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Version finale

29th Legislature, 3rd Session
(March 7, 1972 au March 14, 1973)

Thursday, September 7, 1972 - Vol. 12 N° 84

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Politique forestière


Journal des débats

 

Commission permanente des Richesses naturelles

et des Terres et Forêts

Politique forestière

Séance du jeudi 7 septembre 1972

(Dix heures dix minutes)

M. PILOTE (président de la commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!

Avant que ne débute la séance, je voudrais faire les changements suivants pour les membres de la commission.

M. Saint-Germain, de Jacques-Cartier, remplace M. Coiteux. M. Brown, de Brome, remplace M. Larivière, de Pontiac. M. Vincent, de Nicolet, remplace M. Loubier, de Bellechasse. M. Dionne, de Compton, remplace M. Massé, d'Arthabaska. M. Faucher, de Yamaska, remplace M. Perreault, de l'Assomption. M. Boivin, de Dubuc, remplace M. Simard, de Témiscouata. M. Béland, de Lotbinière, remplace M. Tétrault, d'Abitibi-Est.

J'inviterais à présent la Compagnie internationale de papier du Canada, représentée par M. Félicien Rivard, à présenter son mémoire. La parole est à M. Rivard.

Compagnie internationale de papier du Canada

M. RIVARD: M. le Président, comme vous l'avez dit, mon nom est Félicien Rivard, je suis l'ingénieur forestier en chef de la Compagnie internationale de papier du Canada. A ma droite, M. L.G. Baston, ingénieur forestier, vice-président à l'exploitation forestière et directeur général de ce même service; à ma gauche, M. Joffre Miville-Dechêne, vice-président de la compagnie et, à mon extrême droite, M. Robert Lafrance, ingénieur forestier en chef adjoint.

Puisque les micros sont proches, j'imagine que vous permettez qu'on s'assoie.

M. LE PRESIDENT: C'est ça.

M. RIVARD: En tout premier lieu, M. le Président, je pense qu'on peut remarquer que, pour la dernière journée des séances de la commission parlementaire et pour des mémoires très importants, vous avez réservé un décor beaucoup mieux que celui d'en bas. Je vous en remercie.

Je vous suggère une correction à la page frontispice de notre mémoire; il eût fallu écrire Richesses naturelles plutôt que Ressources naturelles. A la rigueur, on pourrait peut-être attribuer ça à une erreur de frappe. Nous nous excusons aussi qu'il n'y ait pas de table des matières. Cela pourrait être un oubli à notre service de la reliure. Enfin, la couleur de la couverture de notre mémoire n'indique pas que nous avons voulu écrire un livre noir, en réponse au livre blanc du ministère qui, par coïncidence, est vert, tout comme en 1965.

La Compagnie internationale de papier du Canada a fait une étude sérieuse de l'exposé sur la politique forestière au livre blanc du ministère des Terres et Forêts, qui recommande une politique forestière au gouvernement du Québec. Bien qu'elle l'approuve en partie, elle y note des aspects qui, vraisemblablement, sont propres à nuire à la stabilité et à la croissance de l'industrie des pâtes et papiers. Aussi, à titre de contribuable industriel du Québec, elle croit devoir y apporter une critique constructive.

La philosophie fondamentale de notre compagnie en matière d'administration de la forêt publique du Québec avait été énoncée en 1965 dans un mémoire soumis à l'occasion d'audiences publiques du ministère des Terres et Forêts.

Et en guise d'introduction, M. le Président, il nous semble désirable, pour le bénéfice des membres de votre commission, aucun n'étant là en 1965, de rappeler en quelques mots l'idée maîtresse de notre mémoire présenté au ministre des Terres et Forêts du temps, l'honorable Lucien Cliche.

Nous avions fait des recommandations avant-gardistes sur la collaboration efficace qui doit exister entre le gouvernement, son ministère des Terres et Forêts et l'entreprise privée, la Compagnie internationale de papier du Canada, dans l'élaboration des grandes politiques forestières.

Nous avions fait des suggestions concrètes que le ministère des Terres et Forêts a acceptées d'emblée et dont il a su tirer profit, et nous en sommes très heureux. Nous avions, entre autres choses, suggéré le système d'inventaires forestiers qui prévaut maintenant alors que nous étions dix ans en avance sur le ministère des Terres et Forêts dans ce domaine.

Nous avions suggéré la création des sociétés de conservation réalisée en 1972, le changement des dates de l'année d'exploitation, des amendements définis au règlement d'exploitation forestière de même que l'abolition des permis de circulation en forêt. Nous avions scandalisé les journalistes et bien d'autres en disant: Nous croyons que cette collaboration doit se prolonger dans l'aménagement forestier pris dans son ensemble. Nous envisageons une association à titre de partenaire du ministère des Terres et Forêts et de CIP dans la mise en valeur des richesses forestières.

Or, cette philosophie choc raisonnée, surprenante il y a sept ans, a recruté des adeptes et nous la retrouvons exprimée en toutes lettres, dans les mêmes termes, au journal des Débats de l'Assemblée nationale du 20 juin 1972. A notre humble avis, c'est l'entreprise privée, de concert avec le ministère des Terres et Forêts et sous son contrôle, qui peut le mieux voir à l'aménagement, â l'utilisation et à la conservation de la forêt.

Nous affirmons que cette concertation existe depuis longtemps, que nous pouvons la situer dans le temps et qu'il y a moyen de l'améliorer par un dialogue continu aux divers échelons du ministère des Terres et Forêts. Et je reprends la lecture du texte dans le milieu de la page un de l'avant-propos: "Selon nous, toute politique recommandée par le ministère des Terres et Forêts et subséquemment entérinée par le gouvernement du Québec devrait servir d'abord les intérêts de la population du Québec. Et l'on ne saurait mieux servir ces intérêts que par une industrie solvable apte à assurer des conditions qui permettent un sain aménagement forestier, de l'emploi bien rémunéré, ainsi que des possibilités de croissance et d'investissement. Nous jugeons que l'Etat devrait écarter tout régime qui nuise à la poursuite de ces objectifs".

A la page 2: "Nos commentaires sur le livre blanc du ministère se veulent une critique constructive visant à l'instauration du meilleur régime possible pour l'utilisation rationnelle des ressources forestières du Québec.

La CIP est heureuse de lire dans le livre blanc que le ministère vise à renforcer la position concurrentielle des industries forestières du Québec. Dans ce cas, nous trouvons qu'il serait contraire à l'intérêt public qu'une industrie soit gênée par des restrictions ou des mesures coercitives qui mèneraient à de l'insécurité et qui nuiraient à la continuité de l'approvisionnement en matières premières".

Aux fins de faciliter la lecture de ce qui va suivre, nous faisons correspondre nos commentaires aux énoncés du document du ministère et j'ajoute que nous nous sommes limités à la critique du tome Il du livre blanc car il y a déjà en appendice au mémoire de l'Association des industries forestières du Québec une analyse détaillée du tome I de l'exposé sur la politique forestière du Québec et à laquelle nous avons collaboré.

Chapitre premier: La gestion des forêts.

La Compagnie internationale de papier du Canada ne croit pas que la gestion forestière et l'allocation des ressources doivent être abordées séparément. Une telle dichotomie nie la relation intime qui lie les deux activités.

Zonage de l'utilisation des terres forestières. La CIP n'en a pas contre un zonage approprié des forêts du Québec selon leur utilisation optimale s'il est tenu compte des besoins de la forêt elle-même, de ceux de l'industrie, de l'intérêt public et des exigences de la recherche.

Pionniers en matière de l'utilisation polyvalente du sol, tout ce que nous osons espérer, c'est que le zonage s'applique selon des critères économiques, écologiques et sociaux. Nous contribuerons volontiers à ce zonage à même nos boisés avec l'entente mutuelle que la compagnie pourra négocier avec le ministère des Terres et Forêts une compensation adéquate pour la perte éventuelle de certains droits acquis.

Mode de gestion forestière. Nous sommes d'accord sur la définition de la gestion forestière par le ministère, â la page 31 du tome Il, mais là encore, nous ne pouvons dissocier la gestion de l'utilisation.

Gestion des forêts publiques. Au Québec comme dans la plupart des provinces canadiennes, c'est là une tradition, la gestion forestière a été confiée aux utilisateurs industriels sous réserve d'une surveillance étroite du ministère des Terres et Forêts. Dans son livre blanc, le ministère propose que cette responsabilité soit soustraite aux utilisateurs par l'abolition en dix ans des forêts affermées et qu'elles soient données à une société de gestion forestière formée par le ministère. Cet organisme, assimilable à un ministère parallèle, serait responsable de toutes les phases de la gestion forestière, y compris l'allocation des ressources en matière ligneuse, et serait financé par les utilisateurs, qui seraient contraints de verser des redevances qui ne sont pas déterminées et qui nous laissent bien sceptiques.

La CIP s'inscrit en faux contre cette mainmise de l'Etat, et pour plusieurs raisons:

Premièrement, nous jugeons que la gestion et l'utilisation de la forêt sont inséparables.

Deuxièmement, nous sommes d'avis que des baux à long terme offrent la meilleure garantie de croissance et d'expansion et aussi le meilleur moyen de planifier à long terme.

Troisièmement, nous croyons qu'une gestion par l'affermataire est le seul moyen d'empêcher une montée vertigineuse des coûts.

Quatrièmement, nous craignons qu'une gestion bureaucratique de la forêt par une agence du gouvernement ne prête flanc à des abus.

Il y a trop de valeurs en jeu, beaucoup trop de risques à courir de la part de l'industrie la plus importante du Québec, et trop d'aléas économiques pour que nous souscrivions à un projet aussi hypothéqué d'incertitudes.

Si le premier but du nouveau régime de gestion préconisé par le livre blanc est de faire correspondre les ressources en matière ligneuse au besoin de chaque usine actuelle ou future, nous sommes d'avis qu'on atteindrait mieux ce but par une répartition judicieuse des forêts affermées plutôt que par un boulversement des structures. La CIP serait prête à collaborer à un nouveau partage des forêts affermées. L'un des grands problèmes forestiers du Québec, en ce moment, est le coût élevé du bois. Selon nous, l'établissement d'une agence paragouvernementale pour administrer la forêt publique et allouer le bois mènerait à une augmentation des coûts et non à leur diminution. Nous savons d'expérience que, selon tout critère judicieux, l'entreprise qui fait face à la concurrence administre mieux et à moindres frais.

Pour concurrencer avec succès, l'industrie québécoise doit être assurée de sources d'approvisionnement en matières premières et en contrôler le coût.

Chapitre deuxième. La distribution et l'exploitation des bois. Concernant la planification

de l'approvisionnement en bois des usines, dans son exposé, le ministère des Terres et Forêts se propose de décider lui-même de la destination de la matière ligneuse sous forme de bois à pâte, de copeaux et de sciure, qu'elle provienne de forêts publiques ou privées. Il dit que c'est aux fins d'assurer une meilleure utilisation des ressources et une distribution plus équitable aux divers utilisateurs. Nous sommes d'accord sur les objectifs mais non sur les méthodes prévues au livre blanc.

Nous nous opposons principalement à la création d'une autre agence gouvernementale, la Régie des produits forestiers du Québec, qui déterminerait les prix et d'autres modalités de vente. La relation entre cette régie et les offices de producteurs n'est pas clairement établie. Le rôle de ces divers organismes n'est pas défini et on n'y fait que vaguement allusion. L'influence économique qu'ils exerceraient, en raison de leur autorité en matière de prix pour les matières premières, pourrait se révéler fort nuisible à la position concurrentielle de l'industrie des pâtes et papiers.

Mécanismes d'allocation des bois du domaine public: dans l'ensemble, nous acceptons les principes établis à la page 59 pour l'allocation, des bois, sauf pour ce qui est du deuxième principe, en vertu duquel l'allocation, la gestion et l'exploitation seraient considérées séparément. Notre point de vue est que la gestion et l'exploitation se tiennent, que l'une est fonction de l'autre.

Contrats à long et à moyen termes: Le contrat à long terme, de 20 à 40 ans, réservé à l'industrie des pâtes et papiers, est naturellement un prérequis, en raison de l'ampleur des usines et de la somme des investissements. Nous aimerions qu'il soit expliqué avec plus de précision, notamment en ce qui a trait au fait que "le droit de récolte n'accordera pas un droit d'usage exclusif du territoire décrit." Il en est de même pour les contrats à moyen terme, de 5 à 10 ans.

En ce qui concerne les permis d'usage, à nos yeux, ces permis de douze mois ouvrent la porte au favoristisme politique et devraient être remplacés par des contrats à court terme.

Vente du produit des coupes réalisées en régie. La vente du bois coupé par Rexfor ou quelque autre agence de l'Etat transformerait le gouvernement en entrepreneur, ce qui fausserait le marché. Notre compagnie croit en outre que la vente du bois des lots privés ne soit plus soumise à la Loi des marchés agricoles et à l'influence de l'UCC, le bois n'étant pas, à proprement parler, un produit agricole.

Fixation des redevances. Bien que nous soyons favorables au concept des redevances à taux fixe, en ce qu'il place tous les concurrents sur un pied d'égalité, nous sommes disposés à discuter d'une formule intégrée de redevances. Le livre blanc n'est pas assez clair sous ce rapport pour que nous puissions juger de la validité de ce qu'il propose.

L'exploitation des bois. Ici, le livre blanc propose de donner un rôle nouveau au ministère des Terres et Forêts, celui d'exploitant de la forêt. Bien qu'il nie toute intention de nuire aux exploitants privés de la forêt publique, il donne au ministère un rôle de concurrent chaque fois, selon le document, que l'intérêt public serait en jeu.

Le ministère, en effet, interviendrait au niveau de la production des matières ligneuses, non seulement à titre d'agence de planification ou de contrôle, mais aussi à titre d'entrepreneur.

Le rôle de Rexfor. Cette société de la couronne, d'abord fondée aux fins particulières de récupérer le bois, assumerait des responsabilités beaucoup plus larges, si le gouvernement adoptait la politique préconisée dans le livre blanc.

La CIP s'inquiète particulièrement de la fonction première qui serait attribuée à Rexfor (page 72)

Cette société exploiterait des forêts de l'Etat rendues à maturité et ne faisant l'objet d'aucne exploitation mais qui devraient quand même être récupérées. Ce rôle qui pourrait s'exercer arbitrairement dans de vastes étendues de la province devraient faire l'objet d'une analyse scrupuleuse afin qu'on en décèle bien toute la portée avant qu'il ne soit trop tard. Car il peut avoir un impact social sur la main-d'oeuvre et un impact économique sur la fourniture du bois. Il y a lieu, selon nous, de repenser à la nécessité et à la possibilité de réaliser un tel projet comme aux frais que sa réalisation présenterait.

Pratiques forestières industrielles. Nous reconnaissons que l'Etat a le devoir de suivre de près les innovations en techniques d'exploitation forestière et en mécanisation ainsi que leurs effets sur l'environnement. Mieux encore, la CIP reconnaît ses responsabilités à cet égard et elle a été à l'avant-garde de la recherche et de la mise au point de programmes visant à l'exploitation forestière la plus économique et la plus rationnelle possible.

Accessibilité aux ressources forestières. Nous approuvons le principe que les chemins d'accès principaux sont une responsabilité publique. Il reste beaucoup à faire dans l'étude du partage des coûts et des compensations pour les chemins privés qui existent. A considérer aussi sérieusement qui dira où les chemins d'accès principaux devront être construits et quand.

Chapitre troisième. Orientation de la production forestière. Nous sommes tout à fait d'accord sur les principes généraux énoncés dans ce chapitre. Nous aurions souhaité qu'en parlant de leur application, on ait mis plus d'accent sur la coopération gouvernement/industrie et un peu moins sur des considérations telles que l'autonomie du ministère et sur le prestige. Nous pouvons mettre à la disposition du ministère le fruit d'une expérience de plus d'un demi-siècle, notamment dans la protection de la

forêt contre le feu, dans la prévention et l'extinction des incendies. Nous pourrions en dire autant pour ce qui est de la lutte contre les insectes.

Nous tenons à féliciter le ministère pour l'intérêt qu'il porte à l'éducation en matière de conservation. C'est là un thème que nous avons souligné plusieurs fois dans le passé, dans nos recommandations au gouvernement.

Chapitre quatrième. La forêt privée. Les gouvernements du Québec depuis longtemps ont négligé de s'occuper suffisamment de la forêt privée. Le livre blanc laisse poindre une tentative apparemment sérieuse de valoriser ce secteur. La formation d'associations régionales de sylviculteurs, initiative compliquée de prime abord, pourrait fort bien déboucher sur des arrangements plus sensés entre associations et industries manufacturières en matière de marketing, et cela sans les aspects coercitifs du régime anachronique actuel des offices de producteurs.

Grâce à des conseils d'experts et à l'adoption de mesures appropriées, les propriétaires de lots boisés pourraient fournir à l'industrie une source stable de matière ligneuse à des prix raisonnables, ce qui constituerait pour eux une bonne source de revenu.

Chapitre V. Les implications de la réforme de l'industrie forestière. L'industrie des pâtes et papiers. Le livre blanc dit: La meilleure contribution que le ministère des Terres et Forêts peut apporter pour participer au redressement, à la croissance et au développement de l'industrie forestière est d'aider à réduire le coût de la matière ligneuse". Nous sommes tout à fait d'accord. Permettez cependant que nous exprimions notre désappointement devant le manque de moyens concrets dans le tome Il, pour la réalisation de cet objectif. Autant que nous puissions le constater, les recommandations n'indiquent aucun moyen qui tende à réduire le coût du bois dont l'industrie aura besoin. Nous aimerions suggérer aux auteurs du document de s'en remettre au mémoire soumis au premier ministre, M. Robert Bourassa, et discuté la semaine dernière ici par le Conseil des producteurs de pâtes et papiers. Il apporte des recommandations précises en ce qui a trait à la réduction des coûts, y compris ceux du bois et à la stabilisation de l'industrie des pâtes et papiers.

Chapitre VI. La recherche forestière. La société contemporaine requiert des recherches constantes pour sa gouverne et nous en reconnaissons la nécessité. Nous tenons cependant à rappeler que la valeur de la recherche ne réside pas dans son activité scientifique ou purement académique, mais dans l'application pratique de ses données par l'industrie. A cet égard, nous y sommes éminemment favorables. Selon nous, toutefois, elle devrait s'articuler à la recherche du gouvernement fédéral et à celle des universités afin que l'effort et le coût ne se doublent pas inutilement.

Chapitre VII. L'administration du ministère des Terres et Forêts. Les réformes administratives du ministère concernent naturellement surtout le ministère et son personnel. Nous avons toujours soutenu que le ministère des Terres et Forêts devait être renforcé afin d'être un interlocuteur éclairé pour l'industrie.

Nous notons une tendance vers la régionalisation et nous nous demandons pourquoi, si des organismes régionaux compétents sont établis, il serait nécessaire de fonder une société de gestion forestière.

Il faut présumer que les organismes régionaux seront dirigés par des experts en foresterie, des hommes aptes à s'occuper de programmes de gestion forestière, de concert avec les utilisateurs industriels.

Nous en venons aux conclusions et recommandations.

Premièrement, pour le maintien d'une saine concurrence dans l'utilisation des ressources naturelles, et aux fins de stimuler l'essor économique du Québec, la Compagnie internationale de papier du Canada recommande que le régime fondamental de gestion des terres boisées de la province continue d'être confié à l'entreprise privée, sous la surveillance et avec les directives du ministère des Terres et Forêts.

Deuxièmement, la CIP recommande à la commission parlementaire d'examiner avec soin les mesures proposées dans le tome Il du livre blanc et de demander au ministère des Terres et Forêts de les approfondir et de les clarifier.

Troisièmement, la CIP recommande que les décisions de fa commission parlementaire comprennent la demande d'une analyse approfondie, par des experts de l'extérieur, des coûts que représentent les mesures préconisées par le ministère, et aussi la demande de déterminer qui devra faire face à ces coûts supplémentaires, et comment?

Quatrièmement, la CIP recommande que la commission parlementaire, dans son rapport, invite le ministère des Terres et Forêts à étudier le mémoire du Conseil ,des producteurs des pâtes et papiers du Québec au gouvernement du Québec et à faire rapport de ses conclusions à la commission.

Enfin — car il y a un "enfin" à la page 14 que le service de reliure pourrait avoir mis de côte — à moins qu'un comité de travail conjoint du gouvernement et de l'industrie ne s'attaque à la tâche de préparer des recommandations sur la révision de la législation, la CIP s'inquiète à bon droit de ce qui résultera de ce projet.

Après avoir vécu l'épisode des nouveaux règlements d'exploitation forestière et celui de l'allocation des feuillus, nous affirmons, et nous avons cinquante ans d'expérience pour le faire, que l'expérience, le leadership et le savoir-faire sont essentiels à la préparation d'une politique forestière pratique et réalisable au Québec.

Nous remercions l'honorable ministre des Terres et Forêts de nous avoir donné l'occasion de faire entendre la voix de CIP devant la

commission parlementaire des richesses naturelles et des terres et forêts. Nous remercions aussi les distingués membres de cette commission de l'attention qu'ils ont accordée à notre communication.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Terres et Forêts...

M. DRUMMOND: Merci, M. Rivard, d'être venu avec votre équipe, ce matin, pour nous donner le point de vue de la CIP sur la politique forestière. Avant de commencer nos questions sur le contenu, j'aurais une petite question. Pourquoi avez-vous changé le mot "concession" en le remplaçant par "forêt affermée" dans votre mémoire?

M. RIVARD: Cela me fait vraiment plaisir. M. le Président, l'honorable ministre des Terres et Forêts me fait énormément plaisir en posant cette question. Vous avez remarqué que j'ai lu quatorze pages d'un mémoire sans mentionner une seule fois le mot "concessionnaire" et le mot "concession". Parce que si ce sont des mots qui sont tabous, enlevons-les du vocabulaire forestier, si c'est le mot qui est tabou, parce qu'il y a moyen de vivre dans un système d'affermage, sans appeler les territoires affermés "concessions" et sans appeler les concessionnaires "concessionnaires", on peut les appeler des gestionnaires, on peut les appeler des affermataires. Enfin, si, dans un système d'affermage, on en vient à peu près à la même tenure qu'il y a aujourd'hui, avec des garanties à long terme, je suggère tout simplement qu'on enlève ces deux mots qui sont tabous dans le vocabulaire forestier.

M. DRUMMOND: Je pose la question parce que, dans le document original, vous avez fait mention de "concessions" au lieu de "forêts affermées".

M. RIVARD: M. le Président, j'admets à bon droit la remarque de M. le ministre, mais je pense que la CIP n'est pas le premier pétitionnaire à changer quelques mots dans son mémoire depuis le début des audiences. C'est un peu basé sur l'expérience de ce qui s'est passé depuis six jours que je l'ai fait, sans m'accuser de péché mortel.

M. DRUMMOND: Ce n'était pas un reproche, ce n'était qu'une question.

Au commencement, à la page 1, vous dites que certains aspects de la politique forestière sont de nature à nuire à la stabilité et à la croissance de l'industrie des pâtes et papiers. Evidemment, ce n'est pas notre idée en lançant une politique forestière, alors, est-ce que vous pourriez approfondir un peu votre pensée à ce sujet-là?

M. RIVARD: Tout au long de la lecture du livre blanc, on sent une tendance vers l'étatisation. D'ailleurs, la théorie qui est exposée dans le livre blanc a été appuyée ici par plusieurs mémoires. Des gens sont venus vous dire qu'il était temps d'étatiser. Des gens sont venus vous dire, la semaine dernière, qu'on devait confisquer sans autre formalité les territoires affermés des gestionnaires actuels et sans compensation. Je dis en passant que ces gens-là font preuve d'une ignorance flangrante du véritable problème. Alors, ce que nous voulons dire dans cette première partie — mettons un parapluie complet — c'est la mainmise de l'Etat que nous craignons avec tous ces inconvénients. Si vous voulez un autre son de cloche, dans un éditorial de la Presse, M. Jean Pellerin donne une bonne appréciation de cela en disant dans la Presse du 15 août: "Pour une entreprise, devenir propriété d'Etat, c'est sortir du champ de la concurrence et perdre son dynamisme. C'est s'enliser dans la bureaucratie du fonctionnarisme. Il n'est pas nécessaire d'être grand clerc pour constater que l'Etat est le pire entrepreneur qui soit, le plus lourd, le plus inefficace et le plus coûteux. On peut citer nombre d'entreprises privées qui fonctionnent à merveille, on n'en peut guère dire autant des entreprises d'Etat".

M. Pellerin a fait ses armes à Trois-Rivières — je regrette que le député de Trois-Rivières ne soit pas ici — il y a fait ses armes, il connaît bien le problème. Il continue en disant ceci et je cite: "Quand une entreprise devient l'affaire de tout le monde, elle se trouve à devenir l'affaire de personne. Affirmer qu'en étatisant les papeteries on les sauvera du marasme, c'est noyer le poisson. Il vaut mieux aider que de prendre la place de l'entreprise privée, cela coûte moins cher au contribuable et cela suscite des initiatives que l'on attendrait en vain d'une entreprise d'Etat".

Alors, cela résume la pensée qu'on avait dans le premier paragraphe.

M. DRUMMOND: M. Rivard, je pourrais aussi citer d'autres éditoriaux qui sont favorables à la politique du gouvernement dans ce champ-ci, mais je pense que ce serait inutile de le faire. Par contre, je veux dire que, nulle part dans le livre blanc, il n'est question de nationaliser les papeteries.

M. RIVARD: M. le Président, peut-être que le mot "nationaliser" n'est pas mentionné, mais, à moins que je ne me trompe, plusieurs d'entre nous qui avons étudié le mémoire ont senti cette tendance socialisante dans la théorie qui est exposée dans 471 pages.

M. DRUMMOND: Nous pourrions peut-être vous demander ce qu'est le socialisme selon vous.

M. RIVARD: Je n'avais pas l'intention de discuter de socialisme ce matin, M. le ministre.

M. DRUMMOND: Passons à un autre sujet. Dans votre optique, vous considérez que la

gestion et l'utilisation de la forêt sont inséparables, est-ce exact?

M. RIVARD: C'est exact, M. le ministre. M. DRUMMOND: Pourquoi?

M. RIVARD: C'est basé sur notre expérience. Je vais prendre un cas entre plusieurs. Dans le bassin de la rivière Rouge, il y a à peu près 1,000 milles carrés de forêts affermées. Je m'excuse, mais je ne suis pas habitué encore à éviter le mot "concession" complètement. Or, cette partie de nos territoires a été inventoriée dès les années 1920.

En fait, ce territoire a servi à la préparation du premier plan d'aménagement qui fut jamais soumis à Québec, au Service forestier du temps, par Walter Abyberg qui était un ingénieur forestier de CIP. Et ce plan d'aménagement a servi de base aux premières instructions émises par le ministère concernant les plans d'aménagement. Il y a eu révision des plans d'aménagement à intervalle régulier, tous les dix ou douze ans. Pour remonter, pas plus loin qu'au déluge, disons qu'au début des années cinquante, la possibilité, sur les 1,000 milles carrés du bassin de la rivière Rouge, était de 25,000 cunits. Depuis ce temps-là, nous avons révisé le plan d'aménagement deux fois et aujourd'hui, la possibilité est de 75,000 cunits en essence résineuse, sapin, épinette et un peu en pin gris.

Ces chiffres ont été vérifiés et approuvés par le service de l'aménagement forestier du ministère et sont toujours sujets à vérification par qui que ce soit. Je pense que c'est un exemple que l'aménagement d'un gestionnaire tel que nous l'avons fait, au lieu de diminuer le potentiel forestier, l'a augmenté. Cela appuie drôlement ce que M. Lachance a affirmé l'autre jour ici, à savoir que les gestionnaires, dans la province de Québec, ont contribué non pas à diminuer et à faire un gâchis mais à augmenter le potentiel ligneux, et à augmenter de ce fait, le train de vie de la population.

Cet exemple que je vous cite pour la rivière Rouge, je pourrais l'étendre à d'autres forêts affermées. J'ajoute simplement ceci: il y a 38 ans que je travaille pour l'employeur CIP. J'ai vu passablement de plans d'aménagement dans ma vie. Il n'y a pas un seul plan d'aménagement qui, une fois révisé, n'a pas montré une augmentation de la possibilité. Je pense que l'aménagement tel que nous le pratiquons, c'est-à-dire, la gestion et l'utilisation par le même gestionnaire, a porté des fruits. C'est pour ça que nous y tenons.

M. DRUMMOND: Lorsqu'il s'agit de l'exploitation de cette terre par d'autres utilisateurs, est-ce que vous en tenez compte dans vos plans d'aménagement?

M. RIVARD: Evidemment.

M. DRUMMOND: Alors vous êtes à la fois juge et arbitre.

M. RIVARD: Nous ne sommes pas juge et arbitre, M. le ministre. Parce que nos plans d'aménagement — et vous le savez — sont toujours approuvés par le ministère des Terres et Forêts, par votre service d'aménagement. Je pense que notre expérience dans l'utilisation des essences dites secondaires est aussi très valable. Lors des audiences qu'il y a eues en 1967 sur l'allocation des feuillus par le ministère, je crois que nous avons fourni une contribution plus qu'excellente. En fait, c'est nous, de CIP — je ne parle pas des autres concessionnaires parce que je n'ai pas de mandat pour le faire — qui avons fourni au ministère des Terres et Forêts les données de base — parce qu'ils ne les avaient pas, ou ils les extrayaient mal de nos plans d'aménagement — pour arriver à un partage entre divers permissionnaires. Pendant cinq ans, nous avons vécu une expérience qui s'est avérée, en définitive, assez satisfaisante. Ce plan d'allocation a été revisé en 1972. Encore là, nous avons dû, dans un geste de collaboration qui nous est coutumier, dire au ministère que, tout de même, il ne fallait pas exagérer dans les volumes qui étaient disponibles. Nous avons dû aider le ministère à préparer un nouveau plan d'allocation qui, cette fois, au lieu d'être pour cinq ans, a été préparé seulement pour un an.

Puisque vous m'avez ouvert la porte, M. le ministre, je pense que, dans ce domaine, la formule pour arriver à satisfaire tout le monde est une formule d'exploitation intégrée telle que nous l'appliquons dans le bassin de la rivière Gatineau.

C'est-à-dire que le gestionnaire CIP, par ses coupes intégrées, fait la récolte non seulement des essences résineuses mais aussi de toutes les essences feuillues et les vend à un prix négocié aux permissionnaires qui ont été désignés par le ministère. En ce sens, nous avons un peu abandonné nos droits que nous donne l'article 72 de la Loi des terres et forêts. C'est un droit de propriétaire que nous avons sur les bois et nous avons consenti, encore dans un geste de collaboration, à ce que le ministère vienne nous faire des suggestions quant aux permissionnaires. Et je pense que c'est ça, la formule. C'est un concept de coupes intégrées qui permet, entre autres choses, d'extraire de nos boisés un plus fort volume de bois de déroulage. Et c'est concevable, parce que l'industriel qui s'occupe de bois de sciage va essayer de convertir en grume de sciage tout ce qu'il peut récolter, y compris ce qui normalement irait au déroulage. Or, le gestionnaire qui a une autre sorte d'intérêt va essayer de faire un partage équitable entre les deux. Et d'ailleurs, dans ce domaine, le ministère a toujours des inspecteurs qui se chargent de corriger les petites lacunes, s'il y en a.

M. DRUMMOND: Est-ce que vous diriez, M. Rivard, qu'il n'existe jamais chez vous un clivage dans les points de vue entre vos spécialistes en aménagement et ceux qui sont responsables de l'exploitation?

M. RIVARD: Vous avez dit un clivage?

M. DRUMMOND: Un clivage, une différence de points de vue.

M. RIVARD: M. le ministre, excusez-moi, M. le Président, j'ai une tendance à m'adresser directement à M. le ministre, je sais que ce n'est pas correct.

M. le Président, tout comme deux avocats qui se rencontrent, les ingénieurs forestiers ne sont jamais de la même opinion. Il s'agit d'en mettre deux en tête à tête, l'un va dire oui et l'autre, non.

Mais je dois dire que — et c'est à l'honneur des cadres supérieurs et des employés du ministère à tous les échelons — je louange la collaboration que nous avons toujours reçue de tous les membres de votre ministère, M. le ministre, et de ceux qui vous ont précédé. De notre côté, nous avons essayé d'être à la hauteur de leur position en donnant, nous aussi, notre collaboration.

Et je pourrais vous rappeler une série de cas où c'est arrivé. Entre autres choses, si vous me le permettez, puisque vous m'ouvrez la porte, voici un exemple frappant. Dans le domaine des inventaires forestiers, ce n'est pas d'hier que nous en faisons, nous en faisons depuis cinquante ans. En 1922 exactement, nous avons commencé à inventorier les forêts affermées de CIP. En 1929, c'était terminé. Nous avons fait des études sur des inventaires d'aménagement. Et graduellement, avec les années, nous sommes allés chercher au Michigan et en Illinois, aux Etats-Unis, une méthode d'inventaire forestier périodique que nous avons adaptée à nos conditions, et que nous avons expérimentée de 1954 à 1957, pour être bien certains de ce que nous faisions. Nous avons instauré cette méthode à la grandeur de nos forêts affermées à compter de 1958.

Lorsque l'inventaire forestier décennal du ministère des Terres et Forêts a commencé, nous avons mis à la disposition, et tout à fait gratuitement, dans un geste de collaboration véritable, toutes nos placettes établies, c'est-à-dire 33,726 exactement, qui comportent 893,000 fiches d'arbres et qui correspondent à un investissement de près de $2 millions.

M. le Président, si ce n'est pas là de la collaboration tangible, je ne sais pas où la trouver.

M. DRUMMOND: Dans un autre ordre d'idées à la page 4, vous dites: "Nous sommes d'avis que des baux à long terme offrent la meilleure garantie de croissance et d'expansion et aussi le meilleur moyen de planifier à long terme." La politique énoncée dans le livre blanc a pour but de donner des garanties à long terme en approvisionnement, cela est entendu, mais ce n'est pas seulement une question de garantie de croissance, il y a une question qui me frappe, ces jours-ci.

Qu'est-ce qui doit arriver quand une usine ferme dans un endroit donné? Pour prendre un cas spécifique, l'usine de Kipawa, où il y avait un approvisionnement venant, en partie, des concessions forestières de la CIP, dans votre optique est-ce que la compagnie doit garder cette concession?

M. RIVARD: M. le ministre, vous avez une question à deux entrées. Nous allons garder Kipawa pour la fin. Premièrement, nous parlons de baux à long terme qui ont meilleure garantie. Vous savez que nous avons un bon mille d'avance sur le ministère des Terres et Forêts là-dedans, parce que, dès 1952 ou 1953, je n'ai pas relevé le dossier mais il en existe un au ministère, nous avons proposé au ministère des Forêts du temps et même au premier ministre, l'honorable Maurice Duplessis, de convertir les forêts du Saint-Maurice qui nous étaient affermées en réserves forestières permanentes, c'est-à-dire 99 ans ou à peu près. Nous avions de bonnes raisons de le faire, parce que nous croyions que, pour chaque usine, il doit y avoir un territoire déterminé, avec un volume de possibilités déterminées, sur lequel le gestionnaire peut faire sa planification à long terme, parce que notre planification doit dépasser cinq ans. En fin de compte, avec des investissements comme il s'en trouve dans les usines, il faut planifier à long terme.

Nous n'en avons pas contre la forme de tenure des garanties d'approvisionnement à long terme pour autant que cette forme soit bien déterminée, que nous serons assurés des territoires où nous irons, que nous serons assurés d'un volume et que nous pourrons tout de même contrôler le coût. Ce qui nous effraie dans toute la théorie du livre blanc, c'est de perdre ce contrôle sur les coûts, et c'est vital aujourd'hui, avec ce qui se passe dans la province de Québec.

Du côté de l'usine Témiscamingue, il y avait des raisons pour la fermer et je demanderai à M. Dechêne, tout à l'heure, de vous en donner. Vous m'avez posé une question précise: Est-ce qu'on devrait garder les territoires affermés qui étaient rattachés à l'usine? Je pense, M. le Président, que dans le cas spécifique mentionné par l'honorable ministre des Terres et Forêts, la question n'a pas encore été réglée. Il y a eu des discussions à un niveau encore plus élevé que celui-ci, au niveau ministériel, au niveau du premier ministre. Nous ne savons, ni vous, ni moi, ce qui s'est passé. Il y a une espèce de stade de transition et je pense qu'il serait prématuré de prendre position même à savoir si nous devrions conserver les forêts affermées ou les remettre.

Suppossons, par extension, que des investisseurs — et c'est possible — décident de convertir cette usine. Evidemment, il faudra qu'ils s'approvisionnent quelque part. Alors, je pense que, dans l'intervalle, il ne faudrait pas trop rapidement prendre une décision visant à abandonner ou à conserver les forêts affermées rattachées à l'usine de Témiscamingue.

A présent, j'aimerais que M. Dechêne nous dise quelque chose sur la fermeture de l'usine.

M. GAGNON: J'ai remarqué que vous avez dit: "C'est vital pour ce qui se passe aujourd'hui dans la province de Québec." Pourriez-vous préciser davantage ce qui se passe?

M. RIVARD: Vous savez dans quel marasme l'industrie forestière s'est trouvée, n'est-ce-pas? Alors, il est très important que nos coûts soient contrôlés, que nous puissions reprendre le souffle parce que, l'an passé, cela a été très grave. Cela vous satisfait?

M. GAGNON: Oui.

M. DRUMMOND: Je le prends comme un cas type au lieu de parler seulement de Kipawa.

Dans le domaine de l'éventualité, on parle toujours de la croissance et de l'avenir, mais je suis d'accord qu'on doit avoir un système où l'approvisionnement se fait par usine.

Si, dans un cas comme Kipawa, ça ferme il y a des territoires qui sont liés à ça. Si l'Etat reprend ces concessions-là, quelle doit être la formule, selon vous, de la reprise?

M. RIVARD: Là encore, il faut que je différencie, M. le ministre. Vous parlez d'un cas spécifique et vous avez un cas général. Je vais d'abord parler du cas spécifique. Il arrive — et ça va peut-être être une découverte pour ceux qui sont à la table, ici — que si vous prenez des forêts affermées de la Compagnie internationale de papier du Canada, de la rivière Batiscan jusqu'à la frontière de l'Ontario et du fleuve Saint-Laurent jusqu'à la baie James, c'est-à-dire tout le bloc que certains ont qualifié de péril jaune sur la carte des forêts affermées, il arrive, dis-je, que la possibilité de ces forêts affermées est de 10 p.c. inférieure aux trois usines qui demeurent et qui utilisent la matière première venant de ces forêts affermées.

Il peut arriver que, pour compenser les forêts affermées qui devaient nous être accordées et qui ne l'ont pas été, la CIP veuille conserver une partie ou peut-être toutes les forêts affermées qui étaient reliées au Témiscamingue. Vous avez parlé de formule. Permettez, M. le Président, que je cite un article de la loi. C'est l'article 98 de la Loi des terres et forêts.

Le lieutenant-gouverneur en conseil peut autoriser le ministre des Terres et Forêts à faire, aux conditions qu'il détermine, des échanges avec des propriétaires de domaines forestiers ou avec des détenteurs de concessions forestières — je cite la loi — ou à retraire la totalité ou toute partie de telle concession forestière et, en retour des territoires ainsi retraits, à donner des permis de coupe renouvelables, c'est-à-dire des licences, sur des terres publiques ou — et c'est là que ça devient important — si de tels permis ne sont pas donnés en retour, à verser une indemnité dont le montant est établi en suivant mutatis mutandis la procédure prévue aux articles 3 à 18 de la loi 15-16 Georges VI.

Le législateur s'est penché sur ce problème, M. le Président, et a décidé que le gestionnaire avait des droits acquis et que si ces territoires affermées lui étaient confisqués d'une façon ou d'une autre, il avait droit — et c'est un droit de propriétaire — à une compensation. D'ailleurs, il y a eu des précédents établis dans la province de Québec; il y a eu des reprises de territoires affermés; il y a eu des échanges et, dans chaque cas que je connais, à venir jusqu'à la rédaction du livre blanc, il y a toujours eu une valeur intrinsèque attachée aux territoires affermés.

Quand bien même ce ne serait que la prime d'affermage qui a été payée, d'accord, elle n'a peut-être pas été très forte. Mais il y a tout de même un principe à respecter. L'affermataire a acheté quelque chose, il a payé pour, il a fait fructifier son bien, il l'a développé, il l'a aménagé, il a augmenté le potentiel ligneux, il a construit des infrastructures. Enfin, il a fait ce qu'un bon gestionnaire doit faire et je ne pense pas qu'aucun gouvernement aura la volonté ferme d'aller jusqu'à confisquer des biens qui appartiennent à d'autres.

M. DRUMMOND: Je peux ajouter que le concessionnaire en a aussi profité.

M. RIVARD: M. le Président, supposons, par extension, que le ministre des Terres et Forêts possède une maison d'appartements dans Westmount. Je ne dis pas qu'il en a une, je ne le sais pas. Cette maison, il l'a depuis quarante ans et il l'a bien tenue, il l'a gérée, il l'a administrée, il a fait des réparations mais il a aussi récolté des profits par les logements.

S'il n'avait pas récolté des profits, il n'aurait pas gardé sa maison. Alors, est-ce à dire que parce que quelqu'un retire des profits d'un bien qu'il possède, à un moment donné, on doit le déposséder complètement? Je suis contre cette théorie, je ne peux pas l'absorber.

M. DRUMMOND: Est-ce que vous diriez qu'à toutes fins pratiques, une garantie d'approvisionnement à long terme est monnayable?

M. RIVARD: Probablement. Evidemment il faudrait consulter nos financiers là-dessus. Je ne peux pas réellement me prononcer, M. le Président, oui ou non, je crois qu'en négociant les valeurs de nos... tout de même, ces garanties vont avoir une valeur, mais je n'affirme pas ici, ce matin, que ces valeurs sont monnayables,

vis-à-vis des garanties collatérales. Je le crois, mais je ne l'affirme pas.

M. DRUMMOND: D'accord. J'ai beaucoup de questions, mais il y a d'autres joueurs aussi, alors je vais terminer par une seule question. A la page 11, vous dites: Nous avons toujours soutenu que le ministère des Terres et Forêts devait être renforcé afin d'être un interlocuteur éclairé pour l'industrie. Vous parlez de quelle industrie?

M. RIVARD: Là, évidemment, je m'excuse, M. le Président, je devais, au début de la lecture de mon mémoire, faire cette remarque que je ne représente ici ce matin qu'un segment de l'industrie des pâtes et papiers, CIP, et que chaque fois que le mot "industrie" paraît dans notre mémoire, il doit être pris dans son sens restrictif, c'est-à-dire s'appliquant à CIP.

M. DRUMMOND: Nous avons d'autres responsabilités envers d'autres industries, alors, il faut que ça devienne un mariage des points de vue de tous les utilisateurs de la forêt chez nous, pas seulement un interlocuteur valable pour un secteur de l'industrie ou des utilisateurs.

M. RIVARD: Evidemment, pris dans son sens large, c'est reconnu que le CIP n'est pas la seule industrie qui va dialoguer avec le ministère et avec les cadres du ministère. Il y a d'autres gestionnaires de l'industrie des pâtes et papiers, il y en a de l'industrie des sciages, il y en a de l'industrie du déroulage. Je pense qu'on peut dire que c'est ce que nous voulions dire ici que, tout de même, c'est toute l'industrie dans son ensemble.

M. DRUMMOND: La population qui a des intérêts dans la forêt pour fins de récréation?

M. RIVARD: Aussi. D'accord. M. DRUMMOND: Merci.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Nicolet.

M. VINCENT: M. le Président, à mon tour, je voudrais remercier M. Rivard. Même si les propos qu'il a tenus ne plaisent pas à tout le monde, il reste cependant que ce sont des choses qui doivent être dites. Je crois bien, comme M. Rivard le mentionnait, qu'il ne compte pas sur d'autres personnes pour dire ce qu'il avait à dire.

Maintenant, M. Rivard, dans votre mémoire, vous parlez de différents problèmes soulevés par le tome Il du livre blanc, concernant votre compagnie plus spécialement et l'industrie en général. Nous aimerions, pour le bénéfice des membres de la commission, même si nous sommes quelque peu au courant des activités de la CIP, que vous nous mentionniez quel est le total de travailleurs, que ce soit dans l'industrie ou dans la forêt, que vous employez présentement?

M. RIVARD: A peu près 10,000 d'une façon permanente.

M. VINCENT: Quelles sont les immobilisations de la CIP?

M. RIVARD: Je demande à M. Dechêne de répondre à cette question.

M. DECHENE: Je n'ai pas de chiffres exacts à vous donner, M. le député. M. le Président, je peux vous dire tout de même que le total des investissements de la CIP au Canada se situe aux environs de $400 à $500 millions. Cela, je le sais. De cela, je dirais 80 p.c. des investissements de la CIP se situent dans la province de Québec.

M.VINCENT: Peut-être $300 à $350 millions.

M. DECHENE: Oui, au-delà de $300 millions.

M. VINCENT: Avec un nombre total d'environ 10,000 personnes qui travaillent au Québec.

M. DECHENE: De 10,000 personnes employées en permanence et qui retirent des salaires — cela, je l'ai retenu — ou des gages qui s'élèvent à $81 millions par année. Il faut ajouter à cela $16 millions de bénéfices marginaux. C'est dire que, en salaires, gages et bénéfices marginaux, nous versons $100 millions chaque année.

M.VINCENT: M. Rivard, dans votre mémoire, vous parlez de sécurité ou d'insécurité, à la page 2.

D'après vous, est-ce que les contrats à long terme de 20 ans, avec option d'une période additionnelle de 20 ans, seraient suffisants et est-ce que ceci permettrait d'assurer ou d'éviter l'insécurité dont vous parlez à la page 2?

M. RIVARD: Ma réponse est non, M. le Président; je verrais plutôt une formule de tenure qui serait — si nous prenions des garanties pour 20 ans — garantie d'année en année, c'est-à-dire que c'est une forêt affermée pour aménagement pendant 20 ans, mais au bout de la première année, il faut renouveler son contrat pour un autre période de 20 ans. En somme, c'est une forêt permanente. C'est la formule que je vois. A ce moment-là...

M. VINCENT: Excusez-moi, M. Rivard, que ce soit toujours 20 ans...

M. RIVARD: Toujours 20 ans.

M. VINCENT: Si la compagnie avait ce contrat d'approvisionnement depuis cinq ans, même rendu à la cinquième année, il faudrait...

M. RIVARD: Il reste encore 20 ans. M. VINCENT: Il reste encore 20 ans? M. RIVARD: C'est-à-dire que...

M. VINCENT: Ce serait une révision annuelle.

M. RIVARD: Oui. Assimilons cela, si vous voulez, au système de tenure qui prévaut aujourd'hui de forêts affermées annuelles dont les permis se renouvellent le 31 mars; peut-être qu'on appellerait cela des permis d'aménagement ou autre chose. La première année, le permis est émis pour 20 ans sur un territoire donné, les essences étant spécifiées. Quand vous renouvelez, au bout d'un an, ce permis, il est encore renouvelé pour 20 ans. C'est-à-dire que c'est le système de forêts permanentes dont je parlais tout à l'heure, et cela permet au gestionnaire d'aménager cette forêt comme si elle lui appartenait, parce qu'il y a toujours une garantie que cela va demeurer. C'est une mesure incitatrice à faire encore un meilleur aménagement que ce qu'on a préconisé jusqu'à aujourd'hui.

M. VINCENT: Mais, à votre avis, ceci pourra remplacer le système de concessions.

M. RIVARD: Oui. Le système de concessions, c'est un système de tenure parmi bien d'autres. Ce que je vous cite là existe dans d'autres provinces et nous fonctionnons avec cela, nous en sommes heureux. Ce n'est pas nous qui l'avons inventé malgré que, comme je vous l'ai dit tout à l'heure en 1952, 1953, nous avons émis le principe des forêts permanentes, alors cela en est une. Nous étions un peu plus optimistes en 1952 parce que nous parlions d'un bail de 99 ans, mais, à ce moment-là, il n'était pas automatiquement renouvelable au bout de 99 ans. Tandis que ce dont je vous parle, c'est d'une formule de tenure qui ne s'appellerait pas concession, laissons tomber ce mot tabou, ce serait un permis d'aménagement pour 20 ans, renouvelable chaque année pour 20 ans.

M. VINCENT: Mais vous ne trouvez pas que, sur le plan pratique, renouveler ou renégocier chaque année, ce serait...

M. RIVARD: Il n'y a pas de négociation à faire du tout.

M. VINCENT: Il y a peut-être des réallocations qui pourraient se faire.

M. RIVARD: Si les gestionnaires actuels, de façon générale, peuvent conserver des droits à long terme sur les forêts qui leurs sont affermées, avec certaines petites modifications — tout n'est jamais parfait et on a cité dans notre mémoire que nous étions prêts à nous asseoir et à négocier des échanges à condition, évidemment que la prime de transfert de $65 disparaisse — une fois que cela est parti, je ne vois pas qu'on puisse négocier chaque année, à moins qu'on ne retombe à une formule qui n'est pas expliquée dans le livre blanc, qu'on devine un peu et où nous aurions à payer des redevances qui ne sont connues. Là encore, nous sommes prêts à nous asseoir avec le ministère et à parler de redevances. A notre point de vue, cette redevance devrait être basée sur le prix du bois debout. Il y a moyen de calculer cela.

M. VINCENT: M. Rivard, à la page 3 de votre mémoire, en ce qui concerne le zonage de l'utilisation des terres forestières, vous avez ajouté que vous pensiez à des compensations adéquates pour les droits acquis. Nous aimerions, si cela était possible, que vous puissiez nous dire quels seraient, d'après vous, les critères à utiliser pour établir un système de compensation adéquate pour les droits acquis.

M. RIVARD: Cela recoupe un peu la question de M. le ministre tout à l'heure...

M. VINCENT: Avec plus de...

M. RIVARD: ... oui, que ce soit pour question de zonage... Prenons le cas du Mont-Tremblant. Une partie de nos forêts affermées de la Rouge couvre une partie du Mont-Tremblant. Le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche a des ambitions et voudrait prendre tout un grand territoire. Evidemment, nous y avons des aménagements. Nous avons des forêts affermées qui nous ont coûté quelque chose. Nous avons, en somme, des droits acquis. Quant aux critères, je crois que, d'une part, la prime d'affermage pourrait servir de base au calcul d'une compensation per se pour les droits de l'affermataire.

Deuxièmement, les infrastructures; tous les développements visant à l'exploitation forestière devraient être appréciés, évalués à leur valeur. Et ces deux montants, c'est-à-dire le montant initial pour les droits du gestionnaire et pour les infrastructures, les développements industriels, devraient former la compensation.

D'ailleurs, il y a des précédents dans la province de Québec. Cela a déjà été fait. Il y a des gestionnaires qui ont remis... tout le territoire de la Gaspésie a été traité de cette façon. Les propriétaires francs-alleux — c'est-à-dire "freehold", propriétés privées — ont reçu des compensations à juste titre pour ce qu'ils perdaient. La même chose pour les gestionnaires qui avaient des forêts affermées. Il n'y a aucun de ces gestionnaires qui a été privé de ses droits et je pense que dans chaque cas, c'est un peu la formule qu'on a acceptée.

M. VINCENT: Est-ce que vous acceptez le

principe que cette compensation demeure une note de crédit au ministère des Terres et Forêts?

M. RIVARD: M. le Président, voici quelque chose qui est négociable. Je pense que chaque cas est un cas d'espèce. Cela dépend du climat dans l'industrie forestière, cela dépend du climat au ministère des Terres et Forêts. Mais je pense que chaque cas est un cas d'espèce et doit être négocié entre les deux partenaires.

M. VINCENT: M. Rivard, à la page 8 de votre mémoire — je ne voudrais pas répéter les questions qui vous furent posées par M. le ministre — vous parlez de Rexfor: "Cette société exploiterait des forêts de l'Etat rendues à maturité et ne faisant l'objet d'aucune exploitation, mais qui devraient quand même être récupérées". Vous vous prononcez de façon globale. Mais est-ce que vous admettez que, dans certains cas bien spécifiques, pour autant que la preuve est faite, il faudrait que ce soit Rexfor qui aille exploiter certains boisés qui ne peuvent être exploités par l'entreprise privée, ou si, d'une façon globale, vous n'admettez pas que le gouvernement intervienne?

M. RIVARD: Non, non. Le rôle de Rexfor est un rôle déterminé par sa loi. Rexfor a été créée pour un but déterminé, elle a fait de la récupération sur la Côte-Nord. Mais ce que nous craignions en exprimant ce que nous avons exprimé ici, c'est que le mandat qu'on prévoyait donner à Rexfor était très large. Ce qu'il y a entre guillemets à la page 8 provient du livre blanc. On dit: "Cette société exploiterait des forêts de l'Etat rendues à maturité et ne faisant l'objet d'aucune exploitation, mais qui devraient quand même être récupérées".

Mais qui va décider quand une forêt doit être récupérée? Avez-vous déjà vu, M. le Président, une forêt en décadence à tel point qu'il faille la couper, la récolter? La forêt est une entité vivante qui se renouvelle. C'est tellement vrai que si vous allez dans le nord, au nord de tous les terrains où il se fait de la récolte à l'heure actuelle, vous allez trouver des forêts naturelles qui ont en moyenne 125, 150 ou 200 ans. Les unes proviennent de feux qu'il y a eus en ce temps-là, parce que des feux de forêts, il y en a toujours eu et il y en aura toujours, car on ne peut pas contrôler la foudre, et d'autres proviennent tout simplement d'un renouveau qui se fait.

Cela existe, le renouvellement d'une forêt. Alors, qui va décider que la forêt est rendue à maturité ou passe maturité et doit être récupérée?

M. VINCENT: Et surtout, qui va décider que ça peut se faire économiquement? Et ceci m'amène à une question. Est-ce que vous êtes en mesure de nous indiquer à nous, les profanes de la commission parlementaire, quel a été le coût de la corde de bois pour la récupération des bois de Manicouagan?

M. RIVARD: Je n'ai pas de chiffres sur ça et je le regrette.

M. VINCENT: Mais est-ce qu'il y a eu des indications qui sont venues à vos oreilles?

M. RIVARD: En 1962, j'ai fait un voyage d'étude en France et j'ai été en contact avec M. Béguin, un propriétaire d'usines, notamment à Calais. A ce moment-là, il importait —voyez-vous, cela fait déjà dix ans — il importait du bois de la Russie, de Finlande et du Canada. Cela venait de la Côte-Nord, la récupération, et le prix qu'il payait pour le bois qui venait du Canada, à ce moment-là, à mon point de vue, était fantastique. A dix ans d'intervalle, M. le Président, je ne me risquerais pas à citer des chiffres, pas même un pourcentage, mais je dois vous dire que le prix qu'il avait à payer pour ce bois-là était à mon point de vue exorbitant et était très supérieur à celui du bois qui provenait de la Russie et à celui de la Scandinavie. A mon grand désappointement, le bois qui venait de ces deux endroits était très bien préparé tandis que celui qui venait du Québec faisait pitié. Mais il faut dire que ce propriétaire d'usines était subventionné par le gouvernement français. Ce n'est pas lui qui perdait. Pour la différence qu'il avait à payer entre le prix du bois qu'il recevait de Scandinavie ou de Russie et celui qui venait de la province de Québec, il recevait un subside direct du gouvernement. Il n'écopait pas, lui, de la différence de prix.

M. VINCENT: M. Rivard, à la page 9, vous parlez des chemins d'accès, de la construction des chemins d'accès principaux. Nous aimerions savoir quelle est l'étendue en milles de chemins d'accès que votre compagnie a dû construire et possède présentement.

M. RIVARD: En moyenne, 5,000 milles.

M. VINCENT: 5,000 milles de chemins d'accès. Et sans aucune subvention.

M. RIVARD: Aucune. Complètement à nos frais. Et là-dessus, il y a des chemins très améliorés. Par exemple, dans la section d'Opawika, c'est sur le versant nord du Saint-Maurice, dans le bassin de la baie James, nous avions construit, à la fin des années quarante et au début des années cinquante, un chemin qui est à toute épreuve, en ce sens qu'il n'y avait aucune pente qui dépassait 2 p.c, il n'y avait aucune courbe où on ne pouvait pas voir à treize ou quatorze cents pieds, c'était un chemin qui avait été construit en vue d'un charroyage avec des unités très lourdes. Ce chemin-là nous a coûté très cher. Nous avons d'autres routes forestières qui ont été construites dans des endroits très difficiles d'accès et qui ont aussi coûté très cher.

