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Commission permanente des Richesses naturelles
et des Terres et Forêts
Politique forestière
Séance du jeudi 7 septembre 1972
(Dix heures dix minutes)
M. PILOTE (président de la commission permanente des richesses
naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!
Avant que ne débute la séance, je voudrais faire les
changements suivants pour les membres de la commission.
M. Saint-Germain, de Jacques-Cartier, remplace M. Coiteux. M. Brown, de
Brome, remplace M. Larivière, de Pontiac. M. Vincent, de Nicolet,
remplace M. Loubier, de Bellechasse. M. Dionne, de Compton, remplace M.
Massé, d'Arthabaska. M. Faucher, de Yamaska, remplace M. Perreault, de
l'Assomption. M. Boivin, de Dubuc, remplace M. Simard, de Témiscouata.
M. Béland, de Lotbinière, remplace M. Tétrault,
d'Abitibi-Est.
J'inviterais à présent la Compagnie internationale de
papier du Canada, représentée par M. Félicien Rivard,
à présenter son mémoire. La parole est à M.
Rivard.
Compagnie internationale de papier du Canada
M. RIVARD: M. le Président, comme vous l'avez dit, mon nom est
Félicien Rivard, je suis l'ingénieur forestier en chef de la
Compagnie internationale de papier du Canada. A ma droite, M. L.G. Baston,
ingénieur forestier, vice-président à l'exploitation
forestière et directeur général de ce même service;
à ma gauche, M. Joffre Miville-Dechêne, vice-président de
la compagnie et, à mon extrême droite, M. Robert Lafrance,
ingénieur forestier en chef adjoint.
Puisque les micros sont proches, j'imagine que vous permettez qu'on
s'assoie.
M. LE PRESIDENT: C'est ça.
M. RIVARD: En tout premier lieu, M. le Président, je pense qu'on
peut remarquer que, pour la dernière journée des séances
de la commission parlementaire et pour des mémoires très
importants, vous avez réservé un décor beaucoup mieux que
celui d'en bas. Je vous en remercie.
Je vous suggère une correction à la page frontispice de
notre mémoire; il eût fallu écrire Richesses naturelles
plutôt que Ressources naturelles. A la rigueur, on pourrait
peut-être attribuer ça à une erreur de frappe. Nous nous
excusons aussi qu'il n'y ait pas de table des matières. Cela pourrait
être un oubli à notre service de la reliure. Enfin, la couleur de
la couverture de notre mémoire n'indique pas que nous avons voulu
écrire un livre noir, en réponse au livre blanc du
ministère qui, par coïncidence, est vert, tout comme en 1965.
La Compagnie internationale de papier du Canada a fait une étude
sérieuse de l'exposé sur la politique forestière au livre
blanc du ministère des Terres et Forêts, qui recommande une
politique forestière au gouvernement du Québec. Bien qu'elle
l'approuve en partie, elle y note des aspects qui, vraisemblablement, sont
propres à nuire à la stabilité et à la croissance
de l'industrie des pâtes et papiers. Aussi, à titre de
contribuable industriel du Québec, elle croit devoir y apporter une
critique constructive.
La philosophie fondamentale de notre compagnie en matière
d'administration de la forêt publique du Québec avait
été énoncée en 1965 dans un mémoire soumis
à l'occasion d'audiences publiques du ministère des Terres et
Forêts.
Et en guise d'introduction, M. le Président, il nous semble
désirable, pour le bénéfice des membres de votre
commission, aucun n'étant là en 1965, de rappeler en quelques
mots l'idée maîtresse de notre mémoire
présenté au ministre des Terres et Forêts du temps,
l'honorable Lucien Cliche.
Nous avions fait des recommandations avant-gardistes sur la
collaboration efficace qui doit exister entre le gouvernement, son
ministère des Terres et Forêts et l'entreprise privée, la
Compagnie internationale de papier du Canada, dans l'élaboration des
grandes politiques forestières.
Nous avions fait des suggestions concrètes que le
ministère des Terres et Forêts a acceptées d'emblée
et dont il a su tirer profit, et nous en sommes très heureux. Nous
avions, entre autres choses, suggéré le système
d'inventaires forestiers qui prévaut maintenant alors que nous
étions dix ans en avance sur le ministère des Terres et
Forêts dans ce domaine.
Nous avions suggéré la création des
sociétés de conservation réalisée en 1972, le
changement des dates de l'année d'exploitation, des amendements
définis au règlement d'exploitation forestière de
même que l'abolition des permis de circulation en forêt. Nous
avions scandalisé les journalistes et bien d'autres en disant: Nous
croyons que cette collaboration doit se prolonger dans l'aménagement
forestier pris dans son ensemble. Nous envisageons une association à
titre de partenaire du ministère des Terres et Forêts et de CIP
dans la mise en valeur des richesses forestières.
Or, cette philosophie choc raisonnée, surprenante il y a sept
ans, a recruté des adeptes et nous la retrouvons exprimée en
toutes lettres, dans les mêmes termes, au journal des Débats de
l'Assemblée nationale du 20 juin 1972. A notre humble avis, c'est
l'entreprise privée, de concert avec le ministère des Terres et
Forêts et sous son contrôle, qui peut le mieux voir à
l'aménagement, â l'utilisation et à la conservation de la
forêt.
Nous affirmons que cette concertation existe depuis longtemps, que nous
pouvons la situer dans le temps et qu'il y a moyen de l'améliorer par un
dialogue continu aux divers échelons du ministère des Terres et
Forêts. Et je reprends la lecture du texte dans le milieu de la page un
de l'avant-propos: "Selon nous, toute politique recommandée par le
ministère des Terres et Forêts et subséquemment
entérinée par le gouvernement du Québec devrait servir
d'abord les intérêts de la population du Québec. Et l'on ne
saurait mieux servir ces intérêts que par une industrie solvable
apte à assurer des conditions qui permettent un sain aménagement
forestier, de l'emploi bien rémunéré, ainsi que des
possibilités de croissance et d'investissement. Nous jugeons que l'Etat
devrait écarter tout régime qui nuise à la poursuite de
ces objectifs".
A la page 2: "Nos commentaires sur le livre blanc du ministère se
veulent une critique constructive visant à l'instauration du meilleur
régime possible pour l'utilisation rationnelle des ressources
forestières du Québec.
La CIP est heureuse de lire dans le livre blanc que le ministère
vise à renforcer la position concurrentielle des industries
forestières du Québec. Dans ce cas, nous trouvons qu'il serait
contraire à l'intérêt public qu'une industrie soit
gênée par des restrictions ou des mesures coercitives qui
mèneraient à de l'insécurité et qui nuiraient
à la continuité de l'approvisionnement en matières
premières".
Aux fins de faciliter la lecture de ce qui va suivre, nous faisons
correspondre nos commentaires aux énoncés du document du
ministère et j'ajoute que nous nous sommes limités à la
critique du tome Il du livre blanc car il y a déjà en appendice
au mémoire de l'Association des industries forestières du
Québec une analyse détaillée du tome I de l'exposé
sur la politique forestière du Québec et à laquelle nous
avons collaboré.
Chapitre premier: La gestion des forêts.
La Compagnie internationale de papier du Canada ne croit pas que la
gestion forestière et l'allocation des ressources doivent être
abordées séparément. Une telle dichotomie nie la relation
intime qui lie les deux activités.
Zonage de l'utilisation des terres forestières. La CIP n'en a pas
contre un zonage approprié des forêts du Québec selon leur
utilisation optimale s'il est tenu compte des besoins de la forêt
elle-même, de ceux de l'industrie, de l'intérêt public et
des exigences de la recherche.
Pionniers en matière de l'utilisation polyvalente du sol, tout ce
que nous osons espérer, c'est que le zonage s'applique selon des
critères économiques, écologiques et sociaux. Nous
contribuerons volontiers à ce zonage à même nos
boisés avec l'entente mutuelle que la compagnie pourra négocier
avec le ministère des Terres et Forêts une compensation
adéquate pour la perte éventuelle de certains droits acquis.
Mode de gestion forestière. Nous sommes d'accord sur la
définition de la gestion forestière par le ministère,
â la page 31 du tome Il, mais là encore, nous ne pouvons dissocier
la gestion de l'utilisation.
Gestion des forêts publiques. Au Québec comme dans la
plupart des provinces canadiennes, c'est là une tradition, la gestion
forestière a été confiée aux utilisateurs
industriels sous réserve d'une surveillance étroite du
ministère des Terres et Forêts. Dans son livre blanc, le
ministère propose que cette responsabilité soit soustraite aux
utilisateurs par l'abolition en dix ans des forêts affermées et
qu'elles soient données à une société de gestion
forestière formée par le ministère. Cet organisme,
assimilable à un ministère parallèle, serait responsable
de toutes les phases de la gestion forestière, y compris l'allocation
des ressources en matière ligneuse, et serait financé par les
utilisateurs, qui seraient contraints de verser des redevances qui ne sont pas
déterminées et qui nous laissent bien sceptiques.
La CIP s'inscrit en faux contre cette mainmise de l'Etat, et pour
plusieurs raisons:
Premièrement, nous jugeons que la gestion et l'utilisation de la
forêt sont inséparables.
Deuxièmement, nous sommes d'avis que des baux à long terme
offrent la meilleure garantie de croissance et d'expansion et aussi le meilleur
moyen de planifier à long terme.
Troisièmement, nous croyons qu'une gestion par l'affermataire est
le seul moyen d'empêcher une montée vertigineuse des
coûts.
Quatrièmement, nous craignons qu'une gestion bureaucratique de la
forêt par une agence du gouvernement ne prête flanc à des
abus.
Il y a trop de valeurs en jeu, beaucoup trop de risques à courir
de la part de l'industrie la plus importante du Québec, et trop
d'aléas économiques pour que nous souscrivions à un projet
aussi hypothéqué d'incertitudes.
Si le premier but du nouveau régime de gestion
préconisé par le livre blanc est de faire correspondre les
ressources en matière ligneuse au besoin de chaque usine actuelle ou
future, nous sommes d'avis qu'on atteindrait mieux ce but par une
répartition judicieuse des forêts affermées plutôt
que par un boulversement des structures. La CIP serait prête à
collaborer à un nouveau partage des forêts affermées. L'un
des grands problèmes forestiers du Québec, en ce moment, est le
coût élevé du bois. Selon nous, l'établissement
d'une agence paragouvernementale pour administrer la forêt publique et
allouer le bois mènerait à une augmentation des coûts et
non à leur diminution. Nous savons d'expérience que, selon tout
critère judicieux, l'entreprise qui fait face à la concurrence
administre mieux et à moindres frais.
Pour concurrencer avec succès, l'industrie
québécoise doit être assurée de sources
d'approvisionnement en matières premières et en contrôler
le coût.
Chapitre deuxième. La distribution et l'exploitation des bois.
Concernant la planification
de l'approvisionnement en bois des usines, dans son exposé, le
ministère des Terres et Forêts se propose de décider
lui-même de la destination de la matière ligneuse sous forme de
bois à pâte, de copeaux et de sciure, qu'elle provienne de
forêts publiques ou privées. Il dit que c'est aux fins d'assurer
une meilleure utilisation des ressources et une distribution plus
équitable aux divers utilisateurs. Nous sommes d'accord sur les
objectifs mais non sur les méthodes prévues au livre blanc.
Nous nous opposons principalement à la création d'une
autre agence gouvernementale, la Régie des produits forestiers du
Québec, qui déterminerait les prix et d'autres modalités
de vente. La relation entre cette régie et les offices de producteurs
n'est pas clairement établie. Le rôle de ces divers organismes
n'est pas défini et on n'y fait que vaguement allusion. L'influence
économique qu'ils exerceraient, en raison de leur autorité en
matière de prix pour les matières premières, pourrait se
révéler fort nuisible à la position concurrentielle de
l'industrie des pâtes et papiers.
Mécanismes d'allocation des bois du domaine public: dans
l'ensemble, nous acceptons les principes établis à la page 59
pour l'allocation, des bois, sauf pour ce qui est du deuxième principe,
en vertu duquel l'allocation, la gestion et l'exploitation seraient
considérées séparément. Notre point de vue est que
la gestion et l'exploitation se tiennent, que l'une est fonction de
l'autre.
Contrats à long et à moyen termes: Le contrat à
long terme, de 20 à 40 ans, réservé à l'industrie
des pâtes et papiers, est naturellement un prérequis, en raison de
l'ampleur des usines et de la somme des investissements. Nous aimerions qu'il
soit expliqué avec plus de précision, notamment en ce qui a trait
au fait que "le droit de récolte n'accordera pas un droit d'usage
exclusif du territoire décrit." Il en est de même pour les
contrats à moyen terme, de 5 à 10 ans.
En ce qui concerne les permis d'usage, à nos yeux, ces permis de
douze mois ouvrent la porte au favoristisme politique et devraient être
remplacés par des contrats à court terme.
Vente du produit des coupes réalisées en régie. La
vente du bois coupé par Rexfor ou quelque autre agence de l'Etat
transformerait le gouvernement en entrepreneur, ce qui fausserait le
marché. Notre compagnie croit en outre que la vente du bois des lots
privés ne soit plus soumise à la Loi des marchés agricoles
et à l'influence de l'UCC, le bois n'étant pas, à
proprement parler, un produit agricole.
Fixation des redevances. Bien que nous soyons favorables au concept des
redevances à taux fixe, en ce qu'il place tous les concurrents sur un
pied d'égalité, nous sommes disposés à discuter
d'une formule intégrée de redevances. Le livre blanc n'est pas
assez clair sous ce rapport pour que nous puissions juger de la validité
de ce qu'il propose.
L'exploitation des bois. Ici, le livre blanc propose de donner un
rôle nouveau au ministère des Terres et Forêts, celui
d'exploitant de la forêt. Bien qu'il nie toute intention de nuire aux
exploitants privés de la forêt publique, il donne au
ministère un rôle de concurrent chaque fois, selon le document,
que l'intérêt public serait en jeu.
Le ministère, en effet, interviendrait au niveau de la production
des matières ligneuses, non seulement à titre d'agence de
planification ou de contrôle, mais aussi à titre
d'entrepreneur.
Le rôle de Rexfor. Cette société de la couronne,
d'abord fondée aux fins particulières de récupérer
le bois, assumerait des responsabilités beaucoup plus larges, si le
gouvernement adoptait la politique préconisée dans le livre
blanc.
La CIP s'inquiète particulièrement de la fonction
première qui serait attribuée à Rexfor (page 72)
Cette société exploiterait des forêts de l'Etat
rendues à maturité et ne faisant l'objet d'aucne exploitation
mais qui devraient quand même être récupérées.
Ce rôle qui pourrait s'exercer arbitrairement dans de vastes
étendues de la province devraient faire l'objet d'une analyse
scrupuleuse afin qu'on en décèle bien toute la portée
avant qu'il ne soit trop tard. Car il peut avoir un impact social sur la
main-d'oeuvre et un impact économique sur la fourniture du bois. Il y a
lieu, selon nous, de repenser à la nécessité et à
la possibilité de réaliser un tel projet comme aux frais que sa
réalisation présenterait.
Pratiques forestières industrielles. Nous reconnaissons que
l'Etat a le devoir de suivre de près les innovations en techniques
d'exploitation forestière et en mécanisation ainsi que leurs
effets sur l'environnement. Mieux encore, la CIP reconnaît ses
responsabilités à cet égard et elle a été
à l'avant-garde de la recherche et de la mise au point de programmes
visant à l'exploitation forestière la plus économique et
la plus rationnelle possible.
Accessibilité aux ressources forestières. Nous approuvons
le principe que les chemins d'accès principaux sont une
responsabilité publique. Il reste beaucoup à faire dans
l'étude du partage des coûts et des compensations pour les chemins
privés qui existent. A considérer aussi sérieusement qui
dira où les chemins d'accès principaux devront être
construits et quand.
Chapitre troisième. Orientation de la production
forestière. Nous sommes tout à fait d'accord sur les principes
généraux énoncés dans ce chapitre. Nous aurions
souhaité qu'en parlant de leur application, on ait mis plus d'accent sur
la coopération gouvernement/industrie et un peu moins sur des
considérations telles que l'autonomie du ministère et sur le
prestige. Nous pouvons mettre à la disposition du ministère le
fruit d'une expérience de plus d'un demi-siècle, notamment dans
la protection de la
forêt contre le feu, dans la prévention et l'extinction des
incendies. Nous pourrions en dire autant pour ce qui est de la lutte contre les
insectes.
Nous tenons à féliciter le ministère pour
l'intérêt qu'il porte à l'éducation en
matière de conservation. C'est là un thème que nous avons
souligné plusieurs fois dans le passé, dans nos recommandations
au gouvernement.
Chapitre quatrième. La forêt privée. Les
gouvernements du Québec depuis longtemps ont négligé de
s'occuper suffisamment de la forêt privée. Le livre blanc laisse
poindre une tentative apparemment sérieuse de valoriser ce secteur. La
formation d'associations régionales de sylviculteurs, initiative
compliquée de prime abord, pourrait fort bien déboucher sur des
arrangements plus sensés entre associations et industries
manufacturières en matière de marketing, et cela sans les aspects
coercitifs du régime anachronique actuel des offices de producteurs.
Grâce à des conseils d'experts et à l'adoption de
mesures appropriées, les propriétaires de lots boisés
pourraient fournir à l'industrie une source stable de matière
ligneuse à des prix raisonnables, ce qui constituerait pour eux une
bonne source de revenu.
Chapitre V. Les implications de la réforme de l'industrie
forestière. L'industrie des pâtes et papiers. Le livre blanc dit:
La meilleure contribution que le ministère des Terres et Forêts
peut apporter pour participer au redressement, à la croissance et au
développement de l'industrie forestière est d'aider à
réduire le coût de la matière ligneuse". Nous sommes tout
à fait d'accord. Permettez cependant que nous exprimions notre
désappointement devant le manque de moyens concrets dans le tome Il,
pour la réalisation de cet objectif. Autant que nous puissions le
constater, les recommandations n'indiquent aucun moyen qui tende à
réduire le coût du bois dont l'industrie aura besoin. Nous
aimerions suggérer aux auteurs du document de s'en remettre au
mémoire soumis au premier ministre, M. Robert Bourassa, et
discuté la semaine dernière ici par le Conseil des producteurs de
pâtes et papiers. Il apporte des recommandations précises en ce
qui a trait à la réduction des coûts, y compris ceux du
bois et à la stabilisation de l'industrie des pâtes et
papiers.
Chapitre VI. La recherche forestière. La société
contemporaine requiert des recherches constantes pour sa gouverne et nous en
reconnaissons la nécessité. Nous tenons cependant à
rappeler que la valeur de la recherche ne réside pas dans son
activité scientifique ou purement académique, mais dans
l'application pratique de ses données par l'industrie. A cet
égard, nous y sommes éminemment favorables. Selon nous,
toutefois, elle devrait s'articuler à la recherche du gouvernement
fédéral et à celle des universités afin que
l'effort et le coût ne se doublent pas inutilement.
Chapitre VII. L'administration du ministère des Terres et
Forêts. Les réformes administratives du ministère
concernent naturellement surtout le ministère et son personnel. Nous
avons toujours soutenu que le ministère des Terres et Forêts
devait être renforcé afin d'être un interlocuteur
éclairé pour l'industrie.
Nous notons une tendance vers la régionalisation et nous nous
demandons pourquoi, si des organismes régionaux compétents sont
établis, il serait nécessaire de fonder une société
de gestion forestière.
Il faut présumer que les organismes régionaux seront
dirigés par des experts en foresterie, des hommes aptes à
s'occuper de programmes de gestion forestière, de concert avec les
utilisateurs industriels.
Nous en venons aux conclusions et recommandations.
Premièrement, pour le maintien d'une saine concurrence dans
l'utilisation des ressources naturelles, et aux fins de stimuler l'essor
économique du Québec, la Compagnie internationale de papier du
Canada recommande que le régime fondamental de gestion des terres
boisées de la province continue d'être confié à
l'entreprise privée, sous la surveillance et avec les directives du
ministère des Terres et Forêts.
Deuxièmement, la CIP recommande à la commission
parlementaire d'examiner avec soin les mesures proposées dans le tome Il
du livre blanc et de demander au ministère des Terres et Forêts de
les approfondir et de les clarifier.
Troisièmement, la CIP recommande que les décisions de fa
commission parlementaire comprennent la demande d'une analyse approfondie, par
des experts de l'extérieur, des coûts que représentent les
mesures préconisées par le ministère, et aussi la demande
de déterminer qui devra faire face à ces coûts
supplémentaires, et comment?
Quatrièmement, la CIP recommande que la commission parlementaire,
dans son rapport, invite le ministère des Terres et Forêts
à étudier le mémoire du Conseil ,des producteurs des
pâtes et papiers du Québec au gouvernement du Québec et
à faire rapport de ses conclusions à la commission.
Enfin car il y a un "enfin" à la page 14 que le service de
reliure pourrait avoir mis de côte à moins qu'un
comité de travail conjoint du gouvernement et de l'industrie ne
s'attaque à la tâche de préparer des recommandations sur la
révision de la législation, la CIP s'inquiète à bon
droit de ce qui résultera de ce projet.
Après avoir vécu l'épisode des nouveaux
règlements d'exploitation forestière et celui de l'allocation des
feuillus, nous affirmons, et nous avons cinquante ans d'expérience pour
le faire, que l'expérience, le leadership et le savoir-faire sont
essentiels à la préparation d'une politique forestière
pratique et réalisable au Québec.
Nous remercions l'honorable ministre des Terres et Forêts de nous
avoir donné l'occasion de faire entendre la voix de CIP devant la
commission parlementaire des richesses naturelles et des terres et
forêts. Nous remercions aussi les distingués membres de cette
commission de l'attention qu'ils ont accordée à notre
communication.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Terres et Forêts...
M. DRUMMOND: Merci, M. Rivard, d'être venu avec votre
équipe, ce matin, pour nous donner le point de vue de la CIP sur la
politique forestière. Avant de commencer nos questions sur le contenu,
j'aurais une petite question. Pourquoi avez-vous changé le mot
"concession" en le remplaçant par "forêt affermée" dans
votre mémoire?
M. RIVARD: Cela me fait vraiment plaisir. M. le Président,
l'honorable ministre des Terres et Forêts me fait
énormément plaisir en posant cette question. Vous avez
remarqué que j'ai lu quatorze pages d'un mémoire sans mentionner
une seule fois le mot "concessionnaire" et le mot "concession". Parce que si ce
sont des mots qui sont tabous, enlevons-les du vocabulaire forestier, si c'est
le mot qui est tabou, parce qu'il y a moyen de vivre dans un système
d'affermage, sans appeler les territoires affermés "concessions" et sans
appeler les concessionnaires "concessionnaires", on peut les appeler des
gestionnaires, on peut les appeler des affermataires. Enfin, si, dans un
système d'affermage, on en vient à peu près à la
même tenure qu'il y a aujourd'hui, avec des garanties à long
terme, je suggère tout simplement qu'on enlève ces deux mots qui
sont tabous dans le vocabulaire forestier.
M. DRUMMOND: Je pose la question parce que, dans le document original,
vous avez fait mention de "concessions" au lieu de "forêts
affermées".
M. RIVARD: M. le Président, j'admets à bon droit la
remarque de M. le ministre, mais je pense que la CIP n'est pas le premier
pétitionnaire à changer quelques mots dans son mémoire
depuis le début des audiences. C'est un peu basé sur
l'expérience de ce qui s'est passé depuis six jours que je l'ai
fait, sans m'accuser de péché mortel.
M. DRUMMOND: Ce n'était pas un reproche, ce n'était qu'une
question.
Au commencement, à la page 1, vous dites que certains aspects de
la politique forestière sont de nature à nuire à la
stabilité et à la croissance de l'industrie des pâtes et
papiers. Evidemment, ce n'est pas notre idée en lançant une
politique forestière, alors, est-ce que vous pourriez approfondir un peu
votre pensée à ce sujet-là?
M. RIVARD: Tout au long de la lecture du livre blanc, on sent une
tendance vers l'étatisation. D'ailleurs, la théorie qui est
exposée dans le livre blanc a été appuyée ici par
plusieurs mémoires. Des gens sont venus vous dire qu'il était
temps d'étatiser. Des gens sont venus vous dire, la semaine
dernière, qu'on devait confisquer sans autre formalité les
territoires affermés des gestionnaires actuels et sans compensation. Je
dis en passant que ces gens-là font preuve d'une ignorance flangrante du
véritable problème. Alors, ce que nous voulons dire dans cette
première partie mettons un parapluie complet c'est la
mainmise de l'Etat que nous craignons avec tous ces inconvénients. Si
vous voulez un autre son de cloche, dans un éditorial de la Presse, M.
Jean Pellerin donne une bonne appréciation de cela en disant dans la
Presse du 15 août: "Pour une entreprise, devenir propriété
d'Etat, c'est sortir du champ de la concurrence et perdre son dynamisme. C'est
s'enliser dans la bureaucratie du fonctionnarisme. Il n'est pas
nécessaire d'être grand clerc pour constater que l'Etat est le
pire entrepreneur qui soit, le plus lourd, le plus inefficace et le plus
coûteux. On peut citer nombre d'entreprises privées qui
fonctionnent à merveille, on n'en peut guère dire autant des
entreprises d'Etat".
M. Pellerin a fait ses armes à Trois-Rivières je
regrette que le député de Trois-Rivières ne soit pas ici
il y a fait ses armes, il connaît bien le problème. Il
continue en disant ceci et je cite: "Quand une entreprise devient l'affaire de
tout le monde, elle se trouve à devenir l'affaire de personne. Affirmer
qu'en étatisant les papeteries on les sauvera du marasme, c'est noyer le
poisson. Il vaut mieux aider que de prendre la place de l'entreprise
privée, cela coûte moins cher au contribuable et cela suscite des
initiatives que l'on attendrait en vain d'une entreprise d'Etat".
Alors, cela résume la pensée qu'on avait dans le premier
paragraphe.
M. DRUMMOND: M. Rivard, je pourrais aussi citer d'autres
éditoriaux qui sont favorables à la politique du gouvernement
dans ce champ-ci, mais je pense que ce serait inutile de le faire. Par contre,
je veux dire que, nulle part dans le livre blanc, il n'est question de
nationaliser les papeteries.
M. RIVARD: M. le Président, peut-être que le mot
"nationaliser" n'est pas mentionné, mais, à moins que je ne me
trompe, plusieurs d'entre nous qui avons étudié le mémoire
ont senti cette tendance socialisante dans la théorie qui est
exposée dans 471 pages.
M. DRUMMOND: Nous pourrions peut-être vous demander ce qu'est le
socialisme selon vous.
M. RIVARD: Je n'avais pas l'intention de discuter de socialisme ce
matin, M. le ministre.
M. DRUMMOND: Passons à un autre sujet. Dans votre optique, vous
considérez que la
gestion et l'utilisation de la forêt sont inséparables,
est-ce exact?
M. RIVARD: C'est exact, M. le ministre. M. DRUMMOND: Pourquoi?
M. RIVARD: C'est basé sur notre expérience. Je vais
prendre un cas entre plusieurs. Dans le bassin de la rivière Rouge, il y
a à peu près 1,000 milles carrés de forêts
affermées. Je m'excuse, mais je ne suis pas habitué encore
à éviter le mot "concession" complètement. Or, cette
partie de nos territoires a été inventoriée dès les
années 1920.
En fait, ce territoire a servi à la préparation du premier
plan d'aménagement qui fut jamais soumis à Québec, au
Service forestier du temps, par Walter Abyberg qui était un
ingénieur forestier de CIP. Et ce plan d'aménagement a servi de
base aux premières instructions émises par le ministère
concernant les plans d'aménagement. Il y a eu révision des plans
d'aménagement à intervalle régulier, tous les dix ou douze
ans. Pour remonter, pas plus loin qu'au déluge, disons qu'au
début des années cinquante, la possibilité, sur les 1,000
milles carrés du bassin de la rivière Rouge, était de
25,000 cunits. Depuis ce temps-là, nous avons révisé le
plan d'aménagement deux fois et aujourd'hui, la possibilité est
de 75,000 cunits en essence résineuse, sapin, épinette et un peu
en pin gris.
Ces chiffres ont été vérifiés et
approuvés par le service de l'aménagement forestier du
ministère et sont toujours sujets à vérification par qui
que ce soit. Je pense que c'est un exemple que l'aménagement d'un
gestionnaire tel que nous l'avons fait, au lieu de diminuer le potentiel
forestier, l'a augmenté. Cela appuie drôlement ce que M. Lachance
a affirmé l'autre jour ici, à savoir que les gestionnaires, dans
la province de Québec, ont contribué non pas à diminuer et
à faire un gâchis mais à augmenter le potentiel ligneux, et
à augmenter de ce fait, le train de vie de la population.
Cet exemple que je vous cite pour la rivière Rouge, je pourrais
l'étendre à d'autres forêts affermées. J'ajoute
simplement ceci: il y a 38 ans que je travaille pour l'employeur CIP. J'ai vu
passablement de plans d'aménagement dans ma vie. Il n'y a pas un seul
plan d'aménagement qui, une fois révisé, n'a pas
montré une augmentation de la possibilité. Je pense que
l'aménagement tel que nous le pratiquons, c'est-à-dire, la
gestion et l'utilisation par le même gestionnaire, a porté des
fruits. C'est pour ça que nous y tenons.
M. DRUMMOND: Lorsqu'il s'agit de l'exploitation de cette terre par
d'autres utilisateurs, est-ce que vous en tenez compte dans vos plans
d'aménagement?
M. RIVARD: Evidemment.
M. DRUMMOND: Alors vous êtes à la fois juge et arbitre.
M. RIVARD: Nous ne sommes pas juge et arbitre, M. le ministre. Parce que
nos plans d'aménagement et vous le savez sont toujours
approuvés par le ministère des Terres et Forêts, par votre
service d'aménagement. Je pense que notre expérience dans
l'utilisation des essences dites secondaires est aussi très valable.
Lors des audiences qu'il y a eues en 1967 sur l'allocation des feuillus par le
ministère, je crois que nous avons fourni une contribution plus
qu'excellente. En fait, c'est nous, de CIP je ne parle pas des autres
concessionnaires parce que je n'ai pas de mandat pour le faire qui avons
fourni au ministère des Terres et Forêts les données de
base parce qu'ils ne les avaient pas, ou ils les extrayaient mal de nos
plans d'aménagement pour arriver à un partage entre divers
permissionnaires. Pendant cinq ans, nous avons vécu une
expérience qui s'est avérée, en définitive, assez
satisfaisante. Ce plan d'allocation a été revisé en 1972.
Encore là, nous avons dû, dans un geste de collaboration qui nous
est coutumier, dire au ministère que, tout de même, il ne fallait
pas exagérer dans les volumes qui étaient disponibles. Nous avons
dû aider le ministère à préparer un nouveau plan
d'allocation qui, cette fois, au lieu d'être pour cinq ans, a
été préparé seulement pour un an.
Puisque vous m'avez ouvert la porte, M. le ministre, je pense que, dans
ce domaine, la formule pour arriver à satisfaire tout le monde est une
formule d'exploitation intégrée telle que nous l'appliquons dans
le bassin de la rivière Gatineau.
C'est-à-dire que le gestionnaire CIP, par ses coupes
intégrées, fait la récolte non seulement des essences
résineuses mais aussi de toutes les essences feuillues et les vend
à un prix négocié aux permissionnaires qui ont
été désignés par le ministère. En ce sens,
nous avons un peu abandonné nos droits que nous donne l'article 72 de la
Loi des terres et forêts. C'est un droit de propriétaire que nous
avons sur les bois et nous avons consenti, encore dans un geste de
collaboration, à ce que le ministère vienne nous faire des
suggestions quant aux permissionnaires. Et je pense que c'est ça, la
formule. C'est un concept de coupes intégrées qui permet, entre
autres choses, d'extraire de nos boisés un plus fort volume de bois de
déroulage. Et c'est concevable, parce que l'industriel qui s'occupe de
bois de sciage va essayer de convertir en grume de sciage tout ce qu'il peut
récolter, y compris ce qui normalement irait au déroulage. Or, le
gestionnaire qui a une autre sorte d'intérêt va essayer de faire
un partage équitable entre les deux. Et d'ailleurs, dans ce domaine, le
ministère a toujours des inspecteurs qui se chargent de corriger les
petites lacunes, s'il y en a.
M. DRUMMOND: Est-ce que vous diriez, M. Rivard, qu'il n'existe jamais
chez vous un clivage dans les points de vue entre vos spécialistes en
aménagement et ceux qui sont responsables de l'exploitation?
M. RIVARD: Vous avez dit un clivage?
M. DRUMMOND: Un clivage, une différence de points de vue.
M. RIVARD: M. le ministre, excusez-moi, M. le Président, j'ai une
tendance à m'adresser directement à M. le ministre, je sais que
ce n'est pas correct.
M. le Président, tout comme deux avocats qui se rencontrent, les
ingénieurs forestiers ne sont jamais de la même opinion. Il s'agit
d'en mettre deux en tête à tête, l'un va dire oui et
l'autre, non.
Mais je dois dire que et c'est à l'honneur des cadres
supérieurs et des employés du ministère à tous les
échelons je louange la collaboration que nous avons toujours
reçue de tous les membres de votre ministère, M. le ministre, et
de ceux qui vous ont précédé. De notre côté,
nous avons essayé d'être à la hauteur de leur position en
donnant, nous aussi, notre collaboration.
Et je pourrais vous rappeler une série de cas où c'est
arrivé. Entre autres choses, si vous me le permettez, puisque vous
m'ouvrez la porte, voici un exemple frappant. Dans le domaine des inventaires
forestiers, ce n'est pas d'hier que nous en faisons, nous en faisons depuis
cinquante ans. En 1922 exactement, nous avons commencé à
inventorier les forêts affermées de CIP. En 1929, c'était
terminé. Nous avons fait des études sur des inventaires
d'aménagement. Et graduellement, avec les années, nous sommes
allés chercher au Michigan et en Illinois, aux Etats-Unis, une
méthode d'inventaire forestier périodique que nous avons
adaptée à nos conditions, et que nous avons
expérimentée de 1954 à 1957, pour être bien certains
de ce que nous faisions. Nous avons instauré cette méthode
à la grandeur de nos forêts affermées à compter de
1958.
Lorsque l'inventaire forestier décennal du ministère des
Terres et Forêts a commencé, nous avons mis à la
disposition, et tout à fait gratuitement, dans un geste de collaboration
véritable, toutes nos placettes établies, c'est-à-dire
33,726 exactement, qui comportent 893,000 fiches d'arbres et qui correspondent
à un investissement de près de $2 millions.
M. le Président, si ce n'est pas là de la collaboration
tangible, je ne sais pas où la trouver.
M. DRUMMOND: Dans un autre ordre d'idées à la page 4, vous
dites: "Nous sommes d'avis que des baux à long terme offrent la
meilleure garantie de croissance et d'expansion et aussi le meilleur moyen de
planifier à long terme." La politique énoncée dans le
livre blanc a pour but de donner des garanties à long terme en
approvisionnement, cela est entendu, mais ce n'est pas seulement une question
de garantie de croissance, il y a une question qui me frappe, ces jours-ci.
Qu'est-ce qui doit arriver quand une usine ferme dans un endroit
donné? Pour prendre un cas spécifique, l'usine de Kipawa,
où il y avait un approvisionnement venant, en partie, des concessions
forestières de la CIP, dans votre optique est-ce que la compagnie doit
garder cette concession?
M. RIVARD: M. le ministre, vous avez une question à deux
entrées. Nous allons garder Kipawa pour la fin. Premièrement,
nous parlons de baux à long terme qui ont meilleure garantie. Vous savez
que nous avons un bon mille d'avance sur le ministère des Terres et
Forêts là-dedans, parce que, dès 1952 ou 1953, je n'ai pas
relevé le dossier mais il en existe un au ministère, nous avons
proposé au ministère des Forêts du temps et même au
premier ministre, l'honorable Maurice Duplessis, de convertir les forêts
du Saint-Maurice qui nous étaient affermées en réserves
forestières permanentes, c'est-à-dire 99 ans ou à peu
près. Nous avions de bonnes raisons de le faire, parce que nous croyions
que, pour chaque usine, il doit y avoir un territoire déterminé,
avec un volume de possibilités déterminées, sur lequel le
gestionnaire peut faire sa planification à long terme, parce que notre
planification doit dépasser cinq ans. En fin de compte, avec des
investissements comme il s'en trouve dans les usines, il faut planifier
à long terme.
Nous n'en avons pas contre la forme de tenure des garanties
d'approvisionnement à long terme pour autant que cette forme soit bien
déterminée, que nous serons assurés des territoires
où nous irons, que nous serons assurés d'un volume et que nous
pourrons tout de même contrôler le coût. Ce qui nous effraie
dans toute la théorie du livre blanc, c'est de perdre ce contrôle
sur les coûts, et c'est vital aujourd'hui, avec ce qui se passe dans la
province de Québec.
Du côté de l'usine Témiscamingue, il y avait des
raisons pour la fermer et je demanderai à M. Dechêne, tout
à l'heure, de vous en donner. Vous m'avez posé une question
précise: Est-ce qu'on devrait garder les territoires affermés qui
étaient rattachés à l'usine? Je pense, M. le
Président, que dans le cas spécifique mentionné par
l'honorable ministre des Terres et Forêts, la question n'a pas encore
été réglée. Il y a eu des discussions à un
niveau encore plus élevé que celui-ci, au niveau
ministériel, au niveau du premier ministre. Nous ne savons, ni vous, ni
moi, ce qui s'est passé. Il y a une espèce de stade de transition
et je pense qu'il serait prématuré de prendre position même
à savoir si nous devrions conserver les forêts affermées ou
les remettre.
Suppossons, par extension, que des investisseurs et c'est
possible décident de convertir cette usine. Evidemment, il faudra
qu'ils s'approvisionnent quelque part. Alors, je pense que, dans l'intervalle,
il ne faudrait pas trop rapidement prendre une décision visant à
abandonner ou à conserver les forêts affermées
rattachées à l'usine de Témiscamingue.
A présent, j'aimerais que M. Dechêne nous dise quelque
chose sur la fermeture de l'usine.
M. GAGNON: J'ai remarqué que vous avez dit: "C'est vital pour ce
qui se passe aujourd'hui dans la province de Québec." Pourriez-vous
préciser davantage ce qui se passe?
M. RIVARD: Vous savez dans quel marasme l'industrie forestière
s'est trouvée, n'est-ce-pas? Alors, il est très important que nos
coûts soient contrôlés, que nous puissions reprendre le
souffle parce que, l'an passé, cela a été très
grave. Cela vous satisfait?
M. GAGNON: Oui.
M. DRUMMOND: Je le prends comme un cas type au lieu de parler seulement
de Kipawa.
Dans le domaine de l'éventualité, on parle toujours de la
croissance et de l'avenir, mais je suis d'accord qu'on doit avoir un
système où l'approvisionnement se fait par usine.
Si, dans un cas comme Kipawa, ça ferme il y a des territoires qui
sont liés à ça. Si l'Etat reprend ces
concessions-là, quelle doit être la formule, selon vous, de la
reprise?
M. RIVARD: Là encore, il faut que je différencie, M. le
ministre. Vous parlez d'un cas spécifique et vous avez un cas
général. Je vais d'abord parler du cas spécifique. Il
arrive et ça va peut-être être une découverte
pour ceux qui sont à la table, ici que si vous prenez des
forêts affermées de la Compagnie internationale de papier du
Canada, de la rivière Batiscan jusqu'à la frontière de
l'Ontario et du fleuve Saint-Laurent jusqu'à la baie James,
c'est-à-dire tout le bloc que certains ont qualifié de
péril jaune sur la carte des forêts affermées, il arrive,
dis-je, que la possibilité de ces forêts affermées est de
10 p.c. inférieure aux trois usines qui demeurent et qui utilisent la
matière première venant de ces forêts affermées.
Il peut arriver que, pour compenser les forêts affermées
qui devaient nous être accordées et qui ne l'ont pas
été, la CIP veuille conserver une partie ou peut-être
toutes les forêts affermées qui étaient reliées au
Témiscamingue. Vous avez parlé de formule. Permettez, M. le
Président, que je cite un article de la loi. C'est l'article 98 de la
Loi des terres et forêts.
Le lieutenant-gouverneur en conseil peut autoriser le ministre des
Terres et Forêts à faire, aux conditions qu'il détermine,
des échanges avec des propriétaires de domaines forestiers ou
avec des détenteurs de concessions forestières je cite la
loi ou à retraire la totalité ou toute partie de telle
concession forestière et, en retour des territoires ainsi retraits,
à donner des permis de coupe renouvelables, c'est-à-dire des
licences, sur des terres publiques ou et c'est là que ça
devient important si de tels permis ne sont pas donnés en retour,
à verser une indemnité dont le montant est établi en
suivant mutatis mutandis la procédure prévue aux articles 3
à 18 de la loi 15-16 Georges VI.
Le législateur s'est penché sur ce problème, M. le
Président, et a décidé que le gestionnaire avait des
droits acquis et que si ces territoires affermées lui étaient
confisqués d'une façon ou d'une autre, il avait droit et
c'est un droit de propriétaire à une compensation.
D'ailleurs, il y a eu des précédents établis dans la
province de Québec; il y a eu des reprises de territoires
affermés; il y a eu des échanges et, dans chaque cas que je
connais, à venir jusqu'à la rédaction du livre blanc, il y
a toujours eu une valeur intrinsèque attachée aux territoires
affermés.
Quand bien même ce ne serait que la prime d'affermage qui a
été payée, d'accord, elle n'a peut-être pas
été très forte. Mais il y a tout de même un principe
à respecter. L'affermataire a acheté quelque chose, il a
payé pour, il a fait fructifier son bien, il l'a
développé, il l'a aménagé, il a augmenté le
potentiel ligneux, il a construit des infrastructures. Enfin, il a fait ce
qu'un bon gestionnaire doit faire et je ne pense pas qu'aucun gouvernement aura
la volonté ferme d'aller jusqu'à confisquer des biens qui
appartiennent à d'autres.
M. DRUMMOND: Je peux ajouter que le concessionnaire en a aussi
profité.
M. RIVARD: M. le Président, supposons, par extension, que le
ministre des Terres et Forêts possède une maison d'appartements
dans Westmount. Je ne dis pas qu'il en a une, je ne le sais pas. Cette maison,
il l'a depuis quarante ans et il l'a bien tenue, il l'a gérée, il
l'a administrée, il a fait des réparations mais il a aussi
récolté des profits par les logements.
S'il n'avait pas récolté des profits, il n'aurait pas
gardé sa maison. Alors, est-ce à dire que parce que quelqu'un
retire des profits d'un bien qu'il possède, à un moment
donné, on doit le déposséder complètement? Je suis
contre cette théorie, je ne peux pas l'absorber.
M. DRUMMOND: Est-ce que vous diriez qu'à toutes fins pratiques,
une garantie d'approvisionnement à long terme est monnayable?
M. RIVARD: Probablement. Evidemment il faudrait consulter nos financiers
là-dessus. Je ne peux pas réellement me prononcer, M. le
Président, oui ou non, je crois qu'en négociant les valeurs de
nos... tout de même, ces garanties vont avoir une valeur, mais je
n'affirme pas ici, ce matin, que ces valeurs sont monnayables,
vis-à-vis des garanties collatérales. Je le crois, mais je
ne l'affirme pas.
M. DRUMMOND: D'accord. J'ai beaucoup de questions, mais il y a d'autres
joueurs aussi, alors je vais terminer par une seule question. A la page 11,
vous dites: Nous avons toujours soutenu que le ministère des Terres et
Forêts devait être renforcé afin d'être un
interlocuteur éclairé pour l'industrie. Vous parlez de quelle
industrie?
M. RIVARD: Là, évidemment, je m'excuse, M. le
Président, je devais, au début de la lecture de mon
mémoire, faire cette remarque que je ne représente ici ce matin
qu'un segment de l'industrie des pâtes et papiers, CIP, et que chaque
fois que le mot "industrie" paraît dans notre mémoire, il doit
être pris dans son sens restrictif, c'est-à-dire s'appliquant
à CIP.
M. DRUMMOND: Nous avons d'autres responsabilités envers d'autres
industries, alors, il faut que ça devienne un mariage des points de vue
de tous les utilisateurs de la forêt chez nous, pas seulement un
interlocuteur valable pour un secteur de l'industrie ou des utilisateurs.
M. RIVARD: Evidemment, pris dans son sens large, c'est reconnu que le
CIP n'est pas la seule industrie qui va dialoguer avec le ministère et
avec les cadres du ministère. Il y a d'autres gestionnaires de
l'industrie des pâtes et papiers, il y en a de l'industrie des sciages,
il y en a de l'industrie du déroulage. Je pense qu'on peut dire que
c'est ce que nous voulions dire ici que, tout de même, c'est toute
l'industrie dans son ensemble.
M. DRUMMOND: La population qui a des intérêts dans la
forêt pour fins de récréation?
M. RIVARD: Aussi. D'accord. M. DRUMMOND: Merci.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Nicolet.
M. VINCENT: M. le Président, à mon tour, je voudrais
remercier M. Rivard. Même si les propos qu'il a tenus ne plaisent pas
à tout le monde, il reste cependant que ce sont des choses qui doivent
être dites. Je crois bien, comme M. Rivard le mentionnait, qu'il ne
compte pas sur d'autres personnes pour dire ce qu'il avait à dire.
Maintenant, M. Rivard, dans votre mémoire, vous parlez de
différents problèmes soulevés par le tome Il du livre
blanc, concernant votre compagnie plus spécialement et l'industrie en
général. Nous aimerions, pour le bénéfice des
membres de la commission, même si nous sommes quelque peu au courant des
activités de la CIP, que vous nous mentionniez quel est le total de
travailleurs, que ce soit dans l'industrie ou dans la forêt, que vous
employez présentement?
M. RIVARD: A peu près 10,000 d'une façon permanente.
M. VINCENT: Quelles sont les immobilisations de la CIP?
M. RIVARD: Je demande à M. Dechêne de répondre
à cette question.
M. DECHENE: Je n'ai pas de chiffres exacts à vous donner, M. le
député. M. le Président, je peux vous dire tout de
même que le total des investissements de la CIP au Canada se situe aux
environs de $400 à $500 millions. Cela, je le sais. De cela, je dirais
80 p.c. des investissements de la CIP se situent dans la province de
Québec.
M.VINCENT: Peut-être $300 à $350 millions.
M. DECHENE: Oui, au-delà de $300 millions.
M. VINCENT: Avec un nombre total d'environ 10,000 personnes qui
travaillent au Québec.
M. DECHENE: De 10,000 personnes employées en permanence et qui
retirent des salaires cela, je l'ai retenu ou des gages qui
s'élèvent à $81 millions par année. Il faut ajouter
à cela $16 millions de bénéfices marginaux. C'est dire
que, en salaires, gages et bénéfices marginaux, nous versons $100
millions chaque année.
M.VINCENT: M. Rivard, dans votre mémoire, vous parlez de
sécurité ou d'insécurité, à la page 2.
D'après vous, est-ce que les contrats à long terme de 20
ans, avec option d'une période additionnelle de 20 ans, seraient
suffisants et est-ce que ceci permettrait d'assurer ou d'éviter
l'insécurité dont vous parlez à la page 2?
M. RIVARD: Ma réponse est non, M. le Président; je verrais
plutôt une formule de tenure qui serait si nous prenions des
garanties pour 20 ans garantie d'année en année,
c'est-à-dire que c'est une forêt affermée pour
aménagement pendant 20 ans, mais au bout de la première
année, il faut renouveler son contrat pour un autre période de 20
ans. En somme, c'est une forêt permanente. C'est la formule que je vois.
A ce moment-là...
M. VINCENT: Excusez-moi, M. Rivard, que ce soit toujours 20 ans...
M. RIVARD: Toujours 20 ans.
M. VINCENT: Si la compagnie avait ce contrat d'approvisionnement depuis
cinq ans, même rendu à la cinquième année, il
faudrait...
M. RIVARD: Il reste encore 20 ans. M. VINCENT: Il reste encore 20 ans?
M. RIVARD: C'est-à-dire que...
M. VINCENT: Ce serait une révision annuelle.
M. RIVARD: Oui. Assimilons cela, si vous voulez, au système de
tenure qui prévaut aujourd'hui de forêts affermées
annuelles dont les permis se renouvellent le 31 mars; peut-être qu'on
appellerait cela des permis d'aménagement ou autre chose. La
première année, le permis est émis pour 20 ans sur un
territoire donné, les essences étant spécifiées.
Quand vous renouvelez, au bout d'un an, ce permis, il est encore
renouvelé pour 20 ans. C'est-à-dire que c'est le système
de forêts permanentes dont je parlais tout à l'heure, et cela
permet au gestionnaire d'aménager cette forêt comme si elle lui
appartenait, parce qu'il y a toujours une garantie que cela va demeurer. C'est
une mesure incitatrice à faire encore un meilleur aménagement que
ce qu'on a préconisé jusqu'à aujourd'hui.
M. VINCENT: Mais, à votre avis, ceci pourra remplacer le
système de concessions.
M. RIVARD: Oui. Le système de concessions, c'est un
système de tenure parmi bien d'autres. Ce que je vous cite là
existe dans d'autres provinces et nous fonctionnons avec cela, nous en sommes
heureux. Ce n'est pas nous qui l'avons inventé malgré que, comme
je vous l'ai dit tout à l'heure en 1952, 1953, nous avons émis le
principe des forêts permanentes, alors cela en est une. Nous
étions un peu plus optimistes en 1952 parce que nous parlions d'un bail
de 99 ans, mais, à ce moment-là, il n'était pas
automatiquement renouvelable au bout de 99 ans. Tandis que ce dont je vous
parle, c'est d'une formule de tenure qui ne s'appellerait pas concession,
laissons tomber ce mot tabou, ce serait un permis d'aménagement pour 20
ans, renouvelable chaque année pour 20 ans.
M. VINCENT: Mais vous ne trouvez pas que, sur le plan pratique,
renouveler ou renégocier chaque année, ce serait...
M. RIVARD: Il n'y a pas de négociation à faire du
tout.
M. VINCENT: Il y a peut-être des réallocations qui
pourraient se faire.
M. RIVARD: Si les gestionnaires actuels, de façon
générale, peuvent conserver des droits à long terme sur
les forêts qui leurs sont affermées, avec certaines petites
modifications tout n'est jamais parfait et on a cité dans notre
mémoire que nous étions prêts à nous asseoir et
à négocier des échanges à condition,
évidemment que la prime de transfert de $65 disparaisse une fois
que cela est parti, je ne vois pas qu'on puisse négocier chaque
année, à moins qu'on ne retombe à une formule qui n'est
pas expliquée dans le livre blanc, qu'on devine un peu et où nous
aurions à payer des redevances qui ne sont connues. Là encore,
nous sommes prêts à nous asseoir avec le ministère et
à parler de redevances. A notre point de vue, cette redevance devrait
être basée sur le prix du bois debout. Il y a moyen de calculer
cela.
M. VINCENT: M. Rivard, à la page 3 de votre mémoire, en ce
qui concerne le zonage de l'utilisation des terres forestières, vous
avez ajouté que vous pensiez à des compensations adéquates
pour les droits acquis. Nous aimerions, si cela était possible, que vous
puissiez nous dire quels seraient, d'après vous, les critères
à utiliser pour établir un système de compensation
adéquate pour les droits acquis.
M. RIVARD: Cela recoupe un peu la question de M. le ministre tout
à l'heure...
M. VINCENT: Avec plus de...
M. RIVARD: ... oui, que ce soit pour question de zonage... Prenons le
cas du Mont-Tremblant. Une partie de nos forêts affermées de la
Rouge couvre une partie du Mont-Tremblant. Le ministère du Tourisme, de
la Chasse et de la Pêche a des ambitions et voudrait prendre tout un
grand territoire. Evidemment, nous y avons des aménagements. Nous avons
des forêts affermées qui nous ont coûté quelque
chose. Nous avons, en somme, des droits acquis. Quant aux critères, je
crois que, d'une part, la prime d'affermage pourrait servir de base au calcul
d'une compensation per se pour les droits de l'affermataire.
Deuxièmement, les infrastructures; tous les développements
visant à l'exploitation forestière devraient être
appréciés, évalués à leur valeur. Et ces
deux montants, c'est-à-dire le montant initial pour les droits du
gestionnaire et pour les infrastructures, les développements
industriels, devraient former la compensation.
D'ailleurs, il y a des précédents dans la province de
Québec. Cela a déjà été fait. Il y a des
gestionnaires qui ont remis... tout le territoire de la Gaspésie a
été traité de cette façon. Les propriétaires
francs-alleux c'est-à-dire "freehold", propriétés
privées ont reçu des compensations à juste titre
pour ce qu'ils perdaient. La même chose pour les gestionnaires qui
avaient des forêts affermées. Il n'y a aucun de ces gestionnaires
qui a été privé de ses droits et je pense que dans chaque
cas, c'est un peu la formule qu'on a acceptée.
M. VINCENT: Est-ce que vous acceptez le
principe que cette compensation demeure une note de crédit au
ministère des Terres et Forêts?
M. RIVARD: M. le Président, voici quelque chose qui est
négociable. Je pense que chaque cas est un cas d'espèce. Cela
dépend du climat dans l'industrie forestière, cela dépend
du climat au ministère des Terres et Forêts. Mais je pense que
chaque cas est un cas d'espèce et doit être négocié
entre les deux partenaires.
M. VINCENT: M. Rivard, à la page 8 de votre mémoire
je ne voudrais pas répéter les questions qui vous furent
posées par M. le ministre vous parlez de Rexfor: "Cette
société exploiterait des forêts de l'Etat rendues à
maturité et ne faisant l'objet d'aucune exploitation, mais qui devraient
quand même être récupérées". Vous vous
prononcez de façon globale. Mais est-ce que vous admettez que, dans
certains cas bien spécifiques, pour autant que la preuve est faite, il
faudrait que ce soit Rexfor qui aille exploiter certains boisés qui ne
peuvent être exploités par l'entreprise privée, ou si,
d'une façon globale, vous n'admettez pas que le gouvernement
intervienne?
M. RIVARD: Non, non. Le rôle de Rexfor est un rôle
déterminé par sa loi. Rexfor a été
créée pour un but déterminé, elle a fait de la
récupération sur la Côte-Nord. Mais ce que nous craignions
en exprimant ce que nous avons exprimé ici, c'est que le mandat qu'on
prévoyait donner à Rexfor était très large. Ce
qu'il y a entre guillemets à la page 8 provient du livre blanc. On dit:
"Cette société exploiterait des forêts de l'Etat rendues
à maturité et ne faisant l'objet d'aucune exploitation, mais qui
devraient quand même être récupérées".
Mais qui va décider quand une forêt doit être
récupérée? Avez-vous déjà vu, M. le
Président, une forêt en décadence à tel point qu'il
faille la couper, la récolter? La forêt est une entité
vivante qui se renouvelle. C'est tellement vrai que si vous allez dans le nord,
au nord de tous les terrains où il se fait de la récolte à
l'heure actuelle, vous allez trouver des forêts naturelles qui ont en
moyenne 125, 150 ou 200 ans. Les unes proviennent de feux qu'il y a eus en ce
temps-là, parce que des feux de forêts, il y en a toujours eu et
il y en aura toujours, car on ne peut pas contrôler la foudre, et
d'autres proviennent tout simplement d'un renouveau qui se fait.
Cela existe, le renouvellement d'une forêt. Alors, qui va
décider que la forêt est rendue à maturité ou passe
maturité et doit être récupérée?
M. VINCENT: Et surtout, qui va décider que ça peut se
faire économiquement? Et ceci m'amène à une question.
Est-ce que vous êtes en mesure de nous indiquer à nous, les
profanes de la commission parlementaire, quel a été le coût
de la corde de bois pour la récupération des bois de
Manicouagan?
M. RIVARD: Je n'ai pas de chiffres sur ça et je le regrette.
M. VINCENT: Mais est-ce qu'il y a eu des indications qui sont venues
à vos oreilles?
M. RIVARD: En 1962, j'ai fait un voyage d'étude en France et j'ai
été en contact avec M. Béguin, un propriétaire
d'usines, notamment à Calais. A ce moment-là, il importait
voyez-vous, cela fait déjà dix ans il importait du
bois de la Russie, de Finlande et du Canada. Cela venait de la Côte-Nord,
la récupération, et le prix qu'il payait pour le bois qui venait
du Canada, à ce moment-là, à mon point de vue,
était fantastique. A dix ans d'intervalle, M. le Président, je ne
me risquerais pas à citer des chiffres, pas même un pourcentage,
mais je dois vous dire que le prix qu'il avait à payer pour ce
bois-là était à mon point de vue exorbitant et
était très supérieur à celui du bois qui provenait
de la Russie et à celui de la Scandinavie. A mon grand
désappointement, le bois qui venait de ces deux endroits était
très bien préparé tandis que celui qui venait du
Québec faisait pitié. Mais il faut dire que ce
propriétaire d'usines était subventionné par le
gouvernement français. Ce n'est pas lui qui perdait. Pour la
différence qu'il avait à payer entre le prix du bois qu'il
recevait de Scandinavie ou de Russie et celui qui venait de la province de
Québec, il recevait un subside direct du gouvernement. Il
n'écopait pas, lui, de la différence de prix.
M. VINCENT: M. Rivard, à la page 9, vous parlez des chemins
d'accès, de la construction des chemins d'accès principaux. Nous
aimerions savoir quelle est l'étendue en milles de chemins
d'accès que votre compagnie a dû construire et possède
présentement.
M. RIVARD: En moyenne, 5,000 milles.
M. VINCENT: 5,000 milles de chemins d'accès. Et sans aucune
subvention.
M. RIVARD: Aucune. Complètement à nos frais. Et
là-dessus, il y a des chemins très améliorés. Par
exemple, dans la section d'Opawika, c'est sur le versant nord du Saint-Maurice,
dans le bassin de la baie James, nous avions construit, à la fin des
années quarante et au début des années cinquante, un
chemin qui est à toute épreuve, en ce sens qu'il n'y avait aucune
pente qui dépassait 2 p.c, il n'y avait aucune courbe où on ne
pouvait pas voir à treize ou quatorze cents pieds, c'était un
chemin qui avait été construit en vue d'un charroyage avec des
unités très lourdes. Ce chemin-là nous a
coûté très cher. Nous avons d'autres routes
forestières qui ont été construites dans des endroits
très difficiles d'accès et qui ont aussi coûté
très cher.
