire, je retrouve une attaque contre
les fonctionnaires du ministère des Terres et Forêts. Or, depuis
mon entrée en fonction et, je suis certain, même avant, il y a eu
une collaboration assez étroite entre les fonctionnaires du
ministère et les utilisateurs de bois de la forêt pour essayer de
trouver des solutions valables aux problèmes. Et pour citer deux
exemples où récemment nous avons collaboré avec vous en
essayant de trouver des solutions, je veux souligner d'abord un
arrêté en conseil passé l'année dernière pour
réduire le droit de coupe, pour donner certaines sommes à
l'industrie, pour effectuer l'installation de la machinerie, pour combattre la
pollution. C'est un exemple de notre collaboration. Cela ne mérite pas
une telle attaque.
Je peux aussi signaler le fait que nous avons, en collaboration avec
vous, lancé un programme encore avec la réduction des droits de
coupe, pour embaucher des étudiants et accomplir des tâches de
restauration forestière à l'intérieur de vos propres
concessions. Nous payons les salaires. Nous essayons de vous aider. Mais de
recevoir une telle attaque, je trouve cela un peu dégueulasse. J'ai mon
voyage.
Quand même, je n'entends pas répondre à vos
commentaires en vous servant la même sauce que vous nous avez offerte
dans votre mémoire. Au contraire, j'aimerais savoir si vous êtes
prêts à collaborer à la modernisation de notre politique
forestière en vue d'orienter l'action des pouvoirs publics sur l'avenir.
Pas question de toujours dire non mais de trouver des solutions qui pourraient
nous amener à de nouvelles choses.
Maintenant, peut-être y a-t-il des questions à poser et je
laisse la parole au député de Trois-Rivières.
M. LE PRESIDENT (Lamontagne): Le député de
Trois-Rivières posera des questions.
M. BACON: Je m'adresse surtout à M. La-chance.
M. COTE: M. le Président, je crois que, après la
réponse du ministre, je devrais avoir droit à quelques mots.
M. LE PRESIDENT (Lamontagne): Si vous voulez, vu que les mémoires
nous ont été présentés à la commission, il
est normal et vous aurez toute la latitude voulue pour donner vos
commentaires et nous voudrions que les questions vous soient d'abord
transmises. Par la suite, vous répondrez largement â toutes les
questions qui auront été posées.
M. COTE: Je crois que le ministre a posé quelques questions dans
ses commentaires.
M. LE PRESIDENT (Lamontagne): Si vous permettez, nous allons
procéder de la manière que nous avons l'habitude de le faire. Le
ministre a apporté des commentaires à vos mémoires et
maintenant le député de Trois-Rivières vous posera des
questions. Par la suite, vous aurez toute la latitude, comme je viens de
l'indiquer, de répondre aux commentaires du ministre et aux questions
qui vous seront posées.
M. COTE: Sous réserve d'avoir le droit de répondre aux
commentaires du ministre.
M. LE PRESIDENT (Lamontagne): Cela fait deux fois que je vous
l'indique.
M. BACON: M. le Président, suite aux commentaires du ministre des
Terres et Forêts, je poserais une question à M. Lachance. A la
lecture de votre mémoire, la plupart de vos suggestions ou la grosse
majorité de vos suggestions ne semblent pas tellement propres à
engendrer une meilleure productivité dans l'industrie des pâtes et
papiers mais semblent beaucoup plus un transfert d'imputation de coût aux
contribuables québécois.
Pourriez-vous nous dire ce qui vous a motivés dans ce
sens-là?
M. LACHANCE: Ce qui nous a motivés à indiquer certaines
mesures de nature à aider l'industrie, c'est l'état d'urgence
dans lequel on s'est trouvé l'an dernier. Cela, c'est le point de
départ. Mais...
M. BACON: J'ouvre une parenthèse, est-ce que c'était un
état d'urgence imprévisible ou...
M. LACHANCE: Un état d'urgence imprévisible, parce que
tout ce qui s'est passé l'an dernier avec la condition économique
que tout le monde connaît, avec la dévaluation de la monnaie
américaine, alors, toutes ces choses nous ont amenés à
faire une étude en profondeur, et je pense ici que personne ne pourra
nier que nous avons donné beaucoup de chiffres dans notre étude.
Ce n'est pas une étude uniquement théorique, mais nous avons pris
soin d'y ajouter, pour autant qu'on croyait qu'il était
nécessaire, toutes les statistiques dont on disposait. Alors, je pense
que là on a fait un effort louable, et nous avons nous-mêmes, dans
les mesures que nous avons indiquées et qui relevaient de notre ressort,
intensifié des mesures qui étaient de nature à nous
aider.
M. BACON: J'ai déjà entendu dire cela par d'autres. Quand
vous dites: La dévaluation du dollar a surtout causé un choc dans
l'industrie, est-ce que vous diriez qu'en fait les compagnies
papetières, qui savaient très bien que la dévaluation du
dollar était en fait une spéculation qui était hors de
leur contrôle et qui pouvait se modifier presque d'une journée
à l'autre, est-ce vraiment pendant ces années-là que
l'industrie papetière n'a pas pris des mesures pour parer à une
telle éventualité? En fait, la dévaluation est une
spéculation.
M. LACHANCE: C'était tout de même un montant
appréciable; une compagnie qui faisait...
M. BACON: Pendant ces années-là, vous n'avez pas
pensé que cela pouvait du jour au lendemain tomber à 4 p.c,
à 6 p.c?
M. LACHANCE: Evidemment, nous savions que c'étaient des choses
qui pouvaient fluctuer mais cela faisait partie des revenus que les compagnies
recevaient, et, dans toutes nos négociations, quand il s'agissait de
salaires et autres, tout le monde tenait compte du fait que les compagnies
recevaient beaucoup plus, étant donné ces 8 p.c. de
différence qu'il y avait entre la valeur de la monnaie américaine
et la nôtre; alors il n'y avait rien d'imprévisible
là-dessus.
M. BACON: Si le gouvernement acceptait toutes vos demandes dans votre
mémoire, que toutes les subventions seraient accordées à
l'industrie des pâtes et papiers, pouvez-vous me dire si cela
amènerait comme conséquence un accroissement d'activités
assez important, si l'industrie pourrait progresser et pour combien
d'années, et redevenir ce qu'elle était?
M. LACHANCE: Les demandes que nous avons faites ne sont pas des demandes
permanentes. On a passé et on passe des temps très difficiles et
je l'ai dit hier. Il y a des problèmes fondamentaux qu'il va falloir
résoudre. La question de l'aide qu'on demandait, qui peut
représenter, non pas une subvention, comme plusieurs l'ont
mentionné, mais simplement une aide temporaire qui s'élevait
à environ $27 millions, mais qui représentait tout de même
pour nous seulement une aide d'environ $4 millions, c'était une chose
temporaire qui aurait aidé l'industrie à se replacer plus vite.
Le gouvernement aurait été un des tout premiers à retirer
beaucoup plus de cela que l'industrie elle-même. Parce que, quand
l'industrie va bien dans une année moyenne, les industries
forestières papetières du Québec et leurs employés
versent en moyenne $80 millions par année au gouvernement provincial
seulement. Et quand cela va mal, vous le savez, regardez ce que l'industrie
papetière a payé l'an dernier au gouvernement en impôts sur
le revenu, cela était très mince. Parce que, quand il n'y a pas
de profit, vous n'en avez pas et quand il y en a, les deux gouvernements
prennent 50 p.c. des profits qu'on fait.
Alors, vous êtes aussi intéressés, le gouvernement
est aussi intéressé que nous à ce qu'une industrie qui
produit pour $1 milliard par année soit progressive et soit capable
d'apporter une grande contribution au développement du Québec et
à son maintien et à son standard de vie, et c'est dans cet
esprit-là qu'on a fait notre mémoire. Nous ne sommes pas venus
ici quémander, nous sommes venus discuter avec vous du problème
et répondre avec autant de franchise qu'on peut le faire à toutes
vos questions.
Mais ce qu'on a toujours trouvé et ce qu'on trouve dans le
moment, c'est que, quand on arrive avec un changement radical comme celui qui
se pose dans le moment, on calcule qu'il y a assez d'intérêt de la
part de l'industrie qu'on aurait dû consulter dans un
énoncé de principe, ou apparemment, au temps où on en est
aujourd'hui, d'après l'énoncé du ministre dans son premier
discours qu'il a fait au début des séances de la commission
parlementaire, dans lequel il nous disait que l'on n'était pas ici pour
changer les principes, qu'il n'y avait rien à changer dans le principe
général, on était ici pour discuter des modalités.
Alors, si l'on ne peut rien changer aux principes, c'est malheureux que ce soit
comme cela.
M. DRUMMOND: Au commencement de votre rapport vous dites que vous
êtes d'accord sur les principes et les objectifs du livre blanc.
M. LACHANCE: On a dit que l'on était d'accord sur certains et
j'ai précisé dans l'énoncé: "quelques". Je ne pense
pas que j'aie dit "tous".
M. DRUMMOND: On dit ici: Nous sommes d'accord en principe sur les
objectifs de la politique forestière énoncée dans le livre
blanc du ministre des Terres et Forêts. C'est M. Côté qui
l'a dit.
M. LACHANCE: Dans les grandes lignes oui, mais l'objectif du
ministère est très louable de vouloir une utilisation
complète des forêts du Québec. Nous aussi voulons la
même chose. Nous voulons que les forêts du Québec profitent
aux Québécois, surtout. Nous sommes aussi
intéressés, aussi Québécois que n'importe quel
autre. Nous sommes aussi intéressés à ce que les
Québécois, dans l'ensemble, retirent autant de profit possible
des forêts du Québec. Je suis tout à fait d'accord pour
dire que les forêts du Québec appartiennent au Québec,
d'abord. Les revenus qui découlent de l'industrie papetière le
démontrent et c'est cela qui me surprend tellement quand on parle de
quelques privilégiés, quand on parle des grandes compagnies qui
retirent tout, quand on parle des actionnaires qui ont tout. C'est loin
d'être le cas. Quand une industrie comme la nôtre produit pour $1
milliard par année, si vous calculez, et je ne me baserai même pas
sur les dividendes des actionnaires qui n'existaient à peu près
pas l'an dernier... mais, supposons que l'on passe une moyenne des dividendes
ordinaires, même cette part-là n'est rien comparé à
ce qui reste au Québec d'une industrie progressive.
M. BACON: Justement, vous parlez de dividendes. Il reste qu'il y a eu
des années où l'industrie des pâtes et papiers en
fait, elle existe depuis si longtemps a fait des profits, à un
moment donné.
M. LACHANCE: Sans aucun doute.
M. BACON: Alors, qu'est-ce qui a été fait pour
prévoir ou améliorer la situation? Comme je vous ai dit
tantôt, vous êtes des hommes d'affaires, les 8 p.c. du dollar, vous
deviez savoir mieux que n'importe qui que c'était pure
spéculation. C'était sous contrôle en plus de
ça.
M. LACHANCE: C'était loin d'être spéculatif.
M. BACON: Qu'est-ce que vous avez fait pour prévoir cela
étant donné que c'était une spéculation, vous
l'admettez, vous avez dû prendre des mesures à un moment
donné pour dire: Tel jour, il est possible que les 8 p.c. baissent
à 6 p.c, à 4 p.c. ou à 2 p.c. ou que cela disparaisse,
comme c'est arrivé.
M. LACHANCE: M. le Président, vous savez très bien que
l'industrie des pâtes et papiers au Québec n'est pas nouvelle.
Elle est arrivée ici au début du siècle puis elle a
progressé. Elle a connu les difficultés de la dépression.
Vous savez très bien, quant à moi, je m'en souviens, au temps de
la dépression, presque toutes nos compagnies étaient en faillite.
Elles ont repris, grâce à des emprunts; et ces emprunts qu'elles
ont dû faire pour se maintenir et pour moderniser graduellement ces
genres de production, il a fallu qu'elles les remboursent. Et même
après la guerre, dans les bonnes années, les compagnies
continuaient encore à rembourser des emprunts qu'elles avaient
contractés au temps de la dépression. Alors l'argent, si vous
regardez où il est allé, il a servi à payer ceux qui nous
avaient financés, il a servi aussi à moderniser, dans la mesure
du possible, l'équipement, tant à l'usine qu'en forêt en
suivant les développements technologiques qui survenaient. C'est cela
que l'industrie a fait d'abord. Et quant aux investissements, on n'était
pas pour remonter dans toute la série d'investissements depuis la
dépression, mais on nous dit dans le mémoire, et vous le voyez,
que nous avons investi tout de même une moyenne de $150 millions par
année depuis dix ans. Sur cela, il y a eu 69 compagnies, à elles
seules, qui ont investi depuis dix ans $62 millions seulement dans la
mécanisation en forêt.
M. BACON: J'aimerais entendre votre opinion sur ce point: Est-ce qu'en
général vous croyez que nos usines de papier sont assez modernes
ou très modernes?
M. LACHANCE: Je ne dirais pas qu'elles le sont au même
degré. Nous en avons 56 et ces usines ont été parmi les
toutes premières installées au Canada. Nous ne pouvons pas exiger
que toutes nos usines soient modernes au même degré. Par contre,
on le mentionne dans le mémoire et on donne des chiffres, il y a 25 p.c.
de la production de papier-journal qui proviennent d'une nouvelle machine
installée depuis 7 ou 8 ans et nous avons 50 p.c. de la pâte
commerciale qui est produite dans de toutes nouvelles usines.
De ce côté, je prétends que nos usines se sont
modernisées et ont suivi le courant qui existait, tant en Suède
qu'ailleurs, dans la modernisation. D'ailleurs, je pense bien que les membres
de la commission croiront nécessaire de faire une visite dans
quelques-unes des usines parmi les 56 que nous avons. C'est, à mon sens,
une nécessité pour vous en plus d'une visite évidemment en
forêt.
Vous allez vous apercevoir qu'en cours de route, à mesure que des
développements nouveaux arrivaient, nos usines les ont adoptés.
Si vous prenez, par exemple, la question des filtres, si on regarde uniquement
une question comme celle des filtres, vous allez vous apercevoir que dans les
usines il fallait très souvent mettre au rancard des filtres qui
pouvaient être bons pour les remplacer par d'autres. Il y a eu
l'arrivée des filtres centrifuges et toutes les usines en ont
aujourd'hui. De ce côté, je pense que nous n'avons rien à
nous reprocher.
M. BACON: Quand vous dites que vous avez investi $150 millions pendant
10 ans, ou quelque chose comme cela...
M. LACHANCE: Par année. Un milliard cinq cent millions...
M. BACON: Sauf le dollar, à votre avis, est-ce que vous auriez pu
faire plus pour être concurrentiels puisque vous arrivez aujourd'hui et
vous dites: nous ne sommes plus concurrentiels.
M. LACHANCE: A mon sens, nous n'aurions pas pu faire plus avec l'argent
que nous avions. Il faut tout de même penser aux actionnaires. Quant aux
actionnaires, il s'agit de centaines de milles.
M. BACON: Il y a une chose aussi que je voulais mentionner dans ce que
vous avez dit tout à l'heure. Vous parlez des papeteries, je le
comprends naturellement, on a passé à travers la crise et on a eu
des difficultés financières, comme d'ailleurs à peu
près toutes les industries. Mais, il faut bien se rappeler du
moins, je regarde dans ma ville, j'ai fait faire une étude par la
municipalité que vous avez eu des vacances de taxes municipales,
vous avez eu certaines primes qui équivalaient peut-être à
ce qu'on donne aujourd'hui par le truchement du ministère de l'Expansion
économique ou le cas des zones spéciales. Cela a existé
aussi dans le temps, il ne faut pas dire que vous avez fait seulement des
pertes, à un moment donné vous...
M. LACHANCE: Non. Nous n'avons pas fait seulement des pertes. Nous avons
fait des profits, mais c'est avec ces profits qu'on a pu en bâtir
d'autres, c'est avec ces profits qu'on a pu
se moderniser. C'est là où sont allés les profits;
la grande partie des profits est allée en réinvestissements de
toutes sortes.
M. BACON: En parlant plus précisément de votre
mémoire, vous proposez une diminution du droit de coupe de $2.94
à $0.50. Supposons que les coûts de la gestion forestière
soient imputés aux entreprises forestières. Est-ce que cela a
été fait dans cette optique ou dans l'optique selon laquelle le
coût de gestion serait surtout absorbé par l'Etat, dans votre
demande?
M. LACHANCE: On a demandé temporairement que les droits de coupe
soient baissés à $0.50, comme l'Ontario l'a fait, depuis plus
d'un an, pour toutes les usines situées au nord du chemin de fer du
CNR.
M. BACON: Je vais vous citer une partie de votre mémoire. Vous
recommandez que le gouvernement du Québec mette en oeuvre des
procédures assurant la coordination de toutes les politiques
gouvernementales, agissant d'aussi loin que ce soit sur la capacité de
concurrence de l'industrie des pâtes et papiers. A cet égard, le
mémoire ajoute ce qui suit: Un tel régime serait propre à
amener des ministres et fonctionnaires, d'un certain nombre de
ministères, à tenir compte de l'effet global qu'auraient sur
l'industrie des pâtes et papiers les nouveaux projets de loi ainsi que
les nouvelles décisions portant sur la politique gouvernementale.
Pourriez-vous me dire si, dans l'esprit des auteurs du mémoire,
vous favoriseriez la formation d'un comité intergouvernemental ou un
comité où siégeraient les industriels et le
gouvernement?
M. LACHANCE: C'est exactement l'idée, M. le Président. Et
c'est un des points que nous avons mentionnés dans notre étude et
qui, à notre point de vue, sont très importants parce que, si
nous sommes dans un marasme et que nous prétendons qu'aujourd'hui nos
taxes et redevances envers l'Etat sont trop grandes, c'est justement par
rapport à cela.
Il nous arrive une pyramide de redevances et de taxes qui n'ont pas de
sens. On passe un ordre en conseil qui, à brûle-pourpoint, nous
cause des dépenses additionnelles souvent de l'ordre de $1 million. Par
exemple, quand le gouvernement est arrivé et, sans qu'à peu
près personne le sache, certainement pas nous, a augmenté la
rente foncière de $10 à $20 le mille carré, ça
faisant passer à notre industrie une charge d'au-delà de $800,000
par année. Alors, c'est presque $1 million. Cela était pour un
cas particulier. Vous tombez au ministère des Richesses naturelles, il a
fait la même chose au sujet d'estacades et de choses de ce genre. Vous
allez dans un autre ministère, c'est encore la même chose. Chacun
tire de son côté et évidemment on reconnaît comme
tout le mon- de que les besoins de la province sont grands, mais pour nous,
c'est cette pyramide de taxes et de redevances qui nous arrive de tous
côtés, de tous les ministères sans que, j'en suis à
peu près certain, on en connaisse tous les effets. Alors, par un
comité comme celui-là, nous pensons que cela pourrait aider s'il
y avait une meilleure coordination et un certain contact, parce qu'on peut tout
de même consulter. On ne veut pas dicter la politique du gouvernement, ce
n'est pas à nous de le faire sûrement, mais, par contre, il me
semble que les contacts peuvent aider. Ce qu'on voudrait, c'est qu'il y ait une
meilleure coordination au sein des gouvernements, pour qu'ils connaissent
l'effet de certaines impositions.
M. BACON: Quand vous parlez d'une imputation de $1 million...
M. LACHANCE: De $800,000.
M. BACON: ... si vous reproduisez ça sur la production totale de
l'industrie, il reste que c'est...
M. LACHANCE: C'est minime, mais...
M. BACON: Quant à cela pour tous les citoyens, si on pouvait
enlever toutes les taxes, ce serait bien agréable.
M. LACHANCE: Sans doute. Mais c'est exactement le raisonnement que vous
émettez, qui est très juste, ce qui fait qu'on est dans le
marasme à ce point de vue. C'est très peu, ce ne sont que
quelques cents, quelques piastres, mais à la fin, quand vous mettez tout
cela ensemble, c'est là que ça fait un paquet qui est trop lourd
à porter.
M. BACON: Dans votre mémoire, vous estimez à $4 millions
l'économie à réaliser annuellement du fait d'une fixation
par la Régie des marchés agricoles des prix de vente des bois des
petits producteurs à un niveau concurrentiel à celui d'autres
ressources. De quelle façon avez-vous estimé votre montant de $4
millions?
M. LACHANCE: C'est à quelle page, est-ce au tout
début?
Nous l'avons estimé simplement en multipliant la quantité
de bois qui nous provient des offices par la différence de coût
qu'il y a entre le nôtre et celui qu'on paye aux producteurs.
M. BACON: Pourquoi le mémoire préconise-t-il que les
approvisionnements garantis sous d'autres formes de tenure que sous la forme de
la concession forestière soient rattachés à des
superficies déterminées?
M. LACHANCE: Parce que c'est une question de saine opération
forestière, parce que c'est une question de coupe, c'est une
question
de prévoir les chemins à faire. Cela est un domaine
absolument technique. Peut-être un autre pourrait-il mieux
répondre que moi là-dessus? Mais c'est uniquement une question
d'administration, une question de coordination des coupes.
M. BACON: Qu'est-ce que vous entendez par la juste prise en
considération de la valeur intrinsèque du bail de concessions
comme actif des compagnies du Québec?
M. LACHANCE: Cela aussi excusez-moi de chercher les pages.
M. BACON: Chapitre 6. M. LACHANCE: Pardon? M. BACON: Chapitre 6.
M. LACHANCE: Page 10. Juste prise en considération de la valeur
intrinsèque du bail comme actif des compagnies du Québec. Vous
savez comme moi que les compagnies n'ont pas obtenu, au cours des
années, les concessions forestières qu'elles détiennent
sans payer des primes d'affermage. Ces primes d'affermage ont été
payées meilleur marché au début mais probablement à
une moyenne d'environ $600 à $900 le mille.
Je sais que les dernières transactions se sont faites à
peu près dans l'ordre de $1,200 le mille carré.
Cela a été au début et, depuis ce temps-là,
il y en a pour qui ça représente 50 ans de détention; ces
gens-là ont dû payer la protection contre le feu sur toute
l'étendue du terrain et la rente foncière sur toute
l'étendue des terrains, en plus des améliorations qu'ils ont
faites dans la partie exploitée.
Il y a une valeur intrinsèque qui est rattachée au bail et
qui fait partie de l'actif des compagnies.
M. LESSARD: Qui permet d'emprunter?
M. LACHANCE: ... qui permet d'emprunter aussi. Et la question d'emprunt,
il me fait plaisir que vous la souleviez, parce que vous savez qu'il existe
depuis très longtemps au ministère la Loi de la prime de
transfert. Cela, c'est un point que les gens oublient très souvent. Au
temps de la dépression, on a permis aux compagnies de transporter leurs
concessions aux banques ou à des prêteurs pour pouvoir se financer
et repartir. Mais on exigeait tout de même une prime de transfert.
Alors, les compagnies qui se sont prévalues de cette loi ont
versé au gouvernement la prime de transfert du temps, qui a
varié. Je ne me souviens pas des montants des premières
transactions, et quand elles ont dû reprendre leurs concessions, elles
ont versé de nouveau $60 le mille carré au gouvernement pour que
le prê- teur remette de nouveau la concession à la compagnie.
M. BACON: Mais la prime d'affermage n'est-elle pas déductible au
point de vue de l'impôt sur le revenu? Pas dépréciable?
M. LACHANCE: Cela, je ne peux pas vous le dire. Je ne peux pas vous dire
si elle...
M. BACON: Très bien.
M. LACHANCE: Mais c'était une dépense quand même,
à tout événement.
M. BACON: Oui, au point de vue de l'impôt... Pourriez-vous
m'expliquer ceci, M. Lachance? Dans votre mémoire, vous sembliez
écarter les facteurs qui font que le coût plus élevé
du bois à pâte au Québec serait peut-être dû
à une mauvaise répartition des concessions forestières et
des méthodes peut-être plus efficaces, comme le croisement de
transport et ces choses-là?
M. LACHANCE: Il me fait plaisir que vous en parliez. A un endroit
donné, on mentionne certaines distances. A quelle page est-ce?
M. BACON: Je pense que c'est le chapitre 7.
M. LACHANCE: La page?
M. BACON: Chapitre 7.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Page 57.
M. LACHANCE: A la page 57, nous disons que la distance moyenne qu'il
faut parcourir pour transporter le bois au Québec est de 156 milles
alors qu'elle n'est que de 90 milles dans l'ouest du Canada et de quelque 60
milles dans le sud des Etats-Unis. Quand on tient compte de la topographie et
de la carte géographique du Québec, à ce temps-ci,
après 50 ans d'exploitation, il n'y a rien d'anormal à ce que la
moyenne soit de 156 milles. Je m'explique.
Les compagnies papetières qui ont commencé à
exploiter des usines au Québec ont évidemment commencé
à couper le bois le plus près des usines. Elles n'étaient
pas pour ouvrir, à leurs frais, des routes sur des bassins immenses.
Elles ont coupé les bois les plus près et, au fur et à
mesure, se sont éloignées au point qu'aujourd'hui, il y a
certaines compagnies qui coupent leur bois à au-delà de 200 ou
250 milles du fleuve Saint-Laurent ou de leur usine.
Evidemment, la moyenne du transport, dans le moment, est ce qui est
mentionné dans le rapport. Mais, par contre, au fur et à mesure,
si on s'en tient à l'aménagement qui existe actuellement dans les
concessions et aux concessions que les compagnies détiennent, on va
s'apercevoir, et c'est très facile de le réaliser, puisque les
compagnies ont commencé, au tout début du
bassin, à couper à peu près 1/60 de la superficie;
on voit tout de suite que les beaux peuplements, dans le moment, existent
très près des usines. Ils ne sont pas encore complètement
arrivés, pour la plupart, à maturité, mais on trouve
là des peuplements de 40, 50 ans qui sont tout près d'être
en mesure d'être exploités économiquement.
Il y a même des compagnies qui ont commencé une
deuxième coupe dans ces endroits-là. Mais comme une bonne
administration et un bon aménagement nécessitent qu'on aille
jusqu'au bout des bassins, il y a des compagnies qui sont à couper
très loin et qui, avant longtemps, pour la moyenne, vont revenir
chercher dans le bas de leurs concessions des quantités de plus en plus
importantes de bois.
Ceci aura tendance, dans l'ensemble, à faire baisser
graduellement la moyenne des distances de coupe de l'usine, parce que la
moyenne qu'on donne est basée sur le volume total, et s'il y a un plus
fort volume dans le moment qui se coupe au loin, ça fait augmenter la
distance moyenne de 156 milles. Mais quand on sera rendu à couper aux
deux endroits, au loin et à couper de nouveau des peuplements qui sont
à maturité plus près de l'usine, la moyenne va baisser.