M. VINCENT: Maintenant, ces 5,000 milles de chemins d'accès, vous les évaluez à combien dans les livres de la compagnie? Cela peut représenter un montant de combien?

M. RIVARD: Disons en moyenne $10,000 et plus le mille linéaire.

M. VINCENT: On va demander à la compagnie de remplacer le ministère de la Voirie.

M. RIVARD: Voici une preuve, M. le Président, que l'entreprise privée est joliment plus efficace.

M. VINCENT: Sur la construction de ces chemins d'accès, est-ce qu'à certaines occasions, le ministère a diminué les droits de coupe pour que vous puissiez aller plus loin en forêt?

M. RIVARD: Jamais, M. le Président.

M. VINCENT: Est-ce que ces chemins d'accès sont utilisés par d'autres que la compagnie?

M. RIVARD: Evidemment!

M. VINCENT: Sans aucune exigence de votre part?

M. RIVARD: Sans aucune exigence, sans aucune rémunération. Et cela remonte surtout à février 1963. Je dis, si vous permettez, à la page 3, je dis quelque part pionniers en matière de l'utilisation polyvalente du sol. Notre président, qui était M. Inman à ce moment-là, a ouvert toutes les forêts de CIP, forêts affermées et terrains privés, au public, dans un discours qu'il a prononcé le 17 février 1963. Et depuis ce temps, nous mettons à la disposition des gens ce genre de carte routière.

On y montre — il arrive que c'est la Rouge — les forêts affermées, la localisation des camps, les chemins provinciaux, et on y montre surtout les chemins carrossables que CIP met à la disposition du public.

Il arrive cependant qu'il nous faut prendre nos précautions parce que, sur ces chemins, nous sommes responsables des accidents. Or, ce n'est un secret pour personne que nous n'entretenons pas tous et chacun des 5,000 milles linéaires de chemin. Il y a des endroits où la récole est finie, où nous n'avons pas besoin d'aller très souvent; nous les entretenons d'une façon sommaire en vue et aux fins de la protection des forêts.

Or, sur nos cartes routières, il y a un symbole qui indique quels sont les chemins carrossables pour une voiture automobile ordinaire et, en pointillé, ceux que le public doit éviter. Mais il en reste encore joliment long que le public peut utiliser. Nous avons mis à sa disposition des terrains de pique-nique, des terrains de campement, et, M. le Président, nous ne chargeons absolument rien à personne pour cela, c'est un déboursé direct de CIP en faveur du public, parce que nous avons ouvert nos forêts, nous lui avons dit: Venez chez nous, vous êtes les bienvenus. Cette carte-là coûte à peu près $0.15 et nous en distribuons des centaines de milliers chaque année.

M. VINCENT: Je ne voudrais pas que vous fassiez la promotion de d'autres compagnies, mais comme la question n'a pas été posée à d'autres compagnies non plus, est-ce que vous en mesure de nous dire si ça se fait d'une façon générale dans la province de Québec, ce que CIP fait présentement?

M. RIVARD: M. le Président, je ne suis pas mandaté pour parler au nom des autres compagnies, mais il y a des gestionnaires qui distribuent ce genre de carte. Je ne préciserai pas le nombre, parce que je ne connais pas. Il y a d'autres gestionnaires qui ont ouvert leurs forêts au public aussi, mais, pour vous donner une vue d'ensemble de toute la province, je m'excuse, M. le Président, je ne saurais le faire.

M. VINCENT: Merci. Maintenant, je vais à la page 10 où vous parlez de la forêt privée. Vous ne semblez pas seulement avoir, vous avez même de très grandes réticences au travail ou aux fonctions des offices de producteurs. Quelle est la quantité de bois que vous achetez annuellement, provenant de la forêt privée via les offices de producteurs?

M. RIVARD: Nous essayons de trouver ces chiffres, M. le Président. Nous avons acheté en 1971 pour $27 millions.

M. VINCENT: $27 millions des producteurs. M. RIVARD: Oui. 855,000 cunits. M. VINCENT: Quel pourcentage?

M. RIVARD: Je pense que ces chiffres, c'est intitulé fibres ligneuses, incluent les copeaux, les délignures et tout.

M.VINCENT: Ah bon!

M. RIVARD: Je pense que nous sommes rendus à environ 53 p.c. de l'approvisionnement des usines qui entrent sous forme de bois rond, de sciures ou de copeaux. Il semblerait que nous achetons, à l'heure actuelle, autant de copeaux et de sciures que nous achetons de bois rond. C'est-à-dire que, dans les 855,000 cunits, il y aurait environ 425,000 cunits de bois rond qui viennent des offices de producteurs et 425,000 cunits de sciures, de délignures et de copeaux.

Cela veut dire que nous versons environ $14 millions aux producteurs.

M. VINCENT: Maintenant, M. Rivard, corn-

me vous parlez un langage très franc depuis le début, j'aimerais vous voir spécifier encore davantage, d'après vous, ce que vous entendez par ce régime anachronique actuel dans le "marketing"

M. RIVARD: Je pense que c'est dépassé, la façon dont les négociations se passent entre les offices de producteurs et les gestionnaires.

Je crois qu'il faut trouver une autre formule.

M. VINCENT: Quelle serait, d'après vous, cette autre formule qui permettrait quand même aux producteurs des forêts privées de pouvoir négocier avec les compagnies, non pas sur une base individuelle, mais sur une base collective?

M. RIVARD: Je dirais qu'elle est encore à trouver et je pense que l'Association des industries forestières du Québec se penchera sur ce problème, sous peu, et essayera, en collaboration avec d'autres, avec le ministère vraisemblablement, de trouver une formule meilleure que celle-là.

M. VINCENT: Mais quand vous vous prononcez contre une régie des produits forestiers, cela ne veut pas nécessairement dire que vous admettez que tout ce secteur doit demeurer sous la responsabilité de la Régie des marchés agricoles.

M. RIVARD: Cela ne veut pas dire cela.

M. VINCENT: Vous aimeriez mieux qu'une autre formule soit trouvée.

M. RIVARD: Je crois réellement qu'il y a une espèce de césure entre les offices de producteurs et les industriels, il y a un pont à trouver. Je ne sais pas si ce sera le ministère de la Voirie qui le trouvera mais, en tout cas, les industries forestières se pencheront sur ce problème et essayeront de trouver une formule pour arriver à dialoguer, une formule meilleure que celle qui existe.

M. VINCENT: Mais comme vous avez déjà construit plusieurs ponts ou ponceaux sur vos cinq mille milles de routes, vous pourriez peut-être aider le ministère des Terres et Forêts à le faire !

M. RIVARD: M. le Président, je pense que c'est une question qui devra être débattue en cabinet fermé ; nous pourrons nous asseoir avec les autorités du ministère et, à ce moment-là, nous pourrons apporter des suggestions concrètes.

M. VINCENT: Mais vous admettez le principe que le producteur de la forêt privée se doit d'avoir un organisme qui négociera pour lui. Je ne veux pas faire d'affirmation ici, mais si le producteur est isolé dans son coin, à la merci de n'importe quel acheteur, à n'importe quel prix, à ce moment-là, cela pose un problème, surtout quand nous voyons que les ouvriers sont organisés au point de vue du salaire, les professionnels sont organisés sur le plan professionnel, nous ne pouvons pas laisser le producteur seul, dans son coin, négocier individuellement le prix de son bois, la vente ou les conditions de la vente de son bois.

M. RIVARD: Je suis d'accord avec vous, M. le Président, mais voyez-vous, il est question d'une autre association, l'association régionale de sylviculteurs. Si j'ai bien compris les théories du livre blanc, cette formule d'association remplacerait les offices de producteurs. Peut-être que c'est là, en rédigeant et la charte et les règlements de ces futures associations, qu'il faudra trouver ce genre de formule pour en arriver à des bases d'entente. Je suis d'accord avec vous que ce serait rétrograder que de demander à chacun des producteurs de négocier individuellement. Nous avons dépassé cette étape. Mais nous ne sommes pas satisfaits de la façon dont les négociations se font à l'heure actuelle.

M. VINCENT: C'est surtout sur une question de prix la corde de bois.

M. RIVARD: Entre autres choses.

M. VINCENT: Parce que les livraisons, toutes les autres conditions attachées aux négociations, à part le prix, semblent bien aller.

M. RIVARD: D'une façon générale.

M. VINCENT: Du moins d'après les témoignages que nous avons eus.

M. RIVARD: D'une façon générale, je ne pense pas que nous pouvons jeter la pierre, mais le prix est un facteur très important. D'ailleurs, j'ai ajouté quelque chose, je ne sais pas si c'est dans ce paragraphe-là, j'ai dit quelque part que, en principe, le bois n'était pas un produit agricole et qu'il ne devait pas être soumis à la Loi des marchés agricoles. M. le Président, je n'ai pas l'intention de recommencer ici une argumentation que j'ai faite à titre de président de la Corporation des ingénieurs forestiers en février 1963, lors des sessions d'une commission parlementaire semblable à celle-ci, pour étudier la Loi des marchés agricoles. Je pense que j'avais prouvé alors aux gens qui y étaient, me basant sur la jurisprudence française, sur l'étymologie du mot bois, que le bois n'est pas un produit agricole. Evidemment, à dix ans de distance, je ne me souviens pas de l'argumentation, mais je pense que le journal des Débats du temps pourrait faire état de cela. Il y a moyen de prouver techniquement que le bois n'est pas un produit agricole et que, conséquemment, il

ne devrait pas être soumis à la Loi des marchés agricoles comme c'est le cas à l'heure actuelle. Il reste au législateur à trouver la formule, s'il veut que des associations régionales de sylviculteurs prennent la place des négociateurs agricoles pour négocier les prix des bois.

M. VINCENT: M. Rivard, encore aussi franchement que vous l'avez fait depuis le début, à votre avis, cette année, quel est l'excédent du prix que vous payez sur le prix que vous devriez payer pour le bois du producteur?

M. RIVARD: M. le Président, dans le mémoire du Conseil des producteurs des pâtes et papiers, il y a des moyennes qui ont été données. CEP a contribué à ces moyennes, et je pense que ce serait fausser le jeu que d'essayer de discuter ici quelque chose de précis concernant une industrie en particulier.

M. VINCENT: D'accord. Merci. Maintenant, à la page 11 de votre mémoire, vous parlez du mémoire du Conseil des producteurs des pâtes et papiers, vous dites qu'il apporte des recommandations précises en ce qui a trait à la réduction des coûts, y compris ceux du bois et de la stabilisation de l'industrie des pâtes et papiers. Ce n'est plus la séance où nous avons entendu le mémoire du Conseil des producteurs; vous appuyez les recommandations contenues dans le mémoire du Conseil des producteurs des pâtes et papiers où on demandait des réductions de coûts mais, si je me souviens bien, c'était sur des bases temporaires, c'est-à-dire qu'on demandait au cours d'années difficiles comme celle que nous avons traversée l'an dernier certaines réductions, mais qui pourraient être éventuellement rajustées advenant que l'industrie se porte mieux. Je voulais simplement le spécifier, parce que c'était dans une autre séance. Enfin, j'avais une question à vous poser, qui est en même temps une recommandation que je voudrais faire au ministre des Terres et forêts. Depuis le début des séances de la commission parlementaire des richesses naturelles, nous avons fait certaines suggestions. L'une entre autres a été de visiter dans le territoire du Québec des concessions forestières et même des usines. Je voudrais aujourd'hui faire une autre recommandation, comme vous le savez, M. Rivard, et en même temps vous poser la question, un livre blanc n'est pas un projet de loi précis, simplement une ébauche d'une politique qui débouchera vers un ou des projets de loi précis. Je voudrais dire ceci au ministre. Nous aurons d'autres séances de la commission parlementaire, après que nous aurons entendu les mémoires. Mais est-ce que nous ne pourrions pas envisager immédiatement que lors de ces autoes séances de la commission parlementaire, nous, les membres de la commission, nous puissions faire des suggestions que, par la suite, le ministère prépare ses projets de loi — ces projets de loi seront préparés de façon beaucoup plus précise — et qu'après la première lecture à l'Assemblée nationale des projets de loi, nous puissions même revenir devant la commission parlementaire et discuter ces projets de loi article par article. Et même, s'il y a lieu, nous pourrions les faire parvenir à ceux qui ont présenté des mémoires pour qu'ils puissent revenir sur des points bien spécifiques, donner non pas leur approbation mais faire leurs observations, parce qu'en définitive, ces projets de loi devront servir la politique forestière du Québec pour plusieurs années à venir. C'est une suggestion que je fais au ministre et je demanderais à M. Rivard s'il serait prêt, advenant que le ministre y consente, à revenir devant la commission parlementaire lorsque nous aurons spécifiquement sur papier, noir sur blanc, les intentions du ministère.

M. RIVARD: M. le Président, je remercie le député de Nicolet de la confiance qu'il semble mettre dans mes pauvres moyens, mais je suis allé un peu plus loin que le député dans ma cinquième recommandation, qui n'est pas imprimée dans le mémoire. Je suggère même de nous asseoir à la table d'un comité de travail pour préparer les ébauches d'une nouvelle législation.

Naturellement, nous serons prêts, s'il y a d'autres séances de cette commission parlementaire, après la première lecture, à revenir n'importe quand exposer notre point de vue.

M. le Président, la collaboration de CIP a toujours été acquise et le sera toujours au ministère des Terres et Forêts. Nous ne sommes pas toujours d'accord sur ce qui se passe d'une part chez nous et d'autre part chez lui, mais, en dialoguant, il y a toujours moyen de s'entendre et le passé se porte garant de l'avenir.

M. VINCENT: Je termine là-dessus, en spécifiant que vous êtes toujours d'accord et qu'on ne peut être jamais d'accord.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lotbinière.

M. BELAND: M. le Président, j'aurais moi de même quelques questions à poser à l'honorable représentant de la Compagnie internationale de papier du Canada mais, au tout début, je tiens à dire, après avoir lu et relu le document qu'il y a des choses de fond qui sont drôlement raisonnables pour une entreprise privée. Je ne les accepte pas toutes. Mais il y en a d'aucunes où j'endosse quasiment votre point de vue. Je pense à un gouvernement à venir où le ministère des Terres et Forêts serait un ministère véritablement responsable envers tout l'ensemble de la population. Je tiens compte d'abord de la grande surface — vous n'aimez pas le mot "concession" — qui a été allouée dans le passé à votre compagnie et je ne peux faire autrement que souligner que je trouve assez curieuse votre allusion de ce matin à l'article 98 de la Loi des

Terres et Forêts. J'interprète peut-être mal vos paroles, je le souhaite d'ailleurs, mais je prends simplement ce qui a été dit comme une menace à l'endroit du gouvernement quant aux droits que la Compagnie internationale possède et qu'elle tient à garder mordicus sur tous les terrains déjà acquis. Cela m'amène à poser une question immédiate. Parmi les endroits où vous avez effectué des coupes sur les différents terrains de la couronne, est-ce que tous les bois ou quasi tous les bois récupérables, qui sont bons, ont été utilisés ou, sinon utilisés, vendus à d'autres utilisateurs qui pouvaient les transformer?

M. RIVARD: M. le Président, la réponse est oui. A l'heure actuelle, si nous prenons les forêts affermées que j'ai citées tout à l'heure, c'est-à-dire à l'ouest de la rivière Batiscan jusqu'à la frontière de l'Ontario et du Saint-Laurent jusqu'au nord des forêts affermées, la possibilité du merisier, du bouleau utilisable en bois de sciage et des autres essences qui ont une moindre importance au point de vue du volume, le chêne, le hêtre et autres, cette possibilité, dis-je, de nos forêts affermées est utilisée à 100 p.c. Nous sommes même dans une aventure de possibilité d'épuisement. Pour satisfaire les exigences ou les demandes des propriétaires de moulin à scie, malgré ce qu'en dit l'Association des manufacturiers de bois de sciage — ce n'est un secret pour personne, on le sait au ministère des Terres et Forêts — nous récoltons à l'heure actuelle plus que la possibilité du merisier. Dans le déroulage, c'est quelque chose qui s'en va graduellement aussi. La réponse à votre question est donc oui. Nous utilisons, pour nos fins, parce que nous avons par une compagnie subsidiaire, une usine de déroulage à Gatineau, nous vendons à d'autres ce que nous n'utilisons pas. Je ne veux pas vous laisser une fausse impression, j'ai parlé de sciage et déroulage. Il reste en forêt des essences telles que le bouleau à papier, le tremble, le faux tremble, etc., ces essences feuillues qui ne sont pas utilisées parce qu'il n'y a pas preneur aux usines.

Dans toutes nos usines, il y en a seulement une située à Hawkesbury, en Ontario, qui utilise beaucoup de feuillus comme matière première. Les autres représentent un pourcentage infime parce que la technologie, malgré les recherches que nous faisons dans des laboratoires de recherches très élaborés et très coûteux, n'a pas réussi à trouver une formule pour mélanger d'une façon économique les fibres ligneuses de feuillus et de résineux.

M. GAGNON: Matane?

M. RIVARD: Matane utilise exclusivement des feuillus. Cela provient de propriétés privées entièrement. Il n'y a pas de forêts affermées à Matane derrière cette usine-là.

M. BELAND: Dans cette grande surface que vous possédez par droit acquis, vous avez certainement des parties plus ou moins respectables où il y a détérioration de façon très massive de la forêt. Vous avez laissé sous-entendre, dans l'explication qui a été donnée à d'autres questions, que ce n'était pas tellement grave s'il y avait une certaine quantité de parties de territoire où le bois se détériorait, que c'était tout simplement un état naturel. Quel est le pourcentage de territoire où il y a vraiment détérioration et où il devrait y avoir récupération, et à cause de l'éloignement ou d'autres facteurs, la récupération n'est pas faite?

M. RIVARD: M. le Président, CIP a 25,000 milles carrés de forêts affermées, soit 16 millions d'acres. Je n'ai pas fait le tour de toutes les acres. Je pense pouvoir affirmer que la réponse au député de Lotbinière est non. Il n'y a pas de parties de nos forêts affermées qui se détériorent comme telles. Il y a encore des parties qui arrivent à maturité, qui sont à maturité, mais où, je le répète, il y a un renouvellement. Ce n'est pas une mine de plomb, d'or ou de nickel. La forêt est une entité vivante qui se renouvelle. Même dans les concessions où il y a de la vieille forêt, il n'y a pas détérioration comme telle où il vaille la peine de changer notre méthode de récolte pour aller là plutôt qu'ailleurs.

D'ailleurs, depuis 50 ans que nous récoltons sur ces forêts affermées, il y a sûrement un renouvellement qui s'est fait quelque part. Nous sommes rendus joliment loin dans les récoltes. Nous sommes rendus sur les versants de la baie James. Les forêts où nous avons récolté au début du demi-siècle qui vient de se terminer depuis 1922 sont en pleine croissance. Elles le seraient mieux si nous n'avions pas eu cette épidémie de tordeuses des bourgeons d'épinette dans les années cinquante et que nous n'avons pas pu contrôler. Parce que, à ce moment-là, le ministère des Terres et Forêts n'était pas organisé au point de vue entomologique pour faire les arrosages nécessaires et probablement parce qu'on a jugé que l'insecte s'éteindrait par lui-même. Or, ce n'est pas le cas. L'insecte a progressé et nous avons perdu — CIP — huit millions de cunits de bois d'épinette à cause de cette épidémie. C'est l'équivalent de dix ans de production à nos deux usines de La Tuque et de Trois-Rivières. Si nous n'avions pas une petite réserve pour compenser pour ces pertes, par le feu ou par le chablis, où irions-nous avec nos usines et les immobilisations qu'elles représentent? Savons-nous où l'épidémie actuelle de la tordeuse des bourgeons d'épinette va s'arrêter?

Ici, je pense qu'il faut accrocher une autre plume à notre chapeau parce qu'un de nos ingénieurs de Maniwaki a commencé à surveiller cette nouvelle épidémie en 1968. En 1969, il a trouvé que le temps était venu de faire des démarches auprès du ministère des Terres et Forêts. En 1970, on a fait arroser, à frais communs, ministère des Terres et Forêts et gestionnaires, une superficie restreinte.

En 1971, les ravages continuant, on a arrosé une plus grande superficie et, en 1972, la superficie a probablement encore doublé à tel point que cette année, si vous aviez à payer la part que nous avons à payer, cela nous coûterait quelque chose comme $350,000 à $400,000. Est-ce que nous allons pouvoir contrôler cette épidémie? Où va-t-elle s'arrêter? Elle est à la grandeur de la Gatineau et de la rivière du Moine. Elle est rendue maintenant sur la Saint-Maurice. Le ministère des Terres et Forêts, après la reconnaissance aérienne que nous avons faite nous-mêmes, en a fait une plus détaillée. Par son service d'entomologie, qui relève de la direction générale de la conservation, je pense qu'il a en main aujourd'hui ou il l'aura sous peu, des cartes montrant une évaluation de la défoliation causée par cette nouvelle épidémie de tordeuses. Cette reconnaissance aérienne sera suivie d'un inventaire des masses d'oeufs qui nous permettront de prévoir quelle sera l'épidémie l'an prochain. Et au cours de l'automne, gestionnaires et ministère des Terres et Forêts s'assoiront ensemble et décideront où, quand et comment arroser l'an prochain, s'il reste des fonds chez les concessionnaires et au ministère parce que c'est quelque chose qui coûte cher.

Mais je dois dire à la décharge du ministère, que ce dernier a fait, au cours de l'été — on est venu chez nous chercher des données, encore une fois — une étude afin de savoir si ces arrosages étaient vraiment rentables. Je pense qu'il est temps qu'on le fasse. Prenez l'exemple du Nouveau-Brunswick depuis 1952, grâce au travail des ingénieurs de CIP et de NBIP, New Brunswick International Paper Co, il y a des arrosages annuels, excepté une année vers 1957 ou 1958. Qu'avons-nous accompli? Les malins diront que nous avons contribué a nourrir l'insecte. Mais il y a une chose importante, par exemple, que ces malins oublient de dire, et que nous affirmons, c'est qu'au Nouveau-Brunswick, aujourd'hui, nous avons réussi à conserver la forêt verte et que toutes les usines peuvent s'approvisionner à même cette forêt. S'il n'y avait pas eu d'arrosage, il serait arrivé la même chose que sur un territoire d'étude et de recherche que nous avons gardé sur la rivière Chariot, où tous et chacun des sapins et des épinettes attaqués par la tordeuse ont été rasés au sol. Alors, il y avait une justification au Nouveau-Brunswick pour poursuivre les arrosages pendant 20 ans.

L'étude économique qui est faite sous la juridiction du ministère des Terres et Forêts de concert avec l'Institut de recherche biologique du service canadien, à Ottawa, prouvera peut-être que c'est la formule à appliquer. Peut-être qu'on continuera à arroser. On ne le sait pas. Mais il y a un gros inconnu, on ne sait pas non plus où l'insecte va s'arrêter et c'est pour cela que le gestionnaire doit avoir des réserves pour prévoir ces cas échéants. J'ai parlé de l'insecte. Il y a aussi les chablis. Vous savez que de plus en plus les ouragans, à partir de Aline jusqu'à

Hélène, parfois viennent faire une incursion chez nous. On a des territoires dans le Nord-Ouest du Québec et dans le Saint-Maurice qui ont été balayés au complet, où il n'y a même pas possibilité de faire de la récupération parce que tous les arbres sont tordus. On ne peut même pas les récolter pour les utiliser. Et il y a les feux, évidemment.

M. BELAND: Vous donnez certaines explications à la question que je vous avais posée et je vous en remercie. En page 7 de votre mémoire, concernant la coupe réalisée en régie, vous développez et vous avez expliqué tantôt, à la suite d'une question qui vous avait été posée, à savoir que cela coûtait meilleur marché à l'entreprise privée pour effectuer les coupes que si cela était une société de la couronne, que ce soit Rexfor ou autres. Je suis d'accord avec vous là-dessus, il n'y a pas de doute. Mais, quand on va plus loin dans le texte, vous laissez sous-entendre, et même vous l'avez affirmé de façon catégorique, que le bois n'est pas un produit agricole.

Donc, sur les terrains de boisés privés, il fallait trouver une formule autre que celle qui existe présentement. Vous avez laissé sous-entendre que la Régie des marchés agricoles était nettement influencée par ce que vous avez appelé — c'est même inclus dans votre mémoire — l'UCC, la Fédération des producteurs de bois du Québec. Peu importe, ça laisse sous-entendre ça.

Cela m'amène à vous poser la question suivante: Dans le passé, je ne dirai pas que c'est votre compagnie, mais par contre, certaines compagnies ont coupé le bois en totalité sur certains grands territoires que le ministère de l'Agriculture et de la Colonisation avait concédés à ce qu'on appelait, dans le temps, des colons pour le défrichement, etc. Justement, c'était strictement sur ces territoires-là qu'on installait les colons. Par la suite, le bois a poussé. Ces mêmes colons, pour vivre, ont vendu du bois à prix dérisoire pour commencer et, avec le temps, il faut quand même reconnaître une certaine quantité de facteurs qui ont influencé la possibilité d'améliorer le prix aux producteurs sur lots boisés. La question est celle-ci: Quelle serait la meilleure façon de procéder, selon vous, selon votre compagnie, pour améliorer la situation de part et d'autre ou faire en sorte, puisque la Loi des marchés agricoles ne joue pas le rôle qu'elle devrait jouer, selon vos paroles, quel devrait être l'organisme? Comment devrait être constitué l'organisme idéal pour donner justice de part et d'autre?

M. RIVARD: Etant donné que le livre blanc ne lève pas bien haut le coin du voile sur les associations régionales de sylviculteurs, il nous est difficile de nous prononcer là-dessus. J'ai dit tout à l'heure que c'est peut-être ça la formule, car qui dit sylviculteur, à mon sens, élimine

l'agriculteur, dans le contexte d'une nouvelle loi qui instaurerait les associations régionales de sylviculteurs.

Cela me porte à penser que ces gens-là seraient habilités à faire des transactions qui concernent uniquement le bois. Les choux, les raves, les patates, les tomates, ce ne sont pas nos oignons et je pense qu'on a tort de mêler le tout dans une loi des marchés agricoles. C'est peut-être là la formule, mais étant donné le peu de lumière qui a été jetée sur ce projet d'associations régionales, je crois qu'il faudrait que les gestionnaires et les auteurs du livre blanc, de même que les autorités du ministère des Terres et Forêts, s'assoient et pensent à une formule qui soit vivable.

M. BELAND: Dans ce cas-là, il est bien indiqué dans le livre blanc, tome Il, régie de produits forestiers, ou quelque chose du genre, qui serait dorénavant instauré. A ce moment-là, ce serait approximativement l'optique que vous accepteriez, régie de produits forestiers bien spécifique qui aurait justement à régir, non seulement les forêts de la couronne ou ce qui en découle mais également toutes les forêts de la province, y compris les forêts privées, lots boisés privés.

M. RIVARD: Nous avons pris position à la page 6, M. le Président, sur la régie des produits forestiers et nous disons que nous nous opposons à une telle régie "qui déterminerait les prix et d'autres modalités de vente. La relation entre cette régie et les offices de producteurs n'est pas clairement établie. Le rôle de ces divers organismes n'est pas défini et on n'y fait que vaguement allusion".

En somme, nous sommes dans le noir. Peut-être qu'une régie des produits forestiers modifiée, nous n'en savons rien, mais pas celle qui est recommandée dans le livre blanc. Certainement pas celle-là.

M. BELAND: ... Dans ce cas, étant donné qu'il y a environ 20 p.c. de vos approvisionnements pour usine qui proviennent des lots boisés privés, c'est quand même assez important, à ce moment-là, pour suivre votre optique, qu'il y ait un organisme quelconque pour donner davantage justice aux compagnies forestières. A ce moment-là, si une régie forestière était instaurée, tel qu'approximativement stipulé dans le livre blanc, est-ce que, par exemple, si vous aviez l'assurance d'une véritable collaboration entre la Régie des marchés agricoles et celle de la section forestière, ce serait acceptable, disons de loin? C'est entendu qu'il faudrait en connaître les modalités, mais est-ce que ce serait acceptable?

M. RIVARD: Cela me semble bien compliqué, ça, M. le Président. J'aime mieux ne pas m'avancer sur ce terrain glissant.

M. BELAND: Compte tenu du peu de colla- boration des différents autres secteurs actuels probablement. A tout événement, c'est entendu qu'ici, nous serions portés, à certains moments, à faire le procès, sur certains aspects, des compagnies forestières, compte tenu d'un manque de dirigisme. Par contre, je ne veux pas glisser sur ce terrain. On pourrait même aller jusqu'à essayer de savoir le pourcentage de turnover que vous pouvez, comme compagnie forestière, récolter sur les terrains de la couronne, compte tenu de la quantité qui a été acceptée pour payer les bûcherons, les coupeurs de bois sur les terrains de la couronne. Mais je n'irai pas jusque là. Quelle serait véritablement la meilleure façon de procéder pour en arriver à une régie forestière ou un contrôle gouvernemental véritable faisant en sorte que vous autres, comme compagnie forestière, vous ayez la possibilité de voir une partie de vos droits acquis très protégés et qui, d'autre part, ferait en sorte qu'il y aurait possibilité aussi pour les petits utilisateurs — et j'englobe ici tous les autres petits utilisateurs des forêts, transformateurs, moulins à scie, et, d'autre part, également, les petits lots boisés privés — de sauvegarder leurs droits. Quelles seraient vos vues là-dessus?

M. RIVARD: Je pense, M. le Président, que le ministère des Terres et Forêts, à l'heure actuelle, a tous les rouages nécessaires pour procéder à une révision, mais pas tellement en profondeur, de la législation. La loi est vieille mais elle est bien faite. Je pense que cette question de régie, cette question de société de gestion forestière, ce n'est pas nécessaire. Le ministère a tout ce qu'il faut pour y voir. C'est pour ça que, d'une part, nous craignons les frais additionnels qui découleraient inévitablement de tout organisme nouveau paragouvernemental. D'autre part, nous croyons — et je pense que c'est rendre hommage au ministère des Terres et Forêts actuel — qu'il a les cadres et les outils nécessaires pour faire la plupart des choses préconisées dans le livre blanc. C'est pour ça que nous ne croyons pas à la société de gestion forestière. Nous croyons plutôt à une formule de collaboration et j'insiste, ç'a été un peu notre thème, ça, cette collaboration. Quelque part dans le livre blanc, on dit qu'on va faire appel à l'expérience des forestiers et des gestionnaires. Je pense que c'est heureux, parce que l'expérience, vous savez, M. le Président, ce n'est pas quelque chose qui s'acquiert dans les livres, c'est quelque chose qui s'acquiert sur le terrain. Pour parler d'abondance de la forêt et de tous ses problèmes, il faut tout de même l'avoir vue.

Je pense que la société de gestion forestière, on peut la mettre de côté, et que la collaboration entre le ministère et les gestionnaires verrait à accomplir tout ce qu'il faut accomplir en fait de gestion forestière, l'utilisation évidemment, restant à l'entreprise privée. C'est une prise de position que nous avons donnée et je crois qu'il faut qu'elle reste là. D'ailleurs, je ne pense pas, dans le livre blanc qu'on ait

l'intention d'aller jusqu'à la récolte. On a mentionné de petites choses, mais je ne pense pas qu'on aille jusque là.

Parlant de la récolte, M. le Président, j'aimerais revenir à une question du député de Lotbinière tout à l'heure pour quelques minutes. Vous me faites parler beaucoup ce matin. Evidemment, il y a de petites choses qui, parfois, nous glissent. Je vous ai parlé de la perte de 8 millions de cunits par la tordeuse des bourgeons d'épinette, dans les années cinquante, mais j'ai oublié de vous dire que cela est à part des volumes immenses que nous avons récupérés, durant cette épidémie, et de 1952 à 1962, nous avons changé complètement nos plans d'exploitation. C'est pour dire que la planification, ce n'est pas quelque chose qui se fait trop longtemps d'avance, en général, mais il faut être prêt à changer d'année en année. Nous venions d'ouvrir les territoires d'Opawika dont je vous ai parlé tout à l'heure. Nous avions construit une voirie très dispendieuse. Nous avons tout fermé ça. Nous venions d'ouvrir à Rivière-à-Pierre un dépôt moderne. Nous avons tout fermé ça, pour concentrer toutes nos exploitations au nord-est de La Tuque, dans un bloc de forêt qu'on appelle Wayagamack et éventuellement, cela s'est étendu dans d'autres territoires, parce que la tordeuse des bourgeons d'épinette ne connaît pas de frontière. C'est devenu tellement grave qu'en 1962 nos usines du Saint-Maurice ne voulaient plus voir de ce bois-là, parce qu'il était trop pourri. On était rendu à exploiter du bois pourri. Je pense que ça s'est arrêté à peu près là. Mais, pendant dix ans, à des coûts d'exploitation qui dépassaient peut-être de 15 p.c. ou 18 p.c. le coût normal d'exploitation, nous avons récolté ce bois pour qu'il ne se perde pas. Mais malgré tout, nous estimons que nous avons perdu 8 millions de cunits. Je tenais à faire cette mise au point, parce que je pense que c'est faire preuve d'un sain aménagement et de prévoyance.

M. BELAND: Cela me porte à vous poser une autre question. Etant donné qu'il y a quand même un approvisionnement qui provient de lots boisés privés, quel est le pourcentage supérieur de qualité qui peut provenir d'un côté ou de l'autre, entre le bois qui provient des propres limites qui vous ont été affermées et celui qui provient de lots boisés? Est-ce que c'est approximativement la même qualité ou s'il y a une différence sensible?

M. RIVARD: Je pense que ce serait difficile, M. le Président, d'établir un chiffre là-dessus, parce qu'à cause de nos usines qui sont dispersées ici et là dans la province, nous achetons dans différents secteurs. Je dirais que, lorsque ce sont des lots privés isolés, où vous avez ces sapins et ces épinettes de chanvre, remplies de noeuds, cela est de qualité inférieure. Mais je ne voudrais pas jeter la pierre et dire que le bois des cultivateurs en général est inférieur. Chaque usine à ses propres problèmes. Il n'y a pas une réponse générale pour ça.

M. BELAND: Comme dernière question, concernant la réponse que vous avez donnée tantôt à une autre question, à un autre député, vous avez parlé de la nécessité pour les compagnies de pouvoir compter sur certaines surfaces pour pouvoir s'alimenter à l'avenir et lorsqu'il y a renouvellement de contrat ou de licence — peu importe la façon d'appeller ça — vous avez parlé de renouvellement pour vingt ans. Est-ce que vous voulez dire qu'en même temps, non seulement au point de vue de la surface, mais du renouvellement pour vingt ans, le prix décidé en 1972 prévaut pour vingt ans à venir, le prix auquel il vous revient ou qui vous est accordé au cunit enfin, etc?

M. RIVARD: Non, le prix ne pourrait pas être fixé pour vingt ans parce qu'il y a trop d'inconnues économiques à l'heure actuelle pour prévoir et fixer un prix pour vingt ans.

M. BELAND: Vous acceptez à ce moment-là la base annuelle pour le prix?

M. RIVARD: Au point de vue du prix, cela dépendra de la formule, c'est une formule qui resssemble un peu à la teneur actuelle. Il n'est pas question de négociation. S'il est question de garantie d'approvisionnement, votre théorie tient parce qu'à ce moment-là le ministère garantira probablement l'approvisionnement suivant un prix donné. Il y a place pour des négociations annuelles.

Permettez que je revienne sur votre question. Pour le bois des forêts affermées, le poids anhydre par cunit est de 2,464 livres, alors que, pour les bois qui proviennent des particuliers, des boisés privés, le poids anhydre par cunit est de 2,201 livres, c'est-à-dire qu'il est de qualité inférieure en général. C'est puisé dans le mémoire du conseil à la page 54.

M. BELAND: A quel facteur attribuez-vous le fait qu'il y ait une différence comme ça?

M. RIVARD: Cela provient de nos recherches à l'usine. C'est intrinsèque aux essences qui nous sont fournies. Dans le grand nord, nos forêts sont à prédominance en épinette noire. Or, la densité, le rendement de l'épinette noire par tonne de papier sont beaucoup supérieurs à ceux du sapin. Si la prédominance est au sapin dans les bois que nous achetons des cultivateurs, c'est ça qui peut faire le jeu de la balance. Ces chiffres sont des moyennes basées sur plusieurs rapports, mais cela vous donne une base de comparaison.

M. BELAND: Je prends vos chiffres tels quels, je les accepte, mais est-ce qu'il n'y a pas alors compensation au point de vue de la différence de coûts?

M. RIVARD: Cela coûte plus cher d'acheter du bois des cultivateurs que d'acheter de nos concessions.

M. BELAND: Présentement, le bois qui provient des boisés vous coûte plus cher?

M. RIVARD: Evidemment.

M. BELAND: Je ne vous oblige pas à donner la réponse, mais est-ce que vous pourriez donner le supplément du coût approximatif à la corde?

M. RIVARD: Dans le mémoire du Conseil des producteurs, auquel nous avons contribué, le nom de CIP apparaît à la première page comme étant une des compagnies. A la page 11, le coût estimatif du bois est de $33.08 pour le bois en grume acheté, il est de $30.09 pour le bois produit par les compagnies. Je n'ai pas l'intention d'aller plus loin que ces moyennes-là.

M. BELAND: D'accord. C'est tout pour les questions que j'avais à poser. Merci.

M. LE PRESIDENT: La parole est à l'honorable député de Saguenay.

M. LESSARD: Pour donner suite aux questions et suite à la réponse que vient de nous donner M. Rivard, est-ce qu'il pourrait nous donner une explication lorsqu'il estime le coût du bois à $30.09 pour les bois produits par les compagnies et le bois en grume acheté à $33.08. Est-ce que vous pourriez me donner l'explication à la note 1, exception faite des frais d'administraiton forestière?

Si je vais à la page 54, je constate que le coût de l'administration forestière serait de $3 et que, lorsque vous achetez du bois en gros, vous n'avez pas à payer les frais d'administration.

Alors, si vous ne calculez pas dans les $30.08 les frais d'administration, nous arrivons donc à un prix de $33.09.

M. RIVARD: Je ne vous suis pas, M. le Président, sur ce raisonnement. Je maintiens que CIP a été solidaire du mémoire qui apparaît ici et je pense que les chiffres qui sont cités sont basés sur des moyennes et je veux en rester à ces moyennes-là.

M. LESSARD: Je comprends que c'est basé sur des moyennes, mais il reste que la note explicative en bas nous permet, peut-être à nous de la commission, de nous interroger sur des chiffres qui auraient peut-être été biaisés, puisqu'on fait exception des frais d'administration forestière et que les frais d'administration forestière sont évalués à la page 54 à $3.

M. RIVARD: Evidemment, M. le Président, je n'ai pas fait d'étude de ce document dernière- ment et je ne suis pas en mesure d'établir la relation entre le tableau de la page 11 et le tableau de la page 54.

M. LESSARD: Tout à l'heure, vous avez parlé de la différence de la tonne anhydre dans les boisés privés par rapport aux concessions forestières. Est-ce que ce calcul aurait aussi été fait par essence? J'ai cherché dans le mémoire et je ne l'ai pas trouvé.

M. RIVARD: Je n'ai pas la réponse, M. le Président, mais j'imagine que ces deux chiffres proviennent de moyennes, de données qui ont été fournies par les gestionnaires membres du conseil et qu'on a dû tenir évidemment compte de toutes les essences, c'est-à-dire que lorsqu'un contingentement de bois entre à une usine, on en connaît les essences et je croirais qu'on a tenu compte des essences.

M. LESSARD: M. Rivard, tous les mémoires qui nous ont été présentés, soit par l'Association des industries forestières du Québec, soit par le Conseil des producteurs de pâtes et papiers du Québec et par la société CIP ont reproché au livre blanc un étatisme excessif.

Tout à l'heure, le ministre vous a demandé ce que vous entendiez par le socialisme. Je ne vous pose pas la question mais puisque vous utilisez très souvent le terme d'étatisme vis-à-vis du livre blanc, est-ce que vous pourriez identifier les mesures concrètes que vous considérez comme étant de l'étatisme excessif dans le livre blanc?

M. RIVARD: Si on prend le tome III du livre blanc, que l'honorable ministre des Terres et Forêts connaît bien, on voit surgir et poindre à l'horizon la mainmise du gouvernement sur les forêts affermées. Je pense qu'il a dit à ce moment-là, je ne voudrais pas le citer textuellement parce que je n'ai pas le texte devant moi, que les "concessions" seraient reprises et que la seule compensation serait pour la valeur dépréciée des infrastructures, des améliorations. Je pense que c'est une forme d'étatisme, lorsqu'un gouvernement s'empare de la propriété privée, et c'est une propriété privée que nous avons; on ne peut le nier.

Devant toutes les mesures qu'on préconise, nous avons des droits.

M. LESSARD: Lorsque vous dites que c'est une propriété privée, voulez-vous dire que, votre compagnie, comme telle, est propriétaire des territoires qui vous ont été alloués par bail, annuellement?

M. RIVARD: Pas des territoires. Nous sommes propriétaire, et c'est l'article 72 qui le dit. Je ne sais pas si vous connaissez l'article, je vous rafraîchis la mémoire.

M. LESSARD: Allez-y.

M. RIVARD: Le gestionnaire a des droits exclusifs pendant la durée de sa licence.

M. LESSARD: Est-ce que ces droits ne sont pas renouvelables chaque année?

M. RIVARD: Je vais vous le dire. Ce permis — cela veut dire la licence — a l'effet de donner à la personne qui est en possession, tous droits de propriété quelconque sur les arbres, bois de sciage et de construction, qui sont et peuvent être coupés dans les limites décrites dans le permis pendant la durée qui y est portée — à l'heure actuelle, c'est un an — soit que ces arbres, bois de sciage et de construction soient coupés par la personne qui a ou possède le permis, ou par d'autres personnes avec ou sans son consentement. Donc, pendant la période de notre licence, soit du 1er avril 1972 au 31 mars 1973, nous avons, CIP, des droits exclusifs sur tout le bois qu'il y a là. Or, nous avons consenti déjà à nous départir d'une partie de ces droits, parce que le ministère nous a demandé de collaborer avec lui pour prévoir l'allocation des essences dites secondaires, essences feuillues. Mais le fait demeure que nous sommes propriétaire.

M. LESSARD: Pour une période d'un an?

M. RIVARD: Pour une période d'un an. Mais si le gestionnaire observe tous les règlements, s'il a les mains nettes, je ne pense pas que le gouvernement lui enlèvera ces forêts affermées. Dans 38 ans d'expérience, c'est arrivé une seule fois et cela couvrait quatre milles carrés exactement.

M. LESSARD: Vous acceptez quand même la possibilité pour le ministère, après un an ou au cours d'une période d'années, de modifier ces règles-là. Puisque nous vous concédons la forêt sur une période d'un an, cela veut dire tout simplement qu'il est possible qu'après un an les règlements puissent changer. Il appartient donc à ce moment-là au gouvernement, comme responsable du bien public, selon les intérêts du public, de la population et des compagnies, de modifier peut-être ces règlements.

M. RIVARD: En fait, les règlements du ministère des Terres et Forêts ont été modifiés et il y a un arrêté ministériel qui date du 31 mars 1971, règlement auquel encore une fois nous avons collaboré volontiers. Je pense que c'est heureux que nous l'ayons fait. Je vous cite un cas d'espèce: Il était prévu, dans ces règlements, que le ministère des Terres et Forêts pouvait imposer des pénalités pour des infractions pour des manquements aux règlements des bois et forêts. Or, alors que le taux des droits de coupe est de $2.94 par cunit pour l'épinette et le sapin, en calculant le montant d'infraction qu'on nous aurait chargé, dans certains cas, nous aurions eu à payer quelque chose comme $86 d'infraction. Allez-vous me dire que c'est raisonnable? Il y avait quelque chose qui n'allait pas dans ces règlements. Encore une fois, c'est l'expérience pratique qui est venue en ligne de jeu.

Nous n'avons pas imposé nos vues au ministère des Terres et Forêts, loin de là, nous l'avons rencontré et nous lui avons dit: Il y a quelque chose qui ne va pas là-dedans. Nous devons payer quelque chose comme trente fois pour une infraction. Une infraction, c'est quand vous laissez une souche trop haute ou un arbre avec un diamètre trop haut ou trop gros au pied, vous laissez du bois en forêt, etc. Quand vous arrivez à payer trente fois l'équivalent d'un tas de coupe en infractions, cela ne marche plus, il y a quelque chose qui ne va pas. Alors, il y a moyen de réviser les règlements. Je suis d'accord avec vous. Mais encore faut-il les réviser selon l'expérience pratique.

Mais pour revenir à votre problème, d'accord, les licences courent pour un an. Mais jusqu'à présent — l'histoire et le passé étant garants de l'avenir, je le répète — dans 38 ans d'expérience, il est arrivé un cas — et c'était un cas politique, certainement — où nous avons perdu quatre milles carrés. C'est le seul cas. Il n'y en a pas eu d'autre.

M. LESSARD: Oui. Je suis bien d'accord que le passé est garant de l'avenir. Mais cependant, l'Etat doit continuellement changer sa politique; car ce qui a peu être bon dans le passé, n'est pas nécessairement bon aujourd'hui.

Si, vous, les compagnies forestières, avec raison probablement, êtes intervenues auprès du ministère, pour modifier certains règlements, il est possible aussi que le ministère puisse changer, modifier certains règlements pour protéger le territoire public, la population, et accorder peut-être plus d'accessibilité à ces territoires, quoique vous en ayez accordé déjà dans le passé, et faire un zonage qui soit plus efficace aujourd'hui qu'il ne l'était dans le passé. Alors, ces règlements peuvent donc être modifiés.

M. RIVARD: Nous nous sommes prononcés pour le zonage, M. le Président, nous n'avons rien contre lui.

M. LESSARD: Est-ce que, lorsque le gouvernement parle de l'abolition des concessions forestières sur une période de dix ans avec compensation financière — il s'agira de s'entendre, on en parlera tout à l'heure — il s'agit de la spoliation de l'Etat sur des territoires? Parce que vous parlez comme propriétaires, vous dites: Nous sommes propriétaires de ça. Moi, je vous dis non. Vous êtes des propriétaires du bois coupé et sur le territoire pendant une période d'un an. Exactement comme le club privé est propriétaire pendant une période déterminée. Mais il est dit dans la loi de chasse et pêche, qu'il est possible, pour le gouvernement, à l'intérieur de trente jours, d'annuler le

bail avec un club privé. Or, si, par exemple, on vous loue un territoire sur une période d'un an, c'est parce qu'il est possible que le gouvernement peut, à la suite de la modification de ces règlements, vous enlever ces territoires.

M. RIVARD: C'est possible mais je vous répète que, dans le passé, ce n'est pas arrivé. Et d'ailleurs, vous reprochez mes termes "droit de propriété". Disons que peut-être j'ai forcé la note en ce qui concerne le territoire lui-même. Non, nous ne sommes pas propriétaires du fonds de terre.

Nous le reconnaissons. Mais nous maintenons...

M. LESSARD: Que vous êtes propriétaires des essences.

M. RIVARD: Nous sommes propriétaires du bois. Nous maintenons quand même que pour la mise de fonds sous prime de fermage pour le développement, l'aménagement, la construction des infrastructures, etc., nous avons droit à une compensation.

M. LESSARD: Nous sommes d'accord, nous allons en parler tout à l'heure. Vous avez dit plus tôt que vous aviez 25,000 milles carrés en concessions forestières. Est-ce que vous pourriez me dire quel est le taux d'utilisation de ces concessions.

M. RIVARD: Il ne faudrait pas prendre 1971 comme un barème, M. le Président. Parce qu'à l'heure actuelle il y a baisse de la demande du papier journal et des pâtes, nos usines fonctionnent à quelque 80 p.c. et nous achetons, nous vous l'avons dit tout à l'heure, quelque 53 p.c. de notre production. Mais comme je vous l'ai expliqué déjà, il faut prévoir pour l'avenir. Ces marchés ne sont pas captifs. Qu'il arrive quelque chose dans l'industrie du sciage, qu'il arrive quelque chose chez nos fournisseurs de pâtes, ou chez nos fournisseurs de copeaux, il faut tout de même pouvoir compter sur la vitalité, sur le prolongement de la vie de nos usines. Alors, même si à l'heure actuelle nous n'utilisons pas toute la possibilité intégralement des résineux, nous croyons que nous n'abusons pas en gardant cela sous réserve.

D'ailleurs, dans certaines de nos forêts affermées, où la récolte a été diminuée, nous avons mis à la disposition des propriétaires de moulins à scie les essences résineuses qu'autrefois nous ne vendions pas, telles que l'épinette et le sapin. Nous vendions le pin, le pin gris; mais cette année, il y a des usines qui achètent l'épinette et le sapin tout comme il y en a qui achètent les feuillus.

Alors, je crois que c'est faire preuve de sagesse lorsque nous pouvons disposer d'un surplus. Nous sommes toujours prêts à négocier avec les permissionnaires. Et j'intercale ici, parce qu'on nous a accusés de tous les péchés d'Israël à certains moments...

M. LESSARD: ... d'ailleurs.

M. RIVARD: ... qu'à l'heure actuelle, nous subventionnons l'industrie du sciage pour pouvoir poursuivre nos coupes intégrées. Ceux qui nous ont accusés d'être des voleurs et de plumer l'industrie du sciage, je les mets au défi de venir chez nous et de trouver qui nous exploitons. Nous subventionnons l'industrie du sciage dans les feuillus à l'heure actuelle. Il nous en coûte quelque chose pour faire ces opérations-là.

M. LESSARD: Vous parlez très souvent de planification à long terme pour l'entreprise.

Je vous rends hommages d'ailleurs d'avoir planifié avant l'Etat et au moment où on accusait certaines personnes d'être socialistes lorsqu'on parlait de planification. Les compagnies forestières ont bien planifié et avec raison.

Est-ce que vous n'acceptez pas aussi le fait que l'Etat est responsable du bien public et que, comme responsable du bien public, il doit planifier aussi les approvisionnements? Je m'explique. Si on regarde aujourd'hui une carte des territoires forestiers et des concessions forestières, on constate qu'il ne reste pratiquement plus aucun territoire à concéder. Reste la forêt domaniale qui, actuellement, est dans un piètre état, selon ce que nous dit le Conseil des producteurs des pâtes et papiers du Québec. Est-ce qu'il n'appartient pas à l'Etat de prévoir que d'autres compagnies forestières peuvent venir s'installer chez nous et, à ce moment-là, être capable de les alimenter en produits forestiers?

M. RIVARD: Mais où allez-vous prendre la fibre ligneuse, M. le Président? On vous a dit le 24 que, dans sept ou huit ans, tout ce qu'il y a de disponible dans la province de Québec, en prévoyant la croissance actuelle des usines, sera utilisé. Qu'allez-vous distribuer? Où allez-vous prendre vos fibres ligneuses pour les redistribuer? C'est un mythe.

Quant à la grandeur des forêts sous licence de coupe, des forêts affermées, il est facile de dire qu'il y en a grand, mais je pense que l'industrie est responsable de l'aménagement de ces forêts. En fait, le seul aménagement qui a été fait dans la province de Québec a été fait par l'industrie des pâtes et papiers.

Allez voir dans les forêts domaniales ce qui se passe et venez chez nous. Vous allez voir qu'il y a une différence. A ce compte-là, une autre preuve, c'est que nous avons aussi des propriétés privées. Dans les 25,000 milles que je vous ai cités, il y a quelque chose comme 2,000 milles carrés qui sont propriété privée, surtout dans le Saint-Maurice.

L'aménagement que nous faisons sur nos propriétés privées n'est pas différent de celui que nous faisons sur nos forêts affermées. Toutes ces forêts sont traitées sur un pied d'égalité. Nous allons plus loin; on a reproché à la mécanisation de faire des ravages, un fouillis.

On a entendu toutes sortes de mots très bien ici l'autre jour.

Nous sommes les seuls, CIP, à savoir ce qui se passe sur les parterres de coupe après la mécanisation et depuis cinq ans, un ingénieur forestier est chargé des recherches, sait exactement ce qui se passe après l'utilisation de chacune des machines, de chacune des unités mécanisées.

A sa grande surprise et à la nôtre, mais à notre grande satisfaction, nous constatons que les cadrats, c'est-à-dire les petites placettes d'échantillonnage qu'il remesure d'année en année montrent une représentation d'essence résineuse qui augmente d'année en année et après cinq ans déjà, ce qu'on appelle le "stocking" — pardonnez-moi cette expression — est satisfaisant dans la majorité des cas. Je pense que c'est une partie des choses qu'il faut dire.

M. LESSARD : Est-ce que vous avez fait ça dans tous vos territoires?

M. RIVARD: On a fait ça comme un projet de recherche. Evidemment, nous n'avons pas couvert intégralement chacune des acres qui a été exploitée d'une façon mécanique. Mais, nous basant sur un échantillonnage au hasard, nous avons pris des points représentatifs où nous avons poursuivi ces études depuis cinq ans. Je pense que nos résultats peuvent être vérifiés n'importe quand.

M. LE PRESIDENT: Messieurs, c'est l'heure du dîner. Tel qu'il avait été convenu la semaine dernière avec les représentants des partis, nous ajournerons nos travaux pour siéger à 2 h 30 jusqu'à six heures et nous les reprendrons à 8 heures ce soir pour entendre les mémoires. La séance ajourne ses travaux à 2 h 30.

M. RIVARD: Est-ce que nous revenons? M. LE PRESIDENT: Oui. (Suspension de la séance à 12 h 31 )

Reprise de la séance à 14 h 44

M. PILOTE (président de la commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!

La parole est au député de Saguenay.

M. LESSARD: Merci, M. le Président. On va essayer de retomber sur nos deux pieds. Ce matin, on parlait des concessions forestières. Comme CIP est une succursale américaine, vous avez d'autres usines aux Etats-Unis. Pourriez-vous me dire quelle forme d'alimentation vous faites aux Etats-Unis? Est-ce sous forme de concessions forestières ou si vous achetez le bois en grande partie des petits producteurs privés?

M. RIVARD: La majorité des approvisionnements au sud des Etats-Unis provient des petits propriétaires. Ce que l'on pourrait appeler les territoires fermés à la International Paper Company, il n'y en a presque pas.

M. LESSARD: Je m'excuse si je transpose le problème, mais je pense que ça peut nous apporter certains exemples qui peuvent être utilisés aussi. Est-ce qu'à la suite de ce fait vous avez des problèmes d'alimentation de bois aux Etats-Unis?

M. RIVARD: Pas que je sache.

M. LESSARD: Si l'on prend l'exemple des Etats-Unis, il est possible ici aussi, chez nous, d'utiliser un autre moyen pour alimenter l'industrie?

M. RIVARD: Les problèmes du sud des Etats-Unis et ceux de la province de Québec ne sont pas les mêmes. Vous avez la différence en densité du bois, vous avez la différence de climat, vous avez la différence de main-d'oeuvre, surtout. La récolte, dans le sud des Etats-Unis, est une récolte artisanale, c'est un bon vieux Noir avec un vieux camion d'une tonne et demie attaché avec de la broche à balle qui va en forêt avec un de st-s fils, qui coupe à très bon marché et qui vend son bois à meilleur marché qu'on peut se le procurer ici. Cela peut se faire à l'année parce qu'ils n'ont pas de difficulté de climat.

Deuxièmement, la voirie forestière, dans le sud des Etats-Unis, est accessible, elle est construite par l'Etat.

M. LESSARD: Dans le tome Il du livre blanc, il est proposé que la voirie forestière appartienne maintenant à l'Etat, quitte, après cela, à répartir entre les différents utilisateurs...

M. RIVARD: Je vous corrige là-dessus, M. le député de Saguenay. La voirie forestière d'accès; c'est bien cela qu'on dit, on parle des chemins d'accès. Il restera toujours la voirie

forestière à l'intérieur du parterre des coupes et cela, on ne fait pas cela pour des prières.

M. LESSARD: Concernant les compensations, vous avez parlé ce matin de deux principes sur lesquels vous insistiez pour les compensations sur les concessions forestières: la prime d'affermage et l'infrastructure.

En ce qui concerne l'infrastructure, est-ce que vous pourriez me dire sur combien d'années vous répartissez votre amortissement?

M. RIVARD: Apparemment, ça dépend du genre d'infrastructure. Il y a de l'amortissement sur cinq ans, il y en a d'autre sur des périodes plus longues.