M. VINCENT: Maintenant, ces 5,000 milles de chemins d'accès, vous
les évaluez à combien dans les livres de la compagnie? Cela peut
représenter un montant de combien?
M. RIVARD: Disons en moyenne $10,000 et plus le mille
linéaire.
M. VINCENT: On va demander à la compagnie de remplacer le
ministère de la Voirie.
M. RIVARD: Voici une preuve, M. le Président, que l'entreprise
privée est joliment plus efficace.
M. VINCENT: Sur la construction de ces chemins d'accès, est-ce
qu'à certaines occasions, le ministère a diminué les
droits de coupe pour que vous puissiez aller plus loin en forêt?
M. RIVARD: Jamais, M. le Président.
M. VINCENT: Est-ce que ces chemins d'accès sont utilisés
par d'autres que la compagnie?
M. RIVARD: Evidemment!
M. VINCENT: Sans aucune exigence de votre part?
M. RIVARD: Sans aucune exigence, sans aucune rémunération.
Et cela remonte surtout à février 1963. Je dis, si vous
permettez, à la page 3, je dis quelque part pionniers en matière
de l'utilisation polyvalente du sol. Notre président, qui était
M. Inman à ce moment-là, a ouvert toutes les forêts de CIP,
forêts affermées et terrains privés, au public, dans un
discours qu'il a prononcé le 17 février 1963. Et depuis ce temps,
nous mettons à la disposition des gens ce genre de carte
routière.
On y montre il arrive que c'est la Rouge les forêts
affermées, la localisation des camps, les chemins provinciaux, et on y
montre surtout les chemins carrossables que CIP met à la disposition du
public.
Il arrive cependant qu'il nous faut prendre nos précautions parce
que, sur ces chemins, nous sommes responsables des accidents. Or, ce n'est un
secret pour personne que nous n'entretenons pas tous et chacun des 5,000 milles
linéaires de chemin. Il y a des endroits où la récole est
finie, où nous n'avons pas besoin d'aller très souvent; nous les
entretenons d'une façon sommaire en vue et aux fins de la protection des
forêts.
Or, sur nos cartes routières, il y a un symbole qui indique quels
sont les chemins carrossables pour une voiture automobile ordinaire et, en
pointillé, ceux que le public doit éviter. Mais il en reste
encore joliment long que le public peut utiliser. Nous avons mis à sa
disposition des terrains de pique-nique, des terrains de campement, et, M. le
Président, nous ne chargeons absolument rien à personne pour
cela, c'est un déboursé direct de CIP en faveur du public, parce
que nous avons ouvert nos forêts, nous lui avons dit: Venez chez nous,
vous êtes les bienvenus. Cette carte-là coûte à peu
près $0.15 et nous en distribuons des centaines de milliers chaque
année.
M. VINCENT: Je ne voudrais pas que vous fassiez la promotion de d'autres
compagnies, mais comme la question n'a pas été posée
à d'autres compagnies non plus, est-ce que vous en mesure de nous dire
si ça se fait d'une façon générale dans la province
de Québec, ce que CIP fait présentement?
M. RIVARD: M. le Président, je ne suis pas mandaté pour
parler au nom des autres compagnies, mais il y a des gestionnaires qui
distribuent ce genre de carte. Je ne préciserai pas le nombre, parce que
je ne connais pas. Il y a d'autres gestionnaires qui ont ouvert leurs
forêts au public aussi, mais, pour vous donner une vue d'ensemble de
toute la province, je m'excuse, M. le Président, je ne saurais le
faire.
M. VINCENT: Merci. Maintenant, je vais à la page 10 où
vous parlez de la forêt privée. Vous ne semblez pas seulement
avoir, vous avez même de très grandes réticences au travail
ou aux fonctions des offices de producteurs. Quelle est la quantité de
bois que vous achetez annuellement, provenant de la forêt privée
via les offices de producteurs?
M. RIVARD: Nous essayons de trouver ces chiffres, M. le
Président. Nous avons acheté en 1971 pour $27 millions.
M. VINCENT: $27 millions des producteurs. M. RIVARD: Oui. 855,000
cunits. M. VINCENT: Quel pourcentage?
M. RIVARD: Je pense que ces chiffres, c'est intitulé fibres
ligneuses, incluent les copeaux, les délignures et tout.
M.VINCENT: Ah bon!
M. RIVARD: Je pense que nous sommes rendus à environ 53 p.c. de
l'approvisionnement des usines qui entrent sous forme de bois rond, de sciures
ou de copeaux. Il semblerait que nous achetons, à l'heure actuelle,
autant de copeaux et de sciures que nous achetons de bois rond.
C'est-à-dire que, dans les 855,000 cunits, il y aurait environ 425,000
cunits de bois rond qui viennent des offices de producteurs et 425,000 cunits
de sciures, de délignures et de copeaux.
Cela veut dire que nous versons environ $14 millions aux
producteurs.
M. VINCENT: Maintenant, M. Rivard, corn-
me vous parlez un langage très franc depuis le début,
j'aimerais vous voir spécifier encore davantage, d'après vous, ce
que vous entendez par ce régime anachronique actuel dans le
"marketing"
M. RIVARD: Je pense que c'est dépassé, la façon
dont les négociations se passent entre les offices de producteurs et les
gestionnaires.
Je crois qu'il faut trouver une autre formule.
M. VINCENT: Quelle serait, d'après vous, cette autre formule qui
permettrait quand même aux producteurs des forêts privées de
pouvoir négocier avec les compagnies, non pas sur une base individuelle,
mais sur une base collective?
M. RIVARD: Je dirais qu'elle est encore à trouver et je pense que
l'Association des industries forestières du Québec se penchera
sur ce problème, sous peu, et essayera, en collaboration avec d'autres,
avec le ministère vraisemblablement, de trouver une formule meilleure
que celle-là.
M. VINCENT: Mais quand vous vous prononcez contre une régie des
produits forestiers, cela ne veut pas nécessairement dire que vous
admettez que tout ce secteur doit demeurer sous la responsabilité de la
Régie des marchés agricoles.
M. RIVARD: Cela ne veut pas dire cela.
M. VINCENT: Vous aimeriez mieux qu'une autre formule soit
trouvée.
M. RIVARD: Je crois réellement qu'il y a une espèce de
césure entre les offices de producteurs et les industriels, il y a un
pont à trouver. Je ne sais pas si ce sera le ministère de la
Voirie qui le trouvera mais, en tout cas, les industries forestières se
pencheront sur ce problème et essayeront de trouver une formule pour
arriver à dialoguer, une formule meilleure que celle qui existe.
M. VINCENT: Mais comme vous avez déjà construit plusieurs
ponts ou ponceaux sur vos cinq mille milles de routes, vous pourriez
peut-être aider le ministère des Terres et Forêts à
le faire !
M. RIVARD: M. le Président, je pense que c'est une question qui
devra être débattue en cabinet fermé ; nous pourrons nous
asseoir avec les autorités du ministère et, à ce
moment-là, nous pourrons apporter des suggestions concrètes.
M. VINCENT: Mais vous admettez le principe que le producteur de la
forêt privée se doit d'avoir un organisme qui négociera
pour lui. Je ne veux pas faire d'affirmation ici, mais si le producteur est
isolé dans son coin, à la merci de n'importe quel acheteur,
à n'importe quel prix, à ce moment-là, cela pose un
problème, surtout quand nous voyons que les ouvriers sont
organisés au point de vue du salaire, les professionnels sont
organisés sur le plan professionnel, nous ne pouvons pas laisser le
producteur seul, dans son coin, négocier individuellement le prix de son
bois, la vente ou les conditions de la vente de son bois.
M. RIVARD: Je suis d'accord avec vous, M. le Président, mais
voyez-vous, il est question d'une autre association, l'association
régionale de sylviculteurs. Si j'ai bien compris les théories du
livre blanc, cette formule d'association remplacerait les offices de
producteurs. Peut-être que c'est là, en rédigeant et la
charte et les règlements de ces futures associations, qu'il faudra
trouver ce genre de formule pour en arriver à des bases d'entente. Je
suis d'accord avec vous que ce serait rétrograder que de demander
à chacun des producteurs de négocier individuellement. Nous avons
dépassé cette étape. Mais nous ne sommes pas satisfaits de
la façon dont les négociations se font à l'heure
actuelle.
M. VINCENT: C'est surtout sur une question de prix la corde de bois.
M. RIVARD: Entre autres choses.
M. VINCENT: Parce que les livraisons, toutes les autres conditions
attachées aux négociations, à part le prix, semblent bien
aller.
M. RIVARD: D'une façon générale.
M. VINCENT: Du moins d'après les témoignages que nous
avons eus.
M. RIVARD: D'une façon générale, je ne pense pas
que nous pouvons jeter la pierre, mais le prix est un facteur très
important. D'ailleurs, j'ai ajouté quelque chose, je ne sais pas si
c'est dans ce paragraphe-là, j'ai dit quelque part que, en principe, le
bois n'était pas un produit agricole et qu'il ne devait pas être
soumis à la Loi des marchés agricoles. M. le Président, je
n'ai pas l'intention de recommencer ici une argumentation que j'ai faite
à titre de président de la Corporation des ingénieurs
forestiers en février 1963, lors des sessions d'une commission
parlementaire semblable à celle-ci, pour étudier la Loi des
marchés agricoles. Je pense que j'avais prouvé alors aux gens qui
y étaient, me basant sur la jurisprudence française, sur
l'étymologie du mot bois, que le bois n'est pas un produit agricole.
Evidemment, à dix ans de distance, je ne me souviens pas de
l'argumentation, mais je pense que le journal des Débats du temps
pourrait faire état de cela. Il y a moyen de prouver techniquement que
le bois n'est pas un produit agricole et que, conséquemment, il
ne devrait pas être soumis à la Loi des marchés
agricoles comme c'est le cas à l'heure actuelle. Il reste au
législateur à trouver la formule, s'il veut que des associations
régionales de sylviculteurs prennent la place des négociateurs
agricoles pour négocier les prix des bois.
M. VINCENT: M. Rivard, encore aussi franchement que vous l'avez fait
depuis le début, à votre avis, cette année, quel est
l'excédent du prix que vous payez sur le prix que vous devriez payer
pour le bois du producteur?
M. RIVARD: M. le Président, dans le mémoire du Conseil des
producteurs des pâtes et papiers, il y a des moyennes qui ont
été données. CEP a contribué à ces moyennes,
et je pense que ce serait fausser le jeu que d'essayer de discuter ici quelque
chose de précis concernant une industrie en particulier.
M. VINCENT: D'accord. Merci. Maintenant, à la page 11 de votre
mémoire, vous parlez du mémoire du Conseil des producteurs des
pâtes et papiers, vous dites qu'il apporte des recommandations
précises en ce qui a trait à la réduction des coûts,
y compris ceux du bois et de la stabilisation de l'industrie des pâtes et
papiers. Ce n'est plus la séance où nous avons entendu le
mémoire du Conseil des producteurs; vous appuyez les recommandations
contenues dans le mémoire du Conseil des producteurs des pâtes et
papiers où on demandait des réductions de coûts mais, si je
me souviens bien, c'était sur des bases temporaires, c'est-à-dire
qu'on demandait au cours d'années difficiles comme celle que nous avons
traversée l'an dernier certaines réductions, mais qui pourraient
être éventuellement rajustées advenant que l'industrie se
porte mieux. Je voulais simplement le spécifier, parce que
c'était dans une autre séance. Enfin, j'avais une question
à vous poser, qui est en même temps une recommandation que je
voudrais faire au ministre des Terres et forêts. Depuis le début
des séances de la commission parlementaire des richesses naturelles,
nous avons fait certaines suggestions. L'une entre autres a été
de visiter dans le territoire du Québec des concessions
forestières et même des usines. Je voudrais aujourd'hui faire une
autre recommandation, comme vous le savez, M. Rivard, et en même temps
vous poser la question, un livre blanc n'est pas un projet de loi
précis, simplement une ébauche d'une politique qui
débouchera vers un ou des projets de loi précis. Je voudrais dire
ceci au ministre. Nous aurons d'autres séances de la commission
parlementaire, après que nous aurons entendu les mémoires. Mais
est-ce que nous ne pourrions pas envisager immédiatement que lors de ces
autoes séances de la commission parlementaire, nous, les membres de la
commission, nous puissions faire des suggestions que, par la suite, le
ministère prépare ses projets de loi ces projets de loi
seront préparés de façon beaucoup plus précise
et qu'après la première lecture à
l'Assemblée nationale des projets de loi, nous puissions même
revenir devant la commission parlementaire et discuter ces projets de loi
article par article. Et même, s'il y a lieu, nous pourrions les faire
parvenir à ceux qui ont présenté des mémoires pour
qu'ils puissent revenir sur des points bien spécifiques, donner non pas
leur approbation mais faire leurs observations, parce qu'en définitive,
ces projets de loi devront servir la politique forestière du
Québec pour plusieurs années à venir. C'est une suggestion
que je fais au ministre et je demanderais à M. Rivard s'il serait
prêt, advenant que le ministre y consente, à revenir devant la
commission parlementaire lorsque nous aurons spécifiquement sur papier,
noir sur blanc, les intentions du ministère.
M. RIVARD: M. le Président, je remercie le député
de Nicolet de la confiance qu'il semble mettre dans mes pauvres moyens, mais je
suis allé un peu plus loin que le député dans ma
cinquième recommandation, qui n'est pas imprimée dans le
mémoire. Je suggère même de nous asseoir à la table
d'un comité de travail pour préparer les ébauches d'une
nouvelle législation.
Naturellement, nous serons prêts, s'il y a d'autres séances
de cette commission parlementaire, après la première lecture,
à revenir n'importe quand exposer notre point de vue.
M. le Président, la collaboration de CIP a toujours
été acquise et le sera toujours au ministère des Terres et
Forêts. Nous ne sommes pas toujours d'accord sur ce qui se passe d'une
part chez nous et d'autre part chez lui, mais, en dialoguant, il y a toujours
moyen de s'entendre et le passé se porte garant de l'avenir.
M. VINCENT: Je termine là-dessus, en spécifiant que vous
êtes toujours d'accord et qu'on ne peut être jamais d'accord.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Lotbinière.
M. BELAND: M. le Président, j'aurais moi de même quelques
questions à poser à l'honorable représentant de la
Compagnie internationale de papier du Canada mais, au tout début, je
tiens à dire, après avoir lu et relu le document qu'il y a des
choses de fond qui sont drôlement raisonnables pour une entreprise
privée. Je ne les accepte pas toutes. Mais il y en a d'aucunes où
j'endosse quasiment votre point de vue. Je pense à un gouvernement
à venir où le ministère des Terres et Forêts serait
un ministère véritablement responsable envers tout l'ensemble de
la population. Je tiens compte d'abord de la grande surface vous n'aimez
pas le mot "concession" qui a été allouée dans le
passé à votre compagnie et je ne peux faire autrement que
souligner que je trouve assez curieuse votre allusion de ce matin à
l'article 98 de la Loi des
Terres et Forêts. J'interprète peut-être mal vos
paroles, je le souhaite d'ailleurs, mais je prends simplement ce qui a
été dit comme une menace à l'endroit du gouvernement quant
aux droits que la Compagnie internationale possède et qu'elle tient
à garder mordicus sur tous les terrains déjà acquis. Cela
m'amène à poser une question immédiate. Parmi les endroits
où vous avez effectué des coupes sur les différents
terrains de la couronne, est-ce que tous les bois ou quasi tous les bois
récupérables, qui sont bons, ont été
utilisés ou, sinon utilisés, vendus à d'autres
utilisateurs qui pouvaient les transformer?
M. RIVARD: M. le Président, la réponse est oui. A l'heure
actuelle, si nous prenons les forêts affermées que j'ai
citées tout à l'heure, c'est-à-dire à l'ouest de la
rivière Batiscan jusqu'à la frontière de l'Ontario et du
Saint-Laurent jusqu'au nord des forêts affermées, la
possibilité du merisier, du bouleau utilisable en bois de sciage et des
autres essences qui ont une moindre importance au point de vue du volume, le
chêne, le hêtre et autres, cette possibilité, dis-je, de nos
forêts affermées est utilisée à 100 p.c. Nous sommes
même dans une aventure de possibilité d'épuisement. Pour
satisfaire les exigences ou les demandes des propriétaires de moulin
à scie, malgré ce qu'en dit l'Association des manufacturiers de
bois de sciage ce n'est un secret pour personne, on le sait au
ministère des Terres et Forêts nous récoltons
à l'heure actuelle plus que la possibilité du merisier. Dans le
déroulage, c'est quelque chose qui s'en va graduellement aussi. La
réponse à votre question est donc oui. Nous utilisons, pour nos
fins, parce que nous avons par une compagnie subsidiaire, une usine de
déroulage à Gatineau, nous vendons à d'autres ce que nous
n'utilisons pas. Je ne veux pas vous laisser une fausse impression, j'ai
parlé de sciage et déroulage. Il reste en forêt des
essences telles que le bouleau à papier, le tremble, le faux tremble,
etc., ces essences feuillues qui ne sont pas utilisées parce qu'il n'y a
pas preneur aux usines.
Dans toutes nos usines, il y en a seulement une située à
Hawkesbury, en Ontario, qui utilise beaucoup de feuillus comme matière
première. Les autres représentent un pourcentage infime parce que
la technologie, malgré les recherches que nous faisons dans des
laboratoires de recherches très élaborés et très
coûteux, n'a pas réussi à trouver une formule pour
mélanger d'une façon économique les fibres ligneuses de
feuillus et de résineux.
M. GAGNON: Matane?
M. RIVARD: Matane utilise exclusivement des feuillus. Cela provient de
propriétés privées entièrement. Il n'y a pas de
forêts affermées à Matane derrière cette
usine-là.
M. BELAND: Dans cette grande surface que vous possédez par droit
acquis, vous avez certainement des parties plus ou moins respectables où
il y a détérioration de façon très massive de la
forêt. Vous avez laissé sous-entendre, dans l'explication qui a
été donnée à d'autres questions, que ce
n'était pas tellement grave s'il y avait une certaine quantité de
parties de territoire où le bois se détériorait, que
c'était tout simplement un état naturel. Quel est le pourcentage
de territoire où il y a vraiment détérioration et
où il devrait y avoir récupération, et à cause de
l'éloignement ou d'autres facteurs, la récupération n'est
pas faite?
M. RIVARD: M. le Président, CIP a 25,000 milles carrés de
forêts affermées, soit 16 millions d'acres. Je n'ai pas fait le
tour de toutes les acres. Je pense pouvoir affirmer que la réponse au
député de Lotbinière est non. Il n'y a pas de parties de
nos forêts affermées qui se détériorent comme
telles. Il y a encore des parties qui arrivent à maturité, qui
sont à maturité, mais où, je le répète, il y
a un renouvellement. Ce n'est pas une mine de plomb, d'or ou de nickel. La
forêt est une entité vivante qui se renouvelle. Même dans
les concessions où il y a de la vieille forêt, il n'y a pas
détérioration comme telle où il vaille la peine de changer
notre méthode de récolte pour aller là plutôt
qu'ailleurs.
D'ailleurs, depuis 50 ans que nous récoltons sur ces forêts
affermées, il y a sûrement un renouvellement qui s'est fait
quelque part. Nous sommes rendus joliment loin dans les récoltes. Nous
sommes rendus sur les versants de la baie James. Les forêts où
nous avons récolté au début du demi-siècle qui
vient de se terminer depuis 1922 sont en pleine croissance. Elles le seraient
mieux si nous n'avions pas eu cette épidémie de tordeuses des
bourgeons d'épinette dans les années cinquante et que nous
n'avons pas pu contrôler. Parce que, à ce moment-là, le
ministère des Terres et Forêts n'était pas organisé
au point de vue entomologique pour faire les arrosages nécessaires et
probablement parce qu'on a jugé que l'insecte s'éteindrait par
lui-même. Or, ce n'est pas le cas. L'insecte a progressé et nous
avons perdu CIP huit millions de cunits de bois d'épinette
à cause de cette épidémie. C'est l'équivalent de
dix ans de production à nos deux usines de La Tuque et de
Trois-Rivières. Si nous n'avions pas une petite réserve pour
compenser pour ces pertes, par le feu ou par le chablis, où irions-nous
avec nos usines et les immobilisations qu'elles représentent?
Savons-nous où l'épidémie actuelle de la tordeuse des
bourgeons d'épinette va s'arrêter?
Ici, je pense qu'il faut accrocher une autre plume à notre
chapeau parce qu'un de nos ingénieurs de Maniwaki a commencé
à surveiller cette nouvelle épidémie en 1968. En 1969, il
a trouvé que le temps était venu de faire des démarches
auprès du ministère des Terres et Forêts. En 1970, on a
fait arroser, à frais communs, ministère des Terres et
Forêts et gestionnaires, une superficie restreinte.
En 1971, les ravages continuant, on a arrosé une plus grande
superficie et, en 1972, la superficie a probablement encore doublé
à tel point que cette année, si vous aviez à payer la part
que nous avons à payer, cela nous coûterait quelque chose comme
$350,000 à $400,000. Est-ce que nous allons pouvoir contrôler
cette épidémie? Où va-t-elle s'arrêter? Elle est
à la grandeur de la Gatineau et de la rivière du Moine. Elle est
rendue maintenant sur la Saint-Maurice. Le ministère des Terres et
Forêts, après la reconnaissance aérienne que nous avons
faite nous-mêmes, en a fait une plus détaillée. Par son
service d'entomologie, qui relève de la direction générale
de la conservation, je pense qu'il a en main aujourd'hui ou il l'aura sous peu,
des cartes montrant une évaluation de la défoliation
causée par cette nouvelle épidémie de tordeuses. Cette
reconnaissance aérienne sera suivie d'un inventaire des masses d'oeufs
qui nous permettront de prévoir quelle sera l'épidémie
l'an prochain. Et au cours de l'automne, gestionnaires et ministère des
Terres et Forêts s'assoiront ensemble et décideront où,
quand et comment arroser l'an prochain, s'il reste des fonds chez les
concessionnaires et au ministère parce que c'est quelque chose qui
coûte cher.
Mais je dois dire à la décharge du ministère, que
ce dernier a fait, au cours de l'été on est venu chez nous
chercher des données, encore une fois une étude afin de
savoir si ces arrosages étaient vraiment rentables. Je pense qu'il est
temps qu'on le fasse. Prenez l'exemple du Nouveau-Brunswick depuis 1952,
grâce au travail des ingénieurs de CIP et de NBIP, New Brunswick
International Paper Co, il y a des arrosages annuels, excepté une
année vers 1957 ou 1958. Qu'avons-nous accompli? Les malins diront que
nous avons contribué a nourrir l'insecte. Mais il y a une chose
importante, par exemple, que ces malins oublient de dire, et que nous
affirmons, c'est qu'au Nouveau-Brunswick, aujourd'hui, nous avons réussi
à conserver la forêt verte et que toutes les usines peuvent
s'approvisionner à même cette forêt. S'il n'y avait pas eu
d'arrosage, il serait arrivé la même chose que sur un territoire
d'étude et de recherche que nous avons gardé sur la
rivière Chariot, où tous et chacun des sapins et des
épinettes attaqués par la tordeuse ont été
rasés au sol. Alors, il y avait une justification au Nouveau-Brunswick
pour poursuivre les arrosages pendant 20 ans.
L'étude économique qui est faite sous la juridiction du
ministère des Terres et Forêts de concert avec l'Institut de
recherche biologique du service canadien, à Ottawa, prouvera
peut-être que c'est la formule à appliquer. Peut-être qu'on
continuera à arroser. On ne le sait pas. Mais il y a un gros inconnu, on
ne sait pas non plus où l'insecte va s'arrêter et c'est pour cela
que le gestionnaire doit avoir des réserves pour prévoir ces cas
échéants. J'ai parlé de l'insecte. Il y a aussi les
chablis. Vous savez que de plus en plus les ouragans, à partir de Aline
jusqu'à
Hélène, parfois viennent faire une incursion chez nous. On
a des territoires dans le Nord-Ouest du Québec et dans le Saint-Maurice
qui ont été balayés au complet, où il n'y a
même pas possibilité de faire de la récupération
parce que tous les arbres sont tordus. On ne peut même pas les
récolter pour les utiliser. Et il y a les feux, évidemment.
M. BELAND: Vous donnez certaines explications à la question que
je vous avais posée et je vous en remercie. En page 7 de votre
mémoire, concernant la coupe réalisée en régie,
vous développez et vous avez expliqué tantôt, à la
suite d'une question qui vous avait été posée, à
savoir que cela coûtait meilleur marché à l'entreprise
privée pour effectuer les coupes que si cela était une
société de la couronne, que ce soit Rexfor ou autres. Je suis
d'accord avec vous là-dessus, il n'y a pas de doute. Mais, quand on va
plus loin dans le texte, vous laissez sous-entendre, et même vous l'avez
affirmé de façon catégorique, que le bois n'est pas un
produit agricole.
Donc, sur les terrains de boisés privés, il fallait
trouver une formule autre que celle qui existe présentement. Vous avez
laissé sous-entendre que la Régie des marchés agricoles
était nettement influencée par ce que vous avez appelé
c'est même inclus dans votre mémoire l'UCC, la
Fédération des producteurs de bois du Québec. Peu importe,
ça laisse sous-entendre ça.
Cela m'amène à vous poser la question suivante: Dans le
passé, je ne dirai pas que c'est votre compagnie, mais par contre,
certaines compagnies ont coupé le bois en totalité sur certains
grands territoires que le ministère de l'Agriculture et de la
Colonisation avait concédés à ce qu'on appelait, dans le
temps, des colons pour le défrichement, etc. Justement, c'était
strictement sur ces territoires-là qu'on installait les colons. Par la
suite, le bois a poussé. Ces mêmes colons, pour vivre, ont vendu
du bois à prix dérisoire pour commencer et, avec le temps, il
faut quand même reconnaître une certaine quantité de
facteurs qui ont influencé la possibilité d'améliorer le
prix aux producteurs sur lots boisés. La question est celle-ci: Quelle
serait la meilleure façon de procéder, selon vous, selon votre
compagnie, pour améliorer la situation de part et d'autre ou faire en
sorte, puisque la Loi des marchés agricoles ne joue pas le rôle
qu'elle devrait jouer, selon vos paroles, quel devrait être l'organisme?
Comment devrait être constitué l'organisme idéal pour
donner justice de part et d'autre?
M. RIVARD: Etant donné que le livre blanc ne lève pas bien
haut le coin du voile sur les associations régionales de sylviculteurs,
il nous est difficile de nous prononcer là-dessus. J'ai dit tout
à l'heure que c'est peut-être ça la formule, car qui dit
sylviculteur, à mon sens, élimine
l'agriculteur, dans le contexte d'une nouvelle loi qui instaurerait les
associations régionales de sylviculteurs.
Cela me porte à penser que ces gens-là seraient
habilités à faire des transactions qui concernent uniquement le
bois. Les choux, les raves, les patates, les tomates, ce ne sont pas nos
oignons et je pense qu'on a tort de mêler le tout dans une loi des
marchés agricoles. C'est peut-être là la formule, mais
étant donné le peu de lumière qui a été
jetée sur ce projet d'associations régionales, je crois qu'il
faudrait que les gestionnaires et les auteurs du livre blanc, de même que
les autorités du ministère des Terres et Forêts, s'assoient
et pensent à une formule qui soit vivable.
M. BELAND: Dans ce cas-là, il est bien indiqué dans le
livre blanc, tome Il, régie de produits forestiers, ou quelque chose du
genre, qui serait dorénavant instauré. A ce moment-là, ce
serait approximativement l'optique que vous accepteriez, régie de
produits forestiers bien spécifique qui aurait justement à
régir, non seulement les forêts de la couronne ou ce qui en
découle mais également toutes les forêts de la province, y
compris les forêts privées, lots boisés privés.
M. RIVARD: Nous avons pris position à la page 6, M. le
Président, sur la régie des produits forestiers et nous disons
que nous nous opposons à une telle régie "qui
déterminerait les prix et d'autres modalités de vente. La
relation entre cette régie et les offices de producteurs n'est pas
clairement établie. Le rôle de ces divers organismes n'est pas
défini et on n'y fait que vaguement allusion".
En somme, nous sommes dans le noir. Peut-être qu'une régie
des produits forestiers modifiée, nous n'en savons rien, mais pas celle
qui est recommandée dans le livre blanc. Certainement pas
celle-là.
M. BELAND: ... Dans ce cas, étant donné qu'il y a environ
20 p.c. de vos approvisionnements pour usine qui proviennent des lots
boisés privés, c'est quand même assez important, à
ce moment-là, pour suivre votre optique, qu'il y ait un organisme
quelconque pour donner davantage justice aux compagnies forestières. A
ce moment-là, si une régie forestière était
instaurée, tel qu'approximativement stipulé dans le livre blanc,
est-ce que, par exemple, si vous aviez l'assurance d'une véritable
collaboration entre la Régie des marchés agricoles et celle de la
section forestière, ce serait acceptable, disons de loin? C'est entendu
qu'il faudrait en connaître les modalités, mais est-ce que ce
serait acceptable?
M. RIVARD: Cela me semble bien compliqué, ça, M. le
Président. J'aime mieux ne pas m'avancer sur ce terrain glissant.
M. BELAND: Compte tenu du peu de colla- boration des différents
autres secteurs actuels probablement. A tout événement, c'est
entendu qu'ici, nous serions portés, à certains moments, à
faire le procès, sur certains aspects, des compagnies
forestières, compte tenu d'un manque de dirigisme. Par contre, je ne
veux pas glisser sur ce terrain. On pourrait même aller jusqu'à
essayer de savoir le pourcentage de turnover que vous pouvez, comme compagnie
forestière, récolter sur les terrains de la couronne, compte tenu
de la quantité qui a été acceptée pour payer les
bûcherons, les coupeurs de bois sur les terrains de la couronne. Mais je
n'irai pas jusque là. Quelle serait véritablement la meilleure
façon de procéder pour en arriver à une régie
forestière ou un contrôle gouvernemental véritable faisant
en sorte que vous autres, comme compagnie forestière, vous ayez la
possibilité de voir une partie de vos droits acquis très
protégés et qui, d'autre part, ferait en sorte qu'il y aurait
possibilité aussi pour les petits utilisateurs et j'englobe ici
tous les autres petits utilisateurs des forêts, transformateurs, moulins
à scie, et, d'autre part, également, les petits lots
boisés privés de sauvegarder leurs droits. Quelles
seraient vos vues là-dessus?
M. RIVARD: Je pense, M. le Président, que le ministère des
Terres et Forêts, à l'heure actuelle, a tous les rouages
nécessaires pour procéder à une révision, mais pas
tellement en profondeur, de la législation. La loi est vieille mais elle
est bien faite. Je pense que cette question de régie, cette question de
société de gestion forestière, ce n'est pas
nécessaire. Le ministère a tout ce qu'il faut pour y voir. C'est
pour ça que, d'une part, nous craignons les frais additionnels qui
découleraient inévitablement de tout organisme nouveau
paragouvernemental. D'autre part, nous croyons et je pense que c'est
rendre hommage au ministère des Terres et Forêts actuel
qu'il a les cadres et les outils nécessaires pour faire la plupart des
choses préconisées dans le livre blanc. C'est pour ça que
nous ne croyons pas à la société de gestion
forestière. Nous croyons plutôt à une formule de
collaboration et j'insiste, ç'a été un peu notre
thème, ça, cette collaboration. Quelque part dans le livre blanc,
on dit qu'on va faire appel à l'expérience des forestiers et des
gestionnaires. Je pense que c'est heureux, parce que l'expérience, vous
savez, M. le Président, ce n'est pas quelque chose qui s'acquiert dans
les livres, c'est quelque chose qui s'acquiert sur le terrain. Pour parler
d'abondance de la forêt et de tous ses problèmes, il faut tout de
même l'avoir vue.
Je pense que la société de gestion forestière, on
peut la mettre de côté, et que la collaboration entre le
ministère et les gestionnaires verrait à accomplir tout ce qu'il
faut accomplir en fait de gestion forestière, l'utilisation
évidemment, restant à l'entreprise privée. C'est une prise
de position que nous avons donnée et je crois qu'il faut qu'elle reste
là. D'ailleurs, je ne pense pas, dans le livre blanc qu'on ait
l'intention d'aller jusqu'à la récolte. On a
mentionné de petites choses, mais je ne pense pas qu'on aille jusque
là.
Parlant de la récolte, M. le Président, j'aimerais revenir
à une question du député de Lotbinière tout
à l'heure pour quelques minutes. Vous me faites parler beaucoup ce
matin. Evidemment, il y a de petites choses qui, parfois, nous glissent. Je
vous ai parlé de la perte de 8 millions de cunits par la tordeuse des
bourgeons d'épinette, dans les années cinquante, mais j'ai
oublié de vous dire que cela est à part des volumes immenses que
nous avons récupérés, durant cette épidémie,
et de 1952 à 1962, nous avons changé complètement nos
plans d'exploitation. C'est pour dire que la planification, ce n'est pas
quelque chose qui se fait trop longtemps d'avance, en général,
mais il faut être prêt à changer d'année en
année. Nous venions d'ouvrir les territoires d'Opawika dont je vous ai
parlé tout à l'heure. Nous avions construit une voirie
très dispendieuse. Nous avons tout fermé ça. Nous venions
d'ouvrir à Rivière-à-Pierre un dépôt moderne.
Nous avons tout fermé ça, pour concentrer toutes nos
exploitations au nord-est de La Tuque, dans un bloc de forêt qu'on
appelle Wayagamack et éventuellement, cela s'est étendu dans
d'autres territoires, parce que la tordeuse des bourgeons d'épinette ne
connaît pas de frontière. C'est devenu tellement grave qu'en 1962
nos usines du Saint-Maurice ne voulaient plus voir de ce bois-là, parce
qu'il était trop pourri. On était rendu à exploiter du
bois pourri. Je pense que ça s'est arrêté à peu
près là. Mais, pendant dix ans, à des coûts
d'exploitation qui dépassaient peut-être de 15 p.c. ou 18 p.c. le
coût normal d'exploitation, nous avons récolté ce bois pour
qu'il ne se perde pas. Mais malgré tout, nous estimons que nous avons
perdu 8 millions de cunits. Je tenais à faire cette mise au point, parce
que je pense que c'est faire preuve d'un sain aménagement et de
prévoyance.
M. BELAND: Cela me porte à vous poser une autre question. Etant
donné qu'il y a quand même un approvisionnement qui provient de
lots boisés privés, quel est le pourcentage supérieur de
qualité qui peut provenir d'un côté ou de l'autre, entre le
bois qui provient des propres limites qui vous ont été
affermées et celui qui provient de lots boisés? Est-ce que c'est
approximativement la même qualité ou s'il y a une
différence sensible?
M. RIVARD: Je pense que ce serait difficile, M. le Président,
d'établir un chiffre là-dessus, parce qu'à cause de nos
usines qui sont dispersées ici et là dans la province, nous
achetons dans différents secteurs. Je dirais que, lorsque ce sont des
lots privés isolés, où vous avez ces sapins et ces
épinettes de chanvre, remplies de noeuds, cela est de qualité
inférieure. Mais je ne voudrais pas jeter la pierre et dire que le bois
des cultivateurs en général est inférieur. Chaque usine
à ses propres problèmes. Il n'y a pas une réponse
générale pour ça.
M. BELAND: Comme dernière question, concernant la réponse
que vous avez donnée tantôt à une autre question, à
un autre député, vous avez parlé de la
nécessité pour les compagnies de pouvoir compter sur certaines
surfaces pour pouvoir s'alimenter à l'avenir et lorsqu'il y a
renouvellement de contrat ou de licence peu importe la façon
d'appeller ça vous avez parlé de renouvellement pour vingt
ans. Est-ce que vous voulez dire qu'en même temps, non seulement au point
de vue de la surface, mais du renouvellement pour vingt ans, le prix
décidé en 1972 prévaut pour vingt ans à venir, le
prix auquel il vous revient ou qui vous est accordé au cunit enfin,
etc?
M. RIVARD: Non, le prix ne pourrait pas être fixé pour
vingt ans parce qu'il y a trop d'inconnues économiques à l'heure
actuelle pour prévoir et fixer un prix pour vingt ans.
M. BELAND: Vous acceptez à ce moment-là la base annuelle
pour le prix?
M. RIVARD: Au point de vue du prix, cela dépendra de la formule,
c'est une formule qui resssemble un peu à la teneur actuelle. Il n'est
pas question de négociation. S'il est question de garantie
d'approvisionnement, votre théorie tient parce qu'à ce
moment-là le ministère garantira probablement l'approvisionnement
suivant un prix donné. Il y a place pour des négociations
annuelles.
Permettez que je revienne sur votre question. Pour le bois des
forêts affermées, le poids anhydre par cunit est de 2,464 livres,
alors que, pour les bois qui proviennent des particuliers, des boisés
privés, le poids anhydre par cunit est de 2,201 livres,
c'est-à-dire qu'il est de qualité inférieure en
général. C'est puisé dans le mémoire du conseil
à la page 54.
M. BELAND: A quel facteur attribuez-vous le fait qu'il y ait une
différence comme ça?
M. RIVARD: Cela provient de nos recherches à l'usine. C'est
intrinsèque aux essences qui nous sont fournies. Dans le grand nord, nos
forêts sont à prédominance en épinette noire. Or, la
densité, le rendement de l'épinette noire par tonne de papier
sont beaucoup supérieurs à ceux du sapin. Si la
prédominance est au sapin dans les bois que nous achetons des
cultivateurs, c'est ça qui peut faire le jeu de la balance. Ces chiffres
sont des moyennes basées sur plusieurs rapports, mais cela vous donne
une base de comparaison.
M. BELAND: Je prends vos chiffres tels quels, je les accepte, mais
est-ce qu'il n'y a pas alors compensation au point de vue de la
différence de coûts?
M. RIVARD: Cela coûte plus cher d'acheter du bois des cultivateurs
que d'acheter de nos concessions.
M. BELAND: Présentement, le bois qui provient des boisés
vous coûte plus cher?
M. RIVARD: Evidemment.
M. BELAND: Je ne vous oblige pas à donner la réponse, mais
est-ce que vous pourriez donner le supplément du coût approximatif
à la corde?
M. RIVARD: Dans le mémoire du Conseil des producteurs, auquel
nous avons contribué, le nom de CIP apparaît à la
première page comme étant une des compagnies. A la page 11, le
coût estimatif du bois est de $33.08 pour le bois en grume acheté,
il est de $30.09 pour le bois produit par les compagnies. Je n'ai pas
l'intention d'aller plus loin que ces moyennes-là.
M. BELAND: D'accord. C'est tout pour les questions que j'avais à
poser. Merci.
M. LE PRESIDENT: La parole est à l'honorable député
de Saguenay.
M. LESSARD: Pour donner suite aux questions et suite à la
réponse que vient de nous donner M. Rivard, est-ce qu'il pourrait nous
donner une explication lorsqu'il estime le coût du bois à $30.09
pour les bois produits par les compagnies et le bois en grume acheté
à $33.08. Est-ce que vous pourriez me donner l'explication à la
note 1, exception faite des frais d'administraiton forestière?
Si je vais à la page 54, je constate que le coût de
l'administration forestière serait de $3 et que, lorsque vous achetez du
bois en gros, vous n'avez pas à payer les frais d'administration.
Alors, si vous ne calculez pas dans les $30.08 les frais
d'administration, nous arrivons donc à un prix de $33.09.
M. RIVARD: Je ne vous suis pas, M. le Président, sur ce
raisonnement. Je maintiens que CIP a été solidaire du
mémoire qui apparaît ici et je pense que les chiffres qui sont
cités sont basés sur des moyennes et je veux en rester à
ces moyennes-là.
M. LESSARD: Je comprends que c'est basé sur des moyennes, mais il
reste que la note explicative en bas nous permet, peut-être à nous
de la commission, de nous interroger sur des chiffres qui auraient
peut-être été biaisés, puisqu'on fait exception des
frais d'administration forestière et que les frais d'administration
forestière sont évalués à la page 54 à
$3.
M. RIVARD: Evidemment, M. le Président, je n'ai pas fait
d'étude de ce document dernière- ment et je ne suis pas en mesure
d'établir la relation entre le tableau de la page 11 et le tableau de la
page 54.
M. LESSARD: Tout à l'heure, vous avez parlé de la
différence de la tonne anhydre dans les boisés privés par
rapport aux concessions forestières. Est-ce que ce calcul aurait aussi
été fait par essence? J'ai cherché dans le mémoire
et je ne l'ai pas trouvé.
M. RIVARD: Je n'ai pas la réponse, M. le Président, mais
j'imagine que ces deux chiffres proviennent de moyennes, de données qui
ont été fournies par les gestionnaires membres du conseil et
qu'on a dû tenir évidemment compte de toutes les essences,
c'est-à-dire que lorsqu'un contingentement de bois entre à une
usine, on en connaît les essences et je croirais qu'on a tenu compte des
essences.
M. LESSARD: M. Rivard, tous les mémoires qui nous ont
été présentés, soit par l'Association des
industries forestières du Québec, soit par le Conseil des
producteurs de pâtes et papiers du Québec et par la
société CIP ont reproché au livre blanc un étatisme
excessif.
Tout à l'heure, le ministre vous a demandé ce que vous
entendiez par le socialisme. Je ne vous pose pas la question mais puisque vous
utilisez très souvent le terme d'étatisme vis-à-vis du
livre blanc, est-ce que vous pourriez identifier les mesures concrètes
que vous considérez comme étant de l'étatisme excessif
dans le livre blanc?
M. RIVARD: Si on prend le tome III du livre blanc, que l'honorable
ministre des Terres et Forêts connaît bien, on voit surgir et
poindre à l'horizon la mainmise du gouvernement sur les forêts
affermées. Je pense qu'il a dit à ce moment-là, je ne
voudrais pas le citer textuellement parce que je n'ai pas le texte devant moi,
que les "concessions" seraient reprises et que la seule compensation serait
pour la valeur dépréciée des infrastructures, des
améliorations. Je pense que c'est une forme d'étatisme, lorsqu'un
gouvernement s'empare de la propriété privée, et c'est une
propriété privée que nous avons; on ne peut le nier.
Devant toutes les mesures qu'on préconise, nous avons des
droits.
M. LESSARD: Lorsque vous dites que c'est une propriété
privée, voulez-vous dire que, votre compagnie, comme telle, est
propriétaire des territoires qui vous ont été
alloués par bail, annuellement?
M. RIVARD: Pas des territoires. Nous sommes propriétaire, et
c'est l'article 72 qui le dit. Je ne sais pas si vous connaissez l'article, je
vous rafraîchis la mémoire.
M. LESSARD: Allez-y.
M. RIVARD: Le gestionnaire a des droits exclusifs pendant la
durée de sa licence.
M. LESSARD: Est-ce que ces droits ne sont pas renouvelables chaque
année?
M. RIVARD: Je vais vous le dire. Ce permis cela veut dire la
licence a l'effet de donner à la personne qui est en possession,
tous droits de propriété quelconque sur les arbres, bois de
sciage et de construction, qui sont et peuvent être coupés dans
les limites décrites dans le permis pendant la durée qui y est
portée à l'heure actuelle, c'est un an soit que ces
arbres, bois de sciage et de construction soient coupés par la personne
qui a ou possède le permis, ou par d'autres personnes avec ou sans son
consentement. Donc, pendant la période de notre licence, soit du 1er
avril 1972 au 31 mars 1973, nous avons, CIP, des droits exclusifs sur tout le
bois qu'il y a là. Or, nous avons consenti déjà à
nous départir d'une partie de ces droits, parce que le ministère
nous a demandé de collaborer avec lui pour prévoir l'allocation
des essences dites secondaires, essences feuillues. Mais le fait demeure que
nous sommes propriétaire.
M. LESSARD: Pour une période d'un an?
M. RIVARD: Pour une période d'un an. Mais si le gestionnaire
observe tous les règlements, s'il a les mains nettes, je ne pense pas
que le gouvernement lui enlèvera ces forêts affermées. Dans
38 ans d'expérience, c'est arrivé une seule fois et cela couvrait
quatre milles carrés exactement.
M. LESSARD: Vous acceptez quand même la possibilité pour le
ministère, après un an ou au cours d'une période
d'années, de modifier ces règles-là. Puisque nous vous
concédons la forêt sur une période d'un an, cela veut dire
tout simplement qu'il est possible qu'après un an les règlements
puissent changer. Il appartient donc à ce moment-là au
gouvernement, comme responsable du bien public, selon les intérêts
du public, de la population et des compagnies, de modifier peut-être ces
règlements.
M. RIVARD: En fait, les règlements du ministère des Terres
et Forêts ont été modifiés et il y a un
arrêté ministériel qui date du 31 mars 1971,
règlement auquel encore une fois nous avons collaboré volontiers.
Je pense que c'est heureux que nous l'ayons fait. Je vous cite un cas
d'espèce: Il était prévu, dans ces règlements, que
le ministère des Terres et Forêts pouvait imposer des
pénalités pour des infractions pour des manquements aux
règlements des bois et forêts. Or, alors que le taux des droits de
coupe est de $2.94 par cunit pour l'épinette et le sapin, en calculant
le montant d'infraction qu'on nous aurait chargé, dans certains cas,
nous aurions eu à payer quelque chose comme $86 d'infraction. Allez-vous
me dire que c'est raisonnable? Il y avait quelque chose qui n'allait pas dans
ces règlements. Encore une fois, c'est l'expérience pratique qui
est venue en ligne de jeu.
Nous n'avons pas imposé nos vues au ministère des Terres
et Forêts, loin de là, nous l'avons rencontré et nous lui
avons dit: Il y a quelque chose qui ne va pas là-dedans. Nous devons
payer quelque chose comme trente fois pour une infraction. Une infraction,
c'est quand vous laissez une souche trop haute ou un arbre avec un
diamètre trop haut ou trop gros au pied, vous laissez du bois en
forêt, etc. Quand vous arrivez à payer trente fois
l'équivalent d'un tas de coupe en infractions, cela ne marche plus, il y
a quelque chose qui ne va pas. Alors, il y a moyen de réviser les
règlements. Je suis d'accord avec vous. Mais encore faut-il les
réviser selon l'expérience pratique.
Mais pour revenir à votre problème, d'accord, les licences
courent pour un an. Mais jusqu'à présent l'histoire et le
passé étant garants de l'avenir, je le répète
dans 38 ans d'expérience, il est arrivé un cas et
c'était un cas politique, certainement où nous avons perdu
quatre milles carrés. C'est le seul cas. Il n'y en a pas eu d'autre.
M. LESSARD: Oui. Je suis bien d'accord que le passé est garant de
l'avenir. Mais cependant, l'Etat doit continuellement changer sa politique; car
ce qui a peu être bon dans le passé, n'est pas
nécessairement bon aujourd'hui.
Si, vous, les compagnies forestières, avec raison probablement,
êtes intervenues auprès du ministère, pour modifier
certains règlements, il est possible aussi que le ministère
puisse changer, modifier certains règlements pour protéger le
territoire public, la population, et accorder peut-être plus
d'accessibilité à ces territoires, quoique vous en ayez
accordé déjà dans le passé, et faire un zonage qui
soit plus efficace aujourd'hui qu'il ne l'était dans le passé.
Alors, ces règlements peuvent donc être modifiés.
M. RIVARD: Nous nous sommes prononcés pour le zonage, M. le
Président, nous n'avons rien contre lui.
M. LESSARD: Est-ce que, lorsque le gouvernement parle de l'abolition des
concessions forestières sur une période de dix ans avec
compensation financière il s'agira de s'entendre, on en parlera
tout à l'heure il s'agit de la spoliation de l'Etat sur des
territoires? Parce que vous parlez comme propriétaires, vous dites: Nous
sommes propriétaires de ça. Moi, je vous dis non. Vous êtes
des propriétaires du bois coupé et sur le territoire pendant une
période d'un an. Exactement comme le club privé est
propriétaire pendant une période déterminée. Mais
il est dit dans la loi de chasse et pêche, qu'il est possible, pour le
gouvernement, à l'intérieur de trente jours, d'annuler le
bail avec un club privé. Or, si, par exemple, on vous loue un
territoire sur une période d'un an, c'est parce qu'il est possible que
le gouvernement peut, à la suite de la modification de ces
règlements, vous enlever ces territoires.
M. RIVARD: C'est possible mais je vous répète que, dans le
passé, ce n'est pas arrivé. Et d'ailleurs, vous reprochez mes
termes "droit de propriété". Disons que peut-être j'ai
forcé la note en ce qui concerne le territoire lui-même. Non, nous
ne sommes pas propriétaires du fonds de terre.
Nous le reconnaissons. Mais nous maintenons...
M. LESSARD: Que vous êtes propriétaires des essences.
M. RIVARD: Nous sommes propriétaires du bois. Nous maintenons
quand même que pour la mise de fonds sous prime de fermage pour le
développement, l'aménagement, la construction des
infrastructures, etc., nous avons droit à une compensation.
M. LESSARD: Nous sommes d'accord, nous allons en parler tout à
l'heure. Vous avez dit plus tôt que vous aviez 25,000 milles
carrés en concessions forestières. Est-ce que vous pourriez me
dire quel est le taux d'utilisation de ces concessions.
M. RIVARD: Il ne faudrait pas prendre 1971 comme un barème, M. le
Président. Parce qu'à l'heure actuelle il y a baisse de la
demande du papier journal et des pâtes, nos usines fonctionnent à
quelque 80 p.c. et nous achetons, nous vous l'avons dit tout à l'heure,
quelque 53 p.c. de notre production. Mais comme je vous l'ai expliqué
déjà, il faut prévoir pour l'avenir. Ces marchés ne
sont pas captifs. Qu'il arrive quelque chose dans l'industrie du sciage, qu'il
arrive quelque chose chez nos fournisseurs de pâtes, ou chez nos
fournisseurs de copeaux, il faut tout de même pouvoir compter sur la
vitalité, sur le prolongement de la vie de nos usines. Alors, même
si à l'heure actuelle nous n'utilisons pas toute la possibilité
intégralement des résineux, nous croyons que nous n'abusons pas
en gardant cela sous réserve.
D'ailleurs, dans certaines de nos forêts affermées,
où la récolte a été diminuée, nous avons mis
à la disposition des propriétaires de moulins à scie les
essences résineuses qu'autrefois nous ne vendions pas, telles que
l'épinette et le sapin. Nous vendions le pin, le pin gris; mais cette
année, il y a des usines qui achètent l'épinette et le
sapin tout comme il y en a qui achètent les feuillus.
Alors, je crois que c'est faire preuve de sagesse lorsque nous pouvons
disposer d'un surplus. Nous sommes toujours prêts à
négocier avec les permissionnaires. Et j'intercale ici, parce qu'on nous
a accusés de tous les péchés d'Israël à
certains moments...
M. LESSARD: ... d'ailleurs.
M. RIVARD: ... qu'à l'heure actuelle, nous subventionnons
l'industrie du sciage pour pouvoir poursuivre nos coupes
intégrées. Ceux qui nous ont accusés d'être des
voleurs et de plumer l'industrie du sciage, je les mets au défi de venir
chez nous et de trouver qui nous exploitons. Nous subventionnons l'industrie du
sciage dans les feuillus à l'heure actuelle. Il nous en coûte
quelque chose pour faire ces opérations-là.
M. LESSARD: Vous parlez très souvent de planification à
long terme pour l'entreprise.
Je vous rends hommages d'ailleurs d'avoir planifié avant l'Etat
et au moment où on accusait certaines personnes d'être socialistes
lorsqu'on parlait de planification. Les compagnies forestières ont bien
planifié et avec raison.
Est-ce que vous n'acceptez pas aussi le fait que l'Etat est responsable
du bien public et que, comme responsable du bien public, il doit planifier
aussi les approvisionnements? Je m'explique. Si on regarde aujourd'hui une
carte des territoires forestiers et des concessions forestières, on
constate qu'il ne reste pratiquement plus aucun territoire à
concéder. Reste la forêt domaniale qui, actuellement, est dans un
piètre état, selon ce que nous dit le Conseil des producteurs des
pâtes et papiers du Québec. Est-ce qu'il n'appartient pas à
l'Etat de prévoir que d'autres compagnies forestières peuvent
venir s'installer chez nous et, à ce moment-là, être
capable de les alimenter en produits forestiers?
M. RIVARD: Mais où allez-vous prendre la fibre ligneuse, M. le
Président? On vous a dit le 24 que, dans sept ou huit ans, tout ce qu'il
y a de disponible dans la province de Québec, en prévoyant la
croissance actuelle des usines, sera utilisé. Qu'allez-vous distribuer?
Où allez-vous prendre vos fibres ligneuses pour les redistribuer? C'est
un mythe.
Quant à la grandeur des forêts sous licence de coupe, des
forêts affermées, il est facile de dire qu'il y en a grand, mais
je pense que l'industrie est responsable de l'aménagement de ces
forêts. En fait, le seul aménagement qui a été fait
dans la province de Québec a été fait par l'industrie des
pâtes et papiers.
Allez voir dans les forêts domaniales ce qui se passe et venez
chez nous. Vous allez voir qu'il y a une différence. A ce
compte-là, une autre preuve, c'est que nous avons aussi des
propriétés privées. Dans les 25,000 milles que je vous ai
cités, il y a quelque chose comme 2,000 milles carrés qui sont
propriété privée, surtout dans le Saint-Maurice.
L'aménagement que nous faisons sur nos propriétés
privées n'est pas différent de celui que nous faisons sur nos
forêts affermées. Toutes ces forêts sont traitées sur
un pied d'égalité. Nous allons plus loin; on a reproché
à la mécanisation de faire des ravages, un fouillis.
On a entendu toutes sortes de mots très bien ici l'autre
jour.
Nous sommes les seuls, CIP, à savoir ce qui se passe sur les
parterres de coupe après la mécanisation et depuis cinq ans, un
ingénieur forestier est chargé des recherches, sait exactement ce
qui se passe après l'utilisation de chacune des machines, de chacune des
unités mécanisées.
A sa grande surprise et à la nôtre, mais à notre
grande satisfaction, nous constatons que les cadrats, c'est-à-dire les
petites placettes d'échantillonnage qu'il remesure d'année en
année montrent une représentation d'essence résineuse qui
augmente d'année en année et après cinq ans
déjà, ce qu'on appelle le "stocking" pardonnez-moi cette
expression est satisfaisant dans la majorité des cas. Je pense
que c'est une partie des choses qu'il faut dire.
M. LESSARD : Est-ce que vous avez fait ça dans tous vos
territoires?
M. RIVARD: On a fait ça comme un projet de recherche. Evidemment,
nous n'avons pas couvert intégralement chacune des acres qui a
été exploitée d'une façon mécanique. Mais,
nous basant sur un échantillonnage au hasard, nous avons pris des points
représentatifs où nous avons poursuivi ces études depuis
cinq ans. Je pense que nos résultats peuvent être
vérifiés n'importe quand.
M. LE PRESIDENT: Messieurs, c'est l'heure du dîner. Tel qu'il
avait été convenu la semaine dernière avec les
représentants des partis, nous ajournerons nos travaux pour
siéger à 2 h 30 jusqu'à six heures et nous les reprendrons
à 8 heures ce soir pour entendre les mémoires. La séance
ajourne ses travaux à 2 h 30.
M. RIVARD: Est-ce que nous revenons? M. LE PRESIDENT: Oui. (Suspension
de la séance à 12 h 31 )
Reprise de la séance à 14 h 44
M. PILOTE (président de la commission permanente des richesses
naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!
La parole est au député de Saguenay.
M. LESSARD: Merci, M. le Président. On va essayer de retomber sur
nos deux pieds. Ce matin, on parlait des concessions forestières. Comme
CIP est une succursale américaine, vous avez d'autres usines aux
Etats-Unis. Pourriez-vous me dire quelle forme d'alimentation vous faites aux
Etats-Unis? Est-ce sous forme de concessions forestières ou si vous
achetez le bois en grande partie des petits producteurs privés?
M. RIVARD: La majorité des approvisionnements au sud des
Etats-Unis provient des petits propriétaires. Ce que l'on pourrait
appeler les territoires fermés à la International Paper Company,
il n'y en a presque pas.
M. LESSARD: Je m'excuse si je transpose le problème, mais je
pense que ça peut nous apporter certains exemples qui peuvent être
utilisés aussi. Est-ce qu'à la suite de ce fait vous avez des
problèmes d'alimentation de bois aux Etats-Unis?
M. RIVARD: Pas que je sache.
M. LESSARD: Si l'on prend l'exemple des Etats-Unis, il est possible ici
aussi, chez nous, d'utiliser un autre moyen pour alimenter l'industrie?
M. RIVARD: Les problèmes du sud des Etats-Unis et ceux de la
province de Québec ne sont pas les mêmes. Vous avez la
différence en densité du bois, vous avez la différence de
climat, vous avez la différence de main-d'oeuvre, surtout. La
récolte, dans le sud des Etats-Unis, est une récolte artisanale,
c'est un bon vieux Noir avec un vieux camion d'une tonne et demie
attaché avec de la broche à balle qui va en forêt avec un
de st-s fils, qui coupe à très bon marché et qui vend son
bois à meilleur marché qu'on peut se le procurer ici. Cela peut
se faire à l'année parce qu'ils n'ont pas de difficulté de
climat.
Deuxièmement, la voirie forestière, dans le sud des
Etats-Unis, est accessible, elle est construite par l'Etat.
M. LESSARD: Dans le tome Il du livre blanc, il est proposé que la
voirie forestière appartienne maintenant à l'Etat, quitte,
après cela, à répartir entre les différents
utilisateurs...
M. RIVARD: Je vous corrige là-dessus, M. le député
de Saguenay. La voirie forestière d'accès; c'est bien cela qu'on
dit, on parle des chemins d'accès. Il restera toujours la voirie
forestière à l'intérieur du parterre des coupes et
cela, on ne fait pas cela pour des prières.
M. LESSARD: Concernant les compensations, vous avez parlé ce
matin de deux principes sur lesquels vous insistiez pour les compensations sur
les concessions forestières: la prime d'affermage et
l'infrastructure.
En ce qui concerne l'infrastructure, est-ce que vous pourriez me dire
sur combien d'années vous répartissez votre amortissement?
M. RIVARD: Apparemment, ça dépend du genre
d'infrastructure. Il y a de l'amortissement sur cinq ans, il y en a d'autre sur
des périodes plus longues.
M. LESSARD: Donc, vous admettez que, après une période de
cinq ou dix ans, l'infrastructure que vous avez créée a
été déduite des profits, elle ne vous coûte
pratiquement plus rien.