Alors, pour la topographie du Québec, quand on connaît le fleuve
Saint-Laurent, et tous nos bassins qui sont seulement en longueur et qui n'ont
pas d'ouverture vers le nord au point de vue du commerce, on réalise
très bien qu'il y a là un problème et qu'on est
peut-être arrivé au maximum des distances.
Et ça m'amène peut-être à vous devancer
jusqu'à un certain point, mais ce serait peut-être le temps de le
faire, on a parlé et on parle à répétition et
partout du marasme, du fouillis qui existe dans les concessions
forestières en regard des usines. Pour nous, c'est drôle, mais il
n'existe pas ce fouillis-là. Il n'existe pas. Pourquoi n'existe-t-il
pas? C'est que nous avons des usines qui se sont établies un peu partout
au Québec, il y en a 56, et je pense qu'on vous a peut-être remis
ce matin une carte qui montre la position des usines. Et on ne croit pas qu'il
y ait de fouillis, pas plus qu'on croit qu'il y ait beaucoup de chevauchement
dans le bois destiné aux usines. Je n'oserais pas demander au
ministère s'il a fait une étude détaillée des
approvisionnements de chaque usine, mais s'il l'a faite, il va s'apercevoir
très vite que ce croisement-là n'est pas tellement
considérable. Il est même très minime. En 1956, on estimait
qu'il y avait à peu près 9 p.c. du volume de bois qui se
croisait. C'était beaucoup plus grand que ça auparavant, mais les
ministères qui ont existé, c'est-à-dire le
ministère des Terres et Forêts, depuis 40 ans, a fait
énormément de progrès. Le ministère n'a pas
toujours été, et je ne pense pas qu'il soit loin de là
dans le moment, inerte. Il s'est fait quelque chose au Québec et, au
tout début, même s'il y avait énormément plus de
concessionnaires qu'aujourd'hui, ce qui faisait qu'à ce temps-là
il y avait beaucoup de bois qui venait d'un peu partout pour approvisionner les
usines, il y a eu énormément de consolidation de faite de concert
avec les gouvernements du temps, énormément de consolidation de
faite. Cela veut dire des échanges, ou le gouvernement ou les compagnies
elles-mêmes achetaient des propriétés privées pour
consolider leur affaire. Si aujourd'hui vous prenez le temps de regarder la
carte et si vous passez un à un les approvisionnements des usines, vous
allez vous apercevoir que les problèmes, il n'y en a pas tellement. Je
n'ai pas l'intention de passer les 56 usines. Par contre, je sais que le temps
est précieux, mais je pense que c'est très important tout de
même, ce dont on parle, parce qu'on en parle tellement souvent. Si vous
partez de l'est du Québec, Baie-Comeau, pas de problème; Matane,
pas de problème; Chandler, pas de problème; New Richmond, pas de
problème; Rivière-du-Loup, ce sont de petites usines qui
s'approvisionnent aussi, pas de problème dans ce coin-là. La
région du Lac-Saint-Jean, pas de problème à part
Port-Alfred, et c'est là un problème qui peut s'expliquer.
Port-Alfred est une usine qui, elle, reçoit une forte partie de ses
approvisionnements par bateau.
Je ne voudrais pas qu'elles soient toutes placées là, mais
c'est très heureux pour le Québec qu'on ait certaines usines
placées le long du fleuve Saint-Laurent qui soient capables de recevoir
durant tout l'été leurs approvisionnements qui viennent
d'endroits où il n'y a pas d'usine. Par exemple, une bonne partie des
gens de la Gaspésie, de Matane, de toute la côte elle est
en partie au Sud, surtout la côte gaspésienne mais c'est
très heureux que ces gens puissent vendre leur bois à part et
qu'il soit transportable dans des usines capables de les recevoir. Alors,
l'usine de Port-Alfred en est une qui trouve une partie de ses
approvisionnements qui viennent d'un bassin voisin mais qui doivent être
transportés par bateau. A Clermont, il n'y a pas de problème,
à peu près, parce que l'usine possède ses concessions aux
alentours. A Beaupré, l'usine reçoit une partie de ses
approvisionnements du Séminaire de Québec qui est une
propriété privée détenue par ce dernier et elle
reçoit une autre partie de ses approvisionnements par bateau.
A Québec, il y a l'Anglo. C'est une compagnie qui s'est
installée dans les alentours de 1924 ma date n'est probablement
pas précise mais qui pendant 20 ou 25 ans s'est alimentée
à même les 200 milles carrés que le Séminaire de
Québec détient sur la rivière Montmorency et qui est
à la porte de l'Anglo et aussi de bois qui provenait d'une concession
à l'arrière du Séminaire de Québec dans le
même bassin de la rivière Montmorency. Mais cela n'était
pas inépuisable parce que ces bassins étaient plutôt
restreints. Alors, il a fallu que la compagnie Anglo aille chercher son bois
sur une concession qu'elle détient sur la Côte-Nord. Et qu'on
fasse un changement radical dans la
distribution des concessions, le problème existera quand
même. Parce qu'il va falloir trouver du bois à 1'Anglo et il n'y
aura pas de concessions disponibles qui pourront permettre un meilleur
aménagement, un meilleur coût, à mon point de vue. Il n'y
en a pas. Si on en prend une qui est plus près, on va l'enlever à
un autre. Il faut tout de même s'entendre là-dessus.
Quand on va un peu plus loin, il y a Donnacona. L'usine de Donnacona
reçoit une faible quantité de son bois du bassin à
l'arrière, sur la rivière Jacques-Cartier mais une plus forte
quantité de bois lui vient par bateau ou par chemin de fer de
différents endroits. Et même dans le moment, si je ne m'abuse, je
pense qu'elle reçoit de la pâte qui pourrait venir de
Quévillon. Mais cela, c'est un problème interne qui semble tout
à fait logique qu'une usine qui produit de la pâte de la
même compagnie puisse centraliser sa production de pâte dans un
endroit pour transformer la pâte en papier dans une autre de ses
usines.
Comme vous le savez, il y a plusieurs usines à
Trois-Rivières. Cette ville a été le centre et
j'espère qu'elle demeurera...
M. BACON: C'est la capitale mondiale.
M. LACHANCE: ... la capitale mondiale de la production de pâtes et
papiers.
M. BACON: Si cela continue ainsi, nous aurons seulement des
musées.
M. LACHANCE: J'espère que non. J'espère bien que les
usines de Trois-Rivières continueront à progresser. Mais
où ces usines prennent-elles leur bois? L'usine de La Tuque
s'approvisionne à même le bois qui vient de la rivière et
à même des copeaux qui lui viennent d'un peu partout par chemin de
fer.
Quand on descend plus bas, Shawinigan, Grand-Mère,
Trois-Rivières, la grande partie, à part peut-être deux
usines, s'approvisionne à même le bois qui est dravé sur de
très longues distances mais à un coût très
raisonnable parce que la drave est un de nos moyens économiques de
transporter le bois.
M. BACON: Est-ce que vous voulez dire que dans la Mauricie il n'y a pas
de problème majeur d'approvisionnement?
M. LACHANCE: Il n'y en a pas. Evidemment, on n'a sûrement pas tout
le bois nécessaire dans la région du Saint-Maurice. C'est pour
cela qu'on est obligé de s'approvisionner par bateau et c'est le cas de
l'usine de Domtar et c'est le cas de l'usine du Cap-de-la-Madeleine...
M. BACON: Je ne savais pas.
M. LACHANCE: ... qui doivent recevoir un peu de bois par bateau. Et si
elles n'ont pas le bois dans le Saint-Maurice, qu'on ne pense pas encore
là que c'est dû à l'incurie des compagnies. Il y a eu des
feux formidables au Québec. Et les feux ont, assez souvent,
bouleversé les possibilités de grands bassins de rivières
comme des petits. Alors, quand on continue... Là, je passe par-dessus
les usines qui ne sont pas membres de notre association et qui sont plus
petites pour arriver à celles des Cantons de l'Est et de l'ouest du
Québec.
Quant à l'ouest du Québec, les usines ont le bois qui leur
arrive par drave. Il n'y a pas de problème à Gatineau.
Evidemment, il y avait Hull, de moins en moins, il n'y en a plus dans le
moment. L'usine de Portage-du-Fort a ses approvisionnements sur place.
Quévillon a ses approvisionnements sur place.
Finalement, il ne nous reste que les usines des Cantons de l'Est. Que
s'est-il passé de façon générale? Je ne voudrais
pas entrer dans des problèmes particuliers de compagnies, ce n'est pas
mon rôle, mais quand on regarde le problème dans l'ensemble des
Cantons de l'Est, qu'est-ce qui s'est passé dans les Cantons de l'Est?
Il s'est passé que, pour certaines raisons techniques du temps, il s'est
installé des usines qui s'approvisionnaient dans ce temps-là
à même le bois qu'il y avait autour, bois de
propriétés privées et bois de concessions
forestières qui, pour la plupart, appartenaient à des exploitants
de sciage.
Aujourd'hui, on arrive à une situation où il y a eu
empiètement par l'agriculture. Les concessions forestières des
Cantons de l'Est ont diminué graduellement pour presque
disparaître, parce qu'il y en a très peu dans les Cantons de l'Est
et, aujourd'hui, les compagnies de ce coin-là... N'oublions pas non plus
que la région des Cantons de l'Est n'est pas une région qui ne
produit que des résineux, ce sont des peuplements mixtes qu'on trouve
là, de résineux et de feuillus, et les usines qui avaient
été établies là employaient surtout des
résineux. Alors, n'ayant plus de bois satisfaisant et n'en trouvant pas
suffisamment dans la région, il fallait trouver du bois ailleurs;
autrement, on aurait fermé les usines.
Alors, je trouve que c'est louable que, de concert avec les
gouvernements du temps, les compagnies aient réussi à trouver de
l'approvisionnement ailleurs. C'est pour cela qu'aujourd'hui il y en a
certaines qui vont chercher leur bois en Abitibi, bois qui vient par chemin de
fer à un coût très élevé. Par contre,
étant donné que c'est de l'épinette noire, qui est de
meilleure qualité, dont les fibres sont meilleures que celles du sapin,
la compagnie peut maintenir une exploitation rentable à Bromptville. Le
cas des deux autres usines est un peu différent parce qu'il y a eu un
approvisionnement mixte de bois feuillus et de bois mous. Alors, où
est-il le problème de croisement d'approvisionnement? Je voudrais bien
que, de façon concrète, on me montre où il est et ce qu'un
nouveau système, une nouvelle distribution va apporter? Moi, je ne peux
pas le voir.
M. BACON: Dans votre mémoire, M. Lachance, vous soulignez que le
coût de l'énergie est plus élevé au Québec
qu'en Colombie-Britannique et, selon votre mémoire, cette
différence est partiellement due au fait que les usines du Québec
utilisent un procédé de mise en pâte différent de
celui de la Colombie. Est-ce qu'il y aurait moyen de savoir quels sont ces
différents procédés et pourquoi les usines
québécoises n'utilisent pas le procédé couramment
utilisé en Colombie-Britannique?
M. LACHANCE: Nous aurions beaucoup aimé et nous regrettons
de ne pas en avoir été capables vous soumettre des taux
comparatifs. Nous avons cherché et nous aurions bien aimé vous
soumettre les taux comparatifs de l'électricité pour nos
compagnies comparativement à ce que d'autres usines peuvent payer en
Colombie-Britannique, en Ontario ou ailleurs, mais cela nous a
été impossible de le faire parce que les contrats que
l'Hydro-Québec passe avec nos compagnies sont tous des contrats
séparés qui tiennent compte de l'éloignement, qui tiennent
compte des frais absorbés par l'Hydro-Québec ou par la
compagnie.
Il n'y a pas deux compagnies qui aient exactement les mêmes taux.
On ne pouvait donc pas faire une comparaison qui tienne bien. Par contre, dans
l'ensemble, nous sommes d'avis et nous croyons, à la lumière des
contrats qu'on a pu examiner, que l'électricité nous coûte
plus cher au Québec à la base, de par le taux même, et en
plus de tout cela, il s'ajoute ce que vous venez de mentionner, la question des
procédés.
Vous savez comme moi qu'au Québec on est spécialisé
dans la fabrication surtout du papier-journal, et le papier-journal, vous
savez, ne se fabrique pas seulement avec des copeaux, il se fabrique avec une
partie de copeaux et une partie de bois rond, qu'il nous faut raffiner, passer
sur des meules pour en faire ce qu'on appelle une pâte
mécanique.
La pâte mécanique, ces meules-là, elles tournent,
mais c'est lourd et cela demande énormément
d'électricité, tandis que, dans l'Ouest canadien, la majeure
partie de la production est en pâte et en papier. Le
procédé n'est pas le procédé au sulfite qu'on
emploie surtout, dans la plupart de nos usines ici. C'est un
procédé au sulfate ou au soda qui fait que, là-bas, c'est
de la cuisson de copeaux qui entre en ligne de compte surtout. Ces usines
emploient moins d'électricité, le procédé demande
moins d'électricité que nous ici au Québec dans
l'ensemble. C'est uniquement une question technique, une question de
procédé différent que l'on ne peut changer ici sans des
coûts très considérables. Dans la plupart des cas, il
faudrait même mieux recommencer les usines que de modifier les
procédés de sulfite au soda ou au sulfate.
M. BACON: Dans le montant d'argent que vous avez mentionné au
début de votre exposé sur les investissements que vous avez faits
pour la modernisation, auriez-vous des chiffres indiquant quel montant aurait
été affecté aux réparations ou au renouvellement et
quelle partie aurait été affectée à
l'érection de nouvelles usines? Est-ce que vous pouvez faire une
différence entre cela, pouvez-vous disséquer ce montant?
M. LACHANCE: J'aurais aimé le faire et je ne l'ai pas avec moi
ici, je sais qu'on a publié ces documents dans un papetier mais ce n'est
pas dans un de ceux que vous avez en main. On a séparé la partie
des investissements en capital, c'est-à-dire en nouvelles usines et en
réparation. On a séparé les deux. Mais, par contre, je me
souviens très bien et je peux vous dire qu'au Québec la plus
grande partie de l'argent investi l'a été en réparations
en général. Le montant en réparations au Québec
depuis dix ans a toujours été plus élevé dans
l'ensemble que celui investi en nouvelles usines. Cela se comprend, parce
qu'étant donné la date de nos usines, il fallait dépenser
pour se moderniser au Québec beaucoup plus d'argent en changement de
machineries qu'en nouvelles usines, tandis qu'en Colombie-Britannique cela a
été le contraire. Le plus gros des investissements a
été fait dans des usines nouvelles parce que les usines de
Colombie-Britannique sont beaucoup plus récentes que les
nôtres.
M. BACON: Dans la version anglaise de votre mémoire, à la
page 13, vous faites état, à un moment donné, de ce que le
procédé utilisé dans la fabrication du papier-journal aux
Etats-Unis produit un papier plus fort ou moins sujet à la rupture, en
parlant de procédé de l'imprimerie. Vous dites à un
moment: Ceci entraîne plutôt les clients à exiger un papier
plus fort pour l'imprimerie. Qu'est-ce que vous avez fait dans ce sens
là pour améliorer votre papier ou est-ce qu'il y a une
possibilité d'améliorer votre papier dans ce sens?
M. LACHANCE: Pas beaucoup dans ce sens. Je vais vous dire pourquoi. Vous
savez les développements technologiques qui sont survenus. On a dit
très souvent, et vous le savez, que, jusqu'aux alentours de 1940, 1945,
le Québec et l'Est du Canada étaient priviligiés avec la
Scandinavie dans le domaine des pâtes et papiers. Pourquoi? Parce que
nous avions de l'épinette et du sapin qui étaient les seules
essences utilisées. A partir de 1940, 1945, les chimistes ont
trouvé un moyen d'utiliser le pin, pin du sud, pin de Colombie, et c'est
à ce temps que nous avons vu un développement formidable survenir
dans les 13 Etats américains qu'on appelle le sud des Etats-Unis, et en
Colombie-Britannique.
Par contre, pour utiliser le pin, il fallait employer un
procédé différent du nôtre. Nous autres, comme je le
disais il y a un moment, c'est un procédé surtout au sulfite pour
faire le papier-journal, tandis qu'eux employaient pour
les besoins du bois un procédé au sulfate. Or, le
procédé au sulfate et les fibres nous donnent un papier plus
résistant que celui que l'on fait au sulfite.
Notre papier a des qualités, par contre, qui sont
différentes. Jusqu'à il n'y a pas tellement longtemps, cela
n'avait pas une importance formidable que le papier-journal soit fait au
sulfite ou au sulfate. Mais quand l'offset est arrivé, par exemple,
quand le procédé offset est arrivé et que les machines
marchaient beaucoup plus rapidement, la question de résistance du papier
à la tension a forcé quantité d'éditeurs à
se prévaloir et à acheter de préférence des papiers
à base de sulfate, des papiers qui avaient une résistance
beaucoup plus grande que le nôtre.
On a rémédié à cela dans la mesure du
possible, mais c'est un problème qui, je pense, doit rester et va rester
avec nous autres.
Le tableau 6 donne par contre, M. le Président, la
différence en immobilisations et en dépenses de
réparations. A la page 85.
M. BACON: Page 84.
M. LACHANCE: Page 84, peut-être? Le tableau 6. Page 85.
M. BACON: Au chapitre 14 de votre mémoire, le conseil semble
adresser un avertissement...
M. LACHANCE: A quelle page est-ce, monsieur?
M. BACON: A la page 19. Vous semblez adresser un avertissement afin que
les rapports entre l'acheteur et le vendeur de papier-journal ne soient pas
modifiés. Est-ce à dire que le conseil s'oppose au regroupement
des forces oeuvrant dans le marketing du papier-journal?
M. LACHANCE: Oui. Le point du marketing est un point important à
discuter devant la commission, ici, ce matin, un point important. Il y a deux
choses que je voudrais mentionner ici, c'est que souvent on nous reproche de
manquer de dynamisme, de ne pas avoir suffisamment dé gens à
l'affût de nouveaux clients.
Alors, pour améliorer les choses, l'industrie étudie non
seulement la question d'usinage, mais aussi la question de vente. Il est faux
de dire que l'industrie des pâtes et papiers du Québec a
étudié la question du marketing. Ce n'est pas l'industrie qui
favorise la question d'un marketing mais, par contre, certaines compagnies,
quelques compagnies du Québec, depuis le début de l'année
et même l'an dernier la chose a été amorcée
ont étudié quelles seraient les possibilités d'un
marketing, d'une agence de vente qui aurait groupé un certain nombre de
compagnies pour la vente du papier-journal. C'est une étude qui s'est
faite en profondeur avec consultation: consultation entre les compagnies,
consultation avec Ottawa, parce qu'il s'agit de briser une loi qui existe, par
laquelle les compagnies n'ont pas le droit de s'entendre ensemble pour la vente
des produits. Après étude, les compagnies concernées en
sont venues à la conclusion que les désavantages étaient
beaucoup plus grands que les avantages à retirer d'un "marketing
board".
M. BACON: Quels désavantages à peu près?
M. LACHANCE: Les désavantages, évidemment on peut en
parler à courte portée et à longue portée. A courte
portée il y aurait peut-être eu temporairement au point de vue du
revenu, un avantage, parce que les compagnies auraient peut-être
été capables, étant donné les besoins des
Etats-Unis en papier-journal qui sont considérables, de vendre à
un prix plus élevé, malgré que la chose ne soit pas
sûre. Parce qu'ils auraient pu s'approvisionner très rapidement
soit en Scandinavie ou dans l'ouest du pays, étant donné que ce
cartel, ce "marketing board" n'aurait été que pour les
producteurs de l'est du Canada. Mais les désavantages étaient
bien plus considérables que les avantages, parce que, imaginez les
éditeurs américains face à un cartel de ce genre au
Canada, ou pour une bonne partie des usines de papier-journal du Canada,
sûrement un groupe de celles du Québec. Cela n'aurait pas pris
grand temps, quand on considère que, dans le domaine du papier-journal
seulement, les Etats-Unis ont progressé avec une très grande
rapidité, dans la fabrication du papier-journal.
Ils sont encore capables de la faire, parce que leurs ressources sont
considérables. Au bout de trois ou quatre ans, on aurait vu d'autres
usines de papier-journal établies aux Etats-Unis, qui auraient suffi
à tous leurs besoins et nous serions restés avec notre
papier.
Cela était reconnu.
M. BACON : Vous aimez mieux avoir peur que de ne pas en vendre ou...
M. LACHANCE: Ce n'est pas l'idée, mais il faut tout de même
essayer de conserver un marché qui existe.
M. BACON: Mais est-ce que ce groupe de vente n'aurait pas pu ouvrir de
nouveaux marchés pendant ces trois ou quatre ans, qui auraient pu
satisfaire les producteurs ou leurs représentants.
M. LACHANCE: On cherche constamment de nouveaux marchés. Mais il
ne faut pas oublier que, dans le domaine du papier-journal, les Etat-Unis
consomment 41 p.c. de ce qui s'utilise dans le monde et nous leur vendons 70
p.c. de notre production. Alors, quand on considère ce besoin des
Etats-Unis et qu'on sait que la Scandinavie est là pour voir au
marché européen, c'est presque impossible pour nous de vendre sur
le marché européen par rapport à
toutes sortes de choses, par rapport aux droits d'entrée qu'on
exige pour le papier-journal et aux contingentements qu'on nous impose; c'est
très difficile.
C'est tellement vrai pour la France, avec qui on a d'excellentes
relations, que le Québec, en 1970 ou 1971, le dernier chiffre qu'on
mentionne, n'a pas pu lui vendre plus que 60,000 tonnes de papier-journal.
Pourtant, il y a des Français qui ont des intérêts dans la
compagnie Donohue qui fabrique du papier-journal. Ils ne l'achètent
même pas, parce qu'il leur reviendrait trop cher avec les frais de
transport.
Alors le marché est assez limité. On ne peut pas risquer
de perdre le marché américain, qui est notre marché
principal.
M. LESSARD: Dans d'autres produits que la pâte kraft par exemple,
comment expliquer qu'au début, lorsqu'on a lancé l'initiative de
Cabano, les compagnies forestières semblaient douter
considérablement de la possibilité d'un marché en
Europe?
M. BACON: ... mais il semble que ce n'est pas...
M. LESSARD: Allez-y. Je reviendrai.
M. BACON: Dans un autre domaine, l'analyse des tarifs du transport
ferroviaire qui apparaissent à l'annexe 3, à la page 69 de votre
mémoire, indique non seulement une disparité de tarifs à
l'avantage des usines américaines, mais également une
disparité de tarifs à l'avantage des usines ontariennes.
De quel ordre est la concurrence exercée par les usines
ontariennes à l'égard des usines québécoises sur le
marché des Etats-Unis?
M. LACHANCE: De quel ordre est la différence?
M. BACON: La concurrence exercée. En fait, au point de vue
concurrentiel, quelle est la...
M. LACHANCE: La différence de taux qui existe?
M. BACON: Oui, entre l'Ontario et le Québec.
M. LACHANCE: Oui, on en a parlé, je pense, un peu plus loin dans
le texte, dans l'appendice quand il s'agit de transport. Je pense qu'on a
donné des chiffres là-dessus. Si j'ai bonne mémoire, c'est
de 25 p.c. à 30 p.c. de différence dans les coûts de
transport de l'usine au client et, dans certains cas, ça peut aller
beaucoup plus haut que cela. Est-ce que ça répond à votre
question?
M. BACON: Oui. Juste une dernière question, je ne veux pas
prendre tout le temps réservé à la commission. Dans le
domaine des recherches, je ne sais pas jusqu'à quel point il y a des
recherches qui se font, mais quand vous arrivez à la question du papier
à imprimer, au processus offset dans l'imprimerie, vous dites que le
papier se rompt plus facilement, qu'il y a plus de bris. Qu'est-ce qui a
été fait à un moment donné de la part de votre
association pour essayer d'améliorer ou de prévoir de nouveaux
marchés ou de modifier vos produits? Parce qu'à un moment
donné, vous donnez l'impression que, même si on donnait tout
l'élan que vous demandez au point de vue des subsides et toutes ces
choses-là, même si vous dites que c'est sur une base temporaire,
c'est à se demander si vous dites qu'on ne peut pas avoir un "board"
pour le marketing, parce que les Etats-Unis se mettraient à ouvrir des
usines papetières. C'est encore une chose que vous devriez toujours
garder en ligne de compte parce que "board" ou pas, ils vont peut-être en
ouvrir, eux, des usines papetières, vous savez, sans vous le demander.
Qu'est-ce que vous faites?
M. LACHANCE: On fait énormément dans ce
domaine-là.
M. BACON: Qu'est-ce qui se fait dans ce sens-là? Bien, je n'ai
pas cette impression.
M. LACHANCE: Il se fait énormément, dans le domaine de la
recherche, recherche de marchés, recherche technique de toutes sortes,
en forêt comme en usine. Et dans les visites que vous...
M. BACON: Mais votre recherche vise quoi actuellement?
M. LACHANCE: Dans les visites que vous ferez, j'espère que vous
prendrez le temps d'aller à l'Institut de recherche de Pointe-Claire.
Cela m'effraie, cela m'estomaque de savoir combien il y a peu de gens au
Québec qui savent qu'on a à Pointe-Claire un centre de recherche
qui est un des tout premiers au monde. J'en ai visité en Europe et le
centre de recherche de Pointe-Claire est de toute première
qualité, avec un budget d'à peu près $3 millions par
année.
M. BACON: Est-ce qu'il travaille surtout sur des techniques de
production?
M. LACHANCE: Oui, il a travaillé sur les deux, c'est
divisé en deux parties. Il y a la partie de la forêt, la partie de
l'équipement forestier et il y a la partie technique. Et au point de vue
technique, on y a réalisé des choses formidables par exemple,
Verti-Forma et la Papridryer et, dans le moment, une compagnie de
Montréal est à fabriquer une des plus grosses machines à
papier pour ses besoins au Texas.
C'est, je pense, une machine qui sera fabriquée à
Montréal et qui sera envoyée aux Etats-Unis. Alors, au point de
vue de la recherche, c'est de toute première qualité, ce qui se
fait à Pointe-Claire. Pour les marchés, c'est la même
chose. Il y a des comités qui existent, qui étudient les
marchés constamment.
M. LE PRESIDENT: Messieurs, il est 12 h 30.
M. BACON: Seulement une petite chose.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je désirerais
vous faire observer je ne sais pas si mon collègue a
terminé ses questions que j'aurai à intervenir et assez
longuement à la reprise des travaux. Je tiens à informer tout de
suite le ministre que mon approche sera très différente de la
sienne.