M. LESSARD: Donc, vous admettez que, après une période de cinq ou dix ans, l'infrastructure que vous avez créée a été déduite des profits, elle ne vous coûte pratiquement plus rien.

M. RIVARD: Mais elle a tout de même une valeur de remplacement.

M. LESSARD : Mais est-ce que vous acceptez que, dans un système de compensation, on tienne au moins compte de l'amortissement que vous avez utilisé?

M. RIVARD: M. le Président, chaque cas sera un cas d'espèce et il faudra discuter ça au mérite. Nous avons d'ailleurs déjà entamé, avec le ministère des Terres et Forêts, certaines négociations qui frôlent un peu la question que vous posez. C'est devant le ministère. Nous avons fait des propositions, nous savons que les équipes du ministère sont allées en forêt faire leur propre inspection. Nous ne connaissons pas le résultat de leur expertise.

Je pense que ce sont des consultations qui doivent se poursuivre in camera.

M. LESSARD: Je suis d'accord avec vous qu'on doit tenir compte de chacune des entreprises. Certaines ont eu des avantages énormes lorsqu'elles se sont installées au Québec, qu'ils soient fiscaux, de taxes municipales ou que ce soient des terrains qu'on leur a concédés pour développer certains territoires. On se rappelle les villes fermées par exemple.

Plusieurs compagnies ont utilisé ces territoires qui leur avaient été concédés à des prix très bas pour faire de la spéculation sur la vente de terrains. Certaines compagnies forestières ont fait des profits assez énormes sur ça. C'est dans ce sens-là qu'on ne peut pas, à mon sens, tenir exclusivement compte de la prime d'affermage et de l'infrastructure; on doit tenir compte d'autres facteurs aussi.

Il y a certaines compagnies, et je pourrais donner un exemple précis, qui ont causé des dommages considérables à l'environnement par suite de leur négligence. Est-ce qu'on ne devrait pas aussi tenir compte de ce facteur-là dans la compensation?

M. RIVARD: Vous accusez certaines compagnies; ce n'est pas le cas de CIP d'avoir fait des profits à même les concessions qui nous ont été accordées.

M. LESSARD: C'est-à-dire non pas à même les concessions, à même le territoire qu'on leur a cédé.

M. RIVARD: Ce n'est pas le cas de la CIP. Vous discuterez cela, s'il vous plaît, avec d'autres que nous.

M. LESSARD: D'accord, mais ce que je voulais dire, c'est qu'il s'agit d'établir un certain nombre de critères généraux pour l'ensemble des compagnies, mais, dans le type de compensation, on devra tenir compte d'autres facteurs qui sont très importants. Par exemple, il y a certaines compagnies — quand je dis certaines compagnies, je pourrais préciser, cette fois — qui, par leur négligencce, ont détruit des barrages et, en détruisant le barrage, ont détruit une rivière dans ma région. Ce sont là des dommages énormes qu'on a causés à l'environnement. Je pense, pour ma part, qu'on doit tenir compte de ces facteurs.

M. RIVARD: Là encore, je pense qu'on réfère à un cas d'espèce qui devra être discuté entre le ministère des Terres et Forêts et la compagnie en question. Je ne pense pas qu'on puisse sortir une théorie générale sur cette question.

M. LESSARD: Je suis complètement d'accord. Mais je voulais en arriver à dire qu'on ne peut pas exclusivement tenir compte de la prime d'affermage et de l'infrastructure. Il faudra calculer, à un moment donné, ce que vaut actuellement l'infrastructure, mais en tenant compte d'autres facteurs dont l'amortissement, les dommages causés aux territoires publics qui leur avaient été concédés, etc.

M. RIVARD: C'est comme dans n'importe quelle négociation. La partie qui parle la première fait une proposition; l'autre partie soumet une contreproposition et, au moyen des négociations, on arrive à s'entendre.

M. LESSARD: D'accord, mais quelquefois, au moyen des négociations, on constate que certaines entreprises qui ont été nationalisées ont été payées à gros prix. Vous avez, ce matin, parlé du marasme actuel de l'industrie des pâtes et papiers. Dans le mémoire du Conseil des producteurs des pâtes et papiers du Québec, on détermine différentes causes de ce marasme, dont le transport. Dans votre mémoire, vous dites que vous êtes d'accord pour échanger certains territoires ou certaines concessions pour faire une meilleure distribution des con-

cessions. Etant donné que vous avez des coûts de transport élevés et que la moyenne de transport au Québec est de 156 milles, est-ce que vous avez déjà suggéré au gouvernement du Québec cette possibilité d'échanger des concessions forestières?

M. RIVARD: M. le Président, cela a déjà été fait. Cela fait partie de nos politiques.

Lorsque, dans le passé, il y avait moyen, avec un autre affermataire, d'échanger un territoire qui était plus accessible pour lui, en même temps que le territoire de l'autre affermataire était plus accessible pour nous, nous l'avons fait. Nous l'avons fait avec les compagnies voisines. Lorsque je me réfère à cette chose, au début du mémoire, il n'y a pas tellement de cas où il sera nécessaire de le faire. Il existe encore chez nous quelques petites enclaves. Nous avons de bons voisins. Nous sommes prêts à négocier avec nos voisins, toujours avec l'approbation du ministère des Terres et Forêts, parce que, dans la loi, on dit bien qu'aucun échange de forêts affermées ne peut être fait sans le consentement du ministère des Terres et Forêts. C'est ce que nous avons fait dans un cas d'espèce entre la compagnie...

M. LESSARD: On vous a accusé bien souvent de faire ces échanges soit avec le ministère des Terres et Forêts, soit avec certains autres utilisateurs, lorsque la concession forestière était vidée de ses meilleures forêts.

M. RIVARD: Je n'accepte pas cette remarque, parce que, dans chaque échange, il y a une évaluation de la valeur intrinsèque des concessions échangées et, dans chaque cas, il y a égalisation des valeurs. Nous avons échangé avec le ministère, et Dieu sait que ça prend du temps, cela a pris de 1961 à 1968.

M. LESSARD: Vous êtes en négociation actuellement, par exemple, pour échanger Rivière Pentecôte ou pour la région de Rivière Pentecôte?

M. RIVARD: Correction, M. le Président. Nous ne sommes pas encore en négociation pour échanger Pentecôte.

M. LESSARD; Vous n'êtes pas encore en négociation. Est-ce que vous avez l'intention de conserver ce territoire-là encore?

M. RIVARD: C'est une question hors d'ordre, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: J'aimerais que le député de Saguenay s'en tienne à la critique du livre blanc en général et n'amène pas de cas particuliers.

M. LESSARD: Merci, M. le Président. Je pense que cela entre dans les discussions de cette commission, puisque ce matin M. Rivard nous a dit qu'il avait l'intention de conserver autant que possible toutes ses concessions forestières, mais qu'il était prêt par contre à faire certains échanges. Je voudrais bien savoir si ces échanges se font parce qu'il n'y a plus de bois, qu'on a utilisé le meilleur bois, c'est-à-dire si ce sont des échanges forcés ou si la CIP est prête à faire des échanges, même dans des territoires où il y a encore de la forêt.

M. RIVARD: M. le Président, le dernier échange qui a été fait entre le ministère des Terres et Forêts et CIP concernait des forêts en Gaspésie que nous avons volontairement offertes au ministère parce qu'il en avait besoin pour créer la première forêt domaniale qui a été créée en Gaspésie.

Il y a une loi, le bill 91, du 10 juin 1961 qui prévoyait cet échange et nous avons négocié avec le ministère. En 1968 nous avons signé un échange. La valeur intrinsèque des forêts affermées de Gaspé a été mise vis-à-vis d'autres forêts affermées qui nous ont été concédées dans un territoire très éloigné de nos usines, mais de nouveau les valeurs ont été respectées. C'est-à-dire que nous n'avons pas donné une moindre valeur au gouvernement, pas plus que le gouvernement nous a donné une moindre valeur. Les valeurs d'échange étaient égales. En aucun cas, à ma connaissance, avons-nous échangé des forêts affermées alors qu'elles avaient été récoltées, qu'elles avaient été coupées complètement.

M. LESSARD: Une autre question qui revient très souvent devant cette commission parlementaire, c'est que les compagnies ont négligé la modernisation de leurs usines. Est-ce que chez vous il y a eu de l'investissement pour moderniser vos usines? Combien avez-vous d'usines au Québec et y a-t-il eu modernisation de ces usines-là?

M. RIVARD: D'abord, je vais répondre à votre première question. Nous avons des usines au Québec à Gatineau, La Tuque, Trois-Rivières et Matane, il y en a une en Ontario, à Hawkesbury, il y en a une au Nouveau-Brunswick, à Dalhousie.

M. LESSARD: Alors, vous avez quatre usines au Québec.

M. RIVARD: Présentement. Quant à l'autre partie de la question, je demande à M. Dechêne de vous donner des chiffres.

M. LESSARD: Au Témiscamingue vous en avez une?

M. RICHARD: Nous avions une usine à Témiscamingue.

M. DECHENE: M. le Président, si je comprends bien la question du député de Saguenay, elle s'adressait au programme de modernisation

dans nos usines au Québec. J'ai recueilli des chiffres à cet effet. Pour son information, les dépenses totales visant à la modernisation se sont élevées, depuis dix ans, à $78,500,000. Cela ne comprend pas les dépenses totales dans les opérations forestières, une haute proportion s'adressant à la modernisation de $19,250,000. En plus de ces dépenses pour la modernisation, pour accroître la vitesse de production de machine, les moderniser donc, il y a eu des dépenses de capitaux de l'ordre de $80 millions pour de nouvelles usines et du nouvel équipement.

C'est dire que depuis dix ans la CIP au Québec a réinvesti $177,750,000.

M. LESSARD: Merci. Concernant la gestion et l'utilisation de la forêt, vous affirmez que ce sont là deux problèmes absolument inséparables. Pour ma part, même si ce matin on a posé certaines questions sur ça, il semble que j'aurais besoin de plus d'explications. Il me paraît qu'il appartient à l'Etat de gérer des domaines publics au profit de l'ensemble de la population québécoise, que ce soient les travailleurs ou les représentants industriels des pâtes et papiers ou des scieries. Il appartient à l'Etat d'administrer et de gérer ces territoires.

En ce qui concerne l'exploitation, c'est une tout autre affaire, et pour ma part je ne pense pas à une nationalisation intensive dans ce domaine. Pourquoi je dis que la gestion et l'utilisation de la forêt — vous me corrigerez — sont inséparables, c'est parce que, comme le soulignait ce matin le ministre, il peut y avoir conflit.

Je ne pense pas que dans une compagnie privée — si ce n'est pas le cas vous me corrigerez — le gestionnaire soit divisé de l'exploitant. Je comprends que vous ayez deux départements. Mais cependant une compagnie privée est essentiellement basée sur le profit. J'en conviens, pour autant qu'il y ait risque dans l'argent qui est investi. S'il y a conflit entre une gestion qui tient compte de l'usage polyvalent de la forêt et l'exploitant, celui qui utilise la forêt, il appartient à l'Etat de régler ce conflit.

C'est pourquoi je ne peux pas comprendre comment vous pouvez être d'accord sur le premier principe de la page 59 du tome I du livre blanc, où on dit qu'il faut dissocier le fonds de terrain du bois, le troisième principe, l'allocation optimale selon le bilan, et le cinquième qui concerne la coupe intégrale, principe d'allocation des bois publics, et en même temps demander le maintien des concessions forestières et demander que la gestion et l'utilisation soient entre les mains de la même compagnie ou de ceux qui louent ces territoires.

J'aimerais avoir plus d'explications sur cela. Il m'apparaît qu'il y a une différence très nette entre établir une certaine planification pour la gestion d'un territoire et l'utilisation ou la coupe du bois.

M. RIVARD: Je pense qu'on joue sur les mots. En définitive, le gestionnaire, qu'on appelle affermataire, est un mandataire du ministère des Terres et Forêts. Il ne peut absolument rien faire sans l'approbation de ce ministère. Comme gestionnaires, nous sommes soumis aux lois et règlements et nous nous soumettons volontiers aux directives qui nous sont données. Nous travaillons en collaboration. Alors, je ne vois pas ce que cela changerait si on transférait la gestion au ministère des Terres et Forêts — parce que la Société de gestion forestière, je ne sais pas quoi en faire — puisqu'à ce moment-là le ministère devrait faire appel à ceux qui sont en place pour l'aider.

D'ailleurs, les auteurs du livre blanc disent, dans leur tome Il, qu'ils feront appel à l'expérience de ceux qui sont en place. Je pense que c'est jouer sur les mots, d'autant plus que nul mieux que l'affermataire ne peut s'occuper de la gestion et de la récolte, car il y a ici une sorte de relation de cause à effet. "La planification ordonnée de la vente des produits finis sur les marchés universels à des prix compétitifs exige une garantie de matières premières, matières ligneuses, à un prix raisonnable et, pour cela, le gestionnaire doit avoir l'assurance de territoires suffisamment grands et suffisamment riches en potentiel forestier pour planifier ses exploitations à long terme." C'est là qu'est la relation de cause à effet.

Je vous l'ai expliqué ce matin, ce n'est pas une planification jour par jour. Il faut prévoir. Ce sont des investissements considérables que nous avons dans les usines. En d'autres mots — pardonnez-moi cette expression — il faut être dans le bain, si on veut réellement planifier d'une façon pratique.

Je ne pense pas qu'on ait lésé, jusqu'à présent, les droits de la population que nous reconnaissons. Au tout début du mémoire, j'ai établi un principe, en disant: Toute politique recommandée par le ministère des Terres et Forêts et subséquemment entérinée par le gouvernement du Québec devrait servir d'abord les intérêts de la population du Québec.

Nous sommes parfaitement d'accord sur cela mais je pense que nous avons démontré que nous pouvons aménager les forêts. J'aimerais vous citer un autre domaine où nous avons pris le pas sur le ministère des Terres et Forêts, c'est celui de la protection forestière.

Nous avions des associations de protection tout comme le ministère avait un service de protection des forêts. Or, avec les années et à force d'expérience et de recherche, nous avons modifié graduellement ce système. Entre autres choses, nous réclamons d'avoir mis sur pied un système de reconnaissance aérienne pour remplacer le système de tours afin de minimiser les coûts de protection. C'est nous qui avons inventé et qui avons donné gratuitement à la province le système de carrelage, le "grade system" dont on se sert pour rapporter les feux. Il n'est peut-être pas présomptueux de dire que sans notre collaboration les sociétés de conservation n'existeraient peut-être pas aujourd'hui.

Nous avons apporté une collaboration active et pratique; d'ailleurs, je vous l'ai dit ce matin, c'est nous qui avons lancé l'idée non seulement en 1965 mais à titre de président de la Corporation des ingénieurs forestiers en 1963, j'avais lancé l'idée à l'honorable Cliche qui venait d'être nommé ministre des Terres et Forêts. L'histoire des sociétés de conservation, nous la connaissons; nous avons aidé ces sociétés et nous croyons que c'est un pas en avant dans la protection des forêts telle qu'elle doit être faite.

M. LESSARD: Donc, vous n'avez aucune objection à vous soumettre aux plans d'aménagement préparés par le gouvernement, en collaboration, naturellement, avec l'entreprise.

M. RIVARD: Je vous demande pardon, ce n'est pas le gouvernement qui prépare les plans d'aménagement, c'est le gestionnaire.

M. LESSARD: D'accord, mais je veux dire aux critères et aux normes du plan établis par le gouvernement, et ensuite, c'est vous qui établissez le plan d'aménagement, mais à partir de critères et de normes établis par le gouvernement.

M. RIVARD: C'est une affaire de collaboration, encore. Nous agissons sur les instructions du gouvernement, nous soumettons nos plans d'aménagement, qui sont soumis à des inspecteurs sur le terrain et ce sont eux qui, après inspection et après étude des plans d'aménagement, nous accordent ce que l'on appelle la possibilité annuelle qui, en réalité, n'est pas une possibilité annuelle, c'est une possibilité décennale parce qu'on n'est pas lié.

Supposons que vous avez un bloc de forêt où la possibilité est de 100,000 cunits par année, vous n'êtes pas liés â couper ni plus ni moins de 100,000 cunits dans une année, mais c'est censé être 1,000,000 pour dix ans. Evidemment, on s'entend toujours parce que ce n'est pas un chèque en blanc qu'on nous donne lorsqu'on approuve un plan d'aménagement. Il faut retourner au ministère tous les ans pour demander spécifiquement des permis de coupe de bois.

Le ministère est donc constamment informé de ce qui se fait, nous agissons dans les limites des règlements et de la loi et je ne pense pas qu'il y ait de difficulté à ce point de vue-là. D'autant plus que l'utilisation est aussi intimement liée à la mise en marché. C'est un autre principe et on ne peut pas dissocier la gestion de la mise en marché.

M. LESSARD: En parlant de la possibilité...

M. LE PRESIDENT: Nous écoutons tout de même la CIP depuis dix heures ce matin.

M. LESSARD: Voici, M. le Président...

M. LE PRESIDENT: J'inviterais le député de Saguenay à poser des questions précises, à ne pas faire une thèse sur les questions qu'il pose parce qu'il nous reste quatre organismes à entendre d'ici ce soir à minuit.

M. LESSARD: M. le Président, je soulève une question de règlement. J'ai toujours été, jusqu'ici, le dernier à prendre la parole, le dernier à poser des questions; je n'ai jamais empêché qui que ce soit de poser toutes les questions qu'il désirait poser, pour autant qu'elles concernaient les tomes I et Il du livre blanc, et ce n'est pas parce que je suis le quatrième à intervenir que je dois nécessairement limiter mes questions.

M. le Président, je comprends que le temps soit limité, mais cette commission parlementaire est extrêmement importante. Il s'agit d'une réforme très importante pour l'industrie forestière au Québec et si nous devons prendre plus de temps, nous le prendrons.

M. LE PRESIDENT: Plusieurs questions ont été posées à d'autres organismes et également au représentant de la CIP. J'aimerais que le député de Saguenay ne repose pas les mêmes questions qui ont été soulevées ce matin et s'en tienne exactement à ce que...

M. LESSARD: M. le Président, je pose des questions qui font tout simplement préciser certains points. Il ne s'agit pas de questions exactes qui ont été posées; il s'agit de questions qui tournent autour des mêmes sujets et des mêmes points. Vous comprendrez, M. le Président, qu'à ce moment-là nous allons devoir laisser intervenir les deux premiers parce que, quand on est rendu au quatrième, il y a certains points qui demeurent...

M. LE PRESIDENT: Je voudrais rappeler au député de Saguenay que ce n'est pas une question de tour. La parole est à l'un ou à l'autre. La question est que les questions posées...

M. LESSARD: M. le Président, il m'appartient...

M. LE PRESIDENT: ... ce matin... A l'ordre!

M. LESSARD: ... de déterminer quelles questions je dois poser, pour autant que je suis l'ordre et que je discute des tomes I et Il.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Il y a des questions qui ont été posées ce matin à une ou deux reprises. J'aimerais que le député de Saguenay pose des questions qui n'ont pas encore été posées, qu'il ne parle pas jusqu'à minuit ce soir parce qu'il nous reste quatre organismes à entendre cet après-midi.

M. LESSARD: M. le Président, c'est mon problème.

M. LE PRESIDENT: Je l'invite à poser des questions précises et à ne pas faire de thèse sur la politique forestière de l'ensemble du Québec.

M. LESSARD: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Je l'invite à poser des questions précises.

M. LESSARD: Je regrette, M. le Président, je n'ai pas encore fait de thèse; j'ai tout simplement posé des questions et je vais continuer à poser mes questions sans l'interférence du président.

M. LACROIX: Vous oubliez une chose, c'est que ce n'est pas vous qui conduisez ici.

M. LESSARD: M. le Président...

M. LACROIX: Vous allez vous apercevoir que le président est plus important que le député de Saguenay.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESSARD: Plus important que le député des Iles-de-la-Madeleine aussi.

M. LACROIX: Vous allez prendre votre trou et vous allez vous habituer à agir comme du monde. Le président, ce n'est pas le député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président, le député des Iles-de-la-Madeleine vient d'arriver. Il n'a pas assisté à cette commission parlementaire.

M. LACROIX: J'ai écouté ce que le président a dit et j'ai écouté ce que vous avez dit et ce n'est pas pertinent. C'est impoli, à part ça. Pour un professeur, je vous comprends.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESSARD: M. le Président, nous n'avons pas de leçon de politesse à recevoir du député des Iles-de-la-Madeleine, pas du tout. D'ailleurs, chaque fois que ce député apparaît à une commission, c'est là que les problèmes se posent.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Il n'est pas question de politesse ou non.

M. LACROIX: Vous n'avez jamais rien compris. Une chance qu'on ne vous a pas eu comme candidat la dernière fois; vous vous êtes vendu à un autre parti.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESSARD: Le député des Iles-de-la-Madeleine est complètement mélangé et, de toute façon, je continue.

M. LE PRESIDENT: Il n'est pas question de mélange ou non. A l'ordre, le député de Saguenay! Il reste quatre organismes à entendre aujourd'hui. Nous avons jusqu'à minuit et, depuis dix heures ce matin, nous entendons la CIP. Je trouve que les sujets ont été passablement couverts par l'ensemble des députés qui ont posé des questions. Je demanderais au député de Saguenay, en toute politesse vis-à-vis de ses collègues, que ce soit vis-à-vis du député des Iles-de-la-Madeleine ou d'autres, de poser des questions précises de façon à faire avancer les débats. Il y a trop longtemps qu'on discute de ce problème-là, ici. Le représentant, M. Rivard, de la CIP, est ici depuis dix heures ce matin. J'aimerais qu'on soit précis et concis dans les questions et même dans les réponses.

M. LESSARD: M. le Président, je continue. Vous avez parlé, tout à l'heure, du potentiel des concessions ou des territoires affermés, comme vous voulez. Une suggestion est revenue assez souvent à cette commission parlementaire concernant le fait que le ministère pourrait établir des redevances non pas sur le droit de coupe ou sur l'affermage, mais sur le potentiel des territoires concédés. Est-ce que la CIP serait d'accord sur cette proposition?

M. RIVARD: La réponse est non. M. LESSARD: Pourquoi?

M. RIVARD: Parce que nous ne croyons pas que ce soit une base équitable.

M. LESSARD: Alors, vous croyez que, concernant les redevances, nous devons continuer le même système qui a été utilisé dans le passé.

M. RIVARD: Il y a toujours moyen de discuter; d'ailleurs, je pense que mon mémoire le dit. Nous ne sommes pas pour le statu quo, nous l'avons indiqué ce matin. Nous ne sommes pas tout à fait opposés à payer des redevances de droit de coupe, comme on les appelle, mais je dis que je suis contre les redevances que vous proposez.

M. LESSARD: M. le Président, ce matin, M. Rivard s'est opposé au fait que ce soit la Régie des marchés agricoles qui décide du prix du bois. Nous avons soumis à cette commission parlementaire une suggestion demandant au gouvernement, plutôt qu'une Régie des marchés agricoles, de créer une régie où l'Etat serait majoritairement présent, mais où aussi il y aurait des représentants de toutes les industries forestières du Québec. Est-ce que vous seriez d'accord pour une telle régie où vous seriez

présent à la table de négociations et où devraient s'établir les prix du bois?

M. RIVARD: Je répète ce qu'il y a dans le mémoire. Nous nous opposons à une telle régie.

M. LESSARD: Même s'il s'agit non pas exclusivement d'une régie gouvernementale, mais d'une régie où tous les utilisateurs forestiers seraient présents?

M. RIVARD: A ce moment-là, il faudrait en connaître plus long sur ce que vous proposez.

M. LESSARD: Ce matin, vous avez affirmé que vous subventionniez les scieries à qui vous vendiez du bois sur pied. Puisque vous les subventionnez, est-ce que vous pourriez m'expliquer pourquoi vous voulez conserver toutes vos concessions forestières et, en particulier, l'utilisation exclusive de tous les bois y compris les bois francs qui pourraient être utilisés par les scieries?

M. RIVARD: Pour une meilleure utilisation. D'abord je corrige, M. le Président; ce n'est pas sur la vente des bois sur pied, c'est sur la vente des produits des exploitations intégrées, c'est-à-dire des exploitations où nous récoltons le résineux et le feuillu. Nous vendons des feuillus en billes de sciage et d'autres feuillus en billes de déroulage. Nous conservons les résineux et c'est sur ce genre d'exploitation qu'il y a une différence.

M. LESSARD: Est-ce que vous avez déjà vendu à certaines scieries des bois sur pied?

M. RIVARD: Oui, nous en vendons encore dans certaines régions.

M. LESSARD: Comment s'établit le prix de ce bois?

M. RIVARD: Par négociations.

M. LESSARD: On nous a dit que vous avez déjà vendu du bois sur pied à des prix trois fois supérieurs à ceux payés à l'Etat.

M. RIVARD: M. le Président, cette affirmation est fausse.

M. LESSARD: Cette affirmation est complètement fausse.

M. RIVARD: Fausse.

M. LESSARD: Vous n'avez jamais vendu de bois à des prix...

M. RIVARD: Je représente CIP, M. le Président. Je dis que CIP n'a jamais vendu de bois à un prix équivalant trois droits de coupe.

M. LESSARD: CIP a déjà eu des scieries, notamment en Gaspésie. Est-ce que ces scieries étaient rentables?

M. RIVARD: Je n'ai pas le bilan financier des deux scieries en question. Je ne saurais répondre adéquatement à votre question.

M. LESSARD: Est-ce que vous pourriez me dire pourquoi ces scieries ont été vendues?

M. RIVARD: Là encore il faudrait étudier le dossier. L'entreprise CIP est assez grande et vous pouvez bien vous imaginer, M. le Président, qu'un individu parmi les 10,000 qui travaillent pour CIP ne peut être au courant de tous les problèmes. Dans le domaine du sciage, je regrette de ne pouvoir répondre à votre question.

M. LESSARD: Les industries du sciage nous ont dit bien souvent que, lorsqu'elles vendaient leurs copeaux, il y avait une négociation extrêmement difficile avec les entreprises et elles devaient tout simplement accepter le prix qui était fixé par l'entreprise, en particulier en ce qui concerne CIP en Abitibi. On nous a parlé d'un marché captif pour leurs copeaux. Est-ce que vous pourriez réfuter cette affirmation?

M. BASTIN: La question du prix des copeaux, c'est encore comme tous les prix dans les affaires, ce sont des prix négociés. Il n'est pas question d'un marché captif. Les scieries peuvent vendre leurs copeaux à d'autres en Abitibi.

M. LESSARD: Merci, M. le Président. J'ai terminé mes questions. Si ce n'avait été de l'interférence et du président et du député des Iles-de-la-Madeleine, nous aurions probablement gagné cinq minutes.

M. LE PRESIDENT: Très bien, nous vous remercions.

L'honorable député de Lotbinière a demandé la parole, je crois.

M. BELAND: C'est seulement une courte question que j'aurais à poser. Vous possédez certaines usines dans le sud des Etats-Unis où vous transformez le pin. Ici au Québec, étant donné que le ministère des Terres et Forêts a fait en sorte que beaucoup d'agriculteurs, beaucoup de propriétaires forestiers plantent du pin, le pin rouge, le pin gris, est-ce que vous avez l'intention, ici au Québec, de vous organiser, dans un avenir assez rapproché, pour pouvoir accepter ces sortes de bois?

M. RIVARD: Il y a une question de technologie vis-à-vis de chaque usine, M. le Président, d'ailleurs je ne pense pas que le volume ou le nombre de semis de pin qui a été planté soit prêt à être récolté dans un avenir immédiat. Nous prenons déjà un certain pourcentage de pin à nos usines. Là encore je dois répondre

qu'il faudra résoudre le problème quand il se présentera.

M. BELAND: D'accord.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de L'Islet.

M. GIASSON: M. Rivard, la compagnie CIP a exactement combien de milles carrés d'affermés? Je n'utiliserai pas le mot "concession" parce qu'il paraît qu'il devient tabou. Combien de milles carrés sont affermés?

M. RIVARD: A peu près 23,000 milles carrés.

M. GIASSON: Cela représente, si on transforme cela en acres, combien d'acres de terrain.

M. RIVARD: Cela fait 15 millions d'acres.

M. GIASSON: Combien la CIP a-t-elle payé pour acquérir le territoire que comportent les 15 millions d'acres?

M. RIVARD: Les prix de la prime d'affermage ont varié avec les années. Il y a de ces forêts affermées qui n'ont pas été achetées directement du gouvernement. Lorsque la compagnie s'est installée...

M. GIASSON: Si vous permettez, des 15 millions d'acres éliminons ce qui est la propriété de CIP, propriété directe par acquisition au niveau d'une transaction d'achat pure.

M. RIVARD: Il est difficile de répondre à votre question.

M. GIASSON: Approximativement?

M. RIVARD: Je ne risquerais pas de chiffre.

M. GIASSON: Est-ce que cela peut être deux millions?

M. RIVARD: Je ne risquerais pas de chiffre. Il y a trois modes d'acquisition, il y a eu des ventes aux enchères autrefois, c'est avant l'arrivée au pouvoir de M. Duplessis. Il y a eu des transactions directes avec d'autres affermatai-res, il y a eu des échanges. A présent, je ne voudrais pas risquer de chiffres sur ce que nous avons acquis directement par enchères et par voie d'échange du ministère.

M. GIASSON: Même en pourcentage sur les droits complets...

M. RIVARD: Je ne saurais dire.

M. GIASSON: Parmi vos collègues, personne ne pourrait nous avancer de chiffres.

M. RIVARD: Je ne crois pas. C'est un chiffre qu'il faudrait compiler, M. le Président.

M. GIASSON: Je présume que la compagnie CIP doit connaître l'acrage ou le territoire qu'elle a possédé par contrat d'achat. Je connais la superficie des terrains boisés que je possède. Cela m'apparaît primordial.

M. RIVARD: Evidemment, M. le Président, mais je n'ai pas le grand livre devant moi pour départager tout cela. Nous l'avons dans nos registres mais je ne veux pas, de mémoire, lancer un chiffre qui va être reproduit dans le journal des Débats alors que vraisemblablement il pourrait être inexact. Je ne me souviens pas du partage de ces trois articles-là.

M. GIASSON: En présumant — c'est de l'hypothèse pure, je suis d'accord avec vous — que vous auriez 10 millions d'acres d'affermées, contre 5 millions possédées en propre par la CIP, quel est le prix que vous avez payé pour acquérir — ce n'est peut-être pas le chiffre que je vous ai avancé; je suis d'accord, nous ne nous chicanerons pas sur les termes ou sur les mots — ces 8 millions ou 10 millions d'acres?

M. RIVARD: Je pense qu'il y a une correction à faire ici. Vous parlez de 5 millions d'acres que nous possédons en propre. Même si nous avons acheté d'autres affermataires, ce ne sont pas des propriétés; ce sont...

M. GIASSON: C'est affermé, quand même, au niveau des échanges.

M. RIVARD: ... des forêts affermées qui ont été transportées d'une compagnie quelconque à la CIP.

M. GIASSON: Avec l'accord du ministère? M. RIVARD: Toujours.

M. GIASSON: Mais quel est le prix que vous avez payé pour la quantité de milles carrés ou le nombre de millions d'acres affermées à la CIP?

M. RIVARD: Ces prix ont varié énormément.

M. GIASSON: Pourriez-vous nous donner le maximum et le minimum?

M. RIVARD: Nous avons commencé à faire des achats ou des échanges, il y a 50 ans. La valeur de l'argent n'était pas la même; les barèmes économiques n'étaient pas les mêmes. Nos achats s'échelonnent sur 50 ans. Je pense que vous me posez une question à laquelle il ne m'est pas possible de répondre.

M. GIASSON: Donnez-moi le maximum; le

minimum, oublions-le. Oublions la période de crise, parce que, si on retourne trop loin en arrière, la valeur monétaire n'était pas la même. Dites-moi le maximum que vous avez payé.

M. RIVARD: A ma connaissance, et de mémoire, sujet à rectification, nous avons payé jusqu'à $2,500 le mille carré.

M. GIASSON: A l'acre, combien cela ferait-il pour quelqu'un qui compte rapidement?

M. RIVARD: Pour spécifier, ce n'est pas un achat directement du ministère; c'est un achat de la CIP d'un autre concessionnaire.

M. GIASSON: Mais restons à l'intérieur du ministère, si vous le permettez. Quel est la maximum, pour l'achat de concessions affermées, payé au ministère des Terres et Forêts?

M. RIVARD: Etant donné qu'il n'y en a pas eu d'achetées depuis probablement 1935 ou 1936, je ne saurais le dire. C'était au début de ma pratique et je ne pourrais pas donner de chiffres. Il n'y a pas eu d'achat de fait du ministère depuis ces années-là.

M. GIASSON: Quand on risque le chiffre de $20 le mille carré pour prime d'affermage, ce n'est pas exact, comme ça?

M. RIVARD: Jamais de la vie.

M. GIASSON: Cela pourrait être quoi?

M. RIVARD: $20 le mille carré, c'est la rente foncière que vous payez, à l'heure actuelle. Ce n'est pas la prime d'affermage. La prime d'affermage, c'était beaucoup plus que ça.

M. GIASSON: La prime d'affermage, je présume qu'elle est différente selon les essences que vous récupérez à l'intérieur des territoires. Est-ce exact?

M. RIVARD: Etant donné qu'il n'y a pas eu de prime d'affermage de fixée depuis longtemps, encore une fois, je suis dans l'impossibilité de vous répondre. Je dois vous dire qu'il a été question déjà, dans nos négociations avec le ministère — s'il restait plus de temps, j'élaborerais là-dessus, parce que j'aurais une histoire à vous raconter — de prime d'affermage de $1,000 le mille carré et, dans un autre cas, de $1,500 le mille carré. Ce sont des chiffres de 1966 et 1968.

M. GIASSON: Lorsque la CIP ou d'autres compagnies de pâtes et papiers coupent une corde de bois — nous allons présumer que c'est une corde de bois d'épinette — qu'est-ce qu'on paie en droit de coupe sur cette corde d'épinette?

M. RIVARD: On paie $2.94 le cunit, $2.50 la corde. Cela, c'est le droit de coupe, mais ce n'est pas la seule redevance.

M. GIASSON: Je sais qu'il y a d'autres redevances.

M. RIVARD: Je réponds à votre question, là.

M. GIASSON: Il y a la protection contre les incendies et ces choses-là.

M. RIVARD: $40 le mille carré.

M. GIASSON: Est-ce que vous avez des chiffres au cunit ou à la corde là-dessus?

M. RIVARD: La protection nous coûte $40 le mille carré. La rente foncière nous coûte $20 le mille carré. Les droits de coupe, on vient de le dire, $2.94 le cunit.

M. GIASSON: Je vous pose ces questions pour être bien certain que, chez vous comme chez moi, les mots ont le même sens, afin de savoir si nous parlons le même langage. Personnellement, quand je parle de ma forêt, je pense que je ne donne pas le même sens aux mots. Au cours de l'interrogatoire que vous avez subi de la part des membres de la commission parlementaire ce matin, dans vos réponses, assez régulièrement vous avez parlé de "nos" forêts.

Quand vous parlez de vos forêts, est-ce que cela inclut la partie des forêts qui sont des concessions ou la partie des forêts affermées tout autant que celles qui sont la propriété propre de la CIP?

M. RIVARD: Je pense bien que "nos" devrait être mis en guillemets. Ce sont les forêts qui sont l'objet d'un aménagement, une partie étant propriété privée, l'autre partie étant forêt affermée.

M. GIASSON: Je vous pose la question parce que, quand je parle de ma forêt, dans mon esprit, cela comprend les forêts que j'ai achetées en propre d'un autre propriétaire et lorsque j'obtiens un permis de coupe sur une réserve cantonale ou forêt domaniale, ce n'est plus ma forêt. C'est la forêt du Québec. Peut-être que j'évalue mal l'appréciation du terme, mais c'est la façon dont je le conçois.

M. RIVARD: Je pense que nous ne nous chicanerons pas là-dessus.

M. GIASSON: Et si je vous pose des questions sur tous les coûts inhérents à l'affermage, c'est que j'ai dans mon territoire, dans ma région, des forêts qui sont ce que nous appelons des réserves cantonales...

M. RIVARD: ... appelées à disparaître.

M. GIASSON: Présumément. Et dans cer-

tains blocs de ces réserves cantonales, je serais personnellement prêt à payer jusqu'à $100 l'acre pour les acquérir, si le ministère des Terres et Forêts voulait me les vendre, et à y faire moi-même l'exploitation forestière nécessaire pour sortir ce bois-là. J'essaie donc d'établir un équilibre ou une différence entre ce que cela coûte aux entreprises qui ont des forêts publiques affermées et ce que n'importe quel individu pourrait payer pour acquérir, pas le fonds de sol, mais la matière, les essences forestières qu'on retrouve sur des réserves contonales ou des forêts domaniales. Et je trouve qu'il y a un déséquilibre fantastique entre les coûts de l'un à l'autre.

M. RIVARD: Pour résumer, vous avez la prime d'affermage de $1,500 le mille carré, vous avez votre...

M. GIASSON: Un montant de $1,500 pour la prime d'affermage.

M. RIVARD: Un montant de $1,500.

M. GIASSON: Un montant de $1,000 à $1,500.

M. RIVARD: Mettons un montant maximum de $1,500. Vous avez votre rente foncière à $20 le mille carré, vous avez votre protection à $40 le mille carré. Ces trois montants font tout de même $1,560.

M. GIASSON: Vous parlez toujours du mille carré?

M. RIVARD: Oui.

M. GIASSON: Je vous dis que je serais prêt à payer $100 l'acre.

M. RIVARD: Libre à vous de le faire.

M. GIASSON: Libre à moi de le faire. Vous seriez également intéressé si vous visitiez les blocs forestiers auxquels je fais allusion.

M. RIVARD: Cela dépend où ils sont situés.

M. GIASSON: Ce serait une bonne transaction pour la CIP comme pour moi-même.

M. RIVARD: Cela ne veut pas dire que la localisation géographique des blocs auxquels se réfère le député serait désirable vis-à-vis de nos usines de transformation.

M. GIASSON: Cela serait absolument une bonne transaction.

M. RIVARD: Pardon?

M. GIASSON: En présumant que ces essences iraient à votre usine de Trois-Rivières, cela serait une bonne transaction. A tout événement, vous avez aussi fait allusion à une différence assez marquée dans le rendement en matière ligneuse ou en fibre entre les bois qui proviennent des forêts sous affermage et les bois qui proviennent des forêts privées. Vous n'avez pas à risquer de chiffres en pourcentage. Antérieurement à notre commission parlementaire, nous avons eu d'autres entreprises qui ont produit des chiffres. Je ne m'explique pas ces chiffres. Mon voisin a fait couper cet été 104 cordes de bois d'un peuplement d'épinette noire — 104 cordes, c'est précis. Je l'ai mesuré en fin de semaine. Je ne peux accepter ni comprendre que 104 cordes de bois d'un peuplement d'épinette noire à 98 p.c. — il y a peut-être un petit peu de sapin, mais c'est extrêmement minime — puissent avoir un rendement en matière ligneuse ou fibre qui soit de 20 p.c. inférieur à un peuplement d'épinette noire de vos concessions sur la Saint-Maurice. Est-ce que vous êtes capable de m'expliquer cela avec des facteurs précis? Qu'est-ce qui expliquerait un rendement inférieur parce qu'il s'agit d'épinette noire du comté de l'Islet versus l'épinette noire de la Gatineau ou de la Mauricie?

M. RIVARD: Il y a des chiffres qui ont été imprimés dans le mémoire du conseil. Cela provient de moyennes. Lorsqu'il est question de moyennes , évidemment, il y a un extrême plus bas et un extrême plus haut.

Peut-être que le cas spécifique auquel vous faites allusion est dans la partie la plus haute, je n'en sais rien, c'est un cas d'espèce qu'il faudrait étudier à son mérite.

M. GIASSON: En présumant toujours que c'est un cas d'espèce, en présumant que je coupe 1,000 cordes de bois sapin-épinette dans des forêts que je possède dans le comté de l'Islet et que vous coupez, CIP, 1,000 cordes de bois dans l'une de vos concessions sur affermage sapin-épinette, pourquoi y aurait-il une différence aussi marquée?

M. RIVARD: En raison de la latitude, de la position géographique. Précisément dans l'échange que je mentionnais tout à l'heure entre Gaspé et les forêts d'Opawica, il y avait une différence de densité dans les espèces en cause.

M. GIASSON: Cela repose sur quoi?

M. RIVARD: Cela repose sur la technologie...

M. GIASSON: Conditions climatiques, nature du sol...

M. RIVARD: ... des bois, tout simplement. Nous n'y pouvons rien.

M. GIASSON: La technologie des bois qui, elle, établit une différence entre le rendement de ces essences qui viennent d'une région ou d'une autre, cela repose sur quels facteurs?

M. RIVARD: Un arbre qui a 120 ans et six pouces de diamètre est plus dense qu'un arbre de 50 ans qui a les mêmes six pouces de diamètre que vous cultivez dans votre boisé privé.

M. GIASSON: Je suis bien d'accord, mais l'arbre de 120 ans dans le comté de l'Islet par rapport à l'arbre de 120 ans ailleurs, tous deux à six pouces de diamètre dans n'importe quel autre territoire du Québec, comment expliquez-vous une différence aussi marquée?

M. RIVARD: Je n'ai pas à l'expliquer, je prends le fait tel qu'il est.

M. GIASSON: Vous acceptez le fait tel qu'il est.

M. RIVARD: Bien oui!

M. GIASSON: Sans vous poser de question?

M. RIVARD: Qu'estce que vous voulez? On fait des études dans nos usines, chaque année; on connaît la densité de la matière première qui rentre à l'usine jour par jour. On fait cette recherche, on fait ces études, et il faut accepter le fait tel quel. On ne se pose pas de question à savoir pourquoi elle est plus basse une journée qu'une autre. Cela dépend du mélange des essences, cela dépend de l'âge des arbres, cela dépend d'un tas de facteurs. On s'aventure sur le domaine technologique qui serait un peu trop long à détailler.

M. GIASSON: A toutes parts égales, si vous avez des essences qui ont le même âge, la même dimension, le même diamètre, est-ce que vous croyez que le fait qu'elles poussent dans une région du Québec par rapport à une autre que cette essence va connaître un rendement nettement inférieur si elle provient d'une région plutôt que d'une autre?

M. RIVARD: L'expérience nous prouve qu'il peut y avoir une différence et que telles différences ont été constatées.

M. GIASSON: Vous n'avez pas de facteurs précis pour expliquer cette différence?

M. RIVARD: Je vous reporte à la technologie intrinsèque des bois. Je ne me reconnais pas de qualifications pour vous donner un cours de technologie aujourd'hui, je regrette.

M. GIASSON: Vous avez également mentionné dans votre mémoire — d'autres membres de la commission y ont fait allusion cet avant-midi — que vous jugiez comme un mode ou une méthode anachronique de voir des offices de producteurs travailler dans la province de Québec surtout avec les petits propriétaires privés.

A l'intérieur, dans la constitution ou dans la structure des offices de producteurs au Québec, qu'est-ce qui vous parait anachronique, de façon précise?

M. RIVARD: M. le Président, cette question a été traitée ce matin et je pense que vous serez d'accord avec moi...

M. GIASSON: Ce matin on n'a pas eu de réponse précise, M. Rivard, ce furent des affirmations globales très générales. Qu'est-ce qui est anachronique dans ce système des offices de producteurs?

M. RIVARD: C'est un système qui n'a pas donné satisfaction et nous croyons qu'il est toujours possible de l'améliorer.

M. GIASSON: Quand vous dites qu'ils n'ont pas donné satisfaction, est-ce aux compagnies forestières ou aux petits propriétaires?

M. RIVARD: Probablement aux deux.

M. GIASSON: Ils n'ont pas donné satisfaction aux petits propriétaires, vous affirmez cela.

M. RIVARD: Je ne l'affirme pas, je dis: Probablement pas.

M. GIASSON: Vous connaissez aussi bien que quiconque le domaine forestier puisque vous y avez passé votre vie. Avez-vous ou croyez-vous que d'autres formules existent présentement, dans l'ensemble du contexte forestier au Québec, autres que les offices de producteurs, pour permettre à de petits producteurs d'aller chercher le maximum de prix pour la matière première qu'ils doivent livrer ou qui provient des boisés qu'ils possèdent?

M. RIVARD: J'ai pris position là-dessus ce matin en disant que, parce que nous ne connaissons pas assez ce que nous réservent les associations régionales de sylviculteurs, il n'est pas impossible que ce soit là la réponse, mais encore faudrait-il lever le coin du rideau et étudier le fonctionnement de ces futures associations régionales de sylviculteurs.

M. GIASSON: Je suis d'accord avec vous. Si les associations de sylviculteurs ont comme mandat immédiat de permettre à de petits producteurs d'aller chercher le meilleur prix possible pour la matière première qu'ils doivent vendre, vous allez vous retrouver avec l'équivalence des offices de producteurs.

Par contre, si vous leur demandez de s'occuper primordialement des méthodes de sylvicul-

ture, de haute rentabilité, de reboisement et d'ignorer complètement la question de mise en marché des bois, les associations de sylviculteurs vont poursuivre des fins totalement différentes de celles qu'ont connues les offices de producteurs au Québec.

M. RIVARD: On peut faire un gros reproche aux offices de producteurs, c'est qu'ils ne tiennent pas compte des fluctuations du marché. Depuis qu'ils existent, ça a été une gradation constante. Je crois que c'est un reproche qu'on peut leur faire; il y aura place pour des négociations mais essayons une autre formule puisque celle-ci ne donne pas satisfaction.

M. GIASSON: N'êtes-vous pas d'avis que, malgré les problèmes et le marasme qu'a connus l'industrie des pâtes et papiers, de 1969 à 1972, les offices de producteurs ont eu tendance à verser dans des abus que le système commercial d'achat des bois des petits producteurs a connus depuis cent ans au Québec?

M. RIVARD: C'est sûr qu'il y a eu des abus, je suis d'accord avec vous.

M. GIASSON: Et qu'on essaye tout simplement, par les offices de producteurs, de rattraper la cinquantaine d'années de situations où on n'avait pas un mot à dire dans l'établissement des prix, où on devait accepter le prix offert lorsqu'on avait de la matière première à vendre?

M. RIVARD: Je considère votre remarque...

M. GIASSON: Aujourd'hui, je suis d'accord, j'en ai discuté avec les offices, que, face aux difficultés qu'a connues l'industrie des pâtes et papiers, il y aurait peut-être mieux valu en 1970 et 1971 qu'on ne négocie pas une augmentation et qu'on garde ce qui avait été gagné. Après ça, on aurait pu revenir à la charge lorsque les difficultés que l'industrie des pâtes et papiers connaît auraient été surmontées et que l'état du marché mondial permettrait d'aller chercher des augmentations de prix. Je suis d'accord là-dessus, j'en ai discuté avec eux.

Mais il y a là, semble-t-il, une autre fois, la réaction de gens qui ont été tellement longtemps brimés dans ce qu'on pourrait appeler des droits fondamentaux qu'aujourd'hui, peut-être, devant des situations particulières, ils ont tendance à dépasser la mesure.

M. RIVARD: Je considère...

M. GIASSON: Mais si c'est là le seul reproche qu'on leur fait pour dire que les offices de producteurs devraient être éliminés...

M. RIVARD: Je considère...

M. GIASSON: ... ou que la Régie des mar- chés agricoles devait disparaître, je me pose des questions sérieusement.

M. RIVARD: Je considère votre remarque comme une hypothèse.

M. GIASSON: Merci.

M. LE PRESIDENT: La parole est à l'honorable député de Nicolet.

M. VINCENT: Une seule et dernière question, M. Rivard, je l'avais oubliée tout à l'heure. Je voudrais savoir, pour le bénéfice des membres de la commission, ce qu'il vous en coûte au mille carré pour assurer la protection contre les incendies des forêts que vous avez comme concessionnaires.

M. RIVARD: En moyenne, $40 du mille carré.

M. VINCENT: Je m'excuse, j'étais absent.

M. RIVARD: Oui.

M. VINCENT: D'accord, merci.

M. LE PRESIDENT: Ceci termine la période des questions. Je tiens, au nom de la commission, à remercier le président de la CIP et les membres du conseil...

M. RIVARD: M. le Président, je ne suis pas président de CIP.

M. LE PRESIDENT: Pardon.

M. VINCENT: Nous vous avons donné une promotion.

M. RIVARD: Je l'accepterais volontiers.

M. LE PRESIDENT: Encore une fois, merci au nom de la commission. J'invite maintenant les membres du Conseil régional de développement du Québec. M. Marius Jacques, directeur général.

Conseil régional de développement de Québec

M. BEDARD: Je comprends que cette commission est limitée par le temps qui lui reste pour écouter les mémoires qui lui seront présentés au cours de la journée. C'est une course contre la montre et, pour cette raison, je coupe une partie des notes que j'avais préparées afin d'en arriver à la lecture du mémoire.

M. VINCENT: Si vous me le permettez, on pourrait peut-être faire une mise au point, tout de suite. Nous allons siéger jusqu'à six heures et nous recommencerons ce soir, à huit heures. S'il le faut, nous irons jusqu'à une ou deux heures dans la nuit. Nous ne voulons d'aucune façon

— c'est du moins, mon avis — que les membres des associations qui doivent présenter un mémoire se sentent limités par la montre. Si même on ne termine pas ce soir, il y a encore d'autre temps, pour que personne ne retourne chez soi avec l'idée qu'il a fallu faire vite.

M. BEDARD: Merci beaucoup.

M. LE PRESIDENT: Je pense que c'est bien compris de tout le monde. Il faut prendre le temps d'écouter les mémoires qui nous sont présentés et de les commenter à leur juste valeur. Nous comptons, évidemment, sur la collaboration de tous et de chacun. Maintenant, une autre remarque: Je demanderais à M. Jacques d'identifier les personnes qui l'accompagnent pour l'inscription au journal des Débats, s'il lui plaît.

M. BEDARD: C'est ce par quoi je voulais commencer, M. le Président. Celui qui vous parle s'appelle Arthur Bédard; je suis le président du Conseil régional de développement. Je suis accompagné par M. Marius Jacques, le directeur général du CRD, à ma gauche; par M. Michaud, le trésorier du CRD, et par M. Lemieux qui est un permanent du CRD, aussi attaché à la région de la Côte-Sud. Il est une des deux personnes responsables de la conduite de la consultation que nous avons faite.

M. le Président, je crois qu'il convient de situer en deux mots la présence du CRDQ, du Conseil régional de développement de la région administrative no 3, celle de Québec, devant cette commission. Ce que je veux dire, c'est que nous ne sommes pas ici pour défendre des intérêts privés ou particuliers, toujours plus ou moins mesquins, non plus que pour faire plaisir à quiconque ou accuser qui que ce soit. Nous sommes ici parce que nous considérons que c'est notre devoir et notre rôle, en tant que conseil de développement impliqué dans une consultation sur les problèmes de la forêt, de vous transmettre, le plus fidèlement et le plus objectivement possible, les opinions, les désirs et les aspirations de la population, tels que nous les avons recueillis, aussi bien auprès des producteurs que des usagers.

Je voudrais profiter de l'occasion pour dire que nous avons apprécié la prise de position et les paroles spontanées, énergiques et courageuses du ministre des Terres et Forêts telles qu'elles ont été rapportées dans les journaux à la suite d'affirmations faites devant cette commission par les représentants d'entreprises ou d'associations plus soucieuses de leurs privilèges que de l'intérêt de la collectivité et de la province. Contrairement à ce qui arrive quelquefois, je n'ai pas vu de déclaration du ministre à l'effet que les journaux l'avaient mal rapporté. Ce silence me laisse croire que le ministre a bel et bien dit ce que les journaux ont rapporté et qu'il était lui-même sincère en le faisant. Je souhaite que ses paroles ne seront pas sans lendemain et qu'elles se traduiront dans des actions concrètes le plus rapidement possible. Je puis l'assurer, d'après ce que nous avons pu recueillir, qu'il a beaucoup d'appuis dans la population.

M. le Président, j'en arrive à notre mémoire. Je voudrais dire que c'est un résumé, en quelque sorte, de l'avis plus complet que nous avons remis au ministre. Nous aurions aimé commenter certaines notions, certains concepts sur lesquels nous nous sommes appuyés devant cette commission, par exemple l'incidence de l'impôt foncier sur l'administration de la forêt, le mythe que seule l'entreprise privée est capable de bien administrer et aussi la notion de profit, cette vieille notion de propriété absolue, si vous voulez, qui veut que les profits appartiennent en totalité aux propriétaires des moyens de production. Nous avons sur cette question des vues non conformistes, bien sûr, et si, parfois, la commission voulait percer davantage nos sentiments sur ce sujet, nous pourrons essayer de répondre à vos questions.

Et j'en arrive au mémoire. Communication du Conseil régional de développement de Québec à la commission parlementaire des terres et forêts. Le CRDQ suit avec le plus grand intérêt le processus que poursuit le ministère des Terres et Forêts du Québec en vue de se doter d'une politique cohérente en matière de planification, de gestion et d'utilisation de notre richesse collective qui est la forêt. L'intérêt du CRDQ s'est accentué et précisé, car il a obtenu du ministère des Terres et Forêts du Québec, en juin 1971, une commandite afin de procéder à une consultation sur l'utilisation des territoires forestiers de la compagnie Les Produits forestiers Collin limitée.

Ce territoire a été élargi avec la permission du ministre et la consultation a porté sur un plus vaste territoire. A la suite de ces travaux, le Conseil régional de développement de Québec a déposé devant le ministère un avis sur la question.

Au cours de la consultation, nous avons été amenés à découvrir plus précisément les problèmes et les implications des réformes que propose le ministère des Terres et Forêts du Québec. C'est pour nous joindre à l'effort déjà fait et tenter d'apporter notre contribution au débat en cours que nous nous présentons devant la commission parlementaire qui traite des problèmes de la forêt.

C'est dans un esprit de collaboration que nous soumettons notre point de vue sur quelques aspects soulevés par le livre blanc.

Le Conseil régional de développement de Québec n'a volontairement retenu que six points par rapport à l'ensemble de la question, sachant qu'il ne peut soulever tous les aspects, sachant aussi que d'autres groupes ou personnes en discuteraient avec plus d'à-propos.

Nous soulèverons donc les six questions suivantes :

A) La rétrocession des espaces boisés concédés par l'Etat du Québec;

B) La régionalisation des services et des

mécanismes menant aux prises de décision en regard avec le ministère;

C) Un plan de zonage qui permettrait d'en arriver à une intégration des activités sur l'ensemble des espaces boisés, tant publics que privés;

D) Les mécanismes et instruments prévus pour la gestion, ainsi que les lieux de pouvoir, proposés par le livre blanc;

E) Quelques aspects de la question du reboisement et des travaux sylvicoles;

F) La recherche par rapport à l'ensemble de la question de la forêt.

Nous savons pertinemment que nous ne dirons pas tout sur ces questions, mais nous voudrions communiquer nos positions, compte tenu des données dont nous disposons actuellement.

A) La rétrocession des espaces boisés qui ont été concédés par l'Etat du Québec.

En concédant des espaces boisés pour fin d'exploitation, l'Etat du Québec accordait à certaines entreprises, groupes ou individus, le privilège de puiser dans une richesse collective, afin de la mettre en valeur, contre certaines redevances.

Si, pour plusieurs raisons et dans le souci du bien général, l'Etat décide de rentrer en possession des espaces concédés, nous sommes entièrement d'accord.

De plus, nous croyons que la suspension du privilège concédé ne doit absolument pas être présentée comme un rachat, puisqu'il s'agit simplement de reprendre possession d'une richesse qui appartient à la collectivité par l'Etat. Cela devrait se faire en moins de cinq ans, d'après nous.

Nous sommes d'accord pour dire qu'il est normal que l'Etat veuille gérer ce qui lui appartient, puisqu'il devrait être celui qui l'utilise pour le plus grand bien de la collectivité. Nous ne serions cependant pas de l'avis de ceux qui prétendraient qu'il faut compenser pour la suspension d'un privilège, sous prétexte qu'il y a eu des frais généraux. A cela nous répondons qu'il y a eu également des "bénéfices généraux".

Le Conseil régional de développement de Québec recommande que l'Etat du Québec reprenne la possession des espaces boisés concédés sans qu'il ne soit question de rachat ou de compensation.

B) La régionalisation des services ainsi que des mécanismes menant aux prises de décision en regard avec le M.T.F.

