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Version finale

29th Legislature, 3rd Session
(March 7, 1972 au March 14, 1973)

Wednesday, August 23, 1972 - Vol. 12 N° 78

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Politique forestière


Journal des débats

 

Commission permanente

des Richesses naturelles

et des Terres et Forêts

Politique forestière

Séance du mardi 22 août 1972

(Dix heures et dix minutes)

M. PILOTE (président de la commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!

Avant de commencer la séance, je voudrais mentionner que M. Arsenault est remplacé par M. Marchand, de Laurier, M. Coiteux est remplacé par M. Pelletier, M. Larivière, de Pontiac, est remplacé par M. Dionne, de Compton, M. Loubier est remplacé par M. Vincent, de Nicolet, M. Massé, d'Arthabaska, est remplacé par M. Caron, de Verdun, M. Perreault, de l'Assomption, est remplacé par M. Bacon, de Trois-Rivières, M. Tremblay, de Chicoutimi, remplace M. Simard, de Témiscouata.

La séance ajo'urnera ses travaux à midi trente pour recommencer à 2 h 30. La parole est à M. René Barry, directeur général de l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec.

Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec

M. BARRY: M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission parlementaire, notre association, ce matin, l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec, est officiellement représentée par M. Charles Guérette, président de l'association; il est accompagné de M. Jean-Pierre Dufresne, vice-président de l'association, et j'ai l'honneur de l'accompagner. Je vais laisser la parole à M. Guérette, qui va vous soumettre les idées qui ont été préparées par notre association et qui ont été exprimées sous forme de mémoire afin de soumettre le point de vue de l'industrie du sciage en général et les points de vue des membres en particulier vis-à-vis de la réforme qui est proposée dans les tomes du livre blanc présenté par l'honorable ministre des Terres et Forêts.

M. GUERETTE: M. le Président, messieurs, notre association a préparé un mémoire assez volumineux, comme vous le savez. Etant donné les normes de votre commission, nous avons aussi présenté un résumé. Nous croyons, nous, de l'association, qu'il serait préférable de procéder à la lecture complète du mémoire. Toutefois, nous nous soumettrons à votre décision à savoir si vous préférez qu'on lise seulement le résumé.

M. DRUMMOND: Je suis d'accord sur cela, qu'on lise le mémoire et ensuite on aura des questions à poser des deux côtés ici.

M. GUERETTE: Le mémoire en entier? M. LE PRESIDENT: Non, le résumé. M. DRUMMOND: Le résumé.

M. GUERETTE: D'accord. L'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec a préparé un mémoire à l'intention de la commission parlementaire des richesses naturelles et des terres et forêts au nom de l'industrie du sciage du Québec.

Ce mémoire comporte un aperçu historique, une mise au point au sujet de l'industrie forestière au Québec, et cinq chapitres traitant respectivement de l'apport économique et social de l'industrie des sciages; l'accessibilité des ressources forestières; les usines; la mise en marché des sciages et enfin des responsabilités de l'Etat.

Tout au long de son mémoire, notre association amène des considérations qui conduisent à des recommandations qui, nous l'espérons, seront de nature à aider le gouvernement à la préparation de la loi qui orientera la politique forestière au Québec.

Nous présentons à titre de résumé de notre mémoire un sommaire de chaque chapitre et nous reproduirons dans leur entier les 45 recommandations précises contenues dans le texte intégral de notre mémoire

L'industrie forestière au Québec: une mise au point. Dans le tome I de l'Exposé sur la politique forestière intitulé: "Prospective et problématique", on retrouve une description de l'industrie forestière du Québec telle que vue à travers de nombreux tableaux statistiques. Nous croyons que l'image présentée n'est pas exacte et informe mal de lecteur. Nous apportons ici quelques précisions que nous croyons primordiales.

Tout d'abord, nous affirmons qu'il n'y a qu'une industrie forestière au Québec. Il s'agit d'une industrie primaire, il n'y a pas de petite et de grande industrie, il n'y a pas de bonne ou de mauvaise industrie. Il peut y avoir — et effectivement il y a — de petites et de grandes entreprises, de bons ou de moins bons industriels. Nous soutenons qu'il est faut de dire que le sciage doit être catalogué comme petite industrie et que les pâtes et papier constituent la grande industrie.

L'industrie forestière se divise en secteurs. Parmi ceux qui utilisent l'arbre comme matière première, il y a trois secteurs importants: celui du déroulage, celui du sciage et celui des pâtes. Il en existe aussi nombre d'autres moins importants tels les arbres de Noël, le bois de chauffage, le charbon de bois, la clôture. Enfin, d'autres secteurs vont recueillir des produits de l'arbre ou des parties d'arbre comme la sève, la gomme et l'écorce.

Chaque secteur de l'industrie primaire peut se rattacher à un secteur d'une industrie secondaire. Ainsi, on connaît les pâtes et le papier, les pâtes et le carton, les pâtes et la cellulose.

Du côté du sciage, il y a des combinaisons avec la construction, avec la caisserie, avec les fabriques de meubles, la parqueterie, alors qu'on associe le déroulage avec le placage et le contre-placage.

La présentation du placage et du contre-placage à titre d'industrie forestière est erronée puisqu'il s'agit d'une industrie du bois au niveau secondaire. Le secteur forestier primaire correspondant est le déroulage.

Cette mise au point nous amène à nous questionner sur les raisons qui ont créé la confusion quasi universelle qui règne dans le monde forestier au Québec. Nous constatons avec déception que tout notre contexte forestier, à tort, s'identifie trop exclusivement au secteur des pâtes et papiers. Nous nous étonnons à juste titre que cette mentalité se retrouve au ministère des Terres et Forêts. Peut-on accepter que des lois accordent des traitements de faveur au secteur des pâtes et ce, au détriment des autres secteurs de l'industrie forestière?

Le seul fait que le secteur des pâtes soit le plus important de l'industrie forestière est-il suffisant pour qu'on néglige les autres?

L'apport économique et social de l'industrie des sciages :

Entre 1946 et 1969, on a assisté à une restructuration de l'industrie du sciage du Québec. Nombre d'usines non rentables ont fermé leurs portes alors que celles qui jouissaient d'un caractère permanent ont pu se consolider. Malgré une diminution dans le nombre d'établissements, la production totale du Québec en bois de sciage n'a cessé d'augmenter. Le rythme d'accroissement aurait été meilleur si l'industrie avait pu évoluer plus librement. Cette évolution s'est produite en dépit du fait que le prix moyen de vente du bois n'a augmenté qu'à un taux annuel de 3 p.c.

L'industrie du sciage a amélioré son image au cours de sa récente évolution. En quinze ans, le nombre moyen de salariés par usine a doublé et les salaires ont presque quadruplé, s'accroissant annuellement de 8.5 p.c. en moyenne. Pendant ce temps, les industriels amélioraient la qualité de leurs produits en adoptant des normes de classification.

Depuis une vingtaine d'années, l'industrie du sciage a augmenté la gamme de ses produits par la fabrication de copeaux à pâte. La production annuelle de cette marchandise s'élève à quelque 1,300,000 tonnes anhydres auxquelles il faut ajouter les centaines de mille tonnes de planures et de bran de scie qu'elle offre aux usines de pâtes.

L'industrie du sciage du Québec veut continuer à remplir son rôle social et économique, mais elle ne peut le faire seule. Elle voudrait que les autorités en place lui manifestent de la compréhension. Le ministère des Terres et Forêts détient les solutions à plusieurs des problèmes qui empêchent les industriels du sciage de participer plus activement à l'essor du Québec.

L'accessibilité aux ressources forestières. L'industrie du sciage du Québec doit son existence et son développement aux industriels québécois qui n'ont pas hésité à investir tout leur avoir personnel dans la construction d'usines de sciage. Pour approvisionner leurs scieries, nos industriels peuvent compter sur sept sources d'alimentation: les forêts domaniales, les terrains vacants de l'Etat, les concessions des sociétés étrangères au sciage, les concessions des industriels du sciage, les terrains privés, l'importation et les opérations forestières des organismes paragouvernementaux.

Les forêts domaniales. La forêt domaniale existe chez nous depuis plus de cinquante ans, mais ce n'est que très récemment que cette forme de tenure a pris de l'importance au Québec. Depuis 1965, les forêts domaniales ont contribué grandement à l'approvisionnement des usines de sciage. Il reste cependant des correctifs à apporter aux modalités administratives adoptées afin de répondre exactement aux besoins des scieries.

Les terrains vacants de l'Etat. Les terrains vacants de l'Etat constituent encore une source d'alimentation des scieries, mais il semble qu'on tende vers leur conversion en forêts domaniales.

Les concessions forestières des sociétés étrangères au sciage. Les concessions forestières des sociétés étrangères au sciage ont fourni de forts volumes de bois pour approvisionner les usines de sciage. Cependant, la vente de ce bois a donné lieu à de nombreuses récriminations et il y aurait probablement lieu pour le gouvernement de mener une enquête sur les transactions qui ont été conclues entre affermataires et détenteurs de permis et sur les circonstances qui ont entouré ces transactions.

Les concessions des industriels du sciage. Les concessions des industriels du sciage sont tellement peu nombreuses et tellement petites qu'il y a peu à dire à leur sujet.

Les terrains privés. Les terrains privés représentent un fournisseur important pour les industriels du sciage. Ces derniers désirent les garder.

L'importation. L'importation constitue la seule source d'alimentation de plusieurs scieries situées près des frontières. La perte de cette source de matière première serait une catastrophe pour les municipalités qui dépendent de ces scieries.

Le bois des organismes paragouvernementaux. Le bois coupé par les organismes paragouvernementaux peut alimenter les scieries d'une façon avantageuse pour toutes les parties intéressées. Il faudra cependant prendre les précautions nécessaires pour que les programmes de ces organismes ne provoquent pas de conflits avec les projets déjà établis par l'industrie et approuvés par le gouvernement.

L'optimalisation de l'utilisation des ressources. Etant donné la multiplicité des sources d'approvisionnement et la diversité des usages du bois comme matière première, il faut chercher l'optimalisation dans l'utilisation de la

ressource. En conformité avec les principes de l'utilisation rationnelle, nous recommandons: 1) Que le ministère des Terres et Forêts dirige vers les industries de déroulage les bois qui conviennent au déroulage, vers les industries du sciage ceux qui doivent aller au sciage et vers les usines de pâte la matière ligneuse qu'elles peuvent utiliser.

La disponibilité des ressources. Il arrive souvent que du bois se perde alors que des usines capables de l'utiliser sont privées de matière première. Cette situation est vraiment condamnable lorsqu'elle provient du fait que des forêts sont détenues par des affermataires qui n'en tirent pas la possibilité en matière ligneuse.

En conformité avec les principes d'une sage gestion qui met à profit les disponibilités de la ressource, nous recommandons: 2) Que le ministère des Terres et Forêts mette immédiatement en disponibilité les possibilités non utilisées des concessions forestières et n'attende pas les échéances prévues dans son programme d'abolition des concessions.

Il faut absolument que l'Etat prenne des précautions nécessaires pour que les usines de transformation du bois puissent songer à prendre de l'expansion lorsque les circonstances le permettront. Il ne faut pas que ces précautions paralysent le développement des uns au profit des autres.

Afin d'éviter le gel inutile des territoires forestiers, nous recommandons: 3) Que le ministère des Terres et Forêts perçoive des industriels les droits de coupe correspondant aux possibilités forestières qui leur sont attitrées ou réservées.

La quantité de bois coupé en vue de l'approvisionnement des usines varie d'une année à l'autre pour une multitude de raisons dont plusieurs échappent au contrôle de leurs propriétaires.

Afin de compenser pour les écarts inévitables entre la possibilité des territoires destinés à un industrie et la coupe qu'il y effectue, nous recommandons: 4) Que le ministère des Terres et Forêts puisse imputer à l'année précédente ou à l'année suivante toute différence raisonnable entre la quantité totale allouée à un détenteur de permis de coupe et la quantité totale coupée.

Il faut prévoir des cas où des territoires forestiers seront retenus en vue de l'agrandissement d'usines ou de l'implantation d'industries nouvelles. Cependant, de tels projets ne se réalisent pas sans des études qui peuvent durer quelques mois.

Afin de permettre la conduite d'études sérieuses préliminaires à l'agrandissement d'usines existantes ou à l'implantation d'usines nouvelles, nous recommandons: 5) Que le ministère des Terres et Forêts puisse retenir les territoires forestiers nécessaires à l'agrandissement d'usines existantes ou à l'implantation d'usines nouvelles pendant une période d'étude n'excédant pas trois ans sans réclamer des droits de coupe sur la possibilité forestière du territoire.

Même si ces territoires sont ainsi retenus, il ne faut pas croire que la forêt cesse d'offrir sa possibilité. Il faut donc prévoir que le gouvernement puisse permettre l'utilisation du bois disponible en accordant des approvisionnements à court terme à d'autres entreprises qui pourraient ainsi s'alimenter d'une façon temporaire.

Afin de permettre au gouvernement de retirer le maximum de revenu de ses forêts et afin de créer de l'emploi en distribuant toute la matière première disponible, nous recommandons: 6) Que le gouvernement alloue par des contrats à court terme la possibilité forestière des territoires retenus en vue de l'agrandissement d'usines existantes ou de l'implantation d'usines projetées.

L'élaboration des politiques d'allocation de la matière provenant des terrains publics ne peut venir que du gouvernement qui est aussi responsable de leur mise en oeuvre. L'Etat doit contrôler lui-même les sources d'approvisionnement en essences feuillues et résineuses et émettre lui-même, sans intermédiaire, les permis d'exploitation.

En conformité avec les responsabilités qui incombent à l'autorité gouvernementale, nous recommandons : 7) Que le ministère des Terres et Forêts émettre tous les permis de coupe directement aux exploitants et perçoive lui-même les redevances et s'assure qu'aucun intermédiaire n'impose de contraintes indues aux utilisateurs.

Les garanties d'approvisionnement. Tous les industriels forestiers, quel que soit le secteur auquel ils appartiennent, sont assujettis aux mêmes lois, aux mêmes contraintes dans le financement de leurs constructions, aux mêmes cédules de dépréciation.

Les chances d'atteindre plus ou moins rapidement le seuil de la rentabilité peuvent varier d'un secteur industriel à l'autre, d'une année à l'autre. Les financiers seront incités à investir dans un domaine plutôt que dans un autre selon l'attrait que lui présentera un secteur industriel dans son ensemble. Aussi, nous nous opposons à ce que l'importance des sommes à immobiliser soit le critère qui établisse la durée d'un programme d'allocation de matière première.

Compte tenu des exigences des sociétés de financement et compte tenu des cédules uniformes de dépréciation, nous recommandons: 8) Que le ministère des Terres et Forêts évite toute forme de discrimination et que les sommes à investir ne constituent pas le critère pour fixer la durée du contrat d'approvisionnement.

La durée de l'approvisionnement est capitale; la quantité de bois allouée est vitale.

Afin d'assurer une continuité d'opération et une permanence d'emploi dans toutes les usines du secteur forestier, nous recommandons:

9) Que le ministère des Terres et Forêts accorde des contrats d'approvisionnement correspondant à la capacité de la machinerie installée et aux besoins des usines quel que soit le secteur forestier auquel elles appartiennent.

La concentration des zones d'approvisionnement. La matière première destinée à une usine doit être située dans des zones concentrées.

Afin de permettre à l'industrie du sciage d'améliorer l'efficacité de ses opérations forestières, nous recommandons: 10) Que le ministère des Terres et Forêts offre aux industriels du sciage des territoires de coupe concentrés et délimités de façon à leur permettre de réaliser des économies d'échelle.

Aucune industrie ne peut se permettre de changer à tout moment de territoire. Les sommes qu'il faut investir en construction de toutes sortes sont irrécupérables sinon en les amortissant sur un certain volume d'affaires.

Afin de permettre aux industriels forestiers de planifier leurs opérations forestières à long terme, nous recommandons: 11) Que le ministère des Terres et Forêts garantisse une permanence dans la localisation des territoires de coupe qu'il réserve à l'intention de tout industriel forestier.

Toute entreprise dans le monde de l'industrie forestière a ses limites économiques d'accessibilité aux zones d'approvisionnement. Le secteur du sciage n'échappe pas à la règle et le coût de la matière première livrée à l'usine fait foi de tout.

Afin d'équilibrer l'ensemble des charges qui établissent le coût de la matière première livrée à l'usine, nous recommandons: 12) Que le ministère des Terres et Forêts tienne compte de l'éloignement et de l'accessibilité de la matière lorsqu'il localise le parterre de coupe qu'il destine à un industriel forestier.

Dans son "Exposé sur la politique forestière", le ministère des Terres et Forêts annonce une révision de son tarif des droits de coupe. Nous croyons qu'il serait juste et raisonnable d'établir les redevances à verser à l'Etat en fonction des essences, des diamètres, de la qualité des billes, de la qualité des sites et des peuplements, de l'éloignement et de l'accessibilité. Enfin, les fluctuations dans le prix du produit fini peuvent entrer en ligne de compte.

Afin de rendre justice aux utilisateurs du bois et afin de procurer à l'Etat le maximum de revenu de ses forêts, compte tenu des circonstances, nous recommandons: 13) Que le ministère des Terres et Forêts établisse les rentes qu'il réclame pour l'attribution de la matière en tenant compte de la valeur intrinsèque de la matière première rendue à l'usine de transformation et des prix de vente des produits finis.

Les usines. Considérons le statut des usines existantes et le contrôle à exercer sur l'implantation de nouvelles usines.

Le permis d'usine. Toute industrie doit posséder un répertoire complet de ses unités de production. L'industrie du sciage n'est pas favorisée de ce côté. Une façon facile de dresser une liste d'établissements consiste à émettre des permis d'exploitation d'usine et à maintenir un registre des permis.

En vue de la préparation d'une liste complète et valable des usines qui utilisent le bois non transformé comme matière première et en vue d'établir un meilleur contrôle de ses usines, nous recommandons: 14) Que le ministère des Terres et Forêts émette un permis annuel d'exploitation d'usine indiquant la quantité maximale de bois qui peut être transformée dans cette usine pendant la durée de ce permis en se basant sur la capacité installée à la date de l'émission du permis, et que le ministère maintienne un registre public des permis accordés afin d'établir une base de répertoire des usines en opération.

L'émission d'un tel permis fournit une excellente occasion au gouvernement de recueillir une foule de renseignements sur les usines qui utilisent le bois comme matière première, puis de se servir de ces informations pour bâtir des statistiques. En vue de la préparation de statistiques valables couvrant le secteur du sciage, nous recommandons: 15) Que le ministère des Terres et Forêts exige que les industriels forestiers soient tenus de remplir annuellement un questionnaire afin d'obtenir le permis d'exploitation d'usine, et qu'il utilise les renseignements recueillis dans la préparation de statistiques officielles.

Les honoraires que le gouvernement pourra exiger, lors de l'émission de permis d'exploitation d'usines, devront être minimes. Afin d'éviter de taxer trop lourdement les petites entreprises, nous recommandons: 16) Que le ministère des Terres et Forêts réduise au minimum les honoraires qu'il exigera lors de l'émission annuelle des permis d'usines et que les sommes demandées ne servent qu'à couvrir les frais entrâmés.

Les usines intermittentes. L'industrie du sciage compte un certain nombre d'usines à caractère intermittent. Quelques-unes peuvent ternir la réputation de toute l'industrie, à cause de leur comportement discutable. Il y a lieu d'assainir le secteur.

Afin d'éliminer les éléments indésirables du secteur sciage, nous recommandons: 17) Que le ministère des Terres et Forêts procède à une enquête spéciale en vue d'exiger réponse à son questionnaire pertinent, chaque fois qu'une demande de permis d'usine lui est présentée pour une entreprise qui n'a pas opéré pendant une période de un an ou plus.

A l'occasion de la redistribution de la matière, le gouvernement devrait considérer la consolidation des entreprises viables.

Afin d'éliminer du secteur forestier, les usines qui offrent peu d'intérêt, nous recommandons: 18) Que le ministère des Terres et Forêts

adopte les mesures nécessaires visant à faire disparaître les usines inopérantes qui offrent peu de chance de réouverture et qu'il prévoit une forme de dédommagement à l'intention de leurs propriétaires.

Pour ce qui est des usines qui présentent des chances intéressantes de survie, grâce à un potentiel d'alimentation, le ministère ne devrait considérer que des contrats d'approvisionnement à long terme.

En vue de consolider les usines qui réouvriront leurs portes, nous recommandons: 19) Que le ministère des Terres et Forêts ne considère que la réouverture d'usines à qui il peut accorder un contrat d'approvisionnement à long terme.

Les usines marginales. Dans tout secteur industriel, il existe des entreprises marginales. L'expérience démontre que le gouvernement a adopté des attitudes bien différentes afin de régler les cas d'usines marginales selon le secteur auquel elles appartiennent.

Afin d'éviter toute forme de discrimination, nous recommandons 20) Que le gouvernement accorde le même traitement à tous les secteurs de l'industrie forestière dans le cas d'usines marginales.

Les usines nouvelles et l'agrandissement des usines existantes. L'industrie forestière n'a pas atteint son point de saturation. Il faut prévoir une politique qui saura planifier l'expansion.

Afin d'accorder aux entreprises en place la préférence à laquelle elles ont droit, nous recommandons: 21) Que le ministère des Terres et Forêts s'assure que les usines existantes puissent compter à long terme sur toute la matière première dont elles ont besoin pour satisfaire à tous leurs besoins, avant de favoriser l'implantation de nouvelles usines.

Lors de la réalisation de développements industriels, le gouvernement doit songer aux conséquences des investissements étrangers.

Afin de favoriser les résidents du Québec qui désirent investir dans leur province, nous recommandons : 22) Que le ministère des Terres et Forêts accorde préférence aux industriels du Québec, avant d'inviter des capitaux étrangers pour l'implantation de nouvelles usines.

Les règles de l'utilisation optimale doivent être respectées lors de l'implantation de nouvelles usines, surtout celles destinées à la fabrication des pâtes. En conformité avec le programme gouvernemental d'utilisation optimale de la ressource, nous recommandons: 23)Que le gouvernement, dans sa promotion industrielle en vue d'encourager la construction de nouvelles usines de pâtes, recherche celles qui utiliseront au maximum les copeaux et autres produits conjoints du sciage, de même que les essences forestières peu utilisées.

La mise en marché des produits des scieries.

L'industrie du sciage du Québec a évolué au point qu'elle peut dire que 100 p.c. du bois livré à ses scieries est usiné puis offert en vente sur les marchés. Selon les statistiques, le Québec produit environ deux milliards de pieds mesure de planche en bois de sciage dont la moitié est utilisée dans notre province et le reste est exporté vers les marchés extérieurs.

Le marché domestique. Le marché domestique est surtout constitué des besoins pour la construction domiciliaire (unifamiliale et multi-familiale) et ceux de la consommation industrielle.

La construction domiciliaire. Les modes de construction domiciliaire au Québec ne procurent pas toujours la satisfaction désirée et il arrive que l'on blâme le bois. Le malaise existe à cause du manque de précision ou de l'absence de devis de construction. L'adoption et l'application d'un code de bâtiment pourrait corriger cette situation. Afin de garantir au consommateur de bois le meilleur usage qu'il peut tirer de ce matériau, nous recommandons: 24) Que le ministère des Terres et Forêts intervienne auprès du gouvernement pour l'adoption et l'application obligatoire d'un code du bâtiment partout où le ministère des Affaires municipales a juridiction.

L'utilisation industrielle. La construction de maisons préfabriquées et de maisons mobiles est appelée à prendre un essor important au Québec. Afin de supporter un secteur industriel prometteur, nous recommandons: 25) Que le gouvernement fasse la promotion de l'industrie québécoise de la maison préfabriquée et de la maison mobile.

Les ministères du gouvernement du Québec et les organismes paragouvernementaux devraient tous avoir le souci de l'achat chez nous. On a connu le mot d'ordre du ministère de l'Industrie et du Commerce qui disait "Québec sait faire".

Afin d'accentuer la politique gouvernementale d'utilisation des produits domestiques, nous recommandons: 26)Que le gouvernement, dans ses normes et ses politiques de construction et d'achat, favorise l'utilisation maximale des bois du Québec.

Le marché extérieur. Le marché d'exportation prend de plus en plus de signification aux yeux de l'industrie du sciage du Québec. Afin de mieux connaître le potentiel que lui offrent les marchés d'exportation, nous recommandons: 27) Que le gouvernement entreprenne une étude globale des marchés des produits des scieries et des perspectives d'avenir qu'ils offrent.

Il est vrai que nous devons connaître le potentiel que représente l'exportation. Il est aussi vrai que les acheteurs éventuels de notre marchandise sachent les qualités des produits que nous fabriquons. Afin d'assurer de nouveaux débouchés aux produits forestiers québécois, nous recommandons: 28) Que le gouvernement, par l'intermédiaire de ses maisons a l'étranger et en coopération

étroite avec les industriels du sciage, réalise un programme intensif de promotion du bois de sciage québécois sur les marchés d'exportation.

Les copeaux. Consciente de l'importance de récupérer la partie des billots qui ne peut être convertie en bois d'oeuvre, l'industrie du sciage a dépensé des dizaines de millions de dollars pour équiper ses usines de machines capables de transformer cette matière première en produit utilisable par les fabriques de pâtes. A cause des prohibitions contenues dans la loi, il est défendu de vendre hors du Québec la matière première non usinée, de sorte que les industriels du sciage doivent vendre leurs copeaux, planures et bran de scie aux usines de pâtes de notre province. Ils sont ainsi dans un marché captif et il leur est impossible de négocier la vente de cette marchandise.

Afin de sauvegarder le principe des libres transactions commerciales et afin de faire disparaître les contraintes d'un marché captif, nous recommandons: 29) Que le ministère des Terres et Forêts lève toutes restrictions à l'exportation des copeaux, planures, sciures et écorces.

Si le gouvernement réussit à démontrer qu'il est primordial d'usiner au Québec les produits de la forêt publique québécoise, il doit créer un organisme qui aidera les parties en présence lors des négociations, à l'occasion de ventes entre industries de secteurs différents.

Conscients des tensions qui existent entre les divers secteurs de l'industrie forestière et tout en affirmant son opposition au dirigisme et à la tutelle — en supposant qu'il soit nécessaire de créer une régie gouvernementale pour contrôler la distribution de la matière première — nous recommandons : 30) Que le gouvernement crée un organisme de coordination des sources d'approvisionnement des industries qui utilisent le bois comme matière première et qu'il limite ses pouvoirs à l'indication et à l'incitation.

Des responsabilités de l'Etat :

Nous pouvons dire que foncièrement le régime administratif de notre province relève de l'autorité des ministères et, traditionnellement, celui des Terres et Forêts a la responsabilité de la gestion du domaine territorial public.

Dans le but de réorienter certaines des politiques du ministère des Terres et Forêts, le gouvernement devra amender les lois qui régissent ce ministère.

Afin d'établir clairement l'autorité dévolue au ministère des Terres et Forêts, nous recommandons: 31) Que le gouvernement confie exclusivement au ministère des Terres et Forêts la juridiction du domaine territorial public, qu'il amende certaines lois pour arriver à cette fin et que le lieutenant-gouverneur en conseil délègue aux organismes gouvernementaux et paragou- vernementaux certaines responsabilités administratives lorsqu'il le jugera opportun.

Les structures actuelles du ministère des Terres et Forêts, de son propre aveu, contiennent des déficiences qu'il faut corriger.

Afin de rationaliser l'administration des terres publiques, nous recommandons: 32) Que le ministère des Terres et Forêts emploie au maximum ses effectifs actuels, qu'il s'efforce de combler les lacunes qui y existent avant de démembrer ses structures et de créer des sociétés avec des pouvoirs d'allure parallèle.

La conservation. Un des rôles de la conservation vise à la production du milieu contre tous les agents destructeurs.

Afin de confier à chacun la part des responsabilités qui lui revient, nous recommandons: 33) Que le gouvernement laisse à la charge du fonds consolidé de la province les frais de lutte contre les agents destructeurs, sauf le feu.

De tous les éléments destructeurs dont l'homme est directement responsable, le feu est peut-être celui qui a les causes les plus diverses. Il est parfois impossible de retracer les individus responsables d'incendies forestiers, même si on peut souvent dire à quel groupe de citoyens ils appartiennent.

En vue d'établir une juste répartition des obligations de chacun dans le domaine de la protection de la forêt contre le feu, nous recommandons: 34) Que le gouvernement constitue un fonds spécial par la vente de permis de circulation en forêt pour fins récréatives, afin de défrayer une partie du coût de protection et de combat des incendies.

La recherche. La station forestière de Duchesnay offre un grand potentiel dans le domaine de la recherche et la diffusion d'informations. Cependant, son rendement est compromis par la lenteur administrative du gouvernement.

Afin d'améliorer l'efficacité de la station forestière de Duchesnay et la rendre plus apte à fournir les services que l'industrie en attend dans le domaine de la recherche et de la diffusion des renseignements, nous recommandons: 35) Que le ministère des Terres et Forêts modifie la structure administrative de la station forestière de Duchesnay pour en faire une corporation autonome.

La coordination dans la recherche est devenue nécessaire à cause du nombre d'organismes qui s'y adonnent.

Afin d'activer la recherche pour la découverte de nouvelles méthodes de travail et de nouveaux produits, nous recommandons:

Que le ministère des Terres et Forêts organise et coordonne la recherche de produits qui pourraient être manufacturés à partir de sciages, de copeaux, de planures, de bran de scie et d'écorces, celle qui vise à la découverte de nouvelles méthodes de travail et celle qui porte

sur les modes d'exploitation forestière et sur les procédés de transformation.

La recherche scientifique doit être complétée par des études économiques.

Afin de permettre au gouvernement de se former une opinion valable lorsque l'industrie forestière lui soumet ses problèmes, nous recommandons:

Que le ministère des Terres et Forêts mette sur pied un service d'études techniques et économiques compétent et efficace qui lui fournira les moyens d'appuyer ses décisions lorsqu'il sera appelé à juger des situations impliquant des secteurs forestiers ou des industriels forestiers.

Le reboisement. Le sol du Québec a très souvent une mission forestière et l'histoire à démontré qu'on a eu tort de déboiser d'immenses régions pour les orienter vers l'agriculture. Il faut maintenant restituer ces sols à la forêt.

Afin de reconstituer les aires boisées partout où la meilleure utilisation du milieu l'exige, nous recommandons:

Que le ministère des Terres et Forêts applique des traitements sylvicoles susceptibles de produire des arbres propres au sciage ce qui, grâce à l'intégration, fournira également de la matière première à l'industrie des pâtes.

Le mesurage. La science dendrométrique n'est pas statique. Pour que les modes de mesurage donnent les résultats attendus, il faut qu'il y ait une étroite collaboration entre toutes les parties qui y sont intéressées.

Afin de permettre à l'industrie forestière et au ministère des Terres et Forêts d'évoluer en harmonie dans le domaine du mesurage des bois, nous recommandons:

Que le ministère des Terres et Forêts forme un Comité conjoint permanent MTF-Industrie, en vue de résoudre les problèmes relatifs au mesurage du bois et qu'il n'apporte de changement aux modes et aux règlements du mesurage que sur recommandation du comité.

La voirie forestière. On a démontré que le coût du transport du bois vers les usines peut constituer un élément très important dans l'établissement du prix de revient de la matière première.

Afin de conserver à l'industrie forestière la latitude dont elle a besoin dans la construction et l'usage des chemins en forêt, nous recommandons:

Que le gouvernement consulte les industriels forestiers et tienne compte de leurs recommandations tant pour l'établissement des normes de construction de la voirie forestière que pour la localisation et l'usage des chemins forestiers.

La récupération. Le développement hydroélectrique au Québec et le programme de récupération de certains boisés menacés de destruction ou voués à la disparition ont été la cause de la création d'organismes paragouvernementaux tels que la Société de développement de la baie James et Rexfor. Ces organismes ont parfois à entreprendre des travaux d'exploitation forestière.

Afin d'éviter une compétition inutile entre l'industrie forestière et les sociétés paragouvernementales, nous recommandons:

Que le ministère des Terres et Forêts s'assure que les opérations forestières effectuées par les organismes paragouvernementaux n'aient jamais de caractère concurrentiel mais supplétif.

Lorsque ces sociétés coupent du bois et le dirigent vers des usines de transformation, il est nécessaire que les opérations forestières soient conduites en fonction des besoins des industries à alimenter.

Afin d'obtenir le maximum d'efficacité des opérations d'organismes gouvernementaux, comme Rexfor, nous recommandons:

Que le ministère des Terres et Forêts tienne compte des exigences des industries qui utilisent les bois lorsqu'il confie des opérations forestières aux organismes gouvernementaux chargés de l'exploitation et de la récupération forestière.

Il ne faudrait pas pénaliser les industries qui achèteront le bois des sociétés d'exploitation et de récupération en leur demandant de débourser pour ce bois plus qu'elles ne paieraient si elles conduisaient leur propre chantier sur leurs parterres de coupe conventionnels.

Afin d'éviter de causer des préjudices aux industriels qui collaborent avec l'Etat dans sa politique de récupération, nous recommandons:

Que le ministère des Terres et Forêts s'assure que le bois coupé par des organismes paragouvernementaux, tels que Rexfor et la Société de développement de la baie James, en vertu des programmes de récupération soit offert au prix de revient normal des acheteurs et fasse partie intégrante de leurs plans d'allocation.

Le bois qui provient de travaux forestiers à caractère social ne devrait pas perturber les programmes d'allocation de la matière.

Afin de remplir les programmes adoptés par le ministère des Terres et Forêts en vue de l'allocation de la matière première et de l'alimentation des usines de transformation du bois, nous recommandons: 44) Que le ministère des Terres et Forêts s'assure que le bois coupé par des organismes paragouvernementaux tels que Rexfor, en dehors des programmes de récupération, fasse l'objet d'adjudications publiques et n'affecte pas le programme d'approvisionnement de l'acheteur.

Il est possible que des conflits d'autorité puissent s'élever entre le ministère des Terres et Forêts et la Société de développement de la baie James.

Afin de respecter la hiérarchie établie dans le domaine territorial, nous recommandons: 45) Que le ministère des Terres et Forêts adopte des politiques concernant le bois localisé dans les parterres impliqués dans le développement hydro-électrique de la baie James et qu'il s'assure que la Société de développement de la baie James les suivra.

Messieurs, je vous remercie et nous sommes ici pour répondre à vos questions, si vous en avez.

M. LE PRESIDENT: La parole est au ministre des Terres et Forêts.

M. DRUMMOND: M. le Président, je veux tout d'abord féliciter l'association pour la qualité de son mémoire; cela a exigé évidemment beaucoup de réflexion et de travail, de la part de M. Guérette, M. Baril et ses confrères. En ce qui concerne certaines questions que nous avons à poser de notre côté, sur le contenu du mémoire, je vais passer la parole — en ce qui concerne notre côté en tout cas — au député de Trois-Rivières.

M. BACON: A la page 8 de votre mémoire, troisième paragraphe, vous affirmez que l'industrie de placage et contre-placage devrait être assimilée à une industrie forestière transformant le bois. D'un autre côté, au tableau 1, à la page 13, vous incluez quand même le secteur industriel dans votre tableau. Il n'y a pas une confusion un peu de ce côté-là ou est-ce qu'on pourrait avoir des explications?

M. BARRY: Le tableau que vous trouvez à la page 13 est extrait de Statistique Canada et ne se limite pas au secteur primaire; il donne l'importance relative des secteurs primaire et secondaire. Il n'est pas question ici d'amener une confusion qu'on a voulu éliminer antérieurement.

M. BACON: Toujours dans ce même tableau, vous incluez: Autres industries du bois, 438, je comprends que vous avez peut-être emprunté à Statistique-Canada, mais est-ce que vous avez fait des recherches? Si on regarde les autres industries du bois, vous arrivez presque au tiers de votre total. Est-ce que vous voulez donner des explications sur ce qui fait partie de ces autres industries du bois?

M. BARRY: Selon les renseignements obtenus, les autres industries du bois comportent également des entreprises qui vont usiner le bois au stade secondaire. Nous avons inclus là-dedans le tournage, la fabrication d'objets de bois, des paniers, des casseaux, des choses semblables, mais au niveau secondaire seulement. Nous répétons notre précision, le niveau primaire ne comporte que les industries qui prennent le bois non transformé comme matière première.

M. BACON: La même chose, à la page 16, où vous affirmez: Au moment où l'on préconise une plus grande distribution industrielle dans chacune des régions... Est-ce que vous pourriez donner plus de précisions quant aux agents qui préconisent ceci?

M. BARRY: Pourriez-vous préciser votre question, s'il vous plaît?

M. BACON: Vous dites à la page 16, au dernier paragraphe: Au moment où l'on préco- nise une plus grande distribution industrielle dans chacune des régions, il est bon de reconnaître la remarquable contribution de l'industrie du bois de sciage à ce chapitre. Pourriez-vous précisez un peu les agents qui préconisent cette politique?

M. BARRY: Evidemment, toute personne qui a des prétentions en sociologie, en économique ou en des matières connexes préconise une déconcentration et une distribution des industries dans tout le territoire.

Nous prétendons que l'industrie du sciage a cette caractéristique assez importante que ses usines se retrouvent dans un très grand nombre de municipalités du Québec. Si nous comptons au-delà de 600 scieries dans la province, vous avez immédiatement une image de la distribution que cela représente. Pour établir un parallèle, bien que je déteste établir un parallèle à ce moment-ci entre l'industrie du sciage et l'industrie des pâtes, vous retrouvez une cinquantaine d'usines de pâtes dans la province de Québec avec une certaine concentration dans des régions telles que Trois-Rivières ou le Saint-Maurice. C'est l'intention que nous avons voulu exprimer lorsque nous parlons d'une grande distribution industrielle dans chaque région.

D'ailleurs, si vous allez à la page suivante, à la page 17, vous avez un tableau qui donne le nombre d'usines, selon les régions économiques qui ont été tracées par le ministère de l'Industrie et du Commerce, les régions étant divisées de un à huit, la Côte-Nord étant la neuvième région, vous avez selon ce tableau un nombre total de 535 usines distribuées dans les huit régions. Est-ce que cela répond à votre question?

M. BACON: Oui. Par deux fois, dans les pages 23 et 25, vous parlez de concessions consenties à des protégés politiques ou des financiers spéculateurs. Si on considère un certain nombre de petites concessions qui ont été consenties dans le passé, est-ce que, pour le bénéfice de la commission, vous pourriez nous citer quelques cas?

M. BARRY: Disons que la liste publiée par le ministère des Terres et Forêts et qui donne le nom de tous les concessionnaires forestiers fournit les renseignements que vous demandez; vous n'avez qu'à faire la soustraction entre les industriels et les détenteurs de concessions et le résidu, cela va être des protégés politiques ou des financiers.

M. LESSARD: Est-ce que vous l'avez fait? M. BARRY: Pardon?

M. LESSARD: Est-ce que vous l'avez fait vous-mêmes ce calcul? Vous avez actuellement 613 industries de sciage, combien y a-t-il de permis d'émis par le ministère des Terres et Forêts?

M. BARRY: Vous voulez dire combien y a-t-il de détenteurs de concessions?

M. LESSARD: Vous faites la différence. Vous dites: On veut connaître le nombre de financiers spéculateurs ou le nombre de protégés politiques; il s'agit de faire une différence entre le nombre d'industries de sciage que nous avons...

M. BARRY: Non, entre le nombre de concessionnaires forestiers et le nombre d'industriels forestiers.

M. LESSARD: Est-ce que vous l'avez fait? Combien y a-t-il de concessionnaires forestiers et combien y a-t-il d'industriels forestiers?

M. BARRY: Disons que récemment nous n'avons pas procédé à ce dénombrement, mais, pour votre bénéfice, nous pourrons y procéder après l'audition.

M. BACON: Ce sera sûrement intéressant pour les membres de la commission. A la page 48, à la recommandation 18, j'aimerais que vous donniez des précisions là-dessus. Je me demande si vous ne considérez pas que cela créerait peut-être un dangereux précédent.

M. BARRY: Non. Si vous permettez, pour le bénéfice des gens présents, nous allons lire intégralement les commentaires qui précèdent cette résolution.

On dit: Le gouvernement doit souvent faire face à des situations embarrassantes lorsqu'il considère l'approvisionnement d'usines dans certaines régions où le bois accessible se fait rare, il lui est parfois difficile de satisfaire à toutes les demandes en bois. A l'occasion de la redistribution de la matière, il devrait considérer une consolidation des entreprises viables par une série de mesures qui consisteraient à exiger que les propriétaires d'usines inopérantes depuis trois ans ou plus fassent un choix définitif quant à leurs intentions futures, soit qu'ils ferment immédiatement et définitivement, s'ils n'ont pas l'intention d'oeuvrer dans l'industrie forestière ou qu'ils passent à l'action immédiatement et qu'ils entrent en opération s'ils désirent demeurer dans le secteur. Le gouvernement devra procéder à une analyse du dossier de chaque entreprise afin d'éliminer celles qui sont marginales et qui devront envisager la fermeture à brève échéance. Il y aurait lieu d'adopter une formule de dédommagement pour ceux qui devront démolir leurs usines.

Alors, l'industrie du sciage ne présente pas un cas unique. Dans nombre de secteurs, vous trouvez des situations semblables où des entreprises fonctionnent selon certains cycles mal définis et ces entreprises ne sont pas typiquement représentatives du secteur où elles oeuvrent. Alors, il y a lieu de faire un ménage dans l'industrie du sciage comme ailleurs.

Ce n'est pas par plaisir que nous l'admettons, mais il faut quand même être honnête et il faut l'admettre. Il est question ici d'usines qui offrent peu de caractère de rentabilité et à peu près aucun caractère de permanence.

M. VINCENT: M. le Président, si le député de Trois-Rivières me le permet, à combien estimez-vous le nombre d'usines qui sont inactives depuis plus de trois ans au Québec?

M. BARRY: Au début de notre mémoire, nous mentionnons une carence dans les statistiques. Si on se réfère à deux listes ou deux répertoires publiés par le gouvernement du Québec, l'un comporte à peu près 2,000 noms d'entreprises et l'autre en comporte 600. Nous sommes en assez mauvaise situation pour étiqueter chaque entreprise. Lorsque nous parcourons les campagnes, nous voyons très souvent de petites usines de sciage inexploitées depuis nombre d'années, si on considère l'état délabré des lieux. Il s'agit de cette série d'entreprises dont le nombre total peut atteindre ou dépasser le millier.

M. VINCENT: Avec les nouvelles procédures du ministère du Travail concernant la sécurité pour les employés de ces moulins à scie, sécurité en cas d'incendie, est-ce qu'il n'y a pas eu une élimination qui s'est faite graduellement? C'est la raison pour laquelle quantité de ces petites usines de sciage sont inexploitées et ne le seront jamais pour les prochaines années.

M. BARRY: C'est cela qui est malheureux et on voudrait consolider cette situation. Les scieries qui sont inexploitées depuis un certain temps et n'offrent pas de possibilité de réouverture, nous voudrions qu'elles soient éliminées une fois pour toutes. Il n'est pas question de fermer des usines, qui, actuellement, sont en marche. Il est question d'enlever de la carte celles qui prétendent être qualifiées pour s'appeler usines de sciage et qui, de fait, ne le sont pas.

M. GUERETTE: D'ailleurs, lorsque nous parlons de permis de scierie, c'est une façon d'en arriver là, de savoir qui est réellement un industriel et qui détient un permis de scierie qu'on n'exploite pas.

M. BARRY: Si vous me permettez, pour illustrer la situation, nous connaissons des endroits où des scieries n'ont même pas de moteur. Le propriétaire de la scierie va approcher un tracteur de ferme ou une autre machine semblable, il va placer une courroie sur la poulie de son tracteur et il va offrir ses services comme étant le propriétaire d'une scierie.

M. VINCENT: Vous ne trouvez pas que ce serait un principe dangereux pour l'Etat d'aller dans ce domaine des scieries, parce que vous

pourriez avoir exactement la même chose dans le domaine des abattoirs? Vous pouvez faire le tour de la province, il y a peut-être 200 ou 300 petits abattoirs qui sont inexploités, depuis deux, trois, quatre ans et à cause des normes de salubrité ou de santé ne le seront jamais. Si, à ce moment-là, le gouvernement décidait d'entrer dans le domaine des scieries, la même chose serait demandée par les propriétaires de petits abattoirs, la même chose serait demandée par les propriétaires de petites fromageries qui sont inexploitées et ainsi de suite. A ce moment-là, ça pourrait devenir dangereux. Je pose simplement le dilemme là.

M. BARRY: Je crois qu'il n'y a pas de honte à faire le ménage. Il faut avoir assez de franchise et d'honnêteté pour admettre que c'est sale quand c'est sale. S'il y a lieu de faire le ménage, nous procéderons au ménage. Le gouvernement ne portera aucun odieux s'il prend une telle responsabilité.

M. VINCENT: Je suis parfaitement d'accord pour faire le ménage, mais vous parlez de compensation à ces propriétaires de petites scieries qui sont fermées depuis trois ans et plus. A combien estimez-vous ce montant de compensation?

M. BARRY: Le montant de compensation peut commencer à zéro. Ce n'est pas une formule nouvelle que nous avons inventée. Lorsque ARDA a procédé à une étude de la situation de toute l'économie dans la Gaspésie, il a recommandé cette procédure. Cela ne veut pas dire que tous les propriétaires de vieil équipement recevront une compensation. Il y a un certain jugement à appliquer et, jusqu'à preuve du contraire, nous faisons confiance au gouvernement pour procéder de la sorte.

M. PELLETIER: Quel est le pourcentage de ces petites industries qui nuisent aux scieries qui existent?

M. BARRY: Comme j'ai mentionné plus tôt, c'est malheureux, les statistiques sont tellement déficientes de ce côté qu'il est difficile de l'établir. Nous demandons que le gouvernement dresse un répertoire. La meilleure façon de dresser un répertoire serait d'émettre des permis d'usine. Si tous les propriétaires de scierie qui veulent en exploiter une doivent se procurer un permis d'usine, nous avons un départ. A partir de cette première liste, on peut dire tous ceux qui ne sont pas inscrits ou enregistrés n'existent plus. Alors, il y a une première élimination sans douleur. A partir ensuite de ce jour J qu'on aura choisi pour l'émission des permis d'usine, le gouvernement pourra procéder au fur et à mesure des années, selon le comportement des usines, au retrait ou au renouvellement des permis.

M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.

M. BELAND: Dans le même ordre d'idées, je pose simplement la question parce que, globalement, je trouve votre rapport merveilleux. Mais je me pose certaines questions à la suite de ce qui vient d'être dit, notamment en ce qui concerne les très petites scieries.

Est-ce que vous avez la certitude que les grandes scieries, dans le domaine rural, vont donner amplement staisfaction dans le cas — et je cite, d'une façon plus précise — de personnes qui vont faire scier 2,000, 3,000 ou 5,000 pieds de bois par année, ou même une année, de temps en temps, seulement pour réparation de construction? Ces gens ont leur bois, ils sortent leurs grumes de sciage de leur propriété, et ils les acheminent vers la petite scierie afin de pouvoir justement en retirer le produit fini.

S'il n'y a que de grandes scieries dispersées à tous les cent milles, ou quelque chose comme ça, est-ce que ça va donner satisfaction?

M. BARRY: Nous sommes convaincus que les grandes scieries ne peuvent pas donner satisfaction et nous nous opposons énergiquement à la fermeture de toutes les petites scieries. Nous demandons l'élimination des scieries qui n'offrent pas de caractère de rentabilité ou qui ne peuvent pas prouver qu'elles sont en mesure de rendre des services. Nous insistons pour que les scieries de service demeurent.

M. DRUMMOND: Comment va-t-on déterminer la rentabilité d'une telle scierie? Je trouve que, dans certains aspects de votre mémoire, vous déplorez le dirigisme absolu de l'Etat. Je ne sais pas si j'ai bien choisi les mots mais c'était un peu comme ça. Ici, vous demandez le dirigisme absolu de l'Etat; c'est-à-dire faire le choix entre une scierie qui doit être fermée et une autre, qui n'est probablement pas tellement rentable non plus, mais qui doit rester ouverte.

M. BARRY: Je crois, M. le ministre, que nous avons été mal compris, si vous y voyez du dirigisme de l'Etat. Nous demandons à l'Etat d'interpréter; chaque industriel a le fardeau de faire la preuve de la rentabilité de son entreprise et le gouvernement ne doit qu'apprécier la preuve faite par l'industriel.

M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Barry, vous parlez de l'élimination des scieries dites inopérantes. Je vous pose à nouveau la question. A votre connaissance, est-ce qu'il y en a un très grand nombre, par le territoire du Québec, à l'heure actuelle?

M. BARRY: Comme j'ai mentionné tout à l'heure, nous nous attendons qu'une enquête sérieuse démontre qu'il en existe environ 1,000 entre une liste qui a été publiée par le ministère des Terres et Forêts et qui est censée constituer un répertoire des usines de sciage et le nombre des usines vraiment opérantes dans la province.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Barry, partant de cette liste, à supposer qu'elle soit exacte et qu'on puisse faire une réconciliation des chiffres provenant d'études statistiques du gouvernement d'Ottawa ou du gouvernement du Québec, sur quelle base vous appuyez-vous pour déterminer la rentabilité ou la non-rentabilité de ces scieries qui, selon vous, devraient disparaître parce qu'elles sont considérées comme inopérantes alors que vous n'avez pas fait la démonstration que c'est la situation?

M. BARRY: Dans nos recommandations, il y a deux points de vue. D'une part, nous parlons de la rentabilité de l'entreprise, d'autre part, nous parlons des possibilités pour le gouvernement d'alimenter adéquatement et à long terme ces entreprises. Par conséquent, chacun doit prendre ses responsabilités. L'industriel doit démontrer, soit qu'il exploite une scierie de service ou une scierie à caractère commercial, que son entreprise est vraiment rentable et l'Etat doit lui-même apprécier s'il est en mesure d'alimenter ou s'il est en mesure de constater que cette entreprise s'alimente autrement qu'à partir des forêts publiques.

Il y a deux aspects à considérer et je ne crois pas que le gouvernement soit le seul compétent pour établir le caractère de rentabilité, ni de l'industrie du sciage, ni de l'industrie des pâtes et papiers, ni de quiconque.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je laisse la parole à mon collègue de Trois-Rivières, je reviendrai là-dessus.

M. BACON: A la page 50, M. Barry, vous faites une affirmation: "Alors qu'on semble s'ingénier à trouver des moyens pour étouffer les scieries, on fait des prodiges pour renflouer certaines usines de pâtes ou de déroulage qui seraient fermées depuis longtemps si on les avait laissées à elles-mêmes". A la suite d'une telle affirmation, pour le bénéfice des membres de la commission, est-ce que vous pourriez vous expliquer et donner des exemples, s'il y a lieu, autant d'un côté comme de l'autre?

M. BARRY: Disons que du côté des pâtes, pour prendre celui-là en premier, vu qu'il s'agit du secteur le plus important de l'industrie forestière, tout le monde connaît les problèmes vécus par la compagnie Saint-Raymond à ses usines de Chute-Panet et à son usine de Desbiens. Tout le monde connaît aussi les tours d'acrobatie que le gouvernement a faits pour les maintenir en activité jusqu'à aujourd'hui.

Par ailleurs, j'ai eu à entreprendre de nombreuses démarches pour le bénéfice de membres de l'association qui quémandaient à peine 500,000 pieds ou un million de pieds de bois pour leur permettre de vivre et de faire vivre leurs employés. Or, le gouvernement, à son plus grand regret, dans de nombreuses circonstances, ne pouvait répondre à nos demandes parce que le bois disponible était concédé à des industriels forestiers qui ne l'exploitaient pas.

C'est pourquoi nous parlons de différences de traitement, nous parlons d'acrobatie pour sauver les gens et d'euthanasie pour éliminer les autres.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Barry, si vous le permettez, dans le cas des usines de la Saint-Raymond, je pense que le problème n'est pas tout à fait le même. Il s'agit d'une entreprise qui emploie quand même un nombre assez important de travailleurs tant à l'usine qu'en forêt. La demande de capitaux, soit du gouvernement du Québec ou du gouvernement d'Ottawa, est faite dans le but de transformer les usines de la Saint-Raymond et le problème de l'approvisionnement est déjà réglé en partie, à ma connaissance. Il s'agit de transformer cette usine de façon que sa production devienne concurrentielle particulièrement en ce qui concerne le blanchiment de la pâte.

Donc, l'exemple que vous donnez ne me parait pas être un exemple qui justifie ce que vous écrivez à la page 50 et ce qu'a souligné tout à l'heure le député de Trois-Rivières. J'aimerais que vous nous donniez d'autres exemples qui, à mes yeux ou de l'avis des membres de la commission, soient plus convaincants et plus percutants.

M. BARRY: M. le député, je crois que vous souffrez du même mal qui affecte la grande partie de la population qui croit que toute entreprise qui appartient à un secteur des pâtes et papiers est importante et tout ce qui s'appelle scierie est négligeable. Je désire mentionner que dans la région...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, si vous le permettez, j'aimerais tout de suite relever l'affirmation de M. Barry; je ne souffre d'aucune sorte de mal de la nature de celui que vous invoquez. Je veux tout simplement que nous fassions ensemble une distinction: vivant dans une région où il y a beaucoup d'entreprises de sciage, je suis le premier à appuyer en grande partie les résolutions du mémoire fort bien fait que vous nous avez présenté. Mais l'exemple que vous avez choisi, l'exemple de la Saint-Raymond, est précisément un exemple qui, à mon sens, illustre mal ce que vous écrivez au second paragraphe de la page 50 de votre rapport.

Que cela soit bien entendu entre nous afin que vous sachiez que vous n'avez pas affaire ici à un adversaire, ni à quelqu'un qui a quelque

préjugé que ce soit, mais plutôt à quelqu'un qui est disposé à appuyer vos recommandations auprès du gouvernement.

M. BARRY: J'apprécie beaucoup votre comportement. C'est simplement votre préambule qui m'a amené à faire cette mise au point lorsque vous avez mentionné que l'usine de Saint-Raymond donnait du travail à un grand nombre d'employés. Il n'est pas plus important dans ce domaine que les industries de la région du sciage que vous avez mentionnées, telles que Gagnon et Frères, Chibougamau Lumber, Mur-dock, Laberge et Laberge qui, individuellement, procurent plus de travail que Saint-Raymond Paper. Je ne veux pas minimiser Saint-Raymond, on m'a demandé tout à l'heure de donner des cas précis. J'aurais pu parler du problème de Témiscamingue. Mais pour en revenir à Saint-Raymond, le problème est absolument commun. Il s'agit d'un problème de procédés, ils sont désuets, ils sont vétustes dans leurs procédés et ils éprouvent des difficultés inhérentes à cela. Tout comme les pulperies qui s'amusent encore à défibrer le bois avec des meules, ces usines ont des problèmes de vétusté qui sont très graves.

Maintenant, le fait que la Saint-Raymond Paper ait un problème à utiliser du peroxide ou du chlore pour blanchir sa pâte, c'est un problème entre plusieurs qui peuvent se produire chez elle. On peut dire que les industries qui ont été obligées de construire des lignes de transmission pour alimenter les scieries à l'électricité ont eu des problèmes et elles ont réglé leurs problèmes.

Celles qui ont installé l'équipement pour fabriquer les copeaux ou pour écorcer le bois ont eu des problèmes de transformation et elles les ont envisagés et les ont réglés, sans ameuter le public. Elles auraient eu peine à ameuter le public parce qu'elles appartiennent à un secteur qui est moins considéré dans le grand public, le secteur du sciage.

Or, si l'industrie papetière à certains endroits affronte des problèmes, je ne vois pas pourquoi cela a suscité une telle sympathie et une telle compassion, alors que l'on rigole lorsqu'une scierie a des problèmes.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je ne pense pas, M. le Président, que ce soit là le cas, on ne rigole pas lorsqu'une entreprise de sciage a des problèmes. Ce qui a suscité des mouvements dans la population en ce qui concerne Saint-Raymond ou d'autres usines analogues, c'est le fait qu'un certain nombre de travailleurs se seraient trouvés sans emploi; ce qui ne veut pas dire que l'on n'éprouve pas la même sympathie à l'endroit de l'usine qui s'occupe de sciage. Je crois que le problème est mal posé ici, le problème de la Saint-Raymond n'est pas un problème d'approvisionnement de bois puisqu'elle a ses concessions, ses forêts dites privées, mais c'est un problème de rénovation de ses techniques de transformation de la pâte et du papier. Moi, j'aimerais avoir des exemples beaucoup plus précis de ce que vous affirmez, afin d'étoffer ce que vous affirmez, lorsque vous dites: On semble s'ingénier à trouver des moyens pour étouffer les scieries. On fait des prodiges pour renflouer certaines usines de pâtes ou de déroulage. Or, je ne sache point que les efforts que les gouvernements ont consentis en faveur de la société Saint-Raymond aient nui de quelque façon que ce soit aux scieries.

M. BARRY: Si on avait accepté de transférer aux usines de sciage les bois que l'on réserve à la Saint-Raymond Paper, tous les employés forestiers ou autres de la Saint-Raymond Paper auraient trouvé du travail dans les scieries. Nous avons eu récemment l'inauguration d'une scierie importante sur les routes de Chibougamau, la Chibougamau Lumber. Cette compagnie a demandé un approvisionnement plus grand pour donner du travail a plus de monde pour produire davantage et l'on a répondu qu'au plus grand regret du gouvernement il n'y avait pas de bois disponible. On a même été jusqu'à dire que l'industrie du sciage exagérait dans ses demandes, qu'elleavait atteint un point de saturation ou un point maximum, qu'elle ne devait pas aller au delà de ce maximum et qu'elle devait être satisfaite de ce qu'on lui avait donné.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je suis très heureux M. Barry, de ce que vous dites. C'est présicément le but de la commission que de s'enquérir de la situation actuelle et votre mémoire me fournit des éléments extrêmenent importants mais, lorsque vous parlez des efforts que l'on a consentis pour telle ou telle société de pâtes et papiers, des efforts que l'on devrait consentir pour encourager l'industrie des scieries, je crois que, à ce moment, par la voie de la commission gouvernementale, la commission parlementaire, vous incitez le gouvernement à procéder à une révision, à une consolidation et à mettre en application les principes d'un dirigisme que vous dénoncez par ailleurs.

M. BARIL: Nous demandons tout simplement que l'on donne toutes les mêmes chances à tous les coureurs. Lorsque vous parlez de mesures de protection à l'endroit des industries des pâtes et papiers, disons pour demeurer dans une région que vous connaissez très bien, la région de Saguenay-Lac Saint-Jean, que la compagnie Consol-Péribonka, la Consolidated Paper, détient sur la rivière Péribonka quelque 1,500 milles carrés avec une possibilité annuelle de 135,000 cunits. Lorsqu'il y a eu des auditions à Saint-Joseph d'Alma pour traiter de cette question et de l'implantation de scieries nouvelles dans la région, à ce moment il était question d'une nouvelle scierie pour Price, scierie qui a été réalisée d'ailleurs, les 1,500 milles carrés de Consolidated Paper ont été mis en question, l'industrie du sciage a demandé au

gouvernement d'étudier la possibilité de mettre ce territoire à la disposition des scieries. Brusquement, la Consol a sorti un rouleau de plans ou d'esquisses en disant qu'elle aussi avait un projet pour bâtir une scierie dans la région.

Alors, on a protégé une compagnie papetiè-re, on lui a permis de bâtir une scierie et l'on ne s'est pas préoccupé d'accorder le bois à des compagnies comme Gagnon et Frères de Roberval, comme Murdock, qui se lamentaient pour avoir du bois. C'est ce que j'appelle la protection pour les uns et un traitement différent pour les autres. Si vous voulez des précisions, je peux vous en fournir d'autres, dans d'autres régions également, parce que l'histoire forestière du Québec contient un tas de trésors, mais toutes sortes d'autres choses aussi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous sommes ici, M. Barry, justement pour avoir des renseignements; je suis tout oreille pour avoir les précisions que vous venez d'évoquer.

M. BARRY: Nous apprécions énormément cette occasion qui nous est offerte aujourd'hui parce qu'à notre point de vue, nous, de l'industrie du sciage, le livre blanc et les auditions, cela signifie soit la croisée des chemins ou le chemin des croisés.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'accord. Vous demandez au gouvernement d'intervenir.

M. BARRY: Nous demandons au gouvernement de remplir le rôle qui lui est dévolu.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Comme vous demandez au gouvernement d'intervenir, vous lui demandez de faire un examen de la situation, de voir quelles sont les industries qui peuvent être consolidées, quels sont les changements que l'on peut opérer, que l'on peut apporter au mode d'exploitation du potentiel forestier.

Vous demandez donc, par voie de conséquence, au gouvernement d'exercer un dirigisme que, personnellement, je n'ai pas du tout idée de dénoncer. Au contraire. Je suis d'avis que le gouvernement doit intervenir et, s'il faut pratiquer une certaine forme de dirigisme, je suis d'accord pour que le gouvernement le fasse.

M. BARRY : Remarquez bien que, lorsque nous parlons de dirigisme, il y a toutes les nuances possibles là-dedans. Le gouvernement, de par sa fonction, doit exercer du dirigisme et il manque à ses obligations lorsqu'il ne le fait pas. Nous ne désirons pas qu'il exagère, nous demandons tout simplement d'être égaux et aussi égaux que les autres, pas les autres plus égaux que nous.

Vous demandez des cas précis. Dans la région de Quévillon actuellement, il y a des scieries; j'ai à l'idée la scierie de Camille Richard, qui a été inaugurée récemment par l'honorable ministre des Terres et Forêts. Cette scierie a demandé de l'approvisionnement et, encore une fois, on se penche sur le problème et on semble avoir beaucoup de difficulté à trouver une solution. Par ailleurs, il y a une rumeur qui circule actuellement à l'effet que la compagnie Domtar bâtisse une scierie avec une capacité de 100 millions p.m.p. à Quévillon. Camille Richard a 15 millions p.m.p. d'approvisionnement, il aimerait en avoir 100 millions p.m.p. lui aussi.

Mais pourquoi Camille Richard n'a-t-il pas le droit d'avoir 100 millions et pourquoi Domtar aurait-elle le droit de l'avoir?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je suis d'accord avec vous M. Barry parce que j'ai le même problème dans ma région où des industries de fabrication de meubles demandent depuis longtemps des territoires, des concessions, etc. Les chantiers coopératifs de chez nous font la même chose. J'imagine que le ministre a pris bonne note de ces requêtes et qu'il va nous exposer quelles seront les intentions de son gouvernement à l'endroit des grandes entreprises des pâtes et papiers versus les entreprises de sciage.

Vous voyez, M. Barry, que vous avez un allié ici.

M. BARRY: J'espère que je n'ai que des alliés, M. le député.

M. DRUMMOND: Je ne parle pas contre, M. le Président. Je pense que M. Barry serait d'accord qu'il faut trouver un certain équilibre dans l'industrie pour rester dans la province. Il nous demande de représenter seulement le sciage aujourd'hui mais disons que toutes les industries sont, d'une façon ou d'une autre, dans le même lit.

Si on retourne encore à la question de St-Raymond Paper, il est prévu, si ça marche, que ce serait approvisionné, pour la plupart, en copeaux. Alors, il faut des débouchés pour les copeaux de l'industrie de sciage partout dans le Québec. Il faut ensuite un mariage dans les intérêts des deux parties pour arriver à une industrie forestière rentable à tous les points de vue. Les choses vont bien pour le sciage aujourd'hui.

Il y a des demandes de partout pour des augmentations d'approvisionnement. Par contre, le gouvernement doit, dans ses plans, essayer d'en arriver à une industrie mieux équilibrée plutôt que de donner tous les approvisionnements, lorsque les choses vont bien, au sciage, parce qu'il faut avoir des débouchés pour les copeaux et ce serait l'industrie des pâtes et papiers qui servirait à ça. Et nous aurions une industrie plus saine partout dans la province si nous tenions compte des deux points de vue.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui...

M. BARIL: M. le ministre, nous partageons

entièrement cette idée, il est question d'une stabilisation; il n'est pas question d'exagération, pas plus du côté du sciage que dans un autre domaine. Maintenant, vous dites que nous devons être dans le même lit que l'industrie des pâtes et papiers. Peut-être pas aller jusqu'à ce genre de prostitution mais nous considérons quand même qu'il est très important, même vital, que l'industrie des pâtes et papiers soit prospère dans la province de Québec.

Je me permettrai ici de répéter un commentaire que je passais un jour: L'industrie des pâtes et papiers est malade et il faut la soigner. C'est très important qu'elle soit en santé. Mais, par ailleurs, c'est une bête fauve qui est malade et il faut profiter du fait qu'elle est affaiblie pour lui mettre une muselière parce que, quand elle redeviendra en santé, elle va encore essayer de dévorer tout ce qu'il y a autour d'elle.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le ministre, j'aimerais à ce sujet — je pense que ça va rejoindre les préoccupations de M. Barry et de ceux qu'il représente — poser une question au ministre des Terres et Forêts. Qu'est-ce qu'il advient des territoires qui ont été réservés pour cette éventuelle et fantomatique société Kruger ou cette autre société qui devait, ou devrait, s'implanter en un jour, à un moment que je ne connais pas, dans la région de Saint-Félicien, puisqu'on a réservé des territoires et les entreprises de sciage réclament que ces territoires soient libérés?

M. DRUMMOND: Disons, pour le moment, que le gouvernement a réservé ce territoire pour un projet de société de pâte à papier. Je ne parle pas d'une société donnée, mais de l'effort d'assainir l'équilibre de l'industrie dans cette région.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais, M. le ministre, est-ce que vous êtes en mesure de nous dire, sous toute réserve de la confidentialité, si cette société qui serait actuellement intéressée n'est pas une société américaine du Texas et que cette société, n'étant pas une société québécoise, viendrait enfin mettre en péril les intérêts des sociétés québécoises au nom desquelles l'organisme qui est devant nous revendique, ce matin, une primauté dans le domaine de l'approvisionnement en matière ligneuse?

M. DRUMMOND: Si je peux répondre d'une façon générale, quant à moi, je serais l'homme le plus heureux du monde si les gars du sciage se regroupaient pour réaliser eux-mêmes un projet d'usine de pâte à papier et faisaient l'intégration de cette façon-là. Cela n'est pas arrivé jusqu'à présent en tout cas, comme cela est arrivé en Colombie-Britannique. Cela a été le commencement de l'industrie dans cette province. Les gens ont commencé avec du sciage et ils ont réalisé toute une industrie de pâte à papier. Alors, si les gars du sciage de cette région veulent suggérer un projet, dans l'ensemble, je serai très, très heureux de l'analyser. On vit avec ce qui arrive d'une certaine façon. Il y a un problème ici, celui d'établir des industries autochtones. D'accord. Mais par contre, il faut trouver des emplois pour les gars qui sont intéressés à lancer une industrie donnée.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le ministre, vous dites que vous seriez l'homme le plus heureux si telle chose arrivait, mais est-ce que vous ne pourriez pas contribuer à votre propre bonheur en indiquant quels sont les projets du gouvernement? Et est-ce que le gouvernement a l'intention de demander aux industries du sciage, dans cette région ou dans d'autres régions de contribuer à votre bonheur?

M. DRUMMOND: Le gouvernement n'est pas le bon Dieu, il s'agit... On parle d'une industrie dynamique là-bas, si les gens sont aussi dynamiques que ça, qu'ils soumettent eux-mêmes un projet. Je ne sais pas si le rôle du gouvernement est toujours de mener par la main. C'est de collaborer avec les intéressés de la région aussi. Voilà l'esprit "d'entrepreneur-ship" dont on parle.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est une conception.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Charlevoix.

M. MAILLOUX: M. le Président, à la page 18 du résumé du mémoire, il est question des copeaux et vous recommandez que le ministère des Terres et Forêts lève toute restriction à l'exportation des copeaux, planures, sciures et écorces. Vous mentionnez également à la page 66 de votre mémoire que l'industrie de pâtes et papiers affirme qu'il lui en coûte $39.05 les cent pieds cubes alors que le prix est de $31.97 pour les cent pieds cubes copeaux.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Excusez-moi, M. le Président, est-ce que le député de Charlevoix pourrait parler un peu plus fort et utiliser son microphone? Nous avons perdu ses intéressantes questions.

M. MAILLOUX: M. le Président, je parlais de la page 18 du résumé du mémoire, de la recommandation 29 qui est faite par l'association voulant que le ministère des Terres et Forêts lève toute restriction à l'exportation des copeaux, planures, sciures et écorces. Et à la page 66 de son rapport complet, l'association affirme qu'il en coûte $39.05 les cent pieds cubes pour l'exploitation des boisés, alors que les copeaux coûteraient $31.97. Je crois comprendre que ce n'est pas le volume qui manque pour l'achat de ces copeaux, mais que c'est la plainte que vous formulez, savoir que le prix qui vous est payé vous tient dans un marché

très captif alors que, si les frontières étaient ouvertes, vous auriez avantage forcément à disposer de ces copeaux-là à un prix beaucoup plus important. Et vous avez mentionné également que le ministère aurait avantage à créer une régie telle la Régie des marchés agricoles probablement pour la fixation des prix.

Est-ce que c'est effectivement la demande qui n'est pas assez forte ou si c'est le prix qui vous est payé qui ne correspond pas aux immobilisations faites par l'industrie du sciage?

M. BARRY: Je crois, M. le député, que, dans votre exposé, il y a des imprécisions, pour ne pas dire des inexactitudes.

Tout d'abord, vous dites que nous demandons une régie qui serait similaire à la Régie des marchés agricoles et qui s'occuperait du bois. Nous ressentons nettement qu'un jour nous en viendrons à avoir une régie et nous déplorons le fait que les industriels, tant du sciage que ceux des pâtes et papiers, soient si peu avisés et se comportent de façon à obliger l'Etat à intervenir. Normalement, ils devraient être assez adultes pour se comporter en hommes d'affaires et régler entre eux les problèmes qui doivent se régler entre hommes d'affaires. Mais il semble que, d'une façon systématique, on évite de procéder de la sorte et un jour viendra où le gouvernement devra intervenir sous forme de régie. C'est du moins mon impression.

Maintenant, pour ce qui est de la consommation de copeaux, l'industrie des pâtes et papiers avec les procédés modernes, peut s'alimenter à 100 p.c. en bois sous forme de copeaux. C'est donc dire que l'industrie du sciage du Québec, si elle était incapable de fournir six millions de tonnes de copeaux, parviendrait à peine à alimenter les industries de pâtes du côté de leurs besoins. Certaines usines n'utilisent pas de copeaux actuellement ou en utilisent un très faible pourcentage selon les procédés d'usinage qu'elles ont. Je l'ai mentionné tout à l'heure, de nombreuses usines sont vétustes. Si elles étaient modernisées, elles pourraient utiliser des copeaux avec profit à 100 p.c. pour s'approvisionner.

L'industrie de sciage, actuellement, produit environ 1,300,000 tonnes de copeaux qui, à peu près, trouvent preneur. La question est que nous sommes dans un marché captif. Nous sommes obligés de vendre nos copeaux aux compagnies papetières du Québec et elles ne sont pas obligées de les acheter. Cela les met en position de déterminer elles-mêmes et les prix et les conditions du contrat. Je ne connais pas de cas où les contrats de copeaux ont été négociés. Ils ont été imposés par les compagnies de papier qui ont dit: Prenez-les ou refusez-les; si vous n'acceptez pas notre prix, vous brûlerez vos copeaux, parce qu'on ne les prendra pas si vous demandez des conditions autres que les nôtres.

J'irai jusqu'à dire que les achats de copeaux ont donné lieu à toutes sortes de chantage les plus honteuses qu'on puisse imaginer, de la part des compagnies de papier.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.

M. MAILLOUX: Je ne sais pas si M. Barry m'avait mal compris tantôt, mais je n'ai pas cru qu'il ait infirmé ce que je disais, parce que j'avais compris de son mémoire que, du marché captif dont il parlait, qui les soumettait à des prix injustes, c'est pour cette raison qu'on demandait que le marché soit ouvert à l'exportation.

M. BARRY: Non, c'est sur la question de régie. Nous ne demandons pas de régie. J'ai personnellement déjà parlé d'une régie, mais l'industrie du sciage ne demande pas une régie, bien qu'elle soit consciente qu'un jour il y en aura une.

M. MAILLOUX: M. Barry, partout dans la province, on lit qu'on demande des volumes plus considérables de concessions forestières; vous dites de votre côté que vous êtes incapable d'approvisionner très largement par les copeaux, l'industrie des pâtes et papiers. Je voudrais des précisions, votre point de vue.

M. BARIL: J'ai dit que l'industrie du sciage ne fabrique pas suffisamment de copeaux pour alimenter à 100 p.c. l'industrie papetière du Québec à son rythme actuel de production. L'industrie des pâtes et papiers devra donc trouver un complément ailleurs, c'est évident. Mais il n'y a pas de raison pour que 100 p.c. de nos copeaux ne trouvent pas preneur.

M. MAILLOUX: Est-ce que ça ne rejoindrait pas un peu le voeu qui a été exprimé tantôt par le député de Chicoutimi à l'effet que l'industrie du sciage devrait peut-être oeuvrer également dans le secteur des pâtes et papiers pour la disposition d'une partie de ses copeaux?

M. BARRY: Nous y avons déjà songé. Actuellement, il y a un ballon-sonde qui nous intéresse beaucoup, c'est le cas de Cabano. Il semble que c'est assez difficile de rentrer dans le club des producteurs de pâtes et papiers. Nous attendons des résultats de Cabano et peut-être que, si c'est concluant, l'industrie du sciage pourra y penser sérieusement.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président, j'avais voulu, tout à l'heure, poser certaines questions concernant l'affirmation à la page 50 pour préciser. Mais comme nous avons déterminé, ce matin, une certaine approche, c'est-à-dire que le parti ministériel soulève des questions, qu'ensuite nous allons probablement passer au parti de

l'Unité-Québec et au Ralliement créditiste, j'aime autant attendre, M. le Président, puisqu'on a déjà passé cette question-là, pour poser l'ensemble de mes questions. Je reviendrai donc.

M. LE PRESIDENT: Le député de Trois-Rivières. Le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'avais simplement une question additionnelle à poser à M. Barry au sujet de la recommandation 29, qui se trouve à la page 18 du résumé du mémoire. "Que le ministère des Terres et Forêts lève toutes restrictions à l'exportation des copeaux, planures, sciures et écorces". Vous avez parlé de l'attitude des industries de pâtes et papiers au sujet de ce genre de matériaux d'alimentation. Est-ce que vous avez — votre association ou d'autres associations — fait des études sur des possibilités de marchés dans ce domaine et quel serait le rapport en comparaison avec ce qui se passe à l'heure actuelle, étant donné, comme vous venez de le dire et comme vous l'affirmez dans le mémoire, que vous devez nécessairement vendre aux industries de pâtes et papiers ce qui s'appelle planures, sciures, copeaux, écorces?

M. BARRY: Il nous a été impossible de négocier avec des acheteurs de l'extérieur puisque la Loi des Terres et Forêts est spécifique et que nous n'avons pas le droit d'expédier en dehors de la province, sauf si l'on obtient un permis spécial de la part du ministère. Il s'est produit quelques cas, très limités et pour des petites quantités de bois, où il nous a été possible d'exporter. Mais nous ne pouvons pas négocier avec des sociétés françaises ou norvégiennes par exemple, comme il y en a deux actuellement qui manifestent de l'intérêt, même que deux délégations doivent venir au Québec dans les prochaines semaines pour tenter d'acheter des copeaux ici. Alors, à regret, nous sommes obligés de dire à ces gens: Le gouvernement ne nous le permet pas, nous ne pouvons pas vous les vendre. Alors, nous sommes maintenus dans un marché captif, puisque nous sommes obligés d'éloigner les acheteurs qui seraient les concurrent de nos papeteries québécoises. Personnellement, remarquez, à titre de citoyen du Québec, que je préfère voir une tonne de bois usinée chez nous plutôt qu'à l'extérieur, mais, en homme d'affaires, je suis obligé de chercher des marchés pour obtenir le meilleur prix pour ma marchandise et c'est en ayant une quantité plus grande d'acheteurs que je suis en mesure de négocier. Cela n'existe pas actuellement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, M. Barry, indépendamment de toutes ces contraintes que nous connaissons, vous n'avez pas négocié, vous nous dites qu'il y a des sociétés étrangères qui seraient intéressées à négocier, est-ce que vous avez une idée de ce que cela pourrait vous rapporter de plus que ce que vous obtenez actuellement des industries de pâtes et papiers avec lesquelles vous traitez?

M. BARRY: Je crois, M. le député, que c'est impossible de répondre à cette question, parce que nous demandons que la vente des copeaux soit assujettie à la négociation, tout comme on négocie un contrat de travail, sans savoir si on va gagner ou perdre davantage en négociant, mais le monde ouvrier a obtenu de s'assoir à la table de la négociation et de discuter, de faire valoir ses points et d'en venir à une entente. Il n'est pas question d'exagérer, je suis autant opposé à l'abus du côté des scieries que je suis opposé à l'abus du côté des pulperies. Alors, je ne peux pas aujourd'hui vous dire que les négociations vont nous apporter $1, $2, $5, ou des normes différentes de classification, mais une chose est certaine, c'est que cela nous apporterait une certaine satisfaction d'être considérés comme des êtres humains avec qui on peut s'entendre en parlant.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y aurait possibilité — je m'adresse aux membres de la commission, sans dirigisme — de suivre les pages du mémoire et de poser des questions de façon à ne pas passer de la page 5 à la page 30 et de la page 30 à la page 5 et ainsi de suite?

M. LESSARD: Je serais bien d'accord, M. le Président, sur cette approche; cependant, à ce moment-là, il faudrait fonctionner par chapitre. Personnellement, je devrai revenir en arrière parce qu'il y a des questions qui ont été posées et d'autres qui ne l'ont pas été. Je devrai revenir à des pages antérieures. Je pense que l'approche qu'on a suivie ce matin, c'était de permettre au parti ministériel de poser toutes les questions qu'il pouvait poser et qu'il voulait poser sur le mémoire. Par la suite, probablement que le parti Unité-Québec a aussi une série de questions. Je ne vois pas pourquoi on ne devrait pas continuer. Cependant cela n'empêche pas un membre de la commission de poser une question supplémentaire à la suite d'un membre d'un autre parti.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Trois-Rivières.

M. BACON: Une dernière question pour terminer. Votre recommandation 26 est à l'effet que le gouvernement dans ses normes et ses politiques de construction et d'achat favorise l'utilisation maximale des bois du Québec. Est-ce qu'il y aurait moyen de savoir quels sont les efforts que vous faites en tant qu'association dans ce même domaine?

M. BARRY: Pour inciter le gouvernement à utiliser les bois du Québec ou pour faire quoi?

M. BACON: Vous dites: Que le gouvernement, dans ses politiques de construction et

d'achat, favorise l'utilisation... Est-ce que vous faites des politiques? Est-ce que vous avez une politique de promotion ou de stimulation des ventes vis-à-vis de vos produits?

M. BARRY: L'industrie, par la voie de son association, s'est préoccupée d'assurer la qualité du produit. Nous avons préparé des normes. Nous avons un service de contrôle de la qualité. Nous offrons une marchandise qui n'est pas quelconque, une marchandise qui est préparée de façon uniforme et bien définie. Par conséquent, nous offrons une marchandise que l'utilisateur peut acheter à profit.

M. BACON : Est-ce que vous faites campagne pour stimuler vos ventes, pour vos membres? Ils font de bons produits, mais est-ce que vous le dites?

M. BARRY : Nous avons tout récemment participé à la rédaction et à la planification d'une brochure qui parle de l'épinette qui décrit l'épinette, le sapin, le pin gris, nos essences produites en plus grande quantité. C'est une certaine documentation c'est une forme de promotion. Nous entreprenons des démarches auprès d'organismes tels que le gouvernement, par exemple, pour les inciter, lorsqu'ils utilisent du bois dans leurs propres constructions, à utiliser du bois du Québec plutôt que d'acheter du bois de la Colombie. Nous préconisons l'achat chez nous, à ce moment-là. Je crois que c'est assez élémentaire. Le cultivateur qui récolte des pommes de terre n'a pas besoin de se promener en criant partout: J'ai récolté des pommes de terre. J'en avais semé, j'en ai récolté... Mais, il s'attend à ce que le consommateur du Québec accorde une préférence aux pommes de terre du Québec plutôt que de prendre celles de l'extérieur, à qualité égale et à caractéristiques égales, bien entendu.

M. BACON: J'aurais une dernière question, pour autant que je suis concerné. Vous parlez de l'école de Duchesnay, pour une corporation autonome, alors qu'en page 73 vous semblez dénoncer ce que vous appelez le pouvoir d'allure parallèle. Est-ce que vous voudriez nous donner des précisions à ce sujet?

M. BARRY: Une corporation autonome sous la juridiction du ministre des Terres et Forêts. Actuellement, Duchesnay souffre de lenteur administrative. L'école est obligée de passer par le service des achats pour acheter un appareil dont elle a besoin; elle doit passer par la fonction publique pour engager un employé temporaire dont elle a besoin. Lorsque les permissions sont accordées, le problème est réglé par défaut. Nous le voyons peut-être plus à Duchesnay qu'ailleurs, parce que nous avons affaire à Duchesnay.

Sans doute ces caractéristiques se retrouvent-elles partout dans le gouvernement. Mais, si elles se retrouvent ailleurs, ce n'est pas une raison pour en souffrir à Duchesnay! Alors, si vous avez une formule existante meilleure et qui assurerait l'efficacité de Duchesnay, nous nous rallierons à votre formule, mais, à défaut d'autre chose, nous suggérons de donner une certaine autonomie à Duchesnay.

M. BACON : Votre recommandation sur la corporation visait surtout l'efficacité administrative.

M. BARRY: Disons oui. C'est ce qui nous intéresse. La formule est de moindre importance, c'est le résultat qui nous intéresse.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Nicolet.

M. VINCENT: M. le Président, j'aimerais poser quelques questions à M. Barry. D'abord, comme on peut le constater, le deuxième tome du livre blanc nous parle de l'abolition des concessions forestières sur une période de dix ans. Est-ce que, sans restriction, vous êtes favorables à ce principe d'abolition?

M. BARRY : Si vous avez remarqué en lisant le mémoire, nous ne nous sommes pas prononcés sur l'abolition des limites comme telles. Nous nous sommes prononcés sur le traitement qu'on doit donner aux forêts du Québec. Que le gouvernement maintienne ou abolisse les concessions forestières, cela peut avoir beaucoup de signification, surtout pour ceux qui en détiennent. Pour nous, c'est presque de moindre importance. Ce ne sont pas des concessions que nous désirons, c'est du bois!

M. VINCENT: Tout de même, dans la page 10 de votre mémoire, dans le résumé, vous dites, à la recommandation 11, que le ministère des Terres et Forêts garantisse une permanence dans la localisation des territoires de coupe. C'est pour cela que je vous posais la question. Cela ne revient pas à une formule de concession.

M. BARRY: Non, non, non. La formule de concession, c'est une tenure. La forêt domaniale en est une autre. Le terrain vacant en est une autre. Dans les trois cas vous pouvez donner une assurance et une permanence de localisation.

M. VINCENT: Une permanence de localisation.

M. BARRY: Oui, dans une forêt domaniale, aussi drôle que dans une concession.

M. VINCENT: Maintenant, pour l'industrie du sciage, il a été question, à plusieurs occasions, d'approvisionnement sur une période de cinq ans. Je ne l'ai pas lu dans votre résumé.

Je pense que — je ne l'ai pas lu dans votre résumé — vous exigez, dans votre recommandation no 11, une permanence.

Mais quel serait le minimum en années, pour vous, de telle allocation?

M. BARRY: Le mot "permanence", si on le prend à la lettre, évidemment...

M. VINCENT: Vingt ans?

M. BARRY: ... cela veut dire ad infinitum, ce qui n'est l'intention ni des gouvernements ni des industriels. Mais une période de vingt ans a été jugée adéquate pour l'industrie des pâtes et papier et devrait être aussi jugée adéquate et nécessaire pour l'industrie du sciage. Les mêmes termes pour tous les secteurs industriels.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président, concernant les concessions forestières, puisque ce problème vient d'être posé, l'Association des manufacturiers du bois de sciage ne semble pas vouloir prendre position alors qu'il s'agit, je crois, de la réforme fondamentale que nous trouvons dans le livre blanc.

Dans le tome II du livre blanc, nous constatons que l'abolition de ces concessions forestières se ferait sur une période de dix ans. Par contre, vous nous avez très bien démontré ce matin que l'industrie du sciage n'avait pas l'alimentation nécessaire en bois pour pouvoir se développer. Et tout ça provient particulièrement du fait que certaines compagnies papetières possèdent des réservoirs extrêmement vastes qu'elles n'utilisent pas.

Alors — parce qu'on constate que l'industrie du sciage semble vivre actuellement un dynamisme assez développé — est-ce que l'abolition des concessions forestières sur une période de dix ans va permettre la correction des problèmes que vous vivez actuellement? Ou est-ce qu'il ne faudrait pas, d'ici une période de deux à trois ans, abolir immédiatement les concessions forestières et faire une redistribution des aires de coupe tel que vous le demandez dans votre mémoire?

M. BARRY: M. le député, il y a plusieurs façons d'arriver à ces fins; il y a plusieurs manières de tuer un chat comme on le dit souvent. Que le gouvernement rapatrie ces territoires, c'est une formule et elle peut s'avérer la bonne. Par ailleurs, nous préconisons d'autres méthodes. Entre autres choses, à la page 30 du mémoire, si vous allez à la recommandation 2, on dit que le ministère des Terres et Forêts mette immédiatement en disponibilité les possibilités non utilisées des concessions forestières et n'attende pas les échéances prévues dans son programme d'abolition des concessions.

Vous parliez de dix ans pour le programme d'abolition des concessions, d'autres ont parlé d'autres échéances; c'est trop long. C'est immédiatement qu'il faut prendre le problème. Immédiatement, si le gouvernement met en disponibilité le bois qui est contenu dans les concessions forestières et qui n'est pas utilisé par les concessionnaires, nous prétendons qu'il va régler une partie du problème; il va du moins contourner le problème.

Nous avons suggéré ailleurs que le gouvernement charge aux compagnies, aux concessionnaires, aux affermataires — on le retrouve à la page 31, la recommandation no 3 — que le ministère des Terres et Forêts perçoive des industriels les droits de coupe correspondant aux possibilités forestières qui sont attitrées ou réservées.

Nous disons également que le ministère doit charger aux concessionnaires la totalité du bois offerte par la concession, qu'ils l'utilisent ou non. Cela sera probablement une forme très efficace d'encourager les industriels à retourner les concessions forestières et peut-être, à ce moment-là, que le ministère n'aura pas à faire les déboursés qu'il s'attend à faire.

Il y en a qui vont les rétrocéder gratuitement, qui vont demander au gouvernement de les prendre le plus tôt possible.

M. LESSARD: M. le Président, justement, concernant le fait d'exiger des droits de coupe sur les possibilités forestières; c'est un moyen. Je me demande si c'est un moyen suffisant parce que, actuellement, lorsqu'on regarde une carte de redistribution des aires de coupe parmi les différentes compagnies forestières, on constate que les compagnies papetières ont été passablement favorisées, ont du moins obtenu les meilleurs territoires de coupe.

Le ministre nous disait tout à l'heure qu'il veut établir un certain équilibre. Du fait que certaines compagnies forestières possèdent les meilleurs territoires de coupe, si on ne fait pas une véritable redistribution à partir du jour zéro, si on ne fait pas une véritable redistribution pour rétablir cet équilibre-là, est-ce que, en exigeant seulement des droits de coupe sur les possibilités forestières, on ne continue pas, encore là, à permettre aux compagnies papetières de conserver les meilleurs territoires qu'on leur a accordés? Ces compagnies-là remettront, tout simplement, des territoires qui seront probablement plus éloignés des grands centres et ça ne réglera pas du tout, pour certaines compagnies en tout cas, le fait que le coût de transport est très élevé, étant donné qu'on a quand même certaines compagnies qui ont des territoires très éloignés de leurs usines.

Il y a la qualité aussi des territoires forestiers qui est importante pour l'usine.

M. BARRY: La question de la location de la matière et des territoires forestiers n'est pas aussi simple qu'on voudrait que ce le soit. Nous

nous opposons à certaines formes de transactions, par exemple, des compagnies papetières qui n'utilisent pas de feuillus et qui détiennent d'immenses territoires feuillus pour en faire un commerce très lucratif. Nous nous disons: Pourquoi interposer cet intermédiaire entre l'Etat et l'utilisateur? Le concessionnaire n'a pas sa raison d'être à ce moment-là, il devrait simplement disparaître de l'image. C'est un cas assez facile que de régler le problème. Par ailleurs, il y a des concessions qui ont été attribuées ou accordées à des sociétés papetières pour répondre aux besoins des usines et il faut prendre toutes les précautions nécessaires, être absolument sûr qu'on ne causera pas de préjudice, parce qu'il n'est pas question de les léser dans leurs droits. Des compagnies qui exploitent normalement des concessions doivent pouvoir continuer d'exploiter les mêmes territoires, que ce soit sous forme de concessions ou sous forme de forêts domaniales ou autrement. Il n'est pas question d'expulser, ni plus ni moins, les compagnies papetières sous le simple prétexte qu'elles ont été favorisées de concessions pendant un nombre d'années. Ce n'est pas la situation, c'est l'abus que nous voulons voir disparaître.

Maintenant, il y a des compagnies papetières qui coupent des arbres qui sont définitivement destinés au sciage pour en faire des rondins à pâte de quatre pieds de long parfois plus gros en diamètre qu'en longueur. C'est absolument inacceptable cette politique. Je me suis fait dire avec presque de l'insolence par des gens de compagnies papetières qu'il n'y avait pas de problème parce qu'aux usines il y avait d'immenses coins hydrauliques pour fendre ces bois-là en petits quartiers pour les mettre dans les machines, alors que, dans l'industrie du sciage, on scie des arbres presque de la grosseur de branches. C'est cette situation qu'il faut faire disparaître et non pas mettre les compagnies papetières dans une situation dangereuse pour elles. Les compagnies papetières demandent de réduire les primes d'affermage, de réduire les droits de coupe. Elles veulent simplement continuer à manger ce qu'elles ont trouvé bon. Elles peuvent continuer à demander ce qu'elles veulent, mais pas au détriment des autres.

M. LESSARD: J'aurais encore une question technique sur ce problème, étant donné que vous l'avez un peu touchée. Vous parlez de certaines compagnies forestières qui ont des concessions à l'intérieur desquelles il y a du feuillu qui serait utilisable par l'industrie du sciage ou autres industries. Est-ce que, d'après les connaissances techniques que vous avez ou les connaissances pratiques, il pourrait être rentable à l'industrie du sciage d'utiliser le feuillu qui reste après l'exploitation par une compagnie forestière du résineux?

M. BARRY: Malheureusement, il n'y a pas de formule unique là-dedans.

M. LESSARD: En se basant sur la façon dont les compagnies utilisent les concessions forestières?

M. BARRY: Disons que la forêt présente toute la gamme des mélanges, à partir d'une forêt pure feuillue jusqu'à une forêt pure résineuse. Vous avez les forêts mélangées à 50 -50 comme intermédiaire, à mi-chemin, mais vous avez toute la gamme. Dans certains cas, ce serait absolument ruineux d'aller faire une coupe de bois franc sur les parterres délaissés après les coupes de résineux, parce qu'il reste un arbre ici et là, les arbres ont été brisés par les exploitations forestières. A ce moment-là, des coupes intégrées seraient probablement la formule indiquée. Dans d'autres cas, il ne peut pas être question d'aller sortir un arbre résineux ici et là à travers une forêt feuillue. Encore là, l'exploitant ou l'utilisateur du bois feuillu devrait procéder à l'exploitation ou en venir à une entente avec un entrepreneur et récupérer en bois à pâte ce qui est propre pour les usines de pâtes, mais premièrement extraire ce qui est propre pour le déroulage et le diriger au déroulage; deuxièmement, envoyer vers les scieries les grumes qui sont propres au sciage et, troisièmement, livrer aux papeteries les bois aptes à être utilisés dans les procédés de papeterie, les arbres et les essences.

Il n'y a pas de formule magique. On ne peut pas dire que l'exploitant des scieries va faire les chantiers partout ou que l'exploitant des papeteries va faire chantier partout. Il y a des compromis nécessaires à certains endroits.

M. LESSARD: Il y a déjà eu des...

M. VINCENT: M. le Président, si vous me le permettez, je pensais tout à l'heure que le député de Saguenay voulait insérer une question.

M. LESSARD: Je m'excuse, non. C'est parce que vous aviez parlé de l'abolition des concessions forestières.

M. VINCENT: D'accord.

M. LESSARD: Et comme j'avais aussi certaines questions...

M. VINCENT: D'accord.

M. LESSARD: Je vous remets la parole.

M. VINCENT: M. le Président, tout à l'heure nous avons parlé de concessions forestières. L'association elle-même ne s'est pas prononcée de façon directe ou l'industrie du sciage au Québec ne s'est pas prononcée de façon directe sur cet important sujet dont il est question dans le tome II. Nous aimerions que M. Barry précise davantage sa pensée là-dessus. Surtout, je pense que ce qui est important pour l'industrie du sciage au Québec, c'est que — revenons à la page

60, je pense que vous avez le tome II, aux pages 60, 61, 62 et 63, l'on parle de l'allocation de type contractuel. Tout à l'heure, quand j'ai posé ma question à M. Barry, on a parlé de 20 ans. Je voudrais que M. Barry nous expose son idée surtout en ce qui concerne le contrat d'approvisionnement à long terme dont il est question ici, 20 ans pour les pâtes et papiers. Quant on va un peu plus loin, on parle de contrats d'approvisionnement à moyen terme pour les industries du sciage et, un peu plus loin, on nous parle de permis d'usage annuel. Je pense que c'est une des questions primordiales pour l'industrie du sciage. Est-ce que nous pourrions avoir plus de commentaires sur ces trois pages du volume II?

M. BARRY: M. le député, notre industrie s'oppose avec toute l'énergie dont elle peut disposer à cette forme de discrimination. Dans notre mémoire, nous disons que les capitaux à investir ne doivent pas être le critère qui va déterminer la durée du contrat d'approvisionnement. Les capitaux investis vont donner la taille de l'usine et la taille de l'usine va donner la nécessité en quantité ou en volume d'approvisionnement. Pour ce qui est de la durée, les échéances sont les mêmes pour tous les industriels, qu'ils soient dans le secteur du sciage ou dans le secteur des pâtes et papiers. Si vous devez suivre une cédule de dépréciation vis-à-vis des services d'impôt dans les divers gouvernements, les cédules de dépréciation sont exactement les mêmes. Une bâtisse en béton qui contient une meule pour défibrer du bois ou une bâtisse en béton qui contient une machine pour scier se déprécie au même rythme; par conséquent la durée de l'approvisionnement doit être strictement la même, quel que soit le secteur industriel auquel appartient l'industrie en question.

M. VINCENT: Est-ce que vous pourriez faire un parallèle, dans l'industrie du sciage, entre un investissement de X millions avec le nombre d'emplois créés et un investissement de X millions dans l'industrie des pâtes et papiers avec le nombre d'emplois créés? Je pense que vous avez ces chiffres-là et cela pourrait être intéressant pour les membres de la commission.

M. BARRY: Si vous le permettez, je présume qu'il y aura un ajournement pour le dfner bientôt, je me procurerai des chiffres pour répondre à cette occasion. Malheureusement, je ne dispose pas de ceci.

M. VINCENT: Donc, à la page 61 du deuxième tome, en ce qui concerne le contrat d'approvisionnement à long terme, au paragraphe du bas de la page, vous demandez les mêmes contrats pour l'industrie du sciage que pour l'industrie des pâtes et papiers, soit une durée minimale du contrat de 20 ans et peut-être 40 ans dans certains cas.

M. BARRY: Disons que nous souscrivons à la formule qui est mentionnée dans le bas de la page 20 où l'on parle d'un contrat d'approvisionnement de 20 ans avec une probabilité de renouvellement pour une deuxième période de 20 ans pas la suite. Nous demandons exactement ce traitement-là.

M. VINCENT: Et en ce qui concerne les contrats d'approvisonnement à moyen terme?

M. BARRY: Cela n'existe pas. S'il est question de contrats d'approvisionnement à moyen terme, il faudrait que ce soit une mesure temporaire. Nous avons traité de cette question dans une de nos recommandations où un territoire serait retenu temporairement, peut-être pour une période pouvant aller jusqu'à trois ans, afin de permettre des études pour l'implantation d'une industrie donnée, définie. Entre-temps, la possibilité de la forêt devrait être mise à profit et non pas perdue et, à ce moment-là, on pourrait parler d'un contrat à court terme, ce qui n'aurait qu'un caractère purement temporaire. On évite de parler de ce genre de contrat.

M. VINCENT: Maintenant, à l'intérieur de ces contrats d'approvisionnement à long terme, pour les contrat d'approvisionnement à moyen terme pour une période de trois ans en attendant que tout le système soit rodé, quelle utilité aurait le permis d'usinage annuel pour l'industrie du sciage?

M. BARRY: C'est un permis d'usine. C'est un permis pour exploiter l'usine, cela sert de contrôle tout simplement.

M. VINCENT: Non, pas le permis d'usine mais celui dont il est question à la page 63 du tome II, le permis d'usage à l'intérieur de grands bassins forestiers. On parle du permis d'usage sur une période d'un an, donné à certaines usines.

Quels sont les commentaires de l'industrie du sciage sur la façon dont le ministère se propose d'émettre ces permis d'usage?

M. BARRY: Si vous me permettez, pour être en mesure de répondre adéquatement à votre question, j'aimerais que M. le ministre fournisse des éclaircissements sur l'intention du ministère dans ces permis d'usage; s'il s'agit simplement de permis pour régler immédiatement une situation à court terme ou si c'est une formule permanente.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Avant que le ministre ne réponde, est-ce que le ministre pourrait nous expliquer de façon plus précise ce que comporte le contrat d'approvisionnement à long terme, particulièrement en ce qui concerne les espèces ou les essences de bois? Je prends un exemple; supposons que vous accordiez un

contrat d'approvisionnement à long terme pour une industrie qui s'appellerait Price ou une autre. Est-ce que, dans ce contrat, seront spécifiées les espèces ou les essences de bois que cette société pourra utiliser? Ou comme si...