M. LE PRESIDENT: La séance ajourne ses travaux à 2 h
30.
(Suspension de la séance à 12 h 34)
Reprise de la séance à 14 h 35
M. PILOTE (président de la commission permanente des richesses
naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!
Les questions qui ont été posées par le
côté ministériel concernant les pâtes et papiers sont
terminées et le ministre a manifesté le désir de poser des
questions à l'Association des industries forestières du
Québec, à M. Anatole Côté. Alors, la parole est au
ministre de l'Industrie et du Commerce.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le ministre des Terres et Forêts.
M. LE PRESIDENT: Excusez-moi, des Terres et Forêts.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): A moins qu'il n'y ait eu un remaniement cette
nuit.
M. DRUMMOND: En tout cas, je ne suis pas au courant.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ou peut-être ce midi.
M. VINCENT: A la suite des paroles du ministre ce matin.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que vous remplacez Mme
Kirkland-Casgrain aux Affaires culturelles?
M. DRUMMOND: J'aimerais bien faire cela, j'améliorerais mon
français.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'en serais très heureux
moi-même.
M. LE PRESIDENT: La parole est au ministre des Terres et
Forêts.
M. DRUMMOND: M. Côté, dans votre mémoire, vous
affirmez que les chemins d'accès construits par le gouvernement
coûteraient plus cher que ceux construits par vos membres. Avez-vous des
exemples à nous fournir à ce sujet?
M. COTE: M. le ministre, je n'ai pas d'exemple récent
malgré que je pourrais en trouver, parce que j'ai entendu certains
commentaires à ce sujet-là. Mais j'ai eu dans ma vie de forestier
un exemple où, à un certain moment, le gouvernement construisait
une route d'accès qui coûtait quatre ou cinq fois le mille ce
qu'il en coûtait aux compagnies pour construire une route de même
calibre.
M. DRUMMOND: Comment pourrait-on arriver à cela?
M. COTE: Tout simplement parce que l'en-
trepreneur qui construisait la route du gouvernement nous disait qu'il
était payé tant le mille pour la construire alors que la
compagnie en cause en construisait de semblables pour $8,000.
M. DRUMMOND: Vous voulez dire que les compagnies sont plus efficaces que
le gouvernement...
M. COTE: Pas nécessairement, c'est peut-être vrai, je crois
que c'est vrai même...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Aucun doute là-dessus.
M. DRUMMOND: Très bien, c'est une réponse. A la page 15 du
mémoire, je voudrais vous demander si vous avez fait une comparaison
entre la perte de la matière ligneuse causée par les insectes et
l'augmentation du coût d'exploitation causée par une nouvelle
orientation du programme de coupe pour rejeter cette mesure proposée par
le ministère des Terres et Forêts?
M. COTE: Une appréciation du coût additionnel qui
résulterait...?
M. DRUMMOND: Disons par rapport à la matière
ligneuse...
M. COTE: Oui, mais il est assez difficile de répondre à
cette question. Je peux vous dire, M. le ministre, que lors des
dernières épidémies de la tordeuse, on s'est
acharné à essayer de sauver les peuplements les plus
attaqués. En somme, on a déplacé les programmes de coupe
pour aller essayer de récupérer les peuplements les plus
endommagés. Comme conséquence, on coupait continuellement du bois
dans lequel on retrouvait jusqu'à 25 p.c. de pourriture, de
défauts, alors que le bois qu'on avait laissé de
côté comme étant encore de bonne qualité et moins
affecté pourrissait à son tour.
Alors, il y a des expériences du passé comme
celle-là qui doivent être prises en considération.
C'était ce danger que nous voulions signaler. Mais quant à la
perte exacte, je n'en ai aucune idée.
M. DRUMMOND: Dans votre optique, doit-on arroser dans de telles
circonstances?
M. COTE: Je crois que les arrosages sont nécessaires dans
certaines circonstances, mais c'est une question d'ordre technique et
économique et il est assez difficile pour moi de répondre
à la question que vous me posez sans avoir un cas précis.
M. DRUMMOND: D'accord. Si on peut retourner à la page 10, il
semble que vous croyez essentiel d'étudier la structure du coût
des produits forestiers provenant des petits proprié- taires forestiers.
Est-ce que vos membres sont prêts à publier leurs structures de
coût par unité d'aménagement de coût de la
matière ligneuse provenant de vos territoires affermés pour faire
les comparaisons entre les deux coupes?
M. COTE: Je ne saisis pas très bien la question, M. le ministre,
mais si vous nous demandez si les industries sont prêtes à publier
le coût de leur bois, cela s'est déjà fait dans le
passé.
M. DRUMMOND: Je ne parle pas globalement, je parle par unité
d'aménagement donnée. Parce que, lorsqu'on fait des comparaisons,
c'est très facile si on le fait globalement, mais par unité
d'aménagement...
M. COTE : Mais, dans plusieurs cas, devant la Régie des
marchés agricoles, cela a été fait.
M. DRUMMOND: Mais je parle d'une façon générale,
vos membres seraient-ils prêts à publier ces
chiffres-là?
M. COTE: Non. Cela a été fait de façon
particulière dans trois ou quatre cas, à ma connaissance.
M. DRUMMOND: Oui, oui, lorsqu'il faut faire la preuve, je suis d'accord
qu'on le fait, mais, de façon générale, je pose des
questions de cette façon parce que vous les posez de cette façon
en ce qui concerne les petits propriétaires.
M. COTE: Ce n'était pas tout à fait ce que nous voulions
dire, M. le ministre. C'était une étude de leur coût. Nous
étudions la question de la production, du transport, etc. Qu'est-ce qui
fait en somme que leur bois est de $5 plus cher que le même bois qui sert
à alimenter les industries du Maine, par exemple?
M. DRUMMOND: C'est pour ça que j'aimerais voir sortir les autres
chiffres, je ne sais pas si c'est vraiment $5 plus cher ou si on fait une
comparaison entre les oranges et les pommes.
M. COTE: Il y a certainement beaucoup de détails à
considérer, comme les essences en cause.
M. DRUMMOND: Avez-vous déjà évalué le
coût de maintien par l'industrie des pâtes et papiers des
territoires concédés dont la possibilité de coupe n'est
utilisée que partiellement? Si oui, avez-vous déjà
songé à vous départir de cet excédent pour
réduire les charges fixes et, partant, le coût du bois?
M. COTE: Je crois que M. MacLeod a une situation exactement semblable
à celle-là, si vous me permettez, je vais lui demander de
répondre à la question.
M. MacLEOD: Si je comprends bien, M. le ministre, vous demandez si nous
avons fait des calculs sur le coût qu'il y a à porter des
concessions qui ne sont pas utilisées...
M. DRUMMOND: Comme Péribonka peut-être.
M. MacLEOD: C'est ça, nous le faisons tout le temps. Dans le
mémoire, nous l'avons fait d'une manière globale. Chaque fois
qu'une compagnie fait une comparaison de sources d'approvisionnement de
matière première, elle prend en considération les
coûts fixes comparés avec les coûts variables. Dans les
coûts fixes, il faut prendre la rente foncière, la protection, etc
comme étant un des coûts fixes. Est-ce que ça répond
à votre question?
M. DRUMMOND: C'est-à-dire, même avec les taux, les
redevances actuelles, une concession forestière, selon vous est une
aubaine.
M. MacLEOD: Pas du tout, nous avons des concessions qui sont très
difficiles à maintenir parce que la coupe que nous faisons dessus est
minime. Ce sont les concessions loin de la civilisation et même les gens
de l'industrie de sciage ne sont pas en mesure d'avoir ce bois-là. Quand
c'est au pôle nord, ce n'est pas bien attrayant.
M. DRUMMOND: Je ne parle pas du grand nord, je parle de façon
générale. Vous semblez assez satisfaits de votre sort, en tout
cas.
M. MacLEOD: Vous parlez de mon sort personnel, M. le ministre?
M. DRUMMOND: Non, M. MacLeod.
A lire le mémoire de votre association, on a l'impression que les
territoires concédés ont été soumis au meilleur
aménagement qui soit. Alors, comment expliquez-vous le fait que, sauf de
rares exceptions telles que la Consolidated Paper, les distances
séparant les usines des parterres de coupe tendent à
augmenter?
M. COTE: Je crois, M. le ministre, qu'on a un peu appuyé sur ce
fait. Mais cette distance dont nous avons parlé et dont nous avons
tenté de nous servir pour justifier notre point de vue n'est pas la plus
importante. Parce que, de toutes les dépenses de transport que les
compagnies ont à subir ou à assumer pour alimenter leurs usines
les plus importantes sont celles qui ont cours de la souche à la
jetée en forêt. A partir de là, je pourrais vous donner un
exemple qu'on m'a fourni récemment et qui représentait une forte
quantité de bois.
Cela coûtait environ $6 pour le débuscage, $4 pour le
charroyage et $1 pour la drave qui servait probablement à transporter ce
bois à une centaine de milles.
M. DRUMMOND: Je ne sais pas si j'ai bien compris mais il me semble qu'en
ce qui concerne l'aménagement des territoires des compagnies
données, certaines font un aménagement pour égaliser la
distance du transport vers les usines. Mais il y en a d'autres qui ont
commencé, évidemment il y a plusieurs années, à
suivre la politique de toujours couper le bois qui est près. Il y a une
différence entre les deux politiques et les principes d'un bon
aménagement de nos forêts.
M. COTE: Oui, mais évidemment, il y a une question
là-dedans non seulement de politique mais aussi des essences
désirées que la compagnie veut couper. Elle est obligée
d'aller chercher ces essences où elles sont. D'autres sont en affaires
depuis assez longtemps qu'elles seront bientôt de retour aux endroits
coupés en premier lieu, si on ne les leur enlève pas.
M. DRUMMOND: Non, mais c'est-à-dire qu'il y a deux philosophies
qui sont un peu différentes dans la façon de procéder.
M. COTE: Oui, je dirais que ça peut varier.
M. DRUMMOND: Bien, d'accord. Dans un autre ordre d'idées, vous
semblez craindre que l'imposition de restrictions concernant l'exploitation
mécanisée, dans le but de protéger le milieu, n'accroisse
les coûts de la matière ligneuse. Ne croyez-vous pas que ça
devrait également s'appliquer à la forêt, le principe
accepté par l'industrie en matière de lutte contre la pollution
de l'eau et de l'air, à savoir que celui qui pollue doit assumer les
frais de remise en état de l'environnement? Comprenez-vous la
question?
M. COTE: Oui, c'est une question à double tranchant.
M. DRUMMOND: Oui.
M. COTE: Il est évident que nous craignons cette mesure qui est
dans le livre blanc, à l'effet que le ministère entend prendre
des mesures nécessaires pour éliminer les dommages. Mais c'est
parce que nous ne savons pas exactement ce que vous voulez dire et nous n'avons
aucune idée de ce que ça pourrait coûter. Alors, c'est le
défaut de bien des déclarations du livre blanc, de bien des
mesures qui, nous dit-on, vont nous aider. Nous n'avons aucune idée de
ce qu'elles vont représenter. C'est pourquoi notre mémoire
voulait exprimer une opposition à votre livre blanc, lui poser des
objections comme vous nous aviez invités à le faire, M. le
ministre, dans votre lettre nous invitant à nous présenter
ici.
Je comprends votre réaction de ce matin mais, tout de même,
j'ai trouvé que nous ne faisions qu'exprimer une objection, comme vous
nous aviez invités à le faire.
M. DRUMMOND: Nous pouvons rester amis même si nous n'avons pas
nécessairement le
même point de vue sur tous les sujets, M. Côté. M.
COTE: Certainement.
M. LESSARD: C'est une amitié dangereuse de la part d'un
ministre.
M. DRUMMOND: Je suis toujours ami de tout le monde, même toi, mon
vieux.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Là, vous prenez un risque.
M. DRUMMOND: A la page 4 de votre mémoire, ce matin, il y avait
un tableau qu'on n'a pas vu dans le mémoire, en parlant du pourcentage
d'utilisation des limites avec usines à pleine capacité. Dans les
dix dernières années, combien des usines de la province, grosso
modo, ont fonctionné à 100 p.c. de leur capacité?
M. COTE: Je n'ai pas de chiffres là-dessus, M. le ministre, mais
peut-être qu'en consultant mes compagnons, je pourrai vous donner une
réponse. Paraît-il qu'il faut retourner à 1955 ou 1956
où on a même dépassé les 100 p.c.
M. DRUMMOND: Il y a assez longtemps. En utilisant 100 p.c. ce n'est pas
tellement réaliste. Je pose la question parce que, quand on a pris la
moyenne des huit dernières années, on a trouvé que
l'utilisation vis-à-vis du potentiel de la forêt n'était
que de 58 p.c. de la possibilité.
J'aimerais évidemment faire l'analyse de nos chiffres avec les
vôtres parce que nous les avons reçus seulement aujourd'hui, mais
lorsqu'on parle de 58 p.c. de la possibilité comme moyenne, ce sont nos
chiffres.
M. COTE: Oui.
M. DRUMMOND: Alors, il faut faire l'analyse des nôtres. Il y a un
écart...
M. COTE: Il y a quelque chose de plus alarmant que le pourcentage
d'utilisation passée, M. le ministre. C'est l'augmentation dans la
capacité des usines qui nous révèle que, dans huit ans, si
cela continue à ce taux-là, la possibilité entière
sera utilisée.
M. DRUMMOND: Cela pourrait être vrai mais j'ai remarqué
l'année dernière la fermeture de CIP à Kipawa et aussi de
Domtar à Trois-Rivières. It is a two-way street.
M. COTE: Cela est évidemment regrettable quand cela se produit.
Mais on nous dit à plusieurs reprises au cours de ces assises que l'on a
accusé l'industrie de ne pas s'être rationalisée, de ne pas
s'être modernisée. Si vous regardez ce qui se passe aux
Etats-Unis, aujourd'hui, il y a trois papeteries dans les Etats du nord-est qui
viennent de fermer dans les derniers trois ou quatre mois. En Suède, on
en a fermé par douzaine. Dans le seul secteur de la fabrication de la
pâte, on atteint le chiffre de 25 usines. A un certain moment, il y en
avait plus de 100, même 170.
M. DRUMMOND: Comment pourrait-on vraiment alors geler nos programmes
sociaux lorsqu'on parle ainsi?
M. COTE: C'est une question qui s'adresse à M. Lachance.
C'était dans son mémoire.
M. LACHANCE: Quelle est la question.
M. DRUMMOND: Nous parlions de la fermeture des usines pour la
rationalisation de la production et j'avais posé la question: Comment
pourrait-on vraiment concilier cela avec la recommandation de geler nos
programmes sociaux?
M. LACHANCE: Je ne pense pas que nous ayons recommandé... Oui,
nous avons recommandé de ne pas aller de l'avant dans de nouveaux
programmes d'aide sociale. Mais nous n'avions pas du tout l'intention que le
gouvernement se soustraie à l'aide sociale. Mais quand il arrive des cas
particuliers comme la fermeture d'une usine, il me semble que c'est tout
à fait normal qu'il y ait de l'argent de dépensé dans des
programmes, surtout de réallocation de la main-d'oeuvre et c'est surtout
cela qui compte, si on veut y penser à longue portée. Alors, nous
ne pouvons pas nous y opposer. Au contraire, nous sommes toujours prêts
à aider, et nous le faisons, à réorienter la main-d'oeuvre
qui se trouve privée de travail.
M. DRUMMOND: Une dernière question. Si une usine comme celle de
Kipawa ferme, dans le système de concession forestière actuel,
est-ce qu'on doit avoir un mécanisme automatique pour retirer cette
concession ou cette partie des concessions qui approvisionnent une telle usine
qui vient de fermer?
M. COTE: Je crois, M. le ministre, que vous soulevez un problème
particulier.
M. DRUMMOND: Non. Pour n'importe quelle fermeture. C'est une question
peut-être pas générale mais cela peut s'appliquer à
n'importe quelle fermeture.
M. COTE: Est-ce que vous n'avez pas dans la loi des mesures
prévues dans des circonstances comme celles-là?
M. DRUMMOND: Nous pouvons toujours reprendre les concessions mais je
parle de votre point de vue.
M. COTE: Je crois que vous devriez regarder l'investissement de la
compagnie dans ces concessions et si vous voulez...
M. DRUMMOND: Est-ce que nous devons regarder aussi le fait qu'elles ont
fait beaucoup de profits, peut-être dans les années
antérieures, en tenant compte de ce que nous devons payer pour cette
concession?
M. COTE: Je crois que l'un n'a aucun rapport avec l'autre.
Le gouvernement consent à accorder une concession à une
industrie en présumant et espérant qu'elle fera une contribution
valable à l'économie de la province, si elle réussit
à faire des profits, j'espère qu'elle va réussir, parce
que l'entreprise est vouée à l'échec si elle ne
réalise pas de profits.
M. DRUMMOND: Je ne suis pas contre le profit, ce n'est pas cela, mais
seulement lorsque ça ferme. Lorsqu'elles ont pris cette concession,
c'était pour faire de l'argent avec leur usine. Si on reprend la
concession, il me semble logique qu'on devrait tenir compte des profits faits
par cette usine dans le passé. C'est très beau de parler des
investissements, mais il y a aussi un coût social qui retombe sur le
gouvernement en essayant de régler une telle situation. Il faut tenir
compte de tous les aspects du problème.
M. COTE: Il y a du positif et du négatif dans cela, M. le
ministre, vous devez compter si l'usine a été en exploitation
pendant 40 ou 50 ans, elle a fourni un apport économique
considérable à la communauté en cause sous forme
d'emplois, sous forme de taxes et ainsi de suite.
M. DRUMMOND: Et sous forme de dividendes. Je ne suis pas contre cela. Il
y a du pour et du contre. J'accepte cela. Cela termine mes questions. Merci, M.
Côté.
M. COTE: M. le ministre, si vous me permettez un mot de plus, ce matin
vous nous avez dit que nous semblions nous attaquer à vos
fonctionnaires; j'aimerais dire à la commission ce n'est pas du tout le
cas et, comme preuve à l'appui que nous estimons les fonctionnaires des
Terres et Forêts, nous vous proposons de continuer de leur confier
l'administration de la forêt au Québec, alors que vous proposez
autre chose.
M. DRUMMOND: Pas pire!
M. LE PRESIDENT: La parole est au député de
Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci, M. le Président, au moment de la
suspension de la séance pour le déjeuner, je faisais observer que
l'approche que j'entendais avoir ne serait pas nécessairement celle du
ministre. Il serait évidemment peut-être électoralement
plus rentable de me lancer dans une grande attaque contre les entreprises de
pâtes et papiers, de les charger de tous les péchés
d'Israël et de leur faire des procès de fait et d'intention. Or, je
vis dans une région où, avec l'aluminium, l'industrie des
pâtes et papiers, l'industrie du bois en général a
été la grande source de promotion et de vie économique.
Cela ne surprendra par conséquent personne si je me porte, non pas
à la défense des industries des pâtes et papiers, de toutes
autres industries du bois, mais si j'essaie d'apporter quelques nuances aux
propos qui ont été tenus notamment ce matin par le ministre.
Hier, le ministre s'est fait dire par les représentants de la CSN qu'il
était de plus en plus évident que le gouvernement Bourassa
n'avait pas changé son attitude devant le lobbying des pâtes et
papiers. Je ne sais par quel exercice de pénitence catholique ou
anglicane le ministre ce matin s'est revisé et, venu à
résipiscence, a confessé jugement et a décidé
d'épouser une thèse qu'il avait rejetée hier, soit la
thèse socialiste de l'étatisation complète qu'avait
proposée la CSN.
M. DRUMMOND: Soyons logiques, j'avais exprimé certaines
réticences sur certaines organisations préconisées par la
CSN. C'est tout simplement cela.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'était le début de votre
confession.
M. DRUMMOND: Pas une confession, j'avais dit que cela manquait un peu de
réalisme. C'était seulement cela.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je sais que dans votre religion vous pratiquez
le libre examen.
A tout événement, M. le Président, permettez-moi de
vous dire que l'attitude du ministre m'a un peu surpris. Je ne m'attendais pas
et je ne souhaitais pas non plus qu'il défendit les compagnies de
pâtes et papiers. Mais j'aurais voulu cependant qu'il abordât le
problème avec plus de sérénité et qu'il nous
indiquât quelles étaient réellement ses intentions en ce
qui concerne le réaménagement du territoire forestier du
Québec. Au contraire, le ministre a fort mal pris les observations qui
ont été faites par les deux associations qui se sont
présentées et qui ont déposé des mémoires
dont nous avons maintenant les textes. Il ne me paraît pas à
l'analyse que ces mémoires comportent une critique qui puisse être
interprétée comme un refus de collaboration avec le
gouvernement.
On y dit notamment, dans l'un d'entre eux qu'en principe, l'on accepte
l'intention du gouvernement de procéder au réaménagement
du territoire forestier, avec cependant des réserves extrêmement
sérieuses, étant donné la répercussion qu'une
action accélérée du gouvernement pourrait avoir sur la
situation actuelle des pâtes et papiers et sur l'avenir de l'industrie du
bois en général.
Mais le ministre a sursauté lorsqu'on a dit que ses livres
blancs, enfin, que son livre blanc, qui est vert, semblait avoir
été préparé en
cabinet, dans une sorte de tour d'ivoire. Le ministre a sursauté
lorsqu'on a fait cette observation. Pour ma part, cela ne m'a pas fait
sursauter du tout parce que d'expérience, je sais comment sont
préparés les livres blancs et cela n'implique pas du tout que les
fonctionnaires qui les préparent, qui y travaillent, ne soient pas
compétents. Seulement il y a une dimension pratique qui échappe
quelquefois à ceux qui n'ont pas l'habitude du travail sur le
terrain.
A ce propos, je voudrais immédiatement poser une question
à M. Lachance, ainsi qu'à M. Côté. Est-ce que le
ministère des Terres et Forêts a consulté vos associations
avant de préparer son document qu'on appelle le livre blanc?
M. LACHANCE: M. le Président, évidemment, la
réponse est non, pour autant que le Conseil des producteurs des
pâtes et papiers est concerné. Et je puis dire aussi,
malgré que je ne voudrais pas interpréter non plus l'opinion de
M. Côté, mais j'ai l'assurance que la même chose s'est
produite en ce qui concerne l'Association des industries de pâtes et
papiers.
Nous n'avons aucunement été consultés dans la
préparation du livre blanc qui, comme vous venez de le dire, a une
importance vitale sur notre industrie et sur l'industrie forestière,
dans l'ensemble.
M. COTE: M. Tremblay, pour éviter toute équivoque, je
crois qu'il serait bon de dire qu'en ce qui nous concerne, nous ayons eu
l'occasion et le privilège, je dirais, d'avoir des explications
personnelles de la part du sous-ministre, après la publication du tome I
du livre blanc. Mais cela ne veut pas dire que nous avons eu l'occasion
d'exprimer nos vues de façon précise sur le contenu du tome II
qui est le plus important et qui consiste en des recommandations
concrètes.
M. LACHANCE : Je pourrais peut-être ajouter pour ne pas froisser,
certes pas avec intention, les ingénieurs du ministère des Terres
et Forêts, qu'il existait et qu'il existe encore, à ma
connaissance, un comité.
Et des rencontres ont eu lieu entre M. Duchesneau, le sous-ministre, et
des représentants d'associations des industries forestières pour
discuter de différents problèmes.
Mais en aucun temps avons-nous pu discuter parce que ces
choses-là étaient réellement tenues en cabinet; nous
n'avons jamais été consultés quant à l'orientation
à donner à une nouvelle politique forestière.
M. DRUMMOND: Et c'est la même chose pour n'importe quelle autre
association, nous sommes toujours en contact avec les autres associations, sur
tous les problèmes de l'industrie. Mais d'une façon formelle, la
réponse est correcte.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): La réponse est non. Bon, alors, je n'ai
pas besoin...
M. DRUMMOND: De façon formelle.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, de façon formelle. Je ne
demanderai pas au ministre de préciser cela parce que nous aurons
l'occasion d'y revenir.
Alors, M. le Président, je reviens à ce que je disais au
départ, il me paraît y avoir, entre le livre blanc du
ministère des Terres et Forêts et les mémoires dont nous
avons pris connaissance hier et aujourd'hui, une différence de
conception.
D'un côté, le livre blanc du ministère des Terres et
Forêts semble favoriser, je ne dirai pas le socialisme comme tel parce
que j'imagine que le ministre des Terres et Forêts n'est pas socialiste,
à moins qu'il n'appartienne que de nom au parti dont il est membre... il
m'apparaît que la politique du livre blanc procède d'une
volonté d'étatisation généralisée du domaine
forestier.
J'aimerais savoir de M. Lachance et de M. Côté s'ils
acceptent la thèse d'une économie de concertation entre l'Etat,
les travailleurs et l'industrie dans le domaine de l'exploitation
forestière.
M. LACHANCE: M. le Président, nous sommes les premiers à
admettre qu'il n'y a pas de progrès dans le statu quo. Nous ne sommes
pas intéressés au statu quo. S'il y avait eu un statu quo dans
l'industrie des pâtes et papiers, nous n'aurions pas 56 usines au
Québec. Par contre, nous aimerions, comme je le disais ce matin, afin
qu'il y ait profit pour tout le monde, qu'il y ait des réunions plus
fréquentes et qu'une politique puisse s'élaborer à la
suite de discussions techniques et autres entre le gouvernement et les
intéressés.
Que les syndicats expriment leur point de vue au gouvernement au sujet
de travail en forêt ou en usine, libre à eux et je pense que c'est
leur droit de le faire, mais il me semble que l'industrie devrait, elle aussi,
avoir les mêmes droits. Evidemment, c'est très intéressant
de venir ici devant vous, discuter de ces problèmes, mais vous allez
admettre que nous n'avons pas un tableau noir où nous pourrions
expliquer, de façon beaucoup plus claire, beaucoup plus
intéressante probablement, des problèmes fondamentaux qui sont
d'intérêt aussi grand pour vous qu'ils le sont pour nous.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Côté, je vous pose la
même question.
M. COTE: Je crois que j'ai peu à ajouter à ce que le Dr
Lachance vous a dit, M. Tremblay. Je vais passer outre, si vous voulez.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Bon. Alors, M. Lachance, dans les
mémoires, soit le vôtre ou celui de votre collègue, M.
Côté, il est question de ce problème de la création
d'organismes gouvernementaux ou paragouvernemen-taux. Vous semblez craindre
et je partage, à
certains égards, vos craintes à ce sujet
l'apparition, la naissance de multiples organismes gouvernementaux et
paragouvernementaux pour des raisons d'efficacité, de coûts, etc.