M. RIVARD: Mais elle a tout de même une valeur de
remplacement.
M. LESSARD : Mais est-ce que vous acceptez que, dans un système
de compensation, on tienne au moins compte de l'amortissement que vous avez
utilisé?
M. RIVARD: M. le Président, chaque cas sera un cas
d'espèce et il faudra discuter ça au mérite. Nous avons
d'ailleurs déjà entamé, avec le ministère des
Terres et Forêts, certaines négociations qui frôlent un peu
la question que vous posez. C'est devant le ministère. Nous avons fait
des propositions, nous savons que les équipes du ministère sont
allées en forêt faire leur propre inspection. Nous ne connaissons
pas le résultat de leur expertise.
Je pense que ce sont des consultations qui doivent se poursuivre in
camera.
M. LESSARD: Je suis d'accord avec vous qu'on doit tenir compte de
chacune des entreprises. Certaines ont eu des avantages énormes
lorsqu'elles se sont installées au Québec, qu'ils soient fiscaux,
de taxes municipales ou que ce soient des terrains qu'on leur a
concédés pour développer certains territoires. On se
rappelle les villes fermées par exemple.
Plusieurs compagnies ont utilisé ces territoires qui leur avaient
été concédés à des prix très bas pour
faire de la spéculation sur la vente de terrains. Certaines compagnies
forestières ont fait des profits assez énormes sur ça.
C'est dans ce sens-là qu'on ne peut pas, à mon sens, tenir
exclusivement compte de la prime d'affermage et de l'infrastructure; on doit
tenir compte d'autres facteurs aussi.
Il y a certaines compagnies, et je pourrais donner un exemple
précis, qui ont causé des dommages considérables à
l'environnement par suite de leur négligence. Est-ce qu'on ne devrait
pas aussi tenir compte de ce facteur-là dans la compensation?
M. RIVARD: Vous accusez certaines compagnies; ce n'est pas le cas de CIP
d'avoir fait des profits à même les concessions qui nous ont
été accordées.
M. LESSARD: C'est-à-dire non pas à même les
concessions, à même le territoire qu'on leur a
cédé.
M. RIVARD: Ce n'est pas le cas de la CIP. Vous discuterez cela, s'il
vous plaît, avec d'autres que nous.
M. LESSARD: D'accord, mais ce que je voulais dire, c'est qu'il s'agit
d'établir un certain nombre de critères généraux
pour l'ensemble des compagnies, mais, dans le type de compensation, on devra
tenir compte d'autres facteurs qui sont très importants. Par exemple, il
y a certaines compagnies quand je dis certaines compagnies, je pourrais
préciser, cette fois qui, par leur négligencce, ont
détruit des barrages et, en détruisant le barrage, ont
détruit une rivière dans ma région. Ce sont là des
dommages énormes qu'on a causés à l'environnement. Je
pense, pour ma part, qu'on doit tenir compte de ces facteurs.
M. RIVARD: Là encore, je pense qu'on réfère
à un cas d'espèce qui devra être discuté entre le
ministère des Terres et Forêts et la compagnie en question. Je ne
pense pas qu'on puisse sortir une théorie générale sur
cette question.
M. LESSARD: Je suis complètement d'accord. Mais je voulais en
arriver à dire qu'on ne peut pas exclusivement tenir compte de la prime
d'affermage et de l'infrastructure. Il faudra calculer, à un moment
donné, ce que vaut actuellement l'infrastructure, mais en tenant compte
d'autres facteurs dont l'amortissement, les dommages causés aux
territoires publics qui leur avaient été concédés,
etc.
M. RIVARD: C'est comme dans n'importe quelle négociation. La
partie qui parle la première fait une proposition; l'autre partie soumet
une contreproposition et, au moyen des négociations, on arrive à
s'entendre.
M. LESSARD: D'accord, mais quelquefois, au moyen des
négociations, on constate que certaines entreprises qui ont
été nationalisées ont été payées
à gros prix. Vous avez, ce matin, parlé du marasme actuel de
l'industrie des pâtes et papiers. Dans le mémoire du Conseil des
producteurs des pâtes et papiers du Québec, on détermine
différentes causes de ce marasme, dont le transport. Dans votre
mémoire, vous dites que vous êtes d'accord pour échanger
certains territoires ou certaines concessions pour faire une meilleure
distribution des con-
cessions. Etant donné que vous avez des coûts de transport
élevés et que la moyenne de transport au Québec est de 156
milles, est-ce que vous avez déjà suggéré au
gouvernement du Québec cette possibilité d'échanger des
concessions forestières?
M. RIVARD: M. le Président, cela a déjà
été fait. Cela fait partie de nos politiques.
Lorsque, dans le passé, il y avait moyen, avec un autre
affermataire, d'échanger un territoire qui était plus accessible
pour lui, en même temps que le territoire de l'autre affermataire
était plus accessible pour nous, nous l'avons fait. Nous l'avons fait
avec les compagnies voisines. Lorsque je me réfère à cette
chose, au début du mémoire, il n'y a pas tellement de cas
où il sera nécessaire de le faire. Il existe encore chez nous
quelques petites enclaves. Nous avons de bons voisins. Nous sommes prêts
à négocier avec nos voisins, toujours avec l'approbation du
ministère des Terres et Forêts, parce que, dans la loi, on dit
bien qu'aucun échange de forêts affermées ne peut
être fait sans le consentement du ministère des Terres et
Forêts. C'est ce que nous avons fait dans un cas d'espèce entre la
compagnie...
M. LESSARD: On vous a accusé bien souvent de faire ces
échanges soit avec le ministère des Terres et Forêts, soit
avec certains autres utilisateurs, lorsque la concession forestière
était vidée de ses meilleures forêts.
M. RIVARD: Je n'accepte pas cette remarque, parce que, dans chaque
échange, il y a une évaluation de la valeur intrinsèque
des concessions échangées et, dans chaque cas, il y a
égalisation des valeurs. Nous avons échangé avec le
ministère, et Dieu sait que ça prend du temps, cela a pris de
1961 à 1968.
M. LESSARD: Vous êtes en négociation actuellement, par
exemple, pour échanger Rivière Pentecôte ou pour la
région de Rivière Pentecôte?
M. RIVARD: Correction, M. le Président. Nous ne sommes pas encore
en négociation pour échanger Pentecôte.
M. LESSARD; Vous n'êtes pas encore en négociation. Est-ce
que vous avez l'intention de conserver ce territoire-là encore?
M. RIVARD: C'est une question hors d'ordre, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: J'aimerais que le député de Saguenay s'en
tienne à la critique du livre blanc en général et
n'amène pas de cas particuliers.
M. LESSARD: Merci, M. le Président. Je pense que cela entre dans
les discussions de cette commission, puisque ce matin M. Rivard nous a dit
qu'il avait l'intention de conserver autant que possible toutes ses concessions
forestières, mais qu'il était prêt par contre à
faire certains échanges. Je voudrais bien savoir si ces échanges
se font parce qu'il n'y a plus de bois, qu'on a utilisé le meilleur
bois, c'est-à-dire si ce sont des échanges forcés ou si la
CIP est prête à faire des échanges, même dans des
territoires où il y a encore de la forêt.
M. RIVARD: M. le Président, le dernier échange qui a
été fait entre le ministère des Terres et Forêts et
CIP concernait des forêts en Gaspésie que nous avons
volontairement offertes au ministère parce qu'il en avait besoin pour
créer la première forêt domaniale qui a été
créée en Gaspésie.
Il y a une loi, le bill 91, du 10 juin 1961 qui prévoyait cet
échange et nous avons négocié avec le ministère. En
1968 nous avons signé un échange. La valeur intrinsèque
des forêts affermées de Gaspé a été mise
vis-à-vis d'autres forêts affermées qui nous ont
été concédées dans un territoire très
éloigné de nos usines, mais de nouveau les valeurs ont
été respectées. C'est-à-dire que nous n'avons pas
donné une moindre valeur au gouvernement, pas plus que le gouvernement
nous a donné une moindre valeur. Les valeurs d'échange
étaient égales. En aucun cas, à ma connaissance,
avons-nous échangé des forêts affermées alors
qu'elles avaient été récoltées, qu'elles avaient
été coupées complètement.
M. LESSARD: Une autre question qui revient très souvent devant
cette commission parlementaire, c'est que les compagnies ont
négligé la modernisation de leurs usines. Est-ce que chez vous il
y a eu de l'investissement pour moderniser vos usines? Combien avez-vous
d'usines au Québec et y a-t-il eu modernisation de ces
usines-là?
M. RIVARD: D'abord, je vais répondre à votre
première question. Nous avons des usines au Québec à
Gatineau, La Tuque, Trois-Rivières et Matane, il y en a une en Ontario,
à Hawkesbury, il y en a une au Nouveau-Brunswick, à
Dalhousie.
M. LESSARD: Alors, vous avez quatre usines au Québec.
M. RIVARD: Présentement. Quant à l'autre partie de la
question, je demande à M. Dechêne de vous donner des chiffres.
M. LESSARD: Au Témiscamingue vous en avez une?
M. RICHARD: Nous avions une usine à Témiscamingue.
M. DECHENE: M. le Président, si je comprends bien la question du
député de Saguenay, elle s'adressait au programme de
modernisation
dans nos usines au Québec. J'ai recueilli des chiffres à
cet effet. Pour son information, les dépenses totales visant à la
modernisation se sont élevées, depuis dix ans, à
$78,500,000. Cela ne comprend pas les dépenses totales dans les
opérations forestières, une haute proportion s'adressant à
la modernisation de $19,250,000. En plus de ces dépenses pour la
modernisation, pour accroître la vitesse de production de machine, les
moderniser donc, il y a eu des dépenses de capitaux de l'ordre de $80
millions pour de nouvelles usines et du nouvel équipement.
C'est dire que depuis dix ans la CIP au Québec a réinvesti
$177,750,000.
M. LESSARD: Merci. Concernant la gestion et l'utilisation de la
forêt, vous affirmez que ce sont là deux problèmes
absolument inséparables. Pour ma part, même si ce matin on a
posé certaines questions sur ça, il semble que j'aurais besoin de
plus d'explications. Il me paraît qu'il appartient à l'Etat de
gérer des domaines publics au profit de l'ensemble de la population
québécoise, que ce soient les travailleurs ou les
représentants industriels des pâtes et papiers ou des scieries. Il
appartient à l'Etat d'administrer et de gérer ces
territoires.
En ce qui concerne l'exploitation, c'est une tout autre affaire, et pour
ma part je ne pense pas à une nationalisation intensive dans ce domaine.
Pourquoi je dis que la gestion et l'utilisation de la forêt vous
me corrigerez sont inséparables, c'est parce que, comme le
soulignait ce matin le ministre, il peut y avoir conflit.
Je ne pense pas que dans une compagnie privée si ce n'est
pas le cas vous me corrigerez le gestionnaire soit divisé de
l'exploitant. Je comprends que vous ayez deux départements. Mais
cependant une compagnie privée est essentiellement basée sur le
profit. J'en conviens, pour autant qu'il y ait risque dans l'argent qui est
investi. S'il y a conflit entre une gestion qui tient compte de l'usage
polyvalent de la forêt et l'exploitant, celui qui utilise la forêt,
il appartient à l'Etat de régler ce conflit.
C'est pourquoi je ne peux pas comprendre comment vous pouvez être
d'accord sur le premier principe de la page 59 du tome I du livre blanc,
où on dit qu'il faut dissocier le fonds de terrain du bois, le
troisième principe, l'allocation optimale selon le bilan, et le
cinquième qui concerne la coupe intégrale, principe d'allocation
des bois publics, et en même temps demander le maintien des concessions
forestières et demander que la gestion et l'utilisation soient entre les
mains de la même compagnie ou de ceux qui louent ces territoires.
J'aimerais avoir plus d'explications sur cela. Il m'apparaît qu'il
y a une différence très nette entre établir une certaine
planification pour la gestion d'un territoire et l'utilisation ou la coupe du
bois.
M. RIVARD: Je pense qu'on joue sur les mots. En définitive, le
gestionnaire, qu'on appelle affermataire, est un mandataire du ministère
des Terres et Forêts. Il ne peut absolument rien faire sans l'approbation
de ce ministère. Comme gestionnaires, nous sommes soumis aux lois et
règlements et nous nous soumettons volontiers aux directives qui nous
sont données. Nous travaillons en collaboration. Alors, je ne vois pas
ce que cela changerait si on transférait la gestion au ministère
des Terres et Forêts parce que la Société de gestion
forestière, je ne sais pas quoi en faire puisqu'à ce
moment-là le ministère devrait faire appel à ceux qui sont
en place pour l'aider.
D'ailleurs, les auteurs du livre blanc disent, dans leur tome Il, qu'ils
feront appel à l'expérience de ceux qui sont en place. Je pense
que c'est jouer sur les mots, d'autant plus que nul mieux que l'affermataire ne
peut s'occuper de la gestion et de la récolte, car il y a ici une sorte
de relation de cause à effet. "La planification ordonnée de la
vente des produits finis sur les marchés universels à des prix
compétitifs exige une garantie de matières premières,
matières ligneuses, à un prix raisonnable et, pour cela, le
gestionnaire doit avoir l'assurance de territoires suffisamment grands et
suffisamment riches en potentiel forestier pour planifier ses exploitations
à long terme." C'est là qu'est la relation de cause à
effet.
Je vous l'ai expliqué ce matin, ce n'est pas une planification
jour par jour. Il faut prévoir. Ce sont des investissements
considérables que nous avons dans les usines. En d'autres mots
pardonnez-moi cette expression il faut être dans le bain, si on
veut réellement planifier d'une façon pratique.
Je ne pense pas qu'on ait lésé, jusqu'à
présent, les droits de la population que nous reconnaissons. Au tout
début du mémoire, j'ai établi un principe, en disant:
Toute politique recommandée par le ministère des Terres et
Forêts et subséquemment entérinée par le
gouvernement du Québec devrait servir d'abord les intérêts
de la population du Québec.
Nous sommes parfaitement d'accord sur cela mais je pense que nous avons
démontré que nous pouvons aménager les forêts.
J'aimerais vous citer un autre domaine où nous avons pris le pas sur le
ministère des Terres et Forêts, c'est celui de la protection
forestière.
Nous avions des associations de protection tout comme le
ministère avait un service de protection des forêts. Or, avec les
années et à force d'expérience et de recherche, nous avons
modifié graduellement ce système. Entre autres choses, nous
réclamons d'avoir mis sur pied un système de reconnaissance
aérienne pour remplacer le système de tours afin de minimiser les
coûts de protection. C'est nous qui avons inventé et qui avons
donné gratuitement à la province le système de carrelage,
le "grade system" dont on se sert pour rapporter les feux. Il n'est
peut-être pas présomptueux de dire que sans notre collaboration
les sociétés de conservation n'existeraient peut-être pas
aujourd'hui.
Nous avons apporté une collaboration active et pratique;
d'ailleurs, je vous l'ai dit ce matin, c'est nous qui avons lancé
l'idée non seulement en 1965 mais à titre de président de
la Corporation des ingénieurs forestiers en 1963, j'avais lancé
l'idée à l'honorable Cliche qui venait d'être nommé
ministre des Terres et Forêts. L'histoire des sociétés de
conservation, nous la connaissons; nous avons aidé ces
sociétés et nous croyons que c'est un pas en avant dans la
protection des forêts telle qu'elle doit être faite.
M. LESSARD: Donc, vous n'avez aucune objection à vous soumettre
aux plans d'aménagement préparés par le gouvernement, en
collaboration, naturellement, avec l'entreprise.
M. RIVARD: Je vous demande pardon, ce n'est pas le gouvernement qui
prépare les plans d'aménagement, c'est le gestionnaire.
M. LESSARD: D'accord, mais je veux dire aux critères et aux
normes du plan établis par le gouvernement, et ensuite, c'est vous qui
établissez le plan d'aménagement, mais à partir de
critères et de normes établis par le gouvernement.
M. RIVARD: C'est une affaire de collaboration, encore. Nous agissons sur
les instructions du gouvernement, nous soumettons nos plans
d'aménagement, qui sont soumis à des inspecteurs sur le terrain
et ce sont eux qui, après inspection et après étude des
plans d'aménagement, nous accordent ce que l'on appelle la
possibilité annuelle qui, en réalité, n'est pas une
possibilité annuelle, c'est une possibilité décennale
parce qu'on n'est pas lié.
Supposons que vous avez un bloc de forêt où la
possibilité est de 100,000 cunits par année, vous n'êtes
pas liés â couper ni plus ni moins de 100,000 cunits dans une
année, mais c'est censé être 1,000,000 pour dix ans.
Evidemment, on s'entend toujours parce que ce n'est pas un chèque en
blanc qu'on nous donne lorsqu'on approuve un plan d'aménagement. Il faut
retourner au ministère tous les ans pour demander spécifiquement
des permis de coupe de bois.
Le ministère est donc constamment informé de ce qui se
fait, nous agissons dans les limites des règlements et de la loi et je
ne pense pas qu'il y ait de difficulté à ce point de
vue-là. D'autant plus que l'utilisation est aussi intimement liée
à la mise en marché. C'est un autre principe et on ne peut pas
dissocier la gestion de la mise en marché.
M. LESSARD: En parlant de la possibilité...
M. LE PRESIDENT: Nous écoutons tout de même la CIP depuis
dix heures ce matin.
M. LESSARD: Voici, M. le Président...
M. LE PRESIDENT: J'inviterais le député de Saguenay
à poser des questions précises, à ne pas faire une
thèse sur les questions qu'il pose parce qu'il nous reste quatre
organismes à entendre d'ici ce soir à minuit.
M. LESSARD: M. le Président, je soulève une question de
règlement. J'ai toujours été, jusqu'ici, le dernier
à prendre la parole, le dernier à poser des questions; je n'ai
jamais empêché qui que ce soit de poser toutes les questions qu'il
désirait poser, pour autant qu'elles concernaient les tomes I et Il du
livre blanc, et ce n'est pas parce que je suis le quatrième à
intervenir que je dois nécessairement limiter mes questions.
M. le Président, je comprends que le temps soit limité,
mais cette commission parlementaire est extrêmement importante. Il s'agit
d'une réforme très importante pour l'industrie forestière
au Québec et si nous devons prendre plus de temps, nous le
prendrons.
M. LE PRESIDENT: Plusieurs questions ont été posées
à d'autres organismes et également au représentant de la
CIP. J'aimerais que le député de Saguenay ne repose pas les
mêmes questions qui ont été soulevées ce matin et
s'en tienne exactement à ce que...
M. LESSARD: M. le Président, je pose des questions qui font tout
simplement préciser certains points. Il ne s'agit pas de questions
exactes qui ont été posées; il s'agit de questions qui
tournent autour des mêmes sujets et des mêmes points. Vous
comprendrez, M. le Président, qu'à ce moment-là nous
allons devoir laisser intervenir les deux premiers parce que, quand on est
rendu au quatrième, il y a certains points qui demeurent...
M. LE PRESIDENT: Je voudrais rappeler au député de
Saguenay que ce n'est pas une question de tour. La parole est à l'un ou
à l'autre. La question est que les questions posées...
M. LESSARD: M. le Président, il m'appartient...
M. LE PRESIDENT: ... ce matin... A l'ordre!
M. LESSARD: ... de déterminer quelles questions je dois poser,
pour autant que je suis l'ordre et que je discute des tomes I et Il.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Il y a des questions qui ont
été posées ce matin à une ou deux reprises.
J'aimerais que le député de Saguenay pose des questions qui n'ont
pas encore été posées, qu'il ne parle pas jusqu'à
minuit ce soir parce qu'il nous reste quatre organismes à entendre cet
après-midi.
M. LESSARD: M. le Président, c'est mon problème.
M. LE PRESIDENT: Je l'invite à poser des questions
précises et à ne pas faire de thèse sur la politique
forestière de l'ensemble du Québec.
M. LESSARD: M. le Président...
M. LE PRESIDENT: Je l'invite à poser des questions
précises.
M. LESSARD: Je regrette, M. le Président, je n'ai pas encore fait
de thèse; j'ai tout simplement posé des questions et je vais
continuer à poser mes questions sans l'interférence du
président.
M. LACROIX: Vous oubliez une chose, c'est que ce n'est pas vous qui
conduisez ici.
M. LESSARD: M. le Président...
M. LACROIX: Vous allez vous apercevoir que le président est plus
important que le député de Saguenay.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESSARD: Plus important que le député des
Iles-de-la-Madeleine aussi.
M. LACROIX: Vous allez prendre votre trou et vous allez vous habituer
à agir comme du monde. Le président, ce n'est pas le
député de Saguenay.
M. LESSARD: M. le Président, le député des
Iles-de-la-Madeleine vient d'arriver. Il n'a pas assisté à cette
commission parlementaire.
M. LACROIX: J'ai écouté ce que le président a dit
et j'ai écouté ce que vous avez dit et ce n'est pas pertinent.
C'est impoli, à part ça. Pour un professeur, je vous
comprends.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESSARD: M. le Président, nous n'avons pas de leçon de
politesse à recevoir du député des Iles-de-la-Madeleine,
pas du tout. D'ailleurs, chaque fois que ce député apparaît
à une commission, c'est là que les problèmes se
posent.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Il n'est pas question de politesse ou
non.
M. LACROIX: Vous n'avez jamais rien compris. Une chance qu'on ne vous a
pas eu comme candidat la dernière fois; vous vous êtes vendu
à un autre parti.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESSARD: Le député des Iles-de-la-Madeleine est
complètement mélangé et, de toute façon, je
continue.
M. LE PRESIDENT: Il n'est pas question de mélange ou non. A
l'ordre, le député de Saguenay! Il reste quatre organismes
à entendre aujourd'hui. Nous avons jusqu'à minuit et, depuis dix
heures ce matin, nous entendons la CIP. Je trouve que les sujets ont
été passablement couverts par l'ensemble des
députés qui ont posé des questions. Je demanderais au
député de Saguenay, en toute politesse vis-à-vis de ses
collègues, que ce soit vis-à-vis du député des
Iles-de-la-Madeleine ou d'autres, de poser des questions précises de
façon à faire avancer les débats. Il y a trop longtemps
qu'on discute de ce problème-là, ici. Le représentant, M.
Rivard, de la CIP, est ici depuis dix heures ce matin. J'aimerais qu'on soit
précis et concis dans les questions et même dans les
réponses.
M. LESSARD: M. le Président, je continue. Vous avez parlé,
tout à l'heure, du potentiel des concessions ou des territoires
affermés, comme vous voulez. Une suggestion est revenue assez souvent
à cette commission parlementaire concernant le fait que le
ministère pourrait établir des redevances non pas sur le droit de
coupe ou sur l'affermage, mais sur le potentiel des territoires
concédés. Est-ce que la CIP serait d'accord sur cette
proposition?
M. RIVARD: La réponse est non. M. LESSARD: Pourquoi?
M. RIVARD: Parce que nous ne croyons pas que ce soit une base
équitable.
M. LESSARD: Alors, vous croyez que, concernant les redevances, nous
devons continuer le même système qui a été
utilisé dans le passé.
M. RIVARD: Il y a toujours moyen de discuter; d'ailleurs, je pense que
mon mémoire le dit. Nous ne sommes pas pour le statu quo, nous l'avons
indiqué ce matin. Nous ne sommes pas tout à fait opposés
à payer des redevances de droit de coupe, comme on les appelle, mais je
dis que je suis contre les redevances que vous proposez.
M. LESSARD: M. le Président, ce matin, M. Rivard s'est
opposé au fait que ce soit la Régie des marchés agricoles
qui décide du prix du bois. Nous avons soumis à cette commission
parlementaire une suggestion demandant au gouvernement, plutôt qu'une
Régie des marchés agricoles, de créer une régie
où l'Etat serait majoritairement présent, mais où aussi il
y aurait des représentants de toutes les industries forestières
du Québec. Est-ce que vous seriez d'accord pour une telle régie
où vous seriez
présent à la table de négociations et où
devraient s'établir les prix du bois?
M. RIVARD: Je répète ce qu'il y a dans le mémoire.
Nous nous opposons à une telle régie.
M. LESSARD: Même s'il s'agit non pas exclusivement d'une
régie gouvernementale, mais d'une régie où tous les
utilisateurs forestiers seraient présents?
M. RIVARD: A ce moment-là, il faudrait en connaître plus
long sur ce que vous proposez.
M. LESSARD: Ce matin, vous avez affirmé que vous subventionniez
les scieries à qui vous vendiez du bois sur pied. Puisque vous les
subventionnez, est-ce que vous pourriez m'expliquer pourquoi vous voulez
conserver toutes vos concessions forestières et, en particulier,
l'utilisation exclusive de tous les bois y compris les bois francs qui
pourraient être utilisés par les scieries?
M. RIVARD: Pour une meilleure utilisation. D'abord je corrige, M. le
Président; ce n'est pas sur la vente des bois sur pied, c'est sur la
vente des produits des exploitations intégrées,
c'est-à-dire des exploitations où nous récoltons le
résineux et le feuillu. Nous vendons des feuillus en billes de sciage et
d'autres feuillus en billes de déroulage. Nous conservons les
résineux et c'est sur ce genre d'exploitation qu'il y a une
différence.
M. LESSARD: Est-ce que vous avez déjà vendu à
certaines scieries des bois sur pied?
M. RIVARD: Oui, nous en vendons encore dans certaines
régions.
M. LESSARD: Comment s'établit le prix de ce bois?
M. RIVARD: Par négociations.
M. LESSARD: On nous a dit que vous avez déjà vendu du bois
sur pied à des prix trois fois supérieurs à ceux
payés à l'Etat.
M. RIVARD: M. le Président, cette affirmation est fausse.
M. LESSARD: Cette affirmation est complètement fausse.
M. RIVARD: Fausse.
M. LESSARD: Vous n'avez jamais vendu de bois à des prix...
M. RIVARD: Je représente CIP, M. le Président. Je dis que
CIP n'a jamais vendu de bois à un prix équivalant trois droits de
coupe.
M. LESSARD: CIP a déjà eu des scieries, notamment en
Gaspésie. Est-ce que ces scieries étaient rentables?
M. RIVARD: Je n'ai pas le bilan financier des deux scieries en question.
Je ne saurais répondre adéquatement à votre question.
M. LESSARD: Est-ce que vous pourriez me dire pourquoi ces scieries ont
été vendues?
M. RIVARD: Là encore il faudrait étudier le dossier.
L'entreprise CIP est assez grande et vous pouvez bien vous imaginer, M. le
Président, qu'un individu parmi les 10,000 qui travaillent pour CIP ne
peut être au courant de tous les problèmes. Dans le domaine du
sciage, je regrette de ne pouvoir répondre à votre question.
M. LESSARD: Les industries du sciage nous ont dit bien souvent que,
lorsqu'elles vendaient leurs copeaux, il y avait une négociation
extrêmement difficile avec les entreprises et elles devaient tout
simplement accepter le prix qui était fixé par l'entreprise, en
particulier en ce qui concerne CIP en Abitibi. On nous a parlé d'un
marché captif pour leurs copeaux. Est-ce que vous pourriez
réfuter cette affirmation?
M. BASTIN: La question du prix des copeaux, c'est encore comme tous les
prix dans les affaires, ce sont des prix négociés. Il n'est pas
question d'un marché captif. Les scieries peuvent vendre leurs copeaux
à d'autres en Abitibi.
M. LESSARD: Merci, M. le Président. J'ai terminé mes
questions. Si ce n'avait été de l'interférence et du
président et du député des Iles-de-la-Madeleine, nous
aurions probablement gagné cinq minutes.
M. LE PRESIDENT: Très bien, nous vous remercions.
L'honorable député de Lotbinière a demandé
la parole, je crois.
M. BELAND: C'est seulement une courte question que j'aurais à
poser. Vous possédez certaines usines dans le sud des Etats-Unis
où vous transformez le pin. Ici au Québec, étant
donné que le ministère des Terres et Forêts a fait en sorte
que beaucoup d'agriculteurs, beaucoup de propriétaires forestiers
plantent du pin, le pin rouge, le pin gris, est-ce que vous avez l'intention,
ici au Québec, de vous organiser, dans un avenir assez rapproché,
pour pouvoir accepter ces sortes de bois?
M. RIVARD: Il y a une question de technologie vis-à-vis de chaque
usine, M. le Président, d'ailleurs je ne pense pas que le volume ou le
nombre de semis de pin qui a été planté soit prêt
à être récolté dans un avenir immédiat. Nous
prenons déjà un certain pourcentage de pin à nos usines.
Là encore je dois répondre
qu'il faudra résoudre le problème quand il se
présentera.
M. BELAND: D'accord.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de L'Islet.
M. GIASSON: M. Rivard, la compagnie CIP a exactement combien de milles
carrés d'affermés? Je n'utiliserai pas le mot "concession" parce
qu'il paraît qu'il devient tabou. Combien de milles carrés sont
affermés?
M. RIVARD: A peu près 23,000 milles carrés.
M. GIASSON: Cela représente, si on transforme cela en acres,
combien d'acres de terrain.
M. RIVARD: Cela fait 15 millions d'acres.
M. GIASSON: Combien la CIP a-t-elle payé pour acquérir le
territoire que comportent les 15 millions d'acres?
M. RIVARD: Les prix de la prime d'affermage ont varié avec les
années. Il y a de ces forêts affermées qui n'ont pas
été achetées directement du gouvernement. Lorsque la
compagnie s'est installée...
M. GIASSON: Si vous permettez, des 15 millions d'acres éliminons
ce qui est la propriété de CIP, propriété directe
par acquisition au niveau d'une transaction d'achat pure.
M. RIVARD: Il est difficile de répondre à votre
question.
M. GIASSON: Approximativement?
M. RIVARD: Je ne risquerais pas de chiffre.
M. GIASSON: Est-ce que cela peut être deux millions?
M. RIVARD: Je ne risquerais pas de chiffre. Il y a trois modes
d'acquisition, il y a eu des ventes aux enchères autrefois, c'est avant
l'arrivée au pouvoir de M. Duplessis. Il y a eu des transactions
directes avec d'autres affermatai-res, il y a eu des échanges. A
présent, je ne voudrais pas risquer de chiffres sur ce que nous avons
acquis directement par enchères et par voie d'échange du
ministère.
M. GIASSON: Même en pourcentage sur les droits complets...
M. RIVARD: Je ne saurais dire.
M. GIASSON: Parmi vos collègues, personne ne pourrait nous
avancer de chiffres.
M. RIVARD: Je ne crois pas. C'est un chiffre qu'il faudrait compiler, M.
le Président.
M. GIASSON: Je présume que la compagnie CIP doit connaître
l'acrage ou le territoire qu'elle a possédé par contrat d'achat.
Je connais la superficie des terrains boisés que je possède. Cela
m'apparaît primordial.
M. RIVARD: Evidemment, M. le Président, mais je n'ai pas le grand
livre devant moi pour départager tout cela. Nous l'avons dans nos
registres mais je ne veux pas, de mémoire, lancer un chiffre qui va
être reproduit dans le journal des Débats alors que
vraisemblablement il pourrait être inexact. Je ne me souviens pas du
partage de ces trois articles-là.
M. GIASSON: En présumant c'est de l'hypothèse pure,
je suis d'accord avec vous que vous auriez 10 millions d'acres
d'affermées, contre 5 millions possédées en propre par la
CIP, quel est le prix que vous avez payé pour acquérir ce
n'est peut-être pas le chiffre que je vous ai avancé; je suis
d'accord, nous ne nous chicanerons pas sur les termes ou sur les mots
ces 8 millions ou 10 millions d'acres?
M. RIVARD: Je pense qu'il y a une correction à faire ici. Vous
parlez de 5 millions d'acres que nous possédons en propre. Même si
nous avons acheté d'autres affermataires, ce ne sont pas des
propriétés; ce sont...
M. GIASSON: C'est affermé, quand même, au niveau des
échanges.
M. RIVARD: ... des forêts affermées qui ont
été transportées d'une compagnie quelconque à la
CIP.
M. GIASSON: Avec l'accord du ministère? M. RIVARD: Toujours.
M. GIASSON: Mais quel est le prix que vous avez payé pour la
quantité de milles carrés ou le nombre de millions d'acres
affermées à la CIP?
M. RIVARD: Ces prix ont varié énormément.
M. GIASSON: Pourriez-vous nous donner le maximum et le minimum?
M. RIVARD: Nous avons commencé à faire des achats ou des
échanges, il y a 50 ans. La valeur de l'argent n'était pas la
même; les barèmes économiques n'étaient pas les
mêmes. Nos achats s'échelonnent sur 50 ans. Je pense que vous me
posez une question à laquelle il ne m'est pas possible de
répondre.
M. GIASSON: Donnez-moi le maximum; le
minimum, oublions-le. Oublions la période de crise, parce que, si
on retourne trop loin en arrière, la valeur monétaire
n'était pas la même. Dites-moi le maximum que vous avez
payé.
M. RIVARD: A ma connaissance, et de mémoire, sujet à
rectification, nous avons payé jusqu'à $2,500 le mille
carré.
M. GIASSON: A l'acre, combien cela ferait-il pour quelqu'un qui compte
rapidement?
M. RIVARD: Pour spécifier, ce n'est pas un achat directement du
ministère; c'est un achat de la CIP d'un autre concessionnaire.
M. GIASSON: Mais restons à l'intérieur du
ministère, si vous le permettez. Quel est la maximum, pour l'achat de
concessions affermées, payé au ministère des Terres et
Forêts?
M. RIVARD: Etant donné qu'il n'y en a pas eu d'achetées
depuis probablement 1935 ou 1936, je ne saurais le dire. C'était au
début de ma pratique et je ne pourrais pas donner de chiffres. Il n'y a
pas eu d'achat de fait du ministère depuis ces
années-là.
M. GIASSON: Quand on risque le chiffre de $20 le mille carré pour
prime d'affermage, ce n'est pas exact, comme ça?
M. RIVARD: Jamais de la vie.
M. GIASSON: Cela pourrait être quoi?
M. RIVARD: $20 le mille carré, c'est la rente foncière que
vous payez, à l'heure actuelle. Ce n'est pas la prime d'affermage. La
prime d'affermage, c'était beaucoup plus que ça.
M. GIASSON: La prime d'affermage, je présume qu'elle est
différente selon les essences que vous récupérez à
l'intérieur des territoires. Est-ce exact?
M. RIVARD: Etant donné qu'il n'y a pas eu de prime d'affermage de
fixée depuis longtemps, encore une fois, je suis dans
l'impossibilité de vous répondre. Je dois vous dire qu'il a
été question déjà, dans nos négociations
avec le ministère s'il restait plus de temps,
j'élaborerais là-dessus, parce que j'aurais une histoire à
vous raconter de prime d'affermage de $1,000 le mille carré et,
dans un autre cas, de $1,500 le mille carré. Ce sont des chiffres de
1966 et 1968.
M. GIASSON: Lorsque la CIP ou d'autres compagnies de pâtes et
papiers coupent une corde de bois nous allons présumer que c'est
une corde de bois d'épinette qu'est-ce qu'on paie en droit de
coupe sur cette corde d'épinette?
M. RIVARD: On paie $2.94 le cunit, $2.50 la corde. Cela, c'est le droit
de coupe, mais ce n'est pas la seule redevance.
M. GIASSON: Je sais qu'il y a d'autres redevances.
M. RIVARD: Je réponds à votre question, là.
M. GIASSON: Il y a la protection contre les incendies et ces
choses-là.
M. RIVARD: $40 le mille carré.
M. GIASSON: Est-ce que vous avez des chiffres au cunit ou à la
corde là-dessus?
M. RIVARD: La protection nous coûte $40 le mille carré. La
rente foncière nous coûte $20 le mille carré. Les droits de
coupe, on vient de le dire, $2.94 le cunit.
M. GIASSON: Je vous pose ces questions pour être bien certain que,
chez vous comme chez moi, les mots ont le même sens, afin de savoir si
nous parlons le même langage. Personnellement, quand je parle de ma
forêt, je pense que je ne donne pas le même sens aux mots. Au cours
de l'interrogatoire que vous avez subi de la part des membres de la commission
parlementaire ce matin, dans vos réponses, assez
régulièrement vous avez parlé de "nos" forêts.
Quand vous parlez de vos forêts, est-ce que cela inclut la partie
des forêts qui sont des concessions ou la partie des forêts
affermées tout autant que celles qui sont la propriété
propre de la CIP?
M. RIVARD: Je pense bien que "nos" devrait être mis en guillemets.
Ce sont les forêts qui sont l'objet d'un aménagement, une partie
étant propriété privée, l'autre partie étant
forêt affermée.
M. GIASSON: Je vous pose la question parce que, quand je parle de ma
forêt, dans mon esprit, cela comprend les forêts que j'ai
achetées en propre d'un autre propriétaire et lorsque j'obtiens
un permis de coupe sur une réserve cantonale ou forêt domaniale,
ce n'est plus ma forêt. C'est la forêt du Québec.
Peut-être que j'évalue mal l'appréciation du terme, mais
c'est la façon dont je le conçois.
M. RIVARD: Je pense que nous ne nous chicanerons pas
là-dessus.
M. GIASSON: Et si je vous pose des questions sur tous les coûts
inhérents à l'affermage, c'est que j'ai dans mon territoire, dans
ma région, des forêts qui sont ce que nous appelons des
réserves cantonales...
M. RIVARD: ... appelées à disparaître.
M. GIASSON: Présumément. Et dans cer-
tains blocs de ces réserves cantonales, je serais personnellement
prêt à payer jusqu'à $100 l'acre pour les acquérir,
si le ministère des Terres et Forêts voulait me les vendre, et
à y faire moi-même l'exploitation forestière
nécessaire pour sortir ce bois-là. J'essaie donc d'établir
un équilibre ou une différence entre ce que cela coûte aux
entreprises qui ont des forêts publiques affermées et ce que
n'importe quel individu pourrait payer pour acquérir, pas le fonds de
sol, mais la matière, les essences forestières qu'on retrouve sur
des réserves contonales ou des forêts domaniales. Et je trouve
qu'il y a un déséquilibre fantastique entre les coûts de
l'un à l'autre.
M. RIVARD: Pour résumer, vous avez la prime d'affermage de $1,500
le mille carré, vous avez votre...
M. GIASSON: Un montant de $1,500 pour la prime d'affermage.
M. RIVARD: Un montant de $1,500.
M. GIASSON: Un montant de $1,000 à $1,500.
M. RIVARD: Mettons un montant maximum de $1,500. Vous avez votre rente
foncière à $20 le mille carré, vous avez votre protection
à $40 le mille carré. Ces trois montants font tout de même
$1,560.
M. GIASSON: Vous parlez toujours du mille carré?
M. RIVARD: Oui.
M. GIASSON: Je vous dis que je serais prêt à payer $100
l'acre.
M. RIVARD: Libre à vous de le faire.
M. GIASSON: Libre à moi de le faire. Vous seriez également
intéressé si vous visitiez les blocs forestiers auxquels je fais
allusion.
M. RIVARD: Cela dépend où ils sont situés.
M. GIASSON: Ce serait une bonne transaction pour la CIP comme pour
moi-même.
M. RIVARD: Cela ne veut pas dire que la localisation géographique
des blocs auxquels se réfère le député serait
désirable vis-à-vis de nos usines de transformation.
M. GIASSON: Cela serait absolument une bonne transaction.
M. RIVARD: Pardon?
M. GIASSON: En présumant que ces essences iraient à votre
usine de Trois-Rivières, cela serait une bonne transaction. A tout
événement, vous avez aussi fait allusion à une
différence assez marquée dans le rendement en matière
ligneuse ou en fibre entre les bois qui proviennent des forêts sous
affermage et les bois qui proviennent des forêts privées. Vous
n'avez pas à risquer de chiffres en pourcentage. Antérieurement
à notre commission parlementaire, nous avons eu d'autres entreprises qui
ont produit des chiffres. Je ne m'explique pas ces chiffres. Mon voisin a fait
couper cet été 104 cordes de bois d'un peuplement
d'épinette noire 104 cordes, c'est précis. Je l'ai
mesuré en fin de semaine. Je ne peux accepter ni comprendre que 104
cordes de bois d'un peuplement d'épinette noire à 98 p.c.
il y a peut-être un petit peu de sapin, mais c'est extrêmement
minime puissent avoir un rendement en matière ligneuse ou fibre
qui soit de 20 p.c. inférieur à un peuplement d'épinette
noire de vos concessions sur la Saint-Maurice. Est-ce que vous êtes
capable de m'expliquer cela avec des facteurs précis? Qu'est-ce qui
expliquerait un rendement inférieur parce qu'il s'agit d'épinette
noire du comté de l'Islet versus l'épinette noire de la Gatineau
ou de la Mauricie?
M. RIVARD: Il y a des chiffres qui ont été imprimés
dans le mémoire du conseil. Cela provient de moyennes. Lorsqu'il est
question de moyennes , évidemment, il y a un extrême plus bas et
un extrême plus haut.
Peut-être que le cas spécifique auquel vous faites allusion
est dans la partie la plus haute, je n'en sais rien, c'est un cas
d'espèce qu'il faudrait étudier à son mérite.
M. GIASSON: En présumant toujours que c'est un cas
d'espèce, en présumant que je coupe 1,000 cordes de bois
sapin-épinette dans des forêts que je possède dans le
comté de l'Islet et que vous coupez, CIP, 1,000 cordes de bois dans
l'une de vos concessions sur affermage sapin-épinette, pourquoi y
aurait-il une différence aussi marquée?
M. RIVARD: En raison de la latitude, de la position géographique.
Précisément dans l'échange que je mentionnais tout
à l'heure entre Gaspé et les forêts d'Opawica, il y avait
une différence de densité dans les espèces en cause.
M. GIASSON: Cela repose sur quoi?
M. RIVARD: Cela repose sur la technologie...
M. GIASSON: Conditions climatiques, nature du sol...
M. RIVARD: ... des bois, tout simplement. Nous n'y pouvons rien.
M. GIASSON: La technologie des bois qui, elle, établit une
différence entre le rendement de ces essences qui viennent d'une
région ou d'une autre, cela repose sur quels facteurs?
M. RIVARD: Un arbre qui a 120 ans et six pouces de diamètre est
plus dense qu'un arbre de 50 ans qui a les mêmes six pouces de
diamètre que vous cultivez dans votre boisé privé.
M. GIASSON: Je suis bien d'accord, mais l'arbre de 120 ans dans le
comté de l'Islet par rapport à l'arbre de 120 ans ailleurs, tous
deux à six pouces de diamètre dans n'importe quel autre
territoire du Québec, comment expliquez-vous une différence aussi
marquée?
M. RIVARD: Je n'ai pas à l'expliquer, je prends le fait tel qu'il
est.
M. GIASSON: Vous acceptez le fait tel qu'il est.
M. RIVARD: Bien oui!
M. GIASSON: Sans vous poser de question?
M. RIVARD: Qu'estce que vous voulez? On fait des études dans nos
usines, chaque année; on connaît la densité de la
matière première qui rentre à l'usine jour par jour. On
fait cette recherche, on fait ces études, et il faut accepter le fait
tel quel. On ne se pose pas de question à savoir pourquoi elle est plus
basse une journée qu'une autre. Cela dépend du mélange des
essences, cela dépend de l'âge des arbres, cela dépend d'un
tas de facteurs. On s'aventure sur le domaine technologique qui serait un peu
trop long à détailler.
M. GIASSON: A toutes parts égales, si vous avez des essences qui
ont le même âge, la même dimension, le même
diamètre, est-ce que vous croyez que le fait qu'elles poussent dans une
région du Québec par rapport à une autre que cette essence
va connaître un rendement nettement inférieur si elle provient
d'une région plutôt que d'une autre?
M. RIVARD: L'expérience nous prouve qu'il peut y avoir une
différence et que telles différences ont été
constatées.
M. GIASSON: Vous n'avez pas de facteurs précis pour expliquer
cette différence?
M. RIVARD: Je vous reporte à la technologie intrinsèque
des bois. Je ne me reconnais pas de qualifications pour vous donner un cours de
technologie aujourd'hui, je regrette.
M. GIASSON: Vous avez également mentionné dans votre
mémoire d'autres membres de la commission y ont fait allusion cet
avant-midi que vous jugiez comme un mode ou une méthode
anachronique de voir des offices de producteurs travailler dans la province de
Québec surtout avec les petits propriétaires privés.
A l'intérieur, dans la constitution ou dans la structure des
offices de producteurs au Québec, qu'est-ce qui vous parait
anachronique, de façon précise?
M. RIVARD: M. le Président, cette question a été
traitée ce matin et je pense que vous serez d'accord avec moi...
M. GIASSON: Ce matin on n'a pas eu de réponse précise, M.
Rivard, ce furent des affirmations globales très
générales. Qu'est-ce qui est anachronique dans ce système
des offices de producteurs?
M. RIVARD: C'est un système qui n'a pas donné satisfaction
et nous croyons qu'il est toujours possible de l'améliorer.
M. GIASSON: Quand vous dites qu'ils n'ont pas donné satisfaction,
est-ce aux compagnies forestières ou aux petits
propriétaires?
M. RIVARD: Probablement aux deux.
M. GIASSON: Ils n'ont pas donné satisfaction aux petits
propriétaires, vous affirmez cela.
M. RIVARD: Je ne l'affirme pas, je dis: Probablement pas.
M. GIASSON: Vous connaissez aussi bien que quiconque le domaine
forestier puisque vous y avez passé votre vie. Avez-vous ou croyez-vous
que d'autres formules existent présentement, dans l'ensemble du contexte
forestier au Québec, autres que les offices de producteurs, pour
permettre à de petits producteurs d'aller chercher le maximum de prix
pour la matière première qu'ils doivent livrer ou qui provient
des boisés qu'ils possèdent?
M. RIVARD: J'ai pris position là-dessus ce matin en disant que,
parce que nous ne connaissons pas assez ce que nous réservent les
associations régionales de sylviculteurs, il n'est pas impossible que ce
soit là la réponse, mais encore faudrait-il lever le coin du
rideau et étudier le fonctionnement de ces futures associations
régionales de sylviculteurs.
M. GIASSON: Je suis d'accord avec vous. Si les associations de
sylviculteurs ont comme mandat immédiat de permettre à de petits
producteurs d'aller chercher le meilleur prix possible pour la matière
première qu'ils doivent vendre, vous allez vous retrouver avec
l'équivalence des offices de producteurs.
Par contre, si vous leur demandez de s'occuper primordialement des
méthodes de sylvicul-
ture, de haute rentabilité, de reboisement et d'ignorer
complètement la question de mise en marché des bois, les
associations de sylviculteurs vont poursuivre des fins totalement
différentes de celles qu'ont connues les offices de producteurs au
Québec.
M. RIVARD: On peut faire un gros reproche aux offices de producteurs,
c'est qu'ils ne tiennent pas compte des fluctuations du marché. Depuis
qu'ils existent, ça a été une gradation constante. Je
crois que c'est un reproche qu'on peut leur faire; il y aura place pour des
négociations mais essayons une autre formule puisque celle-ci ne donne
pas satisfaction.
M. GIASSON: N'êtes-vous pas d'avis que, malgré les
problèmes et le marasme qu'a connus l'industrie des pâtes et
papiers, de 1969 à 1972, les offices de producteurs ont eu tendance
à verser dans des abus que le système commercial d'achat des bois
des petits producteurs a connus depuis cent ans au Québec?
M. RIVARD: C'est sûr qu'il y a eu des abus, je suis d'accord avec
vous.
M. GIASSON: Et qu'on essaye tout simplement, par les offices de
producteurs, de rattraper la cinquantaine d'années de situations
où on n'avait pas un mot à dire dans l'établissement des
prix, où on devait accepter le prix offert lorsqu'on avait de la
matière première à vendre?
M. RIVARD: Je considère votre remarque...
M. GIASSON: Aujourd'hui, je suis d'accord, j'en ai discuté avec
les offices, que, face aux difficultés qu'a connues l'industrie des
pâtes et papiers, il y aurait peut-être mieux valu en 1970 et 1971
qu'on ne négocie pas une augmentation et qu'on garde ce qui avait
été gagné. Après ça, on aurait pu revenir
à la charge lorsque les difficultés que l'industrie des
pâtes et papiers connaît auraient été
surmontées et que l'état du marché mondial permettrait
d'aller chercher des augmentations de prix. Je suis d'accord là-dessus,
j'en ai discuté avec eux.
Mais il y a là, semble-t-il, une autre fois, la réaction
de gens qui ont été tellement longtemps brimés dans ce
qu'on pourrait appeler des droits fondamentaux qu'aujourd'hui, peut-être,
devant des situations particulières, ils ont tendance à
dépasser la mesure.
M. RIVARD: Je considère...
M. GIASSON: Mais si c'est là le seul reproche qu'on leur fait
pour dire que les offices de producteurs devraient être
éliminés...
M. RIVARD: Je considère...
M. GIASSON: ... ou que la Régie des mar- chés agricoles
devait disparaître, je me pose des questions sérieusement.
M. RIVARD: Je considère votre remarque comme une
hypothèse.
M. GIASSON: Merci.
M. LE PRESIDENT: La parole est à l'honorable député
de Nicolet.
M. VINCENT: Une seule et dernière question, M. Rivard, je l'avais
oubliée tout à l'heure. Je voudrais savoir, pour le
bénéfice des membres de la commission, ce qu'il vous en
coûte au mille carré pour assurer la protection contre les
incendies des forêts que vous avez comme concessionnaires.
M. RIVARD: En moyenne, $40 du mille carré.
M. VINCENT: Je m'excuse, j'étais absent.
M. RIVARD: Oui.
M. VINCENT: D'accord, merci.
M. LE PRESIDENT: Ceci termine la période des questions. Je tiens,
au nom de la commission, à remercier le président de la CIP et
les membres du conseil...
M. RIVARD: M. le Président, je ne suis pas président de
CIP.
M. LE PRESIDENT: Pardon.
M. VINCENT: Nous vous avons donné une promotion.
M. RIVARD: Je l'accepterais volontiers.
M. LE PRESIDENT: Encore une fois, merci au nom de la commission.
J'invite maintenant les membres du Conseil régional de
développement du Québec. M. Marius Jacques, directeur
général.
Conseil régional de développement de
Québec
M. BEDARD: Je comprends que cette commission est limitée par le
temps qui lui reste pour écouter les mémoires qui lui seront
présentés au cours de la journée. C'est une course contre
la montre et, pour cette raison, je coupe une partie des notes que j'avais
préparées afin d'en arriver à la lecture du
mémoire.
M. VINCENT: Si vous me le permettez, on pourrait peut-être faire
une mise au point, tout de suite. Nous allons siéger jusqu'à six
heures et nous recommencerons ce soir, à huit heures. S'il le faut, nous
irons jusqu'à une ou deux heures dans la nuit. Nous ne voulons d'aucune
façon
c'est du moins, mon avis que les membres des associations
qui doivent présenter un mémoire se sentent limités par la
montre. Si même on ne termine pas ce soir, il y a encore d'autre temps,
pour que personne ne retourne chez soi avec l'idée qu'il a fallu faire
vite.
M. BEDARD: Merci beaucoup.
M. LE PRESIDENT: Je pense que c'est bien compris de tout le monde. Il
faut prendre le temps d'écouter les mémoires qui nous sont
présentés et de les commenter à leur juste valeur. Nous
comptons, évidemment, sur la collaboration de tous et de chacun.
Maintenant, une autre remarque: Je demanderais à M. Jacques d'identifier
les personnes qui l'accompagnent pour l'inscription au journal des
Débats, s'il lui plaît.
M. BEDARD: C'est ce par quoi je voulais commencer, M. le
Président. Celui qui vous parle s'appelle Arthur Bédard; je suis
le président du Conseil régional de développement. Je suis
accompagné par M. Marius Jacques, le directeur général du
CRD, à ma gauche; par M. Michaud, le trésorier du CRD, et par M.
Lemieux qui est un permanent du CRD, aussi attaché à la
région de la Côte-Sud. Il est une des deux personnes responsables
de la conduite de la consultation que nous avons faite.
M. le Président, je crois qu'il convient de situer en deux mots
la présence du CRDQ, du Conseil régional de développement
de la région administrative no 3, celle de Québec, devant cette
commission. Ce que je veux dire, c'est que nous ne sommes pas ici pour
défendre des intérêts privés ou particuliers,
toujours plus ou moins mesquins, non plus que pour faire plaisir à
quiconque ou accuser qui que ce soit. Nous sommes ici parce que nous
considérons que c'est notre devoir et notre rôle, en tant que
conseil de développement impliqué dans une consultation sur les
problèmes de la forêt, de vous transmettre, le plus
fidèlement et le plus objectivement possible, les opinions, les
désirs et les aspirations de la population, tels que nous les avons
recueillis, aussi bien auprès des producteurs que des usagers.
Je voudrais profiter de l'occasion pour dire que nous avons
apprécié la prise de position et les paroles spontanées,
énergiques et courageuses du ministre des Terres et Forêts telles
qu'elles ont été rapportées dans les journaux à la
suite d'affirmations faites devant cette commission par les
représentants d'entreprises ou d'associations plus soucieuses de leurs
privilèges que de l'intérêt de la collectivité et de
la province. Contrairement à ce qui arrive quelquefois, je n'ai pas vu
de déclaration du ministre à l'effet que les journaux l'avaient
mal rapporté. Ce silence me laisse croire que le ministre a bel et bien
dit ce que les journaux ont rapporté et qu'il était
lui-même sincère en le faisant. Je souhaite que ses paroles ne
seront pas sans lendemain et qu'elles se traduiront dans des actions
concrètes le plus rapidement possible. Je puis l'assurer, d'après
ce que nous avons pu recueillir, qu'il a beaucoup d'appuis dans la
population.
M. le Président, j'en arrive à notre mémoire. Je
voudrais dire que c'est un résumé, en quelque sorte, de l'avis
plus complet que nous avons remis au ministre. Nous aurions aimé
commenter certaines notions, certains concepts sur lesquels nous nous sommes
appuyés devant cette commission, par exemple l'incidence de
l'impôt foncier sur l'administration de la forêt, le mythe que
seule l'entreprise privée est capable de bien administrer et aussi la
notion de profit, cette vieille notion de propriété absolue, si
vous voulez, qui veut que les profits appartiennent en totalité aux
propriétaires des moyens de production. Nous avons sur cette question
des vues non conformistes, bien sûr, et si, parfois, la commission
voulait percer davantage nos sentiments sur ce sujet, nous pourrons essayer de
répondre à vos questions.
Et j'en arrive au mémoire. Communication du Conseil
régional de développement de Québec à la commission
parlementaire des terres et forêts. Le CRDQ suit avec le plus grand
intérêt le processus que poursuit le ministère des Terres
et Forêts du Québec en vue de se doter d'une politique
cohérente en matière de planification, de gestion et
d'utilisation de notre richesse collective qui est la forêt.
L'intérêt du CRDQ s'est accentué et précisé,
car il a obtenu du ministère des Terres et Forêts du
Québec, en juin 1971, une commandite afin de procéder à
une consultation sur l'utilisation des territoires forestiers de la compagnie
Les Produits forestiers Collin limitée.
Ce territoire a été élargi avec la permission du
ministre et la consultation a porté sur un plus vaste territoire. A la
suite de ces travaux, le Conseil régional de développement de
Québec a déposé devant le ministère un avis sur la
question.
Au cours de la consultation, nous avons été amenés
à découvrir plus précisément les problèmes
et les implications des réformes que propose le ministère des
Terres et Forêts du Québec. C'est pour nous joindre à
l'effort déjà fait et tenter d'apporter notre contribution au
débat en cours que nous nous présentons devant la commission
parlementaire qui traite des problèmes de la forêt.
C'est dans un esprit de collaboration que nous soumettons notre point de
vue sur quelques aspects soulevés par le livre blanc.
Le Conseil régional de développement de Québec n'a
volontairement retenu que six points par rapport à l'ensemble de la
question, sachant qu'il ne peut soulever tous les aspects, sachant aussi que
d'autres groupes ou personnes en discuteraient avec plus d'à-propos.
Nous soulèverons donc les six questions suivantes :
A) La rétrocession des espaces boisés
concédés par l'Etat du Québec;
B) La régionalisation des services et des
mécanismes menant aux prises de décision en regard avec le
ministère;
C) Un plan de zonage qui permettrait d'en arriver à une
intégration des activités sur l'ensemble des espaces
boisés, tant publics que privés;
D) Les mécanismes et instruments prévus pour la gestion,
ainsi que les lieux de pouvoir, proposés par le livre blanc;
E) Quelques aspects de la question du reboisement et des travaux
sylvicoles;
F) La recherche par rapport à l'ensemble de la question de la
forêt.
Nous savons pertinemment que nous ne dirons pas tout sur ces questions,
mais nous voudrions communiquer nos positions, compte tenu des données
dont nous disposons actuellement.
A) La rétrocession des espaces boisés qui ont
été concédés par l'Etat du Québec.
En concédant des espaces boisés pour fin d'exploitation,
l'Etat du Québec accordait à certaines entreprises, groupes ou
individus, le privilège de puiser dans une richesse collective, afin de
la mettre en valeur, contre certaines redevances.
Si, pour plusieurs raisons et dans le souci du bien
général, l'Etat décide de rentrer en possession des
espaces concédés, nous sommes entièrement d'accord.
De plus, nous croyons que la suspension du privilège
concédé ne doit absolument pas être présentée
comme un rachat, puisqu'il s'agit simplement de reprendre possession d'une
richesse qui appartient à la collectivité par l'Etat. Cela
devrait se faire en moins de cinq ans, d'après nous.
Nous sommes d'accord pour dire qu'il est normal que l'Etat veuille
gérer ce qui lui appartient, puisqu'il devrait être celui qui
l'utilise pour le plus grand bien de la collectivité. Nous ne serions
cependant pas de l'avis de ceux qui prétendraient qu'il faut compenser
pour la suspension d'un privilège, sous prétexte qu'il y a eu des
frais généraux. A cela nous répondons qu'il y a eu
également des "bénéfices généraux".
Le Conseil régional de développement de Québec
recommande que l'Etat du Québec reprenne la possession des espaces
boisés concédés sans qu'il ne soit question de rachat ou
de compensation.
B) La régionalisation des services ainsi que des
mécanismes menant aux prises de décision en regard avec le
M.T.F.
Le CRDQ est d'accord sur le processus amorcé au ministère
en vue d'en arriver à la régionalisation des services ainsi
qu'à l'élaboration de mécanismes qui permettront aux
collectivités locales de jouer un rôle important dans les prises
de décision. Nous voudrions souligner quelques aspects de cette
question.