M. DRUMMOND: C'est bien évident, ça va être la disparition des concessions forestières et tout devient forêts domaniales. C'est vrai qu'on va déterminer les besoins de l'industrie donnée selon les essences où les forêts sont mélangées. On va évidemment faire la distribution des feuillus aux autres qui en ont besoin, ce qu'on ne peut pas faire directement aujourd'hui.

M. Barry sourit parce que nous l'avons discutée à plusieurs reprises avant et j'ai toujours dit qu'il ne s'agissait pas de discrimination du tout. Nous sommes ici pour essayer d'avoir le meilleur système d'approvisionnement possible en tenant compte de certaines exigences. Lorsqu'on parle de questions de financement, ça entre là-dedans parce que, dans l'industrie des pâtes et papiers, le gouvernement fédéral par exemple, s'il s'agit d'une subvention, demande une garantie de plus long terme qu'il n'en demande pour l'industrie de sciage, en ce qui concerne l'approvisionnement, la durée du contrat.

En ce qui concerne le sciage, je pense que M. Barry serait bien d'accord avec nous que nous avons fait énormément de progrès dans les dernières années en ce qui concerne la régularisation des contrats d'approvisionnement des scieries. Effectivement, nous progressons d'une certaine façon pour donner les garanties nécessaires pour la survie des scieries. On parle des garanties d'approvisionnement de dix ans avec un renouvellement de dix autres années dans beaucoup de cas. Et lorsqu'on parle d'un contrat à moyen terme, notre idée est surtout d'avoir une certaine souplesse. Ce n'est pas de dire qu'à la fin d'une période donnée, on ferme la boutique; ce n'est pas ça du tout. Parce que les choses changent, il y a certaines scieries qui ferment leurs portes, il y a des changements dans les besoins de certaines industries. Si une industrie donnée de pâtes et papiers s'approvisionne d'ici quelques années entièrement en copeaux, on veut avoir la souplesse de changer le système d'allocation. C'est surtout ça.

M. BARRY: M. le ministre, si j'ai souri, c'est parce que vous savez que je partage votre opinion, qu'il faut enlever la discrimination. D'ailleurs, ce sont les gestes que vous avez posés, vous et vos prédécesseurs, au ministère, au cours des dernières années, qui nous donnent ce genre d'assurance qu'on se met en route vers une amélioration de la situation.

Cependant, il persiste dans certaines opinions une tendance vers une plus grande confiance dans l'industrie des pâtes et papiers que dans l'industrie du sciage et nous voulons voir disparaître cette croyance qui a déjà été populaire et qui, heureusement, disparaît. Je ne vois aucune raison pour que, étant donné qu'une entreprise est plus considérable qu'une autre, elle mérite un approvisionnement à plus long terme.

On parle de vingt ans pour l'industrie de la pâte et papiers, on parle de dix ans pour l'industrie du sciage avec la quasi certitude que cette période de dix ans sera renouvelée par la suite.

J'admets aussi qu'il faut avoir une certaine souplesse, mais tout en conservant la souplesse, vous dites que l'industrie de la pâte et papiera besoin d'un approvisionnement de vingt ans et que si, entre-temps, elle modifie ses structures, s'approvisionne en copeaux ou autrement, on pourra disposer autrement du territoire.

La même chose s'applique pour le sciage, sauf que nous ne pouvons pas nous approvisionner ailleurs que dans des arbres complets parce qu'il est difficile de scier des copeaux pour faire de la planche.

L'industrie du sciage fait partie de la grande famille forestière et elle revendique le traitement de ceux que nous avons appelés les afnés, qui sont, en fait, des cadets puisqu'ils sont venus au monde après nous.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'aimerais ici interroger le ministre. Toujours à la page 61 du tome 2, de son livre blanc qui est vert, on dit ceci: Le contrat à l'approvisionnement à long terme ne sera accessible qu'aux industriels des pâtes et papiers à cause de l'imposant volume de capitaux que ceux-ci investissent. Et, plus loin, lorsqu'on parle du contrat d'approvisionnement à moyen terme, on dit: Ce contrat d'approvisionnement à moyen terme constituera une forme d'allocation des bois appropriée aux exigences de la petite et de la moyenne entreprise de transformation. En règle générale, les investissements effectués par les petits industriels du bois ne dépassent guère quelques millions de dollars et ces montants peuvent être amortis plus rapidement que dans le secteur des pâtes et papiers.

Alors, il semble que cette question d'investissement de départ soit la base que vous avez déterminée pour l'allocation des ressources en matière ligneuse. Or, il me paraît justement que ce principe est faux; quel que soit le montant d'investissement au départ, il reste que si l'on veut rentabiliser, si l'on veut consolider et assurer la permanence à une industrie, il importe que le gouvernement traite l'une et l'autre industrie de la même façon et il me parait y avoir ici ce que l'industrie des scieries qualifie de discrimination.

M. DRUMMOND: Ce n'est pas une discrimination. On vit avec les faits tels qu'ils existent aujourd'hui. Il n'est pas question de discrimination. On ne va pas faire disparaître les scieries d'ici dix ans. Comme je l'ai dit, il faut une certaine souplesse là-dedans. Je dois avouer aussi que d'une façon générale le taux de

rendement de l'investissement des scieries est plus élevé que dans l'industrie des pâtes et papiers, ce qui est une autre raison pour les exigences des bailleurs de fonds. Cela entre dedans. Quant au principe de garantie, évidemment, on ne peut pas le faire à l'infini, comme il l'a dit. Il faut garder une souplesse pour rajuster à la fin d'une certaine période le parterre de coupes, les allocations, etc. Je pense que ce n'est pas faux comme principe. C'est ce dont ils ont besoin pour faire marcher leurs usines d'une façon rentable. C'est dix ans renouvelable. Cela me semble logique.

Si c'est impossible de monter une usine de pâtes et papiers avec un tel contrat à cause des exigences du marché financier, alors, il faut aller plus loin.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Voici ce que je voudrais faire comprendre au ministre, c'est qu'il est évident que lorsqu'il s'agit d'une industrie de pâtes et papiers, l'investissement de départ est beaucoup plus grand. L'industrie de pâtes et papiers va assurer des emplois à X centaines ou X milliers de personnes.

Lorsqu'il s'agit d'une industrie de sciage, l'investissement de départ peut être beaucoup moins important mais si l'on en parle en terme d'emplois, de rentabilité, de sécurité, je ne crois pas que le ministère doive accepter ce principe de détermination des périodes d'allocation des territoires en fonction de l'investissement de départ, puisque l'objectif que recherche le gouvernement, c'est la mise en marche et la création du plus grand nombre possible d'industries de quelque nature qu'elles soient, et leur permanence en même temps.

Lorsque les représentants de l'industrie, qui sont devant nous, parlent de discrimination et disent qu'il n'y a pas de petits et de grands industriels, je crois qu'ils ont raison, alors que dans le livre du ministre on consacre cette distinction qui, à mon sens, est fausse entre un petit et un grand industriel qui, de ce fait, serait mieux traité s'il est grand que s'il est petit.

M. DRUMMOND: Il faut admettre aussi que l'industrie de sciage est dans une période d'évolution totale. Il y a de plus en plus de grandes unités; alors c'est toute une période de fluctuation dans la grandeur des entreprises données qui préconisent un meilleur contrat que le précédent et, par contre, qui préconisent aussi, d'une autre façon, la disparition de très petits industriels.

M. BARRY: Non, nous n'avons pas préconisé la disparition de petits industriels. Nous avons préconisé la disparition d'usines qui présentent des caractères peu intéressants, nonobstant leur taille...

M. DRUMMOND: Le propriétaire est un petit industriel en ce moment.

M. BARRY: Nous parlons de petits industriels qui prétendent l'être mais qui en fait, ne le sont pas, M. le ministre. Nous parlons de scieries inopérantes, nous parlons de scieries qui ne peuvent s'approvisionner. Nous parlons de scieries qui ne rendent aucun service, nous n'avons pas parlé de taille. J'ai plus de respect pour un petit industriel du sciage qui fait bien que pour un gros qui fait mal.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le ministre parle de fluctuation dans le domaine de l'industrie du sciage. Le ministre admettra qu'il y a beaucoup de fluctuation à l'heure actuelle dans le domaine des pâtes et papiers; par conséquent, dans la détermination de la longueur, de la durée des baux, en ce qui concerne l'allocation des ressources forestières, je pense que le ministre aura du mal a nous convaincre que les principes qui sont sous-jacents à la politique qu'il a énoncée puissent être acceptés sans examen. Alors j'aimerais bien que le ministre nous dise un peu de quelle façon il prévoit...

M. DRUMMOND: Nous sommes ici pour entendre les gars du sciage, pour tenir compte de ce qu'ils disent. A la fin de ces sessions, après avoir entendu les autres secteurs de l'industrie, nous devrions arriver avec les règlements nécessaires et une loi nécessaire.

Evidemment, ils insistent de leur côté. Nous allons analyser ce qu'ils disent. Et, en fin de compte, après en avoir discuté, nous allons rédiger et présenter une loi précise. A ce moment-là, nous allons en discuter. Mais ce que je veux dire, c'est que, dans notre esprit, nous voulons avoir de la souplesse.

C'est pour ça qu'on a mis ça là-dedans. Il n'est pas question de fermer la boutique de qui que ce soit mais de donner aux gestionnaires la possibilité de changer les allocations lorsqu'il le faut, parce qu'il y a énormément de changements dans l'industrie de sciage.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je suis d'accord avec le ministre que nous sommes ici pour entendre les représentants des sociétés qui sont devant nous. Justement, le mémoire qu'ils ont préparé, ils l'ont préparé en fonction de l'exposé de la politique que le ministre nous a présentée. C'est pour ça que j'interroge le ministre afin de mieux comprendre la portée des revendications qui sont faites par les industries de sciage. C'est pour ça que je demandais au ministre de nous expliquer le sens, ce que signifiait la détermination de la durée des contrats d'allocation, le long terme, le moyen terme, le permis d'usage et voir exactement dans quel sens va s'infléchir la politique du gouvernement. Je n'entends pas que le ministre se commette de façon irrévocable, ce matin, mais j'aimerais qu'il nous fournisse de plus amples renseignements.

M. DRUMMOND: C'est tout simplement d'arriver à une formule qui va permettre aux industries données d'ériger une entreprise rentable. Je dois dire que même s'ils viennent ici avec cette plainte — il y a un certain fondement dans leur argument — je dois dire qu'avec un système moins ou plus exigeant que ça, on a quand même lancé des entreprises très rentables dans le monde du sciage, qui font de l'argent, qui sont modernes et efficaces avec l'ancien système. On veut l'améliorer et on va l'améliorer. Tout ce que nous faisons, nous voulons avoir la souplesse qu'ils ont. Quant à la disparition des concessions forestières, par exemple, il s'agit de nous donner la souplesse nécessaire pour vraiment aider toute l'industrie forestière. Je suis d'accord avec ceux qui disent que dans certains cas c'est un gel de territoires qu'il faut supprimer. C'est la même chose ici, on dit: S'il faut dix ans, s'il faut douze ans, je ne sais pas. Cela dépend du cas. Nous sommes ici pour donner les garanties nécessaires, pour lancer des entreprises rentables. Je pense que même avec l'ancien système, on l'a fait.

M. BARRY: M. le ministre, M. le député, j'aimerais préciser un peu notre comportement. Il ne s'agit pas ici d'une accusation à l'endroit du gouvernement. Nous interprétons les pages 61 et suivantes comme l'énoncé d'une formule quitte pour le gouvernement à recevoir des contrepropositions et nous tirons profit de cette occasion pour dire: Nous nous opposons à cette formule et nous suggérons une formule de rechange qui consisterait à donner à toutes les entreprises un traitement identique, soit un approvisionnement de même durée. Il n'est pas question ici de susciter ou de soulever une guerre de mots ou une guerre de principes. Il est question de prendre les moyens nécessaires, les moyens qui seront jugés nécessaires pour assurer la survie des industries. Si on trouve une formule différente ou si on nous démontre que cette formule va nous assurer la survie dont nous avons besoin, nous serons pleinement satisfaits. Il n'est pas question de s'attacher au chiffre 20 ou au chiffre 10, là-dedans. J'espère qu'on nous comprend dans ce sens-là.

Me permettez-vous une couple de points de vue encore? M. le ministre a parlé de la rentabilité, de la récupération à brève échéance des investissements du côté du sciage.

Il ne faudrait pas, actuellement, généraliser à partir d'une situation qui est favorable à l'industrie du sciage. Nous connaissons également nos vaches maigres.

Actuellement, si les conjonctures économiques donnent une certaine bonne santé à l'industrie du sciage, nous nous en réjouissons, mais il ne faut pas s'endormir dans une douce turpitude. L'industrie des pâtes et papiers a également connu sa prospérité et elle connaît actuellement des malaises que j'espère de courte durée, qu'elle exploite avec beaucoup d'habilité pour attirer la sympathie.

Mais il ne faudrait pas que notre prospérité occasionnelle nous attire de l'animosité ou de l'antipathie. Je mentionnerai également que les investissements consentis par les industriels du sciage — et nous le disons au début de notre mémoire — constituent dans 99. 9 p.c. des cas 100 p.c. de leur avoir et 100 p.c. de leur dette. Ce n'est pas l'argent investi par des tiers qu'ils administrent, c'est leur propre sort qui est entre leurs mains.

Ces gens-là ont un double souci, celui de mener à bien leur entreprise et celui de survivre eux-mêmes. Autrement dit, il ne faut pas sauter aux conclusions à partir d'une situation immédiate et temporaire.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Barry, je vous remercie de ces explications additionnelles que vous nous fournissez. Tout à l'heure, mon collègue, le député de Nicolet, vous a demandé si vous étiez d'accord sur le principe de l'abolition des concessions forestières. Vous avez dit que, dans votre mémoire, vous ne vous prononciez pas sur ce principe globalement. Mais là, vous venez de nous dire que vous n'êtes pas nécessairement d'accord, quitte à chercher une formule de rechange, sur ce que le ministère expose aux pages 62, 63 et les autres, en ce qui concerne les contrats d'allocation. Est-ce que vous avez des propositions qui seraient des formules de rechange?

M. BARRY: Nous demandons un contrat d'allocation approprié ou sécuritaire d'une durée suffisamment longue pour nous permettre un caractère de permanence et nous ne nous attachons pas à la tenure de la forêt. Si le gouvernement croit approprié de concéder 100 p.c. du territoire public sous forme de concessions forestières avec une formule qui serait certainement différente de celle que nous connaissons aujourd'hui, cela peut être une formule d'administration, quoi !

Si le gouvernement croit plutôt qu'il doit reprendre le contrôle à 100 p.c du territoire public, de faire disparaître les concessions comme telles de transformer les forêts en forêts domaniales ou en forêts vacantes, c'est encore une forme de tenure. Il peut y avoir des réserves. Autrefois on a connu les réserves cantonales, les réserves ci, les réserves ça; c'est encore une forme de tenure. La formule de la tenue est de moindre importance à nos yeux. Ce qui nous intéresse, c'est d'avoir la matière première dont nous avons besoin lorsque nous en avons besoin.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors...

M. BARRY: Evidemment il faut qu'elle soit accessible dans des données économiques. Il n'est pas question de nous approvisionner avec du bois qu'on pourrait trouver sur la Terre de Baffin. Ce serait un peu loin.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, M. Barry, en résumé — vous me direz si je vous interprète mal — ce n'est pas tellement la question de la nature, de la tenure et des permis d'allocation, etc., qui vous préoccupent; ce qui vous préoccupe, c'est une question d'équité. D'abord qu'il y ait un partage équitable, qu'il y ait aussi un partage qui assure stabilité, rentabilité des entreprises, permanence et tout cela dans le cadre d'une formule très souple qui tienne compte de réalités pratiques, de données concrètes, basées sur les statistiques des industries auxquelles vous appartenez, des industries connexes. Donc le principe comme tel, ce n'est pas tellement ce qui vous préoccupe; ce qui vous préoccupe, c'est un partage équitable en vue de la rentabilité et de la stabilité des industries, la vôtre comme les autres.

M. BARRY: Vous exprimez très bien notre opinion, je désire aller plus loin en disant qu'il ne faut pas interpréter nos propos comme étant des accusations à l'effet qu'il n'y a que de l'iniquité. Parce que la formule que nous avons connue dans le passé n'a pas eu que des mauvais côtés, mais nous trouvons inacceptable que d'immenses territoires et que bon nombre d'arbres, à cause de leurs essences, aient été gelés, ou immobilisés, ou inaccessibles à ceux qui en avaient besoin pour le simple plaisir de ceux qui avaient réussi à contrôler le territoire.

M. VINCENT: Maintenant, M. le Président, juste avant d'ajourner...

M. LE PRESIDENT (Giasson): Une dernière question.

M. VINCENT: ... pour permettre à M. Barry de pouvoir répondre en revenant à 2 h 30. Je voudrais que M. Barry nous fasse le parallèle entre ce qui est dit à la page 163 du tome II, en ce qui concerne les permis déjà émis par le ministère des Terres et Forêts en vertu de l'article 86, chapitre 92 et les recommandations que vous faites dans votre mémoire concernant l'émission de permis. Je voudrais que vous puissiez nous dire ce qu'il faut changer de ce qui existe déjà au ministère des Terres et Forêts, en ce qui concerne l'émission de tels permis.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il est midi trente, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: La commission suspend ses travaux jusqu'à 2 h 30.

(Suspension de la séance à 12 h 28)

Reprise de la séance à 14 h 35

M. PILOTE (président de la commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!

Vu qu'on a passé au-delà de deux heures ce matin sur le mémoire de l'Association du bois de sciage, si on veut passer d'autres mémoires cet après-midi, il faudrait limiter les questions le plus possible et s'entendre de façon à passer ce qui était prévu pour aujourd'hui à l'ordre du jour.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous ajournons, nos travaux M. le Président, à cinq heures?

M. LE PRESIDENT: A cinq heures trente.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous nous sommes entendus pour cinq heures, je pense, parce que nous avons pris un engagement â cinq heures.

M. LE PRESIDENT: Nous ajournons à cinq heures?

M. DRUMMOND: Vraiment, il y avait une entente pour cinq heures, mais je pense que, si on peut finir les mémoires, on pourrait quand même continuer jusqu'à cinq heures et quart.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Tout dépend de la nature de l'engagement.

M. DRUMMOND: C'est toujours comme ça, mais lorsqu'on a parlé de souplesse ce matin, je ne parlais pas seulement de souplesse de la part du gouvernement, mais aussi de tous les intéressés ici cet après-midi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, je veux bien. Il y a des bois flexibles, mais il y en a qui le sont moins. Alors, M. le Président, je veux bien que nous procédions avec célérité, étant donné l'importance du mémoire qui est devant nous et des associations représentées. Nous allons procéder avec célérité, mais avec une célérité calculée, afin d'avoir tous les renseignements qui nous sont utiles d'autant plus qu'un bon nombre de nos collègues n'ont pas eu encore l'occasion de poser des questions.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Lotbinière.

M. VINCENT: Il y avait deux réponses là, M. le Président, avant. Je pense que M. Barry avait deux réponses.

M. LE PRESIDENT: ...deux réponses à donner. M. Barry, est-ce que vous êtes prêt?

M. BARRY : Avant de nous séparer pour l'heure du lunch, M. Vincent avait posé deux

questions. La première question était relative au paragraphe 2.2 que l'on retrouve à la page 163 du tome II de l'exposé préparé par le ministère des Terres et Forêts. Ce paragraphe traite de l'article 86 du chapitre 92 de la Loi des Terres et Forêts au sujet des permis qu'il faut se procurer à l'occasion d'implantation d'usines nouvelles ou de modifications à des usines déjà existantes. De mémoire, l'article 86 dit que nul ne peut bâtir ou modifier une usine qui utilise le bois comme matière première sans, au préalable, se procurer un permis qui est émis par le ministère des Terres et Forêts. Dans notre mémoire, nous parlons d'un permis d'usine et non pas d'un permis de modification ou d'un permis de construction. Le permis d'usine que nous suggérons va beaucoup plus loin que celui qui est suggéré dans la loi actuelle des Terres et Forêts.

Nous demandons que ce permis soit émis annuellement et non pas seulement à l'occasion d'une construction ou d'une modification. L'émission de ce permis annuel pourrait répondre aux deux fins. Il y a celle qui est déjà prévue pour l'article 86 de la Loi des terres et forêts qui est de contrôler l'implantation des usines et ne pas réaliser tout à coup qu'on a bâti une usine sans que l'autorité en ait été informée ou avisée. Malheureusement, ce contrôle n'est pas tellement efficace et il semble que le gouvernement soit négligent à certains moments et ne s'assure pas que les gens qui bâtissent des scieries se soient procuré ledit permis.

La deuxième possibilité que représente le permis que nous avons suggéré, en plus de permettre un registre à jour des industries opérantes, permettrait au gouvernement très facilement d'apprécier dans quel état se trouvent les usines, au point de vue du rendement, de l'utilisation de la matière première, dans quel étant elles se trouvent au point de vue de la sécurité des ouvriers qui y travaillent, dans quel état elles se trouvent au point de vue de la conservation de l'environnement. Actuellement, la loi n'exige pas un permis d'usine de sorte que, lorsqu'une manufacture, une usine, une scierie est bâtie, les faits et gestes posés par la suite sont à peu près ignorés du gouvernement.

M. Vincent est-ce que ça répond à votre première question?

La deuxième question était relative aux sommes investies et aux emplois créés. Malheureusement, même si on a pu bénéficier d'une couple d'heures pour le lunch, la table a accaparé la plus grande partie de ce temps et je n'ai pas pu fouiller dans les statistiques d'une façon satisfaisante. Personnellement, j'avancerais qu'il faut investir cinq fois plus pour bâtir une manufacture de pâtes que pour bâtir une scierie pour créer le même nombres d'emplois. Disons qu'un investissement de l'ordre de $4 millions dans une scierie va procurer du travail à 200 personnes, mais il sera sans doute nécessaire d'investir quelque $20 millions dans l'indus- trie de pâtes, pour créer le même nombre d'emplois.

M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Barry, j'aurais une question à vous poser au sujet de la recommandation 34. J'aimerais avoir des explications, parce que vous demandez que le gouvernement constitue un fonds spécial pour la vente de permis de circulation en forêt pour fins récréatives, afin de défrayer une partie du coût de protection et de combat des incendies. Est-ce que vous pourriez nous expliquer ce que vous désirez obtenir par cela? Vente de permis de circulation en forêt pour fins récréatives?

M. BARRY: Actuellement la forêt sert à plusieurs fins. Limitons-nous pour le moment à la fin récréative, soit la pêche, la chasse, le campisme, la récréation pure et simple ou la promenade, ce qui amène une très forte population dans les forêts.

Or, cette population, je regrette de le dire, n'est pas éduquée, en grande partie, à utiliser la forêt avec toutes les précautions nécessaires. Il s'ensuit que la forêt est non seulement exposée mais souvent détruite par des incendies qui ont été allumés à cause de la négligence et de l'ignorance de ces gens. La meilleure façon d'impliquer les gens et de les intéresser à quelque chose, c'est de leur faire verser une somme, si minime soit-elle.

D'une part, celui qui devrait se procurer un permis d'usage ou de circulation en forêt aurait conscience qu'il s'est procuré un permis parce qu'il aurait défrayé quelques sous ou quelques dollars pour se le procurer; par le fait même, il porterait beaucoup plus d'attention à ses faits et gestes, et les sommes ainsi recueillies pourraient, en partie, défrayer les dommages qu'il cause à la forêt.

Actuellement, le gouvernement a enlevé le contrôle qu'il exerçait autrefois sur l'usage de la forêt et, c'est regrettable de le dire, je le répète, on devrait utiliser l'expression vox populi vox minorum, il arrive souvent que la population ne soit pas préparée à bénéficier des privilèges qu'elle réclame. Cela explique la recommandation no 34 de notre mémoire.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.

M. BELAND: M. le Président, j'aurais également quelques questions à poser. Si on se réfère au chapitre I, on nous dit: Le rythme d'accroissement aurait été meilleur si l'industrie avait pu évoluer plus librement. Il est bien clair — vous en avez parlé ce matin, que certaines contraintes ont affecté très largement l'industrie du sciage au Québec.

Si on va un peu plus loin, à la page 7, concernant les droits de coupe, vous laissez supposer qu'il y aurait peut-être possibilité de corriger cet angle-là. Est-ce que vous avez pensé à une échelle de base au droit de coupe, compte tenu du peuplement par exemple, du peuplement, de l'éloignement, de la densité, de la facilité d'accès, etc?

M. BARRY : Nous n'avons pas suggéré dans notre mémoire de tarifs ou de cédules des charges. Nous avons cependant mentionné que le gouvernement devrait tenir compte de la qualité des sites, de la qualité du bois, des essences, de l'accessibilité, d'un tas de facteurs; également, le gouvernement pourrait tenir compte de la fluctuation sur le marché dans la vente des produits finis.

Je vais emprunter l'expression d'un haut fonctionnaire du ministère des Terres et Forêts qui a dit un jour que la charge pourrait être même une prime qui serait versée à l'exploitant forestier qui mettrait en valeur des peuplements qui autrement seraient économiquement inaccessibles. Alors, sans aller jusqu'à réclamer la prime à ce moment-ci, c'est vous dire que les fluctuations sont possibles dans ce domaine. Et puis, nous sommes à la disposition du gouvernement, s'il croit que nous pouvons l'aider à préparer une liste officielle des taux selon les circonstances.

M. BELAND: Ensuite, si l'on va plus loin, dans le rapport principal à la page 93, au niveau des recommandations, on parle d'adjudication publique, voudriez-vous préciser à ce moment-ci? Parce que vous laissez supposer que ce serait automatiquement par l'intermédiaire de Rexfor seulement qu'il y aurait possibilité d'une adjudication publique. Voudriez-vous préciser davantage quelque peu?

M. BARRY: Antérieurement, dans notre mémoire, nous parlons de l'allocation ou de l'approvisionnement des usines. Cela veut dire qu'il s'agit d'un programme défini pour un terme relativement long, enfin, à caractère de permanence. En plus des exploitations prévues par ces plans d'allocation, il peut arriver que le gouvernement juge à propos de procéder à des coupes, soit pour procurer du travail à une main-d'oeuvre en chômage, soit pour récupérer des peuplements qui, subitement, deviennent en perdition. Il s'agit alors de bois qui arrive sur le marché en surplus des allocations déjà prévues et, pour éviter des privilèges ou de l'iniquité, nous suggérons que le bois, que ces surplus ainsi créés soient offerts aux utilisateurs par adjudication publique.

M. BELAND: Bon. Je présume que, dans votre idée, ce soit justement offert, mais à un prix concurrentiel, non pas à un prix préférentiel à Rexfor, mettant d'une façon nettement sur un pied inférieur les autres utilisateurs ou transformateurs. Par exemple, je vais aller plus loin, s'il existe toujours la Fédération des producteurs de bois du Québec, qui en somme est le porte-parole des producteurs sur terrains privés, est-ce que ce serait un organisme consulté? En l'occurence, ou en somme, quelle est votre façon, comment voyez-vous le problème?

M. BARRY: Tout d'abord, nous avons précisé que ces bois coupés n'affectaient pas le programme d'approvisionnement régulier des acheteurs. C'est du bois coupé en sus de l'approvisionnement régulier. Dans l'approvisionnement régulier, nous comprenons, s'il s'agit d'une industrie de pâtes par exemple, qu'il y aura des copeaux qui proviennent des scieries, qu'il y aura des bois à pâte qui proviennent des terrains privés, qu'il y aura du bois qui provient des terres publiques ou des terres du gouvernement et, à ce moment-là, nous tenons pour acquis que les entreprises ont obtenu l'allocation ou l'approvisionnement dont elles ont besoin.

Les bois qui sont ainsi coupés par une société telle que Rexfor arrivent comme des surplus sur le marché. Quand on parle d'adjudications publiques, on présuppose le principe du dernier et plus haut enchérisseur. Il peut arriver que cet acheteur paie moins que les prix courants, qu'il paie moins que ses propres prix à lui, comme il peut arriver qu'il paie plus. Tout dépendra à ce moment-là des conditions du marché.

Si une usine de sciage a une capacité, selon une machinerie installée, de 20 millions de pieds, qu'elle a un approvisionnement total de 15 millions, si les conditions du marché sont favorables, elle aura certainement recours à de la surenchère pour obtenir ce bois additionnel. Par ailleurs, si son voisin a un approvisionnement qui correspond à sa capacité de machinerie, et si, dans d'autres circonstances, le marché est moins bon, il y aura peut-être peu ou pas de preneur pour ces surplus de bois. A ce moment-là, le gouvernement donnera peut-être purement et simplement le bois à ceux qui voudront bien le transformer.

M. BELAND: A l'intérieur de tout ce contexte-là, de quelle façon envisagez-vous un correctif quelconque, y avez-vous pensé, concernant ce qui existe présentement, à savoir des Américains, ou d'autres personnes d'outre-frontières qui viennent acheter de grandes étendues de terrain chez nous? Peut-être avez-vous pensé à un moyen pour que ce fait n'affecte pas les possibilités d'accès à la forêt de nos industries du sciage.

M. BARRY: Si vous voulez me fournir des précisions additionnelles quand vous parlez de gens étrangers au Québec qui achètent des terrains ici; est-ce que vous voulez dire qu'ils achètent des terrains boisés ou des terrains vagues?

M. BELAND: Des terrains boisés.

M. BARRY: A ma connaissance, si de telles personnes achètent des terrains boisés, elles les achètent de propriétaires privés. Actuellement, c'est un transfert de propriété d'un résidant à un non-résidant et je crois que c'est un peu en dehors de la compétence de notre association de prétendre faire des recommandations valables dans ce domaine.

M. BELAND: Bon, d'accord.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.

M. LESSARD: Merci, M. le Président. J'aimerais d'abord avoir certaines informations concernant votre association. A la page 6 de votre mémoire, vous dites que l'Association des manufacturiers de bois de sciage représente 80 p.c. de la production.

Cela représente combien d'entreprises sur les 613 dont vous parlez?

M. BARRY: En nombre, 155.

M. LESSARD: Alors, 155 entreprises qui sont membres de votre association seulement.

M. BARRY: C'est cela.

M. LESSARD: Est-ce que vous pourriez me donner certaines indications concernant le contrôle québécois à l'intérieur de ces entreprises?

M. BARRY: Disons que les industries qui composent notre association sont dans une très grande majorité — je dirais d'un ordre de grandeur d'au-delà de 90 p.c. ou 95 p.c. — la propriété d'éléments de la province, des Canadiens français en majeure partie. Quelques usines de fort volume n'appartiennent pas à notre association, il s'agit de cas d'exception. La plupart des usines importantes appartiennent à notre associaiton.

Parmi les grandes usines qui n'appartiennent pas à notre association, la plupart sont la propriété de compagnies papetières, quoique des compagnies papetières exploitant des scieries appartiennent également à notre association. Notre association est un groupe de bonne foi, accessible volontairement, sans contrainte, aux industriels. Il n'y a pas de formule Rand, il n'y a pas d'adhésion obligatoire ou quoi que ce soit, sauf pour avoir accès aux services que nous offrons dans le cas de certains services particuliers tels que la classification et le contrôle de qualité du bois. A ce moment-là, tout en prétendant offrir ce contrôle de qualité et ces services aux non-membres, le prix que nous chargeons lorsqu'il s'agit de non-membres est d'une fois et demie ce que nous chargeons aux membres, ce qui incite les gens à appartenir à l'association pour obtenir des services à un prix le plus bas possible. En dehors de cela, il n'y a aucune contrainte ni aucune pression d'exercée sur les industriels pour qu'ils entrent dans notre association. Il existe d'autres associations ayant leur siège social en dehors de la province de Québec qui ont certaines activités dans notre province et la plupart des grandes scieries qui n'appartiennent pas à notre groupement appartiennent à ces groupements de l'extérieur, groupements étrangers.

Si de petites scieries ou de grandes scieries ont jugé bon de ne pas entrer dans l'association, c'est leur droit et nous n'avons pas l'intention de le contester de quelque façon que ce soit.

M. LESSARD: A la page 21 et à la page 22 de votre mémoire, vous faites le procès des forêts domaniales; vous affirmez : Toutefois ces forêts domaniales résultent très souvent du regroupement de territoires forestiers en partie épuisés, quelquefois écrémés des approvisionnements les plus recherchés du point de vue de la qualité, de la dimension des grumes ou formés de peuplements difficiles d'accès.

Est-ce que vous ne croyez pas que, du fait qu'on retarde l'application ou la décision concernant l'abolition des concessions forestières, il y a danger que les industries de pâtes et papiers continuent d'écrémer les meilleurs territoires, quitte à se ramasser, dans dix ans, avec des territoires presque complètement épuisés?

M. BARRY: Evidemment, je ne puis pas prêter d'intention, mais si j'étais à leur place, je le ferais. Alors, je peux présumer qu'elles le feront.

M. LESSARD: A la page 26, vous parlez des forêts privées et vous semblez passablement satisfaits des services ou de l'approvisionnement que vous fournissent les forêts privées. Par contre, certains industriels de la forêt n'affirment pas du tout la même chose. Est-ce que, de l'avis de l'association, actuellement, les prix, les coûts du bois provenant des forêts privées sont concurrentiels par rapport à votre propre prix?

M. BARRY: Les bois qui proviennent des terrains privés sont assujettis dans certains territoires du moins, sinon dans la plupart, au contrôle des plans conjoints. Dans certaines régions, nous avons eu à négocier avec les plans conjoints, ailleurs, les ventes ont été effectuées directement des producteurs aux usagers du bois, aux scieries. Il semble qu'il y a toujours de la place et pour la critique et pour de l'amélioration, mais, dans l'ensemble, je crois que les deux parties se sont trouvé satisfaites des relations qui ont existé dans le passé. C'est pourquoi nous disons que nous nous proposons de continuer à nous approvisionner à même les bois qui proviennent des terrains privés et qui nous sont offerts.

M. LESSARD: A venir jusqu'ici, vous êtes

donc satisfaits du respect des ententes qui ont été prises par le système des plans conjoints, entre les producteurs privés et votre association? Les ententes ont été respectées?

M. BARRY: D'une part, les quantités ne sont pas tellement énormes, mais, d'autre part, nous sommes heureux de pouvoir nous procurer ce bois et nous espérons que ça va se continuer.

M. LESSARD: A la page 69, l'association recommande que le gouvernement crée un organisme de coordination des approvisionnements. Pourriez-vous détailler un peu les modalités d'organisation ou d'administration de cet organisme? Est-ce que cet organisme devrait être un organisme gouvernemental? Est-ce que ça ne devrait pas plutôt être un organisme X où tous les intérêts forestiers pourraient être représentés, soit les représentants des forêts privées, les industriels des pâtes et papiers, les industriels du bois de sciage, le ministère des Terres et Forêts, Rexfor ou est-ce que ça doit être exclusivement un organisme gouvernemental?

M. BARRY: Tout d'abord, dans le préambule, nous parlons d'un organisme qui serait plus actif dans l'indication et dans l'incitation; on parle d'une régie gouvernementale à ce moment-là. Alors, par sa définition, si elle est gouvernementale elle va relever de l'autorité du gouvernement et en l'occurence du ministre des Terres et Forêts. Je crois que c'est normal que le plus grand fournisseur devienne le principal intéressé dans une telle régie.

Le gouvernement, par son administration des forêts publiques, est le plus gros fournisseur de matières premières aux industries forestières. Il est logique qu'il soit non seulement présent, mais qu'il soit dominant. Nous croyons que le gouvernement aurait avantage et intérêt à obtenir la participation des parties concernées. Les parties concernées comptent évidemment tout autre producteur, fournisseur de bois et également les utilisateurs du bois.

C'est donc dire que je conçois que les propriétaires de terrains privés aient un représentant sur cet organisme, tout comme les utilisateurs des différents secteurs de l'industrie forestière. Je crois qu'il serait préférable d'avoir une régie paragouvernementale plutôt qu'une direction générale d'un ministère, parce que, dans une direction générale, c'est plus difficile d'avoir l'apport de l'extérieur alors que, dans une société paragouvernementale, vous pouvez, tout en gardant le contrôle, avoir une participation de l'extérieur.

M. LESSARD: A plusieurs reprises, dans votre mémoire, du moins implicitement, vous parlez du rôle de Rexfor et vous dites que Rexfor ne devrait pas venir directement en concurrence avec l'entreprise privée. Est-ce que vous pourriez préciser un peu la façon dont l'association voit le rôle de Rexfor dans une transformation complète de l'administration forestière?

M. BARRY: Rexfor a un rôle bien défini à remplir. Il s'agit pour elle d'exploiter du bois là où, normalement, l'industrie ne peut pas ou ne doit pas aller. Alors, il peut s'agir, comme je l'ai mentionné plus tôt, de coupes qui ont été décidées en vue de procurer du travail à des sans-emploi. Il peut s'agir de programmes de récupération de bois compromis soit par des épidémies d'insectes, du feu ou par des construction de travaux de génie.

H s'agit de travaux qui sont en dehors des programmes normaux prévus par le gouvernement et par l'industrie. C'est un rôle supplétif à ce moment-là et non pas un rôle concurrentiel que Rexfor doit remplir. D'ailleurs, Rexfor, si on analyse l'etymologie du mot, ça veut dire récupération et exploitation:Re pour récupération, en premier lieu.

M. LESSARD: Pour l'association, Rexfor devrait rester ce qu'elle est, c'est-à-dire un organisme paragouvernemental mais qui va toujours fonctionner comme supplément à l'entreprise privée et qui sera nécessairement une entreprise déficitaire.

M. BARRY: C'est notre opinion à moins qu'on nous prouve que l'industrie est incompétente et incapable de procéder elle-même à ses opérations forestières.

M. LESSARD: Merci, M. le Président. En terminant, pour ma part, je dois féliciter l'Association du bois de sciage du Québec, qui nous a présenté l'un des mémoires les plus positifs que nous ayons entendus jusqu'ici et qui accepte la réforme que le ministère semble vouloir nous apporter.

M. BARRY: Merci, monsieur.

M. LE PRESIDENT: Je remercie M. Barry et M. Guérette de la façon qu'ils ont présenté leur mémoire. Je les félicite particulièrement au nom de la commission et soyez assurés que nous allons prendre bonne note de vos recommandations.

M. BARRY: Merci, M. le Président, merci, M. le ministre, merci, messieurs.

M. LE PRESIDENT: J'inviterais à présent à la barre le Comité canadien pour le Programme biologique international; son représentant, M. Gilles Lemieux, en est le président conjoint.

Comité canadien pour le programme biologique international PBI/CT

M. LEMIEUX: M. le Président, MM. les membres de la commission, nous représentons le Programme biologique international; mon

collègue, le Dr Maldague, est à ma gauche ainsi que Me Lorne Giroux à ma droite. Ce Programme biologique international a pris naissance en 1967 et a été accepté par le Canada; 60 pays en font partie et au Canada c'est le Conseil national des recherches qui a financé l'opération, qui doit se terminer en 1973-1974.

Le but de ce programme était surtout d'analyser la productivité des communautés biologiques aussi bien marines que terrestres et également de voir à la protection d'un certain nombre de biotopes, c'est-à-dire d'entités biologiques, représentatives de l'ensemble du Canada.

Pour ce faire, le Canada a été divisé en dix régions qui correspondent à toutes les provinces plus les Territoires du Nord-Ouest et le Québec est une de ces régions.

Au Québec, nous nous sommes constitués en groupes à partir des représentants de toutes les universités québécoises, y compris l'Université McGill, Montréal, toutes les constituantes de l'Université du Québec, Laval, Sir George Williams, Sherbrooke, ainsi de suite.

Le mémoire que nous présentons n'est pas tellement volumineux, il est relativement concis et c'est à dessein que nous l'avons mis de cette façon de sorte qu'il soit relativement facile à comprendre.

Les communautés biologiques ont, à notre avis, trois grandes valeurs. La première est une valeur esthétique et celle-ci est bien traitée dans le tome II du livre blanc du ministre des Terres et Forêts. La deuxième, qui est non moins importante, peut-être même plus importante que la première, est la valeur culturelle, c'est-à-dire que les communautés biologiques font partie du patrimoine national. Je pense que tout le monde est d'accord qu'à l'heure actuelle, à cause de la technologie assez avancée, on a et on peut très rapidement et on a déjà détruit un assez bon nombre de ces communautés biologiques, de telle sorte qu'étant donné que ceci fait partie du patrimoine national d'un peuple depuis fort longtemps, je ne crois pas que nous ayons le droit ni le devoir et que personne nous ait conseillé de détruire complètement ce qui appartient à la nation.

Finalement, une autre de ces grandes valeurs biologiques est la valeur scientifique, c'est-à-dire que ces communautés biologiques sont composées d'un grand nombre d'organismes qui ont des interrogations complexes et finalement sont la base de toute la vie aussi bien animale qu'humaine sur terre.

Pour protéger la majeure partie des exemplaires de nos communautés biologiques, nous proposons l'instauration d'une série de réserves dites réserves écologiques.

Ces réserves écologiques sont souvent de dimensions restreintes et comprennent un exemplaire de ce qu'on appelle un écosystème, notamment un exemplaire de l'érablière d'où nous pourrions tirer quelques centaines d'acres qui seraient mises en réserve complète, c'est-à- dire sans accès au public à l'intérieur, mais où le public pourrait avoir accès pour des fins éducatives à la périphérie.

Au Canada, on a déjà fait des pressions pour obtenir de telles réserves et, comme vous pouvez le voir à l'appendice en annexe au mémoire, un succès a été obtenu en Colombie-Britannique où on a déjà voté l'Ecological Reserve Act en 1971. Cependant, comme le Canada est, je ne dirai pas hétérogène, mais peu homogène au point de vue biologique, la situation est un peu différente d'une région à l'autre. Par exemple, dans les Prairies, on ne parle pas de réserve ou d'un écosystème, mais bien de "landscape", c'est-à-dire de paysage, d'ensemble de paysages, qui est à peu près l'équivalent d'un parc. Au Québec cependant, nous avons un certain nombre d'affinités avec la Colombie-Britannique, en ce sens que nous possédons un grand nombre de ces communautés biologiques. Celles du sud de la région de Montréal sont typiques du centre américain, celles de l'est et du nord sont caractéristiques des grandes formations forestières du nord et de toute l'Amérique, et finalement la toundra se trouve encore beaucoup plus loin et, fait un peu particulier, nous sommes la seule des provinces du Canada à posséder de tels territoires ou de telles entités biologiques.

Le Nouveau-Québec justement à ce propos pose un peu de difficulté. Peu de choses y ont été faites jusqu'à maintenant, mais on commence, avec le projet de la baie James, à y faire de nombreux travaux. Une information qui nous parvenait tout récemment du ministère des Richesses naturelles nous laisse savoir qu'une décision est en voie d'être prise pour que la route de la baie James soit prolongée jusqu'au lac Guillaume-Delisle sur la baie d'Hudson d'ici 1975. Nous nous inquiétons, non pas que nous ne sommes pas contents que la civilisation monte aussi loin, mais nous sommes quand même relativement inquiets de ce qui pourrait se produire dans un pays aussi fragile, où nos travaux nous laissent à penser que la révolution de la végétation est d'environ mille ans, c'est-à-dire que, lorsqu'on détruira cette végétation relativement fragile, on peut escompter entre 500 et 1,000 années avant qu'elle se rétablisse. Ceci fait partie de nos préoccupations à l'heure actuelle.

Le but des réserves écologiques est assez varié, en ce sens que non seulement nous voulons protéger des écosystèmes ou de grands écosystèmes, mais nous voulons également donner par le fait même un certain nombre de places où on pourrait avoir accès, pour des fins éducatives. On a parlé dans le mémoire précédent de la difficulté de l'accès en forêt, à cause d'un manque d'éducation populaire. Je pense que c'est un peu vrai, mais on ne peut jeter la pierre à personne et, dans le contexte urbain dans lequel nous vivons, ce phénomène de méconnaissance du milieu forestier ne fait que s'amplifier. C'est une des raisons qui nous

portent à penser que le fait d'avoir des réserves écologiques à accès limité, tout au moins pour les écoles et les universités, serait d'un grand bienfait puisque les populations urbaines seraient, pour la première fois, souvent, à même d'entrer en contact avec une végétation et un milieu non perturbés.

Une autre raison qui nous pousse à demander des réserves écologiques est ce qu'on appelle la diversité génétique. En effet, une population aussi bien d'animaux que d'arbres a un bagage génétique défini pour une région particulière, c'est-à-dire que les équilibres se sont faits de telle sorte que, dans les dix, vingt ou trente milliers d'années qui ont précédé, s'est établi un équilibre. Si on prend, à titre d'exemple, les vallées de la Gaspésie, les érablières, qui y sont sont le résultat de plusieurs milliers d'années, sont concentrées, il n'en reste presque plus. Un homme est en mesure de détruire complètement ce bagage génétique. Pourquoi faut-il conserver ce bagage génétique jusqu'à un certain point?

Je pense qu'il est facile de voir que, dans les années qui viennent, on devra procéder à des reboisements de plus en plus complexes et fréquents. Où prendra-t-on le matériel? Il faudra le prendre dans des endroits qui auront été protégés et conservés pour cette fin. Enfin, le but de ces réserves écologiques, un autre de ses buts, est la recherche scientifique. Comme je vous ai dit préalablement, chacune de ces communautés biologiques est extrêmement complexe, aussi complexe que le corps humain peut l'être. Naturellement — c'est tout à fait normal — on a concédé des sommes énormes depuis plus de cent ans à la connaissance du corps humain. Le problème de l'environnement qui nous confronte actuellement est en bonne partie celui-ci. C'est qu'on ne connaît pas ces communautés auxquelles on a affaire. Très peu d'argent leur a été consacré. Je suis d'avis qu'il a été difficile, jusqu'à maintenant, de le faire, mais je pense qu'on en arrive à un stade où ceci devrait être fait. Ces communautés biologiques appartenant au Canada, aux provinces, il se pose déjà un petit dilemme en ce sens que probablement l'argent pourrait venir de source fédérale, mais il faudrait que ces communautés biologiques soient assurées d'une protection par l'Etat provincial.

Une autre des utilités de ces réserves écologiques est l'installation de stations de contrôle pour la mesure des paramètres de l'environnement. C'est-à-dire que pour la mesure de la pollution atmosphérique, la pollution de l'eau, la pollution du sol, ces stations de contrôle s'établissent, en règle générale, dans des milieux parfaitement protégés et à l'abri de contingences du milieu environnant. C'est-à-dire que ces milieux doivent être représentatifs de l'ensemble du territoire et non pas être à proximité d'industries.

Enfin, une autre des utilisations possibles de ces réserves écologiques est l'utilisation de celles-ci pour l'installation de stations de météo. La météorologie, à l'heure actuelle, a des stations qui sont placées un peu partout, souvent sur des terrains privés ou des terrains de la couronne et, pour toutes sortes de raisons on doit les déplacer, soit à cause de la croissance urbaine ou la construction de routes ainsi de suite. Je ne pense pas, que je sache, qu'il n'y ait de lois qui assurent la permanence de ces stations de météo. Nous avons, à l'heure actuelle, l'assurance de la coopération du ministère de l'Environnement fédéral qui serait intéressé, avec l'aide du ministère des Richesses naturelles, à avoir de telles stations dans les endroits bien protégés législativement.

Enfin, la gestion de ces réserves pose une difficulté, un petit problème. Ces réserves pourraient être soit à la charge de l'Etat au complet, par l'intermédiaire de l'un de ses ministères, ou encore être régies par un groupe de gestion qui serait composé à la fois de représentants universitaires, de représentants du gouvernement et de représentants d'institutions privées, soit de préférence de l'industrie, quoique jusqu'à maintenant l'industrie n'ait pas montré beaucoup d'intérêt pour ce domaine.

Enfin, je désire attirer votre attention sur les recommandations qui font suite à la conclusion à la page 18.

Nous recommandons que le gouvernement du Québec mette sur pied un réseau de réserves écologiques.

Nous recommandons également que l'Assemblée nationale adopte une loi dite des réserves écologiques comme celle de la Colombie-Britannique.

Nous recommandons également qu'une loi permette la création de réserves écologiques intégrales ou dirigées pertinentes et dédiées à la conservation, à la recherche scientifique et à l'éducation.

Nous recommandons qu'une telle loi permette au ministre responsable d'acquérir, de louer ou de conclure des ententes avec des individus ou des groupes permettant l'érection de réserves écologiques sur des terres autres que les terres publiques. Parce qu'ici j'attire votre attention sur le fait que les communautés biologiques ne sont pas uniquement sur des terres de la couronne, elles sont fréquemment sur des terrains publics, surtout dans les régions à forte densité comme la région montréalaise.

Nous recommandons que des règlements relatifs à la création et à la gestion de réserves écologiques soient inclus dans la loi pour: a) l'élaboration d'un plan d'aménagement spécifique à chaque réserve; b)le contrôle des activités de circulation ou de recherche à l'intérieur des réserves écologiques; c) définir les fonctions du conseil consultatif des réserves écologiques dont j'ai parlé un peu plus tôt.

Nous recommandons la création d'un conseil consultatif des réserves écologiques chargé de la

gestion et du règlement des conflits d'utilisation des réserves.

Nous recommandons que les lois actuelles des terres et forêts, mines, régime des eaux, conservation de la faune et toute autre loi jugée nécessaire, ne soient appliquées à l'intérieur du territoire désigné comme réserve écologique.

Nous recommandons que le règlement interne dit des "secteurs expérimentaux" se voie érigé en loi.

Alors, voilà dans l'ensemble les recommandations et les considérations que nous tenons à porter à votre attention à propos de la protection de l'ensemble du territoire sous la forme de réserve écologique.

M. PELLETIER: M. le Président, j'ai remarqué, à la page 3, que vous parliez de 116 sites. Pourriez-vous préciser? Pourquoi 116 sites et pourquoi 18 seulement ont été reconnus?

M. LEMIEUX: Ces 116 sites sont le résultat de quatre années de travail, c'est-à-dire que nous travaillons tous bénévolement. Ceci est le fait de l'expérience de chacun. Ces expériences sont colligées et nous avons, à la suite de très nombreuses réunions, choisi parmi un grand nombre encore 116 sites qui comportaient des communautés biologiques caractéristiques qui méritaient d'être protégées. A l'heure actuelle, à cause des fonds qui nous sont alloués par le gouvernement fédéral, et à cause des coûts énormes surtout au Québec, nous n'avons pu décrire correctement et convenablement que 18 de ces sites. La majorité a été visitée mais n'a pas été décrite encore. Nous savons ce qu'il y a dedans mais la compilation n'est pas faite.

M. PELLETIER: D'après vos recommandations, est-ce que vous avez fait une évaluation de ce que serait le coût, pour le ministère des Terres et Forêts, de toutes vos recommandations à la page 18?

M. LEMIEUX: La question de coût a été envisagée à plusieurs reprises. Nous n'avons pas à l'heure actuelle les moyens de nous payer une expertise. Cependant, nous avons tâté le terrain à gauche et à droite. Dans un cas, dans la région montréalaise, une des réserves coûterait à peu près $2,000 d'achat. Dans le cas des îles de Mingan, des contacts menés avec la Compagnie de la baie d'Hudson nous permettent de croire que ces îles pourraient être cédées pour la somme nominale de $1, nous pensons.

Cependant, dans le cas de la réserve de Stoneham 76, nous estimons le coût à l'heure actuelle, la valeur marchande des terrains, à environ $20,000. Or, vous voyez, c'est assez hétérogène et, à l'heure actuelle, on n'a pas de données d'ensemble pour savoir ce qui en coûterait pour l'ensemble du territoire québécois.

M. DRUMMOND: Est-ce qu'on est en train de préparer une telle liste pour arriver à un chiffre global de l'ampleur du programme?

M. LEMIEUX: C'est exact. On est en train de le faire mais cela nous prendra encore au moins une année, peut-être un peu plus.

M. DRUMMOND: Est-ce que je peux vous poser une autre question, à savoir quel pays du monde est le plus avancé dans l'installation des réserves écologiques?

M. LEMIEUX: A l'heure actuelle, naturellement, ce sont toujours les pays Scandinaves qui mènent le bal mais, si notre information est bonne, nous sommes à peu près deuxième ou troisième. Nous sommes parmi les plus avancés.

M. DRUMMOND: Est-ce que ça devient une question d'éducation, d'une certaine façon, pour populariser l'idée de telles réserves envers le grand public ou si, dans les pays Scandinaves, par exemple, c'est le gouvernement qui a décidé, sans la pression d'en bas, d'établir de telles réserves?

M. LEMIEUX: Je pense qu'en Suède, la pression vient en bonne partie de la population. C'est une prise de conscience qui a frappé tous les pays du nord, y compris l'Angleterre, il y a près d'un siècle. C'est venu plus tard en Amérique et c'est beaucoup moins vivace dans le pourtour de la Méditerranée. C'est un drôle de phénomène, c'est un phénomène social.

M. DRUMMOND: C'est censé être une réserve intégrale pour protéger la nature. Si un feu se développe à l'intérieur d'une telle réserve, doit-on envoyer des avions-citernes pour l'éteindre?

M. LEMIEUX: Oui. A ce sujet, il y a plusieurs aspects. Le premier aspect veut qu'on élabore un plan d'aménagement pour chacune des réserves, c'est-à-dire qu'elles doivent avoir un but. Si, dans le plan d'aménagement qui aurait été accepté par tout le monde, il a été décidé qu'on devra y laisser passer le feu, on ne devrait pas s'en occuper. C'est-à-dire qu'on devrait laisser courir un incendie forestier.

Je tiens à vous souligner le cas du parc de Yellowstone aux Etats-Unis où, après cent ans de contrôle des incendies forestiers, on est obligé de les ignorer et même de les allumer parce qu'il y a, à l'intérieur, une population biologique beaucoup trop vieille. Les arbres sont trop vieux, ils engendrent trop d'insectes ou de maladies.

Le feu, souvent, fait partie d'un équilibre naturel, mais des décisions de gestion sont à prendre dans chacun des cas. Je pense que, dans certains cas, il faudrait le laisser faire. On dit ceci ou cela, mais au point de vue scientifique, je ne connais pas beaucoup de mesures réelles qui ont été faites sur une très longue période,

qui nous disent quoi faire, quand et comment. Alors, c'est un des principaux buts de ces réserves, savoir où on va, comment et quand.

M. DRUMMOND: Est-ce qu'une telle raison doit être liée à un système de centre écologique plus populaire? Ceci est surtout scientifique et nous sommes en train de développer des centres écologiques pour l'instruction du grand public. Est-ce que les deux réseaux doivent être développés ensemble, ou non, dans votre esprit?

M. LEMIEUX: Je pense que oui. Si vous regardez bien la structure d'un centre écologique, il faut absolument que vous ayez un espace central complètement réservé. Sinon, vous aboutissez rapidement à l'appauvrissement de la faune et de la flore, ce qui fait que votre centre écologique n'a presque plus d'intérêt. Donc, je pense que, presque obligatoirement, il faudrait qu'il y ait une bonne cohésion entre les deux, sinon...

M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je pense que le mémoire qui vient de nous être présenté est un mémoire extrêmement important parce qu'il est de nature à sensibiliser les parlementaires et les citoyens à un problème qui a très peu, jusqu'à présent, retenu leur attention.

Nous avons eu l'occasion de discuter à plusieurs reprises, soit en Chambre, soit en commission parlementaire, de cette question et voici que ce mémoire pose le problème des réserves écologiques, la nécessité de leur création, même l'urgence de les faire. M. Lemieux a bien défini les fonctions et nous a aussi indiqué de quelle façon pourraient être administrées ces réserves écologiques.

Il y a un ensemble de recommandations que personne d'entre nous ne pourrait refuser sous toute réserve, bien entendu, de l'examen des implications budgétaires que cela comporte. Mais nous savons, d'autre part, que le ministère des Terres et Forêts a déjà, dans les documents qu'il nous a soumis et qui constituent son exposé sur la politique forestière, indiqué sa volonté de procéder à la création de semblables réserves écologiques.

M. Lemieux, tout à l'heure, nous a défini des fonctions, et je crois que le gouvernement, en plus de s'occuper de créer ces réserves écologiques, devrait dès maintenant sensibiliser le public par tous les moyens modernes des communications à cette urgence de créer ces réserves, afin que l'on ne considère pas cette décision gouvernementale qui viendra, nous n'en doutons pas, comme quelque chose de superflu, comme cette sorte de luxe que peut se permettre une société très riche. Les projections à court et à long termes qu'évoquait tout à l'heure le Dr Lemieux sont des réalités de notre vie physique, de notre vie sociale, il est donc très important que nous tenions compte de ce mémoire hautement scientifique qui nous a été présenté, mais qui, en même temps, a été présenté d'une façon très pratique, très réaliste, et, comme l'a dit le Dr Lemieux avec j'imagine un peu d'ironie, de façon que nous comprenions tous le sens de ce mémoire.

M. LEMIEUX: Si vous me permettez, j'aimerais que Me Giroux fasse un court exposé des problèmes législatifs qui entourent justement la création de ces réserves.

M. GIROUX: La raison pour laquelle le PBI demande l'adoption d'une loi spéciale pour assurer la protection des réserves, c'est que la législation actuelle ne permet pas de façon adéquate de protéger un territoire qui aurait été mis de côté pour fins purement scientifique. Nous nous expliquons: On peut trouver dans les directives émises par le service de la recherche du ministère des Terres et Forêts un règlement ou une directive purement interne qui permette de réserver des étendues de terrain d'une superficie maximale de 1,000 acres pour fins de recherche. Mais il est évident qu'une telle réserve faite par le ministère ne lie aucunement un autre ministère, comme par exemple le ministère des Richesses naturelles, qui peut émettre des permis de recherche pour le pétrole, le gravier ou le gaz naturel. De la même façon, même si on se sert de la procédure de soustraction au jalonnement que l'on retrouve dans la Loi des mines, il n'en reste pas moins que tout un système de concessions pour fins pétrolifères ou gazifères échappe complètement au jalonnement, de telle sorte que, même si on soustrait au jalonnement, il reste encore la possibilité de prospection par voie sismique, par exemple, qui serait très dangereuse pour la protection d'une réserve. C'est pour cela que, de la même façon que le groupe du PBI de la Colombie-Britannique en est venu à la conclusion que ça prenait nécessairement une loi spéciale pour assurer une véritable protection à ces territoires, de la même façon, après étude de notre loi, nous en sommes venus à la conclusion qu'une protection efficace ne peut se faire que par voie législative.

M. DRUMMOND: Dans votre optique, quel ministère doit être responsable pour l'administration et la protection de ces réserves écologiques?

M. GIROUX: Nous estimons à l'heure actuelle qu'il revient au ministère des Terres et Forêts de prendre les décisions en tant que gestionnaire des terres publiques du Québec, pour la soustraction d'une partie de territoire devant être réserve écologique. Cependant, nous croyons que, pour le plan d'aménagement de chacune des réserves, il devrait y avoir un comité consultatif des réserves composé de

scientifiques et des représentants des différents ministères, et qu'également lorsqu'une partie du territoire du Québec a acquis le statut de réserve, on ne puisse ensuite lui faire perdre ce statut qu'à la suite d'auditions publiques et de consultations avec le conseil consultatif, pour s'assurer que les différents intérêts qui peuvent être en conflit, soit pour conserver au territoire son statut de réserve, soit pour le remettre dans le domaine public pour fins d'exploitation, puissent se faire entendre et qu'une décision éclairée puisse être prise.

M. DRUMMOND : C'est un peu lourd comme système.

M. GIROUX: C'est peut-être lourd. Actuellement le groupe canadien du PBI estime que c'est véritablement le seul moyen d'assurer une protection à long terme, parce que l'on peut comprendre que les recherches scientifiques sur un territoire qu'on veut vierge ne puissent se faire que suivant une évolution à très long terme. Dans la mesure ou une réserve peut perdre son statut dans l'espace d'une ou deux années, l'intérêt de réserver ce territoire pour fins de recherches scientifiques est considérablement diminué. Nous estimons qu'un système plus lourd sera en définitive plus efficace pour nos fins qu'une possibilité disons beaucoup plus facile de faire perdre à une réserve son statut.

M. LESSARD: En Colombie-Britannique, est-ce qu'on n'a pas confié ça à l'office de planification?

M. GIROUX: Non. En Colombie-Britannique, si vous regardez le projet de loi qui est en annexe, c'est le lieutenant-gouverneur en conseil qui prend la décision, mais je pense que c'est le ministre des Terres et Forêts qui est responsable de l'administration de la loi. La raison pour laquelle on a déterminé que ça devrait être le lieutenant-gouverneur en conseil qui prenne la décision, c'est pour s'assurer que la décision se prenne à un niveau où tous les ministres susceptibles d'avoir des intérêts sur le territoire en question puissent faire valoir leurs intérêts et que la décision soit le résultat d'un compromis entre tous les intéressés.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est administré par le ministre?

M. GIROUX: Oui.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est le lieutenant-gouverneur en conseil qui détermine...

M. GIROUX: Oui, mais c'est le ministre qui...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... mais la responsabilité revient au ministre des Terres et Forêts.

M. GIROUX: Oui, en tant que gestionnaire des terres publiques.

M. LE PRESIDENT: Le ministre.

M. DRUMMOND: J'ai seulement une question. Vous suggérez que ce soit le ministre des Terres et Forêts qui soit responsable de ça, mais, quand même, à la page 18, vous dites: Nous désirons également souligner la faiblesse et l'argumentation du ministre en faveur de la recherche scientifique et nous osons espérer que ce dernier favorisera la recherche à long terme, non destructive, sur les réserves écologiques. Est-ce que vous pouvez préciser un peu votre pensée à ce sujet?

M. LEMIEUX: Oui, nous pensons que le livre blanc à ce niveau est un peu faible en ce sens qu'il y a une énumération d'intentions sans aller plus loin. Je reprends ce que j'ai dit tout à l'heure à savoir que ces communautés biologiques doivent faire l'objet, dans les années qui viennent, de travaux très intenses. Ceci est une condition de vie d'ici les 50 prochaines années. Nous avons estimé que votre argumentation en faveur de la recherche scientifique, dans votre livre, aurait pu manifester des intentions plus solides, plus étayées et qui auraient mieux satisfait nos buts.

M. DRUMMOND: D'accord.

M. LESSARD: Monsieur, est-ce que vous pourriez me dire si, actuellement, certaines communautés biologiques sont en voie de disparition ou est-ce qu'il y a un danger urgent que ça se produise d'ici quelque temps, parce qu'en fait, ce que vous proposez, c'est que de même qu'on protège la faune, il faut aussi protéger la forêt ou même certains territoires topographiques ou géographiques. Vos réserves écologiques, ça s'étend plus qu'au niveau forestier, ça va plus loin que cela?

M. LEMIEUX: Oui, c'est un fait. D'ailleurs le problème du Québec, comme je l'ai souligné tout à l'heure, est un peu particulier, en ce sens que nous sommes la seule province à posséder de grands territoires autres que des territoires forestiers, mais qui sont notre propriété et qui sont notre patrimoine national. Je pense à un seul cas, le cas du Bic, qui possède un grand nombre de plantes endémiques. Vous me direz que les plantes endémiques sont des plantes qui ne sont pas fréquentes, on n'en mange pas, mais je reviens à mon argument de tout à l'heure, ceci est notre patrimoine national et nous n'avons pas le droit de nous en défaire. Or, le Bic, depuis cinq ou six ans, est soumis à l'assaut des chalets d'été. Donc, depuis cinq ans surtout, le milieu disparaît très rapidement. Sur les îles de Mingan, pour des raisons analogues, mais pas tout à fait, en ce sens que le territoire est propriété privée, mais comme la compagnie ne

s'en occupe pas, il y a énormément de squatters; donc, sur les îles de Mingan, la même chose est en train de se produire. On a des feux, on y a de la chasse non contrôlée, vous y avez tout ce que vous voulez là-dessus sans aucun contrôle. C'est cela qu'on nous prend et qui doit forcer l'Etat, un jour ou l'autre — c'est peut-être la première fois qu'on en parle — à agir; avant longtemps, on devra forcer l'Etat à prendre des mesures assez draconiennes pour limiter les dégâts.

Si on fait une autre comparaison, la route 20, qui va de Montréal à Québec ou de Québec à Montréal, comme vous voulez, était il y a 50 ou 75 ans, une très belle érablière.

Maintenant, nous nous sommes habitués, mais tout ce que l'on voit, ce sont de petits arbres plus ou moins défaits, tout le long de la route. C'est un spectacle assez navrant.

Naturellement, on s'habitue à des spectacles navrants, mais c'était un pays qui était beau et qui ne l'est plus. On s'est habitué à ce qu'il ne soit plus beau. C'est dans ce sens là qu'il y a des mesures à prendre au moins, si on ne peut pas protéger l'ensemble du territoire, pour conserver quelques lambeaux d'érablières quelque part.

L'érablière s'en va très rapidement. Il en reste de moins en moins. On l'a surexploitée de toutes les façons mais il faudrait qu'on conserve quelques centaines d'acres. On en est rendu là où quelques centaines d'acres feraient déjà notre affaire.

Avec nos possibilités techniques, dans vingt ans, on se contentera de quelques acres et dans trente ans ou quarante ans il n'y en aura plus. C'est dans ce sens que nous nous demandons si c'est notre devoir, si nous avons le droit, en tant qu'individus vivant en 1972, de tout démolir, alors que ceci fait partie du patrimoine national, depuis les débuts du Québec, et devrait continuer à l'être.

M. LE PRESIDENT: D'autres questions?

M. BELAND: Une seule question. Est-ce que, par l'agencement ou par le contrôle de tout ce qui comprend l'écologie, peut aider à contrôler la qualité de l'environnement?

M. LEMIEUX: Je demanderais au Dr Maldague de répondre à cette question.

M. MALDAGUE: Je crois que nous nous trouvons ici dans un contexte où, comme on y a fait déjà allusion, l'environnement est de plus en plus menacé. L'environnement est surtout menacé aux environs des villes, mais l'environnement se trouve menacé également dans les espaces non urbains, par toute une série d'exploitations: exploitation minière, exploitation forestière, installation d'infrastructures techniques, corridors routiers parfois relativement mal planifiés. Autrement dit, vous avez à l'heure actuelle, et on le sait, par suite du développe- ment relativement souvent insuffisamment planifié des ressources, des dégâts et de la dégradation au milieu.

Alors, il est tout à fait évident que l'instauration d'un réseau de réserves écologiques tel qu'on le propose et qui est en fait urgent pour toutes les raisons qui viennent d'être exposées, est un palliatif et un frein, si vous voulez, à la dégradation de l'environnement. C'est en fait quelque chose de très précieux parce que, admettons même qu'on laisse aller les dégradations que l'on connaît actuellement, si on avait de côté les endroits les plus représentatifs du milieu biologique et écologique québécois, on sauverait un véritable potentiel.

Je pense qu'on se trouve ici devant une question qui touche réellement à l'éthique, au droit lui-même de l'environnement. M. Lemieux l'a très bien dit: A-t-on le droit de laisser disparaître des choses qui font réellement partie du patrimoine du pays? Personnellement, je suis convaincu que nous devons faire l'inverse et je suis très heureux de l'occasion que nous avons actuellement de nous entretenir avec les députés ou les représentants de la nation et je vous rappellerai que cela tombe particulièrement bien. Nous sommes actuellement dans l'année qui a été décrétée par le congrès des Etats-Unis l'année des parcs nationaux. D'ici une quinzaine de jours va s'ouvrir la deuxième conférence mondiale des parcs nationaux. Or, quelle était l'idée de base des parcs nationaux créés le 1er mars 1872 par le président Grant des Etats-Unis? Cette idée était une idée purement éthique, mettre de côté des espaces qui ne seront utilisés d'aucune façon à l'exploitation d'aucune espèce de ressource naturelle.

Cette idée a fait son chemin. Vous connaissez très bien le réseau des parcs nationaux mondiaux. Les réserves sont tout à fait apparentées aux parcs nationaux. La seule différence entre les deux c'est que, dans les réserves, au sens où on l'entend, le public lui-même ne peut normalement pas pénétrer, c'est beaucoup plus strict comme protection. On peut évidemment combiner des réserves intégrales avec des réserves ouvertes au public en périphérie. Ce serait une forme excellente d'aboutir à réaliser quelque chose, réserves éconogiques que le ministère des Terres et Forêts ouvre déjà et crée et met à la disposition du public.

Donc, on arriverait certainement avec un réseau pareil à satisfaire à la fois à cette question de sauvegarde scientifique d'écosystème, à l'amélioration de l'environnement et également à combiner cela avec des formes d'éducation. Je pense que, dans un certain sens, les exigences, si on peut dire, au point de vue quantitatif, sont minimes.

M. Lemieux a indiqué, dans le mémoire, que ça représentait 0.5 p.c. de la superficie du Québec dont une grande partie dans des endroits où l'exploitation commerciale n'existe pas, notamment dans le domaine de la forêt.

M. LE PRESIDENT: Au nom de la commission et en mon nom personnel je remercie M. Lemieux ainsi que ses compagnons pour le mémoire qu'ils nous ont présenté. Soyez assurés que nous allons prendre ce mémoire en considération.

J'inviterais à présent M. Lorrain, premier vice-président et directeur canadien de la Fraternité internationale des travailleurs de l'industrie des pâtes et papiers, CTC et FTQ. M. Lorrain.

Fraternité internationale des travailleurs de l'industrie des pâtes et papiers

M. de CARUFEL: M. le Président, M. Lorrain est malheureusement absent aujourd'hui et il m'a demandé de le remplacer. Mon nom est Jean-Louis de Carufel, mes deux collègues sont MM. Dunberry et Lord de notre fraternité.

Je dois dire d'abord, M. le Président, que nous sommes très heureux de l'occasion qui nous est donnée de paraître devant cette commission parlementaire et de présenter ce qui, nous croyons, représente les problèmes qui doivent être réglés, en particulier, les problèmes dont nous avons eu à faire face surtout dans l'industrie des pâtes et papiers.

Il est évident, depuis quelques années, que l'avenir des industries transformatrices de la matière ligneuse repose sur l'application d'une politique forestière rationnelle qui fournit à l'Etat un moyen d'élaborer une planification des ressources disponibles.

L'industrie des pâtes et papiers qu'alimentaient 77 p.c. de la production forestière en 1969 exigera 83 p.c. de cette production en 1985. La croissance de l'industrie papetière sera donc relativement plus élevée que celle des industries de bois d'oeuvre.

Si les prévisions actuelles sont valables, les peuplements forestiers du Québec se valoriseront par suite du déficit croissant en matière ligneuse que l'on anticipe d'ici 1985, particulièrement en Europe occidentale. Les pénuries seront plus marquées pour l'industrie des pâtes et papiers que pour les autres industries transformatrices de la ressource forestière. L'effet des pénuries croissantes sera d'augmenter l'accessibilité économique de la ressource forestière.

L'industrie québécoise des pâtes et papier est orientée vers les marchés extérieurs. C'est 70 p.c. de sa production globale qui est écoulée à l'extérieur du Canada, dont 56 p.c. aux Etats-Unis seulement.

Cette industrie est appelée à subir une transformation profonde dans l'avenir, tant au point de vue technoloqique qu'à celui des marchés desservis et des produits fabriqués.

D est probable que si le marché américain, à cause de sa dimension même, demeure le principal débouché pour l'industrie québécoise, il est également probable que le marché européen acquerra une importance croissante, ce qui incitera les papeteries européennes à s'installer au Canada, afin de s'assurer une source de matière première stable et abondante.

L'Europe occidentale était une exportatrice nette de pâte de bois en 1950. Depuis, la situation s'est renversée graduellement, de telle sorte que cette région est devenue une importatrice nette, surtout depuis 1960. Le déficit de l'Europe occidentale ira en s'accroissant et c'est un développement qui ne manquera pas d'avoir des répercussions majeures au point de vue de l'évolution industrielle. L'industrie Scandinave a fait le point de la situation en accordant pour l'avenir sa préférence à l'expansion de la production des papiers plutôt qu'à celle de la production des pâtes en vue de consolider sa position sur le marché européen.

Il est un phénomène dont on ne signale pas assez l'importance et qui est pourtant lourd de conséquences pour l'avenir des industries forestière et papetière du Québec. C'est la tendance à la concentration de la consolidation des entreprises que l'on constate depuis quelques années en Europe, surtout depuis la formation du Marché commun.

La rareté de la matière ligneuse ne pourra qu'accentuer la tendance à la concentration dans l'industrie papetière européenne. En conséquence, les grandes entreprises qui se constitueront viseront graduellement à s'assurer des approvisionnements en matières premières qui soient abondantes pour leurs besoins futurs et stables pour leurs opérations.

Les forêts canadiennes s'avèrent un tel réservoir. Son potentiel est présentement le plus accessible et demeure sous-exploité.

L'évolution de la situation posera pour le Québec un important problème de stratégie industrielle. L'Etat québécois se propose de prendre en main la gestion des forêts publiques, ce qui lui imposera une responsabilité particulière quant à leur utilisation. Il ne suffira pas d'associer des capitaux européens à la tranformation de la matière ligneuse, mais il faudra régler les conditions de l'association. La possibilité pour l'Etat d'acquérir une participation minoritaire dans les nouvelles entreprises devra être étudiée sérieusement. Si l'Etat assume à bon droit la gestion des forêts publiques, la formule d'association pourrait bien lui fournir un instrument valable pour imprimer la direction désirée â la production des pâtes et papier.

Le Québec est peu engagé dans la fabrication de produits dont les perspectives sont excellentes. Il y a bien une évolution sous ce rapport depuis quelques années, mais la structure de l'industrie des pâtes et papier demeure guère inchangée dans l'ensemble, continuant de reposer en large partie sur la fabrication de papier-journal. La meilleure politique forestière sera celle qui, tant au point de vue de la gestion qu'à celui de la distribution, permettra d'exercer une influence décisive sur l'orientation des industries transformatrices de la matière ligneuse.

Or, la mesure la plus importante proposée

par le gouvernement provincial consiste en l'abolition graduelle du système des concessions forestières. Dans l'ensemble, les concessionnaires produisent environ la moitié du bois en grumes récolté annuellement au Québec; ce sont les cinq septièmes si l'on ne tient compte que des forêts publiques. On connaît les lacunes du système: sous-exploitation, nombre trop élevé des concessionnaires, gel de certaines essences. La grande faille du système est sa trop grande rigidité. Si c'est un système démodé alors qu'il existe abondance de matière ligneuse, il sera d'autant plus inadapté dans l'avenir alors qu'une récolte croissante s'approchera du cap des possibilités.

A cause de la vocation principalement industrielle de la forêt, la seule politique forestière rationnelle ne peut être que celle qui exercera une action déterminante sur l'orientation des industries transformatrices en particulier l'industrie des pâtes et papiers dont l'importance relative augmentera d'ici 1985.

En premier lieu, la politique forestière doit viser au développement d'une industrie de produits forestiers bien équilibrée. Ce n'est pas le cas actuellement. Notons simplement que l'économie forestière de l'Ontario a atteint un niveau de maturité qui est supérieur à celui de l'économie forestière du Québec.

Deuxièmement, en rapport avec la stabilité des approvisionnements en bois, le livre blanc du ministère des Terres et Forêts a proposé que les entreprises de pâtes et papiers soient assurées de contrats à long ternie, vu le fort volume de leurs investissements. Ce n'est pas le principe d'une telle garantie que l'on doit mettre en question mais seulement son application qui ne serait pas accompagnée de conditions strictes quant à l'exploitation des entreprises. L'Etat ne saurait s'engager à sens unique sans que l'opération ne comporte, pour les fabricants des pâtes et papiers l'obligation sévère de moderniser, renouveler ou rénover leurs moyens de production. Cela suppose une intervention plus qu'abstraite de l'Etat.

Les erreurs du passé justifient une intervention gouvernementale qui soit permanente et continue. Une politique forestière ne tournerait à rien si elle n'était qu'axée sur une industrie papetière à son déclin. L'évolution récente de l'industrie québécoise des pâtes et papiers a indiqué assez clairement que les industriels canadiens ont fait preuve d'imprévoyance et d'inertie dans le passé. Les industriels américains et Scandinaves ont compris après la Seconde Guerre mondiale qu'il leur fallait renouveler rapidement les moyens de productions.

Il y a trop d'usines âgées, désuètes, au Québec. Durant les années soixante, certains facteurs favorables jouèrent pour masquer les déficiences des producteurs et leur donner un répit vis-à-vis de la concurrence croissante. Le problème du vieillissement des usines semble avoir été sous-estimé dans l'examen des difficul- tés actuelles de l'industrie des pâtes et papiers.

Les malaises actuels de l'industrie québécoise des pâtes et papiers risquent de s'aggraver à moins que le gouvernement provincial n'intervienne résolument pour permettre à l'industrie des pâteset papiers de consolider sa place dansl'économie québécoise. En particulier, le gouvernement doit exercer toute la pression nécessaire sur les fabricants afin que ceux-ci procèdent à la modernisation, la rénovation ou la reconversion de leurs moyens de production dans les entreprises où la chose s'avère indispensable. Une telle incitation gouvernementale pourrait être accompagnée d'une formule d'intéressement, soit l'offre de prêts à long terme ou de subventions qui proviendraient d'une société d'Etat. Cependant, toute subvention importante en deniers publics ne serait accordée qu'en échange d'un droit de propriété équivalent qui reviendrait à l'Etat dans les entreprises qui reçoivent de l'assistance.

On doit critiquer ici la présente loi fédérale qui empêche d'une façon générale que des subventions du ministère fédéral de l'Expansion économique régionale soient accordées à des entreprises de pâtes et papiers déjà en existence. Les usines de pâtes et de papiers à journal sont explicitement exclues de telles subventions au développement industriel. Soulignons qu'un emploi nouvellement créé en subventionnant une nouvelle entreprise ne vaut pas plus pour l'économie qu'une autre qu'on réussi à sauvegarder.

Notre but est de protéger tous les emplois en existence, plutôt que d'en créer de nouveaux. Assurer cette protection est une forme de création d'emplois. Car si on laisse des usines disparaître, il s'ensuit une perte sociale et économique nette pour la communauté. Cependant, si on ne permet pas que la chose se produise, le gain sera réel dans la mesure où les nouveaux équipements ne feront que remplacer ceux qui étaient destinés à disparaître. En somme, une nouvelle usine ne doit être aménagée que s'il n'est guère possible de moderniser une usine qui fonctionne. Dans un tel cas, l'usine nouvelle doit être située aussi près que possible de l'exploitation dont on projette la fermeture.

Il est à espérer que le gouvernement porte une attention croissante dans l'avenir aux problèmes de la commercialisation, de la vente et de la distribution des produits de l'industrie des pâtes et papiers. Curieusement, cet aspect a été négligé d'une façon continue par le gouvernement et l'industrie concernée elle-même.

M. LE PRESIDENT: Le ministre des Terres et Forêts.

M. DRUMMOND: M. le Président, je veux remercier M. de Carufel pour son exposé très intéressant et j'aurais certaines questions à poser pour commencer. On parle d'une formule d'intéressement qui serait associée à une ou à des subventions pour le renouvellement, la

modernisation et la conversion des usines existantes. Est-ce que vous pourriez me dire d'une façon plus précise la sorte de formule qu'on pourrait employer si on entreprend une telle démarche?

M. de CARUFEL: M. le ministre, je sais que vous êtes personnellement au courant de certains problèmes que nous avons discutés tout au cours de l'année; nous croyons, comme nous le disons dans notre mémoire, que quand on parle de subventionner l'industrie ou les usines présentement en exploitation, ça vaut autant — pour autant que nous sommes concernés — que de créer ou de bâtir de nouvelles usines ou de créer de nouveaux emplois, car, après tout, ces usines-là sont déjà en marche, il s'agit de les moderniser. Malheureusement, comme on l'a mentionné dans notre mémoire, et on s'est aperçu de tout ceci, spécialement dans les deux dernières années, on s'est aperçu que nos représentants au niveau gouvernemental étaient pas mal dans la noirceur quant à savoir ce qui se passait dans l'industrie des pâtes et papiers. C'est malheureux parce qu'après tout c'est la première industrie dans le Québec. Or, nous croyons, comme nous le disons dans notre mémoire, que nous devons trouver les moyens nécessaires; nous n'allons pas dans les détails, M. le ministre, à ce sujet-là, nous indiquons simplement ce que nous croyons qu'il devrait être fait vis-à-vis de certaines subventions; mais nous disons aussi que si nos gouvernements doivent être impliqués ou que si notre gouvernement ici dans le Québec doit être impliqué, il doit y avoir aussi droit d'association, il faut voir à ce que les choses sont menées à bonne fin.

M. DRUMMOND: Je ne parle pas de principe en soi, comme vous le savez bien, on cherche des moyens. Alors, c'est seulement une question que je veux poser, si vous avez des suggestions, pour savoir quelles exigences le gouvernement doit poser s'il désire contribuer à un fonds de modernisation pour une usine donnée?

M. de CARUFEL: C'est assez difficile, M. le ministre, de répondre à cette question.

M. DRUMMOND: Je sais bien, c'est pourquoi j'ai posé la question.

M. de CARUFEL: Oui, C'est très difficile de répondre à cause des informations nécessaires et qui ne sont pas disponibles, bien qu'on pose et qu'on ait posé les questions des dizaines de fois surtout aux grandes compagnies papetières dans le Québec, pour savoir exactement à quoi s'en tenir. Malheureusement, on n'a pas de réponse concrète. Mais on sait une chose, on sait que ces grandes compagnies papetières dans le Québec n'ont pas prévu ce qui arrive présentement dans l'industrie des pâtes et papiers.

On dit que nos représentants, au niveau gouvernemental, ça doit faire partie de leurs responsabilités et ils devraient le savoir. Mais nous, nous n'avons pas réussi à le savoir.

M. GIASSON: Quand vous dites que les grandes compagnies papetières n'ont pas prévu la situation qui prévaut présentement, selon ce que vous connaissiez du monde des pâtes et papier, elles n'ont pas prévu quoi exactement?

M. de CARUFEL: Elles n'ont pas prévu ou disons qu'elles l'ont probablement prévu mais n'ont rien fait, comme on le dit dans notre mémoire, ce qui s'est passé après la deuxième guerre mondiale.

M. GIASSON: Qu'est-ce qu'elles auraient dû faire exactement face au marché possible existant sur le continent nord-américain ou sur des marchés éventuels vers l'Europe ou là où...

M. de CARUFEL: On aurait dû moderniser les usines pour avoir des usines à point parce qu'on doit faire face à la concurrence. En Scandinavie, on l'a fait. Aux Etats-Unis, si vous regardez l'expansion qui a suivi la deuxième grande guerre, surtout dans le sud des Etats-Unis, il y a eu une expansion terrible d'usines à haute capacité, à grande capacité, et tout de même ici au Québec — je veux parler strictement du Québec — on a tenu le pas, mais quand il est surgi des problèmes comme il en est surgi depuis deux ans, tout d'un coup, on s'est aperçu qu'on était loin en arrière de la parade et qu'il était pratiquement impossible de soutenir cette concurrence.

M. DRUMMOND: Naturellement, ce n'est pas seulement une question de manque de modernisation des usines. Je suis au courant que plusieurs ont beaucoup investi pour améliorer et moderniser les usines. Il y a tout un tas d'autres facteurs qui militent contre la position concurrentielle de l'industrie des pâtes et papiers. Ce n'est pas seulement une question de modernisation. Il y a certains facteurs qui échappent à notre contrôle.

M. de CARUFEL: Je suis d'accord avec vous, M. le ministre, il y a plusieurs autres facteurs qui sont entrés en ligne de compte, dont l'un est primordial et qui a été la réévaluation du dollar canadien. Tout de même, quand une industrie en est rendue à se fier à la différence de valeur dans le dollar pour déterminer son profit d'exploitation, je pense qu'on a manqué le bateau, quand on est rendu à ce point-là. C'est un peu ce qui est arrivé dans l'industrie des pâtes et papiers. Evidemment, il y a eu toute la concurrence dont j'ai parlé, surtout du sud des Etats-Unis, c'est bien évident. Si on regarde la baisse des marchés américains et surtout pour nous du Québec

dans le papier à journal, c'est un peu fantastique ce qui est arrivé depuis quinze ans. Cela continue et ça va continuer.

M. DRUMMOND: D'accord, mais on ne peut interdire aux Américains d'installer des usines dans leur propre pays pour concurrencer le Québec où, évidemment, il y a des coûts de transport plus élevés pour aller d'abord sur le marché et, deuxièmement, lorsqu'il s'agit d'approvisionnement pour une usine donnée, étant donné la densité et l'éloignement de la forêt pour arriver à l'usine. Il y a des coûts probablement plus élevés ici pour l'approvisionnement en bois des usines.

M. de CARUFEL: C'est vrai qu'on a ce facteur, M. le ministre. Tout de même, je peux vous assurer qu'on a des doutes sérieux dans notre esprit de ce côté, quand on regarde certains chiffres assez confidentiels que j'ai eu l'occasion moi-même de vérifier. Tout de même, le point principal que nous voulons faire valoir ici, c'est que, tout au cours des années, où toutes ces choses-là se sont faites et on va s'en tenir au continent nord-américain, vous, comme nos représentants au niveau du Québec, vous saviez ou du moins vous auriez dû savoir ce qui se passait de l'autre côté de la frontière. Vous avez les chiffres, vous avez les rapports annuels et vous voyez que le marché est décroissant.

Il est bien évident que, à un certain moment, on doit faire face à un problème sérieux. En plus de ça, les usines; très bien.

On a rafistolé ici et là, on a mis certains investissements, il y a eu quelques usines nouvelles dans le Québec: Quévillon, Portage-du-Fort qui sont des usines flambant neuves. Mais on peut tout de même dire que 25 p.c. des autres usines sont désuètes aujourd'hui. Les 25 p.c. des usines du Québec sont désuètes et nous disons: Messieurs, il va falloir faire quelque chose ! Et nous croyons que c'est au niveau gouvernemental que ces responsabilités doivent être acceptées et les pressions nécessaires appliquées.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. de Carufel, est-ce que je pourrais vous poser une question? Vous parlez de l'attitude des industries de pâtes et papier; je ne suis pas ici pour défendre les papeteries ou qui que ce soit. Mais est-ce que vous pourriez nous donner des exemples concrets d'ordre technique qui permettraient aux membres de la commission d'accepter ce que vous venez de dire?

Dans le cas des industries de pâtes et papier, quand vous parlez de Price par exemple, de Domtar, de CIP, de Consolidated Bathurst, etc., qu'est-ce que ces usines n'ont pas fait qu'elles auraient dû faire en vue de palier les difficultés que nous rencontrons à l'heure actuelle?

On a énuméré tout à l'heure une série de facteurs généraux que tout le monde connaît; vous nous avez dit, d'autre part, qu'au niveau gouvernemental, nous devrions être informés de ce qui se passait. Ayant été membre d'un gouvernement, je puis vous dire que nous avons envoyé mission sur mission dans les pays où on s'occupe de production de pâtes et papiers ou de production de bois et j'aimerais savoir de vous, qui semblez être un spécialiste de la question, quelles sont, sur le plan technique, les défaillances des principales industries de pâtes et papiers du Québec.

M. de CARUFEL: Il y en a plusieurs, M. le député. Alors, je vais commencer par la première. Au niveau technique, il est arrivé plusieurs choses. J'ai mentionné tantôt les coûts de la matière première qui est le bois. Deuxième coût très important, le transport du bois et tous les problèmes qu'il implique. Troisièmement, les standards auxquels l'industrie des pâtes et papiers doit se soumettre pour essayer de prendre soin du problème de la pollution des eaux et de l'air, mais surtout des eaux.

Je pense qu'on peut prendre comme un exemple typique d'une situation semblable la fermeture de l'usine de Témiscamingue la compagnie CIP où, pour ma part je suis convaincu, sans en connaître les coûts, qu'il en coûterait plus pour corriger le problème de la pollution des eaux que la valeur de l'usine entière présentement.

Alors, en plus de ça, comme je l'ai dit tantôt, il y a eu la question de modernisation. Nous avons nombre d'usines dans le Québec avec des machines de 40 et 50 ans où on a réussi, tant bien que mal, à en augmenter la vitesse et la productivité. Mais ce ne sont pas des machines qui peuvent concurrencer avec les nouvelles usines telles qu'on a vu en Colombie-Britannique et telles qu'on voit dans le sud des Etats-Unis. Loin de là.

On se pose énormément de questions. Pourquoi ces mêmes compagnies qui, souvent, oeuvrent des deux côtés de la frontière n'ont pas fait la même chose ici, au Québec, qu'ailleurs?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous affirmez, M. de Carufel, des choses. Je ne suis toutefois pas encore convaincu — remarquez que je ne vous fais pas de procès — mais pour ma gouverne personnelle, je souhaiterais que vos exemples soient très explicites, que vous me disiez, par exemple, ce qu'en Mauricie on a oublié de faire, ce que dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean on a oublié de faire, etc. Parce que je suis quand même passablement informé de ce qui se passe chez nous et de ce qui se passe ailleurs, ayant des contacts — j'oserais dire hebdomadaires — avec les entreprises de pâtes et papiers.

Quelles sont les usines types qui, à votre avis, n'ont pas fait les efforts nécessaires en vue de faire face à la situation qui est la leur actuellement?

M. de CARUFEL: Pour votre information, il y a des usines à Trois-Rivières. Nous avons vécu l'expérience de Domtar à Trois-Rivières. Nous n'avons qu'à regarder l'usine de la CIP à Trois-Rivières. On peut regarder les usines de la Consolidated-Bathurst dans la Mauricie et on peut regarder certaines usines dans l'ouest du Québec. On s'aperçoit, comme je l'ai dit tantôt, qu'on a modernisé un peu, on a augmenté les vitesses, mais on n'a pas investi les montants d'argent qu'on aurait dû investir dans ces usines-là.

M. MARCHAND: M. de Carufel, est-ce que, par exemple à Trois-Rivières, on n'a pas installé, il y a trois ou quatre ans, la machine la plus rapide au monde, la machine verticale, qui a été achetée ensuite par le Japon à cinq exemplaires — c'est lui qui en a acheté le plus — et par l'Angleterre, à deux exemplaires, et qui, aujourd'hui, est la machine qui produit le plus au monde?

M. de CARUFEL: Evidemment, ce n'est pas une machine qu'on a installée à Trois-Rivières, pas plus qu'ailleurs. C'est un nouveau procédé qui a été découvert avec une toile verticale plutôt qu'horizontale, qui a permis d'augmenter les vitesses.

M. MARCHAND: Est-ce que la production n'était pas quand même assez phénoménale, à comparer avec ce qui se faisait auparavant?

M. de CARUFEL: Oui, cela a été une grande amélioration sur ce qui se faisait auparavant.

M. MARCHAND: Au point de vue de la proportion, est-ce que ce n'est pas quand même deux fois ce que deux machines produisaient?

M. de CARUFEL: Non, je ne crois pas. Cela a probablement augmenté la vitesse d'environ 400 pieds l'heure à 2,200 pieds l'heure, mais quand on regarde aujourd'hui des machines nouvelles, on regarde des machines à plus de 3,000 pieds l'heure, et à environ trois fois la grosseur de la machine dont vous parlez à Trois-Rivières.

M. MARCHAND: A Trois-Rivières, cela a quand même été un début qui a été fait dans le monde entier.

M. de CARUFEL: Disons que cela a été une découverte, cette toile.

M. MARCHAND: Qui a permis au monde entier, dans le domaine des pâtes et papiers, de marquer progrès.

M. de CARUFEL: Je suis d'accord, mais, à Trois-Rivières, puisque vous parlez de Trois-Rivières, combien y a-t-il de machines qui ont cette toile? Sur huit machines, il y en a une.

M. MARCHAND: D'accord.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président, vous affirmez, dans votre mémoire, que la meilleure politique forestière sera celle qui, tant au point de vue de la gestion qu'à celui de la distribution, permettra d'exercer une influence décisive sur l'orientation des industries transformatrices de la matière ligneuse. Je pense qu'il n'y a pas un membre de la commission, à cette table, qui n'est pas d'accord sur ce principe. Mais ce qu'on cherche surtout, c'est de savoir quelles seront les modalités, quelles seront les différentes façons que nous allons utiliser pour faire en sorte que l'industrie forestière puisse sortir de la situation assez déplorable dans laquelle elle vit actuellement.

Lorsque vous faites la critique du tome II du livre blanc, vous touchez assez peu, en tout cas, l'abolition des concessions forestières. Vous semblez d'accord, en principe, sur l'abolition graduelle du système des concessions forestières. Est-ce que vous pourriez préciser votre pensée un peu sur cela? Est-ce que vous êtes d'accord, par exemple, sur l'abolition immédiate des concessions forestières? Est-ce que vous êtes d'accord sur l'abolition des concessions forestières sur une période de cinq ans? En donnant les avantages de l'abolition immédiate et de l'abolition sur une période de cinq ans, est-ce que vous êtes d'accord sur la proposition du ministère des Terres et Forêts concernant l'abolition graduelle sur une période de dix ans? Tout à l'heure, vous avez parlé des coûts de transport. Si vous regardez la situation actuelle des concessions forestières du territoire québécois, vous allez constater que c'est absolument illogique et irrationnel de voir autant de concessions et de voir autant de disparités dans les concessions.

Il faut mettre de l'ordre dans ce système-là et le tome II du livre blanc propose une solution à cette fin. J'aimerais bien que vous donniez, parce que... Malheureusement, je dois le dire, je suis un peu surpris du rapport de la Fraternité internationale des travailleurs de l'industrie des pâtes et papiers du Québec. J'aurais voulu que l'exposé que vous nous présentiez aujourd'hui soit beaucoup plus concret, qu'il explique beaucoup plus les problèmes de l'industrie forestière et qu'il essaie d'y trouver des solutions. Je constate malheureusement qu'il est rempli d'idées générales. Vous dites: Le patient est malade, mais on ne trouve pas de remède, c'est un peu à vous, le gouvernement, de trouver le remède.

Justement nous cherchons le remède. Nous sommes ici, en commission, pour trouver le remède. Vous êtes directement impliqués, vous, de la Fraternité internationale des travailleurs de l'industrie des pâtes et papiers du Québec, dans ce problème. Parce que, quand une indus-

trie ferme, c'est d'abord le syndiqué qui en souffre. Etant directement impliqués, vous devez, autant que les grosses entreprises forestières, sinon plus faire valoir dans quel sens vous voulez cette réforme. C'est la première question: Est-ce que, concernant l'abolition des concessions forestières, par exemple, vous êtes d'accord sur la politique du ministère?

Tout à l'heure, j'ai l'intention de revenir sur le contrôle de l'Etat dont vous parlez un peu, et au sujet duquel le ministre vous a posé une question. Vous semblez dire encore au gouvernement: Ecoutez, c'est votre problème, débrouillez-vous avez ça! Mais si, par exemple, nous présentons une politique et une loi mal faite, alors on va nous tomber sur la tête.

Maintenant, vous avez la chance, vous, de venir nous dire — vous êtes censés être des spécialistes là-dedans — dans quel sens nous devons nous diriger. Il me semble qu'on manque de précisions.

M. de CARUFEL: M. le député, je suis d'accord avec vous. Nous ne disons peut-être pas clairement si nous sommes entièrement d'accord sur la politique du livre blanc. Mais je puis vous dire que oui, nous sommes d'accord sur toute nouvelle politique qui va s'intéresser aux problèmes auxquels nous faisons face dans le moment. Nous sommes d'accord aussi pour dire que ça ne peut pas se faire du jour au lendemain et qu'une période de dix ans est une période raisonnable à considérer.

Mais, nous croyons que, dans cette gestion, le gouvernement doit avoir son mot à dire aux industriels de l'industrie des pâtes et papiers et il doit être présent à cause — employons le mot "concession" bien, dit-on, qu'il disparaîtrait — tout de même des droits de coupe, des ententes qu'il y aura entre le gouvernement et les intéressés. Nous disons que le gouvernement doit en faire partie, il doit être associé à cause de la gestion forestière dans l'industrie des pâtes et papiers. A ce moment-là, en y étant, à l'intérieur, nous croyons qu'il sera beaucoup plus facile pour le gouvernement de voir et de savoir ce qui se passe et de voir et de savoir quel remède apporter pour guérir les bobos.

M. LESSARD: Comment doit-il être présent, de quelle façon?

A la première question, vous dites: Sur une période de dix ans, nous sommes d'accord sur l'abolition des concessions forestières.

Pensez-vous vraiment que l'abolition des concessions forestières, sur une période de dix ans, va nous permettre de régler le problème que nous vivons actuellement? Si nous laissons encore le système tel qu'il est actuellement, pendant une période de dix ans, ne pensez-vous pas que les compagnies forestières vont continuer d'écrémer les meilleurs territoires qu'elles ont actuellement et qu'elles contrôlent? Est-ce qu'on ne devrait pas, d'ici deux ou trois ans, dire: Voici le jour J, nous faisons une redistri- bution du territoire entre les compagnies forestières. Ou bien : Nous attendons encore dix ans. Parce que le problème, on l'a.

Alors, vous vous êtes d'accord qu'on prenne une période de dix ans pour résoudre le problème. Je suis d'accord pour dire que cela ne se règle pas du jour au lendemain mais il va falloir prendre une décision un jour ou l'autre, je pense.

M. de CARUFEL: Je suis entièrement d'accord sur ce que vous dites; mais tout de même, j'écoutais ce matin un mémoire présenté par l'Association des scieries et on retrouve à maintes occasions les mêmes propriétaires dont on parle dans l'industrie des pâtes et papiers.

Nous sommes entièrement d'accord pour dire que ce qui existe dans le moment est beaucoup trop rigide.

Nous avons vécu une expérience à Maniwaki il y a environ un an avec une usine de déroulage et nous avons vu combien c'est rigide, cette affaire-là. Alors, nous disons qu'il y a des choses qui peuvent être faites à court terme. S'il y en a, nous sommes d'accord pour les faire immédiatement mais nous... Pardon?

M. LESSARD: Lesquelles?

M. de CARUFEL: Lesquelles? C'est un exemple, la question du déroulage. Nous représentons aussi des travailleurs dans ce secteur-là et nous connaissons aussi les problèmes qu'il y a là-dedans, à cause de la rigidité.

M. LESSARD: Pour la question du déroulage, comment peut-on régler le problème, selon vous? Par quelle solution précise, concrète, peut-on résoudre le problème du déroulage, le problème qu'on a vécu par exemple...

M. de CARUFEL: Nous sommes d'opinion qu'il va falloir qu'on puisse fournir la matière première à ceux qui oeuvrent dans le domaine du déroulage. C'est ça qu'il va falloir faire et cela veut dire que la. rigidité qui existe présentement, il faudra qu'elle puisse disparaître ou qu'elle soit amendée.