Est-ce que vous pourriez nous fournir des renseignements additionnels ou
préciser davantage votre pensée à ce sujet? Parce que,
hier, nous avons entendu des plaidoyers en faveur de la création
d'organismes gouvernementaux ou paragouvernementaux qui seraient responsables
de l'exploitation, de l'aménagement forestier, etc., et cela, de
façon exclusive.
M. COTE: M. Tremblay, il est vrai que nous craignons la formation de ces
organismes paragouvernementaux, parce qu'il en existe déjà
quelques-uns et leur efficacité est loin d'être
démontrée, mais ce n'est pas surtout là où
réside notre crainte. Nous voyons, dans une société de
gestion, par exemple, une émasculation du ministère des Terres et
Forêts. En somme, que va-t-il rester des principales activités du
ministère si cette société de gestion prend en main la
protection, l'aménagement, l'inventaire, etc., tel
qu'énuméré dans le livre blanc? Nous craignons que le
ministère des Terres et Forêts devienne une agence de
planification avec un personnel beaucoup trop nombreux. Parce que, connaissant
les difficultés qu'ont les ministères de muter leur personnel, il
est fort probable que tous ceux qui sont en place demeureront là,
certains d'entre eux iront, probablement à la société de
gestion mais nous avons l'impression bien nette que cela va coûter
beaucoup plus cher que cela ne coûte aujourd'hui.
De plus, il y a un autre point. Le livre blanc ne nous parle nullement
de la composition de la société de gestion. Qui va en faire
partie? Si c'est pour être en majorité des fonctionnaires du
ministère, quelle est l'utilité de former cette
affaire-là? Qu'on forme tout simplement un groupe dans les structures
actuelles et qu'on lui confie les tâches de gestion,
d'aménagement, etc.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Côté, si vous permettez, pour
compléter ce que vous venez de dire, est-ce qu'en parlant de cette
agence de planification, vous souhaiteriez, s'il doit en exister une, qu'elle
soit composée de représentants du monde de l'industrie, des
ouvriers et du gouvernement par ses fonctionnaires?
M. COTE: Je n'ai pas confiance personnellement, je ne parle pas au nom
de l'industrie, parce que je n'ai pas de mandat pour vous donner leur attitude
là-dessus, mais je crois que les fonctionnaires aux Terres et
Forêts sont compétents pour faire la planification qui s'impose
dans l'exécution de leur devoir, mais la planification ne doit pas
devenir une raison d'être. Alors, il n'est pas nécessaire aux
Terres et Forêts d'avoir une organisation monstre pour s'acquitter des
besoins de la planification.
M. LACHANCE: Puisque la question de M. le Président s'adressait
à M. Côté et à moi, il me semble qu'il faudrait dire
aussi, sans vouloir embarrasser M. le ministre des Terres et Forêts, que
le ministre lui-même semble d'accord avec nous quant à
l'efficacité et l'économie à réaliser dans des
questions de ce genre-là, puisque lui-même disait, et on le
retrouve dans les débats de l'Assemblée nationale du 20 juin:
Plusieurs craignent d'ailleurs que la prise en main par l'Etat de la gestion de
ses propres forêts ne nuise plutôt aux utilisateurs à cause
de la réputation des gouvernements d'être de mauvais
gestionnaires. Cette crainte, nous la partageons. Alors, il me semble qu'on ne
peut pas s'attarder tellement longtemps à savoir qui des deux est le
plus efficace puisque le ministre lui-même admet que l'entreprise
privée est plus efficace que le gouvernement. Mais cela n'empêche
pas du tout que le gouvernement en conserve la garde, et cela a
été heureux pour le Québec, parce que, somme toute, le
gouvernement a la responsabilité des forêts d'Etat, les
forêts où nous travaillons, même si nous avons des baux.
Cela demeure tout de même une forêt de l'Etat où il est
très normal et logique que ce soit le gouvernement qui en garde la haute
direction.
Je pense que c'est ce qui existe au Québec depuis 1909 et
même avant, mais certainement depuis 1909, quand le gouvernement a cru
bon de créer un service forestier qui, dans les années qui ont
suivi et en 1920, forçait tous les concessionnaires à maintenir
des plans d'aménagement que lui devait approuver et qu'il a
approuvés, de fait, année après année.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela m'amène, M. Lachance, à
vous poser une question directe sur les propositions du livre blanc en ce qui
concerne les divers modes d'allocation du territoire, allocation de type
contractuel, d'approvisionnement à long terme, de permis d'usage, de
contrats d'approvisionnement à moyen terme. Dans l'optique du mode de
fonctionnement de vos industries, quels peuvent être, à court
terme, à moyen terme ou à long terme, les effets d'abord, sur la
viabilité de vos entreprises, sur leur rentabilité, sur le
coût du bois et quelles peuvent être les retombées dans le
domaine de l'emploi?
M. LACHANCE: C'est un problème très compliqué et
qui demanderait énormément de temps pour, je pense, vous donner
une réponse satisfaisante. Je pense que ce qui est inquiétant
dans une réallocation globale de toutes les forêts du
Québec, sans que la méthode ait été au
préalable essayée sur une base pilote, d'étude pilote, ce
qui est inquiétant, c'est que, dans le moment, il est admis que tous les
concessionnaires forestiers maintiennent leurs forêts sous un rendement
soutenu, ce qui veut dire à perpétuité. C'est reconnu du
ministère autant que nous. Ce qui veut dire que, comme je le disais ce
matin, les premières coupes ont été
faites au proche et qu'on s'éloigne graduellement pour
après cela avoir un équilibre quand tout un territoire aura
été ouvert. Si, du jour au lendemain, on enlève les
concessions aux compagnies, il y aurait peut-être autrement des
modifications à faire au système actuel; c'est pour cela que je
parlais de statu quo. Il y aurait peut-être moyen d'étudier des
modifications au système actuel sans tout bouleverser. Ce qui arrive,
c'est qu'on passe par-dessus bord ces plans d'aménagement qui ont
été conçus, approuvés et qui sont très
coûteux, que l'on passe par-dessus bord des plans d'aménagement
des forêts du Québec à perpétuité. Parce que,
si on soustrait du concessionnaire les parties du bois qui sont rendues
à 40 ou 50 ans, si on lui enlève ces parties, on brise
l'équilibre qu'il y a dans son plan d'aménagement qui veut qu'il
y ait du bois très jeune et du bois prêt à couper,
mûr. Alors, là, il y a certainement un
déséquilibre.
Mais ce qui compte pour nous, c'est que nous soyons capables, de concert
avec le gouvernement, que ce soit par le truchement des concessions
forestières modifiées ou par d'autres formules, ce qu'il faut
à l'industrie du Québec si elle veut se maintenir et progresser,
c'est de trouver ensemble les moyens pour qu'on ait à nos usines un bois
qui nous coûte moins cher. C'est aussi simple que cela, la prise de
position des compangies papetières. Qu'on parle d'allocation à 30
ou 40 ans, pourvu qu'on soit capable et qu'il nous soit assigné un
terrain propre. Pourquoi veut-on un terrain propre où on serait les
seuls à couper les essences d'un terrain donné? Justement pour
cela. Parce que cela demande de la planification dans l'industrie. On ne fait
pas des coupes de bois au hasard. Les plans d'aménagement le
prévoient. Ils prévoient des révisions constantes dans les
plans actuels. Et c'est nécessaire. Parce qu'on n'ouvre pas un terrain
du jour au lendemain. Il faut d'abord déblayer le terrain, le laisser
essorer, préparer seulement la route et, une troisième
année, peut-être, la finir. Alors, cela demande des plans
d'opération qui sont à longue portée. Il faut que les
terrains soient délimités et qu'on soit certain d'orienter les
coupes de la bonne façon sur un terrain où nous faisons
nous-même les coupes.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, compte tenu, M. Lachance, de ce que
vous venez de dire, vous n'auriez pas d'objection de principe à cette
formule de contrat d'approvisionnement à long terme...
M. LACHANCE: C'est exact.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pourvu que les terrains soient bien
délimités.
M. LACHANCE: Pourvu que les terrains soient bien délimités
et qu'on y retrouve la même qualité et la même
quantité de bois dont on a besoin.
Parce que, voyez-vous, dans un changement tel que proposé, c'est
bien beau prévoir pour le Québec une utilisation à 100
p.c. des ressources forestières; j'ai étudié
l'aménagement en 1940, à Québec et aux Etats-Unis, j'ai
préparé une thèse qui traitait exclusivement des
ressources forestières du Québec en fonction de l'industrie des
pâtes et papiers et j'ai eu de longues discussions avec mes professeurs
d'aménagement et d'économie, à savoir si c'était
bien et si dans l'aménagement d'un territoire à 100 p.c, l'on
devait garder 20 p.c. des réserves en cas d'épidémie et de
feu.
Alors, si on distribue la possibilité globale d'un endroit
donné du Québec, dans un territoire donné et que l'on ne
se garde pas des réserves en cas d'épidémie ou de feu, eh
bien, qu'arrivera-t-il? Des fermetures considérables et à long
terme d'usines, à moins qu'on ne trouve le bois ailleurs qui nous
reviendrait à des prix exagérés. Là on devrait
parler de subventions de l'Etat envers les industries, ce à quoi on ne
tient pas.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, M. Lachance, dans cette optique,
cette perspective, supposons que vous ayez un territoire délimité
correspondant aux normes qui seraient de nature à assurer la
viabilité de vos entreprises et leur rentabilité. Qu'en est-il de
l'utilisation de certaines essences de bois dont on dit que vous en êtes
les propriétaires à l'heure actuelle et que vous ne les utilisez
pas au détriment par exemple, de l'industrie du bois de sciage, de
l'industrie du meuble, etc.? Ce sont des reproches qu'on vous fait souvent et
c'est peut-être là un des actes d'accusation les plus souvent
répétés contre les entreprises que vous
représentez.
M. LACHANCE: Oui, M. le Président, il n'y a aucun doute que c'est
une remarque qu'on nous fait savoir, que nous ne disposons pas tellement
volontiers d'essences que nous n'utilisons pas. On dit même que l'on
réclame trois droits de coupe à celui qui en a besoin. Admettons
que les concessions que nous avons nous donnent le droit exclusif à
toutes les essences. Par contre, en fait et en pratique, je pense que le
ministère est prêt à admettre que depuis une dizaine
d'années surtout parce que cela se faisait auparavant aussi
les compagnies ne disposent et n'utilisent que les bois dont elles ont besoin.
Les bois francs, depuis dix ans, ce sont d'autres qui les utilisent, à
moins qu'il y ait une usine, une de nos usines qui aient besoin de bois franc.
Evidemment notre usine va prendre sa part de bois franc dans la concession
qu'elle détient. Mais dans l'ensemble, de concert avec le gouvernement,
les compagnies se sont réunies à plusieurs reprises et elles ont
distribué le mieux possible les ressources, les essences, feuillues
surtout, dont avait besoin l'industrie du sciage. Les compagnies ont
été très raisonnables parce que les demandes
étaient tellement fortes durant les
dix dernières années, que les compagnies se sont
opposées à ce qu'on épuise tellement rapidement les
essences feuillues. Si on avait cédé à cette utilisation
très grande des feuillus, eh bien, il n'y aurait plus de feuillus
disponibles au Québec dans le moment, tandis qu'il en reste
peut-être encore pour environ huit ans. Parce que la politique du
gouvernement, je pense, quant à l'utilisation des feuillus, a
été une politique d'épuisement et non pas une politique
à rendement soutenu. Je peux les comprendre à ce point de vue,
parce que les essences feuillues, à part évidemment les terrains
au sud du fleuve, ne sont pas de tellement belle qualité.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, est-ce que je peux conclure, M.
Lachance, de ce que vous venez de dire que vous accepteriez sous toutes
réserves des normes que vous voudriez voir appliquer, la proposition
qu'on trouve dans le livre blanc, le permis d'usage, à
l'intérieur des territoires qui seraient désignés et
affectés à vos opérations?
M. LACHANCE: Sans aucun doute, M. le Président, puisque ça
existait déjà. Les usagers ont des permis de coupe sur les
concessions des compagnies de pâtes et papiers. J'aimerais aussi, pour le
bénéfice des membres de la commission, revenir sur une citation,
sur un point mentionné dans le livre blanc ou par le ministre dans son
discours je ne me rappelle pas exactement où à
l'effet que nous imposons jusqu'à trois droits de coupe à ceux
qui coupent sur nos concessions des essences comme le merisier, le bouleau ou
autres. Il me semble qu'il faut tout de même être logique et
honnête à ce point de vue-là. Il s'est chargé deux,
trois droits de coupe pour celui qui en avait besoin. Mais ce qu'on ne dit pas
par exemple, malheureusement, on ne l'a même pas dit dans le rapport de
la commission Bélanger, on ne dit pas que le premier droit de coupe, la
compagnie doit le verser au gouvernement. Le deuxième droit de coupe ou
le troisième, suivant la position des peuplements que la tierce personne
veut couper, tient compte d'un pourcentage de la construction du chemin, du
mesurage, aussi et très souvent de l'utilisation des camps, aussi de la
protection contre le feu et la rente foncière, enfin des charges que la
compagnie assume, qu'elle doit verser, qu'elle doit payer.
Je ne veux pas dire, vous savez, qu'on est sans péché, je
ne veux pas dire non plus qu'il n'y a pas eu parfois des exagérations,
probablement qu'il y en a eu, mais par contre, je pense que, dans l'ensemble,
on peut être logique et dire que cela a été très
bien fait.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, dans une des objections que nous
avons entendues, hier et avant-hier, on nous a parlé, ce sont les
associations de sciage qui nous ont dit ça, que vous les mainteniez dans
un marché captif et qu'il n'était pas possible pour elles de
négocier avec d'autres entreprises, soit en dehors du Québec ou
ailleurs, la vente de copeaux etc. Qu'est-ce que vous avez à dire au
sujet de cette accusation qui a été portée hier ou
avant-hier, par les entreprises de sciage?
M. COTE: Je crois, M. le député, que cette accusation
s'adressait plus au ministère. On disait qu'il leur était
impossible d'offrir ce produit, les copeaux, à l'étranger. Mais
c'était à cause de restrictions d'exportation dans les produits.
Je ne vois pas comment l'industrie du sciage est empêchée par
l'industrie des pâtes et papiers d'aller vendre ses copeaux à
l'extérieur.
M. DRUMMOND: C'est exact.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je vous pose la question, parce que, selon la
façon dont cela a été formulé, on laissait entendre
que vous aviez fort à faire dans ce domaine.
Maintenant, vous avez parlé tout à l'heure du besoin de
certaines de vos industries à vous, et il y a un exemple qui me vient
à l'esprit. Je pense que c'est M. MacLeod qui pourrait peut-être
me répondre là-dessus. Qu'est-ce qui justifie enfin l'existence
d'une scierie à Notre-Dame-du-Rosaire et le gel, pour ainsi dire, d'une
concession, d'un territoire assez important, à proximité de la
rivière Péribonka?
M. MacLEOD: M. le Président, je parle comme un pauvre dans le
moment, alors, faites attention à vous.
M. Barry nous a traités de cette manière avant-hier en
disant en même temps qu'il voulait avoir des meilleures relations avec
l'industrie de pâtes et papiers. En ce qui concerne notre usine sur la
rivière Péribonka, c'est une scierie que nous avons construite en
1966 et nous avions trois buts principaux en considérant et en
approuvant la construction. Le premier but était que nous avions
anticipé de faire un profit, de faire une scierie rentable.
Cette scierie était la première au Canada à se
servir d'un nouveau système appelé le "Soderham Chipper Canter."
C'en était la première application commerciale. La compagnie
Domtar l'avait expérimenté et nous avons essayé
d'être des pionniers. Malheureusement, nous n'avons jamais fait de profit
si ce n'est depuis deux mois.
La deuxième raison était que nous avions une concession
considérable en étendue sur la rivière Péribonka,
qui était une réserve plus ou moins, pour notre usine à
Port-Alfred, qui n'avait pas d'autres concessions situées tout
près. Alors, pendant l'histoire de cette concession, qui date de 1923 ou
quelque chose du genre, nous avons fait des échanges avec la compagnie
Price afin d'essayer d'exploiter la concession au moins à la
moitié ou à un tiers de sa capacité. Mais cette entente
s'est terminée en 1965 et, par la suite, nous avons voulu essayer de
faire une ouverture. Nous avons cessé nos
opérations de coupe pendant un an et nous voudrions les reprendre
afin d'avoir les copeaux pour Port-Alferd et le bois en pâte. S'il y
avait un manque de bois des autres sources d'approvisionnement, c'est beaucoup
plus facile de se procurer du bois quand il y a une exploitation en marche que
de faire démarrer une exploitation. Cela prend un an de planification
avant de pouvoir faire une coupe. Alors, le but était d'avoir une
réserve à la portée de la main en cas de pénurie de
bois à Port-Alfred.
La troisième raison vous direz peut-être que
c'était primordial mais je dis que c'est la troisième
était que nous ne voulions pas garder une grande concession sans faire
quoique ce soit avec, parce que je crois et notre compagnie croit que c'est
nécessaire d'essayer de faire une exploitation sur une concession parce
que nous prenons le risque de la voir prise par une autre ou d'avoir à
en donner une partie à une autre. Est-ce que cela répond à
votre question?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, cela répond à ma question.
Maintenant, M. Lachance et M. Côté, je reviens à certaines
propositions du mémoire des producteurs de pâtes et papiers. Vous
suggérez au gouvernement des mesures, un allégement, par exemple,
ou la suppression d'une partie des impôts, redevances, etc.,
réduction à 50 p.c. par cunit du droit de coupe, réduction
du taux annuel de la rente foncière, enfin, l'ensemble des
requêtes que vous présentez et ensuite la question de la politique
en vertu de laquelle le gouvernement paierait le coût de construction des
chemins d'accès dans les régions forestières. Si nous
prenons l'ensemble de ces recommandations et si nous essayons de supputer le
coût que cela pourrait représenter pour l'ensemble de votre
exploitation, qu'est-ce que cela pourrait apporter comme élément
stabilisateur ou élément de promotion dans la relance de
l'industrie des pâtes et papiers? A combien estimez-vous les montants que
vous pourriez récupérer et qui vous permettraient de moderniser
vos industries, de les relancer, de faire de la recherche comme on en fait
à Pointe-Claire? Et j'ai été très heureux des
renseignements que vous nous avez fournis à ce sujet-là. Alors,
j'aimerais savoir exactement comment vous appréciez globalement ce que
vous retireriez de ces allégements que vous demandez au
gouvernement.
M. LACHANCE: Si le gouvernement, à l'heure actuelle, nous
accordait ces diminutions de redevances, avec d'autres démarches que
nous sommes à faire et des modifications, des mesures que nous avons
prises nous-mêmes dans nos entreprises et l'aide fédérale
que nous entrevoyons aussi, nous pensons, que cela pourrait nous aider à
nous placer sur une base concurrentielle avec le sud des Etats-Unis et la
Scandinavie puisque nous estimons que, pour nous mettre à peu
près au pas avec les autres, nous aurions besoin d'une réduction
des frais de $10 la tonne.
Nous croyons que, si le gouvernement nous accordait, pour quelques
années, ce que nous demandons, ça représenterait une
diminution du coût annuel d'environ $4.17 la tonne. Or, comme nous
croyons avoir besoin d'environ $10, ça voudrait dire résoudre
à peu près la moitié de nos problèmes pour le
moment.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Lachance, ce n'est peut-être pas dit
explicitement dans votre mémoire, mais vous l'avez dit ce matin, ou M.
Côté l'a dit, vous avez parlé de mesures temporaires.
Alors, temporaires, dans votre esprit, ça veut dire
échelonnées sur une période de combien
d'années?
M. LACHANCE: Evidemment, je n'ai consulté personne pour exprimer
une opinion là-dessus mais, personnellement, je pense que, si nous
avions des mesures de l'ordre de trois ans par exemple, cela pourrait nous
aider à nous remettre d'aplomb.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Lachance, je reviens à la politique
énoncée par le ministre dans son livre blanc. Supposez que le
gouvernement applique, d'ici un an, telle qu'elle est exprimée dans le
livre, la politique qu'il recommande, qu'il nous a soumise en matière
d'allocation des ressources, quelles pourraient être, à court
terme, les répercussions sur l'ensemble des industries de pâtes et
papiers? Et si vous me permettez d'ajouter ceci, quelles pourraient être,
dans le domaine de l'emploi, les conséquences?
M. LACHANCE: Je pense que l'industrie serait d'accord pour dire, dans le
moment, que, si de telles mesures étaient appliquées d'ici dix
ans, de la façon qu'on l'entrevoit dans le livre blanc, parce qu'il y a
beaucoup d'indécisions, certaines mesures, des mots très vagues
très souvent, malgré ça, si le gouvernement, en abolissant
immédiatement ou d'ici dix ans les concessions forestières sans
avoir étudié davantage le problème, cela aurait, au point
de vue industrie au point de vue du travail, comme vous le mentionnez, un effet
néfaste. Il y aurait un ralentissement considérable des
négociations, qui seraient très longues, une indécision
qui serait logique de la part du gouvernement pour prendre une position ou
l'autre.
L'industrie se trouverait tellement prise dans de l'indécision et
de l'imprécis que je craindrais personnellement de voir la fermeture
même de certaines usines. Inutile de dire que l'emploi en forêt et
l'emploi dans les usines pourrait sûrement s'en ressentir.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui. Il vous apparaît assez clairement
que, à brève échéance, ça pourrait avoir des
répercussions très importantes sur l'emploi.
M. LACHANCE: Je le crois.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, M. Lachance, on vous a fait des
reproches très sévères et c'est revenu ce matin, hier
encore, et on lit ça un peu partout que vous ne vous êtes jamais
modernisés, que vous ne vous êtes pas mis au pas, que vous n'avez
pas su prévoir. Personnellement, je tiens à vous dire que je ne
suis pas de l'avis, avec des nuances bien entendu, de tous ceux qui
prétendent que vous avez failli à la tâche et que vous avez
été imprévoyants, que vous n'avez pas prévu
l'évolution, les marchés, la fluctuation du dollar ici ou
ailleurs.
Je ne suis pas du tout d'accord avec ceux qui prétendent
ça, parce que l'évolution au Québec s'est produite de la
façon qu'on connaît, les industries ont évolué au
rythme d'évolution du Québec. Il est bien évident que vous
n'avez pas pu tout prévoir comme n'importe qui n'aurait pas pu tout
prévoir. Mais, depuis une dizaine d'années, quelles sont, pour
l'ensemble ou dans des cas particuliers des industries que vous
représentez, les modifications majeures, transformations,
améliorations qui mettent aujourd'hui vos industries dans une position
telle qu'elles puissent concurrencer les industries étrangères?
Quelles sont les grandes usines qui ont été
transformées?
M. LACHANCE: Je pense que, dans l'ensemble, une des choses que
l'industrie a faites, ç'a été d'être à
l'avant-garde de tous les pays du monde dans la mécanisation
forestière. C'est tellement vrai ce que je dis là qu'il y a huit
ans, quand je suis allé en Suède et qu'à la suite de ma
visite, il est venu ici au Québec 30 Suédois, ils étaient
uannimes à dire qu'il fallait mettre de l'avant, au plus vite, les
techniques qu'ils venaient de voir ici au Québec et en Ontario.
Et de fait, nous avons trouvé cela partout, nous avons
trouvé par la suite qu'ils avaient utilisé le même genre
d'équipement. Par contre, malgré tous ces développements,
même si la mécanisation poussée nous a aidés
à compenser pour des salaires plus élevés que nous avons
payés en forêt, étant donné la topographie du
Québec, les difficultés que nous éprouvons dont nos
hivers, nous sommes toujours en désavantage comparativement à
l'exploitation qui se fait dans le sud, où il n'y a pas d'hiver et
où le terrain est plus facile, de même qu'en Scandinavie.
Cela a été, je pense, un des points très importants
et qui ont demandé beaucoup d'argent de la part des compagnies, à
savoir la mécanisation en forêt. A l'usine, à part cela, il
y a eu quantité d'autres développements. Evidemment, il
n'était pas question pour nous de changer les procédés.
Nous avions des usines au sulfite, il fallait les garder au sulfite. Quand on
constate, par contre, le nombre de machines à papier nouvelles qui ont
été installées au Québec, depuis 10 ans, la date de
la construction des usines ne veut presque plus rien dire. Nous avons des
usines, celle de Chandler qui est presque une usine nouvelle, même si la
bâtisse elle-même date de très longtemps, des machines
nouvelles y sont installées. A Alma, se trouvent des machines nouvelles,
ainsi qu'à Jonquière. L'usine de Baie-Comeau a deux nouvelles
machines, celle de Grand-Mère aussi. Enfin, je pourrais vous nommer
toute une série d'usines qui ont des machines à papier nouvelles
qui, comme vous le savez, coûtent en moyenne, de $20 à $30
millions, si mon chiffre est à peu près dans la moyenne; dans le
plus cher, mais dans la moyenne, une machine à papier coûte de $20
à $30 millions. Nous avons aussi établi, installé,
construit deux nouvelles usines à pâte, celles de Quévillon
et de Portage-du-Fort.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, M. Lachance, il est bien évident
que l'installation de ces machines nouvelles a eu une influence sur le
coût de production du bois. Mais est-ce que ce coefficient qui est
intervenu est une des causes de cette augmentation graduelle du coût du
bois, toute cette modernisation que vous avez faite dans vos usines?
M. LACHANCE: Non, M. le Président, il n'y a pas eu d'influence.
Evidemment, la mécanisation nous a aidés mais l'augmentation du
coût du bois n'est pas due à des développements qu'on a pu
faire. Je ne sais pas si cela répond â votre question. Cela nous a
aidés; si nous n'avions pas eu cette mécanisation, si nous
n'avions pas eu des méthodes nouvelles d'utiliser le bois à
l'usine même, le coût du bois serait encore plus
élevé.
Une autre remarque que j'aimerais faire, à la suite de ce que
vous avez dit auparavant, une chose assez curieuse aussi et qu'on doit noter,
c'est que les deux usines toutes nouvelles que nous avons construites
dernièrement, celle de Quévillon et celle de Portage-du-Fort,
même si elles sont nouvelles et des plus modernes qui soient au monde,
sont des usines qui sont peut-être moins rentables que les usines plus
vieilles et où on a ajouté des machineries nouvelles. Parce que
les mises de fonds, aujourd'hui, sont tellement considérables; les
problèmes qui surviennent, des problèmes de mise en marche
d'entreprises nouvelles sont tels que le financement de nouvelles entreprises
est très coûteux et rend ces usines pas tellement rentables.