Le CRDQ est d'accord sur le processus amorcé au ministère en vue d'en arriver à la régionalisation des services ainsi qu'à l'élaboration de mécanismes qui permettront aux collectivités locales de jouer un rôle important dans les prises de décision. Nous voudrions souligner quelques aspects de cette question.

D'abord, nous croyons qu'il serait souhaitable que la régionalisation soit très solidement engagée avant que le ministère décide de façon définitive des normes et des modèles d'organisa- tion qui guideront la mise en place de tout l'appareil de gestion et même d'exploitation des forêts publiques.

Nous demandons que la régionalisation se fasse d'abord, car nous craignons fort que si les grands cadres, les grandes normes générales sont établis avant la mise en place des mécanismes régionaux, ces derniers n'auront plus grand-chose à dire, si ce n'est de tenter d'aménager tant bien que mal des décisions prises en dehors d'eux.

Un autre aspect: nous croyons que la régionalisation est un pas important pour associer les collectivités locales aux décisions de l'Etat. Nous croyons aussi que la discussion des problèmes avec ceux qui les vivent peut permettre de réduire l'écart qu'il y a entre les besoins manifestés et l'utilisation des richesses. Mais, pour cela, il faut que le processus soit solidement enraciné et qu'il ne s'agisse pas que d'un jeu qui peut camoufler la responsabilité de décision. Il faut donc qu'un certain pouvoir soit reconnu aux collectivités locales dans le processus de régionalisation.

Un dernier point. En ce qui concerne la régionalisation proprement dite, en termes d'organisation, l'Etat du Québec, par l'Office de planification et de développement du Québec, l'OPDQ, a suscité la création et participé à la mise en place des conseils régionaux de développement. Il nous semble donc normal que les ministères qui s'engagent dans la régionalisation se servent de ces instruments déjà en place et qui poursuivent les mêmes buts généraux quant à la régionalisation.

En regard de la question forestière, par exemple, le Conseil régional de développement de Québec a déjà décidé d'organiser un conseil spécialisé sur cette question. Ce conseil, qui serait membre du CRD, serait composé de représentants de tous les groupes directement intéressés à la question ainsi que de représentants des ministères concernés. Un autre avantage, c'est que les participants à ce conseil spécialisé étant membres du CRD peuvent discuter avec les gens de d'autres secteurs d'activités au sein du CRDQ pour mieux évaluer la portée de leurs décisions sur l'ensemble de la vie régionale. Il nous apparaît donc souhaitable que les opérations de régionalisation des divers ministères se poursuivent et s'accentuent en utilisant le plus possible les CRD, instrument prévu à cette fin par l'OPDQ, contribuant de ce fait à la mise en place de véritables conférences administratives régionales.

Plan de zonage. Nous reconnaissons que, dans l'état actuel des choses, à savoir les instruments dont dispose le ministère des Terres et Forêts et les problèmes de tenure, le zonage peut être un moyen efficace pour en arriver à édicter des normes générales quant à l'utilisation et à la protection des espaces boisés. Cependant, nous croyons que les connaissances fondamentales quant à l'état actuel ainsi que le comportement de nos forêts ne sont pas très avancés. Le zonage qui sera fait en fonction de

l'utilisation, de la reproduction et de l'aménagement dépendra de ce que nous savons du comportement général des espaces boisés. Cela veut dire pour nous qu'il ne faudrait pas que le zonage soit démesurément orienté vers les exigences des grandes compagnies exploitantes seulement. Tenant compte de ces réserves, nous croyons que le zonage qui doit être réalisé dans les meilleurs délais doit viser à intégrer les activités forestières de l'ensemble des espaces boisés. De cette façon, il serait possible de permettre aux propriétaires forestiers d'aménager leurs espaces, d'en assurer la reproduction ou d'y faire des travaux sylvicoles sans pour autant les priver de toute source d'approvisionnement. Cela signifie que l'on appliquerait à la forêt les principes de rotation et de réfection que l'on pratique en agriculture. De plus, cela permettrait à l'Etat de n'être pas absent dans la gestion générale d'un ensemble de la richesse que représente la forêt ainsi que de modifier les comportements trop individualistes des petits propriétaires forestiers.

Encore une fois, le CRD insiste sur le fait que toutes ces opérations devraient s'élaborer en étroite collaboration avec les collectivités locales afin de s'assurer que les richesses utilisées le soient en conformité avec les besoins exprimés. A cette fin, le CRD est prêt à participer à toute opération qui viserait à introduire les personnes ou groupes directement impliqués dans le processus de décision.

D) Les mécanismes et instruments prévus pour la gestion ainsi que les lieux de pouvoir. A notre avis, les mécanismes de gestion, ainsi que les instruments qui seront bâtis à cette fin, devraient traduire par leur clarté et leur simplicité la détermination et la précision que le ministère des Terres et Forêts entend respecter dans la réforme et la mise en place de la politique forestière.

Pour ce faire, le Conseil de développement du Québec demande que l'on retienne les deux critères suivants: premièrement, que le mécanisme de régionalisation pour fins de discussion, de consultation et de concertation soit institutionnellement intégré au processus de prise de décision. Deuxièmement, que l'appareil de gestion soit doté d'une direction unique et bien identifiée. Cela permettra d'éviter toute confusion sur les lieux de pouvoir ainsi que les personnes responsables de l'application des politiques et l'exécution des programmes. Nous reconnaissons qu'en dernière analyse l'Etat par son ministère supporte toute la responsabilité de la chose publique; c'est pourquoi nous demandons des structures claires et aussi simples que possible afin de savoir qui décide, qui dirige et qui exécute.

A ce chapitre, le livre blanc du ministère des Terres et Forêts n'a pas été très clair. Il est question des pouvoirs généraux du ministère pour l'Etat mais sans dire précisément ce qu'il se réserve. On parle encore de la société de gestion, on parle du rôle de Rexfor, etc., mais comment ces pièces s'articulent-elles les unes aux autres? Quand il est question de gestion, le ministère au nom de l'Etat si dit le gestionnaire.

Pourtant la société de gestion a aussi des pouvoirs. On parle aussi de mode mixte de gestion. Comment pourrait-on départager les pouvoirs et responsabilités entre tous ces niveaux?

Toujours en regard de l'organisation des instruments de gestion, on se demande où, comment et avec qui se prendront les décisions. Nous le répétons, nous sommes très favorables à l'intégration d'un processus de décision qui tient largement compte des collectivités locales. Mais, une fois les décisions prises, nous sommes pour l'unité de direction dans l'application des politiques et l'exécution des programmes.

Cette ligne de conduite nous semble tout à fait ajustable avec une déconcentration par la régionalisation en ce qui regarde les lieux d'exécution.

En regard de l'instrument d'arbitrage que représentera la Régie des produits forestiers du Québec, nous voulons exprimer nos réserves quant à l'efficacité de ce type d'instrument. Si nous regardons les difficultés qu'éprouvent les collectivités locales à faire valoir leurs points de vue devant celles qui existent déjà, nous nous demandons si la reproduction de ce modèle d'organisation devrait s'appliquer à la question forestière, car il y a un problème d'information et de documentation en termes d'accessibilité qui fait grandement défaut aux citoyens quand ces derniers veulent présenter des revendications.

Il faudrait au moins que la documentation de toute nature soit facilement accessible à tous ceux qui en auraient besoin. On pourrait penser aussi que l'instrument qui encadrera la régionalisation devrait avoir les moyens d'assister techniquement ceux qui en manqueraient pour revendiquer leurs droits.

La plus forte réserve que le CRD exprime par rapport à toute la question de gestion, c'est le découpage qui est fait entre la notion générale de l'entretien, contenant conservation, aménagement et reproduction, et la notion d'utilisation. La question qui se pose est de savoir comment l'Etat du Québec pourra plus qu'avant obliger les utilisateurs à observer les politiques et les normes qui seront édictées, car, ayant décidé, sauf pour et par Rexfor, de ne pas être un exécutant de ses propres politiques, l'Etat doit encore se fier aux intérêts privés.

Il nous faut ici être clairs, l'Etat du Québec prend à son compte une charge onéreuse avec la gestion de la forêt. Quelles en seront les compensations? Et quels moyens effectifs l'Etat se donne-t-il pour s'assurer le respect de ses directives?

Quelques aspects de la question du reboisement et des travaux sylvicoles. Le document du ministère nous dit en gros qu'il faut que l'Etat reprenne la gestion générale des espaces boisés, car la détérioration qu'ils ont subie les rend

improductifs. Ce que le document ne dit pas — et il serait pertinent de le savoir — c'est qui les a détériorés et comment il se fait que l'Etat ne soit pas intervenu avant? Sachant cela, on pourrait sans doute mieux évaluer ce qu'il adviendra de la réforme proposée.

Il faut maintenant corriger une situation en procédant au reboisement et à d'autres types de travaux sylvicoles. Il faut assurer une reproduction de la richesse et aménager les boisés pour maximiser leur productivité, baissant ainsi les coûts de production. Selon nous, ces opérations devront être rationnalisées selon les critères généraux qui guideront le plan de zonage, mais, en plus, en tenant compte des besoins exprimés par les collectivités régionales du lieu actuel des usines de transformation, de l'analyse des sols, ainsi que de l'évaluation des besoins que nous pouvons faire pour l'avenir.

Ces opérations devront être entreprises, non pas à cause de leur utilité comme mécanisme de régularisation du chômage, mais bien après en avoir étudié la portée et la rentabilité. Ce processus de réfection de la forêt doit être envisagé comme un investissement, une opération rentable, et non comme une mesure d'assistance sociale déguisée. Cette attitude signifie pour nous que ces travaux doivent être réalisés par une main-d'oeuvre motivée et compétente.

Nous voudrions soulever un autre aspect de la question. Nous ne croyons pas que nos méthodes d'intervention en forêt doivent s'en tenir au jardinage propre aux petites surfaces. Nous croyons plutôt que les étendues dont nous disposons et aussi le type de forêts auxquelles nous avons affaire nécessiteraient des interventions propres aux cultures exten-sives.

A ce chapitre, il serait enrichissant d'évaluer les expériences des pays Scandinaves et de la Russie.

Ces méthodes vont de la coupe à blanc à l'éclaircissage tout en respectant le principe de la rotation.

A notre avis, les interventions sur la forêt dépendent de ce que nous voulons en faire ainsi que de l'effort de production que nous en attendons. Le coût de ces opérations étant à la charge de l'Etat, nouveau gestionnaire, il faudra donc qu'elles soient judicieuses et nécessaires.

En retour, il faudra que l'Etat s'assure que les utilisateurs privés évitent une surexploitation qui rendrait inutiles toutes formes d'interventions.

Nous croyons aussi que, si l'Etat prend à sa charge la gestion générale et les opérations d'intervention sur la forêt afin de la rendre plus productive, nous serions en droit d'attendre une compensation de la part des utilisateurs.

F) La recherche par rapport à l'ensemble de la question de la forêt.

Quant à la recherche, le contenu du chapitre 6 du tome Il de "L'exposé sur la politique forestière", bien que trop court et trop général, nous semble aborder les principaux aspects qui devraient être retenus. Nous aimerions cependant faire remarquer que les ministères ont l'habitude de prendre cet aspect des problèmes à la légère ou de négliger de tenir compte des études qui ont été réalisées quand ils ne coupent pas purement et simplement les budgets prévus à cette fin. Un autre aspect: la recherche, comme les autres services, devrait entrer dans le processus de régionalisation afin que les collectivités locales puissent passer des commandes.

Sur un plan plus général, compte tenu des réserves que nous avons exprimées tant au niveau des pouvoirs de gestion qu'au niveau de l'exécution des politiques, nous demandons qu'une étude complète soit faite concernant la possibilité d'appliquer au secteur de la richesse naturelle et collective que représente la forêt, le même principe général que l'on a retenu pour l'électricité.

Conclusion. Les quelques points que nous venons de soulever nous semblent importants. Pour nous, la rétrocession des espaces boisés concédés représente probablement le point majeur. Pourtant, nous savons que la gestion qu'assumera l'Etat du Québec sur le domaine forestier peut, s'il est adéquat, se révéler un instrument progressiste. Si, à ce chapitre, nous formulons des réserves, c'est que nous constatons que les utilisateurs de la forêt seront les mêmes, avec des garanties plus fortes qu'avant. Pour ces raisons, nous serions très favorables à ce qu'une étude complète soit menée afin d'établir les possibilités, de la part de l'Etat, d'entrer en possession de tous les équipements qui assurent l'exploitation de la forêt et de sa transformation en produits finis.

Il faudrait lire ici, non pas les chaises ou les barreaux de chaise ou les portes et châssis mais jusqu'au bois de sciage et au bois de pulpe.

A tout événement, c'est la pratique qui sera le grand test. C'est pour cette raison et afin de mieux juger que nous demandons d'entreprendre le processus général dès maintenant, afin de boucler l'opération de cinq ans.

Les remarques que nous avons soumises l'ont été de bonne foi et nous espérons que le débat actuel fera progresser les opinions sur la question.

Nous suivrons les discussions avec attention en réservant jusqu'à la fin notre jugement. Cependant, nous pouvons dire que nous sommes prêts à collaborer à toute action qui accentuerait la démocratisation des prises de décisions et l'accessibilité de tous aux richesses produites par les citoyens.

M. le Président, je vous remercie de nous avoir fourni l'occasion de nous faire entendre devant cette commission. Je souhaite que l'étude que nous avons faite des problèmes particuliers de la région administrative no 3 contribuera à doter le Québec d'une politique forestière cohérente visant, d'abord, le bien-être de la population.

En terminant, je tiens à assurer les autorités, en particulier, le ministre des Terres et Forêts de notre entière collaboration et de notre souci de participer à la mise en place des réformes que nous proposons. Merci.

M. LE PRESIDENT (Carpentier): L'honorable ministre des Terres et Forêts.

M. DRUMMOND: Merci beaucoup, M. Bédard, d'être venu ici avec vos collègues pour nous présenter un mémoire fort pertinent, fort intéressant.

Avant de donner la parole au député de Charlevoix qui posera les questions, quant à moi, j'aimerais souligner que je partage entièrement votre point de vue en ce qui concerne la consultation valable en préconisant une politique forestière aussi bien que d'effectuer un bon système de régionalisation en ce qui concerne les activités du ministère des Terres et Forêts.

M. BEDARD: Merci, M. le ministre.

M. MAILLOUX: Mes questions s'adresseront soit à M. Bédard, à M. Jacques ou à d'autres qui voudront bien y répondre.

M. BEDARD: Je répondrai.

M. MAILLOUX: En me référant à la page 3 de votre document où il est question de rétrocession des espaces boisés qui ont été concédés par le ministère, vous dites: De plus, nous croyons que la suspension du privilège concédé ne doit absolument pas être présentée comme un rachat puisqu'il s'agit simplement de reprendre — tel que vous l'avez corrigé tantôt — possession d'une richesse qui appartient à la collectivité par l'Etat et cela devrait se faire en moins de cinq ans.

Ma question est celle-ci: Pourquoi considérez-vous, selon votre rapport, après étude, que la rétrocession des concessions forestières devrait être réalisée en moins de cinq ans alors que le ministère a proposé un échéancier de dix ans?

M. LAROCHELLE: En dedans de cinq ans, c'est compte tenu de l'état actuel des forêts au Québec et également de la régionalisation qui est déjà amorcée dans certains territoires. Nous considérons extrêmement important que le gouvernement du Québec agisse immédiatement sur la possession de ces richesses, si on veut qu'il reprenne possession de ces richesses. On considère que dix ans, dans le contexte de 1972, c'est déjà loin; alors, nous disons: Le plus rapidement possible. Nous considérions que cinq ans était un minimum raisonnable.

M. MAILLOUX: Dans la même page de votre mémoire et sur le même sujet, au dernier alinéa vous dites: Nous ne serions cependant pas de l'avis de ceux qui prétendraient qu'il faut compenser pour la suspension d'un privilège sous prétexte qu'il y a eu des frais généraux. A cela, nous répondons qu'il y a eu aussi des bénéfices généraux. Est-ce à dire que votre prise de position impliquerait qu'aucune indemnité ne devrait être versée pour les améliorations effectuées par les affermataires ou les concessionnaires?

M. LAROCHELLE: Disons que nous n'excluons pas la possibilité d'étudier des cas particuliers, spécialement les investissements faits très récemment. En règle générale, nous ne voyons pas pourquoi il y aurait des compensations de données pour reprendre possession des territoires.

M. MAILLOUX: Plus loin dans votre mémoire, au sujet de la régionalisation, vous dites, au deuxième alinéa: Nous croyons qu'il serait souhaitable que la régionalisation soit très solidement engagée avant que le ministère décide, de façon définitive, des normes, etc. car nous craignons fort que si les grands cadres, les grandes normes générales sont établis avant la mise en place des mécanismes régionaux, ces derniers n'auront plus grand-chose à dire.

Ne croyez-vous pas que cette façon de procéder favoriserait la disparité des modalités d'action d'une région à l'autre?

M. LAROCHELLE: Il y a peut-être des modalités qui peuvent différer mais je pense que sur le principe général — là, on vous apporte le point de vue de notre CRD seulement parce qu'on n'a pas eu le temps de saisir du problème les autres CRD de la province, mais il est à peu près certain que ce qu'on vous propose va être endossé par tous les CRD de la province — on va s'accorder là-dessus. Il est possible qu'il y ait des modalités différentes d'application et d'utilisation d'une région à l'autre mais sans changer les principes de base.

M. MAILLOUX: Vous insistez quand même pour qu'avant qu'il y ait une directive générale de donnée la régionalisation soit mise en place, quels que soient les désirs qui seront exprimés par les régions.

M. LAROCHELLE: Nous croyons que, s'il y a un mécanisme en place pour amener les gens à participer et à comprendre tout ce qui est proposé, il y a beaucoup plus de chances de succès que si ça leur est imposé en dehors de leurs connaissances.

M. MAILLOUX: Je pourrais vous donner un exemple particulier auquel j'ai participé récemment lors de certains échanges de concessions chez nous. Alors que les syndicats forestiers du milieu ainsi que tous les gens du milieu apportaient certaines revendications, on constatait que la revendication principale qui était appor-

tée du milieu était que les syndicats forestiers avaient comme impératifs premiers de couper à proximité des localités où se situaient ces syndicats forestiers. Alors les fonctionnaires du ministère des Terres et Forêts ont dû convaincre tous ces syndicats que la forêt à maturité dans la région ne se situait pas toujours à proximité.

C'est là que j'arrive un peu en contradiction avec ce qui est dit dans le mémoire. S'il n'y a pas de normes bien définies au départ, avant que la régionalisation soit mise en place, on peut se réveiller avec une disparité d'impératifs qui vont venir des quatre coins du Québec.

M. LAROCHELLE: M. le député, entre les collectivités locales dont vous parlez, les chantiers coopératifs de Charlevoix, et une collectivité provinciale...

M. MAILLOUX: Cela peut être régional aussi, ce que je mentionnais tantôt.

M. LAROCHELLE : Oui. Disons que c'est un moyen terme. On porte la discussion au niveau régional, ce qui est déjà un moindre mal.

M. MAILLOUX: Ce que je vous disais tantôt, ça s'appliquait au niveau régional parce qu'il y avait trois comtés compris là-dedans; c'est passablement régional, à ce moment-là.

M. LAROCHELLE: C'est ça. Dans notre idée, nous nous disons que, si le ministère des Terres et Forêts se décentralise d'une certaine façon au niveau de son personnel, ainsi qu'au niveau de ses budgets, tout en restant, au niveau provincial, l'organisme qui coordonne les régions l'une par rapport à l'autre, les principes de base, comme le président le mentionnait tantôt, seront respectés par l'organisme provincial qui sera le ministère des Terres et Forêts. Mais, au niveau de l'exécution, ce sont des politiques régionales parce que la forêt, on ne peut tout de même pas la transporter 200 ou 250 milles plus loin.

M. BEDARD: M. le Président, je me demande s'il n'y aurait pas aussi une partie de réponse à la question du député à la dernière phrase du premier paragraphe de la page 9, principalement aux deux dernières lignes.

M. MAILLOUX: A la page 6 de votre mémoire, vous mentionnez que le Conseil régional de développement du Québec a décidé d'organiser un conseil spécialisé dans la question forestière. Quel genre de collaboration espérez-vous du ministère pour faciliter les travaux de ce conseil?

M. JACQUES: Actuellement, nous sommes à définir ce que serait le conseil spécialisé avec une équipe de travail à l'université Laval. Le principe de base d'un conseil spécialisé est le suivant: c'est d'abord de décrire la réalité et, deuxièmement, d'intégrer, à l'intérieur d'un mécanisme, tous les individus qui ont des aspirations dans une région, pour en venir à dégager des consensus quant à l'exploitation.

Le processus n'est pas décrit plus longuement dans un conseil spécialisé, mais ça nous apparaît comme étant un moyen. Justement, ce matin, ceux qui défendaient leur position vis-à-vis du livre blanc ont affirmé que des mécanismes de dialogue étaient nécessaires. Je pense que ça s'est fait plusieurs fois au cours des séances de la commission parlementaire. C'est un mode que nous voulons proposer.

M. MAILLOUX: Me référant à la page 8 de votre mémoire, sur les plans de zonage, au deuxième paragraphe, au tout début, vous dites: "Cependant, nous croyons que les connaissances fondamentales, quant à l'état actuel ainsi que le comportement de nos forêts, ne sont pas très avancées." Que voulez-vous dire exactement lorsque vous écrivez cette phrase? Est-ce un mauvais certificat que vous décernez à propos des connaissances qu'auraient les officiers du ministère sur l'état de nos forêts?

M. LAROCHELLE: Cette phrase a été apportée, M. le Président, au document à la suite d'une étude technique qui a été faite lors de la consultation que nous avions eue après. La personne responsable de cette étude technique, qui a été obligée de ramasser de la documentation, des statistiques etc., nous donne un paragraphe, que je pourrais vous lire si ça vous intéresse, sur le manque de données sur la ressource forêt, au niveau des territoires, des inventaires, des statistiques, des coupes de bois. Je pourrais en nommer plusieurs. A un moment, ces données portent sur des comtés électoraux et, à un autre moment, elles portent sur des régions administratives ou sur des municipalités.

L'hétérogénéité de ces documents-là fait qu'il devient très ardu, à un moment donné, de se prononcer sur la ressource forêt.

M. MAILLOUX: Est-ce que vous iriez jusqu'à dire, étant donné la constatation que vous faites, qu'il y aurait absence de données sur une partie de la forêt québécoise? Est-ce que ça ne viendrait pas également d'une absence de renseignements que n'auraient pas fournis les utilisateurs?

M. LAROCHELLE: A ma connaissance, il y a plusieurs données, mais le schéma de référence de ces données n'est pas le même.

Alors, c'est difficile de comparer une donnée à l'autre. C'est arrivé à plusieurs reprises devant cette commission parlementaire que des documents donnaient certaines données; d'autres n'avaient pas les mêmes. Il y a beaucoup de données mais le schéma de référence n'est pas le même. L'échelle n'est pas la même.

M. MAILLOUX: Dans le même paragraphe, vous dites: Cela veut dire pour nous qu'il ne faudrait pas que le zonage soit démesurément orienté vers les exigences des grandes compagnies exploitantes. A votre avis, dans quelle mesure le zonage forestier devrait-il être contraignant pour les propriétaires des massifs boisés? Quelles seraient les contraintes qui seraient faites à ceux qui détiendraient des massifs boisés?

M. BEDARD: Je pense qu'un plan de zonage n'impose pas de contraintes en lui-même. Il établirait d'abord les possibilités des différents espaces boisés et indiquerait de quelle façon ils peuvent être exploités rationnellement. Il déterminerait aussi quels sont les terrains propres à l'agriculture et ceux propres à des activités forestières.

M. LAROCHELLE: Si vous me le permettez, je voudrais ajouter quelque chose quand on dit: Pourrait avoir des exigences. A un moment donné, dans certains espaces boisés entourant surtout les milieux urbains assez considérables, il se pourrait que ces espaces devraient être a priori employés pour un autre aménagement que l'exploitation de la forêt, soit les domaines récréatif, industriel ou un autre. Alors, dans certains cas, ce pourrait être des exigences ou des contraintes, pour reprendre votre expression, face à ces compagnies, pour l'intérêt public.

M. MAILLOUX: C'est-à-dire que d'après vous ce pourraient être des contraintes quand une compagnie utilisant des résineux devrait laisser utiliser des feuillus pour d'autres transformations ou même aller vers la protection de l'environnement ou l'aménagement de l'espace vert pour des fins récréatives ou autrement.

M. LAROCHELLE: Ce pourrait être un exemple.

M. MAILLOUX: Ma prochaine question se réfère à la page 9, au dernier alinéa. Vous dites: A cette fin, le CRDQ est prêt à participer à toutes opérations qui viseraient à introduire les personnes ou groupes directement impliqués dans le processus de décision. Croyez-vous que l'on devrait prévoir d'autres modes de consultation pour des projets de zonage particuliers? Quels sont les modes de consultation dont vous parlez?

M. BEDARD: Le conseil spécialisé, au niveau du zonage. Il se peut que, dans un territoire donné, il n'y ait pas seulement les utilisateurs de cette forêt-là ou les personnes qui transforment l'essence-forêt qui aient des choses à dire sur l'utilisation du sol. Il se peut que d'autres collectivités locales aient des vues ou en tout cas des points à exprimer.

M. MAILLOUX: Mais est-ce que vous laisse- riez dans cette discussion des utilisateurs possibles de la forêt, qui pourraient être d'autres que les populations locales, qui pourraient être des compagnies ou autrement?

M. BEDARD: Oui.

M. MAILLOUX: Votre mémoire manifeste certaines craintes à l'égard des mécanismes et instruments prévus pour la gestion des forêts. Il laisse entrevoir entre autres que les structures du ministère des Terres et Forêts manquent de clarté et de simplicité. L'idée de singulariser les préoccupations de gestion forestière au sein de l'administration gouvernementale mériterait-elle d'être poursuivie selon vous? C'est aux pages 10 et 11.

M. BEDARD: Je ne sais si cela répondra à votre question mais tout ce qu'on a noté dans le livre blanc...

M. MAILLOUX: Ce n'est peut-être pas moi qui ai préparé cette question!

M. BEDARD: ... c'est que le ministère des Terres et Forêts avait des pouvoirs de gestion comme le cabinet des ministres en avait aussi sur les ressources du Québec. Egalement, la Société de gestion aurait des pouvoirs de gestion. Il y a aussi un quatrième mécanisme qui était une société mixte composée d'entreprises et/ou de la société de gestion du ministère des Terres et Forêts.

Alors, face à cet organigramme de quatre pouvoirs de gestion à un moment donné, nous posons la question qu'il faudrait clarifier, une fois pour toutes, afin que tout soit clair et précis, qui a les pouvoirs de gestion. Alors, s'il y a une intervention à faire, soit par l'entreprise privée, soit par un conseil régional de développement ou des collectivités locales, qu'ils sachent exactement où s'adresser, au lieu de se faire dire: Allez-vous-en à telle place et après cela retournez à l'autre et revenez. C'était notre crainte en ce qui concerne les pouvoirs de gestion.

M. JACQUES: Il ne faudrait pas créer des mécanismes qui donnent l'impression qu'à un moment donné il y a deux ministères. On veut que ce soit le ministère qui assume ses responsabilités, on ne veut pas créer des organismes à côté qui prennent des décisions qui, à un moment donné, n'ont peut-être pas à répondre au public.

M. MAILLOUX: A la page 11 du même mémoire, au dernier alinéa, vous faites référence à la régie des produits forestiers du Québec et vous exprimez des réserves en ce qui concerne la création d'une régie de produits forestiers, à cause des difficultés qu'éprouvent les collectivités locales avec ce modèle d'organisation. Auriez-vous une autre proposition à formuler en vue de résoudre les problèmes reliés à

l'approvisionnement des usines en bois et à la mise en marché de la production forestière privée, étant donné les réserves que vous apportez relativement à la régie des produits forestiers proposée?

M. LAROCHELLE: M. le Président, notre document ne se prononce pas en faux contre une régie des produits forestiers. La seule réserve que nous émettons, c'est sur le pouvoir de s'exprimer devant cette régie. Les autres régies existant actuellement au Québec ont déterminé certaines choses qui sont quand même assez positives; mais la seule crainte que nous avons, et c'est ce que nous soulevons, c'est le pouvoir attribué à des personnes autres que des groupes très fortement organisés et possédant des pouvoirs financiers assez forts pour être capables de présenter des documents très bien articulés, avec des avocats, etc., pour les défendre. Les collectivités locales ont beaucoup de difficulté à pouvoir s'exprimer devant ces commissions. On ajoute même à la fin qu'à certains moments le ministère ou des équipes devraient aider ces collectivités locales à s'exprimer devant une régie.

M. MAILLOUX: A la page 12 de votre mémoire, au deuxième alinéa, vous dites que la plus forte réserve que le CRD exprime par rapport à toute la question de gestion, c'est le découpage qui est fait entre la notion générale de l'entretien — contenant conservation, aménagement et reproduction — et la notion d'utilisation. La question qui se pose est de savoir comment l'Etat du Québec pourra plus qu'avant obliger les utilisateurs à observer les politiques et les normes qui seront édictées. Pouvez-vous nous dire pourquoi vous semblez croire que l'Etat aurait de la difficulté à faire observer ses politiques et ses normes par les utilisateurs privés, supposant par là que les directives seraient mieux respectées si l'Etat était lui-même entrepreneur?

M. BEDARD: Je peux tenter une réponse là-dessus, mais je ne suis pas un spécialiste dans ces questions-là. Le président du CRD ne peut pas être un spécialiste dans toutes les questions qui viennent devant nous. La question qu'on se pose, c'est justement en raison des différents paliers d'autorité dont il a été question précédemment, qu'on ne perçoit peut-être pas comme on devrait les percevoir. On voit de "l'overlapping" dans tout ça. On y voit une possibilité de confusion et c'est pourquoi on a certaines réserves sur la question de gestion. Ce n'est pas clair pour nous, ce qui est proposé.

M. JACQUES: La question qu'on se pose là-dessus, c'est si la société de gestion va être le ministère ou si c'est le ministère qui va prendre les décisions. A ce moment-là, on se dit que si la société de gestion devient extrêmement forte, les utilisateurs seront peut-être ceux qui vont décider comment utiliser la forêt, même si le ministère peut promulguer des lois.

M. LAROCHELLE: Il y aurait peut-être autre chose à ajouter, M. le Président. Nos craintes se manifestent également du fait que les entreprises privées actuellement possédant des équipements ainsi que celles ayant à leur emploi plusieurs personnes, pour raisons d'économie ou de chômage, peuvent posséder quand même un pouvoir de chantage assez fort face au ministère et aux politiques que ce dernier va émettre et qu'à cet effet le ministère soit peut-être obligé un moment donné de dire:

Compte tenu de tout cela, je vais vous laisser aller. Ce qui est pour nous une crainte, c'est que ces personnes ou ces groupes de personnes aient un pouvoir d'influence assez fort face au ministère des Terres et Forêts qui veut émettre des politiques en rapport avec les collectivités qui n'ont pas les moyens de "lobbying" ou les moyens techniques de se faire entendre et de justifier leurs craintes.

M. MAILLOUX: Au sujet du reboisement, des travaux sylvicoles, à la page 13 de votre mémoire, au dernier alinéa, vous mentionnez que ces opérations devront être entreprises non pas à cause de leur utilité comme mécanisme de régularisation de chômage, mais bien après en avoir étudié la portée et la rentabilité. Ce processus de réfection de la forêt doit être envisagé comme un investissement rentable et non comme une mesure d'assistance sociale déguisée. Quand j'ai entendu lire cela, je regardais l'ancien ministre des Affaires sociales qui a participé à la première Opération assisté social-reboisement. Voulez-vous dire par là que le gouvernement ne devrait pas rechercher la complémentarité des objectifs socio-économiques en évaluant la rentabilité des travaux de sylviculture?

M. BEDARD: C'est cela.

M. MAILLOUX: Il n'est aucunement question que des assistés sociaux participent à ces opérations-là, dans votre esprit?

M. LAROCHELLE: Disons qu'il peut y avoir une assistance sociale déguisée, mais on n'élimine pas le fait que la notion de l'exploitation ou de l'aménagement de nos forêts soit considérée en termes de rentabilité, tant au point de vue social qu'économique.

M. MAILLOUX: D'ailleurs dans le paragraphe suivant vous disiez bien catégoriquement: Cette attitude signifie pour nous que ces travaux doivent être réalisés par une main-d'oeuvre motivée et compétente.

M. LAROCHELLE: Motivée et compétente, cela peut être une main-d'oeuvre du territoire comme tel, parce que vous savez que, dans la

région administrative de Québec comme dans plusieurs autres régions du Québec, nous avons une main-d'oeuvre compétente en ce qui concerne l'exploitation de la forêt.

M. JACQUES: M. le Président, là-dessus, nous ne voulons pas critiquer M. Cloutier et ceux qui ont quand même fait des tentatives. Il fallait quand même en faire quelques unes au Québec pour savoir ce que cela donnerait. Mais nous voulons qu'à l'avenir cette méthode-là ne soit pas utilisée uniquement comme improvisation mais qu'on l'intègre dans une véritable politique d'aménagement de la forêt et de rationalité.

M. MAILLOUX: Les membres du CRD doivent être conscients que, vivant dans des régions forestières, il est difficile actuellement de trouver les gens qui veulent aller en forêt pour les coupes et que cela se produit un peu partout dans le Québec.

M. JACQUES: D'ailleurs, M. le député, à ce sujet-là nos recommandations sont faites à cause de certaines opérations qui se font sur le territoire, et nous nous rendons compte actuellement qu'il y a des changements à apporter. Nous nous disons que, selon la nouvelle formule qui est exploitée actuellement, les groupes forestiers, ceux qui sont à l'intérieur de ces groupes ont peut-être beaucoup plus de motivation que ceux qui étaient dans les groupes qu'on a pratiquement forcés à aller en forêt là où les gens n'étaient pas obligés de le faire.

M. MAILLOUX: A la page 15 vous dites: Nous croyons aussi que, si l'Etat prend à sa charge la gestion générale et les opérations d'intervention sur la forêt afin de la rendre plus productive, nous serions en droit d'attendre une compensation de la part des utilisateurs. A votre avis dans quelle mesure les utilisateurs de la forêt devraient-ils fournir une compensation pour les efforts réalisés par l'Etat en vue de rendre la forêt plus productive?

M. LAROCHELLE: Si le ministère des Terres et Forêts ou le gouvernement du Québec rend la forêt plus productive, c'est donc dire qu'à l'avenir cette forêt-là sera également plus proche des usines, donc que les coûts d'exploitation diminueront. Alors, nous disons: Compte tenu que cette forêt-là sera mieux exploitée ou mieux aménagée, on serait en mesure d'attendre une compensation de l'utilisateur puisque le coût de production va baisser.

M. MAILLOUX: Vous parlez, à la page 26 du mémoire, de la recherche par rapport à l'ensemble de la question de la forêt.

Au dernier alinéa — je vous fais grâce de la lecture — à quel principe général retenu pour le secteur de l'électricité faites-vous allusion lorsque vous demandez d'en étudier l'application au niveau de la gestion et de l'exécution de la politique forestière? Y aurait-il, selon vous, des adaptations à faire pour appliquer ce principe dans le secteur forestier?

M.JACQUES: Cela veut d'abord dire qu'on ne croit pas qu'uniquement l'entreprise privée soit un bon gestionnaire. On a l'exemple de l'Hydro-Québec, qui n'est quand même pas un si mauvais gestionnaire. Deuxièmement, nous voudrions qu'une étude globale soit entreprise advenant que les sociétés qui exploitent déjà au Québec nous disent: Vous parlez de nationalisation; nous ne voulons pas aller nécessairement vers la nationalisation, mais il faudra peut-être, à un moment donné, envisager le problème.

Si c'est toujours l'Etat qui investit — d'après les demandes qui vous sont faites à la commission parlementaire, vous le savez peut-être mieux que moi; à tout bout de champ, on demande que le gouvernement mette de l'argent et on dit qu'il devrait faire ceci ou cela — et qu'à un moment donné le gouvernement paie tout, il faudra qu'il pense aussi à regarder comment ça peut lui rapporter.

Nous voudrions qu'une étude assez exhaustive nous permette d'avoir des données assez précises. Si le gouvernement devait le faire, que ce soit en connaissance de cause.

M. MAILLOUX: Est-ce qu'au moment où le gouvernement du Québec a décidé de nationaliser les ressources hydro-électriques il ne possédait pas déjà les cadres, à l'Hydro-Québec, qui lui permettaient d'amplifier son action? Ce que, peut-être, ne possède pas le ministère des Terres et Forêts.

M. JACQUES: C'est ce que, peut-être, une étude nous démontrera. On prépare, quand même, des gens actuellement. Cela nous permettrait d'utiliser ceux qu'on prépare pour des postes de gestion, non pas seulement pour des postes de commis.

M. MAILLOUX: J'aurais une dernière question. Tous ceux qui ont participé à l'élaboration de votre mémoire considéraient-ils que la forêt était une ressource collective au même titre que pouvaient l'être l'eau ou l'air?

M. JACQUES: Nous pouvons vous dire qu'actuellement nous avons complété la consultation par une autre que nous venons de terminer et qui s'appelle "L'homme et les ressources". Pour le CRD, l'eau, l'air, le sol et le sous-sol sont des choses importantes au niveau de la région 3 et au niveau de l'ensemble du Québec.

M. MAILLOUX: Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Nicolet.

M. VINCENT: Je voudrais, comme le ministre, remercier les membres du CRDQ de ce

mémoire qu'ils présentent, plus spécifiquement lorsqu'ils parlent de consultation et également de régionalisation. On peut remarquer également dans le mémoire qu'il y a des suggestions constructives pour l'administration du ministère des Terres et Forêts. Cependant, il y a d'autres parties du mémoire que nous devons examiner afin de nous faire une idée sur les opinions du CRDQ du Québec.

M. Bédard, est-ce que vous pourriez nous dire quels comtés de la région de Québec le CRD représente?

M. BEDARD: C'est la région administrative no 3 qui, sur la rive nord, comprend Portneuf, Charlevoix, et, sur la rive sud, de Kamouraska à Nicolet, jusqu'à la frontière.

M. VINCENT: A Nicolet inclusivement ou exclusivement?

M. BEDARD: Exclusivement.

M. VINCENT: Dans votre préambule, vous avez mentionné que vous aviez tout lieu de croire que ce mémoire ou ce communiqué exprimait le désir de la population du territoire concerné. Est-ce que vous pourriez nous dire de quelle façon le mémoire s'est préparé? Est-ce qu'il y a eu des consultations avec les organismes, tels l'UCC, les offices de producteurs, les syndicats, chambres de commerce, etc? Cela nous aidera à nous situer dans l'optique du travail que vous avez entrepris.

M. BEDARD: M. Larochelle peut vous fournir toutes les informations sur les gens qui ont été consultés et les organismes.

M. LAROCHELLE: Je pourrais vous donner une liste qui est assez longue des groupes de personnes, des individus et des spécialistes dans le domaine qui ont été consultés. Le mémoire a été préparé par une consultation qui s'est tenue de juin à décembre dernier sur l'utilisation des forêts publiques de la rive sud de la région administrative de Québec. A la suite de cette consultation qui a été, quand même, assez complexe au niveau du contenu, l'ensemble des documents soumis par les groupes et individus a fait l'objet d'une synthèse.

C'est donc dire que, dans le mémoire que nous présentons cet après-midi, il y a des extrêmes et il y a aussi des minimums. C'est une moyenne.

Cet avis de consultation a déjà été remis au ministère des Terres et Forêts et c'est à la suite de la remise de cet avis que nous avons cru bon de faire part à la commission parlementaire de ce que nous avions recueilli parmi les gens consultés. Il est bien entendu que l'UCC, les offices de producteurs de bois, les chambres de commerce et les comités de citoyens ont été consultés.

M. VINCENT: Je posais la question parce qu'il y a certains points dans le mémoire du CRDQ qui ne concordent pas avec le mémoire que nous avons entendu de l'UCC et de l'office des producteurs. Et je reviendrai simplement pour faire clarifier certains points obscurs.

Je voudrais, auparavant, poser une question — d'ailleurs M. Bédard y a répondu, je crois — encore d'une façon plus explicite. A la page 16, vous parlez de la possibilité d'appliquer au secteur des richesses naturelles le même principe général que l'on a retenu pour l'électricité. A la page 17, vous parlez avec une nuance que vous avez ajoutée, de faire une étude complète afin de voir les possibilités de la part de l'Etat d'entrer en possession complète de l'exploitation de la forêt jusqu'à son produit fini. Vous ne le proposez pas comme solution. Vous demandez seulement qu'on en fasse une étude. Ce n'est pas une prise de position d'aller jusqu'à demander à l'Etat d'entrer de plain-pied dans la gérance, dans l'exploitation des richesses de la forêt, comme cela se fait d'ailleurs dans l'électricité par l'Hydro-Québec. C'est simplement une demande d'étude que vous faites.

M. BEDARD: C'est une demande d'étude. Et je l'ai bien spécifié tout à l'heure, ce qui n'est pas indiqué dans le mémoire. Parce que, quand on dit: "... et de sa transformation en produits finis..." cela pourrait aller jusqu'aux barreaux de chaise et aux portes et châssis. Ce n'est pas ce que nous avions à l'esprit. Nous pensions à une étude qui aurait pour but de voir les possibilités et les avantages qu'on pourrait retirer d'une exploitation faite par l'Etat mais jusqu'à la production du bois de sciage et du bois de pâte. Cela s'arrêterait là.

M. VINCENT: Pour éviter toute fausse interprétation, je ne voudrais pas qu'en sortant d'ici, on puisse dire: Le CRDQ a proposé qu'on aille jusqu'à l'exploitation complète et entière des forêts, plus les usines. C'est simplement une demande d'étude que vous faites mais vous n'envisagez pas cette limite extrême.

M. LAROCHELLE: Non. C'est à partir de l'arbre qui est debout à aller jusqu'à l'usine de transformation. C'est sur cette partie que nous demandons qu'une étude soit faite.

M. BEDARD: Mais encore une fois, nous demandons qu'une étude soit faite, comme vous l'avez bien précisé.

M. VINCENT: Sans prendre position.

M. BEDARD: Comme le ministre l'a précisé, ce n'est pas une recommandation d'étatiser ces choses.

M. VINCENT: Vous mentionnez à la première page qu'en juin 1971 vous avez obtenu une commandite du ministère des Terres et Forêts. Par la suite, vous avez ajouté que le ministère vous avait donné une extension dans le territoi-

re pour cette étude. Est-ce que vous pourriez nous donner plus de détails sur cette commandite?

M. LAROCHELLE: Le premier objet de la commandite était une consultation sur l'utilisation des boisés compris dans la concession des Produits forestiers Collin qui a été rachetée en mai 1971 par le ministère des Terres et Forêts. Et nous avions demandé au ministère, quant à faire une consultation, également de l'étendre aux réserves cantonales, terrains vacants, terrains à vocation forestière publics et lots sous billet de location au ministère de l'Agriculture. La consultation au niveau de l'utilisation a été étendue à ces groupes de forêt.

M. VINCENT: Donc, la consultation s'est faite auprès des exploitants, auprès des usagers, auprès des agriculteurs. Vous avez même touché les boisés privés.

M. LAROCHELLE: Et également les industries de sciage.

M. VINCENT: Et les industries de sciage. M. LAROCHELLE: Oui.

M. VINCENT: Et les compilations de cette consultation ont été remises au ministère des Terres et Forêts.

M. LAROCHELLE: C'est cela. Elles ont été remises au ministère des Terres et Forêts dans ce document.

M. VINCENT: Récemment ou... M. LAROCHELLE: En mars 1972.

M.VINCENT: Ah, bon! Est-ce qu'on pourrait en avoir des copies?

M. LAROCHELLE: Oui, je pense qu'on peut le faire.

M. VINCENT: C'est public?

M. LAROCHELLE: C'est public, assurément.

M. VINCENT: Je pose la question parce que M. Bédard mentionnait qu'il était très difficile d'avoir des renseignements sur nos richesses forestières au Québec. Est-ce que vous avez essayé d'obtenir au ministère des Terres et Forêts tous les renseignements qu'on y a? Si oui, quels étaient les principaux renseignements qu'il vous manquait?

M. LAROCHELLE: Je pourrais peut-être vous lire le paragraphe de l'étude technique qui précise cela.

M. VINCENT: Oui, j'allais en arriver là.

M. LAROCHELLE: Nous croyons que ce rapport donne une idée assez juste des problèmes de mise en valeur des ressources forestières de la rive sud et jusqu'à un certain point de l'ensemble du sud de la région administrative de Québec. Cependant, la collecte des statistiques nécessaires à cette étude a été longue et ardue du fait de l'hétérogénéité des unités de compilation des divers ministères concernés, de l'absence même de compilation pour une bonne partie de ces statistiques ou encore de la carence totale de renseignements pour certaines parties du territoire.

Compte tenu des données disponibles et du budget consacré à cette étude, nous avons dû travailler à divers niveaux de superficie qui seront décrits plus loin. Cela voulait dire, entre autres, que dans certains comtés où l'étude et la consultation ont été menées, l'inventaire forestier n'était même pas fait. Je dis l'inventaire des bois actuels, pas le potentiel, l'inventaire canadien des terres. C'est tout cela qui nous fait dire qu'il nous manque des données. On est donc obligé de procéder par extrapolation à certains endroits.

M. VINCENT: Vous parlez, dans votre communiqué, de rachat. Vous vous opposez au rachat de concessions parce que c'est déjà la propriété de la couronne. M. Bédard a fait une nuance il y a quelques instants en mentionnant que peut-être les cas particuliers devraient être analysés. Dans votre esprit, une compagnie — comme nous l'avons vu tout à l'heure — qui aurait construit sur une distance de 5,000 milles des routes carrossables et qui aurait établi l'amortissement de ses constructions sur une période de 30, 40 ou 50 ans — ou un particulier ou une organisation quelconque — devrait-elle recevoir une note de crédit du ministère des Terres et Forêts pour payer, à l'avenir, les contrats à long ou à moyen terme qu'elle pourrait avoir avec le ministère des Terres et Forêts?

Il est entendu qu'à ce moment-là le ministère ne rachète pas le terrain, mais quand on parle de compensation, c'est surtout pour des travaux d'infrastructure, c'est surtout pour des travaux d'aménagement ou même quelquefois pour des travaux de construction de bâtisses ou de barrages sur les terres de la couronne.

M. LAROCHELLE: Je vais tenter de répondre à cette question. Dans notre esprit, les compagnies qui ont fait de l'exploitation forestière pour faire marcher leurs usines se devaient, dans ce domaine-là comme dans d'autres cas... Une entreprise qui a besoin d'un service de livraison est obligée d'acheter des camions, et les camions sont effacés à un moment donné, par la dépréciation. On se dit qu'il fallait faire des chemins pour aller chercher le bois, que cela faisait partie de l'exploitation.

Si ces dépenses ont été complètement amorties, on ne voit pas pourquoi le gouvernement paierait pour. Le gouvernement a déjà payé

pour une bonne partie parce que cela a été compté contre les bénéfices de la société; il n'y a pas eu d'impôt payé là-dessus.

M. VINCENT: Je posais la question parce qu'on a appliqué un principe récemment en ce qui concerne la fermeture des paroisses marginales. On a fermé certaines paroisses dans le Bas-Saint-Laurent et on a payé des propriétaires privées — ce n'étaient pas des compagnies — pour des maisons, des routes, des constructions d'écoles qui avaient probablement déjà été amorties, mais en bon prince on a payé ces gens.

Est-ce qu'on doit établir deux critères, un critère pour les compagnies et un autre critère pour les particuliers? Je pense que c'est ce qui est difficile pour le gouvernement.

Quand il s'agit d'établir des critères, il faut bien se rendre compte que ces critères doivent être établis pour tout le monde. C'est un problème difficile; je ne tente pas de vous l'expliquer mais simplement de vous démontrer comment ça peut être difficile pour un gouvernement d'en arriver à établir des critères qui seraient justes et équitables pour tout le monde, que ce soit une compagnie ou un particulier.

M. BEDARD: Si vous voulez savoir quelle est notre approche devant ce problème, je dirais que vous opposez un exemple d'exploitation commerciale profitable à un problème purement social. Je me demande si on peut faire la comparaison entre les deux. Quand on ferme une paroisse parce que ce n'est plus vivable et qu'on est obligé de déplacer les citoyens, il est tout à fait justifié d'accorder des subventions pour faciliter le transfert de ces gens-là.

Je ne vois pas le problème de la même façon...

M. VINCENT: J'ajoute qu'on l'a fait dans les usines laitières, dans les abattoirs et, même à ce moment-là, on recevait des représentations des CRD nous demandant de...

M. BEDARD: Mais c'est toute la vie sociale d'une paroisse qui...

M. VINCENT: Economique également.

M. JACQUES: Il y a aussi une question sur laquelle nous nous sommes arrêtés. Si on paye des compensations aux gens, où est-ce que cet argent-là va aller? On éprouve sur le marché international, pour les pâtes et papiers, des difficultés actuellement; advenant qu'on fasse un rachat et qu'on donne de l'argent à ces gens-là qui iraient investir dans des pays qui deviendraient des concurrents...

M. VINCENT: Non, mais je parlais...

M. JACQUES: ... nous créerions notre propre concurrence.

M. VINCENT: Je parlais de notes de crédit. M. JACQUES: Mais...

M. VINCENT: C'est bien entendu, quand la Shawinigan a été achetée, on l'a payée comptant. Mais ici on parle de notes de crédit.

M. JACQUES: Là-dessus, on a discuté assez loin! En faisant une analyse, on pourrait essayer d'en venir à la meilleure des réalités possible, après que les opérations auraient été faites, par des calculs qui pourraient nous prouver si on leur doit de l'argent ou non.

M. VINCENT: M. le Président, j'aurais une question à poser à M. Bédard. On parle, à la page 5, de la mise en place de mécanismes régionaux. Dans l'esprit du CRD, combien de mois ou d'années devraient s'écouler pour permettre la mise en place de mécanismes régionaux bien structurés, bien rodés?

M. BEDARD: C'est une bonne question, je voudrais être capable...

M. VINCENT: J'essaye de faire la relation entre dix ans, cinq ans, parce que vous recommandez que les concessions forestières soient définitivement abolies sur une période de cinq ans. A un autre endroit dans le mémoire, vous dites: Il faut auparavant mettre sur pied des mécanismes régionaux bien structurés, bien rodés et prendre le temps qu'il faut. Il faudrait quand même savoir — et vous avez l'expérience des conférences administratives régionales — ce qu'il faut pour mettre en marche ces mécanismes régionaux. Combien de temps faut-il dans votre esprit pour mettre en place des mécanismes régionaux bien structurés, bien rodés?

M. BEDARD: C'est toute la notion de la participation qui entre en jeu ici. Quand on parle de cinq ans pour ce qui est du domaine forestier, c'est un secteur parmi plusieurs où on voit de la régionalisation. Quand on parle de cinq ans, c'est parce qu'il y a déjà un bon bout de chemin de fait dans la mise sur pied d'un organisme régional au sein du CRD pour jouer ce rôle de concertation, de participation, de collaboration avec le pouvoir, etc.

Pour ce qui est des terres et forêts, c'est un de nos objectifs de mettre cet organisme sur pied dans le cours de l'année, avec quatre autres au point de vue des conseils spécialisés.

M. VINCENT: Mais plus spécifiquement, à la page 5, vous dites: "Dabord, nous croyons qu'il serait souhaitable que la régionalisation soit très solidement engagée avant que le ministère ne décide, de façon définitive, des normes et des modèles d'organisation qui guideront la mise en place de tout l'appareil de gestion et même l'exploitation des forêts publiques."

Cela signifie qu'il faudrait nécessairement,

dans votre esprit, que ce mécanisme de régionalisation soit des plus solidement engagés avant d'enlever les concessions forestières, avant d'en arriver à une autre forme de tenure.

D'après l'expérience que vous avez au niveau régional, cela peut prendre combien de temps en mois et même en années avant que ce mécanisme soit réellement et solidement engagé?

M. BEDARD: Pour ce qui est des forêts, on peut le faire cette année. Le travail est commencé. On pense pouvoir mettre ça sur pied cette année.

M.VINCENT: Au niveau de la consultation! Mais au niveau de l'éxécution, c'est-à-dire au niveau de toute la politique du ministère des Terres et Forêts?

M. BEDARD: Ce qu'on entend par l'implantation d'un mécanisme régional, c'est que les gens impliqués dans le domaine de la forêt au niveau de la région soient déjà organisés entre eux au sein d'un conseil spécialisé pour pouvoir participer de près. Il ne faut pas que toutes les structures et normes soient d'abord imposées avant qu'eux puissent y participer. C'est ce que j'ai dit tout à l'heure. Je pense que c'est une garantie de succès d'avoir la plus grande participation possible au moment de la mise en place des prises de décision, des normes et de toute la politique qui s'annonce.

M. LAROCHELLE: Pour répondre peut-être plus précisément à votre question, en boutade, je pourrais dire qu'il aurait fallu que ce soit mis sur pied hier. Pour nous, du CRD de Québec, au niveau du mécanisme de régionalisation et de la conférence administrative, par la suite — parce qu'on sait bien que cela ne peut se mettre sur pied avant un minimum de trois ans en ce qui concerne la conférence administrative régionale — en ce qui concerne le ministère des Terres et Forêts, c'est déjà commencé. On voudrait que le pouvoir politique se prononce, car c'est lui qui décide, en fin de compte, si on s'embarque dans ce processus et à quel rythme on s'y embarque. Pour nous, on dit qu'il faudrait que ce soit fait le plus rapidement possible. Il reste que c'est une décision purement administrative de dire, au ministère, qu'on accélère ou non le processus de régionalisation.

M. VINCENT: Vous avez dit en boutade: Il aurait fallu que cela se fasse hier. Je pourrais dire en boutade: Si mon grand-père avait eu la voiture que nous avons en 1972, il n'aurait pas conduit une Ford à pédales.

J'ai une dernière question — j'avais d'autres questions, mais vous y avez répondu en répondant au député de Charlevoix — plus spécialement en ce qui concerne la Régie des produits forestiers. Vous vous opposez à la création d'une Régie des produits forestiers du Québec en disant: Si nous regardons les difficultés qu'éprouvent les collectivités locales à faire valoir leur point de vue devant celles qui existent déjà. Vous savez que, déjà, l'Office des producteurs de bois a affaire très souvent à la Régie des marchés agricoles. Ma question est bien spécifique: Est-ce qu'il y a, dans votre milieu, des plaintes — naturellement, il y en a toujours — formelles et de façon constante à l'endroit du fonctionnement de la Régie des marchés agricoles en ce qui concerne les produits forestiers?

M. LAROCHELLE: A ma connaissance personnelle, face à la possibilité de s'exprimer devant la Régie des marchés, nous n'avons pas eu de plaintes. Par contre, face à d'autres régies, il devient difficile, pour des collectivités locales ne possédant pas de moyens financiers et techniques, d'avoir autant de poids ou d'exprimer un point de vue aussi important que d'autres qui, eux, ont les moyens de le faire.

M. VINCENT: Vous recommanderiez donc un genre d'avocat populaire qui pourrait, à l'intérieur des régies, faire le point pour ces personnes?

M. LAROCHELLE: Ce pourrait être quelque chose de semblable.

M. VINCENT: Je dis cela comme ça.

M. LAROCHELLE: Nous le précisons dans notre document: "On pourrait penser aussi que l'instrument qui encadrera la régionalisation devrait avoir les moyens d'assister techniquement ceux qui en manqueraient pour revendiquer leurs droits."

M. VINCENT: Ce serait seulement dans des cas très particuliers parce que les producteurs de bois, aujourd'hui, d'une part, peuvent être assistés par l'organisme central les organisations ouvrières peuvent être assistées par l'organisme central; la même chose pour les compagnies, pour les conseils de comté, les villes.

M. LAROCHELLE: Les chantiers coopératifs, dans un milieu donné, peut-être qu'ils n'ont pas les moyens de s'exprimer aussi facilement que l'UCC ou d'autres.

M. VINCENT: Oui, mais je pense qu'il vaudrait mieux que ces gens se regroupent, comme l'UCC, ou l'UPA maintenant, groupe les offres de producteurs, les chantiers forestiers.

M. LAROCHELLE: Nous, du CRD, nous nous rapprocherions beaucoup plus de votre suggestion d'avocats populaires, si on la prend comme exemple.