D'abord, nous croyons qu'il serait souhaitable que la
régionalisation soit très solidement engagée avant que le
ministère décide de façon définitive des normes et
des modèles d'organisa- tion qui guideront la mise en place de tout
l'appareil de gestion et même d'exploitation des forêts
publiques.
Nous demandons que la régionalisation se fasse d'abord, car nous
craignons fort que si les grands cadres, les grandes normes
générales sont établis avant la mise en place des
mécanismes régionaux, ces derniers n'auront plus grand-chose
à dire, si ce n'est de tenter d'aménager tant bien que mal des
décisions prises en dehors d'eux.
Un autre aspect: nous croyons que la régionalisation est un pas
important pour associer les collectivités locales aux décisions
de l'Etat. Nous croyons aussi que la discussion des problèmes avec ceux
qui les vivent peut permettre de réduire l'écart qu'il y a entre
les besoins manifestés et l'utilisation des richesses. Mais, pour cela,
il faut que le processus soit solidement enraciné et qu'il ne s'agisse
pas que d'un jeu qui peut camoufler la responsabilité de
décision. Il faut donc qu'un certain pouvoir soit reconnu aux
collectivités locales dans le processus de régionalisation.
Un dernier point. En ce qui concerne la régionalisation
proprement dite, en termes d'organisation, l'Etat du Québec, par
l'Office de planification et de développement du Québec, l'OPDQ,
a suscité la création et participé à la mise en
place des conseils régionaux de développement. Il nous semble
donc normal que les ministères qui s'engagent dans la
régionalisation se servent de ces instruments déjà en
place et qui poursuivent les mêmes buts généraux quant
à la régionalisation.
En regard de la question forestière, par exemple, le Conseil
régional de développement de Québec a déjà
décidé d'organiser un conseil spécialisé sur cette
question. Ce conseil, qui serait membre du CRD, serait composé de
représentants de tous les groupes directement intéressés
à la question ainsi que de représentants des ministères
concernés. Un autre avantage, c'est que les participants à ce
conseil spécialisé étant membres du CRD peuvent discuter
avec les gens de d'autres secteurs d'activités au sein du CRDQ pour
mieux évaluer la portée de leurs décisions sur l'ensemble
de la vie régionale. Il nous apparaît donc souhaitable que les
opérations de régionalisation des divers ministères se
poursuivent et s'accentuent en utilisant le plus possible les CRD, instrument
prévu à cette fin par l'OPDQ, contribuant de ce fait à la
mise en place de véritables conférences administratives
régionales.
Plan de zonage. Nous reconnaissons que, dans l'état actuel des
choses, à savoir les instruments dont dispose le ministère des
Terres et Forêts et les problèmes de tenure, le zonage peut
être un moyen efficace pour en arriver à édicter des normes
générales quant à l'utilisation et à la protection
des espaces boisés. Cependant, nous croyons que les connaissances
fondamentales quant à l'état actuel ainsi que le comportement de
nos forêts ne sont pas très avancés. Le zonage qui sera
fait en fonction de
l'utilisation, de la reproduction et de l'aménagement
dépendra de ce que nous savons du comportement général des
espaces boisés. Cela veut dire pour nous qu'il ne faudrait pas que le
zonage soit démesurément orienté vers les exigences des
grandes compagnies exploitantes seulement. Tenant compte de ces
réserves, nous croyons que le zonage qui doit être
réalisé dans les meilleurs délais doit viser à
intégrer les activités forestières de l'ensemble des
espaces boisés. De cette façon, il serait possible de permettre
aux propriétaires forestiers d'aménager leurs espaces, d'en
assurer la reproduction ou d'y faire des travaux sylvicoles sans pour autant
les priver de toute source d'approvisionnement. Cela signifie que l'on
appliquerait à la forêt les principes de rotation et de
réfection que l'on pratique en agriculture. De plus, cela permettrait
à l'Etat de n'être pas absent dans la gestion
générale d'un ensemble de la richesse que représente la
forêt ainsi que de modifier les comportements trop individualistes des
petits propriétaires forestiers.
Encore une fois, le CRD insiste sur le fait que toutes ces
opérations devraient s'élaborer en étroite collaboration
avec les collectivités locales afin de s'assurer que les richesses
utilisées le soient en conformité avec les besoins
exprimés. A cette fin, le CRD est prêt à participer
à toute opération qui viserait à introduire les personnes
ou groupes directement impliqués dans le processus de
décision.
D) Les mécanismes et instruments prévus pour la gestion
ainsi que les lieux de pouvoir. A notre avis, les mécanismes de gestion,
ainsi que les instruments qui seront bâtis à cette fin, devraient
traduire par leur clarté et leur simplicité la
détermination et la précision que le ministère des Terres
et Forêts entend respecter dans la réforme et la mise en place de
la politique forestière.
Pour ce faire, le Conseil de développement du Québec
demande que l'on retienne les deux critères suivants:
premièrement, que le mécanisme de régionalisation pour
fins de discussion, de consultation et de concertation soit
institutionnellement intégré au processus de prise de
décision. Deuxièmement, que l'appareil de gestion soit
doté d'une direction unique et bien identifiée. Cela permettra
d'éviter toute confusion sur les lieux de pouvoir ainsi que les
personnes responsables de l'application des politiques et l'exécution
des programmes. Nous reconnaissons qu'en dernière analyse l'Etat par son
ministère supporte toute la responsabilité de la chose publique;
c'est pourquoi nous demandons des structures claires et aussi simples que
possible afin de savoir qui décide, qui dirige et qui
exécute.
A ce chapitre, le livre blanc du ministère des Terres et
Forêts n'a pas été très clair. Il est question des
pouvoirs généraux du ministère pour l'Etat mais sans dire
précisément ce qu'il se réserve. On parle encore de la
société de gestion, on parle du rôle de Rexfor, etc., mais
comment ces pièces s'articulent-elles les unes aux autres? Quand il est
question de gestion, le ministère au nom de l'Etat si dit le
gestionnaire.
Pourtant la société de gestion a aussi des pouvoirs. On
parle aussi de mode mixte de gestion. Comment pourrait-on départager les
pouvoirs et responsabilités entre tous ces niveaux?
Toujours en regard de l'organisation des instruments de gestion, on se
demande où, comment et avec qui se prendront les décisions. Nous
le répétons, nous sommes très favorables à
l'intégration d'un processus de décision qui tient largement
compte des collectivités locales. Mais, une fois les décisions
prises, nous sommes pour l'unité de direction dans l'application des
politiques et l'exécution des programmes.
Cette ligne de conduite nous semble tout à fait ajustable avec
une déconcentration par la régionalisation en ce qui regarde les
lieux d'exécution.
En regard de l'instrument d'arbitrage que représentera la
Régie des produits forestiers du Québec, nous voulons exprimer
nos réserves quant à l'efficacité de ce type d'instrument.
Si nous regardons les difficultés qu'éprouvent les
collectivités locales à faire valoir leurs points de vue devant
celles qui existent déjà, nous nous demandons si la reproduction
de ce modèle d'organisation devrait s'appliquer à la question
forestière, car il y a un problème d'information et de
documentation en termes d'accessibilité qui fait grandement
défaut aux citoyens quand ces derniers veulent présenter des
revendications.
Il faudrait au moins que la documentation de toute nature soit
facilement accessible à tous ceux qui en auraient besoin. On pourrait
penser aussi que l'instrument qui encadrera la régionalisation devrait
avoir les moyens d'assister techniquement ceux qui en manqueraient pour
revendiquer leurs droits.
La plus forte réserve que le CRD exprime par rapport à
toute la question de gestion, c'est le découpage qui est fait entre la
notion générale de l'entretien, contenant conservation,
aménagement et reproduction, et la notion d'utilisation. La question qui
se pose est de savoir comment l'Etat du Québec pourra plus qu'avant
obliger les utilisateurs à observer les politiques et les normes qui
seront édictées, car, ayant décidé, sauf pour et
par Rexfor, de ne pas être un exécutant de ses propres politiques,
l'Etat doit encore se fier aux intérêts privés.
Il nous faut ici être clairs, l'Etat du Québec prend
à son compte une charge onéreuse avec la gestion de la
forêt. Quelles en seront les compensations? Et quels moyens effectifs
l'Etat se donne-t-il pour s'assurer le respect de ses directives?
Quelques aspects de la question du reboisement et des travaux
sylvicoles. Le document du ministère nous dit en gros qu'il faut que
l'Etat reprenne la gestion générale des espaces boisés,
car la détérioration qu'ils ont subie les rend
improductifs. Ce que le document ne dit pas et il serait
pertinent de le savoir c'est qui les a détériorés
et comment il se fait que l'Etat ne soit pas intervenu avant? Sachant cela, on
pourrait sans doute mieux évaluer ce qu'il adviendra de la
réforme proposée.
Il faut maintenant corriger une situation en procédant au
reboisement et à d'autres types de travaux sylvicoles. Il faut assurer
une reproduction de la richesse et aménager les boisés pour
maximiser leur productivité, baissant ainsi les coûts de
production. Selon nous, ces opérations devront être
rationnalisées selon les critères généraux qui
guideront le plan de zonage, mais, en plus, en tenant compte des besoins
exprimés par les collectivités régionales du lieu actuel
des usines de transformation, de l'analyse des sols, ainsi que de
l'évaluation des besoins que nous pouvons faire pour l'avenir.
Ces opérations devront être entreprises, non pas à
cause de leur utilité comme mécanisme de régularisation du
chômage, mais bien après en avoir étudié la
portée et la rentabilité. Ce processus de réfection de la
forêt doit être envisagé comme un investissement, une
opération rentable, et non comme une mesure d'assistance sociale
déguisée. Cette attitude signifie pour nous que ces travaux
doivent être réalisés par une main-d'oeuvre motivée
et compétente.
Nous voudrions soulever un autre aspect de la question. Nous ne croyons
pas que nos méthodes d'intervention en forêt doivent s'en tenir au
jardinage propre aux petites surfaces. Nous croyons plutôt que les
étendues dont nous disposons et aussi le type de forêts auxquelles
nous avons affaire nécessiteraient des interventions propres aux
cultures exten-sives.
A ce chapitre, il serait enrichissant d'évaluer les
expériences des pays Scandinaves et de la Russie.
Ces méthodes vont de la coupe à blanc à
l'éclaircissage tout en respectant le principe de la rotation.
A notre avis, les interventions sur la forêt dépendent de
ce que nous voulons en faire ainsi que de l'effort de production que nous en
attendons. Le coût de ces opérations étant à la
charge de l'Etat, nouveau gestionnaire, il faudra donc qu'elles soient
judicieuses et nécessaires.
En retour, il faudra que l'Etat s'assure que les utilisateurs
privés évitent une surexploitation qui rendrait inutiles toutes
formes d'interventions.
Nous croyons aussi que, si l'Etat prend à sa charge la gestion
générale et les opérations d'intervention sur la
forêt afin de la rendre plus productive, nous serions en droit d'attendre
une compensation de la part des utilisateurs.
F) La recherche par rapport à l'ensemble de la question de la
forêt.
Quant à la recherche, le contenu du chapitre 6 du tome Il de
"L'exposé sur la politique forestière", bien que trop court et
trop général, nous semble aborder les principaux aspects qui
devraient être retenus. Nous aimerions cependant faire remarquer que les
ministères ont l'habitude de prendre cet aspect des problèmes
à la légère ou de négliger de tenir compte des
études qui ont été réalisées quand ils ne
coupent pas purement et simplement les budgets prévus à cette
fin. Un autre aspect: la recherche, comme les autres services, devrait entrer
dans le processus de régionalisation afin que les collectivités
locales puissent passer des commandes.
Sur un plan plus général, compte tenu des réserves
que nous avons exprimées tant au niveau des pouvoirs de gestion qu'au
niveau de l'exécution des politiques, nous demandons qu'une étude
complète soit faite concernant la possibilité d'appliquer au
secteur de la richesse naturelle et collective que représente la
forêt, le même principe général que l'on a retenu
pour l'électricité.
Conclusion. Les quelques points que nous venons de soulever nous
semblent importants. Pour nous, la rétrocession des espaces
boisés concédés représente probablement le point
majeur. Pourtant, nous savons que la gestion qu'assumera l'Etat du
Québec sur le domaine forestier peut, s'il est adéquat, se
révéler un instrument progressiste. Si, à ce chapitre,
nous formulons des réserves, c'est que nous constatons que les
utilisateurs de la forêt seront les mêmes, avec des garanties plus
fortes qu'avant. Pour ces raisons, nous serions très favorables à
ce qu'une étude complète soit menée afin d'établir
les possibilités, de la part de l'Etat, d'entrer en possession de tous
les équipements qui assurent l'exploitation de la forêt et de sa
transformation en produits finis.
Il faudrait lire ici, non pas les chaises ou les barreaux de chaise ou
les portes et châssis mais jusqu'au bois de sciage et au bois de
pulpe.
A tout événement, c'est la pratique qui sera le grand
test. C'est pour cette raison et afin de mieux juger que nous demandons
d'entreprendre le processus général dès maintenant, afin
de boucler l'opération de cinq ans.
Les remarques que nous avons soumises l'ont été de bonne
foi et nous espérons que le débat actuel fera progresser les
opinions sur la question.
Nous suivrons les discussions avec attention en réservant
jusqu'à la fin notre jugement. Cependant, nous pouvons dire que nous
sommes prêts à collaborer à toute action qui accentuerait
la démocratisation des prises de décisions et
l'accessibilité de tous aux richesses produites par les citoyens.
M. le Président, je vous remercie de nous avoir fourni l'occasion
de nous faire entendre devant cette commission. Je souhaite que l'étude
que nous avons faite des problèmes particuliers de la région
administrative no 3 contribuera à doter le Québec d'une politique
forestière cohérente visant, d'abord, le bien-être de la
population.
En terminant, je tiens à assurer les autorités, en
particulier, le ministre des Terres et Forêts de notre entière
collaboration et de notre souci de participer à la mise en place des
réformes que nous proposons. Merci.
M. LE PRESIDENT (Carpentier): L'honorable ministre des Terres et
Forêts.
M. DRUMMOND: Merci beaucoup, M. Bédard, d'être venu ici
avec vos collègues pour nous présenter un mémoire fort
pertinent, fort intéressant.
Avant de donner la parole au député de Charlevoix qui
posera les questions, quant à moi, j'aimerais souligner que je partage
entièrement votre point de vue en ce qui concerne la consultation
valable en préconisant une politique forestière aussi bien que
d'effectuer un bon système de régionalisation en ce qui concerne
les activités du ministère des Terres et Forêts.
M. BEDARD: Merci, M. le ministre.
M. MAILLOUX: Mes questions s'adresseront soit à M. Bédard,
à M. Jacques ou à d'autres qui voudront bien y
répondre.
M. BEDARD: Je répondrai.
M. MAILLOUX: En me référant à la page 3 de votre
document où il est question de rétrocession des espaces
boisés qui ont été concédés par le
ministère, vous dites: De plus, nous croyons que la suspension du
privilège concédé ne doit absolument pas être
présentée comme un rachat puisqu'il s'agit simplement de
reprendre tel que vous l'avez corrigé tantôt
possession d'une richesse qui appartient à la collectivité par
l'Etat et cela devrait se faire en moins de cinq ans.
Ma question est celle-ci: Pourquoi considérez-vous, selon votre
rapport, après étude, que la rétrocession des concessions
forestières devrait être réalisée en moins de cinq
ans alors que le ministère a proposé un échéancier
de dix ans?
M. LAROCHELLE: En dedans de cinq ans, c'est compte tenu de l'état
actuel des forêts au Québec et également de la
régionalisation qui est déjà amorcée dans certains
territoires. Nous considérons extrêmement important que le
gouvernement du Québec agisse immédiatement sur la possession de
ces richesses, si on veut qu'il reprenne possession de ces richesses. On
considère que dix ans, dans le contexte de 1972, c'est
déjà loin; alors, nous disons: Le plus rapidement possible. Nous
considérions que cinq ans était un minimum raisonnable.
M. MAILLOUX: Dans la même page de votre mémoire et sur le
même sujet, au dernier alinéa vous dites: Nous ne serions
cependant pas de l'avis de ceux qui prétendraient qu'il faut compenser
pour la suspension d'un privilège sous prétexte qu'il y a eu des
frais généraux. A cela, nous répondons qu'il y a eu aussi
des bénéfices généraux. Est-ce à dire que
votre prise de position impliquerait qu'aucune indemnité ne devrait
être versée pour les améliorations effectuées par
les affermataires ou les concessionnaires?
M. LAROCHELLE: Disons que nous n'excluons pas la possibilité
d'étudier des cas particuliers, spécialement les investissements
faits très récemment. En règle générale,
nous ne voyons pas pourquoi il y aurait des compensations de données
pour reprendre possession des territoires.
M. MAILLOUX: Plus loin dans votre mémoire, au sujet de la
régionalisation, vous dites, au deuxième alinéa: Nous
croyons qu'il serait souhaitable que la régionalisation soit très
solidement engagée avant que le ministère décide, de
façon définitive, des normes, etc. car nous craignons fort que si
les grands cadres, les grandes normes générales sont
établis avant la mise en place des mécanismes régionaux,
ces derniers n'auront plus grand-chose à dire.
Ne croyez-vous pas que cette façon de procéder
favoriserait la disparité des modalités d'action d'une
région à l'autre?
M. LAROCHELLE: Il y a peut-être des modalités qui peuvent
différer mais je pense que sur le principe général
là, on vous apporte le point de vue de notre CRD seulement parce qu'on
n'a pas eu le temps de saisir du problème les autres CRD de la province,
mais il est à peu près certain que ce qu'on vous propose va
être endossé par tous les CRD de la province on va
s'accorder là-dessus. Il est possible qu'il y ait des modalités
différentes d'application et d'utilisation d'une région à
l'autre mais sans changer les principes de base.
M. MAILLOUX: Vous insistez quand même pour qu'avant qu'il y ait
une directive générale de donnée la régionalisation
soit mise en place, quels que soient les désirs qui seront
exprimés par les régions.
M. LAROCHELLE: Nous croyons que, s'il y a un mécanisme en place
pour amener les gens à participer et à comprendre tout ce qui est
proposé, il y a beaucoup plus de chances de succès que si
ça leur est imposé en dehors de leurs connaissances.
M. MAILLOUX: Je pourrais vous donner un exemple particulier auquel j'ai
participé récemment lors de certains échanges de
concessions chez nous. Alors que les syndicats forestiers du milieu ainsi que
tous les gens du milieu apportaient certaines revendications, on constatait que
la revendication principale qui était appor-
tée du milieu était que les syndicats forestiers avaient
comme impératifs premiers de couper à proximité des
localités où se situaient ces syndicats forestiers. Alors les
fonctionnaires du ministère des Terres et Forêts ont dû
convaincre tous ces syndicats que la forêt à maturité dans
la région ne se situait pas toujours à proximité.
C'est là que j'arrive un peu en contradiction avec ce qui est dit
dans le mémoire. S'il n'y a pas de normes bien définies au
départ, avant que la régionalisation soit mise en place, on peut
se réveiller avec une disparité d'impératifs qui vont
venir des quatre coins du Québec.
M. LAROCHELLE: M. le député, entre les
collectivités locales dont vous parlez, les chantiers coopératifs
de Charlevoix, et une collectivité provinciale...
M. MAILLOUX: Cela peut être régional aussi, ce que je
mentionnais tantôt.
M. LAROCHELLE : Oui. Disons que c'est un moyen terme. On porte la
discussion au niveau régional, ce qui est déjà un moindre
mal.
M. MAILLOUX: Ce que je vous disais tantôt, ça s'appliquait
au niveau régional parce qu'il y avait trois comtés compris
là-dedans; c'est passablement régional, à ce
moment-là.
M. LAROCHELLE: C'est ça. Dans notre idée, nous nous disons
que, si le ministère des Terres et Forêts se décentralise
d'une certaine façon au niveau de son personnel, ainsi qu'au niveau de
ses budgets, tout en restant, au niveau provincial, l'organisme qui coordonne
les régions l'une par rapport à l'autre, les principes de base,
comme le président le mentionnait tantôt, seront respectés
par l'organisme provincial qui sera le ministère des Terres et
Forêts. Mais, au niveau de l'exécution, ce sont des politiques
régionales parce que la forêt, on ne peut tout de même pas
la transporter 200 ou 250 milles plus loin.
M. BEDARD: M. le Président, je me demande s'il n'y aurait pas
aussi une partie de réponse à la question du député
à la dernière phrase du premier paragraphe de la page 9,
principalement aux deux dernières lignes.
M. MAILLOUX: A la page 6 de votre mémoire, vous mentionnez que le
Conseil régional de développement du Québec a
décidé d'organiser un conseil spécialisé dans la
question forestière. Quel genre de collaboration espérez-vous du
ministère pour faciliter les travaux de ce conseil?
M. JACQUES: Actuellement, nous sommes à définir ce que
serait le conseil spécialisé avec une équipe de travail
à l'université Laval. Le principe de base d'un conseil
spécialisé est le suivant: c'est d'abord de décrire la
réalité et, deuxièmement, d'intégrer, à
l'intérieur d'un mécanisme, tous les individus qui ont des
aspirations dans une région, pour en venir à dégager des
consensus quant à l'exploitation.
Le processus n'est pas décrit plus longuement dans un conseil
spécialisé, mais ça nous apparaît comme étant
un moyen. Justement, ce matin, ceux qui défendaient leur position
vis-à-vis du livre blanc ont affirmé que des mécanismes de
dialogue étaient nécessaires. Je pense que ça s'est fait
plusieurs fois au cours des séances de la commission parlementaire.
C'est un mode que nous voulons proposer.
M. MAILLOUX: Me référant à la page 8 de votre
mémoire, sur les plans de zonage, au deuxième paragraphe, au tout
début, vous dites: "Cependant, nous croyons que les connaissances
fondamentales, quant à l'état actuel ainsi que le comportement de
nos forêts, ne sont pas très avancées." Que voulez-vous
dire exactement lorsque vous écrivez cette phrase? Est-ce un mauvais
certificat que vous décernez à propos des connaissances
qu'auraient les officiers du ministère sur l'état de nos
forêts?
M. LAROCHELLE: Cette phrase a été apportée, M. le
Président, au document à la suite d'une étude technique
qui a été faite lors de la consultation que nous avions eue
après. La personne responsable de cette étude technique, qui a
été obligée de ramasser de la documentation, des
statistiques etc., nous donne un paragraphe, que je pourrais vous lire si
ça vous intéresse, sur le manque de données sur la
ressource forêt, au niveau des territoires, des inventaires, des
statistiques, des coupes de bois. Je pourrais en nommer plusieurs. A un moment,
ces données portent sur des comtés électoraux et, à
un autre moment, elles portent sur des régions administratives ou sur
des municipalités.
L'hétérogénéité de ces
documents-là fait qu'il devient très ardu, à un moment
donné, de se prononcer sur la ressource forêt.
M. MAILLOUX: Est-ce que vous iriez jusqu'à dire, étant
donné la constatation que vous faites, qu'il y aurait absence de
données sur une partie de la forêt québécoise?
Est-ce que ça ne viendrait pas également d'une absence de
renseignements que n'auraient pas fournis les utilisateurs?
M. LAROCHELLE: A ma connaissance, il y a plusieurs données, mais
le schéma de référence de ces données n'est pas le
même.
Alors, c'est difficile de comparer une donnée à l'autre.
C'est arrivé à plusieurs reprises devant cette commission
parlementaire que des documents donnaient certaines données; d'autres
n'avaient pas les mêmes. Il y a beaucoup de données mais le
schéma de référence n'est pas le même.
L'échelle n'est pas la même.
M. MAILLOUX: Dans le même paragraphe, vous dites: Cela veut dire
pour nous qu'il ne faudrait pas que le zonage soit démesurément
orienté vers les exigences des grandes compagnies exploitantes. A votre
avis, dans quelle mesure le zonage forestier devrait-il être contraignant
pour les propriétaires des massifs boisés? Quelles seraient les
contraintes qui seraient faites à ceux qui détiendraient des
massifs boisés?
M. BEDARD: Je pense qu'un plan de zonage n'impose pas de contraintes en
lui-même. Il établirait d'abord les possibilités des
différents espaces boisés et indiquerait de quelle façon
ils peuvent être exploités rationnellement. Il
déterminerait aussi quels sont les terrains propres à
l'agriculture et ceux propres à des activités
forestières.
M. LAROCHELLE: Si vous me le permettez, je voudrais ajouter quelque
chose quand on dit: Pourrait avoir des exigences. A un moment donné,
dans certains espaces boisés entourant surtout les milieux urbains assez
considérables, il se pourrait que ces espaces devraient être a
priori employés pour un autre aménagement que l'exploitation de
la forêt, soit les domaines récréatif, industriel ou un
autre. Alors, dans certains cas, ce pourrait être des exigences ou des
contraintes, pour reprendre votre expression, face à ces compagnies,
pour l'intérêt public.
M. MAILLOUX: C'est-à-dire que d'après vous ce pourraient
être des contraintes quand une compagnie utilisant des résineux
devrait laisser utiliser des feuillus pour d'autres transformations ou
même aller vers la protection de l'environnement ou l'aménagement
de l'espace vert pour des fins récréatives ou autrement.
M. LAROCHELLE: Ce pourrait être un exemple.
M. MAILLOUX: Ma prochaine question se réfère à la
page 9, au dernier alinéa. Vous dites: A cette fin, le CRDQ est
prêt à participer à toutes opérations qui viseraient
à introduire les personnes ou groupes directement impliqués dans
le processus de décision. Croyez-vous que l'on devrait prévoir
d'autres modes de consultation pour des projets de zonage particuliers? Quels
sont les modes de consultation dont vous parlez?
M. BEDARD: Le conseil spécialisé, au niveau du zonage. Il
se peut que, dans un territoire donné, il n'y ait pas seulement les
utilisateurs de cette forêt-là ou les personnes qui transforment
l'essence-forêt qui aient des choses à dire sur l'utilisation du
sol. Il se peut que d'autres collectivités locales aient des vues ou en
tout cas des points à exprimer.
M. MAILLOUX: Mais est-ce que vous laisse- riez dans cette discussion des
utilisateurs possibles de la forêt, qui pourraient être d'autres
que les populations locales, qui pourraient être des compagnies ou
autrement?
M. BEDARD: Oui.
M. MAILLOUX: Votre mémoire manifeste certaines craintes à
l'égard des mécanismes et instruments prévus pour la
gestion des forêts. Il laisse entrevoir entre autres que les structures
du ministère des Terres et Forêts manquent de clarté et de
simplicité. L'idée de singulariser les préoccupations de
gestion forestière au sein de l'administration gouvernementale
mériterait-elle d'être poursuivie selon vous? C'est aux pages 10
et 11.
M. BEDARD: Je ne sais si cela répondra à votre question
mais tout ce qu'on a noté dans le livre blanc...
M. MAILLOUX: Ce n'est peut-être pas moi qui ai
préparé cette question!
M. BEDARD: ... c'est que le ministère des Terres et Forêts
avait des pouvoirs de gestion comme le cabinet des ministres en avait aussi sur
les ressources du Québec. Egalement, la Société de gestion
aurait des pouvoirs de gestion. Il y a aussi un quatrième
mécanisme qui était une société mixte
composée d'entreprises et/ou de la société de gestion du
ministère des Terres et Forêts.
Alors, face à cet organigramme de quatre pouvoirs de gestion
à un moment donné, nous posons la question qu'il faudrait
clarifier, une fois pour toutes, afin que tout soit clair et précis, qui
a les pouvoirs de gestion. Alors, s'il y a une intervention à faire,
soit par l'entreprise privée, soit par un conseil régional de
développement ou des collectivités locales, qu'ils sachent
exactement où s'adresser, au lieu de se faire dire: Allez-vous-en
à telle place et après cela retournez à l'autre et
revenez. C'était notre crainte en ce qui concerne les pouvoirs de
gestion.
M. JACQUES: Il ne faudrait pas créer des mécanismes qui
donnent l'impression qu'à un moment donné il y a deux
ministères. On veut que ce soit le ministère qui assume ses
responsabilités, on ne veut pas créer des organismes à
côté qui prennent des décisions qui, à un moment
donné, n'ont peut-être pas à répondre au public.
M. MAILLOUX: A la page 11 du même mémoire, au dernier
alinéa, vous faites référence à la régie des
produits forestiers du Québec et vous exprimez des réserves en ce
qui concerne la création d'une régie de produits forestiers,
à cause des difficultés qu'éprouvent les
collectivités locales avec ce modèle d'organisation. Auriez-vous
une autre proposition à formuler en vue de résoudre les
problèmes reliés à
l'approvisionnement des usines en bois et à la mise en
marché de la production forestière privée, étant
donné les réserves que vous apportez relativement à la
régie des produits forestiers proposée?
M. LAROCHELLE: M. le Président, notre document ne se prononce pas
en faux contre une régie des produits forestiers. La seule
réserve que nous émettons, c'est sur le pouvoir de s'exprimer
devant cette régie. Les autres régies existant actuellement au
Québec ont déterminé certaines choses qui sont quand
même assez positives; mais la seule crainte que nous avons, et c'est ce
que nous soulevons, c'est le pouvoir attribué à des personnes
autres que des groupes très fortement organisés et
possédant des pouvoirs financiers assez forts pour être capables
de présenter des documents très bien articulés, avec des
avocats, etc., pour les défendre. Les collectivités locales ont
beaucoup de difficulté à pouvoir s'exprimer devant ces
commissions. On ajoute même à la fin qu'à certains moments
le ministère ou des équipes devraient aider ces
collectivités locales à s'exprimer devant une régie.
M. MAILLOUX: A la page 12 de votre mémoire, au deuxième
alinéa, vous dites que la plus forte réserve que le CRD exprime
par rapport à toute la question de gestion, c'est le découpage
qui est fait entre la notion générale de l'entretien
contenant conservation, aménagement et reproduction et la notion
d'utilisation. La question qui se pose est de savoir comment l'Etat du
Québec pourra plus qu'avant obliger les utilisateurs à observer
les politiques et les normes qui seront édictées. Pouvez-vous
nous dire pourquoi vous semblez croire que l'Etat aurait de la
difficulté à faire observer ses politiques et ses normes par les
utilisateurs privés, supposant par là que les directives seraient
mieux respectées si l'Etat était lui-même entrepreneur?
M. BEDARD: Je peux tenter une réponse là-dessus, mais je
ne suis pas un spécialiste dans ces questions-là. Le
président du CRD ne peut pas être un spécialiste dans
toutes les questions qui viennent devant nous. La question qu'on se pose, c'est
justement en raison des différents paliers d'autorité dont il a
été question précédemment, qu'on ne perçoit
peut-être pas comme on devrait les percevoir. On voit de "l'overlapping"
dans tout ça. On y voit une possibilité de confusion et c'est
pourquoi on a certaines réserves sur la question de gestion. Ce n'est
pas clair pour nous, ce qui est proposé.
M. JACQUES: La question qu'on se pose là-dessus, c'est si la
société de gestion va être le ministère ou si c'est
le ministère qui va prendre les décisions. A ce moment-là,
on se dit que si la société de gestion devient extrêmement
forte, les utilisateurs seront peut-être ceux qui vont décider
comment utiliser la forêt, même si le ministère peut
promulguer des lois.
M. LAROCHELLE: Il y aurait peut-être autre chose à ajouter,
M. le Président. Nos craintes se manifestent également du fait
que les entreprises privées actuellement possédant des
équipements ainsi que celles ayant à leur emploi plusieurs
personnes, pour raisons d'économie ou de chômage, peuvent
posséder quand même un pouvoir de chantage assez fort face au
ministère et aux politiques que ce dernier va émettre et
qu'à cet effet le ministère soit peut-être obligé un
moment donné de dire:
Compte tenu de tout cela, je vais vous laisser aller. Ce qui est pour
nous une crainte, c'est que ces personnes ou ces groupes de personnes aient un
pouvoir d'influence assez fort face au ministère des Terres et
Forêts qui veut émettre des politiques en rapport avec les
collectivités qui n'ont pas les moyens de "lobbying" ou les moyens
techniques de se faire entendre et de justifier leurs craintes.
M. MAILLOUX: Au sujet du reboisement, des travaux sylvicoles, à
la page 13 de votre mémoire, au dernier alinéa, vous mentionnez
que ces opérations devront être entreprises non pas à cause
de leur utilité comme mécanisme de régularisation de
chômage, mais bien après en avoir étudié la
portée et la rentabilité. Ce processus de réfection de la
forêt doit être envisagé comme un investissement rentable et
non comme une mesure d'assistance sociale déguisée. Quand j'ai
entendu lire cela, je regardais l'ancien ministre des Affaires sociales qui a
participé à la première Opération assisté
social-reboisement. Voulez-vous dire par là que le gouvernement ne
devrait pas rechercher la complémentarité des objectifs
socio-économiques en évaluant la rentabilité des travaux
de sylviculture?
M. BEDARD: C'est cela.
M. MAILLOUX: Il n'est aucunement question que des assistés
sociaux participent à ces opérations-là, dans votre
esprit?
M. LAROCHELLE: Disons qu'il peut y avoir une assistance sociale
déguisée, mais on n'élimine pas le fait que la notion de
l'exploitation ou de l'aménagement de nos forêts soit
considérée en termes de rentabilité, tant au point de vue
social qu'économique.
M. MAILLOUX: D'ailleurs dans le paragraphe suivant vous disiez bien
catégoriquement: Cette attitude signifie pour nous que ces travaux
doivent être réalisés par une main-d'oeuvre motivée
et compétente.
M. LAROCHELLE: Motivée et compétente, cela peut être
une main-d'oeuvre du territoire comme tel, parce que vous savez que, dans
la
région administrative de Québec comme dans plusieurs
autres régions du Québec, nous avons une main-d'oeuvre
compétente en ce qui concerne l'exploitation de la forêt.
M. JACQUES: M. le Président, là-dessus, nous ne voulons
pas critiquer M. Cloutier et ceux qui ont quand même fait des tentatives.
Il fallait quand même en faire quelques unes au Québec pour savoir
ce que cela donnerait. Mais nous voulons qu'à l'avenir cette
méthode-là ne soit pas utilisée uniquement comme
improvisation mais qu'on l'intègre dans une véritable politique
d'aménagement de la forêt et de rationalité.
M. MAILLOUX: Les membres du CRD doivent être conscients que,
vivant dans des régions forestières, il est difficile
actuellement de trouver les gens qui veulent aller en forêt pour les
coupes et que cela se produit un peu partout dans le Québec.
M. JACQUES: D'ailleurs, M. le député, à ce
sujet-là nos recommandations sont faites à cause de certaines
opérations qui se font sur le territoire, et nous nous rendons compte
actuellement qu'il y a des changements à apporter. Nous nous disons que,
selon la nouvelle formule qui est exploitée actuellement, les groupes
forestiers, ceux qui sont à l'intérieur de ces groupes ont
peut-être beaucoup plus de motivation que ceux qui étaient dans
les groupes qu'on a pratiquement forcés à aller en forêt
là où les gens n'étaient pas obligés de le
faire.
M. MAILLOUX: A la page 15 vous dites: Nous croyons aussi que, si l'Etat
prend à sa charge la gestion générale et les
opérations d'intervention sur la forêt afin de la rendre plus
productive, nous serions en droit d'attendre une compensation de la part des
utilisateurs. A votre avis dans quelle mesure les utilisateurs de la
forêt devraient-ils fournir une compensation pour les efforts
réalisés par l'Etat en vue de rendre la forêt plus
productive?
M. LAROCHELLE: Si le ministère des Terres et Forêts ou le
gouvernement du Québec rend la forêt plus productive, c'est donc
dire qu'à l'avenir cette forêt-là sera également
plus proche des usines, donc que les coûts d'exploitation diminueront.
Alors, nous disons: Compte tenu que cette forêt-là sera mieux
exploitée ou mieux aménagée, on serait en mesure
d'attendre une compensation de l'utilisateur puisque le coût de
production va baisser.
M. MAILLOUX: Vous parlez, à la page 26 du mémoire, de la
recherche par rapport à l'ensemble de la question de la forêt.
Au dernier alinéa je vous fais grâce de la lecture
à quel principe général retenu pour le secteur de
l'électricité faites-vous allusion lorsque vous demandez d'en
étudier l'application au niveau de la gestion et de l'exécution
de la politique forestière? Y aurait-il, selon vous, des adaptations
à faire pour appliquer ce principe dans le secteur forestier?
M.JACQUES: Cela veut d'abord dire qu'on ne croit pas qu'uniquement
l'entreprise privée soit un bon gestionnaire. On a l'exemple de
l'Hydro-Québec, qui n'est quand même pas un si mauvais
gestionnaire. Deuxièmement, nous voudrions qu'une étude globale
soit entreprise advenant que les sociétés qui exploitent
déjà au Québec nous disent: Vous parlez de
nationalisation; nous ne voulons pas aller nécessairement vers la
nationalisation, mais il faudra peut-être, à un moment
donné, envisager le problème.
Si c'est toujours l'Etat qui investit d'après les demandes
qui vous sont faites à la commission parlementaire, vous le savez
peut-être mieux que moi; à tout bout de champ, on demande que le
gouvernement mette de l'argent et on dit qu'il devrait faire ceci ou cela
et qu'à un moment donné le gouvernement paie tout, il
faudra qu'il pense aussi à regarder comment ça peut lui
rapporter.
Nous voudrions qu'une étude assez exhaustive nous permette
d'avoir des données assez précises. Si le gouvernement devait le
faire, que ce soit en connaissance de cause.
M. MAILLOUX: Est-ce qu'au moment où le gouvernement du
Québec a décidé de nationaliser les ressources
hydro-électriques il ne possédait pas déjà les
cadres, à l'Hydro-Québec, qui lui permettaient d'amplifier son
action? Ce que, peut-être, ne possède pas le ministère des
Terres et Forêts.
M. JACQUES: C'est ce que, peut-être, une étude nous
démontrera. On prépare, quand même, des gens actuellement.
Cela nous permettrait d'utiliser ceux qu'on prépare pour des postes de
gestion, non pas seulement pour des postes de commis.
M. MAILLOUX: J'aurais une dernière question. Tous ceux qui ont
participé à l'élaboration de votre mémoire
considéraient-ils que la forêt était une ressource
collective au même titre que pouvaient l'être l'eau ou l'air?
M. JACQUES: Nous pouvons vous dire qu'actuellement nous avons
complété la consultation par une autre que nous venons de
terminer et qui s'appelle "L'homme et les ressources". Pour le CRD, l'eau,
l'air, le sol et le sous-sol sont des choses importantes au niveau de la
région 3 et au niveau de l'ensemble du Québec.
M. MAILLOUX: Je vous remercie.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Nicolet.
M. VINCENT: Je voudrais, comme le ministre, remercier les membres du
CRDQ de ce
mémoire qu'ils présentent, plus spécifiquement
lorsqu'ils parlent de consultation et également de
régionalisation. On peut remarquer également dans le
mémoire qu'il y a des suggestions constructives pour l'administration du
ministère des Terres et Forêts. Cependant, il y a d'autres parties
du mémoire que nous devons examiner afin de nous faire une idée
sur les opinions du CRDQ du Québec.
M. Bédard, est-ce que vous pourriez nous dire quels comtés
de la région de Québec le CRD représente?
M. BEDARD: C'est la région administrative no 3 qui, sur la rive
nord, comprend Portneuf, Charlevoix, et, sur la rive sud, de Kamouraska
à Nicolet, jusqu'à la frontière.
M. VINCENT: A Nicolet inclusivement ou exclusivement?
M. BEDARD: Exclusivement.
M. VINCENT: Dans votre préambule, vous avez mentionné que
vous aviez tout lieu de croire que ce mémoire ou ce communiqué
exprimait le désir de la population du territoire concerné.
Est-ce que vous pourriez nous dire de quelle façon le mémoire
s'est préparé? Est-ce qu'il y a eu des consultations avec les
organismes, tels l'UCC, les offices de producteurs, les syndicats, chambres de
commerce, etc? Cela nous aidera à nous situer dans l'optique du travail
que vous avez entrepris.
M. BEDARD: M. Larochelle peut vous fournir toutes les informations sur
les gens qui ont été consultés et les organismes.
M. LAROCHELLE: Je pourrais vous donner une liste qui est assez longue
des groupes de personnes, des individus et des spécialistes dans le
domaine qui ont été consultés. Le mémoire a
été préparé par une consultation qui s'est tenue de
juin à décembre dernier sur l'utilisation des forêts
publiques de la rive sud de la région administrative de Québec. A
la suite de cette consultation qui a été, quand même, assez
complexe au niveau du contenu, l'ensemble des documents soumis par les groupes
et individus a fait l'objet d'une synthèse.
C'est donc dire que, dans le mémoire que nous présentons
cet après-midi, il y a des extrêmes et il y a aussi des minimums.
C'est une moyenne.
Cet avis de consultation a déjà été remis au
ministère des Terres et Forêts et c'est à la suite de la
remise de cet avis que nous avons cru bon de faire part à la commission
parlementaire de ce que nous avions recueilli parmi les gens consultés.
Il est bien entendu que l'UCC, les offices de producteurs de bois, les chambres
de commerce et les comités de citoyens ont été
consultés.
M. VINCENT: Je posais la question parce qu'il y a certains points dans
le mémoire du CRDQ qui ne concordent pas avec le mémoire que nous
avons entendu de l'UCC et de l'office des producteurs. Et je reviendrai
simplement pour faire clarifier certains points obscurs.
Je voudrais, auparavant, poser une question d'ailleurs M.
Bédard y a répondu, je crois encore d'une façon
plus explicite. A la page 16, vous parlez de la possibilité d'appliquer
au secteur des richesses naturelles le même principe
général que l'on a retenu pour l'électricité. A la
page 17, vous parlez avec une nuance que vous avez ajoutée, de faire une
étude complète afin de voir les possibilités de la part de
l'Etat d'entrer en possession complète de l'exploitation de la
forêt jusqu'à son produit fini. Vous ne le proposez pas comme
solution. Vous demandez seulement qu'on en fasse une étude. Ce n'est pas
une prise de position d'aller jusqu'à demander à l'Etat d'entrer
de plain-pied dans la gérance, dans l'exploitation des richesses de la
forêt, comme cela se fait d'ailleurs dans l'électricité par
l'Hydro-Québec. C'est simplement une demande d'étude que vous
faites.
M. BEDARD: C'est une demande d'étude. Et je l'ai bien
spécifié tout à l'heure, ce qui n'est pas indiqué
dans le mémoire. Parce que, quand on dit: "... et de sa transformation
en produits finis..." cela pourrait aller jusqu'aux barreaux de chaise et aux
portes et châssis. Ce n'est pas ce que nous avions à l'esprit.
Nous pensions à une étude qui aurait pour but de voir les
possibilités et les avantages qu'on pourrait retirer d'une exploitation
faite par l'Etat mais jusqu'à la production du bois de sciage et du bois
de pâte. Cela s'arrêterait là.
M. VINCENT: Pour éviter toute fausse interprétation, je ne
voudrais pas qu'en sortant d'ici, on puisse dire: Le CRDQ a proposé
qu'on aille jusqu'à l'exploitation complète et entière des
forêts, plus les usines. C'est simplement une demande d'étude que
vous faites mais vous n'envisagez pas cette limite extrême.
M. LAROCHELLE: Non. C'est à partir de l'arbre qui est debout
à aller jusqu'à l'usine de transformation. C'est sur cette partie
que nous demandons qu'une étude soit faite.
M. BEDARD: Mais encore une fois, nous demandons qu'une étude soit
faite, comme vous l'avez bien précisé.
M. VINCENT: Sans prendre position.
M. BEDARD: Comme le ministre l'a précisé, ce n'est pas une
recommandation d'étatiser ces choses.
M. VINCENT: Vous mentionnez à la première page qu'en juin
1971 vous avez obtenu une commandite du ministère des Terres et
Forêts. Par la suite, vous avez ajouté que le ministère
vous avait donné une extension dans le territoi-
re pour cette étude. Est-ce que vous pourriez nous donner plus de
détails sur cette commandite?
M. LAROCHELLE: Le premier objet de la commandite était une
consultation sur l'utilisation des boisés compris dans la concession des
Produits forestiers Collin qui a été rachetée en mai 1971
par le ministère des Terres et Forêts. Et nous avions
demandé au ministère, quant à faire une consultation,
également de l'étendre aux réserves cantonales, terrains
vacants, terrains à vocation forestière publics et lots sous
billet de location au ministère de l'Agriculture. La consultation au
niveau de l'utilisation a été étendue à ces groupes
de forêt.
M. VINCENT: Donc, la consultation s'est faite auprès des
exploitants, auprès des usagers, auprès des agriculteurs. Vous
avez même touché les boisés privés.
M. LAROCHELLE: Et également les industries de sciage.
M. VINCENT: Et les industries de sciage. M. LAROCHELLE: Oui.
M. VINCENT: Et les compilations de cette consultation ont
été remises au ministère des Terres et Forêts.
M. LAROCHELLE: C'est cela. Elles ont été remises au
ministère des Terres et Forêts dans ce document.
M. VINCENT: Récemment ou... M. LAROCHELLE: En mars 1972.
M.VINCENT: Ah, bon! Est-ce qu'on pourrait en avoir des copies?
M. LAROCHELLE: Oui, je pense qu'on peut le faire.
M. VINCENT: C'est public?
M. LAROCHELLE: C'est public, assurément.
M. VINCENT: Je pose la question parce que M. Bédard mentionnait
qu'il était très difficile d'avoir des renseignements sur nos
richesses forestières au Québec. Est-ce que vous avez
essayé d'obtenir au ministère des Terres et Forêts tous les
renseignements qu'on y a? Si oui, quels étaient les principaux
renseignements qu'il vous manquait?
M. LAROCHELLE: Je pourrais peut-être vous lire le paragraphe de
l'étude technique qui précise cela.
M. VINCENT: Oui, j'allais en arriver là.
M. LAROCHELLE: Nous croyons que ce rapport donne une idée assez
juste des problèmes de mise en valeur des ressources forestières
de la rive sud et jusqu'à un certain point de l'ensemble du sud de la
région administrative de Québec. Cependant, la collecte des
statistiques nécessaires à cette étude a été
longue et ardue du fait de l'hétérogénéité
des unités de compilation des divers ministères concernés,
de l'absence même de compilation pour une bonne partie de ces
statistiques ou encore de la carence totale de renseignements pour certaines
parties du territoire.
Compte tenu des données disponibles et du budget consacré
à cette étude, nous avons dû travailler à divers
niveaux de superficie qui seront décrits plus loin. Cela voulait dire,
entre autres, que dans certains comtés où l'étude et la
consultation ont été menées, l'inventaire forestier
n'était même pas fait. Je dis l'inventaire des bois actuels, pas
le potentiel, l'inventaire canadien des terres. C'est tout cela qui nous fait
dire qu'il nous manque des données. On est donc obligé de
procéder par extrapolation à certains endroits.
M. VINCENT: Vous parlez, dans votre communiqué, de rachat. Vous
vous opposez au rachat de concessions parce que c'est déjà la
propriété de la couronne. M. Bédard a fait une nuance il y
a quelques instants en mentionnant que peut-être les cas particuliers
devraient être analysés. Dans votre esprit, une compagnie
comme nous l'avons vu tout à l'heure qui aurait construit sur une
distance de 5,000 milles des routes carrossables et qui aurait établi
l'amortissement de ses constructions sur une période de 30, 40 ou 50 ans
ou un particulier ou une organisation quelconque devrait-elle
recevoir une note de crédit du ministère des Terres et
Forêts pour payer, à l'avenir, les contrats à long ou
à moyen terme qu'elle pourrait avoir avec le ministère des Terres
et Forêts?
Il est entendu qu'à ce moment-là le ministère ne
rachète pas le terrain, mais quand on parle de compensation, c'est
surtout pour des travaux d'infrastructure, c'est surtout pour des travaux
d'aménagement ou même quelquefois pour des travaux de construction
de bâtisses ou de barrages sur les terres de la couronne.
M. LAROCHELLE: Je vais tenter de répondre à cette
question. Dans notre esprit, les compagnies qui ont fait de l'exploitation
forestière pour faire marcher leurs usines se devaient, dans ce
domaine-là comme dans d'autres cas... Une entreprise qui a besoin d'un
service de livraison est obligée d'acheter des camions, et les camions
sont effacés à un moment donné, par la
dépréciation. On se dit qu'il fallait faire des chemins pour
aller chercher le bois, que cela faisait partie de l'exploitation.
Si ces dépenses ont été complètement
amorties, on ne voit pas pourquoi le gouvernement paierait pour. Le
gouvernement a déjà payé
pour une bonne partie parce que cela a été compté
contre les bénéfices de la société; il n'y a pas eu
d'impôt payé là-dessus.
M. VINCENT: Je posais la question parce qu'on a appliqué un
principe récemment en ce qui concerne la fermeture des paroisses
marginales. On a fermé certaines paroisses dans le Bas-Saint-Laurent et
on a payé des propriétaires privées ce
n'étaient pas des compagnies pour des maisons, des routes, des
constructions d'écoles qui avaient probablement déjà
été amorties, mais en bon prince on a payé ces gens.
Est-ce qu'on doit établir deux critères, un critère
pour les compagnies et un autre critère pour les particuliers? Je pense
que c'est ce qui est difficile pour le gouvernement.
Quand il s'agit d'établir des critères, il faut bien se
rendre compte que ces critères doivent être établis pour
tout le monde. C'est un problème difficile; je ne tente pas de vous
l'expliquer mais simplement de vous démontrer comment ça peut
être difficile pour un gouvernement d'en arriver à établir
des critères qui seraient justes et équitables pour tout le
monde, que ce soit une compagnie ou un particulier.
M. BEDARD: Si vous voulez savoir quelle est notre approche devant ce
problème, je dirais que vous opposez un exemple d'exploitation
commerciale profitable à un problème purement social. Je me
demande si on peut faire la comparaison entre les deux. Quand on ferme une
paroisse parce que ce n'est plus vivable et qu'on est obligé de
déplacer les citoyens, il est tout à fait justifié
d'accorder des subventions pour faciliter le transfert de ces
gens-là.
Je ne vois pas le problème de la même façon...
M. VINCENT: J'ajoute qu'on l'a fait dans les usines laitières,
dans les abattoirs et, même à ce moment-là, on recevait des
représentations des CRD nous demandant de...
M. BEDARD: Mais c'est toute la vie sociale d'une paroisse qui...
M. VINCENT: Economique également.
M. JACQUES: Il y a aussi une question sur laquelle nous nous sommes
arrêtés. Si on paye des compensations aux gens, où est-ce
que cet argent-là va aller? On éprouve sur le marché
international, pour les pâtes et papiers, des difficultés
actuellement; advenant qu'on fasse un rachat et qu'on donne de l'argent
à ces gens-là qui iraient investir dans des pays qui
deviendraient des concurrents...
M. VINCENT: Non, mais je parlais...
M. JACQUES: ... nous créerions notre propre concurrence.
M. VINCENT: Je parlais de notes de crédit. M. JACQUES:
Mais...
M. VINCENT: C'est bien entendu, quand la Shawinigan a été
achetée, on l'a payée comptant. Mais ici on parle de notes de
crédit.
M. JACQUES: Là-dessus, on a discuté assez loin! En faisant
une analyse, on pourrait essayer d'en venir à la meilleure des
réalités possible, après que les opérations
auraient été faites, par des calculs qui pourraient nous prouver
si on leur doit de l'argent ou non.
M. VINCENT: M. le Président, j'aurais une question à poser
à M. Bédard. On parle, à la page 5, de la mise en place de
mécanismes régionaux. Dans l'esprit du CRD, combien de mois ou
d'années devraient s'écouler pour permettre la mise en place de
mécanismes régionaux bien structurés, bien
rodés?
M. BEDARD: C'est une bonne question, je voudrais être
capable...
M. VINCENT: J'essaye de faire la relation entre dix ans, cinq ans, parce
que vous recommandez que les concessions forestières soient
définitivement abolies sur une période de cinq ans. A un autre
endroit dans le mémoire, vous dites: Il faut auparavant mettre sur pied
des mécanismes régionaux bien structurés, bien
rodés et prendre le temps qu'il faut. Il faudrait quand même
savoir et vous avez l'expérience des conférences
administratives régionales ce qu'il faut pour mettre en marche
ces mécanismes régionaux. Combien de temps faut-il dans votre
esprit pour mettre en place des mécanismes régionaux bien
structurés, bien rodés?
M. BEDARD: C'est toute la notion de la participation qui entre en jeu
ici. Quand on parle de cinq ans pour ce qui est du domaine forestier, c'est un
secteur parmi plusieurs où on voit de la régionalisation. Quand
on parle de cinq ans, c'est parce qu'il y a déjà un bon bout de
chemin de fait dans la mise sur pied d'un organisme régional au sein du
CRD pour jouer ce rôle de concertation, de participation, de
collaboration avec le pouvoir, etc.
Pour ce qui est des terres et forêts, c'est un de nos objectifs de
mettre cet organisme sur pied dans le cours de l'année, avec quatre
autres au point de vue des conseils spécialisés.
M. VINCENT: Mais plus spécifiquement, à la page 5, vous
dites: "Dabord, nous croyons qu'il serait souhaitable que la
régionalisation soit très solidement engagée avant que le
ministère ne décide, de façon définitive, des
normes et des modèles d'organisation qui guideront la mise en place de
tout l'appareil de gestion et même l'exploitation des forêts
publiques."
Cela signifie qu'il faudrait nécessairement,
dans votre esprit, que ce mécanisme de régionalisation
soit des plus solidement engagés avant d'enlever les concessions
forestières, avant d'en arriver à une autre forme de tenure.
D'après l'expérience que vous avez au niveau
régional, cela peut prendre combien de temps en mois et même en
années avant que ce mécanisme soit réellement et
solidement engagé?
M. BEDARD: Pour ce qui est des forêts, on peut le faire cette
année. Le travail est commencé. On pense pouvoir mettre ça
sur pied cette année.
M.VINCENT: Au niveau de la consultation! Mais au niveau de
l'éxécution, c'est-à-dire au niveau de toute la politique
du ministère des Terres et Forêts?
M. BEDARD: Ce qu'on entend par l'implantation d'un mécanisme
régional, c'est que les gens impliqués dans le domaine de la
forêt au niveau de la région soient déjà
organisés entre eux au sein d'un conseil spécialisé pour
pouvoir participer de près. Il ne faut pas que toutes les structures et
normes soient d'abord imposées avant qu'eux puissent y participer. C'est
ce que j'ai dit tout à l'heure. Je pense que c'est une garantie de
succès d'avoir la plus grande participation possible au moment de la
mise en place des prises de décision, des normes et de toute la
politique qui s'annonce.
M. LAROCHELLE: Pour répondre peut-être plus
précisément à votre question, en boutade, je pourrais dire
qu'il aurait fallu que ce soit mis sur pied hier. Pour nous, du CRD de
Québec, au niveau du mécanisme de régionalisation et de la
conférence administrative, par la suite parce qu'on sait bien que
cela ne peut se mettre sur pied avant un minimum de trois ans en ce qui
concerne la conférence administrative régionale en ce qui
concerne le ministère des Terres et Forêts, c'est
déjà commencé. On voudrait que le pouvoir politique se
prononce, car c'est lui qui décide, en fin de compte, si on s'embarque
dans ce processus et à quel rythme on s'y embarque. Pour nous, on dit
qu'il faudrait que ce soit fait le plus rapidement possible. Il reste que c'est
une décision purement administrative de dire, au ministère, qu'on
accélère ou non le processus de régionalisation.
M. VINCENT: Vous avez dit en boutade: Il aurait fallu que cela se fasse
hier. Je pourrais dire en boutade: Si mon grand-père avait eu la voiture
que nous avons en 1972, il n'aurait pas conduit une Ford à
pédales.
J'ai une dernière question j'avais d'autres questions,
mais vous y avez répondu en répondant au député de
Charlevoix plus spécialement en ce qui concerne la Régie
des produits forestiers. Vous vous opposez à la création d'une
Régie des produits forestiers du Québec en disant: Si nous
regardons les difficultés qu'éprouvent les collectivités
locales à faire valoir leur point de vue devant celles qui existent
déjà. Vous savez que, déjà, l'Office des
producteurs de bois a affaire très souvent à la Régie des
marchés agricoles. Ma question est bien spécifique: Est-ce qu'il
y a, dans votre milieu, des plaintes naturellement, il y en a toujours
formelles et de façon constante à l'endroit du
fonctionnement de la Régie des marchés agricoles en ce qui
concerne les produits forestiers?
M. LAROCHELLE: A ma connaissance personnelle, face à la
possibilité de s'exprimer devant la Régie des marchés,
nous n'avons pas eu de plaintes. Par contre, face à d'autres
régies, il devient difficile, pour des collectivités locales ne
possédant pas de moyens financiers et techniques, d'avoir autant de
poids ou d'exprimer un point de vue aussi important que d'autres qui, eux, ont
les moyens de le faire.
M. VINCENT: Vous recommanderiez donc un genre d'avocat populaire qui
pourrait, à l'intérieur des régies, faire le point pour
ces personnes?
M. LAROCHELLE: Ce pourrait être quelque chose de semblable.
M. VINCENT: Je dis cela comme ça.
M. LAROCHELLE: Nous le précisons dans notre document: "On
pourrait penser aussi que l'instrument qui encadrera la régionalisation
devrait avoir les moyens d'assister techniquement ceux qui en manqueraient pour
revendiquer leurs droits."
M. VINCENT: Ce serait seulement dans des cas très particuliers
parce que les producteurs de bois, aujourd'hui, d'une part, peuvent être
assistés par l'organisme central les organisations ouvrières
peuvent être assistées par l'organisme central; la même
chose pour les compagnies, pour les conseils de comté, les villes.
M. LAROCHELLE: Les chantiers coopératifs, dans un milieu
donné, peut-être qu'ils n'ont pas les moyens de s'exprimer aussi
facilement que l'UCC ou d'autres.
M. VINCENT: Oui, mais je pense qu'il vaudrait mieux que ces gens se
regroupent, comme l'UCC, ou l'UPA maintenant, groupe les offres de producteurs,
les chantiers forestiers.
M. LAROCHELLE: Nous, du CRD, nous nous rapprocherions beaucoup plus de
votre suggestion d'avocats populaires, si on la prend comme exemple.
M. JACQUES: C'est également la raison pour laquelle on
préconise la mise sur pied de
conseils spécialisés qui pourraient permettre à ces
gens de venir s'exprimer à l'intérieur d'un conseil
spécialisé et de recevoir également l'assistance technique
et d'acheminer leurs revendications, même devant une régie.