M. LESSARD: Par quelle méthode proposez-vous de faire disparaître cette rigidité? A court terme, par exemple, si vous pensez que vous êtes d'accord sur une solution à long terme pour une période de dix ans pour l'abolition des concessions forestières; mais à court terme? Ce matin, par exemple, l'Association du bois de sciage du Québec nous a proposé une méthode de taxation différente, c'est-à-dire sur la possibilité d'un territoire plutôt que sur le bois coupé. Est-ce que vous pensez que cette solution-là serait suffisante à court terme pour obliger des compagnies, comme la CIP, par exemple, qui a 25,000 milles carrés de concessions forestières à délaisser ces territoires?

M. de CARUFEL: Je dois admettre que je ne suis pas familier avec les documents légaux qui concernent les concessions forestières. Au départ, je dois admettre ça. Tout de même, sans parler de taxation ou quoi que ce soit, je crois qu'il y a un problème auquel il faut faire face, qu'il faut régler. Il s'agit de changer ces ententes-là ou de les amender afin que la matière première soit fournie à ces industries de déroulage.

M. LESSARD: Bon! Vous parlez, à la page 6 du résumé, du principe de la garantie d'approvisionnement pour la grande entreprise et vous dites que ce n'est pas le principe d'une telle garantie que l'on doit mettre en question, mais seulement son application qui ne serait pas accompagnée de conditions strictes quant à l'exploitation des entreprises. L'Etat ne saurait s'engager à sens unique sans que l'opération ne comporte, pour les fabricants de pâtes et papiers, l'obligation sévère de moderniser, renouveler ou rénover leurs moyens de production.

Cela suppose une intervention plus qu'abstraite de l'Etat. Le ministre des Terres et Forêts vous a posé une question tout à l'heure et, personnellement, je ne suis pas satisfait de la réponse. Je voudrais savoir, comme représentant des ouvriers des pâtes et papier du Québec, comment l'Etat va avoir une intervention plus qu'abstraite?

Est-ce que, par exemple, c'est par une régie d'Etat qui permettrait de subventionner l'entreprise, quitte à acheter par la suite des actions qui permettraient de contrôler l'entreprise, ou est-ce que ceci permettrait d'avoir à la fois un contrôle sur les actions et â la fois un certain contrôle sur les décisions de l'entreprise concernant la modernisation?

Comment voyez-vous ça, l'intervention plus qu'abstraite de l'Etat?

M. de CARUFEL: Je vais demander à mon collègue...

M. LESSARD: Justement, votre mémoire, de ce côté-là, est passablement abstrait. Moi, je voudrais savoir concrètement ce que vous pensez que l'Etat devrait faire? Par exemple, est-ce que vous êtes entièrement d'accord pour verser une subvention comme on l'a fait à l'ITT, une subvention de $40 millions, pratiquement gratuitement, sans aucun contrôle?

Ou est-ce que vous avez à suggérer d'autres formes d'aide à l'industrie, formes d'aide qui permettraient à l'Etat d'avoir un certain contrôle sur les décisions de l'entreprise, les actions de l'entreprise, sur la participation aux profits de l'entreprise?

M. de CARUFEL: Je demanderais à mon collègue, M. Dunberry, de faire des commentaires là-dessus.

M. DUNBERRY: Je ne suis pas tellement sûr de la question que vous posez actuellement. Si on pose seulement le principe, on laisse entrevoir une réponse, que se soit sous une forme de régie industrielle qui permettrait à l'Etat d'avoir une politique forestière qui pourrait obliger dans l'avenir telle ou telle entreprise à moderniser ou à reviser ses moyens de production parce que le marché le voudrait. Je me demande exactement quelle sorte de réponse vous voulez.

M. LESSARD: Nous sommes ici pour tenter d'étudier des solutions concrètes aux problèmes que vivent actuellement les industries du bois. Le ministère des Terres et Forêts a proposé un certain nombre de solutions. Du côté des travailleurs, vous venez de présenter un mémoire. Vous nous dites que tout ce que l'Etat pourra faire pour tenter de résoudre le problème des industries papetières et des industries du bois de sciage, ce sera bien. D'accord, nous aussi, à cette table, nous sommes tous d'accord sur cela. Qu'est-ce que l'Etat peut faire? Cependant, lorsque nous aurons, le gouvernement, à élaborer une loi concernant le problème forestier, nous devrons y aller beaucoup plus en profondeur que cela. Nous devrons nous poser des questions: Qu'est-il mieux de faire dans tel cas plutôt que dans tel autre? Si nous faisons siéger la commission parlementaire, c'est justement pour entendre les parties qui viendront nous éclairer nous, parlementaires, sur ces points.

Comme vous vivez particulièrement dans l'industrie forestière, vous êtes des représentants de la Fraternité des travailleurs de l'industrie forestière du Québec, il me semble que, comme d'autres entreprises l'on fait ce matin, par exemple, et que d'autres le feront dans l'avenir, vous devriez nous présenter des solutions concrètes. Cela ne veut pas dire que ce seront des solutions idéales mais nous n'avons actuellement qu'une série de voeux pieux et cela me surprend de la part de votre fraternité. Parce que le jour où nous aurons à faire une loi, et si la loi ne vous satisfait pas, je suis assuré que vous allez rebondir et que vous allez dire: Cela ne fonctionne pas. Alors, si on veut avoir les idées de toutes les parties, il me semble que ce n'est pas tout de dire que cela suppose une intervention plus qu'abstraite de l'Etat. Il faut préciser un peu quel genre d'interventions l'Etat devrait faire, mais, jusqu'ici, je n'ai pas eu de réponse.

M. DUNBERRY: Vous aviez dans le passé une politique forestière qui était quasi inexistante. Tout ce qu'on vous dit actuellement, c'est que si vous avez une politique...

M. LESSARD: ... mais quel sera l'avenir?

M. DUNBERRY: On vous dit simplement qu'une politique forestière, à cause des erreurs qui ont été commises dans le passé, cela suppose que l'Etat ait des moyens d'agir sous

forme d'une régie industrielle qui puisse à un moment donné, forcer une entreprise à agir à cause des droits de coupe qu'elle peut avoir sur certains territoires forestiers. C'est tout.

M. GIASSON: Dans votre mémoire, à la page 6, vous affirmez que l'économie forestière de l'Ontario aurait atteint un degré de maturité nettement supérieur à celui que connaîtrait l'économie forestière du Québec. Pour faire une telle affirmation, quels sont les motifs que vous invoquez? Est-ce que, dans votre esprit, l'Etat ontarien aurait une meilleure politique forestière? Est-ce que l'Etat ontarien participerait davantage non seulement à la gestion de ses forêts, mais est-ce que l'Etat comme tel ferait des interventions dans l'exploitation et dans l'administration des usines de pâtes et papier par une participation financière ou par un contrôle au niveau de ses représentants? Ou est-ce qu'on peut présumer, suite à votre affirmation, que l'Etat d'Ontario aurait de meilleures politiques pour l'attribution d'allocations du bois entre les différents secteurs de l'industrie forestière, je pense au déroulage, aux pâtes et papier, au sciage, etc.? Ou est-ce que cette maturité que l'Ontario aurait atteinte dans le domaine forestier découlerait du fait qu'il n'y a pas de concession forestière de consentie aux compagnies de pâtes et papier? Sur quoi repose, somme toute, l'affirmation assez formelle que vous faites sur l'avance qu'aurait l'Ontario par rapport au Québec?

M. DUNBERRY: Je crois qu'il y a deux ou trois points. Premièrement, il est vrai que la politique forestière ontarienne a tout de même été quelque peu supérieure à celle du Québec.

M. GIASSON: Oui, mais où est exactement cette originalité qu'on n'aurait pas au Québec?

M. DUNBERRY: Les concessions n'existent pas en Ontario. Cela se fait sous forme de contrats, de droit de coupe...

M. GIASSON: Mais des garanties d'approvisionnement déterminées...

M. DUNBERRY: ... ce qui a permis des garanties d'approvisionnement et une meilleure allocation des ressources entre l'industrie du sciage et celle des pâtes et papier. Evidemment, il y a des facteurs économiques qui ont joué indépendemment de cela qui ont pu aider un degré de modernisation plus grand...

M. GIASSON: Mais, êtes-vous d'avis que les usines de pâtes et papier de l'Ontario se sont modernisées beaucoup plus rapidement que celles du Québec? Parce que l'état du marché mondial dans les pâtes et papier est le même pour le vendeur de l'Ontario que pour le vendeur du Québec. Les vendeurs doivent aller écouler la majeure partie de leur production vers des marchés extérieurs.

M. DUNBERRY: Mais lorsqu'on parle de degrés de maturité, on parle...

M. MARCHAND: Des mêmes compagnies

M. DUNBERRY: ... d'une rentabilité économique plus grande que celle de l'industrie forestière, grâce à l'industrie de sciage ou de déroulage, l'industrie de portes et châssis, etc., qui constituent ce qu'on appelle l'industrie des produits forestiers en gros...

M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.

M. BELAND: Si je comprends bien l'ensemble des principes qui se dégage de votre exposé, dans le rapport complet, en page 12, article 19, avec référence peut-être à la page 4 de votre résumé, vous parlez de la possibilité pour l'Etat d'acquérir une participation minoritaire dans les nouvelles entreprises qui devrait être étudiée sérieusement et vous continuez à peu près dans le même sens: "Si l'Etat assume à bon droit la gestion des forêts publiques, etc.." Cela laisse supposer — même si tantôt vous avez laissé sous-entendre que vous regrettiez les choses désastreuses qui se sont produites, entre autres à Mont-Laurier dans l'affaire Sogefor, Lac-des-Iles, Dupan, etc., etc., — que même en dépit de tout cela, même en dépit des faillites magistrales, dans certains cas par la SGF, vous voulez encore que l'Etat devienne en partie propriétaire de toutes les entreprises où il y aura des travailleurs.

Je vais encore plus loin et ma question est la suivante: A la suite de ce qui es.t dit: "Le Québec est peu engagé dans la fabrication de produits dont les perspectives sont excellentes", est-ce que vous pourriez donner des exemples précis où justement le Québec est très peu ou pas engagé dans la fabrication de produits que nous devrions produire et quels seraient ces produits dans lesquels le Québec devrait s'engager plus intensément?

M. DUNBERRY: Tout le monde sait que l'industrie québécoise a été pas mal cantonnée dans l'industrie du papier-journal, de là une de ses grandes difficultés actuelles. L'industrie de la pâte "kraft" ou l'industrie du papier-carton, je ne parle pas de l'industrie moderne de papier-carton, ce sont des choses qui se sont produites, qui se sont effectuées seulement depuis quelques années. Le Québec arrive après le Nouveau-Brunswick et l'Ontario. Quant aux possibilités d'expansion des exportations vers l'Europe en ce qui concerne la pâte "kraft", en fait le Québec exporte très peu de pâte "kraft" par rapport au Nouveau-Brunswick, par exemple. Quant au papier-carton, c'est la même chose. Pourquoi? Parce que l'industrie s'était cantonnée dans la fabrication du papier-journal qui était une industrie déclinante, si je peux m'exprimer ainsi, ou dont les possibilités d'expansion étaient plutôt limitées durant les dix ou quinze dernières années.

M. BELAND: En bref, vous faites certaines affirmations, certaines énumérations, mais vous laissez le champ libre aux chercheurs de trouver la solution. Vous n'en proposez pas.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je voudrais poser une question à M. de Carufel ou à son confrère. A la page 8, on dit ceci: "Cependant, toute subvention importante en deniers publics ne serait accordée qu'en échange d'un droit de propriété équivalent qui reviendrait à l'Etat dans les entreprises qui reçoivent de l'assistance."

Je pense que cela rejoint les préoccupations du député de Saguenay qui vous a interrogé tout à l'heure. Quelles sont, selon vous, les modalités d'association ici qui pourraient être exigées par le gouvernement en retour d'une subvention importante? Vous parlez d'un droit de propriété équivalent. Est-ce qu'il s'agit de la propriété de l'usine, de ses revenus, d'une cogestion, etc.? Qu'est-ce que vous nous suggérez par là? C'est à la page 8 du résumé de votre mémoire. Supposons que l'Etat décide d'accorder une subvention à une industrie de pâtes et papiers. Vous dites que l'Etat devrait avoir en retour un droit de propriété équivalent. Qu'est-ce que c'est ce droit de propriété que vous revendiquez?

M. DUNBERRY: Equivalent aux sommes, aux deniers publics qu'elle aura versés à l'entreprise, c'est tout.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, mais quel type de droit de propriété? Est-ce que ça veut dire qu'ils vont avoir le garage de l'usine ou bien l'usine ou enfin le...?

M. DUNBERRY: Non, non, si c'est une compagnie de parts-actions, elle aurait un droit équivalant aux sommes qui seraient versées dans l'entreprise, c'est tout.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Un droit de propriété, comme dans une association.

M. DUNBERRY: Je ne vois pas pourquoi l'Etat verserait $20 millions à une entreprise de pâtes et papiers simplement parce qu'il avait plus ou moins la croyance que, tôt ou tard, l'entreprise se remettrait sur pied.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Bien ça, on pourrait être d'accord avec vous là-dessus, mais il y a quand même un principe ici en cause. Il s'agit de savoir si, en retour d'une subvention, l'Etat va exiger la cogestion, pas seulement la propriété, comme vous dites, un droit de propriété équivalent, mais que l'Etat sera un partenaire égal dans l'entreprise, avec les travailleurs. Est-ce que c'est ça que vous voulez?

M. DUNBERRY: Si elle verse une subvention qui est égale à 50 p.c. de l'actif, ce serait une association à titre égal.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais pas plus que ça? Parce que là, imaginez, si cela se produisait, vous introduisez toute une nouvelle formule d'exploitation des richesses naturelles du Québec. Alors, à partir du moment où on admet le principe que, l'Etat subventionnant, l'Etat devient cogestionnaire et copropriétaire, il nous faudra appliquer le même principe dans l'ensemble des industries que nous subventionnons. Alors, nous voudrions savoir de vous si c'est dans ce sens que vous voudriez voir la politique du gouvernement s'infléchir dans le domaine général de l'exploitation des richesses naturelles. Nous sommes des législateurs, nous autres, nous vous entendons comme nous entendons des centaines d'autres associations et nous voudrions savoir quelle est l'opinion des gens au nom desquels vous parlez, car vous représentez quand même un nombre très important de travailleurs.

Au fait, combien de travailleurs représentez-vous dans votre fraternité ici?

M. de CARUFEL: Nous représentons dans le Québec environ 23,000 travailleurs.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Bon, c'est extrêmement important, 23,000 travailleurs. Alors, est-ce que vous acceptez le principe ou est-ce que vous proposez le principe que ces travailleurs soient avec l'Etat les propriétaires et les cogestionnaires de l'entreprise qui serait subventionnée à même les deniers des travailleurs et de tous les autres citoyens du Québec?

M. DUNBERRY: Nous ne proposons pas ici que les travailleurs soient cogestionnaires. Nous proposons simplement que l'Etat, s'il subventionne une entreprise, acquière un droit de propriété sous forme de capital-actions dans le fonctionnement de cette entreprise.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais il ne faut pas oublier que l'Etat, c'est chacun de nous.

M. DUNBERRY: Remarquez bien que ce n'est pas parce qu'il s'agit du sort de l'exploitation des richesses naturelles, dans l'industrie de fabrication, c'est peut-être autre chose, mais parce qu'il s'agit du domaine de l'exploitation des richesses naturelles; il nous semble, vu que ces ressources appartiennent à l'Etat, que si l'Etat doit subventionner sous une forme ou sous une autre une entreprise de pâtes et papiers, qu'il importe qu'il acquière un droit de propriété, que ce soit sous forme de capital-actions ou sous une autre forme.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, reprenons le problème dans l'ensemble et globale-

ment. Vous nous avez dit que, tout compte fait, les industries des pâtes et papiers n'ont pas agi comme elles auraient dû le faire et que nous sommes en présence d'un problème sérieux. Tout le monde le constate.

Vous nous dites que l'Etat devrait prendre des mesures qui soient plus qu'abstraites et là, je vous pose la question, pour le cas particulier de l'utilisation des bois dans le domaine des pâtes et papiers, est-ce que vous suggérez, est-ce que vous favorisez une politique de cogestion et d'association des travailleurs du Québec à l'entreprise de pâtes et papiers?

M. DUNBERRY: Nous n'avons pas parlé de ça.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous ne proposez pas cela? Mais, par ailleurs, vous réclamez pour l'Etat, qui subventionnerait, un droit de propriété équivalant à ce que l'Etat donnerait.

M. DUNBERRY: C'est en plein ça.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, c'est au fond mettre le mécanisme en marche parce que l'Etat, ce n'est pas autre chose que vous et moi.

M. DUNBERRY: Je n'ai pas dit...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, est-ce que je peux conclure de cela que vous voudriez voir le gouvernement s'orienter vers une forme de participation qui serait au fond une socialisation progressive des entreprises d'exploitation des richesses naturelles du Québec?

M. DUNBERRY: Evidemment, si la chose s'avère indispensable, oui.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est ça que vous proposez?

M. DUNBERRY: Oui, oui.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Bon, alors nous en prenons note.

M. DUNBERRY: Nous n'avons parlé de cogestion nulle part dans le mémoire.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous prenons acte de ça, M. de Carufel et M. Dunberry, et nous aurions souhaité que votre mémoire fût à cet égard beaucoup plus explicite et qu'il nous orientât sur les intentions de l'association de travailleurs que vous représentez, au nom desquels vous avez parlé aujourd'hui.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Trois-Rivières.

M. BACON: A la suite du ministre des Terres et Forêts et du député de Saguenay, M. de Carufel, je m'adresse à vous. Dans un cas précis, celui de l'usine Domtar de Trois-Rivières. Qu'est-ce que Domtar aurait dû faire pour ne pas avoir, en 1972, à fermer son usine? Et je voudrais savoir aussi quelle a été votre action, disons depuis les années soixante, par exemple, pour forcer la compagnie à se moderniser, comme vous avez mentionné, en fait, vous qui vivez dans le problème un peu quotidiennement?

M. de CARUFEL: Premièrement, les actions que nous avons prises, nous les avons prises...

M. BACON: Ma première question, c'est surtout: Qu'est-ce que la Domtar aurait dû faire, selon vous, si je regarde un peu votre mémoire, pour éviter le licenciement massif qu'elle a été obligée de faire? Et quelle a été votre action? Mais j'aimerais mieux entendre votre action en deuxième, plutôt qu'en premier.

M. de CARUFEL: Très bien. Alors, en ce qui concerne la compagnie Domtar, et d'autres compagnies semblables qui sont dans le même pétrin ou qui vont l'être, eh bien! Je crois, au départ, que la compagnie Domtar aurait dû faire part des problèmes auxquels elle avait à faire face. La même chose pour la compagnie CIP. Elle aurait dû en faire part aux autorités, pour commencer. Elle aurait dû en faire part aux travailleurs. Et cela ne date pas, vous savez, de tellement longtemps, nous étions en négociation en 1970. Alors, il y a quoi? Un peu plus de deux ans. Et, à ce moment-là, pas un mot des problèmes auxquels elle avait à faire face. Alors, je crois que la compagnie Domtar aurait dû prendre les moyens pour remédier aux problèmes qu'elle a affrontés l'an dernier et au mois de mars cette année.

M. BACON: C'est justement ce que je voudrais savoir, quels sont les moyens qu'elle aurait dû prendre. Vous parlez de modernisation et de réorganisation, de choses comme ça — il semble que dans votre mémoire vous dites qu'on devrait forcer les usines à se moderniser — mais qu'est-ce qu'elle aurait dû faire dans ce cas précis? S'il semble qu'en vous demandant la situation générale, il y a trop de généralités, mais dans le cas précis?

M. de CARUFEL: Ce qu'elle aurait dû faire? Ecoutez, il y a une série de choses qu'elle aurait pu faire...

M. BACON: Informer les gens, ça n'aurait probablement pas apporté...

M. de CARUFEL: Non, mais je vous ai mentionné qu'elle aurait pu rencontrer les autorités gouvernementales — la compagnie Domtar avait des problèmes sérieux de coûts élevés de la matière première, en premier lieu —

et essayer d'avoir certaines considérations vis-à-vis du coût de la matière première. On a parlé aussi du transport et de la modernisation de l'usine. Vous savez, c'était une usine de papier-journal et la fermeture a eu lieu.

M. BACON: Je m'excuse, mais quand vous parlez des problèmes de la matière première, que voulez-vous dire exactement?

M. de CARUFEL: Le bois.

M. BACON: Oui, j'imagine, mais quel est le problème du bois?

M. de CARUFEL: Son coût très élevé.

M. LESSARD: Parce que la concession est trop éloignée?

M. de CARUFEL: C'est ça. C'est un peu le problème de toutes les compagnies, peu importe que ce soient Domtar, Consol, ou CIP. Les concessions forestières sont très éloignées, dans la grande majorité des cas, et le coût du transport par bateau sur le Saint-Laurent, comme pour Domtar, à Trois-Rivières, devenait dispendieux. Maintenant, quelle démarche avons-nous faite? Qu'avons-nous fait?

M. BACON: Vers 1960 à peu près.

M. de CARUFEL: Moi, je n'irai pas en 1960, parce que ces choses, nous les avons apprises dans les deux dernières années. Cela a été un secret des dieux. Mais, en 1970, nous avons écrit au premier ministre de la province au sujet des malaises dans l'industrie des pâtes et papiers. Cela a pris deux mois pour avoir un accusé de réception, et cela a été fait par le secrétaire.

M. MARCHAND: Il n'y avait pas avant cela de malaises?

M. de CARUFEL: S'il n'y en avait pas, on a écrit parce que l'on voyait venir les malaises.

M. MARCHAND: Comme cela, il n'y en avait pas. Vous n'avez pas écrit pour les malaises passés, juste pour les malaises futurs.

M. de CARUFEL: Les malaises n'étaient pas passés, les malaises étaient à venir, et l'on venait de faire une étude dans l'industrie, après quoi...

M. BACON: Vous avez dit tantôt que, dans ces années-là, les compagnies ont spéculé sur le taux de change, il y avait donc des problèmes quand même à ce moment, en 1968, en 1969?

M. de CARUFEL: Il y a plusieurs facteurs, on les a déjà énumérés.

M. BACON: Vous dites qu'en 1970, vous avez découvert subitement qu'il y avait des problèmes, mais vous avez dit auparavant, dans votre exposé, que les compagnies avaient spéculé sur le taux de change de 8 p.c. Donc, logiquement, on pourrait conclure qu'en 1970 il reste que les problèmes dataient déjà de quelques années, mais qu'ils pouvaient être, excusez-moi l'expression, peut-être "fardochés" par certaines choses. Mais vous les voyiez quand même à ce moment, si je prends le début de votre exposé.

M. de CARUFEL: Absolument, on les voyait.

M. BACON: Mais la lettre au premier ministre en 1970 était peut-être arrivée un peu tard.

M. de CARUFEL: Ecoutez, je vais en venir à un autre problème où vous avez été directement impliqué, vous. C'est la situation de Domtar à Trois-Rivières.

M. BACON: C'est de cela que je parle.

M. de CARUFEL: C'est à cela que je veux en venir. Alors, on a fait des démarches à ce moment-là auprès du gouvernement, on en a fait auprès du ministre, M. Cournoyer, et, à ce moment-là on a voulu établir des comités d'action. Mais qu'est-il arrivé de toutes ces affaires? Cela a tourné en queue de poisson et l'on a eu d'autres rencontres assez récentes à Montréal avec des représentants du gouvernement, en vue d'établir une commission sérieuse pour faire enquête sur toute l'industrie des pâtes et papiers dans le Québec. Jusqu'à ce jour, c'est encore une queue de poisson cette affaire. Alors, messieurs...

M. BACON: Dans les années antérieures, en 1967, 1968, 1969, vous ne voulez pas que je reprenne les années soixante. Qu'est-ce que vous avez fait pour donner l'alerte peut-être à l'intérieur de la compagnie? Quels ont été vos moyens d'action pour essayer de parer aux coups que vous voyiez venir? Vous avez dit que vous viviez quotidiennement le problème.

M. de CARUFEL: Les seuls moyens d'action à notre disposition comme syndicat étaient la table de la négociation, et de faire remarquer d'une façon très sérieuse aux employeurs avec qui nous faisons affaires ce qui se passait dans l'industrie. Que faites-vous chez vous, messieurs? C'est le seul moyen que nous avions à notre disposition à ce moment-là. Mais quand les problèmes sont arrivés, quand les problèmes sérieux sont arrivés et que nous avons eu recours aux bons offices gouvernementaux, nous nous sommes aperçus qu'au niveau gouvernemental on n'en connaissait pas plus long que nous n'en connaissions et qu'au niveau gouvernemental il n'y avait aucune solution possible.

M. BACON : Dans un dernier temps, — c'est

juste pour éclaircir un point — à la page 9, du résumé de votre mémoire vous dites, en somme, au premier paragraphe, à la fin : En somme, une nouvelle usine ne doit être aménagée que s'il est impossible de moderniser une usine qui fonctionne. Dans un tel cas, l'usine nouvelle doit être située aussi près que possible de l'exploitation dont on projette la fermeture. Ce serait bien l'idéal, mais on voudrait parler des difficultés de la matière première, c'est pour cela qu'on voulait vous faire préciser tantôt. Quand vous dites que les concessions sont trop éloignées, quand vous me parlez de coût de transport, il peut y avoir, à un moment donné, des problèmes de transport sur le marché. Pourriez-vous préciser ce que vous dites dans le mémoire et ce que vous m'avez dit par la suite sur les...

M. de CARUFEL: On dit, au niveau du principe: Si on doit accorder des subsides à quelque compagnie que ce soit, pour construire une usine et créer de nouveaux emplois, pourquoi ne pas accorder des subsides semblables afin de moderniser et de maintenir en exploitation des usines existantes parce que, par le fait même, on crée des emplois, parce qu'on garde les employés qui sont au travail présentement?

Alors, si on a construit une nouvelle...

M. BACON: Qu'est-ce que vous voulez dire? Voulez-vous dire moderniser nos usines avant d'en avoir de nouvelles?

M. de CARUFEL: Absolument. M. BACON: Bien.

M. GIASSON: A la fin de votre mémoire, vous faites allusion à un conseil de production et de la main-d'oeuvre. Le mémoire comme tel ne semble pas tellement définir quel serait le rôle précis de ce conseil de production et de la main-d'oeuvre. Dans votre esprit, est-ce qu'il s'agit d'un organisme de recherche qui, formé des représentants du gouvernement, des employés, des industries concernées, maintiendrait une recherche assez constante et où chacun des paliers représentés au sein de l'organisme pourrait souscrire les montants d'argent nécessaires à maintenir et à faire progresser cette recherche constante?

M. BACON: C'est exactement ce que vous dites.

M. GIASSON: Ou, dans votre esprit, s'agit-il tout simplement d'un organisme consultatif où il y a des rencontres et où on constate qu'il y a des faiblesses ici et là et que cela se limite à peu près à ces activités?

M. de CARUFEL: Non. Nous voulions avoir quelque chose de bien concret, un organisme dont tous les intéressés feraient partie, avec un mandat bien déterminé et bien clair. C'est ce que nous avons essayé de faire conjointement, représentants gouvernementaux, représentants patronaux et représentants syndicaux.

Nous nous sommes rencontrés, il n'y a pas tellement longtemps, il y a quelques mois, et il a été impossible à ce moment-là de définir et de s'entendre sur le mandat d'une telle commission ou d'un tel comité. Nous n'en avons pas entendu parler depuis.

M. LE PRESIDENT: Le député de Charlevoix et ensuite le député de Saguenay.

M. MAILLOUX: M. le Président, comme il y a chez nous plusieurs centaines de travailleurs qui sont représentés par les gens de la Fraternité internationale des travailleurs des pâtes et papiers, je voudrais qu'on donne une idée à un profane. Vous parlez dans votre mémoire, ainsi que dans tous les mémoires qui sont présentés à la commission, de modernisation des usines en place, de mécanisation, afin de soutenir la concurrence faite par l'Ontario ou ailleurs. Un peu plus tard, tous les gens seront surpris évidemment de ce que donne la mécanisation ou la modernisation. Je vous donne un exemple bien précis. La compagnie Donohue, chez nous, qui aurait depuis assez longtemps trois machines assez désuètes, employait 350 travailleurs. Le volume complet des concessions forestières servait à faire travailler ces gens. Il y a eu effectivement modernisation et mécanisation avancée d'une machine qui peut produire le même volume que les trois qui emploient 350 hommes.

S'il y a réduction de la vente du papier, il peut se produire que la compagnie, qui regarde à ses profits d'abord ferme les trois vieilles machines et mette à pied 350 personnes pour continuer avec les 125 qui sont dans l'optique de la modernisation et de la mécanisation.

Quel est le point de vue des travailleurs devant un tel contexte, parce que cela peut arriver un jour? Quand même on me dirait que la compagnie s'occupe d'autres produits à transformer sur place, le même volume que peuvent offrir les forêts de la région serait pleinement employé par les 125 personnes.

Avez-vous des palliatif s à cela ou des conclusions à apporter? Quand on pousse tellement sur la modernisation qui, je pense, est importante, cela amène quand même des problèmes de mise à pied qui ne sont pas faciles à résoudre, pas plus aux yeux de la compagnie qu'aux yeux des travailleurs, du jour au lendemain.

M. de CARUFEL: Nous avons vécu, M. le député, ces problèmes dans toute la province au cours des deux dernières années.

Bien que ça ne soit pas agréable, on ne peut pas dire: Nous voulons avoir des usines modernes, et dire, dans la même phrase, à ce moment-là: Il faut absolument que tout le

personnel, sans exception, demeure dans l'usine. On ne peut pas être contre le progrès. C'est à cela que nous avons à faire face dans la concurrence, c'est le progrès de machines semblables à celle à laquelle vous avez fait allusion, une machine de haute productivité.

Cela nous amène dans un autre domaine, le domaine des marchés. Et tenant compte des différentes juridictions, vous le savez, nous faisons allusion aux marchés dans notre mémoire, il faut s'occuper des marchés. Nous disons, dans notre mémoire: Qui s'est occupé de nos marchés? C'est une bonne question à laquelle il faut répondre. Qui s'occupe des marchés dans l'industrie des pâtes et papier? Qui s'en occupe, présentement? Peut-être que je vous apprendrai une nouvelle en vous disant que, à Washington, il y a un comité, soit au niveau sénatorial ou au niveau du congrès, qui étudie présentement la façon d'appliquer des tarifs sur le papier-journal et la pâte. Qui fait des représentations, à quel niveau? Je ne le sais pas. Mais je peux vous dire que nous en faisons. Nous avons des gens qui font du lobbying à Washington continuellement depuis trois mois contre ces mesures. Tous les membres de notre fraternité, y compris les Américains — nous sommes 350,000 au total — nous avons fait des représentations contre toute considération de tarif. Quand on parle de marché, on se pose des questions. L'industrie n'a-t-elle pas été laissée à elle-même pour déterminer tous ces problèmes du marché? Evidemment, le marché du papier-journal est un marché mondial, ce qui amène l'autre problème. Vous savez, quand les coûts de revient sont très élevés, on doit considérer aussi la possibilité d'augmenter le prix de vente de la matière qu'on produit. A ce moment-là, on fait face à un problème mondial, quand on veut hausser les prix. Si le Canada veut hausser les prix pour vendre son papier aux Etats-Unis et que les pays Scandinaves disent: Nous ne haussons pas les nôtres, où en sommes-nous dans toute cette affaire? Tout de même, nous nous posons de sérieuses questions. Qu'est-ce que nos gouvernements font vis-à-vis d'un marché, surtout pour le Québec, qui est le marché numéro un du papier-journal?

M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.

M. LESSARD: Peut-être que je suis dans l'erreur, mais est-ce que c'est la Fraternité internationale des travailleurs de pâtes et papiers du Québec qui représente les employés de Domtar de Trois-Rivières?

M. de CARUFEL: Oui.

M. LESSARD: Est-ce que vous avez eu, comme association, ou comme représentant de ces ouvriers, accès aux dossiers financiers ou à la comptabilité de la compagnie pour vérifier si réellement cette entreprise était dans une situa- tion assez déplorable et qui l'obligeait à fermer ses portes?

M. de CARUFEL: Je n'ai pas été directement impliqué dans cette affaire, mais M. Lord l'a été et cela n'a pas été possible.

M. LESSARD: Est-ce possible, pour le gouvernement, dans ces cas-là, d'avoir accès aux dossiers ou à la comptabilité de la compagnie, pour vérifier si, par exemple, au cours des dix dernières années, la compagnie a fait des profits? Pour vérifier si réellement le problème est exact, si réellement il y a, actuellement, du côté de l'industrie papetière, un véritable problème financier? Je vais compléter. Nous assistons un peu à une réaction à la chaîne. Il ne s'agit pas de cacher le problème forestier du Québec. Nous assistons à une réaction à la chaîne qui provient surtout de l'industrie des pâtes et papier, mais qui provient en particulier du fait que, depuis quelques années, le gouvernement, tant fédéral que provincial, accorde des subventions à une nouvelle entreprise qui vient s'installer chez nous.

Comme la vieille entreprise s'est installée sans subvention, elle se dit, peut-être avec raison: Pourquoi, moi aussi, n'aurais-je pas de subvention? Est-ce que le gouvernement, dans le cas de la Saint-Raymond, de Desbiens, par exemple, se préoccupe de savoir si réellement il y a un problème financier dans cette entreprise?

Est-ce qu'il se préoccupe de savoir où sont allés les revenus de ces entreprises-là, parce que ces entreprises ont fait des revenus dans le passé, alors, où sont-ils allés? Est-ce que c'est justifié, de la part du gouvernement, de subventionner une entreprise à partir des chiffres, ou si on subventionne à l'aveuglette sans savoir exactement s'il y a un problème?

M. DRUMMOND: Oui, c'est possible et on l'a fait dans plusieurs cas.

M. BACON: M. le Président, seulement une précision sur ce que le député de Saguenay mentionnait. Je pense quand même que dans des cas — en fait c'était St. Lawrence Paper à ce moment-là qui s'est établie et Domtar s'est portée acquéreur — si on retourne aux sources il y a eu, dans le contexte où ces usines-là se sont établies, soit des vacances au point de vue taxes municipales, il y a eu certaines primes, si on peut appeler cela primes aujourd'hui. Il y avait des choses qui existaient dans ce temps-là pour l'établissement de nouvelles industries. Il reste que je ne veux pas dire que celles-là n'en ont pas eu, mais avec les moyens du temps, elles ont eu proportionnellement ce qu'on peut donner aujourd'hui.

M. LESSARD: Justement, ces entreprises-là ont fait quand même dans le passé des profits assez considérables.

M. BACON: D'accord.

M. LESSARD: On peut se demander où sont allés ces profits-là aujourd'hui et de quelle façon ces profits ont-ils été utilisés. C'est simplement une question que je me posais qui est un peu en dehors de la question mais dont, je crois, la Fraternité internationale des pâtes et papier devrait particulièrement se préoccuper.

M. de CARUFEL: Pour certaines compagnies, il est possible de connaître, d'une façon assez spécifique, globalement, les profits qu'elles ont faits au Canada mais, pour les compagnies ayant leur siège social aux Etats-Unis, ce n'est pas possible parce qu'elles ne publient pas ces rapports financiers. Elles publient un rapport financier global de toute l'entreprise, alors c'est extrêmement difficile de vouloir disséquer, de savoir exactement ce qui arrive.

M. DRUMMOND: Lorsqu'il s'agit d'un cas spécifique, on peut toujours entrer et faire l'analyse des chiffres pour une usine donnée de telle compagnie. Cela s'est fait dans le passé.

M. de CARUFEL: Oui. Je sais que vous l'avez fait, M. Drummond, avec CIP pour l'usine du Témiscamingue récemment, tout de même...

M. BACON : De quelle façon y avait-il eu une demande à Domtar à Trois-Rivières? Est-ce que c'était une demande verbale ou... sur les chiffres de la compagnie de l'usine de Trois-Rivières? Vous dites qu'on a refusé l'accès aux livres. De quelle façon la demande avait-elle été faite? Avez-vous un refus écrit de la compagnie?

M. de CARUFEL: Non. Normalement on fait les choses verbalement quand on discute au sein d'un comité.

M. BACON: Ah, oui? Pas moi.

M. LESSARD: Je voudrais savoir les profits réels.

M. MARCHAND: Il y a quand même des rapports aux divers paliers de gouvernement.

M. de CARUFEL: Oui, c'est global pour la compagnie.

M. MARCHAND: Oui, mais ce n'est pas global à l'échelle mondiale.

M. de CARUFEL: Non.

M. MARCHAND: Si une compagnie a des ramifications mondiales, elle fait rapport aux divers paliers de gouvernement au Canada.

M. de CARUFEL: Oui, d'accord.

M. MARCHAND: Alors?

M. de CARUFEL: Avez-vous essayé d'avoir ces chiffres-là?

M. MARCHAND: Je peux les avoir.

M. LESSARD: C'est-à-dire qu'on a les chiffres...

M. MARCHAND: Il n'y a jamais eu de recherche de faite.

M. LESSARD: ... officieux, on n'a pas les chiffres officiels.

Alors, d'accord, M. le Président, c'est simplement une question incidente que je posais et qui peut amener certaines réflexions.

M. LE PRESIDENT (M. Giasson): Le député du Lac-Saint-Jean?

Est-ce que cela clôt les questions des députés?

Je remercie, au nom de la commission, M. de Carufel et ses collègues de s'être prêtés si aimablement aux nombreuses questions venant de chaque côté de la table.

J'invite immédiatement les représentants de l'Association forestière québécoise à s'approcher de la barre.

Association forestière québécoise

M. BEAUDOIN: M. le Président, je vous remercie d'avoir été aussi patient, nous sommes les quatrièmes aujourd'hui. Il reste quand même une très bonne assistance et on vous en remercie. Comme consolation, je peux vous assurer que notre mémoire sera plutôt bref. On ne savait pas qu'on passerait en quatrième lieu, mais ça adonne comme ça. Il me fait plaisir de vous présenter mes collègues, M. Lucien Morais, vice-président de l'Association forestière, mon nom est Jean-Paul Beaudoin, président de l'association, et à ma droite, M. Michel Grondin, directeur général, auquel je demanderais de présenter le mémoire à votre intention.

M. GRONDIN: M. le Président, MM. les membres de la commission, je vais essayer de vous lire assez rapidement notre mémoire, qui est relativement court, afin de situer tout le monde.

L'utilisation polyvalente de la forêt s'intensifiant avec l'accroissement de la population, avec l'augmentation des heures de loisir et les contraintes de la vie moderne, ne peut être réalisée raisonnablement sans la participation intelligente de toute la population.

La planification la plus lucide et la législation la plus éclairée ne peuvent prévenir ni corriger adéquatement les situations préjudiciables à la forêt sans avoir recours à l'éducation pour en modifier la cause: l'homme lui-même.

Dans l'introduction du tome II de l'exposé sur la politique forestière, en page 12, on parle de la nécessité d'une "révision profonde de nos façons de penser et d'agir". L'Association forestière québécoise est également convaincue qu'il faut transformer l'homme afin qu'il puisse mettre à contribution sa capacité créatrice pour harmoniser ses besoins avec ceux de ses partenaires de la nature et ainsi assurer à ses contemporains et aux générations futures un environnement sain et équilibré.

Seule une éducation appropriée en conservation, particulièrement du milieu forestier, peut atteindre ce but puisque la forêt occupe une place prépondérante sur le territoire québécois et qu'elle y joue un rôle essentiel dans l'équilibre écologique, sociologique et économique du milieu.

L'Association forestière québécoise Inc. est un organisme privé à but non lucratif, incorporé le 21 janvier 1939 en vertu de la troisième partie de la Loi des compagnies, et fondé à la recommandation de l'Association des ingénieurs forestiers. Depuis 1959, l'Association forestière québécoise est l'une des huit associations forestières provinciales constituant l'Association forestière canadienne : une fédération nationale de conservation.

L'objectif de l'Association forestière québécoise est de promouvoir la conservation de l'arbre, du milieu forestier et de l'environnement, par une éducation forestière populaire.

Ses moyens d'action sont les suivants: onze filiales régionales groupant 7,000 membres; la revue mensuelle Forêt-Conservation, organe officiel de l'Association forestière québécoise, les clubs 4-H : mouvement de jeunesse centré sur la conservation des arbres et de toutes les ressources naturelles; 400 clubs actifs, 14,000 membres, 200,000 Québécois ont profité de la formation 4-H; 15 millions d'arbres plantés par les clubs 4-H depuis 1942; les opérations CP (conservation et protection), campagnes intensives de publicité forestière; la semaine de l'arbre et de la forêt; les Fermes forestières (Tree Farms), initiative de l'Association forestière québécoise pour encourager l'aménagement des boisés: 694 certificats émis, superficie de 225,865 acres; les rallyes-forêt: journées éducatives en milieu forestier pour jeunes citadins — 12,000 jeunes ont profité des rallyes-forêt en 1971 et nous prévoyons en 1972 près de 20,000 jeunes; les concours de terres à bois, d'érablières, d'affiches de protection, etc.; les publications: distribution et rédaction de feuillets et bulletins de vulgarisation forestière; les media de publicité: radio, télévision, journaux; publicité gratuite concernant la protection et la conservation du milieu forestier (valeur estimée à $200,000 en 1971).

Le financement. Le budget 1971 : $402,000 dont $281,000 pour le bureau central et $121,000 pour les associations régionales. Un montant de $52,400 a été octroyé par le ministère des Terres et Forêts, soit 13 p.c. du budget 1971. Et je dois ici apporter une rectification pour le budget 1972, qui a été sensiblement augmenté par une participation accrue du ministère des Terres et Forêts. Ce montant sera cette année approximativement de $125,000, soit environ 24 p.c. du budget de l'année présente. Ce montant additionnel est dû à des projets estivaux de conservation qui sont réalisés en collaboration avec le ministère des Terres et Forêts, la direction générale de la conservation; c'est un contrat de gérance qui a été passé entre le ministère et l'Association forestière québécoise, contrat de gérance qui facilite drôlement l'administration et la marche de nos projets.

Les autres sources de financement: les ministères de l'Education, des Richesses naturelles, l'industrie forestière, les autres industries et compagnies, le public.

Pour chaque dollar investi par le ministère des Terres et Forêts, l'Association forestière québécoise va chercher $8 (et il faudrait corriger pour cette année, c'est-à-dire $4 ailleurs) sans compter la valeur de publicité obtenue gratuitement, la collaboration bénévole de nombreux individus et organismes, et sans compter les quelque $200,000 que les clubs 4-H locaux recueillent chez le public. Nous estimons qu'il en coûterait plus d'un million de dollars au ministère des Terres et Forêts pour réaliser en régie le travail de l'Association forestière québécoise.

Même si cela était, pourrait-il, comme l'Association forestière québécoise, susciter avec autant de bonheur l'enthousiasme du bénévolat qui motive un engagement dynamique et fécond? Le personnel de l'Association forestière québécoise au bureau central: Trois animateurs permanents, le directeur général, le directeur général adjoint, la monitrice provinciale 4-H. Dans les régions, quelque 60 animateurs semi-permanents, agents de liaison et onze gérants régionaux de l'Association forestière, dont deux seulement sont permanents. Il faut ajouter à notre personnel des milliers de bénévoles. L'Association forestière québécoise a contribué à faire mûrir dans l'esprit des individus et des autorités la nécessité d'agir face à la détérioration de notre capital forestier et de nos richesses naturelles en propageant le culte de l'arbre, de la forêt, en faisant appel au civisme des Québécois et en mettant en lumière les bienfaits du milieu forestier. L'Association forestière québécoise fut le premier organisme privé à oeuvrer dans le domaine de l'éducation populaire en conservation forestière au Québec et demeure certes le plus important, par l'ampleur et la diversité de ses activités, par son organisation bien structurée, dans toute la province, par la collaboration bénévole qu'elle obtient de la part de milliers d'individus et de nombreux organismes, par la neutralité de sa position qui offre à tous les intéressés à la forêt, professionnels, ouvriers, cultivateurs, hommes d'affaires, une tribune pour exprimer librement leurs points de

vue, un carrefour d'opinions et un terrain d'entente pour coordonner leurs efforts en vue d'une meilleure utilisation de la forêt.

Les officiers du ministère des Terres et Forêts ont profité régulièrement des occasions offertes par l'Association forestière québécoise pour dialoguer avec les utilisateurs de la forêt et elle est fière de leur rendre un tel service. L'Association forestière a toujours obtenu l'appui moral et financier du ministère des Terres et Forêts qui réitère d'ailleurs, dans son exposé sur la politique forestière, son intention d'aider les organismes privés qui, comme le nôtre, oeuvrent dans le domaine de l'éducation en conservation. Nous nous réjouissons de cette attitude positive du ministère et nous l'assurons de notre plus entière collaboration, espérant qu'elle s'intensifiera pour nous permettre de mieux atteindre nos objectifs communs.

L'Association forestière québécoise déplore cependant que le livre blanc sur la politique forestière ne fasse aucune mention explicite de la contribution majeure qu'elle a fournie depuis un tiers de siècle dans le domaine de l'éducation en conservation au Québec. Tout au plus, y est-il fait mention du club des 4-H, mouvement de jeunesse créé et patronné par l'Association forestière québécoise et ce, au même rang que d'autres organismes qui, tout en faisant oeuvre valable, ne sont pas, comme le mouvement 4-H, entièrement consacrés à la conservation de l'arbre et des richesses naturelles. La réputation des clubs 4-H n'est plus à faire et elle dépasse largement les frontières du Québec. Il eût été souhaitable que le livre blanc souligne davantage le caractère distinctif de ce mouvement de jeunesse, l'un des plus dynamiques au Québec.

Les recommandations. La première, la création d'un comité provincial d'éducation en conservation forestière. L'ampleur de la tâche inhérente à l'éducation en conservation forestière implique plusieurs ministères et organismes, et nous croyons qu'il devrait exister un tel comité afin d'orienter et de planifier les initiatives nombreuses dans ce domaine, initiatives souvent disparates et mal inspirées qui risquent d'induire le public en erreur, de fausser les opinions et de causer des actes préjudiciables au milieu forestier. Il revient à l'Etat, plus particulièrement au ministère des Terres et Forêts, de former cet organisme.

Sa composition: représentants des divers ministères impliqués dans l'aménagement du milieu forestier ainsi que du ministère de l'Education et autant de représentants des principaux organismes privés oeuvrant en conservation des ressources forestières. Scientistes et vulgarisateurs devraient être équitablement représentés à ce comité.

Son statut: comité consultatif auprès des ministères et des organismes concernés par l'éducation en conservation forestière.

Son mandat: établir une philosophie commune de l'éducation en conservation forestière, bâtir les normes garantissant la qualité de l'éducation en conservation forestière diffusée par les organismes publics et privés, analyser les priorités de l'éducation en conservation forestière et recommander les mesures à prendre.

Le ministère des Terres et Forêts, direction générale de la conservation, partagera les programmes d'éducation populaire en conservation forestière entre les différents organismes privés oeuvrant dans ce domaine et il en assurera la coordination et la supervision.

Les priorités: incorporer des notions de conservation à tous les programmes scolaires, de la maternelle à l'université, en passant par la formation des maîtres sans oublier l'éducation permanente des adultes.

Déjà l'Association forestière québécoise et la Corporation des ingénieurs forestiers du Québec ont amorcé des démarches dans ce sens auprès du ministère de l'Education.

D'autres organismes s'intéressent à l'enseignement de la conservation. Il y aurait lieu, pour le Comité provincial d'éducation en conservation forestière, de favoriser une mise en commun des efforts.

Deuxième recommandation: une assistance technique adéquate auprès des propriétaires de boisés.

L'Association forestière québécoise a toujours déploré les déficiences de l'assistance technique auprès des propriétaires de boisés, non pas en qualité mais en quantité. Il est évident que le ministère des Terres et Forêts n'a pas disposé, jusqu'à ce jour, d'un personnel suffisant pour répondre aux nombreuses demandes d'aide de la part des propriétaires de boisés et du grand public.

L'Association forestière québécoise a rendu des services remarquables dans ce domaine en facilitant le travail des ingénieurs forestiers du ministère qui y étaient affectés; par ses campagnes d'information sur l'aménagement forestier auprès des cultivateurs; par la publicité et par son mouvement des Fermes forestières, destiné à promouvoir la sylviculture et le reboisement. Divers concours, érablières et terres à bois, relèvent également de son initiative.

L'Association forestière québécoise joue le rôle important d'intermédiaire entre le public et le ministère des Terres et Forêts et en maintes occasions, entre autres dans la région des Cantons de l'Est, elle a pallié elle-même le manque de personnel disponible au ministère en fournissant les services requis par un bon nombre de propriétaires de boisés.

Son action désintéressée constitue un atout important dans la motivation essentielle à la réalisation d'un sage aménagement forestier. Aussi, serait-il souhaitable que les associations régionales de sylviculteurs, dont la création est préconisée dans le livre blanc du ministère, recourent à la collaboration de l'Association forestière québécoise.

Même si les futures associations régionales de sylviculteurs doivent éventuellement jouer un rôle important dans la gestion des boisés privés,

il ne faudra pas laisser pour compte les propriétaires de boisés qui, pour certaines raisons, n'adhéreront pas à ces organismes, ni les citadins qui, eux aussi, ont droit à une assistance technique sur le plan forestier. Il y aurait lieu de disposer peut-être, au ministère des Terres et Forêts, d'un personnel spécialement affecté à cette tâche.

L'Association forestière québécoise peut certainement continuer à rendre de précieux services aux propriétaires de boisés et au grand public, par l'intermédiaire de l'information et de la vulgarisation forestière.

Troisième recommandation: une impulsion accrue à la politique de reboisement. Aucun territoire offrant des possibilités de croissance forestière ne devrait demeurer improductif, particulièrement les plus accessibles dont l'aménagement polyvalent s'avère des plus rentables, écologiquement et économiquement.

Les besoins en reforestation dépassent la capacité actuelle de production des pépinières du gouvernement et nous croyons que le ministère des Terres et Forêts devrait intensifier davantage ses efforts dans le but de produire plus de plants de reboisement.

La région des Cantons de l'Est en particulier, souffre d'une pénurie de plants de reboisement et le développement d'une pépinière d'envergure s'impose dans cette région.

Les recherches sur la culture des plants en récipients devraient se poursuivre.

Le service de la recherche devrait entreprendre des recherches pratiques sur le reboisement à l'aide d'essences feuillues pour pallier une lacune de bois de qualité dans cette catégorie.

Un nombre suffisant d'ingénieurs et de techniciens forestiers devrait assurer le contrôle et l'inspection périodique des travaux de reboisement afin de prévenir et de minimiser les pertes dues aux insectes, aux maladies et à divers facteurs physiques.

Des souhaits. L'Association forestière québécoise souhaite la reconnaissance de ses états de service. Depuis 33 ans, l'Association forestière québécoise oeuvre sans relâche à la conservation du milieu forestier par le biais de l'éducation populaire.

Son influence a été et demeure déterminante dans la prise de conscience du public et des autorités face à la détérioration de notre environnement.

Elle croit légitime de réclamer la reconnaissance de son existence et de ses services dans les documents futurs du ministère des Terres et Forêts traitant de l'éducation en conservation forestière.

Le maintien de la collaboration établie avec le ministère des Terres et Forêts.

L'Association forestière québécoise se réjouit du fait que le ministère des Terres et Forêts fournira une aide technique et financière aux organismes oeuvrant à l'éducation en conservation. Nous croyons logique d'assurer d'abord cette aide aux organismes privés à but non lucratif ayant déjà fait la preuve du sérieux et de l'efficacité de leur action.

L'Association forestière québécoise prétend être de ceux-là. Déjà l'Association forestière québécoise profite d'une très bonne collaboration de la part du ministère des Terres et Forêts et elle espère que ce dernier lui maintiendra son aide financière et l'augmentera au besoin. Un budget plus substantiel permettrait à l'Association forestière québécoise d'intensifier son action particulièrement en augmentant son personnel permanent — spécialistes en éducation forestière — pour mieux répondre aux nombreuses sollicitations dont elle est l'objet entre autres de la part des commissions scolaires et des services de loisirs, et pour mettre de l'avant des projets d'éducation forestière à l'intention des adultes.

Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT (Pilote): La parole est au ministre des Terres et Forêts.

M. DRUMMOND: Je veux remercier M. Grondin de son exposé. Même si on déplore l'absence de trop de commentaires dans le livre blanc sur l'Association forestière québécoise, je pense que cette lacune s'est réglée aujourd'hui avec votre exposé et aussi par le fait que nous avons accru nos budgets en ce qui concerne notre appui à l'Association forestière québécoise et peut-être plus particulièrement pour le travail des jeunes 4-H, et je peux vous assurer de notre appui dans l'avenir comme par le passé.

Maintenant, nous avons quelques questions à poser et je passe la parole au député de Stanstead.

M. VAILLANCOURT: M. Grondin, votre document fait longuement valoir les mérites de l'Association forestière québécoise. Il est toujours intéressant d'apprendre à mieux connaître des organismes tels que le votre. A titre d'information, pourriez-vous nous dire si vous avez déjà évalué les répercussions de vos activités sur la population, non en termes quantitatifs mais qualitatifs.

M. GRONDIN: En éducation, il est toujours difficile d'évaluer les résultats mais je crois que nous pouvons être fiers quand même. Nous croyons que le travail effectué dans le passé a pu influencer le comportement des Québécois. Si on ne prend que notre mouvement des clubs 4-H qui a vu passer dans ses rangs 200,000 Québécois, ces jeunes-là, qui sont devenus des adultes — et j'en suis — sont vraiment conscients de l'importance de la forêt et des ressources naturelles et je suis certain qu'ils connaissent leurs responsabilités vis-à-vis de ces ressources.

M. VAILLANCOURT: Alors, c'est l'analyse que vous faites de la répercussion que votre association peut avoir auprès de la population.

M. GRONDIN: Evidemment, on parle des clubs 4-H, qui sont le moyen d'action le plus spectaculaire actuellement, mais il reste que les nombreux messages publicitaires par exemple à la radio et à la télévision sont de nature à influencer le public, comme les concours d'affiches, etc., et tous les petits détails qui entrent dans cette mission d'éduquer la population en matière de conservation forestière.

M. VAILLANCOURT: Une autre question. Est-ce que votre organisme a su profiter de l'intérêt accru manifesté par la population à l'égard de l'environnement? Dans cette optique, quels sont les nouveaux projets que vous avez lancés depuis que les gens sont plus attentifs à la conservation des ressources naturelles?

M. GRONDIN: Evidemment, s'occuper de la conservation de l'arbre et du milieu forestier, c'est s'occuper de la conservation de l'environnement. Comment pouvons-nous dire que nous nous occupons seulement de la conservation de l'arbre et du milieu forestier, puisque l'arbre et la forêt au Québec occupent une place prépondérante? S'occuper de l'arbre, c'est s'occuper de l'environnement. Nos clubs 4-H, dans leur programme, s'intéressent de plus en plus au nettoyage, aux campagnes antipollution, etc. Nous avons depuis quatre ans des projets qui s'appellent les projets Rallye-forêt, qui nous permettent de rejoindre plus facilement les jeunes de la ville. Durant les mois d'été et de printemps, on va chercher les jeunes dans les écoles et sur les terrains de jeux pour les amener en forêt et les familiariser avec le milieu forestier, avec leur environnement. Il s'agit de réconcilier les jeunes et le public en général avec la nature. Le fait de planter des arbres est une contribution extraordinaire à l'assainissement du milieu et nous en avons planté des milliers et des milliers depuis les débuts de l'association.

M. VAILLANCOURT: Une autre question. Pouvez-vous nous indiquer quelle a été la contribution financière des ministères de l'Education et des Richesses naturelles dans votre budget de 1971? Le Haut-Commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports vous accorde-t-il, lui aussi, des subventions annuelles?

M. GRONDIN: Oui. La contribution du haut-commissariat s'est accrue en 1971. Elle représente à peu près, je dirais, 15 p.c. du budget.

M. LESSARD: Quel est votre budget?

M.VAILLANCOURT: De votre budget total?

M. GRONDIN: Le budget de l'an dernier se chiffrait à environ $400,000.

M. VAILLANCOURT: Vous dites que c'est 15 p.c. de votre budget total. Ces contributions venaient des ministères de l'Education et des Richesses naturelles ainsi que du haut-commissariat.

M. GRONDIN: La contribution du gouvernement provincial représentait 33 p.c. du budget de 1971.

M. VAILLANCOURT: Dans votre budget? M. GRONDIN: Oui.

M.VAILLANCOURT: Sur un budget de $400,000?

M. GRONDIN: Environ.

M.VAILLANCOURT: Et à quel endroit prenez-vous vos autres sources de revenus?

M. GRONDIN: Il y a 25 p.c. qui proviennent de l'industrie forestière, soit 15 p.c. des pâtes et papiers et 10 p.c. des autres industries. Il y a 22 p.c. qui proviennent d'autres industries que les industries forestières, les grandes compagnies, et à peu près 20 p.c. du public.

M. VAILLANCOURT: Les contributions des cartes de membres?

M. GRONDIN: Oui, les cartes de membres.

M. VAILLANCOURT: Quel pourcentage de votre budget environ représentent les cartes de membres?

M. GRONDIN: Cela ne pèse pas lourd. C'est $5.

M. LESSARD : Combien avez-vous de membres?

M. GRONDIN: Environ 7,000. Nous avons les filiales régionales qui gardent une partie de la contribution et nous envoient le reste, parce qu'il faut faire vivre les filiales régionales. Nous avons quand même une collaboration du gouvernement qui est excellente, et si cette collaboration financière augmentait, elle nous permettrait d'engager des spécialistes en permanence dans toutes les régions et d'augmenter ainsi sensiblement notre travail.

M. VAILLANCOURT: Combien avez-vous de membres dans votre association? Vous avez dit 7,000?

M. GRONDIN: Environ.

M. VAILLANCOURT: Est-ce que cela comprend toute la province?

M. GRONDIN: Oui.

M. VAILLANCOURT: Est-ce que l'Association forestière des Cantons de l'Est qui est à Sherbrooke est avec la vôtre?

M. GRONDIN: Oui. C'est une filiale régionale.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous avez terminé? Le député de Lotbinière.

M. VAILLANCOURT: J'ai d'autres questions à poser. A la page 7, vous dites que le succès de votre groupement dépend largement du bénévolat des membres. Avez-vous déjà évalué quelle est la proportion de ce bénévolat qui est dispensée par des fonctionnaires travaillant pour l'Association forestière québécoise sur le temps payé par le gouvernement, comme pour la préparation de conférences, l'organisation de congrès, les services de secrétariat, etc.?

M. GRONDIN: Nous ne l'avons pas évalué. Nous croyons que tout citoyen, qu'il travaille au gouvernement ou ailleurs, doit apporter sa participation à un organisme comme le nôtre qui travaille à l'éducation du public.

M. VAILLANCOURT: Maintenant, à la page 6, votre mémoire mentionne que le ministère des Terres et Forêts a octroyé, en 1971, un montant de $52,400 à votre association et que cela représente 13 p.c. de son budget total. Ce chiffre inclut-il la somme de $46,000 que le ministère a payée pour les projets de l'association concernant les étudiants?

M. GRONDIN: Non. L'an dernier, les projets estivaux étaient administrés par le ministère des Terres et Forêts. Nous avions charge d'organiser et de superviser les activités. C'était un contrat de gérance. Cet argent a été mis sur des projets spécifiques. Nous en sommes très heureux. Cette année, nous avons eu l'administration. Je dois dire que nous avons évité une lenteur administrative, ce qui nous a permis de payer plus rapidement nos employés qui sont des étudiants. Cela a fait le bonheur de tout le monde. Cela a accéléré, intensifié et bonifié le travail.

M. VAILLANCOURT: Cela n'est pas inclus dans vos $400,000? C'est en plus.

M. GRONDIN: L'an dernier?

M. VAILLANCOURT: Oui. La somme de $46,000 est en plus de votre budget de $400,000?

M. GRONDIN: Oui.

M. LESSARD: C'était remboursé. C'était payé à des étudiants.

M. GRONDIN: C'était payé directement. On n'en retirait rien. On engageait des gens et on supervisait le travail.

M. VAILLANCOURT: Cela ne passait pas par votre association.

M. GRONDIN: Non, ce n'était pas administré chez nous. Cela n'entrait pas dans nos livres.

M. VAILLANCOURT: Maintenant, le comité provincial d'éducation, dont vous recommandez la création, devrait-il avoir des pouvoirs de décision et devrait-il être capable d'imposer ses décisions aux organismes impliqués, tant publics que privés?

M. GRONDIN: Tout d'abord, c'est un comité consultatif, qui donne des conseils. Nous sommes tout de même dans un pays démocratique. J'imagine qu'un conseil comme celui-là pourrait intéresser tous les organismes sérieux qui s'occupent de la conservation. Il y aurait beaucoup d'avantages à se regrouper et à profiter les uns les autres de l'expérience acquise, et aussi de profiter des services que le ministère des Terres et Forêts met à notre disposition, par sa direction générale de la conservation et plus particulièrement par son service de l'éducation qui, nous le croyons, devrait être encouragé davantage.

M. VAILLANCOURT: Ce serait seulement un comité qui ferait des recommandations ou des suggestions?

M. GRONDIN: Oui.

M. VAILLANCOURT: Ce ne serait pas un comité de décision, ce que vous suggérez.

M. GRONDIN: Non. C'est un comité consultatif.

M. VAILLANCOURT: C'est un comité consultatif seulement.

M. GRONDIN: Oui.

M. VAILLANCOURT: A part l'Association forestière québécoise, qui serait vraisemblablement le premier organisme invité à siéger à un tel comité, quels sont les autres groupements privés d'éducation dont vous voyez la représentation auprès du comité consultatif?

M. GRONDIN: J'en vois quelques-uns. Quand on parle de milieu forestier, on parle des arbres et de tous les autres éléments: la faune, par exemple. Il y a la Fédération québécoise de la faune, les CJN certainement, et d'autres organismes dont je n'ai pas les noms. On sait qu'il y a un tas d'organismes qui s'occupent ou veulent s'occuper de conservation, qui ne sont peut-être pas d'envergure provinciale. Là encore, l'inventaire de tous ces mouvements qui

existent pourrait être fait et ce pourrait être une tâche de ce comité. Là, tout le monde veut faire de la conservation, tout le monde essaie d'en faire et souvent en fait au petit bonheur aussi.

M. VAILLANCOURT: Vous n'avez pas l'inventaire de ces organismes?

M. GRONDIN: Malheureusement non. C'est le temps qui manque, le personnel et le nerf de la guerre.

M. VAILLANCOURT: Le temps et l'argent. M. GRONDIN: C'est exact.

M. VAILLANCOURT: Maintenant, pour le bénéfice des membres de la commission, pourriez-vous résumer les résultats des premières démarches entreprises auprès du ministère de l'Education par votre association et la Corporation des ingénieurs forestiers, concernant l'incorporation des notions de conservation à tous les programmes scolaires?

M. GRONDIN: C'est simplement un début d'amorce. Il y a eu deux ou trois rencontres avec les responsables de l'éducation des adultes, avec la possibilité d'un cours pour adultes, cours du soir, mais c'est simplement une amorce. Tout le monde sent le besoin d'avoir une éducation à la conservation qui soit faite à tous les niveaux scolaires. Il se fait des choses formidables mais je pense qu'il pourrait s'en faire beaucoup plus encore.

M. VINCENT: A cet effet, M. le Président, si le député de Stanstead me le permet, justement, je voulais poser une question dans ce domaine particulier, est-ce qu'il y a eu des rencontres avec le ministère de l'Education, surtout en ce qui concerne les programmes scolaires? Pour faire de l'éducation comme vous le suggérez, de la maternelle à l'université, est-ce qu'il y a eu des rencontres avec le personnel du ministère de l'Education?

M. GRONDIN: Non, pas de la part de notre organisme. Il y a eu des résolutions qui ont été envoyées au ministère de l'Education, mais cela n'a pas été suivi de rencontres. Peut-être que le ministre des Terres et Forêts peut m'éclairer, est-ce qu'il n'existe pas, actuellement, une commission à laquelle siègent des représentants du ministère des Terres et Forêts quant aux cours se donnant aux différents niveaux scolaires? Les cours de conservation, par exemple?

M. DRUMMOND: Vous parlez du niveau primaire?

M. GRONDIN: Oui, du niveau primaire et du niveau secondaire.

M. DRUMMOND: En ce qui concerne tous les aspects forestiers, il y a un tel comité.

M. GRONDIN: Oui.

M. DRUMMOND: Je pense que cela ne descend pas au niveau primaire dans l'aspect dont vous parlez dans le document.

M. VINCENT: Est-ce que l'association a eu l'occasion de faire un inventaire? Par exemple allez-vous dans une école régionale, pouvez-vous faire l'inventaire de la première année jusqu'au niveau secondaire V, faire un inventaire de ce qui se donne dans les cours du ministère de l'Education dans nos écoles? Est-ce qu'on a fait cet inventaire-là?

M. GRONDIN: Non. Cet inventaire-là n'est pas fait comme je le disais tout à l'heure. C'est un manque de personnel, de temps, et d'argent, c'est évident. Mais on sait qu'il y a des initiatives qui se prennent depuis quelques années et c'est attribuable à des commissions scolaires mais surtout à des professeurs qui vont, par exemple, organiser des classes vertes, ou des classes de neige. On en voit de plus en plus, mais ce qui est malheureux, c'est que, dans la plupart de ces classes de neige et de ces classes vertes, on emmène les jeunes en forêt, on fait une demi-journée de cours et une demi-journée d'excursion ou de sport en plein air et que l'on néglige de faire découvrir le milieu aux jeunes qui participent à ces classes.

M. VINCENT: Vous parlez d'un manque d'argent; comme l'on sait, il y a eu beaucoup de programmes de Perspectives-Jeunesse au cours des deux dernières années, de bons programmes, des programmes médiocres, des programmes pas bons du tout, en cherchant les origines de telles expressions. Est-ce que l'Association forestière a patronné ou encore a fait des démarches pour faire faire justement des recherches en vertu de ces programmes de Perspectives-Jeunesse, au cours de la période d'été, par des étudiants?

M. GRONDIN: Non. Je regrette de le dire, c'est non. Disons qu'on a été accaparé par les projets que nous avions en collaboration avec le ministère des Terres et Forêts jusqu'à maintenant.

M. VINCENT: Maintenant, on ne veut pas...

M. GRONDIN: Dans l'avenir et l'an prochain, les autres années, si Perspectives-Jeunesse se poursuit, on a l'intention, justement, de patronner des groupes d'étudiants pour faire des recherches comme celles-là.

M. VINCENT: Maintenant, je ne voudrais pas que les membres de la commission parle-

mentaire deviennent des conseillers de l'association, mais je pense qu'il y a là un point qu'il faut exploiter.

M. GRONDIN: Toutes les suggestions sont bonnes.

M. VINCENT: Je pense qu'il y a là une avenue qu'il faut exploiter, surtout par vos associations et, deuxièmement, j'ai simplement une petite suggestion à faire après avoir rencontré de jeunes retraités, ingénieurs forestiers ou personnes responsables qui ont travaillé pour des compagnies, pour des ministères et qui sont à leur retraite présentement. Ils seraient prêts à donner leur temps à des associations comme la vôtre pour faire de l'éducation populaire. Or, je crois que, jusqu'à présent, on a oublié d'aller puiser dans ce réservoir très important de compétences qui sont là à se tourner les pouces parce qu'ils reçoivent une pension soit de l'Etat, ou une pension d'un autre régime de rentes. Je pense qu'il y a là deux avenues : les programmes offerts soit par le gouvernement fédéral ou d'autres paliers de gouvernement, et également aller chercher, puiser dans le réservoir de ces compétences de jeunes retraités qui seraient prêts à rendre des services, pas seulement à votre niveau des forêts ou de la conservation, mais à d'autres niveaux également. Ce sont simplement deux suggestions que je fais.

M. GRONDIN: Je vous remercie.

M. VAILLANCOURT: M. Grondin, à la page 12 de votre mémoire, vous mentionnez une assistance technique adéquate auprès des propriétaires de boisés, quel genre de collaboration l'association forestière pourrait-elle offrir aux associations régionales de sylviculteurs dont la formation est préconisée par le ministère des Terres et Forêts?

M. GRONDIN: Je crois que ce sont des choses qui peuvent être discutées à une table avec les gens de l'association régionale de sylviculteurs. Il y a peut-être moyen de s'entendre avec eux et il faut dire que, jusqu'à maintenant, dans plusieurs régions, les associations forestières ont eu des contacts assez étroits avec les propriétaires de boisés. Ils sont habitués aux gens de l'association forestière, et je pense que c'est un atout à ne pas négliger, pour les associations régionales de sylviculteurs.

M. VAILLANCOURT: Vous n'avez aucune suggestion précise?

M. GRONDIN: Non, pas précise, peut-être au niveau de l'information et de la vulgarisation forestière, comme je le mentionne en bas de la page 12.

M. VAILLANCOURT: Maintenant, à la page 13, croyez-vous que l'objectif du ministère des

Terres et Forêts visant à produire 60 millions de plants par année serait suffisant pour satisfaire les besoins de reforestration?

M. GRONDIN: Permettez-moi de vous référer à un article de l'ancien directeur du service de la restauration, qui parlait d'une production de 500 millions de plants par année et je pense que 60 millions, c'est bien et que le ministère fait des efforts pour y parvenir.

Mais on aura toujours besoin d'un très grand nombre de plants de boisement et j'espère que le jour où l'on pourra répondre à toutes les demandes, arrivera bientôt.

M. GIASSON: Si le député de Stanstead le permet, nous avons touché la partie du mémoire qui fait allusion au reboisement ou à une politique de reboisement au Québec. Dans l'esprit de l'association et de ceux qui la représentent, lorsqu'on parle de reboisement, est-ce que vous avez à l'idée un reboisement qui serait fait en fonction de l'ornementation, de la protection du milieu, c'est-à-dire tenter de combattre l'érosion sur certains terrains par des plantations? Ou a priori, cette politique de reboisement vise-t-elle à redonner à la forêt de vastes territoires qui sont parmi les plus productifs au Québec parce que situés près des zones populeuses et avantageux au point de vue du climat, en vue de récupérer ce qui avait été conçu comme un terrain à vocation agricole et récupéré à la forêt, parce que assurément sa vocation est forestière? Est-ce que cette politique de reboisement peut s'appliquer dans des parcelles où il y a eu exploitation forestière, parcelles dans lesquelles on pourrait croire qu'un reboisement serait plus rapide et donnerait plus de résultats qu'un reboisement naturel?

M. GRONDIN: Il ne s'agit pas de se prononcer pour une politique quelconque, parce qu'on n'est pas un organisme pour se prononcer pour une politique quelconque, mais on croit que le ministère a beaucoup de pain sur la planche au sujet du reboisement. Je vais vous répondre par un exemple: nous avons une filiale qui s'appelle l'Association de la vallée de la Rouge et qui justement travaille à reboiser les terrains qui sont devenus incultes à la suite de l'agriculture dans le nord de Montréal; à ce jour, elle a fait planter au-delà de dix millions d'arbres et ce reboisement doit évidemment s'effectuer sur les terrains qui sont les plus productifs, les plus accessibles, les plus près des usines et des centres habités. Quant à savoir s'il faut reboiser les terrains forestiers, je crois qu'il y a probablement lieu dans certains cas de le faire mais c'est au ministère, je crois, de le décider.

M. GIASSON: Mais vous n'avez pas de principe particulier sur lequel vous avez fait une étude plus poussée de ce côté-là?

M. GRONDIN: Non, nous sommes...

M. GIASSON: Une politique de reboisement à telles fins ou à telles autres fins?

M. GRONDENT: Non. Nous sommes un organisme d'éducation populaire. Nous constatons les choses et nous faisons des commentaires.

M. GIASSON: Comme cela, vous n'avez pas fait de recherche non plus sur les expériences de coupes sélectives qui se sont faites à certains endroits au Québec?

M. GRONDIN: Non, ce n'est pas du ressort de notre association.

M. VAILLANCOURT: M. Grondin, pensez-vous qu'on devrait envisager une loi coercitive en matière de reboisement dans le but de pallier les besoins en bois et en espaces boisés dans certaines régions?

M. GRONDIN: Voulez-vous répéter, s'il vous plaît?

M. VAILLANCOURT: Est-ce qu'on devrait envisager une loi coercitive en matière de reboisement dans le but de pallier les besoins en bois et en espaces boisés de certaines régions?

M. GRONDIN: Vous me demandez de dicter au gouvernement ce qu'il faut faire?

M. VAILLANCOURT: Je demande votre opinion. Ce sont des suggestions...

M. GRONDIN: Non, il faut toujours commencer par des mesures incitatrices. Quand à décider si c'est pour le bien commun, là je laisse au ministère le soin de le déterminer lui-même.

M. VAILLANCOURT: Quelle est l'opinion de votre association là-dessus? Croyez-vous que le gouvernement devrait avoir une loi ou que ce soit laissé à la discrétion de tout le monde?

M. LESSARD: J'aurais une question peut-être plus générale, si vous le permettez. Pourquoi semblez-vous, depuis le début, vous refuser à donner certaines politiques au ministère? Vous avez très peu parlé, par exemple, dans votre mémoire, du tome II du livre blanc, vous avez très peu parlé de la réforme administrative dans laquelle s'engage actuellement le gouvernement et là on vous pose des questions.

Je comprends que vous êtes strictement un organisme d'éducation populaire, mais, comme organisme d'éducation populaire, vous devez avoir quand même certaines politiques précises concernant la conservation de la forêt, concernant l'exploitation de la forêt? Encore là, je trouve cela assez regrettable, l'Association forestière québécoise semble refuser de préciser des politiques. Est-ce que c'est parce que votre budget gouvernemental est trop fort?

M. GRONDIN: Il n'en est pas question. Nous croyons que, pour faire de l'éducation populaire comme nous le faisons, nous devons éviter de faire de la politique. Ce n'est pas un terrain facile. C'est la ligne neutre et c'est la plus difficile à suivre. Mais je crois que pour le bien général de la population et pour les objectifs que nous poursuivons, nous n'avons pas à nous prononcer pour une façon ou une autre d'exploiter la forêt comme telle, à moins que la conservation du milieu forestier soit vraiment mise en danger. Là, il faudrait peut-être faire des jugements d'intention ou des jugements de valeur qui sont hors de notre ressort.

M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.

M. BELAND: A moins que l'honorable député n'ait encore d'autres questions à poser...

M. VAILLANCOURT: Oui, j'en ai encore, à la page 14.

M. BELAND: Je vais le laisser finir.

M. VAILLANCOURT: M. Grondin, ne croyez-vous pas que la reconnaissance par le ministère des Terres et Forêts des états de service de votre association est implicite, de par l'intérêt que lui portent le ministre, par sa participation à vos congrès, le ministère, par son assistance financière, technique et matérielle, et surtout les fonctionnaires, par leur dévouement soutenu?

M. GRONDIN: Oui, c'est implicite. J'approuve la précision que vous apportez. Nous avons toujours exprimé au ministre et à ses collaborateurs le plaisir que nous avions de travailler avec eux au bien-être de la population. Toutefois, quant à l'importance du livre blanc, qui marque une étape importante dans les politiques que le gouvernement veut prendre, je pense que nous avions droit d'être offusqués que le nom de l'association forestière ne soit pas mentionné, même si ce lapsus est involontaire. Nous devions signaler que nous existions, que nous avons rendu des services, que nous en rendons et que nous sommes prêts à continuer à en rendre. On nous a reproché de ne pas nous prononcer sur des politiques, tout à l'heure. Je pense que vous conviendrez, messieurs, que l'éducation est très importante et même primordiale et que, dans les tomes I et II, on a parlé un peu d'éducation, pas assez à notre goût, c'est peut-être pourquoi notre intervention arrive comme elle arrive.

M. VAILLANCOURT: Mais vous êtes d'accord qu'au ministère — que ce soit le ministère, le ministre ou les fonctionnaires — on a été assez gentil à l'égard de votre association?

M. GRONDIN: Oui, je le souligne d'ailleurs.

Nous avons eu une très bonne collaboration de la part du ministère des Terres et Forêts et je le répète, je le réitère, même une excellente collaboration.

M. VAILLANCOURT: La seule chose que vous avez à reprocher, probablement, c'est que vous n'avez pas été mentionnés dans le livre blanc.

M. GRONDIN: Peut-être et aussi de ne pas insister davantage sur l'éducation forestière populaire. Nous nous sommes réjouis de la création d'une direction générale de la conservation et d'un service de l'éducation. Nous avons travaillé avec les gens qui sont affectés au service de l'éducation. Il y a énormément de travail à faire. Nous ne serons jamais assez nombreux, au gouvernement et dans les organismes privés, pour faire de l'éducation populaire. Nous croyons que les gens qui travaillent au service de l'éducation présentement sont débordés par des problèmes de cuisine, si vous voulez, et qu'ils n'ont peut-être pas assez de temps, peut-être parce qu'ils ne sont pas assez nombreux et que, là aussi, les budgets sont limités, pour penser un plan d'ensemble pour l'éducation forestière. Nous serions les premiers à nous réjouir de la création d'un comité provincial de l'éducation en conservation forestière, dont l'initiative serait prise par la direction générale de la conservation au ministère des Terres et Forêts.

M. VAILLANCOURT: Mais sous quelle forme aimeriez-vous voir le ministère des Terres et Forêts accroître la collaboration qu'il accorde aux organismes oeuvrant dans le secteur de l'éducation en conservation?

M. GRONDIN: Je pense que ce qui est écrit dans le tome II — je crois que c'est à la page 106, on parle d'une banque d'information, etc., et d'aide pécuniaire et autre — déjà c'est tout un programme et je souhaite que le ministère puisse continuer à le réaliser et à l'intensifier. Tout est là! Il faut donner aussi les moyens au service de l'éducation de remplir la mission pour laquelle il a été créé.

M. VAILLANCOURT: Quelle est la nature des projets d'éducation forestière que vous songez mettre de l'avant à l'intention des adultes?

M. GRONDIN: C'est toujours plus difficile de ce côté. Nous avons présentement un projet d'émission à la télévision communautaire à Québec et à Montréal, une série de 13 émissions. Nous pensons aussi à une façon de rejoindre les gens sur les terrains de camping. De quelle façon? Il s'agit de la déterminer. Ce sont des projets qui sont dans l'air. Mais chose certaine, c'est qu'il faut aller rejoindre les gens des villes, de toutes les façons, par la radio, par la télévision, par des concours. Ce sont ces gens qui, disons à 80 p.c. peut-être 85 p.c, habitent Montréal et Québec et les grands centres, et vont se détendre et parfois, hélas, se défouler en forêt. Ce sont ces gens qu'il faut rejoindre et éduquer. Et ensemble, avec le ministère des Terres et Forêts et avec un comité comme celui-là, on pourrait penser les projets et les partager entre les organismes.

Telle sorte d'activité serait du ressort du ministère et telle autre de l'Association forestière québécoise, telle autre de la Fédération québécoise de la faune, etc. On sent le besoin de mettre de l'ordre dans tout cela et d'essayer de prendre un bon départ, d'essayer de pallier toutes les déficiences qui existent dans le domaine de l'éducation en conservation.

M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.

M. BELAND: Je pense qu'en premier lieu il convient de féliciter l'Association forestière québécoise pour le magnifique travail qu'elle a fait depuis plusieurs années, entre autres dans le domaine rural. Comme propriétaire d'une ferme sylvicole, cela m'a stimulé, à certains moments, d'avoir la possibilité de discuter avec des personnes qui étaient sous votre autorité, pour améliorer les travaux sylvicoles, en somme, l'arbre, en quelque sorte.

Vous avez mentionné tantôt qu'une forte partie de la population va en forêt pour se défouler. C'est un peu cela et grâce au travail magnifique fait par l'intermédiaire des clubs 4-H et leurs dirigeants, je pense que l'on change complètement la mentalité des jeunes aujourd'hui en ce qui concerne la forêt, parce que, quand on parle de forêt, on parle d'êtres végétaux avec qui on peut dialoguer, si vous me permettez de m'exprimer d'une telle façon.

En somme, j'en arrive à une question bien précise. Je comprends que vous ne voulez pas vous mouiller les pieds en ce qui concerne les politiques à préconiser au ministère, mais est-ce qu'il serait souhaitable qu'il y ait un territoire de X milles carrés qui serait à votre disposition pleine et entière, terrain sur lequel pourraient travailler d'une façon ordonnée les 4-H; travail d'enseignement, d'éducation, travail pour l'amélioration de certains secteurs à titre expérimental et qui constituerait quelque chose qui manque aux adultes pour leur prouver qu'à un moment donné il y a possibilité de récupérer peut-être le double, peut-être le triple de ce qu'ils récupèrent dans leur boisé privé?

Est-ce qu'il serait souhaitable qu'il y ait un territoire donné comme tel et qui serait mis à votre disposition pour X années, je ne sais trop, que vous seriez chargés d'administrer et par lequel vous pourriez enseigner d'une façon complète le culte de la forêt sous tous ses angles et à plusieurs niveaux d'éducation?

M. GRONDIN: Oui. Je dois dire que plu-

sieurs de nos clubs 4-H ont des terrains actuellement. Avec le service des terres, ils ont pu obtenir deux ou trois acres pour y travailler et y faire des camps. Maintenant, il faut dire que c'est de l'éducation populaire et que nos jeunes qui ont de 10 ans à 20 ans — la moyenne d'âge est de 14 ans — peuvent faire certains travaux sylvicoles, mais il y a des travaux sylvicoles qui les dépassent grandement. Je crois que le service de la forêt rurale donne des journées de démonstration actuellement pour les propriétaires de lots boisés. Ils ont, eux, les spécialistes de travaux sylvicoles. Nous faisons de l'animation, de l'éducation. On collabore à ces journées-là. On a même organisé les associations forestières, mais toujours en collaboration avec les officiers du service de renseignements forestiers, autrefois; maintenant, c'est le service de la forêt rurale.

M. BELAND: Merci.

M. BEAUDOIN: Je pourrais ajouter que nous avons également une demande de la région de l'Outaouais, justement pour obtenir un terrain pour faire le genre d'expérimentations dont vous parlez.

M. GRONDIN: Il est certain que l'Association forestière québécoise ou une de ses filiales pourrait patronner un projet comme celui-là, je le pense.

M. LE PRESIDENT: Le député de Laviolette.

M. CARPENTIER: Considérant la collaboration très étroite que vous avez toujours donnée aux compagnies et à tous les détenteurs de boisés et également les services que ces derniers ont pu vous rendre à différents paliers en fournissant des montants pour l'administration de votre société et ainsi de suite, est-ce que, dans le livre blanc, lorsque vous entendez parler de l'abolition des concessions forestières, ça vous fait peur un peu?

M. GRONDIN: Je vais m'abstenir de commentaires. J'en aurais personnellement, mais, au nom de l'association, je préfère m'abstenir de commentaires.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président...

M. GRONDIN: Il semble que ce soit une obsession parmi les membres de la commission.

M. LESSARD: ... nous sommes quand même à étudier l'une des réformes fondamentales, peut-être l'une des grandes réformes qui est en train de se faire dans la forêt depuis passablement longtemps. On a commencé, en 1965, à étudier le problème forestier et là, enfin, on a décidé de faire une commission parlementaire pour étudier ce problème-là. Pour ma part, je juge qu'une association comme la vôtre —une association d'éducation parce que l'exploitation forestière a des implications concernant la conservation — qui est censée être neutre aurait dû — je crois, en tout cas, je peux me tromper, même si c'est une association d'éducation — présenter au moins certaines suggestions à la commission parlementaire des terres et forêts. Cependant, je voudrais au moins, sur quelque chose que vous devez connaître puisque vous avez prôné les fermes forestières, savoir si vous avez prôné le développement de ces fermes forestières-là à partir d'études de rentabilité économique. Est-ce que vous avez fait des études?

M. GRONDIN: On a toujours travaillé en collaboration avec les ingénieurs forestiers du service de la forêt rurale qui, eux, fournissaient justement les études de rentabilité. Nous avons été un peu les intermédiaires ou les publicistes auprès des propriétaires de boisés, mais aucune ferme forestière n'est reconnue sans l'approbation d'un ingénieur forestier du ministère des Terres et Forêts.

M. LESSARD: Est-ce que vous croyez que l'exploitation de telles fermes forestières peut être rentable?

M. GRONDIN: A long terme.

M. LESSARD: Une autre chose, est-ce que vous avez pris connaissance du rapport de l'UCC qui a été préparé par le Dr Lussier concernant le programme de réorganisation d'activités forestières rurales?

M. GRONDIN: Nous l'avons lu en diagonale. M. LESSARD: Puis vous n'en pensez rien?

M. GRONDIN: Ecoutez, est-ce que cela a rapport avec l'éducation forestière populaire?

M. LESSARD: Bien, l'exploitation de la forêt, parce que vous êtes un organisme qui se préoccupe de la conservation et l'exploitation de la forêt, à mon sens, a énormément d'implications en ce qui concerne la conservation. J'accepte quand même vos réticences, mais un peu comme je le disais tout à l'heure à la Fraternité internationale du papier du Québec, j'aime bien, à un moment donné, que toute association ait l'occasion, dans un pays démocratique, d'exprimer son opinion sur une réforme qui est aussi importante que celle-là. Mais, malheureusement, au moins dans deux rapports que nous avons reçus ce matin, il semble qu'on tourne en rond, que les gens ne semblent pas vouloir, en tout cas, prendre conscience que c'est important, cette réforme-là, puis vouloir exprimer véritalement leurs opinions sur cette réforme-là.

Alors, j'accepte vos réticences.

M. GRONDIN: Nous croyons qu'il y a d'au-

très organismes comme le nôtre qui doivent se prononcer là-dessus et qui sont en mesure de le faire, mais il y en a combien qui se sont prononcés, qui ont parlé d'éducation forestière populaire?

M. LESSARD: Je suis bien d'accord avec vous.

M. GRONDIN: Il fallait qu'il y ait au moins une association qui en parle et nous sommes fiers de l'avoir fait.

M. LE PRESIDENT: Je remercie M. Beaudoin ainsi que M. Grondin de leur mémoire, et surtout de la façon qu'ils l'ont présenté et ont répondu à presque toutes les questions. Au nom de la commission, je les félicite de leur excellent travail auprès des jeunes et au point de vue éducatif.

La séance ajourne ses travaux à demain dix heures.

(Fin de la séance à 18 h 1)

Séance du mercredi 23 août 1972 (Dix heures treize minutes)

M. PILOTE (président de la commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts): A l'ordre!

Ce matin, nous devions entendre, en premier lieu, le Conseil des producteurs de pâtes et papiers du Québec, représenté par M. Lachance; en deuxième lieu, l'Association forestière des Cantons de l'Est Inc., représentée par M. Bédard et, en troisième lieu, la Confédération des syndicats nationaux, représentée par M. Jean Thibeault.

A la suite d'une demande de M. Pepin, qui est à la table de négociations, pour passer ce matin puisqu'il y avait des négociations cet après-midi, les deux autres groupes ont bien voulu accepter que la CSN passe ce matin.

Je cède la parole à M. Pepin.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Oui.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... nous avons reçu, de la Confédération des syndicats nationaux, un mémoire daté du 20 juillet. Il y a un autre mémoire qui est du 23 août 1972. Est-ce celui-ci que nous allons, ce matin, entendre?

M. LE PRESIDENT: C'est celui du 23 août.

Confédération des syndicats nationaux

M. PEPIN: Oui, M. le Président. La base même, c'est celui du mois de juillet. Nous avons profité du temps entre le dépôt et la présentation pour faire des corrections de texte et des révisions. Mais, dans le fond même, il n'y a rien de substantiellement changé entre celui que vous avez reçu et celui que nous vous remettons ce matin comme étant une version révisée. Une recommandation est ajoutée: c'est une recommandation pour former une régie de mise en marché. Je pense que vous retrouverez à peu près exactement la même chose, quant au fond; il y a peut-être des corrections qui ont été apportées.

Alors, je pense que les députés, qui ont eu l'occasion de lire le mémoire, n'auront pas besoin de lire celui-ci au complet pour faire leur travail et pour poser les questions qu'ils auront à poser.

M. LE PRESIDENT: La parole est à M. Pepin. Si vous voulez vous placer au centre, s'il vous plaît. Avant que ne débutent les travaux, je voudrais mentionner que le député de Beauce remplace le député d'Abitibi-Est.

M. PEPIN: M. le Président, M. le ministre, MM. les députés. Je voudrais d'abord remercier

les deux autres associations qui ont accepté que nous puissions présenter notre mémoire avant elles, en raison des circonstances que le président a expliquées. Il est exact que, cet après-midi, je devrai être à la table de négociations des secteurs public et parapublic. Comme ces négociations trament depuis déjà assez longtemps, je pense que, plus nous pouvons accélérer les débats, mieux cela est pour les salariés et aussi pour l'ensemble de la province.

Comme je l'ai indiqué précédemment, la version revisée de notre mémoire, substantiellement, est de même portée et de même allure que ce que nous avions déposé au mois de juillet dernier. Nous y avons ajouté certaines références plus explicites pour que les députés puissent faire leur travail dans ce sens.

Je voudrais aussi adresser une requête aux membres de la commission et au président. Au lieu de lire intégralement le mémoire, comme nous l'avons d'ailleurs fait dans d'autres circonstances, nous demandons que le mémoire soit annexé au journal des Débats sans que nous ayons à en donner une lecture complète. De cette façon, tout le monde saura ce que nous avions à dire et ce que, effectivement, nous aurons dit devant la commission, puisque le journal des Débats reproduira textuellement le mémoire. C'est la requête que je voulais adresser au président.

M. le Président, c'est une requête que je formule pour que le texte du mémoire soit inscrit au journal des Débats sans que nous ayons à le lire, pour ne pas faire perdre de temps aux membres de la commission. Nous avons procédé ainsi dans plusieurs autres circonstances, devant les commissions parlementaires. Lorsque nous avions un mémoire assez volumineux, au lieu de le lire au complet, nous demandions qu'il soit inscrit au journal des Débats. Tout le monde peut alors en prendre connaissance. Si vous préférez que nous le lisions, nous le lirons.

M. LE PRESIDENT: Y aurait-il possibilité d'avoir un résumé de ce mémoire, quitte ensuite à le faire inscrire au journal des Débats?

M. PEPIN: Oui, oui. S'il n'est pas au journal des Débats comme tel, je serai quasiment obligé de le lire. Si vous acceptez qu'il soit au journal des Débats, je n'en ferai pas la lecture. J'en ferai un résumé et vous donnerai le sens profond de nos requêtes et de nos demandes.

M. LE PRESIDENT: D'accord. M. PEPIN: D'accord? Merci.

M. BELAND: M. le Président, dans ce cas, y aura-t-il lecture des recommandations?

M. PEPIN: Les recommandations seront aussi au journal des Débats. Elles sont à la fin du mémoire. Il y en a onze. Même si c'est marqué qu'il n'y en avait seulement dix, nous avons apporté cette correction. Si vous désirez que je fasse la lecture des recommandations, je pourrai la faire.

M. LE PRESIDENT: Les gens qui sont passés hier avaient un résumé. C'est uniquement le résumé qui a été inscrit au journal des Débats. Nous ne voudrions pas ici, disons, créer des précédents. Vu que vous-même vous allez faire un résumé verbal, ce résumé sera implicitement dans le journal des Débats. A cause du coût que cela représente pour le gouvernement, le fait de mettre 60 pages supplémentaires dans le journal des Débats, je vous demanderais, dans votre exposé, de faire un résumé assez complet et ce sera dans le journal des Débats.

M. VINCENT: M. le Président, avant de procéder à la lecture de ce mémoire ou à la lecture d'un résumé, je voudrais, pour mon information personnelle et également l'information des membres de la commission, savoir si d'autres mémoires que celui qu'on va nous lire ont été reçus après le 1er juillet?

Si on se souvient bien, à la dernière séance de la commission des terres et forêts, le 20 juin, nous avions mentionné que la date limite était le 1er juillet 1972. Et en ce qui nous concerne, nous n'avions pas reçu le mémoire de la CSN daté du 20 juillet. Nous avions reçu tous les autres mémoires datés avant le 1er juillet, mais nous n'avions pas reçu celui-là qui est entré — d'après ce que je vois — le 20 juillet.

M. DRUMMOND: Nous avons reçu une demande de la CSN avant le 1er juillet, disant qu'elle serait un peu en retard avec le dépôt de son document à cause de certains problèmes internes. Nous avons accepté.

M. VINCENT: Le ministre lui-même et d'autres membres de la commission avaient arrêté cette date au 1er juillet. Je voulais savoir si d'autres mémoires viendront s'ajouter aux mémoires que nous avions reçus avant le 1er juillet.

M. DRUMMOND: Je pense que nous les avons tous reçus à ce jour. Il y en a peut-être un ou deux qui sont entrés en retard, mais nous en avons été avertis avant le 1er juillet. Le choix était d'entendre ces mémoires ou non. Le choix a été fait. Nous avions été avertis, même si le mémoire n'était pas reçu, et il y avait assez de temps avant la reprise de la commission. Cela semblait la meilleure chose à faire.

M. VINCENT: Est-ce que nous pourrions avoir les autres mémoires qui sont arrivés après le 1er juillet?

M. DRUMMOND: Je pense que nous les avons.

M. VINCENT: Je ne pense pas que les membres de la commission les aient encore.

M. DRUMMOND: Tous les mémoires ont été reçus.

M. VINCENT: A la commission ici, mais les membres ne les ont pas eus.

M. LE PRESIDENT: Le secrétaire me mentionne ici qu'on a eu des problèmes avec la poste, que des mémoires sont arrivés en retard. Les mémoires étaient envoyés au gouvernement du Québec, mais on ne connaissait pas le nom de Jacques Pouliot à la poste, c'est pourquoi il y a eu des retards.

M. VINCENT: D'accord, s'il n'y a pas d'autres mémoires. C'est simplement pour...

M. LE PRESIDENT: La parole est à M. Pepin.

M. PEPIN: Merci. Je voudrais aussi signaler qu'assistent à la présentation de ce mémoire plusieurs membres de notre organisation, incluant le vice-président qui est aussi président de la Fédération des pâtes et papiers, mon confrère Victor Dahl, qui est à mes côtés.

Je voudrais aussi dire à la commission que si des questions sont posées sur des points donnés, j'essaierai bien sûr d'y donner une réponse, mais dans certains cas ceux qui sont avec moi, ayant préparé d'une manière plus précise ce mémoire, pourront donner aussi les réponses que les députés s'attendent de recevoir.

M. le Président, MM. les membres de cette commission. Je crois que la thèse de fond que nous développons dans ce cas-ci pourrait être taxée par certains comme étant une thèse idéologique et on aura alors tendance à la rejeter pour cette raison.

Je voudrais vous dire que, dans un cas comme celui-ci, je n'ai pas besoin de faire appel à un caractère idéologique, pas du tout. Je pense que plusieurs autres raisons militent en faveur du fait que le Parlement reçoive des recommandations que nous formulons avec sympathie. Nous aurions pu entrer dans le sillon ordinaire et dire que nous appuyons les compagnies qui réclament, la plupart du temps, une aide supplémentaire, des subventions plus généreuses, des allégements fiscaux ou encore d'autres formes d'aide pécuniaire.

Cela aurait pu être aussi sous le couvert apparent d'aider davantage les travailleurs, de procéder ainsi. Telle n'est pas, quant à nous, la pensée que nous avons. Nous croyons que, dans l'état actuel des choses, si nous continuons à réclamer et à obtenir uniquement des abattements fiscaux d'une nature ou de l'autre, ce sera sans fond. Je pense que le gouvernement qui accepterait qu'il en soit ainsi rendrait un très mauvais service aux compagnies, aux travailleurs et, bien sûr, à la collectivité.

Je crois donc que, lorsque nous examinons ce problème, il faut le prendre d'une manière un peu particulière. Les députés peuvent, bien sûr, se dire: Nous n'avons pas été élus pour changer tout un système forestier. Les députés peuvent se dire: La situation qui prévaut depuis des années et des années, au-delà de 50 à 75 ans, mérite tout simplement d'être corrigée de temps à autre, mais le fond même de la situation devrait rester tel qu'il est là.

Je pense au contraire qu'à l'heure actuelle la situation est tellement grave dans cette industrie que les députés doivent accepter d'en faire un examen très en profondeur. Ils doivent apporter des changements radicaux et non pas uniquement des cataplasmes face à une situation aussi malcommode que celle que nous avons présentement.

Voilà pourquoi il me semble aussi que même les compagnies, à moins qu'elles n'acceptent de dire qu'il y aura une conjoncture économique extrêmement favorable et pour très longtemps ne pourraient s'en tirer sur une plus longue période avec la situation présente.

Pour elles, constamment demander des avantages pécuniaires de la part du gouvernement pour que ça puisse arriver et que leurs dollars puissent être rentables, constamment venir devant le gouvernement pour procéder ainsi, à long terme, il est clair que cela ne pourra pas tenir. Le gouvernement ne peut pas être toujours de plus en plus généreux pour cette industrie, uniquement pour favoriser un certain nombre de propriétaires.

Au contraire, à mon avis, il doit s'organiser pour exploiter lui-même, comme Etat, comme nation québécoise, les forêts, qui sont la propriété de l'ensemble de la population. Réclamer non pas qu'il y ait nationalisation — parce que dans un cas comme celui-là on ne peut tout de même pas nationaliser ce qui nous appartient — mais réclamer que ce soit l'Etat qui exploite, qui gère tout le domaine forestier, je ne pense pas que ce soit révolutionnaire mais c'est vraiment être uniquement réaliste dans les circonstances.

Est-il raisonnable ou déraisonnable que nos forêts appartiennent à l'Etat et que ce soit l'Etat qui gère et exploite ses forêts? Plutôt, on perpétue la situation actuelle, on laisse certaines compagnies vider les forêts, sans trop s'en préoccuper, même si vous pouvez y mettre certaines barrières pour que les choses aillent un peu mieux qu'elles vont présentement. Est-il raisonnable d'assister impuissants à la joute que se livrent les grands producteurs de papier? Je pense bien qu'il faut appeler les choses par leur nom; il y a là un cartel — je ne dis pas un monopole — il y a certain nombre de grandes corporations qui contrôlent le marché, qui fixent, à mon avis, les prix. On peut me demander de le prouver et je ne le pourrai pas; il y a eu tellement de commissions d'enquêtes de ce côté-là qui l'ont démontré, en tout cas, pour des situations du passé. Je crois que cela

est au désavantage du public; autrement, la loi des cartels ne serait pas là pour empêcher qu'il en soit ainsi.