M. JACQUES: C'est également la raison pour laquelle on préconise la mise sur pied de

conseils spécialisés qui pourraient permettre à ces gens de venir s'exprimer à l'intérieur d'un conseil spécialisé et de recevoir également l'assistance technique et d'acheminer leurs revendications, même devant une régie.

M. VINCENT: Si je remarque bien, devant la commission parlementaire, chaque organisme, chaque groupe, même des individus sont venus. Ils n'ont pas eu besoin de l'assistance d'avocats populaires et ont fait un très beau travail. En ce qui me concerne, je remercie les représentants du CRD.

M. BEDARD: Je voudrais simplement souligner que le ministre a semblé dire qu'on s'opposait à une régie des produits forestiers, je ne sais pas si cela s'appelle la régie, mais à l'équivalent de la régie des marchés. On ne s'oppose pas, on dit simplement qu'on a des réserves.

M. VINCENT: Le député de Nicolet? L'ex-ministre! excusez! Je n'ai pas changé de gouvernement.

M. BEDARD: Une autre promotion avant le temps.

M. VINCENT: Merci pour avant le temps.

M. BEDARD: Je voulais simplement dire qu'on ne s'oppose pas carrément à cet organisme. Tout simplement, on a des réserves et la réserve s'exprime par le fait que, d'après d'autres expériences vécues ailleurs, il y a des groupements locaux qui ont de la misère à rendre leurs revendications jusqu'à la régie.

M. VINCENT: Merci, M. Bédard.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lotbinière.

M. BELAND: Je désire aussi féliciter le groupement pour son mémoire. Il y a une certaine quantité d'éléments à l'intérieur qu'on peut accepter. Mais sur d'autres, je me pose de sérieuses questions. Enfin, c'est pour ça que nous sommes ici, poser des questions.

Vous énumérez une certaine quantité de choses en pages 8 et 9. Cela m'amène à une question bien spécifique. Dans quelle proportion l'Etat doit-il être présent dans la gestion générale de l'ensemble de la richesse que peut représenter la forêt?

M. BEDARD: Pour répondre généralement à la question générale que vous posez, comme je la comprends, l'Etat représente la population, doit être présent et exercer son pouvoir sur tous les biens qui appartiennent à la population, forêt, richesses du sous-sol; dans tous ces domaines, l'Etat doit être présent.

M. BELAND: Pour vous ramener au texte même, plus précisément à la troisième ligne, page 9, vous indiquez que de plus cela permettrait à l'Etat de n'être pas absent dans la gestion générale de l'ensemble de la richesse que représente la forêt. Je vous fais grâce de relire ce qui précède mais, dans mon pauvre petit esprit, n'être pas absent, c'est peut-être être présent à 5 p.c.

M. BEDARD: Selon nous, c'est l'Etat qui doit avoir les pouvoirs de gestion sur ces richesses. Je ne sais pas si on pourrait aller jusqu'à 100 p.c. mais, en tout cas, un pourcentage plus fort que 5 p.c. Il exerce ce pouvoir par délégation, comme dans le cas de l'Hydro, comme dans le cas des accidents du travail ou dans d'autres domaines.

M. BELAND: Je vous remercie pour la précision, parce que cela m'imquiétait fortement.

Si on va un peu plus loin, en page 10, à l'avant-dernier paragraphe, vous dites: Nous reconnaissons qu'en dernière analyse, l'Etat, par son ministère, assume toute la responsabilité de la chose publique. Antérieurement, dans l'agencement de la phrase, il me semble que vous désirez une espèce de pouvoir parallèle où les députés seraient simplement appelés à accepter les décision que vous auriez prises lors de vos assemblées dites consultatives en relation avec les autres corps organisés du secteur donné.

Pourriez-vous préciser davantage ce point-là?

M. BEDARD: Ce n'est pas une transmission du pouvoir que nous disons. Nous disons que les personnes impliquées, dans la population, dans certains secteurs, devraient avoir un moyen de participer aux décisions; participer aux décisions ce n'est pas les imposer. Elles ne devraient pas recevoir une décision et après cela s'en accommoder. Est-ce que cela répond à votre question?

M. BELAND: Oui. J'ai lu votre document à quelques reprises, alors je comprends le sens dans lequel vous le dites présentement.

M. JACQUES: Est-ce qu'il y a moyen de préciser?

M. BELAND: S'il y a d'autres précisions, j'aime encore mieux.

M. JACQUES: Il faut bien se rappeler que les CRD n'ont pas de pouvoir exécutoire. La seule chose que les CRD peuvent faire c'est de la consultation et de tenter de dégager des consensus pour en arriver à éclairer des décisions. Jamais les CRD n'auront de pouvoir exécutoire. Ce rôle de consultation on veut également le jouer avec les représentants élus à l'Assemblée nationale au Québec, afin d'aider et de diriger les décisions.

M. BELAND: Cela donne une réponse, une

optique. Afin de préciser davantage les questions de ceux qui m'ont précédé, j'aimerais savoir ce que vous pensez du système de mise en marché actuel par les offices et syndicats de producteurs de bois, compte tenu du fait qu'il y a un amalgame de tout cela qui entre en ligne de compte. Vous laissez entendre qu'il manque encore quelque chose. Sur cet aspect bien précis, sur le système présent de mise en marché des bois provenant des lots boisés privés par les offices et syndicats de producteurs de bois, quelle est votre opinion?

M. LAROCHELLE: En ce qui concerne le mécanisme actuel des offices de producteurs de bois face aux compagnies et où la régie joue le rôle d'arbitre, pour le CRD il n'y a pas d'opposition et d'ailleurs il ne semble pas y en avoir. Mais ce document se situe face à la chose publique; il concerne les terrains publics, tandis qu'une régie ou un office de producteurs de bois c'est surtout pour les terrains privés. Or face à la négociation qu'il y a actuellement on pense, et on nous l'a répété, que le mécanisme semble bon, en ce qui concerne les forêts privées et les offices de producteurs.

M. BELAND: Je fais vite parce que nous avons d'autres mémoires à entendre. En pages 13 et 14 vous parlez beaucoup de la nécessité de stimuler peut-être les personnes qui ont à travailler dans différents domaines. Vous parlez de main-d'oeuvre motivée, compétente et le reste. Vous avez fait tantôt allusion à la différence qui pourrait exister entre l'Hydro-Québec et les compagnies telles qu'elles existaient avant dans ce domaine. Est-ce que vous avez connu, d'après votre expérience, des entreprises d'Etat ou partiellement contrôlées par l'Etat où on pouvait trouver des travaillants plus motivés que dans les entreprises privées?

M. BEDARD: C'est une question assez générale. Je vous donne mon expérience personnelle. J'ai été 25 ans dans l'entreprise privée.

Avant ça j'avais été une dizaine d'années dans le fonctionnarisme, et j'ai trouvé aux deux endroits des gens aussi motivés à leur travail. Je ne vois pas pourquoi quelqu'un qui est compétent dans sa discipline ne sera pas un aussi bon fonctionnaire dans une entreprise publique ou parapublique que dans une entreprise privée. Je ne vois aucune espèce de raison à ça.

M. BELAND: Je ne veux pas ici faire une remarque générale à l'effet qu'une personne quittant l'entreprise privée pour le fonctionnarisme automatiquement devienne moins motivée. Absolument pas, parce que justement j'ai des idées bien précises là-dessus, à savoir qu'il reste une certaine quantité de gens, peu importe l'endroit où ils travaillent, qui vont rester motivés. Et ça existe dans la forêt, dans certaines entreprises connexes à la forêt où on essaie de placer les employés à forfait ou à un certain salaire de base et à tant la pièce, etc., afin de les motiver, de les stimuler, ce qui n'existe généralement pas dans les entreprises dites d'Etat ou paragouvernementales. C'est pour ça que je vous pose la question.

Vous faites grand état ici d'un alliage. Et remarquez que je ne suis pas contre l'alliage suivant, à savoir que l'on doit davantage s'occuper de la récréation par la forêt, etc. C'est entendu. Mais par qui vont être payées les personnes qui vont travailler sous l'égide d'un comité régional ou consultatif de développement? Est-ce que les fonds vont provenir directement de l'Etat? Ou, étant donné que vous avez fait état qu'il y ait une possibilité que vous serviez d'avocat populaire, dans certains cas, pour défendre des minorités, est-ce qu'il va y avoir une demande spécifique pour un remboursement à la pièce? Ou si c'est complètement à la charge de l'Etat?

M. BEDARD: Je ne sais pas si je comprends très bien votre question. Vous avez fait entrer la notion des conseils spécialisés que nous voulons mettre sur pied. Vous avez semblé mettre en cause leur financement, etc. Les conseils spécialisés seront composés d'organismes intéressés au secteur prévu pour le conseil, et devront s'autofinancer. Et parce que c'est un processus qui est dans le sens de la participation qui a été prêchée depuis plusieurs années, je ne verrais pas d'objection à ce qu'il y ait des subventions d'appoint. Mais pour ce qui est du financement des conseils spécialisés, nous nous attendons à ce qu'ils puissent s'autofinancer pour ce qui est de leur existence.

C'est une partie de la question que vous avez posée. Pourriez-vous préciser l'autre partie?

M. BELAND: Vous prônez en quelque sorte qu'il y ait des conseils économiques régionaux répartis à travers toute la province pour tâcher qu'il y ait un organisme bien spécifique qui s'occupe de la consultation populaire et une participation au pouvoir de décision. Vous incluez une certaine quantité d'éléments. Je ne les énumérerai pas tous, je ne me les rappelle pas tous.

Mais vous amenez tellement d'éléments à l'intérieur de tous ces conseils régionaux, à un moment ou l'autre, qu'il va falloir qu'il y ait beaucoup plus de personnes qui soient permanentes aux conseils économiques. Vous ne vivez certainement pas d'amour et d'eau fraîche. C'est pour ça que je vous pose la question.

M. BEDARD: Les conseils régionaux de développement sont en place. Il y en a dans les dix régions de la province. Il y a seulement la région du centre de Montréal qui n'est pas encore organisée. Actuellement, les conseils régionaux sont le pendant ou le correspondant de l'OPDQ et nous recevons des subventions à cette fin. Il y a un budget à l'OPDQ pour les CRD. Mais, dans notre constitution, comme

CRD-Québec ici, nous prévoyons comme membres des sous-conseils économiques sous-régionaux comme le Conseil de développement de la rive sud, le Conseil de développement du Québec métropolitain, il y en a déjà quatre qui couvrent à peu près la région. Et on voit aussi à l'intérieur du CRD des conseils spécialisés et des organismes qu'on a appelés multisectoriels, qui sont des organismes comme l'UCC, qui sont actifs dans plusieurs secteurs, les centrales syndicales, le patronat, etc. Alors, il y a des cotisations de prévues au CRD par tous ces organismes comme membres du CRD. Est-ce que cela répond à votre question?

M. BELAND: Oui. Concernant plus précisément ce qu'il y a à l'intérieur du tome Il du livre blanc des Terres et Forêts, que pensez-vous des associations régionales des sylviculteurs?

M. BEDARD: Je ne suis pas spécialiste dans cela.

M. BELAND: Il n'y a pas tellement de choses de précisées à l'intérieur de votre document à ce sujet-là.

M. BEDARD: En ce qui concerne les associations régionales de sylviculteurs, nous avons parlé un peu tantôt des groupements forestiers, qui sont une autre formule. Cela pourrait être simplement une association réunissant ces groupes, si on peut parler en termes de groupes.

Selon nous, les associations régionales de sylviculteurs, c'est une formule qui devrait être appliquée en transformant l'Office des producteurs de bois déjà existant. Il y aurait peut-être des réserves du fait que le principal rôle de l'office est de négocier et exclusivement, actuellement, en tout cas, dans la région de Québec, au niveau des résineux, mais cela serait surtout une association qui réunirait des groupes de sylviculteurs au niveau de sept, huit, dix ou douze municipalités et qui se motiveraient pour exploiter en commun leurs boisés.

M. BELAND: Il me reste une question. Compte tenu de votre explication, les associations régionales de sylviculteurs, c'est bien beau, mais si on retombe les pieds complètement sur terre, il y a quand même peut-être sept ou huit sylviculteurs dans certaines paroisses, dans d'autres il n'y en a pas du tout. C'est plutôt de l'agriculture où il y a quelque peu d'apport de la forêt. A ce moment-là, de quelle façon voyez-vous cela? Vous allez regrouper, parce qu'il en a été question, quand une compagnie ce matin a dit que si c'est inclus dans l'agriculture, il ne faudrait pas l'inclure dans l'association des sylvitulteurs. Votre point de vue est de savoir comment faire pour que tous les producteurs sur lots boisés privés soient inclus dans le système. Parce que si on en sort quelques éléments — les éléments où il y a possibilité de sortir peut-être le plus de bois — tous les autres, les petits, contraitement à ce que vous disiez tantôt, seraient drôlement en minorité et non protégés.

M. BEDARD: Selon nous, cultiver la forêt est un métier aussi important que cultiver des légumes. C'est une culture que nous considérons comme une profession et, compte tenu de la région de Québec, qui est composée de terres agricoles et forestières, nous ne verrions pas pourquoi séparer ces deux entités, malgré que l'on a préconisé ce matin de séparer nettement l'un et l'autre. Cela n'a aucun rapport, dans la région de Québec en tout cas. Quand on parle d'associations régionales des sylviculteurs, la question que vous vous êtes posée, à savoir ce qu'est un sylviculteur exactement, nous nous la sommes aussi posée et nous nous sommes dit: Un sylviculteur est peut-être une personne qui possède quinze acres de forêt et 50 acres de terre faite, si je peux m'exprimer ainsi. Il s'agira de déterminer ce qu'est exactement un sylviculteur Selon nous, c'est aussi cela, c'est aussi une personne qui possède un petit terrain cultivé en terre faite et une forêt.

M. BELAND: Mais quand vous parlez de sylviculture, vous incluez la possibilité d'un aménagement également sur les lots de la couronne.

M. BEDARD: Oui.

M. BELAND: C'étaient mes dernières questions, M. le Président.

M. LE PRESIDENT (Carpentier): Au nom de la commission, je remercie les membres qui ont présenté ce mémoire.

Après consultation, nous devons changer l'ordre chronologique pour la réception des mémoires. J'inviterais à l'instant même l'Association des fabricants de meubles du Québec représentée par M. Gilles Martin, directeur général, à présenter son mémoire.

Association des fabricants de meubles du Québec

M. MARTIN: J'aimerais, en premier lieu, remercier les membres de la Consolidated Bathurst d'avoir bien voulu nous laisser présenter notre mémoire. J'aimerais aussi présenter les membres de notre délégation: à ma gauche, M. Clément Cantin, qui a été acheteur pendant une vingtaine d'années pour Victoriaville Furniture, et M. Lucien Arcand, également de Victoriaville Furniture, qui est aussi propriétaire de Victoriaville Specialty et de Victoriaville Upholstery, à ma droite, M. Guy Laflamme, de Sainte-Croix-de-Lotbinière, qui est dans le meuble imprimé, et M. Paul Falcon, de la compagnie Casavant de Saint-Hyacinthe.

Nous avons ici des manufacturiers de bois qui se servent de planches de bois solides,

comme M. Casavant, du meuble imprimé, contreplaqué. Je crois que nous représentons assez bien l'industrie du meuble. J'aimerais maintenant, si vous me le permettez, lire le mémoire que nous avons préparé à votre intention.

M. LE PRESIDENT: Voulez-vous présenter celui qui a la parole?

M. MARTIN: Excusez-moi. Mon nom est Gilles Martin et je suis directeur général de l'Association des fabricants de meubles du Québec.

Dans l'introduction du mémoire vous trouverez quelques remarques préliminaires sur l'industrie du meuble au Québec. L'industrie emploie directement plus de 20,000 personnes. L'industrie de fabrication du meuble est l'une des seules industries canadiennes qui soit presque exclusivement la propriété de Canadiens et qui soit régie par eux. La fabrication du meuble est considérée comme l'une des principales industries pour ce qui est du contenu de la main-d'oeuvre. Un grand nombre de manufacturiers sont installés dans des centres industriels plus petits et dans certains cas sont les seules entreprises de quelque importance dans leur municipalité. Leur apport à l'embauche et à l'économie de leur région respective est donc très appréciable.

L'industrie n'a cessé de progresser depuis les dix dernières années. En général, les compagnies ont investi dans le développement de la technologie. Finalement, l'industrie du meuble au Québec est axée sur les produits de bois. Par exemple, en 1968, le Québec fournissait 72.2 p.c. des mobiliers de chambre à coucher au Canada contre 21.9 p.c. pour l'Ontario. Quant au mobilier de bureau en bois, le Québec produit 73.6 p.c. contre 21.3 p.c. en Ontario. Par contre quant au meuble en métal, le Québec produit 14.1 p.c. contre 85 p.c. en Ontario. De là l'urgence de fournir aux manufacturiers québécois la matière première pour produire leurs meubles et cela à un prix compétitif.

Voici maintenant la situation telle que nous la voyons. Les fabricants de meubles du Québec ont un urgent besoin de bois d'oeuvre dur. L'inventaire moyen de bois dur des plus importants fabricants baisse dangereusement. Les fabricants doivent souvent accepter du bois de catégories ne correspondant pas à leurs besoins. Ceci a pour effet de réduire considérablement leur marge de profit si l'on considère qu'à qualité égale le prix du bois dur a augmenté de plus de 20 p.c. dans les derniers 12 mois.

A cause de la pénurie de bois dans certaines catégories, plusieurs compagnies vont acheter en Asie les pièces composantes dont elles ont besoin. Elles achètent, par exemple, des côtés de tiroirs en lauan qu'elles font fabriquer à Taiwan et ceci, à un prix à peu près égal à ce qu'elles payaient auparavant au Québec.

Comme résultat, il y a une diminution de main-d'oeuvre pour leurs meubles fabriqués au Québec. Certaines compagnies prévoyaient prendre de l'expansion, soit en agrandissant ou en installant des équipes de nuit, mais se voient dans l'impossibilité de le faire faute de bois. Lors du dernier salon du meuble de Toronto, en janvier 1972, plusieurs fabricants ont dû refuser des commandes importantes, entre autres à des clients américains, ne pouvant garantir leurs livraisons à cause de la difficulté d'approvisionnement.

Parlons maintenant des besoins. Les besoins annuels en bois d'oeuvre des fabricants de meubles québécois sont d'environ 100,000,000 de pieds mesure de planche. L'érable, 25 p.c; le merisier, 65 p.c. Les qualités les plus en demande sont le 1 et 2 communs et les épaisseurs sont 4/4, 5/4, 6/4 et 8/4 pouce.

L'Association des fabricants de meubles, ainsi que les fabricants qu'elle représente ici est consciente qu'il relève de la responsabilité de son gouvernement de protéger nos richesses naturelles, de les utiliser le plus rationnellement et de la façon la plus rentable pour la société québécoise. Toutefois, elle est aussi convaincue qu'une solution immédiate peut être apportée par le ministère de l'Industrie et du Commerce et le ministère des Terres et Forêts pour régler ce problème urgent.

Solutions. Nous proposons à cet effet les solutions suivantes qui doivent régler ce problème d'approvisionnement à court terme : 1-Que les scieries soient obligées d'offrir leur bois en premier choix aux industries de transformation locales; 2-Que le ministère des Terres et Forêts élargisse temporairement les droits de coupe. Si cette action avait pour effet de mettre en danger les approvisionnements futurs, un travail de recherche pourrait être entrepris pour trouver des substituts. 3-Que le nom des scieries qui ne respectent pas leurs contrats soit porté à l'attention du ministère. Nous savons, par exemple, que les scieries canadiennes vendent pour 100,000,000 de pieds mesure de planche aux Etats-Unis à gros prix. Le bois ainsi exporté représente environ .03 d'heure-pied de travail par rapport à 0.17 heure-pied lorsqu'il est utilisé pour la fabrication du meuble par la main-d'oeuvre québécoise. 4-Une autre solution à très court terme serait d'inciter les fermiers à fournir aux scieries de leur région les essences dont nous avons besoin. Ceci, cependant, nécessiterait une coordination et un contrôle très étroit de la part des ministères concernés. Afin de planifier à plus long terme, il faudrait aussi considérer les aspects suivants: 5-La création d'un comité interindustriel pour renseigner les fournisseurs et le gouvernement sur les besoins du secteur meuble et ce, à un prix permettant à cette importante industrie non seulement de survivre, mais de grossir. 6-Que soit établie une politique rationnelle de nos ressources en bois et, si besoin est, qu'un embargo soit décrété sur les essences qui sont utilisées par les industries secondaires.

Un regard rapide sur les statistiques ci-jointes nous permet de réaliser que l'industrie québécoise du meuble consomme à elle seule plus de la moitié de la production de bois dur du Québec et le tiers de la production canadienne. Par contre, les exportations canadiennes de bois dur égalent à peu près notre consommation. 7-Que les manufacturiers de meubles, par leur association, puissent obtenir des garanties d'approvisionnement des essences nécessaires selon leurs besoins présents et futurs. 8-La politique de reboisement du ministère devra tenir compte de la demande grandissante, en particulier de bois franc, pour cette importante industrie secondaire.

A l'aide du présent mémoire, nous espérons que le ministère des Terres et Forêts, conjointement avec les autres ministères concernés, pourra apporter des solutions, tant à court terme qu'à long terme, de façon à éviter un contrecoup qui pourrait être néfaste à cet important secteur de l'économie québécoise.

Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Terres et Forêts.

M. DRUMMOND: Merci, M. Martin, d'être venu ici, cet après-midi, pour nous donner un exposé des problèmes auxquels votre industrie doit faire face.

Avant de poser mes questions, je veux dire qu'actuellement, le ministère de l'Industrie et du Commerce, de concert avec le ministère des Terres et Forêts, étudie l'ampleur des problèmes, mais on va vous convoquer plus tard aussi pour discuter certaines modalités ou rechercher avec vous certaines solutions à long terme, à vos problèmes.

Maintenant, le député du Lac-Saint-Jean aurait des questions à poser de notre part.

M. PILOTE: M. Martin, quel est le nombre, selon vous, de fabricants de meubles du Québec qui font partie de votre association?

M. MARTIN: Il y a cent quarante manufacturiers qui font partie de notre association, ce qui représente de quinze à vingt pour cent du nombre de manufacturiers puisqu'il y a beaucoup de compagnies considérées manufacturières avec deux ou trois employés seulement. Mais si vous regardez au point de vue de la valeur de la production, nos manufacturiers membres représentent 80 p.c. de la valeur de la production de meubles faits au Québec.

M. PILOTE : Vous avez dit tout à l'heure que l'ensemble de l'industrie du meuble employait environ dix mille personnes, si ma mémoire est bonne.

M. MARTIN: Vingt mille.

M. PILOTE: Vingt mille personnes. Mainte- nant, aujourd'hui, en septembre 1972, est-ce que les problèmes que vous soulevez dans votre mémoire sont exactement ceux que vous aviez en 1971, ou 1970 ou est-ce qu'il y a eu une amélioration?

M. MARTIN: Est-ce que je pourrais demander à M. Arcand de répondre?

M. ARCAND: M. le Président, il y a un an et demi, deux ans, au cours de la récession économique, nous, de l'industrie du meuble, et un peu partout aussi, avions un inventaire assez important dans nos cours à bois ainsi que des scieries. Mais aujourd'hui, nous constatons qu'avec les activités de la construction, reprises depuis un an et demi, les inventaires des manufacturiers de meubles sont pratiquement inexistants et les scieries attendent les billots pour les scier.

Comme exemple, je pourrais mentionner notre cas personnel. Nous avons une capacité de séchage d'environ 175,000 pieds par semaine et, au mois d'août, lorsque nous sommes partis pour l'exposition, nous avions 12,000 pieds de 4/4 verts à entrer dans nos chaufferies. C'est dire que notre acheteur doit solliciter de part et d'autre, à n'importe quel prix et à n'importe quelle sorte de grade, pour pouvoir faire fonctionner nos chaufferies, pour maintenir la main-d'oeuvre et pour pouvoir remplir les commandes. La situation à l'heure actuelle est empirée parce que la demande de meubles est grande. Je crois que, lorsque la manne passe, il faut la prendre. Les gouvernements ont fait leur possible pour augmenter la construction. La construction, quand elle marche, tout marche. C'est le résultat, le rebondissement qu'on a de ce que le gouvernement a fait pour l'économie du pays dans le domaine de la construction.

M. PILOTE: Mais ici, il y a quand même un problème d'échange américain. On dit que les Américains paient plus cher pour le bois québécois que les industries québécoises peuvent payer, pour une même qualité de bois. Quelles sont les raisons par lesquelles vous expliqueriez ce phénomène?

M. ARCAND: A l'heure actuelle, le rapport mentionne 20 p.c. Mais il faut dire que pour pouvoir obtenir assez de bois, nous sommes obligés d'acheter des qualités que nous n'avions pas l'habitude d'acheter. Lorsqu'on achetait un pourcentage de 50 p.c-60 p.c. de deux communs et d'un commun, à l'heure actuelle, on est obligé de prendre toute la livraison de billots pour pouvoir satisfaire aux exigences, ce qui augmente d'une manière effarante le coût de la matière première dans le domaine du bois.

D'ailleurs, j'ai ici les statistiques qui ont été compilées. En ce qui nous concerne, nous avons l'augmentation comparative avec les achats que nous faisions il y a un certain temps. On payait, en 1971, du 2 commun, $125 pour le 4/4, et $140, $145, $160 pour les 5/4, 6/4 et 8/4, et

nous sommes rendus à payer, pour la même essence de bois, $175, $185, $190 et $200. Ce qui veut dire environ 65 p.c. à 70 p.c. de plus pour le même degré.

M. PILOTE: Est-ce que cette raison d'augmentation du prix d'achat du bois n'est pas un pourcentage de profit qui irait aux courtiers? Est-ce que vous préférez acheter du propriétaire, du coupeur de bois lui-même ou si vous préférez passer par le courtier?

M. MARTIN: Présentement, il faut accepter le fait que l'industrie du meuble, avec le nombre de manufacturiers, n'a pas toujours travaillé en étroite coopération. Il y avait des manufacturiers qui allaient chercher le bois où ils pouvaient le trouver. Le mémoire qu'on a présenté, je pourrais revenir à votre question tout à l'heure, démontre, c'est notre façon de voir les choses, qu'on est mal pris en fait d'approvisionnement de matière première. On s'aperçoit qu'aux Etats-Unis et au Canada, la demande de meubles va être très forte dans les années qui viennent. Dans les six prochaines années, on s'attend, aux Etats-Unis, de doubler la capacité de production des manufacturiers américains. On ressent la même chose ici. Avec le ministère de l'Industrie et du Commerce, on a ouvert de nouveaux marchés pour le meuble.

Le Québec est reconnu, au Canada — on l'a mentionné dans le mémoire — comme la meilleure province pour faire du mobilier de bois. Nous avons ici une étude, qui a été compilée par le gouvernement ontarien, qui prouve la force du Québec dans ce domaine. Maintenant nous sommes dans une position où on sait que la capacité de production de nos gens va pouvoir répondre à la demande, grossir notre rendement. Le marché va être là. On est en train de développer de nouveaux marchés, mais il faut pouvoir compter sur la matière première et spécialement sur le bois. Sans ça, on ne peut pas répondre à la demande.

M. PILOTE: Cela ne répond pas à la question que je vous ai posée. Est-ce que vous préférez négocier avec le producteur de bois d'oeuvre directement ou si vous préférez négocier avec les courtiers? Est-ce que le fait de négocier avec les courtiers a une influence sur la quantité disponible de bois et sur les prix du même bois?

M. LAFLAMME: Disons qu'en tant qu'industrie, on préfère négocier directement avec les scieries.

Evidemment il y a des scieries qui négocient directement avec les manufacturiers, dont nous sommes et probablement d'autres. Il y a également d'autres petites scieries qui sont beaucoup plus petites que d'autres et qui, question de financement ou beaucoup d'autres raisons, vendent leurs coupes en entier à des courtiers lesquels les distribuent suivant leur bon vouloir.

Ces courtiers sont en affaires comme tout le monde et vont être portés à vendre au plus offrant. Le marché américain, étant en pleine expansion, de même que le marché japonais, qui a fait des siennes pendant un bout de temps, maintenant ça semble arrêté, pouvaient se permettre d'acheter le bois des courtiers à des prix tout à fait fantastiques.

Alors, devant la montée en flèche des prix — ce n'est pas une cachette, les prix du bois ont monté d'environ 50 p.c. dans notre cas — il va sans dire que nos coûts de production sont affectés. Il faut tout de même penser qu'on demeure dans un marché compétitif et qu'il est assez difficile pour nous de faire face à la compétition devant des augmentations semblables.

De plus, le meuble canadien est en très forte demande. Egalement, avec le ministère de l'Industrie et du Commerce, tant provincial que fédéral, nous avons développé un marché d'exportation. Notre usine produit à l'heure actuelle 1,200 mobiliers de chambre à coucher par semaine. Nous aurions la possibilité d'en produire 1,500, mais nous n'avons pas la matière première pour le faire. Nous aurions les facilités de production, la main-d'oeuvre serait disponible, mais faute de bois nous ne pouvons pas nous le permettre. A l'heure actuelle, nos inventaires sont d'environ quatre semaines. Alors, si on augmente la production, cela va prendre plus de bois et nos inventaires vont tomber à deux ou trois semaines. A ce moment-là, c'est tellement marginal que nous ne pouvons même pas nous permettre de penser faire de l'expansion.

M. PILOTE : Vous voulez dire que dans votre alimentation il y a un problème de prix si cela...

M. LAFLAMME: Un problème de prix... M. PILOTE: Et un problème de quantité.

M. LAFLAMME: ... et un problème de quantité.

M. PILOTE: Pour ma part les questions sont terminées.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Nicolet.

M. VINCENT: M. le Président, je voudrais d'abord remercier l'association d'avoir présenté ce mémoire. En ce qui me concerne, je crois bien que nous sommes plus particulièrement touchés dans le centre du Québec par l'industrie du meuble qui emploie des milliers de personnes, soit un total de 20,000 personnes dans la province. Nous avons été très heureux d'apprendre du ministre que très prochainement il y aurait une rencontre au niveau de l'association, des ministères de l'Industrie et du Commerce et des Terres et Forêts pour trouver une façon de

planifier encore mieux l'approvisionnement des années et des mois à venir.

Avant de parler du fond du mémoire, dans l'introduction vous donnez des exemples. En 1968, le Québec fournissait 72.2 p.c. des mobiliers de chambre à coucher au Canada contre 21.9 p.c... et en 1968, dans tout ce qui concerne le mobilier de bois, on est toujours à 70 p.c, 72 p.c. Est-ce que ces chiffres sont encore les mêmes en 1972?

M. MARTIN: Oui.

M. VINCENT: Sinon à peu près les mêmes.

M. MARTIN: Je lisais les statistiques, qui ont été prises dans une étude du gouvernement ontarien. Pour votre information, en 1900, l'Ontario produisait 80 p.c. du mobilier de bois. C'est une industrie qui date d'assez loin. En 1950, cela avait baissé à 50 p.c. et maintenant, avec le dynamisme de certains manufacturiers au Québec, nous avons dépassé l'Ontario, nous spécialisant surtout dans le bois.

M. VINCENT: Est-ce que l'Ontario a ce faible pourcentage à cause d'un manque d'approvisionnement?

M. ARCAND: Je ne crois pas.

M. MARTIN: Je pense que l'Ontario n'a pas su répondre à la demande des marchés. Après la seconde guerre mondiale, il y avait un besoin de meubles à bon marché. Plusieurs manufacturiers de meubles du Québec sont issus des scieries. Les types, de là, se sont lancés dans le meuble.

M. VINCENT: En ce qui concerne le meuble en métal, on voit que le Québec ne produit que 14.1 p.c. et l'Ontario 85.1 p.c. C'est simplement une observation. N'y aurait-il pas lieu qu'immédiatement votre association, avec le ministère de l'Industrie et du Commerce, fasse une étude encore plus exhaustive de ce marché qu'est le meuble de métal? En ne laissant pas de côté le meuble de bois, nous pourrions greffer à certaines de nos industries québécoises une spécialité dans le meuble de métal pour qu'un jour nous puissions donner autant d'emplois dans le meuble de métal que nous en donnons dans le meuble de bois.

M. MARTIN: Le meuble de métal se situe à deux niveaux: le mobilier de bureau et ce qu'on appelle les "dînettes", les ensembles de cuisine. L'Ontario est très forte là-dedans. Elle a plus d'industries primaires de métal que nous en avons ici.

Il faudrait que je vous dise que depuis quelques années, si vous remarquez dans les complexes G et H, le mobilier qui a pris de l'ampleur est le mobilier de bois. Aux Etats-Unis, les manufacturiers du Québec, pour le mobilier de bureau des compagnies assez sophis- tiquées, trouvent de très forts débouchés. Les manufacturiers de meubles de métal végètent, parce qu'il y a assez de concurrence aux Etats-Unis dans le meuble de métal. Mais, nous dans le bois, nous sommes assez forts. Et il y a la qualité dans le bois que l'on ne retrouve pas dans le métal.

M. VINCENT: D'ailleurs dans votre publicité je pense que vous le mentionnez.

M. MARTIN: Oui.

M. VINCENT: Quand nous allons à la page 2, vous dites: Lors du dernier salon du meuble à Toronto, nous avons dû refuser plusieurs commandes de compagnies ou de clients américains. Est-ce que nous pouvons avoir, pour le bénéfice des membres de la commission, l'ordre de grandeur en argent de ces commandes qui auraient été perdues? Et également ce que ça aurait pu avoir comme impact au niveau de la création d'emplois? Et Dieu sait combien nous en avons besoin, parce que nous ne sommes pas encore rendus à 100,000 au Québec.

M. MARTIN: Je vais demander à M. Laflamme, parce qu'il a vécu l'expérience, peut-être les frustrations aussi.

M. LAFLAMME: Disons qu'en ordre de grandeur et de chiffres un client américain, entre autres, était prêt à prendre deux wagons de meubles par semaine.

Evidemment, il fallait augmenter la production afin de pouvoir lui fournir ces meubles. Devant le manque de matière première, nous avons été obligés de refuser.

M. VINCENT: C'est pour telle industrie, cela.

M. LAFLAMME: Je parle de mon cas personnel. Cela s'est multiplié.

M. VINCENT: Un wagon d'une valeur approximative de combien?

M. LAFLAMME: D'à peu près $10,000. Cela représentait deux wagons par semaine, $20,000. Mais, encore là, ce sont des commandes que nous aurions pu prendre et que nous n'avons pas prises...

M. VINCENT: A cause d'un manque de matière première.

M. LAFLAMME: ... parce que nous ne pouvions pas les fournir. A l'heure actuelle, à notre usine de Laurierville, nous pourrions créer 40 nouveaux emplois demain matin, en ayant le bois pour pouvoir produire. Nous avons la machinerie, la bâtisse, le personnel, les demandes d'emplois. Nous avons tout cela en main, mais nous n'avons pas le bois.

M. VINCENT: Comme le disait M. Arcand tout à l'heure, il y a eu des stockages dans les cours qui vous ont permis de reprendre les activités, mais, là, cela diminue considérablement. Est-ce que cela peut même amener des mises à pied dans certains cas?

M. ARCAND: Nous sommes venus bien près de faire des mises à pied durant l'exposition. Nous avons retardé, nous avons entré certaines essences dans les chaufferies. Il s'agissait de certaines épaisseurs qui n'étaient pas destinées à la production. Nous ne voulions pas que ce bois soit endommagé durant le temps de la vente de l'exposition. Cette semaine-là, nous sommes parvenus à obtenir quelques voyages ici et là. Mais c'est une situation qui ne peut pas durer, parce que nous sommes au seuil de la catastrophe. S'il fallait que, demain matin, nous disions: Nous fermons l'usine parce que nous manquons de bois, voyez-vous les unions partir et tout le tralala.

M. VINCENT: Maintenant, tout en étant conservateur — sans aucune allusion à la politique fédérale — présentement, vous employez 20,000 personnes dans la province de Québec. Si vous aviez une assurance d'approvisionnement à court et surtout à long terme, cela pourrait augmenter de combien? On a parlé de 40 pour une industrie à Sainte-Croix-de-Lotbinière. J'ai entendu dans ma région un autre type qui disait qu'il pouvait aller à 50 personnes de plus. Cela représente combien de milliers de personnes de plus qui pourraient être employées au Québec dans l'industrie du meuble?

M. FALCON: Il est assez difficile de donner un chiffre pour l'industrie au total. Pour l'industrie que je représente, Casavant et Frères j'aimerais mentionner qu'en février 1972 nous avons dû réduire la production de notre division bois de 19 p.c. par manque de bois. Nous avions, à ce moment-là, en inventaire à peu près pour quatre jours de matériel. Nous avons examiné à plusieurs reprises la possibilité de doubler la production de notre division bois qui emploie actuellement environ 75 personnes. Vu la situation dans le domaine de l'approvisionnement de bois, nous n'osons pas, à moins d'avoir des garanties à long terme, faire le pas qui nous permettrait de créer 70 à 75 emplois.

M. VINCENT: Donc, nous avons l'industrie et les compétences. En ce qui vous concerne, c'est un problème d'approvisionnement. Nous avons même les marchés.

M. MARTIN: Excusez. Si vous voulez les chiffres pour l'industrie, la Chambre de commerce de Montréal a posé à peu près la même question.

On a répondu que dans les six prochaines années, cola créerait environ 5,000 emplois.

Vous comprenez que les 20,000 personnes ne sont pas 20,000 ouvriers dans les usines, il y a aussi le personnel de cadre, les vendeurs, etc. Avec les projections et la demande de meubles qui va exister, nous croyons que l'industrie du meuble est une industrie de pointe, parce qu'elle s'ouvre à de nouvelles technologies, parce qu'elle crée aussi beaucoup d'emplois. Il s'agit de définir nos priorités, mais nous avons répondu que cela crérait à peu près 5,000 emplois...

M. VINCENT: Vous auriez fait votre part, à ce moment-là.

M. MARTIN: ... additionnels, si nous répondons à la demande qui existe maintenant. En tout cas, on va essayer.

M. VINCENT: Donc, vous avez le marché, vous avez les compétences, mais il vous manque des matières premières et vous proposez des solutions. La première solution est que les scieries soient obligées d'offrir leur bois en premier choix aux industries de transformation locale. J'aimerais qu'on explique un peu plus cette obligation qu'on ferait aux scieries.

M. ARCAND: Si vous permettez, M. le Président, il y a déjà eu des précédents et je crois que cette politique semble s'être avérée fructueuse puisque, dans le domaine du bois de déroulage, les compagnies avaient un problème et on l'a réglé en émettant une concession forestière quelconque et en donnant un pourcentage aux compagnies de déroulage.

Si on se compare avec les compagnies de déroulage, on emploie environ 5 à 7 mains contre une dans le déroulage. Si on avait le pourcentage requis pour produire ce qu'on doit produire, cela réglerait vite le problème immédiat. Je comprends qu'il y a tous les autres éléments qu'on a mentionnés dans le rapport, comme le prix, en passant par les intermédiaires, qui en profitent, quand le bois est rare, etc. L'idée de base est que vous l'avez déjà fait dans un secteur qui emploie la FAS, la partie qu'on n'emploie pas, nous. C'est un procédé que je crois recommandable.

M. VINCENT: Dans le cours de vos activités régulières, avec l'expérience que vous avez, est-ce qu'il vous arrive quelquefois de découvrir une scierie qui ne connaissait pas vos besoins, qui avait un stock?

Les scieries sont-elles complètement informées de vos besoins? Vous avez des personnes qui visitent régulièrement les scieries. Je ne parle pas des compagnies mais, de façon générale, est-ce que l'Association des fabricants de meubles a un organisme assez bien structuré pour faire une certaine publicité et de la planification auprès des industries, même, à ce moment-là, en collaboration avec le ministère de l'Industrie et du Commerce?

Je pense qu'il y a un potentiel. Si ce n'est pas assez bien planifié, c'est assez difficile de prévoir six mois ou un an à l'avance ce que les scieries pourraient vous offrir. Est-ce qu'il n'y aurait pas un rôle que le ministère de l'Industrie et du Commerce pourrait jouer dans ce domaine-là? Est-ce qu'il le joue?

M. MARTIN: Ce problème nous a pris par surprise. Je crois aussi que les scieries ont passé à travers le même problème. Nous avons rencontré, à quelques reprises, l'Association des manufacturiers de bois de sciage. Nous lui avons fait parvenir nos demandes; M. Baril a coopéré en faisant parvenir les demandes des manufacturiers à ses membres. On le mentionne dans le mémoire, il faut établir des contacts plus étroits, en tant que manufacturiers, avec les scieries.

Mais, on revient à votre point, en tant qu'industrie secondaire il faudrait être capable de se servir dans le patrimoine du Québec pour le bois. On devrait avoir la chance de se servir des matières premières.

M. VINCENT: Maintenant, juste un point. Est-ce que l'Association des fabricants de meubles est en mesure, avec le ministère de l'Industrie et du Commerce, de placer des commandes pour les six prochaines années de façon assez certaine? Autrement dit, est-ce que vous fonctionnez présentement au jour le jour ou si vous êtes en mesure de dire: Voici, dans l'industrie du meuble, après avoir fait la compilation de chacune de nos industries, nous prévoyons, à 10 p.c. près, tel volume et nous allons informer les scieries en conséquence? Quitte même à vous préparer une réserve.

M. MARTIN: Oui, nous serions prêts à préparer cet...

M. VINCENT: Et cela touche le ministère de l'Industrie et du Commerce, je pense que cela peut se faire avec le ministère de l'Industrie et du Commerce. En ce qui touche le ministère des Terres et Forêts, quand vous dites: "Que le ministère des Terres et Forêts élargisse temporairement les droits de coupe..." à ce moment-là, est-ce que vous préconisez que des droits de coupe annuels — je crois que c'est dans le livre blanc — soient donnés à chacune de vos industries ou si vous avez l'intention d'en arriver, un jour, à avoir un réservoir, chacune des industries se servant des scieries, les agriculteurs, les producteurs privés? Il s'agit d'en arriver un jour à avoir un organisme qui serait formé de tous les membres de l'association, et que cet organisme, qui serait un réservoir pour les industries, obtienne, lui, un droit de coupe du ministère des Terres et Forêts pour qu'éventuellement ce soit votre réserve. Est-ce qu'il est possible d'en arriver là?

M. LAFLAMME: C'était un peu notre idée qu'il y ait un réservoir de feuillus à la disposi- tion de l'Association des manufacturiers de meubles de la province de Québec, non pas à la disposition de telle usine ou de telle autre usine, ce qui créerait de la chicane. Advenant que les scieries aient les disponibilités et le bois nécessaire pour nous fournir, disons qu'on utilisera ce qu'elles produiront. Advenant le cas où il y a un manque de bois flagrant, comme cela se présente actuellement, évidemment, par des discussions entre l'Association des manufacturiers de meubles et l'Association des manufacturiers de bois de sciage, on pourrait faire en sorte que tel ou tel concessionnaire aille couper dans ce réservoir afin de fournir les industries qui, elles, présenteront leur demande à l'association qui redistribuera à travers ses membres, suivant leurs besoins.

M. PILOTE: Est-ce que le député de Nicolet me permettrait une question?

M. VINCENT: Oui.

M. PILOTE: Quel est le nombre de fabricants de meubles qui possèdent en propre leur industrie de bois de sciage parmi votre association?

M. LAFLAMME: Cela ne représente pas 1 p.c. Peut-être trois sur cinq cent et quelques manufacturiers.

M. PILOTE: Est-ce que vous trouvez que la possibilité d'intégration des scieries, face à une industrie du meuble...

M. LAFLAMME: On vient avec un problème d'intégration. Nous sommes des manufacturiers de meubles, nous ne sommes pas des scieries ou des exploitations forestières. Franchement, en toute honnêteté, on ne connaît pas ça.

M. PILOTE: Parfait.

M. LAFLAMME: Evidemment, ce n'est pas notre métier. Notre métier est de faire des meubles et pour faire des meubles, ça nous prend du bois.

M. VINCENT: Si l'industrie du sciage était en mesure de vous garantir un approvisionnement, vous ne seriez pas intéressés à faire de l'exploitation forestière.

M. LAFLAMME: Non.

M. VINCENT: Est-ce qu'il y a une question de prix?

M. LAFLAMME: Mais oui.

M. VINCENT: Tout à l'heure, j'ai remarqué que M. Arcand a dit qu'à certains moments on était même obligé d'aller chercher du bois à n'importe quel prix, qu'on était pris.

M. LAFLAMME: Je peux vous donner un exemple. Ici, il y a un morceau de bois qui s'appelle duramen; cela vient du Brésil. On importe cela pour faire des meubles, à l'heure actuelle. On importe également du lauan qui vient de Taiwan.

UNE VOIX: En grosse quantité?

M. LAFLAMME: Quelle quantité? On a importé dernièrement 600,000 pieds de lauan. Ecoutez, il faut bien qu'on travaille avec quelque chose.

M. VINCENT: Est-ce que c'est dans toutes les régions ou s'il y,a des régions ou le problème n'existe pas du tout?

M. LAFLAMME: Le problème est général dans l'industrie du meuble. Il y a peut-être quelques exceptions, soit les quelques industries qui ont des petites scieries autour d'elles et qui n'ont pas de problèmes. Le problème est général dans l'industrie du meuble.

M. VINCENT: Plus spécifiquement, est-ce que les coupes annuelles proposées dans le livre blanc, tome Il, pourraient régler quelque peu votre problème dans des cas extrêmes, même si vous n'avez pas l'intention d'être exploitants? On propose des coupes annuelles dans des régions bien déterminées, pour des besoins bien spécifiques.

M. LAFLAMME: Disons que cela nous aiderait. A court terme, s'il y avait un élargissement de coupe, cela mettrait plus de bois sur le marché. Je pense qu'on ne se ferait pas prier pour le prendre. A long terme, il faudrait en venir à une solution où on n'est pas toujours à la dernière planche ou face à des conditions économiques qui font que, s'il y a eu un mauvais hiver, il y a moins de bois et tout ça. Si nous avions une réserve sur laquelle nous pourrions compter, cela nous permettrait de planifier à plus long terme et d'être assurés d'avoir notre matière première. Ce serait alors moins coûteux de faire l'investissement, de créer des emplois, d'agrandir des industries. Quand vous êtes toujours à la dernière planche, aller investir des $100,000, alors qu'il n'y a plus rien pour faire marcher l'usine, ce n'est pas intéressant.

M. VINCENT: Quand vous êtes à la dernière planche, vous ne pouvez pas marcher "à la planche", comme on dit.

J'aurais plusieurs autres questions, mais, comme l'heure avance, une toute dernière question. Vous dites: "Une autre solution à très court terme serait d'inciter les fermiers à fournir aux scieries de la région les essences dont nous avons besoin."

J'aimerais bien qu'on précise cela un peu plus.

M. MARTIN : Nous en avons discuté ce matin. Le seul commentaire que nous aurions, c'est que ce mémoire-là a été présenté il y a quelque temps. Nous en avions discuté avec des types de l'Industrie et du Commerce et nous pensions que cela était une solution. Je pense qu'ensemble nous pourrions voir si c'est valable.

M. VINCENT: Est-ce que ce serait une question de transport?

M. MARTIN: Non. Nous pensions que les fermiers avaient la possibilité de sortir du bois franc dans leur cour, de l'érable ou du merisier.

M. LAFLAMME: Pour nous les terres à bois des fermiers représentaient beaucoup plus de bois que cela n'en représente en réalité.

Souvent, vous passez sur la route et vous voyez une terre à bois, mais vous ne savez pas quelle est sa largeur. Nous nous sommes aperçus que cela représentait beaucoup moins de bois que cela pouvait paraître de prime abord.

M. VINCENT: M. le Président, je remercie à nouveau, pour ma part, l'Association des manufacturiers et, encore une fois, je remercie le ministre, même s'il a dû s'absenter. D'ailleurs, il nous l'a dit qu'il devait s'absenter à six heures et nous avons quand même voulu continuer. Je suis parfaitement d'accord, M. le Président, qu'on doive continuer pour terminer les questions en ce qui concerne l'Association des manufacturiers de meubles.

M. LE PRESIDENT: Sur le même sujet, juste une question de l'honorable député du Lac-Saint-Jean.

M. PILOTE: Tantôt, M. Martin, vous mentionniez que les courtiers faisaient en sorte que le prix du bois soit plus élevé que si vous l'achetiez directement de la scierie. J'ai demandé à M. Lafrance s'il était intéressé à l'intégration de l'industrie du meuble à l'industrie de l'exploitation du bois. Ne trouvez-vous pas que ce serait une solution pour éliminer le courtier qui vous coûte X dollars le 1,000 pieds de bois?

M. LAFLAMME: Il y aurait peut-être une autre solution. A l'heure actuelle, le courtier sert d'intermédiaire entre la scierie et le manufacturier de meubles. Si les scieries, par leur association, entraient directement en contact avec l'Association des manufacturiers de meubles, on atteindrait exactement le même but. Eux garderaient leurs scieries et nous, nous garderions nos manufactures de meubles. Nous aurions le même contact direct et nous éliminerions le courtier, de la même manière.

M. PILOTE: Est-ce qu'une telle rencontre a eu lieu déjà?

M. LAFLAMME: Il y a déjà eu deux rencon-

tres préliminaires avec l'Association des manufacturiers de bois de sciage. Evidemment, c'est préliminaire.

M. PILOTE : Très bien.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lotbinière.

M. BELAND: Je félicite également l'Association des fabricants de meubles du Québec d'avoir bien voulu nous présenter un mémoire qui est très révélateur et très réaliste.

On n'a qu'à circuler à travers la province pour constater qu'il y a des problèmes véritables dans l'industrie du meuble au niveau des deux principaux sujets que vous avez énumérés, soit le prix et l'approvisionnement possible.

Je tiens à faire remarquer d'une façon bien spéciale que, parmi le groupe, je suis fier qu'il y ait un concitoyen du comté de Lotbinière, M. Laflamme. Il y a eu plusieurs questions que j'aurais voulu poser, entre autres une du député de Nicolet et sur laquelle je reviendrai un instant. A la page 3, dans les solutions, on demande que les scieries soient obligées d'offrir leur bois en premier choix aux industries de transformation locales. Est-ce que vous pourriez expliquer davantage le mécanisme que vous proposez?

M. LAFLAMME: A l'heure actuelle il y a, je ne sais pas si c'est une loi ou un règlement — je ne le connais pas par coeur — qui dit que les scieries, quand elles coupent des billots, sont obligées d'offrir un pourcentage de 20 p.c. à l'industrie du déroulage, afin qu'on puisse faire du déroulage. Si un règlement ou une loi semblable était adopté, les scieries seraient obligées d'offrir un certain pourcentage, qui serait discuté, de leur coupe de bois à l'industrie du meuble.

M. BELAND: Pour le même prix et la même qualité?

M. LAFLAMME: Oui.

M. BELAND: C'est une suggestion qui mérite d'être étudiée. J'ai une deuxième et dernière question. On a souvent relaté dans le passé que les grandes concessions possédées ou acquises par une certaine quantité d'industries forestières à travers la province faisaient en sorte de limiter la possibilité d'approvisionnement, dans les régions limitrophes, de fabricants de meubles. Est-ce que ce fut un problème dans le passé? Est-ce qu'il vous a été possible de transiger de façon raisonnable avec les compagnies de pâtes et papiers qui détiennent ces concessions?

M. LAFLAMME: Il n'y a eu aucune transaction de faite avec les compagnies de pâtes et papiers. Premièrement, les pâtes et papiers font des billots, et souvent elles ne les coupent pas mais les donnent à couper à des scieries qui, elles, passent par derrière et coupent les feuillus.

Evidemment, ces feuillus s'en vont aux scieries, qui les vendent. Mais les industries de pâtes et papiers ne font pas de coupes de bois de feuillus comme telles, de bois de sciage.

M. BELAND: Dans l'ensemble de la population, on est porté à dire que les compagnies de pâtes et papiers auraient un peu nui aux possibilités d'approvisionnement des fabricants de meubles ou d'autres industries semblables aux vôtres. C'est pour cela que je posais la question bien précise.

M. FALCON: C'est assez difficile pour les représentants de l'industrie du meuble de répondre à cette question pour la simple raison qu'on ne traite pas, excepté peut-être quelques rares exceptions, directement avec les compagnies de papiers. Nous traitons avec les scieries, qui, elles, traitent avec les détenteurs de droits de coupe. C'est assez difficile pour nous de répondre d'une façon intelligente à cette question.

M. BELAND: J'espère que la législation qui suivra les tomes I et Il apportera des solutions à vos problèmes. Pour ma part, je vous remercie.

M. VINCENT: Une dernière question, si vous me le permettez. On a soulevé plusieurs fois la question des exportations de bois. On affirme qu'au Québec le merisier, l'érable diminuent d'année en année. Est-ce que l'association a fait des représentations assez substantielles auprès du gouvernement fédéral pour couper l'exportation de cette matière première qui pourrait servir à créer des emplois au Québec?

M. LAFLAMME: Il y a eu de la correspondance envoyée à MM. Pepin et Marchand, ministre de l'Expansion économique régionale à cet effet. On dit qu'il y a beaucoup d'exportation; pour donner un exemple concret, il y a une scierie près de Armstrong, avant d'arriver à Jackman, où le bois est coupé au Canada. Le type produit environ 1,000,000 de pieds de bois par année, le tout est vendu à Atlantic Lumber à Boston. Mais vous avez des industries de bois comme la Corporation Baronet, qui est située à Sainte-Marie de Beauce, qui court après le bois. Elle est allée et on lui a répondu qu'il n'y avait rien à faire, d'aller acheter le bois à Boston. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

M. VINCENT: Est-ce qu'il est possible qu'il y ait une intervention fédérale assez prochainement sur cette question d'exportation, M. Arcand?

M. ARCAND: C'est une hache à deux tranchants.

M. VINCENT: C'est pour cela.

M. ARCAND: Il y a de l'exportation et de l'importation aussi.

C'est un domaine où il faut faire une étude très approfondie avant de poser un geste. Cela peut amener des embargos, si on veut faire un embargo quelconque, sur le contreplaqué qui nous vient des Etats-Unis et sur d'autres essences que nous n'avons pas au Canada et qu'on fait venir des Etats-Unis. C'est une hache à deux tranchants; je crois qu'il faudrait peut-être passer par une autre porte pour atteindre le même but.

M. LE PRESIDENT: Ceci termine la période des questions. En premier lieu, l'honorable ministre m'a prié de l'excuser, il avait un engagement antérieur qu'il devait respecter. Il sera ici ce soir, à l'ouverture de la commission. Encore une fois, je remercie ceux qui ont présenté le mémoire au nom de l'Association des fabricants de meubles du Québec.

Je remercie la commission et cette dernière suspend ses travaux à huit heures quinze ce soir pour l'étude de deux autres mémoires, soit celui de Consolidated-Bathurst Limited et celui de l'Association des mesureurs de bois licenciés de la province de Québec. Ce soir, huit heures et quart.

(Suspension de la séance à 18 h 14)

Reprise de la séance à 20 h 27

M. PILOTE (président de la commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!

Je demanderais à MM. MacLeod et Royer, de Consolidated-Bathurst limitée, de bien vouloir présenter leur mémoire.

Consolidated-Bathurst limitée

M. MacLEOD: M. le Président, MM. les membres de la commission, notre compagnie, Consolidated-Bathurst Ltée, est représentée ce soir par moi-même, James MacLeod, vice-président du domaine forestier, ainsi que par notre chef forestier, M. Roland Royer.

Nous avons aussi une deuxième ligne de défense au cas où vos questions seraient trop difficiles pour nous. Nous avons M. Oscar Stangelang, vice-président du personnel et secrétaire de la compagnie, M. Roger Bourgon, directeur des relations publiques, et M. Richard Solomon, contrôleur de la fabrication.

Notre président, M. Turner, m'a demandé de vous dire qu'il regrette de ne pas être ici ce soir. Il est venu aux audiences du 24 août mais il est dans l'impossibilité d'assister à celles d'aujourd'hui. Nous voulons premièrement remercier l'honorable ministre des Terres et Forêts pour son aimable invitation à faire valoir nos idées et notre réaction concernant l'exposé de politique forestière préparé par son ministère.

Nos remerciements s'adressent aussi aux membres de votre commission qui ont bien voulu que nous vous présentions ce mémoire de vive voix ce soir. Malheureusement, il est bien possible que nos voix ne soient pas trop solides parce que notre souper a été un peu liquide. Je vous demande pardon s'il y a trop d'erreurs ou des réponses un peu à côté des questions. Mais nous ferons notre possible pour combattre notre condition...