M. VINCENT: Si je remarque bien, devant la commission parlementaire,
chaque organisme, chaque groupe, même des individus sont venus. Ils n'ont
pas eu besoin de l'assistance d'avocats populaires et ont fait un très
beau travail. En ce qui me concerne, je remercie les représentants du
CRD.
M. BEDARD: Je voudrais simplement souligner que le ministre a
semblé dire qu'on s'opposait à une régie des produits
forestiers, je ne sais pas si cela s'appelle la régie, mais à
l'équivalent de la régie des marchés. On ne s'oppose pas,
on dit simplement qu'on a des réserves.
M. VINCENT: Le député de Nicolet? L'ex-ministre! excusez!
Je n'ai pas changé de gouvernement.
M. BEDARD: Une autre promotion avant le temps.
M. VINCENT: Merci pour avant le temps.
M. BEDARD: Je voulais simplement dire qu'on ne s'oppose pas
carrément à cet organisme. Tout simplement, on a des
réserves et la réserve s'exprime par le fait que, d'après
d'autres expériences vécues ailleurs, il y a des groupements
locaux qui ont de la misère à rendre leurs revendications
jusqu'à la régie.
M. VINCENT: Merci, M. Bédard.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Lotbinière.
M. BELAND: Je désire aussi féliciter le groupement pour
son mémoire. Il y a une certaine quantité
d'éléments à l'intérieur qu'on peut accepter. Mais
sur d'autres, je me pose de sérieuses questions. Enfin, c'est pour
ça que nous sommes ici, poser des questions.
Vous énumérez une certaine quantité de choses en
pages 8 et 9. Cela m'amène à une question bien spécifique.
Dans quelle proportion l'Etat doit-il être présent dans la gestion
générale de l'ensemble de la richesse que peut représenter
la forêt?
M. BEDARD: Pour répondre généralement à la
question générale que vous posez, comme je la comprends, l'Etat
représente la population, doit être présent et exercer son
pouvoir sur tous les biens qui appartiennent à la population,
forêt, richesses du sous-sol; dans tous ces domaines, l'Etat doit
être présent.
M. BELAND: Pour vous ramener au texte même, plus
précisément à la troisième ligne, page 9, vous
indiquez que de plus cela permettrait à l'Etat de n'être pas
absent dans la gestion générale de l'ensemble de la richesse que
représente la forêt. Je vous fais grâce de relire ce qui
précède mais, dans mon pauvre petit esprit, n'être pas
absent, c'est peut-être être présent à 5 p.c.
M. BEDARD: Selon nous, c'est l'Etat qui doit avoir les pouvoirs de
gestion sur ces richesses. Je ne sais pas si on pourrait aller jusqu'à
100 p.c. mais, en tout cas, un pourcentage plus fort que 5 p.c. Il exerce ce
pouvoir par délégation, comme dans le cas de l'Hydro, comme dans
le cas des accidents du travail ou dans d'autres domaines.
M. BELAND: Je vous remercie pour la précision, parce que cela
m'imquiétait fortement.
Si on va un peu plus loin, en page 10, à l'avant-dernier
paragraphe, vous dites: Nous reconnaissons qu'en dernière analyse,
l'Etat, par son ministère, assume toute la responsabilité de la
chose publique. Antérieurement, dans l'agencement de la phrase, il me
semble que vous désirez une espèce de pouvoir parallèle
où les députés seraient simplement appelés à
accepter les décision que vous auriez prises lors de vos
assemblées dites consultatives en relation avec les autres corps
organisés du secteur donné.
Pourriez-vous préciser davantage ce point-là?
M. BEDARD: Ce n'est pas une transmission du pouvoir que nous disons.
Nous disons que les personnes impliquées, dans la population, dans
certains secteurs, devraient avoir un moyen de participer aux décisions;
participer aux décisions ce n'est pas les imposer. Elles ne devraient
pas recevoir une décision et après cela s'en accommoder. Est-ce
que cela répond à votre question?
M. BELAND: Oui. J'ai lu votre document à quelques reprises, alors
je comprends le sens dans lequel vous le dites présentement.
M. JACQUES: Est-ce qu'il y a moyen de préciser?
M. BELAND: S'il y a d'autres précisions, j'aime encore mieux.
M. JACQUES: Il faut bien se rappeler que les CRD n'ont pas de pouvoir
exécutoire. La seule chose que les CRD peuvent faire c'est de la
consultation et de tenter de dégager des consensus pour en arriver
à éclairer des décisions. Jamais les CRD n'auront de
pouvoir exécutoire. Ce rôle de consultation on veut
également le jouer avec les représentants élus à
l'Assemblée nationale au Québec, afin d'aider et de diriger les
décisions.
M. BELAND: Cela donne une réponse, une
optique. Afin de préciser davantage les questions de ceux qui
m'ont précédé, j'aimerais savoir ce que vous pensez du
système de mise en marché actuel par les offices et syndicats de
producteurs de bois, compte tenu du fait qu'il y a un amalgame de tout cela qui
entre en ligne de compte. Vous laissez entendre qu'il manque encore quelque
chose. Sur cet aspect bien précis, sur le système présent
de mise en marché des bois provenant des lots boisés
privés par les offices et syndicats de producteurs de bois, quelle est
votre opinion?
M. LAROCHELLE: En ce qui concerne le mécanisme actuel des offices
de producteurs de bois face aux compagnies et où la régie joue le
rôle d'arbitre, pour le CRD il n'y a pas d'opposition et d'ailleurs il ne
semble pas y en avoir. Mais ce document se situe face à la chose
publique; il concerne les terrains publics, tandis qu'une régie ou un
office de producteurs de bois c'est surtout pour les terrains privés. Or
face à la négociation qu'il y a actuellement on pense, et on nous
l'a répété, que le mécanisme semble bon, en ce qui
concerne les forêts privées et les offices de producteurs.
M. BELAND: Je fais vite parce que nous avons d'autres mémoires
à entendre. En pages 13 et 14 vous parlez beaucoup de la
nécessité de stimuler peut-être les personnes qui ont
à travailler dans différents domaines. Vous parlez de
main-d'oeuvre motivée, compétente et le reste. Vous avez fait
tantôt allusion à la différence qui pourrait exister entre
l'Hydro-Québec et les compagnies telles qu'elles existaient avant dans
ce domaine. Est-ce que vous avez connu, d'après votre expérience,
des entreprises d'Etat ou partiellement contrôlées par l'Etat
où on pouvait trouver des travaillants plus motivés que dans les
entreprises privées?
M. BEDARD: C'est une question assez générale. Je vous
donne mon expérience personnelle. J'ai été 25 ans dans
l'entreprise privée.
Avant ça j'avais été une dizaine d'années
dans le fonctionnarisme, et j'ai trouvé aux deux endroits des gens aussi
motivés à leur travail. Je ne vois pas pourquoi quelqu'un qui est
compétent dans sa discipline ne sera pas un aussi bon fonctionnaire dans
une entreprise publique ou parapublique que dans une entreprise privée.
Je ne vois aucune espèce de raison à ça.
M. BELAND: Je ne veux pas ici faire une remarque générale
à l'effet qu'une personne quittant l'entreprise privée pour le
fonctionnarisme automatiquement devienne moins motivée. Absolument pas,
parce que justement j'ai des idées bien précises
là-dessus, à savoir qu'il reste une certaine quantité de
gens, peu importe l'endroit où ils travaillent, qui vont rester
motivés. Et ça existe dans la forêt, dans certaines
entreprises connexes à la forêt où on essaie de placer les
employés à forfait ou à un certain salaire de base et
à tant la pièce, etc., afin de les motiver, de les stimuler, ce
qui n'existe généralement pas dans les entreprises dites d'Etat
ou paragouvernementales. C'est pour ça que je vous pose la question.
Vous faites grand état ici d'un alliage. Et remarquez que je ne
suis pas contre l'alliage suivant, à savoir que l'on doit davantage
s'occuper de la récréation par la forêt, etc. C'est
entendu. Mais par qui vont être payées les personnes qui vont
travailler sous l'égide d'un comité régional ou
consultatif de développement? Est-ce que les fonds vont provenir
directement de l'Etat? Ou, étant donné que vous avez fait
état qu'il y ait une possibilité que vous serviez d'avocat
populaire, dans certains cas, pour défendre des minorités, est-ce
qu'il va y avoir une demande spécifique pour un remboursement à
la pièce? Ou si c'est complètement à la charge de
l'Etat?
M. BEDARD: Je ne sais pas si je comprends très bien votre
question. Vous avez fait entrer la notion des conseils
spécialisés que nous voulons mettre sur pied. Vous avez
semblé mettre en cause leur financement, etc. Les conseils
spécialisés seront composés d'organismes
intéressés au secteur prévu pour le conseil, et devront
s'autofinancer. Et parce que c'est un processus qui est dans le sens de la
participation qui a été prêchée depuis plusieurs
années, je ne verrais pas d'objection à ce qu'il y ait des
subventions d'appoint. Mais pour ce qui est du financement des conseils
spécialisés, nous nous attendons à ce qu'ils puissent
s'autofinancer pour ce qui est de leur existence.
C'est une partie de la question que vous avez posée.
Pourriez-vous préciser l'autre partie?
M. BELAND: Vous prônez en quelque sorte qu'il y ait des conseils
économiques régionaux répartis à travers toute la
province pour tâcher qu'il y ait un organisme bien spécifique qui
s'occupe de la consultation populaire et une participation au pouvoir de
décision. Vous incluez une certaine quantité
d'éléments. Je ne les énumérerai pas tous, je ne me
les rappelle pas tous.
Mais vous amenez tellement d'éléments à
l'intérieur de tous ces conseils régionaux, à un moment ou
l'autre, qu'il va falloir qu'il y ait beaucoup plus de personnes qui soient
permanentes aux conseils économiques. Vous ne vivez certainement pas
d'amour et d'eau fraîche. C'est pour ça que je vous pose la
question.
M. BEDARD: Les conseils régionaux de développement sont en
place. Il y en a dans les dix régions de la province. Il y a seulement
la région du centre de Montréal qui n'est pas encore
organisée. Actuellement, les conseils régionaux sont le pendant
ou le correspondant de l'OPDQ et nous recevons des subventions à cette
fin. Il y a un budget à l'OPDQ pour les CRD. Mais, dans notre
constitution, comme
CRD-Québec ici, nous prévoyons comme membres des
sous-conseils économiques sous-régionaux comme le Conseil de
développement de la rive sud, le Conseil de développement du
Québec métropolitain, il y en a déjà quatre qui
couvrent à peu près la région. Et on voit aussi à
l'intérieur du CRD des conseils spécialisés et des
organismes qu'on a appelés multisectoriels, qui sont des organismes
comme l'UCC, qui sont actifs dans plusieurs secteurs, les centrales syndicales,
le patronat, etc. Alors, il y a des cotisations de prévues au CRD par
tous ces organismes comme membres du CRD. Est-ce que cela répond
à votre question?
M. BELAND: Oui. Concernant plus précisément ce qu'il y a
à l'intérieur du tome Il du livre blanc des Terres et
Forêts, que pensez-vous des associations régionales des
sylviculteurs?
M. BEDARD: Je ne suis pas spécialiste dans cela.
M. BELAND: Il n'y a pas tellement de choses de précisées
à l'intérieur de votre document à ce sujet-là.
M. BEDARD: En ce qui concerne les associations régionales de
sylviculteurs, nous avons parlé un peu tantôt des groupements
forestiers, qui sont une autre formule. Cela pourrait être simplement une
association réunissant ces groupes, si on peut parler en termes de
groupes.
Selon nous, les associations régionales de sylviculteurs, c'est
une formule qui devrait être appliquée en transformant l'Office
des producteurs de bois déjà existant. Il y aurait
peut-être des réserves du fait que le principal rôle de
l'office est de négocier et exclusivement, actuellement, en tout cas,
dans la région de Québec, au niveau des résineux, mais
cela serait surtout une association qui réunirait des groupes de
sylviculteurs au niveau de sept, huit, dix ou douze municipalités et qui
se motiveraient pour exploiter en commun leurs boisés.
M. BELAND: Il me reste une question. Compte tenu de votre explication,
les associations régionales de sylviculteurs, c'est bien beau, mais si
on retombe les pieds complètement sur terre, il y a quand même
peut-être sept ou huit sylviculteurs dans certaines paroisses, dans
d'autres il n'y en a pas du tout. C'est plutôt de l'agriculture où
il y a quelque peu d'apport de la forêt. A ce moment-là, de quelle
façon voyez-vous cela? Vous allez regrouper, parce qu'il en a
été question, quand une compagnie ce matin a dit que si c'est
inclus dans l'agriculture, il ne faudrait pas l'inclure dans l'association des
sylvitulteurs. Votre point de vue est de savoir comment faire pour que tous les
producteurs sur lots boisés privés soient inclus dans le
système. Parce que si on en sort quelques éléments
les éléments où il y a possibilité de sortir
peut-être le plus de bois tous les autres, les petits,
contraitement à ce que vous disiez tantôt, seraient
drôlement en minorité et non protégés.
M. BEDARD: Selon nous, cultiver la forêt est un métier
aussi important que cultiver des légumes. C'est une culture que nous
considérons comme une profession et, compte tenu de la région de
Québec, qui est composée de terres agricoles et
forestières, nous ne verrions pas pourquoi séparer ces deux
entités, malgré que l'on a préconisé ce matin de
séparer nettement l'un et l'autre. Cela n'a aucun rapport, dans la
région de Québec en tout cas. Quand on parle d'associations
régionales des sylviculteurs, la question que vous vous êtes
posée, à savoir ce qu'est un sylviculteur exactement, nous nous
la sommes aussi posée et nous nous sommes dit: Un sylviculteur est
peut-être une personne qui possède quinze acres de forêt et
50 acres de terre faite, si je peux m'exprimer ainsi. Il s'agira de
déterminer ce qu'est exactement un sylviculteur Selon nous, c'est aussi
cela, c'est aussi une personne qui possède un petit terrain
cultivé en terre faite et une forêt.
M. BELAND: Mais quand vous parlez de sylviculture, vous incluez la
possibilité d'un aménagement également sur les lots de la
couronne.
M. BEDARD: Oui.
M. BELAND: C'étaient mes dernières questions, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT (Carpentier): Au nom de la commission, je remercie les
membres qui ont présenté ce mémoire.
Après consultation, nous devons changer l'ordre chronologique
pour la réception des mémoires. J'inviterais à l'instant
même l'Association des fabricants de meubles du Québec
représentée par M. Gilles Martin, directeur
général, à présenter son mémoire.
Association des fabricants de meubles du
Québec
M. MARTIN: J'aimerais, en premier lieu, remercier les membres de la
Consolidated Bathurst d'avoir bien voulu nous laisser présenter notre
mémoire. J'aimerais aussi présenter les membres de notre
délégation: à ma gauche, M. Clément Cantin, qui a
été acheteur pendant une vingtaine d'années pour
Victoriaville Furniture, et M. Lucien Arcand, également de Victoriaville
Furniture, qui est aussi propriétaire de Victoriaville Specialty et de
Victoriaville Upholstery, à ma droite, M. Guy Laflamme, de
Sainte-Croix-de-Lotbinière, qui est dans le meuble imprimé, et M.
Paul Falcon, de la compagnie Casavant de Saint-Hyacinthe.
Nous avons ici des manufacturiers de bois qui se servent de planches de
bois solides,
comme M. Casavant, du meuble imprimé, contreplaqué. Je
crois que nous représentons assez bien l'industrie du meuble. J'aimerais
maintenant, si vous me le permettez, lire le mémoire que nous avons
préparé à votre intention.
M. LE PRESIDENT: Voulez-vous présenter celui qui a la parole?
M. MARTIN: Excusez-moi. Mon nom est Gilles Martin et je suis directeur
général de l'Association des fabricants de meubles du
Québec.
Dans l'introduction du mémoire vous trouverez quelques remarques
préliminaires sur l'industrie du meuble au Québec. L'industrie
emploie directement plus de 20,000 personnes. L'industrie de fabrication du
meuble est l'une des seules industries canadiennes qui soit presque
exclusivement la propriété de Canadiens et qui soit régie
par eux. La fabrication du meuble est considérée comme l'une des
principales industries pour ce qui est du contenu de la main-d'oeuvre. Un grand
nombre de manufacturiers sont installés dans des centres industriels
plus petits et dans certains cas sont les seules entreprises de quelque
importance dans leur municipalité. Leur apport à l'embauche et
à l'économie de leur région respective est donc
très appréciable.
L'industrie n'a cessé de progresser depuis les dix
dernières années. En général, les compagnies ont
investi dans le développement de la technologie. Finalement, l'industrie
du meuble au Québec est axée sur les produits de bois. Par
exemple, en 1968, le Québec fournissait 72.2 p.c. des mobiliers de
chambre à coucher au Canada contre 21.9 p.c. pour l'Ontario. Quant au
mobilier de bureau en bois, le Québec produit 73.6 p.c. contre 21.3 p.c.
en Ontario. Par contre quant au meuble en métal, le Québec
produit 14.1 p.c. contre 85 p.c. en Ontario. De là l'urgence de fournir
aux manufacturiers québécois la matière première
pour produire leurs meubles et cela à un prix compétitif.
Voici maintenant la situation telle que nous la voyons. Les fabricants
de meubles du Québec ont un urgent besoin de bois d'oeuvre dur.
L'inventaire moyen de bois dur des plus importants fabricants baisse
dangereusement. Les fabricants doivent souvent accepter du bois de
catégories ne correspondant pas à leurs besoins. Ceci a pour
effet de réduire considérablement leur marge de profit si l'on
considère qu'à qualité égale le prix du bois dur a
augmenté de plus de 20 p.c. dans les derniers 12 mois.
A cause de la pénurie de bois dans certaines catégories,
plusieurs compagnies vont acheter en Asie les pièces composantes dont
elles ont besoin. Elles achètent, par exemple, des côtés de
tiroirs en lauan qu'elles font fabriquer à Taiwan et ceci, à un
prix à peu près égal à ce qu'elles payaient
auparavant au Québec.
Comme résultat, il y a une diminution de main-d'oeuvre pour leurs
meubles fabriqués au Québec. Certaines compagnies
prévoyaient prendre de l'expansion, soit en agrandissant ou en
installant des équipes de nuit, mais se voient dans
l'impossibilité de le faire faute de bois. Lors du dernier salon du
meuble de Toronto, en janvier 1972, plusieurs fabricants ont dû refuser
des commandes importantes, entre autres à des clients américains,
ne pouvant garantir leurs livraisons à cause de la difficulté
d'approvisionnement.
Parlons maintenant des besoins. Les besoins annuels en bois d'oeuvre des
fabricants de meubles québécois sont d'environ 100,000,000 de
pieds mesure de planche. L'érable, 25 p.c; le merisier, 65 p.c. Les
qualités les plus en demande sont le 1 et 2 communs et les
épaisseurs sont 4/4, 5/4, 6/4 et 8/4 pouce.
L'Association des fabricants de meubles, ainsi que les fabricants
qu'elle représente ici est consciente qu'il relève de la
responsabilité de son gouvernement de protéger nos richesses
naturelles, de les utiliser le plus rationnellement et de la façon la
plus rentable pour la société québécoise.
Toutefois, elle est aussi convaincue qu'une solution immédiate peut
être apportée par le ministère de l'Industrie et du
Commerce et le ministère des Terres et Forêts pour régler
ce problème urgent.
Solutions. Nous proposons à cet effet les solutions suivantes qui
doivent régler ce problème d'approvisionnement à court
terme : 1-Que les scieries soient obligées d'offrir leur bois en premier
choix aux industries de transformation locales; 2-Que le ministère des
Terres et Forêts élargisse temporairement les droits de coupe. Si
cette action avait pour effet de mettre en danger les approvisionnements
futurs, un travail de recherche pourrait être entrepris pour trouver des
substituts. 3-Que le nom des scieries qui ne respectent pas leurs contrats soit
porté à l'attention du ministère. Nous savons, par
exemple, que les scieries canadiennes vendent pour 100,000,000 de pieds mesure
de planche aux Etats-Unis à gros prix. Le bois ainsi exporté
représente environ .03 d'heure-pied de travail par rapport à 0.17
heure-pied lorsqu'il est utilisé pour la fabrication du meuble par la
main-d'oeuvre québécoise. 4-Une autre solution à
très court terme serait d'inciter les fermiers à fournir aux
scieries de leur région les essences dont nous avons besoin. Ceci,
cependant, nécessiterait une coordination et un contrôle
très étroit de la part des ministères concernés.
Afin de planifier à plus long terme, il faudrait aussi considérer
les aspects suivants: 5-La création d'un comité interindustriel
pour renseigner les fournisseurs et le gouvernement sur les besoins du secteur
meuble et ce, à un prix permettant à cette importante industrie
non seulement de survivre, mais de grossir. 6-Que soit établie une
politique rationnelle de nos ressources en bois et, si besoin est, qu'un
embargo soit décrété sur les essences qui sont
utilisées par les industries secondaires.
Un regard rapide sur les statistiques ci-jointes nous permet de
réaliser que l'industrie québécoise du meuble consomme
à elle seule plus de la moitié de la production de bois dur du
Québec et le tiers de la production canadienne. Par contre, les
exportations canadiennes de bois dur égalent à peu près
notre consommation. 7-Que les manufacturiers de meubles, par leur association,
puissent obtenir des garanties d'approvisionnement des essences
nécessaires selon leurs besoins présents et futurs. 8-La
politique de reboisement du ministère devra tenir compte de la demande
grandissante, en particulier de bois franc, pour cette importante industrie
secondaire.
A l'aide du présent mémoire, nous espérons que le
ministère des Terres et Forêts, conjointement avec les autres
ministères concernés, pourra apporter des solutions, tant
à court terme qu'à long terme, de façon à
éviter un contrecoup qui pourrait être néfaste à cet
important secteur de l'économie québécoise.
Nous sommes prêts à répondre à vos
questions.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Terres et Forêts.
M. DRUMMOND: Merci, M. Martin, d'être venu ici, cet
après-midi, pour nous donner un exposé des problèmes
auxquels votre industrie doit faire face.
Avant de poser mes questions, je veux dire qu'actuellement, le
ministère de l'Industrie et du Commerce, de concert avec le
ministère des Terres et Forêts, étudie l'ampleur des
problèmes, mais on va vous convoquer plus tard aussi pour discuter
certaines modalités ou rechercher avec vous certaines solutions à
long terme, à vos problèmes.
Maintenant, le député du Lac-Saint-Jean aurait des
questions à poser de notre part.
M. PILOTE: M. Martin, quel est le nombre, selon vous, de fabricants de
meubles du Québec qui font partie de votre association?
M. MARTIN: Il y a cent quarante manufacturiers qui font partie de notre
association, ce qui représente de quinze à vingt pour cent du
nombre de manufacturiers puisqu'il y a beaucoup de compagnies
considérées manufacturières avec deux ou trois
employés seulement. Mais si vous regardez au point de vue de la valeur
de la production, nos manufacturiers membres représentent 80 p.c. de la
valeur de la production de meubles faits au Québec.
M. PILOTE : Vous avez dit tout à l'heure que l'ensemble de
l'industrie du meuble employait environ dix mille personnes, si ma
mémoire est bonne.
M. MARTIN: Vingt mille.
M. PILOTE: Vingt mille personnes. Mainte- nant, aujourd'hui, en
septembre 1972, est-ce que les problèmes que vous soulevez dans votre
mémoire sont exactement ceux que vous aviez en 1971, ou 1970 ou est-ce
qu'il y a eu une amélioration?
M. MARTIN: Est-ce que je pourrais demander à M. Arcand de
répondre?
M. ARCAND: M. le Président, il y a un an et demi, deux ans, au
cours de la récession économique, nous, de l'industrie du meuble,
et un peu partout aussi, avions un inventaire assez important dans nos cours
à bois ainsi que des scieries. Mais aujourd'hui, nous constatons qu'avec
les activités de la construction, reprises depuis un an et demi, les
inventaires des manufacturiers de meubles sont pratiquement inexistants et les
scieries attendent les billots pour les scier.
Comme exemple, je pourrais mentionner notre cas personnel. Nous avons
une capacité de séchage d'environ 175,000 pieds par semaine et,
au mois d'août, lorsque nous sommes partis pour l'exposition, nous avions
12,000 pieds de 4/4 verts à entrer dans nos chaufferies. C'est dire que
notre acheteur doit solliciter de part et d'autre, à n'importe quel prix
et à n'importe quelle sorte de grade, pour pouvoir faire fonctionner nos
chaufferies, pour maintenir la main-d'oeuvre et pour pouvoir remplir les
commandes. La situation à l'heure actuelle est empirée parce que
la demande de meubles est grande. Je crois que, lorsque la manne passe, il faut
la prendre. Les gouvernements ont fait leur possible pour augmenter la
construction. La construction, quand elle marche, tout marche. C'est le
résultat, le rebondissement qu'on a de ce que le gouvernement a fait
pour l'économie du pays dans le domaine de la construction.
M. PILOTE: Mais ici, il y a quand même un problème
d'échange américain. On dit que les Américains paient plus
cher pour le bois québécois que les industries
québécoises peuvent payer, pour une même qualité de
bois. Quelles sont les raisons par lesquelles vous expliqueriez ce
phénomène?
M. ARCAND: A l'heure actuelle, le rapport mentionne 20 p.c. Mais il faut
dire que pour pouvoir obtenir assez de bois, nous sommes obligés
d'acheter des qualités que nous n'avions pas l'habitude d'acheter.
Lorsqu'on achetait un pourcentage de 50 p.c-60 p.c. de deux communs et d'un
commun, à l'heure actuelle, on est obligé de prendre toute la
livraison de billots pour pouvoir satisfaire aux exigences, ce qui augmente
d'une manière effarante le coût de la matière
première dans le domaine du bois.
D'ailleurs, j'ai ici les statistiques qui ont été
compilées. En ce qui nous concerne, nous avons l'augmentation
comparative avec les achats que nous faisions il y a un certain temps. On
payait, en 1971, du 2 commun, $125 pour le 4/4, et $140, $145, $160 pour les
5/4, 6/4 et 8/4, et
nous sommes rendus à payer, pour la même essence de bois,
$175, $185, $190 et $200. Ce qui veut dire environ 65 p.c. à 70 p.c. de
plus pour le même degré.
M. PILOTE: Est-ce que cette raison d'augmentation du prix d'achat du
bois n'est pas un pourcentage de profit qui irait aux courtiers? Est-ce que
vous préférez acheter du propriétaire, du coupeur de bois
lui-même ou si vous préférez passer par le courtier?
M. MARTIN: Présentement, il faut accepter le fait que l'industrie
du meuble, avec le nombre de manufacturiers, n'a pas toujours travaillé
en étroite coopération. Il y avait des manufacturiers qui
allaient chercher le bois où ils pouvaient le trouver. Le mémoire
qu'on a présenté, je pourrais revenir à votre question
tout à l'heure, démontre, c'est notre façon de voir les
choses, qu'on est mal pris en fait d'approvisionnement de matière
première. On s'aperçoit qu'aux Etats-Unis et au Canada, la
demande de meubles va être très forte dans les années qui
viennent. Dans les six prochaines années, on s'attend, aux Etats-Unis,
de doubler la capacité de production des manufacturiers
américains. On ressent la même chose ici. Avec le ministère
de l'Industrie et du Commerce, on a ouvert de nouveaux marchés pour le
meuble.
Le Québec est reconnu, au Canada on l'a mentionné
dans le mémoire comme la meilleure province pour faire du
mobilier de bois. Nous avons ici une étude, qui a été
compilée par le gouvernement ontarien, qui prouve la force du
Québec dans ce domaine. Maintenant nous sommes dans une position
où on sait que la capacité de production de nos gens va pouvoir
répondre à la demande, grossir notre rendement. Le marché
va être là. On est en train de développer de nouveaux
marchés, mais il faut pouvoir compter sur la matière
première et spécialement sur le bois. Sans ça, on ne peut
pas répondre à la demande.
M. PILOTE: Cela ne répond pas à la question que je vous ai
posée. Est-ce que vous préférez négocier avec le
producteur de bois d'oeuvre directement ou si vous préférez
négocier avec les courtiers? Est-ce que le fait de négocier avec
les courtiers a une influence sur la quantité disponible de bois et sur
les prix du même bois?
M. LAFLAMME: Disons qu'en tant qu'industrie, on préfère
négocier directement avec les scieries.
Evidemment il y a des scieries qui négocient directement avec les
manufacturiers, dont nous sommes et probablement d'autres. Il y a
également d'autres petites scieries qui sont beaucoup plus petites que
d'autres et qui, question de financement ou beaucoup d'autres raisons, vendent
leurs coupes en entier à des courtiers lesquels les distribuent suivant
leur bon vouloir.
Ces courtiers sont en affaires comme tout le monde et vont être
portés à vendre au plus offrant. Le marché
américain, étant en pleine expansion, de même que le
marché japonais, qui a fait des siennes pendant un bout de temps,
maintenant ça semble arrêté, pouvaient se permettre
d'acheter le bois des courtiers à des prix tout à fait
fantastiques.
Alors, devant la montée en flèche des prix ce n'est
pas une cachette, les prix du bois ont monté d'environ 50 p.c. dans
notre cas il va sans dire que nos coûts de production sont
affectés. Il faut tout de même penser qu'on demeure dans un
marché compétitif et qu'il est assez difficile pour nous de faire
face à la compétition devant des augmentations semblables.
De plus, le meuble canadien est en très forte demande. Egalement,
avec le ministère de l'Industrie et du Commerce, tant provincial que
fédéral, nous avons développé un marché
d'exportation. Notre usine produit à l'heure actuelle 1,200 mobiliers de
chambre à coucher par semaine. Nous aurions la possibilité d'en
produire 1,500, mais nous n'avons pas la matière première pour le
faire. Nous aurions les facilités de production, la main-d'oeuvre serait
disponible, mais faute de bois nous ne pouvons pas nous le permettre. A l'heure
actuelle, nos inventaires sont d'environ quatre semaines. Alors, si on augmente
la production, cela va prendre plus de bois et nos inventaires vont tomber
à deux ou trois semaines. A ce moment-là, c'est tellement
marginal que nous ne pouvons même pas nous permettre de penser faire de
l'expansion.
M. PILOTE : Vous voulez dire que dans votre alimentation il y a un
problème de prix si cela...
M. LAFLAMME: Un problème de prix... M. PILOTE: Et un
problème de quantité.
M. LAFLAMME: ... et un problème de quantité.
M. PILOTE: Pour ma part les questions sont terminées.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Nicolet.
M. VINCENT: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
l'association d'avoir présenté ce mémoire. En ce qui me
concerne, je crois bien que nous sommes plus particulièrement
touchés dans le centre du Québec par l'industrie du meuble qui
emploie des milliers de personnes, soit un total de 20,000 personnes dans la
province. Nous avons été très heureux d'apprendre du
ministre que très prochainement il y aurait une rencontre au niveau de
l'association, des ministères de l'Industrie et du Commerce et des
Terres et Forêts pour trouver une façon de
planifier encore mieux l'approvisionnement des années et des mois
à venir.
Avant de parler du fond du mémoire, dans l'introduction vous
donnez des exemples. En 1968, le Québec fournissait 72.2 p.c. des
mobiliers de chambre à coucher au Canada contre 21.9 p.c... et en 1968,
dans tout ce qui concerne le mobilier de bois, on est toujours à 70 p.c,
72 p.c. Est-ce que ces chiffres sont encore les mêmes en 1972?
M. MARTIN: Oui.
M. VINCENT: Sinon à peu près les mêmes.
M. MARTIN: Je lisais les statistiques, qui ont été prises
dans une étude du gouvernement ontarien. Pour votre information, en
1900, l'Ontario produisait 80 p.c. du mobilier de bois. C'est une industrie qui
date d'assez loin. En 1950, cela avait baissé à 50 p.c. et
maintenant, avec le dynamisme de certains manufacturiers au Québec, nous
avons dépassé l'Ontario, nous spécialisant surtout dans le
bois.
M. VINCENT: Est-ce que l'Ontario a ce faible pourcentage à cause
d'un manque d'approvisionnement?
M. ARCAND: Je ne crois pas.
M. MARTIN: Je pense que l'Ontario n'a pas su répondre à la
demande des marchés. Après la seconde guerre mondiale, il y avait
un besoin de meubles à bon marché. Plusieurs manufacturiers de
meubles du Québec sont issus des scieries. Les types, de là, se
sont lancés dans le meuble.
M. VINCENT: En ce qui concerne le meuble en métal, on voit que le
Québec ne produit que 14.1 p.c. et l'Ontario 85.1 p.c. C'est simplement
une observation. N'y aurait-il pas lieu qu'immédiatement votre
association, avec le ministère de l'Industrie et du Commerce, fasse une
étude encore plus exhaustive de ce marché qu'est le meuble de
métal? En ne laissant pas de côté le meuble de bois, nous
pourrions greffer à certaines de nos industries
québécoises une spécialité dans le meuble de
métal pour qu'un jour nous puissions donner autant d'emplois dans le
meuble de métal que nous en donnons dans le meuble de bois.
M. MARTIN: Le meuble de métal se situe à deux niveaux: le
mobilier de bureau et ce qu'on appelle les "dînettes", les ensembles de
cuisine. L'Ontario est très forte là-dedans. Elle a plus
d'industries primaires de métal que nous en avons ici.
Il faudrait que je vous dise que depuis quelques années, si vous
remarquez dans les complexes G et H, le mobilier qui a pris de l'ampleur est le
mobilier de bois. Aux Etats-Unis, les manufacturiers du Québec, pour le
mobilier de bureau des compagnies assez sophis- tiquées, trouvent de
très forts débouchés. Les manufacturiers de meubles de
métal végètent, parce qu'il y a assez de concurrence aux
Etats-Unis dans le meuble de métal. Mais, nous dans le bois, nous sommes
assez forts. Et il y a la qualité dans le bois que l'on ne retrouve pas
dans le métal.
M. VINCENT: D'ailleurs dans votre publicité je pense que vous le
mentionnez.
M. MARTIN: Oui.
M. VINCENT: Quand nous allons à la page 2, vous dites: Lors du
dernier salon du meuble à Toronto, nous avons dû refuser plusieurs
commandes de compagnies ou de clients américains. Est-ce que nous
pouvons avoir, pour le bénéfice des membres de la commission,
l'ordre de grandeur en argent de ces commandes qui auraient été
perdues? Et également ce que ça aurait pu avoir comme impact au
niveau de la création d'emplois? Et Dieu sait combien nous en avons
besoin, parce que nous ne sommes pas encore rendus à 100,000 au
Québec.
M. MARTIN: Je vais demander à M. Laflamme, parce qu'il a
vécu l'expérience, peut-être les frustrations aussi.
M. LAFLAMME: Disons qu'en ordre de grandeur et de chiffres un client
américain, entre autres, était prêt à prendre deux
wagons de meubles par semaine.
Evidemment, il fallait augmenter la production afin de pouvoir lui
fournir ces meubles. Devant le manque de matière première, nous
avons été obligés de refuser.
M. VINCENT: C'est pour telle industrie, cela.
M. LAFLAMME: Je parle de mon cas personnel. Cela s'est
multiplié.
M. VINCENT: Un wagon d'une valeur approximative de combien?
M. LAFLAMME: D'à peu près $10,000. Cela
représentait deux wagons par semaine, $20,000. Mais, encore là,
ce sont des commandes que nous aurions pu prendre et que nous n'avons pas
prises...
M. VINCENT: A cause d'un manque de matière première.
M. LAFLAMME: ... parce que nous ne pouvions pas les fournir. A l'heure
actuelle, à notre usine de Laurierville, nous pourrions créer 40
nouveaux emplois demain matin, en ayant le bois pour pouvoir produire. Nous
avons la machinerie, la bâtisse, le personnel, les demandes d'emplois.
Nous avons tout cela en main, mais nous n'avons pas le bois.
M. VINCENT: Comme le disait M. Arcand tout à l'heure, il y a eu
des stockages dans les cours qui vous ont permis de reprendre les
activités, mais, là, cela diminue considérablement. Est-ce
que cela peut même amener des mises à pied dans certains cas?
M. ARCAND: Nous sommes venus bien près de faire des mises
à pied durant l'exposition. Nous avons retardé, nous avons
entré certaines essences dans les chaufferies. Il s'agissait de
certaines épaisseurs qui n'étaient pas destinées à
la production. Nous ne voulions pas que ce bois soit endommagé durant le
temps de la vente de l'exposition. Cette semaine-là, nous sommes
parvenus à obtenir quelques voyages ici et là. Mais c'est une
situation qui ne peut pas durer, parce que nous sommes au seuil de la
catastrophe. S'il fallait que, demain matin, nous disions: Nous fermons l'usine
parce que nous manquons de bois, voyez-vous les unions partir et tout le
tralala.
M. VINCENT: Maintenant, tout en étant conservateur sans
aucune allusion à la politique fédérale
présentement, vous employez 20,000 personnes dans la province de
Québec. Si vous aviez une assurance d'approvisionnement à court
et surtout à long terme, cela pourrait augmenter de combien? On a
parlé de 40 pour une industrie à
Sainte-Croix-de-Lotbinière. J'ai entendu dans ma région un autre
type qui disait qu'il pouvait aller à 50 personnes de plus. Cela
représente combien de milliers de personnes de plus qui pourraient
être employées au Québec dans l'industrie du meuble?
M. FALCON: Il est assez difficile de donner un chiffre pour l'industrie
au total. Pour l'industrie que je représente, Casavant et Frères
j'aimerais mentionner qu'en février 1972 nous avons dû
réduire la production de notre division bois de 19 p.c. par manque de
bois. Nous avions, à ce moment-là, en inventaire à peu
près pour quatre jours de matériel. Nous avons examiné
à plusieurs reprises la possibilité de doubler la production de
notre division bois qui emploie actuellement environ 75 personnes. Vu la
situation dans le domaine de l'approvisionnement de bois, nous n'osons pas,
à moins d'avoir des garanties à long terme, faire le pas qui nous
permettrait de créer 70 à 75 emplois.
M. VINCENT: Donc, nous avons l'industrie et les compétences. En
ce qui vous concerne, c'est un problème d'approvisionnement. Nous avons
même les marchés.
M. MARTIN: Excusez. Si vous voulez les chiffres pour l'industrie, la
Chambre de commerce de Montréal a posé à peu près
la même question.
On a répondu que dans les six prochaines années, cola
créerait environ 5,000 emplois.
Vous comprenez que les 20,000 personnes ne sont pas 20,000 ouvriers dans
les usines, il y a aussi le personnel de cadre, les vendeurs, etc. Avec les
projections et la demande de meubles qui va exister, nous croyons que
l'industrie du meuble est une industrie de pointe, parce qu'elle s'ouvre
à de nouvelles technologies, parce qu'elle crée aussi beaucoup
d'emplois. Il s'agit de définir nos priorités, mais nous avons
répondu que cela crérait à peu près 5,000
emplois...
M. VINCENT: Vous auriez fait votre part, à ce
moment-là.
M. MARTIN: ... additionnels, si nous répondons à la
demande qui existe maintenant. En tout cas, on va essayer.
M. VINCENT: Donc, vous avez le marché, vous avez les
compétences, mais il vous manque des matières premières et
vous proposez des solutions. La première solution est que les scieries
soient obligées d'offrir leur bois en premier choix aux industries de
transformation locale. J'aimerais qu'on explique un peu plus cette obligation
qu'on ferait aux scieries.
M. ARCAND: Si vous permettez, M. le Président, il y a
déjà eu des précédents et je crois que cette
politique semble s'être avérée fructueuse puisque, dans le
domaine du bois de déroulage, les compagnies avaient un problème
et on l'a réglé en émettant une concession
forestière quelconque et en donnant un pourcentage aux compagnies de
déroulage.
Si on se compare avec les compagnies de déroulage, on emploie
environ 5 à 7 mains contre une dans le déroulage. Si on avait le
pourcentage requis pour produire ce qu'on doit produire, cela réglerait
vite le problème immédiat. Je comprends qu'il y a tous les autres
éléments qu'on a mentionnés dans le rapport, comme le
prix, en passant par les intermédiaires, qui en profitent, quand le bois
est rare, etc. L'idée de base est que vous l'avez déjà
fait dans un secteur qui emploie la FAS, la partie qu'on n'emploie pas, nous.
C'est un procédé que je crois recommandable.
M. VINCENT: Dans le cours de vos activités
régulières, avec l'expérience que vous avez, est-ce qu'il
vous arrive quelquefois de découvrir une scierie qui ne connaissait pas
vos besoins, qui avait un stock?
Les scieries sont-elles complètement informées de vos
besoins? Vous avez des personnes qui visitent régulièrement les
scieries. Je ne parle pas des compagnies mais, de façon
générale, est-ce que l'Association des fabricants de meubles a un
organisme assez bien structuré pour faire une certaine publicité
et de la planification auprès des industries, même, à ce
moment-là, en collaboration avec le ministère de l'Industrie et
du Commerce?
Je pense qu'il y a un potentiel. Si ce n'est pas assez bien
planifié, c'est assez difficile de prévoir six mois ou un an
à l'avance ce que les scieries pourraient vous offrir. Est-ce qu'il n'y
aurait pas un rôle que le ministère de l'Industrie et du Commerce
pourrait jouer dans ce domaine-là? Est-ce qu'il le joue?
M. MARTIN: Ce problème nous a pris par surprise. Je crois aussi
que les scieries ont passé à travers le même
problème. Nous avons rencontré, à quelques reprises,
l'Association des manufacturiers de bois de sciage. Nous lui avons fait
parvenir nos demandes; M. Baril a coopéré en faisant parvenir les
demandes des manufacturiers à ses membres. On le mentionne dans le
mémoire, il faut établir des contacts plus étroits, en
tant que manufacturiers, avec les scieries.
Mais, on revient à votre point, en tant qu'industrie secondaire
il faudrait être capable de se servir dans le patrimoine du Québec
pour le bois. On devrait avoir la chance de se servir des matières
premières.
M. VINCENT: Maintenant, juste un point. Est-ce que l'Association des
fabricants de meubles est en mesure, avec le ministère de l'Industrie et
du Commerce, de placer des commandes pour les six prochaines années de
façon assez certaine? Autrement dit, est-ce que vous fonctionnez
présentement au jour le jour ou si vous êtes en mesure de dire:
Voici, dans l'industrie du meuble, après avoir fait la compilation de
chacune de nos industries, nous prévoyons, à 10 p.c. près,
tel volume et nous allons informer les scieries en conséquence? Quitte
même à vous préparer une réserve.
M. MARTIN: Oui, nous serions prêts à préparer
cet...
M. VINCENT: Et cela touche le ministère de l'Industrie et du
Commerce, je pense que cela peut se faire avec le ministère de
l'Industrie et du Commerce. En ce qui touche le ministère des Terres et
Forêts, quand vous dites: "Que le ministère des Terres et
Forêts élargisse temporairement les droits de coupe..." à
ce moment-là, est-ce que vous préconisez que des droits de coupe
annuels je crois que c'est dans le livre blanc soient
donnés à chacune de vos industries ou si vous avez l'intention
d'en arriver, un jour, à avoir un réservoir, chacune des
industries se servant des scieries, les agriculteurs, les producteurs
privés? Il s'agit d'en arriver un jour à avoir un organisme qui
serait formé de tous les membres de l'association, et que cet organisme,
qui serait un réservoir pour les industries, obtienne, lui, un droit de
coupe du ministère des Terres et Forêts pour
qu'éventuellement ce soit votre réserve. Est-ce qu'il est
possible d'en arriver là?
M. LAFLAMME: C'était un peu notre idée qu'il y ait un
réservoir de feuillus à la disposi- tion de l'Association des
manufacturiers de meubles de la province de Québec, non pas à la
disposition de telle usine ou de telle autre usine, ce qui créerait de
la chicane. Advenant que les scieries aient les disponibilités et le
bois nécessaire pour nous fournir, disons qu'on utilisera ce qu'elles
produiront. Advenant le cas où il y a un manque de bois flagrant, comme
cela se présente actuellement, évidemment, par des discussions
entre l'Association des manufacturiers de meubles et l'Association des
manufacturiers de bois de sciage, on pourrait faire en sorte que tel ou tel
concessionnaire aille couper dans ce réservoir afin de fournir les
industries qui, elles, présenteront leur demande à l'association
qui redistribuera à travers ses membres, suivant leurs besoins.
M. PILOTE: Est-ce que le député de Nicolet me permettrait
une question?
M. VINCENT: Oui.
M. PILOTE: Quel est le nombre de fabricants de meubles qui
possèdent en propre leur industrie de bois de sciage parmi votre
association?
M. LAFLAMME: Cela ne représente pas 1 p.c. Peut-être trois
sur cinq cent et quelques manufacturiers.
M. PILOTE: Est-ce que vous trouvez que la possibilité
d'intégration des scieries, face à une industrie du meuble...
M. LAFLAMME: On vient avec un problème d'intégration. Nous
sommes des manufacturiers de meubles, nous ne sommes pas des scieries ou des
exploitations forestières. Franchement, en toute honnêteté,
on ne connaît pas ça.
M. PILOTE: Parfait.
M. LAFLAMME: Evidemment, ce n'est pas notre métier. Notre
métier est de faire des meubles et pour faire des meubles, ça
nous prend du bois.
M. VINCENT: Si l'industrie du sciage était en mesure de vous
garantir un approvisionnement, vous ne seriez pas intéressés
à faire de l'exploitation forestière.
M. LAFLAMME: Non.
M. VINCENT: Est-ce qu'il y a une question de prix?
M. LAFLAMME: Mais oui.
M. VINCENT: Tout à l'heure, j'ai remarqué que M. Arcand a
dit qu'à certains moments on était même obligé
d'aller chercher du bois à n'importe quel prix, qu'on était
pris.
M. LAFLAMME: Je peux vous donner un exemple. Ici, il y a un morceau de
bois qui s'appelle duramen; cela vient du Brésil. On importe cela pour
faire des meubles, à l'heure actuelle. On importe également du
lauan qui vient de Taiwan.
UNE VOIX: En grosse quantité?
M. LAFLAMME: Quelle quantité? On a importé
dernièrement 600,000 pieds de lauan. Ecoutez, il faut bien qu'on
travaille avec quelque chose.
M. VINCENT: Est-ce que c'est dans toutes les régions ou s'il y,a
des régions ou le problème n'existe pas du tout?
M. LAFLAMME: Le problème est général dans
l'industrie du meuble. Il y a peut-être quelques exceptions, soit les
quelques industries qui ont des petites scieries autour d'elles et qui n'ont
pas de problèmes. Le problème est général dans
l'industrie du meuble.
M. VINCENT: Plus spécifiquement, est-ce que les coupes annuelles
proposées dans le livre blanc, tome Il, pourraient régler quelque
peu votre problème dans des cas extrêmes, même si vous
n'avez pas l'intention d'être exploitants? On propose des coupes
annuelles dans des régions bien déterminées, pour des
besoins bien spécifiques.
M. LAFLAMME: Disons que cela nous aiderait. A court terme, s'il y avait
un élargissement de coupe, cela mettrait plus de bois sur le
marché. Je pense qu'on ne se ferait pas prier pour le prendre. A long
terme, il faudrait en venir à une solution où on n'est pas
toujours à la dernière planche ou face à des conditions
économiques qui font que, s'il y a eu un mauvais hiver, il y a moins de
bois et tout ça. Si nous avions une réserve sur laquelle nous
pourrions compter, cela nous permettrait de planifier à plus long terme
et d'être assurés d'avoir notre matière première. Ce
serait alors moins coûteux de faire l'investissement, de créer des
emplois, d'agrandir des industries. Quand vous êtes toujours à la
dernière planche, aller investir des $100,000, alors qu'il n'y a plus
rien pour faire marcher l'usine, ce n'est pas intéressant.
M. VINCENT: Quand vous êtes à la dernière planche,
vous ne pouvez pas marcher "à la planche", comme on dit.
J'aurais plusieurs autres questions, mais, comme l'heure avance, une
toute dernière question. Vous dites: "Une autre solution à
très court terme serait d'inciter les fermiers à fournir aux
scieries de la région les essences dont nous avons besoin."
J'aimerais bien qu'on précise cela un peu plus.
M. MARTIN : Nous en avons discuté ce matin. Le seul commentaire
que nous aurions, c'est que ce mémoire-là a été
présenté il y a quelque temps. Nous en avions discuté avec
des types de l'Industrie et du Commerce et nous pensions que cela était
une solution. Je pense qu'ensemble nous pourrions voir si c'est valable.
M. VINCENT: Est-ce que ce serait une question de transport?
M. MARTIN: Non. Nous pensions que les fermiers avaient la
possibilité de sortir du bois franc dans leur cour, de l'érable
ou du merisier.
M. LAFLAMME: Pour nous les terres à bois des fermiers
représentaient beaucoup plus de bois que cela n'en représente en
réalité.
Souvent, vous passez sur la route et vous voyez une terre à bois,
mais vous ne savez pas quelle est sa largeur. Nous nous sommes aperçus
que cela représentait beaucoup moins de bois que cela pouvait
paraître de prime abord.
M. VINCENT: M. le Président, je remercie à nouveau, pour
ma part, l'Association des manufacturiers et, encore une fois, je remercie le
ministre, même s'il a dû s'absenter. D'ailleurs, il nous l'a dit
qu'il devait s'absenter à six heures et nous avons quand même
voulu continuer. Je suis parfaitement d'accord, M. le Président, qu'on
doive continuer pour terminer les questions en ce qui concerne l'Association
des manufacturiers de meubles.
M. LE PRESIDENT: Sur le même sujet, juste une question de
l'honorable député du Lac-Saint-Jean.
M. PILOTE: Tantôt, M. Martin, vous mentionniez que les courtiers
faisaient en sorte que le prix du bois soit plus élevé que si
vous l'achetiez directement de la scierie. J'ai demandé à M.
Lafrance s'il était intéressé à
l'intégration de l'industrie du meuble à l'industrie de
l'exploitation du bois. Ne trouvez-vous pas que ce serait une solution pour
éliminer le courtier qui vous coûte X dollars le 1,000 pieds de
bois?
M. LAFLAMME: Il y aurait peut-être une autre solution. A l'heure
actuelle, le courtier sert d'intermédiaire entre la scierie et le
manufacturier de meubles. Si les scieries, par leur association, entraient
directement en contact avec l'Association des manufacturiers de meubles, on
atteindrait exactement le même but. Eux garderaient leurs scieries et
nous, nous garderions nos manufactures de meubles. Nous aurions le même
contact direct et nous éliminerions le courtier, de la même
manière.
M. PILOTE: Est-ce qu'une telle rencontre a eu lieu
déjà?
M. LAFLAMME: Il y a déjà eu deux rencon-
tres préliminaires avec l'Association des manufacturiers de bois
de sciage. Evidemment, c'est préliminaire.
M. PILOTE : Très bien.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Lotbinière.
M. BELAND: Je félicite également l'Association des
fabricants de meubles du Québec d'avoir bien voulu nous présenter
un mémoire qui est très révélateur et très
réaliste.
On n'a qu'à circuler à travers la province pour constater
qu'il y a des problèmes véritables dans l'industrie du meuble au
niveau des deux principaux sujets que vous avez énumérés,
soit le prix et l'approvisionnement possible.
Je tiens à faire remarquer d'une façon bien
spéciale que, parmi le groupe, je suis fier qu'il y ait un concitoyen du
comté de Lotbinière, M. Laflamme. Il y a eu plusieurs questions
que j'aurais voulu poser, entre autres une du député de Nicolet
et sur laquelle je reviendrai un instant. A la page 3, dans les solutions, on
demande que les scieries soient obligées d'offrir leur bois en premier
choix aux industries de transformation locales. Est-ce que vous pourriez
expliquer davantage le mécanisme que vous proposez?
M. LAFLAMME: A l'heure actuelle il y a, je ne sais pas si c'est une loi
ou un règlement je ne le connais pas par coeur qui dit que
les scieries, quand elles coupent des billots, sont obligées d'offrir un
pourcentage de 20 p.c. à l'industrie du déroulage, afin qu'on
puisse faire du déroulage. Si un règlement ou une loi semblable
était adopté, les scieries seraient obligées d'offrir un
certain pourcentage, qui serait discuté, de leur coupe de bois à
l'industrie du meuble.
M. BELAND: Pour le même prix et la même qualité?
M. LAFLAMME: Oui.
M. BELAND: C'est une suggestion qui mérite d'être
étudiée. J'ai une deuxième et dernière question. On
a souvent relaté dans le passé que les grandes concessions
possédées ou acquises par une certaine quantité
d'industries forestières à travers la province faisaient en sorte
de limiter la possibilité d'approvisionnement, dans les régions
limitrophes, de fabricants de meubles. Est-ce que ce fut un problème
dans le passé? Est-ce qu'il vous a été possible de
transiger de façon raisonnable avec les compagnies de pâtes et
papiers qui détiennent ces concessions?
M. LAFLAMME: Il n'y a eu aucune transaction de faite avec les compagnies
de pâtes et papiers. Premièrement, les pâtes et papiers font
des billots, et souvent elles ne les coupent pas mais les donnent à
couper à des scieries qui, elles, passent par derrière et coupent
les feuillus.
Evidemment, ces feuillus s'en vont aux scieries, qui les vendent. Mais
les industries de pâtes et papiers ne font pas de coupes de bois de
feuillus comme telles, de bois de sciage.
M. BELAND: Dans l'ensemble de la population, on est porté
à dire que les compagnies de pâtes et papiers auraient un peu nui
aux possibilités d'approvisionnement des fabricants de meubles ou
d'autres industries semblables aux vôtres. C'est pour cela que je posais
la question bien précise.
M. FALCON: C'est assez difficile pour les représentants de
l'industrie du meuble de répondre à cette question pour la simple
raison qu'on ne traite pas, excepté peut-être quelques rares
exceptions, directement avec les compagnies de papiers. Nous traitons avec les
scieries, qui, elles, traitent avec les détenteurs de droits de coupe.
C'est assez difficile pour nous de répondre d'une façon
intelligente à cette question.
M. BELAND: J'espère que la législation qui suivra les
tomes I et Il apportera des solutions à vos problèmes. Pour ma
part, je vous remercie.
M. VINCENT: Une dernière question, si vous me le permettez. On a
soulevé plusieurs fois la question des exportations de bois. On affirme
qu'au Québec le merisier, l'érable diminuent d'année en
année. Est-ce que l'association a fait des représentations assez
substantielles auprès du gouvernement fédéral pour couper
l'exportation de cette matière première qui pourrait servir
à créer des emplois au Québec?
M. LAFLAMME: Il y a eu de la correspondance envoyée à MM.
Pepin et Marchand, ministre de l'Expansion économique régionale
à cet effet. On dit qu'il y a beaucoup d'exportation; pour donner un
exemple concret, il y a une scierie près de Armstrong, avant d'arriver
à Jackman, où le bois est coupé au Canada. Le type produit
environ 1,000,000 de pieds de bois par année, le tout est vendu à
Atlantic Lumber à Boston. Mais vous avez des industries de bois comme la
Corporation Baronet, qui est située à Sainte-Marie de Beauce, qui
court après le bois. Elle est allée et on lui a répondu
qu'il n'y avait rien à faire, d'aller acheter le bois à Boston.
Je ne sais pas si cela répond à votre question.
M. VINCENT: Est-ce qu'il est possible qu'il y ait une intervention
fédérale assez prochainement sur cette question d'exportation, M.
Arcand?
M. ARCAND: C'est une hache à deux tranchants.
M. VINCENT: C'est pour cela.
M. ARCAND: Il y a de l'exportation et de l'importation aussi.
C'est un domaine où il faut faire une étude très
approfondie avant de poser un geste. Cela peut amener des embargos, si on veut
faire un embargo quelconque, sur le contreplaqué qui nous vient des
Etats-Unis et sur d'autres essences que nous n'avons pas au Canada et qu'on
fait venir des Etats-Unis. C'est une hache à deux tranchants; je crois
qu'il faudrait peut-être passer par une autre porte pour atteindre le
même but.
M. LE PRESIDENT: Ceci termine la période des questions. En
premier lieu, l'honorable ministre m'a prié de l'excuser, il avait un
engagement antérieur qu'il devait respecter. Il sera ici ce soir,
à l'ouverture de la commission. Encore une fois, je remercie ceux qui
ont présenté le mémoire au nom de l'Association des
fabricants de meubles du Québec.
Je remercie la commission et cette dernière suspend ses travaux
à huit heures quinze ce soir pour l'étude de deux autres
mémoires, soit celui de Consolidated-Bathurst Limited et celui de
l'Association des mesureurs de bois licenciés de la province de
Québec. Ce soir, huit heures et quart.
(Suspension de la séance à 18 h 14)
Reprise de la séance à 20 h 27
M. PILOTE (président de la commission permanente des richesses
naturelles et des terres et forêts): A l'ordre, messieurs!
Je demanderais à MM. MacLeod et Royer, de Consolidated-Bathurst
limitée, de bien vouloir présenter leur mémoire.
Consolidated-Bathurst limitée
M. MacLEOD: M. le Président, MM. les membres de la commission,
notre compagnie, Consolidated-Bathurst Ltée, est
représentée ce soir par moi-même, James MacLeod,
vice-président du domaine forestier, ainsi que par notre chef forestier,
M. Roland Royer.
Nous avons aussi une deuxième ligne de défense au cas
où vos questions seraient trop difficiles pour nous. Nous avons M. Oscar
Stangelang, vice-président du personnel et secrétaire de la
compagnie, M. Roger Bourgon, directeur des relations publiques, et M. Richard
Solomon, contrôleur de la fabrication.
Notre président, M. Turner, m'a demandé de vous dire qu'il
regrette de ne pas être ici ce soir. Il est venu aux audiences du 24
août mais il est dans l'impossibilité d'assister à celles
d'aujourd'hui. Nous voulons premièrement remercier l'honorable ministre
des Terres et Forêts pour son aimable invitation à faire valoir
nos idées et notre réaction concernant l'exposé de
politique forestière préparé par son ministère.
Nos remerciements s'adressent aussi aux membres de votre commission qui
ont bien voulu que nous vous présentions ce mémoire de vive voix
ce soir. Malheureusement, il est bien possible que nos voix ne soient pas trop
solides parce que notre souper a été un peu liquide. Je vous
demande pardon s'il y a trop d'erreurs ou des réponses un peu à
côté des questions. Mais nous ferons notre possible pour combattre
notre condition...