Les forêts — c'est notre thèse de fond — doivent donc être en notre possession. Il y a plusieurs raisons qui militent en faveur de cette thèse. Je pense qu'il n'est pas superflu de constater que non seulement les compagnies forestières ont réussi, dans bien des cas, à vider les forêts mais, aussi, elles n'ont pas pu se tenir à jour par paresse ou par incurie, peu importent les motifs. Même les documents déposés par le gouvernement nous démontrent très bien que les compagnies, parce qu'elles ont joui pendant longtemps, un certain temps à tout le moins, d'un taux de change favorable du dollar, n'ont pas vu à moderniser les usines, à faire en sorte que les usines soient toujours à l'avant-garde du progrès. De cette façon-là, les compagnies peuvent arriver aujourd'hui et nous demander, à l'ensemble de la collectivité, de payer plus, de leur donner d'autres avantages fiscaux.

Il semble qu'il soit bien démontré aussi que les investissements des compagnies, pour ce qui est du Québec, ont été beaucoup plus faibles ici que dans d'autres parties du Canada et particulièrement de l'Ouest canadien.

Et je ne pense pas que nous puissions dire qu'elles sont à blâmer dans le système actuel pour de tels investissements puisqu'elles trouvaient un avantage plus grand ailleurs, particulièrement dans l'Ouest ou dans d'autres parties du monde.

M. le Président, MM. les membres de cette commission, c'est la thèse de fond que nous tentons de développer tout au cours de ce mémoire et nous essayons aussi d'attirer votre attention sur le point suivant: comme le gouvernement a fait une concession que nous appelons très généreuse à ITT Rayonier, nous ne voudrions pas que les privilèges qui ont été accordés à ITT soient de nouveaux modèles que le gouvernement utilise dans sa politique forestière. Je pense que, au chapitre I, nous essayons de décrire les principaux problèmes de l'industrie forestière, que ce soit au primaire ou au secondaire. Je crois qu'il faut surtout retenir, de toutes ces grandes difficultés, qu'il y a des choses pour lesquelles on ne peut rien faire, comme la question du climat. Je pense que le Parlement ne peut pas changer le climat, même s'il a beaucoup de pouvoir. C'est un pouvoir qu'il ne peut pas exercer. Il arrive que le point central, c'est que le coût du bois est plus élevé ici qu'il ne l'est ailleurs. Et je ne crois pas que l'on puisse dire — je ne pense pas même que les compangies soutiennent que c'est une question salariale s'il en est ainsi. Mais le coût du bois est en relation directe avec le problème des concessions forestières et je crois qu'alors, si nous portons une attention plus particulière à ce problème des concessions et si nous faisons une exploitation beaucoup plus rationnelle dans les mains de l'Etat, nous aurons ainsi une meilleure chance de rendre les usines plus rentables et de développer l'industrie.

Vous noterez à la page II du mémoire — je parle du mémoire révisé — au tableau IV — la source est le livre blanc que vous avez entre les mains — le bois à pâte ici au Québec coûte $30.84, $22.73 en Alabama et $21.12 en Colombie-Britannique. Je crois que c'est là le point central du problème. Vous avez d'autres tableaux ici qui en font la même démonstration — le tableau V de la page 12. Et je crois qu'il nous faut faire allusion aux accords du Kennedy Round. Les accords ayant été sensiblement modifiés, cela a eu un impact très sérieux sur l'industrie, particulièrement l'industrie dans l'est du Canada, donc le Québec.

La question de rechercher de plus en plus à diversifier les produits de même que rechercher les marchés nouveaux devient un peu plus difficile pour nous et sans doute pour vous à moins d'avoir une autre optique en raison de la concentration qu'il y a dans cette industrie.

La gestion de la forêt, nous y attachons une très grande importance, comme vous le voyez aux pages 21 et suivantes où nous donnons les explications qui nous apparaissent les plus convenables. Nous attirons l'attention sur le fait que même si on a encore pas mal de bois — à la page 25 du mémoire — dans certains cas, nous sommes obligés d'aller à l'extérieur du Québec pour nous approvisionner. Il y a aussi le problème des scieries dont le nombre diminue très rapidement. D'ailleurs, vous connaissez sans doute bien les chiffres.

Finalement, nous avons nos propositions en regard des ressources forestières, ce que nous préconisons quant au zonage et aux autres points. Je vais donner uniquement lecture, puisque tel était le désir des membres de la commission, des recommandations que nous faisons pour que tout ce problème puisse être réglé une fois pour toutes. Je lis à partir de la page 48.

Face à la situation de l'industrie forestière dans son ensemble et compte tenu de l'importance de cette industrie pour le bien-être économique et social de l'ensemble de la population du Québec, la CSN propose une nouvelle politique forestière visant à redonner au gouvernement du Québec le plein contrôle sur les ressources forestières de la province et sur leur utilisation pour des fins polyvalentes profitables à l'ensemble de la population, privée jusqu'à maintenant de la jouissance de ces ressources — pour des fins récréatives, par exemple — dont elle est pourtant le propriétaire. Ces ressources forestières ne devront plus être au service exclusif d'une minorité de compagnies étrangères et d'autochtones privilégiés.

Cette nouvelle politique forestière implique que l'Etat du Québec garantisse, en tant qu'unique exploiteur forestier sur les terres publiques, aux usines de transformation de matière ligneuse, un approvisionnement en quantité et en qualité suffisante et au meilleur compte possible. L'Etat du Québec assumera, en raison de cette nouvelle politique, l'aménagement fores-

tier sur les forêts publiques et l'orientation de l'aménagement des forêts privées, dans l'optique du rendement optimum, soutenu en cela par des unités d'aménagement régionales et sous-régionales.

Au niveau des forêts privées, ce leadership devrait être axé sur une incitation à la coopération pour déterminer des unités d'aménagement et d'exploitation de dimension se prêtant à un aménagement intensif et à une exploitation, économiquement rentable, par une politique de regroupement systématique des boisés privés.

La nouvelle politique forestière implique aussi, en raison de son caractère nécessairement intégré, que l'Etat du Québec joue un rôle moteur au niveau de la transformation des ressources forestières, par la prise en charge de certaines firmes, par la création de nouvelles — publiques ou mixtes — et par des politiques visant à résoudre des problèmes des firmes existantes et susceptibles de contribuer à leur expansion.

Cette dernière implication comporte une sous-implication importante à souligner: la suppression des généreuses subventions inconditionnelles qui ne seraient pas inscrites dans un plan bien précis de financement des programmes de reconversion, de restructuration, de modernisation et d'intégration des industries de transformation du bois.

Elle implique enfin que l'Etat contribue à pousser la mécanisation dans l'exploitation forestière au degré exigé par les conditions de la concurrence, en tenant compte des conséquences sociales sur la main-d'oeuvre forestière, et provoque, à longue échéance, selon des étapes et des choix bien précis et compte tenu des conséquences sur la main-d'oeuvre et sur l'avenir économique de certaines petites localités, la disparition de certaines usines de transformation du bois qui ne répondent visiblement plus aux exigences de la production forestière, papetière, du sciage, de contreplaqués, d'ameublement, etc.

En résumé, au niveau de la propriété de la ressource, la nouvelle politique forestière redonnerait le contrôle exclusif à l'Etat du Québec des forêts publiques. La propriété privée serait sauvegardée, mais assujettie à certaines normes et contraintes d'aménagement et d'exploitation. Au niveau de l'exploitation, elle ferait de l'Etat, l'exploitant forestier unique sur les terres publiques, un leader pour les exploitants privés soumis à certaines normes, en particulier pour ce qui est de l'utilisation de techniques d'exploitation forestière hautement mécanisée. Dans le secteur manufacturier, un rôle moteur serait dévolu à l'Etat, en raison de la nouvelle politique: création d'entreprises publiques et/ou mixte, aide financière dont l'utilisation serait étroitement supervisée par l'Etat et conforme à des programmes d'expansion ou de modernisation et d'intégration approuvés par lui, sans exclure la disparition à long terme de certaines usines marginales. Sur le front de l'emploi, l'Etat du Québec devrait utiliser les travaux sylvicoles, d'amélioration et de restauration forestières comme sources alternatives d'emploi dans le secteur forestier pour la main-d'oeuvre déplacée par la mécanisation. Ces travaux contribueraient à leur tour à augmenter à long terme le degré de rentabilité de l'exploitation forestière au Québec, améliorant d'autant la capacité concurrentielle des industries utilisatrices du bois.

Cette politique affecterait aussi bien les forêts privées et ouvrirait les facilités récréatives des forêts publiques à l'ensemble de la population.

Consciente des exigences de la politique forestière qu'elle préconise, la CSN croit toutefois qu'elle répond proportionnellement au tragique de la situation actuelle. Cette situation commande non pas une amélioration superficielle de la législation forestière au Québec, mais une nouvelle philosophie de l'aménagement forestier adaptée aux exigences des industries de transformation de la matière ligneuse et à l'éclosion de besoins nouveaux. De cette nouvelle philosophie découlent la nécessité d'une législation nouvelle, traduction des nouvelles orientations et des nouveaux objectifs, et la nécessité de mettre en place de nouveaux instruments de gestion de la ressource.

Au lieu de lire "les dix recommandations", il faudrait lire "les onze recommandations". La première : Abolition des concessions forestières. La CSN réclame la révocation de toutes les concessions forestières et le remaniement de la carte forestière de la province en fonction de la création de forêts domaniales à même ces concessions. Ces forêts domaniales devront être de dimension compatible avec les exigences d'un sain aménagement, de l'approvisionnement des usines de transformation existantes et futures et de la satisfaction des besoins socio-récréatifs de la population. L'abolition des concessions forestières et l'implantation du nouveau régime devront s'effectuer graduellement sur une période de cinq ans.

Deuxième recommandation: Création d'une société d'exploitation forestière. L'Etat du Québec, en tant qu'unique propriétaire des forêts domaniales et à titre de plus gros propriétaire forestier au Québec, devrait prendre les dispositions nécessaires pour que, dans un délai de cinq ans, il devienne l'unique exploitant forestier des forêts domaniales, en confiant la responsabilité de l'exploitation de ces forêts à une société d'exploitation forestière qui serait créée pour cette fin.

Cette société aurait les mêmes statuts et les mêmes attributions qu'une société de la couronne. Elle devra, dans sa gestion, jouir d'une indépendance totale vis-à-vis du gouvernement. A l'Assemblée nationale, le ministre des Terres et Forêts en sera responsable. Sa gestion devra se conformer aux exigences d'une saine administration financière et à la livraison de matière ligneuse au meilleur prix possible aux usines de transformation.

La société ainsi créée devra intégrer les

diverses utilisations de la forêt dont elle a la responsabilité de gestion, d'aménagement et d'exploitation. Cette préoccupation devra se refléter dans ses structures administratives et dans ses activités. Elle devra être tenue, de par sa charte constitutive même, de mettre à la disposition du public des facilités de récréation en forêt et ouvrir toutes les parties des forêts domaniales à vocation récréative au grand public. L'exécution des programmes de conservation de la faune sera de son ressort.

De plus, la charte de cette société devra reconnaître le droit de tout Québécois de séjourner et de circuler en forêt dans les limites de certaines normes et restrictions, à condition de n'y causer aucun dégât. Toutefois, l'obligation imposée à cette société en matière de récréation en forêt doit être compatible avec la nécessité d'une saine administration financière. Si cette charge découlant d'une responsabilité sociale devait mettre en cause l'exploitation rentable des forêts publiques, l'Etat devrait en défrayer le coût.

La création de SOQUEF pourrait être inspirée de l'esprit de la Loi de la Société de récupération et d'exploitation du Québec (REXFOR). Cette corporation publique est un mandataire du gouvernement "pour récupérer et exploiter toute agglomération considérable de bois menacée de perdition sur les terrains du domaine public du Québec". Cependant, ces dispositions devraient être élargies pour faire de SOQUEF l'exploitant unique de toutes les forêts publiques et non exclusivement de celles menacées de perdition.

Au niveau de ses opérations, cette société devra établir des plans d'aménagement en consultation avec les utilisateurs et des exploitations programmées à long terme qui encadreront les coupes annuelles déterminées selon les besoins exprimés par les usines de transformation. L'élaboration de plans d'aménagement et d'exploitation se traduira dans des contrats négociés par la division commerciale de la société avec les compagnies clientes et sera comblée par des programmes de coupe assignés à différents districts. Ces derniers devront jouir d'une indépendance relative par rapport à l'administration centrale au niveau de l'exécution des plans d'aménagement de leurs districts respectifs. Leur opinion, sans être prépondérante, devra avoir un certain poids dans l'élaboration des plans d'aménagement et dans leur concertation et harmonisation.

Il faut préciser enfin que la responsabilité de la gestion, de l'aménagement et de l'exploitation des forêts domaniales dévolue à SOQUEF n'est pas incompatible avec certaines pratiques de vente d'arbres sur pied par appel d'offres ou de l'exécution de certains travaux sur une base contractuelle ou même l'octroi de permis de coupe à certains utilisateurs de matière ligneuse au cours d'une période transitoire. Les forêts domaniales, comme il a été précisé plus haut, sont exploitées actuellement en régie, à l'entre- prise ou par une convention avec une compagnie. Sans être exclusive, la SOQUEF doit favoriser la formule d'exploitation en régie, c'est-à-dire qu'elle doit prendre toutes les dispositions nécessaires pour devenir le plus autoopérationnelle possible dans le délai le plus bref et exécuter elle-même les opérations en forêt.

La société établira un réseau de centres de distribution des bois dans les diverses régions où les industries papetières, de sciage et de déroulage concentrent leurs activités.

La charte de cette société devra formellement lui interdire de vendre du bois sous une forme ou sous une autre à une personne ou une entreprise qui n'opère aucune usine de transformation ou d'utilisation du bois en vue d'une revente éventuelle.

La CSN se prononce catégoriquement pour la disparition des intermédiaires dans la mise en marché du bois.

A bref délai, la création de cette société suppose la disparition de tout intermédiaire entre elle et les compagnies utilisatrices.

Un des rôles importants que SOQUEF devra assumer se rapporte à la promotion des recherches en matière d'opérations forestières, conjointement avec les universités du gouvernement.

En résumé, SOQUEF doit répondre aux exigences d'une saine rentabilité conforme à une politique d'aménagement soutenue et d'utilisation des forêts domaniales pour des fins autres que la production de matière ligneuse.

Troisième recommandation: création d'une régie forestière du Québec.

Ce n'est pas, malgré son rôle déterminant dans l'exploitation et l'aménagement des forêts publiques du Québec, à la Société d'exploitation forestière du Québec que la politique forestière de la CSN accordera les pouvoirs les plus étendus en matière forestière, mais plutôt à un organisme chargé de veiller à l'application de la législation forestière votée par le gouvernement. C'est le rôle de la régie forestière du Québec.

Sa création traduira la volonté du gouvernement du Québec de soustraire la question forestière au Québec à l'influence de puissants "lobbies", en se déchargeant des fonctions exécutives, c'est-à-dire celles se rapportant à l'application de la politique forestière.

Cette régie forestière du Québec sera essentiellement un organisme de supervision et de contrôle chargé de faire valoir et de mettre en application la législation forestière au Québec inspirée de la philosophie du rendement soutenu maximum et de l'utilisation polyvalente des ressources forestières. Cette nouvelle philosophie amènera la RFQ à intervenir dans la distribution de la matière ligneuse, dans la réservation de certaines terres boisées à des fins autres que la production de matière ligneuse, à promouvoir le reboisement, la conservation et le remembrement des terres pour créer des unités d'exploitation forestière plus rentables,

par un regroupement opérationnel des boisés privés.

Cette fonction de surveillance et de contrôle en fera un organisme de dernière instance quant aux fins pour lesquelles telle parcelle de terre boisée devra être utilisée. Le parachèvement de l'inventaire des terres fournira à la RFQ un instrument de première nécessité pour vaquer aux activités reliées à l'utilisation des terres selon leur vocation.

Plus spécifiquement, la régie forestière du Québec sera chargée d'exécuter la politique de conservation des forêts au Québec tant sur les terres privées que sur les terres de la couronne, de même que la rationalisation de la distribution de la matière ligneuse par les responsabilités qu'elle assumera dans la mise en marché du bois venant des boisés privés. Elle sera pourvue de moyens nécessaires pour jouer un rôle déterminant dans l'amélioration des forêts privées et publiques, même si des dispositions pertinentes sont prévues à la charte de SOQUEF. A ce compte, cette dernière sera assujettie, elle aussi, aux normes et directives de la régie forestière du Québec.

En certaines circonstances, cet organisme servira d'arbitre en dernière instance dans des conflits impliquant différents agents intervenant en milieu forestier. Ce dernier rôle de la régie forestière du Québec sera une soupape importante contre les risques de certains comportements de quasi-monopole de la Société d'exploitation forestière, qui pourraient écraser les petits propriétaires privés.

Sur le plan de l'approvisionnement, la régie sera un élément de conciliation ou de concertation entre les intérêts des usines de transformation, ceux de SOQUEF et ceux des propriétaires privés. Mais il faut anticiper que le champ d'activité de la régie sera dans une grande mesure la forêt privée, du moins en matière de conservation et d'aménagement.

Par ses interventions et activités en matière de conservation, d'aménagement, de sylviculture, d'amélioration et de restauration des forêts aussi bien publiques que privées, la régie sera une source de création d'emplois en forêt si nécessaires pour absorber le surplus de main-d'oeuvre déplacée par la mécanisation qu'elle encouragera à cause des impératifs de la concurrence.

La législation dont la régie veillera à l'application sera elle-même axée sur l'aménagement en vue d'un rendement maximum et soutenu de la forêt et sur son utilisation polyvalente. Cette régie aura par le fait même un rôle déterminant à jouer dans la politique de conservation, dans la promotion des travaux sylvicoles sur les boisés privés, dans l'éducation des propriétaires forestiers. Elle fournira toute l'assistance financière, technique et matérielle nécessaire aux propriétaires privés et sera chargée de l'éducation forestière à tout niveau inférieur au niveau universitaire.

Cependant, cette assistance financière, tech- nique et matérielle fournie par la régie aux propriétaires privés obligera ces derniers à se soumettre à certaines contraintes: la soumission des plans d'aménagement de leurs boisés, l'obligation de soumettre annuellement leur plan de coupe et la poursuite des directives de la régie, coopération en matière de sylviculture et d'aménagement forestier.

Le financement de la régie s'effectuera à même une partie des redevances qu'effectuent les producteurs forestiers du Québec.

Quatrième recommandation: création d'un régime de mise en marché. Une telle régie aurait pour principale fonction d'assister les producteurs dans la vente et la diversification de leurs produits de façon à viser une utilisation rationnelle et optimale de la forêt. La régie sera dotée d'une organisation indépendante et formée de commissaires nommés par le gouvernement. Elle travaillera en étroite collaboration avec les différents organismes publics du secteur forestier et tous les producteurs intéressés.

Cette régie établira des plans de vente à l'étranger et contrôlera l'accès du bois au Québec. Elle assistera les producteurs afin de rationnaliser leur production et accroître leur capacité de commerce. Elle soumettra chaque année les précisions conjoncturales qui se rattachent à tout le secteur de la forêt.

Cinquième recommandation: création d'unités coopératives d'exploitation forestière. Le fait est bien connu qu'à l'heure actuelle, laissés à leur propre merci, très peu de propriétaires forestiers privés sont en mesure d'utiliser des travailleurs forestiers à plein temps pour prendre soin de leurs boisés et encore moins de recourir à des experts pour établir et exécuter des plans d'aménagement.

L'un des rôles importants de la régie sera de promouvoir la coopération des propriétaires forestiers privés dans l'exploitation et l'aménagement de leurs boisés, en utilisant des techniques mieux adaptées à de grandes unités d'exploitation. La régie aura alors à promouvoir des unités d'exploitation et d'aménagement forestiers appropriées et impliquant un grand nombre de propriétaires à la fois, par un regroupement approprié des bois privés.

L'exploitation et l'aménagement de ces unités pourront se faire sur une base coopérative. Ces dernières se prêtent mieux aux techniques mécanisées et atteignent mieux l'objectif du rendement soutenu de la régie. L'exploitation et l'aménagement de ces unités pourront être effectués sous la supervision d'experts engagés par les propriétaires coopérants ou fournis par la régie elle-même. Rien n'interdira à SOQUEF d'exécuter certains de ces plans sur une base contractuelle.

Les Office de producteurs qui jouent déjà un rôle de premier plan, surtout depuis l'adoption du bill 41, dans la mise en marché du bois, devront avoir une nouvelle vocation dans l'optique de cette politique pour les forêts privées. Ils seront appelés à mettre sur pied et à exécuter

des plans conjoints d'exploitation et d'aménagement forestiers. Ces plans s'appliqueront aux unités coopératives d'exploitation et d'aménagement forestiers établies par la régie de concert avec les Offices de producteurs de bois.

Tous les plans d'exploitation et d'aménagement forestiers pour chacune des régions administratives du Québec s'inscrivent dans le cadre du plan provincial.

Sixième recommandation: proclamation du droit de tous les citoyens du Québec de séjourner en forêt. Cette proposition est une implication en même temps qu'une conséquence de la dimension polyvalente de la politique forestière que nous soumettons. La nouvelle politique forestière devra reconnaître, en raison même de l'abolition des concessions forestières, le droit de tout Québécois de séjourner en forêt pourvu qu'il n'y cause aucun dégât. Cela devra amener le démantèlement des clubs privés de chasse et de pêche sur les terrains de la couronne et la définition d'une politique globale de récréation en forêt axée sur la démocratisation de l'accès à l'eau et aux possibilités récréatives offertes par la forêt. La régie forestière du Québec verra elle-même à réserver certains terrains forestiers privés à vocation récréative à l'usage du grand public.

Septième recommandation: institution d'un crédit forestier. Afin de mettre en oeuvre le regroupement forestier des petites forêts privées et leur exploitation sur une base rentable, le gouvernement du Québec devra instituer un crédit forestier administré par la régie. Ce crédit forestier sera mis à la disposition des petits propriétaires privés pour restaurer et améliorer le rendement de leur patrimoine forestier. Il servira aussi au financement de la politique de remembrement des forêts privées. Les offices de producteurs regroupés sur les unités coopératives d'exploitation et d'aménagement forestiers auront accès à ces facilités de crédit pour financer l'achat d'équipement et de machinerie nécessaires à l'exploitation de ces unités.

Huitième recommandation: création de conseils de conservation et d'aménagement forestiers. La régie pourra s'adjoindre des conseils de conservation et d'aménagement forestiers, organismes consultatifs animés par les représentants de la régie au niveau régional. Ces organismes visant exclusivement à promouvoir l'aménagement et la conservation des forêts au niveau des régions administratives du Québec pourront être soit indépendantes des CRD ou y être intégrées, à condition que ces derniers fonctionnent et soient effectivement utilisés par le gouvernement comme interlocuteurs.

Neuvième recommandation: création d'un institut de recherches forestières. Cet institut pourra entreprendre des projets de recherches fondamentales et appliquées. Ses activités devront être axées prioritairement sur l'économie forestière et les nouvelles possibilités d'utilisation du bois. Nous croyons que la recherche forestière au Québec devra être mieux appuyée financièrement.

Le budget du ministère doit pouvoir assurer la promotion de la recherche forestière au Québec.

Dixième recommandation: création d'un complexe forestier étatisé au niveau secondaire. La politique forestière sera certes amputée d'un maillon important si l'Etat du Québec, unique exploitant des forêts domaniales et le plus gros exploitant forestier du Québec, demeure absent au niveau de la transformation du bois. La présence active et déterminante de l'Etat au niveau de l'exploitation forestière commande son intervention au secondaire en vue non seulement d'assurer partiellement un certain débouché pour les produits mis en marché par Soquef mais pour accélérer l'intégration de certaines entreprises s'adonnant à la transformation du bois.

A long terme, l'objectif sera de prendre le contrôle des industries utilisatrices du bois au Québec en créant des entreprises publiques au lieu de subventionner des entreprises privées. La nécessité d'une étude en profondeur des industries forestières à tous les niveaux prend ici toute son importance. C'est sur des données fiables et établies à partir de cette étude que pourront être prises des décisions visant à créer à long terme ce complexe forestier avec des ramifications dans toutes les branches de l'industrie forestière. Cette société sera une entité tout à fait distincte de Soquef et jouira de l'autonomie totale par rapport à celle-ci. Il ne saurait être question de favoriser Soquef d'aucune façon, c'est-à-dire cette société, pour approvisionner ses diverses usines de pâtes et papiers, de sciage, de contreplaqué en activité à divers endroits sur le territoire du Québec, ne sera pas tenue d'acheter du bois de Soquef chaque fois qu'elle aura avantage à s'approvisionner ailleurs.

Les dispositions de la loi portant sur la création de la Société de développement industriel faciliteront énormément la création d'un tel complexe forestier. Sans doute, somme toute la SDI deviendra l'instrument tout indiqué pour exécuter la politique forestière au niveau secondaire. Comme elle n'est pas autorisée par la loi à gérer elle-même ses usines, elle doit les confier à cette société. En ce qui regarde les opérations de la SGF dans les secteurs industriels de la forêt, il faudra transférer ces firmes à la nouvelle société, ce qui n'interdira pas à la SGF de participer au financement de certaines opérations visant à étendre ou à consolider l'intégration du nouveau complexe. Ces interrelations entre ces différentes entreprises pourront être davantage précisées par la définition d'une politique pour les entreprises publiques.

Ce complexe forestier intégré aura un rôle de premier plan à jouer au niveau de la recherche de nouvelles possibilités d'utilisation du bois. Il apportera en ce sens une contribution de première importance à l'Institut de recherche forestière. Il faut rappeler à ce sujet qu'une bonne partie des problèmes de l'industrie du

bois au Québec découle de la vive concurrence des produits substituts: aluminium, plastique etc.

Par exemple, l'industrie du bois de sciage fait face, depuis dix ans, à une diminution inquiétante de la consommation per capita du bois de sciage due à l'utilisation de produits substituts dans la construction. Pour une province à vocation forestière, il paraît préoccupant que la recherche forestière ne soit pas encouragée un peu plus. La CSN réclame donc la définition claire et précise d'une politique pour les entreprises publiques du Québec, précisant leur place et leur rôle dans l'économie du Québec.

Onzième et dernière recommandation: recyclage et sécurité d'emploi des travailleurs dans l'industrie forestière. Il est important de souligner que tout le processus proposé à l'heure actuelle par la CSN commande une mécanisation, une accentuation de la concentration des entreprises du secteur forestier. Un tel processus aura pour effet la disparition d'un certain nombre d'emplois, un surplus de main-d'oeuvre surtout dans les scieries. Aussi, la régie assurera, par l'intermédiaire de cours de recyclage en collaboration avec le ministère du Travail, la Commission d'assurance-chômage s'il y a lieu, la formation des travailleurs libérés pour vaquer à de nouvelles fonctions en forêt.

D'autre part, l'ancienneté des travailleurs mis à pied devra être reconnue et devra leur garantir une priorité d'emploi dans leur secteur industriel, celui plus large de l'industrie forestière ensuite. Elle s'appliquera en premier lieu dans la région et puis dans le reste de la province.

Voilà, M. le Président et messieurs les députés, le mémoire que nous avions à présenter. Comme vous pouvez le constater, il s'agit de quelque chose d'assez global et il nous paraît difficile de prendre ces problèmes uniquement par morceaux. Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: La parole est au ministre des Terres et Forêts.

M. DRUMMOND: Je veux d'abord remercier M. Pepin de la CSN d'être venu ici présenter un mémoire, un travail sérieux, qui préconise des implications assez graves comme la disparition à toutes fins pratiques du ministère des Terres et Forêts, si j'ai bien lu toutes les recommandations. Je veux dire pour commencer que quelques-unes des recommandations manquent d'un certain réalisme dans ce qu'on pourrait faire. Je me demande sérieusement si on a tenu compte de tous les problèmes d'efficacité et des coûts financiers des recommandations apportées.

Du côté gouvernemental, nous avons certaines questions à poser sur tous ces sujets et je cède la parole au député de Laviolette.

M. CARPENTIER: M. le Président, M. le ministre, MM. les représentants de la CSN, MM. les membres de la commission, messieurs, je dois, à mon tour; remercier la CSN pour son mémoire sérieux et positif qui aborde la question forestière dans son ensemble. Il démontre qu'un réel effort de réflexion a été consenti par ses auteurs pour comprendre les documents du ministère des Terres et Forêts. Cependant, il comporte certaines imprécisions quant à l'action du ministère des Terres et Forêts et des concessionnaires, à l'interprétation des politiques gouvernementales et même à quelques statistiques. Il reprend, à mon sens, sans raison valable autre peut-être que celle de démontrer que les recherchistes de la CSN savent lire, une bonne partie des textes et des tableaux qui apparaissent aux tomes I et II. Ces reprises alourdissent indûment les autres propos formulés.

Les propositions manquent, à mon sens, à certains moments, de réalisme. Elles ne tiennent pas compte des conséquences, c'est-à-dire efficacité et coûts, qui pourraient résulter de telles remarques.

Je voudrais vous poser une première question sur votre introduction. Est-ce que vous pourriez, M. Pepin, nous expliquer l'énoncé que nous retrouvons à la page 2 de votre mémoire à l'effet que le tome II de l'exposé sur la politique forestière ne rend pas l'orientation générale de la réforme suggérée dans le tome I?

M. PEPIN: Je voudrais vous présenter M. Kemal Wassef qui a été un des auteurs du mémoire et qui répondra à votre question.

M. WASSEF: En fait, ce que nous retrouvons dans le tome I, c'est la suite des problèmes de toute l'industrie forestière au Québec. Dans le tome II — là, je pose un jugement de valeur, naturellement — on propose des solutions. Au niveau de ces solutions-là, on ne touche pas du tout la structure même de l'industrie comme telle, c'est-à-dire qu'on abolit le système de concession forestière, mais on le dote de contrats d'approvisionnement qui ont à peu près les mêmes valeurs, en fait. Si nous regardons les différentes réformes proposées, elles n'affectent en rien, à l'heure actuelle, les structures mêmes de l'industrie, qui sont la principale cause des problèmes de cette industrie. C'est ce que nous tentons d'expliquer dans ce paragraphe. Nous nous sommes peut-être mal exprimés, mais c'est, en général, l'idée que nous voulions faire ressortir.

M. CARPENTIER: C'est de là que provient la différence entre vos deux explications sur le tome I et le tome II?

M. WASSEF: Oui, c'est bien cela.

M. CARPENTIER: A partir d'une problématique à peu près identique à celle que le gouvernement a publiée dans le tome I de l'exposé sur la politique forestière, votre mémoire en arrive à des conclusions passablement différentes. Pouvez-vous nous livrer les princi-

pes de base qui vous ont conduits à suggérer, notamment, la prise en charge de toute l'exploitation par l'Etat et la quasi-disparition du ministère des Terres et Forêts, lequel serait remplacé par deux sociétés d'Etat?

M. PEPIN: Je commencerai par la notion de prise en charge. Quant à la disparition du ministère comme tel, j'en dis quelques mots. D'abord, le ministre peut être rassuré. Si le ministère n'existe plus à l'avenir, le ministre continuera à exister, peut-être pas au même endroit.

M. DRUMMOND: Merci.

M. PEPIN: II ne s'agit pas pour nous de faire disparaître le député Drummond.

M. VINCENT: II devient un ministre d'Etat.

M. PEPIN: J'ai essayé d'expliquer au point de départ la thèse de fond, avant de donner lecture du mémoire. Nous croyons vraiment que ces forêts, étant la propriété de l'ensemble de la nation québécoise, devraient être exploitées par la nation québécoise et non pas données à contrat à des compagnies qui, elles, s'en serviront pour leurs fins, d'abord, avant les fins générales de la nation. Partant de ce principe, on peut conclure que c'est telle structure plutôt que telle autre structure qui est plus impérieuse ou qui pourrait être mise de l'avant. Nous ne prétendons pas, avec les diverses sociétés que nous proposons de créer, avoir une vérité absolue là-dedans.

Il est bien possible que ce soient d'autres structures auxquelles vous pensiez, mais nous avons pensé que si nous faisions une requête pour que les forêts soient administrées par l'Etat, vous nous demanderiez immédiatement, à nous, par quels moyens, avec quelles structures. Ce que nous faisons sur ce point précis, quant aux structures, c'est évidemment une suggestion concrète et pratique. Quant à nous, en tout cas. Vous pourrez dire que c'est irréaliste, que ce n'est pas faisable, que c'est impossible, mais au moins c'est un effort pour vous démontrer qu'il y a un moyen, nous semble-t-il, pour que l'Etat lui-même, la nation québécoise contrôle toutes les forêts domaniales. La situation présente nous apparaît pas mal aberrante. Dans plusieurs publications, il me semble que c'est dans le rapport de la commission Bélanger, on pourrait retrouver ça. Le premier ministre, M. Bourassa, était secrétaire de la commission. On y a décrit la situation comme étant inacceptable par rapport au plan de la taxation uniquement. On préconisait alors qu'il devait y avoir des réformes. Présentement, c'est le coût du bois qui est trop élevé. Le coût du bois pourra-t-il diminuer s'il n'y a pas plus de rationalisation qu'il y en a à l'heure actuelle?

Comme cette situation est tellement détério- rée et qu'elle va tendre à se détériorer, il ne nous semble pas que ce soit uniquement par le truchement d'allégements fiscaux que les compagnies pourront passer à travers. Il nous semble que c'est l'Etat qui doit en prendre toute la responsabilité par le truchement de certains mécanismes. Si vous voulez que ce soit le ministère lui-même qui soit le responsable de tout cela, je n'ai aucune espèce d'objection a priori là-dessus. Mais on a essayé quand même d'avoir un schéma à vous présenter pour vous dire que ce n'est pas uniquement le principe qu'on met de l'avant. On a une formule concrète d'application et vous, si vous êtes d'accord sur le principe, vous pouvez trouver d'autres structures à mettre en application.

M. DRUMMOND: II y a quand même, M. Pepin, une différence entre l'administration, le contrôle et l'exploitation en soi. Ce n'est pas une solution miracle que la prise en main de l'exploitation des forêts par l'Etat. De mon point de vue, c'est une question de contrôle, peut-être.

M. PEPIN: Tout dépend comment on veut le faire. Cela dépend aussi, bien sûr, de la conception que l'on a. Il y a également le fait qu'on soit propriétaire, que l'on puisse en confier l'exploitation à d'autres. Vous pouvez décider que c'est mieux que ce soient les entreprises privées qui, sous un certain contrôle, continuent à exploiter les forêts, c'est une possibilité. On sait cependant ce que cela a donné jusqu'à maintenant. J'espère que le contrôle, si c'est là votre orientation, sera meilleur à l'avenir. On peut aussi prévoir que l'Etat lui-même va exploiter. Il n'y a rien d'aberrant à suggérer que l'Etat exploite les forêts et que le bois qui sortira de là soit vendu aux entreprises de transformation qui existent et qui auront une bonne source d'approvisionnement.

M. CARPENTIER: Vous avez mentionné, au début de votre exposé, un moyen possible pour régler tous ces problèmes. Est-ce que vous pourriez nous suggérer clairement quel sera ce moyen, d'après vous, pour régler les problèmes de cette nature?

M. PEPIN: Vous savez, tout le mémoire tente d'imaginer les moyens possibles pour les régler mais non d'une façon miraculeuse, parce qu'on ne vient pas ici pour vous présenter des miracles. On est allé à Sainte-Anne-de-Beaupré le 26 juillet et on est revenu sans miracle pour régler tout le problème de la forêt. Il reste, cependant, qu'il faut avoir une autre orientation pour traiter le problème de la forêt. Voilà pourquoi on vous présente, dans tout ce mémoire, des moyens qui tentent de corriger la situation. Pour les travailleurs, la situation actuelle est sûrement très dramatique et vous en conviendrez avec moi. Est-ce que notre moyen est exclusif? Est-ce que c'est le seul qui peut

donner de bons résultats? Je ne pense pas qu'on puisse soutenir cela devant vous. On peut dire cependant que c'est une politique qui nous apparaît articulée. Vous allez me dire qu'elle est irréaliste pour vous parce qu'on a pas essayé ces moyens et que l'on connaît une situation passée. Pour nous, ça pourrait être tenté avec une nouvelle conception, une nouvelle orientation.

M. CARPENTIER: Est-ce que vous croyez vraiment que l'implication de tous les coûts au point de vue exploitation est un problème sérieux à l'égard de toutes ces solutions qu'on peut apporter? Il y a une question de coût et d'efficacité.

M. BACON: Est-ce que vous avez fait une évaluation des coûts de mise en oeuvre de vos recommandations?

M. PEPIN: Non.

M. BACON: C'est un détail.

M. PEPIN: Ce n'est pas un détail. Je sais que c'est important. Mais pensez-vous que c'est possible pour nous autres...

M. BACON: Approximativement.

M. PEPIN: Même pas approximativement. Mais nous nous fions bien à vous et vous allez le faire, nous en sommes bien sûrs, tous et chacun des députés. Nous, nous présentons beaucoup plus un schéma théorique. Nous sommes ici pour vous le présenter. Si vous me demandez, pour chacune des recommandations, quel coût cela représente, je pourrais vous demander, moi aussi, qu'est-ce que cela coûte au Québec la situation présente. Est-ce qu'on a fait une évaluation?

M. LESSARD: Ils ne le savent pas non plus.

M. PEPIN: Je ne le sais pas moi non plus mais cela doit coûter cher. Il y a du gaspillage, à l'heure actuelle. Il y a des choses qui ont été tolérées pendant longtemps et qui n'ont pas été réparées. Alors, si vous me demandez d'apprécier combien cela peut coûter, puisque vous soulevez la question, sans doute que vous devez avoir une certaine idée, je vous avoue que je ne sais pas exactement le prix que cela pourra coûter pour mettre tout cela en application.

Maintenant, si on regarde uniquement les coûts de ce côté, il faut bien s'imaginer qu'il y a, à l'heure actuelle, des coûts qui sont existants. Ces coûts pourraient disparaître et être remplacés par des coûts peut-être plus élevés et où nous visons à ce qu'il y ait un rendement optimum dans l'exploitation de la forêt.

M. CARPENTIER: Il est bien évident qu'à la suite de certaines remarques de certains députés que nous pourrions commencer un débat politique sur tout ça. Mais passons outre. Une deuxième question: La politique forestière formulée par le gouvernement se veut une proposition réaliste, reflétant à la fois une cohérence technique et un souci d'efficacité que tout Etat moderne recherche. En élaborant vos recommandations, avez-vous évalué le coût approximatif qu'impliquerait leur mise en oeuvre? Si oui, vos résolutions seraient-elles plus économiques et plus efficaces que celles soumises par le gouvernement?

M. PEPIN: Je pense que j'ai répondu il y a quelques moments à cette question en disant qu'il n'y a pas eu d'évaluation des coûts de notre part. Je ne sais pas si vous avez fait l'évaluation des coûts quant à vos propositions. Mais en ce qui nous concerne, il n'y a pas d'évaluation de coûts.

M. CARPENTIER: Aucune évaluation jusqu'à présent.

M. PEPIN: Jusqu'à présent. Je ne pense pas d'avoir le temps de faire cela aujourd'hui non plus!

M. CARPENTIER: Vous mentionnez à la page 47 de votre mémoire que la politique forestière du gouvernement du Québec est une intervention de l'Etat qui s'exerce pour assumer l'organisation des travaux improductifs. Pouvez-vous préciser ce que vous entendez en général par "travaux improductifs"? Par exemple, selon votre conception, le travail qu'exécute un ingénieur forestier pour réaliser l'inventaire d'une forêt peut-il être classifié comme productif? Sinon, pourquoi?

M. WASSEF: Cela se réfère beaucoup plus particulièrement aux interventions que l'Etat en général entreprend de plus en plus. C'est-à-dire, on intervient au niveau de l'infrastructure. On va faire des routes. On va établir un système de concessions. On va alléger le fardeau fiscal. En général, les profits de telles opérations vont rejaillir au niveau seulement de certaines compagnies, seulement au niveau de certains individus alors que l'intervention de l'Etat, ce que l'on souhaite, pour être productive, devrait rejaillir sur la collectivité québécoise comme telle, d'abord. C'est ce sur quoi, à la page 47, on fait le point.

M. CARPENTIER: Mais croyez-vous que les profits qui sont réalisés présentement par des entrepreneurs forestiers, ou les compagnies de papier ou les usines de bois de sciage, ne sont pas valables pour la collectivité de la province de Québec?

M. PEPIN: Cela dépend où les profits sont réinvestis. Vous nous dites qu'ils sont valables. C'est bien possible qu'ils soient valables. Cela

dépend où ils sont réinvestis. Si c'est valable lorsqu'ils font des profits, si vous vous en faites comme exploitant de l'Etat, cela va être valable aussi pour la collectivité.

M. CARPENTIER: Est-ce que vous croyez vraiment que ce serait plus rentable que ce soit exploité par l'Etat que par certains individus qui font partie de la communauté des Québécois?

M. PEPIN: Bien sûr, c'est tout le débat de fond. Vous avez sans doute raison de le soulever. Il arrive souvent que chaque fois que l'Etat se mêle de quelque chose, même les députés se disent : Cela ne pourra pas être aussi rentable. On n'est pas aussi fin pour administrer que l'entreprise privée. Il arrive souvent qu'on a ce réflexe. J'estime qu'on devrait s'enlever cette crainte que nous avons. Je ne pense pas que l'Hydro-Québec soit une organisation moins rentable parce que c'est une organisation de l'Etat, parce que c'est une commission qui l'administre et qu'elle dépend de l'Etat. Je pense que nous pourrions en arriver à ce que l'Etat puisse aussi, dans d'autres domaines, dans d'autres sphères d'activité, exploiter lui-même au profit de l'ensemble de la communauté et non pas au profit seulement d'un nombre restreint de personnes.

M. CARPENTIER: La SGF.

M. PEPIN: A la SGF, oui, il y a eu des erreurs, mais il y a eu tellement d'entreprises privées qui ont fait faillite, au Québec, que si c'est parce qu'il y a une faillite quelque part qu'il faut dire que le régime n'est pas bon, même le régime de l'entreprise privée doit être aboli.

M. CARPENTIER: Alors, en définitive, êtes-vous pour l'étatisation ou la nationalisation de toutes les industries forestières au Québec?

M. PEPIN: A long terme, je pense que c'est assez bien dit dans le mémoire — je ne me souviens pas à quelle page — l'Etat ne doit pas être là uniquement pour les choses improductives. L'Etat peut aussi intervenir dans les choses productives. Nous vous proposons la création d'une entreprise d'Etat qui verra aussi à produire du secondaire, à ne pas être uniquement au primaire et il est possible qu'à long terme, l'Etat puisse avoir en main tout le secteur forestier et l'exploitation aussi.

M. CARPENTIER: Dans un autre ordre d'idées, dans votre mémoire, vous mettez en doute le rôle de la planification forestière sectorielle qu'entend instaurer le ministère des Terres et Forêts. Croyez-vous qu'il soit réaliste d'attendre l'instauration, au Québec, de l'aménagement global du territoire, alors qu'il est urgent de rationaliser la gestion des forêts?

M. WASSEF: Vous faites allusion, je suppose, au zonage?

M. CARPENTIER: Oui, précisément.

M. WASSEF: Dans ce cas, si nous ne sommes pas du même avis que le ministère des Terres et Forêts, c'est que nous croyons que ce serait relativement facile de zoner rapidement le territoire et de le confier à une seule autorité. Dans ce cas, le ministère des Terres et Forêts — on l'avait fait disparaître dans le mémoire, mais là, il reparaît...

UNE VOIX: Le ministre va être content! M. WASSEF: Il y aura une tache là-dessus!

M. CARPENTIER: Supposons qu'une compagnie qui possède certaines concessions présentement se voie enlever une certaine partie de ses concessions pour en alimenter une autre qui est plus proche, quelle est votre vision d'ensemble de tout ce problème?

M. WASSEF: La vision, en ce moment, est une vision d'ensemble. Il faut replacer les choses dans leur contexte et prendre le mémoire comme il est. En ce moment, vous faites référence à un point particulier. Mais si on abolissait toutes les concessions et s'il y avait juste l'Etat qui avait en charge toutes les forêts publiques et les forêts domaniales, aujourd'hui la question du zonage ne se poserait pas comme telle. Il s'agirait d'avoir une seule intervention, une seule autorité en place qui pourrait alors prendre soin de tous les autres petits programmes sectoriels a côté, entre autres la récréation, entre autres les routes, entre autres tout. Je ne sais pas si je me fais comprendre.

M. CARPENTIER: Ne croyez-vous pas que des compagnies aussi importantes, disons, que celles que nous connaissons sur le territoire québécois présentement se doivent d'avoir un certain approvisionnement à long terme pour pouvoir fonctionner d'une façon normale? Comment pouvez-vous, à court terme, donner un certain territoire à une compagnie ou à un exploitant, à l'intérieur de tout ce secteur et changer cela graduellement? Comment pouvez-vous voir cela, dans ce contexte?

M. WASSEF: Si on a un plan d'aménagement qui est bien fait et qui est effectué avec les producteurs, je ne pense pas que ce problème puisse se poser.

M. CARPENTIER: C'est un peu cela qui est fait présentement. Vous semblez vouloir dire que ce qui est fait présentement n'est pas tout à fait correct ou, du moins, ce que l'on propose. Avez-vous une solution?

M. WASSEF: Sur ce point plus particulière-

ment, nous ne disons pas que nous ne sommes pas d'accord avec le ministère, mais il faut le mettre dans tout le contexte de ce mémoire. Sur ce point, nous sommes d'accord, mais sur les autres points!

M. CARPENTIER: Alors, vous commencez à reconnaître l'importance du ministère des Terres et Forêts?

M. WASSEF: De tous les ministères.

M. CARPENTIER: Dans un autre ordre d'idées, la création d'une société d'exploitation forestière semble être l'une de vos principales recommandations. Existe-t-il des arguments d'ordre économique pour étendre l'action de cette société à l'ensemble du Québec? Avant d'entendre votre réponse, je désire vous rappeler que la politique forestière du ministère des Terres et Forêts prévoit déjà que Rexfor pourra effectuer des exploitations commerciales quand il y aura des économies d'échelle appréciables à réaliser. D'autre part, votre autre mémoire sur le sujet soumis au gouvernement l'automne dernier ne comportait pas une proposition aussi catégorique au chapitre de l'exploitation.

M. PEPIN: Votre question précise? M. CARPENTIER: Je vous relis...

M. BACON: En fait, pourquoi proposez-vous la création d'une société d'exploitation forestière, alors que déjà Rexfor existe et qu'on pourrait peut-être élargir ses activités?

M. PEPIN: Si Rexfor peut être modifiée dans le sens que nous le réclamons pour Soquef, je pense qu'il n'y aura pas beaucoup d'ennuis. Ce n'est pas la question d'appellation qui est importante. Je pense que la création d'une telle société d'exploitation va être importante si c'est vraiment l'Etat qui possède toutes les terres publiques ou les boisés publics, les forêts domaniales. Cela va prendre quelqu'un pour administrer. Cela pourrait être le ministère, si vous préférez que ce soit lui. Mais il me semble que, dans un cas comme celui-là, on ferait l'analogie avec le domaine de l'électricité, où il y a une commission hydro-électrique pour administrer tout le réseau; ici il y aurait une société qui y verrait.

Si vous voulez que ce soit Rexfor — parce que vous pensez que la vocation de Rexfor irait jusque-là — je pense bien qu'il n'y a pas de principe là-dedans. Mais, comme structure, il est mieux d'avoir une société distincte pour administrer toute l'exploitation forestière.

Je pense qu'au plan administratif à tout le moins il serait de beaucoup préférable pour un gouvernement — s'il s'en allait dans cette direction — de créer une régie complètement séparée pour voir à l'exploitation forestière au complet.

M. CARPENTIER: Est-ce que le fait, par votre organisation, de proposer un autre organisme comme celui-là — contrairement à ce que vous aviez fait l'an passé — est dû à des études que vous auriez faites au cours de l'année ou quelque chose du genre?

M. PEPIN: Nous sommes toujours — et vous autres aussi, j'imagine — en évolution. Nous essayons de raisonner et de réfléchir sur tous les problèmes. Nous avons cru — et ça a été une décision prise au cours d'un congrès de la Fédération des travailleurs des pâtes et papiers — que créer une telle société, c'était absolument important, pour autant qu'on assume comme base que c'est l'Etat qui va exploiter la forêt. Nous pensons qu'on ne peut pas le faire au cabinet des ministres à toutes les semaines et que ça prend une commission séparée pour voir à l'administration de tout cela.

Depuis un an, si nous avons réussi à penser à autre chose, vous ne pouvez pas tellement nous en vouloir de ce côté-là. Nous essayons de soumettre des propositions adaptées aux circonstances.

M. CARPENTIER: Pas nécessairement, mais Rexfor existait déjà. Qu'est-ce q'ui vous a amené à suggérer un autre organisme qui pourrait prendre charge à peu près de tous les domaines?

M. PEPIN: Ou je me trompe, M. le député, ou il me semble que la vocation de Rexfor ne va pas aussi loin que celle de la société que nous proposons de créer. Rexfor a été mise au monde dans un tout autre contexte que celui que nous proposons dans notre mémoire. Rexfor n'existe pas, alors que toutes les forêts appartiennent et sont exploitées par l'Etat ou par le Québec lui-même. Rexfor existe comme quelque chose qui est un peu une suppléance lorsque ça ne peut pas fonctionner. Et c'est aussi pour ramener le bois dont on n'avait plus besoin et qu'il nous fallait détruire.

A ce moment, il me semble que Soquef est un autre instrument qui a une vocation beaucoup plus grande que Rexfor à l'origine. Si vous me dites que c'est Rexfor, quant à vous, qui doit avoir cette vocation, nous changerons les mots et nous dirons que c'est Rexfor. Pour autant que ça respecte tout.

M. DRUMMOND: Mais, M. Pepin, le tome II a préconisé un rôle accru pour Rexfor en ce qui concerne l'exploitation forestière dans des endroits où ce serait nécessaire et économiquement rentable.

M. CARPENTIER: Par la formation de ce nouvel organisme, est-ce qu'encore là vous voudriez la disparition du ministère des Terres et Forêts?

M. PEPIN: Si c'est vraiment ça qui est le point chatouillant de tout le débat, si c'est parce que le rôle du ministère se trouverait

réduit, j'espère que nous allons pouvoir bien nous comprendre. Un ministère ou une société, ce sont vraiment des structures. Et, si cette structure correspond mieux aux besoins, nous allons la maintenir.

Mais s'il y en a une autre qui fonctionne mieux, il ne faut pas hésiter, pour que les situations économiques se développent bien, à mettre de côté des structures qui ne seraient pas valables. Mais il y aura toujours un ministère des Terres et Forêts. Il y aura toujours un ministre qui répondra des diverses sociétés qui seraient créées si vous acceptez notre plan. A ce moment-là, il y a quelqu'un qui doit répondre en Chambre de ce qui se passe dans ces diverses sociétés.

Si je comprends bien, le ministre des Richesses naturelles répond en Chambre de ce qui se passe à la Commission hydro-électrique; je pense que c'est ainsi qu'on procède et ça prendra sans doute toujours un ministère. Le ministre aura à répondre en Chambre de ce qui se passe dans les diverses sociétés. Mais probablement que vous tendez à minimiser le rôle que nous voudrions donner au ministère. J'ai bien l'impression que M. Drummond se trouvera sans doute, s'il est encore ministre de ce portefeuille, bien des choses à faire parce que quand cela aura à être appliqué, le ministre aura beaucoup de choses à surveiller pour que ça s'applique d'une manière convenable.

M. CARPENTIER: En somme, vous voulez sécuriser le ministre ou le ministère.

M. PEPIN : Je ne veux pas lui nuire.

M. CARPENTIER: Quels avantages effectifs la collectivité et les utilisateurs pourraient-ils retirer du fait que l'Etat deviendrait l'exploitant unique des forêts publiques, et comment les industriels du bois pourraient-ils être assurés que leur principale matière première ne leur coûterait pas plus cher?

M. PEPIN: Est-ce que ça va leur coûter plus cher ou moins cher? J'espère bien que ça ne leur coûtera pas plus cher, que ça va leur coûter meilleur marché parce que, pour moi, il pourrait y avoir une rationalisation plus grande. Maintenant, ce n'est peut-être pas dans vos vues. Moi, je pense qu'il y a moyen de rationaliser le territoire différemment de celui qu'on connaît présentement. Regardez les coûts que vous avez publiés vous-mêmes, vous nous faisiez un reproche gentil, au point de départ, d'avoir reproduit certaines parties du livre blanc du ministère. Mais c'était justement pour démontrer quelle était la situation.

Quand on voit le coût du bois tel qu'il est, on présume que si les concessions forestières données comme elles le sont présentement, que si une compagnie exploite, a une concession et qu'elle doit transporter son bois à des centaines de milles alors qu'une autre compagnie, là-bas, utilise le bois et le retransporte dans l'autre sens, on pense que s'il y a un contrat qui est signé entre ceux qui font de la transformation, donc du secondaire, avec Soquef — ça peut être des contrats à long terme par lesquels la société s'engage à fournir du bois de telle qualité et de telle quantité à chacune des années — je crois que les compagnies, de cette façon-là, n'auraient pas à craindre de manquer d'approvisionnements.

M. GIASSON: Dans la vision d'une forme globale de tout le secteur forestier au Québec, est-ce que vous concevez que l'Etat serait maître d'oeuvre au point de vue de la récupération et de l'exploitation en forêt, quitte, de cette façon, à alimenter les usines qui sont l'entreprise privée dans le moment? Ou si votre concept global voit l'Etat maître d'oeuvre au niveau de toute l'opération forestière au Québec?

M. PEPIN: Premièrement...

M. GIASSON: C'est-à-dire l'Etat, propriétaire des usines, qui prend la matière première là où elle se trouve et qui la rend aussi loin qu'on peut la rendre en fonction d'une conception globale du problème.

M. PEPIN: Le fond actuel de notre thèse, c'est que l'Etat doit exploiter lui-même les forêts. Nous avons donné dans le mémoire, je ne me souviens plus à quelle page, je l'ai lu tantôt, une indication que l'Etat doit aussi avoir une compagnie ou une entreprise pour faire de la transformation, donc du secondaire. Et nous indiquons là-dedans qu'il est possible qu'à plus long terme ce soit l'Etat qui soit le maître d'oeuvre de tout. Mais l'étape que nous suggérons à l'heure actuelle, c'est que l'Etat soit le maître d'oeuvre de la forêt d'abord, qu'il y ait une société de la couronne pour les fins de transformation pour le secondaire et, éventuellement, il pourrait arriver que l'Etat québécois devienne le maître d'oeuvre de tout le domaine forestier.

Je ne verrais pas beaucoup de mal là-dedans. S'il se réalise des profits, ce sera pour tout le monde et non pas pour quelques-uns seulement.

M. GIASSON: Mais on n'a pas l'impression qu'au Québec, en ce qui touche le domaine forestier, on a poussé à fond des expériences d'exploitation sur la base coopérative.

M. PEPIN: On le recommande aussi là-dedans.

M. GIASSON: Mais concevez-vous que l'exploitation forestière comme telle, la première phase de l'opération, pourrait être structurée de façon à permettre une utilisation maximale de la formule coopérative? Tout à l'heure, vous avez énoncé l'idée qu'on devait tendre à ce que

les profits à retirer de cette ressource servent d'abord la collectivité dans son ensemble. L'utilisation à fond de train de la formule coopérative permettrait, à l'intérieur de cette collectivité, à des groupes assez imposants dans certains cas, de participer de façon directe et d'être maîtres d'oeuvre dans les gains à réaliser pour la collectivité.

M. PEPIN: La cinquième recommandation que nous faisons touche le point que vous soulevez à juste titre. Maintenant, c'est peut-être un peu trop restrictif, ce qui est marqué comme cinquième recommandation, parce qu'il s'agit de coopératives surtout pour des travailleurs forestiers qui n'ont pas un très grand boisé, qui n'ont pas énormément de territoire, mais aussi pour lesquels ce n'est pas tellement rentable à l'heure actuelle, semble-t-il. Le fait de développer les unités coopératives d'exploitation forestière, cela fait partie aussi de nos recommandations de ce côté-là.

Si vous élargissez le débat et le prenez tel qu'il est, présentement il y a sûrement des choses qui ne vont pas puisque le coût du bois est aussi élevé. Il y a des raisons de climat, il peut y avoir aussi une série de facteurs étrangers et extérieurs à nous sur lesquels on ne peut rien faire. Mais il y a sûrement des choses qui peuvent être rationalisées davantage quant aux concessions accordées et qui sont là depuis des générations, peut-être. Des concessions sont accordées à des compagnies et même si c'est renouvelable à tous les ans, en principe, effectivement il y a un renouvellement quasi automatique, j'imagine. Si c'est l'Etat qui contrôle toute l'exploitation, si les petites unités — parce que c'est surtout pour les petites unités, à l'heure actuelle, que les problèmes sont énormes relativement aux propriétaires forestiers — vivent sur une base de coopérative, l'Etat, exploitant lui-même le plus gros total des forêts publiques, des forêts domaniales, pourra mieux rationaliser que dix ou quinze compagnies.

Une compagnie peut rationaliser pour elle, elle ne peut pas rationaliser pour le voisin ou la voisine. L'Etat peut y pourvoir plus facilement s'il y a un contrôle sur l'ensemble et vendre le résultat, le bois aux producteurs, à ceux qui font de la transformation. Leur métier, à ces gens qui font de la pâte, du papier-journal, du carton ou d'autres produits, c'est d'abord et avant tout de livrer du papier-journal. Si on leur fournit la matière première, leur usine va être utilisée comme à l'heure actuelle, avec la technique qu'ils ont. A ce moment-là, ils ne perdraient rien de ce côté.

Il arrive aussi — c'est mentionné dans le mémoire et je pense que c'est difficilement contestable — que les compagnies, parce qu'elles ont eu certains avantages — particulièrement, le Kennedy Round a été un avantage, deuxièmement, le cours du dollar — pendant cette période où le cours du dollar était plus favorable pour les compagnies en raison du commerce extérieur, n'ont pas fait tout l'effort nécessaire pour rajeunir leurs usines parce qu'elles n'avaient pas besoin tellement de cette incitation puisqu'il y avait un autre moyen pour elles de réaliser des dollars. A ce moment-là, il y a eu une certaine incurie et je pense que la plupart des gens qui sont dans cette industrie vont le reconnaître. La taille et le vieillissement des usines sont importants. Regardez les investissements qui se sont faits ici au Québec. C'est le ministère lui-même qui les a donnés, je pense qu'ils sont dans le livre blanc. Les investissements, au Québec, sont peut-être 10 p.c. à peu près des investissements qui se sont faits ailleurs et particulièrement dans l'Ouest canadien. Il y a sans doute de bonnes raisons d'en faire plus là-bas qu'ici, mais quant à moi, il y a eu une certaine paresse, une certaine incurie de la part de la plupart des compagnies pour que les usines restent ce qu'elles sont. Elles sont vieilles dans beaucoup de cas, elles ne sont pas rajeunies et cela a un impact très important et très sérieux au niveau de la main-d'oeuvre.

Si l'Etat a le contrôle de l'exploitation forestière, bien sûr que dans ses tractations avec ses clients, qui seront ces compagnies-là, il pourra y avoir des échanges beaucoup plus sérieux et on pourra leur dire: Ecoutez, si vous voulez avoir telle quantité de bois, arrangez-vous donc pour rationaliser votre usine pour que cela aille un peu mieux parce qu'autrement il y aura perte de marché. Nous insistons aussi beaucoup sur l'ouverture de marchés nouveaux. Est-ce qu'il y a moyen? Est-ce réaliste? Peut-être me direz-vous que cela ne peut pas se faire par le truchement d'un organisme d'Etat mais il me semble que ce n'est pas, en théorie à tout le moins, irrationnel de croire qu'on pourrait mettre au monde une telle régie pour que les marchés nouveaux soient trouvés par l'intermédiaire de cette régie.

M. CARPENTIER: D'après vous, selon votre exposé, quel serait le coût comparatif entre un organisme d'Etat et un organisme privé comme les détenteurs de permis ou les compagnies forestières actuelles que l'on connaît dans la province?

M. PEPIN: Je n'ai pas de réponse, je présume que cela coûterait meilleur marché.

M. CARPENTIER: Vous le présumez seulement.

M. PEPIN: Je le présume.

M. CARPENTIER: Vous le présumez.

M. PEPIN: Là-dessus, je vous l'ai dit à quelques reprises, il n'y a pas eu d'évaluation des coûts et je ne pense pas — c'est intéressant pour tout le monde — que ce pouvait être l'objet de notre travail de rechercher quel coût supplémentaire cela va représenter ou quel coût moindre cela va représenter.

On sait, cependant, que lorsqu'on réclame l'abolition de tous les intermédiaires, il est possible qu'il y ait de l'épargne quelque part. Ce n'est pas à exclure comme épargne éventuelle. Mais de combien, en millions de dollars ou autrement, je ne le sais pas.

M. DRUMMOND: M. Pepin, vous semblez suggérer un système de chantage dans cette régie-ci. Est-ce que j'ai raison de dire cela?

M. PEPIN: Ce ne serait certainement pas le gouvernement qui chanterait.

M. DRUMMOND: Un instant. Dans votre optique, on s'adresse à une compagnie donnée et on dit: Nous contrôlons le bois et, si vous voulez du bois, il faut que vous dépensiez $10 millions pour moderniser votre usine. Est-ce que c'est l'idée?

M. PEPIN: Dans tout le problème des subventions qui sont accordées à l'heure actuelle, cela me semble être cette forme de chantage qui existe. Si vous voulez avoir de l'argent, vous allez être obligés de créer quinze emplois. Bien sûr que, l'an prochain, vous pourrez en perdre, mais, à l'heure actuelle, c'est ce qui se passe quand l'Etat intervient. Si vous intervenez pour leur donner des avantages, leur accorder des privilèges, mêmes si c'est un privilège inscrit dans une loi, à ce moment-là, vous avez aussi le droit d'intervenir pour leur dire? Vous allez faire aussi autre chose. Dans les relations d'affaires, quand on va sur le marché des valeurs, quand un courtier accepte d'émettre des actions, on lui pose des conditions aussi. Autrement...

M. DRUMMOND: Pourquoi un chantage absolu où on a le contrôle de tout le bois et où l'on peut arrêter tout de suite l'approvisionnement en bois si la compagnie ne fait pas quelque chose?

M. PEPIN: Il y a tellement d'autres facteurs qui entreront en ligne de compte, Je ne cherche pas un chantage absolu, ni un chantage relatif. Je dis cependant qu'il y a des situations données. Vous savez bien que vous n'êtes pas pour couper une entreprise, que ce soit Domtar ou une autre, de l'approvisionnement, parce qu'il y a un gros problème social qui en découlerait. Il y a énormément aussi de main-d'oeuvre qui serait impliquée et il y a les conséquences économiques de ce fait. Mais je pense que, dans les relations d'affaires, vous pouvez facilement leur parler.

M. CARPENTIER: Ne croyez-vous pas que les capitaux de risque qui ont été investis tant par l'entreprise privée que par les détenteurs de permis ou quelqu'un d'autre n'ont pas été valables à un certain moment? Si personne n'avait risqué des capitaux à un certain mo- ment... Est-ce que vous pouvez suggérer quelque chose de plus avantageux que ce système qui a été accepté et qui a fait ses preuves dans la province?

M. PEPIN: Tout dépend, encore une fois, de la conception première que vous avez. Si vous dites: Les forêts sont à nous. Nous allons leur en donner quand même, ils risquent quelques dollars parce qu'ils paient des redevances ou autre chose. Si vous croyez que c'est cela qu'il faut faire à tout prix, c'est votre décision. Je pense qu'il y a une autre façon de voir le problème, particulièrement dans la forêt. Vous ne devez pas aimer la situation actuelle plus que je l'aime. Alors, il y a sûrement quelque chose qui ne fonctionne pas quelque part. Vous proposez certaines réformes. Vous n'allez pas jusqu'au problème des structures, me semble-t-il.

Quant à nous, nous avons une vision plus globale de l'ensemble du phénomène pour essayer de régler ces problèmes. Si vous me dites: Ce qui est mieux dans la société, c'est quand il y a quelqu'un qui risque des dollars quelque part et que c'est un véritable risque, à ce moment-là, comme il risque des dollars, il faut lui permettre de faire des profits, quels que soient ces profits. Si c'est cela qui est la conception que l'on doit retenir et la conception unique... Il peut y en avoir une autre, surtout quand c'est une richesse naturelle. Si vous acceptez que cette richesse naturelle soit contrôlée par quelques-uns seulement, c'est une conception. Ce n'est pas celle que nous avons à l'heure actuelle.

M. CARPENTIER: D'un autre côté, vous dites que des entreprises n'ont pas fait d'efforts de modernisation pendant certaines années, lorsque l'on sait très bien que, dans certaines régions, certaines compagnies que je ne nommerai pas ont fait des efforts extraordinaires pour améliorer leurs usines. Si toutes ces usines avaient fonctionné à pleine capacité et appliqué toutes ces améliorations modernes, un nombre de travailleurs considérable que vous représentez auraient été mis à pied. L'entreprise privée, à ce moment-là, a décidé ou accepté de faire marcher certaines de ses machines à un taux réduit pour permettre à un plus grand nombre de travailleurs de garder leur emploi. Est-ce que vous êtes pour ou contre une telle politique?

M. PEPIN: Est-ce une hypothèse que vous formulez ou est-ce appuyé sur des faits? Au niveau des investissements, je vous réfère à la page 7 du mémoire que nous avons. Vous verrez combien on a investi au Québec et combien au Canada.Vous verrez le pourcentage Québec-Canada.

Vous voyez qu'en 1971 il y a eu des dépenses réelles — provisoires cependant — de $50 millions au Québec sur $508 millions dans l'ensemble du Canada pour l'industrie des pâtes

et papiers, ce qui représente 10 p.c. de l'ensemble du Canada. En 1970, ç'a été 16 p.c. En 1969, c'était 29 p.c. On a l'impression que ça tend constamment à diminuer. Je ne sais pas où vous pouvez prendre les faits pour appuyer votre hypothèse. Vous dites que les compagnies vont investir beaucoup, que ça va donner beaucoup de travail. Regardez les investissements, comment ils sont faits au Québec.

M. CARPENTIER: Je comprends très bien. Dans certains secteurs donnés, il faut admettre qu'il y a eu de l'amélioration. Quelles auraient été d'après vous les implications vous concernant directement et quelles suggestions auriez-vous pu apporter pour changer cette optique?

M. PEPIN: Voulez-vous préciser votre question? Je ne pense pas bien la comprendre.

M. CARPENTIER: Disons que dans certaines régions vous avez eu de la modernisation, de l'amélioration. Si on prend ça dans tout le Canada ou dans un secteur donné, je pense que c'est pas mal différent. Si on regarde uniquement dans la province de Québec, plusieurs secteurs ont connu...

M. PEPIN: Entre autres les pâtes et papiers?

M. CARPENTIER: Oui... de bonnes améliorations. Si toutes ces améliorations avaient été accentuées et réalisées et qu'un grand nombre de travailleurs auraient été mis à pied à cause de ces améliorations, quelle aurait été votre position à ce moment?

M. PEPIN: Pourquoi y aurait-il eu des mises à pied à cause des améliorations? Cela ne conduit pas nécessairement à des mises à pied lorsqu'il y a des techniques nouvelles, vous savez, pas nécessairement. A part ça, il y a tout le problème du recyclage de la main-d'oeuvre. Cela fait partie d'un certain plan qu'on peut avoir. Si on prévoit qu'en investissant davantage, en faisant de la modernisation, il y aura tant de centaines de travailleurs qui vont perdre leur emploi, ça peut être prévu. Cependant, ça oblige l'État à prévoir l'ouverture d'autres entreprises, que ce soit dans le même secteur ou dans un secteur connexe, pour absorber la main-d'oeuvre qui s'en va. Je pense que vous ne pouvez sûrement pas être contre la mécanisation ou la modernisation. En tout cas, je ne suis pas opposé à cela. Je pense qu'il sera nécessaire d'en avoir si on veut rester concurrentiel. Quel que soit le système dans lequel vous viviez, il vous faut être concurrentiel quelque part. Quand vous me dites qu'ils n'ont pas investi pour protéger les travailleurs, ce n'est pas ainsi que je vois le problème.

M. CARPENTIER: Vous répondez partiellement à la question, il ne faut pas...

M. PEPIN: S'il y a une partie à laquelle je n'ai pas répondu, allez-y.

M. CARPENTIER: Il ne faut pas bloquer le progrès mais il faut admettre que dans certains secteurs il y a eu des améliorations marquées de modernisation de nos usines.

M. PEPIN: Je n'ai pas d'objection à ça.

M. CARPENTIER: C'est ce que vous sembliez dire tantôt, qu'il n'y avait pas eu d'améliorations.

M. PEPIN: Il y en a eu très peu, c'est ce que je dis. Par rapport aux données officielles, il y en a eu très peu. Par rapport à l'âge des usines, vous le savez, je pense que c'est un fait bien connu du ministère, du ministre et de vous sans doute, les usines sont généralement vieilles. A ce moment-là, c'est moins productif quand on n'a pas changé la machinerie.

M. CARPENTIER: C'est précisément ce que je veux vous dire. Dans certains secteurs de la province de Québec, il y a eu des améliorations marquées du côté de la modernisation.

M. PEPIN: Tant mieux, on n'est pas contre. M. CARPENTIER: Vous l'admettez.

M. PEPIN: Bien sûr, si on ne s'était jamais amélioré, où est-ce qu'on serait? On serait encore au XlVe siècle alors que les autres seraient au XXe. Il faut bien s'améliorer de temps en temps un peu.

M. CARPENTIER: D'accord, ça s'en vient.

M. GIASSON: Vous n'êtes pas d'opinion que le climat actuel qui prévaut au Québec n'incite pas les compagnies à faire des investissements massifs? Vous savez, on n'a rien à se cacher, il y a toutes sortes de courants de pensée qui sillonnent la communauté québécoise. J'ai l'impression que si j'étais un financier ou un industriel et que j'avais des capitaux à investir, quitte à me procurer ce qui manquerait, je regarderais d'abord vers l'avenir pour savoir si l'ensemble du contexte à l'intérieur duquel je veux évoluer me donne une certaine garantie sur l'investissement que je dois consentir. Vous avez donné des chiffres comparatifs des investissements qu'a connus le Québec par rapport à l'ensemble du Canada. On constate une réduction d'investissements ici au Québec, les pourcentages diminuent d'année en année. Il y a peut-être — je ne sais pas, je n'ai pas discuté avec ceux qui peuvent investir dans le domaine forestier au Québec — des hésitations de la part de ces gens. Ils se disent : Où le Québec va-t-il? Le Québec de demain serait quoi?

M. PEPIN: C'est une question un peu plus philosophique. Mais votre question me...

M. GIASSON: Je n'ai pas de philosophie pour le gars qui veut investir.

M. PEPIN: Votre question ne suggère évidemment pas qu'il y a la préparation d'un autre coup de la Brink's, je mets ça de côté.

M. GIASSON: Laissons faire ça, c'est de la dentelle.

M. PEPIN: C'est du passé, quoiqu'hier les nouvelles nous annonçaient certaines choses qui ressemblaient un peu à ça. J'ai écouté le bulletin de nouvelles, on disait que deux sièges sociaux de banques importantes s'en allaient. Une autre compagnie...

M. GIASSON : Disons qu'on laisse ça aux naifs et qu'on revient à ses problèmes.

M. PEPIN: Il me semble que si...

M. LE PRESIDENT: Je voudrais qu'on s'en tienne au mémoire, s'il vous plaît.

M. PEPIN: J'essaie bien! Il me semble que, lorsque M. Rockefeller est venu rencontrer le premier ministre, une déclaration a été attribuée à M. Rockefeller. Si vous parlez au niveau des problèmes d'indépendance Québec-Canada, je crois que M. Rockefeller aurait dit, je n'ai pas la coupure ici, que, pour lui, ce n'est pas ce qui l'intéressait. C'était de voir s'il était capable de réaliser des profits.

M. GIASSON: Mais là, je ne pense pas tellement à l'indépendance.

M. PEPIN: D'accord. Vous pensez...

M. GIASSON: Je pense à...

M. PEPIN: ... la réorganisation sociale.

M. GIASSON: .. une structure nouvelle de la société québécoise où il n'y aurait plus de place pour l'entreprise privée.

M. PEPIN: Où il y aurait moins de place.

M. GIASSON: Disons dans le contexte forestier. Oublions les autres activités.

M. PEPIN: Si c'était une crainte de la part des producteurs ou des investisseurs, peut-être que l'Etat aurait à intervenir encore plus massivement. Mais je ne sais pas si c'est en raison de ça qu'il y a eu une diminution réelle, non pas uniquement en termes relatifs mais en chiffres absolus, des investissements au Québec. Est-ce en raison de ça? La décision d'un entrepreneur ou d'un investisseur ou les motifs de sa déci- sion, je pense que c'est bien difficile à évaluer. Vous pouvez vous dire que c'est parce qu'ils craignent qu'il y ait un Etat socialiste ou encore parce qu'ils pensent qu'ils vont faire plus d'argent ailleurs, et à court terme, et à moyen terme, et à long terme. Je ne crois pas que je puisse répondre d'une manière satisfaisante à votre question, non pas parce que je ne le voudrais pas, mais je pense qu'il n'est pas possible d'intervenir et d'essayer d'apprécier les motifs qui vont forcer, demain ou dans un an, les investisseurs à investir ou à ne pas investir. Leur décision est bien conditionnée par une série de facteurs, je présume. Est-ce qu'un des facteurs est celui-là? Possiblement. Comme je ne suis pas un investisseur, je ne peux pas donner une réponse à votre question.

M. CARPENTIER: M. Pepin, quelle serait, d'après vous, l'urgence de procéder à la création d'un complexe forestier étatisé au niveau secondaire, comme le voudrait votre neuvième recommandation?

M. PEPIN: M. Wassef.

M. WASSEF: De plus en plus, on va parler de domination étrangère. Mais disons qu'il y a plusieurs companies étrangères. Elles importent massivement leur technologie, elles importent également leurs recherches, celles qui les favorisent le plus souvent. Je ne vais pas vous parler des compagnies étrangères. Vous devez savoir à peu près ce qu'elles sont.

Le mémoire pense que le Québec a des préoccupations qui lui sont propres et que seuls les Québécois peuvent résoudre avec leurs propres intérêts. De là, une intervention dans le secteur secondaire par l'Etat pourrait nous amener à développer, pour nos propres besoins, des techniques qui nous soient propres et une recherche appliquée qui nous soit propre au Québec, au lieu de les importer. Ce serait également une connaissance québécoise des modes de production forestière. Je ne sais pas si cela en dit long.

M. CARPENTIER: Non, pas tellement. Parce que globalement, est-ce que les autres pays, comparativement à cela, sur le plan national ou sur le plan international, n'acceptent pas les recherches d'autres pays? Qu'est-ce que vous en pensez pour la province de Québec? Est-ce que la province de Québec est si à part du reste du monde?

M. WASSEF: Parce que c'est caractérisé, comme nous l'avons au Québec, dans tous les secteurs économiques, je pense qu'on peut commencer par celui-là.

M. CARPENTIER: Est-ce que vous pourriez nous nommer certaines caractéristiques?

M. WASSEF: Certaines?

M. CARPENTIER: Caractéristiques.

M. WASSEF: Je vous les ai citées tout à l'heure en vous parlant de toute notre technologie, en vous parlant de la recherche appliquée comme telle. On en a parlé à ce niveau. Ce sont les caractéristiques que nous connaissons au Québec. Il y a de grandes lacunes.

M. CARPENTIER: Vous croyez vraiment que la province est si à part des autres.

M. WASSEF: Je le crois.

M. CARPENTIER: Il y a dix provinces au Canada. Est-ce que Québec fait si exception que ça?

M. WASSEF: Pour l'instant, nous parlions du Québec. Si vous voulez parler du Canada, cela va peut-être se poser dans les mêmes termes.

M. CARPENTIER: Vous avez parlé de recherches sur le plan national ou international?

M. WASSEF: National pour l'instant, si vous voulez, mais nous parlions de la province.

M. CARPENTIER: Oui, mais province versus national, versus Canada ou quoi?

M. WASSEF: Je veux vous dire que c'est un faux problème.

M. CARPENTIER: Une autre question. Votre mémoire traite assez timidement des problèmes de la main-d'oeuvre forestière. Même si cette question n'est pas de la compétence directe du ministère des Terres et Forêts, croyez-vous que ce dernier pourrait quand même jouer un rôle pour assurer le recyclage des travailleurs mis à pied ou pour leur garantir une certaine sécurité d'emploi?

M. PEPIN: Il est vrai que nous avons ajouté une recommandation, sachant bien que cela ne relevait pas directement du ministère comme tel. Nous nous sommes longuement interrogés, à savoir: Est-ce que cela vaut la peine de soulever, à ce moment-ci, tout le problème de la main-d'oeuvre ou s'il faut le soulever à un autre forum? Nous avons décidé de le soulever ici, de ne pas prévoir une extention très grande à notre demande. Mais je dois déjà vous informer, si vous ne le savez pas, qu'il y a déjà une commission de la main-d'oeuvre qui est formée, au niveau du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, où nous sommes représentés, les autres groupements de travailleurs aussi de même que les compagnies. Je pense que le ministère des Terres et Forêts doit avoir un représentant au sein de cette commission.

Il est clair que, dans la mesure où vous prévoyez des changements, sans doute majeurs, au niveau de la composition de la main-d'oeuvre, vous devez avoir tout un programme qui vous permettra de tenir compte des effets sociaux, des conséquences sociales des décisions qui sont prises, donc les programmes de recyclage, les programmes pour que les gens puissent se rebâtir une vie, s'ils doivent sortir de ce marché. Parce que cela ne comprend pas uniquement les. bûcherons ou ceux qui travaillent dans la forêt. Cela comprend aussi les travailleurs d'usines. Vous avez des graves problèmes dans les scieries. On voit la diminution du nombre de scieries. Il y a peut-être aussi une concentration, de ce côté, qui pourrait permettre de maintenir un certain volume de main-d'oeuvre au même point.

Il reste que vous pouvez tenir pour acquis que si cette onzième recommandation est là, même si elle est brièvement exposée, c'est uniquement parce que nous nous sommes demandé s'il était de la compétence de cette commission de traiter de ce point ou s'il fallait le faire ailleurs. Mais sachez que nous sommes actifs là-dessus et que nous essayons d'y pourvoir.

M. CARPENTIER: Est-ce que votre organisme a déjà fait certaines études concernant ce problème?

M. PEPIN: Le problème de la main-d'oeuvre?

M. CARPENTIER: Oui.

M. PEPIN: Oui, il y a pas mal d'études qui ont été faites, à peu près dans toutes les industries. On peut dire qu'à l'heure présente, au ministère, il y a peut-être quatre ou cinq commissions de même type qui siègent pour tenir compte de l'évolution des entreprises ou de l'industrie et des conséquences que cela aura pour les travailleurs.

Là-dessus, je ne sais pas à quelle étude particulière vous pourriez vous référer, mais vous savez que c'est un problème qui n'est pas, cette fois-ci, purement national, dans le sens québécois du terme. Il est à la grandeur et du pays et même de l'Amérique. Je pense cependant que c'est une question de joindre tout cela au développement économique. Si vous fermez des usines et si vous diminuez le nombre d'emplois, vous avez beau recycler du monde, si vous les recyclez dans le vide, alors qu'il n'y aura pas de possibilité d'emploi pour eux, cela ne donne pas grand-chose aux individus et aux travailleurs, sauf de l'aide financière pendant le temps où ils se font recycler. Mais si le recyclage n'a pas un but bien arrêté, c'est rarement bon de procéder ainsi parce que c'est de nature à décourager les travailleurs qui acceptent d'être recyclés et qui, en fin de course, n'ont pas de travail.

M. CARPENTIER: D'après vos études, pou-

vez-vous déterminer que vous avez une augmentation ou une diminution de la main-d'oeuvre dans les exploitations forestières, par exemple?

M. PEPIN: Je ne sais pas si Jean-Guy Morin pourrait répondre â cela. Jean-Guy Morin, qui est le directeur professionnel de la fédération, est membre du comité auquel j'ai référé. Peut-être qu'il pourrait venir répondre à cette question.

M. MORIN: Oui, nous avons siégé au comité de la main-d'oeuvre forestière. Il y a la firme Acres qui a fait une analyse, pendant trois ans, des besoins en main-d'oeuvre dans le secteur forestier. Il y a diminution du nombre d'emplois dans le secteur forestier qui est prévisible, même avec l'automatisation et la mécanisation, qui deviendront de plus en plus poussées. Mais en même temps, à ce comité, des recommandations ont été faites en vue de créer des emplois dans le secteur forestier, en tout ce qui concerne la sylviculture, par exemple. Déjà, vous avez eu des déclarations de personnes du ministère des Terres et Forêts, disant qu'on pourrait créer les 100,000 emplois seulement dans le secteur forestier. Mais il faut prendre les moyens pour les créer.

M. DRUMMOND: Il n'est plus avec le ministère!

M. CARPENTIER: Uniquement du côté forestier, pouvez-vous offrir certaines suggestions pour régler le problème?

M. MORIN: De la main-d'oeuvre? Pour créer des emplois?

M. CARPENTIER: Est-ce que, d'après vos études, vous en êtes venus à la conclusion de suggestions valables?

M. MORIN: Oui, le comité de la main-d'oeuvre forestière, actuellement, fonctionne encore; on travaille encore à ce comité. On a peut-être certains problèmes de juridiction entre le comité de la main-d'oeuvre forestière et le comité de la main-d'oeuvre de l'industrie des pâtes et papiers. Nous attendons encore des réponses des représentants du patronat pour savoir s'ils veulent assister à ce conseil supérieur qui chapeauterait les deux comités. Nos conclusions ont été les suivantes: même si on trouvait des moyens de recycler la main-d'oeuvre, si on ne crée pas des emplois... Et, pour créer des emplois, il faut toucher à tout le problème économique, au problème de la concurrence.

Nous sommes pris entre les deux. Les suggestions peuvent être bonnes. Pour autant que le gouvernement prendra les moyens nécessaires pour créer un climat économique, il y aura une augmentation des emplois. S'il y a seulement des diminutions d'emplois, s'il n'y a pas d'autres moyens, nous n'avons pas de solutions.

M. CARPENTIER: Je vous remercie, messieurs, et je vais céder la parole aux membres des autres partis.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci, M. le Président. En lisant, non seulement le mémoire, mais les communiqués qui ont été distribués ce matin aux media d'information, j'aimerais au départ faire quelques brèves observations d'ordre général. Ce mémoire qui nous est présenté ce matin par la CSN devrait s'intituler: "Pour une politique socialiste appliquée dans un domaine, le secteur forestier", parce qu'il ne faut pas que tout ce que nous disons ici, ce que nous faisons, soit interprété en porte à faux par les citoyens du Québec.

Je ne me prononce pas sur la valeur de la thèse que défend la CSN, mais il est très net, il apparaît clairement qu'il s'agit d'une thèse socialiste que l'on voudrait voir appliquée dans le domaine de l'exploitation, de l'utilisation de la forêt. Cela paraît dès le départ dans le premier communiqué où il est question du rôle de l'Etat, rôle de moteur, et, ensuite, de l'Etat exploitant unique.

C'est là une conception. Je n'ai pas l'intention d'en discuter. Il s'agit d'une philosophie de base. J'imagine que le mémoire qui l'appuie et qui est présenté ce matin par la CSN a reçu l'approbation par voie démocratique de tous les syndicats membres de la CSN et de tous les travailleurs syndiqués qui appartiennent à ces diverses parties constituantes de la Confédération des syndicats nationaux.

Partant de là, je voudrais poser quelques questions à M. Pepin ou à ses camarades afin de dégager exactement le substrat idéologique de ce qui nous est proposé comme formule d'exploitation de la forêt au Québec, formule au sujet de laquelle, je le répète, je ne me prononce pas pour l'instant, mais au sujet de laquelle cependant je voudrais avoir des explications.

M. Pepin, est-ce que vous pouvez me dire si la philosophie qui sous-tend le mémoire que vous présentez est une philosophie nettement socialiste qui tend à l'instauration d'un dirigisme total dans le domaine de l'exploitation forestière?

M. PEPIN: Dès le point de départ, M. Tremblay, j'ai dit que je n'avais même pas besoin, me semblait-il, d'une assise idéologique pour défendre ce que nous avons à défendre, parce que nous avons un domaine qui se détériore constamment.

Nous avons déjà, comme Etat, la propriété de toutes ces terres, de tous ces biens. Comme le système va très mal dans ce coin-là, ce n'est pas au nom d'une idéologie que l'on vient soumettre cette proposition, mais uniquement sur une base très concrète et très pratique.

Le système a failli jusqu'à maintenant et on

essaye d'en instaurer un autre dans le domaine forestier, parce que vous avez bien limité vous-même votre question. Vous me dites: Est-ce vraiment une thèse socialiste dans le sens que c'est l'Etat qui va être le propriétaire de tout? Au point de départ, l'Etat est encore propriétaire des forêts, comme il l'est présentement, mais c'est lui qui va en faire l'exploitation.

Plus tard, s'il n'y a pas moyen, si les choses ne s'ajustent pas différemment, il est possible que l'Etat devienne aussi le propriétaire de toutes les entreprises de production, donc, du secondaire. Je ne viens pas ici pour me demander si ça, c'est du socialisme, quel genre de socialisme et avec quelles nuances. On prévoit une série de mécanismes où il y aura des possibilités de participation. On prévoit des créations de coopératives, comme on l'a indiqué dans la cinquième recommandation. Ce n'est pas au nom d'une idéologie que je viens défendre une telle thèse; c'est dans les termes les plus concrets possible parce qu'il y a une situation qui s'aggrave constamment. On pense que, si l'Etat continue à laisser uniquement à l'entreprise privée le soin d'administrer à peu près toutes ces terres domaniales ou les terres publiques, la situation va continuer à s'aggraver et on essaye d'arrêter l'hémorragie.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, M. Pepin, il est assez clair dans mon esprit, même en tenant compte de votre approche pseudo-pratique, que vous préconisez un contrôle de l'Etat dans le domaine de l'exploitation forestière.

M. PEPIN: Là-dessus, M. le député, je peux dire oui. Catégoriquement, c'est indiqué dans le mémoire.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Bon, c'est ce que je voulais savoir. C'est déjà dans le mémoire, mais je voulais que cela fût consigné au journal des Débats. Je ne dis pas cela parce que j'ai derrière la tête un préjugé ou quelque chose comme ça. S'il s'agit d'une philosophie, libre à chacun de l'apprécier à sa valeur.

Puisqu'on a parlé d'approche réaliste, il faudrait maintenant examiner les conséquences des recommandations pratiques que vous soumettez à l'attention des membres de cette commission. Vous parlez de l'abolition des concessions forestières. Vous avez parlé, à propos de tout cela, du coût du bois, des salaires et ainsi de suite. Est-ce que vous pouvez nous dire — cette question vous a sans doute été posée tout à l'heure, mais j'y reviens — si l'abolition des concessions forestières va entraîner une diminution du coût du bois? Sur quelles études vous appuyez-vous pour dire oui ou non?

M. PEPIN: A ce moment-là, je n'ai pas d'étude personnelle sur laquelle m'appuyer, mais j'essaye de regarder les faits tels qu'ils se présentent à l'heure actuelle. Il me semble que, si c'est l'Etat qui peut distribuer et vendre le bois aux divers producteurs, ce sera plus facile d'en arriver à un meilleur coût. En effet, à l'heure actuelle, les compagnies sont obligées d'aller chercher leur bois dans des régions éloignées de leur entreprise, alors que, plus près d'elles, d'autres compagnies possèdent les boisés et font le chemin inverse.

Si vous demandez, dans les termes les plus concrets, combien de millions de dollars on va épargner ou encore, par rapport aux $30 que le bois coûte présentement, d'après les statistiques, si ça va diminuer à $25 ou $26, j'ai lieu de croire qu'avec une meilleure rationalisation le coût du bois diminuerait. Je n'ai pas de données statistiques à vous offrir.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, partant de cette présomption, M. le Président, je voudrais poser une autre question à M. Pepin au sujet de la création d'une société d'exploitation forestière. Est-ce que vous avez étudié la question afin de savoir ce qu'il en coûterait pour la mise sur pied de cette société d'exploitation forestière? Dans le cas où serait créée cette société, qu'adviendrait-il des sociétés actuellement existantes?

M. PEPIN: Les sociétés existantes... Vous voulez dire les sociétés privées?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pâtes et pe-piers, tout ce qui existe à l'heure actuelle et qui s'occupe d'exploitation, de transformation du bois, etc.

M. PEPIN: Est-ce que vous vous référez aux sociétés privées actuelles, Domtar, CIP?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Tout ce qui s'appelle sociétés; scieries, etc.

M. PEPIN: Alors, pour ces sociétés, elles ont une vocation, à l'heure actuelle, si je comprends, c'est de transformer surtout le bois en papier-journal ou en planches si ce sont des scieries.

Ces sociétés continueront à exister si elles veulent garder leur principale vocation. Mais, pour ce qui est de la transformation ou de l'exploitation même de la forêt, les sociétés ne seront plus dans ce territoire et leur vocation sera exclusivement au plan du secondaire comme tel.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Qu'est-ce que cela veut dire, M. Pepin? Pourriez-vous préciser?

M. PEPIN: Je vais essayer.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je vais vous donner un exemple précis. Prenons les cas de Domtar, de Consol, de CIP, de Price, etc.; que

vont devenir ces sociétés, quels seront leurs rôles dans le monde socio-économique québécois â partir du moment où existerait cette Société d'exploitation forestière? Seraient-elles de simples agents au service du gouvernement ou continueraient-elles d'exploiter la forêt comme elles le font actuellement?

M. PEPIN: Elles n'exploiteraient pas la forêt comme elles le font actuellement. Domtar a des usines à papier, Consol aussi, ça leur prend du bois pour le transformer en papier. A ce moment-là, la matière première serait achetée principalement par elles à la Société d'exploitation forestière. Elles continueraient à faire la transformation. Mais leur matière première, elles l'achèteraient plutôt que d'elles-mêmes aller la chercher en forêt. C'est la Société d'exploitation forestière qui le ferait, qui leur livrerait le bois qu'elles pourraient transformer par la suite.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Par mode de comparaison, quels pourraient être les coûts de ce genre d'exploitation nouvelle des sociétés qui existent à l'heure actuelle, selon le mode que vous préconisez? Quels bénéfices en retireraient les exploitants, d'une part, et les citoyens, d'autre part?

M. PEPIN : Si ma première réponse par rapport au problème des concessions était vraie, s'il y avait diminution du coût comme je l'ai présumé sans que je puisse vous fournir desstatistiques, la deuxième réponse s'ensuivrait. A ce moment-là, s'il y a amélioration du coût du bois par rapport à la situation présente, les compagnies en retireraient aussi des avantages puisque ça leur coûterait meilleur marché pour acheter le bois.

M. GIASSON: Je ne conçois pas qu'il puisse y avoir amélioration du coût. Si, à l'intérieur du retrait des concessions forestières...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, il me semble que...

M. GIASSON: ... les usines existantes ou à créer, s'il y en a à créer, avaient une garantie d'approvisionnement véritablement planifiée, c'est-à-dire si les bassins ou les aires de coupe étaient réservés en vue de diminuer le transport, etc., je ne vois pas une économie réelle à ce que l'Etat fasse l'exploitation forestière comme telle par rapport à l'entreprise privée. Il le ferait à compétence égale.

Sans avoir fait de chiffres, les marges seraient absolument minimes. C'est sûr que, s'il n'y a pas de réaménagement dans les bassins d'approvisionnement, vous allez retrouver une différence. Mais, si c'est planifié au départ, je ne vois pas de différences énormes entre les deux genres d'exploitation.

M. LE PRESIDENT (Lafrance): L'honorable député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je reviens, M. Pepin, à la question que je vous posais tout à l'heure. Où et comment, de quelle façon pourrions-nous en arriver à diminuer les coûts du bois, supposant qu'on applique votre recommandation, si on veut demeurer dans un domaine concret?

M. PEPIN: Oui, je suis dans un domaine concret. Si l'hypothèse est vérifiée à l'effet que présentement certaines anarchies existent, que les compagnies ont leurs bassins d'approvisionnement entrecroisés bien souvent, si cette thèse est vraie et si l'Etat intervient pour lui-même faire de l'exploitation et prendre le bois le plus près d'une usine — peu importe le nom de la compagnie — pour en faire la livraison, l'hypothèse devrait se vérifier, me semble-t-il à tout le moins en théorie. Les coûts seraient diminués. Maintenant, je n'ai pas appliqué le système et, tant et aussi longtemps qu'il ne sera pas appliqué, il sera difficile d'être très précis, même dans des estimations.

Si le Parlement décide un jour d'accepter cette conception, les experts gouvernementaux vont sûrement se mettre â l'oeuvre pour en vérifier chacun des coûts. A la base de tout, il y a une question de conception, c'est clair.

Dans ce cas-là, il me semble que je n'ai pas besoin d'avoir une conception socialiste des choses pour en arriver à une telle conclusion. Mais si le Parlement accepte cette conception, fatalement, il y a des gens qui devront se mettre à l'oeuvre pour vérifier, savoir exactement ce que cela représentera comme déboursés supplémentaires ou déboursés en moins, ce qui serait le postulat de base de ce document.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, M. Pepin, je comprends qu'il y a un postulat de base. Vous venez nous présenter un mémoire qui comporte, au fond, une thèse. L'on se serait attendu que vous nous donniez, nous fournissiez des chiffres sur la valeur, sur ce qui pourrait donner du poids à votre postulat, nous permettre de vérifier. Vous nous dites que vous n'en avez pas. Je ne vous en fait pas reproche, mais je vais vous poser une question. Supposons que l'Etat, d'ici X mois ou X années, disons plutôt X années, décide d'appliquer la politique que vous préconisez, à court terme, qu'advient-il? Qu'est-ce qu'on fait en attendant pour pallier les inconvénients du système actuel que vous avez décrits comme tragiques?

M. PEPIN: Je pense, M. le député, que nous avons prévu, même dans la création de la Société d'exploitation forestière, qu'il y a des étapes à franchir, qu'on devrait prendre les dispositions nécessaires afin que, au terme de cinq ans... Nous prévoyons de le faire par étapes

parce que vous ne pouvez pas faire un changement brusque du jour au lendemain. Dans chacune des lois, il y a des périodes transitoires qui sont prévues. Et si vous acceptez cette conception, je crois que vous devrez aussi prévoir des termes ou des moments où des applications arrivent, mais à des dates différentes suivant tout le plan que vous avez imaginé. A un certain moment, vous pourrez mettre au monde cette société. A un autre moment, vous pourrez donner un pouvoir supplémentaire, mais l'échéancier peut être prévu dans la loi. Nous avons déjà imaginé qu'il y aurait une période de cinq ans de transition avant que la Société d'exploitation forestière puisse agir à plein rendement et avec tout sa vocation.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Entre-temps, les sociétés actuelles qui exploitent la forêt continueront d'investir et de se développer. Au moment où le plan général que vous préconisez sera appliqué, qu'adviendra-t-il de ces sociétés? Qu'est-ce qu'on en fera? Comment pourrons-nous les intégrer dans le système que vous proposez?

M. PEPIN: Ses intentions étant fort bien connues si le Parlement décide d'agir dans ce sens-là, sans doute qu'il y aura des ententes à conclure entre le gouvernement, le ministère et les diverses compagnies pour dire: Quand on va finir l'opération, on va tenir compte des investissements que vous aurez faits. Il pourra y avoir un contrôle, aussi, qui s'exercera de la part du gouvernement dans la période intermédiaire pour qu'il n'y ait pas une politique établie par le gouvernement qui puisse être contrecarrée dans la période transitoire par des décisions unilatérales de compagnies. Je ne sais pas si je me fais bien comprendre.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, mais à la fin de ce terme, M. Pepin, il faudra quand même imaginer des modes de compensation. D'autre part, en attendant d'en arriver au terme, on ne pourra quand même pas paralyser le développement des industries. Alors, quelles modalités suggérez-vous?

M. PEPIN: Je pense que, lorsque la nationalisation de l'électricité s'est faite, cela ne s'est pas fait du jour au lendemain. D'abord, il y a eu un vote provincial. Par la suite, toutes les compagnies savaient que la nationalisation s'en venait. Cela ne les a sans doute pas arrêtées d'investir lorsque c'était nécessaire. Elles ont dû prévoir, avec le ministère concerné, le cheminement requis et tenir compte s'il y avait de nouveaux investissements nécessaires, que dans la transaction finale, on devrait fatalement tenir compte de ces investissements qui se feraient.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Dans le cas de la nationalisation de l'électricité, l'exemple n'est peut-être pas le mieux choisi, ça n'a pas pris cinq ans, d'abord, il ne faut pas oublier que le gouvernement a drôlement payé pour racheter les compagnies, pour les dédommager. Je pense que, dans le plan que vous préconisez pour la forêt, il faudrait procéder de la même façon.

M. PEPIN: Pardon, M. le député, si le gouvernement a trop payé dans le cas de l'Hydro-Québec, je n'ai pas de jugement de valeur à porter ce matin là-dessus. Si vraiment, il avait trop payé, il n'est pas obligé de répéter...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non.

M. PEPIN: ... la même erreur dans d'autres cas.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais nous imaginons bien qu'ayant préparé le mémoire que vous nous soumettez, vous avez déjà une idée de ce qu'il nous faudrait payer pour acheter les compagnies qui seront remplacées par la société d'exploitation forestière?

M. PEPIN: Je n'ai pas d'idées, M. le député.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est dommage. Alors, revenons-en à la recommandation 3: création d'une régie forestière du Québec. Vous avez décrit dans votre mémoire le rôle de cette régie forestière du Québec. Il s'agit d'un organisme gouvernemental avec la société d'exploitation forestière, il y aura deux organismes gouvernementaux, deux régies indépendantes. Vous avez vous-même, tout à l'heure, non pas admis mais vous avez parlé de ce que coûtent les régies gouvernementales. Est-ce que vous pensez que la mise en marche de ces deux régies seront faciles? Est-ce que cette mise en marche sera facile et est-ce que vous avez estimé les coûts de la mise en marche de ces deux sociétés d'Etat?