Evidemment, ici, je touche à un point de vue particulier. Les
représentants des deux compagnies en question vont vous présenter
des mémoires. Ce seront sûrement eux qui seront en mesure de vous
dire jusqu'à quel point l'usine de Portage-du-Fort et celle de
Quévillon sont rentables. Ce sont des problèmes particuliers.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Quelles sont les projections pour, disons,
cinq ans à venir, en matière de modernisation,
réaménagement, se-
lon des données modernes, des usines qui n'auraient pas encore
été transformées?
M. LACHANCE: Je n'ai pas les sommes que les compagnies se proposent de
dépenser pour la modernisation et la transformation de certaines usines.
Je ne les ai pas. Je sais qu'on a gardé la moyenne de $150 millions. Par
contre, l'an dernier les investissements en réparations et modernisation
ont été très bas, de l'ordre de $10 millions, je pense,
$50 millions au lieu de $150 millions.
Evidemment, c'est en fonction des profits. Quand on passe des
années comme l'an dernier, il ne reste sûrement pas d'argent pour
moderniser l'équipement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, M. Lachance, je ne veux pas vous
tenir sur la sellette trop longtemps, j'aurais une autre question à vous
poser dans le domaine plutôt technique. Qu'est-ce qu'il vous en a
coûté pour installer ces appareillages antipollution dans les
usines de pâtes et papiers, si tel est le cas?
M. LACHANCE: Je n'ai pas le coût, M. le Président, de ce
qu'a pu coûter à ce jour l'installation de machinerie
antipollution. Ce que je peux dire par contre et nous l'avons dans notre
mémoire c'est qu'il en coûte deux fois plus cher pour
installer de l'équipement antipollution dans des usines
déjà en place qu'il n'en coûte de le faire au temps de la
construction d'une usine. Nous estimons, je pense, à $200 millions dans
notre mémoire, ce qu'il en coûterait à l'industrie pour
satisfaire aux normes de la province sans tenir compte de ce que le
fédéral pourrait exiger.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Lachance, pour terminer, je vais vous poser
une question d'ordre un peu plus général. A la lumière des
mémoires que vous nous avez présentés, vous et votre
collègue, M. Côté, et en lisant le document que vous avez
présenté au gouvernement, au mois de janvier, je pense, compte
tenu de la politique énoncée par le ministère dans son
livre blanc, il m'apparaît à moi que vous n'êtes pas
partisans du statu quo. Il m'apparaft que vous voulez collaborer avec le
gouvernement à la promotion de l'industrie forestière, il reste
la question des modalités. Au sujet de cette question des
modalités, sans nécessairement épouser la thèse de
l'étatisme global, complet, radical, est-ce que vous seriez d'accord
pour aller dans le sens d'une association de plus en plus étroite avec
l'Etat dans ce domaine de la promotion et de l'exploitation forestière?
Parce que le reproche majeur que l'on vous fait et l'examen des chiffres
pourrait prendre beaucoup de temps c'est de vous retrancher dans une
position acquise et de refuser d'aller de l'avant et de marquer un
progrès qui s'accorderait avec l'évolution actuelle du
Québec.
M. LACHANCE: Evidemment, nous sommes prêts à
coopérer avec le gouvernement dans l'étude de programmes qui
pourraient être à l'avantage du gouvernement et de l'industrie et
de tout le monde. Maintenant, nous tenons à ce que les coupes de bois
soient faites par les compagnies forestières, par les compagnies
papetières. Cela n'enlève pas du tout le rôle de Rexfor,
parce que nous trouvons que Rexfor a sûrement un rôle à
jouer dans la coupe de bois. On parlait ce matin de terrains privés, je
trouve qu'il n'y aurait rien de mal à ce que Rexfor soit
organisée sous forme d'équipes volantes qui pourraient
suppléer aux cultivateurs ou aux propriétaires de lots
boisés pour les aider s'ils désirent faire des coupes de bois.
Mais de là à voir Rexfor ou une société d'Etat
faire la coupe de bois sur nos terrains ou dans la forêt pour nous, non.
Nous savons, si on en juge par l'expérience passée, par les
opérations forestières faites par des sociétés de
ce genre-là, combien il leur en coûte pour faire la coupe du
bois.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Croyez-vous que certaines des entreprises que
vous représentez accepteraient d'être étatisées,
comme on nous l'a proposé hier?
M. LACHANCE: Pour répondre textuellement à votre question,
je dois dire non.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non. Maintenant, M. Lachance, ce matin, vous
nous avez parlé... M. Côté, je m'excuse, si je me trompe,
on me corrigera, vous nous avez parlé d'une possibilité de visite
de certaines usines. C'est vous, je pense, qui nous en avez parlé.
J'aimerais m'adresser ici au ministre et au président, on nous a fait
une proposition qui me parait très pertinente. Nous discutons ici,
à mon avis, un peu dans l'abstrait, de grands problèmes dont les
messieurs qui sont devant nous connaissent les tenants et aboutissants.
Je pense que ce serait une heureuse initiative si le ministère
des Terres et Forêts invitait les membres de la commission, ou ceux qui
le veulent, à visiter certaines usines types. Je serais, quant à
moi, très heureux d'inviter les membres de la commission à
visiter certaines usines de notre région, celles de Price, de Consol,
etc.
Je vois M. Johnson ici qui m'approuve, d'ailleurs il a un très
beau nom. Il me rappelle d'excellents souvenirs. Je souhaiterais vivement que
nous puissions le faire afin que nous puissions nous rendre compte, sur place,
de ce qui existe, de la façon dont on travaille et aussi,
peut-être, pour prendre contact non seulement avec la direction des
industries, mais avec les travailleurs, afin de vérifier si c'est bien
vrai que tout le monde se plaint, que tout le monde se sent malheureux, malade,
etc.
M. le Président, j'en fais la suggestion et je demanderais au
ministre de prendre les disposi-
tions, s'il le veut bien, pour organiser de pareilles visites, qui
seraient très utiles. Cela ne lui coûtera rien, nous paierons les
frais, quitte à demander aux entreprises de nous servir un peu de
cidre.
M. DRUMMOND: Dans votre optique, M. Tremblay, est-ce que vous
préconiserez de visiter les producteurs de bois, les usines de
sciage...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ah si!
M. DRUMMOND: ... les scieries, les chantiers coopératifs en
même temps?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si, chez nous, vous avez tout ça,
chantiers coopératifs, usines de sciage, grandes entreprises,
pâtes et papiers et ainsi de suite. Cette suggession est sérieuse,
parce que cela nous permettrait de démythifier le problème, de
faire disparaître un grand nombre de préjugés. Cela nous
permettrait aussi de réexaminer les documents que nous avons devant
nous, ceux qui nous seront présentés, afin d'avoir une
idée concrète du problème et de ne pas nous lancer
à la défense de théories qui peuvent être fort
séduisantes mais qui ne concordent pas nécessairement avec la
réalité que vivent tous ceux qui travaillent sur le terrain.
Alors, j'imagine que les journalistes seraient également
intéressés. Quant à moi, M. le Président, j'ai
terminé les questions que je voulais poser. Peut-être d'autres me
viendront-elles mais je laisse la parole à mes autres collègues.
Merci, M. Lachance et M. Côté.
M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.
M. BELAND: M. le Président, j'aurais aussi une quantité de
questions, cependant, je dis dès le départ que ça va
raccourcir le temps qui va m'être alloué parce que, justement, une
certaine quantité de réponses m'ont été
données par les questions qui ont été posées
antérieurement, tant du côté ministériel que du
côté de l'Unité-Québec.
Or, au tout début, je crois du moins nécessaire de jeter
un bref regard sur le passé.
Ce mémoire qui a été présenté, tant
hier soir que ce matin, laisse deviner que vous semblez vouloir dire qu'il y a
un état d'urgence qui existe et que ce fut imprévisible,
jusqu'à un certain point. Pour ce qui est du retour dans le
passé, à ce moment-là, je remontrai jusque dans les
années 1957 et je rapporterai un fait où, ayant eu à aller
aider à négocier un contrat de bois, j'ai posé à un
des représentants d'une compagnie donnée cette question: Est-ce
que, par hasard, les compagnies se sont entendues entre elles de quelque
façon pour fixer le prix payé j'entends par là le
prix payé pour les pâtes et papiers aux petits producteurs?
La réponse que m'a donnée le représentant de la compagnie
a été simplement que je me suis à peu près fait
traiter de petit renégat. J'ai plus ou moins aimé ça, mais
je le tenais pour acquis. J'en ai fait part à mon député
du temps qui lui-même m'a envoyé promener. L'année
suivante, je vois dans les journaux en grande manchette que quatre compagnies
avaient été reconnues coupables de monopole pour la fixation de
prix à payer aux petits producteurs de bois, de lots boisés
privés. Mes appréhensions étaient justes.
Tout ceci pour dire que même ainsi je suis un tenant ardent de
l'entreprise privée, à la condition évidemment que vivre
soit en même temps laisser vivre les autres, et nos industries
privées doivent continuer d'exister. Pour ce faire, je pense, non pas
avec la naiveté que moi-même j'avais dans le passé, mais en
étant de 1972, qu'il va falloir dialoguer peut-être davantage
aujourd'hui, et d'autres occasions nous seront probablement fournies de
dialoguer aussi avec le ministère des Terres et Forêts. Vous vivez
de réels problèmes présentement, et parmi ces
problèmes fondamentaux, pour tâcher d'éclairer ma lanterne
davantage, ma première question sera celle-ci: Dans votre livre
principal, de janvier 1972, à la page 6, mesures recommandées au
gouvernement du Québec, dans vos propositions, à l'article c):
Suppression de taxe sur le carburant utilisé en forêt par
l'équipement motorisé sur les routes non publiques et abolition
des frais d'immatriculation imposés à cet équipement,
etc., etc. Pour cet article précis, vous avez dû calculer combien
ça pourrait vous représenter en moyenne à la corde. Est-ce
que vous pourriez répondre à cette question?
M. LACHANCE: Oui, M. le Président, nous avons ça dans un
tableau à la fin qui donne ces choses-là.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): $0.76 par cunit de bois produit.
M. LACHANCE: $0.76 par cunit, c'est-à-dire une dépense de
$3.3 millions pour l'industrie et n'oubliez pas que c'est une taxe qui n'est
pas imposée dans les autres provinces canadiennes.
M. BELAND: Très bien. J'aurais peut-être dû regarder
davnatage, plus loin et plus à fond le volume. Maintenant, si on va
immédiatement à d):Adoption d'une politique en vertu de laquelle
le gouvernement paierait le coût de construction des chemins
d'accès dans les régions forestières, etc. A cet article
précis, est-ce qu'également vous avez le coût approximatif
que cela épargnerait par corde de bois?
M. LACHANCE: Nous avons ça en page 8 et ça
représenterait $0.31 la tonne. Il y a un tableau en page 8 qui donne la
valeur par tonne de ce que ces mesures pourraient nous apporter d'aide.
M. BELAND: Très bien. Dans ce cas, puisque
1'énumération que vous avez là, je la retrouve par
après, c'était simplement pour vous faire préciser, afin
que ce soit inscrit au journal des Débats. J'irai un peu plus loin. Je
rappellerai, pour me reporter également à ce que je disais
tantôt, dans les années 1957, 1958, nous, les producteurs de bois,
puisque j'en étais un, nous vendions le bois de pâte à
l'acheteur que l'ensemble des compagnies était, nous le vendions comme
producteurs $11 ou $12 la corde. Si on ajoute le montant que devait
coûter le transport et le reste, cela devait vous revenir aux environs de
$19 ou $20, $21 la corde. Dans le même temps, le bois coupé sur
vos propres concessions ou sur les terrains de la couronne coûtait aux
environs de $30 la corde. Cela veut dire que nous subventionnions
indirectement, nous les petits producteurs de bois, les compagnies.
A ce moment, nous avons accepté cela et disons que je ne retourne
pas davantage dans le passé, mais je tenais à le citer quand
même. Vous disiez tantôt également, je ne me rappelle pas
exactement si c'est vous-même ou l'autre représentant, que 50 p.c.
de la pâte dans le moment est fabriquée dans les nouvelles usines.
C'est grandement possible, parce que j'ai eu l'avantage de visiter quelques
usines, et effectivement il y en a qui sont hautement mécanisées
et de façon nettement à améliorer la situation qui
existait il y a quelques années et à couper votre coût de
production. Il y en a d'autres usines qui laissent à désirer.
Dans le passé, de l'aide comme cela a été apportée
de toutes parts, soit par le gouvernement, indirectement, par des
allégements fiscaux ou de taxes municipales, etc., et peut-être
d'autre façon, comme je le citais. Le gouvernement principalement a
insisté sur le fait qu'il voulait vous aider à améliorer
la mécanisation de vos usines. Or, est-ce que les montants que vous avez
pu récupérer par ces allégements fiscaux dans le
passé ont servi entièrement ou en partie à la
mécanisation ou à l'amélioration de vos usines
plutôt qu'à d'autres petites améliorations courantes et
dans quelle proportion?
M. LACHANCE: M. le Président, j'aimerais avoir des
précisions sur ce que vous croyez avoir été des
allégements fiscaux ou des allégements d'impôts. A ma
connaissance, il n'y a eu d'allégement d'aucune sorte. Il y a bien eu
celui que le ministre mentionnait ce matin pour aider à l'achat
d'équipement antipollution et il y a évidemment un contrôle
de bon aloi du gouvernement sur l'argent qui est dépensé à
cette fin.
M. BELAND: Oui, vous dites d'ailleurs dans votre rapport que vous
souhaiteriez avoir des allégements de quelque façon ou des
subventions de quelque sorte pour vous munir des systèmes antipollution.
Là-dessus, peut-être que cela vous surprendra, mais je serais
d'accord, mais seulement en même temps, il faudrait penser et
peut-être suggérer avec instance que le gouvernement fasse
exactement de même pour les autres industries. J'irais même plus
loin, je porterai mon exemple beaucoup plus loin. Il faudrait quand même
penser aussi exactement dans le même sens dans le cas de cultivateurs qui
sont rendus dans le centre d'un village et qui, à cause de la pollution
par la senteur, incommodent mesdames et sont forcés de
déménager un bon matin sans aucune espèce de
subvention.
Cela leur cause drôlement préjudice. Il faudrait à
ce moment-là, penser également, non pas seulement à
l'industrie papetière mais à l'ensemble des autres industries ou
organisations qui nécessiteraient l'installation de semblables machines
pour éliminer les éléments polluants.
Vous avez parlé de gel de taxes et d'impôts, si on fait
suite au propos de tout à l'heure, qui pourrait représenter, en
réponse à l'honorable député de Chicoutimi, un
montant de $4.17 la tonne et vous souhaiteriez que cet allégement soit
pour trois ans. Maintenant, en retour de cela, supposons que ce serait
accepté par le ministère des Terres et Forêts, qu'est-ce
que vous apporteriez d'amélioration sensible à la population?
M. LACHANCE: C'est très difficile de répondre à
votre question, parce qu'on ne sait pas réellement ce que cela pourrait
donner. Par contre, nous disons quelque part dans notre mémoire que, si
nous avions l'aide que nous demandons et si la part de notre industrie dans le
marché mondial pouvait être ce qu'elle était auparavant, si
la productivité augmentait de 3 p.c. la productivité
d'usines peut augmenter si on modernise encore davantage nous pourrions
d'ici 1985 à peu près, fournir en forêt et à l'usine
environ 10,000 emplois de plus. Evidemment, les impôts que le
gouvernement retirerait seraient en proportion des profits
réalisés.
M. BELAND: C'est entendu qu'à la suite de l'agencement d'un aussi
volumineux rapport, vous avez dû tout peser, soupeser et repeser.
Egalement, les incidences que peuvent avoir, d'une façon cyclique, les
élections américaines. Parce que, quand on parle de taux de
change et le reste, cela entre en ligne de compte. Est-ce que cet
élément a été prévu? Parce que vous avez dit
que certains étaient imprévisibles. Il reste un fait, est-ce que
cela a été prévu?
M. LACHANCE: Evidemment, nous avons prévu les élections
américaines parce que c'était défini. Il n'y avait pas
grand mérite de notre part de prévoir une élection
américaine.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est tous les quatre ans.
M. LACHANCE: A tous les quatre ans, oui.
Je voudrais bien que quelqu'un puisse nous éclairer sur la
fluctuation, sur la différence qui existe et qui existera entre le
dollar américain et le dollar canadien. Vous savez, quand le
gouvernement des Etats-Unis a décidé de déprécier
sa monnaie, si quelqu'un l'avait su, ni Ottawa, ni Québec, ni personne
ne le savait, on serait millionnaire aujourd'hui. Mais ce sont des choses que
nous n'avons pas pu prévoir.
M. BELAND: C'est bien évident d'une façon claire,
nette.
Par contre, il y a toujours eu, ou du moins depuis un certain nombre
d'années, des fléchissements semblables lorsqu'il y avait
effectivement des élections aux Etats-Unis, compte tenu du fait de la
grande masse, pour employer cette expression, de papier ou pâte qui se
dirige vers les Etats-Unis. Or, c'est une chose qui a dû être,
jusqu'à un certain point, prévue et évaluée grosso
modo.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): L'attentat du roi Hassan, aussi.
M. LACHANCE: A ce sujet-là, vous savez, nous étudions
constamment ces choses, la répercussion et les faits de la demande
américaine, parce que nous nous intéressons tout autant et
même plus à la demande américaine que ce qui se passe
ailleurs. Par exemple, on sait très bien que le mouvement de la
population américaine vers le sud des Etats-Unis et vers l'ouest, nous
affecte d'année en année; parce que nous savons qu'en 1975,
à peu près, la masse de la population des Etats-Unis se sera
déplacée de l'est des Etats-Unis vers l'ouest et le sud. Ce n'est
pas à notre avantage. Mais il n'y a rien à y faire.
M. BELAND: D'accord, je vous remercie pour cette réponse. Ce
n'est pas à cause de l'énumération du député
de Chicoutimi que je vais changer de propos, parce que cela ne me
dérange guère.
Mais à un certain endroit de votre volume, vous faites une
allusion au fait que, dorénavant, vous souhaiteriez que les
représentants de la mise en marché des lots privés de la
province, qui sont les offices et syndicats de producteurs de bois,
représenteraient pour vous un certain handicap.
Il est entendu que les offices et syndicats de producteurs de bois, en
1971, par exemple, ont fourni à l'ensemble des papeteries du
Québec environ 20 p.c. de votre consommation. Est-ce que vous pourriez
préciser quelles sont vos appréhensions? Est-ce que vous pourriez
aller un peu plus avant dans vos appréhensions et si vous souhaiteriez
en échange quelque chose? Que serait ce quelque chose?
M. COTE: M. le député, je crois que vous nous
référez à l'endroit du mémoire où on dit
qu'on souhaiterait que les compagnies de pâtes et papiers ne soient pas
obligées d'acheter le bois des cultivateurs quand il n'est pas dans leur
intérêt de le faire. C'est ça?
M. BELAND: Oui. Vous avez justement fait une allusion dans ce
sens-là et...
M. COTE: Ce à quoi nous nous opposons dans tout le commerce des
bois à pâte en provenance des boisés privés, c'est
l'obligation d'acheter un produit qu'à un moment donné ou dans
des circonstances données, une compagnie particulière trouve
qu'il n'est pas dans son intérêt de l'acheter, que le prix
demandé n'est pas économique.
Et comme vous le savez, aujourd'hui, avec le mécanisme de la Loi
des marchés agricoles et le bill 41, les compagnies sont souvent dans
l'obligation d'acheter des bois qu'elles considèrent non
économiques.
M. BELAND: C'est grandement possible parce que, si on regarde
l'ensemble, il est bien clair que, même si vous allez chercher du bois
à une distance de 300 milles et plus ou, pour une raison ou pour une
autre, très difficile d'accès, il est bien clair que ce bois vous
coûte énormément cher. Mais dans l'ensemble, est-ce que le
bois acheté des offices et syndicats des producteurs de bois vous
coûte plus cher que la moyenne, présentement?
M. COTE: Nous le croyons et vous avez des chiffres, je crois, à
la page 54 où on illustre, dans un tableau comparatif, trois sources
d'approvisionnement, soit le bois des concessions, celui qui vient des
cultivateurs sous forme de bois rond et celui qui est acheté des
scieries sous forme de copeaux. Si vous avez le livre ouvert à cette
page, vous voyez que le bois des cultivateurs soûte $33.08, celui des
concessions, $30.09 tandis que les copeaux coûtent $29.63 pour une tonne
anhydre. Cela était pour l'année 1970.
Je n'ai pas de statistiques précises pour l'année en cours
mais je n'ai aucune raison de croire que les choses ont changé.
M. BELAND: On va également sur un autre palier; il est bien clair
que vous souhaitez qu'il n'y ait pas confiscation des concessions
forestières. Vous l'avez clairement énuméré tout
à l'heure. Supposons d'une façon ou d'une autre parce que
ça se dessine évidemment dans le livre blanc, tome I, tome II
que ça aurait lieu. A ce moment-là, est-ce qu'il serait
acceptable, pour tous les genres d'industries que ce soit vous ou M.
Lachance qui réponde que l'Etat offre au plus haut
enchérisseur, par petites sections, les territoires de la couronne que
l'on possède.
Est-ce que ce serait une chose pensable que ce soit divisé par
sections plus ou moins grandes pour de là les allouer au plus haut
enchérisseur, compte tenu des besoins des différentes
industries?
M. COTE: Si vous voulez parler des terrains vacants de la couronne, je
pense que personne ne s'oppose à ça si l'Etat veut agir ainsi,
mais si vous voulez parler des concessions actuelles ou des forêts
domaniales qui servent déjà à alimenter les usines, je
doute que votre proposition soulève un grand enthousiasme.
M. BELAND: Alors, je pose la même question à M.
Lachance.
M. LACHANCE: Ce que j'étais pour dire, M. le Président,
c'est que les compagnies ne sont tout de même pas pour payer deux fois.
Elles ont déjà payé une prime d'affermage pour les
concessions qu'elles ont dans le moment. Si, comme vous le dites, il y avait
confiscation, les compagnies ne seraient pas prêtes, je pense bien,
à ce que les concessions soient confisquées je tiens bien
à dire "confisquées" et à partir de nouveau avec un
élan d'enthousiasme pour payer pour des concessions nouvelles.
M. BELAND: C'est vous, enfin qui, dans votre rapport, parlez de
confiscation possible, compte tenu de ce que le livre blanc disait. A ce
moment-là, je pars de cette affirmation pour vous le demander, parce que
c'est bien beau de faire des affirmations de toutes sortes à un moment
donné, mais il faut essayer de trouver une issue quelque part.
M. COTE: Je crois, M. Béland, que vous soulevez toute la question
de notre opposition, de notre attitude que nous-mêmes avons
qualifiée de négative vis-à-vis du livre blanc, parce que
tout ça tourne autour de cette question d'approvisionnement. Nous avons
été négatifs, comme disait un de mes confrères
hier, positivement négatifs, pour indiquer bien clairement à la
commission que nous nous opposions à ce que l'on enlève les
concessions et qu'ensuite on dise aux sociétés papetières:
Vous allez acheter en priorité le bois des cultivateurs, en second lieu,
les copeaux des scieries et, en troisième lieu, on vous donnera à
la cuiller suffisamment de bois sur les terres de la couronne pour alimenter
vos usines. Cela ne peut pas fonctionner comme ça. C'est pour
éviter qu'il y ait toute équivoque que nous avons orienté
notre mémoire vers un non positif à une proposition de cette
sorte.
M. BELAND: Il est bien clair que tout le monde le pense, même s'il
y en a qui, à cause de leurs allégeances politiques, ne veulent
pas le dire, mais il reste que tout le monde accepte que la
société est malade, dès le départ. C'est à
tous les paliers. C'est bien clair. Cela engendre, comme de raison, toutes
sortes de conséquences économiques désastreuses. Pour en
arriver à une issue, disons que, dans votre livre, du moins, je n'ai pas
décelé encore de suggestions pour apporter l'inverse ou quelque
chose d'autre de réellement valable après la parution du livre
blanc.
M. COTE: Nous trouvons, M. Béland, absolument inconcevable, alors
que l'industrie des pâtes et papiers déclare qu'elle est en
difficulté et que le gouvernement décide de faire siéger
la commission parlementaire, qu'on nous arrive avec le livre blanc qui offre
à d'autres secteurs apparemment en très bonne santé... Les
sciages n'ont jamais été aussi prospères, leur production
est passée à 1,600,000,000 pieds de planches, un record, à
moins que je me méprenne, ils font des profits intéressants, ils
refusent même des ventes parce qu'ils ne peuvent pas trouver le produit
nécessaire. Alors, comment se fait-il qu'à l'industrie des
pâtes et papiers, qui est en difficulté, on offre ça comme
remède? On vous confisque vos concessions, on vous met à la merci
des producteurs de bois et des usines de sciage, puis on vous offre une pitance
sur les forêts de la couronne.
M. BELAND: Disons qu'à ce moment-là, je suis forcé
d'en déduire que vous laissez, pendant que la commission parlementaire
siège et peut-être après, aux autres organismes le soin
d'essayer de trouver une solution. Si le tome I et le tome II du
ministère des Terres et Forêts ne sont pas valables, à ce
moment-là, vous laissez la commission essayer de trouver une issue
â l'impasse qui existe. En somme, c'est un peu cela que j'en
déduis.
M. COTE: Ce que nous croyons, M. Béland, c'est que le
problème, avec la meilleure volonté du monde de la part du
ministère des Terres et Forêts, n'a pas été
étudié suffisamment en profondeur et nous offrons notre
collaboration pour reprendre l'exercice, si le ministère est
intéressé.
M. BELAND: Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.
M. LESSARD: M. le Président, nous avons entendu hier un
mémoire qui avait une tendance fortement extrémiste. J'ai eu
l'impression, ce matin, d'entendre un peu l'antithèse de cette
thèse et il appartiendra à la commission, je pense bien, de faire
la thèse de tout cela. J'aurais bien des remarques à faire
concernant les deux mémoires qui nous ont été
présentés, remarques qui seraient assez subjectives, remarques
qui seraient personnelles. Je m'en abstiendrai et je tenterai un peu de faire
sortir mes préoccupations sous forme de questions. La première
question à laquelle je voudrais avoir une réponse assez
précise est que je constate d'abord qu'il y a deux associations, soit le
Conseil des producteurs de pâtes et papiers du Québec et
l'Association des industries forestières du Québec limitée
qui présentent deux mémoires qui se ressemblent
énormément. Je désirerais savoir quels sont les liens
entre les deux associations et quelles sont les différences entre les
deux associations.