M. DRUMMOND: On parle du coca-cola ou de lait?

M. MacLEOD: Quoi? Notre souper.

M. DRUMMOND: Oui.

M. MacLEOD: Oui.

M. DRUMMOND: Liquide?

M. MacLEOD: Liquide, oui.

M. DRUMMOND: Mais il n'y a pas de coca-cola, pas de lait ou...

UNE VOIX: Du gin.

M. MacLEOD: Vous verrez quand vous recevrez le compte, M. le ministre.

M. DRUMMOND: C'est du chantage.

M. MacLEOD: Notre compagnie est une des plus importantes sociétés forestières, non seulement au Québec, mais au Canada. Nous avons 39 usines au Canada et en Allemagne, dont huit sont des fabriques primaires de pâtes et papiers et de cartons. Sept de ces huit usines sont situées dans la province de Québec dont quatre dans la vallée du Saint-Maurice, une au Lac-Saint-Jean, une dans la vallée de l'Outaouais ainsi qu'une autre dans la Gaspésie.

Nous avons aussi deux scieries à New Richmond et à Notre-Dame-du-Rosaire.

Nos ventes se chiffrent par près de $350 millions l'an dernier. Nous employons au-delà de 10,000 employés permanents et ce nombre s'élève jusqu'à 14,000 durant une certaine période de l'année. Les deux tiers de ces employés sont du Québec. Occupant le deuxième rang en importance chez les concessionnaires du Québec, nous étions des plus intéressés à étudier le livre blanc du ministère des Terres et Forêts.

Nous avons collaboré avec l'Association des industries forestières du Québec à la préparation de son mémoire et avons aussi aidé le Conseil des producteurs des pâtes et papiers du Québec à rédiger son mémoire intitulé "La capacité de concurrence de l'industrie des pâtes et papiers du Québec".

Partageant les conclusions formulées par ces deux organismes, nous avons cru bon d'orienter notre mémoire dans un autre ordre d'idées, visant plutôt à décrire le plus simplement possible les réalisations de notre compagnie dans le domaine de l'aménagement forestier et de l'utilisation des forêts dont nous jouissons.

Vu que nous produisons 20 p.c. de tous les produits papetiers au Québec et que nous avons des intérêts et activités dans presque toutes les régions de la province, nous pouvons, sans vantardise, considérer notre expérience comme représentant assez bien celle de toute l'industrie papetière.

Nous avouons franchement que nous avons été considérablement déçus de constater, en scrutant le livre blanc, que les auteurs semblaient posséder très peu de renseignements sur les réalisations de l'industrie dans le domaine de la gestion forestière. Nous espérons que notre mémoire, ainsi que les commentaires que nous formulerons lors de la période de questions, vous donneront une meilleure compréhension de la présente situation dans le domaine forestier et que vous serez en meilleure posture pour peser le pour et le contre de plusieurs des recommandations contenues dans le livre blanc.

Même si nous sommes convaincus que tous et chacun ont lu notre mémoire attentivement, je vais demander à M. Royer de le résumer le plus brièvement possible; après quoi je terminerai avec nos conclusions. Nous espérons ainsi stimuler la discussion et les questions qui suivront. M. Royer.

M. ROYER: M. le Président, M. le ministre,

MM. les membres de la commission, je voudrais premièrement exprimer la joie que nous éprouvons maintenant d'être finalement rendus à la barrière de départ dans ce que j'appellerais une guerre d'usure qui dure depuis le 20 juin. Ce matin, une certaine crainte a envahi nos esprits, nous avions été convoqués pour le 24 août, nous étions ici le 22 pour être sûrs d'être ici à temps pour le 24. Naturellement, la présentation de certains mémoires a été plus longue que prévu. J'étais à Frédéricton la semaine dernière et quand j'ai appelé l'attaché de presse du ministre, on m'a dit que ce serait le 7 septembre à dix heures du matin.

Maintenant, il y a eu un refoulement de la semaine dernière et il a encore fallu attendre. Nous avons été soulagés quand le président de la commission nous a dit, à l'ajournement ce midi, qu'il y aurait reprise des travaux ce soir et encore plus soulagés quand le député de Nicolet a dit que vous étiez prêts à siéger jusqu'à deux heures.

Je ne sais pas si nous devons dire alleluia, mais pour ma part, je dis enfin. Cela me rappelle une histoire d'un de mes amis de Shawinigan qui avait entrepris des démarches auprès du ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche pour avoir un club de pêche ; ses démarches avaient duré deux ans. Un jour, il entre dans mon bureau tout joyeux: "Enfin, j'ai mon club. Il ne me reste tout simplement à appeler à Québec et dire le nom que nous voulons donner à notre club. Mais je ne sais pas quel nom".

Je lui dis: "C'est facile, enfin". Et il a gardé le nom. Le mémoire préparé par CBL à l'intention de votre commission couvre 58 pages dont 43 pages de texte. Il serait naturellement trop long de le lire, ce serait fastidieux, monotone et même endormant. D'ailleurs, cela servirait à peu de chose.

Pourquoi répéter au long des choses que vous êtes censés avoir lues? Il est préférable de garder vos énergies et les nôtres pour la discussion qui, à notre avis, doit représenter la partie maîtresse de notre présentation. D'ailleurs, un des nombreux proverbes issus de la sagesse populaire dit que la lumière jaillit du choc des idées.

Nous avons préparé un très court résumé, nous espérons qu'il vous a été distribué. Nous avons reçu de très maigres instructions concernant le temps alloué pour la présentation des rapports. A un moment donné, quelqu'un nous a dit que nous avions droit à vingt minutes.

D'après ce que nous avons pu observer depuis le début de vos réunions, ce n'était pas une règle très rigide parce que certaines présentations ont duré trois quarts d'heures et même une heure.

En nous basant sur une période de vingt minutes, nous avons préparé un minirésumé. Cependant, contrairement aux minivêtements féminins qui ont fait leur apparition il y a bientôt dix ans et qui sont certainement respon-

sables, en partie, de changements profonds survenus dans la société, sans parler des distractions visuelles que cela nous a causé à nous tous contrairement aux mini jupes, puisqu'il faut les appeler par leur nom, notre minirésumé, en raison de sa brièveté, cache énormément et ceci, pour la raison bien simple que notre mémoire contient un grand nombre de cartes.

Naturellement, il est impossible, dans un résumé, d'inclure l'information visuelle que nous avons voulu vous communiquer par le truchement des cartes. Nous allons lire ensemble le résumé qui vous a été distribué. Toutefois, même s'il ne faut pas abuser de votre patience, nous nous permettrons de faire de brèves excursions hors-texte parfois afin de vous communiquer certains des détails qui pourraient aider à la compréhension des problèmes forestiers qui retiennent présentement votre attention.

Nous nous sentons justifiés de le faire, sans mettre en doute votre intérêt pour les mémoires qui vous ont été soumis, nous nous demandons si vous avez eu le temps de tous les lire en profondeur. Je répète que notre mémoire comprend 43 pages de texte. 17 sujets ont été traités, chaque sujet a été traité de façon très brève, une page, parfois une demie page, parfois deux pages, rarement plus.

En présentant ce mémoire destiné à décrire les activités en matière de gestion forestière et d'utilisation de la matière ligneuse de la grande industrie forestière, nous avons dû freiner notre monture continuellement. Il y aurait eu tellement de choses à dire, nous aurions pu écrire un document aussi volumineux que le livre blanc. Il a fallu nous contenter d'effleurer la plupart des sujets.

Nous espérons cependant avoir éveillé votre intérêt, et si l'un de vous désire en connaître un peu plus plus tard, il n'aura qu'à communiquer avec nous et nous nous ferons un plaisir de lui consacrer du temps. Le 24 août, une suggestion fut faite par l'honorable député de Chicoutimi, à l'effet que le ministère des Terres et Forêts organise une visite des usines et en forêt afin de vous permettre de mieux connaître les problèmes des industries.

Si jamais le projet est réalisé, il ne faudrait pas oublier d'aller voir ce qui se fait à l'intérieur d'une grande compagnie dans le domaine de la gestion forestière. Même s'il fut impossible d'aller en profondeur dans notre mémoire, nous espérons que ce que nous avons porté à votre connaissance et que ce qui sera discuté ici ce soir aura pour effet de lever le coin du voile et contribuera à redorer le blason de la grande industrie forestière qui a mangé plusieurs taloches au cours des années, plus particulièrement au cours des derniers mois et plus intensément encore au cours de vos réunions alors que plusieurs ont crié haro sur le baudet.

Tel que mentionné, nous avons inclus dans notre mémoire de nombreuses cartes. Les Chinois ont contribué, comme tous les autres peuples, à remplir le grand réservoir de la sagesse humaine. On leur attribue le proverbe suivant: Une image vaut 10,000 mots. Nous avons pensé à ce proverbe en préparant les cartes que vous avez eu l'occasion d'examiner.

Au cours d'une réunion précédente, l'un des membres de votre commission a fait, avec beaucoup d'à-propos, la remarque suivante: Lorsqu'on discute dans l'abstrait, on peut dire n'importe quoi. Il aurait pu ajouter, s'il ne l'a pas fait: Et sans absolument rien prouver. Dans notre mémoire, nous avons voulu vous sortir, autant que possible, du domaine plutôt obscur de l'abstrait dans lequel vous avez été plongés plus souvent qu'autrement depuis le début de vos réunions.

Nous avons voulu concrétiser certains problèmes qui ont été traités dans certaines sections du livre blanc de façon relativement abstraite — et j'ai bien dit relativement — et aussi de façon très superficielle et très incomplète — remarquez que je n'ai pas dit relativement dans ce dernier cas — et aussi de façon un peu inacceptable à ceux qui, parfois, désirent aller au fond des choses.

Nous avons voulu que ces problèmes et que certains supposés problèmes vous apparaissent en chair et en os et que vous puissiez les palper. Le but que nous avons poursuivi fera contrepoids, sous cet aspect, à certaines parties du livre blanc. Pour la même raison, notre mémoire aura probablement été bien vu par ceux qui ont affirmé précédemment avec beaucoup d'à-propos que dans le document gouvernemental on avait voulu inutilement intellectualiser certains problèmes forestiers.

Voici la fin de l'entrée en matière qui est peut-être longue mais que j'ai crue nécessaire afin de situer exactement notre document dans le contexte du livre blanc. Abordons maintenant avec vous la lecture du résumé.

Article 1. Etendue et subdivisions des terrains forestiers de Consolidated-Bathurst ltée. Les terrains forestiers détenus ou possédés par notre compagnie dans le Québec couvrent une superficie totale de 20,192 milles carrés dont 82 p.c. sont des concessions forestières et 18 p.c. des terrains privés.

Pour fins d'aménagement forestier, ces terrains sont subdivisés en quatorze unités d'aménagement dont la superficie moyenne est de 1,442 milles carrés. Aucune de ces unités ne cause des problèmes administratifs majeurs en raison de son exiguité ou de son morcellement.

Une pièce importante qui accompagne l'article 1 est la carte no 1 à la page 5 dans le mémoire. Dépliez-la et nous allons l'examiner ensemble quelques moments. Nous ne regarderons pas toutes les cartes, ce serait un procédé trop long. Mais il est très important de faire une pose sur la carte no 1.

Que montre la carte? Elle montre nos terrains forestiers, nos subdivisions administratives que nous appelons unités d'aménagement

et que nous pouvons appeler unités de gestion pour parler le même langage que le livre blanc. La carte montre la grandeur de nos unités de gestion et leur situation géographique par rapport aux usines.

Elle révèle que plusieurs unités sont loin de constituer des blocs solides dont peuvent rêver les perfectionnistes et idéalistes de l'aménagement. On peut aussi voir que certains territoires sont morcelés et découpés. Il est encore visible que quelques unités semblent exiguës. Puisque nous y sommes, il est préférable de tout voir, nous pouvons également y voir certaines enclaves.

Conclusion. On voit sur cette carte un éventail presque complet de toutes les contraintes structurelles dont on a parlé dans le livre blanc comme justifiant le ministère des Terres et Forêts d'abolir toutes les concessions forestières. On en a parlé longuement, on y a consacré 22 pages mais, tout de même, de façon superficielle.

Même si on inclut quelques chiffres dont quelques-uns sont discutables, on a exposé la situation de façon relativement abstraite. Ceux qui ont regardé notre carte et qui ont lu le livre blanc ne peuvent faire autrement que d'en venir à la conclusion suivante: comme il doit y avoir des problèmes avec des concessions semblables chez Consolidated-Bathurst ltée! Pourtant, la situation est tout autre. Il en existe des problèmes, il en existe partout.

Seulement, les problèmes auxquels nous faisons face, par suite de la subdivision de nos unités, sont beaucoup moins importants quant à leur nombre et à leur ampleur qu'on serait porté à le penser. Vous pourrez nous interroger à ce sujet durant la période de questions et nous essaierons de ramener les problèmes à leur véritable proportion.

Les principaux problèmes que nous avons sont surtout des problèmes causés par l'éloignement de trois unités: no 11, sur la rivière Ashapmouchouan, au nord-ouest du Lac-Saint-Jean; l'unité no 12, sur la rivière Péribonka; et l'unité no 16, celle d'Anticosti. Les problèmes à Anticosti ne sont certainement pas posés par la tenure, vu qu'il s'agit d'une propriété privée.

L'unité no 12 de Péribonka; nous avons dit au ministère des Terres et Forêts à plusieurs reprises que nous étions prêts à leur remettre la concession en échange d'autres territoires. Ils ne peuvent absolument rien faire, ce qui prouve qu'il n'est pas toujours facile d'effectuer des remaniements de concessions. C'est facile quand on parle dans l'abstrait, c'est plus difficile quand on est aux prises avec des problèmes particuliers.

L'unité no 11, celle de Normandin, c'est un problème d'éloignement, ce n'est pas un cas aussi aigu que celui de l'unité de Péribonka. En examinant la carte no 1, cela nous fait aussi penser à la fameuse question du transport du bois entre les parterres de coupe et les usines qui a semblé grandement préoccuper le député de Saguenay.

Nous aurions aimé que M. Lessard soit présent ce soir pour nous poser quelques questions à ce sujet. Nous aurions essayé de cerner les problèmes, de distinguer entre les faux problèmes et les véritables problèmes.

Nous aurions ensuite discuté les véritables problèmes un par un pour en voir la nature, l'ampleur et les moyens de les corriger. Lisons ensemble maintenant l'article 2 du résumé traitant de la planification dont la nécessité fut soulignée à juste titre par le livre blanc. CBL et les compagnies dont elle fut formée ont fait de la planification forestière intensive depuis cinquante ans et même plus. Le système d'aménagement forestier employé par notre compagnie, en vue d'assurer la meilleure utilisation possible de ses ressources ligneuses, fut exposé en détail dans plusieurs documents dont les principaux furent le numéro spécial du Papetier, publié en 1965, notre mémoire de 1965 aux audiences publiques du ministère des Terres et Forêts et le kioske monté en 1966 et 1967 lors de la Semaine des sciences forestières des étudiants en génie forestier de l'université Laval.

Des plans d'aménagement ont été préparés par la compagnie et approuvés par le MTF pour toutes nos unités d'aménagement. Depuis 1946, nous préparons des programmes de coupes à long terme pour dix et vingt ans et à moyen terme pour cinq ans, dans le but de mieux orienter nos exploitations forestières et d'assurer une utilisation judicieuse de la matière ligneuse.

Chaque année, des programmes de coupe très détaillés sont soumis au MTF et approuvés par ce dernier. Finalement, des rapports après coupe sont soumis au MTF à la fin de chaque année d'exploitation.

Article 3. Personnel forestier administratif. L'exécution de toutes les tâches requises pour aménager et exploiter nos terrains forestiers est assumée par un personnel de cadre d'environ cent personnes. La liste détaillée des fonctions a été donnée dans notre détail.

Inventaire forestier d'aménagement. Tous les terrains forestiers de CBL ont été inventoriés et plusieurs d'entre eux à deux ou même quatre reprises pour fins d'aménagement forestier. Nous fûmes l'une des premières compagnies forestières au Canada à nous servir de la photographie aérienne pour fins d'inventaire forestier. En 1954, nous fûmes la première compagnie canadienne à utiliser les calculatrices électroniques pour la compilation des inventaires.

Inventaires d'exploitation. Chaque année, des inventaires d'exploitation très intensifs sont exécutés sur les territoires qui seront exploités l'année suivante ou au cours des années ultérieures. Ils servent de base à la préparation des programmes de coupe annuelle et à celles des programmes à long terme et à moyen terme.

Article 6. Politique générale d'aménagement pour les essences primaires. Les exploitations de CBL sont exécutées en règle générale dans les

forêts rendues à maturité. Dans les divisions Saint-Maurice, Saguenay et Chaleurs, la récolte des essences primaires, celles utilisées par la compagnie, est exécutée sur une base de rendement soutenu périodique. Nous admettons avec le MTF qu'il est parfois désirable de dévier temporairement du principe du rendement soutenu et de procéder à des coupes accélérées dans les forêts dépérissantes, dans le but de prévenir une perte de matière ligneuse. Dans la division des Outaouais, les exploitations de pin blanc et de pin rouge ne peuvent pas être faites sur une base de rendement soutenu parce que ces deux essences se régénèrent très peu.

Dans le sous-article 6.2, nous avons parlé du rendement soutenu. Prenons le temps d'examiner brièvement le graphique de la page 19. Le député de Lotbinière a employé assez souvent une expression savoureuse que j'aime bien: "Je voudrais qu'on éclaire ma lanterne". En examinant le graphique, nous allons peut-être éclairer la lanterne de ceux qui se plaisent à répéter — quelques-uns vont certainement se reconnaître — que les grands concessionnaires ont écrémé et vidé nos forêts. Ce sont exactement les mots qui ont été entendus dans cette enceinte et également dans l'autre salle où ont lieu les autres réunions. Le graphique de la page 19 démontre que nous exploitons de façon à pouvoir couper à perpétuité sans ruiner le capital forestier. Nous avons représenté de façon graphique, schématique, l'unité d'aménagement de Vermillon, unité qui depuis a été amalgamée avec celle de Mattawin inférieur. Nous employons une rotation de coupe de 80 ans. La partie ombrée représente ce qui fut coupé de 1940 à 1949. Ensuite, vous avez le territoire coupé de 1950 à 1959 par des hachures verticales, etc., jusqu'à la dernière décennie de 2,010 à 2,019.

C'est tout de même loin, ce temps. Quant à nous, nous serons disparus de la circulation mais d'autres recommenceront à couper dans la partie ombrée. Ici, je dois fournir une explication, cela ne s'est pas passé exactement comme ça. Pendant la période de 1940 à 1949, on a coupé à plusieurs endroits dans l'unité d'aménagement. Seulement, cela a été préparé à l'occasion de la Semaine des sciences forestières en 1966. Il fallait tout de même simplifier les choses. C'est pour cette raison qu'on a groupé les secteurs d'exploitation, mais il reste que l'essence du principe demeure la même.

Revenons au résumé, à la page 3, article 6.3. CBL a pour politique, lorsque la chose peut se faire de façon économique, de modifier ses programmes de coupe et d'aller récupérer les bois endommagés par le feu ou en voie de perdition par suite d'épidémies d'insectes ou de chablis. A la page 16 de notre mémoire, nous avons donné la liste de toutes les principales récupérations faites pour le bois brûlé, les bois renversés et les bois endommagés par les insectes. On entend dire souvent que le bois s'éloigne continuellement des usines. Ce n'est peut-être pas complètement faux, mais je crois que la situation est grandement exagérée. Répétons les remarques suivantes citées précédemment. On peut dire n'importe quoi lorsqu'on se confine à l'abstrait. Quelle est notre situation à ce sujet? Lisons l'article 6.4. CBL a toujours eu pour politique de distribuer ses coupes à la grandeur de ses terrains forestiers de façon à ne pas céder à la tentation d'obtenir en premier seulement le bois situé près des usines. Comme résultat, la distance moyenne de ses secteurs d'exploitation par rapport à ses usines n'est pas plus grande qu'elle ne l'était il y a cinq, dix, vingt ou même trente ans. Si vous en voulez la preuve, dépliez la carte numéro 5, à la page 20.

Examinons cette carte quelques minutes. Les losanges verts représentent les secteurs de coupe de 1945, ce qui veut dire il y a 27 ans. Les cercles rouges représentent les secteurs de coupe de 1971. Si vous regardez la carte avec les mêmes lunettes que les nôtres, vous allez voir que les secteurs verts, soit ceux coupés en 1945, sont loin d'être tous concentrés dans le bas près des usines et que les secteurs rouges, soit les coupes de 1970, ne sont pas tous relégués au haut de la carte, au diable vauvert. Maintenant, prenez un crayon et inscrivez sur votre carte les distances moyennes en milles. En 1971, la distance moyenne entre les parterres de coupe et l'usine, 105 milles. En 1965, 125 milles. En 1955, 150 milles. En 1945, 125 milles. S'il y a encore certains doutes dans certains esprits après cette concrétisation jugée nécessaire en contrepartie à des prétentions généralisées et abstraites, répétées à satiété, qu'on nous en fasse part durant la période de questions et nous essaierons de les dissiper. S'il n'y a plus de doute, soyons honnêtes et cessons d'en parler.

Article 6.5. Les coupes intégrées de toutes les essences sont exécutées par CBL depuis 1955 dans sa division du Saint-Maurice et depuis 1958, dans sa division des Outaouais. Les coupes intégrées de tous les produits sont exécutées dans les divisions des Outaouais et de Chaleurs. Une coupe intégré de bois de sciage et de bois à pâte résineux sera commencée cette année dans le district de Saint-Michel-des-Saints. Les billes de sciage seront vendues à J.-C. Martel Inc. Sur une carte dans notre rapport, nous avons indiqué les unités où des coupes intégrées sont exécutées. Ceci fut brièvement mentionné dans notre mémoire parce que, dans le livre blanc, on a mentionné avec raison que le MTF favorise les coupes intégrées.

Amélioration de la production forestière. Nous allons passer très rapidement. Nous avons à coeur d'assurer une utilisation aussi complète que possible de la matière ligneuse. Pour réaliser cet objectif, nous avons 29 inspecteurs forestiers et une de leurs principales responsabilités est de s'assurer que les règlements d'utilisation sont bien observés.

Article 7.2. Nous exécutons des coupes sylvicoles depuis 1958-59. En 1970, de telles coupes étaient encore effectuées sur la rivière

Mattawin au nord-ouest de Grand'Mère et à Saint-Donat-de-Montcalm. Les coupes sélectives à Saint-Donat durent être abandonnées à cause des restrictions de charroyage imposées par le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche.

Les coupes sylvicoles qui étaient exécutées sur la rivière Mattawin durent être abandonnées elles aussi, cette fois à cause de la création du parc national de la Mauricie.

Article 7.3 Reboisement. Des travaux de reboisement assez intensifs sont exécutés depuis 1968 dans la division Chaleurs à New Richmond par le MTF avec l'étroite collaboration de la compagnie. Certains travaux de reboisement sont aussi effectués par notre compagnie chaque année sur nos terrains privés près de Grand'Mère. Des travaux considérables de reboisement pourraient être exécutés dans les divisions Saint-Maurice, Saguenay et des Outaouais mais ils ne peuvent être réalisés à cause du manque de plants dans les pépinières gouvernementales. Et vous me permettrez une réflexion personnelle à titre d'ingénieur forestier, il y aurait tout avantage pour l'avenir de la forêt québécoise que le ministère des Terres et Forêts dirige vers des objectifs de reboisement une grande partie des ressources financières et des énergies qui seraient requis pour l'abolition de toutes les concessions forestières et l'accouchement et l'opération d'une société de gestion forestière.

Article 8. Utilisation de la possibilité des essences primaires. Dans ces unités d'aménagement de la région Saint-Maurice-Batiscan-Sainte-Anne, nous utilisons presque en entier nos possibilités en bois à pâte résineux. L'utilisation fut de 95 p.c. au cours des cinq dernières années. Le faible surplus de possibilités accumulées depuis cinq ans sera requis par nos usines au cours des dix prochaines années. A venir jusqu'à 1971-72, la possibilité de l'unité de Normandin, près de Chibougamau, était loin d'être utilisée à cause de l'éloignement de cette unité. Des coupes de bois y sont accordées depuis 1964-65 à un utilisateur de bois de sciage. Une nouvelle entente effectuée en 1971 permettra une utilisation complète de la possibilité. L'unité de Péribonka en est une autre où il y a sous-utilisation, même si une vente de bois sur pied pour du bois de sciage résineux y est faite chaque année. La sous-utilisation n'est pas attribuable à la tenure, mais à ces conditions d'inaccessibilité économique. L'unité de Port-neuf-Escoumains sera utilisée à pleine capacité d'ici cinq ans. Celle de la division des Outaouais et celle des Chaleurs sont utilisées à pleine capacité de même que celle de Mars/Ha! Ha! . Il y a toujours sous-exploitation à l'île d'Anticosti pour des raisons évidentes d'accessibilité et de main-d'oeuvre.

Comme vous le voyez, ce que nous avons écrit dans notre résumé à ce sujet est très court. Nous en avons écrit un peu plus long dans notre mémoire. Quatre pages. Encore là, ce fut trop court. Il a fallu nous en tenir à la ligne de conduite générale que nous nous étions fixée au début quant nous avons préparé notre mémoire d'être le plus bref possible. Mais après avoir écrit la section VIII, nous avons été pris d'un remords de conscience. Nous nous sommes demandé si nous en avions assez dit pour nous situer exactement dans ce problème de la sous-utilisation. J'ai fait compiler des statistiques pour les dix, les quinze et les vingt dernières années et non seulement pour cinq ans. Autrement dit, nous avons essayé d'aller en profondeur et d'éviter le reproche que, personnellement, je ne crains pas d'adresser au ministère, dans certains parties du livre blanc, d'être resté un peu en surface lorsqu'on a parlé de possibilités. Nous avons analysé la situation région par région et non de façon globale. Voici ce que cela a donné.

Dans la région du Saint-Maurice, le chiffre d'utilisation s'est maintenu de façon presque continue depuis 1950 entre 90 p.c. et 100 p.c, pour les résineux de bois à pâte, pour l'unité de Normandin au Lac-Saint-Jean, prenez un crayon et écrivez quelques chiffres. De 1951 à 1956: 80 p.c; de 1956 à 1961: 45 p.c. de 1961 à 1966: 61 p.c; et de 1966 à 1971: 100 p.c. La moyenne pour les vingt ans: 72 p.c. Une remarque vous intéressera. Vous avez remarqué 100 p.c. dans les cinq dernières années, quelle en est la raison? C'est que, lorsqu'il y a un ralentissement des affaires, que la demande des matières premières pour l'usine diminue, le premier endroit où on cessait de couper était l'unité de Normandin, parce que le bois coûte beaucoup plus cher. Cela explique qu'à un moment donné la sous-utilisation a été plus grande. Seulement, nous accordons des coupes à un industriel du sciage, Gagnon et Frères, de Roberval. Les coupes furent accordées au début avec une certaine prudence, parce que nous ne voulions pas nous engager trop fortement à leur endroit, car nous prévoyions être obligés de recommencer à couper beaucoup plus nous-mêmes dans l'unité. Nous avons réalisé l'an dernier qu'il était peu probable que nous aurions besoin de leurs possibilités au cours des prochains cinq ans. Nous avons consenti à augmenter la coupe de Gagnon et Frères. La situation fut discutée avec eux et le ministère des Terres et Forêts. La coupe annuelle a été augmentée temporairement dans l'unité de 72,000 à 85,000 unités de cent pieds cubes, ce qui permettra d'absorber le surplus de possibilités accumulées dans le passé. C'est une unité de gestion ou ce peut être fait parce qu'il y a un excès de très vieilles forêts.

C'est un autre exemple typique de sous-utilisation de possibilités qui peut être réglé par la meilleure approche possible, une discussion autour d'une table d'un cas particulier et bien défini. S'il existe des situations semblables ailleurs, nous ne voyons pas pourquoi le MTF ne peut pas les régler. Il serait beaucoup plus simple de régler les problèmes particuliers qui

existent que d'adopter une approche globale en abolissant toute les concessions forestières, même celles où il n'y a pas de véritable problème. L'approche globale proposée par le ministère des Terres et Forêts me semble aussi peu opportune que si l'Etat avait décidé, lors de la crise d'octobre en 1970, de mettre en prison tous les citoyens de Montréal pour être certain de mettre la main sur tous les felquistes et les empêcher de continuer leurs méfaits.

Une autre comparaison: l'approche globale du ministère des Terres et Forêts d'abolir à grands frais et à grandes dépenses d'énergie toutes les concessions forestières pour régler certains problèmes particuliers, facilement repérables et que l'on pourrait traiter par une anesthésie et une intervention bien localisée, cette approche globale me fait aussi penser à quelque chose d'un peu semblable qui s'est passé il y a deux mille ans et qui nous est raconté dans la Bible. Les prophètes avaient annoncé la naissance d'un enfant appelé le Messie et qui devait devenir le roi d'Israël. Un jour régnait un roi du nom d'Hérode. Ce roi reçut la visite des rois mages, qui s'informaient si l'enfant annoncé par les prophètes et qui venait de naître à Bethléem pouvait être vu. Et Hérode n'a rien fait au hasard. Il a été soudain en face d'un problème particulier. Il fallait faire disparaître celui qui dans son esprit allait le supplanter. Il a adopté l'approche globale. Il a fait exterminer tous les enfants de moins de deux ans dans la région de Bethléem, c'était une abolition totale pour régler un problème particulier.

Revenons à nos possibilités. Dans l'unité no 15, celle de Portneuf, nous avons utilisé 95 p.c. et 90 p.c. Nous avons réduit un peu ce taux durant la période de 1966 à 1970 à 77 p.c. Nous sommes un peu comme les Expos, nous faiblissons à la neuvième manche. L'ensemble pour la période de vingt ans est de 80 p.c. J'ai voulu parler un peu de possibilités parce que c'est une des raisons principales invoquées dans le livre blanc pour abolir toutes les concessions forestières et procéder à ce qu'on dit une meilleure distribution de la matière ligneuse.

Avant de passer à l'article 9 du résumé, je vous demanderai d'examiner séparément plus tard les cartes nos 7 et 8 de notre mémoire sur lesquelles nous avons fourni des renseignements sur les dégâts causés par les feux en forêt et les épidémies d'insectes sur le Saint-Maurice. Cela confirmera les remarques qui ont été faites à ce sujet par le Dr Lachance au cours d'une réunion précédente.

Essences secondaires. Tous les bois des essences secondaires non utilisées par notre compagnie sont mis à la disposition des autres industriels, et cela depuis fort longtemps. Des plans d'allocation furent préparés et des réserves délimitées à l'intention des industriels du sciage et du bois de déroulage. Tous les plans d'allocation furent soumis au MTF. Nous avons toujours collaboré étroitement avec le gouvernement à ce sujet.

Comme vous le voyez, nous avons été très brefs dans notre résumé à ce sujet. Dans notre mémoire, nous y avons consacré trois pages. Nous avons effleuré le sujet. Dans le mémoire de 1965, aux audiences publiques, nous avons expliqué la situation en détail, et nous en avons conservé, je pense, une quarantaine de pages. Nous aurions pu vous en parler durant à peu près deux heures. Nous aurions, naturellement, énormément à dire à ce sujet, parce que nous sommes l'une des principales sources de matières premières pour les utilisateurs de bois franc. En ce qui concerne les essences secondaires, les concessionnaires sont accusés de tous les péchés d'Israël, pour reprendre une expression courante dont s'est servi le député de Chicoutimi le 24 août. C'est cette journée-là qu'il a également dit, avec beaucoup d'à-propos, que lorsqu'on parle dans l'abstrait, on peut dire n'importe quoi. Il y en a certainement plusieurs qui parlent dans l'abstrait lorsqu'il s'agit des essences secondaires. Pour autant que le CBL est concerné, pour les essences secondaires, nous n'avons pas à rougir de ce que nous avons fait et nous pouvons marcher la tête haute et nous serions extrêmement surpris si nous avions été les seuls à avoir le poids à ce sujet. On a parlé du gel des essences secondaires. De telles informations semées à tout vent ne peuvent avoir d'autre explication que l'ignorance des faits par ceux qui les profèrent. Le plus surprenant, c'est qu'on a parlé du gel des forêts feuillues même dans le livre blanc. Les bois feuillus sont devenus très en demande vers 1950. Nous avons délimité des réserves à l'intention des propriétaires des scieries. Dans notre mémoire, nous avons un tableau, le tableau de la page no 34.

Nous avons donné la liste de tous les utilisateurs d'essences secondaires auxquels nous avons vendu du bois franc et d'autres essences secondaires au cours des dix dernières années dans toutes les régions. Est-il encore possible, lorsqu'on prend connaissance de cette pièce éloquente, de parler du gel des essences secondaires par les grands concessionnaires forestiers? Nous avons entendu l'affirmation que les feuillus étaient grandement sous-utilisés pour des fins de sciage. Ce n'est certainement pas la faute des concessionnaires parce que tout le bois disponible est pris. Si les feuillus avaient tellement été sous-utilisés et s'il y avait un gel des essences secondaires de la part des concessionnaires forestiers, comment expliquer que le ministère des Terres et Forêts cherche, depuis à peu près un mois, à trouver 1,700 cunits de cordes de bouleau pour expédier en Finlande?

Permissionnaires de bois de sciage résineux. Je veux simplement ajouter ici qu'on a mentionné dans notre mémoire que nous mettons également des coupes de bois résineux à la disposition de plusieurs industriels.

Article 11. Utilisation polyvalente de la forêt. Nous avons pensé de traiter cela dans notre mémoire car c'est une question très importante, le livre blanc l'a souligné avec

raison. Nous avons voulu exposer la situation chez nous. Vous pouvez consulter les cartes vous-mêmes, nous allons passer pour aller plus vite.

Article 12. Monopole forestier. Pourquoi avons-nous parlé de ça dans notre mémoire? Notre compagnie est l'une des huit grandes compagnies forestières du Québec dont parle le livre blanc du ministère et auxquelles on semble reprocher de monopoliser de vastes concessions forestières. En 1965, lors des audiences publiques, une association a parlé des quatre grands en pointant vers eux un certain doigt accusateur. Nous étions naturellement encore dans le groupe visé par la foudre. Sur papier, cela semble être vrai. Par exemple, nos concessions forestières dans la région Saint-Maurice-Batiscan-Sainte-Anne couvrent 8,802 milles carrés. C'est gigantesque. Or, géant industriel que nous sommes, que faisons-nous avec ce vaste empire qui s'étend d'ouest en est, des rivières Mattawin et Manouane jusqu'aux rivières Sainte-Anne, à La Pérade et Metabetchouan, du sud au nord, pratiquement de la ville de Grand'Mère presque jusqu'à la tête du bassin de la rivière Saint-Maurice. Dit très sobrement, voici ce que nous faisons. Nos concessions sont utilisées à pleine capacité pour approvisionner trois usines de pâtes et papiers — je dis nos concessions et également nos terrains privés — qui contribuent directement à la prospérité de Grand'Mère, Shawinigan et Trois-Rivières et indirectement à celle de plusieurs autres petits centres.

Peu de gens dans les régions concernées nous accusent d'être un ogre insatiable. Tel que précédemment mentionné, tous les bois non utilisés par notre compagnie sont mis à la disposition d'autres industries. Les quantités considérables de lois de sciage résineux sont vendues à deux scieries. Presque toutes les concessions sont occupées par des clubs ou des réserves de chasse et de pêche en dehors des territoires englobés dans des parcs provinciaux. La compagnie ne peut certainement pas être accusée d'exercer un monopole exclusif sur les massifs forestiers qui lui sont affermés par l'Etat. Le seule monopole que nous exerçons est celui des dépenses encourues à chaque année pour l'aménagement forestier, la protection contre le feu, la construction et l'entretien des chemins. Nous sommes pratiquement les seuls présentement à payer la note. Evidemment, nous sommes presque omniprésents sur le Saint-Maurice. Il en est de même de notre voisine, la CIP. Ceci est inévitable et normal à cause de l'ampleur des activités manufacturières et forestières exercées par les deux compagnies impliquées.

Ces activités ont pour résultat de permettre à un fort pourcentage de la population de vivre plus que convenablement, d'avoir des maisons confortables et coquettes, de posséder des camps d'été, des motoneiges, d'avoir assez d'argent pour pouvoir jouir de leurs loisirs et surtout pour les chefs de famille de mettre du pain sur la table chaque jour et de pourvoir à l'éducation de leurs enfants. Ce n'est pas encore l'âge d'or dans la région du Saint-Maurice. Il y a encore de la misère à certains endroits. Cependant, quelle serait la situation si les deux grosses compagnies en cause ne fournissaient pas un apport aussi considérable à l'économie régionale.

Comme d'autres grands concessionnaires, notre compagnie est souvent assimilée à un gros méchant loup. Ce gros méchant loup, nous avons voulu aujourd'hui vous faire voir son véritable visage d'un peu plus près dans l'article 12 de notre mémoire en traitant des supposés monopoles forestiers.

L'intégration des forêts publiques et des forêts privées. On a simplement voulu dire que tel que le souhaite le livre blanc, nous avons toujours intégré nos forêts privées avec les forêts publiques dans nos plans d'aménagement.

Je vais passer sur l'article 14. L'article 15. Achat de bois à pâte et de copeaux.

Une partie importante des approvisionnements de CBL provient de bois rond acheté d'autres producteurs et de copeaux achetés des scieries. Nous redoutons quelque peu l'intention gouvernementale d'intervenir de façon plus poussée dans la fixation des prix au moyen d'une régie des produits forestiers du Québec. Selon nous, cela faussera le libre jeu de la concurrence basée sur l'offre et la demande. Certains fonctionnaires gouvernementaux, ne connaissant pas parfois tous les faits, seront appelés à prendre des décisions sans avoir à se préoccuper outre mesure des conséquences qui en résulteront pour les parties impliquées. Si vous avez des questions à ce sujet plus tard, M. MacLeod, notre expert négociateur, y répondra avec plaisir.

Relations d'affaires avec le gouvernement. Les relations d'affaires de CBL avec le gouvernement dans le domaine forestier ont toujours été cordiales dans le passé et empreintes de beaucoup de franchise et d'honnêteté. C'est notre intention de continuer d'agir de cette façon à l'avenir. M. MacLeod, celui qui vous parle présentement et plusieurs autres administrateurs de notre compagnie ont des rencontres fréquentes avec les fonctionnaires des Terres et Forêts. La formule suivie est très simple: nous nous assoyons tous autour d'une table et nous nous penchons sur des problèmes particuliers, donc sur des problèmes concrets. Les problèmes étudiés ne sont pas toujours simples. C'est surprenant de voir le nombre de fois que nous sommes capables de trouver des solutions heureuses pour tout le monde.

Lorsque nous pensons que les fonctionnaires gouvernementaux se trompent, nous le leur disons et l'inverse est également vrai. C'est ainsi que s'établit un climat de compréhension mutuelle.

M. le Président, ceci termine la présentation du résumé de notre mémoire. La présentation a peut-être été longue, mais cela nous fera peut-

être gagner du temps lors de la période des questions. Afin que notre mémoire ne devienne pas un document préparé inutilement pour les archives, il fut jugé nécessaire de faire quelques excursions hors texte, tout en suivant le résumé préparé pour la commission. Il a fallu faire halte en chemin à plusieurs reprises et regarder. Notre mémoire, par sa nature et par son allure générale, diffère essentiellement des autres documents soumis à votre attention. Nous n'avons pas voulu diriger nos phares directement sur le livre blanc. Les questions de gestion forestière ont été traitées dans le document gouvernemental d'une façon globale, mais on n'est pas allé généralement dans le détail.

Pour cette raison, nous avons cru qu'il serait intéressant de vous faire voir en gros plan les politiques d'utilisation forestière et des activités de gestion forestière au sein d'une grande compagnie. Nous espérons que l'exercice en a valu la peine.

Nous avons lu attentivement le compte rendu des délibérations de la journée d'ouverture où on a discuté de beaucoup de généralités. Inévitablement, on y a fait beaucoup de surplace. Le jeu était pas'sablement mêlé. Ceci n'est pas un blâme, mais une simple constatation. Il en fut un peu de même lors des réunions subséquentes. Des opinions, souvent très différentes, ont été déversées sur vous à la tonne et il ne sera pas facile pour vous de vous y retrouver. Vous n'êtes pas sorti du bois, pour employer une expression familière.

CBL a voulu préparer un mémoire concret. Si nous avons réussi dans nos efforts, cela aura, au moins, eu pour effet de vous reposer de certaines discussions très abstraites auxquelles il a fallu vous adonner précédemment. Cela vous aidera peut-être à démêler le vrai du faux et à dissiper le brouillard londonien dans lequel j'ai l'impression que vous avez été plongés après les cinq journées d'études intensives auxquelles vous avez dû vous astreindre. La lecture de notre mémoire et les remarques formulées lors de sa présentation vous ont sans doute inspiré de nombreuses questions et il nous fera plaisir d'y répondre.

Même si notre mémoire n'est aucunement une discussion du livre blanc, il y est étroitement relié, malgré les apparences. Celui qui vous parle a fait, pour sa propre satisfaction, une longue étude du document gouvernemental. J'espère que vous aurez des questions à poser par rapport à ce qui concerne plus spécifiquement toutes les activités reliées à la gestion forestière.

Je suis ingénieur forestier depuis 1941. J'ai été à l'emploi du ministère des Terres et Forêts durant sept ans et à l'emploi d'un grand concessionnaire, depuis 1951. Nous avons des concessions un peu partout dans la province. Nous croyons que nous avons une bonne connaissance des principaux problèmes forestiers du Québec. Sans vantardise, nous croyons que nous sommes capables d'énoncer, en rapport avec les principaux éléments de la politi- que forestière préconisée par le livre blanc, des commentaires qui seront marqués au coin d'une certaine expérience. Nous pouvons vous suggérer certaines questions sur les points les plus importants du livre blanc: l'abolition des concessions forestières, les essences secondaires, l'utilisation de la possibilité des sociétés de gestion forestière.

Une autre question très importante a été un peu escamotée. On en avait parlé le 20 juin et heureusement, elle est revenue sur le tapis ce matin: Est-ce qu'on doit séparer les notions de gestion et d'exploitation? Nous essaierons de répondre à toutes les questions. Si je suis mal pris, je regarderai vers le "bullpen" et ferai appel à un lanceur d'urgence, M. MacLeod. Comme Mike Marshall, cela ne lui prend pas grand temps pour se réchauffer. M. MacLeod aura le dernier mot de cette présentation. Avant de lui céder la parole, il me reste quelques remarques.

Je tiens à dire publiquement quelque chose que tout le monde a remarqué et qui résumera la pensée générale de tous ceux qui sont venus ici comme représentants de groupes ou autrement. Nous avons apprécié l'accueil cordial que nous ont fait tous les membres de la commission. Ce fut fatigant de rester assis durant de longues heures, mais la fatigue avait tôt fait de disparaître après chaque ajournement. En circulant parmi vous, nous avons remarqué que les fossés qui semblent parfois séparer les êtres humains dans leurs contacts ne sont pas toujours aussi profonds qu'ils le semblent à première vue. Vous avez rendu notre séjour agréable. Un mot de remerciement aussi à l'adresse de tout le personnel attaché à la commission parlementaire pour sa courtoisie et la façon empressée dont il s'est occupé de nous, à commencer par M. Jacques Pouliot.

Félicitations également à celui qui a présidé les délibérations durant la majeure partie des discussions, le député du Lac-Saint-Jean, qui a piloté la barque avec beaucoup d'adresse, même si parfois il a fait face à certains écueils en remontant le Saguenay.

J'ai une dernière chose à ajouter. En plus de préparer le mémoire remis à la commission en juin, mémoire que nous avons voulu aussi positif, aussi complet que possible, notre compagnie a également cru bon de faire un autre effort spécial afin de concrétiser encore plus certains des problèmes forestiers que vous aurez à étudier, comme suite au livre blanc du ministère des Terres et Forêts. Notre mémoire renferme de nombreuses cartes, mais ce sont des cartes de petit format qui ne nous ont pas permis de vous livrer tout le message que nous voulions vous laisser. Nous avons préparé un cahier de cartes grand format qui montreront non seulement en plus gros les renseignements montrés en plus petit sur les cartes de petit format dans notre mémoire, mais aussi une foule d'autres renseignements qui sauront vous intéresser.

Vu le travail énorme requis par la prépara-

tion de ce cahier, nous en avons préparé une copie seulement. Nous la remettrons au président à l'issue de la séance. Connaissant votre intérêt pour la chose forestière, nous sommes persuadés que vous prendrez le temps de consulter le document. Nous vous invitons également à communiquer avec nous si, plus tard, des renseignements additionnels sont requis.

Ceux, parmi l'assistance, qui n'ont pas de copie de notre mémoire pourront s'en procurer en s'adressant à M. Leopold Anctil; nous en avons des copies supplémentaires. Je vais demander à M. MacLeod de dire le mot de la fin en ce qui regarde la présentation de notre mémoire.

M. MacLEOD: M. le Président MM. les membres de la commission, vous êtes probablement convaincus que nous sommes mariés au statu quo. Nous avons défendu le statu quo avec pas mal d'assiduité. Je vous assure que tel n'est pas le cas. Nous avons essayé de démontrer avec autant de preuves à l'appui que possible que, jusqu'à aujourd'hui, les concessions forestières qui nous sont affermées, de même que nos terrains privés ont été aménagés de façon sage et rationnelle, en poursuivant des objectifs semblables à ceux exposés dans le livre blanc.

Nous croyons que les autres grandes compagnies peuvent faire des énoncés semblables. Avec certaines variations bien compréhensibles, plusieurs des vues exposées dans le livre blanc ont été réalisées ou sont en voie de réalisation. La plupart des autres, surtout dans le secteur industriel, peuvent être réalisées avec peu de changements dans le système de tenure actuel sans courir le risque de tout chambarder. Nous croyons sincèrement qu'il est dans l'intérêt de la province d'étudier soigneusement les bienfaits du système actuel et de faire les modifications requises pour le moderniser, au lieu de vouloir instaurer des réformes radicales.

En ce qui concerne notre société, nous avons des problèmes majeurs qui pourraient être résumés en trois grandes divisions. Du côté économique, le coût de notre matière première est trop élevé par rapport à nos concurrents. Certaines de nos concessions sont presque inacessibles économiquement aujourd'hui. Nous n'avons pas trouvé de débouchés adéquats pour les feuillus impropres au sciage, excepté dans la région de l'Outaouais.

Dans le domaine forestier, plusieurs secteurs sont peu ou très mal régénérés et nous subissons encore d'autres dommages à la suite de la présente épidémie de tordeuses des bourgeons de l'épinette.

Dans plusieurs régions, la récolte des vieux peuplements est trop lente.

Finalement, concernant l'usage polyvalent de la forêt, il y a un manque de planification pour les territoires affectés par la demande croissante de loisirs. Nous avons déjà subi et nous subirons à l'avenir des pertes de matière ligneuse difficile à remplacer. La plupart de nos problèmes pourront être réglés en tout ou en partie par les efforts collectifs de notre compagnie ou du gouvernement. Beaucoup de progrès se fait en ce sens au cours de nos relations journalières avec les représentants du ministère. Durant plusieurs années, avant la parution du livre blanc et également depuis sa parution, nous avons réussi à régler avec les officiers du ministère un grand nombre de problèmes forestiers impliquant notre compagnie et d'autres utilisateurs. Je parle non seulement d'autres utilisateurs industriels, mais des sportifs, du public, etc.

Je ne vois pas pourquoi il ne pourrait pas en être de même dans l'avenir. Il y a toujours moyen de trouver un terrain d'entente satisfaisant pour toutes les parties impliquées lorsqu'elles y mettent de la bonne volonté et étudient des problèmes particuliers d'une façon concrète, en prenant le temps de s'asseoir autour d'une table. C'est la seule façon d'arriver à des résultats tangibles. Nous ne croyons pas aux discussions stériles sur des problèmes abstraits. En d'autres termes, on ne gagne pas grand-chose lorsqu'on veut trop intellectualiser les situations auxquelles nous avons régulièrement à faire face chaque jour. Nous préférons de beaucoup l'approche pragmatique qui a fait ses preuves dans le passé.

Messieurs, ce sera un plaisir pour nous d'essayer de répondre à vos questions.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Terres et Forêts.

M. DRUMMOND: M. le Président, je veux remercier MM. MacLeod et Royer de la présentation de leurs mémoires. On m'a accusé à maintes reprises d'avoir produit trois tomes du livre blanc sur la politique forestière. Peut-être que je peux faire le même commentaire concernant la présentation de la Consol.

En tout cas, ce matin, j'ai pensé que nous étions en présence de la perfection, lorsque la CIP était ici et parlait de ses activités. Peut-être avais-je tort? Peut-être est-ce ce soir que nous sommes en présence de la vraie perfection?

Par contre, avant de donner la parole au député de Laviolette qui va poser les questions pour nous, j'ai une petite question: Est-ce vrai qu'il n'y a qu'une compagnie forestière dans la province qui sait quelque chose en ce qui concerne la mécanisation des travaux d'exploitation, tel qu'on nous l'a dit ce matin?

M. MacLEOD: Vous faites référence à M. Rivard qui a dit que sa compagnie faisait des recherches pour voir s'il y avait une reproduction adéquate à la suite d'opérations mécanisées?

M. DRUMMOND: Il a dit que c'était vraiment la seule compagnie qui connaissait cela.

M. ROYER: Disons qu'il a un peu dépassé sa pensée. Maintenant, il n'est pas question de jeter un blâme. Si, à un moment donné, quelqu'un ici est bombardé de questions, il ne répond pas toujours dans la note juste. C'est vrai qu'il y a eu des études faites dans les bûches exploités avec de la machinerie spécialisée, par la CIP. Il y a aussi des études qui ont été faites par l'Institut de recherche des pâtes et papiers du Canada et qui étaient dirigées par le Dr Whitman. Ces études seront continuées par le gouvernement fédéral en vertu d'un arrangement, étant donné que la division de sylviculture n'existe plus au sein de l'Institut de recherche des pâtes et papiers du Canada. Ces études ont été entreprises, si ma mémoire est bonne, vers 1967 avec la coopération de toutes les principales compagnies qui travaillent de cette façon. Il y a une partie de ces études qui a été exécutée chez nous.

Ce que M. Rivard a voulu dire, c'est qu'ils ont un directeur de recherche qui s'intéresse énormément à cela. Il a dit la vérité de ce côté, mais ce n'est rien d'exclusif.

M. LE PRESIDENT: Le député de Laviolette.

M. CARPENTIER: Au cours de l'exposé que vous venez de faire, MM. Roger et MacLeod, vous avez répondu à certaines questions que nous nous proposions de poser. Cependant, pour le bénéfice de la commission, je poserai peut-être ces mêmes questions, mais il s'agira de répondre d'une façon plus brève peut-être, afin de couvrir tous les sujets.

Au cours de la description des activités que vous poursuivez, vous mentionnez à plusieurs reprises que certaines mesures contenues dans l'exposé ne sont pas nouvelles, puisqu'elles sont pratiquées par votre société depuis longtemps. N'est-ce pas là reconnaître que la réforme envisagée n'ignore pas totalement ce qui existait auparavant et qu'elle tente de conserver les avantages de la politique actuelle, tout en éliminant les inconvénients au bénéfice de tous les usagers de la forêt?

M. ROYER: Naturellement le ministère des Terres et Forêts ne peut pas avoir les yeux fermés. Je suis convaincu personnellement, par tous mes contacts avec les forestiers du ministère des Terres et Forêts, qu'ils savent exactement ce que nous faisons. Nous n'avons certainement pas le monopole de la vertu. Il y a également des choses très bien qui se font ailleurs. Il y a des compagnies qui se spécialisent dans certains aspects de l'aménagement forestier et d'autres dans un autre.

Le reproche que nous pouvons faire au livre blanc c'est de ne pas avoir dit de façon assez explicite la nature de la gestion forestière qui a été faite au sein des compagnies. On a levé le voile à trois endroits, mais toujours un peu par ricochet, en mentionnant qu'un souci de réalis- me nous oblige à considérer qu'il va falloir laisser une partie de la gestion forestière à l'entreprise privée.

A un autre endroit, on a répété quelque chose de semblable. Et la troisième place où on a fait allusion à ça, c'est quand on a mentionné à plusieurs endroits: Ce n'est pas urgent et même nécessaire d'abolir le présent régime forestier. On voulait dire la concession forestière.

Comme le ministère a plutôt été assez discret à ce sujet, ça encourage les dénigreurs de la grande industrie forestière, des gens de différents groupements, qui sont peut-être bien intentionnés, mais qui parlent seulement d'après les oui-dire, qui n'ont peut-être jamais vu une carte forestière. Ce sont les reproches que nous faisons au livre blanc.

M. CARPENTIER: Au sujet de vos politiques d'aménagement pour les essences primaires aux pages 15 à 21, plus précisément à la page 17, vous démontrez que la planification relative à la localisation...

M. MacLEOD: Pourriez-vous vous rapprocher du micro un peu, s'il vous plaît?

M. CARPENTIER: ... de vos coupes dans la région de la Saint-Maurice a fait qu'aujourd'hui la distance moyenne de vos centres d'exploitation par rapport à vos usines n'est pas plus grande qu'il y a 30 ans. Quelle est cette distance moyenne?

M. ROYER: J'ai donné les chiffres tantôt. J'ai demandé de les inscrire dans le rapport.

M. CARPENTIER: Quel moyen de transport utilisez-vous principalement?

M. ROYER: Est-ce que vous avez pris les chiffres?

M. CARPENTIER: Oui, d'accord, je les ai retrouvés.

M. MacLEOD: Notre moyen de transport principal est la drave pour la rivière Saint-Maurice. Les distances que M. Royer vous a données sont celles parcourues par le bois sur les rivières principalement.

M. CARPENTIER: Est-ce qu'il en est ainsi pour toutes les autres unités situées en dehors de la région de la Saint-Maurice?

M. ROYER: Oui, c'est la même chose. Et je n'ai pas parlé des rivières Escoumains et Portneuf. Il fallait un peu se limiter. Quand nous avons commencé à exploiter sur la rivière Escoumains, nous sommes allés couper le plus vite possible à la tête de la rivière. Ce n'est pas le cas sur la rivière Portneuf; nous n'avons pas coupé dans le bas mais dans le milieu. Nous ne pouvions pas aller dans le haut de la rivière

parce qu'il y a un problème d'accidents topographiques.

Aujourd'hui, dans l'unité d'Escoumains, nous coupons dans le bas de l'unité. Dans la région de la rivière Outaouais, c'est à peu près la même chose.

M. CARPENTIER: Dans un autre ordre d'idées, vous avez signalé qu'à cause des restrictions sérieuses imposées par le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, vous avez dû abandonner vos coupes sélectives dans la région de Saint-Donat. Pourriez-vous préciser la nature de ces restrictions et dire de quelle façon elles constituaient des contraintes qui vous ont forcés à cesser ces opérations?

M. ROYER: C'est facile d'y répondre. C'est la question du transport du bois. Nous avions 15,000 unités de 100 pieds cubes à couper et à charroyer dans un temps limité. C'était physiquement impossible. Il y avait des restrictions, il ne fallait pas charroyer les fins de semaine et à certaines heures du jour. C'est quelque chose d'à peu près semblable à ce qu'il y a dans le parc Algonquin en Ontario. C'est une des raisons.

Il y a également une autre raison, les fonctionnaires du ministère des Terres et Forêts sont au courant, c'est qu'il y a eu beaucoup de pressions exercées par les gens de Saint-Donat. En 1960, ces gens se sont plaints que cette forêt ne faisait absolument rien; ils ont exercé de fortes pressions sur le gouvernement pour les distraire de nos concessions forestières et créer une réserve forestière spéciale à leur intention. C'est une forêt qui avait été exploitée dans les années 1935 et 1940, c'était une forêt de seconde venue et qui n'était pas prête pour une autre coupe.

S'il y avait eu une forêt spéciale là et exploitée par un syndicat local, j'ai l'impression que ç'aurait été une coupe assez abusive. Nous avons proposé au ministère des Terres et Forêts de faire une coupe sélective, pour pouvoir augmenter le rendement de la forêt et pour satisfaire les désirs des gens de Saint-Donat, qui voulaient avoir des exploitations forestières à proximité de leur village.