M. PEPIN: Vous allez trouver ça dommage encore, je n'ai pas estimé les coûts.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je retrouve ça redommage. Maintenant, M. Pepin, vous parlez de la création d'une régie de mise en marché, c'est une chose qui s'entend fort bien à l'intérieur de quelque système que ce soit. Vous parlez aussi de création d'unités coopératives d'exploitation forestière. Est-ce que vous pourriez nous donner des explications additionnelles au sujet de ces coopératives?

M. PEPIN: Je vais demander à M. Wassef.

M. WASSEF: Si vous pouvez préciser davantage votre question, je tenterai d'y répondre.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je crois, M. Wassef, qu'elle est assez explicite. Je vous demande de me dire quelle conception vous

vous faites de ces unités coopératives d'exploitation forestière.

M. WASSEF: Au niveau des petites forêts, des petits propriétaires, vous avez là un nombre assez élevé de petits propriétaires. Afin de rendre...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Qui sont-ils ces petits propriétaires? Où se trouvent-ils? Quelle est leur importance relative? Quels sont les boisés qu'ils exploitent? Avez-vouâ une idée de ce que ça représente globalement ou par unité, par région?

M. WASSEF: Je ne veux pas être indélicat mais si vous aviez lu le tome I du livre blanc, vous auriez fort probablement trouvé toutes ces explications. Je vais passer par-dessus.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est précisément parce que je l'ai lu que je vous pose la question et que je vous demande comment vous les concevez ces unités coopératives d'exploitation forestière?

Prenez le cas des chantiers coopératifs, par exemple. Vous connaissez le problème très bien. Vous êtes venu dans ma région. Il y en a. Qu'est-ce qui se passerait?

M. WASSEF: C'est-à-dire que, dans la proposition que nous formulons, en termes d'exploitation de leurs forêts, nous imaginons que ce serait une formule coopérative qui permettrait de résoudre passablement les problèmes que pose la superficie de leurs boisés. C'est juste par la formule coopérative. Le ministère a fait, à cet égard, pas mal de recommandations que nous estimons être d'importance.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Wassef, vous avez travaillé, j'imagine, dans le domaine de la recherche au sujet des chantiers coopératifs. Quelle est votre opinion là-dessus? Vous êtes d'une région du Québec déterminée, j'imagine?

M. WASSEF: Oui.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous avez sans doute vu en exploitation des chantiers coopératifs. Quelle opinion avez-vous de ces chantiers coopératifs? En regard des propositions que vous faites, comment pourriez-vous les intégrer dans votre système?

M. WASSEF: La grande lacune actuelle des chantiers coopératifs, c'est qu'ils ne disposent pas de moyens financiers suffisants. D'autre part, ils ne disposent pas d'une infrastructure technique, si vous voulez. Ils ne disposent pas de toute la technicité que comporte l'usage rationnel, dans le cas des boisés, de l'exploitation de leurs boisés. Alors, avec les recommandations qu'a faites le MTF et les recommanda- tions que nous formulons également dans notre mémoire, nous tentons de leur donner, à l'aide d'un crédit forestier et à l'aide, naturellement, de certaines structures régionales, la possibilité d'influer sur la production, disons, du boisé ou de cordes de bois.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est clair comme la nuit! Alors, M. le Président, j'aimerais poser une question à M. Pepin au sujet de l'institution d'un crédit forestier. Est-ce que vous pouvez nous dire, M. Pepin, de quel montant devra disposer progressivement le gouvernement, enfin les citoyens, afin d'instituer ce crédit forestier?

M. PEPIN: Là-dessus non plus, je n'ai pas de montant. Cela va être rereredommage! Il reste que je ne pense pas que, lorsque vous avez commencé, en 1936, à avoir des crédits ruraux, vous saviez à l'avance quel montant serait affecté. Au point de départ, vous avez voté un montant de $10 millions ou de $15 millions. D'année en année, vous avez toujours changé la loi pour augmenter les montants. Vous avez calculé les pertes possibles. Il n'y avait presque pas de pertes. Alors, vous ajoutiez des montants. Si vous prévoyez un crédit, au point de départ dans la loi, vous allez marquer un montant, estimant que, pour la première période de fonctionnement, cela pourrait aller et, suivant les expériences, vous allez augmenter les montants graduellement si l'expérience est valable.

Sur ce problème, même s'il n'y a pas de montants prédéterminés et dits par moi, comme il s'agit d'un crédit, ce n'est pas la même chose qu'un investissement direct. Il y a un retour après. Alors, je pense que vous n'avez pas autant besoin là-dessus d'une somme précise que vous sembliez en avoir besoin sur d'autres sujets.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je pense qu'il ne faudrait pas errer ici. On a parlé de la situation difficile des exploitants de la forêt, enfin des petits exploitants. On parle d'un crédit forestier. Alors, j'imaginais que vous aviez des statistiques, que vos recherchistes avaient une idée exacte du besoin en argent.

C'est pour cela que je vous posais la question, M. Pepin, parce que je sais, par-devers moi, quel pourrait être le montant nécessaire, simplement dans la région de chez nous, pour l'institution d'un crédit forestier.

Maintenant, M. Pepin, je voudrais vous poser une question au sujet de ce rôle de l'Etat. Vous parlez de l'Etat qui doit assumer le rôle de moteur, qui doit être, en somme, l'exploitant de la forêt. Qu'advient-il de l'apport de l'investissement étranger dans ce programme général d'exploitation par l'Etat?

M. PEPIN: Pour ce qui est de l'investissement étranger en ce qui concerne l'exploitation

de la forêt, comme nous préconisons que ce soit l'Etat lui-même qui l'exploite, il est possible qu'il puisse aller sur les marchés étrangers, au Japon ou ailleurs, pour avoir des ressources, mais les compagnies comme telles n'auraient pas à investir de l'argent pour l'exploitation de la forêt, puisque c'est l'Etat lui-même qui le ferait. L'apport de l'argent étranger, quant aux compagnies étrangères, si elles continuent à produire, à transformer, donc à être dans le secondaire, elles ont, à l'heure actuelle, des investissements. Elles pourront les conserver. Elles pourront continuer à réinvestir pour améliorer leurs usines, leur production. De ce côté, cela ne change pas. Si l'Etat ne s'occupe d'abord que de l'exploitation forestière, cela ne touche pas au secondaire comme tel. Les compagnies qui existent continuent à exister, continuent, si elles le désirent, à réinvestir leurs profits ou de l'argent nouveau dans ces compagnies; mais pour ce qui est de l'exploitation de la forêt, les compagnies étrangères ou même nationales n'auraient plus à y être, puisque ce serait l'Etat lui-même qui exploiterait la forêt.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): L'Etat lui-même exploiterait la forêt mais où l'Etat prendrait-il l'argent?

M. PEPIN: L'Etat peut aussi réaliser des profits, en exploitant la forêt.

UNE VOIX: Et s'il n'en réalise pas?

M. PEPIN: S'il n'en réalise pas, il fera comme d'autres compagnies qui ne réalisent pas de profits. Mais nous présumerons, quand même, que l'Etat peut réaliser des profits en ce faisant. Je présume bien que l'Hydro-Québec réalise des profits et pour son développement, quand même, l'Hydro-Québec a besoin d'aller sur les marchés, soit nationaux, soit internationaux. Il est possible que dans ce cas aussi, l'Etat, pour les fins d'investissement, ait besoin de recourir au marché financier. Mais on présumera, je l'espère bien, que l'Etat pourra réaliser aussi des profits. Ces profits peuvent être réinvestis, requérant moins de marchés financiers auxquels recourir lorsque de tels profits sont réalisés.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Pepin, à la page 62 de votre mémoire — le mémoire du 23 août — je voudrais vous poser une question. Vous parlez de la création d'un complexe forestier étatisé au niveau secondaire. Vous dites notamment ceci, à la page 62, en' haut de la page: "Il faut rappeler, à ce sujet, qu'une bonne partie des problèmes de l'industrie du bois, au Québec, découle de la vive concurrence des produits substituts, aluminium, plastique, etc." Comment voyez-vous l'avenir, dans cette perspective?

Parce qu'il s'agit quand même d'industries nouvelles qui emploient du monde et des industries qui, évidemment, ont demandé beau- coup de recherches avant de s'installer. Elles sont en voie de développement. Il y a évidemment une concurrence qui se produit. Comment envisagez-vous la normalisation des rapports de rentabilité entre ces industries qui sont les industries du bois et les industries des produits nouveaux?

M. PEPIN: Il est bien difficile de prévoir toute la technologie nouvelle et tous les autres produits qui pourraient remplacer dans certains cas l'utilisation d'une partie du bois. Mais à tout le moins, si on avait une conscience plus certaine que le Québec peut avoir une vocation du côté du bois, on pourrait faire beaucoup plus, dans le domaine du meuble en particulier. Ce serait une recherche importante.

Le meuble, au Québec, subit des aléas assez extraordinaires. Si on pouvait réussir à développer une industrie du meuble beaucoup mieux encore que celle qu'on a développée jusqu'à maintenant — je ne dis pas qu'on n'a rien fait — si on avait notre propre industrie du meuble, cela pourrait aussi aider à l'industrie du bois. Je ne peux pas effacer l'histoire et je ne peux pas prévoir qu'il n'y aura pas d'autres substituts au bois. Mais il faut l'utiliser au maximum, en tenant compte que d'autres produits vont être découverts qui, dans certains cas, vont remplacer le bois. Et peut-être que si on fait une recherche sérieuse de ce côté-là, le bois prendra aussi plus d'espace dans d'autres sphères d'activités.

Si nous le disons, c'est que nous sommes bien conscients qu'il y a un problème réel, mais nous n'avons pas de formule miraculeuse pour dire que le bois va prendre une place plus grande dans les années futures. Il est très difficile de spéculer sur le futur dans ce domaine.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Enfin, M. Pepin, je ne vais pas vous interroger plus que de raison. Votre mémoire a des intentions extrêmement généreuses. Il est appuyé sur une philosophie qu'il nous faudra examiner. Il reste cependant dans notre esprit beaucoup de zones assez obscures, et, si je puis me permettre bien amicalement de vous faire un reproche, c'est de voir extraits de votre mémoire, à des fins de communication à la presse, ses aspects les plus percutants, sans être capable ce matin d'appuyer sur des données factuelles, des données économiques sérieuses les propositions que vous nous faites.

C'est un reproche très amical, puisque nous aurons l'occasion d'examiner en profondeur votre mémoire, de l'étudier.

A l'aide des techniciens et des spécialistes qui sont à notre service, nous pourrons demander au gouvernement de considérer la possibilité d'appliquer certaines des recommandations que vous faites.

Il reste cependant que, si l'on prend l'ensemble de votre mémoire, les propositions se

résument à une prise en charge par l'Etat de la forêt, de l'exploitation forestière et, en termes de philosophie socio-économique, ça s'appelle tout simplement de l'étatisme ou du socialisme. Alors, libre à chaque membre de ce Parlement de formuler son jugement sur cette conception de la société.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Lotbinière.

M. BELAND: M. le Président, j'aurais également quelques questions à poser à M. Pepin et peut-être même à ses collègues. Pour commencer, je veux savoir s'il y a possibilité d'avoir les mémoires. Non seulement possibilité mais j'exige que d'ici 2 h cet après-midi, si la séance reprend à 2 h, ou 2 h 30, si elle reprend à 2 h 30, nous ayons les documents des autres associations ou groupements qui ont des mémoires à présenter, car je ne les ai pas. Je tiens à les avoir à l'ouverture de la séance de cet après-midi.

Pour faire suite à cette observation, si j'avais eu une copie plus tôt de ce mémoire assez volumineux, qui a été préparé par la CSN, il m'aurait été possible de poser une certaine quantité de questions supplémentaires, mais j'irai au hasard.

Cela laisse supposer au début que l'Etat reprenne possession, d'une façon ou d'une autre, de toutes ses forêts publiques. M. Pepin, est-ce que, dans votre optique, vous voulez que l'Etat achète les forêts qui ont été concédées jusqu'à maintenant aux différentes compagnies ou si vous désirez tout simplement que l'Etat en reprenne possession sans achat?

M. PEPIN: Une reprise en main de la part de l'Etat. Il y aurait compensation s'il y a eu des investissements faits pour construire des camps etc., s'il y a de l'équipement qui a été acheté par les compagnies, pour autant qu'on ne le paiera pas deux fois. Si on leur a donné des subventions pour construire ça, ce sera une autre affaire. Mais je n'ai pas à payer la forêt qui est là, qui appartient à l'Etat. L'équipement peut être considéré d'une manière différente.

M. BELAND: Si je vais un peu plus loin dans votre exposé, vous dites, entre autres, qu'en tant qu'unique propriétaire des forêts domaniales et à titre de plus gros propriétaire forestier au Québec, l'Etat devrait prendre les dispositions nécessaires afin qu'au terme de cinq ans il devienne l'unique exploitant forestier des forêts domaniales.

Plus loin, vous dites également que l'objectif sera de prendre le contrôle des industries utilisatrices du bois en créant des entreprises publiques plutôt que de subventionner les entreprises privées. Il est bien clair que dans le passé il y a eu des anomalies flagrantes et même parfois odieuses que l'Etat a laissé faire ou que peut-être même, dans certains cas, que l'Etat a encouragées. Dans votre idée, l'Etat devenant exploitant par cette nouvelle société qui s'appellerait Soquef, avez-vous pris à titre d'expérience des exemples qui ont été vécus ou qui sont vécus présentement ailleurs, dans d'autres pays avant d'apporter cette suggestion?

M. PEPIN: Je pense que cette recommandation n'est pas basée sur des expériences extérieures au Québec; je pense qu'on a fait, à deux reprises dans le mémoire, une analogie avec ce qui s'est passé dans le cas de l'Hydro-Québec. On sait bien que c'est une analogie alors ce n'est pas exactement semblable. Ce n'est pas parce que cela existe ou n'existe pas ailleurs; nous avons pensé que telle devait être la situation ici puisque le bois ici, c'est une de nos richesses naturelles les plus précieuses et elle pourrait être exploitée par la nation elle-même, par l'Etat lui-même.

M. LE PRESIDENT (Carpentier): Il est midi trente et avant de suspendre la séance, je voudrais rappeler au député de Lotbinière que chaque membre de la commission a reçu les mémoires qui ont été présentés. Le député d'Abitibi-Est, qui représente votre parti, a reçu ces mémoires et vous auriez dû vous adresser à lui pour en prendre connaissance.

Deuxièmement, le député de Beauce est aujourd'hui membre de la commission et non pas le député de Lotbinière. Je voulais mettre les choses au point.

M. ROY (Beauce): Un instant. Je m'excuse, M. le Président, mais je voudrais rectifier que durant l'intersession le Ralliement créditiste a droit à deux représentants comme membre de la commission.

M. LE PRESIDENT: Deux représentants mais un membre seulement qui peut venir ici et dialoguer à la commission.

M. ROY (Beauce): A ce moment-là, j'aimerais qu'on indique le député de Lotbinière comme membre de la commission parlementaire à place du député d'Abitibi-Est, M. Tétrault.

M. LE PRESIDENT: Ce matin, vous m'avez demandé de remplacer M. Tétrault.

M. ROY (Beauce): Je m'étais basé sur l'année dernière; disons que j'ai en quelque sorte oublié nos nouveaux règlements.

C'est que, durant l'intersession, pour les séances des commissions parlementaires, il y avait été clairement entendu que notre groupement politique aurait droit à deux membres, au lieu d'un. C'est en partant de ce principe, ce matin, que j'ai demandé, vu que j'étais convaincu que le député de Lotbinière était considéré comme membre de la commission, de me faire inscrire comme membre étant donné l'absence du député d'Abitibi-Est, de façon que nous

soyons deux représentants à la table de la commission, comme Unité-Québec en a quatre et comme la représentation du parti ministériel est doublée, je pense, de sept à quatorze.

M. LE PRESIDENT: Je voudrais rappeler que le député d'Abitibi-Est a reçu les mémoires pendant les vacances et je ne voudrais pas qu'on accuse le secrétaire des commissions qui se charge de les faire parvenir. La séance suspend ses travaux jusqu'à 14 heures 30.

M. PEPIN: M. le Président, je voudrais m'excuser auprès des députés qui ont encore des questions à me poser. Mes collègues seront ici, mais, comme je l'ai dit à l'ouverture ce matin, cet après-midi, je participe à une séance de négociations. Malheureusement, je ne serai pas ici, mais mes collègues seront ici.

M. LE PRESIDENT: La séance suspend ses travaux jusqu'à 14 heures 30.

(Suspension de la séance à 12 h 32)

Reprise de la séance à 14 h 40

M. PILOTE (président de la commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!

La parole est au député de Lotbinière.

M. BELAND: M. le Président, comme nous avons à continuer ce qui avait été abordé ce matin en ce qui concerne une question posée sur le mémoire présenté par la CSN, pour nous replacer dans le contexte et pour comprendre le texte même, je vais lire deux ou trois lignes, ce qui m'amènera à poser une question précise. En page 49, au troisième paragraphe, c'est écrit: "En résumé, au niveau de la propriété de la ressource, la nouvelle politique forestière redonnerait le contrôle exclusif à l'Etat du Québec des forêts publiques. La forêt privée serait sauvegardée, mais assujettie à certaines normes et contraintes d'aménagement et d'exploitation". Ma question est celle-ci, à ce niveau-là: Dans quelle mesure y aurait-il contrainte d'aménagement et d'exploitation? Dans quelle avenue serait-ce dirigé et le reste? Pourriez-vous expliquer davantage ce point-là?

M. WASSEF: On le retrouve assez clairement dans la politique présentée par le MTF où on dit que, dans la mesure où les propriétaires privés se conformeraient à certaines règles d'aménagement, ils auraient droit à certains bénéfices, surtout au niveau de l'aménagement, du reboisement, de la coupe de leurs boisés. Il y aurait également des aides possibles à ces petites propriétés. On le retrouve généralement dans le MTF, ce n'est rien de nouveau.

M. BELAND : Selon votre optique, sur les forêts privées, les domaines privés, est-ce que vous iriez jusqu'à prétendre que ce serait Soquef — parce que ce serait Soquef qui serait la principale entreprise au niveau des terres et forêts — qui dirait, telle année à tel propriétaire: Toi, c'est 50 cordes que tu peux couper cette année, point?

M. WASSEF: Cela pourrait aller jusque-là.

M. BELAND: Même en dépit de n'importe quelles raisons qui peuvent être parfois des raisons extraordinaires, très locales? En dépit de ça, si Soquef décide telle chose, c'est ça, point?

M. WASSEF: Bien, écoutez, vous dites des raisons spéciales; je n'en sais rien, moi. Quelles sortes de raisons spéciales est-ce que ça peut être? Avez-vous une idée en tête quand vous dites des raisons spéciales?

M. BELAND: Justement, dans votre optique, quelles sont les normes exactes que Soquef dicterait aux entreprises privées ou aux propriétaires de lots privés?

M. WASSEF: Disons que pour se conformer à une utilisation optimale de nos forêts, il y a certains besoins qui vont être formulés. Dans ce temps-là, il faudrait que les petites propriétés privées et les autres puissent également se conformer à ces divers plans. Alors, on pourrait, dans la mesure où l'Etat leur propose certains allégements ou une certaine aide, les amener à se conformer aux principes que l'on pourrait édicter au niveau d'un plan provincial d'aménagement forestier. Ce serait l'idée générale à en retirer. Ce n'est pas un traquenard. On ne cherche à brimer personne. Il s'agit simplement d'aller chercher une utilisation optimale de ces forêts. C'est tout.

M. BELAND: Alors, dans ce cas-là, quel serait le rendement optimal dans le sens que vous donnez? Pourriez-vous préciser cela quelque peu?

M. WASSEF: On pourrait dire, à partir de là, qu'afin d'atteindre une utilisation optimum de nos forêts, des plans seraient élaborés en même temps avec le ministère des Terres et Forêts, les producteurs et, qui voulez-vous encore, tous les agents, en fait, de l'activité économique forestière.

M. BELAND: Plaçons-nous exactement dans le contexte. Supposons, par exemple — comme il est dit un peu plus loin, on le retrouvera tout à l'heure — que dorénavant ce serait cette entreprise de la couronne qui aurait tout pouvoir de décision quant à ce qui concerne l'exploitation ou l'aménagement forestier. Or, il est prouvé que dans un secteur de la couronne, il y a un coin où il y a perdition de forêt, où la forêt est rendue à maturité, etc. Par contre, dans le même temps, la même année, il y a, dans des forêts privées, à peu près le même phénomène qui se produit dans certains secteurs. Comme il est dit dans votre mémoire que Soquef va décider en tout et partout, je ne me rappelle pas des mots exacts, il y aura prédominance sur les propriétés de la couronne avant tout autre endroit.

A ce moment-là, est-ce que le bois en perdition dans les forêts serait tout simplement laissé de côté cette année-là alors qu'on travaillerait pour récolter le bois sur les terrains de la couronne en tout premier lieu? Est-ce bien ce que vous voulez dire?

M. WASSEF: Je ne dirais pas que c'est cela. Tout ce que l'on tente de faire, c'est d'obtenir une utilisation optimale. Alors là, optimale, vous pouvez mettre des petits points noirs comme celui-là, par exemple. Il peut arriver une mauvaise gestion, à un moment donné. Mais si on tente d'obtenir une utilisation optimale de cette forêt, il ne devrait pas y avoir des lacunes comme celle-là. C'est tout.

UNE VOIX: Elle existe présentement.

M. ROY (Beauce): Supposons que la lacune existe. Ce que le député de Lotbinière veut savoir, c'est dans quel secteur de la forêt privée ou de la forêt publique vous allez accorder la priorité au point de vue de l'exploitation, advenant le cas de restrictions de toutes sortes qui entraîneraient, en quelque sorte, une diminution de la production forestière alors que des secteurs de la forêt privée comme de la forêt publique seraient en perdition, à cause de phénomènes de la nature, par exemple, soit à cause d'insectes ou de la température?

M. WASSEF: Dans les propriétés privées, l'exploitation sera laissée aux propriétaires comme tels. Tout ce qu'on peut faire, c'est planifier, plus ou moins, leur coupe, en fait, leur sylviculture si c'est possible.

M. GIASSON: Tentons de prendre des cas précis. Supposons un élément de la nature. Il y a des dommages de causés à la forêt publique par une maladie ou la tordeuse du bourgeon d'épinette ou tout ce qu'on peut imaginer. On suppose que Soquef décide qu'il y a urgence de faire des coupes dans des endroits qui sont affectés de cette manière, pour laisser moins gaspiller de matière. Elle fait porter l'effort de ce côté. Il reste qu'au Québec, tout de même, il faut reconnaître qu'on a des dizaines et des dizaines de milliers de petits propriétaires qui font des opérations forestières, qui mettent chaque année des centaines de milliers de cordes de bois sur le marché. La question du député de Lotbinière, si je l'ai bien saisie, est â savoir si, dans votre optique, Soquef devra donner une priorité absolue au domaine public, quitte à laisser de côté toute la production des petits propriétaires, parce qu'il y a urgence du côté du secteur public. Est-ce bien l'idée du député?

M. BELAND: Exactement.

M. ROY (Beauce): C'est la question que nous posons.

M. LESSARD: Ce n'est pas ainsi que cela se décide.

UNE VOIX: Vous poserez vos questions après.

M. LESSARD: Justement, si je peux avoir la chance de les poser.

M. BELAND: Pour l'instant, ce n'est pas le député de Saguenay qui a posé la question. Ce n'est pas à lui de répondre non plus, c'est au représentant de la CSN parce que, justement, c'est dans son document.

M. WASSEF: En réalité, Soquef a d'abord un rôle au niveau des forêts domaniales, des forêts publiques, si vous voulez. A partir de là,

s'il existe un cas comme celui que vous mentionnez, il s'agira de l'examiner et de voir si Soquef peut le faire. Si elle peut le faire, je ne vois pas pourquoi elle ne le ferait pas. Si les propriétaires privés sont d'accord.

Il ne faut pas laisser de côté, pour votre information le fait qu'il existe quand même chaque année une mise en marché d'environ 1,900,000 cordes de bois qui proviennent de terrains privés, de petits propriétaires.

M. WASSEF: Je suis d'accord sur ça.

M. BELAND: Alors, il existe de très vastes territoires, où justement — tout le monde le sait, il n'y a pas de cachette dans les territoires de la couronne — le bois est en perdition. Cela existe. Mais, dans votre mémoire, vous y avez certainement pensé assez profondément pour élaborer des choses comme ça. C'est pour ça que je vous posais la question, tout simplement.

M. WASSEF : Je vous ai répondu de cette façon, en vous disant que Soquef a d'abord une vocation publique, les forêts publiques. Ensuite si des cas se présentent, comme vous les entendez, je ne vois pas pourquoi on arrêterait ça là. On pourrait aussi exploiter des propriétés privées pour autant que les propriétaires le veulent.

M. BELAND: Allons un peu plus loin. Cela m'amène à vous poser une autre question. Pour ce qui est de Soquef, vous dites en page 51: "Cette société aurait les mêmes statuts et les mêmes attributions qu'une société de la couronne. Elle devra dans sa gestion jouir d'une indépendance totale vis-à-vis du gouvernement." Est-ce que vous croyez cela possible?

M. WASSEF: On a des exemples de régie des entreprises publiques. Vous avez l'Hydro-Québec, qui est une régie.

M. BELAND: Est-ce que Sogefor était complètement indépendante du gouvernement?

M. WASSEF: Je ne peux pas vous répondre, je n'étais pas là.

M. BELAND: Vous ne voulez pas vous mouiller les pieds? Très bien.

M. GIASSON: Ce n'est pas que je n'accepte pas qu'on compare toujours la société de la couronne à l'Hydro-Québec...

M. LESSARD: M. le Président, j'invoque le règlement. Ce matin nous avons donné toutes les chances possibles aux députés ministériels de poser des questions. Le parti de l'Opposition officielle, l'Unité-Québec, a eu l'occasion de poser aussi ses questions. Nous sommes rendus à trois heures moins cinq. Je suis d'accord qu'on puisse entre-temps intervenir et poser des questions.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous n'avons posé que quelques questions. Nous en avons d'autres. Parce que, moi, la première que j'aurai à poser c'est qui est le recherchiste...

M. LESSARD: Point de règlement, M. le Président. Je demanderais que le Ralliement créditiste continue de poser ses questions. S'il y a d'autres intervenants, de grâce qu'on laisse le Ralliement créditiste poser ses questions et, par la suite, le Parti québécois pourra lui aussi poser un certain nombre de questions.

Là, je trouve que depuis le début de cette séance, malheureusement, le dernier parti, même celui qui a le plus grand nombre de voix, 24 p.c. des votes par exemple, n'a jamais l'avantage de poser toutes les questions puisque l'autre jour, on nous a dit: Lessard, il te reste une demi-heure pour poser des questions.

Ce n'est pas comme ça que ça doit fonctionner. Autant que possible, on doit donner l'occasion à chacun des partis de poser ses questions.

M. LE PRESIDENT: Je prends bonne note de vos recommandations. La parole est au député de Lotbinière.

M. BELAND: Je continue mes questions. A la page 53 de votre document, concernant la disparition des intermédiaires, courtiers, marchands de bois à pâte, dans la mise en marché du bois, vous précisez quelque peu, mais est-ce que, compte tenu de cette énumération vous incluez les plans conjoints de producteurs de bois qui, aujourd'hui, prennent quand même une place très importante dans la mise en marché et qui constituent en quelque sorte un intermédiaire? Ce sont les producteurs qui ont mandaté quelqu'un parmi eux pour négocier le bois qu'ils avaient à mettre en vente.

Si je devine bien, vous préconisez la disparition également de tout mandataire quelconque des producteurs de bois, forêts privées, pour la vente ou la mise en marché du bois.

M. JACQUES: J'aimerais souligner un fait. D'une part, dans les forêts publiques, avec le système de concessions forestières que nous connaissons depuis X années, on se rend compte que les forêts publiques sont sous-utilisées à environ 35 p.c. D'autre part, les petites forêts privées sont surexploitées. Nous, de la CSN, nous n'avons pas l'intention de dicter une politique aux propriétaires privés, nous sommes plus ou moins concernés. Mais nous émettons une possibilité de solution ou de moyen de fonctionnement qui serait, non pas le démantèlement mais le regroupement des propriétaires privés comme tels, afin d'avoir une certaine adéquation de l'offre et de la demande des produits, c'est-à-dire du bois sur le marché.

Pour que la régie d'Etat soit le seul vendeur, il achèterait le bois des propriétaires privés et le mettrait sur le marché ensuite. Cela éliminerait des intermédiaires financiers, des spéculateurs,

en fin de compte des intermédiaires qui, d'une certaine façon, font hausser le prix de revient du bois aux différents manufacturiers.

M. BELAND: En d'autres mots, vous préconisez subtilement la disparition des plans conjoints de bois. Compte tenu du contexte actuel ou de la valeur à mettre en marché qui périt présentement sur les terrains de la couronne, en somme, c'est un peu cela que vous avancez subtilement.

M. JACQUES: Non, je pense que c'est une continuation des plans conjoints, au contraire. Dans la planification que la régie va faire en collaboration avec les producteurs privés, je ne vois aucunement l'idée d'éliminer les plans conjoints, mais simplement d'avoir une certaine adéquation de l'offre à la demande et d'éliminer justement la surexploitation des forêts privées.

M. BELAND: Pour ce qui est de la surexploitation, pourriez-vous me dire — je pense qu'il serait intéressant pour tout le monde de savoir cela — qui, selon vous, surexploite les boisés?

M. JACQUES: Si vous voulez regarder la page 21 de notre mémoire, vous avez un tableau comparatif entre les coupes de bois pour l'année 1968 et les possibilités de coupes. Si on regarde du côté des résineux et surtout du côté des pâtes, on a une possibilité de 585,000 unités de cent pieds cubes de bois. Du côté de la coupe, on a 883,700. On se demande comment il se fait que les producteurs de pâtes et papiers, qui détiennent des concessions forestières immenses et qui exploitent leurs forêts à seulement 65 p.c, surexploitent les petites forêts privées.

Dans quelle mesure cela a-t-il une incidence sur le coût du bois? Comme on le sait, la moyenne est de 50 à 60 acres pour une petite forêt privée, ce qui n'est pas propice à la présence d'économie d'échelle comme telle.

M. BELAND: Je me demande réellement où vous avez pris vos chiffres. A tout événement, disons que c'est votre optique.

M. JACQUES: La source est indiquée en bas.

M. BELAND: Je l'accepte, c'est votre optique.

M. JACQUES: Oui.

M. BELAND: Je ne ferai pas davantage de commentaires malgré que je pourrais être assez long là-dessus. En ce qui concerne les propriétés privées, la moyenne est certainement plus haute que 50 acres.

M. JACQUES: Dans le tome I du livre blanc, on dit bien de 50 à 60 acres. Je me fie au renseignement du livre blanc.

M. BELAND: Mais la surexploitation ne provient pas dans ce cas de la moyenne des forêts privées, de la moyenne, je dis bien, des gars qui possèdent à peu près 50 acres. La surexploitation ne provient pas de là, mais elle provient d'acheteurs bien spécifiques...

M. JACQUES: D'accord.

M. BELAND: ... qui achètent un lot, trois lots ou cinq lots et, les pillent à blanc. Cela reste nu pour plusieurs années et ce n'est même pas replanté. Disons qu'il faut démêler les choux de siam et les carottes.

M. JACQUES: Je suis entièrement d'accord. C'est pour cela que nous disons qu'en fin de compte, la politique forestière devrait favoriser un regroupement des propriétaires forestiers afin de connaître et d'établir des normes de coupe, et en même temps favoriser des travaux de reboisement et de sylviculture.

M. BELAND: Je suis d'accord sur cette énumération. Très bien. Il est bon qu'il y ait justement un genre d'éducation qui se fasse en forêt. Je vais maintenant un peu plus loin. En ce qui concerne ce que vous dites à la page 54 sur la création d'une régie forestière du Québec, je suis appelé à me poser une question. L'Etat serait-il appelé à faire de l'exploitation forestière dans les agglomérations de boisés privés, puisque vous préconisez dans une grande partie de votre mémoire que ce soit principalement l'Etat qui exploite les boisés? Cela présuppose que l'Etat, indirectement, à un certain moment, soit appelé à jouer ce rôle, à exploiter également le boisé privé.

M. JACQUES: Vous avez une drôle de façon de voir les problèmes. C'est-à-dire que la politique forestière proposée par la CSN n'est pas de diviser les individus mais bien de les regrouper. C'est-à-dire qu'il n'y a pas simplement une régie d'Etat et des producteurs privés. Au contraire. Nous avons bien dit que le rôle de Rexfor continuera et même s'amplifiera. Et dans la mesure du possible, lorsqu'il sera économiquement rentable d'exploiter des boisés qui, à cause de leur exiguïté, de leur localisation, de toutes sortes de critères économiques ne peuvent l'être par le petit exploitant lui-même, Rexfor lui viendra en aide.

M. BELAND: Je me pose des questions...

M. JACQUES: C'est-à-dire que Rexfor comme telle n'existe plus, c'est Soquef.

M. BELAND: En allant un peu plus loin, à la page 55, ce dernier rôle de la régie forestière du Québec sera une soupape importante contre les risques de certains comportements de quasi monopole de la société d'exploitation forestière qui pourrait écraser les petits propriétaires

privés. Est-ce qu'un monopole ne serait bon que lorsqu'il serait entre vos mains?

M. JACQUES: Non. La question n'est pas là. Qu'est-ce qui vous a amené à dire ça? Simplement, il ne faut pas qu'il y ait deux antagonistes. Au contraire, il faut qu'il y ait deux collaborateurs. Dans la mesure du possible, les deux collaborateurs doivent avoir un poids relatif assez similaire afin qu'il n'y ait pas de tendances malicieuses qui fassent qu'un groupe quelconque se sente frustré comme il l'a été depuis x années.

M. BELAND: Remarquez que j'essaie tout simplement de comprendre votre document. Dans le passé, on sait que lorsqu'un petit propriétaire ou un petit entrepreneur, un petit commerçant, un individu en particulier vient essayer de lutter ou même dialoguer avec l'Etat ou des représentants de l'Etat, dans le sens compagnie de la couronne, sa voix ne porte pas haut, je vous le dis.

M. JACQUES: Je vous ferais remarquer que, de notre côté, les petits propriétaires privés, depuis x années, négocient justement avec les producteurs de pâtes et papiers et ce ne sont pas eux qui fixent le prix de leur bois. Etant donné que les producteurs forestiers sous-exploitent leurs forêts, ils ont un moyen de chantage assez puissant. C'est-à-dire qu'ils disent au petit propriétaire privé: Soit qu'on prenne ton bois ou qu'on aille exploiter nos forêts à pleine capacité.

J'ai l'impression que cela élimine des problèmes plutôt que d'en créer.

M. BELAND: Dans ce cas-là, au point de vue de l'exploitation de la forêt, puisque nous irions d'une façon très prononcée dans l'exploitation de la forêt par Soquef, est-ce que vous prétendez que le coût en serait sensiblement diminué comparativement à ce que les entreprises privées peuvent faire?

M. JACQUES: Vous parlez des forêts publiques?

M. BELAND: Oui mais je suis forcé d'inclure les forêts privées parce que vous laissez sous-entendre qu'il y aurait peut-être exploitation à un moment donné.

M. JACQUES: Oui, j'ai dit qu'il y aurait aide de la régie de Soquef aux propriétaires privés pourvu que ce soit économiquement rentable. Du côté du secteur des forêts publiques, a priori, il n'y a pas d'études faites — cela a été dit ce matin — ni par le ministère des Terres et Forêts, ni par aucun autre organisme, sur le coût de revient du bois à l'avenir, s'il va baisser ou augmenter.

D'un autre côté, si on regarde la structure comme telle, on a des problèmes de prix de revient du bois qui sont liés à des concessions forestières, c'est-à-dire à des facteurs géographiques, à des facteurs d'ordre strictement économique. C'est-à-dire qu'il y a des concessionnaires qui ne font pas de l'exploitation forestière comme telle. Ils délèguent l'abattage, l'extraction si l'on veut, à un "jobber", comme on dit, ou à un camp de compagnie. Ce qui se produit, c'est qu'habituellement les aires de coupe sont assez limitées. Le sous-entrepreneur, habituellement, dispose, lui aussi, d'un certain montant d'argent assez limité. Il a accès aux sources de financement mais c'est limité.

Cela me semble, à mes yeux, a priori, sans étude, comme je vous le disais, aller directement à l'encontre du principe des économies d'échelle. Si on regroupait, au point de vue régional, ou si on déléguait à la seule régie l'abattage, l'extraction de la matière ligneuse et qu'elle répartirait la qualité des billes selon le secteur de transformation, il me semble qu'elle pourrait exploiter sur une plus grande échelle, être plus hautement mécanisée et, par le fait même, cela influerait sur le prix de revient du bois.

Faisons l'hypothèse qu'il n'y a pas abolition des concessions forestières. Si on fait simplement un changement géographique, selon la localisation des entreprises, et qu'on alloue des aires de coupe selon la qualité et la quantité des bois qui vont à chaque entreprise et la proximité de la localisation des aires de coupe selon l'entreprise, j'ai cru voir dans le livre blanc, le tome I, que le prix du bois serait sensiblement diminué, c'est-à-dire allant jusqu'à $2 les 1,000 pieds cubes de bois.

M. BELAND: Ce que vous énumérez là, c'est entendu que c'est une hypothèse.

M. JACQUES: C'est une hypothèse qui a été faite par les scientifiques du ministère des Terres et Forêts.

M. BELAND: Est-ce que vous avez pensé à la possibilité d'étendre davantage les chantiers coopératifs au lieu que ce soit une entreprise de la couronne qui exploite la forêt?

M. JACQUES: Je me demande pourquoi on décuplerait les tâches. Il me semble que lorsqu'on peut intégrer un secteur, régionalement parlant, ce serait aller à l'encontre des bénéfices que la société pourrait en retirer au point de vue de l'emploi, au point de vue du prix du bois et au point de vue de la progression de l'industrie forestière en général. Il me semble qu'il ne sert à rien de décupler les tâches et de couper les rendements à l'échelle qu'on pourrait avoir.

M. BELAND: C'est votre optique que vous élaborez.

Un autre point, parce que vous y avez touché quelque peu, c'est celui qui concerne le

regroupement des boisés privés. Comment le voyez-vous? De quelle façon? Qui va être éliminé? Qui va être acheté? Au profit de qui? Comment?

M. JACQUES: J'ai lu une étude faite par le Dr Louis-Jean Lussier. Elle avait été commandée par l'UCC. Le Dr Lussier fait des suggestions. Lui-même n'est pas arrivé, disons, à une formule stricte. Il mise beaucoup sur la localisation des boisés. Il essaie de faire un partage entre les terres qui seraient destinées à l'agriculture et les autres qui seraient destinées à l'exploitation forestière. Si c'est économiquement rentable pour les propriétaires de se regrouper, d'avoir des boisés qui auraient des limites physiques exploitables, c'est-à-dire que le bonhomme n'aurait plus besoin de faire de l'agriculture et de la coupe de bois, l'hiver, pour survivre, je suis entièrement d'accord.

M. BELAND: Faisant suite à ce que vous venez d'énumérer, en page 58, à peu près au milieu de la page, on lit: "Ils seront appelés à mettre sur pied et à exécuter des plans conjoints d'exploitation et d'aménagement forestier". Laissons l'aménagement forestier de côté et parlons des plans conjoints d'exploitation.

M. JACQUES: Oui.

M. BELAND: Est-ce que cela pourrait être une façon plus économique de procéder?

M. JACQUES: Il me semble que, dans tout principe de planification quel qu'il soit, on fait toujours des plans, c'est-à-dire qu'on planifie une production, on planifie une allocation, on planifie une distribution. Faire une planification sans plans quinquennaux, je ne sais pas, c'est se mettre les orteils dans la boue.

M. BELAND: Assurément, je suis d'accord avec vous.

M. JACQUES: Je ne vois pas pourquoi vous demandez qu'on élimine, justement, les plans conjoints, alors que nous parlons de l'intégration de la planification.

M. BELAND: Nous ne demandons pas l'élimination des plans conjoints. Ce n'est pas ce que nous demandons. J'essaie de vous faire préciser un certain nombre d'allées dans ce domaine, c'est tout.

M. JACQUES: D'accord.

M. BELAND: Compte tenu de tout ce que vous avez dit, je suis appelé à donner une idée. Selon le contexte, il semble que vous désirez que nous ayons un Etat propriétaire de tout ce qui concerne la forêt, un Etat employeur et un Etat employé. Qui sera acheteur?

M. JACQUES: Qu'entendez-vous, justement, par propriétaire de tout ce qui concerne la forêt? Il me semble qu'on a fait une distinction entre les forêts publiques et les propriétaires privés. On planifie, disons, une production, on planifie des travaux de sylviculture et de reboisement. On planifie une offre et on fait une prévision de la demande.

M. BELAND: Lorsque vous parlez de contraintes.

M. JACQUES: Une contrainte, c'est quoi? C'est une planification. Lorsque vous imposez une planification à un producteur, c'est une contrainte.

M. ROY (Beauce): Pas nécessairement.

M. JACQUES: Qu'est-ce qu'une contrainte, alors?

M. ROY (Beauce): Ce n'est pas une contrainte. Une planification, c'est un plan ordonné. Cela peut être une contrainte, mais ce n'est pas nécessairement une contrainte, une planification, voyons!

M. JACQUES: Je pense qu'on joue sur les mots. Je pense que vous avez saisi, en général, l'idée que je voulais donner.

M. BELAND: Lorsque l'on parle de planification, on peut préciser sous plusieurs angles différents. Tout dépend de quoi on parle et vers quelle idéologie on tend.

M. JACQUES: D'accord.

M. BELAND: A tout événement, je vous remercie pour les explications que vous avez données. Je vais laisser mon collègue continuer avec quelques questions qu'il a agencées.

M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce.

M. ROY (Beauce): M. le Président, je vous remercie. Dans le mémoire que vous avez présenté, tout semble tourner autour d'un objectif principal. Disons que je ferai abstraction de l'idéologie, je ne dis pas qui semble animer votre mémoire, mais plutôt qui l'anime, pour regarder un peu le côté pratique de l'affaire et surtout le côté des résultats, dans l'intérêt de l'économie québécoise et du consommateur québécois.

Si j'en juge par l'ensemble, vous en venez, en quelque sorte, à la création d'un superorganisme, d'un grand organisme central que vous appelez Soquef. Je vous demande si cet organisme, pour vous, constitue un absolu, en ce sens qu'il faut que la politique forestière soit organisée, créée sans faute par Soquef, même s'il était démontré que cette entreprise d'Etat serait

plus onéreuse, coûterait plus cher d'exploitation, autrement dit que le prix de revient serait plus élevé qu'un réaménagement et qu'une restructuration en utilisant au maximum l'entreprise privée ou encore les coopératives ou autres. Je veux savoir si Soquef, pour vous, est un absolu qu'il faut accepter, dans votre mémoire, comme une chose à peu près indiscutable. On peut la discuter ici, mais quelle est la position de la CSN?

M. JACQUES: Si vous avez lu le livre blanc, on a bien souligné les problèmes qui existaient depuis environ 50 ans, au Québec, dans l'industrie forestière. Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on entend des hauts cris, surtout par l'industrie du sciage et du déroulage.

L'industrie des pâtes et papiers a connu en 71/72 quelques problèmes, mais les problèmes semblent un peu surmontés, si on regarde les rapports intérimaires.

D'un autre côté, la CSN a fait une proposition qui nous semble la meilleure, face à la logique des choses. On a regardé, on a constaté les faits, le fonctionnement de l'ancien système. On s'est aperçu que ce n'étaient pas seulement les modalités qu'il fallait changer, mais la structure. Mais pour changer une structure, il faut aller au fond des choses, nous y sommes allés et nous avons fait des propositions. Il nous semble que Soquef est la logique même, et l'absolu pour la CSN.

Si jamais il y avait des propositions qui allaient dans la même logique des choses... Parce qu'en ce qui nous concernait, c'était le sort des travailleurs dans l'industrie et le sort de l'industrie elle-même. Si on veut créer des emplois, il faut que l'industrie progresse. Nous n'avons pas fait ça pour jeter l'industrie à terre, au contraire, nous voulons éliminer les vices de structure qui existent dans l'industrie comme telle.

M. ROY (Beauce): Je pense à ce moment...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Pour être juste envers chacun des partis, je pense que ce matin le parti au pouvoir avait un représentant, et l'Unité-Québec avait un représentant, et il y avait un représentant du parti du Ralliement créditiste. Disons que je céderais la parole plutôt... Vous poserez vos questions après que le député de Saguenay...

M. ROY (Beauce): Simplement une petite précision. J'ai bien remarqué ce matin — je ne veux pas avoir un privilège, je ne veux empêcher personne de parler, au contraire — qu'il y a quatre députés ministériels qui ont parlé avant qu'un seul de l'Unité-Québec puisse poser une question.

M. LE PRESIDENT: C'est vrai.

M. ROY (Beauce): Il faudrait que le député du Parti québécois parle. Je pourrai revenir tout à l'heure, je n'ai aucune objection à cela. C'était à notre tour de poser des questions, et mes questions étaient complémentaires à celles du député de Lotbinière, il faut tout de même que la discussion se tienne aussi... La décision vous appartient, mais je n'en aurai pas pour tellement longtemps.

M. LE PRESIDENT: D'accord, mais pour être juste envers tout le monde, j'aimerais à ce que le député de Beauce soit plus conçis dans ses questions.

M. ROY (Beauce): Je vais être plus conçis, mais je tiens quand même à bien comprendre les motifs qui ont incité la CSN, après l'étude qu'elle a faite, et selon la proposition qu'elle fait aux membres de la commission, à préconiser une société comme Soquef comme étant un absolu qui pourrait régler de la meilleure façon possible tous les problèmes qu'on a mentionnés depuis 50 ans dans le Québec.

Mais s'il s'avérait que d'autres formules pourraient être plus efficaces encore que celles que vous préconisez, est-ce que la CSN continuerait quand même à défendre ce principe de Soquef?

M. JACQUES: Il ne faut pas croire que la CSN a les yeux bandés. C'est un organisme qui, au contraire, s'est penché sur les problèmes et a essayé de trouver une solution, qui ne pense pas que c'est un absolu comme tel. Si un autre organisme propose une solution qui est économiquement rentable pour la société et pour les travailleurs du Québec, elle va l'analyser et prendre ce qui est bon.

M. ROY (Beauce): Lorsqu'on lit votre mémoire, il est évident qu'il est basé uniquement sur une idéologie et qu'on a organisé une structure en disant: L'Etat c'est tout, l'Etat va tout faire, l'Etat peut tout faire.

M. JACQUES: Ce n'était pas une idéologie dans laquelle nous étions concernés, mais bien les travailleurs.

M. ROY (Beauce): Vous avez parlé de jouer sur les mots tout à l'heure, je pense qu'on joue justement sur les mots à ce moment.

Dans le domaine forestier, il y a un état de fait qui veut que la grosse compagnie productrice, la grosse usine de papier soit en même temps l'exploitant forestier et soit en même temps le concessionnaire le quasi-propriétaire de toute une étendue forestière. Si l'Etat fait le réaménagement que nous souhaitons — nous en avons demandé un et je pense que tout le monde le désire parce que la situation actuelle ne peut pas durer longtemps — il faut tout de même comprendre qu'il y a différents secteurs. Vous avez la concession forestière et vous avez quand même des entreprises qui se spécialisent dans la

coupe et le transport du bois pour le livrer à l'usine. Et vous avez l'usine elle-même.

Au niveau de la coupe, de l'exploitation forestière vous avez parlé des coopératives, mais des coopératives sur les terrains privés. La question vous a été posée par d'autres députés qui ont pris la parole avant moi, mais j'aimerais savoir quelle est votre attitude vis-à-vis de l'exploitation des coopératives forestières qui couperaient sur les terres de la couronne pour livrer le bois soit à des compagnies papetières, soit à des usines de bois de sciage ou encore à d'autres industries qui sont spécialisées dans la transformation du bois. Quelle serait la position de la CSN?

M. JACQUES: Il est bien certain que, dans la politique forestière de la CSN, il n'y a aucune entreprise privée qui irait couper du bois sur les terres publiques.

M. ROY (Beauce): Cela est clair, c'est un absolu chez vous.

M. JACQUES: C'est un absolu.

M. ROY (Beauce): C'est ce que je voulais savoir. Maintenant, si vous dites que c'est l'Etat, vous le considérez comme exploitant forestier, mais par contre...

M. JACQUES: ... absolu quand même.

M. ROY (Beauce): ... l'Etat comme tel n'exploite rien. Il exploite par l'entremise des structures, il utilise les hommes. Quand on sait que dans toutes les entreprises d'Etat, à l'heure actuelle, tout le monde a des responsabilités, mais que personne n'a de pouvoir, on voit quel résultat ça donne. Mais si, dans l'intervalle, vous pouviez avoir la preuve qu'un exploitant de l'entreprise privée pourrait exploiter une concession forestière, parce que vous avez fait grand état du fait qu'il fallait abaisser le coût de production pour permettre aux usines de s'alimenter à meilleur prix pour faire face à la concurrence, s'il était prouvé et démontré, chiffres à l'appui, que les entreprises privées de coupe et d'exploitation forestière seraient en mesure de faire une exploitation rationnelle, une exploitation ordonnée, une bonne exploitation, mais à un coût inférieur à celui de l'entreprise d'Etat, est-ce que vous maintiendriez votre absolu à l'effet que seul l'Etat aurait le droit de faire de l'exploitation?

M. JACQUES: Je doute fortement qu'une entreprise privée ait les critères économiques et sociaux qu'une entreprise d'Etat pourrait avoir.

M. ROY (Beauce): Je vais vous poser une question.

M. JACQUES: Peut-être que, économiquement parlant, elle pourrait rivaliser et même supplanter une entreprise d'Etat. Mais je doute qu'une entreprise privée favorise des mesures pour combattre le chômage, employer des étudiants, employer des chômeurs, employer des assistés sociaux périodiquement.

M. ROY (Beauce): Je trouve que vous ne répondez pas directement à la question. Si vous faites une entreprise d'assistance sociale de l'exploitation forestière, c'est une autre affaire.

M. JACQUES: Il ne s'agit pas d'en faire une entreprise d'assistance sociale. C'est justement...

M. ROY (Beauce): On parle d'une exploitation rationnelle, ordonnée, parce que, si vous avez des coûts, si vous employez les personnes dont vous parliez tout à l'heure, si vous en faites un critère hautement social — je ne dis pas qu'on ne doive pas tenir compte du facteur social dans une entreprise — si, en utilisant ces critères et en voulant poursuivre les objectifs que vous venez de mentionner il en résulte que le bois livré à l'usine atteint un coût supérieur à celui de l'entreprise privée, est-ce que l'entreprise de transformation sera obligée de payer plus cher pour son produit? Et comment va-t-elle pouvoir répondre aux exigences du marché lorsqu'il s'agira d'écouler son produit par la suite?

M. JACQUES: Je vais faire une rectification. Tout à l'heure, j'ai dit que l'entreprise d'Etat pouvait rivaliser au point de vue économique avec l'entreprise privée. D'autre part, j'ai dit que je doutais fortement que l'entreprise privée ait un caractère social comme une entreprise d'Etat. Maintenant...

M. ROY (Beauce): Pourquoi pas?

M. JACQUES: Si on regarde le passé, je doute fort qu'on ait une telle situation.

M. ROY (Beauce): On va prendre un exemple dans l'exploitation forestière où vous avez un entrepreneur qui travaille avec des membres de sa famille. Cela existe en quantité énorme dans la province, il emploie des gens du milieu...

M. JACQUES: Oui, d'autre part, si vous regardez...

M. ROY (Beauce): Il y a une convention collective, il respecte les normes de la convention collective. Les gens qui travaillent pour lui sont satisfaits, sont rémunérés, etc. Je ne veux pas dire que ces critères sont absolus de ce côté-là, mais quand même, il y a des nuances à apporter de part et d'autre.

M. JACQUES: Oui, est-ce que vous avez vu...

M. ROY (Beauce): Mais il ne faudrait pas dire que l'entreprise d'Etat est bénéfique sans

aucune considération et que l'entreprise privée est maléfique sans aucune considération. Je pense quand même que dans les deux extrêmes il y a des nuances à apporter.

M. JACQUES: Non, je ne suis pas allé jusque là.

M. ROY (Beauce): Mais c'est un peu l'impression que j'ai eue.

M. JACQUES: Je ne voudrais pas que vous me prêtiez des paroles que je n'ai pas dites et des pensées que je n'ai pas pensées.

M. ROY (Beauce): La dernière question que j'aimerais vous poser...

M. JACQUES: Pour répondre en partie à votre question je vous demanderais, premièrement, si vous avez lu l'étude du comité sur la main-d'oeuvre forestière qui parle justement du travail en forêt, de la période de travail, de la longueur du travajl, des conditions de travail, de ce qui se passe en forêt?

M. ROY (Beauce): Mon cher monsieur, je pourrais vous dire que non seulement j'ai lu ces rapports, non seulement j'en ai pris connaissance mais j'ai vécu l'expérience forestière moi-même pendant de nombreuses années. Je peux vous dire que, pour le travail en forêt dans les mois de mars et d'avril dans la province de Québec, on a des conditions climatiques autres que celles de la Californie.

Si vous voulez faire une comparaison avec l'usine de pâtes et papiers elle-même qui est située en ville, il est évident que le travailleur de la forêt n'a pas les mêmes conditions de travail que le travailleur de l'usine; il ne peut pas travailler sur une période aussi longue à cause des conditions climatiques et géographiques du Québec.

J'aimerais vous poser une question et ce serait la dernière parce que je constate qu'on n'avance pas tellement. On nous a dit que c'était M. Wassef qui avait l'honneur d'en être en quelque sorte l'auteur du mémoire que vous avez préparé. J'aimerais demander à l'auteur du mémoire si, avant de le préparer, il a fait une étude ailleurs que dans les mémoires et différents dossiers et documents du ministère des Terres et Forêts ou encore de la CSN. Etes-vous allé directement sur place, dans des concessions forestières, pour faire certaines enquêtes sur des exploitations forestières, visiter le domaine forestier au Québec et rencontrer les propriétaires, les exploitants, les entrepreneurs etc.? Est-ce que vous avez fait une étude assez élaborée sur place afin de constater les problèmes?

M. JACQUES: Je pense que c'est une question assez tendancieuse qui porterait préjudice à la valeur que vous accorderez au mémoire comme tel.

M. ROY (Beauce): Je vous ai posé une question précise.

M. JACQUES: C'est la seule réponse que j'ai.

M. ROY (Beauce): Est-ce que vous êtes allé sur place? Avez-vous examiné la situation? Avez-vous rencontré des entrepreneurs, des industriels forestiers? Etes-vous allé dans des usines, en forêt? Vous êtes-vous rendu compte du travail particulier effectué? Quand on fait une étude, avant de préparer un mémoire, j'estime qu'il faut quand même avoir les données les plus exactes possible, il faut avoir une vue d'ensemble, une vue réaliste de la situation. C'est ce que j'aimerais savoir.

Après avoir travaillé moi-même en forêt pendant de nombreuses années, dans le domaine des chantiers coopératifs, quand je regarde votre mémoire je me demande réellement s'il a été préparé dans la province de Québec. C'est ma conclusion.

M. JACQUES: Si vous permettez, je vais laisser répondre M. Jean-Guy Morin.

M. MORIN: Disons que cela faisait longtemps que je voulais intervenir. Je ne suis pas un économiste, je ne suis pas un théoricien mais j'ai travaillé dans l'industrie des pâtes et papiers et j'ai été continuellement en contact avec les travailleurs. Je suis même allé à Quévillon la semaine dernière avec les travailleurs forestiers. Ils ont des problèmes, ces gens-là, et ils nous les ont précisés. Ils ont le problème de la sécurité d'emploi — c'est le plus fondamental — dans le secteur pâtes et papiers. Il y a la matière première dans le secteur forestier, dans la fabrication et dans la transformation.

D'ailleurs, on a eu dans une région donnée, dans l'Estrie, l'obligation de faire une grève assez longue chez un employeur afin d'éviter la fermeture des usines. L'argument majeur était qu'il n'y avait pas assez de bois dans la région, que le coût du bois était trop élevé. Par la suite, partout où l'on négociait, on avait aussi des menaces de fermeture totale d'usines toujours à peu près pour les mêmes raisons. On a le cas de Desbiens, ç'en est un; il y a le cas de Trois-Rivières. Si vous êtes capable de me dire que l'entreprise privée a réglé ces problèmes, je vais adhérer à votre formule.

On part d'une situation donnée où des gars sont mis à pied, où des gars ne travaillent pas. Même si on accorde toutes sortes de bénéfices sociaux, on ne respecte pas leur droit au travail, à ce moment-là. On sait, par toutes les analyses qui ont été faites, vous pouvez fouiller dans tout ce que vous avez ici au gouvernement, plus que je ne puis fouiller et plus que n'importe quel travailleur peut fouiller.

Vous avez toutes ces données et les statistiques qui ont été demandées ce matin. Le travailleur, lui, à l'autre bout, voit seulement les résultats. Nous ne pouvons pas avoir toutes les données. Autant au niveau de l'association

patronale des pâtes et papiers, de l'industrie, des scieries, qu'à celui du gouvernement et des commissions qui ont siégé, tout le monde arrive à peu près aux mêmes conclusions. On dit: Le coût du bois par tonne de papier produite est trop élevé au Québec. Quelles en sont les raisons? L'endroit où les concessions forestières où sont situées, la façon dont elles ont été exploitées, les coupes à blanc, par exemple. Pourquoi aujourd'hui y a-t-il des compagnies qui sont obligées d'aller courir le bois à 300 ou 400 milles de chez elles? C'est l'entreprise privée qui a fait cela.

Le coût du transport est élevé. Parce que le coût du transport est élevé, le coût de production et le coût du bois par tonne de papier produite, est le facteur le plus élevé. Si je me souviens, c'est 40 p.c. Il faudrait tirer des chiffres des statistiques. Je dis cela de mémoire. J'espère qu'on ne me le reprochera pas, mais j'essaie d'expliquer ce que nos gars pensent. Les décisions ont été prises par les gars à l'occasion de congrès et par des grèves qu'ils ont été obligés de faire contre ce qui existait. Ils veulent continuer à travailler et ils savent comment l'exploitation d'un travailleur forestier se fait. Ils nous disent quelles sont les dépenses inutiles qui se font là-dedans. Quand les gars voient comment leurs forêts sont détruites, ils disent: Il faudrait qu'il se fasse quelque chose.

Je n'ai rien contre l'entreprise privée. Je connais ces gars, je les rencontre et je suis bien ami avec eux. Ce sont des êtres humains comme tout le monde. Ils ont un travail à faire. Pour eux, c'est le maximum de profits. Ils sont pour cela et ils font le travail. Ils sont compétents pour le faire. Mais cela ne règle pas le problème des travailleurs et cela ne règle pas le problème de la société québécoise.

On dit qu'ici au Québec, avec tout ce que nous avons comme sociétés, nous dépendons des autres. Nous avons beaucoup de chômage. Notre plus grande richesse naturelle est polyvalente, à part cela. N'oubliez pas que notre étude a été faite en fonction de la polyvalence de la forêt, ce qui avait été fait aussi au ministère des Terres et Forêts. Nous nous apercevons qu'il y a des petites parties qui ont été enlevées. Il aurait été bien essentiel qu'elles demeurent là-dedans. Mais, si on veut faire l'utilisation polyvalente de la forêt, cela coûtera certainement plus cher qu'une corde de bois coupée pour l'industrie privée.

Les compagnies n'ont pas pensé, quand elles ont coupé le bois près des usines, ce que cela était pour donner à ceux qui travaillent aujourd'hui. Et elles ne pensent pas à ce que cela donnera dans 100 ans. Mais le gouvernement est là pour cela. C'est notre richesse. Ce sont les intérêts de tout le monde, autant des travailleurs et de l'industrie. Si elles avaient pensé, dans le temps, à ne pas aller chercher l'optimum de profits — à un certain moment, c'était le maximum; maintenant, c'est l'optimum le bois serait encore près des usines et nous n'aurions pas les problèmes que nous avons actuellement.

Je connais des compagnies qui sont obligées d'aller le chercher en Abitibi. Je ne peux pas comprendre comment une entreprise privée peut devenir rentable dans cette position. L'argent qu'elles dépensent pour cela, elles ne peuvent pas l'utiliser, non plus, pour faire des réinvestissements. Alors, on dit: Il y a une situation particulière, il y a des cultivateurs, il y a des gens qui vivent de la forêt actuellement dans le secteur privé. Nous ne toucherons pas à cela. Nous trouverons des formules coopératives de réaménagement. Qu'on leur donne le nom qu'on voudra, des pouvoirs, tout cela, il s'agit de s'ajuster après.

Mais, en ce qui concerne ce qui nous appartient, à tout le monde, que ce soit le gouvernement, parce que cela nous appartient, qui prenne le contrôle et qu'il l'exploite. Lorsqu'il s'agit de l'aménagement et de la protection de la forêt, quand il s'agit d'établir des réseaux routiers pour permettre à l'exploitant forestier et, en même temps, à tout le monde d'utiliser la forêt, il y a un coût social qui va se payer au bout de cela. Mais l'entreprise privée ne fera pas cela. Ce n'est pas son rôle. Ce sont les seules raisons pour lesquelles nous disons que c'est un absolu, dans le sens qu'on n'a pas trouvé d'autre formule et qu'on n'a pas d'autre formule actuellement que la formule existante. Même les employeurs l'ont dit: C'est une formule qui est inacceptable. Alors, nous voulons un changement et un changement de fond, non seulement de surface.

M. ROY: Je vous remercie de la façon dont vous avez répondu aux questions. Je pense que vous avez touché réellement au problème, c'est-à-dire à l'inquiétude qu'il y a auprès des travailleurs de tout ce secteur de notre économie, à l'heure actuelle, à l'inquiétude due au fait que les citoyens du Québec n'ont pas retiré les bénéfices qu'ils auraient dû retirer de leur immense richesse qu'est la forêt. Nous le déplorons comme vous.

Votre mémoire est basé sur deux arguments de fond qui veulent diminuer le coût de production de la corde de bois pour pouvoir permettre à l'usine de mieux affronter la concurrence sur le marché international de façon à pouvoir fonctionner plus rationnellement et donner plus de sécurité d'emploi à vos travailleurs. Sur cet objectif, nous sommes entièrement d'accord. J'ai tout simplement voulu démontrer — je fais cette mise au point pour mettre fin à la série de questions que j'avais à poser — que je ne prétends pas que ce soit un critère absolu, le fait que l'Etat exploite lui-même les réserves forestières, qu'il procède à des entreprises de coupe de bois, pour que vous puissiez atteindre des objectifs que vous voulez obtenir pour le bien-être de vos travailleurs. C'est sur ce point et je tenais à faire cette distinction. A l'heure actuelle, nous avons eu

des entreprises d'Etat au Québec. Ce que je trouve malheureux, c'est qu'on a pas encore assez évolué au Québec pour être désireux de donner des pouvoirs à ceux qui ont des responsabilités dans le domaine gouvernemental. Tout le monde a des responsabilités mais personne n'a de pouvoir de décision, on le sait, c'est partout.

En face de ce fait, il en résulte que les décisions ne se prennent pas et que les entreprises gouvernementales coûtent extrêmement cher d'administration et cela n'a pas été prouvé jusqu'à ce jour que les coûts étaient inférieurs et qu'on avait obtenu les résultats espérés.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président, vous me permettrez de faire quelques remarques générales comme on l'a fait en matinée. Ce mémoire qui nous est soumis provient d'une étude de la CSN, la Confédération des syndicats nationaux, qui est parue il y a deux ans. Il s'agit d'une des premières études sérieuses publiées sur le problème forestier et qui a amené d'autres études. Ce matin, on semblait dire qu'on avait copié les chiffres ailleurs. Il est certain qu'on est allé chercher des chiffres un peu partout, cependant, les chiffres que j'ai vus dans le tome II du livre blanc avaient déjà paru dans le mémoire de la Confédération des syndicats nationaux.

Il s'agit donc d'une étude qui m'apparaît très sérieuse. Hier, j'ai eu l'occasion de dire à la Fraternité internationale des travailleurs du Québec que leur étude m'apparaissait fort superficielle; j'ai aussi le devoir de dire cette après-midi à la Confédération des syndicats nationaux qu'elle nous a soumis une étude très sérieuse qui m'apparaît aussi valable qu'une étude qui pourrait nous être soumise par ceux qui continuent d'avoir une foi aveugle au capitalisme, même en grande partie subventionné par l'Etat. Il s'agit là d'une avenue possible parce que nous sommes ici pour essayer d'étudier les problèmes de la forêt et si nous sommes réunis ici, c'est parce que nous vivons actuellement un problème forestier. Nous vivons un problème forestier qui n'a pas été résolu par le ministère des Terres et Forêts, qui a, dans le passé, en grande partie ou complètement, délaissé ses responsabilités au profit des grandes entreprises et qui n'a pas été solutionné par les grandes entreprises. Ce n'est pas, je crois, en continuant d'avoir une foi aveugle en l'entreprise privée, même si nous la subventionnons considérablement — c'est redevenu du socialisme pour le capitalisme — que nous allons résoudre les problèmes forestiers. Au contraire — nous aurons à entendre le mémoire tout à l'heure — je dis que l'entreprise privée a failli à sa tâche actuellement et il nous faut étudier d'autres avenues.

Il est certain que les coûts du mémoire que vous nous soumettez ne peuvent être estimés.

De même que les coûts des réformes que nous propose le ministère des Terres et Forêts dans le tome II ne peuvent pas non plus être estimés.

Cependant, nous ne pouvons pas non plus estimer ce que nous a coûté, à nous du Québec, l'exploitation de nos forêts par l'entreprise privée, que ce soient des coûts sociaux, que ce soient des coûts sous formes d'exemptions de taxes ou sous formes de subventions qui sont devenues scandaleuses. Actuellement l'Etat se voue au pire libéralisme. C'est même rendu pire que le libéralisme du XIXème siècle.

Mais, M. le Président, avant de tomber...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le règlement, pour savoir...

M. CARPENTIER (président): A l'ordre, messieurs !

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... si le mémoire du député de Saguenay a été déposé.

M. LE PRESIDENT: J'invite les membres de la commission à s'en tenir strictement au mémoire.

M. LESSARD: Je m'en tiens, M. le Président, au mémoire et je m'en tiens au mandat de la commission parlementaire des richesses naturelles, qui a pour but d'étudier le problème forestier.

C'est à ce moment-ci que je vais poser des questions à la Confédération des syndicats nationaux. Nous avons peut-être vécu, dans le passé, dans un cul-de-sac. C'est-à-dire que nous avons, dans le passé, délaissé complètement nos responsabilités d'exploitation au profit de l'entreprise privée. Cependant, même si nous avons à subir des conséquences énormes, actuellement, il ne faudrait pas, à mon sens, tomber dans un autre absolu et je rejoins même, à ce sujet, un peu les questions que posait le député de Beauce. Nous ne connaissons pas les coûts que cela pourrait apporter à l'Etat si celui-ci prenait complètement le contrôle de l'exploitation et de la transformation de la forêt.

Alors, est-ce que l'on doit partir, par exemple, d'un capitalisme pur et aller directement à un socialisme pur? Pour ma part, en tout cas, je n'aime pas les idéologies et je n'aime pas ce qui est nécessairement en "isme". Pour ma part, je pense que gouverner c'est un peu voir des coûts comparatifs. Actuellement, il nous est extrêmement difficile de connaître les coûts d'exploitation forestière. Pourquoi? Parce qu'essentiellement cette responsabilité a été laissée à l'entreprise privée. Il est certain, on nous soumettra un mémoire tout à l'heure, que l'entreprise va nous donner ses chiffres. Mais il serait bon, comme on l'a du côté de Soquem, du côté de Soquip, d'avoir une entreprise d'Etat — sur cela, je suis complètement d'accord avec vous — comme Soquef, qui nous permettrait de connaître ces coûts et de concurrencer un peu

l'entreprise privée. Nous pourrions savoir si les chiffres qui nous seront présentés par le conseil des producteurs des pâtes et papiers du Québec sont exacts. Jusqu'ici, je pense qu'ils sont exacts parce qu'on ne peut pas les contester. Mais il me semble que votre mémoire n'a pas été biaisé; s'il l'a été, c'est un peu à la suite de la discussion mais c'est peut-être aussi du fait de vos réponses. Dans votre mémoire, on parle, par exemple, d'un complexe forestier étatisé; il me semble que les réponses que l'on a données aux questions tout à l'heure sont allées beaucoup plus loin que le mémoire. Il y a la dixième recommandation: création d'un complexe forestier étatisé au niveau secondaire. On dit: A long terme, l'objectif sera de prendre le contrôle des industries utilisatrices du bois au Québec en créant des entreprises publiques au lieu de subventionner des entreprises privées. On dit: Au lieu de subventionner des entreprises privées. Alors, ce que je pense et je reviens un peu à la question du député de Beauce: Est-ce que Soquef serait, sur une longue période, l'exploitant secondaire exclusif? Ou au lieu de donner des subventions comme actuellement, à tort et à travers, sans faire d'étude, Soquef pourrait -elle — comme c'est le cas actuellement, devant le fait que la Domtar, à Trois-Rivières, n'est pas capable de remplir ses engagements sociaux ou ses obligations, ne fait pas de profit, cesse ses activités — vérifier si cela peut être rentable pour la CIP à Trois-Rivières, s'emparer ou prendre le contrôle d'industries comme celle-là?

Est-ce que vous désirez, selon votre rapport, qu'à longue échéance Soquef devienne l'exploitant exclusif en ce qui concerne l'industrie de transformation?

M. MORIN: Soquef, en premier, on la voit comme étant l'unique exploitant au niveau du secteur forestier. En ce qui concerne l'industrie de transformation, on dit qu'actuellement, avec toutes les subventions qui peuvent être données c'est notre argent à nous qui est donné à l'entreprise privée pour maintenir des usines où il y a eu de la mauvaise administration. Nous venons, par nos impôts, par les subventions qui sont données, subventionner ces industries qui ne nous appartiennent pas. Les profits qui seront retirés s'en iront encore ailleurs. D'après une étude que nous sommes à terminer, nous nous apercevons que cela ne reste pas tellement au Canada et au Québec surtout.

Nous disons donc qu'un des moyens serait de venir à posséder notre économie, qui est à nous autres et que nous payons. Nous devrions aussi être propriétaires. Quel serait le moyen et le temps de le faire? Nous pouvons être ouverts là-dessus. Il n'y a pas de formule définitive et absolue. Mais nous disons que, si cela continue, dans le système tel qu'il existe, où c'est nous autres, réellement, soit à même nos épargnes qui viennent de nos banques, des emprunts, de nos fonds de retraitre et de tout cela, qui finançons les entreprises, nous devrions être partie de ces entreprises.

M. LESSARD: Ce que vous voulez dire, c'est que, si, par exemple, le gouvernement du Québec donne une subvention de $40 millions sur un capital-actions de X, il devrait devenir, par l'entremise de Soquef, actionnaire selon le même montant qui est fourni par le gouvernement du Québec et par Soquef.

M. MORIN: Ce serait Soquef ou un autre.

M. LESSARD: Les termes sont sans importance.

M. MORIN: Cela pourrait être cela.

M. LESSARD: Une autre chose concernant le rôle de Soquef et le rôle de Rexfor. On sait qu'actuellement on parle beaucoup de l'entreprise d'Etat. Mais, à l'entreprise d'Etat, on a donné à peu près tout ce qui était non rentable. On a ramassé les pots cassés que les compagnies avaient laissés, en particulier en ce qui concerne Rexfor. C'est certain qu'on a une mauvaise expérience, actuellement, de l'entreprise publique, que ce soit Sogefor, par exemple. Sogefor n'a rien prouvé. On sait quels problèmes on a vécus là-dedans et tout le patronage politique même qui a existé. Alors on pourrait avoir, par exemple, une société qui a des incidences sociales, c'est-à-dire une société comme Rexfor, qui fera des travaux qui ne sont peut-être pas rentables, mais qui sont bénéfiques du côté social. On pourrait avoir cette société, qui serait Rexfor. Mais, pour ma part, je pense que Soquef devrait être — je ne sais pas si c'est votre point de vue — une entreprise qui pourrait concurrencer les entreprises privées, mais qui aurait essentiellement des intérêts économiques pour prouver, justement, qu'on est capable de faire quelque chose.

M. MORIN: L'optique dans laquelle l'étude a été faite n'a pas été dans ce sens.

M. LESSARD: Mais il pourrait, à l'intérieur de Soquef, y avoir Rexfor, par exemple.

M. MORIN: Il y a une autre étape. On a la régie forestière qui, elle, devra voir à l'application des politiques établies par le ministère des Terres et Forêts, qui deviendra, pour nous, un ministère beaucoup plus important qu'il ne l'est actuellement, dans notre concept. Le ministère des Richesses naturelles est devenu beaucoup plus important depuis que l'Hydro-Québec a été étatisée. C'est dans le même sens que nous avons perçu la chose. Ce que nous percevons de Soquef, c'est qu'on a fait l'étude à partir d'une utilisation rationnelle et polyvalente de la forêt. Il ne faut pas oublier cela. Nous avons dit, nous autres: L'économie du Québec devrait être structurée autour de notre plus grande richesse

naturelle, qui est renouvelable, à part cela.

Dans le cas des mines, quand la mine est finie, c'est fini, tandis qu'en forêt on peut faire du reboisement et de la sylviculture. Prenez toutes les études qui ont été faites par des spécialistes au niveau de la forêt. Même au niveau du nombre d'années que cela prend au bois pour pousser — ce qui est un inconvénient pour le Québec, par rapport à d'autres parties du Canada ou des Etats-Unis — ils en viennent à la conclusion qu'il devrait y avoir réellement une politique forestière incluant toutes ces choses, pas seulement l'exploitation pour dire: On coupe une corde de bois. Va-t-elle nous rapporter de l'argent, celle-là, immédiatement, à court terme? Il s'agit de savoir si, à long terme, toutes les industries utilisatrices du bois pourront continuer à progresser comme elles l'ont fait dans le passé.

Et est-ce qu'ils pourront aussi avoir une matière première, en quantité et en qualité, à un coût comparable à ceux de l'extérieur? Si on ajoute à cela des politiques qui vont servir à d'autres ministères, qui peuvent venir d'autres ministères et, dont on ne calcule pas le coût actuellement, comme au niveau de la chasse et de la pêche, c'est entendu que, si on veut utiliser la forêt pour l'ensemble de la population, il va y avoir un coût à côté. Alors, le chemin qui va être fait, il va être entrepris par l'Etat. Mais avant, il y avait 3 ou 4 ministères qui pouvaient s'occuper de ça. Si c'est seulement le ministère des Terres et Forêts qui en a la responsabilité, c'est entendu que le coût va augmenter, parce que ce chemin ne sera pas utilisé seulement pour aller chercher une corde de bois.

M. LESSARD: J'accepte que dans certaines entreprises, en particulier des entreprises de services publics, il y ait monopole de l'Etat. Mais est-ce que, dans une entreprise comme celle-là, une entreprise forestière, par exemple, dans une exploitation qui demande énormément de machinerie, etc., le monopole de l'Etat serait meilleur que le monopole que nous avons actuellement?

M. MORIN: Oui, parce que l'Etat doit avoir comme objectif le bien commun de la société. Tandis que l'entreprise privée, avec sa machinerie, a comme objectif de retirer le maximum de profits. Peu importent les conséquences que ça peut avoir à long terme — et ça peut occasionner d'autres problèmes à d'autres choses dans la vie sociale — ce n'est pas sa préoccupation première. Elle va le faire indirectement, bien des fois, mais directement ce n'est pas leur préoccupation.

Le seul qui peut réellement prendre les problèmes de ce secteur et dire: Nous le faisons en fonction de ceux qui possèdent ce secteur, c'est l'Etat.

M. LESSARD: Si nous continuons dans vo- tre argumentation, nous allons devoir faire la même chose concernant le secteur minier.

M. MORIN: Cela se peut aussi. On aurait pu se retrouver à un niveau d'un ministère de planification économique et toucher tous les secteurs industriels. Mais étant donné que nous, nous sommes surtout dans les pâtes et papiers, nous avons fait des représentations à ce niveau. Je pense que même dans le secteur forestier, il ne peut pas logiquement y avoir une politique forestière sans penser qu'il peut y avoir des mines aussi, et qu'il serait peut-être utile d'avoir des prospections, des chemins qui seraient faits pour aller aux mines mais qui seraient payés pour les deux en même temps.

Mais on a vu — comme je vous l'ai dit — que quand la politique du ministère actuel des Terres et Forêts a paru dans les journaux, il y a certaines choses qui ont été coupées, qui pouvaient toucher à d'autres problèmes que l'exploitation forestière exclusivement.

M. LESSARD: Vous proposez, dans votre mémoire, l'abolition des concessions forestières sur une période de cinq ans, alors que le ministère propose l'abolition des concessions forestières sur une période de dix ans. A court terme, entre la période de cinq ans et de dix ans, — comme pour vous autres la période de cinq ans — quelles seraient les mesures que le gouvernement devrait prendre pour mettre de l'ordre là-dedans? On sait que certaines compagnies forestières ont des territoires extrêmement vastes et qui ne sont pas fonction de leurs besoins, que ça soit l'industrie du bois de sciage ou d'autres industries de pâtes et papiers. Parce qu'on sait que la distance moyenne — et ça c'est une étude du ministère des Terres et Forêts qui provient de la bibliothèque — pour le transport du bois est de 156 milles.

Si on attend cinq ans avant d'abolir des concessions forestières, on va continuer encore dans le fouillis. Les entreprises forestières vont continuer d'exploiter à des coûts non concurrentiels. Entre-temps il faut faire quelque chose, peut-être une redistribution des concessions forestières. A court terme, qu'est-ce que la CSN proposerait?

M. MORIN: Je crois qu'une des solutions que nous avons déjà envisagées était justement une redistribution, le plus rapidement possible, des concessions forestières le plus près possible des usines. Il se peut que, dans certains cas, les plus proches soient à 150 milles ou 156 milles.

J'ai lu une étude, dans les journaux, de l'économiste du Conseil du patronat qui suggérait de redécouper au niveau du fédéral, au niveau du transport par chemin de fer afin de pouvoir trouver un moyen de transporter le bois continuellement à l'usine et avec un système de chargement et de déchargement assez rapide et que seulement cette façon-là pouvait réduire de $4 la tonne le coût du bois

de pâtes produites et que cela était suffisant pour mettre les gens en concurrence sur le marché international.

Etant donné que nous ne sommes pas tous des spécialistes dans ces détails techniques, nous avons suggéré un conseil supérieur qui regrouperait les deux conseils existant actuellement, le Conseil de la main-d'oeuvre forestière et le Conseil de la main-d'oeuvre de l'industrie des pâtes et papiers, qui étudierait tous les mémoires qui ont été présentés, lesquels mémoires redécoupent et situent les vrais problèmes de ces secteurs afin de voir, avec tout le monde intéressé à y participer, et analyser ces détails techniques, à savoir quelles seraient les meilleures solutions quand on dit que c'est le coût du transport du bois qui est peut-être le problème majeur dans le coût total d'une corde de bois. Si c'est là le problème, on va en analyser les raisons.

Nous le savons; nous disons c'est loin, le millage, et tout ça. Est-ce que le réseau routier est suffisant, etc.? Avec des spécialistes, on s'assoira et on analysera les raisons pour lesquelles c'est comme ça et quelles seraient les meilleures solutions à suggérer au gouvernement pour qu'il intervienne. On ne peut pas dire que ce ne sera pas un système de subventions, ou des choses comme ça, parce que les subventions ne réduiront pas le coût du transport. Peut-être que pour l'entreprise, dans son bilan financier, ça va peut-être paraître moindre. Mais le coût du transport va encore demeurer élevé.

M. LESSARD: Si on tenait pour acquis que la commission parlementaire qui étudie le problème des forêts n'accepte pas les propositions de la CSN de façon absolue, vous savez que dans le tome II du livre blanc — et j'aimerais avoir votre idée à ce sujet — on veut remplacer les concessions forestières par l'allocation contractuelle à long terme, est-ce que vous avez tenté de comparer la différence entre l'allocation contractuelle à long terme et la différence entre une concession forestière telle que nous l'avions auparavant?

Est-ce que vous pourriez préciser un peu et donner votre opinion sur l'allocation à long terme, comme le voudrait actuellement le gouvernement?

M. MORIN: L'analyse que nous avons faite nous a amenés à une conclusion qui n'est pas tellement longue. La proposition actuelle du livre blanc donnait plus aux employeurs que ce qu'ils avaient auparavant. Cela ne réglera certainement pas le problème.

M. LESSARD: Merci. C'est tout quant à moi, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions? Le député de Chicoutimi

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'aimerais po- ser une question à M. Morin au sujet de ce qu'il vient de dire concernant les propositions que l'on trouve dans le livre blanc au sujet de ces concessions contractuelles. Vous avez dit que vous avez fait une analyse et qu'il vous semble que ça donnerait plus aux employeurs que ce qu'ils ont actuellement. Est-ce que vous avez les documents? Est-ce qu'on pourrait avoir les chiffres de cette analyse?

M. MORIN: Nous n'avons pas écrit de mémoire là-dessus, nous n'avons pas de texte. Mais sachant ce qui existait avant, regardant la proposition qui était faite, la conclusion de ceux qui ont travaillé à préparer nos études est la suivante: auparavant, dans le système qui existait, les contrats étaient au moins renouvelables à tous les ans.

M. DRUMMOND: Ce serait votre opinion que les producteurs de pâtes et papiers seraient bien d'accord sur la formule suggérée par le ministère des Terres et Forêts en ce qui concerne la garantie d'approvisionnement?

M. MORIN: Certains sont d'accord. Je sais aussi qu'il y a d'autres producteurs de pâtes et papiers qui seraient d'accord sur notre formule.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant...

M. MORIN: Je n'ai pas d'écrits là-dessus, je ne peux pas vous donner de statistiques à ce sujet.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Morin, est-ce que, dans les études que vous avez faites, vous avez fait un examen des marchés actuels du Québec et du Canada dans le domaine des pâtes et papiers, par exemple?

M. MORIN: Si on a tenu compte...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si vous avez tenu compte, dans vos études, de la fluctuation du marché dans le domaine des pâtes et papiers à l'heure actuelle.

M. MORIN: Oui, ça, c'est pas mal économique.

M. WASSEF: Oui, on a tenu compte généralement de la situation mais si vous voulez vous référer à quelque chose de plus spécifique...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, le marché commun européen.

M. WASSEF: A quel égard?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Quelle est l'incidence de la diminution sur l'exportation de notre bois depuis l'existence du marché commun?

M. WASSEF: Disons qu'on a surtout regardé quels étaient les taux d'accroissement de la consommation du papier-journal, d'autres papiers et des cartons en Europe et ailleurs, le marché commun inclus. On est arrivé à la conclusion qu'on avait été trop spécialisé dans le papier-journal au Québec et qu'il n'y avait pas eu suffisamment de tentatives de faites au niveau du carton et des autres papiers.

D'ailleurs, à cet égard on a également examiné ce qui s'est passé après les conclusions des accords du Kennedy Round. Nous en sommes venus au fait que nos industries n'avaient pas pris avantage de ces accords, surtout pour les autres papiers et les cartons. Je ne parle pas du papier-journal. En général, on pensait que c'était un échec de ce côté-là.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, vous avez pensé cela.

M. WASSEF: En général.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que vous avez des chiffres statistiques?

M. WASSEF: Des chiffres statistiques, il y en a plein. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, il va falloir finir par perdre patience. Depuis le matin nous interrogeons les spécialistes de la CSN; nous avons eu des réponses pertinentes de MM. Pepin et Morin. Vous êtes un spécialiste et vous êtes, semble-t-il, un économiste. Nous vous demandons des documents et vous nous dites que vous les avez tous. Il me semble que votre mémoire doit être fondé sur des statistiques qui soient un tant soit peu originales ou tout au moins sur des statistiques que tout le monde peut trouver mais qui ont été revues, révisées, analysées, scrutées par vous.

Je vous demande quelles sont les répercussions éventuelles de la création du marché commun dans le domaine de nos exportations. Vous me dites que cela a des répercussions mais lesquelles à court, à moyen et à long termes? Avez-vous des projections de la nature de celles que l'on retrouve, par exemple, dans le document présenté par le Conseil des producteurs de pâtes et papiers du Québec?

M. WASSEF: On a utilisé les mêmes statistiques que le Conseil des producteurs de pâtes et papiers.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ah! Vous n'arrivez pas aux mêmes conclusions. Maintenant, dans le domaine de l'emploi vous avez utilisé les mêmes statistiques que les producteurs?

M. WASSEF: Oui, généralement les mêmes statistiques, les statistiques de source gouverne- mentale, les statistiques du Conseil des producteurs de pâtes et papiers.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Dans le domaine de l'emploi, à supposer que l'on crée cette société, Soquef, quelles sont les projections qui nous permettraient de croire que cela sera générateur d'emploi?

M. WASSEF: Dans l'industrie des pâtes et papiers, l'industrie du bois de sciage et du contre-plaqué, avec les formules que l'on préconise, l'intégration que l'on préconise des industries de sciage, on suppose que l'emploi dans ces secteurs pourraient être appelé à diminuer. Si on tente des travaux de sylviculture, des travaux de reboisement, des travaux de protection de la forêt — qui n'ont pas été entrepris jusqu'à présent et c'est pour une bonne part, une raison du gaspillage de nos forêts — on pense que le taux d'emploi pourrait être stabilisé. C'est dans le domaine de l'hypothèse, c'est évident.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pour une période de combien de mois dans le domaine de la sylviculture, par exemple, parce qu'on ne fait pas de sylviculture l'hiver, que je sache?

M. WASSEF: Vous les avez durant les mois d'été.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela emploierait combien de personnes, selon vos projections, pour compenser la perte dont vous parlez?

M. WASSEF: J'aimerais bien avoir les projections du ministère des Terres et Forêts là-dessus.

M. DRUMMOND: Ici, nous parlons d'une nouvelle société qui créera ces emplois. Ce n'est pas au ministère des Terres et Forêts de donner ces informations. C'est à vous. Je peux souligner, quand même, que le gouvernement a déjà commencé à améliorer son programme de restauration forestière et de reboisement. Nous ne sommes pas en désaccord sur l'idée de remplacer la main-d'oeuvre perdue par du travail accru dans le domaine de la restauration forestière, loin de là. Notre politique le prouve. Nous avons déjà commencé le nécessaire. Mais je pense que la question de mon collègue de Chicoutimi était: Qu'est-ce que vous prévoyez dans ce domaine?

M. LESSARD: Est-ce que le député de Chicoutimi veut que la réponse soit aussi juste que les 100,000 emplois que nous avons eus?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le député de Chicoutimi veut savoir simplement une chose, sans aucune sorte de préjugé. Le député de Saguenay s'est fait, tout à l'heure, le défenseur du mémoire de la CSN. C'est son droit. Je ne

suis pas défenseur et je ne plaide pas, non plus, contre le mémoire de la CSN. Seulement, j'ai déploré ce matin que ce mémoire ne fût pas appuyé de statistiques. Il s'agit de projections et il s'agit, au fond, de la manifestation d'une thèse que je n'approuve ni ne condamne. Je ne porte aucun jugement sur cette thèse. Mais il me parait que cette thèse, pour devenir convaincante, devra s'appuyer sur des données de fait. Alors, ce sont ces données de fait que nous vous demandons afin que nous, qui sommes appelés à légiférer, puissions dire au gouvernement: Le mémoire de la CSN est quelque chose de sérieux et il faut tenir compte de telle ou telle recommandation. Il faut changer la formule d'exploitation de la forêt, tel que vous le recommandez ou, enfin, accepter, en les modifiant, les propositions qui nous seront faites de part et d'autre. Le but que nous poursuivons est de nous renseigner et de savoir sur quoi vous vous basez.

Dans l'abstrait, vous savez, on peut dire n'importe quoi. Il est facile de se porter à la défense d'une thèse qui peut être séduisante de prime abord. Mais, dans le concret des choses, nous qui vivons dans des régions déterminées où il y a des problèmes de pâtes et papiers, d'exploitation du bois, de concessions forestières, etc., nous serions heureux d'avoir de vous les renseignements qui nous permettraient d'adopter une démarche différente de celle que nous avons suivie jusqu'à présent.

M. MORIN: En ce qui concerne la main-d'oeuvre forestière, je vous ai informé ce matin — je le répète — qu'actuellement nous siégeons à un comité de la main-d'oeuvre forestière qui, lui, a passé trois ans — c'est la firme Acres qui a fait l'étude — pour voir les besoins de la main-d'oeuvre forestière dans les années à venir, ce qui existe actuellement et ce qu'on devrait faire. On a fait plusieurs suggestions sur ce qu'on devrait faire à l'avenir, même en poussant la mécanisation dans le secteur forestier. Il y avait l'élimination de X mille emplois; je ne suis pas capable de vous donner les chiffres exacts. Ils sont contenus dans ces volumes. Les différents ministères du gouvernement participent à ces travaux et tous ces documents sont à leur portée.

Nous croyons que c'est à ce niveau, avec ce comité, que nous réglerons, connaissant les autres études que nous avons faites, les problèmes de la main-d'oeuvre forestière. Des projections ont été faites pour savoir ce qui devrait être fait pour replacer ces gens. Est-ce qu'on peut créer des emplois dans le secteur forestier? Combien d'emplois peut-on créer? Nous avons tout cela à ce comité. Nous n'avons pas cru bon de revenir ici et d'apporter toutes ces études pour en discuter ici, étant donné que nous participions déjà à un autre comité où, intensément, nous travaillons là-dessus.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je vous re- mercie, M. Morin. C'est une réponse qui me satisfait.

M. MORIN: M. Jacques aurait quelque chose à ajouter.

M. JACQUES: M. Tremblay, j'aimerais vous informer que, dans une étude qui a été publiée à la CSN, il y a deux ans, on a estimé un multiplicateur d'emplois de l'ordre de 3.83 pour l'industrie forestière en Ontario. On a posé, par hypothèse, que cela était à peu près un multiplicateur d'emplois similaire au Québec. Advenant le cas où il y a une intégration qui se fait, comme on le propose — le ministre Drummond lui-même a proposé hier aux manufacturiers de bois de sciage d'essayer de se fusionner avec les pâtes et papiers — il y aura certainement, disons, une perte d'emplois.

D'un autre côté, les études faites par l'ONU, la FAO ont prouvé que, d'ici 1985, la demande qu'il va y avoir dans le secteur de l'industrie forestière va égaler la possibilité de coupe au Québec. Je dis bien de coupe. On sait bien qu'au Québec actuellement on exploite nos forêts à 65 p.c. Ce qui veut dire que, d'ici 1985, il va falloir créer de nouvelles usines et les agrandir. En créant de nouvelles usines, en devenant concurrentiel et en augmentant notre part de marché qu'on a perdu depuis huit ans — on a perdu 8 p.c. aux Etats-Unis dans les pâtes et papiers — je pense qu'avec un multiplicateur de 3.83 on peut créer pas mal d'emplois directement et indirectement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Reste à savoir si, selon la formule que vous préconisez, ce multiplicateur d'emplois pourra devenir le coefficient de production que vous anticipez. C'est là toute la question. Je ne vous demande pas de répondre à ça. Moi-même, je ne suis pas capable d'y répondre. Seulement dans l'examen de votre mémoire, il va falloir tenir compte de ce que vous venez de nous dire encore. Ce n'est pas un reproche que je vous fais.

M. le Président, en ce qui me concerne, j'ai terminé.

M. JACQUES: M. le Président, si vous me le permettez, on a fait une digression en passant. On a parlé de contrats d'approvisionnement. Je voudrais demander au ministre Drummond si, dans les contrats d'approvisionnement proposés par le ministère des Terres et Forêts, on va garantir qu'il n'y aura plus de sous-exploitation comme il y en a eu avec les concessions forestières.

M. DRUMMOND: C'est clair et net que chaque garantie d'approvisionnement serait faite selon les besoins de l'industrie. Il n'est donc pas question de geler un territoire donné pour des siècles afin de protéger une compagnie donnée. Ce serait fait selon les besoins.

M. JACQUES: Je suppose que vous avez fait des prévisions de la demande, donc de l'emploi dans le secteur.

M. DRUMMOND: Pouvez-vous répéter la question?

M. JACQUES: Je disais que je supposais que le ministère des Terres et Forêts avait fait une prévision de la demande des produits du bois, donc partant de l'emploi ou du taux de croissance de l'emploi ou du taux de diminution dans le secteur?

M. DRUMMOND: Lorsque nous ferons nos garanties d'approvisionnement, ce sera basé d'abord sur la capacité de production d'aujourd'hui aussi bien que sur les prévisions, assez précises, de ces compagnies pour un avenir assez rapproché. Evidemment lorsqu'on fera cela, on va tenir compte de la main-d'oeuvre employée et de tous ces facteurs. On va tenir compte de ça par industrie, soit de sciage ou de pâtes et papiers.

M. JACQUES: D'un autre côté, vous parlez de prévisions à court terme.

M. DRUMMOND: Je pense que nous aurons les propositions du ministère plus tard. Entre nous, nous sommes ici pour écouter votre mémoire et pour le discuter avec vous. En temps et lieu, nous allons arriver avec une loi donnée et on discutera de tous ces aspects. Pour aujourd'hui, je pense que c'est à vous à répondre aux questions, pas à moi.

M. JACQUES: Je vous remercie, c'était seulement un renseignement.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Laviolette.

M. CARPENTIER: M. le Président, au cours des exposés de la partie CSN, on a constamment mentionné à différentes reprises que le système actuel a souvent failli à la tâche dans l'organisation de tous les services forestiers. Est-ce que vous avez soumis des suggestions ou est-ce que vous en auriez à soumettre pour régler le problème d'une façon définitive actuellement?

M. MORIN: Je ne vous saisis pas, vous voulez...

M. CARPENTIER: J'essaie d'être le plus clair possible. Vous avez mentionné que le système actuel de la distribution des territoires forestiers a constamment failli à la tâche. Est-ce que vous avez déjà fait des suggestions valables dans ce sens ou est-ce que vous en avez à suggérer présentement?

M. MORIN: Seulement au niveau de la redistribution des concessions forestières?

M. CARPENTIER: A différents niveaux: redistribution et administration de tout le système forestier.

M. MORIN: C'est ça. C'est que...

M. CARPENTIER: Vous mentionnez, généralement, que le système a failli à la tâche.

M. MORIN: Ce n'est pas seulement nous qui le disons. Cela a été dit aussi par les producteurs de pâtes et papiers, par le ministère des Terres et Forêts et par des commissions où notre premier ministre a siégé comme secrétaire. Je pense bien que vous êtes au courant.

M. CARPENTIER: On a posé la question aux autres personnes, aux autres organismes concernés. Je pose la question à vous, maintenant.

M. MORIN: Nous, c'est ce que nous proposons. On a dit: Après avoir étudié tout ça, il y a des gens compétents autant que nous qui ont travaillé là-dedans, nos membres, quand on les rencontre...

M. CARPENTIER: Aux questiqns que tous les membres de la commission ont bien voulu vous poser, ce matin, vous n'avez pas fourni de statistiques, vous n'avez pas fourni de chiffres.

M. MORIN: Je pense bien que cela n'est pas notre rôle. Notre rôle, c'est de situer où sont les problèmes. On a dit: Devant la situation où les gens sont placés, il existe une situation...

M. CARPENTIER: Précisément, comme le mentionnait tantôt le député de Chicoutimi, M. Tremblay, c'est facile de proposer des choses, mais il faut également trouver des solutions. C'est ce que nous voulons, des solutions de votre part, des propositions.

M. MORIN: Alors, ce qu'on a déjà suggéré — mais il est peut-être un peu tard, cela fait déjà quelques années — c'est qu'on puisse avoir au niveau de l'Office de planification économique un comité qui se serait assis, qui aurait pris chacun des problèmes et qui aurait évalué les coûts. On ne peut pas, a priori, comme ça, vous faire une comparaison en ce qui existe et ce qui va être présenté, parce que ce n'est pas la même optique du tout. Je vous ai dit, tout à l'heure, que selon l'optique actuelle, c'est d'aller chercher le maximum de profits. Alors, il y a un système d'opération, il y a un système de gestion. Cela représente un coût. Mais si on inclut là-dedans d'autres facteurs, on ne comparera pas les mêmes choses quand on va arriver au niveau des coûts. La meilleure façon de pouvoir procéder là-dedans — parce que tout le système forestier est complexe ainsi que tout le système d'investissements que l'on peut avoir à l'intérieur des entreprises, parce que cela a des

conséquences, si on investit ou si on n'investit pas et à quelles conditions — est la suivante: On va trouver l'organisme qui, normalement, devrait s'occuper de faire les analyses en détail de tous ces coûts. Nous, d'après ce que nous connaissons, ce que nous savons, sans avoir les chiffres, connaissant nos gars, les gens que nous représentons, l'amélioration que nous proposons devrait coûter moins cher quand on prend l'ensemble des coûts que lorsqu'on prend seulement un coût.

M. CARPENTIER: Maintenant que vous le savez d'une façon aussi authentique que celle que vous semblez démontrer présentement, pourquoi ne mettez-vous pas des statistiques, des chiffres à l'appui des avancés que vous faites présentement? C'est ça que nous voulons savoir.

M. MORIN: C'est vous autres...

M. CARPENTIER: Vous venez de déclarer que vous avez des chiffres à l'appui, vous avez des études de faites.

M. MORIN: Ce que l'on dit, c'est qu'on sait, par exemple, qu'aller chercher du bois à 450 milles...

M. CARPENTIER: Cela n'est pas montré.

M. MORIN: ... coûte plus cher que d'aller le chercher à 150 milles ou à 50 milles. Cela est clair.

M. CARPENTIER: Tout le monde sait ça.

M. MORIN: Bon! Qu'est-ce que vous avez besoin de plus? C'est ça qui se fait actuellement. On sait qu'il y a des usines qui ferment.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): A l'ordre! A l'ordre!

M. MORIN: Il y a eu déclarations sur déclarations par des gens qui sont dans l'entreprise. Ils ont les coûts de fonctionnement. Ils ne nous les donnent pas à la table de négociation. Ils les ont dans leurs mémoires. Vous les avez eus dans les mémoires indiquant que le coût du bois, par tonne de papier, est trop élevé.

M. CARPENTIER: Je voudrais faire remarquer...

M. MORIN: On peut répéter mais...

M. CARPENTIER: ... au type qui parle, de bien différencier que nous ne discutons pas des autres mémoires qui ont été présentés mais bien de celui de la CSN.