M. DRUMMOND: On parle du coca-cola ou de lait?
M. MacLEOD: Quoi? Notre souper.
M. DRUMMOND: Oui.
M. MacLEOD: Oui.
M. DRUMMOND: Liquide?
M. MacLEOD: Liquide, oui.
M. DRUMMOND: Mais il n'y a pas de coca-cola, pas de lait ou...
UNE VOIX: Du gin.
M. MacLEOD: Vous verrez quand vous recevrez le compte, M. le
ministre.
M. DRUMMOND: C'est du chantage.
M. MacLEOD: Notre compagnie est une des plus importantes
sociétés forestières, non seulement au Québec, mais
au Canada. Nous avons 39 usines au Canada et en Allemagne, dont huit sont des
fabriques primaires de pâtes et papiers et de cartons. Sept de ces huit
usines sont situées dans la province de Québec dont quatre dans
la vallée du Saint-Maurice, une au Lac-Saint-Jean, une dans la
vallée de l'Outaouais ainsi qu'une autre dans la Gaspésie.
Nous avons aussi deux scieries à New Richmond et à
Notre-Dame-du-Rosaire.
Nos ventes se chiffrent par près de $350 millions l'an dernier.
Nous employons au-delà de 10,000 employés permanents et ce nombre
s'élève jusqu'à 14,000 durant une certaine période
de l'année. Les deux tiers de ces employés sont du Québec.
Occupant le deuxième rang en importance chez les concessionnaires du
Québec, nous étions des plus intéressés à
étudier le livre blanc du ministère des Terres et
Forêts.
Nous avons collaboré avec l'Association des industries
forestières du Québec à la préparation de son
mémoire et avons aussi aidé le Conseil des producteurs des
pâtes et papiers du Québec à rédiger son
mémoire intitulé "La capacité de concurrence de
l'industrie des pâtes et papiers du Québec".
Partageant les conclusions formulées par ces deux organismes,
nous avons cru bon d'orienter notre mémoire dans un autre ordre
d'idées, visant plutôt à décrire le plus simplement
possible les réalisations de notre compagnie dans le domaine de
l'aménagement forestier et de l'utilisation des forêts dont nous
jouissons.
Vu que nous produisons 20 p.c. de tous les produits papetiers au
Québec et que nous avons des intérêts et activités
dans presque toutes les régions de la province, nous pouvons, sans
vantardise, considérer notre expérience comme représentant
assez bien celle de toute l'industrie papetière.
Nous avouons franchement que nous avons été
considérablement déçus de constater, en scrutant le livre
blanc, que les auteurs semblaient posséder très peu de
renseignements sur les réalisations de l'industrie dans le domaine de la
gestion forestière. Nous espérons que notre mémoire, ainsi
que les commentaires que nous formulerons lors de la période de
questions, vous donneront une meilleure compréhension de la
présente situation dans le domaine forestier et que vous serez en
meilleure posture pour peser le pour et le contre de plusieurs des
recommandations contenues dans le livre blanc.
Même si nous sommes convaincus que tous et chacun ont lu notre
mémoire attentivement, je vais demander à M. Royer de le
résumer le plus brièvement possible; après quoi je
terminerai avec nos conclusions. Nous espérons ainsi stimuler la
discussion et les questions qui suivront. M. Royer.
M. ROYER: M. le Président, M. le ministre,
MM. les membres de la commission, je voudrais premièrement
exprimer la joie que nous éprouvons maintenant d'être finalement
rendus à la barrière de départ dans ce que j'appellerais
une guerre d'usure qui dure depuis le 20 juin. Ce matin, une certaine crainte a
envahi nos esprits, nous avions été convoqués pour le 24
août, nous étions ici le 22 pour être sûrs
d'être ici à temps pour le 24. Naturellement, la
présentation de certains mémoires a été plus longue
que prévu. J'étais à Frédéricton la semaine
dernière et quand j'ai appelé l'attaché de presse du
ministre, on m'a dit que ce serait le 7 septembre à dix heures du
matin.
Maintenant, il y a eu un refoulement de la semaine dernière et il
a encore fallu attendre. Nous avons été soulagés quand le
président de la commission nous a dit, à l'ajournement ce midi,
qu'il y aurait reprise des travaux ce soir et encore plus soulagés quand
le député de Nicolet a dit que vous étiez prêts
à siéger jusqu'à deux heures.
Je ne sais pas si nous devons dire alleluia, mais pour ma part, je dis
enfin. Cela me rappelle une histoire d'un de mes amis de Shawinigan qui avait
entrepris des démarches auprès du ministère du Tourisme,
de la Chasse et de la Pêche pour avoir un club de pêche ; ses
démarches avaient duré deux ans. Un jour, il entre dans mon
bureau tout joyeux: "Enfin, j'ai mon club. Il ne me reste tout simplement
à appeler à Québec et dire le nom que nous voulons donner
à notre club. Mais je ne sais pas quel nom".
Je lui dis: "C'est facile, enfin". Et il a gardé le nom. Le
mémoire préparé par CBL à l'intention de votre
commission couvre 58 pages dont 43 pages de texte. Il serait naturellement trop
long de le lire, ce serait fastidieux, monotone et même endormant.
D'ailleurs, cela servirait à peu de chose.
Pourquoi répéter au long des choses que vous êtes
censés avoir lues? Il est préférable de garder vos
énergies et les nôtres pour la discussion qui, à notre
avis, doit représenter la partie maîtresse de notre
présentation. D'ailleurs, un des nombreux proverbes issus de la sagesse
populaire dit que la lumière jaillit du choc des idées.
Nous avons préparé un très court
résumé, nous espérons qu'il vous a été
distribué. Nous avons reçu de très maigres instructions
concernant le temps alloué pour la présentation des rapports. A
un moment donné, quelqu'un nous a dit que nous avions droit à
vingt minutes.
D'après ce que nous avons pu observer depuis le début de
vos réunions, ce n'était pas une règle très rigide
parce que certaines présentations ont duré trois quarts d'heures
et même une heure.
En nous basant sur une période de vingt minutes, nous avons
préparé un minirésumé. Cependant, contrairement aux
minivêtements féminins qui ont fait leur apparition il y a
bientôt dix ans et qui sont certainement respon-
sables, en partie, de changements profonds survenus dans la
société, sans parler des distractions visuelles que cela nous a
causé à nous tous contrairement aux mini jupes, puisqu'il faut
les appeler par leur nom, notre minirésumé, en raison de sa
brièveté, cache énormément et ceci, pour la raison
bien simple que notre mémoire contient un grand nombre de cartes.
Naturellement, il est impossible, dans un résumé,
d'inclure l'information visuelle que nous avons voulu vous communiquer par le
truchement des cartes. Nous allons lire ensemble le résumé qui
vous a été distribué. Toutefois, même s'il ne faut
pas abuser de votre patience, nous nous permettrons de faire de brèves
excursions hors-texte parfois afin de vous communiquer certains des
détails qui pourraient aider à la compréhension des
problèmes forestiers qui retiennent présentement votre
attention.
Nous nous sentons justifiés de le faire, sans mettre en doute
votre intérêt pour les mémoires qui vous ont
été soumis, nous nous demandons si vous avez eu le temps de tous
les lire en profondeur. Je répète que notre mémoire
comprend 43 pages de texte. 17 sujets ont été traités,
chaque sujet a été traité de façon très
brève, une page, parfois une demie page, parfois deux pages, rarement
plus.
En présentant ce mémoire destiné à
décrire les activités en matière de gestion
forestière et d'utilisation de la matière ligneuse de la grande
industrie forestière, nous avons dû freiner notre monture
continuellement. Il y aurait eu tellement de choses à dire, nous aurions
pu écrire un document aussi volumineux que le livre blanc. Il a fallu
nous contenter d'effleurer la plupart des sujets.
Nous espérons cependant avoir éveillé votre
intérêt, et si l'un de vous désire en connaître un
peu plus plus tard, il n'aura qu'à communiquer avec nous et nous nous
ferons un plaisir de lui consacrer du temps. Le 24 août, une suggestion
fut faite par l'honorable député de Chicoutimi, à l'effet
que le ministère des Terres et Forêts organise une visite des
usines et en forêt afin de vous permettre de mieux connaître les
problèmes des industries.
Si jamais le projet est réalisé, il ne faudrait pas
oublier d'aller voir ce qui se fait à l'intérieur d'une grande
compagnie dans le domaine de la gestion forestière. Même s'il fut
impossible d'aller en profondeur dans notre mémoire, nous
espérons que ce que nous avons porté à votre connaissance
et que ce qui sera discuté ici ce soir aura pour effet de lever le coin
du voile et contribuera à redorer le blason de la grande industrie
forestière qui a mangé plusieurs taloches au cours des
années, plus particulièrement au cours des derniers mois et plus
intensément encore au cours de vos réunions alors que plusieurs
ont crié haro sur le baudet.
Tel que mentionné, nous avons inclus dans notre mémoire de
nombreuses cartes. Les Chinois ont contribué, comme tous les autres
peuples, à remplir le grand réservoir de la sagesse humaine. On
leur attribue le proverbe suivant: Une image vaut 10,000 mots. Nous avons
pensé à ce proverbe en préparant les cartes que vous avez
eu l'occasion d'examiner.
Au cours d'une réunion précédente, l'un des membres
de votre commission a fait, avec beaucoup d'à-propos, la remarque
suivante: Lorsqu'on discute dans l'abstrait, on peut dire n'importe quoi. Il
aurait pu ajouter, s'il ne l'a pas fait: Et sans absolument rien prouver. Dans
notre mémoire, nous avons voulu vous sortir, autant que possible, du
domaine plutôt obscur de l'abstrait dans lequel vous avez
été plongés plus souvent qu'autrement depuis le
début de vos réunions.
Nous avons voulu concrétiser certains problèmes qui ont
été traités dans certaines sections du livre blanc de
façon relativement abstraite et j'ai bien dit relativement
et aussi de façon très superficielle et très
incomplète remarquez que je n'ai pas dit relativement dans ce
dernier cas et aussi de façon un peu inacceptable à ceux
qui, parfois, désirent aller au fond des choses.
Nous avons voulu que ces problèmes et que certains
supposés problèmes vous apparaissent en chair et en os et que
vous puissiez les palper. Le but que nous avons poursuivi fera contrepoids,
sous cet aspect, à certaines parties du livre blanc. Pour la même
raison, notre mémoire aura probablement été bien vu par
ceux qui ont affirmé précédemment avec beaucoup
d'à-propos que dans le document gouvernemental on avait voulu
inutilement intellectualiser certains problèmes forestiers.
Voici la fin de l'entrée en matière qui est
peut-être longue mais que j'ai crue nécessaire afin de situer
exactement notre document dans le contexte du livre blanc. Abordons maintenant
avec vous la lecture du résumé.
Article 1. Etendue et subdivisions des terrains forestiers de
Consolidated-Bathurst ltée. Les terrains forestiers détenus ou
possédés par notre compagnie dans le Québec couvrent une
superficie totale de 20,192 milles carrés dont 82 p.c. sont des
concessions forestières et 18 p.c. des terrains privés.
Pour fins d'aménagement forestier, ces terrains sont
subdivisés en quatorze unités d'aménagement dont la
superficie moyenne est de 1,442 milles carrés. Aucune de ces
unités ne cause des problèmes administratifs majeurs en raison de
son exiguité ou de son morcellement.
Une pièce importante qui accompagne l'article 1 est la carte no 1
à la page 5 dans le mémoire. Dépliez-la et nous allons
l'examiner ensemble quelques moments. Nous ne regarderons pas toutes les
cartes, ce serait un procédé trop long. Mais il est très
important de faire une pose sur la carte no 1.
Que montre la carte? Elle montre nos terrains forestiers, nos
subdivisions administratives que nous appelons unités
d'aménagement
et que nous pouvons appeler unités de gestion pour parler le
même langage que le livre blanc. La carte montre la grandeur de nos
unités de gestion et leur situation géographique par rapport aux
usines.
Elle révèle que plusieurs unités sont loin de
constituer des blocs solides dont peuvent rêver les perfectionnistes et
idéalistes de l'aménagement. On peut aussi voir que certains
territoires sont morcelés et découpés. Il est encore
visible que quelques unités semblent exiguës. Puisque nous y
sommes, il est préférable de tout voir, nous pouvons
également y voir certaines enclaves.
Conclusion. On voit sur cette carte un éventail presque complet
de toutes les contraintes structurelles dont on a parlé dans le livre
blanc comme justifiant le ministère des Terres et Forêts d'abolir
toutes les concessions forestières. On en a parlé longuement, on
y a consacré 22 pages mais, tout de même, de façon
superficielle.
Même si on inclut quelques chiffres dont quelques-uns sont
discutables, on a exposé la situation de façon relativement
abstraite. Ceux qui ont regardé notre carte et qui ont lu le livre blanc
ne peuvent faire autrement que d'en venir à la conclusion suivante:
comme il doit y avoir des problèmes avec des concessions semblables chez
Consolidated-Bathurst ltée! Pourtant, la situation est tout autre. Il en
existe des problèmes, il en existe partout.
Seulement, les problèmes auxquels nous faisons face, par suite de
la subdivision de nos unités, sont beaucoup moins importants quant
à leur nombre et à leur ampleur qu'on serait porté
à le penser. Vous pourrez nous interroger à ce sujet durant la
période de questions et nous essaierons de ramener les problèmes
à leur véritable proportion.
Les principaux problèmes que nous avons sont surtout des
problèmes causés par l'éloignement de trois unités:
no 11, sur la rivière Ashapmouchouan, au nord-ouest du Lac-Saint-Jean;
l'unité no 12, sur la rivière Péribonka; et l'unité
no 16, celle d'Anticosti. Les problèmes à Anticosti ne sont
certainement pas posés par la tenure, vu qu'il s'agit d'une
propriété privée.
L'unité no 12 de Péribonka; nous avons dit au
ministère des Terres et Forêts à plusieurs reprises que
nous étions prêts à leur remettre la concession en
échange d'autres territoires. Ils ne peuvent absolument rien faire, ce
qui prouve qu'il n'est pas toujours facile d'effectuer des remaniements de
concessions. C'est facile quand on parle dans l'abstrait, c'est plus difficile
quand on est aux prises avec des problèmes particuliers.
L'unité no 11, celle de Normandin, c'est un problème
d'éloignement, ce n'est pas un cas aussi aigu que celui de
l'unité de Péribonka. En examinant la carte no 1, cela nous fait
aussi penser à la fameuse question du transport du bois entre les
parterres de coupe et les usines qui a semblé grandement
préoccuper le député de Saguenay.
Nous aurions aimé que M. Lessard soit présent ce soir pour
nous poser quelques questions à ce sujet. Nous aurions essayé de
cerner les problèmes, de distinguer entre les faux problèmes et
les véritables problèmes.
Nous aurions ensuite discuté les véritables
problèmes un par un pour en voir la nature, l'ampleur et les moyens de
les corriger. Lisons ensemble maintenant l'article 2 du résumé
traitant de la planification dont la nécessité fut
soulignée à juste titre par le livre blanc. CBL et les compagnies
dont elle fut formée ont fait de la planification forestière
intensive depuis cinquante ans et même plus. Le système
d'aménagement forestier employé par notre compagnie, en vue
d'assurer la meilleure utilisation possible de ses ressources ligneuses, fut
exposé en détail dans plusieurs documents dont les principaux
furent le numéro spécial du Papetier, publié en 1965,
notre mémoire de 1965 aux audiences publiques du ministère des
Terres et Forêts et le kioske monté en 1966 et 1967 lors de la
Semaine des sciences forestières des étudiants en génie
forestier de l'université Laval.
Des plans d'aménagement ont été
préparés par la compagnie et approuvés par le MTF pour
toutes nos unités d'aménagement. Depuis 1946, nous
préparons des programmes de coupes à long terme pour dix et vingt
ans et à moyen terme pour cinq ans, dans le but de mieux orienter nos
exploitations forestières et d'assurer une utilisation judicieuse de la
matière ligneuse.
Chaque année, des programmes de coupe très
détaillés sont soumis au MTF et approuvés par ce dernier.
Finalement, des rapports après coupe sont soumis au MTF à la fin
de chaque année d'exploitation.
Article 3. Personnel forestier administratif. L'exécution de
toutes les tâches requises pour aménager et exploiter nos terrains
forestiers est assumée par un personnel de cadre d'environ cent
personnes. La liste détaillée des fonctions a été
donnée dans notre détail.
Inventaire forestier d'aménagement. Tous les terrains forestiers
de CBL ont été inventoriés et plusieurs d'entre eux
à deux ou même quatre reprises pour fins d'aménagement
forestier. Nous fûmes l'une des premières compagnies
forestières au Canada à nous servir de la photographie
aérienne pour fins d'inventaire forestier. En 1954, nous fûmes la
première compagnie canadienne à utiliser les calculatrices
électroniques pour la compilation des inventaires.
Inventaires d'exploitation. Chaque année, des inventaires
d'exploitation très intensifs sont exécutés sur les
territoires qui seront exploités l'année suivante ou au cours des
années ultérieures. Ils servent de base à la
préparation des programmes de coupe annuelle et à celles des
programmes à long terme et à moyen terme.
Article 6. Politique générale d'aménagement pour
les essences primaires. Les exploitations de CBL sont exécutées
en règle générale dans les
forêts rendues à maturité. Dans les divisions
Saint-Maurice, Saguenay et Chaleurs, la récolte des essences primaires,
celles utilisées par la compagnie, est exécutée sur une
base de rendement soutenu périodique. Nous admettons avec le MTF qu'il
est parfois désirable de dévier temporairement du principe du
rendement soutenu et de procéder à des coupes
accélérées dans les forêts
dépérissantes, dans le but de prévenir une perte de
matière ligneuse. Dans la division des Outaouais, les exploitations de
pin blanc et de pin rouge ne peuvent pas être faites sur une base de
rendement soutenu parce que ces deux essences se
régénèrent très peu.
Dans le sous-article 6.2, nous avons parlé du rendement soutenu.
Prenons le temps d'examiner brièvement le graphique de la page 19. Le
député de Lotbinière a employé assez souvent une
expression savoureuse que j'aime bien: "Je voudrais qu'on éclaire ma
lanterne". En examinant le graphique, nous allons peut-être
éclairer la lanterne de ceux qui se plaisent à
répéter quelques-uns vont certainement se
reconnaître que les grands concessionnaires ont
écrémé et vidé nos forêts. Ce sont exactement
les mots qui ont été entendus dans cette enceinte et
également dans l'autre salle où ont lieu les autres
réunions. Le graphique de la page 19 démontre que nous exploitons
de façon à pouvoir couper à perpétuité sans
ruiner le capital forestier. Nous avons représenté de
façon graphique, schématique, l'unité d'aménagement
de Vermillon, unité qui depuis a été amalgamée avec
celle de Mattawin inférieur. Nous employons une rotation de coupe de 80
ans. La partie ombrée représente ce qui fut coupé de 1940
à 1949. Ensuite, vous avez le territoire coupé de 1950 à
1959 par des hachures verticales, etc., jusqu'à la dernière
décennie de 2,010 à 2,019.
C'est tout de même loin, ce temps. Quant à nous, nous
serons disparus de la circulation mais d'autres recommenceront à couper
dans la partie ombrée. Ici, je dois fournir une explication, cela ne
s'est pas passé exactement comme ça. Pendant la période de
1940 à 1949, on a coupé à plusieurs endroits dans
l'unité d'aménagement. Seulement, cela a été
préparé à l'occasion de la Semaine des sciences
forestières en 1966. Il fallait tout de même simplifier les
choses. C'est pour cette raison qu'on a groupé les secteurs
d'exploitation, mais il reste que l'essence du principe demeure la
même.
Revenons au résumé, à la page 3, article 6.3. CBL a
pour politique, lorsque la chose peut se faire de façon
économique, de modifier ses programmes de coupe et d'aller
récupérer les bois endommagés par le feu ou en voie de
perdition par suite d'épidémies d'insectes ou de chablis. A la
page 16 de notre mémoire, nous avons donné la liste de toutes les
principales récupérations faites pour le bois brûlé,
les bois renversés et les bois endommagés par les insectes. On
entend dire souvent que le bois s'éloigne continuellement des usines. Ce
n'est peut-être pas complètement faux, mais je crois que la
situation est grandement exagérée. Répétons les
remarques suivantes citées précédemment. On peut dire
n'importe quoi lorsqu'on se confine à l'abstrait. Quelle est notre
situation à ce sujet? Lisons l'article 6.4. CBL a toujours eu pour
politique de distribuer ses coupes à la grandeur de ses terrains
forestiers de façon à ne pas céder à la tentation
d'obtenir en premier seulement le bois situé près des usines.
Comme résultat, la distance moyenne de ses secteurs d'exploitation par
rapport à ses usines n'est pas plus grande qu'elle ne l'était il
y a cinq, dix, vingt ou même trente ans. Si vous en voulez la preuve,
dépliez la carte numéro 5, à la page 20.
Examinons cette carte quelques minutes. Les losanges verts
représentent les secteurs de coupe de 1945, ce qui veut dire il y a 27
ans. Les cercles rouges représentent les secteurs de coupe de 1971. Si
vous regardez la carte avec les mêmes lunettes que les nôtres, vous
allez voir que les secteurs verts, soit ceux coupés en 1945, sont loin
d'être tous concentrés dans le bas près des usines et que
les secteurs rouges, soit les coupes de 1970, ne sont pas tous
relégués au haut de la carte, au diable vauvert. Maintenant,
prenez un crayon et inscrivez sur votre carte les distances moyennes en milles.
En 1971, la distance moyenne entre les parterres de coupe et l'usine, 105
milles. En 1965, 125 milles. En 1955, 150 milles. En 1945, 125 milles. S'il y a
encore certains doutes dans certains esprits après cette
concrétisation jugée nécessaire en contrepartie à
des prétentions généralisées et abstraites,
répétées à satiété, qu'on nous en
fasse part durant la période de questions et nous essaierons de les
dissiper. S'il n'y a plus de doute, soyons honnêtes et cessons d'en
parler.
Article 6.5. Les coupes intégrées de toutes les essences
sont exécutées par CBL depuis 1955 dans sa division du
Saint-Maurice et depuis 1958, dans sa division des Outaouais. Les coupes
intégrées de tous les produits sont exécutées dans
les divisions des Outaouais et de Chaleurs. Une coupe intégré de
bois de sciage et de bois à pâte résineux sera
commencée cette année dans le district de
Saint-Michel-des-Saints. Les billes de sciage seront vendues à J.-C.
Martel Inc. Sur une carte dans notre rapport, nous avons indiqué les
unités où des coupes intégrées sont
exécutées. Ceci fut brièvement mentionné dans notre
mémoire parce que, dans le livre blanc, on a mentionné avec
raison que le MTF favorise les coupes intégrées.
Amélioration de la production forestière. Nous allons
passer très rapidement. Nous avons à coeur d'assurer une
utilisation aussi complète que possible de la matière ligneuse.
Pour réaliser cet objectif, nous avons 29 inspecteurs forestiers et une
de leurs principales responsabilités est de s'assurer que les
règlements d'utilisation sont bien observés.
Article 7.2. Nous exécutons des coupes sylvicoles depuis 1958-59.
En 1970, de telles coupes étaient encore effectuées sur la
rivière
Mattawin au nord-ouest de Grand'Mère et à
Saint-Donat-de-Montcalm. Les coupes sélectives à Saint-Donat
durent être abandonnées à cause des restrictions de
charroyage imposées par le ministère du Tourisme, de la Chasse et
de la Pêche.
Les coupes sylvicoles qui étaient exécutées sur la
rivière Mattawin durent être abandonnées elles aussi, cette
fois à cause de la création du parc national de la Mauricie.
Article 7.3 Reboisement. Des travaux de reboisement assez intensifs sont
exécutés depuis 1968 dans la division Chaleurs à New
Richmond par le MTF avec l'étroite collaboration de la compagnie.
Certains travaux de reboisement sont aussi effectués par notre compagnie
chaque année sur nos terrains privés près de
Grand'Mère. Des travaux considérables de reboisement pourraient
être exécutés dans les divisions Saint-Maurice, Saguenay et
des Outaouais mais ils ne peuvent être réalisés à
cause du manque de plants dans les pépinières gouvernementales.
Et vous me permettrez une réflexion personnelle à titre
d'ingénieur forestier, il y aurait tout avantage pour l'avenir de la
forêt québécoise que le ministère des Terres et
Forêts dirige vers des objectifs de reboisement une grande partie des
ressources financières et des énergies qui seraient requis pour
l'abolition de toutes les concessions forestières et l'accouchement et
l'opération d'une société de gestion
forestière.
Article 8. Utilisation de la possibilité des essences primaires.
Dans ces unités d'aménagement de la région
Saint-Maurice-Batiscan-Sainte-Anne, nous utilisons presque en entier nos
possibilités en bois à pâte résineux. L'utilisation
fut de 95 p.c. au cours des cinq dernières années. Le faible
surplus de possibilités accumulées depuis cinq ans sera requis
par nos usines au cours des dix prochaines années. A venir
jusqu'à 1971-72, la possibilité de l'unité de Normandin,
près de Chibougamau, était loin d'être utilisée
à cause de l'éloignement de cette unité. Des coupes de
bois y sont accordées depuis 1964-65 à un utilisateur de bois de
sciage. Une nouvelle entente effectuée en 1971 permettra une utilisation
complète de la possibilité. L'unité de Péribonka en
est une autre où il y a sous-utilisation, même si une vente de
bois sur pied pour du bois de sciage résineux y est faite chaque
année. La sous-utilisation n'est pas attribuable à la tenure,
mais à ces conditions d'inaccessibilité économique.
L'unité de Port-neuf-Escoumains sera utilisée à pleine
capacité d'ici cinq ans. Celle de la division des Outaouais et celle des
Chaleurs sont utilisées à pleine capacité de même
que celle de Mars/Ha! Ha! . Il y a toujours sous-exploitation à
l'île d'Anticosti pour des raisons évidentes
d'accessibilité et de main-d'oeuvre.
Comme vous le voyez, ce que nous avons écrit dans notre
résumé à ce sujet est très court. Nous en avons
écrit un peu plus long dans notre mémoire. Quatre pages. Encore
là, ce fut trop court. Il a fallu nous en tenir à la ligne de
conduite générale que nous nous étions fixée au
début quant nous avons préparé notre mémoire
d'être le plus bref possible. Mais après avoir écrit la
section VIII, nous avons été pris d'un remords de conscience.
Nous nous sommes demandé si nous en avions assez dit pour nous situer
exactement dans ce problème de la sous-utilisation. J'ai fait compiler
des statistiques pour les dix, les quinze et les vingt dernières
années et non seulement pour cinq ans. Autrement dit, nous avons
essayé d'aller en profondeur et d'éviter le reproche que,
personnellement, je ne crains pas d'adresser au ministère, dans certains
parties du livre blanc, d'être resté un peu en surface lorsqu'on a
parlé de possibilités. Nous avons analysé la situation
région par région et non de façon globale. Voici ce que
cela a donné.
Dans la région du Saint-Maurice, le chiffre d'utilisation s'est
maintenu de façon presque continue depuis 1950 entre 90 p.c. et 100 p.c,
pour les résineux de bois à pâte, pour l'unité de
Normandin au Lac-Saint-Jean, prenez un crayon et écrivez quelques
chiffres. De 1951 à 1956: 80 p.c; de 1956 à 1961: 45 p.c. de 1961
à 1966: 61 p.c; et de 1966 à 1971: 100 p.c. La moyenne pour les
vingt ans: 72 p.c. Une remarque vous intéressera. Vous avez
remarqué 100 p.c. dans les cinq dernières années, quelle
en est la raison? C'est que, lorsqu'il y a un ralentissement des affaires, que
la demande des matières premières pour l'usine diminue, le
premier endroit où on cessait de couper était l'unité de
Normandin, parce que le bois coûte beaucoup plus cher. Cela explique
qu'à un moment donné la sous-utilisation a été plus
grande. Seulement, nous accordons des coupes à un industriel du sciage,
Gagnon et Frères, de Roberval. Les coupes furent accordées au
début avec une certaine prudence, parce que nous ne voulions pas nous
engager trop fortement à leur endroit, car nous prévoyions
être obligés de recommencer à couper beaucoup plus
nous-mêmes dans l'unité. Nous avons réalisé l'an
dernier qu'il était peu probable que nous aurions besoin de leurs
possibilités au cours des prochains cinq ans. Nous avons consenti
à augmenter la coupe de Gagnon et Frères. La situation fut
discutée avec eux et le ministère des Terres et Forêts. La
coupe annuelle a été augmentée temporairement dans
l'unité de 72,000 à 85,000 unités de cent pieds cubes, ce
qui permettra d'absorber le surplus de possibilités accumulées
dans le passé. C'est une unité de gestion ou ce peut être
fait parce qu'il y a un excès de très vieilles forêts.
C'est un autre exemple typique de sous-utilisation de
possibilités qui peut être réglé par la meilleure
approche possible, une discussion autour d'une table d'un cas particulier et
bien défini. S'il existe des situations semblables ailleurs, nous ne
voyons pas pourquoi le MTF ne peut pas les régler. Il serait beaucoup
plus simple de régler les problèmes particuliers qui
existent que d'adopter une approche globale en abolissant toute les
concessions forestières, même celles où il n'y a pas de
véritable problème. L'approche globale proposée par le
ministère des Terres et Forêts me semble aussi peu opportune que
si l'Etat avait décidé, lors de la crise d'octobre en 1970, de
mettre en prison tous les citoyens de Montréal pour être certain
de mettre la main sur tous les felquistes et les empêcher de continuer
leurs méfaits.
Une autre comparaison: l'approche globale du ministère des Terres
et Forêts d'abolir à grands frais et à grandes
dépenses d'énergie toutes les concessions forestières pour
régler certains problèmes particuliers, facilement
repérables et que l'on pourrait traiter par une anesthésie et une
intervention bien localisée, cette approche globale me fait aussi penser
à quelque chose d'un peu semblable qui s'est passé il y a deux
mille ans et qui nous est raconté dans la Bible. Les prophètes
avaient annoncé la naissance d'un enfant appelé le Messie et qui
devait devenir le roi d'Israël. Un jour régnait un roi du nom
d'Hérode. Ce roi reçut la visite des rois mages, qui
s'informaient si l'enfant annoncé par les prophètes et qui venait
de naître à Bethléem pouvait être vu. Et
Hérode n'a rien fait au hasard. Il a été soudain en face
d'un problème particulier. Il fallait faire disparaître celui qui
dans son esprit allait le supplanter. Il a adopté l'approche globale. Il
a fait exterminer tous les enfants de moins de deux ans dans la région
de Bethléem, c'était une abolition totale pour régler un
problème particulier.
Revenons à nos possibilités. Dans l'unité no 15,
celle de Portneuf, nous avons utilisé 95 p.c. et 90 p.c. Nous avons
réduit un peu ce taux durant la période de 1966 à 1970
à 77 p.c. Nous sommes un peu comme les Expos, nous faiblissons à
la neuvième manche. L'ensemble pour la période de vingt ans est
de 80 p.c. J'ai voulu parler un peu de possibilités parce que c'est une
des raisons principales invoquées dans le livre blanc pour abolir toutes
les concessions forestières et procéder à ce qu'on dit une
meilleure distribution de la matière ligneuse.
Avant de passer à l'article 9 du résumé, je vous
demanderai d'examiner séparément plus tard les cartes nos 7 et 8
de notre mémoire sur lesquelles nous avons fourni des renseignements sur
les dégâts causés par les feux en forêt et les
épidémies d'insectes sur le Saint-Maurice. Cela confirmera les
remarques qui ont été faites à ce sujet par le Dr Lachance
au cours d'une réunion précédente.
Essences secondaires. Tous les bois des essences secondaires non
utilisées par notre compagnie sont mis à la disposition des
autres industriels, et cela depuis fort longtemps. Des plans d'allocation
furent préparés et des réserves délimitées
à l'intention des industriels du sciage et du bois de déroulage.
Tous les plans d'allocation furent soumis au MTF. Nous avons toujours
collaboré étroitement avec le gouvernement à ce sujet.
Comme vous le voyez, nous avons été très brefs dans
notre résumé à ce sujet. Dans notre mémoire, nous y
avons consacré trois pages. Nous avons effleuré le sujet. Dans le
mémoire de 1965, aux audiences publiques, nous avons expliqué la
situation en détail, et nous en avons conservé, je pense, une
quarantaine de pages. Nous aurions pu vous en parler durant à peu
près deux heures. Nous aurions, naturellement, énormément
à dire à ce sujet, parce que nous sommes l'une des principales
sources de matières premières pour les utilisateurs de bois
franc. En ce qui concerne les essences secondaires, les concessionnaires sont
accusés de tous les péchés d'Israël, pour reprendre
une expression courante dont s'est servi le député de Chicoutimi
le 24 août. C'est cette journée-là qu'il a également
dit, avec beaucoup d'à-propos, que lorsqu'on parle dans l'abstrait, on
peut dire n'importe quoi. Il y en a certainement plusieurs qui parlent dans
l'abstrait lorsqu'il s'agit des essences secondaires. Pour autant que le CBL
est concerné, pour les essences secondaires, nous n'avons pas à
rougir de ce que nous avons fait et nous pouvons marcher la tête haute et
nous serions extrêmement surpris si nous avions été les
seuls à avoir le poids à ce sujet. On a parlé du gel des
essences secondaires. De telles informations semées à tout vent
ne peuvent avoir d'autre explication que l'ignorance des faits par ceux qui les
profèrent. Le plus surprenant, c'est qu'on a parlé du gel des
forêts feuillues même dans le livre blanc. Les bois feuillus sont
devenus très en demande vers 1950. Nous avons délimité des
réserves à l'intention des propriétaires des scieries.
Dans notre mémoire, nous avons un tableau, le tableau de la page no
34.
Nous avons donné la liste de tous les utilisateurs d'essences
secondaires auxquels nous avons vendu du bois franc et d'autres essences
secondaires au cours des dix dernières années dans toutes les
régions. Est-il encore possible, lorsqu'on prend connaissance de cette
pièce éloquente, de parler du gel des essences secondaires par
les grands concessionnaires forestiers? Nous avons entendu l'affirmation que
les feuillus étaient grandement sous-utilisés pour des fins de
sciage. Ce n'est certainement pas la faute des concessionnaires parce que tout
le bois disponible est pris. Si les feuillus avaient tellement
été sous-utilisés et s'il y avait un gel des essences
secondaires de la part des concessionnaires forestiers, comment expliquer que
le ministère des Terres et Forêts cherche, depuis à peu
près un mois, à trouver 1,700 cunits de cordes de bouleau pour
expédier en Finlande?
Permissionnaires de bois de sciage résineux. Je veux simplement
ajouter ici qu'on a mentionné dans notre mémoire que nous mettons
également des coupes de bois résineux à la disposition de
plusieurs industriels.
Article 11. Utilisation polyvalente de la forêt. Nous avons
pensé de traiter cela dans notre mémoire car c'est une question
très importante, le livre blanc l'a souligné avec
raison. Nous avons voulu exposer la situation chez nous. Vous pouvez
consulter les cartes vous-mêmes, nous allons passer pour aller plus
vite.
Article 12. Monopole forestier. Pourquoi avons-nous parlé de
ça dans notre mémoire? Notre compagnie est l'une des huit grandes
compagnies forestières du Québec dont parle le livre blanc du
ministère et auxquelles on semble reprocher de monopoliser de vastes
concessions forestières. En 1965, lors des audiences publiques, une
association a parlé des quatre grands en pointant vers eux un certain
doigt accusateur. Nous étions naturellement encore dans le groupe
visé par la foudre. Sur papier, cela semble être vrai. Par
exemple, nos concessions forestières dans la région
Saint-Maurice-Batiscan-Sainte-Anne couvrent 8,802 milles carrés. C'est
gigantesque. Or, géant industriel que nous sommes, que faisons-nous avec
ce vaste empire qui s'étend d'ouest en est, des rivières Mattawin
et Manouane jusqu'aux rivières Sainte-Anne, à La Pérade et
Metabetchouan, du sud au nord, pratiquement de la ville de Grand'Mère
presque jusqu'à la tête du bassin de la rivière
Saint-Maurice. Dit très sobrement, voici ce que nous faisons. Nos
concessions sont utilisées à pleine capacité pour
approvisionner trois usines de pâtes et papiers je dis nos
concessions et également nos terrains privés qui
contribuent directement à la prospérité de
Grand'Mère, Shawinigan et Trois-Rivières et indirectement
à celle de plusieurs autres petits centres.
Peu de gens dans les régions concernées nous accusent
d'être un ogre insatiable. Tel que précédemment
mentionné, tous les bois non utilisés par notre compagnie sont
mis à la disposition d'autres industries. Les quantités
considérables de lois de sciage résineux sont vendues à
deux scieries. Presque toutes les concessions sont occupées par des
clubs ou des réserves de chasse et de pêche en dehors des
territoires englobés dans des parcs provinciaux. La compagnie ne peut
certainement pas être accusée d'exercer un monopole exclusif sur
les massifs forestiers qui lui sont affermés par l'Etat. Le seule
monopole que nous exerçons est celui des dépenses encourues
à chaque année pour l'aménagement forestier, la protection
contre le feu, la construction et l'entretien des chemins. Nous sommes
pratiquement les seuls présentement à payer la note. Evidemment,
nous sommes presque omniprésents sur le Saint-Maurice. Il en est de
même de notre voisine, la CIP. Ceci est inévitable et normal
à cause de l'ampleur des activités manufacturières et
forestières exercées par les deux compagnies
impliquées.
Ces activités ont pour résultat de permettre à un
fort pourcentage de la population de vivre plus que convenablement, d'avoir des
maisons confortables et coquettes, de posséder des camps
d'été, des motoneiges, d'avoir assez d'argent pour pouvoir jouir
de leurs loisirs et surtout pour les chefs de famille de mettre du pain sur la
table chaque jour et de pourvoir à l'éducation de leurs enfants.
Ce n'est pas encore l'âge d'or dans la région du Saint-Maurice. Il
y a encore de la misère à certains endroits. Cependant, quelle
serait la situation si les deux grosses compagnies en cause ne fournissaient
pas un apport aussi considérable à l'économie
régionale.
Comme d'autres grands concessionnaires, notre compagnie est souvent
assimilée à un gros méchant loup. Ce gros méchant
loup, nous avons voulu aujourd'hui vous faire voir son véritable visage
d'un peu plus près dans l'article 12 de notre mémoire en traitant
des supposés monopoles forestiers.
L'intégration des forêts publiques et des forêts
privées. On a simplement voulu dire que tel que le souhaite le livre
blanc, nous avons toujours intégré nos forêts
privées avec les forêts publiques dans nos plans
d'aménagement.
Je vais passer sur l'article 14. L'article 15. Achat de bois à
pâte et de copeaux.
Une partie importante des approvisionnements de CBL provient de bois
rond acheté d'autres producteurs et de copeaux achetés des
scieries. Nous redoutons quelque peu l'intention gouvernementale d'intervenir
de façon plus poussée dans la fixation des prix au moyen d'une
régie des produits forestiers du Québec. Selon nous, cela
faussera le libre jeu de la concurrence basée sur l'offre et la demande.
Certains fonctionnaires gouvernementaux, ne connaissant pas parfois tous les
faits, seront appelés à prendre des décisions sans avoir
à se préoccuper outre mesure des conséquences qui en
résulteront pour les parties impliquées. Si vous avez des
questions à ce sujet plus tard, M. MacLeod, notre expert
négociateur, y répondra avec plaisir.
Relations d'affaires avec le gouvernement. Les relations d'affaires de
CBL avec le gouvernement dans le domaine forestier ont toujours
été cordiales dans le passé et empreintes de beaucoup de
franchise et d'honnêteté. C'est notre intention de continuer
d'agir de cette façon à l'avenir. M. MacLeod, celui qui vous
parle présentement et plusieurs autres administrateurs de notre
compagnie ont des rencontres fréquentes avec les fonctionnaires des
Terres et Forêts. La formule suivie est très simple: nous nous
assoyons tous autour d'une table et nous nous penchons sur des problèmes
particuliers, donc sur des problèmes concrets. Les problèmes
étudiés ne sont pas toujours simples. C'est surprenant de voir le
nombre de fois que nous sommes capables de trouver des solutions heureuses pour
tout le monde.
Lorsque nous pensons que les fonctionnaires gouvernementaux se trompent,
nous le leur disons et l'inverse est également vrai. C'est ainsi que
s'établit un climat de compréhension mutuelle.
M. le Président, ceci termine la présentation du
résumé de notre mémoire. La présentation a
peut-être été longue, mais cela nous fera peut-
être gagner du temps lors de la période des questions. Afin
que notre mémoire ne devienne pas un document préparé
inutilement pour les archives, il fut jugé nécessaire de faire
quelques excursions hors texte, tout en suivant le résumé
préparé pour la commission. Il a fallu faire halte en chemin
à plusieurs reprises et regarder. Notre mémoire, par sa nature et
par son allure générale, diffère essentiellement des
autres documents soumis à votre attention. Nous n'avons pas voulu
diriger nos phares directement sur le livre blanc. Les questions de gestion
forestière ont été traitées dans le document
gouvernemental d'une façon globale, mais on n'est pas allé
généralement dans le détail.
Pour cette raison, nous avons cru qu'il serait intéressant de
vous faire voir en gros plan les politiques d'utilisation forestière et
des activités de gestion forestière au sein d'une grande
compagnie. Nous espérons que l'exercice en a valu la peine.
Nous avons lu attentivement le compte rendu des
délibérations de la journée d'ouverture où on a
discuté de beaucoup de généralités.
Inévitablement, on y a fait beaucoup de surplace. Le jeu était
pas'sablement mêlé. Ceci n'est pas un blâme, mais une simple
constatation. Il en fut un peu de même lors des réunions
subséquentes. Des opinions, souvent très différentes, ont
été déversées sur vous à la tonne et il ne
sera pas facile pour vous de vous y retrouver. Vous n'êtes pas sorti du
bois, pour employer une expression familière.
CBL a voulu préparer un mémoire concret. Si nous avons
réussi dans nos efforts, cela aura, au moins, eu pour effet de vous
reposer de certaines discussions très abstraites auxquelles il a fallu
vous adonner précédemment. Cela vous aidera peut-être
à démêler le vrai du faux et à dissiper le
brouillard londonien dans lequel j'ai l'impression que vous avez
été plongés après les cinq journées
d'études intensives auxquelles vous avez dû vous astreindre. La
lecture de notre mémoire et les remarques formulées lors de sa
présentation vous ont sans doute inspiré de nombreuses questions
et il nous fera plaisir d'y répondre.
Même si notre mémoire n'est aucunement une discussion du
livre blanc, il y est étroitement relié, malgré les
apparences. Celui qui vous parle a fait, pour sa propre satisfaction, une
longue étude du document gouvernemental. J'espère que vous aurez
des questions à poser par rapport à ce qui concerne plus
spécifiquement toutes les activités reliées à la
gestion forestière.
Je suis ingénieur forestier depuis 1941. J'ai été
à l'emploi du ministère des Terres et Forêts durant sept
ans et à l'emploi d'un grand concessionnaire, depuis 1951. Nous avons
des concessions un peu partout dans la province. Nous croyons que nous avons
une bonne connaissance des principaux problèmes forestiers du
Québec. Sans vantardise, nous croyons que nous sommes capables
d'énoncer, en rapport avec les principaux éléments de la
politi- que forestière préconisée par le livre blanc, des
commentaires qui seront marqués au coin d'une certaine
expérience. Nous pouvons vous suggérer certaines questions sur
les points les plus importants du livre blanc: l'abolition des concessions
forestières, les essences secondaires, l'utilisation de la
possibilité des sociétés de gestion forestière.
Une autre question très importante a été un peu
escamotée. On en avait parlé le 20 juin et heureusement, elle est
revenue sur le tapis ce matin: Est-ce qu'on doit séparer les notions de
gestion et d'exploitation? Nous essaierons de répondre à toutes
les questions. Si je suis mal pris, je regarderai vers le "bullpen" et ferai
appel à un lanceur d'urgence, M. MacLeod. Comme Mike Marshall, cela ne
lui prend pas grand temps pour se réchauffer. M. MacLeod aura le dernier
mot de cette présentation. Avant de lui céder la parole, il me
reste quelques remarques.
Je tiens à dire publiquement quelque chose que tout le monde a
remarqué et qui résumera la pensée générale
de tous ceux qui sont venus ici comme représentants de groupes ou
autrement. Nous avons apprécié l'accueil cordial que nous ont
fait tous les membres de la commission. Ce fut fatigant de rester assis durant
de longues heures, mais la fatigue avait tôt fait de disparaître
après chaque ajournement. En circulant parmi vous, nous avons
remarqué que les fossés qui semblent parfois séparer les
êtres humains dans leurs contacts ne sont pas toujours aussi profonds
qu'ils le semblent à première vue. Vous avez rendu notre
séjour agréable. Un mot de remerciement aussi à l'adresse
de tout le personnel attaché à la commission parlementaire pour
sa courtoisie et la façon empressée dont il s'est occupé
de nous, à commencer par M. Jacques Pouliot.
Félicitations également à celui qui a
présidé les délibérations durant la majeure partie
des discussions, le député du Lac-Saint-Jean, qui a piloté
la barque avec beaucoup d'adresse, même si parfois il a fait face
à certains écueils en remontant le Saguenay.
J'ai une dernière chose à ajouter. En plus de
préparer le mémoire remis à la commission en juin,
mémoire que nous avons voulu aussi positif, aussi complet que possible,
notre compagnie a également cru bon de faire un autre effort
spécial afin de concrétiser encore plus certains des
problèmes forestiers que vous aurez à étudier, comme suite
au livre blanc du ministère des Terres et Forêts. Notre
mémoire renferme de nombreuses cartes, mais ce sont des cartes de petit
format qui ne nous ont pas permis de vous livrer tout le message que nous
voulions vous laisser. Nous avons préparé un cahier de cartes
grand format qui montreront non seulement en plus gros les renseignements
montrés en plus petit sur les cartes de petit format dans notre
mémoire, mais aussi une foule d'autres renseignements qui sauront vous
intéresser.
Vu le travail énorme requis par la prépara-
tion de ce cahier, nous en avons préparé une copie
seulement. Nous la remettrons au président à l'issue de la
séance. Connaissant votre intérêt pour la chose
forestière, nous sommes persuadés que vous prendrez le temps de
consulter le document. Nous vous invitons également à communiquer
avec nous si, plus tard, des renseignements additionnels sont requis.
Ceux, parmi l'assistance, qui n'ont pas de copie de notre mémoire
pourront s'en procurer en s'adressant à M. Leopold Anctil; nous en avons
des copies supplémentaires. Je vais demander à M. MacLeod de dire
le mot de la fin en ce qui regarde la présentation de notre
mémoire.
M. MacLEOD: M. le Président MM. les membres de la commission,
vous êtes probablement convaincus que nous sommes mariés au statu
quo. Nous avons défendu le statu quo avec pas mal d'assiduité. Je
vous assure que tel n'est pas le cas. Nous avons essayé de
démontrer avec autant de preuves à l'appui que possible que,
jusqu'à aujourd'hui, les concessions forestières qui nous sont
affermées, de même que nos terrains privés ont
été aménagés de façon sage et rationnelle,
en poursuivant des objectifs semblables à ceux exposés dans le
livre blanc.
Nous croyons que les autres grandes compagnies peuvent faire des
énoncés semblables. Avec certaines variations bien
compréhensibles, plusieurs des vues exposées dans le livre blanc
ont été réalisées ou sont en voie de
réalisation. La plupart des autres, surtout dans le secteur industriel,
peuvent être réalisées avec peu de changements dans le
système de tenure actuel sans courir le risque de tout chambarder. Nous
croyons sincèrement qu'il est dans l'intérêt de la province
d'étudier soigneusement les bienfaits du système actuel et de
faire les modifications requises pour le moderniser, au lieu de vouloir
instaurer des réformes radicales.
En ce qui concerne notre société, nous avons des
problèmes majeurs qui pourraient être résumés en
trois grandes divisions. Du côté économique, le coût
de notre matière première est trop élevé par
rapport à nos concurrents. Certaines de nos concessions sont presque
inacessibles économiquement aujourd'hui. Nous n'avons pas trouvé
de débouchés adéquats pour les feuillus impropres au
sciage, excepté dans la région de l'Outaouais.
Dans le domaine forestier, plusieurs secteurs sont peu ou très
mal régénérés et nous subissons encore d'autres
dommages à la suite de la présente épidémie de
tordeuses des bourgeons de l'épinette.
Dans plusieurs régions, la récolte des vieux peuplements
est trop lente.
Finalement, concernant l'usage polyvalent de la forêt, il y a un
manque de planification pour les territoires affectés par la demande
croissante de loisirs. Nous avons déjà subi et nous subirons
à l'avenir des pertes de matière ligneuse difficile à
remplacer. La plupart de nos problèmes pourront être
réglés en tout ou en partie par les efforts collectifs de notre
compagnie ou du gouvernement. Beaucoup de progrès se fait en ce sens au
cours de nos relations journalières avec les représentants du
ministère. Durant plusieurs années, avant la parution du livre
blanc et également depuis sa parution, nous avons réussi à
régler avec les officiers du ministère un grand nombre de
problèmes forestiers impliquant notre compagnie et d'autres
utilisateurs. Je parle non seulement d'autres utilisateurs industriels, mais
des sportifs, du public, etc.
Je ne vois pas pourquoi il ne pourrait pas en être de même
dans l'avenir. Il y a toujours moyen de trouver un terrain d'entente
satisfaisant pour toutes les parties impliquées lorsqu'elles y mettent
de la bonne volonté et étudient des problèmes particuliers
d'une façon concrète, en prenant le temps de s'asseoir autour
d'une table. C'est la seule façon d'arriver à des
résultats tangibles. Nous ne croyons pas aux discussions stériles
sur des problèmes abstraits. En d'autres termes, on ne gagne pas
grand-chose lorsqu'on veut trop intellectualiser les situations auxquelles nous
avons régulièrement à faire face chaque jour. Nous
préférons de beaucoup l'approche pragmatique qui a fait ses
preuves dans le passé.
Messieurs, ce sera un plaisir pour nous d'essayer de répondre
à vos questions.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Terres et Forêts.
M. DRUMMOND: M. le Président, je veux remercier MM. MacLeod et
Royer de la présentation de leurs mémoires. On m'a accusé
à maintes reprises d'avoir produit trois tomes du livre blanc sur la
politique forestière. Peut-être que je peux faire le même
commentaire concernant la présentation de la Consol.
En tout cas, ce matin, j'ai pensé que nous étions en
présence de la perfection, lorsque la CIP était ici et parlait de
ses activités. Peut-être avais-je tort? Peut-être est-ce ce
soir que nous sommes en présence de la vraie perfection?
Par contre, avant de donner la parole au député de
Laviolette qui va poser les questions pour nous, j'ai une petite question:
Est-ce vrai qu'il n'y a qu'une compagnie forestière dans la province qui
sait quelque chose en ce qui concerne la mécanisation des travaux
d'exploitation, tel qu'on nous l'a dit ce matin?
M. MacLEOD: Vous faites référence à M. Rivard qui a
dit que sa compagnie faisait des recherches pour voir s'il y avait une
reproduction adéquate à la suite d'opérations
mécanisées?
M. DRUMMOND: Il a dit que c'était vraiment la seule compagnie qui
connaissait cela.
M. ROYER: Disons qu'il a un peu dépassé sa pensée.
Maintenant, il n'est pas question de jeter un blâme. Si, à un
moment donné, quelqu'un ici est bombardé de questions, il ne
répond pas toujours dans la note juste. C'est vrai qu'il y a eu des
études faites dans les bûches exploités avec de la
machinerie spécialisée, par la CIP. Il y a aussi des
études qui ont été faites par l'Institut de recherche des
pâtes et papiers du Canada et qui étaient dirigées par le
Dr Whitman. Ces études seront continuées par le gouvernement
fédéral en vertu d'un arrangement, étant donné que
la division de sylviculture n'existe plus au sein de l'Institut de recherche
des pâtes et papiers du Canada. Ces études ont été
entreprises, si ma mémoire est bonne, vers 1967 avec la
coopération de toutes les principales compagnies qui travaillent de
cette façon. Il y a une partie de ces études qui a
été exécutée chez nous.
Ce que M. Rivard a voulu dire, c'est qu'ils ont un directeur de
recherche qui s'intéresse énormément à cela. Il a
dit la vérité de ce côté, mais ce n'est rien
d'exclusif.
M. LE PRESIDENT: Le député de Laviolette.
M. CARPENTIER: Au cours de l'exposé que vous venez de faire, MM.
Roger et MacLeod, vous avez répondu à certaines questions que
nous nous proposions de poser. Cependant, pour le bénéfice de la
commission, je poserai peut-être ces mêmes questions, mais il
s'agira de répondre d'une façon plus brève
peut-être, afin de couvrir tous les sujets.
Au cours de la description des activités que vous poursuivez,
vous mentionnez à plusieurs reprises que certaines mesures contenues
dans l'exposé ne sont pas nouvelles, puisqu'elles sont pratiquées
par votre société depuis longtemps. N'est-ce pas là
reconnaître que la réforme envisagée n'ignore pas
totalement ce qui existait auparavant et qu'elle tente de conserver les
avantages de la politique actuelle, tout en éliminant les
inconvénients au bénéfice de tous les usagers de la
forêt?
M. ROYER: Naturellement le ministère des Terres et Forêts
ne peut pas avoir les yeux fermés. Je suis convaincu personnellement,
par tous mes contacts avec les forestiers du ministère des Terres et
Forêts, qu'ils savent exactement ce que nous faisons. Nous n'avons
certainement pas le monopole de la vertu. Il y a également des choses
très bien qui se font ailleurs. Il y a des compagnies qui se
spécialisent dans certains aspects de l'aménagement forestier et
d'autres dans un autre.
Le reproche que nous pouvons faire au livre blanc c'est de ne pas avoir
dit de façon assez explicite la nature de la gestion forestière
qui a été faite au sein des compagnies. On a levé le voile
à trois endroits, mais toujours un peu par ricochet, en mentionnant
qu'un souci de réalis- me nous oblige à considérer qu'il
va falloir laisser une partie de la gestion forestière à
l'entreprise privée.
A un autre endroit, on a répété quelque chose de
semblable. Et la troisième place où on a fait allusion à
ça, c'est quand on a mentionné à plusieurs endroits: Ce
n'est pas urgent et même nécessaire d'abolir le présent
régime forestier. On voulait dire la concession forestière.
Comme le ministère a plutôt été assez discret
à ce sujet, ça encourage les dénigreurs de la grande
industrie forestière, des gens de différents groupements, qui
sont peut-être bien intentionnés, mais qui parlent seulement
d'après les oui-dire, qui n'ont peut-être jamais vu une carte
forestière. Ce sont les reproches que nous faisons au livre blanc.
M. CARPENTIER: Au sujet de vos politiques d'aménagement pour les
essences primaires aux pages 15 à 21, plus précisément
à la page 17, vous démontrez que la planification relative
à la localisation...
M. MacLEOD: Pourriez-vous vous rapprocher du micro un peu, s'il vous
plaît?
M. CARPENTIER: ... de vos coupes dans la région de la
Saint-Maurice a fait qu'aujourd'hui la distance moyenne de vos centres
d'exploitation par rapport à vos usines n'est pas plus grande qu'il y a
30 ans. Quelle est cette distance moyenne?
M. ROYER: J'ai donné les chiffres tantôt. J'ai
demandé de les inscrire dans le rapport.
M. CARPENTIER: Quel moyen de transport utilisez-vous principalement?
M. ROYER: Est-ce que vous avez pris les chiffres?
M. CARPENTIER: Oui, d'accord, je les ai retrouvés.
M. MacLEOD: Notre moyen de transport principal est la drave pour la
rivière Saint-Maurice. Les distances que M. Royer vous a données
sont celles parcourues par le bois sur les rivières principalement.
M. CARPENTIER: Est-ce qu'il en est ainsi pour toutes les autres
unités situées en dehors de la région de la
Saint-Maurice?
M. ROYER: Oui, c'est la même chose. Et je n'ai pas parlé
des rivières Escoumains et Portneuf. Il fallait un peu se limiter. Quand
nous avons commencé à exploiter sur la rivière Escoumains,
nous sommes allés couper le plus vite possible à la tête de
la rivière. Ce n'est pas le cas sur la rivière Portneuf; nous
n'avons pas coupé dans le bas mais dans le milieu. Nous ne pouvions pas
aller dans le haut de la rivière
parce qu'il y a un problème d'accidents topographiques.
Aujourd'hui, dans l'unité d'Escoumains, nous coupons dans le bas
de l'unité. Dans la région de la rivière Outaouais, c'est
à peu près la même chose.
M. CARPENTIER: Dans un autre ordre d'idées, vous avez
signalé qu'à cause des restrictions sérieuses
imposées par le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la
Pêche, vous avez dû abandonner vos coupes sélectives dans la
région de Saint-Donat. Pourriez-vous préciser la nature de ces
restrictions et dire de quelle façon elles constituaient des contraintes
qui vous ont forcés à cesser ces opérations?
M. ROYER: C'est facile d'y répondre. C'est la question du
transport du bois. Nous avions 15,000 unités de 100 pieds cubes à
couper et à charroyer dans un temps limité. C'était
physiquement impossible. Il y avait des restrictions, il ne fallait pas
charroyer les fins de semaine et à certaines heures du jour. C'est
quelque chose d'à peu près semblable à ce qu'il y a dans
le parc Algonquin en Ontario. C'est une des raisons.
Il y a également une autre raison, les fonctionnaires du
ministère des Terres et Forêts sont au courant, c'est qu'il y a eu
beaucoup de pressions exercées par les gens de Saint-Donat. En 1960, ces
gens se sont plaints que cette forêt ne faisait absolument rien; ils ont
exercé de fortes pressions sur le gouvernement pour les distraire de nos
concessions forestières et créer une réserve
forestière spéciale à leur intention. C'est une
forêt qui avait été exploitée dans les années
1935 et 1940, c'était une forêt de seconde venue et qui
n'était pas prête pour une autre coupe.
S'il y avait eu une forêt spéciale là et
exploitée par un syndicat local, j'ai l'impression que ç'aurait
été une coupe assez abusive. Nous avons proposé au
ministère des Terres et Forêts de faire une coupe
sélective, pour pouvoir augmenter le rendement de la forêt et pour
satisfaire les désirs des gens de Saint-Donat, qui voulaient avoir des
exploitations forestières à proximité de leur village.