Aujourd'hui, à peine dix ans plus tard, ce sont eux qui ont fait des pressions pour que nous cessions nos activités, sous le faux prétexte que nous détruisions la forêt. Mais les exploitations que nous faisions là sont faites aujourd'hui par Rexfor chez nous et c'est le même genre de coupe, une coupe sélective.

M. CARPENTIER: Vous mentionnez à la page 25 qu'à cause des besoins grandissants de matière ligneuse pour les cinq et même dix prochaines années, vous devrez utiliser sur le Saint-Maurice la faible réserve de possibilités accumulées, ainsi que toutes les augmentations de possibilités approuvées. A part la réserve de possibilités, qu'est-ce qui vous justifiera d'augmenter la possibilité de coupe?

M. ROYER: Ce qui est arrivé, c'est qu'on dit toujours que les compagnies vident les forêts, que nous abusons, que nous tirons toujours la couverture de notre côté. Il y en a parfois qui sont trop libéraux dans leur action. Il y en a d'autres parfois qui sont prudents. Vous savez ce que c'est être prudent, M. le député?

M. CARPENTIER: Merci.

M. ROYER: Lorsque nous avons préparé nos plans d'aménagement pour le Saint-Maurice — celui qui vous parle peut en parler en connaissance de cause, parce que j'étais responsable de la préparation de tous les plans d'aménagement — c'était à peu près à la fin de la période de l'épidémie considérable de la tordeuse des bourgeons d'épinette. Le sapin avait été anéanti. Il y avait même du jeune sapin qui a été détruit, qui avait été exploité 20 ou 30 ans auparavant, d'à peu près 12 à 15 pieds de hauteur.

Ce qui veut dire que nous avons été extrêmement prudents dans le calcul de nos possibilités, parce que nous ne voulions pas nous jouer de mauvais tours. Depuis ce temps, une quinzaine d'années se sont écoulées. Chaque année, à la fin des coupes, comme vous le savez, tous nos bûchés sont mis en plan. Nous calculons les quantités coupées dans chacun des compartiments et même dans chaque assiette de coupe. Cela veut dire un mille carré, un compartiment dix milles carrés.

Nous faisons des comparaisons entre les chiffres de nos inventaires d'aménagement, les chiffres de nos inventaires d'exploitation et les chiffres de bois récolté. Nous nous sommes aperçus que, sur une période de 15 ans, et de façon constante et non pas de façon temporaire, nous avons toujours coupé plus de bois que les chiffres de nos plans d'aménagement pour les mêmes territoires. Si c'est un danger de surexploiter la forêt, c'est peut-être déplorable aussi d'être trop prudent.

Nous sommes donc allés rencontrer les fonctionnaires du ministère des Terres et Forêts. Nous avons discuté le problème. Nous leur avons soumis un document qui était inattaquable et on nous a donné la permission de couper même plus que ce que nous avions demandé. Pour votre information, nous allons faire la même chose peut-être d'ici quelques mois pour une autre unité où le même problème se présente.

M. MacLEOD: M. le ministre, j'aimerais faire une intervention. C'est l'exemple de la perfection que nous vous donnons. Mais c'est relatif, la perfection.

M. CARPENTIER: Vous mentionnez également, à la page 25, que les possibilités de votre unité de Normandin étaient loin d'être utilisées à cause de son éloignement de vos usines. Etant donné cette sous-utilisation, vous avez vendu à partir de 1964-1965 des coupes à un tiers. A

titre d'information, pourriez-vous expliquer comment est fixé le prix de vente de ces bois?

M. ROYER: C'est une vente de bois sur pied. C'est un droit de coupe. Savez-vous ce qu'on exige actuellement? On exige $2.50 le mille p.m.p. à Nicabau.

M. CARPENTIER: C'est la seule charge.

M. ROYER: Oui, mais le permissionnaire fait son mesurage. Et il est bien content.

M. CARPENTIER: Qui paie les frais de la prévention contre les incendies?

M. ROYER: C'est nous à titre de concessionnaire.

M. CARPENTIER: Evidemment, c'est mesuré sur pied. Relativement à votre unité de Péribonka, vous affirmez, à la page 26, qu'elle n'a jamais été utilisée à sa pleine capacité pour une raison d'inaccessibilité économique et même physique. Toutefois, vous soulignez que cette unité constitue une certaine politique et une police d'assurance au cas où votre compagnie déciderait une expansion à son usine de Port-Alfred. Est-ce à dire que du seul fait d'une expansion l'unité deviendrait économiquement et surtout physiquement plus accessible? Comment expliquez-vous cela?

M. MacLEOD: La question d'accessibilité est relative au coût du bois. Notre usine de Port-Alfred a un certain approvisionnement pour les machines à papier qui sont installées dans le moment. Si nous construisons une autre machine à papier journal dans l'usine de Port-Alfred, nous croyons qu'avec les économies d'échelle réalisées grâce à l'augmentation dans la production nous serons capables de rendre le projet rentable, même si le bois de Péribonka est toujours assez coûteux. Une augmentation de volume de bois assez dispendieux contrebalancera cet excès de coût avec l'économie d'échelle que nous aurons avec une autre machine.

M. ROYER: Une chose intéressante, M. le député, à dire au sujet de Péribonka, c'est que cette unité n'a pas été utilisée à pleine capacité. Vers 1959-1960, du temps de l'ancien sous-ministre, M. Avila Bédard, la compagnie a eu une demande par des dénommés Gaudreault du Lac-Saint-Jean, qui étaient intéressés à avoir une coupe. On leur a accordé une coupe sans la condition habituelle de nous passer la matière première en échange. Par la suite, il est venu plusieurs permissionnaires au cours des années mais pour des quantités relativement faibles, pas parce que nous ne voulions pas en donner plus mais simplement parce qu'ils n'avaient pas les reins assez solides pour couper plus. Depuis 1968, nous avons un utilisateur qui a besoin d'une quantité assez forte. Nous lui avons accordé 6,000,000 et en 1969 la quantité a été portée à 10,000,000, soit la quantité demandée. L'an passé, il a demandé plus et nous lui avons accordé 30,000,000.

Il y a un problème actuellement. Nous lui avons délimité un territoire. C'est parce qu'il a un territoire dont nous avons besoin. C'est le territoire le plus accessible pour notre scierie de Notre-Dame-du-Rosaire. L'autre territoire est un peu loin. Notre permissionnaire se plaint que cela lui coûterait extrêmement cher. Nous l'avons mentionné au ministère des Terres et Forêts. Je ne peux pas croire qu'il n'y aurait pas un moyen, peut-être par une subvention, de régler assez facilement une partie du problème de sous-utilisation de cette unité. C'est ce que j'appelle un problème particulier que nous pouvons tâter en chair et en os.

M. CARPENTIER: Vous signalez que la sous-utilisation de certaines unités fut due principalement à des raisons d'ordre économique. Or, cette sous-utilisation ne devient-elle pas coûteuse à la longue pour votre société puisque celle-ci doit tout de même défrayer la rente foncière, la protection contre le feu, l'intérêt sur la prime d'affermage de même que les dépenses liées aux inventaires, à l'aménagement et à l'arpentage?

M. ROYER: Ce n'est pas facile d'y répondre parce qu'il faut tout de même prendre un certain risque. Nous avons des unités d'aménagement. Nous savons qu'à un certain moment il y a possibilité de surplus à certains endroits. Et comme je l'ai expliqué tantôt, les endroits sont assez limités.

Ceux du Saint-Maurice, par exemple, n'avaient aucun surplus de possibilités, elles étaient utilisées pratiquement à 100 p.c. jusque vers 1956 alors qu'il s'est produit une certaine récession, que les demandes des usines ont diminué. On a été obligé de réduire un peu les quantités.

A chaque année, lorsqu'on prépare le programme de coupe générale pour la division du Saint-Maurice, on a un grand tableau qui nous montre toutes les quantités coupées au cours des décennies couvertes par les plans d'aménagement; on a également les possibilités accumulées. Une année, d'après les indications qu'on avait eues des usines, la coupe devait être assez forte. Le gérant de la division nous a dit, au service forestier, que ça nous prendrait tant de bois. Nous avons dit être capables de leur fournir cette année, qu'il n'y avait pas de problème parce que nous avions une certaine réserve, qu'il y a eu quelques années de vaches maigres. Je lui ai dit: Si tu arrivais durant deux ou trois ans avec une demande comme celle-là, nous aurions des problèmes.

M. Rivard a fait allusion ce matin aux pertes énormes causées par l'épidémie de la tordeuse des bourgeons d'épinette de 1940 à 1950. La

situation qui s'en vient sera très grave d'ici trois ou quatre ans. L'épidémie, qui a commencé dans les régions du comté de Gatineau en 1967, s'est étendue et couvrait 14 millions d'acres l'an dernier; cette année, on n'a pas eu les résultats de l'inventaire fait par le ministère des Terres et Forêts mais j'ai l'impression que ça va approcher les 30 millions.

L'épidémie est déjà sur le Saint-Maurice. Tous nos forestiers de district ont fait des observations dans leur territoire et, selon les premiers rapports que nous avons eus d'eux — ils avaient fait des observations semblables l'an dernier — la situation s'est aggravée considérablement depuis l'an dernier. Le pire c'est que, contrairement aux années 1940 à 1950, l'épidémie s'en va vers le nord. En 1950, ça n'allait pas beaucoup plus haut que la Manouane. L'autre jour, à Frédéricton, un ingénieur forestier de CIP m'a dit qu'il y en a au lac Cooper, c'est beaucoup plus au nord. Contrairement aux années 1940 à 1950, alors qu'il y avait eu un peu d'infestation dans les jeunes peuplements, mais pas tellement parce que c'était concentré dans la vieille forêt, aujourd'hui, ce sont les jeunes peuplements qui sont attaqués et l'épinette blanche. Ce qui veut dire que c'est toujours une bonne chose d'avoir une marge de sécurité, et il faut absolument, pour protéger nos arrières dans le domaine des ressources, une certaine banque et on est prêt à payer pour.

M. CARPENTIER: Est-ce que votre société fait certaines dépenses pour la prévention contre la tordeuse de bourgeons?

M. ROYER: Pour la prévention de la tordeuse de bourgeons, nous payons un tiers du coût des arrosages.

M. CARPENTIER: Un tiers du coût des arrosages.

M. ROYER: Oui, sur nos terrains.

M. CARPENTIER: Même si le mémoire soumis par votre compagnie avait surtout pour but de décrire les activités de votre compagnie en ce qui concerne l'aménagement, nous aimerions connaître vos vues sur certains points importants du livre blanc auxquels vous n'avez pas tellement fait allusion ou pas directement dans vos remarques. Par exemple, c'est une question que j'ai posée à une certaine association au début des audiences, qu'est-ce que vous pensez de la proposition du ministère des Terres et Forêts d'abolir totalement les concessions forestières?

M. ROYER: Je pense qu'il aurait fallu manquer d'imagination si on n'avait pas prévu une telle question. La question a été posée à MM. Grondin et Bédard, de l'Association forestière québécoise. On a essayé de leur arracher les vers du nez et cela a donné lieu à une brève joute oratoire entre le député de Chicoutimi et M. Bédard. Il aurait été surprenant, comme je l'ai mentionné, si la question ne nous avait pas été posée.

Par anticipation, j'ai préparé quelques notes parce que c'est un sujet assez délicat et je ne voudrais pas dépasser notre pensée. Ma première réflexion est que c'est une discussion un peu académique parce que cela a déjà été décidé depuis longtemps. Le principe de base a été accepté sans possibilité de retour par le ministère des Terres et Forêts, comme le ministre nous l'a dit le 20 juin. Cette décision d'abolir les concessions a été adoptée par quelques officiers du ministère. Comme je l'ai mentionné, c'est une discussion un peu académique; toutefois, la question est posée et je vais y répondre, je vais exprimer une opinion.

Je pourrais dire que, personnellement, tout simplement et brièvement, je ne vois pas l'utilité d'abolir toutes les concessions forestières.

Si je me contente de dire cela, je n'aurai pas prouvé grand-chose. Ceux qui prétendent qu'il faut les abolir auront peut-être prouvé aussi qu'ils ont raison autant que moi. Je vais donner quelques raisons sur lesquelles j'ai basé mon opinion.

Dans le livre blanc, on a donné quelques raisons; quelles sont ces raisons? On les retrouve aux sections III et IV du chapitre 2 du tome I quand on parle des contraintes structurelles et également des restrictions attribuables à l'utilisation polyvalente. Nous les avons examinées une par une et j'en suis venu à la conclusion qu'on n'a pas fait la preuve que c'est absolument nécessaire d'abolir toutes les concessions. Je pense que la preuve qu'on a essayé de faire est assez poreuse et, comme on dit en termes de mathématiques, on a été loin de faire la preuve par 9.

Pour ne pas rester dans l'abstrait, je vais repasser rapidement quelques-unes de ces raisons. On a parlé des grandeurs des unités d'aménagement. Pour soutenir cet argument, on a préparé un tableau à la page 145 où on a classifié les concessions forestières par ordre de grandeur. On a dit, au départ, que ça prendrait des unités d'au moins 1,000 milles carrés. Dans le tableau, il y a deux sections; dans la section de droite on a classifié les unités d'aménagement présentes dans les concessions forestières par le nombre, celles qui étaient plus petites que 1,000 milles carrés. On en a trouvé, je pense, 83 p.c; ça, on l'a mentionné dans le texte.

Dans d'autre section du tableau de la page 145, on a donné la liste des concessions, on les a classifiées par état de grandeur mais au point de vue de la superficie. On n'a pas eu, par exemple, la décence de dire dans le texte que les unités qui ont 1,000 milles carrés représentent 73 p.c, je crois, de l'ensemble. Si on ajoute celles de 500 à 1,000 milles carrés, il en reste 13 p.c. qui ont moins de 500 milles carrés. On a préparé une carte essayant de localiser les petites concessions forestières. Lors d'une réunion, au comité forestier de l'Association des

industries forestières du Québec, on a examiné la carte. Un ingénieur forestier m'a dit: Tu mets notre concession là comme une concession où il peut y avoir des problèmes, parce qu'elle n'est pas grosse; or, on n'a pas de problème. Ce qui veut dire que, même dans les petites, qui ont moins de 500 milles carrés, il n'y a pas toujours des problèmes.

Il y a eu d'autres raisons d'un ordre plus abstrait, par exemple, et plus difficiles à réfuter. On a parlé de l'utilisation polyvalente. Je pense que la même question a été posée cet après-midi par le député de Saguenay. Cette raison-là, nous ne la retenons pas; vous n'avez qu'à examiner notre mémoire et le cahier de cartes qu'on va vous donner. Une grande partie de nos concessions forestières sur le Saint-Maurice sont occupées par des clubs de chasse et de pêche, font partie de parcs provinciaux, de réserves de chasse et de pêche. Il y a des problèmes d'utilisation polyvalente mais pourquoi? Simplement parce qu'il n'y a pas toujours eu dans le passé assez de consultation entre les deux ministères concernés.

Il y a eu un problème spécifique en 1968 dans le parc du Mont-Tremblant, le problème a été réglé, parce que les deux concessionnaires intéressés, concernés, ont provoqué une réunion entre le ministère des Terres et Forêts et le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche. Il y a eu des problèmes dans la réserve de Portneuf au point de vue de l'utilisation polyvalente et on a organisé des réunions sur le terrain qui ont réglé les problèmes. Ce sont les raisons qu'on a invoquées dans le livre blanc.

On veut remplacer les concessions forestières, mais quand on veut faire un changement, il faut se demander si ce qu'on veut mettre à la place est mieux. On suggère la formule de la forêt domaniale. Personnellement, je ne suis pas contre la formule de la forêt domaniale. Il y a certains endroits dans la province où ç'a joué un rôle utile et je pense particulièrement à la Gaspésie. Dans le cas du Saguenay, la forêt domaniale du Saguenay a été formée de concessions de Price Brothers qui ont été remises au gouvernement. Dans la région du Lac-Saint-Jean, elle fut formée d'anciens terrains vacants. Autrement dit, ce qui s'appelait des terrains vacants s'appelle aujourd'hui une forêt domaniale.

On s'est demandé quelquefois quelle était l'efficacité de l'administration des forêts domaniales. Ce n'est pas à nous de dire ce qui se passe là, M. Drummond s'est chargé de le dire le 20 juin. Dans les concessions forestières, quels sont les problèmes? Au point de vue des résineux... On va commencer par les bois francs. Au point de vue du sciage, il n'y a aucune sous-utilisation.

Il est maintenant évident, après les réunions régionales de 1967 et celles qui ont eu lieu dernièrement, que le ministère accepte ce qu'on lui a dit en 1967. Il reste du bois franc pour les industries de sciage et de déroulage pour à peu près dix ans; il faut voir cela avec des lunettes roses.

Passons pour les bois francs, il reste les résineux. Vous avez les concessionnaires qui utilisent leurs possibilités à 100 p.c, donc pas de problème. Il reste certains endroits où il y a une sous-utilisation qui est inacceptable. Dans ces cas-là, je pense qu'il serait assez facile pour le ministère d'adopter une loi qui lui donnerait l'autorité de régler ces cas particuliers. Il faut s'entendre au sujet des concessions forestières. Plusieurs l'ont souligné au cours des audiences; qu'est-ce qu'on veut en réalité? On veut simplement changer le nom. Dans les forêts domaniales, dans le Lac-Saint-Jean, vous avez des territoires qui sont alloués pour 20 ans à des industriels du sciage; c'est une concession forestière à laquelle on donne simplement un autre nom.

M. DRUMMOND: Est-ce que je peux faire une mise au point? Les décisions en ce qui concerne l'abolition progressive des concessions forestières n'ont pas été prises par les officiers du ministère des Terres et Forêts mais par le gouvernement.

M. ROYER: M. le ministre, à un moment donné, il faut dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. Même au sein du ministère, il y en a un grand nombre qui ne sont même pas en faveur de cela.

M. MacLEOD: M. le ministre, il me semble que la question de l'abolition des concessions est plutôt quelque chose que l'on devrait regarder comme un slogan, parce que si vous remplacez ce que l'on appelle une concession par une autre forme de tenure qui a d'autres éléments mais qui a la sécurité voulue, soit par l'industrie de sciage, soit par les concessionnaires de pâtes et papiers qui sont en place dans le moment, l'autre forme de tenure aura certains éléments différents de la concession que nous détenons aujourd'hui. Quels seront les éléments, dans cette forme de tenure, de concessions qui sont des souhaits, selon le ministre, selon le ministère ou selon le gouvernement.

Il me semble qu'il y a principalement deux éléments. Il y a d'abord la possession exclusive du territoire par le concessionnaire. C'est certainement quelque chose que le concessionnaire ne veut pas garder, parce que nous n'exerçons pas cette exclusivité. Le public passe sur le terrain, tout le monde passe sur les concessions; il n'y a pas alors un grand changement, si, dans la loi, on reconnaît que le concessionnaire n'a pas besoin d'une possession exclusive du territoire. Le deuxième élément, qui est peut-être un souhait, est le droit de propriété sur le bois debout. Il me semble que si ce droit est remplacé par une autre forme de sécurité par laquelle l'Etat prend possession du bois et en échange protège le bois lui-même, ou quelque chose de semblable, je ne crois pas que ce soit un gros problème.

Nous restons après cela avec les compagnies ou les concessionnaires d'aujourd'hui avec la même forme de sécurité qu'ils ont chez eux, dans les concessions, si vous voulez, mais il y a deux éléments différents.

M. DRUMMOND: On a toujours dit qu'on était prêt à donner les garanties nécessaires à l'industrie. Pourquoi l'industrie s'élance-t-elle tellement contre le projet de l'abolition des concessions forestières? A part cela, pouvez-vous nous dire quel pourcentage de la possibilité de toutes vos concessions vous utilisez?

M. ROYER: J'ai donné les chiffres tantôt par région, contrairement...

M. DRUMMOND: Non, mais grosso modo.

M. ROYER: Grosso modo, cela ne veut rien dire. C'est justement le reproche que je fais au livre blanc, c'est d'avoir lancé à tout hasard, d'avoir "garroché" un chiffre de 65 p.c.

M. DRUMMOND: Je pose une question, vous ne voulez pas répondre?

M. ROYER: Oui, je vais répondre. Vous me demandez de répondre d'une façon globale; je ne veux pas avoir le même reproche que je fais personnellement au livre blanc, celui d'avoir "garroché" à tout hasard et à tout vent un chiffre de 65 p.c., que tout le monde invoque sans trop savoir de quoi il s'agit. C'est un chiffre global qui n'a absolument aucune signification.

M. DRUMMOND: Je parle de votre compagnie.

M. ROYER: Je vais en venir à notre compagnie, mais il faut prendre cela région par région. Dans les notes que j'ai données tantôt, j'ai commencé, mais j'ai été obligé d'écourter, j'ai fait une revue complète par région.

Sur le Saint-Maurice, c'est de 95 p.c. à 100 p.c; là, il n'y a pas de problème. Supposons que, demain, vous puissiez abolir les concessions forestières, mais quel est le principe de la concession forestière? Une concession forestière, c'est le droit de couper du bois durant une période donnée. Vous acceptez le principe, il n'y a pas grand monde qui n'accepte pas le principe; il n'y a que quelques interventions qui ont fait voir qu'il y a des gens carrément opposés à l'idée du principe d'un territoire alloué pour une période donnée. Le principe, vous l'acceptez, parce que vous êtes prêts à nous accorder un volume de bois durant une période de 20 ans et peut-être même de 40 ans pour un territoire donné. Si cela ne s'appelle pas une concession forestière...

Mais comme on l'a mentionné avec beaucoup d'à-propos ce matin, mon impression personnelle après avoir lu le livre blanc, est qu'on a simplement voulu proscrire, honnir les mots "concession forestière" pour les remplacer par autre chose. Pour ce qui est de nos concessions forestières sur le Saint-Maurice, à partir de demain, si vous nous donnez un contrat, une allocation contractuelle pour 40 ans — on reparlera de la période plus tard — dans l'immédiat, cela ne nous causera aucun problème, ce sera la même chose.

Supposons que vous puissiez prendre une gomme à effacer pour supprimer les concessions forestières sur le Saint-Maurice et que vous fassiez la même chose pour CIP, après, pour être logiques, vous allez nous donner des territoires et les deux compagnies vont retomber sur les mêmes pattes. Peut-être que cela pourra régler les petits problèmes d'enclave, mais pour les problèmes d'enclave qui existent sur le Saint-Maurice, nous avons dans nos dossiers des documents — on en a à peu près quatre tiroirs — des études qui ont été faites dans les années quarante et depuis lors pour essayer de régler le problème des concessions forestières qui chevauchent sur les lignes de hauteur des terres. Il y a 20 ans, c'était un problème parce que le bois était tiré par des chevaux; aujourd'hui, ça n'en est plus un. Dans le cahier de cartes que nous avons préparé, nous vous donnons toutes les informations sur tous les échanges de droits de coupe. Ces problèmes se sont réglés d'une façon facile, il n'y a même plus de problèmes aujourd'hui. On va retomber avec les mêmes.

Cette situation n'existe pas simplement sur le Saint-Maurice. Prenez la Côte-Nord, par exemple, vous allez isoler les concessions de la Quebec North Shore.

M. DRUMMOND: Tout ce que j'ai posé, c'était une question. Je crois qu'il est assez facile de répondre sans faire une longue déclaration.

M. ROYER: Est-ce que la réponse vous satisfait?

M. DRUMMOND: J'ai demandé quel pourcentage, grosso modo, des concessions...

M. ROYER: En fait de pourcentage, j'ai répondu.

M. DRUMMOND: ... de la possibilité des concessions de la compagnie Consol vous utilisez. C'était une question précise.

M. ROYER: Le chiffre global ne veut rien dire.

M. DRUMMOND: Peut-être que cela ne veut rien dire, mais c'était la question que j'avais posée.

M. ROYER: A Normandin, l'utilisation a été de 80 p.c. au cours des 20 dernières années et, d'ici cinq ans, ce surplus va être utilisé. A

Péribonka, c'est 38 p.c. au cours des 20 dernières années; sur la Côte-Nord, c'est 68 p.c; à Anticosti, c'est à peu près 45 p.c. Je n'ai pas eu le temps de donner tous les chiffres tantôt parce que j'ai été obligé de hâter le pas.

M. CARPENTIER: Une autre question. A titre de responsable, de gestionnaire pour votre compagnie, il en a été un peu question tantôt, que pensez-vous de la proposition du livre blanc de séparer la notion de gestion de celle de l'exploitation?

M. ROYER: Je vais vous dire cela non seulement à titre de chef forestier de Consolidated-Bathurst mais aussi à titre d'ingénieur forestier qui aime sa profession, qui est fier des ingénieurs forestiers. J'ai préparé des notes à ce sujet-là, sur ce que j'en pense. C'est une question assez grave et je ne veux pas parler sans consulter les notes que j'ai préparées à ce sujet.

Premièrement, il faut définir la notion de gestion forestière. Ce sont les opérations requises pour administrer un territoire forestier, c'est l'inventaire, la cartographie, la planification des interventions, et aussi des peuplements, la protection, etc. Le livre blanc dit ceci: La notion de gestion de toutes les activités est reliée aux formes d'utilisation du milieu forestier. Cette dissociation des deux concepts peut exister théoriquement; cependant, en pratique, on ne peut pas et on ne doit pas dissocier les deux aussi facilement. Il faut qu'il y ait un lien assez étroit entre les activités de gestion et celles de l'exploitation. Ceci est nécessaire pour permettre aux responsables de la gestion forestière de mieux orienter leur action.

Il y a une interdépendance entre la gestion et l'exploitation. Lorsque cette interdépendance est reconnue dans les faits, les aménagistes forestiers sont plus en mesure d'exercer une gestion forestière qui colle davantage à la réalité.

Les responsables de l'exploitation et les aménagistes forestiers doivent travailler continuellement la main dans la main. Il doit y avoir un phénomène d'osmose continuel entre ces deux sortes d'activités théoriquement séparables. Cette collaboration constante permet à chaque groupe d'agir avec plus d'efficacité.

S'il n'y a pas ce lien étroit entre les deux groupes, les premiers, les aménagistes forestiers, ont tendance, jusqu'à un certain point, à agir plus en théoriciens qu'en praticiens. C'est un fait indéniable que la gestion forestière est beaucoup moins efficace, dans l'ensemble, chez un concessionnaire où il y a un certain fossé entre les forestiers et les exploitants.

Pour mieux illustrer notre pensée, nous ajouterons que la grande faiblesse dont ont toujours fait preuve les aménagistes du ministère des Terres et Forêts, dans le passé, fut justement d'être trop loin du domaine de l'exploitation et des réalités de tous les jours qui s'y rattachent.

Cette faiblesse est apparue évidente, souvent, lors de discussions individuelles avec eux. Elle s'est manifestée de façon péremptoire au cours des réunions tenues pour les essences secondaires en 1967, alors que, parmi les décisions prises par le ministère des Terres et Forêts, il y en avait plusieurs qui n'étaient pas réalistes. D'ailleurs, plusieurs décisions imposées aux concessionnaires et aux utilisateurs ne purent jamais être appliquées, parce qu'on demandait des choses irréalisables à cause des contraintes qui étaient fort mal connues des officiers du gouvernement, dont les activités de gestion étaient encore trop éloignées des activités d'exploitation.

Il ne s'agit pas de blâmer les fonctionnaires gouvernementaux qui ont tenu les dites réunions. Ces fonctionnaires étaient et sont encore aussi intelligents que les administrateurs de compagnie qui leur faisaient face. C'était la faute du système et non celle des individus.

Comme exemple des décisions irréalistes prises en 1967, faute d'une connaissance des réalités de l'exploitation, l'on informa un concessionnaire qu'il aurait une allocation de bois franc dans les concessions de deux autres concessionnaires. Ceci était tout à fait impossible pour les premiers territoires concernés, car la grande distance de "charroyage" rendait le tout économiquement impossible. Cet aspect important avait été oublié par les fonctionnaires gouvernementaux. D'autres réunions furent tenues au cours des derniers mois pour réviser le plan quinquennal d'allocation. On a, à nouveau, proposé certaines mesures inapplicables. Par exemple, on a assigné à quelques utilisateurs des coupes sur des terrains vacants où il ne restait presque rien. Cependant, on a fait preuve, en 1967, de beaucoup plus de réalisme qu'au cours des derniers mois, grâce à la leçon, en ce sens, qui fut servie il y a cinq ans.

Il est toujours préférable — nous l'avons mentionné dans notre mémoire et aux audiences publiques en 1965 — que l'inventaire d'un territoire soit exécuté par ceux qui sont appelés à l'exploiter et à se servir, par conséquent, des données de l'inventaire. Une raison à ceci est que les aménagistes forestiers, qui travaillent la main dans la main avec les responsables de l'exploitation, ont un plus grand stimulant et un meilleur guide pour effectuer un travail précis et adéquat. On se plaint avec raison que, chez certains concessionnaires, il y a un cloisonnement encore trop rigide entre les aménagistes et les responsables de l'exploitation. Le fossé entre ces deux catégories d'individus s'élargira de façon générale si les activités de gestion deviennent, en fait complètement dissociées des activités d'exploitation, comme le souhaitent les livres blancs. A notre avis, c'est un des grands dangers, puisqu'on risque d'éloigner encore plus les ingénieurs forestiers aménagistes des responsables de l'exploitation.

M. CARPENTIER: Une seule autre question est revenue souventefois au cours des audiences.

Quel usage les compagnies ont-elles fait de leurs profits dans le passé? En ce qui concerne votre société, avez-vous quelques explications à nous donner?

M. MacLEOD: Au cours des audiences précédentes, souvent, cela m'a fâché d'entendre des individus accuser des compagnies d'être parties avec leurs profits dans leurs poches. Je n'étais pas fâché contre les individus qui ont fait des déclarations fausses ou sans fondement. J'étais plutôt fâché contre moi-même, parce que je n'avais pas les chiffres en main qui pouvaient représenter ce que les compagnies ont fait actuellement. Naturellement, nous ne courons pas partout avec des chiffres donnant l'histoire financière d'une compagnie. Cependant, à la suite de ces déclarations, nous avons sorti des chiffres, pour notre compagnie; c'est ce qu'on pourrait appeler le "cash flow" de la compagnie, constitué de ses ventes et de ses profits, depuis 40 ans. J'ai ici des feuilles. Je peux lire les chiffres, mais personne n'est capable de suivre la lecture d'un paquet de chiffres. Si vous pouviez faire distribuer ces feuilles, nous pourrions vous donner une réponse définitive à cette question.

Maintenant, j'aimerais que vous puissiez considérer ces chiffres non comme confidentiels mais pour votre usage personnel. La raison en est qu'ils sont ensemble d'une manière qui ne plaît pas à nos contrôleurs et aux comptables de la compagnie. Apparemment la comptabilité est une chose pas mal profonde et, si on ose changer la méthode d'assembler les chiffres, ça cause des ennuis. Je dirais même que les besoins de la discipline de la comptabilité sont aussi mystérieux que le mystère de la Sainte Trinité. Alors j'aimerais que vous gardiez ces chiffres pour votre usage; ce n'est pas pour publier parce que je serais massacré.

Ces chiffres représentent l'histoire de la compagnie depuis 1932 par décennie. Vous verrez dans la première colonne que nous avons des ventes nettes...

M. LE PRESIDENT: Ces chiffres seront enregistrés au journal des Débats et ils seront publics.

M. MacLEOD: Ce que je dis sera public mais je ne voudrais pas indiquer dans les Débats...

M. LE PRESIDENT: D'accord.

M. MacLEOD: C'est juste pour que vous soyez capables de me suivre. Les ventes nettes pour la première décade étaient de $174,000 et pour la dernière décennie, 1962 à 1971, de $2,235,000,000. Au total nous avons vendu des produits forestiers au cours de 40 ans pour un total de $4,130,000,000. Le taux de vente annuelle en 1971 se chiffre par $345 millions, comparé avec une moyenne de $17 millions à la première décennie. Alors c'est une multiplication par 20. Le chiffre de ventre était 20 fois plus élevé l'année passée qu'au commencement de notre histoire.

Maintenant, les bénéfices que nous avons obtenus pendant la période sont sur la deuxième ligne. Si vous enlevez de ces chiffres l'amortissement et l'épuisement ainsi que les intérêts à payer sur la dette, vous aurez $626 millions, qui représentent les bénéfices avant l'impôt sur le revenu pendant la période. Dans les colonnes précédentes, vous avez les mêmes chiffres pour chaque décennie.

Les impôts que nous avons payés représentent $296 millions et vous remarquerez que c'est presque 50 p.c. des bénéfices avant l'impôt sur le revenu.

Alors le bénéfice net après impôt est de $330 millions et ceci représente une moyenne de 8 p.c. sur le volume de vente. Pendant des années cela a fluctué entre 1 p.c, au commencement, jusqu'à 11 p.c., 13 p.c. et, durant la dernière décennie, 5 p.c. sur le chiffre de vente.

Maintenant, le fonds que nous pourrions utiliser pour investissements dans nos projets d'expansion, l'entretien et l'amélioration des usines consiste en $330 millions de profits. Il faut ajouter l'amortissement et l'épuisement ainsi que les impôts différés, pour faire un chiffre de $616 millions disponibles pour des utilisations quelconques.

Aussi, il y a deux autres moyens de se procurer des fonds, c'est une augmentation de la dette à long terme et l'émission de capital-actions. Vous verrez que, pendant la période de 40 ans, nous avons un changement net de $84 millions pour la dette à long terme et une émission de capital-actions de $85 millions.

Alors, toutes les sommes que nous avions pour améliorer nos usines et payer nos actionnaires en ristournes sur investissements étaient de $785,100,000.

Maintenant, comment avons-nous utilisé ces fonds? Pour les augmentations et améliorations de notre ameublement et de l'équipement, nous avons dépensé $337 millions. Ceci représente 1 1/2 fois l'amortissement et l'épuisement. En règle générale, pour rester en place ou pour avancer au taux normal, on dit que nous devrions dépenser l'amortissement et l'épuisement; nous les avons dépensés 1 1/2 fois pour améliorer nos usines.

A la dernière ligne, vous remarquerez en même temps que nous avons fait l'entretien et les réparations non capitalisées pour garder les machines en état de marche pour une somme de $230 millions. Nous avons payé à nos actionnaires des dividendes au montant de $219 millions. Ceci représente, pour la période de 40 ans, 7.9 p.c. de ristourne sur la valeur dans nos livres, pas la valeur du marché mais la valeur dans nos livres.

Pour les quinze premières années de notre existence, il n'y avait pas de dividendes, et depuis 1970, nous n'avons pas payé de dividen-

des non plus. Le taux de ristourne sur la même base qui vous est donnée est de 13 p.c. dans les années quarante, 11 p.c. dans les années cinquante et 5.7 p.c. dans les années de la dernière décennie.

Le dernier chiffre, pour équilibrer, est $227,700,000. Un tiers de ce montant est l'augmentation du fonds de roulement, et le reste représente les investissements que nous avons faits dans d'autres compagnies telles que Consol, notre filiale en Allemagne et la compagnie Rolland, etc.

Vous remarquerez que nous avons payé nos investissements dans d'autres compagnies avec une augmentation de la dette à long terme et avec l'émission de capital-actions. Toutes les autres sommes d'argent que nous avions sont replacées dans notre affaire ou distribuées à nos actionnaires.

Je crois, messieurs, que ces chiffres démontrent que c'est complètement faux de dire que les compagnies abusent de leur position et je nie catégoriquement que nos usines sont désuètes.

M. GAGNON: J'aurais une question supplémentaire. Quel est le total de vos immobilisations avant la dépréciation et après le montant qui reste net, une fois la dépréciation enlevée?

M. DRUMMOND: Je vais devoir chercher. C'est $450 millions après la dépréciation.

M. GAGNON: Et vous avez une dépréciation de combien, en moyenne?

M. BOIVIN: Dans le même ordre d'idées, j'aurais aussi une question à poser, pour ne pas y revenir.

M. CARPENTIER: D'accord.

M. BOIVIN: C'est une question importante, l'investissement. On accuse les grandes compagnies forestières de ne pas investir et de ne pas être capables, parce qu'elles n'investissent pas, de concurrencer les sociétés étrangères. Que répondez-vous à ça?

Lors des négociations, peut-être que ça sort, qu'il faut faire face à la concurrence, améliorer nos usines. Tout à l'heure, vous avez émis l'opinion, pour justifier votre concession de Péribonka, je ne sais pas si c'est une concession ou une forêt privée, que ça deviendrait rentable quand on pourra améliorer l'usine de Port-Alfred.

Cette concession, quand vous aurez la machinerie nécessaire à l'usine, sera rentable. C'est très important. Est-ce que réellement les améliorations que vous allez apporter à vos usines justifient tout l'effort que vous devez faire pour devenir concurrentiels sur le plan on peut dire mondial, parce que vous exportez la plupart de votre marchandise? Je pense que c'est important au point de vue de la publicité et pour répondre aux accusations. On vous accuse de mal gérer, de ne pas apporter toutes ces améliorations pour rendre vos usines rentables et concurrentielles.

M. MacLEOD: M. le Président, pour répondre à cette question, premièrement la rentabilité c'est une fonction du profit. Dans le profit, il y a le prix de vente du produit ainsi que le coût de fabrication. Dans le moment, le prix que nous recevons pour notre produit a diminué à la suite de la chute du dollar américain. Celui-ci a baissé, comme vous le savez, en valeur. Le prix que nous recevons pour la partie exportée — c'est le principal de nos produits — est basé sur le dollar américain, c'est un prix en dollars américains. Quelques-uns ont dit que c'était de la spéculation que nous avons faite; ce n'est pas du tout de la spéculation, notre produit est vendu selon un prix basé sur le dollar américain.

Maintenant, si le taux de change était resté élevé, notre industrie serait en bonne position aujourd'hui mais nous perdons à peu près $13 la tonne comparé à il y a deux ans. C'est un des éléments. Il y a l'élément du coût des matières premières et c'est un autre élément qui nous désavantage.

Mais pour revenir à votre question, le coût de fabrication dans nos usines n'est pas plus élevé qu'ailleurs; c'est même moins élevé que dans le sud des Etats-Unis et je crois que c'est moins élevé que dans l'Ouest canadien aussi. Ce n'est pas l'usine elle-même ou le coût de fabrication qui nous désavantage.

M. BOIVIN: On peut dire que, même si l'Etat gérait les usines, même si l'Etat exploitait les forêts il serait aux prises avec le même problème.

M. MacLEOD: Oui. Ce sont des faits de la vie, messieurs.

M. BOIVIN: C'est bien important parce que c'est un des gros arguments que l'on exploite contre l'entreprise privée. Je crois que vous devriez donner davantage d'explications sur ce sujet.

M. ROYER: D'ailleurs les véritables raisons pour lesquelles nous sommes dans une position défavorisée au point de vue concurrentiel avec le sud des Etats-Unis et les raisons pour lesquelles il n'est pas facile d'agir ne sont pas localisées dans l'usine mais dans la forêt. C'est très bien expliqué dans le livre blanc à l'article 2 du tome I, à la page 89. Par exemple, la grosseur du bois; ça prend 60 ou 70 ans à pousser ici. Aux Etats-Unis, c'est 30 ans. La topographie.

M. BOIVIN: Je reviendrai tout à l'heure, pour laisser terminer.

M. LE PRESIDENT: Le député de Laviolette.

M. CARPENTIER: Quant à moi, j'ai terminé mes questions, je vous remercie d'avoir répondu avec autant de clarté.

M. MacLEOD: M. le Président, me permettez-vous d'apporter une précision à la dernière question du député?

Les recettes brutes étaient de $708 millions. La dépréciation accumulée était de $234 millions et les revenus nets étaient de $474 millions.

M. LE PRESIDENT: Le député de Nicolet.

M. VINCENT: M. le Président, à mon tour je voudrais remercier la Consolidated-Bathurst de nous avoir présenté ce mémoire très élaboré, nous donnant même des cartes très bien préparées et nous exposant la collaboration de la compagnie avec le ministère des Terres et Forêts, les utilisateurs, les vacanciers, etc.

Maintenant, pour éviter que je pose des questions auxquelles on aurait déjà répondu, parce que j'ai dû m'absenter pour une bonne partie de la soirée, j'avais demandé à mes collègues de le faire. Enfin de compte, j'aurai l'occasion, demain, de lire dans les épreuves les réponses données par MM. Royer et MacLeod.

Donc, si mes collègues ont des questions à poser, je leur cède la parole.

M. BOIVIN: Est-ce qu'une compagnie comme la vôtre et d'autres compagnies qui exploitent la forêt dans la province ont un inventaire total et complet de leurs forêts?

M. ROYER: Oui, M. Boivin, et ça depuis 1920. Dans notre mémoire, nous avons donné beaucoup d'informations, nous avons d'ailleurs préparé une carte.

M. BOIVIN: Mais, si vous voulez, la deuxième question va vous donner l'idée...

M. ROYER: Dans le mémoire, il y a une carte, nous avons pris comme modèle la question du Saint-Maurice et nous y avons mis toutes les années des inventaires les plus récents. On a également mis sur ça toutes les années des inventaires antérieurs. Nous avons fait un inventaire complet au point de vue de toutes les essences. Au point de vue, par exemple, des bois feuillus, sortir des estimations à la base des inventaires, c'est plus difficile. Maintenant, pour les essences commerciales comme le merisier et le bouleau, on a tous les renseignements. Autrement dit, celui qui a parlé cet après-midi, s'il était venu nous voir pour avoir les renseignements, nous les lui aurions donné facilement pour les résineux et pour le bouleau.

Nous avons également tous les renseignements de base pour les autres essences qui ne trouvent pas preneur actuellement comme le tremble. En 1965, la compagnie Albert Gigaire était intéressée à commencer à utiliser le tremble. Elle est venue nous voir, nous avons mis tous nos renseignements à sa disposition et on a publié, une étude merveilleuse, nous avons tous les renseignements de base.

M. BOIVIN: Vous avez travaillé aussi pour le ministère des Terres et Forêts, ça s'est peut-être amélioré depuis que vous êtes parti, ou ça a empiré. Je veux savoir si le gouvernement a les mêmes inventaires. Envoyez-vous des copies de ces inventaires? Ce qui me fait douter, c'est que vous avez dit que, dans certains parterres de coupe préparés par le ministère des Terres et Forêts, on ne trouvait pas le bois sur lequel vous comptiez pour l'exploitation du parterre de coupe que l'on vous donnait cette année-là.

M. ROYER: J'aurais mentionné que...

M. BOIVIN: Il me semble que c'est vous qui avez dit tout à l'heure que certains inventaires forestiers pouvaient nous faire douter que le ministère des Terres et Forêts n'a pas vos inventaires.

M. ROYER: Le ministère a nos inventaires.

M. BOIVIN: Il a vos inventaires, mais comment se fait-il que, sur certains parterres de coupe, vous dites que vous ne trouvez pas le bois?

M. ROYER: Ce n'est pas ce que j'ai dit exactement. Le ministère a tous les inventaires des compagnies. Seulement, il faut également interpréter les inventaires. Dans l'interprétation, ce sont ceux qui sont près du terrain qui sont capables d'analyser les chiffres. Par exemple, au sein de notre compagnie, nous avons un personnel d'inspecteurs forestiers continuellement sur le terrain, connaissant chaque recoin du territoire. Ces inspecteurs communiquent leurs connaissances à nos forestiers de district, qui également discutent des problèmes avec les forestiers divisionnaires. C'est ça, ça prend un lien très étroit entre l'aménagiste forestier et les responsables de l'exploitation.

Maintenant, le ministère, parfois, peut faire des erreurs. Mais ces erreurs, je les comprends d'autant plus facilement que j'ai été moi-même à l'emploi du ministère des Terres et Forêts de 1944 à 1951 : Je vous dis que parfois — et je le dis avec énormément de sincérité — je le prends en pitié. Parce qu'il ne faut pas oublier que nous avons des problèmes, les journées ne sont pas assez longues, il y a bien des problèmes que nous ne pouvons pas examiner en profondeur et pourtant nous n'avons affaire qu'à nos terrains forestiers, à nos concessions et à nos terrains privés.

Pour le ministère, cela vient de tous les coins de la province. Alors j'ai énormément de sympathie pour lui. Il fait des erreurs. Nous en faisons nous aussi. Pour vous donner un exem-

ple, il a fait faire un inventaire des bois feuillus, de 1966 à 1969. Les chiffres sont sortis l'automne dernier. Cela a été communiqué aux compagnies. Ses chiffres avaient des proportions astronomiques comparés aux nôtres.

Nous avons organisé des réunions, pour tâcher de cerner les problèmes, pour savoir pourquoi. Nous étions intéressés, autant que lui, à savoir qui se trompait. Etions-nous trop bas ou était-ce lui qui était trop haut? Nous avons augmenté nos chiffres un peu. Nous nous sommes aperçus, en discutant, par exemple, qu'il avait oublié d'enlever le secteur de 200 milles carrés du parc national sur lequel il y a énormément de bois franc. Nous, nous ne pouvions pas l'oublier parce que nous avons été aux prises avec le problème.

J'ai compris que l'ingénieur qui a fait les calculs a oublié cela parce que ce n'était pas ancré dans le derrière de sa tête avec la même intensité que chez nous. Comme résultat final, après avoir fait des ajustements des deux côtés ses chiffres étaient à peu près sept fois plus élevés que les nôtres. Nous l'avons convaincu que c'étaient les nôtres qui étaient le plus près de la vérité. Dans le nouveau plan de distribution qui a été préparé, il y a à peu près cinq ou six mois, on a pris les chiffres des compagnies.

Nous nous sommes informés ailleurs de ce qui s'était passé. Les proportions étaient à peu près les mêmes. Les ingénieurs qui ont fait le travail sont très compétents, mais il y a un lot d'éléments impondérables, et ce n'est pas facile.

J'avais lu, il y a quelques années, dans le Sélection du Reader's Digest, qu'on avait construit, à Pittsburg, un bureau de poste qui avait coûté $6 millions, et on s'est aperçu qu'on avait oublié de mettre des boîtes à lettre. C'est juste pour dire qu'il est facile de faire un oubli et de prendre une tangente.

M. VINCENT: M. Royer, avec la permission du député de Dubuc, vous venez de soulever là un point qui, à mon sens, est très important. Cet après-midi, on a mentionné qu'on avait de la difficulté à obtenir des renseignements et des informations détaillés. Je pense bien qu'en soulignant ce point — j'espère que le ministre en a pris bonne note — il faudrait d'abord commencer par parler le même langage, que les compagnies et le ministère parlent le même langage, se servent du même code. S'il y a des écarts aussi considérables entre les chiffres que vous croyez sûrs et les chiffres que le ministère a et qu'il croit également sûrs, il peut bien exister une confusion des langues. Cela peut bien devenir, à un moment donné, une tour de Babel.

Je pense que, si le ministre en prend bonne note, ce sera peut-être un des premiers points, dans une future politique forestière, qu'il existe un code similaire utilisé tant par le ministère que par les compagnies.

M. ROYER: En marge de vos remarques, M.

Vincent, en 1965, le ministère des Terres et Forêts a créé le service des inventaires forestiers, qui était réellement une nécessité. Il s'agissait de mettre un peu d'ordre dans cela parce qu'avant, tout était fait un peu au petit bonheur. On a commencé par couvrir les terrains vacants. En 1968, l'industrie a été approchée, par le truchement du comité forestier de l'association, par le ministère des Terres et Forêts, pour savoir si on était prêt à participer à l'élaboration et à l'exécution d'un programme d'inventaire national pour toute la province. On a accusé, l'autre jour, l'industrie d'être négative. Nous n'avons pas été négatifs, à ce moment-là. Nous avons collaboré avec empressement parce que nous reconnaissions qu'il y avait un besoin d'uniformiser les données dans toute la province, si on veut être capable de sortir de beaux documents. Il s'en est sorti en Ontario et au Nouveau-Brunswick. Ce sont des chiffres qu'il sera intéressant, pour un député, de se procurer, parce qu'il y aura des chiffres de son comté, mais ce sont des chiffres tellement généraux qu'ils n'ont pas beaucoup de valeur pratique.

Au point de vue de l'aménagement forestier, le nouveau système d'inventaire national présentera certains désavantages, parce que vous imaginez un inventaire du ministère dans toute la province! Il doit être relativement plus intensif. On aura des données relativement sûres, pour de grands territoires. Quand on voudra procéder pour des petits territoires, ce ne sera pas suffisant.

D'ailleurs, c'est reconnu dans le livre blanc. On dit que ces inventaires, pour fins d'exploitation, n'auront pratiquement aucune valeur. La question d'uniformité est certainement très importante.

M. VINCENT: M. Royer, vous avez mentionné, tout à l'heure, qu'il existait, au Québec, du bois franc pour les dix prochaines années. Je pense que c'est ce que vous avez dit. J'arrivais.

M. ROYER : Textuellement, pour le sciage et le déroulage.

M. VINCENT: Pour le sciage et le déroulage, il en existait pour dix ans. On ne pouvait pas s'écarter de cela. C'était pour dix ans. Au sujet de cette période que vous avancez, a-t-on fait les mêmes constatations au ministère ou dans d'autres compagnies?

M. ROYER: J'ai, d'ailleurs, fait allusion à cela tantôt. Même le ministère reconnaît cela. En 1964, il y avait une réunion au siège social, à Montréal, avec la Société Albert Giguaire et J.-C. Martel, pour régler leur entente dans la région de Saint-Michel-des-Saints. La veille, j'avais fait des calculs rapides pour faire le point au sujet des possibilités d'approvisionnement de bois franc de sciage et de déroulage. J'étais arrivé à la conclusion qu'il restait peut-être du

bois pour quinze à vingt ans. Le lendemain, j'ai demandé aux messieurs Gignac de la Société Albert Giguaire, sans leur faire part des calculs que j'avais faits la veille: Pour combien de temps pensez-vous être capables d'avoir du merisier propre au déroulage sur le Saint-Maurice? On m'a répondu, avec beaucoup d'optimisme: Peut-être pour dix ans. Tous les faits qui sont survenus depuis ce temps ont vérifié cet avis.

En 1965, lors des audiences publiques, un mémoire préparé par un ingénieur-conseil parlait de la sous-utilisation des bois francs. Je me suis opposé à cette affirmation. M. J.-A. Lafleur, de Commonwealth Plywood, qui est une autorité au point de vue du bois franc, s'est fait poser la question par un des sous-ministres du temps, M. Deschamps: M. Lafleur, pour combien de temps serez-vous capable de couper du bois franc pour fins de déroulage? Sa réponse a été: Pour quinze ans. Après, on va retourner dans les parterres de coupe glaner quelques arbres qui sont restés là.

Le ministère le réalise maintenant. D'ailleurs, je pense que M. Drummond l'a affirmé le 2 mai, devant les manufacturiers de bois de sciage. On a demandé: Pourquoi faire des coupes accélérées? C'est que c'est une liquidation.

M. VINCENT: Si cela touche le bois franc et le merisier, également l'érable, cela veut dire que les manufacturiers de meubles que nous avons entendus juste avant six heures, avant la suspension pour le dîner, seront en très grande difficulté dans dix ans.

M. ROYER: Je n'étais pas ici quand les manufacturiers de meubles ont présenté leur mémoire. Seulement, j'ai lu des articles qui ont paru dans les journaux, au cours des deux derniers mois. La situation qu'ils ont décrite est exacte. Il y a réellement un problème, surtout depuis qu'il y a du bois qui s'en va au Japon, pour les allées de quilles.

M. VINCENT: Ils se plaignaient, avec raison, qu'ils avaient un manque de matière première, en merisier et en érable. Ils disaient qu'ils avaient un marché considérablement ouvert pour les six prochaines années, mais que, déjà, ils manquaient de matière première. D'après ce que vous dites, ce sera encore plus désastreux dans douze ou quinze ans.

M. ROYER: C'est un problème grave.

M. VINCENT: Y a-t-il une possibilité de commencer tout de suite à faire quelque chose pour dans vingt ans, dans ce domaine?

M. ROYER: C'est probablement impossible. Premièrement, il faut faire se régénérer le merisier, qui est une essence qui ne se régénère pratiquement pas naturellement. Il y en a devant qui j'ai déjà fait cette affirmation qui ont sauté parce qu'ils ont vu des petits merisiers dans la région de Batiscan-Sainte-Anne. Mais il n'y aura jamais de peuplements de merisier pour remplacer ceux qui sont exploités actuellement.

Les peuplements qu'on exploite actuellement sont âgés d'à peu près 150 à 200 ans. Il faudrait probablement rétablir le merisier. Pour cela, il faudrait faire des coupes, faire de la scarification, comme il s'en fait en Ontario, avec l'espoir d'en récolter les bénéfices dans à peu près 150 ou 200 ans.

Maintenant, la question qui se pose n'est pas facile. Je vous dis qu'il y en a, des problèmes. Cela a été mentionné, je pense, dans le livre blanc, à un moment donné, que les problèmes forestiers ne sont pas toujours faciles à régler. C'est extrêmement complexe. C'est bien beau de prendre des mesures, de dépenser de l'argent pour investir dans la régénération du merisier, mais qui nous dit que, dans 100 ans, c'est une essence qui sera autant en demande avec tous les changements technologiques? Des décisions semblables se posent même au niveau des essences résineuses.

M. BOIVIN: Tous les ans, vous préparez votre parterre de coupe et vous le présentez au ministère des Terres et Forêts.

M. ROYER: Oui.

M. BOIVIN: Je sais qu'il y a des petites industries, il y a des coopératives qui se présentent aussi au ministère des Terres et Forêts. Tous les ans, j'écris au ministère et je dis: Je ne veux pas qu'il y ait de politique dans les services qu'on peut donner à la petite et à la moyenne industrie. Si le ministère des Terres et Forêts avait à préparer, actuellement, les parterres de coupe de toutes les compagnies — il faut que cela arrive à une date donnée — pensez-vous que le ministère des Terres et Forêts serait capable de fournir à temps, à chacun des exploiteurs forestiers, le parterre de coupe qu'il doit leur donner?

M. ROYER: Le ministère serait simplement débordé par les problèmes. C'est aussi simple que cela.

M. BOIVIN: On parlait de deux ou trois ans pour changer la gestion des compagnies. C'est ce qui nous fait comprendre que le ministère des Terres et Forêts demande au moins dix ans.

M. ROYER: Le ministère est réaliste. Il est mentionné dans le livre blanc qu'il faudra tout de même, dans un souci de réalisme, tenir compte de la compétence et de l'expérience acquise par les concessionnaires forestiers.

M. BOIVIN: J'aurais une autre question à poser au sujet de l'emploi. Est-ce que la mécanisation de vos usines apporte une baisse

de l'emploi, dans l'exploitation forestière générale? Vous pourriez peut-être nous donner des chiffres de l'emploi par rapport à ce que vous avez exploité, en telle année, voilà dix ans, et aujourd'hui. Produisez-vous avec moins d'employés?

M. MacLEOD: Je dirai en général, M. le Président, que, disons depuis dix ans, il n'y a pas beaucoup de diminution dans la main-d'oeuvre des usines. On fait augmenter la vitesse des machines pour avoir une augmentation de l'activité, mais cela n'entraîne pas une diminution de la main-d'oeuvre. Même avec les plans d'expansion que nous avons pour l'usine Belgo, à Shawinigan, je crois que nous aurons une soixantaine d'hommes supplémentaires à engager pour cette usine, dans le courant de l'année qui vient. Alors eu général, non, il n'y a pas une baisse appréciable.

Dans la forêt, par exemple, la situation n'est pas du tout la même. Chaque fois que nous achetons une machine, comme une tronçonneuse ou des machines neuves qui vont en forêt, il y a certainement une baisse dans le nombre d'employés forestiers. Cependant, c'est une course pour savoir s'il y a nssez d'hommes, aujourd'hui, pour faire notre bois. Nous ne savons pas si c'est nous qui mettons de côté de la main-d'oeuvre ou s'il y a une pénurie de main-d'oeuvre qui nous oblige à mécaniser davantage.

M. BOIVIN: Achetez-vous tout le bois qui vient des forêts privées ou des cultivateurs? Est-ce qu'à tous les ans, vous absorbez ce bois qui vous vient d'en dehors de vos limites?

M. MacLEOD: Chaque année, nous faisons des négociations avec les offices du marché agricole, dans plusieurs régions. Je pense que ce sont 19 régions au total. Il y a trois ou quatre ans, nous voulions acheter moins de bois que les autres produisaient. Dans le moment, nous achetons tout le bois qu'ils peuvent mettre sur le marché. Même, nous croyons qu'il y aura, cette année, une pénurie dans les livraisons, c'est-à-dire que plusieurs contrats ne seront pas remplis. Ce n'est pas nous qui n'achetons pas, dans le moment, mais ce sont les producteurs eux-mêmes qui ne remplissent pas nos contrats.