M. LACHANCE: Le Conseil des producteurs de pâtes et papiers, comme
on le dit dans notre avant-propos, comprend quatorze compagnies dont les noms
sont énumérés. Le but du conseil est de voir à
l'information, à la diffusion de renseignements et de coordonner
certaines données pour l'industrie du Québec et de
présenter des mémoires comme celui que nous avons
déposé ici. M. Côté pourrait peut-être parler
de son association. Je peux bien le faire pour lui si vous aimez. C'est que
l'Association des industries forestières du Québec limitée
est beaucoup plus vieille que la nôtre. La nôtre ne date que de
1961 tandis que l'Association des industries forestières du
Québec limitée a plus de 25 ou 30 ans d'existence 1924
et elle comprend les détenteurs de concessions
forestières.
Evidemment, comprenant des détenteurs de concessions
forestières, elle comprend automatiquement tous les propriétaires
d'usines de pâtes et papiers, mais elle comprend aussi quelques
concessionnaires qui ont des usines de bois de sciage.
M. LESSARD: Alors, en majorité, l'Association des industries
forestières du Québec limitée représente d'abord
les industries de pâtes et papiers.
M. LACHANCE: C'est exact.
M. LESSARD: Cela veut donc dire que, dans l'ensemble, vous
représentez très peu dans votre mémoire les industriels du
bois de sciage puisque cela semble la moindre de vos préoccupations,
selon ce que vous nous avez dit ce matin. En ce qui concerne
l'approvisionnement, vous n'avez pas de problème mais le problème
des autres, c'est la moindre de vos préoccupations.
M. LACHANCE: Pas du tout. Je ne pense pas, M. le Président, que
cela soit notre intention. Nous sommes très heureux que l'industrie du
sciage soit prospère dans le moment.
Mais nous ne sommes pas sans savoir que l'industrie du sciage est une
industrie très cyclique et tant mieux pour elle si, ce temps-ci, elle
peut prospérer, et nous sommes heureux aussi d'acheter les copeaux qui
l'aident à faire de l'argent. Je devrais peut-être profiter de
l'occasion pour dire par contre que notre industrie ne pourrait pas vivre
uniquement de copeaux, même si on le voulait, parce que nos
procédés ne sont pas les mêmes. Quand on fait du
papier-journal, il y a 75 p.c. de la pâte qui doit venir de bois à
pâte et non pas de copeaux. Il y a seulement 25 p.c. des copeaux dont on
se sert pour faire la cuisson.
M. LESSARD: Ce que je veux dire et ce que je veux faire remarquer, c'est
qu'il m'apparaît que les deux associations représentent des
intérêts communs.
M. COTE: M. Lessard, ce n'est pas tout à fait exact ce que vous
dites, ce que vous voulez dire au sujet de notre association, qui se
désintéresserait entièrement des sciages, parce que,
même si nous n'avions aucun membre qui soit exclusivement engagé
dans l'exploitation d'une usine de sciage, plusieurs de nos membres qui sont
dans les pâtes et papiers ont des scieries et des scieries très
importantes.
M. LESSARD: Mais l'avantage que les entreprises de pâtes et
papiers ont par rapport à l'entreprise de sciage, qui n'a pas de
concession et doit s'alimenter aux réserves domaniales, c'est que
l'entreprise des pâtes et papiers est assurée d'être
alimentée, c'est-à-dire que l'entreprise de sciage qui appartient
à une industrie de pâtes et papiers est assurée,
étant donné les concessions actuelles, d'avoir une alimentation,
tandis que ce n'est pas le cas, comme elles nous l'ont fait remarquer, pour les
entreprises de sciage avant-hier, il ne semble pas que ce soit le cas pour les
entreprises de sciage actuellement.
M. COTE: Mais il y a un fait, M. Lessard, qui doit être
souligné, c'est qu'une bonne partie des concessions détenus
aujourd'hui par les sociétés papetières ont
été achetées de l'industrie du sciage il y a 30 ou 40
ans.
M. LACHANCE: En 1934, si vous me permettez, il y avait 103,000 milles
carrés de forêt en concessions et il y en a 88,000 milles dans le
moment. Au tout début, comme M. Côté vient de le dire, il y
a quantité et il en a été ainsi tous les ans
de concessions forestières qui appartenaient à l'industrie du
sciage qui ont été cédées par ces gens-là
à l'industrie des pâtes et papiers.
M. LESSARD: Ce que je voulais vous faire remarquer, en particulier, et
cela provient un peu de votre mémoire, c'est que vous semblez vous
préoccuper exclusivement de l'industrie des pâtes et papiers du
Québec. Or, le gouvernement du Québec n'a pas du tout le
même rôle. Le rôle de l'Etat, c'est beaucoup plus que de
s'occuper spécifiquement d'une entreprise, l'Etat doit non seulement se
préoccuper de l'industrie des pâtes et papiers mais de l'ensemble
des industries qui relèvent de la forêt; il doit aussi s'occuper
des conséquences qui peuvent survenir à la suite de
l'exploitation forestière et en particulier la pollution. C'est pour
cela que, ce matin, dans les mémoires que vous avez
présentés, il m'apparaissait que vous aviez complètement
délaissé certaines préoccupations sociales qui doivent
appartenir à l'Etat si les compagnies forestières n'ont pas
prouvé qu'elles les avaient dans le passé dans certains
domaines.
M. le Président, je voudrais parler des concessions
forestières. Dans votre mémoire, vous affirmez, je crois
que c'est le mémoire du Conseil des producteurs des pâtes et
papiers du Québec que c'est grâce au régime des
concessions forestières que nous avons pu développer
l'une des industries les plus avantageuses au Canada, l'une des
industries les plus avancées. Est-ce que vous pourriez me dire si le
régime des concessions forestières est un régime qui est
exclusif au Québec ou s'il existe d'autres pays du monde qui
possèdent un tel régime?
M. LACHANCE: Le régime que nous avons n'est pas unique au
Québec. Il y a des concessions forestières en Ontario aussi, il y
en a d'autres au Nouveau-Brunswick qui s'appellent d'un nom différent.
Qu'on appelle cela concessions forestières, qu'on appelle cela comme en
Ontario ou au Nouveau-Brunswick "management limits", ce sont les mêmes
choses. Cela existe ailleurs.
M. LESSARD: La CIP est une filiale américaine, d'autres
entreprises sont des filiales anglo-saxonnes; vous avez certaines industries
sous un autre nom aux Etats-Unis. Est-ce que ce système des concessions
forestières existe aux Etats-Unis?
M. LACHANCE: L'Etat, dans l'ensemble des Etats-Unis, ne détient
que 10 p.c. des forêts; 90 p.c. des forêts des Etats-Unis sont
entre les mains d'intérêts privés. En Nouvelle-Ecosse, 80
p.c. des forêts sont entre les mains de propriétaires
privés.
M. LESSARD: Lorsque vous parlez de propriétaires privés,
est-ce que vous pourriez être plus spécifique? Est-ce que 90 p.c.
de ces terrains appartiennent à des industries forestières?
M. LACHANCE: Les industries forestières possèdent des
terrains très étendus et les particuliers aussi
évidemment, les propriétaires de lots boisés ou les
propriétaires forestiers. Il y en a en quantité, c'est par
centaines de mille. La majorité est entre les mains des compagnies qui
ont de grandes usines, qu'elles soient dans le sciage ou dans les pâtes
et papiers.
M. LESSARD: L'un des rôles de l'Etat, c'est de pouvoir alimenter
certaines autres usines forestières qui pourraient venir s'installer
chez nous. Si on regarde actuellement une carte de distribution des territoires
forestiers au Québec, sans regarder au-delà du 52e
parallèle, mais dans la région particulièrement du sud, on
constate qu'à peu près tous les territoires forestiers ou, du
moins, ceux qui sont les plus rentables actuellement nous aurons
l'occasion d'en parler tout à l'heure; vous avez eu l'occasion de
critiquer les forêts domaniales sont actuellement
concédés.
Si nous ne faisons pas une redistribution des concessions
forestières, comment voulez-vous que nous puissions alimenter certaines
autres entreprises forestières qui pourraient être
intéressées à venir s'installer chez nous? On vient de
concéder l'un des derniers territoires fores- tiers sur la
Basse-Côte-Nord, soit 53,000 milles carrés, sur lesquels on a
réservé 26,000 milles carrés. Comment voulez-vous, dans
ces circonstances, que l'Etat puisse alimenter certaines industries
forestières, si on ne fait pas une révision des concessions
forestières et si on ne donne pas à chacun selon ses besoins?
M. LACHANCE: Vous savez qu'il existe actuellement 88,000 milles
carrés de forêts en concessions, sur une étendue je
vous donne cela de mémoire d'à peu près 150,000
milles. Est-ce que c'est beaucoup plus? C'est 35 p.c. en concessions, dans le
moment; le reste est encore en forêts vacantes ou en forêts
domaniales. Evidemment, je ne dirais pas que ce sont les terrains les plus
accessibles; non, les terrains les plus accessibles ont été
concédés en majeure partie il faut l'admettre
à l'industrie pape-tière. Cela n'empêche pas, tout de
même, l'industrie du sciage de survivre.
M. LESSARD: Je parle non seulement de l'industrie du sciage actuelle,
mais aussi de la possibilité pour d'autres entreprises de venir
s'installer chez nous. On sait que, lorsqu'un territoire est exclusif à
une compagnie, il devient extrêmement difficile à une entreprise
d'aller s'installer dans certains territoires. Par exemple, dans la
Basse-Côte-Nord, le territoire est maintenant exclusif. Si une autre
entreprise, par exemple, est intéressée à venir
s'installer chez nous, c'est bien dommage, maintenant, le territoire est
donné exclusivement à une entreprise. De même, les
territoires qu'on a accordés à la CIP, de même les
territoires qu'on a accordés à Domtar, etc.
M. LACHANCE: C'est le gouvernement; on n'a rien eu à faire dans
la disposition des forêts domaniales. Le gouvernement a sûrement
étudié le problème et, s'il a cru bon de passer les
contrats qu'il a passés, contrats notariés avec une compagnie
pour s'occuper de la coupe du bois qui n'était pas utilisé sur la
Basse-Côte-Nord, je ne pense pas qu'on doive lui en vouloir.
Ce qui compte, c'est l'utilisation la meilleure possible de toutes les
ressources forestières du Québec.
M. LESSARD: C'est justement l'objectif sur lequel vous semblez d'accord,
d'ailleurs du gouvernement de tenter d'utiliser tous les territoires. Et
c'est probablement l'un des buts du gouvernement lorsqu'il propose l'abolition
des concessions forestières pour pouvoir permettre une utilisation plus
rationnelle des territoires; pour pouvoir permettre une meilleure
redistribution des territoires; pour pouvoir permettre que d'autres entreprises
puissent avoir l'occasion de venir s'installer chez nous, ce qui
m'apparaît en tout cas, d'après ce que je vois de la carte
forestière, extrêmement difficile actuellement.
M. LACHANCE: Oui, mais est-ce que vous trouvez logique qu'on prive de
bois des compagnies qui en ont besoin pour faire une nouvelle distribution et
en mettre d'autres à leur place? C'est à peu près
ça qui en résulterait.
M. LESSARD: Je ne crois pas qu'il s'agisse de priver les compagnies qui
en ont besoin, d'après ce que je vois dans le rapport, du bois qui leur
est nécessaire. Il s'agit tout simplement de pouvoir alimenter ces
entreprises-là selon leurs besoins. Vous affirmez dans votre
mémoire que, si le gouvernement établit des critères aussi
rigides d'approvisionnement, je le donne par coeur, vous pouvez me
corriger, et je crois que c'est dans le mémoire de l'Association des
industries forestières du Québec ce sera probablement la
mort de l'industrie forestière au Québec. Pourriez-vous me
prouver une telle affirmation?
M. COTE: Evidemment, M. Lessard, nous ne pouvons pas le prouver, mais si
on cause des torts considérables à une entreprise et nous
soutenons que ça va nous causer préjudice à plus ou moins
brève échéance l'entreprise va
pérécliter et éventuellement disparaître. Cela se
fait tous les jours dans certaines entreprises.
M. LESSARD: Vous êtes d'abord des entreprises de transformation.
Si le gouvernement est capable de vous alimenter à long terme à
des prix concurrentiels, si le gouvernement vous prouve qu'il est capable
d'alimenter votre industrie forestière, parce que l'industrie des
pâtes et papiers m'apparaît être d'abord une industrie de
transformation, ce n'est pas d'abord une industrie d'exploitation au niveau de
la forêt, vous allez me répondre par l'intégration de
l'industrie. Cependant, si le gouvernement, par suite d'une réforme
administrative, est capable de vous prouver qu'il va vous fournir du bois en
quantité suffisante et à des prix concurrentiels pour pouvoir
alimenter votre industrie, quelles seraient vos objections à ce qu'on
fasse une autre redistribution des concessions forestières? Ce
système-là a existé dans le passé mais il n'a pas
été prouvé que c'était le meilleur
système.
M. COTE: M. Lessard, nous vous avons démontré ce matin,
à l'aide d'un tableau, à la page 3 de notre présentation,
que, dans huit ans, si on continue l'accroissement au taux actuel, tout ce
qu'il y a sur les concessions, toute la possibilité sera
utilisée. Redistribuer les concessions ne donnera pas plus de bois.
C'est devenu une espèce de slogan, l'abolition des concessions, la
redistribution. Mais ça ne donnera pas plus de bois.
M. LESSARD: Vous avez dit ce matin que les entreprises
forestières planifiaient depuis une cinquantaine d'années, ou
vous en parlez dans votre mémoire. Qu'avez-vous à répondre
à ceux qui affirment que les entreprises forestières se sont
contentées bien longtemps de vider les territoires parce qu'on pensait
qu'on avait des ressources illimitées, qu'on pouvait piger comme
ça sans penser à l'avenir?
Les compagnies forestières, pendant très longtemps, se
sont contentées de vider des territoires sans se préoccuper de
faire de la sylviculture, de replanter des arbres. C'est ce qui explique
pourquoi certaines compagnies ont dû délaisser certains
territoires je comprends qu'il y a eu des feux où, dans le
passé, il y avait du bois. Elles ont dû délaisser certains
territoires et ont laissé certains villages forestiers et je pense que
sur la Côte-Nord, je peux apporter des preuves à l'appui
complètement dans le dénuement.
Ceci après avoir tout pris ce qu'elles pouvaient prendre de
meilleur. On a ensuite fait des échanges avec le ministère des
Terres et Forêts, parce qu'on disait : Maintenant, on n'a plus de bois. A
ceux je l'affirme, moi qui disent ça, qu'est-ce que vous
répondez? Est-ce que vous vous êtes préoccupés,
comme cela a été le cas pour certaines compagnies en Suède
en tout cas, de penser que dans l'avenir les ressources forestières,
ça pouvait s'épuiser.
M. COTE: Certainement que nous y avons pensé, M. Lessard. Mais
vous avez parlé de vider les concessions, je trouve difficile de
concilier ça avec l'accusation qui est portée contre nous de
sous-exploiter les concessions au taux de 58 p.c. je crois, comme le ministre
l'a dit ce matin.
M. LESSARD: J'ai bien précisé certains territoires. Je
n'ai pas précisé l'ensemble des concessions, parce que certaines
compagnies, par suite d'avantages qu'elles ont eus, ont réussi à
avoir des concessions assez considérables, assez énormes, ce qui
pouvait leur permettre de penser que pour 25, 35, 40 ans, il n'y avait pas de
problème, le bois repousserait, il n'y avait pas de problème
à long terme. D'autres compagnies ont eu des concessions moins
énormes, plus limitées. Ces concessions ont été
réparties un peu dans tout le territoire du Québec. Certaines
concessions, certains territoires ont été tout simplement
vidés et d'autres qui ne le sont pas encore sont en train de le devenir.
Je pourrais apporter des preuves précises.
M. LACHANCE: Là-dessus, M. le Président, je ne le crois
pas. Je ne le crois pas. Je dirai que ce sont les feux qui ont
bouleversé le plan d'aménagement de certains bassins de
rivière et les insectes, les épidémies. Quand il est
arrivé des deux considérables, je peux comprendre que les
exploitations aient cessé dans des endroits qui étaient des
villages forestiers et qui dépendaient uniquement de la coupe du bois
qu'il y avait dans le bassin. Mais nous sommes convaincus, nous, que l'ensemble
des concessions forestières des compagnies contient dans
le moment beaucoup plus de bois en volume qu'il en contenait au
départ, malgré qu'on n'ait pas planté. Parce que, comme on
le disait, nous sommes favorisés, nous autres, d'une
regénération naturelle beaucoup plus grande que partout ailleurs.
En Suède, on replante parce qu'on n'a pas cet avantage-là.
M. LESSARD: Alors, ça doit être plus difficile en
Suède à ce moment-là, les conditions...
M. LACHANCE: Non, parce que les conditions climatiques en Suède
sont beaucoup plus favorables que pour nous. On compare souvent le
Québec à la Suède. Le plus grand volume de bois qui existe
en Suède est dans le sud où il n'y a jamais plus qu'à peu
près un pied de neige l'hiver.
M. LESSARD: Vous dites que le taux de regénération chez
nous est meilleur qu'en Suède et c'est ce qui explique pourquoi en
Suède on replante.
M. LACHANCE: On replante en Suède parce qu'il n'y a pas de
regénération naturelle suffisante et que le climat y permet la
croissance des arbres rapidement et de façon avantageuse. On l'a
toujours fait d'ailleurs, depuis nombre d'années.
M. LESSARD: Concernant les investissements des compagnies, on en a
parlé assez considérablement, dans le document de la CSN, on lit
ceci, vous pourrez le nier ou le confirmer: Alors que le Québec produit
40 p.c. du total canadien, il n'a investi que 30 p.c. des investissements au
Canada en 1969 et 10 p.c. en 1971. Cette proportion est de 22 p.c. de 1964
à 1971. Les usines québécoises sont plus anciennes en
général que celles du reste du Canada et elles requièrent
donc plus d'investissements pour se moderniser. Or, on constate qu'elles tirent
de l'arrière à cet égard. C'est le document de la CSN.
M. LACHANCE: La CSN a mentionné le rapport entre le Québec
et le Canada. Ce sont ses chiffres. Je ne sais pas si elle a fait le
pourcentage, mais si vous retournez au tableau de la page 85, vous allez voir
qu'on s'est contenté non seulement de mentionner le rapport des
dépenses en investissements du Québec par rapport au Canada, mais
de le faire par rapport aussi à l'Ontario. Vous allez voir qu'en dix ans
le Québec a dépensé $1,457,000,000 alors que l'Ontario n'a
dépensé que $1,100,000,000, la Colombie-Britannique $1.5 milliard
et les autres provinces pas même $1 milliard. Alors le pourcentage est
beaucoup plus fort, si vous le comparez, au Québec. Vous allez voir
qu'on y a dépensé à peu près 30 p.c. et non pas 10
p.c.
De 1960 à 1970, nous avons dépensé une moyenne
d'à peu près 30 p.c. de ce qui s'est dépensé au
Canada. Ce n'est pas beaucoup la même chose.
M. LESSARD: Les compagnies forestières sont, pour la plupart,
soit des filiales américaines c'est le cas de CIP, Quebec North
Shore Paper, ITT Rayonier soit des filiales d'intérêt
britannique, ou bien sont détenues par des intérêts
anglo-canadiens. Pourriez-vous me dire quelle est l'autonomie
l'expliquer un peu à un profane des compagnies
québécoises, des filiales québécoises
vis-à-vis de la maison mère américaine en ce qui concerne
les investissements?
M. LACHANCE: Vous entrez dans un problème particulier et je pense
que la question serait mieux dirigée à ceux qui vous
présenteront des mémoires des compagnies. Parce que je n'ai pas
de mandat pour parler des conditions financières. Je ne le saurais
même pas. Je pense que les décisions sont probablement prises
après consultation aux deux endroits. Mais je ne suis pas en mesure de
vous le dire. Ce que je tiens par contre à dire, c'est que l'ensemble de
l'industrie de pâtes et papiers du Québec est en majeure partie
détenu par des Canadiens et non pas par des étrangers.
M. LESSARD: Vous avez parlé ce matin des mesures gouvernementales
antipollution. Ces mesures gouvernementales proviennent justement des
conséquences qu'on a pu constater de l'exploitation non seulement
forestière mais de l'exploitation de nos richesses naturelles. Il y a eu
souvent aussi des compagnies privées, des compagnies forestières
qui n'ont pas eu de vues sociales de ce côté-là ou qui s'en
sont très peu préoccupées. Aujourd'hui, vous demandez
à l'Etat: N'allez pas trop vite dans les mesures antipollution, cela
nous coûterait $200 millions. Mais si l'Etat ne fait rien, est-ce que
vous avez pensé aux coûts sociaux énormes que l'Etat devra
payer d'ici quelques années il y a d'ailleurs une étude de
la commission Legendre qui a étudié ce problème si
on ne fait rien, si on continue comme cela a été le cas dans le
passé, malheureusement, de laisser des compagnies papetières
polluer des rivières, briser des barrages, briser des rivières,
comme cela a été le cas dans des régions, dans ma
région? Quand je parle de compagnies papetières, je peux
même dire qu'une compagnie de l'Etat, Rexfor, a aussi pollué une
rivière, chez nous par exemple, où deux municipalités
s'alimentaient. C'est une situation qui exigera d'ici quelques années un
investissement énorme de l'Etat. Qu'est ce que vous répondez
à cela?
M. LACHANCE: Ce que je réponds à cela, c'est que
l'industrie papetière pollue les rivières mais que les
municipalités aussi polluent les rivières. Chacun de nous pollue
les rivières. Tout le monde a pollué les rivières. Je me
souviens quand j'étais petit bonhomme avoir vu
des gens aller jeter des animaux morts au bout du quai. C'était
une pratique. Et il y a beaucoup d'autres choses que nous avons vues. Les
rivières étaient l'égoût principal. Nous sommes
aussi intéressés que vous, nous sommes aussi
intéressés que les gouvernements à assainir le plus vite
possible les rivières. A cet effet, nous avons bien l'intention d'y
mettre l'argent voulu mais, par contre, nous sommes exactement dans la
même position que les autres pays du monde, aux Etats-Unis comme en
Europe, nous ne sommes pas capables de faire plus que les moyens que nous
avons. C'est tellement le cas qu'aux Etats-Unis je n'ai pas les chiffres
avec moi, je les ai mais cela prendrait un peu de temps pour les trouver
on estime d'après une étude faite par une firme, la firme Little,
que si les usines papetières sont forcées de faire seules
l'assainissement des rivières la firme Little donne le chiffre
que cela représenterait je pense que c'est dans l'ordre de $300
milliards ou quelque chose du genre il faut entrevoir la fermeture
définitive d'ici 1985 de 60 à 65 usines américaines.
C'est un problème majeur qui se fait sentir dans le monde entier
et auquel il faut remédier dans la mesure de nos moyens. Je comprends
que l'Etat ne peut pas tout faire, mais les compagnies ne peuvent pas tout
faire non plus.
M. LESSARD: Vous vous êtes opposés, dans votre
mémoire, au socialisme d'Etat et vous avez même
dénoncé le livre blanc qui vous apparaissait être de
l'étatisme. L'une de vos propositions, à la page 7, c'est la
suspension de l'adoption d'un nouveau programme d'assistance sociale comme la
Loi des accidents du travail, l'assurance-maladie, le régime des rentes
du Québec, la Loi du salaire minimum, etc.
C'est d'ailleurs l'une des propositions qui me scandalisent le plus.
Vous ne semblez pas croire que toutes ces mesures ont quand même des
conséquences sur l'économie québécoise. Le gars qui
achète son journal c'est parce qu'il a quand même le moyen de
l'acheter. Le gars qui peut acheter pour ses enfants du papier pour
écrire, il a quand même le moyen de l'acheter.
Il y a des transferts de ressources sociales qui profitent directement
à l'entreprise et que, si on enlevait ces choses, qu'on les suspendait,
je pense que certaines entreprises en subiraient certaines conséquences.
Peut-être pas particulièrement l'entreprise des pâtes et
papiers mais globalement l'ensemble des entreprises en subirait certaines
conséquences. Cependant, le socialisme dont vous parlez très peu
parce que c'est le socialisme qui profite plus particulièrement à
la grande entreprise parce que le socialisme, c'est mauvais quand c'est
pour les autres, c'est bon quand c'est pour nous c'est le socialisme des
subventions inconditionnelles qu'accorde l'Etat à l'entreprise
forestière, comme à votre entreprise forestière, dont nous
avons vu la concrétisation la plus scandaleuse, à mon sens, dans
le projet de l'ITT. Qu'est-ce que vous pensez de ces subventions
inconditionnelles prises à même les ressources de l'Etat, donc
à même les taxes des particuliers, et qui sont accordées
aux compagnies pour pouvoir, soit s'améliorer ou autre chose?
M. LACHANCE: Disons d'abord que nous ne sommes pas du tout contre les
mesures sociales qui ont été adoptées au Québec.
Cela a été mûri. Nous sommes loin d'être contre les
mesures sociales, nous en avons besoin au Québec comme ailleurs. Par
contre, on a demandé au gouvernement de ne pas imposer de nouvelles
charges à l'industrie en général, la nôtre comme les
autres, avant qu'on soit capable d'en payer la note, parce que nous savons que
certaines mesures sociales qui ont déjà été prises
et qui sont tout à fait raisonnables vont augmenter encore nos frais. Je
vais vous donner un exemple, je pourrais vous en donner plusieurs.
En 1970, nous avons versé à la régie
d'assurance-maladie $475,000. En 1971, ce ne sont pas $400,000 que notre
industrie a payés, mais elle a dû payer $2,850,000. Pourquoi?
Parce que le régime n'était pas en vigueur au complet et la note
que l'on paye à cette fin totalise $2,850,000.
Alors, nous avons demandé de ne pas augmenter ce domaine avant
que nous soyons capables de payer. C'est aussi simple que cela.
Mais quant à l'autre question que vous me posiez, à savoir
quoi penser de ce que le ministère a décidé, dans sa
sagesse et je pense qu'il a mûri l'affaire au sujet de
l'implantation d'une nouvelle usine, je prétends que vous avez là
un exemple de ce qu'il doit en coûter pour l'établissement d'une
usine dans une partie du Québec.
Ces gens sont venus investir ici et il faut qu'ils viennent investir
avec l'espoir de réaliser des profits. Alors, le gouvernement s'est
penché sur le pour et le contre. Il a pesé cela, j'en suis
certain, et il en est arrivé à la conclusion que la seule
façon d'intéresser le capital, qu'on n'a pas au Québec,
c'était de faire des compromis et d'en arriver aux contrats
notariés qu'il a dû signer.