M. MORIN: Je le comprends.

M. CARPENTIER: Nous aimerions connaître votre position précise à cet égard, pas la position de M. X ou de M. Z, mais bien la position de la CSN en regard de ces problèmes.

M. MORIN: Nous avons dit qu'au niveau des coûts, ce n'est qu'une question d'évaluer. Tout d'abord, il faut savoir si les gens sont d'accord sur l'orientation générale, à savoir que le gouvernement a une responsabilité plus grande que l'entreprise privée vis-à-vis de nos richesses naturelles. Une fois que cela est établi et admis de la part du gouvernement, après cela on sera d'accord pour s'asseoir à des tables et voir si les formules pratiques et techniques qu'on propose sont réalisables. A cet égard, on avait suggéré différents comités. Il y en a plusieurs dans lesquels on voulait siéger. Mais ces comités deviennent inopérants parce qu'il y a des gens qui ne veulent pas participer. Mais c'est comme cela qu'on voyait la solution comme solution pratique. Dès que vous analysez un ensemble, s'il y a un facteur qui change, vous changez toutes vos données.

M. LE PRESIDENT: Deux dernières questions avant...

M. CARPENTIER: Seulement une question.

M. MORIN: Je sais qu'il y a des usines qui ferment.

M. CARPENTIER: Dans un communiqué de presse que vous avez fait parvenir ce matin, préparé par M. Michel Rioux, vous mentionnez à un endroit: "Il y a 25 ans, le Québec fournissait 40 p.c. du papier-journal utilisé aux Etats-Unis. Aujourd'hui, cette proportion n'est plus que de 30 p.c. Les suggestions que vous semblez préconiser aujourd'hui, un système socialiste ou peu importe la thèse que vous préconisez, est-ce que vous croyez que cela peut empêcher les Américains de bâtir certaines usines pour concurrencer le Canada ou la province de Québec précisément?

M. MORIN: Cela dépendra de nos politiques à nous, au niveau des investissements. Si ce sont les Etats-Unis qui possèdent nos industries, ici, je comprends que cela peut avoir beaucoup plus de répercussions. Mais pour répondre à votre question, c'est l'avenir qui dira si ça va les empêcher.

M. CARPENTIER: Ce n'est pas, je crois, la...

M. MORIN: Dès que nous serons concurrentiels, que nous serons capables de fournir un produit de qualité — on est reconnu, au Québec, comme étant capable de produire du papier de plus haute qualité que n'importe où dans le monde, nous avons une tradition papetière — si nous sommes capables de fournir un papier à un coût comparable, les gens voudront venir investir ici.

M. CARPENTIER: Je ne voudrais pas qu'on détourne la question dans ce sens. Je vous ai posé la question à savoir si on pouvait, par les politiques que vous préconisez présentement, empêcher les Américains ou d'autres pays de bâtir des usines, d'exploiter leurs forêts à eux et de nous faire concurrence ici? Il ne faut pas changer le problème de place.

M. MORIN: Nous ne pouvons pas les empêcher de faire cela mais nous pouvons, nous autres, prendre notre place. Si, réellement, nous sommes capables de travailler à être concurrentiels, nous exporterons et ils accepteront nos produits.

M. CARPENTIER: Cela revient précisément à la question que j'ai posée ce matin. Etes-vous capables de réglementer nos facteurs de coût en regard de la question que je viens de vous poser?

M. MORIN: On sait qu'on en a des coûts: Il y a le coût du transport du bois. On sait que le bois, c'est 40 p.c, par rapport à la production d'une tonne. Si on est capable de réduire ce coût de 20 p.c, on est capable d'aller sur le marché de l'exportation. Cabano est peut-être un exemple qui nous prouve qu'on est capable d'aller sur les marchés d'exportation.

M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.

M. BELAND: M. Morin, j'aurais une question à vous poser. Vous avez dit, tout à l'heure, que vous préfériez évidemment un monopole d'Etat à un monopole par des entreprises privées. Il est bien clair que nous sommes contre le monopole par des entreprises privées mais de là à accepter le monopole d'Etat! Préférez-vous un monopole d'Etat à un gouvernement qui administre de façon à sauvegarder les droits de tous les individus, tout en mettant au pas les individus ou entreprises qui outrepassent leurs droits?

M.MORIN: C'est une question d'opinion. Pour nous, il ne s'agit pas d'avoir un monopole d'Etat. Ce n'est pas un objectif comme tel. On a dit : Il y a un problème. Le problème se situe à un certain niveau. Nous avons cherché la solution préférable parmi celles que nous avons analysées et celles qui ont déjà existé. Avant, l'Etat pouvait intervenir et empêcher les entreprises privées de faire ce qu'elles ont fait. Cela ne s'est pas réalisé puisqu'il y a un problème majeur. Nous disons donc: Une des solutions, celle que nous pensons la meilleure, actuellement, dans la situation présente, vu que c'est une richesse naturelle, c'est que l'Etat en prenne le contrôle. On a dit: La forêt n'a pas simplement pour but de fournir une corde de bois pour faire du papier. Elle a d'autres fonctions. Cela, ce n'est pas une entreprise qui a des objectifs bien précis et bien déterminés, qui accomplit son rôle, qui va penser aux autres rôles de la forêt. Ce n'est pas l'entreprise privée qui va penser à cela mais c'est l'Etat. C'est le rôle de l'Etat, à moins que nous soyons dans l'erreur, que le rôle de l'Etat ne soit pas cela.

M. BELAND: Dans ce cas, vous basez votre texte, tout votre travail, non pas sur des causes mais principalement sur des conséquences depuis X années.

M. MORIN: Les effets que nous vivons actuellement: les fermetures d'usines, les mises à pied, le manque de travail et tout cela.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président, j'aimerais poser une question au député de Laviolette. Le député pourrait-il me dire sur quels chiffres le ministère des Terres et Forêts se base pour proposer une réforme, tel qu'on le fait dans le tome II? Est-ce qu'on a des chiffres précis? Est-ce qu'on peut dire quel sera le coût exact des propositions du tome II? Si on les a, qu'on les sorte!

Je dis que c'est basé sur des hypothèses. On pense que ça va être comme ça.

M. CARPENTIER: Je vais répondre au député de Saguenay. Nous demandons, selon le texte qui a été présenté par la CSN, des propositions de leur part. Quand viendra le temps de réglementer une loi, je pense que le ministre et l'ensemble des députés pourront prendre des décisions valables à la lumière des exposés qui nous ont été faits, en regard des textes qui ont été proposés par n'importe quelle association, ici à la commission parlementaire.

M. LESSARD: Je suis bien d'accord avec le député. Cependant, tel qu'on devait le faire — cela a été changé par la suite — nous n'avons pas eu l'occasion comme députés de poser les mêmes questions au ministre des Terres et Forêts concernant le tome II, pour avoir les informations nécessaires, puisque nous avons commencé immédiatement à entendre les mémoires. Ces questions, nous aurions dû avoir la possibilité de les poser aussi.

M. CARPENTIER: Je pense que c'est absolument légal, de ce côté-là.

M. LE PRESIDENT: Je remercie M. Morin et les représentants de la CSN pour leur mémoire. Soyez assurés que nous allons en prendre bonne note.

M. DAHL: Je vous remercie, M. le Président, ainsi que les parlementaires au nom de la CSN et au nom des travailleurs des pâtes et papiers qui se sont penchés sur le problème social des

travailleurs depuis déjà l'automne dernier et qui ont préparé ce mémoire. Nous croyons qu'il y a quelque chose à faire et c'est le rôle de l'Etat, je pense, de faire quelque chose et celui des parlementaires de légiférer en conséquence. Merci.

M. LE PRESIDENT: Nous vous remercions.

J'inviterais, à présent, M. Paul Lachance, président du Conseil des producteurs de pâtes et papiers du Québec. Je demanderais à M. Lachance d'identifier les personnes qui l'accompagnent et de présenter son mémoire.

Conseil des producteurs de pâtes et papiers du Québec

M. LACHANCE: J'ai ici, à ma droite, M. Côté, qui est président de l'Association des industries forestières du Québec. Il y a aussi plusieurs vice-présidents de compagnie, dont M. Labrecque. Il y a aussi M. Tittemore qui est au bout. De ce côté-ci, il y a M. Macleod, M. Bastin et il y en a d'autres à l'arrière aussi. Ce n'est pas nécessaire, je pense bien, de les mentionner tous.

Le Conseil des producteurs de pâtes et papiers du Québec et les 14 compagnies qui en font partie vous remercient de l'occasion que vous leur avez donnée de venir présenter leurs vues devant cette commission. Il y a plus d'un an, à la demande du gouvernement, nous avons amorcé une étude de la situation de l'industrie des pâtes et papiers du Québec, après qu'on nous eut laissé entendre que tous les problèmes de notre industrie seraient étudiés par une commission parlementaire.

C'est pourquoi nous apprécions que le mandat de la commission n'ait pas été restreint à la seule question d'une politique forestière nouvelle pour le Québec.

Il nous aurait semblé difficile, sinon impossible pour vous, de n'étudier qu'une réforme de politique forestière et d'en arriver à des recommandations avantageuses pour le Québec sans tenir compte, en même temps, de nombreux autres facteurs qui expliquent les difficultés que rencontre l'industrie des pâtes et papiers qui utilise 70 p.c. de tous le bois coupé tant dans la forêt publique que dans la forêt privée.

C'est dans cette optique que notre industrie a préparé une étude beaucoup plus vaste qui touche non seulement la forêt, mais qui traite des difficultés qui découlent de son utilisation principale, soit la transformation de l'arbre en pâtes à papier. Comme vous le savez, à cause de conditions économiques très difficiles, nous avons été forcés, au début de février, de présenter au premier ministre du Québec, en présence de M. Drummond, le mémoire que nous vous soumettons aujourd'hui sur la capacité de concurrence de l'industrie des pâtes et papiers.

Depuis quelques mois, les conditions du marché se sont améliorées, de même que la position financière de nos sociétés. Mais celle-ci est loin d'être satisfaisante quand on constate que, dans les six premiers mois de l'année, les compagnies papetières n'ont réalisé sur les ventes qu'un revenu net d'environ 2.3 p.c. A un taux semblable de revenus, il est très difficile pour l'industrie d'investir davantage et de moderniser son équipement.

N'oublions pas, non plus, que, pour chaque hausse de .01 du dollar canadien par rapport au dollar américain, notre industrie perd $1.30 la tonne exportée. C'est pourquoi nous tenons à vous mettre en garde contre un faux optimisme qui vous porterait à croire que les problèmes fondamentaux exposés dans notre mémoire sont choses du passé.

La situation de l'industrie des pâtes et papiers du Québec demeurera grave tant et aussi longtemps que nous n'aurons pas réussi à abaisser le prix de revient élevé de nos produits, ce qui diminue l'aptitude de nos usines à concurrencer les producteurs étrangers. Ce désavantage résulte en partie de forces naturelles, comme les conditions climatiques et la situation géographique.

Il réside aussi, pour une large part, dans des obstacles d'institutions, taxes et impôts dont la lourdeur est peu réaliste dans le contexte de la concurrence internationale d'aujourd'hui. Le présent mémoire a pour but d'attirer l'attention sur certains problèmes que doit affronter l'industrie des pâtes et papiers du Québec. Il signale les mesures que cette industrie a prises et formule celles qu'à son avis le gouvernement devrait prendre pour accroître la capacité de concurrence des usines de pâtes et papiers du Québec sur les marchés mondiaux.

Notre mémoire, je le répète, dépasse de beaucoup la seule étude d'une nouvelle politique forestière telle que traitée dans le livre blanc du ministère des Terres et Forêts. Il contient des recommandations dont quelques-unes s'adressent directement au ministère des Terres et Forêts et d'autres, au gouvernement du Québec.

En ce qui a trait à la réduction du coût du bois, voici des mesures que le Conseil des producteurs de pâtes et papiers du Québec propose au ministère des Terres et Forêts:

A. Allégement ou suppression d'une partie des nombreux impôts, redevances, droits et règlements gouvernementaux qui ajoutent considérablement au coût de l'approvisionnement en bois dans la province de Québec et notamment: a)réduction à $0.50 par cunit du droit de coupe de l'épinette et du sapin baumier, qui est présentement de $2.94 par cunit, et réduction proportionnelle pour les autres essences; b)réduction du taux annuel de la rente foncière de $20 à $5 du mille carré; c)réduction des frais de protection contre les incendies de $0.60 environ à $0.10 par cunit de bois coupé.

B.Mesures propres à assurer en tout temps la fixation, par la Régie des marchés agricoles, de

prix de vente compétitifs par rapport au coût du bois provenant d'autres sources et sans que les compagnies de pâtes et papiers soient obligées d'acheter du bois aux termes des plans conjoints des producteurs lorsqu'il n'est pas dans l'intérêt de ces compagnies de le faire.

C. Suppression des taxes sur les carburants utilisés en forêt par l'équipement motorisé sur les routes non publiques et abolition des frais d'immatriculation imposés à cet équipement, ce qui permettrait à l'industrie de bénéficier davantage de la mécanisation et diminuerait d'autant le coût du bois.

D. Adoption d'une politique en vertu de laquelle le gouvernement paierait le coût de construction des chemins d'accès dans les régions forestières, comme il l'a fait en Abitibi et se propose de le faire pour le développement de la région de Port-Cartier, afin que ce facteur de la capacité de concurrence des producteurs de pâtes et papiers soit plus conforme, au Québec, â ce qu'il est dans d'autres régions.

Quant aux mesures que nous proposons en vue de la réduction des autres frais encourus par l'industrie des pâtes et papiers, nous suggérons l'abolition de la taxe de vente sur les matériaux employés dans la fabrication des pâtes et papiers ainsi que sur l'équipement et les matériaux antipollution; nous suggérons également un coût compétitif de l'énergie électrique vendue à notre industrie au Québec ainsi que l'allégement du fardeau fiscal croissant supporté par notre industrie par suite de l'augmentation rapide des taxes municipales et scolaires.

Notre mémoire recommande aussi la mise en application de procédures assurant la coordination de toutes les politiques ayant un effet quelconque sur la position concurrentielle de notre industrie; l'obtention de tarifs de transport plus compétitifs pour l'expédition des produits ainsi que la réduction du fardeau de l'impôt sur le revenu des sociétés papetières.

Nous n'avons pas l'intention de vous exposer avec plus de détails tous les sujets traités dans notre mémoire. Nous espérons toutefois que dans vos recommandations vous tiendrez compte de son contenu et de l'avantage qu'il y a pour le Québec de conserver la place d'importance que l'industrie des pâtes et papiers occupe dans notre économie.

L'Association des industries forestières du Québec vous présentera ses vues sur les réformes proposées dans le livre blanc. Souscrivant entièrement aux prises de position de l'association, le Conseil des producteurs de pâtes et papiers du Québec ne croit pas, à ce stade-ci des audiences, qu'il doive les traiter avec détails. Ceci sera évidemment fait par M. Anatole Côté, le président de l'association, qui, si je ne m'abuse, doit soumettre demain ses commentaires à cette commission.

Je crois toutefois très opportun de répéter que le conseil est loin d'approuver toutes les propositions de réforme formulées dans le livre blanc car certaines de ces propositions, si elles étaient appliquées, auraient pour effet de désorganiser le bon fonctionnement des marchés de ressources forestières et de soumettre les approvisionnements de bois au pur arbitraire de la fonction publique.

Je n'en dis pas plus long sur le sujet, ne voulant pas anticiper sur ce que M. Côté vous dira demain, sinon que le livre blanc ne vise à nulle autre chose que le contrôle étatique de toutes les ressources forestières du Québec.

Dans l'étude que nous vous avons remise, le chapitre VI, pages 9 et 10, traite brièvement de la politique forestière et de la tenure.

Nous disons à ce sujet que l'industrie des pâtes et papiers n'est pas immuablement opposée à d'autres formes de tenure, pourvu qu'elles remplissent une condition essentielle, c'est-à-dire que les changements décidés amènent nettement une réduction considérable du coût de cette importante ressource naturelle qu'est le bois. Sous cette réserve, l'industrie des pâtes et papiers est disposée à étudier d'autres formes de tenure, tenant compte des principes suivants: — Garantie d'approvisionnements à longue échéance, d'une valeur au moins égale à celle disponible dans les concessions forestières et qui soient rattachés à des superficies déterminées en fonction d'un plan d'aménagement; — Droit aux compagnies de faire elles-mêmes leur exploitation forestière; — Juste prise en considération de la valeur intrinsèque du bail comme actif des compagnies du Québec.

Il est regrettable que l'exposé préparé par le ministère des Terres et Forêts et présenté dans les tomes I et II, ne montre pas plus d'objectivité dans l'étude d'un problème dont dépend l'avenir d'une industrie comme la nôtre, qui fournit du travail à quelque 100,000 travailleurs et qui, bon an mal an, apporte au gouvernement des revenus appréciables. Nous croyons qu'en 60 ans, même s'il n'en est pas fait mention dans l'exposé du ministère, l'industrie des pâtes et papiers a largement contribué au développement du territoire du Québec, à la protection de la forêt, à en augmenter le capital ligneux et à permettre à l'ensemble de la population d'atteindre un plus haut niveau de vie.

Aujourd'hui, on veut tout chambarder sans faire au préalable un examen sérieux des avantages du régime forestier actuel. Nous avons l'impression que le ministère des Terres et Forêts a perdu de vue le rôle que joue notre industrie dans l'économie du Québec.

Nous croyons qu'il lui faudrait plutôt l'aider à réaliser des profits raisonnables qui lui permettraient de se développer davantage.

Le livre blanc nous fait part des intentions du ministère de créer des organismes paragouvernementaux qui seront une nouvelle source de dépenses pour le ministère et, ce qui nous inquiète particulièrement, c'est cette remarque qu'on note à plusieurs reprises dans le tome II du livre blanc, à savoir que le coût des services additionnels sera à la charge des utilisateurs de

la forêt. Nous ne voyons pas là une perspective de réduction du coût du bois, des impôts et des autres charges, mais plutôt la menace de dépenses additionnelles.

Nous n'avons pas besoin d'une intervention accrue du gouvernement mais plutôt d'un allégement du fardeau qu'il nous impose.

Nous avons la conviction que l'industrie peut couper le bois et le transformer en pâtes et papiers d'une manière efficace et économique à condition que le gouvernement enlève une partie des taxes et redevances que nous lui versons en droits de coupe, protection contre le feu, rente foncière, etc., et accepte la responsabilité qui se rattache à l'accès à la forêt pour des fins économiques et récréatives.

Nous réitérons au ministère notre désir de coopérer dans la mesure du possible à la mise en application de nouvelles procédures et politiques à l'avantage de tous. Mais nous sommes d'avis que la plupart des problèmes qui touchent la forêt peuvent être résolus dans les cadres de l'organisation actuelle du ministère à condition qu'on mette le temps voulu à améliorer son efficacité et qu'on travaille tous ensemble dans un climat de confiance mutuelle.

Le développement graduel de la forêt domaniale, régime de tenure qui connaît encore des douleurs de croissance, est une preuve suffisante du besoin de procéder avec prudence et de ne pas créer le chaos dans l'administration des richesses naturelles, ce qui serait de nature à freiner leur développement et à empêcher l'implantation de nouvelles industries.

Le Conseil des producteurs de pâtes et papiers du Québec espère que ces assises n'auront pas été convoquées inutilement. Nous souhaitons qu'à la lumière de notre étude et des exposés qui vous seront soumis vous saurez faire au gouvernement de meilleures recommandations dans l'intérêt, non seulement des travailleurs de notre industrie, de tout ceux qui en retirent une partie de leurs revenus, mais du Québec tout entier.

Comme je le disais au cours de mon exposé, ce n'est pas du tout dans l'intention de ne pas me soumettre à vos questions en ce qui touche le livre blanc. Mais je pense que l'étude que nous avons faite, qui touche l'industrie elle-même, est suffisamment importante. Avec votre permission, je pourrais répondre aux questions que vous pourriez poser sur l'étude que nous vous avons soumise et répondre demain, si la chose est nécessaire, aux questions qui pourront être débattues et soumises par M. Côté.

Si je propose cela, ce n'est pas du tout pour m'exempter de répondre aujourd'hui mais pour ne pas vous faire perdre de temps inutilement, étant donné que c'est le même point de vue qu'on exprime.

M. VINCENT: Si vous le permettez, M. le Président, vu que M. Côté va prendre la parole demain matin, comme représentant de l'Association des industries forestières, nous retiendrons le mémoire et nous réserverons nos questions afin que nous puissions passer les deux mémoires ensemble devant la commission dès l'ouverture demain matin. Si c'est là le désir du ministre.

M. LACHANCE: Parfaitement d'accord là-dessus.

M. DRUMMOND: Cela semble logique.

M. LACHANCE: Je pense que nous gagnerions tous du temps.

M. DRUMMOND: D'accord.

M. VINCENT: Cela nous permettra ce soude regarder les deux autres mémoires que nous avons.

M. LACHANCE: Sans doute. Parce que vous avez notre mémoire depuis déjà très longtemps.

M. LESSARD: Le gouvernement du Québec l'a depuis très longtemps.

M. VINCENT: Le gouvernement l'a depuis le mois de février. Il a eu le temps de prendre position et même d'annoncer des nouvelles demain.

M. DRUMMOND: Merci.

M. LE PRESIDENT: Je remercie M. Lachance de son exposé et, suite à la suggestion de l'ensemble des membres de la commission, les travaux sont ajournés à demain matin, dix heures.

(Fin de la séance à 16 h 50)

Séance du jeudi 24 août 1972

(Dix heures cinq minutes)

M. PILOTE (président de la commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!

Je demanderais à l'assistance, s'il vous plaît, de faire silence.

Après entente entre les parties, l'Association des pâtes et papiers a bien voulu céder sa place ce matin à M. Bédard, gérant, représentant de l'Association forestière des Cantons de l'Est. La parole est à M. Bédard, s'il veut bien identifier ceux qui l'accompagnent.

Association forestière des Cantons de l'Est

M. BEDARD: M. le Président, MM. les membres de la commission, messieurs. Nous ne sommes pas nombreux, je suis avec un de mes anciens présidents et j'ai pensé que pour les Cantons de l'Est le plus grand nombre de sympathisants était parmi ceux qui sont devant moi ce matin.

Messieurs, dans les Cantons de l'Est, les propriétaires de lots boisés s'interrogent sur les conséquences de la nouvelle politique forestière exprimée dans le livre blanc du ministère des Terres et Forêts et s'interrogent également sur le rôle que devrait jouer l'Association forestière des Cantons de l'Est dans la mise en application de cette nouvelle loi. Cette double interrogation est d'autant plus justifiée que le livre blanc fait l'énoncé d'une série de mesures relativement à la forêt privée. Cette forêt privée, dans notre région des Cantons de l'Est, constitue 95 p.c. de la superficie boisée et, lorsque la nouvelle politique forestière deviendra loi, aura à notre sens une très large influence sur l'économie des Cantons de l'Est.

Les Cantons de l'Est comptent une association forestière qui est organisée sur une base permanente et qui, à longueur d'année, poursuit son travail dans les 17 comtés suivants: Arthabaska, Beauce, Bagot, Brome, Compton, Dorchester, Drummond, Frontenac, Mégantic, Missisquoi, Nicolet, Richmond, Shefford, Sherbrooke, Stanstead, Wolfe, Yamaska, et j'ajouterais que ce sont les plus beaux comtés de la province.

M. BACON: Vous n'avez pas vu les nôtres encore.

M. BEDARD: Messieurs, l'Association forestière des Cantons de l'Est, financée par l'entreprise privée, qui travaille depuis plus d'un quart de siècle avec les propriétaires de lots boisés, qu'ils soient "gentlemen farmers", commerçants de bois, cultivateurs, et auprès des industriels, des corps publics, des hommes d'affaires et le reste, a toujours été dans la région à l'avant-garde pour promouvoir la conservation des lots boisés et la cause de l'éducation forestière. Nous avons eu des résultats dont nous sommes fiers.

A la lecture du livre blanc, notre attention a été attirée par un des objectifs qui est la mise en valeur de la forêt privée et on fait mention de la nécessité d'une structure d'organisation de la forêt privée en faisant appel aux syndicats des producteurs de bois qui seraient nommés selon le livre blanc: les associations régionales de sylviculteurs,

A ce stade-ci, l'Association forestière des Cantons de l'Est se doit d'offrir sa collaboration, d'autant plus qu'elle croit être l'organisme tout désigné auquel le ministère des Terres et Forêts devrait faire appel pour l'exécution de cette nouvelle politique forestière.

Une foule de raisons justifient, à notre sens, les autorités du ministère des Terres et Forêts de ne pas créer un autre organisme, d'autres associations, mais de faire plutôt appel à la compétence de l'Association forestière des Cantons de l'Est. Depuis quelques années, nous avons vu, dans notre région comme ailleurs, naître des organismes avec la prétention d'être les défenseurs, les promoteurs de la conservation de nos forêts. Nous avons vu également naître des organismes qui ont tenté de poursuivre des buts parallèles à ceux que nous poursuivons nous-mêmes depuis 26 ans. Pourquoi ne pas exploiter dans notre région les ressources, le potentiel de l'Association forestière des Cantons de l'Est, qui compte dans sa direction des hommes compétents, certains députés et qui est prête à collaborer à 100 p.c. à la mise en application de la politique forestière?

Pourquoi choisir l'Association forestière des Cantons de l'Est? D'abord, premièrement, pour les buts qu'elle poursuit; pour son caractère d'association privée; pour son dynamisme reconnu, pour sa renommée, ses nombreuses réalisations, etc. pour ses contacts soutenus avec des représentants de différentes classes de notre société; pour son immense champ d'activité; pour ses congrès régionaux, qui réunissent de 500 à 600 personnes, propriétaires de lots boisés, industriels, cultivateurs, etc.

Nous offrons des services. Dans les Cantons de l'Est, notre association est responsable de la reconnaissance officielle des fermes forestières et nous en comptons dans chacun des dix-sept comtés qui sont sous notre juridiction. Sa revue, le progrès forestier, est au service de ses membres et pourrait être encore un plus grand médium d'information et d'éducation. Tous savent que l'association forestière fournit à ses membres dans les Cantons de l'Est un service de conseils techniques qui est extrêmement apprécié et, l'an dernier, plus de 206 propriétaires de lots boisés ont bénéficié de conseils sylvicoles et de directives en aménagement de lots boisés.

Vous n'ignorez sûrement pas qu'en 1971 nous avons, au cours d'une enquête sur les propriétaires de lots boisés du comté de Richmond, constaté en particulier les faits suivants:

Que, de plus en plus, la forêt n'est plus le lot du cultivateur mais qu'elle est possédée et le sera davantage par l'aviculteur, le mineur, le rentier, le journalier, le menuisier, le laitier, et même le député.

Le lot boisé, à l'avenir, ne servira plus seulement et uniquement à approvisionner les usines, les industries de meubles, les scieries.

Le lot boisé sera de plus en plus utilisé pour les loisirs, pour fins de récréation en plein air, pour le "outdoors".

Il y avait moins d'hésitation à répondre à un questionnaire de l'Association forestière des Cantons de l'Est qu'à un questionnaire des syndicats de bois à pâte de l'Estrie.

L'Association forestière des Cantons de l'Est, et nous l'avons constaté, était très bien connue et la population reconnaissait ses services, sa nécessité. Cette même population a reconnu aussi que l'Association forestière des Cantons de l'Est pourrait donner davantage si on lui facilitait les moyens financiers et si elle pouvait disposer d'un personnel plus considérable.

Actuellement, dans le comté de Compton, nous poursuivons une enquête similaire et nous offrons les services techniques d'aménagement des lots boisés aux propriétaires intéressés, à nos membres.

Messieurs, comme conclusion, nous croyons bien humblement que vous avez dans les Cantons de l'Est l'organisme tout désigné, bien structuré, pour remplir le rôle de l'organisation professionnelle que le ministère des Terres et Forêts se propose d'établir. Nous sommes déjà en place depuis 26 ans et nos réalisations, notre structure, justifient, à notre sens, notre désir d'apporter notre collaboration. L'assistance aux producteurs privés, aux propriétaires de lots boisés désireux de faire produire davantage leur forêt, nous l'avons et nous pouvons l'améliorer. Nous sommes intéressés à donner une nouvelle dimension à notre organisme.

Messieurs, nous offrons nos services, nous offrons notre collaboration, si vous jugez que notre association est en mesure de répondre aux exigences de la nouvelle politique forestière. Sûrement que nos membres, que la population, que les amis de la forêt seront orgueilleux et fiers que le ministère des Terres et Forêts reconnaisse ainsi le rôle de l'Association forestière des Cantons de l'Est. Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: Avant de donner la parole au ministre des Terres et Forêts, je voudrais mentionner que le député de Roberval, M. Lamontagne, remplace le député de l'Assomption, M. Perreault. Le ministre des Terres et Forêts.

M. DRUMMOND: Je veux tout d'abord féliciter M. Bédard pour le travail qu'il a fait dans le passé aussi bien que pour sa venue ici, ce matin, pour présenter son mémoire. J'ai quelques questions à poser. Pourquoi vous inquié- tez-vous, disons, de la création des associations régionales de sylviculteurs, qui auront comme base les offices de producteurs?

M. BEDARD: Actuellement, nous faisons un travail qui va être similaire en une certaine partie à leur travail, Alors, question de reboisement, nous donnons la formation concernant le reboisement, il paraît que ce sera une de leurs prérogatives; question de donner des conseils techniques en aménagement forestier, il parait que ce sera une autre de leurs prérogatives; alors pourquoi ne pas utiliser une association comme la nôtre et nous aider à nous étendre? Nous pouvons nous organiser aussi bien avec les moyens financiers. D'ailleurs nous avons dans les Cantons de l'Est, le don de multiplier les organismes. Nous avons des conseils économiques qui ont voulu s'occuper de problèmes similaires aux nôtres. Nous avons les Syndicats de bois à pâte de l'Estrie, les chambres de commerce, pourquoi vouloir créer tant d'organismes et ne pas vous poser la question suivante: L'Association forestière ne pourrait-elle pas remplir cette tâche?

M. DRUMMOND: Une des tâches principales, c'est vraiment la mise en marché de bois. Est-ce que votre association serait en mesure de s'occuper de ça?

M. BEDARD: Nous le serions certainement. Quant aux modalités, nous pourrions les étudier, mais certainement que nous serions en mesure de le faire. Pas à l'heure actuelle toutefois; mais c'est comme lorsque le gouvernement a organisé son ministère de l'impôt, il y a quelques années, il n'y avait rien de fait, mais il s'est organisé. Nous trouvons le personnel et nous pouvons être aussi qualifiés que l'Office des producteurs ou les associations régionales de sylviculteurs. Nous sommes tellement en contact avec les propriétaires de lots boisés, d'ailleurs, nous, dans les Cantons de l'Est, contrairement à d'autres régions, c'est le milieu où nous avons essayé de travailler davantage, le contact avec le cultivateur et le propriétaire de lots boisés.

M. DRUMMOND: Pensez-vous que les autres associations forestières dans la province seraient prêtes à en faire autant?

M. BEDARD: Je suis tellement habitué à penser sur une base régionale que j'aurais préféré que l'Association forestière québécoise eût pensé, avant moi, à vous soumettre un mémoire dans ce sens-là. Il y a certainement moyen pour elle de s'organiser. Enfin, moi, je pense sur une base régionale. Vous savez qu'il y a onze associations régionales dans la province, mais il y en a seulement deux qui sont permanentes. Pour les neuf autres, ceux qui remplissent la tâche de gérant le font comme à-côté. Tandis que dans les Cantons de l'Est,

nous sommes une association qui ne peut pas se comparer aux autres, parce que nous ne travaillons pas sur la même base et nous n'avons pas le même potentiel d'activités que les autres peuvent avoir. Est-ce que ça répond à votre question?

M. DRUMMOND: Certainement. Je me demande si le député de Pontiac aurait des questions à poser?

M. LARIVIERE: Vous dites à la page 4: Nous offrons déjà des services. C'est ce qui nous amène à annoncer qu'au cours d'une enquête chez les propriétaires de lots boisés, du comté de Richmond, il y avait moins d'hésitation à répondre â un questionnaire de l'AFCE qu'à un questionnaire du Syndicat des bois à pâte?

M. BEDARD: C'est un fait et ceci peut peut-être s'expliquer par une raison spéciale, c'est que le syndicat des producteurs de bois de l'Estrie, des Cantons de l'Est, a été un syndicat pilote pour essayer de mettre en application les fameux règlements no 3 et no 5, relativement à la vente du bois en commun et à l'exclusivité de la vente du bois. Il est question de contrôle de la coupe.

Alors, sur 206 propriétaires que nous avons vus, même, souvent, on ne s'identifiait pas, on a constaté qu'il y en a qui étaient en faveur de ces règlements mais que plusieurs disaient: "Si vous représentez le syndicat, on ne veut pas vous voir ici. On aime mieux que ce soit vous, de l'association, que le syndicat". Cela a été prouvé, nous avons des noms. Maintenant, nous ne disons pas qu'il n'y en a pas qui n'étaient pas en faveur du syndicat. Mais la majorité semblait intéressée à donner des renseignements à un organisme complètement en dehors du syndicat, ce qui s'est passé dans Richmond et, cette année, à la suite de l'enquête que nous poursuivons actuellement, nous avons à 70 p.c. la même impression, que les gens ne veulent pas être contrôlés et ne veulent pas donner des informations â ceux qui peuvent s'en servir pour des fins qui joueraient contre eux. C'est leur opinion.

M. LARIVIERE: Vous dites, à la page 4 de votre mémoire, que vous fournissez un service de conseils techniques. Pourriez-vous nous indiquer de quel effectif votre organisation dispose dans le domaine de la vulgarisation?

M. BEDARD: A notre association régionale, durant l'été, du mois de mai au mois d'octobre, nous sommes quatre: le gérant, nous engageons un ingénieur forestier, et deux jeunes filles. Nos conseils techniques sont répartis sur la période de mai à septembre. L'ingénieur forestier que nous engageons pour la période estivale consacre son temps à visiter les propriétaires et à distribuer des conseils techniques. C'est justement là une déficience de notre organisation; si nous avions des fonds, et nous ne venons pas ici pour vous demander de l'argent, pour engager du personnel, nous pourrions avoir un service qui diffuserait des conseils à longueur d'année. Mais nous n'avons pas le personnel et nous n'avons pas l'argent pour le faire.

M. LE PRESIDENT: Le député de Brôme.

M. BROWN: M. le Président, it gives a great deal of pleasure to be sitting here when Mr. Bedard is making a report because I know of his work in the Eastern Townships and particularly in those counties that are close to me: Stanstead, Brome, Missisquoi and Shefford.

As a matter of fact, I remember his walking into my shop in 1946 in Cowansville and we organized the first 4-H Club in the area at the time. Later, together with Howard Wilson, who was the professional in the group at that time, in charge part-a-day of a tree planting for a park in Knowlton, I think it is one of the first parks laid aside for forestry in the Eastern Townships. Beside this, in a modern plan there are courses in the original school at Massey-Vanier in Cowansville that have been prepared largely through the initiative of our friend, Mr. Bédard, and we feel that the work of this association has meant literally millions of dollars in our area because of their work during the last 26 and 30 years.

We hear a great deal today of the trees that are cut down, but, in our area, a tree standing means more revenue and more interest to the population than a tree that is cut down. For instance, in our maple sugar industry, we still maintain a good putting in maple sugar. As a matter of fact, a man from Brome, Heverett Jewitt, is the provincial and national champion of Canada with maple syrup and he is also one of the people that has been advised by Mr. Bédard. Another thing that is most important in this classification of trees in private forests in the area is the use of water and the source of water. Without the farsighted work of Mr. Bédard and his group, I am sure that a great many stands of timber would be down today and we would be lacking water in many of the places in the Eastern Townships, like Lake Memphremagog and the three Yamaskas which are a great source of water for the whole area.

So, I am looking at this thing from a point of view of private industry and they are worth to the farmer and to the owner and to the area as a whole. It is hard to evaluate exactly what these people have done in our interest and I congratulate them and I hope that they keep on working the same as they did before.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je voudrais remercier M. Bédard du mémoire qu'il nous a

présenté et lui dire que nous nous interrogeons, nous aussi, sur le sort réservé par le ministère des Terres et Forêts aux associations forestières, aux organismes privés qui ont oeuvré dans ce domaine depuis bon nombre d'années.

Vos préoccupations rejoignent d'ailleurs celles qui ont été exprimées par l'Association forestière québécoise, qui a demandé que non seulement l'on reconnaisse ses états de service, mais que l'on fasse appel à nouveau à l'équipe que constitue cette association. Il est un fait que, dans l'ensemble des régions, indépendamment de la volonté du gouvernement et souvent sans son aide et la plupart du temps sans son aide, se sont créées des associations forestières qui ont oeuvré dans diverses régions et ont rendu des services très importants.

Le gouvernement a énoncé dans son livre blanc une nouvelle politique forestière. Cette politique forestière qui est exprimée dans les deux tomes du document qui nous a été remis n'est pas nécessairement une politique arrêtée. C'est un effort de pensée, de réflexion sur l'orientation que prendra la politique forestière du gouvernement.

Le gouvernement devra faire un choix. Ou il assumera la responsabilité de l'exploitation de la forêt en partageant des responsabilités avec des associations qu'il créera, qu'il constituera, ou il acceptera d'intégrer dans les divers organismes qu'il entend créer les associations déjà existantes. Je ne sais pas quelle est l'intention réelle du gouvernement à ce sujet, mais je pense que les propositions que vous nous avez soumises ce matin révèlent l'inquiétude normale qui est la vôtre et qui a été exprimée déjà par l'Association forestière québécoise et qui sera sans doute exprimée par d'autres associations.

J'aimerais, M. Bédard, vous poser l'une ou l'autre question. Lorsque vous parlez, par exemple, de l'aide, de l'assistance, à la page 5 de votre mémoire, vous dites ceci: "Cette population a reconnu aussi que l'Association forestière des Cantons de l'Est pourrait donner davantage si on lui facilitait les moyens financiers et si elle pouvait disposer d'un personnel plus considérable." Quel est le sens de cette requête discrète que vous adressez au gouvernement?

M. BEDARD: Dans le livre blanc, on mentionne, relativement aux associations régionales de sylviculteurs, que si elles étaient financées, ce serait de deux manières: par les contributions des membres, je ne sais pas si on veut dire les $0.35 la corde — à tout événement on paie actuellement $0.35 la corde au syndicat — et on mentionne également que le gouvernement, le ministère des Terrres et Forêts, pourrait venir en aide à un organisme semblable.

Actuellement, comment sommes-nous financés dans les Cantons de l'Est? Nous avons un budget de $50,000 qui vient de membres à $5 chacun, nous comptons près de 1,500 cultivateurs qui paient $5 chacun. Nous avons des compagnies forestières, Kruger et Domtar, qui font largement leur part, et le reste du budget provient d'une foule d'industries: banques, marchands de bois, industries de meubles et compagnies de textiles. En un mot, nous avons créé chez nous un "goodwill" qui fait que les gens ont confiance en notre association et sont prêts à souscrire, mais on ne peut pas dépasser un certain montant. Nous sommes rendus en quelque sorte à un sommet et si nous voulons atteindre un autre sommet — nous avons cette ambition-là — il faut évidemment que nos moyens financiers soient augmentés.

De la part de l'entreprise privée, accumuler un budget de $15,000 ou $20,000 pour nous permettre d'engager à longueur d'année un ou deux membres de plus dans notre personnel, ce n'est pas facile. Alors, puisque le gouvernement est prêt à aider financièrement les associations régionales de sylviculteurs, si elles viennent à voir le jour, pourquoi ne pas rencontrer une association comme la nôtre, qui selon l'opinion de plusieurs est une association extrêmement active, et dire: Nous allons vous aider et étudier ensemble les modalités. Nous sommes prêts à changer notre structure; quant à notre potentiel financier, il existe, mais il est très limité.

Est-ce que cela répond à votre question, M. Tremblay?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, M. Bédard, cela répond à ma question. Maintenant, j'aimerais vous faire part d'une observation que j'ai entendue, une opinion qui a été exprimée souvent et que je ne partage pas, remarquez bien. L'on nous dit quelquefois que les associations forestières sont en quelque façon des complices — si l'on me permet le mot — des grandes entreprises capitalistes et que, pour cette raison, il n'est pas nécessaire qu'elles existent mais qu'au contraire, dans sa politique de réaménagement, le gouvernement devrait faire disparaître ces associations qui travaillent de concert avec ce qu'on appelle les intermédiaires, au sujet desquels, ces jours derniers, nous avons entendu des propos forts peu amènes. Quel est votre sentiment à ce sujet-là?

M. BEDARD: Je n'hésite pas à nier cette opinion qui a pu vous être transmise. Dans les Cantons de l'Est, nous ne subissons aucune influence — et je vais les nommer — des deux grandes compagnies Kruger et Domtar. Elles nous aident financièrement et jamais ces compagnies ne nous ont donné une orientation ou nous ont influencé dans notre politique et dans notre travail. Elles nous donnent le montant d'argent tous les ans, sans exercer d'influence sur nous. Je ne crois pas que dans les Cantons de l'Est, je parle toujours de ma région, la population ait l'impression que nous subissons l'influence de ces deux compagnies, parce que le plus fort pourcentage de notre

budget vient d'autres industries, celles des meubles, des mines... Le pourcentage des industries que nous avons chez nous, les deux grosses industries de pâtes et papiers, est très faible comparativement à ce que nous recevons d'une foule, d'une variété d'autres industries.

Alors, chez nous le cas ne se pose pas et il s'explique ainsi:

Notre région des Cantons de l'Est est une région où 95 p.c. de la superficie boisée appartient au petit propriétaire. Il y a environ dans les dix-sept comtés de la région dans laquelle nous travaillons à peu près 180 ou 200 milles carrés de concessions forestières. Si nous avions des grosses compagnies qui détiendraient des centaines de milles carrés peut-être que là on subirait une influence, mais chez nous, ce n'est aucunement le cas, 95 p.c. de la forêt privée appartiennent aux individus et je dois rendre hommage aux deux compagnies de ma région. Elles ne nous ont jamais influencés. Il n'en a jamais été question. C'est ce qui a fait d'ailleurs notre force. Lorsque nous avons commencé, il y a 26 ans, dans les Cantons de l'Est, plusieurs n'avaient pas confiance que notre association subsisterait, parce que nous commencions à travailler dans une région où il n'y avait pas de forêt. Notre cheval de bataille a été le reboisement. Aujourd'hui, nous avons créé dans les dix-sept comtés un courant, une mentalité forestière à tel point que nous avons des réunions groupant 500 ou 600 personnes représentant toutes les classes de la société. Il n'y a pas de région dans la province qui à ce point de vue obtient les succès que nous obtenons.

C'est ce qui caractérise notre région. Evidemment, j'aimerais mieux que ce soit dit par d'autres parce que je vais passer pour quelqu'un qui veut s'attribuer des compliments. Il faut l'admettre, nous avons travaillé dans un milieu difficile, nous avons surmonté des difficultés, même à la grande surprise de plusieurs, et nous sommes chez nous des gens qui veulent aller de l'avant. C'est pour cela que nous offrons notre collaboration. Si le gouvernement doit refuser, nous allons continuer également notre travail.

D'ailleurs, s'il y a lieu de changer notre structure, permettez-moi de citer le témoignage d'un fondateur de l'Association forestière qui m'écrivait en 1967, je pense que cela va en intéresser plusieurs, je passe un bout de la lettre: "Je suis tout à fait de ton avis quant à la nécessité de modifier la structure non seulement de ton association mais celle de toutes les régionales et aussi de la centrale. Dans une communication que j'ai soumise — c'est le signataire de la lettre qui dit cela — le 14 décembre 1965, lors du grand colloque organisé par le gouvernement de la province, j'ai exprimé brièvement mon point de vue à ce sujet, en m'inspirant des études faites de l'organisation forestière dans les pays Scandinaves, notamment la Suède, la Finlande, la Norvège." Et en passant, notre association régionale organise pour octobre un voyage en Scandinavie, nous avons un groupe de 20 personnes pour aller étudier également le problème forestier présumant qu'un jour le ministère des Terres et Forêts fera appel à notre association. Le signataire continue donc ainsi: "Il va sans dire que la plupart sont membres des associations étant donné les nombreux privilèges qu'elles accordent tant au point de vue financier que matériel. Les gouvernements en Scandinavie leur accordent d'importants subsides et il appartient aux associations de les administrer et de les distribuer. Grâce à ce système, la population acquiert une mentalité forestière et de consommation, etc. etc.." et il continue ainsi: "Etant donné la mentalité de notre peuple et surtout celle de nos gouvernants, dont le règne est éphémère — ce n'est pas pour Québec cela — nous ne sommes peut-être pas prêts d'imiter ces pays civilisés avant bien longtemps, et si jamais nous y parvenons de loin, ce sera dû aux efforts soutenus de l'Association forestière." Alors, je vous apporte un témoignage ici, vous démontrant que ce que nous vous avons proposé dans notre mémoire, notre collaboration, cela a déjà été pensé et discuté il y a quelques années par un des fondateurs de l'Association forestière, dont le nom est M. Orner Lussier, et il m'écrivait cela en 1967.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Bédard, votre mémoire n'en parle pas explicitement, mais j'aimerais avoir votre opinion, en votre qualité de président de cette Association forestière des Cantons de l'Est sur la politique énoncée par le gouvernement en ce qui concerne les concessions forestières. Est-ce que vous êtes d'avis que le gouvernement doit abolir les concessions forestières selon l'échéancier qu'il a déterminé dans le tome II de son livre blanc?

M. BEDARD: Lorsque j'ai reçu les deux volumes du livre blanc et que j'ai vu qu'il était question de concessions forestières et aussi de politiques forestières pour le lot boisé privé, j'ai dit: Je vais commencer par lire le chapitre qui intéresse le lot boisé et je n'ai pas eu le temps de lire le premier chapitre sur les concessions forestières.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Bédard, cela me fait penser à certains de mes étudiants que j'interrogeais en examen oral et qui me disaient: Monsieur, vous nous posez la question justement sur la partie de la matière imposée et que nous n'avons pas encore lue.

Mais vous avez quand même une idée du problème et j'imagine que vous êtes capable de me répondre.

M. BEDARD: J'ai une idée mais je suis comme un professeur, quand mon cours n'est pas bien préparé, je ne le donne pas.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous ne connaissez pas tous les professeurs. M. Bédard, très sérieusement, je reviens à ma question, vous êtes libre d'y répondre ou de n'y pas répondre. Votre association comme telle a-t-elle une opinion sur cette politique quand même extrêmement importante énoncée par le gouvernement dans son livre blanc ou si vous préférez ne pas exprimer d'opinion au nom de l'association que vous représentez?

M. BEDARD: Sincèrement, en tant que mouvement, nous n'avons pas d'opinion et il n'en a pas été question. Je ne peux pas vous donner une réponse qui pourrait vous faire plaisir mais si je ne réponds pas, je ne veux pas vous déplaire non plus, parce que je ne suis pas préparé. J'essaye de me soustraire à cette obligation de donner une opinion. J'aimerais vous voir privément.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Lotbinière.

M. BELAND: J'aurais quelques questions à poser à M. Bédard, d'autant plus que c'est un ex-citoyen de mon comté. J'ai une chose au début à vous adresser, ce sont mes félicitations pour le dynamisme que vous manifestez. Il reste que je crois que vous seriez davantage politicien que moi. Parmi ces questions que je voudrais vous poser, étant donné que l'Association forestière des Cantons de l'Est couvre les comtés limitrophes au mien, exception faite de Lévis, en fait le territoire s'arrête exactement aux frontières de mon comté, à ce moment-là disons que je suis moins familier avec votre champ d'activité, pourriez-vous nous dire, approximativement, grosso modo, dans quelles allées vous fournissez des conseils techniques à la population forestière?

M. BEDARD: Vous demandez quel genre de conseils techniques nous donnons?

M. BELAND: Oui, justement. Est-ce que c'est strictement au niveau de l'éducation? Est-ce que c'est également à d'autres niveaux? Voudriez-vous me brosser un petit tableau?

M. BEDARD: Un des buts premiers de l'Association des Cantons de l'Est est de promouvoir l'éducation forestière, la conservation. Evidemment, cela fait de nombreuses années que nous parlons d'éducation, que nous parlons de conservation. Nous avons depuis des années essayé d'orienter notre travail d'une manière un peu plus pratique. C'est là que nous avons abordé le champ des conseils techniques. Nous donnons des conseils techniques semblables à ceux qui étaient donnés autrefois lorsque les bureaux de la forêt rurale étaient en activité sur une vaste échelle. Nous visitons les propriétaires d'érablières, les propriétaires de lots boisés, en particulier; les villes également font appel à notre association pour certains conseils au point de vue de travaux d'embellissement. Nous les encourageons parce que nous sommes subventionnés également par plusieurs villes de la région des Cantons de l'Est.

Certains nous demandent même des conseils techniques sur l'aménagement de forêts municipales; nous en avons quatre dans les Cantons de l'Est, c'est de notre domaine. D'ailleurs, notre charte nous autorise à travailler dans ce champ d'activité également.

M. BELAND: Dans ce cas, vous vous limitez principalement au niveau de l'éducation, que ce soit à n'importe quel palier municipal, enfin, les individus, privément, enfin le reste et le reste, même probablement les 4-H.

M. BEDARD: Oui. Les 4-H. C'est l'association forestière pour l'éducation des adultes et pour faire l'éducation des jeunes, ce sont les 4-H.

M. BELAND: J'ai à vous féliciter encore pour ce travail d'éducation, parce que notre population en a besoin, mais est-ce que vous avez été un peu plus loin et que vous vous êtes rendus dans le domaine de la mise en marché, au point de vue de l'éducation?

M. BEDARD: Du tout, aucunement.

M. BELAND: Est-ce que vous avez contribué de quelque façon ou aidé à améliorer? Parce que vous disiez tantôt que les forêts des Cantons de l'Est se constituent à environ 95 p.c. de forêts privées. A un moment donné, il faut absolument penser au producteur qui essaie d'avoir un prix convenable pour son produit, au moment où il le vend. Est-ce que vous avez effectué un travail quelconque pour améliorer les prix aux producteurs, au moment de la vente de leurs produits, peu importe lequel?

M. BEDARD: Du tout. Jusqu'à ce jour, nous ne sommes pas entrés dans ce champ d'activité, parce qu'il y a dans la région les syndicats de bois à pâtes et l'Office des producteurs de bois; nous ne sommes pas entrés dans ce domaine, du tout.

Peut-être qu'un jour si on fait appel à notre association, si on en change la structure, nous pouvons étudier les modalités, peut-être que nous pouvons venir à nous y intéresser, mais actuellement, rien.

M. BELAND: Tantôt, vous en avez parlé et c'est bien dit dans votre mémoire, vous avez comme une dent contre l'association ou le syndicat des bois à pâtes des Cantons de l'Est. Est-ce que vous pourriez, à un moment donné, les remplacer? Parce qu'enfin, j'essaie simple-

ment de digérer votre document. A ce moment-là, automatiquement, à la page 5, article d), ça se dessine quelque peu. Alors, est-ce que vous seriez en mesure de remplacer, un jour, le Syndicat des bois à pâtes des Cantons de l'Est?

M. BEDARD: Le jour où ça deviendra une loi... Actuellement, ce n'est pas loi. Le syndicat a ses règlements no 3, no 5 et no 6. Actuellement, il y a des membres de notre association qui sont pour et qui sont contre. Chacun a droit à son opinion. Mais le jour où ça deviendra loi et que le ministère aura à faire appel à un organisme, nous aurons certainement la possibilité de travailler dans ce champ d'activité. Le jour où le gouvernement aura à choisir un organisme entre les associations régionales de sylviculteurs — autrefois les syndicats forestiers ou les associations forestières — nous sommes prêts à offrir notre collaboration. C'est le but de notre présence ici, aujourd'hui. Il n'est pas question de discuter de la politique forestière, parce qu'au point de vue de lots boisés privés, il y a du très bon là-dedans, c'est ce que nous prêchons depuis 25 ans. Mais quand ça deviendra loi, qu'on fasse appel à notre association et nous sommes prêts à entrer dedans à 100 p.c.

M. BELAND: Est-ce que d'autres associations régionales comme la vôtre se sont occupées, à ce jour, de ce domaine de la mise en marché?

M. BEDARD: Du tout.

M. BELAND: Maintenant, là on parlait du bois à pâte, mais est-ce que cela prévaut également pour les autres catégories de bois? On parle de grumes de sciage, de déroulage, et le reste.

M. BEDARD: Tous les produits forestiers. Le jour où cela s'établira, nous sommes prêts à mettre à exécution, à collaborer à la mise en pratique de cette politique forestière.

M. BELAND: Pour résumer, enfin je ne sais pas ce que l'avenir réserve parce que tout dépend ce que le gouvernement décidera, si, par exemple, à un moment donné, vous étiez appelés à collaborer étroitement avec les offices et syndicats de producteurs de bois pour vous occuper d'un domaine précis, peut-être la continuation du travail dans le domaine éducatif, est-ce que vous seriez prêts à collaborer?

M. BEDARD: A 100 p.c. Pour nous, l'éducation, c'est de l'intouchable, les résultats ne peuvent pas s'évaluer en cents et en dollars, et nous sommes prêts à y coller une activité pratique, de plus en plus pratique. C'est ce qui a fait la force de notre organisme dans les Cantons de l'Est. Nous avons essayé de faire de plus en plus de pratique; l'éducation, la conser- vation, c'est de l'intouchable, on ne peut pas les évaluer en dollars.

Les membres souscripteurs nous donnent $200 et on ne leur donne rien en retour de concret. Mais on essaie de trouver la formule pour satisfaire celui qui nous donne $200, un propriétaire, un gentleman farmer, M. Orner Dionne, supposons, n'importe qui, pour qu'il puisse dire: L'association forestière m'a rendu service en même temps.

Actuellement, à notre association, nous travaillons pour le bénéfice des générations futures, pour la population en général. Il n'y a aucun intérêt personnel pour ceux qui sont membres de notre association. Ils travaillent pour la conservation, pour les générations futures. Mais nous aimerions mettre un peu plus de pratique, comme nous l'avons d'ailleurs fait depuis quelques années, en établissant notre service de conseils techniques qui dure du mois de mai au mois d'octobre. Il n'y a rien d'impossible pour nous dans les Cantons de l'Est.

M. BELAND: Pour en arriver à des chiffres assez précis, étant donné que vous avez travaillé sur le plan éducatif d'une façon assez prononcée, prenons le cas des fermes sylvicoles. Vous avez dit tantôt, c'était même marqué dans votre mémoire, que dans chacun des comtés, il y a des fermes forestières. Est-ce que vous avez fait une étude d'amélioration? Par exemple, combien la situation a-t-elle pu s'améliorer en quantité de cordes ou de piastres et cents, jusqu'à maintenant, depuis que votre association est en mouvement et fait de l'éducation dans ce sens-là?

M. BEDARD: En piastres et cents, je ne peux pas vous dire. Mais ce que nous avons fait, c'est que nous avions 130 ou 135 fermes forestières reconnues officiellement dans notre région. Depuis cinq ou six ans, nous n'avions pas revisité les propriétaires de ces fermes-là. Il y a deux ans, durant toute la saison, nous avons réinspecté ces fermes forestières pour voir si, réellement, le propriétaire avait continué à mettre en pratique les règlements qu'il s'était imposés en acceptant le certificat. C'est surprenant, nous en avons disqualifié une dizaine et toutes les autres avaient amélioré leur lot boisé soit par des travaux de coupe de nettoyage, soit par du reboisement.

Maintenant, en cents et piastres, je ne l'ai pas évalué. Je peux affirmer, sans crainte d'être contredit, que la situation du lot boisé s'est de beaucoup améliorée. Comme preuve, on a dit longtemps que, dans les Cantons de l'Est, il n'y avait pas de bois. Cela fait 25 ans qu'on dit que dans les Cantons de l'Est il n'y a pas de bois mais, actuellement, il y a du bois. Et s'il y a du bois aujourd'hui, c'est à cause des conseils techniques qui ont été donnés depuis 20 ou 25 ans par certains représentants du ministère des Terres et Forêts, à cause du travail de notre association forestière.

Brièvement, pour répondre à votre question; oui, nous avons aidé à revaloriser les lots boisés dans la région. Sans vous donner de chiffres, je n'en ai pas, mais peut-être que le ministère en a, je ne crains pas d'affirmer que nous avons aidé à la revalorisation, à la conservation. Lorsque nous avons commencé, beaucoup d'érablières se coupaient. Aujourd'hui, il s'en coupe beaucoup moins, à cause du travail de propagande et de promotion que nous avons fait.

M. BELAND: Il est entendu que'c'est assez difficile de mesurer d'une façon exacte combien on peut améliorer un boisé. Possédant une ferme forestière moi-même, je sais que c'est assez difficile et notamment, chez les feuillus, c'est très difficile. En ce qui concerne les résineux, est-ce que vous avez quelques fermes forestières dont vous avez aidé à éduquer le propriétaire, et dont le rendement a doublé? Est-ce que vous en avez quelques-unes?

M. BEDARD: Plusieurs. Si vous voulez, je n'ai pas les noms ici, je peux vous les envoyer de Sherbrooke. Ils sont très nombreux ceux qui ont augmenté la valeur de leur lot boisé.

M. BELAND: Je vous félicite pour ce fait et je vous remercie en même temps pour les réponses que vous m'avez données.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président, en continuant sur les fermes forestières, vous avez parlé tout à l'heure de règlements. Est-ce que vous pourriez préciser un peu ce point? Qu'est-ce que c'est, pour l'association forestière, une ferme forestière? Est-ce que c'est agro-forestier ou si c'est exclusivement forestier?

M. BEDARD: D'abord, il se distribue des certificats de fermes forestières. Dans chaque région, c'est l'Association forestière régionale qui s'en occupe. Nous entendons par ferme forestière une superficie boisée de trois acres et plus que le type s'engage, premièrement, à ne pas couper à blanc. Deuxièmement, si les moyens financiers le lui permettent, il doit y organiser un système de protection. Troisièmement, il doit faire des chemins dans son lot boisé. Quatrièmement, il doit s'engager à ne pas vendre le lot boisé pour lequel nous lui avons donné un certificat, l'année suivante ou quelques années plus tard.

Autrement dit, le certificat est une motivation pour dire au gars: Bien, on t'a reconnu comme fermier forestier, on est prêt à t'aider, on voudrait que tu conserves ton lot, que tu l'aménages. Et s'il nous dit qu'il est pour le vendre un an plus tard c'est pour ça que nous en avons disqualifié il y a quelques années. Les règlements sont très larges.

M. LESSARD: Est-ce que, dans l'ensemble, par exemple, les revenus de ces propriétaires de ferme forestière proviennent particulièrement de l'exploitation de leur forêt en général, ou plutôt faudrait-il qu'ils retirent d'autres revenus d'autres sources? Je vous dis franchement où je veux en venir, c'est l'essentiel de ma question: Est-ce qu'il est possible que l'exploitation de petits territoires boisés puisse faire vivre quelqu'un? Est-ce qu'on peut en arriver à avoir des fermes forestières qui soient rentables?

M. BEDARD: Pas beaucoup, très, très peu à l'heure actuelle. Dans les Cantons de l'Est, je n'en connais pas qui peuvent vivre uniquement des revenus de leurs lots boisés dans la région. Peut-être un à la La Patrie qui a 400 ou 500 acres, mais en général je n'y crois pas. Non, c'est impossible.

M. LESSARD: Vous parlez de 400 à 500 acres — vous avez dit tout à l'heure que vous n'aviez pas fait d'étude précise, mais le ministère a des propositions à cet égard — est-ce qu'il y a un territoire minimal de superficie, soit une superficie minimale qui permettrait à un petit propriétaire privé de pouvoir vivre, en grande partie, en tout cas, de la forêt?

M. BEDARD: Je risquerais bien le chiffre de 500 à 600 acres. Maintenant, là encore, selon le marché.

M. LESSARD: Vous avez dit tout à l'heure qu'une des exigences de l'Association forestière, pour reconnaître une ferme forestière, est que le propriétaire ne devrait pas faire de coupe à blanc. Pourriez-vous me donner l'idée ou l'opinion de l'Association forestière concernant les coupes à blanc et pourquoi exigez-vous du petit propriétaire qu'il ne fasse pas de coupe à blanc?

M. BEDARD: En tant qu'association forestière, ce n'est pas un domaine qui relève de notre juridiction. Personnellement, je pourrais bien vous donner mon opinion, mais puisque je parle au nom de l'Association forestière, pour ce qui est des coupes à blanc, il y en a qui croient que c'est très utile, d'autres croient que c'est désavantageux. Je ne veux pas vous donner mon opinion là-dessus.

M. LESSARD: Mais vous exigez de la part du petit propriétaire qu'il ne fasse pas de coupe à blanc. C'est probablement parce que l'Association forestière a une idée très précise à ce sujet.

M. BEDARD: La coupe à blanc d'un petit lot boisé et la coupe à blanc sur une vaste étendue de concession, ce sont deux choses extrêmement différentes. Maintenant, nous tenons à ce que les petits propriétaires de lots

boisés puissent retirer une récolte annuelle. C'est ce que nous avons dans notre esprit lorsque nous parlons de cela, leur permettre de retirer une récolte annuelle. Et, par exemple, sur les 206 propriétaires, M. le député, que nous avons rencontrés l'an dernier, c'est incroyable, mais un très fort pourcentage, 65 p.c, ne gagnent pas leur vie sur la ferme. Ils sont propriétaires mais ils travaillent dans les usines, soit à Asbestos, dans les mines, dans d'autres industries, etc. De plus en plus, le propriétaire retire ses revenus en dehors de sa ferme. Il est content d'avoir un lot boisé. Il ne l'exploite pratiquement pas. L'an dernier, à l'occasion de notre enquête, plusieurs nous disaient: Il en coûte trop cher pour exploiter notre lot boisé, on le laisse là. Alors, nous, de l'association, avons essayé de trouver un système, avec le gouvernement, pour essayer de faire produire davantage ces lots boisés. Le bois est là, il faut bien l'admettre.

M. LESSARD: Vous avez parlé tout à l'heure, je crois, de 135 fermes forestières que vous aviez dans les Cantons de l'Est. Est-ce que ces gens-là aussi vont travailler à l'extérieur et exploitent leur ferme forestière plutôt à temps partiel, pour le plaisir, en amateur?

M. BEDARD: Sur les 135, je crois que nous avons à peu près 90 p.c. qui sont des gentlemen-farmers, des gens qui demeurent à Montréal ou dans d'autres centres et qui viennent en fin de semaine à Brome, Missisquoi, Shefford.

M. LESSARD: Pour eux, c'est un loisir.

M. BEDARD: C'est un hobby, un "sauve impôts."

M. LESSARD: Ne le dites pas trop fort. Vous n'avez pas, avez-vous dit tout à l'heure, eu l'occasion d'étudier les conséquences de l'abolition des concessions forestières. Je ne sais pas si c'est un mot d'ordre que l'association s'est donné mais j'ai eu l'occasion de poser la même question à votre association provinciale et sans avoir la même réponse, c'était à peu près semblable. Mais je ne veux pas vous engager. Je reconnais vos réticences et je les accepte. Vous avez dit, par exemple, que vous aviez eu l'occasion d'étudier les propositions du tome II du livre blanc sur la politique forestière concernant l'aménagement des petits boisés. En relation avec cela et dans les propositions, le ministère semble accepter toute proposition qui soit valable. Mais il y a un mémoire qui a été demandé par l'Union des producteurs agricoles et qui a été préparé par le Dr Lussier concernant l'aménagement des petits boisés dans les environs de vingt milles des régions habitées. Est-ce que votre association a eu l'occasion, comme intéressée au développement des petits boisés, d'étudier ce mémoire? Est-ce que vous pourriez préciser quelque peu vos opinions concernant ces propositions?

M. BEDARD: J'ai lu un peu plus intensément que le tome I sur les concessions forestières ce travail fait par le Dr Lussier. En principe, je crois que c'est très, très bien. Il y a une foule de très bonnes suggestions. Maintenant, je ne l'ai pas étudié aussi bien que la deuxième partie concernant les lots boisés privés du ministère des Terres et Forêts.

M. LESSARD: Alors, concernant les propositions du ministère des Terres et Forêts, est-ce que vous pourriez nous dire quels sont pour vous les avantages, les désavantages et de quelle façon le développement de ces petits lots privés pourrait s'intégrer à l'intérieur d'une politique de marché des produits forestiers? On dit dans le rapport Lussier qu'on peut en arriver sur une période de 25 ans à exploiter 11 millions de cunits, c'est-à-dire à peu près autant que ce qu'on exploite actuellement, globalement, pour l'ensemble des producteurs forestiers. Est-ce que cette politique de développement de territoire de nos petits lots boisés pourrait s'intégrer et comment pourrait-elle s'intégrer à l'intérieur d'une politique de marché? Parce que c'est bien beau de développer des produits forestiers mais il faut trouver preneur. Je voudrais que vous précisiez vos idées à ce sujet.

M. BEDARD: Au point de vue de la politique forestière qu'on trouve dans le tome II sur les lots boisés, je trouve que c'est merveilleux. Je n'ai pas peur de le dire. C'est ce que nous prêchons depuis de nombreuses années et nous n'avions pas les facilités pour les mettre en exécution. Quant au mode d'exécution, c'est merveilleux. C'est une politique forestière qui aidera énormément, du moins dans nos régions — je parle au point de vue des Cantons de l'Est — à maintenir l'approvisionnement et à intéresser un plus grand nombre de personnes à s'intéresser aux petits lots boisés.

Au point de vue du marché, vous savez que le producteur est toujours fonction des conditions du marché, fonction des acheteurs. Il y a des courtiers, des marchands de bois. Je ne veux pas entrer dans les détails. Vous savez comment cela fonctionne. Je n'ai pas de politique à faire ou de suggestion à faire dans ce domaine. Ce n'est pas toujours facile. Le commerçant de bois, bien souvent qui a son lot boisé, qui a 2,000 ou 3,000 acres de boisé, préfère passer ses quelques milliers de cordes de bois avant de passer celui qui appartient à monsieur X ou monsieur Y. Je ne veux pas aller trop loin. Mais à tout événement, la politique sur les lots boisés, est merveilleuse. Je le reconnais à 100 p.c. Il y a peut-être de petites lacunes mais, à tout événement, c'est merveilleux, et c'est ce que nous prêchons depuis de nombreuses années. Nous ne réussissions pas. Je félicite sincèrement ceux qui, au ministère, ont pensé à établir cette nouvelle politique.

M. LESSARD: Actuellement, les compagnies forestières évaluent le prix de la corde qui est

coupée sur les lots boisés à environ $33 alors que leur coût de production serait environ de $30 la corde. Est-ce que vous croyez qu'avec un aménagement plus rationnel tel que le propose le ministère des Terres et Forêts et plus particulièrement élaboré dans le rapport de l'UPA, il serait possible de faire en sorte que le bois coupé sur les petites propriétés privées devienne véritablement concurrentiel?

M. BEDARD: C'est une question... C'est la deuxième ou la première...

M. LESSARD: Il y a un peu de subjectivité dans la réponse.

M. BEDARD: Je vous demanderais plutôt de poser cette question au Conseil des producteurs qui va probablement, après moi... Je ne connais pas M. Lachance, mais je suis certain qu'il est plus qualifié que moi.

M. LESSARD: M. Bédard, j'aime mieux avoir votre réponse que lu sienne, parce que tout en me fiant'...

M. BEDARD: Un élève attend toujours la réponse d'un professeur et monsieur a plus d'expérience que moi; je suis donc un élève de M. Lachance. Je vous suggérerais de lui poser la question.

M. LESSARD: D'accord.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Charlevoix.

M. MAILLOUX: M. Bédard, vous avez dit tantôt que votre association oeuvre dans les Cantons de l'Est depuis bientôt une trentaine d'années. Je lis deux paragraphes d'un mémoire présenté hier par la Confédération des syndicats nationaux, à la page 26. Les termes concernent cette région: "Dans la région des Bois Francs...

M. LE PRESIDENT: Voulez-vous approcher votre micro.

M. MAILLOUX: ... une grosse usine de contreplaqués de Lac Mégantic (400 ouvriers) est obligée d'importer du bois franc de l'Outaouais, de l'Abitibi et du Nouveau-Brunswick. Une étude faite dans la région des Cantons de l'Est tient les grandes compagnies de papiers responsables de cette situation. "Quand les compagnies de pâtes et papiers se plaignent d'un coût supérieur à celui de leurs concurrents en approvisionnement en bois, à cause entre autres du transport, ceci laisse deviner qu'elles ont rasé la forêt, comme on exploite un gisement minier. Dans les mines, on enlève avec le filon tout le roc autour pour trier ensuite le minerai. C'est ainsi que les compagnies papetières doivent aller quérir leur bois de plus en plus loin sur leurs concessions, ce qui en augmente d'autant le coût."

Est-ce que vous auriez des observations à faire sur cette déclaration des Syndicats nationaux qui a été faite hier, devant la commission?

M. BEDARD: Je n'ai pas l'autorité de parler au nom des compagnies.

C'est un fait que dans les Cantons de l'Est, nous n'avons pas de concessions forestières. Qu'on les ait gaspillées ou non, autrefois, j'étais trop jeune dans ce temps-là pour m'en rendre compte. Mais ce qu'il y a de vrai cependant, c'est que, comme à Woburn, dans le comté de Compton, on scie 55 ou 65 millions de pieds de bois par année, et il y a trois ou quatre usines. Sur 60 millions par année, il en vient 59,990,000 des Etats-Unis, c'est dire qu'ils ne s'approvisionnent aucunement du côté québécois.

M. MAILLOUX: Tantôt vous avez dit que votre association, depuis trente ans, s'occupait de la protection de la forêt, de la sylviculture. Mais quand on lit le mémoire de la CSN...

M. BEDARD: Je ne suis pas un membre de la CSN.

M. MAILLOUX: Non, je suis d'accord. Je ne suis pas un membre de la CSN non plus. Vous parlez de la région des Cantons de l'Est, et la CSN semble en contradiction avec l'effort louable qui semblerait avoir été fait par votre association, depuis trente ans dans cette même région, si on se fie qu'un très haut pourcentage du bois dont se servent vos industries vient des Etats voisins.

M. BEDARD: Est-ce que cela veut dire que ce que dit la CSN est exact?

M. MAILLOUX: Je vous ai demandé vos commentaires.

M. BEDARD: Il faudrait que je vérifie aux sources.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.

M. LESSARD: M. Bédard, en rapport avec la question que vous posait le député de Charlevoix, vous dites que sur 60 millions de cordes, je crois...

M. BEDARD: De pieds.

M. LESSARD: ... de pieds de bois, 59 millions de pieds de bois proviennent de l'extérieur, est-ce que cela veut dire qu'il n'y a plus de bois dans les Cantons de l'Est, puisque vous nous avez dit tout à l'heure qu'on disait que depuis 25 ans il n'y en avait plus de bois dans les Cantons de l'Est? Et là, vous nous dites: Oui, il y en a du bois dans les Cantons de l'Est mais on constate qu'à partir du rapport de la

CSN et de votre déclaration, on importe massivement du bois, presque à 99 p.c, qui est coupé, à partir de l'exemple que vous nous donnez. Pourriez-vous nous donner des explications? Est-ce que la réponse que vous nous donnez confirme un peu les deux paragraphes de la CSN.

M. BEDARD: A Woburn, certains ne sont pas intéressés à aller voir un cultivateur et à acheter 2,000 pieds ou 3,000 pieds de bois et faire un montant global de 55 millions alors qu'ils savent qu'aux Etats-Unis il peuvent acheter cela d'un montant global de plusieurs millions du coup.

Alors, c'est cela l'affaire. Maintenant, dans les Cantons de l'Est il reste du bois mais, dans cette partie des Cantons de l'Est il y a des détenteurs, il y a deux compagnies: il y a Megantic Pulp, il y a Megantic Manufacturing, qui ont besoin de leurs matières premières pour s'approvisionner. Or, les usines de Woburn sont collées sur la frontière et il serait beaucoup plus dispendieux pour elles d'aller chercher leur approvisionnement loin, parce qu'elles l'ont tout près d'eux. Mais ce que je veux faire ressortir, c'est qu'il y en a qui vont dans certaines parties des Cantons de l'Est, comme Woburn, et ils disent: Dans les Cantons de l'Est il y en a. On passe à Woburn, puis on voit des piles de billots et il y a du bois.

Quand on leur dit que cela vient des Etats-Unis, ils sont tous confus. Ils croient que cela vient du cultivateur. Mais pour Woburn, ce n'est pas avantageux d'aller à Saint-Ferdinand-d'Halifax ou à Cookshire, alors que tout près, à quelques milles de la frontière, ils peuvent s'approvisionner à un prix moindre.

M. LESSARD: S'il y avait un regroupement, pour permettre à l'ensemble des cultivateurs de pouvoir vendre globalement leur bois aux compagnies, est-ce que les compagnies seraient intéressées?

M. BEDARD: Le regroupement est une idée merveilleuse, et il faut en venir à cela. D'ailleurs, je crois que c'est déjà commencé dans Dorchester, c'est une idée merveilleuse que nous de l'association appuyons à 100 p.c.

M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.

M. BELAND: Justement, cela m'amène à poser d'autres questions parce que, M. Bédard, suite à certaines réponses que vous avez données, je regrette de vous le dire, je suis nettement déçu. A certains paliers, vous ne voulez pas vous aventurer trop loin. Entre autres, vous dites que l'Association forestière des Cantons de l'Est a essayé d'être à la page d'une façon continue pour représenter ou pour défendre les intérêts, sur le plan éducatif de l'ensemble des producteurs de lots boisés privés.

Mais vous avez laissé il y a quelques instants sous-entendre que, dans la vente de ces produits que ces petits producteurs avaient à mettre en marché, vous ne saviez pas si vous laisseriez continuer à piller une certaine quantité de lots de façon complète et par de grosses entreprises et que, d'autre part, vous ne saviez pas non plus s'il y avait possibilité réellement de trouver un agencement bien précis pour faire en sorte que tous les petits producteurs de bois puissent mettre en marché leur bois. Cela peut être non seulement la pâte mais également dans les autres formes de vente de bois. Alors, à ce palier bien précis, compte tenu du fait que Soquef, tel que stipulé dans le tome II, préconise qu'il y aurait contrainte et possiblement coupe de bois par cette société, après regroupement, qu'est-ce que vous pensez de tout cela? Admettons, par exemple que vous voyez dans les Cantons de l'Est, Soquef, à un moment donné, après un regroupement, s'occuper de la coupe de bois.

M. DRUMMOND: Cela ne veut pas nécessairement dire que Soquef est une création de la CSN et non pas du ministère des Terres et Forêts.

M. BELAND: M. le ministre, je ne me souviens pas dans quelle page on peut retrouver cela, mais il y a un endroit où l'on laisse sous-entendre qu'il y aurait nécessairement regroupement de lots boisés et que, à ce moment...

M. DRUMMOND: Pour les plans d'exploitation, on a prévu un rôle plus accru pour Rexfor.

M. BELAND: Oui, mais, en somme, tout cela veut dire sensiblement la même chose, que cela s'appelle Rexfor ou Soquef.

M. DRUMMOND: Ce n'est pas la même chose, parce que la philosophie n'est pas la même dans les deux cas.

M. BELAND: Alors, prenons exactement dans vos mots, soit Rexfor, et je retourne la question à M. Bédard. Que pensez-vous du fait, M. Bédard, qu'il y aurait justement des coupes de bois à un moment donné, après regroupement par la société Rexfor?

M. BEDARD: Je suis pratiquement dans l'obligation de ne pas vous répondre à cause de l'intervention du ministre Drummond, qui lui-même a fait une distinction. C'est une suggestion de la CSN et non du ministère.

M. BELAND: La CSN pour Soquem que le ministre a dit... Je me rappelle bien, c'est hier; mais pour ce qui est de Rexfor, cela existe quand même dans le moment, Société de récupération "forestière du Québec pour les bois qui auraient tendance à dépérir, enfin, pour une

possibilité de récupération. A venir jusqu'à maintenant, Rexfor s'est limitée, presque exclusivement, à cette allée. Dans l'avenir, après remembrement ou unification en vue de coupe, dans le domaine des lots boisés privés, est-ce que Rexfor, selon vous, pourrait y mettre le pied?

M. BEDARD: Je le crois, car le jour où la nouvelle loi sera mise en pratique, le gouvernement va mettre le pied plus ou moins, long sur les lots boisés privés. Je ne vois pas pour quelle raison Rexfor ne jouerait pas son rôle même sur les lots boisés privés.

M. BELAND: Dans ce cas, si Jean-Baptiste Latrémouille, dans le rang 7, à Saint quelque chose, dans les Cantons de l'Est, supposons, une année donnée, selon Rexfor, dans ce coin, ne coupe pas. Il n'y a pas possibilité de mettre le bois en marché. Que ferez-vous si ce M. X doit couper à cause d'une raison extraordinaire?

M. BEDARD: Nous verrons en temps et lieu, je ne le sais pas. C'est une possibilité. Il y a des cas difficiles qui doivent être réglés. J'aime bien la planification mais de là à aller aussi loin que cela! D'ailleurs j'aime mieux laisser cela dans les vues du ministères des Terres et Forêts que vous donner mon opinion dans des cas aussi difficiles.

Que Rexfor intervienne dans certaines circonstances sur les lots boisés privés, nous n'avons pas d'objection.

M. BELAND: De toute façon, vous donnez votre opinion. Justement, je rattache cela à ce que vous disiez tantôt, savoir que dans l'ensemble, vous acceptez et même vous souhaiteriez que l'Association forestière des Cantons de l'Est s'occupe également de tout le processus et même de la mise en marché. Alors c'est une phase de la mise en marché.

M. BEDARD: Mais attendons-nous à des difficultés, à des problèmes, à des situations uniques qui se présenteront. Nous les résoudrons en temps et lieu. Si vous étiez à ma place, vous répondriez la même chose.

M. BELAND: Je souhaiterais que ce soit plus précis parce qu'il faut prévoir ces choses. Parce que, dans le passé, les petits producteurs ont été très souvent relégués au dernier coin. On les oubliait constamment. Alors, c'est pour cela qu'il faut prévoir ces choses autant que possible.

M. BEDARD: Là encore, étant donné que vous avez des représentants des compagnies qui sont acheteurs, M. Lachance pourrait peut-être mieux répondre tout à l'heure.

M. BELAND: D'accord.

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie, M.

Bédard, du mémoire que vous nous avez présenté et d'avoir bien voulu vous prêter aux questions des membres de la commission. Au nom de ces derniers et en mon nom personnel, je tiens à vous féliciter de ce rapport.

M. BEDARD: Messieurs, je vous remercie infiniment et je ne croyais pas que vous donneriez autant d'importance à une association régionale qu'à un organisme provincial, CSN ou autre. Je vous remercie et je ne regretterai jamais d'être venu vous voir. Merci.

Association des industries forestières du Québec

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! J'inviterais M. Anatole Côté, président de l'Association des industries forestières du Québec limitée, à présenter son mémoire. Les questions seront posées en même temps à cet organisme ainsi qu'au Conseil de producteurs de pâtes et papiers du Québec. M. Anatole Côté, si vous voulez vous placer au centre.

M. COTE: M. le Président, MM. les membres de la commission, nous apprécions l'occasion qui nous est donnée de vous soumettre nos commentaires sur le livre blanc.

J'aimerais, avant de commencer, vous présenter certains représentants de l'industrie qui n'étaient pas ici à la fermeture, hier soir. A ma droite, M. Ken Greeves et M. Bill Johnson. A l'extrême gauche M. Lucien Morais, M. Félicien Rivard et M. Roland Royer. Les autres, je crois, vous ont été présentés.

Je n'ai pas l'intention, messieurs, de vous lire notre mémoire, mais plutôt de vous soumettre ce court document qui servira de présentation et de sommaire à notre mémoire.

Nous sommes d'accord en principe sur les objectifs de la politique forestière énoncée dans le livre blanc du ministre des Terres et Forêts. Ce livre blanc démontre un souci réel pour les problèmes de l'industrie forestière, mais il contient peu de suggestions qui permettront d'améliorer la situation.

Nous regrettons d'avoir à enregistrer une opposition formelle à certains aspects de ce document conçu dans une tour d'ivoire et qui, s'ils étaient mis en vigueur, causeraient un tort irréparable au secteur des pâtes et papiers.

Nous sommes contre la création de structures nouvelles dont les seuls frais d'administration et d'exploitation tendront à augmenter le coût du bois.

Nous ne pouvons accepter la coercition totale dans les sources d'approvisionnement des usines et nous nous élevons contre la confiscation du droit des concessionnaires.

Nous devons vous signaler également que nous doutons très sérieusement que les mesures proposées dans le livre blanc, visant à réduire le coût de la matière première, pourront avoir un tel effet. Nous croyons plutôt qu'elles auront l'effet contraire.

Nous sommes d'avis que l'énoncé d'une politique forestière mise à jour est bon pour la province, mais qu'une entreprise de ce genre doit être réalisée avec la collaboration des principaux intéressés. Nous croyons que l'expérience et les connaissances de l'industrie peuvent être mises à profit sur ce rapport. L'industrie a des contacts quotidiens avec le ministère, en ce qui concerne l'administration et l'exploitation des forêts publiques. Nous aimerions voir cette collaboration couvrir la formulation d'un? politique forestière.

Nous avons trouvé extrêmement difficile de commenter adéquatement le livre blanc sans tenter d'en isoler les aspects qui se retrouvent généralement dans un document qui se veut un énoncé de politique forestière. Ce faisant, nous avons exprimé nos buts sur certains faits saillants de l'exposé, dont les quelques points suivants:

L'abolition des concessions. Nos membres ne sont pas catégoriquement opposés à un nouveau genre de tenure qui aurait pour effet de réduire le coût du bois à leurs usines. Ils seraient prêts à étudier un nouveau système à certaines conditions énumérées dans le mémoire du Conseil des producteurs de pâtes et papiers du Québec. Toutefois, ils s'opposent fermement à la confiscation de leurs droits suggérée par le ministre des Terres et Forêts et à toute autre formule qui réduirait indûment ce qu'ils croient être un approvisionnement adéquat et stable de bois en provenance des forêts présentement sous licence pour alimenter leurs usines.

Ceci serait préjudiciable aux industries tant au point de vue de leurs clients que de leurs investisseurs. Les premiers croiraient que leurs fournisseurs du Québec ne sont plus des sources fiables d'approvisionnement en produits papetiers et les seconds jugeraient que les approvisionnements adéquats et aussi rentables que possible ne sont pas suffisamment assurés pour justifier les investissements nécessaires à l'amélioration et à l'expansion des usines.

Nous ne croyons pas que le système de concessions devrait être rejeté sans une analyse de ces différents éléments. S'il comporte un certain aspect qui ne cadre plus avec les temps présents, il est fort possible que celui-ci peut être changé sans chambarder tout le système. Nous faisons allusion à l'occupation exclusive du territoire.

En pratique, ce droit est partagé. Le problème n'est peut-être pas aussi difficile à résoudre qu'il ne semble l'être et une nouvelle formule pourrait sans doute être trouvée, en collaboration avec les intéressés.

Possibilité annuelle. L'exposé sur la politique forestière déclare que seulement 65 p.c. de la possibilité annuelle de coupe est utilisée par les concessionnaires. Nous présumons que le livre blanc se réfère aux résineux seulement. Une déclaration générale de cette nature porte à confusion, comme le démontrent les statistiques suivantes qui couvrent dix sociétés respon- sables d'environ 97 p.c. de la production papetière au Québec.

Je vous fais grâce, messieurs, de tout le tableau et je vous indique seulement, si vous prenez l'année 1971, que le pourcentage d'utilisation des concessions était de 68.9 p.c, ce qui ressemble d'assez près au 65 p.c. du ministère. Mais par contre, si les usines avaient été utilisées à leur pleine capacité, ce pourcentage se serait élevé à 86.6 p.c.

Il est à remarquer que la capacité des usines de résineux a augmenté de 700,000 cunits en six ans. Avec un pareil taux d'augmentation, moins de huit années s'écouleraient avant que la totalité de la possibilité des concessions soit requise pour alimenter les usines. Il y a peu de résineux disponibles d'autres sources. La production de résineux dépasse la possibilité des lots privés, selon une étude de M. Michel Pleau, du ministère des Terres et Forêts.

Les volumes de bois rond achetés ailleurs n'ont pas varié durant les six années en cours. En 1971, près d'un million de cunits de copeaux et résidus furent achetés de l'industrie du sciage, doublant presque le volume ainsi utilisé en 1966. Ces circonstances indiquent que l'exploitation des usines à leur capacité maximale dépendra surtout des bois provenant des concessions.

Nous en venons à la conclusion que, de façon globale, il est faux et irréaliste de parler de volumes gelés sur les concessions, surtout si l'on tient compte de l'inaccessibilité économique d'une partie de la possibilité de coupe, des pertes possibles par le feu, les insectes, les pathogènes et autres facteurs que souligne le livre blanc comme la récréation, la protection de l'environnement, le zonage, les restrictions à la coupe, etc.

Nous serions de piètres administrateurs si nous n'avions pas une marge d'au moins 13 p.c. pour parer à ces éventualités. L'exploitation des usines à pleine capacité est un but dans la poursuite duquel l'industrie dépense des sommes très considérables. C'est une situation économique idéale que le Québec ne peut se permettre de laisser passer à cause d'une pénurie de bois découlant des changements de tenure et d'allocation en marge de la politique forestière proposée dans le livre blanc.

L'allocation coercitive des sources d'approvisionnement. Même si on dore la pilule, le système proposé de planification, d'allocation et de distribution du bois se résume à la détermination coercitive des sources d'approvisionnement des usines par des employés gouvernementaux. C'est là un système d'ingérence socialiste dans les forces économiques qui n'a pas de parallèle dans le monde libre et il est complètement inacceptable à l'entreprise privée.

Les fonctionnaires n'ont aucune responsabilité directe dans l'administration d'entreprises privées et ne peuvent se substituer à la direction d'une entreprise particulière dans ses décisions

d'une grande portée économique concernant ses sources d'approvisionnement.

L'approvisionnement d'une usine en bois doit être une entreprise flexible, mise sur pied dans le but de fournir un approvisionnement à la fois soutenu et variable aux usines. Les fonctionnaires ne peuvent remplacer dans cette tâche le grand nombre d'employés d'expérience dont les efforts constants sont nécessaires pour obtenir les résultats désirés.

Mesures affectant le coût du bois. Le coût du bois est déjà trop élevé au Québec en rapport avec celui des régions concurrentielles. Malgré de bonnes intentions, nous voyons peu de choses dans le livre blanc qui aideront à réduire le coût du bois pour les industries forestières de la province, particulièrement pour le secteur des pâtes et papiers qui en a le plus besoin. Nous doutons fortement qu'un système de redevances qui incluera les frais d'une société de gestion, le coût de l'aménagement intensifié, la protection des forêts contre le feu et les insectes, la mise sur pied d'une régie des produits forestiers contribuera à réduire le coût du bois. A ces frais de gestion s'ajouteront une rente variable dont l'ampleur n'est pas connue, ainsi que des dépenses additionnelles pour l'industrie résultant de mesures proposées pour contrôler les dommages que l'exploitation mécanisée peut causer, pour l'intégration des exploitations, pour l'élimination des déchets de coupe, pour la réduction de la coupe à blanc et pour les méthodes de coupes imposées pour des traitements commerciaux.

De plus, le gouvernement construira des routes d'accès et se remboursera par une charge aux usagers. Quelle sera la part de l'industrie? Nous l'ignorons. Une chose est certaine, à moins que l'industrie soit libre d'utiliser l'équipement le plus économique qu'elle est en mesure de se procurer pour transporter sa matière première sur ces routes, il en résultera des frais additionnels qui excéderont les avantages que cette mesure pourrait donner.

La perte de flexibilité dans les sources d'approvisionnement comme conséquence de plans d'allocation et de distribution coercitive du bois par les fonctionnaires contribuera sûrement aussi à hausser le coût du bois en poussant l'industrie vers un état de stagnation.

Dans la conclusion de notre mémoire, nous répétons nos fermes objections à un système qui fera du secteur des pâtes et papiers le client forcé des autres secteurs sur une base prioritaire. Nous insistons sur le fait que c'est là une drôle de façon d'assurer la vitalité et même la survivance du secteur le plus important de notre industrie forestière.

Merci, messieurs.

M. LE PRESIDENT (Lamontagne): Merci beaucoup. Le ministre des Terres et Forêts.

M. DRUMMOND: Je pense que la procédure, c'est qu'on va commenter les deux mémoires ensemble. Alors, je commence de cette façon-là. Je veux tout simplement commencer en disant que, contrairement à ce qu'a dit l'association, la politique forestière n'a pas été préparée dans une tour d'ivoire, tel que vous le préconisez. Nous sommes ici pour discuter la politique forestière telle qu'énoncée dans les tomes I et II et élaborer une politique forestière qui sera le résultat de cette commission ici où on essaie de trouver le meilleur moyen de servir la communauté de la province et pas un groupe d'intérêts donné. Alors, le fait que vous êtes ici est la preuve de notre désir de collaborer avec tous les intéressés, pas seulement l'industrie des pâtes et papiers, mais les autres utilisateurs de cette richesse naturelle.

Si je peux faire des commentaires sur le mémoire maintenant présenté par le conseil, je dois dire que ça indique un manque d'imagination comme je n'en ai jamais vu lorsqu'on cherche des solutions valables et fondamentales en ce qui concerne la politique forestière. En suggérant seulement une réduction de certains frais inhérents aux privilèges d'exploiter nos forêts et une réduction ou un gel des taxes générales, ce qu'on peut considérer vraiment comme contribution à la collectivité, et, de plus, lorsqu'on suggère d'une façon gratuite la suspension des nouveaux programmes sociaux par le gouvernement, je pense que franchement ça indique un manque de désir de vraiment analyser le problème au fond.

Je remarque là-dedans qu'il n'y a pas une grande indication, disons, de ce que pourrait faire l'industrie en travaillant ensemble pour essayer de trouver d'autres moyens. Ce n'est pas seulement le gouvernement qui va régler la situation. Je ne dirai pas que le gouvernement a créé la situation, c'est l'industrie qui en est en partie responsable. Admettons-le. Alors, est-ce que l'industrie, ensemble, a vraiment étudié les problèmes de base? Est-ce qu'on a examiné à fond la question d'utiliser les "pool trains", disons, pour aller au marché avec les produits? Si oui, où se trouvent ces études? La question des "marketing boards" a été soulevée comme une solution possible. Qu'est-ce qu'on a fait avec ça au niveau de l'industrie, ou est-ce que l'industrie ne peut pas s'entendre sur des choses de base et, lorsqu'on arrive à cela, vous êtes forcés de venir ici avec une liste d'achat.

Je n'ai pas fini encore. En ce qui concerne le deuxième mémoire, celui de l'association, je dois dire que j'ai été particulièrement déçu en prenant connaissance du contenu de ce mémoire. Aucun des seize autres mémoires présentés ici n'est aussi réactionnaire que le vôtre.

Le lecteur peu averti pourrait avoir l'impression que pour l'association, le statu quo est l'avenir d'une politique forestière. Toutes les autres représentations, les autres intéressés semblent démontrer que le redressement de l'activité forestière exige, avant tout, des modifications appréciables de nos façons traditionnelles de penser et d'agir.

Et aussi tout le long du mémoire, je retrouve une attaque contre les fonctionnaires du ministère des Terres et Forêts. Or, depuis mon entrée en fonction et, je suis certain, même avant, il y a eu une collaboration assez étroite entre les fonctionnaires du ministère et les utilisateurs de bois de la forêt pour essayer de trouver des solutions valables aux problèmes. Et pour citer deux exemples où récemment nous avons collaboré avec vous en essayant de trouver des solutions, je veux souligner d'abord un arrêté en conseil passé l'année dernière pour réduire le droit de coupe, pour donner certaines sommes à l'industrie, pour effectuer l'installation de la machinerie, pour combattre la pollution. C'est un exemple de notre collaboration. Cela ne mérite pas une telle attaque.

Je peux aussi signaler le fait que nous avons, en collaboration avec vous, lancé un programme encore avec la réduction des droits de coupe, pour embaucher des étudiants et accomplir des tâches de restauration forestière à l'intérieur de vos propres concessions. Nous payons les salaires. Nous essayons de vous aider. Mais de recevoir une telle attaque, je trouve cela un peu dégueulasse. J'ai mon voyage.

Quand même, je n'entends pas répondre à vos commentaires en vous servant la même sauce que vous nous avez offerte dans votre mémoire. Au contraire, j'aimerais savoir si vous êtes prêts à collaborer à la modernisation de notre politique forestière en vue d'orienter l'action des pouvoirs publics sur l'avenir. Pas question de toujours dire non mais de trouver des solutions qui pourraient nous amener à de nouvelles choses.

Maintenant, peut-être y a-t-il des questions à poser et je laisse la parole au député de Trois-Rivières.

M. LE PRESIDENT (Lamontagne): Le député de Trois-Rivières posera des questions.

M. BACON: Je m'adresse surtout à M. La-chance.

M. COTE: M. le Président, je crois que, après la réponse du ministre, je devrais avoir droit à quelques mots.

M. LE PRESIDENT (Lamontagne): Si vous voulez, vu que les mémoires nous ont été présentés à la commission, il est normal — et vous aurez toute la latitude voulue pour donner vos commentaires — et nous voudrions que les questions vous soient d'abord transmises. Par la suite, vous répondrez largement â toutes les questions qui auront été posées.

M. COTE: Je crois que le ministre a posé quelques questions dans ses commentaires.

M. LE PRESIDENT (Lamontagne): Si vous permettez, nous allons procéder de la manière que nous avons l'habitude de le faire. Le ministre a apporté des commentaires à vos mémoires et maintenant le député de Trois-Rivières vous posera des questions. Par la suite, vous aurez toute la latitude, comme je viens de l'indiquer, de répondre aux commentaires du ministre et aux questions qui vous seront posées.

M. COTE: Sous réserve d'avoir le droit de répondre aux commentaires du ministre.

M. LE PRESIDENT (Lamontagne): Cela fait deux fois que je vous l'indique.

M. BACON: M. le Président, suite aux commentaires du ministre des Terres et Forêts, je poserais une question à M. Lachance. A la lecture de votre mémoire, la plupart de vos suggestions ou la grosse majorité de vos suggestions ne semblent pas tellement propres à engendrer une meilleure productivité dans l'industrie des pâtes et papiers mais semblent beaucoup plus un transfert d'imputation de coût aux contribuables québécois.

Pourriez-vous nous dire ce qui vous a motivés dans ce sens-là?

M. LACHANCE: Ce qui nous a motivés à indiquer certaines mesures de nature à aider l'industrie, c'est l'état d'urgence dans lequel on s'est trouvé l'an dernier. Cela, c'est le point de départ. Mais...

M. BACON: J'ouvre une parenthèse, est-ce que c'était un état d'urgence imprévisible ou...

M. LACHANCE: Un état d'urgence imprévisible, parce que tout ce qui s'est passé l'an dernier avec la condition économique que tout le monde connaît, avec la dévaluation de la monnaie américaine, alors, toutes ces choses nous ont amenés à faire une étude en profondeur, et je pense ici que personne ne pourra nier que nous avons donné beaucoup de chiffres dans notre étude. Ce n'est pas une étude uniquement théorique, mais nous avons pris soin d'y ajouter, pour autant qu'on croyait qu'il était nécessaire, toutes les statistiques dont on disposait. Alors, je pense que là on a fait un effort louable, et nous avons nous-mêmes, dans les mesures que nous avons indiquées et qui relevaient de notre ressort, intensifié des mesures qui étaient de nature à nous aider.

M. BACON: J'ai déjà entendu dire cela par d'autres. Quand vous dites: La dévaluation du dollar a surtout causé un choc dans l'industrie, est-ce que vous diriez qu'en fait les compagnies papetières, qui savaient très bien que la dévaluation du dollar était en fait une spéculation qui était hors de leur contrôle et qui pouvait se modifier presque d'une journée à l'autre, est-ce vraiment pendant ces années-là que l'industrie papetière n'a pas pris des mesures pour parer à une telle éventualité? En fait, la dévaluation est une spéculation.

M. LACHANCE: C'était tout de même un montant appréciable; une compagnie qui faisait...

M. BACON: Pendant ces années-là, vous n'avez pas pensé que cela pouvait du jour au lendemain tomber à 4 p.c, à 6 p.c?

M. LACHANCE: Evidemment, nous savions que c'étaient des choses qui pouvaient fluctuer mais cela faisait partie des revenus que les compagnies recevaient, et, dans toutes nos négociations, quand il s'agissait de salaires et autres, tout le monde tenait compte du fait que les compagnies recevaient beaucoup plus, étant donné ces 8 p.c. de différence qu'il y avait entre la valeur de la monnaie américaine et la nôtre; alors il n'y avait rien d'imprévisible là-dessus.

M. BACON: Si le gouvernement acceptait toutes vos demandes dans votre mémoire, que toutes les subventions seraient accordées à l'industrie des pâtes et papiers, pouvez-vous me dire si cela amènerait comme conséquence un accroissement d'activités assez important, si l'industrie pourrait progresser et pour combien d'années, et redevenir ce qu'elle était?

M. LACHANCE: Les demandes que nous avons faites ne sont pas des demandes permanentes. On a passé et on passe des temps très difficiles et je l'ai dit hier. Il y a des problèmes fondamentaux qu'il va falloir résoudre. La question de l'aide qu'on demandait, qui peut représenter, non pas une subvention, comme plusieurs l'ont mentionné, mais simplement une aide temporaire qui s'élevait à environ $27 millions, mais qui représentait tout de même pour nous seulement une aide d'environ $4 millions, c'était une chose temporaire qui aurait aidé l'industrie à se replacer plus vite. Le gouvernement aurait été un des tout premiers à retirer beaucoup plus de cela que l'industrie elle-même. Parce que, quand l'industrie va bien dans une année moyenne, les industries forestières papetières du Québec et leurs employés versent en moyenne $80 millions par année au gouvernement provincial seulement. Et quand cela va mal, vous le savez, regardez ce que l'industrie papetière a payé l'an dernier au gouvernement en impôts sur le revenu, cela était très mince. Parce que, quand il n'y a pas de profit, vous n'en avez pas et quand il y en a, les deux gouvernements prennent 50 p.c. des profits qu'on fait.