Cette situation, c'est une prévision. Peut-être qu'au cours de l'automne, cela va s'améliorer.

Je crois qu'une des raisons principales, c'est le mauvais temps que nous avons cet été. C'était très pluvieux. Et ce n'était pas à cause des machines à pluie, je ne crois pas.

M. BOIVIN: Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Gaspé-Nord.

M. GAGNON: On remercie MM. MacLeod et Royer pour la présentation de leur mémoire. J'ai remarqué, dans les propos de M. Royer, quand il nous parlait de son mémoire, que c'était un genre minijupe pour permettre de voir en dessous. Nous avons vu du résineux et du feuillu. Je dirai même que la compagnie Consilodated-Bathurst est allée plus loin en nous faisant voir son sein, puisqu'elle n'a pas eu peur de déposer même ses opérations financières, qu'elles soient déficitaires ou avec un surplus, de même que les immobilisations ou la dépréciation. Nous devons la féliciter.

J'ai aussi remarqué, pour ma part — je n'applique pas cela seulement à la vôtre — le ton agressif des compagnies qui sont venues donner lecture de mémoires. Je les ai comprises. On comprend très bien que, quand les compagnies ont des difficultés financières, ce sont elles qui ont charge de voir à une nouvelle planification, une nouvelle orientation, une nouvelle gestion de leur entreprise alors que les gouvernements, quand cela va mal, déposent un petit projet de loi qui impose des taxes. C'est beaucoup plus facile, je dirai, que pour les compagnies.

Vous savez, le livre blanc, je crois que c'est un excellent volume. J'entendais, cet après-midi, quand je suis sorti, des personnes en arrière qui disaient que c'était l'oeuvre de technocrates. Moi, je n'ai pas à blâmer les technocrates. Je les trouve merveilleux. Je n'ai que des félicitations à faire à ces hommes qui ont à mettre le fruit de leur travail sur du papier. C'est sans doute théorique. Ceux que je plains, ce ne sont pas les technocrates, qui ont la compétence, les connaissances théoriques — je ne dis pas cela pour le ministre des Terres et Forêts mais je parle en général — mais un ministre qui se fait mener par des technocrates. C'est beaucoup plus difficile et beaucoup plus à plaindre.

Je viens d'une région de la Gaspésie, le comté de Gaspé-Nord. Nous avons connu des livres blancs — je vais les appeler comme cela — les livres blancs de l'ODEQ. Cela a coûté $8 millions. Si je m'en tiens au ministère des Terres et Forêts, cela a été pour apprendre à faire des forêts domaniales dans mon secteur. D'ailleurs, le gouvernement n'avait pas besoin de cela parce qu'il en avait déjà établi une, je crois, vers 1963-1964, lorsqu'on a acquis les concessions forestières de Hammermill et de Price Brothers, à Matane. Un livre blanc pour faire mettre de l'ensemencement? Pas besoin de livre blanc.

Quand je regarde tout cela, je me dis que cela a coûté des millions de dollars. Je suis convaincu que le ministère des Terres et Forêts n'avait pas besoin de cela, comme le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, pour ouvrir une parenthèse, n'avait pas besoin de gros livres pour faire l'implantation de trois stations touristiques, soit à Mont-Saint-Pierre, à Percé et à Carleton. C'est pour vous dire que, dans les livres, on en écrit énormément. Si on mettait en pratique tout ce qu'il y a d'écrit dans ces livres, cela coûterait environ $2 milliards au gouvernement.

Je dois également vous féliciter pour les

détails aussi bien écrits que verbaux, en particulier, que vous avez donnés. Vous n'avez pas eu peur des questions. Je raccourcirai considérablement mes questions parce que M. Royer a dit tout à l'heure que, depuis quinze jours, ils attendent. Je crois que cela vous met bien dans l'esprit du travail du législateur, qui, par les journaux, est parfois mal connu. Il y a des impondérables ou des inconnues. Nous sommes obligés d'éplucher des projets de loi qui retardent certaines choses. Je suis convaincu que vous comprenez mieux le travail que ceux qui sont assis à la table ou en Chambre ont à faire et qui, parfois, est difficile, laborieux. Il semble s'éterniser mais c'est dans les meilleurs intérêts. Comme je vous dis, je vais passer assez vite parce que l'heure avance. On a parlé de la tordeuse. Pourrait-on me dire si en Gaspésie — où il y a eu des dommages — actuellement, il n'y a pas de dangers de ce côté? Il y a à peine quelques années le feuillu, qui reprenait en quantité assez considérable, a connu une nouvelle montée — je ne sais pas si on appelle cela encore la tordeuse ou la mouche du feuillu — mais je ne sais pas si on pourrait me donner quelques renseignements sur la tordeuse de bourgeons d'épinette ou sur le feuillu.

M. ROYER: Pour des raisons inconnues, l'épidémie qui a sévi dans la province de 1910 à 1920 a épargné la Gaspésie. Celle qui a sévi de 1940 à 1950 a touché la Gaspésie. Maintenant, il y a eu des arrosages qui ont été faits en 1959. Je pense qu'il y en a peut-être eu durant deux ou trois ans, mais je n'en suis pas sûr. Ces arrosages ont enrayé l'épidémie de façon complète, contrairement au Nouveau-Brunswick où on a arrosé sans arrêt depuis 1952. C'est rendu maintenant au rythme de 5 millions d'acres par année, sauf une année, je pense, en 1959.

Qu'est-ce qui va se produire durant la prochaine épidémie? Personne ne peut le dire. Tout ce qu'on peut dire actuellement, c'est qu'en 1939, quand l'épidémie a commencé dans l'ouest de la province, dans le canton Duparquet, l'épidémie a voyagé vers l'est. On a toujours eu l'impression que c'était la façon de voyager pour l'épidémie de la tordeuse des bourgeons d'épinette. Quant à la nouvelle épidémie qui a pris naissance, en 1967, sur la Gatineau, et qui se déplace avec une rapidité foudroyante vers l'est, on a découvert en même temps un centre d'infestation dans le comté de Témiscouata et on y a procédé à des arrosages.

Si on se fie à ce qui s'est passé de 1940 à 1950, c'est certain que l'épidémie va frapper la Gaspésie, parce que c'est un foyer de prédilection à cause de l'abondance de la jeune forêt de sapin. Quant aux feuillus, vous avez vu le dépérissement du bouleau qui, vers les années quarante s'est fait à l'inverse, à partir du Nouveau-Brunswick, vers l'ouest de la province. Pratiquement tous les bouleaux et merisiers, dans les vieilles forêts, ont été tués par une maladie dont la cause était physiologique mais qui était mal connue. On s'est contenté de l'appeler la maladie de dépérissement du bouleau, en anglais, le "die-back", parce qu'ils commençaient à mourir par la cime.

Vous avez eu aussi la mouche à scie dans les années trente sur l'épinette.

M. GAGNON: Avant-hier, je crois, ou la semaine dernière, un ingénieur forestier a déposé devant la commission un mémoire dans lequel il était fait mention que, si le gouvernement permettait la rationalisation de la forêt en Gaspésie, cela suppose qu'il émettrait de nouveaux permis de coupe qui permettraient mieux de récupérer tous les approvisionnements qu'il y a. Il considère qu'il y aurait peut-être là de l'emploi pour 500 travailleurs. Etes-vous de son avis ou si vous considérez qu'actuellement, dans la région de la Gaspésie, les permis actuellement émis remplissent parfaitement les conditions d'approvisionnement et répondent également aux besoins de la forêt, c'est-à-dire au dépeuplement de la forêt de façon qu'ils ne se perdent pas?

M. ROYER: Vous faites allusion au mémoire soumis par le confrère Raymond Dion. Malheureusement, j'étais absent. Je me suis procuré une copie du compte rendu des débats et j'ai lu son mémoire. Je peux parler des cas particuliers avec lesquels je suis familier en Gaspésie.

Quand ce sont d'autres cas avec lesquels je ne suis pas familier du tout, j'aime autant ne rien dire.Nous avons des concessions forestières, par notre filiale de Bathurst à New-Richmond. Ces concessions sont exploitées à pleine capacité. Là il n'est pas question d'en couper plus. Il n'est pas question d'emplois. Je pense que M. Dion a fait des études pour le ministère des Terres et Forêts. Je ne sais pas à quel endroit. C'est peut-être sur de petites forêts privées qui pourraient être exploitées de façon plus intensive.

Maintenant, il y a certainement possibilité d'améliorer le rendement. D'ailleurs le fonds de recherche forestière est le responsable, est le maître-d'oeuvre pour l'Opération Dignité no 1. Plusieurs de ces projets sont exécutés en Gaspésie. Par exemple, il y a un projet qui est exécuté dans les montagnes Shick Shock.

Il y a certainement possibilité, à un moment donné, par une culture plus intensive, de créer certains emplois.

M. GAGNON: Votre compagnie, surtout pour l'usine située à New Richmond, procède par trois approvisionnements, soit celui qu'elle fait sur ses limites, celui qui provient des approvisionnements des copeaux des moulins à scie et celui qui provient des terrains privés. Avez-vous le coût, soit à la corde, soit à la tonne, que cela représente pour chacun des domaines que je viens d'énumérer?

M. ROYER: Je ne l'ai pas. Peut-être que M. MacLeod...

M. MacLEOD: M. le Président, je n'ai pas ces chiffres en main.

M. ROYER: Il y a beaucoup de renseignements que nous avons dans nos livres. C'est comme si je vous demandais à brûle-pourpoint, par exemple, dans la municipalité de Cloridorme, quel est l'âge moyen de vos électeurs? Vous êtes capable de le savoir, mais vous n'êtes pas capable de répondre immédiatement. Nous, c'est la même chose.

M. GAGNON: C'est parce qu'on en a parlé cet après-midi.

M. ROYER: Oui, je le sais.

M. GAGNON: Je voulais le savoir. Maintenant, c'est une question audacieuse. On sait qu'en bordure des rivières, les compagnies n'ont pas le droit de couper le bois plus qu'à 200 pieds. Ceci suppose une perte de bois considérable. Je ne sais pas si votre compagnie a étudié la possibilité — c'est une question que je pose — de réduire à 100 pieds cette marge de protection aux rivières? Chaque année, après qu'une compagnie aura fait la coupe de bois, après avoir obtenu la permission du ministère des Terres et Forêts, le printemps suivant, le ministère verrait à ce qu'il y ait peuplement dans ce même bûché pour permettre de récupérer ce bois qui, sur l'ensemble d'un territoire ou d'une région ou même de la province, représente des volumes très considérables. Je ne sais pas si votre compagnie a pensé à une autre formule de façon, au moins, jusqu'à cent pieds de la rivière, à récupérer le bois qui est assez considérable.

Je connais ça. J'ai une ferme qui est sise en bordure d'une rivière. Si l'on considère que tous les approvisionnements, jusqu'à 200 pieds de la rivière, ne sont pas touchables, cela représente un PMP ou un cunit considérable.

M. ROYER: C'est une perte de matières ligneuses qui est difficilement tolerable quand on n'a pas assez de bois pour toutes les usines. Cette réserve de trois chaînes le long des cours d'eau et des routes, actuellement c'est simplement dans les parcs provinciaux. C'est d'après un arrêté ministériel qui a été passé en 1941. A plusieurs reprises, lors de discussions avec les fonctionnaires du gouvernement, l'industrie en a fait mention. D'ailleurs, le ministère est d'accord, c'est une méthode absolument ridicule, seulement c'est dans la loi. Mais dans le livre blanc, c'est mentionné à un moment donné qu'il faudra repenser cela. Une modalité, par exemple: au lieu de garder une bande de 200 pieds — même 200 pieds, ce n'est pas assez large — le bois est sujet à être renversé dans la vieille forêt. C'est peut-être mieux d'en garder une de 500 pieds, mais à travars cela, faire une coupe partielle. Là-dessus, tout le monde est d'accord sur le principe.

Mais c'est un tas de problèmes qui ne se règlent jamais. Pourquoi? Parce qu'on parle, on parle, mais on n'agit pas. On a parlé beaucoup, au cours des audiences, de concertation. D'après mon expérience personnelle, chaque fois qu'on se réunit autour d'une table avec des représentants du ministère des Terres et Forêts, je l'ai mentionné tantôt, c'est extraordinaire les solutions qu'on peut trouver. Mais pourquoi ne pas se réunir plus souvent? Pour les mêmes raisons qu'au sein des compagnies: on est poussé par le travail.

Parfois, j'ai quelque chose à discuter avec M. MacLeod, je peux être trois jours sans le voir. Quand je peux aller le voir, il est parti. Quand il veut me voir, je suis parti. C'est la même chose au ministère. C'est un problème qui pourrait être réglé par une discussion autour d'une table ronde.

M. GAGNON: Comme dernière question et pour terminer, j'ai vu, d'après les journaux, que la compagnie Consolidated-Bathurst connaît une année un peu meilleure que l'année dernière. Mais d'une façon générale, qu'est-ce que vous prévoyez pour X années, dans l'esprit de la planification de votre compagnie, dans les opérations, comme résultats de vos opérations, disons, sur une période de cinq ans ou de dix ans? M. Royer a fait une comparaison tout à l'heure qui laissait voir clairement qu'il ne voulait pas trop se faire malmener, surtout lorsqu'il a parlé du Messie, qu'il était venu un roi se faire crucifier. Cela ressemblait étrangement au cruficiement que les compagnies s'attendent d'avoir, si j'ai bien compris la remarque.

J'aimerais avoir un tableau assez bref de la perspective de votre compagnie dans les années à venir.

M. MacLEOD: Vous voulez dire, M. le député, les plans d'expansion et des choses comme cela...

M. GAGNON: Les plans d'expansion et d'opération. Parce que vous avez connu des difficultés d'opération...

M. MacLEOD: ... Je pourrais dire d'opération des usines...

M. GAGNON: C'est ça. Opération industrielle.

M. MacLEOD: Jusqu'ici, cette année, notre taux de production dans les usines de papier journal était à peu près de 90 p.c. Nous espérons, avec une augmentation de vente ou avec une reprise de l'activité économique aux Etats-Unis, à la suite de l'élection, nous espérons que les ventes de papier journal, notre produit principal, vont augmenter.

En ce qui concerne le carton, il y a une reprise, en général. C'est lent, mais cela revient un peu. Dans la pâte, nous croyons qu'il y aura

encore deux ans avant que la surproduction sur le marché soit dissipée. Nous ne prévoyons pas beaucoup d'amélioration en ce qui concerne la vente de pâte.

Notre principal problème, cependant, ce n'est pas le volume des ventes; c'est plutôt le prix que nous recevons qui est basé sur le dollar américain, comme je l'ai dit tout à l'heure. En général, je crois que nous ne pourrions pas dire que l'industrie va virer soudainement et commencer à faire des profits. C'est certain que, si le dollar américain reste faible, nous n'aurons pas beaucoup d'augmentation; nous n'aurons pas un profit appréciable jusqu'au changement de la valeur du dollar.

Il y a autre chose que je pourrais dire là-dessus, c'est que nous avons quelques plans pour améliorer nos usines, mais c'est toujours en fonction de nos profits. Nous avons une dette assez considérable. Alors, nous n'osons pas faire les plans trop fantasques pour les nouvelles usines et les nouvelles machines à papier, car nous n'avons pas les fonds nécessaires pour les construire.

M. GAGNON: Pour conclure, c'est dire que, lorsque l'économie américaine éternue, c'est l'économie canadienne qui a le rhume.

M. MacLEOD: Cela revient à cela dans notre cas, certainement, et dans le cas de la plupart des industries d'exploitation.

M. GAGNON: C'est ça, et d'exportation? M. MacLEOD: Oui. M. GAGNON: Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Frontenac.

M. LATULIPPE: M. le Président, j'aimerais, à mon tour, féliciter et remercier les représentants de la compagnie Consolidated, qui nous ont fait, ce soir, un exposé assez magistral. J'aimerais passer immédiatement à une question. Est-ce que vous entrevoyez d'augmenter l'intégration de votre industrie en rapport avec l'usage de matière ligneuse? Est-ce que vous entrevoyez de l'utiliser encore plus à fond pour qu'il y ait de moins en moins de résidus?

M. ROYER: Je vais répondre à cela pour la division de l'Outaouais et, ensuite, M. MacLeod répondra pour la division de Saint-Maurice.

Dans la division de l'Outaouais, l'intégration est presque complète depuis la construction, en 1965, de l'usine de Portage-du-Fort. Qu'est-ce qu'il y a dans cette forêt? C'étaient le pin blanc et le pin rouge qui étaient utilisés, également l'épinette. Il y avait également le bois franc qui était utilisé à notre scierie à Waltham et une autre partie était vendue à d'autres industries.

Il y avait un problème. C'est une forêt qui comprend un fort pourcentage de vieux feuillus qui sont bons simplement pour la production de bois à pâte. Maintenant, on fait des coupes intégrées à 100 p.c. Ce qui est bon pour le bois de déroulage va à l'industrie de déroulage, ce qui est bon pour le bois de sciage va à l'industrie de sciage et tous les résidus vont à l'usine de pâte. Alors, c'est une opération complètement intégrée. Sur le Saint-Maurice, c'est un problème d'adaptation des machines dans les usines. M. MacLeod peut répondre.

M. MacLEOD: Dans les usines de papier journal — je crois que c'est M. Rivard qui l'a expliqué ce matin — l'essence principale va rester toujours les résineux. Cependant, nos usines utilisent des pourcentages de plus en plus intéressants de certaines essences feuillus et nous achetons des copeaux de feuillus dans plusieurs de nos usines, dans une proportion de 2 p.c. ou de 3 p.c. Il n'y a pas beaucoup d'approvisionnements de copeaux de feuillus. Alors, c'est quelque chose d'assez intéressant pour les scieries de la vallée de la Saint-Maurice. Est-ce que cela répond à votre question?

M. LATULIPPE: Oui, cela répond à ma question. Maintenant, j'aurais une autre question.

Ne croyez-vous pas qu'il est du devoir du gouvernement de voir à ce qu'il y ait le maximum d'emplois créés par unité de pied mesure de planche debout en forêt? Je ne sais si vous avez fait des études à votre industrie pour savoir combien il y avait d'emplois créés par pied mesure de planche, brut, comparativement à d'autres types d'industries, combien le déroulage?

Le déroulage actuellement, vous l'avez avoué vous-même, est dans une position assez difficile pour l'avenir. Dans les usines de déroulage, on nous dit qu'actuellement, dans certains boisés où elles peuvent tirer 20 p.c. du volume pour le déroulage, si c'étaient elles qui avaient la charge de la coupe, elles pourraient en tirer peut-être 30 p.c. ou 35 p.c, à cause de la sélection qu'elles font et aussi à cause des modes de coupe. Selon elles, il y aurait une rentabilité accrue.

Ne croyez-vous pas qu'il est du devoir du gouvernement de voir à prolonger la vie des industries les plus rentables économiquement le plus longtemps possible, surtout lorsqu'il est question de feuillus? Je sais que cela ne vous concerne pas d'une façon particulière. Mais, vous avez la gérance de grands territoires et vous dévoluez le feuillu aux scieries et au déroulage. En fait, c'est vous qui êtes pratiquement les maîtres d'oeuvre pour décider à qui vous dévoluez les essences. Je me demande si vous avez déjà fait des études dans ce sens-là.

M. ROYER: Dans notre mémoire aux audiences publiques, en 1965, nous avons mentionné que le gouvernement avait le devoir de

coordonner les activités individuelles des différents utilisateurs. Nous savons ce qui se passe chez nous, mais nous ne savons pas toujours ce qui se passe ailleurs. Cela prend quelqu'un qui a droit de regard au-dessus de tout cela. Vous avez parlé, par exemple, du cas du déroulage. Vous avez mentionné un fait particulier, que les industriels du déroulage, s'ils font la coupe eux-mêmes, sont capables d'augmenter leur utilisation. Seulement, c'est au détriment d'autre chose. Un industriel du sciage, par exemple, abat son arbre et si, à deux ou trois pieds, il y a de la pourriture à la souche il "botte" à quatre pieds, ce qui veut dire qu'il y a quatre pieds perdus pour l'industrie du sciage. Où est la juste mesure? Personne ne le sait.

A un moment donné, au sein de notre compagnie, on forçait un industriel du déroulage à faire une bille de sciage. C'était à son détriment, mais c'était à l'avantage de l'industrie du sciage, c'était à l'avantage d'une plus grande utilisation de la matière ligneuse. On était encouragé à faire cela par le chef du service forestier. Après, il est arrivé d'autres chefs de service qui avaient un avis contraire. Où est le juste milieu? Ce n'est pas facile. Mais nous reconnaissons que le ministère a le droit d'exercer un certain dirigisme.

M. LATULIPPE: J'aimerais poser une autre question. Vous avez dit que vous faisiez pratiquement de la coupe soutenue dans tous les territoires que vous avez. Mais c'est parce que j'estime que vous avez de grands territoires et que cela vous permet une planification. Mais dans le cas de la majorité des industries du meuble, disons, qui n'ont pas l'avantage d'avoir à leur disposition des territoires aussi considérables, ne croyez-vous pas que cela les amène à s'orienter surtout vers la coupe à blanc, qui s'avère plus rentable et, de ce fait, cela amène une mauvaise utilisation de nos essences? Ne croyez-vous pas que c'est une des principales raisons pour lesquelles le gouvernement s'est lancé dans une révision de sa politique forestière pour pouvoir limiter au maximum les abus, surtout dans des essences qui sont en voie de disparition?

M. ROYER: Nous ne sommes pas contre l'intervention gouvernementale. Quand, en 1967, le gouvernement a décidé de tenir des réunions régionales, les concessionnaires y ont participé à pleine vapeur. Il y a eu, je pense, huit réunions dans toute la province. Seulement, ce n'est pas toujours facile de régler les problèmes. On a voulu, en 1967, régler surtout le problème des industries du déroulage. Mais ce n'était pas facile. Ceux qui ont jappé le plus fort, ce n'étaient pas les concessionnaires, c'était l'industrie du sciage.

Pour employer l'expression assez savoureuse de l'un d'eux, on donne les meilleurs billes à l'industrie du déroulage et on reste avec le petit lait, du lait écrémé. Maintenant, quels sont les problèmes qu'on a réglés? On a amélioré le "Commonwealth Plywood". On a amélioré en plus Mégantic Manufacturing, mais il y en a trois qui ont fermé leurs portes depuis ce temps-là. Cela veut dire que les problèmes ne sont pas faciles à résoudre.

M. LATULIPPE: Vous avez semblé dire que vous étiez favorable à une solution négociée, ce qui revient à dire que vous n'êtes pas du tout favorable à une politique d'abolition des concessions forestières telle que proposée. Vous sembliez dire qu'une solution légiférée dans le domaine des activités forestières va conduire à un malaise plus grand que celui que vous connaissez ou encore pratiquement au statu quo changé de nom.

M. ROYER: Notre opinion est qu'au lieu de dépenser du temps, de l'argent et de l'énergie à préparer des solutions globales c'est mieux d'isoler les problèmes et de tâcher de régler ceux-là. D'après mon expérience, on arrive à des situations générales en partant de faits particuliers. Par exemple, un des grands problèmes dans la province, c'est le reboisement. Il y a beaucoup d'endroits où la régénération est mauvaise. Pourquoi ne s'en fait-il pas plus? C'est simplement parce que les budgets ne sont pas assez élevés.

M. MacLEOD: Ce que nous préconisons, c'est que le ministère adopte le principe moderne de la gérance par exception et qu'il essaie de régler les cas exceptionnels qui causent des problèmes individuels, au lieu de tout changer, même ce qui va bien. Par exemple, le gérant d'une usine ne reçoit pas un rapport tous les matins, disant que toutes les machines fonctionnent. Ce qu'il reçoit, c'est un rapport disant qu'à telle heure une telle machine a fait défaut et qu'on a été obligé de l'arrêter. On appelle cela "management by exception". On regarde les choses qui causent des problèmes et on essaie de les corriger de la manière la plus pratique et la plus pragmatique possible.

M. LATULIPPE: Je vous remercie beaucoup.

M. LE PRESIDENT (Giasson): Le député de Yamaska.

M. FAUCHER: Est-ce que les insectes causent plus de pertes que les incendies? A combien de dollars par année, approximativement, évaluez-vous les pertes causées par les insectes et par les incendies?

M. ROYER: Pour les insectes, cela s'évalue sur une période donnée. L'épidémie de 1940 à 1950, d'après une étude qui a été faite dans le temps, pour la Corporation des ingénieurs forestiers, a représenté une perte totale d'environ 18 millions de cordes de lois dans toute la province. Maintenant, pour les incendies, les

dégâts ne sont pas faciles à évaluer. Supposons que vous avez un feu qui ravage un territoire de 400 milles carrés ou de 100 milles carrés qui a été exploité, il n'y a pas de perte de bois parce que le bois a été exploité auparavant. Cependant c'est une perte qui va avoir des répercussions parce que le sol est détruit et que le terrain va rester improductif pour peut-être 150 ou 200 ans. C'est une perte qu'il n'est pas facile d'exprimer en termes de dollars, mais elle existe quand même.

M. FAUCHER: Merci.

M. LE PRESIDENT: Je remercie, au nom de tous les membres de la commission les représentants de la compagnie Consolidated Bathurst d'un excellent mémoire, très bien préparé...

M. ROYER: M. le Président, j'ai parlé tantôt du cahier des cartes que je remettrai à la fin de la séance. Vous serez certainement intéressé à le consulter. Si les membres de la commission sont intéressés à avoir une rencontre particulière pour discuter de ces cartes-là, nous serons naturellement à leur disposition.

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie de votre amabilité. Je pense qu'il faut reconnaître qu'une des compagnies qui sont dans les pâtes et papiers au Québec y est allée vraiment avec une largeur de vue et d'esprit qui est notable. On a même accepté de produire certains chiffres sur ce qui était une chasse gardée jusqu'à la séance de ce soir. Merci, messieurs.

J'invite maintenant les représentants de l'Association des mesureurs de bois du Québec, en les priant de s'identifier.

Association des mesureurs de bois du Québec licencié

M. PEPIN (Robert): M. le Président, notre président, M. Richard Gallagher, s'excuse de ne pas avoir pu se rendre ici aujourd'hui pour présenter notre mémoire et il m'a demandé de le lire. Mon nom est Robert Pepin, ex-président provincial. J'ai, à mes côtés, M. Henri Simard, membre de l'exécutif de l'Association des meureurs de bois licenciés de la province de Québec, et conseiller technique au sein de notre association. Il se fera un plaisir de répondre aux questions.

M. le Président, messieurs les membres de la commission parlementaire des richesses naturelles et des terres et forêts, en présentant son mémoire, l'Association des mesureurs de bois licenciés de la province de Québec répond à l'invitation lancée par l'honorable Kevin Drummond aux groupes de citoyens désireux de faire connaître leur point de vue sur la réforme proposée de la politique forestière du Québec.

L'association désire remercier le ministre des Terres et Forêts d'avoir bien voulu lui permettre de se faire entendre devant vous. Il est à espérer que le présent document vous aidera à mieux comprendre les implications de "l'Exposé sur la politique forestière."

Introduction. Tous les bois exploités dans les forêts publiques du Québec sont mesurés suivant les instructions émises par le ministère des Terres et Forêts. Ceux qui sont exploités, par la méthode dite conventionnelle, sont mesurés au pied mesure de planche lorsqu'ils sont destinés au sciage ou au déroulage, et au pied cube ou à la corde apparente lorsqu'ils sont transformés en pâte. La plupart des bois exploités en longueur d'arbre sont aussi mesurés au pied cube solide avant tronçonnage, peu importe leur destination. Les règlements concernant ces modes de mesurage sont contenus dans deux manuels dont les titres sont: "Instructions et règlements officiels concernant le mesurage des bois abattus provenant des terres publiques" et "Instructions sur le mesurage des bois non tronçonnés dans les forêts publiques."

Or, dans le livre blanc, le ministère se propose de lancer un programme intensifié d'inventaires d'exploitation pour mieux planifier l'utilisation de la matière ligneuse et mettre en place un meilleur système de perception des redevances et de contrôle des exploitations. Il est dit que l'application de ce système aurait pour effet de remplacer graduellement les activités de mesurage et d'en réduire les frais.

L'Association des mesureurs de bois licenciés, consciente du rôle important que jouent ses membres, s'oppose catégoriquement à cette politique qui vise à l'élimination éventuelle du mesurage des bois abattus et à son remplacement par un système de mesures basé sur des inventaires d'exploitation.

Ce mémoire contient une discussion des principaux points relatifs à cette prise de position et des recommandations visant à améliorer la qualité du mesurage et la qualification des mesureurs.

Utilité du mesurage des bois abattus. Avant de discuter d'une politique de remplacement éventuel du mesurage, il est important de bien comprendre son utilité actuelle pour le gouvernement et les exploitants.

Le mesurage des bois abattus est nécessaire au gouvernement pour: 1-contrôler l'aménagement forestier; 2-calculer les redevances; 3- permettre une rémunération équitable des ouvriers forestiers, et 4-compiler des statistiques forestières.

Il est essentiel à l'exploitant pour les fins précitées et surtout pour: 5- permettre une comptabilité précise des opérations forestières, et 6- évaluer les volumes impliqués dans les transactions commerciales.

Contrôle de l'aménagement. Le mesurage des bois abattus est actuellement le seul moyen efficace dont le gouvernement dispose pour contrôler la qualité de l'aménagement forestier. En effet, il permet une vérification précise des

quantités de bois coupées en vertu de permis de coupe émis annuellement aux exploitants sur présentation de plans d'aménagement ou d'exploitation.

Calcul des redevances. Les droits de coupe payés annuellement par les exploitants représentent environ 80 p.c. des revenus du ministère des Terres et Forêts. Ceux-ci sont calculés à partir des quantités de bois mesurées après l'abattage, Il serait superflu d'insister ici sur la nécessité de la précision des mesures.

Rémunération équitable des ouvriers forestiers. Le gouvernement du Québec protège directement ou indirectement les droits de tous les travailleurs à une juste rémunération. Dans l'industrie forestière, les gens qui sont affectés à la coupe, à la manutention et au transport des bois sont généralement rémunérés à forfait. Ainsi, leurs salaires sont directement reliés au mesurage. Or, même si les techniques d'exploitation et de gestion des forêts devaient changer dans l'avenir, le mesurage des bois abattus restera toujours une phase nécessaire pour assurer une juste rémunération des ouvriers travaillant individuellement ou collectivement.

Compilation de statistiques forestières. Le gouvernement et les exploitants se doivent de maintenir à jour des statistiques forestières sur la qualité dendrologique et technologique, sur la quantité et sur la distribution des bois utilisés, afin de répondre au public de l'efficacité de leur gestion des ressources naturelles. Le mesurage est une phase utile à cette fin.

Comptabilité des exploitations forestières. Les exploitants forestiers dépendent entièrement du mesurage des bois abattus dans l'établissement de leur comptabilité. Afin de gérer efficacement leurs entreprises, ils ont besoin de chiffres de production quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle concernant les hommes et les machines. Ces compilations doivent se faire par individu ou groupe d'individus, par machine et par chantier d'exploitation de façon à calculer les salaires, les rendements et les coûts d'opération. Le mesurage des bois abattus est la seule méthode qui puisse permettre ces contrôles.

Evaluation des transactions commerciales. Plusieurs exploitants procèdent à des échanges ou des achats de bois de diverses qualités et l'évaluation des volumes impliqués dans ces transactions ne peut se faire dans la plupart des cas que par mesurage des bois abattus.

Modes de mesurage. Dans l'éventualité de la création d'une régie d'Etat pour contrôler la gestion des forêts publiques, le gouvernement aurait les mêmes obligations que les exploitants. Comme son objectif principal dans l'élaboration d'une nouvelle politique forestière est la réduction du prix du bois, il se doit de chercher les méthodes les plus appropriées pour ce faire.

Une des mesures suggérées dans le livre blanc consisterait à intensifier les inventaires d'exploitation pour éliminer progressivement le mesurage des bois abattus. L'association reconnaît l'utilité des inventaires d'exploitation pour fins de planification des opérations forestières. Ses membres participent déjà à cette opération.

Cependant, il faut spécifier que même un inventaire intensif des bois debout ne pourra jamais remplacer le mesurage des bois abattus pour établir une rémunération équitable des ouvriers, permettre une comptabilité adéquate des opérations et évaluer le volume de la plupart des transactions commerciales.

Il faut aussi comprendre que pour obtenir les mêmes renseignements avec la même précision, il est moins coûteux de mesurer des bois abattus que des bois debout. Cette affirmation sera sans doute contestée par ceux qui soutiennent que le mesurage des bois abattus est une opération dispendieuse. En effet, on considère souvent comme frais de mesurage les coûts de la vérification effectuée par les officiers du ministère des Terres et Forêts. Ceux-ci ne sont en réalité que des coûts de contrôle.

On impute aussi généralement au mesurage les coûts de comptabilité expliqués plus haut. Une fois cette différentiation faite, il est certain que le coût réel du mesurage servant aux mêmes fins que l'inventaire, c'est-à-dire à déterminer des volumes par essence, est inférieur au coût de l'inventaire.

L'association incite le gouvernement à intervenir pour faire en sorte que les mesureurs puissent s'appuyer sur des règlements de mesurage qui aient comme objectif unique la mesure la plus précise possible des bois. En effet, même si le mesurage des bois abattus est plus précis que l'inventaire des bois debout, il manque de précision à cause de la variété des unités de mesure. Cette imprécision ne prend pas une importance énorme dans le calcul des redevances car, à ce stade, les bois ne valent que quelques dollars les cent pieds cubes. Cependant, dans l'éventualité de la création d'une régie, la précision de la mesure des bois vendus aux utilisateurs à raison de plusieurs dizaines de dollars l'unité prendra une importance beaucoup plus grande. Elle est, d'ailleurs, extrêmement importante actuellement dans les échanges commerciaux entre exploitants.

Les règlements devraient être tels que les mêmes volumes soient obtenus pour les mêmes quantités de bois mesurées de façons différentes, ce qui n'est pas le cas présentement. Ces règles devraient être appliquées de façon telle que les mêmes bois ne soient pas mesurés plus d'une fois et qu'ils soient mesurés le plus rapidement possible pour ne pas entraver la bonne marche des opérations forestières. A cette fin, l'association encourage le ministère à favoriser au maximum l'application de nouvelles techniques de mesurage.

Par ailleurs, dans le but de maintenir la qualité du mesurage et d'en garder le contrôle, il serait souhaitable que le ministère continue à émettre le permis de mesurage, conserve le serment d'office, maintienne le bureau des examinateurs et rende la licence de mesurage obligatoire.

Recommandations et conclusions. L'Associa-

tion des mesureurs de bois licenciés de la province de Québec recommande au ministère des Terres et Forêts de conserver le mesurage des bois abattus et d'émettre une politique de mesurage telle que les bois puissent être mesurés avec la plus grande précision possible.

Elle encourage le gouvernement à poursuivre l'élaboration de techniques susceptibles d'abaisser les frais de mesurage et des modes de mesurage qui n'entravent pas la bonne marche des exploitations forestières. Elle incite enfin le ministère des Terres et Forêts, par l'intermédiaire du ministère de l'Education et de l'association, à se préoccuper davantage de la formation et du recyclage des mesureurs de bois pour que ceux-ci puissent utiliser davantage les nouvelles méthodes et ainsi contribuer à une meilleure gestion des ressources forestières du Québec.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Terres et Forêts.

M. DRUMMOND: Je vous remercie bien, M. Pepin, d'être venu nous présenter le point de vue de votre association. Je vais céder tout de suite la parole au député de l'Islet, qui a des questions à poser concernant le contenu du mémoire.

M. GIASSON: Votre association s'oppose-t-elle à ce que l'opération de mesurage se modernise dans la mesure où les exploitations forestières s'y prêtent? Y a-t-il inconvénient à ce que les modes conventionnels de mesurage soient remplacés par des méthodes plus appropriées et, partant, plus économiques pour l'exploitation forestière? Ne pensez-vous pas que le mesurage doit être considéré comme un service offert à l'exploitant et non pas comme un moyen de lui barrer la route dans la façon qu'il désire couper son bois?

M. PEPIN: Je vais demander à M. Simard de répondre aux questions.

M. SIMARD: Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris la question, M. le Président, mais je vais essayer quand même d'y répondre. Si, toutefois, je suis à côté de la question, voulez-vous, s'il vous plaît, me reprendre?

Vous demandez s'il ne serait pas avantageux de moderniser — c'est bien le terme — les méthodes de mesurage. Evidemment, c'est ce que nous préconisons depuis nombre d'années.

M. GIASSON: Quelles sont les méthodes de modernisation que votre association met de l'avant depuis quelques années?

M. SIMARD: L'association ne met de l'avant aucune méthode mais elle est prête à collaborer pour faire ces méthodes. D'ailleurs, des membres ont travaillé à tous les niveaux, même avec le ministère.

M. GIASSON: Vous ne faites pas de métho- de mais au moins est-ce que vous avez apporté des suggestions assez intéressantes au ministère des Terres et Forêts ou aux autres entreprises qui ont partie liée dans le domaine forestier?

M. SIMARD: Depuis que l'association a présenté le mémoire aux audiences publiques en 1966, la plupart des recommandations faites à ce moment-là ont été mises en application. Il serait difficile de dire que nous serions capables d'en pondre d'autres aussi vite. Je pense qu'il avait été question de mesureurs adjoints, de mesurage par méthode statistique, etc. Toutes ces méthodes ont été développées par les agents du ministère et sont présentement en mesure d'être utilisées.

M. GIASSON: Autrement dit, vous n'avez pas d'objection à ce que les méthodes modernes de mesurage soient implantées à condition qu'il y ait de la place pour les mesureurs dans la province de Québec à l'intérieur de ce système.

M. SIMARD: Nous n'avons aucune objection.

M. GIASSON : Croyez-vous que le gouvernement doit continuer à exercer un contrôle sur la rémunération des travailleurs forestiers? Ce rôle n'est-il pas dévolu aux syndicats auxquels appartiennent les travailleurs? Le ministère ne devrait-il pas se limiter à agir comme arbitre dans les cas litigieux à la demande des travailleurs et des employeurs?

M. SIMARD: Les ouvriers forestiers travaillent nécessairement sur les terres de la couronne. Et les syndicats ne représentent — je ne veux pas citer de mauvaises statistiques — pas nécessairement tous les ouvriers forestiers. Il y a eu dans le passé des ordonnances. L'ordonnance 39, je crois, reliait les règlements de mesurage à la façon de rémunérer les ouvriers forestiers. Ces choses ont disparu avec l'avènement des syndicats ou pour d'autres raisons, je ne le sais pas. C'est pourquoi je crois que, oui, le ministère devrait avoir certaines vues là où les syndicats n'ont pas juridiction.

M. GIASSON: Est-ce que le système de rémunération des travailleurs forestiers se fait encore généralement à forfait ou si ces gens sont maintenant employés à l'heure ou selon un autre mode?

Est-ce qu'au Québec, dans les chantiers, les bûcherons sont toujours rémunérés à forfait ou si on a modifié le statut de rémunération des coupeurs de bois?

M. SIMARD: Pour les bûcherons qui sont directement reliés au travail d'abattage des arbres, il est difficile de citer des chiffres justes parce que notre association n'est pas nécessairement en charge de l'industrie forestière. Je crois que dans 95 p.c. des cas le bois est fait à forfait. Si le travail d'abattage est fait par de la grosse

machinerie, en général, c'est à salaire. Et c'est souvent associé à un boni. A ce moment-là, il faut quand même mesurer pour être capable de déterminer le boni.

M. GIASSON: Je me pose des questions. De quelle façon pourrait-on établir la base de rémunération des bûcherons si ces gens continuent à travailler à forfait? Il va falloir qu'il y ait une unité de mesure pour établir cette rémunération.

M. SIMARD: Il n'y aura pas d'autre choix pour l'industrie que de mesurer le bois. Il faudra le mesurer éventuellement.

M. GAGNON: La Consolidated-Bathurst n'a-t-elle pas, elle, un certain salaire de base? Il me semble que oui, pour les bûcherons, qu'il y a un syndicat. Alors, il y a un salaire de base pour les bûcherons, et s'ils bûchent davantage que le quota, je crois qu'ils peuvent recevoir davantage. Mais il y a certainement un salaire de base chez le bûcheron à la Consolidated-Bathurst.

M. SIMARD: Sans doute, oui.

M. GIASSON: Ils ont un taux de salaire minimum prévu par la Commission du salaire minimum du Québec qui fait que, même si un travailleur forestier est à forfait, pour autant qu'il a accompli dans sa journée de travail, soit un minimum d'heures, s'il n'a pas atteint tel salaire, il a le droit de se prévaloir d'un salaire minimum décrété par la Commission du salaire minimum. Je vois M. Turmel, là-bas, qui me fait signe que oui.

Concernant les statistiques forestières, votre association ne croit-elle pas qu'un inventaire intensif d'exploitation réponde de façon satisfaisante à ce besoin?

M. SIMARD: L'inventaire intensif ne donne pas les réponses aux questions posées et pour lesquelles on applique le mesurage. Elles ne donneraient pas ces réponses. Cela ne veut pas nécessairement dire que, dans certains cas, un inventaire intensif ne pourrait pas le remplacer. Il pourrait certainement le remplacer dans certains cas.

M. GIASSON: Pour fins de statistiques toujours, l'inventaire intensif pourrait donner une équivalence assez près de ce que peut apporter le mesurage sur l'ensemble de la statistique à établir. Autrement dit, est-ce que la marge d'erreur, ou le décalage possible par le système d'inventaire intensif serait tellement différent de la statistique compilée d'après du mesurage tel qu'on le fait conventionnellement?

M. SIMARD: Non. C'est-à-dire qu'il n'y aura pas de différence si cet ensemble dont vous parlez est assez grand. Je ne sais pas exactement ce que vous avez à l'esprit, mais si l'ensemble est assez grand, — il le faut nécessairement — on essaie d'établir les mêmes unités et les mêmes quantités.

M. GIASSON: Ne croyez-vous pas que la comptabilité des exploitations forestières est strictement l'affaire de l'exploitant et que le ministère n'a pas de rôle à jouer dans ce domaine? Votre mémoire fait allusion à la nécessité du mesurage du bois pour établir la comptabilité du côté des exploitations forestières.

M. SIMARD: Supposons qu'on décide de régler, d'une part, le problème du ministère, et d'autre part, le problème de l'exploitant. C'est un problème dissocié. C'est-à-dire que nous avons un chevauchement de tâches, à ce moment-là. Comme on le fait présentement dans l'Ontario, il faudra mesurer le bois au prix actuel, un mesurage qui pourra être fait par le ministère, et l'exploitant sera obligé de faire la même chose de son côté. Alors, si ce sont les vues du livre blanc d'augmenter les coûts du bois, c'est un bon moyen de le faire.

M. GIASSON: Vous soulignez que le mesurage des bois abattus manque de précision à cause de la disparité des unités de mesure. Quelles sont les unités de mesure que votre association considère comme imprécises? Suggère-t-elle d'éliminer ces unités?

M. SIMARD: Il y a en général trois unités de mesure, si on veut laisser de côté le poids pour l'instant. Il y a le volume réel qui pourrait être soit le pied cube ou le mètre cube, et il y a aussi le pied mesure de planche qui est un mesurage fait en fonction de la transformation, c'est-à-dire que le mesurage essaie d'estimer quel produit sortira de la scierie et puis, il y a le mesurage à la corde. Alors, ces deux derniers n'ont rien à voir avec la réalité. On essaie de faire comme vous dites, transformer le bois avant de l'avoir coupé. Alors que le volume réel, c'est nécessairement une chose qui peut être reproduite en tout temps et nous préconisons cette mesure, le volume réel, comme étant la mesure juste et équitable.

M. GIASSON: En présumant que le transport du bois se ferait dans un laps de temps assez restreint après l'abattage, considérez-vous que la pesée pourrait être une mesure assez précise?

M. SIMARD: Le poids anhydre, oui. Le poids brut ou poids vert, avec tous les résidus d'écorce, de neige et de glace qui peuvent y adhérer, rend la chose difficile. D'ailleurs, il n'y a aucun endroit dans la province qui l'utilise, excepté pour le transport. Dans les provinces voisines, il y a très peu d'endroits où on achète le bois. Il y a Cornwall qui en achetait de cette

façon-là, mais j'ai entendu dire récemment qu'on veut justement abandonner l'affaire.

M. GIASSON: A la fin de votre mémoire, vous parlez d'un recyclage de vos membres. Est-ce que le ministère des Terres et Forêts ne collabore pas déjà à ce recyclage? Recevez-vous également la collaboration que vous êtes en droit d'attendre de vos membres dans ce domaine? Quelles sont vos suggestions relatives au recyclage des mesureurs?

M. PEPIN: Depuis nombre d'années, l'association dispense des cours pour le recyclage de ses membres. Ces cours sont défrayés par les membres eux-mêmes et par les fonds de l'association, lorsqu'elle en a. Il ne nous a jamais été alloué de montant, que je sache, du ministère des Terres et Forêts pour le recyclage que nous faisons annuellement à l'association.

M. SIMARD: Toutefois, nous avons la collaboration des officiers du ministère.

M. GIASSON: Auriez-vous des chiffres à produire, lorsque vous avancez que le mesurage des bois coûte moins cher qu'un inventaire d'exploitation?

M. SIMARD: On peut dire qu'à précision égale, pour des petites quantités, le mesurage des bois abattus coûterait meilleur marché. Pour de grandes quantités, à précision égale encore — quand je dis des grandes quantités, je parle de 100,000 cunits, pas au niveau 5,000 cunits — l'inventaire est nécessairement supérieur.

M. GIASSON: Une dernière question: Votre association compte combien de membres au Québec?

M. PEPIN: En 1971, nous étions environ 1,100 membres. L'année financière se termine le 31 décembre.

M. GIASSON: Est-ce qu'on peut croire que la très grande majorité est surtout à l'emploi des exploitants des ressources forestières?

M. PEPIN: Au-delà de 55 p.c.

M. GIASSON: Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: Le député de Nicolet.

M. VINCENT: M. le Président, en enchaînant immédiatement sur la dernière question posée par le député de L'Islet et la dernière réponse donnée par M. Pepin, j'aimerais savoir si ces 1,100 personnes — oui, parce qu'elles font partie de l'Association des mesureurs de bois licenciés — ont tontes leur licence? Combien de personnes au Québec, en plus de ces 1,100, sont considérées ou employées comme mesureurs de bois, sans avoir leur licence?

M. PEPIN: Qui sont employées comme mesureurs sans être licenciées?

M. VINCENT: Vous demandez au ministère de rendre obligatoire l'émission d'une licence pour tout mesureur de bois au Québec.

M. PEPIN: Je n'ai pas les chiffres en main, mais nous pouvons vous dire que ce n'est pas un grand nombre de pratiquants qui ne sont pas licenciés.

M. VINCENT: Maintenant, M. Pepin, la plupart de ces 1,100 personnes sont payées par qui? Par l'acheteur?

M. PEPIN: Par les exploitants, les grandes compagnies, de même que par le ministère des Terres et Forêts.

M. VINCENT: Quelle proportion est payée par le ministère des Terres et Forêts? Vous travaillez à forfait pour le ministère des Terres et Forêts?

M. PEPIN: Le tiers de ceux qui pratiquent, je pense est au ministère des Terres et Forêts.

M. VINCENT: Maintenant, vous...

M. PEPIN: Je vous donne ces chiffres sous réserve.

M. VINCENT: J'exprime tout simplement une surprise. Vous parlez de mesurage de bois abattu pour le calcul des redevances, la rémunération équitable des ouvriers forestiers, la compilation des statistiques forestières et le reste. Ma surprise est que personne d'autre, jusqu'à ce soir, aux auditions de la commission parlementaire, que ce soient les producteurs forestiers ou les compagnies, n'a touché ce problème de mesurage de bois. Je sais que vous êtes sensibilisé, vous êtes dans le métier, mais est-ce que les compagnies et les producteurs forestiers n'ont pas été sensibilisés à cette question soulevée dans le livre blanc et sont-ils prêts à accepter de nouvelles formules plus avancées?

M. PEPIN: Personnellement, je n'ai contacté aucun représentant des grandes compagnies qui sont venus se faire entendre, pour connaître leur point de vue. Ce que nous disons c'est ce que, nous, de l'association, pensons du mesurage des bois.

M. VINCENT: Dans les autres provinces, soit en Colombie-Britannique ou en Ontario, est-ce qu'il existe une association similaire à la vôtre?

M. SIMARD: Il en existe une en Ontario. Je suis allé en Colombie-Britannique mais j'ai oublié de poser la question. Mais, nous pouvons dire que la profession existe dans ces provinces.

M. VINCENT: Est-ce qu'à ces endroits on a

des règlements et des critères uniformes pour le mesurage?

M. SIMARD: Je ne crois pas qu'ils soient supérieurs à ceux que nous avons dans la province de Québec. Mais ils ont quand même des règlements.

M. VINCENT: C'est comme ici, ce n'est pas uniforme.

M. SIMARD: Non. L'Ontario mesure son bois au pied cube avec un biais de 8 p.c. Ce sont les nouvelles lois dans le but de faire le mesurage. Il y a nombre d'années, on mesurait au demi-pouce. Ici, dans le province, à ma connaissance, nous avons toujours mesuré au pouce près, avec arrondissement au demi-pouce. Enfin, des détails comme cela.

M. VINCENT: Un profane comme moi ne se connaît pas tellement dans le mesurage de bois. Mais aujourd'hui nous pouvons dire, de façon assez précise, combien de gallons d'eau sont contenus dans un lac, combien de verges cubes de gravier sont contenues dans un banc de gravier, combien de verges cubes de terre sont contenues dans une montagne et nous pouvons par photographie aérienne, déterminer la hauteur des montagnes, la hauteur des bois. Pensez-vous qu'il peut exister une méthode plus moderne de mesurage de bois, comme cela se fait dans d'autres secteurs? D'ailleurs, j'ai remarqué dans votre mémoire que vous préconisez même, advenant que nous trouvions des méthodes plus modernes, une politique de recyclage pour les mesureurs licenciés. Est-ce que votre association a eu l'occasion de faire une étude avec les officiers du ministère des Terres et Forêts sur l'éventualité de changer le système de mesurage au Québec?

M. SIMARD: Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, il existe des méthodes et plusieurs ont été mises de l'avant par les officiers du ministère. Il reste à trouver des modalités d'application à ces méthodes véritablement modernes. L'association est prête à collaborer. Pour vous citer quelques exemples, M. Pepin, qui est ci, mesure depuis nombre d'années par une méthode photographique sur un échange de bois entre la Consolidated-Bathurst et CIP sur le Saint-Maurice.

M. VINCENT: Par méthode photographique. Et d'après vous, les résultats sont bons.

M. SIMARD: Jusqu'à présent, nous n'avons pas eu à nous en plaindre et ça dure depuis 14 ans. Et en échange, annuellement...

M. PEPIN: Annuellement il y a un échange. Nous mesurons environ 850,000 cunits, en sept mois, à un coût de $0.11 le cunit. L'échange est d'à peu près 50-50.

M. VINCENT: Mais vous, vous faites ce mesurage par la photographie, mais est-ce que les 1,100 membres de l'Association des mesureurs licienciés sont en mesure de faire le travail que vous faites? Ou s'il faut de toute nécessité qu'il y ait des cours dispensés pour recycler les mesureurs de bois, que j'ai connus moi quand j'étais plus jeune.

M. PEPIN: Chez moi le recyclage serait très vite fait, parce que le système est facile.

M. VINCENT: Pour vous, mais pour les 1,099 autres.

M. PEPIN: C'est ça que je voulais vous dire. Le recyclage serait très vite fait pour le système que nous employons. Et tout ce que nous voulons démontrer c'est qu'il y a plusieurs systèmes qui peuvent exister. Nous en sommes conscients. Nous en pratiquons un à $0.11 le cunit, nous ne pouvons pas demander mieux. Et c'est très efficace. A 95 p.c. de limite de confiance, nous arrivons en dedans de 2 p.c.

M. VINCENT: Donc, votre Association des mesureurs de bois licenciés accepte que le ministère élabore des méthodes plus modernes de mesurage de bois avec des règlements mieux définis. Mais ce que vous accepteriez moins bien, et avec raison, c'est qu'on vous enlève votre gagne-pain sans vous donner la chance de vous recycler, comme membres en totalité de l'association, pour pouvoir faire ce travail comme vous le faites depuis quelques années. En définitive, c'est ça.

M. PEPIN: Oui, mais il faut admettre que le mesurage des bois abattus sera toujours nécessaire. Si ce n'est pas pour le gouvernement, ce sera nécessaire pour les exploitants. Et s'il est nécessaire pour les exploitants, pour les raisons que nous avons énumérées, et si le gouvernement de son côté en fait d'une autre manière, ce sera une répétition. Donc, les bois seraient mesurés deux fois. C'est dans cette optique que nous l'avons écrit.

M. VINCENT: Je vous remercie, M. Pepin. Présentement vous avez le mesureur et il y a un vérificateur.

M. PEPIN: C'est exact.

M. VINCENT: Et même il y a un arbitre quelquefois.

M. PEPIN: Vous voulez dire en général, sur les concessions?

M. VINCENT: Oui.

M. PEPIN: Oui, vous avez raison.

M. VINCENT: Le mesureur se rend sur place, on vérifie. Un vérificateur va sur place

également. Et même ça peut arriver que, s'il y a contestation, on fasse venir une tierce personne.

M. PEPIN : Le ministère des Terres et Forêts. Les bois, avec les nouvelles opérations, sont empilés le long des grands chemins aujourd'hui. Ce n'est pas comme il y a 15 ou 20 ans. Le mesureur ou le garde forestier, du moins la personne qualifiée et préposée au mesurage, n'a pas à se promener dans les sentiers pour aller chercher une demi-corde, une corde ou trois cordes. Tous les bois sont versés le long de grands chemins, et le mesurage se pratique là. Ce qui facilite beaucoup le mesurage, ce qui élimine une perte de temps, et ce qui facilite encore la vérification.

M. VINCENT: Merci, pour ma part, j'ai terminé.

M. LE PRESIDENT: Le député de Laviolette.

M. CARPENTIER: Dans le même ordre d'idées que la question de M. Vincent. Juste une question d'éclaircissement. Lorsque vous parlez de système photographique, n'avez-vous pas également avec cela un système d'échantillonnage?

M. PEPIN: Lorsque j'ai parlé du système photographique, à la photographie est attaché l'échantillonnage. La photo détermine un nombre; l'échantillonnage détermine le volume réel, de même que l'identification des peuplements.

M. CARPENTIER: C'était tout simplement pour qu'il n'y ait pas d'ambiguité sur les systèmes proposés.

M. PEPIN: Merci.

M. LE PRESIDENT: D'autres questions?

M. LATULIPPE: J'aurais peut-être une petite question. Je sais que le sujet a été passablement couvert. Est-ce que vous avez déjà étudié la possibilité de faire un seul mesurage à l'usine? Je sais que ce serait assez difficile avec les modes de rémunération qu'on a actuellement, mais, en supposant qu'il y aurait possibilité d'accélérer les méthodes de transport, etc., un seul mesurage à l'usine, est-ce que ça serait acceptable ou s'il faut à tout prix mesurer, pour la rémunération des forestiers, sur les lieux, mesurer une autre fois à l'entrée à l'usine et remesurer à l'usinage? Cela fait plusieurs fois à reprendre le même procédé.

Si vous mesurez pour les inventaires, ça fait une quatrième fois.

M. SIMARD: Cela se pratique dans certains cas, dans la province, ici même. Mais, à cause des distances à parcourir ou des modes de transport, ce n'est pas pratique. Les cas d'application sont très minimes.

M. LATULIPPE: Considérez-vous le mesurage sur la charge comme une unité de mesure acceptable?

M. SIMARD: Oui, tous les bois d'achat, les bois de marché, les bois qui nous viennent des terrains privés sont mesurés à l'usine, sur la charge.

M. LATULIPPE: Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: Je remercie MM. Pepin et Simard de leur mémoire, au nom de la commission et en mon nom personnel.

La commission ajourne ses travaux sine die. Après consultation avec le ministre et les membres des différents partis, la commission sera appelée à siéger d'ici quelque temps.

(Fin de la séance à 23 h 53)

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