Aujourd'hui, à peine dix ans plus tard, ce sont eux qui ont fait
des pressions pour que nous cessions nos activités, sous le faux
prétexte que nous détruisions la forêt. Mais les
exploitations que nous faisions là sont faites aujourd'hui par Rexfor
chez nous et c'est le même genre de coupe, une coupe
sélective.
M. CARPENTIER: Vous mentionnez à la page 25 qu'à cause des
besoins grandissants de matière ligneuse pour les cinq et même dix
prochaines années, vous devrez utiliser sur le Saint-Maurice la faible
réserve de possibilités accumulées, ainsi que toutes les
augmentations de possibilités approuvées. A part la
réserve de possibilités, qu'est-ce qui vous justifiera
d'augmenter la possibilité de coupe?
M. ROYER: Ce qui est arrivé, c'est qu'on dit toujours que les
compagnies vident les forêts, que nous abusons, que nous tirons toujours
la couverture de notre côté. Il y en a parfois qui sont trop
libéraux dans leur action. Il y en a d'autres parfois qui sont prudents.
Vous savez ce que c'est être prudent, M. le député?
M. CARPENTIER: Merci.
M. ROYER: Lorsque nous avons préparé nos plans
d'aménagement pour le Saint-Maurice celui qui vous parle peut en
parler en connaissance de cause, parce que j'étais responsable de la
préparation de tous les plans d'aménagement c'était
à peu près à la fin de la période de
l'épidémie considérable de la tordeuse des bourgeons
d'épinette. Le sapin avait été anéanti. Il y avait
même du jeune sapin qui a été détruit, qui avait
été exploité 20 ou 30 ans auparavant, d'à peu
près 12 à 15 pieds de hauteur.
Ce qui veut dire que nous avons été extrêmement
prudents dans le calcul de nos possibilités, parce que nous ne voulions
pas nous jouer de mauvais tours. Depuis ce temps, une quinzaine d'années
se sont écoulées. Chaque année, à la fin des
coupes, comme vous le savez, tous nos bûchés sont mis en plan.
Nous calculons les quantités coupées dans chacun des
compartiments et même dans chaque assiette de coupe. Cela veut dire un
mille carré, un compartiment dix milles carrés.
Nous faisons des comparaisons entre les chiffres de nos inventaires
d'aménagement, les chiffres de nos inventaires d'exploitation et les
chiffres de bois récolté. Nous nous sommes aperçus que,
sur une période de 15 ans, et de façon constante et non pas de
façon temporaire, nous avons toujours coupé plus de bois que les
chiffres de nos plans d'aménagement pour les mêmes territoires. Si
c'est un danger de surexploiter la forêt, c'est peut-être
déplorable aussi d'être trop prudent.
Nous sommes donc allés rencontrer les fonctionnaires du
ministère des Terres et Forêts. Nous avons discuté le
problème. Nous leur avons soumis un document qui était
inattaquable et on nous a donné la permission de couper même plus
que ce que nous avions demandé. Pour votre information, nous allons
faire la même chose peut-être d'ici quelques mois pour une autre
unité où le même problème se présente.
M. MacLEOD: M. le ministre, j'aimerais faire une intervention. C'est
l'exemple de la perfection que nous vous donnons. Mais c'est relatif, la
perfection.
M. CARPENTIER: Vous mentionnez également, à la page 25,
que les possibilités de votre unité de Normandin étaient
loin d'être utilisées à cause de son éloignement de
vos usines. Etant donné cette sous-utilisation, vous avez vendu à
partir de 1964-1965 des coupes à un tiers. A
titre d'information, pourriez-vous expliquer comment est fixé le
prix de vente de ces bois?
M. ROYER: C'est une vente de bois sur pied. C'est un droit de coupe.
Savez-vous ce qu'on exige actuellement? On exige $2.50 le mille p.m.p. à
Nicabau.
M. CARPENTIER: C'est la seule charge.
M. ROYER: Oui, mais le permissionnaire fait son mesurage. Et il est bien
content.
M. CARPENTIER: Qui paie les frais de la prévention contre les
incendies?
M. ROYER: C'est nous à titre de concessionnaire.
M. CARPENTIER: Evidemment, c'est mesuré sur pied. Relativement
à votre unité de Péribonka, vous affirmez, à la
page 26, qu'elle n'a jamais été utilisée à sa
pleine capacité pour une raison d'inaccessibilité
économique et même physique. Toutefois, vous soulignez que cette
unité constitue une certaine politique et une police d'assurance au cas
où votre compagnie déciderait une expansion à son usine de
Port-Alfred. Est-ce à dire que du seul fait d'une expansion
l'unité deviendrait économiquement et surtout physiquement plus
accessible? Comment expliquez-vous cela?
M. MacLEOD: La question d'accessibilité est relative au
coût du bois. Notre usine de Port-Alfred a un certain approvisionnement
pour les machines à papier qui sont installées dans le moment. Si
nous construisons une autre machine à papier journal dans l'usine de
Port-Alfred, nous croyons qu'avec les économies d'échelle
réalisées grâce à l'augmentation dans la production
nous serons capables de rendre le projet rentable, même si le bois de
Péribonka est toujours assez coûteux. Une augmentation de volume
de bois assez dispendieux contrebalancera cet excès de coût avec
l'économie d'échelle que nous aurons avec une autre machine.
M. ROYER: Une chose intéressante, M. le député,
à dire au sujet de Péribonka, c'est que cette unité n'a
pas été utilisée à pleine capacité. Vers
1959-1960, du temps de l'ancien sous-ministre, M. Avila Bédard, la
compagnie a eu une demande par des dénommés Gaudreault du
Lac-Saint-Jean, qui étaient intéressés à avoir une
coupe. On leur a accordé une coupe sans la condition habituelle de nous
passer la matière première en échange. Par la suite, il
est venu plusieurs permissionnaires au cours des années mais pour des
quantités relativement faibles, pas parce que nous ne voulions pas en
donner plus mais simplement parce qu'ils n'avaient pas les reins assez solides
pour couper plus. Depuis 1968, nous avons un utilisateur qui a besoin d'une
quantité assez forte. Nous lui avons accordé 6,000,000 et en 1969
la quantité a été portée à 10,000,000, soit
la quantité demandée. L'an passé, il a demandé plus
et nous lui avons accordé 30,000,000.
Il y a un problème actuellement. Nous lui avons
délimité un territoire. C'est parce qu'il a un territoire dont
nous avons besoin. C'est le territoire le plus accessible pour notre scierie de
Notre-Dame-du-Rosaire. L'autre territoire est un peu loin. Notre
permissionnaire se plaint que cela lui coûterait extrêmement cher.
Nous l'avons mentionné au ministère des Terres et Forêts.
Je ne peux pas croire qu'il n'y aurait pas un moyen, peut-être par une
subvention, de régler assez facilement une partie du problème de
sous-utilisation de cette unité. C'est ce que j'appelle un
problème particulier que nous pouvons tâter en chair et en os.
M. CARPENTIER: Vous signalez que la sous-utilisation de certaines
unités fut due principalement à des raisons d'ordre
économique. Or, cette sous-utilisation ne devient-elle pas
coûteuse à la longue pour votre société puisque
celle-ci doit tout de même défrayer la rente foncière, la
protection contre le feu, l'intérêt sur la prime d'affermage de
même que les dépenses liées aux inventaires, à
l'aménagement et à l'arpentage?
M. ROYER: Ce n'est pas facile d'y répondre parce qu'il faut tout
de même prendre un certain risque. Nous avons des unités
d'aménagement. Nous savons qu'à un certain moment il y a
possibilité de surplus à certains endroits. Et comme je l'ai
expliqué tantôt, les endroits sont assez limités.
Ceux du Saint-Maurice, par exemple, n'avaient aucun surplus de
possibilités, elles étaient utilisées pratiquement
à 100 p.c. jusque vers 1956 alors qu'il s'est produit une certaine
récession, que les demandes des usines ont diminué. On a
été obligé de réduire un peu les
quantités.
A chaque année, lorsqu'on prépare le programme de coupe
générale pour la division du Saint-Maurice, on a un grand tableau
qui nous montre toutes les quantités coupées au cours des
décennies couvertes par les plans d'aménagement; on a
également les possibilités accumulées. Une année,
d'après les indications qu'on avait eues des usines, la coupe devait
être assez forte. Le gérant de la division nous a dit, au service
forestier, que ça nous prendrait tant de bois. Nous avons dit être
capables de leur fournir cette année, qu'il n'y avait pas de
problème parce que nous avions une certaine réserve, qu'il y a eu
quelques années de vaches maigres. Je lui ai dit: Si tu arrivais durant
deux ou trois ans avec une demande comme celle-là, nous aurions des
problèmes.
M. Rivard a fait allusion ce matin aux pertes énormes
causées par l'épidémie de la tordeuse des bourgeons
d'épinette de 1940 à 1950. La
situation qui s'en vient sera très grave d'ici trois ou quatre
ans. L'épidémie, qui a commencé dans les régions du
comté de Gatineau en 1967, s'est étendue et couvrait 14 millions
d'acres l'an dernier; cette année, on n'a pas eu les résultats de
l'inventaire fait par le ministère des Terres et Forêts mais j'ai
l'impression que ça va approcher les 30 millions.
L'épidémie est déjà sur le Saint-Maurice.
Tous nos forestiers de district ont fait des observations dans leur territoire
et, selon les premiers rapports que nous avons eus d'eux ils avaient
fait des observations semblables l'an dernier la situation s'est
aggravée considérablement depuis l'an dernier. Le pire c'est que,
contrairement aux années 1940 à 1950, l'épidémie
s'en va vers le nord. En 1950, ça n'allait pas beaucoup plus haut que la
Manouane. L'autre jour, à Frédéricton, un ingénieur
forestier de CIP m'a dit qu'il y en a au lac Cooper, c'est beaucoup plus au
nord. Contrairement aux années 1940 à 1950, alors qu'il y avait
eu un peu d'infestation dans les jeunes peuplements, mais pas tellement parce
que c'était concentré dans la vieille forêt, aujourd'hui,
ce sont les jeunes peuplements qui sont attaqués et l'épinette
blanche. Ce qui veut dire que c'est toujours une bonne chose d'avoir une marge
de sécurité, et il faut absolument, pour protéger nos
arrières dans le domaine des ressources, une certaine banque et on est
prêt à payer pour.
M. CARPENTIER: Est-ce que votre société fait certaines
dépenses pour la prévention contre la tordeuse de bourgeons?
M. ROYER: Pour la prévention de la tordeuse de bourgeons, nous
payons un tiers du coût des arrosages.
M. CARPENTIER: Un tiers du coût des arrosages.
M. ROYER: Oui, sur nos terrains.
M. CARPENTIER: Même si le mémoire soumis par votre
compagnie avait surtout pour but de décrire les activités de
votre compagnie en ce qui concerne l'aménagement, nous aimerions
connaître vos vues sur certains points importants du livre blanc auxquels
vous n'avez pas tellement fait allusion ou pas directement dans vos remarques.
Par exemple, c'est une question que j'ai posée à une certaine
association au début des audiences, qu'est-ce que vous pensez de la
proposition du ministère des Terres et Forêts d'abolir totalement
les concessions forestières?
M. ROYER: Je pense qu'il aurait fallu manquer d'imagination si on
n'avait pas prévu une telle question. La question a été
posée à MM. Grondin et Bédard, de l'Association
forestière québécoise. On a essayé de leur arracher
les vers du nez et cela a donné lieu à une brève joute
oratoire entre le député de Chicoutimi et M. Bédard. Il
aurait été surprenant, comme je l'ai mentionné, si la
question ne nous avait pas été posée.
Par anticipation, j'ai préparé quelques notes parce que
c'est un sujet assez délicat et je ne voudrais pas dépasser notre
pensée. Ma première réflexion est que c'est une discussion
un peu académique parce que cela a déjà été
décidé depuis longtemps. Le principe de base a été
accepté sans possibilité de retour par le ministère des
Terres et Forêts, comme le ministre nous l'a dit le 20 juin. Cette
décision d'abolir les concessions a été adoptée par
quelques officiers du ministère. Comme je l'ai mentionné, c'est
une discussion un peu académique; toutefois, la question est
posée et je vais y répondre, je vais exprimer une opinion.
Je pourrais dire que, personnellement, tout simplement et
brièvement, je ne vois pas l'utilité d'abolir toutes les
concessions forestières.
Si je me contente de dire cela, je n'aurai pas prouvé
grand-chose. Ceux qui prétendent qu'il faut les abolir auront
peut-être prouvé aussi qu'ils ont raison autant que moi. Je vais
donner quelques raisons sur lesquelles j'ai basé mon opinion.
Dans le livre blanc, on a donné quelques raisons; quelles sont
ces raisons? On les retrouve aux sections III et IV du chapitre 2 du tome I
quand on parle des contraintes structurelles et également des
restrictions attribuables à l'utilisation polyvalente. Nous les avons
examinées une par une et j'en suis venu à la conclusion qu'on n'a
pas fait la preuve que c'est absolument nécessaire d'abolir toutes les
concessions. Je pense que la preuve qu'on a essayé de faire est assez
poreuse et, comme on dit en termes de mathématiques, on a
été loin de faire la preuve par 9.
Pour ne pas rester dans l'abstrait, je vais repasser rapidement
quelques-unes de ces raisons. On a parlé des grandeurs des unités
d'aménagement. Pour soutenir cet argument, on a préparé un
tableau à la page 145 où on a classifié les concessions
forestières par ordre de grandeur. On a dit, au départ, que
ça prendrait des unités d'au moins 1,000 milles carrés.
Dans le tableau, il y a deux sections; dans la section de droite on a
classifié les unités d'aménagement présentes dans
les concessions forestières par le nombre, celles qui étaient
plus petites que 1,000 milles carrés. On en a trouvé, je pense,
83 p.c; ça, on l'a mentionné dans le texte.
Dans d'autre section du tableau de la page 145, on a donné la
liste des concessions, on les a classifiées par état de grandeur
mais au point de vue de la superficie. On n'a pas eu, par exemple, la
décence de dire dans le texte que les unités qui ont 1,000 milles
carrés représentent 73 p.c, je crois, de l'ensemble. Si on ajoute
celles de 500 à 1,000 milles carrés, il en reste 13 p.c. qui ont
moins de 500 milles carrés. On a préparé une carte
essayant de localiser les petites concessions forestières. Lors d'une
réunion, au comité forestier de l'Association des
industries forestières du Québec, on a examiné la
carte. Un ingénieur forestier m'a dit: Tu mets notre concession
là comme une concession où il peut y avoir des problèmes,
parce qu'elle n'est pas grosse; or, on n'a pas de problème. Ce qui veut
dire que, même dans les petites, qui ont moins de 500 milles
carrés, il n'y a pas toujours des problèmes.
Il y a eu d'autres raisons d'un ordre plus abstrait, par exemple, et
plus difficiles à réfuter. On a parlé de l'utilisation
polyvalente. Je pense que la même question a été
posée cet après-midi par le député de Saguenay.
Cette raison-là, nous ne la retenons pas; vous n'avez qu'à
examiner notre mémoire et le cahier de cartes qu'on va vous donner. Une
grande partie de nos concessions forestières sur le Saint-Maurice sont
occupées par des clubs de chasse et de pêche, font partie de parcs
provinciaux, de réserves de chasse et de pêche. Il y a des
problèmes d'utilisation polyvalente mais pourquoi? Simplement parce
qu'il n'y a pas toujours eu dans le passé assez de consultation entre
les deux ministères concernés.
Il y a eu un problème spécifique en 1968 dans le parc du
Mont-Tremblant, le problème a été réglé,
parce que les deux concessionnaires intéressés, concernés,
ont provoqué une réunion entre le ministère des Terres et
Forêts et le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la
Pêche. Il y a eu des problèmes dans la réserve de Portneuf
au point de vue de l'utilisation polyvalente et on a organisé des
réunions sur le terrain qui ont réglé les
problèmes. Ce sont les raisons qu'on a invoquées dans le livre
blanc.
On veut remplacer les concessions forestières, mais quand on veut
faire un changement, il faut se demander si ce qu'on veut mettre à la
place est mieux. On suggère la formule de la forêt domaniale.
Personnellement, je ne suis pas contre la formule de la forêt domaniale.
Il y a certains endroits dans la province où ç'a joué un
rôle utile et je pense particulièrement à la
Gaspésie. Dans le cas du Saguenay, la forêt domaniale du Saguenay
a été formée de concessions de Price Brothers qui ont
été remises au gouvernement. Dans la région du
Lac-Saint-Jean, elle fut formée d'anciens terrains vacants. Autrement
dit, ce qui s'appelait des terrains vacants s'appelle aujourd'hui une
forêt domaniale.
On s'est demandé quelquefois quelle était
l'efficacité de l'administration des forêts domaniales. Ce n'est
pas à nous de dire ce qui se passe là, M. Drummond s'est
chargé de le dire le 20 juin. Dans les concessions forestières,
quels sont les problèmes? Au point de vue des résineux... On va
commencer par les bois francs. Au point de vue du sciage, il n'y a aucune
sous-utilisation.
Il est maintenant évident, après les réunions
régionales de 1967 et celles qui ont eu lieu dernièrement, que le
ministère accepte ce qu'on lui a dit en 1967. Il reste du bois franc
pour les industries de sciage et de déroulage pour à peu
près dix ans; il faut voir cela avec des lunettes roses.
Passons pour les bois francs, il reste les résineux. Vous avez
les concessionnaires qui utilisent leurs possibilités à 100 p.c,
donc pas de problème. Il reste certains endroits où il y a une
sous-utilisation qui est inacceptable. Dans ces cas-là, je pense qu'il
serait assez facile pour le ministère d'adopter une loi qui lui
donnerait l'autorité de régler ces cas particuliers. Il faut
s'entendre au sujet des concessions forestières. Plusieurs l'ont
souligné au cours des audiences; qu'est-ce qu'on veut en
réalité? On veut simplement changer le nom. Dans les forêts
domaniales, dans le Lac-Saint-Jean, vous avez des territoires qui sont
alloués pour 20 ans à des industriels du sciage; c'est une
concession forestière à laquelle on donne simplement un autre
nom.
M. DRUMMOND: Est-ce que je peux faire une mise au point? Les
décisions en ce qui concerne l'abolition progressive des concessions
forestières n'ont pas été prises par les officiers du
ministère des Terres et Forêts mais par le gouvernement.
M. ROYER: M. le ministre, à un moment donné, il faut dire
tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. Même au sein du
ministère, il y en a un grand nombre qui ne sont même pas en
faveur de cela.
M. MacLEOD: M. le ministre, il me semble que la question de l'abolition
des concessions est plutôt quelque chose que l'on devrait regarder comme
un slogan, parce que si vous remplacez ce que l'on appelle une concession par
une autre forme de tenure qui a d'autres éléments mais qui a la
sécurité voulue, soit par l'industrie de sciage, soit par les
concessionnaires de pâtes et papiers qui sont en place dans le moment,
l'autre forme de tenure aura certains éléments différents
de la concession que nous détenons aujourd'hui. Quels seront les
éléments, dans cette forme de tenure, de concessions qui sont des
souhaits, selon le ministre, selon le ministère ou selon le
gouvernement.
Il me semble qu'il y a principalement deux éléments. Il y
a d'abord la possession exclusive du territoire par le concessionnaire. C'est
certainement quelque chose que le concessionnaire ne veut pas garder, parce que
nous n'exerçons pas cette exclusivité. Le public passe sur le
terrain, tout le monde passe sur les concessions; il n'y a pas alors un grand
changement, si, dans la loi, on reconnaît que le concessionnaire n'a pas
besoin d'une possession exclusive du territoire. Le deuxième
élément, qui est peut-être un souhait, est le droit de
propriété sur le bois debout. Il me semble que si ce droit est
remplacé par une autre forme de sécurité par laquelle
l'Etat prend possession du bois et en échange protège le bois
lui-même, ou quelque chose de semblable, je ne crois pas que ce soit un
gros problème.
Nous restons après cela avec les compagnies ou les
concessionnaires d'aujourd'hui avec la même forme de
sécurité qu'ils ont chez eux, dans les concessions, si vous
voulez, mais il y a deux éléments différents.
M. DRUMMOND: On a toujours dit qu'on était prêt à
donner les garanties nécessaires à l'industrie. Pourquoi
l'industrie s'élance-t-elle tellement contre le projet de l'abolition
des concessions forestières? A part cela, pouvez-vous nous dire quel
pourcentage de la possibilité de toutes vos concessions vous
utilisez?
M. ROYER: J'ai donné les chiffres tantôt par région,
contrairement...
M. DRUMMOND: Non, mais grosso modo.
M. ROYER: Grosso modo, cela ne veut rien dire. C'est justement le
reproche que je fais au livre blanc, c'est d'avoir lancé à tout
hasard, d'avoir "garroché" un chiffre de 65 p.c.
M. DRUMMOND: Je pose une question, vous ne voulez pas
répondre?
M. ROYER: Oui, je vais répondre. Vous me demandez de
répondre d'une façon globale; je ne veux pas avoir le même
reproche que je fais personnellement au livre blanc, celui d'avoir
"garroché" à tout hasard et à tout vent un chiffre de 65
p.c., que tout le monde invoque sans trop savoir de quoi il s'agit. C'est un
chiffre global qui n'a absolument aucune signification.
M. DRUMMOND: Je parle de votre compagnie.
M. ROYER: Je vais en venir à notre compagnie, mais il faut
prendre cela région par région. Dans les notes que j'ai
données tantôt, j'ai commencé, mais j'ai été
obligé d'écourter, j'ai fait une revue complète par
région.
Sur le Saint-Maurice, c'est de 95 p.c. à 100 p.c; là, il
n'y a pas de problème. Supposons que, demain, vous puissiez abolir les
concessions forestières, mais quel est le principe de la concession
forestière? Une concession forestière, c'est le droit de couper
du bois durant une période donnée. Vous acceptez le principe, il
n'y a pas grand monde qui n'accepte pas le principe; il n'y a que quelques
interventions qui ont fait voir qu'il y a des gens carrément
opposés à l'idée du principe d'un territoire alloué
pour une période donnée. Le principe, vous l'acceptez, parce que
vous êtes prêts à nous accorder un volume de bois durant une
période de 20 ans et peut-être même de 40 ans pour un
territoire donné. Si cela ne s'appelle pas une concession
forestière...
Mais comme on l'a mentionné avec beaucoup d'à-propos ce
matin, mon impression personnelle après avoir lu le livre blanc, est
qu'on a simplement voulu proscrire, honnir les mots "concession
forestière" pour les remplacer par autre chose. Pour ce qui est de nos
concessions forestières sur le Saint-Maurice, à partir de demain,
si vous nous donnez un contrat, une allocation contractuelle pour 40 ans
on reparlera de la période plus tard dans l'immédiat, cela
ne nous causera aucun problème, ce sera la même chose.
Supposons que vous puissiez prendre une gomme à effacer pour
supprimer les concessions forestières sur le Saint-Maurice et que vous
fassiez la même chose pour CIP, après, pour être logiques,
vous allez nous donner des territoires et les deux compagnies vont retomber sur
les mêmes pattes. Peut-être que cela pourra régler les
petits problèmes d'enclave, mais pour les problèmes d'enclave qui
existent sur le Saint-Maurice, nous avons dans nos dossiers des documents
on en a à peu près quatre tiroirs des études
qui ont été faites dans les années quarante et depuis lors
pour essayer de régler le problème des concessions
forestières qui chevauchent sur les lignes de hauteur des terres. Il y a
20 ans, c'était un problème parce que le bois était
tiré par des chevaux; aujourd'hui, ça n'en est plus un. Dans le
cahier de cartes que nous avons préparé, nous vous donnons toutes
les informations sur tous les échanges de droits de coupe. Ces
problèmes se sont réglés d'une façon facile, il n'y
a même plus de problèmes aujourd'hui. On va retomber avec les
mêmes.
Cette situation n'existe pas simplement sur le Saint-Maurice. Prenez la
Côte-Nord, par exemple, vous allez isoler les concessions de la Quebec
North Shore.
M. DRUMMOND: Tout ce que j'ai posé, c'était une question.
Je crois qu'il est assez facile de répondre sans faire une longue
déclaration.
M. ROYER: Est-ce que la réponse vous satisfait?
M. DRUMMOND: J'ai demandé quel pourcentage, grosso modo, des
concessions...
M. ROYER: En fait de pourcentage, j'ai répondu.
M. DRUMMOND: ... de la possibilité des concessions de la
compagnie Consol vous utilisez. C'était une question précise.
M. ROYER: Le chiffre global ne veut rien dire.
M. DRUMMOND: Peut-être que cela ne veut rien dire, mais
c'était la question que j'avais posée.
M. ROYER: A Normandin, l'utilisation a été de 80 p.c. au
cours des 20 dernières années et, d'ici cinq ans, ce surplus va
être utilisé. A
Péribonka, c'est 38 p.c. au cours des 20 dernières
années; sur la Côte-Nord, c'est 68 p.c; à Anticosti, c'est
à peu près 45 p.c. Je n'ai pas eu le temps de donner tous les
chiffres tantôt parce que j'ai été obligé de
hâter le pas.
M. CARPENTIER: Une autre question. A titre de responsable, de
gestionnaire pour votre compagnie, il en a été un peu question
tantôt, que pensez-vous de la proposition du livre blanc de
séparer la notion de gestion de celle de l'exploitation?
M. ROYER: Je vais vous dire cela non seulement à titre de chef
forestier de Consolidated-Bathurst mais aussi à titre d'ingénieur
forestier qui aime sa profession, qui est fier des ingénieurs
forestiers. J'ai préparé des notes à ce sujet-là,
sur ce que j'en pense. C'est une question assez grave et je ne veux pas parler
sans consulter les notes que j'ai préparées à ce
sujet.
Premièrement, il faut définir la notion de gestion
forestière. Ce sont les opérations requises pour administrer un
territoire forestier, c'est l'inventaire, la cartographie, la planification des
interventions, et aussi des peuplements, la protection, etc. Le livre blanc dit
ceci: La notion de gestion de toutes les activités est reliée aux
formes d'utilisation du milieu forestier. Cette dissociation des deux concepts
peut exister théoriquement; cependant, en pratique, on ne peut pas et on
ne doit pas dissocier les deux aussi facilement. Il faut qu'il y ait un lien
assez étroit entre les activités de gestion et celles de
l'exploitation. Ceci est nécessaire pour permettre aux responsables de
la gestion forestière de mieux orienter leur action.
Il y a une interdépendance entre la gestion et l'exploitation.
Lorsque cette interdépendance est reconnue dans les faits, les
aménagistes forestiers sont plus en mesure d'exercer une gestion
forestière qui colle davantage à la réalité.
Les responsables de l'exploitation et les aménagistes forestiers
doivent travailler continuellement la main dans la main. Il doit y avoir un
phénomène d'osmose continuel entre ces deux sortes
d'activités théoriquement séparables. Cette collaboration
constante permet à chaque groupe d'agir avec plus
d'efficacité.
S'il n'y a pas ce lien étroit entre les deux groupes, les
premiers, les aménagistes forestiers, ont tendance, jusqu'à un
certain point, à agir plus en théoriciens qu'en praticiens. C'est
un fait indéniable que la gestion forestière est beaucoup moins
efficace, dans l'ensemble, chez un concessionnaire où il y a un certain
fossé entre les forestiers et les exploitants.
Pour mieux illustrer notre pensée, nous ajouterons que la grande
faiblesse dont ont toujours fait preuve les aménagistes du
ministère des Terres et Forêts, dans le passé, fut
justement d'être trop loin du domaine de l'exploitation et des
réalités de tous les jours qui s'y rattachent.
Cette faiblesse est apparue évidente, souvent, lors de
discussions individuelles avec eux. Elle s'est manifestée de
façon péremptoire au cours des réunions tenues pour les
essences secondaires en 1967, alors que, parmi les décisions prises par
le ministère des Terres et Forêts, il y en avait plusieurs qui
n'étaient pas réalistes. D'ailleurs, plusieurs décisions
imposées aux concessionnaires et aux utilisateurs ne purent jamais
être appliquées, parce qu'on demandait des choses
irréalisables à cause des contraintes qui étaient fort mal
connues des officiers du gouvernement, dont les activités de gestion
étaient encore trop éloignées des activités
d'exploitation.
Il ne s'agit pas de blâmer les fonctionnaires gouvernementaux qui
ont tenu les dites réunions. Ces fonctionnaires étaient et sont
encore aussi intelligents que les administrateurs de compagnie qui leur
faisaient face. C'était la faute du système et non celle des
individus.
Comme exemple des décisions irréalistes prises en 1967,
faute d'une connaissance des réalités de l'exploitation, l'on
informa un concessionnaire qu'il aurait une allocation de bois franc dans les
concessions de deux autres concessionnaires. Ceci était tout à
fait impossible pour les premiers territoires concernés, car la grande
distance de "charroyage" rendait le tout économiquement impossible. Cet
aspect important avait été oublié par les fonctionnaires
gouvernementaux. D'autres réunions furent tenues au cours des derniers
mois pour réviser le plan quinquennal d'allocation. On a, à
nouveau, proposé certaines mesures inapplicables. Par exemple, on a
assigné à quelques utilisateurs des coupes sur des terrains
vacants où il ne restait presque rien. Cependant, on a fait preuve, en
1967, de beaucoup plus de réalisme qu'au cours des derniers mois,
grâce à la leçon, en ce sens, qui fut servie il y a cinq
ans.
Il est toujours préférable nous l'avons
mentionné dans notre mémoire et aux audiences publiques en 1965
que l'inventaire d'un territoire soit exécuté par ceux qui
sont appelés à l'exploiter et à se servir, par
conséquent, des données de l'inventaire. Une raison à ceci
est que les aménagistes forestiers, qui travaillent la main dans la main
avec les responsables de l'exploitation, ont un plus grand stimulant et un
meilleur guide pour effectuer un travail précis et adéquat. On se
plaint avec raison que, chez certains concessionnaires, il y a un cloisonnement
encore trop rigide entre les aménagistes et les responsables de
l'exploitation. Le fossé entre ces deux catégories d'individus
s'élargira de façon générale si les
activités de gestion deviennent, en fait complètement
dissociées des activités d'exploitation, comme le souhaitent les
livres blancs. A notre avis, c'est un des grands dangers, puisqu'on risque
d'éloigner encore plus les ingénieurs forestiers
aménagistes des responsables de l'exploitation.
M. CARPENTIER: Une seule autre question est revenue souventefois au
cours des audiences.
Quel usage les compagnies ont-elles fait de leurs profits dans le
passé? En ce qui concerne votre société, avez-vous
quelques explications à nous donner?
M. MacLEOD: Au cours des audiences précédentes, souvent,
cela m'a fâché d'entendre des individus accuser des compagnies
d'être parties avec leurs profits dans leurs poches. Je n'étais
pas fâché contre les individus qui ont fait des
déclarations fausses ou sans fondement. J'étais plutôt
fâché contre moi-même, parce que je n'avais pas les chiffres
en main qui pouvaient représenter ce que les compagnies ont fait
actuellement. Naturellement, nous ne courons pas partout avec des chiffres
donnant l'histoire financière d'une compagnie. Cependant, à la
suite de ces déclarations, nous avons sorti des chiffres, pour notre
compagnie; c'est ce qu'on pourrait appeler le "cash flow" de la compagnie,
constitué de ses ventes et de ses profits, depuis 40 ans. J'ai ici des
feuilles. Je peux lire les chiffres, mais personne n'est capable de suivre la
lecture d'un paquet de chiffres. Si vous pouviez faire distribuer ces feuilles,
nous pourrions vous donner une réponse définitive à cette
question.
Maintenant, j'aimerais que vous puissiez considérer ces chiffres
non comme confidentiels mais pour votre usage personnel. La raison en est
qu'ils sont ensemble d'une manière qui ne plaît pas à nos
contrôleurs et aux comptables de la compagnie. Apparemment la
comptabilité est une chose pas mal profonde et, si on ose changer la
méthode d'assembler les chiffres, ça cause des ennuis. Je dirais
même que les besoins de la discipline de la comptabilité sont
aussi mystérieux que le mystère de la Sainte Trinité.
Alors j'aimerais que vous gardiez ces chiffres pour votre usage; ce n'est pas
pour publier parce que je serais massacré.
Ces chiffres représentent l'histoire de la compagnie depuis 1932
par décennie. Vous verrez dans la première colonne que nous avons
des ventes nettes...
M. LE PRESIDENT: Ces chiffres seront enregistrés au journal des
Débats et ils seront publics.
M. MacLEOD: Ce que je dis sera public mais je ne voudrais pas indiquer
dans les Débats...
M. LE PRESIDENT: D'accord.
M. MacLEOD: C'est juste pour que vous soyez capables de me suivre. Les
ventes nettes pour la première décade étaient de $174,000
et pour la dernière décennie, 1962 à 1971, de
$2,235,000,000. Au total nous avons vendu des produits forestiers au cours de
40 ans pour un total de $4,130,000,000. Le taux de vente annuelle en 1971 se
chiffre par $345 millions, comparé avec une moyenne de $17 millions
à la première décennie. Alors c'est une multiplication par
20. Le chiffre de ventre était 20 fois plus élevé
l'année passée qu'au commencement de notre histoire.
Maintenant, les bénéfices que nous avons obtenus pendant
la période sont sur la deuxième ligne. Si vous enlevez de ces
chiffres l'amortissement et l'épuisement ainsi que les
intérêts à payer sur la dette, vous aurez $626 millions,
qui représentent les bénéfices avant l'impôt sur le
revenu pendant la période. Dans les colonnes précédentes,
vous avez les mêmes chiffres pour chaque décennie.
Les impôts que nous avons payés représentent $296
millions et vous remarquerez que c'est presque 50 p.c. des
bénéfices avant l'impôt sur le revenu.
Alors le bénéfice net après impôt est de $330
millions et ceci représente une moyenne de 8 p.c. sur le volume de
vente. Pendant des années cela a fluctué entre 1 p.c, au
commencement, jusqu'à 11 p.c., 13 p.c. et, durant la dernière
décennie, 5 p.c. sur le chiffre de vente.
Maintenant, le fonds que nous pourrions utiliser pour investissements
dans nos projets d'expansion, l'entretien et l'amélioration des usines
consiste en $330 millions de profits. Il faut ajouter l'amortissement et
l'épuisement ainsi que les impôts différés, pour
faire un chiffre de $616 millions disponibles pour des utilisations
quelconques.
Aussi, il y a deux autres moyens de se procurer des fonds, c'est une
augmentation de la dette à long terme et l'émission de
capital-actions. Vous verrez que, pendant la période de 40 ans, nous
avons un changement net de $84 millions pour la dette à long terme et
une émission de capital-actions de $85 millions.
Alors, toutes les sommes que nous avions pour améliorer nos
usines et payer nos actionnaires en ristournes sur investissements
étaient de $785,100,000.
Maintenant, comment avons-nous utilisé ces fonds? Pour les
augmentations et améliorations de notre ameublement et de
l'équipement, nous avons dépensé $337 millions. Ceci
représente 1 1/2 fois l'amortissement et l'épuisement. En
règle générale, pour rester en place ou pour avancer au
taux normal, on dit que nous devrions dépenser l'amortissement et
l'épuisement; nous les avons dépensés 1 1/2 fois pour
améliorer nos usines.
A la dernière ligne, vous remarquerez en même temps que
nous avons fait l'entretien et les réparations non capitalisées
pour garder les machines en état de marche pour une somme de $230
millions. Nous avons payé à nos actionnaires des dividendes au
montant de $219 millions. Ceci représente, pour la période de 40
ans, 7.9 p.c. de ristourne sur la valeur dans nos livres, pas la valeur du
marché mais la valeur dans nos livres.
Pour les quinze premières années de notre existence, il
n'y avait pas de dividendes, et depuis 1970, nous n'avons pas payé de
dividen-
des non plus. Le taux de ristourne sur la même base qui vous est
donnée est de 13 p.c. dans les années quarante, 11 p.c. dans les
années cinquante et 5.7 p.c. dans les années de la
dernière décennie.
Le dernier chiffre, pour équilibrer, est $227,700,000. Un tiers
de ce montant est l'augmentation du fonds de roulement, et le reste
représente les investissements que nous avons faits dans d'autres
compagnies telles que Consol, notre filiale en Allemagne et la compagnie
Rolland, etc.
Vous remarquerez que nous avons payé nos investissements dans
d'autres compagnies avec une augmentation de la dette à long terme et
avec l'émission de capital-actions. Toutes les autres sommes d'argent
que nous avions sont replacées dans notre affaire ou distribuées
à nos actionnaires.
Je crois, messieurs, que ces chiffres démontrent que c'est
complètement faux de dire que les compagnies abusent de leur position et
je nie catégoriquement que nos usines sont désuètes.
M. GAGNON: J'aurais une question supplémentaire. Quel est le
total de vos immobilisations avant la dépréciation et
après le montant qui reste net, une fois la dépréciation
enlevée?
M. DRUMMOND: Je vais devoir chercher. C'est $450 millions après
la dépréciation.
M. GAGNON: Et vous avez une dépréciation de combien, en
moyenne?
M. BOIVIN: Dans le même ordre d'idées, j'aurais aussi une
question à poser, pour ne pas y revenir.
M. CARPENTIER: D'accord.
M. BOIVIN: C'est une question importante, l'investissement. On accuse
les grandes compagnies forestières de ne pas investir et de ne pas
être capables, parce qu'elles n'investissent pas, de concurrencer les
sociétés étrangères. Que répondez-vous
à ça?
Lors des négociations, peut-être que ça sort, qu'il
faut faire face à la concurrence, améliorer nos usines. Tout
à l'heure, vous avez émis l'opinion, pour justifier votre
concession de Péribonka, je ne sais pas si c'est une concession ou une
forêt privée, que ça deviendrait rentable quand on pourra
améliorer l'usine de Port-Alfred.
Cette concession, quand vous aurez la machinerie nécessaire
à l'usine, sera rentable. C'est très important. Est-ce que
réellement les améliorations que vous allez apporter à vos
usines justifient tout l'effort que vous devez faire pour devenir
concurrentiels sur le plan on peut dire mondial, parce que vous exportez la
plupart de votre marchandise? Je pense que c'est important au point de vue de
la publicité et pour répondre aux accusations. On vous accuse de
mal gérer, de ne pas apporter toutes ces améliorations pour
rendre vos usines rentables et concurrentielles.
M. MacLEOD: M. le Président, pour répondre à cette
question, premièrement la rentabilité c'est une fonction du
profit. Dans le profit, il y a le prix de vente du produit ainsi que le
coût de fabrication. Dans le moment, le prix que nous recevons pour notre
produit a diminué à la suite de la chute du dollar
américain. Celui-ci a baissé, comme vous le savez, en valeur. Le
prix que nous recevons pour la partie exportée c'est le principal
de nos produits est basé sur le dollar américain, c'est un
prix en dollars américains. Quelques-uns ont dit que c'était de
la spéculation que nous avons faite; ce n'est pas du tout de la
spéculation, notre produit est vendu selon un prix basé sur le
dollar américain.
Maintenant, si le taux de change était resté
élevé, notre industrie serait en bonne position aujourd'hui mais
nous perdons à peu près $13 la tonne comparé à il y
a deux ans. C'est un des éléments. Il y a l'élément
du coût des matières premières et c'est un autre
élément qui nous désavantage.
Mais pour revenir à votre question, le coût de fabrication
dans nos usines n'est pas plus élevé qu'ailleurs; c'est
même moins élevé que dans le sud des Etats-Unis et je crois
que c'est moins élevé que dans l'Ouest canadien aussi. Ce n'est
pas l'usine elle-même ou le coût de fabrication qui nous
désavantage.
M. BOIVIN: On peut dire que, même si l'Etat gérait les
usines, même si l'Etat exploitait les forêts il serait aux prises
avec le même problème.
M. MacLEOD: Oui. Ce sont des faits de la vie, messieurs.
M. BOIVIN: C'est bien important parce que c'est un des gros arguments
que l'on exploite contre l'entreprise privée. Je crois que vous devriez
donner davantage d'explications sur ce sujet.
M. ROYER: D'ailleurs les véritables raisons pour lesquelles nous
sommes dans une position défavorisée au point de vue
concurrentiel avec le sud des Etats-Unis et les raisons pour lesquelles il
n'est pas facile d'agir ne sont pas localisées dans l'usine mais dans la
forêt. C'est très bien expliqué dans le livre blanc
à l'article 2 du tome I, à la page 89. Par exemple, la grosseur
du bois; ça prend 60 ou 70 ans à pousser ici. Aux Etats-Unis,
c'est 30 ans. La topographie.
M. BOIVIN: Je reviendrai tout à l'heure, pour laisser
terminer.
M. LE PRESIDENT: Le député de Laviolette.
M. CARPENTIER: Quant à moi, j'ai terminé mes questions, je
vous remercie d'avoir répondu avec autant de clarté.
M. MacLEOD: M. le Président, me permettez-vous d'apporter une
précision à la dernière question du
député?
Les recettes brutes étaient de $708 millions. La
dépréciation accumulée était de $234 millions et
les revenus nets étaient de $474 millions.
M. LE PRESIDENT: Le député de Nicolet.
M. VINCENT: M. le Président, à mon tour je voudrais
remercier la Consolidated-Bathurst de nous avoir présenté ce
mémoire très élaboré, nous donnant même des
cartes très bien préparées et nous exposant la
collaboration de la compagnie avec le ministère des Terres et
Forêts, les utilisateurs, les vacanciers, etc.
Maintenant, pour éviter que je pose des questions auxquelles on
aurait déjà répondu, parce que j'ai dû m'absenter
pour une bonne partie de la soirée, j'avais demandé à mes
collègues de le faire. Enfin de compte, j'aurai l'occasion, demain, de
lire dans les épreuves les réponses données par MM. Royer
et MacLeod.
Donc, si mes collègues ont des questions à poser, je leur
cède la parole.
M. BOIVIN: Est-ce qu'une compagnie comme la vôtre et d'autres
compagnies qui exploitent la forêt dans la province ont un inventaire
total et complet de leurs forêts?
M. ROYER: Oui, M. Boivin, et ça depuis 1920. Dans notre
mémoire, nous avons donné beaucoup d'informations, nous avons
d'ailleurs préparé une carte.
M. BOIVIN: Mais, si vous voulez, la deuxième question va vous
donner l'idée...
M. ROYER: Dans le mémoire, il y a une carte, nous avons pris
comme modèle la question du Saint-Maurice et nous y avons mis toutes les
années des inventaires les plus récents. On a également
mis sur ça toutes les années des inventaires antérieurs.
Nous avons fait un inventaire complet au point de vue de toutes les essences.
Au point de vue, par exemple, des bois feuillus, sortir des estimations
à la base des inventaires, c'est plus difficile. Maintenant, pour les
essences commerciales comme le merisier et le bouleau, on a tous les
renseignements. Autrement dit, celui qui a parlé cet après-midi,
s'il était venu nous voir pour avoir les renseignements, nous les lui
aurions donné facilement pour les résineux et pour le
bouleau.
Nous avons également tous les renseignements de base pour les
autres essences qui ne trouvent pas preneur actuellement comme le tremble. En
1965, la compagnie Albert Gigaire était intéressée
à commencer à utiliser le tremble. Elle est venue nous voir, nous
avons mis tous nos renseignements à sa disposition et on a
publié, une étude merveilleuse, nous avons tous les
renseignements de base.
M. BOIVIN: Vous avez travaillé aussi pour le ministère des
Terres et Forêts, ça s'est peut-être amélioré
depuis que vous êtes parti, ou ça a empiré. Je veux savoir
si le gouvernement a les mêmes inventaires. Envoyez-vous des copies de
ces inventaires? Ce qui me fait douter, c'est que vous avez dit que, dans
certains parterres de coupe préparés par le ministère des
Terres et Forêts, on ne trouvait pas le bois sur lequel vous comptiez
pour l'exploitation du parterre de coupe que l'on vous donnait cette
année-là.
M. ROYER: J'aurais mentionné que...
M. BOIVIN: Il me semble que c'est vous qui avez dit tout à
l'heure que certains inventaires forestiers pouvaient nous faire douter que le
ministère des Terres et Forêts n'a pas vos inventaires.
M. ROYER: Le ministère a nos inventaires.
M. BOIVIN: Il a vos inventaires, mais comment se fait-il que, sur
certains parterres de coupe, vous dites que vous ne trouvez pas le bois?
M. ROYER: Ce n'est pas ce que j'ai dit exactement. Le ministère a
tous les inventaires des compagnies. Seulement, il faut également
interpréter les inventaires. Dans l'interprétation, ce sont ceux
qui sont près du terrain qui sont capables d'analyser les chiffres. Par
exemple, au sein de notre compagnie, nous avons un personnel d'inspecteurs
forestiers continuellement sur le terrain, connaissant chaque recoin du
territoire. Ces inspecteurs communiquent leurs connaissances à nos
forestiers de district, qui également discutent des problèmes
avec les forestiers divisionnaires. C'est ça, ça prend un lien
très étroit entre l'aménagiste forestier et les
responsables de l'exploitation.
Maintenant, le ministère, parfois, peut faire des erreurs. Mais
ces erreurs, je les comprends d'autant plus facilement que j'ai
été moi-même à l'emploi du ministère des
Terres et Forêts de 1944 à 1951 : Je vous dis que parfois
et je le dis avec énormément de sincérité je
le prends en pitié. Parce qu'il ne faut pas oublier que nous avons des
problèmes, les journées ne sont pas assez longues, il y a bien
des problèmes que nous ne pouvons pas examiner en profondeur et pourtant
nous n'avons affaire qu'à nos terrains forestiers, à nos
concessions et à nos terrains privés.
Pour le ministère, cela vient de tous les coins de la province.
Alors j'ai énormément de sympathie pour lui. Il fait des erreurs.
Nous en faisons nous aussi. Pour vous donner un exem-
ple, il a fait faire un inventaire des bois feuillus, de 1966 à
1969. Les chiffres sont sortis l'automne dernier. Cela a été
communiqué aux compagnies. Ses chiffres avaient des proportions
astronomiques comparés aux nôtres.
Nous avons organisé des réunions, pour tâcher de
cerner les problèmes, pour savoir pourquoi. Nous étions
intéressés, autant que lui, à savoir qui se trompait.
Etions-nous trop bas ou était-ce lui qui était trop haut? Nous
avons augmenté nos chiffres un peu. Nous nous sommes aperçus, en
discutant, par exemple, qu'il avait oublié d'enlever le secteur de 200
milles carrés du parc national sur lequel il y a
énormément de bois franc. Nous, nous ne pouvions pas l'oublier
parce que nous avons été aux prises avec le problème.
J'ai compris que l'ingénieur qui a fait les calculs a
oublié cela parce que ce n'était pas ancré dans le
derrière de sa tête avec la même intensité que chez
nous. Comme résultat final, après avoir fait des ajustements des
deux côtés ses chiffres étaient à peu près
sept fois plus élevés que les nôtres. Nous l'avons
convaincu que c'étaient les nôtres qui étaient le plus
près de la vérité. Dans le nouveau plan de distribution
qui a été préparé, il y a à peu près
cinq ou six mois, on a pris les chiffres des compagnies.
Nous nous sommes informés ailleurs de ce qui s'était
passé. Les proportions étaient à peu près les
mêmes. Les ingénieurs qui ont fait le travail sont très
compétents, mais il y a un lot d'éléments
impondérables, et ce n'est pas facile.
J'avais lu, il y a quelques années, dans le Sélection du
Reader's Digest, qu'on avait construit, à Pittsburg, un bureau de poste
qui avait coûté $6 millions, et on s'est aperçu qu'on avait
oublié de mettre des boîtes à lettre. C'est juste pour dire
qu'il est facile de faire un oubli et de prendre une tangente.
M. VINCENT: M. Royer, avec la permission du député de
Dubuc, vous venez de soulever là un point qui, à mon sens, est
très important. Cet après-midi, on a mentionné qu'on avait
de la difficulté à obtenir des renseignements et des informations
détaillés. Je pense bien qu'en soulignant ce point
j'espère que le ministre en a pris bonne note il faudrait d'abord
commencer par parler le même langage, que les compagnies et le
ministère parlent le même langage, se servent du même code.
S'il y a des écarts aussi considérables entre les chiffres que
vous croyez sûrs et les chiffres que le ministère a et qu'il croit
également sûrs, il peut bien exister une confusion des langues.
Cela peut bien devenir, à un moment donné, une tour de Babel.
Je pense que, si le ministre en prend bonne note, ce sera
peut-être un des premiers points, dans une future politique
forestière, qu'il existe un code similaire utilisé tant par le
ministère que par les compagnies.
M. ROYER: En marge de vos remarques, M.
Vincent, en 1965, le ministère des Terres et Forêts a
créé le service des inventaires forestiers, qui était
réellement une nécessité. Il s'agissait de mettre un peu
d'ordre dans cela parce qu'avant, tout était fait un peu au petit
bonheur. On a commencé par couvrir les terrains vacants. En 1968,
l'industrie a été approchée, par le truchement du
comité forestier de l'association, par le ministère des Terres et
Forêts, pour savoir si on était prêt à participer
à l'élaboration et à l'exécution d'un programme
d'inventaire national pour toute la province. On a accusé, l'autre jour,
l'industrie d'être négative. Nous n'avons pas été
négatifs, à ce moment-là. Nous avons collaboré avec
empressement parce que nous reconnaissions qu'il y avait un besoin
d'uniformiser les données dans toute la province, si on veut être
capable de sortir de beaux documents. Il s'en est sorti en Ontario et au
Nouveau-Brunswick. Ce sont des chiffres qu'il sera intéressant, pour un
député, de se procurer, parce qu'il y aura des chiffres de son
comté, mais ce sont des chiffres tellement généraux qu'ils
n'ont pas beaucoup de valeur pratique.
Au point de vue de l'aménagement forestier, le nouveau
système d'inventaire national présentera certains
désavantages, parce que vous imaginez un inventaire du ministère
dans toute la province! Il doit être relativement plus intensif. On aura
des données relativement sûres, pour de grands territoires. Quand
on voudra procéder pour des petits territoires, ce ne sera pas
suffisant.
D'ailleurs, c'est reconnu dans le livre blanc. On dit que ces
inventaires, pour fins d'exploitation, n'auront pratiquement aucune valeur. La
question d'uniformité est certainement très importante.
M. VINCENT: M. Royer, vous avez mentionné, tout à l'heure,
qu'il existait, au Québec, du bois franc pour les dix prochaines
années. Je pense que c'est ce que vous avez dit. J'arrivais.
M. ROYER : Textuellement, pour le sciage et le déroulage.
M. VINCENT: Pour le sciage et le déroulage, il en existait pour
dix ans. On ne pouvait pas s'écarter de cela. C'était pour dix
ans. Au sujet de cette période que vous avancez, a-t-on fait les
mêmes constatations au ministère ou dans d'autres compagnies?
M. ROYER: J'ai, d'ailleurs, fait allusion à cela tantôt.
Même le ministère reconnaît cela. En 1964, il y avait une
réunion au siège social, à Montréal, avec la
Société Albert Giguaire et J.-C. Martel, pour régler leur
entente dans la région de Saint-Michel-des-Saints. La veille, j'avais
fait des calculs rapides pour faire le point au sujet des possibilités
d'approvisionnement de bois franc de sciage et de déroulage.
J'étais arrivé à la conclusion qu'il restait
peut-être du
bois pour quinze à vingt ans. Le lendemain, j'ai demandé
aux messieurs Gignac de la Société Albert Giguaire, sans leur
faire part des calculs que j'avais faits la veille: Pour combien de temps
pensez-vous être capables d'avoir du merisier propre au déroulage
sur le Saint-Maurice? On m'a répondu, avec beaucoup d'optimisme:
Peut-être pour dix ans. Tous les faits qui sont survenus depuis ce temps
ont vérifié cet avis.
En 1965, lors des audiences publiques, un mémoire
préparé par un ingénieur-conseil parlait de la
sous-utilisation des bois francs. Je me suis opposé à cette
affirmation. M. J.-A. Lafleur, de Commonwealth Plywood, qui est une
autorité au point de vue du bois franc, s'est fait poser la question par
un des sous-ministres du temps, M. Deschamps: M. Lafleur, pour combien de temps
serez-vous capable de couper du bois franc pour fins de déroulage? Sa
réponse a été: Pour quinze ans. Après, on va
retourner dans les parterres de coupe glaner quelques arbres qui sont
restés là.
Le ministère le réalise maintenant. D'ailleurs, je pense
que M. Drummond l'a affirmé le 2 mai, devant les manufacturiers de bois
de sciage. On a demandé: Pourquoi faire des coupes
accélérées? C'est que c'est une liquidation.
M. VINCENT: Si cela touche le bois franc et le merisier,
également l'érable, cela veut dire que les manufacturiers de
meubles que nous avons entendus juste avant six heures, avant la suspension
pour le dîner, seront en très grande difficulté dans dix
ans.
M. ROYER: Je n'étais pas ici quand les manufacturiers de meubles
ont présenté leur mémoire. Seulement, j'ai lu des articles
qui ont paru dans les journaux, au cours des deux derniers mois. La situation
qu'ils ont décrite est exacte. Il y a réellement un
problème, surtout depuis qu'il y a du bois qui s'en va au Japon, pour
les allées de quilles.
M. VINCENT: Ils se plaignaient, avec raison, qu'ils avaient un manque de
matière première, en merisier et en érable. Ils disaient
qu'ils avaient un marché considérablement ouvert pour les six
prochaines années, mais que, déjà, ils manquaient de
matière première. D'après ce que vous dites, ce sera
encore plus désastreux dans douze ou quinze ans.
M. ROYER: C'est un problème grave.
M. VINCENT: Y a-t-il une possibilité de commencer tout de suite
à faire quelque chose pour dans vingt ans, dans ce domaine?
M. ROYER: C'est probablement impossible. Premièrement, il faut
faire se régénérer le merisier, qui est une essence qui ne
se régénère pratiquement pas naturellement. Il y en a
devant qui j'ai déjà fait cette affirmation qui ont sauté
parce qu'ils ont vu des petits merisiers dans la région de
Batiscan-Sainte-Anne. Mais il n'y aura jamais de peuplements de merisier pour
remplacer ceux qui sont exploités actuellement.
Les peuplements qu'on exploite actuellement sont âgés
d'à peu près 150 à 200 ans. Il faudrait probablement
rétablir le merisier. Pour cela, il faudrait faire des coupes, faire de
la scarification, comme il s'en fait en Ontario, avec l'espoir d'en
récolter les bénéfices dans à peu près 150
ou 200 ans.
Maintenant, la question qui se pose n'est pas facile. Je vous dis qu'il
y en a, des problèmes. Cela a été mentionné, je
pense, dans le livre blanc, à un moment donné, que les
problèmes forestiers ne sont pas toujours faciles à
régler. C'est extrêmement complexe. C'est bien beau de prendre des
mesures, de dépenser de l'argent pour investir dans la
régénération du merisier, mais qui nous dit que, dans 100
ans, c'est une essence qui sera autant en demande avec tous les changements
technologiques? Des décisions semblables se posent même au niveau
des essences résineuses.
M. BOIVIN: Tous les ans, vous préparez votre parterre de coupe et
vous le présentez au ministère des Terres et Forêts.
M. ROYER: Oui.
M. BOIVIN: Je sais qu'il y a des petites industries, il y a des
coopératives qui se présentent aussi au ministère des
Terres et Forêts. Tous les ans, j'écris au ministère et je
dis: Je ne veux pas qu'il y ait de politique dans les services qu'on peut
donner à la petite et à la moyenne industrie. Si le
ministère des Terres et Forêts avait à préparer,
actuellement, les parterres de coupe de toutes les compagnies il faut
que cela arrive à une date donnée pensez-vous que le
ministère des Terres et Forêts serait capable de fournir à
temps, à chacun des exploiteurs forestiers, le parterre de coupe qu'il
doit leur donner?
M. ROYER: Le ministère serait simplement débordé
par les problèmes. C'est aussi simple que cela.
M. BOIVIN: On parlait de deux ou trois ans pour changer la gestion des
compagnies. C'est ce qui nous fait comprendre que le ministère des
Terres et Forêts demande au moins dix ans.
M. ROYER: Le ministère est réaliste. Il est
mentionné dans le livre blanc qu'il faudra tout de même, dans un
souci de réalisme, tenir compte de la compétence et de
l'expérience acquise par les concessionnaires forestiers.
M. BOIVIN: J'aurais une autre question à poser au sujet de
l'emploi. Est-ce que la mécanisation de vos usines apporte une
baisse
de l'emploi, dans l'exploitation forestière
générale? Vous pourriez peut-être nous donner des chiffres
de l'emploi par rapport à ce que vous avez exploité, en telle
année, voilà dix ans, et aujourd'hui. Produisez-vous avec moins
d'employés?
M. MacLEOD: Je dirai en général, M. le Président,
que, disons depuis dix ans, il n'y a pas beaucoup de diminution dans la
main-d'oeuvre des usines. On fait augmenter la vitesse des machines pour avoir
une augmentation de l'activité, mais cela n'entraîne pas une
diminution de la main-d'oeuvre. Même avec les plans d'expansion que nous
avons pour l'usine Belgo, à Shawinigan, je crois que nous aurons une
soixantaine d'hommes supplémentaires à engager pour cette usine,
dans le courant de l'année qui vient. Alors eu général,
non, il n'y a pas une baisse appréciable.
Dans la forêt, par exemple, la situation n'est pas du tout la
même. Chaque fois que nous achetons une machine, comme une
tronçonneuse ou des machines neuves qui vont en forêt, il y a
certainement une baisse dans le nombre d'employés forestiers. Cependant,
c'est une course pour savoir s'il y a nssez d'hommes, aujourd'hui, pour faire
notre bois. Nous ne savons pas si c'est nous qui mettons de côté
de la main-d'oeuvre ou s'il y a une pénurie de main-d'oeuvre qui nous
oblige à mécaniser davantage.
M. BOIVIN: Achetez-vous tout le bois qui vient des forêts
privées ou des cultivateurs? Est-ce qu'à tous les ans, vous
absorbez ce bois qui vous vient d'en dehors de vos limites?
M. MacLEOD: Chaque année, nous faisons des négociations
avec les offices du marché agricole, dans plusieurs régions. Je
pense que ce sont 19 régions au total. Il y a trois ou quatre ans, nous
voulions acheter moins de bois que les autres produisaient. Dans le moment,
nous achetons tout le bois qu'ils peuvent mettre sur le marché.