Alors, vous êtes aussi intéressés, le gouvernement est aussi intéressé que nous à ce qu'une industrie qui produit pour $1 milliard par année soit progressive et soit capable d'apporter une grande contribution au développement du Québec et à son maintien et à son standard de vie, et c'est dans cet esprit-là qu'on a fait notre mémoire. Nous ne sommes pas venus ici quémander, nous sommes venus discuter avec vous du problème et répondre avec autant de franchise qu'on peut le faire à toutes vos questions.

Mais ce qu'on a toujours trouvé et ce qu'on trouve dans le moment, c'est que, quand on arrive avec un changement radical comme celui qui se pose dans le moment, on calcule qu'il y a assez d'intérêt de la part de l'industrie qu'on aurait dû consulter dans un énoncé de principe, ou apparemment, au temps où on en est aujourd'hui, d'après l'énoncé du ministre dans son premier discours qu'il a fait au début des séances de la commission parlementaire, dans lequel il nous disait que l'on n'était pas ici pour changer les principes, qu'il n'y avait rien à changer dans le principe général, on était ici pour discuter des modalités. Alors, si l'on ne peut rien changer aux principes, c'est malheureux que ce soit comme cela.

M. DRUMMOND: Au commencement de votre rapport vous dites que vous êtes d'accord sur les principes et les objectifs du livre blanc.

M. LACHANCE: On a dit que l'on était d'accord sur certains et j'ai précisé dans l'énoncé: "quelques". Je ne pense pas que j'aie dit "tous".

M. DRUMMOND: On dit ici: Nous sommes d'accord en principe sur les objectifs de la politique forestière énoncée dans le livre blanc du ministre des Terres et Forêts. C'est M. Côté qui l'a dit.

M. LACHANCE: Dans les grandes lignes oui, mais l'objectif du ministère est très louable de vouloir une utilisation complète des forêts du Québec. Nous aussi voulons la même chose. Nous voulons que les forêts du Québec profitent aux Québécois, surtout. Nous sommes aussi intéressés, aussi Québécois que n'importe quel autre. Nous sommes aussi intéressés à ce que les Québécois, dans l'ensemble, retirent autant de profit possible des forêts du Québec. Je suis tout à fait d'accord pour dire que les forêts du Québec appartiennent au Québec, d'abord. Les revenus qui découlent de l'industrie papetière le démontrent et c'est cela qui me surprend tellement quand on parle de quelques privilégiés, quand on parle des grandes compagnies qui retirent tout, quand on parle des actionnaires qui ont tout. C'est loin d'être le cas. Quand une industrie comme la nôtre produit pour $1 milliard par année, si vous calculez, et je ne me baserai même pas sur les dividendes des actionnaires qui n'existaient à peu près pas l'an dernier... mais, supposons que l'on passe une moyenne des dividendes ordinaires, même cette part-là n'est rien comparé à ce qui reste au Québec d'une industrie progressive.

M. BACON: Justement, vous parlez de dividendes. Il reste qu'il y a eu des années où l'industrie des pâtes et papiers — en fait, elle existe depuis si longtemps — a fait des profits, à un moment donné.

M. LACHANCE: Sans aucun doute.

M. BACON: Alors, qu'est-ce qui a été fait pour prévoir ou améliorer la situation? Comme je vous ai dit tantôt, vous êtes des hommes d'affaires, les 8 p.c. du dollar, vous deviez savoir mieux que n'importe qui que c'était pure spéculation. C'était sous contrôle en plus de ça.

M. LACHANCE: C'était loin d'être spéculatif.

M. BACON: Qu'est-ce que vous avez fait pour prévoir cela étant donné que c'était une spéculation, vous l'admettez, vous avez dû prendre des mesures à un moment donné pour dire: Tel jour, il est possible que les 8 p.c. baissent à 6 p.c, à 4 p.c. ou à 2 p.c. ou que cela disparaisse, comme c'est arrivé.

M. LACHANCE: M. le Président, vous savez très bien que l'industrie des pâtes et papiers au Québec n'est pas nouvelle. Elle est arrivée ici au début du siècle puis elle a progressé. Elle a connu les difficultés de la dépression. Vous savez très bien, quant à moi, je m'en souviens, au temps de la dépression, presque toutes nos compagnies étaient en faillite. Elles ont repris, grâce à des emprunts; et ces emprunts qu'elles ont dû faire pour se maintenir et pour moderniser graduellement ces genres de production, il a fallu qu'elles les remboursent. Et même après la guerre, dans les bonnes années, les compagnies continuaient encore à rembourser des emprunts qu'elles avaient contractés au temps de la dépression. Alors l'argent, si vous regardez où il est allé, il a servi à payer ceux qui nous avaient financés, il a servi aussi à moderniser, dans la mesure du possible, l'équipement, tant à l'usine qu'en forêt en suivant les développements technologiques qui survenaient. C'est cela que l'industrie a fait d'abord. Et quant aux investissements, on n'était pas pour remonter dans toute la série d'investissements depuis la dépression, mais on nous dit dans le mémoire, et vous le voyez, que nous avons investi tout de même une moyenne de $150 millions par année depuis dix ans. Sur cela, il y a eu 69 compagnies, à elles seules, qui ont investi depuis dix ans $62 millions seulement dans la mécanisation en forêt.

M. BACON: J'aimerais entendre votre opinion sur ce point: Est-ce qu'en général vous croyez que nos usines de papier sont assez modernes ou très modernes?

M. LACHANCE: Je ne dirais pas qu'elles le sont au même degré. Nous en avons 56 et ces usines ont été parmi les toutes premières installées au Canada. Nous ne pouvons pas exiger que toutes nos usines soient modernes au même degré. Par contre, on le mentionne dans le mémoire et on donne des chiffres, il y a 25 p.c. de la production de papier-journal qui proviennent d'une nouvelle machine installée depuis 7 ou 8 ans et nous avons 50 p.c. de la pâte commerciale qui est produite dans de toutes nouvelles usines.

De ce côté, je prétends que nos usines se sont modernisées et ont suivi le courant qui existait, tant en Suède qu'ailleurs, dans la modernisation. D'ailleurs, je pense bien que les membres de la commission croiront nécessaire de faire une visite dans quelques-unes des usines parmi les 56 que nous avons. C'est, à mon sens, une nécessité pour vous en plus d'une visite évidemment en forêt.

Vous allez vous apercevoir qu'en cours de route, à mesure que des développements nouveaux arrivaient, nos usines les ont adoptés. Si vous prenez, par exemple, la question des filtres, si on regarde uniquement une question comme celle des filtres, vous allez vous apercevoir que dans les usines il fallait très souvent mettre au rancard des filtres qui pouvaient être bons pour les remplacer par d'autres. Il y a eu l'arrivée des filtres centrifuges et toutes les usines en ont aujourd'hui. De ce côté, je pense que nous n'avons rien à nous reprocher.

M. BACON: Quand vous dites que vous avez investi $150 millions pendant 10 ans, ou quelque chose comme cela...

M. LACHANCE: Par année. Un milliard cinq cent millions...

M. BACON: Sauf le dollar, à votre avis, est-ce que vous auriez pu faire plus pour être concurrentiels puisque vous arrivez aujourd'hui et vous dites: nous ne sommes plus concurrentiels.

M. LACHANCE: A mon sens, nous n'aurions pas pu faire plus avec l'argent que nous avions. Il faut tout de même penser aux actionnaires. Quant aux actionnaires, il s'agit de centaines de milles.

M. BACON: Il y a une chose aussi que je voulais mentionner dans ce que vous avez dit tout à l'heure. Vous parlez des papeteries, je le comprends naturellement, on a passé à travers la crise et on a eu des difficultés financières, comme d'ailleurs à peu près toutes les industries. Mais, il faut bien se rappeler — du moins, je regarde dans ma ville, j'ai fait faire une étude par la municipalité — que vous avez eu des vacances de taxes municipales, vous avez eu certaines primes qui équivalaient peut-être à ce qu'on donne aujourd'hui par le truchement du ministère de l'Expansion économique ou le cas des zones spéciales. Cela a existé aussi dans le temps, il ne faut pas dire que vous avez fait seulement des pertes, à un moment donné vous...

M. LACHANCE: Non. Nous n'avons pas fait seulement des pertes. Nous avons fait des profits, mais c'est avec ces profits qu'on a pu en bâtir d'autres, c'est avec ces profits qu'on a pu

se moderniser. C'est là où sont allés les profits; la grande partie des profits est allée en réinvestissements de toutes sortes.

M. BACON: En parlant plus précisément de votre mémoire, vous proposez une diminution du droit de coupe de $2.94 à $0.50. Supposons que les coûts de la gestion forestière soient imputés aux entreprises forestières. Est-ce que cela a été fait dans cette optique ou dans l'optique selon laquelle le coût de gestion serait surtout absorbé par l'Etat, dans votre demande?

M. LACHANCE: On a demandé temporairement que les droits de coupe soient baissés à $0.50, comme l'Ontario l'a fait, depuis plus d'un an, pour toutes les usines situées au nord du chemin de fer du CNR.

M. BACON: Je vais vous citer une partie de votre mémoire. Vous recommandez que le gouvernement du Québec mette en oeuvre des procédures assurant la coordination de toutes les politiques gouvernementales, agissant d'aussi loin que ce soit sur la capacité de concurrence de l'industrie des pâtes et papiers. A cet égard, le mémoire ajoute ce qui suit: Un tel régime serait propre à amener des ministres et fonctionnaires, d'un certain nombre de ministères, à tenir compte de l'effet global qu'auraient sur l'industrie des pâtes et papiers les nouveaux projets de loi ainsi que les nouvelles décisions portant sur la politique gouvernementale.

Pourriez-vous me dire si, dans l'esprit des auteurs du mémoire, vous favoriseriez la formation d'un comité intergouvernemental ou un comité où siégeraient les industriels et le gouvernement?

M. LACHANCE: C'est exactement l'idée, M. le Président. Et c'est un des points que nous avons mentionnés dans notre étude et qui, à notre point de vue, sont très importants parce que, si nous sommes dans un marasme et que nous prétendons qu'aujourd'hui nos taxes et redevances envers l'Etat sont trop grandes, c'est justement par rapport à cela.

Il nous arrive une pyramide de redevances et de taxes qui n'ont pas de sens. On passe un ordre en conseil qui, à brûle-pourpoint, nous cause des dépenses additionnelles souvent de l'ordre de $1 million. Par exemple, quand le gouvernement est arrivé et, sans qu'à peu près personne le sache, certainement pas nous, a augmenté la rente foncière de $10 à $20 le mille carré, ça faisant passer à notre industrie une charge d'au-delà de $800,000 par année. Alors, c'est presque $1 million. Cela était pour un cas particulier. Vous tombez au ministère des Richesses naturelles, il a fait la même chose au sujet d'estacades et de choses de ce genre. Vous allez dans un autre ministère, c'est encore la même chose. Chacun tire de son côté et évidemment on reconnaît comme tout le mon- de que les besoins de la province sont grands, mais pour nous, c'est cette pyramide de taxes et de redevances qui nous arrive de tous côtés, de tous les ministères sans que, j'en suis à peu près certain, on en connaisse tous les effets. Alors, par un comité comme celui-là, nous pensons que cela pourrait aider s'il y avait une meilleure coordination et un certain contact, parce qu'on peut tout de même consulter. On ne veut pas dicter la politique du gouvernement, ce n'est pas à nous de le faire sûrement, mais, par contre, il me semble que les contacts peuvent aider. Ce qu'on voudrait, c'est qu'il y ait une meilleure coordination au sein des gouvernements, pour qu'ils connaissent l'effet de certaines impositions.

M. BACON: Quand vous parlez d'une imputation de $1 million...

M. LACHANCE: De $800,000.

M. BACON: ... si vous reproduisez ça sur la production totale de l'industrie, il reste que c'est...

M. LACHANCE: C'est minime, mais...

M. BACON: Quant à cela pour tous les citoyens, si on pouvait enlever toutes les taxes, ce serait bien agréable.

M. LACHANCE: Sans doute. Mais c'est exactement le raisonnement que vous émettez, qui est très juste, ce qui fait qu'on est dans le marasme à ce point de vue. C'est très peu, ce ne sont que quelques cents, quelques piastres, mais à la fin, quand vous mettez tout cela ensemble, c'est là que ça fait un paquet qui est trop lourd à porter.

M. BACON: Dans votre mémoire, vous estimez à $4 millions l'économie à réaliser annuellement du fait d'une fixation par la Régie des marchés agricoles des prix de vente des bois des petits producteurs à un niveau concurrentiel à celui d'autres ressources. De quelle façon avez-vous estimé votre montant de $4 millions?

M. LACHANCE: C'est à quelle page, est-ce au tout début?

Nous l'avons estimé simplement en multipliant la quantité de bois qui nous provient des offices par la différence de coût qu'il y a entre le nôtre et celui qu'on paye aux producteurs.

M. BACON: Pourquoi le mémoire préconise-t-il que les approvisionnements garantis sous d'autres formes de tenure que sous la forme de la concession forestière soient rattachés à des superficies déterminées?

M. LACHANCE: Parce que c'est une question de saine opération forestière, parce que c'est une question de coupe, c'est une question

de prévoir les chemins à faire. Cela est un domaine absolument technique. Peut-être un autre pourrait-il mieux répondre que moi là-dessus? Mais c'est uniquement une question d'administration, une question de coordination des coupes.

M. BACON: Qu'est-ce que vous entendez par la juste prise en considération de la valeur intrinsèque du bail de concessions comme actif des compagnies du Québec?

M. LACHANCE: Cela aussi — excusez-moi de chercher les pages.

M. BACON: Chapitre 6. M. LACHANCE: Pardon? M. BACON: Chapitre 6.

M. LACHANCE: Page 10. Juste prise en considération de la valeur intrinsèque du bail comme actif des compagnies du Québec. Vous savez comme moi que les compagnies n'ont pas obtenu, au cours des années, les concessions forestières qu'elles détiennent sans payer des primes d'affermage. Ces primes d'affermage ont été payées meilleur marché au début mais probablement à une moyenne d'environ $600 à $900 le mille.

Je sais que les dernières transactions se sont faites à peu près dans l'ordre de $1,200 le mille carré.

Cela a été au début et, depuis ce temps-là, il y en a pour qui ça représente 50 ans de détention; ces gens-là ont dû payer la protection contre le feu sur toute l'étendue du terrain et la rente foncière sur toute l'étendue des terrains, en plus des améliorations qu'ils ont faites dans la partie exploitée.

Il y a une valeur intrinsèque qui est rattachée au bail et qui fait partie de l'actif des compagnies.

M. LESSARD: Qui permet d'emprunter?

M. LACHANCE: ... qui permet d'emprunter aussi. Et la question d'emprunt, il me fait plaisir que vous la souleviez, parce que vous savez qu'il existe depuis très longtemps au ministère la Loi de la prime de transfert. Cela, c'est un point que les gens oublient très souvent. Au temps de la dépression, on a permis aux compagnies de transporter leurs concessions aux banques ou à des prêteurs pour pouvoir se financer et repartir. Mais on exigeait tout de même une prime de transfert.

Alors, les compagnies qui se sont prévalues de cette loi ont versé au gouvernement la prime de transfert du temps, qui a varié. Je ne me souviens pas des montants des premières transactions, et quand elles ont dû reprendre leurs concessions, elles ont versé de nouveau $60 le mille carré au gouvernement pour que le prê- teur remette de nouveau la concession à la compagnie.

M. BACON: Mais la prime d'affermage n'est-elle pas déductible au point de vue de l'impôt sur le revenu? Pas dépréciable?

M. LACHANCE: Cela, je ne peux pas vous le dire. Je ne peux pas vous dire si elle...

M. BACON: Très bien.

M. LACHANCE: Mais c'était une dépense quand même, à tout événement.

M. BACON: Oui, au point de vue de l'impôt... Pourriez-vous m'expliquer ceci, M. Lachance? Dans votre mémoire, vous sembliez écarter les facteurs qui font que le coût plus élevé du bois à pâte au Québec serait peut-être dû à une mauvaise répartition des concessions forestières et des méthodes peut-être plus efficaces, comme le croisement de transport et ces choses-là?

M. LACHANCE: Il me fait plaisir que vous en parliez. A un endroit donné, on mentionne certaines distances. A quelle page est-ce?

M. BACON: Je pense que c'est le chapitre 7.

M. LACHANCE: La page?

M. BACON: Chapitre 7.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Page 57.

M. LACHANCE: A la page 57, nous disons que la distance moyenne qu'il faut parcourir pour transporter le bois au Québec est de 156 milles alors qu'elle n'est que de 90 milles dans l'ouest du Canada et de quelque 60 milles dans le sud des Etats-Unis. Quand on tient compte de la topographie et de la carte géographique du Québec, à ce temps-ci, après 50 ans d'exploitation, il n'y a rien d'anormal à ce que la moyenne soit de 156 milles. Je m'explique.

Les compagnies papetières qui ont commencé à exploiter des usines au Québec ont évidemment commencé à couper le bois le plus près des usines. Elles n'étaient pas pour ouvrir, à leurs frais, des routes sur des bassins immenses. Elles ont coupé les bois les plus près et, au fur et à mesure, se sont éloignées au point qu'aujourd'hui, il y a certaines compagnies qui coupent leur bois à au-delà de 200 ou 250 milles du fleuve Saint-Laurent ou de leur usine.

Evidemment, la moyenne du transport, dans le moment, est ce qui est mentionné dans le rapport. Mais, par contre, au fur et à mesure, si on s'en tient à l'aménagement qui existe actuellement dans les concessions et aux concessions que les compagnies détiennent, on va s'apercevoir, et c'est très facile de le réaliser, puisque les compagnies ont commencé, au tout début du

bassin, à couper à peu près 1/60 de la superficie; on voit tout de suite que les beaux peuplements, dans le moment, existent très près des usines. Ils ne sont pas encore complètement arrivés, pour la plupart, à maturité, mais on trouve là des peuplements de 40, 50 ans qui sont tout près d'être en mesure d'être exploités économiquement.

Il y a même des compagnies qui ont commencé une deuxième coupe dans ces endroits-là. Mais comme une bonne administration et un bon aménagement nécessitent qu'on aille jusqu'au bout des bassins, il y a des compagnies qui sont à couper très loin et qui, avant longtemps, pour la moyenne, vont revenir chercher dans le bas de leurs concessions des quantités de plus en plus importantes de bois.

Ceci aura tendance, dans l'ensemble, à faire baisser graduellement la moyenne des distances de coupe de l'usine, parce que la moyenne qu'on donne est basée sur le volume total, et s'il y a un plus fort volume dans le moment qui se coupe au loin, ça fait augmenter la distance moyenne de 156 milles. Mais quand on sera rendu à couper aux deux endroits, au loin et à couper de nouveau des peuplements qui sont à maturité plus près de l'usine, la moyenne va baisser. Alors, pour la topographie du Québec, quand on connaît le fleuve Saint-Laurent, et tous nos bassins qui sont seulement en longueur et qui n'ont pas d'ouverture vers le nord au point de vue du commerce, on réalise très bien qu'il y a là un problème et qu'on est peut-être arrivé au maximum des distances.

Et ça m'amène peut-être à vous devancer jusqu'à un certain point, mais ce serait peut-être le temps de le faire, on a parlé et on parle à répétition et partout du marasme, du fouillis qui existe dans les concessions forestières en regard des usines. Pour nous, c'est drôle, mais il n'existe pas ce fouillis-là. Il n'existe pas. Pourquoi n'existe-t-il pas? C'est que nous avons des usines qui se sont établies un peu partout au Québec, il y en a 56, et je pense qu'on vous a peut-être remis ce matin une carte qui montre la position des usines. Et on ne croit pas qu'il y ait de fouillis, pas plus qu'on croit qu'il y ait beaucoup de chevauchement dans le bois destiné aux usines. Je n'oserais pas demander au ministère s'il a fait une étude détaillée des approvisionnements de chaque usine, mais s'il l'a faite, il va s'apercevoir très vite que ce croisement-là n'est pas tellement considérable. Il est même très minime. En 1956, on estimait qu'il y avait à peu près 9 p.c. du volume de bois qui se croisait. C'était beaucoup plus grand que ça auparavant, mais les ministères qui ont existé, c'est-à-dire le ministère des Terres et Forêts, depuis 40 ans, a fait énormément de progrès. Le ministère n'a pas toujours été, et je ne pense pas qu'il soit loin de là dans le moment, inerte. Il s'est fait quelque chose au Québec et, au tout début, même s'il y avait énormément plus de concessionnaires qu'aujourd'hui, ce qui faisait qu'à ce temps-là il y avait beaucoup de bois qui venait d'un peu partout pour approvisionner les usines, il y a eu énormément de consolidation de faite de concert avec les gouvernements du temps, énormément de consolidation de faite. Cela veut dire des échanges, ou le gouvernement ou les compagnies elles-mêmes achetaient des propriétés privées pour consolider leur affaire. Si aujourd'hui vous prenez le temps de regarder la carte et si vous passez un à un les approvisionnements des usines, vous allez vous apercevoir que les problèmes, il n'y en a pas tellement. Je n'ai pas l'intention de passer les 56 usines. Par contre, je sais que le temps est précieux, mais je pense que c'est très important tout de même, ce dont on parle, parce qu'on en parle tellement souvent. Si vous partez de l'est du Québec, Baie-Comeau, pas de problème; Matane, pas de problème; Chandler, pas de problème; New Richmond, pas de problème; Rivière-du-Loup, ce sont de petites usines qui s'approvisionnent aussi, pas de problème dans ce coin-là. La région du Lac-Saint-Jean, pas de problème à part Port-Alfred, et c'est là un problème qui peut s'expliquer. Port-Alfred est une usine qui, elle, reçoit une forte partie de ses approvisionnements par bateau.

Je ne voudrais pas qu'elles soient toutes placées là, mais c'est très heureux pour le Québec qu'on ait certaines usines placées le long du fleuve Saint-Laurent qui soient capables de recevoir durant tout l'été leurs approvisionnements qui viennent d'endroits où il n'y a pas d'usine. Par exemple, une bonne partie des gens de la Gaspésie, de Matane, de toute la côte — elle est en partie au Sud, surtout la côte gaspésienne — mais c'est très heureux que ces gens puissent vendre leur bois à part et qu'il soit transportable dans des usines capables de les recevoir. Alors, l'usine de Port-Alfred en est une qui trouve une partie de ses approvisionnements qui viennent d'un bassin voisin mais qui doivent être transportés par bateau. A Clermont, il n'y a pas de problème, à peu près, parce que l'usine possède ses concessions aux alentours. A Beaupré, l'usine reçoit une partie de ses approvisionnements du Séminaire de Québec qui est une propriété privée détenue par ce dernier et elle reçoit une autre partie de ses approvisionnements par bateau.

A Québec, il y a l'Anglo. C'est une compagnie qui s'est installée dans les alentours de 1924 — ma date n'est probablement pas précise — mais qui pendant 20 ou 25 ans s'est alimentée à même les 200 milles carrés que le Séminaire de Québec détient sur la rivière Montmorency et qui est à la porte de l'Anglo et aussi de bois qui provenait d'une concession à l'arrière du Séminaire de Québec dans le même bassin de la rivière Montmorency. Mais cela n'était pas inépuisable parce que ces bassins étaient plutôt restreints. Alors, il a fallu que la compagnie Anglo aille chercher son bois sur une concession qu'elle détient sur la Côte-Nord. Et qu'on fasse un changement radical dans la

distribution des concessions, le problème existera quand même. Parce qu'il va falloir trouver du bois à 1'Anglo et il n'y aura pas de concessions disponibles qui pourront permettre un meilleur aménagement, un meilleur coût, à mon point de vue. Il n'y en a pas. Si on en prend une qui est plus près, on va l'enlever à un autre. Il faut tout de même s'entendre là-dessus.

Quand on va un peu plus loin, il y a Donnacona. L'usine de Donnacona reçoit une faible quantité de son bois du bassin à l'arrière, sur la rivière Jacques-Cartier mais une plus forte quantité de bois lui vient par bateau ou par chemin de fer de différents endroits. Et même dans le moment, si je ne m'abuse, je pense qu'elle reçoit de la pâte qui pourrait venir de Quévillon. Mais cela, c'est un problème interne qui semble tout à fait logique qu'une usine qui produit de la pâte de la même compagnie puisse centraliser sa production de pâte dans un endroit pour transformer la pâte en papier dans une autre de ses usines.

Comme vous le savez, il y a plusieurs usines à Trois-Rivières. Cette ville a été le centre et j'espère qu'elle demeurera...

M. BACON: C'est la capitale mondiale.

M. LACHANCE: ... la capitale mondiale de la production de pâtes et papiers.

M. BACON: Si cela continue ainsi, nous aurons seulement des musées.

M. LACHANCE: J'espère que non. J'espère bien que les usines de Trois-Rivières continueront à progresser. Mais où ces usines prennent-elles leur bois? L'usine de La Tuque s'approvisionne à même le bois qui vient de la rivière et à même des copeaux qui lui viennent d'un peu partout par chemin de fer.

Quand on descend plus bas, Shawinigan, Grand-Mère, Trois-Rivières, la grande partie, à part peut-être deux usines, s'approvisionne à même le bois qui est dravé sur de très longues distances mais à un coût très raisonnable parce que la drave est un de nos moyens économiques de transporter le bois.

M. BACON: Est-ce que vous voulez dire que dans la Mauricie il n'y a pas de problème majeur d'approvisionnement?

M. LACHANCE: Il n'y en a pas. Evidemment, on n'a sûrement pas tout le bois nécessaire dans la région du Saint-Maurice. C'est pour cela qu'on est obligé de s'approvisionner par bateau et c'est le cas de l'usine de Domtar et c'est le cas de l'usine du Cap-de-la-Madeleine...

M. BACON: Je ne savais pas.

M. LACHANCE: ... qui doivent recevoir un peu de bois par bateau. Et si elles n'ont pas le bois dans le Saint-Maurice, qu'on ne pense pas encore là que c'est dû à l'incurie des compagnies. Il y a eu des feux formidables au Québec. Et les feux ont, assez souvent, bouleversé les possibilités de grands bassins de rivières comme des petits. Alors, quand on continue... Là, je passe par-dessus les usines qui ne sont pas membres de notre association et qui sont plus petites pour arriver à celles des Cantons de l'Est et de l'ouest du Québec.

Quant à l'ouest du Québec, les usines ont le bois qui leur arrive par drave. Il n'y a pas de problème à Gatineau. Evidemment, il y avait Hull, de moins en moins, il n'y en a plus dans le moment. L'usine de Portage-du-Fort a ses approvisionnements sur place. Quévillon a ses approvisionnements sur place.

Finalement, il ne nous reste que les usines des Cantons de l'Est. Que s'est-il passé de façon générale? Je ne voudrais pas entrer dans des problèmes particuliers de compagnies, ce n'est pas mon rôle, mais quand on regarde le problème dans l'ensemble des Cantons de l'Est, qu'est-ce qui s'est passé dans les Cantons de l'Est? Il s'est passé que, pour certaines raisons techniques du temps, il s'est installé des usines qui s'approvisionnaient dans ce temps-là à même le bois qu'il y avait autour, bois de propriétés privées et bois de concessions forestières qui, pour la plupart, appartenaient à des exploitants de sciage.

Aujourd'hui, on arrive à une situation où il y a eu empiètement par l'agriculture. Les concessions forestières des Cantons de l'Est ont diminué graduellement pour presque disparaître, parce qu'il y en a très peu dans les Cantons de l'Est et, aujourd'hui, les compagnies de ce coin-là... N'oublions pas non plus que la région des Cantons de l'Est n'est pas une région qui ne produit que des résineux, ce sont des peuplements mixtes qu'on trouve là, de résineux et de feuillus, et les usines qui avaient été établies là employaient surtout des résineux. Alors, n'ayant plus de bois satisfaisant et n'en trouvant pas suffisamment dans la région, il fallait trouver du bois ailleurs; autrement, on aurait fermé les usines.

Alors, je trouve que c'est louable que, de concert avec les gouvernements du temps, les compagnies aient réussi à trouver de l'approvisionnement ailleurs. C'est pour cela qu'aujourd'hui il y en a certaines qui vont chercher leur bois en Abitibi, bois qui vient par chemin de fer à un coût très élevé. Par contre, étant donné que c'est de l'épinette noire, qui est de meilleure qualité, dont les fibres sont meilleures que celles du sapin, la compagnie peut maintenir une exploitation rentable à Bromptville. Le cas des deux autres usines est un peu différent parce qu'il y a eu un approvisionnement mixte de bois feuillus et de bois mous. Alors, où est-il le problème de croisement d'approvisionnement? Je voudrais bien que, de façon concrète, on me montre où il est et ce qu'un nouveau système, une nouvelle distribution va apporter? Moi, je ne peux pas le voir.

M. BACON: Dans votre mémoire, M. Lachance, vous soulignez que le coût de l'énergie est plus élevé au Québec qu'en Colombie-Britannique et, selon votre mémoire, cette différence est partiellement due au fait que les usines du Québec utilisent un procédé de mise en pâte différent de celui de la Colombie. Est-ce qu'il y aurait moyen de savoir quels sont ces différents procédés et pourquoi les usines québécoises n'utilisent pas le procédé couramment utilisé en Colombie-Britannique?

M. LACHANCE: Nous aurions beaucoup aimé — et nous regrettons de ne pas en avoir été capables — vous soumettre des taux comparatifs. Nous avons cherché et nous aurions bien aimé vous soumettre les taux comparatifs de l'électricité pour nos compagnies comparativement à ce que d'autres usines peuvent payer en Colombie-Britannique, en Ontario ou ailleurs, mais cela nous a été impossible de le faire parce que les contrats que l'Hydro-Québec passe avec nos compagnies sont tous des contrats séparés qui tiennent compte de l'éloignement, qui tiennent compte des frais absorbés par l'Hydro-Québec ou par la compagnie.

Il n'y a pas deux compagnies qui aient exactement les mêmes taux. On ne pouvait donc pas faire une comparaison qui tienne bien. Par contre, dans l'ensemble, nous sommes d'avis et nous croyons, à la lumière des contrats qu'on a pu examiner, que l'électricité nous coûte plus cher au Québec à la base, de par le taux même, et en plus de tout cela, il s'ajoute ce que vous venez de mentionner, la question des procédés.

Vous savez comme moi qu'au Québec on est spécialisé dans la fabrication surtout du papier-journal, et le papier-journal, vous savez, ne se fabrique pas seulement avec des copeaux, il se fabrique avec une partie de copeaux et une partie de bois rond, qu'il nous faut raffiner, passer sur des meules pour en faire ce qu'on appelle une pâte mécanique.

La pâte mécanique, ces meules-là, elles tournent, mais c'est lourd et cela demande énormément d'électricité, tandis que, dans l'Ouest canadien, la majeure partie de la production est en pâte et en papier. Le procédé n'est pas le procédé au sulfite qu'on emploie surtout, dans la plupart de nos usines ici. C'est un procédé au sulfate ou au soda qui fait que, là-bas, c'est de la cuisson de copeaux qui entre en ligne de compte surtout. Ces usines emploient moins d'électricité, le procédé demande moins d'électricité que nous ici au Québec dans l'ensemble. C'est uniquement une question technique, une question de procédé différent que l'on ne peut changer ici sans des coûts très considérables. Dans la plupart des cas, il faudrait même mieux recommencer les usines que de modifier les procédés de sulfite au soda ou au sulfate.

M. BACON: Dans le montant d'argent que vous avez mentionné au début de votre exposé sur les investissements que vous avez faits pour la modernisation, auriez-vous des chiffres indiquant quel montant aurait été affecté aux réparations ou au renouvellement et quelle partie aurait été affectée à l'érection de nouvelles usines? Est-ce que vous pouvez faire une différence entre cela, pouvez-vous disséquer ce montant?

M. LACHANCE: J'aurais aimé le faire et je ne l'ai pas avec moi ici, je sais qu'on a publié ces documents dans un papetier mais ce n'est pas dans un de ceux que vous avez en main. On a séparé la partie des investissements en capital, c'est-à-dire en nouvelles usines et en réparation. On a séparé les deux. Mais, par contre, je me souviens très bien et je peux vous dire qu'au Québec la plus grande partie de l'argent investi l'a été en réparations en général. Le montant en réparations au Québec depuis dix ans a toujours été plus élevé dans l'ensemble que celui investi en nouvelles usines. Cela se comprend, parce qu'étant donné la date de nos usines, il fallait dépenser pour se moderniser au Québec beaucoup plus d'argent en changement de machineries qu'en nouvelles usines, tandis qu'en Colombie-Britannique cela a été le contraire. Le plus gros des investissements a été fait dans des usines nouvelles parce que les usines de Colombie-Britannique sont beaucoup plus récentes que les nôtres.

M. BACON: Dans la version anglaise de votre mémoire, à la page 13, vous faites état, à un moment donné, de ce que le procédé utilisé dans la fabrication du papier-journal aux Etats-Unis produit un papier plus fort ou moins sujet à la rupture, en parlant de procédé de l'imprimerie. Vous dites à un moment: Ceci entraîne plutôt les clients à exiger un papier plus fort pour l'imprimerie. Qu'est-ce que vous avez fait dans ce sens là pour améliorer votre papier ou est-ce qu'il y a une possibilité d'améliorer votre papier dans ce sens?

M. LACHANCE: Pas beaucoup dans ce sens. Je vais vous dire pourquoi. Vous savez les développements technologiques qui sont survenus. On a dit très souvent, et vous le savez, que, jusqu'aux alentours de 1940, 1945, le Québec et l'Est du Canada étaient priviligiés avec la Scandinavie dans le domaine des pâtes et papiers. Pourquoi? Parce que nous avions de l'épinette et du sapin qui étaient les seules essences utilisées. A partir de 1940, 1945, les chimistes ont trouvé un moyen d'utiliser le pin, pin du sud, pin de Colombie, et c'est à ce temps que nous avons vu un développement formidable survenir dans les 13 Etats américains qu'on appelle le sud des Etats-Unis, et en Colombie-Britannique.

Par contre, pour utiliser le pin, il fallait employer un procédé différent du nôtre. Nous autres, comme je le disais il y a un moment, c'est un procédé surtout au sulfite pour faire le papier-journal, tandis qu'eux employaient pour

les besoins du bois un procédé au sulfate. Or, le procédé au sulfate et les fibres nous donnent un papier plus résistant que celui que l'on fait au sulfite.

Notre papier a des qualités, par contre, qui sont différentes. Jusqu'à il n'y a pas tellement longtemps, cela n'avait pas une importance formidable que le papier-journal soit fait au sulfite ou au sulfate. Mais quand l'offset est arrivé, par exemple, quand le procédé offset est arrivé et que les machines marchaient beaucoup plus rapidement, la question de résistance du papier à la tension a forcé quantité d'éditeurs à se prévaloir et à acheter de préférence des papiers à base de sulfate, des papiers qui avaient une résistance beaucoup plus grande que le nôtre.

On a rémédié à cela dans la mesure du possible, mais c'est un problème qui, je pense, doit rester et va rester avec nous autres.

Le tableau 6 donne par contre, M. le Président, la différence en immobilisations et en dépenses de réparations. A la page 85.

M. BACON: Page 84.

M. LACHANCE: Page 84, peut-être? Le tableau 6. Page 85.

M. BACON: Au chapitre 14 de votre mémoire, le conseil semble adresser un avertissement...

M. LACHANCE: A quelle page est-ce, monsieur?

M. BACON: A la page 19. Vous semblez adresser un avertissement afin que les rapports entre l'acheteur et le vendeur de papier-journal ne soient pas modifiés. Est-ce à dire que le conseil s'oppose au regroupement des forces oeuvrant dans le marketing du papier-journal?

M. LACHANCE: Oui. Le point du marketing est un point important à discuter devant la commission, ici, ce matin, un point important. Il y a deux choses que je voudrais mentionner ici, c'est que souvent on nous reproche de manquer de dynamisme, de ne pas avoir suffisamment dé gens à l'affût de nouveaux clients.

Alors, pour améliorer les choses, l'industrie étudie non seulement la question d'usinage, mais aussi la question de vente. Il est faux de dire que l'industrie des pâtes et papiers du Québec a étudié la question du marketing. Ce n'est pas l'industrie qui favorise la question d'un marketing mais, par contre, certaines compagnies, quelques compagnies du Québec, depuis le début de l'année — et même l'an dernier la chose a été amorcée — ont étudié quelles seraient les possibilités d'un marketing, d'une agence de vente qui aurait groupé un certain nombre de compagnies pour la vente du papier-journal. C'est une étude qui s'est faite en profondeur avec consultation: consultation entre les compagnies, consultation avec Ottawa, parce qu'il s'agit de briser une loi qui existe, par laquelle les compagnies n'ont pas le droit de s'entendre ensemble pour la vente des produits. Après étude, les compagnies concernées en sont venues à la conclusion que les désavantages étaient beaucoup plus grands que les avantages à retirer d'un "marketing board".

M. BACON: Quels désavantages à peu près?

M. LACHANCE: Les désavantages, évidemment on peut en parler à courte portée et à longue portée. A courte portée il y aurait peut-être eu temporairement au point de vue du revenu, un avantage, parce que les compagnies auraient peut-être été capables, étant donné les besoins des Etats-Unis en papier-journal qui sont considérables, de vendre à un prix plus élevé, malgré que la chose ne soit pas sûre. Parce qu'ils auraient pu s'approvisionner très rapidement soit en Scandinavie ou dans l'ouest du pays, étant donné que ce cartel, ce "marketing board" n'aurait été que pour les producteurs de l'est du Canada. Mais les désavantages étaient bien plus considérables que les avantages, parce que, imaginez les éditeurs américains face à un cartel de ce genre au Canada, ou pour une bonne partie des usines de papier-journal du Canada, sûrement un groupe de celles du Québec. Cela n'aurait pas pris grand temps, quand on considère que, dans le domaine du papier-journal seulement, les Etats-Unis ont progressé avec une très grande rapidité, dans la fabrication du papier-journal.

Ils sont encore capables de la faire, parce que leurs ressources sont considérables. Au bout de trois ou quatre ans, on aurait vu d'autres usines de papier-journal établies aux Etats-Unis, qui auraient suffi à tous leurs besoins et nous serions restés avec notre papier.

Cela était reconnu.

M. BACON : Vous aimez mieux avoir peur que de ne pas en vendre ou...

M. LACHANCE: Ce n'est pas l'idée, mais il faut tout de même essayer de conserver un marché qui existe.

M. BACON: Mais est-ce que ce groupe de vente n'aurait pas pu ouvrir de nouveaux marchés pendant ces trois ou quatre ans, qui auraient pu satisfaire les producteurs ou leurs représentants.

M. LACHANCE: On cherche constamment de nouveaux marchés. Mais il ne faut pas oublier que, dans le domaine du papier-journal, les Etat-Unis consomment 41 p.c. de ce qui s'utilise dans le monde et nous leur vendons 70 p.c. de notre production. Alors, quand on considère ce besoin des Etats-Unis et qu'on sait que la Scandinavie est là pour voir au marché européen, c'est presque impossible pour nous de vendre sur le marché européen par rapport à

toutes sortes de choses, par rapport aux droits d'entrée qu'on exige pour le papier-journal et aux contingentements qu'on nous impose; c'est très difficile.

C'est tellement vrai pour la France, avec qui on a d'excellentes relations, que le Québec, en 1970 ou 1971, le dernier chiffre qu'on mentionne, n'a pas pu lui vendre plus que 60,000 tonnes de papier-journal. Pourtant, il y a des Français qui ont des intérêts dans la compagnie Donohue qui fabrique du papier-journal. Ils ne l'achètent même pas, parce qu'il leur reviendrait trop cher avec les frais de transport.

Alors le marché est assez limité. On ne peut pas risquer de perdre le marché américain, qui est notre marché principal.

M. LESSARD: Dans d'autres produits que la pâte kraft par exemple, comment expliquer qu'au début, lorsqu'on a lancé l'initiative de Cabano, les compagnies forestières semblaient douter considérablement de la possibilité d'un marché en Europe?

M. BACON: ... mais il semble que ce n'est pas...

M. LESSARD: Allez-y. Je reviendrai.

M. BACON: Dans un autre domaine, l'analyse des tarifs du transport ferroviaire qui apparaissent à l'annexe 3, à la page 69 de votre mémoire, indique non seulement une disparité de tarifs à l'avantage des usines américaines, mais également une disparité de tarifs à l'avantage des usines ontariennes.

De quel ordre est la concurrence exercée par les usines ontariennes à l'égard des usines québécoises sur le marché des Etats-Unis?

M. LACHANCE: De quel ordre est la différence?

M. BACON: La concurrence exercée. En fait, au point de vue concurrentiel, quelle est la...

M. LACHANCE: La différence de taux qui existe?

M. BACON: Oui, entre l'Ontario et le Québec.

M. LACHANCE: Oui, on en a parlé, je pense, un peu plus loin dans le texte, dans l'appendice quand il s'agit de transport. Je pense qu'on a donné des chiffres là-dessus. Si j'ai bonne mémoire, c'est de 25 p.c. à 30 p.c. de différence dans les coûts de transport de l'usine au client et, dans certains cas, ça peut aller beaucoup plus haut que cela. Est-ce que ça répond à votre question?

M. BACON: Oui. Juste une dernière question, je ne veux pas prendre tout le temps réservé à la commission. Dans le domaine des recherches, je ne sais pas jusqu'à quel point il y a des recherches qui se font, mais quand vous arrivez à la question du papier à imprimer, au processus offset dans l'imprimerie, vous dites que le papier se rompt plus facilement, qu'il y a plus de bris. Qu'est-ce qui a été fait à un moment donné de la part de votre association pour essayer d'améliorer ou de prévoir de nouveaux marchés ou de modifier vos produits? Parce qu'à un moment donné, vous donnez l'impression que, même si on donnait tout l'élan que vous demandez au point de vue des subsides et toutes ces choses-là, même si vous dites que c'est sur une base temporaire, c'est à se demander si vous dites qu'on ne peut pas avoir un "board" pour le marketing, parce que les Etats-Unis se mettraient à ouvrir des usines papetières. C'est encore une chose que vous devriez toujours garder en ligne de compte parce que "board" ou pas, ils vont peut-être en ouvrir, eux, des usines papetières, vous savez, sans vous le demander. Qu'est-ce que vous faites?

M. LACHANCE: On fait énormément dans ce domaine-là.

M. BACON: Qu'est-ce qui se fait dans ce sens-là? Bien, je n'ai pas cette impression.

M. LACHANCE: Il se fait énormément, dans le domaine de la recherche, recherche de marchés, recherche technique de toutes sortes, en forêt comme en usine. Et dans les visites que vous...

M. BACON: Mais votre recherche vise quoi actuellement?

M. LACHANCE: Dans les visites que vous ferez, j'espère que vous prendrez le temps d'aller à l'Institut de recherche de Pointe-Claire. Cela m'effraie, cela m'estomaque de savoir combien il y a peu de gens au Québec qui savent qu'on a à Pointe-Claire un centre de recherche qui est un des tout premiers au monde. J'en ai visité en Europe et le centre de recherche de Pointe-Claire est de toute première qualité, avec un budget d'à peu près $3 millions par année.

M. BACON: Est-ce qu'il travaille surtout sur des techniques de production?

M. LACHANCE: Oui, il a travaillé sur les deux, c'est divisé en deux parties. Il y a la partie de la forêt, la partie de l'équipement forestier et il y a la partie technique. Et au point de vue technique, on y a réalisé des choses formidables par exemple, Verti-Forma et la Papridryer et, dans le moment, une compagnie de Montréal est à fabriquer une des plus grosses machines à papier pour ses besoins au Texas.

C'est, je pense, une machine qui sera fabriquée à Montréal et qui sera envoyée aux Etats-Unis. Alors, au point de vue de la recherche, c'est de toute première qualité, ce qui se fait à Pointe-Claire. Pour les marchés, c'est la même chose. Il y a des comités qui existent, qui étudient les marchés constamment.

M. LE PRESIDENT: Messieurs, il est 12 h 30.

M. BACON: Seulement une petite chose.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je désirerais vous faire observer — je ne sais pas si mon collègue a terminé ses questions — que j'aurai à intervenir et assez longuement à la reprise des travaux. Je tiens à informer tout de suite le ministre que mon approche sera très différente de la sienne.

M. LE PRESIDENT: La séance ajourne ses travaux à 2 h 30.

(Suspension de la séance à 12 h 34)

Reprise de la séance à 14 h 35

M. PILOTE (président de la commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!

Les questions qui ont été posées par le côté ministériel concernant les pâtes et papiers sont terminées et le ministre a manifesté le désir de poser des questions à l'Association des industries forestières du Québec, à M. Anatole Côté. Alors, la parole est au ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le ministre des Terres et Forêts.

M. LE PRESIDENT: Excusez-moi, des Terres et Forêts.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): A moins qu'il n'y ait eu un remaniement cette nuit.

M. DRUMMOND: En tout cas, je ne suis pas au courant.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ou peut-être ce midi.

M. VINCENT: A la suite des paroles du ministre ce matin.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que vous remplacez Mme Kirkland-Casgrain aux Affaires culturelles?

M. DRUMMOND: J'aimerais bien faire cela, j'améliorerais mon français.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'en serais très heureux moi-même.

M. LE PRESIDENT: La parole est au ministre des Terres et Forêts.

M. DRUMMOND: M. Côté, dans votre mémoire, vous affirmez que les chemins d'accès construits par le gouvernement coûteraient plus cher que ceux construits par vos membres. Avez-vous des exemples à nous fournir à ce sujet?

M. COTE: M. le ministre, je n'ai pas d'exemple récent malgré que je pourrais en trouver, parce que j'ai entendu certains commentaires à ce sujet-là. Mais j'ai eu dans ma vie de forestier un exemple où, à un certain moment, le gouvernement construisait une route d'accès qui coûtait quatre ou cinq fois le mille ce qu'il en coûtait aux compagnies pour construire une route de même calibre.

M. DRUMMOND: Comment pourrait-on arriver à cela?

M. COTE: Tout simplement parce que l'en-

trepreneur qui construisait la route du gouvernement nous disait qu'il était payé tant le mille pour la construire alors que la compagnie en cause en construisait de semblables pour $8,000.

M. DRUMMOND: Vous voulez dire que les compagnies sont plus efficaces que le gouvernement...

M. COTE: Pas nécessairement, c'est peut-être vrai, je crois que c'est vrai même...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Aucun doute là-dessus.

M. DRUMMOND: Très bien, c'est une réponse. A la page 15 du mémoire, je voudrais vous demander si vous avez fait une comparaison entre la perte de la matière ligneuse causée par les insectes et l'augmentation du coût d'exploitation causée par une nouvelle orientation du programme de coupe pour rejeter cette mesure proposée par le ministère des Terres et Forêts?

M. COTE: Une appréciation du coût additionnel qui résulterait...?

M. DRUMMOND: Disons par rapport à la matière ligneuse...

M. COTE: Oui, mais il est assez difficile de répondre à cette question. Je peux vous dire, M. le ministre, que lors des dernières épidémies de la tordeuse, on s'est acharné à essayer de sauver les peuplements les plus attaqués. En somme, on a déplacé les programmes de coupe pour aller essayer de récupérer les peuplements les plus endommagés. Comme conséquence, on coupait continuellement du bois dans lequel on retrouvait jusqu'à 25 p.c. de pourriture, de défauts, alors que le bois qu'on avait laissé de côté comme étant encore de bonne qualité et moins affecté pourrissait à son tour.

Alors, il y a des expériences du passé comme celle-là qui doivent être prises en considération. C'était ce danger que nous voulions signaler. Mais quant à la perte exacte, je n'en ai aucune idée.

M. DRUMMOND: Dans votre optique, doit-on arroser dans de telles circonstances?

M. COTE: Je crois que les arrosages sont nécessaires dans certaines circonstances, mais c'est une question d'ordre technique et économique et il est assez difficile pour moi de répondre à la question que vous me posez sans avoir un cas précis.

M. DRUMMOND: D'accord. Si on peut retourner à la page 10, il semble que vous croyez essentiel d'étudier la structure du coût des produits forestiers provenant des petits proprié- taires forestiers. Est-ce que vos membres sont prêts à publier leurs structures de coût par unité d'aménagement de coût de la matière ligneuse provenant de vos territoires affermés pour faire les comparaisons entre les deux coupes?

M. COTE: Je ne saisis pas très bien la question, M. le ministre, mais si vous nous demandez si les industries sont prêtes à publier le coût de leur bois, cela s'est déjà fait dans le passé.

M. DRUMMOND: Je ne parle pas globalement, je parle par unité d'aménagement donnée. Parce que, lorsqu'on fait des comparaisons, c'est très facile si on le fait globalement, mais par unité d'aménagement...

M. COTE : Mais, dans plusieurs cas, devant la Régie des marchés agricoles, cela a été fait.

M. DRUMMOND: Mais je parle d'une façon générale, vos membres seraient-ils prêts à publier ces chiffres-là?

M. COTE: Non. Cela a été fait de façon particulière dans trois ou quatre cas, à ma connaissance.

M. DRUMMOND: Oui, oui, lorsqu'il faut faire la preuve, je suis d'accord qu'on le fait, mais, de façon générale, je pose des questions de cette façon parce que vous les posez de cette façon en ce qui concerne les petits propriétaires.

M. COTE: Ce n'était pas tout à fait ce que nous voulions dire, M. le ministre. C'était une étude de leur coût. Nous étudions la question de la production, du transport, etc. Qu'est-ce qui fait en somme que leur bois est de $5 plus cher que le même bois qui sert à alimenter les industries du Maine, par exemple?

M. DRUMMOND: C'est pour ça que j'aimerais voir sortir les autres chiffres, je ne sais pas si c'est vraiment $5 plus cher ou si on fait une comparaison entre les oranges et les pommes.

M. COTE: Il y a certainement beaucoup de détails à considérer, comme les essences en cause.

M. DRUMMOND: Avez-vous déjà évalué le coût de maintien par l'industrie des pâtes et papiers des territoires concédés dont la possibilité de coupe n'est utilisée que partiellement? Si oui, avez-vous déjà songé à vous départir de cet excédent pour réduire les charges fixes et, partant, le coût du bois?

M. COTE: Je crois que M. MacLeod a une situation exactement semblable à celle-là, si vous me permettez, je vais lui demander de répondre à la question.

M. MacLEOD: Si je comprends bien, M. le ministre, vous demandez si nous avons fait des calculs sur le coût qu'il y a à porter des concessions qui ne sont pas utilisées...

M. DRUMMOND: Comme Péribonka peut-être.

M. MacLEOD: C'est ça, nous le faisons tout le temps. Dans le mémoire, nous l'avons fait d'une manière globale. Chaque fois qu'une compagnie fait une comparaison de sources d'approvisionnement de matière première, elle prend en considération les coûts fixes comparés avec les coûts variables. Dans les coûts fixes, il faut prendre la rente foncière, la protection, etc comme étant un des coûts fixes. Est-ce que ça répond à votre question?

M. DRUMMOND: C'est-à-dire, même avec les taux, les redevances actuelles, une concession forestière, selon vous est une aubaine.

M. MacLEOD: Pas du tout, nous avons des concessions qui sont très difficiles à maintenir parce que la coupe que nous faisons dessus est minime. Ce sont les concessions loin de la civilisation et même les gens de l'industrie de sciage ne sont pas en mesure d'avoir ce bois-là. Quand c'est au pôle nord, ce n'est pas bien attrayant.

M. DRUMMOND: Je ne parle pas du grand nord, je parle de façon générale. Vous semblez assez satisfaits de votre sort, en tout cas.

M. MacLEOD: Vous parlez de mon sort personnel, M. le ministre?

M. DRUMMOND: Non, M. MacLeod.

A lire le mémoire de votre association, on a l'impression que les territoires concédés ont été soumis au meilleur aménagement qui soit. Alors, comment expliquez-vous le fait que, sauf de rares exceptions telles que la Consolidated Paper, les distances séparant les usines des parterres de coupe tendent à augmenter?

M. COTE: Je crois, M. le ministre, qu'on a un peu appuyé sur ce fait. Mais cette distance dont nous avons parlé et dont nous avons tenté de nous servir pour justifier notre point de vue n'est pas la plus importante. Parce que, de toutes les dépenses de transport que les compagnies ont à subir ou à assumer pour alimenter leurs usines les plus importantes sont celles qui ont cours de la souche à la jetée en forêt. A partir de là, je pourrais vous donner un exemple qu'on m'a fourni récemment et qui représentait une forte quantité de bois.

Cela coûtait environ $6 pour le débuscage, $4 pour le charroyage et $1 pour la drave qui servait probablement à transporter ce bois à une centaine de milles.

M. DRUMMOND: Je ne sais pas si j'ai bien compris mais il me semble qu'en ce qui concerne l'aménagement des territoires des compagnies données, certaines font un aménagement pour égaliser la distance du transport vers les usines. Mais il y en a d'autres qui ont commencé, évidemment il y a plusieurs années, à suivre la politique de toujours couper le bois qui est près. Il y a une différence entre les deux politiques et les principes d'un bon aménagement de nos forêts.

M. COTE: Oui, mais évidemment, il y a une question là-dedans non seulement de politique mais aussi des essences désirées que la compagnie veut couper. Elle est obligée d'aller chercher ces essences où elles sont. D'autres sont en affaires depuis assez longtemps qu'elles seront bientôt de retour aux endroits coupés en premier lieu, si on ne les leur enlève pas.

M. DRUMMOND: Non, mais c'est-à-dire qu'il y a deux philosophies qui sont un peu différentes dans la façon de procéder.

M. COTE: Oui, je dirais que ça peut varier.

M. DRUMMOND: Bien, d'accord. Dans un autre ordre d'idées, vous semblez craindre que l'imposition de restrictions concernant l'exploitation mécanisée, dans le but de protéger le milieu, n'accroisse les coûts de la matière ligneuse. Ne croyez-vous pas que ça devrait également s'appliquer à la forêt, le principe accepté par l'industrie en matière de lutte contre la pollution de l'eau et de l'air, à savoir que celui qui pollue doit assumer les frais de remise en état de l'environnement? Comprenez-vous la question?

M. COTE: Oui, c'est une question à double tranchant.

M. DRUMMOND: Oui.

M. COTE: Il est évident que nous craignons cette mesure qui est dans le livre blanc, à l'effet que le ministère entend prendre des mesures nécessaires pour éliminer les dommages. Mais c'est parce que nous ne savons pas exactement ce que vous voulez dire et nous n'avons aucune idée de ce que ça pourrait coûter. Alors, c'est le défaut de bien des déclarations du livre blanc, de bien des mesures qui, nous dit-on, vont nous aider. Nous n'avons aucune idée de ce qu'elles vont représenter. C'est pourquoi notre mémoire voulait exprimer une opposition à votre livre blanc, lui poser des objections comme vous nous aviez invités à le faire, M. le ministre, dans votre lettre nous invitant à nous présenter ici.

Je comprends votre réaction de ce matin mais, tout de même, j'ai trouvé que nous ne faisions qu'exprimer une objection, comme vous nous aviez invités à le faire.

M. DRUMMOND: Nous pouvons rester amis même si nous n'avons pas nécessairement le

même point de vue sur tous les sujets, M. Côté. M. COTE: Certainement.

M. LESSARD: C'est une amitié dangereuse de la part d'un ministre.

M. DRUMMOND: Je suis toujours ami de tout le monde, même toi, mon vieux.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Là, vous prenez un risque.

M. DRUMMOND: A la page 4 de votre mémoire, ce matin, il y avait un tableau qu'on n'a pas vu dans le mémoire, en parlant du pourcentage d'utilisation des limites avec usines à pleine capacité. Dans les dix dernières années, combien des usines de la province, grosso modo, ont fonctionné à 100 p.c. de leur capacité?

M. COTE: Je n'ai pas de chiffres là-dessus, M. le ministre, mais peut-être qu'en consultant mes compagnons, je pourrai vous donner une réponse. Paraît-il qu'il faut retourner à 1955 ou 1956 où on a même dépassé les 100 p.c.

M. DRUMMOND: Il y a assez longtemps. En utilisant 100 p.c. ce n'est pas tellement réaliste. Je pose la question parce que, quand on a pris la moyenne des huit dernières années, on a trouvé que l'utilisation vis-à-vis du potentiel de la forêt n'était que de 58 p.c. de la possibilité.

J'aimerais évidemment faire l'analyse de nos chiffres avec les vôtres parce que nous les avons reçus seulement aujourd'hui, mais lorsqu'on parle de 58 p.c. de la possibilité comme moyenne, ce sont nos chiffres.

M. COTE: Oui.

M. DRUMMOND: Alors, il faut faire l'analyse des nôtres. Il y a un écart...

M. COTE: Il y a quelque chose de plus alarmant que le pourcentage d'utilisation passée, M. le ministre. C'est l'augmentation dans la capacité des usines qui nous révèle que, dans huit ans, si cela continue à ce taux-là, la possibilité entière sera utilisée.

M. DRUMMOND: Cela pourrait être vrai mais j'ai remarqué l'année dernière la fermeture de CIP à Kipawa et aussi de Domtar à Trois-Rivières. It is a two-way street.

M. COTE: Cela est évidemment regrettable quand cela se produit. Mais on nous dit à plusieurs reprises au cours de ces assises que l'on a accusé l'industrie de ne pas s'être rationalisée, de ne pas s'être modernisée. Si vous regardez ce qui se passe aux Etats-Unis, aujourd'hui, il y a trois papeteries dans les Etats du nord-est qui viennent de fermer dans les derniers trois ou quatre mois. En Suède, on en a fermé par douzaine. Dans le seul secteur de la fabrication de la pâte, on atteint le chiffre de 25 usines. A un certain moment, il y en avait plus de 100, même 170.

M. DRUMMOND: Comment pourrait-on vraiment alors geler nos programmes sociaux lorsqu'on parle ainsi?

M. COTE: C'est une question qui s'adresse à M. Lachance. C'était dans son mémoire.

M. LACHANCE: Quelle est la question.

M. DRUMMOND: Nous parlions de la fermeture des usines pour la rationalisation de la production et j'avais posé la question: Comment pourrait-on vraiment concilier cela avec la recommandation de geler nos programmes sociaux?

M. LACHANCE: Je ne pense pas que nous ayons recommandé... Oui, nous avons recommandé de ne pas aller de l'avant dans de nouveaux programmes d'aide sociale. Mais nous n'avions pas du tout l'intention que le gouvernement se soustraie à l'aide sociale. Mais quand il arrive des cas particuliers comme la fermeture d'une usine, il me semble que c'est tout à fait normal qu'il y ait de l'argent de dépensé dans des programmes, surtout de réallocation de la main-d'oeuvre et c'est surtout cela qui compte, si on veut y penser à longue portée. Alors, nous ne pouvons pas nous y opposer. Au contraire, nous sommes toujours prêts à aider, et nous le faisons, à réorienter la main-d'oeuvre qui se trouve privée de travail.

M. DRUMMOND: Une dernière question. Si une usine comme celle de Kipawa ferme, dans le système de concession forestière actuel, est-ce qu'on doit avoir un mécanisme automatique pour retirer cette concession ou cette partie des concessions qui approvisionnent une telle usine qui vient de fermer?

M. COTE: Je crois, M. le ministre, que vous soulevez un problème particulier.

M. DRUMMOND: Non. Pour n'importe quelle fermeture. C'est une question peut-être pas générale mais cela peut s'appliquer à n'importe quelle fermeture.

M. COTE: Est-ce que vous n'avez pas dans la loi des mesures prévues dans des circonstances comme celles-là?

M. DRUMMOND: Nous pouvons toujours reprendre les concessions mais je parle de votre point de vue.

M. COTE: Je crois que vous devriez regarder l'investissement de la compagnie dans ces concessions et si vous voulez...

M. DRUMMOND: Est-ce que nous devons regarder aussi le fait qu'elles ont fait beaucoup de profits, peut-être dans les années antérieures, en tenant compte de ce que nous devons payer pour cette concession?

M. COTE: Je crois que l'un n'a aucun rapport avec l'autre.

Le gouvernement consent à accorder une concession à une industrie en présumant et espérant qu'elle fera une contribution valable à l'économie de la province, si elle réussit à faire des profits, j'espère qu'elle va réussir, parce que l'entreprise est vouée à l'échec si elle ne réalise pas de profits.

M. DRUMMOND: Je ne suis pas contre le profit, ce n'est pas cela, mais seulement lorsque ça ferme. Lorsqu'elles ont pris cette concession, c'était pour faire de l'argent avec leur usine. Si on reprend la concession, il me semble logique qu'on devrait tenir compte des profits faits par cette usine dans le passé. C'est très beau de parler des investissements, mais il y a aussi un coût social qui retombe sur le gouvernement en essayant de régler une telle situation. Il faut tenir compte de tous les aspects du problème.

M. COTE: Il y a du positif et du négatif dans cela, M. le ministre, vous devez compter si l'usine a été en exploitation pendant 40 ou 50 ans, elle a fourni un apport économique considérable à la communauté en cause sous forme d'emplois, sous forme de taxes et ainsi de suite.

M. DRUMMOND: Et sous forme de dividendes. Je ne suis pas contre cela. Il y a du pour et du contre. J'accepte cela. Cela termine mes questions. Merci, M. Côté.

M. COTE: M. le ministre, si vous me permettez un mot de plus, ce matin vous nous avez dit que nous semblions nous attaquer à vos fonctionnaires; j'aimerais dire à la commission ce n'est pas du tout le cas et, comme preuve à l'appui que nous estimons les fonctionnaires des Terres et Forêts, nous vous proposons de continuer de leur confier l'administration de la forêt au Québec, alors que vous proposez autre chose.

M. DRUMMOND: Pas pire!

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci, M. le Président, au moment de la suspension de la séance pour le déjeuner, je faisais observer que l'approche que j'entendais avoir ne serait pas nécessairement celle du ministre. Il serait évidemment peut-être électoralement plus rentable de me lancer dans une grande attaque contre les entreprises de pâtes et papiers, de les charger de tous les péchés d'Israël et de leur faire des procès de fait et d'intention. Or, je vis dans une région où, avec l'aluminium, l'industrie des pâtes et papiers, l'industrie du bois en général a été la grande source de promotion et de vie économique. Cela ne surprendra par conséquent personne si je me porte, non pas à la défense des industries des pâtes et papiers, de toutes autres industries du bois, mais si j'essaie d'apporter quelques nuances aux propos qui ont été tenus notamment ce matin par le ministre. Hier, le ministre s'est fait dire par les représentants de la CSN qu'il était de plus en plus évident que le gouvernement Bourassa n'avait pas changé son attitude devant le lobbying des pâtes et papiers. Je ne sais par quel exercice de pénitence catholique ou anglicane le ministre ce matin s'est revisé et, venu à résipiscence, a confessé jugement et a décidé d'épouser une thèse qu'il avait rejetée hier, soit la thèse socialiste de l'étatisation complète qu'avait proposée la CSN.

M. DRUMMOND: Soyons logiques, j'avais exprimé certaines réticences sur certaines organisations préconisées par la CSN. C'est tout simplement cela.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'était le début de votre confession.

M. DRUMMOND: Pas une confession, j'avais dit que cela manquait un peu de réalisme. C'était seulement cela.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je sais que dans votre religion vous pratiquez le libre examen.

A tout événement, M. le Président, permettez-moi de vous dire que l'attitude du ministre m'a un peu surpris. Je ne m'attendais pas et je ne souhaitais pas non plus qu'il défendit les compagnies de pâtes et papiers. Mais j'aurais voulu cependant qu'il abordât le problème avec plus de sérénité et qu'il nous indiquât quelles étaient réellement ses intentions en ce qui concerne le réaménagement du territoire forestier du Québec. Au contraire, le ministre a fort mal pris les observations qui ont été faites par les deux associations qui se sont présentées et qui ont déposé des mémoires dont nous avons maintenant les textes. Il ne me paraît pas à l'analyse que ces mémoires comportent une critique qui puisse être interprétée comme un refus de collaboration avec le gouvernement.

On y dit notamment, dans l'un d'entre eux qu'en principe, l'on accepte l'intention du gouvernement de procéder au réaménagement du territoire forestier, avec cependant des réserves extrêmement sérieuses, étant donné la répercussion qu'une action accélérée du gouvernement pourrait avoir sur la situation actuelle des pâtes et papiers et sur l'avenir de l'industrie du bois en général.

Mais le ministre a sursauté lorsqu'on a dit que ses livres blancs, enfin, que son livre blanc, qui est vert, semblait avoir été préparé en

cabinet, dans une sorte de tour d'ivoire. Le ministre a sursauté lorsqu'on a fait cette observation. Pour ma part, cela ne m'a pas fait sursauter du tout parce que d'expérience, je sais comment sont préparés les livres blancs et cela n'implique pas du tout que les fonctionnaires qui les préparent, qui y travaillent, ne soient pas compétents. Seulement il y a une dimension pratique qui échappe quelquefois à ceux qui n'ont pas l'habitude du travail sur le terrain.

A ce propos, je voudrais immédiatement poser une question à M. Lachance, ainsi qu'à M. Côté. Est-ce que le ministère des Terres et Forêts a consulté vos associations avant de préparer son document qu'on appelle le livre blanc?

M. LACHANCE: M. le Président, évidemment, la réponse est non, pour autant que le Conseil des producteurs des pâtes et papiers est concerné. Et je puis dire aussi, malgré que je ne voudrais pas interpréter non plus l'opinion de M. Côté, mais j'ai l'assurance que la même chose s'est produite en ce qui concerne l'Association des industries de pâtes et papiers.

Nous n'avons aucunement été consultés dans la préparation du livre blanc qui, comme vous venez de le dire, a une importance vitale sur notre industrie et sur l'industrie forestière, dans l'ensemble.

M. COTE: M. Tremblay, pour éviter toute équivoque, je crois qu'il serait bon de dire qu'en ce qui nous concerne, nous ayons eu l'occasion et le privilège, je dirais, d'avoir des explications personnelles de la part du sous-ministre, après la publication du tome I du livre blanc. Mais cela ne veut pas dire que nous avons eu l'occasion d'exprimer nos vues de façon précise sur le contenu du tome II qui est le plus important et qui consiste en des recommandations concrètes.

M. LACHANCE : Je pourrais peut-être ajouter pour ne pas froisser, certes pas avec intention, les ingénieurs du ministère des Terres et Forêts, qu'il existait et qu'il existe encore, à ma connaissance, un comité.

Et des rencontres ont eu lieu entre M. Duchesneau, le sous-ministre, et des représentants d'associations des industries forestières pour discuter de différents problèmes.

Mais en aucun temps avons-nous pu discuter parce que ces choses-là étaient réellement tenues en cabinet; nous n'avons jamais été consultés quant à l'orientation à donner à une nouvelle politique forestière.

M. DRUMMOND: Et c'est la même chose pour n'importe quelle autre association, nous sommes toujours en contact avec les autres associations, sur tous les problèmes de l'industrie. Mais d'une façon formelle, la réponse est correcte.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): La réponse est non. Bon, alors, je n'ai pas besoin...

M. DRUMMOND: De façon formelle.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, de façon formelle. Je ne demanderai pas au ministre de préciser cela parce que nous aurons l'occasion d'y revenir.

Alors, M. le Président, je reviens à ce que je disais au départ, il me paraît y avoir, entre le livre blanc du ministère des Terres et Forêts et les mémoires dont nous avons pris connaissance hier et aujourd'hui, une différence de conception.

D'un côté, le livre blanc du ministère des Terres et Forêts semble favoriser, je ne dirai pas le socialisme comme tel parce que j'imagine que le ministre des Terres et Forêts n'est pas socialiste, à moins qu'il n'appartienne que de nom au parti dont il est membre... il m'apparaît que la politique du livre blanc procède d'une volonté d'étatisation généralisée du domaine forestier.

J'aimerais savoir de M. Lachance et de M. Côté s'ils acceptent la thèse d'une économie de concertation entre l'Etat, les travailleurs et l'industrie dans le domaine de l'exploitation forestière.

M. LACHANCE: M. le Président, nous sommes les premiers à admettre qu'il n'y a pas de progrès dans le statu quo. Nous ne sommes pas intéressés au statu quo. S'il y avait eu un statu quo dans l'industrie des pâtes et papiers, nous n'aurions pas 56 usines au Québec. Par contre, nous aimerions, comme je le disais ce matin, afin qu'il y ait profit pour tout le monde, qu'il y ait des réunions plus fréquentes et qu'une politique puisse s'élaborer à la suite de discussions techniques et autres entre le gouvernement et les intéressés.

Que les syndicats expriment leur point de vue au gouvernement au sujet de travail en forêt ou en usine, libre à eux et je pense que c'est leur droit de le faire, mais il me semble que l'industrie devrait, elle aussi, avoir les mêmes droits. Evidemment, c'est très intéressant de venir ici devant vous, discuter de ces problèmes, mais vous allez admettre que nous n'avons pas un tableau noir où nous pourrions expliquer, de façon beaucoup plus claire, beaucoup plus intéressante probablement, des problèmes fondamentaux qui sont d'intérêt aussi grand pour vous qu'ils le sont pour nous.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Côté, je vous pose la même question.

M. COTE: Je crois que j'ai peu à ajouter à ce que le Dr Lachance vous a dit, M. Tremblay. Je vais passer outre, si vous voulez.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Bon. Alors, M. Lachance, dans les mémoires, soit le vôtre ou celui de votre collègue, M. Côté, il est question de ce problème de la création d'organismes gouvernementaux ou paragouvernemen-taux. Vous semblez craindre — et je partage, à

certains égards, vos craintes à ce sujet — l'apparition, la naissance de multiples organismes gouvernementaux et paragouvernementaux pour des raisons d'efficacité, de coûts, etc. Est-ce que vous pourriez nous fournir des renseignements additionnels ou préciser davantage votre pensée à ce sujet? Parce que, hier, nous avons entendu des plaidoyers en faveur de la création d'organismes gouvernementaux ou paragouvernementaux qui seraient responsables de l'exploitation, de l'aménagement forestier, etc., et cela, de façon exclusive.

M. COTE: M. Tremblay, il est vrai que nous craignons la formation de ces organismes paragouvernementaux, parce qu'il en existe déjà quelques-uns et leur efficacité est loin d'être démontrée, mais ce n'est pas surtout là où réside notre crainte. Nous voyons, dans une société de gestion, par exemple, une émasculation du ministère des Terres et Forêts. En somme, que va-t-il rester des principales activités du ministère si cette société de gestion prend en main la protection, l'aménagement, l'inventaire, etc., tel qu'énuméré dans le livre blanc? Nous craignons que le ministère des Terres et Forêts devienne une agence de planification avec un personnel beaucoup trop nombreux. Parce que, connaissant les difficultés qu'ont les ministères de muter leur personnel, il est fort probable que tous ceux qui sont en place demeureront là, certains d'entre eux iront, probablement à la société de gestion mais nous avons l'impression bien nette que cela va coûter beaucoup plus cher que cela ne coûte aujourd'hui.

De plus, il y a un autre point. Le livre blanc ne nous parle nullement de la composition de la société de gestion. Qui va en faire partie? Si c'est pour être en majorité des fonctionnaires du ministère, quelle est l'utilité de former cette affaire-là? Qu'on forme tout simplement un groupe dans les structures actuelles et qu'on lui confie les tâches de gestion, d'aménagement, etc.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Côté, si vous permettez, pour compléter ce que vous venez de dire, est-ce qu'en parlant de cette agence de planification, vous souhaiteriez, s'il doit en exister une, qu'elle soit composée de représentants du monde de l'industrie, des ouvriers et du gouvernement par ses fonctionnaires?

M. COTE: Je n'ai pas confiance personnellement, je ne parle pas au nom de l'industrie, parce que je n'ai pas de mandat pour vous donner leur attitude là-dessus, mais je crois que les fonctionnaires aux Terres et Forêts sont compétents pour faire la planification qui s'impose dans l'exécution de leur devoir, mais la planification ne doit pas devenir une raison d'être. Alors, il n'est pas nécessaire aux Terres et Forêts d'avoir une organisation monstre pour s'acquitter des besoins de la planification.

M. LACHANCE: Puisque la question de M. le Président s'adressait à M. Côté et à moi, il me semble qu'il faudrait dire aussi, sans vouloir embarrasser M. le ministre des Terres et Forêts, que le ministre lui-même semble d'accord avec nous quant à l'efficacité et l'économie à réaliser dans des questions de ce genre-là, puisque lui-même disait, et on le retrouve dans les débats de l'Assemblée nationale du 20 juin: Plusieurs craignent d'ailleurs que la prise en main par l'Etat de la gestion de ses propres forêts ne nuise plutôt aux utilisateurs à cause de la réputation des gouvernements d'être de mauvais gestionnaires. Cette crainte, nous la partageons. Alors, il me semble qu'on ne peut pas s'attarder tellement longtemps à savoir qui des deux est le plus efficace puisque le ministre lui-même admet que l'entreprise privée est plus efficace que le gouvernement. Mais cela n'empêche pas du tout que le gouvernement en conserve la garde, et cela a été heureux pour le Québec, parce que, somme toute, le gouvernement a la responsabilité des forêts d'Etat, les forêts où nous travaillons, même si nous avons des baux. Cela demeure tout de même une forêt de l'Etat où il est très normal et logique que ce soit le gouvernement qui en garde la haute direction.

Je pense que c'est ce qui existe au Québec depuis 1909 et même avant, mais certainement depuis 1909, quand le gouvernement a cru bon de créer un service forestier qui, dans les années qui ont suivi et en 1920, forçait tous les concessionnaires à maintenir des plans d'aménagement que lui devait approuver et qu'il a approuvés, de fait, année après année.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela m'amène, M. Lachance, à vous poser une question directe sur les propositions du livre blanc en ce qui concerne les divers modes d'allocation du territoire, allocation de type contractuel, d'approvisionnement à long terme, de permis d'usage, de contrats d'approvisionnement à moyen terme. Dans l'optique du mode de fonctionnement de vos industries, quels peuvent être, à court terme, à moyen terme ou à long terme, les effets d'abord, sur la viabilité de vos entreprises, sur leur rentabilité, sur le coût du bois et quelles peuvent être les retombées dans le domaine de l'emploi?

M. LACHANCE: C'est un problème très compliqué et qui demanderait énormément de temps pour, je pense, vous donner une réponse satisfaisante. Je pense que ce qui est inquiétant dans une réallocation globale de toutes les forêts du Québec, sans que la méthode ait été au préalable essayée sur une base pilote, d'étude pilote, ce qui est inquiétant, c'est que, dans le moment, il est admis que tous les concessionnaires forestiers maintiennent leurs forêts sous un rendement soutenu, ce qui veut dire à perpétuité. C'est reconnu du ministère autant que nous. Ce qui veut dire que, comme je le disais ce matin, les premières coupes ont été

faites au proche et qu'on s'éloigne graduellement pour après cela avoir un équilibre quand tout un territoire aura été ouvert. Si, du jour au lendemain, on enlève les concessions aux compagnies, il y aurait peut-être autrement des modifications à faire au système actuel; c'est pour cela que je parlais de statu quo. Il y aurait peut-être moyen d'étudier des modifications au système actuel sans tout bouleverser. Ce qui arrive, c'est qu'on passe par-dessus bord ces plans d'aménagement qui ont été conçus, approuvés et qui sont très coûteux, que l'on passe par-dessus bord des plans d'aménagement des forêts du Québec à perpétuité. Parce que, si on soustrait du concessionnaire les parties du bois qui sont rendues à 40 ou 50 ans, si on lui enlève ces parties, on brise l'équilibre qu'il y a dans son plan d'aménagement qui veut qu'il y ait du bois très jeune et du bois prêt à couper, mûr. Alors, là, il y a certainement un déséquilibre.

Mais ce qui compte pour nous, c'est que nous soyons capables, de concert avec le gouvernement, que ce soit par le truchement des concessions forestières modifiées ou par d'autres formules, ce qu'il faut à l'industrie du Québec si elle veut se maintenir et progresser, c'est de trouver ensemble les moyens pour qu'on ait à nos usines un bois qui nous coûte moins cher. C'est aussi simple que cela, la prise de position des compangies papetières. Qu'on parle d'allocation à 30 ou 40 ans, pourvu qu'on soit capable et qu'il nous soit assigné un terrain propre. Pourquoi veut-on un terrain propre où on serait les seuls à couper les essences d'un terrain donné? Justement pour cela. Parce que cela demande de la planification dans l'industrie. On ne fait pas des coupes de bois au hasard. Les plans d'aménagement le prévoient. Ils prévoient des révisions constantes dans les plans actuels. Et c'est nécessaire. Parce qu'on n'ouvre pas un terrain du jour au lendemain. Il faut d'abord déblayer le terrain, le laisser essorer, préparer seulement la route et, une troisième année, peut-être, la finir. Alors, cela demande des plans d'opération qui sont à longue portée. Il faut que les terrains soient délimités et qu'on soit certain d'orienter les coupes de la bonne façon sur un terrain où nous faisons nous-même les coupes.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, compte tenu, M. Lachance, de ce que vous venez de dire, vous n'auriez pas d'objection de principe à cette formule de contrat d'approvisionnement à long terme...

M. LACHANCE: C'est exact.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pourvu que les terrains soient bien délimités.

M. LACHANCE: Pourvu que les terrains soient bien délimités et qu'on y retrouve la même qualité et la même quantité de bois dont on a besoin.

Parce que, voyez-vous, dans un changement tel que proposé, c'est bien beau prévoir pour le Québec une utilisation à 100 p.c. des ressources forestières; j'ai étudié l'aménagement en 1940, à Québec et aux Etats-Unis, j'ai préparé une thèse qui traitait exclusivement des ressources forestières du Québec en fonction de l'industrie des pâtes et papiers et j'ai eu de longues discussions avec mes professeurs d'aménagement et d'économie, à savoir si c'était bien et si dans l'aménagement d'un territoire à 100 p.c, l'on devait garder 20 p.c. des réserves en cas d'épidémie et de feu.

Alors, si on distribue la possibilité globale d'un endroit donné du Québec, dans un territoire donné et que l'on ne se garde pas des réserves en cas d'épidémie ou de feu, eh bien, qu'arrivera-t-il? Des fermetures considérables et à long terme d'usines, à moins qu'on ne trouve le bois ailleurs qui nous reviendrait à des prix exagérés. Là on devrait parler de subventions de l'Etat envers les industries, ce à quoi on ne tient pas.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, M. Lachance, dans cette optique, cette perspective, supposons que vous ayez un territoire délimité correspondant aux normes qui seraient de nature à assurer la viabilité de vos entreprises et leur rentabilité. Qu'en est-il de l'utilisation de certaines essences de bois dont on dit que vous en êtes les propriétaires à l'heure actuelle et que vous ne les utilisez pas au détriment par exemple, de l'industrie du bois de sciage, de l'industrie du meuble, etc.? Ce sont des reproches qu'on vous fait souvent et c'est peut-être là un des actes d'accusation les plus souvent répétés contre les entreprises que vous représentez.

M. LACHANCE: Oui, M. le Président, il n'y a aucun doute que c'est une remarque qu'on nous fait savoir, que nous ne disposons pas tellement volontiers d'essences que nous n'utilisons pas. On dit même que l'on réclame trois droits de coupe à celui qui en a besoin. Admettons que les concessions que nous avons nous donnent le droit exclusif à toutes les essences. Par contre, en fait et en pratique, je pense que le ministère est prêt à admettre que depuis une dizaine d'années surtout —parce que cela se faisait auparavant aussi — les compagnies ne disposent et n'utilisent que les bois dont elles ont besoin. Les bois francs, depuis dix ans, ce sont d'autres qui les utilisent, à moins qu'il y ait une usine, une de nos usines qui aient besoin de bois franc. Evidemment notre usine va prendre sa part de bois franc dans la concession qu'elle détient. Mais dans l'ensemble, de concert avec le gouvernement, les compagnies se sont réunies à plusieurs reprises et elles ont distribué le mieux possible les ressources, les essences, feuillues surtout, dont avait besoin l'industrie du sciage. Les compagnies ont été très raisonnables parce que les demandes étaient tellement fortes durant les

dix dernières années, que les compagnies se sont opposées à ce qu'on épuise tellement rapidement les essences feuillues. Si on avait cédé à cette utilisation très grande des feuillus, eh bien, il n'y aurait plus de feuillus disponibles au Québec dans le moment, tandis qu'il en reste peut-être encore pour environ huit ans. Parce que la politique du gouvernement, je pense, quant à l'utilisation des feuillus, a été une politique d'épuisement et non pas une politique à rendement soutenu. Je peux les comprendre à ce point de vue, parce que les essences feuillues, à part évidemment les terrains au sud du fleuve, ne sont pas de tellement belle qualité.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, est-ce que je peux conclure, M. Lachance, de ce que vous venez de dire que vous accepteriez sous toutes réserves des normes que vous voudriez voir appliquer, la proposition qu'on trouve dans le livre blanc, le permis d'usage, à l'intérieur des territoires qui seraient désignés et affectés à vos opérations?

M. LACHANCE: Sans aucun doute, M. le Président, puisque ça existait déjà. Les usagers ont des permis de coupe sur les concessions des compagnies de pâtes et papiers. J'aimerais aussi, pour le bénéfice des membres de la commission, revenir sur une citation, sur un point mentionné dans le livre blanc ou par le ministre dans son discours — je ne me rappelle pas exactement où — à l'effet que nous imposons jusqu'à trois droits de coupe à ceux qui coupent sur nos concessions des essences comme le merisier, le bouleau ou autres. Il me semble qu'il faut tout de même être logique et honnête à ce point de vue-là. Il s'est chargé deux, trois droits de coupe pour celui qui en avait besoin. Mais ce qu'on ne dit pas par exemple, malheureusement, on ne l'a même pas dit dans le rapport de la commission Bélanger, on ne dit pas que le premier droit de coupe, la compagnie doit le verser au gouvernement. Le deuxième droit de coupe ou le troisième, suivant la position des peuplements que la tierce personne veut couper, tient compte d'un pourcentage de la construction du chemin, du mesurage, aussi et très souvent de l'utilisation des camps, aussi de la protection contre le feu et la rente foncière, enfin des charges que la compagnie assume, qu'elle doit verser, qu'elle doit payer.

Je ne veux pas dire, vous savez, qu'on est sans péché, je ne veux pas dire non plus qu'il n'y a pas eu parfois des exagérations, probablement qu'il y en a eu, mais par contre, je pense que, dans l'ensemble, on peut être logique et dire que cela a été très bien fait.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, dans une des objections que nous avons entendues, hier et avant-hier, on nous a parlé, ce sont les associations de sciage qui nous ont dit ça, que vous les mainteniez dans un marché captif et qu'il n'était pas possible pour elles de négocier avec d'autres entreprises, soit en dehors du Québec ou ailleurs, la vente de copeaux etc. Qu'est-ce que vous avez à dire au sujet de cette accusation qui a été portée hier ou avant-hier, par les entreprises de sciage?

M. COTE: Je crois, M. le député, que cette accusation s'adressait plus au ministère. On disait qu'il leur était impossible d'offrir ce produit, les copeaux, à l'étranger. Mais c'était à cause de restrictions d'exportation dans les produits. Je ne vois pas comment l'industrie du sciage est empêchée par l'industrie des pâtes et papiers d'aller vendre ses copeaux à l'extérieur.

M. DRUMMOND: C'est exact.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je vous pose la question, parce que, selon la façon dont cela a été formulé, on laissait entendre que vous aviez fort à faire dans ce domaine.

Maintenant, vous avez parlé tout à l'heure du besoin de certaines de vos industries à vous, et il y a un exemple qui me vient à l'esprit. Je pense que c'est M. MacLeod qui pourrait peut-être me répondre là-dessus. Qu'est-ce qui justifie enfin l'existence d'une scierie à Notre-Dame-du-Rosaire et le gel, pour ainsi dire, d'une concession, d'un territoire assez important, à proximité de la rivière Péribonka?

M. MacLEOD: M. le Président, je parle comme un pauvre dans le moment, alors, faites attention à vous.

M. Barry nous a traités de cette manière avant-hier en disant en même temps qu'il voulait avoir des meilleures relations avec l'industrie de pâtes et papiers. En ce qui concerne notre usine sur la rivière Péribonka, c'est une scierie que nous avons construite en 1966 et nous avions trois buts principaux en considérant et en approuvant la construction. Le premier but était que nous avions anticipé de faire un profit, de faire une scierie rentable.

Cette scierie était la première au Canada à se servir d'un nouveau système appelé le "Soderham Chipper Canter." C'en était la première application commerciale. La compagnie Domtar l'avait expérimenté et nous avons essayé d'être des pionniers. Malheureusement, nous n'avons jamais fait de profit si ce n'est depuis deux mois.

La deuxième raison était que nous avions une concession considérable en étendue sur la rivière Péribonka, qui était une réserve plus ou moins, pour notre usine à Port-Alfred, qui n'avait pas d'autres concessions situées tout près. Alors, pendant l'histoire de cette concession, qui date de 1923 ou quelque chose du genre, nous avons fait des échanges avec la compagnie Price afin d'essayer d'exploiter la concession au moins à la moitié ou à un tiers de sa capacité. Mais cette entente s'est terminée en 1965 et, par la suite, nous avons voulu essayer de faire une ouverture. Nous avons cessé nos

opérations de coupe pendant un an et nous voudrions les reprendre afin d'avoir les copeaux pour Port-Alferd et le bois en pâte. S'il y avait un manque de bois des autres sources d'approvisionnement, c'est beaucoup plus facile de se procurer du bois quand il y a une exploitation en marche que de faire démarrer une exploitation. Cela prend un an de planification avant de pouvoir faire une coupe. Alors, le but était d'avoir une réserve à la portée de la main en cas de pénurie de bois à Port-Alfred.

La troisième raison — vous direz peut-être que c'était primordial mais je dis que c'est la troisième — était que nous ne voulions pas garder une grande concession sans faire quoique ce soit avec, parce que je crois et notre compagnie croit que c'est nécessaire d'essayer de faire une exploitation sur une concession parce que nous prenons le risque de la voir prise par une autre ou d'avoir à en donner une partie à une autre. Est-ce que cela répond à votre question?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, cela répond à ma question. Maintenant, M. Lachance et M. Côté, je reviens à certaines propositions du mémoire des producteurs de pâtes et papiers. Vous suggérez au gouvernement des mesures, un allégement, par exemple, ou la suppression d'une partie des impôts, redevances, etc., réduction à 50 p.c. par cunit du droit de coupe, réduction du taux annuel de la rente foncière, enfin, l'ensemble des requêtes que vous présentez et ensuite la question de la politique en vertu de laquelle le gouvernement paierait le coût de construction des chemins d'accès dans les régions forestières. Si nous prenons l'ensemble de ces recommandations et si nous essayons de supputer le coût que cela pourrait représenter pour l'ensemble de votre exploitation, qu'est-ce que cela pourrait apporter comme élément stabilisateur ou élément de promotion dans la relance de l'industrie des pâtes et papiers? A combien estimez-vous les montants que vous pourriez récupérer et qui vous permettraient de moderniser vos industries, de les relancer, de faire de la recherche comme on en fait à Pointe-Claire? Et j'ai été très heureux des renseignements que vous nous avez fournis à ce sujet-là. Alors, j'aimerais savoir exactement comment vous appréciez globalement ce que vous retireriez de ces allégements que vous demandez au gouvernement.

M. LACHANCE: Si le gouvernement, à l'heure actuelle, nous accordait ces diminutions de redevances, avec d'autres démarches que nous sommes à faire et des modifications, des mesures que nous avons prises nous-mêmes dans nos entreprises et l'aide fédérale que nous entrevoyons aussi, nous pensons, que cela pourrait nous aider à nous placer sur une base concurrentielle avec le sud des Etats-Unis et la Scandinavie puisque nous estimons que, pour nous mettre à peu près au pas avec les autres, nous aurions besoin d'une réduction des frais de $10 la tonne.

Nous croyons que, si le gouvernement nous accordait, pour quelques années, ce que nous demandons, ça représenterait une diminution du coût annuel d'environ $4.17 la tonne. Or, comme nous croyons avoir besoin d'environ $10, ça voudrait dire résoudre à peu près la moitié de nos problèmes pour le moment.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Lachance, ce n'est peut-être pas dit explicitement dans votre mémoire, mais vous l'avez dit ce matin, ou M. Côté l'a dit, vous avez parlé de mesures temporaires. Alors, temporaires, dans votre esprit, ça veut dire échelonnées sur une période de combien d'années?

M. LACHANCE: Evidemment, je n'ai consulté personne pour exprimer une opinion là-dessus mais, personnellement, je pense que, si nous avions des mesures de l'ordre de trois ans par exemple, cela pourrait nous aider à nous remettre d'aplomb.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Lachance, je reviens à la politique énoncée par le ministre dans son livre blanc. Supposez que le gouvernement applique, d'ici un an, telle qu'elle est exprimée dans le livre, la politique qu'il recommande, qu'il nous a soumise en matière d'allocation des ressources, quelles pourraient être, à court terme, les répercussions sur l'ensemble des industries de pâtes et papiers? Et si vous me permettez d'ajouter ceci, quelles pourraient être, dans le domaine de l'emploi, les conséquences?

M. LACHANCE: Je pense que l'industrie serait d'accord pour dire, dans le moment, que, si de telles mesures étaient appliquées d'ici dix ans, de la façon qu'on l'entrevoit dans le livre blanc, parce qu'il y a beaucoup d'indécisions, certaines mesures, des mots très vagues très souvent, malgré ça, si le gouvernement, en abolissant immédiatement ou d'ici dix ans les concessions forestières sans avoir étudié davantage le problème, cela aurait, au point de vue industrie au point de vue du travail, comme vous le mentionnez, un effet néfaste. Il y aurait un ralentissement considérable des négociations, qui seraient très longues, une indécision qui serait logique de la part du gouvernement pour prendre une position ou l'autre.

L'industrie se trouverait tellement prise dans de l'indécision et de l'imprécis que je craindrais personnellement de voir la fermeture même de certaines usines. Inutile de dire que l'emploi en forêt et l'emploi dans les usines pourrait sûrement s'en ressentir.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui. Il vous apparaît assez clairement que, à brève échéance, ça pourrait avoir des répercussions très importantes sur l'emploi.

M. LACHANCE: Je le crois.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, M. Lachance, on vous a fait des reproches très sévères et c'est revenu ce matin, hier encore, et on lit ça un peu partout que vous ne vous êtes jamais modernisés, que vous ne vous êtes pas mis au pas, que vous n'avez pas su prévoir. Personnellement, je tiens à vous dire que je ne suis pas de l'avis, avec des nuances bien entendu, de tous ceux qui prétendent que vous avez failli à la tâche et que vous avez été imprévoyants, que vous n'avez pas prévu l'évolution, les marchés, la fluctuation du dollar ici ou ailleurs.

Je ne suis pas du tout d'accord avec ceux qui prétendent ça, parce que l'évolution au Québec s'est produite de la façon qu'on connaît, les industries ont évolué au rythme d'évolution du Québec. Il est bien évident que vous n'avez pas pu tout prévoir comme n'importe qui n'aurait pas pu tout prévoir. Mais, depuis une dizaine d'années, quelles sont, pour l'ensemble ou dans des cas particuliers des industries que vous représentez, les modifications majeures, transformations, améliorations qui mettent aujourd'hui vos industries dans une position telle qu'elles puissent concurrencer les industries étrangères? Quelles sont les grandes usines qui ont été transformées?

M. LACHANCE: Je pense que, dans l'ensemble, une des choses que l'industrie a faites, ç'a été d'être à l'avant-garde de tous les pays du monde dans la mécanisation forestière. C'est tellement vrai ce que je dis là qu'il y a huit ans, quand je suis allé en Suède et qu'à la suite de ma visite, il est venu ici au Québec 30 Suédois, ils étaient uannimes à dire qu'il fallait mettre de l'avant, au plus vite, les techniques qu'ils venaient de voir ici au Québec et en Ontario.

Et de fait, nous avons trouvé cela partout, nous avons trouvé par la suite qu'ils avaient utilisé le même genre d'équipement. Par contre, malgré tous ces développements, même si la mécanisation poussée nous a aidés à compenser pour des salaires plus élevés que nous avons payés en forêt, étant donné la topographie du Québec, les difficultés que nous éprouvons dont nos hivers, nous sommes toujours en désavantage comparativement à l'exploitation qui se fait dans le sud, où il n'y a pas d'hiver et où le terrain est plus facile, de même qu'en Scandinavie.

Cela a été, je pense, un des points très importants et qui ont demandé beaucoup d'argent de la part des compagnies, à savoir la mécanisation en forêt. A l'usine, à part cela, il y a eu quantité d'autres développements. Evidemment, il n'était pas question pour nous de changer les procédés. Nous avions des usines au sulfite, il fallait les garder au sulfite. Quand on constate, par contre, le nombre de machines à papier nouvelles qui ont été installées au Québec, depuis 10 ans, la date de la construction des usines ne veut presque plus rien dire. Nous avons des usines, celle de Chandler qui est presque une usine nouvelle, même si la bâtisse elle-même date de très longtemps, des machines nouvelles y sont installées. A Alma, se trouvent des machines nouvelles, ainsi qu'à Jonquière. L'usine de Baie-Comeau a deux nouvelles machines, celle de Grand-Mère aussi. Enfin, je pourrais vous nommer toute une série d'usines qui ont des machines à papier nouvelles qui, comme vous le savez, coûtent en moyenne, de $20 à $30 millions, si mon chiffre est à peu près dans la moyenne; dans le plus cher, mais dans la moyenne, une machine à papier coûte de $20 à $30 millions. Nous avons aussi établi, installé, construit deux nouvelles usines à pâte, celles de Quévillon et de Portage-du-Fort.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, M. Lachance, il est bien évident que l'installation de ces machines nouvelles a eu une influence sur le coût de production du bois. Mais est-ce que ce coefficient qui est intervenu est une des causes de cette augmentation graduelle du coût du bois, toute cette modernisation que vous avez faite dans vos usines?

M. LACHANCE: Non, M. le Président, il n'y a pas eu d'influence. Evidemment, la mécanisation nous a aidés mais l'augmentation du coût du bois n'est pas due à des développements qu'on a pu faire. Je ne sais pas si cela répond â votre question. Cela nous a aidés; si nous n'avions pas eu cette mécanisation, si nous n'avions pas eu des méthodes nouvelles d'utiliser le bois à l'usine même, le coût du bois serait encore plus élevé.

Une autre remarque que j'aimerais faire, à la suite de ce que vous avez dit auparavant, une chose assez curieuse aussi et qu'on doit noter, c'est que les deux usines toutes nouvelles que nous avons construites dernièrement, celle de Quévillon et celle de Portage-du-Fort, même si elles sont nouvelles et des plus modernes qui soient au monde, sont des usines qui sont peut-être moins rentables que les usines plus vieilles et où on a ajouté des machineries nouvelles. Parce que les mises de fonds, aujourd'hui, sont tellement considérables; les problèmes qui surviennent, des problèmes de mise en marche d'entreprises nouvelles sont tels que le financement de nouvelles entreprises est très coûteux et rend ces usines pas tellement rentables.

Evidemment, ici, je touche à un point de vue particulier. Les représentants des deux compagnies en question vont vous présenter des mémoires. Ce seront sûrement eux qui seront en mesure de vous dire jusqu'à quel point l'usine de Portage-du-Fort et celle de Quévillon sont rentables. Ce sont des problèmes particuliers.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Quelles sont les projections pour, disons, cinq ans à venir, en matière de modernisation, réaménagement, se-

lon des données modernes, des usines qui n'auraient pas encore été transformées?

M. LACHANCE: Je n'ai pas les sommes que les compagnies se proposent de dépenser pour la modernisation et la transformation de certaines usines. Je ne les ai pas. Je sais qu'on a gardé la moyenne de $150 millions. Par contre, l'an dernier les investissements en réparations et modernisation ont été très bas, de l'ordre de $10 millions, je pense, $50 millions au lieu de $150 millions.

Evidemment, c'est en fonction des profits. Quand on passe des années comme l'an dernier, il ne reste sûrement pas d'argent pour moderniser l'équipement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, M. Lachance, je ne veux pas vous tenir sur la sellette trop longtemps, j'aurais une autre question à vous poser dans le domaine plutôt technique. Qu'est-ce qu'il vous en a coûté pour installer ces appareillages antipollution dans les usines de pâtes et papiers, si tel est le cas?

M. LACHANCE: Je n'ai pas le coût, M. le Président, de ce qu'a pu coûter à ce jour l'installation de machinerie antipollution. Ce que je peux dire par contre — et nous l'avons dans notre mémoire — c'est qu'il en coûte deux fois plus cher pour installer de l'équipement antipollution dans des usines déjà en place qu'il n'en coûte de le faire au temps de la construction d'une usine. Nous estimons, je pense, à $200 millions dans notre mémoire, ce qu'il en coûterait à l'industrie pour satisfaire aux normes de la province sans tenir compte de ce que le fédéral pourrait exiger.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Lachance, pour terminer, je vais vous poser une question d'ordre un peu plus général. A la lumière des mémoires que vous nous avez présentés, vous et votre collègue, M. Côté, et en lisant le document que vous avez présenté au gouvernement, au mois de janvier, je pense, compte tenu de la politique énoncée par le ministère dans son livre blanc, il m'apparaît à moi que vous n'êtes pas partisans du statu quo. Il m'apparaft que vous voulez collaborer avec le gouvernement à la promotion de l'industrie forestière, il reste la question des modalités. Au sujet de cette question des modalités, sans nécessairement épouser la thèse de l'étatisme global, complet, radical, est-ce que vous seriez d'accord pour aller dans le sens d'une association de plus en plus étroite avec l'Etat dans ce domaine de la promotion et de l'exploitation forestière? Parce que le reproche majeur que l'on vous fait — et l'examen des chiffres pourrait prendre beaucoup de temps — c'est de vous retrancher dans une position acquise et de refuser d'aller de l'avant et de marquer un progrès qui s'accorderait avec l'évolution actuelle du Québec.

M. LACHANCE: Evidemment, nous sommes prêts à coopérer avec le gouvernement dans l'étude de programmes qui pourraient être à l'avantage du gouvernement et de l'industrie et de tout le monde. Maintenant, nous tenons à ce que les coupes de bois soient faites par les compagnies forestières, par les compagnies papetières. Cela n'enlève pas du tout le rôle de Rexfor, parce que nous trouvons que Rexfor a sûrement un rôle à jouer dans la coupe de bois. On parlait ce matin de terrains privés, je trouve qu'il n'y aurait rien de mal à ce que Rexfor soit organisée sous forme d'équipes volantes qui pourraient suppléer aux cultivateurs ou aux propriétaires de lots boisés pour les aider s'ils désirent faire des coupes de bois. Mais de là à voir Rexfor ou une société d'Etat faire la coupe de bois sur nos terrains ou dans la forêt pour nous, non. Nous savons, si on en juge par l'expérience passée, par les opérations forestières faites par des sociétés de ce genre-là, combien il leur en coûte pour faire la coupe du bois.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Croyez-vous que certaines des entreprises que vous représentez accepteraient d'être étatisées, comme on nous l'a proposé hier?