M. LESSARD: M. Lachance, je parlais particulièrement d'une
entreprise parce que vous le soulignez d'ailleurs dans votre mémoire
à la page 5. Mais le système s'établit maintenant, c'est
instauré pour l'ensemble des entreprises. Je parlais de ITT parce que
vous dites, dans votre mémoire à la page 5: L'utilité des
conditions financières nouvelles pour attirer le capital est mise en
lumière par le cas de l'usine de pâtes dissolvantes dont la mise
sur pied à Port-Cartier a récemment été
annoncée.
M. Lachance, vous êtes un homme d'affaires. Je ne suis pas un
homme d'affaires, je suis un politicien et je m'y comprends assez peu en
affaires. Cependant, je voudrais avoir certaines réponses sur un point
bien spécifique. Nous
avons, hier, fait un peu le procès du socialisme. Je n'ai pas
l'intention de faire le procès du capitalisme.
Cependant, on sait que le capitalisme est essentiellement basé
sur le profit, ce avec lequel je suis complètement d'accord. D'ailleurs,
c'est le ministre des Terres et Forêts qui disait la même chose
hier, je ne vois aucun scandale pour un homme d'affaires à faire des
profits.
Cependant, le profit se justifie par les risques de l'entreprise. Si une
entreprise ne risque rien, je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas l'Etat qui
profiterait des investissements ou de l'exploitation de nos ressources
naturelles. Vous avez parlé tout à l'heure d'un capital qu'on
n'avait pas. Si vous avez un investissement de $160 millions à faire et
si l'Etat vous fournit $40 millions, pensez-vous que vous apportez du capital
nouveau au Québec?
M. LACHANCE: Certainement que nous apportons du capital...
M. LESSARD: Quelle est la part du capital nouveau que vous apportez au
Québec?
M. LACHANCE: Cela permet l'établissement d'une industrie qui
n'aurait pas eu lieu autrement et la mise de fonds n'est pas tellement par
rapport à ce que représente le travail que ça fournit
à des centaines et des centaines d'employés; transport des
produits, l'utilisation d'une ressource naturelle, etc.
M. LESSARD: Mais...
M. LACHANCE: La mise de fonds est relativement peu, parce qu'on dit
toujours que le capital se renouvelle presque chaque année. Une usine
qui coûte $60 millions peut apporter à peu près $60
millions de roulement.
M. LESSARD: Vous avez dit tout à l'heure que l'entreprise
apportait du capital nouveau. Alors, l'entreprise qui reçoit $40
millions peut facilement trouver, sous forme d'obligations, la
différence à l'intérieur du pays même. Vous m'avez
parlé de capital nouveau; il n'y a aucun capital nouveau qui provient de
l'extérieur actuellement. C'est l'Etat qui fournit le capital initial
pour investir.
M. LACHANCE: Mais seulement $40 millions sur $160 millions au
départ.
M. LESSARD: Sur $160 millions. M. LACHANCE: Oui.
M. LESSARD: Mais les autres $120 millions, est-ce qu'ils vont provenir
directement des goussets de l'entreprise? Non. Ils vont provenir des
épargnants du Québec, en obligations.
M. LACHANCE: Non, des épargnants améri- cains qui ont des
intérêts dans la compagnie en question. Mais il ne faut pas
oublier non plus que, quand l'industrie va être en marche, le
gouvernement va retirer 50 p.c. des profits réalisés. Il ne faut
pas oublier ça. Aussitôt que l'usine va commencer à faire
des profits, nos gouvernements vont retirer, en plus des salaires qui se
payent, 50 p.c. des profits.
M. LESSARD: M. Lachance, je vous comprends de ne pas vous
intégrer à l'intérieur de ma discussion; mais si j'ai
$10,000, soyez assuré que je peux acheter un appartement qui vaut
$50,000 et ce n'est pas mon argent que je vais aller chercher; je vais aller
chercher l'argent des autres. En affaires, on m'a toujours dit qu'il fallait
travailler avec l'argent des autres.
Actuellement, justement, les compagnies au Québec il faut
que j'arrête ici la discussion pour vous poser une question
travaillent plus particulièrement avec l'argent de l'Etat. C'est dans ce
sens-là que je parle de socialisme capitaliste, au profit des grandes
entreprises. Parce que vous demandez encore $27 millions vous dites que
ce ne sont pas des subventions d'exemptions, vous êtes
peut-être actuellement en train de justifier une thèse qui nous a
été présentée par la CSN, hier, à savoir
que, si c'est l'Etat qui investit et qui paye toujours pour les pots
cassés, lorsqu'il y a des problèmes, pourquoi l'Etat
demanderait-il à un intermédiaire d'exploiter ses ressources
naturelles?
M. LACHANCE: Je ne suis pas du tout d'accord avec vous. Je
prétends que les industries se maintiennent par elles-mêmes et si
elles ont besoin, dans le moment, d'un allégement d'impôts ou
autre, c'est tout simplement pour que la machine continue à tourner
à l'avantage de tout le monde de 100,000 ouvriers qui tavaillent. On
voit le profit que le gouvernement en retire.
M. LESSARD: On vous a posé ce matin cette question, et j'ai
l'impression c'est peut-être subjectif que vous y avez
répondu. Ce que je ne comprends pas, c'est que vous pensiez que cela
allait bien dans l'industrie forestière lorsque le dollar était
à $0.92. Cela allait bien, pas de problème. Vous n'avez pas
prévu que c'était une situation anormale que le dollar soit
à $0.92? Normalement, une entreprise devrait être capable de
fonctionner au dollar paritaire. Or, vous n'avez pas prévu qu'il fallait
absolument faire des réformes si on voulait en arriver à
être concurrentiel?
M. LACHANCE: Vous avez parfaitement raison. Nous ne pouvons pas
prévoir ces choses. Cela entre dans le prix de revient, dans le prix de
la vente du papier, et quand il arrive des choses comme celles-là, c'est
déplorable pour tout le monde. Mais nous ne pouvons pas prévoir
cela, comme je le disais il y a un moment, c'est impossible à
prévoir.
M. LESSARD: Et si le dollar était à $0.65, est-ce
que...
M. LACHANCE: Il serait à $0.65.
M. LESSARD: ... cela favoriserait les entreprises
forestières?
M. LACHANCE: Vous voulez dire notre dollar?
M. LESSARD: Si notre dollar était à $0.65 par rapport au
dollar américain?
M. LACHANCE: Evidemment.
M. VINCENT: Un dollar québécois.
M. LACHANCE: Si le dollar québécois était...
M. LESSARD: Parce qu'il y a certains économistes, M. Lachance
merci, enfin, cette fois, vous êtes tombé dedans qui
ont tenté de nous expliquer que le fait que le dollar
québécois soit inférieur au dollar américain, cela
était très dangereux pour le Québec. Alors, il me semble
que cela soit le contraire.
Nous allons parler, si vous voulez, du coût. Je comprends que je
suis assez fin parce que j'utilise les chiffres du ministère des Terres
et Forêts. Vous pouvez me répondre à ce moment-là
que ces chiffres sont plus ou moins réels. Mais si vous voulez
j'espère qu'ils sont vrais nous allons à la page 219 du
tome I du livre blanc du ministère des Terres et Forêts. Il y a
là au tableau 13 une étude concernant les coûts moyens
d'une unité de cent pieds cubes de bois à l'usine, en dollars
canadiens et non pas en dollars québécois cette fois, de 1965 et
de 1968.
Alors, "Eléments de coûts" et "Redevances diverses". Dans
l'Est canadien: 4.5 p.c.; sud américain: 7 p.c; Ouest canadien: 5 p.c.
en 1965 et disons qu'en 1968, vous pouvez regarder: Redevances diverses, je ne
sais pas si je me trompe mais cela comprend probablement l'ensemble des
redevances que les compagnies forestières versent à l'Etat. Or,
dans votre mémoire, vous semblez critiquer le fait que les redevances au
Québec soient passablement supérieures, les taxes en particulier,
aux taxes qui sont payées aux Etats-Unis. Alors, pourriez-vous soit nier
le tableau 13 ou me dire si ce tableau est exact ou pas? Pourriez-vous me dire
si, depuis 1968, ces chiffres auraient changé tellement
considérablement que nous payons maintenant des redevances
supérieures au sud américain?
M. COTE: Il faudrait savoir, M. Lessard, en quoi consistent les
redevances diverses dont il est fait mention.
M. LESSARD: Est-ce que le ministre pourrait nous donner des
explications?
M. DRUMMOND: Je dirais que cela provient de taxes sur les droits de
coupe et le coût des loyers.
M. LESSARD: Est-ce que les taxes sont comprises là-dedans?
M. DRUMMOND: Nous allons vérifier la base de tout cela.
Cela comprend le droit de coupe, la prime d'affermage répartie et
la rente foncière.
M. LESSARD: Alors, ça ne comprend pas les taxes. Mais nous
constatons quand même que les redevances diverses qui sont payées
à l'Etat par les compagnies forestières sont passablement
inférieures à celles qui sont payées aux Etats-Unis, dans
le sud américain, et un peu inférieures en tout cas à ce
qui est payé dans l'Ouest canadien. En ce qui concerne les salaires,
vous avez parlé aussi des salaires assez élevés. Disons
que je suis d'accord avec vous, par exemple, que les salaires sont
supérieurs au Québec à ceux qui sont payés dans le
sud des Etats-Unis, étant donné qu'il n'y a pas de syndicalisme,
mais ce n'est pas le cas cependant pour la Colombie-Britannique. Il semble que
la moyenne faite, en 1968, soit de $13.
J'arrive aux frais généraux. C'est un reproche qu'on vous
a fait, c'est que les frais généraux des compagnies
forestières étaient extrêmement élevés. Il
est beau de demander à l'Etat d'intervenir pour sauver les compagnies
forestières, mais il faudrait que les compagnies forestières
fassent aussi leur part pour diminuer peut-être les frais
généraux, au niveau des cadres d'administration, etc.
Pourriez-vous m'expliquer une différence aussi énorme? Par
exemple, prenons l'année 1968, de 13.5 à 5 aux Etats-Unis et
à 9 dans l'Ouest canadien?
M. COTE: Est-ce qu'on pourrait avoir plus de détails, M. Lessard,
parce que c'est assez difficile?
M. LESSARD: Page 219, c'est parce que vous comprenez, M. le
Président, c'est un peu ce que je disais hier, que ça serait
assez avantageux d'avoir une entreprise forestière
québécoise contrôlée par l'Etat, parce que ça
nous permettrait au moins d'avoir des chiffres réels. Comme je ne peux
pas contester les chiffres que vous soumettez dans votre volume, parce qu'on ne
peut pas faire de comparaison, j'utilise les chiffres qui sont dans le tome II
du livre blanc.
M. LACHANCE: Oui, mais vous avez les chiffres de Rexfor.
M. LESSARD: Non, dans le tableau 13, il y a le coût moyen d'une
unité, oui, de Rexfor. Sur Rexfor, on va s'entendre. Rexfor a quand
même des préoccupations sociales qui sont complètement
différentes de celles des compagnies. J'ai justement reproché
bien souvent au
gouvernement de faire d'une compagnie de l'Etat une entreprise
d'assistance sociale. Puis les compagnies forestières c'est
ça que vous nous avez dit ce matin nous disent toujours par la
suite: Vous voyez là, vous n'êtes pas capables de concurrencer les
entreprises privées parce que c'est une société de l'Etat.
Je pense que c'est certain que tant et aussi longtemps qu'on fera des
sociétés d'Etat des entreprises d'assistance sociale, ça
sera toujours le cas, quoique le rôle qu'on donne à Rexfor soit
quand même un rôle assez important et qu'une compagnie ne peut pas
l'assumer. Alors, les chiffres de Rexfor ne peuvent pas du tout être
comparés avec les chiffres d'une compagnie forestière, parce que
Rexfor ramasse dans certains cas les déchets que les compagnies
forestières ont laissés. Alors, ça ne peut pas être
rentable et vous n'avez pas voulu les ramasser, parce que ce n'était pas
rentable.
M. LACHANCE: Je ne pense pas que ce soit le cas. Je ne pense pas que
Rexfor ait coupé là où les compagnies avaient
déjà coupé. Ce que je peux dire, par contre, c'est que,
dans des opérations où il y avait Rexfor et d'autres
entrepreneurs, les prix versés à Rexfor étaient
supérieurs à ceux qui étaient donnés à
d'autres.
M. LESSARD: Mais ce que je veux dire, M. le Président, et je
repose la question à M. Lachance, je pense d'ailleurs que c'est dans le
document de la CSN qu'on le donne et dans un autre document, je l'ai vu
d'ailleurs, et ça se concrétise par les chiffres que j'ai et qui
sont présentés par le ministère des Terres et
Forêts, dans le tome II. D'après ce qu'on voit, les frais
généraux des compagnies forestières
québécoises sont très élevés, presque trois
fois les frais généraux des compagnies américaines.
Comment expliquer une telle différence?
M. COTE : Vous avez l'explication au bas du tableau que vous nous avez
mentionné.
M. LESSARD: C'est justement la réponse. Alors, est-ce que vous
croyez que l'explication qui est en bas du tableau est réelle?
M. COTE: Elle est certainement réelle, parce que les industries
du sud américain ont seulement 15 p.c. des forêts qui leur
appartiennent.
M. LESSARD: Alors, ce n'est pas exactement la réponse que j'ai
reçue tout à l'heure. On dit dans l'explication: Les frais
généraux sont très faibles puisque les usines
s'approvisionnent en presque totalité aux petites forêts
privées et que le degré de mécanisation est peu
élevé. Donc, vous dites que les frais généraux sont
très peu élevés parce qu'on s'approvisionne aux petites
forêts privées et vous refusez qu'on redistribue les concessions
forestières. Cela vous apporte des frais généraux qui
m'apparaissent être considérables. L'Etat est prêt à
faire une redistribution des concessions forestières et vous dites: Non,
cela va être la mort de l'industrie papetière au Québec,
ou, en tout cas, son agonie, parce qu'elle est à l'agonie depuis quelque
temps.
M. COTE: M. Lessard, il faut réaliser que l'industrie du
Québec n'existerait pas avec uniquement des sources d'approvisionnement
venant des petits propriétaires ou des déchets de scierie. Il
faut absolument que la majorité des approvisionnements vienne des terres
de la couronne.
M. LESSARD: Je vous l'ai dit tout à l'heure, peu importe que ce
soient les terres de la couronne, que ce soient les petits propriétaires
privés ou que ce soient des territoires qu'on vous concède ou
qu'on redistribue pour que ce soit plus rentable, ce que je tente de vous faire
dire, c'est que les concessions forestières, à mon sens, ne sont
pas l'âme et la vie de l'industrie forestière. L'important pour
l'industrie forestière, c'est d'être assurée de
l'approvisionnement et assurée de l'alimentation en bois.
Normalement, vous êtes d'abord des industries de transformation du
bois. Ce ne sont pas toutes les industries qui sont intégrées au
point où elles ont leurs ressources et leurs matières
premières. Il y a des industries et même des industries
forestières qui sont obligées d'aller acheter leurs
matières premières ailleurs, des industries qui n'ont pas
à exploiter elles-mêmes leurs matières premières.
Alors, comme vous êtes d'abord des industries de transformation, si
l'Etat, par suite d'un nouveau système de redistribution des concessions
forestières, est capable, par un système ou par l'autre ce
sont des modalités de vous fournir le bois à prix
concurrentiel, pourquoi refuser et tant vous opposer, comme vous le faites
depuis ce matin, à la redistribution ou à une autre
transformation des concessions forestières?
M. COTE: Je pense que vous ne voulez pas accepter le fait qu'il n'y a
pas de bois à redistribuer dans la province, même sur les terres
de la couronne. Nous avons essayé de vous démontrer ce matin que,
d'ici huit ans, tout ce qui est accordé aujourd'hui en concessions aux
compagnies papetières va être utilisé si l'augmentation
dans la capacité des usines se continue au même taux. Alors, que
va-t-il y avoir à redistribuer? M. Lachance a essayé de vous
expliquer que les usines étaient localisées en
général dans une situation optimum par rapport à leurs
approvisionnements. Alors, pourquoi redistribuer?
M. LESSARD: Est-ce que la compagnie CIP utilise de façon
complète les 25,000 milles de son territoire?
M. COTE: Il faudrait demander cela à la compagnie. Nous parlons
d'une façon globale. Il
peut y avoir des situations où des changements peuvent être
apportés, ce n'est pas notre rôle d'en traiter, mais, de
façon globale, et c'est ce dont le livre blanc traite, ce sont des
considérations globales.
M. LESSARD: Donc, comme vos frais généraux sont
très élevés, vous expliquez cela par le fait que les
compagnies forestières des Etats-Unis s'approvisionnent aux forêts
privées. Donc, ce serait peut-être un moyen de diminuer votre
coût ou les frais généraux, si on vous alimentait par
l'entremise des petits propriétaires privés.
M. COTE: M. Lessard, c'est vous qui avez dit que les frais
généraux étaient très élevés. Vous
parlez, dans votre tableau, de l'est canadien. Moi, j'ai un tableau ici qui est
tiré du mémoire de M. Lachance et j'en prends tout ce qui est
à l'entête; j'imagine que c'est ce que ça veut dire, frais
généraux, frais fixes...
M. LESSARD: Quelle page? M. COTE: On indique $1.09. M. LESSARD: Quelle
page?
M. COTE: Page 54. C'est loin d'être $13.50. Cela er,t pour 1970;
deux ans après le tableau que vous avez.
M. LESSARD: Donc, vous contestez les chiffres du tome II.
M. COTE: Non, parce que je sais que ces chiffres-là sont exacts,
étant donné leur source. Je veux dire qu'ils ont
été fidèlement copiés d'un document que j'ai
déjà vu. Mais on ne sait pas ce qu'ils contiennent, on ne sait
pas exactement ce qu'ils veulent dire.
Mais ce que vous avez à la page 54 du mémoire du Conseil
des producteurs de pâtes et papiers est basé sur un
échantillonnage à 52 p.c. de la production papetière du
Québec. Vous pouvez vous y fier.
M. LESSARD: Bon. Maintenant parlons un peu des terrains privés.
Vous dites, dans votre mémoire, que vous obtenez du bois que vous
êtes obligés d'acheter des propriétaires privés,
selon l'arrêté en conseil 3142, et que vous devez payer la moyenne
de $33 alors que le coût de vos exploitations à la corde est de
$30.
Par un système de regroupement des petits producteurs
privés, proposé d'ailleurs par le livre blanc du ministère
des Terres et Forêts et qui a été particulièrement
développé par l'étude du Dr Lussier, au profit de l'UCC,
est-ce que vous croyez qu'il serait possible de diminuer, parce qu'on sait que
les producteurs privés ne sont pas du tout organisés
actuellement, on sait que les producteurs privés sont soumis au chantage
des acheteurs de bois bien souvent, qu'il y a une quantité
d'intermédiaires, je comprends qu'il y a un plan conjoint qui les
protège actuellement mais ce n'est pas le cas pour tout le monde...
Est-ce que, avec la quantité d'intermédiaires entre la compagnie
et ces producteurs privés, vous ne croyez pas qu'il serait possible
et je vous demande une réponse qui peut être assez
subjective étant donné les réformes qu'on propose
dans le tome II du livre blanc, de produire à un coût passablement
comparable et même inférieur étant donné les
frais généraux qui sont moindres à ce que
coûte le bois aux compagnies forestières?
M. COTE: Nous le voudrions bien, mais à ce jour, il y a peu de
signes qui nous portent à croire que les petits producteurs ont
essayé d'améliorer le rendement de leurs exploitations,
c'est-à-dire leur rendement à eux. Ils ont tout simplement
concentré leurs efforts à obtenir de leur client, qui est
l'industrie papetière des prix plus élevés. Cela nous
intéresse beaucoup de voir le livre blanc se pencher sur ces
problèmes et de proposer toutes sortes de choses pour améliorer
les boisés des particuliers.
Mais il y a une chose que nous déplorons, c'est que le
ministère des Terres et Forêts a fait une étude qui indique
que l'âge moyen des propriétaires de boisés, du moins dans
une région échantillonnée, est d'environ 50 ans. Alors, en
Norvège, on a le même problème où il est impossible,
paraît-il, de couper plus de sept milliards de mètres cubes sur
une possibilité de onze milliards. Une des principales raisons, c'est
que les propriétaires sont trop vieux, les enfants se
désintéressent de ce genre d'activité. Alors que va-t-il
arriver ici, s'il est vrai que les propriétaires sont en moyenne dans la
cinquantaine?
M. BELAND: Si le député de Saguenay me permet une
sous-question, est-ce que les petits propriétaires de lots
boisés, comme vous le dites, puisque dans vos chiffres ils auraient un
âge moyen de 50 ans...
M. COTE: Ce ne sont pas mes chiffres. Ce sont ceux du
ministère.
M. BELAND: Disons qu'en ce cas ce sont les chiffres du ministère.
Est-ce qu'ils vous ont donné des signes indiquant qu'ils avaient
l'intention d'abandonner la mise en marché, dans une certaine
proportion, du bois?
M. COTE: Non. Je souligne simplement que la chose s'est produite dans un
pays essentiellement forestier, la Norvège. Cela pourrait se produire
ici.
M. LESSARD: Vous avez sans doute pris connaissance du rapport Lussier.
Ce rapport dit que, sur une période d'années, avec le
développement de la sylviculture, il est possible de produire dans les
régions environnantes, à 20
milles des régions habitées, 11 millions de cunits de
bois, soit environ la même quantité de bois que nous produisons
actuellement, que tous les agents forestiers produisent actuellement.
Vous dites dans votre rapport que tout cela est bien beau, mais il va
falloir trouver preneur. Je suis complètement d'accord avec vous. Mais
est-ce que vous pensez que cela peut être fait? Est-ce que vous pensez
que cela pourrait diminuer considérablement le coût du bois? Il
est certain que nous n'empêcherons pas les Américains de
construire des usines chez eux. Mais si nous sommes capables de produire
à des coûts compétitifs à ceux des Etats-Unis, ils
seront probablement moins intéressés à construire des
usines. Est-ce que vous avez une opinion précise concernant ce
rapport?
M. LACHANCE: Je trouve que l'étude du Dr Lussier est très
belle mais, si vous l'avez lue, vous trouverez aussi qu'elle est basée
sur plusieurs hypothèses. Elle étend le terrain non pas seulement
relativement à la consolidation des propriétaires privés,
mais elle prend aussi une vingtaine de milles en profondeur, ce qui veut dire
qu'on enlèverait aux compagnies le bois qu'elles ont coupé en
1910,1920, c'est-à-dire le bois le plus beau qu'il reste sur les
concessions, la deuxième coupe; ce qui bouleverserait évidemment
l'aménagement des concessionnaires, parce que le plan
d'aménagement...
M. LESSARD: Non.
M. LACHANCE: ... est basé sur la coupe d'un soixantième
à peu près par année. Ce sont les bois qui ont
été coupés les premiers. Une chose qui
m'inquiéterait beaucoup et qui demanderait sûrement une
étude très approfondie, c'est l'aspect économique de tout
cela. C'est bien beau et ce serait merveilleux de voir de belles forêts
aux alentours des usines et en bordure de nos villages, mais à quel
coût? On sait que cela prend au moins une quarantaine d'années
pour reboiser une forêt, et là nous n'avons pas le droit puisque
le ministère exige environ 60, 70 ans, je pense. Il y a peut-être
quelques cas à 50 ans mais je ne suis pas sûr. En
général, on admet que le bois devient mûr à 60 ans.
Alors, quand il faut penser aux investissements que nous ferions aujourd'hui
pour fertiliser, pour planter et remettre en ordre ces terrains, avez-vous une
idée de ce que représenterait la valeur de ce bois sur pied, dans
50 ans d'ici?
M. LESSARD: M. Lachance, vous devez sans doute être au courant
qu'il y a une vingtaine d'années, dans le sud des Etats-Unis, on
trouvait très peu de bois et qu'on a fait passablement de sylviculture.
C'est parce qu'on a fait de la sylviculture, il y a vingt ans aux Etats-Unis.
Lors de la dépression on a fait travailler des assistés sociaux
et on a fait de la sylviculture.
Aujourd'hui, les Etats-Unis peuvent nous concurrencer, à cause du
climat et bien d'autres avantages, mais parce qu'on a planté aussi.
M. LACHANCE: Oui. J'y suis allé très souvent depuis 1940.
Ma première visite dans les forêts du sud remonte à 1942.
J'ai vu l'utilisation du bois du sud depuis longtemps, et aujourd'hui,
évidemment on fait de la plantation dans le sud parce qu'on
récolte, après 30 ans, 30 cordes à peu près,
à l'acre. Tandis que nous, après 60 ans, nous en récoltons
10, 12, 15. Ce n'est pas le même problème du tout.
M. LESSARD: Ce matin nous avons parlé du marketing, de la part
des entreprises.
Je suis d'accord que certaines entreprises font des efforts
considérables pour développer le marketing. Je comprends que la
concurrence dans le papier-journal est extrêmement difficile, mais il y a
d'autres produits qui deviennent de plus en plus intéressants. Vous
parlez du problème de papier fin l'entente du Kennedy Round a
posé certains problèmes pour les entreprises forestières
canadiennes dans ce domaine mais il y a la pâte kraft. Ce matin
j'avais commencé â vous poser une question. J'avais un peu
dérogé au règlement que l'on s'était fixé,
hier.
Lorsqu'on a lancé l'initiative Cabano, les entreprises
forestières voyaient d'un oeil assez critique la possibilité de
pouvoir trouver des marchés â l'extérieur pour le produit
de la cartonnerie de Cabano, la pâte kraft.
Je ne sais pas, peut-être que les compagnies n'avaient pas fait
d'explorations en Europe, mais comment expliquer maintenant qu'à la
suite de ces réticences, il semble, en tout cas, de plus en plus, que
Cabano ait trouvé un marché et ait pu se réaliser?
M. LACHANCE: Vous savez, je ne pense pas que je doive poursuivre et
exprimer une opinion au point de vue de l'usine de Cabano parce qu'il y a
là un problème économique, mais il y a aussi un
problème social. Et faire peser l'un contre l'autre, je pense que je ne
serais pas en mesure d'exprimer un point de vue sur Cabano.
M. LESSARD: Ce n'est pas dans ce sens, M. Lachance, que je vous pose la
question. On a parlé de marketing des compagnies et vous avez dit, ce
matin, que les compagnies faisaient des efforts considérables pour
développer leur marché. Lorsqu'on a lancé l'initiative de
Cabano, plusieurs, ou la plupart des entreprises forestières, ne
croyaient pas du tout qu'il était possible de trouver un marché
à l'extérieur, en Europe, et aussi au Canada. Le Canada, on n'en
parle pas, le marché était déjà occupé. Ces
gens-là se sont dit: On va essayer de trouver un marché. Et ils
ont réussi à trouver un marché.