Même, nous croyons qu'il y aura, cette année, une pénurie
dans les livraisons, c'est-à-dire que plusieurs contrats ne seront pas
remplis. Ce n'est pas nous qui n'achetons pas, dans le moment, mais ce sont les
producteurs eux-mêmes qui ne remplissent pas nos contrats.
Cette situation, c'est une prévision. Peut-être qu'au cours
de l'automne, cela va s'améliorer.
Je crois qu'une des raisons principales, c'est le mauvais temps que nous
avons cet été. C'était très pluvieux. Et ce
n'était pas à cause des machines à pluie, je ne crois
pas.
M. BOIVIN: Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Gaspé-Nord.
M. GAGNON: On remercie MM. MacLeod et Royer pour la présentation
de leur mémoire. J'ai remarqué, dans les propos de M. Royer,
quand il nous parlait de son mémoire, que c'était un genre
minijupe pour permettre de voir en dessous. Nous avons vu du résineux et
du feuillu. Je dirai même que la compagnie Consilodated-Bathurst est
allée plus loin en nous faisant voir son sein, puisqu'elle n'a pas eu
peur de déposer même ses opérations financières,
qu'elles soient déficitaires ou avec un surplus, de même que les
immobilisations ou la dépréciation. Nous devons la
féliciter.
J'ai aussi remarqué, pour ma part je n'applique pas cela
seulement à la vôtre le ton agressif des compagnies qui
sont venues donner lecture de mémoires. Je les ai comprises. On comprend
très bien que, quand les compagnies ont des difficultés
financières, ce sont elles qui ont charge de voir à une nouvelle
planification, une nouvelle orientation, une nouvelle gestion de leur
entreprise alors que les gouvernements, quand cela va mal, déposent un
petit projet de loi qui impose des taxes. C'est beaucoup plus facile, je dirai,
que pour les compagnies.
Vous savez, le livre blanc, je crois que c'est un excellent volume.
J'entendais, cet après-midi, quand je suis sorti, des personnes en
arrière qui disaient que c'était l'oeuvre de technocrates. Moi,
je n'ai pas à blâmer les technocrates. Je les trouve merveilleux.
Je n'ai que des félicitations à faire à ces hommes qui ont
à mettre le fruit de leur travail sur du papier. C'est sans doute
théorique. Ceux que je plains, ce ne sont pas les technocrates, qui ont
la compétence, les connaissances théoriques je ne dis pas
cela pour le ministre des Terres et Forêts mais je parle en
général mais un ministre qui se fait mener par des
technocrates. C'est beaucoup plus difficile et beaucoup plus à
plaindre.
Je viens d'une région de la Gaspésie, le comté de
Gaspé-Nord. Nous avons connu des livres blancs je vais les
appeler comme cela les livres blancs de l'ODEQ. Cela a
coûté $8 millions. Si je m'en tiens au ministère des Terres
et Forêts, cela a été pour apprendre à faire des
forêts domaniales dans mon secteur. D'ailleurs, le gouvernement n'avait
pas besoin de cela parce qu'il en avait déjà établi une,
je crois, vers 1963-1964, lorsqu'on a acquis les concessions forestières
de Hammermill et de Price Brothers, à Matane. Un livre blanc pour faire
mettre de l'ensemencement? Pas besoin de livre blanc.
Quand je regarde tout cela, je me dis que cela a coûté des
millions de dollars. Je suis convaincu que le ministère des Terres et
Forêts n'avait pas besoin de cela, comme le ministère du Tourisme,
de la Chasse et de la Pêche, pour ouvrir une parenthèse, n'avait
pas besoin de gros livres pour faire l'implantation de trois stations
touristiques, soit à Mont-Saint-Pierre, à Percé et
à Carleton. C'est pour vous dire que, dans les livres, on en
écrit énormément. Si on mettait en pratique tout ce qu'il
y a d'écrit dans ces livres, cela coûterait environ $2 milliards
au gouvernement.
Je dois également vous féliciter pour les
détails aussi bien écrits que verbaux, en particulier, que
vous avez donnés. Vous n'avez pas eu peur des questions. Je raccourcirai
considérablement mes questions parce que M. Royer a dit tout à
l'heure que, depuis quinze jours, ils attendent. Je crois que cela vous met
bien dans l'esprit du travail du législateur, qui, par les journaux, est
parfois mal connu. Il y a des impondérables ou des inconnues. Nous
sommes obligés d'éplucher des projets de loi qui retardent
certaines choses. Je suis convaincu que vous comprenez mieux le travail que
ceux qui sont assis à la table ou en Chambre ont à faire et qui,
parfois, est difficile, laborieux. Il semble s'éterniser mais c'est dans
les meilleurs intérêts. Comme je vous dis, je vais passer assez
vite parce que l'heure avance. On a parlé de la tordeuse. Pourrait-on me
dire si en Gaspésie où il y a eu des dommages
actuellement, il n'y a pas de dangers de ce côté? Il y a à
peine quelques années le feuillu, qui reprenait en quantité assez
considérable, a connu une nouvelle montée je ne sais pas
si on appelle cela encore la tordeuse ou la mouche du feuillu mais je ne
sais pas si on pourrait me donner quelques renseignements sur la tordeuse de
bourgeons d'épinette ou sur le feuillu.
M. ROYER: Pour des raisons inconnues, l'épidémie qui a
sévi dans la province de 1910 à 1920 a épargné la
Gaspésie. Celle qui a sévi de 1940 à 1950 a touché
la Gaspésie. Maintenant, il y a eu des arrosages qui ont
été faits en 1959. Je pense qu'il y en a peut-être eu
durant deux ou trois ans, mais je n'en suis pas sûr. Ces arrosages ont
enrayé l'épidémie de façon complète,
contrairement au Nouveau-Brunswick où on a arrosé sans
arrêt depuis 1952. C'est rendu maintenant au rythme de 5 millions d'acres
par année, sauf une année, je pense, en 1959.
Qu'est-ce qui va se produire durant la prochaine épidémie?
Personne ne peut le dire. Tout ce qu'on peut dire actuellement, c'est qu'en
1939, quand l'épidémie a commencé dans l'ouest de la
province, dans le canton Duparquet, l'épidémie a voyagé
vers l'est. On a toujours eu l'impression que c'était la façon de
voyager pour l'épidémie de la tordeuse des bourgeons
d'épinette. Quant à la nouvelle épidémie qui a pris
naissance, en 1967, sur la Gatineau, et qui se déplace avec une
rapidité foudroyante vers l'est, on a découvert en même
temps un centre d'infestation dans le comté de Témiscouata et on
y a procédé à des arrosages.
Si on se fie à ce qui s'est passé de 1940 à 1950,
c'est certain que l'épidémie va frapper la Gaspésie, parce
que c'est un foyer de prédilection à cause de l'abondance de la
jeune forêt de sapin. Quant aux feuillus, vous avez vu le
dépérissement du bouleau qui, vers les années quarante
s'est fait à l'inverse, à partir du Nouveau-Brunswick, vers
l'ouest de la province. Pratiquement tous les bouleaux et merisiers, dans les
vieilles forêts, ont été tués par une maladie dont
la cause était physiologique mais qui était mal connue. On s'est
contenté de l'appeler la maladie de dépérissement du
bouleau, en anglais, le "die-back", parce qu'ils commençaient à
mourir par la cime.
Vous avez eu aussi la mouche à scie dans les années trente
sur l'épinette.
M. GAGNON: Avant-hier, je crois, ou la semaine dernière, un
ingénieur forestier a déposé devant la commission un
mémoire dans lequel il était fait mention que, si le gouvernement
permettait la rationalisation de la forêt en Gaspésie, cela
suppose qu'il émettrait de nouveaux permis de coupe qui permettraient
mieux de récupérer tous les approvisionnements qu'il y a. Il
considère qu'il y aurait peut-être là de l'emploi pour 500
travailleurs. Etes-vous de son avis ou si vous considérez
qu'actuellement, dans la région de la Gaspésie, les permis
actuellement émis remplissent parfaitement les conditions
d'approvisionnement et répondent également aux besoins de la
forêt, c'est-à-dire au dépeuplement de la forêt de
façon qu'ils ne se perdent pas?
M. ROYER: Vous faites allusion au mémoire soumis par le
confrère Raymond Dion. Malheureusement, j'étais absent. Je me
suis procuré une copie du compte rendu des débats et j'ai lu son
mémoire. Je peux parler des cas particuliers avec lesquels je suis
familier en Gaspésie.
Quand ce sont d'autres cas avec lesquels je ne suis pas familier du
tout, j'aime autant ne rien dire.Nous avons des concessions forestières,
par notre filiale de Bathurst à New-Richmond. Ces concessions sont
exploitées à pleine capacité. Là il n'est pas
question d'en couper plus. Il n'est pas question d'emplois. Je pense que M.
Dion a fait des études pour le ministère des Terres et
Forêts. Je ne sais pas à quel endroit. C'est peut-être sur
de petites forêts privées qui pourraient être
exploitées de façon plus intensive.
Maintenant, il y a certainement possibilité d'améliorer le
rendement. D'ailleurs le fonds de recherche forestière est le
responsable, est le maître-d'oeuvre pour l'Opération
Dignité no 1. Plusieurs de ces projets sont exécutés en
Gaspésie. Par exemple, il y a un projet qui est exécuté
dans les montagnes Shick Shock.
Il y a certainement possibilité, à un moment donné,
par une culture plus intensive, de créer certains emplois.
M. GAGNON: Votre compagnie, surtout pour l'usine située à
New Richmond, procède par trois approvisionnements, soit celui qu'elle
fait sur ses limites, celui qui provient des approvisionnements des copeaux des
moulins à scie et celui qui provient des terrains privés.
Avez-vous le coût, soit à la corde, soit à la tonne, que
cela représente pour chacun des domaines que je viens
d'énumérer?
M. ROYER: Je ne l'ai pas. Peut-être que M. MacLeod...
M. MacLEOD: M. le Président, je n'ai pas ces chiffres en
main.
M. ROYER: Il y a beaucoup de renseignements que nous avons dans nos
livres. C'est comme si je vous demandais à brûle-pourpoint, par
exemple, dans la municipalité de Cloridorme, quel est l'âge moyen
de vos électeurs? Vous êtes capable de le savoir, mais vous
n'êtes pas capable de répondre immédiatement. Nous, c'est
la même chose.
M. GAGNON: C'est parce qu'on en a parlé cet
après-midi.
M. ROYER: Oui, je le sais.
M. GAGNON: Je voulais le savoir. Maintenant, c'est une question
audacieuse. On sait qu'en bordure des rivières, les compagnies n'ont pas
le droit de couper le bois plus qu'à 200 pieds. Ceci suppose une perte
de bois considérable. Je ne sais pas si votre compagnie a
étudié la possibilité c'est une question que je
pose de réduire à 100 pieds cette marge de protection aux
rivières? Chaque année, après qu'une compagnie aura fait
la coupe de bois, après avoir obtenu la permission du ministère
des Terres et Forêts, le printemps suivant, le ministère verrait
à ce qu'il y ait peuplement dans ce même bûché pour
permettre de récupérer ce bois qui, sur l'ensemble d'un
territoire ou d'une région ou même de la province,
représente des volumes très considérables. Je ne sais pas
si votre compagnie a pensé à une autre formule de façon,
au moins, jusqu'à cent pieds de la rivière, à
récupérer le bois qui est assez considérable.
Je connais ça. J'ai une ferme qui est sise en bordure d'une
rivière. Si l'on considère que tous les approvisionnements,
jusqu'à 200 pieds de la rivière, ne sont pas touchables, cela
représente un PMP ou un cunit considérable.
M. ROYER: C'est une perte de matières ligneuses qui est
difficilement tolerable quand on n'a pas assez de bois pour toutes les usines.
Cette réserve de trois chaînes le long des cours d'eau et des
routes, actuellement c'est simplement dans les parcs provinciaux. C'est
d'après un arrêté ministériel qui a
été passé en 1941. A plusieurs reprises, lors de
discussions avec les fonctionnaires du gouvernement, l'industrie en a fait
mention. D'ailleurs, le ministère est d'accord, c'est une méthode
absolument ridicule, seulement c'est dans la loi. Mais dans le livre blanc,
c'est mentionné à un moment donné qu'il faudra repenser
cela. Une modalité, par exemple: au lieu de garder une bande de 200
pieds même 200 pieds, ce n'est pas assez large le bois est
sujet à être renversé dans la vieille forêt. C'est
peut-être mieux d'en garder une de 500 pieds, mais à travars cela,
faire une coupe partielle. Là-dessus, tout le monde est d'accord sur le
principe.
Mais c'est un tas de problèmes qui ne se règlent jamais.
Pourquoi? Parce qu'on parle, on parle, mais on n'agit pas. On a parlé
beaucoup, au cours des audiences, de concertation. D'après mon
expérience personnelle, chaque fois qu'on se réunit autour d'une
table avec des représentants du ministère des Terres et
Forêts, je l'ai mentionné tantôt, c'est extraordinaire les
solutions qu'on peut trouver. Mais pourquoi ne pas se réunir plus
souvent? Pour les mêmes raisons qu'au sein des compagnies: on est
poussé par le travail.
Parfois, j'ai quelque chose à discuter avec M. MacLeod, je peux
être trois jours sans le voir. Quand je peux aller le voir, il est parti.
Quand il veut me voir, je suis parti. C'est la même chose au
ministère. C'est un problème qui pourrait être
réglé par une discussion autour d'une table ronde.
M. GAGNON: Comme dernière question et pour terminer, j'ai vu,
d'après les journaux, que la compagnie Consolidated-Bathurst
connaît une année un peu meilleure que l'année
dernière. Mais d'une façon générale, qu'est-ce que
vous prévoyez pour X années, dans l'esprit de la planification de
votre compagnie, dans les opérations, comme résultats de vos
opérations, disons, sur une période de cinq ans ou de dix ans? M.
Royer a fait une comparaison tout à l'heure qui laissait voir clairement
qu'il ne voulait pas trop se faire malmener, surtout lorsqu'il a parlé
du Messie, qu'il était venu un roi se faire crucifier. Cela ressemblait
étrangement au cruficiement que les compagnies s'attendent d'avoir, si
j'ai bien compris la remarque.
J'aimerais avoir un tableau assez bref de la perspective de votre
compagnie dans les années à venir.
M. MacLEOD: Vous voulez dire, M. le député, les plans
d'expansion et des choses comme cela...
M. GAGNON: Les plans d'expansion et d'opération. Parce que vous
avez connu des difficultés d'opération...
M. MacLEOD: ... Je pourrais dire d'opération des usines...
M. GAGNON: C'est ça. Opération industrielle.
M. MacLEOD: Jusqu'ici, cette année, notre taux de production dans
les usines de papier journal était à peu près de 90 p.c.
Nous espérons, avec une augmentation de vente ou avec une reprise de
l'activité économique aux Etats-Unis, à la suite de
l'élection, nous espérons que les ventes de papier journal, notre
produit principal, vont augmenter.
En ce qui concerne le carton, il y a une reprise, en
général. C'est lent, mais cela revient un peu. Dans la
pâte, nous croyons qu'il y aura
encore deux ans avant que la surproduction sur le marché soit
dissipée. Nous ne prévoyons pas beaucoup d'amélioration en
ce qui concerne la vente de pâte.
Notre principal problème, cependant, ce n'est pas le volume des
ventes; c'est plutôt le prix que nous recevons qui est basé sur le
dollar américain, comme je l'ai dit tout à l'heure. En
général, je crois que nous ne pourrions pas dire que l'industrie
va virer soudainement et commencer à faire des profits. C'est certain
que, si le dollar américain reste faible, nous n'aurons pas beaucoup
d'augmentation; nous n'aurons pas un profit appréciable jusqu'au
changement de la valeur du dollar.
Il y a autre chose que je pourrais dire là-dessus, c'est que nous
avons quelques plans pour améliorer nos usines, mais c'est toujours en
fonction de nos profits. Nous avons une dette assez considérable. Alors,
nous n'osons pas faire les plans trop fantasques pour les nouvelles usines et
les nouvelles machines à papier, car nous n'avons pas les fonds
nécessaires pour les construire.
M. GAGNON: Pour conclure, c'est dire que, lorsque l'économie
américaine éternue, c'est l'économie canadienne qui a le
rhume.
M. MacLEOD: Cela revient à cela dans notre cas, certainement, et
dans le cas de la plupart des industries d'exploitation.
M. GAGNON: C'est ça, et d'exportation? M. MacLEOD: Oui. M.
GAGNON: Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Frontenac.
M. LATULIPPE: M. le Président, j'aimerais, à mon tour,
féliciter et remercier les représentants de la compagnie
Consolidated, qui nous ont fait, ce soir, un exposé assez magistral.
J'aimerais passer immédiatement à une question. Est-ce que vous
entrevoyez d'augmenter l'intégration de votre industrie en rapport avec
l'usage de matière ligneuse? Est-ce que vous entrevoyez de l'utiliser
encore plus à fond pour qu'il y ait de moins en moins de
résidus?
M. ROYER: Je vais répondre à cela pour la division de
l'Outaouais et, ensuite, M. MacLeod répondra pour la division de
Saint-Maurice.
Dans la division de l'Outaouais, l'intégration est presque
complète depuis la construction, en 1965, de l'usine de Portage-du-Fort.
Qu'est-ce qu'il y a dans cette forêt? C'étaient le pin blanc et le
pin rouge qui étaient utilisés, également
l'épinette. Il y avait également le bois franc qui était
utilisé à notre scierie à Waltham et une autre partie
était vendue à d'autres industries.
Il y avait un problème. C'est une forêt qui comprend un
fort pourcentage de vieux feuillus qui sont bons simplement pour la production
de bois à pâte. Maintenant, on fait des coupes
intégrées à 100 p.c. Ce qui est bon pour le bois de
déroulage va à l'industrie de déroulage, ce qui est bon
pour le bois de sciage va à l'industrie de sciage et tous les
résidus vont à l'usine de pâte. Alors, c'est une
opération complètement intégrée. Sur le
Saint-Maurice, c'est un problème d'adaptation des machines dans les
usines. M. MacLeod peut répondre.
M. MacLEOD: Dans les usines de papier journal je crois que c'est
M. Rivard qui l'a expliqué ce matin l'essence principale va
rester toujours les résineux. Cependant, nos usines utilisent des
pourcentages de plus en plus intéressants de certaines essences feuillus
et nous achetons des copeaux de feuillus dans plusieurs de nos usines, dans une
proportion de 2 p.c. ou de 3 p.c. Il n'y a pas beaucoup d'approvisionnements de
copeaux de feuillus. Alors, c'est quelque chose d'assez intéressant pour
les scieries de la vallée de la Saint-Maurice. Est-ce que cela
répond à votre question?
M. LATULIPPE: Oui, cela répond à ma question. Maintenant,
j'aurais une autre question.
Ne croyez-vous pas qu'il est du devoir du gouvernement de voir à
ce qu'il y ait le maximum d'emplois créés par unité de
pied mesure de planche debout en forêt? Je ne sais si vous avez fait des
études à votre industrie pour savoir combien il y avait d'emplois
créés par pied mesure de planche, brut, comparativement à
d'autres types d'industries, combien le déroulage?
Le déroulage actuellement, vous l'avez avoué
vous-même, est dans une position assez difficile pour l'avenir. Dans les
usines de déroulage, on nous dit qu'actuellement, dans certains
boisés où elles peuvent tirer 20 p.c. du volume pour le
déroulage, si c'étaient elles qui avaient la charge de la coupe,
elles pourraient en tirer peut-être 30 p.c. ou 35 p.c, à cause de
la sélection qu'elles font et aussi à cause des modes de coupe.
Selon elles, il y aurait une rentabilité accrue.
Ne croyez-vous pas qu'il est du devoir du gouvernement de voir à
prolonger la vie des industries les plus rentables économiquement le
plus longtemps possible, surtout lorsqu'il est question de feuillus? Je sais
que cela ne vous concerne pas d'une façon particulière. Mais,
vous avez la gérance de grands territoires et vous dévoluez le
feuillu aux scieries et au déroulage. En fait, c'est vous qui êtes
pratiquement les maîtres d'oeuvre pour décider à qui vous
dévoluez les essences. Je me demande si vous avez déjà
fait des études dans ce sens-là.
M. ROYER: Dans notre mémoire aux audiences publiques, en 1965,
nous avons mentionné que le gouvernement avait le devoir de
coordonner les activités individuelles des différents
utilisateurs. Nous savons ce qui se passe chez nous, mais nous ne savons pas
toujours ce qui se passe ailleurs. Cela prend quelqu'un qui a droit de regard
au-dessus de tout cela. Vous avez parlé, par exemple, du cas du
déroulage. Vous avez mentionné un fait particulier, que les
industriels du déroulage, s'ils font la coupe eux-mêmes, sont
capables d'augmenter leur utilisation. Seulement, c'est au détriment
d'autre chose. Un industriel du sciage, par exemple, abat son arbre et si,
à deux ou trois pieds, il y a de la pourriture à la souche il
"botte" à quatre pieds, ce qui veut dire qu'il y a quatre pieds perdus
pour l'industrie du sciage. Où est la juste mesure? Personne ne le
sait.
A un moment donné, au sein de notre compagnie, on forçait
un industriel du déroulage à faire une bille de sciage.
C'était à son détriment, mais c'était à
l'avantage de l'industrie du sciage, c'était à l'avantage d'une
plus grande utilisation de la matière ligneuse. On était
encouragé à faire cela par le chef du service forestier.
Après, il est arrivé d'autres chefs de service qui avaient un
avis contraire. Où est le juste milieu? Ce n'est pas facile. Mais nous
reconnaissons que le ministère a le droit d'exercer un certain
dirigisme.
M. LATULIPPE: J'aimerais poser une autre question. Vous avez dit que
vous faisiez pratiquement de la coupe soutenue dans tous les territoires que
vous avez. Mais c'est parce que j'estime que vous avez de grands territoires et
que cela vous permet une planification. Mais dans le cas de la majorité
des industries du meuble, disons, qui n'ont pas l'avantage d'avoir à
leur disposition des territoires aussi considérables, ne croyez-vous pas
que cela les amène à s'orienter surtout vers la coupe à
blanc, qui s'avère plus rentable et, de ce fait, cela amène une
mauvaise utilisation de nos essences? Ne croyez-vous pas que c'est une des
principales raisons pour lesquelles le gouvernement s'est lancé dans une
révision de sa politique forestière pour pouvoir limiter au
maximum les abus, surtout dans des essences qui sont en voie de
disparition?
M. ROYER: Nous ne sommes pas contre l'intervention gouvernementale.
Quand, en 1967, le gouvernement a décidé de tenir des
réunions régionales, les concessionnaires y ont participé
à pleine vapeur. Il y a eu, je pense, huit réunions dans toute la
province. Seulement, ce n'est pas toujours facile de régler les
problèmes. On a voulu, en 1967, régler surtout le problème
des industries du déroulage. Mais ce n'était pas facile. Ceux qui
ont jappé le plus fort, ce n'étaient pas les concessionnaires,
c'était l'industrie du sciage.
Pour employer l'expression assez savoureuse de l'un d'eux, on donne les
meilleurs billes à l'industrie du déroulage et on reste avec le
petit lait, du lait écrémé. Maintenant, quels sont les
problèmes qu'on a réglés? On a amélioré le
"Commonwealth Plywood". On a amélioré en plus Mégantic
Manufacturing, mais il y en a trois qui ont fermé leurs portes depuis ce
temps-là. Cela veut dire que les problèmes ne sont pas faciles
à résoudre.
M. LATULIPPE: Vous avez semblé dire que vous étiez
favorable à une solution négociée, ce qui revient à
dire que vous n'êtes pas du tout favorable à une politique
d'abolition des concessions forestières telle que proposée. Vous
sembliez dire qu'une solution légiférée dans le domaine
des activités forestières va conduire à un malaise plus
grand que celui que vous connaissez ou encore pratiquement au statu quo
changé de nom.
M. ROYER: Notre opinion est qu'au lieu de dépenser du temps, de
l'argent et de l'énergie à préparer des solutions globales
c'est mieux d'isoler les problèmes et de tâcher de régler
ceux-là. D'après mon expérience, on arrive à des
situations générales en partant de faits particuliers. Par
exemple, un des grands problèmes dans la province, c'est le reboisement.
Il y a beaucoup d'endroits où la régénération est
mauvaise. Pourquoi ne s'en fait-il pas plus? C'est simplement parce que les
budgets ne sont pas assez élevés.
M. MacLEOD: Ce que nous préconisons, c'est que le
ministère adopte le principe moderne de la gérance par exception
et qu'il essaie de régler les cas exceptionnels qui causent des
problèmes individuels, au lieu de tout changer, même ce qui va
bien. Par exemple, le gérant d'une usine ne reçoit pas un rapport
tous les matins, disant que toutes les machines fonctionnent. Ce qu'il
reçoit, c'est un rapport disant qu'à telle heure une telle
machine a fait défaut et qu'on a été obligé de
l'arrêter. On appelle cela "management by exception". On regarde les
choses qui causent des problèmes et on essaie de les corriger de la
manière la plus pratique et la plus pragmatique possible.
M. LATULIPPE: Je vous remercie beaucoup.
M. LE PRESIDENT (Giasson): Le député de Yamaska.
M. FAUCHER: Est-ce que les insectes causent plus de pertes que les
incendies? A combien de dollars par année, approximativement,
évaluez-vous les pertes causées par les insectes et par les
incendies?
M. ROYER: Pour les insectes, cela s'évalue sur une période
donnée. L'épidémie de 1940 à 1950, d'après
une étude qui a été faite dans le temps, pour la
Corporation des ingénieurs forestiers, a représenté une
perte totale d'environ 18 millions de cordes de lois dans toute la province.
Maintenant, pour les incendies, les
dégâts ne sont pas faciles à évaluer.
Supposons que vous avez un feu qui ravage un territoire de 400 milles
carrés ou de 100 milles carrés qui a été
exploité, il n'y a pas de perte de bois parce que le bois a
été exploité auparavant. Cependant c'est une perte qui va
avoir des répercussions parce que le sol est détruit et que le
terrain va rester improductif pour peut-être 150 ou 200 ans. C'est une
perte qu'il n'est pas facile d'exprimer en termes de dollars, mais elle existe
quand même.
M. FAUCHER: Merci.
M. LE PRESIDENT: Je remercie, au nom de tous les membres de la
commission les représentants de la compagnie Consolidated Bathurst d'un
excellent mémoire, très bien préparé...
M. ROYER: M. le Président, j'ai parlé tantôt du
cahier des cartes que je remettrai à la fin de la séance. Vous
serez certainement intéressé à le consulter. Si les
membres de la commission sont intéressés à avoir une
rencontre particulière pour discuter de ces cartes-là, nous
serons naturellement à leur disposition.
M. LE PRESIDENT: Je vous remercie de votre amabilité. Je pense
qu'il faut reconnaître qu'une des compagnies qui sont dans les
pâtes et papiers au Québec y est allée vraiment avec une
largeur de vue et d'esprit qui est notable. On a même accepté de
produire certains chiffres sur ce qui était une chasse gardée
jusqu'à la séance de ce soir. Merci, messieurs.
J'invite maintenant les représentants de l'Association des
mesureurs de bois du Québec, en les priant de s'identifier.
Association des mesureurs de bois du Québec
licencié
M. PEPIN (Robert): M. le Président, notre président, M.
Richard Gallagher, s'excuse de ne pas avoir pu se rendre ici aujourd'hui pour
présenter notre mémoire et il m'a demandé de le lire. Mon
nom est Robert Pepin, ex-président provincial. J'ai, à mes
côtés, M. Henri Simard, membre de l'exécutif de
l'Association des meureurs de bois licenciés de la province de
Québec, et conseiller technique au sein de notre association. Il se fera
un plaisir de répondre aux questions.
M. le Président, messieurs les membres de la commission
parlementaire des richesses naturelles et des terres et forêts, en
présentant son mémoire, l'Association des mesureurs de bois
licenciés de la province de Québec répond à
l'invitation lancée par l'honorable Kevin Drummond aux groupes de
citoyens désireux de faire connaître leur point de vue sur la
réforme proposée de la politique forestière du
Québec.
L'association désire remercier le ministre des Terres et
Forêts d'avoir bien voulu lui permettre de se faire entendre devant vous.
Il est à espérer que le présent document vous aidera
à mieux comprendre les implications de "l'Exposé sur la politique
forestière."
Introduction. Tous les bois exploités dans les forêts
publiques du Québec sont mesurés suivant les instructions
émises par le ministère des Terres et Forêts. Ceux qui sont
exploités, par la méthode dite conventionnelle, sont
mesurés au pied mesure de planche lorsqu'ils sont destinés au
sciage ou au déroulage, et au pied cube ou à la corde apparente
lorsqu'ils sont transformés en pâte. La plupart des bois
exploités en longueur d'arbre sont aussi mesurés au pied cube
solide avant tronçonnage, peu importe leur destination. Les
règlements concernant ces modes de mesurage sont contenus dans deux
manuels dont les titres sont: "Instructions et règlements officiels
concernant le mesurage des bois abattus provenant des terres publiques" et
"Instructions sur le mesurage des bois non tronçonnés dans les
forêts publiques."
Or, dans le livre blanc, le ministère se propose de lancer un
programme intensifié d'inventaires d'exploitation pour mieux planifier
l'utilisation de la matière ligneuse et mettre en place un meilleur
système de perception des redevances et de contrôle des
exploitations. Il est dit que l'application de ce système aurait pour
effet de remplacer graduellement les activités de mesurage et d'en
réduire les frais.
L'Association des mesureurs de bois licenciés, consciente du
rôle important que jouent ses membres, s'oppose catégoriquement
à cette politique qui vise à l'élimination
éventuelle du mesurage des bois abattus et à son remplacement par
un système de mesures basé sur des inventaires
d'exploitation.
Ce mémoire contient une discussion des principaux points relatifs
à cette prise de position et des recommandations visant à
améliorer la qualité du mesurage et la qualification des
mesureurs.
Utilité du mesurage des bois abattus. Avant de discuter d'une
politique de remplacement éventuel du mesurage, il est important de bien
comprendre son utilité actuelle pour le gouvernement et les
exploitants.
Le mesurage des bois abattus est nécessaire au gouvernement pour:
1-contrôler l'aménagement forestier; 2-calculer les redevances; 3-
permettre une rémunération équitable des ouvriers
forestiers, et 4-compiler des statistiques forestières.
Il est essentiel à l'exploitant pour les fins
précitées et surtout pour: 5- permettre une comptabilité
précise des opérations forestières, et 6- évaluer
les volumes impliqués dans les transactions commerciales.
Contrôle de l'aménagement. Le mesurage des bois abattus est
actuellement le seul moyen efficace dont le gouvernement dispose pour
contrôler la qualité de l'aménagement forestier. En effet,
il permet une vérification précise des
quantités de bois coupées en vertu de permis de coupe
émis annuellement aux exploitants sur présentation de plans
d'aménagement ou d'exploitation.
Calcul des redevances. Les droits de coupe payés annuellement par
les exploitants représentent environ 80 p.c. des revenus du
ministère des Terres et Forêts. Ceux-ci sont calculés
à partir des quantités de bois mesurées après
l'abattage, Il serait superflu d'insister ici sur la nécessité de
la précision des mesures.
Rémunération équitable des ouvriers forestiers. Le
gouvernement du Québec protège directement ou indirectement les
droits de tous les travailleurs à une juste rémunération.
Dans l'industrie forestière, les gens qui sont affectés à
la coupe, à la manutention et au transport des bois sont
généralement rémunérés à forfait.
Ainsi, leurs salaires sont directement reliés au mesurage. Or,
même si les techniques d'exploitation et de gestion des forêts
devaient changer dans l'avenir, le mesurage des bois abattus restera toujours
une phase nécessaire pour assurer une juste rémunération
des ouvriers travaillant individuellement ou collectivement.
Compilation de statistiques forestières. Le gouvernement et les
exploitants se doivent de maintenir à jour des statistiques
forestières sur la qualité dendrologique et technologique, sur la
quantité et sur la distribution des bois utilisés, afin de
répondre au public de l'efficacité de leur gestion des ressources
naturelles. Le mesurage est une phase utile à cette fin.
Comptabilité des exploitations forestières. Les
exploitants forestiers dépendent entièrement du mesurage des bois
abattus dans l'établissement de leur comptabilité. Afin de
gérer efficacement leurs entreprises, ils ont besoin de chiffres de
production quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle concernant les hommes et les
machines. Ces compilations doivent se faire par individu ou groupe d'individus,
par machine et par chantier d'exploitation de façon à calculer
les salaires, les rendements et les coûts d'opération. Le mesurage
des bois abattus est la seule méthode qui puisse permettre ces
contrôles.
Evaluation des transactions commerciales. Plusieurs exploitants
procèdent à des échanges ou des achats de bois de diverses
qualités et l'évaluation des volumes impliqués dans ces
transactions ne peut se faire dans la plupart des cas que par mesurage des bois
abattus.
Modes de mesurage. Dans l'éventualité de la
création d'une régie d'Etat pour contrôler la gestion des
forêts publiques, le gouvernement aurait les mêmes obligations que
les exploitants. Comme son objectif principal dans l'élaboration d'une
nouvelle politique forestière est la réduction du prix du bois,
il se doit de chercher les méthodes les plus appropriées pour ce
faire.
Une des mesures suggérées dans le livre blanc consisterait
à intensifier les inventaires d'exploitation pour éliminer
progressivement le mesurage des bois abattus. L'association reconnaît
l'utilité des inventaires d'exploitation pour fins de planification des
opérations forestières. Ses membres participent
déjà à cette opération.
Cependant, il faut spécifier que même un inventaire
intensif des bois debout ne pourra jamais remplacer le mesurage des bois
abattus pour établir une rémunération équitable des
ouvriers, permettre une comptabilité adéquate des
opérations et évaluer le volume de la plupart des transactions
commerciales.
Il faut aussi comprendre que pour obtenir les mêmes renseignements
avec la même précision, il est moins coûteux de mesurer des
bois abattus que des bois debout. Cette affirmation sera sans doute
contestée par ceux qui soutiennent que le mesurage des bois abattus est
une opération dispendieuse. En effet, on considère souvent comme
frais de mesurage les coûts de la vérification effectuée
par les officiers du ministère des Terres et Forêts. Ceux-ci ne
sont en réalité que des coûts de contrôle.
On impute aussi généralement au mesurage les coûts
de comptabilité expliqués plus haut. Une fois cette
différentiation faite, il est certain que le coût réel du
mesurage servant aux mêmes fins que l'inventaire, c'est-à-dire
à déterminer des volumes par essence, est inférieur au
coût de l'inventaire.
L'association incite le gouvernement à intervenir pour faire en
sorte que les mesureurs puissent s'appuyer sur des règlements de
mesurage qui aient comme objectif unique la mesure la plus précise
possible des bois. En effet, même si le mesurage des bois abattus est
plus précis que l'inventaire des bois debout, il manque de
précision à cause de la variété des unités
de mesure. Cette imprécision ne prend pas une importance énorme
dans le calcul des redevances car, à ce stade, les bois ne valent que
quelques dollars les cent pieds cubes. Cependant, dans
l'éventualité de la création d'une régie, la
précision de la mesure des bois vendus aux utilisateurs à raison
de plusieurs dizaines de dollars l'unité prendra une importance beaucoup
plus grande. Elle est, d'ailleurs, extrêmement importante actuellement
dans les échanges commerciaux entre exploitants.
Les règlements devraient être tels que les mêmes
volumes soient obtenus pour les mêmes quantités de bois
mesurées de façons différentes, ce qui n'est pas le cas
présentement. Ces règles devraient être appliquées
de façon telle que les mêmes bois ne soient pas mesurés
plus d'une fois et qu'ils soient mesurés le plus rapidement possible
pour ne pas entraver la bonne marche des opérations forestières.
A cette fin, l'association encourage le ministère à favoriser au
maximum l'application de nouvelles techniques de mesurage.
Par ailleurs, dans le but de maintenir la qualité du mesurage et
d'en garder le contrôle, il serait souhaitable que le ministère
continue à émettre le permis de mesurage, conserve le serment
d'office, maintienne le bureau des examinateurs et rende la licence de mesurage
obligatoire.
Recommandations et conclusions. L'Associa-
tion des mesureurs de bois licenciés de la province de
Québec recommande au ministère des Terres et Forêts de
conserver le mesurage des bois abattus et d'émettre une politique de
mesurage telle que les bois puissent être mesurés avec la plus
grande précision possible.
Elle encourage le gouvernement à poursuivre l'élaboration
de techniques susceptibles d'abaisser les frais de mesurage et des modes de
mesurage qui n'entravent pas la bonne marche des exploitations
forestières. Elle incite enfin le ministère des Terres et
Forêts, par l'intermédiaire du ministère de l'Education et
de l'association, à se préoccuper davantage de la formation et du
recyclage des mesureurs de bois pour que ceux-ci puissent utiliser davantage
les nouvelles méthodes et ainsi contribuer à une meilleure
gestion des ressources forestières du Québec.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Terres et Forêts.
M. DRUMMOND: Je vous remercie bien, M. Pepin, d'être venu nous
présenter le point de vue de votre association. Je vais céder
tout de suite la parole au député de l'Islet, qui a des questions
à poser concernant le contenu du mémoire.
M. GIASSON: Votre association s'oppose-t-elle à ce que
l'opération de mesurage se modernise dans la mesure où les
exploitations forestières s'y prêtent? Y a-t-il
inconvénient à ce que les modes conventionnels de mesurage soient
remplacés par des méthodes plus appropriées et, partant,
plus économiques pour l'exploitation forestière? Ne pensez-vous
pas que le mesurage doit être considéré comme un service
offert à l'exploitant et non pas comme un moyen de lui barrer la route
dans la façon qu'il désire couper son bois?
M. PEPIN: Je vais demander à M. Simard de répondre aux
questions.
M. SIMARD: Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris la question, M.
le Président, mais je vais essayer quand même d'y répondre.
Si, toutefois, je suis à côté de la question, voulez-vous,
s'il vous plaît, me reprendre?
Vous demandez s'il ne serait pas avantageux de moderniser c'est
bien le terme les méthodes de mesurage. Evidemment, c'est ce que
nous préconisons depuis nombre d'années.
M. GIASSON: Quelles sont les méthodes de modernisation que votre
association met de l'avant depuis quelques années?
M. SIMARD: L'association ne met de l'avant aucune méthode mais
elle est prête à collaborer pour faire ces méthodes.
D'ailleurs, des membres ont travaillé à tous les niveaux,
même avec le ministère.
M. GIASSON: Vous ne faites pas de métho- de mais au moins est-ce
que vous avez apporté des suggestions assez intéressantes au
ministère des Terres et Forêts ou aux autres entreprises qui ont
partie liée dans le domaine forestier?
M. SIMARD: Depuis que l'association a présenté le
mémoire aux audiences publiques en 1966, la plupart des recommandations
faites à ce moment-là ont été mises en application.
Il serait difficile de dire que nous serions capables d'en pondre d'autres
aussi vite. Je pense qu'il avait été question de mesureurs
adjoints, de mesurage par méthode statistique, etc. Toutes ces
méthodes ont été développées par les agents
du ministère et sont présentement en mesure d'être
utilisées.
M. GIASSON: Autrement dit, vous n'avez pas d'objection à ce que
les méthodes modernes de mesurage soient implantées à
condition qu'il y ait de la place pour les mesureurs dans la province de
Québec à l'intérieur de ce système.
M. SIMARD: Nous n'avons aucune objection.
M. GIASSON : Croyez-vous que le gouvernement doit continuer à
exercer un contrôle sur la rémunération des travailleurs
forestiers? Ce rôle n'est-il pas dévolu aux syndicats auxquels
appartiennent les travailleurs? Le ministère ne devrait-il pas se
limiter à agir comme arbitre dans les cas litigieux à la demande
des travailleurs et des employeurs?
M. SIMARD: Les ouvriers forestiers travaillent nécessairement sur
les terres de la couronne. Et les syndicats ne représentent je ne
veux pas citer de mauvaises statistiques pas nécessairement tous
les ouvriers forestiers. Il y a eu dans le passé des ordonnances.
L'ordonnance 39, je crois, reliait les règlements de mesurage à
la façon de rémunérer les ouvriers forestiers. Ces choses
ont disparu avec l'avènement des syndicats ou pour d'autres raisons, je
ne le sais pas. C'est pourquoi je crois que, oui, le ministère devrait
avoir certaines vues là où les syndicats n'ont pas
juridiction.
M. GIASSON: Est-ce que le système de rémunération
des travailleurs forestiers se fait encore généralement à
forfait ou si ces gens sont maintenant employés à l'heure ou
selon un autre mode?
Est-ce qu'au Québec, dans les chantiers, les bûcherons sont
toujours rémunérés à forfait ou si on a
modifié le statut de rémunération des coupeurs de
bois?
M. SIMARD: Pour les bûcherons qui sont directement reliés
au travail d'abattage des arbres, il est difficile de citer des chiffres justes
parce que notre association n'est pas nécessairement en charge de
l'industrie forestière. Je crois que dans 95 p.c. des cas le bois est
fait à forfait. Si le travail d'abattage est fait par de la grosse
machinerie, en général, c'est à salaire. Et c'est
souvent associé à un boni. A ce moment-là, il faut quand
même mesurer pour être capable de déterminer le boni.
M. GIASSON: Je me pose des questions. De quelle façon pourrait-on
établir la base de rémunération des bûcherons si ces
gens continuent à travailler à forfait? Il va falloir qu'il y ait
une unité de mesure pour établir cette
rémunération.
M. SIMARD: Il n'y aura pas d'autre choix pour l'industrie que de mesurer
le bois. Il faudra le mesurer éventuellement.
M. GAGNON: La Consolidated-Bathurst n'a-t-elle pas, elle, un certain
salaire de base? Il me semble que oui, pour les bûcherons, qu'il y a un
syndicat. Alors, il y a un salaire de base pour les bûcherons, et s'ils
bûchent davantage que le quota, je crois qu'ils peuvent recevoir
davantage. Mais il y a certainement un salaire de base chez le bûcheron
à la Consolidated-Bathurst.
M. SIMARD: Sans doute, oui.
M. GIASSON: Ils ont un taux de salaire minimum prévu par la
Commission du salaire minimum du Québec qui fait que, même si un
travailleur forestier est à forfait, pour autant qu'il a accompli dans
sa journée de travail, soit un minimum d'heures, s'il n'a pas atteint
tel salaire, il a le droit de se prévaloir d'un salaire minimum
décrété par la Commission du salaire minimum. Je vois M.
Turmel, là-bas, qui me fait signe que oui.
Concernant les statistiques forestières, votre association ne
croit-elle pas qu'un inventaire intensif d'exploitation réponde de
façon satisfaisante à ce besoin?
M. SIMARD: L'inventaire intensif ne donne pas les réponses aux
questions posées et pour lesquelles on applique le mesurage. Elles ne
donneraient pas ces réponses. Cela ne veut pas nécessairement
dire que, dans certains cas, un inventaire intensif ne pourrait pas le
remplacer. Il pourrait certainement le remplacer dans certains cas.
M. GIASSON: Pour fins de statistiques toujours, l'inventaire intensif
pourrait donner une équivalence assez près de ce que peut
apporter le mesurage sur l'ensemble de la statistique à établir.
Autrement dit, est-ce que la marge d'erreur, ou le décalage possible par
le système d'inventaire intensif serait tellement différent de la
statistique compilée d'après du mesurage tel qu'on le fait
conventionnellement?
M. SIMARD: Non. C'est-à-dire qu'il n'y aura pas de
différence si cet ensemble dont vous parlez est assez grand. Je ne sais
pas exactement ce que vous avez à l'esprit, mais si l'ensemble est assez
grand, il le faut nécessairement on essaie
d'établir les mêmes unités et les mêmes
quantités.
M. GIASSON: Ne croyez-vous pas que la comptabilité des
exploitations forestières est strictement l'affaire de l'exploitant et
que le ministère n'a pas de rôle à jouer dans ce domaine?
Votre mémoire fait allusion à la nécessité du
mesurage du bois pour établir la comptabilité du
côté des exploitations forestières.
M. SIMARD: Supposons qu'on décide de régler, d'une part,
le problème du ministère, et d'autre part, le problème de
l'exploitant. C'est un problème dissocié. C'est-à-dire que
nous avons un chevauchement de tâches, à ce moment-là.
Comme on le fait présentement dans l'Ontario, il faudra mesurer le bois
au prix actuel, un mesurage qui pourra être fait par le ministère,
et l'exploitant sera obligé de faire la même chose de son
côté. Alors, si ce sont les vues du livre blanc d'augmenter les
coûts du bois, c'est un bon moyen de le faire.
M. GIASSON: Vous soulignez que le mesurage des bois abattus manque de
précision à cause de la disparité des unités de
mesure. Quelles sont les unités de mesure que votre association
considère comme imprécises? Suggère-t-elle
d'éliminer ces unités?
M. SIMARD: Il y a en général trois unités de
mesure, si on veut laisser de côté le poids pour l'instant. Il y a
le volume réel qui pourrait être soit le pied cube ou le
mètre cube, et il y a aussi le pied mesure de planche qui est un
mesurage fait en fonction de la transformation, c'est-à-dire que le
mesurage essaie d'estimer quel produit sortira de la scierie et puis, il y a le
mesurage à la corde. Alors, ces deux derniers n'ont rien à voir
avec la réalité. On essaie de faire comme vous dites, transformer
le bois avant de l'avoir coupé. Alors que le volume réel, c'est
nécessairement une chose qui peut être reproduite en tout temps et
nous préconisons cette mesure, le volume réel, comme étant
la mesure juste et équitable.
M. GIASSON: En présumant que le transport du bois se ferait dans
un laps de temps assez restreint après l'abattage,
considérez-vous que la pesée pourrait être une mesure assez
précise?
M. SIMARD: Le poids anhydre, oui. Le poids brut ou poids vert, avec tous
les résidus d'écorce, de neige et de glace qui peuvent y
adhérer, rend la chose difficile. D'ailleurs, il n'y a aucun endroit
dans la province qui l'utilise, excepté pour le transport. Dans les
provinces voisines, il y a très peu d'endroits où on
achète le bois. Il y a Cornwall qui en achetait de cette
façon-là, mais j'ai entendu dire récemment qu'on
veut justement abandonner l'affaire.
M. GIASSON: A la fin de votre mémoire, vous parlez d'un recyclage
de vos membres. Est-ce que le ministère des Terres et Forêts ne
collabore pas déjà à ce recyclage? Recevez-vous
également la collaboration que vous êtes en droit d'attendre de
vos membres dans ce domaine? Quelles sont vos suggestions relatives au
recyclage des mesureurs?
M. PEPIN: Depuis nombre d'années, l'association dispense des
cours pour le recyclage de ses membres. Ces cours sont défrayés
par les membres eux-mêmes et par les fonds de l'association, lorsqu'elle
en a. Il ne nous a jamais été alloué de montant, que je
sache, du ministère des Terres et Forêts pour le recyclage que
nous faisons annuellement à l'association.
M. SIMARD: Toutefois, nous avons la collaboration des officiers du
ministère.
M. GIASSON: Auriez-vous des chiffres à produire, lorsque vous
avancez que le mesurage des bois coûte moins cher qu'un inventaire
d'exploitation?
M. SIMARD: On peut dire qu'à précision égale, pour
des petites quantités, le mesurage des bois abattus coûterait
meilleur marché. Pour de grandes quantités, à
précision égale encore quand je dis des grandes
quantités, je parle de 100,000 cunits, pas au niveau 5,000 cunits
l'inventaire est nécessairement supérieur.
M. GIASSON: Une dernière question: Votre association compte
combien de membres au Québec?
M. PEPIN: En 1971, nous étions environ 1,100 membres.
L'année financière se termine le 31 décembre.
M. GIASSON: Est-ce qu'on peut croire que la très grande
majorité est surtout à l'emploi des exploitants des ressources
forestières?
M. PEPIN: Au-delà de 55 p.c.
M. GIASSON: Je vous remercie.
M. LE PRESIDENT: Le député de Nicolet.
M. VINCENT: M. le Président, en enchaînant
immédiatement sur la dernière question posée par le
député de L'Islet et la dernière réponse
donnée par M. Pepin, j'aimerais savoir si ces 1,100 personnes
oui, parce qu'elles font partie de l'Association des mesureurs de bois
licenciés ont tontes leur licence? Combien de personnes au
Québec, en plus de ces 1,100, sont considérées ou
employées comme mesureurs de bois, sans avoir leur licence?
M. PEPIN: Qui sont employées comme mesureurs sans être
licenciées?
M. VINCENT: Vous demandez au ministère de rendre obligatoire
l'émission d'une licence pour tout mesureur de bois au
Québec.
M. PEPIN: Je n'ai pas les chiffres en main, mais nous pouvons vous dire
que ce n'est pas un grand nombre de pratiquants qui ne sont pas
licenciés.
M. VINCENT: Maintenant, M. Pepin, la plupart de ces 1,100 personnes sont
payées par qui? Par l'acheteur?
M. PEPIN: Par les exploitants, les grandes compagnies, de même que
par le ministère des Terres et Forêts.
M. VINCENT: Quelle proportion est payée par le ministère
des Terres et Forêts? Vous travaillez à forfait pour le
ministère des Terres et Forêts?
M. PEPIN: Le tiers de ceux qui pratiquent, je pense est au
ministère des Terres et Forêts.
M. VINCENT: Maintenant, vous...
M. PEPIN: Je vous donne ces chiffres sous réserve.
M. VINCENT: J'exprime tout simplement une surprise. Vous parlez de
mesurage de bois abattu pour le calcul des redevances, la
rémunération équitable des ouvriers forestiers, la
compilation des statistiques forestières et le reste. Ma surprise est
que personne d'autre, jusqu'à ce soir, aux auditions de la commission
parlementaire, que ce soient les producteurs forestiers ou les compagnies, n'a
touché ce problème de mesurage de bois. Je sais que vous
êtes sensibilisé, vous êtes dans le métier, mais
est-ce que les compagnies et les producteurs forestiers n'ont pas
été sensibilisés à cette question soulevée
dans le livre blanc et sont-ils prêts à accepter de nouvelles
formules plus avancées?
M. PEPIN: Personnellement, je n'ai contacté aucun
représentant des grandes compagnies qui sont venus se faire entendre,
pour connaître leur point de vue. Ce que nous disons c'est ce que, nous,
de l'association, pensons du mesurage des bois.
M. VINCENT: Dans les autres provinces, soit en Colombie-Britannique ou
en Ontario, est-ce qu'il existe une association similaire à la
vôtre?
M. SIMARD: Il en existe une en Ontario. Je suis allé en
Colombie-Britannique mais j'ai oublié de poser la question. Mais, nous
pouvons dire que la profession existe dans ces provinces.
M. VINCENT: Est-ce qu'à ces endroits on a
des règlements et des critères uniformes pour le
mesurage?
M. SIMARD: Je ne crois pas qu'ils soient supérieurs à ceux
que nous avons dans la province de Québec. Mais ils ont quand même
des règlements.
M. VINCENT: C'est comme ici, ce n'est pas uniforme.
M. SIMARD: Non. L'Ontario mesure son bois au pied cube avec un biais de
8 p.c. Ce sont les nouvelles lois dans le but de faire le mesurage. Il y a
nombre d'années, on mesurait au demi-pouce. Ici, dans le province,
à ma connaissance, nous avons toujours mesuré au pouce
près, avec arrondissement au demi-pouce. Enfin, des détails comme
cela.
M. VINCENT: Un profane comme moi ne se connaît pas tellement dans
le mesurage de bois. Mais aujourd'hui nous pouvons dire, de façon assez
précise, combien de gallons d'eau sont contenus dans un lac, combien de
verges cubes de gravier sont contenues dans un banc de gravier, combien de
verges cubes de terre sont contenues dans une montagne et nous pouvons par
photographie aérienne, déterminer la hauteur des montagnes, la
hauteur des bois. Pensez-vous qu'il peut exister une méthode plus
moderne de mesurage de bois, comme cela se fait dans d'autres secteurs?
D'ailleurs, j'ai remarqué dans votre mémoire que vous
préconisez même, advenant que nous trouvions des méthodes
plus modernes, une politique de recyclage pour les mesureurs licenciés.
Est-ce que votre association a eu l'occasion de faire une étude avec les
officiers du ministère des Terres et Forêts sur
l'éventualité de changer le système de mesurage au
Québec?
M. SIMARD: Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, il
existe des méthodes et plusieurs ont été mises de l'avant
par les officiers du ministère. Il reste à trouver des
modalités d'application à ces méthodes
véritablement modernes. L'association est prête à
collaborer. Pour vous citer quelques exemples, M. Pepin, qui est ci, mesure
depuis nombre d'années par une méthode photographique sur un
échange de bois entre la Consolidated-Bathurst et CIP sur le
Saint-Maurice.
M. VINCENT: Par méthode photographique. Et d'après vous,
les résultats sont bons.
M. SIMARD: Jusqu'à présent, nous n'avons pas eu à
nous en plaindre et ça dure depuis 14 ans. Et en échange,
annuellement...
M. PEPIN: Annuellement il y a un échange. Nous mesurons environ
850,000 cunits, en sept mois, à un coût de $0.11 le cunit.
L'échange est d'à peu près 50-50.
M. VINCENT: Mais vous, vous faites ce mesurage par la photographie, mais
est-ce que les 1,100 membres de l'Association des mesureurs licienciés
sont en mesure de faire le travail que vous faites? Ou s'il faut de toute
nécessité qu'il y ait des cours dispensés pour recycler
les mesureurs de bois, que j'ai connus moi quand j'étais plus jeune.
M. PEPIN: Chez moi le recyclage serait très vite fait, parce que
le système est facile.
M. VINCENT: Pour vous, mais pour les 1,099 autres.
M. PEPIN: C'est ça que je voulais vous dire. Le recyclage serait
très vite fait pour le système que nous employons. Et tout ce que
nous voulons démontrer c'est qu'il y a plusieurs systèmes qui
peuvent exister. Nous en sommes conscients. Nous en pratiquons un à
$0.11 le cunit, nous ne pouvons pas demander mieux. Et c'est très
efficace. A 95 p.c. de limite de confiance, nous arrivons en dedans de 2
p.c.
M. VINCENT: Donc, votre Association des mesureurs de bois
licenciés accepte que le ministère élabore des
méthodes plus modernes de mesurage de bois avec des règlements
mieux définis. Mais ce que vous accepteriez moins bien, et avec raison,
c'est qu'on vous enlève votre gagne-pain sans vous donner la chance de
vous recycler, comme membres en totalité de l'association, pour pouvoir
faire ce travail comme vous le faites depuis quelques années. En
définitive, c'est ça.
M. PEPIN: Oui, mais il faut admettre que le mesurage des bois abattus
sera toujours nécessaire. Si ce n'est pas pour le gouvernement, ce sera
nécessaire pour les exploitants. Et s'il est nécessaire pour les
exploitants, pour les raisons que nous avons énumérées, et
si le gouvernement de son côté en fait d'une autre manière,
ce sera une répétition. Donc, les bois seraient mesurés
deux fois. C'est dans cette optique que nous l'avons écrit.
M. VINCENT: Je vous remercie, M. Pepin. Présentement vous avez le
mesureur et il y a un vérificateur.
M. PEPIN: C'est exact.
M. VINCENT: Et même il y a un arbitre quelquefois.
M. PEPIN: Vous voulez dire en général, sur les
concessions?
M. VINCENT: Oui.
M. PEPIN: Oui, vous avez raison.
M. VINCENT: Le mesureur se rend sur place, on vérifie. Un
vérificateur va sur place
également. Et même ça peut arriver que, s'il y a
contestation, on fasse venir une tierce personne.
M. PEPIN : Le ministère des Terres et Forêts. Les bois,
avec les nouvelles opérations, sont empilés le long des grands
chemins aujourd'hui. Ce n'est pas comme il y a 15 ou 20 ans. Le mesureur ou le
garde forestier, du moins la personne qualifiée et
préposée au mesurage, n'a pas à se promener dans les
sentiers pour aller chercher une demi-corde, une corde ou trois cordes. Tous
les bois sont versés le long de grands chemins, et le mesurage se
pratique là. Ce qui facilite beaucoup le mesurage, ce qui élimine
une perte de temps, et ce qui facilite encore la vérification.
M. VINCENT: Merci, pour ma part, j'ai terminé.
M. LE PRESIDENT: Le député de Laviolette.
M. CARPENTIER: Dans le même ordre d'idées que la question
de M. Vincent. Juste une question d'éclaircissement. Lorsque vous parlez
de système photographique, n'avez-vous pas également avec cela un
système d'échantillonnage?
M. PEPIN: Lorsque j'ai parlé du système photographique,
à la photographie est attaché l'échantillonnage. La photo
détermine un nombre; l'échantillonnage détermine le volume
réel, de même que l'identification des peuplements.
M. CARPENTIER: C'était tout simplement pour qu'il n'y ait pas
d'ambiguité sur les systèmes proposés.
M. PEPIN: Merci.
M. LE PRESIDENT: D'autres questions?
M. LATULIPPE: J'aurais peut-être une petite question. Je sais que
le sujet a été passablement couvert. Est-ce que vous avez
déjà étudié la possibilité de faire un seul
mesurage à l'usine? Je sais que ce serait assez difficile avec les modes
de rémunération qu'on a actuellement, mais, en supposant qu'il y
aurait possibilité d'accélérer les méthodes de
transport, etc., un seul mesurage à l'usine, est-ce que ça serait
acceptable ou s'il faut à tout prix mesurer, pour la
rémunération des forestiers, sur les lieux, mesurer une autre
fois à l'entrée à l'usine et remesurer à l'usinage?
Cela fait plusieurs fois à reprendre le même
procédé.
Si vous mesurez pour les inventaires, ça fait une
quatrième fois.
M. SIMARD: Cela se pratique dans certains cas, dans la province, ici
même. Mais, à cause des distances à parcourir ou des modes
de transport, ce n'est pas pratique. Les cas d'application sont très
minimes.
M. LATULIPPE: Considérez-vous le mesurage sur la charge comme une
unité de mesure acceptable?
M. SIMARD: Oui, tous les bois d'achat, les bois de marché, les
bois qui nous viennent des terrains privés sont mesurés à
l'usine, sur la charge.
M. LATULIPPE: Je vous remercie.
M. LE PRESIDENT: Je remercie MM. Pepin et Simard de leur mémoire,
au nom de la commission et en mon nom personnel.
La commission ajourne ses travaux sine die. Après consultation
avec le ministre et les membres des différents partis, la commission
sera appelée à siéger d'ici quelque temps.
(Fin de la séance à 23 h 53)