M. LACHANCE: Pour répondre textuellement à votre question, je dois dire non.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non. Maintenant, M. Lachance, ce matin, vous nous avez parlé... M. Côté, je m'excuse, si je me trompe, on me corrigera, vous nous avez parlé d'une possibilité de visite de certaines usines. C'est vous, je pense, qui nous en avez parlé. J'aimerais m'adresser ici au ministre et au président, on nous a fait une proposition qui me parait très pertinente. Nous discutons ici, à mon avis, un peu dans l'abstrait, de grands problèmes dont les messieurs qui sont devant nous connaissent les tenants et aboutissants.

Je pense que ce serait une heureuse initiative si le ministère des Terres et Forêts invitait les membres de la commission, ou ceux qui le veulent, à visiter certaines usines types. Je serais, quant à moi, très heureux d'inviter les membres de la commission à visiter certaines usines de notre région, celles de Price, de Consol, etc.

Je vois M. Johnson ici qui m'approuve, d'ailleurs il a un très beau nom. Il me rappelle d'excellents souvenirs. Je souhaiterais vivement que nous puissions le faire afin que nous puissions nous rendre compte, sur place, de ce qui existe, de la façon dont on travaille et aussi, peut-être, pour prendre contact non seulement avec la direction des industries, mais avec les travailleurs, afin de vérifier si c'est bien vrai que tout le monde se plaint, que tout le monde se sent malheureux, malade, etc.

M. le Président, j'en fais la suggestion et je demanderais au ministre de prendre les disposi-

tions, s'il le veut bien, pour organiser de pareilles visites, qui seraient très utiles. Cela ne lui coûtera rien, nous paierons les frais, quitte à demander aux entreprises de nous servir un peu de cidre.

M. DRUMMOND: Dans votre optique, M. Tremblay, est-ce que vous préconiserez de visiter les producteurs de bois, les usines de sciage...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ah si!

M. DRUMMOND: ... les scieries, les chantiers coopératifs en même temps?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si, chez nous, vous avez tout ça, chantiers coopératifs, usines de sciage, grandes entreprises, pâtes et papiers et ainsi de suite. Cette suggession est sérieuse, parce que cela nous permettrait de démythifier le problème, de faire disparaître un grand nombre de préjugés. Cela nous permettrait aussi de réexaminer les documents que nous avons devant nous, ceux qui nous seront présentés, afin d'avoir une idée concrète du problème et de ne pas nous lancer à la défense de théories qui peuvent être fort séduisantes mais qui ne concordent pas nécessairement avec la réalité que vivent tous ceux qui travaillent sur le terrain.

Alors, j'imagine que les journalistes seraient également intéressés. Quant à moi, M. le Président, j'ai terminé les questions que je voulais poser. Peut-être d'autres me viendront-elles mais je laisse la parole à mes autres collègues. Merci, M. Lachance et M. Côté.

M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.

M. BELAND: M. le Président, j'aurais aussi une quantité de questions, cependant, je dis dès le départ que ça va raccourcir le temps qui va m'être alloué parce que, justement, une certaine quantité de réponses m'ont été données par les questions qui ont été posées antérieurement, tant du côté ministériel que du côté de l'Unité-Québec.

Or, au tout début, je crois du moins nécessaire de jeter un bref regard sur le passé.

Ce mémoire qui a été présenté, tant hier soir que ce matin, laisse deviner que vous semblez vouloir dire qu'il y a un état d'urgence qui existe et que ce fut imprévisible, jusqu'à un certain point. Pour ce qui est du retour dans le passé, à ce moment-là, je remontrai jusque dans les années 1957 et je rapporterai un fait où, ayant eu à aller aider à négocier un contrat de bois, j'ai posé à un des représentants d'une compagnie donnée cette question: Est-ce que, par hasard, les compagnies se sont entendues entre elles de quelque façon pour fixer le prix payé — j'entends par là le prix payé pour les pâtes et papiers — aux petits producteurs? La réponse que m'a donnée le représentant de la compagnie a été simplement que je me suis à peu près fait traiter de petit renégat. J'ai plus ou moins aimé ça, mais je le tenais pour acquis. J'en ai fait part à mon député du temps qui lui-même m'a envoyé promener. L'année suivante, je vois dans les journaux en grande manchette que quatre compagnies avaient été reconnues coupables de monopole pour la fixation de prix à payer aux petits producteurs de bois, de lots boisés privés. Mes appréhensions étaient justes.

Tout ceci pour dire que même ainsi je suis un tenant ardent de l'entreprise privée, à la condition évidemment que vivre soit en même temps laisser vivre les autres, et nos industries privées doivent continuer d'exister. Pour ce faire, je pense, non pas avec la naiveté que moi-même j'avais dans le passé, mais en étant de 1972, qu'il va falloir dialoguer peut-être davantage aujourd'hui, et d'autres occasions nous seront probablement fournies de dialoguer aussi avec le ministère des Terres et Forêts. Vous vivez de réels problèmes présentement, et parmi ces problèmes fondamentaux, pour tâcher d'éclairer ma lanterne davantage, ma première question sera celle-ci: Dans votre livre principal, de janvier 1972, à la page 6, mesures recommandées au gouvernement du Québec, dans vos propositions, à l'article c): Suppression de taxe sur le carburant utilisé en forêt par l'équipement motorisé sur les routes non publiques et abolition des frais d'immatriculation imposés à cet équipement, etc., etc. Pour cet article précis, vous avez dû calculer combien ça pourrait vous représenter en moyenne à la corde. Est-ce que vous pourriez répondre à cette question?

M. LACHANCE: Oui, M. le Président, nous avons ça dans un tableau à la fin qui donne ces choses-là.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): $0.76 par cunit de bois produit.

M. LACHANCE: $0.76 par cunit, c'est-à-dire une dépense de $3.3 millions pour l'industrie et n'oubliez pas que c'est une taxe qui n'est pas imposée dans les autres provinces canadiennes.

M. BELAND: Très bien. J'aurais peut-être dû regarder davnatage, plus loin et plus à fond le volume. Maintenant, si on va immédiatement à d):Adoption d'une politique en vertu de laquelle le gouvernement paierait le coût de construction des chemins d'accès dans les régions forestières, etc. A cet article précis, est-ce qu'également vous avez le coût approximatif que cela épargnerait par corde de bois?

M. LACHANCE: Nous avons ça en page 8 et ça représenterait $0.31 la tonne. Il y a un tableau en page 8 qui donne la valeur par tonne de ce que ces mesures pourraient nous apporter d'aide.

M. BELAND: Très bien. Dans ce cas, puisque 1'énumération que vous avez là, je la retrouve par après, c'était simplement pour vous faire préciser, afin que ce soit inscrit au journal des Débats. J'irai un peu plus loin. Je rappellerai, pour me reporter également à ce que je disais tantôt, dans les années 1957, 1958, nous, les producteurs de bois, puisque j'en étais un, nous vendions le bois de pâte à l'acheteur que l'ensemble des compagnies était, nous le vendions comme producteurs $11 ou $12 la corde. Si on ajoute le montant que devait coûter le transport et le reste, cela devait vous revenir aux environs de $19 ou $20, $21 la corde. Dans le même temps, le bois coupé sur vos propres concessions ou sur les terrains de la couronne coûtait aux environs de $30 la corde. Cela veut dire que nous subventionnions indirectement, nous les petits producteurs de bois, les compagnies.

A ce moment, nous avons accepté cela et disons que je ne retourne pas davantage dans le passé, mais je tenais à le citer quand même. Vous disiez tantôt également, je ne me rappelle pas exactement si c'est vous-même ou l'autre représentant, que 50 p.c. de la pâte dans le moment est fabriquée dans les nouvelles usines. C'est grandement possible, parce que j'ai eu l'avantage de visiter quelques usines, et effectivement il y en a qui sont hautement mécanisées et de façon nettement à améliorer la situation qui existait il y a quelques années et à couper votre coût de production. Il y en a d'autres usines qui laissent à désirer. Dans le passé, de l'aide comme cela a été apportée de toutes parts, soit par le gouvernement, indirectement, par des allégements fiscaux ou de taxes municipales, etc., et peut-être d'autre façon, comme je le citais. Le gouvernement principalement a insisté sur le fait qu'il voulait vous aider à améliorer la mécanisation de vos usines. Or, est-ce que les montants que vous avez pu récupérer par ces allégements fiscaux dans le passé ont servi entièrement ou en partie à la mécanisation ou à l'amélioration de vos usines plutôt qu'à d'autres petites améliorations courantes et dans quelle proportion?

M. LACHANCE: M. le Président, j'aimerais avoir des précisions sur ce que vous croyez avoir été des allégements fiscaux ou des allégements d'impôts. A ma connaissance, il n'y a eu d'allégement d'aucune sorte. Il y a bien eu celui que le ministre mentionnait ce matin pour aider à l'achat d'équipement antipollution et il y a évidemment un contrôle de bon aloi du gouvernement sur l'argent qui est dépensé à cette fin.

M. BELAND: Oui, vous dites d'ailleurs dans votre rapport que vous souhaiteriez avoir des allégements de quelque façon ou des subventions de quelque sorte pour vous munir des systèmes antipollution. Là-dessus, peut-être que cela vous surprendra, mais je serais d'accord, mais seulement en même temps, il faudrait penser et peut-être suggérer avec instance que le gouvernement fasse exactement de même pour les autres industries. J'irais même plus loin, je porterai mon exemple beaucoup plus loin. Il faudrait quand même penser aussi exactement dans le même sens dans le cas de cultivateurs qui sont rendus dans le centre d'un village et qui, à cause de la pollution par la senteur, incommodent mesdames et sont forcés de déménager un bon matin sans aucune espèce de subvention.

Cela leur cause drôlement préjudice. Il faudrait à ce moment-là, penser également, non pas seulement à l'industrie papetière mais à l'ensemble des autres industries ou organisations qui nécessiteraient l'installation de semblables machines pour éliminer les éléments polluants.

Vous avez parlé de gel de taxes et d'impôts, si on fait suite au propos de tout à l'heure, qui pourrait représenter, en réponse à l'honorable député de Chicoutimi, un montant de $4.17 la tonne et vous souhaiteriez que cet allégement soit pour trois ans. Maintenant, en retour de cela, supposons que ce serait accepté par le ministère des Terres et Forêts, qu'est-ce que vous apporteriez d'amélioration sensible à la population?

M. LACHANCE: C'est très difficile de répondre à votre question, parce qu'on ne sait pas réellement ce que cela pourrait donner. Par contre, nous disons quelque part dans notre mémoire que, si nous avions l'aide que nous demandons et si la part de notre industrie dans le marché mondial pouvait être ce qu'elle était auparavant, si la productivité augmentait de 3 p.c. — la productivité d'usines peut augmenter si on modernise encore davantage — nous pourrions d'ici 1985 à peu près, fournir en forêt et à l'usine environ 10,000 emplois de plus. Evidemment, les impôts que le gouvernement retirerait seraient en proportion des profits réalisés.

M. BELAND: C'est entendu qu'à la suite de l'agencement d'un aussi volumineux rapport, vous avez dû tout peser, soupeser et repeser. Egalement, les incidences que peuvent avoir, d'une façon cyclique, les élections américaines. Parce que, quand on parle de taux de change et le reste, cela entre en ligne de compte. Est-ce que cet élément a été prévu? Parce que vous avez dit que certains étaient imprévisibles. Il reste un fait, est-ce que cela a été prévu?

M. LACHANCE: Evidemment, nous avons prévu les élections américaines parce que c'était défini. Il n'y avait pas grand mérite de notre part de prévoir une élection américaine.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est tous les quatre ans.

M. LACHANCE: A tous les quatre ans, oui.

Je voudrais bien que quelqu'un puisse nous éclairer sur la fluctuation, sur la différence qui existe et qui existera entre le dollar américain et le dollar canadien. Vous savez, quand le gouvernement des Etats-Unis a décidé de déprécier sa monnaie, si quelqu'un l'avait su, ni Ottawa, ni Québec, ni personne ne le savait, on serait millionnaire aujourd'hui. Mais ce sont des choses que nous n'avons pas pu prévoir.

M. BELAND: C'est bien évident d'une façon claire, nette.

Par contre, il y a toujours eu, ou du moins depuis un certain nombre d'années, des fléchissements semblables lorsqu'il y avait effectivement des élections aux Etats-Unis, compte tenu du fait de la grande masse, pour employer cette expression, de papier ou pâte qui se dirige vers les Etats-Unis. Or, c'est une chose qui a dû être, jusqu'à un certain point, prévue et évaluée grosso modo.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): L'attentat du roi Hassan, aussi.

M. LACHANCE: A ce sujet-là, vous savez, nous étudions constamment ces choses, la répercussion et les faits de la demande américaine, parce que nous nous intéressons tout autant et même plus à la demande américaine que ce qui se passe ailleurs. Par exemple, on sait très bien que le mouvement de la population américaine vers le sud des Etats-Unis et vers l'ouest, nous affecte d'année en année; parce que nous savons qu'en 1975, à peu près, la masse de la population des Etats-Unis se sera déplacée de l'est des Etats-Unis vers l'ouest et le sud. Ce n'est pas à notre avantage. Mais il n'y a rien à y faire.

M. BELAND: D'accord, je vous remercie pour cette réponse. Ce n'est pas à cause de l'énumération du député de Chicoutimi que je vais changer de propos, parce que cela ne me dérange guère.

Mais à un certain endroit de votre volume, vous faites une allusion au fait que, dorénavant, vous souhaiteriez que les représentants de la mise en marché des lots privés de la province, qui sont les offices et syndicats de producteurs de bois, représenteraient pour vous un certain handicap.

Il est entendu que les offices et syndicats de producteurs de bois, en 1971, par exemple, ont fourni à l'ensemble des papeteries du Québec environ 20 p.c. de votre consommation. Est-ce que vous pourriez préciser quelles sont vos appréhensions? Est-ce que vous pourriez aller un peu plus avant dans vos appréhensions et si vous souhaiteriez en échange quelque chose? Que serait ce quelque chose?

M. COTE: M. le député, je crois que vous nous référez à l'endroit du mémoire où on dit qu'on souhaiterait que les compagnies de pâtes et papiers ne soient pas obligées d'acheter le bois des cultivateurs quand il n'est pas dans leur intérêt de le faire. C'est ça?

M. BELAND: Oui. Vous avez justement fait une allusion dans ce sens-là et...

M. COTE: Ce à quoi nous nous opposons dans tout le commerce des bois à pâte en provenance des boisés privés, c'est l'obligation d'acheter un produit qu'à un moment donné ou dans des circonstances données, une compagnie particulière trouve qu'il n'est pas dans son intérêt de l'acheter, que le prix demandé n'est pas économique.

Et comme vous le savez, aujourd'hui, avec le mécanisme de la Loi des marchés agricoles et le bill 41, les compagnies sont souvent dans l'obligation d'acheter des bois qu'elles considèrent non économiques.

M. BELAND: C'est grandement possible parce que, si on regarde l'ensemble, il est bien clair que, même si vous allez chercher du bois à une distance de 300 milles et plus ou, pour une raison ou pour une autre, très difficile d'accès, il est bien clair que ce bois vous coûte énormément cher. Mais dans l'ensemble, est-ce que le bois acheté des offices et syndicats des producteurs de bois vous coûte plus cher que la moyenne, présentement?

M. COTE: Nous le croyons et vous avez des chiffres, je crois, à la page 54 où on illustre, dans un tableau comparatif, trois sources d'approvisionnement, soit le bois des concessions, celui qui vient des cultivateurs sous forme de bois rond et celui qui est acheté des scieries sous forme de copeaux. Si vous avez le livre ouvert à cette page, vous voyez que le bois des cultivateurs soûte $33.08, celui des concessions, $30.09 tandis que les copeaux coûtent $29.63 pour une tonne anhydre. Cela était pour l'année 1970.

Je n'ai pas de statistiques précises pour l'année en cours mais je n'ai aucune raison de croire que les choses ont changé.

M. BELAND: On va également sur un autre palier; il est bien clair que vous souhaitez qu'il n'y ait pas confiscation des concessions forestières. Vous l'avez clairement énuméré tout à l'heure. Supposons d'une façon ou d'une autre — parce que ça se dessine évidemment dans le livre blanc, tome I, tome II — que ça aurait lieu. A ce moment-là, est-ce qu'il serait acceptable, pour tous les genres d'industries — que ce soit vous ou M. Lachance qui réponde — que l'Etat offre au plus haut enchérisseur, par petites sections, les territoires de la couronne que l'on possède.

Est-ce que ce serait une chose pensable que ce soit divisé par sections plus ou moins grandes pour de là les allouer au plus haut enchérisseur, compte tenu des besoins des différentes industries?

M. COTE: Si vous voulez parler des terrains vacants de la couronne, je pense que personne ne s'oppose à ça si l'Etat veut agir ainsi, mais si vous voulez parler des concessions actuelles ou des forêts domaniales qui servent déjà à alimenter les usines, je doute que votre proposition soulève un grand enthousiasme.

M. BELAND: Alors, je pose la même question à M. Lachance.

M. LACHANCE: Ce que j'étais pour dire, M. le Président, c'est que les compagnies ne sont tout de même pas pour payer deux fois. Elles ont déjà payé une prime d'affermage pour les concessions qu'elles ont dans le moment. Si, comme vous le dites, il y avait confiscation, les compagnies ne seraient pas prêtes, je pense bien, à ce que les concessions soient confisquées — je tiens bien à dire "confisquées" — et à partir de nouveau avec un élan d'enthousiasme pour payer pour des concessions nouvelles.

M. BELAND: C'est vous, enfin qui, dans votre rapport, parlez de confiscation possible, compte tenu de ce que le livre blanc disait. A ce moment-là, je pars de cette affirmation pour vous le demander, parce que c'est bien beau de faire des affirmations de toutes sortes à un moment donné, mais il faut essayer de trouver une issue quelque part.

M. COTE: Je crois, M. Béland, que vous soulevez toute la question de notre opposition, de notre attitude que nous-mêmes avons qualifiée de négative vis-à-vis du livre blanc, parce que tout ça tourne autour de cette question d'approvisionnement. Nous avons été négatifs, comme disait un de mes confrères hier, positivement négatifs, pour indiquer bien clairement à la commission que nous nous opposions à ce que l'on enlève les concessions et qu'ensuite on dise aux sociétés papetières: Vous allez acheter en priorité le bois des cultivateurs, en second lieu, les copeaux des scieries et, en troisième lieu, on vous donnera à la cuiller suffisamment de bois sur les terres de la couronne pour alimenter vos usines. Cela ne peut pas fonctionner comme ça. C'est pour éviter qu'il y ait toute équivoque que nous avons orienté notre mémoire vers un non positif à une proposition de cette sorte.

M. BELAND: Il est bien clair que tout le monde le pense, même s'il y en a qui, à cause de leurs allégeances politiques, ne veulent pas le dire, mais il reste que tout le monde accepte que la société est malade, dès le départ. C'est à tous les paliers. C'est bien clair. Cela engendre, comme de raison, toutes sortes de conséquences économiques désastreuses. Pour en arriver à une issue, disons que, dans votre livre, du moins, je n'ai pas décelé encore de suggestions pour apporter l'inverse ou quelque chose d'autre de réellement valable après la parution du livre blanc.

M. COTE: Nous trouvons, M. Béland, absolument inconcevable, alors que l'industrie des pâtes et papiers déclare qu'elle est en difficulté et que le gouvernement décide de faire siéger la commission parlementaire, qu'on nous arrive avec le livre blanc qui offre à d'autres secteurs apparemment en très bonne santé... Les sciages n'ont jamais été aussi prospères, leur production est passée à 1,600,000,000 pieds de planches, un record, à moins que je me méprenne, ils font des profits intéressants, ils refusent même des ventes parce qu'ils ne peuvent pas trouver le produit nécessaire. Alors, comment se fait-il qu'à l'industrie des pâtes et papiers, qui est en difficulté, on offre ça comme remède? On vous confisque vos concessions, on vous met à la merci des producteurs de bois et des usines de sciage, puis on vous offre une pitance sur les forêts de la couronne.

M. BELAND: Disons qu'à ce moment-là, je suis forcé d'en déduire que vous laissez, pendant que la commission parlementaire siège et peut-être après, aux autres organismes le soin d'essayer de trouver une solution. Si le tome I et le tome II du ministère des Terres et Forêts ne sont pas valables, à ce moment-là, vous laissez la commission essayer de trouver une issue â l'impasse qui existe. En somme, c'est un peu cela que j'en déduis.

M. COTE: Ce que nous croyons, M. Béland, c'est que le problème, avec la meilleure volonté du monde de la part du ministère des Terres et Forêts, n'a pas été étudié suffisamment en profondeur et nous offrons notre collaboration pour reprendre l'exercice, si le ministère est intéressé.

M. BELAND: Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président, nous avons entendu hier un mémoire qui avait une tendance fortement extrémiste. J'ai eu l'impression, ce matin, d'entendre un peu l'antithèse de cette thèse et il appartiendra à la commission, je pense bien, de faire la thèse de tout cela. J'aurais bien des remarques à faire concernant les deux mémoires qui nous ont été présentés, remarques qui seraient assez subjectives, remarques qui seraient personnelles. Je m'en abstiendrai et je tenterai un peu de faire sortir mes préoccupations sous forme de questions. La première question à laquelle je voudrais avoir une réponse assez précise est que je constate d'abord qu'il y a deux associations, soit le Conseil des producteurs de pâtes et papiers du Québec et l'Association des industries forestières du Québec limitée qui présentent deux mémoires qui se ressemblent énormément. Je désirerais savoir quels sont les liens entre les deux associations et quelles sont les différences entre les deux associations.

M. LACHANCE: Le Conseil des producteurs de pâtes et papiers, comme on le dit dans notre avant-propos, comprend quatorze compagnies dont les noms sont énumérés. Le but du conseil est de voir à l'information, à la diffusion de renseignements et de coordonner certaines données pour l'industrie du Québec et de présenter des mémoires comme celui que nous avons déposé ici. M. Côté pourrait peut-être parler de son association. Je peux bien le faire pour lui si vous aimez. C'est que l'Association des industries forestières du Québec limitée est beaucoup plus vieille que la nôtre. La nôtre ne date que de 1961 tandis que l'Association des industries forestières du Québec limitée a plus de 25 ou 30 ans d'existence — 1924 — et elle comprend les détenteurs de concessions forestières.

Evidemment, comprenant des détenteurs de concessions forestières, elle comprend automatiquement tous les propriétaires d'usines de pâtes et papiers, mais elle comprend aussi quelques concessionnaires qui ont des usines de bois de sciage.

M. LESSARD: Alors, en majorité, l'Association des industries forestières du Québec limitée représente d'abord les industries de pâtes et papiers.

M. LACHANCE: C'est exact.

M. LESSARD: Cela veut donc dire que, dans l'ensemble, vous représentez très peu dans votre mémoire les industriels du bois de sciage puisque cela semble la moindre de vos préoccupations, selon ce que vous nous avez dit ce matin. En ce qui concerne l'approvisionnement, vous n'avez pas de problème mais le problème des autres, c'est la moindre de vos préoccupations.

M. LACHANCE: Pas du tout. Je ne pense pas, M. le Président, que cela soit notre intention. Nous sommes très heureux que l'industrie du sciage soit prospère dans le moment.

Mais nous ne sommes pas sans savoir que l'industrie du sciage est une industrie très cyclique et tant mieux pour elle si, ce temps-ci, elle peut prospérer, et nous sommes heureux aussi d'acheter les copeaux qui l'aident à faire de l'argent. Je devrais peut-être profiter de l'occasion pour dire par contre que notre industrie ne pourrait pas vivre uniquement de copeaux, même si on le voulait, parce que nos procédés ne sont pas les mêmes. Quand on fait du papier-journal, il y a 75 p.c. de la pâte qui doit venir de bois à pâte et non pas de copeaux. Il y a seulement 25 p.c. des copeaux dont on se sert pour faire la cuisson.

M. LESSARD: Ce que je veux dire et ce que je veux faire remarquer, c'est qu'il m'apparaît que les deux associations représentent des intérêts communs.

M. COTE: M. Lessard, ce n'est pas tout à fait exact ce que vous dites, ce que vous voulez dire au sujet de notre association, qui se désintéresserait entièrement des sciages, parce que, même si nous n'avions aucun membre qui soit exclusivement engagé dans l'exploitation d'une usine de sciage, plusieurs de nos membres qui sont dans les pâtes et papiers ont des scieries et des scieries très importantes.

M. LESSARD: Mais l'avantage que les entreprises de pâtes et papiers ont par rapport à l'entreprise de sciage, qui n'a pas de concession et doit s'alimenter aux réserves domaniales, c'est que l'entreprise des pâtes et papiers est assurée d'être alimentée, c'est-à-dire que l'entreprise de sciage qui appartient à une industrie de pâtes et papiers est assurée, étant donné les concessions actuelles, d'avoir une alimentation, tandis que ce n'est pas le cas, comme elles nous l'ont fait remarquer, pour les entreprises de sciage avant-hier, il ne semble pas que ce soit le cas pour les entreprises de sciage actuellement.

M. COTE: Mais il y a un fait, M. Lessard, qui doit être souligné, c'est qu'une bonne partie des concessions détenus aujourd'hui par les sociétés papetières ont été achetées de l'industrie du sciage il y a 30 ou 40 ans.

M. LACHANCE: En 1934, si vous me permettez, il y avait 103,000 milles carrés de forêt en concessions et il y en a 88,000 milles dans le moment. Au tout début, comme M. Côté vient de le dire, il y a quantité — et il en a été ainsi tous les ans — de concessions forestières qui appartenaient à l'industrie du sciage qui ont été cédées par ces gens-là à l'industrie des pâtes et papiers.

M. LESSARD: Ce que je voulais vous faire remarquer, en particulier, et cela provient un peu de votre mémoire, c'est que vous semblez vous préoccuper exclusivement de l'industrie des pâtes et papiers du Québec. Or, le gouvernement du Québec n'a pas du tout le même rôle. Le rôle de l'Etat, c'est beaucoup plus que de s'occuper spécifiquement d'une entreprise, l'Etat doit non seulement se préoccuper de l'industrie des pâtes et papiers mais de l'ensemble des industries qui relèvent de la forêt; il doit aussi s'occuper des conséquences qui peuvent survenir à la suite de l'exploitation forestière et en particulier la pollution. C'est pour cela que, ce matin, dans les mémoires que vous avez présentés, il m'apparaissait que vous aviez complètement délaissé certaines préoccupations sociales qui doivent appartenir à l'Etat si les compagnies forestières n'ont pas prouvé qu'elles les avaient dans le passé dans certains domaines.

M. le Président, je voudrais parler des concessions forestières. Dans votre mémoire, vous affirmez, — je crois que c'est le mémoire du Conseil des producteurs des pâtes et papiers du Québec — que c'est grâce au régime des concessions forestières que nous avons pu développer

l'une des industries les plus avantageuses au Canada, l'une des industries les plus avancées. Est-ce que vous pourriez me dire si le régime des concessions forestières est un régime qui est exclusif au Québec ou s'il existe d'autres pays du monde qui possèdent un tel régime?

M. LACHANCE: Le régime que nous avons n'est pas unique au Québec. Il y a des concessions forestières en Ontario aussi, il y en a d'autres au Nouveau-Brunswick qui s'appellent d'un nom différent. Qu'on appelle cela concessions forestières, qu'on appelle cela comme en Ontario ou au Nouveau-Brunswick "management limits", ce sont les mêmes choses. Cela existe ailleurs.

M. LESSARD: La CIP est une filiale américaine, d'autres entreprises sont des filiales anglo-saxonnes; vous avez certaines industries sous un autre nom aux Etats-Unis. Est-ce que ce système des concessions forestières existe aux Etats-Unis?

M. LACHANCE: L'Etat, dans l'ensemble des Etats-Unis, ne détient que 10 p.c. des forêts; 90 p.c. des forêts des Etats-Unis sont entre les mains d'intérêts privés. En Nouvelle-Ecosse, 80 p.c. des forêts sont entre les mains de propriétaires privés.

M. LESSARD: Lorsque vous parlez de propriétaires privés, est-ce que vous pourriez être plus spécifique? Est-ce que 90 p.c. de ces terrains appartiennent à des industries forestières?

M. LACHANCE: Les industries forestières possèdent des terrains très étendus et les particuliers aussi évidemment, les propriétaires de lots boisés ou les propriétaires forestiers. Il y en a en quantité, c'est par centaines de mille. La majorité est entre les mains des compagnies qui ont de grandes usines, qu'elles soient dans le sciage ou dans les pâtes et papiers.

M. LESSARD: L'un des rôles de l'Etat, c'est de pouvoir alimenter certaines autres usines forestières qui pourraient venir s'installer chez nous. Si on regarde actuellement une carte de distribution des territoires forestiers au Québec, sans regarder au-delà du 52e parallèle, mais dans la région particulièrement du sud, on constate qu'à peu près tous les territoires forestiers ou, du moins, ceux qui sont les plus rentables actuellement — nous aurons l'occasion d'en parler tout à l'heure; vous avez eu l'occasion de critiquer les forêts domaniales — sont actuellement concédés.

Si nous ne faisons pas une redistribution des concessions forestières, comment voulez-vous que nous puissions alimenter certaines autres entreprises forestières qui pourraient être intéressées à venir s'installer chez nous? On vient de concéder l'un des derniers territoires fores- tiers sur la Basse-Côte-Nord, soit 53,000 milles carrés, sur lesquels on a réservé 26,000 milles carrés. Comment voulez-vous, dans ces circonstances, que l'Etat puisse alimenter certaines industries forestières, si on ne fait pas une révision des concessions forestières et si on ne donne pas à chacun selon ses besoins?

M. LACHANCE: Vous savez qu'il existe actuellement 88,000 milles carrés de forêts en concessions, sur une étendue — je vous donne cela de mémoire — d'à peu près 150,000 milles. Est-ce que c'est beaucoup plus? C'est 35 p.c. en concessions, dans le moment; le reste est encore en forêts vacantes ou en forêts domaniales. Evidemment, je ne dirais pas que ce sont les terrains les plus accessibles; non, les terrains les plus accessibles ont été concédés en majeure partie — il faut l'admettre — à l'industrie pape-tière. Cela n'empêche pas, tout de même, l'industrie du sciage de survivre.

M. LESSARD: Je parle non seulement de l'industrie du sciage actuelle, mais aussi de la possibilité pour d'autres entreprises de venir s'installer chez nous. On sait que, lorsqu'un territoire est exclusif à une compagnie, il devient extrêmement difficile à une entreprise d'aller s'installer dans certains territoires. Par exemple, dans la Basse-Côte-Nord, le territoire est maintenant exclusif. Si une autre entreprise, par exemple, est intéressée à venir s'installer chez nous, c'est bien dommage, maintenant, le territoire est donné exclusivement à une entreprise. De même, les territoires qu'on a accordés à la CIP, de même les territoires qu'on a accordés à Domtar, etc.

M. LACHANCE: C'est le gouvernement; on n'a rien eu à faire dans la disposition des forêts domaniales. Le gouvernement a sûrement étudié le problème et, s'il a cru bon de passer les contrats qu'il a passés, contrats notariés avec une compagnie pour s'occuper de la coupe du bois qui n'était pas utilisé sur la Basse-Côte-Nord, je ne pense pas qu'on doive lui en vouloir.

Ce qui compte, c'est l'utilisation la meilleure possible de toutes les ressources forestières du Québec.

M. LESSARD: C'est justement l'objectif sur lequel vous semblez d'accord, d'ailleurs — du gouvernement de tenter d'utiliser tous les territoires. Et c'est probablement l'un des buts du gouvernement lorsqu'il propose l'abolition des concessions forestières pour pouvoir permettre une utilisation plus rationnelle des territoires; pour pouvoir permettre une meilleure redistribution des territoires; pour pouvoir permettre que d'autres entreprises puissent avoir l'occasion de venir s'installer chez nous, ce qui m'apparaît en tout cas, d'après ce que je vois de la carte forestière, extrêmement difficile actuellement.

M. LACHANCE: Oui, mais est-ce que vous trouvez logique qu'on prive de bois des compagnies qui en ont besoin pour faire une nouvelle distribution et en mettre d'autres à leur place? C'est à peu près ça qui en résulterait.

M. LESSARD: Je ne crois pas qu'il s'agisse de priver les compagnies qui en ont besoin, d'après ce que je vois dans le rapport, du bois qui leur est nécessaire. Il s'agit tout simplement de pouvoir alimenter ces entreprises-là selon leurs besoins. Vous affirmez dans votre mémoire que, si le gouvernement établit des critères aussi rigides d'approvisionnement, — je le donne par coeur, vous pouvez me corriger, et je crois que c'est dans le mémoire de l'Association des industries forestières du Québec — ce sera probablement la mort de l'industrie forestière au Québec. Pourriez-vous me prouver une telle affirmation?

M. COTE: Evidemment, M. Lessard, nous ne pouvons pas le prouver, mais si on cause des torts considérables à une entreprise — et nous soutenons que ça va nous causer préjudice à plus ou moins brève échéance — l'entreprise va pérécliter et éventuellement disparaître. Cela se fait tous les jours dans certaines entreprises.

M. LESSARD: Vous êtes d'abord des entreprises de transformation. Si le gouvernement est capable de vous alimenter à long terme à des prix concurrentiels, si le gouvernement vous prouve qu'il est capable d'alimenter votre industrie forestière, parce que l'industrie des pâtes et papiers m'apparaît être d'abord une industrie de transformation, ce n'est pas d'abord une industrie d'exploitation au niveau de la forêt, vous allez me répondre par l'intégration de l'industrie. Cependant, si le gouvernement, par suite d'une réforme administrative, est capable de vous prouver qu'il va vous fournir du bois en quantité suffisante et à des prix concurrentiels pour pouvoir alimenter votre industrie, quelles seraient vos objections à ce qu'on fasse une autre redistribution des concessions forestières? Ce système-là a existé dans le passé mais il n'a pas été prouvé que c'était le meilleur système.

M. COTE: M. Lessard, nous vous avons démontré ce matin, à l'aide d'un tableau, à la page 3 de notre présentation, que, dans huit ans, si on continue l'accroissement au taux actuel, tout ce qu'il y a sur les concessions, toute la possibilité sera utilisée. Redistribuer les concessions ne donnera pas plus de bois. C'est devenu une espèce de slogan, l'abolition des concessions, la redistribution. Mais ça ne donnera pas plus de bois.

M. LESSARD: Vous avez dit ce matin que les entreprises forestières planifiaient depuis une cinquantaine d'années, ou vous en parlez dans votre mémoire. Qu'avez-vous à répondre à ceux qui affirment que les entreprises forestières se sont contentées bien longtemps de vider les territoires parce qu'on pensait qu'on avait des ressources illimitées, qu'on pouvait piger comme ça sans penser à l'avenir?

Les compagnies forestières, pendant très longtemps, se sont contentées de vider des territoires sans se préoccuper de faire de la sylviculture, de replanter des arbres. C'est ce qui explique pourquoi certaines compagnies ont dû délaisser certains territoires — je comprends qu'il y a eu des feux — où, dans le passé, il y avait du bois. Elles ont dû délaisser certains territoires et ont laissé certains villages forestiers et je pense que sur la Côte-Nord, je peux apporter des preuves à l'appui — complètement dans le dénuement.

Ceci après avoir tout pris ce qu'elles pouvaient prendre de meilleur. On a ensuite fait des échanges avec le ministère des Terres et Forêts, parce qu'on disait : Maintenant, on n'a plus de bois. A ceux — je l'affirme, moi — qui disent ça, qu'est-ce que vous répondez? Est-ce que vous vous êtes préoccupés, comme cela a été le cas pour certaines compagnies en Suède en tout cas, de penser que dans l'avenir les ressources forestières, ça pouvait s'épuiser.

M. COTE: Certainement que nous y avons pensé, M. Lessard. Mais vous avez parlé de vider les concessions, je trouve difficile de concilier ça avec l'accusation qui est portée contre nous de sous-exploiter les concessions au taux de 58 p.c. je crois, comme le ministre l'a dit ce matin.

M. LESSARD: J'ai bien précisé certains territoires. Je n'ai pas précisé l'ensemble des concessions, parce que certaines compagnies, par suite d'avantages qu'elles ont eus, ont réussi à avoir des concessions assez considérables, assez énormes, ce qui pouvait leur permettre de penser que pour 25, 35, 40 ans, il n'y avait pas de problème, le bois repousserait, il n'y avait pas de problème à long terme. D'autres compagnies ont eu des concessions moins énormes, plus limitées. Ces concessions ont été réparties un peu dans tout le territoire du Québec. Certaines concessions, certains territoires ont été tout simplement vidés et d'autres qui ne le sont pas encore sont en train de le devenir. Je pourrais apporter des preuves précises.

M. LACHANCE: Là-dessus, M. le Président, je ne le crois pas. Je ne le crois pas. Je dirai que ce sont les feux qui ont bouleversé le plan d'aménagement de certains bassins de rivière et les insectes, les épidémies. Quand il est arrivé des deux considérables, je peux comprendre que les exploitations aient cessé dans des endroits qui étaient des villages forestiers et qui dépendaient uniquement de la coupe du bois qu'il y avait dans le bassin. Mais nous sommes convaincus, nous, que l'ensemble des concessions forestières des compagnies contient dans

le moment beaucoup plus de bois en volume qu'il en contenait au départ, malgré qu'on n'ait pas planté. Parce que, comme on le disait, nous sommes favorisés, nous autres, d'une regénération naturelle beaucoup plus grande que partout ailleurs. En Suède, on replante parce qu'on n'a pas cet avantage-là.

M. LESSARD: Alors, ça doit être plus difficile en Suède à ce moment-là, les conditions...

M. LACHANCE: Non, parce que les conditions climatiques en Suède sont beaucoup plus favorables que pour nous. On compare souvent le Québec à la Suède. Le plus grand volume de bois qui existe en Suède est dans le sud où il n'y a jamais plus qu'à peu près un pied de neige l'hiver.

M. LESSARD: Vous dites que le taux de regénération chez nous est meilleur qu'en Suède et c'est ce qui explique pourquoi en Suède on replante.

M. LACHANCE: On replante en Suède parce qu'il n'y a pas de regénération naturelle suffisante et que le climat y permet la croissance des arbres rapidement et de façon avantageuse. On l'a toujours fait d'ailleurs, depuis nombre d'années.

M. LESSARD: Concernant les investissements des compagnies, on en a parlé assez considérablement, dans le document de la CSN, on lit ceci, vous pourrez le nier ou le confirmer: Alors que le Québec produit 40 p.c. du total canadien, il n'a investi que 30 p.c. des investissements au Canada en 1969 et 10 p.c. en 1971. Cette proportion est de 22 p.c. de 1964 à 1971. Les usines québécoises sont plus anciennes en général que celles du reste du Canada et elles requièrent donc plus d'investissements pour se moderniser. Or, on constate qu'elles tirent de l'arrière à cet égard. C'est le document de la CSN.

M. LACHANCE: La CSN a mentionné le rapport entre le Québec et le Canada. Ce sont ses chiffres. Je ne sais pas si elle a fait le pourcentage, mais si vous retournez au tableau de la page 85, vous allez voir qu'on s'est contenté non seulement de mentionner le rapport des dépenses en investissements du Québec par rapport au Canada, mais de le faire par rapport aussi à l'Ontario. Vous allez voir qu'en dix ans le Québec a dépensé $1,457,000,000 alors que l'Ontario n'a dépensé que $1,100,000,000, la Colombie-Britannique $1.5 milliard et les autres provinces pas même $1 milliard. Alors le pourcentage est beaucoup plus fort, si vous le comparez, au Québec. Vous allez voir qu'on y a dépensé à peu près 30 p.c. et non pas 10 p.c.

De 1960 à 1970, nous avons dépensé une moyenne d'à peu près 30 p.c. de ce qui s'est dépensé au Canada. Ce n'est pas beaucoup la même chose.

M. LESSARD: Les compagnies forestières sont, pour la plupart, soit des filiales américaines — c'est le cas de CIP, Quebec North Shore Paper, ITT Rayonier — soit des filiales d'intérêt britannique, ou bien sont détenues par des intérêts anglo-canadiens. Pourriez-vous me dire quelle est l'autonomie — l'expliquer un peu à un profane — des compagnies québécoises, des filiales québécoises vis-à-vis de la maison mère américaine en ce qui concerne les investissements?

M. LACHANCE: Vous entrez dans un problème particulier et je pense que la question serait mieux dirigée à ceux qui vous présenteront des mémoires des compagnies. Parce que je n'ai pas de mandat pour parler des conditions financières. Je ne le saurais même pas. Je pense que les décisions sont probablement prises après consultation aux deux endroits. Mais je ne suis pas en mesure de vous le dire. Ce que je tiens par contre à dire, c'est que l'ensemble de l'industrie de pâtes et papiers du Québec est en majeure partie détenu par des Canadiens et non pas par des étrangers.

M. LESSARD: Vous avez parlé ce matin des mesures gouvernementales antipollution. Ces mesures gouvernementales proviennent justement des conséquences qu'on a pu constater de l'exploitation non seulement forestière mais de l'exploitation de nos richesses naturelles. Il y a eu souvent aussi des compagnies privées, des compagnies forestières qui n'ont pas eu de vues sociales de ce côté-là ou qui s'en sont très peu préoccupées. Aujourd'hui, vous demandez à l'Etat: N'allez pas trop vite dans les mesures antipollution, cela nous coûterait $200 millions. Mais si l'Etat ne fait rien, est-ce que vous avez pensé aux coûts sociaux énormes que l'Etat devra payer d'ici quelques années — il y a d'ailleurs une étude de la commission Legendre qui a étudié ce problème — si on ne fait rien, si on continue comme cela a été le cas dans le passé, malheureusement, de laisser des compagnies papetières polluer des rivières, briser des barrages, briser des rivières, comme cela a été le cas dans des régions, dans ma région? Quand je parle de compagnies papetières, je peux même dire qu'une compagnie de l'Etat, Rexfor, a aussi pollué une rivière, chez nous par exemple, où deux municipalités s'alimentaient. C'est une situation qui exigera d'ici quelques années un investissement énorme de l'Etat. Qu'est ce que vous répondez à cela?

M. LACHANCE: Ce que je réponds à cela, c'est que l'industrie papetière pollue les rivières mais que les municipalités aussi polluent les rivières. Chacun de nous pollue les rivières. Tout le monde a pollué les rivières. Je me souviens quand j'étais petit bonhomme avoir vu

des gens aller jeter des animaux morts au bout du quai. C'était une pratique. Et il y a beaucoup d'autres choses que nous avons vues. Les rivières étaient l'égoût principal. Nous sommes aussi intéressés que vous, nous sommes aussi intéressés que les gouvernements à assainir le plus vite possible les rivières. A cet effet, nous avons bien l'intention d'y mettre l'argent voulu mais, par contre, nous sommes exactement dans la même position que les autres pays du monde, aux Etats-Unis comme en Europe, nous ne sommes pas capables de faire plus que les moyens que nous avons. C'est tellement le cas qu'aux Etats-Unis — je n'ai pas les chiffres avec moi, je les ai mais cela prendrait un peu de temps pour les trouver — on estime d'après une étude faite par une firme, la firme Little, que si les usines papetières sont forcées de faire seules l'assainissement des rivières — la firme Little donne le chiffre que cela représenterait — je pense que c'est dans l'ordre de $300 milliards ou quelque chose du genre — il faut entrevoir la fermeture définitive d'ici 1985 de 60 à 65 usines américaines.

C'est un problème majeur qui se fait sentir dans le monde entier et auquel il faut remédier dans la mesure de nos moyens. Je comprends que l'Etat ne peut pas tout faire, mais les compagnies ne peuvent pas tout faire non plus.

M. LESSARD: Vous vous êtes opposés, dans votre mémoire, au socialisme d'Etat et vous avez même dénoncé le livre blanc qui vous apparaissait être de l'étatisme. L'une de vos propositions, à la page 7, c'est la suspension de l'adoption d'un nouveau programme d'assistance sociale comme la Loi des accidents du travail, l'assurance-maladie, le régime des rentes du Québec, la Loi du salaire minimum, etc.

C'est d'ailleurs l'une des propositions qui me scandalisent le plus. Vous ne semblez pas croire que toutes ces mesures ont quand même des conséquences sur l'économie québécoise. Le gars qui achète son journal c'est parce qu'il a quand même le moyen de l'acheter. Le gars qui peut acheter pour ses enfants du papier pour écrire, il a quand même le moyen de l'acheter.

Il y a des transferts de ressources sociales qui profitent directement à l'entreprise et que, si on enlevait ces choses, qu'on les suspendait, je pense que certaines entreprises en subiraient certaines conséquences. Peut-être pas particulièrement l'entreprise des pâtes et papiers mais globalement l'ensemble des entreprises en subirait certaines conséquences. Cependant, le socialisme dont vous parlez très peu parce que c'est le socialisme qui profite plus particulièrement à la grande entreprise — parce que le socialisme, c'est mauvais quand c'est pour les autres, c'est bon quand c'est pour nous — c'est le socialisme des subventions inconditionnelles qu'accorde l'Etat à l'entreprise forestière, comme à votre entreprise forestière, dont nous avons vu la concrétisation la plus scandaleuse, à mon sens, dans le projet de l'ITT. Qu'est-ce que vous pensez de ces subventions inconditionnelles prises à même les ressources de l'Etat, donc à même les taxes des particuliers, et qui sont accordées aux compagnies pour pouvoir, soit s'améliorer ou autre chose?

M. LACHANCE: Disons d'abord que nous ne sommes pas du tout contre les mesures sociales qui ont été adoptées au Québec. Cela a été mûri. Nous sommes loin d'être contre les mesures sociales, nous en avons besoin au Québec comme ailleurs. Par contre, on a demandé au gouvernement de ne pas imposer de nouvelles charges à l'industrie en général, la nôtre comme les autres, avant qu'on soit capable d'en payer la note, parce que nous savons que certaines mesures sociales qui ont déjà été prises et qui sont tout à fait raisonnables vont augmenter encore nos frais. Je vais vous donner un exemple, je pourrais vous en donner plusieurs.

En 1970, nous avons versé à la régie d'assurance-maladie $475,000. En 1971, ce ne sont pas $400,000 que notre industrie a payés, mais elle a dû payer $2,850,000. Pourquoi? Parce que le régime n'était pas en vigueur au complet et la note que l'on paye à cette fin totalise $2,850,000.

Alors, nous avons demandé de ne pas augmenter ce domaine avant que nous soyons capables de payer. C'est aussi simple que cela.

Mais quant à l'autre question que vous me posiez, à savoir quoi penser de ce que le ministère a décidé, dans sa sagesse — et je pense qu'il a mûri l'affaire — au sujet de l'implantation d'une nouvelle usine, je prétends que vous avez là un exemple de ce qu'il doit en coûter pour l'établissement d'une usine dans une partie du Québec.

Ces gens sont venus investir ici et il faut qu'ils viennent investir avec l'espoir de réaliser des profits. Alors, le gouvernement s'est penché sur le pour et le contre. Il a pesé cela, j'en suis certain, et il en est arrivé à la conclusion que la seule façon d'intéresser le capital, qu'on n'a pas au Québec, c'était de faire des compromis et d'en arriver aux contrats notariés qu'il a dû signer.

M. LESSARD: M. Lachance, je parlais particulièrement d'une entreprise parce que vous le soulignez d'ailleurs dans votre mémoire à la page 5. Mais le système s'établit maintenant, c'est instauré pour l'ensemble des entreprises. Je parlais de ITT parce que vous dites, dans votre mémoire à la page 5: L'utilité des conditions financières nouvelles pour attirer le capital est mise en lumière par le cas de l'usine de pâtes dissolvantes dont la mise sur pied à Port-Cartier a récemment été annoncée.

M. Lachance, vous êtes un homme d'affaires. Je ne suis pas un homme d'affaires, je suis un politicien et je m'y comprends assez peu en affaires. Cependant, je voudrais avoir certaines réponses sur un point bien spécifique. Nous

avons, hier, fait un peu le procès du socialisme. Je n'ai pas l'intention de faire le procès du capitalisme.

Cependant, on sait que le capitalisme est essentiellement basé sur le profit, ce avec lequel je suis complètement d'accord. D'ailleurs, c'est le ministre des Terres et Forêts qui disait la même chose hier, je ne vois aucun scandale pour un homme d'affaires à faire des profits.

Cependant, le profit se justifie par les risques de l'entreprise. Si une entreprise ne risque rien, je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas l'Etat qui profiterait des investissements ou de l'exploitation de nos ressources naturelles. Vous avez parlé tout à l'heure d'un capital qu'on n'avait pas. Si vous avez un investissement de $160 millions à faire et si l'Etat vous fournit $40 millions, pensez-vous que vous apportez du capital nouveau au Québec?

M. LACHANCE: Certainement que nous apportons du capital...

M. LESSARD: Quelle est la part du capital nouveau que vous apportez au Québec?

M. LACHANCE: Cela permet l'établissement d'une industrie qui n'aurait pas eu lieu autrement et la mise de fonds n'est pas tellement par rapport à ce que représente le travail que ça fournit à des centaines et des centaines d'employés; transport des produits, l'utilisation d'une ressource naturelle, etc.

M. LESSARD: Mais...

M. LACHANCE: La mise de fonds est relativement peu, parce qu'on dit toujours que le capital se renouvelle presque chaque année. Une usine qui coûte $60 millions peut apporter à peu près $60 millions de roulement.

M. LESSARD: Vous avez dit tout à l'heure que l'entreprise apportait du capital nouveau. Alors, l'entreprise qui reçoit $40 millions peut facilement trouver, sous forme d'obligations, la différence à l'intérieur du pays même. Vous m'avez parlé de capital nouveau; il n'y a aucun capital nouveau qui provient de l'extérieur actuellement. C'est l'Etat qui fournit le capital initial pour investir.

M. LACHANCE: Mais seulement $40 millions sur $160 millions au départ.

M. LESSARD: Sur $160 millions. M. LACHANCE: Oui.

M. LESSARD: Mais les autres $120 millions, est-ce qu'ils vont provenir directement des goussets de l'entreprise? Non. Ils vont provenir des épargnants du Québec, en obligations.

M. LACHANCE: Non, des épargnants améri- cains qui ont des intérêts dans la compagnie en question. Mais il ne faut pas oublier non plus que, quand l'industrie va être en marche, le gouvernement va retirer 50 p.c. des profits réalisés. Il ne faut pas oublier ça. Aussitôt que l'usine va commencer à faire des profits, nos gouvernements vont retirer, en plus des salaires qui se payent, 50 p.c. des profits.

M. LESSARD: M. Lachance, je vous comprends de ne pas vous intégrer à l'intérieur de ma discussion; mais si j'ai $10,000, soyez assuré que je peux acheter un appartement qui vaut $50,000 et ce n'est pas mon argent que je vais aller chercher; je vais aller chercher l'argent des autres. En affaires, on m'a toujours dit qu'il fallait travailler avec l'argent des autres.

Actuellement, justement, les compagnies au Québec — il faut que j'arrête ici la discussion pour vous poser une question — travaillent plus particulièrement avec l'argent de l'Etat. C'est dans ce sens-là que je parle de socialisme capitaliste, au profit des grandes entreprises. Parce que vous demandez encore $27 millions — vous dites que ce ne sont pas des subventions — d'exemptions, vous êtes peut-être actuellement en train de justifier une thèse qui nous a été présentée par la CSN, hier, à savoir que, si c'est l'Etat qui investit et qui paye toujours pour les pots cassés, lorsqu'il y a des problèmes, pourquoi l'Etat demanderait-il à un intermédiaire d'exploiter ses ressources naturelles?

M. LACHANCE: Je ne suis pas du tout d'accord avec vous. Je prétends que les industries se maintiennent par elles-mêmes et si elles ont besoin, dans le moment, d'un allégement d'impôts ou autre, c'est tout simplement pour que la machine continue à tourner à l'avantage de tout le monde de 100,000 ouvriers qui tavaillent. On voit le profit que le gouvernement en retire.

M. LESSARD: On vous a posé ce matin cette question, et j'ai l'impression — c'est peut-être subjectif — que vous y avez répondu. Ce que je ne comprends pas, c'est que vous pensiez que cela allait bien dans l'industrie forestière lorsque le dollar était à $0.92. Cela allait bien, pas de problème. Vous n'avez pas prévu que c'était une situation anormale que le dollar soit à $0.92? Normalement, une entreprise devrait être capable de fonctionner au dollar paritaire. Or, vous n'avez pas prévu qu'il fallait absolument faire des réformes si on voulait en arriver à être concurrentiel?

M. LACHANCE: Vous avez parfaitement raison. Nous ne pouvons pas prévoir ces choses. Cela entre dans le prix de revient, dans le prix de la vente du papier, et quand il arrive des choses comme celles-là, c'est déplorable pour tout le monde. Mais nous ne pouvons pas prévoir cela, comme je le disais il y a un moment, c'est impossible à prévoir.

M. LESSARD: Et si le dollar était à $0.65, est-ce que...

M. LACHANCE: Il serait à $0.65.

M. LESSARD: ... cela favoriserait les entreprises forestières?

M. LACHANCE: Vous voulez dire notre dollar?

M. LESSARD: Si notre dollar était à $0.65 par rapport au dollar américain?

M. LACHANCE: Evidemment.

M. VINCENT: Un dollar québécois.

M. LACHANCE: Si le dollar québécois était...

M. LESSARD: Parce qu'il y a certains économistes, M. Lachance — merci, enfin, cette fois, vous êtes tombé dedans — qui ont tenté de nous expliquer que le fait que le dollar québécois soit inférieur au dollar américain, cela était très dangereux pour le Québec. Alors, il me semble que cela soit le contraire.

Nous allons parler, si vous voulez, du coût. Je comprends que je suis assez fin parce que j'utilise les chiffres du ministère des Terres et Forêts. Vous pouvez me répondre à ce moment-là que ces chiffres sont plus ou moins réels. Mais si vous voulez — j'espère qu'ils sont vrais — nous allons à la page 219 du tome I du livre blanc du ministère des Terres et Forêts. Il y a là au tableau 13 une étude concernant les coûts moyens d'une unité de cent pieds cubes de bois à l'usine, en dollars canadiens et non pas en dollars québécois cette fois, de 1965 et de 1968.

Alors, "Eléments de coûts" et "Redevances diverses". Dans l'Est canadien: 4.5 p.c.; sud américain: 7 p.c; Ouest canadien: 5 p.c. en 1965 et disons qu'en 1968, vous pouvez regarder: Redevances diverses, je ne sais pas si je me trompe mais cela comprend probablement l'ensemble des redevances que les compagnies forestières versent à l'Etat. Or, dans votre mémoire, vous semblez critiquer le fait que les redevances au Québec soient passablement supérieures, les taxes en particulier, aux taxes qui sont payées aux Etats-Unis. Alors, pourriez-vous soit nier le tableau 13 ou me dire si ce tableau est exact ou pas? Pourriez-vous me dire si, depuis 1968, ces chiffres auraient changé tellement considérablement que nous payons maintenant des redevances supérieures au sud américain?

M. COTE: Il faudrait savoir, M. Lessard, en quoi consistent les redevances diverses dont il est fait mention.

M. LESSARD: Est-ce que le ministre pourrait nous donner des explications?

M. DRUMMOND: Je dirais que cela provient de taxes sur les droits de coupe et le coût des loyers.

M. LESSARD: Est-ce que les taxes sont comprises là-dedans?

M. DRUMMOND: Nous allons vérifier la base de tout cela.

Cela comprend le droit de coupe, la prime d'affermage répartie et la rente foncière.

M. LESSARD: Alors, ça ne comprend pas les taxes. Mais nous constatons quand même que les redevances diverses qui sont payées à l'Etat par les compagnies forestières sont passablement inférieures à celles qui sont payées aux Etats-Unis, dans le sud américain, et un peu inférieures en tout cas à ce qui est payé dans l'Ouest canadien. En ce qui concerne les salaires, vous avez parlé aussi des salaires assez élevés. Disons que je suis d'accord avec vous, par exemple, que les salaires sont supérieurs au Québec à ceux qui sont payés dans le sud des Etats-Unis, étant donné qu'il n'y a pas de syndicalisme, mais ce n'est pas le cas cependant pour la Colombie-Britannique. Il semble que la moyenne faite, en 1968, soit de $13.

J'arrive aux frais généraux. C'est un reproche qu'on vous a fait, c'est que les frais généraux des compagnies forestières étaient extrêmement élevés. Il est beau de demander à l'Etat d'intervenir pour sauver les compagnies forestières, mais il faudrait que les compagnies forestières fassent aussi leur part pour diminuer peut-être les frais généraux, au niveau des cadres d'administration, etc. Pourriez-vous m'expliquer une différence aussi énorme? Par exemple, prenons l'année 1968, de 13.5 à 5 aux Etats-Unis et à 9 dans l'Ouest canadien?

M. COTE: Est-ce qu'on pourrait avoir plus de détails, M. Lessard, parce que c'est assez difficile?

M. LESSARD: Page 219, c'est parce que vous comprenez, M. le Président, c'est un peu ce que je disais hier, que ça serait assez avantageux d'avoir une entreprise forestière québécoise contrôlée par l'Etat, parce que ça nous permettrait au moins d'avoir des chiffres réels. Comme je ne peux pas contester les chiffres que vous soumettez dans votre volume, parce qu'on ne peut pas faire de comparaison, j'utilise les chiffres qui sont dans le tome II du livre blanc.

M. LACHANCE: Oui, mais vous avez les chiffres de Rexfor.

M. LESSARD: Non, dans le tableau 13, il y a le coût moyen d'une unité, oui, de Rexfor. Sur Rexfor, on va s'entendre. Rexfor a quand même des préoccupations sociales qui sont complètement différentes de celles des compagnies. J'ai justement reproché bien souvent au

gouvernement de faire d'une compagnie de l'Etat une entreprise d'assistance sociale. Puis les compagnies forestières — c'est ça que vous nous avez dit ce matin — nous disent toujours par la suite: Vous voyez là, vous n'êtes pas capables de concurrencer les entreprises privées parce que c'est une société de l'Etat. Je pense que c'est certain que tant et aussi longtemps qu'on fera des sociétés d'Etat des entreprises d'assistance sociale, ça sera toujours le cas, quoique le rôle qu'on donne à Rexfor soit quand même un rôle assez important et qu'une compagnie ne peut pas l'assumer. Alors, les chiffres de Rexfor ne peuvent pas du tout être comparés avec les chiffres d'une compagnie forestière, parce que Rexfor ramasse dans certains cas les déchets que les compagnies forestières ont laissés. Alors, ça ne peut pas être rentable et vous n'avez pas voulu les ramasser, parce que ce n'était pas rentable.

M. LACHANCE: Je ne pense pas que ce soit le cas. Je ne pense pas que Rexfor ait coupé là où les compagnies avaient déjà coupé. Ce que je peux dire, par contre, c'est que, dans des opérations où il y avait Rexfor et d'autres entrepreneurs, les prix versés à Rexfor étaient supérieurs à ceux qui étaient donnés à d'autres.

M. LESSARD: Mais ce que je veux dire, M. le Président, et je repose la question à M. Lachance, je pense d'ailleurs que c'est dans le document de la CSN qu'on le donne et dans un autre document, je l'ai vu d'ailleurs, et ça se concrétise par les chiffres que j'ai et qui sont présentés par le ministère des Terres et Forêts, dans le tome II. D'après ce qu'on voit, les frais généraux des compagnies forestières québécoises sont très élevés, presque trois fois les frais généraux des compagnies américaines. Comment expliquer une telle différence?

M. COTE : Vous avez l'explication au bas du tableau que vous nous avez mentionné.

M. LESSARD: C'est justement la réponse. Alors, est-ce que vous croyez que l'explication qui est en bas du tableau est réelle?

M. COTE: Elle est certainement réelle, parce que les industries du sud américain ont seulement 15 p.c. des forêts qui leur appartiennent.

M. LESSARD: Alors, ce n'est pas exactement la réponse que j'ai reçue tout à l'heure. On dit dans l'explication: Les frais généraux sont très faibles puisque les usines s'approvisionnent en presque totalité aux petites forêts privées et que le degré de mécanisation est peu élevé. Donc, vous dites que les frais généraux sont très peu élevés parce qu'on s'approvisionne aux petites forêts privées et vous refusez qu'on redistribue les concessions forestières. Cela vous apporte des frais généraux qui m'apparaissent être considérables. L'Etat est prêt à faire une redistribution des concessions forestières et vous dites: Non, cela va être la mort de l'industrie papetière au Québec, ou, en tout cas, son agonie, parce qu'elle est à l'agonie depuis quelque temps.

M. COTE: M. Lessard, il faut réaliser que l'industrie du Québec n'existerait pas avec uniquement des sources d'approvisionnement venant des petits propriétaires ou des déchets de scierie. Il faut absolument que la majorité des approvisionnements vienne des terres de la couronne.

M. LESSARD: Je vous l'ai dit tout à l'heure, peu importe que ce soient les terres de la couronne, que ce soient les petits propriétaires privés ou que ce soient des territoires qu'on vous concède ou qu'on redistribue pour que ce soit plus rentable, ce que je tente de vous faire dire, c'est que les concessions forestières, à mon sens, ne sont pas l'âme et la vie de l'industrie forestière. L'important pour l'industrie forestière, c'est d'être assurée de l'approvisionnement et assurée de l'alimentation en bois.

Normalement, vous êtes d'abord des industries de transformation du bois. Ce ne sont pas toutes les industries qui sont intégrées au point où elles ont leurs ressources et leurs matières premières. Il y a des industries et même des industries forestières qui sont obligées d'aller acheter leurs matières premières ailleurs, des industries qui n'ont pas à exploiter elles-mêmes leurs matières premières. Alors, comme vous êtes d'abord des industries de transformation, si l'Etat, par suite d'un nouveau système de redistribution des concessions forestières, est capable, par un système ou par l'autre — ce sont des modalités — de vous fournir le bois à prix concurrentiel, pourquoi refuser et tant vous opposer, comme vous le faites depuis ce matin, à la redistribution ou à une autre transformation des concessions forestières?

M. COTE: Je pense que vous ne voulez pas accepter le fait qu'il n'y a pas de bois à redistribuer dans la province, même sur les terres de la couronne. Nous avons essayé de vous démontrer ce matin que, d'ici huit ans, tout ce qui est accordé aujourd'hui en concessions aux compagnies papetières va être utilisé si l'augmentation dans la capacité des usines se continue au même taux. Alors, que va-t-il y avoir à redistribuer? M. Lachance a essayé de vous expliquer que les usines étaient localisées en général dans une situation optimum par rapport à leurs approvisionnements. Alors, pourquoi redistribuer?

M. LESSARD: Est-ce que la compagnie CIP utilise de façon complète les 25,000 milles de son territoire?

M. COTE: Il faudrait demander cela à la compagnie. Nous parlons d'une façon globale. Il

peut y avoir des situations où des changements peuvent être apportés, ce n'est pas notre rôle d'en traiter, mais, de façon globale, et c'est ce dont le livre blanc traite, ce sont des considérations globales.

M. LESSARD: Donc, comme vos frais généraux sont très élevés, vous expliquez cela par le fait que les compagnies forestières des Etats-Unis s'approvisionnent aux forêts privées. Donc, ce serait peut-être un moyen de diminuer votre coût ou les frais généraux, si on vous alimentait par l'entremise des petits propriétaires privés.

M. COTE: M. Lessard, c'est vous qui avez dit que les frais généraux étaient très élevés. Vous parlez, dans votre tableau, de l'est canadien. Moi, j'ai un tableau ici qui est tiré du mémoire de M. Lachance et j'en prends tout ce qui est à l'entête; j'imagine que c'est ce que ça veut dire, frais généraux, frais fixes...

M. LESSARD: Quelle page? M. COTE: On indique $1.09. M. LESSARD: Quelle page?

M. COTE: Page 54. C'est loin d'être $13.50. Cela er,t pour 1970; deux ans après le tableau que vous avez.

M. LESSARD: Donc, vous contestez les chiffres du tome II.

M. COTE: Non, parce que je sais que ces chiffres-là sont exacts, étant donné leur source. Je veux dire qu'ils ont été fidèlement copiés d'un document que j'ai déjà vu. Mais on ne sait pas ce qu'ils contiennent, on ne sait pas exactement ce qu'ils veulent dire.

Mais ce que vous avez à la page 54 du mémoire du Conseil des producteurs de pâtes et papiers est basé sur un échantillonnage à 52 p.c. de la production papetière du Québec. Vous pouvez vous y fier.

M. LESSARD: Bon. Maintenant parlons un peu des terrains privés. Vous dites, dans votre mémoire, que vous obtenez du bois que vous êtes obligés d'acheter des propriétaires privés, selon l'arrêté en conseil 3142, et que vous devez payer la moyenne de $33 alors que le coût de vos exploitations à la corde est de $30.

Par un système de regroupement des petits producteurs privés, proposé d'ailleurs par le livre blanc du ministère des Terres et Forêts et qui a été particulièrement développé par l'étude du Dr Lussier, au profit de l'UCC, est-ce que vous croyez qu'il serait possible de diminuer, parce qu'on sait que les producteurs privés ne sont pas du tout organisés actuellement, on sait que les producteurs privés sont soumis au chantage des acheteurs de bois bien souvent, qu'il y a une quantité d'intermédiaires, je comprends qu'il y a un plan conjoint qui les protège actuellement mais ce n'est pas le cas pour tout le monde... Est-ce que, avec la quantité d'intermédiaires entre la compagnie et ces producteurs privés, vous ne croyez pas qu'il serait possible — et je vous demande une réponse qui peut être assez subjective — étant donné les réformes qu'on propose dans le tome II du livre blanc, de produire à un coût passablement comparable et même inférieur — étant donné les frais généraux qui sont moindres — à ce que coûte le bois aux compagnies forestières?

M. COTE: Nous le voudrions bien, mais à ce jour, il y a peu de signes qui nous portent à croire que les petits producteurs ont essayé d'améliorer le rendement de leurs exploitations, c'est-à-dire leur rendement à eux. Ils ont tout simplement concentré leurs efforts à obtenir de leur client, qui est l'industrie papetière des prix plus élevés. Cela nous intéresse beaucoup de voir le livre blanc se pencher sur ces problèmes et de proposer toutes sortes de choses pour améliorer les boisés des particuliers.

Mais il y a une chose que nous déplorons, c'est que le ministère des Terres et Forêts a fait une étude qui indique que l'âge moyen des propriétaires de boisés, du moins dans une région échantillonnée, est d'environ 50 ans. Alors, en Norvège, on a le même problème où il est impossible, paraît-il, de couper plus de sept milliards de mètres cubes sur une possibilité de onze milliards. Une des principales raisons, c'est que les propriétaires sont trop vieux, les enfants se désintéressent de ce genre d'activité. Alors que va-t-il arriver ici, s'il est vrai que les propriétaires sont en moyenne dans la cinquantaine?

M. BELAND: Si le député de Saguenay me permet une sous-question, est-ce que les petits propriétaires de lots boisés, comme vous le dites, puisque dans vos chiffres ils auraient un âge moyen de 50 ans...

M. COTE: Ce ne sont pas mes chiffres. Ce sont ceux du ministère.

M. BELAND: Disons qu'en ce cas ce sont les chiffres du ministère. Est-ce qu'ils vous ont donné des signes indiquant qu'ils avaient l'intention d'abandonner la mise en marché, dans une certaine proportion, du bois?

M. COTE: Non. Je souligne simplement que la chose s'est produite dans un pays essentiellement forestier, la Norvège. Cela pourrait se produire ici.

M. LESSARD: Vous avez sans doute pris connaissance du rapport Lussier. Ce rapport dit que, sur une période d'années, avec le développement de la sylviculture, il est possible de produire dans les régions environnantes, à 20

milles des régions habitées, 11 millions de cunits de bois, soit environ la même quantité de bois que nous produisons actuellement, que tous les agents forestiers produisent actuellement.

Vous dites dans votre rapport que tout cela est bien beau, mais il va falloir trouver preneur. Je suis complètement d'accord avec vous. Mais est-ce que vous pensez que cela peut être fait? Est-ce que vous pensez que cela pourrait diminuer considérablement le coût du bois? Il est certain que nous n'empêcherons pas les Américains de construire des usines chez eux. Mais si nous sommes capables de produire à des coûts compétitifs à ceux des Etats-Unis, ils seront probablement moins intéressés à construire des usines. Est-ce que vous avez une opinion précise concernant ce rapport?

M. LACHANCE: Je trouve que l'étude du Dr Lussier est très belle mais, si vous l'avez lue, vous trouverez aussi qu'elle est basée sur plusieurs hypothèses. Elle étend le terrain non pas seulement relativement à la consolidation des propriétaires privés, mais elle prend aussi une vingtaine de milles en profondeur, ce qui veut dire qu'on enlèverait aux compagnies le bois qu'elles ont coupé en 1910,1920, c'est-à-dire le bois le plus beau qu'il reste sur les concessions, la deuxième coupe; ce qui bouleverserait évidemment l'aménagement des concessionnaires, parce que le plan d'aménagement...

M. LESSARD: Non.

M. LACHANCE: ... est basé sur la coupe d'un soixantième à peu près par année. Ce sont les bois qui ont été coupés les premiers. Une chose qui m'inquiéterait beaucoup et qui demanderait sûrement une étude très approfondie, c'est l'aspect économique de tout cela. C'est bien beau et ce serait merveilleux de voir de belles forêts aux alentours des usines et en bordure de nos villages, mais à quel coût? On sait que cela prend au moins une quarantaine d'années pour reboiser une forêt, et là nous n'avons pas le droit puisque le ministère exige environ 60, 70 ans, je pense. Il y a peut-être quelques cas à 50 ans mais je ne suis pas sûr. En général, on admet que le bois devient mûr à 60 ans. Alors, quand il faut penser aux investissements que nous ferions aujourd'hui pour fertiliser, pour planter et remettre en ordre ces terrains, avez-vous une idée de ce que représenterait la valeur de ce bois sur pied, dans 50 ans d'ici?

M. LESSARD: M. Lachance, vous devez sans doute être au courant qu'il y a une vingtaine d'années, dans le sud des Etats-Unis, on trouvait très peu de bois et qu'on a fait passablement de sylviculture. C'est parce qu'on a fait de la sylviculture, il y a vingt ans aux Etats-Unis. Lors de la dépression on a fait travailler des assistés sociaux et on a fait de la sylviculture.

Aujourd'hui, les Etats-Unis peuvent nous concurrencer, à cause du climat et bien d'autres avantages, mais parce qu'on a planté aussi.

M. LACHANCE: Oui. J'y suis allé très souvent depuis 1940. Ma première visite dans les forêts du sud remonte à 1942. J'ai vu l'utilisation du bois du sud depuis longtemps, et aujourd'hui, évidemment on fait de la plantation dans le sud parce qu'on récolte, après 30 ans, 30 cordes à peu près, à l'acre. Tandis que nous, après 60 ans, nous en récoltons 10, 12, 15. Ce n'est pas le même problème du tout.

M. LESSARD: Ce matin nous avons parlé du marketing, de la part des entreprises.

Je suis d'accord que certaines entreprises font des efforts considérables pour développer le marketing. Je comprends que la concurrence dans le papier-journal est extrêmement difficile, mais il y a d'autres produits qui deviennent de plus en plus intéressants. Vous parlez du problème de papier fin — l'entente du Kennedy Round a posé certains problèmes pour les entreprises forestières canadiennes dans ce domaine — mais il y a la pâte kraft. Ce matin j'avais commencé â vous poser une question. J'avais un peu dérogé au règlement que l'on s'était fixé, hier.

Lorsqu'on a lancé l'initiative Cabano, les entreprises forestières voyaient d'un oeil assez critique la possibilité de pouvoir trouver des marchés â l'extérieur pour le produit de la cartonnerie de Cabano, la pâte kraft.

Je ne sais pas, peut-être que les compagnies n'avaient pas fait d'explorations en Europe, mais comment expliquer maintenant qu'à la suite de ces réticences, il semble, en tout cas, de plus en plus, que Cabano ait trouvé un marché et ait pu se réaliser?

M. LACHANCE: Vous savez, je ne pense pas que je doive poursuivre et exprimer une opinion au point de vue de l'usine de Cabano parce qu'il y a là un problème économique, mais il y a aussi un problème social. Et faire peser l'un contre l'autre, je pense que je ne serais pas en mesure d'exprimer un point de vue sur Cabano.

M. LESSARD: Ce n'est pas dans ce sens, M. Lachance, que je vous pose la question. On a parlé de marketing des compagnies et vous avez dit, ce matin, que les compagnies faisaient des efforts considérables pour développer leur marché. Lorsqu'on a lancé l'initiative de Cabano, plusieurs, ou la plupart des entreprises forestières, ne croyaient pas du tout qu'il était possible de trouver un marché à l'extérieur, en Europe, et aussi au Canada. Le Canada, on n'en parle pas, le marché était déjà occupé. Ces gens-là se sont dit: On va essayer de trouver un marché. Et ils ont réussi à trouver un marché.

Comment se fait-il que les compagnies forestières, avant cela, n'avaient pas découvert ce marché?

M. LACHANCE: Nous ne sommes pas au courant du tout des prix que ces compagnies ou que les intérêts étrangers sont prêts à payer pour les produits qui seraient faits à Cabano. Mais nous savons que c'est un marché saturé dans le moment et d'après, non pas moi, mais les opinions émises, il semblerait que c'est une entreprise assez hasardeuse dans le moment.

M. LESSARD: Ce sera probablement la dernière question, question sur laquelle je reviens parce que certains députés l'ont posée ce matin.

Vous demandez des exemptions de $27,175,000. Plutôt que de vous accorder des exemptions, si l'Etat vous accordait certains crédits, ou du moins si l'Etat vous accordait des subventions, est-ce que, en vertu du principe que celui qui paie doit quand même contrôler — si j'achète, par exemple, des actions, à la bourse, de CIP, j'ai le droit de participer aux décisions — vous accepteriez plutôt que de vous verser des subventions, que l'Etat achète des actions de votre entreprise?

M. LACHANCE: Certainement, il n'y a absolument rien au Canada qui empêche qui que ce soit, gouvernement ou individu, d'acheter des actions et même de prendre le plein contrôle de toute entreprise, quelle soit papetière ou autre. Il n'y a absolument rien. C'est tout simplement le bon vouloir des investisseurs. Si j'avais suffisamment d'argent, je pourrais bien acheter une compagnie papetière.

M. LESSARD: Je veux dire, M. Lachance, que si, par exemple, l'Etat décidait, plutôt que de vous donner des exemptions, comme vous l'exigez, comme vous la demandez, de vous verser des subventions quitte à avoir, en retour, des actions, est-ce que cela réglerait en partie votre problème?

M. LACHANCE: Cela dépend, c'est un problème un peu différent. Que l'Etat destine ce qu'il nous donnerait en allégement à des fins particulières ou qu'il y mette des conditions voulues, c'est assez discutable. Mais il ne faut pas oublier qu'il retire déjà des profits de l'entreprise directement.

M. LESSARD: M. le Président, je suis complètement d'accord que l'Etat retire des profits de l'entreprise; cependant, si l'Etat devient participant à l'entreprise, si l'Etat est obligé d'assumer les risques de l'entreprise, je ne vois pas pourquoi ce serait exclusivement l'entreprise...

M. LACHANCE: Non, mais il y a tout de même une chose qui se passe en Suède et qui est très bien. Ici au Canada, dans le moment, le fédéral et les provinces viennent chercher leur part habituelle, dans les bonnes années, tandis qu'en Suède, le gouvernement permet — c'est d'ailleurs mentionné dans l'étude — des réserves à chaque entreprise pour les mauvaises années, c'est-à-dire des exemptions d'impôt, des réserves que le gouvernement accumule pour elles et dont elles peuvent disposer dans les années maigres.

Alors, je trouve excellente une formule comme celle-là.

M. LESSARD: Dans vos deux mémoires, vous vous opposez énergiquement aux mesures en profondeur, si je peux utiliser ce terme, que veut instaurer le ministère des Terres et Forêts, en particulier la redistribution des concessions forestières sur une période de dix ans, abolition des concessions.

Cependant, vous nous faites un certain nombre de recommandations sans vous attaquer, à mon avis, au problème véritable. Vous dites: Donnez-nous pendant trois ans les exemptions suivantes puis nous serons probablement capables de régler notre problème. Qu'est-ce qui nous assure que, si nous acceptions votre mémoire tel quel, si on ne va pas plus en profondeur, l'industrie forestière va reprendre de la vigueur et va se développer? Déjà en 1965 — c'est malheureux — à la suite de la commission Bélanger, on pouvait entrevoir des difficultés dans l'industrie forestière puisqu'on a décidé de faire siéger cette commission. C'est le ministre Gosselin, je crois, qui avait décidé de la faire siéger. Il y a déjà eu un livre blanc, un livre vert ou un livre blanc à ce moment-là, il y a eu même des audiences de la commission parlementaire des Terres et Forêts — et ç'a arrêté. Pourquoi? Je ne le sais pas. Peut-être si, en 1965, on s'était attaqué au problème, qu'on n'aurait pas ces difficultés aujourd'hui.

M. LACHANCE: Sans doute, monsieur. Bien avant 1965, l'Association des industries forestières du Québec a présenté un mémoire au gouvernement, au ministère des Terres et Forêts, pour lui expliquer tous les problèmes fondamentaux qu'il fallait résoudre. C'était en 1961. On n'a jamais donné suite à ça dans l'ensemble.

M. LESSARD: Mais, en vous accordant les exemptions — selon vos recommandations — que vous nous demandez, est-ce que vous croyez qu'on règle le problème forestier au Québec en vous donnant ça pendant trois ans? Est-ce que vous le croyez?

M. LACHANCE: Je crois sincèrement qu'on y aiderait énormément. Je ne peux pas vous le promettre parce que c'est tellement général, cette affaire-là, il y a tellement de facteurs qui entrent en ligne de compte, je ne peux pas vous dire avec assurance qu'on règle le problème. Je ne suis pas capable de vous dire ça.

Par contre, nous, par les études que nous avons faites, nous pensons que ce serait dans l'intérêt du Québec, de l'industrie, oui, mais du Québec tout entier, de nous accorder ces choses

parce que nous pensons que ça nous remettrait en bonne posture, dans la bonne voie, pour que l'industrie se maintienne et continue à progresser. Dans le moment, il y a tellement de problèmes fondamentaux qu'on n'a pas résolus au Québec, et on voit les développements dans tous les petits pays du monde qui sont à construire des usines ici et là dans le monde qu'on voudrait sauver l'industrie du Québec; on voudrait que l'industrie du Québec soit prospère, et je pense que c'est dans l'intérêt de la province que ce le soit. C'est pour ça qu'on n'a pas du tout d'intérêt à régler le problème seuls; on a besoin du gouvernement, on est désireux de coopérer dans la mesure du possible avec le gouvernement pour trouver les solutions adéquates. Mais il nous faut trouver les solutions et, seuls, nous ne sommes pas capables de les trouver.

Il y a certaines choses que nous pouvons faire, on peut remédier à certaines choses mais pas dans l'ensemble, pas pour tout.

M. LESSARD: Vous avez besoin du gouvernement, donc vous ne vous opposez pas à l'intervention du gouvernement.

M. LACHANCE: Dans la bonne administration des forêts du Québec, pas du tout.

M. LESSARD: Qu'est-ce que vous voulez dire quand, dans le mémoire de l'Association des industries forestières du Québec, vous dites: Le livre blanc poursuit un raisonnement visant à promouvoir un étatisme excessif dans le domaine de la foresterie plutôt qu'une saine économie forestière au Québec? Que voulez-vous dire par une saine économie forestière au Québec par rapport à l'étatisme?

M. COTE: Nous voulons dire par là, M. Lessard, qu'à l'opposé du système proposé, nous voudrions que l'entreprise libre ait la pleine facilité d'évoluer et de prospérer au profit de la province, de ses citoyens et de ses entreprises.

M. LESSARD: Merci, M. le Président, Merci, M. Lachance et M. Côté.

M. LE PRESIDENT: Le député de Charlevoix.

M. LESSARD: Je dois dire que vous avez très bien défendu votre thèse mais on peut quand même avoir des points d'interrogation.

M. MAILLOUX: M. Lachance, M. le Président, récemment en tenant compte des difficultés de concurrence qu'affronte l'industrie des pâtes et papiers, comme les autres utilisateurs des produits forestiers, le ministère des Transports vous a consenti un moratoire de trois ans. Ce moratoire était forcément consenti en raison de la concurrence dont on parle depuis deux jours, qui vient principalement des difficultés de reboisement là où le climat ne vous avantage pas. Vous mentionnez dans votre mémoire, à l'article IV, qu'advenant une régie, le gouvernement construira des routes d'accès et se remboursera par une charge aux usagers. Un peu plus loin vous dites: Une chose est certaine, à moins que l'industrie ne soit libre d'utiliser l'équipement le plus économique qu'elle est en mesure de se procurer pour transporter sa matière première sur ces routes, il en résultera des frais additionnels qui excéderont les avantages que cette mesure pourrait donner.

J'espère que le moratoire qui vous a été consenti vous permet de faire face davantage à la concurrence dont on parle, celle des provinces voisines. Est-ce à dire que, s'il y avait une régie d'Etat et que les chemins étaient construits, une fois le moratoire terminé, vous ne seriez pas en mesure de respecter les normes qui seraient prescrites pour le transport routier?

M. COTE: Nous parlons bien des routes en forêt, non pas des routes publiques.

S'il fallait que ces règlement-là s'appliquent intégralement, je vous garantis qu'il y aurait plusieurs industries forestières qui fermeraient leurs portes.

M. MAILLOUX: M. Lachance, est-ce que vous me dites que, même après le moratoire qui permettra aux différents industriels de modifier leurs présents véhicules, même à ce moment-là, l'industrie des pâtes et papiers ne serait pas en mesure de respecter les normes permises sur les routes?

M. COTE: Il faudrait préciser, M. Mailloux. Je parle des chemins en forêt, des chemins qui actuellement sont construits par l'industrie forestière et utilisés par elle avec des charges absolument libres. S'il fallait que les contrôles envisagés dans les arrêtés en conseil dont vous parlez soient appliqués en ces endroits, ce serait un désastre.

M. MAILLOUX: M. Lachance, j'ai forcément compris que vous parliez des chemins en forêt, mais il demeure que la plupart des compagnies doivent en même temps oeuvrer et sur le réseau de chemins forestiers et sur le réseau provincial. Est-ce à dire que les autres compagnies, celles qui ne transporteraient pas seulement sur le réseau construit par des compagnies ou par l'Etat en chemins forestiers, seraient handicapées, celles qui devraient se servir des deux réseaux?

M. COTE: Oui, elles seraient probablement handicapées mais je crois que la situation existe actuellement. Je ne sais pas comment elles se tirent d'affaire, mais je peux vous dire qu'en forêt où on se sert de l'équipement qui peut transporter des charges d'une dimension et d'une pesanteur non restreintes.

Par exemple, pour transporter du bois de la souche ou du premier landing, comme on dit à la première jetée à la rivière, s'il fallait que, pour faire ce trajet, on emprunte les chemins dont il est fait mention au livre blanc et qu'on applique les règlements auxquels vous faites allusion, ce serait impossible.

M. MAILLOUX: M. le Président, j'ai peut-être l'extrême avantage de demeurer dans le comté où la compagnie qui oeuvre dans le secteur des pâtes et papiers est une des rares qui appartiennent à des intérêts canadiens et principalement à des intérêts québécois. Je pense qu'à son crédit on peut immédiatement admettre qu'elle a tenu compte de sa vocation socio-économique en tout temps. Je veux rendre hommage à cette compagnie qui, je le crois n'est pas visée dans ce livre blanc.

A la lecture du livre blanc, j'avais cru comprendre que le gouvernement cherchait un droit de regard plus grand, qui permettrait à ce même gouvernement de planifier en tenant compte de tous les intérêts à desservir et non pas d'une seule utilité qu'en voudrait faire une compagnie qui, forcément, voit principalement à ses intérêts.

Je veux croire du livre blanc que ce n'est pas seulement le procès des compagnies qui oeuvrent dans le secteur des pâtes et papiers qu'on a voulu faire, mais que l'on veut mettre fin au gâchis qui a découlé non seulement de l'action de ces mêmes compagnies mais des territoires qui, sous quelques régimes politiques, ont été concédés à des utilisateurs non identifiés aux industries de transformation qui se trouvaient à proximité.

Je voudrais donner un exemple que j'ai à la mémoire, sans vouloir nommer une compagnie dont la presse a abondamment parlé sur la rive sud et sur la rive nord, une compagnie qui ne transformait pas la matière première mais qui faisait simplement du commerce. Toutes les compagnies aujourd'hui font face à l'éloignernent des sources d'approvisionnement, ce qui place plusieurs des compagnies dans des situations assez difficiles.

Ce matin, M. Lachance faisait un tour d'horizon des approvisionnements de chacune des compagnies. J'ai été un peu estomaqué quand il est venu dans notre coin en disant qu'il n'y avait pas trop de problèmes d'approvisionnement. On constate quand même que des gestes posés par les différents ministères des Terres et Forêts qui se sont succédé ont permis les anomalies dont je parlais tantôt. On a vu les forêts à proximité des usines — qui sont organisées depuis très longtemps — être pillées de telle façon qu'on a pas tenu compte de la transformation qu'on pouvait faire de la matière première sur place même, mais cela a simplement servi des intérêts qui étaient peut-être des intérêts politiques ou autres.

Ne croyez-vous pas, M. Lachance, que quel que soit le type de gestion qu'on voudra donner, il est temps que cessent les anomalies qui placent pour les compagnies des pâtes et papiers et les autres industries de transformation. Ne croyez-vous pas qu'il est temps que le ministère des Terres et Forêts, en prenant toute sa responsabilité, s'assoie à la même table que ceux qui auront à oeuvrer dans tous les secteurs de transformation des pâtes et papiers ou autres et fasse une meilleure distribution des territoires actuellement concédés?

M. LACHANCE: Je suis d'accord avec vous que le gouvernement devrait s'assoir à la table et régler toutes les anomalies qui existent dans le système actuel.

M. MAILLOUX: Il y a une chose que je ne comprends pas dans une affirmation, comme celle que vous faites actuellement. Sous tous les gouvernements, je voudrais peut-être faire le mea culpa des politiciens ici, comment se fait-il que toutes ces anomalies qui se sont produites dans la province font qu'aujourd'hui les sources d'approvisionnement sont tellement éloignées? Comment se fait-il que les compagnies qui auraient à transformer la matière première n'ont pas fait le nécessaire pour dire au gouvernement ce que cela entraînerait dans les années qui suivraient?

Est-ce que vous ne croyez pas que les compagnies ont regardé peut-être d'un oeil complaisant tous les gestes qui ont été posés?

M. LACHANCE: Quelle anomalie, monsieur, voulez-vous mentionner? Dans la province, il existait des terrains privés qui ont été exploités. Je ne peux pas voir de quelle anomalie vous parlez. Evidemment, si c'est un cas qui concerne seulement une compagnie, je ne m'aventurerai pas à y répondre.

M. MAILLOUX: Quelles que soient les compagnies, il demeure qu'on voit des forêts qui sont utilisées par des entrepreneurs forestiers, à moins de dix milles des compagnies, et qu'on les laisse piller pour expédier le bois dans des régions très éloignées. J'imagine que les compagnies auraient dû faire le nécessaire pour faire connaître à tous les gouvernements qui se sont succédé qu'ils agissaient à l'encontre des intérêts des collectivités à desservir.

Je dis que les compagnies ont regardé d'un oeil complaisant, ont laissé piller les forêts. Elles n'ont peut-être pas fait tout leur devoir envers la société.

M. LACHANCE: C'est votre opinion.

M. MAILLOUX: C'est une opinion qui, malheureusement, force aujourd'hui le ministère des Terres et Forêts à repenser toute la structure des terres et forêts.

M. Lachance, ce matin, l'honorable député de Chicoutimi vous a posé des questions relativement à la pollution. Est-ce que vous croyez

que, dans le combat contre la pollution, les compagnies de pâtes et papiers se rendent aussi loin qu'elles le devraient?

M. LACHANCE: Dans le moment, sûrement. Si on regarde le progrès que les compagnies ont faits depuis quelques années, depuis que de nouveaux règlements existent, je pense que le gouvernement est d'accord pour dire que les compagnies, dans la mesure de leurs moyens, se soumettent à toutes les lois et règlements que le gouvernement impose suivant un programme déterminé. Et, là-dessus, je pense que le ministère de M. Goldbloom est d'accord.

M. MAILLOUX: M. Lachance, si je comprends bien, vous êtes contre une régie qui ne ferait qu'ajouter aux frais d'administration. Vous êtes, par contre, pour une meilleure utilisation de toutes les ressources, de la matière première, en tenant compte de tous les utilisateurs qui peuvent être sur le terrain.

M. LACHANCE: Sans aucun doute.

M. MAILLOUX: Je voulais ajouter un mot. On a passablement charrié sur les compagnies de pâtes et papiers mais il y a une constatation brutale qu'on fait dans nos comtés, c'est qu'énormément de concessions sont faites aux industries de sciage. Le pillage de nos forêts est malheureusement plus grand chez certains utilisateurs qui se servent des boisés les plus abondants et rendus le plus à maturité et qui se soucient très peu de protéger la forêt dans le but d'une multiple utilisation.

Il y a certaines scieries organisées à coups d'argent dans la région de Charlevoix; je pense que ce n'est pas ce que le ministère des Terres et Forêts a fait de mieux dans l'utilisation de nos boisés. S'il y a eu de nombreuses critiques sur la mauvaise utilisation des forêts, je dis que, chez nous dans Charlevoix, la compagnie a toujours fait en sorte d'utiliser les boisés rendus à maturité. Il n'y a jamais eu de gaspillage de la part de Donohue Brothers. Le gaspillage qu'on a eu chez nous est venu d'utilisateurs qui n'étaient que des entrepreneurs forestiers ou de scieries qui n'ont en aucune façon tenu à assurer la survie de la forêt de Charlevoix.

M. LACHANCE: Cela me fait plaisir que vous fassiez des compliments à une de nos compagnies membres.

M. MAILLOUX: C'est une des compagnies, M. Lachance, qui méritent d'être félicitées. Je le disais au départ, elle en a tenu compte dans toute son action de sa vocation socio-économique.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Nicolet.

M. VINCENT: M. le Président, j'aurais une ou deux questions à poser à M. Lachance. Vous parlez dans votre mémoire du tarif du transport ferroviaire du papier-journal et vous dites qu'entre Grand'Mère et New York, une distance de 466 milles, le coût du transport est de $18.80 la tonne, alors que celui du transport d'une charge égale entre l'Etat du Maine et New York, une distance de 542 milles, est de $16.80 la tonne. Cela surprend à première vue pour les profanes. Seriez-vous en mesure de nous expliquer pour quelle raison le taux de transport est aussi disparate?

M. LACHANCE: Cela nous surprend nous aussi, vous savez. C'est l'entente qui a existé dans l'établissement des tarifs par zone, entente conclue par le ministère des Transports à Ottawa et l'Interstate Commerce Commission aux Etats-Unis. Alors, nous ne pouvons rien faire. De tout temps, l'industrie a présenté des mémoires et a demandé que des ajustements soient faits à ce sujet, au sujet des tarifs, pour qu'il n'y ait pas de discrimination, mais, jusqu'à aujourd'hui, nous n'avons rien gagné. Par contre, il me fait plaisir de vous dire que la Commission des transports tiendra des auditions publiques elle aussi cet automne pour étudier ce qu'on pense être une discrimination envers les usines du Québec. Nous aurons là-dessus, il me fait plaisir aussi de le mentionner, l'appui du gouvernement du Québec, qui enverra des représentants et qui, du moins, appuie notre point de vue.

M. VINCENT: Je vous remercie, M. Lachance. J'ai une autre question. Quand vous dites qu'au cours des dix dernières années l'industrie des pâtes et papiers a construit 6,400 milles de routes praticables, en forêt, en toute saison, au coût de $43 millions, est-ce que ces $43 millions incluent la contribution tant du gouvernement fédéral que du provincial ou si c'est seulement une contribution de l'industrie?

M. LACHANCE: C'est seulement une contribution de l'industrie, parce que toutes les routes qui ont été construites sur les concessions l'ont été aux frais des concessionnaires. Alors, le gouvernement n'a jamais payé quoi que ce soit pour la construction de routes sur les concessions forestières, à moins que cela ait été en vue de projets comme celui de Manicouagan, où il y avait des constructions de barrages qui nécessitaient la construction de routes par l'Etat.

M. VINCENT: Mais, est-ce que, tout récemment, il n'y a pas des projets, comme par exemple, dans le comté de Berthier et dans certains autres comtés, où, par l'entremise de la loi ARDA, on contribue, parce que, justement, ces chemins sont également accessibles à d'autres usagers que les compagnies forestières?

M. LACHANCE: Oui. On me dit qu'il y a

certains chemins où il y a eu une contribution fédérale et peut-être aussi provinciale, dans la construction de certains chemins en vertu de projets comme celui que vous mentionnez.

M. VINCENT: J'arrive à la dernière question. Si le gouvernement contribuait à la construction de ces chemins, à ce moment-là, vous n'auriez pas objection à payer de la taxe sur les carburants et l'essence?

M. LACHANCE: Aucunement. Parce que cela deviendrait des routes publiques et nous n'aurions pas la responsabilité en cas d'accidents, que nous avons dans le moment et que nous sommes seuls à assumer.

M. VINCENT: Maintenant, les chemins d'accès dans les concessions, advenant que le ministère ou le gouvernement du Québec rende plus accessibles les forêts à la population ces chemins d'accès, vous en assumez présentement la responsabilité, s'il y a des accidents et le reste. Est-ce qu'il y a eu des propositions concrètes, par les compagnies, au ministère des Terres et Forêts, pour un partage de ces responsabilités, parce que je suis convaincu que c'est assez dispendieux?

M. LACHANCE: Nous avons à plusieurs reprises demandé que le gouvernement partage les responsabilités. Quant à la taxe de vente sur les carburants, nous n'aurions pas d'objection du tout à la payer, pour ce qui concerne le transport sur ces routes qui seraient devenues publiques. Mais cela ne change pas du tout le fait que, dans les autres provinces canadiennes, on n'impose pas de taxe sur les carburants utilisés sur les routes qui ne sont pas des routes publiques. Il resterait quand même un volume considérable, c'est-à-dire des montants considérables à payer pour l'essence et l'huile utilisées en forêt.

M. VINCENT: Présentement, qu'ils travaillent en forêt, dans les cours de triage ou dans les cours des usines, vous devez payer de la taxe sur les carburants utilisés pour tous vos véhicules, même s'ils ne vont pas du tout sur les routes?

M. LACHANCE: Exactement. Ils doivent avoir des plaques d'immatriculation que nos concurrents n'ont pas non plus au Canada.

Cela n'est pas obligatoire, par exemple, pour une machine comme la Tanguay. Je ne sais pas si la Tanguay a une plaque d'immatriculation, je le croirais parce qu'elle se déplace. Tout équipement en forêt qui se déplace doit avoir une plaque d'immatriculation, chose qui n'existe pas dans les autres provinces. En plus de cela, il faut payer la taxe sur les carburants de tout l'équipement qu'on utilise.

M. VINCENT: Présentement, dans les autres provinces du Canada, on n'impose pas la taxe sur les carburants à ces véhicules ni la plaque d'immatriculation? C'est seulement au Québec qu'on le fait?

M. LACHANCE: A ma connaissance, oui. Est-ce que c'est exact? Je ne voudrais pas fausser l'opinion. A ma connaissance, oui.

M. COTE: C'est exact. Il reste un résidu de $0.03, je crois, en Ontario, et cela peut varier dans les autres provinces, mais c'est insignifiant.

M. LACHANCE: Peut-être en Colombie-Britannique où il semble y avoir hésitation à ce sujet.

M. MAILLOUX: Comme c'est une accusation qui a souvent été portée contre les compagnies, est-ce que vous avez bien dit tantôt que, quant au chemin construit pour le transport en forêt sur une des concessions des compagnies, en aucune façon il n'y a eu de subventions versées pour la construction des chemins pour autant qu'il n'y avait pas une double utilité pour les fins de Rexfor ou autre. Est-ce que vous avez dit que les chemins avaient été construits en entier et financés par les compagnies?

M. LACHANCE: Dans l'ensemble oui. Je pense, avant 1972.

M. MAILLOUX: Avant 1972. Il n'y avait jamais eu de subventions pour aucun chemin de pénétration en forêt qui desservait une compagnie en particulier?

M. COTE: Il peut y avoir une exception qu'on ne connaît pas.

M. MAILLOUX: D'accord. M. COTE: Une ou deux.

M. LACHANCE: On a dit même que la compagnie Price n'a pas eu d'aide pour la construction de ses chemins depuis 1850.

M. MAILLOUX: Je vous ai fait réaffirmer cela pour une raison, c'est que cela nous est souvent lancé dans la figure que les compagnies ont bénéficié largement de contributions gouvernementales pour leur réseau routier forestier.

M. LE PRESIDENT: Je remercie M. Paul Lachance, du Conseil des producteurs de pâtes et papiers, ainsi que M. Anatole Côté, président de l'Association des industries forestières du Québec, et ceux qui les accompagnent pour s'être prêtés aux nombreuses questions des membres de la commission. Soyez assurés que nous allons prendre en considération votre mémoire.

M. LACHANCE: C'est nous, M. le Président, qui vous remercions de nous avoir écoutés aussi longtemps.

M. VINCENT: Et on espère que la suggestion du député de Chicoutimi d'aller visiter vos usines et même les concessions sera acceptée par le ministre.

M. LACHANCE: J'espère que vous visiterez les usines, les concessions et les opérations forestières.

M. VINCENT: Pas tous mais...

M. LACHANCE: Vous êtes les bienvenus là où vous voudrez aller.

M. LE PRESIDENT: Avant d'ajourner la séance, en principe, nous entendrons, jeudi le 31 août, Consol Ltée, L'Union catholique des cultivateurs, et M. Raymond Dion, ingénieur forestier. En principe. Nous confirmerons par téléphone, mardi, la liste des organismes qui ont été convoqués aux auditions. La séance est levée et ajournée à 10 heures le 31 août 1972.

(Fin de la séance à 17 h 48)

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