Comment se fait-il que les compagnies forestières, avant cela,
n'avaient pas découvert ce marché?
M. LACHANCE: Nous ne sommes pas au courant du tout des prix que ces
compagnies ou que les intérêts étrangers sont prêts
à payer pour les produits qui seraient faits à Cabano. Mais nous
savons que c'est un marché saturé dans le moment et
d'après, non pas moi, mais les opinions émises, il semblerait que
c'est une entreprise assez hasardeuse dans le moment.
M. LESSARD: Ce sera probablement la dernière question, question
sur laquelle je reviens parce que certains députés l'ont
posée ce matin.
Vous demandez des exemptions de $27,175,000. Plutôt que de vous
accorder des exemptions, si l'Etat vous accordait certains crédits, ou
du moins si l'Etat vous accordait des subventions, est-ce que, en vertu du
principe que celui qui paie doit quand même contrôler si
j'achète, par exemple, des actions, à la bourse, de CIP, j'ai le
droit de participer aux décisions vous accepteriez plutôt
que de vous verser des subventions, que l'Etat achète des actions de
votre entreprise?
M. LACHANCE: Certainement, il n'y a absolument rien au Canada qui
empêche qui que ce soit, gouvernement ou individu, d'acheter des actions
et même de prendre le plein contrôle de toute entreprise, quelle
soit papetière ou autre. Il n'y a absolument rien. C'est tout simplement
le bon vouloir des investisseurs. Si j'avais suffisamment d'argent, je pourrais
bien acheter une compagnie papetière.
M. LESSARD: Je veux dire, M. Lachance, que si, par exemple, l'Etat
décidait, plutôt que de vous donner des exemptions, comme vous
l'exigez, comme vous la demandez, de vous verser des subventions quitte
à avoir, en retour, des actions, est-ce que cela réglerait en
partie votre problème?
M. LACHANCE: Cela dépend, c'est un problème un peu
différent. Que l'Etat destine ce qu'il nous donnerait en
allégement à des fins particulières ou qu'il y mette des
conditions voulues, c'est assez discutable. Mais il ne faut pas oublier qu'il
retire déjà des profits de l'entreprise directement.
M. LESSARD: M. le Président, je suis complètement d'accord
que l'Etat retire des profits de l'entreprise; cependant, si l'Etat devient
participant à l'entreprise, si l'Etat est obligé d'assumer les
risques de l'entreprise, je ne vois pas pourquoi ce serait exclusivement
l'entreprise...
M. LACHANCE: Non, mais il y a tout de même une chose qui se passe
en Suède et qui est très bien. Ici au Canada, dans le moment, le
fédéral et les provinces viennent chercher leur part habituelle,
dans les bonnes années, tandis qu'en Suède, le gouvernement
permet c'est d'ailleurs mentionné dans l'étude des
réserves à chaque entreprise pour les mauvaises années,
c'est-à-dire des exemptions d'impôt, des réserves que le
gouvernement accumule pour elles et dont elles peuvent disposer dans les
années maigres.
Alors, je trouve excellente une formule comme celle-là.
M. LESSARD: Dans vos deux mémoires, vous vous opposez
énergiquement aux mesures en profondeur, si je peux utiliser ce terme,
que veut instaurer le ministère des Terres et Forêts, en
particulier la redistribution des concessions forestières sur une
période de dix ans, abolition des concessions.
Cependant, vous nous faites un certain nombre de recommandations sans
vous attaquer, à mon avis, au problème véritable. Vous
dites: Donnez-nous pendant trois ans les exemptions suivantes puis nous serons
probablement capables de régler notre problème. Qu'est-ce qui
nous assure que, si nous acceptions votre mémoire tel quel, si on ne va
pas plus en profondeur, l'industrie forestière va reprendre de la
vigueur et va se développer? Déjà en 1965 c'est
malheureux à la suite de la commission Bélanger, on
pouvait entrevoir des difficultés dans l'industrie forestière
puisqu'on a décidé de faire siéger cette commission. C'est
le ministre Gosselin, je crois, qui avait décidé de la faire
siéger. Il y a déjà eu un livre blanc, un livre vert ou un
livre blanc à ce moment-là, il y a eu même des audiences de
la commission parlementaire des Terres et Forêts et ç'a
arrêté. Pourquoi? Je ne le sais pas. Peut-être si, en 1965,
on s'était attaqué au problème, qu'on n'aurait pas ces
difficultés aujourd'hui.
M. LACHANCE: Sans doute, monsieur. Bien avant 1965, l'Association des
industries forestières du Québec a présenté un
mémoire au gouvernement, au ministère des Terres et Forêts,
pour lui expliquer tous les problèmes fondamentaux qu'il fallait
résoudre. C'était en 1961. On n'a jamais donné suite
à ça dans l'ensemble.
M. LESSARD: Mais, en vous accordant les exemptions selon vos
recommandations que vous nous demandez, est-ce que vous croyez qu'on
règle le problème forestier au Québec en vous donnant
ça pendant trois ans? Est-ce que vous le croyez?
M. LACHANCE: Je crois sincèrement qu'on y aiderait
énormément. Je ne peux pas vous le promettre parce que c'est
tellement général, cette affaire-là, il y a tellement de
facteurs qui entrent en ligne de compte, je ne peux pas vous dire avec
assurance qu'on règle le problème. Je ne suis pas capable de vous
dire ça.
Par contre, nous, par les études que nous avons faites, nous
pensons que ce serait dans l'intérêt du Québec, de
l'industrie, oui, mais du Québec tout entier, de nous accorder ces
choses
parce que nous pensons que ça nous remettrait en bonne posture,
dans la bonne voie, pour que l'industrie se maintienne et continue à
progresser. Dans le moment, il y a tellement de problèmes fondamentaux
qu'on n'a pas résolus au Québec, et on voit les
développements dans tous les petits pays du monde qui sont à
construire des usines ici et là dans le monde qu'on voudrait sauver
l'industrie du Québec; on voudrait que l'industrie du Québec soit
prospère, et je pense que c'est dans l'intérêt de la
province que ce le soit. C'est pour ça qu'on n'a pas du tout
d'intérêt à régler le problème seuls; on a
besoin du gouvernement, on est désireux de coopérer dans la
mesure du possible avec le gouvernement pour trouver les solutions
adéquates. Mais il nous faut trouver les solutions et, seuls, nous ne
sommes pas capables de les trouver.
Il y a certaines choses que nous pouvons faire, on peut remédier
à certaines choses mais pas dans l'ensemble, pas pour tout.
M. LESSARD: Vous avez besoin du gouvernement, donc vous ne vous opposez
pas à l'intervention du gouvernement.
M. LACHANCE: Dans la bonne administration des forêts du
Québec, pas du tout.
M. LESSARD: Qu'est-ce que vous voulez dire quand, dans le mémoire
de l'Association des industries forestières du Québec, vous
dites: Le livre blanc poursuit un raisonnement visant à promouvoir un
étatisme excessif dans le domaine de la foresterie plutôt qu'une
saine économie forestière au Québec? Que voulez-vous dire
par une saine économie forestière au Québec par rapport
à l'étatisme?
M. COTE: Nous voulons dire par là, M. Lessard, qu'à
l'opposé du système proposé, nous voudrions que
l'entreprise libre ait la pleine facilité d'évoluer et de
prospérer au profit de la province, de ses citoyens et de ses
entreprises.
M. LESSARD: Merci, M. le Président, Merci, M. Lachance et M.
Côté.
M. LE PRESIDENT: Le député de Charlevoix.
M. LESSARD: Je dois dire que vous avez très bien défendu
votre thèse mais on peut quand même avoir des points
d'interrogation.
M. MAILLOUX: M. Lachance, M. le Président, récemment en
tenant compte des difficultés de concurrence qu'affronte l'industrie des
pâtes et papiers, comme les autres utilisateurs des produits forestiers,
le ministère des Transports vous a consenti un moratoire de trois ans.
Ce moratoire était forcément consenti en raison de la concurrence
dont on parle depuis deux jours, qui vient principalement des
difficultés de reboisement là où le climat ne vous
avantage pas. Vous mentionnez dans votre mémoire, à l'article IV,
qu'advenant une régie, le gouvernement construira des routes
d'accès et se remboursera par une charge aux usagers. Un peu plus loin
vous dites: Une chose est certaine, à moins que l'industrie ne soit
libre d'utiliser l'équipement le plus économique qu'elle est en
mesure de se procurer pour transporter sa matière première sur
ces routes, il en résultera des frais additionnels qui excéderont
les avantages que cette mesure pourrait donner.
J'espère que le moratoire qui vous a été consenti
vous permet de faire face davantage à la concurrence dont on parle,
celle des provinces voisines. Est-ce à dire que, s'il y avait une
régie d'Etat et que les chemins étaient construits, une fois le
moratoire terminé, vous ne seriez pas en mesure de respecter les normes
qui seraient prescrites pour le transport routier?
M. COTE: Nous parlons bien des routes en forêt, non pas des routes
publiques.
S'il fallait que ces règlement-là s'appliquent
intégralement, je vous garantis qu'il y aurait plusieurs industries
forestières qui fermeraient leurs portes.
M. MAILLOUX: M. Lachance, est-ce que vous me dites que, même
après le moratoire qui permettra aux différents industriels de
modifier leurs présents véhicules, même à ce
moment-là, l'industrie des pâtes et papiers ne serait pas en
mesure de respecter les normes permises sur les routes?
M. COTE: Il faudrait préciser, M. Mailloux. Je parle des chemins
en forêt, des chemins qui actuellement sont construits par l'industrie
forestière et utilisés par elle avec des charges absolument
libres. S'il fallait que les contrôles envisagés dans les
arrêtés en conseil dont vous parlez soient appliqués en ces
endroits, ce serait un désastre.
M. MAILLOUX: M. Lachance, j'ai forcément compris que vous parliez
des chemins en forêt, mais il demeure que la plupart des compagnies
doivent en même temps oeuvrer et sur le réseau de chemins
forestiers et sur le réseau provincial. Est-ce à dire que les
autres compagnies, celles qui ne transporteraient pas seulement sur le
réseau construit par des compagnies ou par l'Etat en chemins forestiers,
seraient handicapées, celles qui devraient se servir des deux
réseaux?
M. COTE: Oui, elles seraient probablement handicapées mais je
crois que la situation existe actuellement. Je ne sais pas comment elles se
tirent d'affaire, mais je peux vous dire qu'en forêt où on se sert
de l'équipement qui peut transporter des charges d'une dimension et
d'une pesanteur non restreintes.
Par exemple, pour transporter du bois de la souche ou du premier
landing, comme on dit à la première jetée à la
rivière, s'il fallait que, pour faire ce trajet, on emprunte les chemins
dont il est fait mention au livre blanc et qu'on applique les règlements
auxquels vous faites allusion, ce serait impossible.
M. MAILLOUX: M. le Président, j'ai peut-être
l'extrême avantage de demeurer dans le comté où la
compagnie qui oeuvre dans le secteur des pâtes et papiers est une des
rares qui appartiennent à des intérêts canadiens et
principalement à des intérêts québécois. Je
pense qu'à son crédit on peut immédiatement admettre
qu'elle a tenu compte de sa vocation socio-économique en tout temps. Je
veux rendre hommage à cette compagnie qui, je le crois n'est pas
visée dans ce livre blanc.
A la lecture du livre blanc, j'avais cru comprendre que le gouvernement
cherchait un droit de regard plus grand, qui permettrait à ce même
gouvernement de planifier en tenant compte de tous les intérêts
à desservir et non pas d'une seule utilité qu'en voudrait faire
une compagnie qui, forcément, voit principalement à ses
intérêts.
Je veux croire du livre blanc que ce n'est pas seulement le
procès des compagnies qui oeuvrent dans le secteur des pâtes et
papiers qu'on a voulu faire, mais que l'on veut mettre fin au gâchis qui
a découlé non seulement de l'action de ces mêmes compagnies
mais des territoires qui, sous quelques régimes politiques, ont
été concédés à des utilisateurs non
identifiés aux industries de transformation qui se trouvaient à
proximité.
Je voudrais donner un exemple que j'ai à la mémoire, sans
vouloir nommer une compagnie dont la presse a abondamment parlé sur la
rive sud et sur la rive nord, une compagnie qui ne transformait pas la
matière première mais qui faisait simplement du commerce. Toutes
les compagnies aujourd'hui font face à l'éloignernent des sources
d'approvisionnement, ce qui place plusieurs des compagnies dans des situations
assez difficiles.
Ce matin, M. Lachance faisait un tour d'horizon des approvisionnements
de chacune des compagnies. J'ai été un peu estomaqué quand
il est venu dans notre coin en disant qu'il n'y avait pas trop de
problèmes d'approvisionnement. On constate quand même que des
gestes posés par les différents ministères des Terres et
Forêts qui se sont succédé ont permis les anomalies dont je
parlais tantôt. On a vu les forêts à proximité des
usines qui sont organisées depuis très longtemps
être pillées de telle façon qu'on a pas tenu compte de la
transformation qu'on pouvait faire de la matière première sur
place même, mais cela a simplement servi des intérêts qui
étaient peut-être des intérêts politiques ou
autres.
Ne croyez-vous pas, M. Lachance, que quel que soit le type de gestion
qu'on voudra donner, il est temps que cessent les anomalies qui placent pour
les compagnies des pâtes et papiers et les autres industries de
transformation. Ne croyez-vous pas qu'il est temps que le ministère des
Terres et Forêts, en prenant toute sa responsabilité, s'assoie
à la même table que ceux qui auront à oeuvrer dans tous les
secteurs de transformation des pâtes et papiers ou autres et fasse une
meilleure distribution des territoires actuellement concédés?
M. LACHANCE: Je suis d'accord avec vous que le gouvernement devrait
s'assoir à la table et régler toutes les anomalies qui existent
dans le système actuel.
M. MAILLOUX: Il y a une chose que je ne comprends pas dans une
affirmation, comme celle que vous faites actuellement. Sous tous les
gouvernements, je voudrais peut-être faire le mea culpa des politiciens
ici, comment se fait-il que toutes ces anomalies qui se sont produites dans la
province font qu'aujourd'hui les sources d'approvisionnement sont tellement
éloignées? Comment se fait-il que les compagnies qui auraient
à transformer la matière première n'ont pas fait le
nécessaire pour dire au gouvernement ce que cela entraînerait dans
les années qui suivraient?
Est-ce que vous ne croyez pas que les compagnies ont regardé
peut-être d'un oeil complaisant tous les gestes qui ont été
posés?
M. LACHANCE: Quelle anomalie, monsieur, voulez-vous mentionner? Dans la
province, il existait des terrains privés qui ont été
exploités. Je ne peux pas voir de quelle anomalie vous parlez.
Evidemment, si c'est un cas qui concerne seulement une compagnie, je ne
m'aventurerai pas à y répondre.
M. MAILLOUX: Quelles que soient les compagnies, il demeure qu'on voit
des forêts qui sont utilisées par des entrepreneurs forestiers,
à moins de dix milles des compagnies, et qu'on les laisse piller pour
expédier le bois dans des régions très
éloignées. J'imagine que les compagnies auraient dû faire
le nécessaire pour faire connaître à tous les gouvernements
qui se sont succédé qu'ils agissaient à l'encontre des
intérêts des collectivités à desservir.
Je dis que les compagnies ont regardé d'un oeil complaisant, ont
laissé piller les forêts. Elles n'ont peut-être pas fait
tout leur devoir envers la société.
M. LACHANCE: C'est votre opinion.
M. MAILLOUX: C'est une opinion qui, malheureusement, force aujourd'hui
le ministère des Terres et Forêts à repenser toute la
structure des terres et forêts.
M. Lachance, ce matin, l'honorable député de Chicoutimi
vous a posé des questions relativement à la pollution. Est-ce que
vous croyez
que, dans le combat contre la pollution, les compagnies de pâtes
et papiers se rendent aussi loin qu'elles le devraient?
M. LACHANCE: Dans le moment, sûrement. Si on regarde le
progrès que les compagnies ont faits depuis quelques années,
depuis que de nouveaux règlements existent, je pense que le gouvernement
est d'accord pour dire que les compagnies, dans la mesure de leurs moyens, se
soumettent à toutes les lois et règlements que le gouvernement
impose suivant un programme déterminé. Et, là-dessus, je
pense que le ministère de M. Goldbloom est d'accord.
M. MAILLOUX: M. Lachance, si je comprends bien, vous êtes contre
une régie qui ne ferait qu'ajouter aux frais d'administration. Vous
êtes, par contre, pour une meilleure utilisation de toutes les
ressources, de la matière première, en tenant compte de tous les
utilisateurs qui peuvent être sur le terrain.
M. LACHANCE: Sans aucun doute.
M. MAILLOUX: Je voulais ajouter un mot. On a passablement charrié
sur les compagnies de pâtes et papiers mais il y a une constatation
brutale qu'on fait dans nos comtés, c'est qu'énormément de
concessions sont faites aux industries de sciage. Le pillage de nos
forêts est malheureusement plus grand chez certains utilisateurs qui se
servent des boisés les plus abondants et rendus le plus à
maturité et qui se soucient très peu de protéger la
forêt dans le but d'une multiple utilisation.
Il y a certaines scieries organisées à coups d'argent dans
la région de Charlevoix; je pense que ce n'est pas ce que le
ministère des Terres et Forêts a fait de mieux dans l'utilisation
de nos boisés. S'il y a eu de nombreuses critiques sur la mauvaise
utilisation des forêts, je dis que, chez nous dans Charlevoix, la
compagnie a toujours fait en sorte d'utiliser les boisés rendus à
maturité. Il n'y a jamais eu de gaspillage de la part de Donohue
Brothers. Le gaspillage qu'on a eu chez nous est venu d'utilisateurs qui
n'étaient que des entrepreneurs forestiers ou de scieries qui n'ont en
aucune façon tenu à assurer la survie de la forêt de
Charlevoix.
M. LACHANCE: Cela me fait plaisir que vous fassiez des compliments
à une de nos compagnies membres.
M. MAILLOUX: C'est une des compagnies, M. Lachance, qui méritent
d'être félicitées. Je le disais au départ, elle en a
tenu compte dans toute son action de sa vocation socio-économique.
M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Nicolet.
M. VINCENT: M. le Président, j'aurais une ou deux questions
à poser à M. Lachance. Vous parlez dans votre mémoire du
tarif du transport ferroviaire du papier-journal et vous dites qu'entre
Grand'Mère et New York, une distance de 466 milles, le coût du
transport est de $18.80 la tonne, alors que celui du transport d'une charge
égale entre l'Etat du Maine et New York, une distance de 542 milles, est
de $16.80 la tonne. Cela surprend à première vue pour les
profanes. Seriez-vous en mesure de nous expliquer pour quelle raison le taux de
transport est aussi disparate?
M. LACHANCE: Cela nous surprend nous aussi, vous savez. C'est l'entente
qui a existé dans l'établissement des tarifs par zone, entente
conclue par le ministère des Transports à Ottawa et l'Interstate
Commerce Commission aux Etats-Unis. Alors, nous ne pouvons rien faire. De tout
temps, l'industrie a présenté des mémoires et a
demandé que des ajustements soient faits à ce sujet, au sujet des
tarifs, pour qu'il n'y ait pas de discrimination, mais, jusqu'à
aujourd'hui, nous n'avons rien gagné. Par contre, il me fait plaisir de
vous dire que la Commission des transports tiendra des auditions publiques elle
aussi cet automne pour étudier ce qu'on pense être une
discrimination envers les usines du Québec. Nous aurons
là-dessus, il me fait plaisir aussi de le mentionner, l'appui du
gouvernement du Québec, qui enverra des représentants et qui, du
moins, appuie notre point de vue.
M. VINCENT: Je vous remercie, M. Lachance. J'ai une autre question.
Quand vous dites qu'au cours des dix dernières années l'industrie
des pâtes et papiers a construit 6,400 milles de routes praticables, en
forêt, en toute saison, au coût de $43 millions, est-ce que ces $43
millions incluent la contribution tant du gouvernement fédéral
que du provincial ou si c'est seulement une contribution de l'industrie?
M. LACHANCE: C'est seulement une contribution de l'industrie, parce que
toutes les routes qui ont été construites sur les concessions
l'ont été aux frais des concessionnaires. Alors, le gouvernement
n'a jamais payé quoi que ce soit pour la construction de routes sur les
concessions forestières, à moins que cela ait été
en vue de projets comme celui de Manicouagan, où il y avait des
constructions de barrages qui nécessitaient la construction de routes
par l'Etat.
M. VINCENT: Mais, est-ce que, tout récemment, il n'y a pas des
projets, comme par exemple, dans le comté de Berthier et dans certains
autres comtés, où, par l'entremise de la loi ARDA, on contribue,
parce que, justement, ces chemins sont également accessibles à
d'autres usagers que les compagnies forestières?
M. LACHANCE: Oui. On me dit qu'il y a
certains chemins où il y a eu une contribution
fédérale et peut-être aussi provinciale, dans la
construction de certains chemins en vertu de projets comme celui que vous
mentionnez.
M. VINCENT: J'arrive à la dernière question. Si le
gouvernement contribuait à la construction de ces chemins, à ce
moment-là, vous n'auriez pas objection à payer de la taxe sur les
carburants et l'essence?
M. LACHANCE: Aucunement. Parce que cela deviendrait des routes publiques
et nous n'aurions pas la responsabilité en cas d'accidents, que nous
avons dans le moment et que nous sommes seuls à assumer.
M. VINCENT: Maintenant, les chemins d'accès dans les concessions,
advenant que le ministère ou le gouvernement du Québec rende plus
accessibles les forêts à la population ces chemins d'accès,
vous en assumez présentement la responsabilité, s'il y a des
accidents et le reste. Est-ce qu'il y a eu des propositions concrètes,
par les compagnies, au ministère des Terres et Forêts, pour un
partage de ces responsabilités, parce que je suis convaincu que c'est
assez dispendieux?
M. LACHANCE: Nous avons à plusieurs reprises demandé que
le gouvernement partage les responsabilités. Quant à la taxe de
vente sur les carburants, nous n'aurions pas d'objection du tout à la
payer, pour ce qui concerne le transport sur ces routes qui seraient devenues
publiques. Mais cela ne change pas du tout le fait que, dans les autres
provinces canadiennes, on n'impose pas de taxe sur les carburants
utilisés sur les routes qui ne sont pas des routes publiques. Il
resterait quand même un volume considérable, c'est-à-dire
des montants considérables à payer pour l'essence et l'huile
utilisées en forêt.
M. VINCENT: Présentement, qu'ils travaillent en forêt, dans
les cours de triage ou dans les cours des usines, vous devez payer de la taxe
sur les carburants utilisés pour tous vos véhicules, même
s'ils ne vont pas du tout sur les routes?
M. LACHANCE: Exactement. Ils doivent avoir des plaques d'immatriculation
que nos concurrents n'ont pas non plus au Canada.
Cela n'est pas obligatoire, par exemple, pour une machine comme la
Tanguay. Je ne sais pas si la Tanguay a une plaque d'immatriculation, je le
croirais parce qu'elle se déplace. Tout équipement en forêt
qui se déplace doit avoir une plaque d'immatriculation, chose qui
n'existe pas dans les autres provinces. En plus de cela, il faut payer la taxe
sur les carburants de tout l'équipement qu'on utilise.
M. VINCENT: Présentement, dans les autres provinces du Canada, on
n'impose pas la taxe sur les carburants à ces véhicules ni la
plaque d'immatriculation? C'est seulement au Québec qu'on le fait?
M. LACHANCE: A ma connaissance, oui. Est-ce que c'est exact? Je ne
voudrais pas fausser l'opinion. A ma connaissance, oui.
M. COTE: C'est exact. Il reste un résidu de $0.03, je crois, en
Ontario, et cela peut varier dans les autres provinces, mais c'est
insignifiant.
M. LACHANCE: Peut-être en Colombie-Britannique où il semble
y avoir hésitation à ce sujet.
M. MAILLOUX: Comme c'est une accusation qui a souvent été
portée contre les compagnies, est-ce que vous avez bien dit tantôt
que, quant au chemin construit pour le transport en forêt sur une des
concessions des compagnies, en aucune façon il n'y a eu de subventions
versées pour la construction des chemins pour autant qu'il n'y avait pas
une double utilité pour les fins de Rexfor ou autre. Est-ce que vous
avez dit que les chemins avaient été construits en entier et
financés par les compagnies?
M. LACHANCE: Dans l'ensemble oui. Je pense, avant 1972.
M. MAILLOUX: Avant 1972. Il n'y avait jamais eu de subventions pour
aucun chemin de pénétration en forêt qui desservait une
compagnie en particulier?
M. COTE: Il peut y avoir une exception qu'on ne connaît pas.
M. MAILLOUX: D'accord. M. COTE: Une ou deux.
M. LACHANCE: On a dit même que la compagnie Price n'a pas eu
d'aide pour la construction de ses chemins depuis 1850.
M. MAILLOUX: Je vous ai fait réaffirmer cela pour une raison,
c'est que cela nous est souvent lancé dans la figure que les compagnies
ont bénéficié largement de contributions gouvernementales
pour leur réseau routier forestier.
M. LE PRESIDENT: Je remercie M. Paul Lachance, du Conseil des
producteurs de pâtes et papiers, ainsi que M. Anatole Côté,
président de l'Association des industries forestières du
Québec, et ceux qui les accompagnent pour s'être
prêtés aux nombreuses questions des membres de la commission.
Soyez assurés que nous allons prendre en considération votre
mémoire.
M. LACHANCE: C'est nous, M. le Président, qui vous remercions de
nous avoir écoutés aussi longtemps.
M. VINCENT: Et on espère que la suggestion du
député de Chicoutimi d'aller visiter vos usines et même les
concessions sera acceptée par le ministre.
M. LACHANCE: J'espère que vous visiterez les usines, les
concessions et les opérations forestières.
M. VINCENT: Pas tous mais...
M. LACHANCE: Vous êtes les bienvenus là où vous
voudrez aller.
M. LE PRESIDENT: Avant d'ajourner la séance, en principe, nous
entendrons, jeudi le 31 août, Consol Ltée, L'Union catholique des
cultivateurs, et M. Raymond Dion, ingénieur forestier. En principe. Nous
confirmerons par téléphone, mardi, la liste des organismes qui
ont été convoqués aux auditions. La séance est
levée et ajournée à 10 heures le 31 août 1972.
(Fin de la séance à 17 h 48)